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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 1 octobre 2013 - Vol. 43 N° 40

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie


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Table des matières

Auditions (suite)

Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec

La Maison Michel Sarrazin

Observatoire Vieillissement et Société (OVS)

Réseau de soins palliatifs du Québec

Société canadienne du cancer, division du Québec (SCC-Québec)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Véronique Hivon

Mme Stéphanie Vallée

M. Yves Bolduc

Mme Hélène Daneault

Mme Marguerite Blais

Mme Jeannine Richard

Mme Suzanne Proulx

Mme Diane Gadoury-Hamelin

*          Mme Lucie Wiseman, Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec

*          Mme Suzanne Fitzback, idem

*          M. Michel L'Heureux, La Maison Michel Sarrazin

*          M. Louis-André Richard, idem

*          M. André Ledoux, OVS

*          Mme Gloria Jeliu, idem

*          Mme Denise Destrempes, idem

*          M. Claude Tessier, idem

*          Mme Alberte Déry, Réseau de soins palliatifs du Québec

*          Mme Christiane Martel, idem

*          Mme Danielle Blondeau, idem

*          M. Pierre Deschamps, idem

*          Mme Suzanne Dubois, SCC-Québec

*          Mme Marie-Anne Laramée, idem

*          Mme Mélanie Champagne, idem

*          Mme Louise Chabot, CSQ

*          Mme Claire Montour, idem

*          Mme Lise Goulet, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, on reçoit maintenant l'Alliance des maisons de soins palliatifs. Alors, on vous souhaite la bienvenue. Mme Wiseman, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, donnez-nous vos noms et vos titres, et vous avez le prochain 15 minutes pour faire votre présentation, et bienvenue encore à l'Assemblée nationale.

Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec

Mme Wiseman (Lucie) : Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous présenter la vice-présidente de l'alliance, Mme Suzanne Fitzback, qui est directrice générale à la maison de soins palliatifs Maison Mathieu Froment-Savoie, à Gatineau; Me Pierre Hébert, qui est président du conseil d'administration de la Maison Colombe-Veilleux d'Alma… excusez, Dolbeau-Mistassini — je suis désolée — de la région Saguenay—Lac-Saint-Jean. Et j'ai également des collègues dans la salle, trois qui nous accompagnent de trois maisons de soins palliatifs également.

Alors, merci beaucoup. Merci de nous recevoir. J'aimerais remercier les membres de la Commission de la santé et des services sociaux de nous recevoir pour entendre les commentaires de l'alliance sur le projet de loi n° 52. Je voudrais remercier particulièrement la ministre, Mme Hivon, qui a démontré encore récemment, lors de l'inauguration de notre toute nouvelle maison à Lac-Mégantic, son engagement au regard du développement des soins palliatifs du Québec. Elle a vraiment rendu un vibrant hommage.

Nous nous excusons du délai avec lequel nous avons fait parvenir notre mémoire. L'alliance a peu de moyens techniques pour la supporter dans ses activités, alors vous ne l'avez reçu qu'hier soir, nous nous en excusons encore une fois.

Les maisons de soins palliatifs ont vu le jour au Québec grâce à la mobilisation des communautés autour d'un projet commun : bâtir une maison qui offrirait des soins palliatifs et des services à des personnes en fin de vie et qui supporterait leurs proches dans ces difficiles moments, un lieu où les personnes pourraient vivre leurs derniers moments en toute sérénité, quiétude dans le respect et la dignité. Les communautés ont ramassé les fonds nécessaires à la réalisation de leur rêve.

Actuellement, à notre connaissance, il existe 29 maisons de soins palliatifs au Québec, incluant la Maison André-Gratton, exclusivement dédiée aux enfants, et la dernière-née, la Maison La Cinquième Saison du Lac-Mégantic, inaugurée le 16 septembre dernier. Ces maisons opèrent 241 lits et sont situées majoritairement en dehors des grands centres ou en périphérie de ces derniers. Je vous ai fait remettre une petite chemise dans laquelle vous trouverez un tiré à part sur la situation des maisons au Québec et une carte géographique qui démontre bien où nous sommes situés dans l'ensemble de la province.

Sauf La Maison Michel Sarrazin, les maisons sont des organismes à but non lucratif. Leur financement provient… environ 40 % des fonds publics, soit du ministère de la Santé et des Services sociaux, et à 60 % d'activités de financement et de dons de diverses provenances, soit de grandes fondations, dons memoriam, dons généraux. Nos maisons comptent non seulement sur les donateurs pour assurer leur fonctionnement, mais également sur le bénévolat. Seulement en 2012-2013, nous avons pu compter sur près de 360 000 heures de bénévolat dans l'ensemble des maisons. Si nous avions eu à défrayer le coût de ces ressources au salaire minimum, c'est plus de 4 millions de dollars que nous aurions dû débourser comme employeur.

L'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec est née il y a maintenant 10 ans d'une volonté des maisons de partager leur expérience, d'échanger sur des problématiques vécues et de faire reconnaître leur expertise. En ce sens, l'alliance a participé à des travaux pilotés par le ministère de la Santé et des Services sociaux, entre autres pour l'accréditation des maisons et les règles associées à leur financement. L'Alliance des maisons de soins palliatifs regroupe actuellement 26 des 29 maisons de soins palliatifs au Québec et trois projets de maisons.

Je voulais juste vous donner quelques statistiques. Le nombre de patients admis : 3 537 pour la dernière année, soit avec une durée moyenne de séjour de 17,3 jours. On parle donc de 61 190 jours-présence. Si nous avions à dire que, dans nos hôpitaux, la durée moyenne de séjour est de quatre jours, c'est plus de 15 000 patients qui auront été vus en plus dans nos CSS, dans les centres hospitaliers. Âge moyen de nos patients : 71 ans. Les diagnostics autres que le cancer : 11 % des patients admis. Le nombre de bénévoles, comme dit précédemment : 3 894 bénévoles. Les heures de bénévolat : près de 360 000.

Le projet de loi n° 52. Les maisons de soins palliatifs se sont réjouies des recommandations de la commission spéciale mourir dans la dignité, dont plusieurs portaient sur la reconnaissance et le développement des soins palliatifs au Québec. En ce sens, nos attentes étaient grandes au regard d'un éventuel projet de loi. Pour nous, le projet de loi déposé en juin dernier a suscité plusieurs questionnements.

Je vous ai noté le chapitre I. Je fais référence évidemment au chapitre du projet de loi déposé. Alors, dans le chapitre I, dans ce projet de loi, les maisons de soins palliatifs sont reconnues formellement comme un lieu de prestation des soins et services pour les personnes en fin de vie. Nous ne pouvons que nous en réjouir et en remercier la ministre, Mme Hivon. Nous sentions une volonté ferme d'enchâsser le droit d'accès pour les patients à des soins palliatifs de fin de vie correspondant aux standards de qualité attendus. Et voilà, à notre étonnement, un projet de loi qui, pour nous, met sur un pied d'égalité les soins palliatifs de fin de vie et l'aide médicale à mourir.

Vous comprendrez que d'associer l'aide médicale à mourir avec les maisons de soins palliatifs ne fait qu'ajouter de la confusion pour les personnes qui pourraient y être accueillies, déjà que, pour les personnes en fin de vie, c'est déchirant de laisser derrière eux leur domicile ou même le centre hospitalier où ils espèrent encore pouvoir avoir des soins actifs. Nous nous serions attendus à ce que le législateur trouve une façon de dissocier les soins palliatifs de fin de vie de l'aide médicale à mourir, de sorte que l'importance qu'on leur accordait soit d'une évidence pour la population, en lien avec ses besoins.

Suite à un sondage auprès de nos maisons, celles qui ont répondu sont unanimes à dire que l'aide médicale à mourir n'est pas un soin de vie. Comprenons que des corporations ont prononcé que c'étaient des soins de fin de vie, mais, pour nous, ce ne sont pas des soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir n'est pas un soin de fin de vie. Pour tous ceux qui sont auprès des patients en fin de vie, en particulier nos médecins, il y a là une confusion quant à l'intention à l'origine du geste médical à poser. Nous demandons le retrait de l'aide médicale à mourir dans la définition des soins de fin de vie, l'article 3, paragraphe 3°.

Compte tenu de ceci, tous les articles où il est fait mention des soins de fin de vie doivent être modifiés en conséquence pour assurer la concordance, par exemple à l'article 5, où les maisons sont reconnues comme prestataires de soins et services.

• (10 h 10) •

La mission des maisons de soins palliatifs est d'accompagner les personnes en fin de vie et leurs proches dans une approche interdisciplinaire qui tient compte des besoins particuliers de chacun de nos patients. Nous accompagnons la vie jusqu'au bout et, en ce sens, nous prodiguons des soins palliatifs de fin de vie. Nous sommes persuadés que la personne en fin de vie qui obtient des soins palliatifs de qualité, des soins qui soulagent sa souffrance, qu'elle soit physique, spirituelle, morale ou psychologique, aura le désir de vivre jusqu'à la fin. Nous en sommes témoins de façon régulière et répétée.

Au chapitre III. Plusieurs articles de ce projet font référence à la gestion des maisons de soins palliatifs et au contrôle des activités qui y ont cours. Nous désirons rappeler ici tous les contrôles auxquels sont déjà soumises les maisons de soins palliatifs. Pour opérer une maison de soins palliatifs, cette dernière doit répondre à 42 critères d'accréditation dont, bien entendu, la majorité traite de l'offre de soins et services au patient et à ses proches. L'accréditation est renouvelée par le ministère de la Santé et des Services sociaux aux quatre ans sur recommandation des agences.

Les critères de l'accréditation exigent déjà une entente de gestion avec les agences, laquelle prévoit les mécanismes de reddition des comptes, dont le dépôt du rapport annuel des activités de la maison. Les critères demandent également qu'une entente de coordination des services soit signée avec les CSSS dont nous desservons les territoires. Fait à noter, plusieurs de nos maisons répondent aux besoins des populations de plus d'un CSSS. Ces outils administratifs de contrôle encadrent complètement, à notre avis, nos activités, et ils devraient être les leviers à utiliser pour tout besoin supplémentaire en termes de reddition des comptes.

À l'article 10, au deuxième paragraphe, on demande que le directeur général d'un établissement fasse rapport à son conseil de la politique sur les soins de fin de vie qu'il aura adoptée. Au troisième paragraphe, on y dit que ce rapport doit indiquer les activités spécifiques qui se sont déroulées en maisons de soins palliatifs. Pour nous, ceci n'est pas acceptable. Nous ne pouvons imaginer ne pas être imputables des activités qui se déroulent dans nos maisons, sous notre responsabilité. En quoi les maisons doivent-elles être subordonnées aux CSSS? Nous sommes des organismes à but non lucratif ayant des conseils d'administration formés selon la loi et selon les critères d'accréditation. Ces conseils sont imputables. Nous demandons le retrait de ce paragraphe ou, à tout le moins, le retrait de toute allusion aux activités qui se déroulent dans les maisons de soins palliatifs. L'autonomie des maisons doit être protégée et reconnue formellement.

À l'article 14, on dit que les soins de fin de vie peuvent être offerts dans une maison de soins palliatifs. Compte tenu que, pour nous, l'aide médicale n'est pas un soin, nous aimerions avoir une concordance évidemment pour ce qui sera offert dans les maisons de soins palliatifs.

L'article 15, quant à nous, n'a pas sa raison d'être puisque l'entente à intervenir entre les CSSS et les maisons de soins palliatifs fait déjà partie des critères d'accréditation des maisons. Nous aimerions souligner ici que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit s'assurer que les CSSS nous considèrent comme des partenaires à part entière et non comme des organismes qui sont à leur service. Nous sommes en premier lieu au service de la population dans la prestation de soins et, à ce titre, nous devons nous situer dans le continuum des soins à offrir aux personnes en fin de vie. Quelques-unes de nos maisons éprouvent des difficultés avec leur CSSS à ce chapitre et ne sentent pas toujours faire partie de ce continuum. Nous demandons le retrait de l'article 15.

Compte tenu de nos premiers commentaires, pour l'article 16, il devra être modifié en conséquence et nous demandons sa modification.

À l'article 18, il est prévu que toute agence doit déterminer les modalités générales d'accès aux soins dispensés par les maisons. Nous aimerions voir ajouter à cet article «après consultation des maisons et selon les ressources disponibles».

À l'article 22, on introduit une notion d'inspection dans nos maisons. Nous en demandons le retrait. Pour nous, il va de soi que les agences et le ministère peuvent venir nous visiter à tout moment. Nous n'avons pas besoin d'inspection. Pour nous, nous sommes déjà très ouverts.

Sédation palliative terminale. Pour les prestataires de soins palliatifs dans nos maisons, la sédation palliative n'est certainement pas terminale en ce sens qu'elle ne provoque pas le décès, mais plutôt qu'elle adoucit la souffrance sur le chemin de la finitude. Tous s'entendent à dire qu'elle est utilisée dans les cas de symptômes réfractaires et fait l'objet d'une concertation interdisciplinaire : une mort imminente attendue. La sédation est utilisée dans un processus de cas par cas afin qu'elle soit adaptée à la situation du patient.

Les discussions avec les patients ou, le cas échéant, la personne habilitée à consentir aux soins font partie intégrante du processus des soins palliatifs de fin de vie et les personnes sont associées à toute décision les concernant. Nous demandons que cette section soit retirée.

Pour toute la surveillance d'un acte médical, les médecins de nos maisons relèvent des CSSS et donc sont soumis aux règles du CMDP, et la surveillance de l'acte médical se fait via le CMDP. Et je pense que les lois actuelles encadrent très bien la pratique médicale, que ce soit par les CMDP ou par le Collège des médecins, s'il y a lieu. Alors, pour nous et pour nos médecins, tout le contrôle concernant leurs actes, c'est déjà fait de par leur appartenance à un CMDP de CSSS.

En conclusion, comme mentionné précédemment, le projet de loi n° 52 a suscité de nombreux questionnements dans nos maisons, nous vous avons exprimé les plus importants à nos yeux. L'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec est unanime pour dire que la prestation des soins palliatifs de qualité doit être bonifiée et privilégiée. L'humanisme qui ressort de ces soins prime grandement sur l'option de l'aide à mourir. Pour nous, c'est un acte qui cause volontairement le décès d'une personne, et nous croyons que beaucoup d'interventions peuvent être mises de l'avant pour soulager les souffrances et pour respecter l'autonomie ainsi que la dignité des personnes. Fait à noter, nous avons réalisé un petit sondage rapide auprès de nos maisons, toutes les maisons qui ont répondu à notre sondage n'offriront pas d'aide médicale à mourir.

Nous n'avons pas parlé dans ce mémoire de la réaction de nos professionnels. Nous n'avons pas non plus exprimé le bien-être de nos patients et les moments intenses que nous vivons avec eux et leurs proches. Cela fera certainement partie de discussions ultérieures. Nous invitons les membres de la commission à visiter nos sites Web. Plusieurs ont des vidéos où nos valeurs, nos soins et services sont décrits, et où des patients ou leurs proches témoignent des soins et services qu'ils reçoivent. C'est vraiment exceptionnel, et nous méritons d'être connus et surtout reconnus. Merci aux membres de la commission.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Wiseman, pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, bonjour et bienvenue à vous trois, Mme Wiseman, Mme Fitzback, Me Hébert. Donc, très heureuse de vous recevoir. Vous êtes un élément central de la dispensation des soins palliatifs au Québec. Vous avez une cote très élevée aussi, je pense, de reconnaissance et d'appréciation de par la population. Donc, c'était important pour nous de pouvoir avoir votre point de vue.

Peut-être pour contextualiser un peu le projet de loi… je pensais que vous vous en réjouiriez, je sais qu'il y a beaucoup de questionnements, puis on va y venir, mais c'est certain que ce qu'on vient faire avec le projet de loi, c'est donner une reconnaissance formelle aux soins palliatifs et aux maisons de soins palliatifs aussi pour la première fois parce qu'on vous reconnaît formellement dans la loi avec l'appellation «maison de soins palliatifs». Et il y a vraiment une volonté politique et législative de donner un grand essor et de montrer l'engagement, au Québec, pour les soins palliatifs en reconnaissant un droit, mais aussi en venant formaliser, je dirais, le cadre et la nécessité que ces soins-là puissent être, donc, disponibles dans les différents établissements.

Donc, je sais que, pour vous, il y a des éléments qui sont nouveaux, puis on va y revenir, mais vous savez que, pour les établissements aussi publics, il y a beaucoup de choses qui vont de pair avec le fait qu'on décide de venir vraiment encadrer et donner un essor aux soins palliatifs, donc de se doter de politiques formelles, de devoir pouvoir offrir, dans les établissements où il y a des personnes en fin de vie, systématiquement des soins palliatifs. Donc, il y a tout un engagement, je vous dirais, qui est, à tous égards, pris par le milieu avec ce projet de loi là, et les établissements publics sont prêts à entrer dans la danse, je dirais, parce qu'ils ressentent bien la nécessité d'aller plus loin à cet égard-là.

Donc, c'est certain que, puisqu'on est comme, pour la première fois, en train de donner cette reconnaissance formelle, bien il y a un formalisme accru qui est amené pour les maisons de soins palliatifs, mais il y avait vraiment une volonté de respecter l'autonomie — je vais y revenir — des maisons. On comprend tout à fait que ce sont d'abord des émanations portées par la communauté, qui, donc, les soutient, les finance, et tout ça, mais il y a aussi déjà beaucoup de choses qui existent dans vos relations, je dirais, avec le réseau, les ententes, vous y faisiez référence. Donc, l'idée, c'est un peu de formaliser ce qui existe déjà, mais aussi d'aller un petit peu plus loin, pas tant dans des nouvelles obligations, mais dans la formalisation de ça.

• (10 h 20) •

Donc, dans un premier temps, moi, je veux vous dire que, pour ce qui est de votre autonomie, il n'y a rien qui remet en cause votre autonomie, il n'y a aucune volonté à cet égard-là. Puis d'ailleurs à l'article 5, quand vous regardez le troisième paragraphe, on dit bien que les dispositions vont s'appliquer «en tenant compte des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement des établissements, [mais] des orientations, des politiques et des approches des maisons de soins palliatifs». Donc, tout de suite, on reconnaît que vous pouvez avoir vos approches, vos politiques, et tout ça. Alors, dès le début, pour nous, c'était important, cette reconnaissance-là. Donc, je voulais juste vous le souligner.

Par ailleurs, je veux peut-être venir sur certains éléments plus pointus que vous soulevez. Vous dites, à l'article 10… il ne vous apparaît pas souhaitable qu'en fait les éléments reliés à votre prestation de soins se retrouvent, donc, dans la reddition de comptes de l'établissement. Moi, je pense, en fait, qu'il n'y a rien là-dedans qui s'oppose. Les maisons, vous faites votre rapport annuel. Donc, on vient en quelque sorte prévoir ce qui doit y être, mais, j'imagine, qui y est déjà. Mais ce qu'on dit, c'est que, pour des fins, je dirais, de tableau global dans un territoire donné, c'est certain que c'est une plus-value aussi, compte tenu que vous êtes en plus en entente avec les établissements, que cette information-là puisse se retrouver aussi dans le rapport, donc, de l'établissement. Donc, on n'est pas en train de dire qu'il y a un nouveau rapport, ou tout ça. C'est un peu les données qui doivent apparaître au rapport, donc, de la maison qui vont devoir être reflétées dans le rapport de l'établissement. Donc, ça, je veux comprendre où il est, pour vous, l'irritant dans ça parce que, pour vous, ça ne change rien comme tel, là.

Mme Wiseman (Lucie) : Premières des choses…

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Excusez, M. le Président. Premièrement, il y a des maisons qui répondent à 10, 12 CSS. On va comprendre, là, ça peut arriver, là, que des établissements effectivement soient chez nous, entre autres. En tout cas, à d'autres endroits, on répond à deux CSS. Si c'est pour fins de compilation des activités, les agences et le ministère va se retrouver avec la compilation de données, parce que j'imagine que la raison pour laquelle, vous, le législateur, là, introduit dans le CSS, c'est qu'il y a une question de reddition de comptes. On a de la misère… en tout cas, ce n'est pas explicite pour nous, cette histoire-là, mais n'empêche que, si c'est pour une question de reddition de comptes, on va retrouver les mêmes données de la même maison dans deux ou trois CSS. Alors, en termes de reddition de comptes, il va falloir que tout le monde biffe la maison parce qu'on n'aura pas huit fois de… tu sais, ce n'est pas trois fois ce nombre-là de patients qui auraient été vus en soins palliatifs, ce n'est pas ça. Donc, pour nous, c'est petit, mais quand même il y a là quelque chose de difficile pour les maisons de se retrouver dans le rapport de trois CSS.

L'autre chose, c'est peut-être plus le rôle… Si c'est une question de reddition des comptes, ça pourrait être le rôle de l'agence de dire : Bien, voici, mes maisons de soins palliatifs sur le territoire de la Montérégie, de Gatineau, voici ce que les maisons de soins palliatifs ont produit comme services auprès des patients. À ce moment-là, on a une espèce de vision globale de l'activité des maisons de soins palliatifs qui n'est pas sur un territoire en particulier, mais qui est dans un ensemble d'un territoire global qui est le territoire de l'agence.

Mais, comme je vous dis, l'autre chose, j'ai un… Bien, en tout cas, comme… oui, vous dites que peut-être que c'est complémentaire, mais, ceci étant dit, je ne fais pas le rapport à mon conseil d'administration de comment le CSS a fait de soins palliatifs. Est-ce que le CSS va m'aider dans mon rapport annuel puis dire : Écoutez, nous, dans la région, ici, on fait des soins palliatifs, puis justement, dans le CSS, voici ce qui s'est produit? Il n'y a pas de réciprocité là-dedans. Alors, j'essaie juste de comprendre… bien, en tout cas, pour nous, qu'est-ce que ça fait de… pourquoi le législateur a voulu ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Il y a vraiment une volonté, vous savez comment… Il y a vraiment une volonté de développer les soins palliatifs le mieux possible avec la vision la plus intégrée possible, ce qui veut dire que, dans une région x, on a telle maison de soins palliatifs, on a tant de lits dédiés en CH ou en CHSLD puis on a notre offre de services en première ligne en soins à domicile. C'est important, je pense, d'être capables d'avoir une vision intégrée puis c'est important aussi que ça puisse se refléter dans les outils qu'on a.

On se fait beaucoup dire : C'est difficile d'avoir le portrait, c'est difficile d'avoir l'ensemble des données. On travaille très fort là-dessus au ministère pour développer des indicateurs aussi, mais il y a des choses qui sont simples à faire. Puis, dans la mesure où il y a déjà des ententes… C'est normal qu'il y ait des ententes, parce que vous êtes partie prenante d'une offre de services. Donc, oui, vous avez votre autonomie. Je pense que c'est une belle flexibilité qu'on s'est donnée au fil du temps de pouvoir développer des maisons de soins palliatifs, mais, ça va de soi, ces ententes-là, personne ne les remet en question. Ce n'est pas une question qu'un vient chapeauter l'autre ou est plus important, mais c'est une question qu'il faut être capable d'avoir le portrait global. Puis c'est un peu, de notre point de vue, je dirais, le complément normal d'une entente pour simplement pouvoir avoir accès plus facilement à l'information. Donc, c'était ça, l'idée.

Et puis est-ce qu'on va en demander plus? On va en demander beaucoup plus, vous pouvez être certains, dans la reddition de comptes aussi de nos établissements, là. On vient demander de mettre le nombre de sédations palliatives qui se font, l'accès aux soins, l'aide médicale à mourir, les politiques qui sont faites, les codes d'éthique. Donc, tout ça, c'est aussi important, ce qui est demandé au réseau public, donc aux établissements. Donc, c'est un peu, je vous dirais, une vision globale. Il n'y a pas là-dedans une volonté de mainmise. C'est plus une volonté, je dirais, de cohérence puis de reddition de comptes, mais d'une manière simplement centralisée puis d'information aussi parce qu'il y a ce besoin-là. Donc, je voulais vous préciser ça.

Pour la fameuse question de... Il y a les articles 15 et 22, là. Peut-être tout de suite passer à la question des inspections. Vous dites : Ils ont déjà le pouvoir. Donc, c'est vrai. Mais, là-dedans, on n'est pas en train, en fait, de venir tant créer des réalités nouvelles; ce qu'on vient faire, c'est formaliser. Pourquoi? Pour donner confiance. Vous savez, les pouvoirs d'inspection, là, le ministère les a pour des résidences privées de personnes âgées, pour des ressources en toxicomanie privées et communautaires. Si on parle de reddition de comptes, les maisons funéraires, il y a des pouvoirs d'inspection. Ce n'est pas une mainmise sur l'autonomie, c'est juste une question de saine gouvernance publique d'avoir, donc, ce type d'inspections là qui peuvent se faire. Donc, vous le dites vous-mêmes, c'est déjà possible. Donc, l'idée, c'est de venir le reconnaître formellement dans la loi, au même titre où c'est reconnu dans la loi pour une foule d'autres ressources qui, pour plusieurs, n'ont même pas l'importance du financement public qui est accordé aux maisons de soins palliatifs. Donc, ça, je voulais aussi vous préciser ça. Ce n'est pas une volonté de mettre en doute, c'est une volonté, je dirais, de rassurer et de montrer que ce qui peut avoir lieu, bien, c'est formellement reconnu dans la loi. Je ne sais pas si vous avez des commentaires par rapport à ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Merci, M. le Président. Je voudrais juste revenir à la reddition des comptes avant. Vous voulez… le ministère veut une vision globale de ce qui se passe en soins palliatifs. Vos agences, actuellement — et c'est demandé dans l'entente de gestion — on doit leur déposer à tous les mois les statistiques de nos maisons. Alors, en termes de reddition des comptes, je pense que la vision globale des maisons, de ce qui se passe en soins palliatifs via les maisons, les agences ont actuellement tout ce qu'il faut. On leur fait rapport à tous les mois : nombre de patients, durée moyenne de séjour, l'âge des patients, les diagnostics. On fait tout ça. Je veux juste... En termes de vision globale, vos agences devraient les avoir, les visions globales. Il y a une personne qui a cette donnée-là dans chacune des agences. Alors, je reviens à dire : Si nous faisons déjà ce rapport-là et compte tenu que certaines maisons font affaire avec plusieurs CSS, la vision globale est, à mon avis et à notre avis, beaucoup plus simple si on le fait directement et que l'agence a sa vision globale des quatre maisons qu'il y a sur son territoire ou des deux maisons qu'il y a sur le territoire. Alors... Excusez?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : En fait, je comprends que, vous, votre enjeu, ce n'est pas tant de dire que vous avez une réserve que ces données-là soient intégrées dans les rapports, c'est de dire : Ce n'est pas le rapport du CSSS, c'est le rapport de l'agence. C'est ça, votre propos?

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Oui, Mme la ministre, c'est ça, le propos. Les agences font déjà cette surveillance-là. Et, vous le disiez vous-même, vous avez besoin d'information pour savoir où ça s'en va, les soins palliatifs. Bien, vos agences l'ont, le portrait des maisons, puis vous n'aurez pas de duplication, il n'y aura pas de doublons, l'agence l'a. Ça fait que je ne sais pas, je ne vois pas pourquoi l'agence ne fait pas... Tu sais, vos CSS, je ne sais pas à qui… ils doivent faire rapport à l'agence, probablement pas directement au ministère, mais, je veux dire, il y a un amalgame, là, de données qui peut être fait directement à l'agence. Voilà, pour moi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (10 h 30) •

Mme Hivon : C'est parce que c'est une… La volonté dans ça, ce n'est pas pour nous — bien, c'est bien pour nous, là — mais c'est aussi de donner un portrait public dans des rapports publics. Donc, c'est cette volonté-là aussi. Mais, je pense, j'ai bien compris votre point. Puis, sur la question des inspections?

Mme Wiseman (Lucie) : À 22, excusez-moi, là, je me suis perdue avec…

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Merci, M. le Président. Je suis désolée, je ne suis pas habituée. Oui, l'inspection. Je m'excuse, je ne les ai pas encore par coeur, les projets de loi. Avec le…

Une voix : On n'a aucun problème avec ça.

Mme Wiseman (Lucie) : C'est ça, on n'a pas non plus de problème avec. C'était juste le principe de l'inspection. Puis, assortie d'amende de 25 000 $, vous comprenez, ça fait beaucoup de tournois de golf, là, pour ramasser 25 000 $. Je m'excuse de la mauvaise blague, là, mais je veux juste dire : On ne se rendra sûrement pas à ça. Mais on n'a pas de problème en soi. C'est juste que — je pense qu'on vous l'avait déjà dit — pour nous, on ne fait que ça, des soins palliatifs. Puis je le comprends, avec les… Vous nous l'aviez expliqué aussi pour les maisons. Mais nous, tu sais, on est déjà financés par le ministère de la Santé, donc il y a déjà toute une… des choses qui se passent, là. Pour nous, c'était comme… Je comprends que les maisons funéraires sont visitées puis elles peuvent être inspectées, mais, dans notre cas, tu sais, on est déjà dans le sillon du réseau, là. Ça fait que, pour nous, c'était comme un peu superflu. Mais on n'a pas plus de problèmes, dans le fond… C'est que ça soit écrit de cette façon-là qui était peut-être un peu plus surprenant.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, je peux comprendre. Mais je veux juste, pour vous rassurer… Le mot «inspection», dans une loi, ne fait pas en sorte qu'on remet plus en cause quoi que ce soit, ça vient juste, justement… Puis moi, je pense que c'est tout à votre honneur. Et ce n'est que, je dirais, une manière supplémentaire de donner confiance dans l'ensemble, je dirais, du réseau, autant public, que maisons de soins palliatifs, que domiciles, de savoir que ces inspections-là, elles existent. On vient le reconnaître formellement, noir sur blanc, comme c'est le cas pour tout. En fait, c'est comme si vous… Il n'y avait rien qui était venu le prévoir du fait du développement qui s'est fait un peu à la pièce. Puis là, en ce moment, on est en train de faire une loi sur tout ce secteur-là, la fin de vie, les soins palliatifs. Donc, ça nous apparaissait important de venir le reconnaître parce que c'est le cas pour bien d'autres ressources qui sont privées, communautaires, qui reçoivent ou non un financement public. Donc, je pense que c'est de nature à rassurer puis ça n'amène aucun, je dirais, fardeau supplémentaire sur vos épaules. C'est juste un gage, je dirais, de sécurité pour le public qu'on vient reconnaître formellement.

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Ça va.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ça va? O.K. Maintenant, il me reste du… Est-ce qu'il me reste du temps dans le premier bloc?

Le Président (M. Bergman) : Ah non. Le premier bloc a été complété maintenant.

Mme Hivon : Ah! O.K.

Le Président (M. Bergman) : Et on va laisser cinq minutes pour le deuxième bloc.

Mme Hivon : O.K. Bien, je vais laisser… C'est beau, on reviendra.

Le Président (M. Bergman) : Alors, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, bienvenue parmi nous pour débuter… On débute la semaine. Et puis je tiens à souligner la présence de Mme Fitzback, digne représentante de l'Outaouais.

J'aimerais qu'on puisse échanger davantage sur toute la question de l'aide médicale à mourir qui est incluse dans le projet de loi. J'ai bien compris le positionnement de votre association, de votre regroupement, et surtout l'importance que vous accordez à l'autonomie de vos maisons et donc au choix d'offrir ou de ne pas offrir certains soins.

Lorsque, dans votre mémoire, vous indiquez clairement que l'aide médicale à mourir — bon, qui n'est pas définie, en passant, là, mais qui est prévue au projet de loi — ne constitue pas un soin, pour moi, c'est quand même important parce qu'il y a une volonté du gouvernement d'intégrer cette notion-là à l'intérieur d'un continuum de soins.

J'aimerais vous entendre davantage lorsque vous dites : Ce n'est pas un soin pour nous, on ne peut pas l'inclure dans ce que sont les soins de fin de vie. Pouvez-vous élaborer davantage? On a eu plusieurs groupes qui sont venus nous donner leur perception de la question, mais je pense que votre interprétation, tout ça, est aussi très importante pour la réflexion des parlementaires.

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Oui, merci, M. le Président. Alors, évidemment, nous, nous faisons des soins palliatifs de fin de vie. Vous comprenez que le temps de séjour des patients chez nous, comme ça a été indiqué, c'est 17 jours. Alors, on se situe vraiment à la fin de vie. Quand on discute avec nos médecins et nos professionnels de la santé qui oeuvrent dans nos maisons, dans le fond, dans l'intention du geste, pour eux, ce n'est pas dans une continuité de soins, c'est ce qu'ils vivent, c'est dans l'intention. Puis je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus vous dire ce que c'était, puis qui fait le geste et qui ne le fait pas, et quelle est l'intention en arrière du geste de l'aide médicale à mourir. On s'en vient aider quelqu'un directement qui nous l'a demandé, on vient l'aider à mourir d'une certaine façon, alors que nous, ce qu'on fait, c'est qu'on accompagne la vie jusqu'au bout.

Alors, pour nos soignants, pour les médecins qui oeuvrent dans les maisons de soins palliatifs — et je laisserai sûrement mon collègue de La Maison Michel Sarrazin vous l'expliquer encore en long… vous expliquer cette position-là en long et en large — ça ne fait pas partie d'un soin pour les maisons de soins palliatifs. Puis, comme je vous le dis, quand on pose la question : Est-ce que vous offririez — offririez, j'espère que je le dis comme il faut — l'aide médicale à mourir dans nos maisons?, et que les gens disent non, les conseils d'administration se sont prononcés à non, bien, pour nous, c'est clair, ça ne fait pas partie de leur mission. C'est comme ça qu'on le voit. Je vais laisser, M. le Président…

Le Président (M. Bergman) : Certainement. Mme Fitzback.

Mme Fitzback (Suzanne) : Non, ça allait bien. J'étais juste pour dire que ça ne fait pas partie de notre mission. Chaque maison, la mission sur laquelle on se base pour offrir les soins, c'est vraiment d'accueillir, d'accompagner les personnes en fin de vie, et on le fait très bien. Quand on fait un soin palliatif de fin de vie, quand la souffrance physique est contrôlée par la médication, souvent ça va aller au niveau de la souffrance psychologique, la souffrance de l'âme, et, habituellement, dans chacune des maisons, on a des gens qui sont là en soutien aux patients et aussi à la famille. Et, bon, si on parle de la maison en Outaouais, on n'a pas eu encore de demande d'aide à mourir. On a des fois des : Ah, mon Dieu! je suis fatigué, je suis tanné, ça va-tu se terminer? Mais jamais, jamais que quelqu'un a dit : Je veux mourir là, là, aujourd'hui. Alors, c'est tout ce que je voulais rajouter. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je pose la question : Est-ce que vous croyez qu'advenant la volonté de maintenir la notion d'aide médicale à mourir dans le projet de loi ce service-là… je n'ose pas vraiment l'appeler un service, mais cet acte-là — appelons-le l'acte — devrait être encadré et dispensé exclusivement, par exemple, dans les établissements, dans les hôpitaux? Est-ce que ça pourrait être une alternative plutôt que, d'une façon indirecte, de l'imposer sans l'imposer aux maisons de soins palliatifs? Parce que je comprends que vous dites : Nous, là, on ne veut pas avoir à rendre des comptes, entre autres, là-dessus parce que nous, on n'en offrira pas. Puis je comprends aussi une certaine crainte, peut-être, de… pas de répression, mais est-ce qu'on va venir, à un moment donné, à vous imposer d'offrir des services.

Parce que, là, on reconnaît le droit de toute personne à un accès aux soins de fin de vie, et donc ça, c'est peu importe où ces gens-là se situent au Québec. On fait un lien très précis dans le projet de loi avec les soins de fin de vie et les maisons, on reconnaît l'importance et le rôle des maisons de soins palliatifs. Donc, afin d'éviter qu'éventuellement on impose d'offrir des services dans les établissements, est-ce qu'on ne devrait pas penser… est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une restriction, c'est-à-dire que ce service-là, comme je vous disais, là, soit offert exclusivement dans les établissements? Est-ce que ça ne pourrait pas être une idée pour enlever un peu la pression qui est actuellement sur les maisons de soins palliatifs?

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

• (10 h 40) •

Mme Wiseman (Lucie) : Oui, merci. Mme Vallée, nous n'avons pas demandé spécifiquement cette question-là à nos maisons. Cependant, comme je vous dis, dans le sondage, celles qui nous ont répondu, et il y en a plusieurs… presque la majorité ne l'offriront pas. Est-ce que de là à déduire ce que vous venez de mentionner? Je vous aurais dit que oui. J'aurais déduit que, si les maisons étaient exclues de cette possibilité-là… Parce qu'on entend que les craintes… Et puis je reviens un petit peu à ce qu'on disait tout à l'heure. L'entente avec les CSSS, quand on vous dit dans notre mémoire : On veut être sûrs d'être dans le continuum, c'est sûr qu'il y a une crainte qu'à un moment donné on dise : L'agence, c'est elle qui détermine comment ça se passe, ensuite de ça faites des ententes de gestion. Je veux dire, tu sais, c'est sûr que nous avons la crainte qu'à un moment donné, malgré l'autonomie… Et c'est pour ça que la question de l'autonomie est si importante. C'est sûr que nos maisons ont une crainte qu'à un moment donné il y ait un CSSS qui nous dise : Bien là, regarde, là, bien, nous autres on est pris, bien, vous allez faire ça. Regardez, là, le réseau de la santé, là, il est comme ça, là, hein? On s'entend? Puis, je veux dire, pour l'avoir vécu pendant 27 ans dans le réseau de la santé, je veux dire, je sais comment un peu ça se passait.

Puis, vous le disiez tout aussi bien tout à l'heure, on impose maintenant au réseau de la santé une reddition des comptes assez formelle… bien, pas «assez», formelle concernant les soins de fin de vie. Ça fait que c'est sûr que la crainte, elle est là, je ne vous le cacherai pas. Mais je vous redis que nous n'avons pas posé spécifiquement cette question-là à nos maisons. Ce n'est pas cette question-là qu'on a posée. On aurait peut-être dû. Mais, si la commission le permet, on pourrait vraiment le dire comme ça. Mais, de façon générale, avec les collègues ici, c'est sûr que ça serait une bonne… une belle voie pour nous.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Sur la question de la sédation palliative terminale telle que présentée dans le projet de loi, on a eu des échanges la semaine dernière. Et la ministre mentionnait que peut-être le terme «sédation palliative continue» pourrait être utilisé plutôt que «terminale» parce que «terminale» a vraiment cette notion de finalité, d'objectif qui, pour certains, pourrait être similaire à l'objectif de l'aide médicale à mourir. Est-ce que l'utilisation dans le projet de loi du terme «continue» plutôt que «terminale» viendrait modifier un petit peu les recommandations que vous avez à l'intérieur de votre mémoire?

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : C'est sûr. Nous l'avions déjà souligné à Mme la ministre, et je suis contente qu'elle vous en ait fait part. Nous, pour nous, cette notion-là, de sédation palliative terminale, c'est comme : Qu'est-ce que c'est, ça? Je m'excuse. Puis, imaginez, on nous demande : Il faut que tu fasses signer au patient, là, il s'en vient, là, «terminale», là. Tu sais, je vais vous dire, ce n'est pas évident, là, pour nous puis pour les gens qui ont à parler des maisons de soins palliatifs. Alors, pour répondre à votre question, oui, le fait d'enlever le mot «terminale»…

Et même nos médecins se disent en lisant le projet de loi : Qu'est-ce que ça veut dire, de la sédation? Nos médecins, là, nous ont dit ça, là : Qu'est-ce que c'est, ça, la sédation palliative terminale? Là, tu sais, c'est comme… La sédation, elle est dans la continuité des soins, elle est dans la discussion avec le patient, elle est dans la situation cas par cas avec le patient. Ce n'est pas : Regarde, à matin, on va te faire une sédation terminale. Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans le quotidien, là. Vous comprenez? C'est vraiment un continuum. Alors, oui, pour répondre à votre question.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre, il vous reste cinq minutes.

Mme Hivon : Oui. Alors, merci. Je veux juste vous faire part que ce qui est recherché dans le projet de loi, là, c'est un équilibre. Il y a une grande volonté de trouver un équilibre et de respecter un peu les différentes préoccupations, sensibilités que l'on a entendues pendant toute la durée de la commission parlementaire. Et, dans cette volonté d'équilibre, on a voulu permettre aux maisons de soins palliatifs de déterminer lesquels des soins elles souhaitaient offrir, ce qui veut dire évidemment : Nous offrons des soins palliatifs de fin de vie, c'est notre mission même, et nous offrons, oui, la sédation palliative continue ou terminale et, oui ou non, nous offrons l'aide médicale à mourir. Donc, il y a une liberté qui a été…

Et puis là je veux que ça soit très clair. C'est un choix très clair dans le projet de loi, il n'y a rien qui remet ça en cause, de dire : Les maisons de soins palliatifs ont la liberté de déterminer si elles offrent ou non l'aide médicale à mourir. Donc, je pense qu'on ne peut pas se mettre à craindre que ça pourrait être imposé, là, c'est dans une loi. Donc, une agence ne viendra pas à l'encontre d'une loi. Donc, ça, il faut que ça soit clair.

Par ailleurs, c'est certain — puis je pense que c'est une question sans doute que des gens vont vous poser — qu'il y a des gens qui sont venus nous voir puis qui ne sont pas d'accord avec ce choix-là que j'ai fait de dire : On laisse la liberté aux maisons de soins palliatifs. Parce qu'ils disent : Une personne qui est en fin de vie dans une situation de vulnérabilité, puis là elle est dans une maison de soins palliatifs, puis elle souhaiterait obtenir l'aide médicale à mourir parce qu'elle a des souffrances réfractaires, elle ne pourra pas l'obtenir. Donc, qu'est-ce qu'on va faire? On va la transférer? On va l'envoyer ailleurs? Ça n'a pas de bon sens. Moi, je leur ai dit : Dans la mesure où c'est clair et que la maison des soins palliatifs est très claire quant aux soins qu'elle offre ou non, bien je pense qu'on atteint un bon point d'équilibre.

Ça fait que, ça, je voulais juste le dire, mais vous dire aussi que vous savez qu'il y a des gens qui voudraient qu'on aille plus loin. Il y a des gens qui voudraient que les maisons de soins palliatifs, comme les établissements, soient tenues… Mais ce n'est pas le choix qu'on a fait. Puis j'aimerais savoir peut-être combien de maisons… Vous dites «les maisons qui ont répondu à notre sondage». C'est combien, sur les 29, de… vous avez été capables d'avoir l'avis?

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Une vingtaine de maisons.

Mme Hivon : O.K. Parfait.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est beau. Puis, ma dernière question, je vais continuer sur la question de la sédation parce que je veux qu'on se comprenne bien, là, c'est très important. Moi, là, pour vous dire, il y a eu deux notions — puis j'ai relu les documents de Michel Sarrazin, puis tout ça… qu'on va entendre aussi — et, lors des auditions, les deux notions nous ont été transmises un peu comme des synonymes : sédation palliative continue et sédation palliative terminale. Et, pour toutes sortes de raisons — le rapport des juristes experts, et tout ça — le terme qui a été retenu, c'est «sédation palliative terminale». Moi, je vous le dis tout de suite, je suis très ouverte à ce que ça soit «sédation palliative continue», là. Pour moi, ce qui est important, ce n'est pas le terme, c'est la réalité qu'on veut traduire. Donc, ça, je n'ai pas de problème. Mais où je veux bien comprendre, c'est que j'ai toujours perçu que la différence entre la sédation palliative intermittente — et le mot le dit — et la continue, c'est que la continue, on l'administre. Et c'est clairement dit à la personne que, lorsqu'on fait ce choix-là, on ne la réveillera plus comme on ferait dans une sédation intermittente, mais donc on va la laisser dans un état, donc, similaire à une anesthésie jusqu'à la fin de sa vie.

Donc là, je veux juste être sûre qu'on s'entend bien là-dessus. Parce que, quand vous dites : Là, ce n'est pas terminal ou irréversible, moi, qu'on enlève le mot «terminale», je n'ai pas de problème, mais j'ai toujours compris que, quand on s'engageait dans ce processus-là, une sédation continue, c'était jusqu'à ce que le décès survienne. Et c'est pour ça que les gens sont venus nous dire : C'est quand même très sérieux, il faut avoir un protocole très important, il faut avoir un consentement très clair, d'où l'encadrement plus important que l'on fait dans le projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Écoutez, je ne sais pas si mes collègues veulent répondre, mais…

Le Président (M. Bergman) : Mme Fitzback.

Mme Fitzback (Suzanne) : Mon Dieu! Je vous dirais… Je ne sais vraiment pas quoi vous répondre là-dessus, je ne suis pas médecin. Ce que l'on vit dans nos maisons… Je vais parler pour ma maison parce que je ne travaille pas dans les autres maisons. Ce que l'on vit chez nous, en Outaouais… Bon, on en a eu un dernièrement, un patient, c'est un patient qui souffre énormément, qu'on a de la difficulté à contrôler avec les médicaments normaux, si on peut dire.

Alors, la sédation palliative, c'est un protocole… je pense que ma coordonnatrice des soins pourrait l'expliquer mieux que moi, mais c'est un protocole de médicaments qu'on administre et qu'on peut endormir la personne pour la nuit parce qu'elle est souffrante et le lendemain matin. Alors, ça, c'est intermittent. La continue, on l'a déjà vécue une fois sur 15 ans — ça fait quand même 15 ans qu'on est ouverts — et c'est vraiment… Je pense que ça a pris cinq jours avec le patient, mais c'est vraiment une continue et c'est le patient qui décide s'il veut continuer : O.K. un petit peu plus, un petit peu plus. Hélène, est-ce que c'est à peu près ça? Comme je vous dis, je ne suis pas médecin, mais…

Mme Hivon : Moi, je…

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé pour ce bloc. Et le deuxième bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

• (10 h 50) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord saluer Mme Wiseman, avec qui je suis allé voir le début de construction de La Maison Au Diapason, puis je m'engage à aller vous visiter à un moment donné, également Mme Fitzback, qui m'a fait visiter leur maison de soins palliatifs, Me Hébert, avec qui on a fêté les 20 ans de la Maison Colombe-Veilleux. Puis je voudrais souligner également la présence de Mme Christiane Hudon, qui est la directrice générale de la maison Soli-Can où j'ai pratiqué les soins palliatifs et avec qui j'ai eu beaucoup, beaucoup de plaisir à travailler.

Vous savez que j'ai beaucoup défendu votre cause. Puis je vais prendre immédiatement position : quand on va faire le projet de loi, je vais probablement être celui qui va défendre votre autonomie au maximum. Parce que, dans ce dossier-là, c'est important de comprendre qu'autant le ministère, les agences et les établissements, souvent compte tenu des contraintes budgétaires, voudraient peut-être vous faire prendre une plus grande part de travail que vous êtes capables de prendre. Premièrement.

Deuxièmement, vous faites partie des soins intégrés avec la continuité, mais le fait d'avoir des soins intégrés avec continuité ne veut pas dire qu'on est aux ordres des autres, qu'ils décident pour nous. Pour moi, c'est bien important, ce principe d'autonomie qu'on va devoir respecter.

L'autre élément qui, pour moi, est très important : si une maison de soins palliatifs décide de ne pas offrir l'aide médicale à mourir, vous avez le droit de le faire, et on ne peut pas vous obliger, et je m'engage à ce que, dans la loi, ce soit marqué, ça va être noté. Parce qu'on ne fera pas juste une affaire de directives ou de règlements qui va venir… Pour moi, ça va être important que la maison de soins palliatifs n'ait pas d'obligation, face à l'agence et à l'établissement, d'offrir l'aide médicale à mourir, en sachant qu'il y en a qui sont venus témoigner ici en nous disant que, si on donne du financement, on devrait les obliger à faire cet acte, alors que, pour moi, c'est un choix de la maison de soins palliatifs.

Par contre, c'est important que, lorsque quelqu'un entre dans une maison de soins palliatifs, la personne sache qu'elle ne pourra pas recevoir ce service. Donc, ça devient le choix de la personne d'y aller ou pas. Et, pour moi, par contre, également, si une maison de soins palliatifs se construit au Québec — exemple, dans la région de Montréal, un exemple, ou Laval — et quand l'équipe et la maison de soins palliatifs décident d'offrir l'aide médicale à mourir, ils vont pouvoir le faire, c'est un choix. Parce que moi, comme clinicien, bien… Il y a certains médecins qui sont peut-être très mal à l'aise avec le concept, comme il y en a qui sont mal à l'aise, en passant, avec le concept de sédation, mais il y en a d'autres qui sont à l'aise d'offrir le service aux patients. Donc, ça va devenir le choix et de l'organisation et du patient.

Et des mêmes personnes qui viennent défendre l'autonomie de la personne, je suis un peu étonné qu'elles, en même temps, ne défendent pas l'autonomie des soignants et des maisons de soins palliatifs pour offrir le service. Donc, je pense, c'est là qu'on va trouver notre équilibre, puis j'ai confiance de convaincre la ministre, là, qu'on devrait se situer à ce niveau-là. C'est à ce niveau-là. Et on va s'organiser pour que ce que vous nous disiez soit bien appliqué et que ce soit marqué dans la loi. Pourquoi que je veux que ce soit marqué dans la loi? Parce que souvent on nous dit : Non, on n'obligera pas, mais, quand ce n'est pas marqué dans la loi, il se passe un règlement à quelque part, à un conseil des ministres, et par la suite il y a une obligation qui se fait. Et je me méfie énormément des gens qui veulent imposer aux autres leur propre opinion. L'autonomie, c'est bon pour tout le monde, et autant pour les maisons de soins palliatifs que pour la personne.

La question de la sédation terminale, moi, je pense, c'est un terme qui doit être revu. Parce qu'on fait de la sédation dans plusieurs endroits, et on peut la faire en maison de soins palliatifs, on peut la faire à l'hôpital, on peut la faire en CHSLD. L'objectif, à la fin, c'est d'offrir un bon soin pour soulager la personne. Et il n'y a aucun plaisir à souffrir en fin de vie. Et le terme n'est pas approprié parce que «terminale», ça va beaucoup trop avec la notion qu'on va faire mourir. Mais, pour l'avoir pratiqué à l'Hôpital d'Alma, on fait des sédations en fin de vie… ce sont des protocoles qui, en passant, vont être balisés par le Collège des médecins. Donc, on devrait avoir à peu près le même protocole partout au Québec. Et ça s'applique dans certaines conditions.

Et l'objectif, là, ce n'est pas philosophique, c'est qu'on veut que les gens aient une qualité de vie à leur fin de vie. Et il y a un petit pourcentage de patients… Puis, quand quelqu'un me dit que tous les gens peuvent être soulagés, là, en tout cas, moi, Mme Hudon peut témoigner, j'en ai fait beaucoup, des soins palliatifs, là, en fin de vie, il y a toujours le cas exceptionnel qu'on ne peut pas soulager, qui, pour cette personne-là, il faut avoir une mesure qui est exceptionnelle. Et c'est comme ça que je le vois, moi, ce sont des mesures exceptionnelles, mais qui peuvent être appliquées.

Ça fait que ma question, c'est par rapport à l'autonomie. Si je comprends bien, vous tenez absolument à être des organisations autonomes. Vous êtes prêts à collaborer avec le réseau pour être dans la continuité des soins, dans les soins intégrés, mais vous n'êtes pas prêts à obéir à des ordres venant de d'autres personnes parce que justement vous avez le financement en fonction de ça de la part du ministère.

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Alors, je pense qu'il est essentiel de comprendre que les maisons de soins palliatifs sont dans le continuum de soins. Ce qu'on dit même dans notre mémoire, c'est que parfois, dans les CSSS, nous ne sommes même pas à des tables de discussion pour être dans le continuum. Alors, la notion des maisons de soins palliatifs sont dans le continuum. Pour nous, si on ne l'est pas, on ne fait pas notre job non plus. C'est essentiel pour les patients, pour notre population que cette continuité-là existe et que ce soit fluide. Alors, ne vous en faites pas, l'autonomie ne fait pas qu'on ne veut pas être dans le continuum. Au contraire, c'est essentiel. On serait tellement déconnectés, ça ne fonctionnerait pas, ce système-là. Puis on n'aurait pas accueilli 3 500 patients dans la dernière année seulement. Alors, n'ayez aucune crainte là-dedans, le continuum; au contraire, il faut que les CSSS nous mettent dans leur continuum. C'est ça, notre message, qu'on soit assis à la table avec eux pour en discuter, du continuum. Donc, ça, il n'y a pas de problème là-dessus.

Alors, pour le reste, c'est ça, l'autonomie, dans le fond, c'est qu'on veut être reconnus comme partenaires à part entière. Donc, on n'est pas la place où on envoie notre patient quand on ne sait plus quand l'envoyer à l'hôpital ou quand l'hôpital est débordé puis là qu'on nous envoie un patient à la dernière minute, il faut que tu le prennes, puis on n'a même pas le dossier médical, puis le docteur n'est même pas capable de prescrire. Ça, c'est ce bout-là, là, dans notre autonomie, d'être capables d'être vraiment encadrés sur les patients que nous recevons dans nos maisons pour leur donner les meilleurs soins possibles. C'est ce que j'ai à répondre à ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 2 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président. Vous connaissez le principe que je viens de dire, c'est-à-dire qu'à partir du moment que vous décidez de ne pas offrir l'aide médicale à mourir la personne qui va être admise dans votre organisation, dans votre maison, elle va le savoir, donc elle ne s'attendra pas à le recevoir à ce moment-là.

Également, j'aimerais ça vous entendre : Est-ce que vous êtes d'accord avec le principe que, si une maison de soins palliatifs, elle, avec les intervenants, les gens s'entendent au départ que, oui, on pourra offrir l'aide médicale à mourir, à ce moment-là elle peut quand même s'appeler une maison de soins palliatifs et qu'elle pourra à la limite faire partie de votre organisation puis ça ne serait pas une cause d'exclusion, c'est un choix de l'organisation de l'offrir ou pas?

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman, il vous reste deux minutes pour une réponse.

Mme Wiseman (Lucie) :

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, j'aimerais entendre la réponse officiellement au micro, là.

Mme Wiseman (Lucie) : Excusez-moi, M. le Président, je parle toujours trop vite. Oui à votre question.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Parce que, si on y va sur cette base-là, il y a une obligation dans la loi d'offrir le service par CSSS ou d'avoir une entente. La maison de soins palliatifs, dans la loi, n'aura pas d'obligation, évidemment ne sera pas liée au financement pour ne pas qu'on fasse du chantage par la porte d'en arrière. Et moi, je pense que, si le patient le sait, l'organisation le sait et les CSSS le savent, bon, ils respectent les principes d'autonomie, de bonne organisation des soins et de soins intégrés. Moi, quant à moi, c'est là qu'on devrait se situer dans le projet de loi, et ça devrait être balisé. Donc, déjà, les gens du ministère devraient commencer à penser de nous arranger le libellé pour répondre à cette demande-là. Puis ça, ça va être un point sur lequel, en tout cas, ça va être difficile de me faire lâcher.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé pour ce bloc. Pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence aujourd'hui. Je réfléchissais sur la sédation palliative puis effectivement je pense que plusieurs intervenants nous ont dit que c'est… bon, la terminologie, c'est complexe. Je me posais la question : Si on écrivait tout simplement «sédation palliative»? Parce qu'on sait que la sédation palliative, le but, c'est de soulager la souffrance, et on doit augmenter les doses forcément en fin de vie parce que les souffrances sont plus élevées, donc ça fait encore partie d'une sédation palliative. Est-ce que, pour vous, ça serait plus acceptable de retrouver le mot «sédation palliative» tout simplement?

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Oui. Excusez, je ne l'avais pas dit assez fort.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Je me requestionnais aussi sur la position, là, quand vous dites que c'est unanime, dans les maisons de soins palliatifs, de ne pas offrir l'aide médicale à mourir. La question que je me posais… Puis, quand on regarde un petit peu l'expérience qu'il y a eu dans les pays où actuellement ils ont accès à l'aide médicale à mourir, on sait que plus de 80 % des gens qui y ont accès souffrent de cancer en phase terminale. La question que je me posais, et je ne sais pas si vous vous la posez ou si c'est… bon, si c'est… on pourrait le faire dans le futur, mais : Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager…

Parce que moi, j'imagine le patient qui est en fin de vie, en soins terminaux puis qui, une journée… n'a pas pensé de vouloir avoir l'aide médicale à mourir, mais qui se retrouve dans une situation où c'est tellement souffrant, il n'est tellement pas soulagé qu'il en arrive à faire cette demande-là, et il est apte à la faire, et qu'il est déjà dans une maison de soins palliatifs. Est-ce qu'on pourrait envisager d'avoir des équipes volantes, dans une région, qui viennent du CLSC et auxquelles exceptionnellement on pourrait avoir recours pour satisfaire un patient qui aurait changé d'idée ou qui est déjà dans la maison de soins palliatifs et qui en arrive à une telle souffrance à demander l'aide médicale à mourir? Et est-ce qu'on ne pourrait pas, à ce moment-là, avoir recours à une équipe volante plutôt que de se dire qu'à ce moment-là l'option du patient serait d'être transféré dans un autre établissement alors qu'on sait qu'il est en fin de vie? Et ce n'est pas simple, puis vous le savez, vous le vivez, ce n'est pas simple d'avoir à transférer quelqu'un en phase terminale dans un autre établissement alors qu'il est déjà là depuis quelque temps. Est-ce que c'est une option qui, pour vous, pourrait être envisagée ou s'il y a une fermeture qui est complète à ça?

• (11 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Wiseman.

Mme Wiseman (Lucie) : Alors, écoutez, ça fait beaucoup d'hypothèses dans… bien, enfin, d'exemples qui pourraient nous arriver de façon spécifique. Encore une fois, nous n'avons pas… Vous comprenez que, notre alliance, on n'a pas posé de façon spécifique cette question-là. Je suis un peu en malaise de répondre pour l'ensemble des maisons dans ce cas-là particulier.

On comprend que les maisons de soins palliatifs, leur but en premier, c'est de soulager la douleur puis d'accompagner le patient. Alors, ce qu'on entend de notre monde, c'est : Même si la personne le demandait, en premier lieu on va aller voir qu'est-ce qui se passe en arrière de ça puis qu'est-ce qu'on peut faire de plus. Pour nous, là, ça va être ça, notre mission, puis c'est ça que nos professionnels et nos médecins vont faire.

Ce que vous nous dites là, c'est, oui, une situation qui pourrait nous arriver. Je vous le dis, le premier réflexe, ça va être de comprendre. Dans le continuum de soins, en tout cas, pour nous, là, ça va être assez rare. Comme Mme Fitzback le mentionnait tout à l'heure, en 15 ans, y a-tu quelqu'un qui l'a demandé, là, tu sais? Puis je ne sais pas si vous avez vu un médecin, hier, qui faisait un commentaire, ou avant-hier, dans La Presse, qui disait que, bon, oui, à un moment donné, il y a une journée, le monde est à bout de souffle, là. Mais, je vous dis sincèrement, on en a, des personnes qui sont à bout de souffle présentement puis on ne se le fait même pas demander aujourd'hui.

Je veux revenir à qu'est-ce que c'est hypothétiquement. Il faut vraiment comprendre qu'on n'aimerait pas ça que le projet de loi permette une confusion des genres pour les patients. On vous le disait, à un moment donné, de prendre la décision de venir dans une maison de soins palliatifs, en premier lieu c'est une décision qui peut être parfois très grave pour les gens. C'est quand ils arrivent à nos portes qu'ils disent : O.K., ah, j'ai donc bien fait de venir ici finalement! Mais tu es chez vous, tu fermes la porte, tu ne reviens plus. Il y a déjà là une grosse décision, là, de s'en venir. Ça fait que, là, en plus de ça, si on leur dit : Regarde, sédation palliative terminale, puis là tout d'un coup : Ah bien, tu vas pouvoir peut-être faire de l'aide médicale parce qu'il y a une équipe volante, on est dans beaucoup, beaucoup d'hypothèses, madame.

Alors, est-ce qu'il y a des maisons… C'est sûr que la situation pourrait nous arriver. Puis on a une maison qui nous a dit : Écoutez, si ça arrivait, on est des gens de compassion envers les patients, là. Alors, comme je vous dis, on va faire le maximum pour aider à soulager la douleur morale, physique, de cette personne-là. Est-ce qu'il y aura des exceptions exceptionnelles, qu'une maison dira : Oui, je ne vais pas laisser tomber, mon patient n'est pas transférable, il a signé qu'il savait qu'on ne faisait pas d'aide médicale à mourir? Je vais vous dire, là, on est dans une hypothèse. Mais j'imagine que chacune des maisons prendra sa décision à ce moment-là. Mais nous sommes des êtres, avant tout, de compassion.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Wiseman, Mme Fitzback, Me Hébert, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager vos expertises.

Alors, je demande les gens de La Maison Michel Sarrazin pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue à La Maison Michel Sarrazin.

Dr L'Heureux, M. Richard, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, vos noms, s'il vous plaît, vos titres. Et les prochaines 15 minutes, c'est à vous.

La Maison Michel Sarrazin

M. L'Heureux (Michel) : Merci beaucoup, ça nous fait plaisir d'être ici. Michel L'Heureux, je suis le directeur général de La Maison Michel Sarrazin. Je suis accompagné de M. Louis-André Richard, qui est professeur de philosophie et membre de notre comité d'éthique clinique, et également, dans l'assistance, quelques membres du conseil d'administration et une personne responsable de nos communications.

J'aimerais, d'entrée de jeu, distinguer notre capacité d'apprécier au niveau du concret les gestes que pose le présent gouvernement et que posaient aussi les précédents gouvernements depuis 2004 en faveur des soins palliatifs sur le terrain, par des actions très concrètes, des politiques, et la manière qu'on apprécie ou qu'on déprécie plusieurs éléments du présent projet de loi, qui, en apparence, peuvent donner l'image de promouvoir ou défendre les soins palliatifs, mais, par la confusion des termes qui sont utilisés, font, pour nous, plus de tort que de bien.

D'abord, le fait d'utiliser un vocabulaire qui juxtapose les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir à l'intérieur d'un concept de soins de fin de vie, pour nous, c'est inapproprié. Puis, si on prend l'expérience belge, ils avaient fait deux projets de loi : un sur les soins palliatifs et un qui dépénalisait l'euthanasie. On n'est pas d'accord avec cette deuxième dimension, mais, déjà, de ne pas confondre les deux genres et de ne pas subordonner l'un à l'autre pour en arriver à faire la promotion des soins palliatifs serait pour nous une approche beaucoup plus positive en faveur des soins palliatifs.

C'est certain que La Maison Michel Sarrazin pourrait se contenter d'être reconnaissante envers l'article 65, qui est l'équivalent, pour la maison Sarrazin en tant qu'établissement, de l'article 14 pour les autres maisons de soins palliatifs, à savoir qu'on peut choisir d'offrir ou ne pas offrir l'aide médicale à mourir. Mais c'est dans notre mission d'être... On a toujours considéré dans notre mission, depuis l'ouverture de la maison, de travailler à sensibiliser le public et le système de santé aux questions difficiles de la fin de vie puis aux pratiques en fin de vie. Et, dans ce sens-là, c'est un peu la posture qu'on adopte encore aujourd'hui. Ça nous amène parfois peut-être à vouloir amener le débat sur un terrain plus philosophique, sur des arguments plus philosophiques, pourquoi ou pourquoi ne pas faire telle ou telle chose, mais c'est toujours... c'était la posture qu'on a prise en 2010, c'est encore celle qu'on prend aujourd'hui. Et, dans ce sens-là, cette question du vocabulaire est essentiellement très importante.

• (11 h 10) •

C'est une définition de l'OMS qui définit les soins palliatifs comme ne hâtant pas la mort et ni ne la retardant. Puis c'est une définition que le ministère de la Santé a adoptée dans sa politique en 2004. Puis, dans le langage des soins palliatifs, les soins de fin de vie ont toujours été considérés comme la portion des soins de fin de vie en phase terminale. Et les soins palliatifs sont plus englobants, il y a un schéma dans le mémoire qui vous l'illustre bien, où les soins palliatifs s'intéressent à la qualité de vie de toutes les personnes qui sont atteintes d'une maladie incurable qui va les faire mourir. Et là, dans un projet de loi, on laisse les juristes inverser les termes médicaux en faisant le grand ensemble, les soins de fin de vie puis, un petit morceau, les soins palliatifs, alors que, dans la pratique médicale, depuis 50 ans, c'est le contraire qui se passe.

Donc, pour nous, c'est très difficile de s'y retrouver et c'est une source… C'est déjà difficile d'expliquer au public, aux patients et même, à l'intérieur du système de santé, aux soignants, aux intervenants, qui sont encore plus familiers avec les concepts de soins palliatifs, de leur expliquer ces concepts-là. Si la loi vient virer ça à l'envers, ça va être encore plus difficile et ça va être encore plus source de confusion.

La question de la sédation palliative continue ou terminale, vous en avez abondamment débattu tout à l'heure. On avait dit en 2010 : Il faut retenir le terme de «soins palliatifs»… «sédation palliative continue». On a cité, on avait donné une référence, des associations canadiennes, américaines, françaises, européennes de soins palliatifs qui ont décidé de mettre de côté le terme «sédation palliative continue» pour celui de sédation… c'est-à-dire de «sédation palliative terminale» pour celui de «sédation palliative continue», et je réitère encore que c'est ce qui devrait être fait, et non pas l'inverse.

Et il ne faut pas encadrer la sédation palliative tout court parce qu'on s'enfargerait dans quelque chose d'épouvantable si on voulait encadrer la sédation palliative intermittente, ou les protocoles de détresse, ou toutes ces formes d'autres sédations qui existent en médecine. Mais, quand on parle de sédation palliative continue, si on définit bien les termes… Ça, c'est un autre défaut du projet de loi, les termes ne sont pas définis, ils sont nommés sans être définis. Bien, si on définit bien les termes, on pourra bien encadrer une pratique qui doit être encadrée. On est tout à fait d'accord avec l'encadrement de cette pratique, c'est simplement que le choix des termes actuellement est malheureux et risque d'entretenir la confusion chez les soignants et dans le public.

Évidemment, le coeur de notre présentation et de notre mémoire tourne autour de l'aide médicale à mourir, qu'on considère qui devrait être retirée du projet de loi. Pour nous, premièrement, le choix du terme est un euphémisme qui n'a pas sa place. Quand on regarde vraiment dans le tableau qu'on vous présente aux pages 11 et 12 ce que sont les critères et les processus de la loi belge avec ce qui est proposé dans le projet de loi n° 52, on voit qu'il s'agit vraiment de la même pratique à des différences minimales près. Alors, pourquoi on ne nomme pas un chat, un chat?

C'est sûr qu'on est conscients que le législateur a un problème avec le Code criminel, mais, en même temps, de créer la logique d'en faire un soin, d'essayer d'introduire ça comme une continuité avec les soins palliatifs ou à l'intérieur des soins de fin de vie, pour nous, c'est un euphémisme qui est plus dommageable pour les soins palliatifs et qui ajoute encore une fois à la confusion. Une confusion additionnelle parce que, même pour les soignants eux-mêmes en soins palliatifs et pour les autres qui accompagnent les personnes en fin de vie, accompagner et soutenir sans provoquer la mort, c'est une forme d'aide. Alors, en utilisant le terme «aide à mourir», on crée à la fois de la confusion dans le soutien et l'aide qu'on apporte, mais, aussi, on atténue la réalité du geste euthanasique, qui ne devrait pas l'être, comme l'ont fait certaines juridictions, même si, comme je vous dis, au départ, on n'est pas d'accord avec le fait qu'une société ouvre cette porte-là.

Il y a une comparaison qu'on vous présente dans le mémoire, où on entend dire : L'euthanasie ou l'aide à mourir, c'est devancer par compassion une mort dont la souffrance s'avère insupportable. Puis il y a une analogie. Toutes les comparaisons ont leurs limites, mais c'est comme dire : Piquer l'héritage, ce n'est pas un vol, c'est d'assurer par anticipation la jouissance de biens qui nous seront de toute façon dévolus un jour. Je veux dire, quand on transgresse des interdits fondamentaux comme celui de porter atteinte à la vie d'autrui, bien c'est ce qu'on introduit comme idée, c'est qu'il y a des interdits auxquels on peut contrevenir à un moment ou à un autre de l'évolution d'une société et plus dommageables que… Il y a l'interdit lui-même, mais la personne qui le demande, en même temps, impose à un tiers de, lui aussi, transgresser cet interdit-là.

Et ça nous amène à la réalité où c'est certain que, devant les personnes en fin de vie, parfois il y a des situations où on se sent impuissant et où on peut penser ou avoir un sentiment d'urgence, qu'il faut faire quelque chose. Puis parfois il faut être capable de se retenir et de ne pas abandonner, mais d'accompagner. Et les personnes qui sont en fin de vie demeurent des gens de la communauté humaine, et ça ne leur donne pas le droit d'exiger qu'un tiers transgresse un interdit. Ces personnes-là sont aussi soumises à la loi de la même manière.

Je vais vous prendre un exemple très concret. Dans les maisons de soins palliatifs, lorsqu'est arrivée la loi sur l'interdiction de fumer dans les établissements — nous, à Sarrazin, on est un établissement — on a eu à se poser cette question. On a essayé de maintenir une forme d'exception pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'à un moment donné ça devienne intenable et qu'aujourd'hui, même les personnes en fin de vie, même si ça peut apparaître en soi moins… manquer de compassion, doivent aller fumer à l'extérieur. Puis la raison, c'est qu'à un moment donné il y a aussi les droits des autres puis il y a… Et ils ne sont pas des citoyens différents des autres citoyens, et on doit appliquer les lois pour eux aussi.

L'euthanasie, ce n'est pas un soin. Je pense que notre mémoire de 2010 l'avait explicité abondamment, on n'y reviendra pas. Pour nous, abréger la vie, ce n'est plus un soin, c'est un geste radical qui met fin à la vie. C'est certain que la personne qui le demande est tellement souffrante qu'elle est prête à payer le prix de sa vie pour ne plus souffrir, mais, encore une fois, il y a une philosophie, en soins palliatifs, qui nous amène à s'abstenir de vouloir poser ce geste-là parce que l'expérience montre que, dans l'accompagnement, dans l'acceptation de nos limites, il peut survenir des éléments inattendus, il peut survenir des situations où le cours des choses peut changer. Ce n'est pas une façon idéaliste de voir les choses tout le temps, c'est-à-dire qu'on n'idéalise pas que ça arrive tout le temps, mais ça arrive suffisamment souvent pour que les soignants soient convaincus qu'on ne doit pas éclipser ou écourter l'espace de temps qu'il reste parce que justement ça laisse place à ces éléments d'imprévu. On avait, il y a 10 jours, un colloque sur les soins palliatifs, sur l'aide à mourir, comment on reste accompagnants, et ce que les soignants nous réitéraient encore, c'est que comment le fait d'admettre leurs limites et de les exprimer aux patients, ça pouvait être source de ces éléments inattendus.

Une grande partie du mémoire touche sur l'aspect de la situation en Belgique, l'analyse qu'on fait des dérives, sur les dommages que ça crée aux soins palliatifs et sur la souffrance des soignants. On a voulu ici — on a mis beaucoup d'insistance sur ça dans le mémoire et dans une annexe — on a voulu ici ébranler les certitudes qu'on voyait affichées dans le rapport de la commission spéciale, certitudes qui étaient basées sur des analyses en Belgique et aux Pays-Bas. On ne connaît pas les Pays-Bas, mais on connaît bien la Belgique pour y être allés tous les deux, pour avoir d'autres collègues qui y sont allés, qui nous ont aussi rapporté leurs expériences et les rencontres qu'ils ont eues.

Pour nous, 1 % des décès et une croissance de 17 %, 18 % et même 26 % l'année dernière, ce n'est plus de l'exception, puis ce n'est pas une croissance lente. 10 % de personnes qui ont des maladies chroniques et qui sont euthanasiées alors que leur mort n'est pas prévue à brève échéance, «brève échéance» étant définie pour eux comme étant des mois à venir, bien on est rendus dans les personnes vulnérables qui reçoivent des euthanasies. Et également on a voulu questionner l'objectivité de certaines personnes qui ont été les personnes-ressources de la commission lors de sa visite en Belgique. Ces personnes ont un militantisme évident qui leur enlève l'objectivité. La commission avait rejeté les études parce que les auteurs, supposément, avaient des biais personnels en fonction de leurs convictions, mais les personnes rencontrées avaient un peu les mêmes biais.

Le dernier sujet qui est important, c'est toute la question de la souffrance et les dommages sur les soins palliatifs. On ne peut pas, en son for intérieur, ne pas réaliser qu'on commet une transgression puis simplement anesthésier ça en se donnant un discours rationnel que c'est un moindre mal ou que c'est la bonne chose à faire. Il y a certainement une rationalisation qui se vit, et qui s'observe, et qui se décrit chez les personnes qui font des euthanasies en Belgique, et qui nous est rapportée. Et il y a également une souffrance de recevoir des demandes et d'avoir à les accompagner là-dedans. Mais c'est déjà difficile sans ajouter ce nouveau paradigme où, dans le fond, l'espace-temps va être court-circuité, puis où les gens des soins palliatifs n'auront plus cet espace et cet outil essentiel pour travailler à aider les personnes qui sont tellement à bout qu'elles pensent que le décès est la seule issue qu'il leur reste.

• (11 h 20) •

Les critères également sont très larges dans ce projet de loi. Ils s'éloignent considérablement de la position du Collège des médecins, qui avait dit : Pour la phase terminale, écourtez quelques agonies. On n'est pas d'accord avec la position du collège, qui en fait un soin, mais au moins ça avait le mérite de mettre une fenêtre tellement petite qu'on ne vivrait pas les dérives que la Belgique vit si vous décidiez d'aller quand même avec ça, alors que ce n'est pas ce qu'on préconise. On n'a pas le sentiment non plus qu'il y a une urgence politique d'agir.

Et j'attire votre attention, dans le fond, sur la citation, à la fin, de Dominique Lambert, un philosophe belge. Il y a deux idées, dans cette citation, qui sont importantes pour moi. C'est que, d'une part, la philosophie palliative, c'est plus que les soins palliatifs. C'est étonnant de voir à quel point les soins palliatifs sont appréciés, sont écoutés, sont presque louangés pour le travail qui est fait par les intervenants au quotidien aux personnes en fin de vie, mais comment, quand on arrive dans le présent débat, la dimension, ou le bout de la philosophie des soins palliatifs qui dérange l'opinion majoritaire du public, là, on est en train de la marginaliser puis de dire : Elle n'est pas importante.

Mais la philosophie palliative, c'est plus que les intervenants. C'est un tout qui est issu de cette pratique au quotidien et qui est une conviction, de rester… de s'abstenir et, devant le doute, de ne pas poser ce geste de mainmise, ou de contrôle, ou de toute-puissance envers la personne qui est souffrante. Et ce n'est pas quelque chose qu'on peut piger à la carte puis dire : Ce bout-là, on le prend, puis ce bout-là, il ne fait pas notre affaire, puis on ne le prend pas. C'est une vision globale.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. L'Heureux (Michel) : C'était ça, ma conclusion. C'est cette vision globale des soins palliatifs, qu'on ne peut pas commencer à morceler, et ne prendre que les éléments qui nous conviennent et rejeter ceux qui nous dérangent parce qu'ils ne vont pas dans le sens de la majorité de l'opinion publique.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation, Dr L'Heureux. Alors, maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Merci, Dr L'Heureux, M. Richard. Ça commence à faire quelques fois qu'on se voit dans différents forums. C'est toujours très intéressant, on est… Moi, je pense que, contrairement à ce que plusieurs des personnes qui nous écoutent pourraient penser et qu'elles pourront penser après notre échange… Parce qu'évidemment on va se concentrer sur le bout sur lequel on est moins d'accord, mais il y a beaucoup de choses sur lesquelles on est d'accord, dont l'importance d'avoir une volonté politique ferme pour développer les soins palliatifs et l'importance de travailler avec les gens du milieu pour en arriver à, je dirais, diffuser le plus largement possible l'importance des soins palliatifs et l'importance aussi de la culture palliative, qui, je suis tout à fait d'accord avec vous, est plus que… beaucoup plus que l'idée d'avoir des lits de soins palliatifs dédiés dans nos établissements.

Et c'est pourquoi, comme vous m'avez peut-être entendue le dire, on a un grand chantier chez nous d'améliorer l'accès, autant à domicile que via des lits dédiés, mais surtout aussi de miser sur la formation des intervenants à l'approche palliative parce que c'est quelque chose qui est essentiel pour que cette culture-là palliative puisse être diffusée. Puis ce soir, on va avoir d'ailleurs une présentation très intéressante de la Société canadienne du cancer sur toute l'importance aussi que les facultés de médecine et de soins infirmiers devraient donner à l'approche palliative. Parce que c'est assez désespérant quand on voit le peu d'heures qui sont consacrées à cette réalité-là dans les cursus actuels.

Donc, je vous remercie de votre présentation, de votre mémoire. Peut-être certains points, en partant. Vous savez… Je sais que vous n'êtes vraiment pas d'accord avec eux, mais toute l'idée d'un continuum de soins et d'inscrire l'aide médicale à mourir, sur un continuum de soins, comme un soin exceptionnel, c'est une idée qui est venue d'abord par le Collège des médecins. Et le Collège des médecins a amené cette idée-là pour dire que certains soignants en fin de vie étaient face à des situations pour lesquelles ils étaient incapables d'apporter des réponses adéquates et qu'il fallait entrer dans une logique de continuum et de soins exceptionnels, et c'est cette idée-là qui a amorcé tout le débat. Et donc je pense que c'est important de situer ça dans son contexte.

L'autre élément, sur les termes. Je veux juste vous dire que ce projet de loi là, il est sur la fin de vie, ce qui veut dire que, quand on parle de soins palliatifs, on parle de soins palliatifs en fin de vie, ça va de soi. Et la politique, d'ailleurs, québécoise qui existe, elle est sur les soins palliatifs en fin de vie. Est-ce que ça veut dire qu'on ne pense pas que les soins palliatifs devraient intervenir plus tôt? Pas du tout. On pense aussi qu'ils devraient intervenir plus tôt, que c'est une bonne idée. D'ailleurs, dans le rapport de la commission, on en parlait. Mais le projet de loi et la politique ne sont pas sur cette réalité-là, de venir faire coexister le palliatif et le curatif, je vous dirais, de manière plus généralisée. Là, on est sur un projet de loi sur la fin de vie et, encore aujourd'hui, évidemment on voit qu'il y a bon nombre... les lits dédiés, les maisons de soins palliatifs, ils sont là pour la fin de vie. Donc, c'est l'objet de notre projet de loi. Je pense que c'est important de le dire parce que, quand on parle des soins palliatifs, quand vous y faites référence, vous, vous faites référence à la logique des soins palliatifs dans leur globalité, mais, dans le projet de loi, on parle bien des soins palliatifs de fin de vie. Donc, je voulais juste mentionner ça.

Puis aussi, autre point, sur la question de notre mission en Belgique, je pense que c'est important de vous dire... parce qu'on pourrait... ça pourrait laisser entendre ce que vous avez dit, qu'on n'a rencontré des gens que d'un côté. Or, tant aux Pays-Bas qu'en Belgique... C'est vrai qu'on a rencontré des gens qui étaient très militants, et puis ça faisait partie du travail, mais, si vous prenez la Belgique, je veux juste vous dire que les deux derniers médecins qui sont dans l'annexe, sur les gens qu'on a rencontrés, c'étaient des médecins qui étaient contre l'aide médicale à mourir et qui, oui, siègent, donc, sur la Commission fédérale de contrôle, mais qui étaient des médecins contre. Le fait qu'ils oeuvrent à un endroit où il y a une offre dans ce sens-là ne fait pas en sorte qu'ils étaient des médecins pour. Donc, je voulais juste vous spécifier ça, parce que c'était très important pour nous, puis, quand on a fait le programme, c'était dans ce sens-là.

Sauf que, ce qu'on a constaté, on doit vous le dire, c'est que les médecins qui étaient contre et qui étaient sur la commission de contrôle… je ne vous dis pas que tous les médecins en Belgique sont pour, mais ils nous disaient qu'il n'y avait pas de dérive, donc, dans les médecins qui étaient contre. Même dans les gens de Jurivie, qui sont des gens provie qui étaient contre depuis le début, on n'estimait pas qu'il y avait de dérive. Alors, je voulais juste vous souligner ça.

Et ce que je veux vous souligner, c'est que notre loi, elle n'est pas comme la loi de la Belgique. Donc, je trouve ça bien intéressant qu'on vienne nous dire : Faites attention, il y a des décès qui... sur des gens qui pouvaient avoir des années devant eux à vivre, mais c'est parce que justement, dans la loi belge, il y a deux réalités : il y a le «brève échéance» et il y a le «pas brève échéance», où il y a des critères supplémentaires, et c'est ce qui le permet. Mais ici, nous, on est dans un contexte de fin de vie, la personne doit être en fin de vie, c'est une différence importante. Et l'autre différence importante, c'est que la personne ne peut pas être affligée d'un handicap. Ça doit vraiment être, pas un état, mais bien une maladie grave et incurable, ce qui est une autre différence importante. Ça fait que je ne sais pas si vous voulez réagir à ces éléments-là. Parce que j'ai plein de questions, mais je voulais préciser certaines choses.

Le Président (M. Bergman) : Dr. L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : D'abord, je vous rejoins dans l'importance de la diffusion de la culture palliative, mais le problème antinomique de diffuser une culture palliative qui, en même temps, à l'intérieur du terme «soins de fin de vie», place les soins palliatifs et l'aide à mourir — que nous, on appelle euthanasie — sur le même pied... La réalité, en Belgique, c'est que les patients se font offrir : Voici ce que sont les soins palliatifs, puis sinon il y a l'euthanasie. Et ce n'est peut-être pas tout le temps comme ça, mais c'est suffisamment souvent pour que ça soit très inquiétant et que ça contrevienne à cette culture palliative qu'on veut développer parce que justement il y a un choix à la carte qui devient offert aux patients.

La question du Collège des médecins, le continuum de soins, c'est vrai qu'on n'est pas d'accord avec cette idée qu'a avancé le collège, cette idée que des médecins belges ont aussi reprise après l'adoption du projet de loi en développant le concept de soins intégraux au lieu de soins palliatifs puis en disant : L'euthanasie en fera partie, comme quelque chose de continuité. Mais, comme je vous dis, dans la loi belge et dans la conscience de probablement beaucoup de monde, ça reste qu'on transgresse un interdit fondamental qui est présent depuis des millénaires dans les civilisations humaines. Alors, c'est sûr qu'on peut se développer un discours rationnel pour essayer de contourner le sentiment quand notre petite voix intérieure nous dit : Ce n'est probablement pas quelque chose qu'on devrait faire, mais qu'on se trouve une rationnelle théorique pour le faire, on a le droit, mais on ne peut ne pas être d'accord.

• (11 h 30) •

Au niveau des termes «soins palliatifs», «de fin de vie» et le projet de loi, que le projet de loi ait fait ce choix-là, je l'entends. Au niveau de la politique, j'ai toujours trouvé que le titre n'était pas en accord avec le contenu parce que, quand on lit le contenu de la politique de 2004, elle parle de l'ensemble des soins palliatifs, elle remet même en question les critères pronostiques comme un critère d'accès aux soins palliatifs justement parce qu'elle parle de l'ensemble des soins palliatifs, cette politique, et non pas de simplement la fin de vie.

Et, pour la Belgique, bien, quelques commentaires sur vos points. C'est certain que vous dites que la loi n'est pas comme celle de la Belgique, mais le tableau qu'on vous montre, quant à moi, il n'est pas le même, dans le sens qu'il ne dit pas : On dépénalise l'euthanasie. Les juristes, dans leur rapport, ont trouvé une façon de dire : On ne contourne pas le Code criminel, on en fait quelque chose qui est balisé par les soins. On verra si ça tient la route sur le plan juridique, s'il y a des gens qui le remettent en question. L'objet aujourd'hui, ce n'est pas ça.

Mais l'enjeu des interlocuteurs, quand vous nous dites qu'il y avait des gens contre, on l'a constaté, mais la liste qu'on vous a… On a repris la liste que vous avez mise dans le rapport. Les médecins ou les milieux de soins… On n'a pas regardé les Jurivie et autres organismes qui n'étaient pas dans la santé comme tels, mais ceux qui sont des gens qui pratiquent la médecine ou qui sont des milieux de soins. Même un que vous dites, dans les deux derniers, qui était contre, nous, on sait qu'elle en pratique, cette personne. Donc, c'est difficile de voir, dans cette liste, qu'il y avait des gens impliqués sur le terrain à donner des soins, qu'il y en avait qui étaient contre et qu'on voie l'affirmation que les milieux ou les médecins qui n'en pratiquent pas ou qui sont contre ne concèdent pas les dérives.

Puis cette question des dérives, c'est toute une question d'interprétation. Qu'est-ce qui est exceptionnel? Puis est-ce qu'une croissance lente de 18 % à 26 % est vraiment lente? Donnez-moi ce rendement-là sur mes fonds de pension puis je vais être très heureux. Ce n'est pas lent, 16 % à 18 %. Je regrette, ce n'est pas lent. Dans le commun des mortels, dans l'opinion publique, ce n'est pas une croissance lente. Et, à ce rythme-là, ça double aux quatre ans. Puis ce n'est pas une courbe qui est en train de s'arrêter, en Belgique, et ils ont 10 ans d'expérience. Mais tirons leçon de cette expérience pour réaliser que ça risque de nous arriver aussi. Parce que les critères, dans notre loi, sont moins précis que ceux de la Belgique parce que justement il n'y a pas cette notion de brève échéance. Mais l'interprétation de…

Je ressors le terme exact de votre projet de loi, à la page 12 du tableau, qui dit que la personne «est atteinte d'une maladie grave et incurable; sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible». Sauf qu'il y a bien des personnes... et même en Belgique, la notion de brève échéance a nécessité l'interprétation de la commission de contrôle. À toutes les fois qu'il y a des termes aussi vagues qui laissent place à interprétation et que l'interprétation également… que c'est la personne qui juge les conditions que c'est tolérable ou pas ses souffrances ou les moyens utilisés pour le faire, on laisse place à beaucoup de subjectivité et à beaucoup d'interprétation a posteriori par ceux qui seront chargés d'appliquer la loi. Et ça, c'est l'ingrédient qui a fait que la situation évolue comme elle évolue en Belgique. Et, dans votre projet de loi, il y a les mêmes ingrédients de liberté d'interprétation et de place d'imprécision qui va permettre ces interprétations de plus en plus larges avec le temps. Au début, les gens vont se garder une petite gêne, puis ils vont dire : Bien, là, passé un mois, c'est un peu… Mais, dans quelques années, ça va être… quelques mois, ça ne sera pas nécessairement rare. Parce que c'est ça qui s'est passé.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Merci, Dr L'Heureux, M. Richard, de prendre le temps de venir échanger avec nous. Je suis extrêmement intéressée par l'analyse que vous faites actuellement puis vos échanges avec la ministre sur toute la question de l'aide médicale à mourir. Une réflexion comme ça, je pense, c'est essentiel pour les parlementaires. Le projet de loi comme tel sur les soins de fin de vie…

Puis là je pose une question parce que je pense que l'objectif, c'est aussi de réfléchir à voix haute entre nous et d'échanger sur certaines possibilités. Est-ce que vous croyez qu'il serait opportun que l'aide médicale à mourir fasse l'objet d'un projet de loi distinct et, donc, qu'un projet de loi encadrant les soins de fin de vie, les soins palliatifs... Je ne sais pas. Est-ce qu'il est nécessaire, considérez-vous qu'il est nécessaire, considérez-vous qu'il est toujours nécessaire d'inclure le droit, prévu à l'article 5 du projet de loi, pour tout citoyen du Québec d'avoir accès à des soins palliatifs, à des soins de fin de vie ou est-ce que… Et est-ce qu'on devrait penser peut-être à, compte tenu de la réflexion que vous faites puis compte tenu que, dans le projet de loi, on a quand même énormément d'articles qui se réfèrent à l'aide médicale à mourir… Lorsqu'on pense de l'introduction, de la mise en place d'une commission sur les soins de fin de vie, si je prends votre réflexion puis si on regarde le mandat de la commission, cette commission-là va surtout se pencher sur l'aide médicale à mourir, sur l'administration de l'aide médicale à mourir puis sur certains cas, beaucoup plus que, par exemple, je crois, les services qui sont offerts dans les maisons de soins palliatifs et dans les établissements comme le vôtre. Est-ce que ce serait, à ce moment-là, une voie? Parce qu'à partir du moment où on s'oppose à inclure «aide médicale à mourir» dans les soins de fin de vie, bien il faudrait peut-être l'exclure du projet de loi. Je vous pose la question.

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : Écoutez, c'est une question complexe parce que ce n'est pas tant le fait que ce soit dans deux projets de loi ou dans le même qui est le problème, le fait est que c'est la confusion des définitions qui met les soins palliatifs et l'aide à mourir dans un même tout, un même ensemble de continuité et qui dit : C'est deux dimensions d'un continuum de soins. Le problème de fond, il est là. Mettez-le dans deux projets de loi séparés, si cette définition-là apparaît dans le deuxième sur l'aide à mourir puis qu'elle met le lien avec les soins palliatifs, on aura le même problème.

C'est sûr que les articles 4 à 12 du projet de loi, le fait de pouvoir avoir une chambre privée en fin de vie, le fait de reconnaître le droit, les directives médicales anticipées, c'est toutes des bonnes dispositions, en théorie, du projet de loi, si elles ne viennent pas associer avec le concept des soins palliatifs celui de l'aide à mourir comme un soin. À partir du moment où ça n'est pas là, nous, on n'est pas d'accord que la société ouvre la porte à l'aide à mourir. Si jamais le législateur décide de le faire quand même, ça lui appartient, mais jamais vous ne nous ferez dire qu'on est d'accord dans une position de compromis avec une façon différente de le faire. Mais, à tout le moins, si vous préservez l'identité et l'intégrité des soins palliatifs tels qu'ils ont été bâtis depuis 50 ans sans les associer d'une manière ou de l'autre à une continuité de soins avec l'euthanasie, c'est sûr que ça serait un plus. Mais ça ne veut pas dire pour autant que c'est un assentiment de notre part à dire que l'aide à mourir, c'est quelque chose de bien pour notre société.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je comprends bien votre point, d'où la question, c'est-à-dire : Est-ce qu'il y a une nécessité d'encadrer, à l'intérieur d'une loi, l'offre de soins palliatifs au Québec? Est-ce qu'il y a une nécessité de donner, d'encadrer le droit aux soins palliatifs au Québec? Croyez-vous qu'on doit… est-ce nécessaire…

Si on tient votre raisonnement, si on prend votre raisonnement et que vous étiez placé dans la position d'un d'entre nous, c'est-à-dire à titre de législateur, le projet de loi, vous le rejetteriez parce qu'il comprend des éléments avec lesquels vous n'êtes pas en accord. Donc, est-ce que vous avez, à l'intérieur du projet de loi... Je vais retourner ma question : Est-ce qu'il y a des éléments dans le projet de loi, qui, pour vous, sont essentiels et qui sont nécessaires à la bonification de l'offre de soins palliatifs au Québec?

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

• (11 h 40) •

M. L'Heureux (Michel) : Je ne suis pas certain qu'on a absolument besoin d'une loi pour l'aspect de promotion des soins palliatifs, dans la mesure où, de plus en plus, tous les établissements de santé sont soumis à un agrément qui intègre de plus en plus des normes qu'une bonne pratique et une bonne organisation de services doit inclure des soins palliatifs. Et ces normes d'agrément sont très exigeantes. Alors, est-ce qu'on a besoin d'une loi pour dire qu'on doit rendre accessibles les soins palliatifs au Québec? Je ne suis pas absolument certain parce qu'il y a tellement d'autres mécanismes qui nous ont fait faire énormément de progrès depuis 10 ans que ce n'est pas sûr que ça prend une loi pour ça.

Les directives médicales anticipées, c'est certainement un plus dans le projet de loi. C'est complexe, c'est peut-être un peu lourd, ça nécessite un encadrement juridique parce que ça peut… on joue dans la notion du consentement. Alors, probablement que ça, ça nécessite d'être régi par un projet de loi. Mais vous en avez fait un chapitre à part, de toute façon. Que ce soit un chapitre à part ou une loi séparée, pour moi, ce n'est pas un enjeu. Mais l'aspect de dire que les soins palliatifs doivent être encadrés par une loi pour leur conférer un caractère obligatoire, je pense qu'il est déjà obligatoire juste par les normes d'agrément qui s'implantent de plus en plus et que ce n'est pas absolument nécessaire d'ajouter une loi pour les soins palliatifs.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Sur la question, j'aimerais vous entendre justement sur la question des directives médicales anticipées parce qu'il en a été peu question dans votre présentation. Qu'est-ce qui, à votre avis, mérite peut-être d'être précisé davantage?

Le Président (M.Bergman) : Dr. L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : Je vais vous dire, on n'a pas vraiment analysé cette dimension. J'ai simplement, par expériences antérieures à ma vie, à La Maison Michel Sarrazin été confronté à des situations de consentement dans des situations où possiblement que des directives anticipées auraient aidé à solutionner des situations litigieuses. Alors, c'est pour ça que je pense qu'il y a un plus à aller vers ça, mais sans que je puisse me prononcer, parce que je n'ai pas analysé de façon très précise les dispositions du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce qu'il y a d'autres éléments à l'intérieur du projet de loi qui seraient essentielles, qui feraient en sorte d'aider ou de faciliter votre vie comme établissement et faciliter le travail et la dispensation des soins un peu partout sur le territoire? Parce que vous avez aussi une connaissance vaste de la question sur le territoire du Québec.

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : C'est très difficile à trouver des éléments positifs, tant qu'ils sont formulés comme ça, associés à l'aide à mourir. Parce que, même s'il y a les articles 14 et 65, qui permettent aux maisons de ne pas être tenues d'en faire… Je prends d'emblée une parenthèse pour dire, par rapport à la discussion qui a précédé, avec l'Alliance des maisons : Faire faire l'euthanasie ou l'aide à mourir par une équipe volante qui viendrait comme un tiers dans la maison, c'est aussi irrecevable, à mes yeux, que de ne pas en faire soi-même. Vous savez, les familles se parlent au salon, à la salle à manger. Tout se sait dans une maison. Et on ne peut pas garder une image ou un message fort comme celui-là et en même temps poser des gestes qui viennent entacher la crédibilité de ce message-là. Alors, pour moi, c'est incompatible de penser qu'on pourrait garder des personnes pour qu'un tiers vienne le faire dans les murs d'une maison. Puis vous avez tous les impacts que ça aurait sur les autres patients, sur les autres familles, qui pourraient se poser la question : Bien, ils disent ça, mais, en même temps, je suis venu ici parce que c'est ça, puis là, bien, non, ils rouvrent la porte par en arrière.

Pour revenir à la question, donc : Est-ce qu'il y a des éléments dans ce projet de loi là?, c'est sûr, on le dit dans le mémoire, sur le moyen et long terme, les maisons, même si elles tiennent la position de ne pas en faire, vont vivre très difficilement la capacité de maintenir cette position dans le long terme à cause des pressions qu'elles vont subir, du discours qui va se faire à l'effet que les soins palliatifs, dans le fond… Parce que c'est ce qu'une des maisons, en Belgique, vit, et c'est ce que des unités de soins palliatifs qui ne font pas d'euthanasie vivent, se faire dire que leurs soins palliatifs, à un moment donné, deviennent futiles et cruels, se faire dire que les… ils sont… se faire dire : Bien, si vous les laissez mourir à petit feu comme ça, on va vous couper le financement. Ça, ça fait partie d'une certaine…

Parce que le militantisme n'arrête pas le lendemain que le projet de loi est adopté. Parce que le militantisme continue parce qu'après ça il y a une volonté de vouloir l'étendre, de vouloir des nouveaux amendements, de vouloir un élargissement et de mettre de la pression sur les institutions qui n'en offrent pas. C'est la réalité de la Belgique, ça sera la réalité du Québec. Et c'est clair que les maisons auront à naviguer dans un environnement qui parfois deviendra peut-être hostile parce qu'elles maintiennent une position de ne pas en faire. Donc, pour moi, c'est difficile de voir du positif dans le projet de loi tant qu'il va maintenir cette association et qu'il va introduire l'aide à mourir comme quelque chose qui fait partie des soins palliatifs.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, il vous reste neuf minutes. Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci. Alors, maintenant, j'aimerais poursuivre en se mettant de la perspective du citoyen. Donc, c'est sûr que nous, on vous entend comme maison de soins palliatifs. Vous parlez aussi des soignants, la souffrance des soignants, je vais y revenir parce que je pense que c'est un élément important qu'il ne faut pas sous-estimer. Mais je pense que la souffrance des soignants, elle est déjà présente dans beaucoup de situations, et c'est une réalité de la pratique de la médecine, évidemment, à l'heure actuelle. Perspective du citoyen, donc. Alors, on l'a vu la semaine dernière, on a Dr Low qui a fait un appel en prévision de son décès qui est survenu huit jours après qu'il ait enregistré une vidéo demandant qu'on considère — il s'adressait au gouvernement fédéral — la possibilité, donc, de prévoir le suicide médicalement assisté. Lui, c'est les termes qu'il employait. Dr Low, on pourrait s'imaginer qu'étant un médecin, qu'étant quelqu'un de très reconnu, j'imagine qu'il était capable d'obtenir des soins pour diminuer ses souffrances. En tout cas, je trouve ça surprenant si ce n'est pas le cas, mais c'est peut-être possible, là. Mais il disait : Vivez quelques heures... j'aimerais ça que quelqu'un vive quelques heures dans mon corps et qu'il continue à dire que ça n'a pas de bon sens de penser, par exemple, à pouvoir permettre une aide en fin de vie pour mourir.

On a M. Georges C. qui a fait l'objet, dans Le Soleil, de deux articles, au cours des dernières semaines, qui, il y a quelques semaines, demandait... Il était dans une unité de soins palliatifs dans un hôtel de Québec et il demandait que le projet de loi n° 52 passe parce qu'il vivait des souffrances excessivement pénibles. Il n'était pas laissé à lui-même, là, il était dans une unité de soins palliatifs. Et là, en date d'hier, il y a un autre article qui nous dit qu'il est décédé. Sa femme continue à demander qu'on adopte le projet de loi n° 52 parce que finalement il a eu une sédation palliative terminale, mais ce n'est pas ça qu'il voulait. Et lui l'a eue au bout de semaines de souffrances et à essayer de convaincre une équipe médicale.

Alors, je pense que c'est important de... Ça peut apparaître des cas anecdotiques pour certains soignants, mais, pour les gens qui sont dans la position dans laquelle on est, on n'a pas le choix d'entendre ces cas-là. Vous-même, vous avez reconnu, dans votre mémoire, lors des travaux de la commission, qu'il y avait de 5 % à 6 % des gens que vous receviez à Michel Sarrazin qui avaient des souffrances réfractaires et pour lesquels vous deviez en arriver à une sédation continue. Vous me corrigerez si ce n'est plus le cas.

Et il y a une étude, en 2007, d'une équipe de chercheurs canadiens qui ont suivi huit services de soins palliatifs réputés du Canada, dont un au Québec, auprès de 379 gens atteints de cancer en phase terminale, et, parmi ces gens-là, il y avait 5,8 % des gens qui, le jour même, auraient demandé une aide médicale à mourir. Et, à chaque semaine, on faisait le même test auprès de ces gens-là, et ils auraient toujours formulé cette demande, ce qui, je pense, tend vers la réalisation qu'il y a des gens qu'on n'arrive malheureusement pas à soulager de leurs souffrances malgré qu'ils soient dans des meilleures unités.

Donc, c'est sûr que j'aimerais vous entendre là-dessus. Et je vous amène sur le point parce que vous allez probablement m'invoquer... Je suis au résumé de votre mémoire, à la page 3, le point d, et vous parlez de l'impuissance des soignants, qu'il faut admettre, il faut admettre qu'il y a des situations d'impuissance. Et vous dites : «Refuser de reconnaître cette impuissance peut procurer une illusion de toute-puissance de l'humain, par la science, sur la vie et la nature. L'environnement en fin de vie est fragile et, pour le préserver, nous privilégions un lâcher-prise, plutôt qu'une ultime recherche de contrôle.»

Mais moi, je me demande qui décide de ce lâcher-prise-là. Est-ce que c'est le soignant qui doit dicter au patient qu'il doit lâcher prise, et donc qu'on ne peut pas tout contrôler, et que c'est au patient de lâcher prise? Et au bénéfice de qui? Je comprends que, pour le soignant... Puis, je vais vous le dire comme on l'entend, là, il y a beaucoup de gens qui nous disent : C'est sûr que c'est plus confortable pour les soignants de ne pas faire face à ces demandes-là ou à cette réalité-là, mais qu'est-ce qu'on fait de la perspective du patient? Est-ce qu'on lui impose un lâcher-prise pour faire en sorte que les soignants qui sont en soins palliatifs puissent ne pas souffrir de ces demandes-là? Puis…

Le Président (M. Bergman) : ...

Mme Hivon : Oui, O.K. Bon, allez-y.

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : On fera les deux...

M. Richard (Louis-André) : Oui. J'aimerais réagir tout d'abord...

Le Président (M. Bergman) : M. Richard.

• (11 h 50) •

M. Richard (Louis-André) : Merci. Cette citation que vous faites, il ne faut pas l'interpréter comme vous le faites. En fait, ce n'est pas notre intention. Nous, on fait simplement exprimer par là l'expérience de la maison. Parce que cette question du lâcher-prise, ce n'est pas seulement pour le médecin, c'est l'expérience des patients qui, en toute fin de vie — et c'est le lot de tous les êtres humains — doivent lâcher prise, laisser la famille, laisser les biens, et tout. C'est dans ce sens-là seulement que c'est utilisé, pas comme quelque chose de moralisant, qui devrait être une espèce de ligne de conduite à imposer au médecin traitant.

Pour ce qui est de la question des exceptions, nous, nous en avons traité, et moi, je suis toujours ébahi devant le fait… devant la façon dont vous amenez la chose. Il y a des exceptions, c'est entendu. Du point de vue politique, ça peut toujours arriver, une exception. La question, c'est de savoir comment on compose avec cette exception. Nous, notre position, c'est qu'on n'a pas besoin de toucher à la loi, on n'a pas besoin d'en faire une. La façon de gérer les exceptions… et, surtout quand vous donnez comme exemple des gens qui passent par les médias, il faut être très, très, très prudent sur la façon d'interpréter ces cris du coeur via les médias, parce que ça, ce n'est pas la vraie vie. Il y a des combats, et souvent des combats politiques, derrière.

Encore une fois, dans les maisons, à Michel Sarrazin en particulier, il y a très, très peu de demandes et des demandes qui se métamorphosent en cours de route sur la base qu'il y a une relation qui s'établit entre les personnes, puis cette espèce de lâcher-prise auquel on fait référence est une réalité qu'on expérimente. Nous, là, c'est ça qu'on cherche à protéger. On cherche à le protéger pour les patients de la maison, pour tous ces citoyens qui se ramassent chez nous et qui doivent faire face à cette condition terrible à laquelle nous devons tous faire face. Et l'expérience, depuis le début, tend à montrer, toujours en reconnaissant qu'il pourra y avoir des exceptions et qu'une exception doit rester une exception... Les chiffres auxquels le docteur L'Heureux faisait référence tout à l'heure, pour moi, sont très éloquents.

Quand on change la loi, quand on en crée une et qu'on permet l'aide médicale à mourir, donc l'euthanasie, ceci a une conséquence directe sur ce qu'on appelle le tissu social. Je connais des gens dans mon entourage qui se disent pour l'euthanasie parce qu'ils ne veulent pas souffrir, et j'en suis, c'est-à-dire je ne veux pas souffrir. Mais, quand j'entends les gens parler comme ça et que j'ai l'occasion de leur expliquer, ils comprennent très bien par la suite. Il n'y a pas de raison d'aller si vite avec un projet de loi comme celui-là puisque toute l'éducation est à faire, encore. Et il faut entendre le citoyen de la bonne façon, entre ce qu'il perçoit, qui est, je dirais, propulsé par sa peur, puis ce qu'il vit réellement en fin de vie. C'est de ça dont nous, on veut témoigner, ce qui se vit réellement en fin de vie dans une maison où l'expérience montre que si, majoritairement, les intervenants en soins palliatifs sont frileux avec l'idée de votre projet de loi, c'est qu'il y a une expérience derrière qui les amène à ce frisson. Et c'est ça que je pense que vous n'entendez pas toujours bien.

Vous avez fait allusion, Mme Hivon, tout à l'heure, à la position du Collège des médecins qui disaient qu'ils entendaient, eux, des médecins qui se trouvaient dans des situations difficiles puis qui demandaient cette loi-là pour leur faciliter la tâche. Moi, j'aimerais bien savoir lesquels, c'est-à-dire lesquels dans le sens de quelle spécialité proviennent-ils, parce que mon expérience, notre expérience de ceux des médecins qui oeuvrent en soins palliatifs — et vous les avez entendus à la commission — donc ceux qui sont directement concernés par le sujet, très majoritairement, sont frileux.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion.

Mme Hivon : Je veux juste dire, parce que je vous suis parfaitement, ce n'est pas la même chose pour une personne qui n'est pas dans une situation de fin de vie que celle qui est dans une situation de fin de vie. C'est pour ça que, dans mes remarques, j'ai parlé de deux cas, de deux personnes qui, oui, ont interpellé les médias, mais moi, je pense que, quand tu es en fin de vie puis que tu interpelles les médias, c'est peut-être parce que tu vis toute une détresse, parce que tu as pas mal d'autres chats à fouetter. Et je vous soumets ça comme ça.

Et l'autre élément, c'est 5 % à 6 %... Quand je vous ai parlé des 5 % à 6 % des cas qui avaient des souffrances réfractaires, c'étaient des gens qui étaient dans des unités de soins palliatifs. Je ne vous parle pas, là, des gens en général. Je vous parle de ces gens-là en fin de vie. Je veux juste que ça soit clair.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le dernier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. J'aimerais vous poser une question, puisqu'il y a une clause qui vous touche directement. Est-ce que l'introduction de l'article 65 dans le projet de loi, qu'on nous a présenté comme étant la «clause Michel Sarrazin», est-ce que c'est une disposition qui vous satisfait ou est-ce que vous avez des commentaires additionnels à formuler sur cet article-là?

M. L'Heureux (Michel) : Bien, écoutez...

Le Président (M. Bergman) : M. L'Heureux

M. L'Heureux (Michel) : Excusez. À partir du moment où on permet à la maison Sarrazin qui, dès… c'est son origine, a dit que c'était quelque chose d'exclu dans nos murs et qu'on entend toujours maintenir cette position dans le futur, même si on sait qu'on naviguerait dans un environnement plus difficile, est-ce qu'il doit être reformulé? L'important, c'est qu'il dise ce qu'il a à dire. Ça dit qu'on peut continuer à n'offrir que des soins palliatifs — sous-entendu, incluant la sédation palliative continue — et qu'on n'est pas tenus d'ajouter dans l'offre de services, en tant qu'établissement, l'aide médicale à mourir. C'est certain que, pour nous, c'est important de préserver cette idée. Quelle que soit la manière que vous le nommez, il faut préserver cette idée. C'est certain qu'on n'est pas à la merci qu'un législateur, dans 10 ans, dans 15 ans, décide de retirer cet article-là, et c'est pour ça qu'au départ on préférerait qu'il n'y ait pas d'aide à mourir dans la loi. C'est ça, puis…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Donc, est-ce qu'il serait, advenant… Bien, évidemment, on doit regarder toutes les options de… en tout cas, à titre de parlementaires, voir... ne sachant pas de quelle façon... quel sera le projet de loi qui ultimement sera présenté devant les parlementaires. Est-ce qu'il serait opportun de dire clairement qu'on vous dispense d'offrir l'aide médicale à mourir? Parce que ce n'est pas clairement indiqué comme tel dans le libellé de l'article 65, puisqu'on dit «n'offre que des soins palliatifs». Mais, bon, est-ce qu'il devrait être spécifiquement défini que vous n'avez pas d'obligation ou vous êtes dispensés d'offrir l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : C'est vrai autant pour la maison Sarrazin que pour l'ensemble des maisons dans l'article 14. Quand on fait des phrases par la négative ou qu'on dit… qu'on sous-entend, à travers un phrase pour les maisons, que… doit indiquer au patient, avant qu'il fasse une demande, quels sont les soins de fin vie qu'elle offre, sous-entendu qu'elle pourrait en retirer dans la liste, dont l'aide à mourir, ce n'est pas la même chose que de dire que la maison peut choisir de ne pas offrir l'aide à mourir. Ça, c'est certain qu'une phrase directe est beaucoup plus claire qu'une façon de le décoder à travers la lecture du projet de loi ou à travers la lecture de l'article par un sous-entendu. C'est vrai aussi pour l'article 65. À partir du moment où on l'affirme plus clairement que par une négative, c'est certainement plus acceptable ou, en tout cas, plus clair pour tout le monde.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. Vous avez devancé ma question. Je vais céder la parole à mon collègue.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Oui, moi, je voulais revenir là-dessus. Bon, mettons l'hypothèse qu'on comprend que vous êtes contre, mais, advenant le cas que le projet de loi passe et qu'au Québec soit disponible l'aide médicale à mourir, vous seriez pour qu'au moins les maisons de soins palliatifs, ce soit clair qu'elles affichent leur choix. Et ce sera le choix du patient, à ce moment-là, s'il va là ou pas, mais, s'il va à la maison de soins palliatifs, il peut s'attendre — et c'est à peu près certain — qu'il n'aura pas l'aide médicale à mourir. Il va avoir la sédation palliative, mais il n'aura pas l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : Oui, mais il faudrait aussi que ce soit clair qu'en tant qu'établissement — moi, j'occupe à la fois la fonction de directeur général et de DSP — il faudrait que ce soit clair que, si un patient fait la demande quand même, on n'est pas assujettis à tout le processus de la loi et que… parce que, sinon, ça devient, par en arrière, être obligé de s'assujettir indirectement à… Et moi, je ne voudrais pas avoir, comme DSP, l'obligation de trouver un autre médecin dans un autre établissement pour… ou trouver un hôpital prêt à reprendre le patient. Mais, selon le processus que la loi édicte, alors c'est sûr qu'il faut que ça soit, le plus possible, clairement défini. Je n'avais pas vraiment réfléchi à cette question, mais vous la posez, puis là je réfléchis tout haut en voyant venir que, oui, effectivement, il y a, à cause de la nature de notre établissement, une mécanique à laquelle on serait assujettis, même si on dit d'avance…

Parce que ça ne veut pas dire qu'un patient ne le demandera pas en cours de route ou ne voudra pas signer un formulaire que la loi aura prescrit pour le faire. Mais, encore là, même si on met toutes ces balises-là, le dommage, ça va être l'effet des pressions de l'environnement pour changer nos positions, pour se faire dire que ce qu'on fait n'est plus acceptable, est inhumain, qu'on n'a pas de compassion pour les M. Georges et les Dr Low de ce monde, alors que ce n'est pas vrai.

• (12 heures) •

Il y a 10 jours, on avait un colloque. Il y avait 140 personnes de soins palliatifs qu'on a réunies, le Colloque Yves Quenneville, qu'il s'appelle. D'ailleurs, je veux remercier la ministre pour l'aide discrétionnaire qu'on a eue pour la tenue de ce colloque. On était sur cette question, mais on a placé les soignants dans une posture de se rappeler les situations difficiles où il y avait des demandes de patients pour mourir et comment elles avaient soit bien évolué soit mal évolué en termes de qu'est-ce qui étaient les approches, qu'est-ce qui avait changé la donne ou qu'est-ce qui n'avait pas bien fonctionné. Et, parmi les éléments, il y a la notion de temps dont je vous ai parlé tout à l'heure, mais il y a aussi toute cette posture de rester en relation, de rester accompagnant sans juger cette personne, de lui garantir qu'on ne l'abandonnerait pas, qui était beaucoup plus efficace que de travailler dans un discours rationnel d'essayer de la convaincre de changer d'idée.

Le lâcher-prise, ce n'est pas la convaincre de lâcher prise, c'est le soignant, de dire : J'atteins mes limites et j'accepte avec humilité de les partager, même avec le patient, puis de lui dire : Regarde, je suis aussi impuissant que toi dans la situation, mais je vais être encore là demain, je ne t'abandonnerai pas. Et c'est étonnant comment, à travers cet échange et cette admission d'impuissance, parfois il y a de l'imprévu et de l'inattendu qui se passe. Je n'ai pas le temps, avec le temps qui est limité, de vous raconter des histoires particulières, mais il y en a autant, d'histoires particulières qui ont évolué, où les demandes ont changé, dans des situations qui avaient l'air dramatiquement sans issue qu'il y en a d'histoires tristes qui sont médiatisées puis qui peut-être auraient pu évoluer différemment s'il y avait eu une autre approche d'intervention avec eux. Puis je ne veux pas blâmer, je ne veux pas juger, on ne connaît pas toute la vérité de chacune de ces histoires. Et il faut faire attention, comme élus, d'avoir un sentiment d'urgence d'agir à toutes les fois qu'il sort une situation de détresse comme celles-là dans les médias. Et c'est pour ça qu'on pense qu'il n'y a pas d'urgence d'agir.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste une minute.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, merci, M. le Président. Moi, je sais que, dans ce dossier-là, toute la question de la fin de vie, il y a toujours des situations qui sont difficiles, quelle que soit la loi. Mais un des problèmes que nous avons, lorsque ce n'est pas clair... Entre autres, vous avez dit : La définition des termes doit être claire, l'attente du patient doit être claire, la position de l'établissement doit être claire. Mais, quand on part par la négative ou qu'on fait des sous-entendus un jour, oui, quelqu'un qui est militantiste, d'un côté ou de l'autre, va utiliser la loi en faisant des propositions ou en ayant des prétentions, mais la réalité, c'est parce que la loi n'aura pas été claire. Notre rôle de législateurs, là, si on allait dans ce sens-là, c'est au moins de mettre des balises de protection puis de s'assurer que tous comprennent la même chose par rapport à l'application de la loi.

Mais moi, ma notion, c'est : quel que soit l'état du droit, il y a toujours des situations qui sont difficiles. On est en fin de vie, et il y a toujours des situations très particulières qu'il va falloir gérer au cas le cas. Et la loi ne pourra pas tout prévoir, mais au moins mettons une loi qui répond à la clarté pour que les gens sachent à quoi s'attendre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps de l'opposition officielle s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Vous avez mentionné dans votre intervention, au début, que, malheureusement, dans le projet de loi, on nommait les termes, mais on ne les définissait pas. Lesquels, selon vous, devraient être définis?

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : À partir du moment où on choisit d'intégrer la notion de soins palliatifs dans la loi, je pense qu'il faut définir «soins palliatifs» puis il y a des définitions reconnues. Celle de l'OMS est certainement la meilleure.

«Sédation palliative continue», où la définition permettrait de bien préciser qu'on est en phase terminale, que la personne s'endort et ne se réveillera pas, qu'elle va mourir de sa mort naturelle mais en étant en sédation. Les définitions de «sédation palliative continue», il y en a plusieurs très bonnes dans la littérature scientifique. L'association canadienne, américaine, européenne, française, ils ont des belles définitions de la sédation palliative continue.

Je pense, c'est les deux termes qu'on vous invitait à regarder au lieu de «sédation palliative terminale» puis de définir les soins palliatifs sans y intégrer toute notion d'aide à mourir ou toute notion qu'on peut hâter la mort ou la provoquer. Et je pense que, si vous devez laisser ces notions dans le projet de loi, vous devez les définir. La troisième, on ne vous suggère pas de la définir, on vous suggère de la retirer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Vous avez aussi mentionné l'expérience de la Belgique, là, dont on a fait état à plusieurs reprises depuis le début de la commission. Ce qui nous avait été rapporté et moi, ce que j'ai lu, là, en me préparant, c'était finalement que l'expertise de la Belgique n'était pas tant qu'il y avait de la dérive qui faisait que le nombre de cas augmentait de façon annuelle, mais bel et bien qu'il y avait une acceptabilité grandissante au niveau de la société et que, bon, la pratique étant bien mieux connue, je dirais, et sans dérive faisait en sorte que de plus en plus de gens, de plus en plus de patients adhéraient à cette pratique-là et à cette demande-là. Alors, ce que je comprends de votre intervention, c'est que vous n'avez pas eu du tout les mêmes échos. J'aimerais vous entendre à cet égard.

Le Président (M. Bergman) : Dr L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel) : Bien, vous venez, dans votre propre question, d'amener un élément de la réponse. L'intention initiale… Je n'étais pas en Belgique en 2002 quand le débat a commencé, mais, si on regarde notre propre débat, on a un Collège des médecins qui veut introduire la notion de l'euthanasie dans des circonstances très précises d'écourter des agonies difficiles. Puis on est rendus avec un projet de loi qui ressemble à la Belgique, où on permet à des gens, des mois avant leur décès, qui ont des souffrances réfractaires qu'eux jugent intolérables, avec un cadre qui dit : Une maladie incurable avec une déchéance avancée… Mais «avancée», ça peut être… il peut rester encore un an de survie. Je veux dire, on n'est pas dans un cadre où on vient avec l'intention initiale de dire : Ce sont des exceptions, puis ce sont des cas très rares et isolés. On est rendus où ça devient justement une conception sociale acceptée que, quand on arrive en fin de vie, on peut choisir les soins palliatifs, ou l'euthanasie, ou faire un bout de soins palliatifs puis, à un moment donné, dire : C'est assez, ma vie est accomplie, je suis tanné de souffrir.

Et il y a des recherches qui ont analysé… qui ont catégorisé les personnes qui font des demandes d'euthanasie ou d'aide à mourir en quatre ou cinq catégories. Il y a celles pour qui c'est une notion de contrôle absolu : J'ai le droit à déterminer quand est-ce que je veux mourir. Et puis ils sont malades, là, on ne parle pas de gens bien portants. Ils sont malades, mais l'argument fort de leur demande, c'est autour de : J'ai le droit de décider quand est-ce que je veux mourir. Il y en a qui sont vraiment épuisés d'une maladie qui a été épuisante pour eux pendant des années puis qui ne fait plus de sens pour eux. Il y a ceux qui sont déprimés. Il y a ceux qui sont vraiment dans des souffrances très réfractaires, que même les souffrances physiques… et c'est dans ces cas-là, souvent, le 5 % à 6 %, qu'on va faire de la sédation. Mais on est rendus souvent… Ces souffrances réfractaires multiples, à la fois physiques et psychologiques, sont souvent seulement dans la dernière semaine de vie, et c'est là que la sédation continue peut entrer en jeu.

Mais les personnes qui perdent du sens à leur vie, qui trouvent que… ou qui ont peur de souffrir dans six mois, dans un an, ou qui ont peur d'être un fardeau pour leurs proches, ou qui ont peur de toutes sortes de choses mais qui sont anticipées et qui préfèrent mourir maintenant qu'attendre l'issue naturelle de leur maladie, c'est ça qui est permis maintenant en Belgique et c'est ça que votre projet de loi ouvre la porte clairement. Ce n'est plus la notion de la petite exception de, quelques jours avant le décès, on écourte l'agonie parce que la sédation ne s'applique pas ou la personne ne veut pas la sédation.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Dr L'Heureux, Pr Richard, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 16 heures cet après-midi. Merci, collègues.

(Suspension de la séance à 12 h 8)

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, c'est l'Observatoire Vieillissement et Société. Bienvenue. Alors, vous avez le micro. Vous nous donnez vos noms, vos titres et votre présentation.

Observatoire Vieillissement et Société (OVS)

M. Ledoux (André) : M. le Président, Mme la ministre Hivon, chers membres de la commission. André Ledoux, je suis retraité de l'enseignement, auteur de plusieurs ouvrages sur la santé et le vieillissement, et président du Comité Mourir dans la dignité de l'Observatoire Vieillissement et Société. Alors, je vais demander à mes collègues de se présenter à leur tour.

Mme Jeliu (Gloria) : Gloria Jeliu, pédiatre de profession et jeune retraitée depuis quelques années.

Mme Destrempes (Denise) : Alors, Denise Destrempes, je travaille à l'Observatoire Vieillissement et Société comme vice-présidente et je suis secrétaire au conseil d'administration de l'observatoire.

M. Tessier (Claude) : Claude Tessier, vice-président Affaires publiques pour l'Observatoire Vieillissement et Société, sociologue de profession et, dans mes temps libres, je fais des tableaux. Je n'en ai pas à vendre aujourd'hui. Et je vais laisser la parole à mon collègue André, qui est, à toutes fins pratiques, l'auteur de ce mémoire, avec qui on a travaillé très longtemps et de façon très ardue. Et je pense que vous aurez beaucoup de questions quand nous aurons terminé la livraison de ce mémoire. André.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : Alors, nous sommes très heureux, en tant que membres de l'Observatoire Vieillissement et Société, de vous présenter ce mémoire sur le projet de loi n° 52.

L'Observatoire Vieillissement et Société a été créé en 2003. Nous célébrons donc cette année son 10e anniversaire. Organisme sans but lucratif, il doit être considéré comme une structure relativement unique. L'OVS vise à promouvoir le bien-vieillir des aînés et aide la réflexion et la prise de décision individuelle ou collective sur les défis engendrés par le vieillissement de la population et ses conséquences sur la société. Son activité s'exerce dans le cadre général de la lutte à l'âgisme.

Partenaire de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, l'OVS croit qu'il peut maintenant être considéré comme une fenêtre ouverte sur notre société. L'OVS fonctionne principalement grâce au bénévolat des personnes âgées, retraitées ou préretraitées. Il compte plus de 3 500 membres correspondants. Son site Internet est consulté mensuellement par un très grand nombre de personnes. L'organisme joue un rôle de vigie sociale dans différents domaines où l'âgisme peut se manifester de façon insidieuse ou évidente : la santé, le droit, le travail, la finance, le maintien à domicile, le multiculturalisme, la retraite, les transports, etc. L'OVS exerce son rôle grâce à l'aide de vigies, qui sont des aînés volontaires, compétents dans les différents domaines d'intérêt liés à sa mission.

Le Comité Mourir dans la dignité de l'OVS, que je présidais, est formé de professionnels de la santé, de bioéthiciens et d'autres domaines. Il a été mandaté pour entreprendre une étude, concrétisée dans le présent mémoire. Considérant la divergence des opinions, nos réflexions nous ont amenés à nous poser davantage de questions que de prendre une position ferme sur le projet de loi n° 52. Le comité d'étude de l'OVS a voulu se prononcer sur le projet pour attirer l'attention du législateur sur un certain nombre de points qui l'interpellaient. Nous croyons que nos commentaires, sous forme de questions qui apparaissent dans la conclusion de notre mémoire, contribueront sans doute à bonifier cette loi sur les soins de vie.

Alors, je passe rapidement au coeur de… aux éléments essentiels de l'exposé, qui touchent la maîtrise de la souffrance, les dérives, le dérapage, le rôle des infirmiers. Et j'arrive tout de suite à la conclusion, qui est, bien sûr, la base même de notre intervention. Le comité, misant sur la sagesse et le respect des opinions démocratiques, ne prendra donc pas fermement position sur la question du mourir dans la dignité. Tout au plus, il tient à formuler les interrogations suivantes sur le projet de loi n° 52 :

Les soins palliatifs sont-ils en mesure de toujours bien contrer la souffrance morale? Au point de vue chronologique, quels critères doit-on octroyer à la fin de vie? C'est quoi, la fin de vie? Une semaine, un mois ou plus? Une personne mineure atteinte d'une maladie grave et incurable, qui répond aux critères 2°, 3° et 4° stipulés à l'article 26 n'a-t-elle pas le droit de mourir dans la dignité comme les personnes majeures? Ne s'agit-il pas d'une forme de discrimination? Le consentement libre et éclairé chez un patient en fin de vie pose souvent problème. Comment s'assurer d'une lucidité satisfaisante chez un malade pour qu'il soit apte à prendre une décision? Cette question touche surtout l'article 26 de la loi.

Comment un patient dont la situation médicale se caractérise par une déchéance avancée de ses capacités peut-il prendre une décision claire et sans ambiguïté quant à sa fin de vie? Faudrait-il donner une formation minimale en soins de vie à toutes les personnes qui y travaillent, particulièrement aux médecins chargés de l'aide médicale à mourir? La souffrance morale et psychologique peut-elle être évaluée d'une manière précise? Les balises de la future loi pourront-elles permettre d'éviter le plus possible les dérives de l'assistance médicale à mourir? Y aurait-il lieu de faire une implantation graduelle de la loi n° 52, par exemple, dans une grande ville et deux régions, pour en mesurer toute la portée?

La future loi sera accompagnée d'un guide des droits des personnes en fin de vie pour bien expliquer la situation. Que fera le 49 % de la population québécoise qui éprouve des difficultés en lecture? Des tensions pourraient-elles survenir entre les autorités gouvernementales et des établissements qui voudraient se soustraire à la future loi? Puissent ces questions alimenter la réflexion de tous ceux qui travaillent à la mise en place de la future loi et que notre intervention contribue finalement à répondre aux aspirations de la société québécoise en ce qui touche la fin de vie. Merci.

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux, merci pour votre présentation. Et maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

• (16 h 10) •

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à vous quatre, représentants, donc, de l'observatoire sur le vieillissement et la société. M. Ledoux, Mme Jeliu, M. Tessier, Mme Destrempes, donc, merci. J'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Et effectivement vous nous posez beaucoup de questions… puis pour alimenter notre réflexion. Je dois vous dire que nous alimentons notre réflexion de manière intensive depuis quelques semaines, et moi, j'ai la chance de l'avoir fait aussi depuis maintenant quelques années. Donc, c'est certain que je pense qu'on est tout le temps dans un processus continu pour approfondir cette réflexion-là.

Mais, dans un premier temps, moi, j'aimerais vous entendre parce que vous soulevez des questions, et, si vous les soulevez, j'imagine que vous aussi, vous y avez réfléchi. Vous parlez, à la page 12 de votre mémoire, du palliativisme. Vous êtes les premiers qui nous parlez du palliativisme, et j'aimerais savoir ce que vous entendez par ça, parce que vous faites référence à comment les choses se déroulent dans les unités de soins, et tout ça. Donc, j'aimerais ça que vous élaboriez sur la notion.

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : Bon. Alors, écoutez, pour nous, le palliativisme, ce serait une sorte de déformation de toute la philosophie des soins palliatifs. Je m'explique. J'ai travaillé en soins palliatifs, je travaille encore en soins palliatifs, et, dans les lieux de soins palliatifs, il s'établit des contacts entre les divers professionnels, il se crée une mentalité, une ambiance qui font que ces unités de soins palliatifs, qui croient beaucoup en leur mission, visent essentiellement à prolonger la vie, je dirais, presque à tout prix. Alors, c'est une façon de voir qui s'oppose fermement à l'esprit du projet de loi n° 52.

Alors donc, en gros, le palliativisme... qui ne touche pas, remarquez-le bien, toutes les unités de soins palliatifs, mais ça arrive dans plusieurs endroits, où il y a cet esprit de... bien, oui, un esprit de clan, entre guillemets, qui fait qu'on pense avant tout à sauvegarder les valeurs des soins palliatifs, malheureusement, au détriment d'une prolongation indue de la vie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup. En même temps, l'approche palliative en elle-même, du moins, lorsqu'elle intervient en fin de vie, on se comprend qu'elle est là pour prendre compte de la situation globale de la personne, atténuer ses souffrances morales ou physiques, s'occuper aussi, je dirais, de son bien-être global dans ses derniers moments de vie. Donc, normalement, la culture palliative, quand même, c'est assez clair qu'elle n'est pas là pour prolonger, mais, comme on nous disait ce matin, pour accompagner de la meilleure manière possible les gens en fin de vie, pour qu'ils aient le plus grand confort possible.

M. Ledoux (André) : Tout à fait.

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : Remarquez que c'est tout à fait… très subtil, là, cette question de culture palliativiste, et ça ne saute pas toujours aux yeux, puisque c'est une ambiance, une mentalité. Alors, nous en avons contre le palliativisme, cette déformation des soins palliatifs, parce que nous croyons que ça puisse nuire à des patients qui voudraient quitter plus rapidement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Vous parlez, dans votre... En fait, ce qui est intéressant, c'est que, quand on lit toutes vos questions une à la suite de l'autre, visiblement vous ne vous êtes pas cantonnés dans un seul créneau, parce qu'il y a certaines de vos questions qui pourraient nous laisser entendre que vous voudriez un élargissement de la loi et d'autres, au contraire, qui peuvent nous laisser entendre que vous voulez qu'on donne un champ plus limité à la loi.

Donc, je vous donne un exemple. Vous dites, par exemple : Est-ce qu'on ne devrait pas permettre à une personne mineure qui répondrait aux mêmes critères d'avoir accès à l'aide médicale à mourir? Je vous poserais la question aussi : Est-ce que vous vous êtes demandé si ce pourrait être le cas pour une personne devenue inapte, par exemple, qui était apte, mais qui, au fil du temps, est devenue inapte et qui aurait pu écrire dans ses directives anticipées qu'elle souhaite, dans de telles circonstances, avoir une aide médicale à mourir?

Donc, ça, ça me laisse entendre que vous pourriez nous suggérer un certain élargissement pour ce qui est des personnes qui auraient accès à l'aide médicale à mourir. Par ailleurs, vous nous dites : Il faut s'assurer clairement qu'il ne puisse pas y avoir de dérives, donc il faut avoir des critères très stricts. Donc, j'aimerais ça que vous m'expliquiez, pour vous, votre préoccupation, elle se situe à quel niveau quand on parle de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir et aux critères qui sont prévus dans le projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : …oui, Gloria.

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

Mme Jeliu (Gloria) : Écoutez, j'aimerais peut-être aborder le problème qui est particulièrement complexe, qui est celui des soins de fin de vie et nous rappeler que nous avons discuté longuement et soigneusement avec nos collègues de l'Observatoire Vieillissement et Société. Et je pense, personnellement, comme nos collègues, que la loi et que le projet de loi n° 52 s'inscrivent dans une mouvance sociétale bien précise, celle qui, depuis 30 ou 40 ans, a érigé comme principe supérieur l'autonomie de la personne. Et c'est au nom de cette autonomie que nous avons connu des avancées précises dans certains changements au niveau de la relation médecin-patient, changements qui ont transformé la relation médecin-patient, qui, souvent, était empreinte d'un certain autoritarisme, pour la transformer dans une relation basée sur l'écoute et la collaboration.

Ceci étant dit, je dirais que le projet de loi n° 52 est un projet moderne, en accord avec les désirs des bien-portants, des personnes qui ne sont pas encore vieilles. Car je nous le rappelle que, quand on est jeunes, la mort est une abstraction relativement lointaine, et, quand on vieillit, on a le nez dessus. Donc, il est important de savoir jusqu'à quel point les personnes âgées ont été réellement consultées comme groupe par rapport au contenu très précis de la loi n° 52.

Par rapport aux questions qui ont été soulevées, c'est-à-dire le rôle que la loi pourra exercer sur des mineurs et sur des adultes qui sont devenus inaptes alors qu'ils étaient relativement jeunes, je pense que la loi ne s'est pas encore clairement penchée sur cet aspect. C'est un aspect particulièrement important, et je dirais que ça représente probablement une des nombreuses pentes glissantes que la loi n° 52 peut connaître.

Je sais, et j'en suis certaine, que les personnes qui ont contribué à l'élaboration de cette loi ont été particulièrement conscientes des dérives possibles, dérives au niveau du consentement réellement libre. Or, nous savons, et vous savez tous, messieurs, mesdames, que, quand on vieillit, on devient extrêmement influençable. Et je dirais que la personne âgée qui écoute le discours ambiant actuel de la société, même s'il est fou, entend : Les vieux coûtent cher, la société s'en va à vau-l'eau parce que vous êtes là. Et, comme les personnes âgées sont relativement bienveillantes en général et particulièrement influençables, il est possible qu'elles prêtent, non pas le flanc, mais qu'elles se laissent convaincre de façon insidieuse à des ouvertures de soins de vie médicalement assistés.

• (16 h 20) •

Par rapport au sujet qui a été évoqué en tout début, c'est-à-dire le palliativisme ou ce qui se passe dans les soins palliatifs, personnellement… je ne les connais pas personnellement. Mais on peut se poser la question : Est-ce que nos législateurs et ceux qui ont contribué à fabriquer cette loi moderne, en accord avec la mouvance sociale, est-ce qu'ils ont été éventuellement informés du nombre réel de demandes d'euthanasie au sein des soins palliatifs? Moi, je ne le sais pas. Il semble bien que, dans les soins palliatifs, cette demande d'en finir est exceptionnelle. Et donc on peut imaginer et penser que, lors de l'application de la loi, il n'y aura pas beaucoup de demandes d'euthanasie ou de soins de vie médicalement assistés. C'est un euphémisme que je ne partage pas.

Il faut appeler les choses par leur nom. Quand on injecte à un patient un mélange de curare et de pentobarbital, c'est clair que, dans les minutes — je dis bien «les minutes» — qui suivent, la mort va apparaître. Quand on fait une sédation terminale avec un cocktail lithique approprié et bien fabriqué, on sait que, dans les minutes ou dans les quarts d'heure qui suivent, la personne également va s'éteindre. On peut appeler ça des soins de vie médicalement assistés, on peut aussi appeler ça du terme qui n'est pas un terme odieux et qui est celui d'«euthanasie». Sémantiquement, l'euthanasie veut dire une mort douce, donc on ne devrait pas considérer que l'euthanasie, comme mot, devrait être considérée comme une horreur.

Ceci étant dit, personnellement, je trouve que la loi est moderne, qu'elle est bien construite, qu'elle est assortie de balises extrêmement nombreuses, qui, parfois, ont un relent bureaucratique. Je ne voudrais pas m'éterniser sur cet aspect-là, mais il est certain que les balises sont là et elles sont rassurantes. Enfin, je pense que nos collègues qui ont participé à nos discussions autour du projet de loi n° 52 sont également conscients de dérives possibles, qui sont parfois inconnues aujourd'hui et qui ne pourront être connues que lorsqu'on commencera à appliquer la loi. Et c'est la raison pour laquelle notre conclusion, à l'Observatoire Vieillissement et Société, est d'aménager dans l'application de la loi une période que je pourrais considérer comme étant une période, non pas d'expérimentation, mais d'essai, de façon limitée, de manière à pouvoir bien identifier ce qui pourrait déraper et que ni vous, ni moi, ni personne ne peut identifier au jour où nous nous trouvons. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : Mme la ministre, je ne suis pas sûr que nous ayons répondu à votre question. Alors, pourriez-vous... Auriez-vous l'amabilité, s'il vous plaît, de nous rappeler votre question?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, on va retourner à la question dans le deuxième bloc.

Mme Hivon : Je n'ai plus de temps. C'est compliqué, mais je n'ai plus de temps sur mon bloc. C'est le bloc de mes collègues d'en face. Et on va revenir tantôt, donc on pourra continuer à échanger.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Alors, merci beaucoup. C'est un honneur pour moi. C'est la Journée internationale des personnes âgées, et, en face de moi, je constate qu'il y a la Dre Jeliu, qui est une personne extrêmement jeune, qui parle d'un projet de loi moderne et qui, en même temps, parle d'une forme de paradoxe à l'intérieur de ce projet de loi, où j'entends que peut-être que les aînés n'ont pas été assez consultés, une crainte de dérives, tout en parlant aussi de l'évolution de la société.

Vous qui avez été pédiatre jusqu'à tout récemment, vous qui vous préoccupez des personnes âgées et vous vous préoccupez aussi de l'évolution de notre société, peut-être une question directe : Vous dites que c'est un bon projet de loi, mais est-ce que vous avez peur de ce projet de loi? Est-ce que vous craignez… Vous avez parlé de dérives, je voudrais que vous alliez un peu plus loin. Est-ce que vous pensez que nous pourrions, nous, parce qu'on est des législateurs, on doit faire avancer le projet de loi… Qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire mieux pour faire avancer ce projet de loi là ou qu'est-ce qu'on devrait retrancher?

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

Mme Jeliu (Gloria) : Merci. Il est très probable que, lors des séances ultérieures, des organismes qui regroupent des personnes âgées viendront peut-être répondre à cette question en connaissance de cause, hein? Personnellement, par rapport aux dérives, comme tout projet d'une complexité aussi énorme et aussi nouvelle, comme tout projet, on ne peut pas tout prévoir. Et je pense que c'est là qu'est le point le plus, je dirais, dramatique, c'est qu'on ne sait pas où sont les dérives, et elles vont apparaître au fur et à mesure, que ce soit au niveau du consentement... J'ai évoqué très rapidement la qualité de bienveillance de la personne âgée, qui est, en même temps, très susceptible d'être influencée. J'ai parlé du discours ambiant de la société, où, à tort peut-être, on dit que les personnes âgées coûtent cher. Mais la personne âgée dans son coin, qu'elle soit chez elle ou dans un CHSLD, elle entend cela et, dans un mouvement, on va dire, d'altruisme, elle est peut-être plus prête à se laisser, on va dire, endormir, au propre et au figuré, que si elle était tout à fait libre de le faire. Je répondrais de cette manière-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne...

Mme Blais : Dernière question avant de passer à mes collègues. Il y a une commission qui est prévue à l'intérieur de ce projet de loi, pour, en quelque sorte, surveiller ou contenir... Est-ce que vous croyez que c'est une bonne idée, cette commission?

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

Mme Jeliu (Gloria) : Cette commission est une bonne idée, absolument. La commission, oui. Nous sommes en démocratie, et, en démocratie, on peut débattre de tout, librement et sans arrière-pensée. Et je pense que nous sommes ici pour cette raison.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Non, je parlais d'une commission qui sera mise sur pied pour être en mesure... une commission qui pourrait être à la fois... qui pourrait relever à la fois soit de la ministre, soit de l'Assemblée nationale — parce que ça a été évoqué — et qui pourrait regarder à ce que le projet de loi soit bien balisé, bien encadré, qu'il n'y ait pas de dérive possible, voir à cette évolution, là. Ça, c'est prévu dans le projet de loi.

M. Ledoux (André) : Vous parlez de la question sur les soins de vie, quoi?

Mme Blais : Oui. C'est comme ça que ça s'appelle?

M. Ledoux (André) : Qu'on retrouve à l'article 35... et 36?

Mme Blais : Oui.

Mme Jeliu (Gloria) : C'est une commission de contrôle.

Mme Blais : Une commission de contrôle.

M. Ledoux (André) : Oui, alors, bien sûr, bien sûr que, pour nous, on trouve que c'est vraiment un élément de grande sécurité pour éloigner le plus possible les dérives. C'est certain que cette commission, qui va être, en fait, le chien de garde de la loi, je crois que c'est absolument bienvenu et c'est un élément très heureux de la loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, mesdames, messieurs, merci beaucoup de venir partager vos questionnements avec nous cet après-midi. J'aimerais revenir sur la question soulevée par Mme Jeliu sur... Dans le contexte des dérives potentielles, vous avez fait état... et vous avez échangé avec ma collègue sur la question à l'effet que les aînés étaient très, très à l'écoute du discours ambiant. Et peut-être que leur consentement pourrait être affecté ou peut-être que le choix de recourir à l'un ou l'autre des différents soins de fin de vie pourrait être influencé par une perception ou une compréhension d'un discours qui est peut-être un peu alarmiste.

Comment on peut baliser? Qu'est-ce qu'on peut faire, nous, comme législateurs, pour baliser davantage? Est-ce nécessaire, le projet de loi? Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ou qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus, à l'intérieur du projet de loi, pour éviter cette situation-là? Parce qu'il ne faudrait pas attendre que la Commission sur les soins de fin de vie revienne devant... que ce soit l'Assemblée nationale ou revienne devant le ministre ou la ministre pour dire : Suite à l'adoption du projet de loi, voici les situations auxquelles on a dû faire face et voici les recommandations qu'on émet. Il faudrait éviter cette situation-là au tout début du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

• (16 h 30) •

Mme Jeliu (Gloria) : Pour répondre à votre question, madame, je répondrais de façon un petit peu imaginaire. Je ne suis pas législateur, mais je pense qu'une exploration directe dans des milieux où vivent des personnes âgées — qu'il s'agisse de CHSLD ou qu'il s'agisse de résidences privées ou de résidences, disons, publiques, il nous semblerait que ça serait l'endroit où être à l'écoute directe des personnes âgées — pourrait permette à celles-ci peut-être de s'exprimer dans le sens de la loi et peut-être de s'exprimer autrement, je ne le sais pas.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je ne peux pas m'empêcher de faire référence à un mandat d'initiative qui a été adopté par cette même commission, les membres de cette commission. On est en attente de dates justement pour un mandat d'initiative sur les conditions de vie des gens hébergés en CHSLD. Donc ça aurait peut-être été intéressant d'aborder cette question-là. Mais, comme on n'a pas de dates qui nous ont été confirmées par les leaders et puis, bon, on a priorisé d'autres choses… Mais on ne fera pas de politique.

Alors, oui, il faut être à l'écoute de nos aînés, mais, vous, comme observatoire, à titre d'observatoire, est-ce que vous avez, dans vos échanges ou dans vos travaux, pu justement capter le pouls de ces gens-là? Est-ce que vous avez pu recenser ce que les aînés pouvaient percevoir ou leur interprétation de ce qui était offert dans le projet de loi?

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux.

Une voix : …Voulez-vous répondre? Je vais répondre? ...

M. Ledoux (André) : Oui. Écoutez, en ce qui me concerne, bon, j'ai l'occasion de faire régulièrement du bénévolat dans des CHSLD, dont celui de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, et je dois vous dire que c'est bien sûr que ces personnes, ces patients, ces… oui, ces personnes, toute l'information, toute l'actualité leur échappent parce que je suis en face de gens, disons, à 90 %, qui sont dans un état à peu près neurovégétatif. Alors, ces gens… on ne peut pas échanger avec ces personnes. Alors donc, il y a une clientèle qui est complètement fermée à l'information. Et surtout, de plus en plus, dans les CHSLD, la clientèle s'alourdit, et ces gens-là n'ont pas accès aux renseignements. Alors, je pense que c'est un problème. Alors, il faut aller frapper ailleurs pour diffuser de l'information et donner des renseignements

Le Président (M. Bergman) : Mme Destrempes.

Mme Destrempes (Denise) : Je peux ajouter qu'à l'Observatoire Vieillissement et Société on a fait plusieurs projets de recherche en ce qui a trait à l'âgisme, l'âgisme dans les CHSLD, dans les résidences privées, et l'âgisme existe très fortement. C'est une mentalité qu'il va falloir changer ou amener du changement. C'est à quoi l'observatoire travaille régulièrement. Mais même on fait un travail chez les centenaires, et évidemment, oui, l'âgisme existe envers le personnel, qui va regarder la personne âgée puis lui dire : Bien, prenez vos petits bonbons roses, ma belle petite madame. Alors, ce sont des mentalités qu'on travaille à changer, à l'observatoire.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, bien, merci. Je pense que c'est très intéressant, en fait, l'échange qu'on a, beaucoup plus largement aussi que juste sur notre projet de loi. Je dois vous dire, peut-être pour vous rassurer, que, pendant les travaux de la commission, il y a 13 groupes représentant des aînés ou des personnes retraitées qui ont demandé à se faire entendre pendant la commission spéciale. Donc, il y a quand même eu un point de vue aîné qui a été entendu. Et évidemment, outre les groupes, parmi tous les citoyens qui sont venus se faire entendre dans les huit villes où on est allés, il y avait beaucoup d'aînés, si on peut dire, ou de proches d'aînés, et c'est certain que ça fait partie, tout ça, de nos éléments aussi de bagage quand on aborde ce sujet-là.

Puis, pour vous rassurer aussi, je vous dirais qu'on est d'abord et avant tout des députés ancrés dans nos circonscriptions. Moi, encore hier, j'étais, dans un CHSLD à Joliette, allée jaser avec autant des gens qui vivent là que des gens qui travaillent là, et je m'enquérais beaucoup des soins, des soins de fin de vie, de la réalité, encore une fois, de ces gens-là. Donc, je veux juste vous dire ça pour vous rassurer un peu qu'on est aussi des personnes qui sont en lien constamment avec des gens qui évoluent dans nos circonscriptions, des jeunes, des moins jeunes, des aînés, puis les différents lieux aussi.

Moi, ça m'intéresse beaucoup quand vous dites : L'espèce de contexte social peut faire en sorte que ça peut changer la perception d'un aîné, par exemple. Puis j'aimerais ça vous entendre, parce que la question du consentement, c'en est une qui est fondamentale. Il y a beaucoup de balises dans le projet de loi. Il y a M. Brunet, qui est venu, de la protection des malades, qui, lui, nous en énumérait 24, puis il trouvait que ça n'avait pas de bon… bien, il n'est pas allé jusque-là, mais il trouvait qu'il y en avait beaucoup, disons, des balises. Certains trouvent que c'est très, très encadré. D'autres, comme vous, disent : Est-ce c'est suffisamment encadré? Et, en fait, toute la question du consentement, elle est fondamentale. C'est pour ça que le coeur des conditions à l'article 26, c'est que la personne soit majeure et apte.

Donc, la recherche, dans ce projet de loi, c'est d'avoir un équilibre. Est-ce que ça veut dire que les personnes mineures peuvent être brimées? Bien, probablement, mais l'idée derrière ça, c'est de se dire : Il faut peut-être avoir atteint un niveau de maturité pour pouvoir consentir à ce type de soins là. Et toute l'évaluation du consentement, elle est vraiment centrale, d'où tout le processus de l'article 28 : deux médecins, une demande répétée dans le temps, consulter l'équipe, consulter les proches à la demande pour s'assurer qu'il n'y a pas de pression extérieure. D'ailleurs, c'est écrit noir sur blanc.

Et moi, j'aimerais savoir… Dans l'état actuel des choses, vous savez qu'une personne peut refuser tout traitement, elle peut demander d'être débranchée, elle peut dire, même si ça peut avoir l'air irrationnel : Je ne veux pas avoir de chimiothérapie, là, une personne de 40 ans, comme de 80 ans. Est-ce que, dans l'état actuel des choses — et ça, c'est tout à fait légal parce qu'on se fie toujours à l'évaluation qui est faite, dans la relation patient-médecin, par le médecin, de la qualité du consentement — donc, est-ce c'est bel et bien un consentement libre et éclairé de la personne qui est avec moi? Est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a un enjeu là, à l'heure actuelle? Parce que vous nous dites : Les risques qui pourraient peut-être survenir… Mais, dans l'état actuel des choses, c'est déjà tout à fait légal, ça, de refuser un traitement, d'arrêter un traitement. Donc, je veux comprendre en quoi ce serait différent avec l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux. Mme Jeliu.

Mme Jeliu (Gloria) : Alors, si je comprends bien votre question, vous me demandez : Dans l'exercice de l'écoute ou dans la relation professionnelle entre le médecin et une personne malade ou une personne mourante, est-ce que la manière dont l'échange se fait, est-ce que, quand la personne refuse, on est vraiment certain qu'elle a refusé en étant bien consciente de ce qu'elle refuse? Je dirais qu'une communication médecin-patient qui est réussie est empreinte d'écoute, et c'est pour cela que j'ai fait mon petit topo très rapide sur la place de l'autonomie qui est entrée dans notre monde médical et qui a transformé la qualité de la relation médecin-patient. Si la communication entre le médecin et le patient est correctement conduite, c'est-à-dire avec écoute, avec écoute non seulement de la souffrance et de la douleur, mais écoute de toutes les circonstances de l'environnement psychosocial de la patiente, je pense que, quelle que soit la décision du malade, elle est colorée par l'information que le médecin va lui donner, et, à ce titre, elle va être quand même particulièrement libre parce qu'elle sera bien éclairée et bien informée. Est-ce que je réponds à votre question?

Mme Hivon : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste deux 2 min 30 s pour ce bloc.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Ça va être court. D'accord. Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Merci d'être là. Et je vous ai bien écoutés, et c'est intéressant. Je veux revenir sur le fait justement que vous voulez que la personne soit au coeur des décisions et qu'elle soit maître de la fin de sa vie. Ça, j'ai trouvé ça important dans votre mémoire quand vous mentionnez ça, que la personne a droit d'être le maître de la fin de sa vie. Alors… et de vous entendre, là, justement parler de sentiment éclairé et de décision éclairée, je pense que c'est important aussi que ce soit fait en toute connaissance de cause. Vous ne voulez pas vous prononcer évidemment sur le projet de loi. Je pense, ça a été clair.

Maintenant, j'aimerais savoir si vous avez fait comme un sondage à l'intérieur des membres, 3 500 membres, ou des gens qui ont travaillé au mémoire. Est-ce qu'il y a eu un genre de sondage pour voir est-ce que c'était plus pour le projet de loi, ou contre, ou si vous avez laissé aller?

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Destrempes.

Mme Destrempes (Denise) : Non. C'est le groupe du comité dont les membres ont diverses formations qui ont travaillé à la réalisation du rapport.

Mme Jeliu (Gloria) : Pour répondre clairement à votre question, madame, il n'y a pas eu de sondage réel auprès des personnes intéressées.

M. Ledoux (André) : Il n'y a pas eu de sondage, de consultation, mais il y a une chose qui est bien certaine, c'est que, dans le comité que j'ai présidé, nous étions huit professionnels, et, au comité consultatif, où il y a une quinzaine de personnes, où nous nous sommes présentés, il est certain qu'il n'y avait pas unanimité autour du projet de loi n° 52. Les avis étaient partagés. D'accord? Et c'est la raison pour laquelle, moi, en tant que président, je suis arrivé avec un mémoire posant des questions pour essayer de, comme on dit, entre guillemets, de sauver la face.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Vous l'avez bien sauvée. C'était intéressant de vous entendre. Merci.

Mme Jeliu (Gloria) : Mais on peut maintenant considérer que cette loi est pleine de balises très claires et rassurantes. Cependant, les doutes que nous avons exprimés quant à des dérives continuent à nous hanter parce que ces dérives ne sont pas prévisibles avant, elles vont nous frapper en pleine face une fois qu'elles vont arriver, et c'est pour ça que le principe de précaution m'apparaît essentiel. Je ne voudrais pas citer M. Hans Jonas qui a écrit un livre qui est quand même un classique du genre. Il faut, quand nous prenons des décisions aussi graves que celle qui nous intéresse ou qui nous occupe aujourd'hui… il est essentiel d'être animés de façon permanente par le désir de précaution. Je terminerai.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. L'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui, vous avez… Moi, je connais maintenant assez bien l'Obervatoire Vieillissement et Société et je trouve que c'est formidable, la place que vous prenez dans la société, des aînés qui réfléchissent, qui prennent position. Et on parlait aujourd'hui de participation, et cette participation est essentielle pour la collectivité. Et je voulais justement vous poser la question que ma collègue des Îles-de-la-Madeleine a réussi à vous faire dire, qu'il n'y avait pas eu unanimité et que c'est l'une des raisons pour lesquelles vous avez déposé un mémoire sous forme de questions. Vous étiez vite. D'après vous, est-ce que ça reflète un peu la société? Parce qu'ici on a vu des gens qui étaient tout à fait pour le projet de loi et d'autres personnes qui n'étaient pas d'accord avec le projet de loi. Est-ce que vous pensez que votre groupe était un peu le reflet de cette société-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

M. Ledoux (André) : Non. Je m'explique… Oui, ça va, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : Oui. Bon.

Mme Blais : Son rôle, c'est de vous donner la…

M. Ledoux (André) : J'ai dit non à votre question, en ce sens que, non, le reflet de la population… Vous le savez très bien, la population, majoritairement, est en faveur de la loi n° 52; c'est de l'ordre de 75 %. Vous me corrigez si je me trompe. Il y a une majorité de personnes qui sont en faveur du projet de loi.

À l'Observatoire Vieillissement et Société, je vous dirai que c'était partagé. Je ne peux pas vous dire dans quelle proportion, mais il y a beaucoup de gens au comité consultatif qui ont reconnu — d'abord, ça, c'est un fait — la consultation exceptionnelle qu'il y a eu autour de cette question, mourir dans la dignité, avec le premier rapport Mourir dans la dignité. C'est du jamais-vu au Québec, une consultation comme celle-là — vous me corrigerez encore une fois. Et ensuite on a été très, très prudents, on est allés ensuite avec le rapport Ménard, on est allés vers… pour essayer de voir ce qu'étaient les balises juridiques, et là aussi on a obtenu des réponses très pertinentes. Et nous, à l'Observatoire Vieillissement et Société, c'est surtout au rapport Ménard que nous avons travaillé avant de préparer notre mémoire. Et je vous dirai qu'il y a plusieurs personnes au comité consultatif qui reconnaissent le bien-fondé du projet de loi n° 52, et il y a même quelqu'un qui a fait même de la politique, un ex-député, qui nous a dit qu'il avait rarement vu un projet de loi aussi bien établi, aussi bien écrit, aussi précis, aussi remarquable. C'est à votre honneur, Mme la ministre.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : On voit que vous étiez d'accord avec le projet de loi.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Blais : Est-ce que... Parce qu'ici... parce que, durant les fois où j'étais présente, il y a des gens qui ont mentionné qu'on devrait peut-être, dans le projet de loi, définir en quelque sorte les différences entre «soins palliatifs», «sédation palliative» et «sédation palliative terminale»...

Mme Jeliu (Gloria) : On connaît la réponse.

Mme Blais : Oui. Vous la connaissez, vous êtes médecin. Mais est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir plus de précision? Vous avez même mentionné tout à l'heure le mot «euthanasie», Dr Jeliu.

M. Ledoux (André) : Personnellement, je crois que les précisions, les définitions sont tout à fait exactes, justes et éclairantes. Je ne vois pas comment on pourrait ajouter des précisions aux définitions qui se trouvent actuellement dans le projet de loi n° 52. Sédation… tout est tout à fait bien précis, et je pense que, pour quelqu'un qui veut bien s'informer, tout est là.

Mme Jeliu (Gloria) : Il est clair que la sédation, les soins de vie, qui sont bien décrits, bien encadrés, bien balisés dans cette loi, ne représentent pas des soins curatifs mais des soins qui conduisent à la mort avec le désir express, express de la personne concernée. Et je pense que c'est la réalité. Quelle que soit la qualité de la loi, c'est de ça qu'on parle, on parle de soins de vie qui conduisent... des soins de fin de vie qui conduisent à la mort avec l'accord des intéressés.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste quatre minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est beau, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Je voudrais faire un petit bout sur ce que vous disiez, parce que le projet de loi définit «établissement», définit «maison de soins palliatifs», définit «soins de fin de vie» mais ne définit pas l'aide médicale à mourir, ne définit pas la sédation palliative terminale ou «continue. On a eu des échanges. Donc, il y a des termes qui ne sont pas définis à l'intérieur du projet de loi, d'où la question de ma collègue parce que... Est-ce qu'il ne serait pas justement important pour le bénéfice des aînés de savoir de quoi il s'agit précisément lorsqu'il est question d'aide médicale à mourir? Parce qu'aujourd'hui on nous disait : Il pourrait y avoir confusion. L'aide médicale à mourir, ce n'est pas l'accompagnement de fin de vie, c'est vraiment... c'est un acte médical très précis auquel on fait référence.

Une voix : Oui, définitivement.

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux.

M. Ledoux (André) : Je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus.

Mme Jeliu (Gloria) : Je suis d'accord que, la définition même des actes qui sont posés, nous les connaissons implicitement. Il est plausible de constater ou de considérer qu'il y a place pour un éclairage, pour le public, de ce que c'est qu'une sédation palliative terminale. Le terme de «terminale» est assez suggestif. Toutefois, «terminale» veut dire qu'il n'y a pas de retour en arrière. Et d'ailleurs c'est bien dit que, quand on fait une sédation palliative terminale, l'objectif n'est pas de pouvoir renverser les choses, c'est définitif et ça s'en va vers le même but, qui est la disparition de la vie biologique.

Que le public ait besoin de bien comprendre que l'aide médicale à mourir, c'est une injection létale et extrêmement rapide, c'est également nécessaire, mais je présume que la majorité des gens, je présume, savent avec certitude que l'aide médicale à mourir, c'est la piqûre, la piqûre terminale, la piqûre : Docteur, donnez-moi la piqûre, je ne veux plus vivre. Ça, c'est la définition de l'aide médicale à mourir. C'est une injection létale de curare et de barbiturique, si mes souvenirs sont bons, et ça entraîne la mort en quelques minutes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Mais, c'est justement, je...

Le Président (M. Bergman) : ...une minute et demie.

• (16 h 50) •

Mme Vallée : Je vous remercie. Parce que, pour moi, en tout cas, du moins, et, je pense, pour mes collègues, c'est important. Compte tenu de l'importance de ce projet de loi là, c'est très important. Je sais qu'il va y avoir une campagne, et la ministre nous a rassurés qu'il y aurait une vaste campagne d'information à l'attention du public dans l'éventualité où le projet de loi était adopté. Ça, c'est excessivement important. Mais je crois que le projet de loi aussi commande qu'on définisse clairement les termes qu'on va utiliser pour éviter des interprétations aussi qui ne seraient pas conformes nécessairement avec les intentions du législateur et puis aussi, bon, comme le disait ma collègue, des perceptions. Alors, peut-être dans un principe de bien communiquer avec les citoyens, de bien faire les choses, pour nous, il nous importe que le projet de loi soit clair quant à ce qu'on souhaite faire et là où on veut aller.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Vallée : Et donc merci d'avoir échangé avec nous là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici. Ma question, je vais l'adresser à Dr Jeliu. On a entendu plusieurs groupes depuis quelques jours. Vous êtes un des premiers à avoir osé, je dirais, peut-être, parler de personnes mineures qui, dans le projet de loi, ne sont pas incluses. Vous avez mentionné, à la page 14 de votre mémoire : «Une personne mineure atteinte d'une maladie grave et incurable qui répond aux critères 2°, 3° et 4° stipulés à l'article 26 n'a-t-elle pas le droit de mourir dans la dignité comme les personnes majeures? Ne s'agit-il pas d'une forme de discrimination?» J'aimerais vous entendre, étant donné que votre expérience de pédiatre... Évidemment, au courant de votre expérience, probablement que vous avez eu à faire face à ce genre de situation. J'aimerais vous entendre.

Mme Jeliu (Gloria) : C'est une question qui est très lourde de sens et de tragique. Il est clair qu'un enfant qui est arrivé très loin dans le cours de sa maladie, dans certains cas, peut être exposé à ce qu'on peut appeler de l'acharnement thérapeutique dans une… — comment dirais-je? — dans un mouvement où on essaie de prolonger la vie. Et prolonger la vie parfois veut dire prolonger la souffrance.

Par contre, de décider que cet enfant, qui s'appelle comme il s'appelle, devrait cesser de vivre alors qu'il est encore vivant, c'est une situation tragique. Et je pense qu'il faut approcher avec énormément de précautions et de respect cette situation qui est tragique. Je n'ai pas la réponse. Et je sais qu'elle devrait se poser, mais je n'ai pas la réponse. Personnellement, est-ce que j'ai eu à faire face à des situations pareilles? Oui, mais je pense que l'évolution naturelle a réglé les choses sans que l'on intervienne de façon précise. Est-ce que vous me comprenez?

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Oui, tout à fait, merci. Puis, évidemment, c'est une situation très sensible, et je pense qu'effectivement il n'y a pas... les groupes qu'on a vus ont de la difficulté. Même, je pense que nous, comme parlementaires, aussi avons de la difficulté avec cette notion.

Vous avez mentionné, à quelques reprises, dans votre mémoire, la crainte de dérives. Est-ce que c'est la crainte de dérives qui vous a amenés à nous recommander de peut-être faire une implantation graduelle de la nouvelle loi, par exemple dans une grande ville, dans des régions, de façon plus progressive que d'arriver avec l'implantation de la loi à l'ensemble du territoire du Québec?

Mme Jeliu (Gloria) : Exactement.

Le Président (M. Bergman) : Mme Jeliu.

Mme Jeliu (Gloria) : Oui, je suis entièrement d'accord. C'est la raison pour laquelle, connaissant ou ne connaissant pas les dérives possibles qui pourraient être catastrophiques pour — comment dirais-je? — la santé de la société, ne connaissant pas ces dérives, une implantation progressive permettrait de résoudre cette espèce de dilemme ou de crainte, de le résoudre en essayant d'implanter une loi qui est, comme a dit mon collègue à ma gauche, pleine de balises, et qui est bien construite, et qui est moderne, et qui est en accord avec… disons, l'impression que la population est d'accord.

C'est sûr que l'implantation progressive permet de comprendre de façon plus précise où sont les points qui sont — comment dirais-je? — dangereux dans l'application, que ça soit au niveau du consentement, que ça soit au niveau du contrôle. Je pense en particulier à l'article 17, où il est dit que les soins de vie peuvent être administrés à domicile par le médecin et par l'infirmière tout en respectant le cadre de sa compétence. Ce n'est pas clair. C'est quoi, la compétence d'une infirmière prise toute seule avec le médecin dans une famille où le patient est mal, ne va pas bien et où la famille ne peut pas tolérer cette agonie? Est-ce que les choses peuvent se régler d'une manière aussi — comment dirais-je? — clinique que l'on voudrait qu'elles se… ou est-ce qu'il y aurait des dérives à cet égard? La palliation définitive ou l'aide médicale à mourir à domicile est un sujet probablement aussi brûlant et épineux que le problème des mineurs qui n'a pas été abordé pour des raisons très compréhensibles. D'ailleurs, c'est parce que c'est trop complexe, j'imagine, que ça n'a pas été abordé.

Le Président (M. Bergman) : M. Ledoux, le temps est écoulé mais le dernier mot, c'est à vous.

M. Ledoux (André) : Je veux tout simplement ajouter qu'il ne faudrait pas trop mettre l'accent… En tout cas, en tant que représentant de l'Observatoire Vieillissement et Société, il ne faudrait pas trop, trop mettre l'accent sur ce qu'on appelle les dérives parce qu'on a bien dit quand même, lors de nos discussions, que les dérives, dans bien des cas, c'est minimal. On a le cas de la Belgique, par exemple, où il y a eu assez peu de dérives dans toute l'application de la loi et on a aussi les propos d'experts qui prétendent que les dérives pourraient être finalement quelque chose de pas si catastrophique dans un sens. Alors, je voudrais ajouter ça, quand même, comme éclairage un peu particulier.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Ledoux, Mme Jeliu, M. Tessier, Mme Destrempes, merci pour votre présentation. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui et de partager votre expertise avec nous.

Et je demande aux gens du Réseau des soins palliatifs du Québec pour prendre place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on reçoit maintenant le Réseau de soins palliatifs du Québec.

Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et vous avez le micro maintenant.

Réseau de soins palliatifs du Québec

Mme Déry (Alberte) : Merci beaucoup. Alors, bonjour, M. le Président, et MM., Mmes les parlementaires. Je suis Alberte Déry, je suis présidente du Réseau de soins palliatifs du Québec, je suis diplômée en sciences infirmières, et je m'implique en soins palliatifs depuis maintenant 26 ans, et je suis directrice générale présentement à l'organisme Palli-Aide, au Saguenay, qui fait de l'accompagnement en soins palliatifs.

J'ai le grand privilège d'être accompagnée aujourd'hui par d'éminents experts dans le domaine des soins palliatifs et des soins de fin de vie, soit : à ma gauche, Dre Christiane Martel, qui est médecin en soins palliatifs pour le CSSS Richelieu-Yamaska, région Saint-Hyacinthe, et pour La Maison Victor-Gadbois; à ma droite, Mme Danielle Blondeau, professeure associée à la Faculté des sciences infirmières à l'Université Laval, titulaire d'un doctorat en éthique et présidente du comité d'éthique de notre association; et, enfin, M. Pierre Deschamps, avocat — qui est à ma gauche, et notre seul homme, donc — avocat éthicien bien connu. Il a notamment été président du conseil d'administration de LEUCAN, il est président de la Fondation Charles-Bruneau pendant 15 ans, il est aussi membre du comité des droits de la personne à l'Association canadienne des soins palliatifs. On a aussi avec nous des membres du réseau qui nous accompagnent ainsi que notre directeur général, M. Jessy Savaria, un membre du conseil d'administration, M. Ivan Lessard, et ainsi que notre personne aux communications.

Alors, le Réseau de soins palliatifs, notre association existe maintenant depuis plus de 23 ans. Notre mission est de faciliter et promouvoir l'accès aux soins palliatifs à toute personne au Québec pour s'assurer d'avoir des soins palliatifs de qualité pour la personne en fin de vie et en phase palliative. Nous regroupons 1 200 membres, donc 25 % des médecins, 25 % des infirmières, 50 % autres personnes, donc gestionnaires d'hôpitaux, travailleurs sociaux, des ergos et évidemment bénévoles.

Nous avons aussi la participation des maisons de soins palliatifs avec nous et nous avons aussi la moitié des CSSS du Québec qui sont membres de notre association. Nous organisons aussi un congrès annuel de soins palliatifs au Québec depuis… nous prenons le 24e cette année, qui aura lieu effectivement ici, à Québec.

Bref, nous sommes le principal intervenant en soins palliatifs au Québec. Nous sommes la voix des soins palliatifs, et des intervenants aussi, et des bénévoles, là, de tout ce beau monde qui s'implique aux soins palliatifs. Alors, je passe maintenant la parole à Dre Christiane Martel pour qu'elle nous parle de ce que sont les soins palliatifs et de son expérience terrain.

Le Président (M. Bergman) : Dre Martel.

Mme Martel (Christiane) : Bonjour. Donc, comme Mme Déry vous le disait, je suis médecin de famille depuis 18 ans, je fais des soins palliatifs depuis 16 ans et j'exerce en maison de soins palliatifs et dans un programme de soins à domicile en CLSC. Donc, j'ai choisi de supporter l'insupportable : la maladie grave, la souffrance, trop souvent la solitude, l'insuffisance de soins et de ressources bien souvent aussi.

Je partage toutes les inquiétudes que plusieurs de mes collègues médecins sont venus vous exposer. L'aide médicale à mourir n'est pas un soin de fin de vie, c'est une interruption de soins. L'aide médicale à mourir ne peut faire partie d'un continuum de soins palliatifs puisqu'elle est contraire à sa philosophie d'accompagner la vie jusqu'à la fin. Je m'inquiète aussi, comme eux, de l'absence de définitions claires, essentielles à la compréhension de ce projet de loi.

Ce temps de la vie est un temps d'ambivalence. Un matin, on me demande de mourir — ça m'arrive assez souvent — et le lendemain on veut du temps pour aller au mariage de sa fille ou pour aller au baptême de son petit-fils. C'est un temps de vulnérabilité, de subtilité. Rien n'est blanc ou noir, tout est en nuances de gris à ce moment de la vie. Derrière «docteur, aidez-moi à mourir», il y a «docteur, je n'en peux plus de vivre, je suis seul, je suis trop seul, j'ai trop mal, j'ai perdu mon autonomie, j'ai perdu le contrôle sur ma vie». C'est ce qu'on entend régulièrement. Devant cette souffrance, devant la souffrance, nous avons deux réflexes pour survivre : la fuir ou la supprimer. Le projet de loi légitime de la supprimer, d'où le consensus de notre société en faveur de l'euthanasie. C'est un réflexe humain : face à la souffrance, tout le monde est inconfortable.

Je vis dans une société démocratique et je n'aurai aucun choix face à la décision du plus grand nombre, mais je m'inquiète. Le Québec manque de médecins. Le programme d'aide aux médecins nous parle que près de 35 % de ceux-ci ont des problèmes de santé. Une collègue belge me racontait qu'après une euthanasie elle doit prendre deux jours de congé avant de pouvoir soigner à nouveau un patient. Dr Serge Daneault vous a exprimé le désarroi des soignants en Belgique après une euthanasie. À la lumière de ces informations, je me questionne : Peut-on se permettre de fragiliser notre profession? Qui prendra soin des soignants qui seront plongés dans des conflits de valeurs importants? C'est inévitable. Même avec la possibilité de référer mon patient qui souhaite obtenir l'aide médicale à mourir, comment je vais vivre avec l'idée d'abandonner celui ou celle que je soigne depuis plusieurs mois si je fais le choix de ne pas faire d'aide médicale à mourir?

Mes plus grands défis quand je soigne un patient en fin de vie, ce sont les proches, ceux pour qui la vie devra continuer. Ma responsabilité est de veiller à ce que la perte de leur mère, de leur conjoint ou de leur fille se déroule le plus sereinement possible. Cela implique parfois une sédation. La sédation palliative survient dans un contexte précis, vous l'avez entendu à plusieurs reprises, et n'est pas un geste euthanasique. Ce que vous n'êtes peut-être pas conscients, c'est l'effet de la sédation sur les proches. Accompagner un dormeur pendant quelques jours peut préparer au deuil et au détachement de celui ou celle qu'on aime.

Je pense à Monique, mise sous sédation pour des difficultés respiratoires insupportables. Ses deux filles ne s'étaient pas parlé depuis plusieurs années. Après quelques jours au chevet de leur mère, elles se sont réconciliées. Monique est décédée la même journée. Je pense à Jacques, qui, endormi depuis cinq jours, son épouse lui tenant la main, est décédé le jour de la Saint-Valentin, au même moment où des ballons, arrivés de nulle part, se sont accrochés dans l'arbre devant sa fenêtre, et sur les ballons était écrit «Je t'aime». Je pense à Chantale, 37 ans, placée sous sédation parce que trop agitée et confuse, qui a cessé de respirer pendant qu'elle écoutait avec Martin, son amoureux, leur chanson d'amour préférée.

Des histoires exceptionnelles peut-être, vous pensez. Ce ne sont pas des histoires qui font les médias, ce n'est pas des histoires sur lesquelles on met un accent, sauf que tous ceux qui accompagnent ce temps de la vie pourront vous dire que non. Toutes ces personnes sont décédées à un moment que personne n'a choisi, et ceux qui restent en gardent de beaux souvenirs malgré la peine, malgré la grande souffrance qui a été vécue.

Les médecins connaissent les indications pour appliquer la sédation palliative, et les guides de pratique clinique sont là pour aider ceux qui la pratiquent moins souvent. Nous n'avons pas besoin d'une loi pour encadrer ce type de soin.

Je suis aussi professeure d'enseignement clinique et, tous les jours, je rencontre des résidents en médecine, médecine familiale surtout, je leur enseigne les soins de fin de vie. Je ne peux m'imaginer leur enseigner comment pratiquer l'euthanasie. Pourtant, quelqu'un devra le faire. Ce printemps, plusieurs enseignants de chaque faculté de médecine du Québec se sont rassemblés le temps d'une journée pour réfléchir sur le sujet. Toutes nos questions sont restées sans réponse, surtout celle-ci : Qu'est-ce que nous souhaitons transmettre à ces futurs médecins?

Avant de passer la parole à Mme Blondeau, je tiens à vous dire que, de notre point de vue, ce n'est pas d'aide médicale à mourir que l'être humain souffrant a besoin, mais de plus d'humanité autour de lui. Même avec toutes les modifications demandées depuis le début de cette commission, est-ce que l'adoption de la loi n° 52 fera de nous une société plus humaine? Est-ce qu'en voulant bien faire nous sommes sur le point de déshumaniser ce temps de la vie, ce temps de la fin de vie où nous devons plutôt faire appel de toutes nos forces à ce qu'il y a de plus grand en nous? Est-ce que supprimer une souffrance n'aurait pas l'effet d'en générer plusieurs?

Je vous remercie très sincèrement d'accorder tout ce temps pour améliorer les soins de fin de vie. Au Réseau de soins palliatifs du Québec, nous allons continuer de travailler sans relâche afin que les soins palliatifs puissent être accessibles pour tous les Québécois, et surtout au moment où ils en ont besoin. Notre défi : faire en sorte que les demandes d'aide médicale à mourir ne surviennent pas au Québec. Merci.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Madame… Blondeau?

Mme Déry (Alberte) : …ça va être Mme Blondeau.

Le Président (M. Bergman) : Mme Blondeau.

Mme Blondeau (Danielle) : Bonjour.

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste 5 min 30 s.

Mme Blondeau (Danielle) : Merci. Ce projet de loi est, sans l'ombre d'un doute, l'un des plus importants projets de loi que des parlementaires québécois auront eu à considérer dans l'histoire récente du Québec. Par-delà vos convictions personnelles, par-delà les lignes de parti, il vous appartient de vous assurer, en tant que législateurs, que le projet de loi soit d'une limpidité et d'une clarté législatives telles que tous ceux et celles qui y seront soumis connaîtront leurs droits et leurs obligations en tant que citoyens, patients et professionnels de la santé.

Contrairement à ce qui s'est fait en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, où on a dissocié législativement soins palliatifs et euthanasie en adoptant des lois séparées, ce projet de loi met dans un seul et même texte ces deux réalités. On fait de l'aide médicale à mourir un soin palliatif, allant, de ce fait, à l'encontre des définitions acceptées des soins palliatifs, notamment celle de l'Organisation mondiale de la santé.

La terminologie utilisée dans le projet n° 52 est ambiguë. L'expression «aide médicale à mourir» devrait être clairement définie. Comme le souligne la commission au terme de sa délibération, il s'agit d'une forme d'euthanasie. Il serait approprié de définir l'expression pour bien traduire la réalité à laquelle elle correspond.

L'expression «sédation palliative terminale» est encore plus ambiguë. Suivant le rapport des juristes experts, le terme engendre de la confusion. Les soins palliatifs pratiquent la sédation palliative, ce qui implique que le malade est en toute fin de vie alors qu'il ne s'hydrate plus et ne s'alimente plus. Votre sédation palliative terminale vise à mettre un terme à la vie par l'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation, ce qui est bien différent de la sédation palliative. Les soins palliatifs tiennent compte à la fois du patient et de ses proches. Ils sont dispensés grâce aux efforts d'une collaboration interdisciplinaire. Les soins palliatifs considèrent que la mort est un phénomène naturel, ils ne hâtent ni ne retardent le décès.

Ce projet de loi ajoute une aide médicale à mourir aux soins palliatifs. C'est un non-sens puisque l'un consiste en des soins à fournir à un patient et que l'autre ne peut être considéré comme un soin, il met un terme à la vie. En tant que législateurs, vous vous devez de prendre le parti du citoyen ordinaire, des professionnels de la santé, des établissements de santé, des agences de santé, qui auront, une fois le projet de loi adopté, à l'appliquer non pas de façon confuse et chaotique, mais de façon cohérente et sensée.

Le projet de loi est trop important pour que toute la minutie requise pour assurer sa clarté ne soit pas utilisée. L'aide médicale à mourir est une nouvelle expression pour désigner un acte d'euthanasie. Cette pratique, qui vise clairement à provoquer la mort, ne s'inscrit pas dans la philosophie des soins palliatifs. En mettant un terme à la vie, l'aide médicale à mourir ne fait pas partie d'un continuum de soins comme c'est le cas avec les soins palliatifs.

L'heure des choix est arrivée au Québec. Assurez-vous que les choix que la société québécoise fera par votre entremise seront marqués sous le couvert de la clarté, de la limpidité, de la transparence, comme cela s'est fait en Belgique et au Luxembourg, par exemple, deux pays qui ont su faire la part des choses entre soins palliatifs et euthanasie. Tel qu'il est actuellement rédigé, ce projet de loi fera du Québec le seul endroit au monde où un législateur aura délibérément mêlé soins palliatifs et euthanasie.

Pour ces raisons, nous nous opposons donc au projet de loi n° 52. Plus spécifiquement, nous faisons les recommandations suivantes.

Premièrement, développer l'offre de soins palliatifs au Québec et, par conséquent, en augmenter l'accessibilité. Il faut améliorer l'offre de soins palliatifs au Québec plutôt que de prôner l'euthanasie.

Deux, faire deux projets de loi, comme l'ont fait la Belgique et le Luxembourg, l'un sur les soins palliatifs et l'autre sur l'aide médicale à mourir, ou, à défaut, dissocier l'aide médicale à mourir des soins palliatifs et faire que le titre du projet de loi soit modifié en conséquence et se lise comme suit : Loi concernant les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir.

Troisièmement, inclure dans le projet de loi des définitions telles que proposées dans notre mémoire et qui clarifient les expressions du texte de loi et ne font pas de l'aide médicale et à mourir et de la sédation terminale des soins faisant partie des soins palliatifs.

Éliminer du projet de loi toute référence à la sédation palliative terminale, puisque cette expression n'existe pas dans la littérature scientifique, de même que toute référence à la sédation palliative puisqu'on ne légifère pas sur des pratiques reconnues.

Cinq, modifier la composition de la commission sur les soins de fin de vie en y incluant un médecin détenant une expertise reconnue en soins palliatifs et, enfin, faire relever la commission sur les soins de fin de vie de l'Assemblée nationale. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Mme Blondeau. Merci pour votre présentation. Alors, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Bonjour. Alors, merci, merci à vous quatre, donc, Mme Déry, Mme Blondeau, M. Deschamps… M. Deschamps, c'est un de mes anciens professeurs, donc, en droit. Donc, on s'est déjà vus à différentes occasions, je suis heureuse de vous retrouver. Et, Dre Martel, je suis heureuse de faire votre connaissance aujourd'hui. Je vous remercie de votre présentation, de votre mémoire aussi, qui était très clair. On sait ce que vous voulez, on sait ce que vous ne voulez pas. Donc, ça a le mérite d'être clair.

Moi, je voulais justement, dans un premier temps, parler de la question de la sédation palliative. Nous avons eu beaucoup d'échanges sur cette question, qui peut avoir l'air bien technique pour certaines des personnes qui nous écoutent, mais qui, je pense, est très importante. Parce que souvent, quand on pose la question aux gens de soins palliatifs, ils nous disent que, quand c'est très, très difficile de contenir les souffrances, qu'elles soient physiques, ou morales, ou psychologiques, d'une personne, on a recours à la sédation palliative continue.

Je dois vous dire qu'avec l'utilisation de «sédation palliative terminale» il n'y avait aucune volonté de s'éloigner de la réalité de la sédation palliative continue, comme vous l'avez peut-être déjà entendu, c'étaient deux termes qui ont été véhiculés pendant les auditions de la commission. Et effectivement, dans le rapport des juristes experts, ils amènent la notion de sédation terminale. Mais, juste pour que ce soit très clair, moi, je n'ai aucune objection à ce que l'expression consacrée soit «la sédation palliative continue». Parce que j'ai toujours compris que ce que ça voulait dire, la sédation palliative continue, c'était le fait de plonger quelqu'un, de par, je dirais, le caractère aigu de ses souffrances, ses souffrances réfractaires, dans un état d'inconscience de manière continue jusqu'à son décès parce qu'on n'arrive pas à le soulager autrement. Donc, si vous me confirmez que c'est bien cela, votre compréhension aussi, je peux vous dire que la volonté, c'est, donc, de parler de sédation palliative continue.

Par ailleurs, je suis étonnée que vous me disiez que vous ne trouvez pas cela pertinent de mettre ça dans le projet de loi parce que la majorité des intervenants qui étaient venus nous voir et avec qui on a échangé sur la sédation palliative continue ou terminale — mais aujourd'hui on va parler de continue — nous ont dit qu'il y avait un grand flou autour de cette notion-là. Puis je dois vous dire qu'encore il y a des gens qui parlent de sédation palliative et qui, pour eux, on voit, quand on commence à jaser avec eux, qu'en fait ils nous parlent de morphine puis d'augmentation de dose de morphine, alors que la sédation palliative continue, c'est une réalité propre où vraiment il y a un protocole qui doit être suivi. Et il y avait plusieurs, donc, de vos confrères médecins ou, en tout cas, du milieu des soignants qui nous ont dit : Ce serait très important de le prévoir, et ce n'est pas un soin banal, il faut que la personne sache vraiment ce qu'il en est, ou le tiers qui consent pour la personne.

Donc, on vient prévoir dans le projet de loi, pour la sédation palliative — si vous le souhaitez, qu'on l'appelle continue — un encadrement un peu plus formel en prévoyant la nécessité d'un consentement écrit, la nécessité aussi de dire quand une telle sédation a eu lieu et la nécessité qu'il y ait, donc, un protocole clairement établi par les ordres professionnels et suivi, parce qu'on s'est rendu compte que, de tels protocoles, La Maison Michel Sarrazin en a un, mais il y a beaucoup d'endroits qui n'en ont pas. Donc, on pensait que c'était une avancée importante. Et là je dois vous dire que vous êtes les premiers à nous dire de ne pas mettre ça dans la loi, donc je veux comprendre. Je comprends qu'on aime ça, garder notre liberté d'action le plus possible, là, mais, si c'est de nature aussi à encadrer et à rassurer… Parce que je ne pense pas que c'est un soin banal, quand même. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Martel (Christiane) : En fait… Là, je pense que… Correct?

• (17 h 20) •

Une voix : Oui, oui, c'est…

Mme Martel (Christiane) : La distinction la plus importante, c'est : Est-ce que la sédation survient au moment où la mort est imminente ou la sédation survient de façon précoce? C'est pour ça qu'on vous parle de deux mots, parce qu'il y a une confusion énorme, et je suis parfaitement d'accord avec vous. L'exercice que j'ai fait, depuis quelques mois, de lire, relire le projet de loi, rediscuter avec des collègues nous a amenés à comprendre aussi que, même entre nous, les termes n'étaient pas si clairs. Donc, c'est un exercice qui était nécessaire.

La sédation palliative et la sédation palliative continue est celle qui survient à la fin de la vie, au moment où la mort est imminente, où on a tout essayé et les symptômes sont réfractaires ou il y a une souffrance autre qu'on ne peut apaiser. La sédation palliative est dans une situation vraiment de fin de vie, et on parle de très court terme. Les patients, souvent, ne communiquent plus, les proches sont au courant que la mort est imminente. Et on ne voit pas, à ce lieu-là, la nécessité de légiférer. Je ne peux pas m'imaginer, comme médecin — et tous mes collègues médecins qui font des soins palliatifs — obtenir un consentement chez un patient qui est à trois jours, deux heures, quatre heures de mourir. C'est humainement impossible. Ils ne communiquent plus, pour la plupart, ils ne boivent plus, ils ne mangent plus. On est dans une situation de mort imminente. On parle de sédation palliative.

La sédation terminale… Et c'est pour ça que notre mémoire… Vous lirez les définitions, et je pense que, même pour la communauté des soins palliatifs, c'est important. La sédation terminale est plutôt celle où, de façon… dans un lieu où la mort n'est pas imminente, où on va arrêter l'hydratation et la nutrition de quelqu'un qui est dans une trop grande souffrance ou qui demande à mourir et dont le décès va être accéléré par le geste de la sédation. Je ne sais pas si vous voyez la différence.

La sédation palliative, où on n'interrompt pas l'hydratation et la nutrition, les gens vont mourir au bout de leur maladie parce qu'ils étaient déjà dans ce processus-là, et le stade de la vie avait aboli les réflexes de manger et de boire. La sédation terminale, qui conduit à la mort est celle qu'on applique chez un patient dont la mort n'est pas imminente. Oui, il va mourir à cause de la sédation puisqu'il était encore dans une vie active. À la limite, celle-là, je pense, a besoin d'être encadrée, parce que celle-là a besoin effectivement de plus d'explications, de plus de… et le patient peut donner un consentement à ce stade-là de sa maladie. Et c'est la nuance qui est extrêmement importante à apporter dans le terme de «sédation».

Ce qu'on ne veut pas, comme médecins en soins palliatifs, c'est une loi qui réglemente une pratique clinique reconnue qu'on pratique exceptionnellement — on ne fait pas ça à tous les jours — mais où on n'induit pas la mort. On n'est pas dans un processus euthanasique, ce n'est pas la même chose. Je ne sais pas si c'est clair.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Bien, en fait, je vous comprends. Je suis très bien votre raisonnement, mais, de par… On en a entendu beaucoup, des médecins en soins palliatifs — il y a Dr L'Heureux derrière vous — puis on nous a toujours dit que, vous savez, c'est très difficile de prévoir si la sédation palliative continue, elle va durer 12 heures, 24 heures, deux jours, six jours. Et, dans des cas, ça se prolonge. Et ce n'est pas parce que c'est ça qu'on avait anticipé au départ, mais il s'avère que la personne, elle ne décède pas nécessairement comme on l'avait prévu. Et justement on nous a dit : Des fois, il y a des sédations qui sont administrées alors que la personne est encore hydratée, là, qu'elle soit consciente ou pas consciente. Parce que ça peut arriver, elle est encore hydratée, mais elle souffre, puis là…

Donc, je n'avais jamais compris que ça allait de soi qu'on parlait de sédation continue quand il n'y avait plus d'hydratation puis qu'on parlerait de sédation terminale quand il y avait encore de l'hydratation. Mais, si c'est ça… Parce que, quand on est venus nous parler — différents experts des soins palliatifs — on ne faisait pas cette distinction-là. Ce qu'on nous disait, justement, c'est qu'il faut qu'il y ait un protocole, au-delà de la procédure, qui vienne nous dire dans quel cadre c'est applicable, dans quel cadre c'est une bonne pratique médicale, donc d'y aller vers une sédation palliative continue. Puis vous-même, vous dites qu'il n'y a pas comme de consensus ou que tout n'est pas clair au sein de la communauté médicale. Donc, c'est ça, l'idée. Et c'est de se dire…

Je comprends que vous me dites que la volonté et que la vie suive son cours, sauf qu'on endort la personne durant toute la durée où la fin de vie suit son cours, et je pense que, de ce que j'ai compris, c'est un processus qui devient irréversible à partir du moment… Si on parle de sédation intermittente, non, on peut ramener la personne, mais, lorsqu'on est dans la continue, elle est irréversible. C'est pour ça que ça nous apparaissait important, à la lumière de tout ce que les experts en soins palliatifs nous ont dit et de leurs demandes, de dire : On va venir le baliser en disant qu'il doit y avoir un protocole. C'est fantastique dans les lieux où ça se fait parfaitement, mais le problème, c'est dans les lieux où ça ne se fait pas parfaitement.

Le Président (M. Bergman) : Dre Martel.

Mme Martel (Christiane) : Je crois que ça se balise par des guides de pratique clinique. C'est un geste médical, c'est une décision médicale. Est-ce qu'on prend une loi pour baliser tous les gestes médicaux qui se posent? C'est là où je me questionne, sincèrement. Parce qu'on n'est pas dans un processus où je vais devancer la mort… en tout cas, dans vraiment très peu de situations. Mais là je vous parle de mon territoire à moi, là, je ne vous parle pas des gens qui vont demander cette sédation-là six mois avant la fin de leur vie. Quand on est dans un processus de mettre fin à la vie, je pense que c'est sage de l'introduire dans une loi, si on veut, mais pas une pratique médicale. Nous, on a nos devoirs à faire, d'avoir des bons guides cliniques, d'avoir des bons protocoles de soins pour préciser le lieu où se produit ce soin-là. Mais je ne vois la nécessité d'avoir ça dans une loi.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le premier bloc du gouvernement s'est terminé. Le premier bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Moi, je trouve ça intéressant, toute la discussion sur la sédation. Mais, en réalité, moi aussi, j'ai fait des soins palliatifs. Il y a un phénomène naturel qui se passe, et puis, à un moment donné, on n'a pas besoin de faire beaucoup de discussions. On parle avec les familles, la personne, elle vient qu'elle tombe dans le coma, et on ne veut pas nécessairement qu'elle se réveille, puis on fait juste maintenir les doses ou les augmenter. C'est comme ça qu'on fonctionne.

Quand on parle de l'aide médicale à mourir, moi, je prendrais plus un exemple, là… Parce que les gens nous apportent beaucoup d'exemples. Vos témoignages sont très, très bons. On prend des cas particuliers, mais c'est des milliers de personnes qui meurent à chaque année, ça fait qu'on peut tous se trouver un cas particulier qui peut défendre notre cause. Moi, je vois la sédation… L'aide médicale à mourir, un exemple : Sue Rodriguez. Maladie très dégénérative, on arrive à la fin de notre vie, il nous reste quelques semaines à vivre, mais on est prisonnier de notre corps et puis on dit : On ne voudrait pas vivre ça. Donc, à ce moment-là, lorsqu'on est conscient, apte, adulte, citoyen du Québec, on pourrait demander que, dans ce cas-là, on abrège nos souffrances. C'est comme ça que je le vois, moi.

Mais là c'est sûr que, quand le projet de loi a été fait… Parce que c'est rendu qu'on est rendus extentionnés, que n'importe qui n'importe quand peut le demander. Moi, je pense, ça va demeurer des cas exceptionnels, et on va regarder les cas exceptionnels. Et puis, pour avoir déjà discuté avec le Dr Deschamps, qui m'avait fait évoluer là-dessus… Il ne s'en souvient peut-être pas, mais on a présenté ensemble, voilà plusieurs années, dans une allocution sur les soins palliatifs… Il avait dit : On n'est pas pour ça, sauf que c'est vrai qu'il y a des cas dans lesquels ces personnes-là pourraient être aidées par ça. Ça fait que moi, je me dis, il faut travailler avec le projet de loi, bien le baliser. Mais est-ce qu'on peut penser… Puis c'est ça, ma question : Est-ce qu'on penser que… C'est sûr qu'on fait tous des bons soins palliatifs, puis on aime tous ça, mais il y a des cas exceptionnels qui, eux autres, pourraient profiter de ça, dont, moi, je vois le cas de, exemple, Sue Rodriguez.

Le Président (M. Bergman) : Dre Martel… Me Deschamps.

M. Deschamps (Pierre) : Si c'est pour être comme ça, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est : Soyez clairs. Comme législateurs, vous devez être clairs. Sur la sédation palliative terminale, pour avoir lu, relu et relu le rapport Ménard, quand on regarde ce qu'il y a dedans, on comprend mieux qu'est-ce que ça veut dire, «sédation terminale». Et pourquoi on l'encadre? Parce qu'on la met dans la même section que l'aide médicale à mourir. Et ce qu'on dit dans le mémoire, c'est : Si la volonté du législateur ou de la société, c'est d'aller dans ce sens-là, vous n'êtes pas obligés d'en faire un soin palliatif parce que ça va à l'encontre de la philosophie des soins palliatifs. Alors, c'est pour ça qu'on dit : Définissez les soins palliatifs, comme on l'a proposé, à l'exclusion de l'aide médicale à mourir et de la sédation terminale, définissez la sédation terminale, définissez l'aide médicale à mourir. Parce que, dans les projets de loi de la Belgique et du Luxembourg, le premier article, on définit les termes. Et, comme ça, ce sera clair pour tout le monde.

Quant à savoir : Est-ce que la loi va être adoptée ou elle ne le sera pas?, c'est à vous de décider. Et vous avez, comme on dit, à tenir compte d'un tas de facteurs, oui. Comme on a dit, comme Mme Blondeau l'a dit, pour éviter la confusion, soyons clairs, parce que la clarté est essentielle dans une loi, pour ne pas qu'on ait à interpréter une loi en disant : Bien là, je vais me référer à la commission sur mourir dans la dignité, je vais me référer au rapport Ménard pour essayer de comprendre ce qui est dit. Alors, je pense que ça, c'est essentiel.

Et l'autre élément, c'est qu'il y a une définition qui a été adoptée par l'Organisation mondiale de la santé, qui, je pense, tient la route, alors respectons-la. Mais vous pourrez avoir, si telle est la volonté du législateur, le projet de loi qui vous semblera, mais on ne viendra pas créer de la confusion et faire en sorte que des gens se sentiront mal à l'aise dans l'interprétation ou même dans l'application. Parce que, comme l'ont dit le Collège des médecins, les fédérations des médecins spécialistes et des omnipraticiens, le critère de mort imminente n'est pas présent. Et là on se questionne sur cet élément-là : Est-ce que c'est à dessein ou c'est un oubli? Parce que, si ce n'est pas la mort imminente, bien peut-être qu'on n'est pas dans le domaine des soins palliatifs aussi. Ça peut être un soin, comme c'est suggéré par le projet de loi. Mais essayons de préserver l'intégrité des soins palliatifs. Nul n'est besoin, pour aller de l'avant avec le projet de loi, de faire de l'aide médicale à mourir et de la sédation terminale un soin palliatif. Et l'essence de notre mémoire porte là-dessus, en plus de tous les autres éléments.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci. J'aime beaucoup votre clarification. D'ailleurs, ma collègue qui est responsable de notre équipe, elle l'a dit dès le début, ça nous prend des définitions. Et puis également ce n'était pas pour avoir l'impression… c'est peut-être pour mieux passer la pilule, on a tendance à voir ça comme consulter… des soins. Puis peut-être que ça peut être comme ça dans la vision de certaines personnes. Mais ça va être important de définir qu'est-ce qui est soins palliatifs, dont entre autres la sédation à la fin de vie, versus sédation terminale, qui est beaucoup plus associée avec le contexte de l'aide médicale à mourir, être capable de dissocier ça. Que ce soit dans le même projet de loi, je pense que vous aviez des objections. Moi, je vis bien avec le fait que ce soit dans le même projet de loi, mais qu'on dissocie les deux concepts.

Et je retiens également, puis vous l'avez dit, là, c'était comme… L'autodétermination permet quasiment de déterminer au moment où tu vas mourir, indépendamment de ta condition. Quand les gens me disent : Bien, on peut peut-être le déterminer un an ou deux d'avance… Moi, je suis d'accord que la mort n'est pas prévisible tant que ça, mais un an ou deux d'avance, on est capable d'avoir une marge de manoeuvre, là. Je pense que ça va être intéressant également qu'on puisse en discuter. Mais moi, je suis d'accord avec vous et je vous rejoins : la clarification des termes, qu'est-ce qu'on veut, jusqu'où on est prêts à aller, c'est quoi, les balises qu'on va mettre.

Puis je vais vous donner mon impression. On est partis d'une commission médicale à mourir qui a fait un excellent travail, dans laquelle on a beaucoup entendu les gens qui étaient pour que ça devienne disponible, mais ce qu'on entend actuellement dans la commission, c'est beaucoup les gens qui, en voyant le projet de loi, ont dit : Nous autres, ce n'est pas là qu'on pense qu'on devrait se rendre. Maintenant, il faut retrouver l'équilibre.

L'autre élément, et vous avez raison, il y a eu un travail de commission médicale à mourir, il y a eu le rapport Ménard, mais actuellement c'est un projet de loi, avec une loi, il faut refaire un gros travail pour être certains qu'on n'ait pas à interpréter en fonction de la commission et qu'on n'ait pas à interpréter en fonction du rapport Ménard, mais bien qu'est-ce qu'on voulait ici, en auditions, suite à ce que les gens aient consulté le projet de loi et qu'on ait pu le travailler pour le modifier, pour être certains que ça répond aux besoins de la population. Il y a un équilibre à aller chercher. Je ne sais pas si c'est comme ça que vous le voyez également, là?

Le Président (M. Bergman) : Me Deschamps.

M. Deschamps (Pierre) : Eh bien, je pense que c'est ça que l'on vise. Pas besoin, comme on dit, de faire en sorte que les soins palliatifs, ça devient encore plus confus. Si les distinctions sont là puis si les définitions sont claires, à ce moment-là ce sera peut-être plus facile. Mais il n'en demeure pas moins que ça demeurera toujours un élément qui va diviser les gens. Mais, comme vous disiez, puis je suis d'accord avec vous, et c'est dans notre mémoire, si on fait une loi, c'est pour que ce soit compris par le citoyen ordinaire, sans qu'il ait à se référer à d'autre chose et sans non plus mettre de côté les acquis. Puis les acquis en soins palliatifs sont précieux, puis on dit qu'on veut faire la promotion des soins palliatifs, alors arrangeons-nous pour que ce soit comme ça et qu'on ne vienne pas mettre dans la maison des soins palliatifs quelque chose qui n'est pas nécessairement un soin palliatif. Mais, si la société veut en faire un type de soin, bien, soit.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, seulement pour terminer. Ce que je voie où on s'en va, c'est que les gens des soins palliatifs sont très craintifs de se faire imposer, à un moment donné, d'avoir à faire de l'aide médicale à mourir ou d'avoir à supporter l'aide médicale à mourir. Et, comme le projet de loi a été fait, présentement tous les CSSS doivent être capables d'offrir l'aide médicale à mourir et, suite à avoir entendu les gens des soins palliatifs, ils ne veulent pas nécessairement être associés avec ça.

Ça fait que ça va être, dans notre organisation des soins par territoire, qu'est-ce que la personne veut, qu'est-ce que les intervenants veulent offrir, puis être capables à ce que tout le monde se retrouve là-dedans et qu'on puisse donner satisfaction à tout le monde. Ça, ça va être le grand, grand défi. Parce qu'on peut passer de soins palliatifs, à un moment donné, puis dire : Oui, moi, maintenant, j'aimerais passer à l'autre étape, mais ce ne seront pas nécessairement les mêmes équipes qui vont pouvoir et qui vont vouloir le faire. Ça va être ça, notre défi. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Dr Martel? Sur le terrain, ça va être un défi.

Le Président (M. Bergman) : Dre Martel.

Mme Martel (Christiane) : Bien, c'est parce que le plus grand défi, c'est que… Quand on choisit de faire des soins palliatifs, quand on choisit d'être médecin, au départ on a des valeurs qui nous portent quand on choisit de faire ça. Et les valeurs de soutenir la vie, ce n'est pas juste des valeurs superficielles, c'est des valeurs intrinsèques à ce qu'on est. Et j'étais à un colloque, il y a quelques semaines, de 140 ou 150 intervenants de soins palliatifs, qui se sont posé la question : Qu'est-ce que je vais faire avec la demande d'aide médicale à mourir? Et j'ai vu là plus de médecins pleurer que je n'ai jamais vu dans mes 18 ans de médecine parce que ça nous préoccupe profondément. C'est nous qui sommes là à la fin de la vie, c'est nous qui recevrons ces demandes-là et c'est un conflit avec nos valeurs.

On ne peut pas vous dire qu'on est d'accord avec la loi n° 52, mais c'est un mouvement de société. On est dans une société démocratique, on doit… on en fait partie. Mais ma plus grande question, c'est : Est-ce qu'en soulageant la souffrance on va en générer plusieurs? Et c'est vraiment une question sincère, c'est vraiment une question qu'on doit se poser. Et, oui, sur le terrain, quand on soigne des gens pendant des mois, des semaines, dans des périodes vulnérables, dans une période où ils sont fragiles, dans une période où ils changent d'idée à tous les jours, moi, ma principale préoccupation, c'est : Est-ce que la demande d'aide à mourir est vraiment une demande d'aide à mourir? Et je vous jure que, sur le plan humain et sur le terrain, même après 18 ans de pratique, je ne suis jamais parfaitement certaine que c'est une réelle demande d'aide à mourir, parce que, quand on voit cette demande-là, qu'on se retrouve dans un milieu privilégié — j'ai la chance d'être dans un milieu privilégié, où les soins sont vraiment au maximum qu'on peut donner au niveau humain, au niveau ressources, bon — et que je vois le changement chez ces gens-là…

Hier, une dame de 92 ans me disait : Écoutez, je voulais mourir il y a une semaine, mais je vous dis que je suis contente de ne pas avoir eu la chance de faire ça, je suis tellement bien maintenant. Mais ce genre de phrase là, ce n'est pas l'exception, ce n'est vraiment pas l'exception. Mais je comprends votre exemple. Je suis des SLA à domicile, des gens qui ont des scléroses latérales amyotrophiques. C'est triste, c'est horrible, c'est difficile. Mais, lorsque moi, je vais arriver à la limite de ma capacité de soins parce que mes valeurs profondes me mettent en conflit avec le geste que mon patient me demande, qu'est-ce que ça va générer? Et c'est extrêmement difficile, en ce moment, ce que la société nous demande, vous n'avez pas idée comme… Quand on est des médecins en soins palliatifs, où on a soutenu la vie, où on la soutient jusqu'à la fin, et qu'une société vient nous demander : Quand je vais te demander que je veux mourir, fais-le, c'est quelque chose.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour le premier bloc est écoulé. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est très intéressant, en fait, cet échange-là. Et puis je pense qu'il faut trouver l'équilibre aussi entre la réalité des soignants et des patients. Et il y a aussi la souffrance, dans certains cas, je pense… En fait, c'est des proches qui nous l'avaient amené beaucoup. Parce que vous parlez des souffrances qu'on va peut-être créer, mais je pense qu'il ne faut pas non plus faire abstraction des souffrances qui restent sans réponse à l'heure actuelle, autant pour les personnes que pour les proches. Et puis il y a quelques personnes qui étaient venues nous dire que… Puis, on peut tous, comme dit mon collègue de Jean-Talon, prendre des cas, là. Vous en prenez, des histoires extraordinaires. Il y a plein d'histoires extraordinaires. Et je pense qu'il y a beaucoup plus, heureusement, d'histoires extraordinaires de fin de vie que d'histoires un peu sans réponse et sans issue. Nous, notre défi, c'est d'être capables de trouver une réponse aux situations désespérées, en quelque sorte.

Et puis moi, je me dis, tout ce questionnement-là et, ce que vous dites, comment ça vous interpelle, j'imagine aussi que ça vous interpelle beaucoup quand vous êtes face à une situation sans issue en ce moment. Et j'imagine aussi que, quand des gens… C'est parce qu'il y a toujours ça. Je sais que, pour vous, il y a une grande différence entre un arrêt de traitement puis une aide médicale à mourir. Mais, pour beaucoup de gens, le processus… puis il y a des gens qui sont venus nous raconter des processus d'arrêt de traitement, c'est un processus qui ressemble quand même… parce qu'on sait que, quand on va débrancher, la personne va mourir.

Donc, je me dis, est-ce que les soignants se posent autant de questions quand il y a quelqu'un qui demande un arrêt de traitement, dire : Mon Dieu, est-ce qu'elle veut vraiment un arrêt de traitement? Est-ce que c'est un moment de découragement? Est-ce qu'il y a tout ça?, ou quelqu'un, au contraire, qui demande : On continue, on continue les traitements, qui ne veut pas arrêter les traitements. Moi, je me dis, ces questions-là aussi sont importantes en fin de vie. Quelqu'un qui n'est pas capable de voir qu'il est en fin de vie, là, qui continue à en demander, à en demander, je suis certaine que c'est plus facile pour le soignant d'acquiescer à ça. Mais est-ce que ça rend service à la personne, aussi?

Donc, je pense qu'il y a toute une gamme de questionnements là-dedans qui font en sorte qu'il n'y a pas de réponse simple. Et, nous, la question avec laquelle on est pris, c'est : Qu'est-ce qu'on fait avec ces cas-là exceptionnels? Qu'est-ce qu'on fait quand l'histoire de fin de vie, elle n'est pas celle qu'on voulait? Et surtout, je vous entends parfaitement, vous dites : Quelqu'un qui demande, une journée, il dit : Je n'en peux plus, il ne faudrait pas lui donner l'aide médicale à mourir, là, je suis 100 % d'accord avec vous là-dedans, il faut voir ce qu'il en est. Mais je pense que les cas qu'on a vus ou les cas qu'on voit, comme Dr Low, la semaine passée, dans les médias, ou monsieur… j'en parle aujourd'hui, mais M. Georges C., dans Le Soleil, ce n'est pas des gens qui se sont levés un bon matin en disant : Je n'en peux plus. Puis je pense que, les balises, la force de ces balises-là, c'est qu'il y ait tout un processus d'encadrement très formel pour dire : Il faut que ça soit répété dans le temps, il faut que la personne soit en fin de vie.

 Parce que, là, vous me disiez : Il n'y a pas de balises. Le projet de loi, c'est un projet de loi pour les personnes en fin de vie. La personne est en fin de vie, là, elle n'est pas à 10 ans de la fin de sa vie. Ce n'est pas une personne qui est lourdement handicapée, c'est une personne qui est en fin de vie. Tout le projet de loi est pour les personnes en fin de vie. Donc, ça, je pense, c'est important de vous le réitérer. Alors, je me dis, il y a quand même tout un processus qui fait en sorte qu'on exclut cette personne-là qui évidemment, une journée, est découragée puis dit : Je veux en finir. Donc, moi, ma question, c'est un peu : Qu'est-ce qu'on fait avec ces cas-là qui sont sans issue? Est-ce qu'en fait la réponse, c'est de dire : Il faut les laisser sans réponse parce qu'il y a un bien plus grand et, donc, il ne faut pas répondre à ces personnes-là, malheureusement leur dire : Pour vous, on ne peut pas arriver à soulager?

• (17 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Me Deschamps.

M. Deschamps (Pierre) : Nous, on dit que c'est pour les personnes en fin de vie. Moi, je me pose la question : Pourquoi le Collège des médecins puis les deux fédérations se disent : Où est le critère de la mort imminente? Peut-être qu'il faudrait le mettre pour être sûr que… Mort imminente, ça peut être quelques jours, ça peut être… Mais le projet de loi, ce n'est pas ça qu'il dit. Et, quand j'ai deux fédérations, le Collège des médecins et l'Association médicale qui disent : On ne voit pas cette balise-là, bien je pense qu'il faut les écouter puis se demander : Est-ce qu'on ne devrait pas la mettre pour justement éviter que des personnes… Et moi, des fois, j'ai l'impression que l'aide médicale à mourir, ce sera pour des personnes qui vont être loin de la fin de vie puis, simplement parce qu'ils auront une souffrance psychologique, etc., ils voudront peut-être rencontrer les autres critères. Ça, je pense qu'il faut se poser la question.

Et l'autre question — puis c'est la position qui a été prise — c'est si ça doit être considéré comme un soin, bien ce n'est certainement pas un soin palliatif dans le sens classique du terme. Et, comme le Collège des médecins l'a dit, il y a peut-être une promiscuité un petit peu trop grande entre soins palliatifs et aide médicale à mourir. C'est ce qu'ils ont écrit dans leur mémoire. Il faudrait peut-être dissocier les deux pour que les choses soient claires pour tout le monde. Puis, s'il faut aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir, qu'on aille de l'avant, puis les soins palliatifs vont aller de l'avant, puis il appartiendra aux professionnels et au réseau de voir comment ça va se dérouler.

Et la question que j'ai aussi, qui m'a turlupiné, c'est : On parle de politique, on parle d'orientations, on parle de protocole, on parle de toutes ces choses-là. Est-ce qu'on va attendre, pour que le projet de loi soit en vigueur, que tous les établissements, tous les CMDP aient mis en place ce qu'il faut pour faire en sorte que le projet de loi soit, comme on dit, non seulement sanctionné, mais entre en vigueur? Ça, c'est une question, je pense, qui mérite d'être considérée. Quand est-ce que ça va entrer en vigueur? Est-ce que toutes les balises doivent être là avant que ça entre en vigueur?

Mme Martel (Christiane) : Je voudrais juste revenir… Pour répondre à la question de Mme Hivon…

Le Président (M. Bergman) : Dr Martel.

Mme Martel (Christiane) : …les cas désespérés, les cas de souffrance extrême, les cas… quelle est la différence entre arrêter un traitement versus donner l'aide médicale à mourir? Bien, de mon côté, je peux vous dire qu'un arrêt de traitement, sauf l'arrêt de traitement où la personne est décédée et on la maintient en vie… Parce qu'il y a des traitements comme ça en médecine, les soins intensifs, etc., la personne est morte, et on la maintient en vie. Donc, un arrêt de traitement comme ça n'est pas dans un processus euthanasique, la personne est décédée.

Pour tous les autres qui décident… qui refusent le traitement ou qui arrêtent le traitement, la grande différence, très grande différence, c'est le temps. J'arrête un traitement de chimiothérapie d'une patiente qui n'est pas certaine qu'elle doit continuer ou arrêter puis qui… Il y a du temps qui se passe, il y a du temps où on discute, il y a du temps… Et la notion de temps, c'est flou. Est-ce que, quand quelqu'un me demande de mourir, j'attends deux semaines pour confirmer sa demande? Est-ce que j'attends un mois? Est-ce que je donne un délai de trois mois entre la première demande et l'injection létale? C'est très difficile. Puis moi, je vous parle de fin de vie, là, je ne vous parle pas de gens qui ont des maladies chroniques depuis des années. Je parle de mon terrain. Je ne peux pas parler du reste, je le connais moins. Mais, en fin de vie, les gens changent de position très souvent.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Juste pour bien clarifier ça. L'aide médicale à mourir n'est pas un soin palliatif. Donc, ce n'est pas un soin palliatif dans le projet de loi. C'est un soin de fin de vie, mais ce n'est pas un soin palliatif. Donc, je veux juste vous… Puis, pour ce qui est de la question du temps, je la comprends, je comprends tout à fait ce que vous me dites. Ce n'est pas la même chose si quelqu'un dit : Je ne veux pas une chimiothérapie, puis tout ça. Mais, en même temps, quelqu'un qui dit : Je veux arrêter ma dialyse, on sait pas mal ce qui va arriver. Il y a des gens conscients, ils ne parlent plus, mais ils sont capables encore d'exprimer de différentes manières non verbales qu'ils veulent être débranchés d'un respirateur, par exemple. On sait que la mort va se produire.

Donc, moi, je comprends la distinction que vous faites, je vous le dis, mais en termes de processus d'échange, d'être certain que c'est ça que la personne veut… C'est toute la question de dire : L'autonomie de la personne, dans le fond, quelle place on lui donne? Dans la vie de tous les jours, les gens, à chaque jour, ils prennent des décisions qui ont des impacts majeurs sur leur vie, ils les assument, des fois, pas très bien, mais c'est à eux de les assumer… c'est ça, jusqu'où…

Parce qu'on est dans un contexte médical ou en fin de vie, là c'est comme si on ne pouvait pas permettre aux personnes d'assumer pleinement leur autonomie parce qu'on se dit : Le choix qu'ils vont faire a une incidence trop rapide, trop réelle, trop concrète, qui, moi, comme médecin, m'interpelle. Je le comprends, là, 100 %, pour vous, c'est un gros changement. Et puis je ne suis pas certaine que c'est, non plus, les médecins de soins palliatifs qui ont tout ça à porter sur eux, dans le sens qu'il y a toute la communauté médicale aussi qui est derrière ça. Donc, c'est à ce niveau-là que je voulais tantôt illustrer la question de l'arrêt de traitement. C'est plus dans le questionnement, où on remet peut-être moins ça en cause qu'une personne qui va demander qu'on l'aide à mourir, dans le fond.

Le Président (M. Bergman) : Me Deschamps, dans 1 min 30 s.

Mme Hivon : J'aimerais…

M. Deschamps (Pierre) : …définissez ce que c'est que les soins palliatifs et dites, dans le projet de loi, que c'est à l'exclusion de l'aide médicale à mourir et de la sédation terminale, si on tient à ce terme-là. Comme ça, ça va être clair. Parce que, là, on dit «soins de fin de vie», ça équivaut les soins palliatifs, puis on dit «y compris la sédation». Je pense que là, il faudrait être beaucoup plus clair.

Puis la différence entre arrêter un traitement et puis faire de l'euthanasie ou de l'aide médicale à mourir, dans un, je m'abstiens; dans l'autre, je cause le décès de la personne délibérément, avec l'intention de le causer. Puis, jusqu'à ce que… à moins que je connaisse mal mon droit, mais, en droit criminel, c'est considéré comme un meurtre de porter directement atteinte à la personne de quelqu'un. Et, d'un point de vue moral, il y a une distinction à faire. Vivre avec le fait que j'ai laissé mon épouse aller, puis vivre avec le fait que quelqu'un l'aurait tué, c'est autrement différent, psychologiquement parlant.

Mme Blondeau (Danielle) : J'aimerais…

Le Président (M. Bergman) : Dans une demi-minute.

Mme Blondeau (Danielle) : Un peu l'historique de nos réflexions, c'est qu'on a accueilli le projet de loi n° 52, puis on l'a lu, puis on l'a analysé pour réaliser que les soins palliatifs étaient peu promus. Et nous, comme réseau, on s'est dit : Bien, il faut lever le signal que la promotion des soins palliatifs — ça a été dit à la commission — ça demeure un objectif de société. Puis on trouvait que ce n'était pas très présent. Puis on trouvait que d'accoler l'aide médicale à mourir ou la sédation palliative terminale, au lieu d'éclairer la population québécoise, tout le monde est mêlé, les médecins, les patients, les citoyens. Bien, nous, on aimerait avoir un effort de clarification, comme ça s'est fait, par exemple, en Belgique et aux Pays-Bas, où on a préservé l'intégrité des soins palliatifs, d'une part, et on a fait un projet de loi, là, pour encadrer l'euthanasie.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. Alors, bonjour, merci de votre participation aux travaux de la commission. Je souhaitais justement aller dans le sens de votre intervention et en savoir davantage. Parce que vous faites une proposition, en quelque sorte, de scinder le projet de loi et de faire deux projets de loi distincts, dont un qui se pencherait sur la question des soins palliatifs et l'autre qui inclurait vraisemblablement le concept et l'encadrement de la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir. Donc, il y aurait des finalités distinctes et une… On ne mettrait pas à l'intérieur d'un même projet de loi des concepts qui ne s'accordent pas nécessairement ou qui naturellement ne vont pas ensemble. Je l'avais suggéré ce matin et puis je n'avais pas encore pris connaissance de votre mémoire, donc j'aimerais vous entendre un petit peu sur quels éléments du projet de loi n° 52 pourraient être retenus dans le projet de loi qui encadrerait les soins palliatifs.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : ...Me Deschamps.

M. Deschamps (Pierre) : Bien, il va falloir, comme on dit, utiliser un sécateur pour essayer de voir qu'est-ce qui peut être fait. Il y a toute la question du consentement. Il y a toute la question de l'accès aux soins. Il y a toute la question de l'encadrement des maisons de soins palliatifs. Il y a toute la question de l'offre de services qui pourrait avoir lieu dans les établissements. Il pourrait y avoir des précisions sur le fait que «soins palliatifs», c'est… voici la définition qu'on en donne. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'on pourrait aller.

Pour ce qui est de l'aide médicale à mourir, bien, à ce moment-là, c'est tout l'encadrement qu'on doit y mettre, toutes les balises qu'on doit y mettre, tous les critères qu'on doit y mettre, tous les contrôles qu'on doit y mettre. Moi, je suis un peu étonné quand on parle de sédation palliative terminale puis on dit que le médecin doit aviser le Conseil des médecins et dentistes. Si c'est vraiment de la sédation palliative, je ne vois pas l'utilité, mais, si c'est sédation terminale qui implique l'arrêt de l'hydratation, là je peux comprendre. Puis Me Ménard, dans son mémoire, je pense, a bien lu ça.

Donc, ça, ça pourrait être dans un projet de loi, avec toutes les balises que ça peut comporter, toutes les obligations du médecin. Ce seraient peut-être des projets de loi qui seraient moins volumineux, mais, quand vous regardez la Belgique et le Luxembourg, c'est relativement court comme projets de loi. Je ne dis pas qu'il faut imiter ce qu'ils ont fait là-bas, mais je pense que ce n'est pas par accident qu'ils ont scindé les deux. Il y avait une sagesse, je pense, des parlementaires de dire : Oui, avec tout ce qu'on a entendu, peut-être que c'est préférable d'aller dans ce sens-là. Alors, vous voyez, grosso modo, ce qu'on pourrait mettre dans l'un puis ce qu'on pourrait mettre dans l'autre.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce que, par exemple, la commission sur les soins de fin de vie serait nécessaire à l'encadrement des soins palliatifs?

Le Président (M. Bergman) : Me Deschamps.

M. Deschamps (Pierre) : Bien, la commission, ça va dépendre de ce qu'on va lui donner comme mandat. Il y en a qui sont venus devant vous en disant... Et je pense que c'est le Protecteur du citoyen qui a fait des représentations, je pense, qui sont très valables sur les soins palliatifs. Je pense qu'il y avait trois recommandations qui portaient là-dessus.

J'ai l'impression que la commission sur les soins de fin de vie, le contrôle ou la supervision qu'elle voudrait exercer, c'est surtout sur l'aide médicale à mourir et la sédation terminale parce que c'est là qu'on a peur des dérapages, et on a dit : On va mettre, entre autres choses — et il y en a plusieurs — cette balise-là. Qu'une commission sur les soins de fin de vie vienne voir comment les soins palliatifs... Comme on a dit, il y a des guides de pratique, il y a l'agrément qui existe, il y a toutes sortes de contrôles qui existent. Alors, ça dépend du mandat qu'on voudrait lui donner et de ce que le législateur veut faire comme supervision globale. Mais là je pense qu'il va falloir regarder ça dans l'optique : si jamais les deux projets de loi... si le projet de loi était scindé.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et on vous a peu entendus sur toute la question des directives médicales anticipées dans le contexte de vos pratiques et de la pratique en soins palliatifs. Qu'est-ce que vous pensez des articles qui sont prévus au projet de loi entourant la question des directives médicales anticipées?

Le Président (M. Bergman) : Dre Martel.

Mme Martel (Christiane) : C'est une excellente idée parce que très souvent, à la fin de la vie, on n'a pas clairement ce que... les gens n'ont pas réfléchi tant que ça à leur niveau de soins et à ce qu'ils pourraient souhaiter dans les... s'ils sont très malades. Le seul point qui m'inquiète, c'est le temps, parce que, quand on est vraiment en santé — et le docteur... je ne me rappelle plus son nom, la pédiatre nous l'a dit tantôt — quand on est très jeune et très loin de la vieillesse et de la mort, on n'a pas du tout les mêmes besoins et on n'a pas du tout les mêmes souhaits, par rapport à si on est malade.

Donc, ces directives anticipées, excellente idée, mais peut-être avec une petite notion de temps, avec la révision, je ne sais pas, moi, aux deux ans ou avec... pour que le médecin qui reçoit un patient qui est dans une complication grave et qui a fait ses directives anticipées il y a 10 ans... Je ne suis pas certaine que, dans un espace de temps de 10 ans, les directives anticipées peuvent être... à cause de l'ambivalence de la maladie de la fin de vie. Quand on est malade, on ne pense plus de la même manière que quand on est sur le point de mourir.

On a accompagné, dans notre maison de soins palliatifs, quelqu'un qui était vraiment un disciple de l'euthanasie, qui a fait des livres, qui a fait des écrits, qui a, toute sa vie, parlé pour que le Québec légalise l'euthanasie. Et, quand il est arrivé à la fin de sa vie, il nous a dit : Je suis désolé, je me suis trompé. Il a eu une bronchite puis il nous a demandé de traiter sa bronchite. Donc, c'est pour ça que je vous dis que nous, on la voit, cette ambivalence-là.

Ça fait que les directives anticipées, c'est une excellente idée. Et personnellement, en soins palliatifs, c'est de ce côté-là que je vais travailler beaucoup avec mes personnes âgées et avec mes patients qui sont très malades. Mais une petite notion de temps par rapport à peut-être la révision ou savoir où les gens sont dans leur vie. Mais c'est une excellente idée.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Avant de reconnaître le deuxième groupe d'opposition, je rappelle aux collègues de la commission qu'on a une séance de travail à 18 heures, ce soir, à la salle RC.171. Alors, maintenant le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. J'aimerais revenir à votre intervention en début d'allocution, concernant les médecins qui... En Belgique, actuellement, il y a une expertise, bon, qui... Bien, en fait, eux, ils appellent ça l'euthanasie, finalement. Et vous semblez avoir eu des contacts avec des médecins qui, là-bas, pratiquent l'euthanasie. J'aimerais vous entendre à cet effet-là, à cet égard-là.

Le Président (M. Bergman) : Dre Martel.

Mme Martel (Christiane) : Bien, en fait, les discussions ont eu lieu dans une rencontre francophone des maisons de soins palliatifs, où on a pu échanger avec des médecins qui travaillaient dans des milieux de soins palliatifs ou dans des hôpitaux et qui, pour certains, pratiquaient l'euthanasie ou ne la pratiquaient pas nécessairement. On n'est pas obligés, même en Belgique, de pratiquer l'euthanasie. Mais les discussions que j'ai eues avec des médecins sur place étaient de la nature : J'ai choisi de le faire, j'ai accepté de le faire parce que je n'étais pas capable de laisser mon patient, parce que ça fait... Il y avait une oncologue, entre autres, qui me disait : Bien, je ne pouvais pas, ça fait des années que je les accompagne. Mais, quand je le fais, je dois me retirer. Je ne vais pas bien pendant un temps.

Un autre médecin nous disait : Bien, j'ai dû changer d'hôpital parce que la culture de l'hôpital où j'étais est devenue une culture où, disons, on se questionnait moins, où on se préoccupait moins des demandes d'euthanasie. Et, pour elle, dans son conflit de valeurs personnelles, elle a dû changer d'hôpital parce qu'elle était vue comme un médecin qui manquait de compassion ou un médecin qui n'acceptait pas de faire ça pour ses patients.

Donc, ça peut prendre des chemins qu'on ne s'attend pas, je pense. Mais on ne doit pas négliger ça. Parce que je ne pense pas qu'on est dans un système de santé où c'est très, très facile. On est tous débordés, on a tous beaucoup de travail. Et est-ce qu'on aura suffisamment de temps, de support, de… Le programme d'aide aux médecins, je parlais avec Me Deschamps, il pense à ça : si cette loi-là arrive, comment on s'y prépare, parce qu'il y a des médecins qui n'iront pas bien dans ce lieu-là. Ce n'est pas aussi simple que de référer et de dire : Bon, bien, moi, je ne veux pas le faire, faites-le. On parle de relations humaines, on parle de relations intimes entre un médecin puis un patient. Donc, quand on est en conflit de...

Je ne sais pas si j'ai le temps, mais, dernièrement, il y a un patient qui m'a demandé l'aide médicale à mourir parce qu'il pensait que la loi était passée. Donc, il me demande — il avait entendu ça dans les médias, un monsieur âgé — il me dit : Là, Dre Martel, moi, c'est vraiment ça que je veux, puis je voudrais qu'on en parle sérieusement, puis... Et la discussion m'a amenée... J'ai dit : Écoute, bon, la loi n'est pas passée, mais je vais faire comme si elle était passée, je vais vous parler exactement comme si la loi était passée. Et on a discuté ensemble : qui je suis, pourquoi je suis médecin, d'où je viens. J'ai tassé mon crayon, mon dossier, mon stéthoscope, et on a parlé. On a juste parlé comme deux êtres humains avec des valeurs puis des choses… des passés, des valeurs différentes. Et, à la fin de la discussion, je me suis retrouvée devant une situation où, tout à coup, c'est le patient qui, les yeux dans l'eau, m'a dit : Bien, finalement, Dre Martel, même si la loi était là, je ne vous demanderai jamais ça. Pourquoi? Pas parce que je voulais le convaincre de ne pas mourir, là, mais il a comme entendu, et, tout à coup, moi, qui le soignais, je suis devenue comme : Coudon, j'ai-tu bien fait de dire ça, parce que...

• (18 heures) •

Mais c'est ça qui se passe dans une relation médecin-patient. Mais ce patient-là me disait : Je vous comprends, je comprends vos valeurs. Mais j'ai dit aussi : Je vais tout faire, je vais être là puis je vais tout faire pour que ce ne soit pas souffrant. C'est la peur de la souffrance de la fin de la vie qui amène ces demandes-là. Mais on est dans une relation intime, on est dans une relation qui dépasse… à ce stade-là, à ce niveau-là, dans les demandes d'aide à mourir, ça dépasse de loin la simple relation médecin-patient. Et c'est ce qui m'inquiète, dans notre système. Si l'aide médicale arrive, comment on va faire pour préserver notre profession, pour faire en sorte que trop de médecins entre nous ne soient vraiment pas bien dans cette situation-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste une minute.

Mme Daneault : Merci. Bien, merci de votre... Et puis je pense que, cette notion-là, on a tendance à l'oublier quand on fait des lois. L'aspect humain, bien, je pense que c'est essentiel. Alors, c'est bien de nous ramener à ça. Bon.

Si éventuellement la loi passait, est-ce que vous pensez qu'on ne devrait pas déjà, d'ores et déjà avoir des équipes peut-être dédiées à supporter, un peu comme on le fait dans les groupes de... dans les soins palliatifs, d'aide aux personnels qui sont... les personnels soignants, là, mais qui ont à vivre ça au quotidien?

Mme Martel (Christiane) : C'est tellement vrai que...

Le Président (M. Bergman) : Il reste du temps pour une courte réponse.

Mme Martel (Christiane) : Oui, ce ne sera pas long. C'est tellement vrai qu'au dernier Congrès international de soins palliatifs, dans une discussion de corridor, en parlant avec quelqu'un de la Belgique, il me disait comment ça se passait dans leurs hôpitaux et dans leur milieu, et les équipes. Il faisait partie d'une équipe qui soutenait les équipes soignantes. Et il me dit : Bien, comme dans vos établissements, vos équipes qui supportent les groupes vont aussi s'occuper de ceux qui supportent... J'ai dit : C'est parce que nous, dans nos établissements, on n'a pas d'équipe qui supporte les soignants. On n'a pas de gens qui nous soutiennent, là, ce n'est pas quelque chose qui est installé, alors que ce que je comprenais, c'est qu'en Belgique c'était déjà quelque chose qui était installé avant que l'euthanasie arrive. Ils avaient des équipes de support, des équipes de discussion pour permettre que la vie continue. Mais nous, on n'a pas ça. Ça fait que c'est très pertinent, votre question.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Alors, Mme Déry, Mme Blondeau, Dr Martel, Me Deschamps, merci pour votre présentation.

Collègues, la commission suspend ses travaux pour quelques instants seulement afin de se réunir en séance de travail à la salle RC. 171, hôtel du Parlement. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 19 h 34)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Alors, je souhaite la bienvenue à nos invitées, la Société canadienne du cancer, division du Québec. Alors, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et le micro, c'est à vous.

Société canadienne du cancer, division
du Québec (SCC-Québec)

Mme Dubois (Suzanne) : Merci, M. le Président. Distingués membres de la commission, bonsoir. Je me présente : mon nom est Suzanne Dubois, je suis la directrice générale de la Société canadienne du cancer, division Québec. J'ai avec moi Mélanie Champagne, qui est directrice de la défense d'intérêt public, ainsi que Marie-Anne Laramée, qui est analyste.

Alors, je vous remercie de nous avoir conviées à ces audiences. C'est un exercice qui revêt une extrême importance. Les enjeux sont fondamentaux, puisque c'est de l'ensemble des mesures et des moyens qui doivent être mis en oeuvre pour que tous puissent mourir dans la dignité, et commençant par ne plus tolérer la souffrance ni négliger cette étape de la vie, ce à quoi nous travaillons activement, à la société.

Depuis 75 ans, on se consacre à l'éradication du cancer et l'amélioration de la qualité de vie des personnes touchées par cette maladie. Nous sommes présents partout au Québec, en prévention, en recherche, en information, en soutien et en défense de l'intérêt public. Nous aidons les personnes en fin de vie et leurs proches de plusieurs façons : par notre aide financière et matérielle, par notre service de soutien psychosocial Cancer J'écoute et par des programmes de jumelage et de l'information.

On le sait, c'est pour les personnes atteintes de cancer qu'ont été développés les soins palliatifs. Il serait cependant faux de croire que toutes les personnes atteintes de cancer ont accès à ces soins. En termes de contrôle de la douleur, c'est 50 % de la douleur cancéreuse qui serait sous-traitée, ce qui est énorme si on songe que plus de 20 000 personnes mourront de cette maladie seulement cette année au Québec.

Vous l'avez entendu à de nombreuses reprises, mais nous tenons à le souligner, la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité et ce qui s'en est suivi a été exemplaire sur le plan de la collaboration du travail parlementaire. C'est un privilège que d'y prendre part aujourd'hui, et il est à souhaiter que cet esprit de collégialité se poursuive. De notre côté, il s'agit de notre première intervention publique dans le cadre de la démarche mourir dans la dignité. Comme beaucoup d'autres organisations, nous nous sommes d'abord imposé un certain devoir de réserve, mais l'intérêt des médias et du public s'est principalement attardé à la question de l'aide médicale à mourir et aux divergences d'opinions qui se sont fortement exprimées, alors que, pour nous, l'essentiel du projet de loi n° 52 réside dans la place qui est faite aux soins palliatifs. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour porter la voix des personnes atteintes de cancer et pour parler de soins palliatifs.

Mme Laramée (Marie-Anne) : M. le Président, les recommandations...

Le Président (M. Bergman) : Mme Laramée.

Mme Laramée (Marie-Anne) : Oui. Les recommandations que vous entendrez dans quelques instants sont issues de plusieurs sources. Il y a d'abord, bien sûr, l'expertise du personnel de la SCC, mais il fallait aussi être en mesure de se faire une meilleure cartographie des enjeux entourant les soins de fin de vie. Donc, ce qu'on a fait, c'est une enquête terrain. On parle d'une trentaine d'entrevues qualitatives.

On a rencontré des professionnels des soins palliatifs, médecins, infirmières, psychologues, des proches aidants et des patients qui ont vécu les soins palliatifs à l'hôpital comme à la maison et on leur a demandé de nous raconter leur parcours ou celui d'un patient marquant, de leurs priorités, de leurs urgences, autant de récits touchants que de ratés dramatiques. Vous avez plusieurs extraits des entrevues dans le mémoire. Cette démarche-là nous a permis d'approcher le quotidien des soins de fin de vie et d'illustrer le besoin d'accès aux soins palliatifs au bon moment et au bon endroit.

Ça a aussi mis en relief les besoins d'information et d'accompagnement des patients, mais aussi de soutien pour les proches et de formation des soignants. Ce qui est marquant, c'est l'écart beaucoup trop grand entre les visées de nos politiques et leur application, un écart qui laisse des personnes sans services ni soutien à un moment où, sur papier, ça devrait être autrement.

Comme le gouvernement investit davantage en soins palliatifs à domicile, on a voulu aussi prendre la mesure du souhait des Québécois de mourir à la maison et leur niveau de confiance à recevoir des soins adéquats lorsqu'ils seront eux-mêmes en fin de vie. À 69 % de Québécois qui veulent mourir chez eux, ça fait beaucoup de monde. Selon les intervenants qu'on a rencontrés, ce serait possible pour 50 % des gens, mais ça se réalise pour moins d'une personne sur 10. Ça prend des conditions gagnantes, et il reste encore des freins, notamment le fait que ça coûte plus cher pour le patient de mourir chez lui.

Maintenant, les Québécois croient-ils qu'ils recevront les soins adéquats lorsqu'ils seront eux-mêmes en fin de vie? La réponse est tout aussi claire, c'est presque la même proportion de répondants, c'est 70 % qui nous dit : J'ai peur de ne pas recevoir les soins adéquats à la fin de ma vie. C'est une crise de confiance importante. On pense que le projet de loi peut améliorer la situation et apporter des réponses et, de notre côté, on en a quelques-unes à vous suggérer.

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

• (19 h 40) •

Mme Champagne (Mélanie) : Merci, M. le Président. Nous allons vous présenter en premier lieu nos remarques sur certains passages du projet de loi pour ensuite enchaîner avec des revendications plus larges. Toujours, on va s'attarder à l'accès aux soins palliatifs au bon moment et au bon endroit, au soutien aux proches et à la formation. Je tiens à saluer le travail effectué par la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité dans son ensemble, mais on a quand même certaines inquiétudes par rapport à certains libellés du projet de loi.

La première, le libellé de l'article 3, alinéa 3°. On parle d'une garantie d'accès aux soins de fin de vie qui inclut les soins palliatifs mais aussi la sédation palliative et l'aide médicale à mourir. Est-ce que ça veut dire qu'un établissement pourrait affirmer offrir des soins de fin de vie s'il n'offre, par exemple, que la sédation palliative? Ce n'est pas ça, l'esprit de la loi, mais ce n'est pas tout à fait clair dans le libellé. Nous recommandons évidemment que l'accès à chaque élément soit garanti et qu'il soit hiérarchique, donc, autrement dit, les soins palliatifs avant tout.

À l'article 5 maintenant, on présente les ressources humaines matérielles et financières dont les établissements disposent comme une limite au droit de recevoir les soins de fin de vie. On ne voudrait pas que cette formule-là, qui est aussi dans la loi sur la santé et services sociaux, serve d'excuse pour ne pas donner des services de soins palliatifs.

Maintenant, aux articles 9, 10 et 39, où on traite plus de politique et de rapports, on s'est tracé un portrait des soins palliatifs au Québec. C'est une tâche laborieuse. C'est pour ça qu'on est très enthousiastes à l'idée que la situation de la fin de vie au Québec puisse être documentée en continu par un organisme dont ça va être vraiment la responsabilité, la spécialité. On veut juste souligner que, pour nous, l'important, c'est que ces rapports-là et ces données-là soient publics et accessibles.

Et, en dernier lieu, les articles 6, 25 et 28, on traite des nouvelles responsabilités qui vont être attribuées aux médecins, surtout communicationnelles, mais ce n'est pas donné à tous d'avoir les compétences pour avoir ces conversations très importantes de fin de vie. Donc on peut se demander comment les soignants vont exercer cette nouvelle responsabilité. Ça devrait faire , pour nous, l'objet d'une attention particulière.

Maintenant, pour nos revendications en général. Le Québec s'est déjà doté d'une excellente politique sur les soins palliatifs en 2004. Pourtant, quand on est en contact avec ce qui se passe sur le terrain, c'est très clair que l'ensemble des recommandations n'a pas été appliqué. Je ne pense pas qu'on accepterait qu'il manque de ressources à l'hôpital quand il y a une naissance d'un enfant, par exemple, ou qu'il manque de places dans les écoles. On prend ça pour acquis, c'est non négociable. Nous, on pense que l'accès aux soins de vie, ça devrait être la même chose, et ça devrait être une priorité gouvernementale béton.

Actuellement, par contre, entre 20 % et 60 % des personnes ont accès aux soins palliatifs, selon les régions; c'est loin d'être suffisant. Et c'est difficile aussi de suivre les progrès accomplis en soins palliatifs dans le développement des soins pals au Québec. Donc, nous réclamons l'uniformisation et la bonification de l'offre des soins pals pour tous. Ce développement devrait être assorti d'une reddition de comptes transparente et de rapports publics.

Aussi, il y a des gens qui doivent faire des pressions et cogner aux portes pour recevoir des soins. Il y a des personnes qui quittent l'hôpital sans référence aux soins palliatifs, qui ne savent pas où téléphoner si leur situation se dégrade. Les spécialistes soignants, eux autres, ne sont pas toujours équipés pour référer. Des fois, ils n'ont pas le temps, des fois, ils ne connaissent même pas les services qui sont offerts dans leur région. En outre, on sait déjà que, si les soins palliatifs étaient introduits plus tôt dans le processus, ça permettrait de prolonger la vie des personnes et de sauver des coûts. Donc, nous réclamons une procédure plus claire tout de suite après un diagnostic de maladie incurable et un meilleur pont entre l'oncologie et les soins palliatifs.

Présentement, au Québec, 85 % des gens meurent à l'hôpital ou en CHSLD, 5 % en maison de soins palliatifs et seulement 10 % à domicile. C'est le pire résultat pour une province canadienne. Pourtant, Mme Laramée l'a dit, c'est le souhait de la vaste majorité de décéder à domicile. Il y a quand même… ce n'est pas tout noir. Il y a des endroits qui le font très bien, comme le CLSC de Verdun ou le CSSS du territoire d'Arthabaska, où on atteint des chiffres de 55 % de décès à domicile. Donc, nous réclamons que tous les CLSC offrent des soins palliatifs à domicile intensifs et que la rémunération des soignants soit bonifiée quand ils sont à domicile.

Aussi, saviez-vous qu'il coûte plus cher à un malade de mourir chez lui qu'à l'hôpital parce que celui-ci doit payer une partie de ses médicaments, de l'aide matérielle, toutes sortes de frais? Et ces frais, quand on est à l'hôpital, sont pris en charge. D'ailleurs, la commission a déjà dit, et je cite, qu'«il s'agit là d'un frein inacceptable au maintien des personnes en fin de vie dans leur milieu». Nous réclamons donc que ces coûts soient pris en charge à domicile, là, comme ils le sont déjà à l'hôpital.

Quand on parle de décès à domicile, il faut également considérer l'immense impact pour les proches. On parle, pour eux, d'entre trois à cinq ans pour se remettre complètement d'un accompagnement. Le lieu du décès va donc dépendre énormément du soutien qu'on va décider de fournir aux aidants. L'épuisement les guette, mais surtout il ne faut pas oublier que, s'ils n'étaient pas là, les aidants, le système s'effondrerait, avec la charge de travail qu'ils accomplissent. Donc, nous réclamons un meilleur appui aux aidants, incluant du soutien financier, des congés légaux, du dépannage, de l'aide domestique et psychosociale, et, très important, peu importe l'âge du patient.

Également, on nous a parlé beaucoup des CHSLD qui seraient, aux dires de certains intervenants, des déserts palliatifs. Dans certains endroits, on nous a même dit que, pour soulager la douleur, c'était le Tylenol. Pourtant, il y a beaucoup de personnes qui meurent en CHSLD parce que c'est leur milieu de vie. On réclame donc que soit implantée, dans tous les CHSLD, l'approche palliative, que ce soit par des équipes dédiées ou par des équipes volantes.

Mais, pour l'instant, c'est toujours à l'hôpital que ça se passe avant tout. Donc, on est d'avis que chaque lit devrait toujours s'accompagner d'une équipe dédiée en soins palliatifs. Ça ne sert pas à grand-chose d'ouvrir des places si on n'a pas le personnel nécessaire pour donner les soins.

Et autre fait qui nous a beaucoup choquées, nous, c'est d'apprendre qu'au début des années 2000 4 % des cancéreux décédaient à l'urgence. Rien n'indique présentement que cette situation-là ait changé. On n'a pas les données, mais, si on applique aux données d'aujourd'hui, ça ferait 800 personnes par année au Québec qui décéderaient du cancer dans un corridor d'urgence. C'est vraiment inacceptable, sans compter que c'est une aberration organisationnelle et économique, hein? On sait que l'urgence, c'est le service qui coûte le plus cher à l'hôpital. On réclame donc des procédures de préadmission qui passeraient par l'unité des soins palliatifs et non par les urgences. Et on sait aussi que, s'il y avait une infirmière pivot, ça faciliterait beaucoup la navigation dans le système. Donc, ça prend des infirmières pivots en milieu hospitalier. Il faut qu'il y en ait plus et partout.

Pour terminer, la formation et la reconnaissance. C'est sûr que, si le personnel en soins palliatifs n'est pas formé ou soutenu, en bout de piste, c'est le patient qui ne recevra pas les soins dont il a besoin. Or, la formation des médecins généralistes en soins palliatifs, c'est presque inexistant, et les exigences de formation pour occuper des postes, on dirait qu'elles ne sont pas toujours présentes. Souvent, on s'est fait dire que les bénévoles des maisons de soins palliatifs étaient plus formés que certains professionnels soignants. Et les soignants interviewés étaient unanimes, ils sentent que leur pratique, elle n'est pas comprise par leurs collègues, que les soins palliatifs sont vus comme des soins de seconde zone, ou c'est un domaine pour les moins bons.

Donc, on réclame, comme l'a déjà fait l'Association médicale canadienne, que, dans la foulée de l'implantation du projet de loi, toutes les facultés de médecine québécoises se dotent d'une formation en soins palliatifs. Aussi, on pense qu'il devrait y avoir un nombre minimal d'heures payées pour la formation continue. C'est très important. J'aimerais ça terminer mon allocution en soulignant que les professionnels de soins palliatifs font vraiment un travail extraordinaire qui mérite d'être valorisé et reconnu, mais malheureusement il n'y a pas encore un accès pour tous.

Si on a encore peut-être deux, trois minutes, j'aimerais ça laisser la parole à Mme Dubois, qui nous glisserait quelques mots sur son expérience personnelle avec les soins palliatifs.

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste une minute. Il vous reste une minute.

Mme Dubois (Suzanne) : Une minute. Alors, je vais faire ça vite. C'est une histoire vécue. Mon père est décédé, il y a trois ans, du cancer, et je peux vous dire que d'avoir des soins à la maison, c'est quelque chose. Après sa chirurgie, il est retourné à la maison, mais il est comme tombé entre deux chaises, et il n'y avait pas de contrôle de la douleur. Mon père ne vivait pas à Montréal. Moi, je vis à Montréal, alors il n'y avait personne de proche pour les soutenir, mes parents. Et donc, quand je me suis aperçue qu'il était souffrant puis qu'il n'avait que de l'Advil… Je vous dis, l'Advil, là, ça ne fait pas la job, pas quand quelqu'un est en fin de vie. Et il a fallu se débattre. On a fini — c'est une histoire qui se termine bien quand même — on a fini par avoir des soins, et c'était surtout venir donner le bain parce que ma mère, qui a elle-même pas loin de 80 ans, n'avait pas la force de faire ça. Pendant un an et demi, ma mère a dormi juste d'une oreille pour être sûre de se réveiller, si mon père souffrait, pour qu'elle puisse lui donner ses médicaments.

Ensuite, il a réussi à avoir une place à l'hôpital, à l'unité de soins palliatifs, et, comme il ne mourait pas assez vite, au bout de quatre, cinq jours, on parlait de le placer ailleurs. Mon père n'avait jamais été à l'hôpital de sa vie, sauf pour sa chirurgie. Alors, je peux vous dire que de partir de chez lui pour aller à une unité de soins palliatifs puis commencer à s'habituer au personnel puis aux bénévoles qui, soit dit en passant, étaient formidables, puis là, dire : Bien, écoute, c'est passé dû, ton affaire, là. La plupart des gens meurent en quatre jours. Toi, tu es encore vivant puis tu as l'air bien. On va te retourner ou t'envoyer ailleurs. Il était découragé, dévasté, ma mère aussi. Il me dit : Je ne suis pas capable. Alors, c'était vraiment un grave problème. Finalement, il est resté là et il a pu finir ses jours tranquillement. Mais pourquoi est-ce qu'on est obligés de vivre ce stress-là quand on a déjà à vivre une étape aussi difficile? C'est vraiment ce que je trouve incroyable. Ça devrait être accessible à tout le monde.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Et merci pour vos commentaires très touchants. Pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, merci, M. le Président. Bonsoir à vous trois. Merci beaucoup d'être parmi nous. Je dois vous dire… Pardon. Comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure en vous saluant, j'ai vraiment lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire hier soir. Je trouve qu'il est vraiment fouillé et je vous félicite du travail que vous avez fait.

En fait, en ce moment, au ministère, on est en train de travailler sur un bilan, et effectivement ce n'est pas toujours simple parce qu'on a besoin de bonifier certaines choses, certains indicateurs. La commission va être très utile, si évidemment elle est mise sur pied, pour faire un suivi via des rapports annuels qui, oui, seront publics, donc déposés à l'Assemblée nationale, autant les annuels que le quinquennal, pour voir l'évolution, là, dans le temps, du développement et de la pratique, là, des soins palliatifs ainsi que de la sédation et de l'aide médicale à mourir.

Donc, je vois que vous avez fait tout un travail. Et puis je pense que c'est très éclairant aussi. Vous l'avez fait évidemment dans une perspective uniquement des patients qui reçoivent des traitements, en fait, qui sont accompagnés en fin de vie parce qu'ils ont un cancer, mais je pense que ça nous donne une bonne indication aussi de l'offre à laquelle vous êtes confrontés. Peut-être vous dire qu'en ce moment, en regardant tout ça d'ailleurs, je vais être intéressée à vous entendre, parce que, nous, selon les études, on évalue qu'il y a environ 70 % des gens qui ont, je dirais, une problématique, une maladie, une situation qui ferait en sorte qu'ils seraient des potentiels bénéficiaires de soins palliatifs en fin de vie. Vous, vous évaluez ça à beaucoup plus. Vous semblez juste exclure les décès accidentels. Mais tout ce qui est décès, je dirais, subit, d'une maladie, d'une infection subite ou d'une crise cardiaque par exemple, ou tout ça… Donc, ça, je suis intéressée à comprendre comment vous déterminez votre nombre de gens potentiellement bénéficiaires de soins palliatifs, là. C'est juste parce que je suis curieuse de le voir, parce que c'est des choses qu'on documente en ce moment.

Et nous, en partant de nos données, on évalue qu'environ 50 % des gens qui seraient des bénéficiaires potentiels de soins palliatifs en reçoivent à domicile. Est-ce qu'ils ont tous l'intensité parfaite, tout ça, l'équipe parfaite? Je ne suis pas en train de dire oui mais qu'ils auraient au moins un soutien à domicile en soins palliatifs. Et on ajoute à ça les gens qui en reçoivent. Ce matin, l'Alliance des maisons de soins palliatifs nous disait qu'au cours de la dernière année il y avait eu 3 500 personnes qui avaient reçu des soins en maison. Donc, c'est un petit peu plus que de… c'est près de 10 % des récipiendaires potentiels. Puis il y a ce qui se fait en centre hospitalier et en CHSLD. Et, pour ça, on est en train de travailler les indicateurs. Donc, je veux juste vous donner un horizon d'où on est en ce moment dans nos travaux.

Puis je veux vous dire qu'on est vraiment… Je partage vraiment votre point de vue, à savoir qu'il doit y avoir une grande impulsion, une grande volonté politique et une grande volonté aussi de développer les soins à domicile. Et on est vraiment dans cette logique-là, autant pour les soins, je dirais, en général que pour les soins palliatifs. Puis c'est pour ça que la majorité du financement qu'on a annoncé au mois de mai est pour les soins à domicile, pour justement permettre que des équipes, donc, dédiées, mieux formées aussi puissent oeuvrer. Et puis la grande priorité, en formation, tous domaines confondus, va être pour les soins palliatifs, notamment pour le CHSLD parce qu'il y a énormément de travail à faire là.

Et j'étais, hier encore, dans un CHSLD, et je parlais aux intervenants, et c'est certain qu'il faut améliorer les choses. Et puis il y a des exemples extraordinaires. Vous parlez du CLSC Verdun, vous parlez de ce qui se fait. J'étais là vendredi aussi et puis effectivement je pense qu'il y a des modèles qui ne sont pas si complexes. On a des gens dans notre équipe qui ont eux-mêmes vu des modèles, élaboré des modèles. Donc, c'est vraiment, pour nous, une grande priorité. C'est que je voulais vous rassurer à cet égard-là. Donc, qu'on est en plein travail sur ça.

Pour ce qui est de vos questionnements sur certains éléments du projet de loi, vous dire que, bon, d'abord, oui, il y a une volonté de la plus grande transparence pour que justement on soit capable de suivre l'évolution des choses. Il y a une volonté aussi que ce soit clair que la politique des… Parce que vous vous questionniez à savoir si la politique des soins de fin de vie pourrait exclure une partie et ne comprendre qu'un des soins. La réponse, c'est non. Évidemment, c'est d'abord et avant tout une politique sur les soins palliatifs. Donc, comme on le dit, chaque établissement qui reçoit des gens en fin de vie va devoir avoir une politique, et donc c'est sûr que ça inclut les soins palliatifs. Donc, si ça peut vous rassurer à cet égard-là, c'est un élément que je voulais vous dire.

Je voulais vous dire aussi qu'on travaille sur une trousse pour le patient, c'est-à-dire que la personne qui arriverait au stade où le curatif n'a plus sa place recevrait une trousse, à savoir quels sont les services, quels sont ses droits, avec aussi un répertoire des possibilités d'obtenir des soins palliatifs, comment c'est organisé, puis tout ça.

Et, évidemment, bien, il y a une sensibilisation qui va de pair avec les équipes soignantes. Parce que ce n'est pas la première fois qu'on entend ça que parfois les bénévoles sont mieux formés que certains intervenants. On a déjà entendu ça pendant les auditions de la commission. Donc, il y a une volonté à travers ça de sensibiliser autant les soignants que les patients sur l'offre de services, l'accès, les infirmières pivots, et tout ça. Donc, ça, c'est quelque chose sur quoi on travaille. Parce qu'évidemment on lie le projet de loi… Le projet de loi c'est une chose, mais il y a tout un chantier soins palliatifs au ministère aussi qui travaille en ce moment la question du répit aussi qui est importante aussi dans le soutien qui se fait.

Moi, j'aimerais savoir, de par votre expérience, quand vous racontez même l'expérience personnelle que vous avez vécue et que vous nous dites : Il y a vraiment un problème en matière de formation, où on laisse, par exemple, sortir des gens sans qu'ils soient outillés en termes de gestion de la douleur, si c'est fréquent, pour vous, cette espèce de méconnaissance de certains soignants qui donnent, par exemple, un congé à quelqu'un mais en sachant que la personne est en fin de vie, quant à la gestion, donc, de la douleur, quant à l'accompagnement qui va être requis pour une personne en fin de vie et… Parce que j'imagine que, dans le cas où vous nous parlez qu'on traitait avec des Advil, c'est parce qu'on n'avait pas jugé bon de donner des prescriptions pour autre chose. Donc, est-ce que c'est des histoires qu'on vous rapporte souvent, cette espèce de carence là, dans, je dirais, le suivi approprié?

Puis mon autre volet, c'est : Est-ce que vous avez déjà fait des démarches ou de la sensibilisation, comme association, auprès des facultés ou… Parce qu'on sait que c'est quelque chose qui était ressorti, puis vous le ressortez, je pense, vous aussi, que les vétérinaires reçoivent plus d'heures de formation dans les facultés, en gestion de la douleur, que les médecins. Donc, est-ce que c'est quelque chose à quoi vous vous êtes attardés un petit peu plus en profondeur?

Le Président (M. Bergman) : Mme Dubois.

Mme Dubois (Suzanne) : Si vous permettez, je…

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Dubois (Suzanne) : …je vais demander à Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Il y a plein de choses à dire, il y a plein de choses…

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

• (20 heures) •

Mme Champagne (Mélanie) : Je vais juste récapituler : démarche auprès des facultés, gestion de la douleur, le pourcentage de décès à domicile et les gens admissibles aux soins palliatifs. Il y avait, je pense, quatre questions.

On peut peut-être commencer par la démarche auprès des facultés, ce ne sera pas compliqué. Non, ce n'est pas quelque chose qu'on a fait, ce n'est pas quelque chose où on se voyait nécessairement les leaders de cet axe-là. Donc, non, on ne l'a pas fait. Ça ne nous empêche pas, par exemple, de déplorer le fait que, bon, il y a beaucoup de choses à améliorer.

Au niveau de la gestion de la douleur, bien, déjà, on a des chiffres de certaines sources. Et on ne veut pas tomber dans l'anecdote, mais, oui, c'est quelque chose qu'on s'est fait dire à plusieurs reprises, surtout de personnes justement qui arrivent en fin de vie et qui n'ont pas les soins suffisants à domicile, et donc, dans la panique du moment, vont à l'urgence parce qu'ils ont des douleurs. Puis, à l'urgence, bien on n'est pas équipés pour nécessairement la gestion de la douleur ou on n'est pas formés en soins palliatifs, donc on donnait du Tylenol puis on disait : Retournez chez vous, par exemple. On a eu des histoires comme ça. Avais-tu d'autre chose à ajouter sur le type d'anecdote…

Le Président (M. Bergman) : Mme Laramée.

Mme Laramée (Marie-Anne) : Merci, M. le Président. C'est sûr que c'est une enquête qualitative. On a fait une trentaine d'entrevues, mais, dans les histoires de cas, c'est quelque chose qui revenait beaucoup. Bon, c'est des cas qu'on n'a pas pêchés tous au même endroit. Je dirais qu'au moins la moitié avaient des problématiques par rapport à des… ce qu'on appelle «entre deux chaises», là, effectivement.

Mme Champagne (Mélanie) : Pour ce qui est des décès à domicile, vous parliez de 50 % des gens qui auraient accès au soutien à domicile?

Mme Hivon : Que 50 % des gens qui auraient un potentiel de devoir bénéficier de soins palliatifs à un moment de leur trajectoire de fin de vie recevaient, selon les données compilées par les CLSC, recevaient à un moment des soins palliatifs, dans leur trajectoire de fin de vie, à domicile.

Mme Champagne (Mélanie) : Je sais qu'on utilise… Le 20 % à 60 %, ça venait du mémoire de Michel Sarrazin, en fait, qui nous apparaît à ce moment-là… qui nous apparaissait les données les plus solides, là, qu'on avait compilées. En même temps, vous l'avez souligné, puis j'aimerais ça le souligner encore, on ne connaît pas l'intensité des soins.

Moi, je me pose la question parce que je viens juste, juste d'accompagner mon parrain, dont j'étais proche, dans sa fin de vie. Quand il est sorti de l'hôpital puis on lui a dit : Il n'y a rien à faire, il n'a pas eu de référence automatique. Par chance, j'étais à la Société canadienne du cancer, je sais qu'on a le service d'information sur le cancer, qui est excellent. Donc, sa femme a téléphoné immédiatement pour savoir où est-ce qu'elle pourrait avoir un lit à la maison, où est-ce qu'elle pourrait avoir des soins. On l'a référée à différentes organisations, on a fait beaucoup de démarches. Puis moi, je connais un peu le dossier puis je n'ai pas trouvé ça facile. Puis, au final, il a eu une place dans une maison de soins palliatifs pour un peu plus de 36 heures avant son décès. Donc, pour moi, ce n'est pas un accompagnement, il n'était pas du tout préparé à la mort.

Mais, au travers ça, il y a eu, à un moment donné, un téléphone de l'hôpital à la maison, en disant : Le CSSS va vous appeler et il aura sûrement des services à vous donner, d'accompagnement. Il y a eu deux, trois échanges de coups de fil comme ça. Est-ce que mon parrain est rentré dans les statistiques où il a eu un service? Je ne le sais pas. On ne connaît pas l'intensité des soins, mais on sait que c'est très variable. Est-ce que des fois on pense que donner un bain, ça fait partie des soins? Est-ce qu'un téléphone une fois de temps en temps, est-ce qu'une visite d'un médecin une fois par deux semaines, c'est un soin palliatif qui… On ne le sait pas. Mais on n'a pas le portrait. Si vous n'avez pas le portrait global, nous l'avons encore moins que vous.

Donc, c'est ce que j'aurais à dire sur les personnes qui reçoivent des soins à domicile. On a justement très hâte d'avoir le rapport. On trouve, je tiens à le répéter, que c'est une excellente idée qu'il y ait une commission qui soit créée pour faire un suivi de ce dossier-là, qu'il y ait un rapport aux cinq ans. C'est une très, très bonne nouvelle.

Par rapport aux personnes qui seraient admissibles aux soins palliatifs, vous avez parlé de 70 %. Nous, on avait des chiffres plus élevés qui viennent de… La source… qui viennent d'où?

Mme Laramée (Marie-Anne) : Oui. C'est l'Association canadienne de soins palliatifs qui estime que… C'est quand même beaucoup, c'est 97 %.

Mme Champagne (Mélanie) : 97 %. J'ai pensé, en lisant la Politique de soins palliatifs de fin de vie de 2004, que c'était peut-être en lien avec la page 17. On dit : «[Les soins palliatifs] visent également les proches des usagers. [...]ils sont aussi pertinents dans le cas de personnes atteintes de maladies fulgurantes ou victimes de traumatismes entraînant [un] décès subit, ne serait-ce que pour soutenir les proches dans les différentes phases du deuil.» Donc, c'est sûr que, si on a pris ça en compte aussi, ça augmente le pourcentage. Donc, peut-être que l'explication vient de là.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames… bonsoir. J'aimerais revenir un petit peu sur la façon dont vous avez présenté votre point de vue. À la page 23 de votre mémoire, vous mentionnez… Dans les modifications proposées au texte du projet de loi sur les soins de fin de vie, votre première modification proposée, vous indiquez : «Garantir l'accès à chaque élément du continuum proposé, et que cet accès soit hiérarchique, c'est-à-dire qu'une offre de soins palliatifs de qualité soit formellement préalable à l'aide médicale à mourir.» Pouvez-vous élaborer davantage un petit peu sur cet élément-là? Qu'est-ce que vous entendez par cette modification-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Merci, M. le Président. Ça, c'est dans l'article 3 qui dit : «Aux fins de la présente loi, on entend par : 3° "soins de fin de vie" les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie, y compris la sédation palliative terminale, de même que l'aide médicale à mourir.»

Ce qu'on dit, c'est que… On a souligné que ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est qu'il s'attaquait de façon globale aux soins de fin de vie. Ceci étant dit, comme Mme Dubois l'a dit tantôt, on est ici, nous, pour mettre de l'avant l'importance des soins palliatifs, que ça soit priorisé et que ça soit un aspect hiérarchique, c'est-à-dire qu'on ne puisse pas sauter à la sédation palliative terminale ou demander l'aide médicale à mourir si on n'a pas eu les soins de fin de vie, donc que ça ne soit pas un «ou et/ou», mais que ça soit hiérarchisé, donc priorisé. Est-ce que c'est clair?

Mme Laramée (Marie-Anne) : J'ai compris.

Le Président (M. Bergman) : Mme Laramée.

Mme Laramée (Marie-Anne) : On peut ajouter quand même qu'on a tout à fait conscience que le patient peut refuser ces soins-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Nous avons eu, cet après-midi, des représentations, puis, en fait, certains groupes disent : Les soins palliatifs, les soins de fin de vie, ce n'est pas du tout… ça ne devrait pas être mis dans le même package — excusez mon chinois — que l'aide médicale à mourir. On devrait adopter une approche similaire à celle qui a été prise en Belgique et dans d'autres États, où on a vraiment donné une importance aux soins palliatifs en les encadrant à l'intérieur d'une loi spécifique où on porte vraiment l'attention sur la question des soins palliatifs parce que ça n'a pas la même philosophie que l'aide médicale à mourir.

Tu sais, je vous avoue, je n'avais pas abordé nos travaux dans cette optique-là. Mais plus on y va, plus on entend des groupes qui nous font état de cette distinction importante entre les soins palliatifs et… qui n'ont pas, comme finalité, la mort, nécessairement, même si on sait que c'est là qu'on se dirige, l'énergie est concentrée sur l'accompagnement, et tout ça… donc de faire cette distinction-là, entre la philosophie des soins palliatifs et deux autres offres de service qui pourraient être mises en place, qui seraient la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir. Est-ce que, de l'aborder dans ce sens-là, ça viendrait justement accorder l'importance que vous souhaitez qui soit accordée à la question des soins palliatifs?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Je viens juste de le dire, même si on est ici pour ne parler que de soins palliatifs, on trouve ça très intéressant qu'il y ait une approche globale. Je vous avoue qu'on n'a pas réfléchi au fait de séparer ou non. On n'en a peut-être pas vu spontanément la pertinence parce que, pour nous, c'était déjà une excellente nouvelle qu'il y ait une commission qui se base… qui travaille énormément sur les soins palliatifs. Et, même si, dans l'opinion publique, on a beaucoup plus parlé de l'aide médicale à mourir, le projet de loi a énormément d'importance par rapport aux soins palliatifs. Il y a des bijoux là-dedans. Et, à part ce qui est dans le projet de loi, je pense que — Mme la ministre Hivon le disait aussi — il y a tout le chantier au ministère de la Santé, donc il y a vraiment quelque chose en branle. Nous, on est très contents que ça soit reconnu dans un projet de loi. Je dirais qu'a priori c'est là où a été notre réflexion.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (20 h 10) •

Mme Vallée : D'accord. Mais je comprends l'importance que vous accordez aux soins palliatifs. Maintenant, sur la question de l'aide médicale à mourir, dans le cadre de votre expertise, de vos contacts avec les gens, comment vous percevez les critères mis de l'avant par l'article 26? Est-ce qu'ils sont suffisants? Est-ce qu'ils devraient être resserrés davantage? Est-ce que le concept d'aide médicale à mourir devrait être défini plus précisément? Parce que vous oeuvrez, vous travaillez auprès des gens. Est-ce que les malades, les gens que vous aidez, que vous soutenez connaissent la finesse des subtilités entre les différents soins de fin de vie? Croyez-vous qu'il pourrait être opportun de les définir davantage à l'intérieur du projet de loi?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Jamais je ne pourrais me substituer à l'ensemble de nos… les gens qui bénéficient de nos services. Donc, je ne peux pas répondre en disant : Est-ce que la majorité comprend ou ne comprend pas? Par contre, on peut peut-être vous expliquer pourquoi on ne s'est pas penchés sur l'aide médicale à mourir. Suzanne, voulais-tu peut-être en parler un peu?

Mme Dubois (Suzanne) : Oui, oui.

Mme Champagne (Mélanie) : S'il vous plaît.

Le Président (M. Bergman) : Mme Dubois.

Mme Dubois (Suzanne) : Merci beaucoup. Alors, nous sommes une organisation pancanadienne, d'où notre nom : Société canadienne du cancer. Les autres provinces ne sont peut-être pas aussi avancées que nous, au Québec, à réfléchir sur ces importantes questions, et donc on n'a pas de position canadienne encore à ce sujet-là.

Ce que je vous dirais, c'est que je ne penserais pas que les gens sont si peu intelligents et au courant pour ne pas faire la distinction. Je pense que les gens comprennent très bien de quoi on parle. C'est sûr que je ne peux pas vous arriver avec des statistiques, on n'a pas sondé, mais je me fie au gros bon sens de la population. Et je pense qu'on en a tellement parlé dans les médias que les gens comprennent assez bien de quoi il en retourne.

Maintenant, nous, on ne se positionne pas par rapport à ça parce que justement on n'a pas consulté nos clients, nos bénéficiaires et les gens que nous aidons. Alors, on ne peut pas vous arriver avec un… en disant : Voici, les trois quarts des gens que nous aidons sont en faveur ou non du droit à mourir dans la dignité. Pour nous, que ça soit encadré dans… Les deux principes dans une même loi ne fait pas de différence pour nous, en autant que les gens puissent avoir accès, de manière opportune et à l'endroit de leur choix, à des soins palliatifs pour qu'ensuite on se… On respectera la décision de la population et votre décision par rapport au droit à mourir, on ne s'opposera pas… on ne montera pas aux barricades, là, pour s'opposer à ça, on va respecter ce qui aura été décidé.

Mais, pour nous, la priorité va aux soins palliatifs, c'est certain. Puis, pour nous, comme on est présents sur tout le continuum du cancer, à partir de la prévention, de l'information et du soutien, bien, pour nous, ça fait partie du continuum, de dire qu'il y a des gens qui vont s'en sortir puis il y a des gens qui vont en mourir. Alors, la question, pour nous, elle est traitée dans le cadre de votre projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je comprends que vous ne vous prononciez pas. Je comprends la raison pour laquelle vous ne vous prononcez pas sur l'aide médicale à mourir, mais, compte tenu… Je trouve ça un peu dommage parce que ça demeure quand même un élément majeur. C'est du droit nouveau, ici, au Québec. C'est un élément majeur du projet de loi, au même titre que l'encadrement de la sédation palliative terminale, ce sont des éléments majeurs du projet de loi.

Et je suis bien honnête, là, je partage avec vous… J'aurais aimé entendre la Société canadienne du cancer sur la question parce que vous touchez… Le cancer affecte tellement de citoyens, et vous êtes présents partout sur le territoire, vous êtes tellement près des malades, tellement près des gens que, bien honnêtement, ce soir, je m'attendais que vous puissiez échanger… Parce que je suis persuadée que vous avez accès à tellement d'histoires, de tranches de vie, donc, pour moi, vos commentaires sur cette question-là auraient permis certainement d'ajouter à notre réflexion. Et je comprends la question, le fait que vous êtes un organisme pancanadien et que le Québec soit un petit peu… soit vraiment novateur dans la question, mais, en même temps, ça aurait peut-être… ça pourrait certainement éclairer le débat. Je pense qu'il ne faut pas avoir peur d'en parler parce qu'ailleurs on n'en parle pas.

Mais, bon, ceci étant dit, oui, l'importance des soins palliatifs… Je pense, s'il y a une chose qui fait l'unanimité au sein des groupes que nous entendons, c'est l'importance à accorder aux soins palliatifs. Et les soins à domicile, de la façon dont vous l'apportez, à mon avis, est aussi un questionnement qu'on doit avoir. Vous nous apportez énormément de statistiques. Puis, lorsque vous avez parlé de l'intensité des soins qui n'était pas nécessairement encore… qui était méconnue, trop méconnue, ça aussi, c'est quelque chose qui est important. Alors, comment on pourrait assurer… Est-ce qu'il y a un élément… Est-ce qu'il y a une façon, à l'intérieur du projet de loi, des éléments… Est-ce qu'on pourrait bonifier le projet de loi afin de s'assurer que vos préoccupations seront considérées?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : On est contentes de la façon dont en parle le projet de loi. On est contentes de ce qu'on a entendu. Comme je le disais tantôt, le fait qu'il y aura une commission qui se va se pencher, le fait qu'il y ait un rapport, un état de situation… Parce que c'est très difficile d'avoir un portrait global de la question des soins palliatifs au Québec. Quoi dire d'autre?

Le Président (M. Bergman) : Mme Dubois.

Mme Dubois (Suzanne) : J'insisterais peut-être sur la référence. Parce que tantôt on a parlé des gens qui tombaient entre deux chaises. Je peux peut-être élaborer un peu là-dessus et vous dire que ce qui arrive, c'est… Si une personne, dans les cas de cancer, va subir, mettons, une chirurgie, elle sait qu'il n'y a pas de traitement curatif, mais elle n'est pas souffrante, on la renvoie à sa vie normale, chez elle. Mais c'est entre ce moment-là puis le moment où elle est beaucoup plus proche de la fin de vie… il peut se passer, je ne sais pas, un an, un an et demi, et c'est durant cette période-là que la personne nous glisse entre les mailles du filet, si on peut dire. Alors, c'est ça qu'on entend par une référence systématique, et tôt dans le processus pour ne pas qu'on échappe la personne en cours de route.

Le Président (M. Bergman) : …le premier bloc de l'opposition officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Peut-être pour compléter notre échange précédent sur les personnes qui reçoivent des soins à domicile. Juste pour vous préciser : le 50 % qu'on a, nous, à partir de nos données… Parce que ça, on les a, les CLSC entrent leurs données dans un fabuleux système qui s'appelle Gestred. Et donc ils rentrent leurs données, et c'est 50 % des gens qui ont un potentiel à en recevoir qui en reçoivent par les équipes dédiées. Donc, ce n'est pas un bain, ou un appel, ou… ça ne rentrerait pas dans les données. Mais ce que ça veut dire : qu'ils sont intervenus au moment parfait puis avec l'intensité parfaite, là. Donc, il y a du travail de raffinement à faire, là. Je peux vous dire que, dans notre jargon, en moyenne, il y a 20 interventions par personne qui en a reçus. Mais évidemment vous allez me dire : Une intervention, il faut que ça soit la bonne au bon moment, puis tout ça. Mais on est capables, quand même, de mesurer ça.

Ça se complexifie beaucoup parce qu'il y a évidemment des gens qui n'auront jamais eu à en recevoir, par exemple, à domicile, bien que je partage le point de vue qu'ils doivent intervenir plus tôt, les soins palliatifs, même ils doivent parfois cheminer avec le curatif, là, et que ça peut améliorer les choses de beaucoup. Mais disons que, si on regarde la question de la fin de vie, c'est sûr qu'il y a aussi des gens qui vont être à l'hôpital et leur situation va se dégrader. Soudainement, on va se rendre compte qu'on ne peut plus traiter, on arrête la chimiothérapie, et tout ça, et la situation est tellement difficile qu'automatiquement ils s'en vont dans une unité de soins palliatifs, et donc ils n'auront pas eu à avoir un épisode de soins à domicile, exemple. Mais ça, je voulais juste peut-être vous préciser ça.

Il y a vraiment plein de choses éclairantes dans votre mémoire. Moi, je serais intéressée de savoir s'il y avait une priorité, que vous disiez : C'est la chose sur laquelle il faut miser. Je comprends que vous êtes d'accord pour dire : On développe à domicile. Vous êtes d'accord avec ça. Mais, dans ça, là, ça serait quoi? C'est vraiment l'intensité? C'est plutôt le passage d'un établissement au domicile ou d'une condition à une autre? Ça serait quoi, la priorité des priorités, du haut de votre expérience, pour nous, si on doit vous entendre aujourd'hui sur un élément, là, pour bonifier ou améliorer les choses?

• (20 h 20) •

Puis l'autre élément sur lequel j'aimerais vous entendre… C'est ma technique, vu qu'on n'a pas beaucoup de temps, je vous pose beaucoup de questions en même temps, puis après il ne peut pas m'arrêter, comme ça, pendant ce temps-là. Donc, le deuxième élément, c'est… Il y a des gens pour qui les soins palliatifs, c'est, en fait, des lits dédiés dans des unités. Puis je pense qu'il y a beaucoup aussi de travail à faire pour dire : Ce n'est pas ça ou uniquement ça, les soins palliatifs, c'est une culture, c'est une formation. C'est donc des équipes qui sont capables — interdisciplinaires — de travailler ensemble, puis tout ça. Mais moi, j'aimerais savoir, de votre point de vue, si on veut offrir le mieux qui puisse exister, comment on arrime les choses, comment on développe cette culture-là. Quels conseils, du haut de votre expérience, vous nous donneriez, à nous, au ministère?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Merci, M. le Président. Je vais prendre la première question, peut-être que Mme Laramée peut prendre la deuxième. On complétera ensemble.

La priorité, pour nous, c'est vraiment l'accès à tous. C'est inacceptable qu'il y ait des personnes qui aient un accès aussi formidable à des soins palliatifs et d'autres, pas du tout. On ne veut absolument pas tomber dans ce qu'on voit présentement, qui est des fois une médecine de code postal, comme on dit, malheureusement. Donc, ce serait non seulement l'accès à tout, mais il y a une intensité… d'une intensité nécessaire — je fais comme vous, je mets plusieurs choses dans ma réponse — et du répit. Il ne faut juste jamais oublier les aidants. On a tendance à les oublier. Donc, ce serait un peu ça. Ça, c'est vraiment dans nos priorités. Par rapport à la deuxième question, qui était plus sur le statut de la culture palliative…

Mme Laramée (Marie-Anne) : Oui, comment on développe la culture palliative?

Le Président (M. Bergman) : Mme Laramée.

Mme Laramée (Marie-Anne) : Merci. Écoutez, je pense que les deux choses de base, c'est la formation, l'information. Ça va prendre du temps, ça ne se fera pas demain matin. Si tout le personnel médical a une formation, déjà, en partant, il y a une base commune, donc il y a un terreau pour une culture palliative. La trousse que vous êtes en train de faire, ça va être formidable aussi. Mais, si on avait cette réponse-là, mon Dieu, on vous l'aurait dit.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre… Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste 2 min 30 s pour une question et la réponse.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le Président. Alors, bien, en lisant votre mémoire, j'avais justement constaté que vous ne parliez pas beaucoup de l'aide médicale à mourir ou sédation palliative terminale. Par contre, on peut lire à quelques reprises que vous appuyez le projet de loi n° 52 dans son ensemble, ça fait qu'alors, moi, ça a répondu à ma question, dans un sens.

Mais il y a aussi que vous insistez sur l'effet hiérarchique des soins. D'insister tant sur les soins palliatifs, c'est très bien, mais vous n'évacuez pas, quand même, qu'il peut… dans un continuum de soins, on peut se rendre, après ça, à la sédation palliative terminale et même l'aide médicale à mourir. Ça fait que j'ai compris quand même, de votre mémoire, qu'il y avait un continuum de soins qui pouvait être présent dans le projet de loi n° 52, que vous accueillez favorablement. Et j'ai beaucoup aimé aussi quand vous parlez des aidants, des soignants, de la formation et même d'un soutien financier pour les proches aidants. Nous en avons parlé un peu plus tôt, nous, dans une autre réunion, puis je pense que ça revient souvent, cette notion de donner de l'aide financière aux proches aidants. Ça fait que je ne sais pas si vous voulez réagir, là. C'étaient deux minutes.

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Laramée (Marie-Anne) : Vous pouvez peut-être réagir en conclusion.

Le Président (M. Bergman) : Il reste une minute…

Mme Champagne (Mélanie) : Tout à fait, je fais ça rapidement. Je pense que ça peut répondre aussi aux questions de Mme Vallée tantôt, qui soulignait un peu la déception, je peux dire, qu'on ne se soit pas penchés sur l'aide médicale à mourir plus qu'il faut.

Premièrement, je suis d'accord, je suis d'accord avec vous que l'aide médicale à mourir, c'est quelque chose qui est majeur, qu'il y a un grand débat de société. Ceci étant dit, dans les soins — on a beaucoup entendu aujourd'hui que ce n'était pas un soin, mais là n'est pas mon propos — c'est que c'est une mesure exceptionnelle, alors que les soins palliatifs, c'est ce qu'on demande de base. Alors, pour nous, c'est tout à fait logique et naturel qu'on s'attarde bien davantage aux soins palliatifs qu'à l'aide médicale à mourir. C'est tout.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Et, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, merci d'être ici. Puis je tiens à vous féliciter pour tout le travail que vous faites. J'ai eu l'occasion de collaborer régulièrement avec votre organisation, puis vous êtes appréciés, puis on a besoin de vous dans notre réseau de la santé.

Je sais que vous vous préoccupez des patients, des gens qui ont le cancer, mais vous avez la préoccupation aussi des familles, les proches. Comment vous voyez l'intégration d'une stratégie pour que les proches soient encore plus impliqués ou qu'on puisse plus les soutenir pour s'assurer que les gens puissent demeurer plus longtemps à domicile, si possible terminer leurs jours à domicile? Avez-vous eu des stratégies particulières par rapport aux aidants naturels ou aux proches qui s'occupent de ces gens-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Est-ce que vous voulez dire par rapport à nos recommandations? J'imagine que non parce que vous les avez…

M. Bolduc (Jean-Talon) : …recommandations. Mais c'est parce que, quand on parle de soins palliatifs, les trois conditions pour être capable de garder quelqu'un à domicile… La première, ça prend un patient qui a une pathologie qui permet de demeurer à domicile. Si quelqu'un vomit toujours, avec des rectorragies, il arrive un temps que ça prend un plateau technique un peu plus évolué. La deuxième chose, ça prend une famille qui est capable de les soutenir à domicile, une famille ou des proches. Et, troisièmement, ça prend une équipe de soins — infirmière, médecin, pharmacien, nutritionniste — qui est capable de les soutenir à domicile. Comment vous voyez l'approche par rapport à ces personnes-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne… Mme Laramée.

Mme Laramée (Marie-Anne) : Merci. J'ajouterais peut-être, quatrièmement, les bénévoles. C'est une donnée qui peut vraiment changer la donne. Si on pense à la Fondation Jacques Bouchard, notamment, sur le territoire de Verdun, ils font une différence. Il y a des gens qui nous ont dit que, sans leur apport, ils n'auraient pas pu garder la personne en fin de vie à domicile pendant un bout de temps. Ça fait que, qu'il y ait plus de répit, vraiment, c'est un des éléments fondamentaux pour que le décès à domicile soit plus possible.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis, par rapport aux aidants naturels, comment vous voyez… les aidants naturels ou… Moi, j'appelle toujours ça les proches, là, ce n'est pas nécessairement la famille, mais ça peut être quelqu'un qui est une autre personne qu'un lien de parenté. Comment vous voyez qu'on pourrait mieux les soutenir, ces gens-là? Soit par de la formation, des groupes? Parce qu'on n'est jamais préparé à faire face à la situation, excepté que ces gens ont à vivre avec des personnes qui vont mourir à domicile, ça peut durer plusieurs mois et ça demande toute une réorganisation au niveau de leur propre vie. Je ne sais pas, votre expérience par rapport à ça, au niveau de la Société canadienne du cancer?

Le Président (M. Bergman) : Mme Dubois.

Mme Dubois (Suzanne) : Je dirais, ce qui manque beaucoup par rapport à ça, puis je me base sur mon expérience personnelle, c'est que, quand on parle de gens qui ont 80, ce n'est pas des gens qui sont habitués de demander des services, de se plaindre, c'est des gens qui… Souvent, les enfants ne sont pas nécessairement dans la même région géographique. Donc, ils ont besoin d'information. Mais, même nous, à la Société canadienne du cancer, c'est difficile de les rejoindre pour leur donner… parce que c'est des gens qui ne demandent pas d'information, alors il faut être comme proactifs envers eux. Et, comme la plupart des gens vont passer à l'hôpital à un moment donné, comme si quelqu'un a une chirurgie puis qu'il n'y a plus de curatif, bien je pense que c'est le lieu où, là, on pourrait donner de l'information à la famille, au conjoint, conjointe, mais aussi peut-être aux enfants. Ça serait intéressant. Parce que je sais que même moi, j'ai eu de la misère, des fois, à avoir de l'information de l'équipe soignante parce que, bon, je n'étais pas directement sur place. Alors, je pense que, si le conjoint, conjointe ou même un enfant qui est peut-être un peu plus jeune peut avoir l'information de c'est quoi, les étapes qui s'en viennent, puis ce que ça représente, et puis on s'organise pour combien de temps, bien ça aide beaucoup le milieu à s'organiser puis à avoir la capacité de prendre en charge le plus longtemps possible.

Mme Champagne (Mélanie) : Si je peux, peut-être… Est-ce que je peux compléter?

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon… Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Oui, merci. En fait, si les professionnels, on était meilleurs dans la question de la référence, déjà, et de l'aide d'une infirmière pivot, on pourrait faire beaucoup mieux. C'est ce qu'on entend beaucoup. Les proches sont démunis parce qu'ils doivent mettre tellement d'énergie à trouver où est l'aide, où sont les soins, ça devient un travail à temps plein. Mais, en même temps, les journées ont 24 heures, puis il faut s'occuper de la personne qui est malade, avec toute l'inquiétude qui vient avec. Donc, la pire chose qui peut arriver, c'est d'être laissé complètement dans un flou, là. Et ça, c'est sans compter, bon, ceux qui s'endettent, l'anxiété, tout ça. Mais vraiment la référence, le processus de référencement est crucial.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.

• (20 h 30) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. D'ailleurs, vous avez glissé sur l'infirmière pivot. Puis ça n'a pas beaucoup été remarqué, mais il y a eu un hémato-oncologue qui disait que, lorsque sont arrivées des infirmières pivots en hématologie, ils ne savaient pas trop qu'est-ce qu'ils allaient faire avec, et actuellement ils ne seraient plus capables de s'en passer. Et toute notre organisation de services en oncologie, au niveau thérapeutique, curatif, là, est en fonction de l'infirmière pivot. Même moi, comme médecin, quand j'ai un patient, on téléphone à l'infirmière pivot qui, elle, va organiser les services ou les soins avec certains spécialistes, ou encore certains examens. Et ça a changé complètement, complètement notre façon de travailler. Beaucoup plus efficace, plus facile à rejoindre, et les gens ont l'impression qu'ils sont pris en charge.

Et, si je comprends bien, le modèle que vous prôneriez — on parle d'infirmières, mais parfois on peut parler aussi de professionnels parce que ça peut être aussi des travailleurs sociaux, dans certains cas — ça serait vraiment d'avoir notre organisation de services pour qu'ils parlent… qu'ils réfèrent à une personne ou qu'ils font affaire avec une personne, et cette personne-là s'organise pour coordonner les services. Si je comprends, c'est le modèle que vous prôneriez, là, quand vous parlez...

Mme Dubois (Suzanne) : De façon proactive. De ne pas attendre que le patient demande, mais d'aller vers le patient puis tout de suite l'offrir.

Mme Champagne (Mélanie) : Également, vous touchez un truc important, c'est : une personne. C'est la grande richesse aussi de l'infirmière pivot, de ses compétences, du réseau, mais d'avoir une personne qui est l'intervenant, ça change tout pour une expérience de fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence, bonne soirée. Je vais profiter un petit peu de votre connaissance canadienne, en fait. Vous avez donné des statistiques un petit peu, dans votre mémoire, à la page 8, entre autres, où vous faites état que, dans les données de Statistique Canada, 68 % des Canadiens meurent dans un hôpital, alors qu'on est à 84 % au Québec, malgré la volonté grandissante des Québécois de vouloir décéder à la maison. On est dans les provinces les moins performantes avec l'Alberta, alors qu'on a, en Colombie-Britannique, le plus faible taux de décès à l'hôpital, à 49 %. Est-ce que vous avez des données sur les raisons qui font qu'on performe mieux en Colombie-Britannique qu'au Québec à cet égard-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : On sait qu'il y a des provinces qui ont investi massivement dans les soins à domicile et très peu dans les hôpitaux, alors que nous, on a une proportion inverse ici. Par rapport aux soins palliatifs, on a mis beaucoup d'argent sur la fin de vie dans les centres hospitaliers et très peu de ressources dans les soins à domicile. On cite d'ailleurs même le Dr Hébert, qui disait, il n'y a pas longtemps : La solution passe par à l'extérieur de l'hôpital, puis on n'a pas fait assez jusqu'à maintenant au domicile.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Donc, on n'a pas investi suffisamment dans les ressources à domicile. Par contre, tout à l'heure, dans votre intervention, vous avez mentionné le fait qu'à Arthabaska 55 % des décès de cancer se font à domicile. Alors, qu'est-ce qui explique leur succès? Parce que c'est quand même au Québec. Alors comment ont-ils fait? Est-ce que vous êtes au courant?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Merci. Pour avoir parlé avec l'équipe du CLSC Verdun, avec qui on a discuté différentes choses, premièrement, d'être sur le terrain, donc… parce que la majorité des… même des médecins qui soignent à domicile, des intervenants à domicile passent plus de temps au bureau que sur le terrain. Premièrement, il faut comprendre aussi qu'il y a un frein aux soins à domicile parce que la rémunération, elle n'est pas bonifiée. Donc, c'est sûr qu'entre avoir une consultation en bureau puis prendre le temps d'aller chez un patient, prendre le temps qu'il faut, ce n'est pas équitable. Ils ont fait la décision, ils ont pris la décision d'offrir ces services-là.

Ils se sont dotés aussi de quelque chose aussi banal que les téléphones intelligents. C'est-à-dire que le médecin, peu importe où est-ce qu'il est sur la route, peut toujours changer un dosage de médicament, par exemple. Il est toujours rejoignable, il est toujours là, en ligne. Donc, il n'a pas toujours besoin d'être sur place aussi. Donc, c'est vraiment toujours le lien entre les équipes d'infirmières, le médecin. C'est une souplesse qu'ils se sont donnée, qui a fait la différence. Quelque chose à rajouter?

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Mais ça part du CLSC?

Une voix :

Mme Daneault : O.K., de la volonté du CLSC, finalement, d'organiser les soins. C'est ce que je comprends?

Le Président (M. Bergman) : Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie) : Merci, M. le Président. En fait, c'est, je dirais même… Ce n'est même pas tant la volonté du CLSC, qu'on va dire, que c'est la volonté de personnes. Et c'est ça qui est dommage aussi. C'est que souvent les histoires de succès reposent sur la volonté de personnes qui ont dit : Nous, on va faire que ça fonctionne puis on va faire autrement. Le danger, avec ça, c'est que, si on retire les personnes, des fois c'est la fin des services. Donc, c'est pour ça qu'on trouve intéressant toute la démarche qui se fait présentement parce que ces histoires de succès là...

On ne demande pas de réinventer la roue puis de chercher de midi à quatorze heures. Les exemples de succès, 55 %, c'est très élevé, c'est fantastique. Puis, si on est capables de le faire là, bien, peut-être qu'on est capables de le faire dans plusieurs régions du Québec sans réinventer la roue, comme je disais. Et ces personnes-là qui réussissent à le faire sont d'avis que, sans injecter plus d'argent, juste en réorganisant les services, elles sont capables d'augmenter de cinq à six fois le pourcentage de personnes qui décèdent à domicile. Je pense que ça vaut la peine qu'on s'y penche de près.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du deuxième groupe d'opposition. Alors, Mme Dubois, Mme Champagne, Mme Laramée, merci pour votre présentation. Merci d'être ici avec nous ce soir.

Et j'invite les gens de la Centrale des syndicats du Québec de prendre place à la table. Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 20  h 36)

(Reprise à 20  h 39)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et vous avez les prochaines 15 minutes pour faire votre présentation.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise) : Merci. Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec; Pierre Jobin, mon collègue, vice-président à la CSQ; Claire Montour, qui est présidente de la Fédération de la santé du Québec affiliée à la CSQ; et Lise Goulet, conseillère.

Bien, merci de l'invitation. Ça vous fait des longues journées. On sait que le... je pense que l'enjeu est important. Puis merci de nous inviter, nous aussi, dans le cadre de tout le processus qui a commencé par la commission spéciale, sa vaste tournée.

C'est notre première participation dans le cadre de ces travaux. Et, M. le Président, je tiens à souligner le travail de la ministre Hivon pour sa rigueur dans le processus depuis le début et aussi le travail de tous les parlementaires. Je pense que... En tout cas, c'est un dossier qui a traversé l'ensemble des partis dans l'unanimité. Ce n'est pas toujours le cas, mais, dans ce cas-là, je pense que ça vaut la peine de le saluer.

• (20 h 40) •

Donc, vous dire d'emblée qu'on accueille avec satisfaction le projet de loi qui est devant nous, mais vous dire tout de suite que, comme centrale syndicale qui représente 200 000 membres, on ne se prononcera pas si nous sommes pour ou contre une partie du projet de loi qui est sur la question particulièrement de l'aide médicale à mourir parce qu'on n'a pas fait de consultation, mais on s'inscrit quand même dans le cadre de la commission pour vous faire part qu'il y a là un projet de loi, et il y a beaucoup de choses avec lesquelles nous sommes d'accord, puis il y a des choses qu'on veut participer plus particulièrement, là, en termes de réflexion ou de questionnement que nous voulons soulever.

Donc, il y a trois problématiques principales qu'on veut soulever avec vous : l'accessibilité des soins de fin de vie; la participation du personnel dans la mise en oeuvre et le déploiement des soins de fin de vie; et aussi les mécanismes libres et éclairés pour les personnes concernées.

Bon, on sait qu'en général les besoins de santé et de services sociaux sont en augmentant, puis c'est la même chose aussi pour les soins palliatifs et les soins de fin de vie. Et la question qu'on se pose : Est-ce qu'on aura les ressources nécessaires pour répondre, je pense, au projet ambitieux qui est devant nous? On l'espère, du moins, parce que la Loi concernant les soins de fin de vie doit servir avant tout de levier à l'essor des soins palliatifs. C'est notre volonté. Et en aucun cas — on ne sera pas les seuls à vous le dire — on pense que l'aide médicale à mourir ne doit devenir une solution de rechange à des soins palliatifs qui doivent être renforcés.

On voit qu'à l'article 5 le projet de loi reconnaît un nouveau droit, celui de recevoir, pour les personnes, des soins de fin de vie. Et, à notre avis, il y a seul un portrait global des besoins à combler qui pourrait le dire. C'est pour ça qu'on va vous recommander finalement de retenir au ministère de la Santé qu'un portrait des soins palliatifs actuellement au Québec qui va permettre de rendre compte des ressources, rendre compte des besoins et de l'état des soins palliatifs dans chacune des régions. Et on pense que ça doit être mis à jour régulièrement.

Au niveau de l'accessibilité à des services de qualité, bien le projet de loi est clair. Je pense qu'on sait où l'organisation et l'encadrement des soins de fin de vie doivent permettre à «toute personne — c'est l'article 1 — [d'avoir] accès, tout au long du continuum de soins, à des soins de qualité adaptés à ses besoins». Dans ce sens-là, on a des préoccupations en ce qui concerne l'accessibilité.

Et, à l'article 5, précisément, on parle de domicile. On vient préciser dans quels lieux on pourra… dont le domicile. Et, pour nous, ça devient important, c'est une de nos recommandations de définir la notion de domicile. Parce que, si on fait les liens avec d'autres articles, on va voir que, si un établissement n'est pas en mesure d'offrir, il va pouvoir l'offrir dans un autre établissement. Ça fait que la question qu'on se pose : Pour une personne, par exemple, qui résiderait dans une ressource intermédiaire, est-ce qu'on va considérer cette ressource-là comme un domicile? Parce que la personne aura le droit, mais est-ce qu'on pourra considérer ça comme le domicile? Qu'est-ce qu'on entend par domicile? Parce qu'on sait que le domicile, ce n'est pas la résidence principale ou la maison nécessairement, que… Tu peux être dans une résidence privée, tu... Donc, pour nous, ça devient majeur de préciser ça parce que, si c'est un droit, puis en plus qu'on le prévoit à domicile, puis on sait qu'il y a une demande de plus en plus forte, il va falloir définir concrètement la notion de domicile.

Aussi notre inquiétude… bien, la maison de soins palliatifs. Je sais qu'aujourd'hui ils étaient en commission parlementaire. Donc, les maisons de soins palliatifs sont très importantes dans l'offre de soins, dans l'accessibilité, mais on sait que ces maisons ne se… l'aide médicale à mourir ne sera pas offerte d'emblée. Et puis là on se pose la question : Qu'est-ce qui va arriver avec une personne qui voudrait avoir l'aide médicale à mourir? Puis c'est possible qu'elle soit dans une maison de soins palliatifs au départ, mais qu'en cours de route elle fasse ce choix-là. Ça fait que l'important, c'est la question du continuum de soins. C'est plus une question qu'une réponse, là. Je comprends que la question est… Donc, on pense que les maisons de soins palliatifs qui sont en mesure de répondre à leurs besoins, c'est important.

On va vous demander aussi qu'une chambre à occupation simple, que vous expliquez... vous dites que ça doit être accessible lorsque la mort est imminente. À notre avis, ça doit être accessible dès le moment où tu entres en soins palliatifs. Je pense que, pour la dignité des personnes… On sait dans quelle période de vie se trouve cette personne-là, donc c'est important pour nous que ça soit dès le départ.

L'article 30 aussi, pour nous, n'était pas très clair. On vous demanderait de préciser quand on dit que, sous l'objection de conscience, un médecin pourrait, le plus tôt possible, le signifier, et ça appartiendrait au DSP de voir un substitut. On pense que c'est flou. On va réclamer que les politiques de soins de fin de vie précisent davantage les responsabilités et les procédures à suivre.

Donc, vous avez une série de recommandations : qu'on veut un seuil minimal obligatoire de soins palliatifs dans toutes les régions du Québec, ça nous apparaît important; que le personnel qui va offrir le soin, quel que soit l'établissement ou le lieu, soit du personnel du réseau public; et que la notion de domicile soit précisée.

On va attirer votre attention — je vais laisser la parole à Mme Montour — sur la question des personnes proches aidantes. Ça nous apparaît essentiel de faire une évaluation de la situation des personnes proches aidantes et d'une offre de services publics. On ne peut pas parler de virage, on ne peut pas parler de cette volonté de mourir à domicile sans prendre en compte la situation des proches aidantes et sans prendre en compte la réalité, le besoin et comment on les soutient. C'est indissociable.

Le Président (M. Bergman) : Mme Montour.

Mme Montour (Claire) : Oui, à la deuxième partie, on voulait soulever l'aspect en lien avec la participation du personnel de la santé. Je pense que tout le monde reconnaît que le personnel est un acteur de premier plan. On connaît bien les besoins de la population, on possède une expertise en ce sens. En même temps, on estime qu'on peut jouer un rôle actif dans l'élaboration des mécanismes, dans les politiques dans les établissements de santé. Je pense qu'on le réaffirme encore, notre expertise, nos préoccupations du personnel doivent être prises en compte.

On veut participer, on est dans le continuum de soins. Pour nous, il y a une priorité des soins de qualité, respectueux de la dignité des gens. Nos membres souhaitent relever ce défi-là, mais, en même temps, on ne peut pas... on veut aussi participer à l'élaboration des politiques que les établissements doivent faire. Notamment, il y en a trois qui sont prévues dans le projet de loi : à l'article 10, la politique sur les soins de fin de vie; l'article 9, quand on parle du programme clinique de soins de fin de vie; et l'article 32, dans les protocoles cliniques applicables à la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir. À cet égard, on recommande au ministère d'émettre des directives afin que les établissements concernés impliquent activement le personnel de la santé.

Tout ça, pour nous, a aussi une clé essentielle, c'est la formation. Si on veut… On sait que ça soulève beaucoup de questions, d'inquiétudes parmi la population, mais aussi chez les intervenants du réseau de la santé. On peut constater que le projet de loi n° 52... et on l'a soulevé en début, qu'on peut apprécier qu'il est relativement explicite sur les mécanismes et les règles à suivre. Sa mise en oeuvre transformera à coup sûr les façons de faire, les rôles. Il faut aussi s'assurer d'une bonne compréhension de tous les enjeux.

On peut comprendre que le professionnalisme des équipes, ça constitue un très bon rempart pour les dérives ou contre les risques d'abus à l'égard des personnes vulnérables, mais, en même temps, pour soutenir ce personnel-là qui est prêt à relever le défi — je le disais précédemment — bien, il faut qu'il y ait des programmes de formation. Entre autres, on en a soulevé des exemples dans notre avis, c'est les droits des patientes et des patients, les responsabilités professionnelles, la prise en charge symptomatique, psychologique ou sociale.

Donc, à cet égard, nous recommandons au ministère de la Santé de prévoir des budgets et d'émettre des directives afin que le personnel de la santé impliqué dans la mise en oeuvre et la prestation des services de soins de fin de vie puisse avoir accès, dans le cadre de leur travail, à des programmes de formation dispensés par les établissements, qu'il y ait aussi une certaine uniformité dans tout ça.

• (20 h 50) •

Alors, en dernier point, on a soulevé la responsabilité professionnelle à l'égard de l'objection de conscience, le droit de l'objection de conscience. On a soulevé l'article 44 : le législateur a prévu la possibilité pour tout professionnel de la santé de refuser de fournir des soins de fin de vie ou de collaborer à leur fourniture en raison de ses convictions personnelles et conformément à son code de déontologie.

On a soulevé des questions. C'est quelque chose de quand même nouveau et c'est prévu dans le projet de loi, mais, à cet égard-là, je pense que notre recommandation vise le gouvernement du Québec à s'adresser à l'Office des professions, en disant : Il faut regarder comment les ordres professionnels qui couvrent les professionnels de la santé doivent, dans le code de déontologie, établir les règles pour assurer que le personnel, dans le cadre de leur travail, puisse émettre peut-être un jour ou à un moment donné dans leurs prestations de travail une objection de conscience aux soins de fin de vie. Donc, pour nous, il y avait là un enjeu qui était important pour le personnel.

Mme Chabot (Louise) : Je conclus avec nos dernières recommandations, mais je tiens à préciser aussi que, sur cette question-là, quand on parle de soins de vie, là, on s'est posé la question. Parce que, dans les soins de vie, ça inclut soins palliatifs, la sédation terminale puis l'aide médicale à mourir. Ça fait que, quand on parle de... Ça, je pense qu'il va falloir... Parfois, comme pour l'objection de conscience, on le voit que... en tout cas, nous, on l'a lu dans l'aide médicale à mourir et non pas une objection de conscience dans des soins palliatifs. Mais parler de soins de fin de vie, là, je pense… qui englobent les trois, peut-être qu'il y aura lieu de... Je soumets ça à votre attention.

Au niveau du consentement éclairé et de l'information, où nous en sommes. Vous avez deux articles là-dessus, l'article 10, l'article 11, des politiques d'établissement, le guide d'information pour le droit des patients.

J'écoutais, tout à l'heure, aussi, les... Je pense qu'on doit aussi faire plus, ne pas attendre que la personne soit rendue à avoir à faire ce choix-là pour connaître ses droits. Je ne sais pas ce que le législateur fera dans le cadre de ce projet de loi, mais, à partir du moment où ça deviendra une réalité, on pense que de l'information sur toute la notion des soins de fin de vie, des droits des patients doit faire l'objet largement d'une information auprès du public, que déjà ces droits-là soient connus dans notre prestation de soins, dans notre organisation de services, ce qui ne dispose pas d'autres outils, mais… L'information est très importante, et c'est pour ça qu'on va vous faire trois recommandations dans ce sens-là, tant pour les professionnels que pour les individus, pour qu'ils soient informés adéquatement.

Et je conclus en disant qu'on réitère qu'on appuie les modalités qui visent à améliorer la qualité des services de soins palliatifs. Et vous aurez compris que tant la question de l'accessibilité du financement de nos services... On ne pourra pas tout mettre en oeuvre sans penser financer adéquatement ce réseau-là.

J'aurai l'occasion, dans les questions, de parler des soins à domicile. Ça fait longtemps qu'on en parle, mais on aura d'autres occasions d'en parler. Mais on sait qu'au Québec cette question-là est préoccupante en raison du financement. Ça, pour nous, c'est important.

Les proches aidantes ne doivent pas être perdues de vue dans ce projet de loi là, surtout si on parle de ce droit-là à domicile. Et je pense que vous devez comprendre que le réseau de la santé et le personnel et les membres qu'on représente sont prêts à relever le défi, mais en autant que les conditions soient réunies. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation. Et maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Merci beaucoup à vous quatre, représentants de la CSQ. Je pense que c'est important de vous entendre parce que vous représentez énormément, donc, d'intervenants, de travailleurs dans le réseau. Donc, c'est ça qui va aussi beaucoup m'intéresser, de comprendre, de ce point de vue là, les besoins qui se font le plus sentir, je dirais, en lien avec cette période de la fin de vie et des soins palliatifs. Donc, je vais y revenir, là. Peut-être commencer par les questions plus pointues.

Quand vous parlez du domicile, donc, évidemment, ce qu'on prévoit dans le projet de loi, c'est que l'offre de soins palliatifs va se faire dans... peut exister autant dans les établissements qu'en maison de soins palliatifs, qu'à domicile. Et là vous nous dites : Oui, mais le domicile, c'est quoi, le domicile? Vous, dans votre optique à vous, qu'est-ce que ça devrait être, le domicile? Avez-vous réfléchi à ça ou, en fait, c'est juste que vous levez un peu un drapeau pour nous dire : Pensez à ça?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, on lève le drapeau, ça, c'est certain. Puis, «pensez à ça», c'est parce qu'on essaie de se donner des exemples qui ne sont pas des cas personnels, là, mais qu'on connaît tous. On sait qu'une personne, dans son parcours, rendue à un certain âge, peut ne plus résider dans la maison où elle a vécu toute sa vie puis aller dans une résidence privée soit pour personnes autonomes ou semi-autonomes, et, pour ces personnes-là, c'est leur domicile, hein? Est-ce que, rendu dans ce lieu-là qui est leur domicile, les soins qu'on vient dire à l'article 5, qui vont pouvoir être offerts à domicile, ça va être une possibilité ou on devra leur dire que, bien là ce n'est plus chez eux, que ça sera ailleurs qu'on pourra leur offrir? C'est ça qu'on…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui, merci. Évidemment, pour ces personnes-là, c'est leur domicile maintenant. Donc, on se comprend que… Moi, je pense que c'est comme par opposition à un établissement, donc par opposition à être dans un centre hospitalier ou dans un CHSLD, même si un CHSLD, jusqu'à un certain point, ça devient un domicile, on pourrait dire ça. Mais on se comprend qu'on est plus dans une logique institutionnelle d'établissement versus une logique de domicile ou de prolongement du domicile naturel. J'aimerais…

Mme Chabot (Louise) : ...Mme Hivon, ça veut dire aussi qu'effectivement c'est le domicile. Vous semblez répondre clairement. On sait que les lieux physiques diffèrent, donc ça va tout poser la question de l'organisation. Est-ce que la famille pourra…

Mme Hivon : Tout à fait.

Mme Chabot (Louise) : Bon. Merci.

Mme Hivon : Je comprends très bien ce que vous voulez dire. Par exemple, les proches aidants qui peuvent soutenir à domicile, est-ce que les proches aidants vont pouvoir soutenir dans un milieu autre que le domicile comme on le conçoit? Parce qu'on sait que les employés, par exemple, de la résidence ne pourront pas faire office de proches aidants en termes d'injection ou de soutien, là. Donc, je vous suis, je vous suis parfaitement. Mais c'est ça que vous vouliez nous dire comme préoccupation, c'est ça? Parfait.

Peut-être venir à l'article 30. Vous dites… Bien, avant ça, ça m'intrigue un peu parce que vous semblez nous dire : Dites aux établissements que, quand ils vont élaborer leurs politiques, il faut qu'ils tiennent compte de nous. Donc, est-ce à dire que, quand ils vont élaborer des politiques qui concernent des différents ordres de soignants, de travailleurs, qui mettent en cause des approches interdisciplinaires comme les soins palliatifs, vous avez une crainte de ne pas être impliqués dans l'élaboration de ces politiques-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Oui. Mme Montour... Bien, c'est parce que vous faites référence à l'article 30, et c‘est ça qui nous pose problème pour répondre parce que, l'article 30, on est dans l'objection de conscience pour les médecins puis la mécanique, là.

Mme Hivon : Oui, en fait, j'ai commencé sur 30 puis j'ai dit : Avant d'aborder 30, je vais plutôt vous écouter sur les questions de politiques, parce qu'après vous nous suggérez que cette espèce de mécanisme de référence soit prévu dans la politique pour que ce soit plus clair que juste l'article 30. On va y revenir.

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Hivon : Mais, je veux savoir, quand vous nous disiez tantôt «forcez les établissements», vous comprenez qu'il y a jusqu'à un certain niveau où on peut aller, là, parce que l'établissement aussi a sa responsabilité, quand il élabore ses politiques, d'impliquer les personnes concernées. Donc, je voulais juste comprendre. Quand vous nous dites ça, c'est parce que vous avez une crainte de ne pas être impliqués.

• (21 heures) •

Mme Montour (Claire) : Effectivement, je pense qu'on peut avoir des craintes ou des fois le passé nous questionne pour le futur. Effectivement, pour nous, s'il y avait un message clair qui était lancé dans le projet de loi à l'égard des établissements... Parce qu'on pense que le personnel qu'on représente ont une expertise, voient aller beaucoup de choses, voient les transformations, vivent les transformations, mais je pense qu'ils ont des choses à dire puis ils ont une opinion par rapport à… pour les soins, donner les soins, la dignité de la personne.

Effectivement, s'il y avait un message clair de lancé... Puis, je comprends, vous me dites : On ne peut pas aller jusqu'à — je vais le traduire peut-être, là — écrire la politique, je le comprends. Mais déjà un message lancé en disant : Bien, il y a des paliers au niveau des établissements, on peut parler de divers regroupements, il y a des équipes, à quelques endroits, il y a des unités de soins palliatifs, bien, il y a des personnes, il faut qu'elles soient impliquées, le personnel professionnel, il faut qu'il participe.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, je dois vous dire que, pour avoir eu des échanges avec l'AQESSS… Évidemment, je n'ai pas toute votre expérience terrain des dernières années, mais, pour ce qui est des politiques de soins palliatifs, je sens, en tout cas, cette volonté-là qu'elles soient évidemment arrimées et inspirées de par ceux qui ont la meilleure connaissance possible sur le terrain. Parce qu'on n'est pas dans une politique administrative, là, on s'entend. On est plus dans une politique qui englobe, oui, peut-être certains éléments administratifs, mais des éléments aussi cliniques, d'accès, de vision aussi et de culture palliative. Mais je comprends votre message.

Donc, j'arrive à l'article 30. Là, vous allez me suivre mieux. Effectivement, l'article 30, il parle de l'objection de conscience. En fait, l'objection de conscience, elle apparaît dans le code de déontologie des médecins et des pharmaciens, elle n'est pas dans le code des infirmières. Et j'ai eu des échanges dans le passé avec les infirmières, qui nous disaient que, dans la mesure où l'aide médicale à mourir était un acte réservé pour les médecins, elles ne pensaient pas qu'elles devaient, donc, modifier leur code de déontologie pour inclure l'objection de conscience.

Évidemment, là, quand vous faites référence à ça, vous me demandez : Est-ce c'est juste en lien avec l'aide médicale à mourir? Bien, la réponse, c'est que, dans les codes de déontologie où l'objection de conscience est présente, évidemment, c'était large, c'était quand le médecin estime que, par rapport à ses convictions personnelles — parce qu'on l'appelle «objection de conscience», mais le libellé, il me semble, c'est «convictions personnelles» — il n'est pas à l'aise à faire… ou donner un certain soin. Il ne le fait pas, il a le droit de ne pas le faire, mais il doit référer. Donc, évidemment, l'aide médicale à mourir n'était pas reconnue jusqu'à ce jour, donc c'était pour d'autres types de soins que ça pouvait s'appliquer.

Donc, en fait, c'est la même logique, la même disposition, sauf que, là, on voit que certains médecins viennent nous voir et disent : Bien, nous, on aurait recours à ça parce qu'on ne voudrait pas faire une aide médicale à mourir, administrer une aide médicale à mourir. Et l'objectif derrière l'article 30, c'est d'aller un petit peu plus loin, parce que certains médecins nous ont dit, puis aujourd'hui il y en a qui nous l'ont dit aussi : Moi, je ne pourrais même pas m'acquitter de mon obligation, dans mon code de déontologie, de référer parce que, pour, moi, déjà ça serait trop.

Donc, on pourrait avoir un long débat là-dessus, là, mais l'idée derrière l'article 30, c'était de dire : Bien, on vous a entendus, et, plutôt que de dire que vous, vous allez devoir référer, il va y avoir un mécanisme qui va devoir être mis en place dans les établissements. On met le DSP ou toute autre personne désignée par le directeur général. Donc, effectivement, dans la politique, on pourra prévoir autre chose. Mais l'idée derrière ça, c'était de venir dire qu'à défaut ça pourrait être un rôle assumé par le directeur des services professionnels pour que la charge de référer ne soit pas uniquement celle du médecin, par exemple, puis qu'il y ait une prise en charge, puis qu'on soit sûr que quelqu'un ne tombe pas entre deux chaises parce que la personne avec qui elle est en relation ne veut pas le faire et ne veut pas la référer. Est-ce c'est plus clair?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Pour l'article 30, oui, mais je… Peut-être que, Lise, si tu as… Je pense que… En tout cas, notre objectif, effectivement, c'est que ce ne soit pas laissé aléatoire.

Sur la question des autres ordres professionnels, écoutez, notre lecture, au prime abord, on a dit : Ça doit viser plus précisément l'aide médicale à mourir. Puis on avait fait l'analyse aussi que probablement ça va être un acte réservé médical, si on se compare à autre chose. Mais, quand même, pour les professionnels de la santé qui oeuvrent déjà en soins palliatifs, par exemple, puis on sait que, déjà, il y a une médication, tout ça, ça va, mais tu accompagnes quelqu'un qui a fait ce choix-là, qui a ce droit-là, puis que, même si tu ne poses pas l'acte pour l'instant, peut-être plus tard, est-ce que c'est possible de penser qu'il sera aussi difficile d'accompagner quelqu'un qui aurait fait ce choix-là en termes de soins, si ça devient un soin? Effectivement, cette notion-là, c'est comme ça aussi que nous l'avons pensée, pas juste sur la notion de l'acte.

Le Président (M. Bergman) : Mme Montour, ça va?

Mme Montour (Claire) : Bien, peut-être... Effectivement, dans le rôle de l'équipe multidisciplinaire, on comprend que ça peut être l'acte médical, mais, quand on le regardait : Dans le futur, est-ce que ça va nous questionner dans nos ordres professionnels?, et on voyait là peut-être une opportunité de poser la question aux ordres en disant : Bien, regardez plus loin, en termes d'équipe multi, en termes de travailler avec le médecin ou d'accompagner la famille, ou les patients, ou les proches aidants. Donc, il y avait… à tout cet égard-là, peut-être, la question devait se poser au niveau des ordres des professionnels.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, merci beaucoup pour votre participation aux travaux de la commission. Vous apportez une lumière qui est vraiment différente, c'est un éclairage qui est complètement différent sur le projet de loi.

Puis j'aimerais poursuivre sur la question des membres que vous représentez. Certains groupes nous ont sensibilisés au fait que le personnel qui travaillerait et qui… les différentes équipes qui seraient en lien, entre autres, avec la prestation de services d'aide médicale à mourir auraient sans doute possiblement besoin d'un support aussi. Bon, je comprends que vous plaidez en faveur de l'intégration de l'objection de conscience parce que, bien que ça puisse être un acte réservé, il y aura toujours un accompagnement autour, il y aura toujours une équipe autour du médecin et donc il peut y avoir, à l'intérieur de cette équipe-là, pour toutes sortes de raisons, des gens qui ne soient pas nécessairement à l'aise avec la prestation du service. Et je comprends votre réflexion lorsque vous demandez à ce qu'on puisse étendre aussi cette question-là à cette équipe-là, au personnel qui sera appelé d'une façon ou d'une autre à intervenir dans cette démarche-là.

Mais est-ce qu'on devrait également s'attarder à l'accompagnement du personnel? Parce qu'on nous disait que, dans certains pays où l'aide médicale à mourir… ou peu importe de quelle façon on la nomme, il y a un besoin d'accompagnement pour le personnel. Certains pensent être en mesure d'accompagner le patient dans cette volonté-là, se retrouvent à trouver ça beaucoup plus difficile qu'ils le croyaient. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette question-là, sur le soutien qui devrait ou qui devra être mis en place pour aider l'équipe. Parce que l'aide médicale à mourir va bien au-delà seulement que de la prestation d'un service par un médecin. C'est toute une équipe, peut-être tout un étage même qui sera affecté.

Le Président (M. Bergman) : Mme Montour.

Mme Montour (Claire) : Oui. Bien, effectivement, je ne reprendrai pas… Ça peut impliquer beaucoup, et on en fait référence dans notre avis, peut-être pas dans ces mots-là. Effectivement, on l'a mis de façon beaucoup plus large et globale quand on parle de la formation. Et là je fais référence à la partie où on dit, bon : Le projet de loi est explicite sur les mécanismes, les règles, mais «sa mise en oeuvre transformera à coup sûr certains rôles», et on dit que ça va nécessiter «une bonne compréhension des enjeux et des responsabilités».

Mais, quand on parle de ça, pour quelqu'un qui travaille dans le réseau, bien, de la santé, le personnel qu'on représente entre autres, tout le temps dans une responsabilité, on n'est pas… on a toujours des émotions ou on a toujours… dans notre travail, on est confrontés à ça. Donc, effectivement, là-dedans, dans la partie formation, qui était beaucoup globale que juste dire : Voici le protocole, comment je l'applique, l'évaluation du patient, etc., qui est beaucoup clinique, il y a aussi tout l'aspect psychologique, comment, comme personnel soignant… et c'est un peu, si on regarde les proches aidants, bien, comme personnel, c'est : Qu'est-ce qu'il faut que je décode? Qu'est-ce que… Est-ce que je suis rendu à ma limite?, bon, etc., pour toujours être en mesure de bien remplir notre rôle. Mais, dans le sens de la formation, ça englobait des points plus précis peut-être, là, mais c'était un aspect… il était abordé globalement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Vous l'incluez vraiment dans votre recommandation, la deuxième recommandation qui se trouve à la page 9?

Mme Montour (Claire) : …la page 11, là, quand on parle de…

Mme Chabot (Louise) : Plus explicite, là.

• (21 h 10) •

Mme Montour (Claire) : …de la formation, là, la mise en oeuvre, de compréhension des enjeux et des responsabilités. Mais, à l'égard de la responsabilité aussi, à un moment donné, tu as des émotions, et là… Mais on n'a pas effectivement précisé le mot «support».

Mme Vallée : La formation préalable, mais... Dans le fond, moi, ce que j'abordais, c'était plutôt l'après, après avoir accompagné quelqu'un dans ces derniers moments là, dans un contexte d'aide médicale à mourir, il y aurait peut-être, possiblement, des besoins d'accompagnement parce qu'on... La formation, c'est une chose, et je comprends que vous souhaitez aborder cette question-là à l'intérieur de la formation, mais, bon, c'était plus sur les services qui pourraient être offerts après, de support, parce qu'on nous en a parlé un peu plus tôt aujourd'hui.

J'aimerais bien vous comprendre lorsque, à la page… Attendez un instant. À la page 8, votre première phrase, votre premier paragraphe, lorsque vous mentionnez que les soins professionnels, les soins «de fin de vie soient offerts gratuitement et exclusivement par le personnel du réseau public de la santé», est-ce qu'indirectement vous excluez le réseau de bénévoles, par exemple, des maisons de soins palliatifs? Parce que ce qu'on nous a expliqué un peu plus tôt aujourd'hui, c'était que les maisons de soins palliatifs, au Québec, comptaient sur bon nombre de bénévoles, qui garantissaient un certain nombre d'heures de services et d'accompagnement auprès de la clientèle, et que, sans ce réseau de bénévoles là, il serait impossible pour les maisons de soins palliatifs d'offrir les services. Donc, est-ce que ça vise les bénévoles, ou c'est autre chose, ou je me trompe complètement, là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Montour? Ou Mme Chabot?

Mme Chabot (Louise) : Mme Chabot. Bien, peut-être que Mme Montour voudra compléter. Bien là, on fait référence exactement à l'article 12 quand on mentionne ça. L'article 12 vient dire qu'un établissement qui ne peut pas «fournir adéquatement» peut diriger la personne «vers un autre établissement ou vers une maison de soins […] qui est en mesure…» Non, ça ne vise pas le bénévole.

Mais, quand on parle de soins de fin de vie, là, on parle de soins, on parle de personnel qui, au-delà de l'accompagnement par des bénévoles, va donner des soins à ces personnes-là. Et, pour nous, indépendamment du lieu où la personne reçoit… Je vais prendre l'exemple du domicile. Actuellement, hein, les services sont offerts par les CLSC, si je prends les infirmières, par les infirmières ou les auxiliaires familiales des CLSC, du personnel du réseau public. Bien, c'est exactement le même lien. Si on ne peut pas offrir le service dans le réseau public ou dans des maisons puis qu'on doit le transférer ailleurs, on veut s'assurer que les soins soient donnés par le personnel du réseau public.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et donc...

Mme Chabot (Louise) : Les bénévoles ont toujours leur place, c'est vrai dans les hôpitaux, c'est vrai dans nos CHSLD, là. Ils forment maintenant un tout. Je pense que les bénévoles ont toujours leur place.

Mme Vallée : ...sur la question des soins.

Mme Chabot (Louise) : Mais le personnel en nombre suffisant, qualifié, bien formé a grandement sa place aussi. Puis il faut penser à investir. Si on décide de prendre ce virage, un virage qui est déjà quand même amorcé, de soins palliatifs, de soins de fin de vie, puis on y accorde toute l'importance, il faut être capable d'investir aussi dans du personnel qualifié, du personnel en nombre suffisant puis qui… On a une forte prédominance pour le réseau public, on ne se le cache pas, là. On a un parti pris. Nous, les PPP, c'est Parti Pris pour le Public.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : C'est noté. Avez-vous une idée des besoins, justement, de personnel formé, compétent pour venir répondre au droit qu'on est en train de créer? C'est-à-dire, à partir du moment où on créé ce droit-là d'accès à des soins de fin de vie sur le territoire, il va y avoir des attentes qu'on créé également. Et donc avez-vous, à l'intérieur de votre réseau, une idée de ce que ça peut représenter en fait de besoins supplémentaires?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : C'est pour ça qu'on demande de faire un portrait de la situation en termes de besoins, puis on pourra faire l'équation avec le besoin de ressources. Bien, c'est pour ça que ça nous apparaît important dans la recommandation. Je pense qu'on l'a dit dès le départ, là. Excusez, je…

Une voix : La première.

Mme Chabot (Louise) : La première. Ça fait que… Parce qu'on est… on sait que c'est à géométrie variable aussi sur le territoire du Québec. Donc, c'est pour ça qu'on demande qu'il y ait un minimum aussi de services, en partant, dans toutes les régions, en termes de soins palliatifs. Mais ça prend un portrait de la situation, puis d'ailleurs je pense que la commission le suggérait, puis on fait nôtre cette recommandation de la commission.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames, monsieur. Écoutez, j'aimerais poursuivre un peu sur cette question de la formation. Avant vous, on a reçu la Société canadienne du cancer, qui, eux, nous ont vraiment fait part de leurs grandes préoccupations au niveau des soins palliatifs, de développer les soins palliatifs. Et ils nous ont fait part aussi de certains constats, c'est-à-dire de la perception négative, au sein des équipes soignantes, de ceux qui interviennent dans les soins palliatifs. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui semble valorisé. Et ils avaient justement une préoccupation, une recommandation à l'effet de trouver des façons de valoriser les soins palliatifs, et je vais juste vous donner quelques constats qu'ils ont faits.

Ils ont fait plusieurs entrevues, ils ont mené des entrevues notamment auprès du personnel soignant, et il y a certains témoignages, par exemple une infirmière spécialisée qui souligne que, si elle voulait aller travailler aux soins intensifs demain matin, elle ne pourrait pas parce que, pour travailler aux soins intensifs, on exige une formation particulière qui peut s'étaler sur plusieurs mois, alors que, pour aller travailler dans une unité de soins palliatifs, cette exigence-là n'existe pas. Et ils nous réfèrent aussi, dans un autre exemple, en termes de formation dans les institutions d'enseignement, par exemple, dans le cours d'infirmière ou même au niveau de la formation des médecins, on constate qu'il y a très peu d'heures de formation reliées aux soins palliatifs.

Par exemple, au niveau de la formation des médecins, vous savez que c'est... Je sais bien que les médecins ne font pas partie de vos membres, là, mais je vous le souligne quand même, du côté des médecins, c'est seulement en juin 2013 que, pour la première fois, les étudiants en médecine familiale à l'Université de Montréal ont reçu obligatoirement 90 minutes de formation sur les soins palliatifs, et, pour un cursus de soins infirmiers, on parle de six heures de formation sur les soins palliatifs. Et la Société canadienne du cancer semblait vraiment faire un lien entre cette lacune constatée au niveau de la formation et la perception négative et le peu de valorisation au sein des équipes soignantes des soins palliatifs.

Alors, moi, j'aimerais bien vous entendre. Est-ce que vous, de votre côté, vous faites ces mêmes constats? Est-ce qu'au sein de vos membres… est-ce que c'est des choses que vous avez constatées ou que vous avez entendues, ce peu de valorisation des soins palliatifs et le fait qu'il y ait si peu de formation? Je sais que vous recommandez d'avoir plus de formation continue. Il y a aussi la formation initiale, donc, dans les écoles. Est-ce que vous avez une opinion ou certains constats que vous avez faits à ce niveau-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Oui. Je vais y aller global, je vais laisser ma collègue Claire... On est dans un... Écoute, je ne veux pas faire de généralités, mais, quand on compare les soins palliatifs, par exemple, aux soins intensifs, je ferais le parallèle qu'au Québec dans le domaine des soins, on a valorisé beaucoup le curatif, moins le préventif ou l'approche globale. Puis, si on le regarde juste au niveau des médecins — le Dr Bolduc pourra me corriger — on a valorisé beaucoup aussi la médecine en spécialité versus la médecine familiale, alors qu'il y a d'autres pays qui vont valoriser beaucoup la première ligne ou les médecins de famille. Puis je ne veux pas dire qu'ils dévalorisent la... Les infirmières ou le personnel soignant, je dirais, il y a une tendance, dans le milieu, à vivre...

Peut-être que c'est plus glamour de travailler dans les soins critiques que de travailler avec des personnes âgées en médecine ou en soins palliatifs. Cela dit, la question de la valorisation, je pense que les personnes qui y travaillent le font avec beaucoup de professionnalisme puis avec la conviction que leur travail est important. C'est le regard des autres beaucoup plus que le regard des personnes qui le font. C'est pour ça que, quand on parle de première ligne, quand on parle de soins palliatifs, de continuum de soins, d'une approche globale de la personne, bien, là, ça ne devient pas des techniques qui sont urgentes, mais comme des soins qui s'inscrivent dans une tout autre philosophie où la formation initiale peut répondre à ça. Mais effectivement il y a le regard des autres en termes de valorisation. Puis je pense que le projet de loi vient mettre en perspective l'importance de ces soins-là dans le réseau de la santé et des services sociaux.

• (21 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui, je pensais que madame voulait...

Le Président (M. Bergman) : Mme Montour?

Mme Montour (Claire) : Oui. Bien, effectivement, on a soulevé la formation. Je ne reprendrai pas ce que Mme Chabot a dit. Effectivement, des fois, c'est souvent le regard des autres par rapport à la technique de soins, ou l'état du patient, ou… dans le département qu'on se trouve. Mais les personnes qui travaillent auprès de cette clientèle-là s'investissent énormément et ont autant à coeur le patient qui est là, la famille, les soins qu'ils donnent que quelqu'un qui est aux soins intensifs avec un moniteur cardiaque. Je pense que c'est quand on commence, justement, les comparaisons que, là, ça devient peut-être moins... moins facile pour le personnel aussi.

Puis moi, je soulève : Justement, si on fait une politique de soins de fin de vie, bien peut-être qu'on va replacer des choses dans le réseau aussi par rapport à cette clientèle-là. Mais, il faut noter aussi, la personne ou le patient... Là, je dis encore «le patient»… d'expérience, je ne suis pas capable de me défaire de mes... Mais ça dépend aussi où il se trouve, parce que, quand on n'a pas accès à des soins palliatifs puis que le patient, il se retrouve dans une unité de médecine chirurgie, où — là, je ne vous annoncerai pas une grande primeur — le personnel est débordé, à bout, il en manque, etc., peut-être qu'on entend ou on répète des choses, mais il y a peut-être une partie de l'explication... Puis ce n'est juste le personnel qui n'est pas affecté ou qui n'est pas intéressé par ce type de… je m'en allais dire «de spécialité», mais ce type de soins là.

Ça fait qu'il y a peut-être plein d'éléments, il n'y en a peut-être pas juste un, dire : Il n'aime pas ça, puis ce n'est pas glamour, pour reprendre l'expression. Mais, oui, il y a la formation, puis peut-être que... je le disais dans mon... puis vous l'avez soulevé, s'il y avait un message : l'importance de la formation. Parce que c'est au-delà de la technique de faire un pansement. Il y a aussi la technique... L'approche au mourant, tout ça, on connaît, il y a des notions, il y a des cours. Donc, ça seraient des beaux messages pour compléter.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson, il vous reste deux minutes pour les questions et les réponses.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président, alors je vais faire rapidement. Bonsoir, mesdames, monsieur. Alors, écoutez, dans votre mémoire, vous nous parlez des proches aidants, les gens qui prennent soin de gens qui sont malades à la maison. Disons que c'est un segment de la population qui est très important dans les soins. Alors, vous parlez, dans votre mémoire, que ça... on devrait penser à «un volet d'évaluation de la situation des proches aidants et une offre de services sociaux et de santé publics adéquate visant à les soutenir». Pouvez-vous nous en parler plus longuement de comment vous voyez ça? Puis quels devraient être la reconnaissance et le soutien qu'on devrait leur apporter?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Oui. Bien, vous allez en retrouver à la page 10, là. Je pense qu'on avait une donnée assez récente puis qui était parlante, la contribution des proches aidants en termes de coûts, quand on demande d'avoir une situation, c'est quoi, la réalité de la part des proches aidants, ce que ça leur demande. Parce que nous, un proche aidant... on n'aime pas tellement la notion d'aidant naturel, c'est un proche aidant, qui doit le faire de façon volontaire. Et on sait que la contribution est majeure puis qu'ils ont besoin d'être soutenus. C'est impensable, là, que... Ça fait que c'est pour ça qu'on disait qu'il y ait un volet d'évaluation de ces situations-là : il y en a combien, ils sont dans quel état, c'est quoi, le service de répit, d'accompagnement, le service support qu'on leur accorde actuellement. C'est ce qu'on voulait dire. Lise, je ne sais pas si tu veux compléter?

Mme Goulet (Lise) : Oui. Donc, quand on regarde... Bonsoir, M. le Président. Quand on regarde notamment la plateforme de revendication du Regroupement des aidants naturels du Québec, on peut voir, dans cette plateforme-là, un ensemble d'éléments qui illustrent vraiment les besoins de ces gens-là, notamment en termes de répit, soutien psychologique, mais aussi d'information dans l'accompagnement des proches à la maison qui ont besoin de soins. Il y a même des gens qui nous disaient... Puis on n'est pas allés jusque-là dans le mémoire, parce que je pense que c'était... on ne voulait pas...

Le Président (M. Bergman) : ...

Mme Goulet (Lise) : Oui?

Le Président (M. Bergman) : En conclusion.

Mme Goulet (Lise) : Ah bon! Il était même question de faire de l'évaluation systématique de leur détresse. Il y a des gens… Bon, on n'est pas allés jusque-là, comme je disais. Mais je pense que c'est important. On leur fait jouer un rôle majeur, on prend un virage. On ne doit pas prendre pour acquis que ces gens-là vont pouvoir accompagner la personne à qui on reconnaît un droit. Donc, le reconnaître, c'est une chose. Maintenant, faire l'évaluation de l'environnement, si ces gens-là vont pouvoir les accompagner, devrait faire partie de l'évaluation première.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour l'opposition officielle, le deuxième bloc, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'aimerais recadrer quelque chose, là. Parce que, là, on arrive ici, en commission, puis on dit : Bien, il n'y a pas de formation, il n'y a pas ci, il n'y a pas ça. Moi, ce n'est pas mon expérience du réseau. Puis d'aller dire qu'en médecine on a juste quelques heures puis que ça fait qu'on est des pas bons médecins ou qu'on ne sait pas quoi faire, là, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, l'apprentissage. On a des stages, toute la formation traite des gens qui sont malades. On apprend à utiliser, lorsqu'on fait nos stages cliniques, la morphine, les médicaments. Puis on travaille en équipe multidisciplinaire aussi, c'est-à-dire que, lorsqu'on arrive pour le soulagement de la douleur, souvent les pharmaciens vont intervenir, les infirmières vont nous dire souvent comment eux autres, elles fonctionnent, il y a… C'est un apprentissage par osmose beaucoup plus qu'en classe.

Je me méfie beaucoup des gens qui me disent : Ils devraient étudier plus telle matière. Ceux qui sont bons, c'est ceux qui aiment ça puis ceux qui pratiquent. Donc, les gens qui en font beaucoup, qui développent des habiletés puis qui ont le goût de le faire, ils deviennent nécessairement bons. Et il y a des gens qui n'en font pas, de soins palliatifs. Ça fait que, pour eux autres, ils n'iront pas chercher des formations là-dedans. Puis, à toutes les fois qu'on va dans une formation de quelque chose, que ce soit en cardiologie, en neurologie, la gériatrie, tout le monde va vous dire qu'on devrait augmenter le nombre d'heures de formation dans ce domaine-là. Le cours de médecine va devenir sur 20 ans, puis ils vont pratiquer 10 ans.

Le message que je veux faire… On arrive en commission puis on nous dit : Ça prendrait plus de… Moi, je suis d'accord, ça prend plus de formation, ça prend plus… Mais de là à dire qu'il ne s'en donne pas… Il s'en donne énormément. Les congrès de soins palliatifs au Québec, il y en a plusieurs. La plupart des gens font une, deux puis trois journées de formation annuelle. Donc, ils apprennent sur le terrain, mais ils apprennent également en parlant avec les autres, puis ils apprennent dans des congrès.

Ça fait que la formation, oui, on peut en donner plus, mais vous allez voir… La stratégie, vous allez donner de la formation à tout le monde. Mais, si, à un moment donné, tu ne le pratiques pas, tu ne deviendras pas bon. D'ailleurs, c'est comme ça que le réseau, le système de santé fonctionne. Moi, ce que j'ai vu, les infirmières de soins palliatifs, je n'ai pas jamais vu de problème nécessairement de recrutement. Souvent, c'est fait par les infirmières de soins à domicile, qui savent qu'elles vont faire des soins palliatifs, et, en en faisant, elles deviennent meilleures, Puis il se donne de la formation, à ce moment-là, et elles apprennent aussi avec leurs collègues qui, eux autres, en font depuis longtemps. C'est comme ça que ça fonctionne dans le réseau de la santé.

Si les gens, des fois, ont l'impression qu'ils n'ont pas assez de formation, je pense qu'il faut faire attention entre le «pas assez de formation» comme «il manque de monde pour en faire». Et, dans la relation d'aide, on le développe avec le temps, mais il faut avoir des habiletés pour ça. Puis ce qu'on voit dans le réseau de la santé également, c'est que les gens qui aiment un domaine… exemple, les soins intensifs, ils vont aller faire des soins intensifs. Mais pourquoi est-ce que ça prend trois à quatre mois, des fois, de soins intensifs, puis six mois en bloc opératoire? Parce qu'ils ont énormément de techniques à apprendre. Il faut qu'ils fassent le tour de toutes les chirurgies. Tandis que, quand on arrive dans les soins palliatifs, c'est une complexité qui est différente, c'est plus l'approche humaine, de rencontre, qui est importante. Donc, pas besoin, à ce moment-là, d'avoir une formation de six mois en soins palliatifs. Ce qui est important, surtout, c'est d'en faire et d'avoir les bonnes aptitudes.

Moi, je veux recadrer ça parce que, des fois, on dit des choses, on veut faire un message, puis ce qui est reçu, c'est… D'après moi, ce n'est pas la réalité du réseau de la santé. Par contre, on est d'accord, il faut insister pour développer plus de soins palliatifs et puis il faut que les gens aient une certaine formation. Mais de là à dire qu'actuellement ils ne sont pas formés, là, moi, ce n'est pas ça que j'ai vu sur le terrain. Surtout, comme je vous dis, on travaille en équipe multidisciplinaire. Les pharmaciens sont arrivés avec des livres ça d'épais sur le contrôle de la douleur, qui étaient ultra bien faits, puis généralement les médecins ne les lisent pas, et les pharmaciens vont leur dire comment l'appliquer. Puis, quand ça fait quelques cas que tu as, tu sais comment faire également pour soulager la douleur, soulager les symptômes.

Merci beaucoup d'être ici parce que, pour moi, c'est bien important. Je voudrais vous revenir sur la question des maisons de soins palliatifs. Les maisons de soins palliatifs, vous nous avez dit : On va se retrouver dans un dilemme, c'est-à-dire les gens ne voudront pas faire l'aide médicale à mourir. L'aide médicale à mourir devient un droit. Moi, la façon dont je le voyais, si on avait une maison de soins palliatifs qui disait au départ : Nous autres, nous n'offrons pas l'aide médicale à mourir, on comprend que le CSSS, dans ses ressources, serait capable de développer le service ailleurs que dans les maisons de soins palliatifs, qui est souvent connexe à l'organisation des services.

Je ne sais pas comment, vous autres, vous voyez ça, mais surtout pour vos membres, parce que l'objection de conscience va devenir importante à un moment donné. Parce que le médecin, quand il va faire l'aide médicale à mourir, peut-être que c'est lui qui va poser le geste médical, puis je peux vous garantir qu'il va y avoir une infirmière qui va être à côté de lui. Comment on va l'appliquer à ce moment-là?

• (21 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Là, pour la dernière partie, je pense qu'on devra l'appliquer, justement, l'objection de conscience, dans le même esprit que les médecins souhaitent pouvoir… Alors, en vertu de l'article, c'est dans cet esprit-là qu'on le fait. Ça fait que c'est pour ça qu'on demande de réfléchir, au niveau de nos ordres professionnels, qu'il serait nouveau du côté des infirmières ou d'autres professionnels de le faire.

L'autre chose, bien, c'est… on l'a posée comme… Écoutez, on ne se cachera pas, on trouve précieuse la contribution des maisons de soins palliatifs actuellement dans l'offre de soins en termes de qualité et en termes d'offre de soins. Puis on ne veut pas, par nos propos, dire : Bien, obligez-les, là. On fait juste dire : Peut-être qu'à court terme ça sera clair, je suis une personne, un patient qui sait qu'il va vouloir se prévaloir de ce droit puis j'ai une maison — je ne la nommerai pas — qui ne l'offre pas, bien je n'irai pas là, je vais aller ailleurs ou, comme vous dites… Mais c'est parce que parfois, ça peut se…

C'est le fun de dire : Je décide, là, puis le parcours va être comme ça, mais tu peux aussi choisir d'être dans une maison comme ça, puis, en cours de route, à cause de ton état de santé… Là, tu fais quoi? On fait juste le soulever. Écoutez, on va laisser… Ce n'est pas simple, ce n'est pas simple à résoudre parce qu'en même temps on vient vous dire : Tout ce projet de loi là… ou l'aide médicale à mourir plus précisément ne doit pas être une raison pour qu'on diminue les soins palliatifs ou qu'on ne les renforce pas. Ça fait qu'on ne dirait pas non plus : Fermez les maisons ou… Sauf qu'on prend acte puis ça se pose comme ça.

Je termine, M. Bolduc. En tout cas, nous, en ce qui concerne la formation des médecins, là, j'ai compris que le message ne nous était pas adressé. Puis, du côté de notre personnel, notre personnel de soins, bien je répondais tout à l'heure que la formation initiale, je pense qu'elle est adéquate, mais, en termes de formation continue, il y a plusieurs approches maintenant, puis qu'il y ait des… qu'on offre aussi dans le milieu… on appelle ça de la mise à jour des connaissances, de l'actualisation. Parce que, c'est justement, les soins palliatifs, en soi, c'est une spécialité — spécialité au sens noble du terme — de travailler avec ces personnes-là, ce n'est pas une technique, mais c'est quand même… Ça fait que c'est ça qu'on revendique, de la formation continue ou du perfectionnement… de la mise à jour, du perfectionnement, de l'actualisation. Je dois vous dire, peut-être que, pour les médecins, c'est heureux, mais, pour le personnel, ce n'est pas si simple en termes de disponibilité, en termes de ressources à obtenir.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Puis juste pour… Ce n'était pas un reproche. Je voulais juste clarifier ça parce que souvent, quand on arrive en commission… ce n'est pas nécessairement juste vous, moi, ça fait plusieurs fois qu'on en entendait parler. Moi, je peux dire que j'ai fait des soins palliatifs, puis il y a d'excellents soins palliatifs. Il faut plus de ressources. Il y a toujours de la formation à donner, ce n'est pas tout le monde qui est au même niveau, mais, compte tenu qu'on travaille en équipe, je pense que chacun apprend des autres. Donc, on devient de meilleur en meilleur pour chacun des professionnels.

La question des maisons de soins palliatifs, je reviens là-dessus parce que la question de l'objection de conscience va être un enjeu important. Moi, c'est étrange, je ne vois pas ça si compliqué que ça parce que, dans un CSSS, il va nécessairement y avoir des soins palliatifs… peut-être dans une maison de soins palliatifs… il va certainement y en avoir aussi à l'hôpital pour toutes sortes de raisons, ne serait-ce que des patients qui, en fin de vie, doivent mourir et ils ne pourront pas être transférés. Mais, si au départ la maison de soins palliatifs annonce ses couleurs, bien je pense que les gens, le sachant, ils n'iront pas là.

Sauf que, je suis d'accord avec vous, il va y avoir le cas de figure qui va survenir, où, en cours de route, il voudrait peut-être l'avoir. Mais, en sachant qu'il ne peut pas l'avoir à cet endroit-là, le compromis qu'il devra peut-être y avoir, c'est qu'il pourrait être transféré. Là, des gens vont nous dire : Oui, mais, des fois, si on est dans les dernières minutes, les derniers jours? Bien, l'aide médicale à mourir, ce n'était pas prévu non plus, comme plusieurs l'ont dit : Ce matin je me lève, puis je décide que je le veux, puis je vais l'avoir pour 5 heures le soir. Il y a une réflexion à faire, il y a un mécanisme à mettre en place et, en cours de route, il y a peut-être des gens qui le voulaient le matin, mais qui n'en voudront plus deux jours après. Il faut savoir respecter ça.

Mais ça, c'est à l'usage qu'on va être capables de gérer ces situations. Et, après ça, on fera les scénarios pour pouvoir améliorer le système. Parce que ce que je comprends, c'est que la commission qui va être mise en place va étudier ces situations-là puis va nous revenir avec des recommandations afin d'améliorer. Ça fait qu'il ne faut pas s'attendre que, du jour au lendemain, ça va être parfait, mais il va y avoir des améliorations puis il va falloir tous accepter, comme société, si ça passe comme loi, que c'est une nouvelle façon de faire qui va se mettre en place progressivement.

Comment vous voyez ça dans un établissement où ils ne pourront pas offrir l'aide médicale à mourir par question d'objection de conscience? On sait qu'il y a des endroits, c'est des petits CSSS, des petites équipes médicales, mais des petites équipes de soins également, et, dans ces endroits-là, ce ne sera peut-être pas possible d'offrir l'aide médicale à mourir. Puis je vais vous poser une question existentialiste...

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, il n'y aura pas le temps pour la réponse, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous êtes chanceux.

Une voix : Est-ce que j'ai...

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous êtes chanceuses.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci d'être présentes ce soir. Je voulais revenir un petit peu sur... On a parlé beaucoup de formation, effectivement, puis peut-être le choix moins glamour de faire des soins palliatifs. Moi, j'irais plus vers... peut-être moins glamour mais surtout très exigeant. On n'a pas parlé beaucoup de l'implication émotive du personnel infirmier auprès des gens qui sont en soins palliatifs parce qu'on sait que le soin palliatif et les gens qui y travaillent sont confrontés avec la mort au quotidien. On a eu un groupe un petit peu plus tôt en soirée qui sont venus nous dire que, malheureusement, on n'offrait pas beaucoup de support à notre personnel soignant qui se retrouve surtout en soins palliatifs.

Évidemment, en ajoutant l'aide médicale à mourir… L'expérience dans d'autres, pays comme, entre autres, en Belgique, où le personnel soignant, après avoir pratiqué l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie, appelons-le comme on voudra, se retrouve dans des situations où certains médecins même attendent deux jours avant de revenir… Alors, c'est éprouvant moralement. Est-ce que c'est une question qui vous... mais sur laquelle vous voudriez qu'on se penche pour avoir des équipes peut-être multidisciplinaires spécialisées, mais d'assurer un support à ces équipes-là plus intense et plus important que ce qu'on a actuellement?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Je vais être très honnête avec vous, on n'a pas spécifiquement abordé... même si ce que vous dites, on peut le reconnaître. Dans le parcours de la vie professionnelle, oui, il y a ça, puis... mais je vous dirais qu'aussi il y a d'autres lieux où actuellement notre personnel travaille, est confronté avec des enfants qui ont un diagnostic, puis là on n'est pas dans l'aide médicale à mourir, puis on doit les accompagner... C'est vrai dans... Bon. Ça fait que la question ne se pose pas juste nécessairement dans ce cas-là. Je pense que...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Chabot (Louise) : Mais la question est pertinente.

Mme Daneault : Merci. Donc, ce n'est pas quelque chose... ce n'est pas des demandes qui vont sont faites de façon régulière par vos membres, à ce que je comprends.

Mme Montour (Claire) : Bien, si je peux me permettre...

Le Président (M. Bergman) : Mme Montour.

Mme Montour (Claire) : Pas dans l'esprit... Quand on travaillé pour le projet de loi, ce n'est pas quelque chose qui… Au-delà de ce qu'on a soulevé dans notre document, la formation — je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit — bon, l'objection de conscience, ça nous a questionnés. On se dit : Bon, il y a peut-être un groupe qui pourrait se poser cette question-là, mais… Puis, en terminant, je vous dirais, de faire face à la mort ou aux difficultés de la vie, pour le personnel qu'on représente, il est dans tous les départements, à tout moment. Puis c'est à ça qu'on est confrontés, et c'est le choix qu'on fait en faisant cette profession-là. Ça fait que je ne veux pas non plus minimiser ce que ça demande ou ce que ça implique pour le personnel, je le reconnais et elles le reconnaissent aussi, mais, en même temps, c'est un peu partout. Donc, on n'y a pas été spécifiquement dans l'approche à mourir, dire : Ça prend... Parce que, je vous dirais, probablement que tout notre personnel de toutes les sphères, de tous les milieux, de tous... du CLSC jusqu'à l'hôpital aurait fait la même demande.

Le Président (M. Bergman) : Vous avez 1 min 30 s, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : L'autre question que je me pose, parce qu'on a eu les statistiques, entre autres, des soins... De plus en plus de Québécois demandent de mourir à domicile, d'avoir des soins à domicile, alors qu'on voit qu'on a uniquement 10 % des décès qui se font à domicile. La question que je vous poserais : Est-ce que votre personnel est prêt à offrir des soins à domicile, mais des soins de fin de vie de plus en plus importants?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chabot. Mme Montour.

Mme Montour (Claire) : Oui, notre personnel est prêt, si le réseau est là avec le budget puis le support. C'est ce que j'ai envie de répondre.

• (21 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Chabot, Mme Montour, Mme Goulet, M. Jobin, merci d'être ici avec nous ce soir, merci pour partager votre expertise.

Collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à mercredi le 2 octobre 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 21 h 41)

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