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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le vendredi 4 octobre 2013 - Vol. 43 N° 43

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie


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Table des matières

Auditions (suite)

Carpe Diem Centre de ressources Alzheimer

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

L'Association des groupes d'intervention en défense de droits
en santé mentale du Québec (L'AGIDD-SMQ)

Intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Véronique Hivon

Mme Stéphanie Vallée

M. Yves Bolduc

M. Sylvain Lévesque

*          Mme Nicole Poirier, Carpe Diem  Centre de ressources Alzheimer

*          M. Jacques Frémont, CDPDJ

*          M. Daniel Carpentier, idem

*          Mme Renée Dupuis, idem

*          Mme Marie Carpentier, idem

*          Mme Andrée Morneau, L'AGIDD-SMQ

*          Mme Doris Provencher, idem

*          Mme Chloé Serradori, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la Secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lévesque (Vanier-Les Rivières) remplace Mme Daneault (Groulx).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Bienvenue. Alors, je souhaite la bienvenue à l'organisation Carpe Diem — Centre de ressources Alzheimer. Mme Poirier, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Donnez-nous votre nom, votre titre, et le micro, c'est à vous.

Carpe Diem — Centre de ressources Alzheimer

Mme Poirier (Nicole) : Merci beaucoup. Bonjour à tous et à toutes. Merci de l'invitation que vous m'avez faite pour venir partager mes réflexions. Alors, oui, je me nomme, Nicole Poirier, directrice de Carpe Diem — Centre de ressources Alzheimer, à Trois-Rivières. C'est un centre… c'est une association qui accueille des personnes touchées par des «maladies apparentées Alzheimer», autant au niveau de l'hébergement que de l'accompagnement à domicile, service de soutien aux familles, d'accompagnement des personnes, jusqu'à l'arrivée progressive dans la maison.

Carpe Diem a développé une approche depuis plus de 17 ans, une approche qu'on peut qualifier de novatrice parce qu'elle se vit dans une vraie maison avec une cuisine où le personnel vit avec les personnes. Et on a développé, avec les années, une approche qui fait école ici et ailleurs dans le monde, particulièrement en France et en Belgique.

Alors, moi, je vais… avant d'entrer dans le mémoire, je veux juste vous raconter un peu ce qui m'amène ici, parce que ça fait 28 ans, je pense, qu'à tous les jours de ma vie j'ai réfléchi sur les conditions de vie des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer, et ça a débuté en 1985, quand j'avais eu l'idée de convertir notre maison familiale en résidence pour personnes âgées. Notre maison était à vendre, et mon père cherchait un acheteur, et une amie nous dit : Votre maison, ce serait une bonne maison pour accueillir des personnes âgées. À ce moment-là, les problèmes liés au vieillissement ne faisaient pas l'actualité. Et je n'avais pas d'expérience et j'ai accueilli tranquillement… mon père m'a fait confiance, j'ai accueilli des personnes dans cette maison. Et mon idée, c'était que ce soit chez eux, qu'ils viennent s'impliquer dans la maison. Je leur demandais : Voulez-vous m'aider à préparer le repas, m'aider à faire la vaisselle? Et les gens s'impliquaient.

Rapidement, j'ai accueilli une personne qui souffrait de la maladie d'Alzheimer et j'ai eu la même approche avec elle. Je n'avais pas de connaissance, je n'avais pas d'expérience, mais je lui ai proposé de m'aider : Voulez-vous m'aider? En faisant le geste avec le linge de vaisselle, elle comprenait et elle m'aidait. Voulez-vous brasser la soupe? Elle brassait la soupe. Ramasser les feuilles? Elle ramassait les feuilles. Elle n'avait plus de mots pour s'exprimer, mais en imitant nos gestes… et nous, en vivant avec elle, on voyait qu'elle avait de la… elle comprenait même si les mots étaient absents. Et, à un moment donné, elle s'est levée la nuit, et moi, je voulais la ramener se coucher. Et puis, comme ça arrive chez la plupart des personnes atteintes d'Alzheimer, bien elle se levait de plus en plus. Et, moi, bien, il fallait que je dorme et je l'ai amenée se recoucher. Elle se relevait, elle se recouchait. Je me suis couchée à côté d'elle, j'ai tenu sa main pour qu'elle reste couchée, et mon but, c'était qu'elle dorme parce que, la nuit, on dort. Alors, rapidement, je suis devenue épuisée. Et rapidement j'ai appelé sa famille, son médecin et j'ai demandé de l'aide au médecin qui m'a dit : Je vais t'arranger ça. Et puis il m'a arrangé ça, à moi. Le soir, elle a eu une médication, elle a dormi toute la nuit. Mais, le matin, elle ne se levait plus. Puis, quand je suis allée la voir, j'ai eu de la difficulté à la réveiller, elle avait uriné dans son lit. Elle s'est levée, elle était chambranlante, beaucoup plus confuse. Et, le deuxième matin, même chose, elle se lève, elle tombe, elle se fend le crâne et elle se retrouve à l'hôpital. Et à l'hôpital j'ai appris qu'il y avait… ça existait, des contentions, qu'on pouvait attacher le monde puis qu'on pouvait aussi les attacher avec des médicaments.

On est en 1985, là. Et là j'ai fait un lien entre mon manque de connaissances, entre mon manque d'adaptation et sa condition. Parce que, là, j'ai réalisé, mais je l'ai réalisé aussi plus tard, que, quand on se lève la nuit, on a des besoins. Mais moi, je n'ai jamais pensé qu'elle pouvait avoir le besoin d'aller aux toilettes, de manger, peut-être, ou de ne pas avoir envie de dormir davantage.

Et là ça a été l'événement déclencheur qui a fait que j'ai décidé de m'investir puis d'accompagner les personnes atteintes d'Alzheimer et d'essayer de créer des lieux où on s'adapte à eux. J'ai fait un lien direct entre mon manque d'expérience et mon manque d'adaptation. Et je me suis longtemps questionnée. C'était quoi, son besoin? Pourquoi elle se levait comme ça la nuit? Puis je me suis dit : Les lieux, éventuellement, qu'on va créer pour les personnes atteintes d'Alzheimer devront être adaptés la nuit. Si une personne se lève la nuit, si vous vous levez la nuit, est-ce que vous vous dites : Eh, que j'ai de la chance de me lever, puis aller aux toilettes, puis aller aux toilettes sur une toilette? Non, c'est un droit, ce n'est pas un privilège. Alors, je me suis dit : Il faut créer un lieu qui va répondre à ces besoins particuliers des personnes. Et c'est comme ça que, pendant 10 ans, je l'ai accompagnée, et j'ai accompagné des familles aussi tout en présentant des projets au gouvernement. Et, pendant ces 10 années là, combien de fois des familles m'ont dit : Ça devrait être fini, pourquoi on continue? C'est quoi, le sens de la vie quand on est couché dans un lit et puis qu'on ne reconnaît pas les proches et… quel est le sens de la vie?

Et j'ai longtemps adhéré aux propos des familles que j'ai accompagnées, jusqu'au jour où on a ouvert la Maison Carpe Diem à Trois-Rivières et que, là, on a accueilli des personnes qui soit étaient en train de s'éteindre dans des milieux non adaptés ou qui étaient en train de crouler sous le poids de la médication. Et, quand je les ai vues revivre et que j'ai vu des familles recommencer à s'épanouir parce que leurs parents étaient bien accompagnés, parce qu'ils pouvaient retrouver des capacités… Parce qu'on s'est rendu compte aussi… puis ça, aujourd'hui, les neurosciences le démontrent, quand on dit : Les gens ne reconnaissent plus les proches, les neurosciences le prouvent aujourd'hui que ce n'est pas vrai, qu'il y a toujours une forme de reconnaissance. La prosopagnosie, qui est le fait de ne pas reconnaître les visages, c'est une chose, mais les sciences ont démontré que l'émotion reste jusqu'au bout. Et c'est prouvé. J'arrive de Poitiers où un chercheur en neurosciences l'a démontré.

• (9 h 40) •

Donc, quand j'ai… Carpe Diem… Ça fait maintenant 17 ans que Carpe Diem existe. Et, lorsque la consultation publique a eu lieu il y a trois ans, il a été question d'ouvrir la possibilité aux personnes, dans l'éventualité où elles deviendraient inaptes, d'avoir accès à une aide médicale pour mourir. Là, mon expérience des dernières années a remonté, et là c'est là que j'ai décidé d'écrire un mémoire et de questionner moi-même les gens autour de moi. Et ce qu'on me répondait, c'est : Oui, effectivement, au niveau des sondages, les gens sont assez favorables à cette ouverture-là. Mais, quand on demande pourquoi, oui, il y a la peur de la maladie, la peur des pertes des capacités intellectuelles, mais il y a aussi et surtout la peur des conditions de vie dans lesquelles on se retrouve, une chose, et la deuxième : la peur d'être un poids pour les proches. Deux conditions sur lesquelles, comme société, on a du pouvoir : on a du pouvoir de modifier les conditions de vie et on a du pouvoir de mieux soutenir les proches. Quand on dit : L'aide médicale… lorsque tout a été tenté, je pense qu'à ce niveau-là tout n'a pas été tenté.

Alors, vous comprendrez que mon point va rester autour de l'article 45 qui porte sur… qui stipule que «toute personne majeure, apte à consentir aux soins, peut déterminer, dans [les] directives médicales anticipées, les soins médicaux qui pourraient être requis par son état de santé et auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait inapte à le faire».

«Au cas où elle deviendrait inapte». Alors, pour moi, avec l'accompagnement, que j'ai fait, des familles, le point majeur… on peut discuter d'inaptitude, puis tout ça, mais le point majeur : c'est éthiquement, humainement et émotionnellement impossible de demander à une tierce personne d'appliquer des directives dans le cas d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. C'est impossible parce que d'abord on ne sait pas la durée de vie qui reste à venir. J'ai vu des gens déclarés soins palliatifs, où on a enlevé les médicaments qu'ils prenaient, particulièrement les antipsychotiques, se remettre à aller mieux et vivre un an, un an et demi plus longtemps. Donc, c'est impossible. Et c'est impossible de déterminer l'état d'inaptitude. Même au moment du diagnostic, les spécialistes, les professionnels arrivent peut-être à mesurer un peu les incapacités, oui, mais pas les forces. Les forces, ils n'arrivent pas à les déterminer.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, si on regarde juste socialement, en ce moment, il y a une forme de condition de vie qui réduit l'espérance de vie. Et je ne veux pas rentrer dans le détail mais au moins dire que c'est démontré que la dénutrition fait partie de la réalité des gens qui sont en CHSLD. On dit que 30 % à 60 % des gens sont dénutris pour des raisons… pas parce que ce qu'on leur offre n'est pas bon, parce que… pour des raisons d'organisation, de temps de personnel ou de manque de connaissances. La personne a son assiette, elle a faim, mais elle ne sait pas comment manger et puis le personnel ne comprend pas sa réalité. Puis on prend le plateau, puis elle ne mange pas. Ils sont dénutris, et ça quadruple les coûts, le fait d'être dénutri, et ça réduit l'espérance de vie.

L'autre point aussi, puis ça, c'est connu, c'est documenté : on donne 10 fois trop d'antipsychotiques aux personnes atteintes d'Alzheimer. 10 fois trop, c'est une chose, mais ça réduit l'espérance de vie, ça réduit… ça fait perdre l'autonomie et ça crée des effets secondaires qui sont néfastes pour la personne. C'est démontré qu'ils ne devraient pas consommer autant. Et souvent ces médicaments-là sont donnés pour combattre la douleur. La personne qui a de la douleur, qui ne peut plus exprimer avec des mots sa douleur, elle peut devenir agressive, elle peut crier, et on ne la comprend pas et, au lieu de détecter la douleur, on donne un antipsychotique.

Alors, il y a du travail à faire de ce côté-là, puis on a les moyens de le faire, ce travail-là, si on se donne la peine de le faire. Et puis il y a aussi toute la société qui parle de la maladie d'Alzheimer d'une forme négative, d'une forme misérabiliste. Même, on parle de démence encore aujourd'hui. Et le DSM-V vient d'enlever le mot «démence» du DSM-V. C'est aux États-Unis, mais ça montre que l'évolution se fait au niveau de la connaissance de la maladie, puis qu'on parle aujourd'hui… on ne parle plus de démence. En France aussi, on ne parle plus de démence, on parle de maladies apparentées Alzheimer.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à propos des articles qui sont dans le projet de loi, bien, on demande… Par exemple, l'article 2: «…elle est atteinte d'une maladie grave et incurable.» Nous, on demande franchement de retirer les pathologies neurodégénératives qui sont comme la maladie d'Alzheimer parce que, même atteint de cette maladie, ce n'est pas… ça ne signifie pas «fin de vie», mais ça signifie «une maladie, oui, incurable».

«[La] situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible…» Alors là, encore c'est impossible, c'est très subjectif. C'est quoi, avancé et… un déclin avancé? Pour certains, ça va être ne plus savoir lire, écrire, parler, pour d'autres, ça va être être incontinent, pour une autre personne, ça va être être couché dans un lit. Comment on peut… Qu'est-ce qu'on va écrire dans ces directives-là qu'une tierce personne devra appliquer? Je pense que là-dessus c'est impossible, humainement, d'appliquer… J'ai assez accompagné de familles. Prenez juste les médicaments qui sont sur le marché en ce moment, là, qu'on donne aux personnes atteintes. Il arrive un moment où ces médicaments-là ne sont plus efficaces. Mais, juste de les retirer, juste de les retirer, ce que ça demande aux familles, de consultations, puis de réflexion, puis de conflits, puis de culpabilité pour retirer un médicament qui n'est pas efficace ou qui est devenu inefficace, ça te crée des conflits.

Alors, j'imagine, les tribunaux vont être bondés de monde d'ici 10 à 15 ans parce que, chaque année, c'est 25 000 nouvelles personnes qui sont diagnostiquées maladies apparentées Alzheimer.

Alors, si la personne, quand elle reçoit le diagnostic, elle vit une dépression, elle est sous le choc puis elle rédige ses volontés de peur d'être un poids pour les proches puis de peur aussi d'aller vivre dans des conditions inacceptables, bien ça va faire pas mal de monde éventuellement qui vont avoir écrit des directives puis qu'on devra traiter, et je pense que ça va être… je pense qu'on mesure encore difficilement l'impact d'une telle mesure.

Donc, nous, on fait aussi… Bien, je vous donnerais un exemple. Je ne sais pas si c'est un bon exemple, mais je pense aux tierces personnes, aux personnes de confiance, qui devront faire, comment on dit, les directives anticipées, qui devront les faire appliquer. Moi, j'avais, quand je n'avais pas de chien… Je n'avais jamais eu de chien puis, quand je pensais aux chiens malades, je me disais : C'est facile quand ils sont malades, les chiens, on les fait euthanasier, puis c'est juste humain de faire ça, jusqu'au jour où j'ai eu un chien qui a fait partie de ma vie pendant 13 ans puis de celle de mes enfants pendant 13 ans. Puis, le jour où j'ai eu à faire le geste… Si vous avez eu des animaux de compagnie, là, on le sait tous, comment se dire : C'est aujourd'hui, ou c'est demain? Qu'est-ce qui fait la différence? C'est parce que je suis fatiguée, parce que, moi, ça fait mon affaire ou parce que c'est vraiment le jour? La vétérinaire m'a dit : Vous n'êtes pas toute seule à vivre ça, tout le monde le vit, ça. Mais je me dis : C'est un chien.

Donc, pour moi, c'est le point le plus important. Malgré toutes les considérations médicales et clartés juridiques, je pense que c'est inacceptable puis impossible de faire porter ce poids-là à des proches, même à un médecin.

Alors, je suis prête à échanger avec vous sur ces points-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

• (9 h 50) •

Mme Hivon : Oui. Alors, merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Poirier, de votre présentation très humaine, très sentie, à l'image, je pense, de ce que Carpe Diem est et fait au quotidien. Puis je veux en profiter pour vous remercier de tout votre engagement, autant personnel que via Carpe Diem, pour la cause des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Je pense que c'est une inspiration pour tous ceux qui travaillent auprès de ces personnes-là. Alors, merci beaucoup.

En fait, peut-être clarifier certaines choses. Puis peut-être que tout ça est clair pour vous, puis vous voulez juste nous dire votre position dans l'éventualité où on envisagerait certains éléments. Dans l'état du projet de loi, ce à quoi vous faites référence, ce n'est pas possible donc, parce que, pour obtenir l'aide médicale à mourir, la personne doit être apte au moment où elle le demande, où elle répète sa demande. Donc, les directives médicales anticipées… Donc, je comprends qu'on se comprend, là, mais vous vouliez nous éveiller sur votre position si on voulait aller dans une autre voie. Et les directives médicales anticipées peuvent porter sur tout soin de fin de vie, ou non, d'ailleurs, c'est important de le spécifier, qu'une personne voudrait ou ne voudrait pas recevoir dans l'éventualité où elle deviendrait inapte.

Donc, dans l'état du projet de loi, une personne ne pourrait pas demander à l'avance, dans l'éventualité où elle deviendrait, par exemple, atteinte de la maladie d'Alzheimer ou sachant qu'elle a la maladie d'Alzheimer, dire : Moi, aujourd'hui, j'ai encore toutes mes facultés, je demande que, si j'arrive à tel stade et qu'en plus je réponds à tous les critères de l'article 26… je voudrais donc recevoir l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas possible dans le projet de loi parce que ce n'est pas une avenue qui a été mise de l'avant. La commission spéciale ne l'avait pas non plus recommandé. Ce qu'elle avait demandé, c'est que le Collège des médecins forme un comité sur la question.

Et le Collège des médecins, au premier jour des auditions, est venu témoigner et nous a déposé son rapport. Et eux, ils recommandent effectivement d'ouvrir cette possibilité-là, comme plusieurs autres groupes qui sont venus, mais d'une manière très encadrée qui… Le Collège des médecins, eux, ils demandent qu'il y ait une autorisation du tribunal, que ça pourrait être une piste, en plus de la demande de la personne, qu'il y ait donc une autorisation du tribunal.

Je comprends votre position qui est de dire que vous ne souhaitez pas que cette possibilité-là soit là. J'aimerais quand même vous entendre, compte tenu de votre expérience et compte tenu du fait que plusieurs groupes sont venus, et non les moindres, là… il va y avoir même la Commission des droits après vous aujourd'hui qui va parler de ce sujet-là… ils sont venus nous faire une telle demande.

Moi, depuis le début, cette question-là, elle m'embête énormément pour toutes sortes de raisons mais notamment pour la question de l'évaluation de la souffrance.

Ceci dit, je comprends que vous faites des petits miracles. Mais j'imagine qu'il y a des personnes aussi qui sont plus souffrantes quand même, et comment on fait pour évaluer… C'est une question tout à fait, je dirais, générale, là, mais comment on fait pour évaluer la souffrance des personnes qui sont atteintes de maladie d'Alzheimer, physique ou, je dirais, psychologique, psychique?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Merci. D'abord, je vais faire la différence entre la souffrance et la douleur. Et ça, encore là, j'arrive de France où un chercheur en neurosciences a confirmé ce qu'on prétend au niveau de la souffrance, c'est que la personne atteinte d'Alzheimer, qu'on va confiner dans un coin, qu'on va enfermer, qu'on va ignorer, parce que souvent c'est ce qui arrive, ils sont mis de côté et même mis derrière des digicodes…

Ce qu'on dit, c'est que cet état-là, d'être rejeté, d'être isolé, de ne pas être compris… Au niveau du cerveau, là, en neurosciences, on a fait des recherches et on démontre par des recherches en laboratoires que le fait d'être ignoré comme ça crée une souffrance et, avec des électrodes et puis tous les graphiques qui viennent avec, démontre que les circuits de neurones qui s'activent au niveau du cerveau sont les mêmes, quand on vit de la souffrance psychologique comme les gens la vivent, que la souffrance physique. Donc, c'est les mêmes circuits de neurones qui s'activent au niveau… Bien, alors donc, ça, ça prouve que les personnes atteintes, oui, ont une souffrance liée aux réactions de l'environnement. Par contre, si on leur parle, si on les implique, si on a un ton de voix qui est adapté, si on a toute une approche finalement qui est adaptée, on a un impact sur la souffrance psychologique. Ça, c'est une chose, pour la souffrance que je dirais morale et psychologique. Mais il y a tout l'accompagnement aussi, où on apprend à accompagner les personnes. Quand tu te retrouves dans un établissement puis que tu ne sais plus pourquoi tu es là, tu as besoin de... tu n'as pas besoin qu'on barre la porte, tu as besoin qu'on t'écoute, qu'on comprenne, qu'on valide ton émotion, qu'on sorte avec toi dehors plutôt qu'on t'enferme. On a tout développé des réactions contraires aux besoins des gens au niveau psychologique.

Donc, ça, il faut défaire ces systèmes-là, qui sont répressifs, plutôt que de les accompagner. Moi, je pense qu'il y a moyen, à ce niveau-là, de faire beaucoup pour qu'elles puissent vivre mieux la maladie.

Pour la souffrance physique, bien, évidemment, souvent c'est là qu'il y a le plus… bien, pas qu'il y a le plus, mais que c'est une difficulté importante. Parce que la personne, si, par exemple, elle fait une chute, elle se fracture une côte, elle ne pourra pas dire : J'ai mal ici, ou j'ai mal à la tête, ou j'ai mal au ventre. Elle va l'exprimer en cris, en pleurs, en coups, et il faut absolument éviter qu'on la calme avec des neuroleptiques plutôt qu'avec des antidouleurs ou avec un traitement efficace. Et puis il existe des grilles de plus en plus sophistiquées qui nous permettent, à travers des comportements de la personne qui sont non verbaux… Par exemple, si je montre le poing, si je crie, si je fronce les sourcils, il y a plein de signes comme ça qui, en s'accumulant, nous font présumer qu'il y aurait une souffrance, une douleur. Alors, à ce moment-là, on évalue, avec un antidouleur, si le comportement qu'on juge agressif est soulagé.

Ça fait qu'il faut qu'on fasse des recherches de ce côté-là parce qu'il y a moyen, il y a moyen de repérer mais pas avec les moyens traditionnels. Si je dis à une personne : À cinq sur 10, ça vous fait mal, bien on n'aura pas de réponse.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Et, dans votre expérience en général, est-ce que ces souffrances-là, je dirais, qui peuvent être difficiles à diagnostiquer, là, mais qui sont quand même constantes… Parce qu'il y a des gens qui nous disent ça, hein, que les… Malheureusement, je dois le dire, vous êtes la seule personne qu'on reçoit qui est comme une experte pour les gens qui ont la maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé. On a invité deux experts, médecins gériatres, qui malheureusement ont décliné, la société, aussi, de l'Alzheimer qui a décliné. Donc, je le dis, je trouve ça vraiment dommage parce que ce n'est pas banal, puis on veut vraiment un éclairage important. Donc, c'est pour ça qu'on jette beaucoup notre dévolu sur vous, et on vous remercie beaucoup d'être là.

Mais la question donc de la souffrance, parce qu'on nous parle beaucoup de cas de souffrance… des gens qui sont des spécialistes, là, ont… pas ici, là, mais par des choses que j'ai lues, des rencontres qu'on avait faites lors de l'autre commission… de gens qui ont la maladie d'Alzheimer mais qui sont quand même souffrants et que c'est excessivement difficile parce que c'est difficile de bien diagnostiquer. Est-ce que vous diriez qu'il y a de la souffrance qui est difficile… de la souffrance et de la douleur, les deux, puis vous pourrez faire les nuances, là, mais difficiles à traiter et à résorber pour les personnes qui ont la maladie d'Alzheimer?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Oui, je pense qu'on vit encore beaucoup d'impuissance. À un moment donné, malgré tout ce qu'on peut faire, on vit de l'impuissance.

Il y a aussi des conditions où il y a, par exemple, des gens qui vont avoir des émotions en dents de scie puis qui vont, par exemple, beaucoup, beaucoup pleurer et puis, cinq minutes après, vont rire. Alors là, il faut faire attention parce que, quand ils rient, on trouve ça drôle puis, quand ils pleurent, là on trouve ça… on pense qu'il y a une souffrance équivalente à l'intensité du cri, ce qui n'est pas nécessairement vrai. Alors, je pense qu'il faut être capable de prendre situation par situation puis essayer de voir est-ce que c'est vraiment une question neurologique, est-ce qu'il y a une condition dans laquelle la personne vit.

Je vous donne un exemple vécu la semaine dernière en France, où une personne m'a dit : Mon père est recroquevillé, et puis on me dit que, quand c'est le temps de faire les soins, il crie, puis ça lui fait mal, puis il est hypersouffrant puis il criait tellement qu'on pensait qu'il n'était plus capable de prendre un bain. On l'a amené dans un bain thérapeutique, et puis là ils disaient : Miracle, il est détendu et puis… Ce n'est pas un miracle, là, c'est que, comme tout le monde, il avait… C'est un homme qui a apprécié le bain, et puis il a réussi à se détendre. Une autre personne me dit : Il a de la souffrance quand on lui met des gouttes dans les yeux. Je vous parle de quelqu'un très avancé. Mais moi, je pose tout le temps la question : Qu'est-ce qui se passe quand ça va bien? On gratte beaucoup quand ça va mal. Puis ça, on le documente, on a bien des dossiers bien épais quand ça va mal, mais on n'a rien sur qu'est-ce qui se passe quand ça va bien. Là, moi, je m'informe puis je dis : O.K., il crie quand vous mettez des gouttes dans ses yeux. Qu'est-ce qui se passe quand ça va bien? Est-ce qu'il y a des infirmières qui réussissent mieux que d'autres? Ah oui, il y en a une qui réussit mieux. Ah, bien, tu sais, on va aller voir qu'est-ce qu'elle fait, elle. On va laisser faire ceux qui ont de la misère puis on… En fait, elle avait une approche en douceur, elle lui parlait, elle baissait le ton de sa voix. Parce qu'avec la maladie on peut avoir une hyperacuité auditive : les bruits entrent tous ensemble, il n'y a pas de filtre. L'oreille, d'habitude, elle filtre les bruits, mais, avec la maladie, les bruits arrivent, puis ça fait mal, alors souvent il faut parler moins fort que… encore plus bas. Alors, elle, elle chuchotait et, en chuchotant tranquillement, elle lui tenait les mains puis elle réussissait à lui mettre les gouttes sans qu'il crie, sans qu'il hurle puis sans qu'il essaie de frapper.

Ça fait que ce que je veux dire, c'est qu'on ne prend pas le temps d'analyser chaque situation pour trouver la cause de la souffrance, puis on voudrait que ça disparaisse sans qu'on fasse… en s'épargnant l'analyse. Donc, moi, je pense qu'il y a moyen. Puis notre propos, c'est de dire : On ne connaît tellement pas, à l'heure actuelle, la réalité des personnes qui sont atteintes, on a tellement de chemin à faire de ce côté-là, investissons de ce côté-là puis peut-être que oui, en bout de ligne, quand on aura fait nos devoirs comme société, on pourra réfléchir de façon objective et éclairée. Mais je pense qu'il y a un gros travail à faire. Je fais de la formation dans les milieux, au Québec, en Europe, puis ils n'en reviennent pas de voir comment ils ont encore un pouvoir pour aider les gens à êtres soulagés.

Je vous donne un exemple de souffrance psychologique. La personne, elle se retrouve dans un établissement puis elle ne comprend pas pourquoi elle est là, elle pense que ses enfants l'attendent, elle pense que sa maison est en danger. Les réflexes, c'est de dire : Parlez-lui pas de sa maison, parlez-lui pas de sa souffrance, parlez-lui pas de ses enfants. Bien, c'est justement ça qu'il ne faut pas faire. Il faut dire : Vos enfants vous manquent, vous êtes inquiète, vous voulez voir votre mère? Tu ne lui dis pas : Votre mère est morte. Tu dis : Je vous comprends d'avoir envie de voir votre mère, peut-être qu'elle s'ennuie, peut-être qu'elle a faim. Puis les mots qui viennent, c'est : Je veux voir ma mère.

Il y a tellement d'incompréhension, puis on traite toutes ces souffrances-là avec des médicaments, des calmants. Si la personne se lève la nuit, là… Elle n'a pas le droit, là, de se lever la nuit sans que ça devienne un trouble d'errance nocturne. Mais le jour elle marche, elle fait de l'errance. La nuit, c'est un trouble d'errance nocturne. Puis, si elle a faim… puis moi, je repense toujours à la première dame que j'ai connue… si elle a faim puis qu'elle fait comme on ferait, tout le monde, elle ouvre des portes, bien là elle va faire un trouble d'errance nocturne invasif. Puis après ça, si elle réveille la personne, ça va être un trouble d'errance nocturne invasif perturbateur. La table est mise pour médicaliser. Le médecin qui arrive le matin, là, il lit ça : La table est mise. On a médicalisé une situation qui est non médicale. Elle a des forces, elle marche. Mais là on va, par incompréhension, parce que le système, il est fait pour que la nuit on dorme… mais ce n'est pas adapté à eux. Si on changeait ces choses-là, on ferait des… Puis d'ailleurs on éviterait l'épuisement du personnel.

Ça serait bien plus motivant d'accompagner des personnes en sachant qu'on est capable de les accompagner correctement. On pourrait faire beaucoup avec les mêmes moyens en ce moment.

• (10 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Mme Poirier, merci énormément d'avoir pris le temps ce matin de venir vous entretenir avec la commission — parce que, je joins ma voix à celle de la ministre, on a lancé des invitations, et malheureusement peu ont pu répondre positivement à l'appel qui a été lancé — parce que vous nous apportez une vision très différente, très humaine.

Et puis moi, je vous avoue, je lisais votre mémoire avec énormément d'intérêt, mais vous entendre, c'est extraordinaire. Et, lorsqu'on lit… Hier soir, j'ai lu le mémoire de la Commission des droits de la personne, qui réclame une ouverture davantage aux inaptes, et ce matin… J'avais lu votre mémoire, mais votre mémoire n'a pas votre fougue et votre passion. Puis ce matin je vous entends puis je vous avoue que je me questionne énormément et j'ai beaucoup d'intérêt pour ce que vous nous apportez là quant à tout ce qu'on peut mettre en place pour aider davantage et accompagner davantage les malades. Et là comment on arrive à pouvoir… Moi, ma question… Je vous écoutais tout à l'heure dans vos échanges avec la ministre. Comment, dans notre société, on peut arriver à concilier tout ça? Parce que ce que je comprends, c'est que l'accompagnement individuel, le temps, prendre le temps d'accompagner le malade et de comprendre, de décoder, c'est une grosse partie du travail que vous faites puis du travail que les gens qui oeuvrent auprès de votre organisme font. Comment on peut arriver dans une société, avec nos ressources limitées, et tout ça, à arriver à mettre en place cette philosophie-là, cette approche-là que vous avez? Parce que c'est ce qu'on souhaite. C'est ce qu'on souhaiterait comme accompagnement. Moi, ça vient tellement me chercher. Peut-être parce qu'on vit aussi… dans nos vies, on est en contact aussi avec des gens qui sont affligés par cette maladie-là et puis on dit : Mon Dieu, si ces gens-là pouvaient être en contact avec Mme Poirier. On voudrait vous avoir pour chacun des membres de la société.

Comment on peut arriver justement à introduire ces soins-là? Parce que, vos recommandations, le gros de vos recommandations vise justement une amélioration de la recherche, une amélioration de la documentation et une amélioration des soins directement offerts à ces patients avant de penser à ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir. Comment on peut faire tout ça et rendre ça possible? Peut-être qu'on aura des sons de cloche différents, mais c'est ce qu'on souhaite.

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Bien, d'abord, je ne pense pas que… je pense qu'avec les moyens qu'on a actuellement on peut faire beaucoup. Ce n'est pas plus long de dire à une personne : Voulez-vous me parler de vos enfants? que de lui dire : Vous êtes chez vous ici maintenant puis vous ne retournerez jamais chez vous. Ce n'est pas plus long. Ce qu'on propose, nous, c'est de modifier.

Je vous donne un petit exemple : des gens qui ne veulent pas se laver. Ça, souvent c'est un gros problème dans les établissements : ils ne veulent pas se laver. Mais de te faire dire : Venez, je vais vous laver, personne n'aime ça, puis ta réaction première, c'est dire : Stop, non, je ne veux pas. Mais de dire : Vous allez vous laver, je vais être avec vous, c'est vous qui allez vous laver, ça fait toute la différence. Donc, ce n'est pas toujours une question de temps. Puis on n'a pas un personnel en surplus tant que ça. On a des budgets inférieurs à ce que ça coûte dans le réseau public. Et puis, quand on fait de la formation, les gens sont étonnés de voir que, dans le même temps qu'ils ont… ils vont plus vite, ils gagnent du temps en changeant leur façon de faire. Le plus dur, c'est de changer ton attitude quand tu arrives avec la personne. Ça fait que, moi, pour ça je suis convaincue.

Qu'on se donne la chance. Je le fais à longueur d'année en France dans des établissements qui sont plus rigides qu'ici, au Québec, puis ça fonctionne. Puis ils en redemandent puis ils disent : On est moins essoufflés, les familles sont plus heureuses, puis la personne va mieux. Ça, c'est une chose, là, par rapport au temps puis au coût. Ce n'est pas vrai que c'est une approche qui est coûteuse plus qu'une autre.

Deuxièmement, je pense que ça prend des directions d'établissement qui y croient, puis qui embarquent, puis qui tiennent le volant puis qui disent : C'est vers ça qu'on s'en va. On n'est pas juste un hôpital ici, on ne donne pas juste des soins, on a aussi une préoccupation humaine, une philosophie à implanter. Et je pense aussi que ça prend une volonté politique, ça prend quelqu'un qui dit en haut : Bien, il faut l'essayer. On s'en va directement dans le mur, ça va coûter énormément… Si on regarde juste ce que ça coûte au niveau des médicaments, les coûts des médicaments, l'épuisement du personnel, l'insatisfaction, socialement, on a tous peur de ce qui s'en vient.

Je pense que ça prend une volonté politique et je pense que ça ne coûtera pas si cher que ça de le faire autrement. Mais au moins donnons-nous la chance.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Dans vos recommandations qui touchent le libellé du projet de loi, vous suggérez des modifications à l'article 2. Et, quand vous dites que le… Il n'y a pas nécessairement, dans le projet de loi, une référence à l'article 2, une référence à la fin de vie comme telle. Certains groupes nous ont suggéré d'entrer, d'inclure, à l'intérieur de l'article 2, le caractère imminent de la mort puis de quelle façon, quelle terminologie on utilise pour être le plus précis possible, parce que l'imminence de la mort, bon, pour certains… certains qui philosophaient avec nous disaient : Bien, la mort est imminente pour chacun d'entre nous, là. Mais vraiment d'inclure une terminologie dans ce sens-là.

Dans le fond, je comprends que votre recommandation tend aussi vers cet élément-là, de dire : Il faut éviter que le projet de loi puisse… qu'on puisse tenter d'appliquer le projet de loi à une maladie dégénérative qui ne… à un état dégénératif pour lequel la mort n'arriverait pas à court terme, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : J'ai pensé à le mettre, à en parler dedans, puis je me suis dit : C'est trop difficile de savoir. Je m'étais dit : On devrait peut-être essayer de voir, lorsque la fin de vie est vraiment annoncée… Mais j'ai vu des gens, vraiment, j'ai vu des gens, des familles m'appeler puis me dire : Ça y est, c'est la fin, on arrête tous les traitements. Puis combien de fois je l'ai vécu puis ils m'ont dit : Mais là il va mieux puis, un an plus tard, il vit encore? Et c'est là que je… Là, je me suis dit : Non. Je me suis rappelé ces histoires-là encore récentes puis je me suis dit : On n'est pas prêts encore. Peut-être un jour, quand on connaîtra mieux la réalité de la personne. Mais moi, je craindrais ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et donc, à ce moment-là, si on exclut les maladies dégénératives, comment on pourrait le présenter à l'intérieur du projet de loi? Est-ce qu'on devrait plutôt définir la fin de vie? Est-ce qu'on pourrait… Parce qu'on a aussi, à l'intérieur du projet de loi, toute la question des soins palliatifs. On a de l'aide médicale à mourir, la sédation palliative, terminale, qui sont des éléments très importants du projet de loi, mais il y a aussi toute la question des soins palliatifs qui sont inclus, et c'est là vraiment que vous êtes peut-être plus proches de ce secteur-là.

Comment, à ce moment-là, on devrait… Quels seraient les critères, à ce moment-là, pour qu'une personne puisse bénéficier de l'aide médicale à mourir? Est-ce que, si on enlève l'imminence de la mort… si aussi on n'a pas la question de l'imminence de la mort, on enlève les maladies dégénératives, on le restreint à quoi?

• (10 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Bien, je ne suis pas sûre d'être en mesure de répondre à cette question-là puis je ne suis pas sûre de la comprendre aussi.

Mme Vallée : Bien, en fait, parce que vous nous dites : J'ai… Vous dites que vous aviez songé, avec la question de l'imminence de la mort… vous ne l'avez pas… vous n'avez pas voulu vous prononcer sur cette question-là à l'intérieur de votre mémoire. Quand vous dites : On n'est pas prêts à ça, est-ce que c'est : On n'est pas prêts à ouvrir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie dégénérative, qui pourraient éventuellement être inaptes ou qui sont inaptes ou c'est la question de l'aide médicale à mourir dans son ensemble?

Mme Poirier (Nicole) : Non, non, non, moi, c'est…

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Pardon. Non, moi, c'est vraiment pour les personnes qui sont devenues inaptes uniquement, ce n'est pas le projet dans sa globalité.

Mme Vallée : O.K. Je voulais juste bien comprendre. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, je vais vous dire, c'est vraiment fascinant. C'est fascinant de vous entendre et c'est fascinant, des fois, comment la vie fait les choses, parce qu'on vous entend, puis après on entend la Commission des droits, qui vient d'arriver, et c'est des points de vue différents mais aussi, je dirais, des niveaux de réflexion différents. Puis, nous, comme législateurs, il faut considérer tous les niveaux, donc le niveau d'acceptation sociale, ce que les gens veulent dans la société, le niveau légal, le niveau éthique, le niveau clinique, médical.

Donc, c'est fascinant, on est vraiment privilégiés, mais c'est complexe aussi, des fois. Donc, c'est, je pense, un grand constat.

Et je veux vous amener un peu vers justement les réflexions qui sont les nôtres et qui nous ont été amenées par des gens qui, contrairement à ce que vous nous dites, souhaiteraient que ça soit une possibilité pour les personnes aptes en prévision d'une inaptitude. Donc, il y a beaucoup la question de l'autonomie, de dire : Pourquoi je ne pourrais pas décider à l'avance, si je suis dans telle situation et que je réponds à tous les critères — donc, ça, il faut toujours le dire — que je ne pourrais pas, au nom de l'autonomie, le demander? Pourquoi il devrait y avoir un frein soudainement à mon droit à la liberté, à l'autonomie? Pourquoi je n'aurais pas droit à ça, alors que je risque de me retrouver dans une situation qui, alors que je suis apte… Et, vous savez, il y a plein de choses qu'on peut décider, quand on est aptes, en prévision de son inaptitude aussi, puis peut-être que, si on savait tous les détails et tous les déterminants, on aurait peut-être changé d'avis, mais on a cette faculté-là.

Donc, comment? Parce que vous devez côtoyer aussi des gens qui ont la maladie d'Alzheimer dans les premiers stades et qui vous formulent de tels souhaits ou qui disent : Moi, jamais, jamais je ne voudrais me rendre au stade grabataire, où je vais être recroquevillé dans mon lit… plus en mesure de manger, tout ça. Donc, comment on réconcilie ça, je dirais, toute cette évolution vers l'autonomie, le respect de l'autonomie, de la liberté de la personne avec, je dirais, une fermeture complète pour les personnes qui deviendraient inaptes?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Je vais commencer par le point le plus facile à répondre, là. C'est parce que je vais faire porter une décision de fin… de mettre un terme à mes jours sur une tierce personne. Pour moi, ça, c'est…

Mme Hivon : Vous avez écrit, demandé dans votre… je comprends, mais je veux juste… on se ramène à ça, là, pour les tenants de l'autonomie.

Mme Poirier (Nicole) : Mais oui, mais c'est vous qui l'avez demandé, mais c'est là que je… Ce que je dis, c'est que les conditions que je vais avoir écrites ne sont pas mesurables puis sont subjectives. Et, quand on dit : Bien, ça serait quoi?, bien, d'abord, il faudrait que je sache ça serait quoi, le genre de directives. Quand je suis au lit? Quand je suis… Si je lis Pierre Foglia, je peux être debout puis marcher, mais, si je n'ai plus mes capacités intellectuelles, c'est fini, ça ne fait plus de sens. Lise Payette, c'est la même chose, elle, elle dit : La vie n'a plus de sens, dans sa perspective à elle. Mais c'est quoi, la directive puis la…

Mais moi, je pense que c'est difficile à mesurer. Comme on pourrait mesurer un nombre d'heures possibles à vivre. Ça, c'est peut-être plus facile. Mais, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, c'est tellement variable, il y a tellement des formes différentes d'évolution de maladie aussi que c'est : on ne sait même pas comment la maladie va évoluer pour chaque personne. C'est parce que je pense que ça ne sera pas applicable. Puis ça va faire porter sur la personne, même si tout est écrit, un choix qui n'est pas du genre : on débranche ou on ne débranche pas, on traite la pneumonie ou on ne la traite pas, là. On n'est pas dans ce genre de décision là, on est dans des décisions beaucoup plus subtiles. Pourquoi aujourd'hui, puis pas hier, puis pas demain?

C'est dans ce sens-là que je pense qu'on va faire porter à des gens quelque chose d'impossible à appliquer. Oui, pour ce qui est du respect de l'autonomie, je le comprends, mais…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est très intéressant. C'était mon autre point. Vous parlez : Ce n'est pas comme débrancher, ou arrêter une médication, ou tout ça. Pour certains il y a une énorme différence, pour d'autres il n'y a pas beaucoup de différences.

C'est-à-dire qu'il y a une différence au niveau de l'intention comme telle, quand on sait qu'on débranche quelqu'un puis que le décès va s'ensuivre, versus une personne qui n'a pas, et là, entre guillemets, la chance, comme certains nous parlaient de certaines chances pour avoir accès à des soins versus d'autres, d'être sous respirateur, donc de pouvoir débrancher un respirateur. Donc, il y a des gens qui nous disent : Vous savez, c'est assez ténu, à un moment donné, c'est ce qui va arrêter la vie. Donc, qu'est-ce qui est naturel, qu'est-ce qui ne l'est pas? Bon. Dans votre expérience quotidienne, il y a quand même des gens qui ont dû écrire des directives anticipées. C'est sûr que, là, nous, avec le projet de loi, on vient leur donner une force contraignante. On veut que ça aille beaucoup plus loin, ce n'est pas juste indicateur de volonté. Mais une personne pourrait, en prévision d'une inaptitude causée par une maladie d'Alzheimer, dire : Si j'arrive dans telle situation, si je me rends dans telle situation, surtout ne me donnez plus d'antibiotiques, ne me soignez plus. Ça, elle a tout à fait le droit, elle pourrait même dire : Arrêtez de m'alimenter, comme c'est le cas comme on le voit à l'heure actuelle, et on devrait suivre ces directives.

Est-ce que dans votre pratique, dans le quotidien, il y a des gens, quand même un bon nombre, qui ont écrit des directives, et, des dilemmes, des moments difficiles, il doit quand même y en avoir, à savoir : Est-ce qu'on respecte? Est-ce qu'on ne respecte pas? Qu'est-ce que la famille en pense? Et comment vous travaillez avec tout ça quand les gens ont fait, par exemple, un testament de fin de vie?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Oui. Bon, d'abord, j'ai vu des gens, des familles arriver avec des directives : non-réanimation, non-traitement, puis, quand ils ont vu leurs parents revivre, ils ont dit : Redonne-moi le papier, on n'est pas prêts pour l'instant à aller de l'avant si jamais notre mère fait un arrêt cardiaque, par exemple, parce qu'ils ne pensaient pas qu'elle pourrait revivre. Ça, c'est une chose.

J'ai vu des gens aussi dont les directives étaient claires sur l'absence de traitement, sur l'absence de réanimation puis des familles se dire, malgré que c'était extrêmement clair… de dire : Oui, mais il me semble que mon père, il combat encore, il me semble que je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui il dirait la même chose. Et puis là il faut accompagner les familles là-dedans. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on les accompagne à clarifier leurs peurs, c'est vraiment le cas par cas, mais je dirais que ce qu'il faut absolument se faire, d'après moi, c'est éviter toute forme d'acharnement, surtout si c'est écrit : Pas d'antibiotique, par exemple, en cas de pneumonie, rien d'invasif, pas de gavage. Si on réussissait à faire ça, là ça serait déjà extraordinaire.

Si on réussissait à éviter à tout prix les acharnements qui sont pour faire durer la vie d'une façon qui n'est pas naturelle, je pense que ce serait déjà un grand pas. Nous, on accompagne les familles beaucoup dans ce sens-là.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le dernier bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

• (10 h 20) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous relatez vraiment les dilemmes et les difficultés.

Il y a toujours des gens qui arrivent avec un contexte très théorique, ils font des écrits très théoriques. Moi, je suis un clinicien, comme vous avez traité des gens. Mais, quand on arrive dans la vraie vie, au moment où ça se passe, il y a des éléments qu'on doit tenir compte, que, lorsqu'on a une directive déjà d'écrite, que tout le monde est mal pris… Et même la personne, si elle était en haut puis elle regardait, elle dit : Je ne suis pas sûr que c'est ça que je voudrais. C'est le principe que j'expliquais hier avec les testaments de vie. Les gens disent toujours : Quand je vais être rendu là, c'est ça que je veux. En passant, c'est très facile de dire : Je ne veux pas de réanimation si je tombe dans le coma, puis on sait que je ne récupérerai pas.

Tout le monde s'entend, nous sommes tous contre l'acharnement thérapeutique. Mais, lorsque la personne a une certaine qualité de vie, et puis pas nécessairement juste dans les troubles cognitifs, dans d'autres circonstances, mais qu'elle n'est pas apte nécessairement à décider, est-ce qu'on donne l'antibiotique ou pas pour une simple hyperthermie, mais qu'on voit que cette personne-là pourrait se détériorer puis pourrait en mourir, ou je la regarde mourir de son infection? Puis, moi, c'est déjà arrivé, puis il y a des cas, à un moment donné, où on dit : Bien, vous savez, il reste encore plusieurs mois à vivre, une certaine qualité de vie. Puis ce n'est pas de l'acharnement thérapeutique, là. On dit que cette personne-là, juste avec un cinq jours d'antibiotiques, elle va passer à travers, puis ça va bien aller. Mais, si je ne la traite pas à ce moment-ci, on a des chances qu'elle va peut-être décéder de ça. Ce que j'ai vu également — ça, vous êtes témoin — quand on arrive à la fin de la vie, on sait que la personne peut faire une pneumonie, faire de la température. On s'entend qu'on donne peut-être de l'acétaminophène pour soulager, mais qu'on ne traitera pas la pneumonie avec des antibiotiques.

C'est ça, tout le dilemme des directives médicales anticipées. Moi, à ma connaissance, il faut être capable d'avoir un jugement. Personnellement, si je rédige ma directive médicale anticipée, je vais peut-être laisser une marge de manoeuvre pour dire : Selon la situation, peut-être réévaluer, en sachant pertinemment que ça peut causer un problème, parce qu'à ce moment-là la famille peut ne pas l'interpréter de façon adéquate. Mais ça, je pense, dans la loi, je suis d'accord avec les directives médicales anticipées. Il faut juste que les gens, quand ils les rédigent, sachent que ça va peut-être causer des problèmes par la suite.

J'aurais peut-être des petites questions théoriques. Moi, j'ai visité votre maison. J'avais été impressionné par votre approche, et puis c'est une approche, je dirais, très artisanale, hein, très positive, en passant, parce que vous êtes très près de vos gens, vous les connaissez, c'est dans une maison. Vous avez combien de personnes que vous vous occupez dans votre maison, à Carpe Diem?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : Dans la maison, il y a 15 personnes qui y vivent et, à chaque jour, il y a presque une dizaine de personnes qui s'ajoutent aux 15 personnes, des personnes qui vivent chez elles puis qui viennent passer la journée ou la soirée. Donc, à chaque jour, on accompagne à peu près 20, 25 personnes, puis... Oui.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis vous êtes combien de personnes qui s'en occupez, soit des employés ou des personnes comme vous, là, qui êtes à la maison?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

Mme Poirier (Nicole) : C'est difficile de faire un ratio précis, parce qu'aux 15 personnes s'ajoutent celles du domicile.

Mais, au lever, par exemple, il y a trois personnes dans l'équipe qui accompagnent les personnes à mesure qu'elles se réveillent, qu'elles se lèvent. Ce n'est pas beaucoup, trois personnes pour 15, et puis ça monte à 20 à un moment donné, quand les gens du domicile arrivent. Alors là, on peut ajouter du personnel, ce qui fait peut-être quatre pour 20. L'avantage qu'on a, c'est qu'on n'a pas une cuisine qui est à l'extérieur. La personne qui cuisine, c'est un membre de l'équipe, qui va aussi offrir une présence aux gens. On n'a pas d'homme d'entretien, c'est les intervenants qui font l'entretien avec les personnes. Ça rehausse... C'est sûr que cette façon de faire là rehausse la présence.

Il y a eu une recherche avec l'Université de Sherbrooke il y a plusieurs années parce que le gouvernement voulait voir l'impact de l'approche Carpe Diem versus 15 personnes qui vivent dans un établissement traditionnel. Et les chercheurs avaient comme hypothèse au départ qu'il y avait plus de personnel, que les gens devaient être moins atteints pour vivre à Carpe Diem puis qu'ils devaient prendre de la médication pour rentrer dans le moule, puis ils se sont rendu compte qu'ils étaient plus atteints au niveau cognitif et fonctionnel à Carpe Diem que dans l'unité de CHSLD, qu'ils prenaient moins de médication puis qu'au niveau du personnel, oui, il y a un peu plus de présence, mais c'est causé par l'organisation puis le décloisonnement des rôles, la polyvalence du personnel.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Avez-vous été capable de reproduire votre modèle Carpe Diem ailleurs au Québec, même principe de maison?

Mme Poirier (Nicole) : On a beaucoup influencé des unités, on a influencé des créations de maisons, mais on n'a pas réussi à reproduire tel quel Carpe Diem, parce que... bien, parce que, d'abord, si on a réussi à recevoir un soutien du gouvernement, c'est après la création de Carpe Diem. On n'a pas eu d'autorisation du gouvernement, on n'a pas eu de soutien financier, on n'a pas eu de subvention pour le faire. On l'a parti par conviction puis par mobilisation de la communauté, et c'est juste après qu'on l'a parti qu'on a eu un financement. Les autres endroits qui ont essayé d'en ouvrir, la contrainte majeure — vous la connaissez aussi, vous êtes venu chez nous — c'est que, pour recevoir un financement gouvernemental, il faut être rattaché à un établissement public, et, en étant rattaché à un établissement public, on est obligé de jouer le jeu à bien des niveaux, par exemple la polyvalence du personnel, l'admission, et tout ça. Et nous, on ne veut pas entrer là-dedans. On pense que, pour créer quelque chose de différent, il faut accepter d'être un peu parallèle au réseau. On ne veut pas créer… Notre but, ce n'est pas de créer plein de maisons, c'est d'influencer les pratiques.

Ça fait que ce n'est pas tant de ne pas avoir pu créer d'autres maisons comme de ne pas avoir pu diffuser davantage cette approche-là.

Puis, juste pour ce que vous avez amené tout à l'heure, je devrais rajouter, par rapport à la fin de vie, les directives anticipées. Puis ça, c'est important. J'ai eu une discussion avec quelqu'un d'atteint, récemment, dont le père est atteint. C'est une Française qui a 40 ans, qui a le diagnostic. Et on fait une coopération Carpe Diem et AMA Diem, en France. Et j'ai eu une discussion avec elle, parce que je lui expliquais le projet que j'étais en train de rédiger, puis elle me dit : Il faut absolument que tu dises… Parce qu'elle, elle a pensé au suicide quand elle a appris le diagnostic. Et puis après elle a accompagné son père, qui a vécu une situation difficile où ils ont eu à prendre des décisions, puis ils ont décidé de poursuivre la vie. Puis elle m'a dit : Il faut… Moi, elle dit : Aujourd'hui, je sais que je ne voudrai jamais faire vivre cette décision-là à mes enfants ou à mon mari, jamais je ne ferai ça. Puis elle dit : Il faut que tu dises que… comme vous le disiez, laisser une ouverture à la famille d'analyser la situation dans le contexte dans lequel ça va se passer. Il faut laisser cette marge de manoeuvre là pour que… Les proches, on veut leur éviter un fardeau, mais en même temps on risque de les traumatiser s'ils n'ont pas la possibilité de dire… de juger, justement, exactement comme vous le disiez.

S'il reste un an et demi ou deux à vivre, ce n'est pas comme une pneumonie en fin de vie, puis ça, je pense que ça doit être possible. Je ne sais pas comment ça se rédige, mais…

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste deux minutes, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous l'avez très bien exprimé, lorsqu'on arrive à ces moments-là, moi, j'ai eu l'occasion d'en discuter, c'est de laisser savoir l'intention générale.

Puis là je tiens à dire, puis ce n'est pas péjoratif : Il faut que vous choisissiez les bonnes personnes, parce que ce n'est pas toutes les familles qui pensent pareil. Puis nous autres, on arrive des fois dans certaines familles, il y en a une partie qui, par croyance, vont penser que la vie, c'est un… on ne peut pas abréger la vie de quelqu'un. Puis vous en avez d'autres qui n'acceptent pas qu'on ne puisse pas abréger. Si vous avez six enfants… Puis ce n'est pas parce que ça s'appelle une famille qu'ils pensent tous pareil. Puis, en passant, j'ai vu qu'il arrivait… des gens qui arrivent avec des croyances, ça peut être une croyance athée ou une croyance religieuse, qui, pour eux autres, dans leur croyance, on ne pouvait pas faire ça. Donc, ça devient difficile à gérer. Mais, la personne, ce qu'elle doit faire, c'est de laisser savoir son intention. Moi, je pense que chacun fera bien ce qu'il voudra, parce qu'il est autonome là-dedans, mais laisser une marge de manoeuvre, mais surtout penser que les personnes qui vont exécuter, si elle peut nommer quelqu'un, qu'elles pensent… que cette personne-là pense qu'on va penser… elle va avoir le même esprit qu'elle.

Mais, je dois vous avouer, lorsqu'on a des intentions de la personne, comme soignant… Puis, vous le savez, quand la personne, elle dit : Moi, j'aimerais ça qu'on ne fasse pas d'acharnement thérapeutique, même pour la famille ça devient thérapeutique, parce qu'elle dit : Au moins — puis moi, j'utilisais beaucoup ce terme-là — on respecte la volonté de la personne le plus possible. Il n'y a pas de situation parfaite.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, M. le député.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Et il y a des gens qu'à un moment donné ça va être un peu plus difficile parce que, comme vous disiez, il y a des conflits intrafamiliaux. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec ça. Puis vous n'aurez pas le temps de répondre longtemps, M. le président aujourd'hui est très strict encore.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle, je m'excuse. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, merci beaucoup, Mme Poirier, pour votre présentation, c'est fort intéressant. Puis je tiens à exprimer les salutations sincères de ma collègue députée de Groulx qui hier m'a mentionné toute l'affection qu'elle avait pour votre groupe. Comme médecin de famille, elle-même, là, elle m'a spécifié : J'apprécierais, Sylvain, si tu pouvais leur souligner. Alors, c'est fait.

J'ai beaucoup apprécié votre présentation puis je tiens à vous dire : C'est une cause, l'alzheimer, qui me touche beaucoup personnellement, ayant un grand-père qui, malheureusement, est décédé en ayant cette maladie-là. Et mon père qui l'année passée, quelques semaines avant la campagne électorale, est décédé, il commençait à avoir des symptômes. Ça fait que vous comprenez qu'on parle de facteurs de risque, souvent, d'être atteint soi-même d'une maladie dégénératrice comme celle-ci, et on se dit toujours : Bien, j'ai les gènes, qu'est-ce qui arrivera? Et ça, j'ai été très, très, très intéressé à vous écouter. Et bien sûr c'est en remplacement aujourd'hui que je suis ici pour ma collègue, et je n'ai pas eu la chance de suivre aussi intensément les débats et les échanges qui ont été faits dans les dernières années. Parce que ce n'est pas nouveau, tout ce qui… Aujourd'hui, si on débat de ce sujet-là sur mourir dans la dignité, c'est parce qu'il y a eu un cheminement, il y a eu des discussions. Et c'est des discussions qui sont très émotives, hein? Les citoyens de ma circonscription qui sont venus me voir, qui sont venus m'en parler, c'est sûr, il y a des divisions : il y a des gens qui sont pour, il y a des gens qui sont contre. Mais souvent ce que les gens me soulignent, c'est l'importance d'être capable de prendre une décision pour soi-même le plus éclairée possible. Et souvent c'est : les maladies dégénératrices reviennent souvent.

Je dirais, je reprends un peu ce que la ministre disait tout à l'heure, que les gens l'interpellent et lui en parlent, puis d'être capable de prendre une décision éclairée quand ils en ont la capacité, de le faire. Et souvent les gens ont peur de se retrouver dans un état tel qu'ils ne se reconnaîtront plus eux-mêmes, et, cette notion-là, moi, je trouve que vous avez bien exprimé les réserves que vous pouvez en avoir, sur les choix. Puis j'ai aimé aussi votre analogie, que vous parliez, du choix sur nos petits animaux de compagnie qu'on peut avoir et comment ça peut être déchirant de prendre une décision dans des cas comme ça. Mais comment respecter la volonté des gens qui prennent une décision le plus éclairée possible avant que la situation se détériore versus le poids, que doivent porter les familles, de faire appliquer? Ce n'est pas évident, puis ça, j'en suis conscient.

Ce que je voudrais vous poser comme question, Mme Poirier, si vous me permettez, c'est... J'ai été interpellé par un autre élément. Vous parlez qu'il y a 10 fois trop de... qu'on prescrit 10 fois trop d'antipsychotiques aux gens qui sont atteints de maladie de l'alzheimer. Pourriez-vous m'expliquer un peu les impacts de ça, que vous voyez chez votre clientèle, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bergman) : Mme Poirier.

• (10 h 30) •

Mme Poirier (Nicole) : Ah, bien les impacts sont multiples. Ça dépend toujours de la dose, ça dépend toujours de l'état de santé de la personne, mais l'effet le plus classique… mais vous pourriez répondre aussi mieux que moi, c'est souvent une plus grande confusion, de l'incontinence… perte d'équilibre.

Le cycle classique, c'est : la personne marche, elle dérange, on n'est pas adapté pour l'accueillir dans cette force-là, on va donner une médication, et elle va devenir à risque de chute, elle risque de chuter, se retrouver contentionnée et, étant contentionnée, devient incontinente… plus d'accès aux toilettes, crie, et puis là les cris font que, là, on rajoute des neuroleptiques. C'est le cycle habituel où la douleur qui est mal repérée… qu'on va traiter avec des neuroleptiques. Tout ça fait en sorte que la... En CHSLD… moi, j'ai fait des visites de CHSLD, les visites d'appréciation, et tout ce qui... Là, je parle juste des neuroleptiques, mais je ne parlais pas des anxiolytiques, je ne parlais pas des antidépresseurs puis je ne parlais pas des somnifères. Ça fait qu'ajoutées aux antipsychotiques ces trois autres catégories de molécules, ça fait des cocktails puis ça, ça coûte extrêmement cher. Puis je ne comprends pas pourquoi au Québec on ne fait pas un stop là-dessus comme ils ont fait aux États-Unis, où le gouvernement américain a même poursuivi des compagnies pharmaceutiques parce qu'elles avaient induit les médecins en erreur en disant : Oui, par exemple, tel neuroleptique va traiter des troubles du comportement, alors que c'est complètement faux, c'est contre-indiqué.

Alors, moi, je pense que c'est, encore là, un exemple de mauvaise connaissance de la part des équipes. Moi, je dis souvent : Les bons médecins, c'est les... ce qui fait les bons médecins, c'est souvent les bonnes équipes, qui vont analyser comme il faut, qui vont s'adapter, les bonnes organisations, puis qu'ils n'appelleront pas le médecin au moindre problème qui les confronte. Et puis ça, là, on a du pouvoir là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Poirier, merci d'être ici avec nous aujourd'hui, merci pour partager votre expertise avec nous, et on vous remercie pour votre présence.

Je demande les gens de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de prendre place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Me Frémont, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Vous nous donnez vos noms, vos titres et faites votre présentation. Bienvenue.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Frémont (Jacques) : Merci. Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, Mmes et MM. les députés, je suis Jacques Frémont, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Renée Dupuis, qui est vice-présidente de la commission, de Me Daniel Carpentier, qui est directeur de la recherche, et de Me Marie Carpentier, donc deux Carpentier, conseillère juridique à la commission, sans lien de parenté entre les deux.

Comme vous le savez, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a été instituée en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle a reçu de l'Assemblée nationale le mandat d'assurer la promotion et le respect de l'ensemble des droits reconnus dans la charte. C'est dans le cadre de ce mandat que la commission procède à l'examen des textes législatifs afin d'en vérifier la conformité aux principes contenus dans la charte et qu'elle fait les recommandations qui s'imposent, le cas échéant. Conformément à ce devoir, nous sommes heureux de participer aux travaux de la Commission de la santé et des services sociaux consacrés à l'étude du projet de loi n° 52. Comme vous l'avez constaté, ce projet de loi soulève des questions extrêmement difficiles, des enjeux délicats, et il n'est pas exagéré d'affirmer que la problématique des droits et libertés demeure au coeur des débats entourant son adoption. C'est donc uniquement en regard des droits et libertés de la personne et non de l'acceptabilité sociale des mesures proposées que la commission a analysé le projet de loi et partage ses réflexions avec votre commission aujourd'hui.

D'entrée de jeu, la commission salue l'initiative du législateur de légiférer en matière de droits relatifs aux soins de fin de vie. Elle y voit certes une façon de combler l'écart entre les besoins de la société et le cadre législatif actuellement en vigueur. Ce projet de loi est le fruit d'un important travail réalisé en collégialité et en dehors de tout esprit partisan, ce qui lui confère une plus-value certaine. La commission est d'accord avec ce qu'elle perçoit comme les deux grandes avancées proposées par le projet de loi n° 52, soit l'encadrement de la sédation palliative terminale et l'introduction de l'aide médicale à mourir. Elle souscrit également au principe qui fonde, entre autres, l'accessibilité de l'aide médicale à mourir.

Le premier de ces principes est la conception des soins de fin de vie, y compris de l'aide médicale à mourir, comme faisant partie d'un continuum de soins. Les notes explicatives accompagnant le projet traitent de, et je cite… de soins de vie que l'état d'une personne requiert. Les conditions d'accès à l'aide médicale à mourir prévues par le projet de loi nous indiquent d'ailleurs clairement à quel moment, eu égard à son état de santé, une personne peut recourir à cette aide. Le second principe est l'inscription, à l'article 2 du projet de loi, de la reconnaissance des droits et libertés de la personne comme devant guider la prestation des soins de fin de vie. Le législateur invoque en effet la reconnaissance des droits et libertés ainsi que le respect de la dignité comme étant des facteurs devant guider la prestation de ces soins. La référence à la dignité inhérente à l'être humain dans le projet de loi est, selon nous, cruciale. La dignité est également inscrite au préambule de la charte québécoise des droits et libertés de la personne et doit, de ce fait, inspirer l'interprétation de tous les autres droits qui y sont énoncés.

• (10 h 40) •

Tous les droits protégés par la charte découlent en effet de la dignité inhérente de l'être humain et doivent viser à sa préservation. C'est également le cas du droit à la vie. La sauvegarde de la dignité de l'être humain ne peut se situer que dans une logique inhérente à la défense des droits et libertés de la personne et non, nous le soumettons, dans une logique de satisfaction d'impératifs étatiques.

Ce faisant, la commission s'est principalement attardée sur le chapitre IV du projet de loi qui annonce les exigences particulières relatives à certains soins de fin de vie, en l'occurrence la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir. La commission est satisfaite des conditions médicales qui doivent être réunies avant de pouvoir obtenir l'aide médicale à mourir. Elle est d'avis non seulement que ces conditions constituent un rempart suffisant pour assurer la protection des droits des personnes qui requièrent ces soins, mais, au surplus, que l'encadrement juridique de l'aide médicale à mourir par le droit est nécessaire afin de mettre en oeuvre les droits et libertés en vertu de la charte. Autrement dit, c'est l'absence de législation en la matière qui pourrait avoir pour effet de violer les droits fondamentaux des Québécois. La commission s'inquiète cependant des conditions juridiques imposées par le projet de loi qui font en sorte que ni les personnes mineures, ni les personnes inaptes à consentir aux soins, ni les personnes qui ne sont pas assurées aux soins de la Loi sur l'assurance maladie ne puissent bénéficier de l'aide médicale à mourir. En effet, l'inaccessibilité de ce soin requis par l'état du patient pour les personnes mineures et les personnes inaptes à consentir et pour les personnes qui ne sont pas assurées est susceptible de porter atteinte à plusieurs de leurs libertés et droits fondamentaux.

Dans le cas présent, par exemple, on parle du droit à la vie, du droit à la sûreté, du droit à l'intégrité, du droit à la liberté de sa personne, la liberté de conscience, le droit à la sauvegarde de sa dignité et le droit au respect de la vie privée.

Ces atteintes aux droits fondamentaux ne pourront vraisemblablement pas être sauvegardées par le biais de l'article 9.1 de la charte, puisqu'ils ne satisfont pas au critère dit de «l'atteinte minimale». Ce critère exige en effet que la mesure adoptée porte le moins possible atteinte aux droits et libertés entravés. Or, une interdiction complète et inconditionnelle, comme celle proposée dans le projet de loi, imposée aux personnes mineures, aux personnes inaptes à consentir aux soins et aux personnes qui ne sont pas assurées au sens de la Loi sur l'assurance maladie est difficile à justifier. En outre, la distinction entre les personnes inaptes à consentir aux soins et les autres personnes peut constituer de la discrimination fondée sur le handicap. Des règles de consentement à l'aide médicale à mourir qui seraient plus en phase avec les règles de consentement du droit commun pour les personnes mineures et les personnes inaptes à consentir et qui tiennent compte du caractère terminal et irréversible de ce soin seraient mieux à même de satisfaire au critère de l'atteinte minimale. C'est d'ailleurs ce qui est prévu au projet de loi quant à la sédation palliative terminale. En outre, l'accessibilité de l'aide médicale à mourir par le biais des directives médicales anticipées, qui n'est pas prévue dans l'état actuel du projet de loi, permettra aux personnes qui n'ont pas toujours été inaptes à avoir accès aux soins.

La commission invite donc le législateur à ouvrir la possibilité de recourir à l'aide médicale à mourir aux personnes mineures et aux personnes inaptes à consentir aux soins, moyennant le développement de mécanismes de consentement appropriés. La commission invite également le législateur à revoir l'obligation d'être assuré au sens de la Loi sur l'assurance maladie afin de ne pas exclure inutilement des personnes qui par ailleurs résident au Québec.

En bref, la commission estime que l'adoption du projet de loi n° 52 est nécessaire pour protéger adéquatement les droits constitutionnels des Québécois et plus particulièrement leur droit à la dignité. Par contre, nous entretenons de sérieux doutes sur la validité de la prohibition d'avoir recours à l'aide médicale à mourir pour les personnes mineures ou inaptes. À cet égard, la commission espère que le législateur saura apporter les nuances nécessaires afin de faire valoir leurs droits et de voir leur dignité respectée. Si l'exercice est difficile, il demeure néanmoins essentiel. Il serait dommage, après avoir courageusement parcouru tout ce chemin, que le législateur omette ainsi de protéger les droits des personnes éminemment vulnérables.

Nous restons évidemment à votre disposition pour répondre à vos questions et vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Frémont, bienvenue. Je ne sais pas si c'est votre première présence en commission depuis votre nomination. Déjà votre deuxième? Bon. Alors, vous allez devenir un habitué rapidement. Donc, félicitations donc pour évidemment votre accession à la présidence de la commission. Bien sûr, Me Dupuis, bien heureuse que vous soyez ici. Me Carpentier et Me Carpentier, donc Carpentier, Carpentier parmi nous aujourd'hui, merci beaucoup. Écoutez, comme je le disais tout à l'heure, je pense que c'est fascinant de vous entendre à la suite d'avoir entendu Carpe Diem. Ça enrichit de beaucoup, je vous dirais, notre travail aujourd'hui parce qu'on est dans la réalité très concrète, très clinique, très humaine et on est aussi dans la réalité juridique, et nous, on ne peut faire abstraction ni de l'une ni de l'autre. Alors, merci pour l'éclairage que vous nous apportez.

Peut-être avant de venir sur des éléments plus de fond, là, sur toute la personne des mineurs et des personnes inaptes, je veux juste noter deux choses. Dans un premier temps, je comprends que, vous, l'approche d'un continuum de soins, donc l'idée de voir les soins palliatifs, la sédation, l'aide médicale à mourir sur un continuum, c'est quelque chose qui vous apparaît bien fondé. Je voudrais juste comprendre en quoi pour vous c'est, je dirais, opportun de considérer l'ensemble, je dirais, de l'approche de cette manière-là dans le projet de loi, parce que certaines personnes sont venues nous dire qu'au contraire… c'est quand même très minoritaire, mais certaines personnes sont venues nous dire qu'on devrait scinder, donc parler, dans un projet de loi, des soins palliatifs puis, dans un autre projet de loi, par exemple, de la sédation puis de l'aide médicale à mourir.

Je comprends que ce n'est pas votre position. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi la commission estime que c'est opportun?

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Merci de votre question, Mme la ministre. Pour nous, c'est extrêmement important parce que ça situe finalement la question de l'aide médicale à mourir et de la fin de vie dans son contexte, qui est un contexte naturel, qui est le contexte de la prolongation de soins, et il y a déjà un encadrement normatif, par le Code civil du Québec, par d'autres lois, au sujet des soins médicaux à recevoir.

Alors, il est important que ce soit mis dans cette continuité par rapport à une logique de droits et libertés, par rapport, et spécialement, à l'égard des mineurs, des personnes inaptes. Ce sont des personnes qui ont des droits, ce sont des personnes qui ont une histoire médicale aussi, et l'aboutissement de la vie fait partie et, comment dire, est l'aboutissement naturel de ce continuum de soins. D'autre part, et c'est peut-être un peu à l'extérieur du propos de la commission, mais le constitutionnaliste en moi ne peut pas être complètement mis au rancart, il est clair qu'en situant le projet de loi dans un continuum de soins on campe le projet de loi dans une juridiction tout à fait provinciale. Et je ne peux pas m'empêcher… J'ai vu le Globe and Mail ce matin où, précisément, le fédéral dit : On est peut-être prêt à parler avec les provinces.

Donc, c'est une confirmation au moins implicite de la légitimité d'une action provinciale à cet égard.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (10 h 50) •

Mme Hivon : Puis d'ailleurs c'est assez extraordinaire, ce qui se vit en ce moment, je dirais, comme débat, puis le Québec est précurseur, et la reconnaissance, la légitimité de la démarche québécoise aussi, sur ces assises juridiques constitutionnelles. Donc, évidemment, on va revenir aux droits et libertés.

D'autres nous ont dit aussi que… Puis là vous, vous venez nous dire qu'en fait c'est bien campé avec les premiers articles du projet de loi, qu'on rappelle bien le contexte du respect des droits et libertés, de la dignité et de l'autonomie. Certains sont venus nous dire qu'en parlant de principes à l'article 2 on pourrait peut-être en venir à diminuer la portée de la reconnaissance des droits et libertés. Moi, je dois vous dire que notre approche était tout autre, c'était plutôt de vraiment camper, en l'écrivant noir sur blanc, «la reconnaissance de ses droits et libertés doivent inspirer chacun des gestes posés à son endroit», qu'on voulait faire le rappel. Et de toute façon ça doit être lu en conjonction avec les chartes et le Code civil.

Mais est-ce que, pour vous, il y a un risque à cet égard-là, je ne sais pas, de diminuer l'importance du respect des droits et libertés parce qu'on serait au niveau des principes plutôt qu'au niveau des droits?

Le Président (M. Bergman) : Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel) : Écoutez : pour nous, ce serait difficile de dire que ça vient diminuer la portée des droits, puisque la commission, dans sa première fonction, et ce que dit la charte… je me permets de citer, c'est que «la commission assure, par toutes mesures appropriées, la promotion et le respect des principes contenus dans la présente charte». Donc, c'est vraiment… Et on le fait en assurant l'exercice et la reconnaissance de l'ensemble des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci. C'est juste que ça permet de clarifier…

Des voix :

Mme Dupuis (Renée) : … si vous me permettez, que… Si on a bien compris l'esprit du projet de loi et sa lettre, à l'article 2, quand on définit : «Les principes suivants doivent guider la prestation [des services]», on vient préciser que le cadre de référence qui doit être appliqué dans le cadre de la prestation des soins de vie est défini à 1, 2 et 3 et que la pleine reconnaissance des droits et libertés fait partie de ce cadre de référence qui doit être appliqué.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Contente de voir qu'on se comprend. Alors, je disais à la légiste qu'ils avaient fait du bon travail. Donc, quand on passe le test, du moins en partie, pour les principes de la commission des droits, c'est toujours un bon signe.

Donc, j'aimerais en venir bien sûr à la question des personnes mineures et des personnes inaptes. Donc, évidemment, je comprends que votre réflexion n'est qu'une… mais est toute une réflexion juridique, mais, comme vous l'avez dit d'entrée de jeu, elle ne se situe pas sur le plan de l'acceptabilité sociale des politiques publiques mais bien de la question du respect des droits et libertés. Vous n'êtes pas sans savoir que c'est un enjeu pour l'acceptabilité sociale qui est très, très important et qui, pour nous, je dirais, a suscité beaucoup de questions pendant les travaux, parce que le Collège des médecins, au jour un, est arrivé en nous disant qu'on devrait considérer l'ouverture pour les personnes inaptes, et d'autres groupes sont venus à cet égard-là. Et, pour d'autres, comme vous avez entendu avec nous, c'est vraiment une approche de dire : Allons-y avec ce qui est là, quitte à confier un mandat à la Commission sur les soins de fin de vie de regarder plus précisément la question, par exemple, des personnes inaptes.

Donc, si on revient vraiment sur un strict plan juridique… bien, c'est important pour moi de faire quand même la distinction, si on revient sur un strict plan juridique, vous nous dites que vous ne croyez pas que cela pourrait passer le test comme une atteinte minimale parce qu'il n'y a pas d'encadrement possible, c'est exclu.

Est-ce qu'un objectif plus large de… je ne sais pas, de paix sociale, ou de considérations générales de l'intérêt public, ou de l'évolution de la pensée sur le sujet pourrait être invoqué pour dire que cette limitation-là est justifiée?

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Votre question est intéressante, et ça soulève toute la question des droits et libertés. On en parle beaucoup ces semaines-ci dans d'autres contextes.

Les droits et libertés, ce n'est pas nécessairement un concours de popularité. Il y a une façon… Ce sont des débats sociaux. Ça mène à des débats, ça mène à des débats d'équilibrage et de peser des intérêts sociaux en présence et souvent de peser les intérêts minoritaires ou de personnes en état de minorité ou de vulnérabilité contre des intérêts sociaux plus importants. Ce qu'il faut se rappeler, notamment pour les mineurs, c'est que l'inaptitude du mineur résulte non pas de la nature, contrairement à la personne inapte qui est tout simplement… qui n'est pas capable d'exprimer… majeure qui n'est pas capable d'exprimer ses choix… le mineur, ça résulte de la loi, ça résulte du Code civil. Et je pense qu'il n'y a pas un médecin au monde qui va dire qu'un jeune de 16 ans ou de 17 ans est foncièrement différent d'un jeune de 18 ou de 19 ans dans une situation semblable. Donc, la loi crée cette distinction.

Vous nous dites : Est-ce que les objectifs sociaux pourraient être pris en compte? Ça va être pris en compte parce que, comme vous le savez, dans le test de l'article 9.1, qui est l'équivalent du test de l'article premier de la Charte canadienne, c'est le premier volet du test et probablement que l'objectif social va passer le test, va passer ce premier volet.

Le deuxième volet ou le troisième, selon... ça dépend comment on compte, c'est l'atteinte minimale et là avec une exemption brutale, totale, sans possibilité d'ouverture. Pensez au jeune de 16 ans qui est dans les situations de l'article 26, qui répond d'autre part à tous les cas de l'article 26. Ça me paraît assez clair que, s'il va devant les tribunaux, il n'y a personne qui va être capable de défendre que le législateur a cherché l'atteinte minimale là-dessus en ne laissant pas d'ouverture à ce jeune. Et il en va de même, c'est peut-être moins évident, mais pour la personne inapte. La personne inapte, pourquoi est-ce que, parce qu'elle est inapte... Vous le savez, le test de l'article 26 exige… être atteint d'une maladie grave et incurable, un déclin avancé et irréversible, des souffrances physiques ou psychiques constantes. Alors, si on est une personne inapte, dans ces conditions il n'y a pas d'échappatoire possible, alors qu'une personne apte va avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Je ne vois pas comment... Ça va être très difficile en tout cas à plaider au niveau de l'atteinte minimale. C'est ce qu'on vous dit, qu'il y a un problème considérable, et c'est loin d'être clair que les tribunaux vont valider cette approche, qui empêche tout accès à l'aide à mourir pour ces personnes.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Me Frémont, bienvenue parmi nous. Félicitations pour votre nomination. Je vous remercie aussi d'avoir pris le temps avec votre équipe de nous faire part de votre analyse du projet de loi.

Évidemment, la ministre l'a mentionné un peu plus tôt, il y a toute la question... il y a différents éléments qui doivent être pris en considération lorsqu'on analyse le projet de loi et, au-delà de la question strictement juridique et strictement constitutionnelle, il y a les éléments humains. Et j'aimerais, pour les fins des gens qui nous entendent, qui nous écoutent, qui suivent nos travaux, j'aimerais beaucoup vous entendre sur la notion de dignité parce que cette notion-là, pour vous, le droit à la dignité, est le droit qui est intrinsèque à tous les autres. Et on a eu des témoignages devant cette commission qui viennent un petit peu apporter certaines définitions de la dignité. Votre définition de dignité n'est peut-être pas la mienne, ma perception de la dignité n'est peut-être pas celle de mon collègue, celle de la ministre, et c'est une notion qui est très subjective, la dignité humaine et la dignité d'un individu. Et donc j'aimerais pouvoir vous entendre là-dessus parce que c'est extrêmement important dans ce débat-là. Tout à l'heure, l'équipe de Carpe Diem, Mme Poirier nous expliquaient à quel point un changement dans notre attitude face aux inaptes pouvait changer complètement la vie de ces personnes-là et probablement affecter, justement, la dignité de ces gens-là.

Donc, j'aimerais bien vous entendre, parce que l'aspect juridique est un parmi d'autres, et on doit en tenir compte aussi.

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

• (11 heures) •

M. Frémont (Jacques) : Je vais passer la parole à la vice-présidente, à Me Dupuis, mais avant, tout simplement… pour vous dire qu'en matière de droit c'est bien sûr que chacun peut penser subjectivement ce qu'il entend par droit à l'égalité, droit à la liberté d'expression, droit à la dignité. Ultimement, c'est la définition jurisprudentielle, lorsque ça viendra devant les tribunaux, qui va trancher la question. Alors donc, il y a un élément subjectif par rapport aux gens, ce qu'ils comprennent, qu'est leur dignité ou ce que devrait être la dignité des autres, mais il y a un élément aussi objectif dans le discours social, au-delà de tout, malheureusement ou heureusement. Me Dupuis.

Le Président (M. Bergman) : Me Dupuis.

Mme Dupuis (Renée) : Et d'ailleurs la question de la dignité que vous soulevez est très importante et elle évolue, elle évolue. La preuve, c'est que, dans le Code civil, on en est venu à établir des normes qui permettaient à une personne de consentir à des soins, par la suite de refuser des soins.

Et la question, d'après ce qu'on comprend du projet de loi, elle se pose aujourd'hui dans ce continuum de soins, parce que c'est la personne humaine qui est au coeur du projet de loi ici, ce n'est pas l'opposition entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, c'est : Comment encadre-t-on dans le contexte actuel la fin de vie des êtres humains? Et, dans ce sens-là, on peut imaginer que le concept de dignité n'est pas un concept figé, qu'il évolue. Et ce que l'on dit aujourd'hui, c'est que la dignité… aujourd'hui, pour respecter la dignité des êtres humains, il faut respecter l'autonomie décisionnelle de la personne. Et c'est dans ce sens-là qu'on pense que le cadre qui est établi ici, entre autres, à l'article 26, est suffisamment défini, et le test est suffisamment contraignant pour l'individu pour assurer qu'on va respecter cette dignité-là, mais qu'on va permettre à la personne d'être la personne qui… le sujet qui va déterminer ce qu'il advient d'elle-même. Et donc il y a un déplacement dans le contexte de dignité actuel, où ce n'est plus des préceptes religieux, où ce n'est plus la position d'un médecin. On va un peu plus loin et on dit : Ce qui doit être déterminant dans les… Compte tenu aussi, comme on le dit dans notre mémoire, du fait qu'on accroît énormément, et Carpe Diem l'a souligné, l'usage de psychotiques, d'antipsychotiques, d'antidépresseurs… fait en sorte que cette médicalisation croissante n'est pas nécessairement dans l'intérêt objectif de la personne.

Alors, on a choisi, c'est ce qu'on comprend du projet de loi, et, selon la commission, ça respecte la Charte des droits et libertés, d'assurer un cadre qui est défini à 26, qui va permettre à des individus de prendre position pour eux-mêmes… des personnes pour elles-mêmes, de ce qui est répondre à leur dignité et éviter que le débat ne se fasse. Et ce n'est pas pour rien que le Collège des médecins l'a soulevé, le véritable problème, ce sont les personnes inaptes à l'heure actuelle. Et c'est pour ça que la commission dit : Surtout si les majeurs ont fait des directives médicales anticipées, on veut permettre à la personne de ne pas faire reposer sur des tierces personnes le choix de mettre un terme à leurs souffrances.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Dans ce contexte où on permettrait, via les directives médicales anticipées, à un individu de recourir au soin qui est l'aide médicale à mourir, on revient toujours avec la difficulté d'application de l'article 27, c'est-à-dire : la personne inapte ne peux pas venir indiquer qu'elle change d'idée. Et ça soulève toute la question du délai entre le moment où la directive médicale anticipée a été préparée et le moment où l'inaptitude survient. Parce qu'on peut penser, comme il arrive dans les cas de testaments, de mandats pour cause d'inaptitude, que les gens aient fait leurs directives médicales anticipées à un moment donné x de leur vie, pour toutes sortes de raisons ne les ont pas mises à jour. Et là, advenant le cas ou l'aide médicale à mourir serait rendue admissible, comment on peut s'assurer… Puis je vous dirais que nous, comme législateurs, dans le doute, des fois, on a peut-être tendance à être plus frileux qu'ouverts, parce que comment on peut s'assurer qu'au moment où l'inaptitude survient la directive médicale anticipée correspond toujours à la volonté qui a été exprimée à un certain moment donné par la personne?

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Écoutez, la question n'est pas facile. Vous encadrez de toute façon à l'article 45, si je me souviens bien, ce consentement médical.

Il n'y a pas de règle facile, mais il y a certainement… Si vous regardez le droit commun, le majeur inapte actuellement, en vertu du droit commun, en vertu des articles 13 et 16 du Code civil… l'autorisation du tribunal peut être requise, sauf s'il y a un cas d'urgence, donc, comment dire, si jamais il y avait un doute. Et la réalité, j'ai l'impression… moi, je ne suis pas médecin, je ne suis rien qu'avocat, mais la réalité, c'est lorsqu'autour du majeur maintenant inapte il y avait une volonté claire quand la maladie… Tant que la personne a été inapte, elle a dit : Je ne veux pas que ça traîne, je ne veux pas ce genre de traitement là. Les gens qui ont désormais le pouvoir sont d'accord, la famille est d'accord, le médecin est d'accord. Il nous semble que ça serait bête, que ça serait discriminatoire de dire : Bien, on s'excuse, il est inapte. À ce moment-là, la personne n'a pas accès à ces soins qui… en tout cas, les soins, dans le Code civil, qui sont requis.

Alors, est-ce que c'est le recours à un tribunal? Pour la jeunesse, est-ce que ça serait le recours au Tribunal de la jeunesse pour aller chercher, comment dire, une vision objective pour être sûr qu'il n'y ait pas de collusion entre les proches, le médecin, etc.? Et, vous avez vu, dans nos recommandations, de façon très claire, on est un peu… passez-moi l'expression, on est un peu «chicken» là-dessus parce qu'on ne vous en donne pas, de solution. Et je vous avoue qu'on a discuté. La commission, ce n'est pas seulement le président puis les vice-présidents, c'est 10 commissaires aussi, et vous pouvez imaginer qu'on a discuté longuement de ces questions. Et c'est sûr qu'il y a, comment dire… il y avait des visions légèrement différentes, il y avait des solutions légèrement différentes. Et c'est pour ça que, faute d'un consensus quant à ces solutions, et quelque part le rôle de notre commission n'est pas de faire la job du législateur, mais de commenter les projets de loi, ce qu'on s'est dit très clairement, c'est : En s'inspirant, en étant en phase avec les logiques qui sont les logiques de consentement dans le Code civil du Québec et dans les lois particulières lorsqu'il s'agit de jeunesse, il y a sûrement moyen pour le législateur de trouver une solution qui soit acceptable, qui permette, qui ouvre l'aide médicale à mourir, mais sans que ça soit nécessairement… sans faciliter les choses. Mais on ne peut pas s'empêcher d'autre part de constater… Puis ça, on a eu cette conversation-là à l'interne longtemps, c'est que, dans la sédation palliative terminale, soudainement : Ah, là, ça va, et il n'y a pas un médecin autour de la table qu'on a consulté qui a été capable de nous dire : Il y a une définition claire de la sédation palliative ou de l'aide à mourir.

Alors, on est dans une zone grise. Et parfois c'est assez simple de voir si on se situe dans le zéro ou dans le un, mais, dans beaucoup de cas, on est dans le milieu. Et il est clair qu'à ce moment-là ça nous paraît paradoxal, comme commission, de voir que, pour la sédation palliative terminale, ce sont les règles ordinaires du droit commun et, pour l'aide à mourir, c'est une prohibition. Et on peut se demander s'il ne devrait pas y avoir… Et ça, on ne le fait pas dans notre mémoire, mais il pourrait y avoir une espèce de clause miroir parce que, dans le fond, on n'est pas dans des situations qui sont tellement différentes l'une de l'autre.

On s'est demandé aussi… je suis parfaitement candide avec vous aujourd'hui, on s'est demandé s'il ne devrait pas y avoir des définitions. Les juristes, on aime bien les définitions, c'est toujours rassurant. Puis, d'après ce que je crois comprendre, dans les débats actuels, au Québec on aime beaucoup les définitions et on a l'impression que les définitions vont nous sauver la vie. La réalité… Et là tout le monde était autour de la table, on a eu cette conversation. Il y en a certains qui disaient : Oui, il faudrait avoir une définition. Puis il y en a d'autres qui ont dit : Non, il ne faut pas avoir de définition précisément pour laisser la souplesse en question, alors la souplesse nécessaire pour faire face… Parce que c'est un débat théorique que le débat qui nous occupe aujourd'hui, mais avec des ramifications extrêmement réelles, concrètes, pratiques pour des gens, pour la dignité des gens qui sont en cause.

Alors, on s'est abstenus de demander des définitions. Il y a des groupes qui en ont proposé et qui définissent «restreint», et à ce moment-là on pensait que c'était plus sage de s'abstenir de faire des recommandations là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

• (11 h 10) •

Mme Hivon : Bien, j'apprécie beaucoup que vous alliez au fond de votre raisonnement. Puis, pour la question des définitions, moi, j'entends bien ce qui nous est dit par différentes personnes.

On y a réfléchi aussi. La volonté, c'est que ça soit le plus clair possible. Mais il y a une embûche de plus, c'est que normalement, dans le droit civil, dans nos lois, on ne définit que ce qui n'est pas usuel dans le sens commun. Et, dans les lois médicales, si on se mettait à définir tous les termes qui sont utilisés, ça serait très complexe. Mais je dois vous dire qu'on va vraiment essayer de trouver la meilleure voie de passage, pour que ça soit clair, mais qu'à la fois ça respecte notre esprit du droit civil, et de ne pas créer un précédent non plus, là. Voilà, il y a quelques enjeux comme ça.

Écoutez, j'ai beaucoup de questions, ça fait que je vais essayer d'y aller rapidement, puis si vous pouvez aussi…Tantôt, vous avez dit… J'ai trouvé ça très intéressant. Parce que vous savez qu'on entend parler aussi des risques de dérives pour les personnes vulnérables, O.K.? Et là vous avez dit en terminant : C'est l'absence de législation en la matière qui pourrait avoir pour effet de brimer les droits des personnes vulnérables. Donc, ça, j'aimerais que vous me disiez ce qui vous permet de faire une telle affirmation. Et aussi vous semblez dire que ce projet de loi là non seulement respecte le droit à la dignité, mais qu'il peut favoriser, donc, l'exercice du droit à la dignité et le respect de la dignité de la personne. Et, compte tenu du contexte dans lequel on est, où certains qui représentent les personnes vulnérables ont un discours différent, j'aimerais ça que la commission des droits nous explique ça. Je vais vous dire mes trois questions, puis on va gagner du temps. C'est ma technique pour que le président ne me coupe pas. Donc, ça, c'est le premier élément. Le deuxième élément, bien là vous y avez fait référence un peu en disant que vous avez été un peu «chicken», pour prendre les guillemets. Mais c'est sûr que moi, j'aimerais savoir si, pour vous, ce qui pourrait être une atteinte jugée moins grande pourrait être le fait, par exemple, de venir mettre une balise d'autorisation du tribunal. C'est ce que le Collège des médecins amenait comme piste pour la personne inapte, par exemple. J'aimerais vous entendre aussi sur la situation de la personne inapte depuis sa naissance, pas celle qui a le loisir de faire des directives anticipées, là. Mais on sait que, dans l'état actuel des choses, il y a beaucoup de droits qu'elle ne peut pas exercer, alors elle ne pourra pas se marier, elle… Donc, comment on peut concilier ça?

Et finalement, s'il nous reste du temps, c'est toute la question — vous y avez fait référence du point de vue du respect des droits et libertés de la personne — de permettre, par exemple, à un tiers d'accepter le débranchement d'un respirateur, d'accepter l'arrêt de traitement, l'arrêt des soins versus l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous y voyez quand même une différence, je dirais, dans l'importance des gestes qui sont posés?

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont. Il reste sept minutes dans ce bloc pour répondre à ces questions.

M. Frémont (Jacques) : Trois petites questions.

Écoutez, prenons la deuxième, si vous le voulez bien, en premier : Est-ce qu'il devrait y avoir des balises d'autorisation? Je pense que pour la commission, clairement… c'est-à-dire, on ne peut pas passer d'un extrême à l'autre. Il devrait y avoir des balises. Il y a déjà des balises dans le droit commun. Et, vous le savez, notamment pour les mineurs, il y a déjà une possibilité de consentir aux actes médicaux au-dessus de 14 ans. Il y a tout un mécanisme dans le droit commun que, si jamais il y avait un refus, s'il y a un refus de traitement des titulaires de l'autorité parentale, il y a moyen d'aller devant le Tribunal de la jeunesse pour les médecins pour avoir un consentement et procéder aux soins. Donc, il y a véritablement, déjà, un régime, et on dit le message : Il faut que vous ouvriez la porte. Maintenant, ce régime… comment dire, il y a déjà des clés dans le droit commun, on vous dirait, et les clés ne sont pas les mêmes pour le majeur inapte évidemment que pour le mineur puisque les régimes juridiques sont différents.

On pourrait certainement, pour le majeur inapte, comme je le disais tout à l'heure… de recourir à l'autorisation d'un tribunal pour l'aide à mourir, ça serait une des possibilités. Évidemment, c'est, comment dire… S'il y a eu… Il y en a d'autres qui vont dire : Si le médecin est d'accord, la famille est d'accord, les titulaires de l'autorité sur l'inapte sont d'accord et que d'autre part toutes les conditions de 26 existent, est-ce qu'on a besoin d'aller devant un tribunal? Là, c'est un choix législatif que vous avez à faire… ou d'aller devant une autre autorité ou une autre personne qui va vérifier qu'effectivement c'est correct comme décision, parce que c'est ce qu'on cherche à faire. L'inapte, depuis sa naissance, oui, il est privé, pour répondre à votre question. Par définition, tout au long de sa vie, mineur ou majeur, il y a certains gestes que l'inapte ne sera pas capable de poser. Mais il reste qu'il y a quelque chose qui est fondamental à l'inapte, c'est son droit à la vie et son droit à la dignité. Et ça, qu'il soit apte ou inapte, vous allez convenir avec moi que c'est le même droit. Et à cet égard, comment dire, c'est peut-être une chose de ne pas être capable d'ouvrir un compte de banque, c'est autre chose d'être capable de mourir dans la dignité ou d'être capable de recevoir tous les soins qu'il pourrait recevoir dans le continuum de soins n'eût été de son inaptitude.

Donc, comment dire, les droits… l'incapacité de l'inapte… oui, à certains égards et par définition. Mais, pour des droits aussi fondamentaux que le droit à la vie, le droit à la dignité, on pense que, là, il faut que ça rejoigne le traitement que le droit fait et offre les possibilités que le droit offre aux personnes aptes.

Votre première question, si vous permettez, et je ne suis pas sûr de l'avoir bien comprise… mais ce que l'on dit dans notre mémoire, c'est très clairement qu'on n'a absolument pas le choix. Le législateur, finalement… quelqu'un qui voudrait avoir l'aide à mourir et qui ne peut pas l'avoir… C'est-à-dire que, s'il n'y a pas de projet de loi, dans les circonstances actuelles, on pense que ça viole les droits des Québécois en vertu de la charte, de ne pas avoir cette possibilité-là, de ne pas avoir cet accès-là. Et pourquoi? À cause des droits qui sont définis dans notre mémoire. Ce sont des droits de la charte québécoise, ce ne sont pas des droits imposés par des systèmes étrangers. Ce sont les droits qui ont été votés par l'Assemblée nationale : le droit à la vie, la sûreté, la conscience, la sauvegarde de sa dignité, le respect de la vie privée. Alors, il y a tous ces droits. Et, pour nous, le droit à la dignité, c'est le droit de chaque personne. Comme le disait Me Dupuis, comme on le dit dans le mémoire aussi, ce droit à la dignité s'articule en fonction de chacun. Ce n'est pas à l'État de définir, dans un cas, ce qu'une personne considère comme étant son droit à la dignité, alors l'État doit s'abstenir de le définir pour lui. Et, en mettant des prohibitions sur le mineur, sur les inaptes, l'État définit, fait des choix qui empêchent la personne ou ses représentants d'exercer leurs droits constitutionnels.

Alors, c'est un… comment dire, ce n'est pas nécessairement populaire, ce qu'on dit, ce n'est pas nécessairement consensuel, mais c'est dans une logique de droits et libertés, qui font partie de notre contrat social au Québec, profondément ancrés dans notre contrat social. C'est difficile d'échapper à ces conclusions.

Le Président (M. Bergman) : Vous avez une minute.

M. Frémont (Jacques) : La troisième question, c'était…

Mme Hivon : Bien, ce n'est pas… En fait, c'est plus, peut-être, médical que droits et libertés, mais c'est que beaucoup de personnes font une grande distinction entre un arrêt de traitement, un refus de traitement et l'aide médicale à mourir, mais, d'un point de vue de respect des droits de la personne, pour vous, vous comprenez tout ça. Vous l'avez très bien dit, pour une sédation, par exemple, c'est possible, pour un mineur ou une personne inapte, par le consentement substitué, l'arrêt de traitement est possible auprès du mineur, débrancher alors que le décès va se causer.

Et donc, pour vous, est-ce que tout ça est sur le même pied ou vous y voyez quand même des différences?

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Je ne le sais pas. Je ne sais pas si…

Mme Dupuis (Renée) : Je voudrais dire que…

Le Président (M. Bergman) : Me Dupuis.

• (11 h 20) •

Mme Dupuis (Renée) : …du point de vue de l'autonomie de la personne, et c'est une des raisons pour lesquelles on insiste, dans le cas des personnes majeures inaptes qui ont formulé des directives anticipées… Et il y a des façons de rédiger… On a commencé à travailler sur des façons de rédiger les directives de telle sorte qu'elles ne déplacent pas, comme dans la situation actuelle, le pouvoir de décider et l'autorité de décider sur autre, que ce soit le médecin ou la famille, avec les conflits potentiels auxquels le député Bolduc avait fait référence un peu plus tôt ce matin.

Et, dans ce sens-là, on se dit : Si, dans la sédation palliative terminale, à l'heure actuelle les règles de consentement substitué peuvent jouer, donc les gens qui ont l'autorité pour intervenir le font à l'heure actuelle pour ce qui est de la sédation palliative terminale. Alors, si le médecin propose, quelqu'un a le droit de décider d'accepter ou de refuser au nom d'une personne inapte ou d'un mineur. Dans le cas de… On parle d'autorisation de tribunal s'il y a des risques sérieux ou des possibilités d'effets graves ou permanents. C'est exactement le contexte de l'aide médicale, le contexte n'est pas différent. Il y a un déplacement de : Est-ce qu'on fait une demande ou est-ce qu'on accepte? Mais ce qu'on veut ouvrir comme possibilité, c'est que, les règles de consentement substitué, quelqu'un qui a déjà l'autorité… raison de plus s'il y a des directives anticipées, mais on veut que cette personne-là puisse éventuellement avoir l'autorisation de demander l'aide médicale à mourir pour que dans les faits le droit à la dignité de la personne puisse être respecté et puisse être exercé.

Le Président (M. Bergman) : Me Marie Carpentier.

Mme Carpentier (Marie) : Oui. En fait, un autre aspect de la question, c'est aussi la question du continuum de soins. Et puis effectivement pour la commission il n'y a pas de différence morale, éthique, juridique importante entre le fait de débrancher une personne ou le fait d'accélérer… de lui permettre de soulager ses souffrances. En fait, la distinction n'est pas très simple à faire ni en droit, ni en médecine, ni en éthique. Donc, c'est pour ça qu'on a situé… ou c'est pour ça que la commission considère effectivement l'aide médicale à mourir dans un continuum de soins qui s'inscrit effectivement dans une gradation de soins où l'intention finalement, ultimement, est toujours la même, c'est-à-dire soulager la personne de ses souffrances.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le dernier bloc de l'opposition officielle, il vous reste six minutes, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je vais faire une analogie. Je suis médecin et je ne suis pas juriste, mais je dois vous avouer que j'étais un petit peu déconcerté par ce que vous me dites là. Il y a une très grosse différence entre injecter quelqu'un et le laisser mourir.

Et la question, pour la première : Aviez-vous des médecins qui vous conseillaient dans votre opinion?

M. Frémont (Jacques) : Oui. Nous avons un membre de la commission qui est médecin.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Un membre?

M. Frémont (Jacques) : On a un membre de la commission qui est médecin, oui, effectivement.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est probablement son jugement de valeur à lui… vous l'apportez. Parce que moi, je trouve, dans ce que vous nous apportez, il y a beaucoup de jugements de valeur. Entre autres, la question du droit à la dignité, vous dites, si je comprends bien, que ça fait des années qu'on aurait dû passer une loi comme ça pour permettre à quelqu'un de mourir, d'avoir l'aide médicale à mourir. Si le Québec est précurseur, ça, je suis d'accord, les autres provinces ne sont pas rendues là. Puis je comprends que le fédéral peut vouloir ouvrir… mais, à ma connaissance, c'est Sue Rodriguez, ça avait été invoqué, cet argument-là, puis ça n'a pas été retenu par la Cour suprême.

Puis c'est intéressant que vous alliez à l'encontre d'un jugement de la Cour suprême alors que vous dites que la jurisprudence a priorité dans ce type de dossier là.

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Effectivement, dans Rodriguez… Mais le contexte était complètement différent dans Rodriguez, et c'était il y a 20 ans.

Les droits constitutionnels, contrairement à ce qu'on pense, ne sont pas cristallisés dans le temps, ils sont en phase aussi avec une lecture que les tribunaux font de la société et que la société fait d'elle-même. Alors, maintenant, si vous voyez, dans notre mémoire, justement, nous en parlons, de Rodriguez, nous parlons d'autres causes, et nous voyons… Et il y a un arrêt qui actuellement est en train de monter au Canada, qui a eu une influence considérable sur l'évolution de la pensée juridique, qui a été rendu en Colombie-Britannique par la juge Smith, qui, je pense… comme on dit, elle a passé l'aspirateur dans les coins, là, elle a vraiment regardé tous les angles, de tous les côtés. Et ça prouve qu'il y a eu une évolution à la fois, par les juristes, de la lecture des droits et de l'étendue des droits. Et là-dessus, comment dire, on n'a peut-être rien qu'un médecin, mais est-ce qu'il… notre lecture des droits… ce médecin était tout à fait confortable. Nous nous situons dans une optique, clairement, du patient, nous nous situons dans une optique des personnes et des relations entre les personnes et le corps médical et des personnes et l'État.

Vous pouvez, comme représentant et comme membre du corps médical, ne pas être d'accord avec ça, et c'est pour ça qu'on est ici pour en débattre, je pense que c'est important, ces conversations, mais, pour nous, de l'optique de l'inapte, c'est difficile à soutenir, cette prohibition totale.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis, moi, la façon dont vous me l'expliquez, puis je n'achète pas l'argument, là, du respect de la dignité, que ça devient quasiment une obligation, comme si on avait été quasiment illégal malgré l'évolution du droit depuis des années… mais, de la façon dont vous l'apportez, moi, je dirais : Ne passons pas cette loi-là.

Si c'est pour être discriminatoire face à des catégories, à ce moment-là que tout le monde soit égal et que ça ne sera pas accessible, l'aide médicale à mourir. Moi, ça serait mon raisonnement que je vous ferais ce matin. Je suis pour la loi, mais je suis d'accord qu'au niveau de l'accessibilité sociale il y a peut-être de l'évolution. Puis un jour on va peut-être en arriver où vous êtes, là, mais on n'est pas obligé de le faire dans une seule phase, on peut le faire dans deux phases. Parce que, si on ne protège pas, comme législateurs, justement, les inaptes, je pense qu'on peut créer d'autres précédents qui peuvent causer des problèmes. Et la commission fera des recommandations. Puis on a très bien lu le Collège des médecins, dans le mémoire du Collège des médecins, qu'eux autres mêmes n'étaient pas certains que ça devait se passer à ce temps-ci mais plutôt dans une autre étape. Parce que de façon pratique je comprends que votre rôle, c'est… vous dites : Nous autres, on fait l'évaluation de telle façon avec notre perspective à nous autres. Mais, comme législateur, moi, à ma connaissance, je ne suis pas obligé d'accepter ça à ce moment-ci. Et, comme législateurs, on ira par étapes, et puis, dans un deuxième temps, peut-être que ça va venir. Je suis d'accord avec vous qu'on peut faire jouer les tribunaux là-dedans. On n'a justement pas voulu faire un projet de loi dans lequel les tribunaux vont venir s'impliquer. Parce que, si ça allait à ça, à toutes les fois qu'on devrait avoir l'aide médicale à mourir, bien, qu'on demande également que ce soit validé par un juge pour éviter peut-être qu'il va y avoir à un moment donné un incident, que par la suite on va dire : Bien, on aurait dû avoir un juge dans le dossier, ce qui va à l'encontre de cette philosophie-là où, à un moment donné, quand les gens ont consenti, les gens s'entendent que ça devrait être comme ça, qu'on puisse procéder sans avoir toujours un avocat, qui nous valide ce qu'on est en train de faire, ou un juge.

Mais je comprends que votre position… puis je la respecte beaucoup, là, vous êtes arrivés avec une perspective. Mais moi, comme médecin, là, puis comme législateur, je ne l'accepte pas. Ça, je tiens à vous le dire.

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Si vous permettez, c'est parfaitement légitime, votre position, je ne la partage absolument pas.

La mauvaise nouvelle pour vous, c'est que, si le projet de loi reste comme ça, est adopté comme ça, je vous garantis qu'il va y avoir un jeune de 16 ans qui va aller devant les tribunaux, puis le discours va se déplacer en milieu judiciaire. Et, si j'avais un brun à mettre sur la table, ça va… votre législation… l'exemption, la prohibition pour notamment les mineurs inaptes va sauter assez rapidement. C'est tout simplement ce que je vous dis. Vous n'êtes pas obligé de le prendre. Et c'est le législateur… Puis c'est pour ça qu'on n'a pas fait de recommandation, précisément pour ne pas se mêler du rôle qui est le vôtre, en tout respect.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Mais juste en conclusion, M. le Président…

Le Président (M. Bergman) : …M. le député, le temps s'est écoulé.

M. Bolduc (Jean-Talon) : J'accepte votre conclusion, par contre.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Prémont et tous les membres de votre équipe, d'avoir été présents.

Moi, je ne suis ni médecin ni juriste. Alors, moi, je viens du milieu social davantage, puis c'est sûr que l'aspect humain, c'est toujours l'aspect qui nous préoccupe, personnellement qui me préoccupe énormément. Puis j'aime la distinction que vous avez apportée entre le… Parce qu'il y a des droits à faire reconnaître autant pour les mineurs que pour les personnes inaptes, et les deux ne me semblent pas sur le même palier d'égalité, là, dans le sens que j'ai beaucoup aimé quand vous avez parlé que, pour un jeune homme de 16 ans ou une jeune fille de 16 ans, la distinction entre d'avoir 18 et 16, là, c'est une distinction bien souvent qui a été mise par une loi, et donc c'est très différent. Et là on pourrait en débattre. Mais ça me semble beaucoup plus facile. C'est : l'aspect des inaptes, pour moi, me semble plus difficile, sur le plan humain, à faire avancer. Je comprends le volet juridique, ça pourrait être discutable en cour, et on peut vivre peut-être des éléments de jurisprudence et prévoir une jurisprudence future dans le cas où le projet de loi serait adopté de la façon dont il est présenté aujourd'hui.

Mais j'aimerais peut-être que vous me parliez sur l'aspect de la capacité à faire reconnaître ces droits pour les personnes inaptes, justement. Avez-vous des exemples où les personnes ont été capables… Puis c'est quoi, les mécanismes qui sont mis en place dans des cas comme ça pour permettre à des personnes inaptes, que ce soit de naissance ou qu'ils le deviennent, qui peut être... encore là, il y a une autre nuance à y apporter, la ministre, je trouve qu'elle l'a bien apportée tout à l'heure... des exemples autres, où des personnes inaptes seraient en mesure de défendre ces droits-là puis qu'on puisse leur permettre de jouir pleinement de leurs droits, dans un cas comme... bien, dans d'autres exemples mais qui éventuellement pourraient s'appliquer dans notre projet de loi qui nous concerne aujourd'hui?

• (11 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Me Frémont.

M. Frémont (Jacques) : Oui, bien merci de votre question. Tout le droit commun a un régime au début du Code civil du Québec pour permettre aux inaptes de consentir par le biais de leur représentant, que ce soient des tuteurs, que ce soient des curateurs. Dans certains cas, c'est même le Curateur public. Et normalement, dans la vie, lorsqu'une personne est inapte, on procède et pour les soins qui sont requis on respecte la volonté du représentant. Si le représentant refuse toutefois de consentir à des soins qui sont par ailleurs requis médicalement, à ce moment-là, là, il faut aller devant le tribunal pour faire trancher la question. La raison derrière ça, c'est toujours de protéger le droit à la vie et la présomption de la charte, la présomption du gros bon sens aussi de la société québécoise en faveur de la vie. Si on a un doute, il faut choisir la vie, il ne faut pas choisir la détérioration de la vie, la diminution de la qualité de vie, etc.

Alors donc, comment dire, c'est le régime de droit commun. Et dans le projet de loi, à l'article 25, pour la sédation palliative terminale, on fait référence à ça pour l'inapte, tout simplement. Il n'y a pas d'autre exigence, on dit : C'est le régime de droit commun qui va s'appliquer. Alors, notre malaise, il est là, en disant : On arrive à 26 dans le droit de mourir, et là c'est une interdiction totale. Alors, il est clair que le régime de droit commun, qui est par le Code civil, permet aux inaptes, dans les faits, par représentation, d'exercer la majorité… en tout cas, à l'égard de leur vie, que des bonnes... que les décisions correctes soient prises. Ce n'est pas les bonnes décisions, c'est des décisions correctes, je pense, en fonction de l'intérêt médical et de santé de ce majeur inapte.

Donc, le droit commun, pour nous, ne semble pas poser tellement de problèmes. Je pense que les hôpitaux, les médecins gèrent ça bien. Et je ne sais pas si on va souvent devant les tribunaux. Je n'ai pas l'impression que c'est judiciarisé tellement. Donc, c'est un système qui est relativement correct et qui fonctionne de façon correcte dans des situations parfois difficiles, mais il y a un recours, il y a un «backstop», il y a un cran d'arrêt, qui sont les tribunaux, justement pour s'assurer cette présomption de soins… que la personne inapte va avoir tous les soins et consent aux soins dont elle a par ailleurs besoin.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Me Frémont, Me Dupuis, Me Carpentier, Daniel, Me Marie Carpentier, merci pour votre présence aujourd'hui pour partager votre expertise avec nous.

Et je demande les gens de L'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec pour prendre leur place à la table.

Je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à L'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et le micro, c'est à vous.

L'Association des groupes d'intervention en défense
de droits en santé mentale du
Québec (L'AGIDD-SMQ)

Mme Morneau (Andrée) : Parfait. Bien, bonjour, mon nom est Andrée Morneau et je suis présidente de L'AGIDD, qui est l'association des groupes en intervention et défense des droits en santé mentale du Québec. Je vais le dire juste une fois. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. C'est ça, je suis présidente de L'AGIDD. Je suis aussi une personne utilisatrice de services en santé mentale et infirmière de profession dans une autre vie.

Donc, je vais vous présenter qu'est-ce que c'est, L'AGIDD. L'AGIDD, c'est l'association… Bien, c'est ça, je ne le répéterai pas. Nous, on lutte en faveur de la reconnaissance et de l'exercice des droits pour les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, soit les droits de tout citoyen et de toute citoyenne fondés sur des principes de justice sociale, de liberté et d'égalité. L'association regroupe, à titre de membres actifs, des groupes de défense des droits, des groupes régionaux de défense des droits en santé mentale et des groupes d'entraide ayant un mandat de promotion-vigilance. L'AGIDD a développé une expertise reconnue et unique au niveau des droits des personnes depuis sa fondation. Elle porte un regard critique sur les pratiques en santé mentale et s'implique pour le renouvellement de ces pratiques. Notre action se situe au niveau de différents axes, soit la prise de position publique et politique, la diffusion de formations aux personnes utilisatrices ainsi qu'aux intervenants du milieu communautaire et du réseau de la santé, la diffusion de publications et l'organisation de colloques sur les droits en santé mentale. La volonté de l'association, bien ça a toujours été de transmettre son expertise afin de sensibiliser de plus en plus de personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale aux enjeux liés à leurs droits.

Pour débuter, l'association veut remercier la Commission de la santé et des services sociaux de nous recevoir dans le but de vous présenter notre mémoire. De prime abord, on tient à souligner les qualités du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie. Ça remet la personne au coeur des décisions médicales qui la concernent. Pour nous, c'est très louable.

• (11 h 40) •

Toutefois, on souhaite vous présenter quelques commentaires et quelques propositions de modification qui touchent plus précisément certains articles étant la primauté des volontés relatives aux soins, les droits des personnes relatifs aux soins de fin de vie, l'organisation, les exigences particulières relatives aux soins de fin de vie, la Commission sur les soins en fin de vie, les dispositions diverses et les directives médicales anticipées. On comprend que ce projet de loi s'adresse aux personnes aptes qui correspondent aux conditions indiquées à l'article 26. On comprend que le consentement libre et éclairé, c'est la condition sine qua non pour obtenir les soins de fin de vie. Auparavant, la personne pouvait refuser les soins. Ce projet de loi lui permet de demander, dans le cadre des soins de fin de vie, les soins palliatifs, la sédation palliative terminale de même que l'aide médicale à mourir.

Or, pour les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, l'aptitude à consentir devient particulièrement délicate. On sait qu'en santé mentale ce n'est jamais pareil. Donc, je parle ici au niveau de la crédibilité des personnes. Le manque de connaissances des acteurs du milieu médical et de la justice des problématiques de santé mentale, le modèle biomédical qui prime, au niveau de la psychiatrie, les mythes et préjugés qui existent malheureusement encore beaucoup minent cette crédibilité. Donc, on constate que malheureusement, malgré les outils légaux qui existent, avoir un diagnostic en santé mentale, ça amène trop souvent les professionnels de la santé à douter de l'aptitude de la personne, et sur le terrain on le voit beaucoup et dans plusieurs domaines, mais dans le domaine médical beaucoup.

Les soins de fin de vie et le consentement aux soins étant primordiaux, il faut présumer de l'aptitude de la personne vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale de la même façon qu'on peut présumer de l'aptitude de n'importe quelle personne. Le projet de loi vise un juste équilibre entre l'autonomie de la personne et son pouvoir de décider d'obtenir des soins en fin de vie et les risques d'abus qui pourraient interférer si la personne n'est plus en mesure de donner un consentement libre et éclairé.

Je vais passer la parole à ma collègue.

Mme Provencher (Doris) : Alors, bonjour, Doris Provencher, directrice générale de L'AGIDD.

Donc, encore une fois, le consentement aux soins, bien sûr qui est au coeur, comme ma présidente l'a dit… Évidemment, c'est en respect des outils internationaux, hein? Il y a la charte québécoise, il y a le… Le consentement, c'est une des pierres angulaires de la législation québécoise donc en lien avec l'inviolabilité et avec son droit à l'intégrité, comme nous ont très bien présenté la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Donc, toute personne est présumée capable et apte à consentir tant que son consentement, il doit être libre et éclairé. Bien sûr, consentement libre : sans menace, et je peux le faire librement, et «éclairé», c'est que j'ai toute l'information pour prendre une décision. L'aptitude doit être vérifiée à chaque fois qu'on me propose un soin, hein? Ce n'est pas : je le donne une fois, et c'est terminé, ce que malheureusement on voit souvent dans le domaine de la santé mentale. Il ne faut pas aussi… la capacité juridique… L'inaptitude est une chose, et l'inaptitude à consentir aux soins en est une autre, c'est différent. Donc, je garde toujours mon droit au consentement aux soins. Donc, à chaque fois, il faut que le médecin vérifie auprès de moi si je comprends les soins qui me sont proposés, les risques et les conséquences que mon refus peut entraîner sur ma santé.

Donc, il faut différencier la capacité de compréhension de la personne qui prend une décision et la décision elle-même. Ce n'est pas parce que la décision peut nous sembler déraisonnable, et ça, Dieu sait qu'on le voit beaucoup au niveau de la santé mentale, que cette décision-là, elle n'est pas vraie et authentique.

Donc, dans le projet de loi, si la personne, elle est déclarée inapte et qu'elle n'a pas indiqué, là, dans les directives médicales anticipées… donc elle n'a pas accès à l'aide médicale à mourir. C'est ce qu'on comprend aussi du projet de loi.

Chloé?

Mme Serradori (Chloé) : Moi, mon nom est Chloé Serradori, je suis agente de liaison et d'analyse à L'AGIDD. Alors, on va commencer, avec le peu de temps qu'il nous reste, les recommandations.

Au niveau des recommandations, bien on avait été tout d'abord surpris de voir une approximation du droit plutôt que le réel droit qui devrait être cité et aussi de trouver, dans le projet de loi, des choses qu'il ne faut pas faire plutôt que d'insister, là encore, sur le droit. Alors, vous avez, à la page 9 du mémoire, deux recommandations où on insiste sur le fait d'ajouter «notamment le droit au consentement libre et éclairé et le droit à l'information». En même temps, ça permettra de faire un peu d'éducation populaire auprès de tous les intervenants. Et, de la même façon, à l'article 2, on cite que les principes doivent être «basés […] sur les droits fondamentaux de la Charte des droits et libertés» et de tous les outils légaux. Concernant l'article 6, deuxième alinéa, on a été fort surpris de voir là une obligation du médecin dans les droits de la personne, et, si vraiment c'est comme obligatoire de repréciser que «le médecin doit s'assurer du caractère libre de la décision», bien, à ce moment-là, il pourrait être transféré à l'article 2, point 4, dans les principes, et, par contre, remplacer cet article-là par le réel droit, c'est-à-dire que «tout usager des services de santé et des services sociaux a le droit d'être informé [de] son état de santé et de bien-être». Vous avez tout l'article ici.

Au niveau de l'article 7, on demande vraiment… justement, c'est là qu'on trouve l'inverse du droit. C'est tout à fait illégal de faire ça, et, que ça soit dans un projet de loi, on trouve ça bizarre. Donc, on préférerait vraiment avoir… à la place de «une personne ne peut se voir refuser des soins», avoir la définition de ce qu'est «libre et éclairé». Et le ministère de la Santé et des Services sociaux en a fait une excellente dans la formation Droits et recours en santé mentale, que vous avez ici.

Et, si on a encore un peu de temps, peut-être, Mme Provencher?

Mme Provencher (Doris) : On a vu des restrictions aussi à l'exercice des droits, entre autres, l'article 5 du projet de loi, qui nous parle, un peu comme la Loi sur les services de santé et les services sociaux, dépendamment de la disponibilité des ressources humaines, matérielles et financières dont les établissements disposent. Cet article 13 — il nous reste cinq minutes — cet article 13 a été source de beaucoup de problèmes d'accessibilité pour des personnes vivant un problème de santé mentale. On a un petit peu peur que ça… les gens puissent revivre la même chose. Et on dit qu'on devrait aussi mettre les recours dans la loi. Quels sont les recours des personnes s'ils ne sont pas satisfaits?

C'est ce que vous avez donc à la page 13, les deux recommandations à cet effet.

Mme Serradori (Chloé) : Alors, au niveau de l'opérationnalisation du projet de loi, on vous a fait un petit graphique, parce qu'on a essayé de savoir qui fait quoi, comment et on voit que tout le monde fait à peu près la même chose, mais on ne sait pas forcément qui prime.

Alors, nous, ce qu'on vous propose, on vous propose que l'article 20 concernant les fonctions et pouvoirs particuliers du ministre soit avant la section sur les Règles particulières applicables aux dispensateurs des soins de vie et modifié et, au lieu de parler d'orientations dont doivent tenir compte… On a eu de très mauvaises expériences en santé mentale sur les orientations concernant l'isolement et la contention, donc on n'aimerait pas que ça se reproduise au niveau des soins de fin de vie. Donc, on voudrait vraiment avoir une obligation d'application de ces orientations-là et par tout le monde et aussi qu'elles soient appliquées dans les standards cliniques. Vous avez tout ça là. On pourra vous répondre plus tard s'il y a des questions. On demanderait aussi qu'il y ait un article supplémentaire qui donne des grandes balises sur ce que devraient être ces orientations et en particulier tout ce qui touche le droit; au niveau du mécanisme d'inspection, on aimerait beaucoup ça, d'avoir un mécanisme précis, régulier et indépendant et, encore une fois, sous la responsabilité du ministre. Au niveau de la sédation palliative terminale, il y a eu un grand débat qu'on a entendu tout à l'heure, et ça nous fera plaisir de répondre à certaines questions, mais on ne comprend pas pourquoi les deux articles sont séparés. On aimerait qu'il y ait une concordance. Merci. Au niveau du formulaire, on veut qu'il soit disponible en tout lieu parce que ce serait vraiment ennuyeux que le formulaire ne soit pas présent et on veut vraiment qu'il soit spécifié que le professionnel qui doit être là doit signer en tant que témoin et non pas comme juge. Le délai… on ne fait jamais ça, mais on vous a proposé un délai de 48 heures

• (11 h 50) •

Et, au niveau de la composition de la commission, on aimerait bien que le juriste soit spécialisé dans le droit de la santé pour les personnes et qu'il y ait un rajout de deux membres issus des groupes d'action communautaire autonome.

Peut-être…

Mme Provencher (Doris) : Au niveau des directives médicales, pour nous, ce n'était pas clair. Il y a un mandat en cas d'inaptitude qui existe. Alors, les directives médicales anticipées, en tout cas, pour nous, il manquait quelques informations pour bien saisir comment ça va s'opérationnaliser. Ça doit passer devant un juge, etc. Ça, ce n'est pas dit.

J'irais peut-être à la conclusion.

Mme Morneau (Andrée) : Oui. En terminant, bien c'est ça, le respect de l'esprit de la loi concernant les soins de fin de vie dépendra énormément de la culture et des pratiques qui seront mises en place dans les différents lieux où seront dispensés ces soins de fin de vie. Ce qui est impératif, pour nous, c'est bien évidemment que les professionnels de la santé ne voient pas une personne avec un diagnostic psychiatrique, mais une personne en fin de vie, comme toute autre personne.

Et, en terminant, bien c'est ça, ça nous apparaît tout à fait approprié de renouveler qu'est-ce qu'on… La recommandation qu'on dit toujours, quand on se présente sur les tribunes, c'est la nécessité d'une formation générale et continue sur les droits et libertés de la personne pour tous les professionnels du domaine de la santé. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Morneau, Mme la présidente; Mme la directrice générale, que j'avais vue au forum sur l'itinérance; et Mme Serradori, donc bienvenue à vous trois. Je suis très heureuse de vous entendre.

Je pense que c'est important de rappeler effectivement la réalité des personnes qui ont un problème de santé mentale et toute la complexité d'aller chercher le consentement libre et éclairé et en fait toute la complexité, qui peut émerger dans la relation avec certains professionnels, de ne pas catégoriser trop facilement, et, je pense, vous l'avez très bien illustré. C'est vrai pour des personnes qui peuvent avoir un problème de santé mentale, mais c'est vrai pour des personnes aussi qui n'ont pas nécessairement de problème de santé mentale, qui des fois peuvent prendre des décisions qui peuvent sembler déraisonnables. Mais l'autonomie de la personne, je pense, c'est aussi ça, quand on est sûrs que le consentement évidemment est libre et éclairé et que la personne a eu toute l'information. Peut-être vous préciser certaines choses parce que vous suggérez des modifications à quelques articles pour préciser ou souligner certains éléments. Des fois, par ailleurs, vous n'êtes pas d'accord avec ce que l'on met. Évidemment, cette loi-là, elle doit se lire, je dirais, en concordance avec le Code civil. Donc, elle ne vient pas modifier évidemment ce qu'il y a dans le Code civil, avec les chartes et avec aussi la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les lois qui sont déjà existantes.

La volonté, c'est vraiment d'avoir une loi sur la fin de vie pour qu'une personne puisse savoir c'est quoi, l'encadrement, et l'accompagnement, et les droits des personnes en fin de vie plus spécifiquement, parce que c'est une étape importante.

Donc, simplement vous dire que peut-être votre préoccupation quant à la reconnaissance des droits et libertés de la personne est de ne pas vouloir les limiter. Clairement, ça ne les limite pas, comme d'ailleurs la Commission des droits vient de venir le dire, et, outre le fait que ça existe, et même si on n'y faisait pas référence dans le projet de loi, ce serait toujours dans le décor, on y fait référence à l'article 2. Donc, on parle de la reconnaissance des droits et libertés de la personne qui «doivent inspirer chacun des gestes posés à son endroit». Donc, oui, on l'a réaffirmé dans les principes. Donc, ça, je voulais vous le dire. À l'article 6, peut-être plus précisément, vous nous dites… le deuxième alinéa, vous trouvez ça drôle qu'on vienne parler que «le médecin doit s'assurer du caractère libre de la décision». En fait, il faut le lire vraiment en lien avec le premier alinéa, qui parle du refus, donc, de recevoir un soin ou de retirer son consentement à un soin. En fait, on vient le prévoir parce que ça nous apparaît important.

C'est vrai que c'est implicite dans le Code civil, parce que, vu qu'on doit donner son consentement libre et éclairé à chaque fois, ça veut dire qu'on a tout à fait le droit de refuser en ne donnant pas son consentement libre et éclairé. Mais c'est un petit peu par la négative. Et c'est l'interprétation via la jurisprudence, notamment dans Nancy B., qui est venue dire qu'on pouvait refuser. Donc, dans ce cas-là, on avait retiré son respirateur. Et c'est un moyen donc de venir encore être plus clair pour la période de la fin de vie, de venir l'écrire, parce que, dans le Code civil, vous ne retrouverez pas ça. Et, quand on parle du rôle du médecin, c'est en lien avec cette question-là du refus de traitement. Donc, je vous entendrai si vous avez des commentaires.

Je veux juste revenir sur quelques petits points. La sédation versus l'aide médicale à mourir, je ne vous ferai pas tout le débat, là, parce qu'on en a parlé abondamment avec les gens du corps médical, mais en fait la sédation palliative terminale ou continue, parce que plusieurs nous demandent d'appeler ça «continue», c'est une pratique qui existe déjà et qui fait partie des soins palliatifs dans certaines circonstances de souffrances réfractaires, mais plusieurs étaient venus nous dire lors des audiences de la commission spéciale qu'il y aurait besoin de l'encadrer davantage avec un protocole unique, uniformisé qui pourrait s'appliquer partout. C'est ce qu'on vient prévoir dans la loi, et on ajoute une exigence, parce que c'est un soin qui est quand même important, qui n'est pas banal, on vient prévoir l'exigence d'un consentement écrit. C'est l'encadrement supplémentaire qu'on vient mettre. Mais c'est un soin. On pourrait en débattre longtemps, mais c'est un soin qui existe déjà et qui est quand même là dans un certain pourcentage de cas de gens qui ont des souffrances réfractaires, d'où la différence entre la sédation et l'aide médicale à mourir. Le formulaire disponible en tout lieu, je peux vous rassurer que c'est évidemment l'objectif, et plus que l'objectif, ça va être le cas. Et… directives médicales anticipées, la différence avec, par exemple, le mandat en prévision d'inaptitude, effectivement c'est qu'un mandat en prévision d'inaptitude va devoir être homologué, mais le mandat en prévision d'inaptitude, il n'est pas nécessairement sur vos directives en fin de vie. Il peut être juste de dire : Je veux qu'un tiers, si je deviens inapte, prenne les décisions à ma place, autant, je dirais, financières, administratives que médicales. Donc, vous le faites un peu par rapport à ce qui vous apparaît important.

Beaucoup de mandats en prévision d'inaptitude ont une partie qu'on appelait traditionnellement un testament biologique. L'expression consacrée maintenant, c'est «directives médicales anticipées», donc ils peuvent être ensemble. Mais justement la force des directives médicales anticipées en soi, c'est qu'elles n'ont pas le même formalisme, elles ne doivent pas être homologuées. Donc, si vous les faites sur le formulaire qui va être prescrit, donc, par le ou la ministre ou si vous le faites par acte notarié, les deux choix sont possibles, elles vont avoir une force contraignante, sans que vous passiez devant le tribunal, elles vont devoir, si elles ont respecté les formes prescrites, être suivies donc par l'équipe médicale.

Donc, c'est ça, la différence. Ça ne passe pas nécessairement par un mandat et par un tiers, c'est vous qui vous exprimez à l'avance sur ce que vous voulez en prévision d'inaptitude.

Donc, je voulais peut-être amener ces points-là, puis vous entendre aussi, si vous avez des réactions par rapport à ça, sur les éléments dont je vous ai parlé.

Le Président (M. Bergman) : Mme Morneau.

Mme Morneau (Andrée) : Bien, non, pas particulièrement. Je n'ai pas besoin... Toi?

Mme Provencher (Doris) : Bien, je veux revenir...

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

Mme Provencher (Doris) : Moi, je voudrais revenir au niveau... Si tu permets, Chloé, ce ne sera pas long. Quand on parle de décision déraisonnable, notre expérience et notre expertise, au niveau des gens qui ont des problèmes de santé mentale, qui ont un diagnostic, qu'ils soient inaptes, juridiquement ou pas, quand la personne a dit oui, elle prend une bonne décision. Si elle refuse, automatiquement, ah, là c'est le diagnostic, c'est sa maladie, veux veux pas. Parce que, vous savez, comme, je pense, ce qu'a dit Andrée, la première chose que tu perds quand tu as un diagnostic psychiatrique, c'est ta crédibilité. Donc, à partir de là, tout ce que tu vas nommer, c'est un peu... c'est vu sous la loupe du diagnostic et, si tu refuses particulièrement des traitements médicaux, médicamenteux particulièrement, c'est déraisonnable et là c'est ta maladie qui parle.

Combien de gens se pointent à l'hôpital, ils ont un problème physique et souvent des problèmes évidents, et on leur envoie le psychiatre de service? Alors, on est craintifs, vous comprenez, parce que dans la pratique, là… On aura beau dire ce qu'on veut, ça fait 20 ans que les groupes en défense de droits existent, qu'ils sont sur le terrain dans toutes les régions du Québec, et c'est ça qui se passe. Ça fait que c'est pour ça qu'on est un petit peu... qu'on insiste un peu là-dessus, je suppose, par rapport à préciser...

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (12 heures) •

Mme Hivon : Bien, je pense que vous faites bien. C'est un point central, parce que c'est un point central évidemment du projet de loi et de l'ouverture à l'aide médicale à mourir, le consentement libre et éclairé et l'aptitude de la personne. Et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a du travail de sensibilisation à faire, il y en a à cet égard-là et, je vous dirais, il y en a en général sur toute la question du refus de traitement, du consentement libre et éclairé. C'est évident que ce n'est pas toujours simple. Puis on a eu ces échanges-là aussi avec différents groupes qui sont venus puis différents médecins. Parce que c'est vrai qu'on ne remet pas en cause la décision si elle va parfois dans le sens de ce que l'équipe pense qui est la bonne décision. Donc, des fois, quelqu'un va accepter, moi, je donnais cet exemple-là, une ixième chimiothérapie qui n'est pas nécessairement garante de beaucoup de succès, mais c'est sûr que c'est peut-être moins confrontant que la personne qui décide de refuser des traitements de manière précoce parce qu'elle ne veut pas se rendre plus loin dans le cheminement de sa maladie. Donc, je suis très sensible à ça.

Mais j'aimerais ça vous entendre sur comment faire plus. Quand vous nous dites : Il faut sensibiliser davantage, vous comprenez que ça fait plus de 20 ans que le Code civil a été modifié, et on se rend compte encore de ces défis-là. À qui revient cette responsabilité-là? Est-ce que c'est aux ordres professionnels de sensibiliser davantage les intervenants à tous niveaux? Est-ce que c'est une obligation plus du ministère, carrément, pour que ça soit bien reçu, là, de par votre expérience à vous au quotidien?

Mme Provencher (Doris) : Je voudrais juste…

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Provencher (Doris) : …oui, vous dire une chose, la différence fondamentale qu'il y a. C'est vrai qu'il y a des gens qui peuvent refuser des traitements puis que ça va être mal perçu ou ça va être… sauf que la seule, la seule et l'énorme différence qu'il y a : si j'ai un diagnostic psychiatrique et je refuse un traitement, je peux me retrouver hospitalisée contre mon gré. Ça, si j'ai, par exemple, un cancer, et que je refuse un traitement, et que, bon, on n'est peut-être pas d'accord avec ma décision, on trouve que ce n'est pas la bonne, on trouve… mais je vais m'en aller chez nous.

Si j'ai un diagnostic psychiatrique, je risque de me retrouver hospitalisée contre ma volonté. C'est ça, la différence, je pense, entre la vision du raisonnable et déraisonnable au niveau d'un refus de traitement, par exemple. C'est une nuance qui était… Ça va? C'est clair?

Une voix : Oui.

Mme Provencher (Doris) : Oui. Je ne sais pas, Chloé, si… ce que je parle. Vas-y, Chloé.

Le Président (M. Bergman) : Certainement, Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé) : Pour la responsabilité, c'est des responsabilités partagées. Et, nous, ça fait des années et des années qu'on demande à ce que les médecins, les juristes, les avocats aient une formation, par exemple, sur toute la médication psychiatrique, tous les psychotropes, les effets des psychotropes. Peut-être M. Bolduc, qui est médecin, pourra nous le dire, mais je pense que c'est 45 heures sur les psychotropes dans la formation d'un spécialiste ou d'un médecin.

Donc, il y a vraiment un énorme travail à faire pour qu'au niveau académique les travailleuses sociales, les psychoéducateurs, les médecins et certains juristes aient cette formation-là et aussi une formation sur les droits, les droits et libertés.

«Consentement libre et éclairé», il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas ce que ça veut dire, et ça fait des années et des années qu'on en parle. Tout à l'heure, vous disiez quelque chose, qu'on ne définit dans une loi que ce qui n'est pas usuel. C'est ça que vous avez dit tout à l'heure, et je trouve ça dommage. Je ne sais pas si «libre et éclairé» est usuel, mais ça serait vraiment bien que ça soit dans une loi et dans cette loi-là parce que ça tourne autour du consentement libre et éclairé. Puis je voulais revenir sur les directives médicales anticipées où ce projet de loi dit : Ça va être prépondérant. Si moi, je suis apte, que je fais mes directives anticipées, quand je deviens inapte, on devrait les appliquer. Mais je pense que, pour que ça soit encore plus fort, la proposition qu'on vous faisait à la page 19, c'était de rajouter les soins médicaux de fin de vie. Parce que, là, on parle de directives médicales anticipées, hein, «peut déterminer, dans les directives médicales anticipées, les soins [...] qui pourraient être requis par son état de santé et auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait inapte à le faire», mais on ne parle pas des soins de fin de vie, ni de la sédation palliative terminale, ni des soins palliatifs.

Ça fait que, si on veut vraiment accorder une prépondérance à ces directives médicales, bien il va falloir que les personnes puissent l'indiquer là-dedans. Et ça, ça déchargerait énormément la famille et l'entourage.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de venir échanger avec nous. C'est toujours important d'avoir le pouls des gens qui sont intéressés par le projet de loi et de prendre le temps de les entendre parce qu'on a un projet de loi concret, on a des dispositions concrètes qui seront possiblement appelées à venir modifier un petit peu les choses. Et moi, je considère que de prendre le temps de vous entendre, c'est tout à fait essentiel, puis chaque groupe apporte un élément puis un éclairage nouveaux et différents en fonction de ceux et celles que vous représentez.

Évidemment, toute la question de la santé mentale et de la problématique de la santé mentale, ça soulève beaucoup de questionnements dans le contexte des soins qu'on s'apprête à mettre en oeuvre dans le projet de loi. Dans l'article 26, on fait référence à la douleur, à la douleur physique mais aussi à la douleur psychique. Vous représentez des gens qui au quotidien, bien souvent, vivent cette douleur psychique. Est-ce que vous croyez qu'il serait opportun d'insérer, à l'article 26, une notion d'imminence de la mort pour pouvoir se prévaloir du soin que sera l'aide médicale à mourir? Je vous explique pourquoi, parce qu'on a entendu différentes analyses, différentes interprétations de l'article 26. Certaines personnes nous disent : Bien que cet article-là s'inscrive dans un projet de loi qui porte spécifiquement sur les soins de fin de vie, la notion de fin de vie est relativement extensible, c'est aléatoire, c'est-à-dire qu'une fin de vie peut durer quand même un certain temps. Et, pendant cette période qu'est la fin de vie, il peut y arriver également des moments où une personne traverse une période plus sombre mais sans être nécessairement à la fin, fin de sa fin de vie, si vous me comprenez.

Donc, on recommande peut-être d'inclure l'imminence ou le caractère imminent, bon, il restera peut-être à trouver le terme, la terminologie exacte, mais d'essayer de le restreindre à l'intérieur peut-être des derniers jours, des derniers moments, que ça ne soit pas une notion qui puisse s'appliquer généralement à une maladie dégénérative ou à quelqu'un qui, dans le cadre de cette maladie dégénérative, a un épisode où il est plus... qu'il se sente moins bien, qu'il est plus découragé, et tout.

Alors, je me demandais, vu que vous représentez les gens qui sont affectés, qu'est-ce que vous pensez de restreindre davantage l'article 26, vraiment, ou de préciser… peut-être pas de restreindre, mais de préciser davantage la question de l'imminence de la mort?

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Provencher (Doris) : Mme Serradori. Mais après je voudrais compléter, peut-être.

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé) : «Imminent». On nous a déjà fait le coup plusieurs fois, en particulier au niveau de la dangerosité. On a essayé de remplacer «dangerosité immédiate» par «imminente». «Imminente», pour vous ou pour moi, ce n'est peut-être pas la même définition.

«Restreindre». On a entendu tout à l'heure la Commission des droits de la personne qui dit que déjà ça ne passe pas le test comme ça pour les personnes inaptes. Donc, moi, je ne le verrais pas du tout. Puis je tiens à vous préciser que ce qui est écrit à l'article 26, «maladie grave et incurable», «situation médicale» qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables… Si moi, je suis schizophrène et que je suis dans cet état-là, ce n'est pas grave que je sois schizophrène, ce qui est grave, c'est que je souffre et que je dois avoir les mêmes traitements et les mêmes possibilités que quelqu'un d'autre. Et c'est une... Il y a une différence entre... C'est une loi pour fin de vie, et il y a une différence : la personne, elle va souffrir pareil, qu'elle soit apte ou inapte. Mettez tous les diagnostics que vous voulez, elle va souffrir pareil.

Ça fait que, si vous avez peur que la personne qui va poser l'acte, c'est-à-dire le médecin, ait une difficulté ou un problème, il faut le régler à ce niveau-là, mais il ne faut pas le régler au niveau de la santé mentale, ou des diagnostics, ou des possibilités d'hallucination où la personne, elle est dans cet état-là. On n'est pas dans une possibilité où je suis tellement «down» ou fatiguée que je veux me suicider, là.

On n'est pas dans cette position-là, là, on est dans une position de fin de vie. Et l'«imminent», ça doit être un adjectif à la mode parce qu'on essaie de nous le passer en santé mentale à toutes les sauces. Ça fait que réfléchissez. En tout cas, je pense qu'on n'en veut pas.

• (12 h 10) •

Mme Provencher (Doris) : Puis je voudrais dire aussi que je… Excusez-moi. Pour compléter, je suis d'accord évidemment avec ma collègue et que, comme M. Frémont, le président de la commission, a dit, c'est basé sur la volonté de la personne. Alors, moi, que ça soit que, là, je n'en peux plus, c'est une décision qui m'appartient. Alors, même si on juge que je vais mourir dans deux mois, si, là, maintenant… mais que je corresponds à tous les critères de l'article 26 et là moi, je n'en peux plus, ça m'appartient comme décision. Je n'ai pas, moi, à juger : Ah, bien là, c'est parce que tu es trop déprimée ou que… Non, ça m'appartient.

Alors, non, moi, je ne serais pas d'accord non plus à ce qu'on indique «imminence de la mort» ou je ne sais trop, là, mais de rajouter, c'est quand même à… Il est clair, l'article 26. Il faut que tu répondes à ces critères. Donc, dans ce sens-là, c'est ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé) : …détail, malheureusement, pour avoir vécu plusieurs décès, il n'y a pas un médecin qui va vous dire quand c'est que c'est imminent. Ça fait que comment vous allez faire pour le définir? Ça va être très difficile.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. C'est important d'avoir votre point de vue. On reçoit le point de vue, sur cette question-là, de la part de plein d'autres organismes, et vous représentez les gens les plus touchés peut-être par cette question-là de la souffrance psychologique, de la souffrance psychique. Et donc avoir votre point de vue sur cette question-là... Et, lorsqu'on pose des questions, sachez une chose, c'est qu'on va valider, auprès des autres groupes, parfois des représentations qui nous sont faites, qui nous sont formulées. Et puis c'est important de le faire, ça fait partie de notre travail, d'essayer de voir un petit peu comment le projet de loi pourrait être bonifié, amélioré. Est-ce qu'une suggestion apportée par un groupe fait vraiment l'unanimité ou est-ce qu'il y a des enjeux qui pourraient survenir suite à cette suggestion-là?

Donc, je vous remercie beaucoup de la candeur avec laquelle vous nous faites part de votre analyse.

Lors de votre présentation, vous nous avez dit : Bon, on souhaiterait élaborer davantage sur la question de la sédation palliative terminale et de l'aide médicale à mourir. Vous demandez que la sédation palliative terminale soit assujettie aux mêmes critères, aux mêmes exigences que… aux exigences de l'article 26. J'aimerais vous entendre, parce que la sédation palliative terminale actuellement est assujettie aux critères, comme le disait la Commission des droits de la personne, aux critères de consentement prévus au Code civil.

Pourquoi souhaitez-vous que ce soin-là soit assujetti à des critères plus stricts?

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé) : Bien, c'est parce que probablement, actuellement, c'est à peu près la seule façon légale, entre guillemets, de pouvoir mourir, et on ne pense pas que c'est forcément un moyen qui est le plus doux possible.

Alors, on se disait, pourquoi avoir séparé, si ce n'est le fait que la sédation, c'est un… je veux dire, quelque part, c'est une décision de la personne contre son gré par rapport à l'aide médicale à mourir où c'est une demande, là? Ça fait que peut-être que ça serait plus facile si les personnes obtiendraient plus facilement l'aide médicale à mourir, si elles le veulent, dans la situation décrite à l'article 26, si c'était balisé. La peur qu'on a, c'est que finalement on continue à faire ce qui se fait actuellement au niveau de la sédation. C'est ça, la peur qu'on a.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Alors, pour poursuivre un peu dans la veine de ma collègue, effectivement on vous pose toutes sortes de questions parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus nous parler de la difficulté d'avoir un consentement libre et éclairé en fin de vie. Et certains nous disent : Vous savez, en fin de vie, les gens peuvent être déprimés, il peut y avoir de la dépression, donc, les personnes, est-ce qu'on peut vraiment obtenir un consentement libre et éclairé?

Donc, j'aimerais que vous nous fassiez la distinction entre, par exemple être déprimé, souffrir de dépression et comment ça peut influencer ou non, comment on peut conserver, malgré le fait d'être déprimé ou d'être en dépression légère, moyenne, majeure… c'est vous qui êtes les experts, sur le consentement libre et éclairé, parce que j'imagine que ça se pose à tous les jours pour toutes sortes de consentements, médicaux et non médicaux. Mais on s'intéresse aux consentements médicaux, donc ce n'est pas qu'en fin de vie, et vous comprenez que, pour la fin de vie, c'est un enjeu qui revient aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Morneau.

Mme Morneau (Andrée) : Oui. Bien, moi, ce que je peux vous dire, c'est que, que ce soit en fin de vie ou…

Une voix : Au milieu.

Mme Morneau (Andrée) : …ou au milieu, que la personne… en santé mentale, c'est toujours teinté par le diagnostic. Ça, on ne s'en sort pas.

Quand on parle au niveau de la distinction au niveau des types de dépression, si on parle d'en fin de vie moi, je pense que… En tout cas, moi, même si j'allais bien, je serais déprimée, là, rendue là. Ça fait qu'à quelque part je pense que quelqu'un qui ne le serait pas, ça serait comme pas normal, là. Ça fait que je pense que ce n'est pas un critère qui, comment je pourrais dire… Quand tous les autres critères sont là, c'est sûr que la personne, elle va… quand on sait qu'on va mourir, je ne pense pas qu'il y en ait que ce soit dans la joie, là. Je pense qu'il y a des symptômes dépressifs qui sont tout à fait normaux, comme dans d'autres situations de vie où on met le mot «dépression» comme une maladie, quand c'est une réaction à une situation de la vie qui est normale, là. Je le vois un peu dans le même contexte.

Ce n'est pas différent, là, que ça soit une personne qui ait un problème de santé mentale reconnu ou pas. Là non plus, moi, je ne vois pas la différence.

Mme Provencher (Doris) : Puis en plus on est bien mal placées pour vous faire la différence parce qu'on a déjà un peu de mal avec les diagnostics, parce que les diagnostics, ça va, ça vient, ça s'en retourne et ça revient. Donc, une personne qui a cinq diagnostics psychiatriques, on en connaît des centaines, vous voyez. Donc, dans cette mesure-là, ce n'est pas tant ce diagnostic. Je pense que, comme Andrée dit, il y a sûrement un état dépressif normal. Mais, encore une fois, je reviens, il y a les critères, il y a plus que ça. C'est protégé en quelque part, je pense, avec les critères qui sont là. Puis, si la personne est déprimée ou plus ou moins, bien ça, ça lui appartient, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (12 h 20) •

Mme Hivon : Oui. Si j'ai le temps, je vais y revenir, mais je veux être sûre de poser une autre question.

Vous nous parlez, dans vos recommandations, de l'article 45 concernant les directives médicales anticipées. Puis je prends l'occasion, je saisis l'occasion pour clarifier quelque chose. On parle, à l'article 45, de soins médicaux, qu'on peut prévoir dans les directives anticipées les soins médicaux, et certains interprètent ça comme si on excluait les soins de fin de vie. Mais évidemment on se situe dans un continuum de soins de fin de vie qui sont des soins médicaux. Alors, ça inclut bien sûr les soins de fin de vie, sauf l'aide médicale à mourir. Je vais y revenir. Mais ça inclut les soins de fin de vie qui font partie d'un ensemble plus large, qui sont les soins médicaux. Puis pourquoi on n'a pas mis juste les soins de fin de vie? C'est parce qu'une personne, dans ses directives médicales anticipées, elle peut prévoir ce qu'elle veut ou non pour la fin de vie, mais elle peut aussi dire, de manière générale : Si j'arrive à l'urgence dans telle situation : coma après une chute, je ne veux pas, par exemple, être mise sous respirateur, tout ça. Elle n'est pas nécessairement en fin de vie, vous me suivez ?, elle va le devenir si elle refuse les traitements. Mais elle peut avoir 27 ans, elle est en pleine forme trois heures avant. Donc, c'est pour ça qu'on ne voulait pas être limitatif. Donc, ça, je voulais vous le souligner.

Pourquoi on parle de soins médicaux? C'est que les soins, au sens large… Les définitions sont importantes, mais, de par l'interprétation, les soins, ça peut être des choses aussi larges que l'hébergement. Donc, il y a énormément de choses autres que strictement médicales. Donc, c'est pour ça qu'on parle de soins médicaux, mais ça inclut les soins de fin de vie. Pourquoi ça n'inclut pas l'aide médicale à mourir? C'est parce qu'on prévoit à l'article 26 qu'il faut que la personne soit apte lorsqu'elle demande l'aide médicale à mourir. C'est ce qui fait que quelqu'un ne pourrait pas le demander, dans le projet de loi tel qu'il a été écrit, de manière anticipée. Elle pourrait demander un refus de traitement, elle pourrait dire : Je ne voudrais pas être branchée dans telle circonstance, je ne voudrais pas qu'on m'alimente ou qu'on m'hydrate de manière artificielle. C'est toutes des choses qu'elle pourrait demander, mais l'aide médicale à mourir, puisque c'est un soin qui a ses exigences propres, ne pourrait pas être demandée par directives médicales anticipées.

Une voix : …chaque fois.

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Hivon : Il faut que la personne soit apte. Elle ne pourrait pas le demander de manière anticipée, ce serait exclu. Donc, j'aimerais savoir si, pour vous, ça apparaît une bonne idée de l'exclure. Ça ne concerne pas nécessairement les personnes qui ont une situation de maladie mentale, là, mais c'est une question générale que je vous pose. Est-ce que ça vous apparaît plus indiqué de l'exclure ou est-ce qu'une personne qui est apte pourrait l'écrire en prévision de son inaptitude, par exemple?

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé) : C'est parce que la proposition qu'on a faite, c'est celle-là, c'est-à-dire d'inclure l'aide médicale à mourir, et, dans notre grande candeur ou naïveté, on pensait que c'était un des moyens pour faire rentrer les personnes inaptes dans cette possibilité-là si elles avaient fait des directives médicales anticipées.

Tout à l'heure, vous cherchiez des moyens : Comment le faire, quelles balises, etc.? Nous, on se disait, pour que les directives médicales anticipées aient vraiment un caractère prépondérant par rapport au consentement, bien c'était d'inclure les soins de fin de vie, les soins palliatifs, y compris l'aide médicale à mourir, parce qu'à ce moment-là… et la sédation palliative terminale, parce qu'à ce moment-là, si, une fois apte, j'ai fait mes directives médicales, et que je deviens inapte, et que j'ai indiqué ça, bien aucun proche autour de moi ne devra prendre une décision difficile. Et le médecin qui va aller voir le registre, ça, c'est une autre… on a fait quelques… on a lu ça et on a fait au moins une recommandation de faciliter… mais, à ce moment-là, le médecin aussi appliquera la procédure et devra procéder. On trouvait que c'était une possibilité de faire entrer les personnes inaptes au même niveau que les personnes aptes.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le deuxième bloc, l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je comprends très bien les messages que vous nous faites. J'ai été directeur de services professionnels, j'ai eu à gérer les gardes en établissement et toute cette question-là. On peut avoir un diagnostic de santé mentale, ce qui ne rend pas du tout inapte à fonctionner dans la société. D'ailleurs, on a plusieurs personnes, elles ont pu avoir fait une dépression, mais, quand on regarde le diagnostic de dépression, il ne faut pas avoir de préjugé par rapport à cette personne parce qu'elle récupère. Même chose au niveau des maladies bipolaires, la schizophrénie : ces gens-là peuvent fonctionner très bien, avec un certain contrôle.

Je vais aborder une question qui est très, très délicate, là, puis je n'ai pas de mauvaise intention, mais, compte tenu que vous êtes là, je m'oblige personnellement à vous la poser. On comprend bien que, l'aide médicale à mourir, dans les critères, vous avez la question de la souffrance psychologique, et moi, j'ai eu un cas, comme coroner, dans lequel une personne souffrait tellement psychologiquement qu'elle a demandé l'aide médicale — à ce moment-là, c'était le suicide assisté — pour mourir. Et c'était une jeune personne. On comprend très, très bien qu'une personne, qui vivrait une grande détresse psychologique, beaucoup d'idées suicidaires, apte à consentir… en tout cas, on est d'accord avec ça, c'est deux niveaux différents, en passant, en termes de décision, là, que cette personne-là qui arriverait, d'après les critères, à cause de la question qu'il n'y a pas nécessairement de déchéance à court terme, ce n'est pas une personne qui pourrait demander de l'aide médicale à mourir, même si des experts pourraient nous dire : On n'est pas capables de traiter cette souffrance psychologique.

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Provencher (Doris) : Et la question : Est-ce qu'on est d'accord ou pas?

M. Bolduc (Jean-Talon) : La question est : Êtes-vous d'accord que cette personne-là n'a pas les critères à cause qu'il n'y a pas de mort imminente? Elle n'a pas les critères pour dire : Moi, à cause de tous les critères que je remplis, à la limite, je pourrais demander l'aide médicale à mourir parce que ma souffrance psychologique est trop grande. Là, on parle de désespoir, puis il y a des gens qui vivent ça, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Morneau.

Mme Morneau (Andrée) : Oui. Bien, moi, je pense que... Voyons, j'ai perdu le fil. Quand on sort... bien, je veux dire, quand on reste au niveau des critères, ça demeure au niveau plus physique, parce qu'au niveau psychologique je pense que ce serait d'aller dans le désespoir que de penser qu'une personne qui a une souffrance psychologique, même si elle est intense, tu sais… que ça ne peut pas revenir, qu'il n'y a pas d'espoir, qu'il n'y a pas d'amélioration. Je peux vous parler… Je pourrais vous en parler longtemps, de ça, à quel point il y a un espoir qui peut renaître, comparativement à quand on arrive avec une maladie physique puis que, bon, dans la pratique, on voit qu'objectivement… on voit qu'il n'y a pas de solution possible. C'est un peu ce que je pourrais vous répondre.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Écoutez, je vous l'ai dit, que c'était délicat comme question, là, puis je me suis obligé à la poser. J'ai hésité, mais je pense que c'est important qu'on se la pose. Même quelqu'un qui arriverait puis nous dirait : Non, moi, je souffre tellement psychologiquement… Puis on parle de grand, grand désespoir, là, ces gens-là vont jusqu'à... d'habitude, ça aboutit par un suicide. Dans le cas que je vous parle, c'était avec un... bien, c'est un suicide assisté, là. Ces gens-là ne répondent pas aux critères, c'est vraiment dans les cas de déchéance physique du côté... Bon. On est d'accord là-dessus? O.K.

Le Président (M. Bergman) : Mme Morneau.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous faites juste confirmer la perception que j'avais, mais je voulais juste qu'on s'entende, que tous les groupes là-dessus, c'est à ce niveau.

Également, comme je vous disais, je reçois très, très bien votre message. Souvent, lorsqu'on arrive avec un diagnostic, est-ce que les gens devraient se poser la question : Parce qu'elle ou il a eu un problème de schizophrénie, est-ce que ça le rend inapte par la suite à consentir, mettons, sur l'aide médicale à mourir? Pour moi, c'est deux paliers complètement différents de décision. On peut avoir eu des problèmes, comme on a pu avoir fait un infarctus, on peut avoir eu une maladie. L'aptitude, les critères sont différents, mais je suis d'accord avec vous, de temps en temps, on peut pousser un petit peu plus loin, on peut forcer quelqu'un, mais il faut vraiment se retenir et dire que c'est comme tout le monde. On applique les mêmes critères que tout le monde, et, si cette personne-là a les critères et qu'elle est apte, à ce moment-là, elle devrait avoir le droit au service.

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Provencher (Doris) : Si je peux me permettre, écoutez, M. Bolduc, allez porter la bonne nouvelle auprès de vos confrères et consoeurs parce que dans la pratique, malheureusement… il y en a qui pensent comme vous aussi, là, bien sûr, mais dans la pratique, malheureusement, ce n'est pas toujours ça qui se passe. Alors, propagez votre nouvelle.

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé) : Et aussi il faudrait propager un peu ce que Mme Provencher disait tout à l'heure, la différence entre inapte, c'est-à-dire une personne qui n'est pas apte à prendre soin d'elle-même, ou de ses biens, ou d'elle-même et de ses biens, et l'aptitude à consentir aux soins.

La jurisprudence a décrit dans tous les sens qu'est-ce que ça veut dire. En particulier au niveau de l'autorisation judiciaire de soins, hein, on a de la jurisprudence importante qui décrit ce qu'est l'aptitude à consentir. Ça fait que ça aussi, ça va être important et ça va permettre de démystifier un peu les histoires de «dépression, pas dépression, schizophrénie, pas schizophrénie». Ce n'est pas ça qui est important. L'important, c'est la personne. Est-ce qu'elle est capable... souffrante psychologique à l'extrême ou quoi? Quand elle prend une décision, est-ce qu'elle est capable de voir c'est quoi, les impacts de cette décision? Si elle est capable, il n'y a personne d'autre qui doit se poser des questions, elle est capable.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau. Il vous reste trois minutes.

Mme Vallée : Donc, dans votre dernier commentaire, vous demandez finalement qu'on fasse une référence peut-être entre un adulte ou une personne qui ferait l'objet d'un régime de protection, parce qu'on a des régimes de protection aux biens, à la personne et aux biens. Donc, quelqu'un qui a un administrateur, par exemple, pour ses biens est toujours capable, peut encore prendre parfois des décisions pour sa personne, ou l'inverse. Donc, vous voudriez vraiment qu'on puisse clairement identifier, à l'intérieur du projet de loi, cette notion-là de distinction entre la personne qui n'est pas capable de prendre une décision et qui fait l'objet, par exemple, d'un régime de protection et la personne qui est peut-être affligée d'une maladie mentale mais qui ne fait pas l'objet d'un régime de protection? Est-ce que c'est ça? Je tente de bien...

Mme Serradori (Chloé) : ...parce que ce que je vous dis...

Le Président (M. Bergman) : Mme Serradori.

• (12 h 30) •

Mme Serradori (Chloé) : ...et ce que la loi dit, c'est que même une personne qui est sous régime de protection… et, si elle est… que ce soit à sa personne ou aux biens, et c'est écrit dans la loi, elle est apte à consentir à ces soins. Juridiquement, elle a la même capacité que vous et moi, alors on va demander à son substitut. Tout à l'heure, M. Frémont expliquait le processus. On va demander à son substitut ou à son curateur, et mettons que le curateur dise : Oui, je veux tel soin. Mais, si la personne, elle continue catégoriquement, et c'est ça, le terme de la loi, «catégoriquement», à refuser, bien l'établissement est obligé ou la personne est obligée d'aller au tribunal pour trancher sur l'aptitude à consentir.

Alors, c'est pour ça qu'il y a comme une espèce de mélange entre apte et inapte. Mais on est dans un concept d'aptitude à consentir aux soins, et il faut peut-être… la chose qu'il faudrait préciser, et nous, on le dit dans notre mémoire, c'est que toute personne est présumée apte à consentir et c'est le médecin ou le… qui doit faire la preuve que la personne, elle n'est pas apte à consentir, qu'elle soit sous régime de protection ou non. Et c'est ça, c'est parce qu'il y a un mélange. Quand, tout à l'heure, on parlait d'aptitude juridique et d'aptitude à consentir… la personne peut être sous curatelle et être apte à consentir. C'est ça qui est mêlant des fois.

Mme Provencher (Doris) : Il y a eu des cas, d'ailleurs, des gens qui étaient sous curatelle publique et qui refusaient catégoriquement un soin. C'est allé en cour, et la personne, elle a gagné parce qu'elle… et c'était au niveau des soins. Donc, c'est à distinguer. Il ne faut pas en faire un automatisme, vous voyez. Parce que la personne, elle est inapte juridiquement ou elle est sous un régime de protection, ah, bien là, elle, elle est inapte. C'est ça qu'on veut essayer de prévenir.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe de l'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Merci beaucoup, Mme Morneau, Mme Provencher, Mme Serradori — je ne voudrais pas mal le prononcer — de votre présence. C'est très intéressant, puis vous amenez un côté également humain.

La santé mentale, c'est extrêmement préoccupant. J'ai le plaisir d'avoir une conjointe qui travaille, d'ailleurs, dans le domaine de la santé mentale, et c'est un milieu qui est large, hein, c'est… Vous oeuvrez avec des gens avec différents niveaux, hein, de difficulté, avec différentes problématiques en santé mentale et des problèmes d'anorexie… boulimie, en passant par la schizophrénie, et j'en passe, là. Il y a des graves troubles de dépression aussi qui peuvent survenir. Et vous parlez de tout l'aspect du consentement libre et éclairé, vous venez d'en parler aux questions précédentes de mes collègues de l'opposition officielle. Pour vous, vous ne faites pas de nuance, c'est un consentement libre et éclairé, peu importe la problématique. C'est ce que je comprends, il n'y a pas vraiment de différence dans un cas comme ça, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Provencher (Doris) : Bien, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas y avoir… Parce que, la loi, ce qu'elle dit, pour qu'un consentement soit légalement légal, légalement légal, oui, enfin bref, vous me comprenez, il y a deux conditions essentielles : il faut qu'il soit donné de manière libre et il faut qu'il soit éclairé.

Avant que je prenne une décision, le médecin a l'obligation de m'informer de qu'est-ce qui peut arriver si je dis oui, si je dis non, les alternatives, etc. Donc, on dit : Peu importe à qui on va s'adresser, dans le contexte des soins de fin de vie, il faut faire la même chose pour tout le monde, essayer d'enlever la loupe du diagnostic psychiatrique. C'est ça qu'on dit. Vous savez, il y a un slogan, au niveau de la santé mentale, qui date des années… 80, je suis mêlée un peu dans mes dates, Je suis une personne, pas une maladie. Alors, ce sont des personnes avant tout, peu importe le diagnostic. D'ailleurs, on ne travaille pas, nous, avec les diagnostics, on travaille avec la souffrance des gens, O.K.?

Mais donc peu importe parce qu'en bout de piste ce sont des personnes comme vous et moi. Puis, n'oublions pas, on peut se retrouver ici, tout le monde, sur un département de psychiatrie un jour. Personne n'est à l'abri de ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Tout à fait. Donc, on a eu la chance d'entendre précédemment les gens de la Commission des droits de la personne nous souligner qu'ils souhaitaient justement que ces droits-là… peu importe la condition, les gens puissent venir exprimer leur… je veux prendre la bonne expression, leur «capacité de consentement» aux droits. Donc, vous êtes en faveur de cet aspect-là, c'est ce que je comprends?

Mme Provencher (Doris) : Tout à fait, tout à fait.

M. Lévesque : Eu égard à la condition, au diagnostic que les personnes on eu, vivent avec la condition, peu importent, là, les états avancés de dépression, peu importe, il n'y a pas de problème.

Mme Provencher (Doris) : …dans le cadre de l'application du projet de loi n° 52.

Le Président (M. Bergman) : Mme Morneau.

Mme Morneau (Andrée) : Ça va, dans le cadre de l'application… C'est ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme Provencher.

Mme Provencher (Doris) : Bien, c'est dans le cadre de l'application du projet de loi n° 52. Il y a des critères assez clairs, je pense… on pense.

Le Président (M. Bergman) : Alors, le temps s'est écoulé, malheureusement. Mme Morneau, Mme Provencher, Mme Serradori, merci pour être ici avec nous et partager votre expertise avec nous.

Collègues, la commission ajourne ses travaux au mardi le 8 octobre 2013, à 10 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 12 h 36)

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