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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 12 novembre 2014 - Vol. 44 N° 19

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales


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Table des matières

Auditions (suite)

Réseau FADOQ

Réseau québécois d'action pour la santé des femmes (RQASF)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Coalition des tables régionales d'organismes communautaires (CTROC)

Coalition Solidarité Santé

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Jean-François Lisée

M. Harold LeBel

M. Éric Caire

Mme Françoise David

Mme Lucie Charlebois

M. François Paradis

*          M. Maurice Dupont, réseau FADOQ

*          M. Danis Prud'homme, idem

*          Mme Lydya Assayag, RQASF

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          Mme Lucie Levasseur, idem

*          M. Jean-Pierre Ouellet, idem

*          Mme Claudelle Cyr, CTROC

*          Mme Valérie Lapierre, idem

*          M. Jacques Fournier, Coalition Solidarité Santé

*          M. Denis Falardeau, idem

*          Mme Josée Marcotte, idem

*          M. Jacques Benoit, idem

*          Mme Régine Laurent, FIQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-six minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. LeBel (Rimouski); Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Pagé (Labelle).

Auditions (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter avec les représentants du réseau FADOQ, suivi du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes. Nous ajournerons les travaux à 19 heures.

Alors, je vous souhaite la bienvenue, représentants, représentante du réseau FADOQ. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes de présentation; s'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Réseau FADOQ

M. Dupont (Maurice) : Alors, Maurice Dupont, président du réseau FADOQ. Alors, tout d'abord, je tiens à remercier la commission de nous donner l'opportunité de pouvoir exprimer notre position aujourd'hui.

Le Président (M. Tanguay) : M. Dupont, excusez-moi, pouvez-vous identifier celles et ceux qui... s'en vient, ça s'en vient?

M. Dupont (Maurice) : Oui, c'est inclus dans le texte.

Le Président (M. Tanguay) : Ah! Pardon.

M. Dupont (Maurice) : Alors, je suis accompagné du directeur général, Danis Prud'homme, ainsi que de notre attachée politique, Caroline Bouchard, qui m'assisteront pour la période de questions.

D'abord, nous tenons à souligner que nous ferons notre présentation en toute humilité, puisque nous n'avons eu que 48 heures d'avis pour la préparation de cette rencontre.

Le réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte plus de 350 000 membres. Il y a près de 45 ans, l'objectif majeur de la fondatrice, Marie-Ange Bouchard, était de briser l'isolement des aînés en leur offrant une panoplie d'activités sportives, culturelles et de loisirs. Aujourd'hui, outre le volet des loisirs, l'intérêt de l'organisme est d'encourager le gouvernement à faire des choix judicieux tenant compte du contexte démographique qui fait du Québec l'une des sociétés occidentales dont le vieillissement de la population est le plus marqué. Ainsi, le réseau FADOQ profite de cette tribune pour susciter une prise de conscience afin d'assurer une qualité de vie adéquate à tous les aînés du Québec.

À chacune de nos présentations en commission parlementaire, nous réitérons l'importance d'agir en matière de vieillissement au Québec, puisque nous sommes la deuxième société qui vieillit le plus rapidement au monde, immédiatement derrière le Japon. Nous devons faire preuve de créativité, d'originalité pour répondre aux besoins grandissants d'une population vieillissante. À ce titre, nous avions espoir que le gouvernement propose une nouvelle réforme visant à améliorer les services aux usagers. Force est de constater que ce n'est pas la priorité ayant motivé la rédaction du projet de loi n° 10.

D'abord, en prenant connaissance du projet de loi, plusieurs questions nous semblent fondamentales : Pourquoi l'État québécois choisit de s'inscrire à contre-courant du modèle hospitalier décentralisé pour tendre vers un renforcement majeur de la centralisation en santé? Le projet de loi n° 10 semble faire reculer le lieu de décision et de le ramener vers Québec. Pourtant, nous croyons au contraire que l'autonomie décisionnelle doit se rapprocher de l'usager afin de favoriser la desserte de services adéquats et près des besoins de la population.

Ensuite, il nous semble hasardeux de proposer une réforme du système de santé en n'ayant ni consulté tous les acteurs concernés ni en se donnant le temps de réfléchir à la meilleure manière de procéder pour que le projet de loi transcende les âges et les gouvernements tout en nous inscrivant dans la pérennité et dans l'efficience. D'ailleurs, c'est ce que nous avions fait à l'époque de la commission Castonguay-Nepveu.

• (11 h 30) •

Dans un troisième temps, nous sommes perplexes quant à la pertinence du projet de loi n° 10 dans l'amélioration des soins desservis à l'usager et dans la mise en place d'un réel continuum de soins. Nous y voyons un statu quo dans le bris de service, ce qui pour nous est inacceptable. Nous devons d'abord concentrer nos efforts à répondre aux besoins de l'usager pour ensuite valoriser l'apport de la première ligne et des services de proximité. Ce n'est pourtant pas en ce sens que nous dirige le projet de loi n° 10. Autrement, au fil des ans, nous avons pu constater que les discours politiques vagabondent entre le maintien à domicile, la mort dans la dignité, le bien-vivre dans sa communauté en santé. À quand une politique de consolidation afin de penser à un système de santé efficient?

En parlant d'efficience, M. le ministre, au nombre de nouveaux pouvoirs autoarrogés, nous espérons pouvoir observer dans le futur une réelle transparence, puisqu'en tant que décideur et gestionnaire principal du système de santé vous aurez largement du pain sur la planche. À ce titre, M. le ministre, en temps d'austérité, nous souhaitons réitérer l'importance de mettre l'humain, l'usager au coeur de vos décisions. La réalité financière de l'État reste certes une importante priorité, cependant la santé de la population ne doit jamais être brimée en faveur des priorités du Conseil du trésor.

En conclusion, M. le Président, nous demandons au gouvernement de considérer la mise sur pied d'une commission visant à étudier la meilleure manière de réellement reformer notre système de santé afin de garantir un système universel, un meilleur accès aux soins, une plus grande cohérence du système et une meilleure qualité de soins, particulièrement dans un contexte de vieillissement de la population, le tout dans une vision commune, sociétale, partagée et non imposée. Nous devons décloisonner le système de santé afin de travailler en collaboration et assurer une meilleure efficience. Réduire le travail en silo permettrait de mettre en place des politiques reflétant cette vision d'ensemble recherchée.

C'est d'ailleurs pourquoi le réseau FADOQ demande la mise sur pied d'une politique nationale du vieillissement afin de prendre en compte la réalité démographique qui nous attend dans les prochaines années. Cette politique doit répondre aux besoins particuliers d'une société vieillissante, et ce, dans une perspective intergénérationnelle. En somme, le projet de loi n° 10 propose une restructuration administrative qui ne semble pas aller dans le sens d'une réelle réforme en profondeur. Nous devons considérer mettre l'épaule à la roue pour réfléchir ensemble à des solutions durables. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Dupont. Maintenant, nous allons débuter la période d'échange avec les parlementaires. Je cède immédiatement la parole, pour une période de 20 minutes, au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors donc, M. Dupont, M. Prud'homme et Mme Bouchard, bienvenue et merci de... Bien, vous étiez un peu sur une liste d'attente. Je suis désolé que vous ayez juste 48 heures, mais je comprends aussi de vos propos que vous avez quand même un peu suivi les commissions parlementaires ainsi que réfléchi sur le sujet. Et je suis bien content que vous soyez là, malgré le court délai qui vous a été accordé suite au désistement d'un autre groupe.

Maintenant, ça n'enlève rien, évidemment, à la pertinence de votre propos, que je reçois très favorablement. Puis je vais vous avouer qu'évidemment je suis un peu content des propos que vous tenez, parce que je sais qu'il y a un acte de foi là-dedans, dans une certaine mesure, là. Mais, comme vous l'avez entendu maintenant depuis trois semaines, les choses que nous voulons faire sont exactement celles que vous nous demandez de faire mais que vous pensez que nous ne ferons pas. Mais il n'y a pas grand-chose dans ce que vous avez dit qui ne sont pas dans nos objectifs à... terme et qui seront éventuellement exposés.

Mais évidemment, comme vous l'avez compris et vous l'avez noté aussi, c'est une réforme qui est de nature administrative, qui est un canevas, là, sur lequel d'autres éléments vont venir se greffer, et les autres éléments vont tenter de répondre le plus efficacement possible à certaines inquiétudes que vous avez ou certains commentaires que vous avez faits, notamment en ce qui a trait à l'accès. Et, pour ce qui est de l'intégration et la cohérence du système, bien, c'est ce qu'on vise. Tous les commentaires que vous avez faits sont exactement les raisons pour lesquelles on fait ça.

Je ferai deux remarques. Le système de santé tel qu'on le connaît, il a bientôt... tel qu'on le connaît... disons qu'il a 40 ans, un peu plus, là, mais il a au moins 20 ans dans le mode actuel, là, et on n'a pas réussi à en faire ce que vous demandez. Et, quand on efface une problématique publique de cet ordre-là, il y a seulement deux avenues possibles : il y a celle que vous proposez, qui est celle des grandes commissions, et des analyses, et de longues et profondes consultations; et il y a celles qui sont plus directes, on va dire, en termes d'approche, qui est celle que l'on a actuellement.

Je vous rappellerai... Et on ne peut pas, on ne peut pas oublier cet épisode-là. Vous avez parlé de la commission Nepveu, là, et vous n'êtes pas le premier à en parler. Moi, je vous parlerai de la commission Rochon, de cette grande époque, là, de retour à l'équilibre budgétaire, de ces grandes réflexions là et consultations-là qui ont été faites, puis on se rappellera ce à quoi ça nous a menés dans le passé : allés nulle part. Alors, moi, des commissions, là... Il y a eu la commission Clair, c'était bien intéressant. J'y ai participé de a à z. Est-ce que ça a donné quelque chose? Non. Pourquoi ça n'a rien donné? Parce que personne n'a rien décidé.

Alors, à un moment donné, là, il faut que quelqu'un décide quelque chose et que ses idées soient les plus précises possible au moins dans sa tête. Et j'entends déjà l'opposition dire que ce n'est pas écrit, il faudrait que ce soit écrit. Oui, oui, ça va s'écrire à un moment donné, là. Puis j'espère qu'au bout de la ligne les gens constateront ce qui a été fait, et ce qui se fera devra aller dans le sens de ce que vous dites. Je souscris à ce que vous dites, mais le chemin n'est peut-être pas celui que vous voudriez, mais c'est la direction dans laquelle on va.

Je termine en vous répondant à la question : À quand un système cohérent? Bien, j'espère maintenant, parce que la cohérence dans notre système, elle n'est pas là, et j'espère qu'elle le sera. Je vous laisse la parole.

M. Prud'homme (Danis) : On entend bien ce que vous dites. Notre préoccupation, je pense qu'elle est louable, de voir que, dans ce qu'on peut lire actuellement, ce qu'on peut comprendre avec ce qui est écrit, oui, vous l'avez mentionné, c'est administratif, ça se veut une restructuration de pouvoirs politiques économiques : couper, ajuster, équilibrer un budget, entre autres. C'est pour ça qu'on a un peu de difficulté à voir comment l'usager comme tel va bénéficier de davantage de services de qualité, davantage de services et de soins dont on a actuellement besoin, et que, si on regarde comment on peut livrer les soins actuellement, on a beaucoup de difficulté à voir comment on pourra faire mieux avec ce qu'on est. Ça, c'est une chose.

La deuxième chose, si on regarde du côté du vieillissement de la population... Puis je sais que bien des gens disent : Vous ramenez toujours ça, mais c'est parce que ça fait longtemps qu'on le sait, qu'on va arriver là. Et malheureusement, malgré ce fait-là, on n'a jamais préparé rien face à ça, ou pratiquement rien, ce qui fait qu'aujourd'hui on parle du système de santé, mais on a été ici pour six autres commissions qui parlaient de six autres sujets. Donc, à ce point-là, nous, ce qui nous préoccupe, et je pourrais même dire qui commence à un peu nous faire peur, c'est qu'en agissant en silo, en ne se donnant pas de réelle vision pour 30, 40, 50 ans et en ne consultant pas de la façon dont on devrait le faire... Parce que vous parlez de commissions qui peut-être n'ont rien donné, mais je pense que celle qu'on aborde au niveau où on est aujourd'hui avec le système de santé, celle qui a mis sur pied ce qu'on connaît, bien, je pense que ça a bien fonctionné pendant des dizaines et des dizaines d'années, là.

Force est d'admettre aussi que, quand on commence à voir des coupures, ça a aussi l'effet inverse en général sur à peu près tout ce qui se passe, là. Vous le savez, le gouvernement est là pour créer de la richesse et d'investir pour aller chercher davantage. En coupant, ça donne un mauvais signal en partant. On est d'avis... On comprend qu'il ne faut pas aller dans des déficits effarants, là, mais je pense qu'il y a des façons de faire autres. On le sait, c'est des chiffres... On ne jouera pas de guerres de chiffres, là, mais le Fonds monétaire, quand on parle d'investissements d'un gouvernement, ils vont en chercher 1,6 de plus que ce qui est investi. Bien, quand on coupe, c'est à peu près la même chose mais à l'envers. Ça fait qu'on a de la difficulté à voir qu'on va améliorer actuellement les services de cette façon-là.

• (11 h 40) •

M. Barrette : On est dans un dialogue, et puis c'est tout à fait correct, alors échangeons.

Il y a deux approches, là, ici, là. Puis là je ne veux pas lancer des flèches empoisonnées inutilement, mais froidement, là, et objectivement il y a deux façons de regarder ça, là : ou bien on fait des grandes commissions qui malheureusement ne donnent pas de résultats... Puis on l'a vu dans les années 90, là, c'est l'autre gouvernement qui a fait... qui a mis en place des grands principes, là, qui ont été consultés, discutés, approfondis, et le système a été perturbé pendant 15 ans après. Ça fait deux, trois ans, là, qu'on commence à en sortir. L'année dernière ou dans les 18 derniers mois, on vous a fait miroiter un paquet de choses qui étaient irréalisables parce que non budgétées. Puis ça, c'est un fait, là. Ce n'est pas une appréciation, c'est un fait. Le Québec n'avait pas le 2 milliards nécessaire pour faire ce qui avait été annoncé. Ce n'était pas faisable. À un moment donné, quelqu'un doit avoir... Et il me semble que c'est la chose que vous devriez... peut-être plus que d'autres parce que vous représentez une clientèle qui a vécu... Normalement, les gens qui ont vécu choisissent ce qui est sûr ou raisonnablement solide plutôt que d'éventuelles chimères. Alors, nous, ce que l'on dit essentiellement, là, c'est, bon, une chose : actuellement on ne coupe pas, actuellement on fait les correctifs nécessaires pour que le système de santé et de services sociaux demeure public et accessible. Sinon, on n'y arrivera pas.

Maintenant, pour ce qui est de la restructuration administrative, elle est faite entre autres pour que, dans une structure donnée, on puisse vous donner des services de la façon correcte, ordonnée, organisée, coordonnée. Et là, actuellement, ça ne se fait pas. Et ça peut se faire à certains niveaux, mais ça ne se fait pas dans le continuum de soins complet.

 Alors, on va dans votre sens, sauf que le chemin que l'on prend n'est pas exactement le même chemin qui a été pris précédemment. Mais peut-être qu'on aura des résultats. Mais je peux vous dire une chose, par exemple : Moi, quand je regarde comment ça fonctionne dans le réseau, que ce soit en services sociaux ou santé, l'intégration n'est pas là, la coordination n'est pas là, et il y a des sous qui se perdent. Et, quand des sous se perdent, ce sont des sous de moins pour donner dans les services. C'est ça qui est l'approche, là. C'est simple, cette affaire-là, sauf que ça demande certains efforts, et une grande implication, une grande connaissance de ce qui se passe sur le terrain, et surtout de prendre des décisions.

Nous, on est ouverts à tout, là. Et, à partir du moment où cette loi-là est promulguée, si elle l'est évidemment, bien là c'est un dialogue continu. Et, pour ce qui est de la place de l'usager, il n'y a pas une séance, une audience où un groupe ne m'en a pas parlée et à qui je n'ai pas répondu — il n'y en a pas un, là — que j'étais bien d'accord à ce que les usagers aient une place significative.

Encore faut-il que leur place soit non seulement réelle, mais significative dans le sens opérationnel du terme. Et, quand je dis «opérationnel», encore faut-il que vous ayez les ressources pour faire vos interventions et qu'elles soient entendues. Est-ce que c'est le cas actuellement? Non, à mon avis. Il y a beaucoup de places, là, où les gens peuvent parler. Mais est-ce que l'impact est là, est maximal? Tiens, on va le dire comme ça. Si vous me dites que oui, bien, tant mieux, on ne va rien changer. Si vous me dites que non, bien, peut-être qu'il y aurait des choses à changer. On est bien ouverts à faire des changements.

M. Prud'homme (Danis) : J'entends bien ce que vous dites, mais du côté... Si on parle de restructuration pour arriver à ce que vous expliquez, il y a quand même un plan. Lequel? On ne sait pas actuellement. Par exemple, quand on parle d'un modèle centré sur le patient, est-ce qu'on voit à quelque part une politique provinciale du médicament concernant les prix, la pénurie, l'accès? Est-ce qu'on voit quelque part où on parle de soins préventifs, où on va améliorer ce côté-là, où on va aller définir... par rapport aux soins préventifs, curatifs, palliatifs centrés sur un patient avec les hôpitaux, des cliniques, des centres de santé, la télémédecine, la communauté? Parce que, dans le monde, on ne réinvente pas la roue, là. Puis, des fois, il faut un peu se coller à ce qui se fait ailleurs, parce qu'il y a des choses qui se font bien, et regarder que, dans certains endroits, on voit la communauté, donc le communautaire, qui prend une place réelle parce que l'État n'a pas les moyens d'appuyer tous les services. On doit jouer avec tous les acteurs. Ça, on ne le voit pas comme plan. Alors, vous nous permettrez un peu d'être préoccupés, là, dans ce cas-là, de se restructurer sans avoir le plan.

M. Barrette : Je vous l'ai dit d'entrée de jeu, là, je comprends vos craintes, parce que, vous avez raison, ce n'est pas visible, et l'opposition, vous allez l'entendre, va s'en plaindre aussi. C'est juste que les éléments que vous abordez, qui sont tous très pertinents... et non seulement ils sont pertinents, mais il faut s'y adresser, mais ce sont des éléments qui se traitent, par définition, à d'autres tables.

Une politique du médicament, il y en a une. Peut-elle être meilleure? Oui. Mais on n'a pas à mettre ça dans cette loi-là, là. Est-ce que ça doit se coordonner, cette loi-là? Oui, mais ça n'a pas à être dans cette loi-là. La prévention, le public, la santé publique, ça existe, là. Il y a une ministre déléguée qui s'occupe de ça, et elle travaille sur un paquet de choses que vous allez sans aucun doute apprécier éventuellement, mais ce n'est pas à être dans cette loi-là.

Comme vous l'avez dit, là, c'est une loi qui est administrative, qui vient intégrer pas simplement les soins, mais un paquet de services ou de secteurs gouvernementaux qui viennent s'arrimer là-dedans. Mais on ne peut pas les mettre dans la loi comme telle. Mais je comprends votre inquiétude, et c'est pour ça qu'on est ici, pour que je puisse vous répondre et vous dire : Rassurez-vous, on va entrer ça.

Vous faisiez référence au communautaire. Ici, il y a au moins, à date, là, une douzaine d'organisations communautaires qui sont venues, la plupart que l'on connaît. Et je le dis aujourd'hui comme je l'ai dit précédemment : Vous avez raison, là, le système de santé sans le communautaire, c'est assez difficile. C'est essentiel de garder le lien avec le communautaire, comme je respecte leur désir de vouloir garder une autonomie philosophique et fonctionnelle. Je le comprends, ils veulent du financement, c'est correct, ça s'organise.

Comme vous avez fait référence à la télémédecine... Écoutez, on travaille là-dessus. Tous les gouvernements, mais le gouvernement précédent aussi a travaillé là-dessus. Bon, il y a des obstacles informatiques qui existent dans notre loi — on va les appeler comme ça — mais la télémédecine va permettre éventuellement une certaine façon différente de faire, de pratiquer la médecine et de donner des services, même sociaux à la limite, et ça, c'est, permettez-moi un anglicisme, un «work in progress», là. Mais ça ne s'écrit pas dans la loi. Mais ce que vous dites, ce à quoi vous faites référence, moi, je suis bien d'accord avec ça et je peux vous dire que c'est sur notre table à dessin, mais ça va venir après.

M. Prud'homme (Danis) : Je comprends qu'au niveau du projet de loi on ne peut pas détailler tout ça. Par contre, à l'intérieur de ce qu'on lit ou à l'intérieur d'autres écritures, on ne le voit pas. Donc, vous dites qu'on travaille dessus actuellement, sur plein de choses, mais... Puis là vient le point suivant qu'on apportait, c'est-à-dire : On voit plein de différentes politiques qui sont mises sur pied ou qui veulent être mises sur pied. Vous avez dit : Certaines grandes commissions n'ont rien donné. Là, on parle de volonté aussi des gouvernements, parce qu'on sait, et on l'a mentionné, quand les gouvernements changent, là on change le fusil d'épaule, et ça, c'est par un manque de vision totale de la société, là, on s'entend. Si on se donne une vision de société pour les 30, 40 prochaines années, on devrait être en mesure de bâtir tout le monde ensemble, et là on enlève le fait que c'est un ou l'autre qui prend le pouvoir.

Le but, c'est de s'en aller dans la bonne direction parce qu'on n'a pas... en tant que tel, on n'en a plus, de temps pour réagir, puis ça fait des années qu'on essaie d'amener de l'avant le fait qu'il faut agir de façon proactive et non pas réactive. Parce qu'on l'a dit, puis, je ne sais pas, les gens ne semblent pas le réaliser, à quel point on vieillit au Québec rapidement, où il y a plein de services qu'on ne pourra pas offrir à ces gens-là, qu'on ne pourra pas soutenir de la façon qu'on est structurés.

Donc, je comprends ce que vous dites avec le projet de loi, on le comprend très bien au niveau de notre organisation, mais on a quand même des préoccupations de voir que les choses qu'on vient de parler, vous dites : Ça se fait ou c'est en train de se faire, nous, on ne sait pas ça. Donc, nous, c'est difficile de réagir sur des choses qui ne sont pas — je vais utiliser le mot fort, là — diffusées de façon transparente aux gens qui sont impliqués à essayer de voir comment ça peut se passer ou comment on doit être impliqués. Parce qu'à la base de tout ce que j'ai mentionné ça prend l'implication des gens, notamment des patients, parce que c'est eux qui ont le choix en bout de ligne ou devraient avoir le choix, ce qui n'est pas le cas actuellement. Donc, ça, de ce côté-là, pour nous, c'est quelque chose de primordial. Et de un.

Et, de deux, bien, quand on dit «grandes commissions», ce qu'on veut dire, c'est que les bonnes personnes sur le terrain soient consultées, autant ceux qui prodiguent les soins, autant ceux qui reçoivent les soins, de la bonne façon, parce qu'ils sont sur le terrain. Donc, ces gens-là ont des solutions viables qui souvent ne sont pas exploitées.

M. Barrette : Je suis d'accord avec vous là-dessus. Peut-être que là l'histoire va faire en sorte qu'au lieu d'avoir eu des commissions qui auront eu des effets délétères comme dans les années 90 ou des commissions qui étaient très bonnes, qui ont fait d'excellents rapports mais qui n'ont pas été appliqués, bien, peut-être que là on va faire quelque chose qui n'aura pas été commissionné mais qui aura donné des bons résultats. On va se souhaiter ça.

Ceci dit, j'aimerais ça vous entendre plus spécifiquement sur un thème qui vous est évidemment très cher, qui n'est pas dans le projet de loi, qui ne peut pas être dans le projet de loi, mais qui devra habiller éventuellement ce projet de loi là. Parlez-nous de votre vision de ce que devrait être ce que vous appelez une politique du vieillissement. En fait... Et, plus précisément, si vous me parlez d'une politique du vieillissement, vous me parlez implicitement de ce qui n'existe pas ou s'exerce mal actuellement.

• (11 h 50) •

M. Prud'homme (Danis) : Tout à fait. En fait, si on recule, pour faire ça simple... parce que je pense que — pour être simpliste dans l'approche puis réduire le temps — on a quand même eu deux différentes politiques, soit de maintien à domicile, soit de vivre en santé dans sa communauté, qui, force est d'admettre, après 10 ans n'ont pas donné grand-chose ou peu de chose, malheureusement.

Si on parle d'une politique provinciale ou nationale du vieillissement, je pense qu'il faut prendre en considération ce qu'on appelle — et on reste dans le milieu de la santé, là — les déterminants de la santé, c'est-à-dire qu'il faut s'attendre à ce que les gens aient des logements qui ont de l'allure, qu'ils soient capables de se loger aussi, qui ont des revenus sur le bon sens du monde, qu'ils sont capables de subvenir à leurs besoins. On parle aussi au niveau, donc, de l'éducation, sensibilisation au niveau des gens, on parle au niveau de la nourriture, on parle au niveau des soins.

Donc, on touche à peu près à tout ce qui existe dans la société. Ça devrait être ça, la politique du vieillissement, et c'est ce qu'on ne fait pas actuellement, on travaille en silo, parce qu'on fait une chose pour les fonds de pension pour équilibrer, on fait une chose pour un système de santé sans avoir nécessairement une vision englobante de tout ça.

M. Barrette : Plus spécifiquement sur... Je vais... Parce que, là, il ne me reste pas beaucoup de temps... Parlez-moi de ce que vous trouvez qui manque actuellement en maintien à domicile.

M. Prud'homme (Danis) : Pardon? Excusez-moi.

M. Barrette : Parlez-moi, si vous pouvez — bien, dans le peu de temps qu'il me reste — de ce qu'il manque actuellement en maintien à domicile.

M. Prud'homme (Danis) : Bien, si vous regardez, quand on a soumis certaines choses par rapport au maintien à domicile... Par exemple, on ne peut pas actuellement assurer les services et les soins que les gens ont besoin. Et de un. Et, de deux, on sait que ça doit être les soins à domicile qui sont privilégiés, mais, quand on regarde au niveau du budget en santé, ce n'est pas la majorité des fonds qui sont dédiés aux soins à domicile, plutôt le contraire. Donc, déjà là, on parle des deux côtés de la bouche, là, quand on dit ça. Donc, ça, c'est déjà un gros problème.

L'autre problème, c'est qu'il y a un manque de coordination au niveau des différents soins qui sont donnés à domicile. Quand on parle de soins à domicile, on parle aussi de soins... parce qu'on s'en va par là, évidemment, quand, malheureusement, dans le processus, là, si on est malade ou...

Le Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Je dois malheureusement maintenant... malheureusement pour vous qui étiez à compléter votre réponse. Je cède la parole à la collègue députée de Taillon pour 11 min 30 s. Et dans l'échange vous pourrez compléter, je vous en prie, M. Prud'homme.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, M. Dupont, M. Prud'homme, Mme Bouchard. Donc, merci d'être là pour témoigner de ce qu'une grande partie de notre population au Québec a besoin, ce dont elle a besoin, je dirais, d'une façon urgente.

Et ce que j'essaie de... quand je décode de votre mémoire et de votre présentation, ce que vous dites, c'est qu'il y a déjà plusieurs éléments urgents à offrir à la population qui ont été ciblés, qui ont été démontrés. Et, au lieu d'aller vers la mise en vigueur de ces choses-là... Vous parlez, par exemple, là, de mourir dans la dignité, du maintien à domicile. Ces éléments-là sont déjà connus, on sait qu'ils auraient une valeur ajoutée immédiate si on commençait à les appliquer tout de suite, et donc au lieu de penser à ça on nous met une réforme pour laquelle on ne voit pas bien encore les garanties des améliorations, alors que ça, ça a vraiment été démontré au Québec mais aussi ailleurs dans le monde. Et donc ce qu'on constate, c'est qu'il y a peut-être juste tout simplement un manque de volonté d'appliquer et de rendre vivantes sur le terrain, pour les patients, pour les citoyens, des approches qui ont fait leurs preuves et qui seraient capables d'être déjà bénéfiques à la population.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre parler, là. Vous avez une phrase dans votre mémoire qui dit qu'au niveau des concepts de maintien à domicile, de mourir dans la dignité ou de vivre dans sa communauté, et ce, en santé, on sait que c'est important, on sait qu'il faut aller vers ça, mais il n'y a pas d'actions concrètes. Qu'est-ce que vous proposez comme actions concrètes qui pourraient déjà être en vigueur et qui aideraient concrètement les personnes âgées du Québec?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, écoutez, dans un premier temps, je pense qu'il faut le voir en vision de société. Oui, on a... Notre membership, c'est 50 ans et plus, oui, on a 350 000... plus de 350 000 membres, mais notre but aussi, c'est de voir à l'intergénération.

Donc, aujourd'hui, ce qu'on s'offre, on sait que ça devient pesant parce que ce n'est pas efficace par rapport au... si on parle de l'investissement par rapport au retour sur investissement qu'on a. Et de un. Et, de deux, on sait que, dans la démographie, la pyramide inversée qui est commencée, sans vouloir jouer sur les mots ou faire peur au monde, là, ce n'est pas le but, mais on sait qu'à ce moment-là les revenus vont changer aussi par rapport aux gens. Et là, nous, vraiment, notre préoccupation, c'est de s'assurer que notre système soit viable pour les 40 prochaines années, donc ceux qui sont dedans actuellement, les aînés qui en ont besoin comme les jeunes, et ceux qui seront dedans dans 40 ans, parce qu'on va évoluer par rapport à la démographie. Ceci étant dit, quand on regarde ça, quand on touche... Et on a été en commission parlementaire ici, là, pour les soins palliatifs, les soins de fin de vie. Donc, on en a pour — et on ne jouera pas sur les chiffres — environ 20 %. Mettez-en 30 %, mettez-en 40 % s'il faut, il y en a quand même 60 % qui manque de ça à ce moment-ci.

Si on parle de soins à domicile, on n'est pas capables de les rendre comme il faut. Si on parle de gens qui ont besoin des proches aidants, on ne les reconnaît pas comme du monde, ils ont de la misère, et c'est eux qui se brûlent eux-mêmes et qui finissent, dans certains cas, par mourir avant l'aidé. Sinon, ils vont mourir après parce qu'ils sont brûlés. Ils n'ont pas les moyens, parce que, quand ils arrêtent pour aider les gens, la société ne reconnaît pas que ces gens-là, ce sont des proches aidants, donc elle coupe leur salaire, coupe leur pension future. Vous voyez? C'est un cercle vicieux, là.

Et le but n'est pas de critiquer, le but est d'essayer de bâtir là-dessus. Mais, pour savoir comment on doit faire ça et mettre les lacunes qu'on connaît aujourd'hui en place, bien, il faut toujours bien se donner une vision de qu'est-ce qu'on veut comme société. Il faut toujours bien savoir à quel endroit on va mettre les investissements, qu'est-ce que la population veut. C'est important de savoir ce qu'elle veut, la population. Ce n'est pas juste une... quelques centaines de personnes qui décident ce qu'une population veut pour 40 ans. Oui, on a élu des gens au pouvoir, mais, quand même, quand on parle de modifications de société majeures, il faut inclure la société. Et souvent c'est ce qu'on ne va pas faire comme il faut ou pas à plein, sous prétexte qu'on doit sauver du temps, sous prétexte que ça va coûter cher.

En tout cas, comme gestionnaire, moi, je peux vous dire que, quand je soumets des plans ou des restructurations, je suis bien mieux d'avoir un plan solide en arrière pour que mon conseil d'administration l'accepte... sans avoir tous les détails, parce qu'on doit faire une certaine confiance, je suis d'accord, mais on sait quand même ce qui ne va pas comme lacune, mais on ne l'aborde pas actuellement.

Mme Lamarre : Alors, dans le projet de loi n° 10, vous ne voyez pas vraiment le plan d'action complet, hein? C'est un peu ça que vous nous dites. Il y a un morceau, là, le ministre appelle ça le squelette, mais on a de la difficulté à anticiper qu'est-ce qui... comment ça va se concrétiser pour les citoyens, qu'est-ce que ça va changer dans le quotidien des gens.

Juste vous dire par contre, au niveau des soins palliatifs, il y a quand même pas mal d'améliorations qui ont été apportées. On est à 90 % de l'atteinte des objectifs. Mais les gens veulent de plus en plus mourir à domicile, et là je pense qu'on a effectivement des choses à préparer, à planifier pour qu'on puisse vraiment répondre à leurs besoins. Et je vous dirais qu'à l'intérieur de ces besoins-là que la population exprime il y a également des enjeux qui ont un impact économique. C'est-à-dire qu'un patient qui meurt à domicile, eh bien, il y a finalement des économies, jusqu'à un certain point. C'est triste d'aborder cet enjeu-là, mais, puisqu'il faut en parler, il y a effectivement une façon de présenter les choses et d'actualiser les choses pour plusieurs mesures. Quand on voit le recours à l'urgence qui coûte beaucoup plus cher que de bien organiser une première ligne ou de favoriser le soutien à domicile, il y a des économies à réaliser si on le fait bien et de façon planifiée. Et là on voit qu'on ne s'attarde pas à ces objectifs-là du tout actuellement dans le projet de loi n° 10, on travaille à modifier des structures et on... Votre historique et ce dont beaucoup de gens ont témoigné, c'est que ce réaménagement-là non seulement n'accélère pas le processus, mais le ralentit et le paralyse pendant des années.

Alors là, ce que vous nous dites, c'est qu'il y a une urgence, il y a une urgence. Et donc les personnes que vous représentez, ce sont quoi, leurs urgences à elles?

M. Prud'homme (Danis) : En fait, vous en avez plusieurs. Si on parle de soins à domicile, si on parle des proches aidants, on retrouve ces gens-là dans notre créneau d'âge, les 50 ans et plus. On sait que les proches aidants, c'est majoritairement des femmes de 60 ans et plus environ, donc parmi les plus pauvres actuellement, si on parle des 65 ans et plus dans la population... ce sont les femmes.

Donc, quand, tout à l'heure, on parlait des déterminants de la santé, on parle de revenus, on parle de logement, on parle d'aide et de soutien. Quand on parle de maintien à domicile, c'est ce qu'on n'a pas. On pourrait aborder les taxes foncières, parce que les gens doivent quitter leur domicile parce que ça monte en fou, les taxes. Pas parce qu'ils ont fait des châteaux ou des... mais parce que les maisons autour, c'est rendu des châteaux.

Donc, on a comme un manque de vision de dire : On sait que ça coûte moins cher rester à domicile, mais on les envoie de leur domicile parce qu'ils ne peuvent plus payer leurs taxes, puis on ne va pas modifier notre façon de faire la taxation foncière. Voyez-vous, là? À ce niveau-là, on touche ça. À l'autre niveau, on touche au niveau des revenus minimaux. Au niveau... On est en train de réviser la façon de faire des fonds de pension tout en n'essayant pas de voir comment on pourrait, au lieu, dire : Comment on peut faire pour que tout le monde ait des revenus viables lorsqu'ils arrivent à 65 ans?, ce qui n'est pas le cas actuellement et ce qui est loin d'être le cas.

• (12 heures) •

Mme Lamarre : ...sous la lorgnette de l'austérité. Je vais laisser la parole à mes deux collègues, qui auraient une question à vous poser. Il ne nous reste pas beaucoup de minutes, malheureusement, alors on va aller plus rapidement.

M. Lisée : D'accord. Merci, M. Dupont, M. Prud'homme, Mme Bouchard. Vous dites deux choses essentielles. Bien, la première, effectivement, comme ma collègue de Taillon le dit, vous dites : «Il y a une incompatibilité à voir tous les problèmes du réseau par la lorgnette de l'austérité. Les priorités du Conseil du trésor ne doivent pas primer sur l'état de santé des Québécois.» Il faut bien répéter, là, que l'opération qui est en cours, de fusion, a des objectifs administratifs, mais aussi des objectifs de trouver 200 millions de dollars qui ne seront pas remis dans les soins, mais qui seront remis au président du Conseil du trésor. D'ailleurs, l'urgence, la raison pour laquelle ils veulent faire ça vite, c'est parce qu'ils ont besoin d'argent vite. Il y a des gens qui sont venus dire ici qu'il n'y aurait pas un sou trouvé là-dedans parce que ce genre de fusion ne génère pas des économies.

Mais, quand vous dites : «À quand la mise en place de mesures concrètes permettant aux acteurs de la première ligne de fournir ces services de façon optimale?», est-ce que, par rapport à ce qui avait été présenté par Réjean Hébert sur les soins à domicile... Est-ce que vous considérez qu'il y a une volonté politique actuelle d'avancer rapidement sur ce terrain, comme c'était le cas lorsque Réjean était ministre?

M. Prud'homme (Danis) : Écoutez, si on parle de maintien à domicile puis de volonté, c'est sûr que, dans un cas, on pourrait voir qu'une restructuration est nécessaire, mais nous, on a besoin de voir où l'usager se situe là-dedans. Ça, c'est la première chose, et ce qu'on ne voit pas actuellement. De l'autre côté, quand on parle de maintien à domicile et de volonté, c'est une chose, mais l'autre aussi, dans ce cas-là, il faut démontrer ce qu'il en est, et quels sont les moyens qu'on a pour assurer ça, et surtout avec la façon avec laquelle on va le faire.

Voyez-vous, on est un peu, dans les deux cas, on va le dire, entre l'arbre et l'écorce, parce que, d'un bord, on veut restructurer pour bien agir, pour arriver à donner ce qu'on veut... ce qu'on devrait, mais nous, on ne le voit pas nécessairement — puis plein d'autres, d'ailleurs — et, de l'autre côté, on parle de mettre un programme au niveau du maintien à domicile, où là aussi on avait un peu de difficulté à voir, par rapport aux sommes investies, qui étaient loin d'être nécessaires, comment on pourrait y arriver à long terme. Donc, il y a un peu des deux, là.

M. Lisée : Je disais qu'il y a une différence de priorités. Notre priorité, au gouvernement Marois, c'était le virage des soins à domicile; la priorité du gouvernement actuel, c'est de fusionner les structures... collègue.

M. LeBel : Moi, je vous ai entendus aussi en... Bonjour, tout le monde. Je vous ai entendus en commission sur le projet de loi n° 3, sur les régimes de retraite. Vous étiez assez durs envers le gouvernement sur sa vision puis vous parliez d'appauvrissement des aînés, et tout ça, puis là... Mais la décision semble assez prise, là, par le gouvernement, malheureusement, et là, par rapport au projet de loi n° 10, le ministre répète souvent : C'est un squelette, on verra pour ajouter les affaires, on verra plus tard, faites-moi confiance. Il y a, dans d'autres domaines aussi, des interventions du gouvernement actuellement, dans le développement local, régional, entre autres, là, qui sèment certaines inquiétudes au niveau des aînés. Je parle des tables régionales des aînés au niveau... Ça fait que je vois qu'il y a beaucoup d'inquiétudes.

Est-ce que la politique nationale du vieillissement... Parce que, la politique nationale, je comprends que ça peut être... ça va toucher la santé, ça devrait toucher la santé, le logement, le revenu, les loisirs, il y a des enjeux économiques, c'est large, votre... puis je pense que c'est majeur, il faudrait y aller vers ça. Mais, après toutes ces interventions-là, est-ce qu'on peut croire qu'une telle politique... Après toutes les décisions qui semblent assez prises, est-ce qu'on peut croire que ça vaut la peine encore de lancer une réflexion sur une politique nationale du vieillissement? J'ai l'impression qu'on prend des décisions avant d'avoir fait la réflexion.

M. Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, c'est un peu ce qu'on disait au niveau de dire : La consultation doit se faire comme il faut, avec les bons acteurs, qui est la société, parce que c'est nous qui allons vivre les 30, 40 prochaines années. Donc, de ce côté-là, ce qu'on doit faire, c'est s'assurer que... Qu'est-ce qu'on veut se donner, comme société? Et ça, c'est les citoyens qui peuvent répondre à ça. Qu'est-ce qu'on veut se donner comme revenus à 65 ans? Quels sont... Si on parle de la Régie des rentes qu'on veut bonifier, comme nous, on le demande, à 50 %, avec différents leviers... On sait que ça ne sera pas demain matin que ça va se produire, là, mais, quand même, ça, c'est une mesure concrète pour assurer que les gens vont avoir quelque chose.

Si on parle de maintien à domicile, il y a des solutions actuelles que plein d'organisations similaires à la nôtre, avec lesquelles on travaille... on peut mettre de l'avant et on peut vous donner un coup de main. Parce que notre but à nous est de s'assurer que ça marche.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Prud'homme. Merci beaucoup. On va maintenant céder la parole au collègue député de La Peltrie pour une période de 7 min 30 s.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci pour votre présentation aujourd'hui. J'entends vos préoccupations, puis, en lisant votre mémoire, il y a des éléments sur lesquels j'avais besoin peut-être de certaines précisions. Parce que vous dites notamment que, bon, c'est une refonte administrative qui va éliminer des structures sans doute superflues, donc je pense qu'il y a une admission, là, qu'il y a peut-être un trop grand nombre de structures dans le réseau de la santé, structures qui amènent, à mon avis... puis je veux vous entendre là-dessus... qui ont des conséquences, hein, une surbureaucratisation et donc monopolisation de ressources à des fins autres que des services. Je parle de ressources humaines, je parle de ressources financières, évidemment.

Donc, les conséquences... puis vous semblez les dissocier un peu de la prestation de services, mais les conséquences sur la prestation de services, elles sont réelles. Et vous, vous semblez faire une distinction parce que vous dites plus loin : On devrait plutôt s'attaquer aux problèmes que sont les problèmes de rupture de service sur la première ligne, puis vous donnez une série d'exemples. Donc, j'aimerais vous entendre, là. Comment dissociez-vous cette structure-là, qui monopolise nécessairement des ressources humaines et financières, de la prestation de services, à laquelle vous dites : On doit s'attaquer plus particulièrement?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, je pense qu'il y a plusieurs façons de le voir. Dans un premier temps, on sait que chacune des ressources qu'on met sur le terrain, comme gestionnaires, doit apporter un service additionnel à notre client, quelle que soit l'entreprise. Actuellement, ce n'est peut-être pas toujours le cas. C'est peut-être comme ça qu'on le voit quand on parle d'une structure, mais, nonobstant ça, il faut faire attention. Le gouvernement, je l'ai dit tout à l'heure, est un moteur pour l'économie. C'est lui qui crée, là... qui fait que ça va rouler comme il faut, rondement.

Quand on pense... En ce moment, on a un peu... Et c'est la vision qui est lancée, là. Je ne dis pas que c'est nécessairement ça que les gens ont comme vision au niveau des gouvernements, mais ça semble dire que notre État, nos fonctionnaires ne sont pas aussi efficaces que le privé, ça fait qu'on va les couper, on va les restructurer. Mais il faut faire attention parce que ce niveau-là qu'on a actuellement, qu'on a créé, il faut l'analyser comme il faut avant de dire qu'il faut le couper puis qu'il n'est pas efficace, et de un. Et de deux, c'est quand même à peu près, quoi, 30 %, 40 % du produit intérieur brut, ces gens-là qu'on a actuellement? Ça fait que c'est sûr que, si on va jouer là-dedans, là, ça va affecter l'économie en général.

Je vais vous dire où j'en viens. C'est que, quand on a vécu la crise en 2008, là, c'était l'industrie privée qui a créé la crise. Les gouvernements, tous mis en semble, au niveau canadien, ont octroyé plus de 70 milliards de dollars pour soutenir l'industrie privée. Combien on donne aujourd'hui pour soutenir l'industrie publique, pour s'assurer qu'elle fonctionne bien, pour la valoriser, pour que les services soient mis en place? Il ne faut pas jouer deux poids, deux mesures, là. C'est un peu de ça qu'on parle, de structures, il faut faire attention. Et de l'autre côté, les soins, on est d'accord : chaque ressource additionnelle, chaque sou additionnel qu'on va nous demander — parce qu'on nous en demande déjà pas mal, merci, là — ça devrait donner un service sur le terrain, et non pas quelque chose d'autre.

M. Caire : Mais, en lisant votre mémoire, la compréhension que j'ai de ce que vous nous dites, c'est que le système actuel échoue. Vous parlez de rupture de services, vous parlez de... bon, conditions des aînés qui sont loin d'être optimales au niveau de la prestation de services. Donc, vous êtes d'accord pour dire que le système actuel échoue à traiter nos aînés correctement. Je vais répondre en partie à votre question. Le budget de la santé, c'est quoi? 37 milliards, quelque chose comme ça?

Une voix : ...

M. Caire : Oui, 32, 33 milliards, en tout cas, 44 % du budget de la province. J'imagine que vous êtes d'accord avec moi qu'on doit être plus exigeants envers notre système que ce que le système nous offre présentement. Puis sans tomber, là, dans les débats... Le public, le privé : vous avez votre opinion, le ministre a la sienne, j'ai la mienne. Mais ne serait-ce que sur ce qui nous unit tous, d'avoir un système qui est performant, on va s'entendre que, si on constate... et ça a été constaté à de nombreuses reprises, notamment, par le Vérificateur général : il y a trop de paliers administratifs. Certains sont hautement questionnables quant à leur pertinence et leur efficacité. C'était le cas des agences de santé, notamment.

Donc, je repose un petit peu ma question parce que, dans le fond, si on abolit ce palier-là, et... bon, est-ce que le ministre va trop loin dans la centralisation, peut-être ça? Mais, dans l'objectif de libérer des ressources, d'intégrer les services, donc d'augmenter la prestation de services et d'augmenter les ressources en première ligne, vous ne voyez pas ça d'un bon oeil?

M. Prud'homme (Danis) : Enfin, on voit d'un bon oeil de s'assurer qu'il y ait davantage de services sur le terrain. Ce qu'on a de la difficulté à voir, comme je disais tout à l'heure, c'est comment ça va nous donner ces services-là. On peut comprendre qu'on a besoin — et je le redis — d'une restructuration administrative, mais ça prend un plan en dessous pour savoir, ça, ça va apporter quoi sur le terrain. Ça, on ne le sait pas, et, comme gestionnaire, si je présentais ça à mon conseil, ce serait non reçu. Donc, j'ai besoin... on a besoin de savoir plus pour appuyer. On s'entend, là.

• (12 h 10) •

M. Caire : Si je traduis ce que vous me dites... Vous dites : Écoutez, ce qu'on ne voit pas là-dedans, c'est des objectifs au niveau de la performance de la prestation de services. On ne voit pas ces objectifs-là dans le projet de loi. Donc, on voit un peu l'aspect général, mais les objectifs sont loin d'être clairs. C'est ça que vous nous dites?

M. Prud'homme (Danis) : On a de la difficulté à voir que l'usager va être mis comme point central, il va recevoir davantage de services qu'il a actuellement, oui, on a de la difficulté à voir ça, et de un. Et de deux, avant de couper des structures — on est d'accord qu'il pourrait y en avoir trop, de structures — il faut toujours bien savoir comment elles fonctionnent, à quoi elles servent, et, s'il y en a qui servent à la coordination, ce n'est peut-être pas des soins sur le terrain, mais ça aide à ce que les soins se rendent sur le terrain. On a déjà une lacune en coordination. Avec des superstructures, on est loin de penser que la coordination va être encore mieux. Donc, voyez-vous, il y a des deux côtés, là.

M. Caire : Diriez-vous qu'il manque peut-être un certain volet de gestion plus localisée, d'une part? Et, d'autre part, est-ce que vous ne voyez pas d'un bon oeil le fait de justement... Puis je donne toujours les mêmes exemples : par exemple, tout ce qui s'appelle comptabilité, systèmes informatiques, ressources humaines, est-ce qu'il n'y a pas des gains d'efficacité justement à aller chercher en les regroupant dans une structure plus importante? Parce qu'on nous a dit à de nombreuses reprises... Notamment au niveau de la gestion des systèmes informatiques, un des problèmes du réseau — qui, à mon avis, est probablement le plus grand défi du ministre — c'est la multiplicité des petits systèmes d'information qui ne se parlent pas, qui amène des lacunes informationnelles épouvantables. Donc, en ayant une structure plus large, mieux intégrée, vous ne pensez pas, comme gestionnaires, justement qu'on peut aller chercher des gains d'efficacité appréciables?

M. Prud'homme (Danis) : Je pense qu'il y a une... ça se pourrait, oui, mais il y a quand même une différence entre une structure de communication et une structure... de la communication organisationnelle ou structurelle, là, comme on dit, par rapport à une structure fonctionnelle qui donne les services sur le terrain. Il faut dissocier les deux.

Une voix : ...

M. Caire : Comment? C'est fini?

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Caire : Déjà? Ah...

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Nous allons maintenant céder la parole à la collègue députée de Gouin pour un bloc de trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Vous conviendrez que trois minutes, ce n'est pas très long, alors on va essayer d'y aller rondement. Mais je veux faire du pouce sur ce que mon collègue de la Coalition avenir Québec vous posait comme question, parce que c'est ça qui m'intéressait, moi aussi. Dans votre mémoire, vous dites que les services de proximité sont difficiles à obtenir, l'accès proprement dit aux services de santé, la main-d'oeuvre qui s'essouffle, la coordination déficiente. Bon, pour vous, ce sont des exemples criants de bris de services. Vous le qualifiez comme ça.

Donc, la question que j'ai envie de vous poser, c'est... Le ministre, lui, nous dit : En ayant une structure centralisée dans chacune des régions, il va y avoir une fluidité dans l'organisation des services. Justement, les gens, qu'ils soient aînés ou non, vont pouvoir passer facilement de la première à la deuxième ligne. Ça va être mieux coordonné, donc normalement plus efficace. Mais vous, vous semblez dire dans votre mémoire : Non, la solution n'est pas là, et visiblement vous êtes inquiets que les communautés ne puissent plus avoir aucun palier décisionnel. Alors, j'aimerais ça que vous précisiez votre pensée là-dessus. Trouvez-vous qu'effectivement le passage de la première ligne à la deuxième manque de fluidité? Pensez-vous qu'une structure centralisée — régionalement, on s'entend, mais sous la haute direction du ministre — répond à ça? Auriez-vous préféré un renforcement des structures décisionnelles de proximité?

M. Prud'homme (Danis) : En fait, si on regarde les besoins actuels, nous, on pense que l'usager, s'il est mis au coeur de tout ce qui se passe par rapport à lui, ça prend des structures locales au niveau des décisions par rapport à ses soins. Ça n'empêche pas d'avoir des encadrements de niveau régional et des supraencadrements de niveau provincial. Je pense que toute organisation, la nôtre en premier... On a un bureau provincial, 16 bureaux régionaux et 840 bureaux locaux. On est capables de fonctionner. On a des structures centrales, mais on a quand même un processus décisionnel décentralisé. Je ne réinvente pas la roue, là. Il y a plein de gens qui font ça, il y a plein d'entreprises qui font ça et il y a plein de façons de faire ça.

Donc, nous, on veut s'assurer que ce soit l'usager qui bénéficie, que sa décision soit dans ses mains, donc locale, et qu'il y ait un encadrement, bien entendu. Parce que, là, ce qu'on voit, c'est des soins qui ne sont pas égaux d'une région à l'autre ou même d'une localité à l'autre, des services offerts dans une, mais pas offerts dans l'autre. Ça, c'est des choses qu'il faut régler par des encadrements, pas par des... En tout cas, on ne le voit pas, dans le projet actuel, que ça va régler ces problèmes-là actuellement, parce que la décision ne sera plus locale.

Mme David (Gouin) : O.K. Est-ce qu'il me reste quelques instants?

Le Président (M. Tanguay) : 20 secondes.

Mme David (Gouin) : O.K. Mais est-ce que, avec toutes les personnes que vous rencontrez — vous avez énormément de membres — est-ce qu'on vous parle de ce problème de la difficulté de passer de la première à la deuxième ligne ou si le problème principal qui est noté par vos membres, c'est l'accès à la première ligne?

M. Prud'homme (Danis) : En fait, il y a les deux. L'accès, premièrement, à notre système comme tel, si on a besoin d'y accéder. Ça, c'est très difficile, avec, selon le cas, plusieurs mois d'attente dans certains cas, même, et ça, c'est une chose. La deuxième chose, c'est la coordination au niveau du continuum. Ça aussi, c'est un problème. Donc, on a les deux.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux échanges avec les parlementaires. Alors, je remercie les représentants et représentantes du réseau FADOQ. Et j'invite maintenant les représentants du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes à prendre place et je suspends momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 12 h 25)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Avant d'entendre la prochaine représentante, je demanderais aux collègues le consentement pour dépasser l'heure prévue des commissions. Alors, est-ce que nous avons le consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre la représentante du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes. Vous disposez évidemment de 10 minutes de présentation. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer de bien vous identifier pour les fins d'enregistrement dès le départ, et, par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Réseau québécois d'action pour la
santé des femmes (RQASF)

Mme Assayag (Lydya) : Parfait. Merci, M. le Président. Je m'appelle Lydya Assayag et je suis la directrice du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes, le RQASF pour les intimes. Et je viens ici vous proposer la vision, la position de notre réseau par rapport au projet de loi n° 10 et, par ricochet, par rapport à la réforme en cours, puisque ce projet de loi n'est pas seulement... est une position administrative, certes, courageuse, certes, mais touche bien au-delà d'une mesure administrative.

Alors, premièrement, qui sommes-nous? Nous existons depuis 20 ans. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui fait la promotion de la prévention et de l'amélioration de la condition de vie des femmes. Nous avons des groupes partout au Québec dans les 17 régions, qui eux-mêmes ont des membres, qui eux-mêmes donnent des services aux femmes. Ça peut être des centres de service, des centres de santé, des sages-femmes, des syndicats de corps professionnels, des médecins, bref, quiconque est intéressé par l'amélioration de la vie des femmes. Nous faisons surtout beaucoup de promotion et de sensibilisation.

Et nous sommes là devant vous aujourd'hui pour vous dire que nous sommes très inquiètes. Pourquoi très inquiètes? Parce que, comme il en est fait état dans notre mémoire, les femmes et la santé sont intimement liées, à beaucoup de raisons dont je vais revenir plus tard, si les 10 minutes me permettent. Et, étant donné l'état déjà actuel de la santé des femmes, étant donné l'état actuel du réseau de la santé, étant donné que peu ou très peu d'évaluations ont été faites par rapport au système de santé actuel, nous sommes très inquiètes pour les générations futures, aussi, de l'impact de ce projet de loi.

Donc, si vous me le permettez, je vais très brièvement dresser un tableau de pourquoi les femmes sont inquiètes. Et, quand je dis «les femmes», on s'entend évidemment qu'il y a une diversité totale de femmes, mais qu'il y a quand même des liens communs. Premièrement, femmes et santé. Depuis le début de l'humanité — sinon, on ne serait pas là aujourd'hui — les femmes soignent, elles soignent dans l'informel, ce sont les proches aidantes, 75 %, sinon plus. Elles soignent dans l'informel auprès des enfants, majoritairement auprès des enfants, auprès des conjoints, conjointes, des amis, des proches, enfin, bref, je pense que nul n'est besoin de le prouver devant cette commission. Deuxièmement, elles représentent 82 % du personnel de la santé, ce qui n'est quand même pas rien. Donc, il y a une longue tradition des femmes, et ça, de façon... pour l'histoire de l'humanité, pas juste ici, à l'effet d'une relation intime entre le fait de prendre soin dans le sens large et le fait de soigner et les femmes.

Deuxième élément majoritaire, c'est que les femmes sont les principales utilisatrices du système, donc forcément toute réforme, administrative ou pas, les affecte particulièrement. Comment elles en sont les principales utilisatrices? D'abord, par leur vie reproductrice et aussi pour toutes... Elles consomment plus de médicaments, elles ont plus de maladies chroniques, elles sont beaucoup plus médicalisées dans les actes naturels de leurs vies : accouchement, ménopause, etc. Donc, par conséquent, dès qu'on touche ne serait-ce qu'un iota au système de santé ou à la santé, on touche en double les femmes.

Troisième effet majeur, c'est que, si on applique les déterminants sociaux de santé, et les gens avant moi, la FADOQ vous en avait fait état, comme d'autres personnes aussi devant vous... Si on applique les déterminants de santé, c'est-à-dire les conditions de vie qui déterminent la santé d'une population en général, telles que reconnues par l'OMS et telles que reconnues par la science de la santé publique depuis la révolution industrielle, si on prend les déterminants un à un... Je ne ferai pas tout cet exercice-là, au risque de vous endormir, mais, si on prend les principaux déterminants de la santé et qu'on les applique dans une analyse comparative hommes-femmes dans notre société aujourd'hui, bien, les femmes en sortent beaucoup plus vulnérables, en termes de leur santé, que les hommes.

• (12 h 30) •

On parle du premier déterminant : la paix. Vous allez dire : On n'est pas en zone de guerre. Non, on n'est pas en zone de guerre, mais il existe une guerre informelle larvée qui... les victimes... qui est la violence faite aux femmes, et, bon, il suffit de lire les journaux récemment pour avoir une idée de l'ampleur de ce phénomène. Deuxièmement, un autre déterminant majeur : la situation socioéconomique. Les chiffres sont... De quelque façon qu'on le prend, travail égal, salaire égal, surreprésentation de chefs de familles monoparentales, différences de salaires pour un même niveau d'éducation, enfin, etc., emplois précaires, il y a eu de nettes améliorations heureusement, mais il y a encore un écart assez considérable entre la situation économique des hommes et des femmes, et ce dont ont parlé un peu avant moi la FADOQ aussi.

Autre déterminant de santé : le pouvoir. Il est reconnu que le fait d'avoir du pouvoir sur sa vie... bon, aussi illusoire que le pouvoir peut être, mais le fait d'avoir au moins le sentiment d'avoir du pouvoir sur sa vie est un facteur majeur de santé, et le pouvoir... Bon, il y a beaucoup de définitions du pouvoir, mais une des définitions généralement acceptées, c'est la participation aux lieux institutionnels de pouvoir, donc on parle députés, ministères, administrations locales, et il y a encore une sous-représentation des femmes à ce niveau-là.

Et finalement le dernier déterminant de santé, qui est le cumul des rôles sociaux dont j'aimerais pouvoir revenir un peu plus, qui est le fait de jongler constamment, constamment avec de multiples rôles. Les hommes ont aussi de multiples rôles, mais le poids des rôles socioféminins est particulièrement élevé : travailleuses, mères, soignantes, principales responsables des charges domestiques encore aujourd'hui, proches aidantes, etc. Tout ça ensemble fait que tout ce qui touche santé touche encore plus les femmes. Ça, c'était pour la mise en contexte.

Maintenant, si on s'attarde un peu particulièrement à la réforme, la réforme qui est proposée... À notre humble avis, cette réforme va plutôt provoquer des coûts additionnels, coûts humains et financiers, que des économies. Bien que les buts en sont fort louables, et nous partageons tout à fait les buts — nous partageons l'urgence de faire une réforme et nous saluons le courage de vouloir réformer le système de santé — néanmoins, selon l'état des connaissances en santé publique, tout porte à croire que les moyens utilisés pour atteindre ces objectifs ne semblent pas adéquats.

Première chose : la prévention. Je sais qu'ici on ne parle que du projet de loi n° 10. Néanmoins, il y a différentes mesures qui sont déjà en place, comme par exemple une coupure de 30 % d'un budget de santé qui est déjà famélique, de 2 % de tout le budget de la santé et de la prévention. Déjà, couper dans la prévention, c'est s'attirer des problèmes financiers puisque l'on sait qu'il vaut mieux prévenir que guérir, aussi bien en termes humains qu'en termes financiers.

Deuxièmement, la médicalisation. Nous sommes dans une société où la réponse à la grande majorité des problèmes de santé, santé mentale, santé physique, systèmes sociaux, se répond par un médicament. Il y a beaucoup d'explications, il y a beaucoup de raisons là-dessus que je pourrai élaborer si ça vous intéresse, mais le fait est qu'on médicalise énormément de problèmes sociaux, et ça, ça a un coût, ça a un immense coût, en termes de médicaments — il ne faut pas oublier qu'ils ont doublé depuis 20 ans — en termes d'utilisation des services et en termes surtout du fait qu'on ne règle pas les problèmes. Donc, si on ne s'attaque pas à ce problème majeur, il est évident que les coûts vont continuer à augmenter, coûts qui sont déjà disproportionnés par rapport à d'autres systèmes de santé.

Autre volet qui nous fait croire que, malheureusement, la réforme n'atteindra pas les objectifs qu'elle s'est donnés, c'est le mode de rémunération des médecins, qui est actuellement à peu près... vous pourrez me corriger si mes chiffres ne sont pas exacts, mais à peu près un quart du budget de la santé, qui est lui-même à peu près 40 % du budget de la province. Donc, c'est quand même quelque chose de majeur. C'est possible qu'il y ait une réforme qui s'en vient dans le futur, je ne sais pas, mais, à date, rien ne nous indique qu'une réforme majeure de la rémunération des médecins va avoir lieu.

Et finalement le dernier thème qui nous fait croire que cette réforme n'atteindra pas ses objectifs, qu'au contraire elle va à l'encontre de ses objectifs, c'est la question d'accessibilité. Je ne suis pas la première à être devant vous aujourd'hui à vous parler du fait qu'il y a un problème d'accessibilité des services. Je sais que vous en êtes parfaitement conscients, et il se pose de façon particulièrement criante pour les femmes pour les raisons que je vous ai indiquées tout avant. J'en ai cité quelques exemples, mais je pourrais vous en donner beaucoup d'autres, si ça vous intéresse, puisque nous sommes présentes sur le terrain, rappelons-le, dans toutes les régions du Québec. Donc nous savons qu'est-ce qui se passe sur le terrain, donc on est très au courant de cette réalité. Et d'autres que nous, comme le Protecteur du citoyen, comme d'autres signataires de mémoires, ont constaté l'effritement lent et graduel de l'accessibilité des services au Québec. La notion d'accessibilité et d'universalité est déjà beaucoup en brèche. Or, d'après l'état des connaissances en santé publique, des mesures administratives proposées n'ont pas de lien avec l'accessibilité des services. Et, à cet effet-là, je vous réfère au mémoire dont nous reprenons à notre part l'analyse et les conclusions de l'équipe de M. Contandriopoulos — j'espère que je n'ai pas massacré son nom — qui fait un état des connaissances en la matière sur la compression horizontale des structures, sur la concentration de pouvoirs au niveau central, etc., et qui reprend les différentes mesures proposées, et qui fait une démonstration, je pense, convaincante. Mais j'ai d'autres arguments, si vous en avez besoin, à l'effet que cette structure-là ne va pas répondre aux objectifs.

Alors, en gros, si je me permets juste un mot, d'une part, c'est que le travail que vous avez en tant que commissaires, je pense que c'est très important parce qu'on parle du futur des générations, et donc ce n'est pas à la légère qu'il faut mesurer les impacts du projet de loi qu'il y a devant nous... Et je tiens à rappeler que le premier rôle d'un intervenant de santé, ce n'est pas de guérir, c'est d'abord de ne pas nuire. Or, à notre humble avis, le projet de loi proposé va nuire. Je vous remercie.

Le Président (M. Tanguay) : Merci pour votre présentation. Vous avez excédé de 1 min 30 s, que le ministre a bien voulu évidemment vous accorder. Alors, M. le ministre, pour la période d'échange, cela vous laisse un bloc de 17 min 30 s.

M. Barrette : Alors, merci, M. le Président. Mme Assayag, bienvenue. Je dois avouer que votre présentation était très intéressante et très articulée. Ceci dit, vous avez fait une présentation qui était très globale et, à la limite, je ne dirais pas philosophique, mais vous avez embrassé le thème de la santé au sens très large du terme. J'ai envie de vous demander, là, si vous avez des commentaires spécifiques au projet de loi et des demandes à nous faire spécifiques au projet de loi parce que la présentation que vous avez faite, très intéressante, m'apparaît une dissertation sur notre système de santé et sur la philosophie qu'on devrait avoir en Occident sur la desserte de soins ainsi que sur la prévention, et ce à quoi je souscris abondamment. C'est une discussion qui est très intéressante, mais, dans cette commission qui vise essentiellement à l'analyse et la critique du projet de loi n° 10, avez-vous quelque chose de plus spécifique à nous proposer?

Mme Assayag (Lydya) : Oui, j'ai beaucoup de choses plus spécifiques à vous proposer. D'abord, la santé, c'est un tout. Donc, je comprends que le mandat de la commission est limité à un projet de loi n° 10, mais ne parler que d'une loi n° 10 hors contexte ne permet pas d'en mesurer ses impacts. Donc, oui, il y a une proposition de réforme, mais on ne pourrait pas parler de modification de structures si on ne parle pas de ce qu'il y avait avant. Donc, il est difficile de pouvoir commenter les articles du projet de loi si on ne parle pas de la situation actuelle, et moi, je suis tentée de dresser un portrait de la situation actuelle.

Je comprends, je partage votre point de vue à l'effet que c'est très méga, mais c'est parce que, sous-jacent à ce projet de loi, on ne sent pas une vision de la santé, et le problème du système de santé depuis déjà plusieurs décennies, c'est cette absence de vision de santé. Et, si on se réfère aux autres systèmes — parce qu'on n'est pas les seuls évidemment à essayer d'avoir un système de santé performant et d'avoir un système de santé qui répond aux besoins de la population — les autres pays qui ont tenté de modifier des réformes, on peut voir que ce qui fonctionne, c'est d'avoir une vision. C'est pour ça que je me suis permis de prendre du temps, de parler de la vision parce que, sans cette vision et cette direction, toute tentative risque d'échouer à court terme. Et nous sommes préoccupés par le long terme parce que c'est le long terme que la population va suivre, et non pas le court terme. C'est pour ça qu'il y a cette vision globale.

Par rapport aux structures particulières de centralisation, je vous réfère au mémoire qui s'intitule Analyse logique des effets prévisibles du projet de loi n° 10 et autres avenues d'intervention, présenté par M. Damien Contandriopoulos, qui s'articule en trois volets. La première, qui mentionne qu'en parlant d'efficience il est fort improbable que l'augmentation des coûts... il y aura une augmentation des coûts administratifs — c'est normal, toute réforme implique une certaine modification — et que, pendant le temps où la modification va être incorporée, les coûts administratifs, les coûts humains, bien, ne vont pas être détournés aux soins, vont être détournés à la réforme, alors qu'on n'a pas encore terminé l'ancienne réforme... et en faire le bilan.

Le deuxième élément que je me permettrais de soumettre à votre attention, c'est la question des fusions. Les fusions administratives — et de l'aplatissement de la structure — fonctionnent quand il s'agit de... pour faire des économies d'échelle, quand ils fonctionnent avec des petits établissements. Or, beaucoup des établissements de la province ne sont pas des petits établissements et donc, par conséquent, les coûts qu'on espère, enfin, gagner de cette réforme semblent peu probables. C'est la même chose pour les fusions. Les fusions des établissements, c'est surtout... Ce qui est proposé par la réforme, ce sont des fusions hybrides. C'est à la fois horizontal... beaucoup d'établissements, horizontal, et une certaine complexion au niveau vertical. Or, il y a peu à atteindre... selon les expériences passées d'autres pays et qu'on peut observer, il y a peu à atteindre des fusions horizontales.

Et finalement le but de la loi sur la santé et les services sociaux, c'est des services... de mettre le patient au coeur des soins. Or, ce projet de loi s'attaque aux structures et non pas aux services des patients. Donc, on ne voit pas le lien entre la modification de structure et la garantie... enfin, «garantie», c'est un grand mot, il n'y a pas grand monde qui peut garantir grand-chose, mais disons l'espoir que ça va vraiment améliorer les services qui en ont beaucoup besoin. Est-ce que j'ai répondu à votre question?

• (12 h 40) •

M. Barrette : Oui, oui, oui, tout à fait. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises ni questions ni réponses, là, alors, je comprends très bien votre opposition et votre approche. Écoutez... Et je vais reprendre vos derniers mots, je pense qu'il faut tous avoir l'espoir que les choses iront pour le mieux. Je suis tout à fait d'accord avec vous que le projet de loi n'est pas une dissertation ni sur le contexte ni sur les choses qui sont à venir, et je suis d'accord avec vous qu'on doive espérer, dans votre cas et dans mon cas, travailler pour avoir comme finalité une amélioration des soins et des services sociaux pour l'usager et qu'on... et je pense qu'ici dans cette salle, tous les parlementaires sans exception travaillent dans ce sens-là. Nous n'avons pas tous les mêmes opinions évidemment sur la façon de le faire, mais nous avons certainement tous la même intention en termes de finalité, et je pense qu'on vous rejoint à bien des égards. Et malheureusement, évidemment, c'est sûr que, compte tenu de la situation actuelle, ce sera l'avenir qui vous répondra plutôt que nous aujourd'hui. Alors, M. le Président, je vais passer la parole à ma collègue de l'opposition.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, nous poursuivons les échanges, et, en ce sens, je cède la parole à la collègue de Taillon pour un bloc de 11 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Assayag. Merci pour votre présentation.

Je suis très contente de voir certains de vos chiffres, entre autres au niveau de la prévention. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'on est en train de choisir d'aller vers quelque chose où les bénéfices sont très, très hypothétiques et où on n'est absolument pas sûrs du tout, même, du scénario qui vient après le squelette qu'on nous propose, alors que vous, vous avez des données probantes, démontrées. Je vais vous donner deux exemples quand vous dites... de l'impact de mesures préventives appliquées. Par exemple, pour chaque dollar investi au niveau du développement de la petite enfance, on a une économie de 2 $ à 16 $. Ça, c'est du concret, c'est du documenté, et ça vient confirmer l'importance d'investir dans la petite enfance et de protéger. Et, quand on a vu des gens nous dire que les jeunes qui avaient des problèmes d'orthophonie avaient des délais de deux, trois ans avant d'être traités, on voit, là, qu'il y a des éléments, en plus d'autres dimensions, bien sûr, qui touchent la petite enfance. Et un autre indicateur pour lequel vous avez démontré aussi un impact : la promotion de la santé en milieu de travail, qui touche énormément des jeunes familles, des jeunes parents... un impact pour chaque dollar investi, 2,75 $ à 4 $ de bénéfices. Alors, il y a des mesures concrètes qui, au niveau économique, puisque l'enjeu ultime de toute cette réforme... Il y a une fluidité, mais il y a aussi des économies, là, qui sont bien, bien... En tout cas, qu'on nous dit d'espérer et qu'on n'a vraiment pas de démonstration confirmée là-dessus.

Alors donc, d'une part, vous nous démontrez l'impact et la valeur d'investir dans la prévention, ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. Et, je rappelle, c'est un projet de loi sur la gouvernance. Or, la gouvernance, là, elle doit aussi anticiper les mesures qu'elle va avoir, et votre mémoire et votre présentation me font réaliser que, dans le projet de loi n° 10 qui porte sur la gouvernance, on n'a pas de préoccupation ni de l'état de situation de laquelle on part ni concrètement des indicateurs de performance qui vont pouvoir nous dire dans deux ans que ça a été bénéfique ou qu'au contraire ça nous a ramenés en arrière de ce qu'on voulait.

Alors, je trouve que votre mémoire, il nous amène vraiment une nouvelle dimension. Vous êtes quand même... Vous passez, là, à la 60e position, mais vous apportez quelque chose de très intéressant. J'aimerais ça vous entendre parler parce que vous avez vraiment orienté votre présentation sous cet angle-là.

Mme Assayag (Lydya) : Oui. Si je comprends bien, vous voulez m'entendre sur la prévention.

Mme Lamarre : Sur la prévention et sur des indicateurs de performance parce que, là, si on est dans un projet de gouvernance, on devrait au moins, dans notre gouvernance, là, comme tout bon conseil d'administration, se dire quels seront les éléments qui vont nous permettre de dire dans deux ans, dans cinq ans : On a bien fait ou on n'a pas bien fait, et je ne les retrouve pas là.

Mme Assayag (Lydya) : Oui. Et d'ailleurs, en parlant de... Merci de me poser la question, ça me permet d'élaborer sur la question de la gouvernance et surtout des mesures d'évaluation. Et je comprends tout à fait le souhait du ministre de centraliser pour avoir plus d'imputabilité parce qu'il y a vraiment un problème d'imputabilité du système social. Il est aberrant qu'un système qui gruge autant les ressources communes ait si peu d'autoévaluation. Ça ne fait qu'un an ou deux ans qu'on publie, par exemple, tous les incidents — je n'arrive jamais à dire ce mot — nosocomiaux — il faut me corriger — dans le sens que les problèmes, les décès, les problèmes produits par le système de santé lui-même, c'est un des indicateurs parmi tant d'autres. Mais il y a beaucoup de professionnels de santé qui n'ont pas de cible, qui n'ont pas d'objectif, qui n'ont pas d'échéance et qui, en termes de gestion, tout simplement est absolument... en particulier les médecins, à cause de leur situation particulière, de la forme de leur rémunération, leur position historique dans le système, etc.

La tendance le confirme, les études le confirment, c'est que, pour épargner en santé — et, quand je dis «épargner», je dis épargner coûts financiers et coûts humains — il faut une vision de 20, 30 ans. Les Suédois... les pays nordiques ont commencé il y a à peu près... un peu plus de 30 ans, et, vous savez, la première chose qu'ils ont faite en matière de prévention et de promotion de la santé, c'est que, d'abord, ils ont établi un revenu minimum garanti, ils sont allés sur les déterminants de santé. Deuxièmement, qu'est-ce qu'ils ont fait? Des véritables mesures conciliation travail-famille. C'est pour vous donner un indice d'une façon autre de concevoir la santé, et qui marche, mais après 30 ans. C'est comme le port de la ceinture de sécurité, vous savez, en auto, ou le fait de... les habitudes de fumer par exemple, les études montrent que ça prend 20 ans pour avoir un effet. Donc, le problème que nous voyons dans ce projet de loi, c'est qu'il n'y a pas de projection. Enfin, il y en a peut-être une, mais on ne la voit pas, on ne la sent pas. Donc, c'est pour ça que j'ai pris tant de temps de parler vision : c'est qu'en santé, pour pouvoir récolter, il faut investir. Vous savez, il y a un proverbe qui dit : Si on veut aller vite, on va seul, mais, si on veut aller loin, on va ensemble. C'est la même chose que nous constatons.

Mme Lamarre : Tout à fait. Alors, écoutez, je vais passer la parole à mon collègue, mais, juste avant, je veux juste revenir parce que moi, je pense que, sur l'imputabilité que vous évoquez, le ministre a actuellement des moyens entre les mains qui lui permettraient de demander plus d'imputabilité. Il y a déjà, dans certaines situations, des indicateurs de performance qui sont... qui ont été prévus dans des ententes et qui ne sont pas demandés, qui ne sont pas vérifiés.

Et l'autre dimension à laquelle vous avez fait référence, c'est le système d'information. Beaucoup de groupes qui sont passés nous ont dit que c'était l'absence ou, en tout cas, la carence, la déficience de nos systèmes d'information qui faisait en sorte qu'on n'avait pas de fluidité dans notre système, et si on n'avait... et on n'avait pas d'indicateurs de performance, et de façons de reconnaître les bons résultats et d'encourager les bonnes pratiques. Et donc nos systèmes d'information, qui sont très déficients et qui sont excessivement en retard, si on avait mis la priorité là-dessus actuellement, je pense que, dans deux ans, on aurait pu espérer gagner beaucoup plus que de s'embarquer dans un projet où on brasse des structures et où on déstabilise les éléments qui sont déjà en train de fonctionner correctement. Alors, je passe la parole à mon collègue.

• (12 h 50) •

M. Lisée : Merci. Merci beaucoup pour votre approche rafraîchissante. Effectivement, c'est un thème ou un angle qui n'avait pas été abordé comme vous l'avez fait.

De toute évidence, le fait de concentrer énormément d'énergie et de faire un bouleversement de structures au moment où il y a des besoins de première ligne importants et des besoins de qualification de la qualité des interventions qui seraient importants... On va détourner... vous dites «ne pas nuire» — c'est le thème de votre mémoire — alors, on sent que des énergies considérables ne sont pas mises au bon endroit pendant quelques années. On dit que ça a pris presque 10 ans avant de tirer les effets de la réforme précédente. Alors, on en a pour combien d'années? Celle-ci est encore plus gargantuesque que la précédente.

Vous dites aussi que la question des femmes, l'impact sur les femmes est constamment sous-évalué, y compris dans la gestion. Alors, évidemment, ce que le ministre veut faire maintenant, c'est de détruire les outils locaux de gestion où les acteurs locaux ont une représentation, y compris les comités d'usagers.

Maintenant, est-ce que vous vous êtes penchés sur la parité ou la... Dans la représentation actuelle sur les conseils d'administration ou dans la désignation des directeurs généraux, à quelle distance sommes-nous de la parité hommes-femmes et est-ce que cela aurait un impact sur la bonne évaluation des problématiques femmes dans le système?

Mme Assayag (Lydya) : Je n'ai pas les chiffres sous la main. Je doute fort de la parité, mais je ne peux pas m'avancer de façon... avec certitude, je ne voudrais pas vous donner l'information... mais pour moi n'est pas surtout là où réside le problème. On parle de système d'évaluation. Vous avez un système d'évaluation très efficace, qui sont les bénéficiaires. Demandez aux gens, demandez aux femmes, demandez à vos soeurs, à vos mères, demandez à vos cousines, à vos voisines... Regardez-les aller, regardez ce qu'elles assument comme charges de santé formelle et informelle; regardez ce qu'elles consomment comme médicaments; regardez la solidité de leur santé mentale; c'est ça, votre système d'évaluation. C'est simple, regardez autour de vous et vous allez voir que c'est déjà très fragile. Alors, vous comprenez notre inquiétude de vouloir mettre en place quelque chose sans s'assurer d'avoir des fondements solides pour au moins consolider l'hémorragie interne.

Au niveau de la prévention, écoutez, actuellement, c'est 2 %, le budget de la province, c'est absolument ridicule. Et là ça va être encore moins parce qu'il y a 30 % de coupures qu'on vient de voir. Donc, tout ce dont on discute aujourd'hui, c'est une question de long terme. Il faut absolument, en santé comme dans beaucoup... avoir une vision à moyen et à long terme et des objectifs à moyen et à long terme. On n'en sortira pas.

M. Lisée : S'il y avait une mesure à mettre en oeuvre au cours des 12 prochains mois qui serait une priorité, selon vous, ce serait laquelle?

Mme Assayag (Lydya) : Oh my God! Avec quel budget?

M. Lisée : Avec un budget... Bien, avec un budget raisonnable; on va travailler le ministre, un budget raisonnable, une mesure, un budget raisonnable.

Mme Assayag (Lydya) : Une mesure à mettre en santé dans les 12 prochains mois? Ce serait l'accès aux premières lignes, l'accès aux services de première ligne, qui est la base du système, et en même temps je triche, j'en mets une deuxième : l'information.

Vous savez, quelqu'un d'informé, c'est quelqu'un qui coûte beaucoup moins cher au système de santé, et on revient avec la notion de prévention et de promotion de la santé. Un patient qui participe à la décision, c'est un patient qui coûte beaucoup moins cher et qui, humainement, va être moins malade aussi. Et il y a moult exemples, moult exemples des choses... y compris ici au Québec. Allez voir la chaire de santé sur le patient à l'Université de Montréal, allez voir... Je veux dire, ça ne prend pas plus d'argent pour avoir un système de santé efficace, ça prend une réforme sur qu'est-ce qu'on veut dire de la santé, et qu'on mette vraiment... qu'on ne fasse pas, qu'on n'écrive pas noir sur blanc sur une feuille... qu'on mette vraiment le patient au centre de la décision. On ne parle même plus de consentement éclairé, on parle maintenant de décision partagée en termes de relation de santé. Donc, voyez-vous, c'est pour ça qu'on a beaucoup de difficultés à voir les liens entre la réforme et les effets escomptés.

M. Lisée : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au collègue député de La Peltrie pour 7 min 30 s.

M. Caire : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez, dans vos précédents échanges, fait référence à l'évaluation de la performance. Vous avez dit : Comme gestionnaires, on ne peut pas se lancer dans une réforme de cette ampleur, alors qu'on n'est même pas capables de mesurer la performance de notre système. Je vous ai entendue... Là, ce que vous venez de dire, bon, si on veut s'informer, il y a les proches qui nous informent, mais, du point de vue de la gestion, du gestionnaire donc, de quelle mesure de performance parlez-vous et de quelle façon devrait-on élaborer ces outils-là de mesure de la performance?

Mme Assayag (Lydya) : La première chose, mettre le pied sur le frein et revenir en arrière, c'est-à-dire, la direction actuelle, c'est les mégastructures, mégastructures d'hôpitaux. Regardez, bon, le CHU à Montréal ou d'autres choses, c'est les mégas, O.K.? C'est le gros, le méga, le centre, le centre. Tout nous indique que ça, ça ne fonctionne pas, ça, c'est une vision de la santé, c'est une réalité de santé qui existait il y a 60 ans, 70 ans. Ça ne marche plus comme ça pour toutes sortes de raisons : le vieillissement de la population, les connaissances scientifiques, le fait de travailler en équipe, le multidisciplinariat, le... En tout cas, je peux vous en parler pendant longtemps, mais je n'ai pas beaucoup de temps.

Donc, la première chose à faire, c'est : en santé, «small is beautiful». En santé, c'est aller le plus proche des gens, garder le plus proche les gens dans la communauté et s'en faire des alliés, pas : Nous, le système de santé, vous, la population, puis on vous donne des services. Non, on est ensemble dans le même problème et on essaie de régler ensemble le tout. Utilisez les ressources des gens — et ils en ont plus que vous ne le pensez — responsabilisez les gens sur la santé. Mais ça, c'est la prévention, ça, c'est l'information, ça, c'est du long terme. Donc, la première chose, c'est ça.

Deuxième chose, principe en santé : la taille unique, ça ne fonctionne pas, «one size fits all», ce n'est pas possible, c'est l'adapter, adapter les soins de santé... Or, on ne peut pas l'adapter quand on est loin. Loin des yeux, loin du coeur. Des mégastructures ne peuvent pas... C'est juste une impossibilité de connaître ce qui se passe sur la particularité régionale, la particularité des femmes, la particularité de la population anglophone, des autochtones, des immigrants, des jeunes. C'est juste matériellement impossible. Donc, plus on est proches de la réalité des gens, plus on peut... C'est les services qui doivent s'adapter à la population, ce n'est pas la population qui doit s'adapter aux services.

Voyez-vous, ça prend une gymnastique. C'est pour ça qu'humblement à notre avis, c'est un changement de cap qu'il faudrait.

M. Caire : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la collègue députée de Gouin pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Madame, bonjour. C'est absolument passionnant. Moi, j'aimerais vous entendre sur les femmes, davantage. Il me semble qu'on n'en a pas assez parlé, et vous êtes la représentante d'un réseau important sur la santé des femmes.

En ce moment, là, quand vous rencontrez les groupes en santé des femmes, quels sont leurs objectifs prioritaires, autrement dit, quels sont les problèmes majeurs en santé et services sociaux, là, vécus par les femmes du Québec en ce moment dans les différentes régions du Québec?

Mme Assayag (Lydya) : Premièrement, c'est inégal d'une région à l'autre, ce n'est pas... La première chose, c'est le service de première ligne; c'est essentiel, essentiel. Bon, je ne parle pas des femmes... Vous savez que les femmes souffrent plus de maladies chroniques. Elles vivent plus longtemps, quoique l'écart s'est réduit entre hommes et femmes, mais elles ont plus de maladies chroniques, donc l'utilisation de services et de soins à domicile...

Deuxièmement, toute la médicalisation de... Vous savez, la biologie des femmes fait en sorte que nous sommes plus réglées par des systèmes hormonaux et donc, par conséquent, tout ce qui est puberté, vie sexuelle, vie reproductive, le fait d'être enceinte, accouchement, ménopause, bref... et vieillesse, tout ça, la réponse à ça, elle est médicale, uniquement médicale, alors qu'elle n'est pas juste une réalité médicale. Ça coûte beaucoup plus cher, ça ne fonctionne que sur le curatif et même ça fonctionne très mal. Donc, ce fait de transformer des choses qui sont naturelles pour une femme en problèmes de santé, ça ne marche pas. Ça les enferme, ça les empêche de... alors que les problèmes majeurs des femmes, c'est surtout, je l'ai mentionné, la violence, la pauvreté, le fait de ne pas avoir accès au pouvoir sur leur vie, sur leur santé, sur celle de leurs proches et le fait qu'on ne prend pas en mesure leurs besoins. La preuve, c'est que ce projet de loi a été fait sans une étude... une ADS, une analyse différenciée selon le sexe. Comment ça se fait qu'un projet de loi sur la santé, qui touche la moitié de la population et qui touche doublement, triplement les femmes à cause de ce que je vous ai exposé... il n'y a pas d'étude d'impact sur les femmes? Ce n'est pas normal. C'est comme si vous voulez avoir un projet de loi sur les arbres, mais que vous n'analysiez pas la composition des arbres que vous voulez protéger. Il y a des choses de base : donc, première ligne, participation au pouvoir, médicalisation des processus de la vie et prise en considération de leurs conditions socioéconomiques.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Il vous reste 20 secondes.

Mme David (Gouin) : J'aurais bien aimé vous entendre sur toute la question de l'accessibilité à la contraception et l'avortement. En 10 secondes?

Mme Assayag (Lydya) : Oh my God! C'est en danger de plus en plus. Les gains féministes des 30, 40 dernières années sont en train d'être sapés graduellement mais sûrement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Assayag, représentante du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.

Nous accueillons maintenant les représentants, représentantes de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bienvenue. Vous disposerez d'une période de 10 minutes pour votre présentation. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, pour les fins d'enregistrement, et par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Daniel Boyer, le président de la FTQ. Je suis accompagné... On va se séparer, d'ailleurs, la présentation de 10 minutes. Je suis accompagné de Lucie Levasseur, qui est la présidente québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique, le SCFP, Jean-Pierre Ouellet, le président du Syndicat québécois des employés de service, section locale 298 de la FTQ, et Dominique Savoie, qui est du service de la recherche à la FTQ.

Merci de nous accueillir, bien évidemment. Écoutez, d'entrée de jeu, je pense que c'est sans surprise qu'on va demander le retrait du projet de loi, qui ne permettra pas, à notre avis, bien au contraire, là, d'atteindre les objectifs qu'il prétend poursuivre, soit de favoriser et simplifier l'accès aux services pour la population, de contribuer à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'accroître l'efficience et l'efficacité du réseau. On est d'accord avec ces objectifs, mais nous réclamons les véritables moyens d'y parvenir. Les actions urgentes à mettre de l'avant sont toutes négligées par le projet de loi et le ministre, car ce qui compte pour le ministre, c'est de créer une structure qui lui permettra de faire ce qu'il veut, quand et comme il le veut, tout en éliminant les critiques et les propositions différentes des siennes.

• (15 h 10) •

Notre propos ne sera pas original. Presque tout le monde qui s'est présenté devant vous a décrié ou exprimé d'importantes craintes face à la réforme proposée. Nous voulons cependant élargir notre propos à l'ensemble de l'oeuvre gouvernementale. Nous avons vraiment l'impression que des tendances se dégagent de toutes les annonces gouvernementales et de tous les projets de loi déposés au cours des derniers mois. Je vous dirais qu'on est face à un projet de société d'autant plus emballant qu'est le retour à l'équilibre budgétaire, et on dirait qu'on n'a plus les moyens de rien.

Nous ne voulons pas être impolis, mais il n'y a pas de moyen de le dire autrement : On en a marre d'être invités à un dialogue social, alors qu'il s'agit plutôt d'un monologue antisocial, marre de tous ces projets de loi déposés sans être accompagnés d'analyses sérieuses, marre d'être consultés à la sauvette, sans qu'on nous laisse le temps d'examiner les tenants et les aboutissants de divers scénarios et de débattre démocratiquement dans nos instances. Nous avons vraiment l'impression que vous êtes indifférents à toutes les solutions qui ne sont pas les vôtres. Nous en avons aussi marre de l'attitude gouvernementale, qui n'a aucun respect pour la démocratie participative, pourtant un des piliers de la construction du Québec moderne. Dans le réseau de la santé et des services sociaux, le mouvement syndical et la société civile sont complètement évincés par la disparition de tous les conseils d'administration des établissements de proximité et par l'exclusion de personnes les représentant dans les C.A. des CISSS.

Nous voulons aussi attirer votre attention sur les pressions que toutes ces orientations proposées par le gouvernement feront porter sur le réseau de la santé et des services sociaux. Par exemple, les services de garde éducatifs ont notamment été mis sur pied pour aider les enfants québécois à prendre un bon départ dans la vie, quel que soit le revenu de leurs parents. En coupant dans un tel investissement, les pressions seront plus fortes sur le système éducatif, mais aussi sur les services sociaux à l'enfance. Par exemple, les coupes en matière de santé publique, en plus de bâillonner des scientifiques à la manière Harper, pourront avoir des effets négatifs sur la santé des populations ainsi que celle des travailleurs et travailleuses.

Au lieu de faire de la prévention, il faudra alors recoller les pots cassés, ce qui justifiera encore plus de ressources dans le curatif médical. Les orientations auront aussi des effets négatifs sur la santé économique du Québec et de chacune de ses régions. En effet, l'État — le réseau de la santé et des services sociaux à l'avant-plan — est un important employeur dans plusieurs localités du Québec. Le gouvernement s'est vanté de l'impact de l'effet libéral sur l'économie du Québec. C'est plutôt le contraire qu'on observe actuellement, et on peut douter de sa capacité à renverser la vapeur quand tout ce qui est proposé, ce sont des coupes.

Les données les plus récentes montrent que la situation du niveau de l'emploi est désastreuse : moins d'emplois, moins bons emplois. Dans la dernière année, il s'est perdu 100 000 emplois à temps plein, 69 000 à temps partiel ont été créés. Et l'avenir ne s'annonce pas plus rose. Le Plan Nord aura toutes les difficultés à porter des fruits, alors que les prix des métaux sont à la baisse. Les coupes gouvernementales dans les ministères et les secteurs ainsi qu'un gel des effectifs entraîneront la perte de bons emplois. Le pacte fiscal à rabais avec la municipalité et la disparition des CLD n'aidera sûrement pas à créer une dynamique de création d'emplois. Lucie.

Mme Levasseur (Lucie) : Notre plus grande inquiétude concernant le projet de loi n° 10 est que la réforme proposée n'ouvre la porte encore plus grande au privé avec les annonces de supercliniques, d'attente de services ou de sous-traitance. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Un réseau affamé par ces coupes successives ne peut pas bien fonctionner. Il est alors plus facile de vendre l'idée de la privatisation comme moyen de régler les problèmes. Pourtant, les études sont nombreuses pour montrer les coûts de la sous-traitance ou en illustrer les dérapages, comme l'a illustré récemment le président du SPGQ dans le secteur de l'informatique.

Le ministre annonce que le dossier unique est pour demain matin, alors que le coût du projet Dossier santé Québec va coûter 1,6 milliard de dollars, trois fois plus que prévu. Il sera prêt en 2021, alors qu'il avait été promis en 2011. Pire, le dossier ne répondra même pas aux besoins.

Qu'attend donc le gouvernement pour se retirer de ce projet et pour développer son expertise à l'interne? Il y a d'autres économies substantielles à s'éloigner de la privatisation dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais le gouvernement ne s'y intéresse tout simplement pas.

Un chercheur de l'Université Carleton, qui a fait une analyse pour chaque province canadienne, prévoit des économies de plus de 3 milliards de dollars annuellement au Québec par la mise sur pied d'une politique d'assurance médicaments avec un régime public universel et des mesures de contrôle de coûts des médicaments. Il faut croire que l'entreprise pharmaceutique fait tout un lobby pour que ça n'arrive pas.

L'IRIS, l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, vient de déposer une étude annonçant des économies pouvant aller jusqu'à 4 milliards de dollars si Québec rachetait les contrats signés en PPP pour les hôpitaux universitaires, comme ça s'est fait en Angleterre, par exemple. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de rendre les contrats publics? A-t-il autre chose à cacher?

L'Association médicale du Québec est venue nous dire que la lutte au surdiagnostic pourrait représenter des économies de 5 milliards chacun... chaque année, en plus de donner un service de meilleure qualité à la population. Quel est le soutien gouvernemental dans ce dossier? Mystère. Le gouvernement affirme que la société québécoise n'a plus les moyens de se payer toute la gamme des services que nous avons et qu'il faut donc couper plus de 3 milliards de dollars dans divers programmes. Les économies que le gouvernement pourrait faire en s'éloignant de la privatisation pourraient sauvegarder les programmes actuellement menacés, et il en resterait encore pour être réinvesties dans le réseau, là où les besoins sont mal comblés, dans la première ligne, dans le soutien à domicile, dans la santé mentale, dans les services sociaux à l'enfance, et autres. Jean-Pierre.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Pour régler une bonne partie des problèmes et des coûts du réseau, la pratique médicale aurait dû être au coeur des réformes. Toutes les commissions d'enquêtes et groupes d'experts l'ont dit, mais les gouvernements successifs n'ont pas osé toucher à l'autonomie des médecins. Au contraire, on les encourage à devenir des entrepreneurs, créer des cliniques médicales privées, subventionnées en argent et en personnel par le réseau public. On ne touche pas vraiment à la rémunération à l'acte, qui a des effets pervers importants.

Le ministre vante le modèle états-unien des établissements de Kaiser Permanente, sans souligner cependant qu'une caractéristique des plus importante, c'est que les médecins sont des salariés soumis aux mêmes mécanismes de gestion que les autres membres des équipes multidisciplinaires. Nous n'avons pourtant pas entendu le ministre annoncer quelque changement que ce soit dans l'organisation du travail ou la rémunération des médecins. Au contraire, ce dont il nous rabâche les oreilles, avec la complicité de son ancienne famille, la CAQ, c'est la lutte à la bureaucratie et aux postes-cadres, tout cela étant jugé inutile. Nous voulons insister sur le fait que l'augmentation du nombre de cadres n'est qu'un indice de plus de bureaucratie : il n'en est pas la cause, et c'est sur la cause qu'il faut agir. Le projet de loi ne permettra pas de le faire, ne serait-ce qu'à cause de la taille démesurée des CISSS. La bureaucratie se déplacera aussi vers le ministère, qui réclamera encore plus de redditions de comptes en tout genre.

On croit que l'adoption de modes de gestion importés du privé, où tout doit être évalué, mesuré, quantifié, pesé, a introduit encore plus de paperasse à remplir. Et puis, si la place du privé augmente encore, il faudrait bien surveiller puis s'assurer de la qualité des soins qu'on y dispense. Prenons l'exemple de la certification des résidences privées pour aînés, qui a amené des nouvelles lois et des nouveaux règlements, par exemple, un certain niveau de formation pour le personnel, seuil de minimum du personnel, installation de gicleurs. Ça va prendre des gens du secteur public pour vérifier que cette certification-là est en application.

Depuis une vingtaine d'années, ce sont des normes, des règles et des procédures, ici, de l'entreprise privée qui ont été implantées dans le réseau. La bureaucratie actuelle est issue de ces modèles du secteur privé et elle sera encore plus encouragée par les membres du C.A., choisis selon des compétences du milieu des affaires, comme la vérification, les risques, les ressources humaines, la gouvernance et l'éthique. Nous avons d'ailleurs été particulièrement scandalisés par les commentaires de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées, qui se demande à quoi peut bien servir les compétences jeunesse et services sociaux. Il nous semble évident que le secteur privé ne comprend pas les finalités des organisations publiques. Peut-être serait-il temps de s'éloigner de tels modes de gestion et de revenir à des fonctionnements plus respectueux des finalités des organisations publiques, ce qui pourrait contribuer à diminuer la bureaucratie issue du secteur privé.

M. Boyer (Daniel) : On a malheureusement une forte impression de déjà-vu à chaque nouvelle réforme structurelle. On nous a affirmé, sans en faire un bilan, que la précédente n'avait pas permis de réaliser les objectifs. Du même souffle, sans plus de démonstration, on nous affirmait que la nouvelle y arrivera. C'est ce qu'on nous dit encore une fois, et encore une fois nous faisons preuve d'un grand scepticisme face aux réalisations qui pourront être atteintes par le présent projet de loi. Enfin, nous sommes convaincus que les conséquences négatives sont largement plus grandes que d'éventuels bénéfices non démontrés.

La FTQ demande au ministre de retirer son projet de loi et de surseoir à tout autre changement qu'il voudra implanter — par exemple, le financement à l'activité des établissements — tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas déposé un livre blanc sur une réforme globale du réseau de la santé et des services sociaux, le tout devant être accompagné d'études sérieuses sur les effets des différentes propositions.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, vous avez dépassé de 1 min 40 s, donc 11 min 40 s. À la demande du ministre, vous avez eu l'occasion de terminer, et je l'enlève sur son temps. Alors, M. le ministre, il vous reste un bloc de 19 min 30 s.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Boyer, Mme Levasseur, M. Ouellet, Mme Savoie et M. Laverdière, bienvenue. Alors, d'abord, bien, merci de nous avoir fait cet exposé. Je pense que vos propos expriment, sans aucun doute, clairement votre pensée et la philosophie qui la sous-tend, qui sous-tend vos propos. Je pense que, dans un exercice démocratique comme une commission parlementaire, c'est le rôle de recevoir les opinions et les critiques, évidemment, sauf que ces opinions-là et ces critiques-là, ultimement, ont comme objectif, en commission parlementaire, d'améliorer, si tant... ceci est possible, le projet de loi qui est en étude.

J'ai pris quelques notes pendant votre présentation, puis je vous donne ça en rafale, là. Alors, vous nous avez demandé le retrait, vous nous avez parlé des CPE, des scientifiques qui seraient bâillonnés. Vous avez parlé, en faisant référence... en moult détails, de la santé économique du Québec. Vous avez parlé d'emplois, de supercliniques, de coupes, de privatisation, de sous-traitance. Vous avez parlé d'un autre syndicat, le DSQ, l'assurance médicaments, les PPP. Vous avez insinué qu'on avait quelque chose à cacher. Vous avez parlé des cadres, vous avez parlé d'un certain nombre de mesures, des RPA, la certification, l'IGOPP, le déjà-vu, pour nous demander en finale, à nouveau, de retirer. Il y a deux éléments qui touchent essentiellement le projet de loi, mais pas directement, directement, qui est la pratique médicale. Je l'ai dit à plusieurs reprises : Ça, c'est un élément auquel on va s'adresser d'autres manières.

À la suite de votre présentation, M. Boyer, j'ai juste une question, une seule : Avez-vous quelque chose de spécifique auquel vous voudriez vous adresser à propos du projet de loi n° 10?

M. Boyer (Daniel) : Bien, M. Barrette, ce n'est pas pour rien...

M. Barrette : Je comprends, là, je comprends votre position politique, là. Maintenant, moi, au bout de la ligne, là, pour ce qui est de tous les éléments que vous avez mentionnés, M. Boyer, ça, c'est le peuple qui va juger dans une élection. Et, si les gens nous jugent sur les éléments, la grille d'analyse que vous avez, qui est une grille d'analyse électorale... Je la comprends, mais ce n'est pas ici que ça va se régler, à cette date et à cette heure; ça va se régler en 2018. Et maintenant, pour le projet de loi n° 10, est-ce qu'il y a quelque chose de spécifique auquel vous voulez vous adresser? Ça va me faire plaisir. Sinon, je ne peux pas dire autre chose, là, je ne peux pas rien faire.

M. Boyer (Daniel) : M. Barrette, vous me donnez la... Je peux-tu répondre?

Le Président (M. Tanguay) : Allez-y.

M. Boyer (Daniel) : M. Barrette, écoutez, là, c'est vrai que c'est un exercice démocratique, la commission parlementaire, puis ça nous permet d'amender des projets de loi, puis ce n'est pas pour rien qu'on a fait ce genre de présentation là. On nous a déjà conviés... qu'on était des partenaires importants dans le réseau de la santé, dans le but de faire les modifications qui sont jugées nécessaires dans le réseau de la santé. En aucun temps, on n'a été consultés. On nous a déposé un projet de loi sur lequel il faut intervenir. Je pense qu'on l'a fait, et vous avez les réponses de la FTQ dans notre mémoire. Mais vous comprendrez que l'exercice démocratique ne s'exerce pas juste au moment des élections. L'exercice démocratique s'exerce pendant toute la durée d'un mandat. L'exercice démocratique, ça devrait être la consultation des acteurs du milieu.

Puis vous savez, je ne ferai pas de leçon à personne, là, mais toute réforme nécessite une mobilisation des acteurs d'un réseau. Là, on a droit à une réforme majeure, une réforme majeure où, encore une fois, on rebrasse le réseau d'un bout à l'autre. On l'a fait il y a 10 ans, on en est à peine sortis, puis je ne suis pas sûr qu'on en est sortis, là. On a rebrassé le réseau il y a 10 ans, on va le rebrasser encore. Et, pour faire ce genre de réforme là, il faut que les acteurs du réseau soient mobilisés. Moi, écoutez... On se promène sur le terrain, on rencontre nos membres, on rencontre les travailleurs, les travailleuses qui travaillent dans le réseau de la santé et des services sociaux. On rencontre des cadres, des cadres supérieurs, des cadres intermédiaires, on rencontre des médecins, on rencontre plein de monde. Puis je pense que tout le monde est venu vous dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette réforme-là. Donc, où vous allez trouver des gens mobilisés pour mettre en place cette réforme-là? On a des doutes, on a de grands doutes.

Puis, écoutez, quand... je vous l'ai mentionné, là, vous parlez d'une consultation, mais la commission parlementaire ne peut pas être une consultation : elle se doit d'être plus large que ça. Quand on nous invite à un dialogue social, on est bien prêts à être des partenaires. On est bien prêts à être des partenaires, mais ça ne doit pas se limiter à une présentation de 10 minutes et à répondre à vos questions pendant une quarantaine de minutes, là. L'exercice démocratique doit être plus large que ça. Vous avez des travailleurs, des travailleuses dans ce réseau-là, du personnel d'encadrement, des médecins, des professionnels, des techniciens, dans ce réseau-là, qui ont donné leur vie à ce réseau-là puis qui ont de bonnes idées pour trouver des solutions en santé et dans les services sociaux. Et vous en faites fi et vous vous octroyez l'ensemble des pouvoirs, comme ministre, et ça, je vous avoue que ça nous inquiète.

Puis, quand je parlais tantôt des fusions qui ont été faites il y a 10 ans, on est partis... et là je ne me souviens pas du nombre d'établissements de santé qu'il y avait il y a 10 ans. Il y en avait à peu près 800, je pense qu'on a ramené ça à 180. On a créé des monstres. On l'a dit à l'époque et on va le redire encore : On a créé des monstres en termes d'établissements, et on est loin des établissements puis des services de proximité avec ces monstres-là.

Là, ce qu'on fait avec le projet de loi n° 10, on fusionne les monstres ensemble. Vous vous imaginez ce que ça va donner? Des méchantes guerres tantôt, là, et là on n'est plus dans les services de proximité, on n'est plus dans des établissements de proximité, loin de là. On va être dans 28... Puis j'avais fait une blague quand je vous avais déjà rencontré, M. Barrette, j'ai dit : Est-ce qu'on va avoir, un jour, un seul hôpital au Québec? On n'est pas loin de ça puis on a un seul dirigeant de notre réseau de santé, avec ce projet de loi là, puis c'est le ministre. Puis ça, bien, on va déplorer ça. On va déplorer ça parce qu'on pense qu'on est des acteurs importants, dans ce réseau-là, puis qu'on mérite plus que d'être consultés uniquement en commission parlementaire.

M. Barrette : Cette critique-là, elle a été faite abondamment, et j'ai répondu tout aussi abondamment, et je suis convaincu que vous avez suivi ou quelqu'un dans votre bureau a suivi les travaux à la commission parlementaire, et j'ai suffisamment, je pense, expliqué le fait que c'était une loi de transition dans laquelle il y avait, effectivement, les pouvoirs que vous me reprochez, mais qui étaient temporaires et qu'ils allaient disparaître dans le premier mandat puisqu'on aura à réécrire la LSSSS. Et ça, cet élément-là... j'y ai répondu, à cette critique-là, c'est-à-dire, abondamment.

Maintenant, pour ce qui est de la consultation, rien ne... c'est le contraire... ce n'est pas le contraire, mais, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, les éléments qui sont dans ce projet de loi là sont d'ordre purement administratif, et des choses devront se greffer, puis, effectivement, il y aura à travailler ensemble, c'est clair, M. Boyer.

Maintenant, je comprends le sens de votre propos, là. Le chemin qu'on a choisi est celui-là. Y a-tu des éléments spécifiques, M. Boyer, auxquels vous voulez qu'on s'adresse?

M. Boyer (Daniel) : Bien, tu sais, je vous dirais... Tantôt, je parlais des monstres qui ont été créés lors des fusions, il y a 10 ans, et des nouveaux monstres qui seront créés. Vous savez, ce qui a été créé il y a 10 ans — puis on a eu l'occasion de vous le dire — ça n'a généré aucune économie. Tout a été centré autour de l'hôpital, et on constate que ça va être encore davantage ça. On a sacrifié... On a peu amélioré les services de première ligne, on a sacrifié... Toute la mission prévention, toute la mission CSLC ont été concentrés autour de l'hôpital, là-dedans, puis là on vient, en plus de ça, intégrer tout le volet psychiatrie, tout le volet santé et services sociaux, donc les centres jeunesse, les centres de réadapt, on vient les intégrer dans les CISSS.

Moi, je vous avoue, je suis inquiet pour les services sociaux qui seront donnés au Québec, parce que tout dorénavant sera centré autour de l'hôpital, et ça, c'est notre grande... c'était l'inquiétude qu'on avait en 2003, avec le projet de loi n° 25, qui fusionnait les établissements, et nos craintes se sont avérées puisqu'aujourd'hui les CLSC ont beaucoup moins de pouvoirs qu'ils en avaient avant. C'est le pouvoir de l'hôpital et il n'y a à peu près rien d'autre, et là on vient en rajouter, on vient mettre l'ensemble des services sociaux dans ces grands établissements, ces monstres. On vient les mettre dans ce décor-là, et je vous avoue qu'on est très sceptiques, on est très sceptiques. On n'est plus dans les services de proximité. On pense que, si on veut des services de proximité, il faut travailler dans le sens inverse : il faudrait rapetisser les établissements, et non pas les grossir davantage. Ils sont déjà suffisamment gros.

• (15 h 30) •

M. Barrette : Écoutez, tout ce que je peux vous répondre là-dessus, c'est les éléments qui sont dans le projet de loi qui ont été dits ici, là. Moi, je suis comme vous, j'en rencontre plein, de monde, là, et je n'ai pas la même lecture ni le même message que le vôtre. C'est peut-être à cause du fait que vous et moi, on est deux interlocuteurs dans deux sphères différentes. Mais les messages que moi, j'ai du terrain sont des messages qui sont positifs, là. Je vais vous avouer qu'il y a bien du monde qui n'ose pas aller sur la place publique puis dire : C'est une bonne chose pour toutes sortes de raisons, compte tenu du climat qui est entretenu. Mais moi, le message que j'ai du terrain, et des gens qui sont dans le milieu — et là je parle du personnel et du corps médical — et des citoyens, là, qui utilisent ou qui ont des services de ce système-là, là, mais qui ne sont pas dans des organisations représentatives, bien là, eux autres, moi, j'ai des messages qui sont assez pas mal positifs, merci, là. Je comprends que ce n'est pas l'allégresse sur le terrain, c'est normal, mais je n'ai pas la même lecture que vous. Maintenant, et ça a été dit ici à plusieurs reprises, ce qui a été fait dans la dernière, entre guillemets, réforme, là, c'est vrai que ça n'a pas été parfait, mais ce n'est pas vrai que ça a tout été négatif. Ça, ce n'est pas vrai, là. Il y a des choses significatives qui ont été faites et qui méritent, et pas... non seulement elles méritent, mais qui devront rester telles quelles puisque ce que l'on vise évidemment est de faire en sorte qu'on intègre ce qui n'a pas été intégré.

Alors, on peut, pour toutes sortes de raisons, noircir le tableau noir foncé, là, mais il n'en reste pas moins qu'il n'est pas noir foncé. Il n'est pas rose non plus, là, je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas vrai que tout ce qui a été fait est négatif, ce n'est pas vrai, là, ça, là. Je ne suis pas d'accord avec vous, là, mais pas du tout. Vrai que certaines économies qui étaient visées n'ont pas été faites, puis on sait pourquoi, parce qu'il n'y avait pas les leviers adéquats pour faire en sorte qu'on évite des dépenses intempestives. Ça, c'est arrivé par exemple, bien d'accord. Ça n'arrivera pas cette fois-ci.

Maintenant, pour ce qui est de l'hospitalocentrisme et des CLSC, ce projet de loi là vise à faire le contraire, et ça, ça a été dit à tour de bras. Je comprends que vous ne trouvez pas un bout dans le texte qui va le justifier, mais en même temps ça ne justifie pas qu'on conclut d'une façon aussi affirmative que la vôtre que la réforme actuelle va être ultra, ultra, ultrahospitalocentriste. C'est correct, là, ça fait partie d'un certain discours, mais il n'y a rien qui indique ça, surtout pas à partir du moment où moi, je vous indique le contraire.

Et, pour ce qui est des CLSC, les CLSC, c'est vrai qu'ils ont eu à coordonner leur travail plus avec l'hôpital, mais je n'ai pas vu aucun CLSC, moi, se transformer en hôpital puis je n'ai pas vu aucun CLSC changer profondément sa mission nulle part. Nommez-moi un CLSC, là, qui est devenu une clinique sans rendez-vous mur à mur, à la merci des médecins, tiens. Il n'y en a pas. Ils font encore ce qu'ils faisaient, là, ils font un peu de première ligne, ils font de la pédiatrie, ils font du domicile, des soins à domicile, ils font tout ça, là, ils font la santé mentale, ils font du communautaire au sens large du terme, là, et je fais référence à l'arrimage entre le non communautaire et le communautaire, ils font des prises de sang, ils font... Écoutez, là, les CLSC, là, ce n'est pas vrai, là, que ça a été transformé à 180 degrés.

On peut prendre tous les éléments du système de santé, là, puis, cet après-midi, on a tous les représentants syndicaux, bien, je dis à tout le monde qui est en arrière : Attelez-vous, là, parce que je suis aussi, moi, dans ce système-là. J'en sors et je ne vois pas ce que vous voyez, puis vous ne pouvez pas faire la démonstration que les CLSC ont été détruits et qu'il n'y a pas eu d'amélioration dans le système. Je ne vous dis pas que c'est parfait, par exemple, mais le tableau noir, noir foncé, là, et les prédictions sombres que vous faites, bien, dites-moi sur quoi vous les basez, M. Boyer. Je comprends que vous n'ayez pas été consulté, là, puis que vous auriez aimé l'être, et d'ailleurs, l'opposition va poser la question, elle pose la question à tout le monde : Avez-vous été consulté? Puis la réponse, c'est non. C'est facile, là. C'est un projet de loi qui arrive, il arrive. Maintenant, est-ce que ça disqualifie la valeur du projet de loi et sa finalité? Moi, je pense que non, puis quelqu'un jugera dans quatre ans, là.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Mais, M. le ministre, qui avez-vous consulté pour élaborer le projet de loi n° 10? Sûrement pas les acteurs sur le terrain. Vous avez manqué un rendez-vous important le 16 juin de cette année, le premier grand rendez-vous national de la santé organisé par une organisation patronale, qui est l'AQESSS, et le mouvement syndical, et tous les intervenants, les ordres professionnels étaient présents et vous n'étiez pas présent. Qui avez-vous consulté, M. le ministre?

M. Barrette : Parce qu'à ce moment-là j'étais en train de l'écrire, là...

M. Ouellet (Jean-Pierre) : M. le ministre, laissez-moi terminer, M. le ministre, laissez-moi terminer, M. le ministre. Le réseau de la santé, c'est le plus gros ministère, c'est un gros paquebot, et, à chaque réforme, il y a des hommes et des femmes sur le terrain qui vivent les changements et qui doivent opérationnaliser ces changements-là.

Qui avez-vous consulté pour faire cette réforme-là? Je vous ai posé une question l'autre jour : Est-ce que vous serez présent au prochain rendez-vous le 9 décembre où on va aborder les solutions pour améliorer le réseau de la santé et des services sociaux? Vous m'avez fait comme réponse que vous seriez absent. Moi, vous pouvez bien être dans votre tour d'ivoire, M. le ministre, mais ce réseau-là est composé de milliers d'hommes et de femmes qui dispensent des services à tous les jours, et cette réforme-là, avec des établissements, comme on va voir en Montérégie, de 32 000 salariés, où est-ce qu'on se fait déjà poser la question par les salariés : Où on va se ramasser demain matin? Est-ce que je vais devoir travailler à 100 kilomètres de chez nous?, ce sont des hommes et des femmes qui dispensent les soins de santé à tous les jours, nous ne croyons pas que c'est une manière de mobiliser votre personnel, parce que vous êtes responsable de ce ministère-là, et de la manière que vous élaborez le projet de loi n° 10, ça se transforme...

Le Président (M. Tanguay) : À ce stade-ci, vous allez me permettre juste de faire une mise au point pour que nos débats se poursuivent dans la sérénité. Nous avons ici, à l'Assemblée nationale, l'article 32, qui prévoit un décorum. Alors, on va continuer à consulter de façon sereine, constructive. On peut se dire des choses, on peut être totalement en désaccord, mais on va continuer ça sur un bon ton. Alors, M. le ministre.

M. Barrette : Alors, pour répondre à votre question, pour ce qui est de l'AQESSS, je vais vous donner la réponse. L'AQESSS a-t-elle résolu les problèmes du système de santé dans les 15 dernières années? La réponse, c'est non. Alors, à un moment donné, les organisations qui ont la responsabilité de la gestion et de... peut-être pas la responsabilité, mais qui participent très activement à cette gestion de cette organisation-là ne la trouvent pas, la solution, et n'arrivent pas à améliorer. Puis ce n'est pas faute d'efforts, c'est juste que le cadre où on est actuellement, ils ne peuvent pas y arriver. Alors, quand vous me demandez d'aller à ce sommet-là qui est piloté par l'AQESSS, j'ai des réserves personnelles qui sont évidentes.

Maintenant, pour ce qui est de la Montérégie pour prendre votre exemple, je l'ai dit ici, là, les commissions parlementaires servent à recevoir ces commentaires-là et faire certains ajustements à la suite. Et j'ai déjà laissé entendre clairement sur la place publique, puis je peux vous le redire ici aujourd'hui, que des ajustements, il y en aura pour la Montérégie. C'est à ça que ça sert, la commission parlementaire. Alors, moi, il ne me reste à peu près plus de temps, là, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Il vous reste à peu près 3 min 30 s.

M. Barrette : Ah! il me reste trois minutes? Ah! j'ai mal chronométré mon affaire. Alors, ça sert à ça, les commissions parlementaires. Alors, les commentaires qui ont été faits en Montérégie vont résulter en des aménagements.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Ça serait bon pour plusieurs régions du Québec, la Capitale-Nationale, un seul CISSS...

M. Barrette : Bien, qui vous dit qu'on n'en fera pas? Et ça aussi, là, c'est passé dans les journaux, c'est passé dans les journaux, là. J'ai déjà annoncé que certains ajustements étaient envisageables. Mais ça, ça passe par les audiences qui sont ici et ça passe après ça par des amendements lorsqu'on fera l'étude article par article, mais ça sera la conséquence et le décours normal de ces audiences-ci, incluant la vôtre.

Moi, encore une fois, je vous relance avec la même question : Spécifiquement, dans le projet de loi actuel, il y a des choses spécifiques que vous voulez voir changer ou non, à part le retrait complet, là?

M. Ouellet (Jean-Pierre) : Vous avez compris, mais, M. Barrette, je peux juste vous dire une chose : Peut-être que vous pouvez percevoir — puis on s'est un petit peu défoulé, là — ...

M. Barrette : Je vous comprends.

M. Ouellet (Jean-Pierre) : ...qu'on voit tout en noir. On ne voit pas tout en noir, on est fiers de ce réseau de la santé puis des services sociaux qu'on a. On en est fiers, mais, à toutes les fois, on dirait que les ministres de la Santé qui se succèdent sont tous plus imaginatifs les uns que les autres, et ce qu'on a à nous proposer comme solution, c'est un rebrassage de structures. Et c'est ça qui nous inquiète parce que... Écoutez, on est fiers de notre système de santé publique, là, et on veut le conserver puis on veut l'améliorer, mais on ne pense pas que c'est en rebrassant ses structures qu'on va y arriver, parce que, je vous l'ai dit tantôt, ça a pris 10 ans, puis même qu'on n'est pas au bout de nos 10 ans, là, on n'est pas passé au travers encore des fusions, de la création des CSSS et là on va tout rechambarder encore. Je vous le dis, on est inquiets. Puis vous me dites que les CLSC n'ont pas perdu de pouvoir. Je m'excuse, on ne leur a pas donné les moyens qu'ils devaient avoir dans ce réseau-là. On est inquiets.

Vous me parlez de services à domicile. Il y a tellement peu de moyens qu'on a donnés aux CLSC que la communauté est obligée de se prendre en main, puis il y a des entreprises d'économie sociale qui donnent des services et des soins aux personnes âgées qui sont à domicile parce que le CLSC, on ne lui a pas donné les moyens, puis on va encore moins leur donner des moyens. Et, demain matin, je vous le dis, c'est l'ensemble des services sociaux qui vont y passer, nos centres jeunesse, nos centres de réadap; ça nous inquiète. Puis, si on a un bilan noir, là, si on fait un bilan noir... Je vous le dis, là, on en est fiers, de notre réseau de la santé et on veut surtout travailler à l'améliorer, mais on veut participer avec vous à l'amélioration puis de trouver des solutions.

Le Président (M. Tanguay) : Je pense que, Mme Levasseur, vous voulez intervenir.

Mme Levasseur (Lucie) : Oui, s'il vous plaît. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Je vous en prie.

• (15 h 40) •

Mme Levasseur (Lucie) : M. Barrette, on vous a rencontré le 7 juillet dernier, et la première chose que vous nous avez dite, c'est : Si vous venez me voir ce matin pour me convaincre que ça prend un service public de santé, ne perdez pas votre temps, je suis moi-même convaincu. C'est exactement ce que vous nous avez dit le 7 juillet. Ce qu'on voit dans le projet de loi, comme dit Daniel, nous inquiète parce qu'on a l'impression que c'est de l'administration privée vers où on nous envoie.

Quand vous dites que vous êtes allé sur le terrain consulter les gens et que les gens sont favorables, comme Jean-Pierre, je me demande qui vous avez consulté parce que nous, les gens qu'on rencontre, ils sont essoufflés, ils sont à bout, ils ne savent plus comment notre système va se présenter dans les prochains mois, dans les prochaines années. Est-ce qu'ils vont garder leurs jobs? Alors, vous comprendrez, M. Barrette, que les consultations que vous avez faites, je ne sais pas où elles se situent, mais nous, sur le terrain, nos travailleurs, travailleuses sont très, très, très inquiets, et nous aussi.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin au bloc d'échange avec le gouvernement. Je cède maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de 12 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Levasseur, M. Boyer, M. Ouellet et Mme Savoie, merci de votre présentation, merci de votre analyse.

Moi, je regarde, et je nous entends tous, et je me dis : Il y a une chose certaine, c'est qu'on veut protéger notre système public en santé. Et il y a également un constat qu'on fait tous, c'est qu'il est vulnérable actuellement, il n'est pas dans un état de stabilité. En pharmacie, on parle d'un état d'équilibre, là, dans... Et on le sent fragile. Et donc l'ampleur et la nature des modifications qui nous sont imposées par le projet de loi n° 10 nous amènent à le percevoir... à percevoir ça comme le rendant encore plus vulnérable. Et moi, je dirais que, dans le fond, il y a certains éléments que vous avez cités qui sont des approches concrètes. Et j'aime le titre de votre mémoire : Une réforme inutile, des actions urgentes. Il y a des moyens concrets, pratiques qu'on peut mettre en place rapidement et qui n'ébranleront pas la charpente de notre système public, et le ministre commence par faire l'inverse, et ça, c'est inquiétant.

On aurait besoin d'avoir des choses pour stabiliser notre système actuel avant de le rebrasser. Et il y a quelque chose qui m'apparaît déterminant aussi, c'est dans le modèle de gouvernance, parce que le titre de ça, c'est de la gouvernance, et, dans la gouvernance... On peut exercer une gouvernance avec de la coercition et, dans certains cas, dans certains types d'organisations peut-être... mais rarement ça s'applique. Mais ce qui est certain, c'est que, dans un réseau de santé, c'est un réseau qui travaille avec des humains pour des humains, et la coercition, elle ne donnera jamais la performance qu'on attend. Donc, ça prend beaucoup plus de la mobilisation, de l'appropriation, et ça, ça fait partie d'un modèle de gouvernance qui est sain, et c'est ça qu'on n'entend pas actuellement, je pense, du ministre, et c'est ça qu'on voudrait entendre, lire et vraiment retrouver par écrit. On a également seulement un morceau du casse-tête, et tous les autres nous sont, à ce moment-ci, non accessibles.

Alors, je pense que ce que vous traduisez, c'est ce grand inconfort et ce sentiment d'absence de transparence qui est nécessaire pour prendre des décisions éclairées. Vous êtes des gens qui avez cette approche-là habituellement.

Alors, je vous demanderais tout simplement : Si vous aviez à faire des recommandations dans la séquence, qu'est-ce qui devrait être fait actuellement pour que notre système de santé soit préservé et plus performant? Puis, ensuite, je passe la parole à mon collègue de Rosemont, le député de Rosemont.

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je vais vous répéter ce qu'on répète depuis 10, 20, 30 ans, hein? Vous avez parlé de mobilisation des acteurs dans le réseau; la solution, elle est là. Pour trouver des solutions aux problèmes, je ne dirais pas «graves» du réseau, là, parce que je veux bien peser mes mots, mais il y a des problématiques qui sont là depuis des années puis qu'on n'arrive pas à trouver des solutions, bien il faudrait mettre au jeu les acteurs, il faudrait mettre au jeu les hommes, les femmes qui travaillent dans ces réseaux-là. Puis ça, on ne l'a pas...

Puis j'ai déjà posé la question au ministre, j'ai dit : Vous voulez abolir 1 300 postes de cadres — je ne suis pas le défenseur des cadres ici, là, mais, en même temps, ça prend un minimum d'encadrement dans ces grands réseaux là — vous voulez abolir 1 300 postes de cadres, vous voulez abolir certaines tâches administratives, une certaine bureaucratie. Est-ce que vous ne pouvez pas le faire dans le réseau actuel? Pourquoi tout rebrasser ce réseau-là?

Moi, je pense que les solutions peuvent être amenées dans le réseau actuel qu'on connaît, mais en donnant aussi à chacune des parties d'un CSSS ou à l'ensemble des établissements qui donnent des services sociaux la possibilité de réaliser le mandat qu'ils ont, sinon on n'y arrivera pas, sinon on n'y arrivera pas. Puis effectivement vous avez tout à fait raison, je l'ai mentionné d'entrée de jeu, là : toute réforme, il faut mobiliser les acteurs, il faut mobiliser les personnes qui vont mettre en place cette réforme-là, et ce n'est pas le cas. On a plutôt tendance à voir qu'il y aura des conséquences à ceux qui n'obéiront pas aux ordres du boss, là, et ça, je vous avoue que ça nous inquiète. Ça nous inquiète surtout quand c'est une grande réforme comme celle-là et qu'elle vise autant de travailleurs, travailleuses parce que c'est notre plus grand réseau public. Puis, écoutez, c'est du monde qui rendent des... Vous l'avez dit, c'est des hommes, des femmes — Jean-Pierre l'a mentionné tantôt — qui rendent des services à une population vulnérable. Je ne reprendrai pas les termes qu'on a entendus hier à la commission Charbonneau, là, mais c'est du monde qui... les gens qu'on représente, ils rendent des services à du monde vulnérable. Ne les rendons pas vulnérables, s'il vous plaît, ne les rendons pas vulnérables, parce que, là, ça va être du monde vulnérable qui vont rendre des services à du monde vulnérable, là, ça ne sera pas drôle pas du tout. Il y a du monde qui se dévoue jour après jour dans ce grand réseau de la santé là, et je pense qu'ils n'ont surtout pas besoin d'une réforme de structure, surtout pas besoin.

Mme Levasseur (Lucie) : Et, si vous permettez, posons-nous la question simple qui est là depuis le début : Est-ce que ça règle deux priorités majeures : réduction de l'attente à l'hôpital, accès à un médecin? Est-ce que le projet de loi règle ça? Je pense que la réponse, c'est non.

M. Lisée : Mme Levasseur, M. Ouellet, M. Boyer, heureux que vous soyez là. Vous m'avez vu, au cours des années et dans plusieurs de vos instances, faire des conférences, dans vos collèges de formation aussi, vous dire deux choses : Essentiellement, que l'avenir du secteur public dépend de la capacité du secteur public à repousser toutes les tentatives de privatisation, et ça, ça passe par une mobilisation de la base, c'est-à-dire de vos salariés, pour constamment être une force de proposition, hein, c'est constamment ce que je vous ai dit, être une force de proposition plutôt qu'une force seulement de revendication pour apporter des solutions pour une amélioration constante du service. Et ceux qui, même dans le secteur privé, sont un peu éclairés savent que la moitié des innovations viennent des salariés si on leur laisse la chance et si on les motive, si on les reconnaît, si on les valorise... en particulier des gains de productivité.

Alors, effectivement, la meilleure réforme possible et celle que je propose depuis des années, c'est de harnacher les bonnes volontés des salariés et des cadres. Et là ce qu'on a comme réforme, c'est une réforme qui dit que c'est seulement le ministre qui sait ce qui est bon, qui va nommer tout le monde et qui va abolir finalement les instances dans lesquelles les salariés et les autres acteurs pouvaient faire des propositions. Alors donc, je suis d'accord avec vous, ça va dans le sens inverse d'une bonne gestion des choses.

Et, juste une remarque avant de vous poser une question, le ministre tout à l'heure a dit qu'il y a des gens qui n'osent pas dire publiquement le bien qu'ils pensent de la réforme. Bien, c'est particulier parce qu'on devrait s'attendre à ce que tout le monde en dise du bien. Compte tenu que c'est le ministre qui va nommer tous les membres des conseils d'administration, les membres des comités d'experts, tous les directeurs généraux et tous les directeurs généraux adjoints, on penserait qu'il y a des centaines de personnes voulant être nommées qui disent du bien de la réforme. Le fait qu'ils n'en disent pas de bien devrait nous indiquer qu'il n'y a pas grand monde qui ose même en dire du bien, même si c'est dans leur intérêt personnel d'attirer l'attention du ministre.

Il y a une chose que vous relevez là-dedans : évidemment qu'on va mobiliser une énergie folle pendant plusieurs années à essayer de réformer des structures, mais ce que vous dites aussi, c'est qu'en fait la création de ces supramégacentres suprarégionaux va obliger la renégociation des ententes collectives pour leur donner une fausse homogénéité sur des larges territoires.

Je voudrais que vous m'expliquiez un peu, là, en quoi votre énergie, plutôt que d'être centrée sur l'amélioration des soins, va être canalisée dans une immense renégociation.

• (15 h 50) •

M. Boyer (Daniel) : Je commencerais... Avant de vous parler des négociations, je vous dirais que l'énergie des gestionnaires du réseau et du personnel du réseau va être concentrée à revoir cette structure-là, parce qu'écoutez je dis souvent, non pas à la blague, puis c'est assez sérieux : Un établissement... des fusions d'établissements, de monstres comme ceux-là, ce n'est pas vrai qu'à 23 h 59 on a 10 établissements puis qu'à minuit on en a un. Vous savez ce que ça demande, et c'est très complexe, dans un réseau qu'est celui de la santé. Vous avez un territoire donné, je prends celui, exemple, de la Montérégie et là je ne sais pas combien il y a de services... qu'il y a d'urgences en Montérégie, mais mettons qu'il y en a cinq. Il faut toujours bien se poser la question : Est-ce qu'on en maintient cinq? Puis, si on n'en maintient pas cinq, on les maintient où? Puis on attaque quel personnel? Et là, pour vous dire, là, j'ai juste parlé des urgences, là. Donc, vous imaginez les énergies que le réseau, le personnel du réseau, les cadres du réseau, ceux qui réfléchissent à l'organisation des soins, l'organisation des services, l'organisation du travail vont mettre de temps et d'énergie juste pour l'organisation de ce nouveau réseau là, de ces nouveaux CISSS là. C'est démentiel. Comme on en a mis dans la négociation de chacune des ententes dans chacun de ces nouveaux CSSS il y a 10 ans, on devra en remettre encore.

Et là, écoutez, je ne le sais pas, comment est-ce qu'on... on réussit toujours. Vous savez, le milieu syndical a cette facilité de s'adapter, même dans des périodes difficiles, on réussit toujours, mais ça va devenir complexe tantôt de négocier ces grandes conventions collectives là. À l'époque, on appelait ça des conventions locales. Là, ça ne sera plus des conventions locales, je vous avoue que ça va quasiment être des conventions nationales pour chacun des CISSS. Mais je vous avoue que ça va être compliqué, avec plein de missions, plein de sites, et là, plein de sites, là... Juste celui dans Chaudière-Appalaches, je pense qu'il y a 26, 27 sites au moment où on se parle. Imaginez-vous, là, après les fusions : du personnel qui travaille dans un et même plusieurs sites... Je ne sais pas ce qu'on va être capables de négocier, comment on va être capables d'organiser le travail, même au-delà de la négociation de la convention collective, comment on va être capables d'organiser les soins. Je ne le sais pas.

M. Lisée : On dit souvent — et légitimement — que les conventions collectives trop précises enlèvent la fluidité dans l'organisation du travail et l'amélioration des processus, mais, si les conventions collectives sont adaptées localement, elles peuvent être plus proches du réel, et on sait que, localement, les gens ont beaucoup plus de fluidité. Mais là on vous impose des conventions collectives suprarégionales qui vont mettre de la rigidité dans le système.

M. Boyer (Daniel) : Vous avez tout à fait raison. Plus on va négocier gros, plus ça va être rigide, plus on va tenter d'avoir un pattern pour l'établissement qui sera dorénavant le CISSS, et moins ça va correspondre à la réalité de chacun des sites où nos gens vont travailler et où les services seront donnés. Ça, c'est bien évident.

M. Lisée : Il me reste une minute. Seulement sur la question du privé dans la santé, le ministre vous a dit en privé, il l'a dit en public, que lui est un tenant du secteur public. Vous connaissez ma position là-dessus aussi, je pense qu'il faut plus de public, moins de privé, et je suis intéressé à plusieurs des propositions que vous avez faites, qui devraient être examinées. Mais ce que vous introduisez dans votre mémoire, c'est de dire que le management privé, avec cette réforme, va dominer les conseils d'administration qui vont rester, et c'est pourquoi la chambre de commerce s'est dite si contente de la réforme parce qu'elle, elle y voit de meilleurs partenariats avec le privé. Alors, pourquoi est-ce que la chambre de commerce comprend le contraire de ce que le ministre pense?

M. Boyer (Daniel) : Parce qu'elle y voit un intérêt, bien évidemment. L'introduction du privé dans la santé... Je ne sais pas combien il y a d'organisations qui sont venues dire qu'elles étaient favorables à l'implantation du projet de loi n° 10, mais, en tout cas, je sais que la fédération des chambres de commerce est favorable parce qu'on y voit une opportunité d'intégrer le privé dans la santé, encore plus de privé, et d'occuper les sièges administratifs, effectivement. Si on veut des administrateurs agréés, entre guillemets, sur nos conseils d'administration et moins de place pour la société civile, bien, évidemment, là, comment vous pensez qu'elles vont se prendre, ces décisions-là?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Boyer (Daniel) : Ils vont favoriser...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Ceci met fin à l'échange. Maintenant, nous allons céder la parole au député de La Peltrie pour un bloc de 8 min 30 s.

M. Caire : Merci, M. le Président. Dans votre présentation, vous avez abordé assez rapidement la question des cadres. En tout cas, de mon point de vue, puis je ne sais pas comment vous, vous voyez ça, mais c'est un problème qui a été reproché au réseau de la santé d'être suradministré, de générer beaucoup de bureaucratie et d'avoir un personnel d'encadrement qui était nettement supérieur à ce qui serait potentiellement requis.

Maintenant, j'aimerais comprendre votre démarche, parce que vous dites qu'il est possible de réduire la bureaucratie dans le contexte actuel, mais, en maintenant plusieurs entités, vous n'avez pas le choix d'avoir plusieurs responsables administratifs dans chacune des entités. Donc, à part regrouper des services et donc regrouper les entités administratives, comment vous faites pour diminuer la bureaucratie et alléger la structure?

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, il ne faudrait pas non plus voir la bureaucratie comme quelque chose de négatif, hein, je veux dire, ça en prend, une certaine bureaucratie, ça prend une certaine administration des services et des soins. Bon. En même temps, j'y fais toujours référence parce que c'est ce qui est arrivé il y a 10 ans. Quand on a fusionné les établissements, il y a eu effectivement une baisse du taux d'encadrement parce qu'on a regroupé des services et on a constaté au fil du temps que le personnel d'encadrement a augmenté plus rapidement que le personnel qui donne des services et des soins au fil des années. Aujourd'hui, en pourcentage, il y a plus de cadres en pourcentage qu'il y en avait en 2003, et le pourcentage de salariés a beaucoup moins progressé que le nombre de cadres.

Donc, oui, on va économiser sur le nombre de cadres au moment où on va implanter. Mais, écoutez, quand on regroupe les services, on peut penser qu'on fait des économies d'échelle, mais là je vous avoue que l'échelle... La façon de diminuer la bureaucratie dans le système actuel... bien, évidemment, il faudrait peut-être qu'il y ait un peu moins de reddition de comptes, parce que, là, tout le monde fait sa reddition de comptes, tout le monde. Puis là je vous dirais qu'avec le projet de loi n° 10 il devra y avoir encore plus de reddition de comptes pour la bonne et simple raison que c'est comme le ministre qui va tout décider, et lui est imputable parce que c'est un élu, et il va exiger de la reddition de comptes davantage qu'au moment où on se parle. Puis nous, on pense qu'il faut qu'il y ait de la reddition de comptes, mais trop, c'est comme pas assez. Et de remplir 20 000 requêtes pour avoir accès à quelque chose, c'est peut-être un problème, mais c'est un problème qui se règle dans le réseau actuel, là.

M. Caire : Je vais faire du pouce sur ce que vous avez dit parce que c'est important. Je pense que vous avez raison quand vous dites qu'il y a beaucoup de reddition de comptes qui se fait, pas mal pour la même affaire. En fait, l'AQESSS nous a dit : Écoutez, sur 240 rapports, il y en a 90 qui sont dus au ministère, 150 qui sont dus aux agences, puis là-dessus il y en a un paquet qui se dédoublent. Mais justement, si on abolit les structures... Chaque structure qui fait une demande de reddition de comptes, si la structure n'est plus là, les agences, ils n'en demanderont plus, de redditions de comptes, ils n'existeront plus. Alors, est-ce qu'il n'y a pas justement là une opportunité de diminuer cette surreddition de comptes? Et, encore une fois, si vous gardez 95 établissements, bien, vous n'avez pas le choix, ça vous prend 95 D.G., 95 directeurs des ressources humaines, 95 directeurs des ressources informatiques, puis ça, c'est des choses qui peuvent être... Je comprends votre préoccupation de décision de terrain, mais, quand on parle de gestion de système informatique...

Puis je voudrais faire aussi du pouce sur ce que madame a dit tout à l'heure. Moi, je viens du milieu de l'informatique, puis la raison de l'échec du DSQ, c'est justement que tout le monde implantait son système informatique, mais il n'y en a pas un qui se parle, il n'y en a pas un maudit qui se parle. Donc, pourquoi ne pas avoir justement un système informatique national? Ça, il faut s'assurer qu'il est compatible, là, donc, il n'y en a pas de problème.

Donc, j'essaie... Dans votre logique, là, j'essaie d'avancer puis dire : Mais, si on fait cette intégration-là des services, ce regroupement-là des services, ça ne va pas plutôt dans le sens de ce que vous souhaitez : des systèmes informatiques plus compatibles, plus performants, moins de surreddition de comptes parce que moins d'entités qui demandent des informations à tout le monde, moins de cadres qui font tous la même affaire? Vous ne voyez pas au contraire qu'il y a là une opportunité... puis ce n'est pas parfait, là, je suis d'accord avec vous, là, il y a des grosses améliorations à apporter, mais il y a quand même une opportunité d'aller dans le sens de ce que vous souhaitez, non?

M. Boyer (Daniel) : Oui, mais on pense que ça se fait dans le réseau actuel. Ça peut se faire dans le réseau actuel. Je veux dire, un système informatique unique, là, est-ce qu'on a besoin d'avoir un seul établissement de santé au Québec pour avoir un système d'informatique unique? Bien non, on peut implanter ça. Tant mieux s'il y a un meilleur partage de l'information, mais...

M. Caire : ...autonome, M. Boyer, le problème, c'est que chaque entité choisit son système informatique, c'est ça, le problème qu'on a rencontré, là, à toutes fins utiles, là. Je partage votre préoccupation sur le DSQ, là, mais ça reste que chaque région était responsable de son propre développement de ses propres bases de données, de ses propres réseaux. À un moment donné, tout le monde ne va pas dans le même sens, là. Ça, c'est malheureusement humain, là.

M. Boyer (Daniel) : Mais, vous voyez, il y a 10 ans, on s'est dit la même affaire : On va avoir moins de bureaucratie, moins d'administration, moins de cadres, puis on se ramasse aujourd'hui à l'inverse, on en a plus qu'on en avait il y a 10 ans. Pourquoi?

M. Caire : Mais je suis d'accord avec vous, là, il y a un devoir de vigilance, là.

M. Boyer (Daniel) : On a créé de grands établissements, puis ça va demander de la... il faut que ça se parle, ce monde-là. Ça a bien beau être une seule administration...

M. Caire : On s'entend.

M. Boyer (Daniel) : ...mais, quand vous avez 50 sites, je m'excuse, là, mais il va falloir que ça se parle, tout ce beau monde là, là, sinon on va avoir un méchant problème, là.

M. Caire : Mais, à 50, c'est difficile, imaginez-vous à 128.

M. Boyer (Daniel) : Non, mais je vous dis 50 sites par établissement, par CISSS, parce qu'on va avoir le même nombre de sites demain matin, là.

M. Caire : D'établissements physiques, vous voulez dire, là.

M. Boyer (Daniel) : Oui, oui, d'établissements physiques, oui, oui, tout à fait.

M. Caire : Je suis d'accord. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la collègue députée de Gouin pour une période de trois minutes.

• (16 heures) •

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Pour continuer dans la... pas dans la logique, mais dans la foulée de ce que le collègue vient de demander, ma petite analyse à moi, c'est que la nature ayant horreur du vide, si on crée un CISSS par région, à l'exception de Montréal où il y en a cinq, oui, à un moment donné, on va retrouver un certain nombre de cadres additionnels, parce que c'est tellement gros qu'on va finir par créer des directions sous-régionales. C'est mon impression. Est-ce que vous partagez cette impression?

M. Boyer (Daniel) : C'est ce qui est arrivé... c'est ce qui arrive dans le réseau actuel. Vous avez bien beau dire que vous avez dorénavant un directeur des ressources humaines par CSSS, mais il y a combien de directeurs adjoints, il y a combien de sous-adjoints, il y a combien... Écoutez, il y a des CSSS à Montréal qui ont 50, 75 personnes aux ressources humaines. C'est d'immenses services de ressources humaines, là.

Mme David (Gouin) : Donc, en termes de bureaucratie, en termes de nombre de cadres, ce n'est pas parce qu'on a un seul établissement par région qu'on est en train de résoudre ce problème de peut-être une trop grande bureaucratie, un trop grand nombre de cadres.

Mais je veux vous amener aussi, dans le temps que j'ai, qui est court, sur un autre terrain. On a brièvement évoqué la question de la négociation des accréditations syndicales. Moi, j'aimerais que vous nous en disiez un petit peu plus long. Parce que, si jamais cette réforme devait être mise en oeuvre dès le 1er avril prochain — ce qui est le souhait du ministre, je pense — est-ce qu'on ne se retrouve pas dans une situation assez particulière d'à la fois entreprendre des négociations de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du secteur public pour leurs conditions de travail et, en même temps, toute cette redéfinition de leurs lieux de travail, des établissements? Comment vous voyez ça?

M. Boyer (Daniel) : Je l'ai dit tantôt, on a cette faculté de s'adapter, mais en même temps on voit ça assez important comme changement, là. Un, il y a la négociation, bien sûr, des conditions de travail; il va y avoir les fusions d'établissements; il va y avoir, suite à la négociation, un redécoupage des accréditations syndicales, inévitablement. Et je vous avoue que la vie syndicale dans ces établissements-là est très difficile au moment où on se parle.

Quand on est sur un territoire... Puis ça va être encore plus difficile pour la suite des choses, là, avec les établissements monstrueux qu'on aura. Quand vous avez un territoire de 120 kilomètres, 26 sites sur le territoire, comment vous faites pour avoir une vie syndicale active, alors qu'il y a des gens qui ne se rencontreront jamais dans leur vie alors qu'ils font partie d'un même syndicat? C'est très difficile d'avoir une vie syndicale.

Maintenant, j'entends la réponse du ministre qui va me dire : Oui, mais c'est les patients qui m'intéressent, ce n'est pas la vie syndicale. Mais, en même temps, ceux qui donnent les services puis les soins, là, c'est les travailleurs puis les travailleuses, puis je pense qu'il faut qu'ils se retrouvent dans leur vie syndicale, il faut qu'ils se retrouvent comme travailleurs, travailleuses, il faut qu'ils se retrouvent dans les conditions de travail dans lesquelles ils oeuvrent.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange. Alors, je remercie les représentantes, représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

J'invite maintenant les représentants de la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires à prendre place, et, dans l'intervalle, je suspends nos travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos prochains invités, les représentantes de la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. S'il vous plaît, prendre le temps de bien vous identifier pour les fins d'enregistrement, et par la suite s'ensuivra une période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Coalition des tables régionales d'organismes
communautaires (CTROC)

Mme Cyr (Claudelle) : Alors, Claudelle Cyr, directrice du Regroupement des organismes communautaires de l'Estrie et représentante pour la Coalition des TROC aujourd'hui.

Mme Lapierre (Valérie) : Oui, et Valérie Lapierre, représentante aussi pour la Coalition des TROC. Je suis au ROC-03, à Québec.

Mme Cyr (Claudelle) : Alors, merci. Donc, la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires réunit 14 regroupements régionaux d'organismes qui représentent des milliers d'organismes de base qui oeuvrent au sein du secteur de la santé et des services sociaux. La CTROC a comme mission d'analyser l'organisation du réseau public de la santé et des services sociaux et ses impacts sur la population et sur les organismes. Elle permet aux organismes communautaires en santé et services sociaux, tous secteurs d'intervention confondus, d'avoir une instance nationale qui fait la promotion... et leurs intérêts et ceux de la population auprès desquels ils interviennent.

Nous sommes aussi reconnus comme interlocutrices importantes auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux, et on est membres du Réseau québécois de l'action communautaire autonome, de la Coalition Solidarité Santé et de la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics.

Donc, depuis la réforme Côté, les organismes communautaires, on a vu notre apport reconnu par la Loi en santé et services sociaux, mais parallèlement on a dû faire preuve de vigilance à plusieurs reprises afin de protéger notre autonomie et notre spécificité et afin que l'État ne nous perçoive pas comme de simples dispensateurs de services sociaux.

Ce qu'on remarque, c'est que le projet de loi n° 10 introduit une fois de plus une nouvelle gouvernance dans le réseau de la santé. C'est une continuité, en fait, avec la loi qui était à l'époque le projet de loi n° 127, la Loi visant à améliorer la gestion du réseau de la santé et des services sociaux adoptée en juin 2011, pour laquelle nous étions déjà intervenus.

En plus d'avoir de grandes craintes quant à l'importance qui va être accordée à la prévention et aux services sociaux dans la nouvelle structure — je pense que ce n'est pas une nouveauté depuis le début de la commission, mais on va marteler encore — de même qu'à la place réservée à la population et aux organismes communautaires au sein des décisions, nous sommes quand même... nous sommes aussi étonnés de découvrir l'ampleur des pouvoirs du ministre.

Il est d'ailleurs important de préciser que la CTROC souscrit au mémoire de la Coalition Solidarité Santé, qui va vous être présenté après nous, ainsi que celui produit par Damien Contandriopoulos relativement aux objectifs que le projet de loi prétend atteindre et à la perturbation que la loi risque de créer. Néanmoins, on a décidé quand même d'intervenir, là, sur le projet de loi directement et de formuler certaines recommandations.

Donc, par rapport à la place des services sociaux et la prévention, bien, le projet de loi prévoit une mégafusion de l'ensemble des établissements sur un même territoire sociosanitaire, et nous sommes fortement inquiets des dérives que pourrait entraîner une telle fusion par rapport notamment à la diminution des ressources allouées aux services sociaux et à la prévention, entre autres toute la question de la Direction de la santé publique, qui continue à relever de ce qui sera un CISSS. Donc, pour nous, on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner comme place pour la prévention.

Aussi, on a la question des conseils d'administration des CISSS qui vont... Lorsqu'ils vont être confrontés à des choix budgétaires, quelles dépenses ils vont diminuer en premier, outre l'administration? Nous, on craint que les programmes voués à la prévention arrivent en deuxième place face aux besoins d'un centre hospitalier.

• (16 h 10) •

Donc, la préoccupation qu'on a... Bien sûr, on n'a pas d'article de loi précis qui dit qu'on va diminuer rien, il n'y a pas d'article qui dit que les enveloppes peuvent bouger nécessairement, mais en même temps les dommages collatéraux... on craint à des dommages collatéraux.

Donc, pour nous, il faudrait s'assurer que la mission préventive puis celle relative aux services sociaux soient protégées. C'est pourquoi qu'on fait la recommandation de prévoir un mécanisme pour protéger les ressources et les budgets consentis à la mission préventive et aux services sociaux du réseau de la santé et des services sociaux et un accès équitable pour ces missions aux nouveaux budgets alloués, le cas échéant.

Sur la question de l'élargissement des pouvoirs du ministre, on a entendu le ministre à plusieurs reprises en commission parlementaire parler de mesures qui sont transitoires. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : Peut-être, mais dans le projet de loi actuel, il n'y a rien qui fait référence aux mesures... à ce que ça serait des mesures transitoires. Bien, donc, on va revenir là-dessus, mais ça, on tenait à le souligner.

Ce qu'on craint, c'est une politisation du réseau de la santé et des services sociaux. On est inquiets des pouvoirs de nomination qui sont octroyés au ministre. Est-ce qu'il y a risque de nominations partisanes, tous partis confondus, peu importe quel parti serait au pouvoir une fois la loi adoptée? Donc, est-ce qu'il y aurait risque de nominations partisanes? Il y a la question de l'article 134 qui permet des sanctions aux conseils d'administration. Donc, ça nous interpelle aussi. Donc, c'est pourquoi on recommande que toute disposition donnant de nouveaux pouvoirs au ministre soit liée à la mesure transitoire et que des délais d'application soient inscrits pour ces mesures.

Sur la question des mégafusions, c'est-à-dire l'article 129 du projet de loi, là aussi on a encore des inquiétudes. Est-ce qu'on est en train d'assister... On en parle beaucoup dans notre mémoire : on est des regroupements régionaux, on est nés de la régionalisation. L'article 129 pourrait permettre des méga-CISSS, donc plusieurs régions ensemble. Pour nous, ça nous inquiète énormément, donc on recommande de retirer du projet de loi cet article-là et d'abroger l'article 318 de la loi en santé et services sociaux.

Sur la question de parole citoyenne et communautaire, évidemment, encore une fois, des inquiétudes. Ce qu'on voit, c'est un conseil d'administration d'experts. À l'époque, le projet de loi n° 127, en 2011, c'était la même chose, on a enlevé encore des pouvoirs citoyens et communautaires. Dans la composition actuelle des C.A., on ne fait plus référence aux citoyens. Mais non seulement on ne fait plus référence aux citoyens, mais nous, comme organisme communautaire, on a déjà un siège au conseil d'administration de l'agence de la santé et des services sociaux et donc... Puis on pense que notre apport est intéressant et on recommande donc d'ajouter à l'article 11 du profil des compétences le profil compétences communautaires et de voir comment on pourrait avoir quand même des représentants de la population.

Sur la question de l'attribution des subventions aux organismes communautaires, j'irais tout de suite sur la question du financement. Pour nous, on y a vu... Là, je pense que c'est le bout qui nous interpelle le plus, au niveau du financement. C'est qu'on a vu une possibilité de confusion sur l'étanchéité du financement qui est alloué via notre Programme de soutien aux organismes communautaires, le PSOC, et toute la question du financement par entente de services qui est possible actuellement avec les CSSS.

Donc, ce qu'on voit actuellement, certains organismes communautaires, en vertu de l'article 108 de la loi en santé, font des ententes de services avec les CSSS pour de la dispensation de services. Donc, on parle d'achat de services à ce moment-là. Le CSSS fait une entente avec une ressource alternative en santé mentale : Réserve-moi deux lits, puis là il y a un échange, à ce moment-là, de services et d'argent.

Le projet de loi actuellement dit : On garde le financement des organismes communautaires ou régionaux aux CISSS. Ça, là-dessus, nous, on est d'accord à ce que ça reste là, évidemment. Par ailleurs, le financement des organismes communautaires, actuellement, au régional, c'est pour le financement à notre mission, donc ce n'est pas pour de l'achat de services. Si on veut acheter nos services — ce qu'on n'est pas tout à fait d'accord, mais, en entente, là, on s'entend que c'est négocié, c'est autre chose — à ce moment-là, c'est les CSSS.

Là, on dit : Les CISSS... l'établissement régional va assumer les responsabilités des articles 99.1 et suivants de la loi en santé, mais ils vont aussi avoir un volet régional... qui sont pour les organismes communautaires. Mais, nous, ça, ça nous interpelle beaucoup, parce qu'on dit : Comment le même établissement va pouvoir continuer à nous financer à notre mission via le PSOC puis, en plus de ça, il va pouvoir nous contracter pour des services... directement de l'achat de services? Donc, est-ce qu'il y a un danger de glissement? Est-ce qu'éventuellement on irait plus vers l'achat de services? Ça, c'est des questions auxquelles le projet de loi ne répond pas, mais plutôt nous interpelle.

Donc, c'est pourquoi on recommande que le PSOC soit géré par un département distinct de celui qui sera responsable des autres formes de financement qui peuvent toucher les organismes communautaires, donc : ententes de services, financement par projet, etc.

La question de la gestion budgétaire par programme-service aussi nous questionne. Est-ce que nous, on va devoir souscrire à une gestion comptable des programmes-services, compte tenu du type de financement qu'on a à notre mission, qui est le programme PSOC? On recommande donc d'exclure ce programme-là de la gestion budgétaire par programme-service. Ça n'empêche pas qu'une entente de service soit gérée autrement, c'est un autre département. Mais, quand on parle du financement à la mission, nous, ce qu'on demande, c'est de le sortir de la gestion par programme-service.

Finalement, sur la question de la régionalisation, on l'a dit tout à l'heure, on est né de la régionalisation. Évidemment, on va militer en faveur de la régionalisation. Mais, au-delà de dire juste qu'on est né de là et on veut ça, on voit quand même que c'est important. Il y a des spécificités régionales, il y a des façons... il y a des particularités aux régions, et pour nous, donc, c'est incontournable que les régions puissent continuer à faire des planifications stratégiques régionales pour permettre justement une cohésion, même si c'est juste un CISSS au niveau des services pour l'ensemble de la région.

Donc, ce qu'on fait comme recommandation, c'est en lien avec l'article 64 du projet de loi. On recommande donc que l'établissement régional demeure responsable d'élaborer un plan stratégique pluriannuel pour le territoire de sa région et que ce plan soit approuvé par le ministre, conformément aux articles 346.1 et 346.2 de la loi en santé.

L'autre recommandation par la suite, c'est qu'on dit que, dans le fond, la modification de l'article 64, c'est en cohérence avec la recommandation qu'on fait précédemment : que l'article 346.3 ne s'applique pas à un établissement régional. Évidemment, cet article-là fait référence à l'obligation des agences d'avoir une table des directeurs généraux d'établissement, ce qu'il n'y aura plus.

Sur la question de Montréal, simplement rappeler notre recommandation. Je n'élaborerai pas. Si vous avez des questions, on reviendra. Donc, on recommande le maintien d'une structure de coordination régionale du réseau de la santé et des services sociaux et que cette structure devrait relever directement du ministère de la Santé et des Services sociaux pour avoir l'autorité nécessaire face aux cinq CISSS de la région et autres établissements. Et cette mesure devrait s'appliquer aux autres régions pour lesquelles on songerait à implanter d'autres CISSS, notamment la Montérégie, comme on a entendu tout à l'heure.

Dernière... Autre spécificité pour nous, c'est la question du financement des programmes de développement des ressources humaines dans le milieu communautaire. L'article 78 du projet de loi, il donne les pouvoirs de financement pour les activités de perfectionnement au ministre de la Santé et des Services sociaux. Ce qu'on dit, c'est que c'est le ministère... le ministre qui va s'en occuper. Actuellement, ce financement-là, on le reçoit de nos agences. Plusieurs de nos regroupements font des demandes à part du programme PSOC, à part du financement à l'admission. On fait une demande de subvention avec un programme de formation pour nos ressources humaines, pour la gouvernance aussi. Les conseils d'administration, on les supporte, on les soutient, donc on a des formations aussi sur ça. On a des formations... Par exemple, l'actuel projet de loi, on peut avoir une formation pour l'expliquer. Mais ces argents-là viennent de l'agence en surplus au financement à notre mission.

Donc là, ce qu'on se retrouverait à faire, c'est : On fait une demande de notre subvention à l'agence, mais tout le programme de perfectionnement de nos ressources humaines, et de bonnes pratiques, et de saines gouvernances, qui sont chères à l'Assemblée, ici, il faudrait faire la demande au ministre. Nous, on dit : Bien, tant qu'à tout laisser au régional pour la question des organismes communautaires, sur la question du financement des programmes de développement de ressources humaines des organismes communautaires, on recommande donc de le laisser à l'instance régionale, donc que ça soit aussi exercé par l'instance régionale.

Finalement, en conclusion, la question des liens entre les décideurs et bâilleurs de fonds et les organismes communautaires demeure au coeur de nos préoccupations. Les membres de la CTROC participent depuis 20 ans à des travaux avec les instances régionales lorsque les enjeux concernent notre milieu. Les regroupements régionaux ont mis en place des concertations avec les agences, avec les acteurs concernés. On a des cadres de référence régionaux qui nous permettent, là, de se gouverner au sein de notre région. Et on compte continuer à jouer ce rôle-là auprès de l'instance régionale, peu importe son appellation.

Donc, on recommande que le ministre préconise la participation des regroupements régionaux d'organismes communautaires au processus de transition avant l'implantation éventuelle de la loi n° 10, ceci incluant les comités qui pourraient travailler sur des enjeux touchant de près ou de loin les organismes communautaires.

• (16 h 20) •

Les tables régionales d'organismes communautaires ou les regroupements d'organismes communautaires, on a des liens vraiment privilégiés avec nos agences de la santé, puis ça facilite beaucoup, d'une part, le lien entre les organismes justement sur le terrain et les décideurs. Ça nous permet de pouvoir aller aider un organisme aussi qui ne va pas bien. Les agences vont nous appeler s'il y a des difficultés, par exemple dans un conseil d'administration, où est-ce que, là, on peut intervenir puis justement aider à la bonne entente.

Donc, en conclusion, nous tenons à dire qu'actuellement on est inquiets — on le dit depuis tantôt — de l'orientation que semble vouloir prendre le ministre par le biais de ce projet de loi. Nous percevons ici de sérieuses menaces à l'existence et à la consolidation des services sociaux qui sont essentiels au bien-être de la population québécoise. Le projet de loi n° 10 annonce la création de superstructures qui seront naturellement centralisées autour des centres hospitaliers. Par exemple, les besoins d'une maison de jeunes pourraient être vite oubliés lorsque viendra le temps de répartir les enveloppes jeunesse. Pire encore, les enveloppes jeunesse pourraient être aussi limitées lorsque le centre hospitalier aura besoin d'acheter un nouvel appareil diagnostique. C'est donc aussi l'approche de prévention qui est menacée.

Surtout, la fusion de l'ensemble des établissements locaux et la centralisation au sein d'un seul siège social pour l'ensemble d'une région sociosanitaire nous interpellent particulièrement. La régionalisation visait à approcher les décisions des citoyens en respect des spécificités des milieux, puis ça visait à atteindre une meilleure prestation des services adaptés, comme je disais tout à l'heure, aux réalités de chaque région. Un pouvoir de décision centralisé permettra-t-il une adaptation aux besoins régionaux? Assisterons-nous au retour de programmes mur à mur inefficaces dans plusieurs régions? Finalement, qu'en sera-t-il des services de santé et des services sociaux en région? Comment peut-on garantir le maintien de services dans une municipalité rurale et éloignée des grands centres? Lorsqu'il sera question de mettre en place les compressions budgétaires, décidera-t-on d'essayer d'offrir des services d'urgence dans une région desservant à peine 5 000 personnes de population, alors que l'urgence de la ville centre déborde et que des ressources supplémentaires doivent lui être octroyées?

Dans un contexte de compressions budgétaires, le présent projet de loi fait craindre le pire à nos membres et à plusieurs autres intervenants sociaux concernant la question entre autres de la régionalisation et du fait qu'on s'éloigne du citoyen.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre exposé. Vous aviez 10 minutes de prévues; vous avez pris 16 minutes à la demande du ministre. Donc, il me priait de vous donner de son temps pour vous permettre de conclure.

Alors, M. le ministre, de 20, il vous reste 14 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Cyr et Mme Lapierre, bien, bienvenue. Je vois que vous avez pris le temps de réfléchir et de vous présenter pour nous faire une présentation — qui est un pléonasme — assez détaillée puis très orientée sur le projet de loi. Je vous en félicite et je vous en remercie. Et vous intitulez votre mémoire La régionalisation en péril.

Vous m'avez probablement entendu dire — et je vais le redire en personne — ce que n'est pas le projet de loi n° 10. Un, ce n'est pas hospitalocentriste, ça ne vise pas à être hospitalocentriste. Au contraire, il y a plein d'éléments dans le projet de loi n° 10 qui visent votre secteur d'activité. Et ma collègue ministre déléguée députée de Soulanges, dans quelques instants, vous en fera part, c'est dans notre intention, au contraire, de faire en sorte que votre secteur d'activité soit protégé.

Encore aujourd'hui, même si on approche de la fin des commissions parlementaires et même avec tout ce qui a été dit mais malheureusement pas toujours rapporté, il est toujours surprenant de constater que les gens voient dans ce projet de loi là une attaque quasi en règle des services sociaux. Ce n'est pas ça, là. Le projet de loi n° 10, c'est un projet d'intégration. Je peux comprendre que des gens n'aiment pas l'intégration, mais aujourd'hui, dans le monde où on est rendus, je pense que l'intégration est nécessaire. Je pense que l'aspect de gestion est obligatoire.

D'ailleurs, vous-mêmes, dans votre propre présentation et à propos de vous-mêmes, vous parlez de votre gestion à vous. Vous y tenez, à votre gestion; vous en faites, de la gestion. Vous avez fait référence... Vous êtes une des organisations communautaires qui a parlé le plus de gestion de ses propres affaires en trois semaines. Vous avez des budgets... Vous recevez vos budgets, vous êtes en faveur de plans, vous êtes en faveur... Vous ne l'avez pas dit comme ça, mais vous êtes en faveur de reddition de comptes. Vous êtes en faveur d'une saine gestion, là. Et, quand on est dans le communautaire, c'est comme aussi normal, parce que vous essayez de faire en sorte que le dollar qui vous est donné fasse le plus de millage possible.

C'est drôle, c'est exactement ça qu'on veut faire dans le système que vous qualifiez plus d'hospitalocentré. Mais ce n'est pas ça, l'idée, là; l'idée est de faire en sorte que, nous comme vous, là, on puisse arriver puis, au bout de la ligne, réussir à faire plus avec ce que l'on a pour pouvoir donner les services en quantité appropriée aux gens. On se retrouve donc essentiellement sur la même patinoire, je dirais, pas nécessairement avec les mêmes outils, mais avec certainement la même finalité.

J'aimerais ça que vous élaboriez un peu. Ça m'a beaucoup interpellé, ça, quand vous avez parlé... Vous l'avez dit très vite, hein? Votre présentation était extrêmement chargée, puis j'ai bien vu que vous vouliez passer tous vos messages — et vous l'avez fait, félicitations! — mais il y a un bout sur lequel vous êtes allés vite, parce que c'est difficile de le dire en quelques mots, là, alors juste bien saisir ce que vous disiez, là.

Vous êtes toujours, dans le communautaire — puis je le comprends, là, ce n'est pas une critique — sensibles et jaloux de votre autonomie, de votre façon de faire. En même temps, vous voulez quand même que le lien soit gardé pour ce qui est du côté du financement avec l'établissement régional, le CISSS, via le PSOC ou autre chose, et, de la manière que vous l'avez dit, la relation entre les deux, là, pour moi, ce n'était pas clair.

Vous voulez avoir le financement, vous ne voulez pas être dans un mode d'achat de services, mais vous voulez un lien dans lequel vous donnez des services. Exactement, là, qu'est-ce que vous voulez? Je suis sûr que c'est clair pour vous, c'est juste qu'à la vitesse où vous êtes allés, là, ça n'a pas été clair pour moi.

Mme Cyr (Claudelle) : Ce qu'on dit, c'est qu'on est conscients que certains organismes communautaires contractent des ententes de services avec les CSSS, donc que là c'est de l'achat de services. Par contre, on a un financement à la mission qui vient du programme PSOC, puis pour nous il est important, ce financement-là, là, c'est notre financement de base. Donc, ce qu'on demande, c'est une étanchéité entre ces deux choses-là. Qu'un organisme qui est justement autonome décide de négocier librement une entente de services avec un CSSS, c'est une chose, mais, en même temps, ça n'enlève pas qu'il a un financement de base. Et, s'il décide de s'inscrire dans de la production de services pour le réseau public de santé, bien ça n'enlève pas le fait qu'il est minimalement, d'abord et avant tout, un organisme financé par le Programme de soutien aux organismes communautaires.

Nous, ce qu'on dit, c'est : Maintenons cette étanchéité-là qui était là. Parce qu'avant que... S'il n'y a pas de fusion, le programme PSOC vient de l'agence; et les ententes, c'est le CSSS qui fait le chèque. Ce n'est pas l'agence qui fait le chèque, ce n'est pas le ministère... bien, oui, là, par la bande, mais le chèque est quand même... c'est le CSSS, là. On s'entendra, mais, bon. Donc, l'entente est avec le CSSS comme producteur, alors que le financement à la mission... Ce n'est pas le CISSS qui finance le financement à la mission. Il ne finance pas de la production de services, même si, par la bande, on pourrait dire qu'on fait ça, mais ce n'est pas ça, là.

M. Barrette : O.K. Là, je comprends pourquoi je n'ai pas compris. Parce que les organismes communautaires qui sont venus précédemment, évidemment, s'enquièrent tous du maintien du financement. Puis ça, on l'a dit clairement, là, non seulement il va être maintenu, il va être protégé.

Du même souffle, rares... et je pense que vous êtes la seule organisation qui le dit comme vous le dites. Parce que, si on peut, pour une partie, à l'opposé de ce que d'autres ont dit, à savoir que... Et, même aujourd'hui, il y a des gens qui ne veulent pas avoir de l'achat de services. Il y a même des mots qui ont été utilisés : On ne veut pas être payés pour des actes. C'est une expression qui a été utilisée, là.

Alors, vous, je comprends ce que vous dites, vous voulez que la base soit protégée et que vous soyez libres avec ça dans votre mission et votre culture...

Mme Cyr (Claudelle) : Mais on ne veut pas être perçus comme des prestataires, cela dit.

M. Barrette : Non, non, je comprends, je...

Mme Cyr (Claudelle) : Ce qu'on dit, c'est qu'on est conscients que ça existe, puis donc, à ce moment-là, une fois que c'est là, bien on ne va pas aller dire, nous, à l'organisme communautaire qui a contracté une entente comment se gouverner. Donc, ce qu'on dit, c'est : On est conscients que c'est là puis on ne veut pas que ça aille vers ça, mais sauf que, pour le moment, comme c'est là, qu'on maintienne minimalement cette étanchéité-là.

M. Barrette : C'est correct. O.K. Mais je peux vous rassurer, là, on ne s'en va pas dans une direction de diminution des services sociaux ni du financement à votre type d'organisme, là. Et, quand vous faites référence à l'importance que vous avez dans le système, vous avez une oreille très, très attentive et favorable ici.

M. le Président, je vais passer la parole à ma collègue pour la période qui reste.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, il reste à peu près... un peu plus de 6 min 30 s. Alors, la parole est à la ministre déléguée à la Réadaptation, la Protection de la jeunesse et à la Santé publique.

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : Bonjour, Mme Cyr et Mme Lapierre. Merci d'être là et de nous faire part de vos préoccupations. À mon tour de vous rassurer concernant les services sociaux. Je suis la ministre déléguée aux Services sociaux, alors je ne suis pas là juste pour faire du décor dans le ministère, mais bien pour m'occuper des services sociaux. Je veux vous rassurer, le projet de loi n° 10 est aussi conçu pour les services sociaux. Quand on parle d'intégration de services, de coordination, c'est dans ce sens-là.

Je vais y aller tout de suite sur le type de travail que vous faites dans les organismes communautaires, qui est fort important, tout le monde en convient. Il n'y a pas un député à l'Assemblée nationale qui n'est pas conscient du travail qui est fait par les organismes communautaires, moi la première. Avant d'être ministre, on est député avant tout, puis j'ai toujours travaillé avec mes organismes communautaires. Et à mon tour de vous rassurer sur le fonctionnement. Vous savez qu'il y a un comité de travail, un groupe de travail qui a travaillé, qui... ça fait bien du travail, là, mais qui s'est réuni et a justement planché sur 11 engagements. Vous avez dû être mises au courant de ça. Et, à l'engagement 4, ça dit carrément que le ministère «s'engage à maintenir ou à accroître le niveau actuel de prépondérance et à intégrer dans les orientations ministérielles la prépondérance du soutien financier à la mission globale sur les trois modes de financement», et les trois modes de financement, bien, c'est la mission globale, les ententes de services et les projets ponctuels. Comme vous l'a dit le ministre, ce n'est pas là pour s'éteindre, ça. C'est un engagement, puis je compte bien tenir mes engagements qui sont là-dedans.

Et j'ai aussi le goût de vous dire que ce que j'ai entendu beaucoup quand j'ai rencontré des groupes communautaires, des organismes communautaires, c'est qu'on m'a parlé de la lourdeur de la reddition de comptes, dans le système, à faire et au CSSS, et à l'agence, et pour le... Il y en avait partout, de la reddition de comptes, alors que là, avec le CISSS, vous allez avoir un endroit à faire de la reddition de comptes. Ce qui ne veut pas dire que vous ne pouvez pas avoir des ententes de service avec les points de service qui seront là, parce que les CSSS ne seront plus des CSSS, mais il n'en demeure pas moins qu'il va y avoir... tous les points de service qui existent vont rester là. Ça va être juste mieux intégré. Il va avoir un dossier d'usager, de patient.

Puis ça, vous n'en avez pas beaucoup parlé, dans votre mémoire, à moins que j'aie mal... Parce que, comme le ministre disait, vous aviez tellement de choses à nous dire qu'à un moment donné ça allait vite, mais je n'ai pas beaucoup entendu parler de toute l'expertise à maintenir toute l'intégration des services. Parce que vous travaillez, veux veux pas, avec le réseau. Je comprends que vous êtes indépendants. Puis, à cet effet-là, je veux vous rappeler aussi que la loi des... la LSSSS, là, la loi de santé et services sociaux, va rester là, hein? Alors, votre autonomie est vraiment protégée, là. Cette loi-là va demeurer en vigueur. Puis je veux vous rassurer là-dessus. C'est superimportant, là, parce qu'il y en a qui véhiculent que l'autonomie des organismes communautaires est mise en péril. Ce n'est pas ça du tout qui est envisagé. C'est superimportant que vous puissiez garder votre autonomie.

Et je comprends qu'un changement, ça dérange, mais je veux juste vous rappeler qu'à travers le temps, de 2002‑2003 jusqu'à ce qu'on quitte, qu'on prenne... qu'on devienne l'opposition officielle, on était partis de 274 millions à 500 quelque millions de financement aux organismes communautaires, alors qu'en 18 mois tout ce que vous avez eu... Vous avez eu des promesses, mais l'argent n'a pas suivi. Moi, en ce moment... J'ai toujours donné l'heure juste. J'ai toujours donné l'heure juste. Je vous ai dit, dès mon arrivée, qu'il y avait un contexte budgétaire. On s'en allait vers 5 milliards de déficit puis on ne pouvait pas aller là-dedans. Mais je me suis assurée qu'on maintienne votre financement, les organismes communautaires, parce que, pour moi, c'était important, et le ministre de la Santé a travaillé avec moi en ce sens-là.

Alors, j'aimerais ça vous entendre parler... J'espère que je vous ai rassurées sur les budgets protégés. Puis ça ne sera pas par programme-service dans votre cas parce que je vous ai dit qu'il y avait l'entente qu'on a travaillée, le ministère et vous. Mais j'aimerais ça vous entendre, là, parler de l'intégration de l'ensemble pour l'usager, là, qui est dans la machine, là, qui est dans le système de santé, parce qu'il peut arriver qu'on ait besoin de soins de santé, de services sociaux, de services des organismes communautaires. Comment vous voyez ça, toute l'intégration, qu'il y ait un dossier par citoyen? Parce qu'ultimement il y en a un qui paie, c'est celui qui est le payeur de taxes qui va chercher des services à travers tout ça puis qui veut le maximum pour qu'est-ce que tout le monde paie. Parce que c'est l'argent des citoyens qu'on utilise, là.

Mme Lapierre (Valérie) : Bon. Bien, premièrement, je voulais revenir sur... par rapport au contexte budgétaire, juste dire qu'effectivement notre coalition a discuté à ce sujet-là, par rapport à la commission de la fiscalité — eux, ils ont fait des propositions — parce que nous, on considère qu'il y a des choix budgétaires qui se font actuellement. Donc, le fait que la reconduction n'ait pas eu lieu ou le montant n'ait pas été budgété, bien, à un moment donné, il y a des choix qui se sont faits. Ça, je veux dire, c'est le gouvernement qui a pris des décisions, puis ça, ça vient... ce n'est pas entre nos mains. Puis on a fait des propositions là-dessus, ça fait que j'inviterais l'ensemble des députés, si ça les intéresse, à vérifier le mémoire qu'on a déposé dans le cadre de la consultation pour la fiscalité.

Par rapport à l'intégration pour... l'intégration des services, dois-je rappeler qu'en premier lieu les organismes communautaires ne sont pas partie intégrante du réseau de la santé et des services sociaux, mais sont des partenaires, travaillent en alternative, et, oui, au besoin, peuvent contracter, peuvent travailler en partenariat, en collaboration, effectivement, mais... puis ont été beaucoup mis à contribution dans le cadre des projets cliniques avec la création des CSSS, bien sûr? Mais, pour le reste, en ce qui est l'intégration des services, si vous voulez avoir notre avis par rapport au projet de loi actuel, on ne voit pas vraiment en quoi ça va faire une amélioration. Justement, c'est un squelette, ce projet de loi là. Ce qu'on entend beaucoup de la part du ministre, c'est qu'il y aura d'autres projets à venir, donc on part avec une partie de l'information qui nous manque. Donc, on ne peut pas vraiment répondre à des questions sur l'intégration des services avec ce qu'on voit pour l'instant.

Pour le reste, en lien avec la LSSSS, je me permettrais quand même de dire aussi que j'ai entendu qu'il y aurait une refonte complète de la loi de santé et services sociaux, et donc, pour ce sujet-là aussi, on ignore complètement ce qu'il adviendra. Y aura-t-il des sujets là-dessus qui nous toucheront ultérieurement? On verra, mais, encore là, on nage en pleine zone grise. Donc, c'est légitime qu'on ait des préoccupations à ce sujet-là.

Et, pour ce qui est de l'autonomie des organismes communautaires et de l'étanchéité du PSOC, on peut comprendre qu'actuellement il y a un cadre de référence en action communautaire qui est en travail et qui a été mis en arrêt et... un cadre de référence également en action communautaire, et c'est des infos qu'on n'a aucun feed-back sur la situation qu'il adviendra d'ici quelques mois, quand ce sera adopté.

Donc, pour le reste, on repassera. Il nous manque trop de données pour avancer là-dessus. Pour l'étanchéité du PSOC, on est assez clairs là-dessus : pour l'instant, il n'y a rien dans le projet de loi qui nous garantit ça. C'est ça, notre préoccupation. Donc, on entend ce que vous dites par rapport au fait que, oui, vous avez une préoccupation à ce que ça soit conservé. Nous, on demande vraiment à ce que ça soit clarifié dans le projet de loi parce que, pour l'instant, ça ne l'est pas.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Malheureusement, j'ai un rôle ingrat. On est maintenant rendus sur le temps de la collègue députée de Taillon. C'est la difficulté que l'on a dans nos échanges, des fois. Alors, vous aurez l'occasion de poursuivre, avec la ministre, le dialogue. Alors, collègue députée de Taillon, pour une période de 12 minutes.

Mme Lamarre : Alors, bonjour, Mme Cyr et Mme Lapierre. Écoutez, merci de votre présentation et puis merci d'attirer notre attention sur certains éléments. Moi, je vais... Évidemment, on essaie d'aller... de tirer profit le plus possible de chaque groupe, mais vous attirez notre attention sur quelque chose qui n'a pas été attiré jusqu'à maintenant, l'article 78. Dans votre mémoire, à la page 15, vous dites que ça «donne au ministre les fonctions de déterminer les orientations en matière de planification [de] main-d'oeuvre», mais vous avez dit, dans votre présentation, que ça impliquait également les activités de perfectionnement, les activités de formation. Alors, j'aimerais savoir combien de membres vous avez à la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires.

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, on est 14 tables régionales membres de la coalition des TROC, mais on représente, donc, dans chacune de nos régions, les organismes communautaires. Donc, pour 14 tables, ça doit être 2 500 organismes, quelque chose comme ça.

Mme Lamarre : Quelques milliers de personnes. Alors, bravo! Mais, en plus, je me dis, ce que je comprends, là, de l'article 78, c'est que là, maintenant, les autorisations de perfectionnement, elles vont devoir toutes remonter au ministre.

Mme Cyr (Claudelle) : ...proposé dans le projet de loi, ce que ça dit, c'est : «Le ministre exerce les fonctions d'une agence prévues aux articles 376 et 377 de cette loi.» Et, par rapport aux organismes communautaires, nous, on est à l'article 376.3, qui dit : Le financement de programmes de formation des organismes communautaires... Donc, c'est ce que le projet de loi dit.

Mme Lamarre : ...quand on pense qu'on va gagner de la fluidité, de l'efficience, et tout ça, ça veut dire que, quand vos membres vont vouloir participer à des programmes de perfectionnement, il va y avoir, donc, une autorisation préalable qui, au lieu de venir de l'agence, comme c'est le cas, et qui s'ajuste probablement à certains besoins particuliers de certaines régions ou d'organisations... là, ça va tout monter, ça, au ministre.

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, c'est ce que ça dit.

Mme Lamarre : C'est ce que ça dit. C'est bien ça.

Mme Cyr (Claudelle) : Mais, nous, comment ça fonctionne, c'est que, dans plusieurs régions...

• (16 h 40) •

Mme Lamarre : Ça va prendre ou bien beaucoup, beaucoup de gens au ministère...

Mme Cyr (Claudelle) : Pardon?

Mme Lamarre : Ou bien ça va prendre beaucoup, beaucoup de gens au ministère pour gérer ces demandes-là...

Mme Cyr (Claudelle) : Oui. Non, mais...

Mme Lamarre : ...ou bien ça va vous amener potentiellement des retards dans...

Mme Cyr (Claudelle) : On n'allège pas notre reddition de comptes en faisant ça — je veux faire référence à la ministre Charlebois — parce que, pour le moment, ce qu'on fait, c'est qu'on a déjà des liens avec nos agences, et dans plusieurs tables régionales — ce n'est pas toutes les tables, mais, comme nous, en Estrie, ça fonctionne comme ça, je sais que, dans les Laurentides aussi, ça fonctionne comme ça, et il y a d'autres tables régionales, ça fonctionne comme ça — on fait une demande à l'agence, on soumet un programme de formation, et dedans on inscrit, là, donc les sujets, et ce programme-là est financé à partir de cet article de loi là. Bien sûr, le programme de formation, il est en lien avec le perfectionnement des ressources humaines et le perfectionnement au niveau des conseils d'administration, aussi, des organismes communautaires. Mais, avec ce projet de loi là, ce qu'on nous dit, c'est : On ne va plus aller directement à l'agence demander ça, on va aller au ministre.

Mme Lamarre : C'est bien ça qu'on comprend.

Mme Cyr (Claudelle) : C'est ça. Mais donc, pour nous, nous, ça ne l'allège pas du tout. Mais non seulement ça n'allège pas, mais, avec l'agence, le fait qu'on a des liens, on voit des particularités dans nos régions où est-ce qu'il y a peut-être plus de besoins dans cette région-là — par exemple, on le nomme dans notre mémoire, le roulement de personnel, on doit former nos coordinations dans une région plus qu'une autre — bien là, le programme va être adapté à cette réalité-là. Là, ce qu'on comprend...

Mme Lamarre : Ça peut alourdir vos démarches.

Mme Cyr (Claudelle) : Oui, absolument.

Mme Lamarre : Ça peut les complexifier. Ça éloigne. Et, je pense, ça illustre bien, là, comment ça éloigne dans le sens... c'est une forme de centralisation qui éloigne le processus de décision. Et on peut comprendre que vous pouvez être plusieurs à faire des demandes puis que ça risque à un moment donné de bloquer. Vous êtes peut-être mieux de vous prendre d'avance pour vos demandes de perfectionnement, peut-être deux ans d'avance avant que la réponse revienne pour que vous puissiez y assister. Mais, définitivement, je pense qu'il y a une concentration de pouvoirs qui risque de faire en sorte que, malgré la bonne volonté de tout le monde, il y ait des délais importants. Et, dans le fond, ça vise à quoi? Ça vise à contrôler la nature des formations auxquelles vous pourriez considérer... qui seraient importantes et qui étaient actuellement évaluées probablement beaucoup plus localement, régionalement par l'agence qui était près de vous, dans le fond, et avec qui vous avez des liens fréquents. Donc, ça, ça m'apparaît être un exemple, là, d'une centralisation, alors c'est important.

L'autre dimension, c'est dans les cadres de référence régionaux. Donc, actuellement, ce que je comprends, c'est que vous avez au sein de l'agence une personne ou des personnes qui sont vraiment désignées pour comprendre vos besoins. Quand vous lisez le projet de loi n° 10, à qui vous voyez, dans le conseil d'administration du CISSS, qui ferait le travail de l'agence actuellement ou des gens de l'agence que vous rencontrez?

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, je vais laisser ma collègue... là-dessus, mais juste dire : Ce n'est pas avec le conseil... Le conseil d'administration de l'agence, on va les voir, on va les interpeller, mais, dans chaque agence, il y a une responsable ou un responsable du Programme de soutien aux organismes communautaires. Donc, c'est avec eux qu'on a des comités statutaires, là. On appelle ça notre responsable PSOC, là, donc, dans notre jargon, notre responsable PSOC. Avec cette personne-là, on a des comités statutaires dans l'année. Mais, pour les conseils d'administration, le lien, là, je pourrais laisser...

Mme Lapierre (Valérie) : Non. Je vous dirais que, même au plan du conseil d'administration... Si je me réfère même à de la façon que ça se passe actuellement, la place pour le communautaire, une chance qu'il y a des séances publiques d'information parce que, sinon, c'est assez limité. On a une personne qui a le profil, mais, avec le mandat qu'elle a, en séance publique, ce qu'on en voit, bien, il n'y a pas vraiment de questions, là, spécifiques au communautaire, donc, qui sont apportées — très rarement, disons — quand le sujet est à l'ordre du jour. C'est vraiment, comme ma collègue dit, au niveau des directions et du personnel des agences, où il y a un responsable PSOC, des directions des programmes-clientèle qui sont davantage au fait de la situation au Programme de soutien aux organismes communautaires, de l'ensemble des critères d'admissibilité, etc., puis du fonctionnement général, là, du programme.

Mme Lamarre : Mais on comprend que le projet de loi n° 10 va diminuer le nombre de ces personnes qui sont un peu vos personnes-ressources finalement dans... et qui va changer un peu la structure.

Mme Cyr (Claudelle) : On ne le sait pas, en fait.

Mme Lapierre (Valérie) : Bien, c'est ça. On l'ignore.

Mme Lamarre : On est dans l'inconnu. Alors, je laisse la parole à mon collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci. Merci à vous deux, Mme Cyr, Mme Lapierre. Comme on le fait à chaque fois qu'il y a une organisation communautaire qui vient, la ministre déléguée affirme que le gouvernement précédent avait promis sans budgéter. Juste pour les gens qui nous écoutent, nous avons tous voté, au printemps dernier, une résolution unanime à l'Assemblée nationale disant qu'il fallait rehausser le financement de base des organisations communautaires. Pour nous, c'était un vote, c'était un engagement. Nous avons décidé, en Conseil des ministres, avec le Conseil du trésor, de financer 120 millions de plus sur trois ans, et nous avons, vous l'avez dit, organisé un comité avec vous, avec vos organisations, pour voir à la ventilation de ces sommes. Alors, il n'y a aucun doute que nous l'aurions fait. Pour les membres du gouvernement actuel, voter cette résolution unanime, ce n'était pas un engagement, c'était une cible, comme on le voit maintenant, et on comprend aussi que c'est une cible qu'ils ne tenteront même pas d'atteindre au cours des quatre prochaines années. Donc, il faudra attendre les 100 jours du prochain gouvernement péquiste pour l'appliquer, et je peux vous dire que nous allons l'appliquer.

Maintenant, vous avez dit que cette réorganisation pouvait mettre à risque le lien que vous aviez avec les agences régionales de santé. Bien, aujourd'hui, mon collègue de Rimouski me montre qu'à Saint-Jérôme on lit, dans le journal Le Nord : «L'agence largue les organismes communautaires. Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides [...] annonce qu'après 20 ans de collaboration l'agence [les largue]. La décision a été prise lors de la séance du conseil d'administration de l'agence [...] le 5 novembre dernier, à laquelle étaient présentes quelque 40 personnes en provenance [d'organisations] communautaires...» Le regroupement dénonce le fait que le C.A. de l'agence ait refusé de reconduire l'outil qui donne les balises pour le financement.

Est-ce que vous êtes au courant de ça et est-ce que c'est... Qu'est-ce qui se passe avec ça? Et est-ce que ça nous donne une idée de ce qu'on va vivre au cours des prochains mois?

Mme Lapierre (Valérie) : Bien, en fait, ça, c'est directement en lien avec les travaux actuels sur le projet de loi n° 10, parce que ce qui est sur la table, c'est de dire : On ne va pas s'engager pour le prochain C.A. C'est ça qui a été nommé, donc, pour le C.A. de la prochaine structure régionale. Donc, pour ces raisons-là, on va s'abstenir de prendre une décision qui pourrait engager le prochain C.A. Donc, on est déjà en train d'avoir des conséquences sur le fonctionnement général sur le terrain, alors que le projet de loi n'est toujours pas adopté et que les amendements, s'il y a lieu, n'auront pas encore été inscrits. Donc, ça, c'est une conséquence directe, en tout cas, à notre point de vue, là... pas seulement à notre point de vue, en fait, c'est ce qui est rapporté dans l'article.

M. Lisée : Est-ce que vous pouvez dire en quoi ce cadre-là qui vient de sauter était important? Et le fait que le C.A. de l'agence a décidé de le faire sauter, qu'est-ce que ça crée comme incertitude pour vos travaux et les services que vous rendez à des gens vulnérables?

Mme Cyr (Claudelle) : Nos cadres de références, c'est des cadres qu'on a négociés, qui sont sur nos balises de reconnaissance des organismes, donc quand est-ce qu'on reconnaît ou pas un organisme communautaire comme un organisme au sein de la loi en santé et services sociaux. C'est un cadre qui porte sur le financement. Le fait qu'il n'ait pas été reconduit, est-ce que ça veut dire qu'il ne sera pas reconduit dans six mois? Ça, on ne le sait pas non plus. Ce qu'on comprend, là, c'est que tout est arrêté en attendant la finalité. En attendant que tout soit terminé, on n'ose pas aller loin.

Par ailleurs, le cadre des Laurentides était un exemple au Québec. C'est un peu dommage que ça ait été...

M. Lisée : ...pour vous dire que j'ai entendu la ministre tout à l'heure dire que ce n'est pas vrai. Alors, elle le dira à M. Jean Poitras, président du conseil d'administration de l'agence, qui dit — j'ouvre les guillemets : «Nous devons nous garder un devoir de réserve, c'est une question d'éthique pour les instances qui nous suivront.» Et donc le président du C.A. de l'agence dit : Parce qu'il y a un projet de loi n° 10, je largue les organisations communautaires parce que je ne sais pas ce que nos successeurs décideront.

Mme Charlebois : M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : Un rappel au règlement, oui?

Mme Charlebois : Oui, question de règlement. Je ne peux pas laisser dire toutes sortes de choses comme ça. Probablement que le député n'est pas au courant, là, mais ces choses-là, là, c'est carrément des erreurs, puis il a pris des vieux articles de journaux, puis c'est absolument, totalement erroné. Les groupes communautaires vont avoir leur financement. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Mme la ministre, ceci n'est pas un rappel au règlement. Alors, M. le député de Rosemont.

M. Lisée : Le même rappel au règlement. Le président du C.A. de l'agence a été cité disant cela. Alors j'ai hâte de voir comment la ministre va corriger cette situation dans les jours qui viennent.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, on ne fera pas un débat là-dessus. Si ça vous va, ceci termine donc l'intervention. Je cède maintenant la parole au collègue député de Lévis, je crois, pour une période de 8 min 30 s.

• (16 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mesdames, merci de la présentation très étoffée. On l'a tous dit, bien sûr.

Je reviendrai sur la recommandation, notamment... la page... la recommandation 8. Dans votre document, vous parlez de l'article 64 du projet de loi. Vous souhaitez demander que l'établissement régional demeure responsable de l'élaboration du plan et des orientations régionales. Vous souhaitez conserver cette marge de manoeuvre là afin de pouvoir — et vous l'écrivez bien — adapter les orientations avec la réalité du milieu. Vous ne dites pas non non plus aux balises nationales. Je veux en savoir davantage. Sur quoi portent vos inquiétudes : pouvoirs du ministre qui feraient en sorte qu'on s'éloigne des besoins du milieu? Parlez-moi de vos inquiétudes. Parlez-moi de ce que vous souhaiteriez et comment ça s'installe, que tout ça.

Mme Lapierre (Valérie) : Pour ce qui est des pouvoirs du ministre, c'est certain qu'il y en a plusieurs qu'on va remettre en question parce que, pour nous, il y a une histoire là-dedans de pouvoir à la base, pouvoir au milieu, le pouvoir de proximité. On s'attend à ce que les personnes sur le terrain soient souvent les mieux placées pour savoir c'est quoi, leurs besoins. Actuellement, là, avoir des C.A. entièrement nommés par le ministre et un P.D.G. nommé par le ministre, etc., même si, pour l'instant, semble-t-il, avec ce que le ministre nous explique, ce serait transitoire — même si, pour l'instant, on ne le voit pas dans le projet de loi — ça demeure un problème.

Je vous donne un exemple. Aujourd'hui, je parlais avec un organisme de Charlevoix qui était très inquiet parce que, pour l'instant, déjà, le principe de fusion l'inquiétait. Il disait : Comment, quand il y a un problème dans ma région... Parce qu'eux autres ils ne se considèrent même pas partie intégrante de Québec, la région de Québec, pour leur identité, O.K.? Quand j'avais un problème, j'allais voir la personne au C.A. du CSSS et je lui disais c'était quoi, le problème, la situation, puis le C.A. allait en tenir compte. Qui qui va parler au nom des personnes sur le terrain si tout est nommé d'en haut? Qui va...

La couleur régionale, c'est important qu'elle soit prise en compte. Il y a des endroits où le territoire est énorme, avec beaucoup moins de population. Il y a des endroits où le territoire est très, très peuplé et beaucoup plus petit, beaucoup plus restreint. Est-ce que le ministre va savoir déjà les besoins des gens sur le terrain? Puis pas rien que le ministre. Je veux dire, à un moment donné, il faut laisser un peu une marge de manoeuvre aux régions, il faut laisser une marge de manoeuvre même au plan local, qui, pour l'instant, disparaîtrait dans le projet de loi n° 10. La marge de manoeuvre, bien, nous autres, on la voit minimalement comme : il faudrait au moins qu'on ait des personnes, une personne élue par la population sur le C.A., pas pour avoir une compétence, expertise en gestion, mais pour avoir un regard citoyen sur qu'est-ce qui se passe, là, dans la région.

Ça fait que ça, c'en est, des exemples. On demande la même chose par rapport à un profil communautaire, qui, jusqu'à maintenant... On a tout le temps eu un profil communautaire dans les CSSS, même dans les établissements comme en dépendance. Dans le fond, dans l'ensemble des établissements, on a notre place, là, puis là on ne l'aura plus si on se fie à ce qui est écrit là. Puis je ne parle même pas d'une personne qui nous représente, parce qu'elle n'a pas un mandat de représentation au sens où on l'entend, nous, mais elle amène une vision qui est teintée de ça. Donc là, on parle d'une expérience citoyenne, d'une expérience communautaire, puis, à la limite, ça pourrait être des personnes, justement, vers qui les gens pourront se tourner pour être plus entendues dans la grosse structure, là. Parce que je pense que le citoyen, plus il est éloigné du lieu décisionnel, plus il s'y perd, moins il y va puis moins il s'y intéresse, puis, après ça, il se pose des questions sur comment ça se fait que ça ne va pas bien puis pourquoi on n'est pas entendus.

M. Paradis (Lévis) : Vous demandez... Vous parlez de C.A. parce qu'on y est. Évidemment, le maintien... bien, la participation d'un membre de la population, vous dites : Ça en prend au moins un, voire... Vous écrivez : On en avait deux, ça en prend au moins un. Souhaitez-vous encore et souhaiteriez-vous qu'on passe par l'élection d'un membre de la population sur le C.A., sachant pertinemment que ça ne marche pas très fort puis que ce n'est pas très populaire non plus à ce chapitre-là?

Mme Lapierre (Valérie) : C'est sûr que, plus on s'éloigne, comme on disait tout à l'heure, du local, moins les gens y voient leur compte, hein, moins c'est concret pour eux puis plus c'est flou. Ça fait que c'est certain qu'il y aurait peut-être d'autres aménagements à réfléchir, mais...

Je ne sais pas si toi, tu avais autre chose à suggérer.

Mme Cyr (Claudelle) : Par rapport au... On est très conscients, là, qu'on a de la misère à avoir un taux de participation adéquat en commission scolaire. En CSSS, c'est encore pire au niveau du taux de participation. On est conscients de ça. Est-ce qu'il faut... Comment il faudrait l'aménager? Moi, je pense qu'il faudrait prendre le temps de le réfléchir, mais je pense qu'il faut quand même garder ce souci-là d'avoir autre chose que juste des experts sur le conseil d'administration parce que ça a quand même fait ses preuves dans certains C.A. où est-ce que justement le souci de la population... Parce que moi, je suis aidante naturelle parce que j'aide ma mère qui a le cancer, bien, ça, je sais que ça appartient aussi aux experts à qui ça peut leur arriver dans leur vie. Mais il y a un souci de population qui est là, qui est quand même... qui amène les décideurs à pouvoir prendre... à avoir une sensibilité qu'ils... pas qu'ils n'ont pas, qu'ils n'ont pas le temps parce que ce n'est pas ça, leur job, c'est des gestionnaires. Leur job, ce n'est pas de se rappeler qu'ils sont aidants naturels, même s'ils le sont. Ça fait que ce qu'on dit, c'est : Gardons ça. C'est précieux, ça, pour notre système de santé public.

M. Paradis (Lévis) : Puis j'ajouterai... Vous parlez, puis vous en avez parlé, du profil communautaire que vous souhaitez également voir établi et là de la participation de la population. Revenons sur ce profil communautaire. Le membre du C.A. idéal avec ce profil-là, quel est-il? Qui est-il? Qu'est-ce qu'il doit posséder?

Mme Lapierre (Valérie) : Bien, minimalement, il doit être impliqué dans le milieu communautaire. Actuellement, la loi, de la façon qu'elle est faite, puis ça, c'est déjà le cas, quelqu'un pourrait se faire... pourrait prendre le siège organisme communautaire, et, après deux mois, ne plus travailler dans le milieu, ne plus avoir aucun lien avec le milieu et continuer son mandat de, dans le fond, profil communautaire, tout... l'entièreté de son mandat. Je pense qu'à un moment donné, je veux dire, il faut quand même aussi garder un lien avec le terrain, puis c'est l'esprit de cette demande-là. Donc, c'est certain...

Mme Cyr (Claudelle) : Et nous, on pense que ce serait intéressant de travailler... Si on y va... Si, effectivement, au niveau des amendements, on dit : Le profil de compétence organisme communautaire, on le maintient... Et ça serait intéressant de voir, en dehors, là, de l'étude article par article, comment on peut le réfléchir, ce siège-là. Parce que, bon, des collèges électoraux, c'est un peu compliqué, là, de représenter, là... puis que nous, on organise ça. Ça, on comprend, là, par rapport à notre... On ne pourra pas faire ça. Mais comment s'assurer justement que ça soit un représentant de l'organisme communautaire, etc.? Moi, je pense qu'on peut... Il faudrait prendre le temps de réfléchir, mais il faut maintenir ce siège-là, mais de prendre... prendre le temps... ce n'est pas quatre ans, mais prendre le temps de réfléchir comment on le voit, ce poste-là. D'ailleurs, on travaille, là. Ça, la ministre Charlebois l'a nommé, puis c'est vrai, les travaux continuent avec le ministère. Nos délégués, donc, voient à ce qu'on peut continuer à faire des travaux là-dessus. Moi, je pense qu'il faut le réfléchir, ce poste-là.

M. Paradis (Lévis) : Sentez-vous cette préoccupation puis ces avancées-là, ces travaux que vous faites maintenant compromis ou menacés par le projet de loi n° 10?

Mme Cyr (Claudelle) : On n'a pas ces indications-là, très honnêtement, mais on n'a pas d'indication contraire non plus. On ne peut pas se prononcer. On ne pourra pas vous dire : Non, le projet de loi n° 10, il fait en sorte que ça arrête tous nos travaux. Ce n'est pas ça qu'on entend. On n'entend pas non plus que les travaux vont continuer pendant plein d'années. Mais, pour le moment, on n'a aucune indication que ça va arrêter, mais... On peut être inquiets, mais on n'a pas... Honnêtement, là, on n'a pas d'indication que ces travaux-là n'auront plus lieu.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant céder la parole à notre collègue députée de Gouin pour une période de trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Deux questions.

La première. Vous dites : Pour Montréal et toute autre région où il y aurait plus d'un CISSS, il faudrait quand même une coordination régionale. Alors, moi, j'entends tout de suite certains qui vont dire : Bien là, est-ce qu'on recrée les agences — je ne suis pas certaine que c'est exactement ce que vous dites, là — dans toute leur ampleur et leur complexité? Mais, au fond, vous dites quoi exactement?

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, en fait, on reprend les préoccupations de nos... de la région de Montréal, entre autres, qui ont quand même... Ils vont déposer un mémoire à la commission; j'inviterais les gens à le lire. Ils ne sont pas invités, mais ils vont déposer, les regroupements de Montréal, un mémoire là-dessus. Ce qu'ils demandent, c'est de dire : Bien, ça prend quand même une coordination en haut parce que le... bien, entre autres, à Montréal, le CISSS de l'Est, il va être responsable de coordonner certaines affaires pour la région, alors que son collègue à côté, lui, il n'aura pas cette responsabilité-là. Comment qu'on va fonctionner? Est-ce qu'il va y avoir un peu plus de... Est-ce que c'est le CISSS de l'Est qui va avoir juste les liens avec les organismes communautaires, par exemple? Parce que, pour nous, dans le projet de loi, on reste avec le régional.

Donc, c'est toutes ces inquiétudes-là de dire : On ne peut pas donner... Comme, actuellement, un CSSS n'a pas un pouvoir, il y a une agence... Je comprends, là, que ce qu'on veut faire avec ce projet de loi là, c'est abolir ça. Est-ce que ça veut dire maintenir une superstructure? Ce n'est pas ce que la région de Montréal demande, mais ils demandent un minimum, une coordination qui va permettre... Par exemple, sur la problématique de l'itinérance, pourquoi ça serait juste à l'Est? Pourquoi il n'y aurait pas... Donc, c'est quelque chose... c'est ça qu'on regarde.

Mme David (Gouin) : Je pense que j'ai le temps rapidement pour une deuxième question.

Le Président (M. Tanguay) : 1 min 30 s.

• (17 heures) •

Mme David (Gouin) : Merci. Vous plaidez beaucoup pour que les organismes communautaires soient non pas représentés, j'ai bien compris, mais que des personnes avec une vision communautaire continuent de participer aux conseils d'administration des CISSS. C'est le cas en ce moment. Moi, j'aimerais ça que vous nous disiez, avec peut-être un exemple ou deux, qu'est-ce que ça apporte concrètement, là, où vous... Bien, partout où il y a des CSSS, avez-vous un ou deux exemples pour nous dire qu'est-ce que ça donne qu'il y ait des gens qui ont une vision communautaire sur un CSSS?

Mme Lapierre (Valérie) : Sur un CSSS?

Mme David (Gouin) : Sur le C.A.

Mme Lapierre (Valérie) : C'est certain qu'il y a beaucoup de problèmes déjà actuellement par rapport à ça, O.K., sauf que ça amène quand même la parole justement aux spécificités qui se passent sur le terrain, O.K.? Ça amène aussi à ne pas, comment je pourrais dire... à avoir immédiatement une information cruciale parce que les organismes communautaires, on l'a dit au début, même s'ils ne feront pas partie intégrante du réseau, sont partenaires. Souvent, ils travaillent souvent en collaboration avec le réseau, ne serait-ce que pour avoir un éclairage sur l'identité, sur le fonctionnement du communautaire, sur leur autonomie. Ça, là, c'est de l'éducation populaire à refaire constamment. O.K., même auprès de nos propres organismes, là. Des fois, il y a des nouveaux C.A...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Mme Lapierre (Valérie) : C'est ça, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Nous remercions donc les représentantes de la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires.

Et nous allons suspendre momentanément nos travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 28)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer. Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités de la Coalition Solidarité Santé. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Coalition Solidarité Santé

M. Fournier (Jacques) : Bonjour. Mon nom est Jacques Fournier. Je suis retraité et responsable bénévole du dossier santé à l'AQDR, qui est l'association québécoise de défense des droits des retraités.

M. Falardeau (Denis) : Denis Falardeau, je suis à l'ACEF de Québec, Association coopérative d'économie familiale. Nous sommes un groupe de promotion et de défense des intérêts des citoyens consommateurs.

Mme Marcotte (Josée) : Bonjour. Je suis Josée Marcotte, vice-présidente à la Fédération de la santé et des services sociaux affiliée à la CSN et également responsable du dossier de la condition féminine.

M. Benoit (Jacques) : Et moi-même, je suis Jacques Benoit, le coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé. J'y vais?

La Présidente (Mme Montpetit) : La parole est à vous, vous pouvez y aller.

• (17 h 30) •

M. Benoit (Jacques) : Alors, M. le ministre, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, il y a moins d'un an, le 12 mars dernier, la Coalition Solidarité Santé tenait à Montréal une assemblée publique intitulée Les 10 ans des CSSS : quel bilan?

David Levine, ex-P.D.G. de l'Agence de santé et des services sociaux de Montréal, André-Pierre Contandriopoulos, professeur et chercheur à l'Université de Montréal, René Lachapelle, ex-organisateur communautaire du réseau et chercheur associé à l'UQO et Johanne Archambault, ex-responsable à l'Observatoire québécois sur les réseaux locaux de services nous ont fait part de leur évaluation respective des fusions d'établissements et des résultats obtenus au regard des attentes.

Nous croyons que le ministre Barrette aurait eu intérêt à procéder à ce type d'exercice d'évaluation des 10 ans des fusions d'établissements de santé et services sociaux. Nous sommes fermement convaincus que le contenu de son projet de loi n° 10 s'en serait grandement ressenti. En effet, pour savoir où aller, il peut être utile parfois de savoir d'où on vient. Alors, pour que nous en ayons tous et toutes une bonne idée aujourd'hui, nous allons vous partager plusieurs éléments qui découlaient de cette assemblée.

Pour toutes les personnes qui étaient présentes ce soir-là, les fusions de 2004 n'ont pas rempli les promesses faites. Au contraire, elles ont plutôt causé les problèmes suivants : augmentation du pouvoir des médecins au détriment de la première ligne, perte de proximité des services, peu ou pas d'intégration ni de continuité des services et une approche populationnelle trop complexe, coupures et réductions de services, détérioration des services sociaux, des structures trop grosses et ingérables, un recul de la démocratie, un impact négatif sur le personnel et les relations de travail, une gestion inappropriée, que l'on appelle la nouvelle gestion publique, et enfin l'augmentation de la privatisation.

De tous ces impacts-là, le dernier, l'augmentation de la privatisation, c'est le pire des résultats qu'on a vu se développer avec les fusions. On a utilisé les ressources du public au service du privé, contrairement à ce que disait le gouvernement libéral de l'époque dans son slogan. On a ainsi sous-traité des services d'entretien, de buanderie, d'alimentation, de fournitures médicales, des services à domicile, des chirurgies, des agences de personnel; on a utilisé des PPP pour des hôpitaux, dans l'hébergement, etc. Bref, en dix ans, la sous-traitance, la privatisation, l'économie-socialisation, la communautarisation et les PPP ont pris place et sont mieux implantés partout dans notre système public de santé et de services sociaux.

On aurait été en droit de s'attendre à mieux de notre ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque, M. Philippe Couillard, pour défendre notre système public de santé et de services sociaux. Et, si ce n'était pas le résultat escompté, il est encore temps de faire marche arrière. On ne peut faire la même erreur deux fois, parce que, la deuxième fois, ce n'est plus une erreur : c'est un choix.

Or, le projet de loi n° 10 qui nous est présenté, de par les fusions à encore plus grande échelle, ne fera qu'amplifier tous ces problèmes qu'on vient de vous nommer, privatisation incluse. Le projet de loi n° 10 consacre en plus l'omnipotence du ministre et de son ministère, ce qui revient à dire que l'on consacre l'éloignement des milieux, le déracinement et la méconnaissance des complexités du terrain. C'est la recette parfaite pour augmenter l'inefficacité, les erreurs et le gaspillage sans diminuer les budgets consacrés à l'administration.

Pire encore, le projet de loi nous présente la question d'une gouvernance efficace pour un réseau de santé publique comme un choix de mode de gestion ou un choix de gestionnaires, alors que ce qui importe d'abord, c'est de savoir dans quel cadre va s'opérer cette gestion, quelles orientations, quelles valeurs serviront de guide. Ce sont ces valeurs et ces orientations qui vont guider tout le travail et les choix qui se feront dans la gestion et dans la prestation des soins et services. Il n'y a rien de ça dans le projet de loi n° 10.

Alors, si nous visons une réelle amélioration de la gouvernance, c'est là qu'il faut débuter : par exemple, bien, par le respect des principes de la loi canadienne sur la santé, à savoir : la gestion publique, l'universalité, la transférabilité, l'intégralité et l'accessibilité, de même qu'une interdiction de surfacturation et d'imposition de frais modérateurs; par exemple, par la propriété publique de la prestation des soins et services sociaux et de santé, y incluant celle des soins personnels intimes, qu'on appelle souvent les activités de la vie quotidienne, les AVQ, dans les soins à domicile; par exemple, par l'étanchéité absolue entre la pratique des médecins participants et celle des médecins non participants; et par bien d'autres orientations et valeurs encore.

Mais alors, que dire d'un projet de loi qui ne présente, selon les dires du ministre, qu'un seul morceau du puzzle? Alors, pour savoir à quoi va ressembler notre système de santé quand tous les morceaux du puzzle seront en place, il nous faut aborder ici quelques pièces manquantes.

On va commencer par le financement d'activités. Ce mode de financement est l'instrument budgétaire par lequel va se poursuivre la sous-traitance, la privatisation et le développement du système privé de soins et services amorcé par les fusions de 2003 et qui se poursuivra grâce au projet de loi n° 10. Parce que, quand on établit un prix pour chaque chose, quand on met en concurrence les prestataires et leurs services, que le moins cher devient le meilleur, qu'on vise le volume plutôt que la qualité, quand le patient est vu comme un revenu plutôt qu'un malade qu'on doit soigner, ce n'est plus de la santé, c'est un marché. Le financement d'activités ne fait qu'augmenter les coûts administratifs et la bureaucratie, qui doit contrôler la saisie et la gestion des données tout en n'apportant aucune nouvelle ressource dans les services. Ce type de financement a été appliqué au Royaume-Uni il y a déjà une décennie. Ce mode de financement a été accompagné d'un accroissement du recours au privé pour la prestation des soins, en invoquant bien sûr le libre-choix du patient.

L'Association des consultants du Service national de la santé au Royaume-Uni a adressé une lettre à l'Association médicale canadienne en 2005 pour les dissuader d'emprunter cette voie de financement au Canada. Leur lettre soulève nombre de problèmes qui découlent de cette orientation de financement, des problèmes dont on se tient loin quand on veut maintenir et développer un système public de santé et de services sociaux.

Les supercliniques. Alors que nos constats sur le terrain nous amènent à dire qu'il y a recul de la première ligne et que l'organisation et le développement d'équipes multi devraient être visés prioritairement, le ministre, lui, va ouvrir des supercliniques composées de soins et de services spécialisés ne répondant en rien à cet objectif identifié comme prioritaire depuis plus de 40 ans avec la commission Castonguay-Nepveu. Dans ces supercliniques, les usagers pourront payer avec leurs cartes d'assurance-maladie. On nous a dit ça pendant la campagne électorale et on nous l'a répété depuis aussi, le ministre et le premier ministre aussi. Bien, nous, ça ne nous rassure pas du tout, pas du tout, sur les orientations de marché à long terme de ce gouvernement, parce que, quand est-ce qu'on a entendu ça, dans le passé, dire qu'en CLSC ou à l'hôpital, bien on pourrait payer avec notre carte d'assurance-maladie? Si le financement est axé sur le patient et qu'il suit le patient, j'imagine qu'effectivement la carte d'assurance-maladie va jouer un rôle clé. Puis, le jour où le gouvernement diminuera les budgets ou décidera de réviser le panier de services couvert, on suppose qu'il va remplacer la carte d'assurance-maladie par la carte de crédit.

Avec les supercliniques, on est encore plus loin d'un redéploiement des services sociaux pour travailler en amont et développer une réelle politique de santé. Nous sommes plutôt dans le développement d'une politique active de soutien financier pour consolider et développer le pouvoir de la médecine privée, principalement celle des médecins spécialistes. On revient...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Benoit (Jacques) : Oui. On revient avec le public au service du privé.

Enfin, on s'en voudrait d'oublier l'accord de libre-échange Canada-Europe qui, comme tous les accords de libre-échange, a sa section Marchés publics, une section par laquelle les gouvernements s'engagent à ouvrir aux marchés, donc à la sous-traitance et à la privatisation, les services publics, y compris en santé et services sociaux. On ne sait pas encore tout ce que ça comprend, l'accord de libre-échange, mais... Le ministre et son gouvernement en savent sûrement beaucoup plus que nous, mais on a des doutes, quand même, on peut imaginer. Nous l'avons dit maintes et maintes fois par le passé, nous le répétons encore aujourd'hui : La santé, ce n'est pas une occasion d'affaires.

C'est pour ces raisons, M. le ministre, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, pour toutes ces raisons que nous rejetons le projet de loi n° 10. Merci.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec la partie ministérielle pour une durée de 15 min 30 s. Donc, la parole est au ministre.

• (17 h 40) •

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Falardeau, M. Fournier, Mme Marcotte et M. Benoit, bienvenue et merci d'avoir pris le temps, d'abord, de faire sans doute un travail de consultation auprès de vos membres — le contraire me surprendrait — et d'avoir pris le temps de venir vous exprimer ici d'une façon aussi claire et précise quant à votre position par rapport au projet de loi n° 10, dont je comprends que la suggestion principale est de le retirer.

Alors, je vais simplement faire quelques commentaires sur les commentaires que vous avez faits. Essentiellement, vous nous faites un... vous tenez un discours qui vise à faire en sorte qu'évidemment le projet de loi soit retiré parce que vous y voyez des choses qui sont celles que vous percevez, et vous faites essentiellement une analyse — et j'irais même jusqu'à dire quasiment un procès — du financement d'activités et des supercliniques, et vous allez jusqu'à citer les médecins spécialistes. Libre à vous. Vous savez, la beauté, là, de l'Occident et certainement du Québec, c'est son côté démocratique et donc de libre expression. Et je suis content que vous ayez l'opportunité de vous exprimer.

Ceci dit, je ne vois pas à partir de quoi ou de quoi que ce soit, dans ce projet de loi, qui vous permette de tirer la conclusion, un, que le financement d'activités est un péché aussi mortel que vous le décrivez, deux, que les supercliniques soient le même péché aussi mortel que vous le disez... voulez... décrivez, pardon. Trois, où elle est, la privatisation, là-dedans, là? Ça, je ne le vois absolument pas. Puis, pour ce qui est des médecins spécialistes, je n'embarquerai pas là-dedans parce qu'il n'y a aucune référence à cet élément-là dans le projet de loi n° 10. En fait, il n'y a aucune référence à ce que vous voyez. J'aimerais éventuellement que vous me précisiez exactement ce qui vous indique ça. Ce n'est pas là, puis je peux vous dire d'une façon formelle que ce n'est pas la direction dans laquelle on va.

Mais, par contre, je vous dirai ceci avant de vous redonner la parole : Moi, là, ça m'étonnera toujours, mais vraiment toujours, ça me stupéfait toujours comment on peut arriver et tenir un discours qui fasse en sorte qu'à partir du moment où on mesure... que mesurer, gérer d'une façon serrée les deniers publics signifie qu'on mette en opposition la performance à la concurrence, la concurrence au privé, que ce discours-là, là, fasse en sorte que, parce qu'on est public, il ne faut pas mesurer, il ne faut pas gérer de façon rationnelle, il ne faut pas avoir à l'esprit constamment de regarder ce que l'on fait pour voir si le dollar payé par les impôts de tous ceux et celles qui nous écoutent aujourd'hui et qui nous liront demain soit dépensé correctement.

Et je ne peux pas concevoir comment on peut faire l'amalgame entre mesurer et gérer correctement, et la privatisation automatique. Je ne suis pas capable de voir ça, là. Je comprends comment vous pouvez construire ce discours-là, là, mais il n'y a rien dans le projet de loi qui vous indique ça de quelque manière que ce soit. Expliquez-moi ça.

M. Benoit (Jacques) : Nous, ce qu'on aimerait comprendre, M. le ministre, c'est sur quoi vous vous basez pour arriver avec un projet de loi de ce genre-là? Quelle évaluation vous avez de 10 ans de fusions de CSSS? On vient de vivre 10 années de fusion. Votre chef, votre premier ministre, notre premier ministre a procédé à des fusions pareilles il y a 10 ans. On veut savoir quelles sont les évaluations que vous avez en main pour pouvoir dire que c'est tellement bon qu'on peut maintenant fusionner à encore plus grande échelle. Parce que nous, de notre côté, sans savoir que vous étiez pour déposer un tel projet de loi... parce que, le 12 mars, vous n'étiez pas encore ministre de la Santé... Puis, quand on a organisé cette assemblée-là, il n'y avait pas encore d'élections en vue, en tout cas, pas tout à fait, enfin...

On a organisé une assemblée juste pour dire : Ça fait 10 ans que ça existe, il serait peut-être temps qu'on fasse un bilan pour voir qu'est-ce qu'il en est. On a demandé à des gens... On n'a pas pris juste du monde de gauche, là, on n'a pas pris juste des syndicalistes, là. David Levine, ça a été le P.D.G. de l'agence de Montréal, une des plus grosses agences, sinon la plus grosse. Les quatre personnes qui étaient là... Mme Johanne Arsenault, qui était à l'Observatoire québécois sur les réseaux locaux de services... Tous ces gens-là ont été unanimes pour dire : Les fusions, ça n'a jamais rempli les promesses que ça devait... que ça avait fait. Si ces gens-là, qui sont aussi différents, qui ont été placés à divers endroits dans la structure, et tout ça, ont le même discours, tiennent le même... arrivent aux mêmes conclusions, puis que les travailleurs et les travailleuses, que les gens qui étaient là aussi dans l'assistance, qui sont des usagers et des usagères... Il y avait du monde de Saint-Henri qui sont venus nous dire : Nous autres, on a perdu des services. On n'est plus capables maintenant d'avoir des services qu'on avait avant. Ce monde-là... Tout le monde tient ce discours-là.

Puis qu'est-ce que vous nous proposez? Vous nous proposez un projet de loi dans lequel vous multipliez par 10 encore ces fusions-là. Moi, là, je veux bien répondre à votre question sur comment on voit ça, la... comment on peut penser qu'il y ait de la privatisation, mais on ne le pense pas, on le voit, on le voit comme parmi les résultats des 10 ans. Si on voit ça pendant... des résultats des 10 ans puis que vous multipliez par 10 ces affaires-là, bien, ça va aussi se multiplier par 10.

Ça fait que moi, je vous repose la question, M. le ministre : Où est votre évaluation de la chose? Parce que j'ai écouté... hein, aujourd'hui, on passe en direct ou en différé, peu importe, mais il y a bien d'autre monde qui sont passés avant nous, puis vous avez dit à bien du monde : On le sait, c'est quoi, le problème. C'est drôle, M. Couillard, il a dit la même chose il y a 10 ans : On le sait, c'est quoi, le problème. Tous ceux qui ont fait des réformes, ils ont dit : On le sait, c'est quoi, le problème. Pourtant, on n'a pas amélioré des choses tout le temps, là, hein? Il y a du monde qui se plaignent. Il y a des députés qui ont dit ici : Le budget n'arrête pas d'augmenter de... O.K. Alors donc, qu'est-ce qu'on fait? On continue à faire la même chose! C'est Einstein qui disait : La folie, c'est de faire toujours la même affaire en espérant un résultat différent. Il faut qu'on arrête de faire ça puis, surtout, qu'on évalue qu'est-ce qu'on a de fait.

Je vous repose donc la question avant de vous redonner la parole : Qu'est-ce que vous avez comme évaluation à déposer sur la table pour au moins que des gens qui sont ici, autour de la table, que des gens qui suivent la commission, que des gens qui s'intéressent au système de santé et services sociaux, que tous ces gens-là, qui sont des citoyens du Québec et qui sont des payeurs de taxes aussi, que tous ces gens-là sachent quelle est l'évaluation que vous faites, où ont été les problèmes, tous les problèmes, puis quelles sont les solutions qui sont les meilleures dans ce cadre-là?

M. Barrette : Très bien. Alors, la réponse, ici, elle est relativement simple, et je vais essayer de vous la faire dans le laps de temps le plus court possible.

Premièrement, ce n'est pas une question d'évaluation, c'est une question de constat, O.K.? Les gens à qui vous faites référence, les quatre personnes que vous avez nommées — que je connais très bien, particulièrement deux d'entre elles et par leurs parcours et par leurs écrits — sont à même de constater qu'en tant qu'acteurs principaux dans le réseau de la santé et des services sociaux... et là je ne ferai pas de... ni de calomnies ni de médisance, je ne nommerai personne, ils sont à même de constater qu'ils n'ont pas livré la marchandise, pour l'un ou l'une, et, pour l'une ou l'autre, n'ont pas... ont des biais qui sont connus, classiques, des agendas qui sont les leurs. Et je ne ferai pas de procès d'intention à personne.

Alors, ce à quoi vous faites référence est un discours que je qualifierais de classique pour les individus en question. Mon constat, venant du réseau, ayant vécu dedans pendant 20 ans, ayant, comme vous dites, vécu les réformes, et ayant vécu les points d'achoppement à chaque place, à chaque niveau : Je suis d'accord avec vous sur un point, il y a des choses qui n'ont pas été faites puis il y a des résultats qui n'ont pas été obtenus. Mais, par contre, je vais vous dire une chose. Je ne sais pas de quel milieu vous venez exactement, là, mais je vais vous dire une chose : Les décisions qui devaient être prises ne l'ont pas été. Et je pourrais nommer des décisions des gens que... à qui vous faites référence, dans des grands ensembles, qui ont fait exactement ça, c'est-à-dire ne pas prendre les décisions qu'il fallait prendre.

J'arrive ici fort de cette expérience et je fais une proposition qui est un point de départ, qui va être suivi d'autres choses. La seule chose que je peux vous dire aujourd'hui de pertinente à votre commentaire : Bien, à la prochaine commission parlementaire, bien, on se reparlera puis on verra si j'ai échoué.

• (17 h 50) •

M. Falardeau (Denis) : Mais, M. le ministre, à la lecture du projet, ce que je vois... On parle de concentration, fusions, on parle d'efficience, on parle d'économies. On parle de services, j'en conviens. Mais comment vont se conjuguer justement ces soucis d'efficience et de service?

Et, entre autres, je mentionne notamment... À l'article 59, on parle d'une prestation de services, mais sécuritaire. Et, si vous me permettez, je vais vous faire part d'une expérience de quelqu'un dans mon entourage. C'est une personne, c'est un citoyen qui est en phase terminale, il est en fin de vie. Et remontons le temps, à plus d'un an environ. Cet homme-là, ce citoyen, commençait à sentir des problèmes de santé. Recherche d'un médecin. Impossible de se trouver un médecin. Finalement, frappe à la porte d'une clinique sans rendez-vous. Le médecin lui diagnostique une infection et lui prescrit des antibiotiques. Peut-il devenir son médecin traitant? Non. On le laisse aller à lui-même. Impossible de se trouver un médecin par la suite.

On se retrouve à cet été. Cet homme-là devait partir en vacances. Problème respiratoire. Va à l'urgence. On lui enlève plus d'un litre de liquide au poumon droit pour, finalement, avec les examens d'usage... Deux semaines après, on lui dit : Bien, monsieur, venez d'urgence à l'hôpital, on doit vous opérer. Pour finalement lui dire : On ne va pas vous opérer. Nous avons deux nouvelles à vous donner, une bonne et une mauvaise. La bonne : ce n'est pas nécessaire de vous opérer; la mauvaise, c'est parce que votre espérance de vie est trop courte : c'est un cancer généralisé.

Dans ce projet de loi là, des problèmes d'accès aux soins, des problèmes d'accès à un médecin... je ne vois pas de solution là-dedans, M. le ministre.

M. Barrette : Vous avez terminé?

M. Falardeau (Denis) : Oui.

M. Barrette : Alors, voici. Je vais répondre à votre question qui, malheureusement... à laquelle on ne peut pas répondre d'une façon précise pour l'épisode de soins que vous avez relaté, hein? Parce que, dans l'histoire que vous nous racontez, il y a un certain nombre d'éléments que vous inférez qui ne sont pas nécessairement... auxquels on ne peut pas nécessairement tirer la conclusion que vous tirez. Ce n'est pas compliqué, là : ce que vous dites, là, c'est qu'il y a un diagnostic qui a été raté, la personne s'est retrouvée dans une situation irréversible quelques mois plus tard. C'est ça que vous relatez. Ça, ça s'appelle l'évaluation de l'acte médical, ça s'appelle... dans une institution, si c'est le cas, et ça s'appelle le Collège des médecins, dans un autre cas, et il pourrait très bien être démontré que ce que vous relatez soit tout aussi triste, mais pas du tout dans le registre que vous mentionnez.

Et alors vous avez raison, là : tout ce dont vous parlez sur cet élément-là n'est pas dans le projet de loi n° 10. Ce n'est pas un argument pour critiquer le projet de loi n° 10. Il y en a deux, par contre, qui sont un argument pour, un, le critiquer, deux, l'appuyer, même si vous ne voulez pas le faire. L'accès. Je l'ai dit 100 fois en trois semaines : Le projet de loi n° 10, en termes d'accès à la première ligne, ce n'est pas ça qui va régler ça, c'est autre chose. Le «autre chose» est en train de se discuter, et on verra bien où est-ce que ça va finir. Je l'ai dit, là. Je ne peux pas être plus clair que ça. Ne reprochez pas au projet de loi n° 10 de ne pas s'adresser à l'accès, alors qu'il n'est pas fait, le projet de loi, pour s'adresser à l'accès.

Deuxièmement — et là ça devrait vous permettre de l'appuyer — le projet de loi n° 10 vise à faire en sorte que, l'accès étant idéalement réglé, le cheminement du patient entre la première ligne et l'investigation subséquente, qui, dans l'exemple que vous avez donné, n'est définitivement pas idéal, dans l'exemple que vous donnez tel que raconté... bien, le projet de loi n° 10 vise exactement ça. On n'est pas dans la privatisation, là, puis on n'est pas dans le drame dramatique, là, puis on n'est pas dans l'abolition des services sociaux, là; on est dans le pragmatique, la vraie vie quotidienne que vous relatez. Le projet de loi n° 10, là, il vise ça, pas l'accès. Mais après, là, ce que vous venez de raconter, là, bien, ça vise exactement ça.

Dites-moi, à ce moment-là, que le projet de loi n° 10, s'il arrive à cette fin-là, n'aurait pas aidé la personne que vous connaissez. Parce que ce que vous avez raconté, c'est le monde d'aujourd'hui, dirigé et commenté par vos références, et ça ne donne pas les résultats escomptés. Je n'ai pas besoin de faire d'études puis de consultations, là, je vis ça à tous les jours. Pas besoin, moi, là, de grandes conférences cosmiques, là, de «whatever», là, pour me faire dire par David Levine, ou Pierre-André Contandriopoulos, son fils, ou sa belle-fille qu'est-ce qui ne marche pas dans le service de santé. Je le vis à tous les jours. Alors, ce à quoi on s'adresse, c'est... Le projet de loi n° 10, c'est exactement ça. C'est tout.

Vous pouvez, comme d'autres l'ont fait, le voir négativement. C'est un pays libre, puis je suis heureux d'en débattre avec vous. Mais je suis content que vous me donniez un exemple pratique, par exemple, parce que c'est exactement ça qu'on vise. Après, quand on arrivera avec des mesures qui visent la première... en fait, la première ligne, dans l'exemple que vous donnez et, dans les faits, ce que l'on doit viser, bien, j'espère que vous serez plus ravi et que ce que l'on aura à proposer aura les résultats que vous escomptez. Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Oui, je vous remercie. Ceci met fin à l'échange, le temps étant écoulé. Alors, je passe la parole à l'opposition officielle pour une durée de 10 minutes. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Marcotte, M. Benoit, M. Falardeau, M. Fournier, bienvenue, merci pour votre présentation. Je pense que votre démarche que vous avez faite début mars — donc, vous avez certainement planifié ça depuis, comme vous dites, beaucoup plus longtemps, un congrès comme celui-là — ça témoigne de votre préoccupation à ce qu'on ait un rendement approprié dans notre système de santé. Les Québécois investissent beaucoup, ils investissent... Plus de 45 % de leur budget, du budget est investi en santé. Et on a également... Et je partage votre indignation par rapport à la non-performance actuelle de notre système... et aux préoccupations que le manque d'accessibilité occasionne.

Ce que je pense et ce que j'entends — puis je pense qu'on a eu plusieurs groupes qui sont venus dire des choses semblables — c'est que le ministre prévoit que le projet de loi n° 10 va lui donner la possibilité — et il l'a répété plusieurs fois — de donner des orientations au niveau du système. Alors, moi, je ne vois pas ce qui l'empêche actuellement de les donner, ces orientations-là, et, ensuite, de s'assurer qu'il y a...

Il y a un mot qui est ambigu, c'est la reddition de comptes. Alors, la reddition de comptes, pour certaines personnes, quand on le... c'est remplir 200 formulaires. Et mon collègue de la CAQ s'obstine à beaucoup revenir sur cette dimension-là, 200 formulaires. Il y a une façon de demander de la reddition de comptes, de l'imputabilité, de responsabiliser les gens en leur donnant des indicateurs de performance et en agissant au niveau du financement, effectivement, de la rémunération. Vous avez tout à fait raison. Et le financement à l'activité n'est plus une référence; on parle maintenant de financement au résultat. Et, quand un patient n'a pas le résultat attendu ou qu'on sait qu'il y a des cibles au niveau de son résultat...

Mon patient diabétique, il devrait avoir ses cibles, dans ses glycémies, qui sont normales, et il ne devrait pas aller cinq fois à l'urgence de l'hôpital dans une année si une équipe — médecins, infirmières, pharmaciens, nutritionnistes — fait en sorte que ce patient-là, au lieu d'aller cinq fois à l'hôpital, il y va deux fois, et... Au lieu d'aller... d'avoir des glycémies qui ne sont pas contrôlées, c'est bien contrôlé, et son hémoglobine, glyquée, bien, ça, ça vaut quelque chose. Ça vaut quelque chose dans notre système de santé. Mais ce n'est pas le fait de poser des actes à répétition qui le donne. Mais tout ça... le ministre a cette latitude-là de modifier ces choses-là, de les influencer, sans passer par le projet de loi n° 10. Et le lien que vous questionnez, c'est : Pourquoi le projet de loi n° 10 et quelles sont les garanties que le projet de loi n° 10 va nous donner ce qu'on a besoin et ce que les citoyens disent qu'ils ont besoin en amélioration de l'accessibilité?

Alors, moi, j'aimerais ça que vous me disiez, à partir de votre analyse et de ce que vous avez compris de vos conférenciers... Mais aussi, je suis très sensible, moi, au témoignage que vous avez présenté, monsieur, sur ce qui arrive à des patients, parce que je travaille aussi en soins palliatifs et je l'ai entendue, cette situation-là. Et ne serait-ce que le doute que les choses qui devaient êtres faites au bon moment n'ont pas été faites au bon moment, c'est déjà énorme. Et, dans une société comme le Québec, on ne devrait pas laisser les gens avoir ce doute-là, surtout quand ils ont fait la démarche de consulter.

Donc, quels sont vos éléments de solution? Quels sont les éléments que vous avez vus qui seraient compatibles avec notre modèle actuel, sans le projet de loi n° 10, et qui aideraient à notre système?

M. Benoit (Jacques) : Juste, d'entrée... un petit peu, si vous me permettez, parce que le ministre a dit quelque chose, il a terminé, puis je n'ai pas pu me raccrocher et remettre un peu de...

Mme Lamarre : ...

• (18 heures) •

M. Benoit (Jacques) : ...la question de la privatisation, où c'est qu'elle est, puis tout ça. J'imagine qu'on est tout seuls à imaginer des choses, puis, comme vous semblez voir qu'il y a comme deux catégories de citoyens, semble-t-il, au Québec : il y a ceux qui partagent votre opinion et les autres, qui peuvent s'appeler Levine, qui peuvent s'appeler Contandriopoulos, qui peuvent s'appeler Mme Archambault ou qui peuvent s'appeler, ici, les gens qui sont autour... C'est ça que je semble en comprendre.

Mais je vais vous citer quand même — c'est assez amusant — la fédération des chambres de commerce, hein, ce n'est pas nous autres, là, c'est eux autres qui disent ça, hein? Ils disent... Ils sont extrêmement contents du projet de loi, ils l'applaudissent, hein, puis ils disent... Par rapport, par exemple, aux nominations sur des futurs conseils d'administration, des individus indépendants, ils disent : On ose croire que le ministre saisira alors l'occasion d'inviter davantage d'entrepreneurs à siéger aux conseils d'administration, insufflant ainsi davantage d'entrepreneuriat dans la gestion.

Nous, quand on regarde le projet de loi puis qu'on voit les compétences qui sont suggérées pour ces administrateurs-là, on a un petit peu de misère à comprendre en quoi quelqu'un qui aurait des compétences en gouvernance et éthique, en gestion des risques et qualité, en ressources humaines, en ressources immobilières, informationnelles, en vérification de performance, en quoi cette personne-là va être capable de régler la question des listes d'attente en pédopsychiatrie ou encore en quoi cette personne-là connaît les choses pour savoir comment on peut s'occuper de donner un bain à une personne âgée? En quoi cette personne-là ou ces personnes-là vont avoir l'expérience de juger c'est quoi, faire un suivi de deuil? Tous ces gens-là ont des expériences qui ne concordent pas du tout avec un système de santé et services sociaux, mais ils ont des compétences dans les vraies affaires. Ça, les vraies affaires, on a entendu ça pendant la campagne électorale et depuis la campagne électorale. Ça, pour les vraies affaires, on le sait qu'il y en a, des compétences, et nous, on pense que le projet de loi, il vise bien plus à faire en sorte que des vraies affaires s'opèrent au Québec.

Là-dessus, je vais passer la parole à mon collègue à l'autre bout.

M. Fournier (Jacques) : Bien, en réponse à votre question, effectivement, le ministre a présentement tous les pouvoirs pour donner les orientations. C'est comme si, effectivement, le projet de loi mis de l'avant ne répond à aucun, aucun, aucun des objectifs réels qu'on poursuit.

Là, j'aimerais vous livrer un témoignage. J'ai été intervenant dans le réseau de la santé depuis 1978. J'ai travaillé 27 ans dans le réseau et sept ans de bénévolat après, donc ça fait 36 ans de millage. J'ai analysé les réformes Lazure, Côté, Rochon, et tout. Le témoignage que je voudrais vous faire, c'est : en 2003, j'étais intervenant dans un bon petit CLSC efficace, performant, les employés dévoués qui ne comptaient pas leurs heures. On était 240. Du jour au lendemain, on est devenus 4 000. On a été fusionnés avec un hôpital, six CHSLD, trois CLSC. Du jour au lendemain, les complicités professionnelles, qui sont tellement importantes, qui avaient été bâties, tissées au cours des années ont disparu. Les gens étaient en mode survie; les cadres étaient en chicane entre eux. Du jour au lendemain, on a vraiment diminué notre rendement. Mes collègues de travail, les travailleuses sociales, pleuraient, certaines faisaient des burn-out. Pour ma chance, j'étais admissible à la retraite, pas comme eux, et j'ai pris ma retraite. Mais je les revois encore, et elles me disent : Jacques, on fait un travail pour lequel on n'a pas étudié. Notre travail n'a plus de sens. Et ça, c'est le résultat de la fusion de 2003. Imaginez, la fusion de 2014 serait pire.

Je pourrais vous raconter des tonnes de témoignages comme ça, de consoeurs de travail qui ont été démobilisées complètement par la réforme de 2003, et ce qu'on nous promet, c'est pire. Alors, l'histoire que le ministre a besoin de plus de choses, c'est complètement «out of».

Et, un dernier point que je voulais ajouter, parce qu'en tant que représentant des aînés ça me tient à coeur, un des défauts majeurs du projet de loi, c'est d'augmenter l'hospitalocentrisme. Il y a la Protectrice du citoyen qui a dit : Des fonds ont été dévoyés, des fonds destinés au maintien à domicile ont été dévoyés pour combler les déficits des hôpitaux. Le ministre nous dit : Article 55, c'est merveilleux. Et l'article 55, au mieux, c'est un baroud d'honneur, au pire, c'est une arnaque parce que, quand les hôpitaux auront à combler leurs déficits, ils prendront encore l'argent dans le maintien à domicile. Alors, au nom des retraités, je suis en désaccord profond.

M. Lisée : Merci...

La Présidente (Mme Montpetit) : Il vous reste 1 min 30 s, M. le député de Rosemont.

M. Lisée : Une minute. Alors, je vous salue tous. Je vous ai entendu citer la chambre de commerce, tout à l'heure, sur la privatisation, effectivement, ce bout où la fédération des chambres disait que c'était une occasion d'insuffler davantage d'entrepreneuriat dans la gestion, mais ils continuaient en disant : C'est une manière pragmatique et sereine d'envisager des alliances avec le secteur privé. Alors, c'est pour ça que vos inquiétudes, elles sont réelles, elles sont fondées. Nous allons être très vigilants.

On entend le ministre qui dit : Non, ça ne sera pas comme ça, ça ne sera pas comme ça, mais, d'une part, on va être très vigilants... moi, je suis de ceux qui croient que ce service doit être public et davantage public qui ne l'est maintenant. Et, sur la question du recul de la démocratie, vous avez fait un calcul que je voudrais relever. Vous dites : Le projet de loi abolira, à l'échelle du Québec, 1 343 postes de représentation dans tous les conseils d'administration; dans 66 % des cas, ce sera une suppression d'expertise. Vous pouvez me dire qu'est-ce que ça signifie, ça?

M. Benoit (Jacques) : Qu'est-ce que ça signifie, vous dites? Bien, par exemple, il y a l'expertise des sages-femmes qui ne sera plus là, qui va disparaître. Il y a des gens, même... Quand on parle d'expertise citoyenne, là, ça fait rigoler bien du monde, ça. Pourtant, c'est extrêmement important, l'expertise citoyenne, parce que la personne qui a un pouvoir sur sa santé, elle risque d'être moins malade parce qu'elle a un pouvoir. On dit, par exemple, que la dépression, c'est une perte de pouvoir sur sa vie. Bien, ça doit avoir une raison en quelque part, la démocratie dans la santé.

La Présidente (Mme Montpetit) : ...M. Benoit. Donc, la parole est au deuxième groupe de l'opposition pour une durée de 6 min 30 s. M. le député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mme Marcotte, M. Fournier, M. Falardeau, M. Benoit, je reviens sur la notion des C.A. Vous en avez parlé il y a quelques instants, vous faisiez mention du fait qu'on pourrait y retrouver des gestionnaires. Pour le bénéfice des gens qui regardent et des gens qui s'inquiètent aussi de l'accessibilité, et de la fluidité de leurs portefeuilles, et le reste, je vous pose une question, puis ça suscitera une réflexion de votre part... bien, en tout cas, pour le moins, un éclaircissement : Quand on injecte — et les gens pourraient se poser la question — des milliards de dollars, 33, 34 milliards dans un réseau de santé, est-ce que vous ne pensez pas qu'à travers un C.A. c'est peut-être utile d'avoir des gestionnaires? Plusieurs groupes ont aussi dit qu'on devrait avoir d'autres membres du C.A. qui présentent un profil, par exemple communautaire, encore cet après-midi. Est-ce que c'est vraiment maléfique d'avoir des gestionnaires sur un C.A. d'un réseau de santé?

M. Benoit (Jacques) : C'est votre question?

M. Paradis (Lévis) : Oui.

M. Benoit (Jacques) : Je ne crois pas que ce soit grave ou maléfique d'avoir des gestionnaires sur un conseil d'administration d'un réseau de santé. Qu'ils soient majoritaires, indépendants du réseau, pour quoi faire? Ça veut dire qu'on va prendre des gens qui ne connaissent pas le réseau, qui ne connaissent pas comment ça fonctionne là-dedans, puis c'est eux autres qui vont venir décider?

On va prendre du monde pour régler votre histoire à vous. Mettons que vous avez un problème chez vous, on va vous caller, là, du monde, là, qui viennent de la région à côté, du village là-bas, de la ville là-bas, du pays là-bas, ils vont tous venir puis ils vont régler votre problème. Vous allez dire : Qu'est-ce qu'ils connaissent de moi? Qu'est-ce qu'ils connaissent de ce que je suis, de ce que je vis, de ma réalité, de ma culture, de si je me lève le matin ou pas, c'est quoi, ma job, qu'est-ce... Ces gens-là, ils vont décider de quoi? Ils vont... Ça va être quoi, leurs expériences? Ah! ils connaissent ça. Non, non, non, ce n'est pas suffisant.

La Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, par exemple, qui est une clinique communautaire où est-ce que le conseil d'administration est formé de citoyens, cette clinique communautaire là a un ancrage important dans la communauté, dans sa communauté. Les gens qui participent au conseil d'administration, ils n'ont peut-être pas tous des diplômes en arrière, mais ils vivent dans le quartier, ils sont les premiers capables de dire : Voici ce qui se passe dans mon quartier, voici comment on peut intervenir, voici comment on peut améliorer les conditions de santé, les conditions de vie, voici sur quoi il faut travailler, il est peut-être mieux de mettre l'argent là plutôt que là parce que là, ça va rapporter plus parce que ça va causer moins de problèmes à la longue. C'est ça aussi, faire de la prévention. Les gens connaissent leur vie, connaissent leur réalité, ils sont capables, à travers le pouvoir qu'ils exercent, de pouvoir poser des bons gestes, orienter, donner des bonnes orientations pour que les choses se fassent correctement.

Moi, ce que je vois là-dedans, là, ce n'est pas tout à fait ça, ce n'est pas du tout ça qu'on est en train de nous mettre en place. On est en train... La fédération des chambres de commerce applaudit à ce projet de loi, l'IGOPP dit... L'IGOOP, mon Dieu! on nous dit que... C'est un grand institut... L'IGOPP, ils ne comprennent pas, eux autres, c'est quoi, une compétence en services sociaux puis en jeunesse. Ils se demandent pourquoi il faudrait qu'ils aient ça. Bien oui, ils se demandent pourquoi, dans le fond. C'est un système de santé et services sociaux, mais pourquoi est-ce qu'on aurait quelqu'un qui serait une compétence là-dedans? C'est incroyable!

M. Paradis (Lévis) : Mais je comprends. Remarquez que d'avoir des gestionnaires puis d'avoir des gens qui présentent un profil se rapprochant de l'usager, de l'utilisateur, du client, un n'empêche peut-être pas l'autre. Vous me parlez d'équilibre et de représentativité, c'est un peu ça que vous me dites, c'est-à-dire qu'un profil n'écrase pas l'autre.

• (18 h 10) •

M. Benoit (Jacques) : Non seulement qu'un profil n'écrase pas l'autre, mais qu'on ne fasse pas une superstructure qui est totalement loin du terrain où est-ce que les gens... Vous dites... Quelqu'un — je ne sais plus qui, lequel — disait tantôt : Bien, vous ne trouvez pas qu'il y a... de toute façon, il y a très peu de démocratie et très peu de monde actuellement qui s'implique. Il n'y a pas vraiment de monde qui vote, il n'y a pas... On a formé des structures qui sont... On a éloigné les points de décision du terrain, de la population, des réalités, de ce qu'elles vivent. C'est bien normal que la démocratie s'exerce de façon difficile, et ça prend du temps à recomposer cette chimie-là. Puis là ce qu'on va faire, c'est : on va défaire ça puis on va le renvoyer... On va faire ça encore à plus grande échelle.

La Direction de l'évaluation du ministère de la Santé et Services sociaux, il y en a une, évaluation, qui existe au ministère. La direction d'évaluation, en 2010, a fait un rapport puis, dans son rapport, sa conclusion, c'était : il ne faut pas qu'il y ait de changement à ce qui est là parce que ça va venir contrecarrer les efforts qu'on a effectués jusqu'ici. Là, ce n'est pas moi qui l'évalue, là, c'est la Direction de l'évaluation du ministère. Je veux dire... je demande au ministre sur quoi il se base. J'en ai une, étude, ici, qui vient du ministère puis elle dit : Il ne faut pas rien bouger, ça va jeter à terre tout ce qu'on a réussi à bâtir à date.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends votre inquiétude, vous l'avez bien exprimée. Je m'en vais dans un autre sens parce qu'il nous reste peu de temps. À la page 2 de votre document, vous écrivez... dénoncez la sous-traitance — vous en parlez — de certains services. Vous nommez notamment les services d'entretien. Prenons celui de la buanderie pour l'exemple. Pour ceux qui vous écoutent aussi et que vous représentez toujours, j'aimerais que vous leur expliquiez c'est quoi, le problème de sous-traiter, par exemple un service de buanderie, dans la mesure où ça coûte moins cher aux contribuables.

M. Benoit (Jacques) : Je vais laisser madame ici répondre, mais je vais terminer avec un petit exemple tantôt.

Mme Marcotte (Josée) : Donc, souvent... Il est vrai que, dans le projet de loi, ce n'est pas écrit. La sous-traitance, c'est souvent insidieux. Donc, on a vu, avec les projets de fusion, de plus en plus de projets de sous-traitance. Avec les projets de sous-traitance, ce qu'on constate... Bien, d'abord, ce qu'il faut dire, c'est que, dans le réseau de la santé, ce sont majoritairement des femmes qui y travaillent, et c'est aussi important d'investir dans des emplois de femmes que d'investir par exemple dans les ponts, dans les routes, d'autant plus que ce sont des emplois socialement rentables.

Donc, dans les sous-traitances, souvent, ce qu'on voit, c'est que les entreprises qui sont là pour faire de la sous-traitance, leur principale préoccupation, ce n'est pas la qualité des services, c'est faire des profits. Donc, ce qu'on...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

Mme Marcotte (Josée) : ...c'est qu'à long terme, souvent, le coût est plus important pour l'État que s'il était offert dans le public.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme Marcotte, MM. Benoit, Falardeau et Fournier. Je vais donc suspendre les travaux pour quelques instants et j'invite le prochain groupe, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 18 h 15)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre les travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Fédération interprofessionnelle
de la santé du Québec (FIQ)

Mme Laurent (Régine) : Merci. Bonsoir à toutes et à tous. Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis accompagnée, à mon extrême droite, de Suzanne Prévost, qui est conseillère au secteur sociopolitique de la fédération; à côté de moi, Nancy Bédard, qui est vice-présidente à la fédération, coresponsable de la négociation; à ma gauche, Line Larocque, première vice-présidente de la fédération, responsable du secteur sociopolitique, condition féminine, et, à côté de Line, Lucie Mercier, conseillère syndicale au secteur sociopolitique à la FIQ.

Alors, tout d'abord, merci à la commission de nous permettre d'exprimer nos commentaires sur le projet de loi n° 10. Pour débuter, quelques remarques d'ordre général. Des réformes de la santé, il y en a eu plus d'une dans les deux dernières décennies, et, à chaque fois, on nous a promis à peu près la même chose : une amélioration de l'accès et de la qualité des soins à moindre coût. Remontons à Marc-Yvan Côté en 1990. Le slogan était Mettre le citoyen au coeur du système. On se retrouve aujourd'hui en 2014 devant une autre énième réforme qui fait les mêmes promesses.

Pourtant, l'immense chantier de 2003, cette réforme-là adoptée sous le bâillon par le précédent gouvernement libéral, n'est toujours pas terminée, et surtout, il n'est pas encore possible d'en mesurer tous les impacts. En date d'aujourd'hui, au moment où on se parle, certains CSSS sont encore à finaliser l'intégration des différentes missions au sein du nouvel établissement, et leur réseau local n'est pas totalement déployé. Nonobstant le caractère inachevé de la présente... précédente réforme, les modifications suggérées dans le projet de loi n° 10 s'inscrivent, quant à nous, dans la même lignée, la même stratégie et la même idéologie que celle ayant inspiré les auteurs du projet de loi n° 25 en 2003. Et, en plus, nous n'avons toujours pas le portrait global de ce qu'il y a à venir pour le réseau de la santé.

Toujours dans l'optique d'améliorer la fluidité et l'accès aux soins, le projet de loi n° 10 propose d'élargir encore davantage la notion de soins intégrés afin d'inclure la réadaptation, les centres jeunesse dans ces nouveaux CISSS. Pourtant, les évaluations n'ont pas permis de démontrer que l'intégration des services de santé au sein des CSSS améliore la fluidité entre les services ou encore donne un meilleur accès à ceux-ci. L'expérience de l'Alberta démontre que cette solution n'est pas la bonne. De plus, de nombreux Québécois et Québécoises n'ont toujours pas de médecin de famille, et nos urgences sont toujours bondées.

On n'est pas tout à fait remises, les professionnelles en soins, de la dernière réforme. Les fusions d'établissements de 2003 ont été source de stress en raison de l'adaptation nécessaire, de faire en sorte... de différentes cultures d'un établissement à l'autre d'une même région, et on subissait ça pendant qu'on travaillait à dispenser des soins à la population. L'ampleur de la réforme proposée cette fois-ci est telle que, quant à nous, la période d'instabilité, d'insécurité administrative, d'organisation du travail qui en résultera prendra des années, ce qui, quant à nous, aura inévitablement des répercussions sur les soins dispensés aux patients. Bref, la dernière chose dont les professionnelles en soins et la population avaient besoin pour améliorer l'accès, la sécurité, la qualité des soins, les conditions de pratique, c'est d'une réforme de structure.

Le ministre de la Santé a eu l'honnêteté de dire lui-même que le projet de loi n° 10 ne réglera pas les problèmes d'accès aux soins. Alors, pourquoi avoir mis de l'avant une gigantesque restructuration qui n'agira pas sur ce qui ne va pas? Si le véritable objectif de cette réforme est de réduire les coûts du système, pourquoi alors les postes budgétaires les plus importants ne sont pas touchés, soient la rémunération des médecins, qui, de 2003 à 2014, a augmenté de 120 %, et les médicaments? Ces deux postes budgétaires ensemble totalisent 34 % des dépenses en santé ces dernières années. Pour nous, sous le prétexte de la nécessaire austérité économique pour redresser les finances publiques, le gouvernement procède à un démantèlement systématique des mesures que les Québécois et Québécoises ont choisi de se donner d'un commun accord pour vivre dans une société plus juste et équitable en santé, en éducation, en CPE et en culture. En définitive, on assiste, quant à nous, à un désengagement de l'État au profit des marchés privés, alors même que la recherche de profits est incompatible avec l'offre de services et de soins sécuritaires et de qualité pour tous.

• (18 h 20) •

Plus particulièrement, je vais commencer avec les impacts sur le palier local. La création de CISSS fait disparaître le palier local et a pour conséquence d'éloigner les soins des patients. La fusion de centres d'activité dans les nouveaux CISSS pour réaliser des économies d'échelle aura pour effet d'obliger les patientes et les patients à se déplacer encore plus pour recevoir des soins.

La FIQ dénonce l'absence de balises claires visant à protéger les missions dans les futurs CISSS. Cette absence de balises aura pour conséquence de favoriser l'hospitalocentrisme et la mission curative au détriment des missions à caractère plus préventif et social. Il en va de même pour les budgets qui seront dorénavant octroyés sur la base des programmes-services, toutes missions confondues.

Autre préoccupation, la réforme mise sur la table pour accélérer, quant à nous, et faciliter la mise en place du financement à l'activité. La FIQ pense aussi que ce projet de loi ouvre encore plus la porte au privé, et nous sommes préoccupés de garder un réseau public de santé. Pour les tenants de la marchandisation de la santé, il y a une perspective de profits alléchante. En contrepartie, voilà une opportunité pour un gouvernement de se départir de sa responsabilité de protéger un bien commun.

Le projet de loi n°10 a aussi des effets sur les professionnels en soins. La FIQ déplore la perte de représentativité des professionnels en soins au sein des C.A. d'établissement. Cette représentation moins importante aura pour effet de remettre en question leur rôle premier, soit celui d'apprécier la qualité des soins. De même, la relation avec les objectifs du projet de loi n°10... La FIQ s'interroge au sujet de la place qu'auront les DSI, les DSP, les DSH dans les nouveaux établissements afin de garantir à la population des soins de santé de qualité et sécuritaires.

Passons rapidement sur les pouvoirs du ministre. Je pense que ça a été largement dénoncé. Seulement énoncer qu'on nous dit qu'il y a l'abolition des structures des agences de santé, mais les pouvoirs sont simplement répartis entre les nouveaux CISSS et le ministre. Le ministre a des pouvoirs et des fonctions qui sont très importants, quant à nous, et ça allume une lumière rouge. Le ministre va pouvoir donner les orientations, priorités nationales et régionales, priorités sur l'équilibre budgétaire, le budget, les services, les subventions, l'allocation des ressources, la nomination des C.A. des établissements régionaux, des P.D.G., des P.D.G. adjoints, des comités, l'établissement de la structure organisationnelle des établissements, des corridors de services, signer les ententes avec les cliniques médicales associées, possibilité de fusionner les établissements publics que vise ce pouvoir, déterminer l'usage commun de certains biens et services par les établissements. Le ministre élabore aussi des plans régionaux en matière de planification de main-d'oeuvre et de développement des ressources humaines. Sur ce point, cela remet en question l'application de l'article 231 de la loi santé et services sociaux qui demande la participation des employés et de leurs syndicats à l'élaboration d'un plan d'action triennal sur la planification de la main-d'oeuvre et le développement du personnel. Quant à la réglementation où c'est écrit dans le projet de loi : «Prendre toute mesure [...] utile à l'application de la présente loi» sans obligation de publier le règlement, vous verrez parmi nos recommandations qu'on insiste là-dessus.

Le projet de loi n°10, c'est aussi pour nous une réforme au service de la grande entreprise. Faisons un bond dans l'histoire. La fonction d'approvisionnement est apparue avec la Révolution tranquille pour faire échec au patronage. Elle a été introduite en santé dans les années 70. Il y a eu depuis plusieurs règlements qui ont été passés. La loi de 2005... la loi n° 25, pardon, de 2003, la réforme de M. Couillard qui a introduit le concept de contractualisation dans le domaine de la santé et services sociaux, surtout dans celui des services... Cette forme de contractualisation, c'est une séparation des acheteurs et des fournisseurs ou prestateurs de soins et de services. Les fusions d'établissements vont simplifier la vie des fournisseurs en diminuant le nombre d'établissements de 182 à 28, diminution du nombre de groupes d'approvisionnement en commun de 11 à 3, faciliter l'atteinte des objectifs de volume d'approvisionnement et de valeur de seuil.

Et là j'insiste sur nos questionnements quant à l'accord Canada-Union européenne. Les provinces et les municipalités sont visées par les marchés publics, valeur de seuil pour les biens et les services, pour les travaux de construction aussi, et, dans la santé, cet accord est applicable au ministère de la Santé et Services sociaux, aux agences, aux établissements, aux groupes d'achats en commun notamment. Ajoutons la possibilité d'obliger un établissement public ou un établissement privé conventionné à utiliser les services d'un groupe d'approvisionnement en commun ou à participer à un processus d'appel d'offres mené par un tel groupe. Ça pose problème pour les objectifs de développement économique régional.

Prenons l'hébergement des personnes âgées menacé de tomber sous la coupe des accords de commerce. Deux exemples : l'agence régionale de la Capitale-Nationale, en 2007, signait un contrat de 20 ans avec un promoteur privé pour l'achat de 116 places. Ça a augmenté à 256 places, et la valeur a doublé : 18 millions, selon le Vérificateur général. Autre exemple, l'agence de Montréal, en janvier 2014, qui a octroyé 11 contrats de gré à gré avec des CHSLD privés d'une valeur variant de 7,1 millions à 20,6 millions. Ces contrats se qualifient pour les appels d'offres entrevus en vertu de l'accord Canada-Union européenne. En clair, le projet de loi n° 10 constitue une occasion d'affaires en santé, et la santé devient une marchandise. Pourquoi...

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme Laurent, je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

Mme Laurent (Régine) : Je me dépêche. Le ministre a pourtant annoncé en août 2014 la fin de l'entente qui liait l'Hôpital du Sacré-Coeur à la clinique RocklandMD parce que les coûts avaient explosé. Pourquoi avoir fait une telle annonce et, quelques mois plus tard, consacrer ce modèle dans le projet de loi n° 10?

La FIQ préconise une approche résolument axée sur la recherche de solutions, et, en ce sens, le mémoire contient une série de recommandations proposant des solutions pour améliorer l'accès aux services de santé au sein du réseau. La FIQ offre toujours son soutien et son expertise au ministre s'il veut bien mettre de côté le projet de loi n° 10 et travailler avec nous à trouver des solutions. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, nous allons débuter avec les échanges avec la partie ministérielle pour une période de 15 minutes. M. le ministre?

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Laurent, c'est toujours un plaisir de vous rencontrer. Mme Larocque, Mme Bédard, Mme Mercier, Mme Prévost, bienvenue.

Alors, écoutez, je ne peux pas m'empêcher, Mme Laurent, de faire la remarque que je vais faire. J'ai compris cet après-midi que j'étais rendu dans une autre phase des commissions parlementaires, qui est celle évidemment des syndicats et des groupes apparentés, et je comprends qu'il y a comme une espèce de front commun, à l'image du front commun de négociation, pour ce qui est de la demande de retirer le projet de loi. Évidemment, les chances que ça arrive aujourd'hui, là, sont faibles. Mais je comprends que vous avez aussi développé un argumentaire commun, qui, à certains égards, Mme Laurent, est un peu différent du discours que la FIQ peut tenir en d'autres circonstances, mais... Je n'entrerai pas dans ces détails-là, mais je vais quand même personnellement vous dire que je pense que, dans cette réforme-là ou sans cette réforme-là, il demeure important, pour le ministère de la Santé et des Services sociaux et moi personnellement, d'avoir l'occasion de travailler étroitement avec vous. Et je maintiens ce que j'ai toujours dit : Je pense qu'ensemble on peut trouver un certain nombre de solutions, dans un cadre relationnel qui est normal.

Alors, je dis ça, là, je pèse mes mots en disant ça parce que je ne peux pas, Mme Laurent, comme je l'ai dit aux autres organisations aujourd'hui, là, je ne peux pas accepter, puis je comprends, là, je l'accepte — je le reçois, là, je veux dire — mais je ne peux pas être d'accord avec l'argumentaire que vous, aujourd'hui, tous les groupes qui... Vous vous êtes un peu coordonnés, là, puis ça va être la même affaire demain. Je ne peux pas voir, là, à quel point vous pouvez voir une migration ou une transformation vers la privatisation avec le projet de loi n° 10, là. Je ne le vois pas. Puis je ne peux pas voir comment vous pouvez voir ça, mais ce n'est pas grave. Mais c'est votre impression, puis je la reçois.

Mais je vais faire un commentaire précis, par exemple, Mme Laurent. Vous avez fait référence aux achats regroupés comme étant la porte ouverte aux fournisseurs, et à la privatisation, et ainsi de suite. Je suis dans les achats regroupés, moi, Mme Laurent, depuis 2001. Les achats regroupés substantiels au Québec, ça a commencé à la suite d'une intervention que j'ai faite moi-même, pancanadienne, qui, à l'époque, avait amené des transferts de fonds substantiels vers les provinces et qui avait résulté dans les achats regroupés qui ont été les premiers.

• (18 h 30) •

 Je vais donner des chiffres, Mme Laurent. Les achats regroupés, là, ça existe encore dans certains équipements médicaux spécialisés. Puis je vais vous donner ma propre spécialité, j'y participais encore avant l'élection du 7 avril. Juste une image, là, qui vaut... pas 1 000 mots, qui vaut des millions de mots, là. Un «scan», un tomodensitomètre, Mme Laurent, là, en 2001, au gouvernement, c'était normé pour le haut de gamme à 1,5 million, 1,7 million de dollars, O.K.? En 2001, à l'époque, on avait fait baisser les prix aux alentours de 1,2 million puis on était bien contents, on était bien fiers. On a continué à participer à des achats regroupés qui sont faits par l'État, là, et qui, selon vous, nous ouvrent la porte au privé. Les achats regroupés sortent aujourd'hui pour les mêmes compagnies, pour les mêmes gammes d'équipements d'aujourd'hui, là, haut de gamme, à 750 000 $. 750 000 $, là, pour que vous entendiez bien le chiffre. On est 14 ans plus tard, et les prix qui sortent sont à moitié moins. 14 ans! Pas pour des machines de 14 ans d'âge, là, pour une machine contemporaine haut de gamme. Les achats regroupés, là, ça fonctionne. Et là je pourrais vous dire, là, les derniers achats regroupés qu'on a faits en équipements, comme des lentilles pour la cataracte, et ainsi de suite, là, pas juste des crayons. Il y a toujours eu des achats regroupés, là : papier, crayons, des choses comme ça. Mais, pour certains équipements qu'on n'a jamais faits, là, ça fonctionne, ça fonctionne.

Alors, arriver, là, et dire après, dans mon cas, 15 ans d'expérience là-dedans, qui ont été au bénéfice du système public, qu'on va privatiser le système de soins... Écoutez, je le prends avec humour, mais ce n'est pas la réalité que vous décrivez, Mme Laurent. Alors, à un moment donné, le discours... Je comprends, là, qu'il y a un discours politique et syndical dans les interventions qui sont faites ici, dans cette salle. C'est normal, c'est absolument normal, mais on déborde largement de la discussion du projet de loi n° 10, on déborde de ça largement.

Vous dites par exemple que, dans les CISSS, on va faire des fusions des centres d'activité qui vont obliger les patients à se déplacer. Il me semble que j'ai dit assez clairement que l'objectif, ce n'était pas ça, là. Et j'imagine que demain on va probablement venir me dire que, comme ça a été dit cette semaine, oui, oui, on va forcer les gens à aller dans un... on va choisir le médecin pour lui, puis probablement qu'on va me dire qu'on va choisir le pire médecin possible pour les patients.

Il y a quelques minutes, là, le groupe d'avant vous, ce n'est pas compliqué, on abolissait les sages-femmes. Ce n'est pas compliqué, là, dans le projet de loi, il n'y a plus de sages-femmes. Là, c'est difficile d'avoir une discussion sur un projet de loi si on est dans ce genre d'interprétation là. Mais je vais quand même aller, Mme Laurent, là, et vous posez une ou deux questions, et faire un ou deux commentaires, là.

Pour ce qui est de la représentation et des fonctions d'infirmière, là, les DSI, tout ça, là, les CII et les... Bon. Regardez, là, il n'est pas question pour nous autres, là, d'abolir toute la représentation et la gestion de «nursing» dans le réseau. Ce n'est pas écrit nulle part, là, ça, dans le projet de loi. Et vous avez fait référence à une affaire qui m'a beaucoup surpris. Ma compréhension du projet de loi est que les choses qui existent actuellement dans ce domaine-là vont rester. Vous avez, à propos de l'article 231 de la loi, peur que les établissements perdent la représentation des employés et des syndicats. Je peux vous dire que ce n'est pas le cas, mais je ne comprends pas pourquoi vous tirez cette conclusion-là, Mme Laurent.

Mme Laurent (Régine) : Merci. Sur les achats regroupés, ma collègue va faire les précisions. Moi, je voudrais en apporter une, M. le ministre. Je pense que vous avez la perception qu'il y a une coordination syndicale, là. Ce n'est pas du tout le cas. La FIQ a toujours eu à coeur de maintenir son indépendance et de faire valoir elle-même les valeurs qu'elle porte. Et que ça coïncide avec d'autres organisations syndicales, tant mieux, mais nous ne sommes pas guidés par ça, et il n'y a rien de commun ni de coordonné dans ce que nous livrons ici. C'est livré à partir des consultations des membres de la fédération et avec le comité exécutif de la fédération.

Vous avez aussi dit effectivement que les chances sont faibles qu'on vous fasse changer d'idée. Cependant, nous avons un devoir de conscience de dire ici, à la commission, ce que nous pensons et les impacts qu'on peut voir malheureusement sur la population et sur nous comme professionnels en soins.

Dans le mémoire, vous avez dû voir aussi que la FIQ est en mode solution depuis un certain temps. On aurait aimé ça être entendus et avant le projet de loi n° 10. Il y a des outils qui existent actuellement, et qui ne sont pas mis en place, et qui permettraient, un, des économies d'argent, mais une meilleure prise en charge de la population, c'est-à-dire d'être capable d'occuper pleinement notre champ de pratique, nos champs d'exercice par une application, dans notre jargon, à la loi n° 90 sur les ordonnances collectives. Et ça fait plus de 10 ans, si ma mémoire est bonne, que ça existe, cette loi-là, un outil adopté par l'Assemblée nationale, mais que, mystère et boule de gomme, on ne sait pas pourquoi, mais on nous empêche de le faire. Et ça coûterait moins cher parce que, chaque fois qu'on ferait un acte qui ne serait pas fait par un médecin, c'est de l'argent en moins réclamé à la Régie de l'assurance maladie du Québec.

L'autre chose qui nous fait parler aussi de privatisation, c'est que le gouvernement libéral précédent a permis d'avoir dans le réseau de la santé des gens qui sont venus des firmes de Proaction, Fujitsu, «lean» Toyota et compagnie dire aux gestionnaires déjà payés du réseau comment gérer autrement et me dire à moi, comme infirmière : Comment ça se fait que vous vérifiez deux fois le bracelet avant de rentrer en salle d'op? Il y a des problèmes comme ça, et on sait très bien qu'ils sont venus segmenter notre travail, nous empêcher d'avoir un peu plus de temps pour vraiment entrer en relation d'aide avec les patients. Alors, forcément, on y voit une privatisation et on y voit une mise en place, par ces segmentations, d'être capable de mettre un prix sur tout ce qu'on fait, donc le financement à l'activité.

C'est vrai que les DSI et les CII sont présents, mais une seule personne sur un conseil d'administration avec des gens la plupart nommés par le ministre. Comment est-ce que c'est possible, ces gens-là étant à l'extérieur du terrain, et demander à une seule personne d'être capable d'influencer un conseil d'administration sur la qualité des soins? Et on dit ça à partir des faits d'aujourd'hui. Aujourd'hui, quand nous avons à discuter d'un problème de qualité de soins, qui on nous met en face de nous, dans la majorité des établissements? Quelqu'un des ressources humaines et quelqu'un des ressources financières. J'ai beaucoup de respect pour ces gens-là, mais, quand je leur dis : Voici le niveau de soins x d'un patient, donc j'ai besoin d'une infirmière auxiliaire de plus ou d'une infirmière de plus, tout ce qu'on me dit, c'est qu'il n'y a pas d'argent, on est dans le rouge. Je n'ai aucun impact sur les besoins du patient.

Quand je parlais de l'article 231 de la loi santé et services sociaux, ce qui est prévu, c'est que normalement l'employeur et les syndicats doivent faire une planification de la main-d'oeuvre, qu'ils regardent par exemple c'est quoi, la moyenne d'âge, combien de gens vont pouvoir partir à la retraite dans x années, c'est quoi, les besoins en main-d'oeuvre pour les prochaines années, comment est-ce qu'on va faire du recrutement, comment est-ce qu'on essaie de garder les gens. Cet exercice-là, de ce qu'on comprend du projet de loi, dans la mesure où c'est le ministre qui va regarder la planification de la main-d'oeuvre, on ne pourra plus localement faire ce travail-là de planification de main-d'oeuvre, ce qu'on demande depuis des années, et que, dans ce cas-ci, si on avait été écoutés, on serait peut-être moins dans le trouble dans le réseau de la santé en termes de main-d'oeuvre.

Je vais passer la parole à ma collègue.

M. Barrette : Me permettez-vous de... Parce que le temps va passer, moi, je n'aurai pas le temps de vous répondre, là. Permettez-moi de vous répondre, là, Mme Laurent, là-dessus, parce que c'est important.

Premièrement, pour ce qui est de la loi n° 90, là... O.K., je le refeuilletais pendant que vous me parliez, parce que je l'ai lu, là, votre mémoire, avant que vous arriviez, même si on l'a eu à la dernière minute. Je l'ai lu en diagonale. Mais la loi n° 90 n'est pas écrite dans aucune de vos 10 recommandations. Puis j'essayais de la voir dans le texte aussi, là, mais comme on l'a eu il n'y a pas longtemps peut-être que je ne l'ai pas vue, mais elle n'est pas là. Puis vous avez bien raison d'en parler, de la loi n° 90, vous avez raison. Ça m'apparaît, ça, beaucoup plus pertinent, mais sauf que la loi n° 90, Mme Laurent, elle n'est pas... ce n'est pas une chose qui doit être inscrite dans la loi n° 10. La loi n° 10, le projet de loi vise à faire en sorte que le CISSS, qui a une orientation ministérielle — probablement, il y en a une qui va l'être, là — qui va être d'actualiser par tous les moyens possibles la loi n° 90, que... ça fait longtemps qu'elle aurait dû être mise en application, bien ça va se faire par une orientation ministérielle.

Mme Laurent, je vous soumets ceci : dans le monde de la santé, je pense que les gens ont une méconnaissance de ce que doit être un conseil d'administration. Ce à quoi vous faites référence quand vous me dites : À qui je vais aller m'adresser quand il y a un problème?, c'est au directeur général. Le conseil d'administration n'est pas là pour gérer au quotidien, le conseil d'administration est là pour s'assurer que le directeur général fasse sa job correctement. Le conseil d'administration est là pour s'assurer que les orientations qui sont mises de l'avant... S'il n'y avait pas de gouvernement, là, puis que c'était une entreprise, on va dire ça comme ça, ou un hôpital normal comme aujourd'hui, le conseil d'administration, son rôle, ce n'est pas d'aller gérer le sixième AB, là, puis dire que : Oui, bien là, il faudrait qu'il y ait trois infirmières au lieu de deux, là. Son rôle, c'est de faire en sorte que ce qui est à être livré soit livré et que le directeur fasse son affaire. On met un poids et une responsabilité au conseil d'administration qui n'est pas la bonne. Ce n'est pas les bonnes. Ce dont vous parlez, c'est une responsabilité de l'équipe de direction, et c'est normal.

Et la loi n° 90, encore une fois, elle n'est pas là, là, mais c'est quelque chose qui est extrêmement important, je suis d'accord avec vous, et ce sera fait, mais ça passe par une autre voie qui va venir s'intégrer avec ce que la loi n° 10 va mettre en place. Elle est là, la réponse, là. Et, quand vous faites référence à un certain nombre d'autres choses, bien là vous entrez dans votre dernière page, là, on est loin de la loi n° 10, là, parce que là c'est le gouvernement, là. Là, vous me proposez d'augmenter les impôts des entreprises. On est loin du projet de loi n° 10, là.

• (18 h 40) •

Mme Laurent (Régine) : Vous avez raison, M. le ministre, et peut-être que c'est un effet pervers du fait de ne pas avoir une vision globale de tout ce qui s'en vient dans le réseau. Ça fait qu'on est obligés à chaque fois de dire le maximum et ce qu'on pense qui devrait être fait avant ou après. On n'a pas la vision globale.

La loi n° 90, on en parle à la page 45, avec la recommandation 9, que je vais vous laisser regarder parce que je ne veux pas prendre de temps...

M. Barrette : Je l'ai devant moi, là. Ce que vous me proposez...

Mme Laurent (Régine) : La page... On dit : «La FIQ recommande au gouvernement...»

M. Barrette : Non, non, la recommandation 9, Mme Laurent.

Mme Laurent (Régine) : Excusez-moi.

M. Barrette : La recommandation 9, je l'ai devant moi, là. Je sais ce à quoi vous faites référence, évidemment, mais la loi n° 90, c'est bien plus que ça, là.

Mme Laurent (Régine) : Oui, je le sais, mais regardez ce qu'on amène. C'est qu'on parle, en début de page, de... la loi n° 90 autorise à faire plus, etc. dans notre champ d'exercice. C'est juste pour vous rappeler que, oui, on en a parlé de 90, et voici ce qu'on en a mis.

Pour les C.A., vous avez tout à fait raison, M. le ministre, mais les C.A., ils ont quand même un rôle avec la direction d'établissement. Et, quand on intervient au conseil d'administration et qu'on essaie de faire comprendre : Voici ce qui se passe au niveau de la qualité des soins, voici les problèmes de soins sécuritaires, et que le C.A. met en face de... pour répondre à l'ensemble de la population qui assiste, quelqu'un des finances qui dit : On n'a pas d'argent, ou quelqu'un des ressources humaines qui dit : Je n'ai pas d'argent, bien on n'est pas dans une discussion sur la qualité et la sécurité des soins. C'est ce que je voulais mettre de l'avant.

M. Barrette : Bien, merci, madame.

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme Laurent, le temps étant écoulé, je cède donc la parole au groupe de l'opposition officielle pour une durée de 10 minutes. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, Mme la Présidente. Mme Prévost, Mme Bédard, Mme Laurent, Mme Larocque et Mme Mercier, merci d'être là, merci pour votre vision globale. Parce qu'effectivement on est très circonscrits dans une partie de vision, et c'est très difficile de faire des recommandations cohérentes dans un contexte comme celui-là, mais vous avez fait une analyse assez globale, et moi, je retiens un des éléments où vous dites que le projet de loi n° 10 souffre, à la base, d'un double déficit démocratique. Je pense que vous avez pesé vos mots.

Alors, un, non seulement les Québécoises et Québécois auraient dû être informés des visées et des orientations du Parti libéral en matière de santé avant les récentes élections... Et, deux, il existe un consensus retentissant de l'ensemble des acteurs du réseau de la santé de toutes provenances et professions à l'égard du fait que le projet de loi n° 10 doit être rejeté parce qu'il ne correspond pas aux besoins du réseau.

Alors, compte tenu du peu de temps qu'on a, j'aimerais ça que vous nous définissiez, si vous aviez eu à prioriser, quatre ou cinq besoins du réseau. Je sais que vous avez formulé des solutions, mais j'aimerais mieux que vous me le rapportiez en besoins du réseau. Quels sont les besoins majeurs prioritaires du réseau avant le projet de loi n° 10?

Mme Laurent (Régine) : Alors, c'est, d'une part, l'accessibilité. Et, par là, je dirais une meilleure prise en charge, parce qu'on a, comme vous le savez, une grande partie de nos concitoyens et concitoyennes qui, par exemple, souffrent de maladies chroniques. Et on pourrait faire une meilleure prise en charge si on nous le permettait, si on appliquait cette fameuse loi n° 90, où on pourrait par exemple ajuster la médication, faire un suivi pour des gens qui ont des problèmes d'hypertension, de cholestérol, etc. On pourrait le faire. On nous empêche de le faire et on pourrait le faire dans le cadre législatif d'aujourd'hui avec la formation que nous avons aujourd'hui. Donc, on pourrait faire mieux autant à l'intérieur des hôpitaux que dans la communauté. Donc, il y a le problème d'accessibilité.

On a un problème, à mon avis, aussi, qui est d'être capable de dispenser des soins sécuritaires. En ce moment et de par le code de déontologie, moi, je peux le dire, comme porte-parole de la fédération, mais, à tous les jours, 24 heures par jour, il y a des gens qui ne reçoivent pas l'ensemble des soins auxquels ils ont droit. C'est-à-dire qu'on est placés... ou on est obligés de faire les priorités parmi les priorités. Quand ça fait une heure que j'aurais dû donner l'insuline, pour moi, comme infirmière, il y a un problème majeur. Il y a un problème de conscience aussi. Quand je suis obligée de dire à quelqu'un : Écoutez, oui, je suis obligée de... Oui, on a signé votre congé, je le sais que vous n'êtes pas prêt, mais je n'ai pas le temps de vous faire de l'enseignement... Ne pas faire de l'enseignement, ce n'est pas correct, ne pas faire de l'enseignement, c'est condamner les gens à ce que leur état se détériore et retour par l'urgence. Quand on parle de soins sécuritaires, on veut le faire, on veut être capable d'avoir du personnel de soutien qui va nous aider à le faire.

On a un problème aussi quand on parle des CHSLD. Le projet de loi n° 10 ne vient pas régler les problèmes de nos personnes âgées en CHSLD aujourd'hui, qui, cette nuit, vont avoir une infirmière pour 160 patients. Ce n'est pas normal. Que les infirmières auxiliaires qui sont de jour commencent à donner des médicaments à sept heures le matin puis elles finissent à 11 h 30, avant le dîner pour recommencer à une heure, ce n'est pas normal. Vous le savez de par votre formation, quand on n'est pas capable de respecter les horaires de médicaments, surtout si c'est des personnes âgées, bien on ne s'aide pas. Quand on est obligé de donner encore plus de médication pour dormir parce qu'on n'a pas le temps de s'asseoir puis de comprendre ce qui... C'est ça qu'on veut, c'est être capable de soigner et d'être près des gens.

Et l'expérience de l'Alberta... On n'est pas plus innocents que les Albertains. L'Alberta a fait... ils ont refait une mégastructure il y a 10 ans, et celle qui était responsable en 2013, l'année dernière, a dit que ça n'a aucun bon sens, il faut revenir à un palier régional. Pourquoi on va le faire, nous autres? Tirons profit de leur expérience malheureuse. Puis l'Alberta, ce n'est quand même pas la plus pauvre des provinces du Canada. Ils l'ont essayé, ça ne marche pas. Ils l'ont essayé ailleurs, ça ne marche pas. C'est pour ça que je dis : On n'agit pas sur ce qui ne va pas et on n'agit pas sur les deux portions où ça coûte le plus cher au réseau de la santé.

Mme Lamarre : Et on aurait certains leviers déjà actuellement pour pouvoir le faire...

Mme Laurent (Régine) : On pourrait tout faire ça maintenant.

Mme Lamarre : Je laisse la parole à mon collègue député de Rosemont. Il nous reste 5 min 27 s.

M. Lisée : Merci. Bon, je vous salue. Je vous connais bien, vous m'avez invité dans vos instances, et j'étais très heureux que vous preniez ce virage. Vous dites : «La FIQ : fer de lance du syndicalisme de proposition». Je vous salue, parce que j'ai toujours dit que les organisations syndicales, bien sûr défendaient leurs membres, mais elles devaient aussi défendre le service public en apportant des solutions et que c'est de la base que viennent les meilleures solutions. Vous tentez d'engager ce mouvement, et je vous salue. Et c'est évidemment le contraire de ce que la réforme est en train de faire.

Et, quand vous dites dans votre mémoire : «La motivation au travail, l'implication, l'engagement, tout comme la mobilisation au sein des organisations syndicales, sont largement tributaires du sentiment d'appartenance et de la fierté de travailler pour un employeur»... Et détruire, finalement, l'existence des établissements de santé à la base pour créer un genre de fourre-tout, c'est mettre en péril ce sentiment d'appartenance, donc cette volonté d'engagement.

Mais il y a un mécanisme que vous commentez sur la question de privatisation qui nous inquiète tous. Vous, vous dites : Finalement, le ministre est en train de modifier l'autorisation que l'on donne pour, disons, faire un contrat avec une clinique privée, clinique médicale associée. Jusqu'à maintenant, c'était l'agence régionale qui voyait qu'il y avait un manque dans l'offre de soins et qui proposait au ministre de pallier à ce manque d'une façon ou d'une autre. Et là peut-être que le ministre aurait pu décider d'aller vers un modèle superclinique ou RocklandMD.

Ce ministre-ci, il nous dit, il n'a pas aimé ça, RocklandMD. Il ne veut pas faire ça, mais il crée une loi qui fait que le ministre, lui, s'il change d'avis, ou le ministre d'après... Même des ministres d'avant auraient été d'accord. Et là c'est une autorité non identifiée du CISSS qui conclut à l'existence d'un manque. Et là le ministre pourra lui-même décider de donner au privé. Bon. Et vous dites finalement : Il y a une brèche légale, qui est en train d'être ouverte, qui va rendre beaucoup plus facile à quelqu'un qui aurait la volonté politique d'aller au privé et de le faire. Et, comme les administrateurs — on le voit dans le profil qui est donné — pourraient venir du privé, bien cette recommandation pourrait venir plus souvent. Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'il y a un genre de... les planètes sont en train de s'aligner pour rendre ça plus facile.

• (18 h 50) •

Mme Laurent (Régine) : Oui, là-dessus, vous avez tout à fait raison. Et, quand on parle du privé, on se demande... C'est parce que ce qu'on a voulu démontrer là, c'est : Arrêtez de penser que le privé, c'est la panacée à tout. Ce n'est pas vrai. RocklandMD a démontré que ça coûtait plus cher, donc faisons autrement.

Alors, quand on a vu cet article-là dans le projet de loi, évidemment ça nous a fatigués. Parce que, vous avez raison, on pouvait au moins, à l'agence de la Capitale-Nationale ou de Montréal, aller dire à l'agence : Bien, voyons! Comment ça se fait que vous prenez telle clinique? Il y en a une telle autre. On avait quand même, au niveau du conseil d'administration et de notre présence aux agences régionales, un peu tenté d'influencer. On n'y arrivait pas souvent, je vous l'accorde, mais il y avait quand même ça. Maintenant on ne saura même plus sur quels critères ça a été fait, tandis qu'au moins les agences étaient obligées de dire les critères. Donc, on ne sait pas. Peut-être que c'est là, mais on ne l'a pas vu.

Sur la motivation, et le sentiment d'appartenance, et l'engagement, on travaille dans le réseau de la santé et nous, on a envie de travailler dans un réseau de santé qui soit humain, tant pour nous que pour les patients qu'on soigne. Et la notion d'engagement, c'est important. Et, s'il n'y avait pas l'engagement des professionnels en soins, au moment où on se parle, M. le député, il y en aurait... le réseau de la santé, ce serait épouvantable pour nos concitoyens et concitoyennes.

Donc, ce qu'on ne veut pas... Quand je disais en début : Il n'y a rien pour les professionnels en soins, on va être dans un grand dérangement... En ce moment, les cadres du réseau... tout le monde est bloqué, personne n'ose plus rien faire, même des projets intéressants, parce que personne ne veut déplaire au ministre, parce que tout le monde attend. Le projet de loi va-tu être adopté, pas adopté? On ne bouge pas parce qu'on ne veut pas se faire chicaner, on ne veut pas se faire dire qu'on a mal fait les affaires, parce qu'on va en payer le prix plus tard. Ça n'a pas de sens!

M. Lisée : ...occasion, donc on sait que le ministre a cette idée des supercliniques pour pallier, pense-t-il, à des problèmes d'accès de première ligne. Vous, vous avez une autre proposition plus légère, plus simple. Pouvez-vous l'expliquer?

Mme Laurent (Régine) : Oui. Pour nous, la première ligne, ça vient de discussions que nous avons faites. Nous sommes une organisation syndicale de professionnels en soins, et on a dit : On est capables de faire des propositions. Et ce que nous faisons, ici, dans la région de Québec, c'est de participer à une recherche-action pour avoir des données probantes et prouver à tout le monde que d'avoir une clinique de proximité — toute petite structure, allez la voir — avec des infirmières praticiennes, des infirmières cliniciennes, des infirmières qui ont été longtemps dans les urgences, qui ont parti ces cliniques-là... Et on participe à cette recherche-action. Pourquoi? Parce qu'on pense que tout le monde n'a pas besoin tout le temps à chaque fois de voir un médecin.

Alors, ce que ça fait, dans cette petite clinique de quartier, c'est que les gens sont capables... Par exemple, quelqu'un... C'est de valeur... Moi, j'ai eu des enfants. L'otite commence le samedi soir à 8 h 15. On n'a pas envie que les parents continuent à passer la nuit à l'urgence parce que ce n'est pas un cas urgent. En ce moment on peut prescrire.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme Laurent. Merci. Alors, je cède la parole au deuxième groupe de l'opposition officielle pour une durée de 6 min 30 s. M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Bonjour, Mme Laurent.

Vous avez fait un certain nombre d'affirmations qui, je vous l'avoue, m'ont ébranlé, notamment quand vous parlez de RocklandMD. Peut-être faire une petite mise à jour parce que non seulement il n'y a rien qui fait la démonstration que RocklandMD donne des soins à plus cher, mais il y a une étude qui a été commandée par le conseil d'administration qui va exactement dans le sens contraire. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de la présenter au ministre, qui ne l'avait pas lue. Et c'est tellement vrai que le ministre a été obligé de revenir sur sa décision et commander une enquête interne dont nous attendons impatiemment les conclusions, d'ailleurs.

Mais ce qui me turlupine, Mme Laurent, c'est que je vous entends beaucoup faire la promotion du public, mais très peu faire la promotion de l'efficacité, de l'intérêt du patient, de l'intérêt du contribuable. Et, si d'aventure vous aviez raison, si d'aventure RocklandMD s'avérait être plus cher, bien je serais le premier à dire d'ailleurs : Faisons-le au public. Mais, à l'inverse, si RocklandMD s'avère être plus productif et moins cher pour l'intérêt du patient et pour l'intérêt du contribuable, j'aimerais vous entendre dire : Bien, que le ministre, au contraire, en signe plus, des ententes comme celle-là. Et, dans ce sens-là, le projet de loi ouvre la porte à ce genre de situation là.

De plus, je vois dans vos recommandations un certain nombre de recettes qui ont été rejetées par la population. Donc, j'essaie de comprendre, là, quand vous parlez d'augmenter les impôts ou les revenus de l'État... Mais je vois, dans votre bilan ou dans votre proposition, là, qu'il y a une augmentation d'impôt, diminution des crédits d'impôt, crédits d'impôt qui, soit dit en passant, sont des incitatifs à l'épargne. Alors, j'ai un petit peu de difficulté à comprendre comment on peut vouloir diminuer des incitatifs à l'épargne quand on dit aux Québécois : Pensez à votre retraite, pensez à l'avenir. Ça m'apparaît être un peu un contremessage un peu bizarre. Et vous proposez des augmentations de taxes, mais je veux juste vous signifier, là, que tous les partis majeurs politiques qui ont présenté des candidats à la dernière élection ont tous rejeté ces solutions-là.

Alors, dans un contexte démocratique, comment... Puis vous avez le droit, là, de le penser, puis vous avez le droit de le défendre, puis on est dans une démocratie, mais en même temps vous comprenez que le gouvernement n'a pas la légitimité de faire ça, même si, de temps en temps, ils reviennent un petit peu sur leurs promesses, notamment sur les tarifs d'électricité et d'autres tarifs, mais on ne peut pas aller dans ce sens-là. Et vous faites des recommandations que je trouve particulières, des propositions dont l'efficacité est contestée internationalement. Vous parlez de maintenir le financement par mission. Alors, l'efficacité de ça n'est absolument pas démontrée, au contraire.

Donc, là... En fait, je vous dirais, il y a la recommandation 9 avec laquelle je suis assez d'accord. Il y a une autre loi aussi qu'on a hâte de voir appliquée, c'est l'entente avec les pharmaciens. Ça aussi, je pense que ça pourrait nous amener des gains d'efficacité. Mais, sinon, vous proposez le confort syndical, vous proposez le maintien de ce qui ne fonctionne pas puis des augmentations d'impôts, et vous mettez de côté de façon assez arbitraire, je dois dire, des ententes — notamment, on prend RocklandMD comme exemple — qui, jusqu'à preuve du contraire, augmentent le volume de soins et diminuent les coûts par opération, ce qui m'apparaît être bon pour le patient, bon pour le contribuable, donc c'est bon pour tout le monde.

Alors, j'essaie de voir, là, un peu, là, où est l'intérêt du patient et du contribuable dans vos recommandations, puis je vous avoue qu'à première vue je ne le vois pas.

Mme Laurent (Régine) : Je vais y aller? Merci. Sur RocklandMD, on peut bien faire une guerre de chiffres, M. le député, mais je pense que probablement que, si c'était aussi clair, il n'y aurait pas en ce moment une enquête interne pour en déterminer vraiment si c'est plus cher ou moins cher.

Ce que vous dites... Ce n'est pas vrai qu'on est dans le confort syndical. Ce n'est pas vrai. Nous avons fait un débat et qu'est-ce qu'on a fait? On a proposé... Qu'est-ce qu'il y a dans notre mémoire? Ce que nous disons : Pour ce que nous sommes payés à salaire, on peut faire plus, meilleure prise en charge d'au moins 20 %, 23 % de la population qui en ce moment doit forcément passer par un médecin, égal coût à la RAMQ et que... Ce n'est pas une obligation. On n'est pas dans le confort syndical.

Nous avons fait un débat pour dire — puis il n'y a rien qui nous prouve le contraire non plus — que de ne pas le faire par mission, ça va coûter moins cher. Nous avons une préoccupation comme professionnels en soins, parce que nous sommes persuadés — et ça aussi, c'est démontré — qu'il faut faire de la prévention. Et on ne veut pas que tout soit vers l'hôpital, vers l'urgence parce que c'est ça qui est bien sexy, mais ce n'est pas vrai. Il faut faire de la prévention. Faire de la prévention, ça prend du temps, ça prend des années avant d'en voir les effets. Mais nous, on pense que c'est bon pour la population.

Vous m'avez dit que les recettes ont été rejetées. Les recettes qui sont là, de la coalition à laquelle nous appartenons, nous, ça va comme valeurs. Nous pensons que les impôts, c'est la façon la plus juste de redistribuer les choses et de garder nos services publics. Le crédit d'impôt, c'est de l'épargne, c'est vrai, mais il y a combien de monde qui sont capables d'avoir les moyens de cette épargne-là? On pense que ce n'est pas tout le monde au Québec qui a les moyens de vivre, de subvenir à leurs besoins et en plus d'avoir de l'argent pour épargner.

Nous sommes dans l'efficacité, et notre efficacité, c'est qu'on le voit toujours à travers : c'est quoi que ça va donner pour les patients et qu'est-ce que ça va donner pour les professionnels en soins qui les soignent? On est très connectés. C'est parce que je ne peux pas me déconnecter du fait que ma pratique, c'est connecté aux soins. Si je ne suis pas capable de dispenser des soins sécuritaires, je ne suis pas bien comme professionnelle, mais le patient non plus. Et, quand on défend un réseau public de santé, c'est aussi dans ce sens-là. Et, quand j'ose vous dire ici, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, qu'on n'est pas capables aujourd'hui de dispenser, de remplir ou de combler l'ensemble des besoins des patients du Québec, c'est grave ce que je vous dis là. J'en suis très consciente et j'en suis surtout très malheureuse, parce que je ne pense pas... je pense qu'on devrait être capable de faire mieux et que la population du Québec mérite mieux que ça. Et c'est pour ça qu'on amène des solutions, pour faire mieux, non pas qui coûtent plus cher.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Compte...

Mme Laurent (Régine) : Oh, je suis désolée!

La Présidente (Mme Montpetit) : Non, le temps est écoulé. Je dois mettre fin aux échanges. Donc, je vous remercie Mmes Laurent, Prévost, Bédard, Larocque et Mercier.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 10.

(Fin de la séance à 18 h 59)

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