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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 30 septembre 2015 - Vol. 44 N° 74

Étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Décision de la présidence sur la question de règlement sur la recevabilité d'un amendement

Document déposé

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Jean-François Lisée

M. François Paradis

M. Amir Khadir

Mme Lorraine Richard

M. Sylvain Rochon

M. Pierre Giguère

Mme Caroline Simard

M. Alexandre Iracà

Journal des débats

(Douze heures quatre minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, nous allons débuter nos travaux, ayant constaté, donc, le quorum. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Aujourd'hui, nous sommes réunis et nous avons pour mandat de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Habel, Sainte-Rose est remplacé par M. Drolet (Jean-Lesage); Mme Hivon (Joliette), remplacée par M. Rochon (Richelieu).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le secrétaire. Hier, lors de notre ajournement, nous étions à l'article 36.

Décision de la présidence sur la question de règlement
sur la recevabilité d'un amendement

Par contre, j'avais annoncé que j'allais rendre la décision quant à la recevabilité du sous-amendement du ministre, déposé à l'amendement de la collègue de Taillon à l'article 25.2. Donc, je vais vous lire... mais je ne vous remettrai pas de notes écrites. Je vais vous lire, donc, la décision.

M. le ministre, donc, a présenté un sous-amendement à l'amendement de la députée de Taillon à l'article 25.2, introduit par l'article 1 du projet de loi. L'amendement de la députée de Taillon vise à interdire qu'un paiement soit réclamé d'une personne assurée pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé et vise à interdire de rendre l'accès à un service assuré conditionnel à un paiement pour une personne assurée.

Le ministre a, par la suite, présenté un sous-amendement afin notamment d'ajouter, à la fin du deuxième alinéa, les mots suivants : «Malgré les interdictions énoncées aux neuvième et onzième alinéas, le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquelles un paiement est autorisé.»

Selon l'article 197 du règlement, un amendement doit concerner le même sujet que la motion et ne doit pas aller à l'encontre de son principe pour être jugé recevable. De plus, la jurisprudence a établi qu'un amendement ne doit pas nier, dénaturer ou écarter l'objectif de la motion principale. Et, à cet effet, je vous réfère à une décision du 7 juin 2010, le n° 197-22. Cette règle s'applique également à un sous-amendement en vertu de l'article 200 du règlement.

Ainsi, alors que l'amendement vise l'interdiction complète de tout paiement pour des frais engagés — aucun — le sous-amendement permet plutôt au gouvernement de prévoir, par règlement, des exceptions à cette interdiction complète. Ce faisant, le sous-amendement a pour résultat l'inverse de la conclusion recherchée par la motion principale, ce qui n'est pas permis par la jurisprudence parlementaire quant à un sous-amendement. Et je vous réfère à la décision du 24 novembre 2004, n° 197-35.

Pour cette raison, le sous-amendement proposé est irrecevable, puisqu'il a pour effet de contredire le principe contenu dans la motion d'amendement. Je termine, par contre, en précisant que la présente décision sur le sous-amendement n'a pas pour effet de juger de la recevabilité ou non d'un amendement qui pourrait être, d'aventure, présenté par la même personne.

Alors, l'objet du débat revient donc à l'amendement présenté par la députée de Taillon à l'article 25.2, et c'est ce qui est devant nous, chers collègues. Y a-t-il des interventions? M. le ministre.

M. Barrette : J'en ai une, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, M. le ministre.

M. Barrette : Alors, comme je l'ai dit hier... je vous avais dit que j'allais être très... à l'avance, que j'allais être satisfait de votre décision parce qu'elle est basée sur la raison, qui, elle, est basée sur la jurisprudence parlementaire. Alors, je vous remercie de votre décision.

À la lumière de celle-ci, cependant... et je reprends les commentaires que j'ai faits hier à propos de l'économie de notre temps parlementaire. Je pense que nous avons tous intérêt à ce que nous utilisions le temps parlementaire de façon efficace pour faire valoir nos arguments. Comme il y a une collision — vous l'avez illustré dans votre décision — entre nos positions... Cette collision-là était reflétée dans l'amendement 24.1, qui n'avait pas été déposé. Alors, évidemment, les chances que nous acceptions l'amendement à 25.2, déposé par la députée de Taillon, sont faibles, j'irais même jusqu'à dire inexistantes, mais le débat vaut la peine d'être fait, évidemment.

Alors, si nous continuions dans la direction actuelle, ça nous obligerait à ramener évidemment le 24.1, qui n'a jamais été déposé, mais qui a été proposé en amendement, alors, ce qui ferait en sorte que le débat durerait deux fois plus longtemps. Alors, je propose, pour l'économie de nos travaux, de revenir, avec consentement, à 24.1 pour faire le débat tel que souhaité par les oppositions, que ça soit le débat tel que prévu sans ambages, évidemment, mais ça fera en sorte qu'on ne le fera pas deux fois tel que, s'il n'y a pas consentement, ça va arriver, et, évidemment, on prendra deux fois plus de temps, et je ne pense pas que nous, parlementaires, et ceux qui nous écoutent conduire nos débats s'attendent... On sait, là, je le dis formellement, s'il n'y a pas un retour à 24.1, on va simplement refaire le débat et consommer du temps inutilement. C'est une répétition absolue.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, sur les commentaires... Avez-vous les commentaires?

Mme Lamarre : M. le Président, oui, avec commentaires.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Taillon.

• (12 h 10) •

Mme Lamarre : Écoutez, le temps, on en est tous très conscients, mais ici il s'agit de défendre quelque chose qui est vraiment au coeur d'une préoccupation des citoyens, et je pense que tous les gens qui nous écoutent trouvent que ce sont des minutes tout à fait bien consacrées à notre mandat de bien réfléchir, de bien questionner le ministre, et je l'invite à faire preuve d'ouverture. Il nous dit, depuis le début, qu'il va en déposer, des règlements qui vont encadrer ça, alors qu'il nous parle de son cadre, mais autrement. Actuellement, il ne nous donne aucune information. Nous, on a un amendement qui est très clair, et qui dit «aucun paiement», et qui se justifie, et qui a été considéré recevable. Alors, moi, je pense qu'on est tout à fait en droit de le débattre et de prendre quelques autres 20 minutes. Là, on parle de quelques périodes de 20 minutes, pour les gens qui ne connaissent pas, là, l'ampleur de ce que ça peut représenter. Je pense que pour un sujet aussi important que ça, aussi crucial, qui fait l'actualité, qui fait consensus auprès de la population... je pense que c'est tout à fait justifié d'aborder le premier amendement que moi, j'ai déposé seulement. Le ministre nous ajoutera d'autres... un autre amendement distinct, et puis il sera évalué sur la nature de cet amendement-là.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, un dernier commentaire pour que les gens se rendent compte ici de ce qu'il se passe. La proposition pour laquelle nous n'avons pas eu consentement ne change absolument rien au débat. C'est le même débat que nous ferons deux fois, et la conséquence est uniquement temporelle. C'est une conséquence uniquement de consommation de temps, tout simplement. Mais, M. le Président, je respecte votre décision. La députée de Taillon a le droit de ne pas donner le consentement. Je ferai un parallèle avec ma pratique précédente; ça s'appelle le consentement éclairé. La députée de Taillon choisit d'utiliser le double du temps pour le même débat, qui est tout à fait justifié, en passant, M. le Président, je ne le conteste pas. Alors, allons-y, débattons.

Le Président (M. Tanguay) : C'est bon. Alors, merci beaucoup. Sur l'objet de notre débat, l'amendement de la collègue, 25.2. Collègue de Taillon, la parole est à vous.

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Non, Taillon d'abord.

Le Président (M. Tanguay) : Taillon.

Mme Lamarre : Alors, peut-être juste pour replacer le contexte, M. le Président, puisqu'on n'a pas eu la chance, là, de relire récemment cet amendement-là. C'est un amendement qui vise à remplacer... finalement à faire en sorte qu'on va remplacer le neuvième paragraphe... neuvième alinéa, par les suivants — donc, ça dit :

«Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d'une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l'application d'une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés :

«1° au fonctionnement d'un cabinet privé;

«2° aux services, fournitures et équipements requis lors de la dispensation d'un service assuré;

«3° aux tests diagnostiques effectués dans le cadre de la dispensation d'un service assuré.

«Il est de plus interdit de rendre, directement ou indirectement, l'accès à un service assuré conditionnel à un paiement par une personne assurée, ou de procurer à celle-ci un accès privilégié à un tel service moyennant paiement.»

Et, deuxièmement, par le remplacement, dans le 12e alinéa, de «onzième» par «douzième»... Donc, plus un problème de concordance.

Alors, il y a plusieurs éléments de fond dans cet amendement-là. D'abord, le premier principe, c'est : Aucun paiement ne peut être réclamé. Alors, c'est quelque chose qui, en 2015, est tout à fait réaliste. Les conditions de rémunération des médecins ont été bonifiées, plus particulièrement au cours des dernières années, et, dans ces conditions de rémunération là, il est prévu que l'acte du médecin soit couvert, mais également que soient couverts... et donner une bonification de sa rémunération pour couvrir les frais de bureau, les frais d'équipement et d'éventuels tests diagnostiques qu'il pourrait y avoir. C'est comme ça que ça a été convenu depuis le début de l'assurance maladie.

Donc, ces frais se sont ajoutés, je dirais, au fil des dernières années et on était en train d'installer une habitude qui était contraire à la loi, et là ce qu'on vient faire ici, c'est de dire clairement... parce que souvent c'est l'ambiguïté qui fait que les gens dévient. Donc, je ne dis pas que les médecins qui l'ont fait ont été de mauvaise foi, pas du tout. Je pense qu'il y a eu comme un laxisme, il y a eu un laisser-aller et, tranquillement, ça a glissé. Ah! bien, on charge 20 $ pour des gouttes, puis ça fonctionne, 30 $, 40 $, 50 $, 100 $. On charge 150 $ pour des frais administratifs, des transferts de dossiers, des frais interurbains. Ah! il n'y a personne qui rouspète, il n'y a personne qui réagit, il n'y a personne au gouvernement qui fait quoi que ce soit. Alors, ça s'installe comme une pratique normale, et ce n'est pas normal, et ce n'est pas l'esprit et le sens de la Loi de l'assurance maladie. Donc, «aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d'une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel, [donc en lien] notamment [...] au fonctionnement d'un cabinet privé.» Et le «notamment» est important, parce qu'on pourrait trouver d'autres éléments éventuellement qui pourraient être initiés et qui seraient contraires à la loi.

Donc, les frais de cabinet privé, je veux juste expliquer sommairement comment ça fonctionne. Mettons que, dans une entente, l'entente entre la FMSQ et le gouvernement... Mettons qu'on prévoit qu'il y a un montant de 100 $ qui peut être sur un acte, un examen ophtalmologique, par exemple. Après, c'est au niveau de l'association, de la Fédération des médecins spécialistes de répartir ce 100 $ là. Alors, on peut très bien dire, par exemple : Sur le 100 $, on va mettre 80 $ sur l'acte médical puis juste 20 $ sur les frais de bureau. Alors là, c'est sûr que les gens vont dire : Bien, écoute, les frais de bureau sont beaucoup trop bas. 20 $, ça ne se peut pas. Il faut qu'on charge ailleurs quelque chose pour justifier nos frais de bureau. Mais il n'y a rien qui empêche actuellement qu'à l'intérieur de l'enveloppe des médecins spécialistes ils fassent une autre répartition et qu'ils disent : Pour mon acte, quand je vois le patient, que je l'examine, on attribue 50 $ pour ça puis on attribue 50 $ pour les frais de bureau. Donc, si l'acte est fait à l'hôpital, le médecin reçoit 50 $. Il le fait dans son bureau, il a une pratique particulière, ça lui prend un équipement particulier, ça lui prend des frais de cabinet supplémentaires? On peut majorer, on peut même faire 30 $ pour l'acte, 70 $ pour les frais de bureau. Toutes ces modalités-là sont possibles à l'intérieur de l'enveloppe, et ce sont les médecins spécialistes, dans ce cas-ci, ou les médecins... les omnipraticiens, dans le cas de leur enveloppe, qui peuvent calibrer, je vous dirais, trouver le juste équilibre entre les frais de bureau et l'activité professionnelle qui doit être faite.

Et c'est ça qui a dérapé. C'est ça qui a fait que maintenant on se retrouve avec des situations où tout l'argent a été mis sur l'acte, et là, évidemment, de façon... Quand on regarde ça, on dit : Bien là, ça n'a pas de bon sens que ça donne juste 10 $ ou 20 $ de plus pour le faire en cabinet privé. C'est sûr que mes frais de cabinet privé ne sont pas inclus. Mais le premier questionnement qu'on doit se poser, c'est que, dans ce 100 $ là, est-ce qu'on en a assez pour couvrir l'acte et les frais de cabinet? Et ça, ça doit être modulé correctement et adéquatement, et sur le volume, et sur le... Maintenant, il y a des nouvelles technologies qui font que certains actes peuvent être faits avec des volumes beaucoup plus grands, des examens qui prenaient beaucoup plus de temps, maintenant qu'on peut faire en cinq ou 10 minutes, alors qu'on les faisait en une heure avant.

Donc, tout ça a créé des volumes d'actes, et donc toute la rémunération ayant été choisie d'être mise sur l'acte et non pas sur les frais de cabinet, sur les frais de fournitures, bien là on arrive à une situation où on dit aux gens : Bien là, on n'a plus le choix, là. Si on n'est pas payés pour avoir des surplus pour les frais de cabinet, les frais d'équipement, bien, on ne pourra plus faire les services. Bien non, ils vont être faits pareil, les services. C'est sûr qu'ils vont être faits quand même. C'est juste que là on fait payer ces frais-là en supplément à la population, alors que, dans l'enveloppe, ce qui est convenu au départ, c'était prévu qu'il y ait ces modalités-là et qu'il y ait deux honoraires. La preuve : notre collègue hier, le député de Mercier, a déposé des grilles d'honoraires, et on voit clairement qu'un honoraire fait pour le même acte dans un hôpital, par exemple, ou dans un CLSC, dans un hôpital en clinique externe ou dans un CLSC où le médecin n'a pas à investir dans les frais de bureau, il est payé un certain montant, 30 $, et il va être payé 50 $ si le médecin le fait dans son bureau privé.

• (12 h 20) •

Alors, c'est cet équilibre-là qui n'a pas été bien contrôlé et que... L'amendement que je dépose vient obliger les fédérations médicales à dire : C'est dans l'enveloppe qui a été négociée, qui a été en grande partie bonifiée dans les dernières années que se trouve la solution. Et on estime, là, que 1 % seulement de cette enveloppe-là couvrirait les 50 à 100 millions de dollars des frais accessoires qui sont facturés actuellement à des milliers de Québécois, pour qui ces frais-là sont inclus déjà dans les taxes et les impôts qu'ils ont payés. Donc, je pense à ce niveau-là avoir fait une précision qui permet de bien comprendre la situation. Donc, il ne s'agit pas de dire : On va payer.

Et ce que ça amène comme comportement déviant, c'est qu'évidemment ça crée un déplacement des spécialistes des établissements publics vers leurs cliniques privées, parce que là évidemment, si j'ai 80 $ de plus ou 100 $ que je facture quand je vois le patient dans ma clinique privée, j'ai plus de disponibilité, et les gens vont reconnaître ça. Donc, souvent, ils se font dire que, pour avoir tel type de traitement, ça va prendre trois mois, quatre mois si on le donne dans la clinique externe de l'hôpital et ça peut se faire en l'espace de deux semaines si on va dans la clinique privée. Alors, on voit l'effet pervers que ça a parce que la multiplication de ces services-là, elle vient drainer, elle vient encourager une pratique dans le secteur privé.

L'autre élément, c'est que ça draine aussi les disponibilités de médecins. Et, dans les Laurentides, on a une situation où il y a une grosse clinique ophtalmologique. Actuellement, ils ont 22 ophtalmologistes qui sont disponibles pour travailler dans cette clinique privée là et il n'en reste que huit pour travailler dans l'hôpital. Alors, on voit encore comment ça va... C'est un effet contraire à l'esprit de la loi et de l'accessibilité qu'on a le droit d'avoir avec notre assurance maladie. C'est clairement contre ce principe-là.

Ensuite, «il est interdit de rendre, directement ou indirectement, l'accès à un service assuré conditionnel à un paiement...» Bien, on ne le rend pas conditionnel à un paiement, mais, quand on dit à quelqu'un : Ça risque de prendre six mois avant que tu aies ton examen ou bien ça risque de prendre deux jours, on crée un incitatif. Mais la personne qui ne l'a pas, le 200 $, qui n'a pas le 500 $ pour sa coloscopie, elle, elle est sur la liste d'attente pendant trois ans et demi de temps. Donc, on crée une grande iniquité, une iniquité à l'endroit de tous les Québécois, et particulièrement les gens les plus démunis. «...ou [donc] de procurer à celle-ci un accès privilégié...»

Alors, les choix des termes sont tout à fait appropriés. Je pense que les exemples que j'ai donnés décrivent très bien les dérapages vers lesquels on est allés, qui ont fait en sorte que la population est tellement désespérée actuellement du manque d'accès qu'elle est prête à dire que, dans certains cas, c'est la seule solution. Mais ce n'est pas la seule solution. La solution, c'est qu'on revienne à l'essence et à l'esprit de l'assurance maladie et que, dans les enveloppes qui ont été prévues pour les médecins, ils s'attribuent entre eux la juste répartition qui tiendra compte des frais pour les cabinets privés, pour les fournitures, les équipements et les tests diagnostiques, mais à l'intérieur de leur enveloppe. Donc, pas un sou de plus pour les citoyens.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je n'ai pas eu de question.

Le Président (M. Tanguay) : Pas de problème. Collègue de Lévis, la parole est à vous.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Il y a de bons arguments qui sont signifiés ici de la part de la députée de Taillon, des arguments qui se tiennent, sur lesquels il faut réfléchir. Et, M. le Président, le ministre de la Santé disait il y a quelques instants à peine qu'il y a une espèce de collision qui se crée à ce moment-ci. Je pense qu'il y a des positions qui sont probablement... et le ministre l'a même dit, il a dit : Ce serait difficilement réconciliable. Ce sont ses propos. Alors, il faut s'attendre à ce qu'il y ait des échanges, puis il y en a, puis il y a des bons points, de très bons points, hein, amenés par la députée de Taillon. Puis il y aura assurément... parce que ça ne se terminera pas là, là, on est sur l'amendement de la députée de Taillon, éventuellement on reviendra sur l'amendement du gouvernement, puis il y aura encore des débats, puis il y aura encore probablement des points qui seront apportés, qui vaudront la peine d'être écoutés également.

M. le Président, je pense que, s'il y a un élément sur lequel tout le monde s'entend cependant, c'est l'importance de ce qui se joue ici. La notion de frais accessoires, c'est extrêmement important. Ça fait partie, dans ce projet de loi là, des éléments vitaux, tous en conviennent. D'ailleurs, depuis déjà un bout de temps, on en parle, il s'écrit plein de choses, puis il y a plein de choses qui se disent. Ce sur quoi on va tous s'entendre, c'est qu'il faut justement faire en sorte que les choses soient claires une fois pour toutes. Le problème, c'est qu'actuellement il y a beaucoup, mais beaucoup de zones grises, puis il y a beaucoup de personnes qui souhaiteraient être entendues, puis il y a beaucoup de personnes qui souhaiteraient comprendre comment ça va fonctionner, comment ça fonctionne, ce que ça pourrait devenir ou ce que ça ne deviendra pas également.

À ce moment-ci, M. le Président, parce que, moi aussi, je souhaite que les choses avancent puis je souhaite que les décisions se prennent de bonne façon, je reviens avec une proposition qui a été faite, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on puisse écouter les gens là-dessus, faire en sorte qu'on puisse étendre ce débat-là et permettre d'avoir des consultations particulières faisant en sorte que les principaux intéressés et les spécialistes puissent éclaircir le portrait pour qu'on comprenne mieux collectivement ce qu'une décision par rapport à une autre suppose.

Il n'y aurait pas de mal à ce qu'on décide ensemble, là... Puis je sais que la proposition a déjà été faite. Je rappellerai une réponse du ministre de la Santé, M. le Président, qui me disait : Bien oui, bien là, le député de Lévis veut des consultations, puis on va repartir pour un an... On ne repartira pas pour un an, M. le Président. Là, ce qu'on fait là, là... Puis on est bien, bien à cheval sur le chronomètre, à dire : Est-ce qu'on engage bien notre temps parlementaire? Je pense que l'enjeu vaut la peine, bien sûr. Faire des consultations avec des gens qui souhaitent être entendus, là, ça se fait assez rondement. Ça a l'avantage de nous permettre d'avoir la position de tous ceux et celles qui sont impliqués, parce que ça touche tout le monde, les frais accessoires : des économistes, des juristes, des professionnels de la santé, des spécialistes, omnipraticiens, des patients qui se demandent qu'est-ce que ça va être pour demain.

Quelle est la meilleure solution, alors qu'on a vraiment deux positions qui s'affrontent? Et on voit difficilement l'issue, sinon que de savoir, au bout du compte, que, par la force du nombre, bien, il y a des décisions qui se prendront. Mais l'auront-elles été en impliquant puis en se servant au maximum du pouvoir démocratique qu'on a, c'est-à-dire de faire en sorte que les gens puissent se prononcer, que vous puissiez vous prononcer à la maison? Les gens qui le réclament, hein, ils sont nombreux.

Récemment, dans un article, le Dr Isabelle Leblanc, qui est présidente du regroupement des Médecins québécois pour le régime public, disait : On s'apprête à modifier, à travers la position du gouvernement, la situation des frais accessoires pouvant donc permettre de modifier à sa guise les circonstances dans lesquelles des frais accessoires pourraient être facturés aux patients, sans consultation, sans débat démocratique. Sans débat démocratique. Je pense que, là, on peut aller plus loin puis faire en sorte qu'on l'initie, ce débat-là. Je parle du Dr Leblanc, bien je vous donnerai un autre groupe qui, aussi, a réclamé et réclame qu'on puisse aller plus loin là-dedans : l'Association médicale du Québec, qui réclame un débat public sur la question des frais accessoires; des médecins membres de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui disaient : Il faut ouvrir le débat — et c'est le Dr Livernoche — sur la question des frais accessoires et mettre le patient au coeur de la décision.

Mettre le patient au coeur de la décision, moi, dans ma tête à moi, c'est qu'il faut à quelque part qu'il parle, il faut qu'il puisse s'exprimer, il faut qu'il puisse comprendre. C'est d'autant plus important, M. le Président, dans ce que je vous dis, qu'il y a des zones grises, et les gens se questionnent, et les gens nous questionnent. Il y a des options sur la table : interdire, normaliser, permettre, avec des considérations pour chacune d'entre elles. Mais, encore là, dans l'aboutissement puis les conséquences, on ne sait pas trop, et c'est là qu'il serait intéressant d'entendre des gens qui puissent nous donner aussi leur vision des choses pour éclairer nos décisions. Cette décision qu'on va prendre là, là, ce n'est pas pour trois semaines, ce n'est pas pour deux ans, c'est une décision importante qui a une portée.

Je vais donner quelques points nébuleux qui sont assez... et sur lesquels je me fais questionner et vous vous faites peut-être également questionner. On a parlé de cette espèce d'incongruité dans la loi qui fait que, depuis 1970 ou à peu près, des frais accessoires sont permis, pas permis, mais qu'à cause des ententes ça a été... on s'en est servi, on n'aurait peut-être pas dû. L'article 18 de la loi 8, et, si je le lis... Ça a été sanctionné le 7 juillet 1970, ce n'est pas d'hier, mais ça part de là aussi. Mais, même là-dessus, on n'est pas trop, trop sûrs de sa portée puis de ce que ça a donné, et pourtant le texte semblait assez clair. J'imagine que ceux qui l'ont sanctionné en 1970 se disaient que c'était... seulement à se rappeler comment on peut, par exemple, parler de longues minutes sur la place d'une virgule ou d'un mot pour faire en sorte que la loi fasse un sens.

 En 1970, on a écrit, loi 8, sanctionnée le 7 juillet : «Un professionnel — l'article 18 — de la santé a droit d'être rémunéré par la régie pour des services assurés qu'il a fournis à une personne qui réside au Québec alors qu'il était soumis à l'application d'une entente pourvu qu'il se soit conformé aux dispositions de l'entente[...]; il ne peut exiger ni recevoir pour de tels services aucune autre rémunération que celle qui lui est payable par la régie et qui est prévue à l'entente; toute convention à l'effet contraire est nulle de plein droit.»

L'article 19 : «Aucune entente — "aucune entente" — ne peut prévoir un supplément de rémunération pour des services assurés.»

• (12 h 30) •

C'est en 1970, ça, là. Ça semble, à sa lecture, assez clair, mais manifestement ça n'a peut-être pas donné les résultats escomptés. Bref, aujourd'hui, on se trouve dans une espèce problématique majeure tant pour les patients que pour peut-être des médecins. Autre zone grise.

Et, si on permettait les frais accessoires ou si, au contraire, on faisait en sorte qu'on assume, on rembourse les frais des médecins... Le ministre de la Santé, M. le Président, a parlé d'un coût potentiel de 50 à 70 millions de dollars si on avait à rembourser les frais accessoires aux médecins en plus de l'enveloppe prévue pour la rémunération des médecins. Là, je comprends que ça entre un peu dans l'argument de la députée de Taillon, à savoir qu'on pourrait faire ce travail-là sans sortir de l'enveloppe qui a déjà été allouée.

Mais prenons les chiffres du ministre, M. le Président, et le questionnement... bien, il y a aussi des zones grises. Est-ce qu'on sait comment on est parvenu à ces chiffres-là? Est-ce qu'on a réalisé des études à cet effet-là? À la limite, on serait en mesure de savoir comment ça se ventile, comment ça s'inscrit. Je vous dirai que nous avons... puis on le fait assez fréquemment, on n'a pas toujours des résultats, mais on le fait. On a aussi fait une demande d'accès à l'information pour demander : un, tout document ou avis juridique du ministère de la Santé et des Services sociaux sur les frais accessoires — là, regarde, c'est des documents qui vont être importants, on décide de quelque chose qui est majeur, là, il faut qu'on ait tous les éléments sur la table; deuxièmement, tout document sur l'évaluation des coûts si les médecins étaient remboursés ou compensés pour les frais accessoires exigés aux patients. Il y a deux demandes. Réponse, on va la partager ensemble : «Nous regrettons de vous informer que l'accès aux documents faisant l'objet de votre demande d'accès et que nos recherches ont permis de repérer vous ont été refusés. En effet, il s'agit de renseignements où il y a des incidences sur les négociations entre organismes publics, et sur l'économie, et sur les décisions administratives ou politiques qui ne vous sont pas accessibles.» On n'a pas ça. Moi, je pense que c'est important qu'on l'ait aussi. Il faut qu'on sache l'implication, il faut qu'on sache comment ça coûte, il faut qu'on sache comment ça se définit que tout ça.

Le ministre dit dans sa proposition... Puis là je comprends qu'on est sur l'amendement de la députée de Taillon, la collègue, mais, dans l'amendement précédent, le ministre dit, puis d'ailleurs il l'a dit ce matin encore : Il n'y en aura pas, de frais accessoires abusifs. On va contrôler ça, bon, contrôler, normaliser, encadrer. Il n'y en aura plus, de frais excessifs, on va mettre un terme à ça, ça n'a pas de bon sens. Relativement à ce qu'on vit depuis 1970, puis, encore là, en fonction du texte, on n'est pas sûr si ça aurait dû ou si ça n'aurait pas dû être, là. Mais il se laisse une porte pour faire en sorte qu'il puisse y avoir des cas particuliers. Encore là, sans pouvoir écrire à la place du ministre ou entrer dans sa tête et dans sa vision des choses, ça veut dire quoi? Les cas seront lesquels? Ces règlements permettront quoi? Est-ce qu'on revient à la case départ? Difficile de connaître et de savoir ces intentions-là.

Sauf que ce que je vous dis, c'est qu'il y a bien des gens qui ont déjà manifesté leur désir d'apporter leur vision sur un dossier aussi important. Je pense que communément, ensemble, pour faire en sorte qu'on puisse avancer puis de ne pas perdre de précieuses minutes dans un dossier aussi important que celui-là, il serait bienvenu que nous nous entendions et qu'on puisse permettre à des gens, aux gens qui le réclament, aux patients, aux comités d'usagers, à des économistes, à des juristes, à des professionnels de la santé de venir s'exprimer.

Et ça va tellement loin actuellement que même Me Jean-Pierre Ménard dit : Écoutez, là, il y a tellement de portée là-dessus, là, qu'il faut que j'adresse la question au gouvernement fédéral parce qu'il y a une incidence automatique sur les transferts fédéraux en santé. Et là ce n'est pas banal non plus, là, on parle de millions de dollars. Alors là, il y a aussi une zone d'ombre. Est-ce qu'on est en train de créer un précédent qui va faire en sorte que collectivement on perde de l'argent nécessaire à un système de santé que l'on veut meilleur? Bien, soyons logiques. Faisons en sorte...

J'aime, moi, j'aime, j'adore le tennis, hein? Ça a été mon sport préféré, puis je le pratiquerais encore davantage n'eût été d'une blessure au genou, puis ça va revenir. Mais j'adore ça. J'adore voir les pros jouer. J'adore jouer, moi aussi. Puis là, bien, je vois un beau match, là : il y a du tennis pas mal, il y a de l'aller-retour, c'est agréable. Mais ça risque de durer un bon bout de temps, puis l'essence même de notre discussion, c'est de légiférer, prendre une position sur quelque chose qui est fondamental pour tout le monde. On a l'impression que ceux qui sont les principaux intéressés n'auront pas eu voix au chapitre. Moi, ça me fatigue. Ça me dérange.

Qu'est-ce que trois jours, trois jours et demi de consultations pour faire en sorte qu'ensuite on puisse dire : Ah! bien, la position de l'un se tient, de l'une, oui, aussi, ou non, mais qu'ensemble et collectivement on ait l'impression qu'on a pris une décision pour les patients qui sont au centre de la discussion qu'on a? On parle pour eux, toujours pour eux. On l'oublie. On l'oublie parce qu'on parle souvent de virgules, puis d'articles, puis on est dans la concordance, puis on est dans des trucs, puis là ça... Mais on oublie qu'au centre de tout ça c'est l'accessibilité des patients, le fait qu'on puisse recevoir des soins, que tous puissent les recevoir également, tous.

M. le Président, je réitère notre demande. Je le fais à ce moment-ci. Alors, j'écoute les arguments avec beaucoup d'attention et je les apprécie, mais je pense que, si on veut aller au-delà de ça, je réitère la position faisant en sorte qu'on puisse maintenant, à ce moment-ci, collectivement, se dire que des consultations particulières permettant aux principaux intéressés de venir aussi donner leur point de vue et de nous éclairer, parce qu'on n'a pas toutes les connaissances, hein, la science infuse, là... On est peut-être en mesure de laisser de la place également à ceux qui voient les choses différemment pour éclairer et nos débats... et, ensuite, faire en sorte que la décision qui sera prise soit la meilleure pour la population et le patient. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, deux choses sur votre demande, collègue de Lévis, d'y aller de consultations particulières quant à l'article... bien, «quant à l'article», quant au projet de loi n° 20. En vertu de l'application de l'article 244 et de la jurisprudence nombreuse à ce stade-ci, parce que nous avons commencé l'étude article par article, elle est irrecevable.

Par contre, de consentement, ça pourrait être fait, mais, en vertu encore une fois de notre code et de la jurisprudence, on ne pourra pas débattre d'une telle motion, ça prendrait le consentement pour faire de plus amples consultations particulières.

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, je me permettrai seulement d'ajouter, si vous permettez, là, et je considère que votre éclairage est très à propos... Évidemment, j'imagine qu'on a tous la même volonté. Donc, dans ma tête à moi, je pense que le consentement pourrait venir par bonne foi puis souci de faire en sorte qu'on puisse avancer davantage. Alors, c'est en ce sens-là que je le proposais, en me disant : Probablement que le consentement pourrait être accordé.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Pas de consentement, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, il n'y a pas de consentement. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement de la collègue de Taillon? Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci beaucoup.

Des voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, juste quelques informations supplémentaires. Les gens n'ont peut-être pas pu entendre la question que j'ai formulée ce matin, ce n'est pas tout le monde qui est disponible, là, à la période de questions, mais on peut la retrouver facilement sur Internet maintenant. Mais il est certain qu'actuellement ce n'est pas permis. Or, Me Jean-Pierre Ménard, qui est un avocat qui consacre sa pratique, l'entièreté de son droit, à la défense des intérêts des patients, nous dit qu'il y a déjà 113 cliniques où ça se fait. Donc, actuellement, c'est interdit, et on a probablement à peu près 1 000 médecins qui touchent d'une façon ou d'une autre des frais accessoires qui ne sont pas appropriés. Or, le ministre veut rendre ça légal. Il veut encadrer, il veut rendre ça autorisé par voie de règlement. Donc, quand on a un règlement qui dit : On peut le faire, on dit feu vert, on y va. Et là on va avoir non pas 1 000 médecins qui vont s'y adonner, mais 2 000, 10 000. Pourquoi pas les 20 000? Parce que tous ces médecins-là sont susceptibles d'avoir des frais de bureau, des frais d'équipement, d'avoir recours à des tests diagnostics. Donc, on voit l'ampleur du débordement que cela peut donner.

Et moi, je vais vous dire, je connais beaucoup de médecins, des médecins de famille et des médecins spécialistes, qui ont eu à coeur, depuis toutes ces années — qui l'ont encore — de respecter la loi et qui ne facturent pas ces frais accessoires, qui s'en privent et qui sont capables, à même les enveloppes et les honoraires qu'ils ont, de comprendre que l'esprit de la loi visait à ce que tout ça, ce soit inclus, et qui ne facturent pas, ne surfacturent pas à leurs patients. Je pense qu'on a un devoir d'équité aussi envers tous ces médecins qui comprennent l'esprit de la loi, qui accordent de l'importance au caractère universel de l'assurance maladie, au fait qu'au Québec les plus démunis, les plus défavorisés ont les mêmes droits en termes d'accès à la santé, et souvent leurs besoins sont plus importants, et qu'ils ne doivent pas être marginalisés, pénalisés parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer des frais supplémentaires. Et, ces médecins-là, je pense qu'on doit leur rendre hommage aujourd'hui et on doit soutenir leur action, et on doit leur dire qu'ils ont tenu le phare malgré des influences qui étaient vraiment négatives. Mais ce n'est pas facile quand on voit notre collègue à côté, dans le bureau ou la clinique médicale, empocher des 100 $, des 200 $, dire : Moi, je reste sur mon principe, je comprends que l'esprit de la loi puis ce que je me suis engagé à faire comme médecin ne va pas dans ce sens-là, ce n'est pas ça qu'on a ici, au Québec, et de tenir son bout. Alors, moi, je pense qu'il y a une urgence à rendre justice à ces médecins-là qui ont respecté leur engagement à l'endroit des Québécois en ne chargeant pas les frais accessoires.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres commentaires?

• (12 h 40) •

M. Barrette : Je n'ai pas de commentaire, M. le Président, n'ayant pas eu de question.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de Rosemont, la parole est à vous.

M. Lisée : Alors, j'avise le ministre qu'il va avoir une question à la fin de mon intervention. Je crois qu'il va être content de pouvoir répondre. On a insisté, M. le Président, pour présenter cet amendement qui interdit les frais accessoires. On souhaitait que les membres de cette commission puissent voter là-dessus. Et je peux d'ailleurs vous dire qu'on demandera le vote nominal, parce que ce n'est pas bénin, ce qu'on fait aujourd'hui. Nous voulons que cette commission parlementaire puisse dire si, oui ou non, le gouvernement libéral va introduire une nouvelle taxe santé, parce que c'est de ça dont il s'agit, et, en fait, c'est pire, M. le Président, puis je vais vous expliquer pourquoi.

D'abord, on se souvient que la taxe santé introduite par le gouvernement Charest était particulièrement odieuse parce qu'elle était régressive, c'est-à-dire que, peu importe si vous étiez pauvre ou riche, vous payiez 100 $ par personne ou 200 $ par couple. Mme Tartempion, M. Desmarais payaient le même niveau de taxe santé pour avoir des frais de santé. C'était inacceptable. Et maintenant tout le monde le reconnaît, y compris le Parti libéral, reconnaît qu'il faut se débarrasser de cette taxe.

Bien, les exemples de frais accessoires, là, c'est ça : 400 $ pour l'analgésique lors d'une coloscopie, 200 $ pour des gouttes oculaires en ophtalmologie, 140 $ pour une injection lors d'une vasectomie, 25 $ pour un petit peu d'azote en dermatologie. Mme Tartempion puis Mme Desmarais vont payer le même montant, mais, contrairement à la taxe santé, cette fois-ci, ça va être une taxe-surprise parce qu'on ne s'attend pas à sortir la carte de crédit quand on va chez le médecin, on s'attend à avoir une carte, c'est la carte d'assurance maladie, la carte-soleil, pas la carte brouillard, la carte-soleil. Et là ce que le ministre veut, c'est le brouillard. On va aller chez le médecin et on ne saura pas ça va être quoi, les frais qui vont nous être donnés, parce que, même s'il veut mettre ça dans un règlement, pour les Québécois, depuis 50 ans, la santé, c'est universel et gratuit. Ils paient par les taxes puis ils paient les médecins. Puis, grâce au ministre actuel, ils les paient énormément, mais ils s'attendent à n'avoir qu'une carte, la carte-soleil.

Et là le ministre, qui nous annonce qu'il va voter contre notre proposition d'interdire les frais, en fait, ce qu'il est en train de créer, en légalisant, en formalisant, en normalisant les frais, bien, c'est de dire à tous les médecins qui, jusqu'à maintenant, respectaient l'idée de la santé universelle et gratuite : Vous avez eu tort, vous avez eu tort. Ceux, qui avaient raison, c'est ceux de vos collègues qui chargeaient. Maintenant, faites comme eux. Et, au lieu d'avoir 1 000 médecins qui s'en mettaient plus dans leurs poches avec ces frais non normalisés, on pourra en avoir 2 000, 10 000, 20 000. Il y en a 20 000 au Québec. Alors, la taxe santé régressive surprise que le ministre est en train de créer va avoir un impact majeur sur les Québécois.

Et, en plus, ce qu'il est en train de faire, c'est de la santé à deux vitesses, à deux vitesses, parce que c'est : Payez ou attendez. Alors là, entre Mme Tartempion puis Mme Desmarais, il va y avoir une différence parce que les gens riches, ils vont payer, ils vont payer, puis les gens pauvres, ils ne pourront pas payer. Alors, ce que le ministre est en train d'introduire, c'est un système de santé à deux vitesses, un pour les riches puis un pour les pauvres.

Et vraiment, en en rajoutant des couches, là, il nous a dit que les médecins pourront charger le tarif qu'il va leur permettre de charger sans profit substantiel — et là ma question s'en vient, je sais que le ministre est très attentif — sans profit substantiel. Alors, ça veut dire que non seulement il accepte le principe que les médecins vont charger, alors qu'ils pourraient ne pas charger, alors que beaucoup de médecins ne chargent pas, mais là ils vont charger, mais ils vont se prendre une cote, ils vont se prendre une marge, ils vont se prendre un profit raisonnable, raisonnable. Et le ministre va leur dire quel est leur profit raisonnable. Mais là on est... Je veux dire, je n'en reviens pas, et c'est ma question au ministre : Mais pourquoi, même s'il avale toute l'argumentation de la Fédération des médecins spécialistes — puis je comprends qu'il l'avale parce que c'est lui qu'il l'a inventée lorsqu'il les dirigeait — qu'il y a des coûts qui doivent être transférés aux patients malgré la rémunération déjà acquise, qui est passée de 1,9 milliard à près de 4 milliards beaucoup grâce à lui... Même s'il avale toute cette argumentation qu'il faut transférer le coût aux patients, pourquoi diable faut-il qu'ils prennent une marge de profit, quelle qu'elle soit? Pourquoi? C'est ça, ma question, M. le ministre.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, alors, je suis très heureux que le député de Rosemont puisse me permettre de rectifier les propos que j'ai tenus hier. Évidemment, il n'est pas question qu'il y ait des profits faits sur une tarification, même imposée par le gouvernement. Il n'en est pas question. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous allons faire en sorte que la loi, éventuellement, soit passée...

Je recommence. La raison pour laquelle nous proposons... nous proposerons notre amendement après les débats que nous ferons deux fois au lieu de les faire une seule fois... Alors, notre amendement prévoit que ces frais-là seront interdits en toutes circonstances, point. Donc, ça veut dire qu'il pourrait y en avoir zéro. C'est possible qu'il y en ait zéro. Mais, s'il y en avait, M. le Président, ce sera par règlement. Et, s'il y en avait, M. le Président, ce sera après avoir évalué de façon neutre le prix coûtant du service en question, de l'honoraire ou du coût supplémentaire appliqué aux services.

Maintenant, M. le Président, le Parti québécois est l'exemple type, il est le livre sur lequel on doit se baser pour faire en sorte que, pour des raisons purement économiques, il y ait une marge, comme dans n'importe quel domaine économique. Le seul gouvernement qui ne comprend pas l'économie, M. le Président, c'est le gouvernement du Parti québécois, et je vais un petit peu plus dans le détail, M. le Président. Le Parti québécois est le parti qui n'a pas respecté les ententes signées. Or, si on ne respecte pas les ententes signées, ça veut dire qu'on n'applique pas ce qui est écrit dans le contrat en termes de progression d'éventuels tarifs. Et, si, M. le Président, pour un service qui a un coût réel qui doit être payé à des fournisseurs, à du personnel, à un certain nombre de propriétaires, à des locateurs, ce coût-là évolue dans le temps, il est normal qu'il y ait des provisions qui permettent de faire face à ça dans une entente contractuelle. La marge de manoeuvre qui serait théoriquement, éventuellement, appliquée est une marge de manoeuvre pour prémunir le public de décisions inopportunes d'un gouvernement qui a l'habitude de ne pas respecter ses ententes.

• (12 h 50) •

J'ai utilisé un mauvais terme, M. le Président : ce n'est pas des profits, c'est une marge de manoeuvre. Alors, c'est un montant légèrement supérieur au coûtant pour prendre en considération des fluctuations dans une année, parce qu'il y en a. Si le député de Rosemont considère que, dans la vie, je dirais, publique, d'affaires, il n'y a pas de fluctuations, bien là, ça montre évidemment l'inexpérience du Parti québécois du monde des affaires, bon, ou de la vie économique quotidienne que les gens vivent. Alors, si, M. le Président, il y avait — parce qu'à la case départ il n'y en a pas — de tels frais, seraient négociés... c'est-à-dire seraient déterminé le coûtant et lui serait assignée une petite, microscopique marge pour faire face aux fluctuations. Et donc je rejoins très bien le député de Rosemont : il ne doit pas y avoir de profits. Et j'irais même plus loin, M. le Président, la raison pour laquelle tout ça a dérapé au fil du temps, oui, c'est par appât du gain. C'est ça qui a mené aux abus. C'est ça. Il y en a eu, des abus, je l'ai dit. Je le redis. Il y a même eu des frais illégaux. Et la RAMQ ne s'est pas considérée légalement, par son contentieux, suffisamment solide juridiquement pour appliquer les lois existantes citées par le député de Lévis. On va arrêter ça, nous autres. On va l'arrêter. Et, s'il y avait de tels frais chargés aux patients, ils seraient de l'ordre du coûtant plus une marge pour faire face aux fluctuations annuelles du marché ou aux fluctuations d'une période de trois ans si c'était dans le cadre d'une application triennale, par exemple.

Il n'y aura pas de profit au sens où le député de Rosemont l'entend. Et j'admets que j'ai fait un lapsus, c'est un lapsus, mais la réalité, elle est quand même celle-là. Alors, j'invite le député de Rosemont à... Mais ça, je ne pense pas qu'il va pouvoir le faire, mais j'invite le député de Rosemont à me citer correctement et à utiliser le bon sens de mes propos. Et ça, je doute que ça arrive, mais...

M. Lisée : ...M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Rappel...

M. Barrette : Non, non, mais j'écoute, je ne prête pas des intentions, là...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, mais rappel au règlement, collègue de...

M. Barrette : ...je fais confiance au député de Rosemont d'aller dans cette direction.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, mais je dois entendre le rappel au règlement. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Le ministre a corrigé dans la fin de son intervention, donc je retire mon rappel au règlement.

Le Président (M. Tanguay) : Ah! c'est bon. Merci. M. le ministre.

M. Barrette : Je lui fais confiance, mais il pourrait lui arriver, comme c'est arrivé à moi, que sa langue se fourche. Ça m'est arrivé, et on en parle, et c'est le sens de la question. Mais la précision de ce que l'on veut faire, elle est celle-là, et que les choses soient dites : Nous allons par... Nous aurions, si on avait débattu de notre amendement, fait le débat sur le fait que nous proposons un amendement qui va à la base entraîner une absence totale de frais dits «accessoires», va permettre, dans des cas spécifiques, d'en avoir dans un cadre ultraréglementé par la loi, c'est-à-dire le coûtant plus une marge pour faire face aux fluctuations du marché. Et la raison pour laquelle il y a une marge, bien, elle est en face de moi. On fait référence régulièrement à ma vie passée, bien, faisons-y référence de façon pertinente. Le Parti québécois n'a jamais respecté les ententes, et, lorsqu'on impose un montant, qui est un coûtant, qui ne prévoie pas les fluctuations du marché, on met en péril celui ou celle qui a la responsabilité économique de livrer ces services. Mais l'irresponsabilité fiscale est ici, en quelque part, dans la pièce, et je la vois actuellement quand je regarde devant moi. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Je vais poser la question. Je doute de la réponse : Y a-t-il d'autres interventions? Collègue de Taillon, la parole est à vous.

Mme Lamarre : M. le Président, je vais laisser mon collègue de Rosemont réagir aux insinuations du ministre. Je vais me consacrer sur ce qu'il vient de dire...

M. Barrette : Évidemment, je n'ai pas fait d'insinuation, là. 35. On prête des intentions...

Mme Lamarre : C'est son interprétation.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, tout à fait. Continuons. Chaque collègue sait ce qu'il a à faire. Continuons sous un bon ton en respectant notre règlement que nous testons de façon récurrente et dont nous repoussons les limites à certains moments.

M. Barrette : Nous sommes des capitaines Kirk du règlement.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, je vous invite à poursuivre et j'aimerais compter sur votre collaboration, de part et d'autre. Donc, chaque collègue sait ce qu'il a à faire, et la parole est à la collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci beaucoup. Alors, je vais prendre le ministre au mot. Il nous dit : Ça va être le prix coûtant. Bien, comment on détermine le prix coûtant d'une salle où on fait une coloscopie, où on fait une vasectomie? Ça s'arrête où, le prix coûtant? Est-ce que ça inclut la salle d'intervention, la civière, la céramique dans l'entrée, les chaises, le personnel, la réceptionniste, les frais de téléphone? Ça s'arrête où, le coûtant? Comment on détermine le vrai coûtant? Qui va arbitrer ce coûtant-là? Ce n'est pas applicable et c'est pour ça que, dans les ententes, il y a de prévu deux honoraires : un honoraire pour l'activité professionnelle et quelque chose qui se négocie entre collègues. On dit : Bon, bien, regarde, toi, tu es ophtalmologiste, ton appareil coûte plus cher. Toi, tu es en médecine interne, tu as peut-être moins besoin d'avoir un équipement. Et ça, ça se module dans la grande enveloppe. Mais ce n'est pas au ministre à trancher, parce qu'il va toujours se mettre dans une position où il va avoir à déterminer : Est-ce qu'une clinique est justifiée d'avoir deux infirmières plus une réceptionniste? Est-ce que ça nous prend de l'air climatisé? C'est quoi, le coûtant? C'est quoi, le vrai coûtant? C'est impossible. Et c'est ça qui est dangereux, parce qu'il a été capable d'élargir, dans son dépôt et quand il demandait, au niveau de son amendement, le fonctionnement d'un cabinet privé, même pas le coûtant, c'est quoi, le fonctionnement, les coûts de fonctionnement d'un cabinet privé : les services, fourniture et équipement requis lors de la dispensation. Et les tests diagnostiques, s'il y a des tests nouveaux, très chers ou s'il y a des tests qui sont optionnels, comment on va déterminer que c'est le vrai coûtant? Ça ne peut pas se gérer par voie de règlement. C'est une boîte de Pandore, et le ministre le sait très bien.

M. Barrette : N'importe quoi.

Mme Lamarre : Et il le fait exprès, parce qu'il va arbitrer ça avec qui? Le comité qu'il a prévu serait constitué de la FMOQ, de la FMSQ, de lui et d'un expert indépendant. Comment on va trouver un expert indépendant pour déterminer ce que c'est? Alors, on voit vraiment l'incapacité, l'incohérence entre ce que le ministre prétend qu'il va être capable d'apporter comme garanties et la boîte de Pandore qu'il ouvre, les risques que ça engendre et comment ça sera complètement incontrôlable.

Juste terminer, M. le Président. Dans une citation, une entrevue qu'il a donnée au Devoir le 17 juin dernier, le ministre a dit quelque chose et, pour moi, ça m'apparaît une démonstration de sa méconnaissance de comment les Québécois se sentent actuellement par rapport à ces frais-surprises qui leur sont imposés. Il a dit : «...il faut arrêter d'être hypocrite collectivement et de se mettre la tête dans le sable. Ça existe, les gens s'en servent, et la majorité des gens qui s'en servent sont bien contents avec ça.» Alors, les Québécois ne sont pas contents, ils sont pris en otages, M. le ministre.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. D'autres commentaires, M. le ministre?

M. Barrette : Non.

Le Président (M. Tanguay) : Non? Collègue de Rosemont, la parole est à vous.

M. Lisée : Juste brièvement, puis on reviendra cet après-midi. Alors, j'ai écouté attentivement la réponse du ministre, qui me dit que, lorsqu'il pourra proposer son propre texte, ce sera l'absence totale de frais, sauf dans les cas spécifiques. Alors, comme on dit au Québec : Jamais, jamais, sauf une fois au chalet, sauf une fois au chalet.

M. Barrette : Au chalet?

M. Lisée : Et là, et là, ce que le ministre est en train de nous dire, c'est que ce n'est pas un profit, c'est une marge.

M. Barrette : Est-ce qu'il pourrait nous expliquer ce qu'il veut dire?

Le Président (M. Tanguay) : ...

M. Lisée : Ce n'est pas un profit, c'est une marge, parce que, vous comprenez, les médecins ont eu juste 12 % d'augmentation de leur rémunération. Ça fait que, s'il fallait qu'un des trucs qu'on leur rembourse augmente, au cas où, on va leur avancer de l'argent au cas où ça augmente. Puis, si ça n'augmente pas, bien, on n'appellera pas ça un profit, on va appeler ça un effet d'aubaine, la manne, la manne, alors que, pendant ce temps-là, le ministre propose à tous ses professionnels de la santé 0 % d'augmentation cette année, 0 % d'augmentation l'an prochain. Il les appauvrit. Alors, l'évolution des coûts, ça n'existe que pour les médecins. Puis, même, on va augmenter leur rémunération au cas où ça augmenterait, au cas où. Il trouve ça bon. Alors, une fois au chalet, M. le Président, c'est vraiment une fois de trop. On en rediscutera cet après-midi.

Le Président (M. Tanguay) : Il reste une minute, M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai absolument rien à rajouter, M. le Président, je vous laisse tout le temps restant.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, chers collègues, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Avant la suspension de nos travaux, nous étions rendus à l'amendement de la collègue de Taillon qui introduisait un nouvel article, le 25.2, et, en ce sens, j'ai eu une demande pour que le député, le collègue de Mercier, puisse intervenir. Je crois que c'est le cas. Alors, la parole est à vous.

M. Khadir : Oui, M. le Président. Donc, nous revenons au coeur du sujet, la question des frais accessoires. Nous savons que, depuis au moins deux semaines, il y a des demandes insistantes qui viennent de toutes parts, de l'opposition de manière unanime, pour demander et faciliter, si tel est le cas de la part du ministre, de régler une fois pour toutes... mais à l'avantage de la population et non pas à l'avantage abusif d'un groupe minoritaire de médecins — je le rappelle, d'un groupe minoritaire de médecins — qui facturent quelque chose de l'ordre, qui est évalué, de 50 millions de dollars des patients pour des frais accessoires.

Quand on a fini d'aborder les questions morales, c'est-à-dire l'immoralité de facturer des frais qui sont déjà facturés, qui sont déjà payés par le public, comme je vous l'ai démontré hier, M. le Président... Dans la grille tarifaire, par exemple, pour les omnipraticiens, il est clair qu'il y a une majoration en moyenne de 40 % de leur rémunération pour justement subvenir aux coûts excédentaires occasionnés par le travail en clinique privée par rapport, par exemple, à un établissement public, que ça soit en CLSC ou en clinique externe médicale.

Quand on a fini donc d'épuiser tous ces arguments-là puis qu'on a démontré, et le ministre est très conscient, parfois à quel point ça peut être abusif... Le ministre a répondu hier à une question en Chambre et à plusieurs reprises à mes collègues de l'opposition que, non, ça n'a jamais été illégal au Québec, que c'est légal et c'est pratiqué depuis 1970, depuis la toute première... l'«inception», la conception même de la Loi de l'assurance maladie. Ça se peut que certaines réalités, hein... C'est comme l'existence du vol ou l'existence des paradis fiscaux. Il y a une commission actuellement, là, j'y siège, évitement et paradis fiscal, puis ces abus-là existent depuis toujours. Parfois, cette existence-là amène des gens, un peu de manière, je dirais, de manière... par renoncement collectif ou par une espèce de... j'oublie le terme, là, mais accepter qu'une réalité est comme immuable, inchangeable. Les gens en viennent à croire que ça a toujours été comme ça. Or, j'ai déposé hier un document, et je crois que vous l'avez... M. le secrétaire, l'avez-vous distribué à tout le monde?

Le Secrétaire : ...

Le Président (M. Tanguay) : On en a distribué des copies.

M. Khadir : Très bien. Alors, je le dis pour le public, parce qu'à partir de ce moment-là et à partir d'aujourd'hui j'espère bien que le ministre ne reprendra plus cet argument, parce que la preuve sera faite, et ça sera porté à son attention, si ça lui a échappé, que, le 17 juillet 1970, quand le gouvernement d'alors, un gouvernement libéral, a obtenu le vote et sanctionné ce qui s'appelait alors bill, le bill 8... La loi 8, la loi qui constituait l'assurance maladie, ça s'appelle bill 8, Loi de l'assurance maladie, Health Insurance Act, qui a été édité par l'Éditeur officiel du Québec. À l'article 18, je vous le lis : «Un professionnel de la santé a droit d'être rémunéré par la régie pour des services assurés qu'il a fournis à une personne qui réside au Québec alors qu'il était soumis à l'application d'une entente pourvu qu'il se soit conformé aux dispositions de l'entente...» Donc, l'entente concerne la rémunération, hein? «Un professionnel [le] a droit d'être rémunéré...» Donc, quand il voit une malade, en vertu de l'entente, un acte posé en vertu de l'entente, il demande rémunération à la régie, et la régie vient lui garantir qu'on va te payer. Tu n'as pas besoin de faire payer le patient.

Dans le paragraphe qui suit, l'article dit : «Il ne peut exiger ni recevoir pour de tels services aucune autre rémunération que celle qui lui est payable par la régie et qui est prévue à l'entente; toute convention à l'effet contraire est nulle de plein droit.»

En langage courant et clair, ça veut dire tous frais au-dessus de ce que la RAMQ paie pour un acte médical. Appelez-le frais excédentaire, frais de bureau, frais accessoire, appelez-le n'importe quoi, la Loi de l'assurance maladie l'interdisait et l'interdit encore aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je me suis déjà exprimé en Chambre et ici à cet effet. J'invite le député de Mercier de bien lire la loi. Il y trouvera les réponses à son questionnement.

Le Président (M. Tanguay) : Le collègue de Mercier ne vous a pas compris, M. le ministre. Je pense que le son était défectueux.

M. Barrette : ...que j'ai déjà, je ne sais pas, là, j'ai déjà répondu à ça, et j'invite le député de Mercier à bien lire et lire au complet la loi, il y trouvera la réponse à ses questions.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Mercier.

M. Khadir : Je crois que se lever en Chambre ou ici, en commission, dire que, depuis ses débuts, la Loi de l'assurance maladie permet des frais accessoires, c'est erroné. Continuer à le répéter quand on a ce document en main et quand tous les avis experts indépendants de lui... Parce que, là, on comprend que le ministre est en train de négocier des choses avec des fédérations médicales. Et il veut... il a maintes fois répété, il s'est un peu compromis, qu'il va essayer de baliser. Ça se peut, hein, des fois, dans le meilleur, je dirais, des intentions, on se lève pour essayer de trouver une solution. Mais, je le prie de croire, il se trompe et il induit la population en erreur en se trompant, non sciemment. Oui. Cela...

• (15 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Collège de Mercier...

M. Khadir : Oui. Cela, cette erreur que moi... Si moi, je commets cette erreur, si moi, je commets cette erreur d'affirmer quelque chose qui ne se vérifie pas, la population peut être induite en erreur, d'accord? Si moi, je le fais.

Le Président (M. Tanguay) : Il faut faire attention.

M. Khadir : Quiconque le fait, c'est pareil. Donc, je répète que je crois que, dorénavant, on ne peut pas se permettre de se lever et de répéter que la Loi d'assurance maladie le permet.

S'il a un article de la loi, telle que modifiée au cours des 45 dernières années — on parle de 1970, on est rendu en 2015 — je veux bien accepter qu'il me le soumette, hein? Il a tout le ministère à son service et tous les juristes du ministère à son service. Qu'il nous sorte un article de la Loi de l'assurance maladie aujourd'hui qui établit que des frais accessoires sont autorisés, sont légaux. Et, je le répète, les experts externes, tous les experts externes à M. le ministre, au ministère, tous les experts qui se sont prononcés au cours des dernières années, notamment... Jean-Pierre Ménard, dont la compétence, je pense, peut difficilement être mise en doute dans sa connaissance profonde et détaillée de la Loi d'assurance maladie, vient d'écrire à la ministre fédérale de la Santé pour attirer son attention sur l'illégalité des gestes posés par les médecins qui facturent des frais accessoires. Je pense qu'on ne peut pas être plus clair que ça, et j'appelle le ministre de ne pas insister à rester sur son erreur et à corriger de manière courageuse, de reconnaître qu'il y a des manquements à la loi qui ont été commis par les médecins qui facturent ces frais-là, qu'ils soient abusifs ou qu'ils soient juste de quelques dollars, parce que reconnaître le problème est la première solution pour arriver à résoudre le problème.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre. Oui.

M. Barrette : Je serai bref. La Loi sur l'assurance maladie, 1er novembre 1979, bientôt 40 ans, article 22, septième alinéa — juste un petit instant, là — comme le député de Mercier a dit : «Il est interdit à toute personne d'exiger ou de recevoir tout paiement...» Ce que le député de Mercier a lu est vrai. Manifestement, il n'a pas été jusqu'au bout, parce que le bout, c'est : «...sauf dans les cas prescrits ou prévus [à] une entente...»

Alors, dans la catégorie «induire le public en erreur», M. le Président, bien, il faudrait qu'il se regarde dans le miroir, parce que, là, M. le Président, il a lu les textes, il a lu les textes, il les a devant lui, et c'est disponible sur l'Internet, je viens de le lire. Et c'est là depuis 1979, et aujourd'hui c'est là, même texte, article 22, neuvième alinéa, dans la version courante.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Chers collègues — puis ça, c'est bon pour les deux côtés — on peut faire nos points, faire valoir nos arguments d'un bord comme l'autre sans prêter des intentions et accuser l'autre partie d'induire directement ou indirectement la population en erreur. Alors, le point est fait de part et d'autre. Et, collègue de Mercier, vouliez-vous...

M. Barrette : Bien, M. le Président...

Le Président (M. Tanguay) : Je croyais que vous aviez terminé.

M. Barrette : ...commentaire, M. le Président. Je m'excuse.

Alors, j'aimerais, par honnêteté intellectuelle, que le député de Mercier dise dans le micro que ce qu'il a dit n'est pas exact, que ce qu'il a affirmé n'est pas exact et que, bel et bien, il y a un texte dans la loi depuis 1979... Lui, ce n'est pas 1979, peut-être. Mais, aujourd'hui, il y a bel et bien une provision qui le permet... s'excuser.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Mercier.

M. Khadir : Voici les différences d'interprétation. C'est que le ministre a répété en Chambre hier que, depuis 1970, tel est le cas. Je lui rappelle qu'en 1979, lorsqu'une telle provision pour entente a été conclue, c'était pour un nombre très limité, et je me donne... je me ferai un devoir de sortir l'entente, si le ministère veut bien collaborer, parce qu'on sait que mon collègue de Lévis a déjà fait des demandes d'information sur les frais accessoires à son ministère et que le ministère a refusé, malgré le fait que ça soit au centre du débat public. Mais je me ferai un devoir de faire moi-même la demande à son ministère et à la Régie de l'assurance maladie de sortir cette entente — de février 1979 ou avril, vous avez dit? avril 1979, «whatever», novembre, enfin, 79 — pour que la population voie que c'était pour un nombre excessivement limité d'actes qui étaient à la frontière de ce qu'il, auparavant ou au moment où ça a été introduit, était possible pour la RAMQ de couvrir. Et, en fait, ça traduisait le beau dilemme dans lequel on est aujourd'hui. Ça traduisait le fait qu'on a fait des compromis, je dirais, toujours malheureux et au détriment du grand public pour accommoder les demandes sans cesse croissantes d'une minorité de médecins qui faisaient pression avec les lobbys, qu'on connaît depuis toujours, puis je ne suis pas le premier à se plaindre du lobby excessif de certains groupes professionnels. Je parle des avocats, des architectes, des comptables, des banquiers et des médecins.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai rien à rajouter, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Y a-t-il d'autres interventions? Collègue de Rosemont, la parole est à vous.

M. Lisée : Juste vérifier que le collègue de Mercier a terminé ses interventions?

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

M. Lisée : S'il veut revenir, qu'il me l'indique.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, ne vous inquiétez pas.

M. Lisée : J'ai quelques questions d'ordre... d'information à poser au ministre sur le débat qui est en cours. Par exemple, tout à l'heure, avant la pause, M. le Président, nous avions discuté du profit ou de la marge que le ministre entend laisser aux médecins qui vont, lorsqu'il leur en donnera la permission, demander aux patients de payer des frais supplémentaires.

Alors, il nous a dit qu'il ne leur laisserait qu'une toute petite marge, au-delà du coût réel, microscopique, je pense, c'est un des mots qu'il a utilisés. J'ai rétorqué que... Il a expliqué que c'était une marge pour prévenir la fluctuation des prix qui pourrait arriver pendant la période où cette autorisation serait donnée, période qui pourrait être d'un an ou de trois ans, selon les termes de l'entente qui fixerait à la fois le tarif et la marge. Je lui ai fait valoir que, dans d'autres cas, ces marges-là ne sont pas rendues disponibles, c'est-à-dire qu'à la fois la proposition patronale, pour l'ensemble des salariés de la santé, ce n'est même pas l'inflation.

Alors, pourquoi permettrait-il aux médecins de se prémunir avec une marge qu'il prédéterminerait face à une évolution des coûts qu'il ne connaît pas? Et que se passerait-il s'il n'y avait pas d'évolution des coûts? Est-ce qu'il récupérerait la marge?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, l'amendement proposé par la députée de Taillon ne traitant pas des frais accessoires, je ne vois pas pourquoi je répondrais à des questions qui traitent d'un élément que la députée de Taillon n'a même pas déposé. Je n'ai rien à répondre à ça.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : M. le Président, je vais plaider la pertinence. L'amendement traite spécifiquement des frais accessoires, parce qu'on veut les interdire. On veut les interdire, parce qu'ils sont mauvais en principe et dans le détail. Le ministre veut les permettre. Alors, puisqu'il nous a dit tout à l'heure qu'il y avait une différence de vue, on voudrait, nous, expliquer notre position et comprendre la sienne. Moi, je n'ai pas l'intention de refaire l'ensemble de ce débat lorsqu'il déposera son amendement, et donc les questions que je lui pose maintenant nous permettront de gagner du temps.

Alors, je repose la question : Pourquoi une marge pour prévenir une augmentation, alors que, pour le reste des salariés de la santé, il propose 0 %? Et que se passerait-il si le coût était fixe ou même, ça arrive dans certaines technologies, qu'il baisse? Est-ce que la marge resterait dans la poche des médecins ou est-ce qu'il a pensé à un mécanisme pour aller la rechercher pour le trésor public?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, si le député de Rosemont veut gagner du temps, il pourrait retirer son amendement et nous permettre d'aller à 24.1. Je n'ai rien à rajouter.

M. Lisée : Alors, le ministre refuse...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

• (15 h 30) •

M. Lisée : ...à la question. C'est un refus de répondre à la question. Je lui répète ce que je lui ai dit tout à l'heure : Nous tenons à ce que les représentants élus autour de cette commission parlementaire puissent voter directement sur le principe des frais accessoires. C'est ce que notre amendement permet de faire. Aucun autre cas de figure ne nous permettait de le faire aussi clairement.

Alors, j'ai d'autres questions. Il pourrait refuser de répondre et les gens qui nous écoutent jugeront de son niveau de collaboration. Il nous a dit ce matin... Il était d'accord pour répondre à quelques questions ce matin; cet après-midi, ce n'est pas le cas, mais je lui laisse... je lui tends la main. Ce matin, donc, il nous a dit que cette marge supplémentaire qu'il veut accorder aux médecins, au cas où leurs frais augmenteraient serait microscopique. Il a le droit de changer d'avis. Le 18 juin, il déclarait à TVA que ce serait le prix coûtant plus 10 % à 15 %. C'était sa position le 18 juin. Est-ce qu'il est toujours d'accord avec ce qu'il disait, 10 % à 15 % de marge, ou est-ce qu'il trouve que ce n'est pas microscopique?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Même réponse, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Je pense que je pose des questions qui sont factuelles, qui nous permettraient de mieux comprendre la pensée du ministre. Évidemment, s'il refuse d'y répondre maintenant, on lui reposera jusqu'à temps qu'il réponde, parce qu'on s'est rendu compte, M. le Président, que, même lorsque parfois nous sommes confrontés à des refus du ministre, il finit par cogiter, il finit par revenir avec un certain nombre de choses. Par exemple, lorsqu'on lui a soulevé le fait qu'il était pour le moins inopportun d'augmenter de 500 % les frais de transport adapté pour les personnes qui vont dans les centres de jour, ça ne lui a pris que quelques heures pour se rendre à notre position et dire qu'effectivement il ne le fallait pas. Puis, même dans le cours de cette commission, un certain nombre de modifications ont été apportées après qu'il eut fait mine, dans un premier temps, d'être fermé à nos propositions et parfois même sur l'information.

Alors, j'ai une autre question à lui poser, ça lui permettra de se préparer. Nous avons la certitude que, pour ce qui est de ces frais supplémentaires, des médecins décident de les charger aux patients, et d'autres médecins, dans des situations identiques, ne les chargent pas aux patients. Comme explique-t-il ça? S'il est nécessaire de permettre à des médecins de faire cette facturation même de la manière encadrée qu'il propose, pourquoi certains médecins ne le font-ils pas? Et, si c'est indispensable, pourquoi est-ce que ce n'est pas indispensable pour tous?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : J'ai déjà répondu à cette question, M. le Président, à plusieurs reprises.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Je ne suis pas conscient de cette réponse. Je n'ai pas entendu. Et je me tourne vers mes collègues parce que, justement, cette question des frais particuliers, nous ne l'avons pas abordée jusqu'à maintenant, et donc je n'ai pas entendu. Peut-être qu'il l'a dit dans un discours, dans un scrum, etc. Et j'essaie de tout suivre ce que dit le ministre, puis vraiment j'y mets beaucoup d'efforts, mais là j'avoue que je n'ai pas compris cette réponse-là.

Alors, j'aimerais qu'il nous fasse le plaisir de nous expliquer pourquoi certains médecins disent : «Si vous ne nous remboursez pas, on ferme.» Ils disent ça : «On ferme nos cliniques» ou «On refuse de donner ce traitement». Et d'autres médecins disent : «Non, non. Ça va. Moi, j'assume ce frais.» Pourquoi?

M. Barrette : Je n'ai rien à ajouter, M. le Président. J'ai dit précédemment qu'il y avait des abus. Je l'ai encore dit il y a quelques instants.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Bien, c'est-à-dire, s'il y a des abus... Il y en a qui chargent puis il y en a qui ne chargent pas. Alors, s'il nous dit que ceux qui chargent, c'est des abus, bien, abolissons complètement, puisqu'il y en a qui ne chargent pas.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, on en débattra à 24.1.

M. Lisée : On est en train de se poser la question de l'opportunité d'avoir des frais accessoires, de l'opportunité. Et là on est au coeur du sujet puisqu'un certain nombre de médecins n'en voient pas la nécessité, n'en voient pas l'opportunité. Alors, pourquoi est-ce que l'État et sa bourse, et, dans ce cas-ci, le portefeuille des patients, devraient être sollicités pour ceux qui trouvent que c'est indispensable et qu'on ne devrait pas plutôt s'ajuster sur ceux qui trouvent que ce n'est pas nécessaire et qui, de toute évidence, l'amortissent dans leur enveloppe? Pourquoi le ministre choisit-il de s'aligner sur ceux qui chargent plutôt que sur ceux qui ne chargent pas?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Rien à ajouter, M. le Président.

M. Lisée : M. le Président, moi, je vais finir par conclure que l'absence de réponse est motivée par l'absence de réponse, parce qu'il n'y a pas de bonne réponse à cette question parce que, finalement, ce que le ministre a décidé de faire, c'est de protéger... baliser, je lui donne ça, mais protéger ceux qui chargent plutôt que de généraliser la pratique de ceux qui ne chargent pas, et c'est un des nombreux grands problèmes avec l'existence des frais accessoires qu'on veut abolir, c'est que ça récompense ceux pour qui l'appât du gain était plus important que le serment d'Hippocrate. Ça les récompense, ça les normalise, ça les normalise et, pire, ça les rend contagieux parce qu'à partir du moment où on était dans une dynamique où c'était permis, mais à peine toléré, puis ceux qui le faisaient, on trouvait que c'étaient des abus, puis ceux qui le faisaient, le faisaient par la bande, ils chargeaient des gouttes pour financer des machines et puis... Et donc beaucoup de médecins étaient contre pour des raisons éthiques. Les juristes n'étaient pas certains. Puis j'ai vu le débat tout à l'heure entre les deux médecins spécialistes qui sont députés dans cette chambre en deux partis différents : Est-ce que la loi le permet ou la loi ne le permet pas? Les juristes n'étaient pas certains même de la légalité de la disposition que le ministre a citée dans la loi québécoise. Est-ce que c'est vraiment légal au vu du droit canadien? Et donc ce débat de juristes était là. Donc, il y avait ceux dont l'appât du gain était tellement fort qu'ils disaient : Bien, je vais le faire — il y en a qui le faisaient raisonnablement, il y en a qui le faisaient avec abus — puis tous ceux qui disaient : Bien, moi, mon éthique me dit que je suis assez bien payé — merci au ministre actuel — pour pouvoir assumer ce frais-là puis, en plus, je ne suis pas sûr que c'est légal. Ce n'est pas éthique, je suis bien payé, pas sûr que c'est légal.

Mais là, en les légalisant et en normalisant, il va dire à tout le monde : C'est légal. Je vous donne la grille, puis, si vous, la majorité, pensiez que vous deviez payer pour ça, sachez maintenant que vous êtes les dindons de la farce, parce que, là, je vous donne la grille. Ça fait que allez-y! Et, en plus, faites un petit profit, une petite marge microscopique de 10 % à 15 %, microscopique de 10 % à 15 %.

Là, on n'a pas la réponse, M. le Président. J'aurais aimé ajuster ma déclaration en fonction d'une réponse que le ministre m'aurait donnée. Je lui pose la question, il refuse de nous donner cette information. Alors, c'est microscopique de 10 % à 15 %. Alors, quand vous savez que le ministre vous donne le droit d'avoir un taux de profit microscopique de 10 % à 15 % sur quoi que ce soit, vous allez avoir une très forte motivation à charger. Pourquoi se priver? L'autre le fait.

Alors, écoutez, les raisons de s'opposer à ça dans tous les sens m'apparaissent non seulement écrasantes — c'est écrasant — mais en plus je ne comprends même pas, connaissant l'intelligence politique qu'il y a au Parti libéral du Québec, et il y en a, et connaissant la lecture politique que les conseillers du premier ministre peuvent avoir, et souvent ils l'ont, je ne comprends même pas que la proposition n'ait pas été retirée en bonne et due forme, parce que le gouvernement libéral est en ce moment accusé d'avoir manqué à l'engagement du premier ministre de ne plus rien ajouter au fardeau des Québécois depuis décembre, janvier dernier. Alors, quand un de ses collègues a eu l'idée de la taxe piña colada, en 24 heures, le bureau du premier ministre, le premier ministre a dit : Non! Il n'y aura pas de taxe piña colada. Et là le ministre de la Santé continue à avoir l'autorisation de proposer une nouvelle taxe santé. Et ça, je ne comprends pas que lui, qui a un bon sens politique, et que ses collègues, qui ont un sens politique, et que le Conseil des ministres, qui est censé en avoir un, puis que le premier ministre, qui est censé en avoir un, n'aient pas tiré la plug là-dessus complètement. Ça, je ne comprends pas ça.

Alors, c'est politiquement une erreur grave qui va leur coller s'ils devaient aller jusqu'au bout de ça, et je commence à avoir bon espoir qu'ils n'y aillent pas, hein? J'ai l'espoir. Dans le caucus du Parti libéral, les collègues, là, je compte sur vous pour dire que, même si le ministre est un ministre sénior du gouvernement, même s'il a l'oreille du premier ministre, même si c'est un médecin spécialiste qui est premier ministre, même si c'est un médecin qui est secrétaire général du gouvernement, malgré tout ça, il y a un moment où les députés libéraux vont dire : Ça suffit! On est en train de se faire rejeter par nos électeurs. Pendant ce temps-là, les enseignants, on leur dit : 0 %. Puis les infirmières, on veut leur enlever leur prime de soir, aux infirmières. Puis là on dit : Non seulement on a laissé les primes aux médecins, mais, en plus, on leur permet de charger des frais accessoires. Puis, en plus, on leur dit : Faites un petit profit là-dessus. Il y a un moment, là, je veux dire, au sein du caucus libéral, ça ne peut pas passer, ça ne peut pas passer.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : ...au règlement.

Mme Montpetit : ...pertinence. Peut-être qu'on pourrait recadrer nos discussions. Je pense qu'on a laissé aller le député de Rosemont fort longtemps. Avec beaucoup de respect, je pense qu'on pourrait recadrer pour le reste des discussions.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, l'objet du débat est effectivement l'article 25.2. Y a-t-il d'autres interventions?

M. Lisée : C'est simplement sur les... On parle de l'opportunité d'avoir ou non des frais accessoires et des raisons pour lesquelles ils devraient être interdits. Il y a des raisons politiques aussi. Il y a des raisons de cohérence de la politique gouvernementale. Il y a des raisons de fardeaux imposés aux Québécois et il y a des raisons de parole donnée de la part du premier ministre. Toutes les raisons convergent pour interdire ces frais accessoires. Malheureusement, le ministre a décidé de se terrer dans son mutisme. Même sur la mécanique, sur à quelle sauce le portefeuille des patients québécois sera-t-il mangé, il ne veut pas nous le dire maintenant. Alors, je vais laisser ma collègue enchaîner.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis, la parole est à vous.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Vous savez, jeudi dernier, nous avons mis énormément d'efforts et nous avons offert toute notre collaboration pour qu'on puisse avoir des discussions avec le ministre quant aux frais accessoires. Notre position, je pense, était déjà connue de la part du ministre : on est contre tous frais accessoires qui peuvent être chargés aux patients lorsqu'ils vont dans une clinique privée. Ils paient déjà pour ces frais d'une autre façon par leurs impôts, par leurs taxes. Le ministre a refusé à ce moment-là de répondre à toutes nos questions.

Ma collègue de Taillon a déposé un amendement à cet effet. Le ministre vous a même demandé, M. le Président, quant à l'effet de l'amendement, si celui-ci pouvait être recevable ou non. Il se questionnait sur la recevabilité de l'amendement déposé par ma collègue de Taillon. C'est vous dire, M. le Président, comment le ministre ne veut même pas nous entendre parler des frais accessoires.

Et pourtant, M. le Président, je suis convaincue que vous, tout comme moi... Souvent, on est à Québec la semaine. Nous faisons notre travail ici, de la législation, la période de questions, notre travail de parlementaires ici, à Québec. Mais, quand nous retournons dans nos circonscriptions, on voit nos concitoyens, on échange avec eux. Que ce soit à l'épicerie ou ailleurs, moi, j'en rencontre beaucoup, et ils me disent comment ça n'a pas de foutu bon sens, que ce soient des gouttes ophtalmiques, que ce soit pour n'importe quel petit pansement quand ils vont dans une clinique privée, que ce soit pour une vasectomie... C'est 325 $, je pense, qu'on charge. Donc, c'est des frais de plus en plus que les médecins ont décidé de charger aux patients, aux personnes qui vont dans ces cabinets privés parce que, souvent, ils n'ont pas le choix à cause des délais, des délais souvent qui font en sorte que, que ce soit pour une vasectomie, entre autres, là... Vous ne pouvez pas attendre un an si vous aviez décidé, vous et votre conjointe, de mettre un terme à votre fertilité, n'est-ce pas?

Le Président (M. Tanguay) : ...là-dessus, collègue de Duplessis.

Mme Richard : On ne commencera pas là-dessus, mais vous comprenez où est-ce que je veux aller, hein, c'est-à-dire que, des fois, dans un couple, le temps est un facteur, puis il peut y avoir des conditions médicales qui font qu'on doit procéder le plus rapidement possible. Ça coûte des sous. Ça coûte des sous.

Le ministre, moi, je l'ai entendu à plusieurs reprises, il a indiqué... a parlé de la Loi sur l'assurance maladie. Je le remercie pour ce cours d'histoire, moi, j'en apprends. Le ministre, des fois, il n'aime pas ça échanger avec nous, hein? Moi, j'aime ça, j'en apprends de plus en plus à tous les jours, et ça, il ne peut pas démentir ça, M. le Président. Il doit convenir que, quand a été fondée l'assurance maladie, puis qu'on a accepté qu'il y ait des frais accessoires, ceux-ci étaient extrêmement balisés. Ça, je crois qu'il en convient avec moi et en convient avec mes collègues de ce côté-ci.

Et il convient également, M. le Président, j'en suis sûre, qu'au fil des années il y a eu une dérive, une dérive. Mon collègue l'a dit tantôt, mon collègue de Rosemont, certains médecins, je pense, par compassion, par empathie, disent : Écoute, moi, je ne te chargerai pas, là, 75 $, 50 $ pour des gouttes quand ils m'ont coûté à peine 7 $, 8 $. Ils vont dire : Non, non, ça n'a pas de bon sens. Ils ont une conscience professionnelle. D'autres médecins, comme dans les différentes professions, pour l'appât du gain à tout prix, décident, eux, de charger des montants, M. le Président, exorbitants. Et, si ces montants-là n'étaient pas si exorbitants, peut-être qu'il y aurait des frais accessoires qui se seraient multipliés, comme c'est le cas, au fil du temps, mais on n'aurait pas un débat comme ça qui interpelle toute la société québécoise, M. le Président.

Il y a eu une dérive. Le nouveau ministre de la Santé, qui est arrivé en poste il y a un an à peine, ne veut pas en entendre parler. Malheureusement pour lui, l'amendement de ma collègue la députée de Taillon a été jugé recevable. Bon, bien, je me disais : On va pouvoir en discuter. Non. Non, il a décidé qu'on n'en discuterait pas, parce qu'il ne répond pas à nos questions. Ça fait que vous comprenez que ce n'est pas bien, bien des échanges qui sont nécessairement harmonieux et qui peuvent faire en sorte de bonifier un projet de loi tel que le projet de loi n° 20. Quand vous n'avez pas d'échange avec la personne qui est ministre, qui est responsable de cette loi quand elle va être mise en application, qui a énormément de pouvoir, c'est un petit peu difficile.

Quand on essaie, M. le Président, de faire valoir nos arguments parce que nous, on pense que ça doit cesser, ça doit cesser rapidement, puis on essaie de le convaincre de toutes les manières qu'on peut trouver de ce côté-ci pour lui dire : Bien, écoutez — on passe par vous, M. le Président — M. le ministre, vous devriez nous écouter, vous ne pensez pas que là-dessus on a raison?, vous ne pensez pas que là-dessus ça va trop loin?, savez-vous qu'est-ce qu'il nous répond? Là, il nous répond, il nous répond qu'on utilise notre temps, puis que notre temps n'est pas utilisé à bon escient, qu'on devrait accélérer davantage, parce que ça ne fait pas son affaire, ça ne fait pas son affaire.

Je trouve ça malheureux puis je vais lui dire, M. le Président, je suis sûre qu'il le sait, quand on a essayé de discuter, la semaine dernière, jeudi passé, on était aux articles 24, il n'a pas voulu. Je vais juste lui rappeler que ça prend le consentement des membres de la commission pour retourner à l'article 24. Il dit : Bien, tantôt, là, on va retourner, là, à 24.1, là, puis on ne fera pas le débat maintenant, là, vous pourrez en jaser tantôt. Moi, je pense que c'est maintenant, c'est maintenant que l'amendement de la députée de Taillon est sur la table.

Il dit, dans certains communiqués, dans certaines réponses à la période de questions, dans certains points de presse, qu'il va régler le problème, parce qu'il admet, il l'admet, qu'il y a de l'abus. Par contre, s'il avait vraiment voulu le régler puis dire : Cette fois-ci, on va le régler une fois pour toutes... Parce que, vous savez, le ministre, il aime le poste qu'il occupe, il aime ça négocier, que ce soit avec les médecins spécialistes, avec les médecins et les omnis. Les infirmières, ça, on pourra en rejaser une autre fois. Dommage qu'on n'ait pas un article là-dessus, on en aurait longtemps à dire, je ne suis pas rendue là, mais je pourrais reprendre les propos de mon collègue le député de Rosemont : Elles n'ont pas des très bonnes conditions ni de travail puis ni de conditions salariales.

Il refuse notre amendement. Il va discuter avec un comité, quatre personnes, si ma mémoire est bonne, quatre, cinq personnes qui vont être autour de la table, à peu près.

• (15 h 50) •

Là, il est arrivé après avec un sous-amendement qui, malheureusement pour lui, celui-là, il n'a pas été recevable parce qu'il était incompatible avec le nôtre, où il disait ceci : «...le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquelles un paiement est autorisé.» Mais nous, là, M. le Président, on pense qu'avec l'entente qui a été négociée il ne devrait pas y avoir cette brèche. Le ministre, il aurait dû dire : Il n'y en aura pas, de frais accessoires, c'est fini, puis j'irai m'assire avec les gens du comité puis je vais leur dire qu'ils trouvent une façon de faire avec ce qu'eux, ils ont réussi à obtenir de moi comme principal négociateur. C'est ce qu'il devrait dire à ces gens. Ce n'est pas ce qu'il va faire.

Là, après, nous, de ce côté-ci, qui avons de la difficulté à obtenir des réponses — puis, quand un sujet ne lui plaît pas, bien, il ne nous répond pas parce qu'il n'aime pas ça, là, on vient péter un petit peu sa bulle, là — là, il faudrait dire, M. le Président : Bien, M. le ministre, d'accord, vous aurez tout le loisir après de juger dans quel cas un paiement peut être autorisé.

Je vais m'essayer, M. le Président. Je vais m'essayer pour une réponse. Moi, j'aimerais savoir... Ça peut être louable. Pour M. et Mme Tout-le-monde qui nous écoutent, le ministre, il dit : Moi, là, je suis contre ça, les frais accessoires. Puis là il va revenir : Le Parti québécois, il n'a jamais rien fait dans les 18 mois qu'il a été au pouvoir. C'est comme si, des fois, moi, je pense qu'il se trompe puis il croit qu'on y a été les 18 dernières années, là. Je pense qu'il se trompe dans ses calculs, mais, en tout cas, ça... Moi, je vais vous régler ça, les frais accessoires, vous n'en paierez plus. C'est sûr qu'il va omettre de dire... à moins qu'on ait des journalistes très, très attentifs aujourd'hui puis qu'ils le chatouillent un petit peu en revenant constamment avec cette question-là : Oui, mais vous vous êtes donné le loisir, M. le ministre, dans certains cas, dans certaines conditions, qu'il y aurait un paiement qui pourrait être autorisé. Là, je ne sais pas qu'est-ce qu'il va dire comme réponse, mais moi, j'aimerais qu'il me dise à moi tout au moins un début de réponse. S'il dit qu'il y a dans certains cas qu'il peut l'autoriser, le paiement, est-ce que...

Puis je vais m'essayer aussi. Moi, je me suis dit ce matin, après avoir écouté... Je me suis dit : Ah! mais pas fou, là, pas fou, cette idée-là. Là, il va dire : D'accord, plus de frais accessoires, puis moi, je vais vous régler ça. Est-ce qu'il ne voudrait pas à ce moment-ci... Je vous donne un exemple parce que ce n'est pas les vrais chiffres, là... Mettons les gouttes, là, vous savez, les petites bouteilles, là, de gouttes ophtalmiques. Disons qu'elle vaut 7 $ puis que le médecin en charge 25 $. Il ne pourrait pas arriver puis dire : Moi, je vais vérifier le prix réel de la petite bouteille de gouttes ophtalmiques? Elle vaut 7 $? Bien là, chers concitoyens et concitoyennes du Québec, bien, moi, je suis un ministre responsable, puis là j'ai décidé que, comme ministre responsable, bien, vous n'en aurez plus, de frais qui vont être exagérés. La fameuse petite goutte que les médecins vous chargent quatre, cinq fois et six fois le prix — ça dépend du cabinet du médecin — bien, maintenant, mes citoyens et mes citoyennes du Québec, moi, comme ministre de la Santé, j'ai décidé que ce sera 7,02 $ ou 7,03 $ ou peut-être 7 $. Ça se peut qu'il arrive là. Est-ce qu'il va me répondre si c'est ça, si c'est juste là-dessus qu'il veut aller, ou, quand il va décider de négocier, discuter, parlementer avec son comité, il va aller comme ma collègue de Taillon le disait ce matin? Mais là, à la clinique, là... Vous savez, il y a des super de belles cliniques privées, hein? Elles sont beaucoup mieux équipées que nos CHSLD, en termes, là... Je vous parle juste en termes de chaises, hein? Vous savez, quand vous rentrez dans l'accueil, là, je vous dis qu'il y a des personnes âgées qui seraient bien contentes, M. le Président, d'être assises dans de telles belles chaises durant leur pause. Ça, c'est quand les infirmières ont le temps de réussir à les lever l'après-midi pour faire leur sieste. Ça, c'est quand ils ont le temps... pas tout le temps le temps parce que le quota des patients par infirmière puis par préposé est tellement élevé qu'ils n'arrivent plus. Est-ce qu'il va faire un melting-pot de tout ça quand il va jaser avec ces gens-là ou qu'il va juste aller sur les gouttes, l'azote liquide, sur quelques frais accessoires qui... Au départ, ça avait été accepté, avait été accepté quand on a fondé l'assurance maladie du Québec.

J'espère tout au moins un début de réponse. Demandez-lui s'il va me répondre, M. le Président, ou s'il a une réponse pour moi ou pour ceux qui nous écoutent.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je n'ai rien à rajouter.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis...

M. Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : ...quelque chose, une seule phrase. L'opposition fait le débat qui va se faire... qui se serait fait s'ils avaient consenti à ce que je leur ai demandé. Je, évidemment, ne jouerai pas dans leur jeu.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis.

Mme Richard : Oui, merci, M. le Président. J'ai remarqué qu'il a dit «jeu», mais moi, je vais lui dire : Ce n'est pas moi, là, qui pilote le projet de loi n° 20, là, c'est le ministre. Mais le ministre, lui, il aurait dû déposer un tel amendement la semaine passée. On en aurait jasé, mais avec plaisir.

Bien, voyons donc, M. le Président! Vous savez combien on est collaborateurs de ce côté-ci. Ce n'est pas nous qui menons la game, là, c'est le ministre. Ils sont majoritaires. Le ministre, il décide que c'est ça, c'est ça. Notre seul pouvoir présentement, puis ça, j'aimerais, là, que nos collègues, nos collègues du parti au pouvoir, comprennent ceci, le seul pouvoir que j'ai présentement, c'est mon droit de parole pour essayer un petit peu d'influencer le ministre, puis je ne réussis pas. Ça fait que ce qui me reste après, c'est de dire aux gens qui nous écoutent : Bien, écoutez, nous autres de ce côté-ci, là, vous savez notre position, elle est connue, tout au moins pour ne pas se faire passer pour des valises, là, M. le Président. Vous comprenez, là?

Là, là, je veux bien, là, des fois, qu'on déforme la réalité puis qu'on dise certaines choses, là. Le ministre, il est habile, hein, très habile. Je vais lui dire que, malgré son peu d'ancienneté comme parlementaire... En commission parlementaire, il sait très... Ça, je vais lui donner 110 %, il sait très, très bien se débrouiller.

Une voix : 115 %, 115 %.

Mme Richard : Ah! 115 %, même. 115 %

Une voix : Microscopique, microscopique. 115 %.

Mme Richard : Mais tout ça pour vous dire de façon plus sérieuse, M. le Président, qu'il avait tout le loisir jeudi passé, et vous étiez à nos travaux, M. le Président, vous présidiez à ce moment-là. Et je peux vous dire que, dans la salle, la tension était palpable. Il ne voulait même pas en entendre parler, du mot «frais», hein? Les frais accessoires, c'était : Pas du tout, pas du tout, pas du tout. On ferme ça.

Une voix : ...

Mme Richard : Il paniquait presque. Bon, «paniquer», c'est un bien grand mot. Disons que sa tension artérielle a monté un petit peu, ce n'est pas un genre qui panique. Je ne penserais pas, je ne penserais pas. C'est rare qu'il y ait des spécialistes qui paniquent. Ils n'aiment pas ça, ils sont volubiles, ils sont fougueux. Ils paniquent? Non. C'est parce qu'ils sont toujours en contrôle. Ils sont en contrôle.

Mais pas un mot! Il ne voulait pas qu'on en parle. La députée de Taillon arrive avec un amendement. Il s'essaie. Il est recevable. Là, ça vient encore... Oh! mautadit, on vient encore de lui péter sa bulle, là. Il ne sait plus quel moyen il va prendre pour ne pas discuter des frais accessoires, parce qu'il ne veut pas en discuter. Là, il dépose un sous-amendement. Il n'avait pas d'allure, il allait en contradiction avec le nôtre. Ça fait qu'il a été jugé irrecevable.

Là, M. le Président, il n'est pas au bout de ses moyens, le ministre, il faut dire ça, il n'est pas au bout de ses moyens. Il dit : Bien, O.K., mon sous-amendement, il était irrecevable. De quelle façon je vais m'en sortir pour ne pas discuter de ça, là? Parce que, tu sais, ça ne paraîtra pas très bien si je m'en vais... parce que, tantôt, il va falloir voter, hein? Il ne va pas voter sur son amendement, là, tantôt. Il va voter sur... pas son sous-amendement, mais sur l'amendement de la députée de Taillon. Il va être obligé de voter contre. Ça, c'est sûr qu'il va voter contre. Il va voter contre.

Mais là il est arrivé avec d'autre chose. Il s'est dit : Ah! on va battre celui-là puis on va revenir à 24.1. Bien, je vous dis, là, même moi, je suis ici puis je suis ça, là, puis j'en perds des bouts. Imaginez-vous les gens qui nous écoutent, là. S'ils connaissent la position du ministre, ils sont chanceux. Ils sont très chanceux, parce que moi, là, je ne sais pas du tout où ce qu'il va nous emmener avec ça.

Bien, je peux vous dire ceci, M. le Président : Il pourra répondre des questions... à la réponse des questions qui sont posées en Chambre comme bon lui semble. Il pourra faire les points de presse comme bon lui semble. Il pourra envoyer des communiqués. Il pourra discuter avec son comité de travail : Quelle façon il va moduler ça? Qu'est-ce qu'il va prendre? Qu'est-ce qu'il ne prendra pas? De ce côté-ci, là, ça a été très, très clair. Je ne vais pas... Je vais parler, regarde... Abolition pure et simple des frais accessoires. Je ne peux pas être plus claire que ça. On n'en veut plus. Ça fait qu'on ne veut pas, M. le Président, participer, de quelque façon que ce soit, à ouvrir une brèche pour par la suite qu'il y aura des conditions ou certains cas qui vont permettre certains paiements, parce qu'en bout de piste c'est encore le patient, c'est encore le patient qui va payer, M. le Président. Et je peux vous dire une chose, j'ai été estomaquée, moi, de voir certains frais... Puis ce n'est pas parce qu'on est autour de la table ici puis qu'on fait un travail de législateurs, M. le Président, vous le savez, que ce soit, hein... On fait des projets de loi sur les mines, on est en santé, en éducation, dans plein, plein, je peux vous dire, de dossiers...

Une voix : ...des généralistes.

• (16 heures) •

Mme Richard : Exactement. Nous ne sommes pas des spécialistes. En tout cas, moi, je ne suis pas une spécialiste. On va dire qu'on est des généralistes des projets de loi. Ça fait qu'il faut vraiment avoir, je vous dirais, cette expérience, cette expertise de façon très, très pointue pour arriver et être capable d'aller, là, au fond des choses.

Mais j'ai été étonnée, M. le Président, quand j'ai vu certains chiffres par rapport à ce que chargeaient des médecins dans des cabinets privés aux patients. Puis je m'étais posé la question : Est-ce que c'est parce qu'ils n'ont pas le choix? À quelque part, ils n'ont pas le choix. Les délais d'attente sont tellement longs qu'ils n'ont pas le choix d'aller vers le privé. Puis, en plus, c'est qui qui paie le privé au bout de tout ça? Aïe! C'est nous collectivement. Là, quand tu t'arrêtes à ça deux secondes, tu te dis : Dans quel monde vivons-nous? On n'est pas capable, à l'hôpital, d'avoir des rendez-vous dans un délai raisonnable. On n'était pas capable d'avoir accès à un médecin de famille. On va au privé : on a accès aux médecins, on a accès aux examens, mais on paie deux fois. Oupelaïe!

Je vais m'arrêter là-dessus, M. le Président. Mais je veux juste dire au ministre que, pour venir à l'article dont il veut que nous débattions, à 24.1, ça prend le consentement. Puis, si on était comme lui, on serait beaucoup, beaucoup, beaucoup moins collaborateurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai rien à ajouter, M. le Président. Je n'ai pas eu de question.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu, la parole est à vous.

M. Rochon : Merci, M. le Président. 300 $ pour une coloscopie réalisée en clinique privée, 200 $ exigés pour des gouttes oculaires administrées au bureau, 50 $ requis pour l'injection d'un produit qui n'en vaut que 3 $...

Je vous cite Jean-Pierre Ménard : «L'impact de l'inaction et de la tolérance du gouvernement du Québec à l'égard des frais accessoires et son intention de les légaliser a [des] conséquences considérables sur les droits des patients.» Jean-Pierre Ménard.

Je poursuis : «Elle crée une inégalité d'accès aux services médicaux. Certains patients n'ont pas les moyens de payer ces frais accessoires, même s'ils sont relativement peu élevés dans certains cas. Ces patients doivent soit se passer des services proposés, soit attendre pendant une longue période pour les obtenir dans le système public, ce qui constitue clairement le développement d'un régime de santé à deux vitesses, au détriment des patients moins fortunés.» Ce n'est pas l'opposition qui parle, là. Me Jean-Pierre Ménard.

Il poursuit : «Cette approche introduit une distorsion majeure — "une distorsion majeure" — dans l'accès aux soins médicaux. Ce ne sont plus l'urgence et la gravité de la maladie qui sont dorénavant les critères d'accès aux soins de santé, mais plutôt la capacité de payer du patient lorsqu'il a besoin de certains soins. Toute la législation fédérale et provinciale avait jusqu'ici protégé le patient en cherchant à reconnaître à tous les patients un droit d'accès égal aux soins médicaux, peu importe lesquels...»

Pourquoi le ministre ne souscrit-il pas à la proposition de la députée de Taillon — j'oserais dire «à la proposition des oppositions» — non pas d'encadrer les frais accessoires, mais d'interdire les frais accessoires? Je viens de poser une question au ministre.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je pense que ce n'est pas la bonne option. On en débattra plus tard.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Merci. Là, on sait au moins que ce n'est pas la bonne option d'interdire les frais accessoires. Tout le monde a entendu : Ce n'est pas la bonne option d'interdire les frais accessoires. Le ministre est contre l'interdiction des frais accessoires. On avance.

Le Dr Alain Vadeboncoeur : «...les frais accessoires contribuent à la dérive de notre système [...] vers un régime à deux vitesses — il dit la même chose que Me Ménard, dans le fond, hein? — qui donne rapidement l'accès à ceux qui ont des moyens et retarde l'accès de ceux qui ne les ont pas. C'est aussi simple que ça, écrit le Dr Vadeboncoeur, mais c'est un sacré problème de société, qui s'aggrave avec la multiplication des frais constatée ces dernières années.

«Bien entendu, tout dépend du genre de société qu'on souhaite léguer à nos enfants. Je connais, par exemple, des gens qui pensent que l'argent devrait permettre tout, notamment de se faire soigner avant les autres.» Ce n'est pas moi qui parle, c'est le docteur Vadeboncoeur. Le Dr Vadeboncoeur : «C'est un point de vue, mais il est opposé, écrit-il toujours, à l'orientation que nous avons donnée à notre société depuis plus de 50 ans, soit la gratuité et l'universalité [des soins,] de l'accès.»

Même le chroniqueur, Alain Dubuc, qui n'a pas sa carte de membre du Parti québécois, aux dernières nouvelles, en convient lorsqu'il écrit à propos de la clarification du rôle du public et du privé en santé — et je cite Alain Dubuc, cette citation a été introduite dans les propos du Dr Vadeboncoeur : «Ce serait encore plus clair si on faisait le ménage dans les zones grises, dont la plus agaçante, selon moi, écrit Dubuc, est le recours abusif aux frais accessoires dans certaines cliniques privées, qui trahit les principes de gratuité et d'universalité.»

Et là le Dr Vadeboncoeur a une proposition : «Ma proposition peut se chiffrer ainsi — ça, notre collègue de Taillon l'a reprise, hein : Redistribuons 1 % de nos revenus, écrit le Dr Vadeboncoeur, pour régler la question des frais accessoires. Et, si mes confrères jugent malgré tout que cet effort est démesuré, engageons-nous au moins à consacrer le prochain 1 % de hausse à cette fin, et seulement à cette fin.

«Pour nous consoler, imaginons un instant l'amélioration consécutive dans l'équité d'accès et dans le fonctionnement du système de santé. Tout ça pour un petit 1 %, qui bénéficiera à votre mère, votre cousin, votre voisin, vos enfants... et, qui sait, peut-être un jour à vous-même?

«Un petit 1 %, pour régler tous les frais accessoires du 99 %, ça vaut le coût, non?»

Ma question au ministre : Ça vaut le coût, non?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, ce n'est pas comme ça que ça marche, là. Alors, je n'ai rien à rajouter.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Là, je m'excuse, je fais un très, très gros effort de compréhension, mais, quand il me répond : Ce n'est pas comme ça que ça marche, qu'est-ce qui ne marche pas? À quoi fait-il allusion?

M. Barrette : M. le Président, je n'ai rien à rajouter.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Le ministre propose de permettre la facturation des frais accessoires au coût réel plus une marge n'excédant pas 15 % — le député de Rosemont se souvient de ça, 10 % à 15 %, disait le ministre à un moment donné — et un comité mis sur pied par le ministre qui va décider au niveau de la facturation. Ce comité, est-ce qu'il s'est rencontré jusqu'ici, M. le ministre?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je n'ai rien à ajouter. C'est des questions qui traitent d'un sujet qui n'est pas déposé, M. le Président.

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Un à la fois, un à la fois. La parole est à une personne à la fois. Vous savez, en vertu des articles 81 et 82, que la réponse appartient au ministre. Aucun rappel au règlement ne peut être fait quant à l'interprétation d'une réponse du ministre, alors, s'il vous plaît, un à la fois. Chacun ici, autour de la table, sait ce qu'il a à faire et le fait bien de part et d'autre.

M. Barrette : M. le Président. Vous avez raison, M. le Président. Ça fait près d'une heure maintenant que j'aurais pu invoquer, à chaque intervention des députés de l'opposition, un point de pertinence, parce qu'on ne traite... j'avais annoncé qu'on ferait deux ou trois fois le débat au lieu de le faire une fois. Toutes les questions, toutes les remarques traitent d'un amendement non déposé, donc qui n'existe pas. Alors, l'amendement dont on parle actuellement ne traite pas de ce que le député de Richelieu parle. Je n'ai donc rien à rajouter, M. le Président, et je vais continuer à inviter nos collègues de parler de leur amendement plutôt que de mon éventuel amendement.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

• (16 h 10) •

M. Rochon : Alors, l'amendement que nous avons sous les yeux : L'article 22 de cette loi est modifié :

1° par le remplacement du neuvième alinéa par les suivants :

«Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d'une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l'application d'une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés :

«1° au fonctionnement d'un cabinet privé;

«2° aux services, fournitures et équipements requis lors de la dispensation d'un service assuré;

«3° aux tests diagnostiques effectués dans le cadre de la dispensation d'un service assuré.

«Il est de plus interdit de rendre, directement ou indirectement, l'accès à un service assuré conditionnel à un paiement par une personne assurée, ou de procurer à celle-ci un accès privilégié à un tel service moyennant paiement.»

Ce n'est pas de ça qu'on parle? On ne parle pas des frais accessoires dans ce texte que je viens de vous lire? Je crois que le ministre est distrait, là.

Alors, je reprends ma question : Le ministre — parce que c'est en lien, là — a proposé, lui, de permettre la facturation de frais accessoires au coût réel plus une marge n'excédant pas 10 % à 15 %, un comité mis sur pied qui va décider du niveau de la facturation, comité, si nous avons bien compris, dont les patients sont absents. Je demande au ministre : Est-ce que ce comité s'est réuni jusqu'à maintenant?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, est-ce que le député de Richelieu ou un autre de sa formation pourrait m'indiquer où est-ce, dans le projet de loi n° 20, que j'ai proposé ça? Je n'ai rien à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Pourquoi ne pas intégrer à votre comité des représentants des patients, M. le ministre? Il me semble que ce serait une bonne idée.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai rien à ajouter, là. On est dans la pertinence. Je n'invoque rien, M. le Président, là. Ce n'est pas dans... Il parle de quelque chose qui n'est pas dans le p.l. 20, là.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Le ministre a fait plein d'entrevues à l'effet qu'il allait abolir les frais accessoires. Il a publié un communiqué le 18 juin. S'en souvient-il?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai rien à ajouter, M. le Président, là.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : M. le Président, jeudi dernier, le ministre plaidait la pertinence pour ne pas répondre à nos questions. Là, on est au coeur du sujet. Je ne comprends pas son comportement. Il y a un amendement, là, qui est à l'étude, là. Pourquoi refuser de participer à l'étude du texte que nous avons sous les yeux?

M. Barrette : Je n'ai rien à rajouter, M. le Président

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu, la parole est à vous.

M. Rochon : J'aurais tendance à croire, mais là ce serait prêter des intentions au ministre, que le ministre s'enferme dans son mutisme pour avoir perdu la bataille de procédures parlementaires, mais un tel comportement ne nous avance à rien. Là, il trouve ça très, très, très drôle, pourtant on est dans un sujet très, très, très sérieux. Ce n'est pas accessoire, les frais accessoires.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Il nous reste encore plusieurs heures à faire en commission parlementaire, et je dois vous dire, M. le Président, qu'à ce moment-ci, là, je suis extrêmement déçue, parce que de ne pas vouloir répondre ainsi aux questions des oppositions — des oppositions, M. le Président — et ça, on le voit depuis quelques jours, je pense que c'est un manque de respect flagrant pour les députés des oppositions que nous sommes. Et c'est un manque de respect également pour les populations que nous représentons ici, à l'Assemblée nationale.

Quand vous débattez d'un projet de loi, M. le Président, ça va dans les deux sens : des échanges, des questions et réponses, des fois juste une certaine orientation par rapport à certains articles. On veut savoir comment tout ça va se concrétiser, et c'est ça, faire de la législation. Et ce n'est pas juste, M. le Président, quand c'est vous qui êtes ministre puis qui décidez des amendements, puis des sous-amendements, puis que là les discussions se font comme vous, vous avez décidé.

Donc, à chaque fois, moi, je sens que mes droits, comme parlementaire, M. le Président, sont pas mal, pas mal bafoués de la part du ministre.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? Je ne vois pas d'autres interventions sur l'amendement, alors nous allons procéder au vote sur...

Une voix : Vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, vote par appel nominal sur l'amendement de la collègue de Taillon à l'article 25.2. M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Donc, pour, contre ou abstention. M. Lisée (Rosemont)?

Une voix : Pardon?

Une voix : Pour...

Mme Richard : ...avant le vote...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Ah! on ne sait pas... je n'ai pas... on n'a pas commencé... il n'y a pas eu... Je dois vous dire, on s'est... C'est la première fois que ça nous arrive. Désolé. Personne n'a commencé à voter, donc on peut faire marche arrière. Si quelqu'un avait commencé à voter, là, on n'aurait pas pu faire marche arrière. Alors, collègue de Lévis, la parole est à vous.

M. Paradis (Lévis) : C'est une simple précision, M. le Président, à cette étape-ci. Je pense que c'est important de le faire également à ce vote-ci aussi. Nous considérons... Je continue à penser qu'à la lumière des échanges... Je pense qu'il aurait été bienvenu que nous consentions communément à faire en sorte que des gens s'expriment sur ce dossier-là. Depuis plusieurs heures maintenant et depuis le début de cette séance d'après-midi, manifestement, il y a beaucoup trop de questions sans réponse. Puis on se fait dire : On refera le débat, on ne débat pas, mais, dans le fond, on débat, mais ça recommencera. Je pense que — et c'est clair pour tout le monde, là, pour tous ceux et celles qui tentent de comprendre — qu'on a, à ce moment-ci, une problématique certaine. Alors, je continue à dire que nous aurions dû et nous devrions nous donner la possibilité d'entendre ceux et celles qui ont des choses à dire pour bonifier les positions de chacun en fonction des arguments qui ont été présentés.

Ceci dit, parce qu'on se dirige vers le vote. Dans ce contexte-là, parce que je continue à penser que ce serait la bonne façon de faire, nous nous abstiendrons sur ce vote, faisant en sorte de continuer à penser que l'idéal serait de convoquer des gens ici au bénéfice de ceux et celles qui nous regardent et des parlementaires qui se prononcent. Alors, je voulais simplement signifier notre position dans le vote qui sera demandé dans quelques instants.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, chers collègues, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons maintenant procéder au vote sur l'amendement de la collègue de Taillon. Alors, vote par appel nominal, M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Donc, pour, contre ou abstention. M. Lisée (Rosemont)?

M. Lisée : Pour.

Le Secrétaire : Mme Richard (Duplessis)?

Mme Richard : Pour.

Le Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?

M. Rochon : Pour.

Le Secrétaire : M. Barrette (La Pinière)?

M. Barrette : Contre.

Le Secrétaire : Mme Montpetit (Crémazie)?

Mme Montpetit : Contre.

Le Secrétaire : M. Giguère (Saint-Maurice)?

M. Giguère : Contre.

La Secrétaire : Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Simard : Contre.

Le Secrétaire : M. Iracà (Papineau)?

M. Iracà : Contre.

Le Secrétaire : M. Paradis (Lévis)?

M. Paradis (Lévis) : Abstention.

Le Secrétaire : M. Tanguay (LaFontaine)?

Le Président (M. Tanguay) : Abstention.

Le Secrétaire : Rejeté.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, l'amendement est rejeté. Nous sommes toujours dans la sphère de cet article. Y a-t-il d'autres propositions? Demandez-vous une suspension?

M. Barrette : J'ai un nouvel amendement à déposer.

Le Président (M. Tanguay) : La parole est à vous.

M. Barrette : Qui, je pense, est entre vos mains. Voulez-vous que je... Je pense que je devrais attendre qu'il soit distribué.

Le Président (M. Tanguay) : O.K., alors, attendez, oui. On va attendre, on va le distribuer. Alors, voilà, on va le distribuer. Vous pouvez attendre, peut-être, quelques secondes. Je vais le laisser le présenter, après ça on pourra...

M. Barrette : Alors, M. le Président, est-ce que j'y vais ou...

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Je vous demanderais de nous en faire la lecture, puis, après ça, on verra si on ne suspend pas. Alors, je vous demande d'en faire la lecture.

M. Barrette : Alors, M. le Président, je dépose l'amendement suivant, article 25.2 :

Insérer, après l'article 25.1 proposé par...

Des voix : ...

M. Barrette : Je vois que le député de Rosemont est plus attiré vers sa tablette. Mais il nous a dit tantôt qu'il écoutait mes entrevues. J'imagine que c'est plutôt ça... à la télévision. J'espère que c'est décent, là, ce que le député de Rosemont regarde.

Une voix : Oui, oui.

M. Lisée : ...

Des voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Bon, alors, je vais vous rappeler tout le monde à l'ordre. Décorum, article 32. M. le ministre.

• (16 h 20) •

M. Barrette : Non, c'est parce que le député de Rosemont a semé dans nous des images ce matin que j'ai comprises plus tard. C'était trop complexe.

Alors, 25.2 : L'article 22 de cette loi est modifié :

1° par le remplacement des neuvième et dixième alinéas par les suivants :

«Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d'une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de [...] dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l'application d'une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés :

«1° au fonctionnement d'un cabinet privé de professionnel ou d'un centre médical spécialisé au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2);

«2° aux services, fournitures, médicaments et équipements requis pour la dispensation d'un service assuré, ainsi que pour la réalisation d'un test diagnostique se rapportant à un tel service;

«Ne constituent pas de tels frais ceux liés à des services non considérés comme assurés requis avant, pendant ou après la dispensation d'un service assuré;

«Il est de plus interdit de rendre, directement ou indirectement, l'accès à un service assuré conditionnel à un paiement par une personne assurée, ou de procurer à celle-ci un accès privilégié à un tel service moyennant paiement;

«Malgré les interdictions énoncées aux neuvième et onzième alinéas, le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquels un paiement est autorisé.»;

2° par le remplacement, dans le douzième alinéa, de «onzième» par «treizième» et de «neuvième» par «neuvième ou onzième».

Est-ce que j'en fais l'explication? Oui, M. le Président. Alors, on comprendra, M. le Président, et je ne m'étendrai pas trop longtemps là-dessus parce que j'ai déjà fait cet exposé-là précédemment, on comprendra que cet article-là vient de façon formelle, sans ambiguïté, sans hésitation, sans questionnement possible, interdire à quiconque de facturer, de charger, d'induire un frais au patient en quelque circonstance que ce soit, sauf dans des cas réglementés. Et ça vient répondre d'abord — d'abord — à la problématique qui a généré les abus que l'on connaît dans le système d'aujourd'hui, qui venaient d'une combinaison d'une application laxe de la loi, laxité générée par des problèmes d'interprétation de la loi initiale.

Ici, ça vient fermer la porte à triple tour, quadruple tour, à la possibilité d'avoir des frais chargés au patient, sauf — sauf — dans les cas où c'est réglementé, permis par un règlement du gouvernement. Et ce règlement-là, par définition, vient évidemment implicitement, on en reparlera dans un éventuel règlement, M. le Président... Et là je me citerai moi-même : Il est parfaitement possible de déterminer ce qui est le prix coûtant d'un service lorsque c'est indiqué.

Alors, on vient, ici, M. le Président, corriger la situation actuelle. Actuellement, il y a une confusion. Il y a des frais chargeables au patient, facturables au patient. C'est permis dans la loi. Il y a des abus. Il y a des frais, à mon avis, illégaux. Bien, et les abus et les illégalités vont être abolis dans le deuxième cas et retirés dans le premier cas. Et ça, ça m'apparaît être en synchronisme avec l'état de la situation actuelle, l'état de la pensée de la population, certainement pas toute la population, certainement pas les gens qui nous accompagnent ici, devant nous, mais certainement la majorité de la population du Québec. Et c'est ce que la population veut. La population veut cesser les abus, avoir accès à des services et avoir l'assurance que les décisions qui sont prises sont des décisions basées sur la raison et non sur quelques faiblesses administratives que ce soit. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, y a-t-il des interventions? Collègue de Duplessis.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Bon. De ce que je comprends de l'amendement déposé par le ministre, disons qu'il l'a un petit peu... un petit peu changé, mais c'est essentiellement ce qu'on retrouve... le sous-amendement qui n'avait pas été recevable. Mais celui-ci est recevable dans sa forme actuelle.

M. Barrette : ...

Mme Richard : Je ne suis pas là.

M. Barrette : M. le Président, si vous me permettez, ce n'est que du changement sémantique; c'est exactement le même amendement.

Mme Richard : J'ai déjà compris ça, M. le Président.

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis. Oui.

Mme Richard : Non, non, mais je veux juste, pour que les gens qui nous suivent comprennent bien... Des fois, tu sais, amendement, sous-amendement, c'est la même chose, sauf qu'il a été bien travaillé, de façon à ce qu'on puisse le rendre recevable et qu'on puisse en discuter.

Le ministre, il a dit : Les gens, là, les gens, ils ne veulent plus de frais accessoires, ils ne veulent plus de frais illégaux, ils veulent qu'on s'en occupe. C'est à peu près ça. Ce n'est peut-être pas cité mot à mot, mais c'est ce qu'il dit. En réalité, M. le Président, ce que le ministre nous demande en ce moment, c'est de lui faire confiance, parce qu'il dit : Il n'y en aura plus, je vais mettre fin à ça, sauf, sauf. Et c'est le «sauf», et je voudrais vous le dire à la blague, M. le Président, c'est presque «sauve qui peut» parce que le «sauf», là, il nous fait... Moi, en tout cas, il me fait pas mal peur, de ce côté-ci, parce que c'est : Sauf ce qui va se retrouver dans les règlements.

Donc, Mme la Présidente, à ce moment-ci, on va devoir échanger avec le ministre, éventuellement on devra voter, et j'espère qu'il va être plus collaborateur puis qu'il va répondre à nos questions. Parce que, si... Moi, je ne le sais pas, qu'est-ce qui va se retrouver dans les règlements puis qu'est-ce que le ministre va juger qui rentre dans toutes les conditions que celui-ci va avoir décidé pour qu'il y ait un paiement en bout de ligne.

Là, je dois discuter d'un amendement, je vais devoir voter sur celui-là. Au tout début, là, moi, j'aime bien sa phrase. Sa première phrase, là, quand il commence, j'adore. Là on est sur la même longueur d'onde. Les gens, ils ne veulent pas payer aucun frais puis encore bien moins quand des médecins leur chargent des frais qui, entre vous puis moi, sont illégaux. Ça, là, jusque-là, on s'entend bien. Mais c'est quand il arrive avec le «sauf»...

J'aimerais savoir, Mme la Présidente, à ce moment-ci, comme il m'a répété tantôt... Parce que moi, je n'ai pas trouvé que c'était une perte de temps. J'ai trouvé que c'était fâchant, frustrant pour moi parce qu'il ne me répondait pas, comme il le faisait avec mes collègues, puis il nous disait que... J'avais l'impression que, quand lui, il allait déposer des amendements, là il serait plus ouvert à me répondre. Et c'est ça aussi, son rôle. Il doit me répondre puis il doit me convaincre. Normalement, c'est comme ça que ça marche en commission. Puis, quand votre temps est épuisé, si vous n'avez pas réussi à convaincre un ou l'autre des parlementaires, on passe au vote, puis, tout dépendant si vous avez la majorité ou pas, votre amendement, il passe ou il ne passe pas. C'est comme ça que c'est fait. C'est ainsi. Puis, quand vous arrivez avec l'adoption finale, bien, si toutes les oppositions sont contre, bien, vous imposez le bâillon. Votre projet de loi, il va passer. Ce n'est pas très démocratique, mais c'est ainsi.

Donc, moi, j'aimerais que le ministre m'en dise un petit peu plus sur les «sauf». Donnez-moi juste un exemple. Qu'il me donne juste un exemple, à ce moment-ci, là, ça va me permettre d'amorcer ma réflexion pour la suite des choses, là, parce qu'on va jaser, lui et moi, s'il est collaborateur. Quand il dit «sauf», «sauf», «vous allez trouver ça dans les règlements», vous devez... c'est impossible, Mme la Présidente, qu'à ce moment-ci le ministre n'ait aucune idée. Il y a un canevas en quelque part, là, dans sa tête, là. Il dit : Ouais, ça, là, il faut que je passe ça, là. On va les abolir, mais je me garde une réserve. Parce qu'il a voté contre. Nous, ce n'était pas compliqué tantôt, l'amendement, ça disait : On abolit tous les frais accessoires. Il a voté contre. C'est parce que là, écoutez, il y a une autre avenue. Il peut-u m'en dire un petit peu plus? Parce que c'est juste le dernier paragraphe, en fin de compte, qui, moi, ne me plaît pas dans l'amendement déposé par le ministre. Qu'il me rassure sur une pièce, une pièce de cet énorme casse-tête qu'est pour moi le dernier paragraphe du ministre parce que je ne sais pas où il va aller avec ça.

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le ministre.

M. Barrette : Le nombre d'autorisations se situera entre 0 et les situations où il y a actuellement des frais accessoires.

Une voix : ...

M. Barrette : ...directement à la question.

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le député de Rosemont.

• (16 h 30) •

M. Lisée : O.K. Bien, d'abord, j'aimerais dire mon étonnement, juste sur le vote précédent, pendant une seconde, de voir que les collègues de la CAQ se sont abstenus. Je m'étais habitué à les voir s'opposer à toute augmentation du fardeau fiscal, ou du fardeau réglementaire, ou du fardeau tarifaire sur les Québécois en général. Ça fait date dans l'histoire de la CAQ. Ils ont eu l'occasion de refuser l'augmentation du fardeau sur les Québécois et ils ont décidé de s'abstenir. Ils veulent avoir un débat avant de savoir si ça devrait être aboli ou non. Nous, on n'a pas besoin de débat, on sait que ça doit être aboli. Première chose.

Deuxième chose, effectivement, ma collègue a raison, on voudrait savoir de quoi on parle exactement. Dans des entrevues précédentes, le ministre a parlé de 50 millions de dollars, qui était la somme des frais accessoires qui étaient chargés aux Québécois, et il disait : L'État n'a pas les moyens d'assumer cette somme. Alors, je lui pose la question, informative, tout simplement : Est-ce qu'il pense que ces 50 millions là comprennent les abus qu'il veut retirer du système ou c'est 50 millions de frais raisonnables et il faut s'attendre à à peu près cette somme-là annuellement?

M. Barrette : À mon avis, à cette étape-ci de l'analyse, qui n'est pas terminée, ce serait sans les abus.

M. Lisée : Ce serait sans les abus. 50...

Le Président (M. Tanguay) : Mais je me réserve... Je le dis avec réserve à cette étape-ci de l'analyse.

M. Lisée : O.K., donc, on peut s'attendre à ce que, sous réserve de l'analyse, le fardeau transféré aux patients via les frais supplémentaires serait d'environ 50 millions par année.

M. Barrette : Non.

M. Lisée : Ah! Merci de préciser, M. le ministre.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Évidemment, par rapport à aujourd'hui, c'est une économie pour les patients.

M. Lisée : ...c'est une économie pour le patient.

M. Barrette : Bien, s'il y a des abus, puis qu'on enlève les abus, ça leur coûte moins cher.

M. Lisée : Oui, mais donc ce que les patients auront à débourser, ce serait environ 50 millions de frais que le ministre considère raisonnables par année.

M. Barrette : Nous allons faire des économies pour les patients.

M. Lisée : Mais une fois... Tu sais, c'est comme parfois, je disais : Écoutez, il y a 50 % de rabais sur cette robe à 1 000 $, on n'a pas les moyens d'économiser tant que ça. Alors, ça va quand même coûter des sous et, si le ministre pense que c'est 50 millions une fois avoir écarté les abus, à combien estime-t-il en ce moment la charge sur les patients?

M. Barrette : Je n'ai pas le chiffre exact, M. le Président, parce que ce ne sont pas des montants déclarés.

M. Lisée : On va vous donner les exemples des frais accessoires qu'on citait précédemment, puis j'aimerais qu'il me dise, s'il le sait, si ça, ça va rester ou ça disparaître. 400 $ pour l'analgésique lors d'une coloscopie.

M. Barrette : M. le Président, par définition, ce montant-là va disparaître... pas disparaître, mais rabaissé de façon substantielle.

M. Lisée : Est-ce que ça va être coupé de moitié? Des deux tiers? Un ordre de grandeur?

M. Barrette : M. le Président, évidemment, il y aura — et je l'ai dit, là, à plusieurs reprises et ils l'ont dit eux-mêmes à plusieurs reprises — quelqu'un qui fera cette évaluation-là.

M. Lisée : Il considère que ce chiffre-là n'est pas le prix coûtant. Donc, il va établir quel est le prix coûtant et ça va être ça qui va être le frais qu'il va autoriser.

M. Barrette : Une partie indépendante fera l'évaluation.

M. Lisée : D'accord. Alors, 200 $ pour des gouttes oculaires en ophtalmologie, il a déjà dit dans une entrevue que j'ai écoutée attentivement que ça n'avait pas de sens. Est-ce qu'il est toujours de cet avis?

M. Barrette : Je suis toujours de cet avis.

M. Lisée : 140 $ pour une injection lors d'une vasectomie. Est-ce que ça va rester ou ça va baisser?

M. Barrette : Une évaluation indépendante sera faite.

M. Lisée : À son avis?

M. Barrette : À mon avis, une évaluation indépendante sera faite.

M. Lisée : Il a un avis sur l'ophtalmologie et les gouttes, mais il n'a pas d'avis sur la vasectomie.

M. Barrette : J'ai...

Une voix : ...

M. Barrette : Pardon?

Une voix : ...

M. Barrette : Sur l'ophtalmologie, j'ai porté un jugement. Sur la vasectomie, j'ai des informations qui sont contradictoires.

M. Lisée : 25 $ pour un peu d'azote?

M. Barrette : Bien, M. le Président, on me demande de présumer de l'évaluation indépendante qui sera faite. Tout indique que, dans tous les cas, ce sera nettement inférieur.

M. Lisée : Alors, je reviens à la question que je posais tout à l'heure. Le ministre nous dit : Jamais, jamais, jamais de frais, sauf dans chacun des cas que je vais autoriser et avec un prix que je vais fixer à partir d'une évaluation externe qui va me donner le prix coûtant. Donc, on sait qu'il y aura des frais pour la coloscopie, pour les gouttes en ophtalmo, pour l'injection lors d'une vasectomie, peut-être pour un peu d'azote en dermatologie. Ça va coûter moins cher, mais ça va coûter des sous.

M. Barrette : M. le Président, les exemples pris par le député de Rosemont sont déjà existants et permis dans la loi, et ce sont des montants abusifs, qui vont donc être corrigés. Je ne suis pas dans la logique de leur amendement. Je suis dans la logique de la situation actuelle.

M. Lisée : M. le Président, on comprend très bien. On essaie d'établir ce qui sera chargé aux Québécois, parce que le ministre a commencé la présentation de son amendement en disant : Vous allez voir, on va les interdire, les interdire, les interdire, sauf, sauf, sauf. Et là j'essaie de travailler sur «sauf», «sauf», «sauf» parce qu'interdire on était plutôt d'accord avec ça. La CAQ, non, ils veulent en discuter un peu plus, mais nous, on était d'accord avec la partie «interdire», donc on va se concentrer sur le «sauf».

Alors, je reviens à la question. Il nous a dit : On va calculer le prix coûtant de façon indépendante et on va dire aux médecins : Vous avez le droit de charger ce prix coûtant plus une marge, une marge microscopique, a-t-il dit aujourd'hui, de 10 % à 15 %, a-t-il dit le 18 juin. Alors, est-ce que le ministre peut nous préciser la marge cet après-midi?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, j'ai mentionné dans des entrevues des hypothèses qui seront établies dans un règlement.

M. Lisée : Mais, M. le Président, c'est parce que ce matin il a dit «microscopique», et les hypothèses qu'il a déjà évoquées sont de 10 % à 15 %. Si vous me donnez une augmentation de salaire de 10 % à 15 %, je ne considère pas ça microscopique, alors est-ce qu'il veut peut-être rétrécir sa fourchette?

M. Barrette : Quand un frais est facturé au patient, et qu'il y a un ratio de 1 000 pour un, et qu'on tombe à 0,1, c'est microscopique par rapport au point de départ.

M. Lisée : Mais ce n'est pas 10 % à 15 %.

M. Barrette : Bien, c'est parce que 0,1, c'est 10 %.

M. Lisée : C'est 10 % de 1 000.

M. Barrette : Non, 10 % de 1 000, c'est 100. Je sais qu'au Parti québécois on a des problèmes d'arithmétique, là, on le voit dans le budget, mais quand, dans la réalité, là, il y a des frais chargés à un patient puis ça vous donne, dans certains cas, 1 000 fois plus que le coûtant, bien, ça, c'est... 10 % par rapport à 1 000 fois plus, là, c'est microscopique.

M. Lisée : Vous voulez dire que l'argent que les médecins vont faire grâce à votre autorisation sera considéré comme microscopique par rapport à l'argent qu'ils font maintenant.

M. Barrette : Ce que je dis, M. le Président, est assez simple, là, et je ne ferai pas un débat sur ce que je dis, un qualificatif sur mes positions, là, je vais laisser le député de Taillon utiliser son temps...

M. Lisée : J'essaie de comprendre... Rosemont...

M. Barrette : Ah! excusez-moi.

M. Lisée : Taillon est une très belle circonscription.

M. Barrette : Je n'en doute pas.

M. Lisée : Mais donc je comprends que, pour lui, il y a des cas où 10 % à 15 %, c'est microscopique, et donc il ne retire pas son évaluation que la marge peut être de 10 % à 15 %.

M. Barrette : M. le Président, il y aura un règlement pour déterminer ça.

M. Lisée : Très bien. Donc, il n'écarte pas la possibilité de donner une marge de 10 % à 15 %.

Je repose la question précédente. Il nous a expliqué qu'il voulait offrir cette marge, qui est, à mon avis, M. le Président, complètement scandaleuse, complètement scandaleuse, mais qu'il voulait donner cette marge aux médecins au cas où le prix coûtant augmente dans l'année ou pendant la période de trois ans pour lesquels une entente serait accordée, sans savoir avec certitude qu'il y aura cette augmentation et en sachant qu'ailleurs dans l'action gouvernementale on propose moins que l'inflation comme augmentation aux salariés de la santé et même l'appauvrissement en abolissant des primes.

Alors, ma question de principe au ministre, qui est le responsable de l'ensemble de la santé au Québec : Pourquoi est-il si généreux pour les médecins et si pingre pour les non-médecins spécifiquement lorsqu'il s'agit de prévoir des augmentations de coûts?

M. Barrette : M. le Président, question de règlement : Est-ce qu'il est permis à un député de traiter le ministre de pingre?

Le Président (M. Tanguay) : Je demanderais effectivement au collègue de Rosemont de faire attention et je le sais, qu'il connaît le poids et le sens de ce mot. Alors, je l'invite à la prudence.

M. Lisée : M. le Président, je ne suis pas certain que le mot est antiparlementaire, puisque...

Le Président (M. Tanguay) : Mais sans être antiparlementaire...

M. Lisée : Mais, sans être antiparlementaire, vous savez...

Le Président (M. Tanguay) : ...il peut être dérogatoire.

M. Lisée : ...vous savez la collaboration que je veux avoir avec vous et avec le ministre parce qu'il ne s'est pas plaint de dire qu'il était généreux avec les médecins, vous avez remarqué, hein? Bon, alors, pourquoi, sur le principe... on pourrait faire des jeux de mots, mais pourquoi, pour le principe, il accepte de donner une marge pour possibilité d'augmentation des coûts aux médecins et qu'il refuse de donner même l'inflation aux infirmières?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je refuse de faire un lien entre la négociation et cet article du projet de loi.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

• (16 h 40) •

M. Lisée : Écoutez, l'iniquité peut se cacher derrière toutes sortes d'arguments. Je vais rester sur le fond. Je pense que c'est là qu'on s'entend le mieux, hein, sur l'échange d'information. Lorsque le Dr Vadeboncoeur, comme plusieurs autres, dit... Bon, le ministre s'y connaît 1 000 fois mieux que moi dans les négociations de rémunération pour les médecins et les médecins spécialistes, mais on sait tous que, pour un même acte produit en milieu hospitalier ou en clinique privée, la rémunération est plus élevée en clinique privée. Elle est plus élevée parce qu'il y a des frais en clinique privée qui ne sont pas à l'hôpital. Donc, le ministre, comme négociateur patronal depuis qu'il est là, mais comme négociateur syndical avant, savait toujours qu'on pouvait inclure un certain nombre de frais dans la rémunération des médecins. Et puis là, en plus, il y a des frais supplémentaires.

Alors, le Dr Vadeboncoeur, qui n'est pas en clinique privée, dit : «Un point me chicote depuis un bon bout de temps : je n'arrive pas à comprendre pourquoi, en ajoutant autant d'argent à la rémunération des médecins, on n'a pas choisi d'inclure aussi les frais requis pour les soins dispensés dans les cabinets, par exemple afin de tenir compte des transformations de la pratique médicale. Cela a conduit tout droit à la dérive actuelle des frais accessoires.»

Pourquoi est-ce que ces frais-là... Pourquoi est-ce que certains frais ont été intégrés dans les ententes, donc ne sont pas chargés aux patients, et que ceux-là ne le sont pas et ne devraient pas l'être?

M. Barrette : J'invite le député de Rosemont à aller voir le Dr Vadeboncoeur, qui a été président pendant plusieurs années et a présidé la naissance de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence, et il sait très bien les raisons.

M. Lisée : ...dit que ça le chicote depuis un bon bout de temps. Alors, puisque vous, vous êtes là, et que vous avez été négociateur...

M. Barrette : Ça ne le chicotait pas quand qu'il était président d'une association.

M. Lisée : J'ai la parole, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Un à la fois, oui. Un à la fois. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Puisqu'il n'est pas parmi nous et qu'il ne propose pas ce projet de loi... Lui, il dit que ça le chicote. Vous doutez de sa sincérité, mais en tout cas, moi, ça me chicote, alors répondez-moi à moi : Pourquoi est-ce que certains frais sont intégrés dans la rémunération des médecins et que d'autres ne le sont pas, ce qui occasionne les frais supplémentaires?

M. Barrette : Parce que certains frais sont négociés de cette façon et d'autres ne le sont pas.

M. Lisée : Pourquoi ne pas avoir négocié tous ces frais de cette façon?

M. Barrette : Parce qu'ils ne sont pas dans la RAMQ.

M. Lisée : Bien, ils ne sont pas dans la RAMQ. Ma compréhension, c'est que certains de ces frais, n'étant pas couverts par le panier de services, peuvent être chargés, et ça, c'est toujours le cas, et ce n'est pas ce dont on parle maintenant, mais que d'autres qui sont liés à la pratique médicale couverte par le panier de services, qui sont ceux dont on parle maintenant, auraient très bien pu être couverts aussi. Pourquoi? Pourquoi pas?

M. Barrette : Parce que les associations ne l'ont pas choisi. Et ce ne sont pas des actes qu'on négocie, ce sont des masses.

M. Lisée : Les associations, elles n'ont pas choisi. Vous aviez un rôle dans les associations au moment de l'absence de ce choix.

M. Barrette : Je présidais les associations.

M. Lisée : C'est ça. Donc, l'association qui était en négociation avec l'État aurait pu décider autrement ou l'État aurait pu décider que lui, il tenait à ce que ça soit dans l'entente, donc on pourrait être dans un système où tous ces frais seraient intégrés dans l'entente, non?

M. Barrette : M. le Président, le député de Rosemont ne comprend pas la mécanique de la négociation. Ce à quoi il fait référence exigerait que les médecins autofinancent de nouveaux actes, ce que personne ne ferait, évidemment. Ça serait comme de demander à un employé de n'importe quel secteur de travailler 16 heures à temps simple.

M. Lisée : Bien, moi, je comprends que le ministre a demandé aux pharmaciens d'autofinancer un certain nombre d'actes qu'ils doivent faire depuis peu, depuis le début de l'été. Et je comprends les mécaniques de négociation et je comprends que la négociation n'a pas conduit à l'absorption dans la rémunération de ces actes-là, et c'est par choix. Il vient de dire que l'association ne voulait pas. Le gouvernement a acquiescé au refus de l'association. Il pourrait en être autrement. Et tout à l'heure, lorsqu'il a dit à mon collègue de Richelieu : Ce n'est pas comme ça que ça se passe, bien, ce n'est pas comme ça que ça se passe parce que les parties en ont choisi ainsi. Si les parties choisissaient autre chose, ça pourrait se passer comme ça.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Mais ça coûterait plus cher.

M. Lisée : Bien, la question, c'est que... Ça coûterait plus cher. La seule question, c'est : À qui est-ce que ça va coûter plus cher? Je comprends la volonté du ministre et je ne doute pas de la volonté du ministre de réduire les abus et de les éliminer. Puis je pense que, s'il le décide, il va y arriver. Mais ce que je trouve inopportun, c'est de faire en sorte qu'alors même que nous sommes dans une progression fulgurante de la rémunération des médecins et des médecins spécialistes la partie patronale n'ait pas inclus ça dans les renouvellements et les renégociations de l'entente. Lui-même avait la capacité, lorsqu'il a négocié l'étalement l'an dernier, de l'introduire.

Je remarque aussi qu'avec les médecins omnipraticiens il a réouvert l'entente pour faire en sorte d'arriver à une entente sur l'assiduité et sur la pratique médicale, mais que, donc, à moins qu'il me dise le contraire, là, et je serais content de l'apprendre, dans ces réouvertures d'ententes pour l'étalement et les omnis, il n'a à aucun moment proposé que les frais accessoires soient assumés dans les masses actuelles.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Aucune entente n'a été réouverte, M. le Président.

M. Lisée : Peut-être qu'on ne s'entend pas sur les faits, là, mais, lorsqu'une entente qu'il a lui-même négociée et signée de l'autre côté de la table prévoyait un calendrier d'augmentation des salaires et que, changeant de côté de table, il réouvre ce calendrier, partie à l'entente, pour le modifier, c'est une réouverture de l'entente.

M. Barrette : Non.

M. Lisée : Non. Bon. Je vais en parler à mes collègues syndicaux parce qu'ils seront très heureux de savoir que le calendrier d'augmentations de salaires peut être modifié sans réouvrir une entente.

Maintenant, le ministre accepte l'idée qu'un service peut être offert à l'hôpital sans payer le frais accessoire, et il va autoriser qu'à la clinique privée le même service soit rendu, mais avec l'obligation pour le patient de payer un frais accessoire qu'il aura autorisé, avec une marge supplémentaire qu'il aura autorisée. Comment cela n'est-il pas contradictoire avec le texte de son amendement qui dit qu'on ne peut pas procurer un accès privilégié à un service moyennant paiement? Est-ce que, sachant que je peux avoir le service plus rapidement en cabinet privé en payant le frais supplémentaire puis l'avoir beaucoup plus tard à l'hôpital sans payer, ce n'est pas exactement avoir un accès privilégié à un service moyennant paiement?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Non.

M. Lisée : Pourquoi pas?

M. Barrette : Parce que.

M. Lisée : Bon. Écoutez, moi, là, je veux avoir un service médical. Je vais voir mon médecin spécialiste. Il me dit : Grâce au ministre libéral, j'ai le droit de vous faire ça en quelques semaines moyennant un frais supplémentaire de 100 $, 200 $ plus ma marge. Ah! je dis : C'est cher, je n'ai pas les moyens de faire ça. Alors, il dit : Vous pouvez aller à l'hôpital puis vous allez être sur la liste d'attente, ça peut prendre un an et demi. En quoi ceci n'est pas de la médecine à deux vitesses ou en quoi ceci n'est pas solliciter un paiement pour avoir un service plus rapidement?

M. Barrette : Parce que, M. le Président, la raison est très simple, est très simple : ce n'est pas un montant d'argent conditionnel à un accès de service, c'est le défraiement d'un coût d'opération. Ça n'est pas un montant conditionnel à un accès priorisé.

M. Lisée : Donc, je suis chez mon médecin spécialiste, il me dit : Regarde, ça coûte 200 $ plus ma marge, mais ce n'est pas une condition. Alors, je dis : O.K., je ne paie pas. Est-ce que vous allez m'opérer?

M. Barrette : M. le Président, ma réponse était claire.

M. Lisée : Il va m'opérer, même si je ne paie pas?

M. Barrette : À l'hôpital?

M. Lisée : Non, à la clinique privée, là. Vous me dites : C'est 200 $ plus ma marge.

M. Barrette : M. le Président...

M. Lisée : Mais je n'ai pas d'argent, moi, je suis pauvre, je n'ai pas 200 $, alors je ne vous le donne pas. Est-ce que vous me donnez un rendez-vous dans deux semaines pour une intervention?

M. Barrette : La réponse, M. le Président, est simple : Il va lui donner un rendez-vous en fonction de la liste d'attente de sa clinique.

M. Lisée : Même s'il ne paie pas?

M. Barrette : Bien oui... Bien non, évidemment que non. M. le Président, le député de Rosemont voudrait que le médecin travaille à perte.

M. Lisée : Alors, c'est une condition?

M. Barrette : Non, ce n'est pas une condition.

M. Lisée : Je m'excuse. Là, on ne comprend plus, M. le Président, parce qu'il me dit : Ce n'est pas conditionnel. Le paiement n'est pas conditionnel à la délivrance du service. Puis je dis : O.K. Donc, si je ne paie pas, j'ai le service. Il dit : Bien non! Si tu ne paies pas, tu n'as pas le service. En quoi est-ce que ce n'est pas une condition, ça, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai pas dit... Bien, je vais me citer correctement, là, parce que, manifestement, le député de Rosemont aime prendre quelques mots et à m'en faire une nouvelle phrase. J'ai dit que le montant n'était pas une condition pour avoir un accès privilégié, c'est ce que j'ai dit. Point. Et, après, dans une deuxième réponse, j'ai dit que le montant ne servait qu'à défrayer des coûts opérationnels, point. Il n'y a rien d'autre à dire.

• (16 h 50) •

M. Lisée : Donc — j'essaie de suivre, là — ce n'est pas une condition pour avoir un accès privilégié dans l'esprit du ministre, c'est juste une condition pour avoir un accès.

M. Barrette : Pardon?

M. Lisée : Si je ne paie pas, je n'ai pas accès?

M. Barrette : J'invite le député à reposer sa question, là.

M. Lisée : Je peux recommencer si le ministre était distrait. Donc, j'essaie de comprendre la différence qu'il fait entre la condition pour avoir un accès privilégié ou la condition pour avoir un accès. Si je ne paie pas le frais autorisé par le ministre chez le médecin spécialiste, si je dis : Je ne le paie pas, je n'ai pas d'argent, je n'ai pas eu d'augmentation de salaire, ils ont enlevé ma prime, en plus, je ne peux pas le payer, est-ce que j'ai accès aux services du médecin spécialiste?

M. Barrette : C'est au choix du médecin.

M. Lisée : C'est au choix du médecin. Donc, le médecin pourrait choisir de ne pas charger le patient et de lui donner le service?

M. Barrette : Il pourrait choisir de travailler à perte.

M. Lisée : Il pourrait choisir de travailler à perte, O.K., mais vous lui donnez l'autorisation de refuser le patient en lui disant qu'il peut charger le frais accessoire. Vous lui dites : Chargez le frais accessoire si vous le désirez pour rendre le service?

M. Barrette : J'ai donné les explications nécessaires, M. le Président.

M. Lisée : Alors, il ne veut pas répondre là.

Maintenant, je vais poser la question : En quoi le fait de payer le frais accessoire dans la clinique privée et de voir une intervention médicale rapide n'est pas un accès privilégié par rapport à ne pas payer à l'hôpital et avoir le service beaucoup plus tard?

M. Barrette : J'ai répondu à cette question-là.

M. Lisée : Non, je n'ai pas entendu ça. On a parlé de l'accès. Il a dit que ce n'était pas un accès privilégié. Mais là je lui pose la sous-question : En quoi ce n'est pas privilégié d'être soigné plus vite en payant et moins vite sans payer?

M. Barrette : Parce que ce n'est pas le cas.

M. Lisée : Ce n'est pas le cas. En quoi ce n'est pas un privilège d'être soigné plus vite en payant?

M. Barrette : Ce n'est pas le cas.

M. Lisée : Être servi plus vite au restaurant puis être servi beaucoup moins vite, il me semble, c'est un privilège. Est-ce que vous nous dites... J'essaie de comprendre. Est-ce que le ministre dit : Bien, ce n'est pas un privilège, en fait, c'est un achat? Évidemment, c'est vrai. Si je paie, c'est un achat. J'ai acheté un service plus rapide. Donc, je ne suis pas privilégié parce que je l'ai acheté. Je suis juste privilégié parce que j'ai l'argent?

M. Barrette : Ça n'est pas le cas.

M. Lisée : O.K. Alors, qu'est-ce qui est mieux? Être opéré ou avoir une intervention médicale dans deux ans ou dans deux semaines si, médicalement, j'en ai besoin tout de suite?

M. Barrette : Surprenamment, dépendamment de la sévérité, c'est votre choix.

M. Lisée : Oui, mais, si mon choix ce serait de l'avoir dans deux semaines parce que mon médecin m'a dit : L'intervention devrait être le plus vite possible... Alors, deux ans ou deux semaines, qu'est-ce qui est mieux?

M. Barrette : Si c'est le plus vite possible, évidemment, ça doit être un niveau de célérité plus élevé. Et là, à ce moment-là, vous devriez être à l'hôpital, pas à l'extérieur de l'hôpital.

M. Lisée : Alors, oui, très bien, mais, à l'hôpital, ils disent : Bien, peu importe, là, ça va prendre deux ans.

M. Barrette : À l'hôpital, on priorise les cas urgents.

M. Lisée : C'est ça. Mais là je suis allé chez le médecin spécialiste puis il dit : Moi, dans deux semaines, je vais être capable; à l'hôpital, ça va être dans deux ans. Est-ce que le ministre essaie de nous faire croire... Je retire. Est-ce que le ministre tente de faire la démonstration... Parce qu'il n'arrivera pas à nous le faire croire, M. le Président, il n'arrivera pas à nous le faire croire.

Écoutez, là, on est, là, au coeur du sujet de la médecine à deux vitesses. Nous avons tous essayé de faire en sorte qu'il n'y ait qu'une carte quand on va voir le médecin. Et je me souviens de discours enflammés de Jean Charest, qui avait sa carte soleil puis sa carte de crédit pendant la campagne électorale. Il dit : Je ne veux pas me servir de la carte de crédit, je veux juste la carte soleil. Il disait ça, M. Charest. Et puis là c'est vrai qu'il y avait un flou, ça existait, c'était toléré, les frais accessoires, il y avait un recours collectif, il y a des gens qui étaient pour, qui étaient contre. L'ordre des médecins ne savait pas trop quoi faire avec. Puis là on précise.

Et donc le ministre, dans l'histoire de la santé du Québec, il pose un geste fort aujourd'hui, il va préciser. Il aurait pu choisir avec nous d'interdire. Il aurait pu choisir avec la CAQ de ne pas le savoir, de jaser. Mais ce qu'il choisit, c'est de contrôler, normaliser, accepter. Alors donc, c'est la première fois, de façon aussi claire, qu'un gouvernement au Québec va dire : Oui, vous pouvez amener votre carte de crédit pour ce qui est couvert par l'assurance maladie, oui, il va y avoir des cas où je vais autoriser qu'en plus de la carte soleil il va y avoir la carte de crédit.

Et là est-ce que le ministre peut dire sérieusement à moi puis aux gens qui nous écoutent que ceux qui auront les moyens de payer les frais ne seront pas soignés plus rapidement que ceux qui n'ont pas les moyens?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Je peux dire que ceux qui auront les moyens ne seront pas nécessairement traités plus rapidement que d'autres.

M. Lisée : «Ne seront pas nécessairement», qu'est-ce qu'il en tend par cet adverbe «nécessairement»?

M. Barrette : C'est-à-dire, M. le Président, je vais prendre un cas de figure simple, et dans ce cas de figure là... Parce que le député de Rosemont aime les cas de figure, on va en prendre un, et je vais prendre un cas de figure où, dans les deux cas, en clinique supposément privée et à l'hôpital, c'est payé RAMQ. Je peux vous assurer, M. le Président, que, si vous avez une sinusite aujourd'hui, ou une pneumonie, ou les deux parce que souvent ces pathologies-là sont concomitantes chez une personne, et que vous allez à l'urgence avec une prescription qui vient de votre médecin de famille qui est dans un cabinet, et que vous allez à l'urgence pour avoir une radiographie, vous allez peut-être attendre 15 heures, et, si vous allez dans une clinique de radiologie, vous allez attendre probablement 20 minutes parce qu'il n'y a pas d'attente. Pourtant les deux sont publiques, les deux...

M. Lisée : ...

M. Barrette : M. le Président, c'est moi qui ai la parole aux dernières nouvelles, là?

Le Président (M. Tanguay) : Oui, la parole est au ministre.

M. Barrette : Alors, c'est beau prendre des cas hypothétiques, là, pour faire son argumentaire, mais là je viens de prendre un cas public dans les deux cas, et il y en a un des deux qui a un avantage démesuré sur l'autre parce qu'il a choisi d'aller dans un cabinet.

M. Lisée : Très bien. Moi, je pense que le cas, il est beau parce qu'il ne s'applique pas à ce qu'on discute maintenant. Alors je reviens à ma question, parce qu'il n'y a pas de frais supplémentaires dans son cas. Peut-être que j'ai mal suivi, mais... Et dans le temps qu'il me reste, c'est peu de temps... Combien il me reste de temps?

Le Président (M. Tanguay) : 1 min 40 s.

M. Lisée : 1 min 40 s. Écoutez, le ministre a dit... À la question, n'est-ce pas le cas que, si je paie le frais accessoire, je vais être traité plus rapidement que si je ne le paie pas?, il dit : Pas nécessairement, ce qui signifie en creux que pas nécessairement, mais il y aura des cas. Le ministre admet que, dans ce système, il y aura des cas où on sera soigné plus rapidement en payant le frais accessoire qu'en quittant la clinique pour aller à l'hôpital à la place. Oui ou non?

M. Barrette : M. le Président, ce n'est pas le montant d'argent qui permet ça, mais bel et bien le lieu. Comme je l'ai démontré dans l'exemple que je viens de donner, c'est parce qu'on choisit d'aller à l'extérieur de l'hôpital qu'on n'attend pas pour une radiographie du sinus ou des poumons, et c'est gratuit. Plutôt, c'est le lieu qui fait la différence et non le montant d'argent. Et d'ailleurs, je viens de le dire, il n'y en a pas, de montant d'argent dans l'exemple que j'ai donné. Et, dans l'exemple où il y a le montant d'argent, ce n'est pas le montant qui fait la différence, c'est le lieu.

M. Lisée : Vous venez de me dire que, pour la coloscopie, pour la vasectomie, ceux qui ne paieront pas vont être soignés aussi vite que ceux qui paieront.

M. Barrette : C'est possible.

M. Lisée : C'est possible.

M. Barrette : Oui.

M. Lisée : Mais c'est possible que le contraire soit vrai aussi.

M. Barrette : Et même chose que pour le sinus, c'est la même affaire : le lieu a une influence dépendamment des circonstances hospitalières environnantes.

M. Lisée : Ne serait-il pas le cas que, si sa démonstration était avérée, personne ne paierait les frais supplémentaires, tout le monde irait à l'hôpital si ça allait aussi vite que d'aller dans la clinique privée où le médecin, sachant qu'il y a un besoin qui n'est pas comblé ailleurs, va charger des frais supplémentaires plus la marge que le ministre va lui accorder?

M. Barrette : Ce qui est sûr, M. le Président, c'est que, par rapport à aujourd'hui, et ça, c'est assuré, garanti, incontournable, indéniable, ce qui est sûr, là, c'est qu'à partir de ce moment-ci, si le projet de loi est adopté, du moment où le projet de loi est adopté, les gens vont payer beaucoup moins cher que ce qu'ils paient actuellement.

Le Président (M. Tanguay) : Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement du ministre à l'article 25.2? Évidemment, depuis longtemps, notre collègue de Lévis a demandé la parole. Et vous avez compris, collègue, que c'était pour terminer l'échange. Alors, je vous cède la parole, collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président.

(Interruption)

M. Paradis (Lévis) : Qu'est-ce qu'on...

Le Président (M. Tanguay) : Poursuivez. Je vais vous...

M. Paradis (Lévis) : ...

Le Président (M. Tanguay) : Alors, oui. Alors, nous allons suspendre nos travaux, chers collègues, le temps d'aller voter. Alors, nous revenons très bientôt.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues. Donc, avant la suspension, la parole — et il a toujours la parole — était à notre collègue et est toujours à notre collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, je vais reprendre où j'avais laissé. J'étais à «merci, M. le Président», alors je reprends exactement là.

M. le Président, uniquement pour vous dire que depuis le début de l'après-midi qu'on discute de cet élément crucial, les frais accessoires, et là j'ai entendu l'espèce de partie de ping-pong avec des questions sans réponse ou des réponses qui ne satisfaisaient pas une partie ou l'autre partie. Je pense que ça replace dans son contexte et je réinsiste à nouveau. Je pense que, si on se donnait, ou si on s'était donné, ou si on consentait au fait d'entendre des gens qui peuvent également nous donner des réponses à des questions, peut-être que ça éclairerait le débat, ça ferait en sorte que ce sujet-là puisse être traité convenablement, avec toutes les informations que l'on doit recevoir. J'imagine, j'imaginerais très bien et j'imaginais très bien aussi, dans un round de consultation, un gestionnaire de clinique, par exemple, répondre à des questions du député de Rosemont pour faire en sorte qu'on puisse aussi s'avancer davantage, parce qu'on ne peut pas tout savoir. Peut-être certains pensent tout savoir, mais je pense qu'on ne peut pas tout savoir non plus. Je pense que les Québécois doivent aussi avoir droit au chapitre. Ils le demandent, les organismes le demandent, les groupes le demandent, les médecins le demandent, les juristes le demandent. Ça aurait été bienvenu.

Et j'en profite pour dire, donc, que, pour moi, pour nous, c'est un élément crucial. Le député de Rosemont tout à l'heure a exprimé sa stupéfaction à notre décision de continuer à réclamer des consultations publiques, ce que je fais à nouveau, je ne sais pas si ça lui déplaira. C'est un sujet important. Je pense que c'est important. Et partageons nos peines tant qu'à y être, M. le Président. Moi, je me désole du fait que le député de Rosemont et les députés d'opposition n'aient pas consenti au fait qu'on puisse éclairer davantage les débats et faire en sorte de donner la parole à ceux et celles pour qui on travaille ici. D'ailleurs, les députés et les collègues de l'opposition l'ont dit à maintes reprises, me semble-t-il, nous travaillons pour les patients, pour les citoyens, on s'adresse à eux. Ils ont droit de dire des choses. Eux aussi veulent être entendus dans un document comme celui-là. Alors, je me désole du fait qu'on n'ait pas poussé, qu'on n'ait pas consenti à cette consultation particulière et, si le député de Rosemont se peinait et faisait état de cohérence ou d'incohérence dans une position, bien je lui rappellerai qu'en fait de cohérence le député de Rosemont n'a pas vraiment de leçons à donner à personne. D'ailleurs, j'en ferai la distribution, M. le Président. Dans la plateforme électorale du Parti québécois 2014, au point 24, leur position était la suivante, et je lis noir sur blanc : «Doter le système de santé de balises claires afin de protéger l'accès aux services et d'encadrer les frais accessoires abusifs.» Alors, ça, c'était leur position il n'y a pas bien, bien longtemps. Peut-être que le député dira : On évolue. Bien sûr, bien oui, il faut évoluer dans la vie, et je vous salue. Je pense que de l'évolution, il y en a là, puis il y en a d'autres à avoir également, je pense, aussi dans les réflexions et les commentaires.

Ceci dit, rappelons un autre élément en termes de cohérence pour l'accès aux soins de santé. Je pense que le Parti québécois a un dogme contre les ententes entre les hôpitaux et les cliniques, je pense que c'est assez clair, les ententes entre les hôpitaux et les cliniques pour favoriser l'accès aux chirurgies. Prenons un exemple très, très, très récent dans l'actualité, RocklandMD, par exemple, avec l'Hôpital Sacré-Coeur. Ils sont contre. Ils ont dit qu'ils étaient contre parce qu'il y a le mot probablement «privé» après le mot «clinique». Mais on sait que, dans ce cas-là, le patient n'utilise pas sa carte de guichet. Ils sont contre, même si ça a été démontré — puis on a demandé des documents là-dessus — que les coûts sont moins élevés pour l'État et pour les contribuables et que ça diminuait les listes d'attente. D'ailleurs, leur chef a même envisagé de faire de la place au privé avant d'être rappelé à l'ordre par son caucus, faut-il le rappeler également? Il doit le savoir, parce qu'il doit être au caucus également.

Ceci dit, j'ose encore demander aux députés de l'opposition et au gouvernement de faire en sorte qu'en raison du débat et des nombreuses questions qui demeurent sans réponse il serait bienvenu de faire en sorte qu'on puisse encore une fois, je le demande, avoir la possibilité d'entendre ceux et celles qui, dans ce dossier-là aussi important, puissent être entendus et faire en sorte qu'on puisse aussi avancer dans nos dossiers et prendre les décisions, les bonnes décisions, les décisions qui s'imposent. À ce chapitre-là, je continuerai à réclamer et à demander des consultations du genre à ce moment-ci.

D'ailleurs, M. le Président, avant de vous rendre la parole, bien, j'ai envie... je dépose le document en question, histoire de rafraîchir la mémoire à tout le monde. Ça fait partie de la plateforme électorale du Parti québécois, là. Je le dépose. Merci, M. le Président.

Document déposé

Le Président (M. Tanguay) : Alors, c'est déposé. M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai pas de commentaire supplémentaire à faire, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : ...simplement comme j'ai été interpellé. Oui, effectivement, la position du PQ a évolué. Avec le député de Saint-Jérôme à notre tête, on est nettement plus sociodémocrates et maintenant on demande l'abolition des frais accessoires, d'autant que la rémunération des médecins, depuis l'écriture de ce programme, a beaucoup augmenté et justifie totalement... Alors, un débat de société que la CAQ demande, elle peut bien le demander, c'est légitime, mais nous, on pense que la société québécoise veut un régime de santé gratuit et universel. Et donc c'est le temps de dire non aux frais accessoires, pas de demander des délais supplémentaires.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Peut-être pour préciser effectivement au collègue de Lévis, j'avais annoncé — pas verbalement, mais avec la gestuelle — au collègue de Rosemont un peu plus tôt qu'il lui restait cinq secondes. Mais, après vérification, on a corrigé cette erreur, il lui restait bel et bien 30 secondes, et ça avait été communiqué avant la pause de tout à l'heure.

Y a-t-il d'autres interventions? Collègue de Richelieu, la parole est à vous.

• (17 h 30) •

M. Rochon : Contrairement à ce qu'a opiné mon collègue de la deuxième opposition, on ne s'objecte pas à entendre l'avis d'experts, d'inviter des gens à cette commission. On ne s'y objecte tellement pas que je vais à nouveau, moi, inviter, par le truchement d'un texte qu'il a commis, le Dr Vadeboncoeur. J'ai senti que le ministre aimait ça quand je citais le Dr Vadeboncoeur.

Alors, il écrivait, sentant venir ce qui allait arriver, ce qui arrive effectivement, le 25 juin dernier : «Le cheminement du ministre est surprenant : dans un premier temps, il souhaite interdire que des frais supplémentaires soient réclamés dans le cadre de tout service assuré par la couverture publique de la RAMQ, comme on peut le voir dans un document qui circule — un document présenté comme un projet d'amendement à venir pour le projet de loi n° 20.

«Si on croit y lire un durcissement de la position traditionnellement mitigée des ministres de la Santé sur la question, ce n'est pourtant qu'une apparence. Parce qu'il y a un piège, prévient Dr Vadeboncoeur. Le ministre élargit en effet la définition des frais proscrits, qui comprendraient dorénavant le fonctionnement du cabinet privé, les services eux-mêmes, les fournitures, les équipements et les tests diagnostiques effectués. Il interdit également l'accès plus rapide contre paiement. En théorie, pour ceux qui luttent contre les frais accessoires, c'est presque du bonbon.

«Mais il ne faut pas se réjouir au point d'oublier des propos du ministre, qui semblent aller exactement dans le sens tout à fait contraire, soit de permettre officiellement — "officiellement" — aux médecins d'exiger des frais accessoires[...].

«Dorénavant, le ministre choisirait donc par règlement d'autoriser ce qu'il veut bien, décrétant que tel ou tel paiement est justifiable. [...]pourquoi toute cette gymnastique?

«D'après les juristes consultés, c'est qu'il élargit le champ d'application des frais potentiels — et qu'en interdisant davantage il pourrait, dans un second temps, autoriser plus largement! C'est grave, parce que, sous cette apparente restriction des frais, on voit apparaître les germes de leur expansion.»

Bien, je reprends la question du Dr Vadeboncoeur — vous voyez, collègues je l'invite au débat : Pourquoi toute cette gymnastique, M. le ministre?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : La réponse est simple, M. le Président, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises : Éliminer ce qui est illégal et faire disparaître les abus.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Alors, dernier paragraphe de l'amendement, là, soumis par le ministre : «Malgré les interdictions énoncées aux neuvième et onzième alinéas, le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquels un paiement est autorisé.»

Le ministre peut-il revenir sur ces cas et ces conditions? Parce que, visiblement, hein, tout est là.

M. Barrette : J'ai déjà répondu à la question, M. le Président. Je vais répéter, le député de Richelieu a dû l'oublier, ce sera entre aucun et le nombre de ce qui existe. Point.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Ce sera entre?

M. Barrette : Aucun et le nombre qui existe actuellement.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Le ministre a mis un comité tripartite sur la question du prix de ces frais accessoires. Je lui ai posé tantôt, dans l'étude de l'amendement précédent, là, qu'il a boudé, la question de savoir si ce comité tripartite s'était déjà rencontré. Daignera-t-il, cette fois, m'en informer?

M. Barrette : Non.

Des voix : ...

M. Barrette : Non, il ne s'est pas réuni.

M. Rochon : Ah! il ne s'est pas réuni. Je pensais qu'il ne daignait pas m'en informer, là. Je me demandais quel était l'objet de la réponse qui ne viendrait pas. Il n'a pas voulu intégrer à ce comité des représentants des patients. Est-ce qu'il chemine sur cette question-là ou il continue à croire que des patients, des représentants des patients, ne doivent pas être intégrés au comité fixant le prix des frais accessoires?

M. Barrette : M. le Président, c'est une évaluation indépendante de coûts, alors je pense que seulement les gens qui ont l'expertise là-dedans doivent participer au comité.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Ma collègue de Duplessis va poursuivre.

Le Président (M. Tanguay) : Pardon. Collègue de Duplessis, la parole est à vous.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Là, on se comprend mieux. On comprend plus les orientations du ministre à ce moment-ci. Le ministre est contre l'abolition de toute forme de frais accessoires qui étaient chargés par des médecins en cabinet privé. Là, au moins, c'est très, très clair. Je ne me trompe pas, M. le Président? J'aimerais juste savoir de la part du ministre si je me trompe ou pas.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : C'est clair. En fait, M. le Président, je vais préciser ma réponse. J'ai dit clairement que ce serait entre zéro — donc, c'est potentiellement zéro — et le nombre de cas et situations qui existent aujourd'hui. Ça pourrait être zéro. Donc, je ne suis pas contre, je dis simplement qu'on met en place, on normalise une situation en enlevant les abus, M. le Président, et les illégalités.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis.

Mme Richard : M. le Président, je vais dire comme un de mes collègues disait, on va appeler un chat un chat, mais on va dire les vraies choses... pas dire qu'il est contre. «Entre zéro puis le nombre de cas.» Le nombre de cas de combien? Puis de combien il y a une marge?

Et je vous donne un exemple, puis les collègues en ont parlé abondamment : 400 $ pour un analgésique lors d'une coloscopie, 200 $ pour des gouttes ophtalmiques, bon, on en a parlé longtemps, 140 $ pour une injection lors d'une vasectomie. Bon. Puis ça va être entre zéro puis, après, bien là, ça, on verra. Ce n'est pas notre position, là. Nous, on avait dit : Il faut les éliminer complètement.

Quand le ministre nous disait tout le temps : On va discuter à l'article... Lui, il voulait en discuter à l'article 24.2 : On va rediscuter des frais accessoires à cet article quand nous y reviendrons. Parce qu'il ne voulait pas discuter sur l'amendement qu'on avait déposé. Bon. Moi, j'avais bien hâte de voir, M. le Président, qu'est-ce que le ministre avait à nous proposer. Je ne suis pas plus rassurée à ce moment-ci. Il n'y aura pas d'élimination complète, comme nous le demandions, des frais accessoires. Bon, ça, c'est le ministre. Le ministre a décidé qu'il en était autrement. Il n'est pas d'accord avec notre position.

Par contre, à ce moment-ci, moi, je... Puis, je vous l'avais dit, c'est difficile quand on ne connaît pas qu'est-ce qu'il y aura pour la suite des choses. Ça va être entre zéro... Mais zéro et quoi? Est-ce que pour lui... On va dire 200 $, des gouttes oculaires, là, quand on va rencontrer un ophtalmologiste en cabinet privé puis qu'on a besoin de gouttes oculaires. Il peut nous charger jusqu'à 200 $. Il prend un petit flacon puis il vous... Il ne vous envoie pas tout le flacon au complet dans vos deux yeux, là, hein? Quelques gouttes à la fois. Puis ça dépend des examens qu'il fait à ce moment-là. Il charge quand même 200 $, puis il en reste dans la petite bouteille. La petite bouteille, on va la placer à 15 $. Je suis convaincue qu'elle ne vaut pas ça. Est-ce que ce genre de frais, M. le Président, va être complètement aboli? Ou d'autres... Bon. Un analgésique lors d'une coloscopie. Disons que 400 $, c'était exagéré. Là, le ministre pourrait dire : Ce genre de frais là... Parce que l'analgésique, si ma mémoire est bonne puis si j'ai bien écouté, ça faisait partie de certaines balises qu'on avait mises lorsqu'on a passé la Loi sur l'assurance maladie. Je ne me trompe pas jusqu'à présent? Mais, au cours du temps, les montants ont exagéré, hein? Les écarts... Il y en avait des plus gourmands que d'autres.

Est-ce que, genre, pour le 200 $ pour l'analgésique pour une coloscopie, à ce moment-là le ministre pourrait dire : Bien là, on va le placer à moins, je ne sais pas, moi, 150 $, 200 $, mais que, pour les gouttes, les pansements, l'azote liquide, ça, il va les éliminer complètement? Moi, je ne le sais pas, là. Je lui pose la question. Parce qu'entre zéro, puis du cas par cas, puis on verra, là, ça peut nous amener dans une autre dérive.

M. Barrette : J'ai déjà tout expliqué ça, M. le Président.

• (17 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Duplessis.

Mme Richard : Bien, si le ministre a expliqué ça, moi, j'aimerais qu'il me le réexplique à nouveau, parce que j'ai dû en perdre un grand bout. Il a expliqué que, oui, ça allait être zéro dans certains cas. Il n'a pas dit : Ça va être zéro. Ça va être zéro, mais il y a certains cas. Et c'est dans ces certains cas que je voudrais comprendre. Parce que ce n'est pas vrai, M. le Président, que le ministre, avec représentants, représentantes de la FMOQ, fédération québécoise des médecins spécialistes, fédération québécoise des médecins omnis puis une personne indépendante qu'on ne sait pas... On ne sait pas qui va être cette personne ni de quel milieu elle va provenir. Puis le ministre, avec quelques personnes de son entourage, mais pas, là... Parce qu'il en a parlé. Il en a parlé ouvertement, publiquement, il n'a pas l'intention de participer, d'entamer des discussions avec un comité, puis qu'il ne sait pas, là, d'avance qu'est-ce qu'il va mettre sur la table ou pas.

Comme le très bon négociateur qu'il a été par le passé et qu'il est encore maintenant pour... Parce qu'il faut avoir des habilités, hein? Ça, là, ça va avec votre profil. Il faut avoir certaines habilités. Puis ça, le ministre, il les a, M. le Président. C'est un très bon négociateur. Puis, quand vous êtes un très bon négociateur, vous savez, vous êtes... Hein? Il y a des avocats qui le sont. Ils sont embauchés par certaines, même, compagnies extrêmement importantes. Quand ils ont des conflits, ils disent : On va aller chercher telle personne, il a négocié, puis je te dis que ce que... ce qu'il a réussi à obtenir, disons — parce que je fais attention à mes mots — ce qu'il a réussi à obtenir, c'est excellent. Ça fait qu'il faut lui donner ça au ministre, il est très bon négociateur. Ça fait qu'il ne peut pas s'en aller sur un comité que lui-même il a songé à la mise sur pied de ce comité sans savoir, sans savoir : Ça va-tu aller des simples gouttes à l'azote liquide quand ils vous enlèvent soit une petite verrue ou soit une décoloration de la peau, hein? Bon. Ou elle peut servir pour bien d'autres choses : sur un analgésique... Il a une idée de ce qu'il va charger, il a une idée du barème que... Ça, il va dire : Je vais mettre zéro. C'est-u ce que c'est qui est le plus souvent utilisé dans un cabinet de médecin puis pour lequel il y a vraiment une dérive parce que là, là, ce n'est vraiment pas au prix coûtant puis c'est plus que ce que normalement ça vous permettrait, hein?

À un moment donné, il a parlé de 10 %, 15 %. C'est-u 10 %, 15 % de l'ensemble de certains frais? Est-ce que... Parce que je suis... Bien, je dis «est-ce que». Je dis «est-ce que» puis je suis sûre qu'il le sait, lui. Présentement, le ministre, le ministère doit avoir certainement, M. le Président, une très, très bonne idée de ce qui est chargé aux patients dans des cabinets privés, sur les interventions qui y sont pratiquées. Quel cabinet de médecin est plus problématique? Lequel s'enrichit le plus? Il a toutes ces données-là, là, ça, j'en suis convaincue.

Ça fait qu'en ayant toutes ces données-là, M. le Président, puis en ayant déjà parlé du comité qu'il veut mettre en place pour en discuter, il a une idée, là. Ça ne peut pas juste être zéro, puis après on verra. C'est à peu près ça, parce qu'il ne me dit pas : Entre zéro et 15 %, entre zéro et 10 %. Il ne me le dit pas. Là, s'il me dit qu'il a déjà répondu, là, bien je vais demander du temps, moi, je vais faire arrêter la commission, demander du temps pour qu'on sorte le verbatim, parce que là, ça, je ne l'ai pas entendu, entre zéro et quoi.

Puis est-ce, M. le... Puis là j'espère qu'il m'écoute bien, là, j'espère qu'il m'écoute bien pour bien me répondre. Entre zéro et quoi? Et sur quoi? Est-ce que ça va juste être sur des... je n'appellerai pas ça des peccadilles, mais, mettons, sur les gouttes, sur les gazes, certaines choses qui servent dans les cabinets privés. Ça, est-ce qu'il pourrait dire : Ça, là, coudon, on va les éliminer? 7 $, 8 $, mettons-les à 15 $, hein, le petit flacon de gouttes ophtalmiques, ça ne vaut pas la peine de déchirer notre chemise là-dessus. Puis ça, ça serait un bon coup, là. Ça, on pourrait les éliminer complètement. Les petites gouttes ophtalmiques, mes chers concitoyens, concitoyennes, vous n'aurez plus à les payer. Il m'a-tu dit ça en quelque part, dans une réponse, M. le Président? Non. Il ne m'a pas répondu ça. Il m'a-tu répondu... Puis pourtant, là, je pense que j'ai le mérite d'être assez claire. Moi, je suis très terre à terre, hein? J'ai le mérite d'être assez claire la plupart du temps. Les gens peuvent être en désaccord ou en accord avec mes propos, mais ils ne diront pas : On ne vous a pas compris. Ça, là, je ne me le fais pas dire souvent. Je ne me fais pas dire ça souvent, ça fait que c'est sûr, M. le Président, qu'il a très bien compris où ce que je veux aller.

Peut-être que lui, il ne veut pas me répondre. Bien, qu'il ne me dise pas qu'il ne m'a pas répondu. Sur quoi va-t-il jouer? Sur les fameux frais accessoires dont lui, il dispose de beaucoup plus données que nous, du côté de l'opposition, et que, nous, c'est clair, on les abolit. Puis après, M. le Président, si le ministre, il veut discuter avec son comité puis ne pas trop être dans une position de négociateur avec les médecins spécialistes puis les omnis, bien là, il s'emmène quelqu'un d'indépendant puis il dit, là : Vous, là, vous allez être indépendant; nous autres, on va discuter. Puis là il dira à ses chers spécialistes puis à ses chers omnis... Parce que, là, c'est sûr qu'on a négocié, mais, lors de la négociation, je vous en ai donné pas mal beaucoup, hein, pas mal beaucoup que c'est l'État québécois qui paie, mes chers amis. Puis savez-vous quoi? J'ai appris que l'État québécois, là, il n'y avait pas juste moi qui avait mon mot à dire. C'étaient ceux et celles qui paient. Puis, savez-vous quoi, mes chers amis? Ceux et celles qui paient, bien, ils sont tannés de payer dans vos cliniques. Ils sont tannés que toi, tu aies de l'empathie, toi, tu dises à une personne : Je ne vous chargerai pas ça, vous n'avez pas les moyens, puis que l'autre voisin, un petit peu loin, là, qui est son collègue, hein, dise : Ça, là, vous n'avez pas d'argent, on ne la fait pas, là, on ne la fait pas votre vasectomie. Je suis sûre, même, que, dans certains cabinets... puis je suis sûre que c'est presque dans la totalité des cabinets, ils doivent demander la carte de crédit avant de procéder à la vasectomie. Je suis sûre. Sinon, écoute, ta vasectomie serait faite, tu dirais : Je m'en vais chez nous, salut, bye-bye, et je ne te paie plus, hein? Ils ne vous rappelleront pas pour vous rendre fertile à nouveau, n'est-ce pas?

Ça peut paraître bien, bien, bien comique, ces propos, M. le Président, que je tiens, mais je vous garantis, je vous garantis que, pour certains... Puis dans le contexte... Puis là il va dire que je passe du coq à l'âne, hein? Je ne passe pas du coq à l'âne, pas du tout. Dans le contexte économique qu'on vit présentement, là... Je vais faire un parallèle. Juste à Havre-Saint-Pierre, M. le Président, le groupe Rio Tinto, QIT-Fer et Titane, a mis du monde à pied. Ceux qu'ils ont conservés au travail vont faire six mois par année. On n'a pas de CHUM, puis de CHUQ, puis de Sainte-Justine, puis j'en passe, à Havre-Saint-Pierre. On a un petit établissement, puis, en plus, il fait partie d'un CISSS. Ça fait que vous imaginez qu'on ne pratique plus grand-chose dans un petit établissement. Ça fait que les personnes, M. le Président...

Puis vous allez voir que je m'y rattache. Je me rattache tout le temps. Moi, je ne perds pas mon objectif de vue puis je n'essaie pas de dissoudre mes propos pour que, hein, les gens ne me suivent pas. Ça peut être long, mais je vous garantis qu'à la fin ils ne me posent plus de questions parce qu'ils ont compris.

Imaginez-vous un jeune homme de Havre-Saint-Pierre, puis surtout à la condition de ne pas avoir l'intention de fonder une famille, hein, sûrement pas. S'il est chanceux, il va peut-être avoir, dans les délais requis pour lui, pour sa condition, une vasectomie à Sept-Îles. C'est des coûts, tout ça, hein? Peut-être. Sinon, il va venir à Québec. Moi, je connais quelqu'un personnellement qui est venu à Québec il n'y a pas longtemps. Il a perdu une journée de travail, il a couché à l'hôtel, plus ses repas, puis qu'est-ce qu'ils lui ont chargé, déjà? 140 $ pour une injection. Ça fait cher, l'injection, en maudit. J'espère qu'il l'a injecté dans le bon site. Ça fait cher. Ça, c'est sans compter ses autres dépenses.

Puis là on parle de ça, là, puis le ministre, là, il n'est pas capable de me dire si le patient en question, là, s'il y a un de ses amis qui veut se faire faire une vasectomie, s'il va payer le 140 $ pour ladite injection. Puis, des fois, il dit qu'on n'est pas cohérents de ce côté-ci. Je pense qu'on est très cohérents de ce côté-ci, M. le Président, très cohérents. Puis ce n'est pas parce qu'il ne le sait pas parce que, là, ça montrerait qu'il improvise totalement. Malgré que, des fois, ça lui arrive. Dans ce cas-ci, je ne pense pas que ce soit improvisé. C'est planifié, voulu, puis je rajouterais un mot, mais il serait antiparlementaire, ça fait que je ne le ferai pas à ce moment-ci parce qu'il va prendre cinq minutes pour m'interrompre. Puis je vais lui en laisser, du temps, là, je vais lui laisser cinq minutes pour me répondre. De toute façon, il n'en aura pas besoin. Je vais être chanceuse s'il profite du cinq minutes que je lui laisse pour me répondre.

Mais tout ça, M. le Président, là, peut faire sourire certaines personnes, là. Ça peut faire sourire certaines personnes. Sur la Côte-Nord, là, c'est comme un petit peu partout au Québec, hein? C'est l'austérité. Ça fait que les ressources naturelles, là, qui enrichissaient le Québec tout entier, là... S'ils avaient pu amener le projet hydroélectrique de la rivière Romaine à Québec ou à Montréal... Ils ne l'auraient pas voulu sur le Plateau à cause des dommages, mais, si ça avait été pour le cash, ils l'auraient amené. Bien, le reste, là, on ne l'a pas.

On se déplace, M. le Président, régulièrement dans ma région pour des services médicaux, et médicalement requis dans les délais, là, en passant. Parce que, je ne sais pas, là, quand tu as été voir ton médecin, puis que tes examens ne sont pas très bons, là, puis qu'il te dit : Je pense que tu dois passer un scan, là... Je vais dire comme mon collègue de Rosemont, il y a des fois que tu n'as pas certaines fortunes, comme, je ne nommerai pas, des grandes familles du Québec, mais tu économises puis tu dis : Quitte à le mettre sur la carte de crédit, puis je ne sais pas s'ils vont me charger de l'intérêt si je ne paie pas à la fin du mois, mais je vais y aller, passer ma résonance magnétique au plus vite parce que ça risque de prendre trois, quatre mois chez nous. Les gens, ils paient, M. le Président. Ils paient à travers leurs impôts puis leurs taxes puis ils paient, M. le Président, aussi pour se déplacer pour avoir des services médicaux.

Ça fait que je vais laisser le temps au ministre de me répondre. Qu'il me dise... Les frais accessoires, en passant, là, c'est un melting-pot de tout : ça va de la goutte, à l'injection, à la gaze, à tout ce... Il le dit lui-même, là, ça n'a pas de bon sens, ce qui se passait. Puis là il a décidé de s'y attarder. Mais moi, je veux qu'il soit clair. Qu'il ne dise pas qu'il les élimine une partie puis que c'est zéro. Ça ne sera jamais — je suis convaincue de ça, M. le Président — zéro. C'est impossible, pas d'après les propos que j'ai entendus de la part du ministre. Ça va être peut-être le prix coûtant de la petite mautadite bouteille de gouttes ophtalmiques. Peut-être que là il va dire : Ça, je n'y touche pas. Aïe! Là, c'était extravagant pas mal, passer de 7 $ peut-être bien à 50 $ pour te placer deux gouttes dans les yeux. C'est de valeur que l'ophtalmologiste ne puisse pas te le faire par fax, tu irais à la pharmacie puis tu paierais moins cher que lui, il te la charge dans la clinique. C'est ça.

Moi, je veux juste qu'il me donne quelques exemples, puis on ne lâchera pas la bataille de ce côté-ci, là, parce que les gens, là, M. le Président, les gens, M. et Mme Tout-le-monde, tu sais, quand vous êtes mal pris, puis tout ça, là, vous dites : Je vais payer, bien là, là, ils commencent à trouver que ça suffit de payer pour rien.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Barrette : Rien à rajouter, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Ça peut être badrant, M. le Président, d'appartenir à un régime fédéral parce qu'à l'intérieur de ce régime on n'est pas libres de ses choix. Le Québec n'est pas libre de ses choix. Et, le sachant, Me Jean-Pierre Ménard a écrit à l'homologue fédérale du ministre québécois de la Santé, l'honorable Rona Ambrose : «Tant la situation actuelle en matière de frais accessoires au Québec que l'orientation prise par le gouvernement [...] actuel face à cette problématique contreviennent directement — écrit Me Ménard à votre homologue fédérale, M. le ministre — au critère d'accessibilité énoncé à l'article 7 de la Loi canadienne sur la santé. En conséquence, nous sollicitons votre intervention pour :

«Faire cesser immédiatement la pratique de facturation des frais accessoires dans les cliniques privées du Québec;

«[Pour] mettre immédiatement en branle les processus vous permettant ultérieurement de retenir des sommes dues au titre de la contribution fédérale en vertu de la Loi canadienne sur la santé, tant que le gouvernement du Québec n'aura pas purement et simplement interdit la facturation des frais accessoires qui sont actuellement imposés aux Québécois.

«Nous vous présentons, dans un premier temps, les fondements juridiques de notre demande. Par la suite, nous vous expliquerons plus en détail la situation actuelle au Québec.»

Et, en conclusion, l'intervention que demande Me Ménard à l'homologue fédérale du ministre, parce que, dans ce régime, le Québec n'est pas libre de ses choix, n'est-ce pas, alors : «Nous vous demandons en outre d'intervenir et d'aviser sans délai le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, le docteur Gaétan Barrette, que vous n'accepterez pas qu'il se contente d'encadrer les frais accessoires, comme il projette de le faire et qu'un tel projet contrevient directement à la Loi canadienne sur la santé et justifie la mise en oeuvre des mécanismes permettant de retenir les contributions dues au Québec. Vu l'adoption imminente des amendements à la Loi sur l'assurance maladie, votre intervention doit se faire dans les prochains jours. Il ne faut pas attendre après le 19 octobre 2015 pour intervenir car la loi québécoise sera déjà adoptée.»

Me Ménard poursuit dans sa lettre à Mme Ambrose : «Votre gouvernement partage la même responsabilité que le gouvernement du Québec à l'égard des frais accessoires. Vous devez être bien consciente que l'inaction de votre gouvernement engage directement sa responsabilité légale envers les patients de tout le Canada. Nous vous invitons à agir sans délai pour éviter que les tribunaux ne soient appelés à vous forcer à assumer vos responsabilités. Vous devez agir et intervenir pour protéger les patients québécois et, par ricochet, tous les patients canadiens contre la pratique des frais accessoires qui est en voie de miner les fondements du régime canadien de santé.»

Alors, voilà pour la lettre de Me Jean-Pierre Ménard à la ministre Rona Ambrose, ministre de la Santé du Canada, ayant pour objet l'imposition de frais accessoires aux patients québécois.

M. le Président, j'aimerais savoir du ministre s'il a requis et reçu des avis juridiques confirmant que son projet ne va pas à l'encontre de la Loi canadienne sur la santé.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je n'ai pas requis d'avis juridique.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Vous n'en avez pas requis, mais je présume que le contentieux du ministère a examiné cette question-là. Ce serait irresponsable de ne pas l'examiner. Qu'est-ce que cet examen a donné? Qu'est-ce que le Comité de législation en dit? Est-ce que le ministre peut nous éclairer là-dessus?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Nous sommes d'avis... Le contentieux est d'avis que nous pouvons aller de l'avant.

M. Rochon : Donc, vous avez un avis vous permettant de croire que vous pouvez aller de l'avant sans que ce soit contesté en vertu de la loi canadienne?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : J'ai déjà répondu à ça.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi le ministre s'enferme dans cette volonté d'encadrer plutôt que d'interdire les frais accessoires. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de difficultés. Beaucoup de difficultés aussi à comprendre pourquoi il n'a pas daigné participer au débat qui a eu cours sur l'amendement proposé par ma collègue de Taillon, qu'il a été complètement muet, qu'il nous a fait perdre du temps. Il regrette... Il nous impute le temps que nous mettons à étudier les articles. Il aurait pu s'exprimer pendant que nous examinions le texte de ma collègue de Taillon. Bien non. Il s'y est refusé, préférant revenir avec son propre amendement, reprenant un amendement antérieur et nous ramenant exactement au même point, c'est-à-dire cette obstination à encadrer plutôt qu'interdire les frais accessoires.

M. Barrette : M. le Président, je n'ai pas de commentaire supplémentaire à faire. Le député de Richelieu nous fait des commentaires de nature plutôt éditoriale.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Richelieu.

M. Rochon : Comment pouvez-vous, M. le ministre, être insensible à la position que j'ai reprise tout à l'heure du Dr Vadeboncoeur — et il s'inscrit dans une liste d'intervenants qui ont dit la même chose — qui estime qu'on pourrait très bien ne pas charger une partie, puisse-t-elle être microscopique, des actuels frais accessoires et plutôt opérer à même le budget déjà dédié à l'exercice médical? Comment pouvez-vous rester insensible à cette opinion?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, les gens qui s'expriment publiquement ont le droit de le faire. Je n'ai pas à prendre tous les commentateurs qui s'opposent à moi en considération, là.

Le Président (M. Tanguay) : ...de Richelieu.

M. Rochon : Les Québécois ont assisté, au cours des dernières heures, au spectacle d'un... «Spectacle» n'est peut-être pas le bon terme. Je me corrige avant que vous ne me corrigiez vous-même, M. le Président. Alors : Ont assisté à la démonstration d'un ministre qui s'enferme dans une position dont il ne sort pas d'un seul iota, là. Il donne le sentiment, hein, il veut donner le sentiment d'interdire les frais accessoires, mais les encadre plutôt et se garde la possibilité, par règlement, de les permettre. C'est notre compréhension.

Le Président (M. Tanguay) : En terminant.

M. Rochon : Et je ne vois pas comment quelqu'un pourrait en avoir une différente, quelqu'un qui a assisté attentivement à nos débats.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, chers collègues. Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux. Merci.

(Fin de la séance à 18 heures)

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