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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 25 février 2016 - Vol. 44 N° 97

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d’assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d’appel d’offres


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Table des matières

Auditions (suite)

Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Gaétan Barrette

M. Jean-François Lisée

M. François Paradis

M. Amir Khadir

*          M. François Paradis, APES

*          Mme Linda Vaillant, idem

*          M. Stéphane Forget, FCCQ

*          M. Claude Longpré, idem

*          M. Christian Blouin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Douze heures)

Le Président (M. Tanguay) : Oui, alors, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, le déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous allons entendre ce matin, dans un premier temps, les représentants et représentantes de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, suivis de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Avant de leur céder la parole, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour terminer nos travaux à 13 h 30. Il y a consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Tanguay) : Il y a consentement. Alors, sans plus tarder, bienvenue à votre Assemblée nationale, représentantes, représentants de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour des fins d'enregistrement, s'il vous plaît, bien prendre le temps de vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, donc, la parole est à vous.

Association des pharmaciens des établissements
de santé du Québec (APES)

M. Paradis (François) : Merci, M. le Président. Mon nom est François Paradis, président de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Linda Vaillant, qui est directrice générale de notre association.

Alors, M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, distingués parlementaires, l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec vous remercie de lui donner l'occasion, l'opportunité d'émettre des commentaires sur le projet de loi n° 81. Et en fait nous, on est ici aujourd'hui, fiers de l'expérience de plusieurs décennies, je dirais, dans la gestion des appels d'offres en établissement de santé, puisqu'en fait on peut remonter aux années 60, 70, où l'on voit apparaître les premiers regroupements d'achats dans le réseau. Et, depuis le début, on a, comme pharmaciens d'établissement, été impliqués de très près dans les processus d'appel d'offres, et c'est cette collaboration-là, d'ailleurs, je vous dirais, avec les groupes d'achats qui fait en sorte qu'au fil des années on a réussi à atteindre les objectifs qu'on recherchait, c'est-à-dire optimiser, oui, les coûts de médicaments, mais s'assurer aussi de la disponibilité de médicaments qui soient sûrs et efficaces.

Évidemment, pour nous, bien, l'idée, c'est un peu de vous montrer les avantages et les inconvénients, tel qu'on les a vécus au fil des années, des appels d'offres en établissement de santé.

Alors, le premier avantage, évidemment, qui vient à l'esprit de tout le monde, c'est l'opportunité d'avoir des prix concurrentiels. Et là-dessus je peux vous dire que l'expérience qu'on a en établissement de santé, elle est très concluante à cet égard-là. En fait, si on compare le prix de certains médicaments, les prix qui sont payés dans le réseau de la santé versus les prix qui sont payés par le régime général, on peut parfois parler même de prix très concurrentiels et avec des écarts qui sont assez importants.

Cela dit, on répète encore, mais il faut toujours s'en souvenir, il faut toujours mettre en place des balises, des mécanismes qui vont faire en sorte qu'au-delà du prix on pourra s'assurer qu'on ait mis en place des critères de qualité.

Évidemment, parmi les autres avantages, il faut nommer le fait que, quand on va en appel d'offres, on a l'opportunité d'imposer des obligations aux fabricants. Alors, on peut définir un certain nombre de balises qui vont nous permettre d'obtenir un approvisionnement uniforme sur l'ensemble du territoire au meilleur prix et pour une période déterminée. Évidemment, bien, quand on parle d'obligations, ça doit être assorti de pénalités pour s'assurer que, dans l'éventualité où un fournisseur désigné ferait défaut à ses obligations, eh bien, qu'on puisse imposer des pénalités dans cette situation-là.

Par ailleurs, il y a des risques dans les processus d'appel d'offres. Le premier risque qui vient en tête, évidemment, c'est le danger de provoquer des ruptures d'approvisionnement. Évidemment, les ruptures d'approvisionnement, c'est un phénomène complexe. Il y a plusieurs éléments qui peuvent y contribuer, mais on ne peut pas nier que le fait d'aller en appel d'offres peut contribuer à engendrer des ruptures d'approvisionnement. Pourquoi? Bien, en réduisant la concurrence, on réduit le nombre de joueurs sur le marché, on concentre le marché, donc, évidemment, on se fragilise à cet égard-là.

L'exemple qu'on peut donner, nous, on réfère à ce qu'on a appelé la crise Sandoz en 2012, où le fournisseur Sandoz avait obtenu les contrats pour plusieurs médicaments injectables, plusieurs médicaments essentiels en établissement de santé, et le fait que ce fabricant-là vienne en rupture, ça a causé d'énormes problèmes dans le réseau. Il a fallu substituer des médicaments, trouver des alternatives, ça a été très compliqué. Juste vous rappeler, actuellement, on compte à peu près 800 ruptures d'approvisionnement encore, donc c'est un phénomène qui ne s'améliore pas au fil des années.

Cela dit, encore une fois, de par l'expérience qu'on a développée, on a trouvé des façons un peu de mitiger l'impact de ces ruptures-là. Deux exemples : par exemple, aller en double adjudication, c'est-à-dire autoriser deux fournisseurs plutôt qu'un seul pour une même molécule; l'autre élément aussi qu'on peut mettre en place, c'est une saine gestion des inventaires pour s'assurer qu'on sera capables éventuellement, en tenant des inventaires suffisants, tant au niveau des grossistes que des pharmacies, pour faire face à l'éventualité des ruptures.

Autre inconvénient, l'érosion de l'arsenal thérapeutique. Évidemment, bien, nous, on est confrontés régulièrement au fait qu'il y a des concentrations de médicaments qui ne sont plus disponibles, des formulations qui ne sont plus disponibles, quand ce n'est pas carrément des molécules au complet qui disparaissent du marché. Alors, les appels d'offres peuvent contribuer à ce phénomène-là. Et, de notre côté, en établissement de santé, on a à faire face à des pathologies très graves qui requièrent des médicaments en soins critiques, en soins aigus, donc il faut s'assurer que ces médicaments-là sont toujours disponibles. Et c'est pourquoi on recommande que les appels d'offres qui seront mis en place pour le régime général soient distincts des appels d'offres qui sont présents dans le réseau et qu'on maintienne aussi les trois groupes d'achats dans le réseau actuellement pour favoriser, encore une fois, le maintien d'une saine concurrence et l'accès à des parts de marché pour les fabricants. Alors, voilà. Maintenant, je cède la parole à Mme Vaillant.

Mme Vaillant (Linda) : Bonjour. Alors, je vais poursuivre avec quelques considérations qui se veulent peut-être des recommandations à l'égard du projet de loi qui est à l'étude. On vient tout juste de parler du nombre de fournisseurs. Alors, il nous apparaît évident qu'il faut privilégier plus d'un fournisseur pour une même molécule quand on va en appel d'offres.

Il y a aussi la question de la durée des contrats. En établissement de santé, on a fixé la durée des contrats à une période maximale de trois ans. Il faut comprendre qu'on est dans un marché qui est en mouvement perpétuel, je dirais, donc plus que trois ans, c'est probablement un carcan dans lequel il ne serait pas souhaitable de s'embarquer.

On a prévu aussi, dans nos contrats en établissement de santé — et peut-être que le régime général pourrait aussi s'en inspirer — des modalités qui permettent de retourner en appel d'offres lorsqu'il y a un nouveau joueur sur le marché. Alors, si arrive un nouveau fabricant, on peut briser le contrat qui avait déjà été octroyé et retourner en appel d'offres pour obtenir, encore une fois, le meilleur prix.

Je vous dirais qu'une des préoccupations qu'on a et qu'on veut mettre de l'avant aujourd'hui, c'est que, pour les éventuels appels d'offres du régime général d'assurance médicaments, il y a lieu, à notre avis, d'intégrer des pharmaciens à ce processus-là. On a mentionné tout à l'heure que le prix n'est pas le seul indicateur. Il est important, c'est sûr, mais il y a toute une panoplie de caractéristiques cliniques et physiques qui sont à considérer et qui relèvent, à notre avis, d'une expertise pointue que détiennent les pharmaciens. Donc, c'est important pour nous que les pharmaciens soient intégrés à tout le processus pour bâtir les appels d'offres, pour évaluer les propositions et pour octroyer les contrats en fin de processus.

Une dernière considération peut-être pour le régime général. Je pense que, pour contrôler les coûts, les appels d'offres, c'est une modalité. Il nous apparaît qu'en toile de fond le concept de l'usage optimal des médicaments est celui qui doit être mis de l'avant et qui doit être privilégié. Il faut s'assurer que chaque dollar qui est dépensé en médicaments apporte un bénéfice. Les données probantes doivent servir à l'inscription des molécules. Il devrait éventuellement y avoir aussi des balises peut-être pour la prescription de certains médicaments, et ça prend des mécanismes de suivi. En établissement de santé, on fait de la revue d'utilisation de médicaments. Ça nous permet d'évaluer la prescription de certaines molécules à l'égard de balises qu'on a déjà fixées et c'est un mécanisme qui, donc, nous permet de valider, je dirais que les balises et le respect des ordonnances, ça fonctionne. Donc, on fait une rétroaction auprès des prescripteurs à cet égard-là.

Finalement, peut-être, j'aimerais vous toucher un mot sur les impacts potentiels sur les formulaires de médicaments hospitaliers. En établissement de santé, on a une liste de médicaments locaux. On appelle ça le formulaire de médicaments. C'est mis en place par le comité de pharmacologie. Le comité est constitué de médecins et de pharmaciens. Ces gens-là font un travail extrêmement rigoureux, analysent les médicaments un par un, les classes de médicaments également, vont utiliser les données des études cliniques, l'expertise des gens autour de la table aussi pour déterminer si le médicament doit ou non être ajouté au formulaire.

Alors, on ne voudrait pas se retrouver, comment je dirais, avec le fait que le régime général d'assurance médicaments finisse par influencer ou dicter le formulaire des établissements de santé. Je pense qu'il faut maintenir une latitude. Les établissements de santé doivent pouvoir avoir des formulaires distincts. Et il ne faut pas se retrouver non plus avec une multiplication de nos inventaires, donc on ne voudrait pas être contraints de tenir toutes les formes de médicaments et toutes les compagnies qui ont été, finalement, négociées au régime général d'assurance médicaments. Pour nos établissements de santé, ce serait contre-productif. Voilà.

Alors, écoutez, on a voulu partager avec vous près de 40 ans d'expérience avec les appels d'offres. Je pense qu'on souhaitait vous proposer quelques avenues pour peut-être contrer certains effets pervers qui sont possibles et qu'on a observés au cours des années. Je reviens sur le fait qu'à notre avis le pharmacien doit être présent dans le processus de A à Z, ça nous apparaît quelque chose qui est important, en collaboration avec d'autres collègues, mais, à notre avis, l'expertise du pharmacien est nécessaire pour toutes sortes de caractéristiques importantes.

Et je termine en vous rappelant que, pour nous, le concept d'usage optimal, ça doit être en toile de fond. C'est probablement la meilleure façon d'arriver à contrôler le coût des médicaments. Merci. Nous sommes prêts pour vos questions.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période réajustée de 14 min 30 s, j'aimerais maintenant céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Vaillant et M. Paradis. C'est un plaisir de vous recevoir ici, évidemment, et surtout, pour nous, de recevoir votre mémoire, qui est certainement très pertinent et très utile.

Bon, vous comprenez, évidemment, l'objet du projet de loi, qui est un projet de loi assez simple et dont l'objectif est assez clair, qui est celui d'obtenir le meilleur prix possible pour les médicaments que l'on paie au Québec dans notre régime public d'assurance médicaments.

Vous, évidemment, vous êtes le regroupement des pharmaciens en établissement de santé, alors je ne pense pas que ça va vous indisposer si je dis que vous êtes un groupe particulier dans le monde des pharmaciens. Ce n'est pas méchant, c'est même positif, en ce sens, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, là, que vous n'êtes pas, vous, du côté commercial de la vie des pharmaciens, vous êtes dans les établissements, donc vous ne participez qu'à des activités cliniques intrahospitalières. Je ne me trompe évidemment pas, là? Les gens que vous représentez n'ont pas de volet commercial extrahospitalier?

Mme Vaillant (Linda) : Non, c'est exact. En fait, on représente, si on prend l'ensemble des pharmaciens au Québec, 18 % de la profession.

M. Barrette : C'est ça. Mais par contre, de tous les pharmaciens en pratique, vous êtes de loin, et corrigez-moi si je me trompe, de loin le groupe le plus familier et le plus expérimenté en appels d'offres.

M. Paradis (François) : Bien, c'est clair qu'on a une expérience là-dedans. On vous l'a dit, ça fait depuis le début des années 70, en fait, qu'on vit avec ça et qu'on participe à l'élaboration des appels d'offres et à la sélection des médicaments. Oui, donc, à cet égard-là, effectivement, on est très expérimentés dans le domaine.

M. Barrette : Bon, et corrigez-moi, là... Parce qu'ici on est ici pour vous entendre, évidemment, et c'est un peu de l'éducation parlementaire continue, si vous me permettez cette expression-là. Vous nous faites bénéficier de votre expérience, que je connais quand même, venant de votre milieu — pas de pharmacie, mais des institutions hospitalières — et ayant été au fait de ça, mais ce qui n'est pas le cas de tous mes collègues parlementaires. Alors, vous avez vu, depuis des années, des appels d'offres. En fait, vous fonctionnez quasiment toujours en appels d'offres?

M. Paradis (François) : Oui, particulièrement avec les médicaments qui sont multisources, donc qui sont produits par plusieurs fournisseurs, effectivement, on va fonctionner par appel d'offres.

M. Barrette : C'est ça. Et, peu importe la formulation, vous êtes dans un univers d'appels d'offres depuis des années, et ça fonctionne.

M. Paradis (François) : Bien, comme on le disait tout à l'heure, oui, ça fonctionne parce qu'on peut se rendre compte sur l'impact sur les coûts. Puis je peux vous donner un exemple très, très concret. Pas plus tard qu'avant-hier on a appris... parce qu'il y a un nouveau joueur pour un médicament qui est utilisé dans le traitement du cancer, il y a un nouveau fournisseur qui est arrivé sur le marché, et ce qu'on prévoit, dans ces cas-là, c'est que, quand il y a un nouveau joueur, on retourne en appel d'offres. Eh bien, le résultat : jusqu'à avant-hier, une fiole de médicament qui nous coûtait 500 $ va maintenant nous coûter 20 $. Donc, c'est un exemple, mais ça donne un impact sur le fait que, oui, quand un appel d'offres est bien monté, quand on a tenu compte des éléments aussi de qualité puis de sécurité, on est capables d'aller chercher à la fois des économies puis de maintenir notre qualité de produit pour nos patients.

M. Barrette : Votre réponse dépasse mes espérances par votre exemple. Mais vous avez dit quelque chose qui est, pour moi, très important, parce que c'est un concept que j'essaie de véhiculer, mais évidemment le jeu parlementaire fait en sorte que ce n'est pas toujours retenu ou repris, vous avez dit : Si l'appel d'offres est bien monté. Alors, «bien monté», ça veut dire un certain nombre de choses. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Je sais ce que ça veut dire, là, mais, de votre bouche, ça va peut-être avoir une autre incidence.

M. Paradis (François) : Bien, «bien monté», ça veut dire que ça doit impliquer nécessairement la collaboration entre les gens qui travaillent dans les processus d'approvisionnement, puis il y a des corporations d'achats — il y en a trois, en fait, au Québec, actuellement — donc c'est les gens des corporations d'achats qui ont une expertise dans la gestion des appels d'offres, et cette collaboration-là avec les pharmaciens d'établissement, justement pour tenir compte à la fois des contingences, des obligations réglementaires légales, mais aussi de s'assurer qu'on ne va pas payer moins cher pour un produit qui va être de moindre qualité.

Je vous donne un exemple. On va analyser, par exemple... Pour un médicament, il pourrait y avoir un fournisseur qui produit un médicament à moindre prix mais dont l'étiquetage est défaillant. Si, par exemple, on se rend compte, comme pharmaciens, que la façon dont l'étiquette est faite, les informations sont inscrites, que ça peut être à risque pour la clientèle, nous, on va dire : Attention! Non, même s'il est plus cher, il y a un problème, on ne peut pas aller là. Autre exemple : si on a des comprimés, par exemple, qui se ressemblent trop visuellement, ça peut amener des risques.

Alors, d'une part, il y a les gens des corporations d'achats qui vont regarder le volet appel d'offres proprement dit, mais il y a le volet clinique qui doit être pris en considération, et c'est cette collaboration-là qui fait qu'on arrive avec des appels d'offres bien montés et qui tiennent compte aussi des risques de rupture d'approvisionnement, notamment, pour s'assurer... Parce que, comme on disait tout à l'heure, nous, là, il y a des médicaments, là, on ne peut carrément pas en manquer, d'aucune espèce de façon, ça peut vouloir dire le décès d'un patient. Alors, c'est sûr qu'il faut s'assurer que ces éléments-là seront pris en compte pour qu'au-delà de l'avantage financier qu'on peut récupérer on n'ait pas de risques pour nos patients.

M. Barrette : O.K. Juste pour le bénéfice des collègues... Moi, je suis impliqué dans les corporations d'achats, qui étaient par région avant, mais j'ai été instrumental dans le regroupement, je suis impliqué là-dedans depuis l'année 2000 et j'ai une certaine expérience, on va dire, là-dedans. Vous l'avez bien dit, il est possible de construire un appel d'offres pour éviter les écueils que tout un chacun peut évoquer et malgré tout obtenir un prix nettement avantageux, comme celui que vous venez d'évoquer. Donc, ça se construit, un appel d'offres, en prenant aussi en considération la qualité, par exemple, du produit, de même que sa disponibilité. Vous allez être d'accord avec ça, j'imagine.

Mme Vaillant (Linda) : J'ajouterais : Avec la crise Sandoz, qu'on a évoquée tout à l'heure, on a aussi mis en place des mécanismes qui améliorent les appels d'offres, finalement. On parlait du nombre de fournisseurs, mais on peut penser aux quantités de médicaments qui doivent être stockés chez les distributeurs, à un ensemble de pénalités aussi qui ont été mises en place, on parlait de retourner en appel d'offres à l'intérieur même d'un contrat. Alors, c'est un système qui est évolutif, là. Je pense qu'en 40 ans on a beaucoup amélioré les appels d'offres, mais, juste depuis la crise Sandoz en 2012, les comités de pharmaciens ont travaillé très fort pour remettre encore des balises plus importantes et faire, justement, de la double adjudication.

M. Barrette : Vous avez indiqué, dans votre mémoire, un certain nombre d'écueils potentiels sur l'application éventuelle de notre loi, si elle était adoptée, quant à la possibilité de... je ne vous dirai pas «travers», là, mais d'effets secondaires qui pourraient être significatifs. Mais, à la lumière de votre expérience, ce que vous nous indiquez dans votre mémoire est essentiellement les éléments, les paramètres sur lesquels on doit porter attention dans la construction d'un appel d'offres qui serait, à ce moment-là, panprovincial. Mais, à la fin, est-ce que je peux comprendre de votre présentation, peut-être pas de 10 minutes que vous avez faites, là, mais du mémoire, que ça se construit correctement, là? Il y a moyen de construire un appel d'offres pour en arriver à des économies substantielles et éviter les écueils qui proviennent, par exemple, de la rupture d'approvisionnement, ce genre de choses là?

M. Paradis (François) : Oui, bien, O.K. Bien, en fait, oui, oui, ça peut se construire. Puis, si je réfère au libellé du projet de loi, évidemment, on sera d'accord que, dans sa forme actuelle, il est assez succinct. Donc, il faut voir que, derrière ça, il va y avoir des balises à mettre en place.

Et, oui, ça se construit, mais il faut retenir que, dans la construction de ça, il faudra qu'on tienne compte à la fois des paramètres économiques mais aussi à la fois des paramètres cliniques. Et c'est le secret, c'est là qu'on va réussir à faire quelque chose qui va être efficace, qui va bien fonctionner et qui ne mettra pas en péril non plus la sécurité des patients parce qu'on pourrait se retrouver avec des molécules de moindre qualité ou des molécules qui ne seraient carrément plus disponibles.

M. Barrette : Et je suis content que vous le disiez parce que c'est vraiment ça, l'objectif du projet de loi. Le projet de loi vise à nous permettre de faire des appels d'offres. Ce n'est pas un projet de loi qui détermine la construction d'appel d'offres. Mais aujourd'hui vous nous confirmez que le principe de l'appel d'offres dans cet univers, que d'aucuns décrivent comme étant un péché mortel, là, il ne faudrait pas faire ça, puis là ça va être la fin du monde... vous nous indiquez essentiellement le contraire, à la condition, évidemment, qu'il soit bien construit, et ça a été votre expérience dans le passé.

• (12 h 20) •

Mme Vaillant (Linda) : Dans un contexte de multisources, je pense que la remarque est tout à fait justifiée. Les problématiques que nous, on a vécues en établissement de santé, c'est que, d'une part, les fournisseurs ne sont pas obligés d'aller en appel d'offres. Alors, ça, c'est un élément qui est contraignant en établissement de santé à l'heure actuelle. Donc, les fournisseurs peuvent décider de ne pas venir en appel d'offres. Et, dans le cas de produits unisources, évidemment, là on tire un gain qui est assez restreint parce qu'il n'y a pas vraiment de compétition.

Alors, c'est peut-être la seule contrainte que nous, on a vécue véritablement en établissement, c'est le fait qu'il n'y a pas de contraintes, ils ne sont pas obligés de venir en appel d'offres. Alors, j'imagine que ça se passerait peut-être différemment du côté du régime général.

M. Barrette : Je comprends que votre pratique soit essentiellement hospitalière, évidemment, mais vous êtes quand même pharmaciens à la base, évidemment, vous êtes les mêmes professionnels que les pharmaciens d'officine, et même que plusieurs de vos membres, parfois, ont une activité qui est partagée entre l'officine et les établissements. C'est un fait, là, ce n'est pas une critique, là, mais peut-être que ça vous permet d'avoir un éclairage sur les pratiques commerciales à l'extérieur. Est-ce que vous seriez en mesure de nous éclairer peut-être là-dessus? Est-ce que les pratiques commerciales du médicament à l'extérieur des établissements sont un générateur de coûts?

M. Paradis (François) : Bien, écoutez, votre question est très large. Puis, quand on parle d'expertise, c'est évident que, nous, notre expertise... puis les membres qu'on représente, c'est pour leur expertise en établissement de santé. Les pratiques commerciales avec lesquelles on doit composer, essentiellement, on parle des pratiques commerciales de l'industrie qui, finalement, a des produits à mettre en marché, à distribuer, à vendre. Et, je veux dire, nous, on respecte ce volet-là du côté des établissements, mais il faut juste s'assurer qu'on navigue à travers cet univers-là pour que, finalement, on puisse obtenir les médicaments au meilleur coût et des médicaments de qualité. Donc, au niveau des enjeux commerciaux, c'est ça que nous... avec lesquels on doit composer. Outre ça, c'est difficile pour nous de s'exprimer actuellement, compte tenu de notre expertise.

M. Barrette : Je ne sais pas si vous avez suivi, hier, là, la commission parlementaire. Hier, j'ai brandi à plusieurs reprises le sondage de l'Ordre des pharmaciens, où j'illustrais, où je montrais la réponse à la question de la limitation du choix par le continuum grossiste, bannière, et ainsi de suite. Je vais vous rappeler la question, là, juste pour se remémorer, à tout le monde, l'affaire : Est-ce que votre franchiseur/chaîne/bannière cherche à limiter ou orienter la sélection des médicaments génériques à servir aux patients?

Bon. Évidemment, vous n'êtes pas un franchisé, vous, dans les établissements, par définition, là, puis vous n'êtes pas assujettis à des contrats avec les bannières d'aucune manière, vous êtes en établissement. Mais il y avait quand même une majorité de pharmaciens qui ont répondu oui, et, comme vous êtes 20 % des pharmaciens, bien là, si on prend ça en considération puis que vous avez répondu au sondage, ça fait une encore plus grande proportion des pharmaciens en officine qui disent oui, là, parce que c'est la moitié des pharmaciens. Puis vous autres, vous avez dit 20 % que vous étiez en établissement?

M. Paradis (François) : 18 % à peu près, oui.

M. Barrette : Ça veut dire que la moitié du total a dit oui, mais là, si on en enlève 20 % qui ne peuvent pas dire oui parce qu'ils sont en établissement, c'est assez concluant. Vous n'avez pas d'influence, vous. Il n'y a pas de pratique commerciale qui limite votre choix.

Mme Vaillant (Linda) : En fait, non, pas au-delà de ce qu'on évoquait tout à l'heure. C'est vrai qu'on a une proportion de nos membres qui travaillent en pharmacie privée, mais quand même assez faible, là, on ne parle pas de majorité, là. Selon nos données, il y a à peu près le tiers de nos pharmaciens qui ont une pratique occasionnelle en pharmacie privée. Je ne pense pas que ça en fasse des experts véritablement. Puis le questionnaire de l'ordre auquel vous référez, on se posait la question, probablement que c'était effectivement dirigé chez les pharmaciens communautaires parce qu'on n'en avait pas vraiment eu connaissance.

Alors, non, les pratiques commerciales auxquelles on est exposés en établissement, je pense que c'est un peu ce qu'on évoquait tout à l'heure, c'est-à-dire que c'est le jeu de l'industrie pharmaceutique qui veut faire inscrire des molécules au formulaire de l'établissement de santé, et c'est ces pressions-là qu'on subit au sein des établissements de santé, là.

M. Barrette : Vous subissez des pressions?

Mme Vaillant (Linda) : Bien, je ne parle pas des pharmaciens directement, mais c'est évident qu'il y a un lobby, appelons ça comme ça, de l'industrie lorsqu'il y a des molécules qui sont disponibles et qui ne sont pas utilisées dans un établissement de santé particulier.

M. Barrette : Vu qu'il ne me reste que quelques secondes, je vais conclure en citant, puis en étant certain que je comprends bien, là, vous dites, dans votre conclusion, qu'il y a donc «très certainement — si je vous cite — des gains à obtenir avec le projet de loi à l'étude». Vous êtes vraiment d'accord avec... Vous avez écrit ça avec conviction, là.

M. Paradis (François) : Bien, on a inscrit ça avec conviction...

Mme Vaillant (Linda) : On assume ce qu'on écrit.

M. Paradis (François) : ...on assume ce qu'on écrit, c'est clair, mais basé sur notre expérience de longue date là-dessus. Donc, c'est clair que nous, on y voit des avantages. Mais, si je peux me permettre un dernier commentaire aussi, c'est qu'il faut quand même... Vous l'avez évoqué, mais l'univers de la pharmacie d'établissement et l'univers de la pharmacie communautaire, c'est complètement différent. Alors, si on parle au niveau des médicaments, oui, bon, il y a des appels d'offres. Il y a aussi des appels d'offres dans le réseau de la santé pour la distribution des médicaments. Donc, il y a des grossistes, mais en même temps on n'a pas le même nombre de points de service qu'on peut retrouver, par exemple, dans le communautaire. Donc, c'est deux univers complètement différents.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, un dernier... quelques secondes.

M. Barrette : Je retiendrai aussi votre exemple de 500 $ à 20 $ par appel d'offres. Ce n'est pas rien, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour une période de neuf minutes, nous cédons la parole à notre collègue de Rosemont.

M. Lisée : Bonjour, M. Paradis — on est heureux aujourd'hui, on a deux François Paradis autour de cette table — Mme Vaillant. Évidemment, votre point de vue est intéressant parce que vous êtes à l'intérieur d'un processus où vous avez fait des appels d'offres, vous avez pu en voir les avantages et les inconvénients. Vous ne vous prononcez pas clairement pour ou contre le projet de loi, qui est donc dans un autre écosystème, mais vous dites : En tout cas, si vous allez dans ce sens-là, faites bien attention aux problèmes que ça peut poser, l'effet rebond — l'effet rebond, c'est, si on exclut tout le monde sauf un du marché, bien, la personne qui reste va pouvoir augmenter ses prix — et deuxièmement faites attention aux ruptures d'approvisionnement. Et c'est là que ça frappe beaucoup dans votre mémoire, où vous dites : «À l'heure actuelle, près de 800 produits sont en rupture d'approvisionnement au Canada.» Pouvez-vous m'illustrer ça un petit peu?

M. Paradis (François) : Bien, oui, ça veut dire qu'il y en a beaucoup puis ça veut dire que ça ne s'améliore pas. Mais il faut faire attention ici, là, on parle de rupture d'approvisionnement, qui est un phénomène très complexe pour lequel il y a d'autres causes, par exemple le manque de matières premières, les règles de sécurité. Quand Sandoz a dû suspendre certaines de ses activités il y a quatre ans, c'était dû au fait qu'ils avaient eu une inspection de la FDA américaine, qui, en raison de réglementations plus sévères, les obligeait à modifier leurs pratiques de fabrication. Donc, oui, les ruptures d'approvisionnement peuvent être en partie causées par un processus d'appel d'offres, mais ce n'est pas la seule cause.

Donc, c'est certain que, nous, en établissement de santé, depuis des années, on vit avec ce phénomène-là. Ça demande beaucoup du temps des équipes de pharmaciens dans les départements de pharmacie hospitaliers pour gérer tout ça. C'est un phénomène avec lequel on doit composer. Mais, encore une fois, il y a des mécanismes, on en a parlé tout à l'heure, avec lesquels on travaille pour, quand on élabore un appel d'offres, faire des choix judicieux. Par exemple, je parlais de double adjudication tout à l'heure, on ne va pas y aller en double adjudication sur tous les produits mur à mur. On va les sélectionner, on va dire : O.K., ça, ces produits-là, il y a vraiment des problématiques particulières, il faut qu'on adresse ça. Ceux-là, oui, il y a un avantage à y aller avec une double adjudication; dans d'autres cas, il n'y a aucun avantage à le faire. Il faut jauger aussi avec l'importance du médicament en termes de soins aigus ou de soins critiques. Donc, c'est pour ça que c'est plutôt complexe. Mais, si ces éléments-là sont tenus en compte, il y a moyen, si on regarde l'ensemble de l'oeuvre, d'arriver à quelque chose d'intéressant.

M. Lisée : Mais est-ce que les 800 ruptures d'approvisionnement grèvent la capacité de répondre aux besoins médicaux des patients?

Mme Vaillant (Linda) : Je vais vous donner quelques exemples intéressants à cet égard-là. En fait, non, pour répondre à votre question directement, on finit toujours par pallier la situation et trouver une solution. Par contre, c'est extrêmement exigeant. On avait justement une de nos membres, chef de département en Montérégie, qui nous envoyait la liste des contorsions qui doivent être faites, là, en établissement de santé à l'heure actuelle. Alors, il y a un médicament, par exemple, un diurétique, le furosémide injectable. Présentement, la concentration dont ils ont besoin n'est pas disponible. Ils font différentes dilutions, ça fait que c'est une manipulation de plus. Au lieu de prendre la fiole puis de l'envoyer à l'unité de soins, il faut la diluer, la rediluer, donc il y a un risque, il y a une question de stabilité, c'est compliqué. Un médicament pour les problèmes cardiaques, le Diltiazem, il n'y a pas les concentrations requises, il faut économiser le médicament, donc on fait un paquet de petits sacs pour essayer de minimiser les pertes. Ça, c'est deux exemples. Écoutez, je pourrais continuer, là, j'ai un courriel sans fin. Alors, les patients reçoivent ce dont ils ont besoin, mais il y a des pirouettes à effectuer, et ça repose essentiellement sur les pharmaciens et les médecins dans les établissements.

M. Lisée : Et ces pirouettes-là que vous venez de décrire, cumulativement, vous estimez que ça représente une dépense annuelle approximative de 5 millions de dollars pour la gestion de ces...

Mme Vaillant (Linda) : En termes de temps, effectivement, c'est l'évaluation qu'on en a faite auprès de nos membres.

M. Lisée : Est-ce que vous avez des cas où les ruptures d'approvisionnement ont été la conséquence d'un appel d'offres qui a mal tourné?

M. Paradis (François) : C'est une question difficile, vous faites appel à notre mémoire. Écoutez, probablement que c'est survenu ou qu'un appel d'offres est venu compliquer la donne. Le cas de Sandoz est quand même une référence, malheureusement.

M. Lisée : ...en quoi c'est un cas type, là? Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on arrive à la rupture?

• (12 h 30) •

M. Paradis (François) : Bien, O.K., le cas type... parfait. Alors, Sandoz, 2012, ils ont une inspection de la FDA, la FDA américaine dit : Vous avez un problème réglementaire par rapport aux normes de fabrication, vous devez modifier certains processus de fabrication. Il se trouve que Sandoz est l'unique et principal fournisseur pour beaucoup de médicaments sous forme injectable qu'on retrouve dans le réseau de la santé, et des médicaments essentiels, et en lien avec l'appel d'offres, évidemment, parce qu'eux, ils avaient obtenu un contrat suite à l'appel d'offres.

M. Lisée : Revenons à ça. Ils avaient obtenu un contrat suite à un appel d'offres des regroupements d'achats, c'est ça?

M. Paradis (François) : Oui, tout à fait.

M. Lisée : Et l'appel d'offres n'était pas structuré de telle façon à ce qu'on conserve un deuxième ou un troisième fabricant...

M. Paradis (François) : Exactement, c'est ça.

M. Lisée : ...deuxième et troisième fabricants, mais ils devaient exister au moment de l'appel d'offres. Et pourquoi n'étaient-ils plus là au moment de la rupture d'approvisionnement?

M. Paradis (François) : Bien, c'est le risque, effectivement. Quand j'évoquais, au début, les risques associés à des appels d'offres, c'est qu'à partir du moment où un fabricant se rend compte qu'il n'a plus le marché, bien, il peut décider carrément de se retirer de ce marché-là puis de ne pas maintenir une chaîne de fabrication pour un produit qu'il ne vendra à peu près pas. Donc, ça, c'est le risque, et c'est ce qu'on a appris, en 2012, de cet épisode-là, et avec tout le temps que ça nous a demandé pour gérer les problématiques. Et on s'est ajustés quand même, à partir de cet épisode-là, pour mettre en place des mécanismes pour, justement, réduire les impacts potentiels et s'assurer que, dans la mesure du possible, ça ne se reproduira pas. Vous pouvez être certain que, quand on est sur les comités d'achats de groupe, on a toujours ça derrière la tête. Il faut s'assurer que, dans ce qu'on va mettre et dans ce qu'on va demander, on ne met pas en péril la sécurité de l'approvisionnement, et ça, c'est fondamental. En fait, à quelque part, indépendamment du coût, la sécurité de l'approvisionnement, là, il faut la protéger parce qu'il y a des patients à côté, il y a des patients qui risqueraient d'être privés de ces médicaments-là.

M. Lisée : Mais alors comment faites-vous, quand vous faites un appel d'offres, pour vous assurer que vous remettez le contrat au plus bas soumissionnaire, mais vous assurer aussi que le deuxième ou le troisième continue à produire? Ou est-ce que vous leur donnez une partie du marché?

Mme Vaillant (Linda) : Oui, exact. En fait, ce qui a été fait dans les trois groupes d'achats, c'est, tout d'abord, une identification des médicaments critiques. Parce que ce n'est pas tous les médicaments, là, qui sont en double adjudication. Alors, les gens ont identifié, les pharmaciens ont identifié les médicaments, ça joue entre 30 et 50 molécules. Et, pour ces médicaments-là particuliers, lorsqu'il y a l'octroi, il y a automatiquement deux compagnies : une qui obtient 60 % ou 70 % du marché, là, ça varie un peu d'un groupe d'achats à l'autre, et l'autre obtient la balance. Et là cet équilibre entre ce qui est donné à l'un et à l'autre, c'est encore quelque chose sur lequel les groupes d'achats doivent travailler parce que l'industrie nous dit : Bien, à 70 %-30 %, à 30 %, je n'ai pas suffisamment de marché, c'est peut-être 60 %-40 %. Alors, il y a un équilibre à trouver, mais c'est un peu la méthode qui a été mise en place jusqu'à présent et qui semble donner des résultats, mais ça aussi, c'est en évolution, là.

M. Lisée : Et à ce moment-là le deuxième soumissionnaire, disons qu'il y en a un qui dit : Moi, je le fais pour 10 $, et l'autre dit : Bien, je le fais pour 12 $, vous donnez la majorité du marché à celui qui a dit 10 $ et est-ce que vous donnez à l'autre au prix de 10 $ ou au prix de 12 $?

M. Paradis (François) : De 12 $.

M. Lisée : Au prix de 12 $? À son prix à lui?

M. Paradis (François) : Oui. Comme Linda disait, c'est une question d'équilibre, c'est une question de jauger les risques versus les avantages qu'on veut aller chercher, mais très bien jauger le risque au niveau de l'approvisionnement lui-même, ne pas vider le marché des fournisseurs parce qu'avec un joueur, on l'a vu en 2012, c'est extrêmement à risque. Mais il y a un jeu puis il y a une analyse à faire, et cette analyse-là peut varier selon le médicament même dans certains cas. Comment on gère un appel d'offres pour un médicament critique versus un autre médicament pour lequel il y a peut-être d'autres alternatives thérapeutiques, même si ce n'est pas exactement la même molécule?

M. Lisée : Vous en faites combien, d'appel d'offres par année?

M. Paradis (François) : En fait, les appels d'offres, actuellement, au Québec, sont en général sur des périodes de trois ans. Et on s'assure que les trois regroupements d'achats ne les fassent pas en même temps, donc à un an d'intervalle, justement pour s'assurer qu'on ne va pas concentrer non plus le processus d'appel d'offres et qu'on va garder le jeu de la concurrence toujours en vie.

M. Lisée : Alors, ça fait combien?

M. Paradis (François) : Pardon?

M. Lisée : Combien ça fait par année, là, avec les trois?

Mme Vaillant (Linda) : Une fois par année.

M. Paradis (François) : C'est une fois par année.

M. Lisée : Un? Un appel d'offres par année?

M. Paradis (François) : Mais qui dure trois ans. Donc, un appel d'offres par groupe d'achats et chaque appel d'offres dure trois ans.

M. Lisée : Mais chaque appel d'offres concerne plusieurs médicaments?

Mme Vaillant (Linda) : Bien sûr.

M. Paradis (François) : Voilà.

M. Lisée : Combien? Combien de médicaments sont soumis à un appel d'offres?

M. Paradis (François) : Ça peut être des centaines.

M. Lisée : Ça peut être des centaines par année?

M. Paradis (François) : Oui, absolument. L'autre élément, je l'ai évoqué tantôt dans mon exemple, l'appel d'offres est ouvert et le contrat est donné pour trois ans, mais c'est prévu — puis, quand on dit «fixer des modalités», c'est ça — que, s'il y a un nouveau joueur qui arrive sur le marché avec une... parce que, là, essentiellement, on parle de génériques, s'il y a un nouveau fabricant qui arrive avec une nouvelle version d'un générique, on repart en appel d'offres même si les trois ans ne sont pas finis, mais c'est ce qui a permis d'arriver à 20 $ au lieu de 500 $.

M. Lisée : D'accord.

M. Paradis (François) : Donc, quand on parle de modalités, c'est vraiment ça, là, il faut gérer ça, il faut trouver des façons de faire parce que, oui, il y a le marché de l'industrie puis des fabricants de médicaments, d'accord, mais nous aussi, on a à s'adapter en fonction de ça puis trouver des façons de protéger nos patients.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour une période de six minutes, nous cédons la parole à notre collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Vaillant. François Paradis, bonjour. On n'aura jamais trop de François Paradis... du bon boulot!

M. Paradis (François) : ...

M. Paradis (Lévis) : M. Paradis, Mme Vaillant, ce que je comprends et ce qu'on est en train de se dire, c'est que le principe d'appel d'offres, d'abord, de un, on comprend que c'est évolutif. Il y a une formule retenue, puis vous êtes en constante évolution. Vous avez dit, il y a deux instants, également qu'il faut aussi être conscients de la part de risques, parce qu'à travers votre vécu et votre expérience il y a aussi de la gestion de crise. Et vous êtes obligés de vous adresser à ça régulièrement, au-delà de l'épisode dont on parle et qui a vraiment marqué. Tous les jours, vous devez avoir en mémoire de faire de la gestion de risques.

Est-ce que le modèle que vous avez et qui donne des résultats... Je reviens à votre 500 $-20 $, je ne fais rien qu'une parenthèse, là, 500 $-20 $, parce que c'est très impressionnant, c'est bien sûr. Je comprends qu'à la lumière de ce qu'on disait avec le député de Rosemont, si vous deviez conserver un deuxième fournisseur pour éviter des ruptures, le 500 $, il pourrait être 100 $, mais vous l'accorderiez pour une partie du marché.

M. Paradis (François) : Si on poursuit l'exemple, effectivement.

M. Paradis (Lévis) : Effectivement. Alors, bon, comprenons donc que le plus bas, c'est quelque chose, mais l'autre sera plus élevé pour éviter des ruptures d'approvisionnement puis de fournir au patient ce dont il a besoin pour sa survie. Est-ce que votre modèle, tel qu'il existe, avec tout ce que vous avez mis comme critères et balises pour éviter les écueils, serait exportable dans un autre univers? Parce que c'est vraiment un autre univers. Quand on parle, évidemment, de 1 800 pharmacies communautaires, de 2 105 pharmaciens propriétaires, etc., on est dans une autre dynamique. Est-ce que ce que vous vivez est exportable tel qu'il existe?

M. Paradis (François) : Écoutez, il y a possiblement un certain nombre d'éléments qui sont exportables, c'est le sens de notre présentation aujourd'hui, c'est dire : Voyez, nous, l'expérience qu'on a, c'est ça; les succès qu'on a eus, voici, ils sont là, on peut les voir; les risques puis les problèmes qu'on a rencontrés, ils sont là aussi, il faut les voir.

Donc, il y a sûrement des éléments qu'on pourrait penser intégrer parce que, tout ça, là, quand on parle de 40 ans d'expérience, là, je veux dire, on n'a pas tout trouvé ces solutions-là la première année, là. C'est évident qu'à force de rencontrer les problèmes... Puis le marché du médicament est en constante évolution, là, je veux dire, à chaque année, les parts de marché peuvent changer, donc c'est sûr qu'il faut constamment s'adapter. Mais on peut penser qu'effectivement il y a des éléments qui pourraient être adaptés, à tout le moins, à un autre univers.

Je veux juste rajouter quelque chose par rapport aux éléments de risque. Il faut voir aussi que, quand on regarde le risque, il faut le regarder dans son ensemble. Les coûts très élevés, les dépenses élevées en médicaments, ça aussi, ça comporte un risque parce que c'est une pression qu'on met sur le réseau de la santé. Donc, c'est clair qu'il faut trouver, encore une fois, mais on va toujours parler de ça, un équilibre entre aller chercher les prix les plus raisonnables possible versus assurer la sécurité de l'approvisionnement pour nos patients.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends, et c'est pour ça qu'on parle d'un processus évolutif avec lequel on doit être extrêmement attentifs. Vous arrivez avec la proposition 4 de votre document en disant : Si on veut que ce soit viable et que ça se fasse bien au profit du patient — et il y a la notion économique, mais, vous le dites de belle façon, là, il n'y a pas rien que l'économie, là, il y a tout ce qui entoure le contact direct avec le patient — les pharmaciens devront être partie prenante à chaque moment du processus.

Le plus bas prix, donc, ne doit pas être le seul critère, ça prend des experts pour analyser des propositions, bien sûr. Parlez-moi de la position du pharmacien dans un éventuel principe d'appel d'offres qui s'adresserait aux pharmacies communautaires.

Mme Vaillant (Linda) : Il y a plusieurs considérations, je vous dirais. Si on essaie d'adapter un peu ce qu'on fait en établissement de santé, il faut s'assurer qu'on parle, par exemple, de médicaments génériques. Alors, un médicament générique, techniquement, est interchangeable avec un autre. On fait des mises en garde à l'égard de certains produits, ce qu'on appelle des produits à index thérapeutique étroit, alors des patients qui sont fragiles, des patients qu'on pourrait instabiliser dans certaines situations en faisant une mauvaise substitution. Alors, c'est important, à notre avis, que le pharmacien soit là pour dire : Bien, attention, telle clientèle, les patients épileptiques réfractaires, par exemple, il faut garder deux ou trois molécules sur le régime général d'assurance médicaments, on ne peut pas faire de «switch», là, de substitution automatique. Ça, c'est un des exemples. Il peut y avoir des risques d'allergie aux médicaments, aux excipients, donc les autres produits qui sont à l'intérieur de la fabrication de la molécule.

Il y a de plus en plus d'automates aussi, à ma connaissance, en pharmacie privée. Dans le réseau de la santé, on est entièrement automatisés. Et ça, ça n'a l'air de rien, mais, si on reçoit un comprimé, par exemple, qu'on ne peut pas calibrer dans notre appareil, qui est friable, que ça devient une poudre, à la fin le patient ne reçoit rien, c'est un problème important. Alors, si on fait juste s'occuper du prix, puis que c'est ça qu'on reçoit, un pot de 1 000, bien, on est pris avec quelque chose qui n'est pas utilisable. Et il y a aussi des automates qui servent en pharmacie privée.

Alors, c'est quelques exemples. C'est peut-être plus difficile pour nous de parler de ce qui se fait en pharmacie privée, mais c'est une évidence qu'en établissement de santé il y a une panoplie de choses : la chaîne de froid, la compatibilité avec d'autres produits, on a Agrément Canada qui vient vérifier nos méthodes de travail, si on a un étiquetage qui n'est pas conforme sur une fiole, on a un problème, si le code-barres ne respecte pas la réglementation, on a un problème. Alors, c'est des éléments qui sont techniques, ce ne sont pas tous des éléments cliniques, mais il y a des choses qui sont cliniques également, qui doivent être prises en compte.

• (12 h 40) •

M. Paradis (Lévis) : Et qui sont significatives, assurément. Vous dites : Le pharmacien devra siéger au sein d'éventuels comités d'experts. Parlez-moi de ce que vous voyez comme comités d'experts pour arriver à éviter les écueils dont vous nous parlez puis arriver avec satisfaction au bout du processus.

Mme Vaillant (Linda) : Nos comités d'approvisionnement à nous sont constitués de gens d'approvisionnement, qui sont des experts en contrats, évidemment, ça, c'est un prérequis, mais de pharmaciens également. Alors, je ne sais pas comment... On ne le voit pas dans le projet de loi, là, ni quelles sont les modalités, mais on imagine qu'il va y avoir des comités d'experts pour bâtir ça. À notre avis, ce serait une erreur d'avoir des comités qui font juste regarder des prix. Il ne faudrait pas se retrouver avec des gens qui sont... je n'ai rien contre les gestionnaires, là, mais que ce soient purement des gestionnaires qui regardent des modalités de contrats puis : C'est-u écrit comme ça puis c'est-tu correct?, puis finalement : C'est quoi, le prix le plus bas?, c'est là qu'on attribue le contrat, ce serait une erreur. Ça se peut que ça coûte un peu plus cher parce qu'il faut rencontrer certaines caractéristiques du produit, mais c'est essentiel de le faire. Et, à notre avis, ça prend des pharmaciens. Ça prend des pharmaciens, c'est une connaissance très pointue.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour une période de trois minutes, la parole est au collègue de Mercier.

M. Khadir : Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, Mme Vaillant, M. Paradis. J'allais dire simplement que, si notre ministre avait eu le bonheur, comme moi, de lire un livre qui a été publié par un ancien président de l'APES, M. Bussières, L'apothicaire, il y a un chapitre entier consacré aux corporations d'achats groupés, et vraiment, je pense, ça ferait le plus grand bien, pour l'exercice qu'on fait ensemble, qu'en tout cas, à ce chapitre-là, on s'emploie à lire un peu l'historique que vous avez présenté en partie.

Bravo de parler des écueils également, mais vous savez qu'en même temps les grandes pharmaceutiques et surtout les grossistes ont excessivement peur que... Ce que font les établissements, donc les pharmaciens en établissement, qui, comme on l'apprend dans l'article de M. Bussières, occasionne des réductions de 30 % à 40 %, suivant les établissements, c'est que ça représente une économie. Ça pourrait représenter, pour la RAMQ, une économie de 1 milliard de dollars. Donc, c'est sûr que c'est, je dirais, un gros paquet de profits que perdraient les grossistes et les fabricants. Donc, il y a une vaste campagne pour nous décourager d'aller là et d'introduire toutes sortes...

Bon, moi, je veux bien qu'on prenne les précautions, mais pouvez-vous me dire si Sandoz, à l'échelle internationale, si on prend l'Europe, si on prend les pays, par exemple, comme la Suède ou si on prend les États-Unis, c'est les seuls fabricants de médicaments injectables? Qu'est-ce qui nous aurait empêchés, à l'époque, de s'adresser à d'autres fabricants, par exemple au niveau européen?

M. Paradis (François) : Bien, écoutez, indépendamment de l'endroit d'où émanent ces fabricants-là, de leurs sièges sociaux, on revient à la même chose. Le concept, pour des médicaments de soins critiques, d'attribuer le contrat à un seul fabricant, il est à risque. Il est à risque d'autant plus de par la nature de ces médicaments-là. Donc, après ça, oui, qu'est-ce qu'on fait, sachant et vivant l'expérience qu'on a connue? Est-ce qu'on doit ouvrir à d'autres fabricants? Oui, mais attends, là il y a tous les enjeux de l'homologation des produits aussi par Santé Canada. Là, on rentre dans une autre dynamique complètement complexe. Mais, à partir du moment où c'est homologué par Santé Canada, bien, je veux dire...

M. Khadir : Puis à l'échelle canadienne, Sandoz est le seul homologué pour les médicaments injectables?

M. Paradis (François) : Pas nécessairement, puis ça peut dépendre des produits aussi, oui.

M. Khadir : Très bien. Alors, la double adjudication, le fait d'inclure d'autres critères qu'uniquement le prix, c'est tout des éléments que le système néo-zélandais a introduit avec le temps, frappant le même problème que vous avez mentionné, qui fait en sorte que — d'ailleurs, le ministre, depuis novembre, je lui ai soumis toute la documentation — il y a un processus sur six mois, avant les appels d'offres, où on consulte les pharmaciens d'établissement, on consulte les pharmaciens hors établissement, où on consulte l'industrie et on consulte les médecins, tous les intéressés, y compris, je pense, des représentants des patients, là, des comités de patients, pour revoir à chaque année qu'est-ce qu'on doit aller chercher. Je pense qu'à chaque année on revoit 15 % à 20 % des médicaments puis on fait des appels d'offres sur 15 % à 20 % des médicaments.

Mais ce que je voulais savoir, entendre : Est-ce que vous auriez eu vraiment les réductions que vous obtenez aujourd'hui, 30 % à 40 %, si vous n'aviez ciblé qu'un faible pourcentage de médicaments? Parce que, si je comprends bien, actuellement, dans les hôpitaux, c'est l'ensemble des médicaments pour lesquels on passe à travers ce processus.

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes.

M. Paradis (François) : C'est la majorité des médicaments pour lesquels on va en appel d'offres. Ce n'est pas l'ensemble, c'est la majorité. Et c'est toujours un jeu de balance. On va aller chercher plus d'économies pour certains produits, peut-être un peu moins sur d'autres. Ce qu'il faut regarder, c'est le résultat global et mettre en place, dépendant des médicaments en cause, les mécanismes appropriés.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, représentantes, représentants de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.

Nous suspendons nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 12 h 47)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux.

Nous recevons maintenant les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. S'il vous plaît, pour des fins d'enregistrement, bien préciser vos fonctions, votre nom. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Forget (Stéphane) : Alors, merci beaucoup. Stéphane Forget, vice-président, Stratégie et affaires économiques à la fédération. Je suis accompagné de M. Claude Longpré, qui est chef, Affaires gouvernementales Québec pour AbbVie, et M. Christian Blouin, qui est responsable des relations gouvernementales chez Pharmascience.

Alors, peut-être brièvement vous rappeler qui nous sommes, la fédération. Nous avons deux chapeaux, essentiellement : un premier chapeau qui est de fédérer et de réunir les 143 chambres de commerce à l'échelle du Québec et notre deuxième chapeau, c'est jouer à titre de chambre provinciale. Et, à ce titre-là, nous avons plus de 1 100 membres corporatifs, des entreprises dans tous les secteurs de l'économie qui travaillent au sein de différents comités. On a une vingtaine de comités à la fédération, dont sciences de la vie, santé, manufacturier, finances publiques et bien d'autres. Donc, les positions de la fédération, c'est évidemment pris à l'intérieur de nos comités et des réflexions des membres dans les différents secteurs de l'économie.

Au fil des dernières années, la pression sur les coûts des médicaments s'est intensifiée considérablement, et les gouvernements travaillent à contrôler les dépenses, d'une part, et donner accès aux soins, d'autre part. On peut estimer que le régime public québécois d'assurance médicaments pourrait réaliser des dizaines de millions de dollars d'économies additionnelles au cours des prochaines années. L'une des avenues est le processus parallèle pancanadien auquel le Québec est partie prenante, l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, à laquelle les provinces et territoires du Canada oeuvrent déjà afin d'obtenir le meilleur rendement sur investissement pour les médicaments novateurs et génériques.

Cette mesure de réduction des coûts des médicaments s'ajoute à plusieurs autres qui sont d'ailleurs clairement identifiés dans l'analyse réglementaire du ministère et qui permettent de dégager d'importantes économies. Quelques exemples : depuis janvier 2013, le gouvernement a aboli la règle du 15 ans, le gel du mécanisme d'indexation des prix des médicaments est de retour pour un temps indéterminé, soulignons également l'imposition d'un prix maximal pour certains médicaments et le resserrement des règles de remboursement lorsqu'apparaît sur une ordonnance la mention «ne pas substituer». De plus, l'adoption de la loi n° 28, qui permet dorénavant au ministre de la Santé de conclure des ententes d'inscription aux listes de médicaments en contrepartie du versement de rabais et de ristournes pour les fabricants, fait aussi partie de la liste des mesures visant à diminuer le coût des médicaments au Québec. De même, rappelons que, sur le plan de la distribution des médicaments, le gouvernement a fixé la marge des distributeurs en fonction du prix des médicaments.

• (12 h 50) •

Enfin, nous ne pouvons passer sous silence les coupes de 400 millions de dollars sur trois ans assumées par les pharmaciens propriétaires. Ce faisant, nous pouvons rigoureusement affirmer que les entreprises impliquées dans la fabrication et la distribution de médicaments sont de réels partenaires du gouvernement dans sa recherche d'économie tout en étant à la fois, il ne faut pas l'oublier, des acteurs économiques importants au Québec.

Dans l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi n° 81, il est précisé que le recours aux appels d'offres conduirait à la sélection d'un nombre limité d'entreprises qui seraient chargées d'approvisionner le Québec tout entier. Les experts membres de nos comités nous ont rappelé qu'en matière d'approvisionnement public, et notamment dans la santé, la tendance est d'éviter les adjudications de contrats sur la base du simple prix plus bas conforme, mais plutôt de maximiser la valeur, comme l'illustre notamment une directive du Parlement européen qui préconise le choix des offres économiquement les plus avantageuses. Il doit être explicite que l'offre économiquement la plus avantageuse doit être évaluée sur la base du meilleur rapport qualité-prix.

À titre d'organisation active sur l'ensemble du territoire québécois, nous sommes aussi préoccupés par la capacité des distributeurs à maintenir un niveau de services qui réponde aux défis de la chaîne d'approvisionnement, particulièrement dans les régions plus éloignées au Québec. Le fait de faire reposer la distribution de certains produits sur un seul et même distributeur accroît les risques pour les pharmacies d'être confrontées potentiellement à des ruptures de stock. Or, le projet de loi n° 81 présente le potentiel de favoriser une distribution monopolistique dans certains cas, faisant en sorte que les pharmacies ne pourraient s'approvisionner en médicaments qu'auprès d'un seul distributeur, un des risques qui a aussi été mentionné un peu plus tard, avec différentes options. Cette pratique présente un risque de diminution de services et de ruptures de stock.

Maintenant, concernant certains impacts socioéconomiques que nous voulons vous souligner, nous sommes d'avis que, proposant de ne s'approvisionner que par l'exclusivité, le ministère va à l'encontre de la politique globale du gouvernement qui favorise l'innovation. Il serait paradoxal qu'une loi vienne affaiblir la grappe québécoise des sciences de la vie après tous les efforts collectivement déployés pour la dynamiser, alors que le gouvernement lui-même a mis en place un groupe de travail dont les travaux sont en cours actuellement. Sur ces points, la fédération est d'avis que plusieurs joueurs du secteur des sciences de la vie, fabricants, distributeurs de médicaments et pharmaciens propriétaires pourraient être limités dans leur capacité à croître par des investissements soutenus ici au Québec.

En matière de gestion des coûts des médicaments, le gouvernement doit faire preuve de prudence pour ne pas nuire à ses efforts d'appui à l'innovation et d'amélioration de sa compétitivité globale. Bien que nous croyions que les médicaments novateurs doivent être exclus d'un processus d'appel d'offres, nous encourageons le gouvernement à résister à une telle tentation et ainsi maintenir l'accessibilité des professionnels de la santé à tous les médicaments. En outre, nous ne pouvons croire que les pharmacies communautaires, qui subiraient le fardeau administratif et économique de tels appels d'offres, pourraient être limitées dans leur capacité à offrir des services à valeur ajoutée permettant d'optimiser les traitements ainsi que les coûts directs et indirects. Dans ce contexte, la charge de travail qui pourrait être requise par les pharmaciens pour honorer l'octroi d'un contrat du gouvernement devrait, à notre avis, être rigoureusement évaluée.

Alors que les pharmacies font toujours face aux nombreux défis engendrés par l'application des lois nos 41 et 28, le projet de loi n° 81 sur les appels d'offres ajouterait une pression supplémentaire sur ce secteur de l'économie. Un tel projet de loi ne limite pas seulement les coûts à ce que nous avons mentionné précédemment. Pour certains de nos membres, il faut noter aussi que les systèmes de gestion des inventaires et des achats de médicaments demanderaient des modifications aux interfaces électroniques pour accommoder le nouveau distributeur choisi par le gouvernement. Il faut considérer l'enjeu qu'en s'approvisionnant chez un compétiteur il pourrait compromettre la confidentialité des données commerciales nécessaires à la gestion des stocks et de l'approvisionnement.

Enfin, nous notons que l'analyse réglementaire devrait être revue, car elle minimise les impacts sur les distributeurs. La FCCQ tient à rappeler que les distributeurs ont déjà plus d'influence sur les frais de distribution liés à l'approvisionnement des pharmacies, ceux-ci étant fixés à 6,5 % depuis 2012.

En conclusion, M. le Président, la fédération comprend et appuie les efforts d'assainissement des finances publiques, notamment par une plus grande rigueur budgétaire, et nous saluons les efforts du gouvernement en matière de gestion des dépenses dans le réseau de la santé du Québec. D'un point de vue économique, nous considérons toutefois que le gouvernement doit être prudent et éviter de déséquilibrer l'écosystème du secteur des sciences de la vie et par le fait même de diminuer sa compétitivité globale pour des économies potentielles qui demeurent, pour l'instant évidemment, inconnues. Il nous apparaît que plusieurs autres mesures visant à diminuer le coût des médicaments poursuivent déjà l'objectif du projet de loi n° 81 sur les appels d'offres. En ce sens, la fédération est d'avis que plusieurs fabricants et distributeurs de médicaments ainsi que les pharmaciens propriétaires seraient fragilisés par la mise en place d'un processus visant à obtenir des économies additionnelles pour certains médicaments par appel d'offres. Nous notons que cette mesure s'ajouterait à plusieurs autres qui exercent déjà une pression grandissante sur la capacité des entreprises de cette industrie à investir davantage au Québec.

Nous encourageons plutôt le gouvernement à poursuivre l'implication du Québec au sein de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique pour la négociation d'ententes sur les prix avec les fabricants de médicaments et d'accélérer l'inscription négociée des nouveaux médicaments, comme cela est possible dans le cadre de la loi n° 28. De plus, le Québec a tout intérêt à protéger son réseau de distribution de médicaments. En conservant le modèle actuel de compensation des distributeurs sans appel d'offres, le gouvernement s'assure de maintenir le moyen le plus efficace et économique, à notre avis, de rendre les médicaments disponibles aux patients où qu'ils soient dans la province tout entière.

Devant ce constat, la fédération recommande de s'investir davantage dans les autres processus de négociation cités précédemment. Ces méthodes, déjà appuyées par le gouvernement, nous apparaissent les plus appropriées pour générer des économies additionnelles, conjointement avec l'ensemble des parties prenantes du médicament. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour une période de 16 minutes, je cède la parole à M. le ministre.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Forget. Donc, je comprends, M. Forget, que vous êtes le vice-président, Stratégie et affaires économiques de la Fédération des chambres de commerce?

M. Forget (Stéphane) : C'est ça.

M. Barrette : Et vous, M. Longpré, vous êtes à la Fédération des chambres de commerce, mais votre milieu d'origine est la compagnie AbbVie?

M. Longpré (Claude) : C'est exact.

M. Barrette : La compagnie, je crois, qui fabrique le Harvoni.

M. Longpré (Claude) : Non, ça, c'est le compétiteur. Nous, on fabrique Holkira Pak.

M. Barrette : Ah! c'est l'autre. Mais il est aussi cher, par exemple.

M. Longpré (Claude) : Ah oui, par contre il a une efficacité qui est historique.

M. Barrette : Oui, d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle on l'avait mis au formulaire.

M. Blouin, vous, vous provenez de chez Pharmascience.

M. Blouin (Christian) : Exactement.

M. Barrette : Donc, Pharmascience, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, vous êtes un fabricant de génériques.

M. Blouin (Christian) : Nous sommes la plus grosse compagnie pharmaceutique basée au Québec. D'ailleurs, on s'est vus lundi à la conférence de presse à Sainte-Justine.

M. Barrette : De fabricants de génériques. Alors donc, pour qu'on puisse mettre les choses en perspective, là, vous vous présentez au nom de la Fédération des chambres de commerce du Québec. J'ai devant moi des représentants qui ont une connaissance étroite du milieu du médicament, alors c'est intéressant pour nous, évidemment.

Mais je vous poserais une question, M. Forget. Vous venez d'une organisation qui prône la concurrence. Et, par définition, si vous prônez la concurrence — et ce n'est pas une critique que je fais, M. Forget là, je reprends le discours de la Fédération des chambres de commerce — vous prônez donc le principe selon lequel nous sommes enclins à disposer du meilleur prix possible. La concurrence, c'est le marché, la main invisible de M. Smith donne le meilleur prix possible. C'est ça, la concurrence.

Maintenant, j'arrive à ma question : Est-ce que vous trouvez qu'au Québec on paie le meilleur prix possible en médicaments?

M. Forget (Stéphane) : Bien, tout d'abord, je pense que la concurrence, ce n'est pas qu'une question de prix, je pense qu'il y a une question aussi... puis, dans tous les domaines, il y a le prix, évidemment, mais il y a aussi la qualité, il y a aussi différents éléments qui sont autour de la concurrence. Je ne pense pas que les gens qui se mettent en concurrence le font seulement ou exclusivement sur la base du prix, à moins qu'on soit dans le cadre d'un appel d'offres plus bas soumissionnaire conforme, évidemment, là. Ça, c'est le premier élément.

Deuxième élément — puis c'est ce qu'on dit dans notre mémoire et dans ce que je viens de vous mentionner — je pense qu'il y a encore beaucoup de marge de manoeuvre pour aller chercher le meilleur prix, autant au bénéfice de la société québécoise et pour favoriser aussi le développement économique ici, au Québec. Tout ce qu'on dit, c'est, je pense, qu'il y a différents moyens d'y arriver et que peut-être, à notre avis, d'y aller vers l'appel d'offres, tel que suggéré, n'est peut-être pas le moyen le plus efficace.

• (13 heures) •

M. Barrette : Bien, je vais reposer ma question puis je vais... en fait, pas reposer ma question, mais je vais vous prendre au pied levé. Je comprends ce que vous venez de me dire, mais je vous dirais que ça ne s'applique pas, là. Évidemment, quand on fait un appel d'offres, là, par définition, on fait un appel d'offres en fonction du rapport qualité-prix, là, c'est évident, là. La concurrence, par définition, s'applique toujours. Si je regarde le marché des autos de luxe qui font le 0-100 kilomètres en moins de trois secondes, là, c'est sûr que je m'adresse à une catégorie d'autos que je ne peux pas me payer moi-même, là, et la concurrence va faire son oeuvre, et c'est la même chose pour les autos de plus bas de gamme. La concurrence s'applique toujours dans son univers à lui. Alors, dans l'univers du médicament au Québec, là, est-ce qu'à votre avis, chambres de commerce, on paie plus cher qu'on devrait payer?

M. Forget (Stéphane) : On pense qu'il y a encore de l'espace pour réduire les prix, effectivement. On pense aussi cependant qu'on vit dans un univers où la concurrence, pour reprendre le terme que vous utilisez, sur le plan économique, se fait à l'échelle mondiale. On a aussi une industrie, au Québec, qui est importante, qui emploie 56 000 personnes, grosso modo, et que, dans un contexte comme celui-là, on doit mettre en place des mesures qui vont, du point de vue économique, aussi faire en sorte qu'on va demeurer un endroit où il sera intéressant pour les entreprises d'investir. Donc, on veut juste se mettre dans un contexte où le cadre va faire en sorte qu'on aura, oui, le meilleur prix, mais, deux, que, sur le plan du développement économique, on aura toujours des gens intéressés à investir ici. Ça, c'est vraiment...

M. Barrette : Là-dessus, je vais vous rejoindre, M. Forget. Je vais vous rejoindre là-dessus. Alors, moi, j'ai beaucoup de respect pour les entrepreneurs qui partent d'une matière première et qui arrivent avec un produit. C'est le cas des gens qui vous accompagnent. Dans la vie économique, là, on part de la matière première, il y a une fabrication, il y a une mise en marché et il y a une vente. C'est ça, l'univers économique, en toutes circonstances. Alors, vous êtes accompagné et vous représentez ceux qui transforment la matière première en produits. À date, ça va?

M. Forget (Stéphane) : Et, dans une certaine mesure, dans une grande mesure, qui font aussi la portion recherche et développement.

M. Barrette : Oui, bien là, ça va, c'est implicite.

M. Forget (Stéphane) : C'est assez important, c'est assez important.

M. Barrette : Bien, c'est parce que la recherche et développement traite de la matière première et de sa transformation en produits.

Alors, ceci dit, là, vous êtes donc bien placés pour nous informer sur ce qui se passe après la production. Et là où je veux en venir, là, c'est à cette partie-là de l'univers économique du médicament. Vous, là, les producteurs, que vous soyez les innovateurs, à votre droite, ou les génériques, à votre gauche, vous produisez quelque chose que vous mettez à un moment donné en marché, mais vous êtes là pour produire des médicaments.

Nous, hier, à Radio-Canada, il y avait, au Téléjournal, par exemple, pour la énième fois, parce qu'on l'entend ici, en Chambre, régulièrement par un de nos collègues, un expert économique qui nous disait hier : Voici, en Nouvelle-Zélande, on arrive à sortir des produits pharmaceutiques à 2 %, 3 %, 4 % du prix de l'innovateur. Je vous le dis tout de suite, là, je ne pense pas que ça soit viable, O.K.? Mais entre 2 %, 3 %, 4 % du prix de l'innovateur et ce que l'on voit sur le marché au Québec, il y a comme un univers, une marge de manoeuvre. Comment ça se fait, là, que ça coûte si cher que ça au Québec? Vous êtes là-dedans, vous autres. Qu'est-ce qu'il y a, là, c'est comme le mur du son en aviation, là. Votre mur, là, il est construit comment?

M. Blouin (Christian) : D'abord, on parle d'un écosystème qui est excessivement complexe. Il faudrait faire attention à ne pas résumer d'une façon un peu simpliste le coût du médicament en pourcentage, que ça soit 2 %, 3 %, 4 %, 5 % ou 10 %. En fait, je n'ai pas besoin de vous donner un cours d'économie, mais il est évident qu'un Big Mac... il y a un indice Big Mac à travers le monde, puis il va coûter 14 $ en Islande, puis il va coûter 2,89 $ au Texas, puis il va coûter 4,52 $ ici, là.

Alors, il y a une réalité économique qui existe. En Nouvelle-Zélande — je ne suis pas un expert de la Nouvelle-Zélande — il n'y a aucune industrie pharmaceutique qui est basée là. Alors, ce n'est pas compliqué, il n'y a pas d'activité économique. Il y a des juste des «savings», des économies, mais il n'y a pas d'activité économique. Alors, on parle d'un écosystème. Puis ce n'est pas une question de mode, là, c'est un écosystème.

Je vous parlais de Pharmascience. Pharmascience est la plus grande compagnie générique au Québec, qui génère 1 600 emplois au Canada, dont 1 500 au Québec. On fait tout, de la production à aller jusqu'à la distribution de nos médicaments aux chaînes et bannières. Alors, on a un pouvoir économique qui est quand même important et on risque de le mettre en péril. Ce qu'on a besoin, l'industrie, là, c'est de la stabilité puis de la prévisibilité, et c'est ce qu'on n'a pas à l'heure actuelle ici, au Québec. C'est une industrie qui est facilement délocalisable, on l'a vu depuis une dizaine d'années, et l'industrie générique, par exemple, est la seule qui, depuis 10 ans, a un taux de croissance important.

Alors, il y a des économies dans le système de la santé. On félicite le gouvernement pour la recherche d'économies, mais l'industrie générique, par exemple, qui est un partenaire, qui est un membre de la Fédération des chambres de commerce, on fait partie de la solution. En fait, on a proposé certaines solutions. J'ai même proposé à votre cabinet, l'an passé, d'autres solutions. Juste avec trois molécules de Pharmascience, le gouvernement, s'il avait mis en place cette chose-là en 2014, aurait sauvé 11,8 millions. Il n'y a rien qui a été fait.

Alors, il y a d'autres pistes de solution, et la piste la plus intéressante, et c'est vous qui l'avez acceptée, vous avez accepté de joindre l'entente pancanadienne. Il y a 18 molécules, à l'heure actuelle, à plus gros volume au Canada qui vont être, à partir... Il y en a déjà 14 puis, à partir du 1er avril, il va y avoir 18 molécules qui sont exactement à 18 % du prix de l'innovateur. Alors, c'est une partie de la solution, c'est une entente qui fonctionne très bien, qui arrive à négociation dans un an. Mais vous avez fait partie de ça, vous avez été à Vancouver avec vos collègues, et le fédéral a décidé d'embarquer. Il faut donner la chance au processus. Les économies sont là. L'industrie générique a contribué de façon importante. On a plus de 200 millions d'économies qu'on a générées au gouvernement du Québec.

Alors, on fait partie de la solution, et ce qu'on vous dit, c'est que c'est un équilibre économique qui est très, très, très fragile : facile, délocaliser la production. On a fait un investissement, l'an passé, de 55,7 millions sur les installations de Royalmount à Montréal, où vos collègues M. Daoust et M. Arcand étaient présents. Une semaine après, vous avez annoncé, par exemple, le déplafonnement, qui peut avoir un impact économique assez important. Alors, on n'est pas contre les économies, mais il faut regarder où est-ce que c'est qu'on peut les faire de façon judicieuse sans perturber un équilibre économique important au Québec pour les emplois.

M. Barrette : Bon, alors...

M. Forget (Stéphane) : Si c'est possible, M. Longpré a un petit mot, si vous êtes d'accord, M. le ministre.

M. Barrette : Oui, oui, allez-y, allez-y.

M. Longpré (Claude) : Effectivement, tout d'abord, on reconnaît l'importance des décisions que vous avez à prendre, comme gouvernement et notamment comme ministre, pour contrôler les coûts de la santé, pour assurer, effectivement, une pérennité du système et effectivement que les citoyens du Québec peuvent avoir accès aux meilleures thérapies innovatrices et aussi du coté des génériques.

Moi, je tiens à vous rappeler qu'en 2007 le gouvernement, votre gouvernement, votre ministère et votre prédécesseur, qui est maintenant votre premier ministre, a rendu publique la Politique du médicament, qui était, somme toute, assez innovatrice et qui avait un volet économique qui reconnaissait que le médicament, dans sa réalité, avait aussi une importante dimension économique. Et il y avait effectivement un quatrième chapitre de cette politique-là qui était consacré à comment le gouvernement, dans une volonté de vouloir mettre en place des politiques d'usage optimal, peut tirer bénéfices de meilleures économies pour les prix, tout en tenant compte qu'il y ait aussi une importante dimension économique qui est due au fait de la présence autant de l'industrie du médicament novateur que de l'industrie du médicament générique au Québec.

Et ce que je pense que mon collègue fait allusion, c'est que depuis ce temps-là il y a eu une série de mesures qui sont venues, si vous voulez, diminuer l'attractivité du Québec comme destination d'investissement, ce qui fait en sorte que, dans nos réalités internes, on doit évidemment faire des rapports sur la situation politique, la situation de l'environnement du système de santé du Québec et on se retrouve souvent à se confronter à des réalités qui sont tout autres dans d'autres juridictions.

Donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est que vous vous êtes donné des moyens, des excellents moyens, d'ailleurs, qui ont fait l'objet de discussions pendant des années, pour ce qui est de toute la question des ententes d'inscription avec vos collègues là, pour trouver des économies importantes. Ce système-là, vous venez tout juste de le mettre en place. Vous êtes membre de l'APP depuis le mois d'octobre. Vous commencez tout juste à signer des ententes. Vous-même, M. le ministre, vous reconnaissez qu'il y a d'importantes économies. Donc, j'aurais tendance à vous dire : Voyons voir jusqu'à quel point on peut maximiser cette dimension-là, et je pense qu'il faut... important de se rappeler qu'et à l'APP et par l'entremise des ententes que vous pouvez signer, bien, le manufacturier se trouve à être à la table, donc il peut apporter des informations au niveau de la valeur de ce qu'on apporte. Si on se retrouve dans une situation...

• (13 h 10) •

M. Barrette : Là, c'est parce que, là, si vous me le permettez, là, c'est parce que, là, le temps passe, et puis là vous nous faites des éditoriaux. D'un côté, vous tentez de me faire un cours d'économie. Je peux vous en faire un, cours d'économie, il n'y a aucun problème, sur votre univers.

Aujourd'hui, là, aujourd'hui, je veux juste vous rappeler, M. Longpré, qu'il n'y a pas de décisions qui se prennent au Québec sans que ça passe au Conseil des ministres, où siège le premier ministre. Alors, je n'ai pas rien à lui rappeler, il est très au fait de ces affaires-là.

Puis je vous rappellerai, moi, que les 15 ans de brevets ont été très avantageux pour votre industrie. Et, pour une raison mystérieuse, il y a des emplois qui sont allés ailleurs quand la durée du brevet a sauté.

Et, pour ce qui est du côté des génériques, là, du côté des génériques, je vous ouvre la porte. Je vous ouvre la porte à vous, là, pour nous parler des obstacles qu'il y a en avant de vous, des coûts qui sont induits chez vous par les ententes qu'il y a au-dessus, qui feraient en sorte que... Ce que vous nous avez dit il y a un instant, là, vous, là, dans votre univers, qui nous dites, là, qu'actuellement, là, vous avez des emplois, vous investissez — puis, parfait, bravo, merci, bien content de ça — mais il y a, au-dessus de vous, une structure qui cause, qui induit des coûts supplémentaires. C'est ça dont je voudrais que vous nous parliez. Ça vous tente-tu de nous parler de ça?

Moi, le cours d'économie des Big Mac, là, je les connais très bien. Je l'ai utilisé à tour de bras, cet argument-là, là. Mais il n'en reste pas moins... Prenons l'exemple, ici, là, des marques maison, par exemple, dans les ententes commerciales. Qu'est-ce que ça fait, ça, dans la vraie vie? Il me reste une minute, là, parlez-nous de ça.

M. Blouin (Christian) : Écoutez, je ne suis pas un expert dans les marques maison, là, puis il est évident que plusieurs...

M. Barrette : Parlez-nous, à ce moment-là, de vos relations avec les grossistes.

M. Blouin (Christian) : Bien, écoutez, la relation avec les grossistes... Moi, je ne suis pas dans les ventes, là, je suis en affaires gouvernementales, je ne peux pas vous parler des relations avec les grossistes. Mais je peux vous dire qu'effectivement la plupart des compagnies génériques vont produire pour certaines marques maison. Il y a des ententes commerciales qui existent à ce niveau-là. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire à ce stade-ci.

M. Barrette : Quand vous avez à mettre un produit en marché, est-ce qu'il y a, dans la structure des ententes commerciales, dans l'intégration verticale qui existe au Québec, un coût ajouté à la structure actuelle? Est-ce que, si cette structure-là n'était pas là, le coût du médicament serait moindre?

M. Blouin (Christian) : Je ne peux pas vous répondre à ça. Il y a des ententes commerciales qui existent, c'est clair, avec certaines bannières, j'imagine, et honnêtement je ne peux pas répondre à ça. En fait, dans notre tête, le coût de fabrication, le coût de revient de nos médicaments concernant les appels d'offres, ça va être un effet délétère, en fait, pour nos...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons la parole, pour 9 min 30 s, au collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Forget, toujours un plaisir de vous revoir, M. Blouin, M. Longpré.

D'abord, M. le Président, vous savez que j'aime taquiner le ministre. Alors, tout à l'heure, il a dit qu'évidemment les médicaments qui sont très recherchés, qui ont des coûts très élevés, présentent un problème particulier, et que lui-même aimerait bien acheter une voiture qui fait 0 à 100 kilomètres en trois secondes, et qu'il n'a pas les moyens. Alors, j'ai fait la recherche pour lui. S'il se rend au 3980, Jean-Talon Ouest à Montréal, il trouvera la Ferrari 488 GTB, qui fait, en trois secondes, 0 à 60 kilomètres-heure, pour le prix de 250 000 $. Alors, comme il a eu une prime de départ de 1,2 million, il peut en acheter quatre, et il lui restera 200 000 $. Alors, peut-être qu'on lui fera un prix de groupe pour cinq Ferrari.

Maintenant que j'ai taquiné le ministre, je vais pouvoir discuter appel d'offres, parce que, peut-être s'il a fait un appel d'offres sur les Ferrari, il pourrait l'avoir encore moins chère. Mais je ne doute pas de sa capacité à s'acheter une Ferrari, c'est simplement ce que je voulais dire. Et puis, s'il en achète une, j'aimerais faire un petit tour avec lui pour voir si on peut accélérer aussi rapidement qu'on le dit sur un circuit fermé, sur un circuit fermé.

Circuit fermé, c'est un peu la discussion que nous avons. Vous êtes contre l'idée d'un appel d'offres pour un certain nombre d'arguments qu'on commence à connaître. Cependant, et, encore une fois, je remercie beaucoup le ministre d'avoir publié l'analyse d'impact réglementaire sur son projet de loi, et c'est un très bon précédent, et j'espère qu'on le verra pour chacun des projets de loi parce que ça me permet d'aller à sa rescousse et dire que, lorsqu'on lit ce qui est beaucoup plus clair que dans ce bref projet de loi, il dit : Écoutez, là, il ne faut pas partir en peur sur les appels d'offres. D'abord, le ministre admet que les coûts administratifs sont élevés, et donc les appels d'offres ne devraient viser que des médicaments ayant un volume de ventes suffisamment élevé pour justifier le coût administratif, ça en enlève un certain nombre. Il dit : Il ne faut le faire que si on retrouve plusieurs fabricants d'un même médicament. Puis il faut faire attention parce que, parfois, on a l'impression que c'est plusieurs fabricants, mais en fait il y en a juste un, deux ou trois, mais qui ont des marques différentes, hein? On retrouve ça en épicerie aussi. Alors, il faut faire bien attention. Il dit aussi : Bien, les ruptures d'approvisionnement... ce que vous dites, et il en est bien conscient, puis il dit : Il pourrait être préférable de retenir plus d'un fournisseur, mais là ça va réduire le nombre de cas parce que ce n'est pas toujours le cas. Et ensuite il dit : Pour cette raison — parce qu'on ne veut pas aussi écarter des gens du marché, des fabricants — le recours aux appels d'offres doit s'effectuer de manière ciblée. Et il conclut que, pour la majorité des produits, l'inscription à la liste des médicaments du RGAM continuera de s'effectuer sur la base du prix soumis par le fabricant.

Alors donc, ce qu'il nous dit, c'est : Écoutez, là, ça va être très ciblé, mon affaire, là, ça va arriver une fois de temps en temps quand toutes ces conditions-là vont être réunies. Alors, pourquoi pas, puisqu'il intègre là-dedans la majorité de vos arguments? Il dit : Bien sûr, je ne suis pas fou à temps plein, là, je vais tout regarder ça, je vais éviter le bris d'approvisionnement, je vais éviter de sortir les fabricants du marché, je vais éviter les cas où il n'y a pas assez de volume puis que ça ne justifie pas la lourdeur administrative.

Alors, une fois qu'on a tout dit ça, est-ce que ça ne vaudrait pas la peine d'en faire?

Le Président (M. Tanguay) : ...oui.

M. Forget (Stéphane) : Évidemment, avec ce que vous venez de mentionner, c'est impossible aujourd'hui d'évaluer le nombre d'appels d'offres qu'il pourrait y avoir par types de molécule, types de médicament aussi. Donc, c'est évident que, quand on relit l'analyse dont vous venez de faire le résumé, ça ne nous permet pas de présumer du nombre d'appels d'offres qu'il pourrait y avoir dans une année, assurément. Et tous les caveats que vous avez soulevés sont ceux qui nous préoccupent, qui ont préoccupé l'ensemble de nos membres qui ont été consultés sur cette question-là.

Mais, effectivement, c'est une excellente question, à cette étape-ci, combien d'appels d'offres. C'est l'incertitude, à cet égard-là.

M. Longpré (Claude) : Puis j'ajouterais qu'on ne sait pas exactement avec certitude si effectivement ça s'applique aux novateurs, aux génériques, aux biosimilaires, aux biologiques, ainsi de suite. Donc, déjà là, si on se fie au libellé, on est un peu sans savoir exactement ce que le gouvernement a en tête.

Et, au surplus, j'attirerais votre attention sur le court paragraphe des avantages du projet. Je pense qu'on se serait attendus à une analyse beaucoup plus étoffée sur, effectivement, quelles seraient les retombées de cette démarche-là. En fait, on dit qu'on n'est pas en mesure de le faire justement pour les raisons que vous avez évoquées.

M. Lisée : Bien, écoutez, c'est sûr que le projet s'adresse surtout aux génériques. Et, avec toutes ces conditions-là, qui sont prudentes, est-ce que ce n'est pas le cas que ça nous permettrait d'avoir une information que nous n'avons pas sur le juste prix de certains médicaments génériques?

M. Blouin (Christian) : Écoutez, la seule chose que je peux dire : Effectivement, on n'a pas calculé les économies, à l'heure actuelle, de ça. Et ce que j'entendais tantôt, en fait, des prédécesseurs, c'est un petit peu épeurant. Il a beau y avoir des appels d'offres, mais, à partir du moment où on dit : On va mettre des conditions... et l'exemple qui a été donné, c'est que, s'il y a un nouveau compétiteur qui arrive en plein milieu d'un contrat de deux ans, trois ans, peu importe, on va briser l'appel d'offres, puis c'est à un autre, alors que, que ça soit du côté novateur, du côté générique, ce qu'on veut, c'est une certaine stabilité économique, une certaine prévisibilité. Et c'est clair qu'avec...

M. Lisée : On a trois ans, c'est le cas pour les regroupements d'achats en hôpitaux. Donc, vous le faites dans ces cas-là, vous avez une prévisibilité de trois ans. Si c'est le même cas?

M. Blouin (Christian) : Oui, mais c'est, s'il y avait un appel d'offres qui durait trois ans puis qu'on dit : Écoute, il arrive un nouveau compétiteur et puis on brise l'appel d'offres, on retourne en soumission ou on retourne en appel d'offres.

M. Lisée : Ah! je vois. Où est-ce que c'est, ça? Je ne vois pas ça dans l'analyse.

M. Blouin (Christian) : Non, ce n'est pas ça, mais tantôt la dame expliquait que, dans des mécanismes pour pallier, justement, on utilisait cette méthode-là. C'est absolument arbitraire et, d'un point de vue strictement affaires, ça n'a comme pas de bon sens, là. Ce n'est pas un «win-win», là.

M. Lisée : Oui, je sais, mais c'est dans des conditions particulières, ce qui n'empêche pas que les compagnies génériques et novatrices participent aux appels d'offres en ce moment sous le régime des regroupements d'achats des hôpitaux du Québec.

M. Blouin (Christian) : Oui, mais, je veux être clair, là, dans le générique, là, il y a déjà une entente pancanadienne, là. Lorsqu'il y a eu le Conseil de la fédération, ça a été clair qu'il fallait trouver... puis on a ciblé spécifiquement le secteur de la santé, et les provinces se sont assises avec les compagnies génériques...

M. Lisée : Je comprends tout ça. Je comprends tout ça, mais ce que je vous demande, là, c'est : Puisque vous participez aux appels d'offres pour les regroupements d'achats des hôpitaux, vous le faites en ce moment, si la même prudence est appliquée, dans des cas limités, pour le reste du marché québécois, pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas fonctionner?

• (13 h 20) •

M. Blouin (Christian) : D'abord, on parle d'un marché complètement différent en termes de grandeur de marché, là. Le marché hospitalier est un très, très petit marché, là, ça ne représente pas la majorité de notre chiffre d'affaires.

M. Lisée : Bien, raison de plus, vous ferez plus de volume sur les 1 800 pharmacies.

M. Blouin (Christian) : Beaucoup plus de volume du côté du régime public et régime privé.

M. Lisée : Bon. Donc, avec une soumission qui serait compétitive, avec un volume plus important, vous pourriez retrouver votre marge de profit.

M. Blouin (Christian) : On pourrait la perdre aussi facilement. À partir du moment où vous limitez le nombre de joueurs, les risques d'approvisionnement, instabilité, on peut...

M. Lisée : Oui, mais il dit, là : Je vais faire attention à ça, là, je vais faire en sorte qu'il y ait toujours plus qu'un fabricant, je vais faire en sorte de ne pas sortir du marché d'autres fabricants. Il le dit, là, il a tout compris ça, là.

M. Blouin (Christian) : Oui, c'est ça, c'est ça, c'est ça.

M. Lisée : Comme pour les hôpitaux.

M. Blouin (Christian) : Des voeux pieux, parce qu'on ne sait pas, quand même, quelle est la nature puis le volume des économies. Alors, ce que je dis, c'est que chambouler un système qui fonctionne bien... puis je ne dis pas qu'il n'y a pas d'économies à faire, mais chambouler un système, à partir du moment où on n'est même pas capables de quantifier certaines économies, il y a un problème.

M. Lisée : Je voudrais vous laisser la dernière minute qu'il me reste pour que vous nous donniez la liste — puis j'aimerais que vous déposiez votre document — des autres propositions d'économies que vous aviez faites au ministre l'an dernier et qui n'ont pas été, pour l'instant, appliquées.

M. Blouin (Christian) : Bon, bien, écoutez, c'est simple, en fait, c'est un document de nature privée, mais il a été présenté, en fait, au ministère et c'est un truc à trois volets, en fait, où d'abord il y aurait une révision qui se fait des médicaments au niveau de l'inscription des médicaments qui sont remboursés. Au Québec, on en fait sept en moyenne par année, alors que, dans toutes les autres provinces, on en fait 12. Le nombre de jours requis pour les fonctionnaires de réviser est à peu près d'une centaine de jours en moyenne, alors que, dans les autres provinces, la moyenne est à peu près 30 quelques journées.

M. Lisée : Et je comprends que, dès qu'on peut inscrire un produit générique qui est, disons, 10 % ou 20 % du prix du produit novateur, on fait l'économie immédiatement.

M. Blouin (Christian) : Absolument.

M. Lisée : Donc, le ministre, en refusant d'aller plus vite, ne prend pas des économies qui sont immédiatement disponibles.

M. Blouin (Christian) : En fait, je ne suis pas certain que c'est le ministre qui a refusé, je pense qu'on n'est pas rendus là, mais je pense qu'on devrait regarder cette chose-là parce qu'il y a des économies à faire, il y a des économies à faire en termes de fréquence de révision, en termes d'efficience de révision. Au lieu de prendre 100 quelques jours, si on rejoignait la moyenne canadienne...

M. Lisée : En quelques secondes, vos deux autres suggestions.

M. Blouin (Christian) : Pardon?

M. Lisée : En quelques secondes, vos deux autres suggestions.

M. Blouin (Christian) : Mes deux autres sous-questions?

M. Lisée : Suggestions.

Le Président (M. Tanguay) : Suggestions.

M. Blouin (Christian) : Ah! bien, suggestions, bien, c'est relié à ça, là. Puis la troisième, en fait, parce que j'en ai nommé deux, là, le nombre de révisions, la fréquence et puis l'inscription immédiate à partir de l'avis de conformité de Santé Canada.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Pour une période de 6 min 30 s, la parole est au collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. Forget, d'être là, M. Blouin, M. Longpré.

M. Forget (Stéphane) : On s'excuse de ne pas avoir de Paradis dans notre équipe aujourd'hui.

M. Paradis (Lévis) : Ah, non, non, non, il n'y a pas de problème, là. Nous, on jongle avec le Paradis, puis eux jonglent avec les Ferrari, alors pas trop de problèmes.

Vous mettez de l'avant les impacts économiques, c'est ce que je retiens, là, de votre présentation, c'est-à-dire que... Et vous nous dites, et vous venez de le dire : Il n'y a pas de garantie d'économies dans ce qu'on voit maintenant ou dans ce qui est proposé, puis, à la limite, c'est très minimaliste, alors on ne sait pas trop où on s'en va. Mais, d'ores et déjà, à la lumière de ce qui est présenté et surtout des inconnus, il y a un impact économique qui se définit déjà sur nos emplois, vos entreprises, les projets et la vision extérieure de ce marché-là parce que, quand même, c'est un marché important. C'est ce que vous nous dites. Je vous demande d'expliquer davantage.

M. Forget (Stéphane) : Peut-être pour débuter, tout ça aussi dans le difficile équilibre entre les économies en santé et les investissements en développement économique. Et on est conscients, là, que c'est un équilibre difficile, mais on pense que, dans le cas du médicament, entre autres, on ne peut réfléchir en silo. Il y a une réflexion à avoir, à faire sur les économies potentielles en santé, d'une part, mais les risques de désinvestissement, du point de vue économique, d'autre part. Alors là, c'est l'équation entre les deux qui devient extrêmement complexe à réaliser, mais dont on doit tenir compte lorsqu'on regarde des projets de loi comme ceux-ci.

M. Longpré (Claude) : Je pense que ce qu'il faut aussi retenir, c'est que, bon, forcément, notre capacité de croître, notre capacité... Bon, bien, évidemment, il y a des emplois, il y a une présence économique, il y a des fournisseurs, il y a de l'activité économique, mais, en bout de ligne, surtout du côté des novateurs, il y a d'importants investissements en matière de R&D. On est une des industries qui fait le plus de recherche en R&D, forcément, c'est notre gagne-pain, c'est la façon qu'on peut continuer à progresser. Donc, quand les juridictions vous imposent des limites sur votre capacité d'avoir un succès commercial, bien, invariablement, ça va avoir de l'effet sur la capacité, de façon globale en plus, à nos entreprises de continuer à alimenter la recherche en développement de nouvelles thérapies pour, finalement, les patients. Alors, c'est surtout la question du développement de ces nouvelles thérapies qui peut être, à court terme, écourtée.

M. Paradis (Lévis) : Vous nous dites... et vous êtes là pour ça, vous exprimez vos craintes, votre hypothèse, notamment, l'impact sur l'emploi, et vous dites : «Comme les médicaments pour lesquels des appels d'offres seront tenus ne sont pas encore déterminés, on ne peut estimer l'impact sur l'emploi pour les entreprises présentes au Québec. Il demeure que le recours aux appels d'offres devrait cibler, du moins dans un premier temps, un nombre limité de médicaments. Dans ce contexte, l'impact pour les fabricants devrait être plutôt modeste. Toutefois, la combinaison de cette mesure avec d'autres changements dans les conditions de marché pourrait avoir un impact plus marqué chez les petites et moyennes entreprises à propriété québécoise.» Ça, c'est l'analyse d'impact du ministère, c'est votre vision de ce qui risque de se produire concrètement.

M. Forget (Stéphane) : Oui, combinée avec les préoccupations qu'on a déjà soulignées eu égard au déplafonnement. Tu sais, on est dans un climat où on met plusieurs mesures, on sédimente, là, et la conséquence de ça, c'est l'impact potentiel sur le développement économique. Et la fédération a une préoccupation, puis on le mentionne beaucoup, à l'égard du maintien des emplois des entreprises ici, à l'attraction des investissements étrangers. Nous sommes dans un univers où la concurrence mondiale est féroce. La semaine dernière, nous sommes venus pour... en matière d'immigration, et on a parlé de la sélection des immigrants. Et même là, pour aller chercher les talents, la concurrence est mondiale. On est ici aujourd'hui, on vit dans un univers où il y a des filiales, où il y a des entreprises qui peuvent se délocaliser. Alors, si je me mets dans le chapeau strictement développement économique, il y a une grande préoccupation à l'égard d'un climat d'affaires qui va maintenir les emplois ici et qui va susciter les entreprises à investir et à attirer ici des investissements étrangers.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez dit, M. Blouin, que vous étiez le plus gros employeur. Mais, dans la revue d'impact, l'analyse d'impact du ministère, on dit que ça peut avoir des impacts pas seulement chez les plus gros, chez les petits également. Alors, il y a un impact sur ce marché-là, qui n'est pas seulement un marché de géants.

M. Blouin (Christian) : Absolument, il y a un impact chez les plus petites compagnies qui font partie du regroupement de l'industrie du médicament générique aussi, effectivement, et je pense qu'ils sont cédulés plus tard dans la commission.

M. Forget (Stéphane) : Et chez les distributeurs aussi, c'est vrai chez les...

M. Paradis (Lévis) : Puis on parle là de PME québécoises.

M. Blouin (Christian) : Oui, absolument.

M. Forget (Stéphane) : Oui, oui, absolument. Tu sais, c'est une industrie qui s'est développée beaucoup au Québec au cours des 10, 15 dernières années, là, et de grandes et des plus petites entreprises dans le secteur — ça, c'est pour le générique — novateur, qui a toujours une place importante. Il y a aussi les distributeurs qui sont un peu, possiblement, touchés par le projet de loi. Donc, on demande d'avoir une réflexion générale à cet égard-là, effectivement.

M. Paradis (Lévis) : Vous nous aviez exprimé, à travers votre mémoire, et des groupes l'ont dit également, que l'impact pourrait être tel que l'appel d'offres, en principe, dans la mesure où on ne fait pas partie de ceux qui sont retenus, pourrait provoquer une annulation de chaînes de production. Tu sais, on peut laisser tomber un produit à développer parce qu'on n'a plus de sortie de marché.

M. Blouin (Christian) : Oui, absolument. Écoutez, à partir du moment où vous n'avez plus accès au marché dans un marché donné, il n'y a pas de raison d'être sur une cédule de production qui est de plus en plus globale. Alors, c'est un joueur de moins qui disparaît. Ça peut amener des risques de pénurie, c'est clair.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, on exporte beaucoup. On produit davantage de médicaments au Québec que ce qui est consommé localement. Votre marché est un marché d'exportation.

M. Blouin (Christian) : Oui. C'est un point intéressant, parce que c'est là que la délocalisation peut se faire facilement. Chez Pharmascience, par exemple, on a fait l'acquisition, l'an passé, d'une usine à Candiac, l'ancienne usine de Bristol-Myers Squibb, dans un but d'exporter éventuellement sur le marché américain et ailleurs. Il y a des projets de développement. Maintenant, et je parlais de stabilité puis de prévisibilité, c'est sur la glace pour l'instant.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, compte tenu du temps dont nous disposons, ceci met fin à nos échanges. Nous remercions donc les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 8 mars 2016, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 13 h 30)

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