Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mercredi 28 mai 2025
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Vol. 47 N° 95
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux
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11 h (version non révisée)
(Onze heures trente-deux minutes)
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la
santé et des services sociaux ouverte. La commission est réunie aujourd'hui afin
de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité
collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux
services médicaux. . Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. Mme Dorismond (Marie-Victorin) est remplacée par Mme Guillemette
(Roberval); Mme Picard (Soulanges); par Mme Jeannotte (Labelle); et M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne); par M. Marissal (Rosemont).
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Très bien. Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous entendrons les témoins...
11 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...suivants :
le professeur Pierre-Carl Michaud et la professeure Mélanie Bourassa Fortier...
Forcier, pardon.
Alors nous allons avoir besoin de votre
consentement ce matin, puisque la séance a commencé, Mme la secrétaire, à 11 h 30.
Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure
prévue, soit jusqu'à 13 h? Consentement. Très bien. Merci beaucoup.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue
au professeur Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à commencer votre exposé.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Merci.
Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, merci de m'accueillir
à ces consultations.
On le sait, la question de la rémunération
des médecins, elle est clivante, et ce, depuis en fait le début du régime d'assurance
maladie du Québec. C'est né d'un compromis, à l'origine, un système de
rémunération de manière générale à l'acte, avec des médecins qui sont des
travailleurs autonomes. C'est un système qui est toujours solidement ancré au
Québec, même s'il y a eu quelques changements. Et aujourd'hui, c'est un système
qu'on pourrait qualifier de monstre bureaucratique très impénétrable, très
compliqué. Et c'est dans un contexte de vieillissement de la population, je
crois, aujourd'hui, qu'on voit les pressions augmenter sur ce système puis qu'on
commence à voir les fissures qui paraissent, en quelque sorte, dans les
fondations.
Mon équipe, composée de chercheurs en
économie de l'Université Laval et de HEC Montréal, on a accepté un mandat de
recherche provenant du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
pour répondre à deux questions : tracer l'évolution de l'offre de travail
et la prestation des services médicaux, et évaluer si la hausse de la
rémunération elle-même, c'est-à-dire la hausse des tarifs consentie depuis
environ une quinzaine d'années et un peu plus... même un peu avant, a pu
influencer le volume de services médicaux, soit à la hausse, soit à la baisse.
On a publié un rapport samedi dernier. Il
s'agit d'un rapport qui décrit une réalité difficile à capter, où plusieurs
choses peuvent être vraies en même temps. Ça, c'est le point sur lequel je
veux... je veux insister.
Le meilleur exemple, c'est le problème de
mesure de ce qu'on appelle l'offre de travail, la prestation de service. On ne
peut pas mesurer l'offre de travail des médecins en termes d'heures
travaillées, par exemple, à l'aide des données de facturation de la RAMQ. C'est
le système qui, en quelque sorte, a produit ce constat-là. C'est l'angle mort
de notre système de gestion sur l'intensité de la pratique des médecins. Et ça
rend difficile l'établissement de politiques publiques dans ce domaine-là.
Donc, on peut trouver en même temps que
les travails travaillent... les médecins travaillent beaucoup, et c'est ce qu'on
montre dans le rapport, mais en même temps, qu'ils font moins de services
médicaux qu'auparavant. Les deux choses peuvent être vraies.
On le savait dès le départ en acceptant ce
mandat-là. C'est pour ça qu'on ne s'est pas fiés seulement sur des données de
facturation pour faire... répondre aux questions. On a analysé en particulier
les données du recensement canadien. Ça peut paraître un peu byzantin, hein? C'est
des données qu'on sait qui existent. Mais, en fait, on se fait... une personne
sur cinq au Canada se fait demander le nombre de semaines qu'ils travaillent
par année, et d'heures qu'ils travaillent par année. Et on est obligés de
répondre. Et les médecins y répondent, à cette enquête-là. Donc, on a utilisé
ces données-là pour, en premier lieu, nous donner un point d'ancrage sur c'est
quoi l'offre totale, en quelque sorte, de travail des médecins, puis comment ça
allait évoluer dans le temps. Ce n'est pas parfait, mais c'est déjà ça.
En plus des données de facturation de
médecins, on a aussi utilisé les données de l'Institut canadien d'information
en santé, qui se base en partie sur... aussi sur des données de facturation,
mais qui nous donne un autre point de comparaison, d'ancrage important, qui est
celui de permettre des comparaisons. Et, des comparaisons, c'est utile. Bien
sûr, ça soulève des débats de comparabilité, mais tout de même, ça donne des
constats qui sont éclairants.
Donc, on ne peut pas... on ne peut pas
réduire l'étude qu'on a faite à une analyse seulement de fichiers de
facturation de la RAMQ. Mais ces fichiers ont aussi une histoire à raconter,
une histoire très importante. On a épluché, à l'aide de quantités massives de
données de facturation, plus de 1 milliard d'actes médicaux sur une longue
période et analysé le comportement de plusieurs milliers de médecins.
Les constats. Le premier constat le plus
important pour vos travaux dans le cadre de ce projet de loi, c'est qu'à l'aide
d'une analyse économétrique statistique, la hausse des tarifs consentie et des
incitatifs qu'on a consentis sur la période n'a pas eu l'effet... l'effet
escompté globalement sur le volume de services médicaux des médecins rémunérés
entièrement à l'acte. Et là, c'est très important, on a exclu de cette
analyse-là les médecins rémunérés en mode mixte, à salaire, et ainsi...
M. Michaud (Pierre-Carl) : …on
s'est concentré sur les médecins rémunérés à l'acte. L'effet aurait même été
négatif pour le volume… le volume d'actes, le nombre de patients et le nombre
de semaines avec un seuil minimal de facturation. Les données sur les heures
travaillées du recensement n'ont pratiquement pas bougé et même diminué un tout
petit peu sur la période, mais ça demeure modeste. Notre étude, donc,
suggère que c'est la répartition des activités des médecins qui s'est faite
vers d'autres activités, même si on ne peut pas exclure aussi qu'il y a eu des
effets de richesse qui ont incité certains médecins à en faire moins, tout en
visant une rémunération cible.
Un autre constat très important, la
féminisation ou les effets de composition de la profession médicale ont eu très
peu d'effets sur les volumes. C'est présent ces effets-là, mais ça reste des
effets qui sont faibles. Résultats de cette hausse et plus… et de cette hausse
de rémunération, mais aussi de plusieurs autres causes, entre autres le fardeau
administratif, les difficultés opérationnelles, la prestation de services
médicaux à la population par médecins oeuvrant seulement à l'acte, elle est
faible, moins de 140 jours en moyenne par année, avec un seuil de
facturation minimal, moins de 40 semaines par année avec au moins un jour
de facturation. Plus du tiers des médecins omnipraticiens avec trois jours ou
moins de facturation avec un seuil minimal par semaine. En comparaison des
autres provinces, Le Québec est au milieu du classement en termes de nombre de
médecins par millier de population, mais en queue de peloton en termes
d'équivalents temps plein, ce qui concorde avec les analyses qu'on a faites. Ce
n'est pas le gouvernement ni les médecins qui sont les plus grands perdants de
ce triste constat, ce sont les patients du Québec.
Maintenant, le projet de loi, notre mandat
n'était pas d'en étudier les conséquences. D'ailleurs, nous n'avions aucun
préavis sur son dépôt. Je vais donc faire des remarques à partir de maintenant,
à titre personnel, et ça n'implique pas les auteurs de l'étude avec qui j'ai
travaillé. D'emblée, je salue le principe de sortir du statu quo et
d'introduire une notion de responsabilité partagée, et elle doit être partagée,
concernant l'obligation de performance dans la prestation des soins… des
services médicaux. Le projet de loi fait des changements importants à la
rémunération sur trois plans : la capitation, simplification de la
rémunération à l'acte et un mécanisme collectif de rémunération à la
performance. C'est un projet sur les principes, à part une formule dans le
projet de loi, on ne vient pas fixer des paramètres parce que ça, ça sera fixé
en négociation par la suite avec les fédérations et par règlement. Donc, il y a
très peu de détails sur lesquels on peut se pencher comme expert et dire :
Bien, l'effet attendu de ce qui va être fait va être ça, hein, on peut
simplement se prononcer sur les principes.
Et donc ce n'est pas... ce n'est pas
facile de commenter, mais je vais faire trois observations. Je crois, comme
plusieurs l'ont fait, puis plusieurs risquent de le faire encore aujourd'hui,
je pense que c'est important d'introduire une dimension d'indicateurs de
qualité des soins, pas pour baser la rémunération sur ces indicateurs-là, mais
pour donner, nous donner un indicateur qui aide à motiver les professionnels de
la santé à se dire : Bien, est-ce qu'on peut s'améliorer en termes de
qualité, donc ne pas seulement viser le volume, mais d'être capable de voir en
quelque sorte ce qu'on obtient?
• (11 h 40) •
La rémunération par capitation ou à
salaire, on le sait qu'elle a des effets indésirables et elle peut mener à
certains effets où on priorise le volume de patients et on réduit le temps
passé avec chaque patient. Et donc ces indicateurs-là sont indispensables pour
avoir une certaine transparence au niveau de ce qui est fait en termes de
soins. Il faut que le ministère de la Santé étudie les impacts des paramètres
qu'il va choisir, ça va de soi. Mais je veux mettre en garde tout le monde ici
que, si on choisit les mauvais paramètres cette fois-ci en ayant fait des gros
changements, on risque de créer des incitatifs pervers, des effets non
désirables. Et donc il faut prendre le temps de le faire, peut-être en concert
avec les fédérations et de bien établir combien ça prend de temps pour faire
différents actes, combien ça prend de temps pour prendre en charge un patient
avec un code rouge, un code vert, un code jaune et le faire comme il faut. Il
faut prendre le temps de le faire, même sur… si sur les principes, on semble
vouloir agir rapidement.
La formule de rémunération à la
performance, quelle formule? Mais c'est assez simple dans le fond, c'est
dire : Oui, la rémunération passe de 10 à 25 % selon qu'on atteint
les cibles. Parmi les recommandations puis j'aurai peut-être la chance
d'échanger avec vous à ce niveau-là, je crois que ça pourrait être intéressant
d'introduire une notion de responsabilité partagée dans cette formule-là, que
ça soit ici ou que ça soit plus tard, où la formule s'applique seulement si le
système de santé est capable de livrer un certain seuil, par exemple,
d'ouverture de salles opératoires ou d'autres conditions particulières.
Les médecins plus âgés, je crois que c'est
possible d'adapter ces formules-là pour les exclure de la bonification
collective pour ne pas qu'ils soient pénalisés indûment ou que les autres
médecins dans un groupe de pratique collective soient pénalisés…
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...donc
tous ces principes-là, je pense que ça peut être fait.
Donc, je vous laisse sur une remarque
finale dans l'esprit de certains intervenants qui... ce que certains
intervenants ont dit hier. Je crois qu'il est possible de respecter le principe
de ce projet de loi en intégrant davantage la notion de responsabilité partagée.
Au final, le seul indicateur de performance qui compte, ça va être la
satisfaction des besoins de la population, dans le respect de la capacité de
payer du contribuable québécois. Ça me fera plaisir de répondre à vos questions
et d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Je vous remercie pour votre exposé, Pr Michaud. Nous allons maintenant
commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une
durée de 15 min 30 s.
M. Dubé : Très bien. Alors,
merci, Mme la Présidente, puis bienvenue avec nous pour quelques heures. Alors,
merci d'être là. M. Michaud, moi, je salue la qualité de votre travail puis je
dirais aussi l'indépendance de votre position. Puis je pense que ça, c'est
important parce que, oui, c'est effectivement un mandat qui a été donné par le
ministère, mais... je laisserai mes collègues commenter, mais je pense que vous
avez démontré beaucoup, je dirais, de professionnalisme et d'éthique en
essayant de mettre les choses clairement, là, pour avoir un rapport balancé.
Puis je pense que, d'ailleurs, c'est ce qu'on souhaite de nos commissions,
c'est d'avoir des opinions qui nous viennent de l'extérieur pour être capables
de dire : Bon, bien, est-ce qu'on peut ajuster le projet de loi? Est-ce
qu'on peut faire des modifications pour rassembler tout le monde? Puis c'est un
peu votre dernière conclusion. Ça fait que je veux juste vous dire que
j'apprécie beaucoup cette approche-là.
Je ne peux pas m'empêcher... puis là je
vais... ça va passer vite, 17 minutes, là, ça fait que je vais aller
rapidement, mais je ne peux pas m'empêcher de me faire plaisir un petit peu
puis que... Je vous ai entendu, la semaine dernière, parler, maintenant de la
facilité avec laquelle vous avez accès aux données, comparé à ce que c'était
avant, et ça, depuis les projets de loi qui ont été passés au cours des
dernières années. Juste vous entendre rapidement là-dessus.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Ah!
c'est extrêmement important. Plus de données, moins de mythes, plus de capacité
de se rassembler autour de constats communs puis de faire évoluer les
politiques. Donc, ça me semble... Avant, ça pouvait nous prendre de quatre à
huit ans avant d'avoir accès à des données...
M. Dubé : ...
M. Michaud (Pierre-Carl) :
...à des données en santé. Et maintenant, bien, ça peut se faire...
M. Dubé : C'était quoi,
c'étaient les limitations d'autorisation, l'accès aux données?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Commission
d'accès à l'information, et ainsi de suite, et donc ça pouvait prendre beaucoup
de temps. Donc, je pense qu'on est gagnant, là-dedans, tout le monde est
gagnant.
M. Dubé : Je n'avais pas
compris que ça faisait une si grosse différence, en termes de temps.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Ça
fait une énorme différence.
M. Dubé : Ça fait que vos
chercheurs, ils sont contents.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Et,
je dirais, les jeunes. Donc, les jeunes, avant, on les faisait travailler sur
des données américaines et européennes parce qu'ici ils n'avaient pas accès aux
données. Là, ils sont motivés parce qu'on leur dit... Imaginez des jeunes d'aujourd'hui
qui travaillent sur un projet comme ça. Ils sont motivés parce qu'ils
disent : Je travaille sur quelque chose qui est d'actualité, qui est
important. Donc, ça, je pense que c'est important, qu'on voie ces bénéfices-là.
M. Dubé : Bien, j'en profite
pour remercier mes collègues d'en face parce qu'on les a faits ensemble, ces
projet de loi là. Ça fait que je veux le mentionner, ça a été long, des fois,
et pénible, mais je pense qu'on a fait des bonnes choses puis je veux saluer
mes collègues, mais l'opposition aussi, parce que, maintenant, ça vous donne
des outils, puis on verra comment on peut en profiter.
Puis je vais sauter dans le vif, là,
maintenant. Par contre, vous avez bien dit, puis je pense que vous nous aviez
avertis avant ou, en tout cas, averti le ministère, là... Je veux parler de...
je dis : On a facilité l'accès aux données, mais il vous manque encore de
l'information pour être capable... Puis vous le dites clairement dans votre
rapport, là, vous êtes basé principalement sur des données de facturation.
Donc, pour que les Québécois comprennent, là, c'est... on sait l'emploi du
nombre d'heures d'un médecin, mais s'il a facturé pour de la prise en charge ou
s'il a facturé pour de l'urgence, ce sont des données de facturation. Puis ça,
là, quand vous êtes rentré dans les bases de données, c'est ça que vous êtes
allé voir. Par contre, il vous manque le reste.
Puis je voyais une statistique, hier, du
ministère, là, je l'ai dit, exemple, recherche et... recherche, et je vais dire
enseignement, là, je dis les deux principaux. Là, on me disait hier qu'on est
capable de dire que l'enseignement c'est peut-être 187 ETC, parce qu'il faut
toujours ramener ça sur des équivalents à temps complet, donc, 187 ETC. Ce
n'est même pas 2 % des 10 000 médecins, donc. Puis l'autre partie,
comment vous pourriez faire pour aller la chercher? Là, je ne veux pas vous donner
de suite un deuxième mandat, là, mais est-ce que... avec l'accès que vous avez,
il faudrait aller où? Au ministère de l'Éducation? Qu'est-ce qu'il faudrait
aller faire pour avoir ces données-là? Parce que moi, je suis très ouvert à
mieux comprendre la situation réelle des médecins qui décident de faire de
l'enseignement ou de la recherche, mais...
M. Dubé : ...seriez-vous
capable d'aller chercher avec la même granularité que vous avez faite pour la
facturation? Qu'est-ce qui vous manque pour être capable de faire ça?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Il
faudrait venir jumeler des bases de données qui sont peut-être de d'autres
ministères, comme en enseignement et en recherche. Mais il va toujours rester
le trou de l'administratif, là, on va l'appeler comme ça. Et là je n'ai pas le
détail de savoir qu'est-ce que... tu sais, un médecin qui prend une tâche
administrative à l'intérieur d'un hôpital, comment est-ce qu'on fait pour... et
qui n'est pas rémunéré pour ça, comment est-ce qu'on fait...
M. Dubé : Administrative à
l'intérieur de l'hôpital, comme, par exemple, un DRMG ou... O.K., mais qui
n'est pas dans un contexte de facturation.
M. Michaud (Pierre-Carl) :
C'est ça. Comment est ce qu'on fait pour venir, en quelque sorte, venir
comptabiliser tout ce temps-là pour avoir un portrait quand même important?
Mais faut toujours comprendre qu'en même temps il y a des limites aux données
administratives. Les limites administratives, elles sont collectées pour
administrer des programmes, et donc, même si on essaie de faire ça, il va
toujours avoir un... J'entendais... je pense qu'hier il y avait un docteur qui
était ici, qui nous expliquait que lui-même faisait toute sa comptabilisation
de son temps, le temps passé. Bien, idéalement, on aurait ça, mais là le danger
d'aller là, c'est qu'on imposerait un poids additionnel aux médecins,
dire : Il faut aller...
M. Dubé : Moi, j'étais plus
curieux de savoir ce que, vous, vous pouvez faire, mais on pourra en parler,
parce que, je pense que, de toute façon, on a dit qu'on voulait prendre le
temps, dans les prochaines semaines, prochains mois, pour faire. Ça fait qu'on
pourra y revenir, parce que vos données sont très claires, vous l'avez bien
expliqué, il y a une limitation qui est vraiment aux données de facturation,
puis, bon... Bon, je veux comprendre, parce qu'on a été très surpris d'une des
grandes conclusions, là, que, plus la rémunération augmente, moins il y a de
services. Puis je ne sais pas si vous commencez à l'intérieur de... mais, quand
vous avez commencé à voir ça, avez-vous creusé pour essayer d'en comprendre les
raisons?
M. Michaud (Pierre-Carl) :
Non, ça, c'est quelque chose qu'il faut vraiment maintenant s'attarder, le
mécanisme, pourquoi on... Donc, une hypothèse, c'est l'effet de richesse, hein,
on a un revenu déjà élevé, on augmente la tarification à l'acte, et là
peut-être qu'on fait d'autres... on fait... On peut d'abord commencer par
peut-être travailler un peu moins en heures, ça, c'est possible, c'est possible
qu'il y ait des médecins qui fassent ça. Mais on peut aussi peut-être si, par
exemple, ce n'est pas plaisant...
M. Dubé : Quand on dit moins
en heures, on parle toujours pour la prise en charge...
M. Michaud (Pierre-Carl) :
C'est ça.
M. Dubé : ...parce qu'on
exclut, on exclut la recherche, on exclut l'enseignement.
M. Michaud (Pierre-Carl) :
C'est ça. Exactement.
M. Dubé : O.K.
• (11 h 50) •
M. Michaud (Pierre-Carl) : Et
donc il peut avoir ça, il peut avoir aussi un effet de... un effet important
d'interactions ou si ce n'est pas plaisant d'exercer notre tâche de médecin,
par exemple, parce qu'il y a des gros ennuis au niveau administratif ou à
l'exécution. Mais peut-être que, quand la rémunération augmente, l'effet, il
est encore plus fort, parce que là on se dit : Ça me permet d'avoir le
même revenu que j'avais avant, mais là je vais diminuer le volume d'actes que
je fais parce que c'est devenu tellement déplaisant de faire la tâche. Et donc
c'est possible qu'il y ait une interaction entre ces choses-là. Et là, aller
creuser ça, ça, je pense qu'on peut le faire, mais ce n'est pas quelque chose
qu'on a eu le temps de faire.
Donc, on voit qu'il n'y a pas un effet
positif, ça, je pense qu'on peut l'exclure. Il y a des effets nuls très souvent
et il y a des effets négatifs qu'on a observés pour certaines mesures. Et là,
comprendre le mécanisme, c'est ça, la clé au point de vue scientifique, parce
qu'il faut... il faut avoir une histoire crédible, il faut comprendre pourquoi c'est
en train d'arriver, puis c'est important pour vous.
M. Dubé : Mais, dans vos
recherches, là, parce que je regardais la liste des références que vous mettez
à la fin de vos études, c'est toujours deux, trois pages de long, avec des
petits numéros, là, mais est-ce qu'il y en a, d'autres études que vous avez
consultées qui arrivent au même constat que...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Il
y a beaucoup d'études qui montrent cet effet-là qu'on dit de courbe d'offre de
travail à rebroussement. O.K.
M. Dubé : Oh! Répétez-moi ça.
M. Michaud (Pierre-Carl) :
L'offre de travail, généralement, quand on gagne plus à l'heure comme
travailleur, on travaille plus, hein, mais il y a un certain moment donné où on
peut observer un effet que, quand on nous paie à l'heure un peu plus élevé,
bien, on va réduire nos heures au lieu de les augmenter. Il y a un effet revenu
qui devient plus important. Et donc, dans les études, il y a plusieurs
études... Ce n'est pas toutes les études, il y a des études, dans certains
contextes, qui ne montrent pas d'effet, mais il y a des études qui montrent des
effets négatifs, et, en particulier, une étude canadienne qui utilisait, et
québécoise, qui utilisait des données vers 1998 à 2002, qui trouvait ces
effets-là déjà à l'époque, qui étaient plus faibles que ceux trouvés ici, mais
ils étaient déjà là.
M. Dubé : Vous avez éludé,
puis je pense que c'était intéressant, dans votre rapport aussi, toute la
question de : Est-ce que le mode de rémunération devrait inclure un
certain lien avec... Moi, je parle plus de résultats ou de certaines cibles.
Vous avez parlé de ça. Vous avez dit tantôt, dans votre énoncé, vous avez parlé
qualité. Est-ce que... Donc, vous n'êtes pas contre ce principe-là, si je
comprends bien, là...
M. Dubé : ...mais c'est quoi?
Le plus important, c'est quoi? C'est le choix des cibles?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Le
choix des cibles et la... essentiellement la récompense qu'on va donner à la
cible. Donc là, on a fixé de 10 % à 25 %. Mais, ces chiffres-là, tu
sais, pourquoi c'est ces chiffres-là, c'est quoi, la pente, donc comment la
réponse à la cible, on va réagir en rémunération.
M. Dubé : Oui. Il y a-tu
25 cibles, il y en a-tu 15, il y en a-tu trois. O.K.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Et
donc, c'est tout ce détail-là, je pense. Et là, le package de rémunération
totale aussi, là, vu qu'il va y avoir de la capitation dans certaines... Donc,
capitation, rémunération à l'acte simplifiée, il faut regarder l'effet total de
tout ça. Donc, ça va prendre une modélisation quand même assez complexe pour
venir bien comprendre ça.
M. Dubé : Puis je reviens sur
les études internationales, parce que je pense que c'est un peu ça le début...
le... un des débats, là, que j'entendais de fédérations, puis je le fais dans
un objectif constructif. Mais vous en avez vu ailleurs, d'autres rémunérations,
dans des organisations qui ont la... bien, la performance ou un lien avec les
résultats, là?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Dans
mon cas... Dans mon cas, je n'ai pas étudié cette question-là, précisément.
M. Dubé : Ah! O.K. Vous
n'êtes pas allé à l'international?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non.
M. Dubé : O.K. C'est beau.
Moi, j'aimerais poser... peut-être donner l'opportunité à de mes collègues de
poser quelques questions, là, s'il vous plaît, si vous permettez.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci,
M. le ministre. Alors, Mme la députée de Bonaventure, la parole est à vous. Il
reste un temps de quatre minutes 43 secondes.
Mme Blouin : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Juste une petite question. Bonjour à vous. Merci d'être avec
nous aujourd'hui.
En fait, dans votre rapport, qui est très
intéressant par ailleurs, vous nous parlez de l'augmentation du nombre de femmes
en médecine. Et ça a attiré mon attention parce que vous affirmez que la
féminisation de la profession explique très peu, voire même pas du tout la
productivité, en fait, des médecins. Donc, on a entendu souvent cet
argument-là, par ailleurs, dans les différentes fédérations au cours des
derniers jours. Mais, selon vos constats, ce n'est pas un argument qui tient la
route. J'aimerais ça que vous nous en parliez un petit peu, si c'est possible
pour vous.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui.
Je peux donner... Je peux donner l'intuition : si la fraction de femmes
dans la profession augmente de 10 10 %, 10 points de pourcentage, et
que l'écart, disons, on va dire d'offres de services médicaux serait de
20 % entre les hommes et les femmes, donc les hommes feraient 20 %
plus de services que les femmes, pour toutes sortes de raisons, bien, au total,
ça va donner un effet de 2 %. 10 % fois 20 % va donner 2 %
au total de réduction du volume de services médicaux médicaux. Mais, si la
baisse du volume de services médicaux, par exemple chez les omnis, est de
20 %, bien, ce 2 % là, par rapport au 20 %, il explique... il
explique très peu. Donc, l'effet de composition, il n'est pas suffisamment
important... il est important, mais il n'est pas suffisamment important pour
venir expliquer les variations de volumes qu'on a vues dans le temps. Donc là,
après, on fait toutes sortes d'exercices statistiques pour justement bien
décomposer ça. On suit la population en âge, les médecins, la structure d'âge,
la structure en termes de sexe. Et là, bien on quantifie pour différentes
mesures, effectivement. Puis c'est ça qui a été rapporté aussi, même par
certains médias. On quantifie, en quelque sorte, la part qui est expliquée par
la féminisation, et ça va être peu. Mais j'ai donné l'intuition au départ, là,
sans même faire l'exercice. Si c'est 10 % d'augmentation de femmes, ça
prendrait un écart énorme entre les hommes et les femmes pour venir générer une
baisse de volume de 20 %, par exemple, chez les omnipraticiens, ce qu'on a
eue. Donc, déjà, avant même de le faire, l'exercice, on se doute que l'effet ne
peut pas être très important, une fois qu'on réfléchit à la mécanique. Mais,
quand on le fait de manière précise, on voit que c'est un... Donc, on ne peut
pas par exemple faire porter, là, le fardeau de ce qui se passe sur dire :
Bien, c'est à cause de la féminisation. C'est sûr que c'est un facteur qui est
important, puis il faut le prendre en compte dans la planification des
effectifs. J'imagine que c'est fait. Et c'est tout à fait valable. Il n'y a pas
de jugement sur ça. Mais il faut le prendre en compte.
Mme Blouin : Merci.
M. Dubé : Ça va? Je vais
continuer. Puis, je pense, c'est important. Parce qu'on a souvent entendu que
c'était peut-être un facteur qui expliquait la baisse au niveau du nombre
d'heures, là, puis je pense que ça a clarifié beaucoup de choses, ça, que...
Il y en a un autre facteur aussi que vous
avez précisé, c'était toute la question de... bon, je ne veux pas faire
d'âgisme, là, mais du personnel qui est peut-être plus proche de la retraite
ou... Est-ce que... Est-ce que l'âge était un facteur?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non.
Ça a un peu un effet similaire. Et il y a deux... il y a deux temps importants,
hein, dans l'évolution de notre structure d'âge des médecins au Québec. Dans la
période qu'on étudie, 2010 à 2023, il y a deux temps. Le premier temps, c'est
on fait très peu de formation, puis on a des médecins très vieillissants, donc
on le voit bien dans la structure, ça vieillit fort. Puis là, vers... après
2015, on commence à voir un élan de nouveaux médecins plus jeunes, et l'effet
de vieillissement est toujours là, là. Il y a...
M. Dubé : Vous avez un
graphique dans votre...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui.
M. Dubé : ...dans votre
étude. Puis...
M. Dubé : …puis je le souligne
à mes collègues, là, parce qu'on ne l'a pas devant nous. Mais vous avez
vraiment le… un bloc très foncé de jeunes médecins puis je suis content de voir
ça, là, parce qu'on augmente la formation de médecins. Mais on a aussi un autre
gros bloc dans la population plus âgée. Alors donc, vous dites : Ça, c'est
en train… ça, c'est en train de changer, là.
M. Michaud (Pierre-Carl) :
Puis il y a deux effets avec l'âge qui sont compliqués. Il y a les médecins
plus âgés qui réduisent un peu le volume de services. Ça, ça s'observe aussi
sur le marché du travail, dans d'autres professions, mais aussi les jeunes…
C'est aussi plus bas, c'est-à-dire les…
M. Dubé : Plus bas dans quel
sens?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Le
volume de services. Donc, ça fait vraiment une cloche. C'est vraiment une
cloche, le volume de services. Et c'est... c'est vraiment beaucoup plus élevé.
Puis C'est comme ça aussi sur le marché du travail. C'est entre les âges, on va
dire, 45 à 55.
M. Dubé : Oui, oui, mais on le
voit chez les médecins aussi, là.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Et
donc chez les jeunes. Et donc l'effet du vieillissement, il est compliqué parce
que... parce qu'on a le vieillissement d'abord, qui a une pression à la baisse.
Mais après ça, on a les jeunes qui rentrent, mais les jeunes aussi, ils en font
un peu moins. Donc, au total, ça a un effet négatif, mais c'est faible.
M. Dubé : Et quand vous dites…
Parce que je ne veux pas aller trop dans le détail, mais donc il y a un…
pardon?
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
M. le ministre, le temps est écoulé.
M. Dubé : Hé! mon doux.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Alors, merci à vous. Merci à Mme la députée. Je cède maintenant la parole au
député de Pontiac pour une durée de neuf minutes, 18 secondes.
M. Fortin :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
C'est très… très apprécié. Le ministre a quand même fait avec vous une bonne
partie de son temps, là, sur l'étude que vous avez menée. Moi, j'aimerais vous
amener sur vos commentaires, sur les implications du projet de loi. Vous avez
mentionné dans vos commentaires en début d'intervention que ce qui est
intéressant, c'est la responsabilité partagée. Ce que beaucoup de médecins nous
disent, c'est qu'on ne sent pas que c'est très partagé. On a l'impression de
tout avoir ça sur nos épaules.
Une des choses que vous avez dites, c'est
essentiellement : Bien, peut-être que ça… peut-être que ça pourrait
fonctionner si on le fait à partir du moment où le gouvernement, Santé Québec,
le ministère met en place des outils nécessaires pour qu'ils avancent. Alors,
ce que… ce que vous êtes en train de dire essentiellement au gouvernement :
Vous pouvez le faire, mais vous pouvez le faire si vous leur donnez des outils
pour que ça marche. Sinon…
• (12 heures) •
M. Michaud (Pierre-Carl) :
Oui, de manière générale. Mais après ça, dans l'opérationnalisation, je pense
que ça pourrait se codifier dans le sens où on a une lumière rouge, une lumière
verte quand la lumière verte et là on applique la formule, quand la lumière
rouge n'est pas là, on ne l'applique pas puis on peut le faire au niveau de la…
d'un groupe de médecins dans un endroit particulier et introduire cette
notion-là, potentiellement, ça… c'est une voie à explorer. Je n'ai pas la
formule, je n'ai pas la solution, mais je pense que ça serait peut-être une
façon d'introduire cette notion-là.
M. Fortin :
De commencer à introduire la notion parce que, tu sais, la médecin qui était
ici qui nous a dit : Nous autres, on a un psychologue pour 30 000
patients, là, c'est le genre de truc que vous dites. Bien, si on… Si on garde
cette proportion-là, tout le concept d'interdisciplinarité qui sous-tend tout
ça, bien, ça ne fonctionne pas, là.
M. Michaud (Pierre-Carl) :
Puis en même temps, je comprends le point de départ aussi. La responsabilité
est seulement du côté du gouvernement. Bien, ça aussi ce n'est pas acceptable.
Ça fait qu'il faut… il faut aller se rencontrer au milieu puis il faut le
d'opérationnaliser cette chose-là. Et puis moi, je n'ai pas de solution
parfaite, mais je pense qu'il y a un espace pour réfléchir à ça à l'intérieur
des cadres, des formules ou des paramètres qui seront décidés.
M. Fortin :
O.K., dans le… si on prend le projet de loi n° 106, puis on l'applique,
là, comme tel aujourd'hui, là, vous nous dites : Une de vos difficultés,
c'est par exemple en lien avec les médecins spécialistes qui se butent à des
contraintes qui les empêchent d'offrir les services qu'ils veulent offrir.
C'est-à-dire, par exemple… par exemple, parce que c'est l'exemple facile, là,
qui est simple à comprendre, un chirurgien qui n'a pas de salle d'opération.
Alors, si on applique le projet de loi n° 106 comme ça, mais qu'on ne
change rien à la façon que les… aux outils que les chirurgiens ont, à la
disponibilité des salles d'opération, bien, est-ce qu'on est plus avancé qu'on
l'est en ce moment?
M. Michaud (Pierre-Carl) :
Bien, ça se peut que pour un certain groupe qui a peut-être cette
opportunité-là, oui, il y aura un effet, mais il va y avoir aussi des effets
indésirables négatifs sur d'autres. D'autres spécialistes ou là, dans leur
milieu, n'y ont pas accès à des salles. Donc je ne dirai pas que l'efficacité
va être nulle, mais l'efficacité va être plus faible et elle va créer ce
ressentiment, ce désengagement des médecins ou cette perception-là. Et ça,
bien, il n'y a personne qui va sortir de ça.
M. Fortin :
O.K. J'aimerais ça qu'on… j'aimerais ça qu'on parle… parce qu'on a beaucoup
parlé, là, des indicateurs de performance, mais on n'a pas beaucoup parlé de la
capitation versus de la rémunération à l'acte. Puis C'est quand même une des...
une des choses que je pense… Tout le monde qui est venu nous a dit : Tu
sais, il faut avoir de la discussion, là, tout le monde…
12 h (version non révisée)
M. Fortin :...peu importe, que ce soient les médecins, que ce soient
les jeunes médecins, que ce soient des gens comme vous, tout le monde pense qu'on
est quand même dû pour avoir une discussion sur ces choses-là. Maintenant, il
faut savoir : Est-ce que ce qu'on propose, c'est la bonne affaire à faire?
Est-ce que c'est fait correctement?
Là, vous nous dites, vous, et là je vais
vous citer, là : «Il est difficile de prévoir les effets d'un passage
partiel à un mode de paiement par capitation, surtout quand la justification en
calcul des tarifs, qu'on a vu publiquement, modulée selon le niveau des
patients, le niveau de besoins des patients, n'est pas connue, puis on ne sait
pas non plus comment les autres composantes de la rémunération vont être
ajustées».
Alors, est-ce que vous êtes en train de
nous dire qu'il pourrait y avoir un effet à la hausse du salaire des médecins
avec... si on passe à un mode par capitation sans avoir les explications, les
justifications, les barèmes?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien,
essentiellement, tout est possible, tout est possible. Ça va dépendre... Donc,
si on fixe, par exemple, un tarif plus élevé que le coût pour le médecin de
produire un service, bien, les médecins vont en faire beaucoup plus, et là ça
peut même coûter plus cher à la fin. Donc, il faut venir les fixer idéalement
au temps que ça prend pour faire des actes, par exemple, ou pour prendre en
charge des patients. Puis je ne sais pas si des études comme ça existent, mais,
en principe, il faudrait aller faire ça très attentivement parce qu'on sait que,
dans la littérature, c'est ça qui arrive, là.
Si on fixe ça un peu comme ça, là, bien
là, tous les effets des incitatifs ou qui vont nous amener vers la capitation,
faire plein de volumes, diminuer la qualité ou l'inverse avec le paiement à l'acte,
vont survenir. Donc, il faut aller faire ça pour que ça soit neutre, pour que
ça génère l'incitatif qu'on veut et, au final, tout ça peut coûter plus cher.
Ce n'est pas nécessairement une question... Oui, c'est une question d'argent, il
y a une capacité de payer, mais, à la fin, c'est une question d'augmenter la
prise en charge ou d'augmenter la prestation de services médicaux. Le Québec, c'est
16 % de son enveloppe de santé qui est aux médecins. Dans d'autres
provinces canadiennes, c'est plus élevé, là. Mais ici, ce qu'on fait, on est
beaucoup dans les hôpitaux, le béton, dans plusieurs autres choses. Donc, ce n'est
pas exclu que ça puisse augmenter, mais l'important, c'est qu'il y ait les
résultats en bout de ligne, je pense.
M. Fortin :O.K. Les indicateurs de qualité des soins, ça semble... ça
semble important pour vous là, puis c'est aussi peut-être plus difficile à
mesurer dans certains cas. Est-ce que les indicateurs de qualité des soins...
Puis, à la base, je pense qu'on a entendu assez de gens nous parler du concept
qu'on est ouvert à la chose puis ça fait du sens d'avoir un certain indice de
satisfaction aussi, là, peut-être, mais est-ce que ça ne peut pas mener à des
dérives, ça aussi, c'est-à-dire : Moi, je l'aime bien, mon médecin, parce
qu'il me prescrit à peu près tout ce que je lui demande de me prescrire?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Exact.
Donc, la donnée, on va dire, très subjective comme ça, de satisfaction, elle a ces
avantages-là, mais cependant, pour chaque maladie ou chaque chaque
problématique de santé, il existe une littérature sur : Bien, c'est quoi,
les indicateurs de qualité? Est-ce que les hospitalisations postconsultation, ainsi
de suite, la mortalité? Donc, rémunération mixte, là, il y en a eu des... potentiellement,
même, des effets comme ça, néfastes parce qu'on ne suit pas des indicateurs de
qualité, donc... Mais ça peut se faire, que ça soit l'INESSS, que ça soit... je
sais pas c'est qui qui ferait ça, mais ça peut se faire, peut-être même en
consultation avec les médecins de dire : Bien, on s'entend, là, sur cette
maladie-là, le diabète, par exemple, bien, c'est tel ou tel indicateur, le
suivi chronique du diabète, ça nous prend ça. Et donc on suit cet indicateur-là,
on rend ça transparent au niveau du Québec, on peut aller sur un site Web, on
peut aller voir comment ça se fait que ce GMF-là, ça va moins bien en suivi du
diabète par rapport à celle-là, même composition de population et ainsi de
suite. Et là, bien avoir plus cet effet de motivation-là sur s'améliorer plutôt
que de pénaliser les médecins sur cette portion-là.
Donc, la qualité, pour moi, ce n'est pas
une composante de la rémunération, c'est une composante d'amélioration continue
et de pression sociale ou de bonne compétition aussi, peut-être entre GMF, de
dire : Bien, regardez, ce GMF-là, il fonctionne bien, ça va bien, on va
voir des bons résultats, on va y aller.
M. Fortin :...que même la performance d'un GMF ou d'un médecin
individuellement est quand même liée à un paquet d'autres facteurs aussi, là, c'est-à-dire,
tu sais, moi, j'ai beau référer mon patient pour aller voir un spécialiste, à
un moment donné, si ça ne se fait pas ou, à l'inverse, chez un chirurgien qui n'a
pas de soins postchirurgie, le CLSC n'est pas équipé pour le faire, etc., on ne
sera pas plus avancés, là, il risque d'avoir un risque de réhospitalisation, là,
comme vous le dites.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Tout
à fait. Tout à fait. Oui, oui.
M. Fortin :O.K.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
...
M. Fortin :
Non, en fait, ça va pour moi, Mme la Présidente. Je suis content de laisser les
quelques secondes à mes collègues. Je vous remercie de votre intervention.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : Très
bien. Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au député de
Rosemont. Vous aviez 3 min 6 s, mais on va voir avec...
La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...avec
la secrétaire... Donc, 3 min 36 s. 3 min 36 s.
M. Marissal : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Bonjour. Merci, et merci d'être là, merci pour votre étude.
Il y a sûrement des angles morts. Vous l'avez dit vous-même, que vous n'avez
pas pu tout voir, mais, de toute façon, je ne suis pas sûr que... ce n'est
jamais possible de tout voir dans ce système-là, mais merci pour ça. C'est
éclairant, ça nous ouvre des portes. Il y a une affaire qui a été dite ici, là,
à répétition, y compris par les médecins, qui sont les premiers bénéficiaires
du régime de rémunération, c'est que la rémunération à l'acte, nécessairement,
favorise ce qu'on appelait le «chick-a-chick» à l'époque, là, le... la carte.
Là, je viens trahir mon âge, là, en faisant ce geste-là, mais... Mais,
effectivement, je pense que ça va de soi que plus tu fais d'actes, plus tu es
payé, ça se peut que ça te tente d'en faire plus puis que tu vas choisir les
plus faciles, les plus récurrents, blablabla. Là, ça, ça va de soi. À
l'inverse, on serait tenté de dire, et j'en suis, mais je sais qu'il y a des
nuances ici, là, que... bien, donc, que le salariat serait vraisemblablement la
solution, pas idéale, vous l'avez dit, il n'y en aura pas, de solution idéale.
Mais pouvez-vous me situer entre les deux, entre ce qui semble être un problème
récurrent et profond, là, c'est-à-dire rémunération à l'acte, et le salariat?
Où est-ce qu'on peut aller entre les deux ou... Alors, amenez-moi ailleurs si
c'est ailleurs...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Non.
Bien, souvent, on se retrouve dans un mode mixte, hein? À ce moment-là, on a
une portion à salaire ou, disons, à forfait puis une portion à l'acte. Et tout
est une question de fixer les bons prix. On revient sur la rémunération à
l'acte. Si on fixe le tarif à un niveau plus élevé que le coût pour le faire,
puis là le coût pour le médecin, ce n'est pas juste le coût en ressources,
c'est le coût d'opportunité en temps, et tout ça, le médecin va en faire
beaucoup plus.
Et souvent, ce qu'on remarque dans les
tarifs, là, puis quand on regarde leur évolution dans le temps, ça change un
peu de toutes sortes de façons. Et, des fois, il y a des tarifs pour lesquels,
par exemple, puis je vais mentionner un cas... Le Vérificateur général le
mentionne, là. Le cas exact, je ne m'en souviens plus, mais on peut aller
retourner voir dans son rapport 2021. Il y a un cas où, en 2018, on se rend
compte que les médecins n'ont même plus besoin d'être présents pour faire cet
acte-là, et ça prend cinq ans ou six ans avant qu'on finisse par baisser le
tarif. Donc, en ce moment aussi, c'est que les tarifs n'ont pas suivi, ne
suivent pas le vrai coût. Et donc, ça, c'est une problématique au niveau de la
rémunération à l'acte. Mais, en principe, oui.
Au niveau du salaire, le problème, c'est
que par la suite, bien... ou par patient, bien, c'est que, pour le patient que
je vais, bien, je vais minimiser le temps que je passe avec lui parce que je
suis payé un montant fixe, hein? Puis là on parle en caricature. C'est sûr que
les médecins ne font pas ça. Ils mélangent, hein? Ils ont un côté altruiste
puis un côté où ils regardent ces choses-là. Et donc... Et donc cette
portion-là salaire ou forfait va avoir tendance à aller de l'autre côté.
C'est... On ne va pas donner assez de soins au patient. On va prioriser le
volume, mais on ne va pas aller passer assez de temps avec le patient. Donc, on
est sur un continuum.
Donc, le mixte est vu comme une espèce de
solution intéressante, mais, encore là, il faut calibrer correctement les
paramètres.
M. Marissal : Il y a
plusieurs groupes groupe de médecins, dont... pas l'ordre, là, mais c'est... en
fait, c'est leur ordre, mais le collège qui disait : Il y a un danger avec
le projet de loi actuel qu'on veuille faire du volume puis là il y a un danger
pour les soins. Je sais que ce n'est peut-être pas votre premier champ d'expertise,
là, mais est-ce que vous partagez...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien,
sur la base de ce que je viens de dire, le danger... ces modes de rémunération
là alternatifs, ils doivent être accompagnés d'indicateurs de qualité ou de
suivi de qualité parce que c'est ça, le danger.
• (12 h 10) •
M. Marissal : Je vous
remercie pour ça. Merci.
M. Michaud (Pierre-Carl) : Ça
me fait plaisir.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci,
M. le député. Alors, je cède maintenant la parole au député des Îles de la
Madeleine pour une période de trois minutes 36 secondes.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci pour votre présentation et pour la recherche que vous
avez faite. C'est impressionnant quand vous parlez du nombre de transactions
que vous avez examinées. Mais je voudrais vous amener sur la question du trou
noir. Est-ce que, foncièrement, le regard que vous portez sur la profession et
sur la rémunération des médecins n'est pas tronqué par le fait qu'il y ait une
partie qui vous échappe dans la rémunération puisque certains disent :
50 % de mon travail, c'est facturé, c'est à l'acte, mais il y a un autre
50 % qui est dans mille et une autre tâche? Je ne sais pas comment vous,
vous pouvez nous indiquer comment on peut avoir l'autre partie qui échappe à
votre...
M. Michaud (Pierre-Carl) : Alors,
il y a... il y a toute une partie de rémunération pour de la garde, ces
choses-là, qu'on est capables quand même d'avoir, par la fluctuation, à travers
ce qu'on appelle les factures sans bénéficiaires. Donc, il y a une partie de ça
qu'on a été capables de capter, pas en temps, mais, du moins, en acte, mais
effectivement. Donc, c'est pour ça qu'il y a certains types de médecins à
salaire, bien sûr qu'on ne les avait pas dans les données à l'acte, il y a
d'autres types en mixte et même des omnipraticiens en mixte qui vont faire de
la deuxième ligne, et ainsi de suite, qu'on n'avait pas. Et donc c'est sûr, là,
quand j'ai fait..
M. Michaud (Pierre-Carl) : ...le
raccourci de dire : Dans le recensement, on voit des heures très élevées
puis, en facturation, on le voit très bas, puis qu'on dit que c'est du non
clinique, le reste. Il faut faire attention. C'est ce qu'on a écrit, mais plus
qu'on creuse, plus qu'on... Oui, il y a une portion là-dedans qui est peut-être
aussi du clinique, qui est fait de manière différente, qui est une zone d'ombre
qu'on a pas dans les données de facturation, puis il va falloir aller la
comprendre. Et là, bien, je comprends que, déjà, dans des données qu'on a eues
récemment, là, on commence à voir ce genre de complément là, puis qu'on
pourrait pousser les analyses.
M. Arseneau : Bien, c'est ça.
Est-ce que... En fait, votre étude, qui est très approfondie, nous offre une
partie de la réalité, mais ce que les médecins disent, c'est : Il y a une
autre partie qui reste dans l'ombre, puis c'est ça qu'on aimerait essayer
d'explorer parce que... Tu sais, encore hier, le Dr Amyot nous disait : Il
y a déjà 40 % des médecins qui travaillent par capitation. Moi, j'ai eu
des dizaines de rencontres avec des groupes de médecins qui m'ont dit : On
est déjà dans une rémunération mixte, à peu près tous ceux à qui j'ai parlé, et
la rémunération à l'acte à une proportion variable d'un médecin à l'autre.
Comment s'y retrouver lorsqu'on arrive avec un projet de loi qui semble
s'appuyer sur le fait que tout ce qui n'est pas facturé à l'acte, bien, c'est
du temps passé sur le terrain de golf?
M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est
beaucoup, quand même, encore à l'acte, là. Chez les omnis, les données de
l'ISIS, là, on est à... chez les omnis, de mémoire, 74 % de la rémunération
totale est encore à l'acte, là, en termes de dollars. Après, en nombre de
médecins, oui, il y a une proportion de médecins omnis, et qui a augmenté dans
le temps, qui est en mixte, et là on les a exclus de l'analyse. Donc,
effectivement, ça, il faut faire attention à ça.
M. Arseneau : Mais je veux
juste savoir, c'est... Vous venez de dire 74 %, c'est ça?
M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui.
Si on va voir l'annexe, c'est dans l'annexe A du rapport, il y a un tableau
comparatif par province qui montre l'utilisation de la rémunération à l'acte
pour les omnis et les spécialistes.
M. Arseneau : Mais ce sont
des... comment je dirais, des conventions ou vous avez quelque part le
réservoir de toutes les heures, de toutes les... passées à l'enseignement?
M. Michaud (Pierre-Carl) :
C'est l'Institut canadien d'information à la santé qui collige ces
informations-là puis qui regarde, dans la rémunération totale, quelle part est
à l'acte puis quelle part est autre. Et là...
M. Arseneau : D'accord, je
comprends. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci
à vous. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à la
prochaine invitée de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 12 h 18)
La Présidente (Mme Boivin Roy) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci, M. le ministre. Alors, je souhaite maintenant
la bienvenue au professeur Bourassa Forcier. Bonjour à vous. Vous disposez
d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à
commencer votre exposé.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci,
Mme la Présidente. Chers parlementaires. Merci à la commission pour
l'invitation.
Rapidement, juste pour cadrer mon
expertise, donc je suis professeure de droit public et de droit et politique de
la santé à l'ENAP, l'École nationale d'administration publique, mais aussi
avocate et fellow chercheuse fellow au CIRANO.
Rapidement, parce que je sais qu'on a du
retard, suivant ma lecture du projet de loi, je souhaite m'attarder à quatre
éléments qui pourraient contribuer aux réflexions des parlementaires :
premièrement, l'importance de la coconstruction dans la réussite de politiques
publiques et les contours de l'obligation de négocier du gouvernement avec les
fédérations de médecins, les limites du paiement à l'acte actuel et son impact
sur la détresse au sein de la profession médicale, les... le concept, pardon,
de responsabilité collective et son opérationnalisation, ainsi que les
obligations de suivi et de reddition de comptes du gouvernement et des autres
acteurs.
En ce qui concerne les bénéfices de la
coconstruction et les contours de l'obligation de négociation, comme vous le
savez, la nouvelle gouvernance publique intègre maintenant des concepts de
consultation mais aussi de coconstruction des politiques publiques parce qu'il
a été démontré qu'une politique publique sera plus efficiente si elle résulte
de la collaboration de tous les acteurs touchés.
Dans le contexte du projet de loi
n° 106, il serait ainsi judicieux de prendre en compte les propositions,
certes, des médecins, mais aussi des autres professionnels de la santé, des
gestionnaires, des patients, patientes qui ne sont pas particulièrement bien
représentés dans le cadre des travaux de la présente commission.
Par ailleurs, la part des médecins peut se
faire tant via la représentation de leur association que via la participation
des médecins dans un contexte non syndical.
Aussi, il a été soulevé que le projet de
loi n° 106 représentait une possible contravention au droit
constitutionnel de s'associer qui est consacré par la Charte canadienne des
droits et libertés à l'article 2d. Je tiens à souligner qu'au sein de la
communauté juridique, plusieurs considèrent en fait comme incertain que ce
droit reconnu à tous et à toutes, le droit de s'associer, impose une obligation
de négocier au gouvernement dans un contexte de prestation de services, l'arrêt
Clay en la matière, que vous connaissez certainement, et l'arrêt Saskatchewan
de la Cour suprême du Canada. Or, cet arrêt a consacré l'obligation de négocier
à un employeur en contexte de relations de travail en raison du lien de
subordination important dont dispose l'employeur dans une telle relation, ce
qui n'est pas le cas dans un contexte de prestation de services. Je rappelle
que les médecins sont des travailleurs autonomes et qu'une majorité est
incorporée.
En ce qui concerne les limites du paiement
à l'acte, la littérature est claire, le paiement à l'acte incite la
multiplication de ces derniers sans que ne soient évaluées la pertinence de
l'acte et sa conséquence sur la santé du patient. L'équipe de Pierre-Carl
Michaud, mon collègue du CIRANO, qui vient de présenter, a bien soulevé que la
multiplication des actes atteint un plafond lorsque le médecin touche le revenu
qu'il considère comme confortable.
Plusieurs études lient le paiement à
l'acte à la détresse psychologique des médecins, particulièrement en première
ligne. Ce modèle de paiement est d'ailleurs de plus en plus rejeté par les
jeunes médecins et par les femmes médecins.
Par ailleurs, nous remarquons qu'avec les
années, en raison de la multiplication des codes et des engagements financiers
divers du gouvernement, que la perception de ce qu'est le paiement à l'acte est
maintenant tronquée. Ainsi, nous notons que le médecin associe maintenant sa
rémunération aux seuls actes facturables, alors que normalement le paiement à
l'acte est en fait un forfait qui permet la rémunération pour l'acte, mais
aussi tout ce qui entoure l'acte, incluant la facturation. Cette situation a pour
effet de générer le sentiment chez plusieurs médecins qu'une partie de leur
pratique n'est pas rémunérée.
Par ailleurs, à notre connaissance, aucune
étude contemporaine ne permet d'avancer que la rémunération à l'acte est
pertinente dans un contexte de soins de première ligne. Les modèles de
rémunération mixte intégrant ou accentuant, comme le fait le projet de loi
n° 106, la capitation sont ceux qui présentent le plus de retombées
positives en première ligne. Il importe toutefois d'être vigilants, comme
d'ailleurs le mentionnait mon collègue Pierre-Karl Michaud : un modèle de
rémunération fortement axé sur la capitation ne sera pas plus performant que le
modèle actuel, s'il n'est pas accompagné de données et de suivis. La complexité
du modèle proposé...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...son
opérationnalisation pourrait ainsi représenter une limite certaine à son
efficience. En ce qui concerne l'introduction du contexte... du concept,
pardon, de responsabilité collective, vous le savez, la tentative d'introduire
un suivi de la rémunération et de cibles de performance n'est pas nouvelle.
Force est d'admettre que l'introduction de suivi et de cibles de performance a
échoué dans le passé, notamment auprès des omnipraticiens. Rappelons à ce sujet
l'échec de la loi n° 20 qui, elle, imposait des
pénalités non pas collectives, mais individuelles.
J'ai l'impression ici que sont mélangés
les différents concepts, ce qui brouille le débat à l'heure actuelle. Il
importe ainsi de bien distinguer la nécessité d'un suivi et d'une évaluation de
la performance des actes, ce qui est une chose, des pénalités qui pourraient
être imposées si on n'atteint pas certaines cibles, par exemple, ça pourrait
être des bonus dans certaines circonstances. Est-ce que les pénalités collectives
existent ailleurs? Oui. Est-ce qu'elles fonctionnent? Oui et non. En fait, il
ressort de la littérature que l'opérationnalisation de telles pénalités doit
être bien réfléchie et avec les acteurs, ceci afin, un, de ne pas pénaliser les
acteurs performants; deux, de ne pas générer des tensions éthiques entre les
professionnels de la santé; et, trois, afin de reconnaître la performance chez
des médecins qui se dédient à leurs patients et à leur profession par le biais
d'activités autres que cliniques exclusivement comme, par exemple, en occupant — on
a déjà mentionné ici — des activités d'enseignement et de recherche.
La responsabilité collective de ce que nous en savons fonctionne habituellement
bien dans les petits milieux cliniques où la pression des pairs peut inciter la
performance, certes, mais aussi des ajustements et des appréciations variables
de la performance selon le profil des médecins partie à ce milieu clinique.
Dans tous les cas, sans emprise auprès des médecins réellement non performants,
et je le mets entre guillemets, il est envisageable que le modèle soit voué à
l'échec.
Je termine avec les obligations de
reddition de comptes et de suivi. Le projet de loi n° 106 représente une
des dernières pierres, à mon avis, permettant à l'administration publique de
mieux répondre aux obligations de suivi, de bonne gestion des fonds publics et
de reddition de comptes que lui impose notamment la Loi sur l'administration
publique. La Loi sur la gouvernance du système de santé et des services sociaux
impose plusieurs de ces obligations aux acteurs de l'administration publique,
incluant aux médecins rattachés aux établissements et aussi maintenant aux
centres médicaux spécialisés. Contrairement à la perception véhiculée dans la
sphère publique, ce projet de loi n'attaque pas un groupe particulier, à mon
avis, soit les médecins. Ce groupe est essentiellement le seul qui n'a pas
encore été touché par des obligations de performance et de reddition de comptes
qui incombent, maintenant, notamment aux gestionnaires, aux infirmières et aux
partenaires contractuels du réseau. Jamais l'imposition de ces obligations n'a
été perçue comme l'envoi d'un message à l'effet que des gestionnaires ou des
membres du personnel infirmier étaient des paresseux.
Il est vrai qu'il peut être difficile,
voire impossible pour les médecins, particulièrement les médecins spécialistes,
d'atteindre les cibles indiquées sans garantie du gouvernement, on l'a aussi
amplement mentionné ici. Néanmoins, nous anticipons que les changements qui
s'opèrent actuellement avec Santé Québec visent précisément à accompagner les
médecins dans la réalisation de futurs objectifs de performance. À tout
événement, nous recommandons, afin de favoriser une plus grande acceptabilité
sociale du projet de loi n° 106, que des garanties additionnelles soient
conférées par le gouvernement afin de rendre réaliste l'atteinte des cibles à
venir. Merci.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Il vous reste encore 1 min 34 s, madame, ça vous va?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Je sais qu'on a du retard, ça me va, j'ai tout dit.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Très bien. Merci beaucoup. On vous remercie pour votre exposé. Nous allons
maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à
vous, encore une fois, pour une période de 15 min 30 s.
M. Dubé : Merci beaucoup.
Bien, premièrement, Mme Bourassa Forcier, merci beaucoup, parce qu'encore,
comme je l'ai dit souvent, des gens comme vous qui sont venus en commission,
les délais étaient courts. Vous êtes claire puis vous avez réussi à présenter
votre... J'aimerais ça que vous reveniez un peu sur votre expertise, parce que,
premièrement, je vous demanderais si c'est possible d'avoir... Moi, je n'ai pas
vu votre mémoire, est-ce que vous l'avez officiellement déposé ou...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Oui, je l'ai envoyé à la commission en indiquant que les parlementaires
pouvaient le recevoir. Donc, on m'a avisé qu'il l'avait été transmis. J'ai
demandé de ne pas le rendre public, comme j'ai, quand même, des petits
ajustements à faire, là, comme ça m'a pris... Il y a un peu plus de
50 pages, mais je vous ai fait un sommaire...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...donc...
Une voix : ...
M. Dubé : Ah! O.K. C'est pour
ça que je ne l'avais pas vu. Bien, merci beaucoup. Puis on fera... on fera la
procédure... Merci beaucoup.
Revenez-moi, là, sur votre... sur votre
bagage, votre expérience parce que vous êtes à l'ENAP. Parce que, quand on va
parler tantôt de rémunération ou de responsabilités, je veux juste que les gens
comprennent bien c'est quoi principalement votre expertise. Vous avez l'air
d'en avoir plusieurs. Ça fait que dites-moi, là, dans quel sens que vous êtes
confortable de répondre à certaines des questions que vous avez soulevées dans
votre mémoire, là.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.
En fait, moi, j'utilise le droit pour évaluer dans quelle mesure il favorise
l'innovation et la performance du système de santé québécois. J'ai une
formation évidemment en droit, mais j'ai une formation complémentaire en
économie de la santé et en politique de la santé. Donc, je n'aurais pas la
prétention de...
M. Dubé : Donc, vraiment dans
le volume santé. O.K.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Tout
à fait. Exactement. Donc, je me spécialise en droit public de la santé, tout
particulièrement. Donc, non pas au niveau de la responsabilité civile, par
exemple du consentement aux soins, mais vraiment tout le volet organisationnel.
Toute la LGSSSS maintenant.
M. Dubé : Donc, ce projet de
loi là, c'est un plat de bonbons pour vous, parce que c'est santé, c'est rémunération,
c'est...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est...
Oui, tout à... je m'amuse beaucoup, mais je pourrais m'amuser moins!
M. Dubé : O.K. Bon. Allons-y.
J'ai quelques questions. Ça, c'en est une délicate. Puis je veux juste que vous
soyez à l'aise de répondre. J'ai cru comprendre que la façon dont est structuré
le projet de loi, c'est des zones grises, mais ne va pas à l'encontre du
principe de négociation pour la rémunération. Parce que c'est important, ce que
vous avez dit là, mais je veux juste l'entendre pour peut-être rassurer de mes
collègues quand on aura la discussion sur l'article par article, est-ce que le
fond est là, qui nous permet... Moi, je crois que oui, mais je veux vous
entendre, de votre expertise.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
la raison pour laquelle on aime le droit, c'est qu'il y a toujours des zones
grises.
M. Dubé : Bien oui!
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Donc,
je n'aurai pas la prétention ici de... bien, en fait, ce n'est certainement pas
une opinion juridique, je ne veux pas me ramasser avec une plainte auprès du
Barreau, mais je peux vous confirmer que, lorsqu'on regarde le projet de loi et
après discussions quand même avec certains grands constitutionnalistes du
Québec qui travaillent en grands cabinets, on arrive à la conclusion qu'il n'y
aurait pas nécessairement... en fait, qu'il n'y a pas d'obligation de
négociation qui incombe au gouvernement en vertu de la Charte. Donc, si cette
obligation-là, le gouvernement se l'est...
M. Dubé : Puis vous le
traitez dans votre rapport?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.
M. Dubé : O.K. Très... O.K.
• (12 h 30) •
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Si
le gouvernement se l'est autoimposée à travers, par exemple, des ententes,
c'est une chose. Mais, si on parle d'une obligation qui lui reviendrait en
raison de la charte, c'est autre chose. C'est sûr qu'il y a une zone grise,
mais quand on regarde l'historique, généralement cette obligation-là revient...
elle est... elle est imposée dans un contexte de relation... de relation
employeur-employé.
M. Dubé : Bon. C'est parce
que tout à l'heure, vous avez dit... puis le chiffre m'a un peu surpris, là,
puis on est en train de faire des recherches, là, mais le pourcentage... Bien,
premièrement, il y a des médecins qui sont incorporés. Mais vous avez dit quel
chiffre qui... de pourcentage de médecins qui étaient incorporés?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Il
n'y a pas des études récentes, mais une des études qui a été publiée, c'est une
étude de l'IRIS d'Anne Plourde, et on était rendus quand même à autour de
50 % à 70 % des médecins incorporés et GMF privés aussi, là.
M. Dubé : O.K. Puis, ça, ça
peut avoir une influence avec qui on négocie, là, est-ce qu'on négocie avec la
compagnie à numéro ou le professionnel.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Effectivement.
Ça fait partie d'une des discussions qu'on a eues avec des collègues, est-ce
que, tu sais, le droit d'association, ça s'applique... c'est... c'est pour tout
le monde. Ça pourrait être des personnes... qui décident de se regrouper, mais
ça pourrait être aussi de petits commerçants. Et je sais que l'analogie ne
plaît pas à tout le monde, mais lorsqu'on parle de médecins qui sont
incorporés, on est face à des petits commerçants. Donc, c'est pour ça qu'il
faut relativiser cette obligation-là. Mais j'invite la précision de cette
obligation de négociation dans le mémoire.
M. Dubé : O.K. Parfait. On re
gardera ça dans... quand on aura votre rapport. Vous avez mentionné la... Puis
là, je veux juste surveiller le temps. Vous avez mentionné les limites de la
responsabilité collective. Puis, ça, je veux... Parce que je l'ai entendu des
médecins, hier, principalement. Puis là, d'un point de vue... Moi, je suis très
à l'écoute de ça, là. Parce que, s'il y a des limites à la...
Bon. Je pense que les gens s'entendent sur
la responsabilité collective. C'est l'impact sur l'incitatif qui est lié à la
responsabilité collective, hein? Je m'explique. C'est une chose de dire qu'on
pourrait être capables d'avoir plus de patients qui sont pris en charge, on va
la répartir entre plusieurs professionnels et même, exemple, à l'intérieur d'un
GMF. Pour que la charge ne soit pas sur uniquement un médecin. Ça fait que, ça,
c'est...
12 h 30 (version non révisée)
M. Dubé : ...je vais l'appeler
la responsabilité collective, mais, si on veut faire des changements de
comportement, il faut que la rénumération suive. Je le dis comme ça, ça va?
La limitation dont vous avez parlé tout à
l'heure... puis je... puis ça, je l'ai entendu hier, ça fait qu'on va être très
sensible à ça, de voir quel genre d'aménagement ou... en tout cas, qu'est-ce qu'on
peut faire, mais comment la rénumération... Plus on s'éloigne de la GMF puis qu'on
regarde le territoire, puis on regarde la... Qu'est-ce que vous en pensez, de
ça, dans votre... Là, je ne sais plus, c'est-tu dans votre expertise d'administration
publique ou... vous êtes confortable à commenter là-dessus, là.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, on a... Je suis confortable de me prononcer sur les différents modèles
qui ont fonctionné, qui ont moins bien fonctionné.
M. Dubé : O.K. Allez-y.
Parfait.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Par
contre, je tiens à mentionner que c'est indiqué dans le mémoire que,
personnellement, il m'est plus facile de me représenter la traduction de cette
responsabilité-là lorsqu'on parle d'une responsabilité locale, plutôt qu'au
niveau territorial et national. Je dois être transparente, je ne pouvais pas
comprendre comment ça allait s'opérationnaliser, cette...
M. Dubé : Laquelle, là? Au
niveau...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : La
nationale puis la territoriale. La locale, je peux mieux la concevoir si on est
dans un contexte de pratique clinique avec un groupe de médecins, puis il peut
y avoir une pression des pairs sur les autres pairs puis...
M. Dubé : Bien, je vous lance
une question, puis, si vous n'êtes pas à l'aise de répondre, vous me le direz.
Je vais donner une représentation, là, qui a fait nos discussions qu'on a eues
pour arriver là. Le local, c'est facile, c'est la GMF, le CLSC ou, peu importe,
c'est très local, c'est 10, 15, 30 médecins qui sont dans... Ça, c'est local.
Le territoire, ça peut être Grand Montréal, O.K.? Et le national, c'est le
Québec, je veux dire... On s'entend? Je pense que le... Je comprends que, plus
on s'éloigne de la décentralisation, plus ça devient difficile de dire :
Bien, moi, je n'ai rien à faire là-dedans. Puis le médecin dit : Je ne veux
pas être pénalisé pour quelque chose qui arriverait à l'échelle du Québec sur laquelle
je n'ai aucun contrôle.
Quand on arrive dans le territoire, dans
le milieu, je veux vous entendre là-dessus, si vous pouvez... Le territoire,
pour moi... on était très à l'aise d'aller là parce qu'on se dit : Il faut
qu'il y ait une entraide, des fois, entre des groupes, surtout dans une période
de transition. Vous me suivez? Ça veut dire que si ma GMF dans Montréal-Est,
elle n'a pas assez de médecins ou qu'il n'y a pas assez de GMF, on ne peut pas
lui mettre juste la pression sur elle, alors qu'il y a peut-être d'autres GMF
qui pourraient... qui ne sont pas trop loin, qui pourraient venir aider pendant
qu'on fait ça. Vous me suivez, là? Alors, je ne sais pas si vous le traitez,
ça, mais, pour moi, il y a une grosse différence dans... Plus on s'éloigne,
plus ça rend ça complexe.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.
Je suis dans une semaine de cours intensifs, présentement, avec... c'est un
mini réseau de la santé, là, comme étudiant, et on a parlé de ça. Et la difficulté...
M. Dubé : À l'ENAP, ça?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Oui, exactement. Je suis entre deux cours, présentement. Donc, la difficulté...
Disons qu'il y a une clinique qui n'atteint pas ses cibles de performance, pour
x, y, z raisons, il y a des externes qui arrivent qui sont soit dans d'autres
cliniques où d'ailleurs, il y a peut-être des tensions, quand même, qui vont
survenir parce que, s'il y a une responsabilité collective...
M. Dubé : Là, vous parlez au
niveau local, vous parlez de... oui, oui.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Au niveau local et... parce qu'en fait si la responsabilité, elle est locale
dans chacun des milieux cliniques, et, après ça, il y a des gens de ce milieu
clinique là qui vont dans un autre, milieu clinique, et que, là, on regarde la
responsabilité territoriale, il reste que peut-être, chacun des milieux
cliniques est quand même tenu à l'atteinte de sa cible. Est-ce qu'on va inciter
les médecins à se rendre dans une autre clinique pour que cette autre clinique là
atteigne sa cible. Me suivez-vous?
M. Dubé : Oui, très bien.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
C'est vraiment l'opérationnalisation qui, à la lecture... puis on voit les
limites du droit ici. J'ai... En fait, probablement que tout ça est clair dans
la tête des parlementaires, des élus, mais ça ne se représente pas bien dans le
texte de loi.
M. Dubé : O.K. Je comprends.
Je comprends très bien... aller à vos cours, là, mais est-ce que... est-ce que
vous en traitez un peu, de ça, dans votre rapport? Je m'excuse, je vous pose un
peu toujours la même...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui,
bien, je l'indique. Oui, tout à fait, oui, puis je vous donne des exemples de
modèles qui ont fonctionné, avec des types de cibles.
M. Dubé : Bon.On a
entendu beaucoup, puis ça, c'est important pour moi... puis, encore une fois,
je prendrai connaissance de votre rapport dans les prochains jours, mais il y a
une mauvaise perception que la capitation entraîne... il y a des gens qui ont
utilisé le «fast-food», le volume, etc. Moi, il me semble que...
M. Dubé : ...c'est le
contraire de ce que je comprends qu'est la capitation parce qu'on dit :
Vous allez prendre un certain nombre de patients en responsabilité, mais il va
y avoir un nombre d'actes qui va être associé à ces différentes
responsabilités-là que vous avez. Alors... puis on met un facteur de
pertinence, on aura quelqu'un qui va nous parler de pertinence aujourd'hui, là.
Est-ce que vous en traitez aussi? Parce qu'il me semble que c'est l'effet
contraire. On veut de la capitation et non juste des actes pour éviter le
volume. Vous en parlez de ça, dans votre rapport.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui,
certainement. Puis je pense qu'il y a une mauvaise connaissance des modes de
rémunération puis de ce à quoi ils sont associés. Et c'est effectivement...
lorsqu'on introduit la capitation, la crainte des analyses de politiques, c'est
qu'on voit une trop grande réduction des actes. Donc, habituellement, le
fast-food est associé au paiement à l'acte, ce n'est pas associé à la
capitation, donc, à moins que c'est la façon dont on l'opérationnalise qui fait
en sorte qu'on peut s'en aller vers ça. Je pense encore qu'on mélange des
concepts, parce que, là, peut-être qu'on a intégré des cibles associées à la
volumétrie, puis c'est... là, on dit : On va être dans le fast-food, mais
il y a ces deux choses.
M. Dubé : O.K., c'est
peut-être ça qui me mêle, parce que si on dit que les cibles sont reliées au
volume, comme un nombre de rendez-vous, plus uniquement, bien là, on associe
capitation à du volume alors que ce n'est pas ça.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est
complètement distinct.
M. Dubé : O.K., je comprends.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Donc, il ne faut pas mélanger les pommes avec les oranges, là. Donc, c'est
complètement distinct.
M. Dubé : Il ne faut pas
mélanger ce qui est de la capitation versus les cibles qui pourraient inciter
au volume.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Non,
voilà. Exactement.
M. Dubé : O.K. Il me reste...
Bon, je reviens à la capitation, puis c'est important de le distinguer, là,
puis j'apprécie beaucoup votre expertise. Capitation versus les forfaits qu'on
a, parce que les forfaits qu'on a en ce moment, c'est des forfaits qui
disent : On prend... le médecin, par exemple, va prendre 500 patients
ou 750 patients. Ça, c'est un forfait, mais il n'y a pas de... je dirais,
d'obligation à un nombre d'actes minimum pour voir le médecin. C'est un peu le
début de la capitation, parce qu'on dit le nombre de patients que vous prenez
en charge, mais il n'y a pas le lien avec la... je vais dire, avec le résultat.
Est-ce que je suis correct de dire... Et c'est peut-être pour ça tantôt... puis
je vais laisser mes collègues le demander, ce qu'ils demandaient à celui qui
vous a précédé, là, le professeur des HEC, de dire : Oui, mais on a déjà
beaucoup de médecins qui sont à capitation. Ils ne sont pas à capitation, ils
sont à forfait. Est-ce qu'on se comprend?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : En
fait, ça dépend. Il y a un peu de tout. Présentement, on parle vraiment d'une
rémunération mixte, donc il peut y avoir un peu de capitation...
M. Dubé : C'est dans ce
sens-là qu'on dit rémunération mixte.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...il
peut y avoir des forfaits selon le milieu de soins aussi, mais... puis, en
fait, la capitation va prendre la forme qu'on lui donne dans notre définition
de ce qu'est la capitation. C'est aussi ce qui crée des... probablement des
confusions, là...
M. Dubé : Des différences
d'interprétation.
• (12 h 40) •
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Exactement.
En ce qui concerne le forfait ou le fait, on a vu... puis, d'ailleurs, il y a
un bel exemple dans le livre de Pascal Maillot et de Marie-Michèle Sioui sur
les difficultés qui peuvent être liées au forfait associé à l'inscription de
patient. Ça ne veut pas dire qu'on va voir le patient. Puis moi, j'ai des
étudiantes qui me disaient qu'elles connaissent des médecins, qui n'ont pas vu
leurs patients depuis des années puis ils sont inscrits, là. Donc, je trouve
ça... évidemment, comme juriste, qui travaille beaucoup sur les contrats, c'est
particulier de dire : Vous devez faire telle ou telle chose, ne serait-ce
aussi qu'au niveau du financement des GMF, on vous donne tant pour investir,
mais qui n'a comme pas de conséquence puis pas de suivi si jamais on ne fait
pas ça.
M. Dubé : Il n'y a pas de vérification
de... bien, je pense, ça fait partie...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Il
faut des bons contrats quand même, oui.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...
M. Dubé : Bien, écoutez, moi,
juste pour vous dire que j'apprécie énormément l'expertise que vous avez et je
crois que, quand tout le monde aura pris connaissance de votre rapport... puis
c'est dans ce sens-là que je pense qu'il faut, au cours des prochaines
semaines, tenir compte et des commentaires qu'on a reçus des médecins, hier,
qui sont sur le terrain, des vôtres pour faire des aménagements nécessaires,
mais je pense que votre expertise est très éclairante, là, pour les prochaines
semaines. Ça fait que, merci beaucoup d'avoir participé à l'exercice. Merci.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci,
M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole au député de Pontiac, pour
une période de 9 min 18 s.
M. Fortin :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être
là. Puis, M. le ministre, effectivement, on gagnerait tous à suivre les cours
de Mme Bourassa-Forcier.
Je vais peut-être juste terminer la
réflexion que vous avez eue, la discussion que vous avez eue avec le ministre
sur...
M. Fortin :
...des endroits... Parce que vous avez dit des pénalités collectives, ça
marche-tu? Oui et non. O.K. Ça marche dans les petits milieux de façon
générale, entre autres, des GMF, plus on s'éloigne du petit milieu, plus c'est
dur à faire fonctionner. Donc, ceux qui l'ont appliqué uniquement aux petits
milieux, là, aux GMF, ça a fonctionné...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Pas tout le temps.
M. Fortin :
O.K. Et pourquoi?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Il y a eu beaucoup de mouvements de va-et-vient. Par exemple, c'est difficile
de faire des comparaisons, parce qu'il y a toujours des nuances au niveau du
fonctionnement des communautés médicales puis des communautés de pratique. À un
moment donné, on a voulu créer des budgets au sein des cliniques au
Royaume-Uni, où le budget était administré par les médecins eux-mêmes. Puis, en
fait, ils pouvaient avoir un bénéfice à utiliser moins le budget qui pouvait
leur revenir. C'était une sorte de responsabilité collective. Finalement, on a
laissé tomber parce que ça ne fonctionnait pas bien. Il y a d'autres modèles
qui ont été mis en place où là il y avait quand même une belle collaboration
entre pairs, qui permettait cette responsabilité collective là. Mais c'est
assez important de créer une collaboration entre pairs et une emprise réelle
sur les pairs non performants. L'emprise peut être en termes de pénalités
financières, mais elle pourrait être en termes de précarité d'emploi entre
guillemets, c'est-à-dire tu ne restes plus avec nous parce que tu n'es tout
simplement pas capable d'être performant, tu vas... tu devras te trouver une
autre clinique. Mais c'est un peu ce qu'on fait, pas tout à fait dans le même
sens, mais avec l'octroi des statuts et privilèges dans les établissements de
santé.
Donc, il y a un peu cette responsabilité
collective là qui est générée de par les conditions d'octroi de statut de
privilège puis les risques de perte de ces privilèges-là, si on n'opère pas
bien. Donc, il y a des modèles qui fonctionnent, mais il faut bien les
construire et évidemment avec les acteurs.
M. Fortin :
Comment on fait, dans ce cas-là, pour... Vous nous avez dit : Il ne faut
pas pénaliser les performants. Alors, dans le cas par exemple, d'une GMF, vous
l'avez dit, il y a neuf médecins, disons, il y en a un qui ne performe pas, il
risque de se faire tasser par les autres éventuellement. Mais, dès qu'on le
prend à plus grande échelle, ce médecin-là, il ne déménage pas. Il demeure dans
le Grand Montréal, pour utiliser l'exemple du ministre quand même. Il demeure
peut-être un médecin qui voit moins de patients pour x, y z raisons. Alors,
comment on fait pour s'assurer quand même, les huit médecins performants, là,
ils ne perdent pas au change?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Je n'ai malheureusement pas de proposition. Je pense qu'il faut y réfléchir
plus amplement. Mais chose certaine, quand on regarde les différents modèles,
dans les modèles où on n'a peut-être pas pensé à cette conséquence-là, de
démotiver des performants, on s'est retrouvé... on s'est vraiment retrouvé dans
des contextes d'impact négatif sur la motivation de ces professionnels-là. Et
ce n'est surtout pas ce qu'on cherche. Peut-être que ce à quoi on pourrait
penser, c'est une... c'est un bonus à la performance de ces personnes, de ces
professionnels-là par rapport aux autres, plutôt que dans un contexte de
pénalité, bien, qu'il pourrait y avoir, selon les cibles, des pénalités dans
certaines circonstances où c'est vraiment facile à appliquer. Mais c'est
quelque chose qui doit être bien pensé, donc, on doit prendre le temps de le
faire.
Donc, il y a... Je vois différents
éléments... Je vois différentes étapes dans la mise en œuvre de ce projet-là,
donc, suivi, reddition de compte, on peut aller de l'avant, mais pour tout ce
qui est responsabilité collective, pénalités, ça pourrait être dans un deuxième
temps, donc, et ça nous permettrait aussi, tu sais, d'avoir peut-être une
meilleure collaboration de tous les acteurs pour arriver à un modèle qui tient.
M. Fortin :
La proposition de votre collègue du CIRANOn, qui était ici, il y a quelques
instants, à l'effet que : Est-ce qu'on doit exclure, par exemple, des
médecins plus âgés de cette formule de calcul là? Parce qu'un médecin qui
travaille... qui est en préretraite, qui travaille trois jours-semaine, qui
commence à laisser ses patients à sa clinique ou à ses collègues, est-ce qu'on
veut vraiment soit le pénaliser lui, ou pénaliser la clinique, ou pénaliser le
territoire, à cause qu'il dit : Bien, sais-tu quoi, je ne prendrai pas ma
retraite de suite, je vais faire deux trois jours à la place pour continuer à
aider?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Bien, tout est dans la définition de ce que c'est, d'être performant, parce
qu'on peut être performant à demi-temps, donc. Puis c'est pour ça qu'entre
pairs c'est possible de reconnaître, tu sais, reconnaître l'apport des uns et
des autres. Et ma compréhension à la lecture du projet de loi, c'était que
c'était souhaité que cette...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
…là des cibles de performance soit fait avec les médecins et entre médecins,
donc. Mais c'est ça, j'ai l'impression, quand j'entends les différentes
discussions ou présentations, c'est comme si on a la perception qu'être
performant ça implique d'être complètement, tout le temps, à temps plein et de
faire des actes. Mais la performance peut vraiment revêtir, tu sais, peut… peut
pas être présentée de cette façon-là, mais peut aussi impliquer une bonne
partie de recherche, peut impliquer que je suis à demi-temps, mais pleinement
performant dans mon demi-temps.
M. Fortin :
O.K. Là, vous avez quand même 57 pages, là, dans votre rapport qu'on vient
de voir, je comprends que vous pourriez peut-être passer un petit peu moins de
temps là-dessus. Effectivement, mais on a commencé avec notre vaillante équipe
de recherche, François, à regarder tout ça, puis… Oui. Oui, oui, ils
s'entendent très bien entre eux. Les limites de la capitation. Vous nous parlez
à un moment donné dans votre rapport, là, des limites de la capitation,
particulièrement en deuxième puis en troisième ligne. J'aimerais ça vous
entendre là-dessus, parce qu'on a beaucoup parlé de la capitation pour la
première ligne, puis ça, je pense que c'est facile à saisir, ce que ça veut
dire versus le modèle actuel. En deuxième, troisième ligne, comment ça
s'applique? Et c'est quoi, les répercussions, les risques, là, comme vous le
mentionnez?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Ce qui est rapporté dans certaines études au niveau de la deuxième puis la
troisième ligne, c'est… d'ailleurs, c'est une étude d'un de mes anciens
collègues de l'Université de Sherbrooke. C'était que, justement parce que ça
fait l'inverse que… c'est l'inverse du paiement à l'acte, donc, il n'y a pas
nécessairement de pression pour voir le plus de patients. Puis on peut avoir
une certaine… on peut… on peut développer une pratique où, par exemple, on va
vouloir garder le patient plus longtemps en établissement plutôt que de le
sortir. Et ça, ça peut générer par exemple de l'inefficience puis des coûts
additionnels. Donc, ça, c'est un exemple des risques de la capitation. Donc,
c'est pour ça que ça doit toujours bien être dosé puis c'est un peu ce que mon
collègue vous indiquait, il n'y a aucun modèle de rémunération qui est optimal
seul. Donc, on doit être dans un contexte de rémunération mixte et tous les
modèles, l'acte, la capitation et autres doivent venir avec des suivis
constants et des réajustements constants, puis surtout dans un contexte où on
est plutôt novateur au Québec, je vois difficilement, comment on pourrait
envisager de partir avec ce nouveau mode de rémunération là, sans évaluer ses
conséquences après même un an, puis de se réajuster sur l'impact au niveau des
dépenses.
• (12 h 50) •
M. Fortin :
Dernière dernière question de ma part, là, vous mentionnez en tout début de
votre mémoire le… puis là je vous cite : « Le projet de loi
n° 106 doit cependant être accompagné de garanties gouvernementales pour
assurer la capacité réelle des médecins à atteindre les cibles. » On en a
beaucoup parlé de ces… de ces garanties gouvernementales, là, que ce soit au
niveau de la dotation de postes pour les infirmières, les travailleurs sociaux,
les psychologues, que ce soit au niveau des outils informatiques, de la
paperasse, tout le reste, là. Est-ce qu'il y en a des plus importants que
d'autres dans toute cette liste-là qui a été mentionnée au cours des derniers
jours, des incontournables qui doivent absolument être mis en place au niveau
des garanties gouvernementales?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Comme je le mentionnais, j'ai l'impression qu'on peut aller de l'avant avec une
première partie du projet qui concerne les suivis et la reddition de comptes.
Ceci dit, au niveau de l'évaluation de la performance qui est rattachée à… On
parle de suppléments, mais j'appelle ça peut-être plus une pénalité. Donc, il faut
s'assurer que nos acteurs soient capables d'atteindre les cibles, donc il y a
certaines cibles qui peuvent être atteintes, là, on parle par exemple…
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
…merci. Le temps est écoulé.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Ah! vous iriez lire mon mémoire.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour
une période de trois minutes six secondes.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être là. Évidemment, je n'ai pas lu les 55 pages
encore qu'on vient de recevoir, mais ce sera fait. Pourquoi vous avez dit tout
à l'heure que le principe, le… pas le principe, là, mais le paiement par… à
l'acte, la rémunération à l'acte, je vais y arriver, est rejetée
majoritairement par les jeunes? Vous n'avez pas dit majoritairement, mais
rejetée par de plus en plus de jeunes médecins et de femmes. Où est-ce que vous
prenez cette source-là?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Dans la littérature, puis je vous invite, là, à faire une recherche dans les
bases de données scientifiques, rémunération à l'acte, burn-out, les
préférences des jeunes médecins et des femmes, c'est quelque chose qui ressort
fortement. Et d'ailleurs, quand j'écoutais les présentations des différents…
différentes personnes médecins, je me disais que ce qu'on…
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...ce
qu'on souhaitait, c'était la capitation à l'acte. C'est ce qui ressort du
message.
M. Marissal : Oui, on est
d'accord, on a entendu la même chose. Je suis d'accord. Je voulais voir la
source. De toute façon, on la récupérera, la source. Vous avez dit par ailleurs
que ça, ça fonctionnerait, ça étant la proposition du gouvernement, si le
gouvernement donne des garanties aux médecins, donc des garanties d'être
capables de fonctionner, là. J'imagine, c'est ça que vous voulez dire, là. La
proverbiale salle d'opération qui n'est pas... qui n'est pas disponible, ça,
c'est l'exemple le plus frappant. Mais qu'est-ce que vous voulez dire, par
ailleurs, et comment le gouvernement pourrait-il donner des garanties?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, c'est des engagements.
M. Marissal : ...on
fonctionne avec un principe qui est inclus par... indu par 106, qu'il doit y
avoir des garanties, sinon c'est un marché de dupe, ça ne marchera pas.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, surtout que le projet de loi n° 106 parle de responsabilité
collective, il serait bienvenu d'y intégrer des engagements de la part du gouvernement
qui peuvent reprendre certains des engagements qui devraient se traduire par le
déploiement de Santé Québec, mais que ce n'est peut-être pas clair ou pas
encore évident. Puis, ceci dit, ça... à mon avis, dans la mesure où on intègre
ce type de garanties là... Par exemple, une plus grande transparence des
données, ça pourrait être certaines garanties au niveau, effectivement, de
l'accès à des plateaux techniques. Parce qu'évidemment, si on n'atteint pas la
cible comme spécialiste, on peut difficilement être pénalisé, en tout cas, même
légalement, il y a peut-être une problématique, là. Donc, c'est essentiellement
dans ce sens-là. Selon moi, c'est quelque chose... On pourrait même penser à
proposer ou à intégrer un engagement à légiférer en lien avec les
problématiques de «no-show» comme on appelle. Donc, on parle d'un engagement
réel collectif à ce moment-là. On aurait gouvernement, patient, médecin. Les
médecins se sentiraient aussi moins visés directement par ce projet de loi là.
M. Marissal : O.K. Il reste
10 secondes, le temps de vous remercier. Merci beaucoup.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci,
M. le député. Alors, je cède maintenant la parole au député des Îles de la
Madeleine pour la même durée, trois minutes six secondes.
M. Arseneau : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Bourassa Forcier, pour vos lumières. Vous dites dans les
premières pages de votre mémoire, que j'ai pu regarder rapidement, que le
projet de loi devrait être simplifié sur le plan législatif et administratif
pour éviter la représentation de tout zèle actuariel ou bureaucratique. Est-ce
que je dois comprendre que vous craignez que l'on mette en place un régime de
surveillance puis de reddition de comptes qui ajouterait encore de la paperasse
qu'on demande d'un peu tout le monde, particulièrement les médecins?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.
Notre lecture comme juristes, c'est que c'est... présentement, tel que rédigé,
on est en présence... en fait, on... il y a... puis je pense que mon collègue
l'avait mentionné, on a un risque de monstre bureaucratique ici, là. Donc, il
faut simplifier. Les lois... Ce qu'on enseigne à nos étudiants, c'est que les
lois doivent être rédigées de façon assez large pour qu'on puisse bien évoluer
dans le temps sans être obligé de toujours faire des modifications à nos lois.
Donc, il serait peut-être pertinent d'envisager de sortir certains éléments de
complexité de la loi, de les envoyer soit en entente ou dans des mesures
réglementaires.
M. Arseneau : Est-ce que vous
avez des... dans votre mémoire plus loin, là, des suggestions plus
pratico-pratiques?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Je
n'ai pas fait de proposition. Je laisse ça à l'esprit créatif des légistes et
des avocats ici avec les parlementaires. Mais, certainement, la formule de
calcul du supplément nous a quand même fait sourire, là, comme juristes. Il y a
peut-être des considérations juridiques qui m'échappent, mais je ne comprends
pas pourquoi cette formule-là, qui va peut-être devoir être adaptée dans le
temps, figure dans la loi... dans le projet de loi actuel.
M. Arseneau : Ça va très,
très vite. Vous avez parlé, vous avez préféré la coconstruction d'indicateurs
de performance. Puis là vous dites : Ça inclut les gestionnaires, les
autres professionnels de la santé, les patients, en plus des médecins,
évidemment. Mais est-ce que c'est votre définition d'une responsabilité
collective ou c'est pour définir la responsabilité des médecins de faire
intervenir tous ces gens-là? Parce que certains nous ont dit : Ça ne peut
pas être juste la responsabilité des médecins d'améliorer les soins de santé
puis de l'accès à des services de qualité.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est
deux choses. La capacité de la loi de produire ses effets va être optimisée si
on se réunit. La responsabilité des différents acteurs, je pense qu'elle se
reflète un petit peu partout dans la loi sur... la LGSSSS, et il reste cette
responsabilité-là qui revient aussi aux médecins et des garanties
additionnelles pour pouvoir atteindre des cibles de la part du gouvernement.
Donc, ça, c'est autre chose.
M. Arseneau : D'accord. Vous
avez parlé de...
M. Arseneau : ...des bons
contrats, tout à l'heure, là. Nous, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est
qu'on veut que les listes de Québécoises et Québécois qui ne sont pas prises en
charge disparaissent. Mais ça ne donne pas automatiquement un accès à un
médecin. Est-ce que c'est... Donc, dans le contrat, il faut prévoir davantage
de détails?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.
La Présidente (Mme Boivin Roy) : M.
le député, je vous remercie.
M. Arseneau : Merci. Merci.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Le temps est écoulé malheureusement. Alors, professeure Bourassa Forcier, on
vous remercie pour votre contribution aux travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 h.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 heures)
La Présidente (Mme Poulet) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de la santé et des services
sociaux reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi
visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité
des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux.
Alors, cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : Le Regroupement provincial des comités des usagers, Pr
Denis Chênevert, M. Alexandre Chagnon et le Pr Damien Contandriopoulos.
Alors, je vous souhaite la bienvenue, mesdames.
Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous allons
procéder à un échange entre les membres. Alors, la parole est à vous.
Mme Tavernier (Carole) : Bonjour,
Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames, messieurs.
Je vous présente Mme Sylvie Tremblay, la directrice générale du Regroupement
provincial des comités des usagers, et je suis Carole Tavernier, la présidente
du conseil d'administration du RPCU.
Le RPCU a été fondé il y a 21 ans.
Cet organisme défend les droits des usagers, représente plus de 540 comités
d'usagers et de résidents dans l'ensemble des établissements de santé et de
services sociaux au Québec. Qu'ils soient publics ou privés, conventionnés ou
autofinancés, le RPCU peut intervenir dans tous les grands débats de société
sur des enjeux relatifs au domaine de la santé et des services sociaux pour
faire valoir le point de vue des usagers. La mission du RPCU est de défendre et
de protéger les droits des usagers dans l'ensemble du réseau de la santé et des
services sociaux, en soutenant les comités d'usagers et les comités de
résidents dans la réalisation de leurs missions et en exerçant un leadership à
l'égard de l'amélioration de la qualité des soins, la sécurité des services de
santé et des services sociaux au Québec. Les usagers, ce ne sont pas seulement
des personnes malades, ce sont toutes les personnes qui, à un moment donné de
leur vie, comme vous et moi, utilisent les services de l'ensemble du réseau de
la santé et des services sociaux. Le RPCU a pour mandat de tous les
représenter.
Avant même d'entamer son mémoire...
15 h (version non révisée)
Mme Tavernier (Carole) : ...le
RPCU tient à réitérer encore une fois son admiration pour le travail des
médecins, tant les médecins que les spécialistes. Le RPCU tient à souligner
leur travail et leur dévouement. Nous tenons aussi à exprimer notre admiration
pour tout le personnel du milieu de la santé et des services sociaux, tant les
infirmières, les professionnels de la santé et des services sociaux, les
préposés, que les techniciens, qui, au quotidien, sont les garants de l'ensemble
de ce système.
L'objet de cette commission parlementaire
ne porte pas sur le dévouement, mais sur l'organisation du travail, ceci visant
principalement à améliorer l'accès aux services médicaux pour une prise en
charge optimale et humaine des usagers. Le projet de loi n° 106 réfère
particulièrement à des modalités de prise en charge des usagers en ciblant les
usagers particulièrement vulnérables, les niveaux de vulnérabilité ainsi que
les critères associés à ces niveaux.
Enfin, le RPCU comprend à ce moment-ci que
les parties sont en processus de négociation. Les usagers que nous représentons
réaffirment dans cette perspective que l'accès et la prise en charge des
citoyens doivent être au cœur de l'ensemble des discussions. La rémunération n'est
pas le seul élément à prendre en compte. Et nous savons que l'ensemble des
partis s'accordent sur cet aspect.
C'est donc dans cet esprit que le RPCU se
présente devant cette commission. Et nous vous remercions, les parlementaires,
de nous accueillir aujourd'hui.
Les différentes réformes en santé qui se
sont succédé au Québec depuis les dernières années n'ont pas toujours donné
tous les résultats attendus. La dernière réforme qui a mené entre autres à la
création de Santé Québec et du ministère 2.0 est encore en phase de transition,
et c'est un euphémisme. Le RPCU, en ce sens, s'impatiente de voir les fruits de
cette vaste transformation qui devait être au bénéfice des usagers, et ce,
partout au Québec.
Il aurait été facile pour nous, usagers du
réseau, d'écrire notre mémoire en ne reproduisant que les échanges entendus ou
lus dans les journaux et les médias sociaux. Qu'aurions-nous appris, sinon l'insatisfaction
des usagers face à l'inaccessibilité des soins et services de santé et de
services sociaux, d'un médecin de famille ou d'un médecin spécialiste? Nous
aurions constaté, sans surprise l'exaspération, l'incompréhension des usagers
lorsqu'ils attendent de longues heures aux urgences et dans les cliniques
médicales sans rendez-vous. Nous aurions entendu, impuissants, ces bébés en
pleurs aux urgences. Nous aurions pleuré avec des personnes âgées qui attendent
d'entrer en CHSLD ou qui se cassent la hanche car elles ont eu le malheur de
tomber en se rendant aux toilettes à leur domicile.
Que dire des besoins des personnes handicapées?
Que dire de tous ces usagers qui attendent des mois et des mois pour un premier
rendez-vous de prise en charge pour une opération, un traitement, un examen? Il
y a des faits que nous ne pouvons passer sous silence. L'accroissement de la
population, le vieillissement à vitesse grand V de cette population,
particulièrement dans certaines régions, l'augmentation des usagers vulnérables
ayant des problématiques sociales et de santé publique. Les médecins du Québec,
comme les autres parties prenantes de ce réseau, ont une responsabilité
collective et doivent, avec l'ensemble des intervenants et des gestionnaires, s'engager
à améliorer l'accès et la prise en charge des besoins de notre population.
Nous comptons sur vous et sur l'ensemble
des membres de la communauté médicale afin de faire un pas de plus très
significatif. Pour nos usagers, pour la population, il faut vraiment y arriver.
Mme Tremblay (Sylvie) : Nous
aimerions ici vous parler des aspects à souligner de façon générale pour le
projet de loi. Ce projet de loi nécessite aussi de prendre en compte les
niveaux de vulnérabilité des usagers dans la prise en charge et les normes
relatives à la prise en charge de ceux-ci par les médecins dans divers... dans
divers milieux de pratique cités en lien à la prise en compte du niveau de
vulnérabilité dans la détermination de la rémunération. On indique un mode de
rémunération à trois têtes : capitation, rémunération au taux horaire,
rémunération additionnelle qu'on pourrait appeler supplément collectif, nous y
reviendrons, des balises nationales, territoriales, locales sur ces objectifs
collectifs, et, intéressant, le domicile de la personne assurée doit être pris
en compte dans la prise en charge, et ce, le plus près du milieu de l'usager.
Nous observons, comme tous les Québécois,
que la disponibilité des médecins du Québec a diminué depuis les... depuis
plusieurs années, et surtout en ce qui concerne le nombre d'heures consacrées
aux services directs aux usagers. Cette tendance est susceptible de se
poursuivre dans un proche avenir car des médecins québécois entendent diminuer
les heures de pratique. Les départs à la retraite des médecins et la
conciliation travail-famille expliquent aussi en partie ce fait.
Comment traiter... Comment contrer la
diminution des actes malgré le nombre croissant de personnes âgées et
vulnérables d'ici les prochaines années et dont les besoins croissants de prise
en charge... Le RPCU croit donc qu'il faut agir pour contrer cette tendance. La
prise en charge des personnes les plus...
Mme Tremblay (Sylvie) : ...les
plus vulnérables est un impératif, et il faut s'y engager maintenant.
Nous pensons aussi que la création de
valeur versus les objectifs collectifs des médecins pourrait être prise en
compte. Cette approche vise à assurer une couverture et un accès équitable aux
services de santé et de services sociaux, à améliorer la santé globale... et
des interventions adaptées aux besoins diversifiés des usagers.
Nous espérons que le projet de loi
permettra une réponse adaptée à ces besoins au niveau national, territorial et
local.
Ainsi, nous sommes d'avis que les balises
collectives s'insèrent dans une discussion plus large entre l'ensemble de la
communauté médicale et les parties prenantes du réseau... de l'ensemble du
réseau de la santé et des services sociaux.
Les travaux du comité de transition et le
rapport de ce que nous avons déposé en janvier au ministre de la Santé et des
Services sociaux misent sur la création de valeur afin d'améliorer
collectivement les soins de santé pour les années à venir.
Les paramètres de cet objectif sont des
objectifs collectifs de premier niveau pour tous. La communauté médicale doit
s'impliquer pour les atteindre. Je pourrai vous les nommer rapidement : améliorer
la santé et le bien-être de la population; réduire la maladie; améliorer
l'expérience de soins; améliorer l'équité et réduire les inégalités sociales de
santé et de bien-être; améliorer le bien-être et l'expérience des personnes
oeuvrant dans ce réseau; et assurer la viabilité du système.
Le projet de loi propose d'organiser les
services afin que les médecins, qui font partie aussi du réseau de la santé et
des services sociaux, s'engagent à prendre en charge un certain nombre
d'usagers.
Le regroupement déplore encore une fois
que l'on soit venus à légiférer pour s'assurer que des usagers aient accès à un
médecin. Pendant des... Pourtant, des solutions sont connues, des heures
d'ouverture plus longues, visites à domicile. Ces solutions, à l'évidence, ne
sont malheureusement pas suffisantes et des réaménagements ne demandent souvent
que des changements mineurs.
Ceci étant, le RPCU croit que le
législateur est en droit de demander à la communauté médicale de faire un
effort supplémentaire afin d'améliorer l'accès et la prise en charge dans une
vision d'amélioration de santé primaire, secondaire et tertiaire, et ce,
partout au Québec.
Le RPCU ne veut pas entrer dans le débat
savoir si un médecin doit prendre en charge 1 500, 1 550, 200, 300 de
patients qui sont des catégories trois et quatre. Néanmoins, il nous semble
encore une fois que, dans... peut-être, dans notre grande naïveté, que certains
chiffres ne mentent pas. Donc, il est important que la prise en charge augmente
de façon soutenue très rapidement pour les années à venir pour les personnes
vulnérables de catégorie trois et quatre.
Le RPCU est préoccupé aussi, comme
certains partenaires, sur la notion de personne assurée. Ainsi, l'obligation
d'assurer un suivi médical seulement pour les personnes inscrites au système
d'information RAMQ peut présenter des risques importants de discriminations,
notamment pour les usagers les plus vulnérables, ceux-ci qui ont souvent besoin
de prise en charge. On n'a qu'à penser... les nouveaux arrivants, les personnes
réfugiées, personnes itinérantes ou marginalisées. Nous souhaitons que le
législateur prenne ceci en compte.
• (15 h 10) •
Il y a aussi deux autres recommandations
qu'on aimerait vous souligner. Les ententes entre le gouvernement du Québec et
les fédérations médicales, comme la majorité des ententes conclues dans les
conventions collectives, devraient être rendues publiques et, surtout,
accessibles pour tout le monde. De plus, que les comités d'usagers de première
ligne puissent exercer leurs fonctions auprès des usagers inscrits dans les GMF
et les cliniques médicales, ce qui n'est pas le cas pour le moment.
Le regroupement... Le RPCU croit
raisonnable, donc, le projet de loi n° 106 pour...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci.
C'est tout le temps que nous avons.
Mme Tremblay (Sylvie) : Nous
vous remercions... Il restait une phrase.
La Présidente (Mme Poulet) : Allez-y
pour la dernière phrase.
Mme Tremblay (Sylvie) : Merci
de votre attention.
La Présidente (Mme Poulet) : Ah!
Bon, bien, parfait.
Mme Tremblay (Sylvie) : Ouf!
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on va procéder à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Dubé : Alors, vous vous
étiez pratiquée parce que, si vous étiez si proche de votre but, vous saviez
que vous aviez un temps... C'est vraiment un plaisir de vous voir encore une
fois aujourd'hui, puis hier... Il y a tellement de points que vous soulevez,
là. Puis je regardais rapidement votre mémoire, puis c'est très concis, ce que
vous avez fait là, puis je... je vais essayer de toucher les points... Je ne
peux pas toucher tous les points aujourd'hui, mais je vais essayer d'en toucher
quelques-uns où vous pouvez faire une différence, dans les recommandations,
dont on va tenir compte dans les prochaines semaines.
Sur l'obligation de légiférer, je veux
juste vous... Vous me dites : On ne comprend pas qu'on a cette obligation
de légiférer. Je le dis dans mes mots, là, puis c'est... ce n'est pas négatif,
ce que je dis, au contraire. Mais je veux juste expliquer un petit problème
qu'on a. En ce moment, la façon dont la loi est rédigée depuis 50 ans,
puis même avec les modifications...
M. Dubé : ...qu'on a fait
avec la LGSSSS, là, qu'on a mise à jour, la fameuse loi de la santé, il n'y a
pas d'obligation du médecin de prendre en charge 100 % de la population.
Ce sont des travailleurs autonomes, avec les défauts et les qualités de ça, je
ne dis pas que c'est juste des défauts, mais il n'y a pas cette obligation-là.
Puis je le dis souvent, mais, avec vous, c'est encore important. Ça fait qu'il
va falloir... On essaie de trouver la façon de protéger certaines de leurs
conditions, puis là je ne rentre pas dans ça, mais en même temps de dire :
Comment on arrime ces travailleurs autonomes, ces 22 000 travailleurs
autonomes qu'on a, qui font un excellent travail... mais, en même temps, avec
le fait qu'on a 1,5 million de Québécois qui ne sont pas pris en charge?
Alors, le... comment on arrime le 1,5 million qui manque?
Et, sur votre point, sur votre point,
encore plus, parce que ça, j'aime ça entendre ça, ce qui est le plus important,
c'est les vulnérables. Parce que, sur le 1,5, selon la codification trois et
quatre, remise à jour pour le fameux code de couleurs dont on parle, trois et
quatre, pour moi, c'est les oranges et les rouges, à moins que je me trompe,
là, bien, il y en a quand même 600 000 qui sont dans ces catégories-là. Ça
fait que ce n'est pas parce qu'il y en a plus qu'avant, c'est que là on a mis ça
à jour, puis la meilleure image aujourd'hui, c'est ça.
Ça fait que je veux juste vous dire :
L'obligation de légiférer, elle est là, elle vient de cette dichotomie-là entre
travailleurs autonomes versus le besoin qui n'est pas assouvi de
1,5 million de personnes. Ça va? Ça fait que... Bon.
On a décidé aussi qu'il fallait légiférer
parce que, si on prend certains éléments de la RAMQ puis qu'on décide, par
exemple, de simplifier le code de rémunération, si on décide de... par exemple,
d'avoir une partie de la rémunération des médecins qui sont liés à des
objectifs, à des résultats, bien, la loi actuelle de la RAMQ ne permet pas ça.
Ça fait que peu importe puis... C'est
parce que j'ai des collègues qui me parlent souvent de dire : Bien, tu
n'es pas ici pour faire de la négociation. Non, ça n'a rien à voir. On a besoin
de ces éléments-là dans un projet de loi peu importe ce qui arrive dans les
négociations, peu importe ce qui arrive dans les négociations. Ça fait que je
veux juste dire, soyons clairs, qu'il y a un besoin de légiférer pour les deux
raisons que je viens de donner. C'est bon? O.K.
Le deuxième point que vous soulevez, qui
est très important, c'est les heures en services directs. Je dois avouer... Je
ne sais pas si vous avez eu la chance d'entendre certains des autres
intervenants, là, puis il y en a quelques-uns qui... comme ce matin, le
professeur des HEC... Vous avez suivi ça? Bon. Puis je pense que... en tout
cas, moi, je suis content, là, du ton qui a l'air de changer, là, depuis
quelques jours. Puis ça, je l'ai dit, moi aussi, je fais partie de la solution,
là, pour que le ton change, je l'ai dit bien honnêtement. C'est d'arrêter de
dire qu'il y en a qui ne travaillent pas assez fort. C'est plus de dire :
Est-ce qu'on pourrait travailler différemment? Puis, quand je dis
«différemment»... J'ai entendu hier, là, trois, quatre intervenants, puis
c'était clair, qui disaient : Si on travaillait... Ce n'est pas comme ça
qu'ils l'ont dit. Ils ont dit : En ce moment, il y a des rendez-vous que
je vois que je ne devrais pas voir. Puis les chiffres que j'ai entendus entre
trois, quatre intervenants hier, là, c'était entre 30 % et 50 %. Ça
fait que, s'il y a des rendez-vous qu'ils n'ont pas besoin de voir mais que
c'est parce que l'arrimage avec les autres professionnels... ou parce qu'ils
n'ont pas le support à l'intérieur d'une GMF, ou peu importe, vous me suivez,
c'est là qu'il faut être capable de dire : Oui, mais comment on peut faire
ça autrement?
Alors, moi, à votre... puis ce n'était pas
votre deuxième point, mais j'ai fait la liste rapidement des points, là,
c'est : si on est capable d'enlever des heures qui sont non nécessaires,
des heures, des rendez-vous, des jours, peu importe de quoi... mais de la...
capable d'enlever de la disponibilité qui est non nécessaire pour ce que je
viens de dire puis qui pourrait être faite par des adjoints, qui pourrait être
faite pour enlever de la paperasse, puis etc., bien, c'est sûr qu'on va
augmenter les heures de disponibilité pour des heures aux patients, O.K.?
Alors, je veux juste que tout le monde
l'entende, on n'est pas dans travailler plus fort, on est dans travailler
différemment. Puis nous, on fait partie... quand je dis «nous», là, Santé
Québec, notre gouvernement fait partie de la solution parce qu'il va falloir
les aider à mettre ces mesures-là en place. Puis là on parle de comment on
coupe la paperasse. On a commencé, mais on n'est pas rendus là.
J'aime beaucoup votre point sur... puis
ça, c'est mon troisième point, sur la création de valeur. J'y vais en rafale
parce que je veux juste vous dire que je souscris tout à fait à vos
commentaires puis qu'est-ce qu'on essaie de faire pendant... Création de
valeur, ça, c'est important. Puis là je vais... je vais m'interrompre.
Qu'est-ce que vous... La création de valeur, quand on l'amène au niveau local,
territorial ou...
M. Dubé : ...national. Vous
avez l'air de faire une différence. Puis, ça, je voudrais vous entendre
là-dessus si vous voulez. Puis, après ça, il me restera un point. Parce que le
temps file, là, à une vitesse phénoménale. Allez-y là-dessus.
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien,
vous avez reçu le rapport du comité de transition, d'où nous y faisions partie.
Dans...
M. Dubé : Pour la création de
Santé Québec, là, oui.
Mme Tremblay (Sylvie) : Exact.
Et, dans le rapport, ce que ça dit, c'est qu'il faut absolument arrimer les...
puis je vais y revenir très, très clairement, c'est qu'il faut revenir sur les
services de proximité et de première ligne pour être capables d'améliorer le
réseau, puis, qu'en bout de ligne, la machine à saucisses fait que pas tout le
monde va l'urgence, et d'améliorer la santé et le bien-être de la population,
et de diminuer les inégalités. Alors, c'est un peu ça. Mais il n'y a pas de
chiffres, il n'y a pas de... il n'y a pas de data sur comment on améliore ça au
fil du temps. Puis les insatisfactions...
M. Dubé : C'est dans ce
sens-là que vous parlez de valeurs.
Mme Tremblay (Sylvie) : Et ce
n'est pas le Village des valeurs, là. C'est vraiment être capables d'avoir de
l'amélioration pour la satisfaction puis le bien-être des usagers au quotidien.
Puis, vous le savez, M. le ministre, on voit aussi, la satisfaction des usagers
que nous représentons, c'est un peu mollet, là. On est sur des changements, des
transformations organisationnelles profondes. Il y a des coupures derrière. Il
y a des gens qui s'en vont. Vous parliez de personnels administratifs, où
seront-ils? Nous, on est tous avec vous pour que ça marche, mais on sait très
bien que, dans le quotidien, là, il y a une difficulté de transition. Alors, il
faut vraiment revenir à la base, revenir à ce que les usagers nous disent.
C'est d'avoir des services le plus près possible, de... les inégalités, être
capables d'avoir des services le plus près de la population dans un contexte où
c'est du 24/7 puis que c'est cinq jours... c'est cinq jours... ce n'est pas
cinq jours par semaine, mais c'est sept jours. Alors, revenir à...
M. Dubé : On a demandé à...
Mme Tremblay (Sylvie) : ...une
vision collective des choses.
M. Dubé : Excusez-moi.
Excusez-moi. Je vous laisse continuer. Mais on a demandé à Mme Poupart, Maryse
Poupart, je la pointe du doigt, ce n'est pas poli, là, mais c'est la numéro
deux à Santé Québec. Puis depuis qu'on fait des consultations, depuis hier, on
a demandé d'écouter ça. Alors, si jamais vous pouvez prendre son nom à la fin
de la rencontre, je pense que c'est avec elle de faire ces démarches-là au
cours des prochaines semaines. Donc, vous avez déjà quelqu'un, là, qui s'occupe
des opérations. C'est sa responsabilité, les opérations. Alors, je fais
juste... Vous vous présenterez à la fin de la réunion. Je vous laisse
continuer.
Mme Tremblay (Sylvie) : Alors,
dans la vision collective que vous avez... Alors, moi, ce que je comprends de
ces négos-là... Puis on ne veut pas rentrer dans ça parce qu'on considère qu'on
est pris un peu en étau, comme usagers, puis c'est un peu... c'est un peu
dommage et même dérangeant, je vous dirais. Mais, dans la vision collective que
vous avez, qu'est-ce que la prise en charge collective au niveau national? Il
faut aussi prendre en charge les besoins populationnels qui sont un petit peu
plus larges que les besoins médicaux. Alors, dans ce contexte-là, je pense
qu'il faut arrimer avec les valeurs qu'est-ce que ça pourrait devenir puis...
M. Dubé : ...des exemples de
ça parce que...
• (15 h 20) •
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien,
les exemples qui sont, par exemple, des gens qui ont des problématiques de
santé mentale ou des personnes âgées qui devront éventuellement aller en CLSC,
première ligne ou en maintien à domicile, puis, de l'autre côté, y aura-t-il
des médecins en première ligne, y aura-t-il des CLSC qui pourront les avoir, y
aura-t-il une vision très, très large, là, de la première ligne par rapport à
ça. Donc, il faut arrimer les équipes médicales en fonction de ça puis aussi
revenir... C'est... Ce n'est pas idyllique, là. On est dans le b.a.-ba.
C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de clientèles vulnérables dans ça, là. Tu sais,
quand on parle d'usagers qui ont des problématiques 3 et 4, là, on n'est
pas dans le... ce n'est pas la licorne, là. Mais, en même temps, il faut quand
même revenir à l'essentiel.
Puis, nous, on est assez préoccupés de...
à la suite de ce qu'on voit là puis de ce que vous faites. Puis on comprend,
là, que les législateurs et vous-même, là, vous êtes dans... vous êtes dans des
discussions profondes. Mais ce qu'on vous dit aussi, c'est que tout bouge en
même temps, là. Et là, nous, on dit : Les gens, là, ils commencent à avoir
un peu peur que ça dégringole. Alors, il faut être prudents aussi dans ce qu'on
dit, mais on ne veut pas rentrer dans l'anecdote. Puis on sait que vous pouvez
travailler en dehors de ça, puis qu'on est capables d'avoir une vision un petit
peu plus collective, puis de revenir un peu à ce qu'on fait, puis qu'on...
qu'est-ce qu'on doit faire dans ce fameux réseau qui tient à cœur à tous les
Québécois.
M. Dubé : Bien, ça, c'est ce
qui m'amenait... Puis là, je vois le temps qui file, là, mais je pense qu'il
nous reste encore quelques minutes. C'est ce qui m'amenait à mon autre point.
Parce que peut-être que les gens comprennent moins, puis peut-être que c'est
nous qui devons améliorer notre discussion là-dessus, ça veut dire quoi, prise
en charge collective, hein? Parce que ce n'est pas juste justement d'avoir un
médecin. Mais Dr Gaudreault a dit hier, du Collège des médecins : Arrêtez
de dire que c'est juste les médecins, c'est écrit dans le titre du projet de
loi, c'est plus large que ça.
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien
oui. Effectivement.
M. Dubé : Puis on a un
article qui dit que c'est plus large que ça mais on ne l'a pas mis dans le
titre. Ça fait que, ça, c'est notre problème. On va corriger ça. Mais, le
collectif, ça veut dire qu'on veut prendre tout le monde sur leurs problèmes
de...
M. Dubé : ...santé, tout le
monde, mais on veut aussi que les médecins et les autres professionnels
travaillent de façon collective. Et c'est là qu'on va trouver une solution,
quand on se dit qu'il manque de monde pour le faire. C'est parce que, si ce
n'est pas rien qu'une personne qui est désignée puis que c'est collectif, dans
une GMF ou dans un CLSC, c'est là qu'on va travailler différemment. Puis ça,
c'est un gros changement de paradigme. On l'a fait avec le GAP. Ça a commencé,
mais il faut aller beaucoup plus loin que ça pour que ça ne soit pas juste un
rendez-vous, un bobo, hein, j'ai entendu ça souvent, un rendez-vous, un bobo,
puis là que ce soit une vraie prise en charge collective. Ça fait que je veux
vous rassurer là-dessus.
Et il me reste, Mme...
Une voix : ...
M. Dubé : Ah mon Dieu! On est
lousses. Niveau de vulnérabilité, ça, pour moi, c'est drôlement important parce
qu'on parle... Là, vous... écoutez, vous représentez les patients depuis des
années, puis merci pour tout ce que vous faites. Catégories trois et quatre,
c'est ce qui va être remplacé par les codes de couleurs, là, alors trois et
quatre, c'est les oranges et les rouges. Expliquez-moi. Parce que ça, il y a eu
beaucoup de choses qui ont été dites, là, puis peut-être pas toujours
correctes, là, mais comment ça se fait qu'aujourd'hui, quand on a la chance de
regarder comment l'INESSS, comment les experts se sont basés pour dire qu'il y
a 600 000 personnes qui sont de code rouge... comment ça se fait qu'on ne
les voyait pas, ces personnes-là, dans l'ancien code de couleur, les codes
trois et quatre? C'est-tu parce qu'on a mal évalué? Parce que moi, on me disait
que ça faisait longtemps que ça n'avait pas été mis à jour. Parce que c'est
comme si c'était arrivé... une surprise qu'on avait 600 000 personnes qui
étaient avec maladies... chroniques, pardon, sévères.
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien,
M. le ministre, c'est notre pain et notre beurre depuis toutes ces années. Vous
me dites ça, je tombe de ma chaise.
M. Dubé : Bien oui, mais moi
aussi.
Mme Tremblay (Sylvie) : Nous
et tout... l'ensemble des gens du réseau de la santé et des services sociaux,
tout votre réseau, ils les rencontrent au quotidien, ces gens-là. C'est des
gens qui sont dans l'extrême vulnérabilité, et ils sont beaucoup, et ils
vieillissent, et il y a des problèmes de santé concomitants.
Alors, c'est sûr que, là, sur la
calculette, puis c'est ce qu'on voulait vous dire aussi... nous, on n'est pas
sur la calculette, puis les pastilles de couleur, puis tout le reste, là, mais
c'est notre quotidien, à nous.
M. Dubé : Mais vous
reconnaissez qu'il y en a au moins 600 000 qui sont...
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien,
il y en a un paquet, et on dit : S'il vous plaît, on commence-tu par ça?
C'est ça qu'on vous dit. On ne vous dit pas... on n'est pas des... ce n'est pas
le monde des licornes.
M. Dubé : Bien, c'est parce
qu'il y a un an, il y a un an, je m'obstinais avec des médecins qui
disaient : La liste, là, elle est 30 000, puis on va la ramener à
10 000, puis c'est comme si j'avais demandé un effort de guerre, mais ce
n'est pas 30 000, qu'il y avait, à ce moment-là, c'est 600 000. Ça
fait que, là, si on a une meilleure analyse, aidez-nous à mettre de la pression
pour qu'on les prenne en charge. Ils existent, là, on ne les invente pas, là.
Mme Tremblay (Sylvie) : C'est
le quotidien du réseau de la santé et des services sociaux. C'est ça, le réseau,
c'est ce monde-là, là. Alors, mais ça, ça, c'est de la poésie, puis ça, c'est
ce que... Vous êtes en négos, alors... Mais nous, on le sait, là, on le sait,
qu'il y a toutes sortes d'affaires derrière ça. Nous, ce qu'on dit, c'est que
ce n'est pas vrai, là, on comprend que les gens en bonne santé, ils vont
faire... On sait qu'il va y avoir de la prévention, puis on sait éventuellement
qu'ils vont avoir un doc, là, tu sais, là, on n'est pas des... on n'est pas des
licornes, non plus, là.
M.
Dubé : Mais il y a une priorité sur les vulnérables.
Mme Tremblay (Sylvie) : Mais,
en même temps, s'il y a 600 000, il n'y en a peut-être pas... En tout cas.
Ce qu'on dit, c'est que... priorisez ce monde-là puis priorisez le monde... les
plus faibles, les plus vulnérables, les personnes handicapées, les personnes
âgées. Et, en prime, s'il vous plaît, ne ne touchez pas aux services de
première ligne, parce que ça, ça va avec. C'est-à-dire que, si on ne veut pas
qu'ils se ramassent à l'urgence, il faut absolument que le budget suive.
M. Dubé : Bien, il y en a
d'ailleurs beaucoup qui vont déjà à l'urgence parce qu'ils n'ont pas de
solution.
Mme Tremblay (Sylvie) : Il
faut que ça suive. Alors, ça, ça veut dire d'autres, d'autres intervenants.
C'est ça, de travailler au niveau collectif puis c'est à ça qu'il faut
travailler. Puis on croit que vous y êtes parce qu'on le sait, que vous y êtes,
mais il faut quand même...
M. Dubé : Non, mais ça
m'aide, parce que je pense que, là, on est en train de faire des transitions,
justement, sur les cotes de vulnérabilité, mais il n'y a pas juste d'avoir
changé de couleur, des chiffres, c'est d'avoir une bonne appréciation : il
y en a combien? Puis ça, je pense que le projet de loi nous a fait dire :
Bien, écoutez, soyons clairs, là, il n'y en a pas juste 30 000.
Mme Tremblay (Sylvie) : Puis,
dans certaines régions, il y a plus de vulnérabilité que d'autres, dans
certains territoires aussi, à Montréal, ailleurs, puis ça, il faut prendre ça
en compte aussi, là, on n'est pas... le Québec n'est pas égal non plus dans...
il y a de l'inégalité aussi. Donc, ça aussi, il faut prendre ça en compte.
M. Dubé : O.K. Est-ce que...
Une voix : ...
M. Dubé : Bien, écoutez,
non...
M. Dubé : …je vais laisser mes
collègues, parce que je suis certain, mais je veux juste dire, là, l'approche
patient que vous amenez à cette commission-là aujourd'hui, là, de penser à
regarder en fonction du patient, j'apprécie ça. Puis on va tenir compte, là, de
ce que vous dites puis j'ai très hâte de lire en détail votre mémoire. Merci
beaucoup pour le travail que vous faites. Merci beaucoup à vous deux.
La Présidente (Mme Boivin Roy) :
Merci, M. le ministre. Alors, on poursuit les échanges avec la députée de Pontiac.
M. Fortin :
Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci d'être… d'avoir
fait de la route, d'être là cet après-midi. Juste rapidement, vous dites :
vous êtes un peu tombés en bas de votre chaise quand vous entendez dire :
Il y a 600 000 patients
vulnérables. On ne le savait pas. Vous n'êtes pas les seuls. J'avais déjà
entendu la ministre dire qu'il y en avait 400 000 au moment de l'instauration
du GAP. Il avait évoqué qu'il y avait 400 000 patients vulnérables, là,
qui devaient être pris en charge.
M. Dubé : …
M. Fortin :
Oui, ça, c'est la deuxième… Quand vous avez dit qu'il faut en mettre… il y a 13 000 patients qui doivent
absolument être vus, là. Mais entre les deux, ça, c'est entre les deux… enfin,
on va y revenir. Mais je vous ai déjà entendu dire qu'il y avait 400 000 patients vulnérables.
Ceci étant, il y en a bien trop, hein, et il y en a bien trop qui ont des
difficultés d'accès aux soins.
Il y a beaucoup d'intervenants qui sont
venus nous dire : Le projet de loi, c'est une chose, là, mais si on le
fait… non, je prends… je prends un pas de recul. Sur l'objectif, c'est-à-dire
que tout le monde soit pris en charge, qui est un des objectifs du projet de
loi, je pense que tout le monde, tout le monde, là, tous les groupes, là, peu
importe d'où ils viennent, qui ils sont, qui ils représentent, disent :
C'est l'objectif qu'on devrait tous vouloir atteindre. Mais il y a beaucoup de
groupes qui sont venus nous dire : projet de loi, peut-être, mais il faut
que ça vienne avec une garantie gouvernementale aussi. C'est-à-dire, on dit aux
médecins : Prenez en charge la population, mais il faut qu'il y ait les
ressources pour le faire. C'est-à-dire il faut qu'il y ait des travailleurs
sociaux à leur disposition, les psychologues, il faut qu'il y ait la dotation
de postes, etc. Est-ce que pour vous c'est un… c'est une des garanties ou c'est
une garantie nécessaire pour que quelque chose comme ça puisse réussir?
Mme Tremblay (Sylvie) : Le
problème… puis là, je suis une vieille du réseau, là, ça fait 40 ans que
je suis dedans, là. Le problème, c'est qu'on pose toujours cette même question,
la question… il y a les docs, puis le reste, les docs, puis il y a le reste. Le
reste, puis, il faut que ça travaille avec les documents. Les docs, bien, des
fois ça travaille avec le reste. Il faut cesser cette… Il faut cesser de parler
comme ça. Il y a 600 000 personnes
qui ont des besoins, elles… c'est des personnes qui ont des pathologies. Des
fois, c'est un doc, c'est des personnes vulnérables, il faut qu'on travaille
ensemble. C'est ça l'affaire.
• (15 h 30) •
Alors, quand les… qu'importe, là, sur
quel… sur quel… sur quel pied on peut danser, il faut finir par arriver à ne
plus poser cette question-là. Tout le monde est dans le réseau de la santé et
des services sociaux. On a un Québec qui vieillit et qui a des problèmes… avec
des personnes qui ont des problèmes de santé globale. Et là, il faut que le
monde s'assoie et que là on regarde un peu quel système on veut. Il faut faire
un petit… Il va falloir faire un pas de plus, là, sur cette vision-là, parce
que là on a une structure, on a un ministère, là, on a des négos sur l'ensemble
des intervenants, il y a eu ça à l'automne, là, il y a maintenant les docteurs,
mais que voudrons-nous après? Puis là je pense qu'on est rendus là. Qu'est-ce
qu'on va vouloir après pour ce réseau-là? Comment on va le travailler?
Qu'est-ce que ça veut dire dans les 10 prochaines années?
Là, on est sur le maintenant. Mais je
pense que là, il va falloir d'ici quelques années arrêter de poser cette
question-là puis tous travailler ensemble. Parce qu'il y a une obligation
collective maintenant, parce qu'on est dans un... dans un temps au Québec où là
les gens vieillissent et sont de plus en plus malades. On va revenir à autre
chose, dans 10 ans, on ne dira peut-être pas la même chose, mais comment
on fait pour passer ce cap-là ensemble, tout le monde, pour que les gens soient
bien pris en charge? Et ça, il faut revenir à ça.
Alors, les médecins dans leur GMF, puis je
vais aller plus précisément, les médecins dans les GMF, ils disent : Bien,
moi, ça me prend un travailleur social, ça me prend un psychoéducateur, ça me
prend un psychologue, mais ailleurs, ça prend toute sorte de monde aussi.
Alors, il faut arrêter de travailler en silos, vérifier sa vision locale,
qu'est-ce qu'on peut faire ensemble puis arrêter d'y aller à la cenne, là? Il
faut y aller sur une vision plus populationnelle. Puis ça, c'est de l'enjeu
collectif.
Je pense qu'on ne… on amorce… on le
souhaite que Santé Québec révise ça, pas juste mur-à-mur, mais dans une vision
locale, puis que tout le monde travaille ensemble pour les cinq,
10 prochaines années. Le reste… Mais vous comprendrez, on ne peut pas
aller chercher quatre psychologues quand il y en a quatre sur le territoire,
là. Il ne faut quand même pas… on…
15 h 30 (version non révisée)
Mme Tremblay (Sylvie) : ...Il
faut avoir accès à tout, là, puis il faut que tout le monde se mette ensemble.
M. Fortin :Ça s'applique aux GMF, mais ça s'applique ailleurs aussi,
là.
L'enjeu des urgences. Là, hier, il y avait
un médecin qui était ici pour le réseau public qui nous dit : Bien, on a
perdu nos travailleurs sociaux à l'urgence. Ça laisse un immense vide qui est
comblé par à peu près tout le monde d'autre comme ils peuvent, mais ça ne
semble pas donner les résultats escomptés. Alors, quand je vous ai entendu ce
matin parler des coupures, entre autres, là, est-ce que c'est ça qui inquiète
chez vous dans le sens où vous dites : Bien, il y a beaucoup de patients
qui ne sentent pas... qui sont inquiets, qui ne sentent pas nécessairement une
amélioration?
Mme Tremblay (Sylvie) : Alors...
Bien, on les voit à tous les jours. On sait que Santé Québec a des résorptions
à faire, puis... bon, alors c'est... Nous, on est vigilants puis on va y... On
est vigilants et excessivement préoccupés. Ceci ne fait pas l'objet de ce
débat-ci, mais on est excessivement préoccupés. Et, au-delà, ce qu'on voit, c'est
que, oui, il y a des coupures de TS, de psychoéducateurs, des directeurs
qualité, bon, il y a toutes sortes d'affaires. Je pense qu'il y a une réflexion
à avoir sur la capacité que nous avons, minimalement... Là, on n'est pas sur...
On ne vous parle pas, là, de services quatre étoiles. Là, on dit : Là, là,
il y a un petit... il y a un petit «glitch», là. Alors là, on revient à l'essentiel,
on revient à l'essentiel sur l'ensemble d'une œuvre collective qui s'appelle
Santé Québec, qui s'appelle ministère, qui s'appelle les fédérations, les ordres.
Là, on a un petit 10 ans à faire. Et là il faut qu'il y ait une
responsabilité sociale, puis il faut une vision collective. Puis ce que ça veut
dire, là, c'est que, là, on ne peut plus tous tirer la couverte de notre bord,
qu'importe où c'est, là. Puis qu'est-ce qu'on a comme objectif puis comment on
peut le réaliser? Parce que nous, ce qu'on... Nos usagers nous disent, puis c'est
vos commettants, là, ce qu'ils nous disent, c'est : Ça... Il y a... On ne
se reconnaît plus, un, on n'a plus de services, deux, puis là ça... on commence
à perdre confiance. Ce n'est pas ça, la réalité. Il y a du monde dédié. On les
voit tous les jours. Il y a du monde qui veulent beaucoup. On est avec eux à
100 %. Mais là il faut revenir à l'essentiel. Il faut revenir à une vision
collective. La vision collective est là. Comment on peut prendre en charge le
monde vulnérable, on va commencer comme ça, là, puis comment on va travailler à
ce que notre monde soit en meilleure santé et qu'il y ait moins d'inégalités? C'est
ça qu'on dit. Puis c'est ce que le monde veut. Parce que ce n'est pas vrai que
tout le monde peut payer x, y, z pour avoir des soins, là, on s'entend, là. Il
y a peut-être 40 % où ça... non, il y a 60 % de la population, mais c'est...
ça dépend du niveau de ce que tu as.
M. Fortin :Là, j'ai besoin de votre aide parce que... Votre
recommandation six, là, que le comité des usagers de première ligne puisse...
que les comités des usagers de première ligne, pardon, puissent exercer leurs
fonctions auprès des usagers inscrits dans les GMF et les cliniques médicales.
J'ai besoin de votre lumière parce que soit vous m'apprenez quelque chose que
je ne savais pas ou je ne comprends pas votre proposition. Pouvez-vous nous l'expliquer
un peu?
Mme Tremblay (Sylvie) : Alors,
nous, on ne peut pas accompagner, dans les GMF et dans les cliniques médicales,
les usagers, on a... ce n'est pas dans la... ce n'est pas dans la... Notre
mission voudrait qu'on accompagne tout le monde, mais on ne peut pas aller là.
Alors, nous, on reçoit des téléphones de personnes, par exemple, je vais vous
donner un exemple hyperconcret...
M. Fortin :...vous voulez dire par accompagner.
Mme Tremblay (Sylvie) : Alors,
accompagner, c'est ce qu'on fait tous les jours, c'est-à-dire que, si quelqu'un
a...
M. Fortin :...
Mme Tremblay (Sylvie) : Accompagner
physiquement. Ça peut être aussi accompagner... Ils vont quelque part, ils nous
reviennent, ils veulent savoir si c'est... ceci... Ils ont des insatisfactions,
ils peuvent avoir un processus de plainte. On leur explique le système, là, on
n'est pas toujours... Mais, par exemple, si quelqu'un... On l'a vu à la COVID,
on l'a vu après. Par exemple, si quelqu'un a une problématique de santé
mentale, va voir son médecin, ça ne se passe pas superbien, il nous appelle :
Bon, il s'est passé telle, telle chose. J'aurais eu besoin d'un accompagnement
pour, un, comprendre... pour comprendre aussi qu'est-ce que je pourrais faire
pour la suite. Nous, on n'est pas... on ne peut pas y aller. Alors, on... Là,
on dit : Bien, appelez votre commissaire aux plaintes ou appelez, par
ailleurs... puis là ils vont au protecteur. Et puis ça devient un peu large sur
la capacité qu'on a de pouvoir améliorer en continu l'accompagnement. Nous, c'est
ce qu'on fait, de l'accompagnement. Et on n'est pas dans le réseau des docs.
Alors, nous on dit : Ce serait tellement simple, qu'on puisse avoir un peu
de... Parce que, vous savez, quand on va voir le doc, là, puis on a fait des...
on parle à notre monde, là, puis... peut-être, vous autres aussi, quand vous
allez voir votre doc, quand vous ressortez de là, il y a 15 % des affaires
que vous avez compris, le reste, vous étiez trop stressé. Ça fait que la
personne qui accompagne, elle fait : Bien...
Mme Tremblay (Sylvie) : ...as-tu
compris ça? Tu as-tu fais ci, tu as fait ça? Puis là tu ne portes pas plainte,
tu fais de l'amélioration continue puis tu y vas. C'est ça qu'on voudrait. On
voudrait accompagner de bout en bout. Puis on vous dit aussi que, des
fois, il y a de la vérif qui se fait, puis nous autres, on est là, puis on peut
aussi donner un input au système en disant : Bien, cette clinique-là ou ce
GMF là, c'est super, tiguidou, mais, dans d'autres places, c'est un peu
particulier. Alors, on est un chien de garde à ce niveau-là aussi. Bien là, on
ne peut pas.
M. Fortin :Alors... puis là, je m'excuse, on sort peut-être un peu du
projet de loi, comme tel, là, mais c'est une des recommandations que vous avez
mises, alors j'aimerais ça, juste la comprendre jusqu'au bout, là, ça veut dire
qu'un usager qui vous demande de l'accompagnement, vous pouvez l'accompagner
quand il va voir son spécialiste à l'hôpital, quand il fait un CT-scan à
l'hôpital, mais quand il parle à son médecin de famille qui est en GMF ou son
IPS qui est en GMF, là, vous ne pouvez pas rien faire. Quand il va en clinique
privée pour faire un rayon X, là, vous ne pouvez pas rien faire. Donc, vous
vous retrouvez à faire des bouts du trajet de l'usager.
Mme Tavernier (Carole) : Je
vais préciser, si vous me permettez. Les comités de résidents et comités
d'usagers, ils sont présents dans toutes les installations du réseau. Les GMF
et les cliniques médicales ne font pas partie du réseau, officiellement, donc
on n'a pas juridiction dans ces endroits-là. C'est pour ça qu'on ne peut pas
accompagner.
M. Fortin :Et ça vous prend un changement législatif pour y arriver.
Mme Tavernier (Carole) : Oui,
ça nous prend un changement de ce côté-là.
M. Dubé : ...
Mme Tavernier (Carole) : Non.
Exact. Mais comme le... Mais, en même temps, vous comprendrez qu'à la... p.l. n° 15... ça n'a pas changé, ça, mais le système évolue
aussi, et puis là ça fait partie de.
M. Dubé : ...
M. Fortin :Ça va, Mme la Présidente, comme ça. Il y a des jours où on
s'entend bien, il y a des jours où c'est...
La Présidente (Mme Poulet) :
Là, ça va bien, c'est parfait, la vie est belle, il fait soleil.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Poulet) :
Il reste 48 secondes, M. le député.
M. Fortin :Non, ça va. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on poursuit les échanges avec le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui. Merci.
Oui, vous êtes tombées sur une bonne journée, jusqu'à maintenant. Je pense
qu'on a tout donné hier, là.
Bien, merci d'être là. Je n'ai pas
beaucoup de temps, mais mettons, là, qu'on y arrive, là, par 106 ou par
ailleurs, par l'opération du Saint-Esprit, là, peu importe. Mettons qu'on y
arrive, à ce que le million et demi de personnes qui ne sont pas prises en charge
soient inscrites... ces personnes. Puis là il y a une nuance entre être inscrit
et être pris en charge, mais jouons le jeu. Ces personnes sont prises en
charge. Est-ce que, pour vous, être pris en charge, c'est synonyme de voir un
médecin, nécessairement, ou voir un professionnel de la santé?
• (15 h 40) •
Mme Tavernier (Carole) : Moi,
je dirais voir un professionnel de la santé, être pris en charge, parce que...
Exemple le plus probant : Tu vois ton médecin pour un diagnostic de
diabète, mais, après ça, à la clinique de diabète, ça va être des infirmières,
ça va être des nutritionnistes, ça va être les spécialistes que tu as besoin
pour faire ton suivi. Tu vas peut-être voir ton médecin une fois ou deux par
année, pas plus, parce que tous tes suivis, tu peux les faire avec d'autres
professionnels de la santé. L'idée, dans la prise en charge, c'est de voir le
professionnel de la santé que tu as besoin, pas nécessairement un médecin.
Mme Tremblay (Sylvie) : Mais
ça prend un docteur de premier niveau, pour les catégories quatre et trois, ça
prend un docteur parce que ce n'est pas vrai qu'un trouble de santé majeur, tu
ne peux pas avoir de psychiatre derrière toi. Ce n'est pas vrai qu'un cancer,
tu n'as pas de médecin derrière toi. Ce n'est pas vrai qu'un problème de
nouveau-né, tu n'as pas derrière toi. Ce n'est pas vrai que ton... tu peux le
suivre, éventuellement, mais ça prend un doc aussi. Puis l'état palliatif, on
ne le nomme pas. Alors, pour les... Là, on revient à, là, on est malade, là, on
n'est pas... on n'a pas un cor aux pieds. Ça prend une gang puis ça prend un
docteur.
M. Marissal : ...plus
vulnérables.
Mme Tremblay (Sylvie) : Exact.
M. Marissal : C'est parce que
ce qu'on nous dit depuis hier, grosso modo, c'est : Inscrire des gens puis
une prise en charge réelle, c'est deux choses, parce que les cliniques de
première ligne, GMF, pour les nommer, ou, le CLSC, je pense que c'est encore
pire, ils ne l'ont pas, le personnel pour recevoir le monde. Ça fait que...
est-ce qu'on inscrit du monde pour inscrire du monde, pour faire baisser une
liste statistique qui, dans le fond, ne donnera pas plus de services parce que
la clinique n'est pas capable de les prendre, ils ne sont pas capables de les
suivre?
Mme Tremblay (Sylvie) : Mais
vous imaginez ce que vous êtes en train de dire aux patients que nous sommes,
dans le sens où... Puis je vous comprends, là, parce que c'est notre angoisse
quotidienne. C'est-à-dire que...
Mme Tremblay (Sylvie) : ...jusqu'où
notre système est rendu pour qu'on soit en train de se poser cette question-là.
Et là, c'est...
M. Marissal : On a les mêmes
patients, hein? On a les mêmes patients, Mme Tremblay : ils vont vous
voir, ils viennent nous voir.
Mme Tremblay (Sylvie) : C'est
systémique, là. C'est systémique. Et là, il y a un bout qui se fait avec cette
législation-là, il y a un bout qui va se faire probablement avec Santé Québec,
il y un bout avec le ministère aussi où il faut revoir... valeurs, là. Tu sais,
on est là, là. Puis on a 10 ans à faire. Et puis on est, nous, assez
préoccupés, on va le dire... on va le dire de même. Je pense qu'il faut faire
un tour de roue supplémentaire pour que ce que vous dites, M. Marissal... puis
c'est profond et c'est vrai, il faut revenir à ce qu'on veut dans une vision
réaliste, puis comment on va travailler ça pour que là, notre monde vulnérable,
là, on les prenne en charge. Ce n'est pas... On n'est pas la... Comment on va
faire ça? Puis ça veut dire peut-être augmenter le nombre de travailleurs
sociaux, puis travailler un petit peu avec les ordres professionnels pour
augmenter le nombre d'infirmières, puis se donner un go, là. Tu sais, il n'y a
pas juste les médecins, là. Il y a les ordres, il y a... il y a les syndicats.
Comment on se redonne un go pour être capables de justement répondre à cette
question cruciale que vous donnez.
M. Marissal : Puis,
croyez-moi, je trouve ça... je trouve ça désolant, là.
Mme Tremblay (Sylvie) : Ah!
ça, je le sais.
M. Marissal : Je ne suis pas
oiseau de malheur. Le malheur, il existe déjà, là.
Mme Tremblay (Sylvie) : Exact.
M. Marissal : Parce qu'on a
un peu les mêmes clients, là, tu sais. Quand ils vont voir, ils viennent nous
voir aussi, hein?
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien
oui. C'est vos commettants.
M. Marissal : Puis, souvent,
ça communique de l'un à l'autre. C'est juste que moi, je ne voudrais pas qu'on
donne l'impression au monde qu'on va les prendre en charge parce qu'ils sont
inscrits. On a déplacé leur nom d'une liste d'attente à une liste virtuelle de
prise en charge, puis qu'il n'y aura personne pour les prendre en charge. Ça,
ça s'appelle déplacer un problème. Peut-être, ça fait des plus belles
statistiques, là, mais ça déplace le problème. Il me reste-tu du temps, moi?
La Présidente (Mme Poulet) : ...
M. Marissal : Ish!
Une voix : Merci.
M. Marissal : Même pas le
temps de vous dire merci. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
mesdames pour votre contribution à nos travaux.
Une voix : Merci de nous
avoir... Merci de nous avoir...
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
je...
M. Dubé : ...
Une voix : Et vous autres
aussi.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
mesdames.
Alors je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise à 15 h 47)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on reprend nos travaux. Nous accueillons M. Denis Chênevert et M. Alain
Rondeau. Alors, bonjour, messieurs. Vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange. Alors, la
parole est à vous.
(Visioconférence)
M. Chênevert (Denis) :
Merci,
Mme la Présidente. Merci aux parlementaires et à M. le ministre. Donc...
M. Chênevert (Denis) : ...pour
situer qui nous sommes, je suis directeur du Pôle santé, HEC Montréal,
professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines, et M.
Rondeau est professeur honoraire à HEC Montréal et directeur associé au Pôle
santé. M. Rondeau est une sommité en matière de gouvernance clinique et
d'organisation des soins, bon, il agit donc à ce titre.
Dans un premier temps, je voulais
présenter notre perspective qui est organisée beaucoup plus sur la question de
la structure des soins et de l'analyse du système de santé, et non sur la
charge que les médecins doivent assumer comme personnes. Donc, nous sommes
convaincus qu'un changement profond est nécessaire au point où on en est rendu
socialement. Je pense que des études et des chiffres sont assez éloquents sur
la pression que la demande en santé va exercer sur notre système dans les
prochaines années. Donc, je pense que le statu quo est impossible. Et ce
changement va nécessairement demander une réponse... une responsabilité
collective et une imputabilité précise, à savoir qui est imputable de la
qualité des soins au Québec. Bon, je pense que ça, c'est un élément qui fait le
coeur de notre exposé.
En fait, si vous regardez depuis
50 ans, beaucoup de transformations et de réformes ont eu lieu, mais sans
réel résultat significatif en matière d'organisation des soins et de qualité
des soins et d'accès aux soins. Les pressions fortes exercées sur les
établissements n'ont pas permis jusqu'à présent de réaliser cette capacité de
générer de l'autonomie au niveau des responsables cliniques. Les pratiques
médicales sont isolées, les gens fonctionnent de façon autonome. En fait, tout
le monde fait son travail, mais le travail n'est pas réalisé. C'est un constat
qu'on fait dans le milieu de la santé à présent. Sans réelle imputabilité à
l'égard des résultats de santé et principalement à l'égard du bien-être des
patients, je pense que la transformation est impossible, et nous saluons le
projet de loi n° 106 sur cet aspect de vouloir générer une capacité
d'imputabilité. Et je pense que la révolution du système de santé québécois,
comme l'ont fait plusieurs autres pays, doit passer par cette capacité de créer
de l'imputabilité.
Et, derrière cette imputabilité, je pense
que les établissements devraient avoir un rôle important à l'égard de la
capacité de créer cette imputabilité et d'avoir un rôle direct sur
l'organisation des soins. Malheureusement, en ce moment, deux systèmes en parallèle
fonctionnent, l'organisation des soins est centrée sur les soignants, alors que
l'organisation des soins devrait être centrée sur les patients. Et ça, c'est un
problème qui dure depuis 50 ans, ce n'est pas d'aujourd'hui que cette
réalité existe, et je pense que nous avons l'occasion de pouvoir,
éventuellement, à partir du projet de loi n° 106 qui n'est pas... qui
n'est pas parfait en lui-même, je pense que le ministre a salué la possibilité
de bonifier le projet. Je pense que c'est le propre de chaque projet de loi,
mais, dans son intention, je pense qu'il y a des choses importantes à
considérer.
• (15 h 50) •
La question de la rémunération, qui a fait
couler beaucoup d'encre depuis quelques jours, est un élément du projet de loi
n° 106, mais elle n'est pas le fondement même de ce projet. Ce projet,
comme je l'ai mentionné, son fondement, c'est d'être capable de générer une
instance d'imputabilité clinique, ça, ça m'apparaît l'élément central du
projet. Effectivement, la question de la rémunération est quand même un élément
important à considérer. On sait très bien que la rémunération à l'acte, tel
qu'on la connaît dans notre système canadien, québécois, génère un ensemble
d'effets pervers, vous les connaissez probablement. On estime peu près à 30 %
des actes médicaux qui sont non cohérents, non pertinents. Donc 30 %, on
sait très bien quelle somme ça représente en termes de coût pour le système et
en termes d'accès, naturellement, donc. Et le système à l'acte crée également
des dynamiques dans lequel la capacité de créer de la collaboration
interprofessionnelle est beaucoup plus difficile. Pourquoi? Parce que le
médecin doit voir un patient pour être rémunéré, alors que l'on pourrait
facilement prendre soin d'un patient sans passer nécessairement par un médecin.
Donc, ça crée un goulot d'étranglement en
première ligne. C'est ce qu'on voit depuis plusieurs années. Donc, cette
question de rémunération, elle est quand même importante. On a... Il y a un
débat qui perdure sur cette question de rémunération, et je pense que c'est
l'éléphant dans la pièce, il faut éventuellement l'adresser. En fait, plusieurs
pays ont adressé cette question. On est probablement parmi les pays qui sont
les plus en retard...
M. Chênevert (Denis) : ...cette
question de la réforme de la rémunération des médecins, ça a été fait dans la
majeure partie des pays.
En ce qui a trait la capitation, je pense
que cette approche est intéressante dans la mesure où elle permet une prise en
charge davantage orientée sur l'approche populationnelle, c'est-à-dire qu'on
cherche davantage à créer de la qualité, de la prévention dans la mesure où
l'acte n'est pas nécessairement synonyme de qualité des soins. Donc,
l'important, c'est maintenant de statuer sur davantage la prévention populationnelle
et la capacité de mettre en place un système orienté sur la capitation. Je
pense... les capacités, la possibilité de générer une meilleure
interdisciplinarité, une meilleure collaboration entre les soignants, dans la
mesure où le but est de prendre en charge quelqu'un, peu importe qui prend
cette charge.
Donc, je pense que ça, ça m'apparaît un
élément important du système par capitation. Je pense que ce système comporte
également certaines limites d'où l'importance, c'est, je pense, la nécessité de
coordonner ce système par capitation par un certain nombre d'indicateurs.
Pourquoi c'est un problème, le système par capitation? Parce qu'il peut générer
ce qu'on appelle une sélection, une sélection inverse, donc, un problème
d'antisélection, c'est-à-dire qu'on ne va sélectionner que les patients qui
sont les moins difficiles à traiter pour être capables d'en prendre un plus
grand volume. Donc, ça, c'est un problème du système par capitation qu'on a vu
dans d'autres études.
Une autre limite du système, c'est le
référencement. Donc, on va davantage être porté à référencer, en deuxième
ligne, un patient, comme ça, bien, on est payé pour l'avoir sur notre liste,
mais on s'en occupe très peu. Et l'autre c'est l'accès, il faut que la personne
ait accès. Donc, on en a... J'ai vu, dans la présentation précédente, la
question d'accès est fondamentale, ça ne donne rien de mettre des gens sur la
liste s'ils n'ont pas accès à un soignant. Ça, c'est un élément important du
système de capitation. Il faut s'assurer d'avoir des éléments qui nous
permettent de pouvoir contrôler, suivre : Est-ce que les gens qui sont mis
sur une liste, est-ce que des citoyens qui sont sur la liste ont accès, dans un
temps raisonnable, à un soignant? Donc, je pense que c'est un élément important.
À cet égard, très, très... il y a très peu
de temps, la Colombie-Britannique, comme vous le savez sûrement, ont passé en
mode de capitation auprès de leurs médecins de famille. Les résultats se sont
avérés quand même assez intéressants. Ce transfert dans la capitation a permis
d'attirer 700 nouveaux médecins qui avaient délaissé le secteur public. Donc,
ils sont revenus dans le secteur public de la santé, parce que beaucoup de
médecins sont également, je pense, favorables à cette approche. Je connais
assez bien les médecins et je vous dirais qu'il y a beaucoup de médecins qui me
connaissent également. Et cette question a été traitée, j'ai fait plusieurs
conférences avec la FMOQ dans leur congrès, j'en ai fait une sur la rémunération
des médecins. Donc, j'ai... les avantages et inconvénients de chaque approche
et je pense que, de façon générale, les gens sont assez favorables à ce
changement.
Donc, je pense que c'est un élément qui
est assez... qui doit être pris en considération, cette question de rémunération,
et surtout le fait qu'aucun système ne peut permettre de combler les enjeux de
cette question d'imputabilité et de prise en charge. Chaque système de rémunération
comporte en lui-même ses forces et ses faiblesses. C'est donc le but d'avoir une
approche mixte qu'on appelle où plusieurs systèmes de rémunération différents
viennent compenser les faiblesses de l'autre. Et ça, on voit ça dans tous les secteurs
d'activité, ce n'est pas propre au secteur de la santé. Donc ça, ça me paraît
important.
Et, à cet égard-là, notre collègue
Pierre-Carl Michaud a démontré, dans son dernier rapport, que la rémunération
n'est pas une... Donc, il faut bien comprendre que le fait de mettre en place
un système de rémunération, peu importe le système, on ne réglera pas le
problème d'accès à la première ligne, il faut être réaliste par rapport à ça.
La rémunération est un mécanisme de soutien comportemental, il faut s'assurer
de cibler quel genre de comportement on veut encourager par rapport à ce
système de rémunération. Donc, il faut, dans un premier temps, avoir fait la
transformation, s'assurer de voir qu'est-ce qu'on veut voir apparaître comme
comportement auprès des soignants, et ça, ça m'apparaît essentiel, avant même
de réfléchir à savoir qu'est-ce qu'on va encourager, supporter comme
comportement. Ça, ça m'apparaît un élément assez important.
La question qui tue maintenant :
Comment traduire l'intention du projet dans une transformation réelle de la
pratique de soins? Je pense que c'est là, le grand débat : Comment on va,
à partir du projet, réussir à transformer réellement cette pratique de soins?
Comment favoriser une imputabilité médicale dans une prise en charge de
patients pour un milieu de pratique quelconque? Comment on va réussir à générer
cette capacité de prise en charge et d'imputabilité, en sachant que, oui,
effectivement, l'importance du collectif de soins est essentielle. On ne peut
plus fonctionner dans un environnement où le médecin...
M. Chênevert (Denis) :
...travail en silo...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
messieurs. C'est tout le temps qu'on avait... qu'on a pour votre exposé. Nous
allons maintenant procéder à la période d'échange. M. le ministre, la parole
est à vous.
M. Dubé : Oui.Vous
avez un rôle très difficile de couper la parole à ce moment-là. Je sais que ce
n'est pas facile, mais... Messieurs... M. Chênevert et... je n'ai pas saisi le
nom du deuxième intervenant, je m'en excuse.
M. Chênevert (Denis) : M.
Alain Rondeau.
M. Dubé : M. Rondeau. Premièrement,
encore une fois, je le dis souvent, je sais que vous avez eu à vous préparer
dans un temps record tous les deux. Ça fait que c'est très apprécié que vous
soyez là aujourd'hui, et je dois vous dire, très, très instructif. Je n'avais
pas réalisé à quel point il y avait de la compétence aux HEC dans un domaine
aussi pointu que les données, que la santé, avec ce qu'on a vu dans les
derniers jours. Ça fait que merci beaucoup. C'est sûr qu'on partage,
là, beaucoup des éléments que vous avez dits, mais on est beaucoup dans, je
pense, les défis, là, puis j'ai beaucoup apprécié ce que mes collègues, entre
autres de l'opposition, ont dit aujourd'hui. On va aller plus loin si on
réussit... à réaliser notre vision. On est beaucoup dans l'exécution ici, hein,
c'est de ça dont vous parlez, puis comment quand on passe de silo à travailler
en équipe, parce que c'est beau en théorie, mais il faut que ça arrive, ça,
puis c'est des gros changements de comportement. Ça fait que je vais essayer de
ramener ça à deux points puis... Bon.
Sur l'imputabilité, bon, je pense que ce
qui dérange beaucoup en ce moment, là, puis je le comprends, c'est un gros
changement, c'est d'essayer de lier... D'abord, premièrement, qu'est-ce que ça
veut dire, l'imputabilité? Parce que les gens ne s'entendent peut-être pas
toujours, ça veut dire quoi, être imputable, mais c'est... premièrement, c'est
d'être responsable de quelqu'un puis de dire si vous êtes responsable de
voir un certain nombre de patients, que vous êtes responsable de faire telle ou
telle chose, c'est... c'est d'avoir un responsable qui est imputable. On
dit : Regarde, tu devais faire ça, tu ne l'as pas fait ou est-ce que tu
pourrais le faire mieux en termes de qualité? L'imputabilité — puis
je n'ai pas vu si vous avez un mémoire puis j'aimerais ça pouvoir vous lire
parce que c'est très clair ce que vous dites — est-ce que ça peut se
faire sans cible? Pas... Je n'ai pas dit «sensible» dans le sens de...
M. Chênevert (Denis) : Oui,
j'ai compris.
M. Dubé : ...sans aucune
cible. Vous me suivez?
M. Chênevert (Denis) : C-i-b-l-e.
M. Dubé : Parce que le débat,
je crois... puis moi, j'ai confiance dans les médecins qu'on connaît, là, puis
vous le dites, il y en a beaucoup qui voudraient aller là. Mais c'est quoi le
plus gros irritant de l'imputabilité? Est-ce que c'est d'avoir des cibles,
d'être mesuré puis en plus de lier ça à la rémunération? Je suis certain que
vous en avez parlé. Qu'est-ce qui rend cette imputabilité si difficile à faire
accepter comme changement? Est-ce que ma question... ma question est claire?
• (16 heures) •
M. Chênevert (Denis) : La
première... La première raison... Oui. La première raison, c'est qu'on ne peut
pas mettre quelqu'un imputable d'indicateurs sur lesquels il n'a pas totalement
le contrôle. Les gens, face à l'imputabilité, ce qui les insécurise, c'est
d'être imputable sans avoir la responsabilité et le contrôle des indicateurs
d'imputabilité. Je ne sais pas si vous me suivez?
M. Dubé : Ah! très bien.
M. Chênevert (Denis) : Les
deux doivent... Les deux doivent aller de pair. Si je suis imputable de quelque
chose, je dois avoir le contrôle direct sur cette chose, sinon ça ne peut pas
marcher. Et je pense que c'est là que peut-être il y a un petit peu de... je
dirais, d'angoisse par rapport à cette question-là.
M. Dubé : Je vais dire comme
mon collègue de Rosemont, là, on rêve une minute, là, puis admettons qu'ils
avaient complètement le contrôle sur... je vais dire quelque chose, pour être
disponibles pour voir le patient. Ils l'ont, le contrôle, admettons, là. Puis
la... leur clinique est ouverte, puis elle est ouverte le jeudi soir jusqu'à 8
h. Ils ont le contrôle pour voir le patient. Ça fait que j'enlève la question
de contrôle. Je vous repose la même question. Est-ce que c'est d'avoir une
cible qui dérange? Parce que, des fois, vous pourriez avoir des cibles puis
vous n'êtes pas... ça n'affecte pas votre rémunération. Ça fait que je reviens
à ma question. À part le contrôle, qu'est-ce qui dérange tant que ça dans
l'imputabilité?
M. Rondeau (Alain) : Il y a
deux aspects qui sont importants dans l'imputabilité, c'est l'imputabilité de
quoi et l'imputabilité à qui.
M. Dubé : Allez-y.
M. Rondeau (Alain) : Il est
clair qu'on a besoin clairement d'avoir défini de quoi on est imputable, et il
faut avoir participé, d'une certaine façon, à la définition de cette
imputabilité-là, c'est quoi la cible que je vise et est-ce que je suis en
accord avec ça, est-ce que j'ai le sentiment que je peux l'atteindre. Et la
deuxième partie, c'est : Je suis imputable à qui? Autrement dit, ce n'est
pas parce que j'ai défini à quelque part une cible que cette cible-là va me
pousser. Je dois... Je dois être capable de rendre compte de mon imputabilité à
quelqu'un ou à un système qui me permet de dire : Oui, en effet, on a
bien...
16 h (version non révisée)
M. Rondeau (Alain) : ...le
travail. Ces deux dimensions là sont complémentaires.
M. Dubé : Vous avez dit, puis
ça, ce n'est pas la première fois, puis je regardais mon collègue le Dr
Bergeron, là, pendant que vous disiez ça, puis je l'ai entendu au moins cinq,
six fois, là, depuis hier, depuis qu'on est en commission, qu'il y a de 30 %
à 50 % des rendez-vous, vous avez dit, non cohérents, là, ou, en tout
cas... je n'ai pas le bon mot, non nécessaires.
M. Rondeau (Alain) : 30 % des
actes.
M. Dubé : Pardon?
M. Rondeau (Alain) : 30 % des
actes perpétrés dans un... Une rémunération à l'acte, il y a 30 % des
actes qui n'ajoutent pas de valeur à la situation du patient.
M. Dubé : Ça fait que ça c'est
un peu complémentaire à ce qu'on entendait hier parce que... Même la FMOQ a dit
que ça pouvait monter jusqu'à 50 % dans certains cas. Hier, ils ont dit
ça, là. Alors, qu'est-ce qu'on fait pour se protéger si on s'en va à des
cibles... Admettons qu'on dit : Elles sont contrôlables, les gens savent à
qui... de qui... qu'est-ce qu'on attend d'eux, ils sont d'accord avec cette
cible-là, là, tous les critères que vous venez de mettre, comment on fait pour
s'assurer qu'on baisse ce 30 %? Parce que c'est ça, le défi, là. Parce
que, si on est capables de diminuer ces actes, je le dis, non nécessaires, il
va y avoir de la disponibilité pour voir plus de gens. Moi, l'idée, c'est... ce
n'est pas de dire : Vous pouvez travailler plus fort. Pouvez-vous
travailler différemment? Ça fait que comment on fait pour que nos cibles, on va
s'entendre... Est- ce qu'il y en aura trois, cinq, 10 ou 15? Je ne sais pas,
mais est-ce qu'on peut s'entendre comment on fait pour réduire ces actes-là qui
sont non nécessaires?
M. Rondeau (Alain) : Là, je vous
ai parlé d'un collectif qui va travailler à prendre en charge les patients. Ça
va être le travail de ce collectif-là de réfléchir puis de dire : Dans ce
qu'on fait, qu'est-ce qui... qu'est-ce qui mérite ou qu'est-ce qui ne mérite
pas d'être fait et comment on peut le réorganiser? Et là il va y avoir un...
M. Dubé : Je me permets de
vous interrompre, là, parce que vous êtes des spécialistes, puis, quand on
parle de collectif puis prise en charge... C'est qui, le collectif? C'est-tu ce
que vous dites, par exemple, la GMF qui aurait la responsabilité? C'est-tu ça
que vous voulez, là? Ce n'est pas un médecin, mais le collectif de la GMF. C'est-tu
ça?
M. Rondeau (Alain) : Votre projet
de loi nous parle de : collectivement, on doit réussir à prendre en charge
les patients. C'est... Le collectif, là, ça peut être le GMF, ça peut être une
autre forme, une...
M. Chênevert (Denis) : Le
département de médecine familiale, que vous avez soulevé dans le projet de loi.
M. Dubé : O.K. Non, mais c'est
parfait. Mais je voulais que les gens comprennent ça veut dire quoi, le
collectif, là.
M. Rondeau (Alain) : Et ce
collectif-là, il va devoir se poser la question si on est rémunérés pour
atteindre des résultats et, si on n'a pas plus de ressources qu'on en a présentement,
comment est-ce qu'on se réorganise pour faire les choses, comment est-ce qu'on
distribue différemment? Et là le 30 % d'actes qui, souvent, a été utile
dans la rémunération à l'acte, si on passe dans un système de capitation, il n'a
plus lieu d'être là. On va se poser la question : Est-ce qu'on a besoin de
maintenir ces actes-à? Et la question qui va devenir importante, c'est :
Comment, collectivement, on doit donc décider ce qui est important et ce qui l'est
moins et comment on se répartit différemment le travail au sein du collectif?
M. Dubé : Ça fait qu'il y a
deux... il y a deux questions. Il y a la question... je vais... Il y a la
pertinence : Est-ce que cet acte-là est important? Puis, tout à l'heure,
on va entendre quelqu'un, là, qui se spécialise dans ça, là, notre... Celui qui
est spécialiste en intelligence artificielle, là, qui a déjà un logiciel
pour... on va l'entendre sur la pertinence. Mais la deuxième question, c'est :
Comment on se le répartit? Hein, il y a la pertinence puis il y a la
répartition. Est-ce que vous en connaissez, des organisations? En tout cas,
moi, il y en a une qui me vient en tête, là. Mais je veux savoir : Est-ce
qu'on en a, des exemples où c'est... Parce ce n'est pas facile de travailler
en... Avant, on appelait ça un pool, hein? Tu dis : On travaille en pool,
on travaille en... ce n'est pas la meilleure expression pour ça. Mais en
connaissez-vous, des endroits où ce principe-là de collectivité a déjà été bien
appliqué?
M. Chênevert (Denis) : Oui,
vous savez... Bien, vous le savez, vous avez eu la présence en commission
parlementaire de Sasha pour les cliniques Up. Donc, vous avez vu un peu comment
fonctionne un collectif efficace et efficient. Donc, ils sont capables de voir
autant de patients, là, que Sainte-Justine. C'est dans un environnement qui est
pas mal moins complexe. Et donc c'est possible.
M. Dubé : ...je ne pensais
pas... Oui, mais c'est un bon point parce que je ne faisais pas le lien en
clinique UP. Vous parlez du Dr Dubrovsky, là...
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait. Sasha Dubrovsky, oui, tout à fait.
M. Dubé : Parce que c'est le
nombre de médecins et d'infirmières qui le regardent globalement?
M. Chênevert (Denis) : out à
fait, chacun on...
M. Dubé : Mais je ne me
souvenais pas de ce principe-là. O.K.
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait, ils ont une dynamique collective dans laquelle la... je dirais, l'interrelation
entre les différents professionnels, elle est fluide, elle est non statutaire.
Donc, chacun a...
M. Chênevert (Denis) : ...une
position qui est non statutaire... ça change beaucoup de choses dans une
dynamique clinique. Et donc, ça, c'est l'approche que... ont fait. Il y a
d'autres cliniques au Québec qui ont des approches très intéressantes.
M. Dubé : Parce que je pense
à mes collègues qui sont en face de moi, là. On a parlé du docteur Dubrovsky,
vous vous en souvenez. Puis, quand les gens sont allés le visiter, on a
regardé, puis leur taux de... leur taux de visite est aussi grand qu'à
Sainte-Justine. Puis on parle... on parle d'une clinique qui est au troisième
étage d'un centre commercial, là. Je m'excuse!
M. Chênevert (Denis) : Avec
une attente de 30 minutes, maximum, tu sais...
M. Dubé : O.K. Moi, je
pensais... Bien là, vous en avez donné un qui est encore meilleur que le mien,
ça fait que ça ne sert à rien que je vous parle du mien.
M. Chênevert (Denis) : Tu
sais, je pense qu'il faut... il faut réfléchir aux soins de proximité, tu sais.
Je pense que c'est... un des gros objets de ce projet de loi, c'est de
s'assurer qu'on est capables d'avoir des soins près des gens qui en ont besoin,
donc le plus près possible. Donc, l'imputabilité doit être également près des
gens qui ont un contrôle direct sur ces soins qui sont octroyés de façon
proximale. Et, pour ça, ça prend une gestion de proximité. On ne peut pas avoir
des soins de proximité sans une gestion de proximité. Il faut que les deux
cohabitent. Donc, soit une proximité et gestion de proximité puis imputabilité
de proximité. Il faut... Il faut que ça fasse un tout cohérent.
M. Rondeau (Alain) : Votre
projet de loi est fondé sur la mise en place de milieux de pratique. Ces
milieux de pratique là vont être des collectifs, justement, qui vont devoir
travailler ensemble. Tout va se passer là-dedans. Ce qui va être important,
c'est comment on les crée, ces milieux de pratique là, pour qu'ils puissent se
partager efficacement le travail à faire. S'il est trop large, s'il est trop
important, ça va devenir un capharnaüm. S'il est... S'il est mal... (panne de
son) ...
M. Dubé : Ça, on l'a entendu
de gens. Puis c'est un peu une façon de perdre le contrôle, que vous disiez
tout à l'heure, sur les cibles. Si les gens qui sont rémunérés, puis ajustés
pour ça, les cibles sont trop loin, bien, ils vont dire : Je ne le
contrôle pas puis je ne vois pas pourquoi...
Une voix : C'est ça. Alors...
M. Dubé : O.K. Je comprends.
Ça fait qu'on revient... on revient à ce point-là. Parlez-moi un exemple de la
Colombie-Britannique. Parce que je dois vous dire que c'est quand même un
exemple sur lequel on s'est fondé, là, pour arriver avec le projet de loi, puis
avec le Dr Bergeron. Mais je n'étais pas conscient que... c'est intéressant, la
statistique que vous avez donnée, qu'il y a plus de 700 médecins qui sont
revenus du privé.
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait.
M. Dubé : Puis, ça... Parce
que ça fait, quoi... ça fait combien de temps qu'ils ont mis ça en place, cette
nouvelle...
M. Chênevert (Denis) : Ah!
c'est récent, 2023... 2022-2023. C'est récent, là. C'est tout à fait récent.
C'est...
M. Dubé : Et qu'est-ce qui a
fait... si vous ne le savez pas, je me permets de le demander, puis on ira
voir. Mais quels sont les facteurs qui ont... qui ont fait qu'il y a un si
grand succès de ramener des médecins? Je sais que la rémunération en fait
partie pour beaucoup, là. Mais avez-vous un peu des données là-dessus qui fait
que c'est...
• (16 h 10) •
M. Chênevert (Denis) : Bien,
ce qu'on sait fondamentalement, c'est que la rémunération exclusivement à
l'acte génère beaucoup d'épuisement et de stress chez les médecins. Ça, ça a
été démontré. La rémunération à l'acte, ça peut comme...
M. Dubé : Oui. Puis on l'a
entendu beaucoup. On l'a entendu beaucoup hier, entre autres, là.
M. Chênevert (Denis) : Donc,
les médecins, surtout les nouvelles générations de médecins, ont tendance à
vouloir évoluer dans un environnement de travail dans lequel la qualité de vie
au travail est un élément important. Et donc un système qui génère de
l'épuisement et du stress n'est pas un système très attirant pour les nouvelles
générations de médecins. Et donc ces médecins sont revenus parce que l'approche
par capitation n'est pas une approche qui génère ce type de stress et ce type
d'épuisement.
M. Dubé : Oui. Puis, ça, il y
a une mauvaise compréhension. Les gens pensent que quand on dit capitation,
c'est pour augmenter le volume, alors que c'est le contraire.
M. Chênevert (Denis) : Pas du
tout! Pas du tout.
M. Dubé : Bien non. On a
entendu ça, là.
M. Chênevert (Denis) : Pas du
tout. Et, en plus, bon, pour revenir sur BC, les chiffres démontrent également
qu'on a réussi à augmenter le nombre de patients inscrits et consultés par un
médecin avec ce système-là. On a augmenté, en BC, près de 200 000. Et
pourtant, c'est petit. On parle d'une... tu sais, ce n'est pas la grosseur du
Québec, là. Donc, on a réussi. Puis c'est récent. Ça vient de commencer, là. On
a réussi à remettre sur le système 200 000 patients qui sont inscrits
et suivis, donc qui n'étaient pas suivis par le système traditionnel, donc.
M. Rondeau (Alain) : Ce qui
devient important là-dedans, c'est que le collectif, là, le groupe qui prend en
charge ces choses-là se répartisse complètement de façon différente le travail.
On va... On va repenser...
M. Dubé : Qu'est-ce que vous
voulez dire, de façon différente? Chaque groupe est... fait une approche
différente?
M. Rondeau (Alain) : Non.
Bien, d'une part, chaque groupe définit beaucoup comment ils vont fonctionner.
Et les standards dans chacun des groupes ne sont pas les mêmes, dans la prise
en charge. On va se poser des questions, on va... on va se tester beaucoup dans
notre façon de concevoir cette prise en charge là. Parce que ça dépend beaucoup
de l'environnement dans lequel on est, du type de patient qu'on traite, etc. Et
là, les...
M. Rondeau (Alain) : ...les
gens sentent plus de responsabilités par rapport à cette prise en charge là.
Ils ne sont pas dans une situation où tout est normé et lié à un acte rémunéré.
M. Dubé : Oui, parce qu'un
GMF en milieu urbain et un GMF en milieu rural ou régional, ce n'est pas...
M. Rondeau (Alain) : ...pas
la même chose.
M. Dubé : Ce n'est pas du
tout...
M. Rondeau (Alain) : ...c'est
tout à fait une réalité différente.
La Présidente (Mme Poulet) :
...
M. Dubé : Mon Dieu! je suis
chanceux. Non, je pense que ça me va, j'ai passé à travers les principaux points,
à moins que mes collègues... Ça va, ça fait que je passerais le temps à mes
collègues.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.
M. Fortin :Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci
de nous partager votre expertise aujourd'hui. Depuis le début du débat sur le
projet de loi n° 106, il y a quand même beaucoup de
médecins qui sont sortis sur la place publique en disant essentiellement un peu
ce que vous avez dit d'entrée de jeu, M. Chênevert, c'est-à-dire :
Oui, O.K. pour des objectifs, mais il faut que ce soit des objectifs sur
lesquels j'ai une certaine autorité, une certaine... un certain pouvoir. Si
c'est des objectifs sur lesquels : Oui, moi, j'en fais plus, j'en fais plus,
j'en fais plus, mais qu'à la fin de la journée, l'objectif n'est pas plus
atteint, j'ai de la misère à vivre avec ça.
Donc, si je vous entends bien, là, et je
pense que c'est M. Rondeau qui l'a dit, là, soins de proximité, gestion de
proximité égale imputabilité de proximité, là, ça prend tout ça, là, mais quand
on vient parler des objectifs nationaux, est-ce que ça tient la route, ça,
d'avoir des objectifs nationaux, alors que vous me dites : Bien,
l'imputabilité qu'il doit y avoir, c'est une imputabilité de proximité?
M. Rondeau (Alain) : Ce qui
va devenir très important là-dedans, c'est comment je compte décliner ces
objectifs nationaux là au niveau local, parce que l'objectif national, il n'y a
personne qui a le contrôle sur cette dimension-là, il faut que ça ait une
incidence sur ce qui se passe au niveau local, et donc le collectif local qui
traite soit capable de mettre ça dans des formats avec lesquels il est capable
de se sentir en contrôle.
M. Chênevert (Denis) : Il
faut en même temps qu'il y ait une forme de coordination de la première ligne,
c'est-à-dire qu'il faut quelque part un mécanisme qui va coordonner les
différents GMF, qui sont toutes des entités distinctes avec leur mode de
fonctionnement, mais ça prend une entité qui permet de voir, au fond, au bon
fonctionnement, qui crée des liens, de la synergie, qui puisse tabler sur les
innovations créées dans un GMF pour être capable de le transférer dans un
autre. Ça prend une instance qui va garder un certain regard sur ce qui se passe
en première ligne. Ça, ça m'apparaît un élément central. Pour l'instant, on n'a
pas réellement de coordination à ce niveau-là.
M. Fortin :Oui, c'est ça, il n'y a pas...
M. Chênevert (Denis) : Alors
qu'en Ontario, il y a des mécanismes de coordination. Ça existe.
M. Fortin :Pouvez-vous me l'expliquer, ça, ces mécanismes-là? Qui les
gèrent, ces mécanismes-là, entre les différentes... je ne sais pas si c'est des
GMF, des cliniques, là, ou peu importe, là, mais...
M. Chênevert (Denis) : C'est
une structure qui est au-dessus des GMF et qui a pour mission de créer de la
synergie, de la cohérence, de suivre des indicateurs, de suivre des résultats
pour être capable de diffuser les bonnes pratiques à travers l'ensemble des
GMF. En ce moment, chacun travaille dans son coin, il n'y a pas de partage, là.
Tu sais, on est dans des logiques dans lesquelles on réinvente la roue
constamment. C'est beaucoup d'efforts dans chacun des GMF, alors qu'on pourrait
facilement avoir un partage de ces bonnes pratiques et avoir beaucoup plus
d'efficience si on pouvait réaliser ce genre de coordination.
M. Fortin :Alors, sans avoir une instance comme celle-là, d'avoir de
l'imputabilité au-delà du GMF, là, en première ligne, ça devient difficile,
disons, là.
M. Chênevert (Denis) : Ça
devient plus difficile, je pense.
M. Rondeau (Alain) : Ça
devient d'autant plus difficile quand on se sent loin de la cible qui a été
placée.
M. Fortin :Oui. Et cette instance-là, en Ontario, elle est menée par
le ministère où elle est menée par une espèce de GMF qui s'associe un à
l'autre?
M. Rondeau (Alain) : C'est le
ministère.
M. Fortin :
C'est le ministère qui le fait.
M. Rondeau (Alain) : C'est le
ministère, oui, tout à fait.
M. Chênevert (Denis) : Mais
ça pourrait être Santé Québec.
M. Fortin :
Oui, oui. Bien, en Ontario, c'est le ministère. Ici, ça peut être quelqu'un
d'autre.
M. Chênevert (Denis) : Oui,
ça n'a pas d'importance, là...
M. Rondeau (Alain) : Oui, ça,
c'est un autre aspect qui est extrêmement important. Dans le projet de loi
actuel, il y a un grand absent qui s'appelle les établissements. Les
établissements ont beaucoup d'information sur la nature des besoins de leur
environnement et les collectifs qu'on va créer pour essayer de prendre en
charge, bien, les établissements doivent être aussi partie prenante là-dedans. Ils
peuvent exercer une partie de cette coordination-là dont on parle.
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait. Ils pourraient effectivement.
M. Fortin :
Ça fait partie des outils un peu, là, que beaucoup de gens... auxquels beaucoup
de gens ont référé, ce n'est pas... Tu sais, on en a parlé comme quoi... comme
comme des autres types de professionnels, que ce soient les travailleurs
sociaux, les psychologues, mais cette...
M. Fortin :...cet outil de coordination là, ça fait partie de ce que
le ministère ou ce que le gouvernement doit mettre en place avant d'arriver
avec des objectifs qui sont au-delà des objectifs de GMF, là. O.K., je vous
entends bien...
Une voix : ...
M. Fortin :
Bien, soit territoriaux ou nationaux, là. O.K. Juste sur la... Puis là, je
pense, depuis le début de votre exposé, là, on parle comme si on parlait
surtout de la première ligne puis des médecins de famille. La question des
spécialistes, qui est peut-être un petit peu plus... je ne veux pas dire
«complexe», là, mais, par rapport aux objectifs, là, est totalement
différente... Est-ce que vous voyez, à travers le projet de loi, quelque chose
qui permet aux spécialistes de mieux atteindre des cibles, par exemple, de
nombre de chirurgies réalisées ou des cibles comme celles qui ont été évoquées,
là, lors du dépôt du projet de loi?
M. Chênevert (Denis) :
Naturellement, c'est moins... je pense que le projet est moins ciblé sur les
spécialistes, là, c'est plus... ça m'apparaît plus nuancé par rapport à...
mais, en même temps, bon, les spécialistes, vous le savez probablement, là, les
médecins spécialistes dans le monde sont tous salariés. Ça, c'est une réalité,
là, ce n'est pas moi qui ai inventé ça, là, ce n'est pas une opinion
personnelle, c'est une réalité. Naturellement, bon, est-ce que... est-ce
qu'éventuellement cette réalité-là sera abordée? Je n'en sais rien, là, mais ça
fait partie, je pense, des questionnements qu'on doit avoir.
Et en même temps, bon, pour ce qui est des
collectifs en médecine spécialisée, ils ont aussi les mêmes problématiques, tu
sais. Je pense que la question de la coordination, de la collaboration est
également problématique. Je vous donne un exemple. On est après implanter une
approche qu'on appelle l'approche managériale participative dans les équipes en
cancérologie, bon. C'est des spécialistes, mais les spécialistes n'ont pas
tendance beaucoup à collaborer avec les autres professionnels, et dans une
logique dans laquelle les autres professionnels ne se sentent pas
nécessairement partie prenante de cette collaboration. Donc, on essaie de
changer un peu cette dynamique-là pour... En même temps, le médecin en tire un
bénéfice parce qu'il peut s'appuyer davantage sur ces ressources, puis ils ont
tous une expertise pertinente, lorsqu'on aborde un problème qui est
multidimensionnel, multifactoriel. Et, bon, en cancérologie, vous devez savoir
qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent être éléments importants de cette
maladie.
Et donc je pense qu'il y a aussi cette
prise de conscience de cette logique participative, cette ouverture à la
collaboration qui devra être encouragée, facilitée dans... à l'intérieur du
projet de loi n° 106. Je pense qu'il faut trouver une
façon aussi d'améliorer cette capacité de collaboration.
M. Rondeau (Alain) : Il est
clair qu'on a créé, dans les systèmes de santé beaucoup de goulots
d'étranglement. Quand on est obligé de passer par un médecin de famille pour
aller voir un spécialiste, voilà un goulot d'étranglement. Il est clair qu'il y
a beaucoup de ces goulots-là, qui doivent être repensés si on veut être capable
d'offrir des services, d'offrir l'accès à tout le monde.
• (16 h 20) •
Et, en particulier, la façon suivant
laquelle la collaboration s'installe entre les spécialistes et les collectifs
dont on a parlé plus tôt va être critique. Il est clair qu'on a besoin
d'améliorer cette relation-là, de créer des collaborations. Les spécialistes se
sont beaucoup isolés derrière leurs spécialités, et attendre simplement que le
cabaret soit plein devant eux pour agir. Ce n'est pas la meilleure façon
d'agir. Comment est-ce qu'on planifie? Il faut mettre les autres joueurs du
système dans le coup de sa propre planification.
M. Fortin :Pour votre exemple de la Colombie-Britannique, là, puis des
700 médecins qui sont venus du privé, là, on s'entend que c'est en Colombie-Britannique,
j'ose imaginer que c'était un privé qui était payé par l'État, quand même, là,
un peu à l'image de nos CMS, là, ce n'était pas des gens qui étaient dans le
privé privé, là, payés par la poche des
M.
Chênevert (Denis) : Je ne pourrais pas vous dire, je n'ai pas cette
information-là, présentement...
M. Fortin :O.K., bien, je crois comprendre des chiffres qu'on a
discutés ici dans le passé, là, qu'il n'y en a pas tant que ça, des gens dans
le privé privé, dans le reste du Canada, là. Donc, est-ce que... Savez-vous que
ce sont surtout des spécialistes ou des médecins de famille qui sont revenus,
qui...
M. Chênevert (Denis) : Médecins
de famille.
M. Fortin :Médecins de famille, hein?
M. Chênevert (Denis) : Oui.Tout à fait. Le projet de loi sur la capitation, c'est les médecins de
famille.
M. Fortin :Oui, O.K., c'est ça. En Colombie-Britannique, c'étaient les
médecins de famille, spécifiquement, là. O.K.
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait. Tout à fait.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Poulet) : ...que
M. le ministre intervienne?
M. Fortin :No, non, je n'ai pas d'enjeu qu'on se parle pendant qu'on
se parle, là, ça va.
La Présidente (Mme Poulet) :
Excellent. Merci.
M. Fortin :
Mais l'enjeu de la capitation, là, de toute évidence... Parce que j'essaie de
le comprendre du point de vue des spécialistes, là. Le spécialiste,
aujourd'hui, il est payé à l'acte. Alors, s'il n'opère pas, s'il n'est pas
capable d'opérer parce qu'il n'y a pas de salle d'opération ou quoi que ce
soit... il y en a beaucoup qui se tournent, en ce moment, là, vers des CMS, ou
qui vont dans le privé, ou qui se trouvent une autre forme de pratique, là,
parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir du temps...
M. Fortin :
...d'opération. Alors, on change le mode de… l'approche du gouvernement, le
mode de rémunération, est-ce qu'il y a un incitatif pour qu'eux… ceux qui ont
quitté le réseau public reviennent au Québec?
M. Chênevert (Denis) : Moi,
je pense qu'il y a… pour certains médecins, le fait d'avoir quitté le système
est relié à l'incapacité d'exercer son métier, donc, comme vous dites, les
restrictions liées aux plateaux techniques et au reste, là. Je pense que
plusieurs verraient d'un bon oeil de pouvoir avoir la capacité de travailler
davantage en fonction de ce qu'ils ont comme compétence, là. Je pense que c'est
un élément qui m'apparaît aussi important, dans… autant pour les spécialistes.
En même temps, ça permet aussi aux
spécialistes de pouvoir faire… être partie prenante des grandes transformations
qu'on cherche à faire. En ce moment, c'est très difficile de dégager un
spécialiste puis de l'emmener dans une rencontre pour être capable de discuter
des transformations auxquelles on est confronté. Pourquoi? Parce que pendant ce
temps-là, il ne fait pas un acte, il n'est pas payé. Donc, il faut trouver des
mécanismes de compensation et là on s'embarque dans des systèmes compliqués.
Vous le savez, ça ne finit plus, puis là, ça devient… Écoute, j'ai… moi-même,
j'ai planifié une formation pour des médecins spécialistes. J'ai dû les payer
pour qu'ils viennent à ma formation. Tu sais, je veux dire, c'est le monde à
l'envers. Habituellement, moi, quand les gens suivent une formation, c'est eux qui
paient. Mais là, c'est moi qui paie. Donc, tu sais, on voit que ça crée un
système un peu pernicieux, ce système à l'acte, et naturellement, ça génère de
la dysfonctionnalité, là, c'est normal… C'est évident.
M. Rondeau (Alain) : C'est assez
fascinant de mettre… de mettre en lumière les effets pervers de la rémunération
à l'acte, ça, c'en est un très important, ça empêche la collaboration, ça nuit
directement à la collaboration. Pourquoi je collaborerais? Pendant que je
collabore, je ne gagne rien.
M. Fortin :
Vous l'avez dit tantôt...
M. Rondeau (Alain) : …même si on
vise à améliorer par cette collaboration-là le résultat pour le patient.
M. Fortin :
Oui. Vous l'avez dit tantôt, là, il y a… il y a des des effets pervers
peut-être à chacun des modes de rémunération, là. Là, si on discute de la
capitation aujourd'hui, vous… Un des effets que vous avez notés tantôt, c'est :
Il y a un risque que les médecins de famille réfèrent plus facilement aux
médecins spécialistes. Comment on fait dans ce contexte-là pour s'assurer que
ça n'arrive pas ou que ça n'arrive pas trop, mettons?
M. Chênevert (Denis) : Ça
prend des indicateurs de contrôle. Il faut… il faut avoir des indicateurs avec
des cibles.
M. Fortin :
Sur la qualité, c'est un indicateur sur la qualité, ça, plus que sur la
quantité, là.
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait. Tout à fait. La réhospitalisation… ça prend des critères, des indicateurs
qui permettent de contrôler la qualité des soins et le bien-être des patients.
Pour l'instant, il n'y a jamais eu d'indicateurs qui… en fait, personne ne
s'intéresse à la qualité des soins… tu sais, je veux dire, il n'y a personne
qui est imputable de ça, là. Oui, intrinsèquement, tout le monde est pour ça.
Les médecins, ce sont des gens qui sont dévoués à leur profession. Ce n'est pas
ça la question, mais qui est imputable de cette qualité-là, il n'y a personne
dans le système en ce moment. Et donc il faut trouver un certain nombre
d'indicateurs qui va nous permettre au moins d'avoir des cibles moyennes pour
dire : Bien, écoutez, tu sais, un… tu sais, un… un certain nombre de
référencements est acceptable. Mais à un moment donné, il y a quelque chose qui
ne va pas, là, tu sais, tu ne peux pas… tu ne peux pas référencer tous tes
patients, tu sais. Il faut qu'il y ait une logique, là, tu sais.
M. Rondeau (Alain) : Et
l'existence de ces normes-là, de ces standards-là va faire en sorte que les
discussions vont avoir du sens au sein d'un collectif. S'il y en a un qui
exagère, bien, il peut faire référence à dire : Il existe… une minute, là,
il existe des standards. On va faire ça comme ça. Ça va aller beaucoup mieux.
S'il n'y a pas aucune forme de contrôle qui existe, bien là, c'est la
discussion et la seule discussion ne produira pas le résultat.
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre les échanges avec le député de
Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la Présidente.
Vous avez réparti le temps, je présume, de notre collègue de la troisième qui
n'est pas là, hein?
La Présidente (Mme Poulet) :
Oui, quatre minutes 52, qu'il reste.
M. Marissal : Merci. Merci. M.
Chênevert, M. Rondeau, merci d'être là. On va parler de la
Colombie-Britannique. Moi, j'aime beaucoup la Colombie-Britannique. Puis moi,
il m'arrive aussi assez souvent, là, quand j'étudie des projets de loi ou des
propositions politiques d'étudier ce qui se fait ailleurs. C'est même un des
premiers réflexes, là. Ce qui fait qu'évidemment, vous savez comme moi que tout
ne se se copie-coller pas… copie-coller pas d'une place à l'autre, là, ce n'est
pas... ce n'est pas des copies carbone. La Colombie-Britannique, là, de ce que
je lis, un, c'est les médecins de famille, comme l'a dit mon collègue de
Pontiac, c'est en 2022.
M. Chênevert (Denis) : 2023.
M. Marissal : L'offre a été
faite en 2022 aux médecins. Le gouvernement de la Colombie-Britannique leur a
offert une augmentation de salaire de 54 %. 54 %. Donc, je pense que
là déjà s'arrête la comparaison. Je ne pense pas qu'on peut… non, ils ne
partaient pas de la même place, le ministre dit : Ils ne partaient pas de
la même place. Je comprends, mais toutes choses étant égales, là…
M. Marissal : ...faisons la
proportion. Je pense que la comparaison peut s'arrêter là, là, avec la
Colombie-Britannique parce que... en tout cas, ce n'est pas moi qui vais dire
que les médecins ne gagnent pas assez d'argent au Québec et leur faire une
prime pour qu'ils passent de... à l'acte par... à capitation, parce que c'est
ça qui a marché au B.-C., mais, effectivement, ils ne partaient pas de la même
place. Déjà, hier, que j'ai dit que ce n'est pas une bonne idée de taper sur
les médecins, ce qui a étonné bien du monde venant d'un député de QS, là, si je
dis en plus : Les médecins ne gagnent pas assez d'argent, là, ce n'est pas
la capitation qui m'attend, c'est la décapitation.
Alors, est-ce qu'on a les moyens, au
Québec, de leur donner... Parce que ça marche au B.-C. Mais je comprends
pourquoi ça a marché, ils ont jacké leur salaire de 55 %. Évidemment, un
fou dans une poche, c'est sûr qu'ils sont tous passés de l'autre système. Mais,
au Québec, on ne fera pas ça. Alors, l'incitatif financier qui a été la clé du
succès, ça ne s'applique pas ici.
M. Chênevert (Denis) : On l'a
déjà fait. C'est ça, le problème.
M. Marissal : O.K.
M. Chênevert (Denis) : On a
déjà rattrapé tout le monde, et on a même dépassé tout le monde. Et donc, en ce
moment, en B.-C., ils sont payés en moyenne moins qu'en ce moment au Québec.
Donc, ça, je veux dire... bien, en quelque part, c'est... Les chiffres sont là.
On n'a pas à faire de discussions là-dessus, ils sont là, les chiffres. On les
a tous, les chiffres. Donc, moi, je pense que ça, c'est... Bien, en tout cas,
de mon point de vue, il n'y a pas... ce n'est pas un argument qui est valable,
tu sais. Ils ont déjà une rémunération qui est au-dessus de la moyenne même.
Ils sont les premiers au Canada. Bon, on le sait. Les données sont là, c'est
pour ça. Donc, je pense que... tu sais, j'ai... La réforme qui a été faite à
B.-C., ils ont passé de 280 000 à 311 000. Bon, on est déjà au-dessus
de 311 000 en moyenne ici. Donc, tu sais, je me dis, quelque part, tu sais, je
pense que les médecins sont conscients aussi de ça. Ils ont les chiffres, eux
autres aussi, là. Tu sais, le monde les a, ces chiffres-là. Ils existent puis
ils sont publics, mais bon.
M. Marissal : Oui, je vous
suis. Donc, on s'en remet à leur volonté affichée... en tout cas, leur
non-résistance primaire à s'opposer à un principe que par capitation, parce
que... C'est vrai, le ministre a raison de le dire. On entend quand même un
certain mouvement dans la profession qui n'est pas totalement opposé. Donc, on
n'ira pas avec de l'argent, on irait avec un nouveau système. Mais il n'est pas
question d'augmenter les salaires des médecins.
M. Chênevert (Denis) : Tout à
fait. Encore plus vrai, la FMOQ a déposé un rapport qui appuie en grande partie
le projet de loi n° 106, en grande partie. Donc, je veux dire, la FMOQ n'est
pas contre. Ils vont même demander de faire une conférence sur la capitation,
donc ils ne sont pas contre. Et c'est... Au contraire, c'est quelque chose que
ça fait long terme qu'ils observent et qu'ils analysent. Moi, je pense qu'ils
sont totalement ouverts à cette question de capitation. Ce qui est moins
évident pour eux, c'est la notion d'indicateurs de performance. Ça, c'est une
autre question. Non, mais c'est un autre volet. Ça, je pense que l'irritant
majeur, de ce que j'ai compris, là, bon, jusqu'à présent, là, c'est beaucoup
plus ce facteur-là que le système par capitation, du moins, de ce que j'ai
compris de ces... des médecins généralistes.
M. Rondeau (Alain) : Et la
notion d'applicabilité qui pose problème, c'est : On est imputable à qui
et de quelle façon? Il est clair qu'on se place dans une situation
d'évaluation. Et les fédérations n'ont pas été facilement à... n'ont jamais
accepté, dans toute l'histoire du 50 heures au Québec, d'être évalués,
d'être placés devant un système d'évaluation de quelque nature que ce soit. Et
pourtant, dans beaucoup de juridictions, il existe ces systèmes d'évaluation là
et ils sont même publiés. On peut accéder par Internet à la situation
d'évaluation des hôpitaux ou des médecins...
M. Marissal : Vous avez
raison. Je pense que je n'ai plus de temps, alors je vous remercie..
La Présidente (Mme Poulet) : Oui,
effectivement, il reste trois secondes.
M. Marissal : Merci.
M. Chênevert (Denis) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
Messieurs, pour votre collaboration à nos travaux.
Alors, je suspends quelques instants, le
temps que le prochain groupe s'installe.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M. Provençal)
:On va reprendre nos travaux...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vais souhaiter maintenant
la bienvenue à M. Alexandre Chagnon. Alors, M. Chagnon, vous allez disposez de 10 minutes
pour votre présentation — et je sais que vous avez... il y a eu un
document qui a été distribué, ce n'est pas un mémoire — et, par la
suite, les membres de la commission vont échanger avec vous. Alors, je vous
cède immédiatement la parole.
M. Chagnon (Alexandre) : M.
le Président, M. le ministre, membres de la commission, merci de me recevoir
cet après-midi. Effectivement, comme M. le Président l'a mentionné, je n'ai
pas transmis de mémoire aujourd'hui. J'ai transmis, par contre, un document
auquel je vais faire référence sûrement en répondant à vos questions, si je me
fie à la tendance, je vous écoute depuis hier. Et c'est d'ailleurs la raison
pour laquelle aujourd'hui, M. le Président, si ça vous convient, j'ai le goût
de ne pas prendre le 10 minutes entier, au début, je trouve que, des fois, les
échanges sont courts la suite. Donc, on va pouvoir redistribuer le temps que je
ne prendrai pas parmi les membres de la commission.
Le Président (M. Provençal)
:Je dois vous dire que vous pouvez le prendre
quand même, parce que le temps qui est alloué à chaque parlementaire, même si
vous nous laissez du temps, je ne peux pas le redistribuer...
Des voix :...
Le Président (M. Provençal)
: Ah! mais s'il y a consentement, on le fera. Ça va?
M. Chagnon (Alexandre) : Est-ce
qu'on consent à ce que tout le monde ait plus que 2 min 17 s?
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Chagnon (Alexandre) :
C'est bon. Parfait. Merci beaucoup. Donc, on m'a nommé, mon nom à moi, c'est
Alexandre Chagnon. Je suis pharmacien hospitalier. À la base, j'ai une maîtrise
en informatique informatique de la santé. Je suis le fondateur d'une entreprise
québécoise fondée en 2017, qui s'appelle Vitrai. Ma présence ici aujourd'hui
est fort probablement pour être en mesure de vous fournir les réponses à
certaines questions générées par la mention Filtre de pertinence, projet Vitrai,
des mentions qu'on entend depuis hier ici et qu'on a entendues également dans l'étude
des crédits il y a quelques semaines.
Donc, le document que je vous ai transmis,
c'est un document qui se veut l'énumération de quelques définitions. Vous allez
voir dans mon jargon à moi, j'ai tendance à dire des termes qu'on n'a pas l'habitude
d'entendre en première ligne. Vitrai, c'est...
M. Chagnon (Alexandre) : ...organisation
qui a été sélectionnée par le gouvernement du Québec, par Santé Québec plus
précisément, pour un contrat qui a été émis au courant des derniers mois pour
le déploiement d'un filtre de pertinence, d'une intelligence artificielle, dans
tous les milieux de soins en première ligne, afin d'opérationnaliser ce qu'on
va appeler le décloisonnement des professions, donc s'assurer que le patient
soit vu par le bon professionnel dans le bon délai, dans le bon lieu. On entend
cette maxime-là depuis quelques jours ici, en commission, on a entendu
plusieurs groupes faire référence à l'importance, par les médecins, de voir les
patients qui requièrent l'expertise des médecins. Et on a la chance au Québec
d'avoir eu plusieurs projets de loi qui ont été adoptés au courant des
dernières années, le projet de loi n° 41, 55, 31, 67, plus récemment, qui vient
nous permettre, comme non-médecins, en l'occurrence comme moi pharmacien, de
pouvoir prendre en charge de nouvelles situations. Ce qui nous manquait encore
au Québec depuis... depuis quelques années, depuis l'adoption de ces projets de
loi là, c'est l'opérationnalisation de ce décloisonnement-là, permettre au
patient d'identifier qui il doit consulter dès son premier contact avec le
réseau de la santé. C'est ce qu'on a fait au courant des dernières années.
L'entreprise que j'ai fondée, je le nomme,
Vitrai, là, a été fondée en 2017. Et la chance qu'on a ici aujourd'hui, c'est
d'arriver avec non plus des opinions, mais un projet pilote qui a été... qui a
été initié, pardon, en 2023, le... en juillet plus précisément, qui a été d'une
durée de 12 mois et qui a permis d'identifier que cette solution-là, qu'on
déploie un peu partout à travers le Québec aujourd'hui, permet d'augmenter
l'accès de... en moyenne, six mois après un déploiement, de 13,3 %. Donc,
comment on fait ça? C'est uniquement en réduisant ce qu'on va appeler la
réorientation médicale, l'acte par un médecin de voir un patient dans son
bureau consommer une plage de rendez-vous pour la réorienter, cette
personne-là, vers un collègue, vers un service communautaire. Donc, juste en
réduisant la réorientation médicale, ce qu'on fait en identifiant qui, quand,
où le patient doit consulter, ce que j'appelle la bonne destination, bien, on
est en mesure d'augmenter l'accès à la première ligne.
Je termine... parce que j'avais dit que je
n'allais pas prendre 10 minutes, donc je vais essayer de le faire pour de vrai,
je termine en disant que, depuis le projet pilote, bien, bien entendu, on
continue le déploiement. Aujourd'hui, au moment où on se parle, on est déployés
dans 125 des 717 cliniques médicales du Québec affiliées à un GMF, on est en
cours de déploiement dans 135 autres cliniques et, avant mars 2026, on va avoir
complété les déploiements qu'on nous a demandés par l'entremise de Santé
Québec, autant dans les cliniques médicales que les CLSC, que les guichets
d'accès à la première ligne, lesquels utilisent, à raison d'environ 75 %,
déjà notre technologie.
Donc, je m'arrête ici. Ça va me faire
vraiment plaisir de pouvoir répondre à vos questions au sujet du projet pilote
Filtre de pertinence de l'orientation des patients en première ligne. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. M. le ministre.
• (16 h 40) •
M. Dubé : Vous êtes en train
d'assister à quelque chose d'assez intéressant, là, où on va peut-être même
s'échanger des questions. Alors, donc, toute bonne pratique est intéressante à
examiner. Alors, merci beaucoup d'être là. Je pense qu'il va y avoir sûrement
des questions techniques.
Je veux juste que vous expliquiez, M.
Chagnon, comment... comment fonctionne Vitrai pour... je vais dire, pour un
expert et comment fonctionne pour un patient. Parce qu'en ce moment il y a
quand même deux utilisateurs. Il y a la personne, c'est un homme ou une femme,
qui prend une question d'un patient pour sa clinique ou pour sa GMF. Ça, je
vais appeler ça un expert. C'est quelqu'un qui va être devant son ordinateur
puis qui va poser des questions à la personne pour voir si le filtre lui donne
tel résultat. Mais j'aimerais ça que vous l'expliquiez pour un patient. Parce
que, quand on parle de ces nouveaux outils là qui ont, je dirais, une base
quand même importante d'intelligence artificielle, il y a quand même une
réaction assez... je ne dirais pas négative, mais d'inquiétude de dire :
Écoute, moi, je n'ai pas cette capacité-là de me... Pouvez-vous nous dire le...
qui l'a... qui le fait directement? Puis ça aiderait, des fois, à démêler un
peu à quoi sert l'outil puis par qui... qui peut s'en servir.
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.
Donc, la technologie qu'on a développée, elle est... elle est unique, pas parce
qu'elle n'existe pas ailleurs, mais parce qu'elle est unique en voulant dire
qu'on utilise la même technologie de deux façons distinctes. Donc, ce que M. le
ministre mentionne, c'est par l'entremise d'une personne interposée, qu'on
appelle ici un expert. Dans le réseau de la santé, on les appelle des
secrétaires médicales, des agentes administratives, des sentinelles, des... Ils
ont plein de noms. Nous, on les appelle des navigatrices, des navigateurs. Ce
sont des personnes dont le rôle est d'identifier qui, quand, où le patient doit
consulter, un rôle excessivement complexe lorsqu'on est mal outillé, très
anxiogène. On a beaucoup de cliniques médicales qui ont mis à la disposition de
ces personnes-là des documents papier, des 8½ X 14 écrits en caractères six, de
tout ce qu'il doit se rappeler pour savoir est-ce que le patient cadre dans le
champ d'exercice, par exemple, d'un physiothérapeute.
Nous, l'idée initiale puis la posture chez
Vitrai, c'est qu'on ne doit pas avoir...
M. Chagnon (Alexandre) :
...l'intelligence ou un système qui est employé uniquement par le patient de
façon autonome. Parce qu'on le sait bien, au Québec, il y a au moins 30 à
50 % de la population qui n'auront pas la littératie numérique pour
utiliser cette technologie-là. Et donc les premiers déploiements qu'on a faits,
en 2022, de cette technologie-là, c'était par l'entremise d'un système qu'on
appelle NAVIG, pour navigateur, navigatrice, et navigateurs, navigatrices
utilisaient cette plateforme-là sur le Web lorsqu'ils prenaient le téléphone.
Donc, quand on veut prendre un rendez-vous...
M. Dubé : Donc, le
réceptionniste ou la réceptionniste...
M. Chagnon (Alexandre) : Exact.
Exact.
M. Dubé : O.K. O.K. D'un GMF,
là, disons.
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.
Absolument. D'un CLSC ou un GMF. Encore aujourd'hui, en 2025, on est trop
nombreux à mettre notre cadran à 5 h 57, puis à essayer d'avoir la
ligne à 6 heures, puis être sûr de gagner à la loterie aujourd'hui pour
avoir un rendez-vous. Bien, ces personnes-là qui répondent au téléphone, elles
ont peu de temps et elles doivent surtout s'assurer de ne pas jouer au
ping-pong avec le patient, l'envoyer avec... au sein de son équipe au GMF et de
faire en sorte que le médecin doive le réorienter, par exemple. Ça, c'est le
premier cas d'usage.
Et je termine rapidement sur le deuxième,
c'est le patient, de façon autonome qui est capable de prendre un rendez-vous
sur le Web. On sait, au Québec, depuis plusieurs années, on a une plateforme qui
s'appelle Rendez-vous Santé Québec, ou RVSQ pour les intimes. Cette
plateforme-là, aujourd'hui encore, si on l'essaie, on ne nous pose pas de
question. On se rend sur cette plateforme, on dit : C'est-tu urgent, pas
urgent, pas si urgent que ça, c'est-tu un suivi, et on nous présente des
rendez-vous de médecins oi d'IPS si on est chanceux.
Ce que nous, on veut faire, puis c'est ce
qu'on a fait avec la plateforme Votre santé, c'est intégrer, entre le moment où
est-ce que je dis : J'ai besoin d'un rendez-vous et l'affichage des plages
disponibilité, notre intelligence artificielle qui questionne le patient sur sa
raison de consultation. Et la médiane, c'est cinq questions posées, hein, parce
que no Québécois, Québécoises n'ont pas juste ça à faire, de clavarder en ligne
avec une intelligence artificielle pour prendre un rendez-vous. Et, à la fin,
vous avez compris, les bonnes plages sont affichées à l'usager, c'est-à-dire
avec le bon professionnel, dans le bon délai et dans le bon lieu. C'est
peut-être à l'intérieur du GMF, c'est peut-être dans sa périphérie immédiate,
on pense notamment à nos pharmaciens communautaires, vers lesquels on oriente,
au Québec, aujourd'hui, environ 6 % des patients qui tentent de prendre un
rendez-vous dans une clinique médicale.
M. Dubé : O.K. Deuxième
question. Vous avez dit tout à l'heure, vous êtes installé déjà, là, depuis les
premiers contrats que vous avez eus, avec combien de GMF? C'est quoi, votre
proportion de GMF, versus des cliniques, un professionnel seul ou, peu importe?
Juste pour reprendre vos chiffres, là.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
On est dans... complètement déployés dans 125 cliniques médicales, en cours de
déploiement dans 135 autres cliniques. Et, puisqu'il y a certains GMF qui sont
des multisites, qu'on appelle, je vous dirais que, malheureusement, je n'ai pas
la donnée aujourd'hui, mais probablement aux alentours de 75 des 320 GMF du
Québec utilisent notre système dans au moins un de ces sites-là, oui.
M. Dubé : O.K. Puis le
déploiement, là, avec les ententes que vous avez faites avec Santé Québec, le
déploiement, je pense principalement aux GMF, pourrait être fini quand?
M. Chagnon (Alexandre) : On
termine en mars 2026, qui est un petit peu plus rapide que ce qu'on avait
consenti, en toute franchise, au début. On veut faire les choses bien, mais le
terrain est prêt. On doit comprendre qu'avant cette entente avec Santé Québec,
nous, les médecins mettaient la main dans leur poche pour acheter notre
logiciel, puis c'est un logiciel qui coûtait plusieurs dizaines de milliers de
dollars par année. Je ne suis pas gêné de le mentionner, là.
M. Dubé : Vous le vendez au
mois, là, c'est un «software as a service», hein, c'est ça?
M. Chagnon (Alexandre) : Oui,
absolument, un SAS. Exactement. Et donc, de notre côté, quand on a eu la chance
d'avoir ce contra-là avec Santé Québec, on avait 85 des 300 quelques GMF du
Québec qui étaient sur une liste d'attente, qui avaient bien, bien hâte de
l'avoir. Puis là, bien, avec Santé Québec, on a défini un ordonnancement des
régions, parce qu'on n'a pas le don d'être partout à la fois, et donc il y en a
qui ont gagné à la loterie de l'ordonnancement, d'autres qui devront attendre
encore quelques mois. On fait le plus vite possible, on est une relative petite
équipe du Québec. Donc, voilà.
M. Dubé : Bon. Vous avez
donné une statistique, là, qui nous intéresse tous, là, c'est votre fameux
13 %, là.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
M. Dubé : Alors, je veux juste
le mettre en contexte, là. De ce que vous avez fait, donc... c'est une
expérience très pratique, là, puis si j'avais des... Moi, j'en connais, des
médecins qui ont utilisé votre système, là. Mais expliquez-moi l'impact que ça
a sur l'augmentation de... je vais dire de disponibilité, sans ajout de
personne, sans ajout de... puis non seulement d'un ou jeune réceptionniste,
mais d'un médecin aussi dans la clinique. Parce que je veux juste comprendre
comment... parce que vous êtes capable de réorienter, c'est quoi... Est-ce que
le 13 % a un lien direct sur l'augmentation de disponibilité de
rendez-vous?
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.
M. Dubé : Sans effort
supplémentaire, là.
M. Chagnon (Alexandre) :
Bien, en fait, sur l'effort, on va y revenir. Sur l'ajout d'effectifs, ça,
c'est clair, nous, dans le projet pilote, on est allés s'assurer que
l'augmentation de l'accès, qui se mesure effectivement par la proportion de
patients qui ont... qui sont vraiment en mesure d'avoir un rendez-vous, bien,
ça se traduisait vraiment par davantage de plages de disponibilité dans
l'horaire des professionnels. Donc, c'est l'évaluation qu'on est allés faire.
M. Dubé : O.K. C'est ça qui
est votre mesure.
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.
On n'a pas le choix, on n'a pas le choix, et...
M. Chagnon (Alexandre) : ...donc
là, vous allez me dire : Oh! O.K., ce que ça veut dire, c'est qu'il y
avait des professionnels qui oeuvraient en GMF et qui se tournaient les pouces,
mais ce n'est pas ça, O.K.? Quand on arrive sur le terrain - puis on le sait,
on est dans... près de 250 cliniques soit complètement déployées ou en
cours de déploiement - bien, la pertinence des soins, bien entendu, ça impacte
le médecin. Il y a plein de choses que le médecin fait, en 2025, au Québec, qui
ne devraient plus être faites par le médecin parce qu'il y a des patients en
parallèle qui ont besoin de l'expertise médicale puis qui n'ont pas accès. Mais
c'est également le cas de nos professionnels de la santé.
Donc, quand on s'intéresse à ça, quand on
déploie dans les cliniques médicales et on voit des infirmières suivre de façon
très, très, très rigoureuse à toutes les semaines, par exemple, un patient dont
le diabète est très, très stable, bien là, à ce moment-là, c'est un peu une
cascade. Les choses que le médecin décide de ne plus faire pour se concentrer
sur les patients qui ont besoin de son expertise vont tomber dans la cour de
l'infirmière, notamment, des autres professionnels aussi, bien entendu, et
faire en sorte que cette infirmière-là puisse se questionner, dire : Bien,
peut-être que mon patient, Guy, 36 ans, diabète de type deux, peut-être
que je peux le suivre aux deux ou aux quatre semaines plutôt. C'est cette
réflexion-là.
M. Dubé : Donc, ce n'est pas
juste sur le médecin que ça change quelque chose, ça peut être même sur la
clinicienne, l'IPS.
M. Chagnon (Alexandre) : Ah!
ça change pour tout le monde. Tout le monde. Tout le monde. En fait, là, cet
outil-là... Puis la raison pour laquelle je vous ai partagé ce rapport-là,
qui... je vous ai dit pas très volumineux, en fait, il a sept pages, là, donc
ce n'est pas impossible que vous ayez peut-être besoin d'un peu plus de temps
pour le lire. Mais, ce que vous voyez, en fait, c'est un rapport qui met en
évidence les données générées par l'outil qui permet à la clinique de s'améliorer.
Donc, ce qu'on a, en fait, là, c'est des
vases communicants. On a une équipe entière qui tente de faire le meilleur soin
au meilleur patient et on a souvent l'anecdote aussi, hein? On sait, on l'a
entendu en commission parlementaire hier, 20 % à 25 % de nos patients
ont besoin d'un physiothérapeute. Bien, dans cette clinique-là, qui est une
réelle clinique, c'est un réel rapport du mois d'avril, ce n'est pas 25 %,
c'est 13 %. Donc, 13 %, c'est... Il y a des variations saisonnières
aux raisons de consultation, on le sait, en première ligne. Et donc, ce que ça
permet de faire, c'est d'engager le dialogue en équipe pour dire : Bon, on
a 277 patients le mois passé qui n'ont pas eu accès à un rendez-vous alors
qu'ils avaient de besoin d'un rendez-vous, une donnée qui, dans nos cliniques
médicales, est complètement inconnue, si un système comme celui-là n'est pas
déployé. Parce que, par définition, vous l'avez entendue, Mylaine Breton,
mentionner ça, hier, la source de la donnée en première ligne, c'est le dossier
médical électronique. Et le patient qui n'a pas de rendez-vous, bien, il n'y a
aucune trace de ça dans le dossier médical électronique.
Donc, nous, on arrive avec un système. On
dit, en parallèle, 275... par exemple, 275 patients n'ont pas eu accès à
un rendez-vous et, en parallèle, l'intelligence artificielle a identifié des
patients qui ont eu un rendez-vous avec un médecin, mais dont la problématique
cadre dans le champ d'exercice d'une infirmière, du pharmacien, de la TS, ainsi
de suite.
M. Dubé : Mais je peux-tu
vous interrompre?
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
Oui. Allez-y. Allez-y.
M. Dubé : Puis vous me
surveillerez pour le temps, là. Je veux juste bien comprendre ce que vous venez
de dire. Parce que c'est un des enjeux qu'on avait avant l'arrivée de votre
logiciel. C'était de dire : On ne sait pas combien de rendez-vous qu'on a
manqués. Parce que les gens... les gens appellent puis, s'ils ne se font pas
répondre, bien, on ne le sait pas, qu'on a manqué 10 %, 15 %,
20 %, 30 % des appels. Là, ce système-là, surtout quand on le fait
par la voix électronique, on le voit, le nombre d'appels. Qu'est-ce qu'on fait
avec les appels qui rentrent directement à la clinique puis... qu'est-ce qui...
est-ce qu'on en tient compte de ceux-là si on n'est pas capables de répondre?
• (16 h 50) •
M. Chagnon (Alexandre) : Il
faut... Il faut... En fait, ce qu'on essaie de changer, dans les mœurs dans nos
cliniques médicales, nous, c'est le fait de fermer la ligne, tirer sur la plug,
en bon québécois, quand tous les rendez-vous ont été remplis. C'est une
pratique réelle. On avait des agentes administratives dans nos cliniques
médicales que...
M. Dubé : Ah! oui. O.K. Là je
vous suis.
M. Chagnon (Alexandre) : ...quand
la liste d'agenda est remplie, là, tire sur la plug. Parce que là, je suis
capable de me concentrer sur mes autres tâches. On est tous accotés en première
ligne, même les agentes administratives, là, bien entendu. Elles ont un travail
incroyable.
M. Dubé : Non. Mais je vous
suis très bien.
M. Chagnon (Alexandre) : Et
donc, oui, nous, ce qu'on veut, c'est que nos agentes administratives utilisent
le système pour orienter tous les patients qui tentent de prendre un
rendez-vous, même quand il n'y a plus de places. Parce que par définition,
25 % du temps, on ne l'envoie pas vers le médecin, le patient, on va
l'envoyer ailleurs. Là, je fais référence à 25 %, parce que 13 %,
c'est dans le projet pilote. On a continué de suivre ces cliniques-là puis on a
beaucoup de cliniques qui sont au-delà de 25 %.
M. Dubé : Au-delà de
25 %.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
On a une clinique qui... en fait, qui... Parce qu'on est en train de faire des
symposiums, quand on déploie dans des régions, et on fait participer à ces
symposiums des utilisateurs du système. Et il y a une médecin du
Bas-Saint-Laurent, que je ne nommerai pas aujourd'hui, mais qui est rendue à
29,5 %. Donc, elle, ce que ça veut dire... Puis, en fait, c'est... c'est
la théorie des petits pas que moi j'appelle, là. C'est ce rapport-là, à tous
les mois, regardé en équipe, qui ouvre le dialogue sur qui fait quoi au sein de
notre équipe, pas en fonction des données qui nous provient de l'INESSS ou du
reste du Canada. Non, non. Notre population de patients à nous, c'est ça, les
problèmes qu'ils ont.
M. Dubé : En quoi, M.
Chagnon, c'est... Parce que vous en avez installé, là, puis vous en faites
beaucoup. En quoi c'est différent d'une place à l'autre? Parce qu'on entendait
ça de nos experts, là : Il n'y a pas un GMF qui est pareil, puis un GMF à
Rimouski, ce n'est pas la même chose que dans Hochelaga-Maisonneuve, avec...
Comment vous tenez compte de ces différences-là dans chacune de nos 400
quelques GMF là?
M. Chagnon (Alexandre) : Bien,
je peux aller au-delà de ça, en fait. Dans un même...
M. Chagnon (Alexandre) :
...GMF, puis je pense... le député de Pontiac ici, là, dans la région du
Pontiac, on a des GMF qui sont... je vais dire, un Frankenstein. On a des
cliniques qui sont très différentes au sein même d'un même GMF.
M. Dubé : Ça me fait peur un
peu quand vous dites Frankestein, là.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui,
le choix est peut-être particulier mais, ce que je veux surtout dire, c'est que
ce n'est pas...
M. Dubé : Bien, par respect
pour le député de Pontiac.
M. Chagnon (Alexandre) : ...c'est
que nos GMF sont différents les uns des autres. Nous, on doit personnaliser ce
que l'intelligence artificielle va définir comme étant la bonne destination du
patient, bien entendu en fonction de l'offre de services local.
M. Dubé : Ah! O.K., dans ce
sens-là.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui,
absolument. Mais à l'intérieur d'un même GMF, nous, le filtre de pertinence,
là, comme on l'appelle, nous, ce n'est pas un fil de pertinence par GMF, c'est
par clinique médicale, parce que les cliniques sont différentes, l'offre des
services est différente, la population desservie est différente.
M. Dubé : Puis le... je
reviens parce que... je reviens au 13 %, 25 % ou 30 % dont vous
avez parlez, 29 %, là, ça, c'est sans ajout de ressources?
M. Chagnon (Alexandre) : Non,
c'est sans... non. En fait, dans ces cliniques-là particulièrement, il n'y a
pas eu d'ajout. Est-ce qu'à l'échelle des 130, il n'y a eu aucun ajout? Non, il
n'y en a eu, des ajouts. Nous, on pousse pour les ajouts. En fait, ces
données-là, ce qu'on aimerait, c'est qu'elles soient parfaitement ouvertes,
qu'elles soient ouvertes à tous pour qu'on soit capable, à l'échelle d'une
région de Santé Québec, de dire : Bon, voici, dans la région... dans le
RLS de Pontiac, on a besoin de ça. Pas parce qu'il y a un rapport de Québec qui
nous arrive, parce qu'on a une donnée qui provient du Pontiac qui a dit ça.
Donc, moi, ce serait ma volonté, là, que ça soit ouvert. Puis je pense que ça
trouve écho à ce que plusieurs personnes sont venues nous dire ici au courant des
dernières heures. On a besoin d'une infrastructure de données qui est solide,
qui est robuste, puis on en a, des données, il faut juste les rendre
disponibles.
M. Dubé : O.K., il me
reste...
Le Président (M. Provençal)
: Il reste 4 minutes.
M. Dubé : Là, je ne sais pas
si je vais en dehors, là, mais... je voudrais que les gens comprennent que vous
êtes pharmacien. Qu'est-ce qui a fait que vous êtes parti? Puis vous avez dit
que vous avez fait, quoi, une maîtrise en informatique?
M. Chagnon (Alexandre) : De
la santé, oui, à l'Université de Sherbrooke.
M. Dubé : Il en existe-tu
d'autres personnes comme vous dans le monde qui pourraient venir nous aider
comme vous, là?
M. Chagnon (Alexandre) : Bien,
en fait, on n'a pas besoin de regarder bien loin. Il y en a, des professionnels
de la santé qui ont des solutions. Il y en a qui font le grand saut. C'est
difficile de faire le grand saut parce que...
M. Dubé : Vous l'avez fait,
quoi, il y a cinq, six ans?
M. Chagnon (Alexandre) : Non,
plus que ça, en 2018, de mon côté.
M. Dubé : 2018.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui,
exactement. Donc, il ne faut pas que je retourne à... il ne faut pas... il faut
que ça fonctionne, Vitrai, parce que je pense que je suis rendu dangereux à
l'hôpital, en toute franchise. Mais sur une note un peu plus positive, il y en
a des professionnels de la santé qui ont des bonnes idées. Il y en a qui
investissent de leur temps, qui créent des entreprises...
M. Dubé : C'est ce que vous
avez fait, au début.
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument,
absolument. Puis un entrepreneur québécois qui est doublé d'un code de
déontologie, je pense qu'on devrait en avoir plus, en toute franchise, oui.
M. Dubé : O.K. Vu qu'il me
reste du temps, je vais vous poser la question pour voir comment ça s'inscrit
dans le reste de notre vision. Parce qu'on parle beaucoup de la vision de la
première ligne. Vous savez qu'on veut sortir une politique de première ligne
cet automne, là. Vous avez tantôt dit le mot «la plateforme, votre santé».
Comment vous... Parce que, là, en ce moment, on est vraiment en direct avec le
GMF ou la clinique, mais à un moment donné les gens ne le savent pas, des fois,
c'est quelle clinique ou c'est... comment ça va faire le lien avec cette
fameuse plateforme là, là? Si vous pouvez... Gardez ça général, là...
M. Chagnon (Alexandre) : Oui,
on va garder ça très général.
M. Dubé : ...juste pour que
les gens comprennent qu'est-ce qui s'en vient, là.
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.
Puis ensuite, j'avais dit que j'allais revenir sur l'effort. Je pense que je
vais peut-être prendre... Je m'excuse, je viens d'avoir un flash...
M. Dubé : Allez-y sur
l'effort avant, c'est important.
M. Chagnon (Alexandre) : Bon.
Puis, ensuite de ça, je vais parler de Votre santé, effectivement. Donc, sur
l'effort, en fait... parce que, pour les gens qui ne se rappellent pas, qui
nous écoutent à la maison, j'ai fait référence à l'effort quand on a posé la
question : Est-ce que c'est sans ajouts d'effectifs et sans augmentation
de l'effort.
M. Dubé : Oui, ça, c'est
important, ça.
M. Chagnon (Alexandre) :
Parfait. L'augmentation de l'effort, je pense que ça, ça doit être adressé. De
notre côté, lorsqu'on retire de l'horaire du médecin tous les cas simples qui,
par définition, sont les cas qui ont été identifiés en commission parlementaire
pour un projet de loi de décloisonnement des professions, reste dans l'horaire
du médecin des cas relativement complexes. O.K. On entend des médecins qui
utilisent cette technologie-là depuis plus de deux ans dire : Oui, mes
journées sont peut-être un peu plus difficiles, sont aussi plus pertinentes.
Puis je pense qu'ils se consolent en disant peut-être ça un petit peu, en toute
transparence. Mais c'est vrai, c'est vrai, la journée d'un médecin devient un
petit peu plus complexe.
M. Dubé : ...portion d'actes
plus complexes augmente...
M. Chagnon (Alexandre) :
Absolument, absolument. Exactement, exactement. Donc, je ne dirais pas sans
ajout d'effort...
M. Dubé : Je comprends.
M. Chagnon (Alexandre) :
...puis je ne veux pas non plus amoindrir l'effort lié à la gestion du
changement. On déploie un nouvel outil, on doit informer la population de
patients. Donc, il y a un effort, certainement. Cet effort-là est plus
considérable au début puis on a des cliniques qui, aujourd'hui, disent :
Retirez-moi pas ça, là, je ne peux pas revenir en arrière, là, oui. Donc, au
retour de... au sujet de Votre santé...
M. Dubé : Est-ce qu'il y a
des gens qui refusent complètement?
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
Dans le cadre du projet pilote, il y a eu... il y avait 49 GMF issus de
Chaudière-Appalaches, l'Outaouais et Bas-Saint-Laurent. C'est la raison pour
laquelle je connais bien la région du Pontiac. Mais dans ces 49 GMF-là, il
y en a 41 qui ont décidé de participer. Huit ont dit : Pas pour moi. Moi,
je laisse passer...
M. Chagnon (Alexandre) :
...parce qu'un projet pilote, par définition, c'est court et on n'est pas
certain après.
M. Dubé : Puis fallait qu'ils
paient à ce moment-là.
M. Chagnon (Alexandre) : Non,
non, non. Exactement. Il y avait un remboursement, un programme qui avait
été...
M. Dubé : Pour le pilote.
M. Chagnon (Alexandre) : Pour
le pilote, exactement. Aujourd'hui, c'est rendu obligatoire d'utiliser cette
technologie-là. Puis là vous me voyez les yeux, tu sais, quand ça a été
considéré comme une bonne chose de rendre ça obligatoire — nous, on
l'a appris en même temps que les GMF, en toute franchise — ce qui est
obligatoire, ce qui est imposé, c'est souvent perçu négativement. Donc, le même
outil déployé de la même façon par la même équipe, avant, on mettait la main
dans sa poche pour l'acheter, puis aujourd'hui il y a des cliniques qui
disent : Bien, moi, je n'en veux pas. Puis c'est le même outil, en toute
franchise.
M. Dubé : La proportion est
importante, encore là. Non.
M. Chagnon (Alexandre) : Non,
non, non. C'est anecdotique, là.
M. Dubé : O.K. Mais la grande
proportion, maintenant qu'il est remboursé aussi, si je comprends bien.
M. Chagnon (Alexandre) :
Absolument, absolument. Des médecins en pratique, plus en pratique individuelle
aussi, qui nous envoient des courriels particuliers de messages un peu moins
gentils. On en reçoit. On n'avait jamais eu ça de notre vie, depuis 2017 qu'on
fait ça, mais ça vient avec... ça vient avec le rôle, je crois, oui.
M. Dubé : O.K.
Le Président (M. Provençal)
: C'est tout, M. le ministre.
M. Dubé : C'est tout?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
M. Dubé : Bien, j'allais vous
dire Dr Chagnon, non, mais, M. Chagnon, merci beaucoup pour tout ce que
vous faites pour notre réseau de la santé. Merci beaucoup. C'est tout.
M. Chagnon (Alexandre) : Ça
me fait vraiment plaisir. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Pontiac,
11 min 54 s.
M. Fortin :
Oui, merci, merci, M. le Président. Bonjour, M. Chagnon.
M. Chagnon (Alexandre) :
Bonjour.
M. Fortin :
Merci d'être avec nous. Je comprends pourquoi le gouvernement vous a invité ou
a insisté sur votre présence. Honnêtement, vous présentez très bien une avancée
québécoise qui semble avoir des effets, des effets réels dans les cliniques. Je
veux juste... Je vais me permettre, avant de revenir sur ce que vous nous avez
présenté puis ce que ça permet de faire dans le réseau, parce qu'on est ici sur
le projet de loi n° 106, parce que vous l'avez regardé depuis deux jours,
là, des consultations. Est-ce que... Puis vous avez entendu des gens comme le
Mylaine Breton, entre autres, que vous avez citée, qui ont... tu sais, qui
comprennent l'adjectif, mais qui ont des réserves sur les façons de s'y
prendre. C'est quoi, votre opinion sur le projet de loi n° 106?
M. Chagnon (Alexandre) : Mon
opinion, en fait, elle est très peu informée. En toute franchise, je n'ai pas
l'expertise que vous avez, je ne suis pas... je ne suis pas juriste, je ne suis
pas médecin non plus. Donc, je vais m'abstenir de m'avancer trop sur le projet
de loi. Ceci dit, il y a des choses quand même intéressantes qui ont été
nommées hier. Un peu plus tôt ce matin, j'étais sur la route — je
suis de l'Estrie — donc j'en ai manqué une couple de bouts. Mais,
hier, ce que j'ai trouvé intéressant, que j'aimerais... en fait, auquel
j'aimerais réagir, c'est peut-être un premier sur le statut d'inscription
individuelle, si vous me permettez, je ne veux pas trop prendre votre temps,
là. On nommait l'importance, puis il y a une littérature assez abondante qui
dit que dans, le dossier de chacun... de chaque patient, il devrait y avoir un
humain qui existe là, puis ça, c'est le prestataire principal de services.
Puis, bien entendu, une littérature sur le fait que ça, c'est un médecin ou une
infirmière praticienne spécialisée de première ligne, parce qu'il y a comme un
peu un biais de sélection ici. On n'a pas encore eu la chance, en tant
qu'autres professionnels de la santé, d'être ce prestataire principal là. Mais
il va falloir qu'on m'explique, un jour, pourquoi, par exemple, un jeune enfant
qui ne souffre que d'asthme ne pourrait avoir, comme prestataire principal de
services, un inhalothérapeute à son dossier. Ça, moi, j'ai trouvé ça
particulier. C'est sûr qu'il n'y a pas de littérature sur pourquoi on ne
devrait pas faire ça, mais il ne faudrait pas confondre, je dirais, l'absence
de littérature sur la valeur avec une littérature sur l'absence de valeur. Vous
comprenez la différence? Donc, ça c'est la première chose. La deuxième, puis,
après ça, je m'inquiète pour de vrai.
• (17 heures) •
Des voix : ...
M. Chagnon (Alexandre) : O.K.
C'est bon. C'est gentil, c'est gentil. Donc, la deuxième chose sur laquelle
j'aimerais réagir, c'est sur le fait de rapatrier nos professionnels de la
santé à l'intérieur de nos cliniques médicales puis de nos GMF. Je pense que
ça, c'est Dr Leblanc, hier en fin de journée, qui a mentionné ça. Puis à
ça, j'aimerais répondre : Mais où est-ce qu'on arrête? Est-ce qu'on va
avoir des optométristes GMF, des podiatres GMF, un dentiste GMF? Je pense qu'on
a une opportunité peut-être de venir reconnaître qu'à pratique égale, à
services égaux, bien, rémunération ou honoraires qui sont égaux, de laisser...
de ne pas délocaliser nos professionnels de la santé, de les laisser dans leur
milieu, de les laisser avec leurs plateaux techniques, avec leurs outils. Puis
on a une belle opportunité avec le filtre de pertinence que, lorsqu'on
identifie, parce que vous voyez, dans le rapport, on identifie 94 patients
dans cette clinique-là bien particulière, qui aurait dû être orientée vers un
physiothérapeute, on leur a suggéré le physiothérapeute, mais ils ont refusé le
physiothérapeute.
Pourquoi on n'aurait pas la capacité si le
filtre de pertinence dit que c'est la bonne chose de faire en sorte qu'un
physiothérapeute, dans sa clinique, puisse être payé. Puis on a un précédent au
Québec avec nos pharmacies communautaires, avec le projet de loi n° 41.
Donc, voilà.
M. Fortin :
Ils ont refusé le physiothérapeute parce qu'ils ne voulaient pas payer pour le
physiothérapeute.
M. Chagnon (Alexandre) :
Absolument, absolument. Puis, en fait, pour votre information, si le filtre de
pertinence suggère, recommande un physiothérapeute au privé, c'est parce qu'à
l'échelle de la clinique, ils ont décidé... E puis on l'a entendu, encore une
fois, hier — je m'excuse, je répète ça depuis tantôt, là — mais
on entendu : Bien, nous — ça, je pense que c'est la FMEQ — bien,
nous, on réserve nos plages de physiothérapeute GMF, parce que c'est précieux,
ça, juste pour les patients qui n'ont pas la capacité de payer, ils n'ont pas
de programme d'aide aux employés, ils n'ont pas d'assureur privé. C'est la même
chose pour...
17 h (version non révisée)
M. Chagnon (Alexandre) : …nous,
le patient est questionné sur ces choses-là. Et s'il a accès à un programme d'aide
aux employés, là on l'envoie en communauté. Mais les patients, de façon presque
systématique, vont refuser, là, même chose pour le dentiste.
M. Fortin :O.K., mais pour vous, la solution, ce n'est pas d'amener le
physiothérapeute nécessairement en GMF, c'est peut-être de le rembourser si on…
si on l'envoie au privé, là.
M. Chagnon (Alexandre) :
Créons des corridors de services, laissons leurs professionnels de la santé
dans leur milieu de soins. Puis, tu sais, parce que je pense qu'un des enjeux
qu'on entend beaucoup, c'est l'espace. On n'en a pas, d'espace, on a des
cliniques médicales, là, c'est spécial, on fait des déploiements là-dedans, là,
puis c'est une garde-robe, là, le CLSC.
M. Fortin :
…champ d'expertise, mais est-ce que l'interdisciplinarité fonctionne aussi bien
si le professionnel est à l'extérieur du GMF que par exemple… tu sais, Docteure
Leblanc que vous venez de citer, là, elle nous a hier : Nous, on a un
psychologue pour nos 30 000 patients. Donc j'imagine qu'il y en a beaucoup qui ont
besoin d'un psychologue qui sortent. Est-ce que le suivi se fait aussi bien si
le psychologue n'est pas…
M. Chagnon (Alexandre) :
Superquestion. En fait, il y a une littérature qui prouve que si on a un
professionnel de la santé à l'extérieur de la clinique médicale ou de l'équipe,
je vous dirais traditionnelle et que cette… ce professionnel de la santé là a
Accès au dossier du patient, dossier partagé au sein de l'équipe, la qualité
est là, est au rendez-vous et c'est la raison pour laquelle on a des projets
depuis quelques années au Québec où est-ce que le pharmacien communautaire, par
exemple, a accès au dossier du patient. On le fait déjà envoyer, là, je pense
que dans le rapport, là, il y a tout près de 100 patients qui ont été
envoyés par un pharmacien communautaire, mais encore aujourd'hui, c'est à
tâtons. Le pharmacien communautaire n'a pas accès aux dossiers, se fie à la
bonne parole du patient sur certaines choses. Puis ça, ça a ses limites, bien
entendu.
M. Fortin :Est-ce que vous le savez si… puis peut-être que vous ne savez
pas, mais est-ce que vous savez? Par exemple, les 84… 94 patients qui ont…
qui ont refusé le physiothérapeute, là, parce qu'ils n'avaient pas les moyens
ou peu importe, là. Il y a-tu un suivi qui est fait par Santé Québec là-dessus?
C'est-à-dire est-ce que Santé Québec se rend compte que, aïe! il y a un
problème, là, soit on a besoin de plus de physiothérapeutes à l'intérieur des
GMF ou on a besoin d'une solution comme celle que vous proposez. Parce que,
dans cette région-là, dans ce RLS là, il y a 94 personnes et plus, là, qui
ont arrêté les soins, en théorie, arrêté les soins parce qu'ils n'avaient pas
accès au physiothérapeute au public.
M. Chagnon (Alexandre) : En
fait, peut-être que Québec va pouvoir répondre, à savoir de leur côté le
travail qui est fait. Moi, la seule chose que je pourrais ajouter, c'est les
soins ne sont pas arrêtés. Le patient est vu par un médecin, parce que la
destination du patient définie par le fil de pertinence, c'est hiérarchique. Il
y a un premier, deuxième et troisième choix. Premier choix, c'est physiothérapeute.
Deuxième choix, c'est le médecin.
M. Fortin :
Mais s'il dit non, il est réorienté ailleurs?
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument,
en fait, on… bien, il y a une obligation ici au Québec que le patient, bien, on
ne peut pas le contraindre de ne se rendre nulle part, hein? S'il dit : Non,
non, non, il n'est pas question, je veux voir mon médecin de famille, il va
voir son médecin de famille. Donc, c'est à nous en fait de lui vendre la
destination, puis nous, ça exclut la personne qui parle, là, c'est l'agente
administrative qui fait ce travail-là. Mais de comprendre… puis ça on a entendu
Docteure Leblanc le mentionner, là, tu sais, le patient qui a une foulure à la
cheville qu'elle voit pour la quatrième fois. Puis là, elle se sent un peu
comme dans l'obligation de prescrire une IRM ou un rayon X, pour être… pour
faire quelque chose pour son patient. La non-pertinence d'orienter le patient
vers le moins… le personnel de la santé le moins optimal, ça génère ça aussi.
Donc ça, c'est vraiment très important.
M. Fortin :Je ne veux pas vous mettre sous le spot, là, mais il y a-tu des
choses qui ne marchent pas dans votre relation avec Santé Québec, des trous,
des vides, des endroits où vous êtes… vous dites comme : O.K., bien là, je
ne sais plus ce qui se passe, là, soit pour le patient, pour le GMF, pour... Il
y a-tu quelque chose à améliorer, disons?
M. Chagnon (Alexandre) : Non,
en fait, ça va vraiment bien, en toute franchise, nous, on a... On a été le
premier fournisseur de santé Québec. On est là depuis le début, début, début.
On a vu la bâtisse se remplir. De notre côté, on a vu tous les paliers arriver.
On a une très belle relation. On leur fournit les données. On leur fournit l'expertise
aussi sur l'évaluation ou l'interprétation de ces données-là. Puis je pense qu'on
va faire vraiment des belles choses. En première ligne, on les a nommés aujourd'hui,
on n'aura pas la chance de parler de la deuxième ligne, même si le projet de
loi touche la FMSQ puis le médecin spécialiste. Mais les enjeux de pertinence,
c'est aussi en deuxième ligne, le CRDS, là, dans les côtés, là, c'est vraiment
une volonté très forte de pouvoir venir donner un coup de main pour que le
médecin de famille puisse identifier le bon patient qui requiert l'expertise,
par exemple, d'un neurologue ou du chirurgien.
M. Fortin :Vous avez dit tantôt quelque chose comme… qui ressemblait à :
on va voir… là, je ne me souviens plus du mot, là, mais on va avoir complété le
déploiement qui nous a été demandé…
M. Chagnon (Alexandre) : Mars
2026.
M. Fortin :
Le déploiement qui va été demandé, c'est-tu l'ensemble des GMF?
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
M. Fortin :O.K., c'est bon. Ça va pour moi, M. le Président, je vous
remercie…
Le Président (M. Provençal)
: Ça vous vous? Alors, je vais passer la parole au député de
Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour, merci d'être là. Je fais vous renvoyer la balle, vous dites :
jusqu'où on arrête, là, pour avoir des services GMF, vous dites : pourquoi
pas un podiatre GMF? Ça n'arrivera jamais parce que la podiatrie, c'est
exclusivement privé au Québec. Ça fait que moi, je vous renvoie la question, là :
pourquoi quelqu'un qui a mal aux pieds est obligé d'aller payer pour voir un
podiatre? Parenthèse, là.
M. Chagnon (Alexandre) : C'est
une très bonne question.
M. Marissal : Les limites sont
dans les deux sens…
M. Marissal : ...Qui fait
l'évaluation extérieure?
Une voix : ...
M. Marissal : Oui, vous
faites en ce moment. Est-ce que ce sera public?
M. Chagnon (Alexandre) : L'évaluation
de ce qu'on fait, elle est en continu. Le projet pilote a bien entendu été
évalué par une tierce partie, là. Ce n'est pas juste moi ici, aujourd'hui, là,
qui vous dis ce que je dis. Le 13.3 a été évalué. Donc, d'un autre côté, cette
évaluation-là, bien, elle était, je vous dirais, tripartite, là. Il y avait...
Parce que vous comprenez qu'on est un peu à l'intersection de la clinique, de
la technologie puis de la gestion de changement. Donc, on est vraiment sur le
x, là, entre ces trois choses là. Donc, il y a eu le MCN, il y a eu le
ministère de la Santé et des services sociaux. Donc, tout ça s'est fait bien
entendu avant l'existence de Santé Québec puis... Donc, il y a eu des tests
d'intrusion, il y a eu... s'assurer que la technologie soit robuste.
M. Marissal : ...
M. Chagnon (Alexandre) : Allez-y.
M. Marissal : Vous avez eu un
contrat de gré à gré de 40 millions. Tant mieux pour vous, hein? Puis on
est contents que ce soit une firme québécoise, là, comprenez-moi bien, hein?
Pour une fois, ce n'est pas Amazon ou un autre, là. Tant mieux, puis je vous
souhaite bien du succès, puis on se souhaite du succès. Sauf que, là, il y a de
l'argent public. Moi, je n'ai pas de raison de ne pas vous croire quand vous
dites : Ça marche, mais je n'ai pas la connaissance pour vous challenger
sur ce que vous allez dire et je n'ai pas les chiffres non plus, je n'ai pas
l'évaluation non plus. C'est Santé Québec qui est propriétaire de ce qui vous
achète.
M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.
M. Marissal : Alors, la
tierce partie qui vérifie est un oeil extérieur pour me dire à moi, quidam, ça
marche ou ça ne marche pas. Qui fait ça?
M. Chagnon (Alexandre) : C'est
Santé Québec qui fait ça. Donc, c'est les données... nous... De la manière que
ça fonctionne, en fait, quand on fait les déploiements, on doit comprendre que
notre contrat est rattaché à la valeur congénère. Ce n'est pas
41,7 millions de dollars bien exactement qu'on a reçus au début puis
on se pousse dans la brume, là, pendant une couple de mois. On a voulu faire un
précédent, je l'ai dit, on a été le premier fournisseur de Santé Québec, et
donc on a voulu rattacher les montants qu'on a été capables de facturer comme
entreprise à la valeur congénère. Ceci étant dit, cette valeur-là, elle est validée,
vérifiée à chaque émission de facture. Donc, nous, on envoie une facture, Santé
Québec a accès à une base de données miroir, qu'on appelle, qui est
l'équivalent de ce qu'on a, donc qui est la vraie donnée brute, et, de leur
côté, ils font les évaluations, bien entendu, par rapport à ça. À la question à
savoir si c'est public, là, il faudrait voir avec Santé Québec. En toute
franchise, là, je ne sais pas.
M. Marissal : Vous,
souhaitez-vous que ce soit public.
M. Chagnon (Alexandre) : Vous
n'avez pas idée. Moi, j'aimerais ça que ces données-là... excusez-moi,
j'aimerais ça que ces données-là qu'on génère puissent servir à tout le monde,
la Commissaire à la santé et au bien-être notamment, nos chercheurs. Il n'y a
pas une semaine qui passe qu'il n'y a pas un groupe, comme Denis Chênevert
qu'on vient d'entendre, qui nous écrit pour dire : Aïe! Ce serait
peut-être le fun, qu'on ait accès à ces données-là, puis effectivement. Nous,
on n'a pas le «manpower», excusez l'anglais, pour faire toutes les évaluations
ni les connaissances que ces personnes-là ont. On aimerait ça que ce soit
public, ces données-là, oui.
• (17 h 10) •
M. Marissal : O.K. Et il y a
des doutes, hein, sur l'implantation d'une nouvelle technologie, là, en plus,
c'est intelligence artificielle. On va avoir des problèmes un jour ici, dans
les parlements, avec l'intelligence artificielle, parce que ce n'est nulle part
ou à peu près dans nos lois parce que c'est trop nouveau, puis on... on
affrontera le problème quand il arrivera, là, ça ne me fait... ça ne me fait
pas peur. Mais beaucoup de gens disent, par exemple : Votre système, il
prend qu'un bobo à la fois, il ne comprend pas quelqu'un qui n'a pas un bon
français ou un bon anglais, quelqu'un qui n'a pas une bonne littératie,
quelqu'un qui n'est pas habile avec ça. Alors, qu'est-ce que vous répondez à
ces critiques?
M. Chagnon (Alexandre) : Je
vais commencer par littératie, l'anglais, le français. De notre côté, le
système, bien entendu, il apprend, donc c'est... Par définition, l'intelligence
artificielle apprend. On lui enseigne. De notre côté, on a des médecins, on a
une infirmière praticienne spécialisée, on a une équipe entière qui fait ça.
Donc, quand on entend que Vitrail a fait, que Vitrail ne fait pas ça, bien,
c'est important de poser la question quand est-ce que cette donnée-là a été
observée. Parce que ça change à tous les 2 à 3 semaines. Nous, on entraîne
le système... On ne fait que ça. Ce n'est pas un «side project», ce n'est pas
le deuxième produit qu'on... On ne fait que ça.
Donc, à la question sur la littératie, sur
les langues, de notre côté, on est capables de vraiment vous assurer que le
français de qualité modeste, je vais dire, est bien compris par le système de
la même façon que l'anglais puis d'autres langues aussi.
Sur la question du «un problème, un
rendez-vous», on en a entendu parlé hier, je n'ai pas le choix de vous répondre
que c'est le reflet du terrain, O.K.? Nous, on est capables de faire en sorte
que le système puisse orienter plus qu'une problématique vers un rendez-vous...
un rendez-vous avec un professionnel de la santé lorsque ce professionnel peut
régler les deux problématiques. Mais, encore très récemment, dans un
déploiement d'une région, ce qu'on entend sur le terrain, c'est que les lettres
d'entente ne permettent pas au GAP d'orienter une problématique diverse pour un
rendez-vous. Donc, quand les lettres d'entente vont refléter ce qu'on veut
vraiment, c'est-à-dire ne plus faire du «un rendez-vous, un problème», bien, à
ce moment-là, on va être capables de le faire de notre côté.
M. Marissal : Je comprends.
Le Président (M. Provençal)
:C'est beau.
M. Marissal : Je regarde le
gardien du temps qui...
Le Président (M. Provençal)
:Non, mais il vous en reste
10 secondes.
M. Marissal : Je vais donner
les huit qui restent à mon collègue, désolé. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Ça fait plaisir. C'est beau. Merci,
M. le député. Alors, M. le député des Îles...
M. Arseneau : ...oui.
Bonjour, M. Chagnon. C'est vraiment intéressant. Ça ne vous intéresse pas, les
permis de conduire, l'immatriculation, assurance automobile? Non?
M. Chagnon (Alexandre) : Pas
vraiment, non.
M. Arseneau : Spontanément,
je me disais que ça pourrait être intéressant.
Une voix : ...
M. Arseneau : On a... En fait,
j'aimerais que vous nous rappeliez un petit peu comment ça fonctionne du point
de vue du... de l'usager. C'est toujours au téléphone, là, ce que je comprends,
ce n'est pas une plateforme sur écran?
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
Super question. Donc, le projet pilote, comme l'utilisation que les citoyens en
font à tous les jours depuis le projet pilote, c'est exclusivement par
l'entremise de Navig, donc par personnes interposées, le téléphone ou des
patients... ça existe encore, des patients qui se présentent sur pied à la
clinique pour avoir un rendez-vous. Ce qu'on a décidé, encore, la posture de
Vitrai, c'est de ne pas créer une énième plateforme en ligne. On en a déjà
beaucoup, des plateformes en ligne, au Québec. On a investi beaucoup là-dessus.
Et donc ce qu'on fait, c'est qu'on s'intègre dans les plateformes qui existent
déjà. Puis une de ces plateformes-là, c'est la plateforme qui peut-être va
venir remplacer Rendez-vous Santé Québec, qui, pour le moment du moins, porte
le nom de Votre santé. Et il y a des tests qui sont en train d'être faits en ce
moment. Cette intégration-là, on y travaille depuis... depuis le mois de
décembre de notre côté, là, oui.
Puis je n'ai pas répondu à votre
question, je m'excuse. Pour le citoyen, bien, c'est de dire... en fait,
l'expérience actuelle, c'est : je me rends sur la plateforme, j'ai besoin
d'un rendez-vous, je dis si c'est urgent, selon moi, c'est tout le temps pas
mal urgent, hein, et là on... si je suis chanceux, j'ai des affichages de
plages de disponibilités qui apparaissent. Ça, c'est l'orchestrateur, ou le
hub, là, pour les intimes, qui fait ça. L'expérience qu'on va avoir avec ce
système-là, c'est que je veux un rendez-vous, je... ce n'est pas moi, patient,
qui dit : C'est urgent, parce que tous les patients disent que c'est
urgent, sauf exception, on va leur demander : Qu'est-ce qui vous pousse à
consulter aujourd'hui? J'ai mal au dos depuis trois semaines. Répond à une
série de questions, la médiane étant cinq, comme je l'ai dit tout à l'heure,
et, au final, de voir des plages de physiothérapeutes GMF, des plages de
travailleuses sociales, infirmières cliniciennes, pharmaciennes, infirmières
praticiennes puis médecins aussi, bien entendu, oui.
M. Arseneau : O.K. Donc, ça,
c'est si on le fait par écrit, si on le fait sur la plateforme, mais, si on
appelle une clinique, là c'est la personne qui vous répond, qui est devant son
ordinateur, et l'ordinateur lui dit quelles questions poser, si je comprends
bien?
M. Chagnon (Alexandre) : Exactement.
C'est exactement ça. C'est ce qu'on appelle un système d'aide à la décision.
Donc, l'agente administrative n'a pas, par définition, de background clinique,
ce n'est pas une infirmière. Puis, nos infirmières, au Québec, on en forme des
tellement bonnes, on ne veut pas qu'elles passent leurs journées au téléphone,
on veut qu'elles voient des patients, qu'elles fassent des soins infirmiers. Et
donc l'agente administrative utilise notre système et elle lit textuellement la
question, question qui, dans Votre santé, est affichée au patient directement.
M. Arseneau : D'accord. Et
qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, dans ces cliniques ou dans les GMF, on ne
tire plus la plug par rapport au passé?
M. Chagnon (Alexandre) : C'est
pas mal de ma faute, parce que je veux... je veux absolument qu'on capte
100 % de la demande.
M. Arseneau : O.K. Donc,
c'est une directive qui a été donnée, là, maintenant.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.Absolument. Absolument.
M. Arseneau : Qu'on ait des
rendez-vous, des plages ouvertes ou pas, on répond.
M. Chagnon (Alexandre) : Exact.
Dans le cadre GMF qui a été publié en décembre, c'est rendu obligatoire pour...
que toutes les demandes initiées par le patient... des demandes de rendez-vous,
excusez-moi, passent par le filtre de pertinence. Ça fait que, là, il n'y a
plus juste moi qui dit que non, non, il faut qu'on capte 100 % de la
demande pour être en mesure de s'améliorer puis de documenter ce qui se passe
en première ligne au Québec.
M. Arseneau : O.K. D'accord.
Puis, dans le cas des refus, si on dirige le patient vers une porte x, vous
avez parlé de physiothérapeute, qu'est-ce qui arrive? Le patient dit non, puis
on recommence?
M. Chagnon (Alexandre) : On
ne recommence pas.
M. Arseneau : Ou on le dirige
autrement? Comment...
M. Chagnon (Alexandre) : Oui,
super question. On ne recommence pas. Donc, moi, je suis très visuel puis
j'avais demandé à ce que j'amène mon ordinateur puis on fasse une démonstration
ensemble, mais ce n'est pas possible, il paraît. Donc, mettons, visuellement,
là, à l'écran, on voit les destinations apparaître à la fin d'une orientation,
comme on l'appelle, puis on voit un premier, deuxième, troisième choix, et, si
je choisis le troisième choix, bien, par définition, le premier et le deuxième
ont été refusés. Donc, on ne recommence pas avec le patient, là : Vous ne
vouliez pas? O.K., répétez-moi votre histoire. Ce n'est pas tout à fait comme
ça que ça se passe.
Puis, fait intéressant, nous, on
s'attendait... parce que c'est un changement de paradigme incroyable pour nos
patients, on pensait que 30 % à 40 % de la population allaient refuser de
voir un non-médecin, puis notre taux de refus à l'échelle provinciale en ce
moment est de 4 %. Puis ça, ça vaut la peine qu'un chercheur se pose la
question de pourquoi c'est juste 4 %. Nous, l'hypothèse qu'on pose, c'est
que, contrairement à avant, lorsque le patient se faisait dire : Je n'ai
plus de place avec votre médecin aujourd'hui, est-ce que vous avez tenté de
vous rendre en pharmacie?, là le patient ne voulait rien savoir... mais là,
aujourd'hui, il répond à cinq, six, huit, 10, 15 questions au terme de quoi on
lui répond : Ça, ça devrait être un pharmacien.
Aïe! je m'excuse, il ne reste plus de
temps, hein?
M. Arseneau : Je me demandais
s'il restait encore du temps.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste encore du temps.
M. Chagnon (Alexandre) : O.K.
O.K. Désolé.
M. Arseneau : O.K. Continuons.
M. Chagnon (Alexandre) : Ça
paraît quand que la personne ne prend pas son 10 minutes. Donc, de mon côté,
c'est ce que... ce que je m'apprêtais à dire, en fait, c'est que le taux de
refus, on pense que c'est le simple fait de pouvoir poser à notre patient
quelques questions qu'on le fait cheminer d'une certaine façon. Les patients
qui refusent de se rendre en pharmacie...
M. Chagnon (Alexandre) : ...par
exemple, là, c'est rarissime, là. Donc, ça, on est contents de ça.
M. Arseneau : Vous avez parlé
de cinq questions, c'est ça, normalement, là?
M. Chagnon (Alexandre) : La
médiane.
M. Arseneau : Oui, oui, la
médiane. En termes de secondes ou de minutes, est-ce que vous l'avez aussi
évalué? Je n'ai pas capté.
M. Chagnon (Alexandre) : Oui.
Exactement. Donc, c'est de 1 min 35 s à l'échelle provinciale,
dans ces cliniques-là. C'est une statistique... je m'excuse, je regarde les
feuilles, là, c'est une statistique qui se trouve en page... la première page
de l'annexe. Donc, on voit que la médiane, de leur côté, est de 56 secondes,
donc, on voit, là, la quatrième ou cinquième ligne, puis on voit, pour chacune
des navigatrices dont le nom apparaît... j'ai enlevé le nom de famille, là,
bien entendu, on voit, eux autres, leur temps médian, là. Donc, c'est
1 min 35 s environ.
M. Arseneau : Puis...
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie M. Alexandre Gagnon pour sa
présentation et la qualité de l'échange.
Sur ce, je vais suspendre les travaux
temporairement pour laisser place à la prochaine personne. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 22)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous allons reprendre notre
verre d'eau avant la pause du souper. Alors, nous recevons le Pr Damien
Contandriopoulos. Et je vous donne 10 minutes pour votre exposé, et, après ça,
les échanges. Merci beaucoup.
M. Contandriopoulos (Damien) : ...à
remercier les membres de la... pour l'invitation à venir discuter du projet de
loi. C'est, selon moi, le projet législatif d'organisation de la pratique
médicale le plus ambitieux depuis la création du système de santé public...
M. Contandriopoulos (Damien) : ...ceci
dit, mon jugement sur le contenu du projet de loi est nuancé. D'une part,
plusieurs interventions proposées qui, à mon sens, sont innovantes, désirables,
entre autres, changer le modèle de rémunération des médecins de famille, créer
ou renforcer le rôle de représentants du milieu, d'autre part, plusieurs
éléments qui, à mon sens, sont problématiques, les modalités de calcul des
montants de capitation, la manière de concevoir les incitatifs à la performance,
la sous-traitance du travail interprofessionnel.
En ce sens, le mémoire que j'ai déposé se
veut une mobilisation des connaissances scientifiques pour soutenir une
bonification du projet de loi. Mon analyse, c'est que, dans le projet de loi,
il y a cinq mécanismes d'action différents. Je sais que le projet de loi n'est
pas écrit de cette façon-là, mais je pense qu'on voit assez clairement cinq
mécanismes différents se présenter dans le projet de loi.
Le premier, clairement, la transformation
du modèle de rémunération des médecins omnipraticiens. Et j'ai entendu beaucoup
de groupes, j'ai écouté hier et aujourd'hui les présentations, beaucoup de
groupes, y compris des chercheurs, qui ont essentiellement dit, au sujet de la
transformation du modèle de rémunération, qu'il était très urgent de ne rien
faire. Là-dessus, je ne suis pas d'accord. On pourrait utiliser la littérature
scientifique pour dire qu'un modèle a des faiblesses et des limitations. Et on
peut faire ça pour tous les modèles de rémunération médicale. Par contre, dire
qu'un modèle a potentiellement des limites, ce n'est pas une justification au
maintien du modèle actuel. L'utilisation du paiement à l'acte comme modèle
principal de rémunération des omnipraticiens est très sous-optimale.
Et je voudrais citer une recommandation.
En 1972, la commission Castonguay-Neveu, qui mettait en place le système actuel
de... public au Québec, a fait une série de recommandations. Une de ces
recommandations-là disait que le mode de rémunération à l'acte soit
progressivement abandonné au profit d'autres formes de rémunération, tels le
salariat et la rémunération au prorata du nombre de cas traités. Donc, ça fait
53 ans qu'on tourne autour de ce pot, et je pense qu'il est tout à fait
désirable et intéressant d'essayer de faire quelque chose à ce sujet-là et de
bouger dans cette direction.
Maintenant, quand même quelques
recommandations spécifiques qui peuvent être faites. Un, c'est fondamental,
quand on change de modèle de rémunération, de penser à la notion d'équité entre
les médecins et entre les groupes de médecins. Il faut que les revenus soient,
aussi directement que possible, une fonction de l'effort, et du temps, et de la
complexité du travail médical. Et, ça, ça devrait toucher à la fois à le
travail à la... des sommes à l'intérieur d'un groupe de médecins, mais aussi
entre les spécialistes et les omnipraticiens. Beaucoup de discussions qui ont
eu lieu sur la productivité, par exemple. Dans le mémoire, j'analyse les
données qu'on a au niveau de la RAMQ sur la productivité des médecins et je ne
trouve aucune indication que, par exemple, les omnipraticiens travailleraient
moins fort ou aient une moins grande productivité que les médecins
spécialistes.
En ce sens, c'est vraiment, je pense,
fondamental de s'assurer que, si on touche à la façon dont on paie les
médecins, on augmente l'équité dans le système. Et ça va aussi pérenniser le
système. Pour qu'un bon système de captation fonctionne, c'est fondamental de
monitorer l'accès réel aux soins. Et je pense que le projet de loi pourrait
aller plus loin dans l'explication de ce qui va être fait pour monitorer le
fait que les patients qui sont inscrits auront réellement accès aux soins.
Et je pense qu'il serait aussi important,
je ne suis pas le seul à l'avoir dit, que les montants de capitation tiennent
compte des facteurs socioéconomiques. Ça a un impact direct sur la lourdeur des
cas pour les médecins.
Le deuxième mécanisme qui est mis de
l'avant dans le projet de loi, selon moi, c'est l'attachement des patients à
des milieux. Donc, n'importe qui qui a besoin d'un soignant devrait pouvoir
faire une demande et être attaché à un milieu. C'est les départements
territoriaux qui seraient en charge de ça. Je ne suis pas le seul à l'avoir
dit, mais je pense que tout le monde le sait, à moins qu'on transforme
profondément le système, si on fait juste attacher plus de patients sans
changer les paramètres, ça veut dire moins de soins pour chacune des personnes
qui est inscrite. Puis je pense que ce n'est pas ça l'objectif du projet de
loi. Donc, il va falloir faire attention à ce qui se passe dans le réseau, si
on fait juste inscrire des patients.
Deuxième chose. Pour moi, c'est très
important, ça. Si on change la façon dont les médecins pratiquent, il faut que
ce changement-là soit attentif à ne pas faire du mur-à-mur. Plus on va mettre
l'accent sur l'inscription, plus on va mettre l'accent sur le fait que l'accès
dépend du fait qu'on est inscrit dans un milieu, plus on va créer des problèmes
pour les gens qui ne sont pas inscrits ou qui sont loin dans le milieu
d'inscription au moment où ils ont besoin de soins. Et, quels que soient les
efforts qu'on fait pour renforcer l'inscription, il y aura toujours des gens
qui auront besoin de soins en dehors de leur milieu d'inscription.
Permettre la coexistence de plusieurs
modèles. Ce n'est pas le modèle dominant. C'est... Le modèle dominant peut être
un modèle de capitation, d'inscription longitudinale. Mais faire attention
qu'il existe aussi une possibilité pour les gens d'avoir accès à des soins de
type sans rendez-vous parce que ça répond à un réel et légitime besoin de la
population.
Et un autre élément en termes
d'implantation du modèle, la Colombie-Britannique. Moi, je suis actuellement à
Victoria, en Colombie-Britannique. Je suis établi ici depuis huit...
M. Contandriopoulos (Damien) :
...la Colombie-Britannique a complètement réformé la façon dont elle paie les
médecins de famille, il y a deux ans, et, actuellement, il y a plus de
90 % des médecins de famille en Colombie-Britannique qui ont bougé vers le
nouveau système. La façon d'implanter le nouveau système a été une façon... on
va dire, un volontariat incité. Il est possible de déployer à grande échelle un
nouveau modèle de rémunération, un nouveau modèle de pratique sur une base de
volontariat si on incite suffisamment les médecins à bouger. Une telle approche
permet de limiter le risque que le système se retrouve confronté à beaucoup de
turbulences au moment, par exemple, d'une approche qui serait universelle, tout
le monde change en même temps.
Troisième mécanisme dont je veux parler
dans le projet de loi, et celui-là me préoccupe beaucoup, la possibilité pour
les médecins d'utiliser le montant de capitation, c'est un article du projet de
loi, pour embaucher des professionnels non médecins et les rémunérer pour le
travail qu'il font. Deux préoccupations fondamentales là-dessus. La première,
c'est... Tout le monde, hier, les fédérations, à peu près tous les experts, ont
mis de l'avant l'importance du travail interprofessionnel, l'importance du
travail en équipe. Le travail en équipe, ce n'est pas : un boss et des
gens qui obéissent. Le travail en équipe, c'est un travail collégial. Si on met
le médecin dans la position de celui qui reçoit l'argent et qui embauche les
professionnels, on fait un retour en arrière majeur.
M. le ministre, hier, vous avez mentionné
que ça répondait à une demande de la FMOQ. Je voudrais juste rappeler que ce
n'est pas parce que la FMOQ demande quelque chose que c'est forcément une bonne
idée. M. le ministre, vous avez aussi plusieurs fois mentionné votre
préoccupation par rapport au fait que le 30 % de bonification de l'acte
pour les médecins qui sont en cabinet était parfois utilisé d'une façon qui
pose problème. Je pense que vous mettez là le doigt sur un problème réel, mais
il faut voir que, si, dans le nouveau modèle de rémunération, les médecins
peuvent utiliser leur argent de capitation pour embaucher des professionnels
puis, donc, avoir plus de volume, le problème sur lequel vous portez votre
attention avec le 30 % va juste devenir colossalement plus gros.
À mon sens, on a vraiment un risque majeur
de mettre les médecins dans une situation inhérente de conflit d'intérêts où
plus on va les laisser... plus on crée des modèles dans lesquels il y a une
ambiguïté pour le médecin entre ce qui peut constituer un revenu et ce qui
devrait constituer un soutien à la pratique, plus on s'expose à des
difficultés.
Quatrième mécanisme, tout l'ensemble de
systèmes d'incitatifs, suppléments collectifs à la performance. Là-dessus, mon
jugement est extrêmement négatif. Je comprends l'intention. Je pense, encore
une fois, M. le ministre, hier, vous avez mis de l'avant la tension que vous
voyez entre, d'une part, le statut d'entrepreneur indépendant des médecins et,
d'autre part, la nécessité pour le système d'avoir une capacité de coordination
et de supervision du réseau, et je pense que vous avez fondamentalement raison.
Par contre, ma préoccupation, ce n'est pas
une préoccupation sur l'ambition, c'est une préoccupation sur le réalisme telle
qu'elle est structurée, tu sais, la formule dans le projet de loi, avec tout
son appareil de trois niveaux d'intervention et une multiplicité d'objectifs.
La littérature scientifique, ce qu'elle dit sur le sujet, c'est que, même si
l'objectif est de faire en sorte que les médecins se comportent comme on veut
qu'ils se comportent, le résultat ne va pas être au rendez-vous.
• (17 h 30) •
Cinquième et dernier mécanisme d'action,
le rôle... la création et le renforcement de rôle de représentants des milieux
de pratique, tant pour les médecins omnipraticiens que pour les médecins
spécialistes. C'est une idée, à mon avis, centrale, qui a été relativement peu
discutée jusqu'à maintenant en commission parlementaire. Pour moi, elle est
potentiellement transformatrice de la pratique. L'idée, fortement inciter les
médecins à eux-mêmes sélectionner quelle est leur équipe clinique, quel est le
groupe dans lequel ils pratiquent, se désigner un représentant du groupe et
formellement donner des leviers à ce représentant du groupe pour qu'il puisse
coordonner le travail de l'équipe et l'aligner avec l'atteinte d'objectifs, que
ce soit au niveau de la répartition des paiements de capitation, par exemple.
Je pense que c'est une idée centrale, structurante et importante.
Mon bémol serait que le projet de loi met
beaucoup l'accent sur la façon dont ça va être fait en première ligne et
peut-être pas assez d'accent sur la façon dont le même mécanisme pourrait être
mobilisé pour les soins spécialisés. Donc, en gros, et je terminerais
là-dessus, avec un petit effort d'optimisme, je pense qu'on peut imaginer une
voie de passage qui concilie les inquiétudes, souvent légitimes, de nombreux
médecins et de plusieurs groupes mais qui maintient l'ambition du projet de loi
de contribuer à un changement, là, significatif et ambitieux de l'organisation
du travail médical. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Vous êtes très bien
au niveau de votre temps. Alors, M. le ministre, débutez cet échange, s'il vous
plaît.
M. Dubé : Bien, premièrement,
comme je le dis souvent, là, merci beaucoup d'avoir pris... avec si peu de
temps, d'arriver...
17 h 30 (version non révisée)
M. Dubé : ...ces commentaires-là
aussi clairs et précis. Alors, j'apprécie votre commentaire sur l'ambition. Je
pense que ce n'est pas ça qui manque. Je comprends qu'il y a surtout beaucoup
de points, je vais essayer de les reprendre un par un. Mais je veux juste vous
demander... puis, excusez-moi si je n'ai pas eu le temps de le voir, est-ce que
vous avez déposé quelque chose qui a été déjà reçu?
Une voix : ...
M. Dubé : Oui, O.K. Bon, je
dois vous avouer que je ne l'avais pas lu, alors j'ai peut-être manqué de
temps.
M. Contandriopoulos (Damien) :
Ça se garde.
M. Dubé : Pardon?
M. Contandriopoulos (Damien) : Ça
va se garder. Je suis sûr que vous aurez l'occasion si vous voulez.
M. Dubé : Oui, oui. Non, je suis
certain. Avec les commentaires que vous avez faits aujourd'hui, vous pouvez
être sûr que je vais y retourner. Je veux juste comprendre votre point. Dans le
premier point, là, sur l'équité entre les groupes, ça a été trop vite pour moi.
Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce qui était votre problème, de dire : Je
suis préoccupé par l'équité entre les groupes? Puis je n'ai pas saisi ce que
vous vouliez dire.
M. Contandriopoulos (Damien) : Je
pense, mon point est beaucoup sur le débat public. En ce moment, le débat
public qui tourne autour du projet de loi est un débat qui met les
omnipraticiens et les médecins de famille à l'avant-scène. Et je pense que
plusieurs réagissent, mes contacts dans le milieu...
M. Dubé : Les groupes de professionnels?
Vous voulez dire les autres groupes?
M. Contandriopoulos (Damien) :
Oui, c'est-à-dire les médecins de famille... par rapport aux médecins
spécialistes, les médecins de famille ont l'impression qu'ils sont
régulièrement pointés du doigt comme étant une source de problème plus
significative qu'un médecin spécialiste. Or, puis c'est une chose qui est dans
le mémoire, j'ai analysé en détail les données de la RAMQ. On avait... J'ai
codirigé un projet de recherche ambitieux, publié en 2018, financé par le...
sur la rémunération médicale. Il n'y a aucune raison de croire que le travail
des omnipraticiens est plus problématique que celui des spécialistes. C'est une
chose.
La deuxième chose, puis vous le savez
mieux que moi, la majorité de l'enveloppe, 60 et quelques %, s'en va aux
médecins spécialistes. Et, de façon générale, on a une très grande différence
de niveau de facturation en moyenne entre les spécialités. En spécialité, entre
un psychologue... un psychiatre, je veux dire, et un urgentologue et un radiologiste
ou un ophtalmologiste, les différences sont énormes, et la différence moyenne dans
la facturation entre un omnipraticien et un spécialiste est aussi très
significative. Or, quand on regarde la difficulté du travail, le défi que ça
pose, quand on regarde l'intensité, quand on regarde le nombre d'heures, ce n'est
pas évident que les montants sont associés avec ces facteurs-là.
M. Dubé : Surtout quand on
est... O.K., je vais essayer de ne pas rentrer là-dedans parce que c'est
délicat un peu, là, mais vous avez raison. Parce que si on prend... puis là, je
comprends très bien votre point, quand je regarde l'enveloppe des spécialistes
à 5 milliards, il y a à peu près la moitié, là, je simplifie, qui va en
consultation versus en chirurgie. Ça fait que si on pouvait comparer l'enveloppe
des omnis qui font, je dirais, de la consultation ou de l'urgence avec les AMP,
c'est beaucoup plus comparable avec la portion de l'enveloppe des spécialistes
qui fait de la consultation. Là, je comprends votre point. Mais ce que je
comprends aussi, c'est quand vous dites qu'il y a des différences entre les
groupes, il y a quand même des écarts énormes entre les spécialistes entre eux,
puis ça, je sais que ça fait beaucoup d'inconfort de certains spécialistes.
Nous, comme gouvernement, on n'a pas... on n'a pas, en ce moment, encore accès
à pouvoir aider à rétablir ces... parce que la différence d'un salaire à 800 000 $
versus un... par exemple, un psychiatre ou, etc., là, il y a des grandes,
grandes, grandes différences. Donc, l'équité entre les groupes, vous faites
référence entre les spécialistes et les omnis, mais aussi interspécialités. C'est
ça que vous me dites, O.K.
M. Contandriopoulos (Damien) : Et
y compris à l'intérieur de la pratique de la médecine familiale. Selon le type
de pratique qu'un médecin choisit, parfois, on a des différences importantes,
même à un niveau d'heures et d'efforts similaires, on a des niveaux de revenus
qui sont...
M. Dubé : Oui, c'est ça, quand
on nous ramène sur une base horaire, c'est encore pire, des fois, parce qu'étant
donné les technologies qui sont... par exemple, je pense à ceux qui font des
cataractes aujourd'hui, ils font bien plus de cataractes dans une journée qu'ils
en faisaient avant à cause des technologies puis les taux ont peu ou pas changé.
Ça fait que ces gens-là... Mais là, je ne veux pas viser personne, mais je
voulais juste comprendre votre point.
Sur votre deuxième point, ça, c'est
important, l'attachement à un milieu. Bon, pas de mur à mur, O.K. Est-ce que c'est
là que vous avez parlé de... C'est peut-être plus car vous parliez des trois
niveaux d'appartenance au local territorial. Puis ça, je veux vous entendre là-dessus
parce que je l'ai entendu beaucoup hier et je l'entends depuis, que c'est
beaucoup plus facile de rallier les gens à travailler au niveau local lorsqu'il
y a un incitatif, parce que c'est des gens qui sont proches d'eux, alors que
plus on s'éloigne... Ça, je veux vous entendre là-dessus parce que je sens que
ça fait problématique à travers les consultations qu'on a eues jusqu'à
maintenant. Mais étant donné votre, je dirais, votre indépendance, vous êtes...
puis c'est ça qu'on demande...
M. Dubé : ...quelqu'un de
l'extérieur de nous dire : Est-ce qu'on devrait aller aussi loin qu'au
niveau, je dirais, national? Puis, si oui, est-ce qu'on pourrait le faire
autrement que ce qui est présenté?
M. Contandriopoulos (Damien) : Je
pense que dès qu'on essaie d'utiliser les incitatifs pour changer le
comportement d'un travailleur qui est un professionnel, par nature, va devoir
conserver beaucoup d'autonomie, personne n'a envie d'un système dans lequel le
médecin se verrait limiter dans sa capacité à faire des choix cliniques par des
incitatifs extérieurs. Donc, on est pris avec. Le professionnel doit rester
cliniquement autonome.
En même temps, on sait que dans un système
comme ça, n'importe quel système d'incitatifs, le professionnel va toujours
être en mesure de jouer le système - en anglais, le terme est «gaming» - va
toujours être en mesure de détourner l'intention de l'incitatif à des fins
personnelles propres s'il a envie de le faire. Donc, un système d'incitatifs,
pour qu'il fonctionne, il faut que le professionnel fondamentalement adhère au
projet. Il n'y a aucun système d'incitatifs qui va tordre le bras à un
professionnel puis va lui faire faire des choses qu'il n'a pas envie de faire
s'il n'a pas envie de les faire. Et, au Québec, on a souvent vu des incitatifs
qui ont été détournés dans le passé. Les premiers incitatifs... ont été
largement détournés de leur ambition. Donc, c'est sûr que ce n'est pas facile.
Et les paramètres qui font en sorte qu'on
a un système d'incitatifs... fonctionne, il faut absolument que l'incitatif,
donc, le professionnel y adhère, l'action soit... qui mène à l'incitatif soit
entièrement sous son contrôle. Personne n'a envie d'être tenu imputable
d'objectifs qu'il ne contrôle pas. Et les...
M. Dubé : C'est la partie qui
vous inquiète, là, de plus on s'éloigne... Est-ce que je peux...
M. Contandriopoulos (Damien) : Plus
on s'éloigne. Et la transparence. Actuellement, par exemple, pour les médecins
de famille...
M. Dubé : Quand vous parlez
de transparence, vous voulez dire quoi, par exemple?
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui.
Donc, par exemple...
M. Dubé : Qu'est-ce que vous
voulez dire par... Oui. Excusez.
M. Contandriopoulos (Damien) : Actuellement,
par exemple, les médecins de famille au Québec, il y a toute une série
d'incitatifs. Il y a beaucoup d'actes, qui sont incitatifs, qui visent à leur
faire faire ci ou ça. Ce qu'on a vu dans notre étude en 2018, c'est, quand on
parle aux médecins, la complexité du système, le nombre d'actes différents, le
fait qu'à la fin ce soit traduit dans un chèque trimestriel. Donc, le médecin
reçoit un chèque qui correspond à tout ce qu'il a fait ou pas fait. Les
médecins nous disent : Je reçois un chèque, je sais bien que c'est lié à
ma pratique, je n'ai aucune idée de quelle façon, de quelle manière, de quels
incitatifs sont dans ce chèque-là, puis honnêtement, ça veut dire que, dans le
jour à jour, ce que je fais n'est pas dicté par l'incitatif. Je suis content de
recevoir le chèque au bout de trois mois, mais ce n'est pas ça qui va me faire
changer ma pratique. Puis, par ailleurs, il délègue ça à des compagnies de
facturation externes, ça fait qu'ils n'ont à peu près aucun... une
compréhension fine de ce qui se passe. Ça, c'est un système d'incitatifs qui
est très peu transparent. C'est-à-dire, le professionnel, il a... il fait ce
qu'il veut faire, puis ensuite, il reçoit un chèque ou il reçoit pénalité. Ça
ne change rien.
Pour qu'un système d'incitatifs marche,
c'est... il faut faire exactement l'inverse. Il faut que, dans le jour à jour,
le professionnel soit en mesure de savoir exactement : Je suis en train de
faire ci, puis ça, c'est quelque chose qui est lié avec une cible que
j'aimerais atteindre puis qu'on me pousse à atteindre. Et, là-dessus, la
mécanique, là, de ce que j'appelle la formule magique, là, mais, dans le projet
de loi, d'avoir trois niveaux, et ensuite probablement une multiplicité
d'objectifs, puis ensuite, un calcul du prorata de l'atteinte de tous ces
objectifs-là... Encore une fois, je comprends l'intention, je vois très bien
l'ambition de coordonner. Mon inquiétude, c'est que ça ne marchera pas, ça ne
livrera pas la marchandise.
• (17 h 40) •
M. Dubé : Je comprends. Puis
on l'a entendu. Puis on va... on va se pencher là-dessus.
Bon. Un autre cas délicat, là, le fameux
30 %, là. Je vous ai entendu tantôt. J'aimerais ça que vous me le répétiez
tranquillement.
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui.
Donc, en ce moment, les médecins qui travaillent en cabinet touchent à une rémunération
qui est majorée d'un pourcentage, pour les omnis, on dit 30 %. Et ce
pourcentage-là est supposé couvrir leurs frais de pratique. Je voudrais
spécifier quand même, cette notion, là, qu'il y a un 30 % qui est destiné
aux frais de pratique n'est écrite nulle part. C'est une compréhension
implicite que tout le monde dans le réseau va avoir. Puis on peut faire le
calcul du 30 % sur les montants, mais il n'y a nulle part où c'est marqué,
là, «vous devez utiliser ce montant-là pour vos frais de pratique.» Donc, un
médecin touche à un montant. Et, ensuite, combien va aller dans ses revenus
propres à la fin, ça, ça dépend de la façon dont il s'organise, ça dépend du
milieu dans lequel il pratique, ça dépend de ses coûts réels, ça dépend des
choix qu'il fait. Et donc un médecin a un incitatif naturel à dire : Moins
je dépense en frais de pratique, plus je gagne. Donc, les médecins sont dans
une tension là-dedans.
Puis, quand vous avez mentionné, hier, en
disant : Bien, vous vous êtes ennuyé du fait que parfois des médecins
peuvent décider d'essayer de diminuer au maximum leurs frais de pratique pour
avoir un plus grand revenu, c'est un conflit d'intérêts, puis c'est sûr que
l'argent va aller dans un endroit particulier, je pense que vous avez raison.
Mais, si on a un système de capitation dans lequel le médecin peut
décider : Bien, je réalloue mon temps de capitation pour embaucher des
infirmières techniciennes puis je leur fais faire une partie du travail assez
grande, c'est parce que, comme ça, je peux inscrire plus de patients, donc mon
volume monte, puis finalement, vous avez un médecin qui devient une sorte
d'entrepreneur d'une business de sous-traitance de...
M. Contandriopoulos (Damien) : ...de
soins. Et cette business-là est fondamentalement problématique. Tous les
systèmes, par exemple, vont interdire aux médecins de vendre les médicaments
qu'ils prescrivent, pour des raisons évidentes de conflits d'intérêts. De la
même façon, si on commence à inciter trop les médecins à sous-traiter les soins
pour lesquels ils sont payés, bien, on a un risque sur la qualité, on a un
risque sur la nature du travail interprofessionnel et on a un risque sur le
conflit d'intérêts inhérents, là, de c'est quoi qui va dans ma poche, c'est
quoi qui va dans les soins?
M. Dubé : On se comprend, je
voulais juste vous entendre. Je reviens sur votre cinquième point. Ça aussi, je
veux bien le comprendre, ce qu'on va appeler l'intervenant pour soit les
spécialistes ou pour les omnis. C'était facile pour nous de désigner le DRMG,
qui est maintenant le DTMF. Là, on aime bien ça, les acronymes, là. Mais le
DTMS, donc du côté... le Directeur médical des spécialistes, ça, c'est quand
même récent. Ça, ça remonte au p.l. n° 15, là. Pourquoi vous avez dit que
vous êtes d'accord avec l'idée centrale, mais ça vous... Peut-être je n'ai pas
compris, mais vous avez dit que ça vous inquiète plus du côté des spécialistes.
C'est-tu parce que c'est moins dans nos habitudes d'avoir cette personne-là?
Parce que moi, je pense que la... vous l'avez bien dit au début, la
rémunération est tout aussi importante pour les spécialistes que pour les
omnis. Puis c'est pour ça que je veux vous entendre sur ces deux représentants
médicaux dans chacun des établissements, là. C'était quoi exactement, votre
commentaire ou ce que vous voulez qu'on porte attention, là, là-dessus?
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui,
autant je dis... Si on utilise des mécanismes compliqués d'incitation, on
n'obtiendra pas vraiment le contrôle du travail des professionnels. Par contre,
il n'y a aucun substitut à la logique vraiment de contrôle par les pairs liés à
la nature du professionnel.
M. Dubé : Ça, vous êtes
d'accord avec ce principe-là?
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui,
oui, je suis tout à fait d'accord avec ça. C'est central. C'est un mécanisme
d'action porteur, intéressant, innovant et c'est une composante, pour moi, une
des plus intéressantes du projet de loi actuelle. Dans...
M. Dubé : Parce que ça, c'est
un... excusez-moi, là, mais il y a quelqu'un qui m'a dit hier, puis ça m'a fait
tellement plaisir, puis je suis certain que ça va être bon pour mes collègues,
c'est un grand principe de décentralisation, ça, parce qu'on ramène ça au
niveau de chacune des régions mêmes... En fait, ça ne peut pas être plus décentralisé
que ça. C'est deux chefs de département là, dans chacun des établissements, là.
C'est ça, le principe. Ça, vous êtes d'accord avec ça?
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui,
je suis d'accord avec ça, et de dire que les médecins doivent s'auto-organiser,
probablement en termes de département, de spécialité, en disant : Bien,
voici notre cible. C'est, par exemple, la liste d'attente dans notre
établissement qui a tant de pourcentage ou tant de personnes. Notre cible,
c'est de la diminuer. Puis il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit responsable,
au sein, par exemple, des médecins spécialistes, de s'assurer de coordonner le
travail des uns et des autres. Si...
M. Dubé : Mais c'était quoi,
votre inquiétude? Je vous coupe, excusez-moi, parce que... Est-ce qu'il me
reste temps?
Le Président (M. Provençal)
:...
M. Dubé : Il me reste trois
minutes. Je m'excuse de vous couper, mais on est toujours pris par ce temps-là,
là. Mais c'était quoi, votre inquiétude par rapport aux spécialistes versus les
omnis dans ce qu'on discute là, là.
M. Contandriopoulos (Damien) : Si
on enlève la composante dans la loi de la formule d'incitation qui alloue
l'argent, on n'a finalement plus beaucoup de levier qui va donner du pouvoir à
ces représentants du milieu pour les médecins spécialistes. Et comme...
M. Dubé : Si on enlève la
formule? C'est ça que vous dites?
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui.
Et moi, je suis... j'ai beaucoup d'inquiétudes sur le fait que la formule ne va
pas livrer la marchandise. Donc, si je pars du principe que la formule, elle ne
livre pas la marchandise, je pense, il faut quand même, quoi qu'il arrive,
donner au représentant du milieu pour les médecins spécialistes une façon
d'avoir un impact sur la pratique de leurs collègues. Ça, c'est la première
chose.
Puis, la deuxième chose, pour la médecine
spécialisée, une partie est en établissement. Puis là, comme vous l'avez dit,
il y a toute une structure qui existe, le DRMG, etc., mais beaucoup de la
pratique de la médecine spécialisée et de plus s'en va hors établissement, dans
des cabinets privés, dans des structures privées, et là c'est le far west, il
n'y a absolument aucune structure qui vient encadrer le travail de ces
professionnels-là. Et je pense qu'à ce niveau-là la loi a comme un angle mort
parce que... pour beaucoup de spécialités, gynécologue, dermatologue, etc.,
beaucoup se font là. Et il y aurait une opportunité dans la loi de s'assurer
d'essayer d'organiser le travail de ces spécialistes-là.
M. Dubé : Là, vous parlez,
entre autres des CMS, là. Si vous me dites... C'est-tu un peu à ce que vous
pensez?
M. Contandriopoulos (Damien) : Tout
à fait.
M. Dubé : O.K., O.K. Oui, là,
je comprends que ça complexifie. Bien, c'est un peu comme si on essayait de
faire la même chose avec... du côté des omnis, avec ceux qui sont en clinique
privée, hein? O.K., c'est ça, votre point.
Le Président (M. Provençal)
:1 min 54 s.
M. Dubé : Bien, je vais vous
poser une question ouverte. Qu'est-ce que j'ai oublié de vous demander, là?
Parce que j'ai essayé couvert vos... de couvrir, pardon, vos cinq points, là,
mais... Oui.
M. Contandriopoulos (Damien) : Je
pense, le dernier élément que je veux mettre de l'avant, c'est : le projet
de loi a le potentiel de faire des choses intéressantes pour mieux organiser la
pratique médicale, et ça, potentiellement, dégagerait une certaine marge de
capacité additionnelle, un petit peu plus de services ou une amélioration de la
qualité. C'est désirable. C'est important. Maintenant...
M. Contandriopoulos (Damien) : ...à
mon sens, réorganiser la pratique médicale... Je ne pense pas qu'il y ait
vraiment un gros volume de soins qu'on n'utilise pas actuellement puis que si
on incitait mieux, ou plus, ou plus fortement les médecins, tout d'un coup, là,
il y aurait une capacité additionnelle, parce que, pour l'instant, plein de
médecins se tournent les pouces puis jouent au golf à la place de faire leur
travail.
Et donc je pense que, si on veut vraiment
arriver à une augmentation de l'accès aux soins, ça implique des investissements,
et les investissements, je pense, là où ils ont le plus de possibilités de
livrer la marchandise, c'est en dehors des enveloppes de rémunération médicale,
c'est dans le soutien du travail de secrétariat, dans le soutien des loyers,
dans le soutien des équipes interprofessionnelles, dans le soutien des outils
informatiques. J'écoutais votre dernier présentateur...
M. Dubé : Qui va faire qui va
dégager du temps pour eux. Là, ça, on en entendu ça souvent, madame… docteure
Leblanc. Il y en a plusieurs qui nous ont parlé de ça hier. Moi, ça va très
bien, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Et c'est terminé.
M. Dubé : Merci beaucoup de
votre présentation puis votre travail. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le ministre. Alors, M. le député, je vous cède
la parole.
M. Fortin :
Oui, merci. Merci, M. le Président. Merci d'être… d'être avec nous aujourd'hui,
là, c'est un plaisir de vous entendre. De toute évidence, vous étiez… vous
étiez un incontournable pour la Commission, là, à voir… à voir l'étendue de ce
que vous suggérez. Sur le dernier point que vous venez de faire, là,
c'est-à-dire il n'y en a pas tant que ça, des médecins qui travaillent… qui
jouent au golf le vendredi, là, il y en a beaucoup qui… Il y a beaucoup
d'autres choses à faire à l'extérieur du… de ce qui est proposé dans le projet
de loi pour améliorer, pour rendre l'accès plus simple, il y a des
investissements à faire.
Je vous… Je vous lis ici, là, Mécanisme
trois, sous-traitance des services : « Une part importante de la
solution repose sur une augmentation substantielle du nombre de professionnels
non médecins en première ligne, l'élargissement de leur champ de compétences et
leur autonomie professionnelle, ainsi qu'un soutien à des modèles de pratiques
qui encouragent un travail interprofessionnel. » Effectivement, on l'a
entendu beaucoup puis on l'a entendu beaucoup en lien avec ce qui est proposé.
C'est-à-dire on ne peut pas proposer le modèle d'incitatifs à la performance,
là, ou de… disons, d'inscription ou de prise en charge collective liée à la
rémunération si on n'a pas ces outils-là, c'est-à-dire d'avoir toutes sortes
d'autres professionnels, d'avoir des… d'avoir une meilleure dotation de ces
postes-là, mais aussi d'avoir les outils technologiques et autres. Ça, là,
c'est-tu le plus grand morceau qui manque au Québec pour améliorer l'accès en
première ligne?
M. Contandriopoulos (Damien) :
Dans un contexte où les finances publiques ne sont pas infinies, donc des
ressources limitées, c'est en investissant dans ce domaine-là que je pense
qu'on obtiendrait le plus de soins pour l'argent investi. C'est là où on va
faire la plus grande différence pour la capacité des gens de voir quelqu'un
quand ils en ont besoin, d'avoir les services qui correspondent réellement avec
les besoins qu'ils ont et, ultimement de faire une différence en termes
d'amélioration de la santé de la population. Puis un élément que je veux mettre
de l'avant, c'est toutes les données le montrent, là, l'évolution
démographique, l'évolution en termes de technologie, les choses ne vont pas
s'améliorer dans les prochaines années. Donc, en dehors d'un effort important
et ambitieux, puis je pense que le projet de loi en question en fait
probablement partie, de transformer la façon dont on fait les choses, il y a un
mur dont on se rapproche. Donc, le commentaire était principalement à l'effet
que ce qui marche, c'est beaucoup le travail en équipe. Puis C'est rassurant de
voir commission parlementaire, même les fédérations dire : On est
d'accord. Après ça, il faut que les modalités soient au rendez-vous, et le
médecin qui embauche les gens qu'il a envie d'embaucher puis qui garde le reste
de l'argent dans sa poche, ce n'est pas porteur.
• (17 h 50) •
M. Fortin :
O.K. Tant… donc, je vais essayer juste de résumer ce que vous venez de dire,
là, pour m'assurer que je l'ai bien compris moi-même, là. Dans un contexte où
les finances publiques sont limitées, c'est quand même le meilleur
investissement. C'est-à-dire on est mieux de ne pas couper, là, ces
travailleurs de première ligne là. Hier, on a entendu des gens qui nous ont
dit : Bon, bien, faites attention, là, à l'urgence, chez nous, vous avez
coupé des travailleurs sociaux qui voyaient des patients en première ligne, qui
simplifiaient la vie de tous les autres professionnels, qui simplifient le
parcours aux patients aussi. Donc, même dans le contexte des finances
publiques, là, difficiles, disons, au Québec, c'est un investissement qui vaut
la peine d'être fait.
M. Contandriopoulos (Damien) :
Tout à fait, et dans le contexte où je sais que cette commission n'a pas envie
d'entendre parler de négociations des enveloppes avec les fédérations, mais ça
reste qu'historiquement la négociation avec les fédérations mène au fait que
les fédérations se débrouillent assez bien pour maintenir ou augmenter leurs
revenus. Et souvent, ça se fait au détriment des investissements dans les
autres secteurs. Donc, c'est un clou, je pense, qui vaut la peine de
taper : Attention! ultimement ce qu'on a investi en dehors de la
rémunération médicale, c'est dans des… dans d'autres professionnels qui
produisent des soins qui sont importants.
M. Fortin :
…consensus, M. le ministre, ça semble pas mal à un consensus celui-là…
M. Fortin :...entendu souvent. Je veux revenir sur votre... puis le
ministre l'a fait également, là, mais je veux juste m'assurer de bien l'avoir
saisi, l'enjeu de l'équité, entre autres entre les médecins de famille puis les
spécialistes. Puis, encore là, là, ce n'est pas tant un enjeu de négociation,
mais on est... puis peut-être que ça sort un peu du projet de loi n° 106, mais
je sais que votre connaissance dépasse pas mal le projet de loi n° 106, là, on
est la seule province qui laisse des places sur la table en matière de médecine
familiale. Alors, est-ce que l'enjeu d'équité est au cœur de ce problème-là ou
s'il est plus grave ou plus grand que ça?
M. Contandriopoulos (Damien) : Je
pense, il est plus grand que ça. Et je pense qu'entre autres les débats publics
qui sont actuellement en cours, des débats publics qui sont très
confrontationnels entre, d'une part, les médecins, qui accusent le projet de
loi n° 106 de tous les maux de la terre, parfois de façon, je pense, injuste...
et, en même temps, ce débat assez acrimonieux des négociations au moment où il
y a un effort législatif d'adopter un projet de loi, parce que les fédérations
sont en négociation au même moment, tout ça crée, dans le corps médical, un
sentiment de crainte, dans la population un sentiment de crainte. C'est des
choses qui mènent à, ensuite, le risque que des professionnels de la santé
décident de pratiquer ailleurs, décident de pratiquer dans le privé, décident...
et ça, c'est... c'est probablement indésirable, alors que je pense que,
fondamentalement, l'idée, par exemple, de changer le modèle de rémunération, de
mieux soutenir les équipes, c'est des choses qui seraient désirées par de
nombreux médecins. Donc, je trouve qu'il y a un désalignement là, puis c'est un
désalignement qui est problématique.
L'autre chose sur l'équité, actuellement,
effectivement, on voit que la médecine de famille n'est pas très attrayante, il
y a des places qui restent, et c'est... c'est vraiment problématique. Et, si je
reviens dans le passé, il y a... régulièrement le Québec s'est fait dire par
des commissions indépendantes, une répartition, en termes de l'effectif
médical, qui serait à peu près 60 % des omnipraticiens pour 40 % de
spécialistes, ça produirait plus de soins et plus de santé. On a encore, au
Québec, une forte majorité des médecins qui sont des spécialistes. Plus on va
maintenir un écart salarial important entre ces groupes-là, moins on va régler
le problème de la location de l'effectif.
M. Fortin :O.K.D'un côté, là, vous nous dites : Le projet
de loi n° 106, il est très ambitieux, puis, de l'autre côté, vous nous
dites : Il y a des très, très, très gros risques avec le projet de loi n°
106. Donc, d'un côté, la capitation, c'est quelque chose qui est ambitieux, si
je reprends vos propos, là, et qui peut avoir des résultats positifs. Et ça,
moi, je l'ai entendu d'à peu près tout le monde, là, que le mode de
rémunération doit être... doit être discuté, là, ça... c'est normal, on est
rendus là, on a même besoin d'en discuter puis de voir comment on peut mieux
l'adapter au... disons, à la réalité actuelle. De l'autre côté, il semble y
avoir une réelle différence d'opinions entre ce que le gouvernement propose et
ce que plusieurs groupes nous disent, incluant vous, sur la rémunération à la
performance dans un mode collectif, là. Et je vous cite, là : «Les données
probantes sur le sujet suggèrent que le potentiel du système de supplément
collectif proposé dans le projet de loi est au mieux très limité.» Et ça, c'est
la version diplomate. Tantôt, vous avez dit que ça pourrait être extrêmement
négatif. J'aimerais juste ça vous entendre sur l'effet potentiel d'une mesure
comme celle-là.
M. Contandriopoulos (Damien) : Il
y a deux effets négatifs, je pense, qui valent la peine d'être mentionnés. Le
premier, c'est un effet négatif sur l'éthique médicale. Beaucoup de littérature
montre que, si on paie les gens en fonction d'incitatifs financiers, au bout
d'un moment, le message qu'on donne aux professionnels, c'est : Cet
acte-là, ça, c'est désirable. Puis, par opposition, bien, tout ce qu'on... tout
ce à quoi on n'attache pas un incitatif, on est en train de l'étiqueter comme
étant indésirable ou non nécessaire. Or, dans le cas de la pratique médicale,
où c'est une pratique extrêmement complexe, avec beaucoup de facettes, c'est
très dangereux d'essayer de dicter le comportement professionnel. Ce qu'on voit
aussi, c'est que les professionnels qu'on incite fortement comme ça ont tendance
à jouer le système et ont tendance à adopter une compréhension de leur rôle qui
est une compréhension souvent étroite puis dans laquelle on va se dire :
Bien, si je ne reçois pas un montant pour ça, je ne le fais pas. Et donc, à
long terme, on finit par, entre guillemets, abîmer nos professionnels si
vraiment on essaie de les inciter trop fortement.
Puis, le dernier bout, c'est que ça ne
livre pas vraiment la marchandise. Malgré les sommes investies, quand le Québec
a essayé de changer le comportement des médecins en jouant avec des systèmes
incitatifs, un des résultats de l'étude qu'on avait publiée en 2018, c'est que,
généralement, les résultats ne sont pas... ne sont pas là. Il y a une grande
capacité de jouer le système, d'inertie, qui fait en sorte que les médecins
vont généralement réussir à toucher l'argent sans forcément modifier leurs
actions. Et, à ce niveau-là, bien, on investit de l'argent à des fins qui,
finalement, ne sont pas... on n'obtient rien avec l'argent qu'on investit...
M. Fortin :...toucher l'argent sans modifier leur comportement. Ça, ça
rejoint un peu ce que vous disiez tantôt, là. Ils facturent à la fin du mois,
ils n'ont aucune idée c'est quoi, l'incitatif, il est où, puis ils font juste y
toucher quasiment par hasard, des fois.
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui.
Ou bien, ils vont délibérément s'assurer de modifier leur comportement en
fonction de l'incitatif. Un exemple, c'est par exemple, en ce moment, on incite
les médecins à prendre en charge des... qui ont des maladies chroniques en
donnant des incitatifs pour ces patients-là. Certains médecins, ce qu'ils vont
faire, c'est qu'ils vont trouver des gens qui ont effectivement la maladie
chronique en question, mais qui sont stables et non problématiques. Puis ils
vont en enregistrer beaucoup, ils vont toucher les bénéfices puis ils ne vont
finalement pas investir leur temps à traiter des gens qui n'ont peut-être pas
le code incitatif, mais qui ont d'autres formes de vulnérabilité, l'extrême
pauvreté, des difficultés sociales, qui, eux, sont lourds, puis il n'y a pas
d'incitatifs. Et finalement, le système incitatif, ce qu'il fait, c'est qu'il
donne plus d'argent à des gens qui jouent le système et il ne correspond pas
vraiment à une meilleure réponse aux besoins de la société.
M. Fortin :Merci.
Le Président (M. Provençal)
:...M. le député. M. le député de
Rosemont. Je vous cède la parole.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Oui, merci d'être là. Merci pour le mémoire. C'est... C'est
instructif.
Vous avez parlé du volontariat qui a amené
beaucoup, beaucoup de médecins, là, les chiffres sont impressionnants, au BC,
là, où vous vivez maintenant, là. C'est vrai. Mais, on l'a dit tout à l'heure
avec un autre témoin, de un, ils ne partaient pas du même point en
rémunération, là. Ça, c'est clair. Vous avez peut-être un petit effet Trump
aussi qui fait remonter des médecins vers le Nord, ce qui ne risque pas trop
d'être notre cas ici au Québec pour des raisons de langue, quoiqu'on devrait
essayer quand même d'aller passer à la gratte au Vermont, peut-être, d'un d'un
coup que ça marcherait. Mais vos médecins, là, qui ont... qui ont eu un
mouvement de volontariat au BC, là, ils ont... ils n'ont pas eu juste une
épiphanie, là. Ils ont eu un chèque. Ils ont eu un gros chèque. Puis là, vous
l'avez dit, ça arrive parfois dans la nature humaine que les médecins vont
vouloir avoir une gratification salariale supérieure puis... Ici, ils sont déjà
très, très, très bien payés, là. Je ne pense pas qu'il est dans les plans du
gouvernement de leur donner plus d'argent pour susciter l'épiphanie en
question. Donc, comment on suscite le volontariat pour que justement ils passent
à un autre système puis qu'ils participent à ça?
M. Contandriopoulos (Damien) : Je
pense que le gouvernement contrôle assez bien les modalités dans lesquelles on
alloue l'argent des enveloppes pour les médecins. Donc, si par exemple le
gouvernement mettait en place le système qui est décrit dans le projet de loi
actuel, de capitation, et attachait des montants à ça, et en même temps jouait
sur les montants de l'acte actuel, la grande majorité, par exemple, en médecine
de famille, c'est des visites puis c'est... c'est plus 80 % du volume. Si
le gouvernement joue sur le montant de la visite pour la rémunération à l'acte,
c'est assez facile de jouer sur les paramètres qui feraient en sorte que, pour
un médecin, il est plus rentable de prendre le modèle de la capitation, que de
prendre le modèle de la rémunération à l'acte actuel.
• (18 heures) •
Et on peut le faire probablement à somme
neutre en allouant les sommes vers le nouveau modèle, puis en enlevant un petit
peu d'argent vers l'ancien. Et l'avantage de ça, c'est qu'on peut le faire sur
une base d'incitations relativement fines dans le temps pour contrôler le
mouvement des équipes médicales d'un ancien modèle vers un nouveau modèle. Et
je pense que la crainte que j'ai, c'est, dans une approche réglementaire
législative, on dirait à tous les médecins, du jour au lendemain : Voici
le nouveau modèle. Ça va créer des turbulences. Puis, bon, ce n'est pas un
système, le système de santé, dans lequel on veut qu'il y ait trop de
turbulences.
M. Marissal : Non, en effet,
il y en a déjà assez. Mais, à somme neutre, c'est donc dire que la
rémunération, grosso modo, des médecins ne change pas. C'est ce que vous voulez
dire?
M. Contandriopoulos (Damien) : C'est
tout à fait possible d'atteindre cet objectif-là à somme neutre. Après ça, si
que, dans un contexte de négociation, les sommes additionnelles que les
fédérations demandent pourraient être allouées à une incitation vers un nouveau
modèle, ce serait possible. Puis, je pense, c'est tous des paramètres qui sont
sous le contrôle du gouvernement. Mon principal point, c'est que, plutôt que
d'utiliser l'approche législative réglementaire de dire aux médecins, du jour
au lendemain : Voici les nouvelles règles, de dire : Voici de
nouvelles règles que vous pouvez choisir, et de laisser les gens faire les
calculs, puis de bouger. Ce qu'on a vu en BV, c'est qu'à l'intérieur de
18 mois presque tous les médecins ont bougé entre autres parce que c'était
beaucoup plus intéressant d'être dans le nouveau modèle.
M. Marissal : Merci, M.
Contandriopoulos. Je n'ai plus de temps. Merci beaucoup pour la participation.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci, M. Contandriopoulos, pour la présentation.
On va prendre quelque... quelque temps
pour approfondir votre mémoire. Mais, pour l'instant, avec les trois minutes
que j'ai devant moi, pouvez- vous nous rappeler quelles étaient les
recommandations de votre comité en 2018 et qu'est-ce qui distingue ces
recommandations-là de ce qu'on a dans le projet de loi, si on veut réviser la
rémunération des médecins?
M. Contandriopoulos (Damien) : En
fait, on voit un bel alignement à plusieurs niveaux...
18 h (version non révisée)
M. Contandriopoulos (Damien) : ...réformer
le mode de rémunération des médecins omnipraticiens, c'est une chose qu'on
recommandait. De considérer et un mode qui intègre capitation et/ou paiement en
fonction du temps, c'est quelque chose qu'on mettait de l'avant. Faire
attention à ne pas utiliser trop d'incitatifs, faire attention à l'effet
négatif sur le professionnalisme et ce comportement professionnel des
incitatifs, c'est aussi quelque chose qu'on disait, puis là je pense qu'on voit
l'inverse dans le projet de loi.
Donc, au final, je dirais que c'est, comme
j'ai dit au début, le jugement est nuancé, plusieurs éléments qui convergent,
et ça me fait plaisir de voir, et, en même temps, un certain nombre d'inquiétudes
sur aussi des mises en garde sur des leçons qui ne sont peut-être pas faites du
modèle actuel ou... depuis 20 ans, le Québec a investi massivement dans
des approches incitatives avec très peu de résultats positifs à démontrer.
M. Arseneau : Mais, en fait,
ça pose la question suivante... je comprends la logique gouvernementale qui dit :On
va essayer de mesurer la performance et donner des incitatifs pour justement
pouvoir absorber le trop plein de gens qui n'ont pas actuellement de prise en
charge, qui ne sont pas inscrits. Est-ce que c'est deux... Enfin, si on n'y
arrive pas par les moyens qui sont proposés, est-ce qu'il y a d'autres moyens d'y
arriver? Par exemple, en Colombie-Britannique, on a changé le mode de
rémunération, mais est-ce que la prise en charge et surtout l'accès aux
médecins et aux soins s'est améliorée?
M. Contandriopoulos (Damien) : On
n'a pas de données fiables, mais je dirais que non. Je dirais que la Colombie-Britannique
n'a pas fait ce qui serait central, ce qui est en partie présenté dans le
projet de loi, et c'est justement d'investir en dehors simplement du travail
médical. Le plus gros de la solution pour l'accès aux soins se trouve en dehors
des enveloppes de rémunération médicale et se trouve dans les investissements,
dans des structures de soutien à la pratique médicale, des choses qui ne vont
pas dans le compte en banque des médecins, mais qui font une grosse différence
dans leur jour à jour. Et ça, ça inclut les autres professionnels.
M. Arseneau : Mais, je ne veux
pas vous mettre des paroles dans votre bouche, mais c'est un peu ce que les
médecins nous ont dit : Mettez toute la pression que vous voulez sur nous.
Si on n'arrive pas à réorganiser les soins, on n'y arrivera pas.
M. Contandriopoulos (Damien) : Oui,
et si, encore une fois, les approches incitatives faisaient une grande
différence dans le volume de soins médicaux qu'on obtient, on aurait vu, dans
les 20 dernières années, des changements majeurs, on ne les a pas vus.
Donc, l'idée de penser qu'on va tout d'un coup, parce qu'on incite ou on
pénalise les médecins, voir une différence majeure dans le volume du travail
médical, je pense que c'est une illusion et c'est une illusion dangereuse parce
qu'elle va coûter de l'argent et elle ne va pas mener à des résultats.
M. Arseneau : Merci
infiniment.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, merci beaucoup de votre
contribution puis de votre participation à nos travaux. Ceci étant dit, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 06)
19 h (version non révisée)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bonsoir à tous. La Commission
de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. S'il vous plaît! Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité
collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux
services médicaux.
Ce soir, nous entendrons les témoins
suivants : Pre Roxane Borgès Da Silva, la GMF-U de Vaudreuil-Soulanges et
conjointement facultés de médecine de l'Université Laval, de l'Université de
Montréal, des sciences et de la santé de l'Université de Sherbrooke et sciences
de la santé de l'Université McGill.
Alors, de ce fait, je vais inviter
maintenant et saluer le premier groupe, alors le professeur Roxane Da Silva,
qui est accompagnée de monsieur... excusez-moi, M. Francesco Montani, O.K., professeur
agréé du département de gestion, d'évaluation et des politiques de santé.
Alors, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, on procède
aux échanges. Et je vous cède immédiatement la parole. Merci beaucoup.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les membres de
la commission parlementaire. Tout d'abord, on veut vous remercier de nous avoir
invités. Merci...
19 h 30 (version non révisée)
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
...beaucoup pour votre accueil. Je m'appelle Roxane Borgès Da Silva. Je suis
professeure titulaire au Département de gestion, évaluation et politique de
santé de l'École de santé publique de l'Université de Montréal. Je suis
chercheuse au Centre de recherche en santé publique de l'Université de Montréal
et fellow chercheuse au Cyrano également. Et je suis accompagnée de mon
collègue Francesco, que je vais laisser se présenter.
M. Montani (Francesco) : Bonjour,
Francesco Montani, professeur agrégé en gestion des ressources humaines au même
département et chercheur au centre de recherche en santé publique.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors,
vous voyez son bel accent, il nous arrive d'Italie. On l'a recruté, on est très
content de faire venir l'expertise en ressources humaines d'Italie. Donc, le
Département de gestion, évaluation et politique de santé forme depuis plus de
60 ans des experts en analyse des systèmes de santé. Il forme également
des gestionnaires et des décideurs en santé. Plusieurs d'entre eux, d'ailleurs,
occupent des postes de P.D.G. et de cadres de haut niveau dans le réseau de la
santé et au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Ce mémoire, comme vous l'avez vu, est le
fruit d'un collectif de rédaction composé de professeurs et étudiants de ce
département qui, voyant le projet de loi... bien, publié ont voulu... ont eu à
cœur de se mobiliser pour partager leur expertise et leurs connaissances dans
leur domaine : l'économie de la santé, la gestion en santé, la gestion des
ressources humaines en santé, la gouvernance, l'évaluation, la santé publique
et, de manière générale, l'analyse des systèmes de santé, tout ça en lien avec
le projet de loi n° 106.
Donc, vous avez vu qu'on vous a fait
parvenir... bien, j'espère, en tout cas, que vous l'avez vu, un mémoire qui est
assez conséquent, avec une liste de quotas également. Donc, ce mémoire, en
fait, aborde le projet de loi sous différents angles et propose neuf éléments
clés ou recommandations.
Alors, d'abord, on voudrait souligner...
bien, en fait, les membres du département souhaiteraient souligner.. .souhaitent
souligner... en fait, souhaitent saluer la volonté du gouvernement de vouloir
impliquer davantage les médecins dans l'accès aux soins et de rendre plus
efficientes les activités des médecins.
Premier élément : les modes de
rémunération. Je pense que vous en avez entendu beaucoup parler, on pourra en
reparler si vous voulez, mais tous les mécanismes de paiement, qu'il soit
rétrospectif, comme l'acte, ou prospectif, comme la capitation, ont des
avantages et des inconvénients qui sont très bien documentés dans la
littérature scientifique. Le fait de combiner un paiement rétrospectif, comme l'acte,
à un paiement prospectif, que ce soit un forfait annuel ou la capitation, est
souvent vu comme une meilleure solution. L'enjeu ici, c'est de savoir quelle
est cette combinaison dont on a besoin au Québec, d'autant plus que cette
combinaison pourrait être variable en fonction des milieux de pratique,
première ligne versus hôpital, et des contextes géographiques, rural versus
urbain. Donc, dans ce contexte, les membres du département recommandent que
vous passiez le temps nécessaire à faire des études et des simulations pour
trouver les bonnes combinaisons de rémunération pour les différents milieux de
pratique et milieux géographiques.
Deuxième élément : la performance. La
performance, la responsabilité et l'imputabilité des soins et services de santé
ne peuvent pas être basées sur un seul type de professionnel, le médecin. Nous
le savons, c'est en équipe que les professionnels de santé travaillent pour
soigner et offrir des services de santé. L'équipe de soins doit être solidaire
et travailler en collaboration pour atteindre des objectifs communs. C'est donc
des indicateurs de performance organisationnelle, par exemple au niveau du GMF,
qu'il faut mettre en place et non pas des indicateurs au niveau individuel, que
ce soit sur... bien, basé sur la pratique... le médecin ou sur l'infirmière,
par exemple, ni des indicateurs au niveau régional ou systémique qui pourraient
être trop lointains et qui seraient difficile, en fait, à contrôler pour les
professionnels de santé. Il faut co-construire ces indicateurs en partenariat
avec les cliniciens, les gestionnaires, les patients et les citoyens, et il
faut surtout aller au-delà du volume de soins — la performance, ce n'est
pas uniquement du volume, comme on a pu l'entendre à un certain moment — et
co-construire un ensemble d'indicateurs qui portent à la fois sur les résultats
de soins, sur les processus, la qualité, l'accessibilité, la continuité et
intègre l'expérience de soins et la satisfaction des patients.
Troisième point : la rémunération à
la performance. La littérature indique que la rémunération à la performance au
niveau individuel n'a pas fait ses preuves. Plusieurs collègues experts l'ont
évoqué. La performance ne devrait pas faire l'objet d'une rémunération
individuelle, si on se base sur la littérature et si on ne veut pas reproduire
les écueils internationaux. Elle pourrait en revanche faire l'objet de
compensations organisationnelles, pas forcément monétaires. On pourra en
reparler dans les questions, si vous voulez.
Les tâches administratives des médecins.
La littérature scientifique montre que les professionnels de santé, et vous
pourrez lire dans le mémoire qu'on a soumis, médecins compris, passent une
partie de leur temps de travail à des activités que nous appelons non
cliniques. Mais nous ne disposons d'aucune donnée au Québec sur l'ampleur de
ces tâches administratives et sur le temps alloué à ces tâches par les
médecins. Le cœur du travail des professionnels de la santé, que ce soient,
bien, médecins, infirmières, etc., devrait être constitué d'activités
cliniques. Il est donc important de documenter précisément ces différentes
tâches administratives réalisées par les médecins ainsi que leur temps passé à
réaliser ces tâches et de proposer des solutions plus efficientes pour décharger...
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...les
médecins de ces tâches.
Cinquième point : substitution et
complémentarité des professionnels. L'amélioration de l'accès aux soins, sans
délaisser la continuité, ne doit pas reposer uniquement sur le médecin. Il faut
poursuivre et intensifier les travaux afin de renforcer les rôles et
responsabilités des professionnels de santé non médecins et faciliter la
collaboration interprofessionnelle dans le but d'utiliser tous les
professionnels à la hauteur de leurs compétences et ainsi faire des gains
d'efficience dans l'utilisation des ressources humaines. Quand je dis tous les
professionnels, je parle d'infirmières, travailleurs sociaux, ergothérapeutes,
physiothérapeutes, pharmaciens, nutritionnistes, psychologues, et j'en oublie
certainement.
La pertinence des soins, c'est mon sixième
point. Il faut s'assurer... Puis là, on a vu que M. le ministre a ouvert la
commission avec des remarques préliminaires qui portaient justement sur la
pertinence, et on est bien d'accord avec vous. Il faut s'assurer que les modes
de financement et de rémunération... ou de rémunération en tout cas et
d'organisation des services favorisent la diminution des actes non pertinents
qui peuvent atteindre jusqu'à 30 %. Il faut aider les patients et les professionnels
de la santé à donner et obtenir les bons soins au bon moment au bon endroit et
par la bonne personne en simplifiant par exemple les nombreuses portes d'entrée
dans le système de soins de santé. Vous le savez, si je souhaite avoir un
rendez-vous avec le médecin, je peux appeler au 8-1-1, appeler à Rendez-vous
Santé Québec, Clic... je peux passer par Clic Santé, un appel au GAP pour
ensuite avoir un rendez-vous dans une clinique sans rendez-vous, un CLSC, un
GMF ou peut-être à l'urgence. Donc, ça fait beaucoup de portes d'entrée du
système de soins.
Le point 7 : l'affiliation à un
milieu soins de proximité. L'affiliation des citoyens et citoyennes à un milieu
de proximité lié à sa communauté est une voie qui nous paraît intéressante.
Cette solution doit toutefois s'accompagner de mesures pour assurer au patient
une continuité relationnelle avec un soignant, c'est primordial, un soignant
qui est bien spécifié dans l'organisation, que ce soit un médecin, une
infirmière ou un autre professionnel.
Point huit : la gouvernance. Il faut
s'assurer... Il faut assurer, pour les structures de première ligne, une
gouvernance territoriale, par exemple au niveau du RLS ou au niveau du CLSC,
qui soit participative, transparente pour soutenir la santé de la population,
l'engagement et la cohésion organisationnelle.
• (19 h 40) •
Et je finirai avec le point neuf :
les aspects de santé publique. On vient de l'École de santé publique, il faut
bien le dire, quand même. Il faut qu'on augmente les efforts de promotion de la
santé et de prévention afin d'améliorer à long terme, bien, les habitudes de
vie, etc., et la santé de la population, et ainsi libérer des ressources qui
pourraient être consacrées aux soins de première ligne.
En conclusion, le passage d'un mode de
rémunération majoritairement rétrospectif, l'acte à prospectif, la capitation,
ne doit pas se faire sans être accompagné d'autres modes de rémunération. Des
études et des simulations, comme je vous le disais, sont nécessaires pour
s'assurer de trouver la bonne combinaison des modes de rémunération pour chacun
des contextes de pratique, et chacun des contextes géographiques, et pour
éviter les écueils des expériences internationales.
Par ailleurs, la rémunération des médecins
ne devrait pas représenter le seul levier d'action pour améliorer l'accès aux
soins et aux services. Il faut mettre en place des indicateurs de performance
organisationnelle en première ligne pour améliorer le partage des activités et
la collaboration interprofessionnelle. Améliorer la pertinence des soins,
investir en santé publique font des... font partie des leviers incontournables
pour améliorer l'accès aux soins et services. Ces leviers d'action ne sont
réalisables qu'à condition d'investir les ressources humaines, matérielles,
organisationnelles, informationnelles et financières nécessaires pour les
mettre en œuvre. Merci pour votre attention.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de votre présentation.
Alors, M. le ministre, on va débuter avec vous pour le premier bloc d'échange.
M. Dubé : Oui, M. le
Président, merci beaucoup. Alors, comme je le dis souvent, merci de vous prêter
à cet exercice-là. Puis, quand je regarde la profondeur de votre rapport, là,
ça me dit que vous avez travaillé fort pour préparer ce document-là. Puis je
tiens à vous remercier parce que vous faites ça de façon bénévole. C'est...
C'est vraiment apprécier qu'on ait cette qualité-là d'information.
Ce qui est... Ce qui est toujours notre
défi, c'est que, quand on dit... Puis là je vais faire une comparaison, parce
que moi, j'ai une admiration pour l'Italie, j'ai eu la chance de travailler là
quelques années, il y a juste une façon de faire un tiramisu, mais il y en a
qui le réussissent puis d'autres, pas, hein? Alors là, vous nous parlez de
votre recette, qui n'est pas toujours la même que celle qu'on a entendue de
plusieurs autres personnes. Ça fait que je vais essayer de... parce que vous
avez tellement de recommandations puis... que je vais essayer d'en prendre
quelques-unes puis vous entendre pour voir. Parce que, quand on fait un projet
de loi de cette importance-là, puis il y a quelqu'un qui l'a dit cet
après-midi, il n'y a pas de réponse parfaite, hein? On a mis quelque chose sur
la table, et je pense qu'on a essayé de mettre au...
M. Dubé : ...je reviens
souvent avec ça, les grands principes, parce qu'on met la négociation... les
chiffres sont aux tables de négociation, les principes de la rémunération, ils
sont dans le projet de loi. Ça, c'est clair, je pense, de plus en plus pour
tout le monde, au fur et à mesure. Et les deux grands principes... puis j'y
reviens parce que je vais vouloir parler des principes, les deux grands
principes, c'est la simplification de la méthode de rémunération pour les
médecins de famille, ça, tout le monde le comprend maintenant, ce qui n'est pas
le... ce qui n'est pas le cas avec les médecins spécialistes. Ça va? On se
concentre sur : pour les médecins de famille, c'est simplifier la... le
mode de rémunération. Et, par contre, dans les deux cas, on veut avoir une
formule qui tient compte des résultats, donc une rémunération, un incitatif à
la... au résultat, combiné avec des cibles. D'accord? Ça, c'est... je dirais,
c'est les grands, grands, grands principes.
Il y a un point que vous avez dit tout à
l'heure puis... c'est parce que, mes collègues ont raison, on est en
négociation en parallèle pour... comme je dis, au niveau de la rémunération,
puis je pense autant aux spécialistes... Puis c'est un... il faut faire
attention de ne pas traverser cette ligne-là, parce que nous, on est ici pour
le projet de loi, on n'est pas ici pour la négociation. Mais je voulais juste
vous rassurer sur une chose, parce que vous avez dit, dans votre présentation,
là... puis je vais le relire avec beaucoup d'intérêt, mais là, quand on voit un
groupe, on... aujourd'hui je pense qu'on voit neuf groupes, là, c'est difficile
d'avoir une appréciation exacte de tout le travail que vous avez fait, mais
vous avez dit tantôt : J'espère qu'il y aura assez de... je ne sais pas si
vous avez dit de simulations, pour être sûr que les modèles... que mes
modèles... le modèle qu'on a proposé puis qui est en négociation va avoir été
assez élaboré pour permettre de bien évaluer les différents... Je veux juste
vous rassurer là-dessus. On n'est pas capables d'en parler aujourd'hui, mais il
y a eu beaucoup de travail qui ont été faits au niveau du ministère pour être
capable de dire : Bien, si on faisait tel pourcentage de capitation, tel
pourcentage d'actes et tel pourcentage de salaire, parce qu'il y a une
rémunération horaire... je ne devrais pas dire «salaire», mais de rémunération
horaire qui a été mis dans l'ensemble... Dans le projet de loi, on dit :
Le principe, c'est qu'il y a trois composantes, mais on n'est pas rentré dans
le détail dans le projet de loi. Ça, c'est ça qui va se discuter et qui se
discute aux tables. Est-ce que ça va? Mais je veux juste dire que j'en ai vu
plusieurs, simulations, je veux vous rassurer, mais ça, on ne peut pas en
parler aujourd'hui ici. Ça va? On se comprend?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Oui, oui.
M. Dubé : Mais c'est...
c'était un des... Mais le point que vous vouliez faire, c'était surtout,
j'entends : J'espère qu'il y aura un éventail de simulations qui ont été
faites pour essayer de prévoir tous les cas. Est-ce que c'est ça que vous
vouliez dire?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : En
fait, je vais vous donner un exemple. On a... Avec ma collègue Erin Strumpf, on
a évalué les premiers incitatifs qui ont été mis en place pour la prise en
charge des patients avec les GACO. Au départ, c'était 100 $ pour les
patients...
M. Dubé : Quand vous parlez
du GACO, vous parlez du GAP, là, parce que moi...
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui.
Avant, c'étaient les GACO, guichets...
M. Dubé : Ah! O.K.
Excusez-moi.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Excusez-moi. Moi, je fais partie des vieux.
M. Dubé : On aime ça, les
acronymes, hein, en santé, c'est...
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Guichets
d'accès aux clientèles orphelines.
M. Dubé : Oui, voilà. O.K.
Parfait.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Avant, ça s'appelait comme ça. En fait, avec ma collègue Erin Strumpf, on a...
on a évalué, donc, l'impact de la prise en... en fait, de ces incitatifs...
M. Dubé : Ça, vous l'avez
fait dans un rapport?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui,
dans un rapport CIRANO, qui est... qui est disponible en ligne.
M. Dubé : Que je n'ai pas vu.
Alors, encore...
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non,
mais il est cité en référence, donc vous pourrez le retrouver après si vous
souhaitez. Donc...
M. Dubé : Merci beaucoup. Ça
m'intéresse. O.K.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Donc,
en fait, on a montré... en fait, au départ, c'était 100 $ pour les
patients qu'on donnait aux médecins à l'intégration d'un patient en bonne
santé, si je peux dire, et 200 $ à l'intégration d'un patient avec
différentes maladies chroniques. Évidemment, ce qui s'est passé, c'est que les
médecins ont eu beaucoup... étant donné leur charge de travail très élevée
déjà, ont eu plus d'intérêt à aller chercher des patients en santé que des
patients en moins bonne santé qui leur demandent beaucoup plus de travail.
Donc, en fait, ce que je veux dire par des simulations, c'est : Évitons
des écueils comme ça, travaillons les modèles comme il faut pour s'assurer que
les incitatifs qui vont être mis en place seront les bons, et voilà.
M. Dubé : Oui.D'ailleurs,
je dois vous dire... puis je n'ai pas vu cette analyse-là, donc je vais la voir
avec beaucoup d'intérêt parce que je pense que... d'ailleurs, c'est pour ça
qu'on prend les prochaines semaines, prochains mois pour avoir le temps de
regarder ces différentes simulations là. Puis l'exemple du GAP, ou du GACO, là,
comme vous dites, c'est un bel exemple. Puis d'avoir mis, par exemple... dans
la deuxième itération, on a été capables de dire : Bien, il y aura une
portion qui va être payée tout de suite puis l'autre portion qui va être
payable au moment où le patient a été réellement vu. Ça fait que je pense qu'on
a appris des premières expériences. Ça fait que je voulais juste vous rassurer
là-dessus.
Il y a une chose que je veux vous
entendre, puis là je ne retrouve pas la section, c'est quand vous parlez de
l'aspect territorial. Ça, je veux vous entendre là-dessus parce qu'on a entendu
beaucoup...
M. Dubé : …là, je ne veux pas
influencer votre jugement, donc je le pose vraiment comme une question ouverte.
Ce qui m'a beaucoup surpris, c'est qu'il semblait avoir une certaine
acceptation, puis je le dis dans mes mots, là, une certaine acceptation pour
une performance qui serait locale, peut-être... peut-être territoriale, mais on
semble avoir une difficulté d'acceptation pour une performance nationale.
Est-ce que vous avez entendu d'autres commentaires qui ont été faits ici? Là,
vous avez…
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Oui, on a pas mal tout écouté, on était curieux.
M. Dubé : Bon, non, c'est
correct. Est-ce que… quelle est la… quel est votre… En résumé, parce qu'on n'a
quand même pas beaucoup de temps. Mais sur ça, j'aimerais ça vous entendre.
Comment vous… en supposant, là, qu'on s'entendrait sur certaines cibles… je
veux vous entendre sur cet aspect-là, là, local versus territorial versus
national.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Alors, là vous parlez des cibles performance, pas de l'inscription obligatoire
à un médecin .
M. Dubé : Non, je ne parle pas
de l'inscription. Je reviendrai sur l'inscription si on a assez de temps.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
O.K. Sur les cibles de performance.
M. Dubé : Moi, je parle plus
l'aspect performance qui serait lié soit aux trois, c'est-à-dire local,
territorial ou national, ou un seul. Mais ce que j'ai entendu à date, c'est que
les gens disent : plus qu'on s'éloigne du quotidien des médecins, du
personnel, plus on se dit : Bien, ça, ce n'est pas mon problème. Puis ne
venez pas me mesurer sur quelque chose que je ne contrôle pas. C'est ce que…
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
C'est exactement ça, en fait.
M. Dubé : Est-ce que c'est
votre position aussi?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Oui, absolument. Mais sauf que notre position va plus loin. C'est que nous, ce
qu'on pense, c'est qu'il ne faut pas mettre des indicateurs… en fait, des cibles
à la performance basées sur un seul professionnel. Nous, la position qu'on a
dans le mémoire, c'est de mettre… en fait les collègues, on s'est réuni, on a
fait plusieurs rencontres puis on a rédigé ce document-là. La position, c'est
de mettre plutôt des performances… des indicateurs de performance au niveau
organisationnel, où toute l'équipe de soins va être imputable. Et là, selon
nous la…
M. Dubé : Mais donnez-moi un
exemple, là, parce que… oui, O.K.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Oui. Alors, je vais vous donner un exemple. En fait, je veux juste finir. Donc
en fait, le bonus ne serait pas individuel, mais le bonus serait plus à
l'organisation. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'un GMF qui atteint
ses cibles qui lui sont… bien, qui sont déterminées, va avoir peut-être une
compensation avec une demi-infirmière de plus ou un demi-travailleur social de
plus, ça pourrait être en fait des compensations non monétaires, plutôt en
ressources humaines.
• (19 h 50) •
M. Dubé : Ah! c'est ça que
vous disiez tantôt, non monétaires, mais…
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Oui, Plus en ressources humaines.
M. Dubé : …de fournir du
personnel additionnel.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Par exemple, oui.
M. Dubé : Ce qui est une
discussion qu'on a eue aussi beaucoup au cours des derniers jours, là.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Et qui pourrait permettre finalement aussi de contrer… en fait, d'avoir une…
des cibles de performance organisationnelle, qui permettraient de contrer ces
enjeux de la capitation qui peuvent inciter à moins produire puisqu'en fait…
donc d'avoir des cibles… les médecins vont être…
M. Dubé : Non, je comprends.
Maintenant je comprends ce que vous avez dit tout à l'heure. Mais à chaque fois
que j'entends ça, là, vous venez de dire puis c'est peut-être moi qui ai mal
compris, mais que quand on parle de capitation, vous avez l'air d'avoir un
enjeu de… là, je ne dirais pas de volume, mais oui, c'est un peu ça que vous
venez dire. Alors, moi, c'est drôle parce que la… peut-être je n'ai pas la
bonne compréhension de capitation, mais la capitation veut juste s'éloigner
justement du volume. Alors, c'est quoi votre enjeu avec la capitation?
Peut-être… ça dépend comment on la définie.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Bien, ce n'est pas mon enjeu à moi, là, c'est en fait la littérature
scientifique qui nous dit qu'en fait, autant la... Dans la rémunération à
l'acte, les gens vont être encouragés à faire de la productivité et d'en faire
beaucoup, à la capitation, les gens vont beaucoup plus être encouragés à plutôt
en faire moins et à déléguer beaucoup et à travailler en collaboration
interprofessionnelle.
M. Dubé : O.K., donc ce n'est
pas négatif comme…
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Non, ce n'est pas négatif du tout. C'est juste qu'ils ne seront pas encouragés
à faire du volume.
M. Dubé : Ah! O.K. O.K. là,
j'étais inquiet un peu parce que… O.K.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Non, non, ils ne seront juste pas encouragés à faire du volume comme on peut…
comme l'acte peut l'encourager.
M. Dubé : Et pourquoi la
capitation encourage le travail d'équipe? Je suis content, Docteur Bergeron,
parce qu'à date ça va bien, on… on ne s'est pas pas trompé. Mais
qu'est-ce…qu'est-ce qui est… selon vous, dans la capitation qui encourage le
travail d'équipe?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Bien, en fait, quand le médecin reçoit un forfait ou un montant, en fait,
annuel par type de patient, le médecin va avoir… en fait, avec l'acte, il a… il
a besoin de voir le patient pour pouvoir facturer. Avec la capitation, il a ce
paiement qui est en fait prospectif, qui fait qu'en fait il n'a pas besoin de
voir forcément le patient, mais par contre, comme un patient par exemple,
malade chronique aurait besoin de faire des suivis d'hémoglobine ou quoi que ce
soit ou… eh bien là il peut déléguer à l'infirmière le suivi, tant que le
patient est…
M. Dubé : Ah! c'est clair,
O.K. On se comprend bien.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
…n'est pas complexe si je peux dire, dès que le cas se complexifie, alors là le
patient peut le voir lui-même.
M. Dubé : Mais je reviens sur
la notion de local, territoire et national. Maintenant que vous m'avez dit ce
point-là sur la capitation, je reviens, vous dites, vous, ce n'est pas
tellement des cibles de résultats, mais des cibles… bien, ce n'est pas des
cibles de résultats individuels, mais…
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Organisationnels.
M. Dubé : Organisationnels,
c'est comme… Mais qu'est-ce qui nous empêcherait d'avoir…
M. Dubé : ...mais nous, ce qui
est proposé dans le projet de loi, là, puis je ne dis pas qu'on ne s'ajustera
pas, mais au niveau territorial? Parce que moi, ce que j'entends, puis j'ai
donné cet exemple-là, excusez-moi si je me répète, là, mais, rapidement, j'ai
deux GMF sur l'île de Montréal. J'en ai une qui est dans l'est de Montréal, qui
a besoin de personnel puis que les objectifs qu'on pourrait lui donner sont en
dehors des normes parce qu'il y a un manque de personnel, comment je fais pour
que le GMF, qui est un petit peu plus au centre de Montréal, pourrait venir les
aider de temps en temps? C'est de ça qu'on parle, d'un territoire. Mais est-ce
que vous avez un problème avec ça ou...?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Mais
non, c'est sûr qu'il faudrait qu'il y ait un partage entre les deux GMF pour
s'assurer de répondre aux besoins de la population. Et il peut y avoir une responsabilité
populationnelle... en fait, territoriale. C'est-à-dire que j'habite entre telle
et telle rue, je suis affilié au GMF qui se trouve dans ce quartier-là, un peu
comme on le fait avec les écoles primaires.
M. Dubé : Oui. Bien, j'aime
ça, l'exemple des écoles parce que c'est ça, l'enjeu.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui,
bien, moi aussi, je l'aime beaucoup. Et on a vu qu'en Norvège, aux Pays-Bas...
en tout cas, aux Pays-Bas, en Belgique, ça fonctionne, donc... et c'est écrit
dans le mémoire. Mais donc, c'est quelque chose qui pourrait fonctionner, mais
il faut faire attention au fait que, bien, ce qu'on voit dans les expériences
internationales, notamment aux Pays-Bas et Belgique, c'est que c'est
l'affiliation à un médecin et non pas à une organisation. Et nous, on a du mal
au Québec à affilier aux médecins. Donc, c'est pour ça que nous, on recommande
une affiliation à une organisation. Mais il va falloir s'assurer, dans cette
affiliation à l'organisation, de maintenir la continuité relationnelle et de
partager...
M. Dubé : Mais comment on
fait ça? Parce qu'on en a parlé hier avec la Dre Leblanc. Je ne sais pas si
vous l'avez écoutée, elle.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Oui, Isabelle, oui.
M. Dubé : Puis on disait
que... là, j'avais une mauvaise expression de parler d'un quart-arrière, là,
c'est-à-dire en langage de football, là, c'est qui... Parce que si on fait une
affiliation globale ou organisationnelle... mais ça prend toujours quelqu'un
qui...
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Absolument.
M. Dubé : Est-ce que, selon
vous, c'est nécessairement le médecin?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non,
ça devrait être... ça pourrait être l'infirmière, ça pourrait être un
travailleur social pour une personne... pendant une période pour une personne
qui a des enjeux et qui est un peu désorganisée ou quoi que ce soit. Donc, il
faut absolument, et comme je le disais, répartir les activités entre les
professionnels et utiliser les professionnels de santé à leur plein potentiel,
ce qu'on ne fait pas actuellement au Québec, et ce qui nous permettrait de faire
des énormes gains d'efficience.
M. Dubé : Est-ce que ça a
besoin d'être un professionnel? Puis je m'excuse de le dire comme ça, mais j'ai
vu... j'ai vu une belle GMF à Québec où... récemment, j'ai visité pendant qu'on
discutait ça, où il y a un administrateur ou une administratrice de la GMF, qui
est une personne qui a fait un bac en administration, qui n'a aucune... bien
là, elle commence à en avoir, des connaissances professionnelles, mais elle n'a
pas de diplôme en santé, mais c'est elle qui gère la GMF. Est-ce que c'est...
Le quart-arrière dont je parlais tantôt, est-ce que, selon vous, ça a besoin
d'être un professionnel?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Le
gestionnaire, absolument pas, au contraire.
M. Dubé : Oui, non, mais
est-ce que ça pourrait être la personne désignée, comme le responsable de cette
coordination-là?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Absolument,
mais, par contre...
M. Dubé : Ah, oui? ça peut
aller jusque là, selon vous?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Ah!
bien oui, tout à fait. Regardez dans les hôpitaux, les P.D.G. ne sont pas
des... ne sont pas forcément des médecins. Vous-même, en tant que ministre,
vous n'êtes pas forcément un médecin.
M. Dubé : Tant mieux.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : On
n'a pas besoin de... on n'a pas besoin d'avoir un médecin qui soit absolument
un gestionnaire.
M. Dubé : Non, mais je vous
pose la question parce que si... Puis là, je pense à n'importe quel patient qui
dit : Tant mieux, moi... si jamais, avec notre projet de loi, c'est une
nouvelle personne affiliée, est-ce que ça pourrait être le gestionnaire de la
GMF à qui on dit : Maintenant, si tu as un enjeu, là, tu sais que c'est
tel GMF puis c'est telle personne, puis elle va s'assurer de te coordonner avec
le médecin, si c'est un besoin d'un médecin? Est-ce qu'on pourrait aller jusque
là, selon vous?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors,
attention, là, je veux juste être sûr qu'on s'entende bien, parce qu'un
gestionnaire, donc quelqu'un qui est formé en gestion, peut gérer un GMF, gérer
une structure de santé et coordonner le travail des travailleurs à
l'intérieur...
M. Dubé : Donc, vous n'iriez
pas jusque là.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Attendez,
laissez-moi finir, je veux juste...
M. Dubé : O.K., excusez-moi,
pardon.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...dire
ça. Par contre... Il reste une minute, je me dépêche. Par contre, ce que je
veux dire, c'est que, pour tout ce qui est la responsabilité clinique, les
enjeux de santé, c'est sûr que ça ne peut pas être le gestionnaire, là, pour
des questions d'éthique et de confidentialité et de risque.
M. Dubé : Non, mais c'est
parce que j'ai entendu jusqu'à cet extrême-là puis je voulais l'entendre de
votre part, parce que moi, je ne pense pas qu'on peut aller là.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Non, non, je...
M. Dubé : O.K., mais ça peut
être autre que le médecin, selon vous.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : L'infirmière,
le travailleur social, sans problème.
M. Dubé : Il y a beaucoup de
choses que je voulais vous... mais... comment qu'il me reste de temps?
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Dubé : 30 secondes.
Je vais prendre 30 secondes pour vous remercier. Puis j'aimerais ça vous
parler en italien, mais pas ce soir. (S'exprime dans une langue étrangère).
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Pontiac, prenez la
relève, s'il vous plaît, pour l'échange.
M. Fortin :
Oui, en français. Bonsoir. Merci d'être...
Une voix : ...
M. Fortin :
Certainement...
M. Fortin :...merci d'être parmi nous.
O.K. Je vais... Je vais... J'essaie de
comprendre la logique du ministre, là. Vous lui avez dit, puis il y a... il y a
plusieurs groupes qui lui ont dit, et, je pense... il l'a répété, alors je
pense qu'il l'a entendu, là, plus on s'éloigne du contrôle que le professionnel
a sur l'objectif envers lequel il est rémunéré, moins c'est efficace. Alors là,
le ministre nous dit : Oui, mais dans mon objectif territorial - je pense
qu'on comprend tous, là, l'idée - un GMF, là, vous nous dites, à l'intérieur
d'un groupe de médecine familiale, ça peut peut-être fonctionner. Mais là,
c'est comme si on essaie de tirer : O.K., est-ce qu'on peut l'amener au territoire?
Et le ministre utilise l'exemple d'un GMF dans l'est puis un GMF au centre de
Montréal, comment est-ce qu'on s'assure qu'il peut y avoir des ressources
partagées pour que les deux soient efficaces. Mais, dans votre exemple, tu as
une école là. Parce que c'est un peu ça. C'est le modèle de l'école, là, qui
est... qui est suggéré. Est-ce que c'est la rémunération du prof de l'école du
centre qui doit être affecté si on ne réussit pas à faire ça efficacement?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non.
Selon moi, non.
M. Fortin :Bien, c'est un peu la même chose, là. C'est la... Là, ici,
on vient mettre une rémunération basée sur la performance du médecin d'un GMF
pour l'ensemble des résultats qui sont obtenus, là.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Mais
la... C'est important de ramener ce qu'on dit dans le mémoire. C'est que la
rémunération à la performance des individus, et notamment des médecins, n'a
clairement pas fait ses preuves dans... que ce soit en Angleterre, dans les
pays scandinaves ou en Europe. La seule... Le seul endroit où il y a eu des
petites preuves, des effets modestes, positifs, c'est sur ce qu'on appelle la
ROSP, la rémunération sur objectifs de santé publique en France. Donc, c'est
vrai que sur certains indicateurs, plus de Pap tests, plus de mammographies. On
a vu, pour certains médecins une amélioration. Mais on n'est même pas capable
d'isoler les faits sérieusement et de confirmer qu'il faut rémunérer à... bien,
que c'est cet... bien, que c'est la ROSP qui a entraîné ça. Donc, en fait, ce
que je veux dire, c'est que c'est vraiment important d'éviter les écueils,
selon moi, de ce qui s'est passé à l'international. Et, bien, selon moi et
selon ce qu'on a dit au département, de ne pas rémunérer individuellement la
performance, mais de penser à des compensations non monétaires, par exemple, au
niveau organisationnel.
• (20 heures) •
M. Fortin :Bien, la rémunération individuelle à la performance, là, il
y a, en ce moment, là, des bonus, des incitatifs pour toutes sortes d'objectifs.
Est-ce qu'on devrait faire table rase de tous ceux qui sont en place? Ou vous
nous dites vraiment c'est... c'est de la façon que c'est amené, là, dans le
projet de loi, et que ça a été amené dans d'autres juridictions?
M. Montani (Francesco) : Non.
Mais ça ne peut pas être le seul moyen. Alors, la littérature scientifique est
assez claire, hein? Parce que, si on utilise uniquement ce moyen, c'est une
forme de motivation extrinsèque qu'on va pousser. Et on sait bien que, si on
agit uniquement cet accélérateur extrinsèque, ce qui va se créer, c'est une
perte motivationnelle et une perte du sens. Nous, on a bien souligné, nous,
l'importance de miser l'accent sur le sens du travail. Et, pour faire ça, donc,
on considère, dans la logique des indicateurs majeurs au niveau
organisationnel, d'autres éléments comme par exemple le climat organisationnel
ou les capacités de coordination interprofessionnelle, hein? Le projet de loi
montre bien l'importance du travail en équipe... on a juste un mot clé. Mais
alors, ce n'est pas uniquement d'avoir une équipe, que l'équipe va fonctionner.
Il faut savoir bien lubrifier l'équipe, et de manière... en fournissant les
compétences, du travail de coordination, qui deviennent donc des indicateurs
non liés nécessairement à une rémunération individuelle, mais une cible
collective qu'il est important de mettre en évidence et de pouvoir réaliser.
Voilà.
M. Fortin :Le professeur Contandriopoulos tantôt nous a dit un peu ça.
Ça ressemblait beaucoup à son propos, là, sur... du moins sur les indicateurs
de performance, la rémunération liée à la performance. Moi, ce que je suis
curieux, là, c'est une performance à l'intérieur, par exemple, d'un GMF, là,
c'est-à-dire avec des séries d'objectifs qu'on s'est données pour le GMF,
est-ce qu'il faut que ces indicateurs-là soient représentatifs de toutes les
tâches qui sont effectuées par les médecins, par exemple? Parce qu'il y a
beaucoup de groupes qui nous ont dit : Là, on a un vrai problème, là, de
la façon qu'on amène l'enjeu à travers le projet de loi puis le discours qu'on
a autour du projet de loi, c'est comme si on disait : Oui, l'enseignement,
là, ça, ça va prendre le bord, puis la formation, ça va prendre le bord, puis
on va se concentrer sur l'objectif d'atteindre... de voir des patients. Et il y
a des gens plus tard, qui... des universités qui vont nous dire, entre autres,
une préoccupation comme celle-là. Pour que... Pour que moi puis mon collègue,
là, on ne se chicane pas en disant...
20 h (version non révisée)
M. Fortin :...aïe! Toi, tu fais trop d'enseignement, là, reviens donc
au GMF pour voir des patients. Comment est-ce qu'on... Comment est-ce qu'on s'assure
d'avoir les bons objectifs?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : C'est
toute une question que vous posez là. Puis, la première réponse, là, c'est que
c'est impossible de mettre des indicateurs sur tout. Vous ne pourrez pas
contrôler toute la pratique médicale, vous... ou toute la pratiquer infirmière
également. Vous ne pourrez pas tout... mais c'est impossible, mettre tout ça
dans une boîte, puis très détaillé. Donc, à partir de là, en fait, et c'est ce
qu'on voit dans la littérature, c'est que, quand on met des indicateurs de
performance, les gens... et Damien le disait tout à l'heure, les gens vont s'intéresser
à ces indicateurs-là et délaisser les autres... en fait, à ces activités qui
vont amener la... Donc, il ne faut pas aller là-dedans. Il faut... Enfin, il ne
faut pas essayer de... Il faut essayer d'y aller avec des grands ensembles et
ne pas y aller avec des choses très spécifiques et uniquement individuelles.
Et d'ailleurs, je vous inviterai à
regarder le projet Compas+ de l'INESSS qui fait des belles choses par rapport à
ça sans indicateurs de... bien, sans rémunération et sans bonus, où, en fait,
on voit uniquement juste de présenter des résultats de performance... en fait,
des indicateurs du suivi des malades chroniques, bien, motive les médecins et
les infirmières et l'équipe... l'équipe de soins à s'améliorer et à aller... et
à aller plus loin. Donc, c'est peut-être suffisant, tout simplement.
M. Fortin :Sur les... appelons ça des récompenses non monétaires, là,
c'est-à-dire d'avoir une demi-infirmière de plus ou un... comme vous avez
mentionné tantôt, là, est-ce qu'on n'a pas, à travers ça... est-ce que ce n'est
pas un cercle vicieux? C'est-à-dire, le GMF qui n'a pas assez de ressources en
partant, là, qui n'a pas assez de psychologues, qui n'a pas assez d'infirmières,
qui n'a pas assez de travailleurs sociaux pour mener à bien ses objectifs ou
les objectifs que le gouvernement lui... le pousse à rencontrer, si on donne à
ceux qui réussissent, est-ce que lui, il n'a pas... dans le fond, est-ce que
lui n'atteindra jamais ses objectifs si on y va comme ça? Je vous pose la question.
Je... Il y a... Il y a quelque chose d'intéressant dans ce que vous proposez,
mais je me demande s'il n'y a pas un écueil.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Bien,
en fait... Juste pour un mot, après, je vais laisser mon collègue parler. Mais
il faut partir... Comme on l'a dit en conclusion, il faut avoir... il faut
investir les ressources au départ pour que tout le monde puisse partir au
bon... bien, de la même manière et avec les bonnes ressources... bien, de
manière équitable. Mais, après, bien, c'est sûr que là, il va falloir investir
encore plus pour ceux qui réussissent bien et qui peuvent prendre plus de
patients.
M. Fortin :O.K. Mais il faut partir d'un endroit où il y a des
ressources équitables, là. La Dre Leblanc, là, à laquelle on a fait référence,
qui nous dit : Moi, j'ai un psychologue pour 30 000 patients, il faut la
mettre sur un pied d'égalité pour qu'elle puisse avoir une chance dans un
modèle comme celui-là.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Absolument.
Puis là, on rentre dans une autre notion qui est le panier de biens et services
assurés qui n'a pas bougé depuis les années 70. La création de... en tout cas.
Et il y a beaucoup de soins qui sont non médicaux et non infirmiers qui
pourraient rentrer dans ce panier de biens et services assurés, qui permettrait
peut-être d'avoir des psychologues, des dentistes, des ergos, etc., qui
pourraient fournir beaucoup plus de soins au public.
M. Fortin :Des physios, ce dont on a parlé un peu plus tôt aujourd'hui.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Exact.
M. Fortin :O.K. Ça va pour moi, M. le Président, c'est bon.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Fortin :Merci beaucoup.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Je
vous en prie.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Rosemont, je vous
cède la parole.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonsoir à vous deux. Je suis assez fasciné de constater le nombre d'experts
qu'on a au Québec en matière de rémunération des médecins et de constater par
ailleurs qu'on est dans un bourbier pareil depuis tant d'années, mais je ne
crois pas que ce soit de votre faute.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Je
n'étais pas née au début des années 70, quand ça s'est créé.
M. Marissal : Je ne crois pas
que c'est de la faute des experts, mais, néanmoins, c'est un paradoxe qui me
fascine, ça a été étudié, réétudié, c'est probablement l'affaire qu'on a
étudiée le plus dans le système de santé, puis qu'on est encore là aujourd'hui
à parler de ça.
Mettons, là, dans un fantasme incroyable,
là, qu'on efface tout, là, qu'on revient à la case départ, là, le système de
santé, là, on vient de le créer, là. Quel régime de rémunération devrait-on
mettre en place pour lancer ce régime-là? Vous avez trois minutes pour répondre
à cette question.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Ah!
mais ça va prendre moins de temps. Une combinaison, comme on l'a dit, de modes
de rémunération, qui doit être basée sur des simulations et des études pour s'assurer
qu'elle répond aux objectifs, qui vont être différents en première ligne versus
en hôpital, en région rurale versus en région urbaine.
M. Marissal : O.K., mais les
études, vous les avez, là, on les a faites, là.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors
ça, c'est important de savoir que ce n'est pas parce que ça marche en France,
en Angleterre ou...
M. Marissal : Je suis d'accord.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...que
ça va marcher ici, c'est ce qu'on appelle la... externe, dans la science, là.
Il faut absolument faire ces études-là dans le contexte québécois. Et ce n'est
pas l'Ontario. On ne va pas reprendre non plus le modèle de l'Ontario. Il faut
faire des études dans le contexte québécois.
M. Marissal : O.K., je suis d'accord.
Vous n'avez peut-être pas la solution, puis c'est normal, rêvée, mais là je
pense qu'après toutes ces années on doit savoir ce qui ne marche pas. Ça, je
pense qu'on sait ce qui ne marche pas, là, en tout cas, je vous entends, là, j'entends
les choses que vous dites. Puis là vous dites...
M. Marissal : …que la
compensation individuelle, là, qu'on pourrait appeler bonus, par exemple,
puis il y en a eu une panoplie de bonus à un moment donné, des affaires qui
n'avaient pas de bon sens, comme mettre une jaquette, arriver à l'heure. Je
pense qu'on a tout essayé. On a fait le tour, là, on a fait le tour.
Loto-Québec ne donne pas tant de prix que ça dans une année, là. Ça, ça ne
marche pas, la compensation individuelle. Mais les pénalités collectives, est-ce
que ça fonctionne?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Mais est-ce qu'on est obligé de fonctionner avec des bâtons et des carottes?
M. Marissal : Ah! Pas du tout.
Moi, je vous pose la question, mais c'est parce que c'est un peu ça qu'on a
devant nous, là, on a un projet de loi qui dit : Il va falloir que vous en
preniez un certain nombre, que vous assuriez, puis collectivement, sinon, bien,
il y a une partie de la rémunération qui ne sera pas au rendez-vous. Votre
question est excellente, là, je me la pose aussi. Est-ce qu'on est obligé
d'avoir soit une prime, soit une punition, ça ne peut pas juste être comme
du monde qui travaillent puis qui sont payés normalement? Ce n'est pas
possible, ça?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Je vais laisser mon collègue parler de valorisation et de motivation.
M. Montani (Francesco) : Oui,
exactement. Mais dans le projet, ce qu'on a essayé de mettre de l'avant, c'est
notamment assurer… Et là, je reviens aussi au commentaire précédent, quand on
parle des ressources, souvent les établissements sont obligés de travailler
avec une pénurie des ressources. Alors, on sait que ce n'est pas nécessairement
l'ajout d'une ressource supplémentaire physique, humaine qui va résoudre les
problèmes, mais c'est la manière dans laquelle les ressources sont gérées.
C'est important parce que si on gère de
manière efficiente les ressources et ça renvoie à un mot-clé qui est
l'organisation du travail, dans la répartition des tâches et créer un travail
qui est enrichissant, au niveau autonomie, de la variété des tâches. Certains
ont besoin des ressources externes pour ce faire, mais ça prend des compétences
de gestion de l'organisation du travail pour permettre d'assurer la réalisation
des objectifs en santé. Et ça, c'est important parce que… qu'on va créer la
motivation et un sens au travail qui est durable et crée un investissement du
personnel qui, à son tour, a des retombées positives sur la qualité des soins.
Le travail va accélérer aussi, donc…
M. Marissal : Pardon, on est davantage
dans l'organisation du travail que la rémunération ou d'un échafaudage salarial
qu'on peut réinventer, là, à chaque négociation, qu'on est dans l'organisation
de travail, finalement
• (20 h 10) •
M. Montani (Francesco) : Oui,
mais c'est rémunéré intrinsèquement parce que les cibles vont être à 30, donc,
par la suite, la... C'est complémentaire, disons, à la rémunération collective
ou individuelle. C'est complémentaire. C'est avantageux parce que c'est la
synergie des moyens qui crée un effet durable en termes d'engagement d'équipe.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, on termine
cet échange avec vous.
M. Arseneau : Merci M. le
Président. Merci à vous deux pour la présentation. Trois minutes, c'est très,
très peu pour aborder les neuf principales orientations que vous nous avez
proposées. J'essaie juste de résumer un peu puis d'utiliser, en fait, vos
recommandations pour évaluer le projet de loi en disant : Bien, j'ai
l'impression que si on était en consultations publiques pour élaborer un projet
de loi, ce serait intéressant, mais maintenant que le projet de loi existe,
j'essaie de voir comment vos recommandations peuvent nous permettre d'éliminer
des articles, ou les bonifier, ou les amender, parce que vous avez des thèmes
qui sont très, très pertinents, très puissants, mais comment est-ce qu'on les
intègre dans un projet de loi comme celui-là?
Par exemple, sur la rémunération, vous
dites : Bien, il faudrait étudier les différentes combinaisons. On n'est
pas, là, au stade de l'étude, on est ailleurs. Est ce que vous avez... je ne
sais pas, est-ce que vous avez l'impression qu'on fonctionne à l'envers?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Non, en fait, je ne pense pas que vous... Bien, en tout cas, je n'y connais
rien en projet de loi et en aspects juridiques, là, donc, et en aspects parlementaires,
mais, en fait, notre rôle ici, nous, c'est de vous faire des recommandations
basées sur la littérature scientifique et sur notre expertise pour éviter,
bien, des situations comme on a pu voir dans le passé, avec, comme je disais,
les incitatifs associés au... qui n'ont pas fonctionné ou qui ont, en fait, ont
eu des effets inverses qu'attendus. Nous, c'est vraiment juste...
l'objectif, ici, c'est de vous montrer ce qui s'est passé à l'international, ce
qui se dit dans la littérature scientifique et ce qui fonctionnem donc, et ce
qui ne fonctionne pas aussi, c'est important, parce qu'on ne veut pas avoir des
situations qui ne fonctionnent... on ne veut pas appliquer des choses qui ne
fonctionnent pas, comme la rémunération à la performance individuelle, ça ne
fonctionne pas.
M. Arseneau : Très clair.
Quand vous parlez de rémunération, les combinaisons rural-urbain puis...
pourquoi est-ce que c'est différent, rural-urbain, en résumé?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) :
Bien, alors, là encore, je vais vous parler d'un peu de l'historique. Dans les
années 80, à peu près, le gouvernement avait mis... en 1981, le
gouvernement avait mis en place des incitatifs, en fait, des majorations de la
rémunération des actes plus 30 %, plus 50 % en fonction d'où est-ce
qu'ils pratiquaient pour essayer d'inciter les médecins à aller pratiquer en
région rurale. Et ça n'a pas fonctionné.
Donc, en fait, ce qu'on veut dire ici,
c'est l'idée qu'il faut faire attention, il faut faire... En fait, il faut
faire des modèles pour s'assurer de ne pas retomber dans ces écueils-là qui...
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...qui
est juste une règle de base, 30 % de plus, puis on espère que le médecin
va aller pratiquer en région rurale. Non, ça ne suffit pas. Il faut aller plus
loin dans l'analyse de la situation du milieu de pratique de la région pour
faire... pour définir les bons modes... les bonnes combinaisons.
M. Arseneau : Vous identifiez
avec beaucoup d'à propos le fait que l'usager ne sait pas nécessairement où, à
quelle porte aller frapper. Comment on clarifie ça? Comment... Est-ce qu'on
ferme des portes où on fait de la sensibilisation pour indiquer quelle porte
pour quel problème ou quel enjeu?
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors,
c'est très intéressant, que vous posiez cette question-là, parce que j'ai des
étudiants en équipe du doctorat professionnel qui se sont penchés sur le
problème pendant cette session et qui, eux, recommandent, en fait, de ne pas
fermer des portes, mais d'améliorer l'information pour la population. Parce
que, dans certains endroits, certaines portes fonctionnent et, dans d'autres
endroits, d'autres portes fonctionnent. Donc, ne pas les fermer, mais s'assurer
de bien informer la population sur les bonnes portes auxquelles frapper suivant
la région où on est. Je cite mes étudiants du doctorat professionnel.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
C'est tout le temps qu'on a, malheureusement.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je remercie le docteur... les
Prs, excusez-moi, Da Silva et Montani pour leur participation à nos travaux.
Sur ce, je vais suspendre les travaux pour
permettre au prochain groupe de prendre place. Alors, merci beaucoup et bon
retour.
(Suspension de la séance à 20 h 14)
(Reprise à 20 h 16)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous allons poursuivre nos
travaux maintenant en visioconférence avec trois représentantes de la GMF-U de
Vaudreuil-Soulanges. Ce sont les Dres Alexandra Massicotte, Virginie Dubuc et
Stéphanie Lalande. Alors, mesdames, vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation, et par la suite nous allons procéder aux échanges. À vous la
parole.
Mme Massicotte (Alexandra) : Donc,
bonsoir, M. le Président. Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. Merci beaucoup de
nous recevoir aujourd'hui. Nous sommes trois docteures spécialisées en médecine
de famille et nous sommes impliquées dans la direction du GMF-U, c'est-à-dire
un GMF qui a une mission universitaire, de Vaudreuil-Soulanges qui a ouvert ses
portes le 1er juillet 2024.
Nous souhaitons aujourd'hui exprimer nos
inquiétudes face au projet de loi n° 106, particulièrement en regard au
travail d'enseignement de la spécialité de la médecine familiale.
Je me présente d'abord. Moi, c'est Dre
Alexandra Massicotte, je suis directrice médicale et codirectrice à
l'enseignement pour le GMF-U. Je suis accompagnée ce soir de Dre Virginie
Dubuc, qui est la directrice de l'enseignement postdoctoral et la codirectrice
médicale, et de Dre Stéphanie Lalande, qui est la responsable du comité de
compétences locales de notre GMF-U.
Notre travail et celui de nos collègues
superviseurs en GMF-U, c'est de voir des patients, bien sûr, c'est près de
600 000, en fait, qui sont suivis dans nos cliniques universitaires, mais
c'est aussi de former la relève. Les GMF-U qu'on dirige et qu'on développe sont
essentiels pour l'avenir des soins des populations qu'on traite. Hier, le
ministre de la Santé a...
Mme Massicotte (Alexandra) : ...en
commission parlementaire, respectez les médecins qui enseignent. Il a ensuite
objecté, en opposition avec son respect, que les patients, ce qu'ils veulent,
c'est avoir un rendez-vous avec un médecin et non pas des enseignants.
Permettez-moi ici de vous rappeler que tous les médecins de famille québécois
sont formés dans un GMF. Sans médecins enseignants, il n'y a pas de GMFU, sans GMFU,
il n'y a pas de nouveaux médecins de famille et, conséquemment, il y a une
baisse des effectifs déjà déficitaires en médecine familiale. Et surtout, ça,
ça entraîne une diminution de l'offre des rendez-vous et de l'accès aux soins
pour les patients. De la même manière, si on n'a pas de locaux pour travailler,
on n'a pas de GMFU, pas de nouveaux médecins formés, puis un hôpital neuf vide
à Vaudreuil, et, encore une fois, une baisse d'accès et des services à la
population.
Pourtant, notre nouveau GMFU a le
financement pour les aménagements prévus depuis l'ouverture et qui sont
essentiels pour nous permettre d'être fonctionnel a été négocié, accepté,
promis par le ministère, mais, à ce jour, on attend depuis plus de six mois que
les fonds soient débloqués car il n'y aurait plus d'argent dans le PQI.
Ces rénovations sont majeures. Notre GMFU
doit plus que tripler de surface et, d'ici cinq ans, grâce à ça, ce que ça va
donner c'est huit nouveaux médecins de famille qui... chaque année chez nous.
Un GMFU fonctionnel, qui est un milieu enrichissant et intéressant, c'est le
meilleur outil de recrutement pour une région. Puis du recrutement, à
Vaudreuil, on en a un besoin criant, plus que jamais avec l'ouverture imminente
du nouvel hôpital. On manque... On peine déjà immanquablement à remplir nos
postes de médecine familiale à chaque année, puis notre pénurie, elle
s'accentue avec l'accroissement de la population. Si on n'a pas de GMFU, la
CAQ, elle va juste avoir un beau grand hôpital vide sans médecins à offrir à la
population de Vaudreuil.
À partir du 1er juillet 2025, notre
clinique de médecine familiale, elle va être incapable de fonctionner à pleine
capacité. On attend l'arrivée de cinq nouveaux médecins, qui ont été recrutés
expressément pour soigner des patients mais aussi pour enseigner à la relève,
en plus d'ajouter deux résidentes. Sans nouveaux locaux, à partir de cet été,
on va devoir limiter les jours de présence des médecins à la clinique par
manque d'espace et on devra retarder conséquemment la prise en charge des
patients orphelins par les nouveaux médecins. Et donc, encore une fois, on
diminue l'offre de services qu'on pourrait donner à la population. De plus,
avec la croissance... du GMFU dans la dernière année, on aurait théoriquement,
dans le cadre GMF, accès à plusieurs professionnels supplémentaires, dont le
physiothérapeute. On a zéro physiothérapeute, zéro psychothérapeute, en ce
moment, pour nos 12 000 et plus patients. Malheureusement, on ne peut pas
les engager, ces professionnels-là, puis on prive la population de soins
multidisciplinaires pertinents auxquels ils ont droit, car on n'a pas les
locaux promis pour les installer. Elle est là, la réelle cause derrière les
patients qui atterrissent dans nos bureaux alors qu'ils seraient mieux soignés
par un autre professionnel. On ne demande qu'à déléguer et travailler en équipe
multidisciplinaire, mais les professionnels au public auxquels auraient droit
nos patients, on n'a pas les locaux pour leur permettre d'en voir, des
patients.
Ces phénomènes-là : le financement
promis et non livré, les retards d'aménagement, le recrutement médical limité,
les reports d'embauche de professionnels, ce n'est pas une situation qui est
isolée à Vaudreuil, au contraire, ils sont présents dans plusieurs autres GMFU
de McGill et dans au moins 10 des 20 GMFU du réseau de l'UDM. Ces enjeux-là, ça
a des conséquences directes et significatives sur les soins offerts aux
patients traités dans les cliniques et, à plus long terme, à l'ensemble de la
population.
• (20 h 20) •
Mme Lalande (Stéphanie) : Oui.
Nous sommes, comme tous nos collègues médecins, très inquiètes en ce moment de
constater l'impact sur nos externes du discours de dévalorisation de la
spécialité de médecine familiale par le ministère. Les étudiants en médecine se
renseignent, lisent les journaux, sont sur les réseaux sociaux et sont surtout
les premiers témoins de l'épuisement, de la fatigue, de la surcharge de travail
de leurs enseignements médecins. Quand on choisit la spécialité de médecin de
famille, on choisit la passion des soins globaux et humains.
C'est un art, de traiter un patient,
souvent complexe, avec rigueur, empathie, en associant des problèmes connus aux
nouveaux symptômes physiques et psychiques. On y excelle, mais ça prend du
temps avec nos patients. Imposer du débit, c'est aller contre le cœur même de
notre métier, en plus d'entraîner forcément une baisse de qualité des soins,
surtout pour nos patients les plus vulnérables. Imposer du débit, c'est une
démonstration franche de la méconnaissance de ce qu'est la médecine familiale
et des raisons qui nous poussent à faire ce choix de résidence.
Les étudiants en médecine choisissent la
médecine familiale pour sa polyvalence, pour la multitude, la diversité des
soins que les médecins de famille offrent. Le projet de loi repose sur une
vision centralisatrice et coercitive de la prise en charge, sans égard à notre
réalité. Il est impératif de tenir compte que nous sommes aussi essentiels aux
autres axes des soins de première ligne comme l'hospitalisation, les urgences,
le CHSLD, les soins palliatifs, la toxicomanie, l'enseignement, et on en passe.
Dévaloriser cette polyvalence et dévaloriser l'essence même de notre métier, ça
va entraîner une baisse d'applications en médecine familiale.
Rappelons-nous : sans résidents en
médecine familiale, pas de nouveau médecin de famille, pas plus de rendez-vous
pour les Québécois...
Mme Lalande (Stéphanie) : …les
médecins de famille et enseignants travaillent d'arrache-pied pour valoriser
leur spécialité auprès des apprenants. C'est important de souligner que c'en
est devenu une spécialité. Il faut impérativement que le gouvernement contribue
à cette mission de reconnaissance, de revalorisation. Sans quoi, nos efforts,
ça va être insuffisant. Merci.
Mme Dubuc (Virginie) :
L'enseignement semble être un des grands oubliés du projet de loi n° 106.
Les médecins de famille sont déjà surchargés, hésitent déjà et hésiteront
encore plus avec le projet de loi n° 106 à s'investir en enseignement. Nulle
part dans le projet de loi n° 106, on ne reconnaît ni ne valorise le rôle
crucial des médecins enseignants dans la prise en charge à long terme. Aucun
incitatif, aucune exemption, aucune pondération n'est prévu pour tenir compte
du temps qu'on consacre à l'enseignement.
C'est l'implication d'environ 20 %
des médecins de famille québécois qui n'est pas reconnue dans le projet de loi.
En valorisant uniquement le volume de patients suivis, la loi encourage plutôt
les médecins à délaisser la formation et l'enseignement au profit du débit et
de la prise en charge. Les médecins de famille ne peuvent pas travailler plus
vite sans compromettre la qualité des soins, d'autant plus quand GMFU, on se
doit d'être des modèles d'excellence et de pratique à jour pour nos apprenants.
Actuellement, à cause du projet de loi n° 106, les quatre réseaux
universitaires sont unanimement inquiets. Je sais que vous allez les entendre
plus tard. La diplomation des 500 nouveaux résidents en médecine familiale
qui débutent leur formation avec les GMFU le 1ᵉʳ juillet 2025, risque
d'être compromise si le projet de loi no 106 est adopté.
Encore une fois, sans médecins
enseignants, pas de GMFU, sans GMFU, pas de médecin de famille nouveau diplômé
puis sans médecins de famille, nouveaux et diplômés, pas de nouveaux
rendez-vous pour les patients. Si la priorité du ministre, ce sont des nouveaux
rendez-vous ou plus de rendez-vous pour les patients, il va falloir se rendre à
l'évidence que son respect pour les médecins enseignants devra se traduire par
une valorisation de ce travail-là, des locaux pour enseigner et superviser et
une considération réelle de cet emploi dans tous les projets de loi présents,
futurs et qui concernent et concerneront les médecins de famille. On aime notre
travail, les médecins de famille, on aime vraiment notre travail. On le fait
tous les jours avec cœur, sans compter nos heures, au détriment souvent de
notre bien-être et du temps avec nos familles. On le fait avec respect et
affection pour tous les humains qu'on traite. On le fait avec amour et
dévouement pour notre profession, amour et dévouement qu'on tente de
transmettre aux futurs médecins de famille.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Le ministère envisage, avec le projet de loi n° 106, de nous imposer des
critères vagues de performance imputables sans nous offrir les employés, le
matériel, l'espace pour arriver à les atteindre. Il envisage de nous imposer du
débit au détriment de la qualité des soins et de la qualité de notre expertise.
Nous avons en fait le devoir de nous indigner au nom des patients puis de
refuser ce projet de loi tel qu'il est présenté. Nous avons tous et toutes le
même souhait, le même but, c'est que tous les Québécois aient accès à des soins
de santé de qualité, on n'a par contre pas tous le même mandat, ni les mêmes
pouvoirs et surtout pas les mêmes moyens. Que le ministère assure un
fonctionnement d'un système de santé logique et accessible, et vous verrez que
les médecins répondront à l'appel et assureront, fidèles au poste, travaillants,
disponibles, une qualité de soins maximale et humaine. Merci, M. le Président,
et merci à tout le monde pour votre temps.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, M. le
ministre, on débute.
M. Dubé : Alors, premièrement,
j'aimerais vous vous saluer puis vous dire à quel point j'apprécie ce que vous
nous dites ce soir. Je sais que ce n'est pas facile et je veux vous dire que
vous l'avez bien fait, parce que moi, j'ai toujours dit que j'aime mieux entendre
les difficultés puis d'en tenir compte, ça fait que j'apprécie comment pour
vous l'exercice est difficile ce soir. Puis je tiens à vous remercier.
Des voix : Merci. Merci à
vous.
M. Dubé : On était là pour
vous écouter puis je pense que tout le monde respecte l'effort que vous faites
ce soir. Moi, je veux juste peut-être préciser parce que dans… ça fait quand
même quelques années que je suis en politique, là, je fais partie du club des
mal-cités, alors quand c'est moi qui dis des choses qui sont soit mal comprises
ou parce que j'ai mal expliqué les choses, je n'ai vraiment aucun problème avec
l'enseignement, au contraire, là, j'ai beaucoup de respect puis j'ai plusieurs
médecins qui travaillent dans des GMFU, là, entre autres, je pense à celle de
Verdun. J'ai des gens qui travaillent dans des conditions très difficiles, dans
une GMFU là-bas que je connais personnellement. Ça fait que je comprends très
bien ce que vous dites.
Bon. Il y a une chose que j'aimerais vous
dire sur l'enseignement puis je vais... je vais en parler tout à l'heure avec
nos… avec nos recteurs, là. Comme vous savez, qu'on rencontre, c'est la
dernière rencontre ce soir, une des raisons pour laquelle on a demandé l'étude
des HEC pour comprendre l'occupation de nos médecins, là, oui, en prise en
charge, mais aussi ailleurs. Parce que vous l'avez écoutée, la présentation des
HEC, vous avez peut-être vu…
M. Dubé : ...le rapport, mais
l'enjeu est que les seules données qui sont viables en ce moment, c'est des
données de facturation, donc, qui excluent, malheureusement, le travail qui est
fait en enseignement et en recherche, bon. Et c'est pour ça que j'ai... Je n'ai
pas dit qu'il ne devait pas y avoir d'enseignement ou de recherche, j'ai juste
dit : On ne sait pas ce que ça explique du... Je vais l'appeler comme ça,
là, c'est comme ça que le chercheur y a référé, il a parlé du trou, hein? Il a
dit : Peut-être que 70 % du temps des médecins s'explique par de la
prise en charge ou du temps aux urgences, parce que c'est aussi... ça rentre
dans la facturation de la RAMQ, mais, le 30 %, on ne sait pas ce que
c'est. Alors, moi, les premières données que j'ai eues récemment, là, j'en ai
fait part d'une hier, c'est qu'il y avait un petit peu moins de 200 ETC, hein,
des équivalents à temps complet qui faisaient de l'enseignement. Je vous avoue
que ce n'est pas beaucoup. Puis je pensais qu'il y en avait beaucoup plus que
ça parce que 200 ETC... 187, je pense, le chiffre exact qu'on m'a donné hier,
ce n'est même pas 2 % de la population de médecins de famille. Ça fait
qu'il y a quelque chose qui ne marche pas.
Ça fait que je vous dis juste qu'un de mes
objectifs dans les prochaines semaines, c'est d'aller creuser ça pour voir.
Parce que vous me dites qu'il y a 20... il y a 20 GMF-U dans la grande
région de Montréal, en tout cas, je vais le dire pour les quatre grandes
facultés de médecine, mais vous êtes, il me semble, plus que ça. Mais, en tout
cas, c'est... Je veux juste dire qu'on manque de données là-dessus. Alors, ne
prenez pas mon commentaire comme de ne pas dire que je ne respecte pas les
enseignants. Au contraire, si on n'a pas d'enseignants, on n'aura pas de futurs
médecins. Je comprends ça, mais je vous dis juste que, malheureusement, on n'a
pas les données.
Du côté des spécialistes, ce que je me
suis fait expliquer... puis je sais que ça ne vous aide pas, mais qu'en termes
de rémunération ils ont réussi à faire que... par prédécesseurs de ministres en
Santé avant, ils ont réussi à faire des blocs d'enseignement qui sont payés,
qui sont payés par la RAMQ. Donc, c'est plus facile d'identifier le temps qui
est consacré à l'enseignement que pour les médecins de famille. Vous avez
sûrement entendu ça. Donc, il va falloir qu'on trouve une façon de mieux
comprendre le travail que vous faites. Ça va? Mais je veux juste dire que ce
n'est pas du tout pour dénigrer l'enseignement, bon. Si je suis dans le club
des mal cités, au moins, j'en profite ce soir parce que je... je voulais vous
le mentionner. Bon.
Là, je n'embarquerai pas dans... Puis vous
allez comprendre que je n'embarquerai pas dans la situation de dire comment ça
se fait que les fonds n'ont pas encore été débloqués, tout ça, vous imaginez,
là, ça, c'est un cas qu'on va régler une autre... que ce soir, mais j'aimerais mieux...
Mais je suis content de l'avoir entendu parce que je peux quand même poser des
questions. Ça fait que je vais dire ça comme ça pour ce soir. Combien vous êtes
de médecins, là, qui... Expliquez-moi pour que... j'en profite, là, pour me
dire, dans votre GMF-U, le temps que vous consacrez à l'enseignement. Vous êtes
combien de médecins, là, qui pratiquez à la GMF-U de Vaudreuil? Combien?
• (20 h 30) •
Mme Massicotte (Alexandra) : On
est une quinzaine de médecins qui enseignent activement à nos apprenants? Je
vous avoue que nous, par exemple...
Mais, si je vous demandais... Je vais...
excusez-moi, je vais juste finir ma question. Combien de médecins en tout,
est-ce que c'est 15? Puis est-ce que les 15 font de l'enseignement? Est-ce que
c'est moitié-moitié enseignement... je vais l'appeler prise en charge? Faites
juste me dire un peu ça a l'air de quoi, votre... Parce que j'en connais
quelques autres, mais je veux savoir comment ça se compare aux autres GMF-U que
je connais un peu plus, là. Parce que vous êtes quand même... C'est nouveau.
Mme Massicotte (Alexandra) : Oui,
c'est ça, exactement.
M. Dubé : Ça date de l'an
dernier. C'est quand même très récent. O.K., allez-y.
Mme Massicotte (Alexandra) : C'est
quand même très récent. Ça fait que c'est sûr qu'il faut... on grossit de façon
exponentielle, là. En ce moment, on est encore... on est sur deux sites, en
fait, notre GMF-U, ce qui n'est vraiment pas le cas de la plupart des GMF-U. Ça
fait qu'on a un site principal d'enseignement pour l'instant où on a une
quinzaine de médecins qui enseignent activement, là, et fréquemment puis on a,
dans le volet de Saint-Polycarpe, un peu d'autres médecins, ce qui fait qu'on
est à peu près une vingtaine dans notre GMF-U à travailler. Puis...
M. Dubé : Sur deux sites, sur
deux sites?
Mme Massicotte (Alexandra) : C'est
ça, on est séparés sur deux sites. Exact, c'est ça.
M. Dubé : Sur deux sites,
O.K.
Mme Massicotte (Alexandra) : Oui,
c'est ça, mais, sur notre site actif de GMF-U qui fait de l'enseignement, c'est
une quinzaine de médecins. Puis, juste pour vous donner une idée, on a un seul
équivalent temps complet. Ça fait qu'un ETC, là, qui est considéré comme un
équivalent de temps complet d'enseignement, on en a un seul en ce moment. Ça
fait que le travail des autres n'est pas reconnu parce qu'on n'a pas
présentement assez de résidents pour faire beaucoup de supervision, mais ça
prend quand même pas mal de supervision pour un ETC.
M. Dubé : Non, mais c'est ça
que je veux comprendre. Parce que, pour comprendre la problématique... J'en
profite, là, vous êtes là, ça fait que je vais vous... Vous avez voulu me le
soulever, je vais poser des...
20 h 30 (version non révisée)
M. Dubé : ...des 15 médecins,
à part l'équivalent à temps complet que vous avez pour faire de l'enseignement,
il y en a combien, de votre temps à vous, qui est consacré à d'autres choses
que la prise en charge?
Mme Dubuc (Virginie) : Est-ce
que vous avez vu la liste des jobs qu'a Dre Massicotte dans notre dépôt de
mémoire? Je te laisse faire l'énumération.
Mme Massicotte (Alexandra) : Bien,
c'est ça, on fait énormément de travail en première ligne, là. Je fais de l'hospitalisation,
je fais des aides médicales à mourir, je fais du soin intensif à domicile, je
fais de la gériatrie, je fais...
M. Dubé : Mais dites-moi, là,
dans ceux qu'on reconnaît...
Mme Massicotte (Alexandra) :
Ça fait qu'on fait toutes ces affaires-là, là. Ça fait qu'il y a peut-être la
moitié des médecins qui ne font que de la prise en charge et de la supervision,
sans faire d'autres activités qui sont essentielles dans nos régions. On est
des petites équipes, puis il n'y a pas beaucoup de spécialistes, là, en région,
ça fait qu'on n'a pas le choix d'être impliqué en première ligne, là, ça fait
que c'est sûr qu'on ne peut pas être à temps plein à faire la prise en charge.
En fait, si je suis à temps plein à faire...
M. Dubé : Non, non, mais,
quand je dis la prise en charge, excusez-moi, je vais peut-être... mais je veux
juste bien comprendre, ce n'est pas juste la... qui est rénumérée par un acte
de la RAMQ.
Mme Massicotte (Alexandra) : Oui,
c'est ça, ça fait que, quand on voit des patients au bureau, rénuméré par un
acte de la RAMQ. Mais, tu sais, quand je suis à l'hospitalisation, je suis
rénumérée par la RAMQ. Quand je fais des soins palliatifs, je suis rénumérée
par la RAMQ. On ne fait pas juste du suivi de patients et de l'urgence, là, à
la RAMQ, du tout, du tout. Mais c'est ça quand on fait toutes ces autres tâches
là, là, ce que ce que ça veut dire, là, c'est que moi, je ne suis pas capable,
dans mon temps de voir plus que 500 patients, puis c'est le cas pour tous les
tous les médecins, à ma clinique, de travailler au maximum de leurs capacités.
Puis, à Vaudreuil, là, si on inscrit tous
les patients de Vaudreuil à des cliniques, ce que ça donne, c'est que, pour
chaque médecin, il va y avoir 2 000.
Mme Dubuc (Virginie) : De
plus.
Mme Massicotte (Alexandra) : Ça
fait que moi... 2000 patients inscrits par médecin, qui donnerait... à peu près,
par médecin, qu'il faudrait qu'ils soient vus. Ça, ça veut dire que moi, je n'ai
pas plus de temps, ça fait que...
M. Dubé : Non, non, je
comprends très bien.
Mme Massicotte (Alexandra) : ...si
j'ai quatre fois plus de patients qu'il faut qu'ils me voient, bien, j'ai
quatre fois moins de plages de disponibles, là, pour voir ces patients-là. C'est
quatre fois moins d'accessibilité pour mes patients en ce moment, là, c'est
quand même très, très, très important. Puis ça, c'est en excluant le problème,
comme vous avez dit, de l'enseignement, qui est effectivement une des zones floues.
Mais la plus grande zone floue, ça reste la paperasse, là, ça reste le nombre d'heures
épouvantables et le nombre de semaines épouvantables qu'on prend à faire de la
paperasse, là, tu sais. Il y a aussi tout ça dans la zone d'ombre, puis tout l'enseignement,
là.
Mme Lalande (Stéphanie) : Pour
le temps d'enseignement... on a des périodes de supervision, mais c'est ça, c'est
qu'en ce moment on n'est pas représentatif d'un GMFU standard, on est la
première année, on a ce...
M. Dubé : En plus, vous
êtes...
Mme Lalande (Stéphanie) : Bien,
il y a le temps de supervision, il y a le temps des réunions cliniques,
académiques. On n'a pas le choix. Il y a les réunions de communiqués avec McGill
que... c'est obligatoire aussi si on est dans la direction.
Mme Dubuc (Virginie) : Bref,
c'est difficile de faire une moyenne pour les médecins, mais le point...
M. Dubé : Oui. Est-ce que...
Je vais vous poser la question qui tue : Est-ce qu'on devrait avoir un
traitement différent pour les GMFU? Parce que si la proportion, quand on le
saura, là, parce qu'on va trouver une façon de mesurer ce qui est fait pour l'enseignement
puis la recherche, moi, je ne peux pas rester dans le noir...
Mme Massicotte (Alexandra) : C'est
10 %. C'est 10 % des médecins de famille qui travaillent affiliés à
un GMFU pour faire activement de l'enseignement, 10 %. Puis, si on
considère ceux qui enseignent en hospitalisation, en urgence, ailleurs, c'est
20 % des médecins de famille qui sont impliqués dans l'enseignement de nos
étudiants. C'est ça, le chiffre.
M. Dubé : Non, je comprends,
je comprends, mais... Je suis tannant, là, mais...
Mme Lalande (Stéphanie) : Bien
il y a de l'enseignement hors GMFU, dans le fond, ça fait qu'on ne peut pas
limiter ça seulement aux GMFU parce qu'il y a beaucoup d'enseignement hors GMFU.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Donc, on ne peut pas limiter juste à l'enseignement et au suivi de patients.
Ça, c'est 10%.
M. Dubé : Des fois, je suis
malcommode, puis je ne veux pas être malcommode avec vous ce soir, mais quand
vous me dites qu'il y a 10% des médecins qui font de l'enseignement, ils ne
font pas de l'enseignement à temps plein. Est-ce que ça représente 5 % de
leur temps ou... C'est là qu'on est obligé, je m'excuse, d'essayer de trouver
un ETC puis de dire : Tous ces médecins-là qui sont impliqués, ça équivaut
à combien de personnes à temps complet? Moi, ce que j'entends, les chiffres, c'est
moins de 200. Est-ce que c'est bon ou pas? Il va peut-être falloir creuser ça
pour être capable d'avoir cette discussion-là. Vous me suivez?
Mme Massicotte (Alexandra) :
Oui. Oui, tout à fait, je suis bien d'accord.
M. Dubé : Mais, dans un GMFU,
quand... en plus, qui est en départ, comme la vôtre, j'ai l'impression que la
grande majorité de votre temps, il est entre l'enseignement et tout... C'est pour
ça que je me demandais, puis je vais en parler avec Dr Bergeron, est-ce qu'on
peut regarder une façon de traiter les GMFU de façon différente, étant donné le
rôle important qu'ils ont en... Je ne sais pas, là, on est ici pour écouter.
Alors, moi, j'apprécie beaucoup. Vous voulez dire quelque chose?
Mme Lalande (Stéphanie) : Oui,
bien, en tout respect, j'ai l'impression que la comptabilité de notre temps ou
de notre facturation, c'est c'est très politique, c'est très syndicaliste et
politique. Notre demande, aujourd'hui, nous, c'est que l'enseignement soit
reconnu et que ce soit valorisé dans les projets de loi.
M. Dubé : Ça, c'est clair.
Mme Dubuc (Virginie) : En ce
moment, dans le projet de loi n° 106, on note une
absence de valorisation et on ne sent pas que ça va être tenu compte et donc que
ça va...
Mme Dubuc (Virginie) :
…pénalisé nos cliniques GMFU. Après, pour le reste, ça nous concerne plus ou
moins.
Mme Lalande (Stéphanie) :
Oui, on est… on est juste… on est des médecins de famille, on n'est pas des
politiciens.
Mme Dubuc (Virginie) : C'est
ça.
M. Dubé : O.K. Bien, écoutez,
votre message, je vais vous le dire, je l'ai dit tout à l'heure, il est très
clair puis j'apprécie beaucoup ce que vous avez fait ce soir. Moi, pour moi, je
ne sais pas ce qu'il me reste…
Le Président (M. Provençal)
: …
M. Dubé : Il me reste quatre
minutes. Parlez-moi de votre nouvel hôpital qui s'en vient, là. Ça prend
combien de… je sais qu'on est vers la fin de 2026. Là, il y a eu quelques… des
retards, mais pas majeurs, là. Est-ce que vous avez… Est-ce que l'enjeu Médecin
de famille, Médecin spécialiste… Comment vous faites ça au niveau de votre GMFU
pour être sûr que vous avez le personnel nécessaire quand on… Écoutez, c'est
quand même tout un investissement qu'on fait dans l'ouest, là.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Oui. Bien, c'est ça le problème, c'est que pour partir, mettons, le nouvel
hôpital, là, ça prendrait à peu près 120 nouveaux médecins de famille de
plus que ceux qu'on a en ce moment. C'est à peu près…
M. Dubé : On ne parle pas… on
ne parle pas des spécialistes, juste des médecins de famille, 120? O.K.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Médecins de famille, pour travailler dans cet hôpital-là, ça en prendrait à peu
près 120. C'est environ 100 pour l'hospitalisation puis 20, 30 à l'urgence.
Juste pour se donner grosso modo une idée, là. Puis le problème, c'est qu'on a…
on voudrait bien essayer de recruter en prévision de, mais les postes en
médecine familiale, ça fonctionne par PREM, ça fait qu'il faut qu'on obtienne
un droit de pratiquer dans une région et ça, on est limité à chaque année, on
en a sept, huit et on n'arrive à peu près pas à les combler déjà en ce moment.
On aurait beau en avoir 10 en ce moment, la conclusion, c'est qu'on ne recrute
pas 10 médecins parce que ce n'est pas attrayant à cause de plusieurs
raisons en ce moment, la médecine familiale, puis en région, c'est plus
difficile. On n'a pas beaucoup d'accès à des spécialistes. C'est difficile, ça
fait qu'on ne peut pas recruter en prévision de, ça fait que pour l'instant, si
on ne trouve pas une façon de le valoriser puis d'envoyer des médecins…
Mme Lalande (Stéphanie) :
Mais le GMFU…
Mme Massicotte (Alexandra) :
Mais le GMFU, c'est pour ça qu'il a été créé, c'est pour ce recrutement-là, là,
parce que c'est ça qui va permettre de le combler, cet hôpital-là en médecins
de famille.
M. Dubé : C'est pour ça que
vous avez une nouvelle…
Mme Lalande (Stéphanie) : …
M. Dubé : Excusez-moi. Je n'ai
pas compris, excusez-moi.
• (20 h 40) •
Mme Dubuc (Virginie) : Je
sais que vous avez dit que ce n'était pas… qu'on allait en reparler, là, mais
si on n'a pas de nouveaux locaux, on va stagner à quatre résidences alors qu'on
est supposé rouler avec 16 résidentes… je dis « résidentes »,
résidentes et résidents continuellement. Donc l'enjeu de locaux, oui, ça a l'air
un peu banal, isolé, mais ça a des répercussions jusqu'au comblement des postes
de l'hôpital de Vaudreuil-Soulanges.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Et ce dans à peu près la moitié des GMFU présentement, là, dans notre province,
là. C'est un problème, là, tu sais, on est un… on est un exemple, un petit
exemple d'un problème qui est très, très grand, là. Puis C'est ça, parce que si
ça donne un hôpital vide, bien c'est sûr que ça va être gênant avec
l'investissement, effectivement, qui a été… qui a été fait, là.
M. Dubé : Ce n'est vraiment
pas l'objectif, on va s'entendre, là.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Non, c'est ça.
Une voix : Donnez-nous les
moyens.
Mme Massicotte (Alexandra) :
On a tous les mêmes objectifs. On veut… On veut un hôpital qui fonctionne. On
veut que tous les patients aient un médecin de famille. Les objectifs, on les
partage avec vous autres, là, on est là dans un but de les atteindre, là, tout
le monde.
M. Dubé : Regardez, puis je
veux juste vous dire pour… il me reste-tu 30…
Le Président (M. Provençal)
: …
M. Dubé : Une minute.
Regardez, je suis tellement d'accord avec ce que vous dites, là. Ce n'est pas
pour rien. Je reviens en 2018, on formait 800 médecins par année. 800, on
est rendu à 1100 par année. L'idée, c'est que ça nous prend des gens comme vous
pour les former, là. On a augmenté de 40 % le nombre de médecins. Puis
vous faites partie de ces nouvelles cohortes là, là, d'être capables de former
ces gens-là. Donc, je comprends très bien la problématique. Je pense que je
comprends aussi que vous êtes une nouvelle GMFU, là, les… il y a les enjeux de
départs. Je suis très conscient de ce que vous avez expliqué ce soir. Puis moi,
je vous dis, la valorisation, j'y crois, là, j'y ai travaillé beaucoup depuis
plusieurs années, là. Alors merci pour vos commentaires. Puis on va… on va
faire ce qu'il y a à faire. Merci beaucoup.
Mme Massicotte (Alexandra) :
O.K. Merci pour votre écoute.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le ministre.
M. Dubé : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Je cède la parole maintenant au député de Pontiac. À vous.
M. Fortin :
Merci. Merci, M. le Président. Bonsoir à vous trois. Merci. Merci de votre
témoignage. Merci d'être avec nous. Je vous avoue que je ne doute pas de la
bonne foi du ministre, là. Mais quand le ministre dit : Je suis content de
vous avoir entendues ce soir, ça va me permettre de fouiller, bien,
honnêtement, la députée de Vaudreuil, là, qui est ici avec nous, elle vous pose
des questions là-dessus depuis des mois, sans avoir de réponse réelle. Alors,
ce soir, sachant qu'ils étaient ici les médecins du GMFU, on aurait pu avoir
une réponse déjà toute prête si vous aviez fait les recherches nécessaires.
Je veux juste le comprendre, votre enjeu
de local, là, parce que c'est quand même… c'est la première chose que vous
mentionnez dans votre mémoire. C'est au cœur d'à peu près tout ce que vous
nous… vous nous dites en matière d'améliorer l'accessibilité pour les
prochaines années, de faire fonctionner l'hôpital. C'est… la mission de votre
GMFU, là, c'est d'avoir… de former pour avoir plus que…
M. Fortin :...disons, le... pour utiliser les termes qui sont utilisés
dans le projet de loi, le débit que vous avez en ce moment. Là, là, les
nouveaux locaux, vous ne les aurez pas cet été, j'imagine, là, ça prend de la
construction. Combien de temps ça va prendre? Si, demain matin, le ministre, il
dit : Je vous le débloque, là... quoi, c'est... c'est 300 000 $ par
année, là, je pense, pour les prochaines années, je vous le débloque, combien
ça... quand est-ce que vous allez être prêtes à augmenter, disons, ce que... la
charge de travail du GMF-U?
Mme Massicotte (Alexandra) : Bien,
c'est sûr qu'on a besoin de ces locaux-là le plus vite possible, on en aurait
besoin pour l'arrivée des étudiants, sinon c'est sûr que je suis obligée de
mettre des médecins en télétravail ou de leur dire ne pas venir à la clinique.
À partir du moment où la construction arrive, c'est vraiment juste un enjeu de
quelques petites améliorations, parce que le CISSSMO a fait déjà un gros
travail, a avancé déjà beaucoup de fonds. Ils ont déjà sorti les gens des
locaux qu'on a libérés, qui ont déjà tout libéré. C'est... Les aménagements que
ça prend pour être capable d'être fonctionnel comme bureau médical, là... On
parle d'interventions qui sont minimes, là, quand même, là, pour être capables
de fonctionner puis d'avoir un débit proportionnel à ce qu'on est capables de
donner en ce moment, là. Ça fait que c'est... si c'est débloqué demain, bien,
ça dépend de... des entrepreneurs, là, parce que, bien sûr, ils sont
probablement partis sur d'autres projets, parce qu'ils se sont fait dire :
Finalement, on ne débloque pas de fonds. Ça fait que... Mais c'est ça, c'est
500 000 $ sur 10 ans.
M. Fortin :
O.K.
Mme Massicotte (Alexandra) :
5 millions...
M. Fortin :5 millions, donc 500 000 $ par année.
Mme Massicotte (Alexandra) :
Sur 10 ans.
M. Fortin :
O.K. Là, le ministre nous a dit : Bien, l'enseignement, là, moi, je
valorise ça, c'est important, je sais qu'il faut en faire. Tu sais, votre argument,
il était assez simple à suivre tantôt, là : pas d'enseignement, pas de
nouveaux diplômés; pas de nouveaux diplômés, pas de patients pris en charge.
C'est un cercle assez... C'est une roue assez évidente, là. Mais comment vous
expliquez, à part le fait que le ministre nous dit : Bien, je n'ai pas de
données là-dessus, que non seulement l'enseignement, mais tout ce qui est,
disons... tout ce qui n'est pas la prise en charge, là, n'est pas vraiment
mentionné, là, dans le discours autour du projet de loi, là? On dirait qu'on en
a... on a fait fi de ça, puis l'impression que ça a laissée à beaucoup de
groupes, dont le vôtre, c'est que c'est une question de débit, de débit, de
débit, de prise en charge, de prise en charge, puis le reste, il n'est pas valorisé.
C'est l'impression que ça donne. Alors, comment vous expliquez ça quand le
ministre est ici puis il dit : Bien non, moi, je crois à ça?
Mme Massicotte (Alexandra) : ...excellente
question. Moi, je ne me l'explique pas, personnellement.
M. Fortin :
Voilà, M. le ministre. Ce n'est pas simple à expliquer.
Mme Lalande (Stéphanie) : Je
ne sais pas... Je ne sais pas quoi dire.
M. Fortin :
C'est vraiment difficile à comprendre pour bien du monde. Je ne vous en veux
pas de ne pas avoir de réponse, elle est... elle est très difficile à saisir.
Vous avez parlé, dans votre exposé
initial, de la baisse de qualité des soins en lien avec l'impact du projet de
loi, notamment, là, en imposant un certain débit. Depuis le début de la
journée... puis je ne sais pas si vous avez vu les travaux de la commission,
là, mais, depuis le début de la journée, le ministre, il dit : Bien non,
moi, je fais de la captation. La captation, c'est s'éloigner de l'acte... de la
rémunération à l'acte, donc s'éloigner du débit. Vous, vous nous dites à soir,
là : Le projet de loi, il va entraîner une baisse de qualité des soins
parce qu'il impose un débit. Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce que vous voyez
dans ce projet de loi là qui va faire en sorte de baisser la qualité des soins?
Mme Massicotte (Alexandra) : Je
vais ramener un peu mon exemple de tantôt, là. Moi, mon maximum de débit, avec
toutes les tâches que j'ai à faire, c'est 500 patients. J'ai de la misère à
donner mes plages d'accès en ce moment pour mes 500 patients parce que je n'ai
pas de locaux, pas de professionnels, on en a parlé. Ça fait qu'à Vaudreuil, ce
que ça veut dire, le projet de loi, la capitation puis mettre tous les patients
affiliés à un GMF, là, à une clinique, ça veut dire passer de... pour moi, de
500 patients par médecin à 2 000. Ça fait que j'ai quatre fois moins de
disponibilités. Je suis obligée, là, de faire du débit pour être capable de
faire au moins mes suivis essentiels pour mes affaires que je n'ai pas le
choix, médicolégalement, de suivre. Je n'ai plus de place, là, plus de place
pour de la prévention, plus de place pour rien de préventif, puis je suis
obligée de faire du débit, là, c'est... je n'ai pas le... je n'ai pas le choix,
sinon... Mais c'est sûr que ma qualité de soins, elle va baisser avec ces
débits-là qui augmentent, là.
Mme Dubuc (Virginie) : C'est
très... C'est très difficile pour les médecins au quotidien. Je ne pense pas
que les gens s'en doutent à quel point les patients nous disent deux choses
dans nos bureaux tous les jours, ils prennent une quantité de minutes dans leur
précieux rendez-vous avec nous pour nous dire deux choses : Ça a été
vraiment difficile vous voir, puis est-ce que vous pouvez prendre X, Y, Z de ma
famille comme patient? On le sait que les patients veulent un médecin de
famille, on le sait que l'accessibilité est difficile, mais ça ne change rien
de dire que c'est aux médecins de travailler plus ou plus vite. On ne peut pas
travailler plus ou plus vite sans diminuer la qualité des soins, puis diminuer
la qualité des soins, c'est vraiment...
Mme Lalande (Stéphanie) : Ce
n'est pas acceptable.
Mme Dubuc (Virginie) :
...contre...
Mme Dubuc (Virginie) : ...oui,
c'est ça, c'est contre notre mandat avec notre code de déontologie. Même le Collège
des médecins nous supporte là-dedans en disant que ça va baisser la qualité des
soins. On ne le fera pas. Mais c'est quand même ce que le ministre nous demande
de faire. Nous, on n'a pas le choix de refuser de baisser la qualité de nos
soins. Mais ça ne réglera pas le problème de l'accessibilité.
Mme Massicotte (Alexandra) : Ça
ne réglera même pas le problème d'accessibilité. C'est ça, ça va juste être
plus difficile pour mes patients que j'ai déjà de me voir.
M. Fortin :Oui. Puis, effectivement, là, le collège a la même position
que vous. Je pense qu'il a utilisé le mot «danger», là. Il y a un danger de
diminuer la qualité des soins, que des médecins, puis je ne dis pas que vous
allez faire ça, là, mais que des médecins coupent des coins ronds, qui ne
prennent pas le temps de poser la dernière question au patient, de bien
comprendre sa situation pour être capable de poser le bon diagnostic. Mais moi,
ce que j'entends de vous, c'est... De un, passer de 500 à
2 000 patients, là, c'est énorme comme demande de la part du
gouvernement. Mais c'est un ou c'est l'autre, soit vous prenez des patients
supplémentaires, comme le projet de loi semble vous l'exiger, ou encore vous
abandonnez l'aide médicale à mourir, les soins à domicile, la toxicomanie et
tout ce que vous avez nommé tantôt, là. En quelque part, moi, j'ai toujours
entendu un discours gouvernemental qui voulait qu'il y ait des médecins qui
travaillent en toxicomanie, qu'il y ait de l'aide médicale à mourir qui soit
effectuée et qu'il y ait plus de soins à domicile qui soient offerts. Donc, il
y a quelque chose qui ne fonctionne pas, là.
Est-ce que... Il y a beaucoup de groupes
qui nous ont dit : On ne peut pas aller de l'avant avec ça sans avoir une
garantie de la part du gouvernement que lui va faire sa part des choses,
c'est-à-dire, entre autres, là, qui va réduire notre paperasse, qui va
améliorer les outils informatiques, qui va nous donner des ressources
supplémentaires dans notre GMF. Est-ce que c'est votre position, ça, que la première
chose à faire aussi, c'est de garantir une offre, disons, complémentaire, là, à
ce que vous vous offrez comme médecins à travers des travailleurs sociaux, des
psychologues et tout le reste, là?
• (20 h 50) •
Mme Massicotte (Alexandra) : Oui.
Mme Lalande (Stéphanie) : Oui.
Mme Dubuc (Virginie) : Oui,
puis ne pas seulement de le garantir sur le papier. Parce qu'il y a beaucoup de
GMF et de GMF-U au Québec qui, sur papier, ont le droit à une psychologue, à
une travailleuse sociale, à trois infirmières auxiliaires, etc., mais le
gouvernement ne nous les donne pas. Ces services-là ne sont pas plus offerts
aux patients. C'est juste sur papier, que le gouvernement nous donne ces
outils-là. Bien, nous, on les veut dans la vraie vie.
Mme Lalande (Stéphanie) : Dans
des bureaux, concrètement, dans les vrais bureaux.
M. Fortin :Des vraies personnes dans des vrais bureaux. Très bien.
Des voix : Oui, voilà.
M. Fortin :Merci beaucoup, je vous remercie.
Des voix : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Alors, on
poursuit avec le député de... voyons...
M. Marissal : Rosemont.
Le Président (M. Provençal)
:...Rosemont, excusez-moi. L'heure
fait son oeuvre, ou c'est mon âge, un des deux, là.
M. Marissal : Le député de
Maisonneuve-Rosemont.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Provençal)
:Maisonneuve-Rosemont.
M. Marissal : Vu qu'on
parle... vu qu'on parle d'un nouvel hôpital, je n'ai pas pu m'empêcher.
Le Président (M. Provençal)
:Excusez-moi, M. le député.
M. Marissal : Bravo,
d'ailleurs, pour votre nouvel hôpital! Je vous envie. Vous n'avez pas idée,
vous n'avez pas idée à quel point je vous envie.
Une voix : Mais, au moins,
vous, vous avez les médecins. Nous, on a l'hôpital neuf, hein?
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on va partir votre temps,
parce que je vous en ai fait perdre, 2 min 52 s.
M. Marissal : Bien sûr, bien
sûr. Mais il n'y a pas tant d'espoir que ça dans le réseau de la santé. Ces
temps-ci, là, on parle souvent de ce qui ne fonctionne pas. Mais moi, j'ai la
chance dans ma job de rencontrer depuis quelques années une nouvelle cohorte de
médecins, des jeunes médecins, notamment des jeunes omnipraticiennes, puis ça
me redonne espoir. Honnêtement, là, je vous le dis, là, je pense que vous allez
prendre la suite, puis c'est tant mieux pour nous. D'ailleurs, vous aurez
remarqué qu'on est passé en moins de 24 heures de «c'est bien beau, l'enseignement,
mais les gens ne veulent pas de l'enseignement, ils veulent des médecins» à «on
pourrait penser à un statut particulier pour les docteurs de GFU». Vous êtes...
vous avez... vous avez du pouvoir. Utilisez-le, utilisez-le. Mais vous dites, à
votre point... votre point quatre, qu'il faut opter pour une collaboration
honnête avec les médecins de famille enseignants. Vous l'avez dit un peu, là,
mais, de façon synthétique et en très peu de temps, là, quel est l'effet direct
sur cette collaboration honnête, si d'aventure on adopte le p.l. n° 106
tel quel?
Mme Massicotte (Alexandra) : Bien,
c'est une absence complète de collaboration, on est complètement exclus du
projet de loi. L'enseignement est exclu du projet de loi, ça fait qu'on ne sent
aucune collaboration en ce moment, là, par rapport à ça.
Mme Dubuc (Virginie) : On
n'est même pas dans la collaboration malhonnête.
Mme Massicotte (Alexandra) : Non,
c'est ça.
Mme Lalande (Stéphanie) : On
n'existe pas. C'est-tu ça?
Mme Massicotte (Alexandra) : On
n'existe pas, puis on n'est même pas, tu sais... Puis on n'est même pas reconnu
comme une spécialité, là. D'ailleurs, le terme «omnipraticien», je ne l'aime
pas beaucoup, là. Ça fait longtemps, qu'on est... Ça fait 15 ans, en fait,
au Québec, qu'on est reconnu comme une spécialité, la médecine familiale, là.
Ce n'est pas : à la fin de ta médecine, tu peux choisir de faire une
spécialité ou commencer à travailler. Tu sais, tu peux choisir une autre
spécialité ou celle de la médecine familiale. Ça fait que ça, c'est dévalorisé
dans le projet, carrément, là. Puis l'enseignement est juste complètement
oublié. Ça fait qu'on n'en sent pas, de la collaboration, là, en tout cas
jusqu'à ce jour. On verra si les choses changent...
Mme Dubuc (Virginie) :
…peut-être aujourd'hui.
Mme Massicotte (Alexandra) :
… Oui, voilà, on ne demande qu'à ce que ça change.
M. Marissal : O.K., merci
quand même.
Des voix : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Oui. Bonjour,
mesdames, merci pour votre présence et j'imagine que vous auriez d'autres
choses à faire à cette heure-ci, notamment vous reposer ou prendre soin de
votre famille, vos enfants ou…
Une voix : Faire de la
paperasse, en fait.
M. Arseneau : Prendre une
pause. J'aimerais justement savoir, vous parliez de 500 patients que vous
avez à voir et toutes les autres fonctions que vous occupez. À quel pourcentage
évaluez-vous le… justement, le travail qui est rémunéré à l'acte par rapport au
reste de vos fonctions? Parce que c'est un peu le trou noir dont on parlait
plus tôt et c'est ce qui n'est pas considéré, semble-t-il, par le gouvernement
ou par le projet de loi.
Mme Dubuc (Virginie) : C'est
vraiment très difficile de calculer ça parce qu'on ne calcule pas nos heures
qu'on fait. Donc, c'est sûr que quand on est avec les patients, c'est facile de
le calculer, mais tous les soirs à faire des formulaires, des notes, à
investiguer, à lire sur les cas de nos patients, on ne les calcule pas. Donc,
la réponse courte serait : beaucoup trop.
M. Arseneau : Mais c'est ça.
Donc vous n'êtes pas en mesure de parler d'un pourcentage, mais pour ceux qui
ne connaissent pas comment ça fonctionne, comme vous dites : Il faut aussi
faire la toxico, l'aide médicale à mourir, et tout ça, on doit… ou
l'enseignement, mais l'enseignement, on imagine que, bon, vous enseignez puis
vous êtes payés à taux horaire pour l'enseignement, j'imagine. Qu'en est-il
pour l'aide médicale à mourir ou les autres éléments qui ne font pas partie du…
de ce qui est rémunéré à l'acte?
Mme Dubuc (Virginie) : Je
vais laisser Docteur Massicotte répondre à cette question-là. Mais pour revenir
à la question précédente, personnellement, j'estime environ que ça me prend
environ deux à 3 heures de paperasses non comptabilisées pour une journée
avec mes patients, donc une journée complète avec mes patients, je dois faire
de soir ou de fin de semaine environ deux,3 heures. Je ne sais pas si…
j'estimerais ça à peu près comme ça. Don, un genre de 20 %. Tu peux
compléter pour sa question.
Mme Lalande (Stéphanie) : Lesquels
qui sont rémunérés à l'acte… l'aide médicale à mourir au CHSLD, mais…
Mme Massicotte (Alexandra) :
Bien, c'est ça, c'est de la rémunération à l'acte, mais à part, tu sais, c'est
toutes des choses qui sont dans la RAMQ, là, c'est possible d'avoir des données
là-dessus. Ce n'est juste pas des suivis en bureau, là, c'est vraiment comme si
on avait oublié, là, au niveau du ministère, qu'on fait vraiment plein d'autres
choses facturables à la RAMQ, à part suivre des patients, là, ce n'est pas
juste de l'urgence puis du suivi de bureau, notre travail. Ça fait que ça,
c'est à peu près 50 % à 0 % de la tâche des médecins, dépendamment de
s'ils font ces activités-là ou pas, en plus du bureau.
Mme Lalande (Stéphanie) :
Chaque médecin a une pratique différente, là, chaque médecin a un pourcentage
différent. Il n'y a pas…
M. Arseneau : Oui, mais en
fait c'était pour illustrer que si ces activités-là ne sont pas… ne sont pas
indiquées comme étant… ou ne sont pas valorisées, c'est comme si elles ne
comptaient pas. Puis on essaie juste de voir justement avec vous, là, comment
on peut faire en sorte que vous puissiez passer tout le temps nécessaire pour faire
ces activités-là et que ce ne soit pas nécessairement de la médecine fast-food
comme on mentionnait un peu plus tôt. Je pense que mon temps est écoulé. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Votre temps est écoulé effectivement, M. le député
des Îles, c'est pour ça que je faisais quelques signes. Je cède la parole
maintenant à Mme la députée de Vaudreuil pour deux minutes 12.
Mme Nichols : Oui, je vais
aller rapidement. Merci, M. le Président. Bien, d'emblée, je veux vous
remercier, vous remercier, un, d'abord d'avoir produit un mémoire dans un court
délai. Je sais que vous êtes très occupées. Donc, évidemment, vous remercier de
votre mémoire, vous remercier de la participation à la commission, vous
remercier surtout pour tout ce que vous faites pour Vaudreuil-Soulanges, qui
sont deux comtés en explosion démographique dans le besoin. Puis je ne veux pas
dire que le reste du Québec n'est pas dans le besoin, là, mais on a notre TAL
qui s'en vient. On travaille ensemble et vous travaillez avec l'ensemble de la
communauté. Vous continuez à soigner vos… vos patients et on sent le dynamisme
aussi. Puis je pense que tout le monde ici autour de la table a compris le cri
du cœur. Donc merci d'avoir fait… Non, c'était un beau cri du cœur, là, merci
de l'avoir apporté ici.
Tel que mentionné, là, dans votre mémoire,
Le GMFU est entre autres, là, essentiel. On comprend qu'il y a la date du 1ᵉʳ juillet,
je suis pas mal certaine que le ministre l'a prise note, la date du 1ᵉʳ juillet
prochain, qu'il y a une date butoir assez importante. J'ai pris la peine aussi
d'aller le souligner aux études de crédits, là, la semaine… voilà peut-être
deux semaines. Donc, je suis pas mal certaine qu'il y a des notes qui ont été
prises puis on espère que le dossier... le dossier va débloquer rapidement.
Mais je n'ai pas grand temps. Il me reste peut-être une minute, une minute 20,
puis je souhaite vous laisser le mot de la fin. Alors, s'il y a des points que
vous voulez apporter, des points que vous voulez souligner, j'ai lu vos
recommandations…
Mme Nichols : ...Donc, voilà,
je vous laisse le mot de la fin, mesdames. Merci encore beaucoup.
Mme Massicotte (Alexandra) : Merci,
vraiment.
Mme Dubuc (Virginie) : Merci
à vous. Merci vraiment beaucoup. Notre point... Ce qu'on veut resouligner,
c'est qu'on n'est pas politiciennes puis on n'est pas syndicalistes, donc
peut-être que c'est... Notre participation et très volontaire, très
enthousiaste, très sincère, mais peut-être aussi un peu maladroite. Et on veut réitérer
nos points principaux. C'est qu'on trouve ça vraiment dommageable pour l'accès
à la population puis la qualité des soins des patients, que le projet de loi ne
valorise pas la médecine de famille, mais pas du tout, ni sa polyvalence ni
l'essence même de cet emploi qui est de connaître un patient et prendre son
temps avec un patient. Puis on trouve ça dommageable pour la population de
Vaudreuil en particulier, mais pour tous les patients... les régions soignées
par des GMF-U, que l'enseignement ne soit pas mentionné et qu'on n'en tienne
pas compte quand on établit des lois comme ça. Parce que, ultimement, ça
déboule jusqu'à une perte d'accès aux soins pour la population du Québec.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Moi, je vais vous
dire que je reconnais la sincérité que vous avez eue dans votre présentation et
dans vos propos. Et je tiens à remercier le Dr Massicotte, le Dr Dubuc et le Dr
Lalande d'avoir contribué à nos... travaux, excusez-moi, en soirée.
Et là je vais vous laisser aller vous
reposer parce que vous avez sûrement des journées à préparer qui s'en viennent,
là, la semaine n'est pas finie pour personne. Alors, merci beaucoup et bonne
fin de soirée. Merci.
M. Dubé : ...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Je vais suspendre les travaux pour
laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 59)
(Reprise à 21 h 03)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous terminons ce soir avec M.
Patrick...
21 h (version non révisée)
Le Président (M. Provençal)
:...doyen de la Faculté de médecine de
l'Université de Montréal, qui sera en visioconférence avec nous, M. Julien
Poitras, doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, Mme Lesley
Fellow, doyenne, Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université
McGill, et madame...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Non, c'est ça, hein? M. Dominique
Dorion, doyen et président de la Conférence de doyens de facultés de médecine
du Québec, mais aussi doyen de la Faculté de Sherbrooke. C'est ça? Alors, ma
petite présentation étant faite, je vous laisse la parole 10 minutes, et, après
ça, on procède aux échanges. Merci beaucoup, parce qu'on sait que l'heure est tardive,
là, on apprécie énormément que vous ayez accepté de vous présenter à cette
heure-là pour venir échanger avec les membres de la commission. Alors, sur ce,
je vous cède la parole.
M. Dorion (Dominique) : Merci,
et merci pour l'invitation, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés. Encore une fois, merci de nous recevoir. Comme vous voyez, je suis
avec mes collègues. D'entrée de jeu, je souhaite vous informer que nous
représentons les quatre universités québécoises dotées d'une faculté de médecine
et qu'à ce titre nous jouons un rôle essentiel dans la formation des futurs
médecins ainsi que dans la production de nouvelles connaissances médicales qui
améliorent la santé de la population québécoise.
D'emblée, nous appuyons sans réserve l'objectif
d'améliorer l'accès aux soins de santé au Québec. Cependant, il est essentiel
qu'on reconnaisse la place fondamentale de l'enseignement et de la recherche
partout dans le système de santé du Québec et que tout nouveau modèle de
rémunération des médecins reconnaisse le double rôle de clinicien et d'enseignant
qui est celui de la très vaste majorité des médecins du Québec.
Je me permets un pas en arrière pour vous
décrire la formation des médecins au Canada et au Québec. Vous venez de voir des
gens qui arrivent de GMFU, des résidents, des étudiants en médecine, mais je
pense que ça vaut la peine de faire un petit retour. Les deux premières années
de la formation en médecine sont sur les bancs d'école. En pratique, en
septembre, 1 165 nouveaux étudiants, la plus grande cohorte de l'histoire,
entreront dans nos quatre campus principaux, mais aussi dans nos six campus
délocalisés à travers le Québec, à Gatineau, en Montérégie, à Trois-Rivières, à
Lévis, à Chicoutimi et à Rimouski. En fait, 17 % des étudiants en médecine
sont formés dans les régions, ce qui permet une très bonne rétention après la
formation et une exposition à la pratique en dehors des grandes villes.
Ce seront deux années où la majorité de l'enseignement
sera fait par des médecins professeurs qui, à ce moment-là, sont payés par les
universités. Donc, le financement arrive du ministère de l'Enseignement
supérieur pour ces deux premières années. Les deux années suivantes sont en
stages dans les hôpitaux et les cliniques médicales, c'est l'externat. À ce
stade précoce de la formation médicale clinique, il y a encore plusieurs
activités formelles structurées par les universités. En pratique, le
financement de cette période est une combinaison de financement des universités,
donc de l'enseignement supérieur, et de la supervision clinique, qui, elle, est
négociée par la fédération, avec le MSSS, et payé directement par la RAMQ.
Après l'externat, les étudiants obtiennent
leur diplôme de médecine, mais ce n'est pas suffisant pour pratiquer la médecine
au Québec. Ils doivent poursuivre leur formation. Et, bien que ces quatre
premières années là soient les mêmes pour tous les étudiants, la suite va les
différencier entre la médecine de famille et les autres spécialités. C'est ce
qu'on appelle la résidence. La résidence est donc une formation de deux ans,
pour la médecine de famille, et entre quatre et sept ans pour les autres
spécialités. Cette partie est entièrement en clinique, donc la plus grande
partie du financement, disons 80 %, se fait via les ententes négociées
avec la RAMQ. Les résidents, vous en avez croisés, vous les avez entendus, sont
des travailleurs de la santé qui donnent des soins de santé et des joueurs
fondamentaux de l'offre de soins spécialisés ou en première ligne au Québec. Il
y a plus de 5 000 médecins résidents et médecins résidentes au Québec
présentement. Vous les connaissez, comme je le disais un peu, pour en avoir
croisé dans les rencontres jusqu'à maintenant. Si vous faites les maths, donc,
60 % de la formation des médecins de famille et, en moyenne, 80 % de
la formation des autres spécialités est faite par des médecins cliniciens et
enseignants qui voient des patients en même temps qu'ils enseignent.
Je parlais de cohorte historique. Pour
répondre aux besoins de la société, depuis sept ans, le gouvernement demande
aux quatre facultés de médecine de former davantage de médecins et, en
particulier, vous ne serez pas surpris, davantage de médecins de famille. Nous
avons répondu complètement aux demandes du gouvernement et avons augmenté de
plus de 40 % les admissions depuis ce temps. Ce résultat est le fruit du
travail de collaboration entre les ministères de l'Enseignement supérieur, le
ministère de la Santé...
M. Dorion (Dominique) : ...et
des services sociaux, bien sûr, nous, les facultés, mais beaucoup, et surtout
je dirais même, celui des médecins sur le terrain, les mêmes qui vont prendre
soin de vous à l'urgence ou en salle d'opération si vous vous tordez un genou
en jouant au hockey.
Mes collègues et moi faisions des maths
tout à l'heure. On arrive au chiffre suivant. Au Québec, environ 1 350
médecins sont en fait surtout des professeurs de carrière universitaire et
reçoivent donc un salaire conséquent des universités. Au moins 15 000
autres ont un contrat de travail formel avec nous, sont représentés par des
syndicats ou des associations et reçoivent, pour certains, des honoraires, mais
sont surtout rémunérés et impliqués dans la formation clinique, comme je le
disais depuis tantôt, rémunérés par la RAMQ.
Donc, je me répète, les médecins
contribuent à la formation, et les personnes apprenantes contribuent
aujourd'hui aux services de soins offerts à la population québécoise, soit en
milieu hospitalier ou dans les cliniques. Il est essentiel que le gouvernement
tienne compte de cette contribution dans tout changement à la formule de
rémunération, pas seulement à cause de l'argent impliqué, mais aussi, et
surtout en fait, à cause du temps nécessaire pour faire cet enseignement.
Pour nous, les formateurs de la médecine
de demain, le temps, c'est le nerf de la guerre, du temps protégé, du temps
reconnu, du temps rémunéré, du temps pour enseigner. Déjà, pour certains,
l'enseignement est vu comme un morceau qui s'ajoute à tout le reste. Les
augmentations de cohortes amplifient cette résistance sur le terrain. Les
discours négatifs, la surcharge de travail, les conditions de pratique, tout ça
amplifie cette résistance.
Dans la mesure où le p.l. 106 lierait la
rémunération à des indicateurs de performance uniquement cliniques, sans
prendre en compte les activités d'enseignement et de recherche des médecins
cliniciens, il mettrait en place des incitatifs qui pourraient entraîner une
diminution importante de l'engagement des médecins pour les activités
pédagogiques structurées, celles des deux premières années de formation, mais
surtout, surtout, de l'encadrement clinique durant l'externat et la résidence.
C'est là notre inquiétude : ne plus pouvoir trouver les milliers de
professeurs dont nous avons besoin pour former les médecins de demain.
• (21 h 10) •
Pour nous, la préoccupation première est
d'offrir une formation solide aux apprenants d'aujourd'hui afin de garantir que
les Québécoises et les Québécois ont accès demain à des soins de qualité. Si le
gouvernement adopte un régime d'indicateurs de performance pour établir la
totalité ou une partie de la rémunération des médecins du Québec, il sera
essentiel que soient incluses des modalités de rémunération liées à
l'enseignement, à la recherche-innovation, à la supervision et aux autres
tâches universitaires. Pour maintenir un système de santé accessible, efficace
et humain, les médecins devront pouvoir exercer dans un environnement qui
reconnaît toute la complexité de leur rôle et leur offre les ressources
nécessaires pour répondre... pour répondre tant aux besoins en soins de la
population qu'aux exigences de la mission universitaire. Si le p.l. 6... Si le
p.l. 106 n'est pas modifié pour protéger l'importance de la mission
d'enseignement et de recherche, il sera beaucoup plus difficile d'offrir un
environnement optimal à nos étudiants et d'attirer, de motiver et de retenir
ici les professionnels dont dépendront la qualité de la formation et des soins
au cours des prochaines décennies.
Pour conclure, nous proposons que le p.l.
106 soit modifié afin de garantir l'engagement nécessaire de la population
médicale pour protéger la qualité de la formation et de la recherche au Québec.
Pour ce faire, nous recommandons de reconnaître formellement la tâche de
formation dans tous les milieux cliniques du Québec dans la mesure où le
gouvernement choisirait de créer et d'imposer des indicateurs de performance,
d'en établir tant pour la formation clinique que pour la recherche-innovation,
de valoriser la rémunération des activités d'enseignement et des activités de
recherche et d'assurer les conditions de travail pour les médecins favorables à
la formation. Au nom de mes collègues, je tiens donc à vous remercier de
l'occasion de participer à cette audience et de réitérer notre désir de
collaborer avec le ministre et le ministère pour trouver des solutions aux
enjeux soulevés et favoriser l'accès aux services de santé du Québec. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre présentation.
Merci beaucoup aussi de nous... de laisser à l'écran les cinq recommandations
que vous venez de nous lire, s'il vous plaît. Alors, ceci étant dit, M. le
ministre, vous allez débuter avec... pour les échanges?
M. Dubé : Très bien. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à vous quatre, là... Est-ce qu'on est
toujours en lien avec votre collègue de l'Université de Montréal, même... O.K.
Je le vois, il est...
Le Président (M. Provençal)
:Oui, M. Cossette...
Une voix : Ah! c'est vrai...
M. Dubé : M. Cossette est là.
Bonjour, M. Cossette. Bien, premièrement, merci beaucoup d'être là, tous les
quatre, c'est... surtout à cette heure-là, à travers...
M. Dubé : ...vos journées,
mais je pense que c'est vraiment important parce qu'on a eu... Je reviens, puis
je ne sais pas si vous avez écouté les conversations qu'on a eues avec le
professeur des HEC qui a fait l'étude, mais je vais vous le résumer, là. Quand
on a... On a voulu regarder le potentiel de changement au niveau de la prise en
charge, puis au cours des derniers mois, là, quand on préparait tout ça. C'est
pour ça qu'on est allé chercher un chercheur qui était indépendant, puis, comme
je l'ai expliqué, puis là je ne me souvenais pas si c'est ce matin ou hier,
parce que les journées sont assez longues, mais on a rencontré ce chercheur-là
qui est venu expliquer qu'aujourd'hui, maintenant, grâce aux différents projets
de loi qui ont été mis en place, on a accès à des données qu'on n'avait pas
avant ou qu'on peut croiser des données, puis ce qui nous a permis d'avoir des
données très intéressantes sur la prise en charge. Mais il nous a dit, dans son
étude, puis je vous invite à la lire si ce n'est pas déjà fait :
Malheureusement, il y a un trou. Il y a un trou où on n'est pas capable de voir
de façon aussi sûre que quand on analyse les données de la RAMQ. Les données de
la RAMQ sont claires. Vous avez de la facturation, vous faites de la prise en
charge, vous faites de l'urgence, vous faites... peu importe l'activité, si elle
est rémunérée par la RAMQ, et c'est ça, le croisement des données qu'ils ont
fait, puis ils ont dit : Voici ce que nos médecins en moyenne font. Je ne
suis pas sur l'horaire, je ne suis pas sur les dollars, je suis sur
l'occupation, vous me suivez?
Malheureusement, il nous a dit :
Bien, par contre, pour la recherche et l'enseignement, trou noir. Je ne le sais
pas, je ne suis pas capable d'aller voir. Ça fait qu'on a dit : On va
retourner puis on va aller voir, mais ça, c'est récemment qu'on a eu son rapport,
ça fait qu'on n'est pas rendu là.
Alors, moi, ce que... la première question
que je vous pose, c'est parce que vous êtes quand même quatre grandes
universités puis vous voulez collaborer avec nous, moi, si je renvoyais le
chercheur la semaine prochaine puis je lui disais : Comment on va faire
pour aller faire cette analyse-là, là? Vous m'avez sorti tantôt des chiffres,
là, 1 350 professeurs. Il y en a 15 000 qui sont à contrat dans
les... Comment on ferait pour avoir une représentation la plus juste possible?
Puis là, je parle de l'enseignement, puis, après ça, on se parlera de la
recherche aussi, là, mais je voudrais me concentrer sur la... comment on ferait
ça pour aller chercher ces données-là, pour être capable... Est-ce que ça
serait bien compliqué? Est-ce que vous avez ça dans chacune de vos universités?
Comment on pourrait faire ça pour, rapidement... pendant qu'on continue nos
avancées sur les discussions qui se passent en ce moment avec avec nos
médecins?
M. Dorion (Dominique) : Je
pense que c'est moi qui vais hériter de la rondelle. Il y a différentes façons
d'évaluer l'implication des gens. Une des façons qui n'est pas... probablement
pas la meilleure, mais c'est d'évaluer le nombre d'heures rémunérées. Nous
autres, dans les universités, on est capable de suivre le nombre d'heures
rémunérées par nos professeurs et nos enseignants. C'est d'ailleurs ce qu'on
partage avec le ministère de la Santé et des Services sociaux depuis plusieurs
années. Donc, on est capable d'évaluer combien... l'Université de Sherbrooke,
que je représente ici aujourd'hui, rémunère combien de médecins et pour combien
d'heures au total. On a des façons d'évaluer cette implication-là, autant pour
les...
M. Dubé : Ça, c'est des
données du ministère de l'Enseignement ou c'est des données de l'université...
M. Dorion (Dominique) : C'est
des données de l'université, c'est des budgets universitaires de chacune des
universités. Donc, ça, ça touche beaucoup plus la première portion que je
décrivais tantôt, qui est la partie préclinique...
M. Dubé : Préclinique, là,
les deux premières, oui. Continuez, ça va bien.
M. Dorion (Dominique) : Exactement.
Donc, on a des données chez nous pour... qui représentent une bonne partie de
ce morceau-là. Quand j'ai parlé plusieurs fois de rémunération par la RAMQ,
rémunération clinique, rémunération qui vient du ministère de Santé et de
services... et de tout cet environnement-là, c'est la RAMQ et les fédérations
qui pourraient avoir cette information.
M. Dubé : Mais ça, on l'a,
ça? La partie qui est RAMQ, avec les codes de RAMQ pour... ça, on l'a?
M. Dorion (Dominique) : Pour
ces différents morceaux-là, vous l'avez. Pour l'enseignement, il ne reste pas
beaucoup de trous quand on... puis on amène ces différents morceaux-là, je vais
laisser mes collègues prendre la balle au bond s'il y a d'autres choses, mais à
travers ces morceaux-là, on est capable d'aller assez loin sur le nombre. Donc,
je peux vous amener des chiffres, M. Dubé. Quand on regarde ce que nous
autres, on rémunère, on est à une centaine, 107, 108, 110 médecins de
famille, 600 et quelques médecins spécialisés, ça, c'est...
M. Dubé : Est-ce qu'ils sont
à... excusez de la... je ne veux pas...
M. Dorion (Dominique) : Oui,
oui, c'est correct. Parfait, on discute.
M. Dubé : ...mais quand vous
dites... parce que je veux faire la différence entre 100 médecins...
M. Dubé : ...qu'ils font,
mais est-ce qu'ils le font à 100 % de leur temps ou?
M. Dorion (Dominique) : Donc,
c'est des équivalents temps plein. Votre question est excellente. C'est des
équivalents à temps plein de médecins. Ces gens-là ne sont pas... ne font pas
partie des 1 350 dont je parlais tantôt, qui sont des professeurs
universitaires qui sont dédiés. C'est donc des gens qui viennent... des
médecins en pratique clinique dans nos environnements puis qui viennent...
M. Dubé : Mais quand vous me
dites 100 chez vous, c'est...
M. Dorion (Dominique) : C'est
100 pour le Québec, l'équivalent...
M. Dubé : Ah! O.K.
M. Dorion (Dominique) : L'équivalent
de 150 médecins de famille...
M. Dubé : O.K. Là, là, c'est
un chiffre que j'avais entendu, qu'on parlait de 200 peut-être... Est-ce que
c'est peut-être 200 pour les quatre universités à temps complet?
M. Dorion (Dominique) : Mais
c'est... On parle des médecins de famille ou on parle...
M. Dubé : Oui, oui.
M. Dorion (Dominique) : C'est
187, le chiffre exact...
M. Dubé : Bon, c'est ce que
je m'étais fait dire.
M. Dorion (Dominique) : Excusez,
j'ai dit 100. C'est 187, le chiffre exact. Donc, c'est le chiffre que les
quatre facultés ensemble...
M. Dubé : Pour les quatre
facultés?
M. Dorion (Dominique) : Pour
les quatre facultés, l'enseignement formel dans nos facultés pendant les deux
premières années, qui est... comme je le disais tantôt, représente 20 % ou
30 % de la formation médicale au complet en termes de temps puis
d'exposition.
M. Dubé : Bien, c'est là que
je suis surpris un peu. Ça fait que j'ai dit : Il nous manque d'autres
choses parce que...
M. Dorion (Dominique) : Non.
M. Dubé : Non, mais c'est...
J'essaie de comprendre parce que...
M. Dorion (Dominique) : Ce
qu'il vous manque, c'est la facturation de la... je m'excuse. La facturation de
la RAMQ va vous amener des chiffres sur le nombre d'heures d'enseignement
donnés par le nombre de médecins qui ont facturé. Quand on discute avec les
gens de la FMOQ, on parle d'environ 40 % des médecins de famille qui ont
facturé à des activités d'enseignement, d'encadrement d'étudiants.
M. Dubé : O.K. Puis ça, on
l'a.
M. Dorion (Dominique) : Ça,
vous...
M. Dubé : On l'a parce que
c'est un code de facturation.
M. Dorion (Dominique) : Vous
avez le nombre d'heures facturées, vous savez combien de médecins ont
facturé...
M. Dubé : Et voilà. O.K.
Donc, ce qui nous manque...
M. Dorion (Dominique) : Et
les chiffres de la FMOQ...
M. Dubé : Ce qui nous manque
pour la portion enseignement qui se rapporte aux quatre universités, c'est les
187 ou 197 équivalents à temps complet.
M. Dorion (Dominique) : Ce
qui vous manque, c'est le nombre de... sur combien de personnes ces chiffres-là
sont...
M. Dubé : Oui.
M. Dorion (Dominique) : On a
tout ça aussi. On a tout ça aussi facilement. En fait, ce que votre ministère
nous demandait, c'était une espèce de listing des gens un après l'autre, mais
toute cette information-là est disponible.
• (21 h 20) •
M. Dubé : O.K. Bon, je
vais.... Il y a des choses plus importantes, mais moi... Là, je comprends parce
que... Je me demandais l'importance, mais ça... en termes de temps complet, ça
représente peut-être quoi, 2 % des médecins de famille. Ce n'est quand
même pas énorme, là.
M. Dorion (Dominique) : Vous
avez les chiffres meilleurs que moi pour la... On n'a d'ailleurs jamais eu
accès à ça.
M. Dubé : O.K. Ce qui est le
plus important... Puis je reviens aux gens qu'on a rencontrés avant vous, là,
d'une GMF-U, là, bon. On est quand même passé de 800 médecins que vous
formez, les quatre facultés de médecine, à 1 165. C'est un record. Moi, je
suis très fier de ce qu'on a fait avec ça. Mais je veux vous remercier pour
l'effort parce que c'est une... Est-ce qu'on a le personnel suffisant en ce
moment avec... pour être capable... Puis c'est d'ailleurs pour ça que c'est la
première année. Là, on va le stabiliser à 1 165. Parce que c'est déjà un
gros effort. Parlez-moi un petit peu de ça. Parce que j'attendais un peu... bien,
j'attendais les commentaires de ces médecins-là, là, qui trouvent ça difficile
en ce moment. Est-ce que... Est-ce qu'on est capables d'avoir ce rythme-là
pour... Est-ce qu'il nous prend plus de GMF-U, selon vous?
M. Cossette (Patrick) : Clairement,
on a besoin de plus de places. Mais il y a déjà une planification qui est en
marche avec le ministère de la Santé, justement, pour établir le nombre de
places nécessaires en fonction de l'augmentation des cohortes. Clairement, à
votre question, on est constamment à la recherche de nouveaux bras pour
l'enseignement. Donc, il y a une augmentation, effectivement, des cohortes qui
demande à ce qu'on recrute davantage de médecins. Dominique en parlait tout à
l'heure. Actuellement, on a délocalisé une partie importante de notre
formation, puis à peu près tous les milieux cliniques, actuellement, au Québec,
collaborent...
M. Dubé : Quand vous dites
délocalisés — excusez-moi, je veux juste comprendre — c'est-tu en région?
M. Cossette (Patrick) : Bien,
en fait, sur l'ensemble de notre territoire... je n'aime pas trop utiliser le
mot «région», mais en fait, essentiellement, on formait davantage en milieu
urbain auparavant puis maintenant on a élargi de façon importante la formation.
Et le constat qu'on fait, c'est qu'on est obligés de recruter constamment des
gens pour nous aider, donc, à ces formations-là pour développer des nouveaux
milieux et faire en sorte qu'on puisse... en fait, faire acquérir les
compétences nécessaires à nos étudiants et nos étudiantes. Donc, la réponse à
ça, c'est : on est en augmentation et on doit recruter davantage.
M. Dubé : Parce que, quand
vous dites... Dans votre présentation, vous avez parlé des régions à 17 %,
là. Puis moi, j'ai eu la chance d'aller visiter ce que vous faites à Rimouski
et ce que vous faites... c'est quand même assez impressionnant, là.
Rappelez-moi on en a combien en tout, des GMF-U, au Québec?
M. Cossette (Patrick) : On en
a une cinquantaine à peu près.
M. Dubé : Une cinquantaine.
Alors, on parlait d'une vingtaine pour la grande région de Montréal, je vais le
dire comme ça, mais une cinquantaine... Mais ça, comment ça se compare? Puis...
excusez-moi si je ne sais pas ça, là, quand je ne le sais pas, je le demande.
Mais...
M. Dubé : …quand on avait
800 étudiants qu'on formait, il y avait combien de GMFU puis est-ce que…
est-ce que la croissance des GMFU a suivi au rythme de croissance de nos 800 à
1165?
M. Poitras (Julien) :
Croissance n'a pas encore suivi, parce qu'il faut comprendre que pour arriver à
avoir besoin de ces places-là, pour un étudiant qui entre aujourd'hui, ça va
prendre…
M. Dubé : Oui, c'est dans six
ans.
M. Poitras (Julien) : C'est
ça, exactement. Donc, on est en train de faire croître cette capacité-là, et il
y avait une capacité qui était inférieure. Ce n'est pas tant le nombre
cependant de GMFU que le nombre de places en GMFU dans le contexte où on a
augmenté un certain nombre de GMFU de plus, mais on a aussi accru le nombre de
places en GMFU qui étaient possibles… où il était possible d'accueillir des
résidents. Donc, ça, ça a contribué également et ça contribue.
M. Dubé : Puis la question
ouverte parce que je vois qu'il va me rester moins de temps, là. Moi,
j'aimerais ça qu'on ait une recommandation, là, puis j'ai vu qu'il y en avait
quand même plusieurs, mais pour voir comment on peut mettre ça dans le projet
de loi sans dénaturer la partie rémunération. Puis je m'explique, là, il y a un
principe peut-être à mettre dans le projet de loi, là, qu'on va réfléchir, mais
toute la question de combien on paie un médecin qui fait de l'enseignement, ça,
ça va relever des discussions qu'on a. Vous me suivez? Le principe ici, c'est
le principe de rémunération ou de simplification, ou d'avoir une performance.
Mais les dollars associés aux heures qui sont mises, ça va relever de la
discussion sur la rémunération, vous me suivez? Ça fait que j'aimerais vous… en
tout cas, on pourra en reparler, là. Mais qu'est-ce qu'on devrait mettre dans
le projet de loi qui envoie ce message-là sans se mêler des discussions sur la
rémunération? Vous comprenez ce que je veux dire?
M. Poitras (Julien) : Bien,
je comprends très bien. Je pense qu'un des premiers éléments, je pense, à
mentionner, c'est que nous, on l'analyse davantage souvent plutôt qu'en termes
de rémunération qu'en termes de postes aux plans d'effectifs. Qu'est-ce qu'on
est capables de… comment est-ce que des médecins peuvent libérer un certain
temps clinique pour pouvoir se consacrer à l'enseignement et à la recherche?
Puis ça, c'est une clé qui est importante.
M. Dubé : Ça, c'est clair.
M. Poitras (Julien) : On a eu
de la part du ministère de la Santé, donc, une aide importante, dans les deux
dernières années, où on a accru le nombre de places au plan d'effectifs dans
certains départements et certains services cliniques pour permettre à ces… des
médecins de ces…
M. Dubé : Au moins, c'est
reconnu puis...
M. Poitras (Julien) : C'est
reconnu jusqu'à un certain point. Mais il faut faire plus parce que c'est dans
une phase d'augmentation de cohortes. Il faut comprendre qu'à mesure qu'on
augmente les cohortes, on a besoin de plus de médecins pour enseigner.
M. Dubé : Très forte. Bon,
bien, tant mieux. O.K., c'est très éclairant. Merci beaucoup. Merci pour votre
présentation encore une fois pour être là ce soir. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Pontiac.
M. Fortin :
Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonsoir à vous quatre. Merci d'être là. Le
ministre dit qu'il est tard, mais vous êtes dans le milieu universitaire, il
n'est pas si tard que ça va, à 9 h 30, il y a encore bien des cours,
souvent. Alors là, là, aujourd'hui, là. Je… moi, je… Si vous êtes là, c'est
parce que vous avez des inquiétudes, entre autres, par rapport au projet de
loi, par rapport à ce qui est présenté, puis par rapport à l'impact que ça va
avoir sur votre capacité à former des médecins. Alors, et il faut le dire, là,
même avec le discours que le ministre a en ce moment, c'est un projet de loi,
que, la semaine dernière, on était prêt à adopter en bâillon, donc, fort
probablement tel quel, là, et que même hier le ministre nous disait : Je
pense qu'on veut davantage des médecins qui font de la prise en charge que des
médecins qui font autre chose comme l'enseignement. Alors, juste pour être
clair, si on l'adopte comme ça, le projet de loi, c'est quoi, votre analyse de
ce qui va se passer sur l'enseignement?
Mme Fellows (Lesley) : Je
pense que l'important, vraiment, c'est qu'il… Comme écrit, que ce n'est pas
clair que l'enseignement, la formation est inclus dans les indicateurs de
performance, et c'est ça qui va être le plus important. Les soins et la
formation vont complètement ensemble dans les milieux cliniques. Alors, si on…
si on fait les changements côté clinique, soins cliniques, c'est certain que ça
avoir des effets sur la formation, la capacité de former les étudiants, les
résidents, et aussi de superviser ces apprenants-là présentement maintenant en
formation pour assurer que les soins qu'ils prodiguent sont sécuritaires et à
la hauteur. Alors, comme tel, ça… on sent que ce n'est pas clair que
l'enseignement, il est inclus dans ce… dans ces indicateurs de performance, ça
va être très difficile.
Et je pense qu'on entend déjà sur le
terrain des inquiétudes très claires. Mais c'est aussi juste de… la façon qu'on
offre les soins à la population, la formation est intégrée dans cette offre de
services. Alors, ça pourrait avoir des effets sur les soins aussi, des effets
négatifs, évidemment. On est...
Mme Fellows (Lesley) : ...on
est inquiets de ça, c'est certain.
M. Fortin :O.K. Et, quand vous dites : Un effet sur les soins
parce que l'enseignement est intégré ou la formation est intégrée aux soins,
là, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il pourrait y avoir moins d'intérêt à
aller pratiquer en GMFU, peut-être, parce qu'il y a une notion d'enseignement
et que, là, on vise surtout la prise en charge, ou est-ce que c'est plus
global?
Mme Fellows (Lesley) : Bien,
je pense qu'il y a plusieurs, parce que c'est si lié. Alors, en premier, les
résidents, les externes et les étudiants en médecine, quand ils sont en
clinique, là, ils offrent les soins, ils soignent les patients. Alors, déjà,
s'il y a des difficultés à avoir la supervision pour ces apprenants-là, ça va
peut-être ralentir les choses, d'une certaine façon. Bien, c'est aussi le cas,
je pense que la plupart des médecins qui s'intéressent à l'enseignement, et il
y en a beaucoup, la majorité des médecins au Québec, qui participent d'une
façon ou d'une autre à l'enseignement. Ils le font parce qu'ils aiment faire
ça, la plupart, ça leur garde au courant, ça leur intéresse. Alors, le fait de,
disons, obliger de laisser l'enseignement pour se viser à 100 % sur les
soins cliniques poserait peut-être des problèmes.
M. Fortin :Mais quand... Je vous prends au mot, là, «poserait
peut-être des problèmes», vous allez quand même en détail, là, dans votre
présentation : «Le p.l. n° 106 aurait pour effet
une réduction importante du temps consacré par les médecins à de la supervision
clinique»... je saute une phrase, mais «...ce qui pourrait compromettre
l'agrément des programmes de formation». C'est une de vos inquiétudes, ça,
l'agrément des programmes de formation?
Mme Fellows (Lesley) : Oui.
M. Fortin :
Oui. C'est quand même assez drastique, comme effet. Je vous amène à votre
dernière recommandation : favoriser la pratique de la médecine au Québec.
Je vous cite : «Nous craignons que l'approche proposée par le projet de
loi n° 106, en créant des conditions uniques au Canada, ne nuise à
l'attractivité du Québec comme lieu de pratique et n'augmente les pressions sur
un système déjà sous tension.» Qu'est-ce que vous voulez dire? C'est que vos
diplômés ou les diplômés seraient... auraient tendance à se tourner vers
d'autres provinces ou les médecins qui veulent enseigner auraient tendance à se
tourner vers d'autres provinces?
• (21 h 30) •
M. Poitras (Julien) : Bien,
en fait, c'est à deux niveaux. En fait, lorsque Dominic expliquait tout à
l'heure les phases au niveau de la formation, c'est qu'en résidence les
résidents ont le choix de faire leur formation n'importe où, donc eux, ils
magasinent, à ce moment-là, un peu partout au Canada. Donc, ils peuvent se
retrouver, même s'ils ont fait leur formation à l'Université Laval, à
Vancouver, au niveau de la résidence, et, à ce moment-là, on n'a pas... on ne
peut pas les attacher. Et c'est clair que les conditions, à ce moment-là de pratique
ou la pratique de la médecine au Québec a une influence sur leur choix de
formation, puisque, par la suite, ça leur ouvre la porte également pour rester
dans ces milieux-là.
M. Fortin :O.K. Donc, si on a des conditions ou des critères qui sont
à ce point-là différents, ça se peut qu'à un moment... au moment de faire leur
choix, ils fassent le choix de pratiquer ailleurs. O.K.
La recommandation c, là, juste pour être
bien clair, vous utilisez des termes, puis vous venez du milieu académique, donc
je sais que vous pesez chaque mot, là, c'est toujours bien mesuré, de «bonifier
et valoriser davantage la rémunération pour les activités de supervision». Là,
encore là, on ne rentre pas dans la négociation, mais est-ce que vous nous
dites qu'en ce moment la rémunération pour les activités de supervision des
apprenants est insuffisante, peut-être par rapport à d'autres aspects ou
d'autres pratiques, là, mais vous nous demandez de la bonifier?
M. Dorion (Dominique) :
Patrick veut répondre.
M. Cossette (Patrick) : Oui.
Alors, c'est vrai qu'il y a eu plusieurs efforts dans le passé pour inclure les
activités de rémunération universitaire, donc l'enseignement, dans la
rémunération des médecins, mais ça reste que c'est une composante qui est assez
faible par rapport à la rémunération à l'acte ou au patient. Moi, je suis
spécialiste, ces tarifs-là n'ont pas été augmentés depuis quand même presque
une vingtaine d'années, et c'est très inégal entre la rémunération
universitaire qu'on peut voir du côté des spécialistes et des médecins de
famille.
Donc, ce n'est pas quelque chose qui est
particulièrement valorisé, mais ce n'est pas... ce n'est pas une question
d'argent, ici, uniquement, c'est vraiment une question de qu'est-ce qu'on va
prioriser, qu'est-ce qu'on va demander aux praticiens de faire dans les
indicateurs de performance. Le plus important, pour nous, c'est que, si on met
la priorité sur voir des patients puis donner des services à la population, ça,
on est 100 % d'accord avec ça, bien, les médecins vont se diriger plutôt
vers là si leur rémunération en dépend, aux dépens des activités
d'enseignement, qui ne sont déjà pas particulièrement bien rémunérées, et
surtout si on ne les inclut pas dans les indicateurs de performance. Donc, ces
deux recommandations-là vont ensemble.
M. Fortin :O.K. C'est déjà assez difficile comme ça... c'est déjà une
contrainte, disons, là, et là, si on ne tient pas compte, dans le projet de
loi, de la formation, ça va être encore...
21 h 30 (version non révisée)
M. Fortin :...plus difficile, si je vous comprends bien. M. le
ministre, moi, ça ne me dérange pas, je sais que vous aviez une précision que
vous vouliez demander, là.
M. Dubé : ...M. le député. Moi,
j'ai entendu, au cours des derniers jours, là, qu'il y avait une façon
différente... puis je vais le vérifier, mais peut-être, vous le savez, de la...
docteur Cossette, de la différence de rémunération pour un spécialiste qui fait
de l'enseignement versus un omni qui fait de l'enseignement, parce que c'est...
c'est dans des enveloppes qui sont régies par les deux fédérations, je vais le
dire comme ça. Est-ce que la différence est si importante?
M. Cossette (Patrick) : Bien,
il y a des différences, puis là je ne veux pas aller dans les détails...
M. Dubé : Non, non, non, mais
je veux juste comprendre.
M. Cossette (Patrick) : ...de
négociation d'argent, mais...
M. Dubé : Il y a une
différence, ce n'est pas... Oui, excusez-moi.
M. Cossette (Patrick) : ...mais
il y a des différences aussi dans quels actes sont permis ou pas permis, puis,
des fois, ça peut aller dans l'autre sens. Par exemple, il y a certains types d'enseignement
qui sont permis ou rémunérés pour la... par la FMOQ, les omnipraticiens, qui ne
le sont pas pour les spécialistes. Donc, quand on parle de bonifier, c'est
aussi standardiser, s'assurer que, quand un médecin au Québec, qu'il soit
omnipraticien ou médecin spécialiste, viennent enseigner dans nos universités,
peu importe à quel niveau d'étudiants ils vont enseigner, que ce soit aux
résidents, aux externes, aux étudiants en médecine, ça devrait être standardisé.
M. Dubé : Merci, André. C'est
beau. On va creuser ça. On va creuser ça. C'est beau. Merci beaucoup, André.
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Fortin :Oui. Merci. Merci, M. le Président. Est-ce qu'il y a un
risque, selon vous, puis on l'a entendu de d'autres tantôt, entre autres, je
pense, les gens du GMF-U, là, que vous avez peut-être entendus quand vous êtes
arrivés, de dévaloriser encore plus la médecine familiale avec ce projet de loi
là?
M. Poitras (Julien) : Bien, en
fait, c'est un tout, mais la médecine de famille, on a quand même une
expérience récente dans les dernières années au Québec. Dans les années 2015,
il y a eu une désaffectation de l'enseignement au niveau de la médecine de
famille. Nos GMF-U, en termes d'enseignants, on en a perdu beaucoup. On est
encore actuellement à rattraper, dans certains GMF-U, ces médecins de famille,
qui sont absolument importants pour former les médecins de famille de demain.
Donc, c'est sûr que c'est une préoccupation qui est importante pour nous. On en
parlait tout à l'heure, déjà au niveau de la rémunération, il y a des iniquités
qui font en sorte qu'on va devoir, pour des raisons, en fait, financières,
mettre à contribution davantage, parfois, des spécialistes dans certains types
d'activité d'enseignement plutôt que des médecins de famille. Et ça, ça donne,
à ce moment-là, comme message aux étudiants, aux étudiantes... bien là, on voit
des spécialistes devant nous, ça devient nos modèles de rôle, et l'idée de
devenir médecin de famille à ce moment-là devient... devient en péril. Donc, ce
sont des éléments comme ça qui nous font peur, en fait, par rapport à cette
désaffection-là vis-à-vis de la médecine de famille.
M. Fortin :O.K.Ça va pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va?
M. Fortin :
Je vous remercie de votre présence ce soir, encore une fois.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député de
Pontiac. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonsoir. Merci d'être là. Vous êtes... Vous êtes les derniers d'une
très longue journée. Merci d'avoir patienté. Mais vous venez néanmoins de
rallumer quelques feux rouges dans ma tête, là, parce que je vous cite, en
conclusion : «Les retombées des mesures portées par le projet de loi n° 106
risquent d'avoir un impact rapide sur la qualité de la formation des futurs
médecins. Nous craignons une désaffection rapide et généralisée des médecins
enseignants qui mettra à mal nos curriculums et nos activités de formation.» C'est
clair, pas besoin d'extrapoler là-dessus, mais moi, je me pose une question :
Avez-vous été consultés par le ministère ou... dans l'élaboration de ce projet
de loi là qui est devant nous? Parce que ce que vous dites là, ce n'est pas
banal, là, c'est grave, c'est très grave. Puis je ne sais pas si ce qui m'étonne
le plus... de lire ça ou l'étonnement de la partie gouvernementale, qui a l'air
de tomber des nues. Est-ce que vous avez été consultés?
M. Dorion (Dominique) : Non.
M. Marissal : Aucun d'entre
vous? Vous avez quand même des contacts réguliers, je présume, là, avec l'Enseignement
supérieur et avec le MSSS?
M. Dorion (Dominique) : Oui.
M. Marissal : Donc, pas de
consultation?
M. Dorion (Dominique) : Non.
M. Marissal : O.K. Ça a le
mérite d'être clair.
Le milieu étudiant en médecine est quand
même assez secoué depuis quelque temps, là, il y a eu 83. On connaît leurs
représentants maintenant par leurs petits noms, là, ils viennent ici une fois
par semaine depuis quelque temps. Là, il y a 106. Mon collègue de Pontiac a
parlé, là, du risque de départs. Bon, ça, ça peut toujours arriver. Mais quel
est l'état d'esprit en ce moment dans les facs de médecine? Parce que c'est...
on est comme dans un petit mouvement de... tempêteux, je dirais, là.
M. Dorion (Dominique) : Je
vais commencer, puis vous allez avoir envie de suivre, je suis convaincu. On
est effectivement dans une période qui est trouble, à travers les augmentations
de cohortes qui ont déjà amené...
M. Dorion (Dominique) : ...une
espèce de déstabilisation de nos... de nos activités. On est en modèle
recrutement de nouveaux professeurs, en modèle recrutement de nouveaux milieux
cliniques.
On en a peu parlé, mais les augmentations
de cohortes, le problème, ce n'est pas de trouver 50 chaises de plus dans une
plus grande salle à Sherbrooke. Le problème, c'est qu'est-ce qu'on va faire
avec eux autres quand ils vont être à l'externat, comment on va les positionner
deux ans plus tard. Donc, à une de vos questions tantôt, «Est-ce qu'on a les
places en GMF-U?», on s'est assurés, avant d'accepter les étudiants en première
année qu'on aurait le moyen d'avoir les places. Les discussions ont été
complexes, et solides, et franches avec les deux ministères avec qui on
travaille, pour nous assurer que les financements seraient au rendez-vous, puis
qu'on pourrait avoir les solutions dont on aurait besoin quatre ans ou cinq ans
plus tard quand on va y arriver. Donc, ces morceaux-là sont en action.
Donc, on avait tout ce travail-là, qui
était de développer, puis c'est de... on a à charmer des milieux de stage, à
leur dire : C'est plaisant, l'enseignement, vous allez voir, ça change le
quotidien. Des fois, c'est... Vous avez tous rencontré des externes puis des
résidents. Je ne parle pas d'ici, je parle, dans les hôpitaux. C'est les petits
jeunes qui se promènent et qui suivent en arrière. Donc, ils changent la
dynamique d'un hôpital. C'est très clair qu'avoir des apprenants dans une
institution ça améliore la qualité des soins, parce que — on en a
parlé — ça force les médecins, ça force les traitants à rester sur la
coche. Parce qu'ils en ont plein, de questions, puis ça ne finit plus, puis...
pourquoi votre voisin, à côté, le docteur de l'autre hôpital, il fait ça
différent? C'est un puissant moteur de qualité de soins et d'homogénéité de
soins d'avoir des étudiants et des apprenants. Donc, on était là-dedans, en
train de charmer des milieux, puis... des nouveaux milieux. Je parle pour
Sherbrooke... On est à Drummondville, l'hôpital est vétuste, on le sait, là-bas.
Il y a des projets en construction, on est impliqués là-dedans. Donc, c'est ça,
la dynamique dans laquelle on est.
• (21 h 40) •
Puis il nous arrive un changement...
Honnêtement, tout changement dans la... dans les... toute proposition de
changement dans les modalités de financement du corps médical a un impact assez
rapidement sur l'enseignement. On est un peu comme Leslie a fait allusion. Les
gens le font parce que ça leur tente, parce qu'ils ont un peu le goût. Pendant
la pandémie, on l'a vu, les gens se sortaient un peu de l'hôpital pour venir
enseigner des... Cet environnement-là, il est intéressant, mais c'est en plus
des autres choses. Puis quand on arrive à secouer la base, à vouloir changer
les modes de rémunération, juste l'instabilité... L'instabilité de l'augmentation...
vous avez parlé de tempête... l'instabilité de l'augmentation des cadres avec
l'instabilité de la... de la... de l'enrobage de rémunération amène, pour
toutes ces équipes-là, un inconfort.
On n'a pas eu un retrait massif de gens
qui sont tous arrivés à la course, mais je peux vous dire que ça va faire
partie, potentiellement... c'est un des morceaux faciles, donc ça peut faire
partie, potentiellement, des réflexes que les gens vont avoir sur le terrain, puis
ils nous avaient dit : Oui, je vais y aller, ah! finalement, je ne peux
pas, puis on a des désistements, pas massifs, mais ça complexifie notre vie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je... on va
terminer avec le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci à vous quatre d'être présents ici ce soir. Vous parlez,
évidemment, de rémunération liée à l'enseignement, qu'il ne faudrait pas
oublier lorsqu'on... il est question de revoir la rémunération des médecins. Je
ne sais pas si vous avez pris connaissance de l'étude qui nous a été présentée
ce matin, là, l'étude des HEC concernant, justement, la rémunération, où on...
et il y a eu aussi des... une couverture médiatique par rapport à cette étude,
commandée par le gouvernement du Québec. Et je vous avoue que ce qui me frappe
ce soir, c'est que, bon, vous plaidez pour qu'on prenne en compte
l'enseignement, les heures d'enseignement puis la rémunération.
Ce matin, ce qu'on apprenait, c'était
qu'il y avait un trou noir dans l'analyse. Je ne sais pas quel genre de devis
on avait, mais on disait : Bien là, il y a des choses qui sont faites à
l'extérieur de ce qui est facturé à la RAMQ, mais on ne sait pas c'est quoi.
Mais là, avec la discussion à laquelle on a eu lieu tout à l'heure, vous avez,
à la minute près, les heures qui se sont faites en enseignement par les
médecins, et la RAMQ aurait aussi toutes les heures facturées pour ce qui est
de la troisième ou quatrième année, les années suivantes. Comment vous
expliquez qu'on a cette information-là mais qu'on ne l'a pas consignée dans un
rapport, qui semble aussi importante pour redéfinir le mode de rémunération des
médecins?
Mme Fellows (Lesley) : C'est
une question pour celui qui a fait le rapport.
Des voix
: Ha, ha, ha!17947
M. Arseneau : Mais est-ce
que... est-ce que c'est en réaction à ce rapport-là, où on dit : Bien là,
il y a un trou noir? Vous, vous dites : Il y a un trou noir, c'est
l'enseignement, ne l'oubliez pas dans votre révision de rémunération.
Mme Fellows (Lesley) : Bien,
pour nous, c'est juste qu'il y a un manque de discussion de ce sujet-là dans le
projet de loi, pas dans le rapport. Je ne sais pas.
M. Arseneau : D'accord,
mais... Je comprends, mais...
M. Dorion (Dominique) : On ne
l'a pas vu, le rapport.
M. Arseneau : Oui,
évidemment, et c'est un hasard complet qu'on a eu cette étude-là là, au moment
même où on étudiait le projet de loi n° 106, j'imagine. Mais je reviens à
votre inquiétude que ce que vous entendez sur le terrain...
M. Arseneau : ...l'inquiétude,
c'est par rapport à l'instabilité qui est créée par le projet de loi
n° 106, j'imagine, mais, pour ce qui est de la médecine de famille, est-ce
qu'il y a aussi à cet égard-là une inquiétude plus spécifique? Parce que vous
mentionnez : Au moment où il serait important, dans votre conclusion, de
valoriser la profession médicale et d'encourager les étudiants et les étudiants
à choisir la médecine de famille, le message que ce projet de loi envoie est à
contre-courant. Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Cossette (Patrick) : Je
pense que ce qu'il faut comprendre là-dedans, c'est que c'est... La médecine de
famille, on est tout à fait en ligne avec les orientations du gouvernement à
savoir de former plus de médecins de famille pour répondre aux besoins de la
population. On vise toujours à former 55 % de médecins de famille. On
réussit actuellement, à l'intérieur de nos cohortes, qui est... on réussit,
actuellement, à former entre 52 % et 53 % de nos résidents, donc, en
médecine de famille, ce qui est quand même exceptionnel comme performance au
niveau canadien puisqu'on est davantage autour de 30 % dans les autres
provinces.
M. Arseneau : Mais en quoi
est-ce que le projet de loi va à contre-courant?
M. Cossette (Patrick) : Bien,
nous, on veut toujours continuer à valoriser, donc, la médecine de famille. Ce
qu'on voit, vous avez entendu comme nous tout à l'heure, là, les gens du GMF-U,
c'est une sorte de découragement, en fait, à l'égard, donc, de l'enseignement
de la médecine de famille. Nous, ce qu'on craint, c'est de perdre nos médecins
qui sont en GMF-U, donc en groupe de médecine de famille universitaire où on
forme nos futurs résidents. Et c'est cette inquiétude-là qu'on a vécue, comme
je le mentionnais tout à l'heure, il y a une dizaine d'années. On en est encore
parfois à essuyer, donc, les difficultés qu'on a eues à ce moment-là. On veut
éviter que la même... la même situation se reproduise.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Alors,
il me reste à vous remercier, Mme la Représentante et Messieurs les
représentants de nos quatre facultés de médecine du Québec, pour ces échanges
que nous avons eus ce soir, et surtout d'avoir accepté de venir à cette heure
aussi tardive dans notre journée.
Alors, ceci étant dit, la commission
ajourne ses travaux à jeudi 28 mai 2025, après les avis touchant les
travaux des commissions, où on poursuivra notre mandat. Merci beaucoup et bonne
fin de soirée.
(Fin de la séance à 21 h 45)