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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 28 mai 2025 - Vol. 47 N° 95

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux. . Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Dorismond (Marie-Victorin) est remplacée par Mme Guillemette (Roberval); Mme Picard (Soulanges); par Mme Jeannotte (Labelle); et M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne); par M. Marissal (Rosemont).

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Très bien. Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous entendrons les témoins...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...suivants : le professeur Pierre-Carl Michaud et la professeure Mélanie Bourassa Fortier... Forcier, pardon.

Alors nous allons avoir besoin de votre consentement ce matin, puisque la séance a commencé, Mme la secrétaire, à 11 h 30. Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit jusqu'à 13 h? Consentement. Très bien. Merci beaucoup.

Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au professeur Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à commencer votre exposé.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, merci de m'accueillir à ces consultations.

On le sait, la question de la rémunération des médecins, elle est clivante, et ce, depuis en fait le début du régime d'assurance maladie du Québec. C'est né d'un compromis, à l'origine, un système de rémunération de manière générale à l'acte, avec des médecins qui sont des travailleurs autonomes. C'est un système qui est toujours solidement ancré au Québec, même s'il y a eu quelques changements. Et aujourd'hui, c'est un système qu'on pourrait qualifier de monstre bureaucratique très impénétrable, très compliqué. Et c'est dans un contexte de vieillissement de la population, je crois, aujourd'hui, qu'on voit les pressions augmenter sur ce système puis qu'on commence à voir les fissures qui paraissent, en quelque sorte, dans les fondations.

Mon équipe, composée de chercheurs en économie de l'Université Laval et de HEC Montréal, on a accepté un mandat de recherche provenant du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec pour répondre à deux questions : tracer l'évolution de l'offre de travail et la prestation des services médicaux, et évaluer si la hausse de la rémunération elle-même, c'est-à-dire la hausse des tarifs consentie depuis environ une quinzaine d'années et un peu plus... même un peu avant, a pu influencer le volume de services médicaux, soit à la hausse, soit à la baisse.

On a publié un rapport samedi dernier. Il s'agit d'un rapport qui décrit une réalité difficile à capter, où plusieurs choses peuvent être vraies en même temps. Ça, c'est le point sur lequel je veux... je veux insister.

Le meilleur exemple, c'est le problème de mesure de ce qu'on appelle l'offre de travail, la prestation de service. On ne peut pas mesurer l'offre de travail des médecins en termes d'heures travaillées, par exemple, à l'aide des données de facturation de la RAMQ. C'est le système qui, en quelque sorte, a produit ce constat-là. C'est l'angle mort de notre système de gestion sur l'intensité de la pratique des médecins. Et ça rend difficile l'établissement de politiques publiques dans ce domaine-là.

Donc, on peut trouver en même temps que les travails travaillent... les médecins travaillent beaucoup, et c'est ce qu'on montre dans le rapport, mais en même temps, qu'ils font moins de services médicaux qu'auparavant. Les deux choses peuvent être vraies.

On le savait dès le départ en acceptant ce mandat-là. C'est pour ça qu'on ne s'est pas fiés seulement sur des données de facturation pour faire... répondre aux questions. On a analysé en particulier les données du recensement canadien. Ça peut paraître un peu byzantin, hein? C'est des données qu'on sait qui existent. Mais, en fait, on se fait... une personne sur cinq au Canada se fait demander le nombre de semaines qu'ils travaillent par année, et d'heures qu'ils travaillent par année. Et on est obligés de répondre. Et les médecins y répondent, à cette enquête-là. Donc, on a utilisé ces données-là pour, en premier lieu, nous donner un point d'ancrage sur c'est quoi l'offre totale, en quelque sorte, de travail des médecins, puis comment ça allait évoluer dans le temps. Ce n'est pas parfait, mais c'est déjà ça.

En plus des données de facturation de médecins, on a aussi utilisé les données de l'Institut canadien d'information en santé, qui se base en partie sur... aussi sur des données de facturation, mais qui nous donne un autre point de comparaison, d'ancrage important, qui est celui de permettre des comparaisons. Et, des comparaisons, c'est utile. Bien sûr, ça soulève des débats de comparabilité, mais tout de même, ça donne des constats qui sont éclairants.

Donc, on ne peut pas... on ne peut pas réduire l'étude qu'on a faite à une analyse seulement de fichiers de facturation de la RAMQ. Mais ces fichiers ont aussi une histoire à raconter, une histoire très importante. On a épluché, à l'aide de quantités massives de données de facturation, plus de 1 milliard d'actes médicaux sur une longue période et analysé le comportement de plusieurs milliers de médecins.

Les constats. Le premier constat le plus important pour vos travaux dans le cadre de ce projet de loi, c'est qu'à l'aide d'une analyse économétrique statistique, la hausse des tarifs consentie et des incitatifs qu'on a consentis sur la période n'a pas eu l'effet... l'effet escompté globalement sur le volume de services médicaux des médecins rémunérés entièrement à l'acte. Et là, c'est très important, on a exclu de cette analyse-là les médecins rémunérés en mode mixte, à salaire, et ainsi... 

M. Michaud (Pierre-Carl) : …on s'est concentré sur les médecins rémunérés à l'acte. L'effet aurait même été négatif pour le volume… le volume d'actes, le nombre de patients et le nombre de semaines avec un seuil minimal de facturation. Les données sur les heures travaillées du recensement n'ont pratiquement pas bougé et même diminué un tout petit peu sur la période, mais ça demeure modeste. Notre étude, donc, suggère que c'est la répartition des activités des médecins qui s'est faite vers d'autres activités, même si on ne peut pas exclure aussi qu'il y a eu des effets de richesse qui ont incité certains médecins à en faire moins, tout en visant une rémunération cible.

Un autre constat très important, la féminisation ou les effets de composition de la profession médicale ont eu très peu d'effets sur les volumes. C'est présent ces effets-là, mais ça reste des effets qui sont faibles. Résultats de cette hausse et plus… et de cette hausse de rémunération, mais aussi de plusieurs autres causes, entre autres le fardeau administratif, les difficultés opérationnelles, la prestation de services médicaux à la population par médecins oeuvrant seulement à l'acte, elle est faible, moins de 140 jours en moyenne par année, avec un seuil de facturation minimal, moins de 40 semaines par année avec au moins un jour de facturation. Plus du tiers des médecins omnipraticiens avec trois jours ou moins de facturation avec un seuil minimal par semaine. En comparaison des autres provinces, Le Québec est au milieu du classement en termes de nombre de médecins par millier de population, mais en queue de peloton en termes d'équivalents temps plein, ce qui concorde avec les analyses qu'on a faites. Ce n'est pas le gouvernement ni les médecins qui sont les plus grands perdants de ce triste constat, ce sont les patients du Québec.

Maintenant, le projet de loi, notre mandat n'était pas d'en étudier les conséquences. D'ailleurs, nous n'avions aucun préavis sur son dépôt. Je vais donc faire des remarques à partir de maintenant, à titre personnel, et ça n'implique pas les auteurs de l'étude avec qui j'ai travaillé. D'emblée, je salue le principe de sortir du statu quo et d'introduire une notion de responsabilité partagée, et elle doit être partagée, concernant l'obligation de performance dans la prestation des soins… des services médicaux. Le projet de loi fait des changements importants à la rémunération sur trois plans : la capitation, simplification de la rémunération à l'acte et un mécanisme collectif de rémunération à la performance. C'est un projet sur les principes, à part une formule dans le projet de loi, on ne vient pas fixer des paramètres parce que ça, ça sera fixé en négociation par la suite avec les fédérations et par règlement. Donc, il y a très peu de détails sur lesquels on peut se pencher comme expert et dire : Bien, l'effet attendu de ce qui va être fait va être ça, hein, on peut simplement se prononcer sur les principes.

Et donc ce n'est pas... ce n'est pas facile de commenter, mais je vais faire trois observations. Je crois, comme plusieurs l'ont fait, puis plusieurs risquent de le faire encore aujourd'hui, je pense que c'est important d'introduire une dimension d'indicateurs de qualité des soins, pas pour baser la rémunération sur ces indicateurs-là, mais pour donner, nous donner un indicateur qui aide à motiver les professionnels de la santé à se dire : Bien, est-ce qu'on peut s'améliorer en termes de qualité, donc ne pas seulement viser le volume, mais d'être capable de voir en quelque sorte ce qu'on obtient?

• (11 h 40) •

La rémunération par capitation ou à salaire, on le sait qu'elle a des effets indésirables et elle peut mener à certains effets où on priorise le volume de patients et on réduit le temps passé avec chaque patient. Et donc ces indicateurs-là sont indispensables pour avoir une certaine transparence au niveau de ce qui est fait en termes de soins. Il faut que le ministère de la Santé étudie les impacts des paramètres qu'il va choisir, ça va de soi. Mais je veux mettre en garde tout le monde ici que, si on choisit les mauvais paramètres cette fois-ci en ayant fait des gros changements, on risque de créer des incitatifs pervers, des effets non désirables. Et donc il faut prendre le temps de le faire, peut-être en concert avec les fédérations et de bien établir combien ça prend de temps pour faire différents actes, combien ça prend de temps pour prendre en charge un patient avec un code rouge, un code vert, un code jaune et le faire comme il faut. Il faut prendre le temps de le faire, même sur… si sur les principes, on semble vouloir agir rapidement.

La formule de rémunération à la performance, quelle formule? Mais c'est assez simple dans le fond, c'est dire : Oui, la rémunération passe de 10 à 25 % selon qu'on atteint les cibles. Parmi les recommandations puis j'aurai peut-être la chance d'échanger avec vous à ce niveau-là, je crois que ça pourrait être intéressant d'introduire une notion de responsabilité partagée dans cette formule-là, que ça soit ici ou que ça soit plus tard, où la formule s'applique seulement si le système de santé est capable de livrer un certain seuil, par exemple, d'ouverture de salles opératoires ou d'autres conditions particulières.

Les médecins plus âgés, je crois que c'est possible d'adapter ces formules-là pour les exclure de la bonification collective pour ne pas qu'ils soient pénalisés indûment ou que les autres médecins dans un groupe de pratique collective soient pénalisés…

M. Michaud (Pierre-Carl) : ...donc tous ces principes-là, je pense que ça peut être fait.

Donc, je vous laisse sur une remarque finale dans l'esprit de certains intervenants qui... ce que certains intervenants ont dit hier. Je crois qu'il est possible de respecter le principe de ce projet de loi en intégrant davantage la notion de responsabilité partagée. Au final, le seul indicateur de performance qui compte, ça va être la satisfaction des besoins de la population, dans le respect de la capacité de payer du contribuable québécois. Ça me fera plaisir de répondre à vos questions et d'échanger avec vous.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Je vous remercie pour votre exposé, Pr Michaud. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une durée de 15 min 30 s.

M. Dubé : Très bien. Alors, merci, Mme la Présidente, puis bienvenue avec nous pour quelques heures. Alors, merci d'être là. M. Michaud, moi, je salue la qualité de votre travail puis je dirais aussi l'indépendance de votre position. Puis je pense que ça, c'est important parce que, oui, c'est effectivement un mandat qui a été donné par le ministère, mais... je laisserai mes collègues commenter, mais je pense que vous avez démontré beaucoup, je dirais, de professionnalisme et d'éthique en essayant de mettre les choses clairement, là, pour avoir un rapport balancé. Puis je pense que, d'ailleurs, c'est ce qu'on souhaite de nos commissions, c'est d'avoir des opinions qui nous viennent de l'extérieur pour être capables de dire : Bon, bien, est-ce qu'on peut ajuster le projet de loi? Est-ce qu'on peut faire des modifications pour rassembler tout le monde? Puis c'est un peu votre dernière conclusion. Ça fait que je veux juste vous dire que j'apprécie beaucoup cette approche-là.

Je ne peux pas m'empêcher... puis là je vais... ça va passer vite, 17 minutes, là, ça fait que je vais aller rapidement, mais je ne peux pas m'empêcher de me faire plaisir un petit peu puis que... Je vous ai entendu, la semaine dernière, parler, maintenant de la facilité avec laquelle vous avez accès aux données, comparé à ce que c'était avant, et ça, depuis les projets de loi qui ont été passés au cours des dernières années. Juste vous entendre rapidement là-dessus.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Ah! c'est extrêmement important. Plus de données, moins de mythes, plus de capacité de se rassembler autour de constats communs puis de faire évoluer les politiques. Donc, ça me semble... Avant, ça pouvait nous prendre de quatre à huit ans avant d'avoir accès à des données...

M. Dubé : ...

M. Michaud (Pierre-Carl) : ...à des données en santé. Et maintenant, bien, ça peut se faire...

M. Dubé : C'était quoi, c'étaient les limitations d'autorisation, l'accès aux données?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Commission d'accès à l'information, et ainsi de suite, et donc ça pouvait prendre beaucoup de temps. Donc, je pense qu'on est gagnant, là-dedans, tout le monde est gagnant.

M. Dubé : Je n'avais pas compris que ça faisait une si grosse différence, en termes de temps.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Ça fait une énorme différence.

M. Dubé : Ça fait que vos chercheurs, ils sont contents.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Et, je dirais, les jeunes. Donc, les jeunes, avant, on les faisait travailler sur des données américaines et européennes parce qu'ici ils n'avaient pas accès aux données. Là, ils sont motivés parce qu'on leur dit... Imaginez des jeunes d'aujourd'hui qui travaillent sur un projet comme ça. Ils sont motivés parce qu'ils disent : Je travaille sur quelque chose qui est d'actualité, qui est important. Donc, ça, je pense que c'est important, qu'on voie ces bénéfices-là.

M. Dubé : Bien, j'en profite pour remercier mes collègues d'en face parce qu'on les a faits ensemble, ces projet de loi là. Ça fait que je veux le mentionner, ça a été long, des fois, et pénible, mais je pense qu'on a fait des bonnes choses puis je veux saluer mes collègues, mais l'opposition aussi, parce que, maintenant, ça vous donne des outils, puis on verra comment on peut en profiter.

Puis je vais sauter dans le vif, là, maintenant. Par contre, vous avez bien dit, puis je pense que vous nous aviez avertis avant ou, en tout cas, averti le ministère, là... Je veux parler de... je dis : On a facilité l'accès aux données, mais il vous manque encore de l'information pour être capable... Puis vous le dites clairement dans votre rapport, là, vous êtes basé principalement sur des données de facturation. Donc, pour que les Québécois comprennent, là, c'est... on sait l'emploi du nombre d'heures d'un médecin, mais s'il a facturé pour de la prise en charge ou s'il a facturé pour de l'urgence, ce sont des données de facturation. Puis ça, là, quand vous êtes rentré dans les bases de données, c'est ça que vous êtes allé voir. Par contre, il vous manque le reste.

Puis je voyais une statistique, hier, du ministère, là, je l'ai dit, exemple, recherche et... recherche, et je vais dire enseignement, là, je dis les deux principaux. Là, on me disait hier qu'on est capable de dire que l'enseignement c'est peut-être 187 ETC, parce qu'il faut toujours ramener ça sur des équivalents à temps complet, donc, 187 ETC. Ce n'est même pas 2 % des 10 000 médecins, donc. Puis l'autre partie, comment vous pourriez faire pour aller la chercher? Là, je ne veux pas vous donner de suite un deuxième mandat, là, mais est-ce que... avec l'accès que vous avez, il faudrait aller où? Au ministère de l'Éducation? Qu'est-ce qu'il faudrait aller faire pour avoir ces données-là? Parce que moi, je suis très ouvert à mieux comprendre la situation réelle des médecins qui décident de faire de l'enseignement ou de la recherche, mais...

M. Dubé : ...seriez-vous capable d'aller chercher avec la même granularité que vous avez faite pour la facturation? Qu'est-ce qui vous manque pour être capable de faire ça?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Il faudrait venir jumeler des bases de données qui sont peut-être de d'autres ministères, comme en enseignement et en recherche. Mais il va toujours rester le trou de l'administratif, là, on va l'appeler comme ça. Et là je n'ai pas le détail de savoir qu'est-ce que... tu sais, un médecin qui prend une tâche administrative à l'intérieur d'un hôpital, comment est-ce qu'on fait pour... et qui n'est pas rémunéré pour ça, comment est-ce qu'on fait...

M. Dubé : Administrative à l'intérieur de l'hôpital, comme, par exemple, un DRMG ou... O.K., mais qui n'est pas dans un contexte de facturation.

M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est ça. Comment est ce qu'on fait pour venir, en quelque sorte, venir comptabiliser tout ce temps-là pour avoir un portrait quand même important? Mais faut toujours comprendre qu'en même temps il y a des limites aux données administratives. Les limites administratives, elles sont collectées pour administrer des programmes, et donc, même si on essaie de faire ça, il va toujours avoir un... J'entendais... je pense qu'hier il y avait un docteur qui était ici, qui nous expliquait que lui-même faisait toute sa comptabilisation de son temps, le temps passé. Bien, idéalement, on aurait ça, mais là le danger d'aller là, c'est qu'on imposerait un poids additionnel aux médecins, dire : Il faut aller...

M. Dubé : Moi, j'étais plus curieux de savoir ce que, vous, vous pouvez faire, mais on pourra en parler, parce que, je pense que, de toute façon, on a dit qu'on voulait prendre le temps, dans les prochaines semaines, prochains mois, pour faire. Ça fait qu'on pourra y revenir, parce que vos données sont très claires, vous l'avez bien expliqué, il y a une limitation qui est vraiment aux données de facturation, puis, bon... Bon, je veux comprendre, parce qu'on a été très surpris d'une des grandes conclusions, là, que, plus la rémunération augmente, moins il y a de services. Puis je ne sais pas si vous commencez à l'intérieur de... mais, quand vous avez commencé à voir ça, avez-vous creusé pour essayer d'en comprendre les raisons?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Non, ça, c'est quelque chose qu'il faut vraiment maintenant s'attarder, le mécanisme, pourquoi on... Donc, une hypothèse, c'est l'effet de richesse, hein, on a un revenu déjà élevé, on augmente la tarification à l'acte, et là peut-être qu'on fait d'autres... on fait... On peut d'abord commencer par peut-être travailler un peu moins en heures, ça, c'est possible, c'est possible qu'il y ait des médecins qui fassent ça. Mais on peut aussi peut-être si, par exemple, ce n'est pas plaisant...

M. Dubé : Quand on dit moins en heures, on parle toujours pour la prise en charge...

M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est ça.

M. Dubé : ...parce qu'on exclut, on exclut la recherche, on exclut l'enseignement.

M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est ça. Exactement.

M. Dubé : O.K.

• (11 h 50) •

M. Michaud (Pierre-Carl) : Et donc il peut avoir ça, il peut avoir aussi un effet de... un effet important d'interactions ou si ce n'est pas plaisant d'exercer notre tâche de médecin, par exemple, parce qu'il y a des gros ennuis au niveau administratif ou à l'exécution. Mais peut-être que, quand la rémunération augmente, l'effet, il est encore plus fort, parce que là on se dit : Ça me permet d'avoir le même revenu que j'avais avant, mais là je vais diminuer le volume d'actes que je fais parce que c'est devenu tellement déplaisant de faire la tâche. Et donc c'est possible qu'il y ait une interaction entre ces choses-là. Et là, aller creuser ça, ça, je pense qu'on peut le faire, mais ce n'est pas quelque chose qu'on a eu le temps de faire.

Donc, on voit qu'il n'y a pas un effet positif, ça, je pense qu'on peut l'exclure. Il y a des effets nuls très souvent et il y a des effets négatifs qu'on a observés pour certaines mesures. Et là, comprendre le mécanisme, c'est ça, la clé au point de vue scientifique, parce qu'il faut... il faut avoir une histoire crédible, il faut comprendre pourquoi c'est en train d'arriver, puis c'est important pour vous.

M. Dubé : Mais, dans vos recherches, là, parce que je regardais la liste des références que vous mettez à la fin de vos études, c'est toujours deux, trois pages de long, avec des petits numéros, là, mais est-ce qu'il y en a, d'autres études que vous avez consultées qui arrivent au même constat que...

M. Michaud (Pierre-Carl) : Il y a beaucoup d'études qui montrent cet effet-là qu'on dit de courbe d'offre de travail à rebroussement. O.K.

M. Dubé : Oh! Répétez-moi ça.

M. Michaud (Pierre-Carl) : L'offre de travail, généralement, quand on gagne plus à l'heure comme travailleur, on travaille plus, hein, mais il y a un certain moment donné où on peut observer un effet que, quand on nous paie à l'heure un peu plus élevé, bien, on va réduire nos heures au lieu de les augmenter. Il y a un effet revenu qui devient plus important. Et donc, dans les études, il y a plusieurs études... Ce n'est pas toutes les études, il y a des études, dans certains contextes, qui ne montrent pas d'effet, mais il y a des études qui montrent des effets négatifs, et, en particulier, une étude canadienne qui utilisait, et québécoise, qui utilisait des données vers 1998 à 2002, qui trouvait ces effets-là déjà à l'époque, qui étaient plus faibles que ceux trouvés ici, mais ils étaient déjà là.

M. Dubé : Vous avez éludé, puis je pense que c'était intéressant, dans votre rapport aussi, toute la question de : Est-ce que le mode de rémunération devrait inclure un certain lien avec... Moi, je parle plus de résultats ou de certaines cibles. Vous avez parlé de ça. Vous avez dit tantôt, dans votre énoncé, vous avez parlé qualité. Est-ce que... Donc, vous n'êtes pas contre ce principe-là, si je comprends bien, là...

M. Dubé : ...mais c'est quoi? Le plus important, c'est quoi? C'est le choix des cibles?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Le choix des cibles et la... essentiellement la récompense qu'on va donner à la cible. Donc là, on a fixé de 10 % à 25 %. Mais, ces chiffres-là, tu sais, pourquoi c'est ces chiffres-là, c'est quoi, la pente, donc comment la réponse à la cible, on va réagir en rémunération.

M. Dubé : Oui. Il y a-tu 25 cibles, il y en a-tu 15, il y en a-tu trois. O.K.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Et donc, c'est tout ce détail-là, je pense. Et là, le package de rémunération totale aussi, là, vu qu'il va y avoir de la capitation dans certaines... Donc, capitation, rémunération à l'acte simplifiée, il faut regarder l'effet total de tout ça. Donc, ça va prendre une modélisation quand même assez complexe pour venir bien comprendre ça.

M. Dubé : Puis je reviens sur les études internationales, parce que je pense que c'est un peu ça le début... le... un des débats, là, que j'entendais de fédérations, puis je le fais dans un objectif constructif. Mais vous en avez vu ailleurs, d'autres rémunérations, dans des organisations qui ont la... bien, la performance ou un lien avec les résultats, là?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Dans mon cas... Dans mon cas, je n'ai pas étudié cette question-là, précisément.

M. Dubé : Ah! O.K. Vous n'êtes pas allé à l'international?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Non.

M. Dubé : O.K. C'est beau. Moi, j'aimerais poser... peut-être donner l'opportunité à de mes collègues de poser quelques questions, là, s'il vous plaît, si vous permettez.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de Bonaventure, la parole est à vous. Il reste un temps de quatre minutes 43 secondes.

Mme Blouin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Juste une petite question. Bonjour à vous. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

En fait, dans votre rapport, qui est très intéressant par ailleurs, vous nous parlez de l'augmentation du nombre de femmes en médecine. Et ça a attiré mon attention parce que vous affirmez que la féminisation de la profession explique très peu, voire même pas du tout la productivité, en fait, des médecins. Donc, on a entendu souvent cet argument-là, par ailleurs, dans les différentes fédérations au cours des derniers jours. Mais, selon vos constats, ce n'est pas un argument qui tient la route. J'aimerais ça que vous nous en parliez un petit peu, si c'est possible pour vous.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui. Je peux donner... Je peux donner l'intuition : si la fraction de femmes dans la profession augmente de 10 10 %, 10 points de pourcentage, et que l'écart, disons, on va dire d'offres de services médicaux serait de 20 % entre les hommes et les femmes, donc les hommes feraient 20 % plus de services que les femmes, pour toutes sortes de raisons, bien, au total, ça va donner un effet de 2 %. 10 % fois 20 % va donner 2 % au total de réduction du volume de services médicaux médicaux. Mais, si la baisse du volume de services médicaux, par exemple chez les omnis, est de 20 %, bien, ce 2 % là, par rapport au 20 %, il explique... il explique très peu. Donc, l'effet de composition, il n'est pas suffisamment important... il est important, mais il n'est pas suffisamment important pour venir expliquer les variations de volumes qu'on a vues dans le temps. Donc là, après, on fait toutes sortes d'exercices statistiques pour justement bien décomposer ça. On suit la population en âge, les médecins, la structure d'âge, la structure en termes de sexe. Et là, bien on quantifie pour différentes mesures, effectivement. Puis c'est ça qui a été rapporté aussi, même par certains médias. On quantifie, en quelque sorte, la part qui est expliquée par la féminisation, et ça va être peu. Mais j'ai donné l'intuition au départ, là, sans même faire l'exercice. Si c'est 10 % d'augmentation de femmes, ça prendrait un écart énorme entre les hommes et les femmes pour venir générer une baisse de volume de 20 %, par exemple, chez les omnipraticiens, ce qu'on a eue. Donc, déjà, avant même de le faire, l'exercice, on se doute que l'effet ne peut pas être très important, une fois qu'on réfléchit à la mécanique. Mais, quand on le fait de manière précise, on voit que c'est un... Donc, on ne peut pas par exemple faire porter, là, le fardeau de ce qui se passe sur dire : Bien, c'est à cause de la féminisation. C'est sûr que c'est un facteur qui est important, puis il faut le prendre en compte dans la planification des effectifs. J'imagine que c'est fait. Et c'est tout à fait valable. Il n'y a pas de jugement sur ça. Mais il faut le prendre en compte.

Mme Blouin : Merci.

M. Dubé : Ça va? Je vais continuer. Puis, je pense, c'est important. Parce qu'on a souvent entendu que c'était peut-être un facteur qui expliquait la baisse au niveau du nombre d'heures, là, puis je pense que ça a clarifié beaucoup de choses, ça, que...

Il y en a un autre facteur aussi que vous avez précisé, c'était toute la question de... bon, je ne veux pas faire d'âgisme, là, mais du personnel qui est peut-être plus proche de la retraite ou... Est-ce que... Est-ce que l'âge était un facteur?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Non. Ça a un peu un effet similaire. Et il y a deux... il y a deux temps importants, hein, dans l'évolution de notre structure d'âge des médecins au Québec. Dans la période qu'on étudie, 2010 à 2023, il y a deux temps. Le premier temps, c'est on fait très peu de formation, puis on a des médecins très vieillissants, donc on le voit bien dans la structure, ça vieillit fort. Puis là, vers... après 2015, on commence à voir un élan de nouveaux médecins plus jeunes, et l'effet de vieillissement est toujours là, là. Il y a...

M. Dubé : Vous avez un graphique dans votre...

M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui.

M. Dubé : ...dans votre étude. Puis...

M. Dubé : …puis je le souligne à mes collègues, là, parce qu'on ne l'a pas devant nous. Mais vous avez vraiment le… un bloc très foncé de jeunes médecins puis je suis content de voir ça, là, parce qu'on augmente la formation de médecins. Mais on a aussi un autre gros bloc dans la population plus âgée. Alors donc, vous dites : Ça, c'est en train… ça, c'est en train de changer, là.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Puis il y a deux effets avec l'âge qui sont compliqués. Il y a les médecins plus âgés qui réduisent un peu le volume de services. Ça, ça s'observe aussi sur le marché du travail, dans d'autres professions, mais aussi les jeunes… C'est aussi plus bas, c'est-à-dire les…

M. Dubé : Plus bas dans quel sens?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Le volume de services. Donc, ça fait vraiment une cloche. C'est vraiment une cloche, le volume de services. Et c'est... c'est vraiment beaucoup plus élevé. Puis C'est comme ça aussi sur le marché du travail. C'est entre les âges, on va dire, 45 à 55.

M. Dubé : Oui, oui, mais on le voit chez les médecins aussi, là.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Et donc chez les jeunes. Et donc l'effet du vieillissement, il est compliqué parce que... parce qu'on a le vieillissement d'abord, qui a une pression à la baisse. Mais après ça, on a les jeunes qui rentrent, mais les jeunes aussi, ils en font un peu moins. Donc, au total, ça a un effet négatif, mais c'est faible.

M. Dubé : Et quand vous dites… Parce que je ne veux pas aller trop dans le détail, mais donc il y a un… pardon?

La Présidente (Mme Boivin Roy) : M. le ministre, le temps est écoulé.

M. Dubé : Hé! mon doux.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Alors, merci à vous. Merci à Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député de Pontiac pour une durée de neuf minutes, 18 secondes.

M. Fortin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci de vous joindre à nous aujourd'hui. C'est très… très apprécié. Le ministre a quand même fait avec vous une bonne partie de son temps, là, sur l'étude que vous avez menée. Moi, j'aimerais vous amener sur vos commentaires, sur les implications du projet de loi. Vous avez mentionné dans vos commentaires en début d'intervention que ce qui est intéressant, c'est la responsabilité partagée. Ce que beaucoup de médecins nous disent, c'est qu'on ne sent pas que c'est très partagé. On a l'impression de tout avoir ça sur nos épaules.

Une des choses que vous avez dites, c'est essentiellement : Bien, peut-être que ça… peut-être que ça pourrait fonctionner si on le fait à partir du moment où le gouvernement, Santé Québec, le ministère met en place des outils nécessaires pour qu'ils avancent. Alors, ce que… ce que vous êtes en train de dire essentiellement au gouvernement : Vous pouvez le faire, mais vous pouvez le faire si vous leur donnez des outils pour que ça marche. Sinon…

• (12 heures) •

M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui, de manière générale. Mais après ça, dans l'opérationnalisation, je pense que ça pourrait se codifier dans le sens où on a une lumière rouge, une lumière verte quand la lumière verte et là on applique la formule, quand la lumière rouge n'est pas là, on ne l'applique pas puis on peut le faire au niveau de la… d'un groupe de médecins dans un endroit particulier et introduire cette notion-là, potentiellement, ça… c'est une voie à explorer. Je n'ai pas la formule, je n'ai pas la solution, mais je pense que ça serait peut-être une façon d'introduire cette notion-là.

M. Fortin : De commencer à introduire la notion parce que, tu sais, la médecin qui était ici qui nous a dit : Nous autres, on a un psychologue pour 30 000 patients, là, c'est le genre de truc que vous dites. Bien, si on… Si on garde cette proportion-là, tout le concept d'interdisciplinarité qui sous-tend tout ça, bien, ça ne fonctionne pas, là.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Puis en même temps, je comprends le point de départ aussi. La responsabilité est seulement du côté du gouvernement. Bien, ça aussi ce n'est pas acceptable. Ça fait qu'il faut… il faut aller se rencontrer au milieu puis il faut le d'opérationnaliser cette chose-là. Et puis moi, je n'ai pas de solution parfaite, mais je pense qu'il y a un espace pour réfléchir à ça à l'intérieur des cadres, des formules ou des paramètres qui seront décidés.

M. Fortin : O.K., dans le… si on prend le projet de loi n° 106, puis on l'applique, là, comme tel aujourd'hui, là, vous nous dites : Une de vos difficultés, c'est par exemple en lien avec les médecins spécialistes qui se butent à des contraintes qui les empêchent d'offrir les services qu'ils veulent offrir. C'est-à-dire, par exemple… par exemple, parce que c'est l'exemple facile, là, qui est simple à comprendre, un chirurgien qui n'a pas de salle d'opération. Alors, si on applique le projet de loi n° 106 comme ça, mais qu'on ne change rien à la façon que les… aux outils que les chirurgiens ont, à la disponibilité des salles d'opération, bien, est-ce qu'on est plus avancé qu'on l'est en ce moment?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien, ça se peut que pour un certain groupe qui a peut-être cette opportunité-là, oui, il y aura un effet, mais il va y avoir aussi des effets indésirables négatifs sur d'autres. D'autres spécialistes ou là, dans leur milieu, n'y ont pas accès à des salles. Donc je ne dirai pas que l'efficacité va être nulle, mais l'efficacité va être plus faible et elle va créer ce ressentiment, ce désengagement des médecins ou cette perception-là. Et ça, bien, il n'y a personne qui va sortir de ça.

M. Fortin : O.K. J'aimerais ça qu'on… j'aimerais ça qu'on parle… parce qu'on a beaucoup parlé, là, des indicateurs de performance, mais on n'a pas beaucoup parlé de la capitation versus de la rémunération à l'acte. Puis C'est quand même une des... une des choses que je pense… Tout le monde qui est venu nous a dit : Tu sais, il faut avoir de la discussion, là, tout le monde…


 
 

12 h (version non révisée)

M. Fortin :...peu importe, que ce soient les médecins, que ce soient les jeunes médecins, que ce soient des gens comme vous, tout le monde pense qu'on est quand même dû pour avoir une discussion sur ces choses-là. Maintenant, il faut savoir : Est-ce que ce qu'on propose, c'est la bonne affaire à faire? Est-ce que c'est fait correctement?

Là, vous nous dites, vous, et là je vais vous citer, là : «Il est difficile de prévoir les effets d'un passage partiel à un mode de paiement par capitation, surtout quand la justification en calcul des tarifs, qu'on a vu publiquement, modulée selon le niveau des patients, le niveau de besoins des patients, n'est pas connue, puis on ne sait pas non plus comment les autres composantes de la rémunération vont être ajustées».

Alors, est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il pourrait y avoir un effet à la hausse du salaire des médecins avec... si on passe à un mode par capitation sans avoir les explications, les justifications, les barèmes?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien, essentiellement, tout est possible, tout est possible. Ça va dépendre... Donc, si on fixe, par exemple, un tarif plus élevé que le coût pour le médecin de produire un service, bien, les médecins vont en faire beaucoup plus, et là ça peut même coûter plus cher à la fin. Donc, il faut venir les fixer idéalement au temps que ça prend pour faire des actes, par exemple, ou pour prendre en charge des patients. Puis je ne sais pas si des études comme ça existent, mais, en principe, il faudrait aller faire ça très attentivement parce qu'on sait que, dans la littérature, c'est ça qui arrive, là.

Si on fixe ça un peu comme ça, là, bien là, tous les effets des incitatifs ou qui vont nous amener vers la capitation, faire plein de volumes, diminuer la qualité ou l'inverse avec le paiement à l'acte, vont survenir. Donc, il faut aller faire ça pour que ça soit neutre, pour que ça génère l'incitatif qu'on veut et, au final, tout ça peut coûter plus cher. Ce n'est pas nécessairement une question... Oui, c'est une question d'argent, il y a une capacité de payer, mais, à la fin, c'est une question d'augmenter la prise en charge ou d'augmenter la prestation de services médicaux. Le Québec, c'est 16 % de son enveloppe de santé qui est aux médecins. Dans d'autres provinces canadiennes, c'est plus élevé, là. Mais ici, ce qu'on fait, on est beaucoup dans les hôpitaux, le béton, dans plusieurs autres choses. Donc, ce n'est pas exclu que ça puisse augmenter, mais l'important, c'est qu'il y ait les résultats en bout de ligne, je pense.

M. Fortin :O.K. Les indicateurs de qualité des soins, ça semble... ça semble important pour vous là, puis c'est aussi peut-être plus difficile à mesurer dans certains cas. Est-ce que les indicateurs de qualité des soins... Puis, à la base, je pense qu'on a entendu assez de gens nous parler du concept qu'on est ouvert à la chose puis ça fait du sens d'avoir un certain indice de satisfaction aussi, là, peut-être, mais est-ce que ça ne peut pas mener à des dérives, ça aussi, c'est-à-dire : Moi, je l'aime bien, mon médecin, parce qu'il me prescrit à peu près tout ce que je lui demande de me prescrire?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Exact. Donc, la donnée, on va dire, très subjective comme ça, de satisfaction, elle a ces avantages-là, mais cependant, pour chaque maladie ou chaque chaque problématique de santé, il existe une littérature sur : Bien, c'est quoi, les indicateurs de qualité? Est-ce que les hospitalisations postconsultation, ainsi de suite, la mortalité? Donc, rémunération mixte, là, il y en a eu des... potentiellement, même, des effets comme ça, néfastes parce qu'on ne suit pas des indicateurs de qualité, donc... Mais ça peut se faire, que ça soit l'INESSS, que ça soit... je sais pas c'est qui qui ferait ça, mais ça peut se faire, peut-être même en consultation avec les médecins de dire : Bien, on s'entend, là, sur cette maladie-là, le diabète, par exemple, bien, c'est tel ou tel indicateur, le suivi chronique du diabète, ça nous prend ça. Et donc on suit cet indicateur-là, on rend ça transparent au niveau du Québec, on peut aller sur un site Web, on peut aller voir comment ça se fait que ce GMF-là, ça va moins bien en suivi du diabète par rapport à celle-là, même composition de population et ainsi de suite. Et là, bien avoir plus cet effet de motivation-là sur s'améliorer plutôt que de pénaliser les médecins sur cette portion-là.

Donc, la qualité, pour moi, ce n'est pas une composante de la rémunération, c'est une composante d'amélioration continue et de pression sociale ou de bonne compétition aussi, peut-être entre GMF, de dire : Bien, regardez, ce GMF-là, il fonctionne bien, ça va bien, on va voir des bons résultats, on va y aller.

M. Fortin :...que même la performance d'un GMF ou d'un médecin individuellement est quand même liée à un paquet d'autres facteurs aussi, là, c'est-à-dire, tu sais, moi, j'ai beau référer mon patient pour aller voir un spécialiste, à un moment donné, si ça ne se fait pas ou, à l'inverse, chez un chirurgien qui n'a pas de soins postchirurgie, le CLSC n'est pas équipé pour le faire, etc., on ne sera pas plus avancés, là, il risque d'avoir un risque de réhospitalisation, là, comme vous le dites.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Tout à fait. Tout à fait. Oui, oui.

M. Fortin :O.K.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...

M. Fortin : Non, en fait, ça va pour moi, Mme la Présidente. Je suis content de laisser les quelques secondes à mes collègues. Je vous remercie de votre intervention.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Très bien. Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Vous aviez 3 min 6 s, mais on va voir avec...

La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...avec la secrétaire... Donc, 3 min 36 s. 3 min 36 s.

M. Marissal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci, et merci d'être là, merci pour votre étude. Il y a sûrement des angles morts. Vous l'avez dit vous-même, que vous n'avez pas pu tout voir, mais, de toute façon, je ne suis pas sûr que... ce n'est jamais possible de tout voir dans ce système-là, mais merci pour ça. C'est éclairant, ça nous ouvre des portes. Il y a une affaire qui a été dite ici, là, à répétition, y compris par les médecins, qui sont les premiers bénéficiaires du régime de rémunération, c'est que la rémunération à l'acte, nécessairement, favorise ce qu'on appelait le «chick-a-chick» à l'époque, là, le... la carte. Là, je viens trahir mon âge, là, en faisant ce geste-là, mais... Mais, effectivement, je pense que ça va de soi que plus tu fais d'actes, plus tu es payé, ça se peut que ça te tente d'en faire plus puis que tu vas choisir les plus faciles, les plus récurrents, blablabla. Là, ça, ça va de soi. À l'inverse, on serait tenté de dire, et j'en suis, mais je sais qu'il y a des nuances ici, là, que... bien, donc, que le salariat serait vraisemblablement la solution, pas idéale, vous l'avez dit, il n'y en aura pas, de solution idéale. Mais pouvez-vous me situer entre les deux, entre ce qui semble être un problème récurrent et profond, là, c'est-à-dire rémunération à l'acte, et le salariat? Où est-ce qu'on peut aller entre les deux ou... Alors, amenez-moi ailleurs si c'est ailleurs...

M. Michaud (Pierre-Carl) : Non. Bien, souvent, on se retrouve dans un mode mixte, hein? À ce moment-là, on a une portion à salaire ou, disons, à forfait puis une portion à l'acte. Et tout est une question de fixer les bons prix. On revient sur la rémunération à l'acte. Si on fixe le tarif à un niveau plus élevé que le coût pour le faire, puis là le coût pour le médecin, ce n'est pas juste le coût en ressources, c'est le coût d'opportunité en temps, et tout ça, le médecin va en faire beaucoup plus.

Et souvent, ce qu'on remarque dans les tarifs, là, puis quand on regarde leur évolution dans le temps, ça change un peu de toutes sortes de façons. Et, des fois, il y a des tarifs pour lesquels, par exemple, puis je vais mentionner un cas... Le Vérificateur général le mentionne, là. Le cas exact, je ne m'en souviens plus, mais on peut aller retourner voir dans son rapport 2021. Il y a un cas où, en 2018, on se rend compte que les médecins n'ont même plus besoin d'être présents pour faire cet acte-là, et ça prend cinq ans ou six ans avant qu'on finisse par baisser le tarif. Donc, en ce moment aussi, c'est que les tarifs n'ont pas suivi, ne suivent pas le vrai coût. Et donc, ça, c'est une problématique au niveau de la rémunération à l'acte. Mais, en principe, oui.

Au niveau du salaire, le problème, c'est que par la suite, bien... ou par patient, bien, c'est que, pour le patient que je vais, bien, je vais minimiser le temps que je passe avec lui parce que je suis payé un montant fixe, hein? Puis là on parle en caricature. C'est sûr que les médecins ne font pas ça. Ils mélangent, hein? Ils ont un côté altruiste puis un côté où ils regardent ces choses-là. Et donc... Et donc cette portion-là salaire ou forfait va avoir tendance à aller de l'autre côté. C'est... On ne va pas donner assez de soins au patient. On va prioriser le volume, mais on ne va pas aller passer assez de temps avec le patient. Donc, on est sur un continuum.

Donc, le mixte est vu comme une espèce de solution intéressante, mais, encore là, il faut calibrer correctement les paramètres.

M. Marissal : Il y a plusieurs groupes groupe de médecins, dont... pas l'ordre, là, mais c'est... en fait, c'est leur ordre, mais le collège qui disait : Il y a un danger avec le projet de loi actuel qu'on veuille faire du volume puis là il y a un danger pour les soins. Je sais que ce n'est peut-être pas votre premier champ d'expertise, là, mais est-ce que vous partagez...

M. Michaud (Pierre-Carl) : Bien, sur la base de ce que je viens de dire, le danger... ces modes de rémunération là alternatifs, ils doivent être accompagnés d'indicateurs de qualité ou de suivi de qualité parce que c'est ça, le danger.

• (12 h 10) •

M. Marissal : Je vous remercie pour ça. Merci.

M. Michaud (Pierre-Carl) : Ça me fait plaisir.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci, M. le député. Alors, je cède maintenant la parole au député des Îles de la Madeleine pour une période de trois minutes 36 secondes.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation et pour la recherche que vous avez faite. C'est impressionnant quand vous parlez du nombre de transactions que vous avez examinées. Mais je voudrais vous amener sur la question du trou noir. Est-ce que, foncièrement, le regard que vous portez sur la profession et sur la rémunération des médecins n'est pas tronqué par le fait qu'il y ait une partie qui vous échappe dans la rémunération puisque certains disent : 50 % de mon travail, c'est facturé, c'est à l'acte, mais il y a un autre 50 % qui est dans mille et une autre tâche? Je ne sais pas comment vous, vous pouvez nous indiquer comment on peut avoir l'autre partie qui échappe à votre...

M. Michaud (Pierre-Carl) : Alors, il y a... il y a toute une partie de rémunération pour de la garde, ces choses-là, qu'on est capables quand même d'avoir, par la fluctuation, à travers ce qu'on appelle les factures sans bénéficiaires. Donc, il y a une partie de ça qu'on a été capables de capter, pas en temps, mais, du moins, en acte, mais effectivement. Donc, c'est pour ça qu'il y a certains types de médecins à salaire, bien sûr qu'on ne les avait pas dans les données à l'acte, il y a d'autres types en mixte et même des omnipraticiens en mixte qui vont faire de la deuxième ligne, et ainsi de suite, qu'on n'avait pas. Et donc c'est sûr, là, quand j'ai fait..

M. Michaud (Pierre-Carl) : ...le raccourci de dire : Dans le recensement, on voit des heures très élevées puis, en facturation, on le voit très bas, puis qu'on dit que c'est du non clinique, le reste. Il faut faire attention. C'est ce qu'on a écrit, mais plus qu'on creuse, plus qu'on... Oui, il y a une portion là-dedans qui est peut-être aussi du clinique, qui est fait de manière différente, qui est une zone d'ombre qu'on a pas dans les données de facturation, puis il va falloir aller la comprendre. Et là, bien, je comprends que, déjà, dans des données qu'on a eues récemment, là, on commence à voir ce genre de complément là, puis qu'on pourrait pousser les analyses.

M. Arseneau : Bien, c'est ça. Est-ce que... En fait, votre étude, qui est très approfondie, nous offre une partie de la réalité, mais ce que les médecins disent, c'est : Il y a une autre partie qui reste dans l'ombre, puis c'est ça qu'on aimerait essayer d'explorer parce que... Tu sais, encore hier, le Dr Amyot nous disait : Il y a déjà 40 % des médecins qui travaillent par capitation. Moi, j'ai eu des dizaines de rencontres avec des groupes de médecins qui m'ont dit : On est déjà dans une rémunération mixte, à peu près tous ceux à qui j'ai parlé, et la rémunération à l'acte à une proportion variable d'un médecin à l'autre. Comment s'y retrouver lorsqu'on arrive avec un projet de loi qui semble s'appuyer sur le fait que tout ce qui n'est pas facturé à l'acte, bien, c'est du temps passé sur le terrain de golf?

M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est beaucoup, quand même, encore à l'acte, là. Chez les omnis, les données de l'ISIS, là, on est à... chez les omnis, de mémoire, 74 % de la rémunération totale est encore à l'acte, là, en termes de dollars. Après, en nombre de médecins, oui, il y a une proportion de médecins omnis, et qui a augmenté dans le temps, qui est en mixte, et là on les a exclus de l'analyse. Donc, effectivement, ça, il faut faire attention à ça.

M. Arseneau : Mais je veux juste savoir, c'est... Vous venez de dire 74 %, c'est ça?

M. Michaud (Pierre-Carl) : Oui. Si on va voir l'annexe, c'est dans l'annexe A du rapport, il y a un tableau comparatif par province qui montre l'utilisation de la rémunération à l'acte pour les omnis et les spécialistes.

M. Arseneau : Mais ce sont des... comment je dirais, des conventions ou vous avez quelque part le réservoir de toutes les heures, de toutes les... passées à l'enseignement?

M. Michaud (Pierre-Carl) : C'est l'Institut canadien d'information à la santé qui collige ces informations-là puis qui regarde, dans la rémunération totale, quelle part est à l'acte puis quelle part est autre. Et là...

M. Arseneau : D'accord, je comprends. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci à vous. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à la prochaine invitée de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 18)

La Présidente (Mme Boivin Roy) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci, M. le ministre. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au professeur Bourassa Forcier. Bonjour à vous. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à commencer votre exposé.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci, Mme la Présidente. Chers parlementaires. Merci à la commission pour l'invitation.

Rapidement, juste pour cadrer mon expertise, donc je suis professeure de droit public et de droit et politique de la santé à l'ENAP, l'École nationale d'administration publique, mais aussi avocate et fellow chercheuse fellow au CIRANO.

Rapidement, parce que je sais qu'on a du retard, suivant ma lecture du projet de loi, je souhaite m'attarder à quatre éléments qui pourraient contribuer aux réflexions des parlementaires : premièrement, l'importance de la coconstruction dans la réussite de politiques publiques et les contours de l'obligation de négocier du gouvernement avec les fédérations de médecins, les limites du paiement à l'acte actuel et son impact sur la détresse au sein de la profession médicale, les... le concept, pardon, de responsabilité collective et son opérationnalisation, ainsi que les obligations de suivi et de reddition de comptes du gouvernement et des autres acteurs.

En ce qui concerne les bénéfices de la coconstruction et les contours de l'obligation de négociation, comme vous le savez, la nouvelle gouvernance publique intègre maintenant des concepts de consultation mais aussi de coconstruction des politiques publiques parce qu'il a été démontré qu'une politique publique sera plus efficiente si elle résulte de la collaboration de tous les acteurs touchés.

Dans le contexte du projet de loi n° 106, il serait ainsi judicieux de prendre en compte les propositions, certes, des médecins, mais aussi des autres professionnels de la santé, des gestionnaires, des patients, patientes qui ne sont pas particulièrement bien représentés dans le cadre des travaux de la présente commission.

Par ailleurs, la part des médecins peut se faire tant via la représentation de leur association que via la participation des médecins dans un contexte non syndical.

Aussi, il a été soulevé que le projet de loi n° 106 représentait une possible contravention au droit constitutionnel de s'associer qui est consacré par la Charte canadienne des droits et libertés à l'article 2d. Je tiens à souligner qu'au sein de la communauté juridique, plusieurs considèrent en fait comme incertain que ce droit reconnu à tous et à toutes, le droit de s'associer, impose une obligation de négocier au gouvernement dans un contexte de prestation de services, l'arrêt Clay en la matière, que vous connaissez certainement, et l'arrêt Saskatchewan de la Cour suprême du Canada. Or, cet arrêt a consacré l'obligation de négocier à un employeur en contexte de relations de travail en raison du lien de subordination important dont dispose l'employeur dans une telle relation, ce qui n'est pas le cas dans un contexte de prestation de services. Je rappelle que les médecins sont des travailleurs autonomes et qu'une majorité est incorporée.

En ce qui concerne les limites du paiement à l'acte, la littérature est claire, le paiement à l'acte incite la multiplication de ces derniers sans que ne soient évaluées la pertinence de l'acte et sa conséquence sur la santé du patient. L'équipe de Pierre-Carl Michaud, mon collègue du CIRANO, qui vient de présenter, a bien soulevé que la multiplication des actes atteint un plafond lorsque le médecin touche le revenu qu'il considère comme confortable.

Plusieurs études lient le paiement à l'acte à la détresse psychologique des médecins, particulièrement en première ligne. Ce modèle de paiement est d'ailleurs de plus en plus rejeté par les jeunes médecins et par les femmes médecins.

Par ailleurs, nous remarquons qu'avec les années, en raison de la multiplication des codes et des engagements financiers divers du gouvernement, que la perception de ce qu'est le paiement à l'acte est maintenant tronquée. Ainsi, nous notons que le médecin associe maintenant sa rémunération aux seuls actes facturables, alors que normalement le paiement à l'acte est en fait un forfait qui permet la rémunération pour l'acte, mais aussi tout ce qui entoure l'acte, incluant la facturation. Cette situation a pour effet de générer le sentiment chez plusieurs médecins qu'une partie de leur pratique n'est pas rémunérée.

Par ailleurs, à notre connaissance, aucune étude contemporaine ne permet d'avancer que la rémunération à l'acte est pertinente dans un contexte de soins de première ligne. Les modèles de rémunération mixte intégrant ou accentuant, comme le fait le projet de loi n° 106, la capitation sont ceux qui présentent le plus de retombées positives en première ligne. Il importe toutefois d'être vigilants, comme d'ailleurs le mentionnait mon collègue Pierre-Karl Michaud : un modèle de rémunération fortement axé sur la capitation ne sera pas plus performant que le modèle actuel, s'il n'est pas accompagné de données et de suivis. La complexité du modèle proposé...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...son opérationnalisation pourrait ainsi représenter une limite certaine à son efficience. En ce qui concerne l'introduction du contexte... du concept, pardon, de responsabilité collective, vous le savez, la tentative d'introduire un suivi de la rémunération et de cibles de performance n'est pas nouvelle. Force est d'admettre que l'introduction de suivi et de cibles de performance a échoué dans le passé, notamment auprès des omnipraticiens. Rappelons à ce sujet l'échec de la loi n° 20 qui, elle, imposait des pénalités non pas collectives, mais individuelles.

J'ai l'impression ici que sont mélangés les différents concepts, ce qui brouille le débat à l'heure actuelle. Il importe ainsi de bien distinguer la nécessité d'un suivi et d'une évaluation de la performance des actes, ce qui est une chose, des pénalités qui pourraient être imposées si on n'atteint pas certaines cibles, par exemple, ça pourrait être des bonus dans certaines circonstances. Est-ce que les pénalités collectives existent ailleurs? Oui. Est-ce qu'elles fonctionnent? Oui et non. En fait, il ressort de la littérature que l'opérationnalisation de telles pénalités doit être bien réfléchie et avec les acteurs, ceci afin, un, de ne pas pénaliser les acteurs performants; deux, de ne pas générer des tensions éthiques entre les professionnels de la santé; et, trois, afin de reconnaître la performance chez des médecins qui se dédient à leurs patients et à leur profession par le biais d'activités autres que cliniques exclusivement comme, par exemple, en occupant — on a déjà mentionné ici — des activités d'enseignement et de recherche. La responsabilité collective de ce que nous en savons fonctionne habituellement bien dans les petits milieux cliniques où la pression des pairs peut inciter la performance, certes, mais aussi des ajustements et des appréciations variables de la performance selon le profil des médecins partie à ce milieu clinique. Dans tous les cas, sans emprise auprès des médecins réellement non performants, et je le mets entre guillemets, il est envisageable que le modèle soit voué à l'échec.

Je termine avec les obligations de reddition de comptes et de suivi. Le projet de loi n° 106 représente une des dernières pierres, à mon avis, permettant à l'administration publique de mieux répondre aux obligations de suivi, de bonne gestion des fonds publics et de reddition de comptes que lui impose notamment la Loi sur l'administration publique. La Loi sur la gouvernance du système de santé et des services sociaux impose plusieurs de ces obligations aux acteurs de l'administration publique, incluant aux médecins rattachés aux établissements et aussi maintenant aux centres médicaux spécialisés. Contrairement à la perception véhiculée dans la sphère publique, ce projet de loi n'attaque pas un groupe particulier, à mon avis, soit les médecins. Ce groupe est essentiellement le seul qui n'a pas encore été touché par des obligations de performance et de reddition de comptes qui incombent, maintenant, notamment aux gestionnaires, aux infirmières et aux partenaires contractuels du réseau. Jamais l'imposition de ces obligations n'a été perçue comme l'envoi d'un message à l'effet que des gestionnaires ou des membres du personnel infirmier étaient des paresseux.

Il est vrai qu'il peut être difficile, voire impossible pour les médecins, particulièrement les médecins spécialistes, d'atteindre les cibles indiquées sans garantie du gouvernement, on l'a aussi amplement mentionné ici. Néanmoins, nous anticipons que les changements qui s'opèrent actuellement avec Santé Québec visent précisément à accompagner les médecins dans la réalisation de futurs objectifs de performance. À tout événement, nous recommandons, afin de favoriser une plus grande acceptabilité sociale du projet de loi n° 106, que des garanties additionnelles soient conférées par le gouvernement afin de rendre réaliste l'atteinte des cibles à venir. Merci.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Il vous reste encore 1 min 34 s, madame, ça vous va?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Je sais qu'on a du retard, ça me va, j'ai tout dit. 

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Très bien. Merci beaucoup. On vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, encore une fois, pour une période de 15 min 30 s.

M. Dubé : Merci beaucoup. Bien, premièrement, Mme Bourassa Forcier, merci beaucoup, parce qu'encore, comme je l'ai dit souvent, des gens comme vous qui sont venus en commission, les délais étaient courts. Vous êtes claire puis vous avez réussi à présenter votre... J'aimerais ça que vous reveniez un peu sur votre expertise, parce que, premièrement, je vous demanderais si c'est possible d'avoir... Moi, je n'ai pas vu votre mémoire, est-ce que vous l'avez officiellement déposé ou...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui, je l'ai envoyé à la commission en indiquant que les parlementaires pouvaient le recevoir. Donc, on m'a avisé qu'il l'avait été transmis. J'ai demandé de ne pas le rendre public, comme j'ai, quand même, des petits ajustements à faire, là, comme ça m'a pris... Il y a un peu plus de 50 pages, mais je vous ai fait un sommaire...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...donc...

Une voix : ...

M. Dubé : Ah! O.K. C'est pour ça que je ne l'avais pas vu. Bien, merci beaucoup. Puis on fera... on fera la procédure... Merci beaucoup.

Revenez-moi, là, sur votre... sur votre bagage, votre expérience parce que vous êtes à l'ENAP. Parce que, quand on va parler tantôt de rémunération ou de responsabilités, je veux juste que les gens comprennent bien c'est quoi principalement votre expertise. Vous avez l'air d'en avoir plusieurs. Ça fait que dites-moi, là, dans quel sens que vous êtes confortable de répondre à certaines des questions que vous avez soulevées dans votre mémoire, là.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui. En fait, moi, j'utilise le droit pour évaluer dans quelle mesure il favorise l'innovation et la performance du système de santé québécois. J'ai une formation évidemment en droit, mais j'ai une formation complémentaire en économie de la santé et en politique de la santé. Donc, je n'aurais pas la prétention de...

M. Dubé : Donc, vraiment dans le volume santé. O.K.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Tout à fait. Exactement. Donc, je me spécialise en droit public de la santé, tout particulièrement. Donc, non pas au niveau de la responsabilité civile, par exemple du consentement aux soins, mais vraiment tout le volet organisationnel. Toute la LGSSSS maintenant.

M. Dubé : Donc, ce projet de loi là, c'est un plat de bonbons pour vous, parce que c'est santé, c'est rémunération, c'est...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est... Oui, tout à... je m'amuse beaucoup, mais je pourrais m'amuser moins!

M. Dubé : O.K. Bon. Allons-y. J'ai quelques questions. Ça, c'en est une délicate. Puis je veux juste que vous soyez à l'aise de répondre. J'ai cru comprendre que la façon dont est structuré le projet de loi, c'est des zones grises, mais ne va pas à l'encontre du principe de négociation pour la rémunération. Parce que c'est important, ce que vous avez dit là, mais je veux juste l'entendre pour peut-être rassurer de mes collègues quand on aura la discussion sur l'article par article, est-ce que le fond est là, qui nous permet... Moi, je crois que oui, mais je veux vous entendre, de votre expertise.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien, la raison pour laquelle on aime le droit, c'est qu'il y a toujours des zones grises.

M. Dubé : Bien oui!

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Donc, je n'aurai pas la prétention ici de... bien, en fait, ce n'est certainement pas une opinion juridique, je ne veux pas me ramasser avec une plainte auprès du Barreau, mais je peux vous confirmer que, lorsqu'on regarde le projet de loi et après discussions quand même avec certains grands constitutionnalistes du Québec qui travaillent en grands cabinets, on arrive à la conclusion qu'il n'y aurait pas nécessairement... en fait, qu'il n'y a pas d'obligation de négociation qui incombe au gouvernement en vertu de la Charte. Donc, si cette obligation-là, le gouvernement se l'est...

M. Dubé : Puis vous le traitez dans votre rapport?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.

M. Dubé : O.K. Très... O.K.

• (12 h 30) •

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Si le gouvernement se l'est autoimposée à travers, par exemple, des ententes, c'est une chose. Mais, si on parle d'une obligation qui lui reviendrait en raison de la charte, c'est autre chose. C'est sûr qu'il y a une zone grise, mais quand on regarde l'historique, généralement cette obligation-là revient... elle est... elle est imposée dans un contexte de relation... de relation employeur-employé.

M. Dubé : Bon. C'est parce que tout à l'heure, vous avez dit... puis le chiffre m'a un peu surpris, là, puis on est en train de faire des recherches, là, mais le pourcentage... Bien, premièrement, il y a des médecins qui sont incorporés. Mais vous avez dit quel chiffre qui... de pourcentage de médecins qui étaient incorporés?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Il n'y a pas des études récentes, mais une des études qui a été publiée, c'est une étude de l'IRIS d'Anne Plourde, et on était rendus quand même à autour de 50 % à 70 % des médecins incorporés et GMF privés aussi, là.

M. Dubé : O.K. Puis, ça, ça peut avoir une influence avec qui on négocie, là, est-ce qu'on négocie avec la compagnie à numéro ou le professionnel.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Effectivement. Ça fait partie d'une des discussions qu'on a eues avec des collègues, est-ce que, tu sais, le droit d'association, ça s'applique... c'est... c'est pour tout le monde. Ça pourrait être des personnes... qui décident de se regrouper, mais ça pourrait être aussi de petits commerçants. Et je sais que l'analogie ne plaît pas à tout le monde, mais lorsqu'on parle de médecins qui sont incorporés, on est face à des petits commerçants. Donc, c'est pour ça qu'il faut relativiser cette obligation-là. Mais j'invite la précision de cette obligation de négociation dans le mémoire.

M. Dubé : O.K. Parfait. On re gardera ça dans... quand on aura votre rapport. Vous avez mentionné la... Puis là, je veux juste surveiller le temps. Vous avez mentionné les limites de la responsabilité collective. Puis, ça, je veux... Parce que je l'ai entendu des médecins, hier, principalement. Puis là, d'un point de vue... Moi, je suis très à l'écoute de ça, là. Parce que, s'il y a des limites à la...

Bon. Je pense que les gens s'entendent sur la responsabilité collective. C'est l'impact sur l'incitatif qui est lié à la responsabilité collective, hein? Je m'explique. C'est une chose de dire qu'on pourrait être capables d'avoir plus de patients qui sont pris en charge, on va la répartir entre plusieurs professionnels et même, exemple, à l'intérieur d'un GMF. Pour que la charge ne soit pas sur uniquement un médecin. Ça fait que, ça, c'est...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Dubé : ...je vais l'appeler la responsabilité collective, mais, si on veut faire des changements de comportement, il faut que la rénumération suive. Je le dis comme ça, ça va?

La limitation dont vous avez parlé tout à l'heure... puis je... puis ça, je l'ai entendu hier, ça fait qu'on va être très sensible à ça, de voir quel genre d'aménagement ou... en tout cas, qu'est-ce qu'on peut faire, mais comment la rénumération... Plus on s'éloigne de la GMF puis qu'on regarde le territoire, puis on regarde la... Qu'est-ce que vous en pensez, de ça, dans votre... Là, je ne sais plus, c'est-tu dans votre expertise d'administration publique ou... vous êtes confortable à commenter là-dessus, là.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien, en fait, on a... Je suis confortable de me prononcer sur les différents modèles qui ont fonctionné, qui ont moins bien fonctionné.

M. Dubé : O.K. Allez-y. Parfait.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Par contre, je tiens à mentionner que c'est indiqué dans le mémoire que, personnellement, il m'est plus facile de me représenter la traduction de cette responsabilité-là lorsqu'on parle d'une responsabilité locale, plutôt qu'au niveau territorial et national. Je dois être transparente, je ne pouvais pas comprendre comment ça allait s'opérationnaliser, cette...

M. Dubé : Laquelle, là? Au niveau...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : La nationale puis la territoriale. La locale, je peux mieux la concevoir si on est dans un contexte de pratique clinique avec un groupe de médecins, puis il peut y avoir une pression des pairs sur les autres pairs puis...

M. Dubé : Bien, je vous lance une question, puis, si vous n'êtes pas à l'aise de répondre, vous me le direz. Je vais donner une représentation, là, qui a fait nos discussions qu'on a eues pour arriver là. Le local, c'est facile, c'est la GMF, le CLSC ou, peu importe, c'est très local, c'est 10, 15, 30 médecins qui sont dans... Ça, c'est local. Le territoire, ça peut être Grand Montréal, O.K.? Et le national, c'est le Québec, je veux dire... On s'entend? Je pense que le... Je comprends que, plus on s'éloigne de la décentralisation, plus ça devient difficile de dire : Bien, moi, je n'ai rien à faire là-dedans. Puis le médecin dit : Je ne veux pas être pénalisé pour quelque chose qui arriverait à l'échelle du Québec sur laquelle je n'ai aucun contrôle.

Quand on arrive dans le territoire, dans le milieu, je veux vous entendre là-dessus, si vous pouvez... Le territoire, pour moi... on était très à l'aise d'aller là parce qu'on se dit : Il faut qu'il y ait une entraide, des fois, entre des groupes, surtout dans une période de transition. Vous me suivez? Ça veut dire que si ma GMF dans Montréal-Est, elle n'a pas assez de médecins ou qu'il n'y a pas assez de GMF, on ne peut pas lui mettre juste la pression sur elle, alors qu'il y a peut-être d'autres GMF qui pourraient... qui ne sont pas trop loin, qui pourraient venir aider pendant qu'on fait ça. Vous me suivez, là? Alors, je ne sais pas si vous le traitez, ça, mais, pour moi, il y a une grosse différence dans... Plus on s'éloigne, plus ça rend ça complexe.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui. Je suis dans une semaine de cours intensifs, présentement, avec... c'est un mini réseau de la santé, là, comme étudiant, et on a parlé de ça. Et la difficulté...

M. Dubé : À l'ENAP, ça?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui, exactement. Je suis entre deux cours, présentement. Donc, la difficulté... Disons qu'il y a une clinique qui n'atteint pas ses cibles de performance, pour x, y, z raisons, il y a des externes qui arrivent qui sont soit dans d'autres cliniques où d'ailleurs, il y a peut-être des tensions, quand même, qui vont survenir parce que, s'il y a une responsabilité collective...

M. Dubé : Là, vous parlez au niveau local, vous parlez de... oui, oui.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Au niveau local et... parce qu'en fait si la responsabilité, elle est locale dans chacun des milieux cliniques, et, après ça, il y a des gens de ce milieu clinique là qui vont dans un autre, milieu clinique, et que, là, on regarde la responsabilité territoriale, il reste que peut-être, chacun des milieux cliniques est quand même tenu à l'atteinte de sa cible. Est-ce qu'on va inciter les médecins à se rendre dans une autre clinique pour que cette autre clinique là atteigne sa cible. Me suivez-vous?

M. Dubé : Oui, très bien.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est vraiment l'opérationnalisation qui, à la lecture... puis on voit les limites du droit ici. J'ai... En fait, probablement que tout ça est clair dans la tête des parlementaires, des élus, mais ça ne se représente pas bien dans le texte de loi.

M. Dubé : O.K. Je comprends. Je comprends très bien... aller à vos cours, là, mais est-ce que... est-ce que vous en traitez un peu, de ça, dans votre rapport? Je m'excuse, je vous pose un peu toujours la même...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui, bien, je l'indique. Oui, tout à fait, oui, puis je vous donne des exemples de modèles qui ont fonctionné, avec des types de cibles.

M. Dubé : Bon.On a entendu beaucoup, puis ça, c'est important pour moi... puis, encore une fois, je prendrai connaissance de votre rapport dans les prochains jours, mais il y a une mauvaise perception que la capitation entraîne... il y a des gens qui ont utilisé le «fast-food», le volume, etc. Moi, il me semble que...

M. Dubé : ...c'est le contraire de ce que je comprends qu'est la capitation parce qu'on dit : Vous allez prendre un certain nombre de patients en responsabilité, mais il va y avoir un nombre d'actes qui va être associé à ces différentes responsabilités-là que vous avez. Alors... puis on met un facteur de pertinence, on aura quelqu'un qui va nous parler de pertinence aujourd'hui, là. Est-ce que vous en traitez aussi? Parce qu'il me semble que c'est l'effet contraire. On veut de la capitation et non juste des actes pour éviter le volume. Vous en parlez de ça, dans votre rapport.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui, certainement. Puis je pense qu'il y a une mauvaise connaissance des modes de rémunération puis de ce à quoi ils sont associés. Et c'est effectivement... lorsqu'on introduit la capitation, la crainte des analyses de politiques, c'est qu'on voit une trop grande réduction des actes. Donc, habituellement, le fast-food est associé au paiement à l'acte, ce n'est pas associé à la capitation, donc, à moins que c'est la façon dont on l'opérationnalise qui fait en sorte qu'on peut s'en aller vers ça. Je pense encore qu'on mélange des concepts, parce que, là, peut-être qu'on a intégré des cibles associées à la volumétrie, puis c'est... là, on dit : On va être dans le fast-food, mais il y a ces deux choses.

M. Dubé : O.K., c'est peut-être ça qui me mêle, parce que si on dit que les cibles sont reliées au volume, comme un nombre de rendez-vous, plus uniquement, bien là, on associe capitation à du volume alors que ce n'est pas ça.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est complètement distinct.

M. Dubé : O.K., je comprends.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Donc, il ne faut pas mélanger les pommes avec les oranges, là. Donc, c'est complètement distinct.

M. Dubé : Il ne faut pas mélanger ce qui est de la capitation versus les cibles qui pourraient inciter au volume.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Non, voilà. Exactement.

M. Dubé : O.K. Il me reste... Bon, je reviens à la capitation, puis c'est important de le distinguer, là, puis j'apprécie beaucoup votre expertise. Capitation versus les forfaits qu'on a, parce que les forfaits qu'on a en ce moment, c'est des forfaits qui disent : On prend... le médecin, par exemple, va prendre 500 patients ou 750 patients. Ça, c'est un forfait, mais il n'y a pas de... je dirais, d'obligation à un nombre d'actes minimum pour voir le médecin. C'est un peu le début de la capitation, parce qu'on dit le nombre de patients que vous prenez en charge, mais il n'y a pas le lien avec la... je vais dire, avec le résultat. Est-ce que je suis correct de dire... Et c'est peut-être pour ça tantôt... puis je vais laisser mes collègues le demander, ce qu'ils demandaient à celui qui vous a précédé, là, le professeur des HEC, de dire : Oui, mais on a déjà beaucoup de médecins qui sont à capitation. Ils ne sont pas à capitation, ils sont à forfait. Est-ce qu'on se comprend?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : En fait, ça dépend. Il y a un peu de tout. Présentement, on parle vraiment d'une rémunération mixte, donc il peut y avoir un peu de capitation...

M. Dubé : C'est dans ce sens-là qu'on dit rémunération mixte.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...il peut y avoir des forfaits selon le milieu de soins aussi, mais... puis, en fait, la capitation va prendre la forme qu'on lui donne dans notre définition de ce qu'est la capitation. C'est aussi ce qui crée des... probablement des confusions, là...

M. Dubé : Des différences d'interprétation.

• (12 h 40) •

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Exactement. En ce qui concerne le forfait ou le fait, on a vu... puis, d'ailleurs, il y a un bel exemple dans le livre de Pascal Maillot et de Marie-Michèle Sioui sur les difficultés qui peuvent être liées au forfait associé à l'inscription de patient. Ça ne veut pas dire qu'on va voir le patient. Puis moi, j'ai des étudiantes qui me disaient qu'elles connaissent des médecins, qui n'ont pas vu leurs patients depuis des années puis ils sont inscrits, là. Donc, je trouve ça... évidemment, comme juriste, qui travaille beaucoup sur les contrats, c'est particulier de dire : Vous devez faire telle ou telle chose, ne serait-ce aussi qu'au niveau du financement des GMF, on vous donne tant pour investir, mais qui n'a comme pas de conséquence puis pas de suivi si jamais on ne fait pas ça.

M. Dubé : Il n'y a pas de vérification de... bien, je pense, ça fait partie...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Il faut des bons contrats quand même, oui.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : ...

M. Dubé : Bien, écoutez, moi, juste pour vous dire que j'apprécie énormément l'expertise que vous avez et je crois que, quand tout le monde aura pris connaissance de votre rapport... puis c'est dans ce sens-là que je pense qu'il faut, au cours des prochaines semaines, tenir compte et des commentaires qu'on a reçus des médecins, hier, qui sont sur le terrain, des vôtres pour faire des aménagements nécessaires, mais je pense que votre expertise est très éclairante, là, pour les prochaines semaines. Ça fait que, merci beaucoup d'avoir participé à l'exercice. Merci.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole au député de Pontiac, pour une période de 9 min 18 s.

M. Fortin :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être là. Puis, M. le ministre, effectivement, on gagnerait tous à suivre les cours de Mme Bourassa-Forcier.

Je vais peut-être juste terminer la réflexion que vous avez eue, la discussion que vous avez eue avec le ministre sur...

M. Fortin : ...des endroits... Parce que vous avez dit des pénalités collectives, ça marche-tu? Oui et non. O.K. Ça marche dans les petits milieux de façon générale, entre autres, des GMF, plus on s'éloigne du petit milieu, plus c'est dur à faire fonctionner. Donc, ceux qui l'ont appliqué uniquement aux petits milieux, là, aux GMF, ça a fonctionné...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Pas tout le temps.

M. Fortin : O.K. Et pourquoi?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Il y a eu beaucoup de mouvements de va-et-vient. Par exemple, c'est difficile de faire des comparaisons, parce qu'il y a toujours des nuances au niveau du fonctionnement des communautés médicales puis des communautés de pratique. À un moment donné, on a voulu créer des budgets au sein des cliniques au Royaume-Uni, où le budget était administré par les médecins eux-mêmes. Puis, en fait, ils pouvaient avoir un bénéfice à utiliser moins le budget qui pouvait leur revenir. C'était une sorte de responsabilité collective. Finalement, on a laissé tomber parce que ça ne fonctionnait pas bien. Il y a d'autres modèles qui ont été mis en place où là il y avait quand même une belle collaboration entre pairs, qui permettait cette responsabilité collective là. Mais c'est assez important de créer une collaboration entre pairs et une emprise réelle sur les pairs non performants. L'emprise peut être en termes de pénalités financières, mais elle pourrait être en termes de précarité d'emploi entre guillemets, c'est-à-dire tu ne restes plus avec nous parce que tu n'es tout simplement pas capable d'être performant, tu vas... tu devras te trouver une autre clinique. Mais c'est un peu ce qu'on fait, pas tout à fait dans le même sens, mais avec l'octroi des statuts et privilèges dans les établissements de santé.

Donc, il y a un peu cette responsabilité collective là qui est générée de par les conditions d'octroi de statut de privilège puis les risques de perte de ces privilèges-là, si on n'opère pas bien. Donc, il y a des modèles qui fonctionnent, mais il faut bien les construire et évidemment avec les acteurs.

M. Fortin : Comment on fait, dans ce cas-là, pour... Vous nous avez dit : Il ne faut pas pénaliser les performants. Alors, dans le cas par exemple, d'une GMF, vous l'avez dit, il y a neuf médecins, disons, il y en a un qui ne performe pas, il risque de se faire tasser par les autres éventuellement. Mais, dès qu'on le prend à plus grande échelle, ce médecin-là, il ne déménage pas. Il demeure dans le Grand Montréal, pour utiliser l'exemple du ministre quand même. Il demeure peut-être un médecin qui voit moins de patients pour x, y z raisons. Alors, comment on fait pour s'assurer quand même, les huit médecins performants, là, ils ne perdent pas au change?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Je n'ai malheureusement pas de proposition. Je pense qu'il faut y réfléchir plus amplement. Mais chose certaine, quand on regarde les différents modèles, dans les modèles où on n'a peut-être pas pensé à cette conséquence-là, de démotiver des performants, on s'est retrouvé... on s'est vraiment retrouvé dans des contextes d'impact négatif sur la motivation de ces professionnels-là. Et ce n'est surtout pas ce qu'on cherche. Peut-être que ce à quoi on pourrait penser, c'est une... c'est un bonus à la performance de ces personnes, de ces professionnels-là par rapport aux autres, plutôt que dans un contexte de pénalité, bien, qu'il pourrait y avoir, selon les cibles, des pénalités dans certaines circonstances où c'est vraiment facile à appliquer. Mais c'est quelque chose qui doit être bien pensé, donc, on doit prendre le temps de le faire.

Donc, il y a... Je vois différents éléments... Je vois différentes étapes dans la mise en œuvre de ce projet-là, donc, suivi, reddition de compte, on peut aller de l'avant, mais pour tout ce qui est responsabilité collective, pénalités, ça pourrait être dans un deuxième temps, donc, et ça nous permettrait aussi, tu sais, d'avoir peut-être une meilleure collaboration de tous les acteurs pour arriver à un modèle qui tient.

M. Fortin : La proposition de votre collègue du CIRANOn, qui était ici, il y a quelques instants, à l'effet que : Est-ce qu'on doit exclure, par exemple, des médecins plus âgés de cette formule de calcul là? Parce qu'un médecin qui travaille... qui est en préretraite, qui travaille trois jours-semaine, qui commence à laisser ses patients à sa clinique ou à ses collègues, est-ce qu'on veut vraiment soit le pénaliser lui, ou pénaliser la clinique, ou pénaliser le territoire, à cause qu'il dit : Bien, sais-tu quoi, je ne prendrai pas ma retraite de suite, je vais faire deux trois jours à la place pour continuer à aider?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien, tout est dans la définition de ce que c'est, d'être performant, parce qu'on peut être performant à demi-temps, donc. Puis c'est pour ça qu'entre pairs c'est possible de reconnaître, tu sais, reconnaître l'apport des uns et des autres. Et ma compréhension à la lecture du projet de loi, c'était que c'était souhaité que cette...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : …là des cibles de performance soit fait avec les médecins et entre médecins, donc. Mais c'est ça, j'ai l'impression, quand j'entends les différentes discussions ou présentations, c'est comme si on a la perception qu'être performant ça implique d'être complètement, tout le temps, à temps plein et de faire des actes. Mais la performance peut vraiment revêtir, tu sais, peut… peut pas être présentée de cette façon-là, mais peut aussi impliquer une bonne partie de recherche, peut impliquer que je suis à demi-temps, mais pleinement performant dans mon demi-temps.

M. Fortin : O.K. Là, vous avez quand même 57 pages, là, dans votre rapport qu'on vient de voir, je comprends que vous pourriez peut-être passer un petit peu moins de temps là-dessus. Effectivement, mais on a commencé avec notre vaillante équipe de recherche, François, à regarder tout ça, puis… Oui. Oui, oui, ils s'entendent très bien entre eux. Les limites de la capitation. Vous nous parlez à un moment donné dans votre rapport, là, des limites de la capitation, particulièrement en deuxième puis en troisième ligne. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'on a beaucoup parlé de la capitation pour la première ligne, puis ça, je pense que c'est facile à saisir, ce que ça veut dire versus le modèle actuel. En deuxième, troisième ligne, comment ça s'applique? Et c'est quoi, les répercussions, les risques, là, comme vous le mentionnez?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Ce qui est rapporté dans certaines études au niveau de la deuxième puis la troisième ligne, c'est… d'ailleurs, c'est une étude d'un de mes anciens collègues de l'Université de Sherbrooke. C'était que, justement parce que ça fait l'inverse que… c'est l'inverse du paiement à l'acte, donc, il n'y a pas nécessairement de pression pour voir le plus de patients. Puis on peut avoir une certaine… on peut… on peut développer une pratique où, par exemple, on va vouloir garder le patient plus longtemps en établissement plutôt que de le sortir. Et ça, ça peut générer par exemple de l'inefficience puis des coûts additionnels. Donc, ça, c'est un exemple des risques de la capitation. Donc, c'est pour ça que ça doit toujours bien être dosé puis c'est un peu ce que mon collègue vous indiquait, il n'y a aucun modèle de rémunération qui est optimal seul. Donc, on doit être dans un contexte de rémunération mixte et tous les modèles, l'acte, la capitation et autres doivent venir avec des suivis constants et des réajustements constants, puis surtout dans un contexte où on est plutôt novateur au Québec, je vois difficilement, comment on pourrait envisager de partir avec ce nouveau mode de rémunération là, sans évaluer ses conséquences après même un an, puis de se réajuster sur l'impact au niveau des dépenses.

• (12 h 50) •

M. Fortin : Dernière dernière question de ma part, là, vous mentionnez en tout début de votre mémoire le… puis là je vous cite : « Le projet de loi n° 106 doit cependant être accompagné de garanties gouvernementales pour assurer la capacité réelle des médecins à atteindre les cibles. » On en a beaucoup parlé de ces… de ces garanties gouvernementales, là, que ce soit au niveau de la dotation de postes pour les infirmières, les travailleurs sociaux, les psychologues, que ce soit au niveau des outils informatiques, de la paperasse, tout le reste, là. Est-ce qu'il y en a des plus importants que d'autres dans toute cette liste-là qui a été mentionnée au cours des derniers jours, des incontournables qui doivent absolument être mis en place au niveau des garanties gouvernementales?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Comme je le mentionnais, j'ai l'impression qu'on peut aller de l'avant avec une première partie du projet qui concerne les suivis et la reddition de comptes. Ceci dit, au niveau de l'évaluation de la performance qui est rattachée à… On parle de suppléments, mais j'appelle ça peut-être plus une pénalité. Donc, il faut s'assurer que nos acteurs soient capables d'atteindre les cibles, donc il y a certaines cibles qui peuvent être atteintes, là, on parle par exemple…

La Présidente (Mme Boivin Roy) : …merci. Le temps est écoulé.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Ah! vous iriez lire mon mémoire.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de trois minutes six secondes.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être là. Évidemment, je n'ai pas lu les 55 pages encore qu'on vient de recevoir, mais ce sera fait. Pourquoi vous avez dit tout à l'heure que le principe, le… pas le principe, là, mais le paiement par… à l'acte, la rémunération à l'acte, je vais y arriver, est rejetée majoritairement par les jeunes? Vous n'avez pas dit majoritairement, mais rejetée par de plus en plus de jeunes médecins et de femmes. Où est-ce que vous prenez cette source-là?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Dans la littérature, puis je vous invite, là, à faire une recherche dans les bases de données scientifiques, rémunération à l'acte, burn-out, les préférences des jeunes médecins et des femmes, c'est quelque chose qui ressort fortement. Et d'ailleurs, quand j'écoutais les présentations des différents… différentes personnes médecins, je me disais que ce qu'on…

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...ce qu'on souhaitait, c'était la capitation à l'acte. C'est ce qui ressort du message.

M. Marissal : Oui, on est d'accord, on a entendu la même chose. Je suis d'accord. Je voulais voir la source. De toute façon, on la récupérera, la source. Vous avez dit par ailleurs que ça, ça fonctionnerait, ça étant la proposition du gouvernement, si le gouvernement donne des garanties aux médecins, donc des garanties d'être capables de fonctionner, là. J'imagine, c'est ça que vous voulez dire, là. La proverbiale salle d'opération qui n'est pas... qui n'est pas disponible, ça, c'est l'exemple le plus frappant. Mais qu'est-ce que vous voulez dire, par ailleurs, et comment le gouvernement pourrait-il donner des garanties?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien, en fait, c'est des engagements.

M. Marissal : ...on fonctionne avec un principe qui est inclus par... indu par 106, qu'il doit y avoir des garanties, sinon c'est un marché de dupe, ça ne marchera pas.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien, en fait, surtout que le projet de loi n° 106 parle de responsabilité collective, il serait bienvenu d'y intégrer des engagements de la part du gouvernement qui peuvent reprendre certains des engagements qui devraient se traduire par le déploiement de Santé Québec, mais que ce n'est peut-être pas clair ou pas encore évident. Puis, ceci dit, ça... à mon avis, dans la mesure où on intègre ce type de garanties là... Par exemple, une plus grande transparence des données, ça pourrait être certaines garanties au niveau, effectivement, de l'accès à des plateaux techniques. Parce qu'évidemment, si on n'atteint pas la cible comme spécialiste, on peut difficilement être pénalisé, en tout cas, même légalement, il y a peut-être une problématique, là. Donc, c'est essentiellement dans ce sens-là. Selon moi, c'est quelque chose... On pourrait même penser à proposer ou à intégrer un engagement à légiférer en lien avec les problématiques de «no-show» comme on appelle. Donc, on parle d'un engagement réel collectif à ce moment-là. On aurait gouvernement, patient, médecin. Les médecins se sentiraient aussi moins visés directement par ce projet de loi là.

M. Marissal : O.K. Il reste 10 secondes, le temps de vous remercier. Merci beaucoup.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci, M. le député. Alors, je cède maintenant la parole au député des Îles de la Madeleine pour la même durée, trois minutes six secondes.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Bourassa Forcier, pour vos lumières. Vous dites dans les premières pages de votre mémoire, que j'ai pu regarder rapidement, que le projet de loi devrait être simplifié sur le plan législatif et administratif pour éviter la représentation de tout zèle actuariel ou bureaucratique. Est-ce que je dois comprendre que vous craignez que l'on mette en place un régime de surveillance puis de reddition de comptes qui ajouterait encore de la paperasse qu'on demande d'un peu tout le monde, particulièrement les médecins?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui. Notre lecture comme juristes, c'est que c'est... présentement, tel que rédigé, on est en présence... en fait, on... il y a... puis je pense que mon collègue l'avait mentionné, on a un risque de monstre bureaucratique ici, là. Donc, il faut simplifier. Les lois... Ce qu'on enseigne à nos étudiants, c'est que les lois doivent être rédigées de façon assez large pour qu'on puisse bien évoluer dans le temps sans être obligé de toujours faire des modifications à nos lois. Donc, il serait peut-être pertinent d'envisager de sortir certains éléments de complexité de la loi, de les envoyer soit en entente ou dans des mesures réglementaires.

M. Arseneau : Est-ce que vous avez des... dans votre mémoire plus loin, là, des suggestions plus pratico-pratiques?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Je n'ai pas fait de proposition. Je laisse ça à l'esprit créatif des légistes et des avocats ici avec les parlementaires. Mais, certainement, la formule de calcul du supplément nous a quand même fait sourire, là, comme juristes. Il y a peut-être des considérations juridiques qui m'échappent, mais je ne comprends pas pourquoi cette formule-là, qui va peut-être devoir être adaptée dans le temps, figure dans la loi... dans le projet de loi actuel.

M. Arseneau : Ça va très, très vite. Vous avez parlé, vous avez préféré la coconstruction d'indicateurs de performance. Puis là vous dites : Ça inclut les gestionnaires, les autres professionnels de la santé, les patients, en plus des médecins, évidemment. Mais est-ce que c'est votre définition d'une responsabilité collective ou c'est pour définir la responsabilité des médecins de faire intervenir tous ces gens-là? Parce que certains nous ont dit : Ça ne peut pas être juste la responsabilité des médecins d'améliorer les soins de santé puis de l'accès à des services de qualité.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est deux choses. La capacité de la loi de produire ses effets va être optimisée si on se réunit. La responsabilité des différents acteurs, je pense qu'elle se reflète un petit peu partout dans la loi sur... la LGSSSS, et il reste cette responsabilité-là qui revient aussi aux médecins et des garanties additionnelles pour pouvoir atteindre des cibles de la part du gouvernement. Donc, ça, c'est autre chose.

M. Arseneau : D'accord. Vous avez parlé de...

M. Arseneau : ...des bons contrats, tout à l'heure, là. Nous, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est qu'on veut que les listes de Québécoises et Québécois qui ne sont pas prises en charge disparaissent. Mais ça ne donne pas automatiquement un accès à un médecin. Est-ce que c'est... Donc, dans le contrat, il faut prévoir davantage de détails?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : M. le député, je vous remercie.

M. Arseneau : Merci. Merci.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Le temps est écoulé malheureusement. Alors, professeure Bourassa Forcier, on vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h.

(Suspension de la séance à 12 h 58)


 
 

14 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Poulet) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux.

Alors, cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : Le Regroupement provincial des comités des usagers, Pr Denis Chênevert, M. Alexandre Chagnon et le Pr Damien Contandriopoulos.

Alors, je vous souhaite la bienvenue, mesdames. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous allons procéder à un échange entre les membres. Alors, la parole est à vous.

Mme Tavernier (Carole) : Bonjour, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames, messieurs. Je vous présente Mme Sylvie Tremblay, la directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers, et je suis Carole Tavernier, la présidente du conseil d'administration du RPCU.

Le RPCU a été fondé il y a 21 ans. Cet organisme défend les droits des usagers, représente plus de 540 comités d'usagers et de résidents dans l'ensemble des établissements de santé et de services sociaux au Québec. Qu'ils soient publics ou privés, conventionnés ou autofinancés, le RPCU peut intervenir dans tous les grands débats de société sur des enjeux relatifs au domaine de la santé et des services sociaux pour faire valoir le point de vue des usagers. La mission du RPCU est de défendre et de protéger les droits des usagers dans l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, en soutenant les comités d'usagers et les comités de résidents dans la réalisation de leurs missions et en exerçant un leadership à l'égard de l'amélioration de la qualité des soins, la sécurité des services de santé et des services sociaux au Québec. Les usagers, ce ne sont pas seulement des personnes malades, ce sont toutes les personnes qui, à un moment donné de leur vie, comme vous et moi, utilisent les services de l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Le RPCU a pour mandat de tous les représenter.

Avant même d'entamer son mémoire...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Tavernier (Carole) : ...le RPCU tient à réitérer encore une fois son admiration pour le travail des médecins, tant les médecins que les spécialistes. Le RPCU tient à souligner leur travail et leur dévouement. Nous tenons aussi à exprimer notre admiration pour tout le personnel du milieu de la santé et des services sociaux, tant les infirmières, les professionnels de la santé et des services sociaux, les préposés, que les techniciens, qui, au quotidien, sont les garants de l'ensemble de ce système.

L'objet de cette commission parlementaire ne porte pas sur le dévouement, mais sur l'organisation du travail, ceci visant principalement à améliorer l'accès aux services médicaux pour une prise en charge optimale et humaine des usagers. Le projet de loi n° 106 réfère particulièrement à des modalités de prise en charge des usagers en ciblant les usagers particulièrement vulnérables, les niveaux de vulnérabilité ainsi que les critères associés à ces niveaux.

Enfin, le RPCU comprend à ce moment-ci que les parties sont en processus de négociation. Les usagers que nous représentons réaffirment dans cette perspective que l'accès et la prise en charge des citoyens doivent être au cœur de l'ensemble des discussions. La rémunération n'est pas le seul élément à prendre en compte. Et nous savons que l'ensemble des partis s'accordent sur cet aspect.

C'est donc dans cet esprit que le RPCU se présente devant cette commission. Et nous vous remercions, les parlementaires, de nous accueillir aujourd'hui.

Les différentes réformes en santé qui se sont succédé au Québec depuis les dernières années n'ont pas toujours donné tous les résultats attendus. La dernière réforme qui a mené entre autres à la création de Santé Québec et du ministère 2.0 est encore en phase de transition, et c'est un euphémisme. Le RPCU, en ce sens, s'impatiente de voir les fruits de cette vaste transformation qui devait être au bénéfice des usagers, et ce, partout au Québec.

Il aurait été facile pour nous, usagers du réseau, d'écrire notre mémoire en ne reproduisant que les échanges entendus ou lus dans les journaux et les médias sociaux. Qu'aurions-nous appris, sinon l'insatisfaction des usagers face à l'inaccessibilité des soins et services de santé et de services sociaux, d'un médecin de famille ou d'un médecin spécialiste? Nous aurions constaté, sans surprise l'exaspération, l'incompréhension des usagers lorsqu'ils attendent de longues heures aux urgences et dans les cliniques médicales sans rendez-vous. Nous aurions entendu, impuissants, ces bébés en pleurs aux urgences. Nous aurions pleuré avec des personnes âgées qui attendent d'entrer en CHSLD ou qui se cassent la hanche car elles ont eu le malheur de tomber en se rendant aux toilettes à leur domicile.

Que dire des besoins des personnes handicapées? Que dire de tous ces usagers qui attendent des mois et des mois pour un premier rendez-vous de prise en charge pour une opération, un traitement, un examen? Il y a des faits que nous ne pouvons passer sous silence. L'accroissement de la population, le vieillissement à vitesse grand V de cette population, particulièrement dans certaines régions, l'augmentation des usagers vulnérables ayant des problématiques sociales et de santé publique. Les médecins du Québec, comme les autres parties prenantes de ce réseau, ont une responsabilité collective et doivent, avec l'ensemble des intervenants et des gestionnaires, s'engager à améliorer l'accès et la prise en charge des besoins de notre population.

Nous comptons sur vous et sur l'ensemble des membres de la communauté médicale afin de faire un pas de plus très significatif. Pour nos usagers, pour la population, il faut vraiment y arriver.

Mme Tremblay (Sylvie) : Nous aimerions ici vous parler des aspects à souligner de façon générale pour le projet de loi. Ce projet de loi nécessite aussi de prendre en compte les niveaux de vulnérabilité des usagers dans la prise en charge et les normes relatives à la prise en charge de ceux-ci par les médecins dans divers... dans divers milieux de pratique cités en lien à la prise en compte du niveau de vulnérabilité dans la détermination de la rémunération. On indique un mode de rémunération à trois têtes : capitation, rémunération au taux horaire, rémunération additionnelle qu'on pourrait appeler supplément collectif, nous y reviendrons, des balises nationales, territoriales, locales sur ces objectifs collectifs, et, intéressant, le domicile de la personne assurée doit être pris en compte dans la prise en charge, et ce, le plus près du milieu de l'usager.

Nous observons, comme tous les Québécois, que la disponibilité des médecins du Québec a diminué depuis les... depuis plusieurs années, et surtout en ce qui concerne le nombre d'heures consacrées aux services directs aux usagers. Cette tendance est susceptible de se poursuivre dans un proche avenir car des médecins québécois entendent diminuer les heures de pratique. Les départs à la retraite des médecins et la conciliation travail-famille expliquent aussi en partie ce fait.

Comment traiter... Comment contrer la diminution des actes malgré le nombre croissant de personnes âgées et vulnérables d'ici les prochaines années et dont les besoins croissants de prise en charge... Le RPCU croit donc qu'il faut agir pour contrer cette tendance. La prise en charge des personnes les plus...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...les plus vulnérables est un impératif, et il faut s'y engager maintenant.

Nous pensons aussi que la création de valeur versus les objectifs collectifs des médecins pourrait être prise en compte. Cette approche vise à assurer une couverture et un accès équitable aux services de santé et de services sociaux, à améliorer la santé globale... et des interventions adaptées aux besoins diversifiés des usagers.

Nous espérons que le projet de loi permettra une réponse adaptée à ces besoins au niveau national, territorial et local.

Ainsi, nous sommes d'avis que les balises collectives s'insèrent dans une discussion plus large entre l'ensemble de la communauté médicale et les parties prenantes du réseau... de l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux.

Les travaux du comité de transition et le rapport de ce que nous avons déposé en janvier au ministre de la Santé et des Services sociaux misent sur la création de valeur afin d'améliorer collectivement les soins de santé pour les années à venir.

Les paramètres de cet objectif sont des objectifs collectifs de premier niveau pour tous. La communauté médicale doit s'impliquer pour les atteindre. Je pourrai vous les nommer rapidement : améliorer la santé et le bien-être de la population; réduire la maladie; améliorer l'expérience de soins; améliorer l'équité et réduire les inégalités sociales de santé et de bien-être; améliorer le bien-être et l'expérience des personnes oeuvrant dans ce réseau; et assurer la viabilité du système.

Le projet de loi propose d'organiser les services afin que les médecins, qui font partie aussi du réseau de la santé et des services sociaux, s'engagent à prendre en charge un certain nombre d'usagers.

Le regroupement déplore encore une fois que l'on soit venus à légiférer pour s'assurer que des usagers aient accès à un médecin. Pendant des... Pourtant, des solutions sont connues, des heures d'ouverture plus longues, visites à domicile. Ces solutions, à l'évidence, ne sont malheureusement pas suffisantes et des réaménagements ne demandent souvent que des changements mineurs.

Ceci étant, le RPCU croit que le législateur est en droit de demander à la communauté médicale de faire un effort supplémentaire afin d'améliorer l'accès et la prise en charge dans une vision d'amélioration de santé primaire, secondaire et tertiaire, et ce, partout au Québec.

Le RPCU ne veut pas entrer dans le débat savoir si un médecin doit prendre en charge 1 500, 1 550, 200, 300 de patients qui sont des catégories trois et quatre. Néanmoins, il nous semble encore une fois que, dans... peut-être, dans notre grande naïveté, que certains chiffres ne mentent pas. Donc, il est important que la prise en charge augmente de façon soutenue très rapidement pour les années à venir pour les personnes vulnérables de catégorie trois et quatre.

Le RPCU est préoccupé aussi, comme certains partenaires, sur la notion de personne assurée. Ainsi, l'obligation d'assurer un suivi médical seulement pour les personnes inscrites au système d'information RAMQ peut présenter des risques importants de discriminations, notamment pour les usagers les plus vulnérables, ceux-ci qui ont souvent besoin de prise en charge. On n'a qu'à penser... les nouveaux arrivants, les personnes réfugiées, personnes itinérantes ou marginalisées. Nous souhaitons que le législateur prenne ceci en compte.

• (15 h 10) •

Il y a aussi deux autres recommandations qu'on aimerait vous souligner. Les ententes entre le gouvernement du Québec et les fédérations médicales, comme la majorité des ententes conclues dans les conventions collectives, devraient être rendues publiques et, surtout, accessibles pour tout le monde. De plus, que les comités d'usagers de première ligne puissent exercer leurs fonctions auprès des usagers inscrits dans les GMF et les cliniques médicales, ce qui n'est pas le cas pour le moment.

Le regroupement... Le RPCU croit raisonnable, donc, le projet de loi n° 106 pour...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. C'est tout le temps que nous avons.

Mme Tremblay (Sylvie) : Nous vous remercions... Il restait une phrase.

La Présidente (Mme Poulet) : Allez-y pour la dernière phrase.

Mme Tremblay (Sylvie) : Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Poulet) : Ah! Bon, bien, parfait.

Mme Tremblay (Sylvie) : Ouf!

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on va procéder à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Dubé : Alors, vous vous étiez pratiquée parce que, si vous étiez si proche de votre but, vous saviez que vous aviez un temps... C'est vraiment un plaisir de vous voir encore une fois aujourd'hui, puis hier... Il y a tellement de points que vous soulevez, là. Puis je regardais rapidement votre mémoire, puis c'est très concis, ce que vous avez fait là, puis je... je vais essayer de toucher les points... Je ne peux pas toucher tous les points aujourd'hui, mais je vais essayer d'en toucher quelques-uns où vous pouvez faire une différence, dans les recommandations, dont on va tenir compte dans les prochaines semaines.

Sur l'obligation de légiférer, je veux juste vous... Vous me dites : On ne comprend pas qu'on a cette obligation de légiférer. Je le dis dans mes mots, là, puis c'est... ce n'est pas négatif, ce que je dis, au contraire. Mais je veux juste expliquer un petit problème qu'on a. En ce moment, la façon dont la loi est rédigée depuis 50 ans, puis même avec les modifications...

M. Dubé : ...qu'on a fait avec la LGSSSS, là, qu'on a mise à jour, la fameuse loi de la santé, il n'y a pas d'obligation du médecin de prendre en charge 100 % de la population. Ce sont des travailleurs autonomes, avec les défauts et les qualités de ça, je ne dis pas que c'est juste des défauts, mais il n'y a pas cette obligation-là. Puis je le dis souvent, mais, avec vous, c'est encore important. Ça fait qu'il va falloir... On essaie de trouver la façon de protéger certaines de leurs conditions, puis là je ne rentre pas dans ça, mais en même temps de dire : Comment on arrime ces travailleurs autonomes, ces 22 000 travailleurs autonomes qu'on a, qui font un excellent travail... mais, en même temps, avec le fait qu'on a 1,5 million de Québécois qui ne sont pas pris en charge? Alors, le... comment on arrime le 1,5 million qui manque?

Et, sur votre point, sur votre point, encore plus, parce que ça, j'aime ça entendre ça, ce qui est le plus important, c'est les vulnérables. Parce que, sur le 1,5, selon la codification trois et quatre, remise à jour pour le fameux code de couleurs dont on parle, trois et quatre, pour moi, c'est les oranges et les rouges, à moins que je me trompe, là, bien, il y en a quand même 600 000 qui sont dans ces catégories-là. Ça fait que ce n'est pas parce qu'il y en a plus qu'avant, c'est que là on a mis ça à jour, puis la meilleure image aujourd'hui, c'est ça.

Ça fait que je veux juste vous dire : L'obligation de légiférer, elle est là, elle vient de cette dichotomie-là entre travailleurs autonomes versus le besoin qui n'est pas assouvi de 1,5 million de personnes. Ça va? Ça fait que... Bon.

On a décidé aussi qu'il fallait légiférer parce que, si on prend certains éléments de la RAMQ puis qu'on décide, par exemple, de simplifier le code de rémunération, si on décide de... par exemple, d'avoir une partie de la rémunération des médecins qui sont liés à des objectifs, à des résultats, bien, la loi actuelle de la RAMQ ne permet pas ça.

Ça fait que peu importe puis... C'est parce que j'ai des collègues qui me parlent souvent de dire : Bien, tu n'es pas ici pour faire de la négociation. Non, ça n'a rien à voir. On a besoin de ces éléments-là dans un projet de loi peu importe ce qui arrive dans les négociations, peu importe ce qui arrive dans les négociations. Ça fait que je veux juste dire, soyons clairs, qu'il y a un besoin de légiférer pour les deux raisons que je viens de donner. C'est bon? O.K.

Le deuxième point que vous soulevez, qui est très important, c'est les heures en services directs. Je dois avouer... Je ne sais pas si vous avez eu la chance d'entendre certains des autres intervenants, là, puis il y en a quelques-uns qui... comme ce matin, le professeur des HEC... Vous avez suivi ça? Bon. Puis je pense que... en tout cas, moi, je suis content, là, du ton qui a l'air de changer, là, depuis quelques jours. Puis ça, je l'ai dit, moi aussi, je fais partie de la solution, là, pour que le ton change, je l'ai dit bien honnêtement. C'est d'arrêter de dire qu'il y en a qui ne travaillent pas assez fort. C'est plus de dire : Est-ce qu'on pourrait travailler différemment? Puis, quand je dis «différemment»... J'ai entendu hier, là, trois, quatre intervenants, puis c'était clair, qui disaient : Si on travaillait... Ce n'est pas comme ça qu'ils l'ont dit. Ils ont dit : En ce moment, il y a des rendez-vous que je vois que je ne devrais pas voir. Puis les chiffres que j'ai entendus entre trois, quatre intervenants hier, là, c'était entre 30 % et 50 %. Ça fait que, s'il y a des rendez-vous qu'ils n'ont pas besoin de voir mais que c'est parce que l'arrimage avec les autres professionnels... ou parce qu'ils n'ont pas le support à l'intérieur d'une GMF, ou peu importe, vous me suivez, c'est là qu'il faut être capable de dire : Oui, mais comment on peut faire ça autrement?

Alors, moi, à votre... puis ce n'était pas votre deuxième point, mais j'ai fait la liste rapidement des points, là, c'est : si on est capable d'enlever des heures qui sont non nécessaires, des heures, des rendez-vous, des jours, peu importe de quoi... mais de la... capable d'enlever de la disponibilité qui est non nécessaire pour ce que je viens de dire puis qui pourrait être faite par des adjoints, qui pourrait être faite pour enlever de la paperasse, puis etc., bien, c'est sûr qu'on va augmenter les heures de disponibilité pour des heures aux patients, O.K.?

Alors, je veux juste que tout le monde l'entende, on n'est pas dans travailler plus fort, on est dans travailler différemment. Puis nous, on fait partie... quand je dis «nous», là, Santé Québec, notre gouvernement fait partie de la solution parce qu'il va falloir les aider à mettre ces mesures-là en place. Puis là on parle de comment on coupe la paperasse. On a commencé, mais on n'est pas rendus là.

J'aime beaucoup votre point sur... puis ça, c'est mon troisième point, sur la création de valeur. J'y vais en rafale parce que je veux juste vous dire que je souscris tout à fait à vos commentaires puis qu'est-ce qu'on essaie de faire pendant... Création de valeur, ça, c'est important. Puis là je vais... je vais m'interrompre. Qu'est-ce que vous... La création de valeur, quand on l'amène au niveau local, territorial ou...

M. Dubé : ...national. Vous avez l'air de faire une différence. Puis, ça, je voudrais vous entendre là-dessus si vous voulez. Puis, après ça, il me restera un point. Parce que le temps file, là, à une vitesse phénoménale. Allez-y là-dessus.

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien, vous avez reçu le rapport du comité de transition, d'où nous y faisions partie. Dans...

M. Dubé : Pour la création de Santé Québec, là, oui.

Mme Tremblay (Sylvie) : Exact. Et, dans le rapport, ce que ça dit, c'est qu'il faut absolument arrimer les... puis je vais y revenir très, très clairement, c'est qu'il faut revenir sur les services de proximité et de première ligne pour être capables d'améliorer le réseau, puis, qu'en bout de ligne, la machine à saucisses fait que pas tout le monde va l'urgence, et d'améliorer la santé et le bien-être de la population, et de diminuer les inégalités. Alors, c'est un peu ça. Mais il n'y a pas de chiffres, il n'y a pas de... il n'y a pas de data sur comment on améliore ça au fil du temps. Puis les insatisfactions...

M. Dubé : C'est dans ce sens-là que vous parlez de valeurs.

Mme Tremblay (Sylvie) : Et ce n'est pas le Village des valeurs, là. C'est vraiment être capables d'avoir de l'amélioration pour la satisfaction puis le bien-être des usagers au quotidien. Puis, vous le savez, M. le ministre, on voit aussi, la satisfaction des usagers que nous représentons, c'est un peu mollet, là. On est sur des changements, des transformations organisationnelles profondes. Il y a des coupures derrière. Il y a des gens qui s'en vont. Vous parliez de personnels administratifs, où seront-ils? Nous, on est tous avec vous pour que ça marche, mais on sait très bien que, dans le quotidien, là, il y a une difficulté de transition. Alors, il faut vraiment revenir à la base, revenir à ce que les usagers nous disent. C'est d'avoir des services le plus près possible, de... les inégalités, être capables d'avoir des services le plus près de la population dans un contexte où c'est du 24/7 puis que c'est cinq jours... c'est cinq jours... ce n'est pas cinq jours par semaine, mais c'est sept jours. Alors, revenir à...

M. Dubé : On a demandé à...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...une vision collective des choses.

M. Dubé : Excusez-moi. Excusez-moi. Je vous laisse continuer. Mais on a demandé à Mme Poupart, Maryse Poupart, je la pointe du doigt, ce n'est pas poli, là, mais c'est la numéro deux à Santé Québec. Puis depuis qu'on fait des consultations, depuis hier, on a demandé d'écouter ça. Alors, si jamais vous pouvez prendre son nom à la fin de la rencontre, je pense que c'est avec elle de faire ces démarches-là au cours des prochaines semaines. Donc, vous avez déjà quelqu'un, là, qui s'occupe des opérations. C'est sa responsabilité, les opérations. Alors, je fais juste... Vous vous présenterez à la fin de la réunion. Je vous laisse continuer.

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, dans la vision collective que vous avez... Alors, moi, ce que je comprends de ces négos-là... Puis on ne veut pas rentrer dans ça parce qu'on considère qu'on est pris un peu en étau, comme usagers, puis c'est un peu... c'est un peu dommage et même dérangeant, je vous dirais. Mais, dans la vision collective que vous avez, qu'est-ce que la prise en charge collective au niveau national? Il faut aussi prendre en charge les besoins populationnels qui sont un petit peu plus larges que les besoins médicaux. Alors, dans ce contexte-là, je pense qu'il faut arrimer avec les valeurs qu'est-ce que ça pourrait devenir puis...

M. Dubé : ...des exemples de ça parce que...

• (15 h 20) •

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien, les exemples qui sont, par exemple, des gens qui ont des problématiques de santé mentale ou des personnes âgées qui devront éventuellement aller en CLSC, première ligne ou en maintien à domicile, puis, de l'autre côté, y aura-t-il des médecins en première ligne, y aura-t-il des CLSC qui pourront les avoir, y aura-t-il une vision très, très large, là, de la première ligne par rapport à ça. Donc, il faut arrimer les équipes médicales en fonction de ça puis aussi revenir... C'est... Ce n'est pas idyllique, là. On est dans le b.a.-ba. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de clientèles vulnérables dans ça, là. Tu sais, quand on parle d'usagers qui ont des problématiques 3 et 4, là, on n'est pas dans le... ce n'est pas la licorne, là. Mais, en même temps, il faut quand même revenir à l'essentiel.

Puis, nous, on est assez préoccupés de... à la suite de ce qu'on voit là puis de ce que vous faites. Puis on comprend, là, que les législateurs et vous-même, là, vous êtes dans... vous êtes dans des discussions profondes. Mais ce qu'on vous dit aussi, c'est que tout bouge en même temps, là. Et là, nous, on dit : Les gens, là, ils commencent à avoir un peu peur que ça dégringole. Alors, il faut être prudents aussi dans ce qu'on dit, mais on ne veut pas rentrer dans l'anecdote. Puis on sait que vous pouvez travailler en dehors de ça, puis qu'on est capables d'avoir une vision un petit peu plus collective, puis de revenir un peu à ce qu'on fait, puis qu'on... qu'est-ce qu'on doit faire dans ce fameux réseau qui tient à cœur à tous les Québécois.

M. Dubé : Bien, ça, c'est ce qui m'amenait... Puis là, je vois le temps qui file, là, mais je pense qu'il nous reste encore quelques minutes. C'est ce qui m'amenait à mon autre point. Parce que peut-être que les gens comprennent moins, puis peut-être que c'est nous qui devons améliorer notre discussion là-dessus, ça veut dire quoi, prise en charge collective, hein? Parce que ce n'est pas juste justement d'avoir un médecin. Mais Dr Gaudreault a dit hier, du Collège des médecins : Arrêtez de dire que c'est juste les médecins, c'est écrit dans le titre du projet de loi, c'est plus large que ça.

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien oui. Effectivement.

M. Dubé : Puis on a un article qui dit que c'est plus large que ça mais on ne l'a pas mis dans le titre. Ça fait que, ça, c'est notre problème. On va corriger ça. Mais, le collectif, ça veut dire qu'on veut prendre tout le monde sur leurs problèmes de...

M. Dubé : ...santé, tout le monde, mais on veut aussi que les médecins et les autres professionnels travaillent de façon collective. Et c'est là qu'on va trouver une solution, quand on se dit qu'il manque de monde pour le faire. C'est parce que, si ce n'est pas rien qu'une personne qui est désignée puis que c'est collectif, dans une GMF ou dans un CLSC, c'est là qu'on va travailler différemment. Puis ça, c'est un gros changement de paradigme. On l'a fait avec le GAP. Ça a commencé, mais il faut aller beaucoup plus loin que ça pour que ça ne soit pas juste un rendez-vous, un bobo, hein, j'ai entendu ça souvent, un rendez-vous, un bobo, puis là que ce soit une vraie prise en charge collective. Ça fait que je veux vous rassurer là-dessus.

Et il me reste, Mme...

Une voix : ...

M. Dubé : Ah mon Dieu! On est lousses. Niveau de vulnérabilité, ça, pour moi, c'est drôlement important parce qu'on parle... Là, vous... écoutez, vous représentez les patients depuis des années, puis merci pour tout ce que vous faites. Catégories trois et quatre, c'est ce qui va être remplacé par les codes de couleurs, là, alors trois et quatre, c'est les oranges et les rouges. Expliquez-moi. Parce que ça, il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites, là, puis peut-être pas toujours correctes, là, mais comment ça se fait qu'aujourd'hui, quand on a la chance de regarder comment l'INESSS, comment les experts se sont basés pour dire qu'il y a 600 000 personnes qui sont de code rouge... comment ça se fait qu'on ne les voyait pas, ces personnes-là, dans l'ancien code de couleur, les codes trois et quatre? C'est-tu parce qu'on a mal évalué? Parce que moi, on me disait que ça faisait longtemps que ça n'avait pas été mis à jour. Parce que c'est comme si c'était arrivé... une surprise qu'on avait 600 000 personnes qui étaient avec maladies... chroniques, pardon, sévères.

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien, M. le ministre, c'est notre pain et notre beurre depuis toutes ces années. Vous me dites ça, je tombe de ma chaise.

M. Dubé : Bien oui, mais moi aussi.

Mme Tremblay (Sylvie) : Nous et tout... l'ensemble des gens du réseau de la santé et des services sociaux, tout votre réseau, ils les rencontrent au quotidien, ces gens-là. C'est des gens qui sont dans l'extrême vulnérabilité, et ils sont beaucoup, et ils vieillissent, et il y a des problèmes de santé concomitants.

Alors, c'est sûr que, là, sur la calculette, puis c'est ce qu'on voulait vous dire aussi... nous, on n'est pas sur la calculette, puis les pastilles de couleur, puis tout le reste, là, mais c'est notre quotidien, à nous.

M. Dubé : Mais vous reconnaissez qu'il y en a au moins 600 000 qui sont...

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien, il y en a un paquet, et on dit : S'il vous plaît, on commence-tu par ça? C'est ça qu'on vous dit. On ne vous dit pas... on n'est pas des... ce n'est pas le monde des licornes.

M. Dubé : Bien, c'est parce qu'il y a un an, il y a un an, je m'obstinais avec des médecins qui disaient : La liste, là, elle est 30 000, puis on va la ramener à 10 000, puis c'est comme si j'avais demandé un effort de guerre, mais ce n'est pas 30 000, qu'il y avait, à ce moment-là, c'est 600 000. Ça fait que, là, si on a une meilleure analyse, aidez-nous à mettre de la pression pour qu'on les prenne en charge. Ils existent, là, on ne les invente pas, là.

Mme Tremblay (Sylvie) : C'est le quotidien du réseau de la santé et des services sociaux. C'est ça, le réseau, c'est ce monde-là, là. Alors, mais ça, ça, c'est de la poésie, puis ça, c'est ce que... Vous êtes en négos, alors... Mais nous, on le sait, là, on le sait, qu'il y a toutes sortes d'affaires derrière ça. Nous, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas vrai, là, on comprend que les gens en bonne santé, ils vont faire... On sait qu'il va y avoir de la prévention, puis on sait éventuellement qu'ils vont avoir un doc, là, tu sais, là, on n'est pas des... on n'est pas des licornes, non plus, là.

M. Dubé : Mais il y a une priorité sur les vulnérables.

Mme Tremblay (Sylvie) : Mais, en même temps, s'il y a 600 000, il n'y en a peut-être pas... En tout cas. Ce qu'on dit, c'est que... priorisez ce monde-là puis priorisez le monde... les plus faibles, les plus vulnérables, les personnes handicapées, les personnes âgées. Et, en prime, s'il vous plaît, ne ne touchez pas aux services de première ligne, parce que ça, ça va avec. C'est-à-dire que, si on ne veut pas qu'ils se ramassent à l'urgence, il faut absolument que le budget suive.

M. Dubé : Bien, il y en a d'ailleurs beaucoup qui vont déjà à l'urgence parce qu'ils n'ont pas de solution.

Mme Tremblay (Sylvie) : Il faut que ça suive. Alors, ça, ça veut dire d'autres, d'autres intervenants. C'est ça, de travailler au niveau collectif puis c'est à ça qu'il faut travailler. Puis on croit que vous y êtes parce qu'on le sait, que vous y êtes, mais il faut quand même...

M. Dubé : Non, mais ça m'aide, parce que je pense que, là, on est en train de faire des transitions, justement, sur les cotes de vulnérabilité, mais il n'y a pas juste d'avoir changé de couleur, des chiffres, c'est d'avoir une bonne appréciation : il y en a combien? Puis ça, je pense que le projet de loi nous a fait dire : Bien, écoutez, soyons clairs, là, il n'y en a pas juste 30 000.

Mme Tremblay (Sylvie) : Puis, dans certaines régions, il y a plus de vulnérabilité que d'autres, dans certains territoires aussi, à Montréal, ailleurs, puis ça, il faut prendre ça en compte aussi, là, on n'est pas... le Québec n'est pas égal non plus dans... il y a de l'inégalité aussi. Donc, ça aussi, il faut prendre ça en compte.

M. Dubé : O.K. Est-ce que...

Une voix : ...

M. Dubé : Bien, écoutez, non...

M. Dubé : …je vais laisser mes collègues, parce que je suis certain, mais je veux juste dire, là, l'approche patient que vous amenez à cette commission-là aujourd'hui, là, de penser à regarder en fonction du patient, j'apprécie ça. Puis on va tenir compte, là, de ce que vous dites puis j'ai très hâte de lire en détail votre mémoire. Merci beaucoup pour le travail que vous faites. Merci beaucoup à vous deux.

La Présidente (Mme Boivin Roy) : Merci, M. le ministre. Alors, on poursuit les échanges avec la députée de Pontiac.

M. Fortin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci d'être… d'avoir fait de la route, d'être là cet après-midi. Juste rapidement, vous dites : vous êtes un peu tombés en bas de votre chaise quand vous entendez dire : Il y a 600 000 patients vulnérables. On ne le savait pas. Vous n'êtes pas les seuls. J'avais déjà entendu la ministre dire qu'il y en avait 400 000 au moment de l'instauration du GAP. Il avait évoqué qu'il y avait 400 000 patients vulnérables, là, qui devaient être pris en charge.

M. Dubé :

M. Fortin : Oui, ça, c'est la deuxième… Quand vous avez dit qu'il faut en mettre… il y a 13 000 patients qui doivent absolument être vus, là. Mais entre les deux, ça, c'est entre les deux… enfin, on va y revenir. Mais je vous ai déjà entendu dire qu'il y avait 400 000 patients vulnérables. Ceci étant, il y en a bien trop, hein, et il y en a bien trop qui ont des difficultés d'accès aux soins.

Il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus nous dire : Le projet de loi, c'est une chose, là, mais si on le fait… non, je prends… je prends un pas de recul. Sur l'objectif, c'est-à-dire que tout le monde soit pris en charge, qui est un des objectifs du projet de loi, je pense que tout le monde, tout le monde, là, tous les groupes, là, peu importe d'où ils viennent, qui ils sont, qui ils représentent, disent : C'est l'objectif qu'on devrait tous vouloir atteindre. Mais il y a beaucoup de groupes qui sont venus nous dire : projet de loi, peut-être, mais il faut que ça vienne avec une garantie gouvernementale aussi. C'est-à-dire, on dit aux médecins : Prenez en charge la population, mais il faut qu'il y ait les ressources pour le faire. C'est-à-dire il faut qu'il y ait des travailleurs sociaux à leur disposition, les psychologues, il faut qu'il y ait la dotation de postes, etc. Est-ce que pour vous c'est un… c'est une des garanties ou c'est une garantie nécessaire pour que quelque chose comme ça puisse réussir?

Mme Tremblay (Sylvie) : Le problème… puis là, je suis une vieille du réseau, là, ça fait 40 ans que je suis dedans, là. Le problème, c'est qu'on pose toujours cette même question, la question… il y a les docs, puis le reste, les docs, puis il y a le reste. Le reste, puis, il faut que ça travaille avec les documents. Les docs, bien, des fois ça travaille avec le reste. Il faut cesser cette… Il faut cesser de parler comme ça. Il y a 600 000 personnes qui ont des besoins, elles… c'est des personnes qui ont des pathologies. Des fois, c'est un doc, c'est des personnes vulnérables, il faut qu'on travaille ensemble. C'est ça l'affaire.

• (15 h 30) •

Alors, quand les… qu'importe, là, sur quel… sur quel… sur quel pied on peut danser, il faut finir par arriver à ne plus poser cette question-là. Tout le monde est dans le réseau de la santé et des services sociaux. On a un Québec qui vieillit et qui a des problèmes… avec des personnes qui ont des problèmes de santé globale. Et là, il faut que le monde s'assoie et que là on regarde un peu quel système on veut. Il faut faire un petit… Il va falloir faire un pas de plus, là, sur cette vision-là, parce que là on a une structure, on a un ministère, là, on a des négos sur l'ensemble des intervenants, il y a eu ça à l'automne, là, il y a maintenant les docteurs, mais que voudrons-nous après? Puis là je pense qu'on est rendus là. Qu'est-ce qu'on va vouloir après pour ce réseau-là? Comment on va le travailler? Qu'est-ce que ça veut dire dans les 10 prochaines années?

Là, on est sur le maintenant. Mais je pense que là, il va falloir d'ici quelques années arrêter de poser cette question-là puis tous travailler ensemble. Parce qu'il y a une obligation collective maintenant, parce qu'on est dans un... dans un temps au Québec où là les gens vieillissent et sont de plus en plus malades. On va revenir à autre chose, dans 10 ans, on ne dira peut-être pas la même chose, mais comment on fait pour passer ce cap-là ensemble, tout le monde, pour que les gens soient bien pris en charge? Et ça, il faut revenir à ça.

Alors, les médecins dans leur GMF, puis je vais aller plus précisément, les médecins dans les GMF, ils disent : Bien, moi, ça me prend un travailleur social, ça me prend un psychoéducateur, ça me prend un psychologue, mais ailleurs, ça prend toute sorte de monde aussi. Alors, il faut arrêter de travailler en silos, vérifier sa vision locale, qu'est-ce qu'on peut faire ensemble puis arrêter d'y aller à la cenne, là? Il faut y aller sur une vision plus populationnelle. Puis ça, c'est de l'enjeu collectif.

Je pense qu'on ne… on amorce… on le souhaite que Santé Québec révise ça, pas juste mur-à-mur, mais dans une vision locale, puis que tout le monde travaille ensemble pour les cinq, 10 prochaines années. Le reste… Mais vous comprendrez, on ne peut pas aller chercher quatre psychologues quand il y en a quatre sur le territoire, là. Il ne faut quand même pas… on…


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Tremblay (Sylvie) : ...Il faut avoir accès à tout, là, puis il faut que tout le monde se mette ensemble.

M. Fortin :Ça s'applique aux GMF, mais ça s'applique ailleurs aussi, là.

L'enjeu des urgences. Là, hier, il y avait un médecin qui était ici pour le réseau public qui nous dit : Bien, on a perdu nos travailleurs sociaux à l'urgence. Ça laisse un immense vide qui est comblé par à peu près tout le monde d'autre comme ils peuvent, mais ça ne semble pas donner les résultats escomptés. Alors, quand je vous ai entendu ce matin parler des coupures, entre autres, là, est-ce que c'est ça qui inquiète chez vous dans le sens où vous dites : Bien, il y a beaucoup de patients qui ne sentent pas... qui sont inquiets, qui ne sentent pas nécessairement une amélioration?

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors... Bien, on les voit à tous les jours. On sait que Santé Québec a des résorptions à faire, puis... bon, alors c'est... Nous, on est vigilants puis on va y... On est vigilants et excessivement préoccupés. Ceci ne fait pas l'objet de ce débat-ci, mais on est excessivement préoccupés. Et, au-delà, ce qu'on voit, c'est que, oui, il y a des coupures de TS, de psychoéducateurs, des directeurs qualité, bon, il y a toutes sortes d'affaires. Je pense qu'il y a une réflexion à avoir sur la capacité que nous avons, minimalement... Là, on n'est pas sur... On ne vous parle pas, là, de services quatre étoiles. Là, on dit : Là, là, il y a un petit... il y a un petit «glitch», là. Alors là, on revient à l'essentiel, on revient à l'essentiel sur l'ensemble d'une œuvre collective qui s'appelle Santé Québec, qui s'appelle ministère, qui s'appelle les fédérations, les ordres. Là, on a un petit 10 ans à faire. Et là il faut qu'il y ait une responsabilité sociale, puis il faut une vision collective. Puis ce que ça veut dire, là, c'est que, là, on ne peut plus tous tirer la couverte de notre bord, qu'importe où c'est, là. Puis qu'est-ce qu'on a comme objectif puis comment on peut le réaliser? Parce que nous, ce qu'on... Nos usagers nous disent, puis c'est vos commettants, là, ce qu'ils nous disent, c'est : Ça... Il y a... On ne se reconnaît plus, un, on n'a plus de services, deux, puis là ça... on commence à perdre confiance. Ce n'est pas ça, la réalité. Il y a du monde dédié. On les voit tous les jours. Il y a du monde qui veulent beaucoup. On est avec eux à 100 %. Mais là il faut revenir à l'essentiel. Il faut revenir à une vision collective. La vision collective est là. Comment on peut prendre en charge le monde vulnérable, on va commencer comme ça, là, puis comment on va travailler à ce que notre monde soit en meilleure santé et qu'il y ait moins d'inégalités? C'est ça qu'on dit. Puis c'est ce que le monde veut. Parce que ce n'est pas vrai que tout le monde peut payer x, y, z pour avoir des soins, là, on s'entend, là. Il y a peut-être 40 % où ça... non, il y a 60 % de la population, mais c'est... ça dépend du niveau de ce que tu as.

M. Fortin :Là, j'ai besoin de votre aide parce que... Votre recommandation six, là, que le comité des usagers de première ligne puisse... que les comités des usagers de première ligne, pardon, puissent exercer leurs fonctions auprès des usagers inscrits dans les GMF et les cliniques médicales. J'ai besoin de votre lumière parce que soit vous m'apprenez quelque chose que je ne savais pas ou je ne comprends pas votre proposition. Pouvez-vous nous l'expliquer un peu?

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, nous, on ne peut pas accompagner, dans les GMF et dans les cliniques médicales, les usagers, on a... ce n'est pas dans la... ce n'est pas dans la... Notre mission voudrait qu'on accompagne tout le monde, mais on ne peut pas aller là. Alors, nous, on reçoit des téléphones de personnes, par exemple, je vais vous donner un exemple hyperconcret...

M. Fortin :...vous voulez dire par accompagner.

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, accompagner, c'est ce qu'on fait tous les jours, c'est-à-dire que, si quelqu'un a...

M. Fortin :...

Mme Tremblay (Sylvie) : Accompagner physiquement. Ça peut être aussi accompagner... Ils vont quelque part, ils nous reviennent, ils veulent savoir si c'est... ceci... Ils ont des insatisfactions, ils peuvent avoir un processus de plainte. On leur explique le système, là, on n'est pas toujours... Mais, par exemple, si quelqu'un... On l'a vu à la COVID, on l'a vu après. Par exemple, si quelqu'un a une problématique de santé mentale, va voir son médecin, ça ne se passe pas superbien, il nous appelle : Bon, il s'est passé telle, telle chose. J'aurais eu besoin d'un accompagnement pour, un, comprendre... pour comprendre aussi qu'est-ce que je pourrais faire pour la suite. Nous, on n'est pas... on ne peut pas y aller. Alors, on... Là, on dit : Bien, appelez votre commissaire aux plaintes ou appelez, par ailleurs... puis là ils vont au protecteur. Et puis ça devient un peu large sur la capacité qu'on a de pouvoir améliorer en continu l'accompagnement. Nous, c'est ce qu'on fait, de l'accompagnement. Et on n'est pas dans le réseau des docs. Alors, nous on dit : Ce serait tellement simple, qu'on puisse avoir un peu de... Parce que, vous savez, quand on va voir le doc, là, puis on a fait des... on parle à notre monde, là, puis... peut-être, vous autres aussi, quand vous allez voir votre doc, quand vous ressortez de là, il y a 15 % des affaires que vous avez compris, le reste, vous étiez trop stressé. Ça fait que la personne qui accompagne, elle fait : Bien...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...as-tu compris ça? Tu as-tu fais ci, tu as fait ça? Puis là tu ne portes pas plainte, tu fais de l'amélioration continue puis tu y vas. C'est ça qu'on voudrait. On voudrait accompagner de bout en bout.      Puis on vous dit aussi que, des fois, il y a de la vérif qui se fait, puis nous autres, on est là, puis on peut aussi donner un input au système en disant : Bien, cette clinique-là ou ce GMF là, c'est super, tiguidou, mais, dans d'autres places, c'est un peu particulier. Alors, on est un chien de garde à ce niveau-là aussi. Bien là, on ne peut pas.

M. Fortin :Alors... puis là, je m'excuse, on sort peut-être un peu du projet de loi, comme tel, là, mais c'est une des recommandations que vous avez mises, alors j'aimerais ça, juste la comprendre jusqu'au bout, là, ça veut dire qu'un usager qui vous demande de l'accompagnement, vous pouvez l'accompagner quand il va voir son spécialiste à l'hôpital, quand il fait un CT-scan à l'hôpital, mais quand il parle à son médecin de famille qui est en GMF ou son IPS qui est en GMF, là, vous ne pouvez pas rien faire. Quand il va en clinique privée pour faire un rayon X, là, vous ne pouvez pas rien faire. Donc, vous vous retrouvez à faire des bouts du trajet de l'usager.

Mme Tavernier (Carole) : Je vais préciser, si vous me permettez. Les comités de résidents et comités d'usagers, ils sont présents dans toutes les installations du réseau. Les GMF et les cliniques médicales ne font pas partie du réseau, officiellement, donc on n'a pas juridiction dans ces endroits-là. C'est pour ça qu'on ne peut pas accompagner.

M. Fortin :Et ça vous prend un changement législatif pour y arriver.

Mme Tavernier (Carole) : Oui, ça nous prend un changement de ce côté-là.

M. Dubé : ...

Mme Tavernier (Carole) : Non. Exact. Mais comme le... Mais, en même temps, vous comprendrez qu'à la... p.l. n° 15... ça n'a pas changé, ça, mais le système évolue aussi, et puis là ça fait partie de.

M. Dubé : ...

M. Fortin :Ça va, Mme la Présidente, comme ça. Il y a des jours où on s'entend bien, il y a des jours où c'est...

La Présidente (Mme Poulet) : Là, ça va bien, c'est parfait, la vie est belle, il fait soleil.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Poulet) : Il reste 48 secondes, M. le député.

M. Fortin :Non, ça va. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit les échanges avec le député de Rosemont.

M. Marissal : Oui. Merci. Oui, vous êtes tombées sur une bonne journée, jusqu'à maintenant. Je pense qu'on a tout donné hier, là.

Bien, merci d'être là. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais mettons, là, qu'on y arrive, là, par 106 ou par ailleurs, par l'opération du Saint-Esprit, là, peu importe. Mettons qu'on y arrive, à ce que le million et demi de personnes qui ne sont pas prises en charge soient inscrites... ces personnes. Puis là il y a une nuance entre être inscrit et être pris en charge, mais jouons le jeu. Ces personnes sont prises en charge. Est-ce que, pour vous, être pris en charge, c'est synonyme de voir un médecin, nécessairement, ou voir un professionnel de la santé?

• (15 h 40) •

Mme Tavernier (Carole) : Moi, je dirais voir un professionnel de la santé, être pris en charge, parce que... Exemple le plus probant : Tu vois ton médecin pour un diagnostic de diabète, mais, après ça, à la clinique de diabète, ça va être des infirmières, ça va être des nutritionnistes, ça va être les spécialistes que tu as besoin pour faire ton suivi. Tu vas peut-être voir ton médecin une fois ou deux par année, pas plus, parce que tous tes suivis, tu peux les faire avec d'autres professionnels de la santé. L'idée, dans la prise en charge, c'est de voir le professionnel de la santé que tu as besoin, pas nécessairement un médecin.

Mme Tremblay (Sylvie) : Mais ça prend un docteur de premier niveau, pour les catégories quatre et trois, ça prend un docteur parce que ce n'est pas vrai qu'un trouble de santé majeur, tu ne peux pas avoir de psychiatre derrière toi. Ce n'est pas vrai qu'un cancer, tu n'as pas de médecin derrière toi. Ce n'est pas vrai qu'un problème de nouveau-né, tu n'as pas derrière toi. Ce n'est pas vrai que ton... tu peux le suivre, éventuellement, mais ça prend un doc aussi. Puis l'état palliatif, on ne le nomme pas. Alors, pour les... Là, on revient à, là, on est malade, là, on n'est pas... on n'a pas un cor aux pieds. Ça prend une gang puis ça prend un docteur.

M. Marissal : ...plus vulnérables.

Mme Tremblay (Sylvie) : Exact.

M. Marissal : C'est parce que ce qu'on nous dit depuis hier, grosso modo, c'est : Inscrire des gens puis une prise en charge réelle, c'est deux choses, parce que les cliniques de première ligne, GMF, pour les nommer, ou, le CLSC, je pense que c'est encore pire, ils ne l'ont pas, le personnel pour recevoir le monde. Ça fait que... est-ce qu'on inscrit du monde pour inscrire du monde, pour faire baisser une liste statistique qui, dans le fond, ne donnera pas plus de services parce que la clinique n'est pas capable de les prendre, ils ne sont pas capables de les suivre?

Mme Tremblay (Sylvie) : Mais vous imaginez ce que vous êtes en train de dire aux patients que nous sommes, dans le sens où... Puis je vous comprends, là, parce que c'est notre angoisse quotidienne. C'est-à-dire que...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...jusqu'où notre système est rendu pour qu'on soit en train de se poser cette question-là. Et là, c'est...

M. Marissal : On a les mêmes patients, hein? On a les mêmes patients, Mme Tremblay : ils vont vous voir, ils viennent nous voir.

Mme Tremblay (Sylvie) : C'est systémique, là. C'est systémique. Et là, il y a un bout qui se fait avec cette législation-là, il y a un bout qui va se faire probablement avec Santé Québec, il y un bout avec le ministère aussi où il faut revoir... valeurs, là. Tu sais, on est là, là. Puis on a 10 ans à faire. Et puis on est, nous, assez préoccupés, on va le dire... on va le dire de même. Je pense qu'il faut faire un tour de roue supplémentaire pour que ce que vous dites, M. Marissal... puis c'est profond et c'est vrai, il faut revenir à ce qu'on veut dans une vision réaliste, puis comment on va travailler ça pour que là, notre monde vulnérable, là, on les prenne en charge. Ce n'est pas... On n'est pas la... Comment on va faire ça? Puis ça veut dire peut-être augmenter le nombre de travailleurs sociaux, puis travailler un petit peu avec les ordres professionnels pour augmenter le nombre d'infirmières, puis se donner un go, là. Tu sais, il n'y a pas juste les médecins, là. Il y a les ordres, il y a... il y a les syndicats. Comment on se redonne un go pour être capables de justement répondre à cette question cruciale que vous donnez.

M. Marissal : Puis, croyez-moi, je trouve ça... je trouve ça désolant, là.

Mme Tremblay (Sylvie) : Ah! ça, je le sais.

M. Marissal : Je ne suis pas oiseau de malheur. Le malheur, il existe déjà, là.

Mme Tremblay (Sylvie) : Exact.

M. Marissal : Parce qu'on a un peu les mêmes clients, là, tu sais. Quand ils vont voir, ils viennent nous voir aussi, hein?

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien oui. C'est vos commettants.

M. Marissal : Puis, souvent, ça communique de l'un à l'autre. C'est juste que moi, je ne voudrais pas qu'on donne l'impression au monde qu'on va les prendre en charge parce qu'ils sont inscrits. On a déplacé leur nom d'une liste d'attente à une liste virtuelle de prise en charge, puis qu'il n'y aura personne pour les prendre en charge. Ça, ça s'appelle déplacer un problème. Peut-être, ça fait des plus belles statistiques, là, mais ça déplace le problème. Il me reste-tu du temps, moi?

La Présidente (Mme Poulet) : ...

M. Marissal : Ish!

Une voix : Merci.

M. Marissal : Même pas le temps de vous dire merci. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, mesdames pour votre contribution à nos travaux.

Une voix : Merci de nous avoir... Merci de nous avoir...

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, je...

M. Dubé : ...

Une voix : Et vous autres aussi.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, mesdames.

Alors je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 47)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Nous accueillons M. Denis Chênevert et M. Alain Rondeau. Alors, bonjour, messieurs. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

(Visioconférence)

M. Chênevert (Denis) : Merci, Mme la Présidente. Merci aux parlementaires et à M. le ministre. Donc...

M. Chênevert (Denis) : ...pour situer qui nous sommes, je suis directeur du Pôle santé, HEC Montréal, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines, et M. Rondeau est professeur honoraire à HEC Montréal et directeur associé au Pôle santé. M. Rondeau est une sommité en matière de gouvernance clinique et d'organisation des soins, bon, il agit donc à ce titre.

Dans un premier temps, je voulais présenter notre perspective qui est organisée beaucoup plus sur la question de la structure des soins et de l'analyse du système de santé, et non sur la charge que les médecins doivent assumer comme personnes. Donc, nous sommes convaincus qu'un changement profond est nécessaire au point où on en est rendu socialement. Je pense que des études et des chiffres sont assez éloquents sur la pression que la demande en santé va exercer sur notre système dans les prochaines années. Donc, je pense que le statu quo est impossible. Et ce changement va nécessairement demander une réponse... une responsabilité collective et une imputabilité précise, à savoir qui est imputable de la qualité des soins au Québec. Bon, je pense que ça, c'est un élément qui fait le coeur de notre exposé.

En fait, si vous regardez depuis 50 ans, beaucoup de transformations et de réformes ont eu lieu, mais sans réel résultat significatif en matière d'organisation des soins et de qualité des soins et d'accès aux soins. Les pressions fortes exercées sur les établissements n'ont pas permis jusqu'à présent de réaliser cette capacité de générer de l'autonomie au niveau des responsables cliniques. Les pratiques médicales sont isolées, les gens fonctionnent de façon autonome. En fait, tout le monde fait son travail, mais le travail n'est pas réalisé. C'est un constat qu'on fait dans le milieu de la santé à présent. Sans réelle imputabilité à l'égard des résultats de santé et principalement à l'égard du bien-être des patients, je pense que la transformation est impossible, et nous saluons le projet de loi n° 106 sur cet aspect de vouloir générer une capacité d'imputabilité. Et je pense que la révolution du système de santé québécois, comme l'ont fait plusieurs autres pays, doit passer par cette capacité de créer de l'imputabilité.

Et, derrière cette imputabilité, je pense que les établissements devraient avoir un rôle important à l'égard de la capacité de créer cette imputabilité et d'avoir un rôle direct sur l'organisation des soins. Malheureusement, en ce moment, deux systèmes en parallèle fonctionnent, l'organisation des soins est centrée sur les soignants, alors que l'organisation des soins devrait être centrée sur les patients. Et ça, c'est un problème qui dure depuis 50 ans, ce n'est pas d'aujourd'hui que cette réalité existe, et je pense que nous avons l'occasion de pouvoir, éventuellement, à partir du projet de loi n° 106 qui n'est pas... qui n'est pas parfait en lui-même, je pense que le ministre a salué la possibilité de bonifier le projet. Je pense que c'est le propre de chaque projet de loi, mais, dans son intention, je pense qu'il y a des choses importantes à considérer.

• (15 h 50) •

La question de la rémunération, qui a fait couler beaucoup d'encre depuis quelques jours, est un élément du projet de loi n° 106, mais elle n'est pas le fondement même de ce projet. Ce projet, comme je l'ai mentionné, son fondement, c'est d'être capable de générer une instance d'imputabilité clinique, ça, ça m'apparaît l'élément central du projet. Effectivement, la question de la rémunération est quand même un élément important à considérer. On sait très bien que la rémunération à l'acte, tel qu'on la connaît dans notre système canadien, québécois, génère un ensemble d'effets pervers, vous les connaissez probablement. On estime peu près à 30 % des actes médicaux qui sont non cohérents, non pertinents. Donc 30 %, on sait très bien quelle somme ça représente en termes de coût pour le système et en termes d'accès, naturellement, donc. Et le système à l'acte crée également des dynamiques dans lequel la capacité de créer de la collaboration interprofessionnelle est beaucoup plus difficile. Pourquoi? Parce que le médecin doit voir un patient pour être rémunéré, alors que l'on pourrait facilement prendre soin d'un patient sans passer nécessairement par un médecin.

Donc, ça crée un goulot d'étranglement en première ligne. C'est ce qu'on voit depuis plusieurs années. Donc, cette question de rémunération, elle est quand même importante. On a... Il y a un débat qui perdure sur cette question de rémunération, et je pense que c'est l'éléphant dans la pièce, il faut éventuellement l'adresser. En fait, plusieurs pays ont adressé cette question. On est probablement parmi les pays qui sont les plus en retard...

M. Chênevert (Denis) : ...cette question de la réforme de la rémunération des médecins, ça a été fait dans la majeure partie des pays.

En ce qui a trait la capitation, je pense que cette approche est intéressante dans la mesure où elle permet une prise en charge davantage orientée sur l'approche populationnelle, c'est-à-dire qu'on cherche davantage à créer de la qualité, de la prévention dans la mesure où l'acte n'est pas nécessairement synonyme de qualité des soins. Donc, l'important, c'est maintenant de statuer sur davantage la prévention populationnelle et la capacité de mettre en place un système orienté sur la capitation. Je pense... les capacités, la possibilité de générer une meilleure interdisciplinarité, une meilleure collaboration entre les soignants, dans la mesure où le but est de prendre en charge quelqu'un, peu importe qui prend cette charge.

Donc, je pense que ça, ça m'apparaît un élément important du système par capitation. Je pense que ce système comporte également certaines limites d'où l'importance, c'est, je pense, la nécessité de coordonner ce système par capitation par un certain nombre d'indicateurs. Pourquoi c'est un problème, le système par capitation? Parce qu'il peut générer ce qu'on appelle une sélection, une sélection inverse, donc, un problème d'antisélection, c'est-à-dire qu'on ne va sélectionner que les patients qui sont les moins difficiles à traiter pour être capables d'en prendre un plus grand volume. Donc, ça, c'est un problème du système par capitation qu'on a vu dans d'autres études.

Une autre limite du système, c'est le référencement. Donc, on va davantage être porté à référencer, en deuxième ligne, un patient, comme ça, bien, on est payé pour l'avoir sur notre liste, mais on s'en occupe très peu. Et l'autre c'est l'accès, il faut que la personne ait accès. Donc, on en a... J'ai vu, dans la présentation précédente, la question d'accès est fondamentale, ça ne donne rien de mettre des gens sur la liste s'ils n'ont pas accès à un soignant. Ça, c'est un élément important du système de capitation. Il faut s'assurer d'avoir des éléments qui nous permettent de pouvoir contrôler, suivre : Est-ce que les gens qui sont mis sur une liste, est-ce que des citoyens qui sont sur la liste ont accès, dans un temps raisonnable, à un soignant? Donc, je pense que c'est un élément important.

À cet égard, très, très... il y a très peu de temps, la Colombie-Britannique, comme vous le savez sûrement, ont passé en mode de capitation auprès de leurs médecins de famille. Les résultats se sont avérés quand même assez intéressants. Ce transfert dans la capitation a permis d'attirer 700 nouveaux médecins qui avaient délaissé le secteur public. Donc, ils sont revenus dans le secteur public de la santé, parce que beaucoup de médecins sont également, je pense, favorables à cette approche. Je connais assez bien les médecins et je vous dirais qu'il y a beaucoup de médecins qui me connaissent également. Et cette question a été traitée, j'ai fait plusieurs conférences avec la FMOQ dans leur congrès, j'en ai fait une sur la rémunération des médecins. Donc, j'ai... les avantages et inconvénients de chaque approche et je pense que, de façon générale, les gens sont assez favorables à ce changement.

Donc, je pense que c'est un élément qui est assez... qui doit être pris en considération, cette question de rémunération, et surtout le fait qu'aucun système ne peut permettre de combler les enjeux de cette question d'imputabilité et de prise en charge. Chaque système de rémunération comporte en lui-même ses forces et ses faiblesses. C'est donc le but d'avoir une approche mixte qu'on appelle où plusieurs systèmes de rémunération différents viennent compenser les faiblesses de l'autre. Et ça, on voit ça dans tous les secteurs d'activité, ce n'est pas propre au secteur de la santé. Donc ça, ça me paraît important.

Et, à cet égard-là, notre collègue Pierre-Carl Michaud a démontré, dans son dernier rapport, que la rémunération n'est pas une... Donc, il faut bien comprendre que le fait de mettre en place un système de rémunération, peu importe le système, on ne réglera pas le problème d'accès à la première ligne, il faut être réaliste par rapport à ça. La rémunération est un mécanisme de soutien comportemental, il faut s'assurer de cibler quel genre de comportement on veut encourager par rapport à ce système de rémunération. Donc, il faut, dans un premier temps, avoir fait la transformation, s'assurer de voir qu'est-ce qu'on veut voir apparaître comme comportement auprès des soignants, et ça, ça m'apparaît essentiel, avant même de réfléchir à savoir qu'est-ce qu'on va encourager, supporter comme comportement. Ça, ça m'apparaît un élément assez important.

La question qui tue maintenant : Comment traduire l'intention du projet dans une transformation réelle de la pratique de soins? Je pense que c'est là, le grand débat : Comment on va, à partir du projet, réussir à transformer réellement cette pratique de soins? Comment favoriser une imputabilité médicale dans une prise en charge de patients pour un milieu de pratique quelconque? Comment on va réussir à générer cette capacité de prise en charge et d'imputabilité, en sachant que, oui, effectivement, l'importance du collectif de soins est essentielle. On ne peut plus fonctionner dans un environnement où le médecin...

M. Chênevert (Denis) : ...travail en silo...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, messieurs. C'est tout le temps qu'on avait... qu'on a pour votre exposé. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Dubé : Oui.Vous avez un rôle très difficile de couper la parole à ce moment-là. Je sais que ce n'est pas facile, mais... Messieurs... M. Chênevert et... je n'ai pas saisi le nom du deuxième intervenant, je m'en excuse.

M. Chênevert (Denis) : M. Alain Rondeau.

M. Dubé : M. Rondeau. Premièrement, encore une fois, je le dis souvent, je sais que vous avez eu à vous préparer dans un temps record tous les deux. Ça fait que c'est très apprécié que vous soyez là aujourd'hui, et je dois vous dire, très, très instructif. Je n'avais pas réalisé à quel point il y avait de la compétence aux HEC dans un domaine aussi pointu que les données, que la santé, avec ce qu'on a vu dans les derniers jours. Ça fait que merci beaucoup. C'est sûr qu'on partage, là, beaucoup des éléments que vous avez dits, mais on est beaucoup dans, je pense, les défis, là, puis j'ai beaucoup apprécié ce que mes collègues, entre autres de l'opposition, ont dit aujourd'hui. On va aller plus loin si on réussit... à réaliser notre vision. On est beaucoup dans l'exécution ici, hein, c'est de ça dont vous parlez, puis comment quand on passe de silo à travailler en équipe, parce que c'est beau en théorie, mais il faut que ça arrive, ça, puis c'est des gros changements de comportement. Ça fait que je vais essayer de ramener ça à deux points puis... Bon.

Sur l'imputabilité, bon, je pense que ce qui dérange beaucoup en ce moment, là, puis je le comprends, c'est un gros changement, c'est d'essayer de lier... D'abord, premièrement, qu'est-ce que ça veut dire, l'imputabilité? Parce que les gens ne s'entendent peut-être pas toujours, ça veut dire quoi, être imputable, mais c'est... premièrement, c'est d'être responsable de quelqu'un puis de dire si vous êtes responsable de voir un certain nombre de patients, que vous êtes responsable de faire telle ou telle chose, c'est... c'est d'avoir un responsable qui est imputable. On dit : Regarde, tu devais faire ça, tu ne l'as pas fait ou est-ce que tu pourrais le faire mieux en termes de qualité? L'imputabilité — puis je n'ai pas vu si vous avez un mémoire puis j'aimerais ça pouvoir vous lire parce que c'est très clair ce que vous dites — est-ce que ça peut se faire sans cible? Pas... Je n'ai pas dit «sensible» dans le sens de...

M. Chênevert (Denis) : Oui, j'ai compris.

M. Dubé : ...sans aucune cible. Vous me suivez?

M. Chênevert (Denis) : C-i-b-l-e.

M. Dubé : Parce que le débat, je crois... puis moi, j'ai confiance dans les médecins qu'on connaît, là, puis vous le dites, il y en a beaucoup qui voudraient aller là. Mais c'est quoi le plus gros irritant de l'imputabilité? Est-ce que c'est d'avoir des cibles, d'être mesuré puis en plus de lier ça à la rémunération? Je suis certain que vous en avez parlé. Qu'est-ce qui rend cette imputabilité si difficile à faire accepter comme changement? Est-ce que ma question... ma question est claire?

• (16 heures) •

M. Chênevert (Denis) : La première... La première raison... Oui. La première raison, c'est qu'on ne peut pas mettre quelqu'un imputable d'indicateurs sur lesquels il n'a pas totalement le contrôle. Les gens, face à l'imputabilité, ce qui les insécurise, c'est d'être imputable sans avoir la responsabilité et le contrôle des indicateurs d'imputabilité. Je ne sais pas si vous me suivez?

M. Dubé : Ah! très bien.

M. Chênevert (Denis) : Les deux doivent... Les deux doivent aller de pair. Si je suis imputable de quelque chose, je dois avoir le contrôle direct sur cette chose, sinon ça ne peut pas marcher. Et je pense que c'est là que peut-être il y a un petit peu de... je dirais, d'angoisse par rapport à cette question-là.

M. Dubé : Je vais dire comme mon collègue de Rosemont, là, on rêve une minute, là, puis admettons qu'ils avaient complètement le contrôle sur... je vais dire quelque chose, pour être disponibles pour voir le patient. Ils l'ont, le contrôle, admettons, là. Puis la... leur clinique est ouverte, puis elle est ouverte le jeudi soir jusqu'à 8 h. Ils ont le contrôle pour voir le patient. Ça fait que j'enlève la question de contrôle. Je vous repose la même question. Est-ce que c'est d'avoir une cible qui dérange? Parce que, des fois, vous pourriez avoir des cibles puis vous n'êtes pas... ça n'affecte pas votre rémunération. Ça fait que je reviens à ma question. À part le contrôle, qu'est-ce qui dérange tant que ça dans l'imputabilité?

M. Rondeau (Alain) : Il y a deux aspects qui sont importants dans l'imputabilité, c'est l'imputabilité de quoi et l'imputabilité à qui.

M. Dubé : Allez-y.

M. Rondeau (Alain) : Il est clair qu'on a besoin clairement d'avoir défini de quoi on est imputable, et il faut avoir participé, d'une certaine façon, à la définition de cette imputabilité-là, c'est quoi la cible que je vise et est-ce que je suis en accord avec ça, est-ce que j'ai le sentiment que je peux l'atteindre. Et la deuxième partie, c'est : Je suis imputable à qui? Autrement dit, ce n'est pas parce que j'ai défini à quelque part une cible que cette cible-là va me pousser. Je dois... Je dois être capable de rendre compte de mon imputabilité à quelqu'un ou à un système qui me permet de dire : Oui, en effet, on a bien...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Rondeau (Alain) : ...le travail. Ces deux dimensions là sont complémentaires.

M. Dubé : Vous avez dit, puis ça, ce n'est pas la première fois, puis je regardais mon collègue le Dr Bergeron, là, pendant que vous disiez ça, puis je l'ai entendu au moins cinq, six fois, là, depuis hier, depuis qu'on est en commission, qu'il y a de 30 % à 50 % des rendez-vous, vous avez dit, non cohérents, là, ou, en tout cas... je n'ai pas le bon mot, non nécessaires.

M. Rondeau (Alain) : 30 % des actes.

M. Dubé : Pardon?

M. Rondeau (Alain) : 30 % des actes perpétrés dans un... Une rémunération à l'acte, il y a 30 % des actes qui n'ajoutent pas de valeur à la situation du patient.

M. Dubé : Ça fait que ça c'est un peu complémentaire à ce qu'on entendait hier parce que... Même la FMOQ a dit que ça pouvait monter jusqu'à 50 % dans certains cas. Hier, ils ont dit ça, là. Alors, qu'est-ce qu'on fait pour se protéger si on s'en va à des cibles... Admettons qu'on dit : Elles sont contrôlables, les gens savent à qui... de qui... qu'est-ce qu'on attend d'eux, ils sont d'accord avec cette cible-là, là, tous les critères que vous venez de mettre, comment on fait pour s'assurer qu'on baisse ce 30 %? Parce que c'est ça, le défi, là. Parce que, si on est capables de diminuer ces actes, je le dis, non nécessaires, il va y avoir de la disponibilité pour voir plus de gens. Moi, l'idée, c'est... ce n'est pas de dire : Vous pouvez travailler plus fort. Pouvez-vous travailler différemment? Ça fait que comment on fait pour que nos cibles, on va s'entendre... Est- ce qu'il y en aura trois, cinq, 10 ou 15? Je ne sais pas, mais est-ce qu'on peut s'entendre comment on fait pour réduire ces actes-là qui sont non nécessaires?

M. Rondeau (Alain) : Là, je vous ai parlé d'un collectif qui va travailler à prendre en charge les patients. Ça va être le travail de ce collectif-là de réfléchir puis de dire : Dans ce qu'on fait, qu'est-ce qui... qu'est-ce qui mérite ou qu'est-ce qui ne mérite pas d'être fait et comment on peut le réorganiser? Et là il va y avoir un...

M. Dubé : Je me permets de vous interrompre, là, parce que vous êtes des spécialistes, puis, quand on parle de collectif puis prise en charge... C'est qui, le collectif? C'est-tu ce que vous dites, par exemple, la GMF qui aurait la responsabilité? C'est-tu ça que vous voulez, là? Ce n'est pas un médecin, mais le collectif de la GMF. C'est-tu ça?

M. Rondeau (Alain) : Votre projet de loi nous parle de : collectivement, on doit réussir à prendre en charge les patients. C'est... Le collectif, là, ça peut être le GMF, ça peut être une autre forme, une...

M. Chênevert (Denis) : Le département de médecine familiale, que vous avez soulevé dans le projet de loi.

M. Dubé : O.K. Non, mais c'est parfait. Mais je voulais que les gens comprennent ça veut dire quoi, le collectif, là.

M. Rondeau (Alain) : Et ce collectif-là, il va devoir se poser la question si on est rémunérés pour atteindre des résultats et, si on n'a pas plus de ressources qu'on en a présentement, comment est-ce qu'on se réorganise pour faire les choses, comment est-ce qu'on distribue différemment? Et là le 30 % d'actes qui, souvent, a été utile dans la rémunération à l'acte, si on passe dans un système de capitation, il n'a plus lieu d'être là. On va se poser la question : Est-ce qu'on a besoin de maintenir ces actes-à? Et la question qui va devenir importante, c'est : Comment, collectivement, on doit donc décider ce qui est important et ce qui l'est moins et comment on se répartit différemment le travail au sein du collectif?

M. Dubé : Ça fait qu'il y a deux... il y a deux questions. Il y a la question... je vais... Il y a la pertinence : Est-ce que cet acte-là est important? Puis, tout à l'heure, on va entendre quelqu'un, là, qui se spécialise dans ça, là, notre... Celui qui est spécialiste en intelligence artificielle, là, qui a déjà un logiciel pour... on va l'entendre sur la pertinence. Mais la deuxième question, c'est : Comment on se le répartit? Hein, il y a la pertinence puis il y a la répartition. Est-ce que vous en connaissez, des organisations? En tout cas, moi, il y en a une qui me vient en tête, là. Mais je veux savoir : Est-ce qu'on en a, des exemples où c'est... Parce ce n'est pas facile de travailler en... Avant, on appelait ça un pool, hein? Tu dis : On travaille en pool, on travaille en... ce n'est pas la meilleure expression pour ça. Mais en connaissez-vous, des endroits où ce principe-là de collectivité a déjà été bien appliqué?

M. Chênevert (Denis) : Oui, vous savez... Bien, vous le savez, vous avez eu la présence en commission parlementaire de Sasha pour les cliniques Up. Donc, vous avez vu un peu comment fonctionne un collectif efficace et efficient. Donc, ils sont capables de voir autant de patients, là, que Sainte-Justine. C'est dans un environnement qui est pas mal moins complexe. Et donc c'est possible.

M. Dubé : ...je ne pensais pas... Oui, mais c'est un bon point parce que je ne faisais pas le lien en clinique UP. Vous parlez du Dr Dubrovsky, là...

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait. Sasha Dubrovsky, oui, tout à fait.

M. Dubé : Parce que c'est le nombre de médecins et d'infirmières qui le regardent globalement?

M. Chênevert (Denis) : out à fait, chacun on...

M. Dubé :  Mais je ne me souvenais pas de ce principe-là. O.K.

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait, ils ont une dynamique collective dans laquelle la... je dirais, l'interrelation entre les différents professionnels, elle est fluide, elle est non statutaire. Donc, chacun a...

M. Chênevert (Denis) : ...une position qui est non statutaire... ça change beaucoup de choses dans une dynamique clinique. Et donc, ça, c'est l'approche que... ont fait. Il y a d'autres cliniques au Québec qui ont des approches très intéressantes.

M. Dubé : Parce que je pense à mes collègues qui sont en face de moi, là. On a parlé du docteur Dubrovsky, vous vous en souvenez. Puis, quand les gens sont allés le visiter, on a regardé, puis leur taux de... leur taux de visite est aussi grand qu'à Sainte-Justine. Puis on parle... on parle d'une clinique qui est au troisième étage d'un centre commercial, là. Je m'excuse!

M. Chênevert (Denis) : Avec une attente de 30 minutes, maximum, tu sais...

M. Dubé : O.K. Moi, je pensais... Bien là, vous en avez donné un qui est encore meilleur que le mien, ça fait que ça ne sert à rien que je vous parle du mien.

M. Chênevert (Denis) : Tu sais, je pense qu'il faut... il faut réfléchir aux soins de proximité, tu sais. Je pense que c'est... un des gros objets de ce projet de loi, c'est de s'assurer qu'on est capables d'avoir des soins près des gens qui en ont besoin, donc le plus près possible. Donc, l'imputabilité doit être également près des gens qui ont un contrôle direct sur ces soins qui sont octroyés de façon proximale. Et, pour ça, ça prend une gestion de proximité. On ne peut pas avoir des soins de proximité sans une gestion de proximité. Il faut que les deux cohabitent. Donc, soit une proximité et gestion de proximité puis imputabilité de proximité. Il faut... Il faut que ça fasse un tout cohérent.

M. Rondeau (Alain) : Votre projet de loi est fondé sur la mise en place de milieux de pratique. Ces milieux de pratique là vont être des collectifs, justement, qui vont devoir travailler ensemble. Tout va se passer là-dedans. Ce qui va être important, c'est comment on les crée, ces milieux de pratique là, pour qu'ils puissent se partager efficacement le travail à faire. S'il est trop large, s'il est trop important, ça va devenir un capharnaüm. S'il est... S'il est mal... (panne de son) ...

M. Dubé : Ça, on l'a entendu de gens. Puis c'est un peu une façon de perdre le contrôle, que vous disiez tout à l'heure, sur les cibles. Si les gens qui sont rémunérés, puis ajustés pour ça, les cibles sont trop loin, bien, ils vont dire : Je ne le contrôle pas puis je ne vois pas pourquoi...

Une voix : C'est ça. Alors...

M. Dubé : O.K. Je comprends. Ça fait qu'on revient... on revient à ce point-là. Parlez-moi un exemple de la Colombie-Britannique. Parce que je dois vous dire que c'est quand même un exemple sur lequel on s'est fondé, là, pour arriver avec le projet de loi, puis avec le Dr Bergeron. Mais je n'étais pas conscient que... c'est intéressant, la statistique que vous avez donnée, qu'il y a plus de 700 médecins qui sont revenus du privé.

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait.

M. Dubé : Puis, ça... Parce que ça fait, quoi... ça fait combien de temps qu'ils ont mis ça en place, cette nouvelle...

M. Chênevert (Denis) : Ah! c'est récent, 2023... 2022-2023. C'est récent, là. C'est tout à fait récent. C'est...

M. Dubé : Et qu'est-ce qui a fait... si vous ne le savez pas, je me permets de le demander, puis on ira voir. Mais quels sont les facteurs qui ont... qui ont fait qu'il y a un si grand succès de ramener des médecins? Je sais que la rémunération en fait partie pour beaucoup, là. Mais avez-vous un peu des données là-dessus qui fait que c'est...

• (16 h 10) •

M. Chênevert (Denis) : Bien, ce qu'on sait fondamentalement, c'est que la rémunération exclusivement à l'acte génère beaucoup d'épuisement et de stress chez les médecins. Ça, ça a été démontré. La rémunération à l'acte, ça peut comme...

M. Dubé : Oui. Puis on l'a entendu beaucoup. On l'a entendu beaucoup hier, entre autres, là.

M. Chênevert (Denis) : Donc, les médecins, surtout les nouvelles générations de médecins, ont tendance à vouloir évoluer dans un environnement de travail dans lequel la qualité de vie au travail est un élément important. Et donc un système qui génère de l'épuisement et du stress n'est pas un système très attirant pour les nouvelles générations de médecins. Et donc ces médecins sont revenus parce que l'approche par capitation n'est pas une approche qui génère ce type de stress et ce type d'épuisement.

M. Dubé : Oui. Puis, ça, il y a une mauvaise compréhension. Les gens pensent que quand on dit capitation, c'est pour augmenter le volume, alors que c'est le contraire.

M. Chênevert (Denis) : Pas du tout! Pas du tout.

M. Dubé : Bien non. On a entendu ça, là.

M. Chênevert (Denis) : Pas du tout. Et, en plus, bon, pour revenir sur BC, les chiffres démontrent également qu'on a réussi à augmenter le nombre de patients inscrits et consultés par un médecin avec ce système-là. On a augmenté, en BC, près de 200 000. Et pourtant, c'est petit. On parle d'une... tu sais, ce n'est pas la grosseur du Québec, là. Donc, on a réussi. Puis c'est récent. Ça vient de commencer, là. On a réussi à remettre sur le système 200 000 patients qui sont inscrits et suivis, donc qui n'étaient pas suivis par le système traditionnel, donc.

M. Rondeau (Alain) : Ce qui devient important là-dedans, c'est que le collectif, là, le groupe qui prend en charge ces choses-là se répartisse complètement de façon différente le travail. On va... On va repenser...

M. Dubé : Qu'est-ce que vous voulez dire, de façon différente? Chaque groupe est... fait une approche différente?

M. Rondeau (Alain) : Non. Bien, d'une part, chaque groupe définit beaucoup comment ils vont fonctionner. Et les standards dans chacun des groupes ne sont pas les mêmes, dans la prise en charge. On va se poser des questions, on va... on va se tester beaucoup dans notre façon de concevoir cette prise en charge là. Parce que ça dépend beaucoup de l'environnement dans lequel on est, du type de patient qu'on traite, etc. Et là, les...

M. Rondeau (Alain) : ...les gens sentent plus de responsabilités par rapport à cette prise en charge là. Ils ne sont pas dans une situation où tout est normé et lié à un acte rémunéré.

M. Dubé : Oui, parce qu'un GMF en milieu urbain et un GMF en milieu rural ou régional, ce n'est pas...

M. Rondeau (Alain) : ...pas la même chose.

M. Dubé : Ce n'est pas du tout...

M. Rondeau (Alain) : ...c'est tout à fait une réalité différente.

La Présidente (Mme Poulet) : ...

M. Dubé : Mon Dieu! je suis chanceux. Non, je pense que ça me va, j'ai passé à travers les principaux points, à moins que mes collègues... Ça va, ça fait que je passerais le temps à mes collègues.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Fortin :Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci de nous partager votre expertise aujourd'hui. Depuis le début du débat sur le projet de loi n° 106, il y a quand même beaucoup de médecins qui sont sortis sur la place publique en disant essentiellement un peu ce que vous avez dit d'entrée de jeu, M. Chênevert, c'est-à-dire : Oui, O.K. pour des objectifs, mais il faut que ce soit des objectifs sur lesquels j'ai une certaine autorité, une certaine... un certain pouvoir. Si c'est des objectifs sur lesquels : Oui, moi, j'en fais plus, j'en fais plus, j'en fais plus, mais qu'à la fin de la journée, l'objectif n'est pas plus atteint, j'ai de la misère à vivre avec ça.

Donc, si je vous entends bien, là, et je pense que c'est M. Rondeau qui l'a dit, là, soins de proximité, gestion de proximité égale imputabilité de proximité, là, ça prend tout ça, là, mais quand on vient parler des objectifs nationaux, est-ce que ça tient la route, ça, d'avoir des objectifs nationaux, alors que vous me dites : Bien, l'imputabilité qu'il doit y avoir, c'est une imputabilité de proximité?

M. Rondeau (Alain) : Ce qui va devenir très important là-dedans, c'est comment je compte décliner ces objectifs nationaux là au niveau local, parce que l'objectif national, il n'y a personne qui a le contrôle sur cette dimension-là, il faut que ça ait une incidence sur ce qui se passe au niveau local, et donc le collectif local qui traite soit capable de mettre ça dans des formats avec lesquels il est capable de se sentir en contrôle.

M. Chênevert (Denis) : Il faut en même temps qu'il y ait une forme de coordination de la première ligne, c'est-à-dire qu'il faut quelque part un mécanisme qui va coordonner les différents GMF, qui sont toutes des entités distinctes avec leur mode de fonctionnement, mais ça prend une entité qui permet de voir, au fond, au bon fonctionnement, qui crée des liens, de la synergie, qui puisse tabler sur les innovations créées dans un GMF pour être capable de le transférer dans un autre. Ça prend une instance qui va garder un certain regard sur ce qui se passe en première ligne. Ça, ça m'apparaît un élément central. Pour l'instant, on n'a pas réellement de coordination à ce niveau-là.

M. Fortin :Oui, c'est ça, il n'y a pas...

M. Chênevert (Denis) : Alors qu'en Ontario, il y a des mécanismes de coordination. Ça existe.

M. Fortin :Pouvez-vous me l'expliquer, ça, ces mécanismes-là? Qui les gèrent, ces mécanismes-là, entre les différentes... je ne sais pas si c'est des GMF, des cliniques, là, ou peu importe, là, mais...

M. Chênevert (Denis) : C'est une structure qui est au-dessus des GMF et qui a pour mission de créer de la synergie, de la cohérence, de suivre des indicateurs, de suivre des résultats pour être capable de diffuser les bonnes pratiques à travers l'ensemble des GMF. En ce moment, chacun travaille dans son coin, il n'y a pas de partage, là. Tu sais, on est dans des logiques dans lesquelles on réinvente la roue constamment. C'est beaucoup d'efforts dans chacun des GMF, alors qu'on pourrait facilement avoir un partage de ces bonnes pratiques et avoir beaucoup plus d'efficience si on pouvait réaliser ce genre de coordination.

M. Fortin :Alors, sans avoir une instance comme celle-là, d'avoir de l'imputabilité au-delà du GMF, là, en première ligne, ça devient difficile, disons, là.

M. Chênevert (Denis) : Ça devient plus difficile, je pense.

M. Rondeau (Alain) : Ça devient d'autant plus difficile quand on se sent loin de la cible qui a été placée.

M. Fortin :Oui. Et cette instance-là, en Ontario, elle est menée par le ministère où elle est menée par une espèce de GMF qui s'associe un à l'autre?

M. Rondeau (Alain) : C'est le ministère.

M. Fortin : C'est le ministère qui le fait.

M. Rondeau (Alain) : C'est le ministère, oui, tout à fait.

M. Chênevert (Denis) : Mais ça pourrait être Santé Québec.

M. Fortin : Oui, oui. Bien, en Ontario, c'est le ministère. Ici, ça peut être quelqu'un d'autre.

M. Chênevert (Denis) : Oui, ça n'a pas d'importance, là...

M. Rondeau (Alain) : Oui, ça, c'est un autre aspect qui est extrêmement important. Dans le projet de loi actuel, il y a un grand absent qui s'appelle les établissements. Les établissements ont beaucoup d'information sur la nature des besoins de leur environnement et les collectifs qu'on va créer pour essayer de prendre en charge, bien, les établissements doivent être aussi partie prenante là-dedans. Ils peuvent exercer une partie de cette coordination-là dont on parle.

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait. Ils pourraient effectivement.

M. Fortin : Ça fait partie des outils un peu, là, que beaucoup de gens... auxquels beaucoup de gens ont référé, ce n'est pas... Tu sais, on en a parlé comme quoi... comme comme des autres types de professionnels, que ce soient les travailleurs sociaux, les psychologues, mais cette...

M. Fortin :...cet outil de coordination là, ça fait partie de ce que le ministère ou ce que le gouvernement doit mettre en place avant d'arriver avec des objectifs qui sont au-delà des objectifs de GMF, là. O.K., je vous entends bien...

Une voix : ...

M. Fortin : Bien, soit territoriaux ou nationaux, là. O.K. Juste sur la... Puis là, je pense, depuis le début de votre exposé, là, on parle comme si on parlait surtout de la première ligne puis des médecins de famille. La question des spécialistes, qui est peut-être un petit peu plus... je ne veux pas dire «complexe», là, mais, par rapport aux objectifs, là, est totalement différente... Est-ce que vous voyez, à travers le projet de loi, quelque chose qui permet aux spécialistes de mieux atteindre des cibles, par exemple, de nombre de chirurgies réalisées ou des cibles comme celles qui ont été évoquées, là, lors du dépôt du projet de loi?

M. Chênevert (Denis) : Naturellement, c'est moins... je pense que le projet est moins ciblé sur les spécialistes, là, c'est plus... ça m'apparaît plus nuancé par rapport à... mais, en même temps, bon, les spécialistes, vous le savez probablement, là, les médecins spécialistes dans le monde sont tous salariés. Ça, c'est une réalité, là, ce n'est pas moi qui ai inventé ça, là, ce n'est pas une opinion personnelle, c'est une réalité. Naturellement, bon, est-ce que... est-ce qu'éventuellement cette réalité-là sera abordée? Je n'en sais rien, là, mais ça fait partie, je pense, des questionnements qu'on doit avoir.

Et en même temps, bon, pour ce qui est des collectifs en médecine spécialisée, ils ont aussi les mêmes problématiques, tu sais. Je pense que la question de la coordination, de la collaboration est également problématique. Je vous donne un exemple. On est après implanter une approche qu'on appelle l'approche managériale participative dans les équipes en cancérologie, bon. C'est des spécialistes, mais les spécialistes n'ont pas tendance beaucoup à collaborer avec les autres professionnels, et dans une logique dans laquelle les autres professionnels ne se sentent pas nécessairement partie prenante de cette collaboration. Donc, on essaie de changer un peu cette dynamique-là pour... En même temps, le médecin en tire un bénéfice parce qu'il peut s'appuyer davantage sur ces ressources, puis ils ont tous une expertise pertinente, lorsqu'on aborde un problème qui est multidimensionnel, multifactoriel. Et, bon, en cancérologie, vous devez savoir qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent être éléments importants de cette maladie.

Et donc je pense qu'il y a aussi cette prise de conscience de cette logique participative, cette ouverture à la collaboration qui devra être encouragée, facilitée dans... à l'intérieur du projet de loi n° 106. Je pense qu'il faut trouver une façon aussi d'améliorer cette capacité de collaboration.

M. Rondeau (Alain) : Il est clair qu'on a créé, dans les systèmes de santé beaucoup de goulots d'étranglement. Quand on est obligé de passer par un médecin de famille pour aller voir un spécialiste, voilà un goulot d'étranglement. Il est clair qu'il y a beaucoup de ces goulots-là, qui doivent être repensés si on veut être capable d'offrir des services, d'offrir l'accès à tout le monde.

• (16 h 20) •

Et, en particulier, la façon suivant laquelle la collaboration s'installe entre les spécialistes et les collectifs dont on a parlé plus tôt va être critique. Il est clair qu'on a besoin d'améliorer cette relation-là, de créer des collaborations. Les spécialistes se sont beaucoup isolés derrière leurs spécialités, et attendre simplement que le cabaret soit plein devant eux pour agir. Ce n'est pas la meilleure façon d'agir. Comment est-ce qu'on planifie? Il faut mettre les autres joueurs du système dans le coup de sa propre planification.

M. Fortin :Pour votre exemple de la Colombie-Britannique, là, puis des 700 médecins qui sont venus du privé, là, on s'entend que c'est en Colombie-Britannique, j'ose imaginer que c'était un privé qui était payé par l'État, quand même, là, un peu à l'image de nos CMS, là, ce n'était pas des gens qui étaient dans le privé privé, là, payés par la poche des

M. Chênevert (Denis) : Je ne pourrais pas vous dire, je n'ai pas cette information-là, présentement...

M. Fortin :O.K., bien, je crois comprendre des chiffres qu'on a discutés ici dans le passé, là, qu'il n'y en a pas tant que ça, des gens dans le privé privé, dans le reste du Canada, là. Donc, est-ce que... Savez-vous que ce sont surtout des spécialistes ou des médecins de famille qui sont revenus, qui...

M. Chênevert (Denis) : Médecins de famille.

M. Fortin :Médecins de famille, hein?

M. Chênevert (Denis) : Oui.Tout à fait. Le projet de loi sur la capitation, c'est les médecins de famille.

M. Fortin :Oui, O.K., c'est ça. En Colombie-Britannique, c'étaient les médecins de famille, spécifiquement, là. O.K.

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait. Tout à fait.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Poulet) : ...que M. le ministre intervienne?

M. Fortin :No, non, je n'ai pas d'enjeu qu'on se parle pendant qu'on se parle, là, ça va.

La Présidente (Mme Poulet) : Excellent. Merci.

M. Fortin : Mais l'enjeu de la capitation, là, de toute évidence... Parce que j'essaie de le comprendre du point de vue des spécialistes, là. Le spécialiste, aujourd'hui, il est payé à l'acte. Alors, s'il n'opère pas, s'il n'est pas capable d'opérer parce qu'il n'y a pas de salle d'opération ou quoi que ce soit... il y en a beaucoup qui se tournent, en ce moment, là, vers des CMS, ou qui vont dans le privé, ou qui se trouvent une autre forme de pratique, là, parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir du temps...

M. Fortin : ...d'opération. Alors, on change le mode de… l'approche du gouvernement, le mode de rémunération, est-ce qu'il y a un incitatif pour qu'eux… ceux qui ont quitté le réseau public reviennent au Québec?

M. Chênevert (Denis) : Moi, je pense qu'il y a… pour certains médecins, le fait d'avoir quitté le système est relié à l'incapacité d'exercer son métier, donc, comme vous dites, les restrictions liées aux plateaux techniques et au reste, là. Je pense que plusieurs verraient d'un bon oeil de pouvoir avoir la capacité de travailler davantage en fonction de ce qu'ils ont comme compétence, là. Je pense que c'est un élément qui m'apparaît aussi important, dans… autant pour les spécialistes.

En même temps, ça permet aussi aux spécialistes de pouvoir faire… être partie prenante des grandes transformations qu'on cherche à faire. En ce moment, c'est très difficile de dégager un spécialiste puis de l'emmener dans une rencontre pour être capable de discuter des transformations auxquelles on est confronté. Pourquoi? Parce que pendant ce temps-là, il ne fait pas un acte, il n'est pas payé. Donc, il faut trouver des mécanismes de compensation et là on s'embarque dans des systèmes compliqués. Vous le savez, ça ne finit plus, puis là, ça devient… Écoute, j'ai… moi-même, j'ai planifié une formation pour des médecins spécialistes. J'ai dû les payer pour qu'ils viennent à ma formation. Tu sais, je veux dire, c'est le monde à l'envers. Habituellement, moi, quand les gens suivent une formation, c'est eux qui paient. Mais là, c'est moi qui paie. Donc, tu sais, on voit que ça crée un système un peu pernicieux, ce système à l'acte, et naturellement, ça génère de la dysfonctionnalité, là, c'est normal… C'est évident.

M. Rondeau (Alain) : C'est assez fascinant de mettre… de mettre en lumière les effets pervers de la rémunération à l'acte, ça, c'en est un très important, ça empêche la collaboration, ça nuit directement à la collaboration. Pourquoi je collaborerais? Pendant que je collabore, je ne gagne rien.

M. Fortin : Vous l'avez dit tantôt...

M. Rondeau (Alain) : …même si on vise à améliorer par cette collaboration-là le résultat pour le patient.

M. Fortin : Oui. Vous l'avez dit tantôt, là, il y a… il y a des des effets pervers peut-être à chacun des modes de rémunération, là. Là, si on discute de la capitation aujourd'hui, vous… Un des effets que vous avez notés tantôt, c'est : Il y a un risque que les médecins de famille réfèrent plus facilement aux médecins spécialistes. Comment on fait dans ce contexte-là pour s'assurer que ça n'arrive pas ou que ça n'arrive pas trop, mettons?

M. Chênevert (Denis) : Ça prend des indicateurs de contrôle. Il faut… il faut avoir des indicateurs avec des cibles.

M. Fortin : Sur la qualité, c'est un indicateur sur la qualité, ça, plus que sur la quantité, là.

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait. Tout à fait. La réhospitalisation… ça prend des critères, des indicateurs qui permettent de contrôler la qualité des soins et le bien-être des patients. Pour l'instant, il n'y a jamais eu d'indicateurs qui… en fait, personne ne s'intéresse à la qualité des soins… tu sais, je veux dire, il n'y a personne qui est imputable de ça, là. Oui, intrinsèquement, tout le monde est pour ça. Les médecins, ce sont des gens qui sont dévoués à leur profession. Ce n'est pas ça la question, mais qui est imputable de cette qualité-là, il n'y a personne dans le système en ce moment. Et donc il faut trouver un certain nombre d'indicateurs qui va nous permettre au moins d'avoir des cibles moyennes pour dire : Bien, écoutez, tu sais, un… tu sais, un… un certain nombre de référencements est acceptable. Mais à un moment donné, il y a quelque chose qui ne va pas, là, tu sais, tu ne peux pas… tu ne peux pas référencer tous tes patients, tu sais. Il faut qu'il y ait une logique, là, tu sais.

M. Rondeau (Alain) : Et l'existence de ces normes-là, de ces standards-là va faire en sorte que les discussions vont avoir du sens au sein d'un collectif. S'il y en a un qui exagère, bien, il peut faire référence à dire : Il existe… une minute, là, il existe des standards. On va faire ça comme ça. Ça va aller beaucoup mieux. S'il n'y a pas aucune forme de contrôle qui existe, bien là, c'est la discussion et la seule discussion ne produira pas le résultat.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre les échanges avec le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Vous avez réparti le temps, je présume, de notre collègue de la troisième qui n'est pas là, hein?

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, quatre minutes 52, qu'il reste.

M. Marissal : Merci. Merci. M. Chênevert, M. Rondeau, merci d'être là. On va parler de la Colombie-Britannique. Moi, j'aime beaucoup la Colombie-Britannique. Puis moi, il m'arrive aussi assez souvent, là, quand j'étudie des projets de loi ou des propositions politiques d'étudier ce qui se fait ailleurs. C'est même un des premiers réflexes, là. Ce qui fait qu'évidemment, vous savez comme moi que tout ne se se copie-coller pas… copie-coller pas d'une place à l'autre, là, ce n'est pas... ce n'est pas des copies carbone. La Colombie-Britannique, là, de ce que je lis, un, c'est les médecins de famille, comme l'a dit mon collègue de Pontiac, c'est en 2022.

M. Chênevert (Denis) : 2023.

M. Marissal : L'offre a été faite en 2022 aux médecins. Le gouvernement de la Colombie-Britannique leur a offert une augmentation de salaire de 54 %. 54 %. Donc, je pense que là déjà s'arrête la comparaison. Je ne pense pas qu'on peut… non, ils ne partaient pas de la même place, le ministre dit : Ils ne partaient pas de la même place. Je comprends, mais toutes choses étant égales, là…

M. Marissal : ...faisons la proportion. Je pense que la comparaison peut s'arrêter là, là, avec la Colombie-Britannique parce que... en tout cas, ce n'est pas moi qui vais dire que les médecins ne gagnent pas assez d'argent au Québec et leur faire une prime pour qu'ils passent de... à l'acte par... à capitation, parce que c'est ça qui a marché au B.-C., mais, effectivement, ils ne partaient pas de la même place. Déjà, hier, que j'ai dit que ce n'est pas une bonne idée de taper sur les médecins, ce qui a étonné bien du monde venant d'un député de QS, là, si je dis en plus : Les médecins ne gagnent pas assez d'argent, là, ce n'est pas la capitation qui m'attend, c'est la décapitation.

Alors, est-ce qu'on a les moyens, au Québec, de leur donner... Parce que ça marche au B.-C. Mais je comprends pourquoi ça a marché, ils ont jacké leur salaire de 55 %. Évidemment, un fou dans une poche, c'est sûr qu'ils sont tous passés de l'autre système. Mais, au Québec, on ne fera pas ça. Alors, l'incitatif financier qui a été la clé du succès, ça ne s'applique pas ici.

M. Chênevert (Denis) : On l'a déjà fait. C'est ça, le problème.

M. Marissal : O.K.

M. Chênevert (Denis) : On a déjà rattrapé tout le monde, et on a même dépassé tout le monde. Et donc, en ce moment, en B.-C., ils sont payés en moyenne moins qu'en ce moment au Québec. Donc, ça, je veux dire... bien, en quelque part, c'est... Les chiffres sont là. On n'a pas à faire de discussions là-dessus, ils sont là, les chiffres. On les a tous, les chiffres. Donc, moi, je pense que ça, c'est... Bien, en tout cas, de mon point de vue, il n'y a pas... ce n'est pas un argument qui est valable, tu sais. Ils ont déjà une rémunération qui est au-dessus de la moyenne même. Ils sont les premiers au Canada. Bon, on le sait. Les données sont là, c'est pour ça. Donc, je pense que... tu sais, j'ai... La réforme qui a été faite à B.-C., ils ont passé de 280 000 à 311 000. Bon, on est déjà au-dessus de 311 000 en moyenne ici. Donc, tu sais, je me dis, quelque part, tu sais, je pense que les médecins sont conscients aussi de ça. Ils ont les chiffres, eux autres aussi, là. Tu sais, le monde les a, ces chiffres-là. Ils existent puis ils sont publics, mais bon.

M. Marissal : Oui, je vous suis. Donc, on s'en remet à leur volonté affichée... en tout cas, leur non-résistance primaire à s'opposer à un principe que par capitation, parce que... C'est vrai, le ministre a raison de le dire. On entend quand même un certain mouvement dans la profession qui n'est pas totalement opposé. Donc, on n'ira pas avec de l'argent, on irait avec un nouveau système. Mais il n'est pas question d'augmenter les salaires des médecins.

M. Chênevert (Denis) : Tout à fait. Encore plus vrai, la FMOQ a déposé un rapport qui appuie en grande partie le projet de loi n° 106, en grande partie. Donc, je veux dire, la FMOQ n'est pas contre. Ils vont même demander de faire une conférence sur la capitation, donc ils ne sont pas contre. Et c'est... Au contraire, c'est quelque chose que ça fait long terme qu'ils observent et qu'ils analysent. Moi, je pense qu'ils sont totalement ouverts à cette question de capitation. Ce qui est moins évident pour eux, c'est la notion d'indicateurs de performance. Ça, c'est une autre question. Non, mais c'est un autre volet. Ça, je pense que l'irritant majeur, de ce que j'ai compris, là, bon, jusqu'à présent, là, c'est beaucoup plus ce facteur-là que le système par capitation, du moins, de ce que j'ai compris de ces... des médecins généralistes.

M. Rondeau (Alain) : Et la notion d'applicabilité qui pose problème, c'est : On est imputable à qui et de quelle façon? Il est clair qu'on se place dans une situation d'évaluation. Et les fédérations n'ont pas été facilement à... n'ont jamais accepté, dans toute l'histoire du 50 heures au Québec, d'être évalués, d'être placés devant un système d'évaluation de quelque nature que ce soit. Et pourtant, dans beaucoup de juridictions, il existe ces systèmes d'évaluation là et ils sont même publiés. On peut accéder par Internet à la situation d'évaluation des hôpitaux ou des médecins...

M. Marissal : Vous avez raison. Je pense que je n'ai plus de temps, alors je vous remercie..

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, effectivement, il reste trois secondes.

M. Marissal : Merci.

M. Chênevert (Denis) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, Messieurs, pour votre collaboration à nos travaux.

Alors, je suspends quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe.

(Suspension de la séance à 16 h 31)


 
 

16 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Provençal) :On va reprendre nos travaux...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vais souhaiter maintenant la bienvenue à M. Alexandre Chagnon. Alors, M. Chagnon, vous allez disposez de 10 minutes pour votre présentation — et je sais que vous avez... il y a eu un document qui a été distribué, ce n'est pas un mémoire — et, par la suite, les membres de la commission vont échanger avec vous. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

M. Chagnon (Alexandre) : M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, merci de me recevoir cet après-midi.  Effectivement, comme M. le Président l'a mentionné, je n'ai pas transmis de mémoire aujourd'hui. J'ai transmis, par contre, un document auquel je vais faire référence sûrement en répondant à vos questions, si je me fie à la tendance, je vous écoute depuis hier. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle aujourd'hui, M. le Président, si ça vous convient, j'ai le goût de ne pas prendre le 10 minutes entier, au début, je trouve que, des fois, les échanges sont courts la suite. Donc, on va pouvoir redistribuer le temps que je ne prendrai pas parmi les membres de la commission.

Le Président (M. Provençal) :Je dois vous dire que vous pouvez le prendre quand même, parce que le temps qui est alloué à chaque parlementaire, même si vous nous laissez du temps, je ne peux pas le redistribuer...

Des voix :...

Le Président (M. Provençal) : Ah! mais s'il y a consentement, on le fera. Ça va?

M. Chagnon (Alexandre) : Est-ce qu'on consent à ce que tout le monde ait plus que 2 min 17 s?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Chagnon (Alexandre) : C'est bon. Parfait. Merci beaucoup. Donc, on m'a nommé, mon nom à moi, c'est Alexandre Chagnon. Je suis pharmacien hospitalier. À la base, j'ai une maîtrise en informatique informatique de la santé. Je suis le fondateur d'une entreprise québécoise fondée en 2017, qui s'appelle Vitrai. Ma présence ici aujourd'hui est fort probablement pour être en mesure de vous fournir les réponses à certaines questions générées par la mention Filtre de pertinence, projet Vitrai, des mentions qu'on entend depuis hier ici et qu'on a entendues également dans l'étude des crédits il y a quelques semaines.

Donc, le document que je vous ai transmis, c'est un document qui se veut l'énumération de quelques définitions. Vous allez voir dans mon jargon à moi, j'ai tendance à dire des termes qu'on n'a pas l'habitude d'entendre en première ligne. Vitrai, c'est...

M. Chagnon (Alexandre) :  ...organisation qui a été sélectionnée par le gouvernement du Québec, par Santé Québec plus précisément, pour un contrat qui a été émis au courant des derniers mois pour le déploiement d'un filtre de pertinence, d'une intelligence artificielle, dans tous les milieux de soins en première ligne, afin d'opérationnaliser ce qu'on va appeler le décloisonnement des professions, donc s'assurer que le patient soit vu par le bon professionnel dans le bon délai, dans le bon lieu. On entend cette maxime-là depuis quelques jours ici, en commission, on a entendu plusieurs groupes faire référence à l'importance, par les médecins, de voir les patients qui requièrent l'expertise des médecins. Et on a la chance au Québec d'avoir eu plusieurs projets de loi qui ont été adoptés au courant des dernières années, le projet de loi n° 41, 55, 31, 67, plus récemment, qui vient nous permettre, comme non-médecins, en l'occurrence comme moi pharmacien, de pouvoir prendre en charge de nouvelles situations. Ce qui nous manquait encore au Québec depuis... depuis quelques années, depuis l'adoption de ces projets de loi là, c'est l'opérationnalisation de ce décloisonnement-là, permettre au patient d'identifier qui il doit consulter dès son premier contact avec le réseau de la santé. C'est ce qu'on a fait au courant des dernières années.

L'entreprise que j'ai fondée, je le nomme, Vitrai, là, a été fondée en 2017. Et la chance qu'on a ici aujourd'hui, c'est d'arriver avec non plus des opinions, mais un projet pilote qui a été... qui a été initié, pardon, en 2023, le... en juillet plus précisément, qui a été d'une durée de 12 mois et qui a permis d'identifier que cette solution-là, qu'on déploie un peu partout à travers le Québec aujourd'hui, permet d'augmenter l'accès de... en moyenne, six mois après un déploiement, de 13,3 %. Donc, comment on fait ça? C'est uniquement en réduisant ce qu'on va appeler la réorientation médicale, l'acte par un médecin de voir un patient dans son bureau consommer une plage de rendez-vous pour la réorienter, cette personne-là, vers un collègue, vers un service communautaire. Donc, juste en réduisant la réorientation médicale, ce qu'on fait en identifiant qui, quand, où le patient doit consulter, ce que j'appelle la bonne destination, bien, on est en mesure d'augmenter l'accès à la première ligne.

Je termine... parce que j'avais dit que je n'allais pas prendre 10 minutes, donc je vais essayer de le faire pour de vrai, je termine en disant que, depuis le projet pilote, bien, bien entendu, on continue le déploiement. Aujourd'hui, au moment où on se parle, on est déployés dans 125 des 717 cliniques médicales du Québec affiliées à un GMF, on est en cours de déploiement dans 135 autres cliniques et, avant mars 2026, on va avoir complété les déploiements qu'on nous a demandés par l'entremise de Santé Québec, autant dans les cliniques médicales que les CLSC, que les guichets d'accès à la première ligne, lesquels utilisent, à raison d'environ 75 %, déjà notre technologie.

Donc, je m'arrête ici. Ça va me faire vraiment plaisir de pouvoir répondre à vos questions au sujet du projet pilote Filtre de pertinence de l'orientation des patients en première ligne. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci. M. le ministre.

• (16 h 40) •

M. Dubé : Vous êtes en train d'assister à quelque chose d'assez intéressant, là, où on va peut-être même s'échanger des questions. Alors, donc, toute bonne pratique est intéressante à examiner. Alors, merci beaucoup d'être là. Je pense qu'il va y avoir sûrement des questions techniques.

Je veux juste que vous expliquiez, M. Chagnon, comment... comment fonctionne Vitrai pour... je vais dire, pour un expert et comment fonctionne pour un patient. Parce qu'en ce moment il y a quand même deux utilisateurs. Il y a la personne, c'est un homme ou une femme, qui prend une question d'un patient pour sa clinique ou pour sa GMF. Ça, je vais appeler ça un expert. C'est quelqu'un qui va être devant son ordinateur puis qui va poser des questions à la personne pour voir si le filtre lui donne tel résultat. Mais j'aimerais ça que vous l'expliquiez pour un patient. Parce que, quand on parle de ces nouveaux outils là qui ont, je dirais, une base quand même importante d'intelligence artificielle, il y a quand même une réaction assez... je ne dirais pas négative, mais d'inquiétude de dire : Écoute, moi, je n'ai pas cette capacité-là de me... Pouvez-vous nous dire le... qui l'a... qui le fait directement? Puis ça aiderait, des fois, à démêler un peu à quoi sert l'outil puis par qui... qui peut s'en servir.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument. Donc, la technologie qu'on a développée, elle est... elle est unique, pas parce qu'elle n'existe pas ailleurs, mais parce qu'elle est unique en voulant dire qu'on utilise la même technologie de deux façons distinctes. Donc, ce que M. le ministre mentionne, c'est par l'entremise d'une personne interposée, qu'on appelle ici un expert. Dans le réseau de la santé, on les appelle des secrétaires médicales, des agentes administratives, des sentinelles, des... Ils ont plein de noms. Nous, on les appelle des navigatrices, des navigateurs. Ce sont des personnes dont le rôle est d'identifier qui, quand, où le patient doit consulter, un rôle excessivement complexe lorsqu'on est mal outillé, très anxiogène. On a beaucoup de cliniques médicales qui ont mis à la disposition de ces personnes-là des documents papier, des 8½ X 14 écrits en caractères six, de tout ce qu'il doit se rappeler pour savoir est-ce que le patient cadre dans le champ d'exercice, par exemple, d'un physiothérapeute.

Nous, l'idée initiale puis la posture chez Vitrai, c'est qu'on ne doit pas avoir...

M. Chagnon (Alexandre) : ...l'intelligence ou un système qui est employé uniquement par le patient de façon autonome. Parce qu'on le sait bien, au Québec, il y a au moins 30 à 50 % de la population qui n'auront pas la littératie numérique pour utiliser cette technologie-là. Et donc les premiers déploiements qu'on a faits, en 2022, de cette technologie-là, c'était par l'entremise d'un système qu'on appelle NAVIG, pour navigateur, navigatrice, et navigateurs, navigatrices utilisaient cette plateforme-là sur le Web lorsqu'ils prenaient le téléphone. Donc, quand on veut prendre un rendez-vous...

M. Dubé : Donc, le réceptionniste ou la réceptionniste...

M. Chagnon (Alexandre) : Exact. Exact.

M. Dubé : O.K. O.K. D'un GMF, là, disons.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument. Absolument. D'un CLSC ou un GMF. Encore aujourd'hui, en 2025, on est trop nombreux à mettre notre cadran à 5 h 57, puis à essayer d'avoir la ligne à 6 heures, puis être sûr de gagner à la loterie aujourd'hui pour avoir un rendez-vous. Bien, ces personnes-là qui répondent au téléphone, elles ont peu de temps et elles doivent surtout s'assurer de ne pas jouer au ping-pong avec le patient, l'envoyer avec... au sein de son équipe au GMF et de faire en sorte que le médecin doive le réorienter, par exemple. Ça, c'est le premier cas d'usage.

Et je termine rapidement sur le deuxième, c'est le patient, de façon autonome qui est capable de prendre un rendez-vous sur le Web. On sait, au Québec, depuis plusieurs années, on a une plateforme qui s'appelle Rendez-vous Santé Québec, ou RVSQ pour les intimes. Cette plateforme-là, aujourd'hui encore, si on l'essaie, on ne nous pose pas de question. On se rend sur cette plateforme, on dit : C'est-tu urgent, pas urgent, pas si urgent que ça, c'est-tu un suivi, et on nous présente des rendez-vous de médecins oi d'IPS si on est chanceux.

Ce que nous, on veut faire, puis c'est ce qu'on a fait avec la plateforme Votre santé, c'est intégrer, entre le moment où est-ce que je dis : J'ai besoin d'un rendez-vous et l'affichage des plages disponibilité, notre intelligence artificielle qui questionne le patient sur sa raison de consultation. Et la médiane, c'est cinq questions posées, hein, parce que no Québécois, Québécoises n'ont pas juste ça à faire, de clavarder en ligne avec une intelligence artificielle pour prendre un rendez-vous. Et, à la fin, vous avez compris, les bonnes plages sont affichées à l'usager, c'est-à-dire avec le bon professionnel, dans le bon délai et dans le bon lieu. C'est peut-être à l'intérieur du GMF, c'est peut-être dans sa périphérie immédiate, on pense notamment à nos pharmaciens communautaires, vers lesquels on oriente, au Québec, aujourd'hui, environ 6 % des patients qui tentent de prendre un rendez-vous dans une clinique médicale.

M. Dubé : O.K. Deuxième question. Vous avez dit tout à l'heure, vous êtes installé déjà, là, depuis les premiers contrats que vous avez eus, avec combien de GMF? C'est quoi, votre proportion de GMF, versus des cliniques, un professionnel seul ou, peu importe? Juste pour reprendre vos chiffres, là.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui. On est dans... complètement déployés dans 125 cliniques médicales, en cours de déploiement dans 135 autres cliniques. Et, puisqu'il y a certains GMF qui sont des multisites, qu'on appelle, je vous dirais que, malheureusement, je n'ai pas la donnée aujourd'hui, mais probablement aux alentours de 75 des 320 GMF du Québec utilisent notre système dans au moins un de ces sites-là, oui.

M. Dubé : O.K. Puis le déploiement, là, avec les ententes que vous avez faites avec Santé Québec, le déploiement, je pense principalement aux GMF, pourrait être fini quand?

M. Chagnon (Alexandre) : On termine en mars 2026, qui est un petit peu plus rapide que ce qu'on avait consenti, en toute franchise, au début. On veut faire les choses bien, mais le terrain est prêt. On doit comprendre qu'avant cette entente avec Santé Québec, nous, les médecins mettaient la main dans leur poche pour acheter notre logiciel, puis c'est un logiciel qui coûtait plusieurs dizaines de milliers de dollars par année. Je ne suis pas gêné de le mentionner, là.

M. Dubé : Vous le vendez au mois, là, c'est un «software as a service», hein, c'est ça?

M. Chagnon (Alexandre) : Oui, absolument, un SAS. Exactement. Et donc, de notre côté, quand on a eu la chance d'avoir ce contra-là avec Santé Québec, on avait 85 des 300 quelques GMF du Québec qui étaient sur une liste d'attente, qui avaient bien, bien hâte de l'avoir. Puis là, bien, avec Santé Québec, on a défini un ordonnancement des régions, parce qu'on n'a pas le don d'être partout à la fois, et donc il y en a qui ont gagné à la loterie de l'ordonnancement, d'autres qui devront attendre encore quelques mois. On fait le plus vite possible, on est une relative petite équipe du Québec. Donc, voilà.

M. Dubé : Bon. Vous avez donné une statistique, là, qui nous intéresse tous, là, c'est votre fameux 13 %, là.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui.

M. Dubé : Alors, je veux juste le mettre en contexte, là. De ce que vous avez fait, donc... c'est une expérience très pratique, là, puis si j'avais des... Moi, j'en connais, des médecins qui ont utilisé votre système, là. Mais expliquez-moi l'impact que ça a sur l'augmentation de... je vais dire de disponibilité, sans ajout de personne, sans ajout de... puis non seulement d'un ou jeune réceptionniste, mais d'un médecin aussi dans la clinique. Parce que je veux juste comprendre comment... parce que vous êtes capable de réorienter, c'est quoi... Est-ce que le 13 % a un lien direct sur l'augmentation de disponibilité de rendez-vous?

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.

M. Dubé : Sans effort supplémentaire, là.

M. Chagnon (Alexandre) : Bien, en fait, sur l'effort, on va y revenir. Sur l'ajout d'effectifs, ça, c'est clair, nous, dans le projet pilote, on est allés s'assurer que l'augmentation de l'accès, qui se mesure effectivement par la proportion de patients qui ont... qui sont vraiment en mesure d'avoir un rendez-vous, bien, ça se traduisait vraiment par davantage de plages de disponibilité dans l'horaire des professionnels. Donc, c'est l'évaluation qu'on est allés faire.

M. Dubé : O.K. C'est ça qui est votre mesure.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument. On n'a pas le choix, on n'a pas le choix, et...

M. Chagnon (Alexandre) : ...donc là, vous allez me dire : Oh! O.K., ce que ça veut dire, c'est qu'il y avait des professionnels qui oeuvraient en GMF et qui se tournaient les pouces, mais ce n'est pas ça, O.K.? Quand on arrive sur le terrain - puis on le sait, on est dans... près de 250 cliniques soit complètement déployées ou en cours de déploiement - bien, la pertinence des soins, bien entendu, ça impacte le médecin. Il y a plein de choses que le médecin fait, en 2025, au Québec, qui ne devraient plus être faites par le médecin parce qu'il y a des patients en parallèle qui ont besoin de l'expertise médicale puis qui n'ont pas accès. Mais c'est également le cas de nos professionnels de la santé.

Donc, quand on s'intéresse à ça, quand on déploie dans les cliniques médicales et on voit des infirmières suivre de façon très, très, très rigoureuse à toutes les semaines, par exemple, un patient dont le diabète est très, très stable, bien là, à ce moment-là, c'est un peu une cascade. Les choses que le médecin décide de ne plus faire pour se concentrer sur les patients qui ont besoin de son expertise vont tomber dans la cour de l'infirmière, notamment, des autres professionnels aussi, bien entendu, et faire en sorte que cette infirmière-là puisse se questionner, dire : Bien, peut-être que mon patient, Guy, 36 ans, diabète de type deux, peut-être que je peux le suivre aux deux ou aux quatre semaines plutôt. C'est cette réflexion-là.

M. Dubé : Donc, ce n'est pas juste sur le médecin que ça change quelque chose, ça peut être même sur la clinicienne, l'IPS.

M. Chagnon (Alexandre) : Ah! ça change pour tout le monde. Tout le monde. Tout le monde. En fait, là, cet outil-là... Puis la raison pour laquelle je vous ai partagé ce rapport-là, qui... je vous ai dit pas très volumineux, en fait, il a sept pages, là, donc ce n'est pas impossible que vous ayez peut-être besoin d'un peu plus de temps pour le lire. Mais, ce que vous voyez, en fait, c'est un rapport qui met en évidence les données générées par l'outil qui permet à la clinique de s'améliorer.

Donc, ce qu'on a, en fait, là, c'est des vases communicants. On a une équipe entière qui tente de faire le meilleur soin au meilleur patient et on a souvent l'anecdote aussi, hein? On sait, on l'a entendu en commission parlementaire hier, 20 % à 25 % de nos patients ont besoin d'un physiothérapeute. Bien, dans cette clinique-là, qui est une réelle clinique, c'est un réel rapport du mois d'avril, ce n'est pas 25 %, c'est 13 %. Donc, 13 %, c'est... Il y a des variations saisonnières aux raisons de consultation, on le sait, en première ligne. Et donc, ce que ça permet de faire, c'est d'engager le dialogue en équipe pour dire : Bon, on a 277 patients le mois passé qui n'ont pas eu accès à un rendez-vous alors qu'ils avaient de besoin d'un rendez-vous, une donnée qui, dans nos cliniques médicales, est complètement inconnue, si un système comme celui-là n'est pas déployé. Parce que, par définition, vous l'avez entendue, Mylaine Breton, mentionner ça, hier, la source de la donnée en première ligne, c'est le dossier médical électronique. Et le patient qui n'a pas de rendez-vous, bien, il n'y a aucune trace de ça dans le dossier médical électronique.

Donc, nous, on arrive avec un système. On dit, en parallèle, 275... par exemple, 275 patients n'ont pas eu accès à un rendez-vous et, en parallèle, l'intelligence artificielle a identifié des patients qui ont eu un rendez-vous avec un médecin, mais dont la problématique cadre dans le champ d'exercice d'une infirmière, du pharmacien, de la TS, ainsi de suite.

M. Dubé : Mais je peux-tu vous interrompre?

M. Chagnon (Alexandre) : Oui. Oui. Allez-y. Allez-y.

M. Dubé : Puis vous me surveillerez pour le temps, là. Je veux juste bien comprendre ce que vous venez de dire. Parce que c'est un des enjeux qu'on avait avant l'arrivée de votre logiciel. C'était de dire : On ne sait pas combien de rendez-vous qu'on a manqués. Parce que les gens... les gens appellent puis, s'ils ne se font pas répondre, bien, on ne le sait pas, qu'on a manqué 10 %, 15 %, 20 %, 30 % des appels. Là, ce système-là, surtout quand on le fait par la voix électronique, on le voit, le nombre d'appels. Qu'est-ce qu'on fait avec les appels qui rentrent directement à la clinique puis... qu'est-ce qui... est-ce qu'on en tient compte de ceux-là si on n'est pas capables de répondre?

• (16 h 50) •

M. Chagnon (Alexandre) : Il faut... Il faut... En fait, ce qu'on essaie de changer, dans les mœurs dans nos cliniques médicales, nous, c'est le fait de fermer la ligne, tirer sur la plug, en bon québécois, quand tous les rendez-vous ont été remplis. C'est une pratique réelle. On avait des agentes administratives dans nos cliniques médicales que...

M. Dubé : Ah! oui. O.K. Là je vous suis.

M. Chagnon (Alexandre) : ...quand la liste d'agenda est remplie, là, tire sur la plug. Parce que là, je suis capable de me concentrer sur mes autres tâches. On est tous accotés en première ligne, même les agentes administratives, là, bien entendu. Elles ont un travail incroyable.

M. Dubé : Non. Mais je vous suis très bien.

M. Chagnon (Alexandre) : Et donc, oui, nous, ce qu'on veut, c'est que nos agentes administratives utilisent le système pour orienter tous les patients qui tentent de prendre un rendez-vous, même quand il n'y a plus de places. Parce que par définition, 25 % du temps, on ne l'envoie pas vers le médecin, le patient, on va l'envoyer ailleurs. Là, je fais référence à 25 %, parce que 13 %, c'est dans le projet pilote. On a continué de suivre ces cliniques-là puis on a beaucoup de cliniques qui sont au-delà de 25 %.

M. Dubé : Au-delà de 25 %.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui. On a une clinique qui... en fait, qui... Parce qu'on est en train de faire des symposiums, quand on déploie dans des régions, et on fait participer à ces symposiums des utilisateurs du système. Et il y a une médecin du Bas-Saint-Laurent, que je ne nommerai pas aujourd'hui, mais qui est rendue à 29,5 %. Donc, elle, ce que ça veut dire... Puis, en fait, c'est... c'est la théorie des petits pas que moi j'appelle, là. C'est ce rapport-là, à tous les mois, regardé en équipe, qui ouvre le dialogue sur qui fait quoi au sein de notre équipe, pas en fonction des données qui nous provient de l'INESSS ou du reste du Canada. Non, non. Notre population de patients à nous, c'est ça, les problèmes qu'ils ont.

M. Dubé : En quoi, M. Chagnon, c'est... Parce que vous en avez installé, là, puis vous en faites beaucoup. En quoi c'est différent d'une place à l'autre? Parce qu'on entendait ça de nos experts, là : Il n'y a pas un GMF qui est pareil, puis un GMF à Rimouski, ce n'est pas la même chose que dans Hochelaga-Maisonneuve, avec... Comment vous tenez compte de ces différences-là dans chacune de nos 400 quelques GMF là?

M. Chagnon (Alexandre) : Bien, je peux aller au-delà de ça, en fait. Dans un même...

M. Chagnon (Alexandre) : ...GMF, puis je pense... le député de Pontiac ici, là, dans la région du Pontiac, on a des GMF qui sont... je vais dire, un Frankenstein. On a des cliniques qui sont très différentes au sein même d'un même GMF.

M. Dubé : Ça me fait peur un peu quand vous dites Frankestein, là.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui, le choix est peut-être particulier mais, ce que je veux surtout dire, c'est que ce n'est pas...

M. Dubé : Bien, par respect pour le député de Pontiac.

M. Chagnon (Alexandre) : ...c'est que nos GMF sont différents les uns des autres. Nous, on doit personnaliser ce que l'intelligence artificielle va définir comme étant la bonne destination du patient, bien entendu en fonction de l'offre de services local.

M. Dubé : Ah! O.K., dans ce sens-là.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui, absolument. Mais à l'intérieur d'un même GMF, nous, le filtre de pertinence, là, comme on l'appelle, nous, ce n'est pas un fil de pertinence par GMF, c'est par clinique médicale, parce que les cliniques sont différentes, l'offre des services est différente, la population desservie est différente.

M. Dubé : Puis le... je reviens parce que... je reviens au 13 %, 25 % ou 30 % dont vous avez parlez, 29 %, là, ça, c'est sans ajout de ressources?

M. Chagnon (Alexandre) : Non, c'est sans... non. En fait, dans ces cliniques-là particulièrement, il n'y a pas eu d'ajout. Est-ce qu'à l'échelle des 130, il n'y a eu aucun ajout? Non, il n'y en a eu, des ajouts. Nous, on pousse pour les ajouts. En fait, ces données-là, ce qu'on aimerait, c'est qu'elles soient parfaitement ouvertes, qu'elles soient ouvertes à tous pour qu'on soit capable, à l'échelle d'une région de Santé Québec, de dire : Bon, voici, dans la région... dans le RLS de Pontiac, on a besoin de ça. Pas parce qu'il y a un rapport de Québec qui nous arrive, parce qu'on a une donnée qui provient du Pontiac qui a dit ça. Donc, moi, ce serait ma volonté, là, que ça soit ouvert. Puis je pense que ça trouve écho à ce que plusieurs personnes sont venues nous dire ici au courant des dernières heures. On a besoin d'une infrastructure de données qui est solide, qui est robuste, puis on en a, des données, il faut juste les rendre disponibles.

M. Dubé : O.K., il me reste...

Le Président (M. Provençal) : Il reste 4 minutes.

M. Dubé : Là, je ne sais pas si je vais en dehors, là, mais... je voudrais que les gens comprennent que vous êtes pharmacien. Qu'est-ce qui a fait que vous êtes parti? Puis vous avez dit que vous avez fait, quoi, une maîtrise en informatique?

M. Chagnon (Alexandre) : De la santé, oui, à l'Université de Sherbrooke.

M. Dubé : Il en existe-tu d'autres personnes comme vous dans le monde qui pourraient venir nous aider comme vous, là?

M. Chagnon (Alexandre) : Bien, en fait, on n'a pas besoin de regarder bien loin. Il y en a, des professionnels de la santé qui ont des solutions. Il y en a qui font le grand saut. C'est difficile de faire le grand saut parce que...

M. Dubé : Vous l'avez fait, quoi, il y a cinq, six ans?

M. Chagnon (Alexandre) : Non, plus que ça, en 2018, de mon côté.

M. Dubé : 2018.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui, exactement. Donc, il ne faut pas que je retourne à... il ne faut pas... il faut que ça fonctionne, Vitrai, parce que je pense que je suis rendu dangereux à l'hôpital, en toute franchise. Mais sur une note un peu plus positive, il y en a des professionnels de la santé qui ont des bonnes idées. Il y en a qui investissent de leur temps, qui créent des entreprises...

M. Dubé : C'est ce que vous avez fait, au début.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument, absolument. Puis un entrepreneur québécois qui est doublé d'un code de déontologie, je pense qu'on devrait en avoir plus, en toute franchise, oui.

M. Dubé : O.K. Vu qu'il me reste du temps, je vais vous poser la question pour voir comment ça s'inscrit dans le reste de notre vision. Parce qu'on parle beaucoup de la vision de la première ligne. Vous savez qu'on veut sortir une politique de première ligne cet automne, là. Vous avez tantôt dit le mot «la plateforme, votre santé». Comment vous... Parce que, là, en ce moment, on est vraiment en direct avec le GMF ou la clinique, mais à un moment donné les gens ne le savent pas, des fois, c'est quelle clinique ou c'est... comment ça va faire le lien avec cette fameuse plateforme là, là? Si vous pouvez... Gardez ça général, là...

M. Chagnon (Alexandre) : Oui, on va garder ça très général.

M. Dubé : ...juste pour que les gens comprennent qu'est-ce qui s'en vient, là.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument. Puis ensuite, j'avais dit que j'allais revenir sur l'effort. Je pense que je vais peut-être prendre... Je m'excuse, je viens d'avoir un flash...

M. Dubé : Allez-y sur l'effort avant, c'est important.

M. Chagnon (Alexandre) : Bon. Puis, ensuite de ça, je vais parler de Votre santé, effectivement. Donc, sur l'effort, en fait... parce que, pour les gens qui ne se rappellent pas, qui nous écoutent à la maison, j'ai fait référence à l'effort quand on a posé la question : Est-ce que c'est sans ajouts d'effectifs et sans augmentation de l'effort.

M. Dubé : Oui, ça, c'est important, ça.

M. Chagnon (Alexandre) : Parfait. L'augmentation de l'effort, je pense que ça, ça doit être adressé. De notre côté, lorsqu'on retire de l'horaire du médecin tous les cas simples qui, par définition, sont les cas qui ont été identifiés en commission parlementaire pour un projet de loi de décloisonnement des professions, reste dans l'horaire du médecin des cas relativement complexes. O.K. On entend des médecins qui utilisent cette technologie-là depuis plus de deux ans dire : Oui, mes journées sont peut-être un peu plus difficiles, sont aussi plus pertinentes. Puis je pense qu'ils se consolent en disant peut-être ça un petit peu, en toute transparence. Mais c'est vrai, c'est vrai, la journée d'un médecin devient un petit peu plus complexe.

M. Dubé : ...portion d'actes plus complexes augmente...

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument, absolument. Exactement, exactement. Donc, je ne dirais pas sans ajout d'effort...

M. Dubé : Je comprends.

M. Chagnon (Alexandre) : ...puis je ne veux pas non plus amoindrir l'effort lié à la gestion du changement. On déploie un nouvel outil, on doit informer la population de patients. Donc, il y a un effort, certainement. Cet effort-là est plus considérable au début puis on a des cliniques qui, aujourd'hui, disent : Retirez-moi pas ça, là, je ne peux pas revenir en arrière, là, oui. Donc, au retour de... au sujet de Votre santé...

M. Dubé : Est-ce qu'il y a des gens qui refusent complètement?

M. Chagnon (Alexandre) : Oui. Dans le cadre du projet pilote, il y a eu... il y avait 49 GMF issus de Chaudière-Appalaches, l'Outaouais et Bas-Saint-Laurent. C'est la raison pour laquelle je connais bien la région du Pontiac. Mais dans ces 49 GMF-là, il y en a 41 qui ont décidé de participer. Huit ont dit : Pas pour moi. Moi, je laisse passer...

M. Chagnon (Alexandre) : ...parce qu'un projet pilote, par définition, c'est court et on n'est pas certain après.

M. Dubé : Puis fallait qu'ils paient à ce moment-là.

M. Chagnon (Alexandre) : Non, non, non. Exactement. Il y avait un remboursement, un programme qui avait été...

M. Dubé : Pour le pilote.

M. Chagnon (Alexandre) : Pour le pilote, exactement. Aujourd'hui, c'est rendu obligatoire d'utiliser cette technologie-là. Puis là vous me voyez les yeux, tu sais, quand ça a été considéré comme une bonne chose de rendre ça obligatoire — nous, on l'a appris en même temps que les GMF, en toute franchise — ce qui est obligatoire, ce qui est imposé, c'est souvent perçu négativement. Donc, le même outil déployé de la même façon par la même équipe, avant, on mettait la main dans sa poche pour l'acheter, puis aujourd'hui il y a des cliniques qui disent : Bien, moi, je n'en veux pas. Puis c'est le même outil, en toute franchise.

M. Dubé : La proportion est importante, encore là. Non.

M. Chagnon (Alexandre) : Non, non, non. C'est anecdotique, là.

M. Dubé : O.K. Mais la grande proportion, maintenant qu'il est remboursé aussi, si je comprends bien.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument, absolument. Des médecins en pratique, plus en pratique individuelle aussi, qui nous envoient des courriels particuliers de messages un peu moins gentils. On en reçoit. On n'avait jamais eu ça de notre vie, depuis 2017 qu'on fait ça, mais ça vient avec... ça vient avec le rôle, je crois, oui.

M. Dubé : O.K.

Le Président (M. Provençal) : C'est tout, M. le ministre.

M. Dubé : C'est tout?

Le Président (M. Provençal) : Oui.

M. Dubé : Bien, j'allais vous dire Dr Chagnon, non, mais, M. Chagnon, merci beaucoup pour tout ce que vous faites pour notre réseau de la santé. Merci beaucoup. C'est tout.

M. Chagnon (Alexandre) : Ça me fait vraiment plaisir. Merci.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Pontiac, 11 min 54 s.

M. Fortin : Oui, merci, merci, M. le Président. Bonjour, M. Chagnon.

M. Chagnon (Alexandre) : Bonjour.

M. Fortin : Merci d'être avec nous. Je comprends pourquoi le gouvernement vous a invité ou a insisté sur votre présence. Honnêtement, vous présentez très bien une avancée québécoise qui semble avoir des effets, des effets réels dans les cliniques. Je veux juste... Je vais me permettre, avant de revenir sur ce que vous nous avez présenté puis ce que ça permet de faire dans le réseau, parce qu'on est ici sur le projet de loi n° 106, parce que vous l'avez regardé depuis deux jours, là, des consultations. Est-ce que... Puis vous avez entendu des gens comme le Mylaine Breton, entre autres, que vous avez citée, qui ont... tu sais, qui comprennent l'adjectif, mais qui ont des réserves sur les façons de s'y prendre. C'est quoi, votre opinion sur le projet de loi n° 106?

M. Chagnon (Alexandre) : Mon opinion, en fait, elle est très peu informée. En toute franchise, je n'ai pas l'expertise que vous avez, je ne suis pas... je ne suis pas juriste, je ne suis pas médecin non plus. Donc, je vais m'abstenir de m'avancer trop sur le projet de loi. Ceci dit, il y a des choses quand même intéressantes qui ont été nommées hier. Un peu plus tôt ce matin, j'étais sur la route — je suis de l'Estrie — donc j'en ai manqué une couple de bouts. Mais, hier, ce que j'ai trouvé intéressant, que j'aimerais... en fait, auquel j'aimerais réagir, c'est peut-être un premier sur le statut d'inscription individuelle, si vous me permettez, je ne veux pas trop prendre votre temps, là. On nommait l'importance, puis il y a une littérature assez abondante qui dit que dans, le dossier de chacun... de chaque patient, il devrait y avoir un humain qui existe là, puis ça, c'est le prestataire principal de services. Puis, bien entendu, une littérature sur le fait que ça, c'est un médecin ou une infirmière praticienne spécialisée de première ligne, parce qu'il y a comme un peu un biais de sélection ici. On n'a pas encore eu la chance, en tant qu'autres professionnels de la santé, d'être ce prestataire principal là.       Mais il va falloir qu'on m'explique, un jour, pourquoi, par exemple, un jeune enfant qui ne souffre que d'asthme ne pourrait avoir, comme prestataire principal de services, un inhalothérapeute à son dossier. Ça, moi, j'ai trouvé ça particulier. C'est sûr qu'il n'y a pas de littérature sur pourquoi on ne devrait pas faire ça, mais il ne faudrait pas confondre, je dirais, l'absence de littérature sur la valeur avec une littérature sur l'absence de valeur. Vous comprenez la différence? Donc, ça c'est la première chose. La deuxième, puis, après ça, je m'inquiète pour de vrai.

• (17 heures) •

Des voix : ...

M. Chagnon (Alexandre) : O.K. C'est bon. C'est gentil, c'est gentil. Donc, la deuxième chose sur laquelle j'aimerais réagir, c'est sur le fait de rapatrier nos professionnels de la santé à l'intérieur de nos cliniques médicales puis de nos GMF. Je pense que ça, c'est Dr Leblanc, hier en fin de journée, qui a mentionné ça. Puis à ça, j'aimerais répondre : Mais où est-ce qu'on arrête? Est-ce qu'on va avoir des optométristes GMF, des podiatres GMF, un dentiste GMF? Je pense qu'on a une opportunité peut-être de venir reconnaître qu'à pratique égale, à services égaux, bien, rémunération ou honoraires qui sont égaux, de laisser... de ne pas délocaliser nos professionnels de la santé, de les laisser dans leur milieu, de les laisser avec leurs plateaux techniques, avec leurs outils. Puis on a une belle opportunité avec le filtre de pertinence que, lorsqu'on identifie, parce que vous voyez, dans le rapport, on identifie 94 patients dans cette clinique-là bien particulière, qui aurait dû être orientée vers un physiothérapeute, on leur a suggéré le physiothérapeute, mais ils ont refusé le physiothérapeute.

Pourquoi on n'aurait pas la capacité si le filtre de pertinence dit que c'est la bonne chose de faire en sorte qu'un physiothérapeute, dans sa clinique, puisse être payé. Puis on a un précédent au Québec avec nos pharmacies communautaires, avec le projet de loi n° 41. Donc, voilà.

M. Fortin : Ils ont refusé le physiothérapeute parce qu'ils ne voulaient pas payer pour le physiothérapeute.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument, absolument. Puis, en fait, pour votre information, si le filtre de pertinence suggère, recommande un physiothérapeute au privé, c'est parce qu'à l'échelle de la clinique, ils ont décidé... E puis on l'a entendu, encore une fois, hier — je m'excuse, je répète ça depuis tantôt, là — mais on entendu : Bien, nous — ça, je pense que c'est la FMEQ — bien, nous, on réserve nos plages de physiothérapeute GMF, parce que c'est précieux, ça, juste pour les patients qui n'ont pas la capacité de payer, ils n'ont pas de programme d'aide aux employés, ils n'ont pas d'assureur privé. C'est la même chose pour...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Chagnon (Alexandre) : …nous, le patient est questionné sur ces choses-là. Et s'il a accès à un programme d'aide aux employés, là on l'envoie en communauté. Mais les patients, de façon presque systématique, vont refuser, là, même chose pour le dentiste.

M. Fortin :O.K., mais pour vous, la solution, ce n'est pas d'amener le physiothérapeute nécessairement en GMF, c'est peut-être de le rembourser si on… si on l'envoie au privé, là.

M. Chagnon (Alexandre) : Créons des corridors de services, laissons leurs professionnels de la santé dans leur milieu de soins. Puis, tu sais, parce que je pense qu'un des enjeux qu'on entend beaucoup, c'est l'espace. On n'en a pas, d'espace, on a des cliniques médicales, là, c'est spécial, on fait des déploiements là-dedans, là, puis c'est une garde-robe, là, le CLSC.

M. Fortin : …champ d'expertise, mais est-ce que l'interdisciplinarité fonctionne aussi bien si le professionnel est à l'extérieur du GMF que par exemple… tu sais, Docteure Leblanc que vous venez de citer, là, elle nous a hier : Nous, on a un psychologue pour nos 30 000 patients. Donc j'imagine qu'il y en a beaucoup qui ont besoin d'un psychologue qui sortent. Est-ce que le suivi se fait aussi bien si le psychologue n'est pas…

M. Chagnon (Alexandre) : Superquestion. En fait, il y a une littérature qui prouve que si on a un professionnel de la santé à l'extérieur de la clinique médicale ou de l'équipe, je vous dirais traditionnelle et que cette… ce professionnel de la santé là a Accès au dossier du patient, dossier partagé au sein de l'équipe, la qualité est là, est au rendez-vous et c'est la raison pour laquelle on a des projets depuis quelques années au Québec où est-ce que le pharmacien communautaire, par exemple, a accès au dossier du patient. On le fait déjà envoyer, là, je pense que dans le rapport, là, il y a tout près de 100 patients qui ont été envoyés par un pharmacien communautaire, mais encore aujourd'hui, c'est à tâtons. Le pharmacien communautaire n'a pas accès aux dossiers, se fie à la bonne parole du patient sur certaines choses. Puis ça, ça a ses limites, bien entendu.

M. Fortin :Est-ce que vous le savez si… puis peut-être que vous ne savez pas, mais est-ce que vous savez? Par exemple, les 84… 94 patients qui ont… qui ont refusé le physiothérapeute, là, parce qu'ils n'avaient pas les moyens ou peu importe, là. Il y a-tu un suivi qui est fait par Santé Québec là-dessus? C'est-à-dire est-ce que Santé Québec se rend compte que, aïe! il y a un problème, là, soit on a besoin de plus de physiothérapeutes à l'intérieur des GMF ou on a besoin d'une solution comme celle que vous proposez. Parce que, dans cette région-là, dans ce RLS là, il y a 94 personnes et plus, là, qui ont arrêté les soins, en théorie, arrêté les soins parce qu'ils n'avaient pas accès au physiothérapeute au public.

M. Chagnon (Alexandre) : En fait, peut-être que Québec va pouvoir répondre, à savoir de leur côté le travail qui est fait. Moi, la seule chose que je pourrais ajouter, c'est les soins ne sont pas arrêtés. Le patient est vu par un médecin, parce que la destination du patient définie par le fil de pertinence, c'est hiérarchique. Il y a un premier, deuxième et troisième choix. Premier choix, c'est physiothérapeute. Deuxième choix, c'est le médecin.

M. Fortin : Mais s'il dit non, il est réorienté ailleurs?

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument, en fait, on… bien, il y a une obligation ici au Québec que le patient, bien, on ne peut pas le contraindre de ne se rendre nulle part, hein? S'il dit : Non, non, non, il n'est pas question, je veux voir mon médecin de famille, il va voir son médecin de famille. Donc, c'est à nous en fait de lui vendre la destination, puis nous, ça exclut la personne qui parle, là, c'est l'agente administrative qui fait ce travail-là. Mais de comprendre… puis ça on a entendu Docteure Leblanc le mentionner, là, tu sais, le patient qui a une foulure à la cheville qu'elle voit pour la quatrième fois. Puis là, elle se sent un peu comme dans l'obligation de prescrire une IRM ou un rayon X, pour être… pour faire quelque chose pour son patient. La non-pertinence d'orienter le patient vers le moins… le personnel de la santé le moins optimal, ça génère ça aussi. Donc ça, c'est vraiment très important.

M. Fortin :Je ne veux pas vous mettre sous le spot, là, mais il y a-tu des choses qui ne marchent pas dans votre relation avec Santé Québec, des trous, des vides, des endroits où vous êtes… vous dites comme : O.K., bien là, je ne sais plus ce qui se passe, là, soit pour le patient, pour le GMF, pour... Il y a-tu quelque chose à améliorer, disons?

M. Chagnon (Alexandre) : Non, en fait, ça va vraiment bien, en toute franchise, nous, on a... On a été le premier fournisseur de santé Québec. On est là depuis le début, début, début. On a vu la bâtisse se remplir. De notre côté, on a vu tous les paliers arriver. On a une très belle relation. On leur fournit les données. On leur fournit l'expertise aussi sur l'évaluation ou l'interprétation de ces données-là. Puis je pense qu'on va faire vraiment des belles choses. En première ligne, on les a nommés aujourd'hui, on n'aura pas la chance de parler de la deuxième ligne, même si le projet de loi touche la FMSQ puis le médecin spécialiste. Mais les enjeux de pertinence, c'est aussi en deuxième ligne, le CRDS, là, dans les côtés, là, c'est vraiment une volonté très forte de pouvoir venir donner un coup de main pour que le médecin de famille puisse identifier le bon patient qui requiert l'expertise, par exemple, d'un neurologue ou du chirurgien.

M. Fortin :Vous avez dit tantôt quelque chose comme… qui ressemblait à : on va voir… là, je ne me souviens plus du mot, là, mais on va avoir complété le déploiement qui nous a été demandé…

M. Chagnon (Alexandre) : Mars 2026.

M. Fortin : Le déploiement qui va été demandé, c'est-tu l'ensemble des GMF?

M. Chagnon (Alexandre) : Oui.

M. Fortin :O.K., c'est bon. Ça va pour moi, M. le Président, je vous remercie…

Le Président (M. Provençal) : Ça vous vous? Alors, je vais passer la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour, merci d'être là. Je fais vous renvoyer la balle, vous dites : jusqu'où on arrête, là, pour avoir des services GMF, vous dites : pourquoi pas un podiatre GMF? Ça n'arrivera jamais parce que la podiatrie, c'est exclusivement privé au Québec. Ça fait que moi, je vous renvoie la question, là : pourquoi quelqu'un qui a mal aux pieds est obligé d'aller payer pour voir un podiatre? Parenthèse, là.

M. Chagnon (Alexandre) : C'est une très bonne question.

M. Marissal : Les limites sont dans les deux sens…

M. Marissal : ...Qui fait l'évaluation extérieure?

Une voix : ...

M. Marissal : Oui, vous faites en ce moment. Est-ce que ce sera public?

M. Chagnon (Alexandre) : L'évaluation de ce qu'on fait, elle est en continu. Le projet pilote a bien entendu été évalué par une tierce partie, là. Ce n'est pas juste moi ici, aujourd'hui, là, qui vous dis ce que je dis. Le 13.3 a été évalué. Donc, d'un autre côté, cette évaluation-là, bien, elle était, je vous dirais, tripartite, là. Il y avait... Parce que vous comprenez qu'on est un peu à l'intersection de la clinique, de la technologie puis de la gestion de changement. Donc, on est vraiment sur le x, là, entre ces trois choses là. Donc, il y a eu le MCN, il y a eu le ministère de la Santé et des services sociaux. Donc, tout ça s'est fait bien entendu avant l'existence de Santé Québec puis... Donc, il y a eu des tests d'intrusion, il y a eu... s'assurer que la technologie soit robuste.

M. Marissal : ...

M. Chagnon (Alexandre) : Allez-y.

M. Marissal : Vous avez eu un contrat de gré à gré de 40 millions. Tant mieux pour vous, hein? Puis on est contents que ce soit une firme québécoise, là, comprenez-moi bien, hein? Pour une fois, ce n'est pas Amazon ou un autre, là. Tant mieux, puis je vous souhaite bien du succès, puis on se souhaite du succès. Sauf que, là, il y a de l'argent public. Moi, je n'ai pas de raison de ne pas vous croire quand vous dites : Ça marche, mais je n'ai pas la connaissance pour vous challenger sur ce que vous allez dire et je n'ai pas les chiffres non plus, je n'ai pas l'évaluation non plus. C'est Santé Québec qui est propriétaire de ce qui vous achète.

M. Chagnon (Alexandre) : Absolument.

M. Marissal : Alors, la tierce partie qui vérifie est un oeil extérieur pour me dire à moi, quidam, ça marche ou ça ne marche pas. Qui fait ça?

M. Chagnon (Alexandre) : C'est Santé Québec qui fait ça. Donc, c'est les données... nous... De la manière que ça fonctionne, en fait, quand on fait les déploiements, on doit comprendre que notre contrat est rattaché à la valeur congénère. Ce n'est pas 41,7 millions de dollars bien exactement qu'on a reçus au début puis on se pousse dans la brume, là, pendant une couple de mois. On a voulu faire un précédent, je l'ai dit, on a été le premier fournisseur de Santé Québec, et donc on a voulu rattacher les montants qu'on a été capables de facturer comme entreprise à la valeur congénère. Ceci étant dit, cette valeur-là, elle est validée, vérifiée à chaque émission de facture. Donc, nous, on envoie une facture, Santé Québec a accès à une base de données miroir, qu'on appelle, qui est l'équivalent de ce qu'on a, donc qui est la vraie donnée brute, et, de leur côté, ils font les évaluations, bien entendu, par rapport à ça. À la question à savoir si c'est public, là, il faudrait voir avec Santé Québec. En toute franchise, là, je ne sais pas.

M. Marissal : Vous, souhaitez-vous que ce soit public.

M. Chagnon (Alexandre) : Vous n'avez pas idée. Moi, j'aimerais ça que ces données-là... excusez-moi, j'aimerais ça que ces données-là qu'on génère puissent servir à tout le monde, la Commissaire à la santé et au bien-être notamment, nos chercheurs. Il n'y a pas une semaine qui passe qu'il n'y a pas un groupe, comme Denis Chênevert qu'on vient d'entendre, qui nous écrit pour dire : Aïe! Ce serait peut-être le fun, qu'on ait accès à ces données-là, puis effectivement. Nous, on n'a pas le «manpower», excusez l'anglais, pour faire toutes les évaluations ni les connaissances que ces personnes-là ont. On aimerait ça que ce soit public, ces données-là, oui.

• (17 h 10) •

M. Marissal : O.K. Et il y a des doutes, hein, sur l'implantation d'une nouvelle technologie, là, en plus, c'est intelligence artificielle. On va avoir des problèmes un jour ici, dans les parlements, avec l'intelligence artificielle, parce que ce n'est nulle part ou à peu près dans nos lois parce que c'est trop nouveau, puis on... on affrontera le problème quand il arrivera, là, ça ne me fait... ça ne me fait pas peur. Mais beaucoup de gens disent, par exemple : Votre système, il prend qu'un bobo à la fois, il ne comprend pas quelqu'un qui n'a pas un bon français ou un bon anglais, quelqu'un qui n'a pas une bonne littératie, quelqu'un qui n'est pas habile avec ça. Alors, qu'est-ce que vous répondez à ces critiques?

M. Chagnon (Alexandre) : Je vais commencer par littératie, l'anglais, le français. De notre côté, le système, bien entendu, il apprend, donc c'est... Par définition, l'intelligence artificielle apprend. On lui enseigne. De notre côté, on a des médecins, on a une infirmière praticienne spécialisée, on a une équipe entière qui fait ça. Donc, quand on entend que Vitrail a fait, que Vitrail ne fait pas ça, bien, c'est important de poser la question quand est-ce que cette donnée-là a été observée. Parce que ça change à tous les 2 à 3 semaines. Nous, on entraîne le système... On ne fait que ça. Ce n'est pas un «side project», ce n'est pas le deuxième produit qu'on... On ne fait que ça.

Donc, à la question sur la littératie, sur les langues, de notre côté, on est capables de vraiment vous assurer que le français de qualité modeste, je vais dire, est bien compris par le système de la même façon que l'anglais puis d'autres langues aussi.

Sur la question du «un problème, un rendez-vous», on en a entendu parlé hier, je n'ai pas le choix de vous répondre que c'est le reflet du terrain, O.K.? Nous, on est capables de faire en sorte que le système puisse orienter plus qu'une problématique vers un rendez-vous... un rendez-vous avec un professionnel de la santé lorsque ce professionnel peut régler les deux problématiques. Mais, encore très récemment, dans un déploiement d'une région, ce qu'on entend sur le terrain, c'est que les lettres d'entente ne permettent pas au GAP d'orienter une problématique diverse pour un rendez-vous. Donc, quand les lettres d'entente vont refléter ce qu'on veut vraiment, c'est-à-dire ne plus faire du «un rendez-vous, un problème», bien, à ce moment-là, on va être capables de le faire de notre côté.

M. Marissal : Je comprends.

Le Président (M. Provençal) :C'est beau.

M. Marissal : Je regarde le gardien du temps qui...

Le Président (M. Provençal) :Non, mais il vous en reste 10 secondes.

M. Marissal : Je vais donner les huit qui restent à mon collègue, désolé. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Ça fait plaisir. C'est beau. Merci, M. le député. Alors, M. le député des Îles...

M. Arseneau : ...oui. Bonjour, M. Chagnon. C'est vraiment intéressant. Ça ne vous intéresse pas, les permis de conduire, l'immatriculation, assurance automobile? Non?

M. Chagnon (Alexandre) : Pas vraiment, non.

M. Arseneau : Spontanément, je me disais que ça pourrait être intéressant.

Une voix : ...

M. Arseneau : On a... En fait, j'aimerais que vous nous rappeliez un petit peu comment ça fonctionne du point de vue du... de l'usager. C'est toujours au téléphone, là, ce que je comprends, ce n'est pas une plateforme sur écran?

M. Chagnon (Alexandre) : Oui. Super question. Donc, le projet pilote, comme l'utilisation que les citoyens en font à tous les jours depuis le projet pilote, c'est exclusivement par l'entremise de Navig, donc par personnes interposées, le téléphone ou des patients... ça existe encore, des patients qui se présentent sur pied à la clinique pour avoir un rendez-vous. Ce qu'on a décidé, encore, la posture de Vitrai, c'est de ne pas créer une énième plateforme en ligne. On en a déjà beaucoup, des plateformes en ligne, au Québec. On a investi beaucoup là-dessus. Et donc ce qu'on fait, c'est qu'on s'intègre dans les plateformes qui existent déjà. Puis une de ces plateformes-là, c'est la plateforme qui peut-être va venir remplacer Rendez-vous Santé Québec, qui, pour le moment du moins, porte le nom de Votre santé. Et il y a des tests qui sont en train d'être faits en ce moment. Cette intégration-là, on y travaille depuis... depuis le mois de décembre de notre côté, là, oui.

 Puis je n'ai pas répondu à votre question, je m'excuse. Pour le citoyen, bien, c'est de dire... en fait, l'expérience actuelle, c'est : je me rends sur la plateforme, j'ai besoin d'un rendez-vous, je dis si c'est urgent, selon moi, c'est tout le temps pas mal urgent, hein, et là on... si je suis chanceux, j'ai des affichages de plages de disponibilités qui apparaissent. Ça, c'est l'orchestrateur, ou le hub, là, pour les intimes, qui fait ça. L'expérience qu'on va avoir avec ce système-là, c'est que je veux un rendez-vous, je... ce n'est pas moi, patient, qui dit : C'est urgent, parce que tous les patients disent que c'est urgent, sauf exception, on va leur demander : Qu'est-ce qui vous pousse à consulter aujourd'hui? J'ai mal au dos depuis trois semaines. Répond à une série de questions, la médiane étant cinq, comme je l'ai dit tout à l'heure, et, au final, de voir des plages de physiothérapeutes GMF, des plages de travailleuses sociales, infirmières cliniciennes, pharmaciennes, infirmières praticiennes puis médecins aussi, bien entendu, oui.

M. Arseneau : O.K. Donc, ça, c'est si on le fait par écrit, si on le fait sur la plateforme, mais, si on appelle une clinique, là c'est la personne qui vous répond, qui est devant son ordinateur, et l'ordinateur lui dit quelles questions poser, si je comprends bien?

M. Chagnon (Alexandre) : Exactement. C'est exactement ça. C'est ce qu'on appelle un système d'aide à la décision. Donc, l'agente administrative n'a pas, par définition, de background clinique, ce n'est pas une infirmière. Puis, nos infirmières, au Québec, on en forme des tellement bonnes, on ne veut pas qu'elles passent leurs journées au téléphone, on veut qu'elles voient des patients, qu'elles fassent des soins infirmiers. Et donc l'agente administrative utilise notre système et elle lit textuellement la question, question qui, dans Votre santé, est affichée au patient directement.

M. Arseneau : D'accord. Et qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, dans ces cliniques ou dans les GMF, on ne tire plus la plug par rapport au passé?

M. Chagnon (Alexandre) : C'est pas mal de ma faute, parce que je veux... je veux absolument qu'on capte 100 % de la demande.

M. Arseneau : O.K. Donc, c'est une directive qui a été donnée, là, maintenant.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui.Absolument. Absolument.

M. Arseneau : Qu'on ait des rendez-vous, des plages ouvertes ou pas, on répond.

M. Chagnon (Alexandre) : Exact. Dans le cadre GMF qui a été publié en décembre, c'est rendu obligatoire pour... que toutes les demandes initiées par le patient... des demandes de rendez-vous, excusez-moi, passent par le filtre de pertinence. Ça fait que, là, il n'y a plus juste moi qui dit que non, non, il faut qu'on capte 100 % de la demande pour être en mesure de s'améliorer puis de documenter ce qui se passe en première ligne au Québec.

M. Arseneau : O.K. D'accord. Puis, dans le cas des refus, si on dirige le patient vers une porte x, vous avez parlé de physiothérapeute, qu'est-ce qui arrive? Le patient dit non, puis on recommence?

M. Chagnon (Alexandre) : On ne recommence pas.

M. Arseneau : Ou on le dirige autrement? Comment...

M. Chagnon (Alexandre) : Oui, super question. On ne recommence pas. Donc, moi, je suis très visuel puis j'avais demandé à ce que j'amène mon ordinateur puis on fasse une démonstration ensemble, mais ce n'est pas possible, il paraît. Donc, mettons, visuellement, là, à l'écran, on voit les destinations apparaître à la fin d'une orientation, comme on l'appelle, puis on voit un premier, deuxième, troisième choix, et, si je choisis le troisième choix, bien, par définition, le premier et le deuxième ont été refusés. Donc, on ne recommence pas avec le patient, là : Vous ne vouliez pas? O.K., répétez-moi votre histoire. Ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se passe.

Puis, fait intéressant, nous, on s'attendait... parce que c'est un changement de paradigme incroyable pour nos patients, on pensait que 30 % à 40 % de la population allaient refuser de voir un non-médecin, puis notre taux de refus à l'échelle provinciale en ce moment est de 4 %. Puis ça, ça vaut la peine qu'un chercheur se pose la question de pourquoi c'est juste 4 %. Nous, l'hypothèse qu'on pose, c'est que, contrairement à avant, lorsque le patient se faisait dire : Je n'ai plus de place avec votre médecin aujourd'hui, est-ce que vous avez tenté de vous rendre en pharmacie?, là le patient ne voulait rien savoir... mais là, aujourd'hui, il répond à cinq, six, huit, 10, 15 questions au terme de quoi on lui répond : Ça, ça devrait être un pharmacien.

Aïe! je m'excuse, il ne reste plus de temps, hein?

M. Arseneau : Je me demandais s'il restait encore du temps.

Le Président (M. Provençal) : Il reste encore du temps.

M. Chagnon (Alexandre) : O.K. O.K. Désolé.

M. Arseneau : O.K. Continuons.

M. Chagnon (Alexandre) : Ça paraît quand que la personne ne prend pas son 10 minutes. Donc, de mon côté, c'est ce que... ce que je m'apprêtais à dire, en fait, c'est que le taux de refus, on pense que c'est le simple fait de pouvoir poser à notre patient quelques questions qu'on le fait cheminer d'une certaine façon. Les patients qui refusent de se rendre en pharmacie...

M. Chagnon (Alexandre) : ...par exemple, là, c'est rarissime, là. Donc, ça, on est contents de ça.

M. Arseneau : Vous avez parlé de cinq questions, c'est ça, normalement, là?

M. Chagnon (Alexandre) : La médiane.

M. Arseneau : Oui, oui, la médiane. En termes de secondes ou de minutes, est-ce que vous l'avez aussi évalué? Je n'ai pas capté.

M. Chagnon (Alexandre) : Oui. Exactement. Donc, c'est de 1 min 35 s à l'échelle provinciale, dans ces cliniques-là. C'est une statistique... je m'excuse, je regarde les feuilles, là, c'est une statistique qui se trouve en page... la première page de l'annexe. Donc, on voit que la médiane, de leur côté, est de 56 secondes, donc, on voit, là, la quatrième ou cinquième ligne, puis on voit, pour chacune des navigatrices dont le nom apparaît... j'ai enlevé le nom de famille, là, bien entendu, on voit, eux autres, leur temps médian, là. Donc, c'est 1 min 35 s environ.

M. Arseneau : Puis...

Le Président (M. Provençal) : ...

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Alors, je remercie M. Alexandre Gagnon pour sa présentation et la qualité de l'échange.

Sur ce, je vais suspendre les travaux temporairement pour laisser place à la prochaine personne. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 22)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous allons reprendre notre verre d'eau avant la pause du souper. Alors, nous recevons le Pr Damien Contandriopoulos. Et je vous donne 10 minutes pour votre exposé, et, après ça, les échanges. Merci beaucoup.

M. Contandriopoulos (Damien) : ...à remercier les membres de la... pour l'invitation à venir discuter du projet de loi. C'est, selon moi, le projet législatif d'organisation de la pratique médicale le plus ambitieux depuis la création du système de santé public...

M. Contandriopoulos (Damien) : ...ceci dit, mon jugement sur le contenu du projet de loi est nuancé. D'une part, plusieurs interventions proposées qui, à mon sens, sont innovantes, désirables, entre autres, changer le modèle de rémunération des médecins de famille, créer ou renforcer le rôle de représentants du milieu, d'autre part, plusieurs éléments qui, à mon sens, sont problématiques, les modalités de calcul des montants de capitation, la manière de concevoir les incitatifs à la performance, la sous-traitance du travail interprofessionnel.

En ce sens, le mémoire que j'ai déposé se veut une mobilisation des connaissances scientifiques pour soutenir une bonification du projet de loi. Mon analyse, c'est que, dans le projet de loi, il y a cinq mécanismes d'action différents. Je sais que le projet de loi n'est pas écrit de cette façon-là, mais je pense qu'on voit assez clairement cinq mécanismes différents se présenter dans le projet de loi.

Le premier, clairement, la transformation du modèle de rémunération des médecins omnipraticiens. Et j'ai entendu beaucoup de groupes, j'ai écouté hier et aujourd'hui les présentations, beaucoup de groupes, y compris des chercheurs, qui ont essentiellement dit, au sujet de la transformation du modèle de rémunération, qu'il était très urgent de ne rien faire. Là-dessus, je ne suis pas d'accord. On pourrait utiliser la littérature scientifique pour dire qu'un modèle a des faiblesses et des limitations. Et on peut faire ça pour tous les modèles de rémunération médicale. Par contre, dire qu'un modèle a potentiellement des limites, ce n'est pas une justification au maintien du modèle actuel. L'utilisation du paiement à l'acte comme modèle principal de rémunération des omnipraticiens est très sous-optimale.

Et je voudrais citer une recommandation. En 1972, la commission Castonguay-Neveu, qui mettait en place le système actuel de... public au Québec, a fait une série de recommandations. Une de ces recommandations-là disait que le mode de rémunération à l'acte soit progressivement abandonné au profit d'autres formes de rémunération, tels le salariat et la rémunération au prorata du nombre de cas traités. Donc, ça fait 53 ans qu'on tourne autour de ce pot, et je pense qu'il est tout à fait désirable et intéressant d'essayer de faire quelque chose à ce sujet-là et de bouger dans cette direction.

Maintenant, quand même quelques recommandations spécifiques qui peuvent être faites. Un, c'est fondamental, quand on change de modèle de rémunération, de penser à la notion d'équité entre les médecins et entre les groupes de médecins. Il faut que les revenus soient, aussi directement que possible, une fonction de l'effort, et du temps, et de la complexité du travail médical. Et, ça, ça devrait toucher à la fois à le travail à la... des sommes à l'intérieur d'un groupe de médecins, mais aussi entre les spécialistes et les omnipraticiens. Beaucoup de discussions qui ont eu lieu sur la productivité, par exemple. Dans le mémoire, j'analyse les données qu'on a au niveau de la RAMQ sur la productivité des médecins et je ne trouve aucune indication que, par exemple, les omnipraticiens travailleraient moins fort ou aient une moins grande productivité que les médecins spécialistes.

En ce sens, c'est vraiment, je pense, fondamental de s'assurer que, si on touche à la façon dont on paie les médecins, on augmente l'équité dans le système. Et ça va aussi pérenniser le système. Pour qu'un bon système de captation fonctionne, c'est fondamental de monitorer l'accès réel aux soins. Et je pense que le projet de loi pourrait aller plus loin dans l'explication de ce qui va être fait pour monitorer le fait que les patients qui sont inscrits auront réellement accès aux soins.

Et je pense qu'il serait aussi important, je ne suis pas le seul à l'avoir dit, que les montants de capitation tiennent compte des facteurs socioéconomiques. Ça a un impact direct sur la lourdeur des cas pour les médecins.

Le deuxième mécanisme qui est mis de l'avant dans le projet de loi, selon moi, c'est l'attachement des patients à des milieux. Donc, n'importe qui qui a besoin d'un soignant devrait pouvoir faire une demande et être attaché à un milieu. C'est les départements territoriaux qui seraient en charge de ça. Je ne suis pas le seul à l'avoir dit, mais je pense que tout le monde le sait, à moins qu'on transforme profondément le système, si on fait juste attacher plus de patients sans changer les paramètres, ça veut dire moins de soins pour chacune des personnes qui est inscrite. Puis je pense que ce n'est pas ça l'objectif du projet de loi. Donc, il va falloir faire attention à ce qui se passe dans le réseau, si on fait juste inscrire des patients.

Deuxième chose. Pour moi, c'est très important, ça. Si on change la façon dont les médecins pratiquent, il faut que ce changement-là soit attentif à ne pas faire du mur-à-mur. Plus on va mettre l'accent sur l'inscription, plus on va mettre l'accent sur le fait que l'accès dépend du fait qu'on est inscrit dans un milieu, plus on va créer des problèmes pour les gens qui ne sont pas inscrits ou qui sont loin dans le milieu d'inscription au moment où ils ont besoin de soins. Et, quels que soient les efforts qu'on fait pour renforcer l'inscription, il y aura toujours des gens qui auront besoin de soins en dehors de leur milieu d'inscription.

Permettre la coexistence de plusieurs modèles. Ce n'est pas le modèle dominant. C'est... Le modèle dominant peut être un modèle de capitation, d'inscription longitudinale. Mais faire attention qu'il existe aussi une possibilité pour les gens d'avoir accès à des soins de type sans rendez-vous parce que ça répond à un réel et légitime besoin de la population.

Et un autre élément en termes d'implantation du modèle, la Colombie-Britannique. Moi, je suis actuellement à Victoria, en Colombie-Britannique. Je suis établi ici depuis huit...

M. Contandriopoulos (Damien) : ...la Colombie-Britannique a complètement réformé la façon dont elle paie les médecins de famille, il y a deux ans, et, actuellement, il y a plus de 90 % des médecins de famille en Colombie-Britannique qui ont bougé vers le nouveau système. La façon d'implanter le nouveau système a été une façon... on va dire, un volontariat incité. Il est possible de déployer à grande échelle un nouveau modèle de rémunération, un nouveau modèle de pratique sur une base de volontariat si on incite suffisamment les médecins à bouger. Une telle approche permet de limiter le risque que le système se retrouve confronté à beaucoup de turbulences au moment, par exemple, d'une approche qui serait universelle, tout le monde change en même temps.

Troisième mécanisme dont je veux parler dans le projet de loi, et celui-là me préoccupe beaucoup, la possibilité pour les médecins d'utiliser le montant de capitation, c'est un article du projet de loi, pour embaucher des professionnels non médecins et les rémunérer pour le travail qu'il font. Deux préoccupations fondamentales là-dessus. La première, c'est... Tout le monde, hier, les fédérations, à peu près tous les experts, ont mis de l'avant l'importance du travail interprofessionnel, l'importance du travail en équipe. Le travail en équipe, ce n'est pas : un boss et des gens qui obéissent. Le travail en équipe, c'est un travail collégial. Si on met le médecin dans la position de celui qui reçoit l'argent et qui embauche les professionnels, on fait un retour en arrière majeur.

M. le ministre, hier, vous avez mentionné que ça répondait à une demande de la FMOQ. Je voudrais juste rappeler que ce n'est pas parce que la FMOQ demande quelque chose que c'est forcément une bonne idée. M. le ministre, vous avez aussi plusieurs fois mentionné votre préoccupation par rapport au fait que le 30 % de bonification de l'acte pour les médecins qui sont en cabinet était parfois utilisé d'une façon qui pose problème. Je pense que vous mettez là le doigt sur un problème réel, mais il faut voir que, si, dans le nouveau modèle de rémunération, les médecins peuvent utiliser leur argent de capitation pour embaucher des professionnels puis, donc, avoir plus de volume, le problème sur lequel vous portez votre attention avec le 30 % va juste devenir colossalement plus gros.

À mon sens, on a vraiment un risque majeur de mettre les médecins dans une situation inhérente de conflit d'intérêts où plus on va les laisser... plus on crée des modèles dans lesquels il y a une ambiguïté pour le médecin entre ce qui peut constituer un revenu et ce qui devrait constituer un soutien à la pratique, plus on s'expose à des difficultés.

Quatrième mécanisme, tout l'ensemble de systèmes d'incitatifs, suppléments collectifs à la performance. Là-dessus, mon jugement est extrêmement négatif. Je comprends l'intention. Je pense, encore une fois, M. le ministre, hier, vous avez mis de l'avant la tension que vous voyez entre, d'une part, le statut d'entrepreneur indépendant des médecins et, d'autre part, la nécessité pour le système d'avoir une capacité de coordination et de supervision du réseau, et je pense que vous avez fondamentalement raison.

Par contre, ma préoccupation, ce n'est pas une préoccupation sur l'ambition, c'est une préoccupation sur le réalisme telle qu'elle est structurée, tu sais, la formule dans le projet de loi, avec tout son appareil de trois niveaux d'intervention et une multiplicité d'objectifs. La littérature scientifique, ce qu'elle dit sur le sujet, c'est que, même si l'objectif est de faire en sorte que les médecins se comportent comme on veut qu'ils se comportent, le résultat ne va pas être au rendez-vous.

• (17 h 30) •

Cinquième et dernier mécanisme d'action, le rôle... la création et le renforcement de rôle de représentants des milieux de pratique, tant pour les médecins omnipraticiens que pour les médecins spécialistes. C'est une idée, à mon avis, centrale, qui a été relativement peu discutée jusqu'à maintenant en commission parlementaire. Pour moi, elle est potentiellement transformatrice de la pratique. L'idée, fortement inciter les médecins à eux-mêmes sélectionner quelle est leur équipe clinique, quel est le groupe dans lequel ils pratiquent, se désigner un représentant du groupe et formellement donner des leviers à ce représentant du groupe pour qu'il puisse coordonner le travail de l'équipe et l'aligner avec l'atteinte d'objectifs, que ce soit au niveau de la répartition des paiements de capitation, par exemple. Je pense que c'est une idée centrale, structurante et importante.

Mon bémol serait que le projet de loi met beaucoup l'accent sur la façon dont ça va être fait en première ligne et peut-être pas assez d'accent sur la façon dont le même mécanisme pourrait être mobilisé pour les soins spécialisés. Donc, en gros, et je terminerais là-dessus, avec un petit effort d'optimisme, je pense qu'on peut imaginer une voie de passage qui concilie les inquiétudes, souvent légitimes, de nombreux médecins et de plusieurs groupes mais qui maintient l'ambition du projet de loi de contribuer à un changement, là, significatif et ambitieux de l'organisation du travail médical. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Vous êtes très bien au niveau de votre temps. Alors, M. le ministre, débutez cet échange, s'il vous plaît.

M. Dubé : Bien, premièrement, comme je le dis souvent, là, merci beaucoup d'avoir pris... avec si peu de temps, d'arriver...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Dubé : ...ces commentaires-là aussi clairs et précis. Alors, j'apprécie votre commentaire sur l'ambition. Je pense que ce n'est pas ça qui manque. Je comprends qu'il y a surtout beaucoup de points, je vais essayer de les reprendre un par un. Mais je veux juste vous demander... puis, excusez-moi si je n'ai pas eu le temps de le voir, est-ce que vous avez déposé quelque chose qui a été déjà reçu?

Une voix : ...

M. Dubé : Oui, O.K. Bon, je dois vous avouer que je ne l'avais pas lu, alors j'ai peut-être manqué de temps.

M. Contandriopoulos (Damien) : Ça se garde.

M. Dubé : Pardon?

M. Contandriopoulos (Damien) : Ça va se garder. Je suis sûr que vous aurez l'occasion si vous voulez.

M. Dubé : Oui, oui. Non, je suis certain. Avec les commentaires que vous avez faits aujourd'hui, vous pouvez être sûr que je vais y retourner. Je veux juste comprendre votre point. Dans le premier point, là, sur l'équité entre les groupes, ça a été trop vite pour moi. Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce qui était votre problème, de dire : Je suis préoccupé par l'équité entre les groupes? Puis je n'ai pas saisi ce que vous vouliez dire.

M. Contandriopoulos (Damien) : Je pense, mon point est beaucoup sur le débat public. En ce moment, le débat public qui tourne autour du projet de loi est un débat qui met les omnipraticiens et les médecins de famille à l'avant-scène. Et je pense que plusieurs réagissent, mes contacts dans le milieu...

M. Dubé : Les groupes de professionnels? Vous voulez dire les autres groupes?

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui, c'est-à-dire les médecins de famille... par rapport aux médecins spécialistes, les médecins de famille ont l'impression qu'ils sont régulièrement pointés du doigt comme étant une source de problème plus significative qu'un médecin spécialiste. Or, puis c'est une chose qui est dans le mémoire, j'ai analysé en détail les données de la RAMQ. On avait... J'ai codirigé un projet de recherche ambitieux, publié en 2018, financé par le... sur la rémunération médicale. Il n'y a aucune raison de croire que le travail des omnipraticiens est plus problématique que celui des spécialistes. C'est une chose.

La deuxième chose, puis vous le savez mieux que moi, la majorité de l'enveloppe, 60 et quelques %, s'en va aux médecins spécialistes. Et, de façon générale, on a une très grande différence de niveau de facturation en moyenne entre les spécialités. En spécialité, entre un psychologue... un psychiatre, je veux dire, et un urgentologue et un radiologiste ou un ophtalmologiste, les différences sont énormes, et la différence moyenne dans la facturation entre un omnipraticien et un spécialiste est aussi très significative. Or, quand on regarde la difficulté du travail, le défi que ça pose, quand on regarde l'intensité, quand on regarde le nombre d'heures, ce n'est pas évident que les montants sont associés avec ces facteurs-là.

M. Dubé : Surtout quand on est... O.K., je vais essayer de ne pas rentrer là-dedans parce que c'est délicat un peu, là, mais vous avez raison. Parce que si on prend... puis là, je comprends très bien votre point, quand je regarde l'enveloppe des spécialistes à 5 milliards, il y a à peu près la moitié, là, je simplifie, qui va en consultation versus en chirurgie. Ça fait que si on pouvait comparer l'enveloppe des omnis qui font, je dirais, de la consultation ou de l'urgence avec les AMP, c'est beaucoup plus comparable avec la portion de l'enveloppe des spécialistes qui fait de la consultation. Là, je comprends votre point. Mais ce que je comprends aussi, c'est quand vous dites qu'il y a des différences entre les groupes, il y a quand même des écarts énormes entre les spécialistes entre eux, puis ça, je sais que ça fait beaucoup d'inconfort de certains spécialistes. Nous, comme gouvernement, on n'a pas... on n'a pas, en ce moment, encore accès à pouvoir aider à rétablir ces... parce que la différence d'un salaire à 800 000 $ versus un... par exemple, un psychiatre ou, etc., là, il y a des grandes, grandes, grandes différences. Donc, l'équité entre les groupes, vous faites référence entre les spécialistes et les omnis, mais aussi interspécialités. C'est ça que vous me dites, O.K.

M. Contandriopoulos (Damien) : Et y compris à l'intérieur de la pratique de la médecine familiale. Selon le type de pratique qu'un médecin choisit, parfois, on a des différences importantes, même à un niveau d'heures et d'efforts similaires, on a des niveaux de revenus qui sont...

M. Dubé : Oui, c'est ça, quand on nous ramène sur une base horaire, c'est encore pire, des fois, parce qu'étant donné les technologies qui sont... par exemple, je pense à ceux qui font des cataractes aujourd'hui, ils font bien plus de cataractes dans une journée qu'ils en faisaient avant à cause des technologies puis les taux ont peu ou pas changé. Ça fait que ces gens-là... Mais là, je ne veux pas viser personne, mais je voulais juste comprendre votre point.

Sur votre deuxième point, ça, c'est important, l'attachement à un milieu. Bon, pas de mur à mur, O.K. Est-ce que c'est là que vous avez parlé de... C'est peut-être plus car vous parliez des trois niveaux d'appartenance au local territorial. Puis ça, je veux vous entendre là-dessus parce que je l'ai entendu beaucoup hier et je l'entends depuis, que c'est beaucoup plus facile de rallier les gens à travailler au niveau local lorsqu'il y a un incitatif, parce que c'est des gens qui sont proches d'eux, alors que plus on s'éloigne... Ça, je veux vous entendre là-dessus parce que je sens que ça fait problématique à travers les consultations qu'on a eues jusqu'à maintenant. Mais étant donné votre, je dirais, votre indépendance, vous êtes... puis c'est ça qu'on demande...

M. Dubé : ...quelqu'un de l'extérieur de nous dire : Est-ce qu'on devrait aller aussi loin qu'au niveau, je dirais, national? Puis, si oui, est-ce qu'on pourrait le faire autrement que ce qui est présenté?

M. Contandriopoulos (Damien) : Je pense que dès qu'on essaie d'utiliser les incitatifs pour changer le comportement d'un travailleur qui est un professionnel, par nature, va devoir conserver beaucoup d'autonomie, personne n'a envie d'un système dans lequel le médecin se verrait limiter dans sa capacité à faire des choix cliniques par des incitatifs extérieurs. Donc, on est pris avec. Le professionnel doit rester cliniquement autonome.

En même temps, on sait que dans un système comme ça, n'importe quel système d'incitatifs, le professionnel va toujours être en mesure de jouer le système - en anglais, le terme est «gaming» - va toujours être en mesure de détourner l'intention de l'incitatif à des fins personnelles propres s'il a envie de le faire. Donc, un système d'incitatifs, pour qu'il fonctionne, il faut que le professionnel fondamentalement adhère au projet. Il n'y a aucun système d'incitatifs qui va tordre le bras à un professionnel puis va lui faire faire des choses qu'il n'a pas envie de faire s'il n'a pas envie de les faire. Et, au Québec, on a souvent vu des incitatifs qui ont été détournés dans le passé. Les premiers incitatifs... ont été largement détournés de leur ambition. Donc, c'est sûr que ce n'est pas facile.

Et les paramètres qui font en sorte qu'on a un système d'incitatifs... fonctionne, il faut absolument que l'incitatif, donc, le professionnel y adhère, l'action soit... qui mène à l'incitatif soit entièrement sous son contrôle. Personne n'a envie d'être tenu imputable d'objectifs qu'il ne contrôle pas. Et les...

M. Dubé : C'est la partie qui vous inquiète, là, de plus on s'éloigne... Est-ce que je peux...

M. Contandriopoulos (Damien) : Plus on s'éloigne. Et la transparence. Actuellement, par exemple, pour les médecins de famille...

M. Dubé : Quand vous parlez de transparence, vous voulez dire quoi, par exemple?

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui. Donc, par exemple...

M. Dubé : Qu'est-ce que vous voulez dire par... Oui. Excusez.

M. Contandriopoulos (Damien) : Actuellement, par exemple, les médecins de famille au Québec, il y a toute une série d'incitatifs. Il y a beaucoup d'actes, qui sont incitatifs, qui visent à leur faire faire ci ou ça. Ce qu'on a vu dans notre étude en 2018, c'est, quand on parle aux médecins, la complexité du système, le nombre d'actes différents, le fait qu'à la fin ce soit traduit dans un chèque trimestriel. Donc, le médecin reçoit un chèque qui correspond à tout ce qu'il a fait ou pas fait. Les médecins nous disent : Je reçois un chèque, je sais bien que c'est lié à ma pratique, je n'ai aucune idée de quelle façon, de quelle manière, de quels incitatifs sont dans ce chèque-là, puis honnêtement, ça veut dire que, dans le jour à jour, ce que je fais n'est pas dicté par l'incitatif. Je suis content de recevoir le chèque au bout de trois mois, mais ce n'est pas ça qui va me faire changer ma pratique. Puis, par ailleurs, il délègue ça à des compagnies de facturation externes, ça fait qu'ils n'ont à peu près aucun... une compréhension fine de ce qui se passe. Ça, c'est un système d'incitatifs qui est très peu transparent. C'est-à-dire, le professionnel, il a... il fait ce qu'il veut faire, puis ensuite, il reçoit un chèque ou il reçoit pénalité. Ça ne change rien.

Pour qu'un système d'incitatifs marche, c'est... il faut faire exactement l'inverse. Il faut que, dans le jour à jour, le professionnel soit en mesure de savoir exactement : Je suis en train de faire ci, puis ça, c'est quelque chose qui est lié avec une cible que j'aimerais atteindre puis qu'on me pousse à atteindre. Et, là-dessus, la mécanique, là, de ce que j'appelle la formule magique, là, mais, dans le projet de loi, d'avoir trois niveaux, et ensuite probablement une multiplicité d'objectifs, puis ensuite, un calcul du prorata de l'atteinte de tous ces objectifs-là... Encore une fois, je comprends l'intention, je vois très bien l'ambition de coordonner. Mon inquiétude, c'est que ça ne marchera pas, ça ne livrera pas la marchandise.

• (17 h 40) •

M. Dubé : Je comprends. Puis on l'a entendu. Puis on va... on va se pencher là-dessus.

Bon. Un autre cas délicat, là, le fameux 30 %, là. Je vous ai entendu tantôt. J'aimerais ça que vous me le répétiez tranquillement.

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui. Donc, en ce moment, les médecins qui travaillent en cabinet touchent à une rémunération qui est majorée d'un pourcentage, pour les omnis, on dit 30 %. Et ce pourcentage-là est supposé couvrir leurs frais de pratique. Je voudrais spécifier quand même, cette notion, là, qu'il y a un 30 % qui est destiné aux frais de pratique n'est écrite nulle part. C'est une compréhension implicite que tout le monde dans le réseau va avoir. Puis on peut faire le calcul du 30 % sur les montants, mais il n'y a nulle part où c'est marqué, là, «vous devez utiliser ce montant-là pour vos frais de pratique.» Donc, un médecin touche à un montant. Et, ensuite, combien va aller dans ses revenus propres à la fin, ça, ça dépend de la façon dont il s'organise, ça dépend du milieu dans lequel il pratique, ça dépend de ses coûts réels, ça dépend des choix qu'il fait. Et donc un médecin a un incitatif naturel à dire : Moins je dépense en frais de pratique, plus je gagne. Donc, les médecins sont dans une tension là-dedans.

Puis, quand vous avez mentionné, hier, en disant : Bien, vous vous êtes ennuyé du fait que parfois des médecins peuvent décider d'essayer de diminuer au maximum leurs frais de pratique pour avoir un plus grand revenu, c'est un conflit d'intérêts, puis c'est sûr que l'argent va aller dans un endroit particulier, je pense que vous avez raison. Mais, si on a un système de capitation dans lequel le médecin peut décider : Bien, je réalloue mon temps de capitation pour embaucher des infirmières techniciennes puis je leur fais faire une partie du travail assez grande, c'est parce que, comme ça, je peux inscrire plus de patients, donc mon volume monte, puis finalement, vous avez un médecin qui devient une sorte d'entrepreneur d'une business de sous-traitance de...

M. Contandriopoulos (Damien) : ...de soins. Et cette business-là est fondamentalement problématique. Tous les systèmes, par exemple, vont interdire aux médecins de vendre les médicaments qu'ils prescrivent, pour des raisons évidentes de conflits d'intérêts. De la même façon, si on commence à inciter trop les médecins à sous-traiter les soins pour lesquels ils sont payés, bien, on a un risque sur la qualité, on a un risque sur la nature du travail interprofessionnel et on a un risque sur le conflit d'intérêts inhérents, là, de c'est quoi qui va dans ma poche, c'est quoi qui va dans les soins?

M. Dubé : On se comprend, je voulais juste vous entendre. Je reviens sur votre cinquième point. Ça aussi, je veux bien le comprendre, ce qu'on va appeler l'intervenant pour soit les spécialistes ou pour les omnis. C'était facile pour nous de désigner le DRMG, qui est maintenant le DTMF. Là, on aime bien ça, les acronymes, là. Mais le DTMS, donc du côté... le Directeur médical des spécialistes, ça, c'est quand même récent. Ça, ça remonte au p.l. n° 15, là. Pourquoi vous avez dit que vous êtes d'accord avec l'idée centrale, mais ça vous... Peut-être je n'ai pas compris, mais vous avez dit que ça vous inquiète plus du côté des spécialistes. C'est-tu parce que c'est moins dans nos habitudes d'avoir cette personne-là? Parce que moi, je pense que la... vous l'avez bien dit au début, la rémunération est tout aussi importante pour les spécialistes que pour les omnis. Puis c'est pour ça que je veux vous entendre sur ces deux représentants médicaux dans chacun des établissements, là. C'était quoi exactement, votre commentaire ou ce que vous voulez qu'on porte attention, là, là-dessus?

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui, autant je dis... Si on utilise des mécanismes compliqués d'incitation, on n'obtiendra pas vraiment le contrôle du travail des professionnels. Par contre, il n'y a aucun substitut à la logique vraiment de contrôle par les pairs liés à la nature du professionnel.

M. Dubé : Ça, vous êtes d'accord avec ce principe-là?

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui, oui, je suis tout à fait d'accord avec ça. C'est central. C'est un mécanisme d'action porteur, intéressant, innovant et c'est une composante, pour moi, une des plus intéressantes du projet de loi actuelle. Dans...

M. Dubé : Parce que ça, c'est un... excusez-moi, là, mais il y a quelqu'un qui m'a dit hier, puis ça m'a fait tellement plaisir, puis je suis certain que ça va être bon pour mes collègues, c'est un grand principe de décentralisation, ça, parce qu'on ramène ça au niveau de chacune des régions mêmes... En fait, ça ne peut pas être plus décentralisé que ça. C'est deux chefs de département là, dans chacun des établissements, là. C'est ça, le principe. Ça, vous êtes d'accord avec ça?

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui, je suis d'accord avec ça, et de dire que les médecins doivent s'auto-organiser, probablement en termes de département, de spécialité, en disant : Bien, voici notre cible. C'est, par exemple, la liste d'attente dans notre établissement qui a tant de pourcentage ou tant de personnes. Notre cible, c'est de la diminuer. Puis il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit responsable, au sein, par exemple, des médecins spécialistes, de s'assurer de coordonner le travail des uns et des autres. Si...

M. Dubé : Mais c'était quoi, votre inquiétude? Je vous coupe, excusez-moi, parce que... Est-ce qu'il me reste temps?

Le Président (M. Provençal) :...

M. Dubé : Il me reste trois minutes. Je m'excuse de vous couper, mais on est toujours pris par ce temps-là, là. Mais c'était quoi, votre inquiétude par rapport aux spécialistes versus les omnis dans ce qu'on discute là, là.

M. Contandriopoulos (Damien) : Si on enlève la composante dans la loi de la formule d'incitation qui alloue l'argent, on n'a finalement plus beaucoup de levier qui va donner du pouvoir à ces représentants du milieu pour les médecins spécialistes. Et comme...

M. Dubé : Si on enlève la formule? C'est ça que vous dites?

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui. Et moi, je suis... j'ai beaucoup d'inquiétudes sur le fait que la formule ne va pas livrer la marchandise. Donc, si je pars du principe que la formule, elle ne livre pas la marchandise, je pense, il faut quand même, quoi qu'il arrive, donner au représentant du milieu pour les médecins spécialistes une façon d'avoir un impact sur la pratique de leurs collègues. Ça, c'est la première chose.

Puis, la deuxième chose, pour la médecine spécialisée, une partie est en établissement. Puis là, comme vous l'avez dit, il y a toute une structure qui existe, le DRMG, etc., mais beaucoup de la pratique de la médecine spécialisée et de plus s'en va hors établissement, dans des cabinets privés, dans des structures privées, et là c'est le far west, il n'y a absolument aucune structure qui vient encadrer le travail de ces professionnels-là. Et je pense qu'à ce niveau-là la loi a comme un angle mort parce que... pour beaucoup de spécialités, gynécologue, dermatologue, etc., beaucoup se font là. Et il y aurait une opportunité dans la loi de s'assurer d'essayer d'organiser le travail de ces spécialistes-là.

M. Dubé : Là, vous parlez, entre autres des CMS, là. Si vous me dites... C'est-tu un peu à ce que vous pensez?

M. Contandriopoulos (Damien) : Tout à fait.

M. Dubé : O.K., O.K. Oui, là, je comprends que ça complexifie. Bien, c'est un peu comme si on essayait de faire la même chose avec... du côté des omnis, avec ceux qui sont en clinique privée, hein? O.K., c'est ça, votre point.

Le Président (M. Provençal) :1 min 54 s.

M. Dubé : Bien, je vais vous poser une question ouverte. Qu'est-ce que j'ai oublié de vous demander, là? Parce que j'ai essayé couvert vos... de couvrir, pardon, vos cinq points, là, mais... Oui.

M. Contandriopoulos (Damien) : Je pense, le dernier élément que je veux mettre de l'avant, c'est : le projet de loi a le potentiel de faire des choses intéressantes pour mieux organiser la pratique médicale, et ça, potentiellement, dégagerait une certaine marge de capacité additionnelle, un petit peu plus de services ou une amélioration de la qualité. C'est désirable. C'est important. Maintenant...

M. Contandriopoulos (Damien) : ...à mon sens, réorganiser la pratique médicale... Je ne pense pas qu'il y ait vraiment un gros volume de soins qu'on n'utilise pas actuellement puis que si on incitait mieux, ou plus, ou plus fortement les médecins, tout d'un coup, là, il y aurait une capacité additionnelle, parce que, pour l'instant, plein de médecins se tournent les pouces puis jouent au golf à la place de faire leur travail.

Et donc je pense que, si on veut vraiment arriver à une augmentation de l'accès aux soins, ça implique des investissements, et les investissements, je pense, là où ils ont le plus de possibilités de livrer la marchandise, c'est en dehors des enveloppes de rémunération médicale, c'est dans le soutien du travail de secrétariat, dans le soutien des loyers, dans le soutien des équipes interprofessionnelles, dans le soutien des outils informatiques. J'écoutais votre dernier présentateur...

M. Dubé : Qui va faire qui va dégager du temps pour eux. Là, ça, on en entendu ça souvent, madame… docteure Leblanc. Il y en a plusieurs qui nous ont parlé de ça hier. Moi, ça va très bien, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) : Et c'est terminé.

M. Dubé : Merci beaucoup de votre présentation puis votre travail. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci, M. le ministre. Alors, M. le député, je vous cède la parole.

M. Fortin : Oui, merci. Merci, M. le Président. Merci d'être… d'être avec nous aujourd'hui, là, c'est un plaisir de vous entendre. De toute évidence, vous étiez… vous étiez un incontournable pour la Commission, là, à voir… à voir l'étendue de ce que vous suggérez. Sur le dernier point que vous venez de faire, là, c'est-à-dire il n'y en a pas tant que ça, des médecins qui travaillent… qui jouent au golf le vendredi, là, il y en a beaucoup qui… Il y a beaucoup d'autres choses à faire à l'extérieur du… de ce qui est proposé dans le projet de loi pour améliorer, pour rendre l'accès plus simple, il y a des investissements à faire.

Je vous… Je vous lis ici, là, Mécanisme trois, sous-traitance des services : « Une part importante de la solution repose sur une augmentation substantielle du nombre de professionnels non médecins en première ligne, l'élargissement de leur champ de compétences et leur autonomie professionnelle, ainsi qu'un soutien à des modèles de pratiques qui encouragent un travail interprofessionnel. » Effectivement, on l'a entendu beaucoup puis on l'a entendu beaucoup en lien avec ce qui est proposé. C'est-à-dire on ne peut pas proposer le modèle d'incitatifs à la performance, là, ou de… disons, d'inscription ou de prise en charge collective liée à la rémunération si on n'a pas ces outils-là, c'est-à-dire d'avoir toutes sortes d'autres professionnels, d'avoir des… d'avoir une meilleure dotation de ces postes-là, mais aussi d'avoir les outils technologiques et autres. Ça, là, c'est-tu le plus grand morceau qui manque au Québec pour améliorer l'accès en première ligne?

M. Contandriopoulos (Damien) : Dans un contexte où les finances publiques ne sont pas infinies, donc des ressources limitées, c'est en investissant dans ce domaine-là que je pense qu'on obtiendrait le plus de soins pour l'argent investi. C'est là où on va faire la plus grande différence pour la capacité des gens de voir quelqu'un quand ils en ont besoin, d'avoir les services qui correspondent réellement avec les besoins qu'ils ont et, ultimement de faire une différence en termes d'amélioration de la santé de la population. Puis un élément que je veux mettre de l'avant, c'est toutes les données le montrent, là, l'évolution démographique, l'évolution en termes de technologie, les choses ne vont pas s'améliorer dans les prochaines années. Donc, en dehors d'un effort important et ambitieux, puis je pense que le projet de loi en question en fait probablement partie, de transformer la façon dont on fait les choses, il y a un mur dont on se rapproche. Donc, le commentaire était principalement à l'effet que ce qui marche, c'est beaucoup le travail en équipe. Puis C'est rassurant de voir commission parlementaire, même les fédérations dire : On est d'accord. Après ça, il faut que les modalités soient au rendez-vous, et le médecin qui embauche les gens qu'il a envie d'embaucher puis qui garde le reste de l'argent dans sa poche, ce n'est pas porteur.

• (17 h 50) •

M. Fortin : O.K. Tant… donc, je vais essayer juste de résumer ce que vous venez de dire, là, pour m'assurer que je l'ai bien compris moi-même, là. Dans un contexte où les finances publiques sont limitées, c'est quand même le meilleur investissement. C'est-à-dire on est mieux de ne pas couper, là, ces travailleurs de première ligne là. Hier, on a entendu des gens qui nous ont dit : Bon, bien, faites attention, là, à l'urgence, chez nous, vous avez coupé des travailleurs sociaux qui voyaient des patients en première ligne, qui simplifiaient la vie de tous les autres professionnels, qui simplifient le parcours aux patients aussi. Donc, même dans le contexte des finances publiques, là, difficiles, disons, au Québec, c'est un investissement qui vaut la peine d'être fait.

M. Contandriopoulos (Damien) : Tout à fait, et dans le contexte où je sais que cette commission n'a pas envie d'entendre parler de négociations des enveloppes avec les fédérations, mais ça reste qu'historiquement la négociation avec les fédérations mène au fait que les fédérations se débrouillent assez bien pour maintenir ou augmenter leurs revenus. Et souvent, ça se fait au détriment des investissements dans les autres secteurs. Donc, c'est un clou, je pense, qui vaut la peine de taper : Attention! ultimement ce qu'on a investi en dehors de la rémunération médicale, c'est dans des… dans d'autres professionnels qui produisent des soins qui sont importants.

M. Fortin : …consensus, M. le ministre, ça semble pas mal à un consensus celui-là…

M. Fortin :...entendu souvent. Je veux revenir sur votre... puis le ministre l'a fait également, là, mais je veux juste m'assurer de bien l'avoir saisi, l'enjeu de l'équité, entre autres entre les médecins de famille puis les spécialistes. Puis, encore là, là, ce n'est pas tant un enjeu de négociation, mais on est... puis peut-être que ça sort un peu du projet de loi n° 106, mais je sais que votre connaissance dépasse pas mal le projet de loi n° 106, là, on est la seule province qui laisse des places sur la table en matière de médecine familiale. Alors, est-ce que l'enjeu d'équité est au cœur de ce problème-là ou s'il est plus grave ou plus grand que ça?

M. Contandriopoulos (Damien) : Je pense, il est plus grand que ça. Et je pense qu'entre autres les débats publics qui sont actuellement en cours, des débats publics qui sont très confrontationnels entre, d'une part, les médecins, qui accusent le projet de loi n° 106 de tous les maux de la terre, parfois de façon, je pense, injuste... et, en même temps, ce débat assez acrimonieux des négociations au moment où il y a un effort législatif d'adopter un projet de loi, parce que les fédérations sont en négociation au même moment, tout ça crée, dans le corps médical, un sentiment de crainte, dans la population un sentiment de crainte. C'est des choses qui mènent à, ensuite, le risque que des professionnels de la santé décident de pratiquer ailleurs, décident de pratiquer dans le privé, décident... et ça, c'est... c'est probablement indésirable, alors que je pense que, fondamentalement, l'idée, par exemple, de changer le modèle de rémunération, de mieux soutenir les équipes, c'est des choses qui seraient désirées par de nombreux médecins. Donc, je trouve qu'il y a un désalignement là, puis c'est un désalignement qui est problématique.

L'autre chose sur l'équité, actuellement, effectivement, on voit que la médecine de famille n'est pas très attrayante, il y a des places qui restent, et c'est... c'est vraiment problématique. Et, si je reviens dans le passé, il y a... régulièrement le Québec s'est fait dire par des commissions indépendantes, une répartition, en termes de l'effectif médical, qui serait à peu près 60 % des omnipraticiens pour 40 % de spécialistes, ça produirait plus de soins et plus de santé. On a encore, au Québec, une forte majorité des médecins qui sont des spécialistes. Plus on va maintenir un écart salarial important entre ces groupes-là, moins on va régler le problème de la location de l'effectif.

M. Fortin :O.K.D'un côté, là, vous nous dites : Le projet de loi n° 106, il est très ambitieux, puis, de l'autre côté, vous nous dites : Il y a des très, très, très gros risques avec le projet de loi n° 106. Donc, d'un côté, la capitation, c'est quelque chose qui est ambitieux, si je reprends vos propos, là, et qui peut avoir des résultats positifs. Et ça, moi, je l'ai entendu d'à peu près tout le monde, là, que le mode de rémunération doit être... doit être discuté, là, ça... c'est normal, on est rendus là, on a même besoin d'en discuter puis de voir comment on peut mieux l'adapter au... disons, à la réalité actuelle. De l'autre côté, il semble y avoir une réelle différence d'opinions entre ce que le gouvernement propose et ce que plusieurs groupes nous disent, incluant vous, sur la rémunération à la performance dans un mode collectif, là. Et je vous cite, là : «Les données probantes sur le sujet suggèrent que le potentiel du système de supplément collectif proposé dans le projet de loi est au mieux très limité.» Et ça, c'est la version diplomate. Tantôt, vous avez dit que ça pourrait être extrêmement négatif. J'aimerais juste ça vous entendre sur l'effet potentiel d'une mesure comme celle-là.

M. Contandriopoulos (Damien) : Il y a deux effets négatifs, je pense, qui valent la peine d'être mentionnés. Le premier, c'est un effet négatif sur l'éthique médicale. Beaucoup de littérature montre que, si on paie les gens en fonction d'incitatifs financiers, au bout d'un moment, le message qu'on donne aux professionnels, c'est : Cet acte-là, ça, c'est désirable. Puis, par opposition, bien, tout ce qu'on... tout ce à quoi on n'attache pas un incitatif, on est en train de l'étiqueter comme étant indésirable ou non nécessaire. Or, dans le cas de la pratique médicale, où c'est une pratique extrêmement complexe, avec beaucoup de facettes, c'est très dangereux d'essayer de dicter le comportement professionnel. Ce qu'on voit aussi, c'est que les professionnels qu'on incite fortement comme ça ont tendance à jouer le système et ont tendance à adopter une compréhension de leur rôle qui est une compréhension souvent étroite puis dans laquelle on va se dire : Bien, si je ne reçois pas un montant pour ça, je ne le fais pas. Et donc, à long terme, on finit par, entre guillemets, abîmer nos professionnels si vraiment on essaie de les inciter trop fortement.

Puis, le dernier bout, c'est que ça ne livre pas vraiment la marchandise. Malgré les sommes investies, quand le Québec a essayé de changer le comportement des médecins en jouant avec des systèmes incitatifs, un des résultats de l'étude qu'on avait publiée en 2018, c'est que, généralement, les résultats ne sont pas... ne sont pas là. Il y a une grande capacité de jouer le système, d'inertie, qui fait en sorte que les médecins vont généralement réussir à toucher l'argent sans forcément modifier leurs actions. Et, à ce niveau-là, bien, on investit de l'argent à des fins qui, finalement, ne sont pas... on n'obtient rien avec l'argent qu'on investit...

M. Fortin :...toucher l'argent sans modifier leur comportement. Ça, ça rejoint un peu ce que vous disiez tantôt, là. Ils facturent à la fin du mois, ils n'ont aucune idée c'est quoi, l'incitatif, il est où, puis ils font juste y toucher quasiment par hasard, des fois.

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui. Ou bien, ils vont délibérément s'assurer de modifier leur comportement en fonction de l'incitatif. Un exemple, c'est par exemple, en ce moment, on incite les médecins à prendre en charge des... qui ont des maladies chroniques en donnant des incitatifs pour ces patients-là. Certains médecins, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont trouver des gens qui ont effectivement la maladie chronique en question, mais qui sont stables et non problématiques. Puis ils vont en enregistrer beaucoup, ils vont toucher les bénéfices puis ils ne vont finalement pas investir leur temps à traiter des gens qui n'ont peut-être pas le code incitatif, mais qui ont d'autres formes de vulnérabilité, l'extrême pauvreté, des difficultés sociales, qui, eux, sont lourds, puis il n'y a pas d'incitatifs. Et finalement, le système incitatif, ce qu'il fait, c'est qu'il donne plus d'argent à des gens qui jouent le système et il ne correspond pas vraiment à une meilleure réponse aux besoins de la société.

M. Fortin :Merci.

Le Président (M. Provençal) :...M. le député. M. le député de Rosemont. Je vous cède la parole.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Oui, merci d'être là. Merci pour le mémoire. C'est... C'est instructif.

Vous avez parlé du volontariat qui a amené beaucoup, beaucoup de médecins, là, les chiffres sont impressionnants, au BC, là, où vous vivez maintenant, là. C'est vrai. Mais, on l'a dit tout à l'heure avec un autre témoin, de un, ils ne partaient pas du même point en rémunération, là. Ça, c'est clair. Vous avez peut-être un petit effet Trump aussi qui fait remonter des médecins vers le Nord, ce qui ne risque pas trop d'être notre cas ici au Québec pour des raisons de langue, quoiqu'on devrait essayer quand même d'aller passer à la gratte au Vermont, peut-être, d'un d'un coup que ça marcherait. Mais vos médecins, là, qui ont... qui ont eu un mouvement de volontariat au BC, là, ils ont... ils n'ont pas eu juste une épiphanie, là. Ils ont eu un chèque. Ils ont eu un gros chèque. Puis là, vous l'avez dit, ça arrive parfois dans la nature humaine que les médecins vont vouloir avoir une gratification salariale supérieure puis... Ici, ils sont déjà très, très, très bien payés, là. Je ne pense pas qu'il est dans les plans du gouvernement de leur donner plus d'argent pour susciter l'épiphanie en question. Donc, comment on suscite le volontariat pour que justement ils passent à un autre système puis qu'ils participent à ça?

M. Contandriopoulos (Damien) : Je pense que le gouvernement contrôle assez bien les modalités dans lesquelles on alloue l'argent des enveloppes pour les médecins. Donc, si par exemple le gouvernement mettait en place le système qui est décrit dans le projet de loi actuel, de capitation, et attachait des montants à ça, et en même temps jouait sur les montants de l'acte actuel, la grande majorité, par exemple, en médecine de famille, c'est des visites puis c'est... c'est plus 80 % du volume. Si le gouvernement joue sur le montant de la visite pour la rémunération à l'acte, c'est assez facile de jouer sur les paramètres qui feraient en sorte que, pour un médecin, il est plus rentable de prendre le modèle de la capitation, que de prendre le modèle de la rémunération à l'acte actuel.

• (18 heures) •

Et on peut le faire probablement à somme neutre en allouant les sommes vers le nouveau modèle, puis en enlevant un petit peu d'argent vers l'ancien. Et l'avantage de ça, c'est qu'on peut le faire sur une base d'incitations relativement fines dans le temps pour contrôler le mouvement des équipes médicales d'un ancien modèle vers un nouveau modèle. Et je pense que la crainte que j'ai, c'est, dans une approche réglementaire législative, on dirait à tous les médecins, du jour au lendemain : Voici le nouveau modèle. Ça va créer des turbulences. Puis, bon, ce n'est pas un système, le système de santé, dans lequel on veut qu'il y ait trop de turbulences.

M. Marissal : Non, en effet, il y en a déjà assez. Mais, à somme neutre, c'est donc dire que la rémunération, grosso modo, des médecins ne change pas. C'est ce que vous voulez dire?

M. Contandriopoulos (Damien) : C'est tout à fait possible d'atteindre cet objectif-là à somme neutre. Après ça, si que, dans un contexte de négociation, les sommes additionnelles que les fédérations demandent pourraient être allouées à une incitation vers un nouveau modèle, ce serait possible. Puis, je pense, c'est tous des paramètres qui sont sous le contrôle du gouvernement. Mon principal point, c'est que, plutôt que d'utiliser l'approche législative réglementaire de dire aux médecins, du jour au lendemain : Voici les nouvelles règles, de dire : Voici de nouvelles règles que vous pouvez choisir, et de laisser les gens faire les calculs, puis de bouger. Ce qu'on a vu en BV, c'est qu'à l'intérieur de 18 mois presque tous les médecins ont bougé entre autres parce que c'était beaucoup plus intéressant d'être dans le nouveau modèle.

M. Marissal : Merci, M. Contandriopoulos. Je n'ai plus de temps. Merci beaucoup pour la participation.

Le Président (M. Provençal) :M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Contandriopoulos, pour la présentation.

On va prendre quelque... quelque temps pour approfondir votre mémoire. Mais, pour l'instant, avec les trois minutes que j'ai devant moi, pouvez- vous nous rappeler quelles étaient les recommandations de votre comité en 2018 et qu'est-ce qui distingue ces recommandations-là de ce qu'on a dans le projet de loi, si on veut réviser la rémunération des médecins?

M. Contandriopoulos (Damien) : En fait, on voit un bel alignement à plusieurs niveaux...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Contandriopoulos (Damien) : ...réformer le mode de rémunération des médecins omnipraticiens, c'est une chose qu'on recommandait. De considérer et un mode qui intègre capitation et/ou paiement en fonction du temps, c'est quelque chose qu'on mettait de l'avant. Faire attention à ne pas utiliser trop d'incitatifs, faire attention à l'effet négatif sur le professionnalisme et ce comportement professionnel des incitatifs, c'est aussi quelque chose qu'on disait, puis là je pense qu'on voit l'inverse dans le projet de loi.

Donc, au final, je dirais que c'est, comme j'ai dit au début, le jugement est nuancé, plusieurs éléments qui convergent, et ça me fait plaisir de voir, et, en même temps, un certain nombre d'inquiétudes sur aussi des mises en garde sur des leçons qui ne sont peut-être pas faites du modèle actuel ou... depuis 20 ans, le Québec a investi massivement dans des approches incitatives avec très peu de résultats positifs à démontrer.

M. Arseneau : Mais, en fait, ça pose la question suivante... je comprends la logique gouvernementale qui dit :On va essayer de mesurer la performance et donner des incitatifs pour justement pouvoir absorber le trop plein de gens qui n'ont pas actuellement de prise en charge, qui ne sont pas inscrits. Est-ce que c'est deux... Enfin, si on n'y arrive pas par les moyens qui sont proposés, est-ce qu'il y a d'autres moyens d'y arriver? Par exemple, en Colombie-Britannique, on a changé le mode de rémunération, mais est-ce que la prise en charge et surtout l'accès aux médecins et aux soins s'est améliorée?

M. Contandriopoulos (Damien) : On n'a pas de données fiables, mais je dirais que non. Je dirais que la Colombie-Britannique n'a pas fait ce qui serait central, ce qui est en partie présenté dans le projet de loi, et c'est justement d'investir en dehors simplement du travail médical. Le plus gros de la solution pour l'accès aux soins se trouve en dehors des enveloppes de rémunération médicale et se trouve dans les investissements, dans des structures de soutien à la pratique médicale, des choses qui ne vont pas dans le compte en banque des médecins, mais qui font une grosse différence dans leur jour à jour. Et ça, ça inclut les autres professionnels.

M. Arseneau : Mais, je ne veux pas vous mettre des paroles dans votre bouche, mais c'est un peu ce que les médecins nous ont dit : Mettez toute la pression que vous voulez sur nous. Si on n'arrive pas à réorganiser les soins, on n'y arrivera pas.

M. Contandriopoulos (Damien) : Oui, et si, encore une fois, les approches incitatives faisaient une grande différence dans le volume de soins médicaux qu'on obtient, on aurait vu, dans les 20 dernières années, des changements majeurs, on ne les a pas vus. Donc, l'idée de penser qu'on va tout d'un coup, parce qu'on incite ou on pénalise les médecins, voir une différence majeure dans le volume du travail médical, je pense que c'est une illusion et c'est une illusion dangereuse parce qu'elle va coûter de l'argent et elle ne va pas mener à des résultats.

M. Arseneau : Merci infiniment.

Le Président (M. Provençal) :Alors, merci beaucoup de votre contribution puis de votre participation à nos travaux. Ceci étant dit, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 06)


 
 

19 h (version non révisée)

(Reprise à 19 h 31)

Le Président (M. Provençal) :Alors, bonsoir à tous. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. S'il vous plaît! Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux.

Ce soir, nous entendrons les témoins suivants : Pre Roxane Borgès Da Silva, la GMF-U de Vaudreuil-Soulanges et conjointement facultés de médecine de l'Université Laval, de l'Université de Montréal, des sciences et de la santé de l'Université de Sherbrooke et sciences de la santé de l'Université McGill.

Alors, de ce fait, je vais inviter maintenant et saluer le premier groupe, alors le professeur Roxane Da Silva, qui est accompagnée de monsieur... excusez-moi, M. Francesco Montani, O.K., professeur agréé du département de gestion, d'évaluation et des politiques de santé. Alors, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, on procède aux échanges. Et je vous cède immédiatement la parole. Merci beaucoup.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les membres de la commission parlementaire. Tout d'abord, on veut vous remercier de nous avoir invités. Merci...


 
 

19 h 30 (version non révisée)

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...beaucoup pour votre accueil. Je m'appelle Roxane Borgès Da Silva. Je suis professeure titulaire au Département de gestion, évaluation et politique de santé de l'École de santé publique de l'Université de Montréal. Je suis chercheuse au Centre de recherche en santé publique de l'Université de Montréal et fellow chercheuse au Cyrano également. Et je suis accompagnée de mon collègue Francesco, que je vais laisser se présenter.

M. Montani (Francesco) : Bonjour, Francesco Montani, professeur agrégé en gestion des ressources humaines au même département et chercheur au centre de recherche en santé publique.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors, vous voyez son bel accent, il nous arrive d'Italie. On l'a recruté, on est très content de faire venir l'expertise en ressources humaines d'Italie. Donc, le Département de gestion, évaluation et politique de santé forme depuis plus de 60 ans des experts en analyse des systèmes de santé. Il forme également des gestionnaires et des décideurs en santé. Plusieurs d'entre eux, d'ailleurs, occupent des postes de P.D.G. et de cadres de haut niveau dans le réseau de la santé et au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Ce mémoire, comme vous l'avez vu, est le fruit d'un collectif de rédaction composé de professeurs et étudiants de ce département qui, voyant le projet de loi... bien, publié ont voulu... ont eu à cœur de se mobiliser pour partager leur expertise et leurs connaissances dans leur domaine : l'économie de la santé, la gestion en santé, la gestion des ressources humaines en santé, la gouvernance, l'évaluation, la santé publique et, de manière générale, l'analyse des systèmes de santé, tout ça en lien avec le projet de loi n° 106.

Donc, vous avez vu qu'on vous a fait parvenir... bien, j'espère, en tout cas, que vous l'avez vu, un mémoire qui est assez conséquent, avec une liste de quotas également. Donc, ce mémoire, en fait, aborde le projet de loi sous différents angles et propose neuf éléments clés ou recommandations.

Alors, d'abord, on voudrait souligner... bien, en fait, les membres du département souhaiteraient souligner.. .souhaitent souligner... en fait, souhaitent saluer la volonté du gouvernement de vouloir impliquer davantage les médecins dans l'accès aux soins et de rendre plus efficientes les activités des médecins.

Premier élément : les modes de rémunération. Je pense que vous en avez entendu beaucoup parler, on pourra en reparler si vous voulez, mais tous les mécanismes de paiement, qu'il soit rétrospectif, comme l'acte, ou prospectif, comme la capitation, ont des avantages et des inconvénients qui sont très bien documentés dans la littérature scientifique. Le fait de combiner un paiement rétrospectif, comme l'acte, à un paiement prospectif, que ce soit un forfait annuel ou la capitation, est souvent vu comme une meilleure solution. L'enjeu ici, c'est de savoir quelle est cette combinaison dont on a besoin au Québec, d'autant plus que cette combinaison pourrait être variable en fonction des milieux de pratique, première ligne versus hôpital, et des contextes géographiques, rural versus urbain. Donc, dans ce contexte, les membres du département recommandent que vous passiez le temps nécessaire à faire des études et des simulations pour trouver les bonnes combinaisons de rémunération pour les différents milieux de pratique et milieux géographiques.

Deuxième élément : la performance. La performance, la responsabilité et l'imputabilité des soins et services de santé ne peuvent pas être basées sur un seul type de professionnel, le médecin. Nous le savons, c'est en équipe que les professionnels de santé travaillent pour soigner et offrir des services de santé. L'équipe de soins doit être solidaire et travailler en collaboration pour atteindre des objectifs communs. C'est donc des indicateurs de performance organisationnelle, par exemple au niveau du GMF, qu'il faut mettre en place et non pas des indicateurs au niveau individuel, que ce soit sur... bien, basé sur la pratique... le médecin ou sur l'infirmière, par exemple, ni des indicateurs au niveau régional ou systémique qui pourraient être trop lointains et qui seraient difficile, en fait, à contrôler pour les professionnels de santé. Il faut co-construire ces indicateurs en partenariat avec les cliniciens, les gestionnaires, les patients et les citoyens, et il faut surtout aller au-delà du volume de soins — la performance, ce n'est pas uniquement du volume, comme on a pu l'entendre à un certain moment — et co-construire un ensemble d'indicateurs qui portent à la fois sur les résultats de soins, sur les processus, la qualité, l'accessibilité, la continuité et intègre l'expérience de soins et la satisfaction des patients.

Troisième point : la rémunération à la performance. La littérature indique que la rémunération à la performance au niveau individuel n'a pas fait ses preuves. Plusieurs collègues experts l'ont évoqué. La performance ne devrait pas faire l'objet d'une rémunération individuelle, si on se base sur la littérature et si on ne veut pas reproduire les écueils internationaux. Elle pourrait en revanche faire l'objet de compensations organisationnelles, pas forcément monétaires. On pourra en reparler dans les questions, si vous voulez.

Les tâches administratives des médecins. La littérature scientifique montre que les professionnels de santé, et vous pourrez lire dans le mémoire qu'on a soumis, médecins compris, passent une partie de leur temps de travail à des activités que nous appelons non cliniques. Mais nous ne disposons d'aucune donnée au Québec sur l'ampleur de ces tâches administratives et sur le temps alloué à ces tâches par les médecins. Le cœur du travail des professionnels de la santé, que ce soient, bien, médecins, infirmières, etc., devrait être constitué d'activités cliniques. Il est donc important de documenter précisément ces différentes tâches administratives réalisées par les médecins ainsi que leur temps passé à réaliser ces tâches et de proposer des solutions plus efficientes pour décharger...

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...les médecins de ces tâches.

Cinquième point : substitution et complémentarité des professionnels. L'amélioration de l'accès aux soins, sans délaisser la continuité, ne doit pas reposer uniquement sur le médecin. Il faut poursuivre et intensifier les travaux afin de renforcer les rôles et responsabilités des professionnels de santé non médecins et faciliter la collaboration interprofessionnelle dans le but d'utiliser tous les professionnels à la hauteur de leurs compétences et ainsi faire des gains d'efficience dans l'utilisation des ressources humaines. Quand je dis tous les professionnels, je parle d'infirmières, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, physiothérapeutes, pharmaciens, nutritionnistes, psychologues, et j'en oublie certainement.

La pertinence des soins, c'est mon sixième point. Il faut s'assurer... Puis là, on a vu que M. le ministre a ouvert la commission avec des remarques préliminaires qui portaient justement sur la pertinence, et on est bien d'accord avec vous. Il faut s'assurer que les modes de financement et de rémunération... ou de rémunération en tout cas et d'organisation des services favorisent la diminution des actes non pertinents qui peuvent atteindre jusqu'à 30 %. Il faut aider les patients et les professionnels de la santé à donner et obtenir les bons soins au bon moment au bon endroit et par la bonne personne en simplifiant par exemple les nombreuses portes d'entrée dans le système de soins de santé. Vous le savez, si je souhaite avoir un rendez-vous avec le médecin, je peux appeler au 8-1-1, appeler à Rendez-vous Santé Québec, Clic... je peux passer par Clic Santé, un appel au GAP pour ensuite avoir un rendez-vous dans une clinique sans rendez-vous, un CLSC, un GMF ou peut-être à l'urgence. Donc, ça fait beaucoup de portes d'entrée du système de soins.

Le point 7 : l'affiliation à un milieu soins de proximité. L'affiliation des citoyens et citoyennes à un milieu de proximité lié à sa communauté est une voie qui nous paraît intéressante. Cette solution doit toutefois s'accompagner de mesures pour assurer au patient une continuité relationnelle avec un soignant, c'est primordial, un soignant qui est bien spécifié dans l'organisation, que ce soit un médecin, une infirmière ou un autre professionnel.

Point huit : la gouvernance. Il faut s'assurer... Il faut assurer, pour les structures de première ligne, une gouvernance territoriale, par exemple au niveau du RLS ou au niveau du CLSC, qui soit participative, transparente pour soutenir la santé de la population, l'engagement et la cohésion organisationnelle.

• (19 h 40) •

Et je finirai avec le point neuf : les aspects de santé publique. On vient de l'École de santé publique, il faut bien le dire, quand même. Il faut qu'on augmente les efforts de promotion de la santé et de prévention afin d'améliorer à long terme, bien, les habitudes de vie, etc., et la santé de la population, et ainsi libérer des ressources qui pourraient être consacrées aux soins de première ligne.

En conclusion, le passage d'un mode de rémunération majoritairement rétrospectif, l'acte à prospectif, la capitation, ne doit pas se faire sans être accompagné d'autres modes de rémunération. Des études et des simulations, comme je vous le disais, sont nécessaires pour s'assurer de trouver la bonne combinaison des modes de rémunération pour chacun des contextes de pratique, et chacun des contextes géographiques, et pour éviter les écueils des expériences internationales.

Par ailleurs, la rémunération des médecins ne devrait pas représenter le seul levier d'action pour améliorer l'accès aux soins et aux services. Il faut mettre en place des indicateurs de performance organisationnelle en première ligne pour améliorer le partage des activités et la collaboration interprofessionnelle. Améliorer la pertinence des soins, investir en santé publique font des... font partie des leviers incontournables pour améliorer l'accès aux soins et services. Ces leviers d'action ne sont réalisables qu'à condition d'investir les ressources humaines, matérielles, organisationnelles, informationnelles et financières nécessaires pour les mettre en œuvre. Merci pour votre attention.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup de votre présentation. Alors, M. le ministre, on va débuter avec vous pour le premier bloc d'échange.

M. Dubé : Oui, M. le Président, merci beaucoup. Alors, comme je le dis souvent, merci de vous prêter à cet exercice-là. Puis, quand je regarde la profondeur de votre rapport, là, ça me dit que vous avez travaillé fort pour préparer ce document-là. Puis je tiens à vous remercier parce que vous faites ça de façon bénévole. C'est... C'est vraiment apprécier qu'on ait cette qualité-là d'information.

Ce qui est... Ce qui est toujours notre défi, c'est que, quand on dit... Puis là je vais faire une comparaison, parce que moi, j'ai une admiration pour l'Italie, j'ai eu la chance de travailler là quelques années, il y a juste une façon de faire un tiramisu, mais il y en a qui le réussissent puis d'autres, pas, hein? Alors là, vous nous parlez de votre recette, qui n'est pas toujours la même que celle qu'on a entendue de plusieurs autres personnes. Ça fait que je vais essayer de... parce que vous avez tellement de recommandations puis... que je vais essayer d'en prendre quelques-unes puis vous entendre pour voir. Parce que, quand on fait un projet de loi de cette importance-là, puis il y a quelqu'un qui l'a dit cet après-midi, il n'y a pas de réponse parfaite, hein? On a mis quelque chose sur la table, et je pense qu'on a essayé de mettre au...

M. Dubé : ...je reviens souvent avec ça, les grands principes, parce qu'on met la négociation... les chiffres sont aux tables de négociation, les principes de la rémunération, ils sont dans le projet de loi. Ça, c'est clair, je pense, de plus en plus pour tout le monde, au fur et à mesure. Et les deux grands principes... puis j'y reviens parce que je vais vouloir parler des principes, les deux grands principes, c'est la simplification de la méthode de rémunération pour les médecins de famille, ça, tout le monde le comprend maintenant, ce qui n'est pas le... ce qui n'est pas le cas avec les médecins spécialistes. Ça va? On se concentre sur : pour les médecins de famille, c'est simplifier la... le mode de rémunération. Et, par contre, dans les deux cas, on veut avoir une formule qui tient compte des résultats, donc une rémunération, un incitatif à la... au résultat, combiné avec des cibles. D'accord? Ça, c'est... je dirais, c'est les grands, grands, grands principes.

Il y a un point que vous avez dit tout à l'heure puis... c'est parce que, mes collègues ont raison, on est en négociation en parallèle pour... comme je dis, au niveau de la rémunération, puis je pense autant aux spécialistes... Puis c'est un... il faut faire attention de ne pas traverser cette ligne-là, parce que nous, on est ici pour le projet de loi, on n'est pas ici pour la négociation. Mais je voulais juste vous rassurer sur une chose, parce que vous avez dit, dans votre présentation, là... puis je vais le relire avec beaucoup d'intérêt, mais là, quand on voit un groupe, on... aujourd'hui je pense qu'on voit neuf groupes, là, c'est difficile d'avoir une appréciation exacte de tout le travail que vous avez fait, mais vous avez dit tantôt : J'espère qu'il y aura assez de... je ne sais pas si vous avez dit de simulations, pour être sûr que les modèles... que mes modèles... le modèle qu'on a proposé puis qui est en négociation va avoir été assez élaboré pour permettre de bien évaluer les différents... Je veux juste vous rassurer là-dessus. On n'est pas capables d'en parler aujourd'hui, mais il y a eu beaucoup de travail qui ont été faits au niveau du ministère pour être capable de dire : Bien, si on faisait tel pourcentage de capitation, tel pourcentage d'actes et tel pourcentage de salaire, parce qu'il y a une rémunération horaire... je ne devrais pas dire «salaire», mais de rémunération horaire qui a été mis dans l'ensemble... Dans le projet de loi, on dit : Le principe, c'est qu'il y a trois composantes, mais on n'est pas rentré dans le détail dans le projet de loi. Ça, c'est ça qui va se discuter et qui se discute aux tables. Est-ce que ça va? Mais je veux juste dire que j'en ai vu plusieurs, simulations, je veux vous rassurer, mais ça, on ne peut pas en parler aujourd'hui ici. Ça va? On se comprend?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, oui.

M. Dubé : Mais c'est... c'était un des... Mais le point que vous vouliez faire, c'était surtout, j'entends : J'espère qu'il y aura un éventail de simulations qui ont été faites pour essayer de prévoir tous les cas. Est-ce que c'est ça que vous vouliez dire?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : En fait, je vais vous donner un exemple. On a... Avec ma collègue Erin Strumpf, on a évalué les premiers incitatifs qui ont été mis en place pour la prise en charge des patients avec les GACO. Au départ, c'était 100 $ pour les patients...

M. Dubé : Quand vous parlez du GACO, vous parlez du GAP, là, parce que moi...

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui. Avant, c'étaient les GACO, guichets...

M. Dubé : Ah! O.K. Excusez-moi.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Excusez-moi. Moi, je fais partie des vieux.

M. Dubé : On aime ça, les acronymes, hein, en santé, c'est...

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Guichets d'accès aux clientèles orphelines.

M. Dubé : Oui, voilà. O.K. Parfait.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Avant, ça s'appelait comme ça. En fait, avec ma collègue Erin Strumpf, on a... on a évalué, donc, l'impact de la prise en... en fait, de ces incitatifs...

M. Dubé : Ça, vous l'avez fait dans un rapport?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, dans un rapport CIRANO, qui est... qui est disponible en ligne.

M. Dubé : Que je n'ai pas vu. Alors, encore...

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non, mais il est cité en référence, donc vous pourrez le retrouver après si vous souhaitez. Donc...

M. Dubé : Merci beaucoup. Ça m'intéresse. O.K.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Donc, en fait, on a montré... en fait, au départ, c'était 100 $ pour les patients qu'on donnait aux médecins à l'intégration d'un patient en bonne santé, si je peux dire, et 200 $ à l'intégration d'un patient avec différentes maladies chroniques. Évidemment, ce qui s'est passé, c'est que les médecins ont eu beaucoup... étant donné leur charge de travail très élevée déjà, ont eu plus d'intérêt à aller chercher des patients en santé que des patients en moins bonne santé qui leur demandent beaucoup plus de travail. Donc, en fait, ce que je veux dire par des simulations, c'est : Évitons des écueils comme ça, travaillons les modèles comme il faut pour s'assurer que les incitatifs qui vont être mis en place seront les bons, et voilà.

M. Dubé : Oui.D'ailleurs, je dois vous dire... puis je n'ai pas vu cette analyse-là, donc je vais la voir avec beaucoup d'intérêt parce que je pense que... d'ailleurs, c'est pour ça qu'on prend les prochaines semaines, prochains mois pour avoir le temps de regarder ces différentes simulations là. Puis l'exemple du GAP, ou du GACO, là, comme vous dites, c'est un bel exemple. Puis d'avoir mis, par exemple... dans la deuxième itération, on a été capables de dire : Bien, il y aura une portion qui va être payée tout de suite puis l'autre portion qui va être payable au moment où le patient a été réellement vu. Ça fait que je pense qu'on a appris des premières expériences. Ça fait que je voulais juste vous rassurer là-dessus.

Il y a une chose que je veux vous entendre, puis là je ne retrouve pas la section, c'est quand vous parlez de l'aspect territorial. Ça, je veux vous entendre là-dessus parce qu'on a entendu beaucoup...

M. Dubé : …là, je ne veux pas influencer votre jugement, donc je le pose vraiment comme une question ouverte. Ce qui m'a beaucoup surpris, c'est qu'il semblait avoir une certaine acceptation, puis je le dis dans mes mots, là, une certaine acceptation pour une performance qui serait locale, peut-être... peut-être territoriale, mais on semble avoir une difficulté d'acceptation pour une performance nationale. Est-ce que vous avez entendu d'autres commentaires qui ont été faits ici? Là, vous avez…

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, on a pas mal tout écouté, on était curieux.

M. Dubé : Bon, non, c'est correct. Est-ce que… quelle est la… quel est votre… En résumé, parce qu'on n'a quand même pas beaucoup de temps. Mais sur ça, j'aimerais ça vous entendre. Comment vous… en supposant, là, qu'on s'entendrait sur certaines cibles… je veux vous entendre sur cet aspect-là, là, local versus territorial versus national.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors, là vous parlez des cibles performance, pas de l'inscription obligatoire à un médecin .

M. Dubé : Non, je ne parle pas de l'inscription. Je reviendrai sur l'inscription si on a assez de temps.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : O.K. Sur les cibles de performance.

M. Dubé : Moi, je parle plus l'aspect performance qui serait lié soit aux trois, c'est-à-dire local, territorial ou national, ou un seul. Mais ce que j'ai entendu à date, c'est que les gens disent : plus qu'on s'éloigne du quotidien des médecins, du personnel, plus on se dit : Bien, ça, ce n'est pas mon problème. Puis ne venez pas me mesurer sur quelque chose que je ne contrôle pas. C'est ce que…

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : C'est exactement ça, en fait.

M. Dubé : Est-ce que c'est votre position aussi?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, absolument. Mais sauf que notre position va plus loin. C'est que nous, ce qu'on pense, c'est qu'il ne faut pas mettre des indicateurs… en fait, des cibles à la performance basées sur un seul professionnel. Nous, la position qu'on a dans le mémoire, c'est de mettre… en fait les collègues, on s'est réuni, on a fait plusieurs rencontres puis on a rédigé ce document-là. La position, c'est de mettre plutôt des performances… des indicateurs de performance au niveau organisationnel, où toute l'équipe de soins va être imputable. Et là, selon nous la…

M. Dubé : Mais donnez-moi un exemple, là, parce que… oui, O.K. 

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui. Alors, je vais vous donner un exemple. En fait, je veux juste finir. Donc en fait, le bonus ne serait pas individuel, mais le bonus serait plus à l'organisation. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'un GMF qui atteint ses cibles qui lui sont… bien, qui sont déterminées, va avoir peut-être une compensation avec une demi-infirmière de plus ou un demi-travailleur social de plus, ça pourrait être en fait des compensations non monétaires, plutôt en ressources humaines.

• (19 h 50) •

M. Dubé : Ah! c'est ça que vous disiez tantôt, non monétaires, mais…

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, Plus en ressources humaines.

M. Dubé : …de fournir du personnel additionnel.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Par exemple, oui.

M. Dubé : Ce qui est une discussion qu'on a eue aussi beaucoup au cours des derniers jours, là.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Et qui pourrait permettre finalement aussi de contrer… en fait, d'avoir une… des cibles de performance organisationnelle, qui permettraient de contrer ces enjeux de la capitation qui peuvent inciter à moins produire puisqu'en fait… donc d'avoir des cibles… les médecins vont être…

M. Dubé : Non, je comprends. Maintenant je comprends ce que vous avez dit tout à l'heure. Mais à chaque fois que j'entends ça, là, vous venez de dire puis c'est peut-être moi qui ai mal compris, mais que quand on parle de capitation, vous avez l'air d'avoir un enjeu de… là, je ne dirais pas de volume, mais oui, c'est un peu ça que vous venez dire. Alors, moi, c'est drôle parce que la… peut-être je n'ai pas la bonne compréhension de capitation, mais la capitation veut juste s'éloigner justement du volume. Alors, c'est quoi votre enjeu avec la capitation? Peut-être… ça dépend comment on la définie.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Bien, ce n'est pas mon enjeu à moi, là, c'est en fait la littérature scientifique qui nous dit qu'en fait, autant la... Dans la rémunération à l'acte, les gens vont être encouragés à faire de la productivité et d'en faire beaucoup, à la capitation, les gens vont beaucoup plus être encouragés à plutôt en faire moins et à déléguer beaucoup et à travailler en collaboration interprofessionnelle.

M. Dubé : O.K., donc ce n'est pas négatif comme…

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non, ce n'est pas négatif du tout. C'est juste qu'ils ne seront pas encouragés à faire du volume.

M. Dubé : Ah! O.K. O.K. là, j'étais inquiet un peu parce que… O.K.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non, non, ils ne seront juste pas encouragés à faire du volume comme on peut… comme l'acte peut l'encourager.

M. Dubé : Et pourquoi la capitation encourage le travail d'équipe? Je suis content, Docteur Bergeron, parce qu'à date ça va bien, on… on ne s'est pas pas trompé. Mais qu'est-ce…qu'est-ce qui est… selon vous, dans la capitation qui encourage le travail d'équipe?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Bien, en fait, quand le médecin reçoit un forfait ou un montant, en fait, annuel par type de patient, le médecin va avoir… en fait, avec l'acte, il a… il a besoin de voir le patient pour pouvoir facturer. Avec la capitation, il a ce paiement qui est en fait prospectif, qui fait qu'en fait il n'a pas besoin de voir forcément le patient, mais par contre, comme un patient par exemple, malade chronique aurait besoin de faire des suivis d'hémoglobine ou quoi que ce soit ou… eh bien là il peut déléguer à l'infirmière le suivi, tant que le patient est…

M. Dubé : Ah! c'est clair, O.K. On se comprend bien.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : …n'est pas complexe si je peux dire, dès que le cas se complexifie, alors là le patient peut le voir lui-même.

M. Dubé : Mais je reviens sur la notion de local, territoire et national. Maintenant que vous m'avez dit ce point-là sur la capitation, je reviens, vous dites, vous, ce n'est pas tellement des cibles de résultats, mais des cibles… bien, ce n'est pas des cibles de résultats individuels, mais…

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Organisationnels.

M. Dubé : Organisationnels, c'est comme… Mais qu'est-ce qui nous empêcherait d'avoir…

M. Dubé : ...mais nous, ce qui est proposé dans le projet de loi, là, puis je ne dis pas qu'on ne s'ajustera pas, mais au niveau territorial? Parce que moi, ce que j'entends, puis j'ai donné cet exemple-là, excusez-moi si je me répète, là, mais, rapidement, j'ai deux GMF sur l'île de Montréal. J'en ai une qui est dans l'est de Montréal, qui a besoin de personnel puis que les objectifs qu'on pourrait lui donner sont en dehors des normes parce qu'il y a un manque de personnel, comment je fais pour que le GMF, qui est un petit peu plus au centre de Montréal, pourrait venir les aider de temps en temps? C'est de ça qu'on parle, d'un territoire. Mais est-ce que vous avez un problème avec ça ou...?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Mais non, c'est sûr qu'il faudrait qu'il y ait un partage entre les deux GMF pour s'assurer de répondre aux besoins de la population. Et il peut y avoir une responsabilité populationnelle... en fait, territoriale. C'est-à-dire que j'habite entre telle et telle rue, je suis affilié au GMF qui se trouve dans ce quartier-là, un peu comme on le fait avec les écoles primaires.

M. Dubé : Oui. Bien, j'aime ça, l'exemple des écoles parce que c'est ça, l'enjeu.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, bien, moi aussi, je l'aime beaucoup. Et on a vu qu'en Norvège, aux Pays-Bas... en tout cas, aux Pays-Bas, en Belgique, ça fonctionne, donc... et c'est écrit dans le mémoire. Mais donc, c'est quelque chose qui pourrait fonctionner, mais il faut faire attention au fait que, bien, ce qu'on voit dans les expériences internationales, notamment aux Pays-Bas et Belgique, c'est que c'est l'affiliation à un médecin et non pas à une organisation. Et nous, on a du mal au Québec à affilier aux médecins. Donc, c'est pour ça que nous, on recommande une affiliation à une organisation. Mais il va falloir s'assurer, dans cette affiliation à l'organisation, de maintenir la continuité relationnelle et de partager...

M. Dubé : Mais comment on fait ça? Parce qu'on en a parlé hier avec la Dre Leblanc. Je ne sais pas si vous l'avez écoutée, elle.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Oui, Isabelle, oui.

M. Dubé : Puis on disait que... là, j'avais une mauvaise expression de parler d'un quart-arrière, là, c'est-à-dire en langage de football, là, c'est qui... Parce que si on fait une affiliation globale ou organisationnelle... mais ça prend toujours quelqu'un qui...

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Absolument.

M. Dubé : Est-ce que, selon vous, c'est nécessairement le médecin?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non, ça devrait être... ça pourrait être l'infirmière, ça pourrait être un travailleur social pour une personne... pendant une période pour une personne qui a des enjeux et qui est un peu désorganisée ou quoi que ce soit. Donc, il faut absolument, et comme je le disais, répartir les activités entre les professionnels et utiliser les professionnels de santé à leur plein potentiel, ce qu'on ne fait pas actuellement au Québec, et ce qui nous permettrait de faire des énormes gains d'efficience.

M. Dubé : Est-ce que ça a besoin d'être un professionnel? Puis je m'excuse de le dire comme ça, mais j'ai vu... j'ai vu une belle GMF à Québec où... récemment, j'ai visité pendant qu'on discutait ça, où il y a un administrateur ou une administratrice de la GMF, qui est une personne qui a fait un bac en administration, qui n'a aucune... bien là, elle commence à en avoir, des connaissances professionnelles, mais elle n'a pas de diplôme en santé, mais c'est elle qui gère la GMF. Est-ce que c'est... Le quart-arrière dont je parlais tantôt, est-ce que, selon vous, ça a besoin d'être un professionnel?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Le gestionnaire, absolument pas, au contraire.

M. Dubé : Oui, non, mais est-ce que ça pourrait être la personne désignée, comme le responsable de cette coordination-là?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Absolument, mais, par contre...

M. Dubé : Ah, oui? ça peut aller jusque là, selon vous?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Ah! bien oui, tout à fait. Regardez dans les hôpitaux, les P.D.G. ne sont pas des... ne sont pas forcément des médecins. Vous-même, en tant que ministre, vous n'êtes pas forcément un médecin.

M. Dubé : Tant mieux.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : On n'a pas besoin de... on n'a pas besoin d'avoir un médecin qui soit absolument un gestionnaire.

M. Dubé : Non, mais je vous pose la question parce que si... Puis là, je pense à n'importe quel patient qui dit : Tant mieux, moi... si jamais, avec notre projet de loi, c'est une nouvelle personne affiliée, est-ce que ça pourrait être le gestionnaire de la GMF à qui on dit : Maintenant, si tu as un enjeu, là, tu sais que c'est tel GMF puis c'est telle personne, puis elle va s'assurer de te coordonner avec le médecin, si c'est un besoin d'un médecin? Est-ce qu'on pourrait aller jusque là, selon vous?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors, attention, là, je veux juste être sûr qu'on s'entende bien, parce qu'un gestionnaire, donc quelqu'un qui est formé en gestion, peut gérer un GMF, gérer une structure de santé et coordonner le travail des travailleurs à l'intérieur...

M. Dubé : Donc, vous n'iriez pas jusque là.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Attendez, laissez-moi finir, je veux juste...

M. Dubé : O.K., excusez-moi, pardon.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...dire ça. Par contre... Il reste une minute, je me dépêche. Par contre, ce que je veux dire, c'est que, pour tout ce qui est la responsabilité clinique, les enjeux de santé, c'est sûr que ça ne peut pas être le gestionnaire, là, pour des questions d'éthique et de confidentialité et de risque.

M. Dubé : Non, mais c'est parce que j'ai entendu jusqu'à cet extrême-là puis je voulais l'entendre de votre part, parce que moi, je ne pense pas qu'on peut aller là.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non, non, je...

M. Dubé : O.K., mais ça peut être autre que le médecin, selon vous.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : L'infirmière, le travailleur social, sans problème.

M. Dubé : Il y a beaucoup de choses que je voulais vous... mais... comment qu'il me reste de temps?

Le Président (M. Provençal) : ...

M. Dubé : 30 secondes. Je vais prendre 30 secondes pour vous remercier. Puis j'aimerais ça vous parler en italien, mais pas ce soir. (S'exprime dans une langue étrangère).

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Pontiac, prenez la relève, s'il vous plaît, pour l'échange.

M. Fortin : Oui, en français. Bonsoir. Merci d'être...

Une voix : ...

M. Fortin : Certainement...

M. Fortin :...merci d'être parmi nous.

O.K. Je vais... Je vais... J'essaie de comprendre la logique du ministre, là. Vous lui avez dit, puis il y a... il y a plusieurs groupes qui lui ont dit, et, je pense... il l'a répété, alors je pense qu'il l'a entendu, là, plus on s'éloigne du contrôle que le professionnel a sur l'objectif envers lequel il est rémunéré, moins c'est efficace. Alors là, le ministre nous dit : Oui, mais dans mon objectif territorial - je pense qu'on comprend tous, là, l'idée - un GMF, là, vous nous dites, à l'intérieur d'un groupe de médecine familiale, ça peut peut-être fonctionner. Mais là, c'est comme si on essaie de tirer : O.K., est-ce qu'on peut l'amener au territoire? Et le ministre utilise l'exemple d'un GMF dans l'est puis un GMF au centre de Montréal, comment est-ce qu'on s'assure qu'il peut y avoir des ressources partagées pour que les deux soient efficaces. Mais, dans votre exemple, tu as une école là. Parce que c'est un peu ça. C'est le modèle de l'école, là, qui est... qui est suggéré. Est-ce que c'est la rémunération du prof de l'école du centre qui doit être affecté si on ne réussit pas à faire ça efficacement?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non. Selon moi, non.

M. Fortin :Bien, c'est un peu la même chose, là. C'est la... Là, ici, on vient mettre une rémunération basée sur la performance du médecin d'un GMF pour l'ensemble des résultats qui sont obtenus, là.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Mais la... C'est important de ramener ce qu'on dit dans le mémoire. C'est que la rémunération à la performance des individus, et notamment des médecins, n'a clairement pas fait ses preuves dans... que ce soit en Angleterre, dans les pays scandinaves ou en Europe. La seule... Le seul endroit où il y a eu des petites preuves, des effets modestes, positifs, c'est sur ce qu'on appelle la ROSP, la rémunération sur objectifs de santé publique en France. Donc, c'est vrai que sur certains indicateurs, plus de Pap tests, plus de mammographies. On a vu, pour certains médecins une amélioration. Mais on n'est même pas capable d'isoler les faits sérieusement et de confirmer qu'il faut rémunérer à... bien, que c'est cet... bien, que c'est la ROSP qui a entraîné ça. Donc, en fait, ce que je veux dire, c'est que c'est vraiment important d'éviter les écueils, selon moi, de ce qui s'est passé à l'international. Et, bien, selon moi et selon ce qu'on a dit au département, de ne pas rémunérer individuellement la performance, mais de penser à des compensations non monétaires, par exemple, au niveau organisationnel.

• (20 heures) •

M. Fortin :Bien, la rémunération individuelle à la performance, là, il y a, en ce moment, là, des bonus, des incitatifs pour toutes sortes d'objectifs. Est-ce qu'on devrait faire table rase de tous ceux qui sont en place? Ou vous nous dites vraiment c'est... c'est de la façon que c'est amené, là, dans le projet de loi, et que ça a été amené dans d'autres juridictions?

M. Montani (Francesco) : Non. Mais ça ne peut pas être le seul moyen. Alors, la littérature scientifique est assez claire, hein? Parce que, si on utilise uniquement ce moyen, c'est une forme de motivation extrinsèque qu'on va pousser. Et on sait bien que, si on agit uniquement cet accélérateur extrinsèque, ce qui va se créer, c'est une perte motivationnelle et une perte du sens. Nous, on a bien souligné, nous, l'importance de miser l'accent sur le sens du travail. Et, pour faire ça, donc, on considère, dans la logique des indicateurs majeurs au niveau organisationnel, d'autres éléments comme par exemple le climat organisationnel ou les capacités de coordination interprofessionnelle, hein? Le projet de loi montre bien l'importance du travail en équipe... on a juste un mot clé. Mais alors, ce n'est pas uniquement d'avoir une équipe, que l'équipe va fonctionner. Il faut savoir bien lubrifier l'équipe, et de manière... en fournissant les compétences, du travail de coordination, qui deviennent donc des indicateurs non liés nécessairement à une rémunération individuelle, mais une cible collective qu'il est important de mettre en évidence et de pouvoir réaliser. Voilà.

M. Fortin :Le professeur Contandriopoulos tantôt nous a dit un peu ça. Ça ressemblait beaucoup à son propos, là, sur... du moins sur les indicateurs de performance, la rémunération liée à la performance. Moi, ce que je suis curieux, là, c'est une performance à l'intérieur, par exemple, d'un GMF, là, c'est-à-dire avec des séries d'objectifs qu'on s'est données pour le GMF, est-ce qu'il faut que ces indicateurs-là soient représentatifs de toutes les tâches qui sont effectuées par les médecins, par exemple? Parce qu'il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit : Là, on a un vrai problème, là, de la façon qu'on amène l'enjeu à travers le projet de loi puis le discours qu'on a autour du projet de loi, c'est comme si on disait : Oui, l'enseignement, là, ça, ça va prendre le bord, puis la formation, ça va prendre le bord, puis on va se concentrer sur l'objectif d'atteindre... de voir des patients. Et il y a des gens plus tard, qui... des universités qui vont nous dire, entre autres, une préoccupation comme celle-là. Pour que... Pour que moi puis mon collègue, là, on ne se chicane pas en disant...


 
 

20 h (version non révisée)

M. Fortin :...aïe! Toi, tu fais trop d'enseignement, là, reviens donc au GMF pour voir des patients. Comment est-ce qu'on... Comment est-ce qu'on s'assure d'avoir les bons objectifs?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : C'est toute une question que vous posez là. Puis, la première réponse, là, c'est que c'est impossible de mettre des indicateurs sur tout. Vous ne pourrez pas contrôler toute la pratique médicale, vous... ou toute la pratiquer infirmière également. Vous ne pourrez pas tout... mais c'est impossible, mettre tout ça dans une boîte, puis très détaillé. Donc, à partir de là, en fait, et c'est ce qu'on voit dans la littérature, c'est que, quand on met des indicateurs de performance, les gens... et Damien le disait tout à l'heure, les gens vont s'intéresser à ces indicateurs-là et délaisser les autres... en fait, à ces activités qui vont amener la... Donc, il ne faut pas aller là-dedans. Il faut... Enfin, il ne faut pas essayer de... Il faut essayer d'y aller avec des grands ensembles et ne pas y aller avec des choses très spécifiques et uniquement individuelles.

Et d'ailleurs, je vous inviterai à regarder le projet Compas+ de l'INESSS qui fait des belles choses par rapport à ça sans indicateurs de... bien, sans rémunération et sans bonus, où, en fait, on voit uniquement juste de présenter des résultats de performance... en fait, des indicateurs du suivi des malades chroniques, bien, motive les médecins et les infirmières et l'équipe... l'équipe de soins à s'améliorer et à aller... et à aller plus loin. Donc, c'est peut-être suffisant, tout simplement.

M. Fortin :Sur les... appelons ça des récompenses non monétaires, là, c'est-à-dire d'avoir une demi-infirmière de plus ou un... comme vous avez mentionné tantôt, là, est-ce qu'on n'a pas, à travers ça... est-ce que ce n'est pas un cercle vicieux? C'est-à-dire, le GMF qui n'a pas assez de ressources en partant, là, qui n'a pas assez de psychologues, qui n'a pas assez d'infirmières, qui n'a pas assez de travailleurs sociaux pour mener à bien ses objectifs ou les objectifs que le gouvernement lui... le pousse à rencontrer, si on donne à ceux qui réussissent, est-ce que lui, il n'a pas... dans le fond, est-ce que lui n'atteindra jamais ses objectifs si on y va comme ça? Je vous pose la question. Je... Il y a... Il y a quelque chose d'intéressant dans ce que vous proposez, mais je me demande s'il n'y a pas un écueil.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Bien, en fait... Juste pour un mot, après, je vais laisser mon collègue parler. Mais il faut partir... Comme on l'a dit en conclusion, il faut avoir... il faut investir les ressources au départ pour que tout le monde puisse partir au bon... bien, de la même manière et avec les bonnes ressources... bien, de manière équitable. Mais, après, bien, c'est sûr que là, il va falloir investir encore plus pour ceux qui réussissent bien et qui peuvent prendre plus de patients.

M. Fortin :O.K. Mais il faut partir d'un endroit où il y a des ressources équitables, là. La Dre Leblanc, là, à laquelle on a fait référence, qui nous dit : Moi, j'ai un psychologue pour 30 000 patients, il faut la mettre sur un pied d'égalité pour qu'elle puisse avoir une chance dans un modèle comme celui-là.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Absolument. Puis là, on rentre dans une autre notion qui est le panier de biens et services assurés qui n'a pas bougé depuis les années 70. La création de... en tout cas. Et il y a beaucoup de soins qui sont non médicaux et non infirmiers qui pourraient rentrer dans ce panier de biens et services assurés, qui permettrait peut-être d'avoir des psychologues, des dentistes, des ergos, etc., qui pourraient fournir beaucoup plus de soins au public.

M. Fortin :Des physios, ce dont on a parlé un peu plus tôt aujourd'hui.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Exact.

M. Fortin :O.K. Ça va pour moi, M. le Président, c'est bon.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Fortin :Merci beaucoup.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Rosemont, je vous cède la parole.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux. Je suis assez fasciné de constater le nombre d'experts qu'on a au Québec en matière de rémunération des médecins et de constater par ailleurs qu'on est dans un bourbier pareil depuis tant d'années, mais je ne crois pas que ce soit de votre faute.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Je n'étais pas née au début des années 70, quand ça s'est créé.

M. Marissal : Je ne crois pas que c'est de la faute des experts, mais, néanmoins, c'est un paradoxe qui me fascine, ça a été étudié, réétudié, c'est probablement l'affaire qu'on a étudiée le plus dans le système de santé, puis qu'on est encore là aujourd'hui à parler de ça.

Mettons, là, dans un fantasme incroyable, là, qu'on efface tout, là, qu'on revient à la case départ, là, le système de santé, là, on vient de le créer, là. Quel régime de rémunération devrait-on mettre en place pour lancer ce régime-là? Vous avez trois minutes pour répondre à cette question.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Ah! mais ça va prendre moins de temps. Une combinaison, comme on l'a dit, de modes de rémunération, qui doit être basée sur des simulations et des études pour s'assurer qu'elle répond aux objectifs, qui vont être différents en première ligne versus en hôpital, en région rurale versus en région urbaine.

M. Marissal : O.K., mais les études, vous les avez, là, on les a faites, là.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors ça, c'est important de savoir que ce n'est pas parce que ça marche en France, en Angleterre ou...

M. Marissal : Je suis d'accord.

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...que ça va marcher ici, c'est ce qu'on appelle la... externe, dans la science, là. Il faut absolument faire ces études-là dans le contexte québécois. Et ce n'est pas l'Ontario. On ne va pas reprendre non plus le modèle de l'Ontario. Il faut faire des études dans le contexte québécois.

M. Marissal : O.K., je suis d'accord. Vous n'avez peut-être pas la solution, puis c'est normal, rêvée, mais là je pense qu'après toutes ces années on doit savoir ce qui ne marche pas. Ça, je pense qu'on sait ce qui ne marche pas, là, en tout cas, je vous entends, là, j'entends les choses que vous dites. Puis là vous dites...

M. Marissal : …que la compensation individuelle, là, qu'on pourrait appeler bonus, par exemple, puis il y en a eu une panoplie de bonus à un moment donné, des affaires qui n'avaient pas de bon sens, comme mettre une jaquette, arriver à l'heure. Je pense qu'on a tout essayé. On a fait le tour, là, on a fait le tour. Loto-Québec ne donne pas tant de prix que ça dans une année, là. Ça, ça ne marche pas, la compensation individuelle. Mais les pénalités collectives, est-ce que ça fonctionne?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Mais est-ce qu'on est obligé de fonctionner avec des bâtons et des carottes?

M. Marissal : Ah! Pas du tout. Moi, je vous pose la question, mais c'est parce que c'est un peu ça qu'on a devant nous, là, on a un projet de loi qui dit : Il va falloir que vous en preniez un certain nombre, que vous assuriez, puis collectivement, sinon, bien, il y a une partie de la rémunération qui ne sera pas au rendez-vous. Votre question est excellente, là, je me la pose aussi. Est-ce qu'on est obligé d'avoir soit une prime, soit une punition, ça ne peut pas juste être comme du monde qui travaillent puis qui sont payés normalement? Ce n'est pas possible, ça?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Je vais laisser mon collègue parler de valorisation et de motivation.

M. Montani (Francesco) : Oui, exactement. Mais dans le projet, ce qu'on a essayé de mettre de l'avant, c'est notamment assurer… Et là, je reviens aussi au commentaire précédent, quand on parle des ressources, souvent les établissements sont obligés de travailler avec une pénurie des ressources. Alors, on sait que ce n'est pas nécessairement l'ajout d'une ressource supplémentaire physique, humaine qui va résoudre les problèmes, mais c'est la manière dans laquelle les ressources sont gérées.

C'est important parce que si on gère de manière efficiente les ressources et ça renvoie à un mot-clé qui est l'organisation du travail, dans la répartition des tâches et créer un travail qui est enrichissant, au niveau autonomie, de la variété des tâches. Certains ont besoin des ressources externes pour ce faire, mais ça prend des compétences de gestion de l'organisation du travail pour permettre d'assurer la réalisation des objectifs en santé. Et ça, c'est important parce que… qu'on va créer la motivation et un sens au travail qui est durable et crée un investissement du personnel qui, à son tour, a des retombées positives sur la qualité des soins. Le travail va accélérer aussi, donc…

M. Marissal : Pardon, on est davantage dans l'organisation du travail que la rémunération ou d'un échafaudage salarial qu'on peut réinventer, là, à chaque négociation, qu'on est dans l'organisation de travail, finalement

• (20 h 10) •

M. Montani (Francesco) : Oui, mais c'est rémunéré intrinsèquement parce que les cibles vont être à 30, donc, par la suite, la... C'est complémentaire, disons, à la rémunération collective ou individuelle. C'est complémentaire. C'est avantageux parce que c'est la synergie des moyens qui crée un effet durable en termes d'engagement d'équipe.

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Provençal) : Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, on termine cet échange avec vous.

M. Arseneau : Merci M. le Président. Merci à vous deux pour la présentation. Trois minutes, c'est très, très peu pour aborder les neuf principales orientations que vous nous avez proposées. J'essaie juste de résumer un peu puis d'utiliser, en fait, vos recommandations pour évaluer le projet de loi en disant : Bien, j'ai l'impression que si on était en consultations publiques pour élaborer un projet de loi, ce serait intéressant, mais maintenant que le projet de loi existe, j'essaie de voir comment vos recommandations peuvent nous permettre d'éliminer des articles, ou les bonifier, ou les amender, parce que vous avez des thèmes qui sont très, très pertinents, très puissants, mais comment est-ce qu'on les intègre dans un projet de loi comme celui-là?

Par exemple, sur la rémunération, vous dites : Bien, il faudrait étudier les différentes combinaisons. On n'est pas, là, au stade de l'étude, on est ailleurs. Est ce que vous avez... je ne sais pas, est-ce que vous avez l'impression qu'on fonctionne à l'envers?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Non, en fait, je ne pense pas que vous... Bien, en tout cas, je n'y connais rien en projet de loi et en aspects juridiques, là, donc, et en aspects parlementaires, mais, en fait, notre rôle ici, nous, c'est de vous faire des recommandations basées sur la littérature scientifique et sur notre expertise pour éviter, bien, des situations comme on a pu voir dans le passé, avec, comme je disais, les incitatifs associés au... qui n'ont pas fonctionné ou qui ont, en fait, ont eu des effets inverses qu'attendus.       Nous, c'est vraiment juste... l'objectif, ici, c'est de vous montrer ce qui s'est passé à l'international, ce qui se dit dans la littérature scientifique et ce qui fonctionnem donc, et ce qui ne fonctionne pas aussi, c'est important, parce qu'on ne veut pas avoir des situations qui ne fonctionnent... on ne veut pas appliquer des choses qui ne fonctionnent pas, comme la rémunération à la performance individuelle, ça ne fonctionne pas.

M. Arseneau : Très clair. Quand vous parlez de rémunération, les combinaisons rural-urbain puis... pourquoi est-ce que c'est différent, rural-urbain, en résumé?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Bien, alors, là encore, je vais vous parler d'un peu de l'historique. Dans les années 80, à peu près, le gouvernement avait mis... en 1981, le gouvernement avait mis en place des incitatifs, en fait, des majorations de la rémunération des actes plus 30 %, plus 50 % en fonction d'où est-ce qu'ils pratiquaient pour essayer d'inciter les médecins à aller pratiquer en région rurale. Et ça n'a pas fonctionné.

Donc, en fait, ce qu'on veut dire ici, c'est l'idée qu'il faut faire attention, il faut faire... En fait, il faut faire des modèles pour s'assurer de ne pas retomber dans ces écueils-là qui...

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : ...qui est juste une règle de base, 30 % de plus, puis on espère que le médecin va aller pratiquer en région rurale. Non, ça ne suffit pas. Il faut aller plus loin dans l'analyse de la situation du milieu de pratique de la région pour faire... pour définir les bons modes... les bonnes combinaisons.

M. Arseneau : Vous identifiez avec beaucoup d'à propos le fait que l'usager ne sait pas nécessairement où, à quelle porte aller frapper. Comment on clarifie ça? Comment... Est-ce qu'on ferme des portes où on fait de la sensibilisation pour indiquer quelle porte pour quel problème ou quel enjeu?

Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Alors, c'est très intéressant, que vous posiez cette question-là, parce que j'ai des étudiants en équipe du doctorat professionnel qui se sont penchés sur le problème pendant cette session et qui, eux, recommandent, en fait, de ne pas fermer des portes, mais d'améliorer l'information pour la population. Parce que, dans certains endroits, certaines portes fonctionnent et, dans d'autres endroits, d'autres portes fonctionnent. Donc, ne pas les fermer, mais s'assurer de bien informer la population sur les bonnes portes auxquelles frapper suivant la région où on est. Je cite mes étudiants du doctorat professionnel.

M. Arseneau : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a, malheureusement.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je remercie le docteur... les Prs, excusez-moi, Da Silva et Montani pour leur participation à nos travaux.

Sur ce, je vais suspendre les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Alors, merci beaucoup et bon retour.

(Suspension de la séance à 20 h 14)

(Reprise à 20 h 16)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous allons poursuivre nos travaux maintenant en visioconférence avec trois représentantes de la GMF-U de Vaudreuil-Soulanges. Ce sont les Dres Alexandra Massicotte, Virginie Dubuc et Stéphanie Lalande. Alors, mesdames, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite nous allons procéder aux échanges. À vous la parole.

Mme Massicotte (Alexandra) : Donc, bonsoir, M. le Président. Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. Merci beaucoup de nous recevoir aujourd'hui. Nous sommes trois docteures spécialisées en médecine de famille et nous sommes impliquées dans la direction du GMF-U, c'est-à-dire un GMF qui a une mission universitaire, de Vaudreuil-Soulanges qui a ouvert ses portes le 1er juillet 2024.

Nous souhaitons aujourd'hui exprimer nos inquiétudes face au projet de loi n° 106, particulièrement en regard au travail d'enseignement de la spécialité de la médecine familiale.

Je me présente d'abord. Moi, c'est Dre Alexandra Massicotte, je suis directrice médicale et codirectrice à l'enseignement pour le GMF-U. Je suis accompagnée ce soir de Dre Virginie Dubuc, qui est la directrice de l'enseignement postdoctoral et la codirectrice médicale, et de Dre Stéphanie Lalande, qui est la responsable du comité de compétences locales de notre GMF-U.

Notre travail et celui de nos collègues superviseurs en GMF-U, c'est de voir des patients, bien sûr, c'est près de 600 000, en fait, qui sont suivis dans nos cliniques universitaires, mais c'est aussi de former la relève. Les GMF-U qu'on dirige et qu'on développe sont essentiels pour l'avenir des soins des populations qu'on traite. Hier, le ministre de la Santé a...

Mme Massicotte (Alexandra) : ...en commission parlementaire, respectez les médecins qui enseignent. Il a ensuite objecté, en opposition avec son respect, que les patients, ce qu'ils veulent, c'est avoir un rendez-vous avec un médecin et non pas des enseignants. Permettez-moi ici de vous rappeler que tous les médecins de famille québécois sont formés dans un GMF. Sans médecins enseignants, il n'y a pas de GMFU, sans GMFU, il n'y a pas de nouveaux médecins de famille et, conséquemment, il y a une baisse des effectifs déjà déficitaires en médecine familiale. Et surtout, ça, ça entraîne une diminution de l'offre des rendez-vous et de l'accès aux soins pour les patients. De la même manière, si on n'a pas de locaux pour travailler, on n'a pas de GMFU, pas de nouveaux médecins formés, puis un hôpital neuf vide à Vaudreuil, et, encore une fois, une baisse d'accès et des services à la population.

Pourtant, notre nouveau GMFU a le financement pour les aménagements prévus depuis l'ouverture et qui sont essentiels pour nous permettre d'être fonctionnel a été négocié, accepté, promis par le ministère, mais, à ce jour, on attend depuis plus de six mois que les fonds soient débloqués car il n'y aurait plus d'argent dans le PQI.

Ces rénovations sont majeures. Notre GMFU doit plus que tripler de surface et, d'ici cinq ans, grâce à ça, ce que ça va donner c'est huit nouveaux médecins de famille qui...  chaque année chez nous. Un GMFU fonctionnel, qui est un milieu enrichissant et intéressant, c'est le meilleur outil de recrutement pour une région. Puis du recrutement, à Vaudreuil, on en a un besoin criant, plus que jamais avec l'ouverture imminente du nouvel hôpital. On manque... On peine déjà immanquablement à remplir nos postes de médecine familiale à chaque année, puis notre pénurie, elle s'accentue avec l'accroissement de la population. Si on n'a pas de GMFU, la CAQ, elle va juste avoir un beau grand hôpital vide sans médecins à offrir à la population de Vaudreuil.

À partir du 1er juillet 2025, notre clinique de médecine familiale, elle va être incapable de fonctionner à pleine capacité. On attend l'arrivée de cinq nouveaux médecins, qui ont été recrutés expressément pour soigner des patients mais aussi pour enseigner à la relève, en plus d'ajouter deux résidentes. Sans nouveaux locaux, à partir de cet été, on va devoir limiter les jours de présence des médecins à la clinique par manque d'espace et on devra retarder conséquemment la prise en charge des patients orphelins par les nouveaux médecins. Et donc, encore une fois, on diminue l'offre de services qu'on pourrait donner à la population. De plus, avec la croissance... du GMFU dans la dernière année, on aurait théoriquement, dans le cadre GMF, accès à plusieurs professionnels supplémentaires, dont le physiothérapeute. On a zéro physiothérapeute, zéro psychothérapeute, en ce moment, pour nos 12 000 et plus patients. Malheureusement, on ne peut pas les engager, ces professionnels-là, puis on prive la population de soins multidisciplinaires pertinents auxquels ils ont droit, car on n'a pas les locaux promis pour les installer. Elle est là, la réelle cause derrière les patients qui atterrissent dans nos bureaux alors qu'ils seraient mieux soignés par un autre professionnel. On ne demande qu'à déléguer et travailler en équipe multidisciplinaire, mais les professionnels au public auxquels auraient droit nos patients, on n'a pas les locaux pour leur permettre d'en voir, des patients.

Ces phénomènes-là : le financement promis et non livré, les retards d'aménagement, le recrutement médical limité, les reports d'embauche de professionnels, ce n'est pas une situation qui est isolée à Vaudreuil, au contraire, ils sont présents dans plusieurs autres GMFU de McGill et dans au moins 10 des 20 GMFU du réseau de l'UDM. Ces enjeux-là, ça a des conséquences directes et significatives sur les soins offerts aux patients traités dans les cliniques et, à plus long terme, à l'ensemble de la population.

• (20 h 20) •

Mme Lalande (Stéphanie) : Oui. Nous sommes, comme tous nos collègues médecins, très inquiètes en ce moment de constater l'impact sur nos externes du discours de dévalorisation de la spécialité de médecine familiale par le ministère. Les étudiants en médecine se renseignent, lisent les journaux, sont sur les réseaux sociaux et sont surtout les premiers témoins de l'épuisement, de la fatigue, de la surcharge de travail de leurs enseignements médecins. Quand on choisit la spécialité de médecin de famille, on choisit la passion des soins globaux et humains.

C'est un art, de traiter un patient, souvent complexe, avec rigueur, empathie, en associant des problèmes connus aux nouveaux symptômes physiques et psychiques. On y excelle, mais ça prend du temps avec nos patients. Imposer du débit, c'est aller contre le cœur même de notre métier, en plus d'entraîner forcément une baisse de qualité des soins, surtout pour nos patients les plus vulnérables. Imposer du débit, c'est une démonstration franche de la méconnaissance de ce qu'est la médecine familiale et des raisons qui nous poussent à faire ce choix de résidence.

Les étudiants en médecine choisissent la médecine familiale pour sa polyvalence, pour la multitude, la diversité des soins que les médecins de famille offrent. Le projet de loi repose sur une vision centralisatrice et coercitive de la prise en charge, sans égard à notre réalité. Il est impératif de tenir compte que nous sommes aussi essentiels aux autres axes des soins de première ligne comme l'hospitalisation, les urgences, le CHSLD, les soins palliatifs, la toxicomanie, l'enseignement, et on en passe. Dévaloriser cette polyvalence et dévaloriser l'essence même de notre métier, ça va entraîner une baisse d'applications en médecine familiale.

Rappelons-nous : sans résidents en médecine familiale, pas de nouveau médecin de famille, pas plus de rendez-vous pour les Québécois...

Mme Lalande (Stéphanie) : …les médecins de famille et enseignants travaillent d'arrache-pied pour valoriser leur spécialité auprès des apprenants. C'est important de souligner que c'en est devenu une spécialité. Il faut impérativement que le gouvernement contribue à cette mission de reconnaissance, de revalorisation. Sans quoi, nos efforts, ça va être insuffisant. Merci.

Mme Dubuc (Virginie) : L'enseignement semble être un des grands oubliés du projet de loi n° 106. Les médecins de famille sont déjà surchargés, hésitent déjà et hésiteront encore plus avec le projet de loi n° 106 à s'investir en enseignement. Nulle part dans le projet de loi n° 106, on ne reconnaît ni ne valorise le rôle crucial des médecins enseignants dans la prise en charge à long terme. Aucun incitatif, aucune exemption, aucune pondération n'est prévu pour tenir compte du temps qu'on consacre à l'enseignement.

C'est l'implication d'environ 20 % des médecins de famille québécois qui n'est pas reconnue dans le projet de loi. En valorisant uniquement le volume de patients suivis, la loi encourage plutôt les médecins à délaisser la formation et l'enseignement au profit du débit et de la prise en charge. Les médecins de famille ne peuvent pas travailler plus vite sans compromettre la qualité des soins, d'autant plus quand GMFU, on se doit d'être des modèles d'excellence et de pratique à jour pour nos apprenants. Actuellement, à cause du projet de loi n° 106, les quatre réseaux universitaires sont unanimement inquiets. Je sais que vous allez les entendre plus tard. La diplomation des 500 nouveaux résidents en médecine familiale qui débutent leur formation avec les GMFU le 1ᵉʳ juillet 2025, risque d'être compromise si le projet de loi no 106 est adopté.

Encore une fois, sans médecins enseignants, pas de GMFU, sans GMFU, pas de médecin de famille nouveau diplômé puis sans médecins de famille, nouveaux et diplômés, pas de nouveaux rendez-vous pour les patients. Si la priorité du ministre, ce sont des nouveaux rendez-vous ou plus de rendez-vous pour les patients, il va falloir se rendre à l'évidence que son respect pour les médecins enseignants devra se traduire par une valorisation de ce travail-là, des locaux pour enseigner et superviser et une considération réelle de cet emploi dans tous les projets de loi présents, futurs et qui concernent et concerneront les médecins de famille. On aime notre travail, les médecins de famille, on aime vraiment notre travail. On le fait tous les jours avec cœur, sans compter nos heures, au détriment souvent de notre bien-être et du temps avec nos familles. On le fait avec respect et affection pour tous les humains qu'on traite. On le fait avec amour et dévouement pour notre profession, amour et dévouement qu'on tente de transmettre aux futurs médecins de famille.

Mme Massicotte (Alexandra) : Le ministère envisage, avec le projet de loi n° 106, de nous imposer des critères vagues de performance imputables sans nous offrir les employés, le matériel, l'espace pour arriver à les atteindre. Il envisage de nous imposer du débit au détriment de la qualité des soins et de la qualité de notre expertise. Nous avons en fait le devoir de nous indigner au nom des patients puis de refuser ce projet de loi tel qu'il est présenté. Nous avons tous et toutes le même souhait, le même but, c'est que tous les Québécois aient accès à des soins de santé de qualité, on n'a par contre pas tous le même mandat, ni les mêmes pouvoirs et surtout pas les mêmes moyens. Que le ministère assure un fonctionnement d'un système de santé logique et accessible, et vous verrez que les médecins répondront à l'appel et assureront, fidèles au poste, travaillants, disponibles, une qualité de soins maximale et humaine. Merci, M. le Président, et merci à tout le monde pour votre temps.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, M. le ministre, on débute.

M. Dubé : Alors, premièrement, j'aimerais vous vous saluer puis vous dire à quel point j'apprécie ce que vous nous dites ce soir. Je sais que ce n'est pas facile et je veux vous dire que vous l'avez bien fait, parce que moi, j'ai toujours dit que j'aime mieux entendre les difficultés puis d'en tenir compte, ça fait que j'apprécie comment pour vous l'exercice est difficile ce soir. Puis je tiens à vous remercier.

Des voix : Merci. Merci à vous.

M. Dubé : On était là pour vous écouter puis je pense que tout le monde respecte l'effort que vous faites ce soir. Moi, je veux juste peut-être préciser parce que dans… ça fait quand même quelques années que je suis en politique, là, je fais partie du club des mal-cités, alors quand c'est moi qui dis des choses qui sont soit mal comprises ou parce que j'ai mal expliqué les choses, je n'ai vraiment aucun problème avec l'enseignement, au contraire, là, j'ai beaucoup de respect puis j'ai plusieurs médecins qui travaillent dans des GMFU, là, entre autres, je pense à celle de Verdun. J'ai des gens qui travaillent dans des conditions très difficiles, dans une GMFU là-bas que je connais personnellement. Ça fait que je comprends très bien ce que vous dites.

Bon. Il y a une chose que j'aimerais vous dire sur l'enseignement puis je vais... je vais en parler tout à l'heure avec nos… avec nos recteurs, là. Comme vous savez, qu'on rencontre, c'est la dernière rencontre ce soir, une des raisons pour laquelle on a demandé l'étude des HEC pour comprendre l'occupation de nos médecins, là, oui, en prise en charge, mais aussi ailleurs. Parce que vous l'avez écoutée, la présentation des HEC, vous avez peut-être vu…

M. Dubé : ...le rapport, mais l'enjeu est que les seules données qui sont viables en ce moment, c'est des données de facturation, donc, qui excluent, malheureusement, le travail qui est fait en enseignement et en recherche, bon. Et c'est pour ça que j'ai... Je n'ai pas dit qu'il ne devait pas y avoir d'enseignement ou de recherche, j'ai juste dit : On ne sait pas ce que ça explique du... Je vais l'appeler comme ça, là, c'est comme ça que le chercheur y a référé, il a parlé du trou, hein? Il a dit : Peut-être que 70 % du temps des médecins s'explique par de la prise en charge ou du temps aux urgences, parce que c'est aussi... ça rentre dans la facturation de la RAMQ, mais, le 30 %, on ne sait pas ce que c'est. Alors, moi, les premières données que j'ai eues récemment, là, j'en ai fait part d'une hier, c'est qu'il y avait un petit peu moins de 200 ETC, hein, des équivalents à temps complet qui faisaient de l'enseignement. Je vous avoue que ce n'est pas beaucoup. Puis je pensais qu'il y en avait beaucoup plus que ça parce que 200 ETC... 187, je pense, le chiffre exact qu'on m'a donné hier, ce n'est même pas 2 % de la population de médecins de famille. Ça fait qu'il y a quelque chose qui ne marche pas.

Ça fait que je vous dis juste qu'un de mes objectifs dans les prochaines semaines, c'est d'aller creuser ça pour voir. Parce que vous me dites qu'il y a 20... il y a 20 GMF-U dans la grande région de Montréal, en tout cas, je vais le dire pour les quatre grandes facultés de médecine, mais vous êtes, il me semble, plus que ça. Mais, en tout cas, c'est... Je veux juste dire qu'on manque de données là-dessus. Alors, ne prenez pas mon commentaire comme de ne pas dire que je ne respecte pas les enseignants. Au contraire, si on n'a pas d'enseignants, on n'aura pas de futurs médecins. Je comprends ça, mais je vous dis juste que, malheureusement, on n'a pas les données.

Du côté des spécialistes, ce que je me suis fait expliquer... puis je sais que ça ne vous aide pas, mais qu'en termes de rémunération ils ont réussi à faire que... par prédécesseurs de ministres en Santé avant, ils ont réussi à faire des blocs d'enseignement qui sont payés, qui sont payés par la RAMQ. Donc, c'est plus facile d'identifier le temps qui est consacré à l'enseignement que pour les médecins de famille. Vous avez sûrement entendu ça. Donc, il va falloir qu'on trouve une façon de mieux comprendre le travail que vous faites. Ça va? Mais je veux juste dire que ce n'est pas du tout pour dénigrer l'enseignement, bon. Si je suis dans le club des mal cités, au moins, j'en profite ce soir parce que je... je voulais vous le mentionner. Bon.

Là, je n'embarquerai pas dans... Puis vous allez comprendre que je n'embarquerai pas dans la situation de dire comment ça se fait que les fonds n'ont pas encore été débloqués, tout ça, vous imaginez, là, ça, c'est un cas qu'on va régler une autre... que ce soir, mais j'aimerais mieux... Mais je suis content de l'avoir entendu parce que je peux quand même poser des questions. Ça fait que je vais dire ça comme ça pour ce soir. Combien vous êtes de médecins, là, qui... Expliquez-moi pour que... j'en profite, là, pour me dire, dans votre GMF-U, le temps que vous consacrez à l'enseignement. Vous êtes combien de médecins, là, qui pratiquez à la GMF-U de Vaudreuil? Combien?

• (20 h 30) •

Mme Massicotte (Alexandra) : On est une quinzaine de médecins qui enseignent activement à nos apprenants? Je vous avoue que nous, par exemple...

Mais, si je vous demandais... Je vais... excusez-moi, je vais juste finir ma question. Combien de médecins en tout, est-ce que c'est 15? Puis est-ce que les 15 font de l'enseignement? Est-ce que c'est moitié-moitié enseignement... je vais l'appeler prise en charge? Faites juste me dire un peu ça a l'air de quoi, votre... Parce que j'en connais quelques autres, mais je veux savoir comment ça se compare aux autres GMF-U que je connais un peu plus, là. Parce que vous êtes quand même... C'est nouveau.

Mme Massicotte (Alexandra) : Oui, c'est ça, exactement.

M. Dubé : Ça date de l'an dernier. C'est quand même très récent. O.K., allez-y.

Mme Massicotte (Alexandra) : C'est quand même très récent. Ça fait que c'est sûr qu'il faut... on grossit de façon exponentielle, là. En ce moment, on est encore... on est sur deux sites, en fait, notre GMF-U, ce qui n'est vraiment pas le cas de la plupart des GMF-U. Ça fait qu'on a un site principal d'enseignement pour l'instant où on a une quinzaine de médecins qui enseignent activement, là, et fréquemment puis on a, dans le volet de Saint-Polycarpe, un peu d'autres médecins, ce qui fait qu'on est à peu près une vingtaine dans notre GMF-U à travailler. Puis...

M. Dubé : Sur deux sites, sur deux sites?

Mme Massicotte (Alexandra) : C'est ça, on est séparés sur deux sites. Exact, c'est ça.

M. Dubé : Sur deux sites, O.K.

Mme Massicotte (Alexandra) : Oui, c'est ça, mais, sur notre site actif de GMF-U qui fait de l'enseignement, c'est une quinzaine de médecins. Puis, juste pour vous donner une idée, on a un seul équivalent temps complet. Ça fait qu'un ETC, là, qui est considéré comme un équivalent de temps complet d'enseignement, on en a un seul en ce moment. Ça fait que le travail des autres n'est pas reconnu parce qu'on n'a pas présentement assez de résidents pour faire beaucoup de supervision, mais ça prend quand même pas mal de supervision pour un ETC.

M. Dubé : Non, mais c'est ça que je veux comprendre. Parce que, pour comprendre la problématique... J'en profite, là, vous êtes là, ça fait que je vais vous... Vous avez voulu me le soulever, je vais poser des...


 
 

20 h 30 (version non révisée)

M. Dubé : ...des 15 médecins, à part l'équivalent à temps complet que vous avez pour faire de l'enseignement, il y en a combien, de votre temps à vous, qui est consacré à d'autres choses que la prise en charge?

Mme Dubuc (Virginie) : Est-ce que vous avez vu la liste des jobs qu'a Dre Massicotte dans notre dépôt de mémoire? Je te laisse faire l'énumération.

Mme Massicotte (Alexandra) : Bien, c'est ça, on fait énormément de travail en première ligne, là. Je fais de l'hospitalisation, je fais des aides médicales à mourir, je fais du soin intensif à domicile, je fais de la gériatrie, je fais...

M. Dubé : Mais dites-moi, là, dans ceux qu'on reconnaît...

Mme Massicotte (Alexandra) : Ça fait qu'on fait toutes ces affaires-là, là. Ça fait qu'il y a peut-être la moitié des médecins qui ne font que de la prise en charge et de la supervision, sans faire d'autres activités qui sont essentielles dans nos régions. On est des petites équipes, puis il n'y a pas beaucoup de spécialistes, là, en région, ça fait qu'on n'a pas le choix d'être impliqué en première ligne, là, ça fait que c'est sûr qu'on ne peut pas être à temps plein à faire la prise en charge. En fait, si je suis à temps plein à faire...

M. Dubé : Non, non, mais, quand je dis la prise en charge, excusez-moi, je vais peut-être... mais je veux juste bien comprendre, ce n'est pas juste la... qui est rénumérée par un acte de la RAMQ.

Mme Massicotte (Alexandra) : Oui, c'est ça, ça fait que, quand on voit des patients au bureau, rénuméré par un acte de la RAMQ. Mais, tu sais, quand je suis à l'hospitalisation, je suis rénumérée par la RAMQ. Quand je fais des soins palliatifs, je suis rénumérée par la RAMQ. On ne fait pas juste du suivi de patients et de l'urgence, là, à la RAMQ, du tout, du tout. Mais c'est ça quand on fait toutes ces autres tâches là, là, ce que ce que ça veut dire, là, c'est que moi, je ne suis pas capable, dans mon temps de voir plus que 500 patients, puis c'est le cas pour tous les tous les médecins, à ma clinique, de travailler au maximum de leurs capacités.

Puis, à Vaudreuil, là, si on inscrit tous les patients de Vaudreuil à des cliniques, ce que ça donne, c'est que, pour chaque médecin, il va y avoir 2 000.

Mme Dubuc (Virginie) : De plus.

Mme Massicotte (Alexandra) : Ça fait que moi... 2000 patients inscrits par médecin, qui donnerait... à peu près, par médecin, qu'il faudrait qu'ils soient vus. Ça, ça veut dire que moi, je n'ai pas plus de temps, ça fait que...

M. Dubé : Non, non, je comprends très bien.

Mme Massicotte (Alexandra) : ...si j'ai quatre fois plus de patients qu'il faut qu'ils me voient, bien, j'ai quatre fois moins de plages de disponibles, là, pour voir ces patients-là. C'est quatre fois moins d'accessibilité pour mes patients en ce moment, là, c'est quand même très, très, très important. Puis ça, c'est en excluant le problème, comme vous avez dit, de l'enseignement, qui est effectivement une des zones floues. Mais la plus grande zone floue, ça reste la paperasse, là, ça reste le nombre d'heures épouvantables et le nombre de semaines épouvantables qu'on prend à faire de la paperasse, là, tu sais. Il y a aussi tout ça dans la zone d'ombre, puis tout l'enseignement, là.

Mme Lalande (Stéphanie) : Pour le temps d'enseignement... on a des périodes de supervision, mais c'est ça, c'est qu'en ce moment on n'est pas représentatif d'un GMFU standard, on est la première année, on a ce...

M. Dubé : En plus, vous êtes...

Mme Lalande (Stéphanie) : Bien, il y a le temps de supervision, il y a le temps des réunions cliniques, académiques. On n'a pas le choix. Il y a les réunions de communiqués avec McGill que... c'est obligatoire aussi si on est dans la direction.

Mme Dubuc (Virginie) : Bref, c'est difficile de faire une moyenne pour les médecins, mais le point...

M. Dubé : Oui. Est-ce que... Je vais vous poser la question qui tue : Est-ce qu'on devrait avoir un traitement différent pour les GMFU? Parce que si la proportion, quand on le saura, là, parce qu'on va trouver une façon de mesurer ce qui est fait pour l'enseignement puis la recherche, moi, je ne peux pas rester dans le noir...

Mme Massicotte (Alexandra) : C'est 10 %. C'est 10 % des médecins de famille qui travaillent affiliés à un GMFU pour faire activement de l'enseignement, 10 %. Puis, si on considère ceux qui enseignent en hospitalisation, en urgence, ailleurs, c'est 20 % des médecins de famille qui sont impliqués dans l'enseignement de nos étudiants. C'est ça, le chiffre.

M. Dubé : Non, je comprends, je comprends, mais... Je suis tannant, là, mais...

Mme Lalande (Stéphanie) : Bien il y a de l'enseignement hors GMFU, dans le fond, ça fait qu'on ne peut pas limiter ça seulement aux GMFU parce qu'il y a beaucoup d'enseignement hors GMFU.

Mme Massicotte (Alexandra) : Donc, on ne peut pas limiter juste à l'enseignement et au suivi de patients. Ça, c'est 10%.

M. Dubé : Des fois, je suis malcommode, puis je ne veux pas être malcommode avec vous ce soir, mais quand vous me dites qu'il y a 10% des médecins qui font de l'enseignement, ils ne font pas de l'enseignement à temps plein. Est-ce que ça représente 5 % de leur temps ou... C'est là qu'on est obligé, je m'excuse, d'essayer de trouver un ETC puis de dire : Tous ces médecins-là qui sont impliqués, ça équivaut à combien de personnes à temps complet? Moi, ce que j'entends, les chiffres, c'est moins de 200. Est-ce que c'est bon ou pas? Il va peut-être falloir creuser ça pour être capable d'avoir cette discussion-là. Vous me suivez?

Mme Massicotte (Alexandra) : Oui. Oui, tout à fait, je suis bien d'accord.

M. Dubé : Mais, dans un GMFU, quand... en plus, qui est en départ, comme la vôtre, j'ai l'impression que la grande majorité de votre temps, il est entre l'enseignement et tout... C'est pour ça que je me demandais, puis je vais en parler avec Dr Bergeron, est-ce qu'on peut regarder une façon de traiter les GMFU de façon différente, étant donné le rôle important qu'ils ont en... Je ne sais pas, là, on est ici pour écouter. Alors, moi, j'apprécie beaucoup. Vous voulez dire quelque chose?

Mme Lalande (Stéphanie) : Oui, bien, en tout respect, j'ai l'impression que la comptabilité de notre temps ou de notre facturation, c'est c'est très politique, c'est très syndicaliste et politique. Notre demande, aujourd'hui, nous, c'est que l'enseignement soit reconnu et que ce soit valorisé dans les projets de loi.

M. Dubé : Ça, c'est clair.

Mme Dubuc (Virginie) : En ce moment, dans le projet de loi n° 106, on note une absence de valorisation et on ne sent pas que ça va être tenu compte et donc que ça va...

Mme Dubuc (Virginie) : …pénalisé nos cliniques GMFU. Après, pour le reste, ça nous concerne plus ou moins.

Mme Lalande (Stéphanie) : Oui, on est… on est juste… on est des médecins de famille, on n'est pas des politiciens.

Mme Dubuc (Virginie) : C'est ça.

M. Dubé : O.K. Bien, écoutez, votre message, je vais vous le dire, je l'ai dit tout à l'heure, il est très clair puis j'apprécie beaucoup ce que vous avez fait ce soir. Moi, pour moi, je ne sais pas ce qu'il me reste…

Le Président (M. Provençal) :

M. Dubé : Il me reste quatre minutes. Parlez-moi de votre nouvel hôpital qui s'en vient, là. Ça prend combien de… je sais qu'on est vers la fin de 2026. Là, il y a eu quelques… des retards, mais pas majeurs, là. Est-ce que vous avez… Est-ce que l'enjeu Médecin de famille, Médecin spécialiste… Comment vous faites ça au niveau de votre GMFU pour être sûr que vous avez le personnel nécessaire quand on… Écoutez, c'est quand même tout un investissement qu'on fait dans l'ouest, là.

Mme Massicotte (Alexandra) : Oui. Bien, c'est ça le problème, c'est que pour partir, mettons, le nouvel hôpital, là, ça prendrait à peu près 120 nouveaux médecins de famille de plus que ceux qu'on a en ce moment. C'est à peu près…

M. Dubé : On ne parle pas… on ne parle pas des spécialistes, juste des médecins de famille, 120? O.K. 

Mme Massicotte (Alexandra) : Médecins de famille, pour travailler dans cet hôpital-là, ça en prendrait à peu près 120. C'est environ 100 pour l'hospitalisation puis 20, 30 à l'urgence. Juste pour se donner grosso modo une idée, là. Puis le problème, c'est qu'on a… on voudrait bien essayer de recruter en prévision de, mais les postes en médecine familiale, ça fonctionne par PREM, ça fait qu'il faut qu'on obtienne un droit de pratiquer dans une région et ça, on est limité à chaque année, on en a sept, huit et on n'arrive à peu près pas à les combler déjà en ce moment. On aurait beau en avoir 10 en ce moment, la conclusion, c'est qu'on ne recrute pas 10 médecins parce que ce n'est pas attrayant à cause de plusieurs raisons en ce moment, la médecine familiale, puis en région, c'est plus difficile. On n'a pas beaucoup d'accès à des spécialistes. C'est difficile, ça fait qu'on ne peut pas recruter en prévision de, ça fait que pour l'instant, si on ne trouve pas une façon de le valoriser puis d'envoyer des médecins…

Mme Lalande (Stéphanie) : Mais le GMFU…

Mme Massicotte (Alexandra) : Mais le GMFU, c'est pour ça qu'il a été créé, c'est pour ce recrutement-là, là, parce que c'est ça qui va permettre de le combler, cet hôpital-là en médecins de famille.

M. Dubé : C'est pour ça que vous avez une nouvelle…

Mme Lalande (Stéphanie) :

M. Dubé : Excusez-moi. Je n'ai pas compris, excusez-moi.

• (20 h 40) •

Mme Dubuc (Virginie) : Je sais que vous avez dit que ce n'était pas… qu'on allait en reparler, là, mais si on n'a pas de nouveaux locaux, on va stagner à quatre résidences alors qu'on est supposé rouler avec 16 résidentes… je dis « résidentes », résidentes et résidents continuellement. Donc l'enjeu de locaux, oui, ça a l'air un peu banal, isolé, mais ça a des répercussions jusqu'au comblement des postes de l'hôpital de Vaudreuil-Soulanges.

Mme Massicotte (Alexandra) : Et ce dans à peu près la moitié des GMFU présentement, là, dans notre province, là. C'est un problème, là, tu sais, on est un… on est un exemple, un petit exemple d'un problème qui est très, très grand, là. Puis C'est ça, parce que si ça donne un hôpital vide, bien c'est sûr que ça va être gênant avec l'investissement, effectivement, qui a été… qui a été fait, là.

M. Dubé : Ce n'est vraiment pas l'objectif, on va s'entendre, là.

Mme Massicotte (Alexandra) : Non, c'est ça.

Une voix : Donnez-nous les moyens.

Mme Massicotte (Alexandra) : On a tous les mêmes objectifs. On veut… On veut un hôpital qui fonctionne. On veut que tous les patients aient un médecin de famille. Les objectifs, on les partage avec vous autres, là, on est là dans un but de les atteindre, là, tout le monde.

M. Dubé : Regardez, puis je veux juste vous dire pour… il me reste-tu 30…

Le Président (M. Provençal) :

M. Dubé : Une minute. Regardez, je suis tellement d'accord avec ce que vous dites, là. Ce n'est pas pour rien. Je reviens en 2018, on formait 800 médecins par année. 800, on est rendu à 1100 par année. L'idée, c'est que ça nous prend des gens comme vous pour les former, là. On a augmenté de 40 % le nombre de médecins. Puis vous faites partie de ces nouvelles cohortes là, là, d'être capables de former ces gens-là. Donc, je comprends très bien la problématique. Je pense que je comprends aussi que vous êtes une nouvelle GMFU, là, les… il y a les enjeux de départs. Je suis très conscient de ce que vous avez expliqué ce soir. Puis moi, je vous dis, la valorisation, j'y crois, là, j'y ai travaillé beaucoup depuis plusieurs années, là. Alors merci pour vos commentaires. Puis on va… on va faire ce qu'il y a à faire. Merci beaucoup.

Mme Massicotte (Alexandra) : O.K. Merci pour votre écoute.

Le Président (M. Provençal) : Merci, M. le ministre.

M. Dubé : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Je cède la parole maintenant au député de Pontiac. À vous.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonsoir à vous trois. Merci. Merci de votre témoignage. Merci d'être avec nous. Je vous avoue que je ne doute pas de la bonne foi du ministre, là. Mais quand le ministre dit : Je suis content de vous avoir entendues ce soir, ça va me permettre de fouiller, bien, honnêtement, la députée de Vaudreuil, là, qui est ici avec nous, elle vous pose des questions là-dessus depuis des mois, sans avoir de réponse réelle. Alors, ce soir, sachant qu'ils étaient ici les médecins du GMFU, on aurait pu avoir une réponse déjà toute prête si vous aviez fait les recherches nécessaires.

Je veux juste le comprendre, votre enjeu de local, là, parce que c'est quand même… c'est la première chose que vous mentionnez dans votre mémoire. C'est au cœur d'à peu près tout ce que vous nous… vous nous dites en matière d'améliorer l'accessibilité pour les prochaines années, de faire fonctionner l'hôpital. C'est… la mission de votre GMFU, là, c'est d'avoir… de former pour avoir plus que…

M. Fortin :...disons, le... pour utiliser les termes qui sont utilisés dans le projet de loi, le débit que vous avez en ce moment. Là, là, les nouveaux locaux, vous ne les aurez pas cet été, j'imagine, là, ça prend de la construction. Combien de temps ça va prendre? Si, demain matin, le ministre, il dit : Je vous le débloque, là... quoi, c'est... c'est 300 000 $ par année, là, je pense, pour les prochaines années, je vous le débloque, combien ça... quand est-ce que vous allez être prêtes à augmenter, disons, ce que... la charge de travail du GMF-U?

Mme Massicotte (Alexandra) : Bien, c'est sûr qu'on a besoin de ces locaux-là le plus vite possible, on en aurait besoin pour l'arrivée des étudiants, sinon c'est sûr que je suis obligée de mettre des médecins en télétravail ou de leur dire ne pas venir à la clinique. À partir du moment où la construction arrive, c'est vraiment juste un enjeu de quelques petites améliorations, parce que le CISSSMO a fait déjà un gros travail, a avancé déjà beaucoup de fonds. Ils ont déjà sorti les gens des locaux qu'on a libérés, qui ont déjà tout libéré. C'est... Les aménagements que ça prend pour être capable d'être fonctionnel comme bureau médical, là... On parle d'interventions qui sont minimes, là, quand même, là, pour être capables de fonctionner puis d'avoir un débit proportionnel à ce qu'on est capables de donner en ce moment, là. Ça fait que c'est... si c'est débloqué demain, bien, ça dépend de... des entrepreneurs, là, parce que, bien sûr, ils sont probablement partis sur d'autres projets, parce qu'ils se sont fait dire : Finalement, on ne débloque pas de fonds. Ça fait que... Mais c'est ça, c'est 500 000 $ sur 10 ans.

M. Fortin : O.K.

Mme Massicotte (Alexandra) : 5 millions...

M. Fortin :5 millions, donc 500 000 $ par année.

Mme Massicotte (Alexandra) : Sur 10 ans.

M. Fortin : O.K. Là, le ministre nous a dit : Bien, l'enseignement, là, moi, je valorise ça, c'est important, je sais qu'il faut en faire. Tu sais, votre argument, il était assez simple à suivre tantôt, là : pas d'enseignement, pas de nouveaux diplômés; pas de nouveaux diplômés, pas de patients pris en charge. C'est un cercle assez... C'est une roue assez évidente, là. Mais comment vous expliquez, à part le fait que le ministre nous dit : Bien, je n'ai pas de données là-dessus, que non seulement l'enseignement, mais tout ce qui est, disons... tout ce qui n'est pas la prise en charge, là, n'est pas vraiment mentionné, là, dans le discours autour du projet de loi, là? On dirait qu'on en a... on a fait fi de ça, puis l'impression que ça a laissée à beaucoup de groupes, dont le vôtre, c'est que c'est une question de débit, de débit, de débit, de prise en charge, de prise en charge, puis le reste, il n'est pas valorisé. C'est l'impression que ça donne. Alors, comment vous expliquez ça quand le ministre est ici puis il dit : Bien non, moi, je crois à ça?

Mme Massicotte (Alexandra) : ...excellente question. Moi, je ne me l'explique pas, personnellement.

M. Fortin : Voilà, M. le ministre. Ce n'est pas simple à expliquer.

Mme Lalande (Stéphanie) : Je ne sais pas... Je ne sais pas quoi dire.

M. Fortin : C'est vraiment difficile à comprendre pour bien du monde. Je ne vous en veux pas de ne pas avoir de réponse, elle est... elle est très difficile à saisir.

Vous avez parlé, dans votre exposé initial, de la baisse de qualité des soins en lien avec l'impact du projet de loi, notamment, là, en imposant un certain débit. Depuis le début de la journée... puis je ne sais pas si vous avez vu les travaux de la commission, là, mais, depuis le début de la journée, le ministre, il dit : Bien non, moi, je fais de la captation. La captation, c'est s'éloigner de l'acte... de la rémunération à l'acte, donc s'éloigner du débit. Vous, vous nous dites à soir, là : Le projet de loi, il va entraîner une baisse de qualité des soins parce qu'il impose un débit. Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce que vous voyez dans ce projet de loi là qui va faire en sorte de baisser la qualité des soins?

Mme Massicotte (Alexandra) : Je vais ramener un peu mon exemple de tantôt, là. Moi, mon maximum de débit, avec toutes les tâches que j'ai à faire, c'est 500 patients. J'ai de la misère à donner mes plages d'accès en ce moment pour mes 500 patients parce que je n'ai pas de locaux, pas de professionnels, on en a parlé. Ça fait qu'à Vaudreuil, ce que ça veut dire, le projet de loi, la capitation puis mettre tous les patients affiliés à un GMF, là, à une clinique, ça veut dire passer de... pour moi, de 500 patients par médecin à 2 000. Ça fait que j'ai quatre fois moins de disponibilités. Je suis obligée, là, de faire du débit pour être capable de faire au moins mes suivis essentiels pour mes affaires que je n'ai pas le choix, médicolégalement, de suivre. Je n'ai plus de place, là, plus de place pour de la prévention, plus de place pour rien de préventif, puis je suis obligée de faire du débit, là, c'est... je n'ai pas le... je n'ai pas le choix, sinon... Mais c'est sûr que ma qualité de soins, elle va baisser avec ces débits-là qui augmentent, là.

Mme Dubuc (Virginie) : C'est très... C'est très difficile pour les médecins au quotidien. Je ne pense pas que les gens s'en doutent à quel point les patients nous disent deux choses dans nos bureaux tous les jours, ils prennent une quantité de minutes dans leur précieux rendez-vous avec nous pour nous dire deux choses : Ça a été vraiment difficile vous voir, puis est-ce que vous pouvez prendre X, Y, Z de ma famille comme patient? On le sait que les patients veulent un médecin de famille, on le sait que l'accessibilité est difficile, mais ça ne change rien de dire que c'est aux médecins de travailler plus ou plus vite. On ne peut pas travailler plus ou plus vite sans diminuer la qualité des soins, puis diminuer la qualité des soins, c'est vraiment...

Mme Lalande (Stéphanie) : Ce n'est pas acceptable.

Mme Dubuc (Virginie) :  ...contre...

Mme Dubuc (Virginie) : ...oui, c'est ça, c'est contre notre mandat avec notre code de déontologie. Même le Collège des médecins nous supporte là-dedans en disant que ça va baisser la qualité des soins. On ne le fera pas. Mais c'est quand même ce que le ministre nous demande de faire. Nous, on n'a pas le choix de refuser de baisser la qualité de nos soins. Mais ça ne réglera pas le problème de l'accessibilité.

Mme Massicotte (Alexandra) : Ça ne réglera même pas le problème d'accessibilité. C'est ça, ça va juste être plus difficile pour mes patients que j'ai déjà de me voir.

M. Fortin :Oui. Puis, effectivement, là, le collège a la même position que vous. Je pense qu'il a utilisé le mot «danger», là. Il y a un danger de diminuer la qualité des soins, que des médecins, puis je ne dis pas que vous allez faire ça, là, mais que des médecins coupent des coins ronds, qui ne prennent pas le temps de poser la dernière question au patient, de bien comprendre sa situation pour être capable de poser le bon diagnostic. Mais moi, ce que j'entends de vous, c'est... De un, passer de 500 à 2 000 patients, là, c'est énorme comme demande de la part du gouvernement. Mais c'est un ou c'est l'autre, soit vous prenez des patients supplémentaires, comme le projet de loi semble vous l'exiger, ou encore vous abandonnez l'aide médicale à mourir, les soins à domicile, la toxicomanie et tout ce que vous avez nommé tantôt, là. En quelque part, moi, j'ai toujours entendu un discours gouvernemental qui voulait qu'il y ait des médecins qui travaillent en toxicomanie, qu'il y ait de l'aide médicale à mourir qui soit effectuée et qu'il y ait plus de soins à domicile qui soient offerts. Donc, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, là.

Est-ce que... Il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit : On ne peut pas aller de l'avant avec ça sans avoir une garantie de la part du gouvernement que lui va faire sa part des choses, c'est-à-dire, entre autres, là, qui va réduire notre paperasse, qui va améliorer les outils informatiques, qui va nous donner des ressources supplémentaires dans notre GMF. Est-ce que c'est votre position, ça, que la première chose à faire aussi, c'est de garantir une offre, disons, complémentaire, là, à ce que vous vous offrez comme médecins à travers des travailleurs sociaux, des psychologues et tout le reste, là?

• (20 h 50) •

Mme Massicotte (Alexandra) : Oui.

Mme Lalande (Stéphanie) : Oui.

Mme Dubuc (Virginie) : Oui, puis ne pas seulement de le garantir sur le papier. Parce qu'il y a beaucoup de GMF et de GMF-U au Québec qui, sur papier, ont le droit à une psychologue, à une travailleuse sociale, à trois infirmières auxiliaires, etc., mais le gouvernement ne nous les donne pas. Ces services-là ne sont pas plus offerts aux patients. C'est juste sur papier, que le gouvernement nous donne ces outils-là. Bien, nous, on les veut dans la vraie vie.

Mme Lalande (Stéphanie) : Dans des bureaux, concrètement, dans les vrais bureaux.

M. Fortin :Des vraies personnes dans des vrais bureaux. Très bien.

Des voix : Oui, voilà.

M. Fortin :Merci beaucoup, je vous remercie.

Des voix : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. Alors, on poursuit avec le député de... voyons...

M. Marissal : Rosemont.

Le Président (M. Provençal) :...Rosemont, excusez-moi. L'heure fait son oeuvre, ou c'est mon âge, un des deux, là.

M. Marissal : Le député de Maisonneuve-Rosemont.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Provençal) :Maisonneuve-Rosemont.

M. Marissal : Vu qu'on parle... vu qu'on parle d'un nouvel hôpital, je n'ai pas pu m'empêcher.

Le Président (M. Provençal) :Excusez-moi, M. le député.

M. Marissal : Bravo, d'ailleurs, pour votre nouvel hôpital! Je vous envie. Vous n'avez pas idée, vous n'avez pas idée à quel point je vous envie.

Une voix : Mais, au moins, vous, vous avez les médecins. Nous, on a l'hôpital neuf, hein?

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :Alors, on va partir votre temps, parce que je vous en ai fait perdre, 2 min 52 s.

M. Marissal : Bien sûr, bien sûr. Mais il n'y a pas tant d'espoir que ça dans le réseau de la santé. Ces temps-ci, là, on parle souvent de ce qui ne fonctionne pas. Mais moi, j'ai la chance dans ma job de rencontrer depuis quelques années une nouvelle cohorte de médecins, des jeunes médecins, notamment des jeunes omnipraticiennes, puis ça me redonne espoir. Honnêtement, là, je vous le dis, là, je pense que vous allez prendre la suite, puis c'est tant mieux pour nous. D'ailleurs, vous aurez remarqué qu'on est passé en moins de 24 heures de «c'est bien beau, l'enseignement, mais les gens ne veulent pas de l'enseignement, ils veulent des médecins» à «on pourrait penser à un statut particulier pour les docteurs de GFU». Vous êtes... vous avez... vous avez du pouvoir. Utilisez-le, utilisez-le. Mais vous dites, à votre point... votre point quatre, qu'il faut opter pour une collaboration honnête avec les médecins de famille enseignants. Vous l'avez dit un peu, là, mais, de façon synthétique et en très peu de temps, là, quel est l'effet direct sur cette collaboration honnête, si d'aventure on adopte le p.l. n° 106 tel quel?

Mme Massicotte (Alexandra) : Bien, c'est une absence complète de collaboration, on est complètement exclus du projet de loi. L'enseignement est exclu du projet de loi, ça fait qu'on ne sent aucune collaboration en ce moment, là, par rapport à ça.

Mme Dubuc (Virginie) : On n'est même pas dans la collaboration malhonnête.

Mme Massicotte (Alexandra) : Non, c'est ça.

Mme Lalande (Stéphanie) : On n'existe pas. C'est-tu ça?

Mme Massicotte (Alexandra) : On n'existe pas, puis on n'est même pas, tu sais... Puis on n'est même pas reconnu comme une spécialité, là. D'ailleurs, le terme «omnipraticien», je ne l'aime pas beaucoup, là. Ça fait longtemps, qu'on est... Ça fait 15 ans, en fait, au Québec, qu'on est reconnu comme une spécialité, la médecine familiale, là. Ce n'est pas : à la fin de ta médecine, tu peux choisir de faire une spécialité ou commencer à travailler. Tu sais, tu peux choisir une autre spécialité ou celle de la médecine familiale. Ça fait que ça, c'est dévalorisé dans le projet, carrément, là. Puis l'enseignement est juste complètement oublié. Ça fait qu'on n'en sent pas, de la collaboration, là, en tout cas jusqu'à ce jour. On verra si les choses changent...

Mme Dubuc (Virginie) : …peut-être aujourd'hui.

Mme Massicotte (Alexandra) : … Oui, voilà, on ne demande qu'à ce que ça change.

M. Marissal : O.K., merci quand même.

Des voix : Merci.

Le Président (M. Provençal) : M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Oui. Bonjour, mesdames, merci pour votre présence et j'imagine que vous auriez d'autres choses à faire à cette heure-ci, notamment vous reposer ou prendre soin de votre famille, vos enfants ou…

Une voix : Faire de la paperasse, en fait.

M. Arseneau : Prendre une pause. J'aimerais justement savoir, vous parliez de 500 patients que vous avez à voir et toutes les autres fonctions que vous occupez. À quel pourcentage évaluez-vous le… justement, le travail qui est rémunéré à l'acte par rapport au reste de vos fonctions? Parce que c'est un peu le trou noir dont on parlait plus tôt et c'est ce qui n'est pas considéré, semble-t-il, par le gouvernement ou par le projet de loi.

Mme Dubuc (Virginie) : C'est vraiment très difficile de calculer ça parce qu'on ne calcule pas nos heures qu'on fait. Donc, c'est sûr que quand on est avec les patients, c'est facile de le calculer, mais tous les soirs à faire des formulaires, des notes, à investiguer, à lire sur les cas de nos patients, on ne les calcule pas. Donc, la réponse courte serait : beaucoup trop.

M. Arseneau : Mais c'est ça. Donc vous n'êtes pas en mesure de parler d'un pourcentage, mais pour ceux qui ne connaissent pas comment ça fonctionne, comme vous dites : Il faut aussi faire la toxico, l'aide médicale à mourir, et tout ça, on doit… ou l'enseignement, mais l'enseignement, on imagine que, bon, vous enseignez puis vous êtes payés à taux horaire pour l'enseignement, j'imagine. Qu'en est-il pour l'aide médicale à mourir ou les autres éléments qui ne font pas partie du… de ce qui est rémunéré à l'acte?

Mme Dubuc (Virginie) : Je vais laisser Docteur Massicotte répondre à cette question-là. Mais pour revenir à la question précédente, personnellement, j'estime environ que ça me prend environ deux à 3 heures de paperasses non comptabilisées pour une journée avec mes patients, donc une journée complète avec mes patients, je dois faire de soir ou de fin de semaine environ deux,3 heures. Je ne sais pas si… j'estimerais ça à peu près comme ça. Don, un genre de 20 %. Tu peux compléter pour sa question.

Mme Lalande (Stéphanie) : Lesquels qui sont rémunérés à l'acte… l'aide médicale à mourir au CHSLD, mais…

Mme Massicotte (Alexandra) : Bien, c'est ça, c'est de la rémunération à l'acte, mais à part, tu sais, c'est toutes des choses qui sont dans la RAMQ, là, c'est possible d'avoir des données là-dessus. Ce n'est juste pas des suivis en bureau, là, c'est vraiment comme si on avait oublié, là, au niveau du ministère, qu'on fait vraiment plein d'autres choses facturables à la RAMQ, à part suivre des patients, là, ce n'est pas juste de l'urgence puis du suivi de bureau, notre travail. Ça fait que ça, c'est à peu près 50 % à 0 % de la tâche des médecins, dépendamment de s'ils font ces activités-là ou pas, en plus du bureau.

Mme Lalande (Stéphanie) : Chaque médecin a une pratique différente, là, chaque médecin a un pourcentage différent. Il n'y a pas…

M. Arseneau : Oui, mais en fait c'était pour illustrer que si ces activités-là ne sont pas… ne sont pas indiquées comme étant… ou ne sont pas valorisées, c'est comme si elles ne comptaient pas. Puis on essaie juste de voir justement avec vous, là, comment on peut faire en sorte que vous puissiez passer tout le temps nécessaire pour faire ces activités-là et que ce ne soit pas nécessairement de la médecine fast-food comme on mentionnait un peu plus tôt. Je pense que mon temps est écoulé. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Oui. Votre temps est écoulé effectivement, M. le député des Îles, c'est pour ça que je faisais quelques signes. Je cède la parole maintenant à Mme la députée de Vaudreuil pour deux minutes 12.

Mme Nichols : Oui, je vais aller rapidement. Merci, M. le Président. Bien, d'emblée, je veux vous remercier, vous remercier, un, d'abord d'avoir produit un mémoire dans un court délai. Je sais que vous êtes très occupées. Donc, évidemment, vous remercier de votre mémoire, vous remercier de la participation à la commission, vous remercier surtout pour tout ce que vous faites pour Vaudreuil-Soulanges, qui sont deux comtés en explosion démographique dans le besoin. Puis je ne veux pas dire que le reste du Québec n'est pas dans le besoin, là, mais on a notre TAL qui s'en vient. On travaille ensemble et vous travaillez avec l'ensemble de la communauté. Vous continuez à soigner vos… vos patients et on sent le dynamisme aussi. Puis je pense que tout le monde ici autour de la table a compris le cri du cœur. Donc merci d'avoir fait… Non, c'était un beau cri du cœur, là, merci de l'avoir apporté ici.

Tel que mentionné, là, dans votre mémoire, Le GMFU est entre autres, là, essentiel. On comprend qu'il y a la date du 1ᵉʳ juillet, je suis pas mal certaine que le ministre l'a prise note, la date du 1ᵉʳ juillet prochain, qu'il y a une date butoir assez importante. J'ai pris la peine aussi d'aller le souligner aux études de crédits, là, la semaine… voilà peut-être deux semaines. Donc, je suis pas mal certaine qu'il y a des notes qui ont été prises puis on espère que le dossier... le dossier va débloquer rapidement. Mais je n'ai pas grand temps. Il me reste peut-être une minute, une minute 20, puis je souhaite vous laisser le mot de la fin. Alors, s'il y a des points que vous voulez apporter, des points que vous voulez souligner, j'ai lu vos recommandations…

Mme Nichols : ...Donc, voilà, je vous laisse le mot de la fin, mesdames. Merci encore beaucoup.

Mme Massicotte (Alexandra) : Merci, vraiment.

Mme Dubuc (Virginie) : Merci à vous. Merci vraiment beaucoup. Notre point... Ce qu'on veut resouligner, c'est qu'on n'est pas politiciennes puis on n'est pas syndicalistes, donc peut-être que c'est... Notre participation et très volontaire, très enthousiaste, très sincère, mais peut-être aussi un peu maladroite. Et on veut réitérer nos points principaux. C'est qu'on trouve ça vraiment dommageable pour l'accès à la population puis la qualité des soins des patients, que le projet de loi ne valorise pas la médecine de famille, mais pas du tout, ni sa polyvalence ni l'essence même de cet emploi qui est de connaître un patient et prendre son temps avec un patient. Puis on trouve ça dommageable pour la population de Vaudreuil en particulier, mais pour tous les patients... les régions soignées par des GMF-U, que l'enseignement ne soit pas mentionné et qu'on n'en tienne pas compte quand on établit des lois comme ça. Parce que, ultimement, ça déboule jusqu'à une perte d'accès aux soins pour la population du Québec.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Moi, je vais vous dire que je reconnais la sincérité que vous avez eue dans votre présentation et dans vos propos. Et je tiens à remercier le Dr Massicotte, le Dr Dubuc et le Dr Lalande d'avoir contribué à nos... travaux, excusez-moi, en soirée.

Et là je vais vous laisser aller vous reposer parce que vous avez sûrement des journées à préparer qui s'en viennent, là, la semaine n'est pas finie pour personne. Alors, merci beaucoup et bonne fin de soirée. Merci.

M. Dubé : ...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :Je vais suspendre les travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

(Reprise à 21 h 03)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous terminons ce soir avec M. Patrick...


 
 

21 h (version non révisée)

Le Président (M. Provençal) :...doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, qui sera en visioconférence avec nous, M. Julien Poitras, doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, Mme Lesley Fellow, doyenne, Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université McGill, et madame...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :Non, c'est ça, hein? M. Dominique Dorion, doyen et président de la Conférence de doyens de facultés de médecine du Québec, mais aussi doyen de la Faculté de Sherbrooke. C'est ça? Alors, ma petite présentation étant faite, je vous laisse la parole 10 minutes, et, après ça, on procède aux échanges. Merci beaucoup, parce qu'on sait que l'heure est tardive, là, on apprécie énormément que vous ayez accepté de vous présenter à cette heure-là pour venir échanger avec les membres de la commission. Alors, sur ce, je vous cède la parole.

M. Dorion (Dominique) : Merci, et merci pour l'invitation, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Encore une fois, merci de nous recevoir. Comme vous voyez, je suis avec mes collègues. D'entrée de jeu, je souhaite vous informer que nous représentons les quatre universités québécoises dotées d'une faculté de médecine et qu'à ce titre nous jouons un rôle essentiel dans la formation des futurs médecins ainsi que dans la production de nouvelles connaissances médicales qui améliorent la santé de la population québécoise.

D'emblée, nous appuyons sans réserve l'objectif d'améliorer l'accès aux soins de santé au Québec. Cependant, il est essentiel qu'on reconnaisse la place fondamentale de l'enseignement et de la recherche partout dans le système de santé du Québec et que tout nouveau modèle de rémunération des médecins reconnaisse le double rôle de clinicien et d'enseignant qui est celui de la très vaste majorité des médecins du Québec.

Je me permets un pas en arrière pour vous décrire la formation des médecins au Canada et au Québec. Vous venez de voir des gens qui arrivent de GMFU, des résidents, des étudiants en médecine, mais je pense que ça vaut la peine de faire un petit retour. Les deux premières années de la formation en médecine sont sur les bancs d'école. En pratique, en septembre, 1 165 nouveaux étudiants, la plus grande cohorte de l'histoire, entreront dans nos quatre campus principaux, mais aussi dans nos six campus délocalisés à travers le Québec, à Gatineau, en Montérégie, à Trois-Rivières, à Lévis, à Chicoutimi et à Rimouski. En fait, 17 % des étudiants en médecine sont formés dans les régions, ce qui permet une très bonne rétention après la formation et une exposition à la pratique en dehors des grandes villes.

Ce seront deux années où la majorité de l'enseignement sera fait par des médecins professeurs qui, à ce moment-là, sont payés par les universités. Donc, le financement arrive du ministère de l'Enseignement supérieur pour ces deux premières années. Les deux années suivantes sont en stages dans les hôpitaux et les cliniques médicales, c'est l'externat. À ce stade précoce de la formation médicale clinique, il y a encore plusieurs activités formelles structurées par les universités. En pratique, le financement de cette période est une combinaison de financement des universités, donc de l'enseignement supérieur, et de la supervision clinique, qui, elle, est négociée par la fédération, avec le MSSS, et payé directement par la RAMQ.

Après l'externat, les étudiants obtiennent leur diplôme de médecine, mais ce n'est pas suffisant pour pratiquer la médecine au Québec. Ils doivent poursuivre leur formation. Et, bien que ces quatre premières années là soient les mêmes pour tous les étudiants, la suite va les différencier entre la médecine de famille et les autres spécialités. C'est ce qu'on appelle la résidence. La résidence est donc une formation de deux ans, pour la médecine de famille, et entre quatre et sept ans pour les autres spécialités. Cette partie est entièrement en clinique, donc la plus grande partie du financement, disons 80 %, se fait via les ententes négociées avec la RAMQ. Les résidents, vous en avez croisés, vous les avez entendus, sont des travailleurs de la santé qui donnent des soins de santé et des joueurs fondamentaux de l'offre de soins spécialisés ou en première ligne au Québec. Il y a plus de 5 000 médecins résidents et médecins résidentes au Québec présentement. Vous les connaissez, comme je le disais un peu, pour en avoir croisé dans les rencontres jusqu'à maintenant. Si vous faites les maths, donc, 60 % de la formation des médecins de famille et, en moyenne, 80 % de la formation des autres spécialités est faite par des médecins cliniciens et enseignants qui voient des patients en même temps qu'ils enseignent.

Je parlais de cohorte historique. Pour répondre aux besoins de la société, depuis sept ans, le gouvernement demande aux quatre facultés de médecine de former davantage de médecins et, en particulier, vous ne serez pas surpris, davantage de médecins de famille. Nous avons répondu complètement aux demandes du gouvernement et avons augmenté de plus de 40 % les admissions depuis ce temps. Ce résultat est le fruit du travail de collaboration entre les ministères de l'Enseignement supérieur, le ministère de la Santé...

M. Dorion (Dominique) : ...et des services sociaux, bien sûr, nous, les facultés, mais beaucoup, et surtout je dirais même, celui des médecins sur le terrain, les mêmes qui vont prendre soin de vous à l'urgence ou en salle d'opération si vous vous tordez un genou en jouant au hockey.

Mes collègues et moi faisions des maths tout à l'heure. On arrive au chiffre suivant. Au Québec, environ 1 350 médecins sont en fait surtout des professeurs de carrière universitaire et reçoivent donc un salaire conséquent des universités. Au moins 15 000 autres ont un contrat de travail formel avec nous, sont représentés par des syndicats ou des associations et reçoivent, pour certains, des honoraires, mais sont surtout rémunérés et impliqués dans la formation clinique, comme je le disais depuis tantôt, rémunérés par la RAMQ.

Donc, je me répète, les médecins contribuent à la formation, et les personnes apprenantes contribuent aujourd'hui aux services de soins offerts à la population québécoise, soit en milieu hospitalier ou dans les cliniques. Il est essentiel que le gouvernement tienne compte de cette contribution dans tout changement à la formule de rémunération, pas seulement à cause de l'argent impliqué, mais aussi, et surtout en fait, à cause du temps nécessaire pour faire cet enseignement.

Pour nous, les formateurs de la médecine de demain, le temps, c'est le nerf de la guerre, du temps protégé, du temps reconnu, du temps rémunéré, du temps pour enseigner. Déjà, pour certains, l'enseignement est vu comme un morceau qui s'ajoute à tout le reste. Les augmentations de cohortes amplifient cette résistance sur le terrain. Les discours négatifs, la surcharge de travail, les conditions de pratique, tout ça amplifie cette résistance.

Dans la mesure où le p.l. 106 lierait la rémunération à des indicateurs de performance uniquement cliniques, sans prendre en compte les activités d'enseignement et de recherche des médecins cliniciens, il mettrait en place des incitatifs qui pourraient entraîner une diminution importante de l'engagement des médecins pour les activités pédagogiques structurées, celles des deux premières années de formation, mais surtout, surtout, de l'encadrement clinique durant l'externat et la résidence. C'est là notre inquiétude : ne plus pouvoir trouver les milliers de professeurs dont nous avons besoin pour former les médecins de demain.

• (21 h 10) •

Pour nous, la préoccupation première est d'offrir une formation solide aux apprenants d'aujourd'hui afin de garantir que les Québécoises et les Québécois ont accès demain à des soins de qualité. Si le gouvernement adopte un régime d'indicateurs de performance pour établir la totalité ou une partie de la rémunération des médecins du Québec, il sera essentiel que soient incluses des modalités de rémunération liées à l'enseignement, à la recherche-innovation, à la supervision et aux autres tâches universitaires. Pour maintenir un système de santé accessible, efficace et humain, les médecins devront pouvoir exercer dans un environnement qui reconnaît toute la complexité de leur rôle et leur offre les ressources nécessaires pour répondre... pour répondre tant aux besoins en soins de la population qu'aux exigences de la mission universitaire. Si le p.l. 6... Si le p.l. 106 n'est pas modifié pour protéger l'importance de la mission d'enseignement et de recherche, il sera beaucoup plus difficile d'offrir un environnement optimal à nos étudiants et d'attirer, de motiver et de retenir ici les professionnels dont dépendront la qualité de la formation et des soins au cours des prochaines décennies.

Pour conclure, nous proposons que le p.l. 106 soit modifié afin de garantir l'engagement nécessaire de la population médicale pour protéger la qualité de la formation et de la recherche au Québec. Pour ce faire, nous recommandons de reconnaître formellement la tâche de formation dans tous les milieux cliniques du Québec dans la mesure où le gouvernement choisirait de créer et d'imposer des indicateurs de performance, d'en établir tant pour la formation clinique que pour la recherche-innovation, de valoriser la rémunération des activités d'enseignement et des activités de recherche et d'assurer les conditions de travail pour les médecins favorables à la formation. Au nom de mes collègues, je tiens donc à vous remercier de l'occasion de participer à cette audience et de réitérer notre désir de collaborer avec le ministre et le ministère pour trouver des solutions aux enjeux soulevés et favoriser l'accès aux services de santé du Québec. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre présentation. Merci beaucoup aussi de nous... de laisser à l'écran les cinq recommandations que vous venez de nous lire, s'il vous plaît. Alors, ceci étant dit, M. le ministre, vous allez débuter avec... pour les échanges?

M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à vous quatre, là... Est-ce qu'on est toujours en lien avec votre collègue de l'Université de Montréal, même... O.K. Je le vois, il est...

Le Président (M. Provençal) :Oui, M. Cossette...

Une voix :  Ah! c'est vrai...

M. Dubé : M. Cossette est là. Bonjour, M. Cossette. Bien, premièrement, merci beaucoup d'être là, tous les quatre, c'est... surtout à cette heure-là, à travers...

M. Dubé : ...vos journées, mais je pense que c'est vraiment important parce qu'on a eu... Je reviens, puis je ne sais pas si vous avez écouté les conversations qu'on a eues avec le professeur des HEC qui a fait l'étude, mais je vais vous le résumer, là. Quand on a... On a voulu regarder le potentiel de changement au niveau de la prise en charge, puis au cours des derniers mois, là, quand on préparait tout ça. C'est pour ça qu'on est allé chercher un chercheur qui était indépendant, puis, comme je l'ai expliqué, puis là je ne me souvenais pas si c'est ce matin ou hier, parce que les journées sont assez longues, mais on a rencontré ce chercheur-là qui est venu expliquer qu'aujourd'hui, maintenant, grâce aux différents projets de loi qui ont été mis en place, on a accès à des données qu'on n'avait pas avant ou qu'on peut croiser des données, puis ce qui nous a permis d'avoir des données très intéressantes sur la prise en charge. Mais il nous a dit, dans son étude, puis je vous invite à la lire si ce n'est pas déjà fait : Malheureusement, il y a un trou. Il y a un trou où on n'est pas capable de voir de façon aussi sûre que quand on analyse les données de la RAMQ. Les données de la RAMQ sont claires. Vous avez de la facturation, vous faites de la prise en charge, vous faites de l'urgence, vous faites... peu importe l'activité, si elle est rémunérée par la RAMQ, et c'est ça, le croisement des données qu'ils ont fait, puis ils ont dit : Voici ce que nos médecins en moyenne font. Je ne suis pas sur l'horaire, je ne suis pas sur les dollars, je suis sur l'occupation, vous me suivez?

Malheureusement, il nous a dit : Bien, par contre, pour la recherche et l'enseignement, trou noir. Je ne le sais pas, je ne suis pas capable d'aller voir. Ça fait qu'on a dit : On va retourner puis on va aller voir, mais ça, c'est récemment qu'on a eu son rapport, ça fait qu'on n'est pas rendu là.

Alors, moi, ce que... la première question que je vous pose, c'est parce que vous êtes quand même quatre grandes universités puis vous voulez collaborer avec nous, moi, si je renvoyais le chercheur la semaine prochaine puis je lui disais : Comment on va faire pour aller faire cette analyse-là, là? Vous m'avez sorti tantôt des chiffres, là, 1 350 professeurs. Il y en a 15 000 qui sont à contrat dans les... Comment on ferait pour avoir une représentation la plus juste possible? Puis là, je parle de l'enseignement, puis, après ça, on se parlera de la recherche aussi, là, mais je voudrais me concentrer sur la... comment on ferait ça pour aller chercher ces données-là, pour être capable... Est-ce que ça serait bien compliqué? Est-ce que vous avez ça dans chacune de vos universités? Comment on pourrait faire ça pour, rapidement... pendant qu'on continue nos avancées sur les discussions qui se passent en ce moment avec avec nos médecins?

M. Dorion (Dominique) :  Je pense que c'est moi qui vais hériter de la rondelle. Il y a différentes façons d'évaluer l'implication des gens. Une des façons qui n'est pas... probablement pas la meilleure, mais c'est d'évaluer le nombre d'heures rémunérées. Nous autres, dans les universités, on est capable de suivre le nombre d'heures rémunérées par nos professeurs et nos enseignants. C'est d'ailleurs ce qu'on partage avec le ministère de la Santé et des Services sociaux depuis plusieurs années. Donc, on est capable d'évaluer combien... l'Université de Sherbrooke, que je représente ici aujourd'hui, rémunère combien de médecins et pour combien d'heures au total. On a des façons d'évaluer cette implication-là, autant pour les...

M. Dubé : Ça, c'est des données du ministère de l'Enseignement ou c'est des données de l'université...

M. Dorion (Dominique) : C'est des données de l'université, c'est des budgets universitaires de chacune des universités. Donc, ça, ça touche beaucoup plus la première portion que je décrivais tantôt, qui est la partie préclinique...

M. Dubé : Préclinique, là, les deux premières, oui. Continuez, ça va bien.

M. Dorion (Dominique) : Exactement. Donc, on a des données chez nous pour... qui représentent une bonne partie de ce morceau-là. Quand j'ai parlé plusieurs fois de rémunération par la RAMQ, rémunération clinique, rémunération qui vient du ministère de Santé et de services... et de tout cet environnement-là, c'est la RAMQ et les fédérations qui pourraient avoir cette information.

M. Dubé : Mais ça, on l'a, ça? La partie qui est RAMQ, avec les codes de RAMQ pour... ça, on l'a?

M. Dorion (Dominique) : Pour ces différents morceaux-là, vous l'avez. Pour l'enseignement, il ne reste pas beaucoup de trous quand on... puis on amène ces différents morceaux-là, je vais laisser mes collègues prendre la balle au bond s'il y a d'autres choses, mais à travers ces morceaux-là, on est capable d'aller assez loin sur le nombre. Donc, je peux vous amener des chiffres, M. Dubé. Quand on regarde ce que nous autres, on rémunère, on est à une centaine, 107, 108, 110 médecins de famille, 600 et quelques médecins spécialisés, ça, c'est...

M. Dubé : Est-ce qu'ils sont à... excusez de la... je ne veux pas...

M. Dorion (Dominique) : Oui, oui, c'est correct. Parfait, on discute.

M. Dubé : ...mais quand vous dites... parce que je veux faire la différence entre 100 médecins...

M. Dubé : ...qu'ils font, mais est-ce qu'ils le font à 100 % de leur temps ou?

M. Dorion (Dominique) : Donc, c'est des équivalents temps plein. Votre question est excellente. C'est des équivalents à temps plein de médecins. Ces gens-là ne sont pas... ne font pas partie des 1 350 dont je parlais tantôt, qui sont des professeurs universitaires qui sont dédiés. C'est donc des gens qui viennent... des médecins en pratique clinique dans nos environnements puis qui viennent...

M. Dubé : Mais quand vous me dites 100 chez vous, c'est...

M. Dorion (Dominique) : C'est 100 pour le Québec, l'équivalent...

M. Dubé : Ah! O.K.

M. Dorion (Dominique) : L'équivalent de 150 médecins de famille...

M. Dubé : O.K. Là, là, c'est un chiffre que j'avais entendu, qu'on parlait de 200 peut-être... Est-ce que c'est peut-être 200 pour les quatre universités à temps complet?

M. Dorion (Dominique) : Mais c'est... On parle des médecins de famille ou on parle...

M. Dubé : Oui, oui.

M. Dorion (Dominique) : C'est 187, le chiffre exact...

M. Dubé : Bon, c'est ce que je m'étais fait dire.

M. Dorion (Dominique) : Excusez, j'ai dit 100. C'est 187, le chiffre exact. Donc, c'est le chiffre que les quatre facultés ensemble...

M. Dubé : Pour les quatre facultés?

M. Dorion (Dominique) : Pour les quatre facultés, l'enseignement formel dans nos facultés pendant les deux premières années, qui est... comme je le disais tantôt, représente 20 % ou 30 % de la formation médicale au complet en termes de temps puis d'exposition.

M. Dubé : Bien, c'est là que je suis surpris un peu. Ça fait que j'ai dit : Il nous manque d'autres choses parce que...

M. Dorion (Dominique) : Non.

M. Dubé : Non, mais c'est... J'essaie de comprendre parce que...

M. Dorion (Dominique) : Ce qu'il vous manque, c'est la facturation de la... je m'excuse. La facturation de la RAMQ va vous amener des chiffres sur le nombre d'heures d'enseignement donnés par le nombre de médecins qui ont facturé. Quand on discute avec les gens de la FMOQ, on parle d'environ 40 % des médecins de famille qui ont facturé à des activités d'enseignement, d'encadrement d'étudiants.

M. Dubé : O.K. Puis ça, on l'a.

M. Dorion (Dominique) : Ça, vous...

M. Dubé : On l'a parce que c'est un code de facturation.

M. Dorion (Dominique) : Vous avez le nombre d'heures facturées, vous savez combien de médecins ont facturé...

M. Dubé : Et voilà. O.K. Donc, ce qui nous manque...

M. Dorion (Dominique) : Et les chiffres de la FMOQ...

M. Dubé : Ce qui nous manque pour la portion enseignement qui se rapporte aux quatre universités, c'est les 187 ou 197 équivalents à temps complet.

M. Dorion (Dominique) : Ce qui vous manque, c'est le nombre de... sur combien de personnes ces chiffres-là sont...

M. Dubé : Oui.

M. Dorion (Dominique) : On a tout ça aussi. On a tout ça aussi facilement. En fait, ce que votre ministère nous demandait, c'était une espèce de listing des gens un après l'autre, mais toute cette information-là est disponible.

• (21 h 20) •

M. Dubé : O.K. Bon, je vais.... Il y a des choses plus importantes, mais moi... Là, je comprends parce que... Je me demandais l'importance, mais ça... en termes de temps complet, ça représente peut-être quoi, 2 % des médecins de famille. Ce n'est quand même pas énorme, là.

M. Dorion (Dominique) : Vous avez les chiffres meilleurs que moi pour la... On n'a d'ailleurs jamais eu accès à ça.

M. Dubé : O.K. Ce qui est le plus important... Puis je reviens aux gens qu'on a rencontrés avant vous, là, d'une GMF-U, là, bon. On est quand même passé de 800 médecins que vous formez, les quatre facultés de médecine, à 1 165. C'est un record. Moi, je suis très fier de ce qu'on a fait avec ça. Mais je veux vous remercier pour l'effort parce que c'est une... Est-ce qu'on a le personnel suffisant en ce moment avec... pour être capable... Puis c'est d'ailleurs pour ça que c'est la première année. Là, on va le stabiliser à 1 165. Parce que c'est déjà un gros effort. Parlez-moi un petit peu de ça. Parce que j'attendais un peu...  bien, j'attendais les commentaires de ces médecins-là, là, qui trouvent ça difficile en ce moment. Est-ce que... Est-ce qu'on est capables d'avoir ce rythme-là pour... Est-ce qu'il nous prend plus de GMF-U, selon vous?

M. Cossette (Patrick) : Clairement, on a besoin de plus de places. Mais il y a déjà une planification qui est en marche avec le ministère de la Santé, justement, pour établir le nombre de places nécessaires en fonction de l'augmentation des cohortes. Clairement, à votre question, on est constamment à la recherche de nouveaux bras pour l'enseignement. Donc, il y a une augmentation, effectivement, des cohortes qui demande à ce qu'on recrute davantage de médecins. Dominique en parlait tout à l'heure. Actuellement, on a délocalisé une partie importante de notre formation, puis à peu près tous les milieux cliniques, actuellement, au Québec, collaborent...

M. Dubé : Quand vous dites délocalisés — excusez-moi, je veux juste comprendre — c'est-tu en région?

M. Cossette (Patrick) : Bien, en fait, sur l'ensemble de notre territoire... je n'aime pas trop utiliser le mot «région», mais en fait, essentiellement, on formait davantage en milieu urbain auparavant puis maintenant on a élargi de façon importante la formation. Et le constat qu'on fait, c'est qu'on est obligés de recruter constamment des gens pour nous aider, donc, à ces formations-là pour développer des nouveaux milieux et faire en sorte qu'on puisse... en fait, faire acquérir les compétences nécessaires à nos étudiants et nos étudiantes. Donc, la réponse à ça, c'est : on est en augmentation et on doit recruter davantage.

M. Dubé : Parce que, quand vous dites... Dans votre présentation, vous avez parlé des régions à 17 %, là. Puis moi, j'ai eu la chance d'aller visiter ce que vous faites à Rimouski et ce que vous faites... c'est quand même assez impressionnant, là. Rappelez-moi on en a combien en tout, des GMF-U, au Québec?

M. Cossette (Patrick) : On en a une cinquantaine à peu près.

M. Dubé : Une cinquantaine. Alors, on parlait d'une vingtaine pour la grande région de Montréal, je vais le dire comme ça, mais une cinquantaine... Mais ça, comment ça se compare? Puis... excusez-moi si je ne sais pas ça, là, quand je ne le sais pas, je le demande. Mais...

M. Dubé : …quand on avait 800 étudiants qu'on formait, il y avait combien de GMFU puis est-ce que… est-ce que la croissance des GMFU a suivi au rythme de croissance de nos 800 à 1165?

M. Poitras (Julien) : Croissance n'a pas encore suivi, parce qu'il faut comprendre que pour arriver à avoir besoin de ces places-là, pour un étudiant qui entre aujourd'hui, ça va prendre…

M. Dubé : Oui, c'est dans six ans.

M. Poitras (Julien) : C'est ça, exactement. Donc, on est en train de faire croître cette capacité-là, et il y avait une capacité qui était inférieure. Ce n'est pas tant le nombre cependant de GMFU que le nombre de places en GMFU dans le contexte où on a augmenté un certain nombre de GMFU de plus, mais on a aussi accru le nombre de places en GMFU qui étaient possibles… où il était possible d'accueillir des résidents. Donc, ça, ça a contribué également et ça contribue.

M. Dubé : Puis la question ouverte parce que je vois qu'il va me rester moins de temps, là. Moi, j'aimerais ça qu'on ait une recommandation, là, puis j'ai vu qu'il y en avait quand même plusieurs, mais pour voir comment on peut mettre ça dans le projet de loi sans dénaturer la partie rémunération. Puis je m'explique, là, il y a un principe peut-être à mettre dans le projet de loi, là, qu'on va réfléchir, mais toute la question de combien on paie un médecin qui fait de l'enseignement, ça, ça va relever des discussions qu'on a. Vous me suivez? Le principe ici, c'est le principe de rémunération ou de simplification, ou d'avoir une performance. Mais les dollars associés aux heures qui sont mises, ça va relever de la discussion sur la rémunération, vous me suivez? Ça fait que j'aimerais vous… en tout cas, on pourra en reparler, là. Mais qu'est-ce qu'on devrait mettre dans le projet de loi qui envoie ce message-là sans se mêler des discussions sur la rémunération? Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Poitras (Julien) : Bien, je comprends très bien. Je pense qu'un des premiers éléments, je pense, à mentionner, c'est que nous, on l'analyse davantage souvent plutôt qu'en termes de rémunération qu'en termes de postes aux plans d'effectifs. Qu'est-ce qu'on est capables de… comment est-ce que des médecins peuvent libérer un certain temps clinique pour pouvoir se consacrer à l'enseignement et à la recherche? Puis ça, c'est une clé qui est importante.

M. Dubé : Ça, c'est clair.

M. Poitras (Julien) : On a eu de la part du ministère de la Santé, donc, une aide importante, dans les deux dernières années, où on a accru le nombre de places au plan d'effectifs dans certains départements et certains services cliniques pour permettre à ces… des médecins de ces…

M. Dubé : Au moins, c'est reconnu puis...

M. Poitras (Julien) : C'est reconnu jusqu'à un certain point. Mais il faut faire plus parce que c'est dans une phase d'augmentation de cohortes. Il faut comprendre qu'à mesure qu'on augmente les cohortes, on a besoin de plus de médecins pour enseigner.

M. Dubé : Très forte. Bon, bien, tant mieux. O.K., c'est très éclairant. Merci beaucoup. Merci pour votre présentation encore une fois pour être là ce soir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonsoir à vous quatre. Merci d'être là. Le ministre dit qu'il est tard, mais vous êtes dans le milieu universitaire, il n'est pas si tard que ça va, à 9 h 30, il y a encore bien des cours, souvent. Alors là, là, aujourd'hui, là. Je… moi, je… Si vous êtes là, c'est parce que vous avez des inquiétudes, entre autres, par rapport au projet de loi, par rapport à ce qui est présenté, puis par rapport à l'impact que ça va avoir sur votre capacité à former des médecins. Alors, et il faut le dire, là, même avec le discours que le ministre a en ce moment, c'est un projet de loi, que, la semaine dernière, on était prêt à adopter en bâillon, donc, fort probablement tel quel, là, et que même hier le ministre nous disait : Je pense qu'on veut davantage des médecins qui font de la prise en charge que des médecins qui font autre chose comme l'enseignement. Alors, juste pour être clair, si on l'adopte comme ça, le projet de loi, c'est quoi, votre analyse de ce qui va se passer sur l'enseignement?

Mme Fellows (Lesley) : Je pense que l'important, vraiment, c'est qu'il… Comme écrit, que ce n'est pas clair que l'enseignement, la formation est inclus dans les indicateurs de performance, et c'est ça qui va être le plus important. Les soins et la formation vont complètement ensemble dans les milieux cliniques. Alors, si on… si on fait les changements côté clinique, soins cliniques, c'est certain que ça avoir des effets sur la formation, la capacité de former les étudiants, les résidents, et aussi de superviser ces apprenants-là présentement maintenant en formation pour assurer que les soins qu'ils prodiguent sont sécuritaires et à la hauteur. Alors, comme tel, ça… on sent que ce n'est pas clair que l'enseignement, il est inclus dans ce… dans ces indicateurs de performance, ça va être très difficile.

Et je pense qu'on entend déjà sur le terrain des inquiétudes très claires. Mais c'est aussi juste de… la façon qu'on offre les soins à la population, la formation est intégrée dans cette offre de services. Alors, ça pourrait avoir des effets sur les soins aussi, des effets négatifs, évidemment. On est...

Mme Fellows (Lesley) : ...on est inquiets de ça, c'est certain.

M. Fortin :O.K. Et, quand vous dites : Un effet sur les soins parce que l'enseignement est intégré ou la formation est intégrée aux soins, là, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il pourrait y avoir moins d'intérêt à aller pratiquer en GMFU, peut-être, parce qu'il y a une notion d'enseignement et que, là, on vise surtout la prise en charge, ou est-ce que c'est plus global?

Mme Fellows (Lesley) : Bien, je pense qu'il y a plusieurs, parce que c'est si lié. Alors, en premier, les résidents, les externes et les étudiants en médecine, quand ils sont en clinique, là, ils offrent les soins, ils soignent les patients. Alors, déjà, s'il y a des difficultés à avoir la supervision pour ces apprenants-là, ça va peut-être ralentir les choses, d'une certaine façon. Bien, c'est aussi le cas, je pense que la plupart des médecins qui s'intéressent à l'enseignement, et il y en a beaucoup, la majorité des médecins au Québec, qui participent d'une façon ou d'une autre à l'enseignement. Ils le font parce qu'ils aiment faire ça, la plupart, ça leur garde au courant, ça leur intéresse. Alors, le fait de, disons, obliger de laisser l'enseignement pour se viser à 100 % sur les soins cliniques poserait peut-être des problèmes.

M. Fortin :Mais quand... Je vous prends au mot, là, «poserait peut-être des problèmes», vous allez quand même en détail, là, dans votre présentation : «Le p.l. n° 106 aurait pour effet une réduction importante du temps consacré par les médecins à de la supervision clinique»... je saute une phrase, mais «...ce qui pourrait compromettre l'agrément des programmes de formation». C'est une de vos inquiétudes, ça, l'agrément des programmes de formation?

Mme Fellows (Lesley) : Oui.

M. Fortin : Oui. C'est quand même assez drastique, comme effet. Je vous amène à votre dernière recommandation : favoriser la pratique de la médecine au Québec. Je vous cite : «Nous craignons que l'approche proposée par le projet de loi n° 106, en créant des conditions uniques au Canada, ne nuise à l'attractivité du Québec comme lieu de pratique et n'augmente les pressions sur un système déjà sous tension.» Qu'est-ce que vous voulez dire? C'est que vos diplômés ou les diplômés seraient... auraient tendance à se tourner vers d'autres provinces ou les médecins qui veulent enseigner auraient tendance à se tourner vers d'autres provinces?

• (21 h 30) •

M. Poitras (Julien) : Bien, en fait, c'est à deux niveaux. En fait, lorsque Dominic expliquait tout à l'heure les phases au niveau de la formation, c'est qu'en résidence les résidents ont le choix de faire leur formation n'importe où, donc eux, ils magasinent, à ce moment-là, un peu partout au Canada. Donc, ils peuvent se retrouver, même s'ils ont fait leur formation à l'Université Laval, à Vancouver, au niveau de la résidence, et, à ce moment-là, on n'a pas... on ne peut pas les attacher. Et c'est clair que les conditions, à ce moment-là de pratique ou la pratique de la médecine au Québec a une influence sur leur choix de formation, puisque, par la suite, ça leur ouvre la porte également pour rester dans ces milieux-là.

M. Fortin :O.K. Donc, si on a des conditions ou des critères qui sont à ce point-là différents, ça se peut qu'à un moment... au moment de faire leur choix, ils fassent le choix de pratiquer ailleurs. O.K.

La recommandation c, là, juste pour être bien clair, vous utilisez des termes, puis vous venez du milieu académique, donc je sais que vous pesez chaque mot, là, c'est toujours bien mesuré, de «bonifier et valoriser davantage la rémunération pour les activités de supervision». Là, encore là, on ne rentre pas dans la négociation, mais est-ce que vous nous dites qu'en ce moment la rémunération pour les activités de supervision des apprenants est insuffisante, peut-être par rapport à d'autres aspects ou d'autres pratiques, là, mais vous nous demandez de la bonifier?

M. Dorion (Dominique) : Patrick veut répondre.

M. Cossette (Patrick) : Oui. Alors, c'est vrai qu'il y a eu plusieurs efforts dans le passé pour inclure les activités de rémunération universitaire, donc l'enseignement, dans la rémunération des médecins, mais ça reste que c'est une composante qui est assez faible par rapport à la rémunération à l'acte ou au patient. Moi, je suis spécialiste, ces tarifs-là n'ont pas été augmentés depuis quand même presque une vingtaine d'années, et c'est très inégal entre la rémunération universitaire qu'on peut voir du côté des spécialistes et des médecins de famille.

Donc, ce n'est pas quelque chose qui est particulièrement valorisé, mais ce n'est pas... ce n'est pas une question d'argent, ici, uniquement, c'est vraiment une question de qu'est-ce qu'on va prioriser, qu'est-ce qu'on va demander aux praticiens de faire dans les indicateurs de performance. Le plus important, pour nous, c'est que, si on met la priorité sur voir des patients puis donner des services à la population, ça, on est 100 % d'accord avec ça, bien, les médecins vont se diriger plutôt vers là si leur rémunération en dépend, aux dépens des activités d'enseignement, qui ne sont déjà pas particulièrement bien rémunérées, et surtout si on ne les inclut pas dans les indicateurs de performance. Donc, ces deux recommandations-là vont ensemble.

M. Fortin :O.K. C'est déjà assez difficile comme ça... c'est déjà une contrainte, disons, là, et là, si on ne tient pas compte, dans le projet de loi, de la formation, ça va être encore...


 
 

21 h 30 (version non révisée)

M. Fortin :...plus difficile, si je vous comprends bien. M. le ministre, moi, ça ne me dérange pas, je sais que vous aviez une précision que vous vouliez demander, là.

M. Dubé :  ...M. le député. Moi, j'ai entendu, au cours des derniers jours, là, qu'il y avait une façon différente... puis je vais le vérifier, mais peut-être, vous le savez, de la... docteur Cossette, de la différence de rémunération pour un spécialiste qui fait de l'enseignement versus un omni qui fait de l'enseignement, parce que c'est... c'est dans des enveloppes qui sont régies par les deux fédérations, je vais le dire comme ça. Est-ce que la différence est si importante?

M. Cossette (Patrick) : Bien, il y a des différences, puis là je ne veux pas aller dans les détails...

M. Dubé : Non, non, non, mais je veux juste comprendre.

M. Cossette (Patrick) : ...de négociation d'argent, mais...

M. Dubé : Il y a une différence, ce n'est pas... Oui, excusez-moi.

M. Cossette (Patrick) : ...mais il y a des différences aussi dans quels actes sont permis ou pas permis, puis, des fois, ça peut aller dans l'autre sens. Par exemple, il y a certains types d'enseignement qui sont permis ou rémunérés pour la... par la FMOQ, les omnipraticiens, qui ne le sont pas pour les spécialistes. Donc, quand on parle de bonifier, c'est aussi standardiser, s'assurer que, quand un médecin au Québec, qu'il soit omnipraticien ou médecin spécialiste, viennent enseigner dans nos universités, peu importe à quel niveau d'étudiants ils vont enseigner, que ce soit aux résidents, aux externes, aux étudiants en médecine, ça devrait être standardisé.

M. Dubé : Merci, André. C'est beau. On va creuser ça. On va creuser ça. C'est beau. Merci beaucoup, André.

Le Président (M. Provençal) : ...

M. Fortin :Oui. Merci. Merci, M. le Président. Est-ce qu'il y a un risque, selon vous, puis on l'a entendu de d'autres tantôt, entre autres, je pense, les gens du GMF-U, là, que vous avez peut-être entendus quand vous êtes arrivés, de dévaloriser encore plus la médecine familiale avec ce projet de loi là?

M. Poitras (Julien) : Bien, en fait, c'est un tout, mais la médecine de famille, on a quand même une expérience récente dans les dernières années au Québec. Dans les années 2015, il y a eu une désaffectation de l'enseignement au niveau de la médecine de famille. Nos GMF-U, en termes d'enseignants, on en a perdu beaucoup. On est encore actuellement à rattraper, dans certains GMF-U, ces médecins de famille, qui sont absolument importants pour former les médecins de famille de demain. Donc, c'est sûr que c'est une préoccupation qui est importante pour nous. On en parlait tout à l'heure, déjà au niveau de la rémunération, il y a des iniquités qui font en sorte qu'on va devoir, pour des raisons, en fait, financières, mettre à contribution davantage, parfois, des spécialistes dans certains types d'activité d'enseignement plutôt que des médecins de famille. Et ça, ça donne, à ce moment-là, comme message aux étudiants, aux étudiantes... bien là, on voit des spécialistes devant nous, ça devient nos modèles de rôle, et l'idée de devenir médecin de famille à ce moment-là devient... devient en péril. Donc, ce sont des éléments comme ça qui nous font peur, en fait, par rapport à cette désaffection-là vis-à-vis de la médecine de famille.

M. Fortin :O.K.Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) : Ça va?

M. Fortin : Je vous remercie de votre présence ce soir, encore une fois.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député de Pontiac. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci d'être là. Vous êtes... Vous êtes les derniers d'une très longue journée. Merci d'avoir patienté. Mais vous venez néanmoins de rallumer quelques feux rouges dans ma tête, là, parce que je vous cite, en conclusion : «Les retombées des mesures portées par le projet de loi n° 106 risquent d'avoir un impact rapide sur la qualité de la formation des futurs médecins. Nous craignons une désaffection rapide et généralisée des médecins enseignants qui mettra à mal nos curriculums et nos activités de formation.» C'est clair, pas besoin d'extrapoler là-dessus, mais moi, je me pose une question : Avez-vous été consultés par le ministère ou... dans l'élaboration de ce projet de loi là qui est devant nous? Parce que ce que vous dites là, ce n'est pas banal, là, c'est grave, c'est très grave. Puis je ne sais pas si ce qui m'étonne le plus... de lire ça ou l'étonnement de la partie gouvernementale, qui a l'air de tomber des nues. Est-ce que vous avez été consultés?

M. Dorion (Dominique) : Non.

M. Marissal : Aucun d'entre vous? Vous avez quand même des contacts réguliers, je présume, là, avec l'Enseignement supérieur et avec le MSSS?

M. Dorion (Dominique) : Oui.

M. Marissal : Donc, pas de consultation?

M. Dorion (Dominique) : Non.

M. Marissal : O.K. Ça a le mérite d'être clair.

Le milieu étudiant en médecine est quand même assez secoué depuis quelque temps, là, il y a eu 83. On connaît leurs représentants maintenant par leurs petits noms, là, ils viennent ici une fois par semaine depuis quelque temps. Là, il y a 106. Mon collègue de Pontiac a parlé, là, du risque de départs. Bon, ça, ça peut toujours arriver. Mais quel est l'état d'esprit en ce moment dans les facs de médecine? Parce que c'est... on est comme dans un petit mouvement de... tempêteux, je dirais, là.

M. Dorion (Dominique) : Je vais commencer, puis vous allez avoir envie de suivre, je suis convaincu. On est effectivement dans une période qui est trouble, à travers les augmentations de cohortes qui ont déjà amené...

M. Dorion (Dominique) : ...une espèce de déstabilisation de nos... de nos activités. On est en modèle recrutement de nouveaux professeurs, en modèle recrutement de nouveaux milieux cliniques.

On en a peu parlé, mais les augmentations de cohortes, le problème, ce n'est pas de trouver 50 chaises de plus dans une plus grande salle à Sherbrooke. Le problème, c'est qu'est-ce qu'on va faire avec eux autres quand ils vont être à l'externat, comment on va les positionner deux ans plus tard. Donc, à une de vos questions tantôt, «Est-ce qu'on a les places en GMF-U?», on s'est assurés, avant d'accepter les étudiants en première année qu'on aurait le moyen d'avoir les places. Les discussions ont été complexes, et solides, et franches avec les deux ministères avec qui on travaille, pour nous assurer que les financements seraient au rendez-vous, puis qu'on pourrait avoir les solutions dont on aurait besoin quatre ans ou cinq ans plus tard quand on va y arriver. Donc, ces morceaux-là sont en action.

Donc, on avait tout ce travail-là, qui était de développer, puis c'est de... on a à charmer des milieux de stage, à leur dire : C'est plaisant, l'enseignement, vous allez voir, ça change le quotidien. Des fois, c'est... Vous avez tous rencontré des externes puis des résidents. Je ne parle pas d'ici, je parle, dans les hôpitaux. C'est les petits jeunes qui se promènent et qui suivent en arrière. Donc, ils changent la dynamique d'un hôpital. C'est très clair qu'avoir des apprenants dans une institution ça améliore la qualité des soins, parce que — on en a parlé — ça force les médecins, ça force les traitants à rester sur la coche. Parce qu'ils en ont plein, de questions, puis ça ne finit plus, puis... pourquoi votre voisin, à côté, le docteur de l'autre hôpital, il fait ça différent? C'est un puissant moteur de qualité de soins et d'homogénéité de soins d'avoir des étudiants et des apprenants. Donc, on était là-dedans, en train de charmer des milieux, puis... des nouveaux milieux. Je parle pour Sherbrooke... On est à Drummondville, l'hôpital est vétuste, on le sait, là-bas. Il y a des projets en construction, on est impliqués là-dedans. Donc, c'est ça, la dynamique dans laquelle on est.

• (21 h 40) •

Puis il nous arrive un changement... Honnêtement, tout changement dans la... dans les... toute proposition de changement dans les modalités de financement du corps médical a un impact assez rapidement sur l'enseignement. On est un peu comme Leslie a fait allusion. Les gens le font parce que ça leur tente, parce qu'ils ont un peu le goût. Pendant la pandémie, on l'a vu, les gens se sortaient un peu de l'hôpital pour venir enseigner des... Cet environnement-là, il est intéressant, mais c'est en plus des autres choses. Puis quand on arrive à secouer la base, à vouloir changer les modes de rémunération, juste l'instabilité... L'instabilité de l'augmentation... vous avez parlé de tempête... l'instabilité de l'augmentation des cadres avec l'instabilité de la... de la... de l'enrobage de rémunération amène, pour toutes ces équipes-là, un inconfort.

On n'a pas eu un retrait massif de gens qui sont tous arrivés à la course, mais je peux vous dire que ça va faire partie, potentiellement... c'est un des morceaux faciles, donc ça peut faire partie, potentiellement, des réflexes que les gens vont avoir sur le terrain, puis ils nous avaient dit : Oui, je vais y aller, ah! finalement, je ne peux pas, puis on a des désistements, pas massifs, mais ça complexifie notre vie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, je... on va terminer avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci à vous quatre d'être présents ici ce soir. Vous parlez, évidemment, de rémunération liée à l'enseignement, qu'il ne faudrait pas oublier lorsqu'on... il est question de revoir la rémunération des médecins. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de l'étude qui nous a été présentée ce matin, là, l'étude des HEC concernant, justement, la rémunération, où on... et il y a eu aussi des... une couverture médiatique par rapport à cette étude, commandée par le gouvernement du Québec. Et je vous avoue que ce qui me frappe ce soir, c'est que, bon, vous plaidez pour qu'on prenne en compte l'enseignement, les heures d'enseignement puis la rémunération.

Ce matin, ce qu'on apprenait, c'était qu'il y avait un trou noir dans l'analyse. Je ne sais pas quel genre de devis on avait, mais on disait : Bien là, il y a des choses qui sont faites à l'extérieur de ce qui est facturé à la RAMQ, mais on ne sait pas c'est quoi. Mais là, avec la discussion à laquelle on a eu lieu tout à l'heure, vous avez, à la minute près, les heures qui se sont faites en enseignement par les médecins, et la RAMQ aurait aussi toutes les heures facturées pour ce qui est de la troisième ou quatrième année, les années suivantes. Comment vous expliquez qu'on a cette information-là mais qu'on ne l'a pas consignée dans un rapport, qui semble aussi importante pour redéfinir le mode de rémunération des médecins?

Mme Fellows (Lesley) : C'est une question pour celui qui a fait le rapport.

Des voix : Ha, ha, ha!17947

M. Arseneau : Mais est-ce que... est-ce que c'est en réaction à ce rapport-là, où on dit : Bien là, il y a un trou noir? Vous, vous dites : Il y a un trou noir, c'est l'enseignement, ne l'oubliez pas dans votre révision de rémunération.

Mme Fellows (Lesley) : Bien, pour nous, c'est juste qu'il y a un manque de discussion de ce sujet-là dans le projet de loi, pas dans le rapport. Je ne sais pas.

M. Arseneau : D'accord, mais... Je comprends, mais...

M. Dorion (Dominique) : On ne l'a pas vu, le rapport.

M. Arseneau : Oui, évidemment, et c'est un hasard complet qu'on a eu cette étude-là là, au moment même où on étudiait le projet de loi n° 106, j'imagine. Mais je reviens à votre inquiétude que ce que vous entendez sur le terrain...

M. Arseneau : ...l'inquiétude, c'est par rapport à l'instabilité qui est créée par le projet de loi n° 106, j'imagine, mais, pour ce qui est de la médecine de famille, est-ce qu'il y a aussi à cet égard-là une inquiétude plus spécifique? Parce que vous mentionnez : Au moment où il serait important, dans votre conclusion, de valoriser la profession médicale et d'encourager les étudiants et les étudiants à choisir la médecine de famille, le message que ce projet de loi envoie est à contre-courant. Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Cossette (Patrick) : Je pense que ce qu'il faut comprendre là-dedans, c'est que c'est... La médecine de famille, on est tout à fait en ligne avec les orientations du gouvernement à savoir de former plus de médecins de famille pour répondre aux besoins de la population. On vise toujours à former 55 % de médecins de famille. On réussit actuellement, à l'intérieur de nos cohortes, qui est... on réussit, actuellement, à former entre 52 % et 53 % de nos résidents, donc, en médecine de famille, ce qui est quand même exceptionnel comme performance au niveau canadien puisqu'on est davantage autour de 30 % dans les autres provinces.

M. Arseneau : Mais en quoi est-ce que le projet de loi va à contre-courant?

M. Cossette (Patrick) : Bien, nous, on veut toujours continuer à valoriser, donc, la médecine de famille. Ce qu'on voit, vous avez entendu comme nous tout à l'heure, là, les gens du GMF-U, c'est une sorte de découragement, en fait, à l'égard, donc, de l'enseignement de la médecine de famille. Nous, ce qu'on craint, c'est de perdre nos médecins qui sont en GMF-U, donc en groupe de médecine de famille universitaire où on forme nos futurs résidents. Et c'est cette inquiétude-là qu'on a vécue, comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a une dizaine d'années. On en est encore parfois à essuyer, donc, les difficultés qu'on a eues à ce moment-là. On veut éviter que la même... la même situation se reproduise.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. Alors, il me reste à vous remercier, Mme la Représentante et Messieurs les représentants de nos quatre facultés de médecine du Québec, pour ces échanges que nous avons eus ce soir, et surtout d'avoir accepté de venir à cette heure aussi tardive dans notre journée.

Alors, ceci étant dit, la commission ajourne ses travaux à jeudi 28 mai 2025, après les avis touchant les travaux des commissions, où on poursuivra notre mandat. Merci beaucoup et bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 21 h 45)


 
 

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