Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mercredi 4 juin 2025
-
Vol. 47 N° 98
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi visant principalement à réglementer les sites de consommation supervisée afin
de favoriser une cohabitation harmonieuse avec la communauté
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bon matin à tous. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte.
La Commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 103, Loi visant principalement à réglementer les sites de
consommation supervisée afin de favoriser une cohabitation harmonieuse avec la
communauté.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme Abou-Khalil (Fabre) est remplacée par Mme Boivin
Roy (Anjou—Louis-Riel); Mme Caron (La Pinière) par Mme Prass
(D'Arcy-McGee); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine) par Mme Gentilcore
(Terrebonne).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les témoins suivants : le Mouvement pour mettre fin à l'itinérance
à Montréal et la Maison Benoît-Labre. Sur ce, je reçois ce… en début, les deux
personnes suivantes Mme Chappaz, directrice générale, et Mme Julie Grenier,
porte-parole pour le Mouvement qui… pour permettre… pour mettre fin,
excusez-moi, à l'itinérance à Montréal. Alors, je vous cède la parole. Vous
avez 10 minutes pour votre présentation et nous procéderons aux échanges.
À vous la parole, madame.
Mme Chappaz (Michèle) : Merci
beaucoup. Bonjour, M. le Président. Membres de la commission, je vous remercie
de nous accueillir aujourd'hui. Je salue également les députés présents. Mon
nom est Michèle Chappaz. Je suis la directrice générale du Mouvement pour
mettre fin à l'itinérance maintenant à Montréal. Ce n'est pas un nom facile, je
vous l'accorde. Je suis accompagnée par notre porte-parole Julie Grenier.
Comme vous le savez sans doute, le
mouvement regroupe des acteurs de divers milieux qui veulent contribuer aux
solutions durables pour prévenir et…
Mme Chappaz (Michèle) : ...et
mettre fin à l'itinérance à Montréal.
Nous mettons notre vision commune en
pratique à travers un plaidoyer collectif, une large offre de formation, de la
recherche, des projets divers et le concours de plus de 50 membres
communautaires, d'affaires et institutionnels. Nous sommes inspirés par les
solutions durables qui peuvent être mises en place et sommes les instigateurs
du premier dénombrement en 2015 et du seul tableau de bord sur les personnes en
situation d'itinérance accompagnées vers le logement. À cet effet, dans les
neuf dernières années, nos membres et partenaires ont accompagné
4 734 personnes vers le logement et nous en sommes très fiers.
La cohabitation est un enjeu qui nous
touche toutes et tous et c'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui. Nos
membres affaires nous en parlent, nos membres institutionnels nous en parlent
et nos membres communautaires nous en parlent. Et quoi que tous aient à cœur
des solutions, plusieurs sont à bout de souffle. Aussi, nous saluons votre
volonté de chercher une solution aux problèmes de cohabitation, car nous en
avons besoin. D'emblée, cependant, nous tenons à noter que nous ne pensons pas
que le projet de loi répond aux réelles problématiques de la cohabitation.
Comme tous les invités l'ont dit hier, nous faisons face à une crise sans
précédent et d'une augmentation importante de l'itinérance pour des gens de
tous âges et de tous horizons, comme le témoigne d'ailleurs le dénombrement de
2022.
La crise du logement qui s'y ajoute
affecte grandement notre population et les surdoses touchent un nombre
grandissant de personnes. Il y a de la détresse partout. Les gens sont inquiets
pour leurs prochains et aussi sont fâchés parce qu'ils se sentent abandonnés,
et nous le savons tous. Nous avons peut-être moins conscience des sommes
engagées dans la sécurité actuellement au centre-ville et ailleurs à Montréal
qui sont faramineuses et autres dépenses d'entretien. Votre projet de loi tente
de rassurer les citoyens, et nous le comprenons, cependant, nous pensons qu'il
n'est pas la voie à privilégier.
Dans ce contexte difficile, nous tenons à
souligner que les organismes sans but lucratif rivalisent de créativité pour
répondre à la multiplication des besoins et pour ouvrir des ressources qui
répondent à ces besoins. Nous parlons d'ouverture de toutes sortes de
ressources, dont les sites de consommation supervisés, les haltes-chaleur, les
centres de jour, les ressources d'hébergement, les logements transitoires
permanents, et nous avons, de notre côté, entendu beaucoup de belles histoires
de cohabitation de nos membres, mais elles ne sont pas nécessairement partagées
avec l'ensemble de la population.
Alors, malgré votre volonté de ne pas
ajouter de fardeau aux organismes, à tous ces organismes qui font ces travaux,
notre lecture du projet de loi nous indique que c'est le contraire qui y est indiqué.
Le plan de cohabitation, qui est en soi une excellente proposition, doit venir
avec les moyens de le mettre en place ainsi que l'aide du milieu dans son
entier. Il ne doit pas reposer uniquement sur les épaules d'un organisme. Nous
en reparlerons dans une minute de cet élément, mais je veux revenir sur
l'élément qu'on ne retrouve pas dans ce projet de loi, et c'est-à-dire la
prévention.
Nous aimerions, au mouvement, avoir un
projet de loi qui vise la réduction de l'itinérance, ou, comme le maire Marchand
l'a indiqué hier, évidemment, l'itinérance zéro fonctionnel, c'est notre
vision. Cela permettrait évidemment une meilleure cohabitation, car celle-ci
passe aussi par la diminution des crises multiples que nous traversons. Ce
n'est que par la prévention primaire et secondaire de l'itinérance, en plus des
réponses aux besoins des personnes déjà en situation d'itinérance, que nous y
arriverons collectivement. Et, sur ce, je laisse la parole à ma collègue Julie
Grenier.
Mme Grenier (Julie) : Merci Michèle.
Alors, tel qu'introduit par ma collègue et les personnes avant nous, la
cohabitation, pour nous, c'est en quelque sorte l'arbre qui cache la forêt. Les
enjeux sont réels, les impacts sont troublants, mais procéder par projet de loi
nous apparaît un raccourci inquiétant. Nous avons l'appréhension que cela...
que cela est dans le sens de complexifier davantage un écosystème qui est déjà
tiraillé notamment par des luttes politiques quant aux responsabilités qui
incombent aux divers paliers gouvernementaux. Nous croyons également que cela
peut causer une distraction quant à l'importance et à l'urgence de s'attaquer
aux causes profondes de la crise. Nous y voyons en somme un pansement
maladroitement posé à côté d'une plaie qui ne fait que s'aggraver.
Nous avons participé récemment aux
audiences de l'Office de consultation publique de Montréal. Nous avons présenté
des recommandations issues d'un panel que nous avons réalisé l'automne dernier
dans le cadre de la conférence annuelle de l'Alliance canadienne pour mettre
fin à l'itinérance à Ottawa. Ce panel, nous l'avons réalisé avec le concours
des acteurs de plusieurs régions du Québec, tous préoccupés par la montée de
l'itinérance et les enjeux de cohabitation. Outre la démonstration d'exemples
de cohabitation fort réussie, cela mettait surtout en lumière l'importance des
étapes préalables à l'intention de nouvelles ressources ainsi que de la
communication claire et fluide pendant toute la durée d'un projet. Cela vaut
donc également pour les ressources existantes. Les mécanismes doivent être
clairs, y compris pour porter plainte, sentir qu'on est respecté, donc pour les
citoyens. Il doit y avoir un pilote dans l'avion...
Mme Grenier (Julie) : ...ce
pilote, il a par contre aussi besoin de son équipage pour arriver à bon port.
Il en va de même pour l'organisme qui doit pouvoir compter sur son
arrondissement, son CIUSSS en soutien.
Donc, nous avons aussi, d'ailleurs,
commencé graduellement, à Montréal, à expérimenter une méthode d'appropriation
des projets sur... sur ce... de cette façon-là, et ça nous apparaît très
porteur. Cela peut vous apparaître simpliste, mais pas tant que ça, car, ces
étapes, ce sont celles qui ont souvent fait défaut dans les cas qui sont
devenus tristement célèbres, et qui ont retenu notre attention ces dernières
années, et probablement conduit à cette volonté de légiférer.
Il m'importe aussi de vous mentionner que
l'expérience nous a démontré que la rareté des locaux et l'absence d'instance
ou de mécanismes responsables d'un identifié lorsqu'un projet voit le jour
actuellement est une grande part de ce qui est devenu l'enjeu de cohabitation.
Je m'explique. Plusieurs organismes doivent composer avec des lieux inadéquats
et indignes pour accueillir les gens faute de mieux, locaux qu'ils se font
également retirer à répétition, provoquant des bris de services et des nouveaux
enjeux de cohabitation. Ces locaux, ironiquement, sont également souvent
proposés par les autorités elles-mêmes. Citons, en exemple, l'église
Sainte-Bibiane, acquise contre le gré des organismes, qui la jugent inopérable
dans sa forme actuelle, et qui suscite déjà toutes sortes de suppositions de la
part du voisinage. Comment faire un plan de cohabitation quand un organisme...
quand un lieu existe, mais qu'il n'y a pas de pilote dans l'avion? Il est
impératif d'inclure, donc, des balises concertées de cohabitation en amont,
incluant l'identification éclairée des endroits où sont érigés tant les
ressources de consommation supervisée que tout autre type de services destinés.
Car, vous aurez compris, notre regroupement... notre notre mouvement n'a pas de
ressources de consommation supervisée... nos... Il s'agit d'un continuum de
services, donc, évidemment, nos membres les utilisent. Alors, on porte la voix
de l'ensemble des ressources.
Ce faisant, il importe d'avoir
collectivement une meilleure lecture à l'effet que ces ressources sont de
différents ordres et de différentes missions et peuvent avoir conséquemment des
impacts variables sur le voisinage. Ça doit être apprécié au cas par cas. Cela
doit être travaillé en amont. Et vous avez assurément cette même... site
commun, par ailleurs, ces services. Ils sont dispensés par les organismes et
ils s'adressent à des enjeux sociaux complexes qui doivent être considérés naturellement
en appui et en complémentarité à l'intervention de l'État. Ils sont déjà aussi
approuvés en amont par des comités qui regroupent villes, milieux
communautaires... Nous craignons que Santé Québec ne puisse se substituer à ces
subtilités, et l'expérience actuelle ne nous a pas démontré que la société
d'État avait des ressources attitrées à un mandat clair dans le dossier de
l'itinérance, du moins, pas dans l'intensité requise, si un tel projet de loi
devait voir le jour. Cela nous fait craindre également une certaine forme de
paralysie.
• (11 h 50) •
Dans le même esprit, la politique
nationale en itinérance s'articule autour de cinq axes, dont celui de la
cohabitation sociale et des enjeux de cohabitation, ainsi que le déploiement
des plans concertés, nous apparaît être le rôle souhaité et attendu de la
Santé. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il existe déjà et qu'il donne la
concertation intersectorielle et celle des gouvernements fédéral et provincial,
du monde municipal et des communautés autochtones sous une gouverne déjà
établie. De façon plus contemporaine, il y a une publication du ministère
qui... qui trouve... où on retrouve notamment écho à l'axe dédié au vivre
ensemble qui fait écho à cette notion de cohabitation là, et on y place des responsabilités
particulières au niveau du ministère des Affaires municipales. Dans cette même
optique, il y a une déclaration de réciprocité qui a été signée en décembre par
notre premier ministre, les présidents des Fédération québécoise des
municipalités, l'Union des municipalités, la mairesse de Montréal, le maire de
Québec. Ça nous indique également une reconnaissance de l'importance de la
situation et ça devrait également nous servir de levier d'action.
Pourquoi je cite tout cela? Parce que nous
croyons que les leviers pour la concertation dans ses rôles et responsabilités,
ils sont déjà définis, mais nous ne les employons pas adéquatement. La santé
est certes le chef d'orchestre et le facilitateur que l'on attend dans ce
dossier-là. Nous croyons donc que cela doit davantage être assumé et investi
dans un esprit de collaboration intersectorielle qui favorise le travail en
continuité, où le réseau de la santé assume à la fois sa responsabilité de chef
d'orchestre intersectoriel, mais aussi la garantie de l'accès aux soins et aux
services de santé, en travaillant en collaboration avec les organismes. On a
plusieurs exemples très fructueux à cet égard.
En ce sens, nous... nous suggérons que le
projet de loi, s'il est maintenu, devrait minimalement énoncer et assumer
clairement les responsabilités du ministère de la Santé et des Services sociaux
en matière d'itinérance, de vulnérabilité, de lutte aux dépendances et de
réduction des méfaits, et non de se restreindre à un rôle de... Cela
s'inscrirait davantage en cohérence avec les responsabilités définies dans le
napperon du ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est-à-dire en
reconnaissant le rôle à la fois central et complémentaire du réseau de la santé
dans une approche territoriale partagée, concertée et axée sur les besoins
réels des personnes en situation d'itinérance.
Alors, je vais laisser, sur ce, ma
collègue Michèle conclure notre présentation.
Le Président (M. Provençal)
: Le temps est déjà écoulé, alors je vais demander à M. le
ministre : Voulez-vous...
Le Président (M. Provençal)
: ...alors, vous pouvez conclure.
Mme Chappaz (Michèle) :
Alors, tout simplement pour dire c'est sûr que l'idéal, c'est d'avoir un plan
clair, avant d'implanter une ressource, de faire toutes les démarches pour
s'assurer que le voisinage est outillé pour accueillir la ressource, bien sûr.
Mais, quand il y a des crises qui arrivent autour de ressources, les cellules
de crise qui ont déjà existé doivent être outillées, là, pour prendre le relais
et aider les organismes, là, à régler la situation. Je ne vais pas revenir sur
le reste, mais on a vraiment parlé des leviers qui existent déjà, et c'est
pourquoi qu'on pense que légiférer n'est pas nécessaire, mais qu'il faut plutôt
se doter de moyens pour que tous puissent jouer leurs rôles respectifs et les
assumer pleinement. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: M. le ministre.
M. Carmant : Oui. Merci, M. le
Président. Rebonjour à tout le monde. Merci d'être là aujourd'hui pour la suite
de... conversation qui a été fort intéressante. Merci au Réseau pour mettre fin
à l'itinérance à Montréal d'être venu nous présenter ce matin. Vous savez, en
théorie, là, j'appuie ce que vous dites. J'aimerais laisser les choses telles
quelles et les gens s'organiser entre eux, mais la réalité, c'est que ça ne se
fait pas toujours. Et, quand ça ne se fait pas, ce n'est pas une cellule de
crise qu'on appelle, c'est le ministre qu'on appelle à l'aide. Donc, avec ce
qui est disponible, comment s'assurer que ce travail-là se fasse?
Mme Grenier (Julie) : Si je
peux me permettre, nous avons eu dans le passé une instance qui était issue,
là, des rôles de la politique nationale et qui était une instance de
concertation qui impliquait la mairesse de Montréal, à l'époque, le maire,
juste un petit peu avant, la ministre responsable des Services sociaux, le
CIUSSS, la Santé publique, où on avait un pouvoir d'agir selon une entente, là,
qui était enchâssée dans la politique nationale et qui nous donnait une
flexibilité d'agir. Donc, évidemment, on comprend l'intention derrière et on
comprend que vous vous êtes retrouvé très seul au combat dans des... dans
quelques situations tristes, récemment, et que c'est ça qui vous donne
l'intention d'un projet de loi pour forcer les choses. Puis, ça, on ne le
questionne pas.
C'est juste que le véhicule il nous
apparaît arriver en réponse à, justement, cette problématique qu'on a où chacun
doit assumer un rôle et le jouer pleinement, donc d'avoir des instances où on
se dit qu'on est obligé d'agir comme on l'est, parce que tout est déjà
existant. Mais est-ce que la loi va vraiment le rendre disponible davantage?
J'ai l'impression que ça va créer une scission encore plus grande, puis c'est
ce qui nous inquiète. Sans compter... puis sans tomber dans les effets
factuels, mais obtenir un permis avec une société d'État, en plus de devoir
déjà être très agile, ça nous fait craindre des délais absolument incroyables.
On le vit dans d'autres secteurs, et ça peut prendre des mois, voire des années.
Donc, on n'a pas ce luxe-là en itinérance.
M. Carmant : Non, mais c'est
sûr qu'on va rendre ça le plus souple possible. Puis, de toute façon, il y a
des demandes qui doivent être faites au fédéral, renouvelées après un an pour
trois ans, là, j'ai fait les vérifications. Donc, si... je comprends qu'il va
falloir s'inscrire dans quelque chose d'assez souple.
Également, quand on parle de Santé Québec,
c'est sûr que Santé Québec, maintenant, c'est le bras opérationnel, là, du
ministère. Et la personne ou l'individu qui va représenter Santé Québec dans
tout ça, je pense qu'elle est déjà à la table, c'est la directrice régionale de
la santé publique. Donc, tu sais, on parle de Santé Québec, mais en fait on
nomme la directrice régionale, on pointe vers la directrice régionale de la
santé publique, qui, selon moi, a déjà les capacités de rendre opérationnel
tout ça, mais avec la volonté politique de le faire.
Mme Grenier (Julie) : Je dois
dire que, là, vous me l'apprenez, parce que ça n'a jamais été la Direction
régionale de santé publique qui a opéré cette concertation-là. Alors là, je...
est-ce que c'est nouveau dans le cadre de Santé Québec? Je l'apprends à
l'instant, donc je ne suis pas en mesure d'apprécier.
M. Carmant : Non, non, mais ce
serait la personne que je verrais comme potentiellement être capable,
puisqu'elle est assise à toutes ces tables de discussion.
Mme Grenier (Julie) :
Actuellement, non.
M. Carmant : Actuellement...
Ah! Non?
Mme Grenier (Julie) : Certains
comités, mais c'est porté...
M. Carmant : Mais c'est eux
qui approuvent...
Mme Grenier (Julie) : ...c'est
porté par une autre direction.
M. Carmant : C'est eux qui
approuvent les sites de consommation, je veux dire, c'est la santé publique
régionale.
Mme Grenier (Julie) : Oui.
Peut-être... peut-être que je dois faire une précision. En ce moment, on parle
de l'ensemble des ressources, là, de notre côté. Excusez-moi, je pense que
c'est la nuance, là, qu'on vient de s'entrechoquer... est au niveau des sites
de consommation supervisée. Notre propos, au mouvement, là, est vraiment dans
la perspective très large de l'autorisation de l'ensemble des sites liés aux
clientèles en situation d'itinérance. Je pense que, là, c'est là qu'on vient de
s'entrechoquer. Désolée, donc, pour mes propos préalables.
M. Carmant : O.K. Puis ça, je
comprends aussi, pour les sites... général d'itinérance, comme vous savez,
c'est un règlement qui ne sera pas appliqué, là. Puis il va falloir définir
mieux les...
M. Carmant : ...qui nous
porterait à aller plus large que juste les sites de consommation supervisée.
Quelques points... Écoutez, moi aussi,
là... Vous savez, on a agi par... La crise de l'itinérance, ça nous a frappés,
là, avec la pandémie, l'arrêt des activités en plein milieu d'un mois... du
mois de mars, des gens qui n'avaient pas reçu leur chèque, qui sont tombés à la
rue, des chiffres qui ont explosé. Tu sais, c'est quelque chose qui était
incontrôlable.
Maintenant, on a doublé le nombre de refuges,
on est allé dans le 24/7, etc. Là, on est rendus à l'étape de la prévention
puis on est au même niveau que vous. Dans la dernière année, on a parlé de
prévenir les problèmes de l'itinérance en sortie carcérale. Cette année, là, on
commence, là, la sortie des centres jeunesse. Potentiellement, c'est
500 itinérants de moins par année, là, qu'on va venir prévenir. Je pense
que l'étape qui nous manque, puis on regarde ça avec Mission Old Brewery, c'est
au niveau des pertes de logement également, avec tous ceux qui font partie de
votre groupe, là. Donc, je pense que c'est une orientation qui est claire, et
qu'on veut mettre de l'avant aussi, là. Je tiens à vous rassurer là-dessus, ce
n'est pas juste un enjeu législatif. L'autre point qui est important pour moi
de discuter, là, c'est... Tu sais, je sais que la plupart des organismes font
bien les choses, le font spontanément, l'enjeu qu'on veut régler, c'est quoi
faire quand il n'y a pas de collaboration. Puis quels sont les moyens de
l'imposer dans un système où, tu sais, moi, je respecte tout à fait l'autonomie
des organismes communautaires, là, bien que, tu sais...
Mme Grenier (Julie) : Mais ce
n'est pas l'autonomie qui nous inquiète. En fait, c'est de... je pense que
c'est de plus le porter seule. Quand je vous parlais du pilote dans l'avion,
moi, j'en suis tout à fait, puis vous connaissez bien Mission Bon Accueil
notamment, vous êtes venu à l'inauguration d'un nouveau site récemment. Ce
site-là, pour moi, fait vraiment exemple dans la façon dont la cohabitation a
été planifiée. L'organisme a assumé qu'il développait ce projet-là, a donné aux
élus l'information requise pour être en mesure de ne pas être pris par surprise
s'il était questionné. Ensuite, bien soutenu par son CIUSSS, bien soutenu par
l'arrondissement, a regardé toutes les parties prenantes, et a fait ce qu'il
fallait, et a affiché sur sa porte : Voici ce qui s'en vient. Vous avez
des questions, vous venez, a réunion le voisinage. Et ça, c'est un mécanisme en
amont, mais ce mécanisme-là se poursuit aussi, parce que ce n'est pas une fois
la ressource implantée, puis ma collègue du RAPSIM l'a bien mentionné hier, à
un moment donné, il peut survenir quelque chose, un nouveau projet. Bon. Alors,
il faut qu'il y ait... puis dans nos recommandations à l'OCPM, c'est ce qu'on
disait, il faut que les mécanismes soient formels, y compris pour porter
plainte, y compris pour revenir sur n'importe quoi, ça va de soi parce que tout
le monde est légitimé là-dedans. Mais est-ce qu'une loi va nous permettre de
mieux le faire? C'est ce qui nous fait craindre que ce n'est pas le bon
Véhicule. Parce que pour le reste, on est absolument d'accord que c'est
nécessaire.
• (12 heures) •
Et, en même temps, l'autre enjeu, ce que
je veux soulever, c'est la disponibilité des locaux, parce que la façon dont
les choses se passent actuellement, c'est souvent qu'il n'y a pas de locaux
pour ériger les services. Donc, c'est ce bout-là qui se fait à la va-vite puis
l'organisme porte l'odieux. Puis l'exemple de la société de développement
social avec le refuge qui est passé de Guy-Favreau à Verdun et qui n'a pas
réussi à s'implanter à... dans Ahuntsic. C'est exactement ça. L'organisme était
forcé de déplacer son service au gré de ce qu'on lui offrait comme ressource. Comment
voulez-vous qu'il fasse un plan de cohabitation puis qu'il s'allie avec les
gens? La population a eu le droit de vie ou de mort sur le projet sans même le
savoir. Mais l'organisme ne pouvait pas s'organiser, il s'est fait imposer.
Alors, je pense que c'est nos mécanismes à
partir du moment où on travaille, tu sais, quand vous faites arriver des
financements, les gens travaillent déjà ensemble à identifier des solutions. En
ce moment, les plans de cohabitation, il faut qu'ils en fassent partie inhérente.
On tend à le faire, mais c'est là, je pense, où il faut s'assurer que ce soit
fait. Et ça risque d'être beaucoup plus opérationnel qu'un projet de loi. C'est
notre humble avis.
M. Carmant : Mais...
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Carmant : Ah, oui. O.K.
Le Président (M. Provençal)
: Le temps est échu.
M. Carmant : Merci.
Mme Grenier (Julie) :
J'ai
trop parlé.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée de D'Arcy-McGee,
s'il vous plaît.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Bonjour et merci pour le travail, pour le mémoire et votre
présentation aujourd'hui. Je vais reprendre un petit peu la conversation que
vous aviez avec le ministre. Vous avez parlé de l'exemple du nouveau projet
Maison Bon accueil, parce que, dans votre mémoire, vous parlez d'exemples de
cohabitation réussie et vous établissez cinq éléments qui devraient en faire
partie : la planification en amont de l'implantation de nouvelles
ressources, le partage de toutes les informations avec tous les acteurs
touchés, la communication continue avec ces acteurs, l'établissement de
mécanismes de plainte claires et la réalisation des suivis avec la population
avoisinante sur le long terme. Pouvez-vous nous donner un exemple où... de
projets...
12 h (version non révisée)
Mme Prass : … où justement la
cohabitation a été réussie parce que tous ces éléments ont été mis en place en…
mis en place pour l'ouverture d'un projet?
Mme Grenier (Julie) : Bien, j'ai
envie de vous dire qu'il y a des projets qui parlent d'eux-mêmes et qui sont
ancestraux. Pensons au Chaînon, installé sur de l'esplanade en plein cœur de
Montréal, dans un quartier somme tout cossu, où des femmes en très grande
difficulté vivent, où on a des services en santé mentale, où on a des services
d'hébergement d'urgence, où on a une paie panoplie de services. Est-ce qu'on
entend quelque chose? Ils font partie du voisinage, ils font partie de la... de
la... Ils font partie de la société depuis nombre de temps. Il existe une
communication en continu avec ce voisinage-là. Moi, je pense que ce qui fait
partie de la paix d'esprit dans ça aussi, c'est que c'est instauré. On est
rassuré, on connaît notre voisin.
C'est comme dans la vie de tous les jours,
quand on déménage à quelque part, on aime savoir où on arrive, on… on aime
savoir qui est là puis on aime savoir qu'on peut aller voir notre voisin puis
qu'il ne sortira pas une carabine si on a quelque chose à lui dire. Alors, je
pense qu'il faut… c'est le principe.
Malheureusement, on a monté en épingle des
situations… des situations réelles et préoccupantes, mais on s'est donné un
focus sur les quelques-unes qui n'ont pas fonctionné et on a l'impression que
ça vient immanquablement avec ça. L'autre chose que j'ai envie de dire, c'est
que parfois, ces locaux-là n'ont même pas été choisis par l'organisme lui-même.
Et là, on leur fait porter actuellement la chose. Mais je vous parlais de
rareté des locaux tout à l'heure, et c'est tout à fait en lien, là, c'est tout
à fait en lien. Le projet de Benoît-Labre était l'un des rares à l'époque qui
était en construction où on allait avoir un nouvel endroit pour offrir des
services. Donc, ça a été vu comme une opportunité, dire : Bien, on a un
nouvel endroit où on n'en a pas d'autres. C'est si rare. On va aller mettre les
services là. On oublie ça dans l'histoire, mais dans les faits, c'est comme ça
que les choses ont commencé. Alors, aujourd'hui, on est en train de
rétropédaler puis dire : Oui, ce n'était pas une bonne idée. Probablement
que ce n'en était pas une, mais ce n'est pas… ce n'est pas nécessairement juste
l'organisme lui-même à qui ça appartenu. Après ça, comment il a géré son
quotidien, ça, ce n'est pas… Ce n'est pas nécessairement de notre ressort, mais
il y a beaucoup de nuances. Et ces nuances-là, on trouve ça difficile de les
apprécier par un simple projet de loi.
Mme Prass : Également, dans
votre mémoire, vous exprimez une crainte que le projet de loi déresponsabilise
certains paliers du gouvernement. À votre vue, quelle devrait être les responsabilités
du ministre, du municipal, des... du CIUSSS, etc.? Comment est-ce que ces
responsabilités devraient être réparties?
Mme Grenier (Julie) : Bien, en
fait, ces responsabilités-là, elles sont déjà très bien indiquées dans la
politique nationale qu'on cite, dans le récent napperon qui a été mis et même
dans l'énoncé, là, qui a été publié un peu plus loin. Alors, on se dit :
ces rôles-là, ils sont déjà là, mais on a… on s'est employé énormément dans les
derniers mois, les dernières années, à se tirailler justement depuis la
pandémie qui nous a tous mis un peu en tension sur : ceci, c'est mon rôle,
ceci, c'est le vôtre, et c'est… je pense, laquelle dans le fond qu'on fait, c'est
de dire : Il faut… il faut baisser d'un cran cette notion-là de baliser
les rôles de chacun comme ayant un début, une fin, mais en assumant qu'ils sont
en continuité. Et le projet de loi, encore une fois, en étant très cadrant, j'ai
l'impression qu'il contribue potentiellement à cette notion-là de venir mettre
des lignes qui délimitent. Et tout ce qui est cohabitation est beaucoup plus d'un
ressort… Ironiquement également, encore une fois partagé avec l'organisme qui
érige ces services et avec la santé qui appuie ces services-là. Donc, on ne
peut pas compartimenter. En fait, notre grand message, c'est ça, c'est que c'est
difficile de le compartimenter. Il faut vraiment se donner les moyens de le
travailler avec toutes les responsabilités.
Mme Prass : Et un petit peu
dans le même sens, vous suggérez que le ministère des… Santé et Services
sociaux devienne le chef d'orchestre des actions liées à l'itinérance, mais est-ce
que ce n'est pas déjà le cas?
Mme Grenier (Julie) : Absolument.
C'est ce qu'on dit en somme, c'est que les leviers sont tous là. On ne les
emploie pas adéquatement, on n'a pas… notre prétention, c'est qu'on n'a pas
besoin d'ajouter une loi, c'est qu'on a besoin d'assumer chacun nos rôles et
responsabilités et dans l'opérationnalisation, y compris. Le discours s'est
élevé à un niveau politique à cause d'enjeux tristement célèbres et on a perdu
de vue que les éléments du puzzle, ils étaient là. Et avant la pandémie, ça
fonctionnait très bien. On a eu de la difficulté socialement, par épuisement,
je pense, puis c'est légitime ça aussi, à y revenir, mais c'est… ça a déjà bien
fonctionné.
Mme Prass : Donc, si vous… pour
vous, les outils sont là, c'est juste question de les mettre en œuvre.
Mme Grenier (Julie) : Et d'assumer
et chacun nos rôles pleinement. L'organisme… les organismes assument pleinement
leur rôle. On est peut-être pris dans des batailles politiques avec les autres
niveaux de gouvernement, puis c'est ce qu'on trouve qui met en otage la
situation…
Mme Grenier (Julie) : …je
l'exprime un petit peu plus clairement.
Mme Prass : Puis, justement,
dans le cadre de l'organisme que vous représentez, qui se penche sur
l'itinérance à Montréal, trouvez-vous qu'entre le municipal et le provincial,
justement, que ça se travaille en silos, qu'il n'y a pas assez de collaboration
ou de communication pour faire en sorte d'avancer ces projets pour que, justement,
tous ces éléments soient pris en compte avant plutôt que par la suite?
Mme Grenier (Julie) : Je
pense que les gens sont assis aux mêmes tables et qu'on est en train, sur le
terrain, à Montréal, si je prends comme exemple, de se donner des mécanismes
tout à fait différents pour que ce soit pris en compte. Donc, on a décliné, là,
puis le… juste fait décliner les choses pour faire en sorte que les
arrondissements et les CIUSSS, localement, soient impliqués dans chacun des
nouveaux projets qui voient le jour. Donc, moi, je constate qu'en ce moment il
y a une volonté d'utiliser ces leviers-là à bon escient. Je pense qu'il faut y
donner de l'importance et je pense qu'en tant que chef d'orchestre il faut y
donner de l'importance, il faut l'exiger, il faut s'assurer… il faut mettre la
mécanique très formellement comme quelque chose d'attendu. Ça ne nécessite pas
un projet de loi, à notre avis.
Mme Prass : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, Mme la députée de
Terrebonne, s'il vous plaît.
Mme Gentilcore : Merci. Je
vais continuer là-dessus parce que je trouve ça fort intéressant puis c'était
une de mes questions. Donc, plus clairement, est-ce que vous trouvez qu'il
manque de mécanismes contraignants? Et là ce n'est pas un mot qu'on aime
nécessairement, mais des mécanismes contraignants pour amener l'ensemble des
parties à collaborer? Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait formaliser
dans un projet de loi ou non? Mais c'est un peu ce que je retiens de votre
discours. Puis là, tu sais, on parle incitatif ou contrainte, là, un des deux,
là, je vais vous… laisser ça libre à vous, mais, moi, ce que j'entends de votre
discours, ce que j'en comprends, c'est qu'il faut le formaliser quelque part.
Mme Grenier (Julie) : Oui,
bien, vous me prenez un peu de court, là, parce que c'est… Comment je dirais
ça? Il faut que ça soit naturel, il faut que ça soit assumé. On a de la
difficulté à assumer chacun des rôles en ce moment. On se retourne facilement
vers le voisin. Je ne suis pas capable de vous le résumer autrement.
Mme Gentilcore : Non, mais je
le comprends. Bien, mettons, concrètement, donnez-moi un exemple concret, si
vous êtes capable, qu'est-ce qui empêche, en ce moment, chacune des parties
d'assumer pleinement son rôle? Où est-ce que ça accroche? Où est le sable dans
l'engrenage en ce moment?
Mme Grenier (Julie) : Mon
humble impression, c'est que tout ça a été exacerbé avec quelques cas
tristement célèbres qui nous ont fait perdre les pédales et qui ont créé une
grande effervescence, conjugué au fait qu'on est dans une crise monstrueuse où
il y a des gens dans la rue, où les gens s'inquiètent, et c'est normal qu'on
s'inquiète. Je pense que de remettre de l'ordre dans nos papiers, de réaffirmer
notre politique nationale, les rôles de chacun, d'avoir des mesures peut-être
plus musclées qui viennent du chef d'orchestre, qui disent : Écoutez, là,
ça, c'est le rôle, voici ton instance… On s'attend à ce que ça soit ça puis on
s'attend à ce que les arrondissements soient impliqués. Il le faut, c'est sine
qua non. Il en va de la logique. Comment faire autrement un projet? C'est
impossible.
• (12 h 10) •
Idem pour la santé, on est riches des ressources
pour répondre à des besoins sociaux, des besoins de santé. Donc, il est tout
naturel que le CIUSSS local soit présent. Donc, tu sais, il faut être capable…
Quand je dis : Il y a un pilote dans l'avion avec son copilote et ses
agents de bord, c'est exactement ça, c'est que l'organisme, il porte le projet
puis il vient offrir le service, mais tout ça est intimement lié. Il faut
rendre ça naturel, obligatoire et convenu entre les acteurs parce qu'un délai
d'autorisation va ajouter du temps, tout simplement.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je remercie les deux
représentantes du Mouvement pour mettre fin à l'itinérance à Montréal pour leur
participation à nos travaux.
Sur ce, je suspends ces derniers pour
permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup de votre
disponibilité à venir échanger avec les membres de la commission.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 12 h 14)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous recevons les
représentants de La Maison Benoît-Labre, alors Mme Andréane Desilets et Mme
Sophie Tousignant. Alors, 10 minutes pour votre présentation, et par la suite,
nous allons avec les échanges. Je vous cède immédiatement la parole.
Mme Desilets (Andréane) : Merci.
Merci à tous de nous accueillir aujourd'hui. M. le ministre, Mmes, MM. les
membres de la commission, merci de nous recevoir. Le projet de loi n° 103
est présenté parce que nous avons collectivement échoué dans l'implantation
d'un service essentiel pour des personnes parmi les plus vulnérables de notre
société. Nous respectons la volonté de notre gouvernement de légiférer,
d'encadrer l'implantation des sites de consommation supervisée et de favoriser
une meilleure cohabitation avec la communauté. Nous reconnaissons les
difficultés que La Maison Benoît-Labre a vécues sur le terrain à la suite de
l'ouverture de son nouveau centre multiservices de Saint-Henri au printemps
2024. C'est dans celui-ci que nous avons désormais un tout petit local
permettant des services essentiels de consommation supervisée.
Notre intention aujourd'hui n'est pas de
pointer le doigt accusateur vers quiconque. Nous aurions pu et aurions dû
faire, tous, mieux ensemble. Notre intention aujourd'hui, c'est qu'on se mette
sur la bonne voie, qu'on tire les bonnes leçons de ce qui est arrivé et qu'on
réussisse les meilleurs... dans les meilleurs délais, à relocaliser un site de
consommation supervisée dans le Sud-Ouest. Parce qu'à travers tout ce qui sera
dit dans le cadre de ces consultations, il y a une réalité incontournable. Des
femmes, des hommes, souvent, des jeunes, en situation de vulnérabilité extrême,
meurent de surdose presque à chaque jour, et ce, partout au Québec. La crise
des opioïdes est une tragédie qui n'épargne aucune grande ville
nord-américaine. Les sites de consommation supervisée sauvent des vies,
réduisent les méfaits, tous les intervenants en santé et en sécurité sont
d'accord, et un tel site est nécessaire dans le sud-ouest de Montréal.
Le site de consommation supervisée de La
Maison Benoît-Labre a déjà sauvé plusieurs vies. Les correctifs ont été
apportés dans les derniers mois, en collaboration avec le SPVM, le CIUSSS,
l'arrondissement, la santé publique, les citoyens ainsi que d'autres groupes
communautaires, et ont permis de réduire de façon très importante les méfaits
et les incidents. Vous pourrez demander au SPVM de voir leur plus récent
rapport à cet effet, ce qui... ce sont les faits qui parlent. Nous avons trouvé
les bonnes façons de travailler ensemble. Je tiens à le dire, parce que nous devons
aussi assurer le maintien des services, le temps qu'il faudra relocaliser, pour
s'assurer la préservation de ces liens mais aussi après le déménagement, et ce,
pour ces lieux distincts, ces deux espaces distincts. On parle d'humains dans
le besoin, des personnes qui nous... qui nous font confiance et qui,
d'ailleurs, font partie de la population québécoise. C'est, littéralement, une
question de vie ou de mort.
La Maison Benoît-Labre existe depuis 70
ans, le saviez-vous? Nous avons un long savoir-faire en matière de lutte contre
l'exclusion, d'aide aux personnes démunies et itinérantes, d'accompagnement au
logement, de réinsertion sociale dans le sud-ouest de Montréal. Au fil des...
au fil des ans, nous avons fait face à des croissances de besoins, en partant
d'une vieille maison dans le Griffintown, au sous-sol...
Mme Desilets (Andréane) :
...une église à Saint-Henri. Et en 2022, après plusieurs années de recherche
pour un nouveau site et plusieurs occasions manquées, nous avons entamé la construction
d'un bâtiment de quatre étages, rue Notre-Dame, près du marché Atwater. Je vous
mentirais et la Ville de Montréal vous mentirait si on vous disait que tout...
le tout fut possible en quatre ans sans soutien financier. Nous sommes donc
enfin installés depuis le printemps 2004. Ce bâtiment, on trouve
36 appartements. C'est notre programme de logements transitoires où on
aide des personnes à reprendre pied et à retrouver la dignité d'un toit. Il y a
bien sûr au rez-de-chaussée notre halte-répit. Il y a les cuisines. Le tout est
accessible 24/7. On dispense différents services, dont des repas, des douches,
des friperies et des toilettes. Et, sur cet étage, on trouve aussi un site de
consommation supervisée, essentiellement un petit local où les personnes
peuvent consommer des substances sous supervision et de façon sécuritaire. L'implantation
du site a reçu l'appui de nombreux partenaires locaux et institutionnels,
organismes communautaires, établissements de santé, élus et tables de
concertation qui ont témoigné de l'importance du projet dans l'amélioration des
conditions de vie dans le sud-ouest. Nous avons joint quelques-unes de ces
appuis dans notre mémoire. Nous remercions tous ces partenaires.
Des mois avant l'ouverture et depuis
l'ouverture, nous avons travaillé activement la bonne implantation du projet à
son acceptabilité sociale. Nous avons mis en place des mécanismes de
concertation, instauré des brigades de cohabitation, collaborer avec les
citoyens, les commerçants, l'école voisine ainsi que des partenaires
institutionnels du milieu. Nous avons dû jongler avec une gouvernance
fragmentée entre le palier municipal, le CIUSSS, la Direction régionale de la
santé publique, le ministère et le politique. Ce leadership morcelé a contribué
à la lourdeur administrative qui a elle-même favorisé des incidents de
cohabitation qui ont usé la tolérance des citoyens. La pression est devenue
trop forte et le projet de loi n° 103 en témoigne.
Il y a des leçons à tirer en termes de
concertation, en termes de responsabilité collective devant la crise des
vulnérabilités, itinérance, santé mentale, qualité de substance. J'ai entendu
suffisamment d'histoires à briser le cœur pour savoir que personne n'est à
l'abri. Il faut aider, apprendre à mieux aider ensemble, avoir le courage de
regarder la vulnérabilité en face. Il n'y a ni plus ni moins de substance, il
n'y a que des vies à sauver et c'est ce que nous faisons quotidiennement.
• (12 h 20) •
Notre position est évidente face au projet
de loi n° 103, nous comprenons les préoccupations
légitimes de la population. Nous souhaitons un véritable engagement du
gouvernement pour éviter un bris de services communautaires essentiels à des
personnes vulnérables. Si telle est la volonté du gouvernement, nous relocaliserons
le site de consommation supervisée, mais je voudrais qu'on comprenne les
implications.
Le projet de loi n° 103
dit qu'il ne peut y avoir un site de consommation supervisée à moins de
150 mètres d'écoles, de garderies ou de CPE. Actuellement, nous sommes à
143 mètres et, je le répète, la situation est maintenant maîtrisée. Les
mécanismes sont en place. Pour ces sept mètres, nous allons devoir retrouver un
autre immeuble, acquérir, l'adapter, et ça, nous n'en avons pas les moyens.
Nous avons repéré des locaux à proximité juste assez grands afin d'accueillir
le site de consommation supervisée. Le coût d'acquisition est de
3,5 millions. Ces locaux potentiels seraient à distance réglementaire de
l'école, mais sont situés de l'autre côté de la rue Atwater. Il faut donc
imaginer les personnes désorganisées, pour certaines, qui traversent la rue
pour aller aux sites de consommation supervisée entre la halte-répit existante.
Pour ces sept mètres, il faudra tout
reprendre, tout reprendre le processus de discussion, de concertation, de
cohabitation qui a finalement mené à une concertation bien orchestrée, et la
Maison Benoît Labre, ainsi divisée sur deux sites, va voir ses coûts de
fonctionnement augmenter de façon importante. Nous allons offrir toute notre collaboration,
notre écoute et notre professionnalisme si le gouvernement décide d'aller de
l'avant. Nous demandons, et nos recommandations sont, premièrement, que le
gouvernement joue un rôle actif dans la relocalisation du site de consommation
supervisée en faisant en sorte qu'il n'y ait aucune rupture de services.
Deuxièmement, que le gouvernement compense la Maison Benoît Labre pour les
coûts d'acquisition, d'aménagement, de déménagement et de fonctionnement liés à
la relocalisation du site de consommation supervisée.
Le projet de loi fixe un délai de quatre
ans pour la... relocalisation. Excusez-moi. Nous n'avons aucune objection à
procéder avant si la chose est possible. Entendez-nous bien, on veut se
conformer à la loi...
Mme Desilets (Andréane) : ...le
gouvernement doit, cela dit, assurer que c'est applicable et que, si elle
exproprie des services essentiels, il les maintient par son soutien.
Je réitère mes remerciements à toutes les
organisations et institutions qui nous accompagnent. Je réitère notre volonté
de faire tout ce qui est possible pour favoriser l'acceptabilité sociale de
notre mission. Je reconnais que l'extrême vulnérabilité de notre clientèle est
difficile à accepter, mais il n'est pas... il n'est plus possible de fermer les
yeux. Nous avons une responsabilité collective envers tout le monde et tous nos
citoyens. Merci de votre attention.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, je vous cède maintenant la parole.
M. Carmant : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Desilets, pour votre témoignage,
là, aujourd'hui, puis les commentaires, là, qui sont appréciés.
Puis je pense que vous avez mis le doigt
dessus, là, c'est... le projet de loi, son rôle, c'est vraiment de venir...
éviter ce travail qui a été morcelé - puis, vous le savez, là, combien de fois
je suis venu - puis essayer de rattacher les bouts ensemble, là, puis s'assurer
que les choses soient faites de façon structurée. Puis, je l'ai mentionné,
hier, là, le but n'est pas de mettre plus de poids sur les organismes
communautaires. Le but, c'est vraiment de s'assurer qu'il y ait un rôle clair
de Santé Québec et de la Direction régionale de la santé publique dans la
gestion de ces sites-là, qui, en général, même, sont recommandés par la
Direction régionale de la santé publique.
Vous, qu'est-ce que vous voyez comme...
comme façon de s'assurer que ça se fasse, c'est cette communication-là? Vous
qui l'avez vécu, là, tu sais, une consigne de ci, une consigne... tu sais,
comment... comment... qu'est-ce qui doit être écrit pour s'assurer que ça ne
survienne plus?
Mme Desilets (Andréane) : Tout
à fait. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut... qu'on peut faire
mieux. Vous avez raison. Mais je pense sincèrement que le nombre de mètres
n'aura pas d'impact sur ce qu'on tente de faire. Vous avez raison, ça a été
quand même un peu long, avant que tous les acteurs puissent s'asseoir. Ça prend
des mécanismes pour ça. Vous avez... Ça, je suis tout à fait d'accord. Je pense
que c'est une des raisons d'ailleurs pourquoi on est allés vers vous
dire : Ça ne fonctionne pas.
Ceci dit, de la façon dont le projet de
loi est orchestré actuellement, on y voit que la responsabilité vers
l'organisme, et très peu, en fait envers les institutions. Et je pense que,
pour remettre le pouvoir, il faut trouver des meilleurs mécanismes, mais il
faut aussi travailler en amont et il faut donner les moyens aux groupes
communautaires.
Nous, on l'a fait à bout de bras parce que
je voulais bien le faire, mais personne ne me le demandait. Il faut que vous
compreniez que, ça, cette énergie-là et cet argent-là, qu'on y a mis, est venu
de nos poches pendant toutes ces années. Moi, c'était un emploi à temps plein,
par-dessus mon emploi à temps plein. Donc, c'est ce qui est demandé aux groupes
communautaires. Et d'ailleurs, il faut aller cogner aux portes à peu près
partout dans le milieu, si ce n'est pas aux arrondissements, c'est au niveau de
la santé publique, c'est au niveau du CIUSSS, pour être capables d'asseoir tout
le monde et dire : On a besoin de réfléchir, on a besoin de mécanismes.
Et, souvent, en fait, les réflexions sont là, l'argent pour mettre en place les
moyens n'y sont pas. Donc, ça prend plus que ce qui se trouve dans ce projet de
loi là pour faire en sorte qu'il y ait une mobilisation. On parle
d'investissements, on parle de planification collective, mais il faut que ça se
fasse avec les communautés et avec les groupes communautaires.
M. Carmant : Puis c'est sûr
que je comprends le sept mètres, là, puis les distances de porte à porte. Mais
c'est vraiment la proximité qui est un enjeu, là, tu sais, dans le... avec
Benoît-Labre. Tu sais, on voit... tu sais, la cour d'école est... est juste là,
là.
Mme Desilets (Andréane) : C'est
le parc-école, hein? Ce n'est pas la cour d'école.
M. Carmant : Oui. Non. Je
sais. Je suis allé visiter.
Mme Desilets (Andréane) : C'est
un parc municipal.
M. Carmant : Oui. Mais
l'entrée de l'arrière de l'école pour les jeunes qui rentrent à la garderie. Je
veux juste que ce soit clair, là, ce n'est pas pour sept mètres, mais vraiment
pour la proximité.
Hier, on nous a parlé beaucoup, là, de
l'impact du logement transitoire. Est-ce que... Puis c'était bien. Est-ce
que... Est-ce que ces gens-là utilisent également le centre de consommation
supervisée?
Mme Desilets (Andréane) : Oui,
oui, oui. Tout à fait. C'est sûr qu'il y a les gens qu'il faut peut-être plus
«coaxer», excusez-moi le mot, inciter, parce que ça ne reste pas un réflexe,
hein? Ce n'est pas parce que les espaces de consommation supervisée existent
que les gens ont systématiquement le réflexe d'y aller. Ça prend du temps. Il
faut développer une confiance...
Mme Desilets (Andréane) : ...il
faut développer un lien, il faut... C'est beaucoup d'énergie déployée, et, au
bout d'un an, je vous dirais que ceux qui auraient besoin de l'utiliser
l'utilisent, mais ça a quand même pris beaucoup de temps.
M. Carmant : O.K. Puis un des
enjeux qui nous amènent aussi, c'est la consommation à l'extérieur du site.
Mme Desilets (Andréane) :
Tout à fait.
M. Carmant : Comment...
Comment on améliore le contrôle de ça?
Mme Desilets (Andréane) :
C'est sûr que quand, pour mes intervenants, puis là on parle plus au niveau du
plancher, puis je vais passer la parole à ma collègue Sophie qui s'occupe
justement de l'extérieur et de la cohabitation, qui est coordonnatrice, c'est
sûr que, si le SCS est fermé, l'espace de consommation supervisée, et qu'on n'a
pas d'autre option à donner aux gens, c'est plus difficile, à ce moment-là, de
gérer la consommation à l'extérieur. Donc, bien sûr que quand l'espace de
consommation supervisé est ouvert et que la personne consomme à l'extérieur,
les équipes sur le terrain vont inciter la personne à venir à l'intérieur
consommer.
Mme Tousignant (Sophie) :
Absolument, oui. En fait, j'ai deux intervenants qui sont constamment sur le
terrain pendant les heures d'école, en plus de brigades de propreté également
qui se présentent et qui se promènent, et tous ces gens-là, en fait,
sensibilisent les personnes qui se retrouvent aux abords de l'organisme à d'ailleurs
ne pas consommer près de l'école, bien évidemment, quand les gens ne sont pas
nécessairement au courant, d'ailleurs, que c'est une école. Mais nous, dès
qu'on a averti les gens, en général, je peux vous dire que, 99,9 % du
temps, ils se dirigent vers la ressource et ils sont contents qu'il y ait un
site de consommation supervisée et d'être en sécurité à l'intérieur
M. Carmant : O.K. M. le
Président, je passerais la parole à ma collègue.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Alors, Mme la députée de Louis-Riel.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présentation jusqu'à maintenant et les explications
que vous nous donnez. On comprend que c'est un engagement personnel depuis de
nombreuses années, et c'est tout à votre honneur.
À la lumière de ce qu'on vient de se dire
entre nous — merci — est-ce que vous pouvez nous en dire
davantage sur les démarches de consultation, les démarches d'information, les
démarches de concertation qui ont été entreprises en amont du projet, à la fois
au niveau des résidents, au niveau des partenaires institutionnels, au niveau
des milieux scolaires? Ce serait ma première question. Et ma deuxième
question : Fortes de ces constats-là, comment est-ce que les... ce que
vous avez réalisé est venu impacter les démarches que vous avez faites au
niveau de l'implantation? Comment c'est venu influencer l'implantation et les
stratégies de cohabitation?
• (12 h 30) •
Mme Desilets (Andréane) : Je
vais passer la parole bientôt à ma collègue Sophie, qui va pouvoir, en fait,
dire ce qui a été mis en place dernièrement, mais, bien en amont, en fait, de
la construction du projet, on avait en effet rencontré l'école, on avait fait
une consultation citoyenne avec la ville de Montréal, dans les locaux de la
Ville de Montréal. On a fait aussi une consultation sur place avec les partenaires.
Le SPVM était là, il y avait le CIUSSS, il y avait d'autres organismes, il y
avait avait le... donc il y avait vraiment plusieurs personnes assises autour
de la table pour répondre aux questions. Et aussi, tu sais, les citoyens
pouvaient venir demander n'importe quelles questions. On n'était pas ouverts,
là. Il n'y avait rien de fait. Donc, les gens, à ce moment-là, pouvaient poser
des questions de... Comment ça fonctionne? Est-ce qu'on peut venir voir? Bon,
tout ça. On a fait quand même beaucoup... On a fait du porte-à-porte, on a fait
des brigades, on a déployé des brigades. Et là, ça, c'est, mettons, trois ans,
deux ans avant la construction. Et, dans la... juste l'année avant, Sophie,
elle va continuer sur la liste, là.
Mme Tousignant (Sophie) : Et
on avait le comité bon voisinage. On est sur différents comités itinérance,
dont celui de Verdun et de Saint-Henri. On a installé, en 2022, une brigade de
propreté pour sillonner vraiment le quartier Saint-Henri au complet. On a
également une intervenante en cohabitation qui est dédiée à l'école
Victor-Rousselot, qui était là près d'un an avant l'ouverture du site et qui
faisait des tournées avec également deux brigadiers qui nettoyaient les abords
du parc-école. On est aussi en constante collaboration avec le SPVM, la ville
de Montréal, les différents acteurs du quartier comme le... également, et on a
rencontré à... des rencontres avec le poste de quartier 15. On a fait également
la Rue en fête à plus de... la troisième édition, en fait, afin de préparer
notre arrivée également dans le secteur.
Mme Desilets (Andréane) : Qui
se faisait dans la cour d'école, qui est un événement, en fait, pour inviter
les gens à venir nous parler. Ça, c'était en amont de l'ouverture, bien sûr.
Mme Tousignant (Sophie) : On
a également fait des portes ouvertes pour inviter les gens à venir visiter
l'organisme et voir, en fait, qu'est-ce que ça a l'air réellement à
l'intérieur.
Mme Desilets (Andréane) : Et
suite... on a fait aussi beaucoup d'actions, hein? On s'est réajustés quand on
a vu qu'il y avait des choses... Vous le savez, je veux dire, quand on déploie
des projets, des nouveaux projets, il y a des choses qu'on peut prévoir puis il
y a des choses qui sont plus difficiles à prévoir. Donc, il faut être en constante
évolution et constante collaboration aussi à ce moment-là...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Desilets (Andréane) :
...dès qu'on est arrivé, on a dû mettre les choses en place. Il y a une liste
quand même assez importante de choses.
Mme Tousignant (Sophie) :
Dans le mémoire, on a ajouté, en fait, des intervenants supplémentaires. On a
ajouté des offres de brigade de propreté. On a également... un déploiement par
une tierce partie, l'ASDS, qui ont une dyade également autour de l'école pour s'assurer.
Le SPVM déploie davantage de patrouilleurs à pied, plusieurs patrouilleurs à
vélo également aux alentours de l'organisme. On a fait l'installation de l'éclairage
et des caméras de sécurité supplémentaires à nos frais. On a également
travaillé en partenariat avec les... On a également... Là, on fait vraiment de
la sensibilisation également au quotidien à tous les gens qui nous approchent.
Mme Desilets (Andréane) : Oui.
Puis on a fait aussi de la sensibilisation avec les travailleurs des travaux
publics, aussi, avec la ville de Montréal. Donc, vraiment, là, on fait quand
même beaucoup au niveau de la cohabitation, je pense qu'on démontre notre bonne
foi ici.
Mme Tousignant (Sophie) : Nos
intervenants sont très appréciés sur le terrain par tous les acteurs. Voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
Alors, la suite appartient à la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Vous venez de mentionner que les caméras que vous avez dû installer,
par la suite, étaient à vos frais. Les autres mesures d'atténuation, il semble
qu'il y a des gardiens de sécurité qui ont dû être engagés pour l'extérieur,
etc. Est-ce qu'il y a eu un agent additionnel qui vous a été fourni pour le
gouvernement ou c'était tout amputé de votre budget dont la mission et de
desservir cette population?
Mme Desilets (Andréane) : Non.
Il y a eu un montant de M. Carmant qui a donné un montant de 50 000 $
pour nous permettre de faire différentes actions, dont, justement, les gardes
de sécurité à la rentrée scolaire, malheureusement, qui n'a pas donné le
résultat escompté. Mais aussi, on a ajouté une brigade de propreté de plus qui,
ça, a quand même un excellent impact, mais c'est pour la première année. Donc
là, cette année, il n'y a pas ces mesures-là non plus. Donc, pour la
cohabitation et les frais qui pourraient en découler, présentement, c'est la
ville de Montréal qui défraie.
Mme Prass : Et, pour vous,
vous avez parlé des mesures que vous avez prises pour la concertation en amont.
Pour vous, qu'est-ce qui a mal tourné? Parce que, clairement, on l'a vu dans
les médias, les parents, surtout les parents des jeunes à l'école Victor-Rousselot,
qui ont témoigné hier, ne ressentent... ressentent toujours ce sentiment d'insécurité...
Mme Desilets (Andréane) :
Cette crainte, tout à fait.
Mme Prass : ...cette crainte. Qu'est-ce
que vous pensez, a mal tourné ou qu'est-ce qui aurait pu être fait de façon
différente? Justement parce que là, potentiellement, vous allez déménager
justement pour s'assurer que la même chose ne se répète pas. Quelles sont les
leçons que vous avez tirées et qu'est-ce que vous auriez fait différemment?
Mme Desilets (Andréane) : Bien,
je pense que, pour notre part, parce qu'il y a mille et une choses qu'on aurait
pu faire différemment, mais, mais pour notre part, je pense qu'au niveau de la
communication, on a appris des choses aussi. Il y a peut-être des meilleurs
mécanismes à utiliser. Je pense que, malheureusement, et, tu sais, on ne s'en
sort pas, je veux dire, on a quand même fait lever un building de terre pendant
la COVID, ce qui a quand même limité énormément notre temps, notre capacité de
communiquer avec nos voisins malheureusement. Mais, après ça, l'acceptabilité
sociale, tu sais, c'est gros pour La Maison Benoît-Labre à porter dans un
contexte où, tu sais, les rues sont comme elles sont actuellement à Montréal et
la situation et les crises ne font que se multiplier.
Donc, oui, nous, on aurait pu mieux communiquer.
Est-ce que ça... on serait au même résultat? Je ne suis pas sûre, moi, que ça
aurait eu tant d'impacts, sincèrement, je pense que ce qui va avoir des
impacts, c'est si on communique à la population ce qui se passe, si on
sensibilise, si on fait des campagnes pour expliquer l'ampleur des crises, des
multiples crises et quels en sont les impacts. Parce que, quand on ne comprend
pas un phénomène, on a peur. Quand on comprend ce qui se passe, c'est un peu
moins épeurant. Souvent, c'est ce que les parents nous rapportent, c'est que ce
n'est pas qu'ils ont tant peur, c'est qu'ils ne savent pas quoi faire. Et, à ce
moment-là, nous, on en a des outils. Et ce qu'on pourrait faire et ce qu'on
pourra faire, c'est, bien sûr, mieux outiller, en fait, notre communauté à
mieux répondre ou savoir quoi faire à ce moment-ci, quand ils ne se sentent pas
en sécurité. Mais je pense que ça va plus large que ça, bien sûr.
Mme Prass : Parce que vous
mentionnez dans votre mémoire aussi que, quand vous vous êtes pointées vers la
ville...
Mme Prass : ...certaines
ressources du réseau de la santé, c'était des portes tournantes et, comme j'ai
dit, justement pour éviter que la situation que vous vivez se reproduise avec
un déménagement, qu'est-ce qui peut être amélioré? Qu'est-ce qui peut être
changé, justement, pour s'assurer que vous avez tous les moyens à votre
disposition pour faire cette sensibilisation, pour faire cette communication,
pour vous assurer que, quand vous allez vous implanter la prochaine fois, que
ce sera pour de bon, disons?
Mme Desilets (Andréane) : Je
ne pense pas que ça va passer parce que moi, je vais être capable de faire, je
pense que ça va passer parce que, collectivement, on va être capable de le
faire. Et, collectivement, il faut comprendre que l'itinérance, la dépendance,
la toxicité des drogues, c'est l'affaire de tous et de tous les paliers. On ne
peut pas remettre la responsabilité de ça à une personne uniquement. Chacun a
sa part de gâteau. Les groupes communautaires ont une part à jouer, mais le
gouvernement et chacun de ses paliers en a.
Et ça, la journée où tout le monde sera
capable d'être assis à la table ensemble et discuter autour de comment on fait
les choses et comment chacun prend sa part de gâteau, je pense qu'on va arriver
à quelque chose. Mais je réitère que je ne crois pas que ce qui est dans le
projet de loi actuellement permet ça.
Mme Prass : Vous avez tout à
fait raison, c'est une collaboration qui doit se faire avec tous les
partenaires, et chacun a son rôle à jouer, et on espère qu'ils vous répondront
présent cette fois-ci, justement, pour... parce qu'on comprend, évidemment,
c'est un enjeu très important, c'est des ressources très importantes, c'est un
investissement de la part du gouvernement. Personne ne va voir un projet comme
ça qui est essentiel ne pas réussir. Donc, c'est de s'assurer que tout le monde
qui est autour de la table joue le rôle qui lui est demandé, justement, pour
s'assurer qu'il y a un sentiment de... harmonieux, disons, dans le coin.
Vous mentionnez également, puis on l'a
évoqué, bien, je l'ai évoqué à plusieurs reprises hier, toute la question d'un
accompagnement et un accompagnement financier dans le cas d'un déménagement. Et
là je comprends que vous mentionnez que c'est seulement lors des crédits que,
là, vous avez appris, par exemple, que le financement ne serait pas
nécessairement là pour un déménagement. On comprend que, déjà, les organismes
communautaires, vous êtes serrés dans toutes les directions, vous n'avez pas de
surplus, des fonds à encaisser, etc.
Donc, encore une fois, je pense que le
gouvernement a cru en vous en premier lieu pour développer le projet, et là il
faut que ce soutien continue avec un déménagement qui serait en raison d'un
projet de loi de la part du gouvernement. Donc, avez-vous commencé des
conversations à ce sujet-là? Est-ce que vous avez bon espoir que cet
accompagnement et ce financement sera là au moment où vous devriez déménager?
• (12 h 40) •
Mme Desilets (Andréane) : On
n'a pas commencé, je pense qu'on s'est concentré sur ce qui... sur aujourd'hui,
c'est quand même beaucoup pour... tu sais, pour nous, comme simples citoyens,
ça fait que... Mais, tu sais, on a fait quand même nos devoirs, on est allé voir
les locaux, dans une proximité, qui permettrait d'accueillir, on est allé quand
même demander à des entrepreneurs qu'est-ce que ça coûterait si... tu sais, ont
été chercher... pour se faire une tête aussi, parce que nous, on a besoin aussi
d'avoir un minimum de... prévisibilité. Mon Dieu! je vais le dire et... je suis
désolée, mais aussi, tu sais, quatre ans, ce n'est vraiment pas beaucoup. Moi,
ça m'a pris sept ans, là, faire ce projet-là. Quatre ans, ce n'est vraiment pas
beaucoup, là. En fait, je pense que c'est impossible, sincèrement,
malheureusement.
Mme Prass : Compte tenu du
temps que ça vous a pris, entre milieux, pour...
Mme Desilets (Andréane) : Compte
tenu... Oui. Exact.
Mme Prass : L'expérience que
vous avez vécue.
Mme Desilets (Andréane) : Oui,
avec l'expérience, je vous dirais que c'est ça. Sept ans... peut-être, 10 ans,
encore mieux, mais quatre ans, je ne sais pas comment.
Mme Prass : Et je vous avoue,
moi, c'était un modèle unique, quand je suis venue visiter les logements
d'inhalation, centres de jour. Pensez-vous maintenant que, compte tenu où vous
êtes situés, que, peut-être, avoir tous ces services dans un même immeuble
était un élément qui a mené à ce que ce soit problématique?
Mme Desilets (Andréane) : Je
ne pense pas que c'est le modèle, le problème. Je pense que c'est comment on
implante le modèle qui est plus complexe. Le modèle a fait ses preuves, hein,
c'est... tu sais. Oui, nous, au Québec, on est comme surpris, là, mais je veux
dire, ces modèles qui sont des centres multiservices existent partout à travers
le Canada et...
Mme Desilets (Andréane) : ...en
fait, c'est un modèle qui a démontré énormément, en fait, de bénéfices,
incluant sur la mutualisation des coûts, là, de l'entièreté de l'espace. Ceci
dit, je pense que c'est vraiment dans l'implantation que ça pourrait avoir un
impact, bien sûr. Je pense qu'on a besoin de mieux travailler ce côté-là, tout
le monde ensemble, définitivement.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, je... le relais au député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci à
vous deux. Merci à vous d'être là aujourd'hui puis merci de sauver des vies au
quotidien, vous et les groupes qu'on a entendus dans les dernières semaines,
bien, les derniers jours. Merci de votre travail.
C'est évident que pour moi, j'ai lu avec
attention votre mémoire, puis il y a quand même là un léger changement de
perspective, là, qu'on se le dise. Vous prenez, vous recevez le projet de loi,
puis vous dites : Bon, O.K., mais ça va prendre de l'aide logistique, puis
ça va prendre de l'argent, ça va prendre de l'aide financière. C'est quand même
nouveau, ça, on l'absorbe. Puis, moi, je prends l'engagement de vous
accompagner puis de vous soutenir là-dedans. Je pense que vous prenez la bonne
position, vous prenez la bonne décision, mais encore faut-il que le ministre,
lui, prenne les bonnes positions puis les bonnes décisions.
Vous l'avez dit, déménager le site, ça va
coûter 7 millions, là, en tout et pour tout, c'est quand même beaucoup de
sous. Vous, c'est impossible, je veux dire, ça peut être impossible de le faire.
Pour moi puis pour les citoyens, là, une rupture de service, ce serait
absolument catastrophique, ça, on ne peut vraiment pas se permettre ça, vous
l'avez dit. Puis c'est quand le SCS est fermé que c'est pire. Puis on a le
rapport récent de la coroner Godin qui nous dit qu'on peut éviter des morts,
là, très clairement quand des sites de consommation supervisée puis des
ressources sont disponibles.
Donc, j'utilise mon temps pour tendre la
main au ministre pour qu'on se rencontre, là, ensemble cet été rapidement avec
la ville de Montréal pour faire avancer des démarches conjointes, avec la SDC
qui n'est pas très loin non plus, avec le marché Atwater qui n'est pas très
loin non plus, pour qu'on trouve une solution. Moi, je vous vois en mode
démarche. Vous avez déjà fait appel à des contracteurs, vous avez déjà vérifié
la disponibilité de terrain. Moi, je suis quand même très, très heureux de
votre proactivité puis de vos remarques constructives aujourd'hui. Ça fait que
moi, je prends cet engagement-là, mais je demande au ministre de prendre aussi
cet engagement-là, de vous accompagner, parce que je reviens là-dessus, là,
puis je vais vous laisser là-dessus, si on perdait les services dans le
sud-ouest, ce serait absolument catastrophique. Puis on sait qu'on perd deux
personnes par jour au Québec de la crise des surdoses, ça pourrait être bien
pire. Donc, il vous reste une minute, mais peut-être me dire qu'est-ce qui
arriverait si on perdait les services dans le Sud-Ouest.
Mme Desilets (Andréane) : Mais,
vous savez, le projet n'est pas né parce que je me suis réveillé un matin,
hein, c'est des services qui étaient essentiels et nécessaires. On devait
collectivement développer ces services-là. On s'est assis pendant plusieurs
années pour essayer de réfléchir, voir qu'est-ce qu'on allait prioriser parce,
hey, la, la, qu'il manquait des services dans le Sud-Ouest particulièrement. Et
il faut comprendre qu'à Montréal il y a peu d'organismes dans l'Ouest. Il y a
nous, en fait, qui est au sud-ouest et ensuite il y a Ricochet qui est quand
même beaucoup plus loin dans le West Island. Donc, ce serait vraiment très
catastrophique. Ça aurait un impact non seulement sur les personnes qui
fréquentent la ressource, mais sur l'entièreté de l'écosystème de notre
communauté. Ça veut aussi dire, tu sais, autant les enfants et autant les
parents qui sont stressés de passer devant... devant, tu sais, certains
espaces, mais là, les gens, nous, sont à l'intérieur puis il y a des
intervenants, ça fait qu'on n'est plus là. Je vous dirais que la situation
risque d'être un peu plus complexe, donc je ne suis pas sûr que ce soit la
meilleure façon d'arriver à nos fins, finalement.
Donc, bien sûr qu'il y aura énormément de
travail à faire. On est prêts à faire ça, mais ça ne peut pas reposer, en fait,
sur un espèce de quatre ans qu'on n'est pas trop certain où est-ce qu'on s'en
va. Il faut que le plan soit clair, il faut que l'argent soit au rendez-vous,
tu sais, il faut absolument... Nous, on réanime des gens à tous les jours, là.
Ça n'a pas de bon sens puis c'est complètement inacceptable, on est au Québec,
et c'est des jeunes, c'est des jeunes dans la vingtaine, c'est des jeunes qui
sortent des centres jeunesse, qui n'ont pas eu le soutien nécessaire, qui se
retrouvent complètement désaffiliés, et qu'on doit faire des manoeuvres de
réanimation. Ça n'a pas de bon sens. Ça, moi, comme parent, ça me choque
énormément. Je trouve ça épouvantable. Et c'est ça qui s'en vient.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Moi... très bien
passer votre message. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Gentilcore : Merci. Moi,
j'aimerais reculer un peu parce qu'hier on a reçu la mairesse de Gatineau et
elle... en fait, ses ressources sont séparées, hein, elle a son site de
consommation qui est dans un lieu, son centre de jour qui est ailleurs, puis
elle nous disait : Je ne reçois aucune...
Mme Gentilcore : …par rapport
à mon site de consommation, mais je reçois beaucoup de plaintes par rapport à
mon centre de jour. Alors, ma question est la suivante. Du fait que vos
ressources soient combinées dans un même lieu, est-ce qu'on est vraiment
certains qu'avec ce projet de loi on s'attaque à la bonne chose? Vous,
êtes-vous convaincue que, même si on vous déménage, là, ça va régler le problème?
Mme Desilets (Andréane) :
Absolument pas, absolument pas, absolument pas. Les enjeux de cohabitation
existaient. Quand on a emménagé, là, à Saint-Henri, au départ, dans le sous-sol
de l'église, ça a fait exactement la même chose. Pendant à peu près un trois
mois, on recevait des appels de façon continue. Les citoyens étaient comme en
hypervigilance. On l'a vécu, mais, comme beaucoup, beaucoup, beaucoup décuplé,
mettons, l'année passée, mais ça n'a rien à voir avec le SCS. Tout ça a à voir
avec une partie d'un écosystème qui est ébranlé. On pourrait être n'importe
quelle autre ressource qui aurait un impact sur l'écosystème, et je pense que
ça donnerait le même résultat.
Mme Gentilcore : Donc,
vous-mêmes, si on prend votre site de consommation supervisée, qu'on l'envoie
ailleurs, dans les faits, au niveau des opérations, au niveau de l'impact, au
niveau de la cohabitation, ça pourrait ne rien changer.
Mme Desilets (Andréane) :
Bien, moi, je pense que ça va être plus complexe. Sincèrement, je pense que ça
va être plus complexe, mais, comme je dis, on est ouverts.
Mme Gentilcore : Tout à fait,
je l'entends, mais moi, je voulais quand même voir… très bien. Bien, je… c'est
la question que j'avais pour vous. Donc, je pense que vous avez fait un bon
tour, puis merci d'être venues. C'était très éclairant. J'avais hâte de vous
entendre, de vous parler. Puis bonne chance pour la suite.
Mme Desilets (Andréane) :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme la députée. Alors, merci
beaucoup à Mme Andréanne Désilets et Mme Sophie Tousignant pour leur
participation, leur contribution, mais surtout d'être venues en présentiel pour
échanger avec les membres de la commission.
Sur ce, je suspends des travaux jusqu'à
15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 01)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bon après-midi à tous. La
Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 103, Loi visant principalement à
réglementer les sites de consommation supervisée afin de favoriser une
cohabitation harmonieuse avec la communauté.
Cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : BRAS-Montréal, monsieur... BRAS-Outaouais — ce
n'est pas de ma faute! — BRAS-Outaouais, excusez-moi, excusez moi, M.
Michel Parazelli et Mme Mylène Drouin.
Alors, sur ce, bienvenue aux représentants
du BRAS-Outaouais, c'est-à-dire MM. Vaillant, St-Onge, Gauthier et Mme Provost-Auger.
Alors, je vous cède la parole 10 minutes, et on procède aux échanges. À
vous.
M. Vaillant (Logan) : Merci, M.
le ministre, Mmes et MM. les membres des commissions, merci de nous accueillir
aujourd'hui et de prendre le temps de nous entendre. Merci de nous donner l'opportunité
de porter la voix du BRAS-Outaouais mais surtout celle des personnes que nous
accompagnons, que nous soutenons et avec qui nous travaillons à chaque jour.
Mon nom est Logan Vaillant, je suis
directeur général du Bureau régional d'action sida Outaouais, donc le BRAS. Je
suis accompagné d'Andréanne Provost-Auger, notre responsable des
communications, et d'Adrien St-Onge, le coordonnateur de notre service d'accompagnement
à la consommation.
Je tiens à spécifier qu'au BRAS on parle
de «service d'accompagnement à la consommation», qu'on appelle un SAC, plutôt
que de «service de consommation supervisée», qui est le SCS qui est nommé dans
le projet de loi. On estime qu'on utilise une approche qui est égalitaire, dans
nos interventions. Notre rôle, c'est d'accompagner les personnes, plutôt que de
les superviser, quand ils font l'utilisation de substances psychoactives.
Permettez-moi de commencer par vous parler
du centre-ville de Gatineau, plus précisément du Vieux-Hull. C'est un secteur...
Ce secteur est un lieu chargé d'histoire, marqué par l'effervescence, la mixité
sociale et une culture de proximité unique. Pendant des décennies, le
Vieux-Hull...
15 h (version non révisée)
M. Vaillant (Logan) : ...est
un carrefour vibrant, un quartier ouvrier festif, vivant, où les cafés, les
bars, les salles de spectacles et les commerces de quartier cohabitent avec les
espaces publics et les réalités sociales plus dures. Le «nightlife» y a
toujours occupé une place importante, c'est toujours vrai aujourd'hui, et on
continue d'en faire partie intégrante. Cette vitalité s'accompagne aussi,
depuis longtemps, de la présence de la pauvreté, de la consommation et de l'itinérance.
Ces enjeux ne sont pas récents, ils sont enracinés dans l'histoire du quartier,
ça en fait pratiquement partie, de l'ADN, et ils appellent des réponses
humaines, structurées et cohérentes. C'est dans cet esprit que le BRAS-Outaouais
œuvre depuis maintenant 35 ans.
Fondé en 1990, notre organisme est
enraciné dans la région. Nous offrons des services de prévention, d'intervention,
de réduction des méfaits, de soutien psychosocial, d'analyse de substances et d'accompagnement
dans les soins. Nous travaillons avec des personnes vivant avec le VIH, à
risque d'infection transmise sexuellement, ou par le sang, ou utilisant des
substances psychoactives, toujours avec une approche centrée sur la dignité
humaine. Ce travail ne serait pas possible sans notre équipe, plus de 35 personnes
compétentes, engagées, qui créent, chaque jour, un espace sécuritaire,
respectueux et humain, un espace d'écoute, un espace de répit, un espace de
possibilités.
Depuis 2022, notre service d'accompagnement
à la consommation, notre SAC, est installé de façon permanente au centre-ville,
mais son histoire a commencé bien avant ça. Le SAC a été lancé il y a cinq ans,
en 2020, dans une tente installée sur l'ancien site Guertin, que vous
connaissez aujourd'hui comme l'espace Transition. Il s'agissait d'une réponse d'urgence
à la montée des surdoses mortelles, notamment liées au fentanyl. Notre projet
est né d'une collaboration forte avec la direction de la santé publique, la ville
de Gatineau et notre service de police. C'est d'ailleurs la direction de la
santé publique elle-même qui a recommandé en 2022 d'établir un site fixe, dans
une optique de santé publique durable.
Et les résultats parlent d'eux-mêmes :
près de 5 000 visites annuelles, aucune surdose mortelle recensée, plus de
100 références vers des services de soins, une baisse notable de la
consommation visible dans le secteur, et une réduction du matériel abandonné
sur la voie publique, un sentiment de sécurité accru au centre-ville de
Gatineau, et ce, malgré la forte augmentation des personnes en situation
d'itinérance. D'ailleurs, contrairement à ce que plusieurs imaginent, plus de
la moitié des personnes qui utilisent nos services ne vivent pas en situation d'itinérance.
Il s'agit de personnes comme vous et moi, qui avez un emploi, des personnes de
tous les horizons, des gens avec des logements, des gens avec des enfants.
Mais toutes les personnes qui vivent une
réalité de consommation ont un besoin d'accès à du matériel de consommation
sécuritaire, à un service d'analyse de leurs substances, et surtout, à un lieu
qui leur permet d'être accompagnées lorsqu'elles consomment. Mais voici une
vérité concrète : ces personnes ne marcheront pas 30 ou 40 minutes pour
recevoir ces services. Les données, et notre expérience, sont claires, la
limite raisonnable d'accessibilité, c'est 15 minutes à pied. Au-delà de ça, les
personnes ne viendront pas, nous perdrons le lien et nous perdrons des vies. C'est
pourquoi notre emplacement actuel est essentiel. Nous sommes là où le besoin
est, dans un secteur connu, accessible, fréquenté, où la cohabitation
fonctionne, et cette cohabitation-là, elle n'est pas théorique, elle est
réelle.
Oui, on est situés à moins de 100 mètres
de deux services de garde, mais nous comptons, parmi nos alliés, le CPE, qui
est situé à seulement 60 mètres de nos locaux, ainsi que les voisins immédiats
de notre SAC. À ce sujet, les membres de la commission ont reçu, annexées à
notre mémoire, 23 lettres d'appui à notre projet, dont les lettres d'un des CPE,
de nos voisins, de la direction de la santé publique et de la ville de
Gatineau. Un appui explicite, un témoignage fort, qui prouve que la
cohabitation est non seulement possible, mais bien réelle à Gatineau. Or, avec
le projet de loi tel qu'il est formulé, cet équilibre est menacé.
Le Vieux-Hull est un quartier dense, il
est parsemé d'écoles, de garderies, de parcs. Il sera pratiquement impossible
de se relocaliser dans le secteur tout en respectant les nouvelles distances
minimales imposées. Et si nous devons quitter ce secteur, nous ne pourrons plus
rejoindre les personnes les plus à risque. Une relocalisation aurait des
conséquences graves pour nous. On estime que les coûts, à eux seuls, sont d'environ
4,7 millions. On est un organisme communautaire, on n'a pas cet argent-là.
On perdrait la proximité avec la clientèle, il y aurait un réel risque de
rupture de services, puis on verrait la fin d'une cohabitation qui est déjà
réussie.
Alors, qu'est-ce qu'on demande aujourd'hui?
Une clause de droit acquis pour les services bien implantés comme le nôtre, un
soutien aux mécanismes de cohabitation, plutôt qu'une approche fondée sur l'exclusion
géographique, et un financement complet si une relocalisation devait, malgré
tout, avoir lieu. Le BRAS-Outaouais est prêt à collaborer, mais pour que cette
collaboration porte fruit, elle doit s'appuyer sur la réalité du terrain, sur
les résultats concrets et sur une volonté commune de protéger les...
M. Vaillant (Logan) : ...la
santé publique ne se fait pas contre les communautés. Elle se fait comme elles.
M. St-Onge (Adrien) : J'aimerais
prendre le temps simplement de remercier tout le monde au nom de l'ensemble des
personnes qui oeuvrent au BRAS depuis plusieurs années dans la lutte au niveau
du VIH, mais dans la lutte au niveau des surdoses présentement, de vous
remercier de nous laisser une voix pour qu'on soit ici à porter la voix des
gens qui sont décédés, qu'on a eu la chance d'accompagner, mais le malheur de
constater leur décès. Surtout à compter de 2020, quand on a mis sur pied, en collaboration
avec la Santé publique puis le CIPTO, notre site de prévention de surdose, je
crois qu'il faut faire honneur à ces personnes-là, qui sont décédées, puis à
leurs familles. Puis, pour nous, c'est important de venir aujourd'hui, puis de
transmettre le savoir qu'ils nous ont transmis, puis que leurs morts n'ont pas
été inutiles. Puis je tiens vraiment à remercier l'équipe de travail qui
constate ça jour après jour. Puis c'est en leurs mots, en leur nom, merci de
nous permettre ça ici. Merci.
M. Vaillant (Logan) : Pour
conclure, M. le ministre, membres de la commission, on demande aujourd'hui à
Québec d'octroyer au BRAS une clause de droit acquis et d'ainsi nous permettre
de continuer à offrir un service essentiel à Gatineau.
On prend quand même le temps de vous
remercier pour votre temps, pour votre écoute et pour votre considération
aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Mme, voulez-vous
ajouter quelque chose? Non. Ça va. Alors, M. le ministre, on débute l'échange,
s'il vous plaît, avec nos participants.
M. Carmant : D'accord. Bien,
merci beaucoup pour ce beau témoignage. Puis bravo pour votre travail aussi.
Ramenez-nous dans le temps, là, de
l'ouverture puis parlez-moi de comment ça s'est implanté, puis la collaboration
que vous mentionnez avec la Santé publique et la ville. C'est quoi, les
recettes du succès, là, tu sais? C'est un peu ça qu'on cherche dans le projet
de loi, là, les recettes du succès.
M. Vaillant (Logan) : Je
pense que... bien, on pense, en fait, que de chercher une solution mur à mur,
ça ne va pas fonctionner parce que les milieux sont tous différents. Chez nous,
ce qui fonctionne, c'est que notre organisme a 35 ans. Ça fait 30 ans
qu'on a des travailleurs de rue qui sont sur le terrain, qui travaillent avec
les populations. Nos services sont déployés à partir de l'expérience vécue des
gens qu'on côtoie, de l'expérience de notre Direction de la santé publique, de
ce qu'on peut témoigner au centre-ville de Hull et à Gatineau en général. Donc,
de dire qu'il y a une solution magique, clé en main, je ne pense pas que ce
soit réaliste. Puis je pense que ce serait de nier à d'autres organismes que le
nôtre la possibilité d'avoir une solution qui répond à leurs besoins.
Pour nous, ce qui fonctionne, c'est qu'on
travaille avec la ville, on travaille avec le service de police, on travaille
avec la Direction de la santé publique. Puis, surtout, on est... on est
présents dans le milieu depuis longtemps. Donc, pour répondre à votre question,
je ne crois pas qu'il y a une solution clé en main, malgré que je comprends
votre intention puis votre désir d'en trouver une.
M. Carmant : Mais c'est n'est
pas... ce n'est pas tout le monde a la même chose. Mais il y a... tu sais,
d'habitude, quand quelque chose fonctionne avec des caractéristiques
fondamentales... La relation avec le CPE, par exemple, vous arrivez là :
C'est quoi les premières interactions avec le CPE?
• (15 h 10) •
M. Vaillant (Logan) : Bien,
dans notre milieu, en fait, notre présence vient diminuer la présence de
consommation visible parce que les gens ont un lieu où ils peuvent se rendre.
Donc, les CPE voient moins de personnes consommer sur la rue, voient moins de
matériel souillé. Puis, ça, ça fonctionne très bien.
Je pense que la mesure de cohabitation...
si on cherche un élément qui peut fonctionner partout, de bien financer les
mesures de cohabitation pour qu'on ait des gens qui soient dédiés à travailler
avec les secteurs, c'est... c'est probablement la meilleure solution. Puis, ça,
c'est une solution qui pourrait être universelle. Parce qu'on a tous quand même
besoin de faire connaître l'importance de nos services, de travailler avec les
milieux, comme avec nos voisins, pour faire sûr qu'ils ont un port d'attache,
quelqu'un avec qui ils peuvent parler quand il y a un problème. Plutôt que de
se rendre faire une plainte à la ville, de se rendre à faire une plainte à la
police, de pouvoir nous appeler, puis que nous, on puisse se rendre sur place
puis intervenir avec les personnes qui en ont besoin et sensibiliser les gens à
la vulnérabilité humaine, essentiellement, là.
M. Carmant : Donc, comment ça
fonctionne?
M. St-Onge (Adrien) : Si je
peux me permettre, on a une caractéristique qui est très particulière dans le
centre-ville de Hull, le sentiment d'appartenance des gens qui l'habitent, mais
des gens qui l'occupent simplement est très élevé à la base. Puis il y a un
historique, comme l'a mentionné Logan. Ça fait 35 ans que le BRAS est là.
Et, quand il y a des projets qui émergent et qu'il y a... que c'est le BRAS, il
y a un sentiment de...
M. St-Onge (Adrien) : …confiance
qui est… qui est là à la base, parce que les gens du quartier nous connaissent
depuis tellement longtemps. Puis merci à nos anciens collègues d'avoir, tu
sais, semer ce chemin-là. Donc, quand on entreprend des projets… Ah! O.K., tu
sais, vous allez aider. Puis il y a… cette confiance-là ouvre un dialogue
qu'ils sont confiants que ce qu'on dit, ce n'est pas n'importe quoi. Puis de
favoriser un sentiment d'appartenance des résidents envers notre site
d'accompagnement à la consommation, ça, ça a été une clé qui est vraiment
gagnante aussi.
M. Carmant : O.K., mais. Mais
on s'entend qu'au CPE il n'y a personne qui consomme, là. Donc… tu sais, comme
quand vous vous êtes implanté, qu'est-ce que vous avez dit au CPE à côté?
M. St-Onge (Adrien) : Bien,
une réponse que le CPE nous a donnée, là, qui était très intéressante, c'est
peut-être que, bon, je n'amènerai pas les enfants ou moi-même consommer là,
mais par contre, si je vois quelqu'un consommer, je vais être capable d'aller
dire : Aïe! Check, de l'autre bord de la rue, il y a... il y a ce
service-là qui est là. Puis ça, c'est une rassurance pour cette personne-là.
C'est ce qu'elle nous a dit.
M. Vaillant (Logan) : Je vais
me permettre de rajouter, le CPE qui a signé la lettre d'appui pour nous, la
propriétaire est dans le secteur depuis au-dessus de 50 ans et elle a
toujours été là. Puis elle nous a parlé, bien, on a été la voir, naturellement,
pour faire signer la lettre. Puis elle nous a expliqué que jadis, ses voisins,
c'était une crack house, donc, le secteur a déjà la présence de consommation.
Il y a déjà des crack house dans le milieu, il y a déjà des lieux de
consommation très connus. La problématique était là bien avant nous. Donc, que
nous, on s'implante puis qu'on dise : Bien, les gens qui consomment à la
rue, on va leur donner un endroit où le faire, on va les accompagner, on va
faire ça pour… ils ont… ils sont dans un état acceptable avant de les
retourner, comme, qu'ils quittent notre site d'accompagnement essentiellement.
C'est sécurisant pour nos voisins, c'est sécurisant dans le milieu. Puis on est
très conscients que si on était retirés de cet environnement-là, la
consommation ne quitterait pas avec nous. Elle serait là, elle serait présente,
elle serait dans les rues, le matériel serait dans les rues. Sauf que nous, on
n'y serait pas pour prévenir les surdoses mortelles.
M. Carmant : O.K., là, je vois
que vous avez… juste me dire si c'est la bonne information, vous avez deux
cubicules et un fumoir, c'est ça?
M. St-Onge (Adrien) : Oui,
effectivement, le fumoir qui permet d'accueillir jusqu'à deux personnes, là, en
simultané pour l'inhalation.
M. Carmant : Mais vous êtes
35 personnes, ça me semble… c'est quelque chose de gagnant, ça.
M. Vaillant (Logan) : On est
35 personnes à travailler au Bras Outaouais, mais on a une dizaine de
services, mis à part le site d'accompagnement à la consommation. On a des
travailleurs de rue, on a un centre d'hébergement pour femmes, un centre
d'hébergement pour personnes avec le VIH, on fait de l'intervention, on a les
groupes de soutien pour les hommes ayant des relations avec des hommes. On fait
des ateliers dans les écoles, des ateliers en milieu de travail, puis on… notre
offre de services est très large.
M. Carmant : Tout le monde vous
connaît, là. O.K., ça aussi c'est gagnant. Et combien de personnes travaillent
au site de consommation supervisée? Et quelles sont les heures d'ouverture?
M. St-Onge (Adrien) : Bien,
c'est toujours selon la logique qu'on souhaite avoir deux intervenants ou
intervenantes communautaires pendant les heures d'ouverture, mais aussi la
présence d'un pair ou d'une paire aidante. Donc, ça… c'est trois personnes par
quart de travail. On est ouvert sept jours sur sept, 365 jours par année,
7 heures par jour. On souhaiterait plus, mais c'est déjà quand même bon.
Mais si on est capable de faire plus, on va être preneur, avec du financement.
Mais dans le moment, pour nous, la formule gagnante, c'est minimum deux
intervenants avec pair aidant, puis ça j'insiste parce que d'avoir une personne
paire aidante qui a un vécu expérientiel, qui peut être présent pour faciliter
le contact, mais faciliter le côté encore, tu sais, plus humain que la maison
va procurer, bien, c'est extrêmement important.
M. Carmant : Et qui gère la...
qui fait la… ce que vous parliez tantôt, là, la cohabitation, est-ce que
c'est... Ça ne peut pas être ces trois intervenants-là?
M. St-Onge (Adrien) : Non, ça
ne peut pas être ces trois intervenants-là. Sauf que je peux vous dire qu'on
est une équipe avec beaucoup d'énergie puis beaucoup de cœur. Donc, ce qui se
passe, c'est que l'équipe de travail, on va un peu se passer le flambeau pour,
de un, tu sais, aller faire une petite marche autour avant l'ouverture. Moi, je
vais prendre le temps avec ma collègue Andréanne au niveau des communications
pour essayer de développer un comité, là, de cohabitation. Donc, c'est
embryonnaire, mais tout ça, je vais être honnête, ça me crée une surcharge
énorme parce que je dois investir beaucoup d'énergie. Est-ce que c'est
nécessaire? Est-ce que j'aime ça? Est-ce que je suis content de voir les
résultats? Oui, mais on...
M. St-Onge (Adrien) : ...on
manque de ressources pour le faire.
M. Carmant : Puis quel est le
soutien que vous avez pour ça de la ville et/ou de la Santé publique?
M. St-Onge (Adrien) : Dans le
moment, au niveau de la ville puis de la Santé publique, on a des rencontres,
là, une fois par mois ou un mois et demi, puis on brainstorm, on réfléchit à
voir comment est-ce que, comme, on peut mettre en place différentes actions.
L'ouverture est là, les discussions sont là, mais c'est quand on parle
d'argent, je pense que vous... ça commence à être compliqué puis... Oui.
M. Vaillant (Logan) : La
réalité actuelle, c'est que les demandes sont en croissance, mais notre
capacité financière, elle ne l'est pas. Donc, on se retrouve à devoir faire des
choix, présentement. Puis la cohabitation était déjà fragile, dans le sens
qu'on n'a pas énormément de ressources pour aller sur le terrain à la rencontre
des citoyens. On essaie, on a des comités de travail avec la ville et avec la
Santé publique, mais on passait sous le radar. Puis là, avec le projet de loi
qui a été déposé, on n'est plus sous le radar. Les gens parlent de nous, on a
la préoccupation que les enjeux de cohabitation risquent... pas nécessairement
de se pointer, mais que, maintenant que les gens savent qu'on est là, il va y
avoir une sensibilité qui va s'être développée au niveau de notre milieu. Puis
on veut mettre plus d'énergie à assurer une meilleure cohabitation puis à
laisser comprendre aux gens que, par exemple, s'il y a quelqu'un qui consomme
dans la cour d'école, on va aller les chercher puis on va les ramener chez
nous, tu sais. On veut faire cette énergie-là, mais, présentement, on a des
petits comités qui font un petit peu de travail ici et là, là.
M. Carmant : Bravo! Bravo! Et
comment... avec seulement deux ou trois sites, là, comment vous faites pour
éviter les files à l'extérieur? Parce que j'ai vu vos taux d'utilisation, là,
qui sont quand même élevés. Comment ça se fait qu'il n'y a jamais de...
M. Vaillant (Logan) : Bien,
on a un processus d'admission. Donc, les gens qui viennent utiliser les
services sont accueillis, puis là je parle un peu à ta place, mais ils sont
accueillis. On évalue les besoins. Il y a des gens qui viennent chercher du
matériel de consommation, il y a des gens qui viennent voir si on a, parfois,
une infirmière sur place, il y a des gens qui viennent chercher un café, de la
soupe, il y a des gens qui viennent consommer. Donc, on évalue les besoins,
puis ensuite il y a une trajectoire de services qui est déterminée. Puis tu
peux ajouter.
M. St-Onge (Adrien) : Bien,
je pense qu'il faut comprendre aussi, c'est que... je pense que je ne vous
apprends rien, là, en Outaouais, la population qui consomme par inhalation est
très élevée. Vous comprendrez que le rituel qui entoure fait en sorte aussi
que, bon, la rapidité, là, puis l'hypervigilance qui s'ensuit pour des
personnes qui consomme des stimulants, ça se passe plus vite. C'est là où je
veux en venir. Donc, tu sais, c'est certain que, bon, les gens qui viennent
inhaler vont... tu sais, on n'aura pas nécessairement une surveillance accrue à
faire de 45 minutes, une heure, puis... parce que, bon, l'état
d'inconscience, c'est beaucoup plus présent. Ça fait qu'il y a ça, mais il y a
le fait qu'on a une équipe qui est vraiment chevronnée, puis, tu sais, on a mis
des balises aussi assez claires que, comme, malheureusement, à cause du haut
taux de fréquentation... puis plus ça s'en va, pour nous... ça nous inquiète,
ceux qui consomment des opioïdes, par exemple, au-delà d'une heure, on ne peut
pas continuer de faire une surveillance accrue, puis, dans le moment actuel, on
n'a pas beaucoup de solutions pour diriger ces personnes-là. Vous comprendrez
que l'urgence, ce n'est pas nécessairement l'endroit approprié quand la
personne n'est pas en surdose mais c'est simplement qu'il y a un besoin de
surveillance accrue.
M. Carmant : O.K. Bien, ça,
c'est intéressant, ce que vous me dites là, parce qu'une des choses dont on n'a
pas... peu parlé, à date, c'est... il y a un des articles qui... pas qui
impose, là, mais qui demande d'avoir une trajectoire, justement, pour la...
entre le site et les services médicaux. Donc, je pense que c'est quelque chose
qui viendrait aider, également.
• (15 h 20) •
M. St-Onge (Adrien) : Bien,
si je peux me permettre, on a... en Outaouais, on aime ça être rapides. Puis
on... Tu sais, avec nos partenaires au niveau du CISSSO, du CRDO, avec par
exemple Urgence-dépendance, il y a... il y a une trajectoire qui se dessine.
Est-ce qu'il y a place à amélioration? Oui. Mais, heureusement, on est capables
d'en discuter. Mais, tu sais, on est dans un contexte d'urgence. Il faut... Il
faut mettre les bouchées doubles. Parce que, pour nous, tu sais, puis on l'a
nommé, c'est beaucoup de pression.
Puis, tu sais, en dehors des heures
d'ouverture, moi j'expliquais récemment, bon, j'arrive au SAC pour faire des
heures administratives, tu sais, s'il y a quelqu'un que je vois sur le
trottoir, qui n'est même pas sur le terrain, humainement, il faut intervenir.
C'est important. Mais il n'y a pas 36 solutions dans le moment.
M. Carmant : Bien, je vous
salue pour ça. M. le Président, je passerais la...
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée de Louis-Riel.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Merci à vous pour votre présentation aujourd'hui.
Je pense que vous nous avez bien parlé des
conséquences concrètes pour une relocalisation, là, sur les usagers du service.
Je pense que vous avez été clairs à ce niveau-là.
Si je vous amenais sur le fait que vous
êtes l'un des deux seuls organismes qui offrent des...
Mme Boivin Roy : ...services de
consommation supervisée en Outaouais. Comment vous voyez les conséquences
régionales d'une éventuelle relocalisation pour le BRAS ou même la fermeture du
site au niveau des services pour les personnes vulnérables? Comment vous voyez
ça au niveau régional?
M. Vaillant (Logan) : Les
gens vont mourir. Si on doit se relocaliser, c'est simple comme ça, les gens...
c'est plate comme ça, mais les gens vont mourir. Parce que, si on n'est pas là
où le problème existe, le problème continue d'exister. Donc, la raison pour
laquelle on est ici pour vous parler aujourd'hui, c'est pour, justement,
marteler le fait qu'on doit rester au centre-ville de Hull si on veut être
efficaces dans notre approche.
On ajoute à ça, comme vous le mentionnez,
qu'on n'est pas les seuls à offrir des services. Il y a le CIPTO, en Outaouais,
qui a un site mobile, on a aussi un site mobile qui se déplace dans les
festivals, qui permet de faire l'analyse de substances, qui permet de rejoindre
les gens puis de les sensibiliser à ce qu'on fait, qui permet de
l'accompagnement dans les festivals, pour les gens qui ont consommé puis qui
ont un peu besoin de faire sûr qu'ils sont en sécurité. Donc, on est là. Si on
devait fermer ou se relocaliser en dehors d'où il y a le besoin, dans un
contexte où l'Outaouais est une des régions les plus touchées par les crises
des surdoses, par la crise de la consommation, une région où les enjeux du
système de la santé sont les plus pressants, bien, comme je l'ai dit tantôt, on
est sûrs que les gens vont mourir de surdose parce qu'on ne sera pas là pour
les aider et les soutenir.
M. St-Onge (Adrien) : Si je
peux me permettre de rajouter, je pense qu'il y a beaucoup de gens de la
population de l'Outaouais qui ont un sentiment d'être abandonnés en ce qui
concerne le service de santé. Est-ce qu'ils ont raison ou tort, ce n'est pas à
moi d'en répondre, nécessairement, mais ce sentiment-là est ressenti. Je pense
que, s'il y avait une fermeture complète du site d'accompagnement en
consommation, en Outaouais, il y a des gens qui vont être extrêmement choqués,
avec un sentiment d'abandon et qu'ils sont littéralement exclus du système
actuel. Puis j'ai plein de gens en tête, une communauté qui utilise le service,
qui vont perdre espoir, littéralement.
Mme Boivin Roy : Il me reste
encore du temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Oui, une minute.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup. Comment vous voyez la mise en place et l'application de ce que vous
appelez une clause grand-père ou une clause de droits acquis? Comment vous
voyez ça en application, quand on garde à l'esprit l'essence même du projet de
loi, évidemment, l'équité souhaitée entre les différents organismes, les enjeux
qui sont soulevés depuis les deux derniers jours?
M. Vaillant (Logan) : Bien,
on est sensibles à la motivation derrière le projet de loi, puis on comprend
les préoccupations des gens, puis on veut continuer à y répondre. Donc, c'est
sûr que pour nous, si on pouvait demeurer là où on est, on va quand même
travailler ensemble pour s'assurer que nos services répondent et continuent de
répondre aux besoins en cohabitation, aux besoins de la population puis qu'on
ne crée pas de situations qui soient problématiques en l'Outaouais. Ce n'est
pas ça qu'on souhaite. Mais on veut demeurer là où on est, parce que ça
fonctionne puis on est capables de le prouver, on a les chiffres pour le
démontrer : on a zéro plainte de police, zéro décès, zéro appel au 311, on
a l'appui de la ville. Je pense que de nous déplacer, ça causerait plus de
problèmes que ça répondrait à des problèmes, tu sais? Chez nous, il n'y en a
pas, d'enjeu. Donc, on voudrait demeurer là où on est et travailler ensemble
pour s'assurer que la cohabitation continue de bien se faire.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée. Nous allons poursuivre
l'échange avec Mme la députée D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Merci pour le travail que vous avez fait dans le mémoire, et votre
présentation, et pour ce que vous faites à tous les jours. Comme vous devez le
savoir, la mairesse de Gatineau était là hier et a fait écho à plusieurs choses
dont vous avez dit aujourd'hui, entre autres qu'il n'y a pas eu de plaintes
depuis que vous êtes implantés. Et moi, j'ai des questions. Je comprends, de ce
que vous avez dit aujourd'hui, que, quand vous êtes arrivé, en fait, vous avez
fait... bien, vous avez fait un petit peu... vous êtes allés voir les voisins,
les CPE, etc., mais les choses étaient de sorte que vous avez amélioré... votre
venue est venue améliorer la situation. Donc, j'imagine, quand vous avez
approché les voisins pour faire le bon voisinage, pour faire la cohabitation,
il y avait une ouverture parce que, justement, vous alliez amener un élément
positif plutôt qu'être vu comme un élément négatif.
Je suis curieuse. Quelles sont les
démarches que vous avez entreprises en amont justement pour vous assurer que
vos voisins comprenaient que vous étiez là en tant que partenaire? Je pense à
ce que vous avez dit, pour que les gens aient un téléphone direct à appeler,
c'est énorme. Moi, j'ai, dans mon comté, dans les deux dernières années, une
halte-chaleur qui a ouvert et la première année, c'était un petit peu
difficile, mais la deuxième année, c'est justement les gens impliqués sont
allés voir les voisins et ils ont dit : Voici mon numéro de cellulaire.
Puis ça les a rassurés de savoir que, quand il y avait un enjeu, ils allaient
avoir quelqu'un de vive voix au bout de la ligne qui allait pouvoir...
Mme Prass : …leur parler tout
de suite puis essayer de résoudre la situation. Donc, je suis curieuse. Quelles
sont les démarches que vous avez prises pour parler à vos voisins et pour les
rassurer, pour tisser ce lien de confiance?
M. Vaillant (Logan) : On a
carrément fait du porte-à-porte. On a cogné à la porte des gens. On a été leur
parler. On leur a donné l'espace pour qu'ils posent leurs questions, qu'on
puisse répondre à leurs questions, puis qu'ils puissent mettre un visage comme
sur les personnes qui vont intervenir au site d'accompagnement à la
consommation. Donc, la solution qu'on a vraiment prise, c'est ça, c'est d'être
visibles, d'être présents. C'est quelque chose qu'on continue de faire pas
nécessairement tous les jours, mais, quand on sait qu'il y a des enjeux ou
quand on ressent qu'il y a des choses qui se sont produites, on va là où on
pense qu'il y aurait des problèmes puis on va parler aux gens. On est visibles,
on est connus. On a… Comme on l'a dit plusieurs fois, on a 35 ans. Donc,
notre organisme a une expérience. On a gagné plusieurs prix au fil des ans pour
l'excellence de nos services puis notre présence. Est-ce que tu…
M. St-Onge (Adrien) : Oui,
bien, si je peux me permettre, je pense que, ces derniers temps, on a excellé
dans la gymnastique d'horaires pour être en mesure de faire du porte-à-porte
puis de vraiment avoir la connexion nécessaire avec les résidents. Puis ça
m'amène à dire… On veut continuer à le faire, mais, pour être en mesure de continuer
de faire ça, puis, tu sais, si on avait l'occasion d'avoir un droit acquis,
bien, on va avoir besoin de continuer de faire ça, mais de façon très soutenue
et très régulière, bien, ça va prendre des fonds financiers puis il va falloir
être capable de s'assire, cuisiner une belle tarte avec des pourcentages qui
répartissent les responsabilités. Puis ce n'est pas obligé d'être
nécessairement un projet de loi qui fait ça, mais il peut y avoir des
directives administratives qui vont venir dire clairement qui doit faire quoi,
à telle hauteur, puis, ça, je pense que c'est très important, puis ça peut
remettre des choses en perspective, puis ça va nous aider concrètement.
Il y a déjà, nous, avec BRAS, un bon bout
de chemin qui a été fait en aval de, bon, examiner quelles sont les conditions
locales de… dans le Vieux-Hull, avec le service de police, avec la santé
publique. Bien, c'est pour ça qu'on est là. Il y a eu une belle collaboration
avec la ville puis la santé publique, mais là, pour cette analyse-là,
maintenant, le concret sur le terrain, l'appui financier doit se faire. Ce qui
est vraiment le fun, agréable de voir, c'est qu'avec notre comité on commence à
déployer, l'ouverture y est, puis ce qui est merveilleux de voir, c'est qu'on a
même des associations de résidents, des associations de gens d'affaires qui ont
des commerces, qui, en ce moment, attendent juste de voir est-ce qu'on va être
capables d'avoir l'argent pour développer des initiatives ensemble. À mon sens,
on ne voit pas souvent, mais c'est beau.
Mme Prass : Bien, c'est vrai
qu'à Gatineau… puis on a vu, excusez-moi, dans le contexte de l'itinérance, le
privé qui s'est impliqué quand même pour être un partenaire dans tout ça. Donc,
on salue toujours ces gestes-là. Je suis curieuse également… aux alentours de
BRAS… parce que ce qu'on entend puis on lit dans les médias, tu sais, des
seringues dans la rue, des méfaits à l'extérieur de l'emplacement. Est-ce que
vous avez… Je suis curieuse. Avez-vous des caméras? Quelles sont les mesures d'atténuation,
disons, que vous avez mises en place justement pour vous assurer que les
activités, vraiment, se gardent à l'intérieur et non… et ne soient pas visibles
à l'extérieur et dans l'espace public?
• (15 h 30) •
M. St-Onge (Adrien) : Je vais
vous donner un exemple très concret. J'ai eu une bulle de folie l'été passé,
puis un des besoins qu'on avait ciblés, qui est également un facteur de
protection pour les personnes consommatrices au niveau des surdoses,
l'hydratation, d'être bien hydraté, ça va réduire les risques de surdose. Bien,
dans notre secteur, on avait besoin d'être en mesure d'offrir une source d'eau
potable disponible 24 heures sur 24 à même notre site pour tout le monde, au
final. Bien, ça, ça va faire en sorte que ça va probablement permettre à
quelqu'un d'obtenir de l'eau directement là au lieu de, bon, voler une
bouteille d'eau, aller dans un commerce sans avoir quoi que ce soit, tu sais,
pour le payer.
Donc, ça semble banal, mais ça, c'est une
mesure concrète. Pour nous, on a décidé que les caméras de sécurité, ce n'est
pas quelque chose qu'on voulait préconiser nécessairement parce que nous, on
veut mettre de l'avant que, si les gens s'approprient le… qui est une maison en
soi, puis qu'ils ont envie d'en prendre soin, bien, ça va être la communauté
qui va en prendre soin, un peu du même principe que ça prend un village, tout
un village pour élever un enfant, bien, ça prend tout un quartier pour prendre
soin d'un site comme ça. Ça fait qu'on le voit, s'il y a quelqu'un qui va
commencer…
15 h 30 (version non révisée)
M. St-Onge (Adrien) : ...faire
du grabuge, bien, c'est des discussions entre deux personnes, puis,
généralement, ça cesse rapidement.
M. Vaillant (Logan) : Dans le
quartier en général, on a aussi une équipe qui fait du nettoyage de la rue
principale. Quand on est sur la rue Eddy, qui est une des rues principales au
centre-ville de Hull, on a des gens impliqués, des citoyens, des commerces, d'autres
organismes communautaires qui travaillent avec nous puis on se fait des
journées où on va se promener où il pourrait y avoir des seringues ou du
matériel souillé, on le ramasse.
M. St-Onge (Adrien) : Le BRAS-Outaouais
on excelle... partenariat puis on travaille beaucoup en partenariat avec le... qui
soutient aussi des travailleurs de rue puis un groupe de pairs aidants puis on
travaille avec eux pour justement assurer ce nettoyage-là.
Mme Prass : ...parce que, ce
que je constate, c'est au-delà de la question de la cohabitation, vous avez pu
amener les gens dans le coin de vouloir s'impliquer, pas juste d'accepter de
vous accueillir, mais vraiment de s'impliquer. Je trouve ça vraiment... je
salue ce travail que vous avez fait pour y arriver à ce point-là, parce que je
pense que c'est l'idéal, parce que, quand on parle de cohabitation, bien, c'est
ça, ce n'est pas juste de vivre ensemble, c'est de s'entraider également. Donc...
M. St-Onge (Adrien) : Oui. C'est
l'idéal, mais, je vais être honnête, on était essoufflé puis on a besoin de
plus de moyens financiers pour aller plus loin.
Mme Prass : Bien, justement,
ma prochaine question, puis ça a été évoqué à plusieurs reprises hier, on vous
demande, comme vous dites, de faire ce travail, un travail qui est essentiel,
un travail qui sort les intervenants de leur mission, disons, pour pouvoir faire
ce travail-là. Je comprends qu'il y a déjà un comité sur place et, dans votre
mémoire, vous suggérez de renforcer les comités de cohabitation locaux. Si vous
auriez les moyens de le faire, des moyens financiers qui vous seraient accordés
par le gouvernement, comment est-ce que vous voyez ce renforcement?
M. St-Onge (Adrien) : Bien,
je pense que ce renforcement-là va passer par une clarification, comme je
disais tantôt, la fameuse tarte avec les pourcentages de responsabilité, mais
de mettre en place un plan d'action intersectionnel où est-ce qu'il va vraiment
est clair. Puis je pense, nous, au BRAS, quelque chose qu'on excelle, c'est
toujours d'arriver avec des idées innovantes, mais on a toujours besoin de
partenaires pour ça, ça fait que nos partenaires dans le plan vont embarquer
financièrement, mais de façon concrète aussi parce que c'est ce qu'on a besoin,
vraiment un plan qui est précis, mais avec des engagements concrets puis des
actions concrètes. Je vous donne un exemple, si on a besoin de créer un vidéo
promotionnel, par exemple, d'une escouade nettoyage pour montrer, tu sais, à la
population plus large comment ça se passe, bien, moi, je ne suis pas capable de
faire du montage vidéo, mais, tu sais, par exemple, s'il y a quelqu'un à la Santé
publique dans l'équipe de communications qui a ça avec une autre personne de la
ville qui est capable de faire ça, bien, c'est en collaborant tout le monde
ensemble qu'on va faire ce petit projet-là. Ça fait que je pense que c'est tout
ça.
M. Vaillant (Logan) : Dans le
concret, ce qu'on souhaiterait, c'est ajouter des gens à notre équipe, des
personnes qui auraient le mandat spécifique de travailler dans le voisinage
avec les autres organismes pour déployer des moyens. On souhaite travailler
avec la ville, on souhaite continuer de travailler avec la Direction de la
santé publique puis continuer de travailler avec les services de police pour
nous assurer qu'on a une vision globale de comment on veut adresser les enjeux.
Parce qu'on ne pense pas que ce soient des enjeux qui soient respectifs ou
communautaires, on pense que les enjeux de personnes qui consomment, de
personnes qui consomment dans la rue, de la sécurité publique, c'est des enjeux
qui s'adressent à tous les paliers de gouvernement, des instances publiques. On
veut... on est... naturellement, on fait partie de la solution, mais on ne
pense pas qu'on doit porter tout le poids. Donc, ce qu'on souhaite, c'est de
rajouter du monde dans l'équipe, mais aussi s'assurer qu'on a la collaboration
des instances municipales, des instances gouvernementales pour qu'on en fasse
un problème de tous puis qu'on amène des solutions ensemble.
Mme Prass : Puis est-ce que c'est...
dans le mémoire, vous parliez d'appui structurel à la cohabitation, c'est ce
que vous venez de dire?
M. Vaillant (Logan) : C'est
de ça qu'on parle. Tu sais, on ne veut pas... on ne croit pas que les organismes
communautaires doivent porter le fardeau de la sécurité publique, on pense que
c'est un travail de tous et chacun. Notre rôle est là pour soutenir puis, naturellement,
on a des personnes qui oeuvrent au sein des organismes communautaires, qui... c'est
leur vocation. Leur passion, c'est aider l'autre. Puis on est chanceux d'avoir
ces ressources-là, mais seuls, on n'y arrivera jamais, surtout pas dans un
contexte où la crise de la consommation est à la hausse, les surdoses mortelles
sont à la hausse, l'itinérance est à la hausse, les enjeux sont trop lourds
pour que le BRAS puisse les porter en Outaouais.
Mme Prass : Donc, pour vous...
puis encore, ne pas mettant toute la responsabilité sur les organismes
communautaires, mais vous êtes d'accord, par exemple, lorsqu'un organisme fait
une demande pour ouvrir un SCS, qu'il y ait un élément de cohabitation qui soit
demandé parce que vous l'avez réussi. Comme vous dites, il n'y a pas de formule
magique, mais on comprend que c'est un élément essentiel aussi dans notre
société pour pouvoir... bien, c'est ça, pour qu'on puisse s'implanter de façon
permanente et à long terme, justement de...
Mme Prass : ...de faire ce
travail-là, de créer ces liens-là.
M. Vaillant (Logan) : Entièrement,
la cohabitation est essentielle. Encore là, je ne pense pas que le fardeau doit
reposer sur l'organisme communautaire. Ça doit être une responsabilité de la
ville, une responsabilité du gouvernement et une responsabilité de la police et
un partenariat. Il faut que ce soit une position qui se fasse globalement parce
que si on met juste le poids sur l'organisme communautaire, on se retrouve
souvent à patiner tout seul, à travailler fort juste pour aller chercher
l'implication des personnes de qui on a besoin, puis ça compromet le succès des
moyens qu'on essaie de mettre en place.
Mme Prass : Et je suis
curieuse, je comprends qu'il n'y a pas eu de plainte depuis que vous êtes
implantés. Votre relation avec le corps policier, est-ce qu'ils sont là en tant
que partenaires quand vous avez besoin d'eux, également pour rassurer la
population que s'il y a un accident, ils vont être présents.
M. Vaillant (Logan) : On
travaille avec le corps de police si... Vas-y.
M. St-Onge (Adrien) : Si je
peux me permettre, une semaine sur deux à moins de... Des fois, il y a des
absences là, mais une semaine sur deux, à longueur d'année, on a des rencontres
opérationnelles qui durent une heure puis que généralement les paramédics sont
prêts, les responsables de paramédics, les responsables du service de police,
responsables de la santé publique et notre partenaire... pour discuter directement
des enjeux en lien avec le site fixe et le site mobile. Puis, en dehors de ça,
on a des discussions avec les responsables du service de police à chaque fois
que c'est nécessaire, puis la collaboration est au rendez-vous.
Mme Prass : Excellent. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
je vous cède la parole.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. On a lu avec attention ce que
vous faites. On a eu la chance de se parler dernièrement, puis j'ai l'intention
de venir vous visiter cet été. Pour le bon travail que vous faites,
félicitations!
Petite question, vous dites :
Exempter le BRAS des nouvelles contraintes d'implantation, vous parlez du
150 mètres ou vous parlez de l'ensemble de l'oeuvre du projet de loi, avec
les autorisations, le plan de cohab, etc.?
M. Vaillant (Logan) : Ce
qu'on vous demande spécifiquement en premier lieu, 150 mètres, mais si on
est déjà là, je vois mal pourquoi on aurait besoin de commencer à faire un
paquet de choses pour démontrer qu'on a le mérite d'être là. Ça fait déjà deux
ans et demi qu'on est sur place, donc on demande de pouvoir continuer à opérer
sans sentir de pression ou de crainte qu'on devra se relocaliser
éventuellement.
M. Cliche-Rivard : Ça fait
que c'est une demande d'exemption générale du projet de loi n° 103, si je
comprends bien, là, juste pour comprendre votre demande.
M. Vaillant (Logan) : Oui,
mais dans un contexte où on souhaite quand même collaborer puis travailler sur
la cohabitation sociale.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Vous avez aussi mentionné, si le projet doit être adopté tel quel puis qu'il
faut partir, vous avez dit ça va coûter 5 millions à peu près, 4,7, à peu près
4,731, je pense. Qui va... qui va payer ça?
M. Vaillant (Logan) : Si le
gouvernement n'est pas prêt à payer ce montant-là, nous, on devra fermer nos
portes parce qu'on n'a pas les moyens de le faire. Le communautaire, on le
sait, est déjà... revendique déjà pour qu'on soit financés à la hauteur de ce
qu'on a besoin. Donc, si on doit débourser 4,7 millions, on comprend qu'on
n'a pas cet argent-là, donc ça va être impossible pour nous de se relocaliser.
M. Cliche-Rivard : Donc,
essentiellement, si le projet de loi ne vient pas avec des compensations
financières, on a parlé de la maison Benoît Labre tout à l'heure, on risque de
perdre deux centres de consommation supervisés au Québec.
M. Vaillant (Logan) : Dans
deux des secteurs qui sont les plus touchés par la consommation.
M. Cliche-Rivard : Merci. On
a une question sur les comités de bon voisinage, le rôle des organismes dans la
coordination, l'organisation. Il y a des citoyens qui nous ont dit ce n'est pas
toujours neutre parce que l'organisme, des fois, c'est par et pour. Sur la
gestion du comité, il y a les partenaires, mais bref, selon vous, qui... qui
devrait être le porte-étendard puis de tenir la responsabilité du comité de bon
voisinage?
• (15 h 40) •
M. Vaillant (Logan) : C'est
une excellente question. Je pense que, tu sais, d'emblée si... si le
gouvernement exige qu'on ait des comités de cohabitation, le gouvernement
devrait s'impliquer dans la réalisation de ces comités-là. Je pense qu'on a
quand même... Le communautaire, le service de police, les villes et le
gouvernement ont la responsabilité de travailler ensemble. Donc, je pense qu'il
devrait y avoir des responsabilités dans chacune de ces instances-là pour
s'assurer qu'on a toujours une représentation de chacun des paliers quand on
parle de cohabitation.
M. Cliche-Rivard : Et donc...
M. St-Onge (Adrien) : Si...
M. Cliche-Rivard : Allez-y.
M. St-Onge (Adrien) : Si je
peux me permettre, le meilleur exemple que je peux vous donner, les tables de
concertation où est-ce qu'effectivement il y a des représentants de différentes
instances et qui finalement forment une entité en soi, qui vont... qui vont
porter un dossier complet. Je pense que ça, ça pourrait être une belle façon
pour ne pas tomber dans le piège que ce soit uniquement un acteur.
M. Cliche-Rivard : Ce n'est
pas aux organismes de porter ça à 100 %. Ce n'est pas ce que les citoyens
demandent non plus. Ce n'est pas les...
M. St-Onge (Adrien) : Non,
mais ce n'est pas non plus la ville, par exemple, de Gatineau qui aurait à
100 % à assumer tout ça. C'est... c'est une responsabilité collective de
société, puis les acteurs qui représentent cette société-là, à mon avis, dans
cette situation-là, sont le gouvernement...
M. St-Onge (Adrien) : ...c'est-à-dire
la Santé publique, la ville, les organismes communautaires, les associations de
citoyens. Puis, quand je dis la «ville», bien, c'est, oui, des représentants de
la ville puis du politique, administratif, mais aussi au niveau de sécurité
publique.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va. Alors, je tiens à remercier
les représentants du BRAS-Outaouais pour s'être déplacés et pour votre
contribution à nos travaux.
Alors, sur ce, je vais suspendre
temporairement pour pouvoir permettre au prochain groupe de prendre place.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, on reprend nos travaux, et je souhaite la bienvenue
à M. Michel Parazelli, professeur associé, École de travail social, Université
du Québec à Montréal. Alors, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et,
par la suite, nous procédons aux échanges. Alors, vous avez la parole.
M. Parazelli (Michel) : Oui.
Merci de m'avoir invité aujourd'hui. Écoutez, c'est à titre de chercheur
retraité, mais, comme on l'a dit tantôt, toujours associé à l'École de travail
social de l'UQAM que je souhaite partager mon avis avec vous sur le projet de
loi n° 103.
Depuis 30 ans, avec des équipes de
recherche, j'ai eu l'occasion d'étudier les marginalités urbaines à Montréal,
telles que celles des pratiques identitaires des jeunes de la rue, plus
spécifiquement, et, plus récemment, les enjeux de cohabitation avec les
personnes en situation d'itinérance à Montréal et à Québec. Avec mes collègues,
nous avons développé un cadre d'analyse qualitative de ces enjeux qui permet de
mettre en...
M. Parazelli (Michel) : ...l'orientation
des pratiques de gestion du partage d'espaces publics avec des personnes en
situation d'itinérance.
Donc, le son est bon, vous m'entendez
bien?
Le Président (M. Provençal)
: Très bien.
M. Parazelli (Michel) : C'est
bon. Bon, d'entrée de jeu, je vous dis que, si ce projet de loi dit favoriser
une cohabitation harmonieuse en encadrant les conditions d'implantation et
d'opération de sites de consommation supervisée, les mesures prescrites dans ce
projet de loi risquent d'obtenir l'effet inverse, et je vais m'expliquer. Parce
que, dans ce projet de loi, la conception implicite de la cohabitation pose
problème, de même que les relations avec les ressources communautaires visées
par le projet de loi.
Bon, si on commence par la conception de
la cohabitation, si le projet de loi dit viser une cohabitation harmonieuse,
aucune définition n'est proposée, mais il est possible d'en identifier
l'orientation par le choix des stratégies promues. Même si les ressources
offrant des services aux personnes en situation d'itinérance sont parfois
pointées du doigt, les problèmes de cohabitation qui sont... qui se sont
présentés durant les dernières années ne les concernent pas directement. C'est
plutôt la présence et le comportement des personnes itinérantes elles-mêmes,
dans les espaces communs de leur voisinage, qui dérangent.
Face à ce type de problèmes de
cohabitation, les résultats de nos recherches ont permis de recenser plusieurs
stratégies de gestion du partage de l'espace public avec les personnes en
situation d'itinérance que différents groupes d'acteurs mettent en œuvre. Ces
stratégies s'inscrivent dans une tension conflictuelle entre celles qui ont une
visée d'invisibilisation, dans une perspective de gestion écosanitaire de
nuisance publique, et celles ayant un objectif de visibilisation, dans une
perspective démocratique de défense des droits. Donc, on voit bien, ici, une
polarisation qui existe, et ce n'est pas... ce n'est pas propre au Québec, au
Canada ou aux États-Unis. Partout dans le monde, c'est comme ça que ça... que
ça s'inscrit, les tensions entre les manières de gérer, en fait, les enjeux de
cohabitation.
Toutes ces stratégies ont en commun le
fait qu'elles s'appuient sur le contrôle de la mobilité des personnes
marginalisées. Par exemple, pour invisibiliser la présence des personnes en
situation d'itinérance, nous avons observé quatre stratégies : l'expulsion — exemple,
la judiciarisation, avec le profilage social — le repoussement, via
le design hostile, notamment; la concentration — l'idée, c'est
d'isoler les gens dans un lieu spécifique pour qu'ils ne dérangent pas — et
la dilution, l'animation continue dans un parc, à travers l'animation
d'activités, pour un peu noyer la présence des personnes en situation
d'itinérance qui s'y regroupent. Quant à l'objectif de visibilisation, donc le
deuxième objectif de cette tension, il se manifeste par la représentation et le
rassemblement. À la représentation, c'est l'idée de sensibiliser le voisinage
aux noms des personnes itinérantes, sur leur réalité, de façon à apaiser les
tensions. Et le rassemblement, bien, pensons aux campements urbains, ou la Nuit
des sans-abri, où les gens affirment leur autonomie de citoyens, même
marginalisés, dans l'espace public.
Tous les acteurs qui adoptent ces
stratégies prétendent tous améliorer la cohabitation. C'est là qu'il y a un
problème dans la façon de comprendre la cohabitation. Cependant, selon la visée
des stratégies que l'on adoptera, la vision de la cohabitation ne sera pas la
même. Par exemple, la cohabitation ne se fait pas toujours à la suite
d'ententes entre les parties qui habitent les lieux communs concernés, comme on
le ferait dans un logement, entre deux colocs, par exemple. Certaines
stratégies participent plutôt à la stigmatisation des personnes en situation
d'itinérance et de leurs ressources communautaires, par voie d'association.
C'est pourquoi il importe de bien reconnaître les orientations idéologiques des
stratégies mobilisées afin d'éclairer le débat.
• (15 h 50) •
Si on revient au projet de loi plus
spécifiquement, hein, c'est qu'en imposant une certaine distance géographique
visant à faire écran entre les sites de consommation supervisée et les
établissements scolaires et de petite enfance le projet de loi tente d'offrir
une réponse au sentiment d'insécurité des familles et des acteurs
institutionnels. Selon notre cadre d'analyse, les mesures prescrites dans le
projet de loi s'inscrivent dans une double stratégie de contrôle de la mobilité
des personnes en situation d'itinérance. Il s'agit des stratégies de repoussement
et de concentration, qui visent une invisibilité locale spécifique des
personnes en situation d'itinérance. On ne veut pas qu'elles soient autour du
périmètre autour de ces institutions-là, donc on les repousse et on les
concentre à l'intérieur des centres de consommation supervisée.
On peut penser que le ministre fait le
pari que gérer la localisation des services et leurs effets de nuisance
publique permettrait de contrôler la mobilité des personnes en situation
d'itinérance, en favorisant leur concentration à des endroits où les
interactions sociales ne feraient pas l'objet de controverse, hein? C'est comme
ça que j'ai interprété la façon de voir la logique qui était à l'œuvre. Il est
aussi exigé des organismes communautaires qu'ils régulent eux-mêmes les
comportements des personnes itinérantes pouvant représenter des nuisances
publiques. Nous parlons moins ici de cohabitation sociale que d'une
intervention de mitigation...
M. Parazelli (Michel) :
...comme on le ferait dans le cas des problèmes d'inondation ou de zone de
contamination. En fait, le contenu de ce projet de loi est moins un projet de
santé publique que de sécurité publique. En voulant établir un périmètre de
sécurité, on ne parle plus ici de protection défensive face à la présence de
personnes en situation d'itinérance dans une perspective de cohabitation
conflictuelle.
Certains pourraient dire que le projet de
loi relève du gros bon sens, hein? Pourquoi faire exprès pour finalement mettre
des ressources qui s'occupent des itinérants autour des garderies, par exemple?
Et c'est effectivement tout à fait le cas, si c'est le gros bon sens qui parle,
sauf qu'en milieu urbain, c'est extrêmement difficile de trouver des lieux qui
sont à 150 mètres de distance de ces institutions-là. Donc, ça fait
problème. Mais il n'y a pas que ce problème-là qui émerge dans tout ça. C'est
qu'il y a vraiment une méconnaissance évidente des dynamiques de survie des
personnes en situation d'itinérance dont l'habitat ne se réduit pas aux sites
de consommation supervisée. Donc, on ne peut pas les concentrer à un endroit.
L'habitat se trouve surtout dans les espaces publics et communs. Et même si
l'espace public n'est pas prévu pour suppléer l'absence de logements, les
personnes en situation d'itinérance essaient d'y survivre en tentant de
reproduire les fonctions protectrices d'un habitat. On parle ici de pratiques
précaires d'habiter par l'appropriation de lieux pouvant être maîtrisés de
manière éphémère, mais dont l'occupation ne peut être stabilisée à cause de la
répression, notamment.
En fait, l'objectif d'invisibilité
localisée du projet de loi est illusoire étant donné les réalités complexes et
instables de la mobilité des personnes en situation d'itinérance et auxquelles
les organismes communautaires tentent quotidiennement de s'adapter. C'est pour
ça qu'ils ont besoin de flexibilité et d'autonomie. De plus, le projet de loi
renforce la représentation de dangers que représenteraient les personnes en
situation d'itinérance en imposant l'établissement d'une distance sécuritaire
avec les ressources, dont la mesure… donc, la mesure de 150 mètres est par
ailleurs arbitraire et non fondée par des données objectives. En tout cas, on
ne les a pas vues. On reconduit ainsi la stigmatisation de ces personnes déjà
marginalisées.
Bon, je ne nie pas les inquiétudes et les
craintes manifestées par des citoyens non marginalisés, hein, en disant ça,
hein, c'est… des incidents réels se produisent bien tous les jours dans un
contexte où les ressources font défaut et les lieux propices à l'appropriation
se raréfient. L'insécurité et les frustrations qui augmentent aussi du côté des
personnes itinérantes peuvent produire de l'agressivité et/ou du désespoir. Des
incidents malheureux et des conflits sociaux nous rappellent donc la nécessité
d'établir des relations de cohabitation démocratique permanente afin de pouvoir
démêler ce qui relève des préjugés, de l'intolérance ou de la méconnaissance et
des incidents réels afin de pouvoir s'en occuper localement.
L'autre problème de fond associé à la
conception de la cohabitation, c'est comment favoriser une cohabitation
harmonieuse sans que l'acteur concerné principal soit impliqué dans la
discussion, hein, c'est comme l'éléphant dans la pièce qu'on ne voit pas. Les
personnes en situation d'itinérance ne sont pas impliquées comme acteur
compétent qui peut donner son analyse, la livrer et la négocier avec les autres
acteurs. Il est bon de rappeler que cohabiter dans des lieux communs, c'est
mettre en discussion des pratiques d'habiter mutuelles entre des citoyens. Je
parle de citoyens qui sont contraints de se voisiner pour convenir d'un modus
vivendi entre les parties impliquées. Donc, le projet de loi n° 103 ne
fait mention d'aucune pratique de dialogue impliquant les premiers concernés
qui habitent l'espace public. Comme ce type d'exercice ne s'improvise pas,
effectivement, il n'y a rien de facile, pourquoi alors ne pas soutenir et
expérimenter l'organisation collective des personnes en situation d'itinérance
qui formeraient des collectifs avec qui négocier des règles de cohabitation?
Bref, faute de définir les termes et les conditions d'une cohabitation
harmonieuse, la loi ne fait que réguler la géographie des services sans offrir
un plan d'ensemble concerté de la cohabitation.
L'autre problème, et là puis je termine un
peu là-dessus en disant qu'au niveau des relations avec les ressources
communautaires, c'est que le fait d'imposer des contraintes géographiques et
des conditions d'opération des services offerts par les groupes, le ministre
ajoute de la pression, suscite de l'inquiétude, crée de l'instabilité à un
milieu qui est déjà… qui est déjà mis sous pression pour faire face aux
urgences de la crise… que l'itinérance génère. La pénurie de services sociaux
publics fait en sorte que le milieu communautaire représente les principales
ressources sur lesquelles compter pour que la situation ne se dégrade pas
davantage au Québec.
Faut-il rappeler qu'il s'agit de services
qui sauvent des vies et que les diverses instances de santé publique
reconnaissent que ces services de proximité sont adaptés aux réalités des
personnes en situation d'itinérance. Elles font donc partie des solutions.
Donc, au lieu de centraliser le pouvoir des décisions entre ses mains, le
ministre devrait plutôt soutenir davantage ces organismes en respectant leur
expertise et leur autonomie et non en les considérant comme faisant partie
intégrante du réseau public de la santé.
Donc, je termine à vous proposant… en
formulant trois recommandations qui résultent de mon analyse. Bien, il s'agit
premièrement d'abandonner les stratégies d'invisibilisation pour renforcer
plutôt la perspective démocratique des pratiques de cohabitation, en incluant
les personnes en situation d'itinérance dans les dispositifs de dialogue et de
médiation. Et le gouvernement…
M. Parazelli (Michel) : ...le
gouvernement du Québec devrait reconnaître le droit à l'expression citoyenne à
part entière de ces personnes en situation d'itinérance, en soutenant leur
organisation collective au sein de petits collectifs autonomes, dans le but
d'instaurer un dialogue continu avec elles sur les enjeux de cohabitation
sociale.
Puis le dernier... dernière
recommandation, c'est bien entendu, et c'est le nerf de la guerre, soutenir les
organismes communautaires financièrement dans l'expérimentation de ces
dispositifs de dialogue en des acteurs locaux ayant des pratiques d'habiter en
interaction avec celle des personnes en situation d'itinérance. Bon.
Donc, je termine là-dessus. Je vous
remercie de votre écoute.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, nous allons
débuter les échanges avec les membres de la commission. M. le ministre, à vous
la parole.
M. Carmant : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, M. Piazzali, pour votre vos
commentaires. J'aimerais mieux comprendre le processus d'organisation
collective avec les personnes en situation d'itinérance et comment libérer leur
voix, là. Expliquez-moi comment ça se fait puis où est ce que ça se fait. Puis
si vous avez des exemples à me donner que je pourrais aller lire dessus, là.
M. Paranzellas (Michel) : Oui,
d'accord. Oui, tout à fait. Écoutez, moi j'ai... ça fait déjà 25 ans, ça
fait loin, mais il y a 25 ans, j'ai expérimenté un cadre de communication
collective démocratique avec des jeunes de la rue, des élus municipaux à
Montréal, et des intervenants jeunesse, et des policiers. Ils formaient chacun
un groupe homogène. Bon, entre eux, il y avait une discussion, un dialogue
continu, mais par la voie de l'écrit, avec une équipe de régulation qui faisait
respecter des règles du jeu pour les échanges, parce que c'était un dialogue
continu, non pas une consultation seulement, dans le sens qu'il s'agissait
d'avoir... de créer un mode de... un temps de concertation au sein des groupes
homogènes et après un temps de négociations entre les groupes pour discuter des
préoccupations propres à chacun des groupes homogènes, mais dans une
perspective d'amélioration des actes sociaux et des actes de travail qui
s'adressaient aux jeunes de la rue comme tels. Et avec un dialogue continu avec
obligation de répondre. En tout cas, je ne pourrais pas aller dans les détails,
mais les gens à l'époque me disaient : Ça ne fonctionnera pas, les jeunes
dans la rue n'aiment pas être structurés, c'est trop rigide. Mais c'était tout
à fait l'inverse, lorsque ce cadre-là... lorsque les jeunes de la rue voyaient
que ce cadre-là leur donnait l'occasion de s'exprimer et qu'ils avaient des
réponses à leurs questions aussi de manière continue, et non pas seulement que
donner leur point de vue et ne plus savoir de quoi... que comment était utilisé
leur parole, eh bien là, cette fois-là, il y avait vraiment... ils étaient
vraiment impliqués.
Ça a duré sept, sept ans, imaginez, avec
deux administrations municipales différentes. Donc, la faisabilité, elle est
réelle. Sauf qu'après la ville de Montréal a stoppé parce que c'était au moment
le plus, je dirais, aigu sur le plan de la répression municipale, où la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse a reconnu qu'il y avait
du profilage social. Donc, le conflit était tellement rendu grave qu'il n'y
avait plus de possibilité de discuter. Mais, bon, finalement, il y a une
possibilité de reprendre ces choses-là. Mais je parle... je parlerais pour
l'instant, O.K.?
• (16 heures) •
Actuellement il y a la ville de Longueuil
qui a expérimenté ce qu'on a... ce qu'ils ont appelé un projet d'atelier de
correspondance inspiré de mon approche, O.K., l'approche que j'étudiais avec l'équipe
avec qui j'étais, et qu'ils l'ont mis en œuvre pendant les consultations il y a
quelques mois entre des personnes itinérantes, des résidents, et des
commerçants, et puis je crois que des acteurs sociaux et institutionnels, et
ils ont beaucoup apprécié l'échange. Et ça a été fort utile parce que,
finalement, les personnes en situation d'itinérance, lorsqu'on leur demande
de... entre elles de réfléchir sur leur propre situation, ils ont énormément de
choses à se dire et ils voient bien qu'on leur fait confiance aussi sur la
façon d'analyser leur situation et de mettre en discussion avec les autres
groupes, ce qui a rarement lieu dans les... des les travaux de concertation ou
de discussion. Donc là, c'est un pas de plus qu'on propose de faire pour la cohabitation,
ce qui améliorerait les choses. Et la ville de Granby s'est engagée à
expérimenter un tel projet, un peu comme je l'ai expérimenté avec les jeunes de
la rue, mais après les élections de novembre, ça fait que... parce que c'est un
projet, vous le voyez bien, c'est un projet qui est au long cours, hein, ce
n'est pas quelque chose qu'on fait en deux mois, là, mais donc c'est quelque
chose qui devrait, à la limite, même être permanente à un rythme plus lent,
dans le sens que les gens n'ont pas que ça à faire. Donc, si à tous les...
peut-être, les deux, trois mois où on fait le point en sous-groupe homogène, on
s'échange des communications par écrit. Parce que je vais vous dire
honnêtement, une des grandes difficultés pour la communication, c'est effectivement
d'être en face à face. Imaginez seulement avec des groupes de jeunes de la rue,
à l'époque, dans les années 2000, les jeunes...
16 h (version non révisée)
M. Parazelli (Michel) : …avec
les policiers et les élus municipaux autour d'une table. Ça ne durait pas
longtemps. Et les jeunes de la rue disaient aux travailleurs de rue : Hé!
là, vous, vous connaissez comment ils parlent, comment ils discutent, bien, dites-leur
ce qu'on… ce qu'il faudrait faire. Et là, ils partaient. Donc, ça cassait la
discussion. Donc, il y a… Bref, le message le plus important, ce n'est pas de
vendre… de vendre le dispositif que j'ai mis en… que j'ai expérimenté, c'est
davantage de dire : Est-ce qu'on peut penser les pratiques de dialogue
démocratique avec les personnes en situation d'itinérance, et de… même de
varier les types d'expérimentations pour pouvoir comparer et discuter justement
des points forts, des points… les limites, les obstacles que ça représente?
Parce que c'est une des clés selon moi, de la cohabitation. Ce n'est pas en
créant de la distance qu'on va y arriver, là.
M. Carmant : O.K. Ça, je
trouve ça très intéressant. Maintenant, pratico-pratique, là, qu'est-ce qu'on
dit à des parents qui nous écrivent tous les jours que leurs enfants sont
exposés à des risques? Ils… tu sais, ça prend une réponse concrète aussi. Puis
je comprends que ce n'est pas idéal. Je n'ai jamais voulu dire que c'était idéal.
Puis en fait beaucoup des gens focussent sur l'aspect de distance. Mais l'aspect
le plus important du projet de loi, c'est deux choses, s'assurer qu'il y ait de
la cohabitation faite en amont. Ça, je pense que c'est quand même important,
là, mais… puis je suis très d'accord d'impliquer les personnes en situation d'itinérance,
ça, c'est vraiment intéressant. Et aussi s'assurer qu'il y ait des trajectoires
de soins entre ceux qui font la réduction des méfaits et ceux qui font du
traitement des dépendances. Ça fait que c'est vraiment là-dessus qu'est axé le
projet de loi. Donc, qu'est-ce qu'on dit aux parents, là, qui sont inquiets? Puis
on a un monsieur hier qui nous… qui est venu nous faire un témoignage, là, à
brailler, là, sur ce qui arrive à ses enfants.
M. Parazelli (Michel) : Non,
non, mais ça, il y en a tous les jours, hein, on s'entend, hein, mais ça… en
fait, cette question-là ne doit pas faire abstraction de comprendre pourquoi…
Pourquoi nous vivons cette situation-là maintenant. Pourquoi on en est rendu
là? O.K., ça a été des décennies de négligence, et ça, vous le savez, de l'investissement
dans le logement social de… par le fédéral, surtout à l'époque, mais aussi par
le provincial. Des décennies de négligence qui font en sorte qu'on est pris
avec… puis aussi la financiarisation du logement comme tel qui empêche, qui
limite énormément le développement du logement social comme tel. Déjà, et ça
serait vraiment un gros morceau, là, on n'aurait pas à vivre comme crise de l'itinérance,
et aussi l'érosion des services publics qui peuvent répondre aussi tout au long
du parcours, en amont des épreuves que ces personnes-là rencontrent avant de
devenir… de vivre l'itinérance. C'est presque que… il n'y a presque plus de
services. Donc, à ce moment-là, il y a ça aussi qu'il faut considérer. Donc, il
faut prendre conscience de ça en premier, je crois, parce que là on limite les
dégâts actuellement. À la limite, si on est dans un… hein, damage control, c'est
ça qu'on est en train de faire, là. Mais si… puis aussi, en amont, si on avait
aussi investi sur les pratiques… mais pas uniquement comme une modalité
technique de sécurité, que d'avoir des comités de cohabitation ou des comités
de bon voisinage, mais il faut qu'il y ait… il faut qu'il y ait un plan, un
plan d'intervention lié à la cohabitation, plus substantiel. Et c'est pour ça,
et c'est… si ça avait existé, on n'aurait pas… On pourrait répondre, il y
aurait des instances qui pourraient répondre à des citoyens qui disent :
Bien, il y a un incident qui s'est passé à tel endroit. Ça, c'est inacceptable
que ça arrive dans ma cour, etc. Et là, il y aurait des instances auxquelles s'adresser
comme telles, localement, mais c'est pour ça qu'il faut laisser aussi… mais en
fait laisser… soutenir, je ne dirais pas juste les laisser, mais soutenir, mais…
l'autonomie de réalisation de ces dispositifs de cohabitation d'instances. Mais
encore là, je viens de vous expliquer qu'il y avait deux façons polarisées de
voir la cohabitation. Donc là, on est dans un contexte de conflit, O.K., on n'a
pas la même vision de la cohabitation. Donc, à ce moment-là, la question que j'ai…
pardon?
M. Carmant : Excusez, excusez…
M. Parazelli (Michel) : Bien,
j'étais présent à la fin de la présentation de l'autre groupe. Puis la question
est intéressante à savoir qui devrait… je pourrais dire, faire l'autorité, en
fait, arbitrer, arbitrer les conflits potentiels, O.K. Bon, c'est clair que sur
le plan local, la municipalité, c'est… En fait, c'est… on est en démocratie,
donc c'est les gens qui sont élus, qui représentent les… tous les citoyens, pas
seulement que les citoyens qui ne sont pas marginalisés. Donc, il y a… il
devrait y avoir un dispositif d'arbitrage politique par les élus, O.K., locaux,
mais aussi provinciaux, étant donné que c'est carrément une crise nationale qu'on
vit. Donc, il devrait y avoir une entente, une coordination effectivement,
entre le… entre le municipal et le provincial pour gérer les conflits lorsqu'ils
sont… lorsqu'ils dépassent le...
M. Parazelli (Michel) : ...comme
tel, ou lorsqu'ils sont insolubles, ou pour... au moins pour donner une
orientation souhaitée, souhaitable. Et puis voilà.
M. Carmant : C'est ça. Mais,
moi, mon message, c'est que, les directives, ce n'est pas toujours suivi. Donc,
des fois, il faut imposer des choses.
Et, l'autre chose aussi où je suis... où
je suis un peu en... diamétralement... pas... oui, opposé à ce que vous dites,
c'est... c'est quand vous dites : L'enjeu de concentration. Parce qu'on
entend souvent les organismes, qui prennent soin des personnes en situation
d'itinérance, qui travaillent avec eux, que, quand on parle de campements, ils
nous disent de maintenir les campements. Parce qu'il y a un effet quand même
protecteur dans l'aspect concentration. Puis vous dites qu'il ne faut pas faire
ça.
M. Parazelli (Michel) : Non.
Parce que... Non. Non. C'est parce que le campement, dans notre analyse, n'est
pas... ne résulte pas d'une stratégie de contrôle de la mobilité liée à la
concentration, à moins qu'on les ait obligés à être là. Vous comprenez? C'est
une question de... C'est la question du rapport de pouvoir, à savoir est-ce que
c'est selon les personnes itinérantes qui se rassemblent. C'est la stratégie de
rassemblement qui touche les campements qui sont autonomes. Les campements
urbains, qui sont organisés par les personnes en situation d'itinérance par
elles-mêmes, bien, c'est la stratégie de rassemblement, de visibilisation. La
concentration, c'est lorsqu'on attribue des lieux que les personnes en situation
d'itinérance n'ont pas choisis mais qu'elles sont obligées d'occuper. Là, oui,
c'est de la concentration. Vous comprenez? C'est une question d'autonomie, là.
Voilà. C'est la différence. C'est pour ça que c'est protecteur. Parce que,
lorsqu'ils se mettent à être en mouvement pour s'approprier une piste de
solution précaire, on s'entend, mais quand même une piste de solution, il y a
là vraiment un début, je dirais, d'insertion sociale, d'une certaine manière,
même par la marge. Vous comprenez? C'est ça. C'est les premiers pas. On voit
bien qu'il y a là des capacités à essayer de trouver des pistes de solutions
pour eux-mêmes, pour elles-mêmes. Et, ça, effectivement, lorsqu'on les
démantèle, bien, ça déconstruit ces capacités-là, effectivement. Ça les affaiblit
énormément.
M. Carmant : Mais, en tout
cas, comme je vous dis, moi, ça fait plusieurs fois que je le dis, là, je ne
suis pas là pour les masquer ou les cacher, mais vraiment pour les aider. Donc,
c'est important de s'assurer qu'ils aient accès à tous ces services-là. M.
le... M. le Président, je passerais la parole.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Louis-Riel. Non?
Ah! Mme, députée de Laporte. Excuse-moi.
Mme Poulet : Aucun souci.
Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Parazelli. C'est fort intéressant,
votre expertise... votre expertise, votre... tout qu'est-ce que vous mentionnez
avec... vous êtes... vous savez de quoi vous parlez. Ça paraît. Je trouve ça
vraiment intéressant.
Vous parliez tantôt de pistes de solutions
vers une intégration sociale, une meilleure intégration. Mais, moi, je voulais
savoir si c'est possible de développer. Bon. Vous parlez aussi de dialogue
continu. Quelles seraient les meilleures conditions de succès pour une meilleure
intégration? Bon. Tantôt, vous avez parlé d'une coordination avec différentes
instances, mais il y a-tu quelque chose de plus qu'on pourrait faire? Donnez
des exemples aussi des suggestions.
M. Parazelli (Michel) : Mais
vous parlez en fonction des pratiques de cohabitation ou...
Mme Poulet : Entre autres.
M. Parazelli (Michel) : De
quoi parlez-vous?
Mme Poulet : Bien, d'une
meilleure intégration des ressources en itinérance dans le quartier. Est-ce
qu'il y a des exemples? Bon. Vous parlez d'une coordination tantôt. Mais est-ce
que vous pouvez développer encore là-dessus? Est-ce que vous pouvez donner des
exemples des choses qui ont fonctionné ailleurs qu'on pourrait... qui
pourraient être un exemple à intégrer ici?
• (16 h 10) •
M. Parazelli (Michel) : Oui.
Écoutez, je n'ai pas fait vraiment de recension. Ça aurait été ça qui aurait
été sûrement la suite de ma carrière, si je n'avais pas été à la retraite,
d'essayer de voir par ailleurs la cause de la crise de l'itinérance. C'est ça
qui serait intéressant de voir, comment les autres la gèrent, là. Mais j'ai...
on n'a pas besoin, selon moi, d'aller beaucoup... très loin... d'aller très
loin pour aller chercher des exemples intéressants. Et je crois probablement
que vous en avez entendu en commission aussi depuis deux jours, là. Mais je
vais juste donner un exemple que j'ai entendu à Trois-Rivières. L'organisme Le
Point de Rue, je crois, a impliqué des personnes en situation d'itinérance dans
l'organisation des... la préparation des Jeux du Québec. Et puis, en les... en
intégrant les personnes à situation d'itinérance dans la fabrication, je crois,
des sacs d'accueil qu'ils vont donner aux athlètes, des choses comme ça, puis
en manifestant leur présence sur les sacs aussi, en disant que c'est fait par
nous, etc. Donc, il y a là des... une ouverture. Aussi, l'idée de faire des
portes ouvertes aussi aux citoyens, aux résidents du voisinage pour venir voir
ce que font les personnes en situation d'itinérance dans les centres, dans les
lieux pour démystifier, d'autres me parlent de vidéo qui racontent la
biographie et, tu sais, la trajectoire de vie des personnes en situation...
M. Parazelli (Michel) :
...d'itinérance pour expliquer d'où elles viennent. O.K.? En fait, tout est
dans le rapprochement pour essayer de rencontrer. L'idée, c'est de favoriser
des rencontres avec les personnes en situation d'itinérance parce que c'est
beaucoup là que, tout d'un coup, on s'aperçoit que, O.K., bon, la personne a
vécu tel... tel cheminement, elle a telle histoire de vie. Bien là, je
comprends un peu plus. Ça ne veut pas dire que j'accepte ce qu'elle fait, mais
je comprends un peu plus.
Et ça, c'est... pour une partie de la
population, ça peut être... ça peut servir parce que, souvent, les gens ont
peur de la question de la santé mentale, la toxicomanie, c'est très, très
mystifié, tout ça. Mais, lorsqu'on est... on démystifie ces enjeux-là, eh bien,
ça permet, effectivement, de faciliter les rapports de communication entre les
gens.
Bon, là, je ne peux pas vous répondre par
les résultats d'une recherche là-dessus, honnêtement, là, mais je vais juste
vous dire aussi que, si la proposition que j'ai faite au ministre Carmant
tantôt, d'instaurer des petits collectifs de communication... qui sont protecteurs
pour tout le monde, hein? Quand on fait les groupes homogènes et qu'on échange
par écrit ou par correspondance, eh bien, à ce moment-là, personne ne se sent
jugé, nécessairement, ne se sent heurté ou a des craintes de s'exprimer non
plus comme tel. C'est... En tout cas, il faut voir un peu comment on peut, dans
le fond, diminuer les distances dans les... les représentations qu'on a des uns
et des autres, là.
Mme Poulet : O.K. Bien, merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cet échange. Alors, c'est maintenant
au tour de Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. La grande majorité de votre présentation a porté sur la question
d'itinérance, et on comprend que pas toutes les personnes itinérantes sont
toxicomanes, et vice versa. Est-ce que tout ce que vous avez mis de l'avant
s'applique également à la population qui fréquenterait des sites d'injection...
supervisée d'injection et d'inhalation?
M. Parazelli (Michel) : Bien,
je crois que oui, dans le sens que c'est sûr qu'il y a des... il y a des
personnes qui sont logées et qui vont dans ces centres-là aussi. Donc là, ces
personnes-là, que... qu'elles soient à 150 mètres ou pas, ou... ou ça les
concerne moins, effectivement. Parce que, comme je l'ai dit tantôt, ce qui
dérange le plus, c'est la présence dans l'espace public dans le voisinage des
résidents ou des commerçants lorsqu'une ressource s'installe à proximité. C'est
dans ce cas-là.
Mais effectivement, les gens qui n'ont pas
de logement, c'est... c'est davantage auprès de ces personnes-là que j'ai
construit, bien, que je vous offre mon expertise comme telle, que je vous...
que je vous ai livré mon avis là-dessus. Mais pour ce qui est des autres
personnes qui sollicitent les centres de consommation supervisés, qui ne
sont... qui sont logés, actuellement, eh bien, j'avoue que, là, je n'ai pas
d'avis particulier, là, sauf celui de... de dire : Bien, probablement
que... le projet de loi, c'est sûr que ce qui risque d'arriver avec, parce que
les conditions que le projet de loi impose risquent de faire... de précariser
des centres, quitte à les faire disparaître, éventuellement. C'est là qu'il y
aurait un vide de ressources. Effectivement, là, elles seraient menacées, ces
ressources-là, et là ça les concernerait, là, effectivement aussi, quand j'y
pense, là, effectivement.
Mme Prass : Par exemple, le
ministre évoquait hier soir... lors des consultations, on a eu un parent à côté
de La Maison Benoît-Labre qui est venu témoigner, puis, tu sais, un des enjeux,
c'est que les gens en situation de dépendance qui se retrouvent dans l'espace
public, à l'extérieur, devant la maison, puis ça peut être des gens qui sont en
situation d'itinérante, ça peut être des gens qui sont logés, mais c'est là-bas
qu'ils se tiennent ensemble dans l'espace public, encore une fois, juste à côté
d'une cour d'école, etc. Donc, vous comprendrez, évidemment, la crainte
naturelle de la part des parents qui ne veulent pas exposer leurs jeunes à
certaines réalités.
M. Parazelli (Michel) : Oui,
oui, tout à fait, donc d'où l'importance de mettre en place rapidement un
dispositif de communication avec l'ensemble des groupes qui sont touchés, des
institutions, des... bon, des citoyens qui ont des choses à dire là-dessus,
tout à fait. Puis d'investir de l'énergie là-dedans. Mais aussi, pour ça, il
faut avoir un plan puis un soutien financier pour y arriver, parce que ça ne se
fait pas sur le bras, là, comme on dit. Il faut que ça se pense aussi, la façon
de communiquer et puis de faire une communication continue, et non pas
uniquement lorsque la catastrophe arrive. Vous comprenez un peu. Bien, je pense
qu'on n'a pas le choix si on veut vraiment que les choses ne dégradent pas.
Mme Prass : Bien, même à ça,
il y a évidemment un travail à faire en amont et, comme vous avez dit, il faut
que ça soit continu. Puis, si vous avez écouté les... les intervenants avant
nous, avant vous, excusez-moi, BRAS-Outaouais, justement, ce qu'ils disaient,
eux, ils ont des rencontres de façon mensuelle avec les partenaires municipaux,
avec le réseau de la santé...
Mme Prass : ...et des
rencontres, à chaque deux semaines, avec leur corps policier. Donc, comme vous
dites, il faut absolument que ce soit continu, et également, d'accord — puis
on l'a évoqué lors des deux dernières journées — qu'il faut qu'il y
ait un financement qui soutienne cette initiative-là. Puis, encore une fois, ça
ne peut pas juste être la responsabilité de l'organisme communautaire, il faut
que tous les partenaires soient là. Donc, pour vous... bien, je pense qu'on est
d'accord pour dire : Il y a du travail qu'il faut qui se fasse en amont,
il faut... il y a un travail qu'il faut qui se fasse de façon continue, avec un
soutien également.
Donc, est-ce que vous êtes d'accord, dans
le projet de loi, qu'il demande, à tout le moins, dans le dépôt de projet pour
les centres supervisés d'injection et d'inhalation... qu'il faut qu'il y ait un
plan de cohabitation qui accompagne cette demande, pour qu'on comprenne que si
on va accorder ce projet, bien, il y a un travail, déjà, qui est... qui est
déterminé, qui va se faire, justement, pour essayer de s'assurer que, là où on
va s'établir, on peut le faire de façon permanente, sans qu'il y ait des enjeux
qui soulèvent la grogne par la suite?
M. Parazelli (Michel) : Oui,
mais il faut voir aussi, comme le disait le groupe précédent... puis c'est...
il représente plusieurs points de vue du milieu communautaire... c'est que ça
ne devrait pas reposer seulement que sur la ressource communautaire, vous
comprenez? Ce plan de cohabitation devrait être le résultat d'un... d'un
travail concerté avec les instances qui sont responsables des aspects liés à la
cohabitation comme tels, et qu'il soit présentés au ministre effectivement,
pour pouvoir... Mais, en fait, il faut que ce soit... mais il faut... comment
je pourrais dire ça?... il faudrait que ce soit discuté aussi... Comme j'ai dit
tantôt, c'est... l'instance municipale joue un rôle important aussi dans la
manière de gérer le bon voisinage aussi. Donc là, j'avoue que... Pardon?
Mme Prass : Ah! non,
excusez-moi. Allez-y.
M. Parazelli (Michel) : J'avoue
que là, ça reste... ça demeure compliqué, qu'il faudrait y réfléchir
effectivement. Mais que la ressource de consommation supervisée... ce que... de
présenter un plan de cohabitation, que ce soit conditionnel à son autorisation
pour fonctionner, ça, je ne suis pas d'accord. Ça ne devrait pas reposer que
sur cette ressource-là comme telle, et que... de concevoir ce plan de
cohabitation là devrait être un projet en soi, mais un projet intersectoriel
concerté localement.
Mme Prass : On se comprend
aussi que les organismes peuvent faire appel, justement... Je comprends que
c'est... c'est le processus initial de faire la demande, mais ils peuvent déjà
faire appel à des partenaires pour s'assurer, tu sais, que ce soient la ville,
le réseau de la santé, vous allez être là, on va travailler de concert, puis
qu'ils établissent à tout le moins, un plan initial qui pourrait être bonifié
par la suite, une fois que le projet est approuvé, mais que ça doit faire
partie de tous les éléments qui sont analysés par le côté gouvernemental pour
accorder ou ne pas accorder le permis, disons.
M. Parazelli (Michel) : Tout
à fait, mais, encore là, à condition que ce travail-là soit soutenu
financièrement, parce que c'est ça aussi qui est le problème. Mais il y a des
groupes, des ressources qui sont débordés, ils ne répondent qu'à l'urgence
actuellement, donc leur demander de faire ça en plus, sans être soutenus
financièrement, c'est impossible. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de nuances à
apporter là. C'est plus complexe qu'uniquement dire oui ou non là...
Mme Prass : Oui, on est tout
à fait d'accord, parce qu'on ne veut pas enlever à la mission première de
l'organisme qui est soit d'adresser les enjeux d'itinérance ou les enjeux de
dépendance. Ça, on est tout à fait d'accord, puis, comme j'ai dit, ça a été
évoqué, durant les deux derniers jours, qu'il faut qu'il y ait un financement
justement, parce que... et, comme, encore une fois, l'organisme avant vous a
témoigné, ils pourraient en faire plus, mais ils ont besoin des moyens, parce
qu'eux ils ont des responsabilités puis ils sont déjà étirés dans plusieurs
directions. Ça fait qu'il ne faudrait pas en rajouter à leur charge de travail,
disons.
• (16 h 20) •
M. Parazelli (Michel) : Voilà,
oui. Puis moi, ce que j'ajoute dans ma présentation, c'est l'idée d'inclure les
personnes en situation d'itinérance, de penser à la façon dont on peut les
soutenir pour qu'elles puissent ensemble, se concerter et puis offrir leurs
points de vue aussi, pas uniquement de la parole des intervenants, qui est
aussi importante et essentielle, mais que de... que de rencontrer la réalité
des personnes en situation d'itinérance elles-mêmes, que d'en avoir un écho, ça
vient chercher autre chose qu'uniquement la portée de la parole des
intervenants comme tels. On se sent touchés autrement quand on met... on peut
être en dialogue avec les personnes elles-mêmes.
Le problème, aujourd'hui, c'est
qu'effectivement... Vous le voyez, on a fait la même chose avec les jeunes,
avec les personnes... avec les personnes en situation de handicap, en santé
mentale, même... puis, plus loin, on l'a fait avec les groupes de femmes, les
personnes racisées. Ces groupes, on les a... les gens se sont associés en
groupe et ont pu exprimer leurs opinions, leurs points de vue, en discutant
entre eux et entre elles, pour pouvoir négocier avec les autres groupes sociaux
sur leur place sociale. Les personnes en situation d'itinérance n'ont pas...
M. Parazelli (Michel) : ...cette
occasion-là, ne l'ont jamais eue, sauf de manière restreinte dans les
organismes eux-mêmes comme tels, où il y a des comités d'usagers, etc. Mais pas
sur la place publique, pour donner pour leur point de vue sur ce qu'on dit
d'elles, ce qu'on dit des nuisances qu'on dit qu'elles provoquent, etc. Elles
pourraient avoir beaucoup de choses à dire. Et là, il faut le faire en préservant,
en tout cas, la sécurité de tout le monde, on s'entend, dans le sens que ça
peut devenir agressant, le fait de se faire parler d'une certaine manière,
hein? On s'entend. Donc, il y a tout un travail lié au cadre de communication
qui devrait être fait si on veut vraiment améliorer la... on veut apaiser les
tensions, en fait.
Mme Prass : Merci... Merci
beaucoup, professeur.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va?
Mme Prass : Ça... Oui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, M. le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. Parazelli. Très, très intéressant. C'est très clair. Puis vous
mettez beaucoup de mots puis de concepts sur des choses qu'on a de la misère
toujours à... des fois, à qualifier de manière très tangible, là. Donc, dans la
dernière année... les dernières années, on a parlé beaucoup de cohabitation,
mais là, les termes que vous apportez, notamment avec la mitigation, la
concentration, je pense que ça nous aide... ça nous aide vraiment à mieux
définir nos travaux puis de parler de concepts précis. Donc, je vous remercie
pour votre contribution à nos échanges.
Je retiens aussi évidemment l'idée
d'intégrer les bénéficiaires, les usagers, là, directement dans la discussion
puis dans le débat. C'est quelque chose qui a... qui a été apporté par certains
groupes, qui... donc certains SIS, là, qui ont... qui ont... SIS qui ont
apporté des gens, paires aidants, mais aussi des gens qui ont un vécu
expérientiel. C'est... C'est très nécessaire, c'est très utile, et je pense
qu'il faut qu'on continue de le faire. Puis je pense qu'il faut qu'on les
intègre, comme vous l'avez dit, à nos comités de cohabitation ou aux futurs
comités de cohabitation pour que leur message, là... Puis là, vous vous
soumettez une piste de solution, avec les enveloppes, les lettres, là, mais...
à étudier. Comment on pourrait faire ça, je pense que c'est... c'est
déterminant.
La question que j'ai pour vous. Il y a un
cadre d'autorisation de quatre ans. Là, je ne parle pas du droit acquis, là,
mais je parle de l'autorisation renouvelable à chaque quatre années. Je vous
demande s'il n'y a pas là une idée de fragilisation sur l'appropriation, sur le
sentiment d'appartenance? Question de financement également aussi, sur le fait
qu'à chaque quatre ans, bon, il y a un renouvellement à refaire, est-ce que ce
n'est pas une épée de Damoclès, là, au-dessus des gens qui s'approprient un
lieu? Bref, qu'est-ce que vous pensez de la temporalité de quatre ans des
autorisations délivrées par le ministre?
M. Parazelli (Michel) : Moi,
en fait, je trouve que quatre ans, c'est arbitraire, dans le sens que pourquoi
quatre ans? En fait, c'est pour mettre de la pression, de la pression à des
organismes qui ont déjà de la pression. Donc, ce serait les rendre encore plus
insécurisées elles-mêmes, là, et puis instables. Et puis finalement ça les
détournerait de leur mission première en partie, là, pendant ces quatre années
là. Je ne sais pas trop. Puis, pas juste ça, c'est-à-dire, ça dépend tout le
temps des milieux dans lesquels ils sont insérés. Il y a des difficultés
variables, hein, à penser un plan de cohabitation comme tel, selon les
quartiers et puis... Donc, moi, je respecterais les réalités locales pour...
Puis, par contre, je m'en informerais, si j'étais... tu sais, à savoir combien
de temps avez-vous besoin pour faire un plan... Moi, je laisserais les groupes
identifier la temporalité en question avec leurs partenaires comme tels pour
pouvoir le faire. Et ça pourrait varier selon les quartiers parce que les
difficultés ne sont pas les mêmes. Moi, c'est pour ça que je respecterais
davantage autonomie et l'expertise de ces groupes-là, sur lesquels en tout cas
sont... sont les principales portes d'entrée du réseau. Il ne faut surtout pas
se les mettre à dos et les fragiliser, honnêtement, là.
M. Cliche-Rivard : Est-ce que
le caractère temporel, la temporalité peut miner ou réduire le sentiment
d'appartenance, là, à long terme? Le fait que les gens développent des
habitudes finalement, sachant que ce n'est peut-être pas perrin, est-ce que ça
peut limiter le sentiment d'appartenance puis d'attachement des usagers envers
une ressource?
M. Parazelli (Michel) : Je ne
comprends pas la question parce que...
M. Cliche-Rivard : La
personne, ne sachant pas si dans deux ans, dans trois ans, la ressource...
M. Parazelli (Michel) : Ah
oui! O.K.
M. Cliche-Rivard : Est-ce que
vous sentez, versus le permanent, est-ce que vous sentez que ça a un impact?
M. Parazelli (Michel) : Bien,
je crois que les personnes... les personnes qui fréquentent ces ressources-là
ne se posent pas beaucoup ces questions-là, quand elles ne sont pas directement
interpelées là-dessus, honnêtement, là. Elles, elles vont là où... C'est des
questions de survie, honnêtement, là. Et puis, par contre, certaines personnes
qui sont plus... qui ont un sentiment d'appartenance plus concret, bien, elles
vont... elles vont essayer de s'impliquer pour essayer de voir comment elles
peuvent conserver la ressource. Mais sinon, je ne crois pas que ça joue à ce
point à ce niveau-là comme tel, là.
M. Cliche-Rivard : Bien,
merci beaucoup pour la contribution à nos travaux. Très appréciés. Je vais
aller lire votre bouquin, là, je pense que ça va nous aider cet été dans nos
travaux aussi.
M. Parazelli (Michel) : Merci!
Merci à tout le monde. Au revoir.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. Parazelli...
Le Président (M. Provençal)
:...pour votre participation à nos
travaux.
Alors, sur ce, moi, je vais suspendre les
travaux pour laisser place aux prochains groupes. Merci encore de votre
contribution.
(Suspension de la séance à 16 h 28)
(Reprise à 16 h 30)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous allons conclure notre...
cette consultation publique là avec la présence de Mme la Docteure Mylène
Drouin, Directrice régionale de santé publique, Direction régionale de santé
publique, Centre intégré universitaire de services de santé et de services
sociaux du Centre-sud-de-l'île-de-Montréal. Elle est accompagnée par M.
Philippe Robert, directeur par intérim de santé publique de la
Capitale-Nationale, Centre intégré universitaire de santé et de services
sociaux de la capitale, et de Mme Roxane Beauchemin, coordonnatrice
professionnelle, Service réduction des méfaits liés aux drogues, Centre intégré
universitaire de santé et de services sociaux du
Centre-Sud-de-l'île-de-Montréal. Alors, vous avez 10 minutes pour votre
présentation. Et, par la suite, nous procéderons aux échanges. Je vous cède
immédiatement la parole.
Mme Drouin (Mylène) : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, les membres de la commission, merci
énormément de nous inviter aujourd'hui pour nous permettre de participer à cet
exercice démocratique, mais surtout de partager l'expertise et l'expérience de
nos équipes de santé publique sur le terrain, qui travaillent au quotidien, là,
avec les partenaires communautaires dans la crise des surdoses.
Tout comme vous, nous constatons
évidemment que la cohabitation sociale pose des enjeux grandissants dans nos
communautés et que ce que les citoyens et les parents rapportent sont
légitimes, et on doit s'en préoccuper. Les tensions sociales qu'on voit et
auxquelles on tente de répondre aujourd'hui sont... sont imbriquées dans deux
crises concomitantes, soit celle évidemment de la crise du logement et de
l'itinérance, et celle des drogues toxiques, amenant plus de surdoses, deux
crises qui sont imbriquées, mais aussi qui ont des facteurs très distincts.
Les services de consommation supervisée
sont... on en a maintenant 12 à travers la province. Et ils constituent une
intervention centrale à la Stratégie nationale de prévention des surdoses. Ils
sont reconnus efficaces évidemment pour prévenir les surdoses, réduire les
infections, tel le VIH, ils nous permettent de donner des soins à des gens qui
sont désaffiliés du réseau, donc ils désengorgent nos urgences, et évidemment,
ils contribuent à la cohabitation sociale en réduisant évidemment la
consommation et le matériel d'injection dans l'espace public. Donc, ce serait
un mythe de penser...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Drouin (Mylène) : ...que
ces sites-là créent et amènent davantage de consommateurs. Au contraire, ils
répondent à des besoins dans des communautés pour lesquelles il y a déjà des
consommateurs en présence. Donc, évidemment, comme on l'a vu à la dernière
présentation, la cohabitation sociale, c'est un phénomène très complexe, et on
va le voir, ça prend une responsabilité partagée, une réponse concertée de
différents partenaires, et ce, en amont. Avec l'envergure de la crise, on
pourrait même penser qu'on en a besoin dans beaucoup de quartiers en même temps
et non pas uniquement autour des installations qui sont soient liées à l'itinérance
ou aux sites de consommation supervisés.
Dans les recommandations apportées par les
directeurs, la première touche vraiment le préambule du projet de loi, où on
pense qu'il est important de réaffirmer la place des SCS, à la fois comme
réponse aux surdoses, mais aussi comme instrument de cohabitation sociale
réussie. Il faut clairement expliciter, dans l'esprit de cette loi-là, qu'on ne
souhaite pas freiner leur implantation et surtout miner l'agilité qu'on a dans
le développement des services pour répondre à cette crise qui évolue, puis on le
voit ce qu'il se passe dans les autres provinces canadiennes.
Évidemment, les sites de consommation sont
déjà très bien encadrés par les exemptions, entre autres aussi les exemptions
fédérales demandent des plans de cohabitation autour de l'acceptabilité
sociale. Donc, on en a déjà eu et on les travaille des années avant de déposer
les exemptions. Donc, l'ajout, évidemment, de contraintes administratives en
plus avec des délais sont clairement pour nous... peuvent amener de l'incertitude
et des risques pour les conseils d'administration de ces organismes et pourraient
freiner leur engagement à développer des nouveaux services alors qu'on en a
besoin de nouveaux.
On recommande donc, si le projet de loi
est sanctionné, de vraiment s'assurer d'établir des critères clairs avec les
organismes, des processus clairs, transparents, efficients pour éviter qu'on
soit avec plus de bureaucratie et d'incertitude. Et comme d'autres l'ont
mentionné, on recommande une clause de droits acquis pour les sites qui sont
déjà en place puisqu'on le sait, les coûts associés, les démarches feraient en
sorte qu'on aurait des bris de services dans des communautés.
Au niveau de la cohabitation réussie ou de
la cohabitation sociale, il est essentiel évidemment de ne pas mettre l'ensemble
de la responsabilité sur les organismes qui en ont déjà beaucoup avec leur
mission de base. Une cohabitation sociale réussie, c'est vraiment lié à une
responsabilité partagée où les rôles et responsabilités sont clarifiés entre
les acteurs. Et je pourrais peut-être vous parler un petit peu de l'expérience
qu'on a vécue avec la Maison Benoît Labre. Et je pense que cette collaboration
intersectorielle pourrait être encadrée par des ententes locales et régionales
adaptées à chaque quartier. Et, oui, ça va prendre quelqu'un qui va le porter,
ça peut être une table de concertation, on a 30 tables à Montréal, par
exemple Santé Québec, la Santé publique qui est intégrée à Santé Québec ou les
municipalités. C'est tout... tout ça est à définir. Et donc il faut éviter des
attentes irréalistes et surtout financer la capacité collective à travailler
cette cohabitation sociale, puis il y a des approches de développement des
communautés. Je vais te laisser la suite.
M. Robert (Philippe) : Donc,
pour justement minimiser les... donc je vais aborder davantage nos articles qui
prévoient une autorisation assortie de conditions et renouvelable aux quatre
ans. Pour minimiser les contraintes administratives, aussi l'imprévisibilité
que ça peut générer pour des organismes, on recommande d'élaborer une grille d'analyse
avec des critères objectifs transparents qui seraient connus pour fonder les
autorisations. Évidemment, c'est des exigences additionnelles, donc ça
impliquerait un certain soutien aussi pour les organismes. Et on recommande
aussi de baliser les conditions qui seraient exigées pour le plan de
cohabitation s'il y en a, par exemple avec des critères, un processus
transparent puis une possibilité aussi pour les organismes de faire appel et de
dialoguer avec le ministère parce que... pour vraiment assouplir le plus
possible et favoriser le développement. Ensuite, on voulait aborder les
trajectoires de soins, parce que le projet prévoit des trajectoires pour la
prise en charge des usagers par les services de santé usuels. On sait que les
sites de consommation sont un moyen de rejoindre une clientèle désaffiliée.
Donc, c'est certainement louable de vouloir favoriser l'accès aux autres
services de santé. Par contre, on avait deux nuances qu'on souhaitait apporter.
D'une part, les services auxquels on réfère
les usagers lors des trajectoires vont devoir à l'autre bout être respectueux,
sécuritaires culturellement, notamment pour les personnes autochtones, et on
voit qu'en ce moment les sites répondent à des... une clientèle qui n'irait pas
vers les services et qui ne se sent pas accueillie. Évidemment, ça s'améliore,
mais il faut travailler à l'autre extrémité aussi. Et, d'autre part...
M. Robert (Philippe) : ...ce
n'est pas tous les utilisateurs qui sont prêts, à ce moment-ci de leur vie, à
entamer une démarche de traitement en dépendance. Donc, l'important, c'est que
ça reste volontaire et au rythme de la personne, là, selon la loi actuelle.
La dernière partie de notre mémoire
concerne l'itinérance. Donc, c'est sûr que les préoccupations qu'on a présentées
précédemment s'appliquent aussi pour les refuges répit et ressources en
itinérance. Évidemment, comme facteur de santé publique, on sait que les
personnes... font partie des groupes les plus vulnérables dans notre société,
avec des états de santé très défavorables. Donc, on parle... on est... Moi, je
fais partie, par exemple, de notre comité régional en itinérance, et on craint
quand même que l'ajout de contraintes administratives, une certaine
imprévisibilité, ça suscite des préoccupations chez des partenaires qui sont
surchargés déjà. Par exemple, il faut avoir les reins assez solides comme
organisme pour investir en immobilier et aménager un local quand il y a une
autorisation qui pourrait ne pas être renouvelée aux quatre ans. Donc, on est à
un moment où les besoins augmentent et aussi on travaille très fort. Et le
gouvernement, également, a développé les services pour y répondre. Donc,
c'est... on pense important de limiter, là, toute contrainte qui s'ajouterait à
ça. Donc, on recommande d'exclure les ressources en itinérance du projet de loi
actuel.
En conclusion, justement, face à
l'augmentation des surdoses, également du nombre de personnes en situation
d'itinérance qui se retrouvent à la rue, on sait que la cohabitation est un
enjeu important, mais on pense que ça nécessite une réponse qui est collective,
locale, concertée avec le réseau de la santé et des services sociaux, avec les
municipalités et avec les services de police, les organismes communautaires.
Donc, ça ne peut pas reposer seulement sur un organisme titulaire. Et on pense
qu'il y a des services qui seraient plus nombreux, qui seraient plus petits,
plus dispersés, plus proches des besoins mais permettraient de diminuer,
justement, la concentration autour de certains services, de diminuer la
consommation dans l'espace public aussi et de prévenir des décès par surdose.
Donc, on est très conscients que nos concitoyens sont affectés par une réalité
qui est exacerbée et on souhaite travailler avec le gouvernement et toutes les
instances locales pour justement améliorer la cohabitation. Merci beaucoup
de...
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, on va débuter immigrant nos
échanges. Alors, M. le ministre.
M. Carmant : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Dr Drouin, Dr Robert, Mme Beauchemin,
merci beaucoup pour votre présentation. Puis je pense qu'on est en accord avec
ce que... ce que vous venez de dire. Je pense que mon premier point serait...
une des raisons du projet de loi, c'est que, récemment, les difficultés qu'on a
eues avec certains sites entraînent que le développement de ressources en
itinérance est très difficile et nécessite l'implication du ministre. Et, tu
sais, il faut développer des règles claires qui vont venir rassurer la
population. Et je pense qu'une des choses qui va venir rassurer la population,
c'est l'implication plus nette du réseau de la santé. Dans le... Dans le texte,
on parle de Santé Québec, mais vous vous imaginez que je pensais bien que
c'était la Direction régionale de santé publique qui.. qui va soutenir ça, là.
Puis l'autre avantage qui va... de ce
processus-là, c'est que, sur le terrain, il y a beaucoup d'inégalités
interrégionales. Puis, moi, ce que je me rends compte, c'est que ça dépend
beaucoup des tables de concertation régionales et ça dépend beaucoup de
l'implication des établissements. Et l'avantage de Santé Québec, c'est que ça
va permettre, tu sais, une certaine égalité territoriale entre les différentes
régions du Québec.
Ceci étant dit, comment voyez-vous votre
rôle dans ce processus de structuration ou, tu sais, d'amélioration de la
cohabitation?
• (16 h 40) •
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
je pense qu'on a déjà... on est déjà bien impliqués, la direction de santé
publique régionale, mais aussi on a des équipes de santé publique
territoriales, donc avec des organisateurs communautaires qui sont très liés,
dans le fond, avec les tables de concertation locales et les organismes sur le
terrain.
Nous, dans l'ensemble des SCS, parce
qu'avant les SCS à Montréal, les premiers, étaient sous la responsabilité de la
Direction régionale de la santé publique, c'est seulement il y a quelques
années que l'exemption a été transférée aux organismes communautaires, et c'est
clair qu'à ce moment-là, on avait, dès le démarrage, des comités Bon voisinage
qui se faisaient avec évidemment la population, les commerçants, des comités
avec un plan d'action, avec des partenaires, des pairs aidants, et c'était
beaucoup... la Santé publique était présente, mais, des fois aussi, il y avait
un... un organisateur...
Mme Drouin (Mylène) : ...qui
soutenaient le processus avec les organismes. La ville est là, le SPVM. S'il y
a un métro proche, le STM est là aussi. Souvent, ces comités-là, ils vont se
voir de manière intense durant des périodes, puis, quand ça va bien, bien,
évidemment, on se permet de continuer les actions dans le plan d'action, mais
de... sans se voir à chaque semaine. Et s'il y a un enjeu qui ressurgit, comme
on l'a vu avec la rue Berger, par exemple, évidemment, là, le comité se
réactive. C'est un peu le fonctionnement.
La réflexion qu'on se fait aussi, quand on
regarde les recommandations autour de la cohabitation, si on... le fait que ça
ne touche pas que les SCS. Ça touche l'itinérance, ça touche la santé mentale,
ça touche la violence urbaine, tu sais, s'il y a... Les enjeux de cohabitation
peuvent avoir différents visages. Comment on pourrait le travailler en amont,
proactivement, comme la personne avant moi le disait, de manière permanente, on
a une stratégie des surdoses, on a un plan de lutte à la pauvreté, on a un beau
napperon qui définit les rôles et responsabilités. Est-ce qu'on est rendus à se
dire en cohabitation sociale, à mieux définir comment, avec une... tout en
l'adaptant aux caractéristiques de chaque quartier... mais comment devrait,
minimalement, se travailler la cohabitation sociale en continu, pour que ces
dialogues là soient là bien avant qu'on pense à implanter un centre de jour, un
SCS ou une maison d'hébergement pour jeunes en difficulté, par exemple, ou une
maison pour la santé mentale? Tous ces lieux-là créent... C'est beaucoup mieux
de le travailler, évidemment, en amont.
Donc, le rôle de la santé publique, on est
au cœur de ces démarches-là, mais c'est sûr que, dans cette responsabilité
partagée, la municipalité, elle a un grand rôle. Dans un contexte montréalais,
probablement que les tables de quartier auraient un rôle central. Elles sont
financées par la ville, par la santé publique et par Centraide. Donc,
probablement qu'on pourrait regarder avoir ce dialogue-là pour mieux cadrer les
rôles et responsabilités, et le travailler en continu.
M. Carmant : ...est passée de
la santé publique aux organismes communautaires?
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
c'est l'exemption. Et plus... avant ça, c'était plus avec un autre article, là.
Donc, c'est comme si on achetait des services, on...
Mme Beauchemin (Roxane) : Oui,
bien, au départ, au départ, les usagers des SCS montréalais étaient des...
considérés comme des usagers, des patients du CIUSSS Centre-Sud, O.K. Donc,
le... c'était la direction régionale de santé publique qui était le porteur des
exemptions fédérales, O.K. Et, en cours de route, on a changé le modèle un peu,
où est-ce que, maintenant, ce sont... les porteurs des exemptions fédérales à Montréal...
ce sont les organismes communautaires qui sont porteurs, ils ont la
responsabilité, et donc les usagers sont considérés comme leurs usagers à eux.
Nous, nous sommes présents, notre équipe infirmière est là dans deux fonctions,
une offre de soins directs aux patients, interventions d'urgence, et plein de
soins qui sont offerts pour éviter les transports hospitaliers, l'intervention
d'urgence se fait sur place. Et ça donne aussi un accès aux soins et services
du réseau, faire du dépistage, du soin de plaies, etc., et on évite, là, le
recours aux soins... Puis, comme on disait plus tôt, certaines de ces personnes
sont réfractaires à aller fréquenter les... le réseau de la santé, alors ça
permet une offre en amont.
Ceci étant dit, l'autre volet de notre
offre, actuellement, en termes de collaboration, c'est une offre de formation
et de simulation, formation aux intervenants communautaires. Donc, si les
infirmières ne sont pas présentes pendant les heures de service, les
intervenants communautaires sont formés pour l'intervention d'urgence, et il y
a des simulations qui sont effectuées régulièrement pour assurer une assurance
qualité des interventions d'urgence effectuées. Donc, les utilisateurs seront
considérés comme des usagers de l'organisme communautaire. Nous n'avons plus la
même responsabilité et le même rôle, puis on a une entente de collaboration de
soins infirmiers, dans ce contexte-là, depuis maintenant 2018, 2019.
M. Carmant : O.K. Donc, en
fait...
Mme Drouin (Mylène) : ...exemple,
c'est 1 600 interventions d'urgence dans nos... dans nos SCS annuellement,
donc c'est... avec seulement une centaine de transports ambulanciers. Donc, ce
sont toutes des personnes qui auraient pu faire ça dans le parc, dans la rue,
et qui se seraient ramassées, soit par les ambulances, soit par les policiers,
à l'urgence. Et c'est plus de 6 000 soins infirmiers qui sont donnés,
annuellement, à ces personnes, qui sont, souvent, désaffiliées du réseau.
M. Carmant : O.K. Donc, vous
avez déjà joué ce rôle là plus prépondérant.
Mme Drouin (Mylène) : Et on
est encore présents, oui.
M. Carmant : O.K. Maintenant,
l'autre point, c'était... ah! oui... puis certains... on en a entendus beaucoup
depuis les derniers jours, là, qui disent que les organismes communautaires se
sentent un peu délaissés dans ce processus-là de gestion de la cohabitation.
Moi, ce que... ce que je trouve intéressant, avec une plus grande implication
de la santé publique, c'est que vous avez les moyens de mobiliser les partenaires,
beaucoup plus qu'un organisme communautaire. Est-ce qu'on peut... est-ce que
vous êtes d'accord avec ça?
Mme Drouin (Mylène) : La...
Bien, je ne sais pas si on a les moyens, surtout dans le contexte actuel...
Mme Drouin (Mylène) : ...mais
certainement, on a une certaine légitimité, tout comme l'arrondissement peut
l'avoir ou une table de quartier. Puis, quand on a travaillé, par exemple, sur
l'enjeu de la Maison Benoît Labre, dans les dernières années, on a appelé ça un
plan d'action sur la cohabitation sociale du quartier Saint-Henri. Donc, c'est
vraiment de le regarder à l'échelle d'un quartier et non pas uniquement
stigmatiser un organisme, parce que, juste à côté, il y a le métro puis il y a
des enjeux aussi autour du métro, puis, juste à côté, il y a des campements.
Donc, on assoit les partenaires et c'est sûr qu'on avait un focus sur l'enjeu
de la Maison Benoît Labre parce qu'il y avait un enjeu criant, mais on
l'abordait aussi dans une perspective beaucoup plus large de quartier. Et si on
veut le travailler en amont, la Santé publique a certainement un rôle à jouer
localement, tout comme les partenaires en itinérance, et on doit l'aborder sous
l'angle des quartiers, des quartiers locaux, avec leur dynamique chacune, qui
est différente, là.
M. Carmant : O.K., j'ai
beaucoup aimé en fait l'aspect de M. Parazelli. Participation citoyenne
aussi, c'est un concept de santé publique, hein?
Mme Drouin (Mylène) : Bien
oui, c'est un concept qu'on intègre...
M. Carmant : Que vous
utilisez, en tout cas.
Mme Drouin (Mylène) :
...qu'on utilise, qui est quand même présent avec les SCS dans le temps. Dans
certains comités, quand les comités sont actifs, des fois, comme on le disait,
il y a des pairs-aidants, il y a des... comme à la Maison Benoît Labre, des
gens qui habitent dans les logements au-dessus, donc sur les étages, mais
clairement on pourrait aller un petit peu plus loin dans cette cette
démarche-là pour intégrer la voix des personnes en situation d'itinérance ou des
personnes consommatrices. Et on a la chance aussi en santé publique d'avoir une
ressource anthropologue qui va sur le terrain. Quand il y a eu la crise à la
Maison Benoît Labre, où on essayait de trouver des solutions collectives, bien,
on a essayé de comprendre qui étaient ces gens-là, d'où ils venaient, leur
trajectoire. Donc, on essaie aussi, vis des données anthropologiques, de
comprendre les phénomènes, les déplacements, les changements de profil de
consommation pour toujours adapter nos interventions.
M. Carmant : O.K. La seule
chose qui m'a un peu surprise de votre rapport, c'était l'enjeu des droits
acquis, surtout pour Benoît Labre, qui est vraiment par rapport aux écoles. Je
sais que vous avez écrit un rapport récemment sur le développement des enfants
de Montréal. Peut-être un commentaire, là, stress parental, développement des
enfants. Pas d'inquiétudes de ce côté-là?
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
les enfants de Montréal, pas juste autour de la Maison Benoît Labre, mais un
peu partout, sont exposés à des situations d'itinérance, de consommation, et
c'est pour ça que la stratégie, si on veut vraiment la travailler, il faut la
travailler par quartiers, en amont. La littérature n'est pas très claire sur
les impacts réels sur le développement de l'enfant. Et, dans le contexte de la
Maison Benoît Labre, si on déplace, dans le fond, le SCS, selon moi, on va
aggraver la situation parce qu'actuellement le SCS, il est ouvert cinq jours
semaine sur les heures scolaires, parce qu'on voulait couvrir la période où les
enfants étaient proches. Mais dans un monde idéal, au lieu de mettre
l'investissement sur le déménagement, moi, je rajouterais des heures la fin de
semaine, le soir pour faire en sorte que la consommation vraiment puisse se
faire dans le lieu sécuritaire qui est dédié. Donc, c'est sûr que moi, je crois
que, quand je dis que les SCS font partie de la solution à une cohabitation
sociale, une partie, pas toute, je pense qu'on va au contraire les renforcer
dans un secteur comme celui-là.
M. Carmant : Et qu'est ce
qu'on dit aux parents de l'école voisine?
• (16 h 50) •
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
on continue de les impliquer, on continue de les sensibiliser. Dans la
stratégie qu'on a faite puis que j'ai animée pendant presque six mois... tous
les vendredis matins, avec les partenaires intersectoriels, on a travaillé avec
les brigadiers scolaires, on a travaillé... évidemment, il y avait le comité de
bon voisinage avec les parents et je pense que... et moi, j'ai été même
surprise de voir certains parents qui étaient quand même soucieux et inquiets,
mais, en même temps, très empathiques à la situation qui se vivait. Et je pense
que si les parents voient qu'il y a des plans d'action concrets et qui sont
financés aussi, donc que les gens... Si on dit : Ça prend des blocs
sanitaires... Parce que, dans le fond, un exemple comme la Maison Benoît Labre,
c'est qu'il y a des gens dans des campements de partout qui viennent prendre
leur douche à tous les jours ou que... peut-être pas à tous les jours, mais qui
doivent se déplacer. Donc, si on se dit : Ça prend des blocs sanitaires,
ça fait partie de la solution, bien, évidemment, il faut que les partenaires,
on n'ait pas seulement des gens qui sont là pour discuter de l'enjeu, mais qui
ont aussi les leviers pour aller chercher soit le financement ou mettre la
solution en place. Et c'est ce qu'on a essayé de faire. Puis je pense que,
globalement, avec les indicateurs de suivi... il va toujours y avoir certains
méfaits qui peuvent arriver, mais, globalement, les plaintes à la fois de
l'école, à la fois...
Mme Drouin (Mylène) : ...du
SPVM ont diminué.
Mme Beauchemin (Roxane) : Effectivement.
Alors, les mesures de mitigation au niveau des interventions psychosociales aux
abords de l'organisme, les brigades pro-protect, etc., ça a eu un gain, des
gains particuliers au niveau de nos indicateurs. Et où est-ce qu'on a eu... Un
des objectifs, c'était de désengorger, au niveau de La Maison Benoît-Labre, et
donc d'avoir des blocs sanitaires, d'avoir une autre offre ailleurs, pour
éviter cette concentration-là. Puis là c'est là qu'au niveau de... on
n'arrivait pas à baisser, diminuer le nombre de repas offerts quotidiennement,
parce qu'il n'y avait pas d'autres offres de nourriture dans le quartier, puis,
bon...
Et cet organisme-là est en activité depuis
plus de 70 ans dans ce quartier-là, au départ, pour offrir, sous forme de
soupes populaires, des repas parce que c'est un besoin dans le quartier depuis
des décennies. Ils ont bonifié une offre pour répondre aux besoins existants et
ils ont été un peu victimes de leur succès avec cet apport-là. Alors, le plan,
dans les objectifs, c'était comment est-ce qu'on peut enlever cette pression-là
puis on a réussi à certains égards, au niveau de l'intervention aux abords, la
mitigation, etc., mais pas au niveau de l'apport supplémentaire.
M. Carmant : O.K. M. le
Président, je passerais la parole à une collègue, qui lève la main.
Le Président (M. Provençal)
:...
Mme Dorismond : Oui, merci. Merci,
M. le Président. Il reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: 2 min 30 s.
Mme Dorismond :
2 min 30 s. Dans votre mémoire, aussi, vous parlez d'une grille
d'analyse. J'aimerais ça que vous en parliez un petit peu plus. Les objectifs,
ce serait quoi, puis qui devrait participer à cette grille?
M. Robert (Philippe) : Effectivement.
En fait, la grille d'analyse, on pense qu'elle devrait être développée par le
ministère, mais en collaboration aussi avec, évidemment, la direction de... les
directions de santé, qui vont pouvoir collaborer, et les organismes
communautaires, pour s'assurer que l'analyse, en fait, soit objective,
explicite. Ce ne sera pas simple, évidemment, à réaliser parce qu'on parle de
cohabitation. Donc, c'est très complexe d'anticiper, dans un secteur, quels
vont être les effets, parce que ça change aussi beaucoup au fil du temps. On
l'a vu, nous aussi, à Québec, les substances consommées... qui changent les
comportements des gens au fil des années. Il y a des déplacements en fonction
de l'ouverture de d'autres sites. On le sait, quand il y a un autre répit, il y
a un deuxième répit qui a été ouvert dans le quartier, bien, ça s'est amélioré
autour du premier, justement, parce que... Donc, ce n'est pas simple, mais, au
moins, s,il y a certains critères, que ce soit des normes de plaintes ou qui
viennent, en quelque sorte, baliser qu'est-ce qu'on entend par cohabitation
harmonieuse et quel genre de mesures devraient être mises en place, qu'est ce
qu'on attend exactement, ça pourrait faciliter l'analyse et rendre ça aussi
plus prévisible. Parce qu'autrement il y a toujours un risque d'imprévisibilité
politique qui peut changer aussi un projet de loi, c'est là... Une loi, c'est
là pour longtemps, donc, pour ne pas que les organismes soient en quelque...
vivent une épée de Damoclès en quelque sorte, là.
Mme Dorismond : Les
organsimes... depuis deux jours, ils nomment votre importance dans la
collaboration, et tout ça. Je pense sincèrement que votre place est nécessaire
pour les aider, même dans une grille d'évaluation ou dans un processus x, là,
je pense que cette collaboration est essentielle. L'autre chose, vous avez
parlé aussi qu'il y a eu certains enjeux avec La Maison Labre, dans la
collaboration ou c'était d'autres spécificités problématiques en lien avec les
enjeux qui sont arrivés?
Mme Beauchemin (Roxane) : La
collaboration était très bonne, très, très bonne, oui, oui, oui. Ce qui est
arrivé, c'est que La Maison Benoît-Labre est arrivée avec une offre de service
note de service 24/7, un modèle qui n'existait pas, la seule au Québec. Donc,
on a eu des... avec une offre de service de douche, de repas trois fois par
jour, de l'hébergement en eau, etc., un service de consommation supervisée. Mais
l'offre de service pour répondre aux besoins de base avec des besoins
grandissants auxquels on est confronté partout, là, puis je crois que ça fait
deux jours qu'on en entend parler, mais ils ont été victimes de ce succès-là.
Alors, les collaborations ont toujours été excellentes.
C'est sûr qu'au début c'est une nouvelle
structure qui est arrivée là, parce qu'il y a eu un déménagement qui a amené La
Maison Benoît-Labre à cet endroit-là. Il y a un travail en amont de
collaboration, de portes ouvertes, de visites, de flyers aux résidents, qui a
été fait autour, aux riverains. Tout ça avait été fait en amont. Au début, oui,
il y a un choc, parce qu'il y a eu un déplacement de population. Mais
maintenant ce qu'on attend aussi, c'est des projets avec des initiatives. Comme
tantôt, on parlait de projets d'implication de résidents de La Maison
Benoît-Labre avec des élèves de l'école adjacente. Donc, il y a un projet
artistique qui est en cours, actuellement, avec l'équipe-école et des
intervenants psychosociaux.
Alors, quand on prend une photo de
maintenant, en juin 2025, versus ce qu'on a vécu en mai 2024, on n'est pas à la
même place. Alors, toutes les mesures de médication, d'intervention, etc., ont
été maintenues ou, dans certains cas, ont été reprises avec le printemps en
avril, mai. Mais on n'est pas du tout à la même place que l'année dernière.
Mme Dorismond : O.K. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: C'est maintenant au tour de Mme la députée de D'Arcy-McGee...
Le Président (M. Provençal)
:...de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Juste pour faire référence à ce que vous venez de dire, on a un
parent qui était là hier soir, qui habite dans le coin de Benoît-Labre, de la
Maison Benoît-Labre, puis ce qu'il nous dit, oui, en fait, les choses se sont
améliorées, mais il y a encore énormément d'enjeux. Et vous avez... Dre Drouin,
en début de votre intervention, vous avez dit : Posez-moi la question sur
l'expérience cohabitation avec Maison Benoît-Labre. Donc, je vous la pose.
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
je pense qu'on en a parlé, mais la... Bien, évidemment, il y a un comité de bon
voisinage qui a été mis en place. Puis je pense qu'il y a certains élus qui
sont venus même participer à une rencontre. Donc, c'est vraiment un endroit où
on discute, les partenaires, la ville, la santé, évidemment, le communautaire
est présent, puis on reçoit. Il y avait des actions qui émanaient de ça. Puis
on a mis... Dans le contexte où, évidemment, il y avait une affluence puis des
enjeux vécus, on a mis en place un comité intersectoriel. Et j'ai pris le
leadership de l'animer, de par le fait qu'il y avait quand même une crise puis
je ne voulais surtout pas que ça ferme, donc, je voulais m'assurer qu'on soit
capables.
Donc, il y avait, évidemment, le SPVM, la
STM, l'arrondissement, la ville centre, la Direction de Santé mentale et
dépendances qui offre des services à l'intérieur de la Maison Benoît-Labre. Il
y avait, évidemment, le communautaire, les cellules de médiation sociale du
communautaire et l'école, incluant la commission scolaire. Et on a vraiment
construit ensemble un plan d'action avec des objectifs très clairs de
désengorger, de voir aussi... tu sais, est-ce qu'on doit adapter les heures des
SCS pour... comment on amène la population à consommer à l'intérieur, tout le
lien avec les campements, la ville avait une responsabilité de regarder comment
elle pouvait mettre des blocs sanitaires ailleurs. Donc, je dirais que ça s'est
très bien passé.
Mais il demeure toujours que, dans ce rôle
et ces responsabilités, il faut s'assurer que les partenaires aient quand même
aussi les leviers pour mettre en œuvre les actions qui vont permettre de
désengorger. Il y a des choses qui ont bien fonctionné. Il y a des choses... malgré...
on essayait d'avoir un deuxième lieu pour remettre des repas ou avoir des
équipes qui allaient aller porter des repas dans les campements pour éviter que
les gens se déplacent. Il y a des choses qui ont bien fonctionné. Il y a des
choses pour lesquelles, évidemment, soit les ressources n'étaient pas
disponibles ou on n'arrivait pas à trouver de locaux.
Mme Prass : Puis est-ce que
la Santé publique a été impliquée en amont lors de... quand l'organisme
communautaire...
Mme Drouin (Mylène) : Avant.
Mme Prass : ...ou avant
l'ouverture? Quand ils ont commencé à rentrer dans la communauté pour en
parler, vous étiez...
Mme Drouin (Mylène) : Oui, on
est allés aux assemblées publiques. Et, au départ, par contre, quand ils ont
déménagé du sous-sol vers le nouvel emplacement, il distribuait déjà du
matériel de consommation, mais il n'y avait pas de SCS dans le sous-sol
d'église. Et, au départ, c'était... Dans les plans, il n'y avait pas
nécessairement de SCF, c'est venu un petit peu plus tard dans la configuration
du projet, lorsqu'on a compris, surtout post-pandémie, que là, oups, les
profils de consommation changeaient. Et là, comme on avait une opportunité avec
une bâtisse, c'est là qu'on a réfléchi à ajouter. Donc, c'est sûr qu'on n'était
pas au démarrage du projet, mais on est arrivés quand même avant l'ouverture
des portes, là, plusieurs mois avant.
Mme Prass : Parce que moi,
j'ai entendu parlé de plusieurs parents qui ont dit que ces vœux... les...
disons, les sessions d'information sont venues très tard, juste vraiment
très... peut-être deux mois avant l'ouverture de la Maison Benoît-Labre, qu'ils
ne se sentaient pas impliqués dans ce processus-là. Qu'est-ce que vous... Si
vous aviez à... Si toute l'aventure était à se refaire, qu'est-ce que vous...
qu'est-ce qui n'a pas été fait que vous pensez aurait pu être fait pour que
l'atterrissement soit mieux accueilli, disons?
• (17 heures) •
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
je pense, l'acceptabilité... Bien, dans l'exemption, on parle d'acceptabilité
sociale, mais, certainement, il aurait pu avoir un comité de bon voisinage
qu'on peut mettre en amont pour préparer le terrain, avoir des vis-à-vis. Puis,
des fois, c'est aussi des commerçants qui peuvent être présents, là. Là, ça
donne... c'était... L'enjeu était autour d'une école, principalement, et de
parents, mais, selon le contexte... Mais je pense qu'il y a quand même eu...
Là, je ne suis pas capable de me prononcer sur la démarche-là, là, je pense que
la Maison Benoît-Labre serait mieux placée. Mais clairement, si on a déjà une
structure permanente où on peut réfléchir et avancer... déposer les enjeux de
cohabitation, puis on a des gens qui sont capables de prendre des décisions et
de mettre des actions en place, clairement, quand on sait qu'un projet comme
celui-là ou un autre... dans un autre quartier en santé mentale, en itinérance,
se réalise, bien, on pourrait activer cette cellule-là en amont. Donc, la
solution se veut... se doit d'être permanente, pas partout à travers le Québec,
mais surtout dans certains quartiers, où on le sait, qu'il y a des
problématiques de cohabitation.
Mme Prass : Et...
17 h (version non révisée)
Mme Prass : …dans votre mémoire,
parmi les recommandations, vous suggérez de renforcer la capacité des
collectivités à accueillir les tensions liées au vivre ensemble. Évidemment,
tout… lié à la cohabitation. Comment est-ce que vous voyez renforcer cette
capacité-là?
Mme Drouin (Mylène) : Tu
veux-tu y aller? Oui.
M. Robert (Philippe) : Bien,
en fait, dans nos directions de santé publique ou dans les établissements de
santé, il y a des organisateurs, organisatrices communautaires. Au final, c'est
un processus et, je pense, le processus qui a été décrit avant en est un aussi.
Mais c'est essentiellement de rassembler des gens, d'avoir des espaces de
dialogue avec les citoyens, avec les personnes en situation d'itinérance, avec
les autres partenaires. Pour le moment, notre organisatrice communautaire, par
exemple, a beaucoup travaillé autour du SCS pour ça, pour rassembler les gens.
Il y a une question de ressources aussi, évidemment. On le mentionnait, il faut…
ça prend un certain financement qui est au-delà du financement d'un organisme
pour être capable de bien le faire. On a parlé d'anthropologue aussi, donc de
comprendre, d'étudier les dynamiques. Donc, c'est sûr que je ne pourrai pas
aller nécessairement plus loin parce qu'on n'est pas des experts de cet… à ce
niveau-là. Mais dans les équipes de santé publique ou dans les équipes des
établissements de santé avec des intervenants de proximité, on pense que c'est
possible de le favoriser. Je sais que nos organisatrices communautaires développent
des ateliers aussi où les gens peuvent dialoguer, échanger. Évidemment, c'est
des solutions qui sont sur un certain temps. Il va rester des choses
imparfaites, mais on pense qu'on peut atténuer quand même les tensions.
Mme Drouin (Mylène) : Et je reviens,
l'importance aussi sur la triade santé publique, ou organisation communautaire
dans les CIUSSS. Les agents de développement communautaire dans les
arrondissements ou les villes et les tables de quartier qui sont un lieu de
choix pour réfléchir ces enjeux-là et qui comprennent la complexité et les
enjeux sociaux de leur quartier. Ça fait que, pour moi, quand on parle de
responsabilité partagée puis là après ça qui prend le leadership, je pense que
ça peut dépendre, il va falloir le déterminer, mais ça peut aussi être variable
d'un territoire à l'autre selon les dynamiques locales.
Mme Prass : Vous suggérez
également d'établir une mécanique claire, transparente et efficace pour les
demandes d'autorisation pour les SCS. Il y a des mémoires, des groupes qui ont
suggéré qu'un comité soit mis en place à l'intérieur de Santé Québec, celui qui
va faire l'analyse justement pour amener les différents points de vue, les
différentes réalités autour de la table, en faisant l'analyse de ces demandes-là.
Est-ce que… et justement, quand vous dites « établir une mécanique claire »,
je comprends que vous ne faisez pas référence à un comité, mais pensez-vous que
ça serait quelque chose qui serait utile justement pour que la décision ne soit
pas remise à un département, mais plutôt qu'on fasse un petit peu le tour santé
mentale? Parce qu'il y a des liens évidemment, itinérance également. Pensez-vous
que c'est quelque chose qui serait utile?
Mme Drouin (Mylène) : Bien, je
pense qu'il faut que l'idée de la mécanique claire, c'est aussi pour ne pas que
ça soit une décision arbitraire, que le fait qu'il y ait trois ou quatre
citoyens bien organisés puis qui sont contre un projet nous amènent à dire :
Ah! non, finalement. Donc, l'idée c'est d'avoir la capacité… une instance qui
est un peu plus indépendante, avec des critères, des balises, des délais et qui
réduit… qui amène une analyse beaucoup plus objective et qui permet de prendre
une décision et de réduire l'incertitude pour les conseils d'administration.
Moi, ma crainte, c'est que tranquillement
on va chercher des sites, déjà que c'est dur, trouver des locaux, des espaces...
Mais là, les conseils d'administration vont se dire : Wo! ça s'en vient compliqué,
là, cette affaire-là. Puis là il faut faire ci, puis là on a telle
responsabilité, dans quatre ans, ce n'est pas certain qu'on est encore capable
d'opérer. Donc, clairement, toutes ces recommandations-là visent à ne pas
freiner le développement des services et à rendre ça le plus objectif et clair.
Et moi, je le répète, il y a déjà un très grand encadrement des services de
consommation supervisée. On envoie des rapports aux trois mois soit à Santé
Canada et pour certains au ministère sur différents indicateurs de suivi. Donc,
si on veut vraiment s'attaquer à la cohabitation sociale, probablement que c'est
beaucoup plus une stratégie qui va nous permettre de… de clarifier les rôles et
responsabilités et les leviers de chacun qui va être la solution la plus
gagnante.
Mme Prass : Vous proposez
également… (Interruption), excusez-moi, que le plan d'habitation soit basé sur
des standards minimaux élaborés par le ministère de la Santé et des Services
sociaux et validés par les directions régionales de santé publique. Quels sont
les éléments qui devraient figurer justement dans ces standards-là, disons?
M. Robert (Philippe) : Oui, bien,
en fait, c'est… on n'a pas aujourd'hui une liste de standards exactement à
proposer. Je pense que c'est le genre de chose qui doit être développé
justement avec les… avec les directions de santé publique, les établissements
de...
M. Robert (Philippe) : ...les
municipalités, les organismes pour avoir une certaine base. L'idée, c'est de
fournir une... qu'il y ait une obligation de moyens, mais pas nécessairement
une obligation de résultat, parce que le résultat peut changer, il n'est pas...
il n'est pas, en fait, sous le contrôle total d'un organisme. Donc, ça peut
être d'avoir des... oui, d'assurer la salubrité, mais, encore une fois, ça va
dépendre la municipalité pour l'installation, le ménage, etc. Les organismes en
font. À notre site, les intervenants vont eux-mêmes, des fois, retarder
l'ouverture pour aller nettoyer, mais ça prend aussi l'implication de la ville.
Donc, je pense que ça peut être de décrire certaines de ces conditions-là, mais
après c'est dans la... dans l'application, ça doit... ça ne peut pas reposer
sur l'organisme seulement, ça doit... Et là comment... Est-ce que c'est dans le
projet de loi ou comment on baliser? On le laisse évidemment au gouvernement,
mais je pense que c'est important que ça soit une obligation de moyens, puis ça
peut inclure tout ce qui est nettoyage, d'avoir des espaces de dialogue, etc.
Mme Prass : Et vous l'avez
évoqué plus tôt, la question que les organismes aient un financement pour
soutenir les efforts de cohabitation et des mesures d'atténuation, c'est une
question qu'on pose depuis deux jours parce qu'évidemment on ne va pas
enlever... on ne veut pas amputer le budget ou les ressources qui sont dédiées
à la mission de l'organisation. Donc, il va falloir trouver une formule. Et je
pense que vous êtes d'accord pour dire qu'il va falloir trouver une formule
pour accorder les financements, pour que, justement, il y ait un programme,
disons, de cohabitation et que ça ne revienne pas encore sur la charge
financière de l'organisme communautaire qui, déjà, n'est pas riche, disons.
Mme Drouin (Mylène) : Bien, actuellement,
dans l'exemption, on demande un plan de cohabitation ou des mesures
d'acceptabilité sociale qu'ils appellent, mais le financement, actuellement,
tout le financement qu'on donne pour l'opération du centre, donc, des services.
Donc, oui, des fois, il va y avoir des intervenants qui vont aller à l'extérieur,
s'assurer de la propreté, mais ce n'est pas inclus à l'intérieur des
financements actuellement. Donc, oui, vous avez raison.
Mme Prass : C'est terminé?
Le Président (M. Provençal)
: C'est terminé.
Mme Prass : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, on termine cet échange avec M. le
député.
M. Cliche-Rivard : Merci, M.
le Président. Merci, Dre Drouin. Merci pour votre travail au quotidien. On a
effectivement eu l'occasion de se croiser à quelques reprises dans le quartier
Saint-Henri ou ailleurs. Question. Tantôt, vous avez parlé d'un rapport aux
trois mois que vous envoyez au ministère avec des indicateurs, c'est-tu
disponible, ça, ces rapports-là? C'est-tu public?
Mme Drouin (Mylène) : Mais on
envoie... tu sais, ça dépend, parce qu'il y a des sites qui ont une exemption
fédérale, ça, c'est des rapports, mais c'est les organismes qui les envoient.
Avant ça, c'était nous, mais là, maintenant, c'est les organismes qui les
envoient. Puis les autres, pour les autres sites qui sont une exemption
provinciale, c'est le ministère, là, qui... C'est envoyé au ministère aux trois
mois.
M. Cliche-Rivard : C'est
envoyé au ministère, donc, ce n'est pas public. Donc, si on veut les obtenir,
il faut faire la demande au ministère. C'est ce que vous me dites.
Mme Drouin (Mylène) : Oui, on
ne les rend pas publics, non.
M. Cliche-Rivard : Parfait,
parce que ce serait intéressant de voir c'est quoi, les indicateurs, qu'est-ce
qui est évalué, qu'est ce qu'on peut intégrer au plan de cohabitation. C'est-tu
possible de les avoir sans données?
Mme Drouin (Mylène) : Il y a
ces indicateurs-là qui sont suivis, mais peut-être, peut-être qu'on pourrait
dire quelques mots sur... Lorsqu'on a fait le comité de cohabitation — puis
ça, c'est intéressant, c'était la première fois qu'on le travaillait de cette
façon-là — c'est souvent difficile de mettre des données du SPVM, de
la STM, de l'organisme de la santé mentale ensemble. Donc, on a réussi à
construire un tableau de bord avec des indicateurs très précis qui nous étaient
fournis à peu près aux deux semaines par les organismes pour nous permettre de
voir les tendances des plaintes. L'école nous fournissait aussi... Donc, c'est
beaucoup ces éléments-là qu'on suivait.
M. Cliche-Rivard : Ça, ces
données d'indicateur là, sans qu'on ait les rapports aux deux semaines, pour
qu'on puisse encadrer notre travail sur la cohabitation, ce que devrait
contenir un plan de cohabitation, est-ce qu'on pourrait les avoir? Après les
avoir, les.
Mme Drouin (Mylène) : Les
indicateurs.
M. Cliche-Rivard : Les
indicateurs.
Mme Drouin (Mylène) : Les
indictateurs, certainement, oui.
• (17 h 10) •
Mme Beauchemin (Roxane) : Oui,
oui, mais il faut voir quels sont les objectifs associés, parce que là, c'est
sûr que bâtir un plan de cohabitation en amont d'un service d'un nouvel
organisme, ce serait autre chose. On est allés dans l'objectif qu'il fallait
enlever la pression sur La Maison Benît-Labre, il fallait désengorger. Donc, on
avait le nombre de douches qui étaient prises, le nombre de repas servis par
jour. On avait un objectif de baisse à ce niveau-là. Mais, en même temps, on
avait les interventions de référencement vers l'agent de liaison de la santé
mentale, dépendance, du service qui était là, ça, on s'attendait à avoir une
augmentation.
Alors, c'est le type... ou les
interventions extérieures quelles étaient-elles, les plaintes de l'école, ça
devait diminuer, ça avait diminué, ça a marché, donc. Alors voilà, donc, il y
en avait qui étaient à revoir à la baisse. Oui, bien ça, il n'y a pas de
problème.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Mais ça va nous aider à établir, nous aussi, la discussion puis le cadre de la
discussion sur le plan de cohabitation, je pense que ce sont des éléments
importants. Est-ce que la Santé publique de Montréal a été consultée dans
l'élaboration du projet de loi n° 103?
Une voix : ...
M. Cliche-Rivard : Non. Et, à
votre connaissance, est-ce que, dans les 17 directions régionales de Santé
publique, est-ce que vos collègues ont été consultés à votre connaissance...
M. Robert (Philippe) : …je ne
penserais pas.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Une dernière question. Vous avez en main vous aussi le rapport de la coroner
dans le décès de M. Wilson, la coroner Godin, j'imagine que vous l'avez
regardé, r-7, «mettre en place des actions nouvelles pour faciliter
l'implantation de nouveaux centres de consommation». Est-ce que vous pensez que
le projet de loi n° 103 répond à la recommandation du coroner?
Mme Drouin (Mylène) : Bien,
comme je l'ai dit, c'est des… c'est sûr qu'il y a des contraintes
administratives pour les organismes. Donc, pour nous, c'est clair qu'il y a un
risque de freiner certains organismes à vouloir déposer et développer des
nouveaux projets avec nous.
M. Cliche-Rivard : En vous
remerciant beaucoup pour votre travail. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous venons de conclure nos
consultations particulières pour le projet de loi n° 103
avec la Dre Mylène Drouin, Mme Roxane Beauchemin et M. Philippe Robert. Alors,
merci beaucoup de vous être déplacés pour venir échanger avec nous.
Ceci étant dit, la commission, ayant
accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Hein?
Une voix : …
Le Président (M. Provençal)
: Ah! et je procède au dépôt des mémoires des personnes et
des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Merci
beaucoup. Et, si vous avez des statistiques à nous transmettre, vous pouvez les
transmettre à la secrétaire de la commission, des indicateurs qui ont été
mentionnés tout à l'heure. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 14)