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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mercredi 30 juin 1971 - Vol. 11 N° 66

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 23 - Loi des transports


Journal des débats

 

Commission permanente des Transports

Projet de loi no 23 — Loi des transports

Séance du mercredi 30 juin 1971

(Dix heures cinq minutes)

M. KENNEDY (président de la commission permanente des Transports): A l'ordre, messieurs !

Bienvenue de nouveau à la commission parlementaire des Transports. Je pense qu'il serait de mise que cette séance s'ouvre par quelques mots de la part du ministre. Ensuite, nous entendrons les parties.

Reprise de l'étude de l'article 132

M. TREMBLAY (Bourassa): A la suite des représentations de Me Raymond, procureur de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, nous avons accepté de suspendre l'étude du projet de loi 23 en ce qui a trait à l'article 132.

Nous avons reçu hier de Me Raymond une copie des procédures produites en cour Supérieure, district de Montréal, (no 794-864), dans une demande d'injonction définitive par cette Commission de transport contre Murray Hill Limousine Service Ltd pour obtenir qu'il soit interdit à cette société de faire du transport dans les limites de la Communauté urbaine de Montréal, "autrement que dans les limites et aux conditions des permis et autorisations de la Régie des transports."

Nous avons étudié ces documents et nous avons réfléchi sur les représentations faites lors de la dernière réunion de cette commission relativement aux prétentions voulant que cet article 132 constituerait une ingérence du législatif dans le judiciaire.

Nous avons ainsi examiné les dispositions du bill 96, étudié la veille de notre dernière réunion et dont l'étude a été suspendue pour des motifs apparemment identiques. Or, il nous est apparu que les deux cas n'étaient aucunement de même nature.

L'article 132 n'a aucun caractère rétroactif de sorte que le législateur ne se substitue aucunement au tribunal qui pourra juger le litige précité en se fondant sur une législation inchangée.

En ce qui touche les droits acquis, le tribunal devra statuer sur leur existence ou le néant à cet égard. La même obligation persistera pour le tribunal quant à toutes autres prétentions des parties.

Contrairement au cas précité, le Barreau n'intervient pas dans le sens des objections soumises par la Commission de transport de Montréal, comme il l'aurait sans doute fait, s'il avait considéré que l'article 132, comme les articles 126 et 140, constituait une intervention indue du législatif dans le judiciaire. Son silence peut donc être compris comme la démonstration qu'il juge que l'ingérence qu'on nous représente n'existe pas et n'existera pas, si le texte de ces articles n'est pas substantiellement modifié ultérieurement,

C'est pourquoi je propose que la période de suspension de l'étude de l'article 132 ainsi que des articles 126 et 140 soit terminée à compter de l'adoption de la présente motion, afin que cette commission puisse entendre les intéressés dès la séance aujourd'hui et lors de réunions ultérieures si de telles séances sont décidées en temps et lieu.

M. LEGER: M. le Président, c'est donc dire, selon le ministre, que nous pourrons ce matin discuter le bien-fondé de la recommandation ou la suggestion des représentants de la Commission de transport de Montréal concernant la possibilité de l'acceptation ou du refus de l'article 313 par l'article 132. C'est ce matin que nous pouvons en discuter. Il n'est plus alors question de sub judice dans cette cause-là et nous pourrons entendre les intéressés ce matin.

M. TREMBLAY (Bourassa): On peut en discuter ce matin parce que ce n'est pas une loi rétroactive. Je vous donne tout droit de l'étudier ce matin.

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai soulevé le problème l'autre jour en demandant que l'on nous fasse parvenir les documents, les procédures qui ont été prises et je remercie le procureur de nous avoir remis cet énorme dossier au sujet du problème qui a été soulevé. Je reconnais avec le conseiller juridique du gouvernement qu'il n'y a pas de rétroactivité. C'est vrai. Je reconnais également qu'il y a des problèmes qui peuvent être discutés indépendamment de la cause qui est devant le tribunal parce que, d'une manière ou de l'autre le législateur sera appelé à poser un acte législatif. J'admets substantiellement l'opinion qui a été fournie au ministre; toutefois, je recommanderais aux parties, aux personnes qui sont appelées à intervenir de mettre de côté au moins les procédures qui sont devant le tribunal, de discuter du problème comme s'il s'agissait d'un problème qui n'est pas devant le tribunal parce que le conseiller juridique du gouvernement, comme le ministre vient d'en faire mention et avec raison, dit qu'il n'y a pas de rétroactivité. Nous avons eu dernièrement devant la commission un projet de loi qui aurait mis de côté un jugement à être rendu par la cour Suprême du Canada.

En fait on voulait ratifier et confirmer les règlements des municipalités à compter d'une certaine date qui remontait, si mon souvenir est bon, au 15 septembre 1970. Chose que nous n'avons pas ici de la même manière à tout événement. Il n'y a pas de rétroactivité dans la loi. Pour les raisons fournies par le conseiller juridique, je demande aux parties de faire mention le moins possible de la procédure

devant le tribunal en s'occupant du problème qui existe. Je demanderais aux parties d'être prudentes. Quant à nous, nous sommes ouverts pour examiner le problème d'une manière bien objective, surtout en voulant éviter dans toute la mesure possible des situations de trouble comme celle que l'on a connue il n'y a pas tellement longtemps dans de domaine. M. le Président, nous sommes ouverts à la discussion de cet article quand le temps sera venu.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, nous allons entreprendre l'étude des mémoires qui vont être présentés. Nous commençons ce matin par le Bureau des tarifs du Québec Inc. On m'informe que cela fait huit.

M. LEGER: Est-ce que ce n'est pas dans l'ordre, étant donné que les représentants de la Commission de Transport de Montréal la semaine dernière avaient pris la parole et qu'on a pas pu les entendre parce qu'on a amené l'argument sub judice et que ce matin au départ, étant donné qu'on a commencé avec cet argument, qu'ils passent en premier vu qu'ils n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer la semaine dernière?

M. LE PRESIDENT: Le mémoire du Bureau des tarifs a fait apparemment suite à celui de l'Association du camionnage de Québec Inc. Je croyais que la Commission de Transport de la Communauté urbaine de Montréal pourrait être entendue avec la Commission de Transport de la Communauté urbaine de Québec. Je présume qu'ils auront des points identiques à faire valoir. Pour qu'il y ait une continuité dans les idées qui sont soulevées et qui sont débattues, je les grouperais, si les parties sont consentantes. Je ne pense pas que cela prenne beaucoup de temps avant que votre tour arrive.

M. RAYMOND: Je suis d'accord sur la proposition du président.

M. LE PRESIDENT: Le Bureau des tarifs du Québec Inc. M. Roger Gosselin.

Bureau des tarifs du Québec

M. GOSSELIN: Mon nom est Roger Gosselin, président du Bureau des tarifs du Québec. Je vais vous présenter un bref historique de notre organisme. Par la suite je demanderais à Me Gérard Corbeil, notre conseiller juridique, de commenter les suggestions de notre organisme concernant le projet de loi 23.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, le Bureau des tarifs du Québec désire d'abord féliciter l'honorable ministre des Transports, M. Georges Tremblay, d'avoir fait préparer le projet de loi no 23 et particulièrement d'avoir ressucité diverses suggestions et propositions qui ont été soumises par l'industrie du camionnage en général au cours des dernières années, en vue d'améliorer ce secteur important de notre industrie.

Le Bureau des tarifs du Québec Inc. est un organisme constitué en vertu de la Loi des compagnies du Québec le 13 février 1952 sous le nom des Aviseurs en taux de transports Inc., lequel nom a été changé le 12 août 1966 par lettres patentes supplémentaires.

Il s'agit en réalité d'une autre association de transporteurs routiers, tous détenteurs d'un permis de transport émis par l'actuelle Régie des transports du Québec, constituée surtout pour des fins tarifaires. Les buts de cet organisme peuvent se définir de la manière suivante: 1- Fournir et diriger des services d'un bureau de tarifs pour le compte de camionneurs publics et commerciaux licenciés. Le nombre de nos membres s'élève actuellement à 210 compagnies de transport routier, soit environ 90 p.c. des camionneurs publics de longue distance desservant le Québec. Le chiffre d'affaires annuel qui découle des taux et tarifs s'élève à plus de $240 millions par année pour ce groupe de camionneurs; 2- Calculer, compiler, faire des recherches, publier et émettre des tarifs justes et raisonnables pour le compte des transporteurs routiers de marchandises générales entre divers points de la province de Québec, entre la province de Québec et les provinces de l'Atlantique, et même entre la province de Québec et les Etats-Unis, dans un domaine particulier comme celui des fruits et légumes. Nous faisons beaucoup de recherches en vue d'analyser les coûts et les revenus d'exploitation qu'occasionne le transport de marchandises; 3- Conseiller ses membres relativement aux taux, prix, règlements de camionneurs non membres et autres agences de publication de tarifs, tels que les chemins de fer, les courtiers en transport, les locateurs de véhicules, etc.; 4- Agir en qualité de fondé de pouvoir pour ses membres lorsqu'il s'agit de déposer des tarifs auprès de services gouvernementaux, là où telle procédure est obligatoire, comme par exemple auprès de la Régie des transports du Québec et des organismes similaires des provinces de l'Atlantique, ainsi que de la Commission canadienne des transports à Ottawa; 5- Représenter les propriétaires d'entreprises de transport routier devant des organismes gouvernementaux lorsqu'une comparution s'impose en vertu de la loi fédérale ou de l'une des lois provinciales en tout ce qui concerne les questions de prix et de taux de transport routier.

Vous constaterez donc que l'une de nos principales préoccupations est de nous assurer que les taux et tarifs publiés auprès des diverses régies et commissions gouvernementales soient justes et raisonnables et dans l'intérêt public. Nous veillons ainsi à ce que les coûts de

transport soient répartis équitablement entre les différents expéditeurs selon les services requis.

La concurrence serrée qui provient de la navigation intérieure, du rail, de l'aviation et d'autres transporteurs routiers, requiert une surveillance constante pour parer aux pratiques déloyales. Depuis son incorporation, le Bureau des tarifs du Québec Inc. a agi comme gardien et protecteur d'une saine structure de taux et a cherché à répondre aux exigences sans cesse croissantes de l'industrie manufacturière.

Nous tenons à souligner dès maintenant la dimension interprovinciale et la dimension internationale de nos activités. Les tarifs publiés par notre bureau couvrent aussi des mouvements interprovinciaux soit entre le Québec et chacune des provinces de l'Atlantique et même des mouvements internationaux, soit des mouvements spécialisés entre le Québec et certains Etats américains.

A ce point de vue, notre organisme peut donc se comparer favorablement à d'autres organismes similaires qui publient des taux et tarifs dans d'autres territoires, tels que le Canadian Transport Tariff Bureau Association qui publie, entre autres, des tarifs de marchandises entre le Québec et l'Ontario, le Middle Atlantic Conference qui publie aussi des taux et tarifs entre le Québec et les Etats de la Nouvelle-Angleterre et New York et le Niagara Frontier Tariff Bureau qui publie également des taux entre le Québec et certains autres Etats américains.

Pour souligner l'envergure de nos publications, nous tenons à faire remarquer que les taux que nous publions entre les provinces de l'Atlantique et le Québec et même entre certaines régions défavorisées de l'est du Québec et le reste de la province sont sujets à certains subsides fédéraux selon la Loi sur les subventions au transport des marchandises de la région Atlantique.

Enfin, nous avons l'impression que nos publications bilingues répondent à des besoins puisque plus de 2,600 expéditeurs (manufacturiers et industriels), situés dans le Québec et ailleurs au Canada et aux Etats-Unis, sont abonnés à cesdites publications.

Pour donner une idée plus précise de nos publications, disons qu'elles sont constituées de 17 tarifs différents formant un volume total de 3,416 pages, qui sont continuellement mises à jour pour suivre de près l'évolution constante des contingences économiques.

Je demanderais à Me Gérard Corbeil de présenter les suggestions de notre organisme.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à ceux qui ont des mémoires à présenter d'être aussi brefs que possible dans leur préambule. Je vais vous accorder tout le temps voulu pour soulever des objections ou faire valoir vos points de vue sur les articles particuliers du projet. Dans le préambule, je pense qu'on pourrait résumer ça le plus brièvement possible.

M. CARBEIL: M. le Président, si vous n'y voyez pas d'objection, je pense qu'il serait plus bref que je continue la lecture du mémoire. De toute évidence, nous sommes à la disposition de messieurs les députés pour répondre à toute question qu'on voudra bien nous poser.

Le mémoire est composé de trois chapitres c'est-à-dire le préambule qu'on vient de vous lire, le deuxième chapitre comporte des considérations générales sur le bill 23, le troisième chapitre comporte des suggestions concrètes quant à une nouvelle rédaction que nous proposons à certains articles du bill 23.

Je lirai donc, avec votre permission, le deuxième chapitre: Considérations générales.

Premièrement, juridiction exclusive de la commission.

Forts de notre expérience de plusieurs années dans le domaine des taux et tarifs et après considération des différents aspects du projet de loi, notre bureau en vient à la conclusion qu'il serait préférable, sinon essentiel, que tous les pouvoirs de réglementation concernant les normes, les taux et les coûts de transport relèvent uniquement de la Commission des transports du Québec et qu'on élimine de la loi tout partage de juridiction entre le lieutenant-gouverneur en conseil, le ministre des Transports et la Commission des transports du Québec. Il nous semble que seule la Commission des transports du Québec donnerait les garanties nécessaires de souplesse, de stabilité, de compétence et de continuité dans ce domaine des taux et tarifs.

En effet, les études et décisions concernant les taux et tarifs ne peuvent se faire avec satisfaction que par un organisme public comportant un personnel qualifié et spécialisé, des règles de procédure précises et une publicité des débats assurant la participation de tous les éléments concernés, c'est-à-dire non seulement les voituriers et les bureaux de tarifs mais également le public expéditeur par l'entremise de corps intermédiaires comme l'Association canadienne des manufacturiers, la Ligue canadienne du trafic industriel, les chambres de commerce, etc.

Notre expérience passée devant la Régie des transports du Québec et devant les régies correspondantes des provinces de l'Atlantique et l'expérience des autres bureaux de tarifs devant les diverses juridictions nous amènent à conclure que la Commission des transports du Québec devrait être l'organisme unique pour établir, fixer, décréter ou approuver toute question concernant les taux et tarifs et coûts de transport.

En d'autres mots, nous sommes d'avis que toute la question tarifaire est d'une complexité telle que seul un organisme bien structuré comme la Commission des transports du Québec peut entendre ces causes et en juger de façon adéquate. Le personnel actuel de la Régie des transports du Québec, après plusieurs années de tâtonnement, a fini par acquérir une

certaine compétence tant souhaitée tout en continuant à perfectionner le mécanisme de son fonctionnement.

Juridiction territoriale.

Nous avons souligné au début de ce mémoire l'étendue territoriale du Bureau des tarifs du Québec Inc. Nous avons également souligné que cette question des taux et tarifs ne peut pas se considérer en fonction de la seule province de Québec mais qu'il fallait considérer l'aspect interprovincial et international de ce problème.

Pour ces motifs, nous suggérons d'éliminer du présent projet de loi toutes les dispositions incompatibles avec cette envergure interprovinciale et internationale. Dans l'état actuel des choses, c'est-à-dire dans l'état des lois provinciales et fédérales, la Régie des transports du Québec et la future Commission des transports du Québec ont et auront, jusqu'à nouvel ordre, une juridiction fédérale en vertu de la loi fédérale sur le transport par camions c'est-à-dire la Motor Vehicle Transport Act 1954, chapitre 59, 2 et 3, Elizabeth II.

Il s'agit en réalité d'une juridiction déléguée mais réelle dont le projet de loi doit tenir compte. Il y a donc lieu d'éliminer du projet de loi toutes dispositions incompatibles avec cet aspect interprovincial et international lorsqu'il s'agit de définir la teneur des permis et lorsqu'il s'agit de préciser les recommandations concernant les taux, les tarifs et les normes de transport.

Il y a un autre aspect de la question que nous désirons souligner. Les chemins de fer, en vertu des lois fédérales qui les régissent, jouissent d'une grande souplesse et d'une grande latitude dans la fixation des taux et tarifs. Il faudrait donc que les voituriers publics, à cause de la concurrence directe des chemins de fer, puissent jouir de la même souplesse et de la même latitude lorsqu'il s'agit de publier des taux et tarifs concurrentiels.

Pour cette raison, nous croyons que le mécanisme de la future Commission des transports du Québec serait beaucoup plus simple et rapide qu'un recours à un organisme de l'administration provinciale comme le ministère des Transports.

Courtiers et locateurs.

A cause de la répercussion directe de leurs activités sur l'industrie du transport en général, nous croyons que les courtiers en transport et les locateurs de véhicules automobiles devraient être régis clairement par le projet de loi sur les transports et devraient tomber directement sous la juridiction de la Commission des transports du Québec.

En effet, les courtiers en transport et les locateurs de véhicules automobiles, à court terme ou à long terme, offrent un genre de service et publient des taux et tarifs qui constituent, à toutes fins utiles, un service de transport dans l'esprit du projet de loi. Ces deux genres d'exploitants sont déjà soumis à la juridiction actuelle de la Régie des transports du Québec. Nous croyons qu'ils devraient de- meurer sous le contrôle de la future Commission des transports du Québec.

Si on les excluait du présent projet de loi, on crérait une situation telle qu'il deviendrait futile de tenter, par ailleurs, de réglementer et contrôler le reste de l'industrie du transport.

Conseil consultatif.

Le Bureau des tarifs du Québec tient à manifester son approbation au ministre des Transports d'avoir accepté l'idée de créer un conseil consultatif défini aux articles 17 et suivants du projet de loi.

Il nous semble que le Bureau des tarifs du Québec Inc. devrait être invité à siéger à ce conseil consultatif à cause de sa représentativité et de sa compétence particulière dans le domaine des taux des transports.

Forts de l'expérience acquise avec d'autres organismes de contrôle aussi bien fédéraux que provinciaux, il serait aussi souhaitable qu'un membre de ce bureau soit consulté dans la rédaction des règlements qui découleront de cette loi.

Tribunal des transports.

Nous aimerions également manifester notre approbation à l'idée de créer un tribunal des transports et nous aimerions voir sa juridiction prendre plus d'envergure que celle qu'on lui définit dans le présent projet de loi. Dans notre optique, nous croyons que ce tribunal des transports devrait avoir juridiction en appel sur toutes les questions de taux et tarifs de transport. Nous sommes d'avis que ce tribunal devrait, d'une façon générale, pouvoir entendre en appel toute cause, même sur les questions de fait ayant fait l'objet d'un jugement en première instance.

Nous irons même jusqu'à suggérer que ce tribunal des transports soit l'organisme tout désigné pour entendre toutes les plaintes portées par le ministère pour infraction à la loi future, même dans le domaine des taux et tarifs. L'expérience des années passées nous a convaincus que la cour des Sessions de la paix n'était pas le tribunal rêvé pour ce genre de cause. En effet, ces procès relatifs au transport et aux tarifs sont tellement complexes et tellement techniques que les juges de la cour des Sessions de la paix ne peuvent entendre et juger ces causes de façon équitable et satisfaisante. Seul un tribunal comme celui que la loi propose, étant composé d'un personnel qualifié, pourrait constituer un mécanisme efficace dans le domaine particulier qui nous concerne.

Statistiques.

Nous vous rappelons que, lorsqu'il s'agit d'établir des comparaisons dans les résultats financiers de nos membres, nous avons malheureusement l'obligation de recourir le plus souvent à des publications américaines telles que Carrier Report, Trinc's Blue Book et autres, publiées par l'Interstate Commerce Commission et l'American Trucking Association, car la documentation sur ce sujet est plutôt restreinte au Canada et fort tardive.

Ce serait, il va sans dire, très avantageux

pour les propriétaires et administrateurs d'entreprises de camionnage si une compilation des formules RT-253, actuellement en usage, étaient complétées dans les six mois suivant le 31 décembre de chaque année et si des statistiques étaient publiées en fonction du tonnage transporté ou de milles parcourus.

En fait, nous souhaiterions que le Bureau provincial de la statistique, lequel relève du ministère de l'Industrie et du Commerce, puisse collaborer avec la Commission des transports du Québec en vue de fournir à l'industrie du camionnage des renseignements plus exhaustifs que ceux présentement fournis par le Bureau fédéral de la statistique.

Gazette officielle du Québec.

Le projet de loi numéro 23 semble vouloir consacrer le principe de la publication de toute demande faite à la Commission des transports du Québec et de toute décision rendue par cette commission. Nous sommes pleinement d'accord sur ce principe, mais nous désirons exprimer certaines réticences à l'égard de la Gazette officielle du Québec.

Notre expérience du passé nous laisse croire que la Gazette officielle du Québec n'est peut-être pas le medium le plus rapide et le plus pratique pour ce genre d'avis. Nous croyons devoir suggérer de maintenir en vigueur le bulletin bimensuel publié depuis deux ans par l'actuelle Régie des transports du Québec. Ce bulletin s'est avéré très satisfaisant pour toutes les parties intéressées. Cependant, dans le domaine particulier qui nous intéresse, c'est-à-dire celui des taux et tarifs de transport, nous aimerions suggérer pour des questions nécessitant une publication en vertu des règlements de la commission que de tels avis soient aussi publiés dans les journaux de la province aux frais de la commission.

Quant à la troisième partie, M. le Président, sauf insistance de votre part, je me dispenserai de la lire parce qu'elle comporte des suggestions concrètes sur des articles particuliers et vous avez, je crois, des copies du mémoire en main. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions.

M. BERTRAND: M. Corbeil, dans votre première proposition, quand vous demandez que la Commission des transports soit chargée de la règlementation, vu son expérience, vous n'avez pas d'objection par contre à ce que cette réglementation préparée et élaborée par la Commission des transports soit sujette à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil.

M. CORBEIL: C'est bien exact, M. le chef de l'Opposition, nous n'avons pas d'objection. Il nous semble au contraire que, si ces règlements reçoivent l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, ils acquièrent par le fait même un caractère plus officiel.

M. BERTRAND: Dans le domaine de ses activités, le Bureau des tarifs connaît-il des endroits au Canada ou aux Etats-Unis où — pour le transport écolier, entendons-nous — quelqu'un aurait préparé des tarifs?

M. CORBEIL: Malheureusement sur ce point, je dois répondre que cela ne relève pas de notre compétence. Le Bureau des tarifs se restreint exclusivement au camionnage.

M. BERTRAND: Alors, vous n'avez aucune expérience dans le domaine du transport écolier?

M. CORBEIL: Aucune. M. BERTRAND : Très bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Corbeil, à la page 8 de votre mémoire, vous dites: "Nous croyons que les courtiers en transport et les locateurs de véhicules automobiles devraient être régis clairement par le projet de loi sur les transports, devraient tomber directement sous la juridiction de la Commission des transports du Québec." Cette suggestion a été faite déjà par l'Association du camionnage du Québec incorporée. Lorsque vous parlez de locateurs de véhicules automobiles, qu'est-ce que vous entendez exactement? S'agit-il des gens qui sont ce qu'on appelle les locateurs de véhicules de transport ou tout véhicule automobile dans le genre des Avis, Tilden, etc.?

M. CORBEIL: En définitive, ce que nous voulons dire par véhicule automobile, ce sont surtout les véhicules dits de commerce ou véhicules de livraison tels que définis dans le code de la route, mais les compagnies telles que Avis, Tilden, etc. font à la fois de la location d'automobiles de promenade et de camions véhicules de commerce et de livraison mais c'est le véhicule servant au transport de marchandise qui évidemment nous préoccupe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous n'entendez pas par là inclure les automobiles louées selon le système des "drive-yourself"?

M. CORBEIL: Je dois dire que c'est plutôt étranger à nos intérêts que ce soit à court terme ou à long terme à la condition que lesdits véhicules ne servent pas, comme cela peut arriver parfois d'ailleurs, à faire du transport. Il y a certains détenteurs de permis qui utilisent des voitures de promenade pour donner leurs services. Je pense qu'on peut les considérer à ce moment-là comme des véhicules de livraison. Le transport familial, l'automobile de promenade n'est pas notre souci.

Nous n'aurions même pas d'objection, je crois, à ce qu'elle soit exclue de cette commission. Ce n'est pas le souci du Bureau des tarifs du Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il était dans son intention de couvrir, par la loi 23, ce genre de véhicule automobile, les voitures louées par des sociétés telles: Avis, Tilden, Hertz, etc.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il y a deux sortes de location : il y a la location que font les garagistes qui louent pour deux ans ou pour trois ans, et il y a des sociétés, comme Avis, qui louent pour deux semaines ou trois semaines, etc. Je viens justement d'en parler avec Me Roy. Tout est couvert par cette loi, même Avis qui loue pour une ou deux semaines. Les camions qui sont loués à des compagnies pour faire le transport sont compris dans cette loi, dans l'article 8.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, l'autre jour, j'ai demandé au procureur de l'Association du camionage du Québec Inc., de nous expliquer exactement quelles étaient les fonctions des courtiers en transport et des locateurs de véhicules de transport. Est-ce que M. Corbeil pourrait nous donner son avis là-dessus et nous indiquer que, dans le cas des courtiers en transport et des locateurs de véhicules de transport, il n'y a aucune sorte de concurrence qui pourrait s'établir et qui serait au désavantage de ce qu'on appelle les camionneurs artisans?

M. CORBEIL: M. le Président, pour répondre à cette question j'aimerais vous référer à la page 13 de notre mémoire, article 1(K) et 1(L) où nous suggérons d'ajouter, en fait, deux articles qui définissent justement ce mot "locateur" de véhicules automobiles ainsi que les mots "courtier en transport". Le terme "courtier en transport" a été défini d'après la Loi des transports actuelle: "Le courtier est un individu qui, possédant ou non des véhicules, contracte en qualité de principal, — c'est-à-dire en son nom personnel — pour le transport de marchandises ou de passagers, selon le cas, transport qu'il fait effectuer par des tiers"; qu'il ne fait pas lui-même, en d'autres mots, mais sous sa responsabilité et sous son connaissement.

Quant au locateur il est défini à la page 13 du mémoire et nous sommes d'avis que les locataires de véhicules de commerce et de véhicules de livraison font en définitive une concurrence au transport par camions et, comme tels, devraient être soumis à la même surveillance et au même contrôle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Corbeil, est-ce qu'il arrive que ces locateurs et ces courtiers se trouvent situés en dehors du territoire du Québec?

M. CORBEIL: Très souvent, M. le Président, ces locateurs, surtout à long terme, et les courtiers sont situés en dehors du Québec. Je ne dis pas toujours, il y en a dans le Québec, il y en a plusieurs qui sont situés dans la province d'Ontario, parce que c'est entre le Québec et l'Ontario que ces courtiers en transport exercent le plus souvent leurs activités. Cependant, j'aimerais souligner que, dans le passé, plusieurs de ces courtiers, en dépit d'une certaine ambiguïté quant à la juridiction des diverses régies, se sont eux-mêmes soumis à la juridiction de la Régie des transports du Québec et, je présume, n'auraient pas d'objection à se soumettre à la juridiction de la nouvelle commission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela veut dire, M. Corbeil, que dans votre esprit, aux termes de l'article 45, lorsqu'on dit: "Tout permis est délivré au nom d'une personne physique, domiciliée au Québec depuis au moins 12 mois, pour son compte ou pour le bénéfice d'une corporation ou d'une société ayant son siège social ou une place d'affaires au Québec", ces courtiers et ces locateurs se soumettraient, selon vous, aux exigences de la nouvelle Loi des transports?

M. CORBEIL: Je le crois volontiers, M. le Président, M. le député. Je crois qu'ils se soumettraient volontiers puisqu'ils le font déjà, dans la majorité des cas. Je crois cependant, en fonction de l'article invoqué, qu'il serait souhaitable que ceux qui n'ont pas leur siège social dans la province de Québec aient au moins l'obligation de désigner un agent dans le Québec, agent qui saurait signifier les avis, les procédures judiciaires, les réclamations, etc.

Dans le cas des courtiers, si l'on veut, on pourrait même aller plus loin et exiger qu'ils aient une place d'affaires dans le Québec, parce qu'en définitive leurs activités s'exercent, du moins partiellement, dans le Québec. Je ne veux pas faire la même suggestion pour d'autres genres de services. Il y a des déménageurs, par exemple, à qui on ne pourrait pas, sans préjudice, imposer cette obligation d'avoir une place d'affaires dans le Québec, mais à qui on pourrait quand même imposer l'obligation de choisir un représentant à qui on signifierait les procédures. C'est le but normal de ces agents provinciaux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai pris note des définitions que vous donnez à la page 13 de votre mémoire concernant les locataires et les courtiers. Est-ce que vous ne craignez pas que, par ce truchement, il pourrait y avoir — dans ce domaine des transports — une invasion qui serait préjudiciable à un ensemble de gens qui pratiquent ce qu'on appelle le camionnage, c'est-à-dire les camionneurs artisans?

M. CORBEIL: Je regrette, M. le député, je ne vois pas très bien le sens de la question.

Disons que la location de véhicules-automobiles, lorsqu'elle est faite selon la loi actuelle, ne cause aucun préjudice au camionnage, et personne ne peut s'en plaindre. D'ailleurs, la location est une forme légitime de faire affaires. Mais il s'est avéré, dans le passé, que la location a été exercée de façon irrégulière — disons même illégale — et a été transformée en camionnage camouflé, c'est-à-dire qu'un individu loue un camion et s'en sert pour faire du transport sans permis de la commission, du transport pour considération, j'entends. S'il ne faisait que son propre transport local lui-même, comme un manufacturier, un industriel, personne ne pourrait trouver à redire. Mais s'il s'en sert pour faire du transport pour autrui, à ce moment-là, il fait du transport camouflé, du transport illégal, puisqu'il charge une considération et, à ce moment-là, il lui faudrait un permis de la Régie des transports ou de la future Commission des transports.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois, M. Corbeil, que ce que vous venez de me dire indique que vous aviez très bien compris ma question.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions, M. Corbeil. Je n'ai aucun doute que vos remarques seront prises en considération.

Me Jean-Paul Saint-Laurent, qui représente H. Smith Transport Ltée.

H. Smith Transport

M. SAINT-LAURENT: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, il est malheureux qu'après avoir été président du comité de législation de l'Association du camionnage du Québec, j'aie à m'opposer comme président du conseil de H. Smith Transport Ltée, entreprise de camionnage incorporée au Québec le 9 juin 1933 et opérant exclusivement au Québec, à la demande de l'Association du camionnage du Québec Inc. qu'il soit ajouté à l'article 47 du bill no 23, Loi des transports, la restriction suivante que vous connaissez tous.

Ma compagnie est une filiale du Canadien Pacifique, dont le capital-actions, au 31 décembre 1970, était entre les mains de 69,279 actionnaires, et au-delà de 65 p.c. des actions ordinaires et privilégiées étaient détenues au Canada. Je mentionne ceci, parce que trop souvent on parle des chemins de fer, sans différencier entre l'entreprise privée et l'entreprise d'Etat.

On mélange l'un et l'autre les subsides et les déficits sans faire de distinction. Dans le cas du Canadien Pacifique, s'il y a un déficit, ce sont les actionnaires qui le subissent et non pas, nous, les contribuables canadiens, qui avons à supporter les déficits du Canadien National.

La restriction demandée fait suite à une résolution de l'Association du camionnage, voir annexe A, vieille de nombreuses années où l'on demandait à la régie, et non pas à vous les législateurs, d'adopter une loi statutaire prohibant aux chemins de fer l'exploitation de services de transport routier, à moins qu'il ne s'agisse d'un service accessoire à leur service ferroviaire principal.

Les temps ont bien changé depuis que cette résolution a été passée, il y a une dizaine d'années. Dans un des considérants de la résolution, on mentionne que l'Interstate Commerce Commission, des Etats-Unis, qui avait refusé catégoriquement de transférer la partie du permis de Husband Transport Ltd, qui est le Canadien National, en ce qui concerne le transport international — vous le verrez à l'annexe A — a approuvé ce même transfert le 25 février 1970.

J'ai ici une copie de la décision et je vous cite le texte anglais. Je m'excuse si je n'ai pas le texte français. J'ai été un peu pris au dépourvu lorsque j'ai vu cette restriction demandée par l'Association du camionnage la semaine dernière. En fin de semaine, vous savez qu'il y a eu une fête. Je n'ai pas pu remettre ceci à un traducteur professionnel. Je n'ai pas osé risquer, quoique je crois que j'aurais pu le faire, qu'on m'accuse par la suite d'employer un mot plutôt qu'un autre. Vous pourrez lire la décision.

Deuxièmement — cela justifie que les temps ont bien changé — en 1968, la Régie actuelle des transports a eu à considérer ce qu'on appelle — et ceci était basé sur la résolution vieille d'une dizaine d'années — l'intrusion des chemins de fer dans une cause, celle des frères Smith, requérants-vendeurs, et Smithsons Holdings Limited — qui est le Canadien Pacifique — et la mise en cause, ma compagnie, H. Smith Transport Limitée.

Cette demande a été entendue en audience publique, à Montréal, le 12 septembre 1968 et a été contestée, en principe, par l'Association du camionnage du Québec Inc. et quelques compagnies, détentrices de permis, membres de ladite association.

Après plus de 21 mois de "délibéré" — on a considéré le pour et le contre pendant au-delà de 21 mois — la régie a autorisé la vente de 51 p.c. — soit le contrôle — des actions ordinaires de H. Smith Transport Limited —à ce moment-là Limited mais aujourd'hui Limitée — par les frères Smith et Smithsons Holdings Limited, filiale du Canadien Pacifique.

Aux pages 6 et 7 de l'ordonnance, nous lisons ce qui suit:

Considérant que les transports intraprovinciaux, interprovinciaux, internationaux et intercontinentaux nécessitent une collaboration étroite entre tous les modes de transport: routier, ferroviaire, maritime, aérien;

Considérant que la requérante-acquéreur et la Canadian Pacific Railway Co. ont leur place d'affaires dans la province de Québec et sont soumises aux mêmes obligations fiscales que tous les résidants de cette province;

Considérant les recommandations de la com-

mission royale MacPherson sur les transports — non pas ce qu'on a mentionné la semaine dernière, des extraits de mémoire, au-delà de 120, ont été présentés à la commission MacPherson — la régie a considéré les recommandations de la commission MacPherson;

Considérant que les subventions — ou ce qu'on appelle communément subsides — du gouvernement canadien que peut recevoir la Canadian Pacific Railway Co. ne sauraient être détournées des fins spécifiques pour lesquelles elles sont octroyées et servir à subventionner les services de la mise en cause; c'est ma compagnie, H. Smith Transport et c'est la régie qui déclare ça;

Considérant que les tarifs de transport de la mise en cause continueront d'être contrôlés par la Régie des transports même si les actions des requérants-vendeurs sont vendues à la requérante-acquéreur ;

Considérant l'introduction à la Chambre des communes le 13 juin 1969 du bill C-207 — qui aujourd'hui est devenu une loi, la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la région d'Atlantique, qui a représenté pour les camionneurs en 1970, d'après l'Association canadienne du camionnage, $15 millions en subsides aux camionneurs; la semaine dernière on disait qu'exclusivement les chemins de fer recevaient des subsides; or, en 1970, ces $15 millions payés aux camionneurs sont à peu près le double de ce que les chemins de fer ont reçu. Je crois que vous admettrez, messieurs, que l'association a bien changé depuis que la résolution a été passé il y a une dizaine d'années;

Considérant que les requérants se sont conformés à toutes les prescriptions de la loi et des ordonnances de la régie concernant le changement de contrôle des services de la mise en cause;

Considérant que les opposantes — l'Association du camionnage et quelques autres membres de l'association — avaient le fardeau de prouver que le changement de contrôle des services de la mise en cause, effectué conformément à la loi et aux ordonnances de la régie, serait contraire à l'intérêt public;

Considérant que les opposantes n'ont pas prouvé que l'approbation de cette transaction nuirait à l'intérêt public;

Pour ces motifs la régie:

Fait droit à la requête des requérants — c'est le 4 juillet 1969, après au-delà de 21 mois de délibérations.

Troisième raison qui, je l'espère, va vous convaincre que les temps ont bien changé depuis que la résolution a été adoptée. La Loi nationale des transports de 1967 décrète une réduction des subsides aux chemins de fer à raison de $14 millions par année de 1967 à 1974, soit $110 millions en 1967 au dernier versement de $12 millions en 1974. Depuis que cette loi a été adoptée, tous les modes de transport peuvent obtenir des subsides au prorata de l'expéditeur qui choisit un mode de transport, ce mode de transport-là recevait des subsides de façon telle que les camionneurs ont reçu au-delà de $15 millions en 1970 pour la région de l'Atlantique.

Quatrièmement, la déclaration de principe de l'Association des manufacturiers canadiens — est un corps assez important — dans une lettre à l'honorable Fernand Lizotte, ministre des Transports, en date du 30 octobre 1968, voir l'annexe b) qui se prononce contre l'adoption des lois qui défendraient aux chemins de fer de s'immiscer dans le transport routier.

Cinquièmement, quelque chose de très récent. Au mois d'avril dernier, à l'occasion de l'assemblée générale annuelle des membres de l'Association du camionnage du Québec un vote secret a été pris à savoir si on devait faire disparaître la restriction dans la charte de l'Association du camionnage qui restreignait, qui empêchait un employé comme moi, indirectement employé d'une compagnie de chemin de fer, d'être administrateur, officier ou représentant officiel de l'association. A la suite du vote secret qui a été pris, 22 contre 19 ont voté pour rayer cette restriction. Je pense bien que les temps ont changé. Il y a quelques années si le même vote avait été pris, j'aurais été le seul, je crois, à voter pour faire disparaître la restriction. Mais là c'est la majorité, 22 contre 19 qui ont voté pour que disparaisse la restriction.

La question de l'intrusion des chemins de fer dans le domaine routier est un vieil épouvantait dont se servent depuis de nombreuses années certains dirigeants d'associations de camionnage pour créer la peur et le désarroi dans les rangs de petits camionneurs et perpétuer leur contrôle sur l'industrie. On semble oublier trop facilement que la technologie du transport a beaucoup évolué et qu'à notre époque les moyens de transport ont plutôt une tendance à s'intégrer. On n'a qu'à étudier le mouvement d'un "container" qui quitte l'Angleterre par bateau. Il est déchargé ici à Québec à l'Anse-au-Foulon pour ensuite voyager jusqu'à Vancouver, partie par chemin de fer, partie par camion, pour se rendre compte que le jour n'est plus à la guerre entre le transport ferroviaire et le transport routier mais qu'un transport efficace, rapide et économique dans l'intérêt du public exige une plus grande coopération entre les différents modes de transport et leur intégration.

Parlant de l'Anse-au-Foulon, le Financial Times du 29 mars 1971 a un article — j'ai une photocopie du journal ici — mentionnant que les Américains sont très inquiets de nos activités. Quand je dis nos activités, il s'agit de nous, Canadiens, dans le transport des "containers"; On mentionne les raisons: "Fewer restrictions" en parlant du Canada, "The Canadian services have also been aided by the absence of a U.S. style complex of regulatory restrictions and stipulations, and by the fact that Canadian railways have their own trucking arms." Plus

bas: "Where a U.S. container movement is to be handled by rail, the container must generally be trucked from the port area to a rail depot some distance away. This leads in many cases to higher transfer charges, a greater incidence of thefts or losses and a good deal of congestion and confusion. In the Canadian ports the transfer from ship to rail or from ship to truck is made directly at dockside with little or no intermediate handling." Au port de New York, en 1969, 35 containers ont été volés.

Jusqu'au mois de septembre 1970, 70 containers ont été volés, c'est un gros morceau.

On termine: "These are all reasons for the rapid growth of U.S. overseas container movements through Canadian ports", y compris l'Anse-au-Foulon. On espère, à l'Anse-au-Foulon, d'ici un an,un an et demi qu'il y aura 100,000 containers dans une année. Une bonne partie de ces containers seront enlevés au port de New York.

And they will be reinforced as more of the specially-designed containerships and terminals come on stream over the next twelve months. As one official puts it: If the Americans are screaming now wait until 1972. I would think they will have a hell of an awakening! C'est vrai avec le service que nous donnons. A Québec, Montréal et dans les ports de l'Atlantique, nous attirons beaucoup du transport par "container" sur la côte d'Atlantique et nous espérons le faire ici à Québec.

En quoi l'intérêt public serait-il menacé par l'intrusion du chemin de fer dans le domaine routier? Déjà trois commissions royales sur le transport ont indiqué qu'il ne va pas à l'encontre de l'intérêt public que les compagnies de chemin de fer se portent "acquéreuses" de services de camionnage. Le mot "acquérueuse", M. Tremblay? Le petit Larousse ne le donne pas mais Harrap's le donne.

UNE VOIX: Quel Tremblay?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Disons que c'est une traduction.

M. SAINT-LAURENT: Je ne l'aime pas mais le Harrap's le donne.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il y a trois Tremblay ici, auquel Tremblay vous...

M. SAINT-LAURENT: Peut-être que l'un dira acquéreur, l'autre dira acquéreuse...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il s'est adressé au meilleur, merci.

UNE VOIX: Alors c'est à moi.

M. SAINT-LAURENT: A la page 153 du rapport de la commission Turgeon, nous lisons ce qui suit. "It would seem that operation of trucks may be an essential and complementary part of railway operation. More especially if you are inchanging conditions". Cela, c'est en 1951, il n'était pas question de "containers" à ce moment-là. A la page 92 du rapport de la commission Gordon, nous lisons ce qui suit, ceci se passe en 1956-57. "In some provinces for example, railway application should substitute more of the carrying services for real services or to provide for coordinated railroad services have been considered on their merits. On others, there is almost a complete prohibition against a rail operated highway service. This type of restriction can only result in inferior service and increase national transportation cost. "For a competitive atmosphere to exist in the transportation industry there should be an opportunity for carriers to extend their activities in a new direction".

Les membres de la commission ajoutent à la page 127: "There would appear to be little doubt that coordination of rail and highway services and even rail-water-road service," tel qu'à l'Anse au Foulon — will become increasingly important over this next few years in the interest of more efficient service, lower costs and the utilization of each carrier to its best advantage."

La commission MacPherson qui a étudié 120 mémoires dont ceux de la province du Québec et ceux de l'Association du camionnage, s'est aussi penchée sur le problème, et à la page 100 de son deuxième volume, les commissaires déclaraient, en décembre 1969:

Je vais passer rapidement — à la page 8, deuxième paragraphe: Nous avons dit qu'avec la liberté d'accès et la possibilité toujours présente du camionnage par l'entreprise privée la structure de l'industrie du camionnage est telle qu'un véritable monopole en matière de prix ne peut persister. La concurrence protégeant ainsi les expéditeurs, le seul autre inconvénient que comporte, pour les chemins de fer, la possession de nombreux établissements de camionnage réside dans le danger qu'une telle situation ferait courir aux camionneurs indépendants.

Ce danger ne peut persister que si l'entreprise dont le chemin de fer est propriétaire se révèle plus efficace que le camionnage indépendant ou privé. On ne doit pas imposer de sanction à l'efficacité. Autrement dit: On ne doit pas pas pénaliser l'efficacité.

Nous réaffirmons aussi que, dans un milieu où les investissements publics servent de plus en plus à la construction des routes, il est normal que ceux qui gèrent les transports cherchent à investir dans les ressources qui leur permettent de se soustraire à la majeure partie des frais.

Cependant, la possession d'établissements de camionnage par les chemins de fer suscite deux recommandations d'ordre politique en rapport avec cette façon de diversifier les moyens de transport. La première concerne les avantages économiques réels que comporte la combinaison des facilités de la route et du rail. La

deuxième recommandation concerne l'éventualité de subventions cachées provenant des recettes ou du revenu des chemins de fer en faveur du camionnage ou vice versa.

La commission devrait être autorisée — et la nouvelle Commission canadienne des transports l'est — à obliger les chemins de fer à tenir une comptabilité strictement distincte à l'égard de leurs opérations dans chaque mode de transport. La section de la détermination des coûts devrait être en mesure, en tout temps, de fournir aux commissaires des renseignements qui indiquent clairement la différence entre les causes imputables à l'exploitation ferroviaire et celles que l'on doit imputer à l'exploitation routière d'un chemin de fer.

Sans aucun doute, cela comportera, au début et périodiquement par la suite, des modifications de la classification uniforme des comptes, pour qu'ils puissent servir à la détermination des coûts et non pas uniquement à la préparation du bilan. Et voici la conclusion importante de la Commission royale d'enquête MacPherson — ce n'est pas un extrait d'un des 120 mémoires: "Etant donné la publicité qui fera suite à la découverte de virements de revenus et l'éventualité de mesures restrictives imposées par la loi ou les règlements, nous ne trouvons aucune raison de limiter l'accès des chemins de fer à tout autre mode de transport. Ce qui s'est passé en d'autres pays, dont les Etats-Unis, l'Europe, où des restrictions analogues étaient en vigueur, ne nous incite guère à recommander de telles mesures pour le Canada." Empruntant les derniers mots cités du rapport MacPherson, j'espère, messieurs les législateurs, que ce qui s'est passé en d'autres pays, où des restrictions analogues étaient en vigueur, ne vous incitera pas à recommander de telles mesures pour le Québec.

Merci, messieurs.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M. Saint-Laurent de l'exposé qu'il a fait. Il a fait un plaidoyer assez convaincant.

Cependant, à la page 5, le porte-parole de Smith Transport fait la déclaration suivante: "La question de l'intrusion des chemins de fer dans le domaine routier est un vieil épouvantait dont se servent, depuis de nombreuses années, certains des dirigeants d'associations de camionnage pour créer la peur et le désarroi dans les rangs des petits camionneurs et perpétuer leur contrôle sur l'industrie."

Voilà une déclaration évidemment assez percutante et j'aimerais, M. Saint-Laurent, que vous explicitiez cette déclaration en donnant, autant que possible, des faits à l'appui lorsque vous parlez de perpétuer un contrôle sur l'industrie, de jeter le désarroi dans les rangs des petits camionneurs, etc.

M. SAINT-LAURENT: M. Tremblay, je suis dans le camionnage depuis le mois de septembre 1968, près de quatre ans. Et, parce que j'étais employé indirectement par une compagnie de chemins de fer, ça été difficile de me faire accepter. Je crois qu'aujourd'hui j'ai de bons amis, des gens qui, objectivement, considèrent l'avancement, le progrès du camionnage dans le Québec et m'acceptent comme étant un de ceux qui veulent aider à l'avancement de l'industrie du camionnage dans le Québec, objectivement, et non comme employé indirect du chemin de fer.

A chaque occasion où je semblais faire du progrès, certains dirigeants réussissaient à jeter une douche d'eau froide et revenaient toujours en disant: Faites attention, les chemins de fer vont vous étouffer! Le 17 avril, le jour où le vote a été pris — je l'ai mentionné tout à l'heure — M. Yvon Thibeault de Québec, administrateur de l'Association du camionnage, à la réception donnée par le gouvernement de la province de Québec — lorsque je suis entré dans la salle, mon épouse connaissait son épouse, elles ont causé ensemble — m'a dit: M. Saint-Laurent, je suis content que ce soit fini, cette affaire-là. Il dit : Vous ne pouvez pas me blâmer de craindre que les chemins de fer veuillent m'étouffer.

Ma réponse a été: Je ne puis pas vous blâmer, M. Thibeault, d'avoir cette crainte-là, mais je ne crois pas que votre crainte soit justifiée. Si jamais — et je suis content que vous me donniez l'occasion de le déclarer publiquement — si jamais, M. Thibeault, un chemin de fer, quel qu'il soit, vous donne l'impression par ses agissements de vouloir vous étouffer et de vous écraser, faites-le-moi savoir et je serai avec vous pour me battre contre les chemins de fer et les officiers de ma compagnie seront avec moi également pour se battre avec M. Thibeault et d'autres camionneurs du Québec qui se sentiront étouffés par les chemins de fer.

Nous sommes dans le camionnage — quand je dis nous, c'est le système de transport Smith — depuis 1958. C'est bien beau de faire des déclarations, comme on en a fait ici la semaine dernière, mais le danger de l'intrusion des chemins de fer est là. Mais est-ce qu'on donne des cas précis, est-ce qu'on dit que H. Smith Transport ou Smith Transport a été condamnée devant la régie pour avoir enfreint des lois ou des règlements ou couper des taux? On semble dire que nous sommes une compagnie modèle. Mais, par contre, si on revient tout le temps à la charge, comme on est revenu à la charge ici la semaine dernière, et qu'on demande des restrictions contre les chemins de fer et qu'on cite des extraits de mémoire au lieu de citer les conclusions des mémoires, est-ce que ce n'est pas dans le but de semer la crainte, la peur et le désarroi chez le petit camionneur? Je ne dirai pas que c'est malhonnête, mais ce n'est peut-être pas aussi honnête que de citer les faits. Je mentionne une étude sérieuse qui a été

faite par la Régie des tranpsorts en 1968 et 1969, et malgré cette décision, il y a eu, après cette décision, une période où certains dirigeants d'associations ne se servaient pas d'arguments vieux de dix ans. Mais c'est revenu à la surface dernièrement et à ma grande surprise, c'est revenu à la surface à l'occasion du bill 23. On demande de mettre la prohibition dans la loi, quand aux Etats-Unis c'est en train de changer, qu'on le veuille ou non.

Je cite le Business Week du 2 novembre 1968, avant l'élection où Nixon a été élu. "That's the view from the top of the two-year old Transportation Department" — qui a été fondé ou formé par M. Johnson aux Etats-Unis — "as expressed by Assistant-Secretary for Policy Development, Mr. Cecil Mackey". He adds: "What is needed now and what, in my view, any incoming administration" — deux jours avant les élections — "should undertake is a comprehensive review of our entire scheme of transportation regulation." Plus loin, M. Mackey dit: "He would also have Congress loosen restrictions on common ownership of different forms of transportation opening up possible efficiencies through such now-forbidden intermodal mergers as a railroad with an airline or trucker." Et si aujourd'hui on avait cela aux Etats-Unis la liberté pour le chemin de fer et pour le camionnage, de travailler étroitement et qu'une compagnie puisse être possédée par l'autre, il n'y aurait pas le danger qui existe aujourd'hui pour les Américains de voir soustraire de leur ports des "containers" pour s'en venir à l'Anse-au-Foulon, à Montréal et dans les ports de l'Atlantique.

On déclare, malgré ces choses-là, qu'aux Etats-Unis c'est encore ferme. Après tout, la restriction qu'on vous demande de mettre dans la loi est basée sur une résolution à l'annexe A que je vous ai soumise. On dit que l'American Trucking Association y est fermement opposée. Oui. Elle y a été fermement opposée mais, le 25 février 1970, l'Interstate Commerce Commission a renversé sa décision de 1963 et a accordé au Canadien National le droit d'acheter Husband International

Malgré cela encore, chez le petit camionneur de la Gaspésie ou d'ailleurs qui n'est pas au courant de ces développements, il y a certaines personnes qui semblent parler ex cathedra dans l'Association du camionnage, parce que si ce sont ces gens qui déclarent telle chose, cela doit être vrai. Malheureusement, cela m'a pris presque un an à assister aux réunions de l'Association du camionnage, parce que je croyais moi-même qu'on parlait en connaissance de cause. Il est venu un temps où c'était plus dur, je ne pouvais plus résister et j'ai commencé à lever ma main et dire: Est-ce que ce n'est pas plutôt telle chose que telle chose? Là, on me le notait. A la sortie de la convention annuelle de 1969 à l'hôtel Bonaventure, à Montréal, un administrateur actuel de l'Association du camionnage est venu me trouver. Je préférerais ne pas donner son nom, mais si M. Tremblay ou qui que ce soit le désire, je le donnerai. Il m'a dit: M. Saint-Laurent, nous sommes tellement contents. Depuis que vous êtes ici vous posez des questions, vous rétablissez des faits. Avant cela nous n'avions qu'un côté de la médaille. Je suis sûr que des législateurs ici n'ont eu dans le passé qu'un côté de la médaille sur la situation qu'on appelle l'instrusion des chemins de fer dans le camionnage. Je me suis efforcé ce matin, et j'espère avoir réussi, à vous donner une partie du moins de l'autre côté de la médaille.

Je suis prêt à répondre toute la journée si on veut me poser des questions. Je ne suis pas un expert en camionnage, je n'ai que trois ans et demi d'expérience. J'ai une certaine expérience dans la pratique du droit pendant 25 ans ici à Québec. Dans les affaires, j'ai été mêlé aux petites et aux grosses affaires. Ce n'est pas juste de dire que je vous défierais, mais vous pourriez vous renseigner, si jamais on a pris Jean-Paul Saint-Laurent à mentir. Si vous voulez me poser des questions, je vous répondrai au meilleur de ma connaissance. Je pourrai me tromper, mais ce sera honnêtement, mes réponses seront honnêtes. J'aimerais bien que certains dirigeants de l'Association du camionnage prennent toujours la même position. Qu'ils n'aient pas d'abstractions, qu'ils ne gardent pas de choses derrière la tête quand ils répondent. Qu'ils ne donnent pas de réponses évasives. Ainsi la peur et le désarroi chez certains petits camionneurs n'existeront plus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M. Saint-Laurent des explications qu'il vient de nous donner. Il est évident que la plaidoirie qu'il a faite nous a apporté des renseignements que nous n'avions pas. Il reste toutefois que l'Association du camionnage du Québec maintient son objection en demandant qu'aucun moyen de transport terrestre concurrenciel ne puisse obtenir un permis de transport par camions, etc. Nous pouvons normalement conclure que l'Association du camionnage du Québec a des raisons formelles de s'opposer encore aujourd'hui, en dépit du changement de climat, des changements technologiques, des changements dans le système d'administration qu'a évoqués tout à l'heure M. Saint-Laurent. Nous avons entendu l'autre jour le procureur de l'Association du camionage du Québec nous parler du problème de la concurrence des chemins de fer. Est-ce qu'il y a ce matin un représentant de l'Association du camionnage du Québec, parce que l'audition a été l'autre jour assez brève? Nous aimerions, et je crois que cela irait dans le sens des intérêts de la commission, connaître l'avis du représentant de l'Association du camionnage du Québec, afin de comparer, si je puis dire, les versions: celle de M. Saint-Laurent et celle que nous avons entendue l'autre jour.

M. BILODEAU: M. le Président, c'est moi qui représentais l'Association l'autre jour...

M. LE PRESIDENT: Un instant, Me Bilodeau. Je vous accorde le droit de parole, mais je voudrais que vous soyez bref parce que vous avez quand même eu presque une heure la semaine dernière...

M. BILODEAU: Oui, oui.

M. BERTRAND: C'est important.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous le permettez, lorsque M. Bilodeau a témoigné l'autre jour nous étions à la fin d'une séance et nous avions déclaré que nous nous réservions le droit de l'interroger longuement sur les propositions qu'il avait soumises.

Il est ici ce matin et, étant donné l'importance du sujet que nous avons à examiner, je crois que nous devrons prendre tout le temps nécessaire pour entendre Me Bilodeau.

M. BILODEAU: Je vous remercie, M. Tremblay. Sur cette question qui a été soulevée tantôt par Me Saint-Laurent, il y a certains points du domaine juridique. Par exemple, lorsque Me Saint-Laurent invoque un vote de 22 à 19 en faveur de modifications de règlements internes de notre association qui exclut les gens qui appartiennent à des entreprises de chemin de fer, il faut bien remarquer que ce vote, s'il a été de 22 à 19, n'a pas quand même modifié notre réglementation. Nos règlements exigent une majorité des deux tiers pour modifier un tel règlement de sorte que ce règlement, qui existait autrefois, continue d'exister.

Me Saint-Laurent a évoqué certaines conversations, certains faits à l'égard de certains dirigeants de notre association, auxquels je n'ai pas évidemment été présent. Sur ce point, M. Archambault, qui vit auprès de l'association depuis presque sa fondation, serait mieux qualifié que moi pour vous donner les éclaircissements requis. Et c'est pourquoi, brièvement, M. Archambault vous dira ce qui en est de ces faits-là.

M. BERTRAND: M. Bilodeau... M. BILODEAU: Oui, M. Bertrand.

M. BERTRAND: ... avant cela, M. Tremblay a soulevé un principe. Vous dites qu'il ne doit pas y avoir d'intrusion des compagnies de transport terrestre, prenons l'exemple des chemins de fer, dans le domaine du transport par camion. Il y a là un principe. Vous savez, comme conseiller juridique, que lorsque l'association met dans son mémoire un tel principe, elle doit l'appuyer sur certains critères, sur des faits. Ce sont ces critères que M. Tremblay et nous, membres de la commission, voudrions connaître.

Est-ce que, comme conseiller juridique, vous êtes en mesure de nous donner les raisons qui militeraient en faveur du maintien d'un tel principe, contre lequel Me Saint-Laurent a plaidé en apportant d'abord des opinions valables et ensuite des faits en vue de détruire, a-t-il dit dans son mémoire, un mythe? Nous voudrions savoir s'il s'agit d'un mythe ou d'une situation réelle. Etes-vous autorisé par l'association à répondre d'abord sur ce problème-là? Les conversations que M. Saint-Laurent a pu avoir avec X, Y, Z ont été rappelées d'ailleurs tantôt, en réponse à M. Tremblay, pour parler d'un climat.

Le climat ne nous intéresse pas. Il a pu faire partie d'un mythe ou d'un contre-mythe, peu importe. Ce qui nous intéresse, ce sont les faits. Etes-vous en mesure de dire, en vous basant sur des faits, qu'il y aurait là une concurrence déloyale, que l'argent du gouvernement fédéral, que ses subventions versées aux chemins de fer pourraient servir indirectement à subventionner l'industrie du camionnage, propriété directe ou indirecte du Pacifique Canadien ou du Canadien National? C'est ça qui nous intéresse.

M. BILODEAU: D'abord, je dois dire que la position de l'association demeure la même malgré cette résolution que Me Saint-Laurent a mentionnée tantôt. Cette résolution n'a jamais été rescindée, au contraire, elle a été renouvelée en 1969 ou 1970 lors d'une assemblée de l'association. Le principe demeure le même, on s'oppose toujours à l'intrusion des chemins de fer.

Et pourquoi? D'abord, la raison principale est que les subsides versés par le fédéral aux compagnies de chemins de fer, vont indirectement à leurs compagnies de camionnage. Lorsque M. Saint-Laurent parle de $15 millions versés aux provinces globalement par le fédéral, pour les compagnies de transport, indiquant les compagnies de transport par camion, il faut bien remarquer et retenir que ces $15 millions n'étaient versés qu'aux provinces de l'Atlantique, c'est-à-dire les provinces à l'est du Québec, et que le Québec n'en jouissait pas, de sorte que nos camionneurs à nous n'en ont pas joui.

Dans les faits, M. le chef de l'Opposition, nous savons que dans le transport de "containers" ou dans d'autres transports qui sont donnés par les compagnies de chemins de fer à leur propre compagnie de transport par camion, il y a des taux préférentiels. Par exemple, un camionneur aura à payer $20 pour faire un transport de "container" alors que ces $20 ne sont pas exigés de la compagnie de chemin de fer à son autre compagnie qui fait du transport par camion.

C'est là que nous disons qu'il y a discrimination. Evidemment, le fait qu'une compagnie qui fait également du transport par chemin de fer soit subventionnée et ainsi entre dans le champ de compagnies qui, elles, ne le sont pas, cela crée des disparités. Nos gens n'ont pas les mêmes facilités de financement que les compa-

gnies de chemin de fer. Ce sont ces raisons-là qui ont motivé depuis très longtemps la position de notre association. Elle continue de se maintenir.

Maintenant, M. Saint-Laurent a mentionné tantôt qu'on n'avait rien à reprocher aux compagnies de chemins de fer. Nous avons dans notre dossier une lettre en date du 23 février 1970 nous informant que le 14 février 1970, une plainte a été portée contre Canadian Pacific Express pour transport de "containers" sans permis. Effectivement, cette plainte-là a été entendue devant la cour des Sessions de la paix, de Montréal et la compagnie Canadian Pacific Express a été condamnée. Je n'en fais pas un argument de premier plan. Nous avons nous aussi des membres qui sont condamnés.

M. BERTRAND: M. Bilodeau voulez-vous nous expliquer — nous ne sommes pas des experts en transport — quand nous voyons, le long de la route 20, un train chargé de "containers", c'est transporté par wagons, c'est le chemin de fer. C'est ça?

M. BILODEAU: C'est ça.

M. BERTRAND: Vous dites que le chemin de fer reçoit une subvention. Quand il transporte ces "containers" de tel endroit, de Montréal à Québec, il est subventionné pour ça. C'est ça?

M. BILODEAU: Oui.

M. BERTRAND: Quand cela arrive à une gare de triage où les "containers" sont tirés du train et raccrochés à une remorque, aux camions, à ce moment-là il faut un permis. A quel moment faut-il un permis aux chemins de fer pour transporter les "containers"?

M. BILODEAU: Un permis de camionnage? M. BERTRAND: Oui.

M. BILODEAU: C'est au moment où le "container" quitte soit le rail ou le dispositif et embarque sur un camion.

M. BERTRAND: Par exemple, à Québec ici, par bateau, on débarque des "containers". Là où le "container" est accroché à un camion il faut un permis.

M. BILODEAU: C'est ça.

M. BERTRAND: Cela part de là.

M. BILODEAU: Cela part de là.

M. BERTRAND: Jusque là c'est le chemin de fer...

M. BILODEAU: C'est ça.

M. BERTRAND: ...qui a joui de subventions...

M. BILODEAU: C'est ça.

M. BERTRAND: ...pour transporter les "containers".

M. BILODEAU: Nous disons que, si c'est une compagnie parente ou associée d'une compagnie de chemins de fer qui continue à faire le transport du "container" par la route, par le camion, cette compagnie-là est privilégiée par rapport à nous.

M. BERTRAND: Est-ce que n'importe quelle compagnie... Je sais que ça existe mais je voudrais le faire confirmer, les "containers" débarquent ici à l'Anse-au-Foulon et cela s'en va, disons, à Chicoutimi. Les compagnies de Chicoutimi peuvent aller?

M. BILODEAU: Peuvent aller, peuvent obtenir un permis. Il y a des compagnies, je ne dirai pas que ce sont exclusivement les compagnies parentes des compagnies de chemins de fer qui détiennent les permis de transport de "containers" il y en a d'autres. Nous avons nos membres qui transportent des "containers". Il y a des sympathies.

M. BERTRAND: Vous craignez une concurrence déloyale vu le contrôle que la compagnie de chemins de fer exerce.

M. BILODEAU: C'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bilodeau, dans le cas de la société H. Smith Transport, que représente ici M. Saint-Laurent, est-ce que vous croyez qu'une entreprise de la nature de celle-là est, par rapport à vous, dans une situation favorable, qu'elle est, par rapport à vous, dans une situation de concurrence qui vous défavorise?

M. BILODEAU: C'est-à-dire que Smith Transport, étant une filiale d'une compagnie de chemin de fer, jouit des privilèges que j'ai mentionnés tantôt, elle reçoit des subventions de sa mère, si on veut, qui est le CP Railway. Autrement dit, Smith Transport est issue d'une mère beaucoup mieux nantie que les mères de nos camionneurs ordinaires. C'étaient les riches.

M. BERTRAND: Le CP devient une belle-mère pour vous!

M. BILODEAU: A peu près.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Smith Transport, ce sont des gosses de riches pour vous.

M. BILODEAU: A peu près, c'est ce qu'on pense.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bilodeau, je ne sais pas si c'est vous qui pouvez répondre à cela, mais M. Saint-Laurent a prononcé une phrase, dont j'ai dit qu'elle était percutante, disant qu'on entretient un épouvantail, qu'on se sert d'un épouvantail et que certains dirigeants d'associations de camionnage créent la peur et le désarroi dans les rangs des petits camionneurs et perpétuent leur contrôle sur l'industrie. Que vous en semble de cette affirmation de Me Saint-Laurent?

M. BILODEAU: Je préférerais que ce soit M. Archambault qui réponde à cette remarque. Si vous m'y autorisez je lui céderai la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord!

M. LE PRESIDENT: Me Bilodeau, le député de Frontenac a une question à vous poser.

M. LATULIPPE: A combien évaluez-vous en tonnage-mille le taux de "containers" transportés sur les routes de la province par les filiales des chemins de fer avec la contrepartie de vos membres?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que M. Bilodeau réponde, est-ce que le député qui vient de parler pourrait s'exprimer plus fort afin qu'on n'ait pas l'impression que c'est un soliloque.

M. LE PRESIDENT: Voudriez-vous parler devant le micro.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous voulons bien jouir de ses lumières.

M. LATULIPPE: J'aurais aimé savoir quelle proportion du tonnage était transportée par les filiales des sociétés de chemins de fer en regard de la proportion de leurs membres?

M. BILODEAU: Je ne saurais pas vous le dire. C'est très complexe à analyser. Je ne sais pas si quelqu'un a des...

M. LATULIPPE: Je ne parle que des "containers".

M. BILODEAU: Je regrette, le transport par "containers" est relativement récent et je ne pense pas que les statistiques puissent être faites actuellement dans ce domaine.

M. BERTRAND: M. Saint-Laurent peut peut-être nous les donner.

M. BILODEAU: Ils sont mieux organisés que nous.

M. SAINT-LAURENT: Merci, M. Bertrand. Si vous me permettez, j'ai pris des notes sur quelques points. En lisant mon mémoire je n'ai pas déclaré que le règlement de la charte avait été amendé. J'ai tout simplement dit qu'un vote secret avait été pris et que c'était pour donner l'atmosphère qui existait à ce moment-là. Je reconnais qu'il fait les deux tiers.

M. BERTRAND: Vous êtes sur le perron de la porte.

M. SAINT-LAURENT: M. Tremblay, je m'excuse d'avoir employé l'expression "épouvantail" j'aurais dû employer l'expression de M. Bertrand, "mythe", au lieu "d'épouvantail." C'est ce que j'avais à l'idée mais j'ai été obligé de faire ça pas mal rapidement. J'ai été pris au dépourvu et ma secrétaire avait congé vendredi, certaines compagnies ont donné un congé vendredi dernier et j'ai travaillé toute la fin de semaine.

M. BERTRAND: Il n'y a pas de problème. Cela a été bien accueilli. Je pense que l'autre partie peut répondre.

M. SAINT-LAURENT: Le financement: pas un sou pour Smith Transport ou H. Smith Transport du Pacifique Canadien, notre propre financement se fait à la banque. Les subventions: Quand on dit que ce sont seulement les provinces de l'Atlantique qui en ont eu et que les camionneurs du Québec n'en n'ont pas profité, je m'excuse, mais c'est faux. Des subventions sont données à l'est de Lévis, dans la province de Québec. Nombre de camionneurs du Québec et une des compagnies du système de transport Smith, Smith Maritime ont reçu comme camionneurs, une partie de ces $15 millions. Il y a d'autres camionneurs du Québec qui en ont reçu.

Je n'ai pas dit qu'on n'a pas de reproches à adresser au Pacifique Canadien. Je parle de ma compagnie, compagnie à charte provinciale qui opère exclusivement dans le Québec. Est-ce qu'on a à nous adresser des reproches comme camionneurs? Moi-même, comme camionneur j'aurais des reproches à adresser au Pacifique Canadien et au Canadien National. On m'a posé la question, lorsque j'ai présenté un mémoire au nom de ma compagnie à la commission Gendron à Montréal, sur les relations entre Pacifique Canadien et Smith Transport laissant entendre, de bonne foi, que c'était la compagnie-mère qui décidait tout.

J'ai répondu que c'était complètement séparé et que ma compagnie était en concurrence avec CP Rail et Canadien National pour le trafic qui est susceptible d'être enlevé aux chemins de fer pour aller aux camions. Si H. Smith n'y est pas, M. Gosselin, M. Laplante seront là pour prendre ce trafic-là qui est susceptible d'être enlevé aux chemins de fer. Moi, je suis là pour concurrencer le chemin de fer.

Je crois que vous comprendrez que c'est normal et que, si je ne me bats pas pour avoir du trafic des chemins de fer CN et CP, mes

confrères du camionnage seront là pour essayer d'en avoir. Je souhaite qu'ils en enlèvent le plus possible et, d'ici quelques années — moins de cinq ans — il est possible que les revenus des filiales des chemins de fer soient plus importants que les revenus tirés du rail.

Quand je dis d'ici quelques années, je parle de moins de cinq ans. Nous avons évolué, heureusement, plus que les Américains. Les Américains ont eu une faillite, Le Penn Central, qui est désastreuse pour l'économie américaine et ça s'est réflété sur l'économie canadienne. Et d'autres faillites de chemins de fer aux Etats-Unis sont en voie de se produire si on ne permet pas aux compagnies de chemins de fer, qui sont des compagnies de transport... Anciennement, elles étaient exclusivement des compagnies de chemins de fer, aujourd'hui le Pacifique Canadien est une compagnie qui vend du transport, elle veut le vendre par oléoduc, pipe-line, camion, avion, bateau, par chemin de fer.

C'est la seule et la plus grosse compagnie au monde avec siège social à Montréal dans la province de Québec. Pourquoi cet acharnement à nous combattre? On ne combat pas l'intrusion des grosses compagnies monopolisatrices américaines qui s'en viennent, comme il y a quelques mois, et qui n'avaient absolument rien à faire dans le transport, c'était une "holding Company". Ses premiers efforts ou essais dans le transport étaient l'achat de compagnies: Central Truckline, Dumont Express et Boyds.

On ne s'est pas opposé, j'ai même attiré l'attention de certains régisseurs: Messieurs, soyez prudents. Informez-vous qui est en arrière de KDI aux Etats-Unis et on pourra questionner les régisseurs objectivement. Je leur ai dit: C'est mauvais pour l'industrie du camionnage du Québec, si quelque chose va mal à la suite de cette transaction impliquant trois bonnes compagnies du Québec: Central Truckline, Dumont Express et Boyds.

La réponse qu'un des régisseurs m'a faite... Pas d'inquiétude, KDI est une "holding" américaine qui est contrôlée par des ingénieurs. Ce ne sont pas tous les ingénieurs, pas tous les avocats, tous les médecins qui sont parfaits. Ce qui est arrivé quelques mois après, c'est que KDI n'a pas eu les ressources pour payer.

Heureusement qu'elle a pu continuer et former un "merger" entre les trois compagnies et se faire financer par une banque du Québec pour continuer les opérations.

Quand on dit — la question de M. Bertrand — que des "containers" qui vont voyager de Québec à Montréal...

M. BERTRAND: C'est un exemple.

M. SAINT-LAURENT: ...ça vient des provinces de l'Atlantique, c'est le CNR, parce que le CPR est du côté nord.

Pas un sou de subsides pour le transport de ces "containers", subsides tels qu'on l'entend et qui disparaissent en 1974. J'ai ici le montant de $110 millions que je mentionnais dans mon mémoire qui est fait des subsides suivants. Là encore, malheureusement, je n'ai que ça en anglais. Il y a ce qu'on appelle le Bridge Subsidy entre Sudbury et Fort William où le gouvernement canadien a forcé les compagnies de chemins de fer à entretenir les voies de transport vers l'Ouest: un subside de $7 millions. Le Freight Rate Reduction Act, un montant de $20 millions et ça "produce a diminution in gross freight revenue of $20 millions. Thereby, effective August 1st, 1959, the rate increase of 17 p.c. qui avait été accordé par le Bureau des commissaires du transport à Ottawa, l'ancien Board of Transport Commissioners — une augmentation — après avoir prouvé — les compagnies de chemins de fer — qu'elles avaient besoin de cela pour payer les dépenses. Le gouvernement dit: Non, on vous dit que vous pouvez charger, vous ne devez pas le charger. Cela se chiffrait à un montant de $20 millions.

Alors, le gouvernement a dit: Vous n'augmenterez pas vos taux pour récupérer le montant que vous avez le droit de charger. On vous empêche de le charger. Nous, gouvernement canadien, par le fonds consolidé, on va vous le payer. Cela ne sert pas pour transporter les "containers" entre Québec et Montréal. "Interim MacPherson payments — à l'occasion de l'enquête royale MacPherson — "that the railways were burden by obligations to operate on economic branch lines". Opérer à déficit. "Operate on economic passengers service". Opérer à déficit. "Carry grain and grain products to export positions in Western Canada closeness and relative rates." Un montant de $20 millions où on obligeait les compagnies de chemins de fer, soit CN ou CP, à faire du transport et on lui disait: On reconnaît que vous perdez $50 millions quand vous le faites aux taux qu'on vous dicte. Alors, on vous donne de l'argent provenant du fonds consolidé. Nous, nous croyons que c'est dans l'intérêt du public canadien que les taux ne soient pas augmentés. On vous donne $50 millions.

Nous sommes rendus là à $77 millions.

Le "Wage Settlement". Vous vous souvenez qu'en 1964, lorsqu'on a imposé, à l'encontre des recommandations... Le Monroe Conciliation Board avait recommandé une augmentation, si ma mémoire est bonne, de 20 p.c. et on disait: Vous ne pouvez pas récupérer ce montant-là et vous êtes obligés de payer cette augmentation. C'est-à-dire qu'elle a été imposée par le gouvernement canadien et ça représentait un montant de $30 millions. Le gouvernement canadien, du fonds consolidé, a cru encore que c'était dans l'intérêt des contribuables canadiens qu'il n'y ait pas d'augmentation due aux augmentations de salaires. On les forçait à maintenir les taux...

M. BERTRAND: Les compagnies, à ce moment-là, maintiennent un taux admis mais elles reçoivent — ce que vous dites — une subvention

du gouvernement canadien, payée à même le fonds consolidé. Alors, à ce moment-là, je ne suis pas contre ça parce qu'il faut apporter de l'aide, si on veut maintenir les taux à un niveau raisonnable. Mais il y a quand même une aide qui est accordée par le gouvernement canadien.

M. SAINT-LAURENT: M. Bertrand, dans le cas de passagers, ce n'est que 80 p.c. du déficit qui est accordé en subsides. Il y a une perte de 20 p.c.

M. BERTRAND: Du côté du CN, ça n'est jamais un grand problème parce que le CN, étant une compagnie de la couronne, un jour ou l'autre le gouvernement canadien est appelé à aider le CN.

Si vous dites 80 p.c, l'autre tranche de 20 p.c. peut être accumulée, pendant quatre ans et cela fera une autre tranche de 80 p.c. qui sera payée. Le CN, c'est entendu, n'a jamais fait, ne fait pas et ne fera probablement pas faillite, parce que c'est une entreprise gouvernementale. Du côté du Pacifique Canadien, il y a peut-être un problème, malgré qu'à ce moment-là une compagnie, quelle qu'elle soit, qui se verrait acculée à un problème financier grave irait à ce moment demander l'augmentation de ses taux. Si la Commission des Transports refusait, je suis convaincu, étant donné que l'intérêt public serait en jeu, que le gouvernement canadien viendrait, par le truchement d'une subvention, aider à ce moment-là même le Pacifique Canadien.

M. SAINT-LAURENT: Depuis 1967, M. Bertrand, tous les modes de transport sont subventionnés sur la même base.

M. BERTRAND: Oui, mais alors...

M. SAINT-LAURENT: Avant 1967, c'étaient exclusivement les chemins de fer. C'est pour ça que je dis que la situation a bien changé depuis la résolution originale. Lisez la résolution qui a été modifiée en 1969. Mon confrère, M. Thibodeau, disait tout à l'heure: Tous les considérants n'ont plus de valeur aujourd'hui. Vous demandiez des trêves, des justifications pour la demande que vous faites M. Thibodeau a répondu que M. Archambault en donnerait et j'espère...

M. BERTRAND: Nous allons l'entendre.

M. SAINT-LAURENT: Les faits que j'ai cités touchent de près ou de loin chaque considérant de la résolution. On parlait de Smith Transport. J'ai présenté à l'Association du camionnage le 20 février 1968, au comité exécutif de l'Association du camionnage, au restaurant Sambo, un mémoire. Depuis l'acquisition de Smith Transport par le Pacifique Canadien, en aucun temps, Smith Transport n'a reçu de subsides ou de don de sa compagnie- mère, le Pacifique Canadien et elle n'a nullement l'intention d'en obtenir dans l'avenir. Nous opérons "on our own power".

M. BERTRAND: M. Saint-Laurent, nous n'avons ici — je crois parler pour moi et mes collègues — aucun parti pris. Nous voulons les faits. Les faits, c'est tout. Nous ne sommes pas des juges, mais nous serons appelés à voter un projet de loi. Il y a eu un principe, M. Tremblay en a parlé tantôt, nous vous avons entendu, nous aimerions entendre M. Archambault.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac a une question, M. Saint-Laurent.

M. LATULIPPE: J'aurais une question à poser à Me Saint-Laurent. Ne croyez-vous pas, M. Saint-Laurent, étant donné que vous avez déclaré tout à l'heure qu'on ne peut pas imposer de sanction à l'efficacité — que dans les circonstances actuelles, les chemins de fer et leurs filiales ont en fait le monopole de l'efficacité, non pas en termes de taux, mais surtout en termes de qualité de service et de rapidité? Ne croyez-vous pas que, de ce fait, l'industrie du camionnage à long terme ne peut que devenir marginale parce qu'en définitive c'est une certaine forme de chasse gardée qui va se développer de plus en plus, surtout avec le développement des "containers" qui va s'accentuer dans l'avenir?

M. SAINT-LAURENT: Nous vivons dans un système d'entreprise privée. Que ce soit une compagnie comme la mienne, qui est une filiale du Pacifique Canadien, ou que ce soit Asbestos Eastern ou Dumont Express, l'expéditeur recherche le meilleur service au meilleur coût. Je crois que c'est dans votre intérêt et dans l'intérêt de tous les expéditeurs canadiens et québécois, le meilleur service au meilleur coût.

M. LATULIPPE: Est-ce que cela veut dire que vous admettez que vous êtes dans une position privilégée par rapport aux autres?

M. SAINT-LAURENT: Aucunement. Nous avons à nous financer nous-mêmes, H. Smith Transport, Smith Transport de l'Ontario ou Smith Transport des Maritimes. Nous faisons partie d'un groupe. Je crois que les législateurs canadiens ont été sages en permettant cela et la preuve en est là, dans l'article du Financial Times que je vous ai cité.

Dans le moment, nous enlevons du trafic des ports américains, parce que nous avons la liberté d'agir et de donner du service. De l'Anse-au-Foulon, M. Gosselin et M. Laplante, d'Asbestos Eastern font pas mal de transport. On fait très peu de transport, de "containers", nous de la Smith Transport, de l'Anse-au-Foulon. Ce sont les camionneurs du Québec. Nous avons fait une demande à la régie, nous devons être entendus de nouveau à la régie.

Nous voulons être une réserve. Si MM. Laflamme, Dumont, Gosselin n'ont pas d'équipement disponible pour prendre un "container" qui est à l'Anse-au-Foulon et le livrer, il faut que nous le fassions, parce que nous ne pouvons pas entreposer tous les 2,500 containers à l'Anse-au-Foulon. Et si un de nos bateaux — le troisième gros bateau va venir dans le cours de l'été — ne peut pas décharger ses "containers", il va rester entre Québec et Lévis. Cela va nous coûter $5,000 par jour, si nous ne pouvons pas décharger. Il faut que les "containers" dès qu'ils arrivent à l'Anse-au-Foulon, soient expédiés que ce soit par rail ou par camion. C'est de cette façon-là aussi que nous...

M. LE PRESIDENT: Je crois que vous vous éloignez pas mal du principe que vous défendez à l'effet que les compagnies de chemin de fer peuvent avoir la liberté d'acquérir des compagnies de transport routier. Vous êtes rendu sur le principe des "containers" et de la concurrence qui existe entre Smith Transport et toutes les autres compagnies.

M. AUDET: J'aurais une question à poser à M. Saint-Laurent. M. Saint-Laurent, verriez-vous d'un bon oeil la possibilité de l'étatisation du coût du transport, vu que les compagnies du C.N. par exemple, subventionnées par l'Etat...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Il n'est pas question d'étatisation de transport. Il faut se limiter, je pense que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici, M. le Président, une question qui est peut-être simple et complexe en même temps. Nous avons à liquider un problème qui est la loi 23 visant à réaménager le transport au Québec. La question des coûts, des taux, etc., ne fait pas l'objet de notre étude ce matin. Par conséquent, je ne crois pas qu'il soit utile de poursuivre la discussion sur ce problème de l'étatisation des coûts. Cela pourra être suggéré d'une autre façon.

M. AUDET: M. le député de Chicoutimi est en train de juger la question que je posais et elle n'était pas complète.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne jugeais pas de la question, je jugeais de sa pertinence.

M. AUDET: Je demande, M. le Président, de poser ma question.

M. LE PRESIDENT: Posez-la, on verra si elle est raisonnable.

M. AUDET: Vu que le CP. est subventionné par l'Etat et que vous dites que l'entreprise privée, ces années-ci, devient également subventionnée et le sera de plus en plus, ne verriez-vous pas la possibilité que tout le transport soit absorbé ou payé par l'Etat et financé par la fiscalité?

M. SAINT-LAURENT: Non, monsieur.

M. LE PRESIDENT: Cela n'a pas de pertinence avec le projet de loi 23. M. Archambault.

M. ARCHAMBAULT: M. le Président, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de soumettre quelques observations. C'est exact ce que M. Saint-Laurent a dit à savoir qu'au sein de l'Association du camionnage du Québec, nous avons toujours eu une politique d'opposition à l'accès des chemins de fer dans le domaine du transport routier; que vers 1968, quand M. Saint-Laurent est devenu employé du Canadian Pacific Railway, nous avons pensé peut-être de reviser cette politique. Nous nous sommes dit : Peut-être qu'on est vieux jeu et qu'on devrait voir ce qui se passe ailleurs. En 1969, après avoir vu ce qui se passe ailleurs, et surtout ce qui se passe chez nous, nos membres ont décidé, en ensemblée générale spéciale, convoquée particulièrement pour discuter de ce problème, de réitérer notre politique d'opposition à l'accès des chemins de fer dans le domaine du camionnage de longue distance. Et pourquoi? Parce qu'il y a des économistes du CP. et du C.N. qui vont se promener aux Etats-Unis et ailleurs et qui ne se gênent pas pour dire que vers 1980 et 1985: "Almost of transportation will be controlled in Canada by the two major railways". Et nous n'avons pas l'intention de disparaître, même si nous sommes de la petite entreprise privée.

Autre raison, Me St-Laurent parle beaucoup des rapports et des recommandations de la commission royale MacPherson, mais il ne dit pas par exemple qu'une des recommandations de la commission royale MacPherson d'enquête sur les transports était à l'effet que les chemins de fer ne devraient pas donner d'avantages spéciaux et particuliers à leur propre entreprise de camionnage.

Nous savons maintenant, sur la question des "containers" entre autres, que lorsqu'on transporte un "container" vide, et qu'il appartient à une entreprise de camionnage propriétaire de chemins de fer, il n'y a pas de charge. Si c'est le camionneur indépendant, l'entreprise privée, c'est $20. C'est une discrimination et hier j'étais à Ottawa, à l'assemblée annuelle de l'Association canadienne du camionnage, et notre association nationale a l'intention d'intervenir et de faire des représentations.

Encore hier, à l'assemblée nationale du transport routier, à laquelle assistaient des délégués de toutes les provinces du Canada, il a été décidé de s'opposer à l'intrusion du Canadien National dans les provinces Maritimes.

C'est une politique que nous continuons et les raisons principales dans l'intérêt public sont les suivantes: S'il n'y a qu'un mode de transport qui contrôle le rail et la route, vous n'aurez pas cet éperon qui donne le service réellement en matière de transport.

Le camionnage qui a commencé avec les camions frigorifiques, et qui fait transporter des automobiles sur des camions plats, c'est l'entreprise privée du camionnage qui a imaginé tout ça. Le CP et le CN sont venus cinq ou six ans après imaginant qu'ils avaient inventé quelque chose. Mais, au point de vue d'amélioration technique, c'est sous l'éperon de l'entreprise privée que les chemins de fer se sont réveillés. Nous les avons réveillés et le public en a bénéficié.

Deuxièmement, raison très grave, s'il y avait une grève dans les transports, si tous les moyens de transport étaient contrôlés par les mêmes propriétaires, vous auriez l'arrêt complet de l'économie nationale, alors qu'actuellement, s'il y a une grève dans les chemins de fer, les camions continuent de travailler jour et nuit et on réussit à aider le public. Et quand il y a une grève chez les camionneurs, les chemins de fer sont là.

Il est essentiel, je pense, qu'il y ait deux moyens de transport distincts qui se fassent une réelle concurrence et ce sont d'ailleurs les principes énoncés par l'Union internationale de transport routier de Genève à laquelle nous appartenons.

On parle des "containers", on leur attache beaucoup d'importance. Les chemins de fer actuellement essaient, par tous les moyens possibles, de s'emparer du contrôle des "containers". Les "containers" — les experts vous le diront — vont disparaître dans sept ou huit ans. Ce qui s'en vient, c'est une nouvelle construction de bateaux avec entrée à l'arrière, sortie à l'avant, le camion va entrer directement dans le bateau, décharger sur place, sortir de l'autre côté, on évite une manutention au port d'embarquement, une manutention au port de débarquement et l'utilisation de hangars des deux côtés. C'est actuellement en pratique en France, à Marseille et, aux Etats-Unis, c'est commencé depuis cinq ou six mois. Les experts vous diront qu'éventuellement le "container" va disparaître, qu'il est trop dispendieux et qu'il exige trop de spécialisation.

Au sujet des subsides, on n'a qu'à lire le rapport du Pacifique Canadien. Ils ont reçu l'an dernier $27,400,000. Quant au CN — vous connaissez les chiffres, ils sont rendus publics assez régulièrement — c'est un gouffre sans fin. M. Gordon Taylor, le ministre de la Voirie de l'Alberta disait que le CN, c'était un dinosaure sans cervelle. Il y a des années, plus il faisait de l'argent, plus il en perdait. Et vous avez le cas de Midland Superior Express, qui est une entreprise acquise par le Canadien National Railways, et qui, à un moment donné, a voulu acheter des semi-remorques. Ils ont eu un prêt de $1 million du CN, sans intérêt. Pensez-vous que l'entreprise privée du camionnage puisse avoir les mêmes avantages? C'est impossible. Il ne faut pas qu'il y ait cette distorsion dans la concurrence.

M. BERTRAND: Je n'ai pas entendu. Vous avez dit: Dix dollars sans cervelle.

M. ARCHAMBAULT: Un dinosaure. C'est Gordon Taylor, le ministre de la Voirie de l'Alberta, qui, en parlant du CN, disait que c'était un dinosaure sans cervelle.

M. BERTRAND: Un dinosaure.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On ne voulait pas qu'il y ait d'allusion aux créditistes.

M. ARCHAMBAULT: Un autre point important, M. le Président, nous avons cité dernièrement, j'ai personnellement cité des chiffres, des faits, des noms qui démontrent que les chemins de fer, avec leur système et la structure de tarif actuelle, ont déplacé et déplacent les industries. Ils ne sont pas étrangers à cette concentration industrielle dans le sud de l'Ontario. Je ne veux pas ici vous ennuyer avec des détails, je pourrai vous en donner. J'ai fait une conférence récemment à un symposium à l'Université de Montréal. J'ai été invité à parler au Canadian Transportation Research Forum et j'ai apporté des faits à ce sujet-là.

Et d'ailleurs, ceci est un peu confirmé par M. Paul Blanchet, le gérant général du département de l'immeuble du CN et cela a paru dans "Business Week" du 12 avril 1969.

Ce monsieur du CN déclarait à l'étranger: "The railroads opened up this country and largely determined where and how cities would grow. We are just continuing that Dominion road today but as developer not transport company." Les chemins de fer, je le répète, ont déplacé les industries en favorisant certaines industries par des tarifs, ce qui s'appelle "agreed charge", des taux convenus parce que le gouvernement de la province de Québec, je l'ai dit, a toujours négligé dans le passé de s'occuper à Ottawa des questions de transport, de la structure tarifaire. La première fois que le gouvernement du Québec a comparu devant une commission royale, c'est devant la commission royale MacPherson et avant ça, devant les commissions Turgeon et les autres, Québec n'était pas là pour s'occuper de ses intérêts. Il est arrivé ce qui est arrivé.

M. le Président, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire à moins qu'on me pose des questions. Je suis moralement convaincu que, dans l'intérêt de ma province, dans l'intérêt de l'industrie du camionnage privé que j'ai l'honneur de représenter depuis des années, les chemins de fer doivent rester dans leur domaine et laisser l'entreprise privée jouer son rôle. C'est mon opinion.

M. AUDET: Vous disiez tout à l'heure que les "containers" seraient voués à la disparition. Comment prévoyez-vous la possibilité de charger des navires avec des camions? Voyez-vous la flotte de camions que cela nécessiterait pour, en un temps record, charger le navire en question?

M. ARSENAULT: Le navire que j'ai vu à l'oeuvre au port de Marseille il y a trois semaines, c'est un immense navire avec une ouverture d'environ 20 pieds à l'arrière. Le camion y entre, décharge des palettes — ils appellent ça des palettes combinées avec des leviers qu'on met à terre — et le camion sort de l'autre côté. Il s'agissait d'y penser.

M. AUDET: Cela prendrait combien de flottes de camions pour charger le navire dans un temps record?

M. ARCHAMBAULT: Vous évitez la manutention aux deux extrémités et vous évitez le remplissage des hangars. Il y a trois mois, cela a commencé au port de New York.

M. BERTRAND: Est-ce qu'il y en a au Japon?

M. ARCHAMBAULT: Les Japonais viennent de commencer aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je les ai vus l'année passée.

M. LE PRESIDENT: Je pense que la discussion prend une tangente qui ne concerne pas du tout le bill 23 ni le problème des acquisitions des compangies de chemins de fer par les compagnies de transport privées. J'aimerais qu'on s'en tienne à ça, sans cela on est ici pour bien longtemps.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté avec grand intérêt ce qu'a dit M. Saint-Laurent et ce que vient de dire M. Archambault. M. Archambault plaide évidemment pour l'Association du camionnage. Je suis porté à lui donner raison compte tenu de ce que l'Association du camionnage a fait dans des régions défavorisées par les chemins de fer comme la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. N'eût été de l'industrie du camionnage privée dans la région chez nous, nous serions encore esclaves — je l'ai dit l'autre jour — d'un vieux chemin de fer préhistorique qui a toutes les caractéristiques d'un parti politique que je ne mentionnerai pas. Je voudrais poser la question suivante. Il ne s'agit pas ici de questions mais de commentaires.

M. LE PRESIDENT: Il faudrait réduire les commentaires autant que possible.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais essayer.

M. LE PRESIDENT: Et les opinions personnelles.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je demande à M. Archambault ceci: Vous maintenez la demande que vous avez faite au sujet de l'article 47 d'exclure le transport. Aucun moyen de transport concurrentiel ne peut obtenir un permis de transport par camion. Vous maintenez cette...

M. ARCHAMBAULT: Ce n'est pas la demande de Camille Archambault, c'est la demande de l'Association par résolution. Je rappelle ce qu'a dit M. Saint-Laurent tout à l'heure. D'ailleurs cette prohibition existe aux Etats-Unis dans les statuts. M. Saint-Laurent a dit: Aux Etats-Unis, on a transféré Smith U.S. au Pacifique Canadien. Il a oublié de vous dire que cela s'est fait indirectement et que la cause est réouverte actuellement. Ils ont passé par un trust au Texas et on ne s'est pas aperçu que c'était un chemin de fer qui était derrière la question. C'est vrai qu'on a transféré un petit bout de permis au CN et après lui avoir refusé pendant des années...

M. SAINT-LAURENT: M. le Président, je m'excuse, est-ce qu'un des législateurs se souvient de ce que M. Archambault vient de déclarer et que moi j'avais déclaré?

M. ARCHAMBAULT: A tout événement...

M. SAINT-LAURENT: Je n'ai jamais parlé de Smith U.S. dans mes commentaires ici ce matin.

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est vrai.

M. ARCHAMBAULT: C'est là que ça devient compliqué. Vous avez Smith U.S., H. Smith, Smith Transport, Smith Holding, et on sait que dans le fond c'est Canadian Pacific Railway. Alors, c'est la même chose.

UNE VOIX: Je vous remercie.

M. BERTRAND: Un instant. M. Archambault, quand on parle de chemins de fer, vous entendez à ce moment-là une compagnie filiale, directement ou indirectement, je ne veux pas mettre de nom là...

M. ARCHAMBAULT: Oui.

M. BERTRAND: ...et quant à les relier indirectement, vous voyez là le prolongement du chemin de fer.

M. ARCHAMBAULT: Exactement.

M. BERTRAND: C'est la situation au Québec à l'heure actuelle. Combien y aurait-il de compagnies à l'heure actuelle au Québec qui,

d'après vous, seraient le prolongement du chemin de fer? Je ne vous demande le nom d'aucune compagnie.

M. ARCHAMBAULT: Vous avez une compagnie, H. Smith Transport, qui est une compagnie québécoise, qui dessert une grande partie de la province de Québec et qui appartient à Canadian Pacific Railways. Vous avez le Canadien National, qui est propriétaire de Midland Superior Express, qui fait du transport entre Montréal et Winnipeg. Vous avez le Canadien National, qui est propriétaire de Husband Transport Limited. Actuellement cela se limite un peu à ça. En Ontario, on a pas été aussi alerte que nous à ce sujet. Il y a quelques mois, le président de Direct Motor Express se plaignait justement que les compagnies de camionnage appartenant aux chemins de fer lui faisaient concurrence sur 74 p.c. de ses routes en Ontario et établissaient des taux discriminatoires spécialement en ce qui concerne l'usage des "containers", le retour des "containers". C'est un peu la situation.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Archambault. La Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Est-ce que vous êtes prêts?

Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal

M. RAYMOND: M. le Président, mon nom est Gaétan Raymond, avocat. Mon intervention de ce matin va porter sur l'article 132 du bill, à la page 33. Avant de toucher à la substance de l'article lui-même, je voudrais attirer votre attention sur une ambiguïté découlant d'une expression employée dans le premier alinéa de l'article 313 et qui existait déjà dans l'ancien texte. On y parle de voyages spéciaux à charte-partie. Disons que c'est une expression qui n'est pas connue dans le domaine du transport puisque suivant l'ordonnance générale 17 de la Régie des transports, on connaît des voyages spéciaux d'une part et des voyages à charte-partie d'autre part, parce qu'il y a une nette distinction entre les deux. Des voyages à charte-partie sont des voyages pour le transport d'un groupe à tant le voyage, peu importe le nombre de passagers, tandis que les voyages spéciaux sont des voyages à tant par tête. Aussi bien l'expression "voyages spéciaux à charte-partie" est-elle une expression absolument nouvelle qui prête à ambiguïté et discussion.

Sans vouloir revenir sur la question du sub judice, je dois vous dire que dans le dossier de Murray Hill et de la Commission de Transport que vous avez en main, c'est une facette qui a été discutée et qui est encore pendante devant le tribunal, à savoir comment interpréter l'expression nouvelle pour tout le monde de voyages spéciaux à charte-partie. Il est possible qu'il se soit agi d'un lapsus en 1970, au chapitre de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, et que ce lapsus ait été répété aujourd'hui. J'en vois l'indication dans le fait que la disposition analogue qui existe dans la Loi de la Communauté urbaine de Québec. On a récemment, par le bill 147, je crois — si je ne me trompe pas sur le numéro — modifié cette disposition analogue de façon à lire l'expression "voyages spéciaux ou à charte-partie".

Pas plus tard qu'hier soir, lorsque la loi concernant la Commission de transports de la ville de Laval a été adoptée, on a adopté une disposition indentique, non pas conforme à l'amendement, mais au texte qui existe présentement et où on emploie l'expression "voyages spéciaux ou à charte-partie".

Dès le départ, je vous suggère que cet article, indépendamment de son mérite que je vais aborder tout à l'heure, soit modifié afin de dissiper cette équivoque embarrassante pour tout le monde et pour qu'on puisse lire "voyages spéciaux ou à charte-partie".

En ce qui concerne la substance même de l'article 132, par l'amendement que l'on veut apporter à la situation qui existait auparavant, je réalise qu'hier soir, lorsque le bill de la ville de Laval a été adopté concernant sa commission de transport, l'article correspondant adopté est un article identique au texte actuel de l'article 313 et non pas conforme à l'amendement que l'on veut insérer par l'article 132.

En d'autres mots, pour la ville de Laval, on veut lui conserver la priorité dans le domaine des voyages spéciaux et des voyages à charte-partie. Je vous dis que, si c'était bon hier soir pour la ville de Laval, pourquoi ne serait-ce pas bon aujourd'hui pour la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal qui possède déjà cette priorité-là en vertu du texte actuel?

Il me semble qu'à ce moment-là, il y a une logique qui n'est pas respectée. Si c'est valable pour Laval, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas valable pour la Commission de transport de Montréal, surtout que la Commission de transport de Montréal a des droits dans ce domaine qu'elle exerce depuis une quinzaine d'années.

Elle a toujours prétendu à la priorité dans le domaine des voyages à charte-partie et cette priorité-là lui a été reconnue par le législateur formellement, dans le texte de 1970. On y disait en toutes lettres qu'aucun permis ne peut être accordé à un transporteur par la Régie des transports pour l'accomplissement de voyages spéciaux à charte-partie par autobus d'un point à un autre, à l'intérieur du territoire de la commission, si le requérant ne produit pas, avec sa demande de permis, le consentement du président directeur général de la commission ou d'un autre commissaire ou fonctionnaire autorisé, à moins que la régie soit d'opinion que la commission n'est pas en mesure de donner le service couvert par la demande.

Donc, le législateur, il y a 18 mois, estimait valable de confirmer à la Commission de

transport la priorité qu'elle avait toujours eue dans le domaine de la charte-partie. Comment se fait-il qu'à peine 18 après le législateur vienne mettre de côté cette priorité qu'il avait reconnue si valable 18 mois auparavant?

Cette question de priorité des droits de la Commission de tranpsort en matière de charte-partie est importante pour elle et pour les contribuables parce que c'est une des sources les plus rentables de revenus pour la Commission de transport. C'est le service qui rapporte le plus et, par exemple, son volume d'affaires moyen annuel en matière de charte-partie est de $800,000 revenu brut, mais le revenu net est de $400,000.

Si on entame ces sources de revenus de la commission, vous allez augmenter le déficit de la commission, au chapitre du transport général, et c'est encore le contribuable qui aura à le supporter. Cette modification de l'article 132 a pour objet ensuite d'assujettir la Commission de transport à un permis de la Régie des transports. C'est le recul le plus considérable que la commission aura subi dans son histoire, puisque jusqu'à aujourd'hui, elle avait non seulement cette priorité mais elle était assujettie aussi à la révision de ses décisions par les mécanismes qui existent dans la Loi de la Communauté urbaine de Montréal. Dorénavant, elle devrait être assujettie à un permis spécial de la Régie des transports.

Comment voulez-vous, en pratique, que la commission soit assurée d'une politique de continuité puisque — je ne veux attaquer personne de ceux qui vont être les membres de la nouvelle Commission de transport mais c'est humain — vous pourrez un jour avoir des personnes qui favoriseront l'entreprise publique mais, le lendemain, vous aurez peut-être des personnes qui favoriseront l'entreprise privée.

Alors, à ce moment-là, je dis qu'il serait illogique de favoriser l'entreprise privée au détriment de l'entreprise publique qui, elle, est véritablement au service du public.

Je sais que des dispositions analogues existent dans le chapitre réservé à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec de même qu'à celle de la régionale de l'Outaouais. Mais il ne faut pas oublier que la situation de Montréal est tout à fait particulière — comme je l'ai dit la semaine dernière — non seulement au Québec mais aussi au Canada. De telle façon que ce principe général devient, pour la Commission de transport, une loi d'exception parce qu'en lui enlevant cette priorité elle va l'exposer à ce que, par ordonnance de la Régie des transports, on gruge tout le domaine qu'elle a déjà occupé et à ce qu'elle réduise ses ressources.

Il ne faut pas oublier que la Commission de transport pour la charte-partie dispose d'une flotte de 550 autobus. Alors disons que toute la flotte d'autobus de la Commission de transport est de plus de 1,800 autobus. Mais, à partir de 8 h 30 du matin, et pour toute la journée jusqu'aux petites heures de la nuit suivante, elle dispose d'une flotte de 550 autobus qu'elle peut réserver uniquement aux voyages à charte-Partie. Il est certainement dans l'intérêt de la commission d'exploiter ce capital et de ne pas le laisser dans les garages.

A l'heure actuelle, non seulement en adoptant l'amendement on l'expose au péril de réduire ses revenus à ce chapitre, mais aussi il y a aura une possibilité de réduction de l'emploi des chauffeurs d'autobus. Là-dessus, le représentant des syndicats vous fera valoir ultérieurement ses représentations.

A l'heure actuelle, avec le chapitre tel qu'il existe présentement et avant l'amendement, cet article comportait tout de même à l'adresse de la Régie des transports la directive de favoriser l'entreprise publique de préférence à l'entreprise privée. Avec l'amendement proposé, évidemment la porte inverse est ouverte et il sera loisible à la Régie des transports de favoriser l'entreprise privée au détriment de l'entreprise publique.

Voici un autre aspect de la question qu'il ne faut pas ignorer. Il faut se demander qui va profiter, qui va tirer profit de l'article tel que rédigé. Je comprends que le législateur a voulu couvrir cet article dans un principe général mais, à Montréal, il y a des aspects locaux qu'on ne peux pas ignorer. Suivant le texte de l'article si général qu'il soit il aura pour conséquence d'enlever la priorité à la Commission de transport et de la transporter à Murray Hill. Je regrette d'avoir à toucher le fond du débat mais, puisqu'on a écarté la question du sub judice, je suis obligé quand même de tenir compte des arguments qui sont plaidés par Murray Hill devant la cour Supérieure.

La position de Murray Hill est la suivante, elle dit ceci: La loi de la Communauté urbaine de Montréal est une loi publique, il est vrai, mais d'intérêt local. Or, suivant les principes jurisprudentiels et de doctrine en matière d'interprétation de statuts, une loi de cette nature ne peut pas affecter les droits acquis.

Murray Hill prétend avoir des droits acquis qui sont antérieurs même à l'existence de la Régie des transports, qui remonte à 1941, alors que Murray Hill est incorporée depuis au moins 1932 et qu'en 1932 l'objet de son incorporation était d'acquérir une entreprise de transport préexistant. Aussi bien, devant le tribunal, ce qu'elle plaide sérieusement, c'est un argument qu'on ne peut pas écarter du revers de la main, même si je plaide le contraire, mais il reste quand même que, devant le tribunal, Murray Hill dit: Je suis dans une position qui me met au-dessus de la loi parce que c'est une loi publique d'intérêt local, donc, cela n'affecte pas les droits acquis. J'ai des droits acquis qui précèdent l'existence de la régie, qui précèdent toutes les lois auxquelles je viens de référer. Si on laisse l'amendement tel que suggéré, Murray Hill aura la priorité du transport à charte-partie en invoquant ses droits acquis.

Même si on dit que l'article assujettira tout transporteur à l'autorisation de la Régie des transports, ne perdez pas de vue le principe qu'il s'agit d'une loi spéciale et que Murray Hill, invoquant la théorie des droits acquis, soulèvera de nouveau le débat qui est actuellement devant la cour Supérieure et que l'amendement va rendre absolument illusoire, en ce qui concerne la Commission de transport. Mais Murray Hill pourra soulever de nouveau cette question devant les tribunaux, et avant que ce soit décidé, peut-être par la cour Suprême, il s'écoulera peut-être cinq ans avant que le sujet soit décidé. Pendant ce temps-là Murray Hill continuera à exploiter tout son commerce de voyage à charte-partie et aura dans les faits une priorité qu'on aura retirée à la commission.

M. LE PRESIDENT: M. Léger.

M. LEGER: Est-ce que vous pourriez affirmer que, si l'article 132 est adopté tel quel, non seulement la commission aurait aussi le choix, la possibilité de faire des transports à charte-partie, mais que cela donnerait pratiquement l'exclusivité à Murray Hill?

M. RAYMOND: C'est exactement ce que je soutiens. Je dis qu'on affirme un principe général pendant que, dans les faits, ce principe général va englober toutes les parties. Mais je vous dis qu'avec les arguments qui sont pendants actuellement devant le tribunal, il y a non pas une probabilité, mais une possibilité sérieuse, vu qu'il s'agit d'une loi publique d'intérêt local, que l'on puisse dire que cela ne touche pas aux droits acquis, et Murray Hill est dans la position où elle plaide les droits acquis, ce qui la mettrait en ce moment au-dessus du ministre, au-dessus du cabinet, au-dessus de la loi actuelle parce que, présentement, devant la cour Supérieure, c'est ce qu'elle plaide. Elle dit: Je suis au-dessus de la Loi de la Régie des transports, je suis au-dessus de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal parce que j'ai des droits acquis antérieurs à l'exixtence de ces deux lois.

M. TREMBLAY (Bourassa): Est-ce que Me Raymond a lu dans le texte de la loi qu'elle va donner priorité — cette loi-là, d'ailleurs, n'est pas rétroactive — à Murray Hill ou à d'autres compagnies, comme Brisebois ou Transport Provincial, etc.? Est-ce qu'il a lu cela dans le bill? Je l'entends, je l'écoute bien attentivement, je l'ai écouté la semaine dernière, je veux bien l'écouter cette semaine, mais est-ce qu'il a lu cela dans le bill? Est-ce que vous avez vu dans le bill qu'on donne priorité à l'un ou à l'autre? Est-ce qu'on a lu dans le bill, par exemple, que la Communauté urbaine de Montréal s'était emparée des compagnies de transport qui faisaient du transport depuis quinze ans, vingt ans ou trente ans, comme le disait ici l'Association du transport, il y a quelques instants? Et que les compagnies de chemins de fer mettent peut-être la main... Est-ce qu'on a lu cela dans le bill ici? Est-ce qu'on a lu qu'on voulait donner une priorité à certaines compagnies de transport?

M. RAYMOND: M. le ministre, j'ai dit que, sous le couvert d'un principe général qui a été rédigé dans le but de couvrir tous les transporteurs, il y a une lacune quand on tient compte de l'aspect particulier de Murray Hill qui plaide un argument de droit sérieux, qui n'a pas encore été décidé par le tribunal, je suis bien d'accord, mais je vous dis...

M. TREMBLAY (Bourassa): A la cour, c'est le juge qui décidera. Ce n'est pas une loi rétroactive. Nous devons parler de l'article 132.

M. RAYMOND: Je ne parle pas de rétroactivité.

M. TREMBLAY (Bourassa): Est-ce que j'ai dit quelque chose dans le but d'enlever la priorité à quelqu'un?

M. RAYMOND: M. le ministre...

M. TREMBLAY (Bourassa): C'est la Communauté urbaine de Montréal qui a pris les biens de l'entreprise privée. Vous devriez parler plutôt de cela.

M. TREMBLAY (Chicotimi): M. le Président, je crois que le ministre devrait comprendre...

M. TREMBLAY (Bourassa): Non, non, qu'on s'en tienne au bill...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, il y a un principe dans le projet de loi, mais les avocats, les praticiens du droit savent très bien tous les arguments que l'on peut tirer de l'interprétation d'un texte de loi. Il est évident que, si le ministre avait déclaré textuellement dans cet article de la loi, qu'on voulait donner priorité à celui-ci ou à celui-là, tout le monde se serait récrié. Mais même si ce n'est pas dit explicitement, il peut paraître, de l'avis des spécialistes du droit, que l'article peut être interprété de telle façon que certaines associations, certaines sociétés de transport revendiquent cette priorité dont parle Me Raymond. Un projet de loi, c'est quelque chose de général. Il y a l'économie générale de la loi, il y a ensuite les applications. Il y aura la réglementation afférente à la loi. Je comprends...

M. TREMBLAY (Bourassa): Il y a la loi de la Communauté urbaine que vous avez mal faite aussi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il n'est pas question de savoir si la loi a été bien faite ou mal faite puisque vous avez repris

les mêmes dispositions dans le texte de loi que nous avons adopté hier soir. Alors, le ministre devrait comprendre que c'est un problème d'ordre juridique. Un texte de loi ne dit pas tout, mais à partir de l'interprétation qu'on peut en faire, on peut arriver aux conclusions données tout à l'heure par Me Raymond.

M. LEGER: M. le Président, j'aimerais ajouter que le ministre n'aime pas les avocasseries, il nous l'a dit souvent, mais c'est quand même la conséquence de l'adoption de l'article 132 tel quel et je voudrais donner le point de vue du Parti québécois là-dessus. Nous avons, derrière cet article 132, deux philosophies qui s'affrontent: La philosophie concernant l'intérêt privé et celle concernant l'intérêt public. En ce qui me concerne, quand les deux arrivent en conflit, je pense que l'intérêt public doit dominer. C'est une des raisons pour lesquelles je pense que la Commission de transport de Montréal, qui est un organisme public, qui vit avec les taxes des contribuables, a droit à une priorité dans le domaine, priorité que la Loi de la Communauté urbaine, en 1970, lui avait donnée, et qui avait été entendue dans l'esprit tout en n'étant pas écrite directement dans la Loi de la Commission de transport de 1951. Je pense donc que cette priorité doit lui être donnée.

Deuxièmement, en plus, la Commission de transport de Montréal a tous les effectifs voulus. En dehors des périodes de pointe, il y a une quantité d'autobus qui sont à la disposition de ce service et qui sont actuellement payés, qui coûtent de l'argent à la Commission de transport et qui pourraient être utilisés sans coût supplémentaire. Ceci veut dire qu'il y a une possibilité de profit dans cette portion d'activité qui pourrait diminuer la portion de taxes, la protion de déficit de la Commission de transports de Montréal. L'année dernière, nous avons eu près de $1 million de services reçus par les transports à charte-partie qui amenaient environ un profit de $400,000. Je pense que si la Commission de transport pouvait faire un profit de $400,000, seulement dans le domaine du transport à charte-partie, ce serait cela de moins que les contribuables de Montréal auraient à payer.

En plus ce dela, il faudrait quand même que le gouvernement provincial ait une certaine cohérence...

M. TREMBLAY (Bourassa): Le député est en train de nous faire un beau discours mais...

M. LEGER: M. le Président, j'ai le droit de donner mon opinion à ce stade-ci, je pense bien.

M. TREMBLAY (Bourassa): ... vous n'aviez pas une question à poser?

M. LEGER: Cela va finir par une question.

M. TREMBLAY (Bourassa): Votre préambule est joliment long.

M. LEGER: Je pense que j'ai droit à ce stade-ci de prendre la parole et de donner mon point de vue sur un article qui est important et qui doit être adopté. De toute façon, j'achève. Je pense quand même qu'il doit y avoir dans le gouvernement provincial une certaine cohérence dans ses lois. Hier soir, nous avons adopté le bill de la ville de Laval dans lequel le gouvernement lui-même a préparé l'article 59 qui a été soumis à la ville de Laval et qui est exactement ce que la ville de Montréal avait dans sa loi pour la Commission de transport. On veut le lui enlever et on l'adopte pour la ville de Laval.

Je pense qu'il doit y avoir une certaine cohérence...

M. TREMBLAY (Bourassa): On a donné la même chose à la ville de Dorval pour les taxis, la semaine dernière, dans un bill privé, mais dès que cette loi-là sera adoptée par la Chambre, cet article-là prédominera sur les autres.

M. LEGER: Justement, ça va prédominer, mais pour quelle raison donner une priorité à la ville de Laval, si ce n'est pas la même commission de transport et pourquoi une autre commission de transport à Montréal se serait-elle vu enlever cet article-là?

Je termine en disant que je pense que cet article, s'il est adopté tel quel, est une occasion précise de favoriser au détriment du public une entreprise privée comme la Murray Hill, et avec toutes les occasions possibles de patronage à l'intérieur de ce ministère. Je demande au ministre de voir à faire biffer cet article-là, sinon il y aura un goût de sur dans la population, alors que le bill 23 pourrait être quelque chose de très bien accepté en général par la population.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques. Vous avez une question ou un discours à faire?

M. CHARRON: Deux questions. M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. CHARRON: De toute façon, si je veux dire quelque chose, je le dirai aussi, M. le Président. J'ai deux questions à poser à Me Raymond. Au sujet de la cause présentement sub judice entre Murray Hill et la Commission de transport, advenant que le verdict soit favorable à Murray Hill, ou l'inverse, j'aimerais que vous m'expliquiez les conséquences d'un verdict ou de l'autre par rapport à l'article 132, si accepté sans amendement.

M. RAYMOND: Voici...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je regrette, mais là nous allons toucher le fond de la question qui oppose Murray Hill à l'autre partie. C'est une question d'opinion à ce moment-là. Je ne crois pas que le député de

Saint-Jacques puisse poser une question de cette nature. Nous avons à discuter d'une article précis de la loi. Alors qu'il demande une opinion concernant les conséquences éventuelles du jugement qui sera rendu par la cour. Je ne crois pas que ce soit pertinent...

M. CHARRON: Je pense que c'est important, parce qu'avant l'adoption de l'article 132, surtout si on doit le refaire en refusant l'amendement suggéré, il faut quand même savoir les conséquences éventuelles. Elles sont éventuelles. Il y aura un jugement de rendu. Je n'ai aucune objection — je sais très bien, comme dit le député de Chicoutimi, que je m'adresse à une partie en cause — à ce que les représentants de Murray Hill me disent quelles seraient les conséquences selon eux, advenant un verdict favorable ou défavorable. On aura tôt ou tard à vivre avec ce verdict et à vivre avec l'article 132, s'il n'est pas amendé.

Avant de le refuser ou de le reprendre, on doit toujours bien savoir à quelle sorte de monde il va s'adresser, quelles conséquences cela aura...

M. TREMBLAY (Bourassa): Il n'y a pas seulement une compagnie. Pour éclairer un peu le député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: Je sais.

M. TREMBLAY (Bourassa): ... il y a aussi d'autres personnes qui ont des compagnies à Montréal, des compagnies que vous appelez privées, qui font du transport à charte-partie. Si on veut leur enlever leurs droits acquis avec la Loi de la Communauté urbaine, ces gens-là veulent se faire entendre eux aussi.

Je suis bien prêt à entendre M. Bélanger et il y en a bien d'autres qui veulent se faire entendre. On doit pouvoir les entendre tous avant de prendre une décision sur l'article 132.

M. CHARRON: Je demanderais à Me Raymond de me répondre bien brièvement s'il est capable de le faire. Est-ce qu'il y a une conséquence directe sur l'application de l'article 132 advenant un article ou un autre?

M. RAYMOND: Le tribunal de la cour Supérieur reconnaît les droits prioritaires de Murray Hill au chapitre des droits acquis. Il va de soi que cette décision-là va recevoir son application sur l'article tel qu'on veut l'amender parce qu'à ce moment-là on va mettre Murray Hill exactement au-dessus de la loi. Il ne faut pas oublier que cette disposition qui apparaît dans une loi générale, dans le bill 23, modifie uniquement une loi publique d'intérêt local. A ce moment-là, nécessairement, le jugement de la cour Supérieure aura une conséquence directe sur l'interprétation et l'application de l'article 132 et cela sera reconnaître tant sous l'ancien que sous le nouvel article la priorité ou la primauté des droits de Murray Hill au-dessus de la Régie des transports. C'est exactement ça.

M. LE PRESIDENT: Le jugement, quel qu'il soit, ne touche pas tellement l'article 132. L'article 132 n'a quand même pas d'effet rétroactif. Si l'article est adopté tel quel ou avec l'amendement, si par la suite les parties en cause veulent en appeler aux tribunaux pour l'interprétation de cet article, quitte à eux de s'en remettre. J'aimerais bien qu'on s'en tienne à l'article 132 parce que, si on se lance dans des discussions sur des questions d'opinion, on peut être ici assez longtemps.

M. RAYMOND: M. le Président, pour être très bref, je fais abstraction du litige qui est pendant — je le disais tantôt et M. le député Tremblay soulignait la portée de mon intervention — j'interprétais les conséquences de l'article 138 abstraction faite du litige pendant devant les tribunaux. Je dis que l'article 132 tel qu'amendé pourra avoir comme conséquence un déplacement de la priorité même si on ne le dit pas étant donné les arguments invoqués par Murray Hill. C'est dans ce sens-là que je veux dire que l'article 132 pourra avoir des conséquences que même le législateur ne cherche pas.

M. CHARRON: J'ai une question à Me Raymond peut-être avant l'ajournement. Advenant l'adoption de l'amendement que vous suggérez qui permettra à la Commission de transport d'utiliser la flotte de réserve qu'elle a, est-ce que la venue de ces nouveaux profits dans les coffres de la Commission de transport permettrait à la Commission de transport d'accueillir les personnes âgées gratuitement à l'intérieur des autobus?

M. RAYMOND: M. le député, je n'ai pas de mandat pour répondre à cette question.

M. LE PRESIDENT: ... au bill 23.

M. RAYMOND: Je n'ai pas de mandat non plus pour répondre à cette question.

M. CHARRON: C'est la seule occasion que j'avais d'en parler.

M. LEGER: Avant de terminer, la Commission de transport de Montréal avait dans sa loi la priorité dans le domaine du transport à charte-partie. L'article semble montrer non une priorité mais une acceptation pour n'importe quelle partie mais la conséquence serait d'amender la priorité de la Commission de transport vers la troisième partie qui est en litige, la Murray Hill.

M. RAYMOND: Tout dépendra des réactions personnelles des membres de la régie. S'ils décident de favoriser l'entreprise privée, automatiquement, à ce moment-là, c'est l'entreprise

publique qui en subira les conséquences. Cela va de soi, c'est assez clair.

M. LEGER: C'est au ministre de déterminer s'il préfère l'entreprise publique à l'entreprise privée.

M. TREMBLAY (Bourassa): Premièrement, j'ai quelques remarques parce qu'on va ajourner dans quelques minutes.

M. RAYMOND: J'avais terminé, M. le ministre.

M. TREMBLAY (Bourassa): J'y ai pensé parce que vous n'aviez plus l'air d'avoir grand chose à dire. Vos lèvres ne marchaient plus. J'ai pensé que vous n'aviez plus autre chose à dire. Vous en avez dit pas mal d'ailleurs. J'ai très bien compris.

Avant de terminer, j'aimerais dire quelques mots sur la loi pour ne pas vous laisser sur un petit goût de sur avec ce projet de loi 23. C'est un bill qui prévoit un conseil consultatif, un bill qui donne sûrement de l'autorité à un ministre. La population demande que les ministres, les hommes publics aient de l'autorité, cela fait assez longtemps qu'il n'en ont pas. Je vais vous laisser tout le temps d'y penser. En ce qui concerne l'article 132, je peux vous dire, que ce soit Murray Hill ou que ce soit Brisebois Transport ou que ce soit Laurentide Transport ou une autre compagnie, que je veux que ce soit d'égalité, que tout le monde ait le droit de vivre également. Quand on regarde les autobus de la ville de Montréal qui vont chercher les clubs de hockey, ils n'ont seulement pas ce qu'il faut pour prendre les bagages. Ils sont obligés de transporter ça du mieux qu'ils peuvent, ils ne sont même pas équipés pour le faire. D'autres le sont, mais de toute façon, je veux laisser toute personne et toute partie y penser durant les vacances d'été. Je ne croyais pas que le ministère des Transports pouvait toucher autant de monde ou que les gens soient aussi intéressés. De toute façon, je suis intéressé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'avais dit au ministre, en Chambre.

M. TREMBLAY (Bourassa): C'est ajourné sine die. Je vous souhaite de bonnes vacances. On reprendra ce bill dès cet automne. Je demanderais à toute personne qui désire présenter des mémoires de les faire parvenir au secrétaire de l'Assemblée nationale. D'ici l'automne, je crois que toutes les parties auront le temps d'étudier le bill 23. Je crois qu'il y en a qui n'ont pas eu le temps de l'étudier parce que, ce matin et depuis deux séances, on n'a parlé que de choses en dehors du bill 23. Je crois qu'on va donner quelques mois de répit.

M. LEGER: C'est vrai que le ministre des Transports peut charrier mais pas à ce moment-là.

M. TREMBLAY (Bourassa): Vous serez donc convoqués par le président de la commission et je souhaite de bonnes vacances à tout le monde.

UNE VOIX: L'été porte conseil.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, simplement une mise au point, je voudrais apporter une correction à la demande du ministre concernant les mémoires. Ils doivent être adressés au secrétaire des commissions de l'Assemblée nationale. Je regrette, messieurs, mais je pense que vous devez comprendre que les membres de l'Assemblée ont quelque chose à digérer. Vous voyez le paquet de mémoires qu'il y a là.

M. GAGNON: J'aurais voulu y ajouter...

M. LE PRESIDENT: Vous en aurez sûrement l'occasion plus tard.

(Fin de la séance: 1 h 45)

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