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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 8 février 2000 - Vol. 36 N° 38

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Documents déposés

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
M. Serge Deslières
M. Michel Côté
M. Jacques Baril
M. Claude Boucher
* Mme Jocelyne Sauvé, Conférence des régies régionales de la santé et des service sociaux du Québec
*M. Richard Lessard, idem
*M. Marc St-Laurent, idem
*M. Michel Lavoie, idem
*M. Claude Bégin, idem
*M. Gilles Champoux, Vélo Québec
*M. Jean-François Pronovost, idem
*M. Robert Boivin, idem
*M. Martin Cadieux, DAATAQ
*M. Jean Mercure, idem
*M. Raymond Rhéaume, idem
*M. Jim Zamprelli, comité Claudine-Anne Zamprelli
*Mme Lyne Morin, The Clifford Fisher Committee
*M. William Fisher, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Pelletier (Abitibi-Est) et Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Robert Benoit (Orford).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je demande à toutes les personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance.

Je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission pour la poursuite de nos travaux cette semaine. Nous sommes en commission pour trois jours. Tour à tour, aujourd'hui, nous entendrons des représentants, d'abord, de la famille Giroux-Talbot; un peu plus tard, de la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux; et, finalement, pour terminer nos travaux cet avant-midi, nous serons avec Vélo Québec. Cet après-midi, ce sera Droits des accidentés et accidentées du travail et de l'automobile du Québec, à 14 heures; ensuite, à 15 heures, M. Robert Tétrault; à 16 heures, comité Claudine-Anne Zamprelli; à 17 heures, The Clifford Fisher Committee; à 17 h 30, M. Peter Krantz; pour ajourner à 18 heures.


Documents déposés

Avant de débuter nos travaux ce matin, je voudrais déposer un document qui est une étude concernant le cinémomètre en sécurité routière. C'est une brique de 145 pages. Alors, vous allez comprendre que nous n'en avons pas fait reproduire pour chacun des parlementaires. Ce sera disponible au secrétariat de la commission auprès de M. Bogue. Pour les personnes qui seraient intéressées, à ce moment-là on pourrait faire les copies qui sont requises. C'est un travail qui a été fait par le Groupe de recherche en sécurité routière au Département d'information et de communication de l'Université Laval, en 1998, et ça s'intitule Le cinémomètre en sécurité routière: synthèse des pratiques et des études recensées à travers le monde en regard de son implantation éventuelle au Québec . Alors, j'imagine que ça peut être fort intéressant.

Je dépose également – et ça, c'est un peu plus compliqué à copier ou à déposer – une cassette vidéo qui s'intitule À vélo sans casque, es-tu tombé sur la tête? Alors, c'est une cassette promotionnelle concernant la sécurité. Encore une fois, ça sera disponible au secrétariat de la commission.

Nous avons déposé pour chacun des membres de la commission un document statistique. Ça s'appelle Bilan 1998: accidents, parcs automobiles, permis de conduire , produit par la Société de l'assurance automobile du Québec. Alors, il y en a des copies de disponibles pour chacun des parlementaires.


Auditions

Alors, j'invite immédiatement les représentants de la famille Giroux-Talbot à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît. M. le ministre, vous avez l'air indiscipliné, ce matin. Vous avez l'air de fort bonne humeur, cependant.

M. Chevrette: ...

Le Président (M. Lachance): Ah bon. Alors, bienvenue, mesdames, à cette commission. Je vous rappelle les règles du jeu: vous avez un maximum de 20 minutes pour votre présentation. Vous pouvez utiliser les 20 minutes comme bon vous semble. Par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier, et puis vous pouvez y aller pour votre présentation.


La famille Giroux-Talbot

Mme Giroux (Marjolaine): Oui. Bonjour, tout le monde. Moi, c'est Marjolaine Giroux.

Mme Talbot (Geneviève): Mon nom est Geneviève Talbot, je suis la soeur de Nicolas Giroux-Talbot qui s'est fait tuer le 11 juillet 1998 par un chauffeur en état d'ébriété. Merci.

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez rester assise, madame.

Mme Giroux (Marjolaine): Oui? O.K. Nous, on a choisi de plutôt lire notre mémoire, qui n'est pas tellement long, parce qu'on n'a pas tellement la facilité de parole.

Le Président (M. Lachance): Allez-y, il n'y a pas de problème.

Mme Giroux (Marjolaine): O.K. Nous présentons ce mémoire à nos dirigeants politiques provinciaux dans le but de réitérer notre requête déjà présentée au moyen d'une pétition à l'Assemblée nationale le 15 mars 1999 afin que cette demande devienne partie intégrante du Code de la sécurité routière. Nous avons entrepris cette démarche suite à l'accident tragique survenu dans notre famille, le 11 juillet 1998.

Ce soir-là, à cause d'une panne mécanique, notre fils Nicolas, âgé de 16 ans, décida de ne pas laisser son VTT dans le sentier qu'il empruntait couramment et d'aller plutôt le remiser chez un ami qui habitait non loin dans le village. Pour s'y rendre, il devait marcher quelques pieds sur le bord de la route 277. C'est en poussant son VTT en panne qu'il a été frappé mortellement par une personne en état d'ébriété qui a pris la fuite. L'impact fut si violent que la voiture perdit un pneu, ce qui permit aux policiers de suivre la trace que la jante laissa sur la chaussée jusqu'au domicile de cet homme, 2 km plus loin.

Appuyé par une caution de 5 000 $ et défendu par un avocat, ce chauffard reprenait la route 15 jours plus tard, permis en main, en attendant son jugement qui à ce jour, plus de 18 mois plus tard, n'a pas encore été prononcé.

142 000 Québécois en faveur de la pétition Nicolas Giroux-Talbot: L'alcool au volant, c'est criminel . À la suite de ce terrible accident et de beaucoup d'autres cas semblables, nous avons réalisé à quel point les lois prévues pour ces délits sont clémentes malgré les efforts fournis par nos gouvernements pour contrer ce fléau. Malgré l'importante campagne publicitaire faite à l'époque, il ne nous paraissait plus aussi certain que l'alcool au volant, c'est criminel. C'est alors que nous avons pris la décision de demander aux instances gouvernementales québécoises, par le biais d'une pétition, de rendre plus sévères certains articles de loi du Code civil déjà en vigueur.

Dans notre premier énoncé, nous demandons que le permis de conduire soit suspendu sur-le-champ jusqu'au jugement de la personne. Dans le deuxième, nous demandons que tous les véhicules immatriculés au nom du contrevenant soient saisis durant toute la période de suspension du permis. Ces mesures ont pour but de modifier l'attitude des conducteurs irresponsables en les touchant personnellement dans leur quotidien. Elles permettraient également de protéger nos concitoyens et concitoyennes des conséquences graves, pénibles et irréparables qu'ils subissent suite à des accidents découlant de la conduite d'un véhicule routier avec facultés affaiblies.

(9 h 50)

Durant les quatre mois qui suivirent le lancement de notre pétition, nous avons recueilli 142 000 signatures, dont 60 000 ont été recueillies de main à main par nous, nos familles et nos amis. Ce contact direct avec les gens nous a permis de réaliser que plus de 90 % de la population en a assez de voir défiler le cortège funèbre des victimes de l'alcool au volant. Ils ont fortement appuyé nos demandes et plusieurs trouvaient qu'elles n'étaient pas assez sévères.

Voici certaines suggestions qu'ils nous ont émises: tolérance zéro d'alcool au volant pour tout conducteur, retrait du permis de conduire à vie pour toute personne conduisant avec les facultés affaiblies ayant causé la mort ou des blessures corporelles, retrait à vie du privilège de posséder tout véhicule routier pour cette personne, retrait du permis de conduire à vie de toute personne trouvée coupable de délit de fuite, obligation d'installer un ivressomètre à vie dans le véhicule d'une personne trouvée coupable de conduire en état d'ébriété, Nez rouge à l'année, obligation au chauffard trouvé coupable de conduite en état d'ébriété d'effectuer des travaux communautaires dans un centre de réhabilitation pour handicapés de la route, présence policière accrue dans les milieux ruraux et à la sortie des débits de boisson, identification du véhicule d'une personne trouvée coupable de conduite en état d'ébriété à l'aide d'un autocollant fluorescent placé sur la plaque d'immatriculation pour ainsi permettre aux policiers d'effectuer une meilleure surveillance des contrevenants, peine graduelle en fonction du taux d'alcool.

Le permis de conduire, comme son nom l'indique, est une permission, un privilège, et non un droit. Comme tout privilège, il s'obtient à certaines conditions, et il est normal qu'on s'attende à ce qu'il puisse être retiré à toute personne qui en fait mauvais usage, et ce, jusqu'à preuve du contraire. Ainsi, il arrive souvent aux personnes âgées de perdre ce privilège lorsque certaines de leurs facultés diminuent. Ces personnes en perte d'acuité visuelle, auditive ou motrice se voient retirer la permission de conduire alors que l'on permet la conduite automobile aux personnes qui sont à haut risque d'affaiblir volontairement ces mêmes facultés. Il est primordial que le détenteur d'un permis de conduire utilise celui-ci de façon responsable et réfléchie, car l'automobile peut facilement devenir une arme dangereuse et meurtrière pour lui-même et pour la société.

Tout restaurateur se voit retirer sur-le-champ son permis d'opérer son restaurant en cas d'insalubrité afin de protéger la société jusqu'à ce que le tribunal ait rendu une décision. Il devrait en être de même pour les détenteurs d'un permis de conduire.

Mme Talbot (Geneviève): Le Code de la sécurité routière prévoit une suspension administrative du permis de conduire de 15 jours pour toute personne interceptée à bord de son véhicule et présentant plus de 80 mg d'alcool par 100 ml de sang. Cette période, de par sa très courte durée, favorise les droits individuels au détriment de la protection de la société. Sachant que les délais qui mènent au procès du contrevenant représentent souvent un à deux ans, il nous apparaît inadmissible que notre société laisse conduire des personnes sur lesquelles pèsent des accusations criminelles aussi graves.

Selon nous, ces individus devraient se voir retirer leur permis de conduire sur-le-champ, et ce, jusqu'à la fin du processus judiciaire. Le système judiciaire québécois ne tolère pas un individu qui déambule dans un lieu public avec une arme chargée, et ce, même si cette personne n'a pas l'intention de tuer. Attendons-nous la fin du processus judiciaire pour lui retirer son arme? Comment se fait-il qu'il en soit autrement pour la personne qui a conduit en état d'ébriété? Sa voiture n'est-elle pas une arme dangereuse?

Actuellement, le citoyen qui est handicapé ou encore qui a perdu un être cher suite à un accident causé par l'alcool ne peut que vivre dans l'espoir que la personne qui a causé cet accident ait compris et qu'en attendant son procès cette personne n'ira pas en blesser ou en tuer une autre. Il ne peut vivre que d'espoir parce que notre système judiciaire ne le protège pas contre cette personne dangereuse qui a encore son permis de conduire entre les mains et qui a encore mille et une raisons de conduire en état d'ébriété.

Le principe de protection de la société est valable pour tous les crimes graves. Comment se fait-il qu'il en soit autrement pour la conduite avec les facultés affaiblies? Pourquoi notre gouvernement envoie-t-il à ses citoyens un double message: On t'accuse d'avoir commis un crime grave, mais tu peux conserver tous tes privilèges?

Il est vrai que nos instances gouvernementales font des efforts pour contrer l'alcool au volant. Il est vrai également que nous constatons des résultats positifs depuis les 15 dernière années, et nous nous en réjouissons. Mais il ne s'agit pas de crier victoire devant un phénomène toujours considéré comme un fléau. Si les mesures législatives passées et récentes continuent de faire baisser les statistiques, voilà la preuve que l'on doit continuer dans ce même sens. Il est urgent de faire comprendre au conducteur irréfléchi, par le biais de lois plus fermes, que son comportement est plus que jamais considéré comme un acte très grave avec des conséquences très graves afin de dissuader ce dernier de conduire en état d'ébriété.

Selon les statistiques de la SAAQ, 75 % des 20 000 contrevenants continuent de conduire durant la période de suspension ou de révocation de leur permis de conduire et font fi de la loi. Devant une telle réalité, pourquoi attendre qu'un contrevenant soit pris en train de conduire sa voiture dans l'illégalité pour lui saisir son véhicule? Pourquoi mettre les citoyens en danger en laissant entre les mains du contrevenant l'arme de son crime? Saisir le ou les véhicules d'un contrevenant durant toute la durée de suspension de son permis constituerait, en plus d'une protection sociale, un très bon moyen de dissuasion de conduite en état d'ébriété.

Nous sommes conscients que le remisage de l'automobile est une solution coûteuse pour les citoyens. Il serait intéressant d'envisager l'utilisation du sabot de Denver afin d'immobiliser le véhicule dans la cour du contrevenant. Cette mesure aurait un double effet. Le premier, c'est que le coût du remisage deviendrait presque nul, et le deuxième toucherait l'orgueil du conducteur face à la société. Pour plusieurs personnes, rien que de penser à la honte qu'elles éprouveraient à voir leur voiture sur sabot de Denver, face à leurs proches et autres, les empêcherait de conduire en état d'ébriété.

Il y a plus d'un an, un être qui nous était extrêmement cher décédait des blessures causées par un homme en état d'ébriété. Avec ce recul et cette longue période de réflexion, nous en arrivons toujours aux mêmes conclusions: le permis de conduire de la personne prise au volant en état d'ébriété doit lui être retiré sur-le-champ jusqu'à ce que le tribunal se prononce; point 2, que le ou les véhicules routiers du contrevenant lui soient saisis pour toute la durée de suspension du permis.

La consommation d'alcool est peut-être une affaire personnelle, mais la conduite en état d'ébriété en est une de société. Il faudrait que tout Québécois et toute Québécoise viennent à considérer comme criminel la conduite en état d'ébriété et comme homicide volontaire le fait de tuer quelqu'un en conduisant avec des facultés affaiblies par l'alcool. Nous proposons deux solutions, mais ne prétendons pas qu'elles soient la solution pour régler ce grave problème. Nous pensons qu'elles pourraient être jumelées à d'autres solutions proposées afin de toucher le plus de sphères possibles.

Il y a tant de points à améliorer dans ce dossier que beaucoup de solutions peuvent être envisagées en même temps. Ce dont nous sommes certains, c'est que les solutions préconisées doivent être très dissuasives, car mieux vaut prévenir que guérir. Car nous pouvons vous garantir que guérir est très douloureux.

Le Président (M. Lachance): Merci, madame.

M. Chevrette: Madame, je vais vous demander deux minutes pour une suspension, parce qu'il y a une question de droit que... Je ne voudrais pas que vous ne soyez pas protégée dans votre témoignage à cause d'une affirmation que vous avez faite et je voudrais qu'on parle aux membres de la commission pour voir si on ne doit pas vous accorder la protection. Parce que j'ai demandé la question suivante: Êtes-vous protégée dans votre témoignage alors que le jugement n'est pas sorti? Je ne voudrais pas que ces gens-là ne soient pas protégés.

C'est la question que je pose à la présidence pour qu'elle puisse trancher, parce que vous avez affirmé une chose que je ne veux pas répéter, mais, comme le procès n'est pas terminé, je ne voudrais pas que vous soyez prise dans un état où vous n'êtes pas protégée et où vous êtes poursuivable. Donc, je demanderais la suspension peut-être...

Le Président (M. Lachance): La question est pertinente, mesdames. Les parlementaires, eux, elles, sont protégés par la loi, mais, pour les témoins, ce n'est pas automatique. Alors, nous allons vérifier ça, et on va essayer de vous revenir dans un délai le plus rapide possible. Alors, suspension.

(Suspension de la séance à 9 h 59)

(Reprise à 10 h 14)

Le Président (M. Lachance): Nous allons reprendre nos travaux. Tel que demandé, nous avons fait certaines vérifications. Il y a de la jurisprudence là-dessus. Mais une chose est certaine, c'est que nous devons prendre certaines précautions, et je remercie le ministre d'avoir attiré notre attention sur cette situation.

Alors, je demande à la commissaire à l'assermentation de bien vouloir procéder à l'assermentation de Mme Giroux et de Mme Talbot de façon à ce qu'on soit assuré que leurs propos ne puissent pas être utilisés contre elles.

Une voix: Est-ce que vous préférez sur la Bible ou une déclaration solennelle?

Une voix: Non, sur la Bible.


Assermentation de Mme Marjolaine Giroux

Mme Giroux (Marjolaine): Je, Marjolaine Giroux, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Une voix: Merci.


Assermentation de Mme Geneviève Talbot

Mme Talbot (Geneviève): Je, Geneviève Talbot, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous allons poursuivre, et je demanderais au ministre des Transports de bien vouloir poursuivre.

M. Chevrette: Donc, merci, mesdames. Et, pour les fins du public, pour bien faire comprendre ce qui vient de se passer, c'est que les propos prononcés par mesdames ne peuvent aucunement constituer une preuve pour qui que ce soit qui voudrait s'en servir en dehors de cette salle. C'est la protection maximale qu'on peut donner comme parlementaires, et je pense que c'est important dans des causes qui sont pendantes. Si les causes avaient été jugées ou les causes avaient été réglées, je pense que ce serait très différent, et vous comprenez cela, j'en suis sûr.

Je vous remercie de votre témoignage. Ce n'est jamais facile de questionner quelqu'un qui a subi ce que vous avez subi, mais il faut le faire en toute franchise et en toute honnêteté, en sympathisant beaucoup avec vous qui avez vécu ces événements. Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère, d'autre part, dans le jugement que vous portez sur l'alcool au volant et vous allez jusqu'à la suspension ou la saisie du véhicule.

La question, ce n'est pas un piège, mais c'est: Comment conciliez-vous vos propositions avec le fait que, dans notre système à nous, on vit dans une société de droit, et tant et aussi longtemps que quelqu'un n'est pas jugé, il est présumé innocent? Est-ce que les recommandations que vous faites n'iraient pas à l'encontre de ce droit fondamental d'être présumé innocent tant et aussi longtemps qu'on n'est pas jugé?

Mme Giroux (Marjolaine): Oui, mais, quand on reçoit un permis de conduire, là – c'est ça qu'on voulait exprimer – ce n'est pas une permission, justement, ce n'est pas un droit, là. On t'accorde un permis de conduire dans la mesure où tu vas démontrer que tu peux bien t'en servir. Mais, quand tu viens de démontrer que tu ne sais pas bien t'en servir...

Moi, mon fils Nicolas, il voulait conduire à 16 ans, juste un petit peu avant qu'il décède, et ce que je lui avais dit: Bien, écoute, Nico, tu es bien trop jeune, parce que, quand tu prends une voiture dans tes mains, il n'y a pas juste ta vie, là, il y a la tienne qui est très importante, mais il y a aussi celle des autres, puis tu es encore trop jeune pour prendre conscience de ce que c'est qu'une voiture entre les mains. Les gens qui conduisent en état d'ébriété, ils ne l'ont pas, cette conscience-là, puis pourtant ils sont rendus adultes.

Ça fait que, nous, on considère que, si la société accepte de donner un privilège à une personne de conduire une voiture, si cette personne-là démontre qu'elle n'a pas la capacité de le faire, bien qu'on lui enlève son privilège. Puis pourquoi enlever le véhicule? Bien, si cette personne-là conduit en état d'ébriété puis que tu lui dis: On t'enlève ton permis, c'est reconnu que les gens vont reprendre leur voiture quand même puis vont aller conduire.

M. Chevrette: Mais, si on saisissait le véhicule... Vous avez été pris à 0,09, vous êtes en procès. Vous ne croyez pas que, tant et aussi longtemps que le prononcé du procès est fait, les chartes ne protègeraient pas les individus?

Mme Giroux (Marjolaine): Bien, je ne sais pas, moi, je pense que c'est bien mieux de protéger la société qu'un seul individu.

M. Chevrette: Oui, mais ils peuvent être plusieurs... si j'ai bien compris, il y avait 20 000 contrevenants, là, dont 75 % pourraient se retrouver... Je ne dis pas que ce n'est pas gros, là. C'est énorme. Ce n'est pas parce qu'on est en désaccord, là, c'est énorme, ça. Puis je dois vous dire, personnellement, que, si on met ça à la discussion ici, c'est parce qu'on veut à la fois sensibiliser l'opinion publique puis peut-être trouver des pistes intéressantes pour protéger davantage le public.

Mais là où j'en suis... Parce qu'il faut faire attention dans les mesures qu'on prend aussi de ne pas déroger aux droits des individus, en vertu de nos chartes, la Charte canadienne, la charte québécoise. Est-ce que je peux saisir le véhicule de quelqu'un tant et aussi longtemps qu'il n'est pas jugé? C'est la question un peu sur laquelle je voulais vous entendre.

Mme Talbot (Geneviève): Bon. On s'entend pour dire que la personne qui est prise en état d'ébriété, il y a des accusations criminelles qui pèsent sur elle. On s'entend là-dessus? Bon. La personne qui est accusée d'un homicide involontaire, là, j'entends quelqu'un qui sort d'un bar et puis qui se bat, deux jeunes hommes qui se battent ensemble, puis il ne veut pas tuer le gars, mais finalement il le tue, la tête sur le béton, puis il décède, cette personne-là, elle est présumée coupable. Mais il y a beaucoup de causes d'homicide involontaire ou d'homicide volontaire où on prive même ces personnes-là de liberté. Or, elles ne sont pas jugées coupables encore, là. C'est que l'accusation qui pèse sur elles est suffisamment grave pour qu'on retire la liberté de cette personne-là ou son arme, ou n'importe.

Nous, on ne demande pas à ce que la personne soit incarcérée dans le cas d'être pris à un barrage ou d'avoir blessé ou tué, bon, peu importe. C'est au moins minimalement: enlevez-lui son privilège parce qu'il y a des accusations graves qui pèsent sur elle. Et, comme les statistiques de la SAAQ prouvent que trois personnes sur quatre continuent à conduire, bien enlevez-lui aussi son véhicule. Un permis, c'est un bout de papier.

(10 h 20)

M. Chevrette: C'est un bout de papier, puis il y en a beaucoup qui circulent sur nos routes sans ce bout de papier. Puis il y en a beaucoup, même si on saisissait l'auto, qui circuleraient sur nos routes pareil. Et vous savez très bien qu'est-ce que je veux dire. Ils peuvent prendre l'auto d'un ami, d'un frère, d'un parent.

Mme Talbot (Geneviève): Oui, mais cette personne-là, la personne qui prête...

M. Chevrette: Ou bien ils volent le véhicule purement et simplement puis ils se promènent avec des plaques d'immatriculation volées. Donc, est-ce que vous ne croyez pas qu'à un moment donné en mettant trop on risque de ne pas atteindre les fins pour lesquelles on travaille?

Mme Giroux (Marjolaine): Moi, je ne crois pas. Moi, je pense que tu vas toucher les gens quand tu vas toucher leur petite personne à eux, là. De dire à une personne: Aïe! ne conduis pas en état d'ébriété, tu vas peut-être tuer la fille de ton voisin. Aïe! ça c'est loin. Premièrement, ça ne se peut pas, puis, deuxièmement, ça ne se peut... Non. Mais, dis lui, par exemple: Aïe! ne conduis pas en état d'ébriété parce que tu risques de perdre ton véhicule. Oh! là, attends un peu, on va y réfléchir.

Moi, je pense que les gens, c'est de valeur, mais ils sont tournés vers eux-mêmes. Les gens n'arrêteront pas de conduire parce qu'ils ont peur de tuer une personne ou de blesser une personne, plutôt parce que, eux autres, leur petit quotidien va être touché: Comment je vais me rendre au travail? Comment je vais... Je pense que c'est là qu'on atteint les gens. Puis je pense qu'il faut faire des mesures justement très préventives pour les empêcher de prendre leur véhicule. Une fois que le mal est fait, tu as bien beau les mettre en prison si tu veux, mais je vais dire que ça ne donne pas grand-chose pour la personne qui a été touchée, je parle, naturellement.

M. Chevrette: Je voudrais que vous conciliiez deux choses. Vous dites d'enlever le permis de conduire à vie pour quelqu'un qui a des facultés affaiblies. D'autre part, vous dites: S'il est condamné pour facultés affaiblies, en autant qu'il a un alcootest pour démarrage, quelque chose du genre, il pourrait conduire.

Mme Giroux (Marjolaine): Ah! mais ça ici, ce qu'on a mis ici, ça ce n'est pas nos demandes à nous. Étant donné qu'on représente, dans un certain sens, 142 000 personnes, nous, on a quand même voulu donner des idées qui avaient été émises quand on avait rencontré les gens. Parce qu'on a quand même parlé à 60 000 personnes de bouche à bouche, là, de main à main. Et puis on s'est dit: Bon, bien, dans le fond, pourquoi ne pas donner...

Une voix: ...

Mme Giroux (Marjolaine): C'est ça, donner en vrac ce que les gens nous ont suggéré le plus. Mais ce n'est pas des demandes que, nous, on fait. Il y a des demandes là-dedans qui semblent justement être contradictoires, mais c'est demandes qui ont été faites...

M. Chevrette: Mais, si vous étiez à ma place, là, puis à la place des députés ici, vous, les vôtres, vos recommandations quelles seraient-elles? Les vôtres.

Mme Giroux (Marjolaine): Les nôtres, ça serait que tu enlèves le permis de la personne qui a été prise en état d'ébriété jusqu'à son jugement et que, pendant toute la suspension de ton permis, même quand la SAAQ donne un retrait de permis pour deux ans, trois ans, tu n'as pas d'automobile pendant tout ce temps-là. C'est ça, nous autres, nos demandes.

M. Chevrette: Puis relativement aux indemnités – parce qu'il y a des indemnités reliées à cela – mettons qu'il est blessé, est-ce que vous l'indemniseriez?

Mme Giroux (Marjolaine): Jamais de la sainte vie!

M. Chevrette: Puis sa famille? Sa famille, par exemple, il a une femme, deux petits, qu'est-ce que vous feriez?

Mme Giroux (Marjolaine): Mais, M. Chevrette, là, on est en train de créer deux catégories de criminels. Pourquoi celui qui, pour faire vivre sa famille, fait un vol qualifié dans un resto, en tout cas, pour avoir de l'argent et puis... Est-ce que...

M. Chevrette: Mais, s'il fait de la taule, là...

Mme Giroux (Marjolaine): Oui. Est-ce qu'on prend en considération qu'il a une femme, deux petits, puis on prend en considération...

M. Chevrette: Qui paie? Qui paie pour quelqu'un, un prisonnier qui a volé? Qui paie pour sa femme puis ses petits? C'est la société.

Mme Talbot (Geneviève): Oui, mais, je veux dire, dans les mesures punitives, est-ce qu'on prend en considération que... Il me semble que...

M. Chevrette: Non, mais oublions l'aspect punitif de l'individu. Dans tous les cas où il y a un prisonnier qui est incarcéré pour x temps, sa descendance ou sa femme et ses petits ont le droit de manger, ont le droit à une pitance. Que ça vienne de la SAAQ ou que ça vienne de la Sécurité du revenu, il y a de l'argent qui vient de l'État pour subvenir au... Cette partie-là, est-ce que vous concevez qu'on doit la garder, dans votre raisonnement, là?

Mme Giroux (Marjolaine): Non, moi, je trouve que la personne qui a conduit en état d'ébriété, bon, elle a une famille, c'est bien de valeur pour sa famille, mais, moi, je n'indemniserai ni la personne ni la famille. Où est-ce qu'on va s'arrêter? Mais, par contre il y a des...

M. Chevrette: Ni la famille?

Mme Giroux (Marjolaine): Bien, non, il y a de l'aide sociale.

M. Chevrette: Mais en quoi le petit mousse de deux ans ou la petite fille de sept ans doit payer jusqu'à un état de pauvreté extrême parce qu'il y a quelqu'un qui a fauté dans ses proches? Vous ne trouvez pas que c'est exagéré un tantinet? J'y vais sur le bout des pieds parce que c'est toujours délicat, questionner quelqu'un qui est victime de ses proches. Mais c'est aussi sérieux de soutenir quelqu'un qui... Il n'a pas demandé, lui, que son père prenne un coup puis qu'il frappe quelqu'un, puis il ne peut pas manger. Pourquoi il serait responsable pour le père?

Mme Giroux (Marjolaine): Oui, mais le pauvre... C'est certain que, pour ce pauvre enfant, ce n'est pas drôle. Mais le pauvre enfant qui naît de parents qui sont sur le bien-être social, il n'a pas demandé à naître de ces parents-là non plus, là.

M. Chevrette: C'est exact.

Mme Giroux (Marjolaine): Puis il est sur l'aide sociale aussi, là, ce pauvre enfant.

M. Chevrette: Oui, mais il a une pitance.

Mme Giroux (Marjolaine): Bien oui, mais je ne te dis pas de ne pas lui donner l'aide sociale, à cette famille-là. Je ne veux pas les faire mourir de faim, c'est bien sûr. Mais on a déjà un système qui existe actuellement. On a l'aide sociale qui existe. Moi, c'est certain que je ne veux pas abandonner ces gens-là dans la rue.

M. Chevrette: Oui, mais c'est comme une assurance. Je veux dire, que ce soit la Sécurité du revenu ou la SAAQ qui paie pour la famille, c'est quand même de l'argent de tout le monde, parce que les impôts...

Une voix: Oui, oui, c'est sûr.

M. Chevrette: ...ou les primes d'assurance... Je veux dire, c'est comme principe, je parle.

Des voix: Oui, oui.

Mme Talbot (Geneviève): C'est comme l'enfant qui naît de parents qui ne sont pas trop responsables puis qui ne gardent pas leur job, il en subit les conséquences aussi, là. Mais...

M. Chevrette: Non, mais, je veux dire, ils ont au moins un revenu minimal.

Mme Talbot (Geneviève): Oui, oui, tout à fait, oui.

M. Chevrette: C'est beau. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, je veux d'abord vous remercier pour votre présentation et vous dire qu'évidemment comme l'a mentionné le ministre, c'est toujours un peu difficile d'aborder ces sujets-là avec des personnes qui ont été directement impliquées. Mais je pense que c'est important que ça soit fait pour qu'on saisisse peut-être d'une façon un peu claire que, quand on met en place des systèmes, il ne faut quand même pas perdre de vue le vécu des citoyens.

Et j'ai l'impression que, dans le cas du système d'assurance automobile du Québec, on accorde peut-être plus d'importance, disons, à défendre le système ou à ne pas vouloir le remettre en cause qu'à se pencher sur les aberrations du système qui font qu'on se retrouve avec des situations qui font perdre toute crédibilité, au fond, au système qui existe.

Je veux d'abord... je l'ai mentionné, mais, comme vous êtes probablement le premier groupe qui vient témoigner directement sur ce sujet-là, je trouve un peu aberrant que, dans le livre qu'on nous a proposé, le livre vert, on développe un chapitre sur la conduite en état d'ébriété, on fait référence d'une façon très marginale à la question du système du «no fault», à certaines aberrations du système du «no fault», on ne remet pas le «no fault» en cause complètement. Et ces aberrations-là ont été soulignées par de très, très nombreuses personnes.

Vous l'avez dit vous-même, vous avez déposé une pétition où il y avait 142 000 personnes qui ont signé. Il y en a d'autres pétitions qui ont été déposées. Il y a au-delà de 150 000, 160 000 personnes qui demandent tout simplement qu'on évalue, qu'on fasse un bilan, au fond, du fonctionnement de notre système d'assurance automobile après plus de 20 ans d'utilisation et où on s'aperçoit qu'il y a des choses aberrantes.

Puis l'exemple, on vient d'y toucher, là. On fait un parallèle un peu dans des situations difficiles au niveau des indemnités entre la SAAQ et la Sécurité du revenu. Je pense que le système de sécurité du revenu existe pour des besoins particuliers et, quand on essaie de tenir en compte, si on veut, de la situation des familles dans le cadre du système d'assurance automobile du Québec, on se réveille avec les aberrations qu'on a connues. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui posent des gestes criminels qui reçoivent des indemnités plus grandes que les familles qui ont été victimes de ces gestes criminels. Et on parle de gestes criminels, on ne parle pas de n'importe quoi, là. Alors, quand on arrive dans des situations comme ça, bien, c'est tout le système qui perd de la crédibilité.

On se demande pourquoi on vit des aberrations comme ça. Pourquoi on vit des aberrations comme celles auxquelles vous avez fait référence, qu'une personne qui est arrêtée se retrouve sur la route alors que son procès est en cours et se retrouve sur la route après avoir eu un accident, après avoir tué quelqu'un? Il y a quand même des choses qui sont surprenantes, qu'on a de la misère à comprendre. Le commun de citoyens a de la misère à comprendre ça et a de la misère à accepter ça.

(10 h 30)

Nous, ça fait depuis au-delà d'un an, pratiquement, qu'on demande qu'il y ait un vrai débat. Et c'est un peu, à mon avis – je vais utiliser le terme, c'est moi qui l'utilise – insultant, la façon dont on l'a abordé dans le livre vert. On a fait une page où on... Parce qu'on sait, au fond, au ministère et à la SAAQ, qu'il y a beaucoup de demandes de ce côté-là, et on voudrait avoir un vrai débat ouvert sur cette question-là et qu'on cherche des solutions ensemble. Alors, on s'est continuellement refusé à ce genre de débat là.

Dans le document, on fait un extrait en italique où on parle de la philosophie du système du «no fault». Alors, je ne sais pas si, en faisant ça, le ministère pensait qu'il réglerait le problème. Mais, quand on regarde ça, ça a été fait tout simplement, à mon avis, pour camoufler un vrai débat là-dessus parce que, dans les propositions qu'on retrouve à la fin de ce chapitre-là, il n'y a aucune proposition qui touche les aberrations auxquelles les gens viennent faire référence ici, en commission parlementaire. Alors, c'est clair qu'on l'a mis là d'un façon marginale. On l'a même mis en italique pour le mettre à l'extérieur de l'ensemble du texte de ce chapitre-là. Et, quand on arrive dans les propositions, il n'y a aucune des propositions suggérées par le ministère et la SAAQ qui touchent à la question du «no fault». Alors, c'est la preuve qu'on ne voulait pas en discuter.

Et, malgré ce fait-là, il y a au-delà d'une dizaine, 10, 12 mémoires, en tout cas, que j'ai vus à date, qui vont venir en traiter. Et, je l'ai mentionné, je ne comprends pas pourquoi alors qu'on l'a fait dans tous les autres systèmes sociaux importants. On a eu des discussions ici, à l'Assemblée nationale, sur l'aide juridique, sur l'aide sociale, sur le Régime de rentes. On a fait ces débats-là pour essayer de voir s'il y avait des aménagements, des améliorations, des modifications à apporter. On a eu des débats ouverts là-dessus. Et, sur le «no fault», c'est un refus systématique de la part du gouvernement de s'asseoir puis d'en discuter. On ne demande pas de l'abolir, on demande d'en discuter.

Et, quand il y a 160 000 citoyens qui veulent en discuter, il me semble que le gouvernement devrait respecter ça. De quel droit le gouvernement s'objecte à ce que des citoyens qui paient – parce que c'est eux qui paient, en bout de ligne – ne puissent pas venir, dans un cadre qui le permet réellement, faire un vrai débat sur la question du «no fault»? Je ne comprends pas, j'ai de la misère à saisir. Ce n'est pas des petits groupes, là. Il y a des milliers et des milliers de personnes, des dizaines de milliers, on parle de 150 000, 160 000 personnes qui font une demande comme ça.

Et je pense que la situation que vous décrivez, au fond, quand on la regarde, à l'oeil, c'est un peu inacceptable. Et on a de la misère à comprendre ça qu'une personne qui est arrêtée supposément pour être en état d'ébriété se retrouve sur la route quelques jours après. Et on va avoir des mémoires qui vont nous venir, là, de plusieurs autres personnes. C'est difficile de comprendre l'attitude où on refuse de permettre...

Et vous avez apporté des suggestions. Je pense que les suggestions sont intéressantes. Il y a peut-être d'autres suggestions qui seraient apportées par d'autres personnes. Et le ministre faisait part de certaines réserves par rapport à des suggestions que vous faisiez. Il a peut-être raison, mais, pour qu'on le sache réellement, il faudrait qu'on ait un vrai débat, qu'on se centre là-dessus et qu'on cherche des solutions ensemble. Et il faudrait peut-être que la SAAQ aussi fasse un effort pour trouver des solutions aussi, de son côté, pour essayer de corriger ces aberrations-là.

Alors, moi, je n'ai pas de questions, je pense, particulières. Je comprends très bien votre situation. Et on va voir plusieurs personnes qui vont venir vous appuyer. C'est des situations qui sont dramatiques quand on les vit. Et je pense que c'est un peu inacceptable d'avoir l'impression – en tout cas, c'est l'impression que j'ai personnellement, je ne parle pas pour les autres – qu'on est en train de défendre un système plutôt que de défendre les citoyens. Et on ne veut pas écouter les citoyens, qu'est-ce qu'ils ont à dire. Et on ne veut même pas essayer de réfléchir sur des choses qui nous semblent aberrantes.

Et, encore là, quand on a soulevé ça en Chambre, on nous a dit: Vous voulez abolir le «no fault». Il n'a jamais été question de ça. Et les gens qui vont venir ici, la plupart... je pense qu'il n'y a personne qui nous a dit: Il faut que le système «no fault» soit aboli. Mais il y a des choses qui peuvent être corrigées, qui peuvent être améliorées.

Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires à ajouter. Je n'ai pas de questions particulières, disons, comme je vous le mentionne, à vous poser. Je pense que vous avez très bien exposé votre point de vue. Vous avez très bien exposé ce que les gens vivent et les incompréhensions qu'ils peuvent avoir à l'égard d'un système comme ça. Oui, Mme Talbot?

Mme Talbot (Geneviève): Peut-être réitérer qu'on est quand même la voix de 142 000 personnes qui ont appuyé la requête. C'est très important de le dire. Ce n'est pas peu, là, 142 000 qui sont d'accord avec notre proposition. Je veux juste réitérer ça.

M. Bordeleau: Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez procédé pour faire... Est-ce qu'il y a eu plusieurs personnes qui ont été impliquées dans votre...

Mme Talbot (Geneviève): O.K. Ça a été vraiment une entreprise familiale, là. C'est qu'un mois et demi après le décès de Nicolas, on a décidé de canaliser nos énergies à essayer de... Parce que ça nous apparaissait aberrant qu'une personne sur laquelle pèse des accusations aussi graves puisse continuer à conduire, donc d'où a émergé l'idée. Et on a récolté quand même par nos familles – on en a au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en Abitibi – 60 000 de main à main, pas qu'on a placé dans des commerces, là, de main à main, 60 000 personnes qui l'ont signée et les 80 000 autres, la pétition qu'on a placée dans des commerces, plein de...

Mme Giroux (Marjolaine): Dans des caisses populaires.

Mme Talbot (Geneviève): Des caisses populaires, oui.

Mme Giroux (Marjolaine): C'est sûr qu'on a eu la chance qu'Expo-Québec nous ait acceptés pendant... et on avait beaucoup de population. Puis on est allés dans les centres d'achats aussi, bien nos familles sont allées aussi dans les centres d'achats passer des fins de semaine, des soirées pour faire signer la pétition.

Mais, moi, je voudrais dire de quoi à M. Chevrette, là. Quand on a fait signer notre pétition, à un moment donné, les gens... Entre autres, il y a plusieurs personnes qui nous disaient: Moi, je la signerais bien, ta pétition, mais ton deuxième point, là, enlever la voiture, moi, je trouve que c'est vraiment exagéré. Écoute, on a juste une voiture dans notre famille, s'il fallait que ça arrive.

Ça fait que, là, à un moment donné, il y a une personne qui me disait ça, puis elle ne voulait pas la signer. J'ai dit: Si, du jour au lendemain, on mettait ça comme mesure, est-ce que tu conduirais en état d'ébriété? Aïe! elle a dit, jamais de la vie, jamais! Bien, j'ai dit: C'est justement qu'est-ce qu'on veut faire. Aïe! elle a dit, c'est une bonne idée, ça. Bien, elle a signé la pétition, elle est allée chercher son mari, elle a dit: Aïe! viens ici, regarde ça, il faut que tu signes ça, c'est intéressant, ça. Puis, tu vois, ça a été une mesure où, au départ, elle était contre, mais, quand elle s'est mise à réfléchir: Pour me protéger, oui, c'est une bonne idée parce que, moi, je ne conduirais pas juste à cause de cette mesure-là.

Ça fait que ça a l'air démesuré, quand tu regardes ça, mais, finalement, c'est très dissuasif. Moi, je te dis, perds un fils, puis tu vas voir que, quand tu vas avoir de bons moyens de dissuasion pour les gens... tu vas dire: Oui, c'est un bon moyen. Les gens ne conduiront pas à cause de ça. Puis des gens qui vont conduire la voiture de leur ami, il n'y en aura pas tant que ça, tu sais, des gens qui vont prendre la voiture de leur ami. S'il ne peut même pas prendre la sienne puis qu'elle est sur sabot de Denver, qui va lui prêter sa voiture? Je ne suis pas sûre de ça, moi. C'est important, monsieur. Il y a plein de monde qui conduit encore en état d'ébriété, même après avoir tué des personnes. C'est terrible, ça.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Chevrette: C'est le but de la commission précisément de vous permettre de vous exprimer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Et même de vous protéger. C'est ce que je pense avoir fait. Et je n'embarquerai pas dans les propos quasi partisans du député de l'Acadie, qui vous a fait un discours pendant 10 minutes, alors qu'ils ont été neuf ans au pouvoir sans changer rien.

M. Bordeleau: Je m'excuse, M. le ministre, mais il y a déjà eu une commission parlementaire où ça a été traité, puis ça a été fait par les Libéraux, il y a eu une discussion là-dessus.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Mme Giroux (Marjolaine): C'est nous qui vous remercions.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants de la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec à bien vouloir prendre place.

Alors, j'invite le ou la porte-parole à bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec

Mme Sauvé (Jocelyne): Bonjour. Mon nom est Jocelyne Sauvé, je suis directrice de la santé publique dans la région des Laurentides. D'entrée de jeu, merci de nous permettre de vous exprimer la position de la santé publique sur les sujets qu'on a sur la table. Alors, ce matin, je suis accompagnée du Dr Lessard, qui est mon collègue à la direction de santé publique de Montréal, de même que des experts en prévention des traumatismes de nos directions: M. Claude Bégin, qui vient de Lanaudière; M. Marc St-Laurent, qui vient du Bas-Saint-Laurent, et puis M. Michel Lavoie, Dr Lavoie, qui vient de Québec.

Alors, bien sûr la position qu'on vous dépose, c'est une position qui a été étayée par des spécialistes en prévention des traumatismes. Cette position-là, suite à la lecture du livre vert, a fait un relevé de toute la littérature scientifique qui était disponible de façon à ce qu'on puisse vous transmettre une information basée sur des données scientifiques validées et la plus minutieuse possible.

(10 h 40)

Bien sûr, d'entrée de jeu, je vous dirais que, nous – comment je dirais bien – notre préjugé est favorable à la santé et à la vie des gens. C'est, je vous dirais, la lunette que nous portons lorsqu'on analyse un ensemble d'éléments qui nous sont proposés. Donc, on a une préoccupation pour la protection de la santé de la population.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs. Et je vous rappelle que je dois tenir le temps. Alors, vous devez entrer à l'intérieur d'un 20 minutes.

Mme Sauvé (Jocelyne): Parfait. Alors, disons que, dans les trois, quatre premières minutes, ce qu'on va faire, c'est qu'on va vous encapsuler notre position et ensuite, Dr Lessard et moi, nous allons prendre un peu plus de temps pour chacune des sections de façon un petit peu plus détaillée. Et ensuite, suite aux questions, bien on permettra, entre autres, aux experts qui nous accompagnent de se joindre à nous dans la discussion.

Alors, écoutez, je ne reviendrai pas sur les chiffres qu'on a dans le mémoire concernant tous les gains qui ont été obtenus par rapport à l'amélioration du bilan routier. Ce qu'on sait, c'est que, depuis l'adoption de la politique de sécurité dans les transports adoptée par le ministère des Transports en collaboration avec la Société de l'assurance automobile du Québec, il y a eu des gains importants qui ont été faits dans les dernières années. La fameuse politique avait pour but de définir des orientations et des priorités générales pour réduire le nombre et la gravité des accidents routiers, mais cherchait également à optimiser l'adéquation entre la mobilité et la sécurité des usagers.

Nous autres, d'un point de vue de santé publique. Bien sûr, l'adoption de cette politique sur la sécurité, selon notre point de vue, devrait consacrer une priorité à la sécurité dans les interventions gouvernementales. Or, quand on examine les mesures qu'on a sur la table, qui sont proposées dans le livre vert, ça nous porte à croire que les mesures actuellement proposées ne pourraient peut-être pas toutes se traduire par une réduction du bilan routier. Peut-être, au contraire, certaines de ces mesures-là entraîneraient-elles une augmentation au chapitre du nombre de victimes ou de la gravité des blessures. On comprend bien que l'intervention du ministère des Transports vise, d'une part, à accroître ses gains en matière de sécurité routière, mais aussi, d'autre part, à préserver la mobilité dans les transports. Il nous apparaît parfois que cet objectif est difficile à atteindre de façon concomitante.

Notre préoccupation en santé publique, c'est clair, c'est la sécurité de la population, c'est la réduction du bilan des victimes de la route. La position historique du Conseil des directeurs de santé publique s'appuie sur la nécessité d'une intervention multifactorielle. Donc, on fait appel prioritairement à des mesures dites passives comme l'amélioration de l'environnement routier, la mise en place d'équipements de protection ou d'atténuation. Quand ces mesures passives là ne sont pas totalement efficaces, alors là parfois on va invoquer l'utilisation de lois ou de mesures réglementaires.

Donc, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le Conseil des directeurs de santé publique est favorable à certaines mesures préconisées dans le livre vert tel le port obligatoire du casque protecteur pour les cyclistes. On est d'accord aussi avec un ensemble de mesures visant la réduction de la conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool. Et on est d'accord aussi avec la réduction des blessures associées à la vitesse excessive des véhicules.

Toutefois, dans le cas du cinémomètre photographique, on a quelques réserves qu'on va vous exprimer. Et par ailleurs notre position est défavorable vis-à-vis l'accès à la chaussée pour les patineurs à roues alignées. Et notre position est aussi défavorable par rapport à l'implantation du virage à droite sur feu rouge. Je laisserai mon collègue vous parler tout de suite du port du casque protecteur.

M. Lessard (Richard): Bonjour. Alors, au Québec, depuis 1995, le taux de port de casque de vélo plafonne autour de 26 % – ça a été dit – malgré de nombreux efforts de promotion. Pour profiter pleinement de l'effet protecteur du casque, il faudrait qu'il soit utilisé par l'ensemble des cyclistes. Différentes avenues de solution sont envisagées dans le livre vert pour favoriser l'atteinte d'un tel objectif. Elles vont du maintien du statu quo, qui aurait comme principal effet de laisser le port du casque de vélo sur la base du volontariat, jusqu'à l'adoption d'une loi qui obligerait tous les cyclistes à porter un casque protecteur.

L'analyse de la littérature et des données scientifiques pertinentes et l'expérience sur le terrain démontrent qu'en misant uniquement sur le volontariat le taux de port du casque à vélo a tendance à plafonner entre 25 % et 40 % et que le fait d'en rendre le port obligatoire permettrait de faire des gains significatifs.

En se basant sur l'expérience australienne, nous estimons que le taux de port de casque de vélo passerait de 25 % à 65 % au Québec à la suite de l'entrée en vigueur d'une loi obligeant tous les cyclistes à porter le casque. Une telle augmentation du taux du port de casque de vélo permettrait de prévenir environ quatre décès par année, 120 hospitalisations et environ 600 blessures légères à chaque année chez les cyclistes. Alors, sur la base des indemnités versées par la SAAQ, nous estimons que la prévention de ces blessures permettrait au gouvernement d'épargner environ 12 000 000 $ par année. En nombre absolu, l'entrée en vigueur d'une telle loi permettrait de sauver relativement peu de blessures mortelles à la tête parmi les cyclistes, comparativement aux blessures graves et légères évitées.

Il importe toutefois de ne pas sous-estimer les gains de santé associés à l'application d'une telle mesure. Les cyclistes hospitalisés pour un traumatisme crânien sont souvent jeunes et les blessures à la tête sont souvent associées à d'importantes incapacités qui durent toute la vie.

Le Président (M. Lachance): Il y a un problème technique qu'on verra à solutionner...

M. Chevrette: Il y a un paletot qui parle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, vous pouvez poursuivre.

M. Lessard (Richard): Il a fallu le virer de bord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...de le virer à droite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lessard (Richard): Alors, je disais donc que la question des blessés et des blessures chez les cyclistes est quand même un problème extrêmement important dans le cas des traumatismes crâniens parce que ce sont des blessures qui créent des incapacités importantes qui durent toute la vie. D'un point de vue de santé publique, donc, il est indéniable que le port obligatoire du casque de vélo peut réduire significativement le nombre de victimes parmi les cyclistes au Québec.

Et, pour cette raison, le Conseil des directeurs de santé publique recommande à votre commission de modifier le Code de la sécurité routière de manière à rendre obligatoire le port du casque pour tous les cyclistes, et ce, lors de chaque déplacement à bicyclette et de jumeler cette mesure à un cadre d'application prévoyant l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme d'activité visant à promouvoir le port du casque et à en favoriser l'accessibilité, en particulier en regard des personnes à faibles revenus.

De plus, parce qu'une loi sur le port du casque de vélo ne doit pas remplacer mais plutôt compléter d'autres interventions visant à promouvoir la pratique sécuritaire du vélo, le Conseil des directeurs de santé publique recommande également à votre commission et au gouvernement d'utiliser pleinement tous les moyens à leur disposition pour favoriser le développement d'infrastructures cyclables sécuritaires ainsi que la réalisation d'activités de sensibilisation et d'éducation à la sécurité routière autant auprès des cyclistes que des autres usagers de la route.

Mme Sauvé (Jocelyne): Par rapport à la vitesse excessive. Puis je vais essayer de ne pas parler plus vite juste parce qu'on est dans ce sujet-là. On voit le temps qui passe, hein. Donc, la vitesse excessive est responsable d'environ 25 % des décès sur la route et de 19 % des blessés graves. On parle de 179 à 180 décès par année et de 1 226 blessés graves, ce qui en fait la deuxième cause de blessures attribuables aux véhicules à moteur.

Tel que c'est précisé, toujours dans la politique de la sécurité dans les transports, la recherche de solutions efficaces doit faire appel à un ensemble de mesures passives qui sont liées à l'amélioration de l'environnement routier et à l'ajout d'équipement dans les véhicules. On note toutefois que l'intervention policière avec les moyens conventionnels ne semble plus vraiment suffisante pour assurer le contrôle de la vitesse.

Donc, l'utilisation du cinémomètre photographique a été implantée avec succès à travers le monde. On voit, dans votre document, là, on parle d'environ 70 pays. Dans l'ensemble, l'efficacité du système de photo radar est reconnue pour son effet spécifique sur la réduction de la vitesse. Donc, des effets positifs sur le bilan des victimes sont générés lorsque les sites d'utilisation des appareils de contrôle automatique de la vitesse sont choisis bien évidemment en fonction des lieux où il y a des accidents attribuables à la vitesse. Donc, dans ce sens-là, cette mesure permet de réduire le nombre et la sévérité des blessures.

Par ailleurs, l'efficacité du cinémomètre photographique est d'autant accrue lorsqu'il y a présence de campagne médiatique, d'affichage adéquat des lieux d'intervention, donc, qui augmentent la perception des usagers qu'ils pourraient être pris en flagrant délit. Donc, cependant il faut comprendre que cette mesure n'est pas une panacée. Elle comporte des difficultés d'application, bien évidemment. Elle peut générer de l'insatisfaction au sein de la population. Et surtout elle ne peut pas remplacer les patrouilles policières – hein, ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est les deux ensemble. De surcroît, les mesures passives telle l'amélioration de l'environnement routier pour atténuer ou réduire la vitesse seront toujours les mesures les plus efficaces pour réduire les traumatismes routiers.

Ceci étant dit, la recommandation du Conseil des directeurs. Bien, nous sommes d'accord avec la recommandation du livre vert concernant l'utilisation du cinémomètre photographique. Bien sûr, nous, on y mettrait quelques balises, en ce sens qu'on vous suggère de procéder à une implantation circonscrite de ce système-là à des fins clairement de sécurité. Et, pour que ce soit fait à des fins clairement de sécurité, on suggère une obligation de faire approuver les sites par un comité de sécurité qui serait mandaté à cette fin, qui pourrait être composé de gens dont on peut convenir ou dont vous pourrez convenir. Et cette instance pourrait être également chargée de l'évaluation de l'efficacité de la mesure.

(10 h 50)

Par ailleurs – puis on pourra entrer dans les détails à la période de questions – on suggère la réalisation d'une étude d'évaluation sur les conditions optimales d'implantation d'une telle mesure. On suggère une mise en place progressive en ciblant d'abord les lieux les plus à risque. On suggère bien évidemment la mise en oeuvre de campagnes médiatiques d'information, de signalisation des sites d'intervention, de signalisation du constat d'infraction. Et, pour nous, le maintien du système de points d'inaptitude est quelque chose d'important. Donc, nous, on favorise le maintien des points d'inaptitude.

D'autre part, on croit qu'il est essentiel que le ministre réaffirme clairement la nécessité de prioriser la mise en oeuvre des mesures qui visent l'amélioration de l'environnement routier et, à cet effet, on suggère au ministre d'accroître l'intervention de support aux municipalités, notamment en consacrant un budget au réaménagement de zones du réseau routier. On vous a dit que c'est beau, le contrôle, c'est bien beau, le cinémomètre photographique, mais l'aménagement du réseau routier demeure une mesure efficace. Donc, on souhaiterait que le ministre envoie un signal clair dans ce sens-là.

Et, finalement, vous faites une petite ouverture dans le livre vert par rapport aux véhicules lourds. Et on suggérerait d'entreprendre des discussions avec l'industrie du transport, et ce, de façon assez rapide afin d'introduire à court terme des mesures de gestion intégrée aux véhicules pour le contrôle de la vitesse.

M. Lessard (Richard): Alors, le virage à droite sur feu rouge s'avère un exemple du dilemme mobilité-énergie versus sécurité. Cette mesure, le virage à droite sur feu rouge, vise la mobilité et la réduction d'énergie au détriment de la sécurité. Les gains en mobilité les plus souvent exprimés concernent la réduction du temps d'attente moyen des véhicules, ce qui amènerait une économie d'énergie ainsi qu'une diminution de la pollution atmosphérique. Les économies d'énergie seraient quand même moindres que celles estimées en 1987, soit une réduction d'environ 25 % par rapport aux données de 1987, et seraient plutôt de 8 600 000 de litres par année plutôt que les 11 000 000 qui avaient été calculés précédemment. Et la raison, c'est que les moteurs qui tournent au ralenti consomment maintenant moins d'essence.

Alors, actuellement, les gains attribuables au virage à droite sur feu rouge peuvent être obtenus autrement grâce à l'évolution de la technologie, exemple: de meilleures synchronisations des feux, systèmes intelligents de gestion de la circulation. Donc, pour améliorer la mobilité et également se conformer au protocole de Kyoto sur l'environnement, des actions pourraient être mises en oeuvre pour accroître l'utilisation des systèmes intelligents de gestion de la circulation, étudier les mesures plus efficaces tels les programmes d'inspection et d'entretien des véhicules, la formation à la conduite écologique et d'autres mesures possibles.

Selon les résultats d'études, il appert que l'introduction du virage à droite sur feu rouge a pour effet d'augmenter le nombre d'accidents reliés au virage à droite impliquant des piétons et des cyclistes. Par ailleurs, il semble également que de 30 % à 60 % des conducteurs n'effectuent pas un arrêt complet avant de tourner à droite sur le feu rouge, et ce, même après plusieurs années d'implantation du virage à droite. D'autre part, la double signification du feu rouge introduite par l'implantation du virage à droite sur feu rouge viendrait modifier la clarté du message transmis aux automobilistes. L'introduction de cette mesure pourrait se traduire par une augmentation d'environ 70 victimes blessées par année et un décès aux deux ans.

Le virage à droite sur feu rouge aurait un impact réel négatif sur le bilan des usagers de la route les plus vulnérables, en particulier les piétons âgés, les enfants, les personnes à mobilité réduite avec des handicaps visuels et auditifs et les cyclistes. Donc, pour ces raisons, le Conseil des directeurs recommande au gouvernement du Québec de maintenir le statu quo quant à l'interdiction d'effectuer le virage à droite sur feu rouge et d'étudier d'autres moyens disponibles pour favoriser la mobilité et la protection de l'environnement.

Mme Sauvé (Jocelyne): La conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool, trois choses. La première, c'est que bien sûr il y a des gains importants qui ont été obtenus dans les deux dernières décennies par rapport au fait de conduire avec les capacités affaiblies par l'alcool. Toutefois, on note qu'il y a un espèce de plafonnement et on pense qu'une partie de ce plafonnement-là serait en lien avec des sous-groupes de la population qui sont plus difficiles à rejoindre par nos messages, notamment les récidivistes, les délinquants ou les réfractaires. Il est probable que ceux-ci contribueraient à l'effet de plafonnement qu'on observe. Et, donc, l'introduction de nouvelles mesures plus dissuasives s'imposent si nous voulons obtenir des gains supplémentaires précieux, et certaines de ces mesures-là doivent viser spécifiquement ces gens-là.

Toutefois, on ne doit pas croire que la problématique de la conduite avec facultés affaiblies est une problématique uniquement chez des personnes qui ont des problèmes de conduite ou des problèmes de ce genre-là à répétition. On sait aussi qu'il existe un lien direct entre les problèmes d'alcool de façon générale et le niveau moyen de consommation d'alcool dans une population. Donc, on sait que plus une population, de façon générale, consomme de l'alcool, plus les problèmes liés à l'alcool sont importants dans cette population-là, que ce soit les problèmes liés à la conduite avec facultés affaiblies ou des problèmes de violence, et tout ça.

On sait que le gouvernement est sensible à développer une politique globale de réduction des méfaits liés à l'alcool, dont une partie se retrouve dans la politique de la sécurité routière, mais il y a aussi une politique de prévention des toxicomanies. Il nous apparaît important que l'ensemble des politiques gouvernementales qui visent l'utilisation ou la consommation d'alcool soit cohérente.

Et je soulève ou je porte à votre attention l'élément suivant. Malgré des politiques intéressantes et des campagnes de promotion que la Société de l'assurance automobile du Québec fait pour prévenir la conduite avec facultés affaiblies, il y a une autre petite branche du gouvernement ou des structures parallèles qui s'appelle la Société des alcools du Québec, qui, elle, fait une campagne extrêmement incitative – pour ne pas utiliser d'autres termes – qui vise à augmenter la consommation d'alcool dans la population. Donc, on porte à votre attention l'importance que les politiques gouvernementales en matière de consommation d'alcool soient cohérentes à tous les niveaux.

Finalement, l'introduction des dispositifs d'antidémarreur alcoométrique nous apparaît une mesure extrêmement prometteuse. L'utilisation plus systématique de ces dispositifs constitue à moyen et à long terme une avenue incontournable en matière de prévention de la conduite avec les capacités affaiblies, et ce, tant au niveau de la récidive que chez l'ensemble des conducteurs éventuels.

Vous mettez, M. Chevrette, dans votre document que l'introduction de vos mesures permettrait potentiellement d'éviter 60 décès, 250 blessures graves et 400 blessures légères par année au niveau de la conduite avec facultés affaiblies. Nous, on pense que les options prévues au livre vert s'avèrent nécessaires mais probablement pas suffisantes pour faire les gains que vous aimeriez faire.

Donc, on vous recommande, un, d'assurer la cohérence des politiques publiques relatives à la consommation d'alcool et la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool; deux, d'introduire une disposition rendant obligatoire l'installation d'un dispositif antidémarreur alcoométrique pour tous les contrevenants condamnés pour conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool. On recommande aussi de réaliser une étude de faisabilité portant sur l'implantation d'un projet-pilote qui viserait à mesurer l'utilisation volontaire d'un tel dispositif.

Par ailleurs, l'ensemble des mesures que vous énumérez au livre vert, on est tout à fait d'accord avec l'ensemble de ces recommandations-là, sauf peut-être l'abaissement du seuil légal à un niveau 0,04. Nous, on suggère de le laisser à 0,08. Et finalement on vous suggère aussi de peut-être augmenter les campagnes qui visent le dépistage des conducteurs avec facultés affaiblies.

Finalement, dans les deux minutes qui me restent, le patin à roues alignées. Alors, de façon très, très résumée, oui, le patin à roues alignées, c'est quelque chose de bien, c'est une activité physique intéressante. Nous, on prône par ailleurs l'augmentation de l'activité physique dans la population, donc on n'est pas contre le patin à roues alignées, au contraire. Toutefois, on reconnaît que la pratique du patin à roues alignées nécessite de l'équilibre, contrôle de la vitesse, capacité à freiner. C'est comme pas simple, avec les équipements qu'on a actuellement. Ce dont on se rend compte, c'est que ni l'habilité personnelle du patineur ni les cours de formation sur les techniques de patinage ne semblent être des facteurs de protection.

Par ailleurs, les données qu'on a au Québec ne sont pas particulièrement étoffées ni particulièrement complètes. Elles nous viennent d'un système qui va chercher l'information dans des hôpitaux. Il y a deux hôpitaux pédiatriques à Montréal, un hôpital pour adultes à Québec, et, donc, on pense qu'on n'a pas un tableau encore extrêmement complet et bien documenté pour ce qui est des causes et surtout des moyens qu'on aurait pour réduire les accidents. Par ailleurs, on sait toutefois qu'il y a certains facteurs de risque importants dans l'utilisation du patinage, entre autres, la vitesse, le partage de la route avec des véhicules moteurs, des cyclistes, des piétons, la qualité de la chaussée – c'est plus difficile d'entretenir une chaussée «at large» que d'entretenir des pistes cyclables.

Donc, compte tenu aussi qu'il n'existe aucun consensus dans la littérature sur une législation type qui serait efficace, nous, on a plutôt une position que je dirais de prudence, pour l'instant, et on recommande le maintien du statu quo actuel quant à l'article 449, qui dit qu'on ne doit pas faire usage sur la chaussée de patins et autres, planches à roulettes, véhicules jouets. On recommande qu'il y ait réalisation d'une étude québécoise sur la pratique, l'exposition aux risques et la survenue des blessures chez les usagers et finalement qu'il y ait formation d'un comité de travail qui utiliserait les données de ces études-là pour bien identifier quelles seraient les meilleures recommandations quant au développement de lieux de pratique sécuritaires ou encore sur l'éventuelle nécessité ou non d'obliger le port d'équipement de protection. Voilà pour l'ensemble de nos recommandations. Pile, 11 heures.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, messieurs de la Conférence des régies régionales pour cet exposé extrêmement intéressant. M. le ministre des Transports.

(11 heures)

M. Chevrette: Je vous remercie, madame, messieurs. Je trouve ça très intéressant aussi comme mémoire et surtout constructif parce que vous proposez des choses, projets-pilotes là où il y a de l'incertitude, où il y a plus ou moins de données, par exemple, des patins à roues alignées. Parce que je vais partir du dernier point que vous avez mentionné pour dire qu'on évalue à 100 000 par année les nouveaux adeptes. On serait près d'entre 500 000 à 600 000, peut-être, adeptes présentement. Et c'est vrai que c'est récent, il y a de l'engouement. Puis il n'y a pas de pistes, surtout pour les jeunes, moi, je trouve ça épouvantable. Je pense que c'est une petite jeune fille, toute jeune, qui est entrée sous un autobus dernièrement à Montréal, il y a deux, trois mois. C'est très grave. La façon de freiner, c'est quasi une technique. Si tu y vas de côté comme une lame, tu n'envoies pas une neige dans la face de quelqu'un, hein, tu capotes, ce n'est pas long. Donc, je vais les regarder très, très sérieusement, les suggestions que vous faites sur ce point précis.

Par contre, vous demandez de laisser la législation comme elle est présentement. On sait qu'elle n'est pas appliquée du tout, la loi, là-dessus, aucunement. Je n'ai eu personne qui m'a donné une statistique en disant qu'il y a 20 personnes en patins à roues alignées qui ont été arrêtées par la Sûreté du Québec ou par la Communauté urbaine de Montréal ou par quelque police municipale que ce soit; c'est tout au plus des avertissements.

Mais il y en a qui nous font des suggestions d'utilisation dans des rues dites résidentielles. Et j'ai posé la question: Est-ce qu'on ne peut pas strictement défendre, par exemple, les routes nationales, comme les routes numérotées, 132, 138? Je ne sais pas. Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans ces circonstances-là, les tenir sur des routes à deux voies, par exemple, et non numérotées? Je ne le sais pas. Je pensais, par exemple, à Montréal, tu dis à deux voies, ils ne sont plus capables de traverser le boulevard René-Lévesque. Puis il y en a qui sont rendus qu'ils vont travailler en patins à roues alignées. Donc, il y a des pratiques qui se développent qui peuvent devenir effectivement... qui vont créer certains problèmes bientôt. Donc, ça, je vais le regarder à la lumière peut-être d'un comité de travail, effectivement. Je vous remercie de la...

Mme Sauvé (Jocelyne): Ça nous fera plaisir de...

M. Chevrette: Oui, de collaborer.

Mme Sauvé (Jocelyne): ...vous supporter dans ce comité-là.

M. Chevrette: D'aussi loin, des Laurentides, venir à Québec...

Mme Sauvé (Jocelyne): On est déjà à Québec, ici.

M. Chevrette: C'est très plaisant, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Sauvé (Jocelyne): C'est une belle ville.

M. Chevrette: J'ai une question sur les points de démérite concernant le cinémomètre photographique. L'objectif, c'est de sauvegarder le droit des personnes à ne pas être identifiées. Je ne vois pas comment on pourrait appliquer un système de points de démérite. Par exemple, si c'est mon fils qui a l'auto, pourquoi, moi, qui lui ai prêté mon auto, ou il l'a prise sans ma permission, par exemple – ça ne se fait pas, mais supposons que ça arrive – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...je perdrais des points de démérite pour et au nom du fils qui l'a prise sans permission? Vous ne trouvez pas qu'il y a une incompatibilité d'application dans ce secteur-là? Je vous suis à peu près sur tout.

Mme Sauvé (Jocelyne): Sauf sur ça.

M. Chevrette: Vous avez très bien dit tout l'esprit qu'on veut y mettre: ce n'est pas d'être un État policier, ce n'est pas une machine à piastres, c'est un moyen bien localisé, bien spécifique. Je suis très heureux de la façon dont vous l'avez exprimé, à part de ça. Ça indique que vous avez compris le sens très bien des propositions qui sont dans ça. Mais, sur la notion de points de démérite, je voudrais vous réentendre, ou bien j'ai mal compris.

Mme Sauvé (Jocelyne): Non, vous n'avez pas mal compris.

M. Chevrette: Non?

Mme Sauvé (Jocelyne): C'était tout à fait ça. Non. Je vais laisser mon collègue M. St-Laurent répondre, c'est vraiment l'expert dans ce dossier-là. Mais peut-être juste vous dire d'entrée de jeu qu'il y a quand même des expériences et des législations de par ce monde où on utilise un système de photo radar avec points de démérite et il y a différentes façons de faire porter le poids des points de démérite sur la personne qui conduit. C'est peut-être un peu plus complexe, mais il y a une façon de faire ça.

M. Chevrette: Je sais. Vous gardez la photo puis vous envoyez la plaque. Je sais, mais, en tout cas, je veux vous entendre dire...

M. St-Laurent (Marc): Bien, il y a le système de dénonciation. En fait, je pense qu'on doit préserver le système de points de démérite notamment à cause des impacts négatifs si on faisait sauter ça dans le cas de la vitesse excessive. On signifierait, autrement dit, qu'on banalise la vitesse excessive puisqu'il n'y a plus de points de démérite. Ça signifierait également que ça remet en question l'ensemble du système de tarification de la Société de l'assurance automobile puisque les gens qui se font contrôler positivement par la vitesse vont éventuellement payer plus cher leur permis. Et là c'est comme si on donne, on introduit un système – vous le connaissez – le système à deux vitesses. Puis on dit au Québec qu'on ne veut pas ça. Alors, je pense qu'il faut qu'on trouve les moyens pour le maintenir, le système de points de démérite.

Et, dans d'autre pays, notamment l'Australie, ils ont le système de dénonciation. Et, dans le cas, je pense, des concessionnaires automobiles, qui sont venus vous dire que c'est très problématique pour eux, bien ça signifie que le propriétaire du véhicule informe le législateur, la Société de l'assurance automobile de qui conduisait le véhicule à ce moment-là.

M. Chevrette: Combien il me reste de temps, là? C'est parce que je veux donner la chance à deux de mes collègues.

Le Président (M. Lachance): Bien, écoutez...

M. Chevrette: Il me resterait-u une petite, petite question?

Le Président (M. Lachance): Certainement, M. le ministre, il n'y a pas de problème, mais vous allez devoir partager, si vous le voulez bien, avec les collègues ministériels. Il reste 14 minutes du côté ministériel.

M. Chevrette: J'ai six minutes de prises. O.K. Une autre question, c'est le virage à droite. Il y a quelqu'un de la région de Hull, je pense, de la Commission de transport de Hull, qui est venu témoigner, puis ils ont sorti toutes les statistiques et, dans leur coin, il y a même des expériences-pilotes qui se sont faites. Et on nous dit que 8 % des accidents aux intersections se déroulent au virage à droite alors que moins de 1 % des accidents aux intersections surviennent lors du virage à droite sur feu rouge. En d'autres mots, l'expérience qu'ils vivent par rapport à Ottawa, eux autres, sans doute, parce qu'ils sont aux frontières de l'Ontario, démontre que les Québécois prennent vite l'habitude. Puis c'est l'arrêt complet. Puis on n'enlève pas la signalisation existante aux endroits stratégiques. Je n'irais pas jusqu'à proposer aux Québécois, par exemple, que l'Université du Québec à Montréal, lorsque ses portes s'ouvrent à 16 h 30 puis qu'il n'y a plus de véhicules... Ce n'est même pas les autobus qui mènent, là, vous savez, c'est les piétons.

Donc, si on regarde toute la signalisation existante dans tous les endroits stratégiques, la main, le petit bonhomme, les flèches pour autobus, les flèches pour piéton ou pour virage à droite, si on maintient toute la sécurité, est-ce que vous croyez que c'est aussi dangereux que vous le laissez croire?

M. Lessard (Richard): Oui, on est convaincus que les chiffres qu'on a présentés vont se matérialiser, c'est-à-dire que les dangers sont réels. Parce que, en fait, ça dépend toujours de l'objectif poursuivi. Si l'objectif, c'est de faire comme les Américains et puis le reste du Canada, bien on peut le faire, mais il y a un coût à ça, puis le coût, c'est des décès puis des accidentés. Et, si l'objectif, c'est d'augmenter la mobilité, il y a d'autres méthodes que le virage à droite sur feu rouge qu'on peut prendre, qui sont très efficaces. Et, si l'objectif, c'est d'économiser de l'énergie, il y a aussi un paquet d'autres mesures qu'on peut prendre pour économiser l'énergie. Et toutes ces autres mesures n'ont pas d'impact sur la sécurité des gens qui ont à traverser.

M. Chevrette: Mais trois minutes sur la rue Sherbrooke à 2 h 15 du matin pour tourner à droite sur le boulevard l'Assomption, vous ne trouvez pas que c'est exagéré?

M. Lessard (Richard): Bien, c'est parce que... Oui. À cette heure-là, il n'y a personne dans la rue, de toute façon, il n'y a pas de policier non plus et puis...

M. Chevrette: Ah! ça, c'est moins sûr. Ha, ha, ha!

M. Lessard (Richard): Mais le gros de ce qui se passe, c'est qu'il y aurait une réglementation pour le jour...

M. Chevrette: C'est peut-être là qu'ils sont le plus souvent.

M. Lessard (Richard): Il y aurait une réglementation pour le jour puis une pour la nuit. Puis il y en aurait une à partir de 8 heures, puis il y en aurait une...

M. Chevrette: Oui, ça, j'ai peur de ça.

M. Lessard (Richard): Mais il faut que les messages soient simples, il faut qu'ils soient les mêmes tout le temps, et là les gens les appliquent. Et, dans la question du virage à droite, les informations qu'on a pu regarder dans la littérature scientifique, américaine surtout, ça démontre que, dans 30 % des cas, ils ont changé la réglementation. C'est-à-dire les endroits où ils pouvaient virer à droite sur feu rouge...

M. Chevrette: C'est-à-dire que la règle générale, c'est le virage.

M. Lessard (Richard): Oui.

M. Chevrette: Et la signalisation, c'est l'empêchement.

M. Lessard (Richard): Oui. Mais ils ont été obligés dans 30 % des cas de mettre des empêchements. Donc, ce n'est pas...

M. Chevrette: Bien, dans les zones scolaires... Moi, j'y vais assez souvent, là, je connais assez bien le système, puis il y a au moins 400 000 à 500 000 Québécois qui se sont adaptés aussi parce qu'ils y vont régulièrement, et il n'y a pas plus... Les Québécois ne sont pas des vautours qui écrasent le monde à Miami; plutôt des bandits qui vident des poches pour 20 $, là. Mais, très objectivement, je trouve qu'il va falloir qu'on protège... Par exemple, les gens de Hull qui, l'avant-midi, sont à Ottawa puis, l'après-midi, ils sont dans Hull, avec deux perceptions différentes, deux... On harmonise les poids charge des camions puis on n'harmoniserait pas nos règles qui, elles, sont directement reliées à la sécurité?

M. St-Laurent (Marc): Écoutez...

M. Chevrette: Bien, je vous essaie un peu, là. Je ne veux pas vous laisser la vie facile. Je vous ai vanté pendant deux minutes au départ, donc...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Laurent (Marc): À travers le monde, il y a la globalisation des marchés, on cherche à harmoniser les affaires, mais ça ne veut pas dire que c'est toujours un succès sur tout.

M. Chevrette: Ça, c'est vrai.

M. St-Laurent (Marc): En Europe, ils ont d'autres façons de procéder. Lorsqu'on parle de systèmes intelligents, bien, les systèmes intelligents de feux de signalisation peuvent gérer le jour et la nuit...

M. Chevrette: C'est vrai.

(11 h 10)

M. St-Laurent (Marc): ...peuvent faire en sorte que la personne n'attendra pas pour rien la nuit. C'est ce type de mesures là qu'on pense qu'on doit mettre en oeuvre pour éviter d'avoir des victimes de plus. C'est évident qu'il y a une problématique par rapport aux gens de la région de Hull. Est-ce que, par contre, on doit changer l'ensemble du Québec pour les gens de Hull? Je pense que l'ensemble du Québec doit être pris en compte et non pas des cas d'exception. Peut-être qu'on devrait accorder, je dirais, des facilités, on devrait prendre en compte particulièrement la question de Hull pour des projets-pilotes permettant d'installer les systèmes intelligents, permettant d'éliminer les problèmes qu'ils vivent particulièrement, puis, par la suite, poursuivre sur l'ensemble du Québec parce que tout le monde peut en profiter, mais préserver les gens, éviter les clientèles vulnérables, ils sont déjà assez vulnérables.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Salaberry-Soulanges, en vous indiquant qu'il reste neuf minutes du côté ministériel, alors si vous voulez partager avec votre collègue de La Peltrie. Je vous rappelle toujours que le temps, c'est les questions et les réponses.

M. Deslières: Merci, M. le Président, je vais faire diligence. Madame, messieurs, bienvenus à cette commission. D'entrée de jeu, vous avez indiqué à cette commission-là votre préjugé favorable concernant la sécurité et la santé de nos citoyens et citoyennes, ce dont on convient tous d'emblée. Et, pour ce faire, je crois remarquer dans votre mémoire que vous êtes très prointerventionnistes de l'État et du gouvernement, d'une série, d'une panoplie de mesures, que ce soit par la voie législative ou la voie réglementaire, pour venir tenter de solutionner ce que nous avons devant nous, l'ensemble des questions.

Moi, je me questionne. Jusqu'où l'État... Puis moi et d'autres et la société, à chaque décennie, nous questionnons sur cet effet de l'État. On nous a rappelé souvent que l'État était rendu dans la chambre à coucher des citoyens et citoyennes, qu'on imposait des choses aux citoyens et aux citoyennes, que l'opposition, à chaque année, nous reproche, au gouvernement – puis, quand on était dans l'opposition, on l'a fait – l'ensemble des lois qu'on passe et particulièrement des règlements. Je pense que c'est par millier. Je n'ai pas le chiffre exact, c'est par millier. Tout ça pour dire...

Je vais prendre un exemple. Puis, globalement, je pose le problème puis je me questionne à voix haute et je prends un exemple. Prenons le port du casque protecteur pour les cyclistes. Est-ce que, par rapport à votre projet, il n'y a pas un contre-effet, en disant: Écoutez... Moi, je suis un cycliste, je partage ça avec des amis quand j'en ai la possibilité. Puis, dernièrement, j'assistais à un colloque sur les pistes cyclables dans Saint-Jean, les gens me disaient: Écoutez, est-ce qu'on peut avoir la paix? Est-ce qu'on peut nous fouter la paix? Parce que, moi, là, si on m'impose encore une obligation du port du casque, je vais mettre ma bicyclette dans mon garage. Je suis en paix un dimanche après-midi sur des pistes cyclables, et tout ça. Est-ce que, encore une fois l'État, le gouvernement va venir – je vais vous dire ce qu'il dit – nous embêter avec tout ça? Bon.

Et le contre-effet général, c'est de dire: Moi, là... On sait tous que le cyclisme, la pratique du cyclisme est très bien pour la santé, mais, si on a un contre-effet puis les gens – excusez le terme latin, un «backlash» – disent: Bon, bien, là, ça fait! Moi, je veux la paix. Je donne un exemple. Puis je pense qu'on peut généraliser. Je comprends qu'aux coins de rue il faut que l'État intervienne, pose des lumières, puis tout ça, puis des questions d'intérêt pratico-pratique, mais est-ce qu'on ne va pas trop loin?

Ma question est une question de principe puis de philosophie pour arriver à solutionner des choses et bien sûr à la sécurité et à la santé des citoyens. Est-ce que ça ne va pas trop loin et il n'y a pas un contre-effet? Voilà, je vous pose la question. Puis je ne suis pas peinturé dans le coin, là. Mais il faut se questionner, je pense. Merci, madame, merci, messieurs.

M. Lessard (Richard): Si vous permettez, c'est sûr qu'on peut prendre deux approches. Il y a celle des principes, puis la débattre comme un principe, et il y a celle aussi de l'objectif et le côté pragmatique de la chose. Si le gouvernement veut diminuer le nombre de blessures, de décès, la question à se poser, c'est: Quelles sont les mesures les plus efficaces pour y arriver? Dans le cas du casque à vélo, c'est évident que tout le monde souhaiterait qu'il n'y en ait pas de conditions qui font en sorte qu'un cycliste tombe et se frappe la tête. On souhaiterait tous que ça n'arrive pas. Et on souhaiterait tous évidemment que tout le monde porte son casque, comme au hockey on porte certaines pièces d'équipement. Puis on ne penserait même pas à jouer au hockey sans certaines pièces d'équipement particulières...

Une voix: Pour les hommes.

M. Lessard (Richard): ...si vous voyez ce que je veux dire. Alors, évidemment on pourrait penser souhaiter que tout le monde porte son casque sur une base volontaire, puis ce serait extraordinaire, puis on n'aurait moins de décès puis d'accidents, puis tout le monde serait content. Le problème, c'est que ce n'est pas ça qui arrive. Et vous nous demandez comment on peut réduire davantage des traumatismes à la tête et les décès ou les accidents qui peuvent survenir, les blessures? Et là vous regardez qu'est-ce qui se passe. C'est évidemment le casque qui est la chose la plus efficace, outre toutes les autres mesures qui peuvent être mises en place évidemment pour sécuriser le cyclisme et le cycliste. Mais, à un moment donné, il faut arriver à des mesures de protection plus particulières. Puis là vous nous demandez: Bien, comment est-ce qu'on pourrait y arriver? Est-ce qu'on peut convaincre le monde puis les convaincre puis les convaincre?

Bien là on vous dit: Il y a bien du monde qui a essayé à bien des places, puis, en général, ça ne dépasse pas beaucoup 40 %. Et, pour avoir vraiment l'action efficace qu'on recherche, il faudrait que ce soit davantage autour de 70 %, 80 %. Et là, si on pouvait en inventer d'autres façons de convaincre les gens que le bon sens, c'est de porter son casque – autres que la loi – on serait bien d'accord avec vous. Mais, dans les mesures qui existent actuellement et qui sont efficaces, c'est la loi, le port obligatoire du casque qui permet d'augmenter le port à 80 % et qui donne des résultats.

Avec les complications que vous avez mentionnées, c'est qu'il y a des gens qui perçoivent que leur liberté est brimée, et ça, ça peut se discuter. Et il y en a d'autres qui vont peut-être dire: Bien, ça va diminuer le vélo, les gens vont faire moins de cyclisme. Puis il y en a peut-être qui vont en faire plus parce que le cyclisme va être plus sécuritaire, justement. Alors, là-dessus, je pense que votre opinion, je la comprends. Mais, si vous cherchez des mesures efficaces, malheureusement, en l'an 2000, il n'y en a pas des tonnes. Et la législation sur le casque, c'est la meilleure.

Le Président (M. Lachance): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Je vais y aller directement à ma question, comme il me reste très peu de temps. Alors, ça porte sur la conduite avec les capacités affaiblies. Vous dites dans votre mémoire qu'on doit s'assurer de la cohérence de ces politiques relatives à la consommation d'alcool puis à la conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool, éviter les actions contradictoires.

Alors, vous dites que vous êtes en faveur du maintien du 0,08, alors qu'aujourd'hui le jeune ou la jeune qui prend son permis de conduire, il a pour jusqu'à trois ans où c'est zéro tolérance. Vous ne trouvez pas qu'il y a un message contradictoire, là, quand, pour la jeune qui prend son permis de conduire, alors qu'elle c'est zéro de tolérance, alors que les adultes qui la côtoient, eux, ils ont le droit à 0,08, alors qu'elle après son trois ans, elle va pouvoir se laisser aller un peu plus? Moi, je trouve que c'est un signe contradictoire lorsqu'on est en faveur du 0,08, alors qu'on enseigne à nos jeunes que c'est tolérance zéro puis, après un certain temps, vous allez pouvoir vous laisser aller un peu plus. J'aimerais avoir vos... Parce que vous dites d'éviter des actions contradictoires, puis ça, je trouve que c'en est une action contradictoire.

Mme Sauvé (Jocelyne): Bien, nous, on ne perçoit pas ça comme étant contradictoire. Le 0,08 pour une population adulte qui a une certaine tolérance à l'alcool et qui a en plus des années d'expérience en conduite automobile, un taux d'alcool de 0.08 n'a pas le même effet chez un adulte que chez un jeune, surtout les jeunes en bas de 25 ans qui n'ont pas encore toutes les habilités requises pour conduire, dont tous les réflexes ne sont pas installés. Vous savez, c'est un apprentissage. Ce n'est pas parce qu'ils ont leur permis après six heures de cours de conduite puis quelques affaires sur papier que nécessairement ils sont bons le lendemain. Donc, il y a leur capacité qui est moindre.

Et il y a aussi, on le sait très, très bien, c'est bien documenté, que l'effet de l'alcool à des très petites doses chez des jeunes a rapidement un effet sur leur motricité, leurs réflexes, et tout ça. Et, donc, à notre avis, ce n'est pas contradictoire, c'est juste que les jeunes, ils sont plus affectés par l'alcool et ont moins d'expérience de conduite. Donc, la norme doit protéger l'ensemble de la population contre ces jeunes-là qui pourraient être plus facilement déstabilisés par l'alcool. Il ne nous apparaît pas que ce soit une contradiction.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie, porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous remercier pour votre mémoire. Effectivement, c'est un mémoire qui fait le tour de plusieurs sujets et qui est très bien documenté. Maintenant, je vais revenir sur certains des points que vous avez soulevés. Il y en a plusieurs, le temps passe, alors on va essayer d'aller aux principaux. Sur la question du port du casque, est-ce que vous n'avez pas l'impression... parce que, étant dans le domaine de la santé, j'ai l'impression que c'est l'approche qui est privilégiée de façon générale, une approche de prévention, de promotion de la santé plus que de soigner après. Alors, ça a été l'approche qui caractérise le domaine de la santé.

Et, quand on arrive dans des domaines comme la sécurité routière, bien on se retrouve avec des lois, ce qui fait qu'on l'aborde souvent sous l'angle législatif. On parle de sécurité routière, il y a des lois, il y a des permis, il y a des obligations, il y a toutes sortes de choses, et on l'encadre de cette façon-là. Et on arrive dans des zones où on a décidé laquelle des approches – je pense que le Dr Lessard y faisait référence tout à l'heure – l'approche de prévention, l'approche de promotion versus l'approche de répression.

(11 h 20)

J'ai l'impression qu'on part de deux directions différentes pour arriver au même objectif. Mais, personnellement, j'ai l'impression que, quand on réussit à convaincre les gens qu'ils doivent agir d'une certaine façon puis qu'ils en deviennent convaincus, c'est beaucoup plus efficace à long terme parce qu'on n'a pas à les reconvaincre chaque matin, c'est bien intégré, alors qu'une loi qui est imposée, si on ne la comprend pas, bien, aussitôt que la personne qui l'impose n'est plus là, on va la laisser tomber ou on va essayer de faire le contraire parce qu'on n'a rien intégré là-dedans, on n'a pas fait sien le comportement qui est suggéré.

Et, dans le domaine du port du casque, je pense que c'est un beau cas. Et j'aimerais avoir votre réaction sur certaines des présentations qui nous ont été faites. On dit: La promotion plafonne. D'ailleurs, dans le document de la SAAQ, on parle de 26 %. On dit: On a plafonné, puis là il faut prendre ça pour acquis. Moi, je ne suis pas certain de ça. Je ne suis pas certain qu'on a tout fait ce qu'on devait faire. Je peux vous dire qu'on a fait moins dans le domaine du port du casque pour faire la promotion qu'on a fait dans le domaine de l'alcool au volant. J'ai l'impression qu'on obtient de meilleurs résultats dans l'alcool au volant qu'on en a obtenus peut-être du côté du port du casque. Quand je dis ça, on a fait mieux: on a mis plus de ressources, on a mis plus d'efforts de ce côté-là. Et on se réveille aujourd'hui avec des comportements qu'on observe chez les jeunes: ils sortent ensemble, il y en a un qui ne prend pas un verre parce que c'est lui qui va conduire les autres à la fin de la soirée, et c'est devenu quasiment une habitude parmi les jeunes. L'approche répressive, si on veut, ou coercitive, à mon avis, je ne suis pas convaincu que c'est la meilleure façon.

Il y a des groupes qui sont venus nous dire ici... Je pense à un groupe qui fait des activités, 3 000 cyclistes qui font des promenades en province. On a Vélo Québec, qui va venir tout à l'heure, qui nous parle du Tour de l'île, 40 000 cyclistes. Sans aucune obligation, sans coercition, les gens qui participent à ces activités-là portent le casque à 80 %, 90 %. Alors, ce n'est pas une loi, là, c'est le même contexte. On a, dans la province, par exemple, des régions comme l'Outaouais où on le porte à 48 %, des régions – je ne sais pas si c'est l'Abitibi – 15 %, alors, encore là, avec le même contexte. Mais j'ai l'impression qu'il se fait, dans certains endroits où dans certains groupes, de la promotion, puis on a obtenu de très bons résultats. Je pense que vous disiez: L'objectif, si on pouvait en arriver à ce que 80 %, 90 % portent le casque, ce serait l'idéal. Mais ça existe dans des groupes: 40 000 personnes qui font le Tour de l'île, elles ont un casque. Peut-être que c'est à cause que l'autre à côté en a un, etc. Moi, j'ai plus confiance à une approche comme ça qu'à une approche répressive. Et je crains toujours qu'on en arrive trop rapidement à des conclusions en disant: Bon, bien là on ne peut plus faire rien d'autre, donc c'est la loi qui est la solution. Alors, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Lessard (Richard): Bien, moi, je partage votre préoccupation. Notre objectif, nous, dans la vie, ce n'est pas de légiférer la vie des gens, là. La voie législative, c'est en dernier ressort, quand on pense qu'il n'y a pas autre chose qui fonctionne et que cette voie-là est prometteuse et protège dans les faits. Là-dessus, je pense qu'on partage votre préoccupation. Et le travail avec Vélo Québec... et, en passant, on travaille beaucoup à Montréal avec Vélo Québec. On s'entend sur tout, sauf là-dessus. Et ça fait trois ans qu'on fait des campagnes de sécurité avec eux, et je pense qu'on est d'accord avec eux qu'on doit développer le cyclisme, qu'on doit le développer dans des conditions qui protègent et qui sont intéressantes, et tout ça. Mais, sur le porte du casque, c'est sûr que là-dessus, on ne s'entend pas.

Mais, quand vous parliez tout à l'heure des campagnes et jusqu'à quel point les approches de prévention et d'éducation apportent certains succès et que vous nommiez en particulier la question de l'alcool, il faut penser que la campagne venait appuyer une législation sur l'alcool. Ce n'était pas une campagne qui s'était faite sans modification de la législation. Et la modification de la législation, elle était très substantielle, elle était très sévère.

Si on prend l'exemple de la ceinture de sécurité, vous dites: On pourrait dire que maintenant il n'y a plus personne qui penserait ne pas porter sa ceinture de sécurité, même si ce n'était pas obligatoire. Mais il a fallu, à un moment donné, faire beaucoup de promotion, passer une loi. Et là, 10, 15 ans plus tard, on se dit: Bien, peut-être qu'on n'en aurait quasiment plus besoin de loi parce que les gens la portent tous. Mais il a fallu, à un moment donné, prendre des mesures qui ont fait en sorte que les gens sont devenus beaucoup plus conscients, ils ont pris l'habitude et ils ne se posent même plus la question à savoir si leur liberté est brimée ou pas quand ils attachent leur ceinture. Vous ne vous ne posez pas la question le matin, quand vous entrez dans votre voiture: Je l'attache-tu ou je ne l'attache-tu pas? C'est réglé.

Bien peut-être que, dans le casque, c'est ce qu'il faut faire. Peut-être que dans 10 ans, après 10 ans de législation, tout le monde va le porter, son casque, et personne ne va même penser ne pas le porter. Mais, pour l'instant, on n'en est pas là. Et, si on avait d'autres mesures à vous proposer qui sont aussi efficaces pour faire en sorte que 80 % des gens le portent, bien, honnêtement, on le ferait. On n'a pas de plaisir particulier à promouvoir une législation là-dessus. Alors, là-dessus, je pense que c'est ce qui base notre recommandation.

M. Bordeleau: Oui, mais la question que je me posais, puis je vais la poser tout à l'heure à Vélo Québec: Pourquoi dans certains groupes, qui ne sont pas des petits groupes, on en arrive, à partir de mesures volontaires, à des ports du casque de 80 %, 90 %? Pourquoi on ne pourrait pas apprendre de ce qui se passe dans ces groupes-là pour éventuellement peut-être essayer d'avoir une approche semblable, en tout cas, similaire au niveau de l'ensemble, si on veut, des cyclistes comme tels?

M. St-Laurent (Marc): Quand on regarde cette question-là, on en fait un cas particulier, il faut se demander s'ils sont représentatifs de la population en général. Tout à l'heure, le député disait son ami qui va sur les pistes cyclables le dimanche après-midi. Est-ce que cette personne-là, qui peut représenter la population en général, fait le tour de l'île de Montréal? Est-ce que cette personne-là prendrait des grandes vacances en cyclotourisme? Peut-être que oui, peut-être que non. Mais ce qui est sûr, c'est que le profil des utilisateurs qui sont des adeptes, je dirais, qui font énormément de vélo ont une perception du risque qui est beaucoup plus élevée que les gens en général et ils savent, lorsqu'ils vont entreprendre des activités, que ça peut être souhaitable de porter le casque. Ils peuvent dire, des fois: Ce n'est pas souhaitable de le porter. Mais, en règle générale, c'est assez différent du profil de la population en général.

La petite famille, si... Entre autres, moi, j'en ai entendu, des cas de ce genre-là: Bien, oui, la loi va passer, on s'est acheté un casque. Mais là il n'y a plus de loi, ça veut dire que ce n'est plus important. Les gens dans la population en général le décodent de cette façon-là. Alors, le gouvernement, en passant une législation, envoie un signal clair qu'il y a un danger et que ça prend une mesure pour se protéger. C'est un peu ça, l'effet qui est provoqué par une législation et c'est pour ça qu'on a un gain rapide d'environ 40 % de taux de port du casque.

M. Bordeleau: Je vais passer à un autre point, celui du... Non, excusez, avant de passer à un autre point, j'ai encore peut-être une question à vous poser concernant la question du port du casque. On fait souvent référence au port du casque, c'est un outil de plus pour assurer la sécurité, la santé, la vie. Dans le mémoire qui va nous être présenté tout à l'heure par Vélo Québec, il y a certaines données. J'aimerais ça avoir votre réaction là-dessus pour savoir comment vous les expliquer.

On fait référence à des... les sources, les données que je vais vous mentionner viennent du ministère des Transports du Nouveau-Brunswick, de Transports Canada, de B.C. Annual Traffic Collision Statistics. Et on dit, par exemple: «On peut néanmoins constater que le Nouveau-Brunswick avait connu deux décès de cyclistes en 1995, l'année où il a adopté la loi obligeant le port du casque. Ce nombre est tombé à un en 1996, à zéro en 1997. Il est remonté en 1998 à un niveau supérieur à celui qui prévalait avant la loi, soit trois décès.» On donne des données semblables pour la Colombie-Britannique, cinq décès en 1997 et un nombre identique en 1996, l'année de l'adoption de la loi. Cinq en 1996, cinq décès en 1997. «En 1998, le nombre de décès a malheureusement doublé, passant de cinq à 10, un chiffre que la province n'avait pas connu depuis 1993.» Et puis il y a d'autres données qui nous viennent d'ailleurs dans le même sens. Comment vous expliquez des résultats comme ça, où ça peut paraître à première vue un outil qui devrait améliorer, mais on observe dans certains cas une amélioration puis ensuite une détérioration par la suite?

(11 h 30)

M. Lavoie (Michel): Je peux tenter de répondre à cette question-là. Finalement, votre question touche non pas l'efficacité du casque mais l'efficacité de la loi à réduire les blessures à l'échelle d'une population. Donc, cette question-là, elle n'a pas été abordée de façon rigoureuse à bien des endroits dans le monde. En fait, nous, on n'en connaît qu'un, c'est en Australie, où le devis d'évaluation était assez rigoureux pour se prononcer. En Colombie-Britannique, tantôt j'y reviendrai, mais, pour moi, ce sont des données ponctuelles, mais on peut difficilement tirer des conclusions par rapport à ça.

En Australie, finalement ce qu'on sait, c'est que... On sait que le casque est efficace et permet de réduire les blessures à la tête. On sait que la loi permet d'augmenter l'usage du casque. Logiquement, là où il y a une loi, on devrait observer une réduction des blessures à la tête chez les cyclistes. En Australie, c'est ce qu'on a observé. Dans l'État de Victoria, il y a eu une réduction de 40 % du nombre de cyclistes blessés à la tête pendant les années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la loi.

Nous, on pense que la loi y est pour beaucoup dans cette réduction-là. La raison principale, c'est que la réduction du nombre de cyclistes blessés à la tête a été aussi associée à une réduction du pourcentage de cyclistes blessés à la tête. Ce dernier indicateur là, le pourcentage de cyclistes blessés à la tête, on peut expliquer sa réduction uniquement par une raison, c'est par l'augmentation du taux de port du casque qui a été observée suite à l'entrée en vigueur de la loi. Pourquoi? Parce que, quand on porte un casque, on réduit le risque de blessures à la tête, mais pas le risque de blessures ailleurs qu'à la tête. Alors, c'est de cette façon-là, on touche plus au numérateur qu'au dénominateur. À ce moment-là, quand on observe une réduction du pourcentage de cyclistes blessés à la tête, on peut être pas mal certain que c'est dû à une réduction du risque de blessures lors d'une collision due à une augmentation du port du casque.

D'autres facteurs ont été amenés par des opposants à la loi pour expliquer la réduction du nombre de cyclistes observés en Australie. Les gens disent: Ça a été dû à la réduction de la pratique du vélo, ça a été dû à l'adoption de mesures concomitantes de sécurité routière, par exemple la réduction de la conduite en état de facultés affaiblies, etc. Nous, on pense qu'on ne peut pas expliquer la réduction du pourcentage de cyclistes blessés à la tête par ces mesures-là parce que ces mesures-là ont en commun d'entraîner une réduction du nombre de cyclistes dans une collision. Donc, on réduit à la fois la probabilité de blessures à la tête et la probabilité de blessures ailleurs qu'à la tête, ce qui a pour effet de laisser cet indicateur-là constant.

Donc, ce que je voulais vous dire, c'est que dans le monde il y a un seul endroit où on peut se baser, où on peut vérifier l'effet d'une loi, et c'est en Australie. Et, nous, on croit que les résultats suggèrent fortement que la loi a été un facteur très important dans la réduction observée.

Pour ce qui est de la Colombie-Britannique – vous avez parlé du Nouveau-Brunswick, etc. – moi, j'ai pris contact avec les chercheurs qui sont chargés d'évaluer l'effet de la loi. Ce qu'on nous a répondu, c'est qu'il est trop tôt pour avoir des résultats. Il n'y a pas de données actuellement, pour ce qui est de la Colombie-Britannique, pour vérifier l'effet de la loi. Les chiffres que vous citez... Vous avez cité un rapport – je l'ai ici, là – c'est le Traffic Collision Statistic Police Attended Injury in Fatal Collision, British Columbia, 1995-1997 . C'est un rapport duquel on ne peut pas tirer de conclusion, et puis, quand on lit le rapport, on s'en rend compte rapidement. C'est vrai que, quand on regarde les données, on se rend compte que le nombre de cyclistes casqués blessés à la tête a augmenté après la loi, sauf que, ce que je serais tenté de dire, c'est que c'est normal, le taux de port du casque a augmenté aussi, il est passé de 38 % à 65 %. Donc, il y a plus de chances qu'il y ait des cyclistes casqués qui se blessent parce qu'il y en a le double sur les routes. Mais l'augmentation de toute façon est très faible.

Mais, quand on lit le rapport, il est marqué qu'on dispose de très peu d'informations sur le port du casque dans cette étude-là, dans le sens que, pour le tiers des cyclistes, on n'a aucune information à savoir s'ils portaient un casque ou s'ils n'en portaient pas. Donc, ça, ça crée des limites très importantes. Mais, ce qui est le plus important, c'est de lire la petite note en bas de page, où c'est marqué: Attention, le nombre de collisions pour 1995-1996-1997 ne devrait pas être comparé en raison du changement de pratique de la part des policiers concernant la façon de rapporter les accidents. Donc, on ne peut pas faire de lien entre les données qu'on observe en 1995-1996-1997 à partir de ces résultats-là parce que la façon de colliger les données a changé, etc.

Honnêtement, après avoir révisé la littérature, je peux vous dire que le seul endroit au monde où on peut tirer des conclusions sur l'effet de la loi quant à la réduction du nombre de cyclistes blessés à l'échelle d'une population, c'est en Australie, à ce jour. Il y a des études qui s'en viennent, là, elles ne sont pas encore disponibles.

M. Bordeleau: O.K. Il reste peu de temps, je veux juste aborder un autre sujet. On parlait du patin à roues alignées. Vous avez des contacts – vous y avez fait référence – dans les autres provinces pour ce qui est du port du casque, mais la réalité qu'on a décrite tout à l'heure, qu'il y a plusieurs centaines de milliers de gens actuellement qui font du patin à roues alignées, comment on a réglé ce problème-là dans les autres provinces canadiennes? Prenons les autres provinces canadiennes, si vous avez des données aux États-Unis, ça peut être là aussi. Mais est-ce qu'on l'a encadré? Est-ce qu'on le permet partout? Est-ce qu'on le défend partout? Parce que, là, on se réveille dans une situation aussi où on a une loi, la loi, elle est là, elle existe, mais elle inapplicable et inappliquée, hein?

Et puis c'est un peu ce que je crains aussi, incidemment, par rapport au port du casque. Même si on avait une loi qui impose le port du casque, est-ce qu'elle sera applicable et appliquée? Les policiers vont partir après le petit gars qui est dans le parc et qui n'a pas son casque? Ils ont de la misère, là, avec les ressources qu'ils ont actuellement à assurer au fond le travail qu'ils font. Et dans le cas des roues alignées, bien évidemment ils ont laissé aller complètement, c'est permis partout. Mais je serais curieux de savoir effectivement qu'est-ce qui s'est passé ailleurs dans les autres provinces par rapport aux roues alignées. Est-ce qu'on les encadre, d'une certaine façon?

M. Bégin (Claude): Je peux répondre à cette question-là. En gros, il y a des municipalités ou des «counties», aux États-Unis, qui ont encadré la pratique du patin à roues alignées. Cependant, ils l'ont fait pour répondre soit à des pressions du milieu ou d'organismes, mais sans vraiment avoir beaucoup de devis d'évaluation. Donc, il est difficile, actuellement, sur la littérature qui est disponible, qu'on a regardée, de dire, je dirais entre guillemets, hors de tout doute que le fait de laisser les gens pratiquer le patin à roues alignées dans certaines zones plutôt que telles autres a un effet protecteur au sens où on l'entend en santé publique, donc un effet populationnel, et on s'en était assurés.

Et c'est pour ça qu'on a des recommandations qui disent: Le plus tôt possible, mettons de l'avant un comité qui va regarder ça et passons à des étapes pilotes pour regarder les solutions d'implantation à partir d'une revue de données pour lesquelles elles sont manquantes actuellement. Et même ailleurs au Canada ou aux États-Unis, on n'a pas assez de données qui nous permettent de dire ça. Il y en a qui vont vous dire oui, il y en a d'autres qui vont vous dire non. Et, quand on les regarde un peu finalement, pour l'exemple du vélo, c'est la même chose, c'est difficile de dire hors de tout doute: Oui, on peut y aller, par rapport à une zone résidentielle x, y, z.

M. Bordeleau: O.K. Mais indépendamment du fait qu'on ait des résultats ou non par rapport aux incidences des accidents comme tels, qu'est-ce qui se passe ailleurs généralement, ailleurs au Canada par exemple? C'est le laisser-aller comme ici actuellement, ou quoi?

Mme Sauvé (Jocelyne): Il y a toutes sortes de choses, en fait. Moi, ce que j'ai lu dans la littérature, c'est que, autant aux États-Unis qu'au Canada, il y a toutes sortes de modalités: il y en a qui vont permettre un peu partout, il y en a qui vont restreindre à la chaussée, il y en a qui vont empêcher sur les trottoirs, d'autres vont le permettre, il y en a qui vont restreindre seulement sur les voies cyclables. Il y a à peu près de toutes sortes de choses. Donc, pour l'instant on n'a pas un portrait très clair qui nous permet de dégager des conclusions. Il y a le Dr Lavoie qui voulait rajouter quelque chose par rapport...

Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Lavoie (Michel): Oui, je vais faire rapidement. C'est que j'ai lu le Journal des débats , et je me suis rendu compte qu'il y a eu un rapport du coroner pour la région de Toronto à un moment donné, qui a été cité concernant le casque. En tout cas, à la lecture de ce rapport-là on ne doit pas comprendre que le coroner discréditait le casque ou la loi.

Je voulais juste préciser que, quand on regarde, c'est qu'il s'est intéressé à 38 décès de cyclistes avec véhicules à moteur; il a observé que trois cyclistes seulement portaient le casque de vélo, 55 % des décès étaient dus à des blessures à la tête. Et il conclut que le casque n'est pas une panacée; donc c'est insuffisant, mais c'est utile. Sa septième recommandation portait sur le casque de vélo, et il suggérait au ministère des Transports, en collaboration avec les autorités municipales locales, la police et des groupes de cyclistes, de développer un fonds pour augmenter la connaissance de la loi ontarienne par rapport au casque et pour encourager l'usage du casque. Parce que j'avais cru comprendre, dans le Journal des débats , qu'on avait fait une interprétation différente.

Je voudrais aussi peut-être juste dire... On peut aussi dire qu'il y a d'autres associations dans le monde, comme le British Medical, l'association des médecins en Grande-Bretagne, qui sont contre la loi, etc. Il faut savoir qu'ici, au Canada, depuis de nombreuses années l'association des médecins est favorable à la loi, donc on peut choisir notre camp.

Le Président (M. Lachance): Alors, c'est très intéressant, mais le temps est... Je vous remercie pour votre participation aux travaux de cette commission. Ça a été extrêmement plaisant d'entendre les arguments.

Mme Sauvé (Jocelyne): Merci à vous.

(11 h 40)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite tout de suite les représentants de Vélo Québec à bien vouloir se présenter à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, messieurs. Alors, j'invite le porte-parole du groupe à se présenter, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Vélo Québec

M. Champoux (Gilles): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les députés. Mon nom est Gilles Champoux. Je suis le président du conseil d'administration de Vélo Québec. Je suis accompagné du directeur général de Vélo Québec, M. Jean-François Pronovost, ainsi que de M. Robert Boivin, vice-président aux affaires publiques.

Vélo Québec est un organisme sans but lucratif qui a pour mission d'encourager et de faciliter la pratique libre et sécuritaire de la bicyclette à des fins de loisir, de tourisme et de transport. Il regroupe des membres dans les différentes régions du Québec. La présidence du conseil d'administration de Vélo Québec constitue une activité bénévole; je gagne ma vie comme ingénieur en haute technologie. La firme dont je suis un des associés transige à l'échelle internationale.

Bon an, mal an, je roule près de 5 000 km par année. Je suis aussi président d'un club de randonnée. J'ai parcouru à bicyclette une bonne partie du Québec. J'ai fait du vélo aux États-Unis et dans plusieurs pays d'Europe.

La position de Vélo Québec concernant le casque cycliste est connue, on l'a fait connaître à plusieurs reprises. Elle a été beaucoup discutée parmi les membres. Nous encourageons les cyclistes à porter un casque et nous estimons que l'éducation et la sensibilisation sont les meilleures avenues pour en généraliser le port. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un domaine où il faut faire appel à l'intelligence de la population et où il faut responsabiliser les individus. Bien entendu, éduquer demande du temps. Mais les changements qu'on obtient par la persuasion deviennent des convictions; ce sont des changements en profondeur, ils sont durables.

Pour un cycliste, la sécurité, c'est fondamental. Si les routes et les rues sont dangereuses ou si on a le sentiment qu'elles le sont, on ne fera pas de vélo. Je vais maintenant donner la parole à notre directeur général, Jean-François Pronovost, qui vous présentera nos vues sur la sécurité à vélo.

M. Pronovost (Jean-François): Merci, Gilles. M. le Président, M. le ministre, M. le député de l'opposition, Mmes, MM. les députés, je vous dirais en quelques mots que Vélo Québec, c'est une organisation obsédée par la sécurité des cyclistes. Depuis la fondation de Vélo Québec en 1967, la sécurité routière est au coeur de notre mission. Les fondateurs de notre association savaient que la pratique libre de la bicyclette ne pouvait se développer si les rues et les routes ne devenaient pas accueillantes pour les cyclistes et si la perception que de faire de la bicyclette est dangereux ne s'amenuisait pas.

Dès les débuts, l'action de Vélo Québec a visé notamment à sensibiliser les pouvoirs publics, dont le ministère de la Voirie, le prédécesseur des Transports, ainsi que le Bureau des véhicules automobiles, responsable de l'application du Code de la route. Il importait à cette époque comme aujourd'hui que les campagnes de sécurité abordent les questions de sécurité des cyclistes, du partage de la route, de l'éducation des cyclistes au respect des règles de base de la circulation.

Je vous relate brièvement notre cheminement. Nous avons commencé par créer une école du cyclisme à la fin des années soixante, début des années soixante-dix, il y a une trentaine d'années, donc, au moment où aucun organisme gouvernemental n'avait pour mandat d'assurer la sécurité des cyclistes. Nous devions prendre l'initiative de développer des programmes éducatifs à l'intention des cyclistes en cherchant du financement du côté de l'entreprise privée. Un exemple de cette époque, c'est un programme que nous avions conçu en collaboration avec Coca Cola.

Nous avions revendiqué des aménagements cyclables et nous sommes devenus des experts dans le domaine. En effet, Vélo Québec a contribué aux refontes du Code de la sécurité routière en 1979 et à la révision des normes de signalisation et d'aménagement des voies cyclables. Le Guide technique d'aménagement des voies cyclables , également distribué en version anglaise dans une trentaine de pays, s'est imposé comme une référence et a largement inspiré la définition des normes au Canada.

Troisièmement, nous avons développé des programmes pour les jeunes et les écoles. On se souvient des programmes Vélo Cité, Vélo Expert faits avec la collaboration de la Société de l'assurance automobile. Nous avons organisé plusieurs conférences sur les aménagements, sur la sécurité. On se souvient de la Conférence Vélo Mondiale en 1992, la plus importante du genre au monde avec 600 participants d'une trentaine de pays.

Nous faisons chaque année de la formation de cyclistes encadreurs. Une centaine de personnes chaque année passent par nos cours pour assurer la sécurité de groupes et de groupes de voyageurs au Québec et à l'étranger. Enfin, quotidiennement nous informons le grand public. Donc, sur toutes les tribunes on informe les cyclistes de leurs devoirs. On travaille avec les services policiers qui sont nos partenaires et nous les appuyons dans leur tâche de faire respecter le Code de la sécurité routière.

Regardons maintenant dans quel contexte se situe la pratique du vélo au Québec. Contrairement aux autres provinces, grâce à la politique vélo qui a été rendue publique en 1995, on a fait au Québec un premier effort pour systématiser la connaissance de la pratique du vélo. À partir du portrait réalisé en 1995, on appelle ça l'état du vélo, une étude qui a été réalisée en collaboration avec le ministère et la SAAQ, on sait qu'il y a près de 4 000 000 de cyclistes au Québec, qui sont majoritairement des adultes, qu'ils parcourent ensemble près de 3 000 000 000 de kilomètres annuellement, que la progression de la pratique du vélo est constante et importante, et le plus notable, c'est l'intensité de la pratique, on sait que c'est des gens qui en font plus d'une fois par semaine, donc un adulte sur trois. Près de 1 000 000 de personnes, près de 1 000 000 d'adultes en fait, au Québec, en font plusieurs fois par semaine. En fait, on est plus vélo en termes de pratique que la majorité de nos concitoyens canadiens et plus que les Français, les Italiens ou les Britanniques, mais cependant moins que les Néerlandais et les Danois ou les Allemands.

Alors que la pratique croît, le nombre de victimes diminue. Une image vaut mille mots. Donc, vous connaissez probablement ces données. Donc, au cours de la période de 1966 à 1975, on enregistre une moyenne annuelle de 69 décès chez les cyclistes, et certaines années même le tragique bilan s'élève à plus de 80 décès. Durant la dernière décennie par contre le taux de mortalité a été réduit de moitié, on parle d'une moyenne de 26 morts entre 1994 et 1998. On ajoute à cela évidemment les blessés: les blessés légers, les blessés graves qui nécessitent une hospitalisation.

Mais, à partir de toutes ces données, on constate une chose aussi, on constate que 99 % des cyclistes n'ont jamais d'accident nécessitant une hospitalisation. Qui sont ces accidentés? Donc, les clientèles, en fait les gens qui ont des accidents. En majorité, des hommes qui représentent 72 % des accidentés, 80 % des décès. Un fait à souligner: en 1997 et 1998 aucune femme de plus de 20 ans n'a connu un accident mortel en vélo. Les victimes, ce sont aussi les jeunes garçons, on le sait, 42 % de toutes les victimes, 39 % de tous les décès. Il y a un problème, là, hein? C'est des choses qu'on sait, mais on l'a soulevé à plusieurs reprises, et puis je pense que c'est important de le rappeler. C'est important de rappeler que c'est important de cibler et de regarder où sont les problèmes.

Le moment de la journée. Lorsqu'on regarde les bilans des accidents, on regarde un peu à quel moment dans la journée se produisent les accidents. Et ce qu'on regarde avec ça: 22 % à 29 % des décès surviennent à la tombée du jour alors qu'est parcouru 1 % à 2 % du kilométrage par les cyclistes. Ça aussi, il y a un problème, là.

Bon, les lieux, bien on connaît les problèmes d'intersection, enfin les points de conflits dans les villes. On connaît le problème des routes à haute vitesse où l'infrastructure... où il n'y a pas d'accotement asphalté. On connaît ces problématiques-là aussi quand on essaie de dresser une typologie de l'accident. Mais, ce qu'on sait aussi finalement, c'est que le vélo est un véhicule moins dangereux qu'on le croit et qu'on le dit, ce qui ne veut pas dire qu'il ne comporte pas de risques.

On constate aussi que ce qui a été fait jusqu'à maintenant a bien marché: les pistes cyclables; les campagnes de sécurité; les cours; les grands événements, qui contribuent pour une bonne part dans l'éducation des cyclistes; le travail terrain des clubs, les centaines de clubs à travers le Québec qui amènent des gens toutes les semaines; le travail des clubs sociaux, les clubs optimistes, les services policiers; les campagnes contre l'alcool au volant évidemment et l'excès de vitesse ont contribué à améliorer le bilan des cyclistes.

Les prochains gains seront plus difficiles que ceux qu'on a obtenus; cela est vrai pour l'auto, cela est vrai pour le vélo. Par conséquent, si on veut réduire les victimes, cela requerra une meilleure connaissance de la problématique des accidents afin de mener les interventions bien ciblées.

(11 h 50)

C'est à partir de cela que nous privilégions une approche globale: d'abord et avant tout par la création d'un environnement favorable à la pratique du vélo par des pistes, par l'asphaltage des accotements sur les routes, par la réduction de la vitesse automobile, en milieu urbain particulièrement; deuxièmement, par des efforts d'éducation qui doivent commencer dès le primaire pour inciter les cyclistes à respecter les règles de la sécurité, s'équiper adéquatement, et aussi en sensibilisant les automobilistes au partage de la route; enfin, en appui aux campagnes d'éducation des interventions policières ciblées sur des points majeurs du Code: respect des feux rouges, respect de la signalisation, sens de la circulation, présence des systèmes d'éclairage. En fait, des points qui sont très peu mis en application en ce moment.

Dès maintenant, un certain nombre d'actions et de principes, nous en proposons six qui sont présentés dans notre mémoire, pourraient être adoptés et commander l'intervention gouvernementale. Premièrement, étendre à l'échelle du Québec la campagne de sécurité sur les systèmes d'éclairage qui se déploient actuellement à Montréal. Vous savez, le Tour de l'île de Montréal a joué un rôle capital en initiant une campagne publicitaire, et un événement, un Tour la nuit l'année dernière, pour sensibiliser les cyclistes et l'industrie à l'importance des systèmes d'éclairage et des équipements de visibilité. On a parlé qu'il y avait un problème la nuit, et, donc, c'est un problème auquel on s'est attaqué. L'utilisation d'un système d'éclairage lorsqu'on roule le soir est obligatoire, et, malgré cela, à peine 10 % des cyclistes possèdent un équipement de ce type; il y a donc des gains appréciables à faire dans ce domaine.

On pourrait, deuxièmement, établir un observatoire des points noirs. Beaucoup d'accidents en vélo pourraient être évités si un aménagement adéquat était réalisé. La ville de Montréal a fait des interventions réussies dans ses carrefours les plus accidentés pour l'automobile, et on pourrait s'en inspirer. Un examen de l'environnement, je dirais, sous un angle multidisciplinaire nous amènerait à mieux saisir notamment pourquoi certaines régions sont surreprésentées dans le bilan des victimes.

Troisièmement, cibler les groupes à risque. J'en ai parlé tout à l'heure, il y a des groupes où il y a des problèmes, et on les perçoit assez facilement.

Quatrièmement, poursuivre ou initier des recherches sur les équipements sécuritaires. Le casque cycliste, bien sûr, mériterait de faire l'objet d'attention au niveau des attaches et de l'adaptabilité afin d'accroître son efficacité comme mesure de protection. En ce qui concerne les systèmes d'éclairage, on retrouve de tout et n'importe quoi sur le marché; alors que les phares de voiture sont réglementés, c'est le néant ou la loi de la jungle qui s'applique en matière d'éclairage vélo. Une norme minimale d'efficacité de ces équipements évacuerait du marché les mauvais produits et amènerait une standardisation qui ne pourrait qu'être bénéfique aux cyclistes en tant qu'usagers et consommateurs.

Cinquièmement, perfectionner nos outils de mesure des accidents de bicyclette et approfondir notre connaissance de la pratique. Notre connaissance des accidents reste, avouons-le, relativement incomplète, donc elle aurait besoin d'être mise à jour et aussi mise à norme, si on peut dire. La connaissance de la problématique des accidents affectant les cyclistes s'est beaucoup développée dans la dernière décennie, en particulier en Europe où des efforts ont été faits pour accroître l'usage du vélo et réduire le nombre de victimes.

Le rapport du coroner de la région de Toronto auquel nous avons fait référence dans notre mémoire contient des recommandations qui mériteraient d'être analysées. Jusqu'à maintenant on a surtout pointé du doigt, dans les accidents dont les cyclistes sont victimes, le mauvais comportement de l'utilisateur du vélo; or, il semblerait que ce portrait mériterait peut-être des nuances. De plus, une des difficultés à bien comprendre les accidents de vélo viendraient des lacunes dans les outils utilisés pour rapporter les accidents.

Enfin, une autre mesure, mobiliser les adultes du Québec, les individus et organismes préoccupés par l'inactivité physique des jeunes et la réduction des accidents de bicyclette. Avant, quand on était petit, on marchait pour aller à l'école; maintenant, les enfants vont en autobus scolaire, ce qui coûte assez cher, ou bien en auto, ce qui n'est pas très convivial.

Si nous abordons cette question de l'école et des enfants, c'est qu'elle fournit un cadre et une dynamique éducative où l'enfant peut faire un apprentissage sécuritaire de la bicyclette. C'est ainsi d'ailleurs que procèdent les pays qui favorisent l'usage du vélo dans leur société. Il existe de nombreuses expériences passionnantes dont il serait possible de s'inspirer.

Ce n'est pas évident que de donner un vélo à un enfant et le laisser libre dans la nature sous prétexte que l'environnement n'est pas dangereux ou sous prétexte qu'il a la tête protégée. Il incombe aux parents d'initier leurs enfants à la maîtrise du vélo et à son utilisation dans la circulation. Une bonne part des parents d'aujourd'hui sont cyclistes et peuvent jouer ce rôle, contrairement aux générations qui les ont précédés, qui n'ont pas eu accès au vélo. Mais cet apprentissage est long et global et requiert du temps et de la répétition, d'où le caractère privilégié du trajet reliant le domicile à l'école.

Les parents ont besoin de soutien; l'école, les municipalités, le gouvernement peuvent jouer un rôle essentiel à ce titre-là. Il faut passer à une autre étape. À ce sujet, j'amènerais que la réflexion de Kino-Québec sur les transports actifs pourrait être utilement mise à contribution. L'heure est venue de mobiliser les énergies préoccupées par le sédentarisme des enfants et la réduction des accidents de vélo.

Ces actions que nous suggérons, nous en sommes convaincus, pourraient contribuer à sécuriser davantage la pratique du vélo. Elles devraient nous faire obtenir de nouveaux gains, mais encore faut-il s'attaquer à la tâche de les mettre en oeuvre. Le vélo a longtemps été un jouet et perçu comme tel. Cette perception ne correspond cependant plus à la réalité depuis une trentaine d'années. Au Québec, on reconnaît le vélo comme un moyen de transport.

L'utilisation importante du vélo qu'on fait ici fait de nous des gens qui pratiquent le vélo plus que toutes les autres collectivités du continent. Pour peu qu'on en favorisera le développement, la bicyclette pourrait jouer une contribution significative à la résolution de certains problèmes auxquels la société d'aujourd'hui fait face. Je vous donne deux exemples. La sédentarité, j'en ai parlé, j'y reviens. Les jeunes font moins d'activité physique. Leur niveau de condition physique baisse, et on enregistre une progression de l'obésité et de l'excès de poids. Ce problème n'est pas unique au Québec, hein, c'est tous les pays industrialisés, motorisés qui y font face.

L'autre problème, c'est la question des gaz à effet de serre et la contribution du Québec à la diminution des gaz à effet de serre. L'obligation de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre nous forcera peut-être sous peu à ralentir l'étalement du territoire, à favoriser une plus grande densification des zones habitées, à augmenter les déplacements de proximité et à réduire l'utilisation de l'automobile. Ce n'est pas de la science-fiction. Je pense qu'il va falloir s'y attaquer assez bientôt.

Une tendance en émergence, donc, est de relier ces questions de sédentarité et de pollution atmosphérique et de questionner, notamment, un mode de vie fondé sur la motorisation. L'une des plus intéressantes expression de cette tendance, c'est la Charte sur les transports, l'environnement et la santé de l'Organisation mondiale de la santé. Au nombre des avenues de solution, la Charte en appelle à planifier des villes en fonction des modes de déplacements qui exigent une activité physique, c'est-à-dire la marche et la bicyclette, des modes de transport n'ayant souvent pas été pris en considération lors de la planification et des prises de décision.

Pour ce qui est du casque maintenant, Vélo Québec, comme l'a dit notre président, demeure convaincu que le principal problème de sécurité chez les cyclistes n'est pas le port du casque protecteur. Celui-ci ne doit pas être considéré comme une solution miracle à tous les problèmes de sécurité à vélo. Il ne faut pas perdre de vue que le casque protecteur, de par sa construction et sa légèreté – ce n'est pas un casque de moto – est un équipement de protection qui comporte beaucoup de limites. Cela dit, Vélo Québec demeure en faveur de la promotion du casque protecteur, et nous sommes convaincus que l'éducation donnera des résultats plus durables que des mesures coercitives.

Vélo Québec favorise une approche évolutive. Il faut prendre acte que le casque est un produit de consommation récent et que sa pénétration dans la société est appelée à s'accroître. On parle de l'amélioration des équipements d'une façon générale; les cyclistes sont mieux équipés, et c'est une chose qui se développe de plus en plus. À trop vouloir forcer les changements de comportements, on s'expose à produire l'effet contraire et à discréditer une mesure de sécurité qui a sa place dans la panoplie des équipements protecteurs à promouvoir.

On peut penser qu'en réduisant le nombre de cyclistes on réduira les accidents affectant les cyclistes. C'est une illusion. C'est en rendant les cyclistes plus présents dans les rues et les routes qu'on va apaiser la circulation et rendre l'usage plus sécuritaire. Donc, ce qu'on demande, c'est que cette approche, où l'action est orientée vers la quête d'un taux de port du casque suffisamment élevé pour légitimer une loi, cesse, se transforme vers une approche plus gagnante, plus proactive pour améliorer la sécurité des cyclistes.

Qui plus est, une loi obligeant le port du casque poserait d'immenses problèmes d'application. Nous les présentons dans notre mémoire: l'application par les services policiers, la continuité de l'infraction, le problème de l'adolescence. Est-ce qu'on croit qu'une loi aura un effet éducatif auprès des adolescents? Ne risque-t-on pas de voir les jeunes renoncer au vélo ou encore jouer au téméraire et braver la loi? A-t-on vraiment besoin d'ajouter un autre motif de conflits entre les adolescents et les services policiers?

Au sujet de l'expérience...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. Pronovost.

M. Pronovost (Jean-François): Oui, c'est ce que j'aborde. Donc, au sujet de l'insoutenable expérience australienne, ce qu'on peut dire, c'est qu'il n'y a pas de grandes marges de l'humanité vers le casque. Le courant législatif dans le domaine n'a pas donné les résultats optimistes qu'il promettait, et il y aurait lieu de considérer l'expérience australienne, l'une des rares sur le sujet, avec une certaine prudence, pour ne pas dire un esprit critique.

(12 heures)

On demeure surpris qu'un pays, dont l'absence de réalisation en faveur de l'usage du vélo est notoire et déplorée, soit présenté comme un exemple en matière de sécurité à bicyclette. En général, quand on veut trouver un bon modèle, on essaie de s'inspirer des sociétés les plus avancées. Donc, dans le domaine, ces sociétés sont en Europe, aux Pays-Bas, au Danemark, qui, à plusieurs égards, ont beaucoup de points en commun avec la société québécoise et le vélo au Québec. Quant aux autres provinces canadiennes, on peut se demander si elles ont cherché vraiment à résoudre un problème de sécurité ou si elles ont plutôt cédé à des pressions ou à des vents. Les risques de diminuer la pratique existent...

Le Président (M. Lachance): Je vais devoir vous interrompre, M. Pronovost. De toute façon, nous avons votre mémoire, qui est très complet, d'une quarantaine de pages, et les gens qui voudraient suivre nos travaux à distance pourront le faire aussi, s'ils le veulent, par vos commentaires. Alors, merci. M. le ministre.

M. Chevrette: D'abord, je vous remercie de la présentation que vous nous faites. Je pense que vous croyez énormément à l'éducation, à l'information. Je vous ai écouté énumérer tout ce que vous avez fait pour la sécurité et je suis très surpris qu'il y ait un grand plafonnement parce qu'à vous écouter vous avez travaillé avec la police, vous avez travaillé avec les écoles, vous avez fait des activités de tout genre, puis ça plafonne. Après neuf ans de promotion, en Australie, ils ont plafonné à 31 % de ceux qui font l'usage du casque protecteur. Mais je pense que votre point de vue se défend puis je voudrais vous donner l'opportunité de vous défendre solidement parce qu'on a mis au-delà de 500 000 $ en moyenne par année au cours de cinq dernières années pour la promotion, puis ça plafonne à 26 %, puis on a encore 26 morts en moyenne par année, 278 blessures graves, 2 853 blessures légères, pour 3 157 accidents.

Les traumatismes crâniens. Vous avez entendu, je pense, le Dr Denis, qui est président du Département des traumatismes crâniens de l'Hôpital du Sacré-Coeur, qui est venu nous donner énormément de statistiques. Vous venez d'entendre les régies de la santé qui sont venues exposer cela. Moi, je voudrais vous donner une opportunité d'exprimer d'abord votre objectif premier. Est-ce que votre objectif premier qui transpire à travers votre mémoire n'est pas celui de garder le nombre d'adeptes? Est-ce que j'interprète mal votre mémoire?

M. Pronovost (Jean-François): M. le ministre, M. le Président, l'objectif premier de notre approche est de sécuriser la pratique du vélo. C'est ça, l'objectif premier de notre approche. Donc, ce n'est pas d'autres choses que ça. Et c'est dans ce sens-là que notre action se développe depuis 33 ans, donc c'est d'augmenter la sécurité des cyclistes, c'est...

M. Chevrette: O.K. Mais reconnaissez-vous qu'il y a un plafonnement?

M. Pronovost (Jean-François): Le plafonnement je dirais qu'il est relatif. C'est-à-dire que ce qu'on constate, c'est qu'il y a une augmentation chez les enfants, une augmentation du taux de port chez les enfants, il y a une augmentation aussi chez les adultes. Par contre, il y a un problème qui s'appelle l'adolescence. Et puis dans notre mémoire on fait allusion à une étude qui a été faite par une équipe de chercheurs de l'Université du Québec à Trois-Rivières, si ma mémoire est bonne, sur la question de l'adolescence, et là c'est sûr qu'il y a une chute dramatique du taux de port du casque, ça, c'est certain. Mais, ce à quoi on fait allusion également dans notre démarche, c'est: Est-ce que vraiment, avec une méthode législative, on va changer quelque chose chez les adolescents? Parce que l'adolescence, vous savez, c'est un problème assez complexe et...

M. Chevrette: J'ai été enseignant, je connais ça un petit peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pronovost (Jean-François): Oui, bien, c'est pour ça que je vous dis ça. Et c'est pour ça que la façon de l'aborder est plus complexe que de légiférer sur la question.

M. Chevrette: Mais reconnaissez-vous qu'il y a un plafonnement dans toute mesure incitative, quelle qu'elle soit? La ceinture de sécurité, il y a eu un plafonnement à 30 %, 35 %, avec toutes les campagnes de sensibilisation. Puis, à un moment donné, boum! la loi est arrivée, après beaucoup de tentatives, On s'attache au Québec puis tout le kit, là, de la publicité qu'il y a eue, ça a plafonné. Puis c'est la loi qui a fait en sorte qu'il y a eu un boum d'attachement, si vous me permettez. Puis c'est devenu un réflexe. Et même les jeunes... Effectivement, je partage un grand bout de ce que vous dites, souvent c'est par les jeunes, qui disent à leurs parents: Attache-toi donc, papa.

Alors qu'on agit à l'inverse dans le cyclisme. On rencontre des gens en vélo: le père puis la mère pas de casque puis les deux enfants avec le casque. On est supposé prêcher par l'exemple. Donc, je dis que l'exemple vient de haut, là. Puis on les voit même sur des routes numérotées où la vitesse est à 90 km/h, avec des accotements. On sait que nos routes n'ont pas encore... Parce qu'il y a beaucoup de mesures qui nous ont été proposées que je trouve valables, l'élargissement. Au fur et à mesure qu'on refera les routes, qu'on leur mette la bande nécessaire pour fins de sécurité, ça, je trouve ça très fin, très sage.

Mais, à supposer qu'on fasse une grande campagne avec vous, une grosse campagne dans toutes les écoles du Québec, qu'on donne des démonstrations, puis vous dites que vous vous faites promoteur du casque – et vous le savez très, très bien, quelqu'un qui tombe sur la tête, il a plus de chance, s'il a un casque, de se blesser un petit peu moins fort; ça je pense que tout le monde admet ça, qui que nous soyons – après cette campagne-là, majeure, si ça plafonne à 26 %, qu'est-ce que vous allez faire pour la sécurité, étant donné que c'est votre premier objectif?

M. Boivin (Robert): Oui. C'est qu'on parle de cette théorie du 30 % qu'on a tirée de l'expérience de la ceinture de sécurité. Bon. Je veux juste vous dire que, dans le domaine de l'automobile, il y a aussi d'autres théories que celle-là, ce n'est pas la seule. Mais, en ce qui concerne le vélo, c'est un modèle qu'on a tiré de l'expérience de la ceinture et qu'on a voulu appliquer au vélo. Et la seule expérience qu'on a eue qui a fait ça, c'est le modèle australien.

La seule chose qu'on peut dire du modèle australien, c'est que ce n'est pas évident, compte tenu de l'ampleur des critiques qu'il y a, que ça fonctionne, que cette théorie du plafonnement était prédéterminée. Ça fait 10 ans que des gens ici nous disent que ça va plafonner à 30 %. Puis là ils sont rendus à 40 %, mais c'était à 30 % avant, puis là ils augmentent de temps en temps un peu plus. Ça, je dois vous le dire.

Ce que j'observe simplement sur le sondage dont le livre vert fait état, au-delà du fait des questions qu'on pourrait poser sur ce sondage-là, sur sa méthodologie, etc., c'est que ça ne plafonne pas, en tout cas, chez les jeunes enfants. Il y a certaines régions du Québec où on obtient des taux plus importants.

M. Chevrette: ...tout le monde qui défend le vélo, qui passe ici devant nous, il a des records épouvantables. Puis, quand on fait le sondage scientifique, on arrive à un plafonnement de 26 %. Il y en a qui sont venus: 92 %; 48 % dans l'Outaouais; 40 % à Québec. Comment ça se fait que, si c'est tout si beau que ça... Vous allez nous sortir une théorie quelconque. Mais il me semble que c'est déconnecté, la réalité dans le port du casque par rapport à ce qu'on nous dit. En tout cas, moi, j'ai cette impression-là depuis le début. Tous ceux qui ont passé devant nous autres, c'est des 80 %, 92 %. Y en a-tu qui vont venir parler pour les 74 % qui ne s'inscrivent pas, là?

M. Boivin (Robert): Oui, mais le bilan routier s'améliore.

M. Chevrette: Le bilan routier, mais...

M. Boivin (Robert): Regardez le bilan routier qui concerne les cyclistes. On a moins de morts, on a moins de blessés, on a moins de blessés graves...

M. Chevrette: Bien, j'espère. Le bilan routier, en général, est passé de 2 000, il y a quelques années, à 717, en 1998. J'espère qu'il s'améliore. Mais là où j'ai de la difficulté à cliquer avec votre position, puis je veux vous donner l'opportunité de la donner, c'est le suivant: Comment justifier – puis j'aimerais ça être capable – qu'à un moment donné on observe un plafond puis que des professionnels de la santé comme le Dr Denis, par exemple, comme les régies viennent nous dire: Oui, mais tous les enfants qui tombent, la très grande majorité, c'est plus de 60 % qui ont des traumatismes crâniens qui auraient pu ou bien être évités ou bien en tout cas être diminués? Puis on y va sur l'incitatif avec un plafonnement.

Qu'est-ce que vous nous conseillez, à part des campagnes de publicité qui vont nous rendre peut-être à 31 % comme en Australie, après neuf ans? Après neuf ans de sensibilisation, ils ont plafonné à 31 %. Voulez-vous nous dire qu'est-ce que vous allez faire, vous autres, les responsables ayant comme objectif la sécurité? C'est votre premier objectif, je l'ai entendu de votre propre bouche tantôt. Qu'est-ce que vous allez faire? Qu'est-ce que vous me suggérez pour éviter ces traumatismes crâniens et ces coûts sociaux énormes?

Imaginez un jeune de 17 ans ou de 16 ans ou de 15 ans qui tombe puis qui est invalide pour le reste de sa vie. Il a la liberté de porter son casque, mais la société n'a pas la liberté de payer pour lui de 15 ans à 70 ans, par exemple. La société et les autres personnes qui paient un régime collectif n'ont pas la liberté, elles, de payer pour quelqu'un qui veut avoir la liberté de porter ou de ne pas porter son casque. Et ça, c'est très sérieux comme débat de société. Je ne vous dis pas que...

(12 h 10)

Votre point de vue de la sensibilisation, je suis d'accord avec vous autres. Puis il va falloir faire quelque chose au niveau des écoles, en plus, au primaire. Je partage ça, moi. Mais il va falloir que vous décrochiez, à un moment donné, vis-à-vis le plafonnement. Il va falloir que vous me donniez des raisons de ne pas plafonner puis végéter à 26 % à perpette, là. Il va falloir qu'on remonte ça à 70 %, 75 %, 80 %, comme on a fait, parce que, sinon, notre bilan routier, c'est toute la société, la collectivité qui paye. J'aimerais ça vous entendre sur ces principes fondamentaux là, moi.

M. Pronovost (Jean-François): Si vous me permettez, M. le ministre, tout d'abord, pour la question des traumatismes, et tout ça, je veux dire, un mort, c'est toujours un mort de trop. Puis ça, on est d'accord avec tout le monde, il n'y a aucun problème. Puis, je veux dire, il n'y a rien de plus terrible que quelqu'un qui a un accident. Mais ce n'est pas ça qu'on remet en question. Ce qu'on dit, c'est qu'une loi, une mesure législative, ça veut dire que les policiers donnent des contraventions, arrêtent des cyclistes et leur donnent des contraventions. C'est ça que ça signifie. Bon.

Ce qu'on regarde, avec la façon dont le Code actuellement est appliqué, puis je pense qu'il y en a d'autres qui ont soulevé cette question-là, l'application du Code... nous, M. le ministre, depuis des années qu'on dit: Donnez-en des contraventions aux cyclistes, donnez-en! C'est rare qu'on dit: Faites-moi mal, j'aime ça.

M. Chevrette: Là, c'est maso un peu.

M. Pronovost (Jean-François): Oui, c'est ça, c'est maso. On dit: Donnez-en des contraventions. Puis on le répète continuellement sur toutes les tribunes. Mais ce n'est pas ça qui se passe. Il se passe que les services policiers, ils ont bien d'autres chats à fouetter. Puis, dans la vraie vie, je veux dire, il y a un voleur qui se pousse puis il y a un cycliste à côté qui passe sur la rouge, ils partent après le voleur. C'est ça qui arrive. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Est-ce que c'est vraiment ça qu'on désire? Est-ce que c'est vraiment cette voie-là?

Ce qu'on dit aussi, c'est que c'est plus complexe... C'est sûr qu'on peut déployer différentes mesures qui ne sont pas la législation, qui vont prendre un certain temps et qui vont mettre des changements en profondeur. Tantôt, vous faisiez allusion aux écoles. Effectivement, il faut faire quelque chose. Il y a déjà des choses qui ont été faites qui ont été un peu peut-être abandonnées pour toutes sortes de.... qui ne sont pas reliées aux volontés, par exemple, de la Société de l'assurance automobile. Le système scolaire, on le sait, qu'il y a des difficultés, puis tout ça.

Mais je vais vous donner un exemple, M. le ministre. Il y a des écoles, maintenant, il y a de plus en plus d'écoles où les directions d'écoles interdisent aux enfants de se rendre à l'école à vélo. Donc, c'est grave, ça. Et puis même, encore la semaine dernière, il y a quelqu'un qui me disait qu'il habitait, je ne sais pas trop, dans la région de Québec, dans un petit quartier résidentiel, l'école était à peu près à quatre coins de rue, une petite rue tranquille, et le directeur d'école interdisait de se rendre à vélo aux enfants. Quand il y a un stationnement de vélos, il l'enlève, etc. Donc, c'est pour ça que je vous dis...

Puis on parle de l'expérience australienne. Je veux dire, l'expérience australienne, d'accord, mais, quand on regarde la façon dont on intègre la sécurité dans son ensemble, la sécurité à vélo auprès des enfants puis que, nous, on dit: Mais, écoutez, il faudrait peut-être regarder d'autres modèles, bien, sans prétention, je pense qu'effectivement il faut regarder d'autres modèles.

Et l'accompagnement à l'école, les mesures qui permettent aux enfants de se rendre à l'école à pied avec l'encadrement des parents, les mesures qui permettent aux enfants de se rendre à l'école à vélo avec l'encadrement, avec des comités de bénévoles, ça fonctionne. Nous, on a réalisé une expérience-pilote à Montréal là-dessus. Ça s'appelle L'Autobus scolaire à pied. Donc, c'était un projet plus de démonstration parce qu'on avait peu de ressources pour le réaliser sur une plus grande échelle, mais ça fonctionne. C'est-à-dire que c'est des enfants qui se regroupent avec des parents, puis de temps en temps, c'est un parent, le lendemain, c'est le parent d'un autre enfant qui accompagne les enfants à l'école, et tout ça, et ça fonctionne. C'est sûr que c'est plus compliqué à organiser, mais ça s'organise.

C'est parce que, nous, pourquoi on s'intéresse à ces mesures-là? On est du monde d'organisation, ça fait qu'on organise des patentes. On fait rien que ça, nous autres, organiser des patentes.

M. Chevrette: Êtes-vous capable d'organiser quelque chose qui ferait qu'on puisse monter à 60 % d'ici deux ans?

M. Pronovost (Jean-François): M. le ministre, je suis certain qu'on pourrait arriver à des bons résultats. Est-ce qu'on va arriver à 60 %? Est-ce qu'on va arriver à 90 %? Je veux dire, je serais bien malin de vous le dire. Mais je suis certain qu'on arriverait à des bons résultats sur la sécurité, je suis certain qu'on arriverait à des bons résultats sur le bilan en général. Comme j'ai dit tantôt aussi, la question de l'adolescence...

M. Chevrette: C'est parce qu'il n'y a pas un pays qui met autant d'argent qu'on en met dans la sensibilisation présentement, puis on plafonne complètement. C'est ça qui est surprenant. C'est pour ça qu'on vous dit que c'est plutôt contradictoire, les versions qu'on entend par rapport à la réalité. Moi, mon temps est écoulé, mais je voudrais vous dire merci de votre témoignage.

M. Pronovost (Jean-François): Ça me fait plaisir.

M. Chevrette: Puis vous serez sans doute appelés à vous commettre et à vous mouiller puis à prouver ce que vous dites.

M. Pronovost (Jean-François): Ah! aucun problème.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais aussi vous remercier de la présentation de votre mémoire. Je pense qu'au niveau du vélo c'est certainement le mémoire qui va être le plus documenté, le plus étoffé, compte tenu des moyens que vous avez, évidemment. Je ne veux pas déprécier ceux qui sont venus nous faire part d'autres expériences.

Et je suis plutôt favorable à votre approche, qui est une approche d'éducation. Je le mentionnais tout à l'heure, quand on convainc quelqu'un du bien-fondé d'une mesure, c'est beaucoup plus payant à long terme que de penser que de l'imposer va faire en sorte qu'il va se conduire pour la balance de sa vie de cette façon-là. Moi, je pense que, quand on impose quelque chose puis qu'on ne comprend pas pourquoi on nous l'a imposée, bien, quand on a une chance de ne pas la respecter, on ne la respecte pas. Puis ça me paraît évident, c'est une question de... On le sait, avec les jeunes, c'est exactement... Puis je pense que vous donniez des chiffres intéressants. Au niveau des jeunes, c'est beaucoup plus fréquent. Mais il ne faut pas tomber dans l'illusion aussi qu'on va régler des problèmes de comportement en légiférant, pour la raison que je viens de vous mentionner. Je ne pense pas qu'on règle les problèmes de cette façon-là. C'est beaucoup plus par l'éducation.

Maintenant, je vais faire quelques commentaires puis ensuite j'aurai certaines questions à vous poser. Mais on nous donne des données qui, à mon avis, ne sont pas complètes. Moi, j'ai toujours peur des moyennes puis des plafonnements, puis des choses comme ça, parce que ça ne représente souvent pas la réalité. Tout à l'heure, le ministre disait: Au cours des cinq, six dernières années, on a investi 500 000 $ par année, à peu près, en moyenne. Mais ça, c'est la moyenne.

La réalité, c'est quoi? La réalité, c'est que, par exemple, pour le vélo, en termes de campagnes de promotion, on a investi 700 000 $ en 1995; on a investi 675 000 $ en 1996; 409 000 $ en 1997; 493 000 $ en 1998; 342 000 $ en 1999. Alors, de 1995 à 1999, on a diminué de 50 % les investissements au niveau de la promotion de la sécurité à vélo. Alors, la moyenne, bien, ce n'est pas exact, on voit que ça ne traduit pas une réalité. La réalité, c'est qu'on n'a pas investi 500 000 $ à chaque année, c'est qu'on a déjà investi 700 000 $ et que, là, on investit 300 000 $.

Et, si on regarde ce qui s'est passé, par exemple, selon les chiffres que nous a fournis la Société, au niveau de l'alcool au volant, on le dit, on a eu quand même des données intéressantes, on a investi – rappelez-vous que, le vélo, on a diminué à chaque année – en 1995, 1 100 000 $; 1996, 1 200 000 $; 1997, 2 000 000 $; 1998, 2 000 000 $; et 1999, là, on a coupé, on a investi 1 400 000 $. Mais on voit qu'on a eu une progression dans les investissements pour la promotion de la sécurité au niveau des automobilistes, alors que, du côté du vélo, on a diminué à chaque année.

Et là on vient nous dire: On obtient un plafonnement. On a investi 500 000 $ par année. Bien, c'est certain que, si on diminue comme ça d'année en année, on va avoir peut-être de moins en moins de résultats aussi. Et, quand on pense à l'éducation, bien, l'éducation, ça se fait par la promotion, par la publicité, et je ne pense pas que ça soit de cette façon-là. Quand on a commencé à désinvestir depuis cinq ans, bien il ne faut pas s'attendre d'avoir des résultats...

Et, moi, je ne veux pas qu'on tombe dans le panneau simpliste de la législation qui, de toute façon – je pense que vous l'avez souligné un petit peu tout à l'heure – sera probablement inapplicable. Les policiers, quand les jeunes se promènent en vélo – puis il y a 4 000 000 de cyclistes au Québec, là – ils vont faire quoi quand ils vont en voir un qui n'a pas son casque? Ils vont partir à courir après dans les parcs, sur les pistes cyclables, partout? Ils vont arrêter un petit gars qui va avoir 14, 15 ans qui n'a pas son casque? Ils font quoi avec ça? Ils donnent un ticket au petit gars? Ils envoient ça aux parents? Comment ça fonctionne? Comment on fait identifier les individus? Parce que les individus n'ont pas nécessairement sur eux les cartes d'identification quand ils se promènent à vélo. Alors, ça paraît simple de mettre une loi, mais, moi, je pense qu'on n'a pas fait tous les efforts qu'on doit faire au niveau de la promotion.

(12 h 20)

Maintenant, l'autre point que je veux signaler, c'est quand on parle du bilan. On a parlé, dans le document – puis encore là c'est une moyenne: «Le Québec a enregistré de 1994 à 1998 une moyenne annuelle de 3 157 victimes cyclistes réparties ainsi: 26 décès.» Alors, on dit: De 1994 à 1998, moyenne, c'est 26 décès. Quand on regarde les données que vous nous avez fournies, c'est qu'en 1994 il y a eu – je vous donne ça approximativement parce que c'est un graphique – 33 décès. Ensuite, 1995, 1996, 1997, passé peut-être 26, 27, ça tourne autour de ça. Et 1998, c'est 19 décès. Là, on tire une moyenne de ça, on dit: Vingt-six par année. Mais il y a eu des années qui ont été de 32, 33, et la dernière année est de 19. Donc, on diminue continuellement, alors que – vous le mentionnez dans votre document – la croissance d'utilisation du vélo a eu une croissance très accélérée. Et quand même d'année en année, dans le contexte actuel, avec le peu de moyens qu'on a investis au cours des dernières années – moyens financiers, il va s'en dire – on diminue quand même de façon sensible le nombre de décès. Quand on passe, par exemple, de 26 en 1997 et 1998, 1999, il y a quand même une progression intéressante. Alors, moi, je pense qu'on doit essayer de faire mieux au niveau de la promotion. Et ça va être plus rentable à long terme pour les jeunes.

Maintenant, je voudrais juste vous poser une question sur le... Tout à l'heure, vous étiez ici quand les régies sont passées. J'ai fait référence au fait que, dans les données qui venaient de chez vous, 80 %, 90 % des gens, dans vos activités, portaient le casque. On nous a répondu tout simplement – ça c'est votre groupe, d'autres groupes sont venus dire à peu près les mêmes données; je pense à Explo Tour puis à d'autres groupes – on nous a dit: Oui, mais ça, ce n'est pas le cycliste typique.

Alors, il semblerait que, selon ce qu'on nous a dit, le cycliste typique, lui, il est réfractaire ou il y a quelque chose d'autre. Maintenant, j'aimerais avoir votre réaction sur ça – puis le ministre y a fait référence tout à l'heure. Est-ce qu'on peut penser qu'on pourrait atteindre des résultats comme vous atteignez avec 40 000 cyclistes, comme Explo Tour obtient avec 3 000 cyclistes? Est-ce qu'on peut penser que, tout simplement par de l'incitation, de l'exemple, le phénomène de groupe – vous savez: Mon voisin l'a, moi, je l'ai, je fais partie d'une activité, on embarque là-dedans... Est-ce qu'on pourrait penser que ça pourrait s'appliquer d'une façon plus large et obtenir des résultats semblables?

M. Pronovost (Jean-François): Bien, tout à fait. Tantôt ce qu'on a soulevé aussi, c'est que les clubs cyclistes, les organisations qui organisent les événements, tout ça, c'est certain que, pour prendre part à ces événements-là, il faut que le citoyen s'inscrive ou fasse un effort ou téléphone aux bénévoles qui s'occupent du club, ou tout ça, et c'est sûr qu'il y a une démarche à faire. Mais, à partir du moment où cette pratique-là, donc, se développe dans toutes les régions – on parlait de modèle tantôt – bien, ça crée des modèles, et c'est un élément, on pense, qui peut favoriser une meilleure sécurité, un meilleur taux de port, etc. Donc, je pense qu'effectivement... encore là, ce n'est pas juste par là que ça passe, mais je pense que ça peut contribuer.

Et, quand on regarde au Québec, par exemple, au cours de dix dernières années, la progression du nombre d'événements cyclistes, du nombre de clubs, les membres par club, ça, c'est un phénomène qui est en pleine croissance aussi. Et, à partir du moment, où une activité comme ça est encadrée, elle amène des meilleures habitudes. Écoutez, je vous rappelle – par exemple, vous avez parlé tantôt du Tour de l'île de Montréal – les premières éditions du Tour de l'île de Montréal, les gens arrivaient autour de l'île en jeans, en t-shirt, avec un sac à dos sur le porte-bagages en arrière. Je veux dire, c'était M. et Mme Tout-le-monde, ça. Aujourd'hui, les gens, c'est incroyable la progression dans la qualité des équipements. Et puis ça, je pense que c'est un phénomène. Plus les gens en font, plus les gens voient d'autres gens en faire, etc., il y a vraiment... Je ne sais pas, moi. On s'intéresse à une activité en particulier, on lit des magasines, n'importe quoi, on s'inspire, on cherche des modèles, on regarde les équipements, etc. Donc, c'est un élément, c'est certain, par lequel ça peut passer. Une éducation par le modèle, par l'exemple, etc., c'est sûr que ça peut contribuer à améliorer la sécurité et à améliorer les équipements.

M. Bordeleau: Vous faisiez référence à des expériences qui s'étaient faites dans d'autres pays, notamment les Pays-Bas, le Danemark – dans votre mémoire à la page 7 – l'Allemagne aussi. Ces pays-là n'ont pas de loi qui oblige le port du casque, si je comprends bien. C'est exact?

M. Pronovost (Jean-François): Non, effectivement, il n'y a pas de loi obligeant...

M. Bordeleau: Est-ce que vous pouvez nous résumer rapidement le genre de données qu'on obtient? C'est quoi, le pourcentage de gens qui portent le casque? Et c'est quoi, les taux d'accidents avec des blessures à la tête par rapport à ce qui se fait ailleurs? Est-ce qu'on pourrait avoir... Là, on a des cas où il n'y a pas de loi. Qu'est-ce qui se passe là de façon plus précise?

M. Champoux (Gilles): Bon. Au niveau des stratégies gouvernementales, en ce qui concerne les Pays-Bas, la stratégie gouvernementale ne considère même pas la promotion du casque comme un élément de sécurité intéressant. La promotion va d'abord sur l'aménagement routier. Et l'autre élément, c'est de l'éducation aux cyclistes sur différents points du code. Ils obtiennent des résultats. Ils avaient des objectifs de réduire de moitié les morts et les blessures graves sur un horizon de 15 ans. Les dernières données montrent qu'ils atteignent actuellement des records importants dans la réduction des morts.

Au Danemark, qui est l'autre grand pays cycliste, la stratégie, pour l'essentiel, porte effectivement sur l'étude des carrefours accidentés, par exemple, de faire des aménagements. Il y a tout le travail à l'école vers les enfants. Ils font, dans ce cas-là, la promotion du casque particulièrement chez les enfants, mais ce n'est pas le centre de l'intervention gouvernementale, c'est un élément qui s'intègre dans une dynamique autour de l'école. Ils ont développé un modèle danois, par exemple, d'amener les enfants à l'école, modèle qui est utilisé actuellement en Angleterre par le groupe Sustrans. Ils ont développé un modèle. Eux autres aussi, ils ont des objectifs de réduction des accidents de moitié, en termes de morts, en termes de blessés. Ils ont des objectifs audacieux. Et leur philosophie, c'est qu'un mort est toujours un de trop, donc. Mais, c'est des approches pragmatiques, en général.

M. Bordeleau: O.K. Une chose, vous avez fait référence... puis ça, ça me paraît intéressant puis il ne faudrait pas l'oublier, les problèmes au niveau des clientèles cibles. C'est-à-dire qu'il y a certaines clientèles qui sont peut-être plus à risque, des clientèles en termes de personnes mais aussi certains moments de la journée. Et vous avez fait référence au fait qu'au moment de la tombée du jour par rapport au kilométrage qui se fait à ce moment-là, il y a un taux d'accidents beaucoup plus élevé. Et, bon, vous faisiez référence aux normes qui pourraient être appliquées concernant l'éclairage, ces choses-là.

On sait qu'au Québec il y a quand même, je pense, trois ou quatre grandes compagnies qui fabriquent du vélo. Le Québec est reconnu de ce côté-là comme étant un producteur important. Et je me disais, au fond, si les vélos qui sont vendus au Québec proviennent en grande partie de ces fabricants de vélos qui sont aussi au Québec, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'arriver à établir des normes pour qu'au moment de la construction de ces vélos-là il y ait des équipements d'éclairage qui soient intégrés? Puis là on ne ferait pas affaire avec... Je ne le sais pas, moi, le chiffre, si c'est 60 %, 70 % des vélos que les gens ont au Québec qui proviennent de ces fabricants-là. Ils sont quatre. Il doit y avoir moyen de travailler ça pour obtenir des meilleurs résultats.

Et l'autre idée aussi, on y a déjà fait référence: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen, au niveau d'une certaine promotion, de favoriser, je ne sais pas, moi, la vente du casque avec le bicycle, avec des conditions avantageuses, des choses comme ça? Mais j'aimerais ça savoir exactement combien de vélos qui sont utilisés au Québec proviennent de ces quatre fabricants québécois. Un pourcentage. Est-ce qu'on a une idée?

M. Pronovost (Jean-François): La proportion de vélos produits ici ou de vélos importés est à peu près de 50-50, là. On n'a pas le chiffre exact. Mais évidemment juste, premièrement, de faire équiper les vélos vendus ici des systèmes de réflecteurs, ça a été très long. Maintenant, on peut considérer que, je dirais, une bonne proportion des vélos sont équipés des réflecteurs. Le système d'éclairage, bien là, ça, c'est une chose qui est tout à fait inexistante.

Écoutez, je vais vous raconter que l'automne dernier j'ai voulu remplacer le système d'éclairage sur mon vélo de tourisme, mon vélo de voyage, et je n'ai pas réussi à trouver un seul système à dynamo qui me permettait de remplacer mon dynamo qui était endommagé. Donc, la boutique du coin a trouvé une pièce qui était usagée dans une petite boîte dans le fond de la boutique puis elle m'a remplacé ça, elle m'a réparé ça, puis ça fonctionne. Donc, on n'est plus capable de trouver ces systèmes-là.

Là, maintenant, ce qui se vend, c'est la petite lumière clignotante qu'on peut mettre en avant, en arrière. On met ça sur des attaches, les attaches brisent, on oublie les lumières, on se les fait voler, etc. Donc, il y a sûrement un niveau, je dirais, de recherche peut-être de développement. On pourrait peut-être penser même que les centres de recherche ici, au Québec, pourraient développer un système ou on pourrait voir, à partir des importations, qu'est ce qu'il est possible d'obtenir. Mais c'est certain qu'il y a un travail à faire à ce niveau-là.

(12 h 30)

Il y a en Europe des vélos qui se vendent avec des équipements d'éclairage. Il y a des vélos qui se vendent sans équipement d'éclairage. Ça dépend toujours de la catégorie de vélos. Habituellement, les vélos qui sont utilisés, les vélos plus urbains, ce qu'on appelle les vélos de ville ou les vélos hybrides, en général, ils sont équipés, en Europe, de systèmes d'éclairage, donc, puis ce sont des systèmes assez perfectionnés, halogènes, et tout ça. Il y a même aussi les pneus réflectorisants qui sont utilisés aux Pays-Bas. Donc, ça aussi, c'est un élément qui augmente la visibilité le soir. Alors, c'est certain qu'il y a quelque chose à explorer de ce côté-là, puis je pense que ça mériterait vraiment une attention particulière.

M. Bordeleau: Parfait. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, en vous indiquant qu'il vous reste une minute.

M. Chevrette: Moi, tout d'abord, je voudrais faire remarquer à l'ensemble de la population, ici, qu'on croit beaucoup à ce que vous pouvez faire, puisqu'on vous subventionne à raison de 385 000 $ par année pour toute la coordination de l'implantation de la Route verte et qu'on a, au dernier budget, injecté 18 000 000 $ sur cinq ans, ce qui est un projet assez emballant puis qui va avoir des résonances sur le plan sécurité, en plus.

Et je compte bien, avec la SAAQ, pouvoir annoncer quelque chose de tangible et de concret, en particulier chez les jeunes. Je pense qu'on est très ouverts à la dimension formation. Je voudrais que vous pensiez très sérieusement aux moyens face au plafonnement parce que la ceinture de sécurité, ça a plafonné. Puis on en a de fait. Puis, à un moment donné, c'est la législation qui est arrivée pour vraiment enclencher le processus. Et c'est le pays au monde où il y a le port le plus, 95 % de respect de la ceinture de sécurité, qui est un moyen de sécurité. Donc, il faut regarder concrètement ce qu'on traverse et ce qu'on fait. Et, je voudrais juste une petite question, trente secondes: Pour l'éclairage, seriez-vous d'accord qu'il soit obligatoire passé le coucher du soleil?

M. Pronovost (Jean-François): C'est ce que le Code prescrit actuellement.

M. Chevrette: Est-ce que ça diminue la fréquentation de la pratique du vélo, le fait que ça soit obligatoire?

M. Pronovost (Jean-François): Non, parce que ce n'est pas appliqué.

M. Chevrette: Parce que ce n'est pas appliqué.

M. Pronovost (Jean-François): Ce n'est pas appliqué.

M. Chevrette: Mais, si ça avait pour effet de diminuer la pratique, est-ce que vous vous y objecteriez ou si vous êtes d'accord pareil?

M. Pronovost (Jean-François): Non, on serait d'accord. Il faudrait aussi que l'industrie suive, c'est-à-dire qu'il faudrait avoir une mesure incitative pour que l'industrie procure sur le marché des systèmes, parce que, comme je vous dis, il y en a pas. C'est rendu difficile...

M. Chevrette: On pourrait suggérer aux vendeurs aussi de bicyclettes ou de vélos d'incorporer le casque dans le prix global.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Alors, messieurs de Vélo Québec, merci pour votre participation, cette troisième participation en sept ans, comme vous le disiez, aux travaux de la commission.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): Et, sur ce, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Alors, cet après-midi nous entendrons les groupes ou personnes suivantes: d'abord, Droits des accidentés et accidentées du travail et de l'automobile du Québec; ensuite, M. Robert Tétrault; vers 16 heures, comité Claudine-Anne Zamprelli; 17 heures, The Clifford Fisher Committee; et finalement M. Peter Krantz, vers 17 h 30.

J'indique aux personnes qui auraient des cellulaires de bien vouloir les faire taire pendant nos travaux afin de ne pas déranger la concentration des membres de la commission parlementaire.

Je vois que les représentants du premier groupe sont déjà en place. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Droits des accidentés et accidentées du travail et de l'automobile du Québec (DAATAQ)

M. Cadieux (Martin): Alors, Martin Cadieux, je suis le porte-parole de l'organisme DAATAQ, Droits des accidentés et accidentées du travail et de l'automobile du Québec. J'ai, à ma droite, donc à votre gauche, Me Jean Bellemare, qui est un avocat...

Une voix: Jean Mercure.

M. Cadieux (Martin): Jean Mercure, pardon, qui est un avocat...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cadieux (Martin): Jean Bellemare, c'est le frère de l'autre. Alors, Me Jean Mercure, un avocat spécialisé dans la défense des accidentés de la route et du travail, qui travaille à Montréal. Il fait cette pratique depuis tout près de 20 ans. Et j'ai, à ma gauche, un accidenté, M. Raymond Rhéaume. Il remplace M. Paquette qui devait être avec nous aujourd'hui. Alors, M. Rhéaume est une victime d'un accident de la route. En novembre 1990, il a été impliqué dans un accident d'automobile qui a été occasionné par un criminel de la route, une personne reconnue coupable.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Je vous indique que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.

M. Cadieux (Martin): D'accord. Alors, dans un tout premier temps je veux remercier les membres de la commission et le ministre des Transports d'accepter de bien vouloir nous entendre sur les propositions, sur les commentaires qu'on désire apporter au livre vert. Probablement qu'on ne prendra pas les 20 minutes qui nous sont allouées. On pourra passer à la période de questions plus rapidement, ce qui fera probablement l'affaire de tout le monde et, lors de la période de questions, on aura la chance de pouvoir échanger.

Dans un premier temps, je vais vous dire qu'est-ce que c'est l'organisme DAATAQ, parce que, bon, peut-être que pour certaines personnes d'entre vous ça ne dit pas grand-chose. C'est un organisme qui a été fondé en 1985 par des victimes elles-mêmes, des personnes accidentées, et depuis ce temps-là on a des bureaux à Montréal, à Québec également. C'est un organisme qui vient en aide aux personnes accidentées, donc à la suite d'un accident de travail ou d'un accident d'automobile. On s'occupe également à l'occasion de victimes d'actes criminels et des cas de Régie des rentes.

On est là pour informer les victimes de leurs droits qui découlent de la loi qui les gouverne, finalement. On est là pour les aider également à faire reconnaître leurs droits, non seulement pour les conseiller, mais pour les aider à faire reconnaître leurs droits. Les gens qui travaillent à DAATAQ, ce sont des gens qui ont une formation en droit, qui ne sont pas nécessairement avocat. Comme moi, par exemple, qui est le porte-parole, j'ai une formation en droit; je suis technicien en droit, de formation, donc je ne fais pas partie du Barreau. Par contre, je suis spécialisé dans la défense des accidentés de la route et du travail. Je ne fais que ça depuis 1991.

Dans un tout premier temps, je désire dire au ministre des Transports... S'il a fait la lecture de la lettre – je n'appellerai pas ça un mémoire parce que malheureusement j'ai été bousculé par le temps, et ça ressemble plus à une lettre qu'à un mémoire – s'il a pris la peine de lire ce document-là que j'ai composé, il a sans doute remarqué que – quand je dis «j'ai» je devrais plutôt dire «nous», en tant qu'organisme et les victimes que nous représentons – on a une insatisfaction qui est très profonde relativement non seulement au fonctionnement de la Loi sur l'assurance automobile, mais également à la loi elle-même.

Alors, je profite de cette occasion-là qui m'est donnée de lui parler face à face pour lui faire savoir qu'il y aurait lieu de procéder à une commission parlementaire qui ne porterait uniquement que sur des modifications qui devraient être apportées au régime actuel, c'est-à-dire la Loi sur l'assurance automobile.

Le ministre des Transports a été avisé par écrit. Il a reçu de la correspondance à cet effet-là. Il m'a même répondu personnellement au printemps dernier à l'effet qu'il n'y avait pas lieu justement de procéder à une refonte de la loi. Je pense que, contrairement à ce qu'il prétend, après 21 ans la loi nécessite d'être rajeunie. On ne veut pas du tout remettre en question le principe du «no fault», on veut tout simplement rajeunir ce principe-là, le modifier, je dirais, en partie, si on peut dire modifier, mais également on voudrait toucher à plein d'autres aspects de la loi qui nécessitent effectivement qu'on apporte des modifications.

Pour ce qui est du pseudomémoire, c'est-à-dire la lettre que j'ai composée, je pense que là-dedans, c'est clairement indiqué qu'on n'a pas pris position en ce qui a trait aux quatre premiers aspects traités dans le livre vert. On a plutôt pris position au cinquième aspect qui concerne la conduite avec les facultés affaiblies, non pas qu'on n'ait pas de position clairement arrêtée par rapport aux quatre premiers aspects, c'est plutôt que le dernier aspect, c'est celui qui nous tient le plus à coeur.

(14 h 10)

Alors, lors de la période de questions, si vous voulez qu'on vous donne peut-être certaines opinions concernant les premiers aspects, on pourra le faire, s'il y a lieu. Mais, comme je vous dis, on va s'en tenir, nous, lors du temps qui nous est alloué, à vous faire part du chapitre qui concerne la criminalité routière.

Alors, dans mon mémoire je fais allusion, entre autres, à une pétition qui a circulé en 1997 et 1998, qui demandait finalement aux gens... on demandait aux gens qui étaient d'accord avec trois propositions de signer cette pétition-là. Et je vous dirai que, quand on dit qu'elle a circulé de 1997 à 1998, en fait il faudrait préciser que la pétition a commencé à circuler fin septembre 1997 jusqu'en janvier 1998. Alors, c'est un très court laps de temps, et bien entendu on est allés selon les moyens que, nous, on avait. On n'avait pas, disons, des moyens très, très élaborés. Malgré le fait que la pétition ait été en circulation durant une courte période et malgré le peu de moyens que l'on avait, je peux vous dire qu'on a réussi à ramasser 8 345 noms. J'ai cette pétition-là devant moi, des gens qui sont finalement d'accord avec les trois propositions mentionnées à la page 2 de mon mémoire.

Si vous voulez, s'il y a une chose que je vais prendre la peine de lire avec vous, c'est peut-être seulement que ces trois propositions là qu'on désire apporter ici aujourd'hui, en commission parlementaire, qui sont à l'effet qu'on aimerait que les victimes d'actes criminels commis sur la route puissent poursuivre le coupable en responsabilité civile. Donc, on voudrait donner le droit aux victimes d'actes criminels sur la route... on voudrait leur donner les mêmes droits que n'importe quelle autre victime d'actes criminels, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, on voudrait que le coupable, c'est-à-dire que le chauffard, le criminel de la route reconnu coupable, ne soit pas indemnisé par la SAAQ, ce qui nécessite en bout de ligne des modifications à la loi actuelle, s'il se blesse en perpétrant son crime, bien entendu. Et, dans un troisième temps, on voudrait que la SAAQ puisse avoir un recours subrogatoire, c'est-à-dire qu'on voudrait que la SAAQ puisse réclamer au coupable, s'il en a les moyens bien entendu, se fasse rembourser les indemnités qu'elle aura versées à ses victimes. Comme je vous dis, ces trois propositions là ont reçu l'appui de 8 345 personnes sur une très courte période, ce qui n'est pas négligeable.

En plus de cette pétition-là qui a circulé, je vous dirai, et c'est de notoriété publique parce qu'on a déjà fait circuler ce sondage-là, il y a un sondage qui a été fait par Le Groupe Léger & Léger en août 1996, qui a repris ces trois questions là telles quelles. Il y avait plus de questions, mais on retrouvait parmi les questions qui ont été posées par Le Groupe Léger & Léger ces trois questions-là telles quelles. Je peux vous dire que, par rapport à la première proposition, 85 % des gens étaient d'accord avec cette mention-là.

Par rapport à la deuxième proposition, soit celle que le coupable ne soit pas indemnisé par la SAAQ s'il se blesse en perpétrant son crime, 81 % des gens qui ont répondu au sondage étaient d'accord avec ça. Et pour ce qui est de la dernière proposition, c'est-à-dire que la SAAQ puisse réclamer au criminel les indemnités qu'elle aura versées à ses victimes s'il en a les moyens, 84 % des gens étaient d'accord avec ça.

Alors, on parle de pourcentages qui vont varier de 81 % à 85 %, ce qui n'est pas négligeable. Quand on dit que la démocratie, c'est 50 % plus 1, dans ce cas-ci on parle d'un taux de 85 %. Alors, je pense que le ministre des Transports aurait peut-être intérêt à écouter ce que la population a à lui dire à cet effet-là et à faire les modifications qui s'imposent.

Le fait d'appliquer ces mesures-là ne remet pas... le principe du «no fault» n'est d'aucune façon remis en question. Tout ce qu'on veut, c'est que le régime universel reste en place, c'est-à-dire que toute personne qui subit un accident serait couverte par la Loi sur l'assurance automobile. Par contre, il y aurait une exception à ce principe, c'est-à-dire que la personne reconnue coupable, et c'est seulement celle qui est reconnue coupable, n'ait pas droit aux indemnités versées par la loi. On sait que dans certaines autres provinces, entre autres au Manitoba, le coupable n'a pas droit aux indemnités pendant les 12 premiers mois, n'a pas droit à certaines indemnités pendant les 12 premiers mois. Bien, déjà, là, c'est quelque chose qui est remarquable, qui est déjà mieux que qu'est-ce que, nous, on a.

Alors, d'aucune façon ça remet en cause le principe du «no fault», parce que les gens n'auraient pas à intenter des poursuites dans tous les cas. Et même encore là il n'y aura pas d'obligation, d'aucune façon. C'est uniquement que, si la personne est reconnue coupable, bien la victime de ce criminel-là pourrait, si elle le désire, si elle juge que le criminel est solvable, intenter des recours devant les tribunaux civils pour réclamer l'excédent, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas payé par la SAAQ.

Tout à l'heure, je disais au ministre des Transports qu'une révision complète de la Loi sur l'assurance automobile devait être mise en place. J'ai pris la peine, à la page 4 de mon mémoire, dans le dernier paragraphe en bas, de soulever des questions, de soulever des points qui justement font en sorte que la loi nécessite d'être révisée. Alors, on voit très bien que ça ne fait pas allusion uniquement aux principes du «no fault». Comme je vous dis, le principe du «no fault», une indemnisation qui s'applique à tout le monde, il n'est pas question de modifier cet état de fait, à part créer une exception. O.K.? Il y a dans plusieurs autres cas où la loi devrait être modifiée, et je ne prendrai pas la peine de lire ces cas-là parce que j'imagine que le ministre des Transports a lu le mémoire, puis, s'il ne l'a pas fait, bien j'espère qu'il va le lire.

C'est ce que j'avais à dire par rapport à ça, parce que, comme je vous dis, notre position, nous, ça concerne d'autant plus la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool que les autres aspects traités dans le livre vert. Je vais peut-être laisser la parole à Me Jean Mercure pour qu'il puisse peut-être apporter des précisions supplémentaires ou donner son opinion personnelle par rapport au livre vert et par la suite je donnerai la parole quelques instants à M. Raymond Rhéaume pour qu'il puisse nous expliquer, lui, en tant que victime d'actes criminels sur la route qu'est-ce qu'il a vécu personnellement et comment il voit les choses aujourd'hui. Alors, je vais donner la parole à Me Jean Mercure.

M. Mercure (Jean): Alors, écoutez, je reprends la page 66 du livre vert, le dernier paragraphe. On y dit: «Le gouvernement doit-il envisager des mesures encore plus radicales pour enrayer l'alcool au volant? Devrait-on aller jusqu'à cesser de verser des indemnités aux personnes incarcérées à la suite d'une condamnation pour conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool?» Ce que ça nous amène à considérer, c'est tout le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la route. Actuellement, il y a un maximum qui est prévu dans la loi, qui est approximativement de 135 000 $, ce qui est nettement en deçà de ce qu'une personne vaut. Donc, il y aurait lieu définitivement d'augmenter ce régime d'indemnisation là.

On indemnise les chauffards au même titre qu'une autre victime. C'est une aberration dans le système. Je pense que, pendant la période d'incarcération, on indemnise un petit peu moins le criminel, mais à partir du moment où la personne est libérée, si elle nécessite toujours une indemnisation, elle est indemnisée au même titre que tout le monde.

On crée une distinction entre le régime de la loi sur les accidents d'automobile et la personne qui subirait un autre acte criminel, mais là avec un fusil plutôt qu'avec une auto. Parce que la loi, ce qu'elle permet, elle permet à toute personne de tuer quelqu'un avec une automobile, mais, si la personne... et là on ne peut pas avoir de recours direct contre l'auteur du dommage. Mais, si, par contre, on se fait tirer par un fusil, là on a des avantages. Dans la Loi sur l'assurance automobile, sur l'indemnisation des victimes, il y a une instance, il y a le bureau de révision. C'est une instance qui est totalement inutile. Je pense qu'il y aurait lieu, et ce que vous disait Martin Cadieux tantôt, de revoir en profondeur cette loi.

Ensuite, il y a un problème énorme dans la loi, le problème d'un enfant mineur gravement handicapé qui n'est jamais indemnisé. Alors, le petit garçon de cinq ans qui perd une jambe est indemnisé s'il manque des journées d'étude. Mais, si à partir du moment où elle se cherche un emploi, lorsqu'elle devient majeure, cette personne-là n'est pas en mesure de faire un emploi qu'elle aurait pu faire si elle avait eu ses deux jambes, bien elle n'aura aucune indemnisation. Alors, c'est important d'en tenir compte.

(14 h 20)

Le statut des proches des victimes n'est aucunement considéré dans la Loi sur l'assurance automobile. Il y a aussi un problème important dans les relations qu'entretient la Société de l'assurance automobile avec sa clientèle. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on essaie de démontrer que ces gens-là sont des quémandeurs de droits, alors que ce sont des gens qui ont des droits et qu'on doit respecter.

La relation qui s'est instaurée avec les années entre la Société de l'assurance automobile et les victimes fait en sorte que les gens ont l'impression de demander quelque chose et même de le quémander. Jamais on ne leur offre, à ces gens-là, par exemple, ne serait-ce que la réadaptation. On ne leur offre pas ça. On ne leur offre pas, par exemple, les services d'aide à domicile. On se réveille des fois au bout de 17 ans qu'une personne a été indemnisée pour lui dire: Bien, oui, c'est vrai, on aurait dû vous le dire il y a 17 ans.

Un délai de carence dans la loi. Pourquoi il y a un délai de carence? En matière d'accident de travail, une personne se blesse, elle est indemnisée immédiatement. À la Société de l'assurance automobile, il y a un petit délai de carence.

L'évaluation du dommage corporel pour les récidives des accidents subis avant le 1er janvier 1990. Alors, moi, j'ai un client qui a eu un accident en 1981, mais il y a une aggravation de sa condition en 1996. Cette personne-là était indemnisée, parce qu'il y a eu 10 % de séquelles permanentes supplémentaires, en dollars de 1981 et n'a aucunement droit aux intérêts. Alors, cette personne-là reçoit... En 1981, c'était peut-être approximativement 17 000 $, 20 000 $ qu'elle avait droit. Donc, pour 10 %, on lui verse 2 000 $, mais en 1996. Alors, ce n'est pas ça ce que ça vaut, son 10 % d'incapacité. Si elle était payée en dollars de 1996, elle aurait été indemnisée à raison de 13 000 $.

Le Président (M. Lachance): Vous avez terminé?

M. Mercure (Jean): Oui.

Le Président (M. Lachance): C'était juste pour vous signaler justement que le temps filait rapidement. Il reste quatre minutes, c'est pour ça.

Une voix: Parfait. On va donner la parole à M. Raymond Rhéaume.

M. Rhéaume (Raymond): Alors, moi, j'ai eu mon accident en novembre 1990. Je venais de prendre ma pension en 1989. Le chauffard qui m'a frappé avait 0,26 dans le sang. Alors, il était soûl, complètement soûl. Dans la voiture qui me précédait, la conductrice avait 21 ans, elle a été tuée sur le coup. Puis, il a été me chercher. J'avais mon petit-fils qui avait cinq ans à ce moment-là. Et puis j'ai eu plusieurs fractures, j'ai été 21 jours à l'hôpital.

Depuis ce temps-là, évidemment, j'ai des séquelles, j'ai resté avec des séquelles. Le montant que j'ai reçu de la SAAQ – moi, j'estime que j'ai été sous-indemnisé: 4 300 $. Alors, ma qualité de vie depuis ce temps-là a diminué énormément. Je faisais du ski de fond, du jogging, de la marche. Je ne peux plus faire ça. Quand j'ai marché 15, 20 minutes, je ne suis plus capable, j'ai mal aux pieds. Puis la démarche que j'ai faite... Le mal s'est répercuté au genou et à la hanche. Mon corps empire évidemment, avec l'âge aussi. Alors, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire là-dessus.

Une voix: Qu'est-ce que le criminel a reçu comparativement à vous?

M. Rhéaume (Raymond): Oui. Le chauffard qui m'a frappé, lui, a reçu 70 000 $. Il a été condamné à six ans, puis il n'a pas fait deux ans. Et puis, pendant qu'il était en dedans, bien, ils l'ont payé, évidemment. Ils lui ont donné beaucoup, beaucoup plus que, moi, ce que j'ai reçu. Pourtant, c'est lui qui était le fautif. Alors, je trouve que ce n'est pas correct.

Le Président (M. Lachance): Merci, monsieur. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Juste pour tout de suite enchaîner sur M. Plouffe...

Une voix: Rhéaume.

M. Chevrette: Votre nom, c'est...

M. Rhéaume (Raymond): Rhéaume. Raymond Rhéaume.

M. Chevrette: M. Rhéaume, est-ce que vous êtes allé jusqu'à la Commission des affaires sociales pour votre indemnité?

M. Rhéaume (Raymond): Non.

M. Chevrette: Vous êtes allé en première instance, point?

M. Rhéaume (Raymond): J'ai pris le chèque qu'on m'a donné.

M. Chevrette: Vous n'êtes pas allé en révision?

M. Rhéaume (Raymond): Non.

M. Chevrette: Vous n'êtes pas allé non plus devant la Commission des affaires sociales.

M. Rhéaume (Raymond): Non, j'ignorais à ce moment-là que je pouvais le faire, puis j'ai accepté le chèque qu'on m'a donné, pensant qu'il n'y avait rien à faire. Alors, c'est l'erreur que j'ai faite.

M. Chevrette: Mais à l'époque probablement que le plafond d'indemnité était à 75 000 $ ou 80 000 $? C'est-u 90 000 $, ça?

M. Cadieux (Martin): 75 000 $.

M. Chevrette: 75 000 $? Il est rendu à 175 000 $, le plafond maintenant, vous savez ça?

M. Rhéaume (Raymond): Non, je ne savais pas ça.

M. Chevrette: Vous ne saviez pas ça? M. Cadieux doit le savoir.

M. Cadieux (Martin): On ne parle pas plutôt de 140 000 $?

M. Chevrette: C'est 175 000 $ présentement, la dernière loi. J'avais le goût de vous faire une farce, puis à peu près dire: Si vous ne m'avez pas lu, vous me lirez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Si vous n'avez pas lu la loi, vous la lirez. C'est 175 000 $. Parce que vous avez affirmé 139 000 $, tantôt.

M. Cadieux (Martin): Non, mais vous faites allusion aux personnes qui...

M. Chevrette: Non, non, le plafond, là...

Une voix: Les accidents.

M. Chevrette: ...séquelles.

M. Cadieux (Martin): O.K. Quelqu'un qui subirait un accident aujourd'hui. Quelqu'un qui a subi un accident en 1998, qui est évalué aujourd'hui...

M. Chevrette: C'est à 139 000 $, ça.

M. Cadieux (Martin): 140 000 $.

M. Chevrette: 140 000 $. Mais on a voté une loi depuis.

M. Cadieux (Martin): Non, je le sais, mais le 140 000 $ ne change pas pour cette personne-là.

M. Chevrette: Bien non, je comprends.

M. Cadieux (Martin): O.K.

M. Chevrette: Il y a une date butoir qui commence.

M. Cadieux (Martin): Non, mais c'est juste pour qu'on s'entende bien, là.

M. Chevrette: Non, non, c'est parce que...

M. Cadieux (Martin): Moi, je vous lis, M. le ministre.

M. Chevrette: Chacun à notre tour on va s'accuser de ne pas lire.

M. Cadieux (Martin): Parfait.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Ceci dit, je voudrais quand même poser quelques questions. D'abord, je voudrais savoir comment vous conciliez le fait... Vous dites ceci, dans votre mémoire, vous questionnez: Est-il acceptable que les chauffeurs solvables ne puissent être poursuivis par leur victime? Vous posez une question et puis vous dites: Bien, on ne change pas le «no fault», on ne change pas le régime. Puis vous dites que Chevrette puis Gagnon «charrient honteusement lorsqu'ils affirment publiquement que les victimes veulent abolir le régime actuel». Qu'est-ce que vous voulez faire, si ce n'est pas changer le régime actuel?

M. Cadieux (Martin): Le rajeunir, le rajeunir.

M. Chevrette: Dans quel sens?

M. Cadieux (Martin): D'accord. En ce sens que, bon, par rapport à une révision complète. Le paragraphe qui concerne la révision complète, là, on dit qu'il y a plusieurs aspects de la loi qui nécessitent d'être modifiés. O.K.? Quand on parle du régime actuel, entre autres, on fait allusion au principe du «no fault». Le «no fault», c'est un principe qui s'applique à toute personne accidentée. Ce que je vous dis, c'est que ce principe-là, il est là, il est bon, on n'a rien contre ça, sauf qu'il faut apporter...

Le rajeunir, là, ça veut dire lui apporter une modification, apporter une exception, si on veut. C'est ça que ça veut dire pour moi rajeunir. Cette exception-là, c'est justement en ce qui a trait aux criminels de la route. Le criminel, lorsqu'il est reconnu criminel, lorsqu'il est reconnu coupable ou lorsqu'il a plaidé coupable à son infraction, c'est un criminel, on se le dit puis tout le monde le dit. C'est criminel. O.K.? Pourquoi cette personne-là ne subirait pas – je parle du criminel – le même traitement que n'importe quel autre criminel en vertu de la loi sur... Entre autres, l'indemnisation aux victimes d'actes criminels, on sait que le criminel peut être poursuivi par sa victime, alors pourquoi...

M. Chevrette: J'espère que vous ne voudriez pas introduire l'IVAC comme système. Vous ne trouvez pas que celui-là est de beaucoup supérieur à l'IVAC? Parce que je travaille depuis 23 ans dans les bureaux de comté, moi aussi, puis....

M. Cadieux (Martin): Oui, on vient du même...

M. Chevrette: ...j'en ai, des victimes d'actes criminels, qui viennent me voir.

M. Cadieux (Martin): On vient du même comté. O.K.

M. Chevrette: Oui, mais êtes-vous en train de me dire que... Vous venez de Joliette, vous?

M. Cadieux (Martin): Je suis natif de Joliette, bien oui.

M. Chevrette: Ah, mais vous n'êtes pas électeur de Joliette.

M. Cadieux (Martin): Non, non, non, ah non! Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Parce que vous auriez un ton différent pour me parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Continuez. Excusez.

M. Cadieux (Martin): O.K. Alors donc, ce que je veux, là, c'est que le criminel routier soit traité comme les autres criminels. Mais je veux bien plus que ça. Je veux que la victime de ce criminel-là ait les mêmes droits que n'importe quelle autre victime d'acte criminel. Est-ce que le ministre m'écoute?

M. Chevrette: Oui, seigneur.

M. Cadieux (Martin): D'accord. Non, non, pas seigneur.

M. Chevrette: Allez.

M. Cadieux (Martin): Alors, ce que je veux...

M. Chevrette: C'est arrogant, ça. Continuez.

M. Cadieux (Martin): Non, c'est parce que vous m'avez posé une question.

M. Chevrette: C'est correct, mais je vous suis. Je suis capable de mâcher de la gomme puis écouter en même temps.

M. Cadieux (Martin): Parfait. O.K. Ce que je veux, bien plus que ça, c'est que je veux que la victime de cet acte criminel là ait les mêmes droits que n'importe quelle autre victime d'acte criminel. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la Loi sur l'assurance automobile, elle est là pour indemniser les victimes, elle n'est pas là pour protéger les criminels de la route.

M. Chevrette: Question. Avez-vous lu Insurance Resources Council de juin 1999 qui démontre que les réclamants sans avocat reçoivent plus d'argent que ceux qui sont représentés par un avocat? Avez-vous lu cette étude?

M. Cadieux (Martin): Je n'ai pas lu ça.

M. Chevrette: Je vous conseille de la lire. Vous savez que depuis 20 ans on a indemnisé pour 7 000 000 000 $, au-delà de 600 000 assurés, sans aucuns frais d'avocat, et que changer cette approche, ce système pourrait faire plaisir à un pourcentage peut-être intéressant. On peut peut-être améliorer le système, mais croyez-vous fondamentalement...

M. Cadieux (Martin): M. le ministre...

(14 h 30)

M. Chevrette: Voulez-vous me laisser finir ma question, s'il vous plaît, avec autant de déférence que j'en aurai pour vos réponses? Savez-vous que, dans tous ces cas-là, ces gens-là ont touché de l'argent à très court terme, ils n'ont pas été trois ans ou quatre ans à attendre, ils n'ont pas dû payer... Moi, je connais un de mes chums, juste avant l'assurance automobile, qui a eu un accident. Il a été quatre, cinq mois à l'hôpital. Il a réussi un grand procès de quatre ans pour retirer 45 000 $, puis 27 000 $ de frais d'avocat. Voulez-vous retourner à ce système-là, M. Cadieux?

M. Cadieux (Martin): Pas du tout. C'est pour ça que j'avais hâte de reprendre la parole. M. le ministre...

M. Chevrette: C'est chacun son tour, ici.

M. Cadieux (Martin): Oui, tout à fait, effectivement.

M. Chevrette: Et, comme de raison, les parlementaires ont le droit de poser les questions qu'ils veulent.

M. Cadieux (Martin): O.K. J'espère.

M. Chevrette: C'est beau. Allez-y. Ne soyez pas arrogant, soyez simple avec nous autres. C'est beau?

M. Cadieux (Martin): Oui, bien, écoutez, moi, je n'essaie pas de démontrer de l'arrogance, là, pas du tout.

M. Chevrette: Non? Vous êtes naturel de même? Allez-y, dans ce cas-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cadieux (Martin): D'accord. Je ne veux pas qu'on revienne au régime qui était en place avant le 1er mars 1978, pas du tout, M. le ministre, pas du tout. Je vous ai dit que tout le monde devrait être indemnisé par la Loi sur l'assurance automobile, ce qui est actuellement ce qu'on appelle le «no fault». O.K.? Ce que je dis, c'est que la victime, la personne blessée par un criminel de la route elle est indemnisée par la SAAQ. Je ne veux pas modifier cette façon d'être là. Tout ce que je dis, c'est que, si elle le désire, elle peut poursuivre le criminel de la route pour l'excédent. Est-ce qu'elle va devoir attendre quatre ou cinq ans, comme vous le mentionnez, pour être indemnisée? Pas du tout, elle est couverte par la Loi sur l'assurance automobile.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous faites de la distinction entre récidiviste et première offense?

M. Cadieux (Martin): Par rapport au criminel? Bien, je vous dirai, il est reconnu au criminel. Parce que, moi, je joue avec la notion de criminel. D'accord? Alors, s'il est reconnu au criminel, que ce soit une première offense ou que ce soit sa dixième offense, il est reconnu au criminel, alors, à ce moment-là, cette victime-là a le droit d'avoir, comme n'importe laquelle autre victime d'acte criminel... elle a le loisir, si elle le désire, de poursuivre le criminel. Ce que je prétends dans mes démarches, là, comme je vous dis, je ne veux pas revenir...

Bon. J'étais là, mais j'étais tout jeune à l'époque, et je sais que ce que j'ai entendu par rapport à ça. Effectivement, ce n'était pas une bonne chose que les gens doivent poursuivre devant les tribunaux pour se faire indemniser. Je ne veux pas ça. Et ce que je propose, ce n'est pas ça, d'aucune façon.

M. Chevrette: Est-ce que vous ne croyez pas que ce que vous proposez oblige les citoyens, à ce moment-là, à se prendre une deuxième assurance, une police d'assurance privée?

M. Cadieux (Martin): Est-ce que le gars qui braque une banque se prend une assurance, lui, pour que, s'il blesse quelqu'un puis qu'il est poursuivi, sa famille puisse avoir quoi que ce soit?

M. Chevrette: Mais, si le récidiviste ou celui qui a...

M. Cadieux (Martin): D'accord, parlons des récidivistes...

M. Chevrette: Le criminel dont vous parlez, là... Moi, je les reconnais criminels parce qu'on vit une société de droit, et vous avez dit que vous avez une formation de droit, donc tout le monde est présumé innocent au départ.

M. Cadieux (Martin): Tout à fait.

M. Chevrette: Donc, on se comprend au moins sur cette règle de base. Ça doit être probablement Université 101, ça. Est-ce que l'individu qui pose un acte, qui n'a pas d'assurance, qui fait faillite... En quoi l'individu est protégé? C'est parce que j'ai travaillé beaucoup dans le syndicalisme, M. Cadieux.

M. Cadieux (Martin): Oui, je sais ça.

M. Chevrette: On se donnait des régimes d'assurance collective. Puis, pour ma famille, ça pouvait me coûter, moi, 600 $, puis je ne prenais pas une pilule de l'année, je n'allais pas voir le docteur de l'année, puis il y en avait qui en mangeaient pour 2 000 $, 3 000 $. C'est un genre d'assurance groupe. Alors que ce que vous préconisez, c'est une assurance groupe, jusqu'à une certaine limite, doublée d'un système de poursuite qui oblige à une deuxième assurance individuelle. Vous ne pensez pas que c'est ça, dans les faits?

M. Cadieux (Martin): Non. je ne crois pas que ça oblige à une deuxième assurance. Premièrement...

M. Chevrette: Si je n'ai pas une cenne à vous donner, qu'est-ce que ça vous donne de me poursuivre si je ne prends pas le risque...

M. Cadieux (Martin): Bien, oui, mais c'est ça.

M. Chevrette: Si j'ai une crainte de poursuite puis que l'assiette de base ou le régime de base ne permet pas, ne me met pas à l'épreuve de la poursuite, je vais être obligé, si je veux faire face à... par crainte de poursuite, de m'assurer, voyons!

M. Cadieux (Martin): Oui.

M. Chevrette: Comment vous feriez ça autrement, là, vous? Ce n'est pas la manne, là. On ne multiplie pas, ni les poissons ni les pains, là.

M. Cadieux (Martin): De toute façon, on ne peut pas assurer quelqu'un qui commet un crime, qui va commettre un crime. Ces personnes-là, ça ne s'assure pas. Est-ce que je vais me prendre une assurance, moi, parce que, si je prends mon véhicule, j'ai tendance à prendre un verre de temps en temps puis à conduire en état d'ébriété? Est-ce qu'il y a quelqu'un, premièrement, qui va vouloir m'assurer s'il m'arrive de quoi? Pas du tout. Alors, je ne pense que ça implique une deuxième assurance.

Quand je parle, la troisième proposition, pour que la SAAQ ait un recours subrogatoire pour pouvoir récupérer les sommes d'argent qu'elle aura versées aux victimes du criminel, tout comme dans les cas où la victime peut poursuivre le criminel, bien entendu, je pense que la personne... les êtres humains sont assez intelligents que, avant d'entreprendre une poursuite, pour réclamer l'excédent, ils vont s'assurer que le criminel est solvable. Il n'y a personne qui est prêt à investir des sommes d'argent pour ne rien récupérer en bout de ligne.

M. Chevrette: Si je retenais vos recommandations, là, si j'ai bien compris, la faute serait en fonction du revenu puis des blessures subies, alors qu'aujourd'hui c'est en fonction de la gravité de la faute. Comment vous conciliez ça? C'est un changement de cap profond, ça.

M. Cadieux (Martin): Vous dites la faute du criminel?

M. Chevrette: Je vous ai dit: si vos recommandations – je vais vous le relire très lentement – étaient retenues ou sont retenues, la faute ne serait-elle pas en fonction dorénavant du revenu et des blessures subies plutôt qu'en fonction de la gravité de la faute, comme c'est le cas présentement?

M. Cadieux (Martin): Vous parlez de la faute du criminel, finalement. C'est ça?

M. Chevrette: Le régime, comme tel, si je retenais vos recommandations, ça serait basé sur les revenus puis les blessures subies et non pas en fonction de la gravité des fautes comme telles.

M. Mercure (Jean): Écoutez, M. le ministre, actuellement, les gens sont indemnisés en fonction de leurs revenus et sont indemnisés aussi pour le dommage qu'ils subissent. Je ne vois pas de distinction entre les propositions de DAATAQ et la position actuelle du gouvernement dans la loi sur l'assurance d'indemnisation des victimes.

M. Chevrette: Mais votre position, c'est d'aller vers un recours civil, indépendamment du revenu, indépendamment de sa capacité de payer. Vous allez faire payer à une victime... Je vais vous donner un exemple très concret que je sens qui peut arriver dans votre affaire. Je vais prendre monsieur, qui a eu un accident, là. Il me poursuit. Je ne suis pas solvable, je n'ai pas une maudite cenne. Il vous engage, vous, brillant avocat, défenseur spécialisé dans le domaine. Vous lui chargez au moins 100 $ de l'heure, c'est un minimum, c'est les tarifs normaux, puis, si vous êtes bon, ça peut être plus. Je le sais comment ça marche un peu, les paiements d'avocats. À partir de là, il va vous payer, il va vous payer. Ça ne lui donnera pas une maudite cenne de plus, si je n'en ai pas pour payer, moi. Quand bien même je déclarerais faillite demain matin, c'est quoi, à part de payer votre compte, que ça va donner à monsieur?

M. Cadieux (Martin): Si je prenais un cas comme ça, là, ça serait une cause perdue. Alors, ce n'est pas un cas que je prendrais. J'évaluerais la possibilité de gain de cause...

M. Chevrette: Non, non, mais ce n'est pas là, c'est sur le principe, maître. On ne jouera pas sur les mots. C'est sur le principe même. Comme vous introduisez un droit dans la loi, vous savez très, très bien que monsieur qui a le droit, s'il y a un droit dans la loi, de recours civil, il va vous chercher, vous, vous ne le prendrez peut-être pas, mais il va s'en trouver un pour le prendre, comme il y en a qui ont conseillé au monsieur de Maskinongé de poursuivre, alors qu'il y a un «no fault». Ils ne devaient pas prendre une cause de même, il y a un «no fault». Mais on sait comment ça marche dans la vraie vie, là. Il y a des journées, il y en a qui manquent de clients, là. Dans les faits, qu'est-ce que lui, monsieur, va faire de plus que de vous payer, en l'occurrence... Oublions que c'est vous, là. Je veux dire, c'est sur le principe.

M. Mercure (Jean): O.K. Mais là vous prenez un cas qui fait en sorte que...

M. Chevrette: Ça peut arriver souvent, ça.

M. Mercure (Jean): Écoutez. Les criminels aussi qui commettent... ceux qui tuent des gens en auto, ce n'est pas tous des gens qui sont sur le bien-être social, là. Il y a des gens qui ont des revenus.

M. Chevrette: Ça, c'est vrai.

M. Mercure (Jean): Alors, il y a des gens qui sont capables de payer. Et, si ces gens-là sont capables de payer, bien, ils doivent rembourser non seulement à la société mais aussi à la personne qui subit le dommage.

M. Chevrette: 80 % gagnent moins de 30 000 $. Ça vous donne un petit aperçu, là.

M. Cadieux (Martin): Mais, pour le 20 %, encore là...

M. Chevrette: Oui, pour le 20 %, mais la loi... On ne fait pas une loi pour 20 %. Si on crée un droit de recours civil, on le crée pour le 100 %.

M. Mercure (Jean): Oui, mais on le crée, M. le ministre, pour dissuader aussi, pour dissuader les chauffards, pour les gens qui sont en état d'ébriété.

M. Chevrette: Est-ce que, maître, ça ne pourrait pas revenir...

M. Mercure (Jean): Puis c'est d'ailleurs votre recommandation à la page 66. La question que vous posez, c'est: «Le gouvernement doit-il envisager des mesures encore plus radicales pour enrayer l'alcool au volant?» Est-ce que ce n'en est pas une?

M. Chevrette: Bon, ça peut être la vôtre. Mais ce que je veux expliquer, c'est que, dans 80 % des cas, les personnes poursuivraient quelqu'un ou à peu près quelqu'un qui n'est pas solvable. Qui serait le grand perdant? Ce serait la victime elle-même qui se sert d'un recours, alors qu'on essaie plutôt d'améliorer les indemnités des personnes. On a augmenté les plafonds depuis un bon bout de temps. Ça a augmenté: les décès, les séquelles... les préjudices moraux sont maintenant indemnisés dans la dernière version, que vous avez sans doute lue. Et puis on va continuer à améliorer le système. Mais c'est parce que je comprends mal l'objectif.

(14 h 40)

M. Cadieux (Martin): O.K. Le but visé, M. le ministre... Il ne faut pas oublier que les accidents causés par des criminels, les accidents routiers causés par des criminels ne sont pas en nombre très, très grand par rapport au nombre d'accidents, aux simples accidents. Donc, déjà là, ce n'est pas quelque chose qui va se présenter souvent.

Deuxièmement, ce ne sont pas toutes les victimes de criminels de la route qui vont choisir de poursuivre le criminel pour l'excédent. Ce sont uniquement les personnes qui le désireront. Puis, comme je l'ai dit tout à l'heure, ça représente un nombre très petit. Et, comme je le disais tout à l'heure, ces personnes-là, si elles ont l'intention de poursuivre, c'est qu'elles sont assez intelligentes pour vérifier: Est-ce que cette personne-là, en bout de ligne, va être solvable? avant d'intenter un recours. Il ne faut pas oublier cet aspect-là. C'est quelque chose qui est en nombre très réduit.

Le but recherché, comme le dit Me Mercure, tout comme le but que, vous, vous recherchez, tout comme nous le but que l'on recherche, c'est d'enrayer la criminalité routière, c'est de faire en sorte qu'il y en ait le moins possible d'accidents causés par des criminels de la route.

M. Chevrette: ...je termine là-dessus, parce que je n'ai plus de temps. Il reste quelques minutes puis je voudrais les laisser à mon collègue. Je ne voudrais pas ouvrir un flan à la surexploitation d'une victime. Et nos études démontrent, M. Cadieux, qu'on donne tout autant que n'importe quel... Les études vous seront disponibles, si vous les voulez, pour voir exactement qu'est-ce qu'on donne par rapport à ce qui est comparable dans la jurisprudence, et tout.

M. Cadieux (Martin): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, je veux d'abord vous remercier pour votre présentation. Je dois vous dire que, personnellement, je suis d'accord avec votre demande fondamentale. C'est-à-dire que ce qu'on souhaite et ce qu'on a demandé depuis longtemps au gouvernement, c'est qu'on fasse un débat ouvert directement sur l'ensemble du système. Après 21 ans, je pense, qu'il est tout à fait justifié puis raisonnable, comme on l'a fait dans tous les autres systèmes – systèmes sociaux, je pense à la Régie des rentes, à l'assurance maladie, tous les autres, ils sont tous passés – qu'on se questionne. Ce n'est pas défendu de se poser des questions. Ça ne veut pas dire que...

Ici, vous nous arrivez avec des propositions précises. Bon. On peut être d'accord ou pas d'accord avec les propositions, mais excepté que qu'est-ce qui empêche qu'on fasse un débat ouvert sur cette question-là, une espèce de bilan où tout le monde viendra avec des suggestions différentes. Et on évaluera les pour, les contre de chacune des suggestions. Puis, si, au bout de la ligne, le gouvernement, après avoir fait le tour du jardin comme il faut, conclut qu'il n'y a pas nécessité ou ce n'est pas approprié ou ce n'est pas justifié de faire des changements, bien, il n'en fera pas. Mais il aura eu au moins l'occasion d'avoir un débat ouvert où on a entendu tout le monde.

Et c'est ce qu'on demande au gouvernement depuis longtemps, avec plusieurs dizaines de milliers de personnes à l'extérieur qui ont signé des pétitions de toutes sortes. On l'a vu ce matin, avec Mme Talbot et Mme Giroux, qui ont fait signer une pétition à 142 000 personnes. Je pense que les gens qui ont un peu votre point de vue viennent avec des éléments de solution, ce qu'eux pensent être la solution. Mmes Talbot et Giroux ce matin avaient d'autres propositions. Alors, peut-être qu'en les regardant, ces propositions-là, on va s'apercevoir que ce n'est pas raisonnable, ça ne peut pas fonctionner ou il y a des... Peut-être qu'elles vont s'apercevoir qu'il y en a d'autres qui peuvent fonctionner. Mais pourquoi ne pas faire un vrai débat, comme on l'a fait dans tous les autres – vous y faites références dans votre mémoire – systèmes sociaux qu'on a regardés à l'occasion puis qu'on a améliorés?

Et puis, vouloir faire ça, ce n'est pas vouloir abolir le régime. Puis, ça, je pense, quand le ministre prend ça sous cet angle-là, j'ai l'impression qu'il simplifie la réalité. Je n'ai vu personne, moi, qui m'a dit qu'il fallait qu'on vienne ici et qu'on retombe à un régime comme il existait avant le «no fault»: On enlève tout ça, puis c'est fini. Il n'y a personne qui a dit ça.

Alors, mais on doit avoir le droit de se poser des questions, au Québec, puis on doit avoir le droit de... Il me semble que le gouvernement doit avoir une obligation de respecter l'avis des citoyens qui viennent se présenter puis qui demandent... C'est eux qui paient, au bout de la ligne, et c'est tout le monde qui paie pour cela. Alors, il me semble que, quand il y a 150 000, 160 000 personnes qui demandent à avoir un débat ouvert, je ne vois pas sur quelle base le gouvernement s'objecterait à ça. Alors, dans ce sens-là, nous, on est d'accord sur le fait qu'on devrait s'asseoir puis faire un vrai débat.

Maintenant, je ne vous dis pas que je serais d'accord avec la proposition A, B ou C, là, mais, au moins, on va échanger, puis on va échanger dans un cadre qui est fait exprès pour ça, pas dans le cadre de la consultation qu'on fait actuellement, où on a mélangé ça avec quatre autres points et puis on a mis ça en annexe un petit peu dans le dernier point. Et d'ailleurs, quand on regarde les quatre propositions qui sont suggérées, bien, il n'y en a pas une qui touche directement cette question-là. Les quatre avenues de solution, c'est l'accroissement de suspension, de durée, etc. Alors, là-dessus, c'est ce que je voulais vous dire au départ.

D'ailleurs, je veux signaler aussi qu'il y a les groupes qui viennent faire des représentations, mais vous avez fait référence à un sondage. Bon, je pense bien que le sondage vaut aussi bien qu'un sondage politique auquel le gouvernement se fie pour prendre des décisions. Quand il y a 84 %, 81 % puis 85 % qui souhaiteraient qu'on en discute, qu'on regarde ça au moins, bien, je ne vois pas où serait le mal de le faire.

À la proposition C, la question du recours de la SAAQ au niveau de la réclamation aux coupables des sommes qui auraient été versées aux victimes, est-ce que vous avez une idée à peu près du nombre d'accidents que ça pourrait... D'abord, bon, ça prend un accident... on parle d'accident criminel, ici, on ne parle pas de n'importe quel type d'accident, l'accident où la personne a posé un geste criminel. Et on parle aussi, en même temps, de cas où les gens auraient suffisamment d'argent quand même pour pouvoir rembourser, mettons, la SAAQ des primes qui auraient été versées aux victimes. Est-ce que vous avez une estimation à peu près? Ça veut dire combien d'accidents, ça, par année où on rencontre ces deux conditions-là: acte criminel puis quand même suffisamment d'argent pour que raisonnablement la SAAQ puisse intenter des poursuites?

M. Cadieux (Martin): Écoutez, allons-y sans répondre directement à votre question, parce que j'ai des chiffres, mais on va prendre des chiffres qui vont être encore plus éloquents. C'est la SAAQ elle-même qui nous dit que, année après année, il en coûte 120 000 000 $, tout ce qui découle de la criminalité routière. O.K.? L'indemnisation que la SAAQ verse soit au criminel ou à ses victimes, il en coûte annuellement 120 000 000 $. Jusqu'à il n'y a pas tellement longtemps, on parlait de 150 000 000 $, mais là on est rendu qu'on parle de 120 000 000 $. Bon, on va y aller avec les chiffres qui nous sont donnés par la SAAQ: 120 000 000 $.

Ce recours-là, combien d'argent permettrait-il à la SAAQ de récupérer? Il y a eu une étude qui a été faite par la Chaire socioéconomique de l'Université du Québec à Montréal, M. Léo-Paul Lauzon. C'est une étude qui a été faite en 1996. Je n'en parle pas dans mon mémoire. Je sais qu'il y a d'autres personnes qui vont en parler. Si jamais ça vous intéresse, au bureau, j'ai cette étude-là. Cette étude-là a révélé que, si cette mesure... En fait, on ne faisait pas uniquement allusion à cette troisième mesure-là, on faisait allusion aux trois mesures qui sont proposées ici. L'étude a révélé que l'application de ces trois mesures-là permettrait à la SAAQ de récupérer ou d'économiser 63 000 000 $ annuellement. Juste le point C, si ma mémoire est fidèle, il permettait à la SAAQ de récupérer 20 000 000 $, le recours subrogatoire. C'est très simple, je pense, à visualiser. On sait que la RAMQ, qui a ce pouvoir-là, tout comme d'autres, la Régie de l'assurance maladie du Québec a ce pouvoir subrogatoire là, elle récupère annuellement entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $ de dollars.

Une voix: À la RAMQ, ça.

M. Cadieux (Martin): À la RAMQ. Il y a quatre avocats qui font ça à temps plein. Alors, si la RAMQ récupère 4 000 000 $ à 5 000 000 $, c'est évident que la SAAQ pourrait récupérer beaucoup plus, parce qu'on sait que ça coûte annuellement à la SAAQ 120 000 000 $. Alors, pour justement démontrer cette chose-là, l'étude de Lauzon – puis je vous dis ça de mémoire – c'était 20 000 000 $ ou 34 000 000 $, mais je vais y aller avec le plus pessimiste, 20 000 000 $. Est-ce que le 20 000 000 $ récupéré... Bien, ne vaut-il pas la peine en soi d'appliquer cette disposition-là? 20 000 000 $, bien, ça fait 20 000 000 $ de plus pour les accidentés, ça fait 20 000 000 $ de moins que l'État paie, ça c'est 20 000 000 $ que, vous et moi, on paie en moins, parce que c'est avec notre argent qu'on paie ça, ces indemnités-là.

M. Bordeleau: Ce que je veux signaler aussi, c'est que dans le... Là, vous nous avez fait des propositions précises concernant cette question-là. Mais, quand on parle d'une réflexion sur l'ensemble de notre système d'assurance automobile, on ne parle pas juste des criminels et on ne parle pas juste des... Vous y faites référence d'ailleurs à la page 4, où vous parlez des rapports, des relations avec la SAAQ, de la réadaptation, du rôle du Bureau de révision, et tout ça. Alors, ce serait tous des sujets qu'on pourrait effectivement aborder dans ce cadre-là et voir s'il n'y a pas des choses qu'on pourraient améliorer dans le système.

(14 h 50)

D'ailleurs, vous faisiez référence, à ce niveau-là, au Bureau de révision. De mémoire, là, je me souviens d'avoir vu des données récemment. Ce que je me souviens d'avoir vu, c'est qu'au niveau des tribunaux administratifs du Québec l'organisme qui envoie le plus de causes qui se rendent au tribunal administratif, c'est la SAAQ. C'est l'organisme dans tous les organismes gouvernementaux, je pense que c'est au-delà de 9 000 causes qui sont au tribunal administratif...

M. Cadieux (Martin): En attente.

M. Bordeleau: En attente actuellement.

M. Cadieux (Martin): J'ai les chiffres précis, ici.

M. Bordeleau: Et c'est celui qui en envoie le plus. Et l'autre donnée dont je me souviens – celle-là, je ne suis pas certain, mais je vous donne ça de mémoire, sous toutes réserves: il y aurait 30 % des décisions du Bureau de révision qui sont renversées par le tribunal administratif.

M. Cadieux (Martin): 35 %

M. Bordeleau: 35 %? Bon. Alors, avec ces données-là, je pense qu'on a lieu de se poser des questions.

M. Cadieux (Martin): Si vous me permettez...

M. Bordeleau: Ce n'est pas une aberration de vouloir se poser des questions puis de dire: Qu'est-ce que ça veut dire qu'on se retrouve avec des chiffres comme ça? Celui qui envoie le plus de causes aux tribunaux administratifs, où il y a le plus de... peut-être que le Bureau de révision est inutile, mais il faudrait qu'on en discute, qu'on ait la chance d'en discuter.

Tout à l'heure, dans votre proposition B – en fait c'est juste une question que j'aimerais poser aussi parce que ça... – quand vous dites: «...ledit coupable ne soit pas indemnisé par la SAAQ s'il se blesse en perpétrant son crime.» Compte tenu de la présomption d'innocence, immédiatement après le délai de carence, qu'est-ce qui se passe, là? Est-ce qu'il est payé? Parce que le jugement final peut prendre un certain temps. Donc, qu'est-ce qui se passe à partir... Il est présumé innocent. Il peut se passer un an avant que le jugement final soit fini. Le délai de carence est passé. Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là? Il n'est pas coupable, là.

M. Cadieux (Martin): Parfait. Je vais vous comparer ça à un cas très, très simple, et vous allez voir, c'est tout à fait logique, mon raisonnement. Je subis un accident. Je me blesse au cou, au dos et aux jambes. La SAAQ dit que mes blessures au dos ne relèvent pas de mon accident d'automobile. Mon incapacité que j'ai actuellement, elle découle de mes blessures au dos. Donc, la relation n'étant pas reconnue, je ne suis pas indemnisé par la SAAQ pour mon incapacité. O.K. Vous me suivez? Je ne suis pas payé. Il y a une décision qui est rendue par la SAAQ, par le service d'indemnisation.

Je conteste cette décision-là et finalement je monte ça devant les tribunaux. On va m'indemniser quand j'aurai réussi à avoir gain de cause. Durant tout ce temps-là, le délai de carence, je ne suis pas indemnisé. Ça serait la même chose dans le cas qui nous touche actuellement. C'est-à-dire que la personne, l'ivressomètre révèle qu'elle est à 0,16, donc, à ce moment-là, de un, avec une mesure administrative on dit...

Une voix: Une présomption.

M. Cadieux (Martin): ... – une présomption, si on veut – qu'il n'a pas droit aux indemnités, il n'aura qu'à constater, il peut appliquer son droit de contestation. Et, quand il aura réussi à prouver que finalement il avait droit aux indemnités, il sera payé. Que ce soit dans six mois ou dans trois ans, c'est le même cas que la personne qui se blesse au dos alors qu'elle est tout à fait à jeun. Mais la SAAQ ne reconnaît pas la relation.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, le ministre faisait référence aux assurances groupe, en se disant: Bien, dans le cas où on prend une assurance groupe, moi, je peux ne rien retirer. Puis il faisait une référence à ça en parallèle avec le système de la SAAQ, en disant: Je peux prendre une assurance groupe, puis je peux ne rien retirer, je vais payer le même montant, puis c'est celui à côté qui va en retirer plus parce que, lui, bon, il est plus malade. Il y a une espèce de solidarité qui s'exerce dans ces choses-là. Excepté que le raisonnement tient en partie dans le sens où, même dans des assurances groupe, si les blessures que vous avez pu avoir sont issues de gestes criminels que vous avez pu poser, votre assurance ne vous protège plus non plus.

Alors, moi, personnellement, je pense que la décision de pouvoir poursuivre, par exemple, au civil, on devrait laisser les gens prendre leur décision eux-mêmes et éviter que le gouvernement prenne la décision à la place des gens qui sont là. C'est évident que, si c'est une cause perdue au départ et que les gens n'ont pas la... Bon. On sait que la personne, après avoir fait une enquête, n'a rien, bien les gens n'entameront pas de procédure pour aboutir à zéro, mais au moins les individus... En tout cas, ça me paraît, disons, à première vue, justifié de dire: Bien, laissons les gens décider pour eux-mêmes plutôt que de défendre le système puis de défendre ce droit-là – de défendre – c'est-à-dire d'aller contre la possibilité que les gens puissent exercer un recours au civil sous prétexte que ça ne serait pas rentable.

Puis on évalue ça, nous, à partir du gouvernement, d'avance, que ce n'est pas bon de le faire parce qu'il y a trop de pertes. Et je pense que, dans tous les autres systèmes, toutes les décisions juridiques qui peuvent se passer, les gens prennent leur décision puis ils évaluent s'ils doivent poursuivre ou non et déterminent à quel moment ils arrêtent. Ça peut être pour les pensions alimentaires, ça peut être pour n'importe quoi. Ça existe dans la société, partout. Donc, je ne sais pas si vous avez un commentaire sur ce sujet-là.

M. Cadieux (Martin): Effectivement. Ce qu'on dit par rapport à ça, c'est qu'on laisse le loisir à la personne, parce qu'on sait qu'elle est indemnisée par la SAAQ, et c'est seulement pour l'excédent, c'est-à-dire pour récupérer ce qui n'est pas payé par la SAAQ. Parce que, contrairement à ce que la SAAQ a déjà prétendu voilà deux ans, au printemps 1998, c'est faux de prétendre que la couverture est complète. La Loi sur l'assurance automobile ne donne pas une couverture complète aux victimes d'accidents de la route. La première preuve de ça: on lui verse 90 % de son salaire net; tout de suite en partant, il y a un 10 % à combler. Les indemnités ou le remboursement de certains frais, dans la plupart des cas, ça ne couvre pas la totalité de ce que ça coûte réellement aux victimes. Alors, ce sont des exemples.

Pour ces excédents-là, si justement la victime le veut, donc, elle a le loisir, c'est un libre choix qu'elle a, si elle veut intenter des poursuites, bien, elle pourra le faire. Mais ce n'est pas une obligation, parce qu'elle sera indemnisée par la SAAQ. Donc, il n'est pas question d'attendre six mois ou deux ans, comme on le prétend, elle sera déjà indemnisée par la SAAQ. Je n'en vois pas de problème à ça, moi. Je n'en vois pas de problème.

M. Bordeleau: Ça va.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre, en vous signalant qu'il vous reste deux minutes.

M. Chevrette: Je voudrais donner quelques informations et corriger certaines allégations. Tout d'abord, on ne peut pas récupérer, M. Cadieux, 63 000 000 $, puisqu'on en verse seulement 25 000 000 $. Et, si on en verse seulement 25 000 000 $, on en verse 15 000 000 $ à celui qui pose le geste, le chauffard, et 10 000 000 $ à celui qui est victime, ce qui fait 25 000 000 $ en tout. On ne peut donc pas récupérer 63 000 000 $, comme vous avez affirmé.

Deuxième chose. Vous demandez... les salaires, tantôt. Ceux qui n'ont aucun revenu, qui sont sur l'aide sociale, c'est 43 % de ceux qui posent des gestes, actes criminels. Il y en a 41 % qui ont moins de 30 000 $; il y en a 14 % entre 30 000 $ et 50 000 $; et il n'y a que 2 % en haut de 50 000 $. Est-ce qu'on va prier soir et matin, dire son chapelet et son rosaire pour être frappé par un richissime? On ferait quoi en introduisant cela? En tout cas, il faut le regarder très sérieusement quand on a à prendre une décision.

Et depuis le début de la commission que j'entends le député de l'Acadie dire: On pourrait en discuter. On ne fait que ça, discuter du système, depuis tantôt. Et on l'a fait avec d'autres groupes aussi. Chacun a le droit de s'exprimer, c'est évident, ça. Puis c'est correct. C'est ça qui fait la richesse collective, d'être capable de s'organiser.

Mais, si je suivais le raisonnement de Me Mercure, les 43 % qui posent des gestes puis qui n'ont pas une cenne, les victimes de ces 43 % là feraient quoi? Ça serait l'aide juridique qui poursuivrait des gens qui n'ont aucun revenu puis qui alimenterait des revenus d'avocats? C'est le même État qui se punirait lui-même, qui paie déjà pour l'assisté social, qui paierait l'aide juridique pour la victime sur l'aide sociale? On s'en irait où, par rapport au portrait réel? Je pense qu'il y a lieu de corriger le système...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: ...je suis d'accord, mais on n'est pas là, très honnêtement, pour penser un système qui peut plaire à une petite couche de la société.


Document déposé

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous allons déposer le document dont vous venez de faire état.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Je voulais juste commenter sur les commentaires du ministre. Quand on dit de faire un vrai débat sur l'ensemble de la Société de l'assurance automobile du Québec, certains nous l'ont dit, je pense, déjà, et on va nous le dire dans d'autres mémoires, ce n'est pas dans le cadre de cette commission-ci, ce n'est pas vrai que la discussion... Il dit: On en discute, on en discute. Oui, on en discute, on en discute, avec le patin à roues alignées, avec le virage à droite et puis toutes sortes d'autres systèmes. Puis, dans le document de consultation, on a donné pas mal plus d'importance à toutes les autres choses: le patin, le casque protecteur, le virage à droite, le cinémomètre. On a donné pas mal plus d'importance à ça. Et même, dans la dimension des conducteurs en état d'ébriété, on a parlé exclusivement... en réalité, là, on parle à peu près exclusivement de la question de rallonger les délais de suspension de permis, ces choses-là.

Ce n'est pas vrai, et je pense qu'il faut le dire clairement, que le vrai débat sur l'ensemble du système d'assurance automobile va se faire dans le cadre de cette commission-ci. Et ce n'est pas ça que les gens nous demandent. Les gens nous demandent un vrai débat. Et, quand le ministre nous dit: On ne peut pas plaire à tout le monde, à une petite minorité, quand c'est rendu qu'il y a à peu près 150 000 personnes puis qu'il y a 80 % de gens dans les sondages de façon régulière qui disent qu'on devrait permettre un débat là-dessus, bien, je ne pense pas que ce soit un petit nombre de personnes.

(15 heures)

Une voix: ...

M. Bordeleau: Bien, il y a 80 %. En tout cas.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de la commission parlementaire. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement l'intervenant suivant, M. Robert Tétrault, à prendre place à la table.

Alors, bienvenue, M. Tétrault. Je vous rappelle que vous avez aussi un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


M. Robert Tétrault

M. Tétrault (Robert): Donc, je vous remercie, M. le Président. Je suis professeur à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Je m'intéresse depuis près de 20 ans au régime public d'indemnisation dans le cadre de mes enseignements en droit social et j'ai eu l'occasion de réfléchir sur des questions en rapport avec la question de l'alcool au volant et la responsabilité et le «no fault», et c'est également à titre de citoyen que je m'adresse aujourd'hui à la commission pour vous faire part de mes préoccupations par rapport à certaines modifications qui ne m'apparaîtraient pas opportunes au régime d'indemnisation. Donc, je remercie la commission d'accepter de m'entendre.

Mes commentaires et mon mémoire portent exclusivement sur la question de l'opportunité ou non de modifier le régime d'assurance pour avoir une incidence sur la question de l'alcool au volant et la criminalité au volant de façon générale. L'alcool au volant est un problème sérieux qui entraîne des conséquences tragiques, et les propos que je vais tenir ne m'empêchent pas de manifester de l'empathie à l'égard des personnes qui ont perdu un être cher dans un contexte où une personne aurait été à l'origine de l'accident... dans le contexte où cette personne-là aurait eu un comportement qu'on qualifierait de criminel. Tout accident d'automobile est vraiment tragique, et c'est une expérience que je ne souhaite à personne.

Ceci dit, le livre vert nous invite à nous interroger quant aux mesures pour contrer le phénomène. Il identifie, comme c'était le cas pour le projet de loi n° 12, il y a quelques temps, il y a trois ans, qui était aussi une occasion où on avait fait en partie ce débat-là... d'offrir une réflexion sur les mesures pénales et les mesures administratives susceptibles de corriger la situation. Ce sont les mesures qui m'apparaissent les plus susceptibles de répondre aux problèmes et de contrer le phénomène. À mon sens, il n'y a pas lieu de modifier le régime d'assurance automobile dans le sens indiqué, ça n'aurait pas l'effet approprié. Et non seulement ça ne résoudrait pas le problème, mais ça créerait des problèmes encore plus graves et d'autres injustices. Donc, à mon sens, le remède est pire que le mal.

C'est clair que le régime, dans sa logique actuelle, mène à des résultats surprenants. On donne des exemples, régulièrement, de personnes criminellement responsables qui reçoivent plus d'indemnité que leurs victimes. Oui, il y a des cas comme ça, et ça surprend. Maintenant, pour peu qu'on porte attention et qu'on comprenne la logique du régime, ce sont des cas qui s'expliquent. Ça ne change en rien le caractère criminel du comportement, ça ne change en rien la détresse des gens qui vivent ces situations-là, mais ce sont des résultats qui peuvent s'expliquer.

Tout à l'heure, les intervenants ont fait état de trois modifications que certains groupes souhaiteraient apporter: donc, priver le conducteur criminellement responsable de toute indemnité; permettre à la Société de l'assurance auto d'exercer un recours subrogatoire; et permettre aux victimes, entre guillemets, innocentes de poursuivre au civil pour le surplus, comme ça serait le cas en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Bon, en rapport avec ces éléments-là, d'une part, on peut s'interroger: Est-ce que ces mesures-là auraient un aspect positif, oui ou non? Je prétends que non. Est-ce que ça serait de nature à créer des effets pervers? Je dis oui.

Au niveau des aspects positifs, qu'est-ce qu'on pourrait voir de positif aux propositions? Est-ce que c'est de nature à avoir un effet dissuasif chez les conducteurs qui pourraient avoir tendance à prendre le volant alors qu'ils sont en situation de facultés affaiblies? J'estime personnellement que ça ne serait pas le cas, dans le sens où déjà il y a toute une série de conséquences qu'on promet et qu'on met en réserve pour ceux qui seraient tentés de le faire, que ce soit le fait d'être condamné au criminel, de faire de l'emprisonnement, le fait d'être soi-même blessé, le risque d'en blesser d'autres, le fait d'avoir des suspensions de permis, le fait d'avoir des amendes, et ainsi de suite. Et ce sont des mesures qui ont certainement plus d'impact auprès de celui qui serait tenté de prendre le volant au moment où il pose le geste qu'une éventuelle poursuite cinq ans plus tard ou trois ans plus tard avec un jugement ou le fait qu'éventuellement on lui dise par la suite que, si jamais il est blessé, il n'aurait pas droit aux indemnités.

Donc, en termes d'effet dissuasif, le livre vert indique, à propos des mesures qui sont envisagées au plan pénal et administratif, qu'une mesure dissuasive, c'est efficace si c'est certain d'être appliqué puis c'est efficace si ça intervient au bon moment. Or, à ce niveau-là, dans le mémoire j'indique qu'à mon avis ce ne sera certainement pas certain parce que, d'une part, il faut établir que la personne à qui on voudrait imposer les sanctions a eu un comportement en fonction duquel on établit un lien de causalité entre le fait d'avoir consommé ou le fait d'avoir eu un comportement criminel et le fait des blessures qu'elle a subies ou qu'elle a fait subir à d'autres. Or, en matière de liens de causalité, pour quiconque a eu l'occasion de consulter les volumes en droit et en responsabilité civile ou ailleurs, c'est une entreprise périlleuse. C'est très exigeant, parfois, et c'est très difficile et ça demande à ce moment-là au tribunal de faire des nuances, d'avoir des preuves, et ainsi de suite. Alors, ça serait pour le moins aléatoire et assez difficile à établir. Donc, le caractère dissuasif, il ne faut pas trop compter sur la certitude.

Et aussi il faut songer que cette sanction-là, elle survient sur le tard, trois ans, quatre ans plus tard, six mois plus tard, et ce n'est pas à ce moment-là que la dissuasion doit opérer. Elle doit opérer au moment où la personne, en sortant d'une soirée avec des amis, se pose la question: Est-ce que je suis en mesure de conduire ou non? Est-ce que je présente un risque de prendre le volant? Est-ce que quelqu'un d'autre peut m'aider à conduire? Et, malheureusement, la réalité, c'est que, dans ces circonstances-là, souvent la personne elle-même n'est pas la meilleure juge de son état. Il faut souvent compter sur l'entourage pour l'amener à réaliser que ce n'est peut-être pas une bonne idée de prendre le volant. Et il y a, par contre, toutes sortes de mesures d'éducation qui sont prises et de dissuasion, la crainte de perdre le permis, et ainsi de suite, qui, à mon sens, ont plus d'efficacité qu'une éventuelle poursuite ou le un risque éventuel de ne pas être indemnisé. Et, par rapport aux autres facteurs, en tout cas, je ne vois pas ce que la perte, éventuellement, d'indemnité ou de poursuite civile peut ajouter aux calamités qui vont s'abattre sur lui quand on va le menacer de l'emprisonnement à vie, privation du véhicule, les blessures elles-mêmes. Je ne vois pas ce que ça ajoute, donc, à mon sens, les mesures n'auraient pas d'effet dissuasif.

(15 h 10)

Est-ce que ces mesures-là auraient pour effet d'améliorer le sort des victimes innocentes, les victimes auxquelles on n'aurait pas à reprocher un comportement? À mon sens, c'est peu probable. Bon, d'une part, on parle de poursuite pour le surplus. Surplus par rapport à quoi? Par rapport à ce que verse la SAAQ dans le cas de personnes sérieusement blessées, par exemple. Or, il y a des études qui ont été faites – elles sont citées en notes de bas de page, mon collègue Gardner, de Laval, en a fait entre autres – qui démontrent que la SAAQ, tout considéré, dans les cas, particulièrement, de blessures graves, indemnise mieux que les tribunaux de droit commun. Or, aller chercher un surplus, ça veut dire convaincre un tribunal de droit commun de verser des indemnités qui seraient supérieures à toutes celles cumulées que la SAAQ aurait versées, et ça, c'est dans la meilleure des hypothèses, avec une preuve de lien de causalité bien claire, un défendeur solvable, ensuite la possibilité d'exécuter le jugement au bout du compte et en espérant que les frais d'avocats ne seront pas trop élevés et ne boufferont pas l'essentiel des indemnités versées par le tribunal. Donc, à mon sens, les possibilités d'obtenir un surplus dans le cadre d'une poursuite en droit civil ne m'apparaissent pas évidentes. Donc, au niveau de l'amélioration du sort des victimes, j'ai des doutes.

Est-ce que les mesures permettraient à l'État de faire des économies? On dit: Ça coûte cher, l'alcool au volant. Oui, ça coûte cher. Oui, indemniser les victimes d'accidents d'auto, ça coûte cher. Toutes les victimes, ça coûte cher. Maintenant, est-ce que ça serait de nature à réduire les coûts? Bon, j'ai parlé de la prévention et de la dissuasion. À mon sens, ce n'est pas une mesure dissuasive, donc compter sur la dissuasion là-dessus en disant qu'il y aura moins d'accidents parce que les gens vont éventuellement craindre d'être poursuivis, je n'y crois pas.

Au niveau de la subrogation, qu'est-ce qui va se produire? On dit à la SAAQ: Plutôt que de payer des gens qui ont eu un comportement criminel, vous ne les indemnisez pas et, en plus, vous les poursuivez pour réclamer et récupérer les sommes que vous auriez versées à d'autres. Qu'est-ce qui va rester de cette personne-là? Cette personne-là, si elle est le moindrement gravement blessée, elle-même a perdu ses revenus, elle engage une partie importante de son patrimoine pour se défendre devant les tribunaux, ne reçoit pas d'indemnités pour sa perte de revenus. Donc, on disait: D'autre part, elle fait face à une poursuite de la SAAQ qui cherche à récupérer l'argent qu'elle a versé aux autres victimes et, en plus, elle ferait face à des frais judiciaires pour se défendre dans une poursuite civile. Pour aller chercher quoi? Qu'est-ce qui restera de cette personne-là au niveau du patrimoine? Pas grand-chose. Donc, à mon sens, l'État n'ira chercher rien au niveau de la subrogation, ça va devenir une concurrence entre la SAAQ et la victime pour aller chercher de l'argent.

D'autre part, cette victime-là – du moins, cette personne-là qui se voit poursuivre – va engager une partie importante de son patrimoine pour se défendre et, sachant les conséquences qui seraient rattachées au fait d'être déclarée criminellement responsable par un tribunal, bien elle ne réglera pas, elle ne fera pas un plaidoyer de culpabilité, elle va aller au bout du procès et va sortir tous les arguments et va donner le mandat à son avocat de sortir tous les arguments possibles et tous les moyens de défense possibles pour éviter une condamnation. Donc, ça va étirer le procès pénal.

Une fois que le procès pénal va avoir eu une conclusion, bien là on va éventuellement avoir un autre procès devant le tribunal administratif parce qu'il y aura eu une décision ou il y aura une décision indiquant à cette personne-là: Vous avez été déclaré coupable, et on vous retire les indemnités. Bien, est-ce que nécessairement la conclusion du tribunal pénal va lier le tribunal administratif? Non. Le pénal ne tient pas le civil en état. Donc, on recommence l'opération devant le tribunal administratif. Et il n'est pas exclu que le tribunal administratif arrive à une conclusion qui ne soit pas nécessairement celle du tribunal pénal, ou inversement, et là on a encore d'autres frais judiciaires.

Et là on a un troisième procès parce que la victime cherche à poursuivre... au civil. On a fait tourner la machine judiciaire: des frais d'avocat, des frais de procureur de la couronne, des frais en défense, des frais d'aide juridique. Qu'est-ce qui va rester à cette personne-là? Donc, on accroît les coûts de justice, l'État n'y gagne pas. Ce qu'on sauve théoriquement en termes d'indemnités, on le perd en coûts additionnels de procès. Et, quand il y a un procès, c'est vrai qu'il y a des frais pour les parties, mais il y a également des frais pour l'État.

Donc, à mon sens, il n'y aura pas d'économie. Donc, pas d'effet dissuasif, pas d'amélioration de la situation des victimes, pas d'économie, pas d'effets positifs, à mon sens. Maintenant, non seulement il n'y aura pas d'effets positifs, il va y avoir des effets néfastes. Bon, d'une part, en cherchant, entre guillemets, à intervenir pour avoir une solution plus juste, on va se trouver à créer une autre injustice.

En matière pénale, s'il s'agit de punir, normalement une personne est punie d'autant plus gravement que son comportement, objectivement, a été répréhensible. Alors, ici, ce qui va se produire, c'est une loterie. Celui qui va être puni, ça va être celui qui va être le plus blessé, parce que, si on prive les gens d'indemnisation parce qu'ils ont été déclarés criminellement responsables... Par exemple, vous avez deux conducteurs. Un qui conduit avec un verre, peut-être, a un accident légèrement à la limite permise, c'est établi qu'il a eu une conduite criminellement responsable. Il est blessé très gravement dans cette circonstance-là, cette personne-là est totalement privée d'indemnité, alors que l'autre personne à côté peut très bien avoir eu un comportement absolument épouvantable, avoir excédé de beaucoup la limite permise, avoir eu un accident, mais elle-même n'a que quelques contusions, égratignures, ecchymoses, elle n'est pas punie. Alors, au pénal, quand on punit quelqu'un, il faut que la sanction soit en proportion de la gravité du comportement, et ici ça va être strictement en fonction de la gravité des blessures que le conducteur aura eues. Donc, on crée une injustice, c'est arbitraire. C'est aléatoire, c'est arbitraire.

Et, en plus, c'est excessif. Si on considère que les montants d'indemnité qui sont versés à des victimes gravement blessées, paraplégiques, quadraplégiques, et ainsi de suite, on peut facilement parler de millions de dollars si on capitalise avec tous les soins, et ainsi de suite. Est-ce que vous connaissez quelqu'un au Canada, pour un crime, qui pourrait se voir imposer une amende de l'ordre de 2 000 000 $? Parce que ça revient à ça. Je ne connais pas une infraction au Code criminel canadien qui prévoit des indemnités de millions de dollars pour des personnes qui seraient coupables d'un comportement criminel. C'est excessif et c'est arbitraire, donc on a créé une autre injustice.

Puis, au-delà de ça, bien ça crée de l'insécurité pour l'ensemble des conducteurs. À compter du moment où on ouvre cette porte-là, on ne sait pas ce qui nous attend. Qui est vraiment complètement à l'abri d'une situation où on pourrait par la suite considérer que cette personne-là a eu un comportement criminel? Bon, au niveau de l'alcool au volant, la limite n'est quand même pas très élevée, et j'imagine qu'il y a beaucoup de gens qui sont généralement prudents, qui sont généralement avisés, qui peuvent, malgré tout, se trouver dans cette situation-là. Or, ils encourent un risque important, un risque réel et, à ce moment-là, ils vont avoir le réflexe normal de chercher à se protéger et, donc, souscrire à une assurance additionnelle. Donc, ça va coûter plus cher pour l'ensemble des Québécois.

Et, si on dit: Les assureurs, c'est contre l'ordre public d'indemniser des gens qui ont un comportement criminel, bien là le risque, c'est la ruine, se faire mettre à la rue. Et là on réintroduit la psychose de l'accident d'automobile qu'on connaissait avant 1978. Donc, l'ensemble des Québécois va voir sa police d'assurance affaiblie.

Autre élément, bien ça dénature le régime. Si on dit: On ne veut pas changer le «no fault», bien on crée une brèche dans le «no fault». À compter du moment où on considère que certaines personnes ne devraient pas être indemnisées en regard de la nature de leur comportement... On parle d'alcool au volant, bien est-ce qu'on va parler ensuite de la négligence criminelle? Qu'est-ce qu'on va dire des gens dont on aura appris qu'ils auront conduit 15 heures en ligne pour revenir de Floride puis, en arrivant au Québec, ils ont eu un accident? Est-ce qu'on ne pourrait pas considérer que ces gens-là ont eu un comportement criminel? Est-ce qu'on va chercher éventuellement à coller une responsabilité criminelle à ces gens-là pour éventuellement aller chercher une poursuite civile parce qu'on apprend qu'ils sont solvables ou qu'ils pourraient l'être? Donc, on risque d'étendre ou de chercher à ouvrir la brèche le plus possible.

De façon générale, la philosophie du régime, c'était qu'on indemnise sans égard à la faute pour faire en sorte que l'argent qu'on met dans le régime est versé en indemnités et non pas en procès. Alors, on se trouverait à faire tout à fait un mouvement inverse. On dit que c'est une exception, mais à quand la prochaine? Donc, ça change radicalement la nature du régime.

Bon, j'ai parlé des problèmes d'application auxquels ça donnerait lieu au niveau des procès soit au pénal, soit au civil, soit au niveau administratif, la difficulté d'application au niveau du lien de causalité. Maintenant, on fait souvent la comparaison avec d'autres régimes, on dit: Les criminels de la route sont mieux protégés que n'importe quel autre criminel. Bon, est-ce qu'on peut parler vraiment... L'alcool au volant, c'est un crime, on en convient, mais quelqu'un qui prend le volant dans certaines circonstances où on considère ensuite que c'est criminel, est-ce que c'est vraiment le braqueur de banque qui rentre et qui tire dans le tas? Est-ce qu'on compare les mêmes personnes? Bon.

(15 h 20)

D'autre part, on parle beaucoup de l'IVAC, en ce sens qu'on permet aux victimes d'actes criminels de poursuivre pour le surplus. J'inviterais peut-être les gens du ministère à s'informer auprès de la direction IVAC combien, dans les faits, de gens qui sont indemnisés par l'IVAC poursuivent en parallèle devant les tribunaux civils. L'information que j'ai pu obtenir de façon informelle, ça laisse entendre qu'il y a à peu près personne qui prend cette voie-là. Et, on parle de subrogation pour l'IVAC, encore là, les recours en subrogation ne me semblent pas très fréquents. Et, quand on considère que les accidentés du travail... On parle des accidentés du travail, bien les accidentés du travail, quand vous avez un employeur qui a un comportement criminel, cet employeur-là est à l'abri des poursuites. Il n'y a pas de poursuites contre les employeurs même quand l'employeur a un comportement criminel. On exclut toute poursuite. Donc, comparons les comparables et évitons de mêler les choses.

Donc, en conclusion, les modifications n'auront pas d'effets positifs, elles vont avoir des effets pervers, ça va créer plus de problèmes que ça va en régler. Il n'y a pas lieu de modifier le régime, et, à mon sens, le remède serait pire que le mal. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup, M. Tétrault. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. Tétrault. J'ai cru observer que vous étiez dans la salle depuis un certain temps et j'aurais des questions bien concrètes à vous poser. Votre mémoire est très clair, on sait ce que vous pensez sur chaque point, mais c'est la première fois que j'entends la distinction... Parce que j'entends beaucoup le voleur de banque depuis le début de la commission. Ordinairement, pour faire un vol, il y a une certaine forme de préméditation, puis, je ne crois pas, il n'y a pas personne qui fait de la préméditation pour aller prendre un verre délibérément pour aller tuer quelqu'un. Je trouve que la distinction est quand même intéressante à faire.

La deuxième chose, quelqu'un qui est au volant puis qui roule 135 km/h ou 150 km/h avec un bolide rempli de liquide, je ne sais pas combien de tonnes, s'il a un accident puis qu'il n'a pas de taux d'alcool, il n'est pas criminel?

M. Tétrault (Robert): On pourrait considérer qu'il y a responsabilité criminelle et conduite dangereuse. Il y a toute une jurisprudence en matière pénale concernant les crimes au volant qui ne sont pas strictement en rapport avec l'alcool, et, effectivement, si ces gens-là sont considérés...

M. Chevrette: L'ivresse du volant, il y en a qui capotent, là. On a vu les motos «boostées», il y a eu un reportage, je ne sais pas si c'est à Radio-Can ou à...

Une voix: À Enjeux .

M. Chevrette: Enjeux . L'ivresse du volant, puis ça passe à des vitesses de 250 km/h. Ils n'ont pas nécessairement d'accident, mais, par le fait qu'ils passent à côté d'un véhicule puis qu'il y a un sursaut, eux, ils en font produire, allez donc prouver la faute criminelle.

M. Tétrault (Robert): Non. Effectivement, si on cherchait à établir la responsabilité ou la relation, ça ne serait pas toujours évident, mais ces gens-là ont un comportement criminel, à mon sens, et c'est de la conduite dangereuse.

M. Chevrette: Il y a 43 % de ceux qui causent des actes criminels au sens de la loi, puisqu'ils sont en alcool, ils ont un degré d'alcool plus haut que 0,08... M. Mercure, l'avocat, tantôt disait: Moi, je ne prendrais pas cette cause-là. Donc, moi, je me fais frapper par quelqu'un qui est sur l'aide sociale, la sécurité du revenu, mais, comme je lui aurais demandé: Veux-tu me poursuivre? il me conseillerait de ne pas y aller parce qu'il n'a pas une cenne. C'est à peu près pareil pour les 41 % qui ont moins de 30 000 $. Je ne sais pas ce que tu vas aller chercher s'il a une famille et deux enfants. Donc, ça fait 84 %. Dans le fond, la revendication qu'on entend de la bouche soit de M. Bellemare ou de M. Mercure, est-ce que ce n'est pas une revendication qui vise tout simplement à créer deux classes de citoyens dans le régime? Première question.

Deuxième question. Si je n'ai pas une cenne puis si je suis chauffard, je vais aller me chercher un mandat de l'aide juridique pour me faire défendre, parce que t'as le droit à une défense pleine et entière devant les tribunaux criminels. Donc, l'État paierait l'aide juridique pour le chauffard qui n'a pas une cenne puis qui est poursuivi par la victime, puis qui serait poursuivi par la SAAQ. Est-ce qu'on n'est pas en train de vouloir monter un régime... Non seulement que c'est une brèche, mais on est en train de monter un régime qui coûte plus cher que celui qui existait avant l'assurance automobile. Est-ce que je me trompe en faisant cette analyse?

M. Tétrault (Robert): Au niveau de l'évaluation des coûts, est-ce que ça serait plus cher? Certainement pour ces cas-là. Ça entraînerait des coûts importants par rapport à ce qu'on chercherait à économiser soit au niveau de la prévention, de la dissuasion, et ainsi de suite.

Maintenant, concernant les deux classes de victimes, c'est la conclusion à laquelle la Cour d'appel en était arrivée, de toute façon, dans l'affaire Sigouin. En gros, c'était une personne qui avait été trouvée coupable d'avoir tué une personne alors qu'elle conduisait en état d'ébriété, et on avait cherché, dans le cadre d'une ordonnance de probation, à permettre à la cour de condamner, comme le Code criminel le permet, cette personne-là à verser une indemnité à la famille et à faire de la prison de fin de semaine au lieu d'aller en prison, et la Cour d'appel a cassé cette ordonnance de probation en disant que, justement, au Québec ça créerait deux classes de victimes et qu'il n'y avait pas lieu, à ce moment-là, dans le contexte de la philosophie de l'indemnisation au Québec, de créer cette distinction-là qui n'avait pas matière d'être au Québec. Ça, c'est pour la distinction.

Et, effectivement, là on se trouvait à créer une tension entre certains groupes qui auraient droit à la pleine indemnisation soi-disant pour autant qu'ils sont chanceux et les autres qui, n'étant simplement blessés que dans un contexte où ils n'auront peut-être pas matière à prouver la faute criminelle, vont avoir une indemnisation à laquelle tout le monde a droit, ce qui n'est quand même pas négligeable. Ce que la SAAQ verse, c'est quand même un régime qui, à bien des égards, est assez intéressant par rapport à ce qu'on verse partout ailleurs.

Maintenant, quant à la question de la défense, bien, effectivement, l'État va devoir engager des frais au niveau de la défense de cette personne-là au criminel parce que, même si c'est une personne qui est admissible à l'aide juridique, par exemple une personne qui est sur l'aide sociale qui a été trouvée coupable d'avoir conduit en état d'ébriété et qui a blessé quelqu'un et qui est gravement blessée elle-même, bien, l'aide juridique va la défendre au niveau pénal pour s'assurer qu'il n'y a pas la condamnation qui l'empêcherait éventuellement de s'en sortir par les indemnités que la SAAQ va lui verser.

Puis il y a aussi la famille. On n'a pas parlé des autres conjoints et des autres dépendants. Ça peut mener à des situations un peu absurdes, parce que, si, par exemple, dans une voiture vous avez le mari qui conduit et l'épouse passagère, le mari, il a été établi qu'il a eu une conduite avec facultés affaiblies, il est gravement blessé lui-même, son épouse est gravement blessée, la SAAQ va verser des indemnités à l'épouse gravement blessée, refuserait de verser des indemnités au mari et poursuivrait le mari pour aller récupérer ce qu'elle a versé à la femme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tétrault (Robert): Ça mènerait à des situations pathétiques qu'on ne souhaite pas, que je ne souhaite pas pour personne.

M. Chevrette: Maintenant, les victimes des 43 % qui n'ont pas de revenus ou qui sont sur la sécurité du revenu, elles peuvent vouloir poursuivre, ces victimes-là.

M. Tétrault (Robert): Effectivement.

M. Chevrette: Bon. Elle va aller voir un avocat. L'avocat va étudier son cas, il va dire: Écoute, ton gars, il n'a pas de revenus. Si tu le poursuis, tu n'auras rien. Il y a des avocats qui vont dire ça. Il y a d'autres avocats qui vont poursuivre pareil. Dans le monde, il y a toutes sortes de monde. On ne me fera pas accroire qu'il y a une profession qui est plus angélique que d'autres, on a tous nos standards puis on a tous nos façons de procéder, nos jugements, etc.

Mais la victime peut être très amochée puis qui est frappée par quelqu'un qui n'est pas solvable. Puis, ça peut être le contraire, je peux être légèrement amoché puis avoir eu la chance de me faire frapper par quelqu'un qui est plus en moyens.

M. Tétrault (Robert): Criminellement responsable.

M. Chevrette: Comment qu'on considère ça, en droit, une situation du genre? Est-ce qu'on appelle ça l'égalité devant les lois?

M. Tétrault (Robert): Ça crée des distorsions, ça crée des distinctions, ça crée des iniquités et ce n'est pas nécessairement souhaitable. Certainement pas dans le cadre de notre régime où on fait l'économie de ces situations-là en mettant tout le monde sur un même pied. Ce sont toutes des victimes, certaines plus sympathiques que d'autres, mais ce sont toutes des victimes qu'on doit indemniser, et on les indemnise d'autant mieux qu'on ne prend pas un temps fou et des énergies folles et des sommes folles à chercher à faire la part de qui est responsable, qui ne l'est pas. Ça mène à des situations, parfois, qui sont choquantes, mais c'est un choix qu'on a fait. Et, dans un régime, il n'est pas toujours possible de tout régler, de tout concilier, mais ce choix-là, à mon sens, est un choix qui demeure honorable et qui est honorable et qui est encore valable. Qui était valable il y a 20 ans et qui demeure valable encore aujourd'hui.

M. Chevrette: Puis, si vous aviez des amendements... Je vous en propose un amendement. Je ne me souviens plus... En parlant de réadaptation psychothérapeutique...

M. Tétrault (Robert): Effectivement.

M. Chevrette: ...pouvez-vous élaborer un peu sur le sujet?

M. Tétrault (Robert): Bon, à la page... Si vous me permettez. Je fais référence, en fait, à la possibilité qu'il y aurait, pour la Société de l'assurance auto, dans le cadre d'un programme de réadaptation, d'offrir un soutien psychothérapeutique aux proches des victimes. Donc, c'est une disposition qui existe dans le projet de loi n° 106 qui a été adopté à l'Assemblée nationale en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est la réforme proposée, mais qui n'a jamais été mise en vigueur. Et, à ce moment-là, on avait une disposition qui prévoyait que les proches pourraient recevoir une aide, une assistance de nature psychothérapeutique, psychologique dans certaines circonstances. Et...

(15 h 30)

M. Chevrette: ...même, il me semble... C'est parce que, quand j'ai lu ça, il me semble qu'on avait des montants de fixés, à part ça. Est-ce que vous avez les montants pour les traitements psychothérapeutiques?

(Consultation)

M. Chevrette: On paie les traitements et on paie le remplacement de salaire pour le temps des traitements.

M. Tétrault (Robert): Actuellement, au niveau des proches.

M. Chevrette: Oui.

M. Tétrault (Robert): J'en suis bien heureux. J'avoue que...

M. Chevrette: C'est parce que, quand on a amendé la loi la dernière fois, on en avait discuté, le député de l'Acadie m'avait posé deux fois la question là-dessus, puis on avait donné certains chiffres...

M. Tétrault (Robert): Sur vraisemblablement des dispositions qui existent déjà dans le cadre du projet de loi n° 24 ou qui on été adoptées, récemment?

M. Chevrette: Il me semble que c'est 12.

M. Tétrault (Robert): Bon, écoutez. C'est possible, là. Tant mieux si c'est le cas déjà, mais en terme d'améliorations possibles...

M. Chevrette: Il y a des témoins effectivement qui nous disaient que ça fonctionnait plus ou moins, puis on a pris les dispositions pour que ce soit appliqué avec discernement. Et le fait qu'on vient de prendre le projet-pilote... bien, ce n'est pas projet-pilote, le projet qu'on vient d'avoir avec 17 hôpitaux, là, la prise en charge rapide, ça va nous permettre dès l'origine de voir les traumatismes que peuvent avoir certaines personnes et de les soutenir le plus rapidement possible.

M. Tétrault (Robert): Effectivement, de façon générale, en matière de réadaptation, on considère que plus la réadaptation est précoce, meilleures sont les chances qu'elle réussisse et que les gens reviennent le plus rapidement à ce qui était une vie normale. Même si par ailleurs ils ont un drame qu'ils ont vécu, il ne faut pas nier l'importance de ce drame-là.

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous remercier de votre réflexion.

M. Tétrault (Robert): Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier pour votre présentation. Vous présentez un autre point de vue qui est tout aussi important et qui doit être pris en compte. La première question que je veux vous poser, c'est... Par rapport aux propositions du livre vert comme telles – il y a quatre propositions: d'augmenter les suspensions, ces choses-là, qui sont essentiellement des mesures dissuasives, l'allongement à trois mois de la durée de suspension au lieu de 15 jours; l'instauration d'un système de sanctions graduées, l'application du zéro alcool pour les conducteurs de véhicules commerciaux; puis le dépistage, là, avec des opérations planifiées – vous ne vous êtes pas prononcé du tout là-dessus. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Parce qu'au fond, c'est des mesures répressives, là. Est-ce que...

M. Tétrault (Robert): Ce sont des mesures dissuasives, oui.

M. Bordeleau: Est-ce que vous êtes d'accord avec ces mesures-là ou vous n'êtes pas d'accord avec ces mesures-là?

M. Tétrault (Robert): Bon, là-dessus, je vous avoue bien candidement que je ne me suis pas penché sur ces aspects-là. Mon intervention se limite strictement à la question... à d'éventuelles modifications au régime d'indemnisation. Je n'ai pas de point de vue particulier sur les autres mesures de type administratif. Je laisserais ça à des gens qui sont spécialistes dans les interventions policières, et autres. Je ne me reconnais pas d'expertise particulière pour les commenter.

M. Bordeleau: Ailleurs, dans d'autres provinces canadiennes, le «no fault», ça existe?

M. Tétrault (Robert): Dans certaines provinces, oui, pas dans toutes les provinces. Au Manitoba, à ce que je sache, de mémoire, il y a effectivement un régime qui est comparable à bien des égards sinon calqué sur celui qu'on a au Québec.

M. Bordeleau: Est-ce qu'à votre connaissance le régime «no-fault» existe ailleurs dans d'autres provinces canadiennes avec droit de recours civil et subrogation?

M. Tétrault (Robert): Bon, il y a l'exemple du Manitoba qui, à ma connaissance, là, a un régime analogue à celui du Québec. À ce que je sache, au niveau de l'Ontario ils ont un régime qui, pour autant que je le comprenne, là, fait appel à l'industrie privée pour créer des régimes d'assurance, du moins un système d'assurance, mais avec une décision d'indemniser sans égard à la faute, en autant que les blessures ne soient pas au-delà d'un certain degré de gravité. Donc, il y a un «no fault» pour les blessures moins graves et il y a un régime basé sur la faute pour ce qui est des décès et des blessures, les invalidités graves. Et là ça crée des tensions entre les deux régimes en ce sens que souvent les gens vont chercher à maximiser la nature, la gravité des blessures pour obtenir d'entrer dans le régime basé sur la faute en espérant obtenir des indemnités plus élevées.

M. Bordeleau: Mais ils vivent avec le même problème que celui que vous avez mentionné, c'est-à-dire que, si les gens n'ont pas d'argent, ils n'obtiendront pas grand-chose de plus.

M. Tétrault (Robert): Bon. Mais là il y a par contre le contexte d'assurances, là. J'avoue que, pour ce qui est de la situation ontarienne, je pourrais vous fournir des références complémentaires d'analyse du régime, qui auraient pu être faites, mais je ne peux malheureusement peut-être pas commenter davantage aujourd'hui.

M. Bordeleau: C'est les deux seules provinces, ça, le Manitoba et l'Ontario, où il y a un système «no-fault»?

M. Tétrault (Robert): Je me demande si la Saskatchewan n'a pas un régime «no-fault» également. Mais pour ce qui est du Manitoba, je crois savoir; pour ce qui est de la Saskatchewan, vraisemblablement je ne pourrais pas vous répondre de façon certaine.

M. Bordeleau: En tout cas, si vous avez des données éventuellement sur ça, sur les systèmes «no-fault» qui existent au Canada, avec les endroits où il y a des possibilités de recours civils, subrogation, ce serait intéressant d'avoir une espèce de comparaison, là.

M. Tétrault (Robert): À ce sujet-là, ce que je peux vous indiquer, M. le député, c'est qu'il y a eu un symposium international en juin 1998 à l'Université Laval où on a invité des gens de partout à présenter les régimes d'indemnisation qui existaient, autant aux États-Unis qu'en Nouvelle-Zélande, qu'en Australie, qu'en Europe, et qui faisaient le point sur les différents régimes et la situation des régimes en termes de «no fault».

Vous avez, dans un numéro spécial de la revue Les Cahiers de droit , de l'Université Laval, une description de ces régimes-là avec des commentaires, les avantages et les inconvénients. Et vous pourriez trouver plusieurs données à ce niveau-là dans ce numéro spécial, dont je pourrais vous transmettre les coordonnées et les références.

M. Bordeleau: Les faire parvenir peut-être au secrétariat de la commission. L'information à ce moment-là circulera sur...

M. Tétrault (Robert): Je me ferai un plaisir de vous les transmettre.

M. Bordeleau: Parfait. Je vous remercie. J'écoutais tout à l'heure un peu le raisonnement dont vous nous faisiez part concernant, disons, les procédures, les risques de mettre, mettons, le conducteur coupable d'avoir eu un accident alors qu'il était en état d'ébriété... ils vont le mettre à la rue, tout ça. Effectivement, c'est une réalité, ça existe avec toutes les conséquences que ça peut avoir sur l'environnement immédiat de cette personne-là.

Maintenant, est-ce que ce n'est pas un peu vrai dans toutes les situations où on peut se retrouver dans des poursuites qui sont au civil, qui sont des poursuites criminelles? Il y a toujours un risque, donc, de mettre la personne dans la rue et éventuellement que ça ait une incidence au niveau de sa famille. Ça existe partout, ça. À chaque fois qu'un droit de poursuivre existe, puis il existe quand même dans bien des secteurs de la société, ce risque-là existe tout le temps aussi, puis on vit avec ça comme société.

M. Tétrault (Robert): On vit peut-être avec ce régime-là, mais je ne pourrais pas dire qu'on en vit bien dans le sens où le principe de la responsabilité civile avec faute a fait l'objet de sérieuses critiques dans la littérature, que ce soit au Canada, aux États-Unis et au Québec, en Europe. On discute, entre autres, présentement de la situation au niveau de l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques, de fautes médicales.

Or, récemment, mon collègue Deschamps de l'Université McGill faisait valoir qu'il y a lieu de s'interroger sur l'opportunité de créer un régime de «no fault» en matière de responsabilité médicale parce que trop souvent les victimes ne sont pas indemnisées. On calcule qu'il y a peut-être 10 % des bonnes causes qui donnent lieu à une indemnisation.

M. Bordeleau: Je pense qu'il y a deux aspects, là. La dimension indemnisation des victimes, là-dessus je ne pense pas que les gens remettent ça en cause comme telle, qu'il y ait une base sans qu'on soit obligé d'embarquer dans des procédures. Excepté que l'autre principe qui va aussi en parallèle avec ça, c'est celui de la responsabilité. Tous les individus, dans une société de droit, avec des devoirs puis des droits, doivent être responsables des gestes qu'ils posent. Ça fait partie de l'ensemble de... On va faire n'importe quel geste qui n'est pas approprié soit au travail, soit ailleurs, on a des devoirs, mais on a des droits.

Ce qui est un petit peu au fond peut-être surprenant, c'est quand on en arrive, dans un contexte comme celui de l'assurance automobile, la personne n'a plus de responsabilité personnelle. Il y a un système à côté qui annule ça, puis tout est oublié. Il n'y a pas de pénalité à part que s'il y a une poursuite au criminel. Mais il n'y a pas de pénalité personnelle. Dans bien des cas, l'individu se retrouve le lendemain, puis il va se retrouver sur la route puis il va continuer à conduire.

C'est ça qui fait que c'est difficile, pour les individus qui s'interrogent sur le système, de voir que la notion de responsabilité individuelle, elle semble disparaître passablement dans un système comme ça. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Tétrault (Robert): Bon, au niveau de la responsabilité individuelle, à prime abord effectivement on pourrait dire: Parce que les gens ne sont plus sujets à des poursuites civiles, ils ont une attitude désinvolte et disons un peu délinquante à l'idée que... parce qu'il y a un régime, par exemple, «no-fault» en matière d'assurance automobile, ils peuvent se conduire comme ils veulent sur les routes.

Je ne crois pas que ce soit la situation. Puis d'ailleurs le livre vert lui-même donne des statistiques à cet effet-là. Si vraiment le fait d'être à l'abri des poursuites civiles avait entraîné un dérèglement de la conduite, on le saurait. Or, depuis le régime, depuis 1977, on observe plutôt une réduction du bilan routier, une amélioration du bilan routier, une réduction du nombre de morts. Maintenant, si les prédictions du Barreau de l'époque, en 1977, s'étaient concrétisées, on aurait eu un accroissement du nombre d'accidents. Or, ce n'est pas le cas.

(15 h 40)

Par ailleurs, on peut peut-être s'arrêter au-delà des impressions pour connaître quelle est la réalité vraiment des gens qui ont été impliqués dans un accident où ils ont tué des gens alors qu'ils étaient dans une situation de conduite en état d'ébriété. Est-ce qu'elle est si rose que ça, cette situation-là? Je suis porté à penser que ce n'est pas nécessairement le paradis pour ces gens-là.

D'une part, dans leur milieu ils sont souvent victimes d'ostracisme, on les met à l'écart. Ils perdent souvent leur emploi puis l'estime des gens qui les entourent. Ils doivent vivre avec la culpabilité d'avoir causé des blessures et des morts. En plus, ils ont souvent des tracasseries, des frais judiciaires importants pour se défendre au pénal, ou ainsi de suite. Bon. Est-ce que, par rapport au crime et aux conséquences qui ont été entraînées dans le cadre de leur conduite, ils en ont subi suffisamment? On peut penser que non, mais je ne suis pas sûr que ces gens-là se frottent les mains de plaisir, en disant: Je passe à côté, on ne me poursuivra pas et, donc, je peux recommencer le lendemain matin.

M. Bordeleau: Non, je ne pense pas que ce soit ça, la réalité. C'est certain qu'il n'y a personne qui, après avoir tué quelqu'un, va dire: Bien, je m'en fous, ça ne me fait rien. Il y a toute une série quand même de choses qui vont demeurer puis avec lesquelles il devra vivre. Excepté que ce n'est pas à ça que je voulais faire référence du tout, c'est au fait que la responsabilité individuelle par rapport... Dans notre société, on est responsable vis-à-vis le voisin de n'importe quoi. Si j'empiète sur le terrain du voisin pour faire quelque chose, le voisin va pouvoir prendre les mesures pour me dire: Bien, retourne chez vous, tu es en train de t'installer sur mon terrain.

Et c'est vrai partout. On est toujours basé sur un lien que, si une personne, pour une raison ou pour une autre, pas m'attaque mais pose des gestes qui sont à mon détriment, j'ai le droit de lui demander de corriger ces gestes-là. Et là c'est une relation... Et puis il y a le système judiciaire entre les deux qui est là pour fournir les moyens appropriés. Mais ce genre de relation là directe entre la victime et la personne qui est présumément coupable, ça existe, ça, à peu près de façon généralisée dans notre vie de société et ça disparaît dans un système qu'on appelle le «no fault».

M. Tétrault (Robert): C'est une dimension peut-être qui est atténuée. Maintenant, le rapport Gauvin à l'époque, quand on avait analysé quelle était la situation du régime avant l'arrivée de la Loi sur l'assurance automobile, avait conclu que c'était un échec lamentable et que le rapport entre individu et individu où un individu doit établir la faute de l'autre pour être indemnisé, ça donnait des résultats qui étaient tout à fait inacceptables. Trop de victimes n'étaient pas indemnisées, et ce n'était pas satisfaisant sur le plan des principes.

M. Bordeleau: Non, mais il n'y a personne qui veut retourner à la situation antérieure. Moi, je n'ai vu personne qui dit: On devrait tout scraper le système qu'on a actuellement puis on va retourner comme c'était avant. Personne a dit ça. Et puis je ne pense pas, dans les mémoires que j'ai vus, personne va venir nous dire ça aussi. C'est au niveau des... À l'intérieur de ça, c'est clair que... L'idée du départ, d'indemniser, à un niveau qui est déterminé par l'État, qui semble raisonnable, tout le monde d'une façon générale pour éviter des procédures, tout ça, je pense que ça, c'est approprié. Maintenant, on en arrive...

Les problèmes qu'on a surtout, c'est dans le cas de personnes qui posent des gestes criminels. C'est seulement dans ces cas-là. Personne veut enlever le système du «no fault» pour l'ensemble des citoyens du Québec, mais excepté, dans le cas particulier des gens, les quelques centaines de personnes par année qui posent des gestes criminels, qu'est-ce qu'on fait avec ces cas-là? C'est juste là-dessus qu'est la difficulté.

Vous faisiez référence à l'IVAC tout à l'heure, ça existe... D'ailleurs ça existe à peu près partout. Dans tous les autres systèmes gouvernementaux, les droits de poursuite au civil existent. Et l'IVAC, vous disiez, il y a très peu de personnes qui y ont recours. Tant mieux. Peut-être que, si on faisait la même chose dans l'assurance automobile, il y en aurait très peu aussi qui prendraient des recours, parce qu'elles verraient, après avoir analysé la situation, que c'est peine perdue. Mais au moins elles auraient la liberté de décider pour elles ce qu'elles veulent faire, alors qu'actuellement, c'est l'État qui décide pour tout le monde que des poursuites au civil, ça, tu n'as pas le droit de faire ça, alors que tu as le droit de faire ça partout à l'extérieur, excepté pas dans le système qui contrôle au fond ou qui encadre les accidents automobiles, dans le cas des criminels, tout le temps.

Alors, entre ces deux extrêmes-là il me semble qu'il y a un espace où on pourrait... Puis d'autant plus que, si on fait un parallèle entre l'IVAC et la SAAQ, ce n'est quand même pas une multitude de cas qui va se présenter comme ça. Ça va être quand même des cas plus marginaux. Mais au moins les dizaines de milliers de personnes qui ont signé des pétitions pour revoir le système puis qui souhaiteraient qu'il y ait des changements, bien ça existera, ce sera là.

Et ce sera dans chaque cas à faire une évaluation précise; à ce moment-là les gens auront l'impression qu'effectivement on n'a pas éliminé ça pour protéger de façon déraisonnable une catégorie de citoyens qui auraient posé des gestes criminels. Ça sera permis. Maintenant, ça sera à chaque cas à voir. Ça sera quelques cas probablement, relativement peu nombreux, qui seraient en cause si on se fie à l'expérience de l'IVAC. Alors, c'est un commentaire.

M. Tétrault (Robert): Si M. le président le permet...

M. Bordeleau: Oui, oui.

M. Tétrault (Robert): ...je voudrais juste enchaîner là-dessus. En ce qui concerne l'IVAC et l'assurance auto, il y a une distinction fondamentale. Dans un cas, c'est une assurance, dans l'autre cas, c'est un régime où l'État prend le relais des recours de droit commun qui ont défailli. Il n'y a pas d'assurance crime. Les gens ne souscrivent pas à une assurance crime. Si on a l'IVAC, c'est parce qu'on a reconnu que le système d'indemnisation basé sur la faute devant les tribunaux de droit commun ne permettait pas aux victimes de crimes d'être indemnisées. Et là l'État prend à sa charge les risques et les aléas d'une poursuite civile parce que les victimes elles-mêmes considèrent que c'est peu probable qu'elles vont obtenir satisfaction.

Évidemment, l'État ne cherche pas à déresponsabiliser ces criminels-là, en ce sens qu'il n'y a rien qui justifie, dans le contexte, qu'on mette ces criminels braqueurs de banques à l'abri des poursuites. Ça, c'est la distinction entre l'IVAC et l'assurance auto. Alors que la conduite automobile, c'est une activité régulière, normale, qui fait partie de la vie de tous les jours. Dans certaines circonstances, on l'a qualifiée de criminelle. Maintenant, tous les citoyens, jusqu'à un certain point, à mon sens, ne sont jamais totalement à l'abri d'être dans un contexte, compte tenu de la définition qu'on donne de la conduite criminelle, puis toutes les subtilités et toutes les ramifications, où on pourrait considérer qu'ils sont criminellement responsables compte tenu de leur conduite. Et là à ce moment-là ça change la nature du régime d'assurance.

L'autre remarque, ça concerne le fait qu'on maintienne ou non pour le surplus les poursuites civiles. Je vous inviterais à lire le rapport Krever, du juge Horace Krever, sur la question du sang contaminé au Canada. Et le juge Krever a dû conseiller le gouvernement quant aux options pour l'indemnisation des victimes du scandale du sang contaminé. Il a analysé attentivement les hypothèses: permettre de poursuivre devant les tribunaux, avoir un régime où on permet de poursuivre devant les tribunaux et en parallèle un régime d'indemnisation étatisé. Et il se posait la question: Est-ce qu'on devrait, en offrant un régime étatisé, permettre de poursuivre pour le surplus? Avec l'analyse qu'il a faite de toutes les conséquences sociales, les coûts et les aléas que ça représente, les cas d'inéquité que ça peut créer, il a conclu qu'il était opportun, si on crée un régime d'indemnisation étatisé, d'exclure tout recours de droit civil en surplus. Je vous invite à lire le rapport Krever.

M. Chevrette: Je l'ai lu parce que j'étais impliqué comme ministre de la Santé, tous les ministres de la Santé, Marc-Yvan Côté, Mme Lavoie-Roux. Vous avez tout à fait raison.

Le Président (M. Lachance): M. Tétrault, étant donné qu'il reste du temps du côté ministériel, votre intervention me donne l'occasion de faire état de réflexions d'une personne qui a bien connu tout le dossier de l'assurance automobile, Mme Payette. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de son dernier volume, Des femmes d'honneur – Une vie engagée , où elle relate les événements qui se sont produits lorsqu'elle a parrainé, ou je dirais marrainé, la Loi de l'assurance automobile qui aura 22 ans le 1er mars prochain, la mise en application.

J'aimerais ça peut-être citer certains passages de son récent bouquin, dont vous pourrez prendre connaissance dans l'intégralité. Elle disait: «Je me sens encore interpellée quand j'entends raconter les cas d'accidentés qui se disent insatisfaits des services de la Société. L'assurance automobile – et je la cite toujours au texte – n'a jamais été conçue comme un système semblable à celui de la Commission de la santé et de la sécurité du travail dont les coûts reposent autant sur les employeurs que sur les salariés.»

Elle poursuit en disant: «À la Société de l'assurance automobile, c'est le citoyen qui paie sa prime et c'est lui, l'assuré. C'est son argent et celui des autres assurés qui servent à payer les indemnités. Personne d'autre ne contribue à cette société publique. C'est la raison pour laquelle il ne fallait pas permettre que le régime devienne un régime punitif ou un tribunal.» Elle ajoute: «La Société de l'assurance automobile est une société d'assurance, rien d'autre. Ses indemnités sont payées sur la base du remplacement du revenu des individus.»

(15 h 50)

Et là elle fait état de commentaires qui ont été faits par l'épouse de M. Jacques Parizeau, Mme Lisette Lapointe – et on connaît le cas, là, le fils de Mme Lapointe. Je cite toujours: «Il était en état d'ébriété, c'est un criminel, disait Mme Lapointe.» Mme Payette ajoute: «Elle a raison, mais le délit criminel ne relève pas de l'assurance automobile, il relève du Code criminel. L'automobiliste sera accusé d'avoir conduit en état d'ébriété. Il subira son procès et pourra être condamné selon le Code criminel. Si on trouve que la peine qui lui est infligée par un juge n'est pas suffisante, c'est le Code criminel qu'il faut amender pour permettre aux magistrats de se montrer plus sévères dans leurs jugements non la Loi sur l'assurance automobile.»

Et je poursuis. «Punir le criminel, c'est une chose, le Code criminel s'en charge, mais punir toute sa famille par le biais de l'assurance automobile serait une perversion du régime qu'il ne faut pas permettre. L'indemnisation des victimes n'est plus tributaire de la chance d'avoir été frappé par quelqu'un qui a de l'argent et qui peut payer ou qui a une assurance. Pendant la tournée sur la réforme de l'assurance automobile, j'ai entendu, disait-elle, un nombre incroyable de victimes qui n'avaient jamais touché une indemnité malgré un jugement de la cour en leur faveur.»

Elle dit toujours, et je termine: «Je souhaite, avec Mme Lapointe, que des sentences plus lourdes soient imposées par les juges aux citoyens qui conduisent en état d'ébriété. Parce que leur conduite est inacceptable, c'est un choix de société que nous faisons tous ensemble.»

Et, en terminant, elle fait un petit reproche aux dirigeants de la SAAQ. Elle dit: «Il m'arrive de trouver l'organisme lui-même bien silencieux ou bien discret, et je me demande à quoi servent ses services de relations publiques pour ramener les choses dans leur perspective.»

Mme Payette se permet même de publier dans son volume des annonces qui avaient été payées dans un hebdo, Le Courrier de Saint-Hyacinthe , du 16 juin 1977. Et puis on ne se gênait pas, à l'époque. Ça me rappelle des souvenirs. Lise Payette veut vous voler sans diminuer vos primes. C'est comme ça que la publicité se faisait, à l'époque. Je ne sais trop qui. Est-ce que c'était les courtiers d'assurance ou les membres du Barreau? Mais on se rappelle un peu du contexte.

Alors, je croyais important de rappeler ces propos de Mme Payette, qui a vécu une période assez turbulente. Et, pour l'essentiel, je pense que la façon dont elle pose le questionnement va dans le sens de ce que vous nous avez indiqué.

M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Je veux juste mentionner qu'effectivement le système d'assurance, c'est un système collectif payé par tout le monde, et il y a peut-être lieu de se demander, comme payeurs, comme c'est les citoyens qui paient pour ce système-là qu'ils font fonctionner, si les citoyens veulent continuer à indemniser – parce que, là, ça n'a rien à voir avec le criminel – à l'intérieur d'un système d'assurance des personnes qui posent des gestes criminels et qui sont blessées en posant ces gestes-là. Ça, ça relève du système de l'assurance automobile du Québec et non pas du Code criminel.

M. Chevrette: Bien, on pourra voir, le CAA va venir témoigner jeudi et il a fait des sondages là-dessus. J'ai hâte de voir les résultats.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Tétrault.

M. Tétrault (Robert): Merci, M. le Président.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement les représentants du comité Claudine-Anne Zamprelli à bien vouloir prendre place à la table.

Alors, bienvenue, madame, monsieur. Je demande au porte-parole de s'identifier et de nous présenter le nom de la personne qui l'accompagne, en leur indiquant qu'ils ont un maximum de 20 minutes pour nous faire part de leurs commentaires.


Comité Claudine-Anne Zamprelli

M. Zamprelli (Jim): D'accord, merci. C'est moi le porte-parole, Jim Zamprelli, et je vous présente Viviane Brassard, aussi membre du comité. Les deux autres membres qui ont été nommés, il y avait un contretemps dans les minutes... ils ne pouvaient pas venir. Donc, je commence.

Nous nous présentons devant vous aujourd'hui, d'une part, pour continuer l'impact des convictions et du travail amorcé par notre fille, ma fille, Claudine, dont la vie a été fauchée par un chauffard sur une route droite, vide de tout autre véhicule, peu après minuit, le 17 août 1996, et, d'autre part, pour vous dire ce dont nous avons besoin afin de continuer notre vie de façon saine et productive.

Le principe selon lequel nous opérons, nous, le comité Claudine-Anne Zamprelli, et que nous voulons présenter devant vous aujourd'hui est celui de la responsabilisation des criminels, responsabilisation de chauffards vis-à-vis les victimes et responsabilisation de l'État, SAAQ et système judiciaire aussi vis-à-vis les victimes, parce qu'on trouve d'après notre expérience que cette question de responsabilisation, il y a beaucoup de lacunes là-dedans.

Notre mémoire s'articule autour du fait que, dans tous les cas de dommages corporels causés par la conduite d'un véhicule avec facultés affaiblies par la consommation d'alcool, la loi et son application devraient assurer que le chauffard soit directement impliqué dans la réparation des dommages causés aux victimes.

Voici les quatre recommandations que nous soumettons à votre attention et expertise: d'abord, enlever toute indemnisation au chauffard blessé en commettant un acte criminel au volant ainsi qu'à sa famille; que le droit de poursuite civile soit accordé aux familles victimes; que la SAAQ se responsabilise autant vis-à-vis les victimes que vis-à-vis les coupables; que le concept de réconciliation soit mieux connu à tous les niveaux du système et que la famille victime soit invitée à y participer et aussi être accompagnée en le faisant.

Un peu de l'histoire de notre vécu. Pendant la nuit du 17 août, les membres de notre famille se font réveiller par un coup de téléphone nous informant de la mort de la fille, soeur, conjointe, Claudine-Anne. La vie de Claudine a été brutalement fauchée. Elle est morte calcinée dans son véhicule, morte d'une mort violente et criminelle. Elle avait 26 ans. L'arme meurtrière, la responsabilité: l'alcool au volant.

Claudine était faite de tendresse, de compassion et d'engagement social. L'injustice la blessait profondément, et elle tenait à ce que tout être brimé soit respecté. Elle savait dénoncer l'injustice et y répondre avec vigueur et ténacité. Si elle était intolérante, c'était face aux comportements irresponsables envers les humains et envers la nature. La mort de Claudine, évitable parce que de circonstances évitables, nous a plongés, sa famille, dans une expérience cauchemardesque aux mains d'institutions qui sont sensées punir les malfaiteurs et protéger les membres de la société et leur venir en aide lorsqu'ils en ont besoin tel que le Code criminel, le système judiciaire, la SAAQ.

Mais, d'après notre expérience, la famille a vite constaté qu'il n'y a presque rien au point de vue d'aide et soutien. D'une part, la SAAQ donne un soutien financier et moral total aux auteurs de tels crimes et ignore les besoins des membres de la famille des victimes. Elle leur enlève le droit à tout recours civil pouvant obliger les coupables à accepter l'entière responsabilité de leurs actions. D'autre part, ceux qui, par des actes criminels, causent la mort de citoyens innocents sont totalement dédommagés de la perte et frais encourus suite à l'accident tandis que les familles des victimes sont sensées rentrer chez elles et se taire.

(16 heures)

Quant aux tribunaux, la famille de Claudine-Anne a été profondément troublée et attristée par la priorité totale qui est accordée aux droits de l'accusé, alors que les familles des victimes doivent se débattre sans cesse pour avoir quelque information que ce soit et se font rappeler constamment qu'elles n'ont ni statut officiel aux yeux de la loi ni droit de se faire entendre, ou presque pas.

Un simple désir de s'assurer que le droit des victimes à la justice soit reconnu est transformé en ingérence dérangeante par des gens qui se piquent de représenter, entre guillemets, la société, mais qui ne veulent surtout pas se faire rappeler que la société est composée d'individus qui ont un nom, un visage, une histoire à raconter. Certains de ces individus ont perdu la vie à cause d'actes criminels violents. D'autres essaient d'amoindrir leur peine et leur désarroi en s'assurant que les droits des victimes ne soient pas mis de côté. Eux aussi, ils ont leur place dans le système judiciaire. Et nous regrettons d'avoir à dénoncer qu'il y a, d'une part, protection des droits de l'accusé et, d'autre part, une attitude hautaine et dédaigneuse qui est réservée aux familles des victimes.

Nous, le comité Claudine-Anne Zamprelli, parents et amis de Claudine, continuons à dénoncer la complaisance de la SAAQ, qui encourage, voire récompense l'irresponsabilité, et nous sommons tous les hommes, les femmes politiques du Québec de prendre position sur la réforme de ce régime immoral et dommageable à l'intérêt public. Ce que nous dénonçons, depuis notre expérience avec la SAAQ et avec le système judiciaire, c'est l'inhumanité et l'absurdité du système judiciaire et de la Société de l'assurance automobile du Québec face aux victimes de ce fléau social qu'est l'alcool au volant.

Nous sommes bien sûr encouragés que le gouvernement se pose ces questions au sujet des options envisagées au point de vue des sanctions, etc. Ceci dit, le livre vert assène un coup de plus en ne reconnaissant pas les droits et le statut de la famille des victimes, alors qu'il continue de se préoccuper avec ferveur et de façon détaillée des droits et du statut de la famille des criminels.

Présentement, quand une des victimes meurt, on ordonne à sa famille de se taire. Nous avons été traités comme des moins que rien. Le procureur de la couronne, qui représente la société, dit à la mère de Claudine qu'il ne la représente pas, elle. Nous n'avons pas eu le droit de recevoir aucun rapport d'accident, de policiers, etc.; ça, c'est le privilège de la défense. La couronne nous dit d'aller chez nous et de nous occuper de notre peine. Elle s'occupe de la justice, néanmoins. Et puis il ne faudrait surtout pas incommoder la défense.

Il est à espérer que la définition même de «famille» sera revisitée. L'organisation MADD Canada en propose une inclusive qui reconnaît les relations et les pertes à considérer quand un acte criminel est commis. Ceci peut inclure parents, frères, soeurs, époux, conjoints, conjoints de fait, autre parenté et membres des familles reconstituées, etc., tous ceux et celles qui avaient un lien physique, financier, émotif, psychologique avec la victime majeure, disons. Et si les proches des victimes ne peuvent être considérés, d'où vient que les proches des criminels le soient?

Ce que le livre vert n'adresse pas et que nous demandons à la commission de considérer, c'est d'abord d'enlever toute indemnisation au chauffard blessé en commettant un acte criminel au volant ainsi qu'à sa famille. La loi de diverses autres provinces, tout aussi conscientes des besoins sociaux de leurs citoyens que le Québec, a déjà répondu à cette question de façon bien différente. Vous qui connaissez la loi êtes sûrement au courant. Si notre fille s'était fait tuer en Ontario ou en Nouvelle-Écosse, le traitement réservé aux parties impliquées aurait été différent.

Il faut dire que les criminels de la route sont privilégiés dans votre système, si on regarde les autres lois québécoises où les criminels qui se blessent ne sont pas indemnisés. Pourquoi, avec la question de l'automobile, le criminel de la route est exempté? Pourquoi sont-ils exemptés ceux qui se blessent en état d'ébriété? En Saskatchewan, le conducteur blessé sera privé de toute indemnité s'il est responsable de l'accident en part majoritaire.

Vous parlez des familles des chauffards. Vous êtes très compatissants. Vous dites qu'il ne faut pas les pénaliser. Pourquoi êtes-vous si compatissants envers ces familles? Pourquoi les proches des chauffards seraient-ils si bien traités quand les familles des victimes, qui sont les victimes elles-mêmes, semblent être loin de vos pensées?

On veut que le droit de poursuite civile soit accordé aux familles victimes. Notre mémoire s'inscrit dans une longue chaîne de demandes de révision d'un item majeur de l'application du principe de «no fault». À l'instar de M. Jacques Parizeau – vous venez de parler de lui et de sa femme – dans ses représentations à l'Assemblée nationale en décembre 1995, cet item majeur, auquel nous nous objectons à cause de l'injustice qu'il commet envers les victimes et de par notre expérience personnelle, est celui qui fait en sorte que les victimes d'actes criminels causés au moyen de véhicules soient privées de toute possibilité de recours civil à l'encontre du responsable du dommage causé.

Le système judiciaire actuel nous exclut de facto. Pourtant, qu'avons-nous fait pour ne pas mériter au moins les choix et les informations que notre système d'assurance et notre système judiciaire accordent aux criminels? Si on commet un crime avec un instrument autre qu'une auto, on est passible de poursuite civile. Pourquoi un criminel de la route est-il exempté? Pourquoi bénéficie-t-il d'une immunité absolue et une garantie par la loi d'être non considéré?

Cette question, ce n'était pas une question simplement financière, mais il faut toujours penser au besoin de recouvrer l'excédent de la perte, les dépenses encourues, toutes sortes de dépenses qui nous sont arrivées lors de cette tragédie dans notre vie.

Nous, on veut, comme on dit en anglais, notre «day in court», on veut aussi notre jour devant les tribunaux. Nous, on veut être en contrôle, on veut décider, on veut questionner l'accusé. On veut faire notre propre enquête au point de vue de ce qui s'est passé lors de cette nuit. Comme je viens de vous dire, le système judiciaire ne nous a pas donné cette information qui nous serait extrêmement importante. Pourquoi les autres juridictions sont-elles si illuminées, si je puis dire, par rapport au Québec? Comme Ontario, Saskatchewan, qui eux aussi... comme bien probablement vous avez déjà entendu parler de Saskatchewan et de son système de «no fault» mais avec bien des différences par rapport au Québec.

On veut que la SAAQ se responsabilise autant vis-à-vis des victimes que vis-à-vis des coupables. Comme je viens de mentionner, cette question de qui sont les victimes, on veut que la SAAQ accepte une définition plus élargie du terme «victime», tel que MADD le propose, comme je viens de vous dire. Ma fille a été une victime et nous aussi, nous avons été autant victimes de cet acte criminel. Comme sa mère a écrit dans sa déclaration qu'elle avait donnée lors de l'audition de la sentence, quand on parle de famille, notre famille est un arbre avec plusieurs branches. Chaque branche fait partie de la vie de l'arbre. En nous arrachant Claudine, on a attaqué la qualité de vie de toute notre famille, et ce, pour le reste de nos jours. Une branche est arrachée et la vie de tout l'arbre – la famille, les victimes – est d'abord menacée puis n'est jamais la même.

(16 h 10)

Je regardais le dépliant vis-à-vis Victimes d'actes criminels . Le langage là-dedans est bien beau et très encourageant si on est victime de tout acte criminel, sauf l'acte criminel sur la route. Si je lisais ça, j'aurais été très encouragé, mais, malheureusement, je suis tout à fait défendu de me servir de ces services et de ces droits qui sont énumérés là-dedans.

On veut qu'il y ait indemnisation, services et soutien provenant de la SAAQ – physique, psychologique, monétaire – pour les proches des victimes de chauffards, que les coûts encourus soient remboursés, etc. Et il y en a beaucoup, comme je viens de vous dire. La SAAQ, en indemnisant les conducteurs qui se blessent en état d'ébriété, se rit vraiment du gouvernement du Québec, qui, lui, dénonce l'alcool au volant. La SAAQ, en indemnisant les victimes sans réclamer quoi que ce soit aux coupables, se rit du Code criminel, qui lui permet d'imposer des peines sévères telles l'incarcération et la suspension du permis.

Quand on parle de soutien, il faut considérer les séquelles affectives que nous vivons depuis longtemps et qui vont nous accompagner jusqu'à la mort, je vous dis. Je vous ai donné, dans le paquet attaché comme annexe de notre mémoire, une copie d'un article qui a paru dans – c'était un journal magazine – Impact , de Transports Canada, qui a été écrit par la mère de Claudine et qui vous donnerait assez effectivement ce que ça veut dire, les séquelles affectives. Et la raison pour laquelle...

O.K. Deux minutes, ça veut dire? Vous pouvez voir que je vais mentionner aussi le concept de réconciliation, qui n'est pas très reconnu dans plusieurs juridictions. Ça, c'est une opportunité pour les victimes de vraiment faire face à l'accusé et de le questionner de ses intentions et c'était quoi, est-ce qu'il a un remords, et tout ça.

Donc, il est essentiel que votre commission se penche sur les droits des victimes avec autant d'attention que celle que vous avez accordée aux droits des coupables et de leur famille. Ceci est essentiel tant pour les victimes que pour les coupables et, ainsi, pour la société en général. Bien, je pense que je vais arrêter là, puis...

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Zamprelli. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie. Je comprends la douleur d'un parent qui perd une jeune fille ou un jeune homme, bien sûr. C'est bien évident que ça nous permet d'évaluer, nous, la situation actuelle, qu'est-ce qu'on offre. On s'est penché beaucoup sur les indemnités, sur la notion d'indemnité. On a voté avant Noël le passage, par exemple, de 17 000 $. L'argent, ça ne rachète pas une vie. Ça, ce n'est pas là-dessus que j'en suis. Mais on est passé de 17 000 $ à 40 000 $ et, dans le 23 000 $ additionnel, on prévoyait précisément 10 000 $ pour les soins, la compassion, tout le stress, la tension qu'ont pu subir les proches. Mais ça ne redonne pas vie, ça, j'en suis bien conscient avec vous.

Le seul point où je ne vous suis pas – et je suis aussi honnête que vous l'avez été – c'est cette notion de faire punir, y compris la famille de celui qui est chauffard, si j'ai bien compris vos propos. Si j'ai mal compris, vous me corrigerez. Mais j'ai crû comprendre de votre bouche qu'on n'avait pas à indemniser la famille d'une personne qui pose un acte criminel par l'alcool.

Je ne peux pas être en accord avec ça pour toutes sortes de raisons. Il peut y avoir des enfants qui, dans une famille d'un chauffard, ont le droit de manger. Il y a une loi de protection des animaux puis il n'y en aurait pas pour des enfants. Voyons, ça ne marche pas ça. Sur ce point-là, je suis en désaccord. Si jamais j'ai mal compris, vous me corrigerez. Mais, si c'est ce que vous avez dit, moi, je suis en profond désaccord. On ne doit pas faire payer d'innocentes victimes à la maison pour un homme ou une femme qui pose un geste sur la rue, même s'il est d'acte criminel. Je pense que la société n'accepterait pas de laisser mourir de faim des jeunes. Je ne pense pas, je ne crois pas. Je ne crois pas que notre société est rendue là, en tout cas, moi, personnellement. Ça aurait l'air, en plus, revanchard. Ça aurait l'air vengeur.

Et le système d'assurance automobile – M. Lachance, le président, tantôt citait la marraine de ce projet de loi – c'était beaucoup plus de créer un système d'assurance collective pour tout l'ensemble des Québécois qui conduisent. Et un Code criminel qui, en passant... Votre plaidoirie cadrerait bien à la Chambre des communes parce que c'est eux qui amendent le Code criminel. Ce n'est pas ici, au Québec. Le Code criminel, c'est un Code criminel canadien qui ne peut être amendé qu'au Canada. Et c'est le Parlement fédéral ou la Chambre des communes qui peut modifier le Code criminel, le rendre plus sévère pour certains types d'actes. D'ailleurs, vous avez remarqué qu'ils viennent de déposer, au fédéral, une loi qui vise précisément à punir davantage les chauffards. Ils vont même jusqu'à la prison à perpétuité. C'est ce qu'ils ont déposé comme avant-projet de loi ou comme projet de loi. En tout cas, j'ai lu ça dans les journaux.

Crimes passionnels, crimes épouvantables sur des jeunes personnes, pas de prison à perpète, ça dépendra du juge, du jugement du juge. Puis, pour un chauffard, prison à perpète. Le sens de la démesure a aussi des effets pervers. À mon point de vue, il ne faut pas dépasser les bornes quand on a à juger des choses. Je comprends que, sur l'instant, sur le moment, on peut avoir des gestes, puis c'est normal, c'est humain. L'émotion étant, on peut dépasser véritablement sa pensée. Mais, dans les faits, ceux qui ont à légiférer ou à réglementer, il faut qu'ils demeurent dans un corridor d'équilibre, de juste équilibre et ne pas donner l'impression d'attitude revancharde ou vengeresse. J'aimerais vous écouter. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit ou pas?

M. Zamprelli (Jim): Non. Je veux être clair, là-dedans. Moi, ça fait des années que je suis activiste social. Donc, je ne veux pas punir qui que ce soit, les enfants qui ont faim, etc. Et je pense que je n'avais pas dit: punir les familles des chauffards. Mon point était que, si vous étiez compatissants vis-à-vis les familles des personnes qui ont commis des actes criminels, pourquoi êtes-vous si, disons, laisser-aller avec les familles des victimes? C'était ça, le point. C'est une question d'équité devant vos yeux, devant la loi, devant les règlements administratifs, quoi que ce soit. On a l'impression que, dans vos arguments, surtout dans le livre vert, oui... On ne veut pas laisser mourir de faim la grand-mère, comme vous avez dit, ce n'est pas là la question, c'est juste que c'est une question d'équité et de statut égal quand on parle de famille, famille des victimes et famille de l'accusé.

M. Chevrette: Mais en quoi mes propos vous font conclure que je me foute des familles des victimes? Quels mots j'ai prononcés ou quelle phrase ai-je prononcée qui vous donne l'impression que je me foute des familles des victimes?

(16 h 20)

M. Zamprelli (Jim): Je n'ai jamais dit que, vous, personnellement, vous vous foutez des familles des victimes. Je parle du système et surtout de la SAAQ ou toutes les institutions, qui pourraient être beaucoup plus reconnaissantes de ce que vit la famille victime et lui donner un soutien beaucoup plus élargi et bien pensé qui reconnaît ce qu'on vit et ce dont on a besoin. On dirait... Avec le système maintenant, il faut choisir un bénéficiaire. D'accord, dans le cas de Claudine, c'était son conjoint. Mais, nous aussi, on était là. On avait des besoins qui n'étaient pas comblés du tout par le système.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez fait une demande, par exemple, pour des services de psychothérapie? Est-ce que vous avez fait une demande à la SAAQ?

M. Zamprelli (Jim): Non. D'abord, ça, c'est une autre faille. Ça veut dire qu'il n'y a personne qui vous donne de l'information au point de vue de quoi faire. D'après ce que j'avais su, non, on n'avait pas de question de faire quoi que ce soit à la SAAQ.

M. Chevrette: Bon, on comprend que vous pouvez ignorer le fait... ce n'est pas tout le monde qui... Dans les faits, je peux comprendre ça. Mais on en a discuté nous autres même en commission parlementaire, puis ce service...

Des voix: ...

M. Chevrette: S'il vous plaît, il parle un petit peu plus fort que moi, arrête-le donc. Dans les faits, ce service existe. Le père, la mère, les frères, les soeurs peuvent avoir le droit à des services. Ils sont pris en charge, tout comme une victime, même la partie salaire, pour le temps qu'il y a des traitements. On l'expliqué. Moi, j'ai eu la chance de l'expliquer à quelques reprises. Et c'est pour ça que je vous ai posé la question. Je ne vous en fais pas un reproche, je vous pose la question: Est-ce que vous avez eu recours...

M. Zamprelli (Jim): Bien d'abord, quand on vit une situation tellement tragique, on est très désorienté au point de vue d'où aller, où se tourner et comment s'informer de ci et de ça. On s'informe de tellement de choses. Et il faut qu'on prenne le contrôle de sa vie autant que possible au point de vue de vivre des moments extrêmement pénibles. Non, d'après l'information que j'avais, il n'y avait rien de la SAAQ au point de vue de soutien psychologique ou que j'avais le droit de demander quoi que ce soit, sauf la question...

M. Chevrette: C'est parce que, comme député...

M. Zamprelli (Jim): ...d'une indemnisation au point de vue d'une perte de revenu, les choses comme ça. Mais, comme j'ai dit, c'était à son conjoint.

M. Chevrette: Mais, personnellement, moi, j'ai eu à en réclamer pour même des parents, des soins de psychothérapeute, d'un petit enfant qui a été écrasé par un véhicule de services publics. Je ne vous dis pas que c'est toujours facile d'aller chercher l'indemnité et qu'il ne faut pas se battre dans la gestion, mais c'est admissible. Parce que j'en ai eu la preuve, j'ai eu des chèques concrets de versés à des personnes, y compris des indemnités salariales, et ce n'était pas nécessairement en lien direct de l'ayant-droit. C'est sûr, quand il y a un conjoint, le premier ayant-droit, c'est un conjoint. Mais, pour des services psychothérapeutiques ou psychologiques, vous y avez droit en fonction de la loi. Donc, ça, en tout cas, il faudra peut-être faire plus d'information au public. Et, avec le programme de prise en charge rapide, ça va aider, ça, parce que, déjà, dès le départ, on pourra détecter des besoins. Une infirmière, par exemple, pourra détecter très rapidement puis dire: Tel parent est très affecté et a besoin de tel type de traitement.

M. Zamprelli (Jim): Mais, dans ce cas, peut-être, ça veut dire qu'il faut que la SAAQ soit un peu plus proactive au point de vue de...

M. Chevrette: On va l'être dans 17 hôpitaux. On a conclu ça la semaine dernière. On l'a même annoncé. On avait un projet-pilote dans quatre hôpitaux, c'est rendu dans 17, je crois. Presque toutes les régions, à l'exception des petites régions où il va y avoir une communication téléphonique, il va y avoir un centre hospitalier qui va prendre en charge... C'est près de 80 % de notre clientèle?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: 80 % de la clientèle qui va avoir un service direct en institution, ça, c'est un plus, c'est beaucoup. Puis on coupe les délais de 80 % dans un cas et de 58 % dans deux autres cas. C'est beaucoup, ce qu'on fait là-dessus.

Là où le problème dépasse largement la SAAQ et même le Parlement de Québec, c'est le Code criminel. Vous savez très, très bien que le Code criminel, c'est un Code criminel canadien, que les amendements au Code criminel pour la lourdeur des peines ou les directives très claires, c'est le Code criminel canadien. Et on ne doit pas mêler, à mon point de vue, l'acte criminel posé par l'individu puis le régime d'assurance collective que l'on se donne. Par exemple, le régime collectif détermine combien tu donnes à des personnes puis dans quelles circonstances. C'est ça, un régime d'assurance.

Celui qui est fautif devant le Code criminel, il n'est pas administré ou géré par la SAAQ, il est jugé par un juge devant les tribunaux qui gèrent le criminel, et – comment dirais-je – jusqu'à temps qu'il soit reconnu coupable, il est présumé innocent. C'est dans une société de droit. Et ça, on peut toujours inciter le fédéral à modifier le Code criminel puis à rendre plus lourdes les causes, mais il ne faudrait pas, parce qu'on s'en prend au manque de rigueur parfois ou encore au manque de sévérité de certaines sentences criminelles, juger pour autant que tout un régime d'assurance collective, d'assurance de mutuelle, de solidarité sociale est fautif pour autant. C'est un peu là-dessus que je voulais attirer votre attention.

M. Zamprelli (Jim): Oui. J'ai même enseigné le Code criminel, je suis tout à fait au courant au point de... c'est au niveau fédéral. Et, comme vous l'avez dit, oui, je suis au courant que le Parlement du Canada regarde les changements dans le Code criminel. Mais ce sont des personnes qui administrent. Quand on parle du système, c'est le système ici, au Québec. Quoique, oui, ils sont en charge d'une loi fédérale où ils... Je ne sais pas comment le dire en français. Mais c'est leur attitude, et tout ça. Donc, tout ça, ça peut être changé d'en haut, au Procureur général du Québec. Donc, là, je sais que c'est une fusion, d'une manière, de la loi fédérale, mais aussi c'est le système québécois qui administre.

M. Chevrette: Oui, oui, mais, nous, on peut suspendre un permis, on peut réglementer l'émission d'un permis, on peut édicter le quantum d'alcool dans le sang, mais, lorsque le geste est considéré comme criminel puis qu'il y a une accusation de portée au criminel, on doit fonctionner selon le Code criminel canadien. Je pense que c'est de même, à moins de me tromper, là.

M. Zamprelli (Jim): Oui, mais je pense que mon point dans tout ça ou notre point était de... On parle de votre système. Vous dites: C'est un système d'assurance collective. Oui, bien beau. Mais, nous, on dit: Il y a certainement... ce n'est pas vraiment deux... tout à fait séparé dans... O.K., il y a un système collectif, il y a la loi fédérale criminelle, mais, à mon avis, la logique devrait être que le système public d'assurance collective devrait aussi traiter le criminel d'une manière autre que n'importe qui qui a un petit accrochage sur la route.

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous...

M. Zamprelli (Jim): On parle de quelqu'un qui a commis un acte criminel, et on dirait que ses droits, même dans le système public d'assurance, devraient être bien différents que d'autres.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier. Moi, je devrai quitter – je m'excuse auprès de ceux qui suivront – parce que j'ai un comité ministériel. Mon collègue Jacques Baril me remplacera d'ici 18 heures, M. le Président, avec le consentement des députés de cette table. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission et merci de l'excellente présentation que vous venez de nous faire. J'ai bien compris que votre mémoire est beaucoup orienté sur la notion d'indemnité lorsque quelqu'un est tenu criminellement responsable lors d'un accident.

Alors, vos principales recommandations, c'est d'enlever toute indemnisation, que le droit de poursuite civile soit accordé, puis, bon, il y a aussi deux autres recommandations.

(16 h 30)

Mais il y a quelque chose qui me surprend quand même, que je pensais pouvoir entendre dans vos propos, parce que vous dites, dans un passage dans votre mémoire, comme quoi il y a un meurtre qui se répète à chaque fois que quelqu'un boit de l'alcool et conduit avec des facultés affaiblies. Bon. Ça, en tout cas, je ne vous ai pas entendu remettre ça en cause comme tel. Puis là c'est pour ça que ça m'amène à ma question: Est-ce que, le taux permis de 0,08, pour vous, vous ne le remettez pas en cause? C'est-à-dire que vous êtes prêt à le maintenir, vous ne reposez pas de question sur le taux d'alcool permis? Parce que vous faites souvent la relation avec l'alcool bien sûr, et puis que, pour ça, en aucun moment, vous ne nous apportez une suggestion relativement au taux d'alcool permis.

M. Zamprelli (Jim): Non, c'est vrai, on n'a pas mis beaucoup d'attention sur cette question. Quoique, comme j'ai dit, ce que vous avez dans le livre vert, au point de vue d'établir les circonstances ou même dire 0,04 sera assez un taux d'alcool qui peut servir à enlever le permis de quelqu'un, oui, on est complètement d'accord. Certainement, on endosse ce que MADD Canada-Québec... On aimerait voir même des niveaux, comme dans d'autres juridictions, qui sont moindres, qui sont moins que 0,04. Mais je pense que c'est un bon pas en avant ce que vous avez. Au point de vue de vos options, oui, je serais tout à fait d'accord que le taux d'alcool soit moindre que 0,08, oui.

M. Côté (La Peltrie): Parce que tout ce que vous proposez, c'est après que l'accident est arrivé, c'est après les faits. Alors, ça prend des moyens aussi d'essayer de corriger à la source certaines choses.

M. Zamprelli (Jim): Oui, c'est ça, des moyens qui sont, disons, espérons, préventifs. Mais nos idées aussi, d'une manière, sont préventives, parce que la question de poursuite civile, là aussi ça peut être très dissuasif. Tout ça, même si c'est avant l'accident ou après l'accident. Je pense que, si quelqu'un qui décide de conduire avec un niveau d'alcool de 0,04, 0,03, des fois – ça dépend, je sais que ça dépend de l'individu – si cette personne sait que les sanctions disponibles, si cette personne commet un acte criminel, sont graves et sérieuses, je pense que, ça aussi, ça peut servir à faire penser une deuxième fois à la personne au point de vue de prendre la route.

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Alors, je veux vous remercier, M. Zamprelli, pour la présentation de votre mémoire. Le point que vous soulevez est important dans le sens où on doit essayer de réfléchir plus aux conséquences familiales, familiales étant prises dans un sens large là...

M. Zamprelli (Jim): Exact.

M. Bordeleau: ...par rapport au genre d'événement dramatique qui survient dans le cas d'un accident comme celui que vous avez vécu. Et je pense que c'est important d'attirer l'attention là-dessus. Souvent, j'ai l'impression que les organismes gouvernementaux, pas nécessairement par mauvaise volonté, ont toute une mécanique qui est en place et des fois on en arrive à perdre, là, peut-être de vue un petit peu la vraie réalité telle qu'elle est vécue sur le terrain. Et je pense que c'était important que vous nous le rappeliez.

Il y a des propositions que vous faites, je pense – je l'ai déjà mentionné à plusieurs reprises – qui mériteraient d'être débattues dans un contexte plus large et qu'on en voie exactement les avantages et les inconvénients. Je pense aux poursuites civiles ou à la question de l'indemnisation des chauffards comme telle. Je l'ai signalé, je regrette qu'on n'ait pas un débat plus ouvert, qu'on n'aborde un peu tout l'ensemble du fonctionnement de notre système d'assurance automobile, pas seulement la question des indemnités, mais aussi le fonctionnement du système, les améliorations qu'on pourrait faire, je ne sais pas, moi, par rapport aux familles, par rapport à d'autres points de vue. Et là, si on avait ce genre de débat là, on pourrait éventuellement apporter des améliorations importantes.

Malheureusement, ce n'est pas l'optique du gouvernement actuel. Le gouvernement a choisi de faire un livre vert et de parler de ce problème-là – qui est un problème important – de façon un peu marginale, avec toute une autre série de sujets qui sont à mon avis bien évidemment secondaires par rapport à celui-là. Je pense au port du casque protecteur, aux patins à roues alignées, au cinémomètre. On a tout mélangé ça ensemble puis on fait une consultation.

Je regrette qu'on n'ait pas un débat, qui serait justifié après 21 ans d'application du régime d'assurance automobile du Québec, un débat ouvert là-dessus et qu'on regarde des suggestions. Vous nous avez fait des suggestions, tous les groupes qui viennent nous font des suggestions. Alors, il y en a qui sont peut-être réalistes, réalisables, d'autres le sont peut-être moins, mais au moins on aura eu l'avantage de débattre un certain nombre de points que vous soulevez dans votre mémoire.

Je pense que le principe que vous mettez en évidence au tout début de votre mémoire est valable. Je lis: «Le chauffard est directement impliqué dans la réparation des dommages causés aux victimes.» Je pense que ça doit être un principe qu'on associe à la responsabilité, à la responsabilisation, et que ça doit être un peu une toile de fond des programmes gouvernementaux. C'est-à-dire, on est toujours responsable de soi et de ce qu'on fait aux autres, et à partir de ce principe-là... Je l'ai signalé tout à l'heure au professeur qui était là avant, j'ai l'impression que dans le «no fault», on se retrouve... ce n'est pas évident qu'on continue à dire aux gens: Vous êtes responsables des gestes que vous posez, et à l'endroit des victimes directement, et non pas en passant par la SAAQ qui, elle, nivelle tout ça et nous fait perdre au fond cet élément-là.

Je voulais vous poser certaines questions. À la page 3 de votre mémoire, quand on parle d'enlever l'indemnisation aux chauffards blessés, vous faites référence aux lois des diverses autres provinces. C'est quoi, la connaissance que vous avez des systèmes qui existent actuellement dans les autres provinces canadiennes? Et, dans les cas où c'est un système «no-fault», est-ce qu'il y a des provinces qui permettent les poursuites civiles par rapport à...

M. Zamprelli (Jim): Il faut que je vous admette que je ne suis pas tout à fait expert dans le domaine, mais je sais que, par exemple, en Saskatchewan, j'avais lu que, même si c'est un système «no-fault», je pense que dans le cas d'une perte de vie, oui, il y a possibilité de poursuite civile.

M. Bordeleau: Il y a des possibilités?

M. Zamprelli (Jim): Au Manitoba, je ne sais pas. Je sais que, disons, dans l'ensemble, oui, les deux autres provinces où il y a le système «no-fault», il y a une marge de manoeuvre qui est beaucoup plus large que le Québec au point de vue soit de poursuite ou de vraiment donner le message à l'accusé qu'il n'aura pas tous les bénéfices qui sont accordés à d'autres qui n'avaient pas commis un acte criminel, malgré le fait que – comme monsieur a dit – c'est un système collectif où tout le monde est traité soi-disant de manière équitable. Mais je pense que leur système au moins donne le message que, si vous avez commis un acte criminel sur la route, vous n'êtes pas tout à fait équitable par rapport aux autres contribuables.

M. Bordeleau: Vous faites référence de façon plus précise... Vous nous dites dans votre mémoire: «Si notre fille s'était fait tuer en Ontario ou en Nouvelle-Écosse, le traitement réservé aux parties impliquées aurait été différent.» Est-ce que vous pourriez préciser un peu plus? En quoi ça aurait été différent?

M. Zamprelli (Jim): Ce qu'on voulait dire là-dedans, c'était plutôt le fait que dans ces deux provinces il n'y a pas de système de «no fault». C'est ça qu'on voulait soulever vraiment.

M. Bordeleau: Ça va. Dans vos recommandations, la quatrième recommandation vous faites référence que le «concept de réconciliation soit mieux connu à tous les niveaux du système et que les familles victimes soient invitées à y participer, et [...] accompagnées en le faisant». Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus en quoi consiste ce concept de réconciliation? Et comment vous voyez son application dans le contexte, par exemple, de l'assurance automobile du Québec?

(16 h 40)

M. Zamprelli (Jim): Bon, d'abord, où ça se fait, c'est plutôt la responsabilité du ministère de la Justice ou le Procureur général.

Ça fait partie de tout ce système, de ce qu'on dit en anglais, la justice restaurative – «restorative justice». Une autre façon, regardez le système de la justice, c'est une occasion pour une rencontre entre les victimes et l'accusé, ou la personne qui a commis l'acte criminel, pour qu'il y ait un échange direct, face à face, sur plusieurs enjeux. On a l'occasion de parler directement à la personne, ce qui n'est pas le cas dans le système actuel. On n'a pas l'occasion de rencontrer et de même poser une question à cette personne. La réconciliation est normalement animée et facilitée par une personne, un médiateur, et c'est un rassemblement victime, personne qui a commis l'acte, la famille, pour examiner exactement, pour comprendre exactement c'était quoi, dans sa tête, quand il a décidé de prendre la route cette nuit-là. Est-ce qu'il a un certain remords? Est-ce qu'il comprend ce qui s'est passé, comment notre famille a été déstabilisée? C'est une possibilité de peut-être dresser une entente.

Oui, O.K., je comprends que vous, qui avez commis l'acte, vous avez un certain remords, vous comprenez ce que, nous, on sent, vous comprenez d'une manière beaucoup plus profonde comment notre vie a été tout à fait bouleversée et affectée. Donc, c'est une occasion, ça donne une justice restaurative, comme j'ai dit – je ne sais pas si ça se dit en français – ça restaure un peu un état émotif, psychologique. C'est beaucoup plus satisfaisant par rapport au système traditionnel de la justice.

Ça se fait dans certaines juridictions. Comme à Ottawa, le procureur de la couronne travaille en collaboration avec un centre de résolution des disputes où il peut organiser ces séances de réconciliation. Ça peut faire partie de la sentence, la suggestion que la personne qui a commis l'acte rencontre la famille, directement, et avec, comme j'ai dit, la facilitation d'un professionnel, on partage nos sentiments, on partage notre expérience et on essaie d'atteindre un niveau de satisfaction, en principe, qui est beaucoup plus réconfortant que le système actuel, comme j'ai dit.

M. Bordeleau: O.K. Je vois la suggestion, là. Tout à l'heure, on parlait du droit criminel. Bon, évidemment le ministre disait que ça relevait du gouvernement fédéral, c'est tout à fait exact, et les modifications au droit criminel doivent se faire là-bas. Excepté qu'on voit très bien que dans vos suggestions que vous nous faites, et qui sont répétées par d'autres aussi, il reste qu'il y a des choses qu'on peut faire au Québec parce que ça ne relève pas du droit criminel.

Les poursuites civiles, ça, c'est une décision qu'on peut prendre au Québec. La possibilité d'indemniser ou non dans notre système collectif les chauffards, ça, c'est une décision qu'on peut prendre ici, au Québec; c'est notre système à nous, c'est nous qui l'avons mis en place. Je pense que c'est la population, par le biais de la SAAQ, qui peut réfléchir à ça et apporter... Ça, on n'a pas besoin d'attendre les correctifs amenés par le gouvernement fédéral. C'est évident que le droit criminel, il va être appliqué au Québec par le système de justice du Québec conformément à ce qu'est la loi fédérale ou le Code criminel, mais les autres suggestions souvent ça ne touche pas directement au droit criminel, et on pourrait théoriquement y apporter des modifications ici si c'était le souhait que le gouvernement voulait faire.

Ce que je comprends aussi... Bon, vous avez vécu le décès de votre fille en 1997. Je comprends que le gouvernement met en place des nouveaux moyens pour améliorer au fond les relations avec la famille des victimes. C'est tout nouveau – le ministre y faisait référence tout à l'heure – c'est-à-dire que c'est une entente qui a été signée il y a à peu près une semaine avec un certain nombre de centres hospitaliers. C'est vrai qu'au moment où c'est arrivé probablement que ce genre de relation là n'existait pas. Maintenant, il faudrait aussi, je pense, compte tenu, là, de la présentation que vous avez faite, que le gouvernement ou la SAAQ, de façon plus précise, se sensibilisent au fait de bien faire connaître aux individus les services qui sont là. Vous savez, ça arrive tellement vite, et, quand ça arrive, là, on est tellement bouleversé qu'on n'a pas le temps de reprendre le dessus pour voir ce qui se passe et puis comprendre où sont nos droits. Et M. le ministre tout à l'heure disait: Oui, ça se fait, parce que je l'ai fait pour certains cas, qui lui avaient été soumis de réclamer des soins de psychothérapie.

Mais je pense qu'il y a un problème qui me paraît clair, c'est que la société en général ne sait pas exactement... Puis ça ne nous préoccupe pas beaucoup, ça ne nous est pas arrivé; donc, on regarde puis on ne porte pas attention. Mais peut-être que la SAAQ aussi aurait un bout de chemin à faire de ce côté-là pour mieux faire connaître, là, les services qui sont là, les choses auxquelles les personnes pourraient avoir droit dans le cas où ça arrive ce genre de situation.

Alors, j'ai l'impression que ce que vous nous avez décrit, c'est probablement exact au moment où vous l'avez vécu. Bon, il semblerait qu'il y ait une amélioration qui est envisagée. Il faut souhaiter que ça continue et peut-être qu'on mette un peu plus d'accent sur l'information à donner aux citoyens pour que ça rentre dans les mentalités et qu'on sache, qu'advenant une chose comme ça, on essaie au moins de se souvenir des services qui nous sont disponibles à ce moment-là.

M. Zamprelli (Jim): Bien, oui, je suis tout à fait d'accord, c'est très prometteur. Vous dites que c'est tout récemment cette amélioration?

M. Bordeleau: La semaine dernière.

M. Zamprelli (Jim): Ah, O.K.

M. Bordeleau: Il y avait eu un projet-pilote qui avait...

M. Zamprelli (Jim): Bien, c'est ça, les raisons pour lesquelles on n'a pas reçu le service, évidemment.

M. Bordeleau: Il y avait eu un projet-pilote dans quelques hôpitaux, et là ça a été étendu un peu partout. On nous dit que ça va couvrir 80 % de la population du Québec. Il y aura des centres partout. Immédiatement, il arrive un événement comme ça, bien il y a une infirmière sur place qui a le mandat de représenter la SAAQ et de voir qu'est-ce qui peut être fait pour...

M. Zamprelli (Jim): Je ne dirais pas parfait, mais au moins c'est un grand pas en avant, il faut dire. Donc, oui.

M. Bordeleau: Il y a un autre point sur lequel on revient souvent, et j'aimerais peut-être juste... Ça sera ma dernière question. On mentionne souvent la question des familles des chauffards. On dit: Oui, mais est-ce que c'est raisonnable – parce que, mettons, le père a eu un accident, il a posé un geste criminel dans le sens qu'il était en état d'ébriété, et tout ça – que ça soit la famille, les enfants qui soient pénalisés, et tout ça? Je pense bien que, votre position – vous l'avez dit aussi – il n'est pas question de faire payer les enfants pour les crimes qui auraient pu être malencontreusement faits par les parents. Mais la question que je me pose toujours quand ça revient...

Ça, là-dessus on s'entend, je pense que tout le monde va s'entendre, là, que, si on venait à enlever les indemnités aux chauffards comme tels, bien ça risque de déborder et d'affecter d'autres personnes autour de lui qui sont innocentes, dans le sens où elles n'ont rien à voir dans la décision et le geste que la personne a posé, et qui seraient pénalisées. Au bout de la ligne, bien, c'est évident qu'on peut se dire: Est-ce que l'État va laisser mourir ces gens-là de faim parce qu'ils n'ont plus d'argent pour manger puis on va laisser dans la misère comme ça?

En fait, je vous pose ça sous forme de question et j'aimerais avoir votre réaction: Est-ce que c'est le rôle de la Société de l'assurance automobile de prévoir ces situations-là ou si ce n'est pas le rôle de la Sécurité du revenu, comme pour tous les autres citoyens qui se retrouvent pour différentes raisons, après avoir perdu leur travail, d'une façon ou de l'autre, dans la misère au point où ils sont obligés de faire appel à de l'aide sociale qu'on appelle au ministère de la Sécurité du revenu? C'est malheureux. Personne n'est intéressé à ça. Et on en connaît beaucoup, là, qui malheureusement, pour toutes sortes d'événements de la vie, se retrouvent là et souhaitent en sortir le plus rapidement possible. Et c'est là qu'il se fait une espèce de manifestation de solidarité dans ces cas-là.

(16 h 50)

C'est que j'ai l'impression qu'on mélange actuellement deux choses. On fait régler par un régime d'assurance collectif une situation financière très négative d'une famille qui devrait peut-être, dans les cas où ça arriverait, être reprise en compte par la sécurité du revenu et non pas par un régime d'assurance collectif où on nous dit: Bon, on ne peut pas ne pas indemniser le chauffard qui a posé un geste criminel parce que, si on ne le fait pas, c'est sa famille qui va payer pour. Mais là, si on veut faire une différence et marquer les responsabilités...

En tout cas, on pourrait sûrement y réfléchir. Est-ce que, pour marquer la responsabilité de l'individu, on décide, par exemple, de ne pas indemniser? Bien, on n'indemnise pas pour les raisons reliées à l'assurance automobile comme telle et au geste que la personne a posé, mais les conséquences familiales que ça pourrait avoir pourraient être reprises... Puis là ça clarifierait les rôles. C'est-à-dire qu'il y a des régimes pour ça. Quand les gens sont rendus dans une situation comme ça, on a un régime de sécurité du revenu qui est là. L'autre, c'est un régime d'assurance automobile. Alors, je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Zamprelli (Jim): Moi, je pense que ça serait plutôt le dossier des programmes de la sécurité du revenu, à mon avis. Parce que, comme vous avez dit, il y a d'autres instances où une famille se trouve dans un pétrin financier par, disons, les actions de la tête de la famille, ou qui que ce soit. Donc, je serais tout à fait d'accord que ça soit... Je pense que c'est, comme vous dites, un mélange de deux juridictions. À mon avis, ça, c'est plutôt un dilemme qui devrait être traité par la sécurité du revenu. Je vous pose la question: Une autre sorte de criminel, est-ce qu'on pense à sa famille quand il est incarcéré? Pourquoi un criminel de la route reçoit un traitement différent qu'un autre criminel? Donc, moi, je dirais qu'on devrait, donc, si on claque quelqu'un en prison pour un autre crime, comme monsieur... On se fout de sa famille, à mon avis, n'est-ce pas? Pourquoi, dans le cas d'un criminel de la route, on est tellement concerné? Moi, je dirais que ça devrait être la responsabilité du système de la sécurité du revenu.

M. Bordeleau: Parfait. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Zamprelli, pour votre présence ici aujourd'hui. Merci.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): Comme le ministre des Transports nous l'avait signalé, il a dû s'absenter pour raison majeure; alors, je souhaite la bienvenue au ministre délégué aux Transports, le député d'Arthabaska, avec le consentement de...

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! Avec le consentement des membres de la commission. Et j'invite à prendre place à la table le groupe Clifford Fisher Committee.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je vous remercie d'avoir accepté d'y participer. Je vous indique que vous avez un maximum de 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et, par la suite, nous aurons les échanges avec les parlementaires. Je demande au porte-parole de s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


The Clifford Fisher Committee

Mme Morin (Lyne): Je vous présente mon garçon, Kurt Fisher, mon mari, William Fisher, ma fille, Courtney Fisher, et Mme Shirley Billing. Il y a d'autres membres de notre comité qui ne pouvaient pas être ici parce qu'on n'a pas eu vraiment assez le temps de se préparer.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, la présentation va être faite par M. Fischer ou par vous, madame?

Mme Morin (Lyne): Par moi.

Le Président (M. Lachance): Par vous? Allez-y.

Mme Morin (Lyne): Our Committee would like to thank you for letting us share our views and experiences involving the Société de l'assurance automobile du Québec. It has been a long two and a half years since the accident.

S'il vous plaît, si vous voulez nous arrêter parce que vous ne comprenez pas, je peux répéter en français.

Le Président (M. Lachance): Allez-y.

Mme Morin (Lyne): On June 26th, 1997, our family and friends became victims of a senseless and preventable automobile accident. That day, a Hydro-Québec meter reader pulled into our driveway to read the meter. He backed out quickly over our son, Clifford. Not only was the Hydro-Québec driver driving recklessly, he ignored every safety recommendations given during courses through la Ligue de sécurité du Québec. This employee ignored all safety issues. He also had been seen driving negligently in our neighbor's driveways. This is what is called «grossly negligence», maybe even criminally.

We ask you this question: Would this accident happen if there were civil recourses where precedents would be set? Would companies such as Hydro-Québec enforce a guide to a secure driving? It's plain to see that a civil recourse would set a precedent that would save lives. Grossly and criminally negligent drivers must be aware that they can be sued civilly. A sign reading L'alcool au volant, ça tue does not set a precedent.

Our Committee also feels, as in our second petition deposited here, at the National Assembly... We deposited two petitions: one for civil recourse against grossly criminally negligent drivers and, two, so that commercial drivers with a fleet of five vehicles to their companies or more be made to have courses by la Ligue de sécurité du Québec. It is very important that drivers who drive commercial vehicles in residential or school zones follow strict safety driving regulations.

I am now bringing forth our past experiences which we feel must be modified in order to make it more humane for victims of automobile accidents. After meeting with legal council, we were made aware that a grossly or criminally negligent driver could not be pursued civilly under the Québec's Automobile Insurance Act. Claims are to be directed to the SAAQ, and this is where our journey began.

October 97, needing desperately psychological help, our family, Bill and I decided it was a must for our family to receive professional help. The expenses would not matter at this point, even though myself and my children did not know that we were covered by the SAAQ, which leads us to another question: The police report is sent within 10 days to the SAAQ when there is an accident; why does the SAAQ wait until the claim is made by the victims? We are the victims, we need help.

(17 heures)

Are you aware of the bureaucracy that victims must endure to be compensated by the SAAQ? A representative of the SAAQ asked me a question, and this was somebody that was quite high up in the SAAQ. He said, and it was in regards to psychological help: Do you have anything to hide, Mrs. Fischer?, because I would not release my detailed psychological sessions. I felt that was my private information, and he wanted to know why I did not release it. So he asked me if I was hiding something.

Bill, being the sole income provider, was incapable of working for a period, after the accident, of six months. The SAAQ evaluated Bill's dossier and stated in a letter to him that, seeing he was not at the scene of the accident, unlike myself and my two children, he would not qualify under the Automobile Insurance Act for compensation. What, may I ask, is the difference? Clifford was his son too. Ironically, though, Bill's dossier was reopened last June 1999, and we have not heard anymore of that.

Our Committee would also like to question. When you pick up the newspaper, you see an accident has occurred. In the newsprint, you know that the driver who committed the accident was probably grossly or criminally negligent. Did you realize that the driver will be compensated by the SAAQ? Are you aware that a victim is usually unaware of all claims that must be filed to the Société de l'assurance automobile du Québec? It is essential that the SAAQ sends out a policy with detailed information stating exactly what benefits that a victim is entitled to, not just a pamphlet. An insurance premium purchaser's charge should grant the consumers a detailed policy. An insurance policy is a legal document stating all terms and conditions. Québec drivers do not get this unless they ask for it. We don't even know what we are covered for, and we are obliged to pay for this no-fault system.

Our Committee has been established in the honor of Clifford Fisher and all other victims of grossly and criminally negligent acts while driving a motor vehicle. We have also attributed our Committee, since our encounters with the SAAQ, in Clifford's memory, so that all victims of such automobile accidents will be treated humanely and justifiably. Thank you.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre délégué aux Transports.

M. Baril (Arthabaska): Merci, madame, de votre présentation. Comme je ne parle pas anglais... Ce n'est pas parce que je ne veux pas, mais, si je parlais anglais, probablement que vous ne comprendriez pas non plus, hein? Ha, ha, ha! Donc, je m'en excuse. Mais madame, à côté, m'a traduit en gros le mémoire que vous nous avez présenté. Il est évident que les circonstances que vous avez connues, c'est des circonstances qui sont toujours difficiles pour les proches, et, je dirais, malheureusement ou heureusement pour d'autres, en tout cas, c'est les malheurs des uns qui font en sorte que le système se perfectionne, s'améliore, et il y a différentes mesures, bien entendu, qui sont prises, qui sont ajoutées pour que d'autres ne vivent pas ou vivent moins d'inconvénients que vous n'en avez vécu et connu.

J'aimerais juste revenir... J'aimerais ça que vous expliquiez davantage sur le fait que vous avez mentionné, que, si les familles avaient un droit de recours au civil, ça sauverait des vies. Si j'ai bien compris, là, vous avez fait allusion à ça. Pouvez-vous nous expliquer davantage comment il se fait, si on permettait des recours au civil, que ça pourrait épargner des vies?

M. Fisher (William): Il y a deux parts dans cette question-là. Une, un recours civil, comme on l'explique, il va y avoir des précédents: des conducteurs qui prennent de la boisson, qui passent sur le chemin et puis qui sont pris, qui sont chargés criminels ou «gross negligence», puis c'est prouvé dans la cour, après ça ils sont poursuivis, puis tu vois ça dans les médias. Demain, tu prends de la boisson, demain tu conduis négligemment dans des cours, demain tu conduis négligemment n'importe où, tu vas penser que tu peux être poursuivi.

Puis, ensuite de ça, je sais que, dans l'autre débat, j'ai entendu: Bien, qu'est-ce qui arrive à une famille dont le père a commis un acte criminel? C'est qui qui va perdre? Les enfants de ces gens-là? Non. C'est pour ça qu'on a une assurance sur les automobiles. C'est pour ça qu'on a une assurance qui protège des recours civils. Si on n'est pas dans la province de Québec, on est protégé par cette assurance-là qu'on paie. Puis je sais qu'en Ontario t'as un recours civil contre un conducteur «grossly negligent or criminally negligent», puis c'est ton assurance que tu achètes qui paie le recours civil contre toi. Puis je suis sûr que ça, là, s'il y a des «cases», tu vois que t'as fait un acte criminel or «grossly negligent». Demain, tu pars ton char soûl ou tu conduis pas comme il faut, pas comme les normes; tu vas penser beaucoup parce que t'as une chance de perdre tout.

M. Baril (Arthabaska): Remarquez, je ne suis pas un spécialiste des assurances, mais j'ai été un bon bout de temps, voilà deux ans, c'est-à-dire, à travailler comme parlementaire pour revoir le système des assurances, et, de mémoire, en tout cas, certaines compagnies d'assurances, il me semble qu'elles ont des clauses que, si même s'il était assuré, si quelqu'un était en boisson ou jugé criminel, les assurances ne paieraient pas. Donc, ça donnerait quoi si on permettait un recours? La personne serait obligée de se prendre une autre assurance, puis, si elle est en boisson, l'assurance ne paierait pas plus. Donc, je ne suis pas certain, moi, que la personne serait davantage consciente du fait qu'elle conduit en état d'ébriété, qu'elle n'a pas d'affaire en arrière d'un volant en soi. Donc, je ne pense pas que ça pourrait... Puis, en plus, on a des chiffres, des statistiques qui démontrent d'autant plus que majoritairement les personnes qui se font arrêter en état d'ébriété, très majoritairement, c'est des gens qui ont un bas revenu. Donc, quand bien même qu'on reviendrait contre quelqu'un qui n'a pas d'argent, il ne sera pas plus capable de payer. Donc, l'alcool au volant, c'est plus une question de sensibilisation des gens. Et, aussi notre bilan routier s'améliore quand même considérablement au Québec, les gens sont de plus en plus conscients que de conduire en état d'ébriété, tu ne peux pas faire ça. Elle a dit «ne peut plus», mais tu n'as jamais le droit de le faire, tu ne peux jamais conduire en état d'ébriété.

Mme Morin (Lyne): Mais je pense que la plupart des personnes au Québec pensent que leur assurance, «liability insurance», c'est ça qui les couvre, qui les protège contre quelqu'un qui peut les poursuivre civilement. Pourquoi pas que cette assurance-là pourrait payer pour ces criminels-là? On pensait que c'était pour ça qu'on avait des assurances. On n'attaque pas la famille, on attaque l'assurance. Pourquoi on ne peut pas poursuivre l'assurance de la personne ou la personne qui a ces assurances-là? Tout le monde a les assurances «liability», tout le monde.

M. Baril (Arthabaska): Bien, je ne veux pas refaire l'histoire, mais vous saviez comment c'était avant, quand il n'y avait pas le «no fault». Il y avait des poursuites au civil, bien entendu, qui se prenaient. Ça prenait deux, trois, quatre, cinq, six ans avant que ça se règle, puis, le règlement final, c'étaient les avocats qui se le partageaient. Ça fait que la famille ou les proches, il ne leur restait pas grand-chose de plus.

Mme Morin (Lyne): Mais, nous autres, on parle de la négligence grossière ou criminelle, pas les «fender-benders» puis toutes des affaires comme ça. On parle de la négligence grossière et criminelle.

M. Fisher (William): Et puis je suis sûr que ça va montrer les précédents à tout le monde. À tout le monde.

M. Baril (Arthabaska): Bon, écoutez, je comprends bien votre position, d'autant plus que, pour compenser, la Société, depuis le mois de janvier, elle a augmenté quand même l'indemnité aux parents. Mais, peu importe le montant de l'indemnité, ça ne remplace jamais l'enfant, hein? Ça, j'en conviens et je comprends très bien votre douleur sur l'accident qui s'est produit.

(17 h 10)

Mme Morin (Lyne): Mais, même pour juste savoir les indemnités, c'est comme tirer les dents de quelqu'un, vous le savez, hein, c'est très difficile. Les durées de temps pour même avoir une compensation, c'est rendu ridicule. Des familles comme nous autres, quand il y a quelqu'un comme Bill où c'est juste lui qui travaille dans la famille, comment est-ce qu'on est capable de continuer? On ne peut pas, on a les mains attachées. Quelqu'un vient dans ta cour tuer ton enfant, puis tu ne peux pas rien faire, ce n'est pas correct, surtout quand la personne... C'est totalement un acte grossier.

Une voix: I think it's important...

M. Baril (Arthabaska): Nous sommes conscients de ce que vous apportez là, et c'est pour ça que, déjà depuis trois semaines, un mois, là, la Société d'assurance a mis en place un nouveau système où est-ce qu'il y a une personne qui sera dans les établissements de santé pour tout de suite, je vais dire, prendre en charge, remplir les papiers, pour accélérer justement les... pour ne plus qu'il y ait de délais ou le moins possible de délais pour venir en aide aux parents victimes de...

M. Fisher (William): Ça, c'est un autre sujet, l'indemnisation, mais c'est bien important de comprendre que, nous autres aussi, on trouve qu'un recours civil ça va changer beaucoup de choses. Beaucoup de vies vont être sauvées, puis des accidents comme le nôtre, ça ne se reproduira pas parce que les compagnies vont prendre soin des chauffeurs qui sont sur la route. Puis, s'ils sont en forme, s'ils suivent un guide de conduite préventive... Parce qu'il va y avoir un recours civil s'ils ne suivent pas ce guide, et puis je pense que ça prend un accident à vous-même pour comprendre «the thoughts of a victim». C'est parce que, nous autres, on n'a rien. Nos mains sont attachées avec les lois, et puis il n'y a pas de justice. C'est la seule chose, au Québec, tu ne peux pas avoir de justice là-dedans. Et puis «the real facts do not ever come out». Elles ne sortent jamais, les vraies histoires. Même la police, dans notre situation, elle ne dit: On ne fait rien, Bill. Elle dit: Ça tombe sur le «no fault».

Mme Morin (Lyne): Ils ne font pas leur investigation comme il faut parce qu'ils nous ont dit que ça tombait sur le «no fault».

M. Fisher (William): Même, ici, j'ai trouvé quelque chose avec le Québec ombudsman qui suggérait que somebody that is grossly negligent should be able to be pursued. And this was done in 1996 – if you're interested in having a copy, I have copies of it – under his study concerning the accident on the Boulevard Métropolitain, and he makes the same suggestion as our Committee. I'd like to present you with this if I could. It's on page...

Mme Morin (Lyne): Page 62.

M. Baril (Arthabaska): Écoutez, je vous remercie de vous être déplacés pour présenter ce mémoire-là et je peux vous dire également que M. Chevrette, le ministre des Transports, est très sensible à la formation préventive au niveau des camionneurs. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Johnson, brièvement.

M. Boucher: Juste un petit mot. Merci, M. Bordeleau, de me permettre de le dire. Je veux juste témoigner du travail exceptionnel, à partir de l'événement que cette famille-là a vécu en Estrie, qu'elle a fait pour aider à améliorer les choses. Ils ont réussi au niveau d'Hydro-Québec. Ils ont eu l'appui de beaucoup de gens, et je pense que leur démarche, elle est très légitime. Le gouvernement ne partage pas nécessairement tous les points de vue qui sont émis, mais la famille Morin-Clifford est une famille tout à fait exceptionnelle de ma région qui apporte une contribution importante à la réflexion que nous avons habituellement en commission parlementaire. Je les remercie et les félicite.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je veux également vous féliciter pour votre présentation. Je pense que c'est important que des gens comme vous, comme M. Zamprelli tout à l'heure, qui ont vécu ces situations-là, viennent nous sensibiliser aux conséquences que ça a pour les gens qui demeurent autour aussi. Et je pense que, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, souvent, le gouvernement a peut-être une tendance à régler ces cas-là à partir de la loi, à partir des mécaniques qui sont là, mais on oublie souvent les personnes.

Et, dans votre cas particulier, j'ai eu l'occasion de parler aussi avec mon collègue Robert Benoit, le député d'Orford, et M. Charest. Vous avez eu l'occasion de lui parler aussi. Alors, je comprends très bien le drame que vous avez vécu, et le point de vue que vous venez nous présenter est quand même un point de vue qui nous est présenté par plusieurs personnes. M. Zamprelli, je pense, y faisait référence tout à l'heure. D'autres sont venus, d'autres vont venir, et je pense que ça mériterait que le gouvernement et la SAAQ y réfléchissent sérieusement et regardent qu'est-ce qui doit être fait de ce côté-là. Je pense que c'est sous le contrôle du gouvernement. Le gouvernement peut faire ce qu'il veut là-dessus. Mais, nous, ce qu'on aurait souhaité, c'est que ça se fasse dans un débat beaucoup plus large, qu'on regarde ces situations-là et qu'on essaie, au fond, d'apporter les ajustements nécessaires qui sont justifiés.

Et je comprends très bien la situation dans laquelle vous êtes. Quand on a une personne qui travaille pour un organisme public, qui va sur votre terrain, à vous, pas sur la voie publique, qui rentre sur votre terrain, qui, par manque d'attention, on peut appeler grossière négligence – je n'ai pas à me prononcer là-dessus – tue un enfant, comme il l'a fait dans votre cas, on comprend très bien tout le drame que ça peut représenter. Et de se sentir ensuite démuni, par la suite, ça, c'est l'autre partie qui est aussi difficile. Tu sais, ça arrive sur le terrain privé, par un organisme public, et on est en droit de se demander, comme vous l'avez fait: Est-ce que les gens sont bien préparés? Est-ce que toutes les mesures de prudence ont été prises? Et vous avez suggéré, dans le cas des grandes compagnies où il y a un certain nombre de camions, qu'il devrait y avoir des cours de conduite préventive. Alors, je pense que, de ce côté-là, c'est tout à fait raisonnable.

Je ne sais pas, la première question que je voudrais vous poser, c'est: Est-ce que vous avez eu l'occasion d'avoir un feedback sur cette suggestion-là au niveau d'Hydro-Québec? Est-ce qu'Hydro-Québec a apporté des changements, a mis en place des mesures de conduite préventive, a essayé, disons, à la suite des suggestions que vous avez faites, d'apporter des modifications de façon que ce genre d'événement là ne se reproduise plus?

M. Fisher (William): Ils sont supposés ne pas rentrer dans ta cour si t'es en dessous de 80 km/h. C'est le «speed limit». Mais j'ai vu, cet été – it upset me quite a bit – qu'ils ne suivent pas ces règlements, parce qu'un gars de lecture a rentré dans les cours encore à Ayer's Cliff, puis I was a witness to it. So, without a precedent, it'll never happen, and I think if a precedent was set as we go back to, tu vas voir, ça va commencer à réagir. C'est bien, bien important.

Et puis l'autre chose – je voudrais bien terminer mon temps de parole – c'est que, moi-même, comme on a expliqué, je n'ai pas eu le droit d'être indemnisé par la SAAQ, et puis M. Chevrette m'a dit que, bien, dans le National Assembly, en mai, our family would be indemnified. To this date, I have not been indemnified. Alors, this is much too long for claims at the Régie de l'assurance automobile. It has to be cleaned up, and things have to move faster for victims.

M. Bordeleau: C'est pour ça que je voulais revenir sur ce point-là. J'ai eu connaissance un peu de tout ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale dans votre cas, et effectivement, tout à l'heure, la SAAQ nous disait: On apporte des changements, on fait des modifications, et tout ça. Mais on a quand même un cas qui est difficile à comprendre. Un accident arrive en juin 1997, on va être en juin 2000 dans quelques mois, trois ans après, et on n'a pas réussi encore... Et vous avez fait référence à l'intervention du ministre au mois de mai dernier, et, pratiquement deux ans et demi, trois ans après, on n'a pas encore réglé quelque chose quand même de fondamental pour la famille, l'indemnisation du chef de famille qui, à cause de cet accident-là, a été dans un contexte où ça lui a été difficile d'assumer son travail. C'est dur à comprendre, ça, et ça aussi, ça aurait pu faire l'objet de la discussion ou d'un débat ouvert, le genre de relations qui existe et aussi les services donnés par la SAAQ.

Vous avez eu cette difficulté-là. Je pense que vous avez eu aussi – madame, vous y avez fait référence tout à l'heure – des difficultés au niveau du remboursement des frais de psychologue. Et je pense que l'événement auquel vous avez fait référence, quand on vous a demandé: Qu'est-ce que vous avez à cacher? c'est inadmissible, c'est inacceptable. Alors, ça, je pense que... De toute façon, je suis certain que les autorités de la SAAQ vont être d'accord avec nous là-dessus que ce n'est pas de ce genre de façon là qu'on peut traiter les personnes. Et c'est une chose de dire que les services sont là, ils sont disponibles, qu'il peut y avoir des indemnisations, du remboursement de services psychologiques, mais, quand on a un cas où on se retrouve trois ans après, pratiquement, puis ce n'est par réglé encore, je pense qu'il y a un problème.

(17 h 20)

M. Fisher (William): Puis aussi que la SAAQ... Juste une petite histoire. Une famille, ça va faire deux ans à Noël... Nous autres, we didn't know who they were. I'm going to say this in English. We didn't know who they were. Two months after their accident, we decided to call them to see if we could give them any moral support. We were stronger. They came to our house, and we spent three or four hours together. This is two months after their accident. The lady is in tears. She is not aware that she is eligible for psychological help. She needs help. Why doesn't the SAAQ call these people? They receive the police report. It's not a question of money, it's a question these people need help. Help them.

Mme Morin (Lyne): C'est comme si personne ne savait vraiment pour quoi ils sont couverts, parce que, premièrement, comme je vous avais dit, on n'a même pas de police d'assurance. On ne sait même pas pour qu'est-ce qu'on est couvert. Ils nous envoient ça après qu'on a fait la réclamation. Il faut qu'on les appelle, il faut qu'on remplisse toutes les feuilles. Pensez-vous qu'on est capable de faire ces choses-là aussi, en plus de tout commencer à remplir les formulaires puis... C'est ridicule.

M. Bordeleau: Non, je pense qu'il y a un effort sûrement du côté de la SAAQ, là, à faire pour mieux informer les gens au moment où ils sont capables de l'absorber et puis de le comprendre, c'est-à-dire avant qu'il arrive des accidents. Et je pense aussi, en toute objectivité, que le moyen que le gouvernement a mis en place, où, dans les hôpitaux, il y aura des infirmières qui arriveront tout de suite au moment pour voir si... ça, ça va sûrement aider aussi. C'est tout nouveau, mais je pense que c'est une mesure quand même qui va être appréciée et qui va dans le bon sens. Mais je pense qu'il ne faut pas prendre pour acquis que tout est réglé avec cette mesure-là, il devrait y avoir plus d'information donnée, là, avant que les événements se produisent, de sorte que les gens puissent savoir un petit peu quelles sont les possibilités advenant une situation aussi pénible.

Alors, moi, c'est tout. Je veux vous féliciter, en terminant, pour le travail que vous avez fait depuis cet événement-là. Je le mentionnais au début, c'est important que des gens mettent des efforts, des énergies et viennent sensibiliser le gouvernement à des changements qui seraient de nature à améliorer la situation. Souvent, et on peut comprendre, des gens vivent la même situation et se retirent, puis ne veulent plus en parler pour essayer de l'oublier, mais je pense c'est important qu'il y ait des personnes qui investissent et qui viennent nous le dire exactement, et qu'elles soient sensibilisées et qu'elles viennent sensibiliser le gouvernement, surtout, par rapport à ce genre de réalité. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, messieurs, pour votre présence, ici, à l'Assemblée nationale aujourd'hui, à cette commission parlementaire. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement M. Peter Krantz à prendre place à la table pour son exposé et pour les échanges avec les parlementaires. C'est dommage qu'on n'ait pas les caméras de télévision.

Une voix: Ah, c'est ça, on a des choses à montrer.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. Krantz, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


M. Peter Krantz

M. Krantz (Peter): Bon, le premier point. Je vais fermer la section sur les casques, là, en dedans de deux minutes. Les casques sur les bicycles... Ça, c'est un vieux casque de 25 ans. C'est un vieux, vieux casque, il est très pesant, très fort. Tu ne peux pas faire ça avec les casques d'aujourd'hui. Moi, la question est ceci. Bien, les casques puis les bicycles de montagne sont reliés ensemble. Les casques de vélo sont venus vraiment apparents en même temps que les bicycles de montagne. Can I speak in English?

Une voix: ...

M. Krantz (Peter): Non?

Une voix: Non.

M. Krantz (Peter): Parce que, pour moi, c'est plus facile.

M. Baril (Arthabaska): Non, non, vous pouvez parler en anglais, mais, moi, je vous dis que je ne comprendrai pas, je ne parle pas anglais. Vous pouvez parler en anglais, je n'ai pas d'objection...

Le Président (M. Lachance): Ah non, non, vous avez la possibilité...

M. Baril (Arthabaska): ...vous avez le droit.

Une voix: Vous avez le droit.

M. Krantz (Peter): On the helmet issue, I'm gonna speak in English because I wanna get this clear and sweet, and over and done with. I have 10 minutes, and I am not going to waste my time on it.

The thing with the helmets is mountain bikes and helmets came together. O.K.? Helmets are very useful when you're mountain biking. If you fall over, you might hit your head. The reason is it's slow impact. With a mountain bike, you don't go 30, 50 miles per hour, you go 20, 10, even at slower speeds. And if you fall over, you hit your head, it will prevent you having a head injury. Now, the problem with helmets is when we put them on the roadway with cars. Cars have got excess speed of 50 miles per hour, 70 miles per hour. So, if someone gets hit by a car and is wearing a helmet, the helmet is totally ineffective.

And the other curious thing with mountain biking is... If you look at the statistics, everyone talks about the percentage of people wearing helmets, it is 20 %, or whatever, on the roadways, but if you look on the mountain bikes, 95 % to 99 % of the people wear helmets, and there's no bylaw that tells them to wear a helmet. This is really curious, we don't need a bylaw to wear helmets. Everyone who knows about helmets wears a helmet mountain biking. So, the bylaw doesn't exist, and 95 % of the people wear helmets. Why? Because helmets are very effective when you're mountain biking. When you're riding on the roadway...

I use my bike to commute all the time. If I go to the dépanneur, I get on my bike, go two blocks, come back. Should I wear a helmet? No. Why? I'm going on a little side road, I know which way I'm going. The probability me hitting a car is negligible, the probability a car hitting me is still high, but that's it. So, there's no need for a helmet in a situation like that.

Le gouvernement met beaucoup d'emphase sur les casques, la prévention, mais je n'ai jamais vu, à date, un casque qui ait évité un accident. Jamais. Le casque, il vient en jeu seulement après l'accident. Si ça vient en jeu après l'accident, est-ce que ça a évité un accident? Non. Point final. Donc, si on met plus d'emphase pour éviter les accidents, on n'aura pas besoin du casque. C'est logique. Moi, je parle de logique, pas le gouvernement que... Portez-vous un casque? Puis vous serez un cycliste sécuritaire. Pourquoi le gouvernement fait ça? C'est tout simplement parce que, pour eux, ça coûte moins cher, parce qu'on va faire un règlement qui va amener les gens à porter un casque, puis, comme ça, on laver nos mains, puis on a fait quelque chose pour les cyclistes.

Ça, ça mène au prochain point. Les casques, c'est fini. Moi, je ne veux plus parler des casques. Moi, ce qui est plus important s'appelle infrastructures. Infrastructures pour les cyclistes, ça n'existe pas. Vous allez parler des pistes cyclables, ta, ta, ta, ta, ça, ce n'est pas vrai. Pour les cyclistes, les pistes cyclables, ça n'existe pas, parce que les pistes cyclables qui sont faites à Montréal... Je parle en particulier de Montréal, là, il n'y a pas de pistes cyclables au centre-ville. Aucune. À Toronto, on a des pistes cyclables au centre-ville. À Ottawa, on a une piste cyclable au centre-ville. À Vancouver, on a une piste cyclable au centre-ville. À Montréal, y en a-tu? Non.

Ça, ça mène à la prochaine question: C'est qui qui représente les cyclistes? La recherche que j'ai faite à date, là, pour les cyclistes, c'est curieux, il y en a cinq organisations qui représentent les cyclistes. Cinq. Le ministère des Transports du Québec, bien, eux autres, ils font des pancartes pour les cyclistes, puis le Code de la route, puis tout ça. Vous avez la Société de l'assurance automobile du Québec. Mais, eux autres, ils sont intéressés dans la sécurité des cyclistes, donc la prévention des... bien, pas la prévention, mais éviter les dommages après l'accident. Donc, eux autres, ils insistent sur les casques. Vous avez les municipalités. Bien, les municipalités, là, elles insistent pour que je me promène avec des réflecteurs sur mon bicycle. Ça, c'est le Code de la route.

Pourquoi les réflecteurs sur les bicycles? Parce que les autos, elles ont des réflecteurs. Les réflecteurs sur les autos, c'est: Quand l'auto est stationnée sur le bord de la route, les réflecteurs marchent pour éviter qu'une autre auto rentre dans l'autre. Mais un réflecteur sur un bicycle, là, et spécialement celui qui rentre dans la roue... Un réflecteur marche seulement quand une lumière arrive dessus, puis il projette la lumière. Le réflecteur dans la roue, le seul temps que c'est visible, c'est quand le bicycle est devant l'auto. Vous comprenez? Le seul temps qu'il est visible, c'est quand il est devant l'auto, point final, pas avant l'intersection. S'il était visible avant l'intersection, là, le gars en auto, il pourrait voir le cycliste. Mais, quand le cycliste arrive devant lui, bien c'est trop tard, l'auto a frappé. Ça, c'est l'histoire.

(17 h 30)

Puis, moi, je me suis promené en ville le soir, j'ai déjà fait des lumières qui vont dessus un casque, une petite lumière de même. J'ai montré ce concept à Louis Garneau avec ce casque-ci. Bien, lui, il est allé faire un casque avec les lumières avec la subvention du gouvernement, puis tout ça. Malheureusement, il l'a mal fait, ce n'était pas un bon design. Ce n'était pas beau à voir, puis ça ne s'est vendu nulle part. O.K.? Ça, c'est parce qu'il est mal fait, pas parce que le concept est mauvais. Le concept du bicycle, puis le casque, puis les lumières de casque, pourquoi ça? Je vais distribuer ça à vous autres. Vous pouvez regarder les instructions en arrière, ça explique tout de suite pourquoi ça marche.

Moi, je me promenais ce soir-là en bicycle puis je me suis fait arrêter par deux policiers en bicycle. Sais-tu pourquoi? Parce que je n'avais pas de réflecteur sur mon bicycle. Mais malheureusement j'avais ce casque-là sur ma tête. Moi, j'en ai plusieurs, bicycles, je n'ai pas plusieurs lumières. Moi, j'ai inventé ce casque-là puis il marche très bien, et ça m'a sauvé.

Pourquoi j'ai inventé ce casque-là? En 1989, je me suis fait frapper par un char de police. Il fallait que j'aille en cour pour gagner ma cause de 500 $, juste les dommages pour mon bicycle et mes vêtements. J'ai été frappé par un char de police avec deux sergents là-dedans. Qu'est-ce qu'ils ont répondu? Ils ne m'avaient pas vu. C'était le soir. Là, j'ai pensé: Il y a une solution à ça, mettre des lumières sur le bicycle. Pourquoi je l'ai mise sur le casque? C'est parce que le casque, c'est le point le plus haut sur le bicycle – ça, c'est simple, logique – le point le plus haut, le plus visible. Pas en bas sur les pédales, pas dans les roues, c'est le point le plus haut avec les lumières.

Puis les policiers m'ont arrêté puis j'avais ce casque-là sur ma tête. Je n'ai pas reçu un billet, j'ai reçu deux billets, 27 $ chaque. Je les avais contestés, ils étaient rendus en cour, je n'ai pas été avisé. Là, aujourd'hui, ils sont rendus à 450 $. 450 $. L'huissier est venu chez nous le 3 janvier, à 6 h 30.

Ce casque-là, il y a des lumières autour, 360 degrés de visibilité. Lequel est le plus visible? Si tu fermes les lumières, tu vas avoir... meilleur raisonnement.

L'autre question. Vous autres, vous êtes supposés être bien informés, puis je pose une question simple puis logique, puis ça, c'est la base; si vous n'êtes pas capables de répondre à cette question-là, c'est comique parce que – je ne l'ai pas – la question est simple. Un bicycle est supposé rester à droite de la chaussée, suivre le même sens que le trafic. Parfait. Jusque-là, ça va. Mais la question que je vais poser, c'est très pertinent puis très, très important, parce que, autrement, on ne peut pas parler des casques, des règlements des casques, des règlements de ça, parce que ça ne sert à rien. La question est: Quel espace le bicycle occupe à droite de la chaussée? Quel espace? Y en a-tu? Y a-tu une réponse du ministère des Transports?

M. Baril (Arthabaska): Quand on fait le... dans la politique du vélo puis que le ministère des Transports asphalte ce qu'on appelle l'«accotement», il y a des mesures, une largeur qui est définie.

M. Krantz (Peter): Mais quel espace le bicycle occupe sur cette largeur-là? La largeur des roues?

M. Baril (Arthabaska): Non, non, pas la largeur des roues, voyons.

M. Krantz (Peter): Bien, selon les autos, c'est la distance entre les deux roues, hein?

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi, M. Krantz. On va continuer, mais je comprends maintenant que nous avons entrepris la période d'échanges avec vous.

M. Krantz (Peter): Non. Je vais continuer parce que j'ai des autres choses. Dix minutes, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lachance): Oui, mais, justement, votre à 10 minutes, il reste une minute.

M. Krantz (Peter): O.K., il reste une minute.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Krantz (Peter): Moi, si tu regardes dans la documentation, j'avais proposé un abri pour les courriers en centre-ville à Montréal en 1996. O.K.? J'ai présenté ce projet-là à la ville, mais, eux autres, ils m'ont répondu: On n'a pas de fonds. Puis ils ont coupé le budget pour les pistes cyclables, tout. O.K.?

L'année passée, au mois de juillet, Trizec ou Place Ville-Marie, Trizec Hahn qui dirige Place Ville-Marie, j'ai rapproché eux autres parce que le problème avec les courriers, ça existe encore, ils n'ont pas d'abri, rien. Personne ne s'en occupe, d'eux autres. Personne. Puis les courriers, c'est eux autres qui passent toute la journée sur leur bicycle, puis personne n'a osé demander à eux c'est quoi, la nécessité pour les courriers, qu'est-ce qu'on peut faire pour les courriers pour améliorer leur système de vie. Il n'y en a pas.

Puis j'ai proposé ce projet-là. Là, la première fois, la ville a décidé de ne rien faire parce qu'elle n'a pas de fonds. C'est toujours la même histoire. Là, Trizec a décidé de mettre 100 000 $ pour le projet. On est allé rencontrer la ville, juillet passé. Puis Trizec, il nous a dit: On va mettre 100 000 $ pour faire cet abri-là pour régler notre problème aussi. C'est dans leur intérêt aussi. Bien, aujourd'hui, on est le mois de février, le mois de juillet, ça fait sept mois, est-ce que j'ai eu une réponse de la ville? Rien. Absolument rien.

Le Président (M. Lachance): Je dois vous demander de conclure, M. Krantz.

M. Krantz (Peter): Puis l'autre chose, juste un dernier détail, il y en a cinq, organisations qui sont responsables des cyclistes: le ministère des Transports, l'assurance automobile, les municipalités puis finalement Vélo-Québec puis les entreprises privées. Cinq. C'est le bordel. Qui est responsable des cyclistes, le bien-être des cyclistes? Il n'y en a pas. Le Transport, il fait les pancartes. Vélo-Québec, il fait la Route verte pour les bourgeois qui ont des chalets dans le Nord. Moi, je reste dans le centre-ville, je ne peux pas me servir de la Route verte. Je ne peux pas me servir de la Route verte, excuse-moi, je n'ai pas d'auto. Comment je me rends à la Route verte?

Le Président (M. Lachance): Alors, on doit mettre fin à votre présentation. J'invite le ministre délégué aux Transports à aborder la période d'échanges avec vous.

M. Baril (Arthabaska): Oui. Mais d'abord, M. Krantz, je dois vous informer que, si M. Chevrette n'est pas ici, c'est parce que ses obligations l'ont amené à un autre comité ministériel. Il s'en excuse. Je suis son ministre délégué, et la personne qui est à côté de moi, c'est elle, au cabinet de M. Chevrette, qui s'occupe de tout ce dossier-là. Et soyez assuré que M. Chevrette sera mis au courant et très bien informé de toute votre présentation.

Premièrement, je dois vous dire – avec tout le respect que je vous dois: Vous êtes un peu difficile à suivre. Parce que vous dites que...

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez vous asseoir.

M. Baril (Arthabaska): D'abord, vous nous dites qu'on n'a pas besoin de loi pour le port du casque obligatoire et vous finissez votre intervention comme si vous demandiez au gouvernement de légiférer pour que les villes fassent des abris pour les courriers. Bien là, c'est ça que je vous dis, dans ce sens-là vous êtes un peu difficile à suivre. Vous êtes contre qu'on fasse des lois pour port du casque, puis il faudrait obliger les villes à faire des abris pour les courriers. Donc, ça, c'est une affirmation selon moi qui n'est pas défendable.

L'autre chose, quand vous dites: La Route verte, c'est uniquement pour les gens qui ont de l'argent puis les bourgeois, bien là encore une fois je vous inviterais à venir dans les campagnes du Québec où ce que la Route verte existe, est établie, et vous allez vous apercevoir qu'il y a des familles, puis pas uniquement des familles de bourgeois, qui utilisent la Route verte, qui est un programme de plus en plus en demande, de plus en plus utilisé.

Après ça, vous avez, au niveau du ministère des Transports, la Politique du vélo qui justement pour améliorer, pour rendre accessible davantage la pratique du vélo, et pas nécessairement juste pour les bourgeois, élargit les routes. On élargit pour justement rendre plus sécuritaire la pratique du vélo. Donc, là, il faudrait faire attention sur les expressions que vous utilisez, et, je le répète, avec tout le respect que je vous dois.

Il est vrai aussi... Puis ce n'est pas dans les intentions du ministre, pas dans la compréhension du ministre l'effet de dire que, si on rend le casque obligatoire, automatiquement il n'y aura plus d'accidents. Voyons! Poser la question, c'est y répondre. Un casque, c'est sûr que porter un casque, ce n'est pas ça qui va empêcher les accidents. Mais par contre, lorsqu'il y aura accident, bien, c'est fort possible que les dommages qui seront causés à l'accidenté seront moins grands que s'il n'avait pas de casque du tout. Et là-dessus...

M. Krantz (Peter): Oui, mais, si tu évites l'accident, là, il n'y aura pas de dommages corporels.

M. Baril (Arthabaska): Mais, monsieur, est-ce qu'on est...

M. Krantz (Peter): Si tu détermines que le casque va éviter tous les accidents...

M. Baril (Arthabaska): Bien non, ce n'est pas ça que je dis. C'est exactement...

M. Krantz (Peter): Bien oui, c'est ça que tu viens de me dire.

M. Baril (Arthabaska): Bien non. Je vous ai dit: Même si on rendait le port du casque obligatoire, ce n'est pas ça qui va empêcher d'avoir des accidents. C'est exactement ce que j'ai dit. Vous avez compris le contraire de ce que j'ai dit. Donc, et je le répète, il y a le Dr Denis qui est venu ici, qui est chef du département de traumatologie à Montréal, qui a démontré, preuve à l'appui, expertise à l'appui, que des personnes, à cause du port du casque, elles se sont sauvé la vie. Mais ce n'est pas le casque, je le répète, qui empêcherait l'accident, voyons. Ce n'est pas la ceinture de sécurité dans l'automobile qui a empêché les accidents. C'est la même chose, là, il ne faut pas mêler les affaires.

(17 h 40)

M. Krantz (Peter): Oui, mais y a-tu l'infrastructure pour les cyclistes? Exemple, comme j'ai demandé la question, la réponse à «C'est quoi, l'espace que le cycliste occupe à droite?», personne n'est capable de répondre. Selon le Code de la route, c'est marqué qu'une automobile devrait faire le trajet autour d'un cycliste quand c'est sécuritaire, mais ça ne détermine pas la grandeur du cycliste. Parce que, moi, je me promène en bicycle tous les jours, je travaille comme courrier. Le fait que je sois ici vivant aujourd'hui, vous devriez m'écouter dans ce sens-là, parce que je connais qu'est-ce qui se passe dans le domaine. La «road rage», vous connaissez, c'est quoi, ça? Moi, j'ai subi les gens qui sont sortis de leur auto après qu'ils m'ont coupé, là, puis ils ont couru après moi, puis sauté sur moi. O.K. En bicycle.

M. Baril (Arthabaska): Mais il y a d'autres cyclistes aussi, que je ne sais pas comment on pourrait les définir, il y a d'autres cyclistes aussi. Puis je ne défends pas les automobilistes, parce qu'il un respect mutuel qui doit se faire entre les deux, et c'est pour ça d'ailleurs que... Vous n'avez pas l'air trop à y croire, vous dites: Le ministère des Transports fait juste ça. On a fait de la publicité, entre autres, dont je me souviens, le slogan, c'était La route, ça se partage .

M. Krantz (Peter): Bien oui, je le sais, la route se partage.

M. Baril (Arthabaska): Si vous me permettez, M. Krantz, ce que j'allais dire, c'est qu'il y a des cyclistes aussi qui sont loin de respecter aussi les lois de la circulation, qui vont aller dans les villes, ils vont couper les automobilistes, ils vont aller partout, ils vont se fouter des lumières...

M. Krantz (Peter): Combien?

M. Baril (Arthabaska): ...ils vont pivoter sur une même place avant de passer. Ça là il faut faire attention aussi là-dessus.

M. Krantz (Peter): Combien d'automobilistes ont été blessés par un cycliste?

M. Baril (Arthabaska): Bien, voyons donc, monsieur.

Une voix: Bien, il est dans une voiture.

M. Krantz (Peter): Bien, tu dis qu'on est un danger. Combien... Ma mère...

M. Baril (Arthabaska): Ne généralisez pas. Le pire là, c'est que vous voulez généraliser, et vous voulez généraliser les paroles que j'ai dites. J'ai dit certains cyclistes ne respectent aucune loi; la rue leur appartient, puis c'est à l'automobiliste à arrêter, puis tasse-toi, c'est moi qui passe, c'est à moi le chemin. Je ne généralise pas, je vous dis que certains cyclistes sont comme ça.

M. Krantz (Peter): Je vais vous donner un exemple. Laissez-moi vous donner un exemple personnel. Moi, quand je me promène sur la rue Sainte-Catherine, c'est deux voies, même sens. D'accord? Si je reste à droite, selon le Code de la route, il y a plusieurs problèmes. Il y a des piétons qui sortent entre les autos, les portes d'autos qui ouvrent, les autos tournent à droite. Il y en a trois, problèmes, là, qui s'occasionnent si je reste à droite de la chaussée comme je suis supposé. Mais, si, moi, je me promène entre les autos, moi, je n'ai pas peur. Pourquoi? Parce que les autos jamais n'approchent plus que ça. Donc, je sais que je peux passer entre les autos, ou quoi que ce soit. Puis, le fait que je roule entre les autos, en plein milieu, je peux voir les piétons qui traversent, puis il n'y a pas d'auto qui va tourner devant moi pour me couper. Ça, c'est un problème majeur. Ça arrive tellement souvent, là, en bicycle, que je me promène sur la chaussée à droite, qu'il y a une auto qui me dépasse puis que, aussitôt qu'elle me dépasse, elle tourne à droite.

Est-ce qu'on est sensibilisé à ce problème-là? Moi, ce que propose, là, c'est: donne-moi un Handycam, je vais me promener en ville pendant deux semaines puis je peux te montrer toutes les images que les automobilistes font contre les cyclistes. Vous n'êtes pas au courant de ça.

M. Baril (Arthabaska): Non, non, un instant. J'ai dit, là... Je ne défendais pas...

M. Krantz (Peter): Vous ne vous promenez pas en bicycle tout le long de la journée au centre-ville contre les autos. C'est ça, l'affaire.

M. Baril (Arthabaska): Je vous ai dit tout à l'heure que je ne défendais pas les automobilistes qui ne respectent pas les cyclistes, comme je ne défendais pas non plus les cyclistes à qui la rue appartient puis qui ne respectent aucune loi. C'est ces personnes-là que je dénonce. Puis je dis: Il y a autant un travail à faire d'un côté comme de l'autre.

M. Krantz (Peter): Oui, mais c'est toujours les cyclistes qui sont blâmés, tandis que je dis: Les cyclistes ne tuent pas les automobilistes.

Une voix: Les polices ne les arrêtent même pas.

M. Baril (Arthabaska): En tout cas.

M. Krantz (Peter): Toutes les campagnes de publicité que vous faites: Portez-vous un casque... Même les problèmes des pistes cyclables. Vous avez les poteaux en métal qui divisent les autos puis les cyclistes. Ces poteaux-là, c'est affreusement dangereux pour un cycliste parce que, si moindrement il rentre en contact avec le poteau, il va prendre la forme du poteau. Ce n'est pas une bonne division entre les automobiles puis les cyclistes. La feuille que vous avez, photocopiée devant vous, là, je vous montre une division entre les automobiles puis les cyclistes. C'est une bordure avec un rond. Aussitôt que le cycliste va dévier, il va embarque sur le rond puis il revient dans le chemin, mais, s'il touche à un trottoir comme la photo en haut, il va tomber automatiquement. Donc, je vous donne une suggestion tout de suite comment on peut rendre les pistes cyclables plus sécuritaires.

Le Président (M. Lachance): En conclusion.

M. Baril (Arthabaska): Vous parlez des poteaux qui séparent la voie des automobilistes des cyclistes, certaines villes, comme ici, à Québec, entre autres. Je la donne en exemple. Vous allez prendre Sainte-Foy, Sillery, elles ont des beaux pots de fleurs, voyez-vous, hein, qui séparent la voie. Mais, si un cycliste poigne le pot de fleurs, c'est aussi dangereux pour lui que s'il poigne un poteau.

M. Krantz (Peter): Non, parce que le poteau est large de même et que le pot de fleurs est large de même. Donc, le point d'impact est plus petit, donc il y a plus de danger.

M. Baril (Arthabaska): Bon, en tout cas. Je vous remercie de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Vous nous faites des suggestions au niveau des infrastructures. Disons qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues aussi qui nous ont parlé des infrastructures en général, des améliorations possibles, justement dans le but de prévenir au fond des accidents. Je pense qu'il y a peut-être un travail à faire de ce côté-là. Mais la question que je me posais, c'est: Dans la région de Montréal, vous faisiez référence aux différents groupes qui s'occupent du vélo, il y a Vélo Québec qui est quand même situé à Montréal, et tout ça, est-ce que ce groupe-là est en relation avec la ville, en relation avec le gouvernement? Est-ce que vous avez eu des contacts avec eux? Est-ce que vous trouvez que ce groupe-là fait le travail qu'il devrait faire, parce que c'est quand même le groupe le plus important?

M. Krantz (Peter): Moi, j'en ai eu plusieurs, contacts, avec eux, O.K. Mais à date ça n'apporte rien parce que Vélo Québec, c'est une association à but non lucratif. Je vais donner un exemple. Cinq ans avant, la ville était en charge de donner les cartes pour les pistes cyclables. Ça, c'est une carte de pistes cyclables. Aujourd'hui, là, si vous voulez avoir une carte de la piste cyclable, qu'est-ce qu'il faut faire? Cinq années avant, c'était la ville qui était en charge de distribuer ces cartes-là, aujourd'hui qui est responsable de ces cartes-là? C'est Vélo Québec qui prend soin de ça, et il vend ça dans sa boutique à 2,99 $. Et c'est la seule place. C'est chez eux, sur la rue Rachel et au parc Lafontaine. Donc, est-ce que les cartes de pistes cyclables sont distribuées pour les Montréalais, pour les gens de Montréal? Non. Ce n'est pas accessible. Vélo Québec a pris la responsabilité de ça. Je peux continuer avec d'autres histoires.

M. Bordeleau: Non, mais la question que je vous posais, c'est: Est-ce que Vélo Québec a fait des représentations à la ville de Montréal sur les infrastructures?

M. Krantz (Peter): Non. Parce que, quand je suis allé voir la ville, une fois, j'ai parlé du vol de bicyclettes, et la ville a dit: On ne savait pas ça, nous autres. Mais le président, Jean-François Pronovost, il s'est fait voler ses bicycles dans le garage chez eux deux fois de suite. Personne ne parle de ça, mais il s'est fait voler ses bicycles chez eux deux fois. Est-ce qu'ils ont mentionné le vol de bicyclettes, qu'il y a un problème avec ça? Et ça, ça amène un autre problème. Les racks de bicycles qui existent dans le moment, c'est pour les voleurs. C'est conçu pour les voleurs parce que le système pour ancrer le bicycle, ça ne marche pas. Ça a été mal conçu. Ce n'était pas conçu pour les bicycles. C'est comme «prehistoric». C'est vraiment mal fait.

Par exemple, tu enlèves ton siège de bicycle quand tu te stationnes. Le voleur se promène en bicycle et il regarde les bicycles. Aussitôt qu'il voit un siège enlevé d'un bicycle: Ah, le bicycle vaut quelque chose, je vais aller checker. Parce que la personne a enlevé le siège, elle, elle pense qu'elle va sauver le siège, mais elle a perdu le bicycle. Ça, c'est un exemple simple. L'autre exemple, c'est quand tu l'attaches, ton bicycle, après le rack, il faut que tu démanches ta roue, il faut que tu joues après, puis tout ça. C'est quoi, la différence entre un voleur qui travaille sur ton bicycle et quelqu'un qui veut serrer son bicycle? Il n'y en a pas. Donc, moi, j'ai une photo ici de comment régler ce problème-là. C'est... Écoute, comme je dis, moi, je suis déçu, là. Si je pogne une amende de 350 $ parce que je n'ai pas de réflecteur sur mon bicycle puis j'ai ça sur mes mains, il y a un problème.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il y a des normes qui actuellement, disons, doivent être respectées par les fabricants de bicycles pour l'éclairage ou les réflecteurs? Quand on a fait un bicycle, est-ce qu'il est équipé automatiquement?

M. Krantz (Peter): Un bicycle et une automobile, c'est deux concepts différents. Pourquoi le transport aérien ne s'occupe pas du transport sur les routes? Parce que c'est deux domaines complètement différents. Ça, c'est le problème. C'est que, quand vous avez le ministère des Transports qui s'occupe des automobiles, les réflecteurs sur les automobiles, elles ont toutes des réflecteurs, sur tous les coins de l'auto. Parce que, moi, quand je passe le soir avec ces lumières-là, je regarde les autos et je vois les réflecteurs qui reflètent cette petite lumière là. Sur toutes les automobiles, c'est comme ça. Je sais que mon casque est allumé. Donc, les réflecteurs sur les autos, là, ça marche quand elles sont stationnées. Mais essaie de voir un réflecteur sur une auto quand elle est en marche.

M. Bordeleau: Non, mais le genre d'éclairage ou de réflecteurs sur les vélos, est-ce que ça ne pourrait pas être mis après le vélos au moment où il est fabriqué?

(17 h 50)

M. Krantz (Peter): Ce n'est pas la question où est-ce qu'on met les réflecteurs et quand est-ce qu'on met les réflecteurs. Les réflecteurs qu'on impose sur les bicycles... Comme les deux policiers, ils avaient leurs réflecteurs sur les bicycles, mais après qu'ils sont partis – il y avait quatre lumières, deux lumières sur chaque bicycle, une en avant, une en arrière – ni l'une ni l'autre marchaient sur les deux bicycles. Puis ils m'ont donné un ticket. Puis ça prenait six policiers pour me donner deux tickets. Parce que, là, un des policiers a tombé à terre sur Sainte-Catherine. Là, tout d'un coup, il y avait deux autres chars de police qui sont arrivés. Donc, il y avait six policiers là pour me donner deux tickets de pas de réflecteurs.

Il y a un problème. L'application de la loi, puis tout ça, ça ne marche pas. Parce que l'histoire des réflecteurs, ce n'était pas conçu pour les bicycles. Le réflecteur dans les roues, je peux montrer physiquement que ça ne marche pas. Je peux montrer physiquement...

M. Bordeleau: S'il y avait des lumières à ce moment-là?

M. Krantz (Peter): S'il y avait une lumière, c'est visible. Parce que regarde, si quelqu'un arrive dans une intersection... Moi, ça m'est arrivé une fois, j'ai failli frapper un cycliste. Puis, moi, je fais bien attention, je conduis une auto. Donc, je connais qu'est-ce qui se passe. J'arrivais à une intersection en T, le soir, quasiment au coucher du soleil. C'était dans un champ, un gros champ. Je ne voyais pas d'auto. J'ai regardé à gauche, à droite, je n'ai pas vu d'auto. Je commence à avancer, tout d'un coup un cycliste est arrivé devant moi, que je n'avais pas vu. Mais j'ai vu devant moi quand il est arrivé devant mes lumières, puis j'ai vu qu'il avait tout le système de réflecteurs dans ses roues, puis tout ça. Mais, heureusement, je n'avançais pas vite, j'étais capable de m'arrêter sur le coup. Mais quand est-ce que j'ai vu les réflecteurs? Quand il était devant moi. Si je voyais le cycliste avant qu'il arrive dans l'intersection, ce serait plus facile à éviter.

Puis 30 % des cas des accidents automobile-bicycle, 30 % des cas, l'automobiliste n'a pas vu le cycliste. Donc, si on est capable de régler ces 30 % là en mettant plus d'infrastructures, en d'autres mots des pistes cyclables, qui vont déterminer qu'une automobile puis un cycliste sont séparés, puis que ce n'est pas danger entre les deux, ça va aller mieux. Parce qu'en Chine, jusqu'à cinq ans passés, il n'y avait pas de problème avec les cyclistes, les gros dommages de cyclistes, puis tout ça. Mais maintenant que les automobilistes commencent à être de plus en plus, en Chine, il y a plus de cyclistes qui sont blessés. À cause des autos, pas à cause des cyclistes. À cause des autos qui vont à «excess» vitesse. Puis le mélange entre cyclistes puis les automobiles, c'est l'alcool puis le volant. C'est la même chose, ça ne marche pas.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Krantz. Vos propos ont été soigneusement enregistrés. Comme vous le savez, ici, tout ce qui est dit est écrit. Alors, certainement qu'on pourra s'inspirer. Vous avez des bonnes idées, mais vous avez une façon bien particulière de les exprimer. Alors, merci.

Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission au mercredi 9 février 2000, à 9 h 30, dans la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

(Fin de la séance à 17 h 53)


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