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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 24 février 2000 - Vol. 36 N° 42

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Guy Chevrette
M. Michel Côté
M. Yvan Bordeleau
M. Norman MacMillan
*M. Raymond Hénault, Intervenants cyclistes de la région de Lanaudière
*M. Richard Lavigne, COPHAN
*M. Guy Déry, idem
*M. Ronald Beauregard, idem
*Mme Gisèle Dupont, idem
*Mme Chloé Serradori, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Poulin (Beauce-Nord) remplace M. Benoit (Orford) et M. MacMillan (Papineau) remplace M. Middlemiss (Pontiac).


Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, cet avant-midi, nous allons tour à tour entendre des représentants de... d'abord, Intervenants cyclistes de la région de Lanaudière; à 10 h 30, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec; et, finalement, vers 11 h 30, M. Guy Paquette, avant l'ajournement de nos travaux pour une bonne période de temps.

Je rappelle aux personnes qui sont dans la salle, ici, y compris les députés, que les téléphones cellulaires doivent être fermés.

M. Chevrette: Surtout les députés.

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Fermés. Sans plus tarder, j'invite, j'imagine, M. Raymond Hénault, à nous faire part des commentaires des Intervenants cyclistes de la région de Lanaudière, en lui indiquant qu'il a un maximum de 20 minutes pour nous faire part de ses commentaires sur le livre vert avant d'aborder la période d'échanges avec les parlementaires.


Intervenants cyclistes de la région de Lanaudière

M. Hénault (Raymond): Ça va. Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, il nous fait grandement plaisir d'être à cette commission pour vous faire part de nos opinions et de nos commentaires sur le cyclisme. Je voudrais tout simplement vous faire part également que, évidemment, c'est Vélovirée, Vélotournée, club cycliste Vélodyssée de Repentigny, Cyclistes de Lavaltrie et plusieurs cyclistes de la région de Lanaudière qui se sont associés à moi pour ce mémoire. Mais, comme vous le comprendrez, mes collègues étant au travail, ce n'était pas facile pour eux de pouvoir se libérer, et, comme moi, bien, je suis à la retraite, j'avais plus de disponibilité pour pouvoir m'y rendre, alors ça me fait plaisir d'être ici pour présenter ce mémoire sur le vélo.

Alors, tout comme chaque activité dont la pratique grandit en popularité, le vélo nous amène inévitablement à nous questionner sur la sécurité de sa pratique. Cependant, l'idée de voir germer une législation rendant obligatoire le port du casque cycliste constitue-t-elle réellement la voie à adopter? Cette solution hâtive et facile permettrait certainement de réduire le nombre de blessés graves, mais empêcherait-elle les accidents de se produire? Car là se situe véritablement la question. C'est pourquoi on doit donner la priorité aux actions qui préviennent les accidents tout en instaurant d'autres actions qui vont atténuer les effets. En tant qu'organisateurs et responsables de clubs cyclistes, nous souhaitons favorablement le port du casque à vélo, mais nous nous opposons catégoriquement à une législation à cet effet.

Notre argument est fondé sur trois points principaux, soit la prévention et la sensibilisation; la responsabilité et le droit individuel; ainsi que l'application des mesures législatives déjà en place.

La prévention et la sensibilisation. Bien entendu, notre objectif n'est pas, ici, de minimiser l'apport sécuritaire du casque à vélo, mais bien d'évaluer son poids dans la balance des facteurs d'influence. Quoique la pratique du vélo ait triplé depuis 30 ans, on recense la moitié moins d'accidents reliés à cette activité, et ce, sans le port obligatoire du casque. Sans doute, peut-on réduire ce nombre en misant sur une loi restrictive? Ce n'est pas notre avis. Il vaudrait mieux de pencher sur la prévention et la sensibilisation concernant le port du casque et, surtout, sur l'attitude des cyclistes et des automobilistes sur la route. Il y a quelques années, le slogan À vélo sans casque, es-tu tombé sur la tête? a envahi nos écrans, et on a vu la publicité du médecin et de son jeune patient qui avait été victime d'une chute à vélo. Mais est-ce suffisant? On ne semblait viser qu'un seul aspect de la problématique, alors que d'autres éléments s'y rattachent. À quand les publicités qui s'adresseront aussi aux automobilistes et aux cyclistes casse-cou, à mettre l'accent sur des efforts d'éducation afin d'inciter les cyclistes à respecter les règles de sécurité communes à tous les usagers du réseau routier et à sensibiliser les automobilistes au partage de la route?

(9 h 40)

Application des mesures législatives déjà en place. La nouvelle législation que souhaite instituer la commission amène également un lot de questionnements en rapport avec son application. Nos préoccupations sont principalement orientées vers les lois déjà en vigueur et sur lesquelles on ne semble pas avoir le contrôle malgré qu'elles soient la cause de nombreux accrochages ou accidents. Nous pensons, entre autres, à l'obligation d'utiliser un système d'éclairage adéquat pour la pratique du vélo en soirée, aux cyclistes qui roulent trop souvent dans le mauvais sens de la circulation ou qui ne respectent pas la signalisation ainsi que certains autres qui se servent même des trottoirs pour leurs déplacements. Également, ne faudrait-il pas revoir les responsabilités des municipalités et autres partenaires, notamment pour améliorer l'entretien des voies publiques? Exemple: orientation des couverts de puisards, des bandes cyclables, les nids-de-poule, la signalisation.

Avant de légiférer sur le port du casque, peut-être faudrait-il faire respecter les mesures déjà en place et se questionner sur les modalités d'application d'une telle législation. Pourquoi ne pas miser sur l'essentiel plutôt que de s'entourer de lois accessoires ne servant qu'à calmer les inquiétudes de notre bonne conscience? À ce rythme, on se verra bientôt dans l'obligation de revêtir coudes et genouillères pour s'adonner à cette activité de loisir, situation qui, à notre avis, deviendrait tout à fait hors de proportion, comme le port obligatoire du casque.

Dans un autre ordre d'idées, une telle législation viendrait inévitablement contrer les efforts des différentes organisations qui tentent de promouvoir l'activité physique et la pratique du vélo par la tenue de divers événements cyclistes populaires. On dépense déjà beaucoup d'énergie à promouvoir ces activités et à en planifier la logistique, s'il faut également voir à ce que chacun des participants respecte le port du casque, on ne s'en sortira pas, d'autant plus que plusieurs se verront brimés dans leur liberté et reprocheront à l'organisation d'afficher des règles trop sévères pour ces expéditions que l'on souhaite légères et divertissantes. En outre, une application de ce genre aux événements populaires ouvrirait facilement la porte aux abus de pouvoir de certaines autorités qui souhaiteraient voir disparaître ce genre d'activité qui perturbe parfois le cours normal de la circulation.

Responsabilité et droits individuels. Quoique conscients du facteur de protection que procure le casque de vélo, la majorité des cyclistes en critiquent le confort et le style. Pour ces raisons, entre autres, plusieurs préfèrent ne pas l'utiliser lorsqu'ils circulent sur la route. La plupart d'entre eux sont déjà responsabilisés et informés des risques qu'une chute peut occasionner, mais ils choisissent tout de même de rouler sans protection. Doit-on s'opposer à une telle attitude? À notre avis, c'est un choix personnel que l'on se doit de respecter. Chacun décide de la voie à suivre et est prêt à assumer les conséquences de ses actes. Puisqu'une telle attitude n'entraîne aucun préjudice à autrui, on ne peut tout de même pas se permettre de brimer ce droit légitime qu'est la liberté de choisir.

Si l'on souhaite vraiment que plusieurs adeptes adhèrent au port du casque, on doit mousser sa promotion en démontrant l'efficacité de cet équipement. Il faut amener les cyclistes à changer d'attitude face à son utilisation et leur faire réaliser que le casque constitue une assurance supplémentaire et non inutile. Cette sensibilisation doit toutefois se réaliser dans un esprit volontaire. Autrement, on risque plutôt de développer une aversion certaine pour cette activité de plus en plus populaire, utile et bénéfique pour la santé et l'environnement. À titre d'organisateurs d'événements et participants à de nombreuses randonnées cyclistes à travers le Québec, nous avons pu constater l'amélioration sur le port du casque. Peut-être trouvez-vous que ça ne va pas assez vite, mais nous croyons que les actions de nombreux intervenants portent fruit.

Alors, en conclusion, nous estimons que l'on doit continuer à promouvoir le port du casque cycliste, mais, sur cette base volontaire, il revient à chacun de prendre et d'assumer la responsabilité de ses actions. Nous croyons qu'il serait beaucoup plus judicieux et éclairé d'intensifier les campagnes de sensibilisation et d'éducation auprès des jeunes, qui, lorsqu'ils deviendront la prochaine génération d'utilisateurs, à une plus grande échelle, auront compris l'importance du port du casque obligatoire. C'est vers eux que doivent se conjuguer les efforts tout en continuant à sensibiliser et à responsabiliser les cyclistes plus âgés.

De plus, l'opinion qui lie le port du casque à la diminution d'accidents devrait être revue et réorientée. Oui, le casque peut éviter des traumatismes majeurs, mais il ne réduit pas le risque d'accidents. Pour remédier à cette situation, on devrait plutôt miser sur une meilleure éducation pour les cyclistes et les automobilistes en les invitant à partager harmonieusement le réseau routier et créer un environnement favorable à la pratique du vélo par des pistes cyclables et l'asphaltage des accotements sur les routes.

Enfin, avant de mettre en place de nouvelles mesures législatives, peut-être faudrait-il remettre en cause l'application de celles qui sont déjà en place. De même, une réflexion devrait être faite sur la promotion de l'activité physique et de la pratique du vélo. On devrait alors se pencher sur l'influence que pourrait avoir une telle réglementation sur les habitudes des cyclistes. En cette ère où la santé publique et la qualité environnementale occupent beaucoup de place, ce serait d'aller à contre-courant de favoriser une loi qui incite à l'inactivité et au troc du vélo pour l'automobile.

Alors, voici. Écoutez, comme j'en ai fait mention dans le mémoire, j'ai l'occasion d'organiser dans notre région deux événements majeurs de vélo où on accueille à chaque année des centaines et des milliers de cyclistes qui viennent participer à nos événements. Nous avons l'occasion, évidemment, de voir et de suivre l'évolution de ce côté et d'inciter de façon remarquable nos cyclistes, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé qu'on vous distribue un feuillet, que vous avez en avant de vous, qui s'appelle Vélovirée . Et, de façon à créer un incitatif, bien notre concept est un vélo avec le casque de vélo, donc, qui est distribué à coup de milliers justement pour inciter les gens, évidemment, à s'arrêter et à penser au casque à vélo.

D'autre part, lors de événements qu'on tient, alors on a environ 80 % à 85 % des gens qui sont porteurs du casque. D'autres, c'est un choix qu'ils font. Chez les jeunes, ils sont nombreux à le porter, et les parents apportent une attention particulière. Alors, il reste qu'il y a encore du travail à faire, et je pense que des incitatifs importants seraient fort intéressants et sûrement un élément essentiel dans le processus au niveau du port du casque à vélo.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Hénault. M. le ministre des Transports.

M. Hénault (Raymond): Alors, c'était ici. C'était au niveau des slogans. On a vu la publicité du médecin et de son jeune patient qui avait été victime d'une chute à vélo. Mais est-ce suffisant? On ne semblait viser qu'un seul aspect de la problématique, alors que d'autres éléments s'y rattachent.

M. Chevrette: O.K. C'est parce que j'avais interprété que vous liiez ça à un témoignage qui a déjà été entendu ici. Je n'avais pas porté toute l'attention, donc je m'excuse. Parce que je considère que tous les éléments du puzzle sont importants, y compris les traumatismes crâniens reliés aux chutes en vélo, et qu'on ne doit pas, de part et d'autre, ridiculiser les situations dramatiques auxquelles on a à faire face dans ce dossier.

Où je voudrais discuter dans un premier temps, c'est sur le principe, que vous mettez de l'avant, de la liberté individuelle. Moi, je vous rejoins sur le principe de la liberté. Où ça commence, par exemple, la liberté individuelle, et où ça finit par rapport à un droit collectif? Je suis libre, personnellement, de me mettre un casque ou de ne pas en mettre, c'est tout à fait vrai, mais la collectivité pourrait-elle être libre de payer ou de ne pas payer si je ne me protège pas? Je vous pose la question.

(9 h 50)

M. Hénault (Raymond): Alors, c'est une question, évidemment, qui est fort intéressante et...

M. Chevrette: À laquelle je veux une réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je ne veux pas le qualificatif de ma question, je veux une réponse à ma question.

M. Hénault (Raymond): Écoutez, moi, c'est évident que le port du casque, il est important, que les traumatismes, il faut tenter de les éliminer, il faut développer chez les individus un comportement, évidemment, sécuritaire. Il reste qu'il y a des gens, en tout cas, qui ne font pas de vélo et qui se retrouvent avec des situations semblables, avec des traumatismes sérieux et plus que sérieux, et est-ce qu'on pourra un jour arriver à éliminer ça? Alors, si je regarde, actuellement, les hôpitaux, ils ne sont pas remplis de gens qui ont eu des traumatismes crâniens à cause du vélo, là, je pense que c'est minime par rapport à la quantité. D'autre part, également par rapport à ceux qui font du vélo, malheureusement il y a des cas qui se présentent, mais est-ce qu'on pourra les éliminer? Alors, ça, ce n'est pas assuré. Je pense que, même si on fait une promotion tout à fait...

M. Chevrette: Mais ce n'est pas le sens de ma question, M. Hénault. Je vais recentrer ma question pour vous permettre, de façon bien pointue, de me répondre. Si j'adhère au principe de la liberté individuelle de faire ce que je veux, est-ce qu'on peut reconnaître que le pendant, c'est de reconnaître la liberté collective de ne pas payer pour quelqu'un qui fait à sa tête sur le plan individuel? Est-ce que vous êtes d'accord avec le pendant de ça?

M. Hénault (Raymond): Pas nécessairement. Pas nécessairement, dans ce sens que...

M. Chevrette: Mais comment conciliez-vous, d'abord, la liberté individuelle de faire ce que je veux avec l'obligation du public de payer pour vous? C'est ça, la question. Comment vous conciliez ça? C'est une question fondamentale, ça. Moi, Jean-Jacques Rousseau, là, je l'ai lu. J'ai connu ça, du jansénisme, mais je voudrais savoir exactement où ça mène, la liberté individuelle par rapport à des droits collectifs d'agir ou de ne pas agir.

M. Hénault (Raymond): Bien, où ça mène? Moi, je vais vous dire un exemple concret. Je posais la question justement à un cycliste qui a 65 ans, qui, lui, n'a jamais porté le casque à vélo, alors, lui, au lieu de porter un casque à vélo, il va s'arrêter de faire de l'activité. Moi, si je prends mon cas à moi, alors c'est évident que je ne suis pas un porteur de casque, je prends le risque. J'ai été jeune, j'ai fait évidemment des activités casse-cou également, on a pris des plonges, on est tombé, on s'est relevé et la vie a continué. Dernièrement, j'ai vu, lors d'une activité de vélo où la personne était vraiment en protection, casque de vélo, et tout ça, et cette personne-là s'est retrouvée à plat ventre sur l'asphalte, et, c'est bien sûr, ce n'est pas son casque qui l'a protégée, elle est allée frapper ses lunettes sur l'asphalte. C'est dépendant de la situation. Alors, moi, je me dis que quand...

M. Chevrette: Vous ne répondez pas. Je prends acte que vous ne répondez pas, M. Hénault. Vous m'embarquez d'abord dans la ligne que vous voulez répondre. Les gens ont-ils arrêté de conduire leur auto parce qu'on les a obligés à s'attacher?

M. Hénault (Raymond): M. le ministre, il y en a de nombreux qui ne s'attachent pas encore.

M. Chevrette: Très peu. Seriez-vous surpris que je vous dise que c'est le plus haut taux à travers le monde? Plus de 95 % s'attachent. Et ça s'est fait d'abord par la sensibilisation, et par après le coercitif est venu déclencher. On plafonnait à 35 %, 40 %, puis ça ne montait pas. Tout d'un coup, la loi est arrivée, il y a eu des opérations, et aujourd'hui on est le peuple le plus exemplaire là-dessus. Puis il y a des cas, là, vous pourriez me prouver que ça a causé la mort, la ceinture, mais le bilan, un pour l'autre, est très positif en faveur de la ceinture. Il est prouvé, dans la vie, que seulement une éducation et de la sensibilisation plafonnent. On plafonne, par exemple, à 26 % maintenant dans le port du casque. On va continuer dans la même trame, pendant 10 ans, à dépenser bon an, mal an quelques millions par année pour sensibiliser? Même les parents ne donnent pas l'exemple. Ils partent avec leur jeune: Toi, mon petit, mets ton casque, puis, moi, je pars pas de casque. Sur la 138, sur la 132, sur l'ancienne 2, sur la route de Saint-Gabriel. Elle n'est pas dangereuse, votre route, chez vous, pantoute, tu sais, en allant à Saint-Charles-de-Mandeville puis Saint-Didace, puis bonjour, Luc! Je connais le coin. Pensez-vous vraiment qu'on peut laisser une liberté individuelle tout en demandant à la collectivité de payer pour quelqu'un qui veut faire à sa tête? Répondez-moi à cet aspect-là, c'est ça que je vous pose comme question.

M. Hénault (Raymond): Alors, moi, ma position là-dessus, c'est oui, parce que, peu importe qu'il y ait une loi ou pas, il y aura toujours des risques. Peu importe ce qu'on va y faire, il y aura toujours des risques. Si on pouvait les éliminer, bravo, mais je ne crois pas qu'on pourra les éliminer. Mais, en allant à contraire, moi, ma crainte – et je pense qu'elle est fondée sur... – les gens qui en font la pratique et qui ne sont pas des porteurs, alors, vont tout simplement éviter de faire la pratique du vélo, qui est de plus en plus populaire, utilitaire et qui maintient et qui entretient la condition des gens.

M. Chevrette: Mais seriez-vous d'accord, par exemple, que demain matin l'Assemblée nationale vote une loi qui dirait ceci: Vous êtes libre de porter le casque ou pas, mais, advenant que vous êtes impliqué dans un accident, vous serez soustrait du système d'assurance? Par exemple.

M. Hénault (Raymond): Bien, moi, comme j'en faisais mention tantôt, je me dis que c'est toujours à risque. Que ça soit au niveau du vélo ou dans d'autres domaines, on marche sur la rue, on ne sait jamais ce qui va nous tomber sur la tête.

M. Chevrette: Vous n'êtes pas politicien, là, vous êtes un témoin qui devez arrêter de patiner puis donner la réponse. Je ne vous pose pas ça comme question. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de risque, on est bourré de risques. Je sais ça, on est bourré de risques, souvent même sur le bord du terrain chez nous. Ce n'est pas ça que je veux savoir, je sais ça, moi, puis, vous aussi, vous le savez. Je vous dis: Si, demain matin, l'Assemblée nationale votait que vous êtes libre de porter le casque ou pas, mais que, si vous êtes impliqué dans un accident d'automobile, ou de n'importe quoi, de la route, ou si vous tombez sur une route, vous serez soustrait de toute indemnité du régime actuel, puisque vous avez décidé, dans votre liberté individuelle, de ne pas porter le casque, quelle serait votre réaction?

M. Hénault (Raymond): C'est bien sûr que ma réaction, ça serait: Ce n'est pas acceptable. Alors, pour moi, ça ne serait pas acceptable. Déjà, il y a un régime qui est en place, et on paie pour ce régime-là, donc il doit nous couvrir. Alors, moi, je me dis: Ça dépend toujours du comportement des gens. Si c'est un comportement abusif, comme il y en a qui font, évidemment que le risque est plus grand. Mais, encore là, moi, je me dis que le régime doit être là, peu importe ce qui arrivera.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous payez comme cycliste, comme vélo... Quel est le coût annuel au régime d'assurance maladie du vélo?

M. Hénault (Raymond): Le coût?

M. Chevrette: À l'assurance automobile?

M. Hénault (Raymond): Quel est le coût?

M. Chevrette: Le coût annuel.

M. Hénault (Raymond): Je ne pourrais pas vous dire.

M. Chevrette: Il n'y en a pas. Donc, vous ne payez pas pour ça.

M. Hénault (Raymond); Non, mais, je veux dire, pas nécessairement par rapport...

M. Chevrette: C'est d'autres qui paient tout en respectant votre liberté individuelle. J'ai bien de la misère à concilier les principes, ce matin, avec vous.

M. Hénault (Raymond): Oui, oui, je comprends, mais, comme on en faisait état tantôt, le risque, il est partout. Alors, ça, c'en est un parmi tant d'autres au niveau du risque. Alors, c'est dans cette optique-là.

M. Chevrette: Moi, j'ai bien de la misère. Il y a un nommé Middlemiss, qui est député de Pontiac, qui disait, il y a à peu près trois ans, ici, devant cette Assemblée, sur le même sujet: J'ai été surpris, ce matin, M. le Président, d'apprendre du ministre – ou cet après-midi – que, dans le cas du port du casque à vélo, il a dit non. En l'occurrence, je pense que c'était mon collègue Brassard qui, à l'époque, avait dit non, et M. Middlemiss était l'ex-ministre des Transports, lui. Je crois qu'il avait précédé M. Brassard. Je ne suis pas sûr, mais... Peu importe si je me trompe de quelques mois peut-être, mais c'est à peu près ça qui se passait, et on disait ceci: Oui, il semblerait que le port du casque a plafonné. Il a plafonné à à peu près 25 %. Et 25 %, ça, c'était il y a trois, quatre ans. On est à 26 % à peine présentement. On voit les limites de la sensibilisation, de l'information. Ça ne vous inquiète pas, ça?

(10 heures)

M. Hénault (Raymond): Non, ça ne m'inquiète pas pour la raison suivante, et là je vais aller dans un exemple qui est différent.

Alors, prenons les compagnies de cigarettes qui ont fait énormément de publicité, qui se sont impliquées et qui ont vendu, qui ont permis à des événements de se développer. Alors, ils ont réussi, eux autres, à faire fumer un paquet de gens qui, aujourd'hui, sont pris du cancer. Alors, ils sont arrivés, ils investissaient à coups de millions. Alors, moi, je ne suis pas convaincu qu'actuellement on investit à grands coups à ce niveau-là, au niveau d'inciter les gens, créer des incitatifs. Les incitatifs n'ont pas été là. Il y a des gens qui prennent le vélo, qui sortent le vélo une fois par année. Alors, ces gens-là, s'il y avait de la formation, des cours au niveau des jeunes, au niveau de l'école, pas juste faire de la théorie, mais faire aussi de la pratique avec eux... Je me souviens, à l'époque où j'étais enseignant, je peux vous dire qu'on vivait de quoi sur le terrain. Ce n'était pas juste sur le tableau, là, c'était le concret. Alors, dans cette optique-là, je me dis: Si ces compagnies ont réussi à vendre un produit qui est néfaste et qui tue, alors pourquoi, dans un autre domaine, on ne peut pas trouver des formules où on pourrait créer davantage?

Moi, si je regarde au niveau de l'investissement, si je regarde en termes d'événements, il y a très peu d'investissements, alors c'est nous qui assumons la totalité de la promotion, de la visibilité ou, enfin, de créer un impact. Alors, quand l'assurance automobile du Québec s'est impliquée, on recevait une enveloppe de 1 000 $. À 1 000 $, on n'imprime même pas 5 000 copies. Le graphiste a travaillé, puis il n'y a plus d'impression. Alors, on n'avait pas tellement de soutien. Alors, dans cette optique-là, je me dis, moi: Si on crée un impact vraiment majeur et qu'on supporte ceux qui sont des acteurs sur le terrain, on va jouer un rôle beaucoup plus efficace et sûrement qu'on va sensibiliser des gens. Moi, je peux vous dire que, comme je ne suis pas un porteur de casque, je me fais dire régulièrement, par rapport à mon statut social, si vous voulez: Comment ça se fait que l'organisateur ne porte pas un casque? Alors, j'explique aux gens le pourquoi, et ça va.

M. Chevrette: Mais, à vous écouter, tous ceux qui passent devant nous, là, vous faites tous de la promotion, vous avez tous des hauts pourcentages de port du casque dans vos adhésions, puis, quand on regarde le niveau national, c'est à 26 %. Il y en a qui ont déambulé devant nous autres, puis c'était à 80 %, un groupe était à 80 %, 90 %. Dans l'Outaouais québécois, c'est supposé être 48 %. À tous vous écouter, toute la gang, là, on serait peut-être probablement à 70 % puis, quand on fait le sondage, on est à 26 %, puis scientifique. Qu'est-ce qui se passe? Ça me fait penser à un syndicat qui commence à booster ses chiffres pour venir à bout de voir qu'il est représentatif. Il souffle et il multiplie par deux ou trois. C'est quoi qui arrive pour arriver à un pourcentage aussi bas dans les faits quand on vous entend tous dire que ça va bien?

M. Hénault (Raymond): Là, je ne peux pas vous... En tout cas, moi, je peux vous dire qu'au niveau des événements les gens sont porteurs. Moi, à 80 %, je suis à l'aise avec ça pour vous dire que les gens portent le casque au niveau des événements, en tout cas, au niveau de mes événements, et j'en fais de nombreux à travers le Québec. Et de plus en plus on porte le casque, et on se le fait dire régulièrement. Et, dans notre véhicule promotionnel qu'on fait, on en fait état de façon constante.

Et mon inquiétude, et je pense que l'inquiétude de plusieurs... En tout cas, moi, j'ai parlé à de nombreux cyclistes à l'intérieur de la région. Et ceux qui n'en font pas, ceux qui sont des gens qui demeurent dans des milieux et qui prennent le vélo pour faire le tour du carré, alors, eux autres, ça les inquiète de constater qu'ils auront l'obligation de porter un casque quand ils vont faire un petit tour du carré ou enfin de la route qui passe en avant de la résidence. Alors, ce qu'ils veulent avoir, c'est plus un accotement en asphalte pour avoir évidemment un espace pour pouvoir circuler plutôt que de faire l'acrobate sur la ligne blanche.

M. Chevrette: ...j'en ai parlé aux policiers.

M. Hénault (Raymond): Pardon?

M. Chevrette: Il y en a même des vélos qui valsent devant les policiers, vous savez, puis ils n'ont a pas un coup de sifflet seulement pour dire: Tassez-vous. Ça, là-dessus... Et vous réclamez... Est-ce que vous réclamez, comme Vélo Québec, le respect intégral des lois par la Sûreté du Québec?

M. Hénault (Raymond): Oui, effectivement. Alors, moi, je suis tout d'accord avec ça. Je dois vous dire que ça fait de nombreuses années que je circule sur la route et je n'ai jamais vu d'interventions policières qui se sont faites par rapport à un automobiliste autant que par rapport à un cycliste. Et ça, je pense que ça s'impose.

M. Chevrette: On a reçu des statistiques, que je déposerai, de la police de Montréal. Il semble qu'à Montréal il y a quand même quelques infractions pas mal plus élevées que dans le reste du Québec. On va les déposer.

M. Hénault (Raymond): Effectivement.

M. Chevrette: Voici qu'est-ce qu'ils nous ont donné hier. Il y a exactement... de ce nombre, 845 constats ont été émis pour des infractions relatives à l'utilisation d'une bicyclette. 845 dans une année, à Montréal, ce n'est pas beaucoup, là, quand on regarde le 1 000 000 de population, et tout. Mais, quand même, il y en a, alors qu'ailleurs il n'y en a à peu près pas. De ce nombre, 27 %, c'est sur feux rouge; 23 %, c'est pour avoir circuler sur les trottoirs; 15 %, c'est pour de ne pas avoir circulé dans le même sens que la circulation – en d'autres mots, ils s'en viennent en sens inverse; 13 % pour ne pas avoir installé les feux et phares obligatoires – ça, ça doit être probablement le soir ou dans la nuit; et 2 % pour avoir circulé avec un baladeur. Vous allez en avoir aussi un autre, je suppose... Donc, il y a un début à...

Des voix: ...

M. Chevrette: Baladeur, excusez, c'est la fameuse radio, je suppose, la musique. Tu n'entends pas les klaxons, dans ce temps-là.

M. Hénault (Raymond): Voilà.

M. Chevrette: Donc, vous voyez, au moins Montréal a des statistiques. Et je voudrais les déposer pour la commission. Mais, dans le reste du Québec, on n'a pas eu de statistiques. Donc, je vous remercie, parce qu'il y a un de mes collègues qui veut poser une question.

Le Président (M. Lachance): Oui. En vous signalant qu'il reste un petit peu moins de quatre minutes, M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): J'ai une question. Bonjour, M. Hénault, bienvenue à cette commission. On voit que c'est clair que vous êtes favorable au port du casque, mais vous n'êtes pas pour une législation. Mais, en même temps, vous dites qu'on devrait davantage faire respecter la loi qui existe déjà concernant les cyclistes. Mais j'aimerais vous entendre un peu plus sur le comment.

On voit qu'à Montréal il y a des efforts qui se font. Mais, lorsqu'un cycliste, justement, ne respecte pas la loi en vigueur, que ce soit au niveau de l'éclairage lorsqu'il circule le soir ou la nuit, roulant trop vite ou dans le mauvais sens de la circulation, puis souvent aussi il ne respecte pas les signalisations... Comment faire appliquer une législation lorsque souvent les cyclistes, d'abord, il n'y a pas de plaque d'immatriculation, souvent ils n'ont pas de pièce d'identité sur eux autres? Alors, est-ce que vous pourriez un peu nous parler ou nous avancer quelques suggestions relativement à l'application encore plus poussée de la législation actuelle?

M. Hénault (Raymond): D'abord, la loi, elle est existante sur ça, donc le policier doit intervenir. Mais le policier, au lieu de circuler en auto, s'il était en vélo comme ceux qui pratiquent le vélo, ce serait peut-être différent également. Donc, on n'en voit que très peu. Montréal en a davantage. Alors, ça, je pense que c'est évidemment des cas qui sont existants.

D'autre part, je pense que, quand je parlais d'incitatifs, c'est de créer aussi... pas juste de créer des contraventions, là, c'est de donner aussi un incitatif, de quoi qui est agréable. Ça peut être une note, ça peut être un certificat. Maintenant, il s'agit d'imaginer, de regarder, de faire une créativité de ce côté-là pour tenter de bonifier le comportement exemplaire ou enfin des comportements corrects au niveau des cyclistes. Ça peut être à l'intérieur...

Écoutez, quand on parle des événements qu'on organise où on se retrouve à coup de milliers sur la route, on encadre les gens, et ces gens-là sont encadrés sécuritairement, ils sont heureux, ils sont contents, ils apprécient ça. Donc, on pourrait remettre à ces gens-là, au moment qui... Et c'est ce qu'on fait également au niveau de l'organisation. On leur remet un certificat comme quoi ils ont participé et ils se sont comportés de façon sécuritaire. Donc, il y a des incitatifs. Mais je pense qu'on pourrait aller plus loin et remettre et créer... C'est pour ça que je vous dis que je n'ai pas toutes les réponses non plus. Mais il m'apparaît que, de ce côté, il y a une faiblesse au niveau des incitatifs. Il ne faut pas toujours que ça soit pénalisant, mais que ça soit aussi récompensant, et ça, je pense que ça serait une bonne note pour y arriver.

D'autre part, il y a également aussi, je pense, au niveau des cyclistes, où les cyclistes peuvent intervenir. Moi, je peux vous dire que, constamment, quand je vois des choses, ce n'est pas une question d'engueuler les gens, là, mais, quand même, on en fait état, on en fait le propos, on en discute quand c'est possible de le faire, mais on en parle. En tout cas, le fait de le souligner et de leur rappeler qu'il y avait un risque à faire ce qu'ils venaient de faire, sans leur donner une ligne de conduite, je pense que ça peut amener à réfléchir. Je pense que c'est des actions de base mais surtout des incitatifs pour récompenser les gens qui font des bonnes actions.

M. Côté (La Peltrie): Lorsque c'est un jeune et que, justement, il n'a pas de pièces d'identité, est-ce qu'il doit aller le reconduire chez ses parents? De quelle manière on peut vraiment appliquer... s'il fait des gestes dangereux, bien sûr?

M. Hénault (Raymond): Moi, je pense que, encore une fois, comme j'ai été de nombreuses années dans le domaine de l'enseignement, alors c'est une question de dialogue. Mais il y en a qui vont quand même toujours passer par-dessus. Écoutez, on a été jeunes et on a été aussi délinquants, si on veut, à ce niveau-là. Mais je pense qu'au bout de la ligne ça finit par laisser des traces.

Et je vous dis ça parce que, lorsque j'ai pris ma retraite, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux étudiants, parce que je suis allé en politique évidemment, et j'ai été surpris, vous ne pouvez pas savoir comment, de constater toute la reconnaissance même si avec... J'étais enseignant en éducation physique et, comme on devait évidement leur faire dépenser de l'énergie... Moi, je n'étais pas le prof avec qui on s'assoit sur le banc, il fallait transpirer durant le cours, on faisait de l'effort physique. Et, à cet âge-là, ce n'était pas tout le monde qui aimait faire un travail exigeant. Mais je suis resté surpris de constater... Je me disais: Un bon soir, je vais me faire mettre dehors quand je cognerai à la porte. Et ça a été tout à fait le contraire, comme on était reconnaissant et comme on ne savait pas ce qu'on avait à l'époque.

Alors, moi, je dis, c'est dans ce sens-là. Alors, ça ne veut pas dire, parce qu'on intervient ou que, le jeune, on fait une remarque ou, enfin, on va intervenir à son niveau par rapport à l'action qui a été commise, qu'on aura un résultat dans l'immédiat. Mais, si on est plusieurs à le faire, si c'est appuyé par des paliers supérieurs, alors sûrement que ça va être un élément ou des éléments supplémentaires qui vont venir s'ajouter. Moi, c'est dans ce sens-là.

(10 h 10)

Là-dessus, je pourrais vous donner l'exemple... J'arrive, au cours de la fin de semaine, de faire, en skis de fond et en patins, un 60 km. C'était l'épreuve de ski de fond qui s'appelle Keskinada, à Hull. J'ai fait mon kilométrage en compétition, et personne ne portait de casque. On a nos skis puis on est en forêt, on est en côte, alors le risque est aussi grand là qu'ailleurs. Quand j'ai eu terminé ça, ce n'était pas suffisant, il faisait beau, c'était agréable, il fallait... alors, je suis allé sur le canal Rideau et j'ai fait un 30 km de patins. Et il y en avait des milliers, et, que ce soient des femmes ou des hommes, ils n'en avaient pas de casque. Et là, comme je savais que je venais ici, j'apportais une attention particulière, parce que je me disais: Il y a des gens là qui savent à peine patiner, mais ils avaient du plaisir à le faire, ils peuvent aussi bien tomber, là, puis se péter la tête sur la glace, puis ça serait un risque. Alors, c'est dans ce sens-là que je me dis: C'est une question d'apprentissage.

Et je vais prendre au niveau du vélo, pourquoi ne montrerait-on pas aux gens, lorsqu'il y a un dérapage, comment on peut déposer? Et, là-dessus, lors d'un événement sur le coin d'une rue, la dame tourne avec son vélo, il y a un peu de sable, alors le vélo a bougé un petit peu. Mais c'est à peine si elle avançait, là, ce n'était pas de la... Alors, au lieu de poser le pied à terre, elle est tombée assise à terre. Alors, sa notion, son réflexe évidemment, c'était incontrôlable de sa part, mais peut-être que, si elle avait eu des notions comment se comporter au moment d'une chute, ça aurait certainement été différent.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. Hénault.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. M. le président, je veux, au départ, vous remercier, M. Hénault, pour votre présentation. D'abord, avant de vous poser certaines questions sur votre mémoire, j'aimerais peut-être juste revenir un peu sur un point fondamental que le ministre a soulevé, la question des libertés individuelles et des droits collectifs. Au fond, il n'y a pas de réponse claire à ça. Jusqu'où va la liberté individuelle et à quel moment commencent les droits collectifs? Le ministre, au fond, essayait de dire: Bien, écoutez, dans la mesure où la personne décide de ne pas porter de casque, est-ce que la société pourrait ne pas payer si la personne a des blessures?

Moi, je rappellerais au ministre que, pour lui montrer comment ce n'est pas clair, c'est qu'il y a un autre dossier sur lequel on accroche souvent, qui est celui du «no fault», qui est exactement la même chose. Il y a des individus qui décident de conduire en état d'ébriété, qui ont des accidents, et la société, actuellement, leur fournit des indemnisations, à ces gens-là, qui ont posé des gestes criminels, il faut bien s'entendre. Alors, ces gens-là qui conduisent en état d'ébriété, posent des gestes criminels. Et, actuellement, la Société de l'assurance automobile du Québec les indemnise. C'est un point sur lequel il y a beaucoup de demandes pour qu'on revoie, qu'on se penche et qu'on réfléchisse un peu à cette situation-là.

Alors, dans ce cas-là, le ministre, qui dit qu'il a de la misère à concilier tout ça, je ne sais pas comment lui concilie l'argumentation qu'il a développée avec vous en disant: Si le cycliste ne porte pas de casque, est-ce que la société pourrait décider de ne pas l'indemniser? Alors que, dans le cas des conducteurs qui ont des accidents en état d'ébriété, la société les indemnise actuellement. Et ces gens-là ont fait un choix, ils n'ont pas été prudents, ils ont décidé de prendre un verre, ils sont en boisson. On demande justement de réfléchir à ça, au même titre qu'on essaie de réfléchir à la question des libertés individuelles dans le cas du port du casque. Alors, on a deux réalités, là, auxquelles le gouvernement est confronté, c'est-à-dire la logique du ministre dans le cas de l'obligation du port du casque et le fait qu'actuellement la SAAQ indemnise les gens qui ont posé des gestes volontairement, à partir de leur responsabilité, de leur liberté de prendre un verre et de se retrouver en état d'ébriété puis de causer des accidents qui ont souvent comme conséquence de tuer des innocents et de se blesser possiblement au moment de cet accident-là, et on les indemnise automatiquement.

Alors, je pense que ce n'est pas clair. Et, si on veut être cohérent, le gouvernement devrait permettre, comme on l'a demandé à plusieurs reprises, qu'on fasse une réflexion aussi sur la question du «no fault», pas pour remettre en cause le système mais pour revoir des cas qu'on peut considérer un peu comme des aberrations, réfléchir là-dessus puis voir dans quelle mesure la société doit effectivement indemniser quelqu'un qui pose un geste criminel en voiture et qui... pas se blesse, lui seul, mais tue souvent des innocents. Alors, c'est juste un commentaire que je voulais faire à ce niveau-là.

Moi, je suis assez d'accord avec votre approche concernant le port du casque, qui souhaite qu'on fasse plus de prévention. Souvent, on revient avec le fait que, bon, on sature à 26 %, et puis il n'y a plus rien à faire, il faut jeter la serviette et faire une loi. Je pense que le problème, c'est qu'on fait souvent des lois qu'on n'est pas capable d'appliquer. Puis, celle-là, je pense qu'il vous a été démontré que, si on faisait une législation obligeant le port du casque, ce serait difficilement applicable compte tenu de toutes sortes de problèmes. Il y a des enfants qui n'ont pas de casque. Un enfant se promène, je ne sais pas, sur une piste cyclable dans un parc, et la police va se mettre à courir après. On dit qu'on manque de policiers pour faire un travail de contrôle sur les routes. Alors, les policiers sont venus nous dire qu'il y a des difficultés d'identification. Qui est le responsable? L'enfant ou le parent? Comment on rejoint les parents si c'est l'enfant qu'on surprend qui n'a pas de casque? Alors, il y a toute une série de problèmes qui...

C'est facile de faire une loi. Pour faire une loi, ça prend quelqu'un au ministère qui écrit un bout de papier, puis on passe ça à l'Assemblée nationale. Mais, après ça, il faut vivre avec. Et on en a bien des lois qu'on n'est pas capable d'appliquer, entre autres une qui est claire, là: c'est défendu de faire du patin à roulettes sur les chaussées actuellement, et ce n'est absolument pas appliqué. Alors, elle est là, la loi. Les policiers ne l'appliquent pas, les municipalités ne l'appliquent pas. Et pourquoi ils ne l'appliquent pas? Bien, on se retrouve aujourd'hui avec pratiquement 500 000 personnes qui font du patin à roues alignées, c'est en pleine explosion.

Alors, je pense qu'il y a des leçons à tirer du milieu du vélo. Et on a eu plusieurs groupes à date. À partir de mesures incitatives... Et, moi, je ne remets pas en cause les chiffres que les gens nous amènent, où on va chercher des taux de port du casque beaucoup plus élevés que ce que prétend être le plafonnement qu'on observe actuellement selon les informations de la SAAQ. Puis je ne dis pas que ces données-là sont fausses, mais je me dis que peut-être on aurait des leçons à apprendre des cas où le port du casque est élevé et essayer de voir s'il n'y a pas moyen de transférer ça avec des mesures incitatives auprès des jeunes, qui ne participent pas nécessairement à ces activités-là, auprès d'autres catégories de cyclistes et de faire en sorte qu'on puisse augmenter le port du casque.

La première question que je voudrais vous poser, c'est: À partir de votre connaissance du milieu – vous êtes dans le milieu du cyclisme quand même depuis plusieurs années – est-ce que vous croyez qu'il y aurait possibilité d'améliorer ou ce n'est pas nécessaire parce que ça fonctionne déjà excessivement bien entre la Société de l'assurance automobile et le milieu du cyclisme pour faire de la promotion, faire de l'incitation au port du casque?

M. Hénault (Raymond): Effectivement, et ce serait de quoi de fort intéressant, là. Il y a de quoi à faire. Vous avez des spécialistes, vous avez des organismes qui sont en place; je pense qu'ils ne demanderaient pas mieux. Mais il faudrait aussi que ces gens-là n'aient pas juste une vision sur une ligne, mais qu'ils regardent un peu plus large et qu'ils apportent les supports nécessaires. Mais je pense que ce serait merveilleux, si ça pouvait arriver, ça, d'aller dans cette direction-là.

Alors, moi, comme vous avez fait mention tantôt, je me dis toujours: Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, et on ne jette pas la serviette comme ça. Alors, moi, je suis convaincu, en tant que cycliste et en tant qu'organisateur, à voir aller les choses, qu'il y a encore énormément de choses à faire qui n'ont pas été faites, qui n'ont pas été tentées. Mais il faut s'asseoir et il faut regarder qu'est-ce qu'on peut faire, qu'est-ce qu'on peut ajouter. Et je pense que vous avez des gens spécialisés, des gens qui ont des expériences quand même d'envergure, alors ils pourraient contribuer à ça et apporter certainement de quoi de fort intéressant et d'enrichissant pour qu'on puisse tenter d'aller encore plus loin dans la démarche. Ça, j'en suis convaincu.

M. Bordeleau: En fait, si on regarde votre mémoire, vous représentez trois organismes ou trois activités, Vélotournée et Vélovirée, le club Vélodyssée de Repentigny, les Cyclistes de Lavaltrie. Dans les activités que vous organisez, le casque, vous dites qu'il y a un grand pourcentage qui le portent, est-ce que vous le rendez obligatoire, le port du casque, dans ces activités-là, ou si c'est volontaire?

(10 h 20)

M. Hénault (Raymond): C'est volontaire. Alors, c'est pour ça que tantôt je vous faisais état de ça. Donc, l'image déjà fait penser: l'équipement qu'un cycliste doit porter. Alors, nous, on en fait état. Puis, lorsqu'on fait nos campagnes de publicité, conférences de presse et autres, alors c'est véhiculé qu'on doit et qu'on le recommande fortement aux gens. Lorsqu'on fait des entrevues, c'est souligné. Lorsqu'il y a des communiqués de presse, on en fait état également. Donc, continuellement, on a ce langage-là dans la bouche, à l'effet que les gens portent évidemment le casque.

Et là je suis surpris de constater qu'on dise et que les statistiques scientifiques fassent état de 26 % puis que, dans nos événements, on retrouve une participation avec le port du casque qui est très élevée. Alors, je me dis: Est-ce qu'à ce moment-là quand l'étude a été demandée ou que l'enquête a été faite, on s'est adressé aux gens seulement qui font du vélo éparpillés un peu sur le terrain autour de la maison ou en forêt ou si on a surtout interrogé des gens qui étaient impliqués au niveau des événements sur route?

Alors, c'est la question que je me pose. Parce que souvent on reçoit des appels à savoir si le casque est obligatoire. Alors, je pense qu'il y a quand même une sensibilisation qui est présente là. Parce qu'il y a des gens, si c'est obligatoire... Et, moi, je pose la question. Pourquoi vous posez cette question-là? Bien, c'est parce que, si c'est obligatoire, on n'a pas les moyens puis on ne pourrait pas participer. Alors, non, écoutez, vous pouvez emprunter un casque. Donc, on leur donne des suggestions. Vous pouvez emprunter peut-être à des amis, à des parents, le casque, tout simplement.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, vous avez fait référence à un problème qui me paraît important, c'est celui de l'éclairage des vélos. On sait que le taux d'accidents après la tombée du soleil, toutes proportions gardées, par rapport au nombre de personnes qui circulent à ce moment-là sur les routes en vélo, il y a un taux de pourcentage beaucoup plus élevé d'accidents que ce qu'on observe généralement. Donc, c'est une période critique. Quelle solution vous verriez à ça? On en a parlé, par exemple, avec les manufacturiers de vélos qui sont venus ici. Évidemment, ce n'est pas tout le monde qui circule le soir. Donc, est-ce que ça devrait être un équipement obligatoire sur tous les vélos? Si ce n'est pas un équipement obligatoire, parce que ce n'est pas tout le monde qui circule le soir, comment on pourrait, en tout cas, faire en sorte que ça soit augmenté de ce côté-là?

L'autre élément qui me fatigue un peu aussi, c'est que, dans la lettre de la police de la Communauté urbaine de Montréal, sur les 845 constats, on en a donné 13 % pour ne pas avoir installé des feux et des phares obligatoires. 13 %, ça veut dire, ça, à peu près, dans un an, une centaine de contraventions, alors qu'on sait que – bien là je vais prendre les chiffres globaux de la province de Québec – il y a à peu près 4 000 000 de cyclistes, à peu près autant, 4 000 000, 4 500 000, d'automobilistes, donc, à toutes fins pratiques, disons que c'est à peu près égal. Il me semble qu'une centaine – c'est vrai que c'est à Montréal seulement – de contraventions pour ne pas avoir installé des feux et des phares obligatoires, ça ne me paraît pas beaucoup.

Moi, j'ai l'impression que, globalement, quand on regarde toute cette question-là de la sécurité à vélo, il y a toute une série d'étapes qu'on devrait d'abord améliorer avant de penser à faire des obligations légales. Il y a la prévention, il y a des aménagements physiques et il y a aussi le respect de la loi. Et ça, c'est le rôle des policiers de l'appliquer actuellement. Mais actuellement je constate qu'à toutes fins pratiques ce n'est pas appliqué. Dans une année, ça en fait deux par semaine, ça, des contraventions. Ce n'est pas vrai qu'à Montréal il y a seulement deux cyclistes qui circulent pas de phares le soir. Alors, je ne sais pas comment vous vous positionnez par rapport à ça. Qu'est-ce que ça serait, la solution pour régler ce problème-là, l'éclairage des vélos pour ceux qui circulent le soir?

M. Hénault (Raymond): Alors, évidemment que je n'ai pas la prétention de vous dire qu'on a toutes les recettes pour tenter d'améliorer et de changer. Il y a des choses à faire; je pense que vous en avez énuméré. La meilleure façon, ça serait évidemment que, lorsque le vélo est vendu, il est déjà équipé de ces équipements-là, qu'on s'en serve de jour ou de soir, peu importe. Alors, un vélo qui serait équipé de ces équipements-là... C'est évident, après que vous avez acheté un vélo, il a coûté quand même assez cher, et on se dit qu'on n'a pas besoin de ça. Mais on ne sait jamais à quel moment on va l'utiliser. Donc, si la pièce est là, elle va être utilisée, ça, c'est bien évident.

Et ça, c'est une plaie. À mon avis, c'est une plaie parce que les cyclistes, à des heures particulières, sont difficiles à identifier, sont à risque, et souvent l'accident arrive parce qu'on ne les a tout simplement pas vus. Moi-même, dans ma famille, j'ai un de mes frères qui, lui, circule sans lumière, mais là, dernièrement, on a réussi à le convaincre de poser une lumière. Parce que c'est un amateur de vélo, c'est sa santé, et il était à risque constamment. Alors, maintenant...

M. Bordeleau: Combien ça coûte, installer des lumières?

M. Hénault (Raymond): Ah! ça peut être très variable. Je dirais qu'avec une cinquantaine de dollars on peut sûrement s'équiper de pièces. Ça peut être plus ou moins, dépendant de la qualité du produit, là. Mais je pense qu'on peut facilement s'organiser avec ça. Quand on parle de lumières, c'est lumières pour éclairer et lumières qui sont évidemment avant et arrière pour qu'on puisse voir où est le cycliste.

Maintenant, moi, je pense que c'est aussi de ne pas juste donner une contravention, de donner un avis d'infraction, c'est aussi, comme je disais tantôt, à mon avis, de créer un incitatif sur ça. Donc, s'il y a des gens qui ont un bon comportement; il faut le reconnaître, ce bon comportement-là également. Il faut qu'au niveau des mass médias on ne fasse pas juste état des cas d'accidents. Alors, souvent on a toujours le côté accident, mais le bon côté on ne le voit jamais. Alors, c'est peut-être une minorité, et je pense que c'est une minorité par rapport à la majorité des gens. Il faudrait peut-être regarder aussi que ce serait, je pense, un incitatif important.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, je mentionnais les trois types d'action, je pense, qu'on devait prendre avant de penser à des lois, prévention, aménagement, respect des lois. Bon, on a parlé du respect des lois. Si on regardait la question des aménagements. Je serais curieux de savoir. Je ne connais pas particulièrement les gens qui font du vélo, et tout ça, mais est-ce qu'il y a souvent des accidents qui surviennent à cause de l'état des chaussées ou du fait que les aménagements physiques comme tels ne sont pas adéquats?

M. Hénault (Raymond): Effectivement. Alors, vous savez, ce n'est pas nécessairement toujours un automobiliste, là, c'est à cause de l'état de la chaussée, des nids de poule, des trous qui sont existants. Le bord de la chaussée qui est brisé, il y a des profondeurs, des fois, c'est démesuré. Et, si vous avez le malheur de lever la tête pour regarder la beauté du paysage et que la roue pénètre là-dedans, vous en prenez une superbe, là. C'est assez spectaculaire pour ceux qui vous voient plonger, mais celui qui atterrit, il la trouve moins intéressante. Et ensuite, bien, vous avez évidemment le comportement de l'automobiliste. Et ça, ça va des deux côtés. Il n'y a pas juste les automobilistes, il y a aussi...

Mais, moi, une chose que j'ai constatée, des gens qui n'étaient pas des cyclistes, qui, une bonne journée, ont laissé la voiture pour prendre le vélo, je vais vous dire que leur comportement a changé grandement. Et c'est ça qui me fait amener à des réflexions comme je fais. Alors, au moment où on a quelqu'un qui en fait la pratique, son comportement change tout à fait, ce n'est plus la même chose. Alors, plus on est en mesure de faire vivre une expérience aux gens de rouler sur une route en vélo, il faut dire qu'après ils savent ce que c'est que de se faire passer une auto très près et à des vitesses démesurées et avec des comportements tout à fait démesurés également.

M. Bordeleau: Je voudrais juste, disons, revenir sur la proposition de réglementer le port du casque en le rendant obligatoire. Le ministère revient souvent avec l'idée, et ça a été répété plusieurs fois: On arrive à 26 %, il n'y a plus moyen de rien faire. Et là on s'en va pour une question de sécurité. On voudrait hypothétiquement – parce que ce n'est pas une loi, c'est une consultation – on penserait rendre obligatoire le port du casque pour une question de sécurité. Et en même temps que ça, ça existe, il faut se rendre compte aussi que le ministère jette la serviette rapidement et qu'il est peut-être aussi responsable en partie d'une faible amélioration de la sécurité.

(10 h 30)

Et je pense à deux choses en particulier. On parle – et ça nous a été mentionné souvent – de l'asphaltage des accotements. Ça, c'est mentionné souvent par le monde du vélo, que les routes sont déjà là, on pourrait faire... Et je pense que le ministre l'a reconnu régulièrement. Mais ce que je remarque, par exemple, dans les données qui nous ont été fournies, c'est qu'entre les années 1996-1997 et 1999-2000 les investissements qu'on a consacrés à l'asphaltage de l'accotement ont baissé de 33 %. Donc, je ne pense pas que ce soit la direction qu'il faut prendre si on veut améliorer le système au niveau des aménagements physiques. En 1997-1998, on était à 1 700 000 $ et, en 1999-2000, on est à 1 200 000 $. On a baissé de 500 000 $ les montants qu'on accorde à l'asphaltage d'accotements. Donc, avant de dire qu'il faut rendre le port du casque obligatoire pour des raisons de sécurité, bien il faudrait peut-être augmenter les investissements plutôt que de les réduire. Ça, c'est le premier aspect.

Le deuxième aspect. Sur la promotion du port du casque ou, en général, la promotion reliée à la sécurité à vélo, en 1995 le ministère consacrait 700 000 $ à la publicité, et en 1999 c'est 342 000 $. Alors, on a baissé les budgets de 50 %. Je pense qu'on ne peut pas s'attendre à ce que ça s'améliore si on ne fait pas de promotion. Et on en fait de moins en moins et on investit de moins en moins au niveau de l'asphaltage des accotements, et puis on nous dit: Bien, on veut améliorer la sécurité. Alors, il y a peut-être une espèce de contradiction dont il faudrait aussi que le ministère soit conscient. Et se rabattre sur une loi, comme je l'ai mentionné, ça ne coûte pas cher, ça. La faire, ça ne coûte pas cher, mais est-ce que c'est le bon moyen? Parce qu'on sait que la population nous dit souvent: Écoutez, vous créez des lois, vous créez des règlements, puis, nous-mêmes, on en est conscients, il y a un paquet de lois et de règlements qui ne sont même plus appliqués ou applicables, puis il y en a tellement qu'on a des antiquités dans le placard en termes de lois qui n'ont aucun sens ou des règlements qu'on a créés, mais qu'on n'a jamais abrogés.

Et on sait que, dans ce domaine-là... Parce qu'on a des cas très clairs, celui du patin à roues alignées, comme je l'ai mentionné, où une loi est inapplicable. Donc, sur la question du port du casque, personnellement je pense qu'on a beaucoup de chemin à faire au niveau de la promotion. Et je pense que le ministère a aussi un examen sérieux à faire au niveau de la promotion de la sécurité, mais il faut y mettre des investissements. Il faut y mettre des investissements au niveau de la promotion et il faut travailler en collaboration avec le milieu du vélo. Et il faut aussi mettre des investissements dans les aménagements physiques. Et il faut enfin que les policiers fassent respecter les lois qu'on a qui sont raisonnables, et celles qui ne sont pas raisonnables, bien il faut les changer puis les modifier si c'est nécessaire.

Alors, moi, je ne sais pas si vous avez un commentaire, en terminant, sur ça. Ça termine les questions que...

M. Hénault (Raymond): Effectivement, le mémoire... Et je pense que sûrement d'autres collègues, c'est exactement ce qu'on a voulu démontrer, alors, que c'est une loi qui est difficilement applicable – dans l'hypothèse où il y a une loi – et qu'il faudrait absolument commencer par faire respecter ce qui est déjà en place, et ensuite on verra. Et, là-dessus, je peux vous dire, moi, que, pour avoir parlé avec de nombreux policiers, eux autres se disent qu'actuellement ils n'ont pas le contingent, ils n'ont pas le temps de s'occuper de ça puis ils ne semblent pas vouloir s'en occuper non plus. Alors, si on ajoute une loi supplémentaire, ça va servir à quoi? Et il n'y a rien de plus brimant que de toujours être obligé de fonctionner, à mon avis, avec une loi. Alors, je pense qu'on est des grands garçons, puis on est sûrement capables de se prendre en main. Puis je pense que, si on nous donne la possibilité avec des intervenants majeurs et qu'on fait les investissements qui s'imposent, alors, nous, on est prêts à s'asseoir autour de la table avec ces gens et à essayer de voir des avenues possibles pour tenter d'améliorer, d'enrichir les choses.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports, rapidement.

M. Chevrette: Oui. Suite à ce que le député demandait, la subvention qui a baissé de 500 000 $, etc., j'ai demandé au ministère de nous sortir d'ici le mois de mars – le 13, il y aura reprise, je crois; ce qu'on fait quand on fait des couches d'usure, on en profite, des fois, pour faire du kilométrage – essayer de sortir ce qui s'est fait depuis x temps et les protocoles avec les municipalités. Il y a beaucoup de protocoles qui se signent dans certains villages, quand on traverse un village, pour élargir précisément en fonction d'une piste cyclable. Donc, on va essayer de sortir les statistiques les plus à date pour les membres de la commission, et nous vous les ferons parvenir.

M. Bordeleau: Le texte auquel j'ai fait référence, c'est un texte qui a été préparé par M. Marc Panneton, Service des technologies et de l'exploitation, et c'est un tableau intitulé Asphaltage d'accotements réalisé pour des fins de sécurité routière en général, mais pouvant potentiellement être utilisé pour l'implantation de la Route verte . Et les données qu'on a là, effectivement, c'est une diminution de 500 000 $ entre 1997-1998 et 1999-2000.

M. Chevrette: Je comprends très spécifiquement que la partie d'accotement qu'on faisait en fonction de la Route verte comme telle, ça a baissé. Ce que je vais vous faire parvenir, c'est comment on a fait par la couche d'usure le nombre de kilomètres additionnels, et vous verrez que ce n'est pas... Au contraire, ça s'améliore, mais on est loin d'avoir asphalté l'ensemble des accotements du Québec. Puis je comprends, sur la 2, sur la 138, la 132, des routes extrêmement dangereuses... Et ça sera un plus pour nous autres, même au ministère des Transports, protéger l'accotement, parce que comment de routes, la ligne blanche est sur le bord de l'asphalte? Puis il y a un décalage de trois, quatre pouces, ce n'est pas bon pour notre infrastructure, nous-mêmes, là. Donc, ce bout-là, il a été développé par plusieurs groupes, puis on va, peut-être dans le cadre d'un plan quinquennal ou d'un plan... Ça coûte de gros sous. Je pense que c'est 8 000 $ du kilomètre, grosso modo, en chiffres ronds, à l'oeil, que ça coûte pour faire un accotement plus large pour fins de cyclisme.

M. Bordeleau: ...quelle largeur?

M. Chevrette: C'est trois pieds, si ma mémoire est fidèle. Trois? Un mètre, 39 pouces. Je suis de la vieille école, 36 pouces, moi, une verge. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, sur ce, je remercie M. Hénault pour sa présence ici, à cette commission parlementaire, aujourd'hui. Merci.

Et j'invite immédiatement les représentants de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec à bien vouloir prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

M. Lavigne (Richard): Bonjour. On m'entend? Oui? Alors, mon nom, c'est Richard Lavigne. Je suis le président de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Il me fait plaisir de présenter l'équipe qui a bien accepté de m'accompagner pour cette commission parlementaire. Alors, à mon extrême droite, je vous présente M. Déry. Immédiatement à côté de moi, c'est Mme Chloé Serradori. Et, à ma gauche, M. Ronald Beauregard.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs, et je vous indique, comme vous le savez probablement déjà, que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.

M. Lavigne (Richard): Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre et membres de la commission de bien vouloir nous recevoir dans cette commission parlementaire sur la sécurité routière.

Deux secondes pour vous parler de la Confédération. Alors, la COPHAN, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, regroupe une trentaine d'associations nationales ou provinciales – ça, c'est selon le vocabulaire qu'on veut bien utiliser – qui regroupent à leur tour, ces associations-là, des associations locales et régionales partout au Québec. Les associations membres de la COPHAN représentent des personnes qui ont des limitations fonctionnelles de tous les types et leurs familles, bien sûr. Alors, on parle de personnes qui ont des déficiences visuelles, auditives, motrices, organiques, intellectuelles, déficiences du langage et de la parole, des gens qui ont des problèmes de santé mentale. Alors, c'est toute la famille finalement. C'est une famille qui se compose d'à peu près 900 000 personnes, 960 000 personnes handicapées au Québec et leurs familles, alors on parle de beaucoup de monde.

Aujourd'hui, on a choisi plutôt de vous parler du fameux chapitre IV de votre livre vert, soit le chapitre qui concerne le virage à droite sur les feux rouges. J'imagine que vous l'aurez deviné.

Cependant, avant d'aller plus loin, un petit commentaire sur le cyclisme et le patinage à roues alignées. On n'a pas de commentaire écrit là-dessus, simplement pour vous sensibiliser sur la nécessité que s'organisent des campagnes d'information, campagnes de sensibilisation, parce que ces gens utilisent très souvent les trottoirs, et on peut s'imaginer comment une personne sourde peut faire pour entendre un cycliste arriver en arrière d'elle ou comment un aveugle peut faire pour voir venir celui qui patine à roues alignées devant lui. Tout va assez vite, et on peut noter énormément d'accidents. Je ne vous parlerai pas des demi-voyants qui n'ont pas de canne blanche ni de chien-guide pour s'identifier. Alors, le cycliste pense qu'il se tasse; l'autre, il ne le voit pas venir, alors bang! Alors, ce serait éventuellement une bonne idée, lorsqu'il y aura des campagnes d'information, de sensibiliser, donc, la population au fait que le réseau piétonnier est utilisé par toutes sortes de monde, y compris des gens qui ont des limitations fonctionnelles.

(10 h 40)

Nous utilisons, bien sûr, le réseau piétonnier plus que beaucoup de monde parce que le réseau routier n'est pas encore accessible pour les aveugles au Québec. Les aveugles, souvent, doivent se promener à pied, et, lorsqu'on arrive sur un coin de rue et qu'il y a un feu rouge... M. Beauregard, qui est à ma gauche, pourrait peut-être vous exposer plus en détail au plan technique. M. Beauregard est spécialiste en orientation et mobilité et il pourra vous parler des impacts et de la façon dont les gens procèdent pour se déplacer. Je parle des gens qui ont un problème visuel.

Dans notre mémoire, on aborde quatre éléments qui ont été soulevés dans des études pour vous entretenir du virage à droite. Alors, en premier lieu, économie d'énergie. On parle ici d'une économie – je ne citerai pas les études; je ne suis pas un spécialiste de citation d'études, c'est tout écrit dans le mémoire – de 3,5 litres par année par automobiliste, soit une économie d'à peu près 11 400 000 litres par an pour la totalité du Québec, les gens qui utilisent des véhicules. On considère que c'est une argumentation qui, vue dans son ensemble... 11 400 000, ça fait des gros chiffres, oui, ça peut représenter des choses qui peuvent impressionner quelqu'un qui ne va pas plus loin dans son analyse, mais, si on regarde individuellement, 3,5 litres par année pour justifier, entre autres, cette décision-là, on se demande quelle est l'impact réel d'une économie de... Je ne connais pas le prix du litre d'essence malheureusement, là, mais 3,5 litres par année, je ne suis pas certain que, individuellement, les citoyens y gagneront.

Les délais dans le transport. On parle d'une moyenne de 20 secondes par jour, on parle d'un paquet de millions d'heures par année. Encore là, on se demande ce que ça veut dire, un chiffre comme ça. Moi, je travaille, beaucoup de gens travaillent, ils peuvent accumuler du temps dans leur banque d'heures supplémentaires, oui, c'est sûr, mais économiser 20 secondes par jour de déplacement, on se demande, autant au niveau économique, ce que ça peut représenter, ça, à la fin de l'année. Encore là, on sort des chiffres, on additionne, on multiplie, puis ça fait des gros millions, mais qu'est-ce que ça veut dire exactement dans la vraie vie?

Pour ce qui est de la pollution, la réduction des émissions polluantes, encore là, on parle de 5 000 000 de tonnes de monoxyde de carbone de moins, 300 tonnes d'hydrocarbures de moins, 100 tonnes d'oxyde d'azote de moins, ce qui, dans la vraie vie, constitue quand même une très infime partie de la pollution existante. Il y a d'autres moyens, je pense, au Québec, qui pourraient être utilisés pour favoriser une pollution moins importante de notre environnement quotidien. Alors, encore là, nous, c'est des arguments qui nous questionnent quant à leur réelle portée sur la santé publique, sur l'économie, et tout ça.

Le quatrième élément – et ça, on est bien surpris de voir ça dans l'argumentation – on parle d'uniformisation canadienne et nord-américaine. Encore là, nous, ce qu'on dit, c'est que le Québec, est-ce qu'il est obligé, toujours, de s'uniformiser au Canada et aux États-Unis dans tout? Je ne suis pas convaincu que le Québec vise nécessairement à s'uniformiser avec tout le monde comme ça. Ce qu'on sait cependant, c'est que le Québec pourrait faire preuve de leadership dans la recherche d'autres solutions pour contribuer, donc, à l'économie d'énergie, diminuer la pollution puis, éventuellement, l'économie de temps. Il y a d'autres façons de fonctionner pour viser ces objectifs-là.

Notamment, pour ce qui est de la circulation, il y aurait peut-être lieu de voir comment on pourrait instaurer à la grandeur du Québec ou, en tout cas, progressivement, bien sûr, des systèmes de contrôle des feux de circulation pour qu'il y ait une meilleure – comment on appelle ça? – synchronisation des feux de circulation. Il y a des exemples. Je pense à la ville de Laval où on installe des câbles qui sont en dessous de l'asphalte puis qui peuvent commander des feux de circulation. Alors, ça, ces câbles-là seraient utilisés pour non seulement ceux qui tournent à droite, mais ceux qui tournent à gauche ou ceux qui ne tournent pas du tout. Alors, ça pourrait contribuer peut-être à faire une réelle économie d'énergie parce que tout le monde pourrait en profiter.

Il y a d'autres moyens: le transport en commun. On vante les mérites du transport en commun, on en parle, on en parle, on en parle, mais des mesures concrètes pour vraiment inciter les citoyens à utiliser le transport en commun, notamment dans les grandes agglomérations, tardent toujours à venir. Et là on aurait des économies d'énergie, on aurait des diminutions de pollution, on aurait des économies de temps à long terme. Je pense qu'il y a d'autres solutions finalement.

Je ne suis pas un spécialiste en organisation du transport. Cependant, les personnes handicapées et d'autres personnes – on parle des personnes âgées, on parle des enfants, on parle des gens à mobilité réduite, et tout ça – c'est assez simple, on craint beaucoup l'éventuelle instauration de cette permission de virer à droite sur des feux rouges, parce que, bon, bien sûr, on va nous dire que les automobilistes québécois sont aussi disciplinés que les autres, et c'est vrai probablement, sauf que, si on regarde dans les autres villes canadiennes ou américaines là où le virage à droite est autorisé, il y a plus d'accidents, il y a plus de coûts reliés aux blessures, tout ça. Alors là on n'est pas certains qu'à court terme et même à moyen terme il y aurait des économies.

D'autre part, lorsqu'on suit des parcours de réadaptation, on nous enseigne comment circuler de façon sécuritaire, et on apprend à gérer nos déplacements à partir de l'écoute du trafic. Alors, si ça se met à tourner d'un bord puis de l'autre, comment on va faire? Il y a déjà là où il y a du virage à droite... En Ontario, par exemple, le système routier, les trottoirs, et tout ça sont aménagés de façon à ce que ça soit plus facile. On parle d'installation de huit bateaux-pavés au lieu de quatre à chaque intersection, il y a des coûts reliés à ça.

Alors, on soulève cette inquiétude-là et on aimerait apporter à votre attention quand même un principe majeur qui, pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, est très important de ramener, c'est l'article 1 de la Charte des droits et libertés qui reconnaît à tous les citoyens d'avoir droit à la vie en toute sécurité – je n'ai pas le texte par coeur, là – l'intégrité, et tout ça. Et nous, on considère que pouvoir se déplacer de façon autonome et sécuritaire, c'est une des conditions gagnantes vers l'intégration des personnes handicapées et que d'instaurer des barrières pourrait compromettre et la sécurité et l'autonomie de centaines de milliers de personnes et de leurs familles, et on se demande en bout de ligne: Est-ce qu'il y aurait de véritables économies au Québec de faire ça?

Je comprends que les automobilistes sont pressés, hein? Moi aussi, quand je prends un taxi, j'ai hâte d'arriver, mais est-ce qu'on va risquer de compromettre l'intégrité d'individus pour ça? Vous allez me dire qu'ailleurs ça se fait, puis pourquoi pas ici? Moi, je vous réponds: Si on fait tout ce que les autres font partout parce qu'ils le font, je me demande, à un moment donné, qu'est-ce que ça donne de... On va écouter tout le monde, ce qu'ils font aux États-Unis puis au Canada anglais, puis on va faire pareil, on ne se posera plus de questions. Je pense qu'on se distingue au Québec sur plusieurs aspects, et, pour nous, c'est important que, avant d'installer ce genre de mesures là, ce qui, on espère, ne se fera jamais... Mais, si jamais on devait y arriver, bien il y a toutes sortes de choses qu'il faut évaluer avant. Il y a de la sensibilisation vraiment importante de toute la population. Moi, je parle des personnes handicapées, mais n'importe quel piéton. À un moment donné, on se demande où on peut marcher librement. Les trottoirs, c'est les bicycles puis des patins à roues alignées, puis des poussettes, puis des chiens, puis envoie donc. La rue, c'est des autos, des camions, des autobus. Je ne sais plus où est-ce qu'on va marcher à un moment donné. Alors, si en plus ça peut tourner d'un bord puis de l'autre, ça va risquer d'être bien compliqué pour tout le monde.

Alors, de façon globale, j'aurais terminé, mais peut-être que mes collègues voudraient compléter. Je demanderais peut-être à M. Déry qui, peut-être, pourrait nous parler plus des aspects reliés aux personnes qui ont des limitations plus en termes moteurs. Ensuite, je demanderais, si vous permettez, M. le Président... J'ai en arrière de moi mes amis de la Fondation Mira et une madame de Mira qui aimerait peut-être vous parler deux minutes. Et M. Beauregard, peut-être, pourrait terminer notre intervention en termes techniques, puis ensuite on pourrait passer aux questions.

(10 h 50)

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. Lavigne, mais je vous indique qu'il reste sept minutes sur l'enveloppe de 20 minutes qui vous est allouée.

M. Lavigne (Richard): O.K. Mon Dieu! j'ai parlé longtemps.

M. Déry (Guy): Mon Dieu! ça ne met pas de pression sur l'épaule du gars qui va parler! Bien, je vais essayer de faire ça vite, mais je pense qu'on va se comprendre.

J'ai lu les études qu'il y a eu sur les économies de temps. J'ai lu les études sur les économies d'essence, sur les réductions d'émissions polluantes, ainsi de suite, ce que ça va donner. J'ai tourné la page, j'ai regardé en arrière, la feuille était blanche, en nulle part on ne mentionnait l'impact. Qu'est-ce que chacun d'eux représente? Économie de temps, ça coûte quoi? L'économie d'essence, ça coûte quoi? Et quels sont les droits... Au Québec, on a un avantage, on a un système qui fonctionne relativement bien. Je lisais Mme Éloyan, hier, sur le site Internet de l'Assemblée qui disait qu'à Montréal on a deux catégories de piétons: une ralentie et une rapide. Je voudrais lui rappeler qu'il y en a une troisième. Elle va moins vite celle-là, mais par contre elle a plus d'équilibre. C'est moi-même. Je me confonds dans la masse. Aux intersections de rues, on ne me voit pas. Je suis parti de 6 pi et 3, je suis tombé à 4 pi 2. Ça a changé. Mais, même si, moi et M. Chevrette, on a le même âge US...

M. Chevrette: On doit avoir la même taille. Ha, ha, ha!

M. Déry (Guy): ...on arrive à la même taille finalement. Tout ça pour vous dire que, lorsqu'il y a une intersection... Si on regarde, hier soir, ils ont terminé, à Montréal, le déneigement. À l'intersection d'une rue où il y avait 4 pouces d'eau et où les voitures commençaient à avoir maintenant deux voies pour tourner à droite, moi, j'étais perdu à peu près parmi 500 personnes qui attendaient pour traverser la rue. Je bénis le chauffeur qui me voyait. Lorsqu'il me voyait, c'est parce qu'il pouvait dire si j'avais encore mes dents, et c'est ça, le malheur.

Moi, je dis, cette commission, ici – parce que je veux donner le temps à mes confrères de parler – on a la chance de faire quelque chose qu'on est... Quand on dit société distincte, on est capables de préparer les choses et on a l'intelligence, on a la technique, et, avant de faire des choses, c'est de mettre en place ce qu'il faut pour que ce qu'on va faire soit dans le meilleur des mondes. Je parle de l'éducation, je parle sensibilisation. On a parlé de projets-pilotes, bien il y a beaucoup... Et moi, au nom de toutes les personnes, je vais vous dire une chose, on a parlé de Mme Éloyan hier, cinq personnes décédées à Montréal, on les met quadraplégiques, puis ça coûte rien que 5 000 000 $ par année pour les faire vivre. Alors, en partant, déjà le coût de l'essence, il vient d'être mangé là. C'est facile. Alors, c'est pour ça que je vous dis: Avant de penser à faire une loi, mettons en place tout ce qu'il faut pour donner aux gens qui ont des droits, qui ont une qualité de vie... de maintenir ce droit-là, de maintenir cette qualité de vie là, et on reste dans le respect des choses. On a le temps. Aujourd'hui, au lieu d'agir et après réagir, maintenant on peut prévoir, mettre en place et après agir. Je pense qu'en bon Québécois c'est ce qu'on devrait faire.

M. Lavigne (Richard): Merci. M. Beauregard.

M. Beauregard (Ronald): Si vous me le permettez, moi, j'aimerais prendre quelques instants pour vous expliquer un peu les impacts... pas les impacts comme tous les aspects techniques qu'une personne handicapée visuelle doit respecter quand elle veut traverser une rue. Les références dont une personne handicapée visuelle va se servir lorsqu'elle va traverser une rue, ce sont des références auditives, dans le cas d'une personne aveugle complète, ou encore des références visuelles dans le cas d'une personne qui a encore un résidu visuel. Il est important de mentionner que 90 % de la population considérée comme handicapée visuelle possède encore un résidu visuel. Alors, on pense toujours que, quand on parle d'aveugles, c'est cécité totale, mais c'est faux, dans le sens qu'il y a des maladies ou encore des accidents qui peuvent venir diminuer un peu toute la capacité visuelle, mais on peut quand même profiter encore d'un résidu.

Comme je vous disais, les références peuvent être auditives ou visuelles. Dans le cas d'une personne aveugle qui veut traverser une rue, bien elle va se référer sur le mouvement de la circulation qui lui est parallèle. Au moment où la circulation qui lui est parallèle se met en mouvement, bien la personne, ça lui indique auditivement qu'elle peut traverser la rue. Si on permet à une auto de virer à droite sur un feu rouge, ça va donner une fausse référence à la personne aveugle qui va croire que le feu vient de tomber vert. Donc, elle va se mettre en mouvement. À ce moment-là, il y a de fortes chances qu'il y ait un accident pendant sa traversée de rue.

On peut faire la même référence, un peu, pour quelqu'un qui a résidu visuel, c'est-à-dire qu'une personne âgée qui est atteinte de dégénérescence oculaire, qui est en plein processus d'adaptation, qui a de la difficulté à recommencer à sortir, si, avec tous les conseils qu'on lui donne, la personne, rendue au coin de la rue, qui veut traverser, se réfère visuellement à une auto qui tourne parce qu'elle n'est pas en mesure de voir le feu de circulation, bien il y a de fortes chances que cette personne-là aussi, pendant sa traversée, se fasse frapper par une auto. Donc, ce qu'il est important de retenir, c'est que le virage à droite pourrait donner de fausses références à ces personnes-là parce que, nous, ce qu'on leur enseigne, c'est de toujours se référer au mouvement de la circulation. Donc, auto qui tourne à droite, ça veut dire par le fait même fausse référence.

Tout à l'heure, M. Lavigne me présentait comme spécialiste en orientation et mobilité. Bon, bien, je travaille à l'institut Nazareth et Louis-Braille qui est un centre de réadaptation dont le siège social est à Longueuil. On dessert tout près de 10 000 personnes dans la grande région de Montréal. Il est évident qu'on rencontre toutes sortes de personnes qui ont besoin de notre aide, qui ont besoin...

Une voix: ...

M. Beauregard (Ronald): Excusez, qui ont besoin de notre aide puis de nos services. Il est évident qu'une telle mesure viendrait contrecarrer ou, en tout cas, annuler tous les efforts qu'on fait pour permettre à ces personnes-là de recommencer à se déplacer de façon autonome. Je veux juste passer le micro à ma collègue.

M. Lavigne (Richard): Mme Dupont, qui est une usagère de chien-guide et qui va nous parler peut-être pas longtemps, mais assez pour qu'on comprenne son message.

Mme Dupont (Gisèle): Bonjour, monsieur...

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous pouvez vous identifier d'abord, madame?

Mme Dupont (Gisèle): Oui, Gisèle Dupont, de la Fondation Mira de Québec.

Le Président (M. Lachance): D'accord.

Mme Dupont (Gisèle): Moi, je viens vous dire deux secondes ce que je vis. Présentement, je voudrais vous présenter un poster que quelqu'un va vous donner. C'est un poster qui présente que le handicapé visuel est la meilleure personne, il respecte les lois de la circulation, les lois de traversée de rues, les lois... parce que c'est important pour nous autres. Et j'aimerais ça que vous le regardiez avant de prendre votre décision.

Et la deuxième chose que je voudrais vous laisser et dont j'aimerais que vous serviez avant de prendre la décision de faire le virage à droite... je voudrais vous laisser un bandeau. Je voudrais que vous essayiez au coin d'une rue comment traverser. Comment vous pensez qu'on va traverser? Mais j'aimerais ça pas juste vous le donner, j'aimerais ça que vous le preniez et que vous l'essayiez avec un voyant, parce que ça va être plus prudent.

Vous savez, monsieur, j'ai perdu la vue. Je n'ai pas eu le choix, je l'ai perdue, mais la vie, j'y tiens énormément. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, madame, messieurs. La période de temps est un petit peu dépassée, mais ça va dans les limites de ce qui a bien de l'allure. Alors, nous allons amorcer la période d'échanges avec les parlementaires. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Tout d'abord, merci de votre présentation. Et je dois vous dire que, si j'ai bien compris, la campagne publicitaire qui s'amorce, c'est justement un partnership avec la SAAQ qui vise précisément à demander aux autres d'exercer la même rigueur et la même discipline que vous faites, si bien qu'il n'y a à peu près pas d'accidents justement parce qu'il y a eu une éducation, une formation au respect des normes édictées. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Lavigne (Richard): C'est une campagne d'information, donc, qui a commencé cet automne justement.

M. Chevrette: Oui, je comprends, mais c'est exact?

M. Lavigne (Richard): L'objectif, c'est d'inviter les piétons à faire attention dans leurs déplacements. C'est l'objectif de la campagne.

M. Chevrette: La ville de Montréal nous a demandé, hier, de considérer les patineurs à roues alignées comme des piétons, qu'est-ce que vous pensez de ça?

(11 heures)

M. Lavigne (Richard): Bien, écoutez, comme je vous disais tantôt, les trottoirs deviennent très surchargés en termes de piétons et de patinage à roues alignées, et malheureusement aussi des cyclistes. Le problème que... C'est assez difficile pour moi de vous répondre, parce que, si on ne peut pas les mettre dans la rue ni sur les trottoirs, je ne sais pas où est-ce qu'on va leur permettre d'aller. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'ils fréquentent les trottoirs surtout dans les endroits où les trottoirs sont larges, où les rues sont très achalandées. Peut-être qu'il pourrait y avoir des endroits où ils pourraient être invités à utiliser des rues, dans le cas où les rues le permettent. Je n'irai pas jusqu'à vous dire: On ne les veut pas sur les trottoirs. Ça ne serait pas correct. Mais, en même temps, ce que je vous disais au début, c'est qu'il faut les informer, ces gens-là, il faut les sensibiliser, parce qu'il n'y a pas juste des aveugles à chien et à canne, si je peux me permettre de parler comme ça. D'abord, 90 % des gens qui ont une déficience visuelle, ça ne paraît pas. Alors, les gens prennent pour acquis qu'ils les voient, et bang! Alors, c'est ça, le problème. Alors, de la sensibilisation, de l'information... Je pense que les gens peuvent faire attention.

Pour ce qui est du virage à droite, vous avez beau me sensibiliser à faire attention, mais, si je ne l'entends pas comme il faut, le char, sensibilisé ou pas, je vais penser qu'il part, je vais penser... comme M. Beauregard le disait tantôt, s'il part pour tourner à droite, moi, je vais penser que mon feu est vert et, même si je suis très sensibilisé, bien informé, je ne la vois pas, la lumière, alors je vais avoir un petit problème pareil.

M. Chevrette: Il y a les daltoniens aussi, ils confondent les couleurs.

M. Lavigne (Richard): J'imagine que les daltoniens ont accès à des signaux de circulation qui ont des formes différentes, M. le ministre, si j'ai bien compris. Il y a d'autres signaux visuels. Et, lui, il voit le mouvement de l'ensemble de la circulation. Il peut regarder, même s'il ne voit pas ses couleurs. Il sait si tout le monde tourne ou si tout le monde ne tourne pas, si les autos arrivent de loin ou pas. Je pense que les daltoniens ont d'autres méthodes visuelles, cependant.

M. Chevrette: Mais on me dit qu'il y a plus d'accidents, on me dit ça, pas nécessairement la SAAQ, d'autres, M. Bourque, je pense, qui est venu ici, nous a dit qu'il y avait plus d'accidents par la flèche verte. Quand il y a une flèche verte, l'automobiliste qui la voit pâlir un peu, il se tire en vitesse. Alors qu'avec le virage à droite il y a nécessairement et obligatoirement un arrêt avant de tourner. Moi, les accidents que j'ai vus sur les coins de rue, c'est beaucoup plus sur les flèches vertes.

M. Lavigne (Richard): Possible. Les flèches vertes, là, moi, vous me perdez dans ces concepts-là.

M. Chevrette: Je comprends. Mais vous savez ce que je veux dire. Il y a beaucoup de signalisation: il y a le petit bonhomme blanc qui marche, il y a la main qui arrête, il y a la flèche, et c'est rendu avec des chronos, là. Vous ne verrez pas plus le chrono, dans votre cas, donc, c'est dire...

M. Lavigne (Richard): M. Beauregard et M. Déry peuvent peut-être vous répondre là-dessus parce que, là, vous me confondez.

M. Beauregard (Ronald): Si vous me permettez... Il y a deux semaines, dans le cadre d'une des activités de la Semaine de la canne blanche, qui se déroulait du 6 au 12 février, il y a eu un symposium organisé par l'institut Nazareth et Louis-Braille et par l'École d'optométrie de l'Université de Montréal. Il y a différents ateliers, différentes discussions qui ont eu lieu. On avait la chance, en tant que spécialistes en orientation et mobilité, de pouvoir se regrouper entre nous, provenant des quatre coins de la province. On avait même des invités du Canada ainsi que des invités des États-Unis.

Évidemment que ça a été une des discussions, un des sujets de discussion, le virage à droite. Sans avoir fait d'études exhaustives, il a été clairement identifié par les spécialistes en orientation et mobilité provenant du Canada et des États-Unis que le taux d'accidents impliquant des personnes aveugles était plus élevé là-bas qu'il ne peut l'être ici à cause des explications qu'on vous donnait tout à l'heure. C'est toujours une question de référence visuelle ou auditive.

M. Chevrette: ...M. Bouchard?

M. Beauregard (Ronald): Pardon?

M. Chevrette: M. Bouchard, votre nom?

M. Beauregard (Ronald): Beauregard. Je m'excuse, je ne vois pas clair, moi non plus. Donc, si à un moment donné vous me pointez...

M. Chevrette: J'aimerais que vous fassiez la distinction entre une ville comme Montréal et le reste du Québec.

M. Lavigne (Richard): Juste une seconde. La distinction est assez simple. À Montréal – moi, je me promène tous les jours à Montréal – il y a du trafic assez important, alors je peux gérer la circulation. Dans un petit coin ou dans une petite ville où le trafic est plus ou moins continu, je vais vous dire bien franchement, j'ai beaucoup plus de difficultés à gérer, au moment où on se parle, les feux rouges et les feux verts, parce qu'il n'y a pas assez de densité, et tout ça. Moi, quand j'ai été chercher mon chien, là, ils m'ont fait pratiquer à Saint-Hyacinthe, et je vais vous dire bien franchement, là, que Saint-Hyacinthe et Sainte-Catherine et Berri, c'est deux mondes. C'est vrai. J'avais beaucoup plus de difficultés à Saint-Hyacinthe, contrairement à ce que les gens peuvent penser. Alors là, si on ajoute quelque chose de différent, c'est sûr qu'il va y avoir de l'insécurité.

Pour ce qui est de votre flèche... Comment vous appelez ça? Flèche à verte, flèche à droite?

M. Chevrette: Flèche verte.

M. Lavigne (Richard): En tout cas, flèche verte.

M. Chevrette: C'est l'espoir qu'il n'arrivera rien, mais il arrive quelque chose. C'est ça que vous voulez dire.

M. Lavigne (Richard): C'est M. Déry, je pense, qui voulait revenir sur la flèche. M. Déry, c'est ça? Et Chloé Serradori aussi, après.

M. Déry (Guy): Je pense que déjà, au niveau de la signalisation actuellement, lorsque vous avez parlé tout à l'heure des personnes qui ont une difficulté à voir les couleurs, à Montréal, c'est assez difficile de distinguer parce qu'ils n'ont pas la forme ovale, ronde, rectangulaire et losange, contrairement à ce que vous avez ici, à Québec ou à Montréal-Nord. Ils ont simplement vert, jaune, rouge. Ça, c'est dans un premier temps. Une autre chose: quand on parlait des cinq accidents qu'il y avait eu avec décès, je ne sais pas si vous aviez le détail de ces accidents-là.

Moi, par expérience de policier retraité, je sais que la majorité de ces accidents-là ont été par des véhicules lourds et par des autobus qui démarraient d'une intersection. Donc, ça ne venait pas d'un flot à grande vitesse mais plutôt d'un départ et d'un mauvais visionnement, une mauvaise réaction des deux parties, surévaluation du temps des deux parties pour tourner. Et souvent les personnes âgées sont impliquées là-dedans. Elles ont le stress du trafic. On parlait de sept secondes souvent sur un feu. Lorsque le feu clignote, avec une marchette, à 76 ans, sept secondes, je vais vous dire une chose, ce n'est pas long. Je le sais...

M. Chevrette: Ce n'est pas un problème de virage à droite, ça. Entre vous et moi, quelqu'un qui s'«enganse» sur le feu jaune orange avec une marchette, là, à 77...

M. Déry (Guy): Non, mais la madame qui est morte voilà à peu près deux mois à Montréal...

M. Chevrette: ...ce n'est pas de virage ni à gauche, ni à droite, ni d'arrêt...

M. Déry (Guy): La madame, elle...

M. Chevrette: ...c'est une question... Ça peut prendre 45 secondes lorsqu'il traverse. Je suis déjà arrêté en plein milieu puis même aidé. Donc...

M. Déry (Guy): Alors, le monsieur va perdre son privilège de virage à droite, si elle est encore engagée là, voyez-vous? Ce que je veux dire, c'est que la dernière personne qui s'est fait tuer, c'est par un autobus. Elle n'était pas âgée, là, 44 ans; c'est une dame. Et déjà le risque est là: le virage à droite est la plus grosse cause d'accidents actuellement, là, si on parle dans toutes choses qui causent le décès.

M. Chevrette: Si je vous ai dit Montréal puis le reste du Québec, tantôt...

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, mais c'est vraiment parce que tu vas en Abitibi, tu vas à Hull...

M. Déry (Guy): À La Sarre, on va aller à La Sarre.

M. Chevrette: À La Sarre, il y en a une, expérience-pilote de virage à droite.

M. Déry (Guy): Oui, mais il y a deux feux de circulation à La Sarre.

M. Chevrette: Mais c'est ça que je veux vous expliquer.

M. Déry (Guy): Je suis allé. Moi aussi, je voyage, là.

M. Chevrette: Oui, oui, mais je ne dis pas que vous ne voyagez pas, là, je vous dis que c'est différent en Hérode. À La Sarre, si vous avez un fauteuil roulant sur le coin de la rue puis vous êtes tout seul sur le coin, il va vous voir. Mais, si tu sors de l'Université du Québec à l'heure de pointe à Montréal, ça aussi, c'est différent, et je n'en disconviens pas. Je pourrais vous dire que même la verte, on peut être obligé d'attendre deux, trois lumières avant de passer puis avant que les étudiants aient tous défilé, y compris sur les vertes. Vous le savez comme moi.

M. Déry (Guy): Oui. Ah, oui.

M. Chevrette: Donc, il faut faire attention du jugement que l'on porte par rapport aux circonstances et par rapport aux endroits. En pleine nuit, sur la rue Sherbrooke, pour tourner au boulevard L'Assomption, je peux-tu vous dire que, si vous êtes tout seul pendant trois minutes, vous polluez pour rien?

M. Déry (Guy): 88 secondes. Je l'ai timé hier soir avant de m'en venir.

M. Chevrette: Oui. 88? Vous l'avez fait hier soir?

M. Déry (Guy): 88. Oui, je suis allé le voir parce que je savais.

M. Chevrette: Trouvez-vous ça normal?

M. Déry (Guy): Mais ce n'est pas le temps... Le temps, je suis d'accord avec vous, là, que même 88 secondes, quand vous êtes tout seul à 2 heures du matin, c'est long.

M. Chevrette: Puis la même ville, hein, il y a des journées, il y a des flèches pour tourner à gauche, tu n'as pas le droit de tourner à gauche jusqu'à 19 heures.

M. Déry (Guy): Il y en a à gauche, il y en a à droite. À la fin du cycle, avant le cycle, il y a toutes sortes de limitations. Si je regarde le monsieur qui est aveugle, je le vois très bien, à La Sarre, qui est planté là sur le stop, puis il ne sait pas si c'est un stop ou une lumière parce qu'il n'y a pas un char qui passe. C'est plate, mais c'est ça. Moi, je conduis...

Le Président (M. Lachance): Mme Serradori, vous avez manifesté votre intention depuis déjà pas mal de temps de prendre la parole. Allez-y.

Mme Serradori (Chloé): Oui. Je voudrais reprendre la question de M. Chevrette, mais à l'envers. Pour nous, pour toutes les personnes qui nous ont parlé, que ce soit les personnes aveugles, ou amblyopes, ou toutes les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, ou les personnes âgées, ou les familles qui ont des jeunes enfants, ça ne se situe pas en termes de Montréal et du reste de la province, ça se situe en termes d'apprentissage, ça se situe en termes de formation. Une personne qui traverse sur la rue Queen à Gaspé, elle a appris de la même façon qu'une personne qui traverse à Montréal. Ça, c'est une première chose, et je pense qu'à ce niveau-là c'est ça qui se passe.

Au niveau des attentes des malheureux conducteurs qui ont 88 secondes à attendre la nuit, à 2 heures du matin, ce serait peut-être plus important de penser à un système intelligent de circulation plutôt que de mettre en place un virage à droite sur feu rouge où il y a des risques. Votre réforme touche la sécurité et la mobilité, et je pense qu'au niveau de la sécurité ce qu'on sait, c'est qu'il y a au moins 960 000 personnes qui sont en danger, et ça partout dans la province. Alors, c'est un point qu'il faut respecter.

M. Chevrette: Mais pensez-vous réellement que... D'abord, c'est un livre vert.

Mme Serradori (Chloé): Oui, oui.

(11 h 10)

M. Chevrette: Vous avez l'opportunité de vous prononcer. Mais, moi, je pense aux 50 000 dans la région de l'Outaouais québécois, qui, quotidiennement, traversent le pont et puis... Est-ce qu'ils sont plus imbéciles rendus de l'autre bord du pont? J'ai de la misère à comprendre comment... On cherche à harmoniser le plus les règles pour justement développer les mêmes réflexes un peu partout, des réflexes collectifs. Puis quotidiennement il y a 50 000 à 55 000, me dit-on, personnes qui arrivent du côté de l'Outaouais, à Ottawa, puis qui, là, ils ne se comportent pas plus sauvagement que quand ils sont du côté québécois. Ils reviennent, puis ici ce sont des dangers publics alors que de l'autre côté, c'est des gens qui respectent les normes, qui font leur arrêt, qui laissent passer les personnes handicapées, qui laissent la mère, avec son petit dans une poussette... Moi, je l'ai vu faire souvent, ça.

Il me semble qu'on n'est pas pire, puis on n'est pas mieux. Il s'agit de faire une éducation et d'y aller de façon intelligente plutôt que de mettre la vie des personnes en danger. Je ne pense pas qu'il y ait une personne sur terre, à moins d'être complètement détraqué, là, qui va vouloir insécuriser les handicapés ou encore les personnes en perte d'autonomie. La personne en perte d'autonomie, en passant, plutôt que de prendre 88 secondes pour traverser à une intersection, elle est peut-être mieux d'avoir un transport adapté, hein, n'est-ce pas?

Mme Serradori (Chloé): Ça, c'est un autre problème, le transport adapté. On pourra revenir. Mais je voudrais...

M. Déry (Guy): Mais j'ai mon véhicule, M. Chevrette. Alors, je conduis encore, mais je paie pour le transport adapté.

Vous avez raison sur bien des points que je peux vous donner. On ne devient pas des sauvages parce qu'on traverse d'un bord à l'autre, mais on se crée...

M. Chevrette: Je ne parle pas, moi, des personnes, je parlais des automobilistes.

M. Déry (Guy): Oui, oui, oui, je parle toujours des automobilistes. J'en suis un. C'est pour ça que je dis: Moi, quand je vais à Ottawa, je me fais klaxonner. Pourquoi? Parce que j'y vais moins souvent que la personne qui est à Hull, qui est fonctionnaire et qui travaille là. Elle a pris l'habitude et même elle a hâte peut-être de tourner à droite. Mais sauf que, moi, quand je reviens chez moi, si je fais la même chose, ça va me coûter 130 $ parce que je viens d'oublier que je suis revenu à la maison. Et c'est ça. Voyez-vous, lui, il est là, il est à proximité, mais c'est une petite partie, c'est 55 000 encore là, comme vous dites, versus 90 000.

Une voix: ...qu'on revienne sur la question, Chloé, peut-être...

Mme Serradori (Chloé): Peut-être au niveau de ce qui se passe dans les différentes provinces, en particulier au niveau de Carleton–Ottawa. Vous savez qu'ils reviennent énormément en arrière parce qu'effectivement il y a des accidents nombreux. Alors, je pense qu'il y a certains chauffeurs canadiens qui peuvent être aussi dangereux que certains chauffeurs québécois. Mais pour nous le problème, il n'est pas sur le fait d'être aussi bien ou aussi pire que les autres. Le problème, il est basé sur le fait que plutôt que de mettre en place un virage à droite sur feu rouge, alors qu'on sait qu'en termes d'économie d'énergie ça économise très peu, en termes de temps, en termes d'émissions polluantes, on n'a pas énormément de résultats... Et ce qu'on sait, c'est qu'il y a des risques au niveau de la sécurité des personnes. Il y a déjà des choses qui ont été mises en place au niveau... On revient toujours à notre système intelligent pour la mobilité, parce qu'aussi on peut comprendre les conducteurs, puis effectivement ça serait beaucoup mieux s'il y avait une mobilité plus fluide. Mais on ne pense pas que, en plus des coûts au niveau de la sécurité, tous les coûts financiers que vont générer la mise en place du virage à droite sur feu rouge sont valables.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. De mémoire, je pense que c'est la première présentation qu'on a qui nous vient des personnes handicapées depuis le début de la commission. Alors, je pense que c'est important que votre point de vue nous soit transmis.

Je dois vous dire que je comprends bien les craintes que vous avez. Il s'agit de voir si la solution que vous préconisez est la meilleure, mais je suis bien conscient des difficultés que ça peut représenter et des craintes que vous avez.

J'aimerais peut-être revenir sur un certain nombre de points, juste pour peut-être mieux comprendre encore la situation. M. Beauregard tout à l'heure nous faisait référence à la façon dont les gens étaient formés, entraînés, pour détecter, par exemple, la circulation pour savoir à quel moment traverser, etc. Ce que je me disais, c'est: Au fond, à l'extérieur du Québec, si on exclut la ville de New York, partout en Amérique du Nord, le virage à droite est permis. Partout, il y a des handicapés visuels, moteurs, etc. Est-ce que vous avez eu l'occasion de savoir, dans ces milieux-là, comment on entraîne les personnes handicapées pour fonctionner dans ce nouvel environnement là. Parce que ça existe partout à l'extérieur. Comment on s'y prend, et quelles sont les façons que les gens peuvent fonctionner, les handicapés visuels par exemple, dans ces milieux-là?

M. Beauregard (Ronald): O.K. Ça me fait plaisir. On procède exactement de la même façon, avec la grande nuance que partout ailleurs justement les personnes sont beaucoup moins autonomes dans leurs déplacements. Elles sont obligées de faire référence à des services d'accompagnement ou des services de transport adapté, voire même qu'en Europe on parle de beaucoup moins d'autonomie qu'on peut parler au Québec. Au Québec, on pourrait être fier de dire que justement on met tout en place au niveau des services qu'on offre, les services de réadaptation qu'on peut offrir à notre clientèle, pour vraiment avoir une autonomie pleine et entière. Comme je vous ai dit, c'est exactement les mêmes moyens, avec la différence que les gens ont beaucoup moins d'autonomie. On fait la fierté, hein, partout en Amérique du Nord, même en Europe, par rapport aux moyens qu'on peut se donner comme société. Ça serait malheureux de retourner en arrière en mettant en place une telle mesure.

M. Lavigne (Richard): À titre complémentaire, si je peux me permettre. J'ai fréquenté des aveugles d'autres pays. On parle d'économie de temps pour les automobilistes, mais je sais qu'un aveugle qui traverse à Toronto, il est obligé d'attendre pas mal plus longtemps pour s'assurer... Il a beau avoir le meilleur entraînement, mais il faut qu'il s'assure que cette fois-là il peut y aller, que c'est vraiment un feu rouge. Alors, économie de temps... C'est sûr qu'un aveugle qui attend, ça ne pollue pas peut-être, là, mais il perd son temps pareil. Ça ne pollue pas, mais il perd plus que 20 secondes par jour. Ça, on ne le calcule pas dans les économies.

Pendant que j'ai la parole, moi, je ne comprends pas les vrais enjeux, M. le ministre, de cette proposition-là. Les vrais enjeux, là. Il y a des coûts reliés à changer ça, il y a des coûts à des campagnes de sensibilisation. Il y a des coûts à tout ça. Puis on va sauver quoi? C'est quoi, le vrai... Je n'ai pas eu le livre vert en braille, peut-être que je l'ai manqué, là, mais il y a une raison en arrière de ça.

En 1996, on était venu vous demander de ne pas procéder à l'autorisation du virage à droite, puis là on revient encore là-dessus. Ça me fait penser à d'autres dossiers que ça revient de temps en temps, ça. Y a-tu moyen à un moment donné qu'on s'entende? Écoutez, là. À moins que vous m'expliquiez les véritables enjeux. Nous, on parle d'enjeux économiques. On considère qu'économiquement ce n'est pas le Pérou, faire ça. Puis, au niveau de la sécurité, bien, c'est dangereux. Alors, c'est quoi, l'autre argument? Pour faire comme les autres? Moi, mon père m'a toujours dit dans la vie que tu n'es pas obligé de faire comme les autres pour te démarquer. Mon père m'a toujours dit ça, moi.

M. Bordeleau: Oui. M. Déry, je pense...

M. Déry (Guy): Juste en complément à ce qu'il vient de dire. C'est qu'au Québec aussi on dit... Et je pense que vous le vivez. Vous êtes des parlementaires, vous travaillez beaucoup. Le préposé au stationnement m'a dit: Ces gens-là travaillent 100 heures par semaine. Souvent, le petit temps sur le feu rouge, ça permet de relaxer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Déry (Guy): On vit déjà une vie très accélérée. On dit toujours: La vie passe; on n'a pas le temps de vivre. On vit à un rythme effréné, pourquoi encore chercher à l'accélérer? Je pense qu'on a une qualité de vie, comme on dit, dont on peut être fier au Québec. On est fier de ce qu'on a. Ne cherchons pas à le diminuer, mais cherchons encore à l'améliorer. Je ne pense pas que... le virage à droite n'est pas l'outil pour l'améliorer. Ça va imposer encore du stress, beaucoup plus de rapidité et beaucoup plus de vitesse. Et ce n'est pas ça. Ce n'est plus une qualité de vie après. Je pense qu'on se comprend très bien là-dessus. Je vous remercie.

M. Bordeleau: Les gens de la région de l'Outaouais sont venus nous faire des représentations sur le même sujet. Eux sont favorables au virage à droite. Étant donné qu'ils sont contigus aussi avec la région d'Ottawa. Un des éléments qu'ils nous ont mentionné qui... Dans toute grande ville au fond il y a toujours un équilibre à avoir entre, mettons, les éléments auxquels vous faites référence, de sécurité puis aussi la mobilité de la circulation. C'est évident que, dans une grosse ville, tout ce qui peut aider à la mobilité au fond est important, en termes d'économie de temps par exemple.

Évidemment, c'est complètement en dehors de ce qu'on parle, mais, quand on réalise, par exemple, les attentes au pont Champlain actuellement... Parce qu'on a de la misère souvent à percevoir qu'est-ce que ça veut dire, mais – ça n'a rien à voir avec le feu, il y a un problème d'accès par les ponts – les attentes au pont Champlain, qui existent actuellement, ça représente, en termes de temps, 500 000 000 $ par année de perte de temps. Et ça, c'est un autre problème, le problème du pont, mais je veux dire qu'à l'intérieur de la ville...

(11 h 20)

Les autorités municipales dans toutes les villes essaient, quand la mobilité devient un problème, de l'améliorer. Alors, on a développé, par exemple, dans la région de l'Outaouais – et je pense que M. Lavigne tout à l'heure y a fait référence – un système qui visait à essayer d'améliorer la circulation, pour répondre à ce besoin-là en tout cas qui est celui – je ne sais pas comment est-ce qu'on appelle ça, là – des voies... à une intersection, on fait des voies de contournement, une petite route courbée qui permet de tourner à droite, puis on fait ça aux quatre coins de la route.

Une voix: ...des îlots.

M. Bordeleau: Bon, exactement, M. Déry. Alors, on se réveille au fond dans ces situations-là où la personne qui veut traverser, soit un handicapé moteur ou un handicapé visuel, doit d'abord traverser une première rue et aller sur l'îlot – et là ce n'est pas toujours évident, l'accès à l'îlot n'est pas toujours facile non plus – ensuite descendre de l'îlot pour traverser la rue principale et se retrouver sur l'autre îlot, ensuite redescendre de cet îlot-là pour traverser l'autre rue et arriver enfin sur le trottoir de l'autre côté complètement. Alors, on nous a dit que ça existe actuellement dans la région.

À Hull, par exemple, on nous a dit qu'il y avait 30 % des intersections qui étaient équipées comme ça. Il me semble que cette situation-là est encore plus dangereuse. Et ce qu'on fait actuellement dans la région...

Une voix: Très dangereux, ça.

M. Bordeleau: D'abord, on a dépensé de l'argent pour faire ça et on est en train de les défaire. Mais essentiellement il faut réaliser que ça, c'était fait pour permettre aux gens de tourner à droite avant même que la lumière soit changée, parce que ces gens-là qui avaient à tourner à droite n'avaient pas à attendre la lumière verte, ils arrivaient puis ils prenaient la petite voie de contournement puis ils se glissaient. Avec un signe «cédez», on devait regarder vers la gauche pour voir s'il n'y avait pas une auto, au cédez, puis on embarque vers la rue puis on s'en va. Alors, ça avait été fait pour essayer d'améliorer la mobilité de la circulation, et je pense que cette configuration-là est encore plus dangereuse – c'est la perception en tout cas que j'ai – que le virage à droite sur feu rouge.

L'autre élément aussi, c'est comment les personnes handicapées visuelles pouvaient se retrouver dans ce contexte-là, parce que, là, on a la même réalité, c'est-à-dire que la personne peut entendre une auto à côté d'elle, qui part ou qui continue tout simplement, qui tourne à droite alors que la lumière est rouge pour les piétons, mais la personne vérifie, il n'y a personne qui s'en vient, elle contourne. Est-ce que ça donne le signal, par exemple, aux handicapés visuels qu'ils peuvent partir à ce moment-là?

M. Lavigne (Richard): M. Beauregard va vous répondre, là, parce que ça, c'est très... Je suis content que vous souleviez la question des cédez, là, ça, c'est un suicide collectif.

M. Beauregard (Ronald): O.K. Dans les habiletés qu'on développe avec nos clients ou dans les conseils qu'on peut leur donner, on leur recommande ou on les oblige à ne jamais utiliser des cédez, justement à cause des explications que vous venez de donner. Ça oblige la personne à faire deux traversées de rues plutôt qu'une, ça donne de fausses informations auditives, parce qu'elle a des autos qui passent à la fois en arrière, à côté, en avant, partout. C'est très dangereux. Donc, on leur recommande de ne jamais utiliser les cédez.

Dans le mémoire qu'on a déposé en 1996, on avait justement recommandé au ministère de faire la promotion auprès des municipalités d'éviter les cédez à cause de ces raisons-là.

M. Lavigne (Richard): Juste pour compléter. Les cédez, ça, c'est sûr que c'est très dangereux. C'est peut-être bon pour du monde, mais ce n'est pas bon pour tout le monde. Puis je ne parle pas juste des aveugles, là, les piétons en général.

Moi, je reviens aux vertus du transport en commun. Moi, je ne comprends pas. Tantôt, on nous disait que le transport adapté, et tout ça... Dans la région de l'Outaouais, là, les aveugles, ils sont obligés de prendre bien plus le transport adapté qu'ailleurs, justement à cause de ces affaires-là. O.K.

Les blocages de ponts, le pont Champlain qui est bloqué à tous les matins, bien, je veux dire, le virage à droite, il ne débloquera pas les ponts pantoute, là. Ça m'étonnerait que ça sauve à ce point-là. Le transport en commun pourrait, si on prenait la question au sérieux, correspondre à certaines de vos préoccupations d'économies de temps, d'énergie, d'essence, et tout ça. On dirait que ça ne peut pas passer.

Et je répète ma question: C'est quoi, les vertus miraculeuses du virage à droite? On ne demande pas mieux que de les entendre. Mais on a beau les chercher et on n'en trouve pas. Il y a quelqu'un quelque part qui... Je ne sais pas, ça vire à droite... On disait, nous autres, en farce, M. le ministre: On devrait avoir le droit de virer à droite au Québec, mais juste à droite, jamais à gauche. À un moment donné, ça devient comme... C'est quoi, l'utilité concrète de ça, pour sauver 20 secondes? Quand bien même que la personne attendra 80 secondes au coin d'une rue à dépenser un petit peu d'essence de temps en temps, c'est-u mieux ça qu'elle rentre dans le tas puis qu'elle tue ou qu'elle blesse du monde? Ça coûte cher un blessé. Un mort coûte moins cher, mais un blessé ça coûte cher. Ça fait que, si on veut regarder sur le plan strictement économique, il faudrait faire les calculs comme du monde. Puis, si vous regardez au plan social ou communautaire, et tout ça, bien il faut penser aux individus. Je suis très heureux qu'on nous écoute, d'ailleurs. Merci.

M. Bordeleau: Disons que je veux juste reprendre un peu votre interrogation, la question de la pollution, je pense c'est quand même une dimension qui est importante. Vous savez, le problème de la pollution, ça affecte aussi beaucoup de personnes qui sont malades justement à cause de la pollution. Je pense à des asthmatiques, à des gens qui ont de la difficulté à respirer, des personnes âgées qui, dans une ville comme Montréal, peuvent être affectées grandement par la pollution aussi. Donc, ce que je mentionnais tout à l'heure, c'est qu'il y a une espèce d'équilibre à essayer de retrouver dans toute cette question-là, et je pense qu'il ne faut pas négliger non plus les autres aspects. On parlait de la mobilité. Il y a des problèmes de mobilité. Tout à l'heure, quand je vous ai mentionné la question du pont Champlain, vous avez dit: Ça ne réglera pas le problème du virage. Effectivement, je l'ai dit. J'ai dit que c'était quelque chose de complètement à part, que c'était juste pour donner un ordre de grandeur du problème que ça pose, le problème des ponts comme tel, mais ça n'a rien à voir avec notre débat, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus, M. Lavigne.

Alors, c'est un petit peu toutes ces questions-là qui doivent être prises en considération. La pollution, ça affecte la santé des gens aussi et ça affecte beaucoup de personnes à Montréal, des jeunes enfants, des personnes âgées qui ont des problèmes de respiration. Alors, dans la mesure où on peut... Vous savez, ce n'est pas pour rien que toutes les sociétés se sont donné, avec Kyoto, une obligation de réduire la pollution atmosphérique. Alors, il y a des incidences sur la santé aussi.

Tout à l'heure, Mme Serradori, vous faisiez référence à des données ou en tout cas vous disiez que dans la région de Carleton-Ottawa les accidents avaient augmenté comme tels. Est-ce que vous avez des données précises là-dessus, chiffrées, sur lesquelles vous vous basez pour...

Mme Serradori (Chloé): ...la promotion de défense de droits pour la ville d'Ottawa et de Carleton, Ottawa-Carleton, ils sont vraiment en train de réduire la possibilité de virage à droite sur feu rouge pour tout ce qui touche les zones piétonnières et aussi au niveau de périodes dans la journée. Donc, il y a un net recul qui est en train de se faire. C'est ce qu'on nous dit aussi au niveau de la Colombie-Britannique.

M. Bordeleau: Oui. Bon. Là-dessus, je pense qu'effectivement... Quand on parle du virage à droite généralement permis aussi – puis peut-être que c'était ça dans la région d'Ottawa, je ne suis pas familier, mon collègue... de toute façon je vais lui laisser du temps parce qu'il a une question à vous poser, il vient de cette région-là – c'est certain que, si on le permettait automatiquement partout, on peut revenir en arrière en disant: Bien, il y a des exceptions à certains endroits où à certaines heures. Les propositions qui sont dans le livre vert, quand on dit «généralement permis», ça ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas d'exception aussi. Dans la proposition qui est faite ici, dans l'hypothèse où le gouvernement déciderait d'aller dans ce sens-là, ça ne veut pas dire que ça serait permis partout tout le temps, en n'importe quelle circonstance. Il pourrait quand même y avoir des exceptions.

Alors, étant donné que le temps passe rapidement, je veux permettre quand même – il reste quelques minutes – à mon collègue de Papineau de...

Le Président (M. Lachance): Vous avez du temps pour une question, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: C'est juste que vous avez mentionné l'Outaouais, M. Lavigne, je pense, tantôt, vous avez dit que, pour le transport pour les handicapés dans l'Outaouais... C'est quoi que vous avez dit exactement?

M. Lavigne (Richard): Ce que je dis c'est que, lorsque c'est plus difficile de circuler de façon autonome, les gens se revirent vers le transport adapté comme solution.

M. MacMillan: Mais vous avez mentionné qu'il y avait d'autres choses dans l'Outaouais, il y avait un problème. Je n'ai pas capté qu'est-ce que vous avez dit. C'est justement ça que...

M. Lavigne (Richard): Dans le projet-pilote, l'installation de cédez.

M. MacMillan: Oui. Ah! O.K.

M. Lavigne (Richard): Hein, c'est ça, là? Bien, ça génère chez les personnes handicapées – en tout cas, moi, je parle pour les personnes qui nous en ont parlé – une insécurité telle qu'elles se rabattent sur le transport adapté.

M. MacMillan: Est-ce que c'est des gens de l'Outaouais qui vous ont dit ça?

M. Lavigne (Richard): Oui, oui. Bien oui. C'est des gens de l'Outaouais qui nous ont dit qu'ils craignaient ça puis ils devaient...

M. MacMillan: Parce que je suis très sympathique avec ce que vous dites puis je comprends. Je peux comprendre quelqu'un qui est handicapé soit par la vue... d'avoir un problème, mais la question que je me pose toujours là-dessus: Pourquoi qu'on n'aurait pas, comme on l'a suggéré dans l'Outaouais, un projet-pilote conjointement avec tout le monde puis qu'on pourrait vraiment voir si on peut avoir la possibilité que tout partout au Québec, peut-être excepté Montréal, je ne sais pas, c'est la même chose aux États-Unis, il y a seulement la ville de New York qui n'a pas de virage à droite. Tout partout ailleurs, on donne le droit.

Une petite farce, en passant. Il y a des gens, chez nous, du Parti québécois qui m'ont dit: Bien, on est une société distincte, on veut se séparer, mais on n'a pas le droit de tourner à droite. On fait quoi avec tout ça?

(11 h 30)

M. Lavigne (Richard): On peut bien mélanger tout ça, si vous voulez, là. Mais, moi, je ne parle pas de souveraineté.

M. MacMillan: Mais vous l'avez mentionné tantôt pareil.

M. Lavigne (Richard): Moi, je parle de sécurité. O.K.? On peut tout mélanger, là.

M. MacMillan: On veut avoir un pays, mais on n'a pas le droit de tourner à droite.

M. Lavigne (Richard): On peut tout mélanger, si ça nous tente, mais on peut se mélanger, hein?

M. MacMillan: Mais pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un projet-pilote pour voir si on ne peut pas tout mettre ça ensemble?

M. Lavigne (Richard): Je n'ai pas besoin d'un projet-pilote pour savoir que c'est dangereux pour moi quand je ne sais pas comment le trafic s'en va, monsieur. C'est aussi simple que ça. Des projets-pilotes, ça, c'est quand on ne le sait pas.

M. MacMillan: Les statistiques ne disent pas ça.

M. Lavigne (Richard): Nous, on le sait. On vient vous dire ce matin qu'on est sûrs que ça peut comporter des problèmes parce qu'on ne peut pas gérer le trafic avec nos oreilles ou on ne peut pas marcher assez vite, tu sais. Je le fais à tous les jours, mon projet-pilote, moi, quand je me promène à Montréal sur la rue. Il faut que je me grouille pour ne pas me faire... Il faut que j'écoute mon trafic, et tout ça. Et ce que je tiens à...

On achève, là. Le transport des personnes handicapées, on peut en parler; ce n'est pas la bonne commission. Mais le transport adapté, il est problématique. M. Chevrette, je suis sûr que vous savez au moins autant que moi qu'il y a des problèmes au transport adapté partout au Québec, pour toutes sortes de raisons.

M. MacMillan: Surtout dans l'Outaouais.

M. Lavigne (Richard): Ce n'est pas le temps de commencer à inciter les gens à se rabattre sur un système de transport qui, lui, est vraiment plus déficient. Moi, si je peux me permettre, surtout dans des régions comme Montréal, c'est l'enfer. Alors, nous, on se dit, et je répète: Quel est l'avantage mesurable si important que ça pour aller de ce côté-là? C'est ça qu'on veut savoir. Puis, à partir du moment où si jamais on économise au Québec à un point tel qu'on peut payer du transport adapté à toutes les personnes handicapées pour qu'elles ne se fassent pas frapper, bien là on en reparlera, hein, on en reparlera.

Puis, encore là, c'est une question de dignité humaine. Moi, j'aimerais ça être capable, le samedi soir, que je reste à Montréal, à Québec ou à Chibougamau, de sortir comme tout le monde sans risquer d'avoir un stress additionnel. Le samedi soir, le stress, ça ne me tente pas. Le lundi matin, ça, je suis obligé de stresser, je m'en vais travailler, il faut que je sois pressé. Mais le samedi soir, j'aimerais ça faire comme tout le monde, me véhiculer à pied comme citoyen à part entière qui paie ses impôts puis qui est capable de bénéficier d'un environnement sécuritaire.

Bon. Ceci étant dit, si vous nous faites la preuve qu'il y a une économie telle qu'on peut compenser – on appelle ça de l'accommodement, hein – les limitations par l'ajout de services de transport public adapté, ah! ça, ça nous fera plaisir d'entendre et de revenir en discuter avec vous. C'est tout.

Le Président (M. Lachance): Je vous indique qu'il reste un total de trois minutes pour avoir un temps réparti équitablement entre les deux formations politiques. Allez-y.

M. Chevrette: Moi, c'est juste une observation. Si on ne voit pas les feux, par exemple, dans le cas d'un aveugle, vous ne voyez pas plus les changements de décision dans la circulation à Montréal. Par exemple, de 17 heures à 19 heures, vous n'avez pas le droit de tourner à gauche à certains endroits, alors que tout le reste de la journée, vous avez le droit. Donc, comment faites-vous, à ce moment-là, pour les changements, surtout à Montréal? C'est une ville... vous avez fait même la distinction entre Montréal puis Québec tantôt, dans la signalisation et d'autres...

M. Lavigne (Richard): M. le ministre, je m'excuse de vous interrompre, on écoute...

M. Chevrette: Non, je comprends, mais c'est une autorisation qui est déjà légale de faire ça puis c'est la ville qui dit que, de telle heure à telle heure, tu ne tournes pas à gauche sur un arrêt, etc.

La deuxième chose que je voulais vous demander. Pour répondre à madame, 95 % des feux de circulation gérés par le ministère des Transports sont synchronisés pour le temps, là.

Une voix: ...

M. Chevrette: Ce n'est pas le cas de toutes les villes; ça, vous avez peut-être raison. Mais, au niveau du ministère, il nous reste à peu près 5 %, nous dit-on, à ajuster de façon à avoir une signalisation intelligente. Mais les villes n'ont pas nécessairement suivi le même rythme que le ministère des Transports. C'est parce que vous aviez fait une allusion tantôt à cela, la signalisation intelligente. On a donné l'exemple là-dessus, nous autres, le ministère des Transports.

Mme Serradori (Chloé): Il faut continuer dans cette voie-là.

M. Chevrette: Il nous reste 5 %, nous autres.

M. Lavigne (Richard): Il faut inciter les villes à continuer là-dedans aussi.

M. Déry (Guy): Pour le virage à gauche, M. le ministre, ça n'empêche pas le flot de circulation de continuer. Donc, ça ne cause pas un problème pour une personne aveugle.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous faites avec ceux qui sont pris entre les deux voies puis avec une autorisation de virer à gauche?

M. Déry (Guy): Non, non. C'est que, lorsque vous montez le boulevard Pie-IX, vous n'avez pas le droit de tourner à gauche, entre 17 heures et 19 heures. Le trafic est normal. C'est l'automobiliste qui, lui, ne peut pas virer à gauche. Donc, il n'y a personne là. Que ce soit la rue Christophe-Colomb aussi.

M. Beauregard (Ronald): Si M. Déry me permet aussi, c'est encore l'aspect technique au niveau orientation et mobilité. Nous autres, on s'organise pour que, notre clientèle, sa circulation parallèle soit toujours immédiatement à sa gauche. Donc, c'est sa circulation automobile qui vient le protéger quand il traverse la rue, ce qui empêche de se faire couper par les autos qui veulent tourner à gauche. C'est tout simplement technique.

Le Président (M. Lachance): Alors, ceci met fin à nos échanges. Et je tiens à vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer pour nous exprimer votre point de vue sur le virage à droite. Merci.

M. Lavigne (Richard): Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant M. Guy Paquette à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Alors, bienvenue, M. Paquette, du Groupe de recherche en sécurité routière. Je vous indique, comme vous avez pu le constater pour les autres qui vous ont précédé, que vous avez une période de 20 minutes pour nous faire part de votre présentation, et par la suite les échanges pourront se faire avec les députés.


M. Guy Paquette

M. Paquette (Guy): Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, de m'accorder la chance de pouvoir présenter ici les conclusions d'un certain nombre de travaux qu'on a réalisés relativement au cinémomètre photographique. Je pense qu'on a pu constater, quant à nous, avec intérêt qu'une bonne partie de nos propositions et recommandations s'étaient retrouvées dans le livre vert, mais on doit avouer que nous avons certaines réserves sur certains des points qui ont été avancés dans ce même livre vert, tout comme nous avons quelques réserves sur la manière dont certains intervenants précédents... je pense notamment au Syndicat des policiers du Québec, qui ont, je pense, livré, dans certains cas, des interprétations peut-être un peu trop restrictives sur certains des contenus de ce rapport.

Donc, je vous remercie aujourd'hui de nous donner la chance de pouvoir peut-être apporter certaines mises au point et surtout, peut-être, j'espère, de vous éclairer en ce qui concerne des dimensions techniques et des dimensions de sécurité relativement à l'utilisation du cinémomètre.

Pour essayer de faciliter la tâche et pour avoir une dimension, je dirais, un peu plus pédagogique ou éducative puis de manière aussi à bonifier le temps qui m'est imparti, j'ai préparé une présentation informatique qui, je pense, va permettre d'illustrer un peu plus quel est le fonctionnement du cinémomètre photographique, bien qu'il y ait déjà eu une courte présentation des gens de la firme Lockheed à ce sujet. Et, si vous le voulez bien, j'ai demandé la permission pour qu'on puisse réduire l'éclairage de la salle de manière à ce qu'on puisse se centrer essentiellement sur cette présentation.

(11 h 40)

Le Président (M. Lachance): Très bien.

M. Paquette (Guy): Alors, je dois simplement préciser le fait que je suis professeur au Département d'information et de communication à l'Université Laval et que je dirige le Groupe de recherche en sécurité routière depuis le milieu des années quatre-vingt. Nous sommes également membres du Groupe de recherche interdisciplinaire mobilité, environnement et sécurité.

La question du radar-photo est, pour nous, une dimension, je dirais, sur laquelle on a travaillé déjà depuis peut-être une dizaine d'années. On est un peu à la fois surpris et en même temps agréablement surpris de l'avance, de l'évolution qu'il y a eu sur cette question. Et je pense que, de toutes les mesures que l'on retrouve dans le livre vert, c'est certainement celle qui est la plus susceptible d'améliorer à court terme de manière très évidente le bilan routier.

Ma présentation va être centrée sur quatre points, simplement revenir brièvement sur les technologies actuelles mais surtout faire un peu de prospective, penser aux technologies en développement, passer beaucoup de temps sur les conditions d'utilisation, parce que le radar photographique, c'est une excellente chose, mais, en même temps, en tant que citoyen, moi-même, je dois avouer que j'ai peut-être quelques réserves. Et, là-dessus, j'aimerais peut-être attirer l'attention des gens sur le contexte d'utilisation de cette technologie. Je voudrais aussi peut-être faire une courte démonstration des impacts sur la sécurité de cette technologie, parce que, bien sûr, il est facile de voir ça comme étant une espèce d'usine à taxes que l'on souhaiterait, dans certains cas, peut-être – ou en tout cas que l'on évoque – mettre sur les routes. Et je vais terminer avec quelques propositions très concrètes en ce qui concerne les conditions d'utilisation du radar photographique.

Alors, en ce qui concerne les appareillages et la performance, vous le savez sans doute, cet appareillage est composé, de manière classique, essentiellement d'un appareil photographique 35 mm conventionnel auquel on a couplé un radar. Ce radar va être déclenché et va permettre de faire en sorte qu'il y aura une photographie, règle générale, de la partie arrière du véhicule, à partir de laquelle on pourra faire l'identification de la plaque d'immatriculation.

La grande différence que l'on a avec le radar dit conventionnel, le radar conventionnel est en général opéré par les policiers en parallèle avec la route. Il a une portée qui est relativement considérable. Il pose cependant le problème de l'identification technique des véhicules, surtout lorsque le flot de circulation est élevé et surtout aussi lorsqu'il y a présente de masses considérables, tels que des poids lourds.

Le radar photographique a l'avantage d'opérer avec un faisceau beaucoup plus étroit, à un angle, en général, d'une vingtaine de degrés par rapport au trafic, et surtout, surtout la grande différence, c'est qu'il opère à très grande vitesse. Alors qu'un policier est capable, au mieux, de faire quatre interceptions à l'heure, dans le cas du radar photographique, techniquement, il peut y avoir deux photos à la seconde. Vous voyez donc que c'est quelque chose qui est absolument considérable. C'est comme si, d'un seul coup, plutôt que d'avoir un policier pouvant faire de l'interception, il y en avait subitement un millier qui, simultanément, pouvaient se livrer au même type d'opération.

Maintenant, est-ce que ça marche, comme technologie? Est-ce que c'est fiable? Est-ce que c'est plus fiable, par exemple, que le jugement d'un policier? Et, lorsqu'on examine les spécifications des appareils proposés par les différentes entreprises, bien sûr tout ça a l'air d'être très parfait, mais on peut se livrer quand même à des analyses comparatives. Ce que nous disent les fabricants, est-ce que c'est fondé? Les études les plus sérieuses ont été menées sur la Capital Beltway, à Washington, en 1991, et, à cette occasion, on avait invité tous les grands manufacturiers qui existent dans le monde – essentiellement européens, pour la plupart d'entre eux – à se présenter à ces tests comparatifs avec leurs machines, leurs techniciens, et on avait des systèmes de mesure indépendants.

Simplement à titre d'exemple, je vous souligne que la compagnie australienne... Vous savez que l'Australie se sert du radar photographique; eux aussi produisent leurs propres appareils. L'appareil de marque Awa surestimait de 12,8 km/h, en moyenne, les lectures de vitesse qui étaient prises. Et c'est le même genre de raison qui a amené l'État de l'Alaska, il y a quelques années, à devoir abandonner prématurément son programme de radar photographique, tout simplement parce que les contestations et les évaluations qui ont été faites par la cour ont permis de démontrer, dans certains cas, le manque de fiabilité des appareils.

Ça veut donc dire que cette technologie, elle est intéressante, mais il faut faire attention. Et, quand je dis faire attention, ça veut dire qu'il faut s'assurer qu'on a des processus d'homologation. Par exemple, la France a un Institut de métrologie légale, les Pays-Bas, la même chose, les États-Unis également. Et je pense qu'il faudra donc, de ce point de vue là, être relativement rigoureux, d'autant plus que, chez nous, les particularités du climat sont telles qu'on peut peut-être, dans certains cas, douter des capacités d'opération des technologies classiques qui emploient notamment la pellicule photographique. À moins 30°, une pellicule photographique 35 mm, lorsqu'elle est soumise à un stress intense, elle a plutôt tendance à déchirer et les appareils ne sont guère fonctionnels très longtemps. Ça veut donc dire aussi qu'en ce qui concerne les aspects juridiques il faudra éventuellement, avant de se lancer avec l'implantation de cinémomètres, qu'on puisse s'assurer qu'on pourra disposer de preuves de fiabilité et de validité des données qui seront soumises éventuellement à la cour.

Combien ça coûte, un radar-photo? On n'a pas voulu vous le dire? Eh bien, la facture, c'est à peu près 100 000 $ par unité. 100 000 $ par unité parce que ça comprend le câblage, les piles, les trépieds, l'installation, etc. Mais ça ne comprend pas les véhicules dans lesquels très souvent ils vont être installés. 100 000 $, quand on se dit que, normalement... si on pense à un État comme l'État de Victoria, en Australie, où on en acheté 60, la Norvège, qui en a 100, imaginez tout de suite, dès le départ, la facture.

Alors, donc, est-ce que ça vaut la peine d'aller plus loin là-dedans? Eh bien, oui. Si on considère, par exemple, les opportunités que nous offrent les nouvelles technologies, on s'aperçoit que les radars photographiques conventionnels sont issus de technologies qui datent déjà d'une trentaine d'années et la plupart des manufacturiers continuent d'opérer avec les mêmes anciens systèmes. Les technologies vidéo sont maintenant suffisamment développées en mode numérique pour pouvoir permettre d'opérer avec des coûts d'opération sensiblement moindre.

Beaucoup plus loin que ça encore, les technologies de reconnaissance visuelle font aujourd'hui en sorte qu'on n'a plus besoin, par exemple, de faire le développement d'un film photographique, de demander à un policier de faire la lecture de la plaque et de confronter ça avec ce qui existe dans le fichier officiel qui est détenu par la Société de l'assurance automobile du Québec. Ce type d'opérations peut se faire de manière totalement automatisée. Ça veut donc dire que, de cette manière, on peut, entre autres, contourner, je dirais, des objections qui ont souvent trait aux délais de traitement des infractions. Quand on dit que c'est injuste pour l'automobiliste que d'apprendre deux semaines plus tard qu'il a été pris en infraction, les nouvelles technologies pourraient, en théorie, permettre de faire en sorte que, moins de 1 h 30 min après la commission de l'infraction, le ticket, comme on dit, soit déjà imprimé et le lendemain soit mis à la poste.

Et, s'il est vrai qu'il y a quelques années il n'y avait que quatre ou cinq grands joueurs sur le marché de ce type de technologies, eh bien, il faut aussi constater que, aussitôt qu'un pays décide d'implanter ce genre de contrôle routier, tout de suite se trouvent des industries sur place qui commencent à développer leur propre technologie. Et voyez tout ce qui vient de s'ajouter ici. 80 % des entreprises n'existaient pas il y a deux ans. Et pourquoi? Parce que maintenant on est dans le domaine des hautes technologies, on ne fonctionne plus avec ces anciennes méthodes des radars, on fonctionne essentiellement par technologies vidéonumériques.

Le Québec est particulièrement réputé pour ses compétences dans le domaine, en télécommunications, en reconnaissance visuelle et en traitement d'image. Je pense qu'il faudrait, avant de se lancer aveuglément dans ce type d'opération, surtout si on veut faire de la validation, qu'on pense à encourager et peut-être, en même temps, en profiter pour que les retombées économiques, non pas les retombées sur le plan des amendes et des contraventions, mais que ces retombées économiques puissent bénéficier, je pense, aux entreprises québécoises qui sont particulièrement actives dans le domaine.

Maintenant, on parlait tout à l'heure des conditions d'utilisation, et c'est là où le bât blesse, c'est là qu'il faut faire attention. Et je comprends très bien toutes les personnes qui ont pu avoir quelques réserves relativement à l'implantation du radar photographique. Il faut s'assurer que ça va servir à des fins de sécurité.

Et quels sont les critères habituellement utilisés? Essentiellement, le nombre élevé d'accidents dans lesquels la vitesse a été mise en cause, les problèmes de surveillance dangereuse pour les policiers – vous le savez, si on s'en va sur du Vallon, ici, à Québec, ça pose des problèmes particuliers – évidemment, lorsqu'on dispose d'effectifs policiers restreints. Mais des lieux tels que les zones scolaires et les aires de travaux, règle générale, il n'y a pas de problème. Dans la population, tout le monde est d'accord pour qu'on contrôle rigoureusement les automobilistes.

Je vous cite un cas, c'est celui de la Norvège. La Norvège emploie essentiellement trois critères: on examine le pourcentage d'accidents sur des sites et on les compare avec des sites comparables; il faut qu'on ait plus de 0,5 accident par kilomètre sur une base annuelle; et il faut, finalement, que les moyennes de vitesse pratiquées soient supérieures aux limites de vitesse normalement autorisées. Ce qui veut donc dire qu'objectivement on peut, je pense, poser des conditions pour éviter que n'importe qui, n'importe où fasse l'installation de ces appareils et qu'on se retrouve avec la même situation qu'on avait en 1970, quand des municipalités, pour des fins malheureusement contraires à la sécurité, ont commencé à implanter cette technologie.

Quelles sortes de cinémomètres existe-t-il? Au départ, en mode stationnaire, on a des installations fixes qui peuvent être installées, par exemple, au-dessus des viaducs d'autoroutes, sur des lampadaires, sur des poteaux. Et il y a le système conventionnel habituellement utilisé sur trépied. On le déplace, il est dans le véhicule d'un policier et on l'installe où on veut.

Les autres types d'installation que l'on peut rencontrer aussi, ce sont des cinémomètres opérés en mode mobile. Le Québec est réputé pour l'étendue de son territoire. Et, lorsque, par exemple, on penserait à vouloir faire du contrôle sur une route telle que la route du parc pour monter au Lac-Saint-Jean, une des technologies qui pourraient être employées serait d'avoir ce type d'appareillage là monté à bord d'un véhicule, qui, simplement, fait une patrouille d'un côté et de l'autre. Mais, attention, on le verra tout à l'heure, il faut que ça réponde à des conditions particulières.

Lorsqu'on emploie ce type d'appareil dans une zone de 90 km/h, à combien devrons-nous le régler? En temps normal, on fait confiance au jugement du policier. Dans le cas présent, il n'y a pas de jugement possible, il faut ajuster les appareils. La marge de tolérance, quelle sera-t-elle? En Europe, elle varie de 3 km/h à 15 km/h. Aux États-Unis, elle atteint jusqu'à 26 km/h, dépendamment des villes. En ce qui concerne l'Ontario et la Colombie-Britannique, on avait annoncé une marge de tolérance de 20 km/h pour la surveillance sur autoroute limitée à 100 km/h.

(11 h 50)

Tout le problème est qu'il faut à tout prix poser la question. Cette marge de tolérance, elle devrait être publique plutôt qu'inconnue, si on travaille vraiment avec des objectifs de sécurité. Dans certains endroits, cette marge de tolérance, elle est fixe, elle est toujours de 10 km/h, de 15 km/h ou de 20 km/h. Dans d'autres cas, elle est évolutive et très souvent positionnée au 85e percentile. Évolutive pourquoi? Parce que, si on commençait, par exemple, sur l'autoroute 20 ou sur la 40, on pourrait décider qu'on fixe ça, au départ, à 120 km/h, six mois plus tard, on la baisse à 115 km/h, ensuite à 110 km/h, ensuite à 105 km/h, et pourquoi pas à 100 km/h.

Je pense que, là aussi, il y a des choix en termes de sécurité et de politique publique. Un, cette marge devrait être officielle, elle devrait être largement publicisée et elle devrait être simple; pas, par exemple, une marge de 5 km/h à tel endroit, 10 km/h ailleurs, 20 km/h ailleurs. Il faudrait que cette marge soit donc unique et cohérente. Il faudrait également qu'elle soit acceptable au plan de la sécurité. On ne peut pas envisager une marge de tolérance de 20 km/h dans une zone scolaire. C'est impensable. Il faudrait surtout que cette marge soit crédible. Et ça, c'est un problème essentiel.

Est-ce qu'on va arriver avec une marge de tolérance de 10 km/h sur nos autoroutes, au Québec? Là, on a un problème. D'autres intervenants, auparavant, ont fait référence au fait qu'actuellement nos autoroutes peuvent être considérées comme étant sécuritaires et que l'emploi des cinémomètres ne serait peut-être pas la meilleure idée, pour le moment.

Signalisation. On veut être juste avec les conducteurs et les usagers de la route? On veut leur dire qu'on travaille dans une perspective de sécurité? Il faut donc les aviser. À l'entrée de chacune des zones, tel que ça se pratique dans au moins la moitié des pays qui existent dans le monde, on avise les conducteurs. Et très souvent on va même dire: Attention, les 29 prochains kilomètres sont sous surveillance. Et, lorsqu'on vient de passer une caméra, très souvent on s'en rend compte parce qu'il va y avoir un panonceau qui va nous le dire: Vous venez juste de passer devant une caméra. Mais ce n'est pas, encore là, le meilleur système, parce que l'individu va peut-être entretenir un doute: Est-ce que j'ai été pris? Est-ce que j'ai été photographié ou pas? Il vaut bien mieux avoir ce type de système en automatique, qui, immédiatement, va informer l'automobiliste.

Dans le cas présent, à l'extrême gauche, vous avez le cas d'un panneau électronique qui, grâce à la caméra, a pu photographier la plaque d'immatriculation, l'ajuster sur ce panneau-là, 100 m plus loin, avec la vitesse à laquelle le véhicule s'est fait prendre. Et, si vous le voulez, on peut même ajouter le montant de l'amende. Ça veut donc dire que, contrairement à ce que plusieurs intervenants ont pu dire, immédiatement, l'automobiliste sait qu'on vient de le prendre. Et, s'il est encore dans une zone où on lui a annoncé qu'il y avait d'autres radars photographiques, eh bien, s'il est assez fou pour franchir trois radars photographiques puis à chaque fois se faire dire que ça vient de lui coûter 250 $, celui-là, je pense qu'il ne mérite que ça, qu'on l'arrête.

L'avantage, je dirais, remarquable de cette approche, ce sont les effets pédagogiques du contrôle des médias. Les policiers sont venus nous dire ici que, bien, un policier, il n'y a rien de tel pour calmer et discipliner son monde et faire de l'éducation. Il y en a de l'éducation, avec ça, parce que le renforcement, il n'est peut-être pas positif, il est négatif, mais il est extrêmement efficace partout où on a pu en faire l'expérimentation.

Je m'arrête quelques instants sur les taux de rejet. À quel point est-ce qu'on peut se servir des photos? Parce que, très souvent, des gens veulent faire des calculs économiques là-dessus. Ils ont dit: Ça génère tant de contraventions à l'heure, et les appareils coûtent tant, et finalement l'État va pouvoir en tirer des revenus éventuellement intéressants. Eh bien, en Colombie-Britannique, les trois premiers mois – c'est vrai qu'il fallait qu'ils se fassent la main – 60 % de taux de rejet, ça veut dire que 60 % des photographies prises étaient inutilisables. La moyenne, règle générale, est d'à peu près 40 % de photographies qui sont inutilisables. Les tests qui ont été faits sur le Capital Beltway nous donnaient des taux variant de 48 % à 93 %, tout simplement parce que certains appareils, certaines technologies doivent répondre à des critères d'utilisation très stricts de manière à produire un volume intéressant.

Évidemment, ça a un impact important sur les revenus anticipés, il faudrait qu'on en prenne conscience. Mais, au-delà de ça, quand on parle de l'impact sur les revenus anticipés, il faut bien dire que, si on se sert de cette technologie, ce n'est pas pour faire de l'argent, c'est pour ralentir les gens aux fins de leur propre sécurité. Bien, dans l'État de Victoria, en Australie, en six ans, au départ, on photographiait 23,6 % des véhicules, après six ans, on est baissé à 2,7 %. Ça veut donc dire que les gens ont appris à modérer leurs transports.

Toujours dans les conditions d'utilisation, les systèmes de gestion de tout ça, ils doivent être extrêmement, je dirais, rigoureux. Il faut qu'on assure la sécurité et la protection des renseignements. Évidemment, on peut, avec des propositions qui nous viennent des secteurs privés, où on nous dit: Vous pouvez acheter ou louer... Dans certains cas, on confie même l'opération de tout ça au secteur privé plutôt qu'au secteur public. Je pense que le Québec n'est pas mûr pour ça.

La question de l'envoi postal. Dans plusieurs cas, on n'envoie pas la photographie. Elle est envoyée essentiellement sur demande. Le délai, qui est un délai maintenant considéré comme un délai recommandé par tout le monde si on veut donner une chance éventuellement au propriétaire du véhicule d'avoir droit à une défense juste et raisonnable, est de 7 jours. La rapidité du traitement des infractions est donc une contrainte très importante. Le volume est tel qu'il faut s'assurer qu'on aura un traitement centralisé. Il n'est pas question que les municipalités, la Sûreté du Québec, les différents corps policiers, chacun de leur côté fonctionne de n'importe quelle manière. Et, à nouveau, on retombe sur le thème des nouvelles technologies. Ces nouvelles technologies nous permettraient éventuellement d'opérer avec une bien plus grande efficacité.

Je veux maintenant vous parler très brièvement des impacts sur la sécurité. Il est très difficile d'évaluer l'impact réel qu'ont eu les programmes de radar-photo un peu partout dans le monde parce que, très souvent, on ne dispose pas des données nécessaires à une évaluation qui soit scientifiquement rigoureuse. Je vais me contenter de vous présenter quatre cas qui sont parmi les cas les plus documentés.

Le premier cas, c'est celui de l'Australie, où on a fait l'introduction de 60 radars photographiques dans le cadre d'une opération relativement considérable. De 1989 à 1996, on observe une réduction de 46 % des décès. Les excès majeurs de vitesse, c'est-à-dire au-delà de 30 km/h, ont fondu de 1,6 % à 0,5 %. Le taux de récidive, c'est-à-dire lorsque les gens se sont fait prendre pour une deuxième offense, a diminué de 29 % puis, une troisième offense, de 45 %. Ça veut donc dire que, là, on touche vraiment les récidivistes, ceux qui peuvent véritablement constituer des dangers pour la population. Il faut nuancer les valeurs obtenues là. N'oubliez pas qu'en Australie il y a eu, en même temps que l'implantation des radars photographiques, une révision, je dirais, très large en ce qui concerne toute la problématique de la sécurité routière, l'alcool au volant, les campagnes de sécurité.

Et là je voudrais maintenant vous parler du Koweït parce qu'un des intervenants ici, à cette même commission, a dit: Bien, regardez au Koweït qu'est-ce qui s'est passé. Ils avaient un grave problème de sécurité. Ils ont installé des radars en cabine. Et qu'est-ce qu'on observe, en termes de résultats? C'est qu'effectivement lorsqu'on fait une évaluation scientifique de tout ça, on se rend compte que les vitesses avant les cabines ont tendance à être très élevées; juste vis-à-vis des radars photographiques, elles diminuent très sensiblement; puis ensuite les gens réaugmentent leur vitesse. Il n'y a pas eu de changement sur la sécurité.

Le Président (M. Lachance): M. Paquette, je vous signale qu'il vous reste moins de deux minutes.

M. Paquette (Guy): Oh! je vais essayer d'accélérer davantage. Toujours sur les impacts sur la sécurité, je vous signale que, dans le cas de la Norvège, on a implanté un réseau très automatisé avec 100 cabines. On a diminué les moyennes de vitesse, on a diminué très sensiblement le nombre de conducteurs en infraction et de 20 % les accidents avec blessures. Résultat de macro-analyse: 17 % de réduction des accidents.

Et finalement, le cas le plus célèbre, le plus connu, en Allemagne, qui existe depuis 1971 et où on a fait des évaluations depuis ce temps-là. Sur un tronçon d'autoroute qui était problématique, on avait des cabines qui ont été installées au-dessus des voies. Et je saute sur les réductions de vitesse simplement pour vous parler de la réduction des décès et des accidents avec blessés. Les décès, qui étaient en moyenne de sept à huit par an, ont chuté à moins de un par an et les accidents avec blessés on les a diminués dans un ratio de 18 pour un. Il y a là une démonstration qui est extrêmement claire de l'efficacité de tout ça.

Alors, efficacité des radars photographiques effectivement confirmée dans la littérature scientifique. L'intensité du contrôle, la certitude du contrôle permettent effectivement de jouer directement sur le comportement des usagers. Aucune relation avec le contrôle policier traditionnel; c'est sans commune mesure. Il faut être clair, il n'y a pas de changement permanent ni étendu. Ce ne sont pas des mesures qu'on peut introduire pendant trois mois puis les retirer ensuite en se disant qu'on a réglé le problème. Le problème, c'est surtout celui de la perception du public puis des policiers qui est à transformer pour qu'ils comprennent bien qu'on se place dans une perspective de sécurité. Il n'y a pas de rentabilité financière, en termes d'argent à faire avec ça, mais il y a d'importants gains de sécurité. Il y a une rentabilité au sens extrêmement large du terme, rentabilité au sens où, pour la société, les coûts vont évidemment diminuer.

(12 heures)

Et, sur le plan des propositions finales relativement à l'implantation de tout ça, je voudrais juste, en terminant, parce que vous l'avez déjà dans le mémoire et dans le document qui a été déposé, rappeler certaines choses. Pertinence de cette technologie: oui, c'est clairement établi par la littérature scientifique. Type d'appareils qu'on devrait installer: au départ, des installations fixes, des modes d'opération en mode stationnaire puis ensuite mobile. Technologie: on devrait employer les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC. Le Québec est un des champions mondiaux dans le domaine. NTIC «made in Québec». Pourquoi devrions-nous acheter allemand, américain, italien, suédois ou australien? Validation et certification: il faudrait que ce soit le ministère de la Sécurité publique. Les opérateurs: les corps policiers autorisés. Choix des sites: les zones scolaires et les aires de travaux partout, en tout temps, sans permission particulière. Les autres lieux: diagnostic d'insécurité sur critères approuvés par le ministère des Transports. Finalement, comme on l'a dit, responsabilité: propriétaire du véhicule automobile avec désignation et nomination possible. Points d'inaptitude: on pourra expliquer lors de la période de questions pourquoi ça poserait problème. Révision de la structure des amendes. Photo: on transmet ça sur demande, pour la personne qui a reçu une contravention. Traitement: centralisé à la Société de l'assurance automobile du Québec. Délai acceptable: sept jours ouvrables. Signalisation: obligatoire en avant et après passage de ces sites. Et, en terminant, une marge de tolérance fixe de 10 km/h partout, sauf les zones à 30 km/h.

Je vous remercie et je m'excuse, M. le Président, d'avoir pris une ou deux minutes de plus.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Paquette. Alors, nous allons suspendre pendant environ deux minutes, le temps d'avoir un éclairage adéquat pour les caméras.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 12 h 2)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Alors, nous allons reprendre nos travaux. M. le ministre des Transports, vous avez la parole.

M. Chevrette: D'abord, je voudrais vous remercier, M. Paquette. Je pense que c'est la première fois, en tout cas, que ramassé, là... On a eu une démonstration du type d'équipement, mais, sur les incidences ou les conséquences sur la sécurité, c'est la première fois qu'on le voit ramassé aussi bien. Et les conditions – personnellement, c'est un peu ce que j'ai essayé de faire depuis le début de la commission – ce n'est pas une machine à piastres, ce n'est pas un substitut de police, c'est en fonction du nombre de décès qui diminue. Et ça, je pense que, si on réussit à faire comprendre ça, il y a des barrières qui vont tomber au niveau de la résistance.

Puis ça peut être fait en complémentarité avec les corps policiers, en plus. À la sortie d'une zone, il peut y avoir de la police aussi. S'ils n'ont pas les effectifs pour poursuivre, ils peuvent intercepter à un moment donné à des endroits stratégiques. Je ne sais pas, en tout cas, je songe sérieusement à regarder la complémentarité. On verra en discussion qu'est-ce que ça donnerait.

Mais, à mon point de vue, la preuve de faite, par exemple, en Norvège, en Australie, dans ces pays-là, démontre qu'ils ont sauvé de nombreuses vies. Et ça, les coûts ne sont pas évalués, il y a des coûts sociaux qui ont diminué grâce à ça, à mon point de vue. C'est dans cette optique-là et non pas de vivre dans un État policier puis à coups de principes puis... Mais je reconnais, d'autre part – c'est la première fois aussi – que l'excellence de la technologie est très importante pour éviter précisément des contestations inutiles ou la mise en boîte de témoins peu crédibles si la technologie est très faible.

La question que je voulais vous poser, c'est: Est-ce que vous avez pu analyser les témoignages qui ont été faits devant la commission à date?

M. Paquette (Guy): Oui.

M. Chevrette: La police, entre autres, vous y avez fait allusion, mais vous parliez très vite. Ha, ha, ha! Je sais que vous vouliez tout passer, mais vous parliez tellement vite que j'en ai perdu un petit bout. La police dit que ce n'est pas fiable, s'il n'y a pas de points de démérite, ce n'est pas valable comme système, d'où notre obligation de ne pas... Si on met des points de démérite, ce n'est peut-être pas le propriétaire qui est au volant. Sur cette partie-là, j'aimerais vous entendre réagir aux témoignages qui ont eu lieu.

M. Paquette (Guy): Bon. Alors, la première des choses qu'il faut dire en ce qui concerne la question des points d'inaptitude, on a le choix. Il y a peut-être, je dirais, 30 % des endroits dans le monde où on fait usage du radar photographique où on impose en même temps des points d'inaptitude. En imposant des points d'inaptitude, cependant, il faut être très conscient qu'on peut poser un problème de justice et d'équité. Si, effectivement, le propriétaire du véhicule n'était pas le conducteur, il ne faudrait donc pas que ce soit lui qui, malheureusement, se voit débiter sur son dossier les points en question.

Ça veut donc dire que, par exemple, en Grande-Bretagne – puis on peut dire que, quand même, la Grande-Bretagne, règle générale, de ce point de vue là, est soucieuse du respect des droits de ses citoyens – on a un processus de désignation, de nomination qui fait que, si on a photographié votre véhicule et que vous recevez, à titre de propriétaire, le constat d'infraction... Mais vous n'avez même pas de photo, vous avez le constat, et, dans le constat, on vous dit: Écoutez... J'avais un exemple que j'aurais pu vous présenter durant la période des questions, mais, compte tenu des problèmes d'éclairage, on ne pourra pas le faire. J'avais apporté un exemple du constat qui est employé en Grande-Bretagne où, sur le constat, il est indiqué: un, vous rouliez à 76 mi/h sur une autoroute qui avait été limitée, pour raison de travaux, à 40 mi/h; deuxièmement, vous êtes, à titre de propriétaire du véhicule, reconnu responsable; troisièmement, ceci entraîne une pénalité de trois points d'inaptitude et de 1 000 £ sterling d'amende; quatrièmement, vous êtes tenu, en vertu de la loi, d'identifier qui était la personne qui conduisait le véhicule à ce moment, sinon c'est vous qui, automatiquement, êtes réputé être coupable et donc responsable de l'infraction. Et les gens disposent à ce moment-là de 28 jours pour retourner par voie postale l'information sur le conducteur véritable du véhicule.

Évidemment, certains vont apparenter ça, par exemple, à un processus, je dirais à tout le moins, partiel de délation, mais, en même temps, il est très clair que, si on veut assurer une certaine équité, il faut permettre au propriétaire du véhicule de se défendre. Mais remarquez que, dans le cas des constats qui ont trait aux contraventions pour stationnement illégal, c'est toujours le propriétaire qui va malheureusement devoir assumer la responsabilité de tout ça, et il n'y a pas de procédure en tant que telle dans la loi qui est prévue pour lui permettre de se dégager comme ça facilement.

Donc, pour la question des points d'inaptitude, nous, en tout cas, comme experts de la question, on a plutôt tendance à dire: Écoutez, si on ne veut pas compliquer trop les choses, laissons donc tomber les points d'inaptitude. Pour quelles raisons? Un, actuellement, vous le savez, les infractions au Code de la route, surtout aux limites de vitesse, sont parmi celles qui sont les plus fréquentes. Si vous faites le tour, là, c'est ça en premier lieu, ensuite ce sont les arrêts obligatoires sur lesquels les policiers interviennent. Deuxièmement, la probabilité d'être intercepté pour un excès de vitesse, bien, si vous êtes comme moi – et, pourtant je suis du domaine, j'avoue très humblement que je suis régulièrement au-dessus des limites de vitesse – la seule fois où je me suis fait pincer dans ma vie, c'était en 1970 alors qu'il y avait des radars photographiques en opération ici même, à Québec, et la probabilité réelle d'être intercepté pour excès de vitesse, elle est probablement inférieure à une chance sur 7 000 dans les conditions actuelles.

Ça veut donc dire que déjà c'est une loterie. Avoir une loterie où, dans certains cas, on perd ou on ne perd pas des points d'inaptitude, avoir une loterie où, en rencontrant le policier, on peut essayer de lui expliquer notre cas puis lui dire: Écoutez, M. le policier, je n'ai pas fait attention à ce qui se passe ou etc., je pense que, actuellement, le message en ce qui a trait à une sensibilisation publique du contrôle de la vitesse, qu'il y ait ou pas de points d'inaptitude, ce n'est pas une question de créer deux catégories d'infraction, c'est une question d'envoyer des signaux clairs sur l'importance de réduire la vitesse dans des secteurs qui sont problématiques.

Donc, vous avez le choix entre les deux vraiment, et le plus simple, je pense, si on ne veut pas se compliquer la vie, que ça ne porte pas préjudice à personne, n'embarquons pas avec les points d'inaptitude.

M. Chevrette: Il y a des difficultés qui nous ont été soumises par, je pense, les garages, des vendeurs d'automobiles ou des locations. Location à long terme, pas de problème. Location à court terme, qu'est-ce qu'on ferait?

M. Paquette (Guy): Bien, écoutez, je pense que vous avez exactement le même genre de problème, effectivement, qui aurait pu être mentionné par les transporteurs routiers avec la question de la remorque qui se pose. Je pense que ces gens-là, écoutez, ils ont, de toute manière, une responsabilité. Si quelqu'un, par exemple, à qui ils ont prêté le véhicule, même dans un prêt à très court terme, 24 heures... La journée même vous avez laissé votre véhicule au garage, etc., ces gens-là sont quand même responsables de ce véhicule. Ils disent assumer les frais, par exemple, pour du stationnement illégal pour lequel il y a eu une contravention. J'ai bien lu ce qui figure dans les travaux de la commission, les gens disaient: Écoutez, on ne perd pas de temps à courir après, on paie les tickets qui ont été reçus. Mais, attention, là, si c'est une contravention qui a été donnée à un endroit où il y a en plus un stationnement qui, en plus, est dangereux puis qui est illégal, puis qu'il y a eu remorquage, puis que, au total, la facture se grimpe à 150 $ ou 200 $, est-ce que vous pensez que les concessionnaires paient comme ça sans courir après le gars? Bien, moi, je pense que, quand il va y avoir une facture de 150 $ ou de 200 $, ils vont venir chercher la personne.

Après tout, ces gens-là devraient être responsables, ils prêtent un véhicule. Ils sont même tenus de par la loi de vérifier la validité du permis de conduire des gens à qui ils prêtent un véhicule, donc ils sont censés être en mesure de pouvoir les retrouver sans trop de difficulté.

M. Chevrette: Maintenant, quand vous parlez des conditions de base, vous parlez d'identification des sites. L'identification des sites se ferait par qui dans votre esprit? Est-ce que ça se ferait avec la collaboration des corps policiers ou si ça se ferait exclusivement par autorité de la SAAQ? Je ne sais pas.

(12 h 10)

M. Paquette (Guy): Non, moi, je pense qu'il faut à tout prix être en mesure, dans certains cas, d'écouter le milieu, et il y a des cas où le milieu a une bien meilleure analyse et compréhension de la situation que le central à Québec. Et ça veut donc dire que les gens qui sont à Chibougamau, bien ils le savent s'ils pensent avoir un problème de sécurité lié à des vitesses à tel ou tel endroit. Ce qu'il faudra cependant demander, c'est qu'il faudra demander à ce que ce soit approuvé par le ministre des Transports à partir de critères qui auront été établis. Des exemples de critères... Et j'ai pris ceux qui m'apparaissaient être les plus universels, ceux qui étaient, dans le fond, les plus dédiés à la sécurité, les plus facilement applicables. Avec ce type de critères, je pense qu'on n'aurait pas de difficulté, et on éviterait les abus susceptibles, je dirais, d'arriver à partir du moment où les municipalités risquent de détourner, je dirais, l'objectif principal qui est d'accroître la sécurité. Donc, si tout ça, c'est sous la responsabilité du ministre quant à l'autorisation des sites et avec même, je dirais, révision régulière, si, après quelques années, on se rend compte qu'il n'y en a plus de problèmes de sécurité parce que, tout simplement, le trafic emprunte de nouvelles voies, bien il faudra cesser les opérations.

M. Chevrette: Donc, vous êtes pour des installations quand même assez permanentes, jusqu'à l'obligation de résultat.

M. Paquette (Guy): Oui. Parce que, autrement, pour quelle raison nous lancerions-nous dans ce type d'opération? On veut avoir des résultats. Si on veut avoir des résultats, allons-y sur les technologies les plus simples et les plus éprouvées. Au départ, allons faire du contrôle avec des installations fixes, qui sont beaucoup plus faciles en termes de fidélité et validité de données. Avertissons les gens, faisons des campagnes, disons à leur attention: Le tronçon suivant, qui mesure 18,4 km, on sait qu'on a beaucoup d'accidents, on sait qu'on a beaucoup de problèmes qui sont associés à une vitesse excessive, on veut les réduire. On vous prévient, si vous outrepassez les limites de vitesse, vous allez vous faire prendre.

Écoutez, ici, sur la 740 – c'est du Vallon, ça, de Laurier jusqu'à la Capitale – il y a eu, pour 1999, 257 accidents. La majorité d'entre eux, vous allez me dire, sont uniquement avec des dommages matériels. Il y en a quand même eu une soixantaine avec blessés et, dans certains cas, avec des blessés graves. Il serait très facile de pouvoir contrôler la situation là, et tout le monde le sait. La situation est associée en partie à la configuration de cette autoroute, l'infrastructure, on descend, on a des courbes. On ne peut pas corriger ça, on ne va pas aller investir 25 000 000 $ pour corriger certains des points qui sont les plus critiques là-dedans. Mais, si on installe six appareils de ce type tout le long de ce bout d'autoroute, je vous garantis que vous coupez ces accidents de 50 % en l'espace de six mois, et là ça veut dire qu'on passe de 250 accidents annuels à 125 essentiellement sur des questions de respect de limite de vitesse.

La limite de vitesse, elle est raisonnable actuellement, elle est à 70 km/h dans toute la première partie du tronçon où il y a des courbes. Le problème, c'est de se faire doubler par un camion à 100 km/h. Le problème, c'est qu'il n'y a pas un policier qui ira prendre le risque d'aller faire du contrôle là parce que, en plus, il deviendrait lui-même un danger public. Les appareils pourraient être très facilement installés. Panneaux d'affichage électronique qui disent aux gens: Écoute, mon vieux, tu viens de te faire prendre à 100 km/h, puis ton numéro de plaque d'immatriculation apparaît. Si le type est suffisamment, je dirais, insignifiant pour outrepasser ce message et qu'il se fait prendre un kilomètre plus loin avec un nouveau ticket, eh bien, moi, je le dis, qu'on le sanctionne. Qu'on le sorte de la route, celui-là, au moins avec le portefeuille si on ne peut pas le faire autrement.

M. Chevrette: Mais il y en a qui disent que vous risquez d'avoir quelqu'un qui s'en fout s'il n'y a pas de points de démérite et puis que, si c'est un richissime individu, il peut s'en foutre, il se paie une taxe de vitesse. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là?

M. Paquette (Guy): Eh bien, ce que je réponds, c'est que, de toute manière, ces gens-là, actuellement, s'en foutent encore davantage. Alors, de toute manière, la probabilité de contrôle puis la probabilité d'être intercepté, elle est à peu près inexistante. Bon, eh bien, si quelqu'un s'en fout à ce point et qu'il traverse ce type de zone, eh bien, si ça lui coûte 10 000 $ par semaine, ça va lui coûter 10 000 $ par semaine. Mais, jamais je ne croirai que son entreprise va le supporter très longtemps, on va lui demander de modérer ses transports quel qu'il soit. Il y a une question de pur bon sens là-dedans.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. Paquette.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Alors, la première question que j'aimerais vous poser... Tout d'abord, juste pour être bien informé, vous avez fait référence à l'expérience qui existait avant 1970, qui a été arrêtée en 1970. Est-ce que vous pouvez nous faire le bilan, un petit peu, là, pour nous rappeler exactement qu'est-ce que c'était et quels étaient les problèmes qui se sont posés qui ont justifié...

M. Paquette (Guy): Ça me fait plaisir de vous le rappeler. Remarquez, ce n'est pas un reproche que je veux vous faire, mais c'est dans le mémoire que j'ai déposé. C'est-à-dire que j'ai tenté de reprendre les propos et les échanges qu'il y a eu à l'Assemblée nationale à cette période-là. Comprenez qu'à la fin des années soixante un des vendeurs brillants de la compagnie Multanova, en Suisse, est venu se balader au Québec puis il a réussi à convaincre les gens de la Sûreté du Québec et des sûretés municipales que ce pouvait être un excellent instrument pour faire du contrôle routier sur la vitesse puis, en même temps, il a fait valoir très rapidement que c'était diablement payant. Peut-être que les machines coûtaient cher – ça coûtait 10 000 $ à l'époque – mais, en même temps, ça pouvait rapporter facilement la moitié de ça par jour.

Alors, résultat: en l'espace de trois ans, plusieurs municipalités et la Sûreté du Québec ont acquis ce type d'appareils, sauf qu'on s'est mis à les installer à peu près n'importe où. On les a tellement installés n'importe où qu'on faisait du contrôle dans des zones où la vitesse, en termes de limite, n'est absolument pas crédible, des zones qui, normalement, auraient dû être des zones à 70, qui étaient limitées à 50 et où le trafic roulait à 70 avec des appareils réglés à 50. Donc, résultat: il y a eu des masses et des masses de contraventions données à cette époque, et c'est dans une rare unanimité, à l'Assemblée nationale, à l'époque, que tout le monde – gouvernement, partis d'opposition, etc. – a dénoncé ça, parce que, contrairement à ce qui se passait auparavant, lorsque les gens circulaient entre Québec et Montréal et qu'ils étaient arrêtés par le policier conventionnel: Très bien, M. le ministre, vous pouvez continuer, mais soyez prudent quand même, alors qu'avec les radars photographiques tout le monde se faisait pincer.

Or, il y a plusieurs juges de la Cour municipale de Québec, de Montréal, des hauts gradés de la Sûreté du Québec et des sûretés municipales qui, eux autres aussi, se faisaient prendre par les systèmes eux-mêmes, et tout le monde a fini par dire: Mais on ne donne plus de chance à l'automobiliste, on ne lui donne aucun espoir de s'en tirer et de passer à côté de cette machine à taxer.

Il faut comprendre que tout ça, c'est le résultat d'une chose, c'est le dérapage auquel on a assisté en raison du fait qu'on ne s'est pas préoccupé de questions de sécurité, uniquement de faire du pseudocontrôle pour la sécurité. Et c'est là-dessus que, moi-même, j'en ai. En tant qu'expert et en tant que chercheur, je dis: D'accord avec la mesure, mais il faut qu'on l'encadre très sérieusement et qu'on le fasse pour des mobiles de sécurité. Et, si c'est le cas, on va améliorer d'une manière considérable le bilan routier du Québec.

M. Bordeleau: L'autre question que j'aimerais vous poser, je l'ai posée aux gens qui sont venus de la compagnie Lockheed, qui sont venus nous faire la présentation, c'est... Vous y avez répondu en partie, je demandais combien ça coûtait, un appareil, on n'a jamais voulu me répondre, me dire combien ça coûtait. Vous me dites 100 000 $, à peu près, par appareil.

M. Paquette (Guy): Exact.

M. Bordeleau: Alors, déjà, j'ai une information, mais ce que j'aimerais savoir, c'est qu'un des éléments qui, à mon avis, est critiquable un peu dans ce moyen-là, c'est la rapidité d'intervention, c'est-à-dire effectivement la rapidité avec laquelle la personne qui a commis une infraction est avisée. Bon, on nous a parlé de toutes sortes de délais. À un moment donné, ça peut aller jusqu'à 10 jours avant que tu reçoives ça chez vous. Ça peut être plus rapide. Bon, on parlait de sept jours. Vous avez parlé du lendemain que ça peut être mis à la poste, bon, deux, trois jours, peu importe, là.

Et là vous nous donniez comme exemple... Parce que ça, à mon avis, c'est important, ce problème-là. C'est que la personne qui commet une infraction, si elle conduit en fou puis elle constitue un danger pour les autres personnes qui sont sur la route, bien, si elle continue à conduire de cette façon-là durant quatre jours, elle risque d'en avoir tué une couple ou d'avoir eu un accident, alors que, si elle est arrêtée par le policier, idéalement, sur le fait, bien la réaction est immédiate, et, bon, elle va agir en conséquence sûrement plus rapidement que si elle est avisée quatre, cinq, sept jours après.

Vous nous avez démontré tout à l'heure qu'il y avait des écrans électroniques, tout ça, qui pouvaient donner la... Alors, bon, effectivement, ça répondrait en partie à ça, mais il y a des coûts à ça aussi, là. Ces écrans-là, il y en avait un qui était au-dessus de la route, il y en a un autre qui était sur le côté. Bon, il y a des coûts de fonctionnement, il y a des coûts d'achat qui s'ajoutent.

Vous avez parlé du système de gestion comme tel de l'ensemble de ce fonctionnement-là, alors ça veut dire probablement des coûts afférents aux gens qui vont développer les films, qui vont faire les envois postaux, qui vont, bon, recueillir tout ça. Puis il y a toujours une question de savoir, par exemple, au Québec, ça en prendrait combien d'appareils comme ça, et on peut s'attendre à quoi en termes d'appareils qui pourraient être achetés par la SQ ou par les municipalités? Est-ce que vous avez fait une évaluation globale? Parce que ça me semble commencer à être beaucoup d'argent, là. Est-ce qu'on a une idée de ce que ça coûterait, ça, aux citoyens du Québec? Peu importe qu'il le paie via les municipalités ou qu'il le paie via le gouvernement du Québec, il reste qu'au bout de la ligne c'est le même payeur. Et combien d'appareils vous pensez qui... Quand vous voyez un système comme ça au Québec, est-ce que ça vous donne un peu un ordre de grandeur du nombre d'appareils qu'on retrouverait sur le territoire québécois? Et quels sont les coûts du fonctionnement de l'ensemble de ce système-là?

M. Paquette (Guy): O.K. Je vais reprendre une à une chacune de vos observations. Pour commencer, vous avez dit: Il y a le problème, effectivement, du constat tardif pour celui qui est en infraction du fait qu'il ait commis une infraction étant donné qu'il n'y a pas de policier qui l'intercepte. Ce que je vous rappelle et ce que je vous signale, c'est qu'il y a... J'espère, j'ose espérer que, dans l'esprit de personne... Si, pour chaque appareil qu'on implante, on retire un policier, ça n'a évidemment aucun sens. Il faut que les policiers demeurent là et continuent à faire leur travail, mais ça veut dire que chaque appareil qu'on ajoute accroît la probabilité d'intercepter quelqu'un. Alors, ça veut dire que, si on laisse la situation dans l'état, ces mêmes personnes qui commettent des infractions et qui sont des dangers publics, de toute façon, on ne fait rien avec elles. On n'a aucune sanction, on n'a aucune intervention parce que la probabilité, elle est très faible. La technologie que j'évoquais tout à l'heure de pouvoir aviser ces conducteurs immédiatement, sur-le-champ, permet tout de suite de répondre à cette objection. Évidemment, on ne réglera pas le cas d'une personne qui vient de voler un véhicule, qui est en fuite et qui, de toute manière, serait l'objet d'une poursuite automobile par un policier.

(12 h 20)

Deuxième chose, vous avez fait allusion au système de gestion. Il est très clair que ça va prendre un système de gestion centralisé extrêmement performant si on veut être efficace, si on veut éviter des contestations, si on ne veut pas s'embourber dans un cafouillis administratif terrible. Ce que je vous rappelle cependant, c'est ce que j'ai dit un peu plus tôt: Il y aurait tout avantage à ce qu'on s'oriente sur des technologies québécoises parce qu'on dispose ici de l'expertise et du savoir-faire nécessaires pour le faire, et on pourrait effectivement se doter relativement rapidement... Mais pas pour demain matin, il faudrait quand même se donner six mois, un an, je pense, pour mettre en place une technologie d'ici et qui permette de pouvoir assurer un contrôle, la sécurité et la protection des renseignements, la qualité et la rapidité du traitement.

Finalement, votre dernière intervention, c'est vrai que ça coûte cher, cette technologie. Ce que tous les vendeurs, qu'il s'agisse de Lockheed, de Multanova ou de n'importe quelle autre entreprise, sont susceptibles de venir faire éventuellement comme lobby ici, à Québec, on va toujours vous faire valoir le fait que le produit des contraventions va couvrir largement le coût d'acquisition puis d'entretien de la machinerie. C'est vrai, il faut l'admettre, ça va permettre de couvrir l'acquisition et l'entretien, mais ça ne sera plus ensuite une source de revenus, c'est-à-dire que, règle générale, dans à peu près tous les pays, toutes les expériences que j'ai pu documenter, on arrive à couvrir les frais. Autrement dit, en bout de ligne, l'argent entré dans les coffres de l'État avec les contraventions équivaut à ça.

Par contre, vous vous retrouvez avec un bénéfice net qui, lui, n'est pas évident à calculer. La Société de l'assurance automobile du Québec fait des évaluations sur la valeur d'une vie humaine aux environs de 1 000 000 $, 1 200 000 $, puis il y a des pays où on la monte à 2 000 000 $. Prenez le chiffre que vous voulez, mais, si vous sauvez, par exemple, 20 décès par an, bien là vous venez de faire 20 000 000 $ en profit au sens large du terme.

Combien ça coûterait pour le Québec? Impossible de répondre à ça parce que ça dépend du niveau de sécurité que vous voulez atteindre. Si on commence juste en se disant qu'on va essayer d'intervenir sur quelques zones critiques, des hauts lieux de concentration d'accidents, et qu'on se dit qu'au départ on veut sauver peut-être avec ça 10, 15 ou 20 décès et des blessés graves par année, et que l'estimation est qu'on a besoin pour ça de 10 ou de 15 machines, et que ces 10 ou 15 machines, parce qu'elles auront été achetées et fabriquées ici, vont nous coûter, je pense, moins cher, si ça nous coûte, je ne sais pas, moi, 10 fois 100 000 $, 1 000 000 $, si ça nous coûte 2 000 000 $ pour la mise en place d'un système de traitement des opérations du côté de la Société de l'assurance automobile du Québec, mais qu'on a sauvé par la même occasion l'équivalent de 10 000 000 $ ou 15 000 000 $ en termes de coûts sociaux, d'hospitalisation, je pense que là on répond à la question.

Le problème, c'est qu'il ne faudrait certainement pas envisager que, dès le départ, on va installer au Québec 90, 100, 120, 130 ou 200 appareils. Ça, je pense que c'est totalement illusoire, il n'y a pas un expert qui pourrait faire le calcul de ça. D'ailleurs, je remets même en cause les chiffres avancés par le ministre dans son livre quand il dit: On pourrait sauver tant de morts par année. C'est un calcul qui ne repose sur rien en tant que tel. Il faut donc procéder méthodiquement, demander au ministère des Transports d'approuver les zones en fonction des concentrations d'accidents liés à la vitesse, faire des installations, procéder progressivement et faire la démonstration que, sur le bilan routier, on a une amélioration qui est immédiate, qui est sensible, qui devient même permanente lorsqu'on travaille avec des installations fixes, et, au fur et à mesure de nos besoins de sécurité, on pourra peut-être décider un jour qu'on veut intervenir sur autoroute. Parce que là il n'est pas question qu'on intervienne sur autoroute avec des radars ou peu importe la technologie qu'on va employer. Dans l'état actuel, on créerait une véritable révolution sociale, ce serait tout à fait insensé. Après tout, on a parmi les limites de vitesse les plus faibles au monde sur autoroutes, il ne faudrait certainement pas, je pense, se diriger de ce côté-là. Ils ne sont pas là, les problèmes de sécurité, ils sont ailleurs.

M. Bordeleau: Les municipalités pourraient s'équiper aussi éventuellement de ces...

M. Paquette (Guy): Tout à fait.

M. Bordeleau: Comment ça se fait, à ce moment-là, le lien entre un centre de gestion de ces données-là via la Sûreté du Québec? On comprend que ça peut être... Mais la municipalité, je ne sais pas, moi, de... On parlait de La Sarre en Abitibi, comment ça serait géré, ça, par le centre auquel vous faites référence?

M. Paquette (Guy): De la même manière dont on peut envisager – moi, je n'en ai pas discuté parce qu'on n'avait pas le temps de le faire – l'implantation des caméras automatiques feux rouges. Ça, je pense que tout le monde serait d'accord pour dire que, évidemment, il ne s'agit pas là de piéger le citoyen. Ceux qui brûlent les feux rouges puis volontairement – puis, dans certains cas, on a la preuve que le feu était déjà passé au rouge depuis deux, trois secondes – et qui exposent la vie des gens, on se dit que, oui, les systèmes automatiques de ce genre passeraient la rampe de l'opinion publique sans aucune difficulté. Ils sont tout à fait justifiables.

Comment est-ce que les municipalités pourraient s'intégrer dans un tel système? Bien, effectivement, avec les nouvelles technologies si, au départ, on fonctionne avec des installations fixes, des installations permanentes, des liens téléphoniques, des liens câblés. Puis vous pouvez imaginer des liens qui sont avec d'autres technologies qui font en sorte qu'on pourrait assurer ce même traitement centralisé, et ça...

M. Bordeleau: Les photos, à ce moment-là, sont transmises de quelle façon?

M. Paquette (Guy): Ce ne sont pas les photos, c'est l'information numérique, l'information visuelle numérique, donc de la donnée numérique cryptée, qui pourrait être acheminée directement à la Société de l'assurance automobile du Québec où le décryptage de l'information serait fait et le pairage avec le fichier, le registre des véhicules automobiles.

M. Bordeleau: O.K. Le temps passe rapidement, puis, étant donné que vous êtes ici, j'aimerais quand même avoir la chance d'aborder peut-être certains autres sujets. Mais, juste avant de passer à d'autres sujets, je voudrais vérifier une chose. Vous avez dit au départ, dans votre présentation, que comme individu vous aviez des réserves aussi par rapport à ce...

M. Paquette (Guy): Oui.

M. Bordeleau: C'est quoi, vos réserves, comme individu?

M. Paquette (Guy): Mes réserves, elles sont très claires. Écoutez, comme expert en sécurité routière, je suis intervenu dans ce dossier-là depuis peut-être sept ou huit ans en réalisant que les mesures dont on peut disposer en termes d'interventions pour le contrôle de la vitesse... Je suis un spécialiste, avant tout, en marketing social puis en communication de la sécurité routière, en analyse des comportements, ce qu'on peut faire avec ça en ce qui a trait à la modélisation de la vitesse, du comportement routier des gens a des limites, et des limites qu'on a déjà atteintes. Tous les chercheurs, actuellement, à l'échelle internationale dans le domaine s'entendent pour dire que la seule manière de pouvoir régler des problématiques de vitesse, dans certains cas, c'est de travailler sur l'infrastructure, par exemple, à l'entrée des villages, des agglomérations, modifier le tracé de la route de manière à amener l'automobiliste par lui-même à réduire sa vitesse de croisière, mais, dans tous les autres cas, on n'a pas d'autre choix que, malheureusement, le contrôle routier, et tout le monde s'entend pour dire que ce sont ces technologies automatiques qui sont le meilleur outil d'intervention.

Ceci dit, comme individu, je crains une chose, c'est que, si on se met à implanter ça n'importe où sous le prétexte de la sécurité, sans conditions, sans contrôle, sans qu'on fasse d'analyse de sécurité, je m'estime déjà suffisamment taxé comme ça et, comme citoyen, j'ai bien beau avoir des préoccupations de sécurité, je me dis qu'il va falloir qu'on fasse attention, que nous soyons vigilants. Alors, c'est la raison pour laquelle je suis à la fois intervenu sur le plan, je dirais, scientifique au travers des communications puis des rapports puis des travaux qu'on a faits depuis les cinq ou six dernières années sur la question, mais c'est la raison aussi pour laquelle je reviens ici pour redire au ministre des Transports: M. Chevrette, vous avez une belle déclaration d'intention, etc., vous nous dites que vous n'allez pas mettre des machines à taxer sur les routes, eh bien, attention, moi, je vous surveille et je vous indique comment nous devrions procéder techniquement si on voulait s'assurer qu'on opère de manière correcte pour tout le monde et qu'on améliore le bilan routier au Québec.

M. Bordeleau: Juste une remarque aussi par rapport à... Vous parliez, là, qu'on a atteint un niveau d'efficacité maximale avec les moyens qu'on a à notre disposition actuellement, je veux juste signaler aussi que les policiers, quand ils sont venus ici, ils nous ont fait part d'un manque d'effectifs policiers que le gouvernement s'était engagé à combler. On parle de 150 policiers additionnels qui devaient être ajoutés, et ils ne sont pas ajoutés actuellement. Alors, je pense qu'il y a un problème là.

Puis l'autre élément aussi, c'est que ce que les policiers nous ont mentionné, c'est que, quand ils font une arrestation, par exemple, pour un excès de vitesse, ça leur permet de vérifier d'autres choses aussi en même temps, ce que le radar ne peut pas faire, c'est-à-dire, est-ce que le conducteur est en état d'ébriété? Est-ce que c'est une auto volée? Est-ce que le conducteur porte sa ceinture de sécurité? Est-ce qu'il y a d'autres problèmes mécaniques reliés au véhicule? Alors, l'action du policier est immédiate, il y a un retour direct et il y a toute une série d'autres choses qui peuvent être vérifiées en même temps par le policier par rapport à...

M. Paquette (Guy): Vous avez tout à fait raison, puis j'ose espérer que nulle part quelqu'un va prendre prétexte de ça pour se dire que, si on implante des cinémomètres photographiques ou des technologies numériques, on va en profiter pour réduire les effectifs policiers. Au contraire, partons du principe qu'actuellement il serait lourd, en tout cas socialement, de se dire qu'on va doubler, par exemple, les effectifs policiers actuels et, si on voulait améliorer la question du dossier de la vitesse, il faudrait effectivement qu'on se dote non seulement d'effectifs additionnels, mais très probablement d'une nouvelle patrouille routière qui ne ferait que ça et qui coûterait très cher.

C'est un peu, écoutez, comme si on revenait à certains principes. Vous savez qu'au début de l'informatique, il y a à peine une quinzaine d'années, pour faire de la saisie, là, de la saisie de données, on avait des filles qui étaient des perforatrices, qui travaillaient sur des machines absolument épouvantables à la journée longue. Eh bien, à partir du moment où on a découvert qu'on pouvait procéder par lecture optique, la même tâche peut être réalisée maintenant par des machines d'une manière cent fois plus efficace à des coûts cent fois moindres. C'est tout simplement ce qu'on répète dans le cas du radar photographique. C'est que ça ne se substitue aucunement à un policier, il faut que les policiers continuent de faire leur travail, mais il faut surtout que ça livre un message très clair aux automobilistes qui, au détriment de la sécurité des autres, ont des comportements qui sont socialement inacceptables. Et ça, j'ose espérer que ça va être bien compris puis retenu par tout le monde.

M. Bordeleau: Je m'excuse, le temps est passé, on m'indique, mais j'aurais quand même une question à vous poser à la fin. Bon, vous êtes impliqué au niveau du Groupe de recherche en sécurité routière, et mon collègue me faisait remarquer tout à l'heure... on était surpris que vous ne vous soyez pas prononcé sur le virage à droite au feu rouge. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

(12 h 30)

M. Paquette (Guy): Bien, écoutez, 20 minutes n'était déjà pas suffisant pour mon intervention...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paquette (Guy): Vous savez, nous, les profs...

M. Bordeleau: Non, mais vous auriez pu l'inclure dans votre mémoire.

M. Paquette (Guy): Non, mais, vous savez, nous, les profs d'université, en général on est cédulés pour des blocs de trois heures quand on s'en va donner un cours, alors déjà, pour moi, l'exercice aujourd'hui a été très pénible.

Bien sûr que j'ai des avis sur ces questions-là, mais je ne m'estime pas être un expert de la question, et ce ne serait à ce moment-là, je dirais, qu'un avis personnel ou une opinion personnelle qui serait fondée sur mes lectures, je dirais, un peu occasionnelles dans le domaine, parce que je lis tout ce qui se publie de manière large en sécurité routière, mais... Non, je témoigne ici un peu à titre d'expert puis je suis embarrassé de donner un avis d'expert alors que j'estime que je n'ai pas fait mon travail préalable.

M. Bordeleau: Je vous remercie. Je veux juste vous signaler aussi que, comme ancien universitaire, j'étais habitué à marcher avec des blocs de trois heures, mais maintenant, depuis 10 ans, je suis habitué avec des blocs de 20 minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Paquette.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'au mardi 14 mars 2000, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

(Fin de la séance à 12 h 31)


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