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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 15 mars 2000 - Vol. 36 N° 44

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
M. André Pelletier
M. Robert Benoit
M. Serge Deslières
M. Michel Côté
*M. Hubert Sacy, Éduc'alcool
*Mme Suzanne Lareau, Le Tour de l'île de Montréal
*Mme Rachel Martinez, idem
*M. Daniel Bouchard, CPCDIT
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon) remplace M. Whissell (Argenteuil).

Le Président (M. Lachance): Merci.

À la conclusion de la séance d'hier, la commission avait entendu au total 52 groupes ou individus lors de 51 auditions. En principe, il reste six autres groupes ou individus, y compris ceux qui sont prévus pour aujourd'hui.


Auditions

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du premier groupe, qui est Éduc'alcool. M. Sacy, bienvenue, et je vous indique que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires – vous êtes déjà au courant. Et, par la suite, les échanges pourront être entrepris avec les parlementaires. Alors, allez-y, M. Sacy.


Éduc'alcool

M. Sacy (Hubert): Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous demander de bien vouloir excuser le président du conseil d'administration d'Éduc'alcool, M. Jean-Guy Dubuc, qui, pour une raison tout à fait indépendante de sa volonté – cause fortuite – n'a pu se joindre à nous aujourd'hui, et vous demander également votre indulgence, vu que j'étais là pour le soutenir et que je vais le remplacer au pied levé.

Vous connaissez sans doute Éduc'alcool. En tout cas, si vous ne connaissez pas Éduc'alcool, vous connaissez son slogan, La modération a bien meilleur goût . Et, si vous ne connaissez pas son slogan, vous faites partie des 2 % de Québécois qui ne le connaissent pas. Comme vous le savez sans doute, Éduc'alcool est un organisme qui a 11 ans et qui préconise une approche de responsabilisation des gens face à l'alcool. Nous avons fêté nos 10 ans l'année dernière et nous avons fait le bilan de la relation des Québécois à l'alcool, et, comme vous le savez, cette relation s'est grandement améliorée au cours des dernières années. Éduc'alcool vise à informer, éduquer et sensibiliser nos citoyens de tous âges aux effets de l'alcool et à son mode d'emploi, il est donc normal que nous ayons répondu avec empressement à l'invitation de la commission de présenter un mémoire, tout comme vous comprendrez que nous allons limiter nos observations à la partie qui concerne la conduite avec facultés affaiblies.

D'abord, il faut préciser clairement que nous adhérons pleinement à l'objectif de réduire le nombre et les conséquences néfastes de la conduite avec facultés affaiblies. C'est vrai que la situation s'améliore grandement. Cependant, il y a toujours 300 décès par année qui sont attribuables à l'abus d'alcool, et on convient tous que 300, c'est trop. Cependant, nous convenons également, comme le fait le livre vert, que c'est une situation qui est extrêmement complexe. Il n'y a pas de solutions faciles dans ce domaine, de là l'importance d'adopter des mesures qui prennent en compte la complexité de ce problème, mais de là aussi – et c'est extrêmement important – l'importance de situer ces mesures en perspective et de ne pas les isoler de ce qui se passe dans l'ensemble de la société. La relation à l'alcool sur les routes ne peut pas être isolée de la relation à l'alcool dans la société, et la conduite avec facultés affaiblies n'est qu'un cas particulier du rapport global qu'entretient la société à l'alcool. Et c'est donc dans cette perspective globale que nous allons faire notre intervention. Et le premier élément que nous voulons dire, c'est que ce qui est important, c'est de faire des choix et de se centrer sur des objectifs.

Nous sommes d'accord avec le livre vert lorsqu'il identifie le plus important problème lié à l'alcool qu'on rencontre sur nos routes: c'est celui des récidivistes. Mais nous ajouterons à ceux-là un deuxième groupe, c'est le petit noyau dur de ceux qui refusent de respecter les limites actuelles. C'est un constat incontournable. C'est d'abord et avant tout à ces gens-là qu'il faut s'attaquer. Cependant, il y a deux façons de s'attaquer à ce problème: il y a des mesures préventives et il y a des mesures répressives.

Malheureusement, le livre vert opte explicitement et exclusivement pour des mesures répressives. Ce parti pris pour la répression nous apparaît très mal fondé parce qu'il ne tient pas compte ni des connaissance scientifiques dans le domaine des mesures préventives ni, d'autre part, il est démontré que les mesures répressives préconisées aient un effet significatif sur les récidivistes. Alors, à la question du livre vert: Est-ce que le Québec doit renforcer les mesures actuelles et se doter des moyens encore plus dissuasifs pour atteindre les récidivistes? Nous répondons oui, absolument. Et nous ajoutons aussi l'autre groupe à atteindre, les récalcitrants. Cependant, pour nous, «dissuasives», ce n'est pas synonyme de «répressives». Ce sont des choses tout à fait différentes.

(15 h 20)

Regardons un peu les mesures qui sont préconisées. Je vais les prendre une à une, du moins pour les principales. D'abord, une des propositions, c'est de ramener la limite légale de 0,08 à 0,04, si vous permettez qu'on parle vulgairement. C'est une proposition qui est majeure, qui, si elle était adoptée, représenterait un changement énorme dans la société, supposé un changement de comportement majeur. Mais la question qui se pose: Est-ce que c'est un changement justifié? Est-ce que c'est un changement qu'on devrait faire? Revenons à la question de la priorité, est-ce qu'il va nous aider à contrer l'action des récidivistes et des récalcitrants? Et la réponse est clairement non.

On ne voit absolument pas comment les gens... Parce, que vous le savez, les récidivistes et les récalcitrants, ce n'est pas des gens qui roulent avec 0,07 0,08 ou 0,09 d'alcool dans le sang, ça roule avec 0,15, 0,20 puis 0,25, alors on ne voit absolument pas comment des gens qui déjà ne respectent pas la limite légale de 0,08 vont respecter davantage celle de 0,04. Déjà, ces buveurs ont l'impression qu'ils sont capables de conduire même avec 0,08. Imaginez-vous donc comment ils vont réagir lorsqu'on va leur dire: Ça va être 0,04. Ça ne va que renforcer leur conviction à l'effet qu'ils sont capables de conduire au-delà de la limite légale.

Deuxièmement, on ne voit absolument pas en quoi la réduction de 0,08 à 0,04 va réduire le nombre de récidivistes ou de récalcitrants. Ces gens-là sont influencés par deux choses et uniquement par deux choses: un, la probabilité objective d'être arrêté; et, deux, la crédibilité des sanctions. C'est les deux seuls motifs qui les amèneraient à changer leur comportement. Or, on ne voit absolument pas comment le fait d'abaisser la limite légale d'alcool dans le sang va leur donner le sentiment qu'ils ont plus de chances d'être arrêtés. Au contraire.

Par ailleurs, on parle de crédibilité, on ne voit vraiment pas comment on peut parler de crédibilité lorsque le livre vert lui-même reconnaît qu'on est incapable... à l'heure actuelle, nous n'avons pas les instruments de mesure qui sont capables de détecter, d'induire une lecture précise entre 0,04 et 0,08. Donc, non seulement ça n'a aucun effet, mais en plus on ne peut même pas le mesurer.

Par ailleurs, nulle part dans le livre vert, on ne nous dit combien il y a d'accidents qui sont dus à des taux situés entre 0,04 et 0,08. Il n'y a pas un mot là-dessus dans le livre vert. On sait tous que le risque d'accident augmente avec le niveau de consommation d'alcool, mais c'est uniquement à partir de 0,08 que ce taux est prouvé et qu'il augmente de manière exponentielle. Il y a une étude américaine qui montre les deux tiers des hommes impliqués dans des accidents mortels avaient des taux d'alcoolémie supérieurs à 0,15.

Compte tenu des coûts immenses qu'entraînerait une telle mesure, il est essentiel de faire la preuve de son utilité avant de l'implanter. Or, c'est une donnée qui est très documentée, et nous n'avons rien à ce sujet dans le livre vert. Nous croyons donc qu'il n'y a rien à l'heure actuelle qui justifie cette mesure dont le seul effet pourrait être d'augmenter de manière considérable le nombre de nouveaux délinquants. Et elle risque même d'avoir l'effet contraire à celui recherché parce qu'il a été démontré que, lorsque les gens pensent que la norme légale est en deçà du niveau de consommation sécuritaire, ils sont davantage portés à la transgresser.

Par ailleurs, je vais vous dire une chose qu'il nous apparaît important de signaler, ce n'est pas vrai que, plus on réduit le taux d'alcool dans le sang, moins il y a d'accidents. Au Royaume-Uni, en Suisse et au Danemark, la limite légale est à 0,08. Il y a moins d'accidents qu'en Belgique, en France ou au Portugal où il est à 0,05.

On invoque aussi la nécessité de faire des sanctions graduées, de dire: Ça aurait du bon sens, à partir de 0,04, on fait une pénalité; 0,06, un peu plus, 0,08, 0,10, 0,15, etc. C'est une excellente chose que de faire des sanctions graduées, puis on nous dit: Regardez, on va faire la même chose que pour la vitesse, sauf que les sanctions graduées commencent là où commence l'infraction. Il est absolument impensable de dire aux gens: Écoutez, c'est une zone de 100 km/h, mais on va commencer à vous donner des amendes à partir de 75 km/h, un petit peu plus à 90 km/h. À 100 km/h, on vous en donne d'autres puis, à 125 km/h, encore plus. D'accord pour la sanction graduée, mais à partir de 0,08, pas à partir de 0,04.

L'autre élément qui est préconisé, c'est l'allongement à trois mois de la suspension immédiate. La suspension immédiate est actuellement de 15 jours. C'est une mesure qui a été adoptée il y a à peine deux ans. La seule raison qu'on nous donne dans le lire vert pour la faire porter à trois mois, c'est: Bien, ça a l'air que le monde s'en accommode. Il n'y a aucune preuve de ça. Il n'y a aucune preuve qui démontre que les gens sont ravis de perdre leur permis de conduire pendant 15 jours. Et l'autre raison qu'on nous donne par ailleurs, c'est de dire: Bien, comme c'est trois mois quand quelqu'un est pris en état d'ébriété, on va mettre ça trois mois partout. Comme ça, le monde va arrêter d'être mêlé. Mais nulle part il n'est dit, nulle part il n'est démontré, et personne n'a jamais compris que le message était compliqué et que la population avait de la difficulté à comprendre ce message. Ça ne nous apparaît pas du tout comme étant fondé.

Troisième mesure, la tolérance zéro pour les professionnels. Ici, M. le Président, c'est vraiment un modèle que nous avons, ici, et il y a vraiment de quoi s'inquiéter. Ce qu'on dit, c'est que, pour les professionnels, donc les routiers professionnels, les conducteurs d'autobus, etc., ça va être tolérance zéro, pas une once d'alcool dans le sang, pas un milligramme. Mais le livre vert reconnaît que la prévalence de la conduite sous les effets de l'alcool est nettement moins fréquente chez les conducteurs professionnels. Et le livre vert ajoute même: Cette attitude est tout à leur honneur. Donc, on les félicite. Il n'y a vraiment pas de problèmes avec eux, ils sont meilleurs que les autres. Alors, pour souligner ce fait et pour les féliciter, on propose de leur imposer zéro de tolérance. Il y a deux ans, on a imposé aux jeunes de moins de 25 ans la tolérance zéro parce qu'ils faisaient plus d'accidents que les autres sous l'effet de l'alcool. Là, on veut imposer la tolérance zéro aux conducteurs professionnels parce qu'ils font moins d'accident sous l'effet de l'alcool par rapport aux autres. Il faudrait peut-être se décider si c'est une mesure pour les punir ou pour les conforter. Mais ce qui se dégage de tout ça, c'est qu'on a l'impression que l'idée maîtresse, c'est de dire: On réprime tout le temps plus quelle que soit la raison et quel que soit le prétexte.

Même chose dans les opérations systématiques de dépistage. Aujourd'hui, la police peut installer à tous les jours, à tous les coins de rue autant de barrages qu'elle veut. Elle peut arrêter tout le monde en tout temps, en toutes circonstances, 24 heures par jour. Elle n'a aucune limite à son pouvoir d'enquête, elle n'a aucune limite à son pouvoir de sélectionner, elle peut même faire un premier triage. La seule chose, c'est qu'on dit: Avant de faire passer un alcootest, vous devez avoir quelques raisons qui ont à peu près du bon sens pour que ça ait de l'allure et que ce soit un petit peu justifié. Le livre vert dit: Qu'il y ait des raisons ou qu'il n'y ait pas de raisons, tout le monde passe par l'alcootest.

Nous soumettons respectueusement deux choses. La première, c'est que cette mesure-là est totalement inefficace, comme nous l'avons démontré dans le mémoire, mais, plus encore, on se demande si, pendant tout le temps que les policiers vont perdre à tester des conducteurs sobres, ils ne vont pas laisser s'échapper des conducteurs qui ne le sont pas. Ce qui est important, c'est de cibler les actions, nous n'avons pas de millions de policiers sur nos routes.

Enfin, nous signalons qu'il faut se demander si cette espèce d'alcootest généralisé au bon vouloir des policiers ne contreviendrait pas à l'article 8 de la Charte des droits et libertés qui protège contre les fouilles et les perquisitions abusives.

Mais tout ceci nous éloigne beaucoup, M. le Président, du modèle québécois. C'est quoi, le modèle québécois? Le Québec a amélioré grandement... Vous savez que nous sommes un exemple dans le monde entier. Vos collègues de l'Assemblée du Parlement suédois, au mois de novembre dernier, ont étudié la politique sur l'alcool et ils nous ont demandé d'aller expliquer comment ça fonctionne au Québec tellement la Suède est en pâmoison devant les résultats qu'obtient le Québec sur le plan de l'amélioration de la relation à l'alcool sans des mesures répressives solides. Encore que les mesures répressives que nous avons sont quand même pas mal, hein? La loi actuelle prévoit 14 ans d'emprisonnement en cas de décès pour des gens qui sont pris avec conduite avec facultés affaiblies. Nous avons réussi là avec une dose de répression et une dose d'éducation. Bien dosé et bien fait. Mais, généralement, lorsque le Québec, dans son histoire, a eu à choisir entre la responsabilisation et la répression, il a toujours choisi la responsabilisation.

En 1921, M. le Président, l'Amérique du Nord au complet était sous l'effet de la loi de la prohibition, sauf le Québec, comme le petit village gaulois d'Astérix. Plutôt que de faire de la prohibition, ce qu'on a fait, on a dit: On va faire une Société des alcools – ça s'appelait la Commission des liqueurs, à l'époque – puis on va contrôler ça, puis on va éduquer le monde. Ça a tellement bien marché que, au bout de 25 ans, tout ce que la prohibition a amené, c'est du crime un peu partout, puis, nous autres, il y a quelques compagnies qui font des spiritueux qui ont fait leur beurre puis tout leur argent avec ça. On les connaît tous, on n'a pas besoin se le raconter. Aujourd'hui encore, dans la loi des jeunes délinquants criminels, le Québec a refusé de suivre la voix de la répression pure, puis bien nous en a pris parce qu'on affiche la meilleure performance à ce sujet au Canada.

Aujourd'hui, la tendance du livre vert à vouloir rompre avec cette orientation de fond est très inquiétante. Le livre vert reconnaît que c'est au Québec qu'on a l'une des législations les plus complètes pour contrer l'abus d'alcool au volant, pourquoi est-ce nécessaire d'aller chercher partout dans le monde ce qu'il y a de plus répressif? Pour s'assurer qu'on va détenir le championnat mondial de la répression? Ça n'a pas de bon sens. Et, en plus, on évoque la Suède, et, comme je viens de le dire, en Suède, ils invoquent le Québec pour dire: C'est ça qu'il faut faire chez nous. Puis, nous, on invoquait la Suède pour dire: C'est ça qu'on devrait faire. Il me semble que ça n'a pas trop, trop d'allure.

(15 h 30)

Nous, on convient que des mesures répressives soient parfois nécessaires. Pour les irréductibles, c'est indiscutable, mais c'est injustifié, inutile et dangereux quand ça vise la majorité responsable. Il ne faut pas vider l'océan pour tuer le requin, et ceci, pour trois raisons. La première, c'est que les mesures préventives sont essentielles. Au cours des dernières années, toutes les études ont montré les limites des mesures répressives lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de mesures de contrôle et de sanctions crédibles. Même pour rejoindre les récidivistes et les récalcitrants, la mise en oeuvre de mesures préventives permet d'obtenir des résultats notables. Ça a été démontré dans l'Oregon, ça a été démontré en Californie, où on a réduit grandement l'état de conduite avec facultés affaiblies et le taux d'accidents mortels sur les routes auprès des récidivistes.

Chez nous, au Québec, M. le Président, Éduc'alcool et la Ligue de sécurité routière ont mis sur pied un programme qui s'appelle Action serveurs, qui est un des programmes les plus efficaces qui soient, qui vise les serveurs des établissements licenciés, là où se trouvent précisément ces récidivistes, et qui leur permet de gérer les clients, de leur servir moins d'alcool quand ils constatent qu'ils ont abusé, de leur rappeler qu'il faut prendre des taxis. Une mesure de prévention, une mesure d'éducation. Vous savez qu'au Québec, aujourd'hui, vous avez besoin d'un permis pour couper des cheveux, mais vous n'avez pas besoin d'un permis pour servir de l'alcool dans un établissement licencié. Vous avez besoin d'un permis comme propriétaire, mais vous n'avez pas besoin d'un cours, vous n'avez pas besoin de passer un examen. Or, ce que nous disons, c'est que, si ce cours Action serveurs, qui prend trois heures, qui existe, qui a été mis sur pied par Éduc'alcool et par la Ligue de sécurité du Québec et qui a fait ses preuves partout là où il a été mis en oeuvre... si ceci était mis en oeuvre actuellement, ça serait une mesure préventive intelligente et efficace. Le livre vert ne préconise aucune mesure préventive, nous ne pouvons que le déplorer puis inviter le gouvernement et les autorités à les inventorier et à les implanter.

Deuxième élément, il y a plus que l'abus d'alcool. À force de parler juste de l'alcool au volant, on en est venus à assimiler conduite avec facultés affaiblies avec conduite sous l'effet de l'alcool. Nous soumettons respectueusement que les facultés peuvent être affaiblies par le sommeil, la maladie et diverses substances légales ou illégales, pour n'en citer que quelques-unes. Et, au moment où on se met à parler ici et là de légalisation des drogues douces, ça interpelle grandement nos valeurs, mais il est normal de s'attendre à ce que le Code de la sécurité routière prévoie des mesures à cet égard. On est conscients que c'est difficile, que c'est des difficultés sur le plan scientifique, mais on se serait attendus à trouver dans le livre vert un minimum de mesures relatives à la conduite sous l'effet des drogues, des médicaments ou des barbituriques. C'est infiniment plus nécessaire et infiniment plus urgent à traiter que le reste.

Troisième élément, il y a trois dangers qui nous guettent si le message de répression se généralise dans le débat sur l'abus d'alcool au volant. Le premier, c'est que les problèmes d'abus d'alcool au volant ne viennent occulter tous les autres problèmes liés à l'alcool. Vous le savez, si vous faites un sondage au Québec aujourd'hui, vous dites aux gens: Quel est le principal problème d'alcool dans notre société? Tout le monde va dire: L'alcool au volant. Ce n'est pas vrai, c'est là que notre performance s'améliore le plus. On a des problèmes de violence familiale, de violence conjugale, d'absentéisme au travail, personne n'en parle. Pourquoi? Parce qu'on est obsédés par l'alcool au volant. Il ne faut pas occulter les autres problèmes.

Deuxième élément, lorsque le message répressif est diffusé à l'ensemble de la population et que c'est le seul message qui soit livré, l'approche répressive occupe une place disproportionnée au détriment de l'approche de responsabilisation.

Et le troisième, c'est qu'à force de ne mettre l'emphase que sur l'alcool au volant on en est rendus à créer une société avec des jeunes et même des adultes qui pratiquent l'abstinence totale lorsqu'ils ne conduisent pas et qui, pour compenser, se paquettent comme des malades lorsqu'ils ne conduisent pas du tout... qui ne prennent pas une goutte d'alcool lorsqu'ils conduisent et qui pratiquent, par compensation, les cuites et qui prennent les brosses les plus épouvantables pour compenser lorsqu'ils ne conduisent pas.

Ça, M. le Président, c'est le modèle suédois. La Suède est le pays qui a le plus grand nombre de problèmes liés à l'alcool. C'est vrai que là-bas, chez eux, là, c'est 0,005, mais le taux de suicide, le taux de criminalité, le taux de violence, le taux d'alcool de contrebande est le plus élevé de tous les pays d'Europe. Nous, nous ne disons pas que la contrainte ne soit jamais nécessaire, mais la contrainte et la répression ne peuvent pas être les seules voies. Il faut aller au-delà de la loi et des contraintes, parce que, sinon, ceux qui le veulent finiront toujours par trouver un moyen de contourner la loi. Notre société a des moyens limités, elle ne peut pas investir ses ressources partout, elle ne peut pas tout faire en même temps. Et, si elle tente de tout faire à la fois, elle va rater tous ses objectifs. Il faut choisir, il faut faire le bon choix, et le bon choix, c'est de responsabiliser la majorité raisonnable et de ne réprimer, lorsque nécessaire, que la minorité irresponsable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Sacy. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie M. Sacy. Je ne pensais pas de vous revoir dans un nouveau rôle.

M. Sacy (Hubert): Moi non plus.

M. Chevrette: Bon. Heureux tous les deux. Voici, je voudrais reprendre certains de vos propos parce que je diverge un peu d'opinion sur, tout au moins, l'exemple que vous donnez en ce qui regarde le niveau d'alcool ou la tolérance zéro. D'abord, pour les jeunes, la tolérance zéro, c'est deux ans au début, avant qu'ils aient un permis maintenant. Et la tolérance zéro pour un conducteur professionnel... faire une comparaison avec un jeune au volant d'une auto puis un transporteur de camion lourd de 50, 75 tonnes ou encore d'autobus avec 45, 50 passagers, il m'apparaît que la comparaison est trop facile à faire de votre part. Je suis sûr que, si j'avais à vous questionner de façon serrée, vous nuanceriez davantage vos propos.

M. Sacy (Hubert): ...

M. Chevrette: Bon. Parce qu'il y a un niveau de responsabilité et d'outils dans les mains qui est fort différent si on regarde l'impact ou le résultat, par exemple, de ce que pourrait avoir un accident d'un camion lourd ou d'un autobus rempli de personnes.

Ceci dit, je partage cependant votre point de vue que ça ne sert à rien de mettre des limites à la baisse si on n'est pas capables d'appliquer ça de façon raisonnable ou intelligente et qu'à ce compte-là vaut mieux appliquer une norme existante et connue et pour laquelle les gens essaient de s'y coller ou de s'y rapprocher, parce qu'on me dit que beaucoup de personnes sont arrêtées à 0,07 ou 0,09 puis que les récidivistes, ce n'est pas du tout cette norme-là, que, si c'est là qu'on cherchait, ce n'est pas en mettant 0,02 qu'on va enlever des récidivistes de la route. Ça, j'ai plutôt l'impression qu'on partage passablement le même point de vue là-dessus.

Mon idée n'est pas définitive, mais je n'ai pas été convaincu par personne jusqu'à date qu'il fallait aller beaucoup à la baisse, sauf pour les conducteurs professionnels. Les conducteurs professionnels, j'ai même senti... À moins que je me trompe, là, j'ai senti quasiment un consensus qui se dégageait devant nous, à l'exception de trois ou quatre groupes, dont le vôtre. Moi, je voudrais vous entendre de façon plus précise sur le conducteur professionnel. C'est sérieux, c'est quelqu'un qui ne manoeuvre pas quelque chose de facile, qui a des instruments entre les mains dangereux puis qui peut avoir même la responsabilité de personnes à sa charge. Vous mettriez quoi dans leur cas? Vous mettriez 0,08 comme actuellement?

M. Sacy (Hubert): C'est à moi?

M. Chevrette: Oui, je vous laisse le... Il y avait un point d'interrogation là-dessus.

M. Sacy (Hubert): Oui. Bien, regardons un peu la situation telle qu'elle est là. Quel est le nombre d'accidents dus à des routiers professionnels qui se situent entre 0,01 et 0,08?

M. Chevrette: Sur des accidents, vous dites?

M. Sacy (Hubert): Oui. Il y a combien de... La question, c'est: Où est le problème? Le livre vert dit: Ces conducteurs-là sont plus responsables que tous les autres. Ils font moins d'accidents que tous les autres. Il n'y a pas une seule donnée que nous ayons pu trouver nulle part sur le nombre d'accidents qui sont dus à l'alcool en bas de 0,08 chez les conducteurs professionnels, pas une donnée qu'on ait pu trouver.

La question, s'il n'existe pas... En tout cas, il n'y en a pas dans le livre vert, ça fait que si... Vous connaissez le proverbe, là, s'il n'y a pas de problème, n'y appliquez pas une solution. Le jour où on nous démontrera qu'il y a un véritable problème et que ce problème peut être réglé par la mesure préconisée, dans ce cas-ci, c'est oui. Le seul argument du livre vert consiste à nous dire: Bien, vu qu'ils se comportent mieux que les autres, on va leur appliquer la tolérance zéro. C'est exactement le raisonnement inverse de celui d'il y a deux ans pour les jeunes. Je ne compare pas les jeunes et l'autre, je comparais juste deux raisonnements qui ont été faits pour dire, dans un cas: Vu qu'ils se comportent mieux que les autres, c'est tolérance zéro; et les autres, vu qu'ils se comportent plus mal que les autres, c'est tolérance zéro. C'étaient les arguments que je comparais, ce n'étaient pas les situations. Mais ce que je veux vous dire, c'est que nous n'avons pas vu nulle part le quart du début d'un problème dans le livre vert à ce sujet-là, ni même ailleurs dans les statistiques.

M. Chevrette: Mais ça ne serait pas Éduc'alcool dans le cas des camionneurs lourds, ça serait tout simplement formation. Ce n'est pas nécessairement la question de l'alcool dans le camionnage lourd, on nous dit qu'ils manquent de formation, c'est épouvantable. Quand on lâche un flo de 21 ans – je m'excuse de l'expression «flo», c'est parce qu'on dit ça chez nous; ce n'est pas péjoratif ni mesquin, là – un jeune de 20 ans ou 21 ans sans formation au volant d'un double trailer chargé de liquide, il arrive des choses.

M. Sacy (Hubert): J'en conviens volontiers.

M. Chevrette: Bon. Mais ça peut être la formation purement et simplement, la base.

M. Sacy (Hubert): Tout à fait.

(15 h 40)

M. Chevrette: Mais imaginez-vous quelqu'un qui n'est pas formé puis qui, en plus de ça, aurait 0,08 ou 0,07. Vous ne pensez pas qu'il représente un double danger? Vous parliez de prévention vous-même, à plus forte raison quelqu'un avec un train routier de plusieurs tonnes, imaginez-vous, qui se permettrait de prendre deux petites bières ou trois petites bières avant sa soupe puis sa sandwich puis qui reprendrait le chemin.

M. Sacy (Hubert): Il y en a combien?

M. Chevrette: Il n'est pas question de nombre, un, c'est de trop.

M. Sacy (Hubert): Bien, y en a-tu un? On en a-tu poigné un depuis les cinq dernières années?

M. Chevrette: Bien, moi, je ne vous dirais pas... J'en connais, moi.

M. Sacy (Hubert): Qui ont fait un accident?

M. Chevrette: Je n'ai pas dit qu'ils ont fait un accident, mais j'en connais qui prennent trois, quatre bières.

M. Sacy (Hubert): O.K. Je vais vous dire autre chose, il est démontré purement, scientifiquement et rigoureusement que la conduite après 2 heures du matin est une conduite dont le niveau de risque est beaucoup plus élevé à cause de la fatigue, à cause du sommeil, à cause de la vision, et ainsi de suite. On va-tu interdire de conduire après 2 heures du matin? Non. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de problèmes majeurs dans la société. Nous, ce qu'on dit, c'est: S'il y a un problème, dites-nous le, on va être d'accord avec la solution si c'est la bonne solution. Mais identifions le problème. Ce que nous disons, c'est que, à force de démoniser l'alcool, on va banaliser la chose, et ça risque de faire l'effet contraire à celui recherché. Je vous dis: Ramenez ça à tolérance zéro pour tout le monde, on va faire comme en Suède. Ils ne sont pas mieux emmanchés que nous, ils sont pires que nous. Sur les routes, ils sont mieux emmanchés. Dans tout le reste de la société, ils sont 10 fois pires que nous. N'isolons pas l'alcool au volant de l'alcool dans la société. Je vous le répète, s'il y a un véritable problème, mettez-le sur la table puis réglez-le. On va être d'accord avec ça. Ce que je vous dis, c'est qu'on ne le voit pas, le problème. C'est juste ça.

Pour ce qui est de la formation, vous avez raison...

M. Chevrette: Mais il n'y a pas eu un cas dans la Beauce où vous avez eu un conducteur d'écoliers avec 45 étudiants dedans qui était à point je ne sais pas quoi, là, à 0,12?

M. Sacy (Hubert): S'il était à 0,12, mettez ça à 0,08 ou mettez ça à 0,04, ça ne changera absolument rien.

M. Chevrette: Oui, mais, si l'obligation de départ pour un conducteur professionnel qui a un outil dangereux dans les mains n'est pas la tolérance zéro... Bien, moi, je pense que c'est un contrat de société, ça, on dit: Écoute, si tu conduis un véhicule lourd, tu as beaucoup plus de risque. Même avec tous tes réflexes, tu comportes déjà un danger dans un monstre du genre. Tu côtoies des automobilistes, tu peux côtoyer des cyclistes, tu peux côtoyer même des patins à roues alignées ou encore des marcheurs, tout simplement. Moi, j'ai une tendance à être très sensible à l'argumentation à l'effet que les conducteurs professionnels, ils travaillent dans des situations précaires et ils ont besoin de tous, tous, tous les réflexes, parce que, s'il fallait qu'ils déraillent, ou fassent une embardée, ou perdent le contrôle, les effets sont catastrophiques par rapport à un cycliste qui perdrait les pédales.

M. Sacy (Hubert): Respectueusement, M. le ministre, ce n'est pas ça qui est écrit dans le livre vert.

M. Chevrette: Je ne vous demande pas ce qui est écrit, j'ai dit que j'étais influencé, moi, par les arguments de ceux qui sont venus à votre place, là, avant vous, 52 groupes. Ça m'a sensibilisé. Moi, je suis arrivé un peu avec votre idée peut-être au début de la commission, mais, depuis qu'on entend des groupes, je suis de plus en plus sensible au fait que le conducteur professionnel, ce n'est pas pareil comme un conducteur régulier d'une automobile. Il me semble que ce n'est pas pareil.

M. Sacy (Hubert): S'il y a des problèmes, on va être d'accord avec vous.

M. Chevrette: Mais vous ne pensez pas, quand vous me parlez de prévention, que c'est avant qu'il y ait des problèmes qu'on est aussi bien de les enlever de sur la route?

M. Sacy (Hubert): Mais c'est parce que vous partez du principe que, si quelqu'un a pris une bière, il va perdre toutes ses facultés de conduite ou bien il va... Le véritable effet de l'alcool, jusqu'à 0,05, il n'est absolument pas démontré nulle part sur la planète Terre.

M. Chevrette: Comme ça, le Dr Payette qui est venu nous dire que, à 0,03, ici... il n'avait pas raison?

M. Sacy (Hubert): Il n'y a pas un seul pays au monde qui est à 0,03.

M. Chevrette: Bien, il y en a à 0,02.

M. Sacy (Hubert): La Suède...

M. Chevrette: La Suède.

M. Sacy (Hubert): ...puis seule. La Suède, je vous le dis, c'est le pays où il y a le plus de problèmes au monde avec l'alcool. Les Suédois... Je vais vous expliquer pourquoi c'est 0,02 en Suède, ils ne sont pas capables...

M. Chevrette: Je m'excuse, M. Sacy, je n'ai pas dit que c'est parce qu'il y avait des pays, là... je vous dis que le Dr Payette, qui a témoigné ici il y a à peu près un mois, est venu nous dire que, à 0,03, un individu... Il n'a pas dit qu'il y avait des pays qui étaient à 0,03, il a dit: Un individu qui est à 0,03 n'a pas l'ensemble de ses réflexes permissibles pour une conduite sécuritaire. Moi, je ne le sais pas, je ne suis pas médecin, je ne suis pas spécialiste. Je l'écoutais, puis, moi, je le sais ce qui est arrivé à son épouse, ce docteur-là, elle s'est fait tuer par un camion justement, un camion dont le conducteur était je ne sais pas à combien d'alcool, et il s'en est fait une mission, depuis ce temps-là, de venir dire, autant dans les journaux, dans les médias d'information et à la commission parlementaire... de venir nous dire de façon assez pathétique ce qu'il a vécu.

M. Sacy (Hubert): Je suis capable de comprendre ça, mais ce que je vous dis, c'est que les recherches scientifiques disent entre 0,05 et 0,08. Selon les recherches. 0,03, on n'a jamais entendu ça. Jamais, nulle part, je vous assure. Et, nous citons en référence un certain nombre d'études, d'ailleurs, qu'on peut mettre à votre disposition, 0,03, on n'a jamais entendu ça. Il y a des gens qui commencent à dire à 0,05, c'est vrai. Ce qui est absolument certain, c'est à 0,08, c'est vrai aussi. Entre 0,05 et 0,08, il y a des marges de discussion, c'est vrai également. En bas de 0,05, là...

M. Chevrette: O.K. Je vais y aller différemment. Vous êtes un bon négociateur.

M. Sacy (Hubert): On a été à la même école. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je me rappelle. Premièrement, si c'est vrai, à 0,05, qu'il commence à y avoir des zones grises, est-ce que vous considérez que le conducteur professionnel doit être limité au début de la zone grise?

M. Sacy (Hubert): Oui.

M. Chevrette: Donc, vous seriez d'accord pour un pourcentage différent pour un conducteur professionnel et un conducteur régulier?

M. Sacy (Hubert): Bien, tout à fait. Je vais donner un exemple, les pilotes d'avion, c'est zéro. Zéro, zéro, zéro, zéro, zéro.

M. Chevrette: Oui, mais quand tu en as 300...

M. Sacy (Hubert): Non, non, mais...

M. Chevrette: Mais 45 jeunes dans un autobus, je suis proche du zéro, zéro, moi.

M. Sacy (Hubert): Mais c'est parce que, si... Comment vous dire ça? Je vous dis, à partir de 0,05, c'est tout à fait parlable et c'est appuyable parce que c'est... Comment je peux vous dire? On peut avoir une assise scientifique qui dit: À partir de 0,05. Donc, on dit: Il y a une assise scientifique, appuyons-nous dessus. Ça, je peux vous dire oui. Ça se tiendrait, là.

M. Chevrette: Vous savez que la norme américaine est à 0,04...

M. Sacy (Hubert): La norme américaine?

M. Chevrette: ...pour les conducteurs professionnels?

M. Sacy (Hubert): Non, je ne savais pas ça. Je sais que la norme générale, c'est à...

M. Chevrette: Bon. On me dit qu'elle serait à 0,04, et à ce moment-là ça justifierait, en tout cas, une baisse évidente, parce que, si on n'a rien de scientifique avant 0,05, je pense qu'il faut placer en toute sécurité le conducteur professionnel. En tout cas, à mon point de vue, à mon humble avis.

M. Sacy (Hubert): Mais ce que je veux vous dire, c'est: Il ne suffit pas juste de la placer. M. le ministre, si on n'est pas capables de l'appliquer après, ça ne sert à rien de la placer.

M. Chevrette: Oui, ça, je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord avec vous, puis on a des graves problèmes parce qu'on a les questions des droits et libertés des personnes dans les barrages, puis c'est tout un problème, ça, je le reconnais.

En tout cas, sur l'aspect professionnel, on y reviendra sans doute, mais il y a une dernière petite question que je voudrais vous poser, c'est: Que feriez-vous, vous, dans les circonstances où... Vous n'avez pas traité des autres sujets, mais vous savez très bien que plusieurs demandent la non-indemnité de ceux qui posent un acte qui est jugé criminel par les tribunaux. Vous n'en avez pas traité dans votre dossier, mais vous avez sans doute des idées là-dessus.

M. Sacy (Hubert): Honnêtement, l'organisme que je représente ici – comment vous dire? – n'a pas de position sur cette question-là parce qu'on considère que ce n'est pas dans notre mandat comme tel. Nous, on a un mandat d'éducation et de promotion de la consommation équilibrée et responsable et on aurait pensé que ça serait sortir du mandat que nous avons que de nous prononcer même si les individus, un à un, ont des opinions sur le sujet.

M. Chevrette: Et, vous, si je vous demandais la vôtre?

M. Sacy (Hubert): Je dois être aussi partagé que vous. Quand tu lis un accident qui a eu lieu et que tu vois ce qui s'est passé, tu as envie de lui arracher la tête tellement tu trouves ça épouvantable. Et, d'un autre côté, bon, bien, il y a les autres arguments qu'on voit de l'autre bord qui consistent à dire qu'on a un système «no-fault», c'est un système «no-fault», et puis que c'est comme ça que ça fonctionne, et que ça ne changera pas vraiment grand-chose à la réalité des faits. Alors, on est vraiment extrêmement partagés. Honnêtement, c'est un très, très beau cas de conscience, entre autres.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

(15 h 50)

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. Sacy. D'abord, je dois vous dire que j'ai apprécié beaucoup votre mémoire et je pense que vous nous rappelez, en tout cas, des éléments importants qu'on doit prendre en considération dans toute cette discussion-là. Et je fais référence ici, disons, à l'équilibre entre des mesures de prévention et des mesures de répression et aussi nous rappeler qu'il est peut-être facile de tomber dans de l'adoption de mesures répressives sans nécessairement avoir pris en compte les justifications pour ça, la démonstration de la pertinence de ces actions-là. Je faisais référence, dans d'autres contextes, disons, au fait que c'est toujours facile de faire une loi, excepté qu'on peut faire des lois... Au gouvernement, on est spécialistes là-dedans, et d'ailleurs, on le sait, ça nous est reproché souvent. Ensuite, on s'aperçoit qu'elles ne sont pas applicables, ou qu'elles ne sont pas appliquées, ou qu'elles deviennent désuètes, et puis on... Alors, on a une tendance rapide, disons, à tomber dans des restrictions, des répressions, des règles catégoriques qui encadrent des éléments qui nous fatiguent comme membres de la société, mais on s'aperçoit après coup que ce n'était pas toujours fondé et, souvent, que ça n'a rien réglé.

Alors, je pense que ce que je comprends dans votre message, c'est un peu à ça que vous nous dites de faire attention, qu'on n'a pas toujours les démonstrations qui supportent, par exemple, certaines des hypothèses qui sont présentées dans le livre vert. Et je pense qu'à ce titre-là j'ai beaucoup apprécié le mémoire que vous nous présentez là-dessus, et il faudra être prudent, il faudra prendre du recul nécessaire plutôt que de tomber dans le panneau souvent simpliste de mettre des limites extrêmes qui nous paraissent, là, qu'on a réglé le problème une fois pour toutes, alors qu'on n'aura rien réglé et qu'on aura peut-être créé d'autres types de difficultés. Et on se retrouve souvent avec des lois qui sont inapplicables et inappliquées, de sorte que ça perd toute crédibilité, et je pense qu'on obtient souvent l'effet inverse.

Alors, je veux peut-être juste vous questionner sur certains points. Je pense que le questionnement que le ministre vous a fait sur la question des professionnels de la conduite, bon, évidemment, c'est une problématique particulière, il y a la question des responsabilités, et je pense, en tout cas, qu'on a fait le tour un petit peu. J'y reviendrai peut-être, mais les éléments sur lesquels j'aimerais revenir... Vous avez parlé au début du noyau dur, et je pense qu'effectivement c'est ça qui est un gros problème. On sait que c'est ces gens-là qui causent la majorité des accidents, souvent des accidents qui sont très sévères, qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là? Qu'est-ce qu'on fait avec des gens qui... Il y a des mesures, actuellement, de répression qui disent qu'à 0,15 il y a des conséquences, et tout ça, et on se retrouve avec des individus qui retombent dans le même panneau, posent les mêmes gestes avec les mêmes conséquences dangereuses pour les autres citoyens, qu'est-ce qu'on fait avec cette catégorie d'individus?

M. Sacy (Hubert): O.K. Sur le plan de la prévention, d'abord, et sur le plan de la répression ensuite. Sur le plan de la prévention, malheureusement, je dois vous dire, la seule mesure que nous connaissions, nous, qui est efficace, dont c'est prouvé qu'elle est efficace, qui existe et qu'il suffit d'implanter, c'est de rejoindre ces gens-là au moment où ils boivent et avant le moment où ils prennent le volant. Ces gens-là fréquentent beaucoup, beaucoup, beaucoup les bars, les établissements où on sert. Je ne dis pas tous, mais une bonne partie d'entre eux. C'est là qu'il faut aller les chercher pour commencer.

Pour cela, il y a une logique dans les bars qui veut que le serveur, plus il sert à son client, plus il fait de l'argent, plus le pourboire est gros, plus ci, plus ça, etc. Il y a un taux de roulement immense dans ce personnel-là et il n'y a pas de formation suffisante pour les serveurs des établissements licenciés qui abreuvent généreusement ces personnes-là. À 3 heures du matin ou à 2 h 30 du matin, le vendredi soir, je peux vous les montrer, les endroits. On va y aller ensemble, vous allez les voir, ils prennent leur auto, ils sont soûls comme ça n'a aucun sens. Il y a moyen de les arrêter là.

Il y a des cours qui peuvent être... Je sais qu'il y a une loi qui consiste à dire que, si tu sers quelqu'un qui est déjà intoxiqué et si quelqu'un fait un accident, le propriétaire de l'établissement et le serveur qui a servi sont passibles de sanctions, mais on ne les attrape pas. Ce n'est pas entré dans l'esprit, ce n'est pas entré dans la mentalité. Le cours qu'on a préparé, qui s'appelle Action serveurs, qui est donné par la Ligue de sécurité du Québec avec nous, il explique aux serveurs comment gérer un client qui a trop bu, comment lui servir autre chose que de l'alcool, comment l'aider, comment le convaincre de prendre un taxi au lieu de prendre son automobile. Empêcher les gens de prendre leur auto quand ils sont dans cet état-là et les amener à changer leur comportement.

Deuxièmement, oui, ça prend de la répression pour ces gens-là parce qu'ils ne comprennent pas un certain nombre d'affaires. Mais les barrages, il faut les faire à ces heures-là, à ces endroits-là, aux endroits où on les connaît et cibler davantage ces choses-là.

Le troisième élément, c'est qu'une fois qu'ils sont pris les sanctions graduées, là, ça, ça peut être un moyen de répression efficace sur ces gens-là en particulier. Il reste que c'est un problème majeur, parce que ces gens-là, s'ils boivent autant, c'est parce qu'ils ont d'autres problèmes ailleurs, et la loi, le Code de la sécurité routière, ne va pas régler ces problèmes-là, on ne les éliminera jamais assez, tous, mais cibler davantage la répression et faire des mesures préventives avec les serveurs des établissements licenciés, c'est, à notre connaissance, les deux moyens les plus efficaces. Et, si on fait ça, on va baisser ça de 30 % à peu près, comme ça s'est passé en Oregon, comme ça s'est passé en Californie. Réduisons ça de 30 %, on aura fait un sacré bout de chemin.

M. Bordeleau: O.K. Au niveau de votre programme Action serveurs, est-ce que vous avez pu, disons, avec des indices, faire une évaluation de l'impact de ce programme-là?

M. Sacy (Hubert): Oui. Honnêtement, au départ c'était un projet-pilote qui a été mis sur pied par le CLSC du Lakeshore. À l'époque, ça s'appelait comme ça. Et nous avons pris une vingtaine d'établissements auxquels on a donné le cours aux employés de ces établissements, aux serveurs. On a constaté que ça fonctionnait relativement bien, dans le sens où, quand on est retourné six mois plus tard vérifier un peu comment ça s'était passé, tous les rapports d'évaluation nous disaient que ça avait été très apprécié, que les propriétaires des établissements n'hésiteraient pas à redonner le cours en question, et ainsi de suite. Malheureusement, nous avons beaucoup de difficultés à l'implanter parce qu'il n'y a aucune obligation. Aucune obligation. Vous et moi, sans aucun cours, on peut devenir barman demain matin dans n'importe quel établissement licencié. On avait essayé de faire une entente avec les compagnies d'assurances pour qu'elles réduisent les primes de responsabilité civile des propriétaires des établissements licenciés qui donneraient ce cours à leurs employés. Les compagnies d'assurances n'ont pas embarqué là-dedans, ça n'a pas marché, il n'y a pas eu de suivi.

Je vous avoue qu'on est un peu découragés parce qu'on trouvait ça... Il y a une solution qui est tellement facile, qui est juste accessible, il suffit juste de la mettre en place, mais on n'a pas trouvé le moyen encore, malheureusement, de convaincre les propriétaires des établissements licenciés. On essaie de voir avec la Régie des alcools, des courses et des jeux s'il y a moyen de voir s'il n'y a pas une façon de mettre, entre guillemets, une espèce d'obligation, une pression morale ou quelque chose pour les amener à suivre ce cours-là. Ce cours-là ou un autre, là. Nous, on ne tient pas à ce que ça soit ce cours en particulier, mais qu'il y ait le contenu en question. Puis ils nous disent souvent... les gens disent qu'ils sont surréglementés, qu'ils en ont par-dessus la tête, et ainsi de suite. Pourtant, c'est un endroit où s'il en faut une, ça serait probablement ici.

M. Bordeleau: L'autre question. Je reviens un peu sur la question des conducteurs professionnels. On a mis là point zéro, la tolérance zéro alcool. Si je me souviens bien, il y a des gens qui sont venus ici qui nous ont dit que, de fait, au niveau des appareils pour mesurer, c'était impossible de mesurer à des niveaux très bas. On parle de 0,02, 0,03, là. Apparemment que ces appareils-là n'ont pas de fiabilité, et je pense que vous y faisiez référence tout à l'heure en disant... Entre 0,04 et 0,08, si je ne me trompe pas, vous avez dit: C'est difficile d'évaluer avec justesse le...

M. Sacy (Hubert): Absolument. Le livre vert le reconnaît lui-même, d'ailleurs.

M. Bordeleau: Alors, dans ce contexte-là, mettre un indice zéro, si, de fait, ça ne se mesure pas, ou c'est difficile à mesurer, ou ça pourra être contesté compte tenu des marges d'erreur des appareils, on se retrouve peut-être dans une situation où on risque d'avoir beaucoup de problèmes. Parce que, effectivement, si on met ça, un conducteur qui gagne sa vie avec ça, on sait que les appareils ne sont pas assez précis, bien, évidemment, au lieu de perdre son permis, il va contester, et on va se retrouver avec des procédures, et, en bout de ligne, je ne suis pas certain qu'on aura raison. Alors, c'est le premier commentaire sur ce sujet-là.

L'autre commentaire, vous y avez fait référence, c'est toujours facile de dire: Bon, on ne prend pas de chance, c'est zéro. Mais il n'y a aucune démonstration qui nous dit, par exemple, qu'à 0,03 ou à 0,04 on fait plus d'accidents. Et pourquoi on mettrait un niveau comme ça qui est radical, qui est une formule-choc, si on veut? C'est zéro, mais on n'a pas grand-chose pour le supporter, puis il y a beaucoup d'éléments qui permettront de le contester. Alors, s'il y a, je ne sais pas, moi, un chauffeur de camion ou d'automobile qui part avec sa famille, qu'il y a quatre, cinq personnes dans l'auto – évidemment, c'est peut-être moins fort au point de vue de l'image – qui arrête le midi, qui prend une coupe de vin puis qui repart après, on ne perçoit pas qu'il y ait de problème comme individu qui conduit. Pourquoi on verrait des problèmes à ce que ça soit un camionneur qui le fasse? J'ai l'impression, en tout cas, qu'il faudra être prudent là-dessus, et la formule facile de dire zéro, elle me semble être assez risquée, pas nécessairement réaliste et peut-être créer des problèmes inutilement. Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires à formuler à ce niveau-là.

(16 heures)

M. Sacy (Hubert): De deux ordres, monsieur. D'abord, mettons qu'on mette que c'est n'importe quelle mesure, 0,05, 0,04, peu importe. Il est vrai, tout le monde le reconnaît, le livre vert avec, qu'entre 0,04 et 0,08 tu n'as pas de façon de mesurer correctement. Mais, si tu dis que c'est 0,04 et quelqu'un est pris avec 0,06... Mais là tu sais qu'il a quand même pas mal dépassé. S'il est à 0,05, là, ne t'essaie pas en cour, tu perds, c'est sûr, sûr, sûr. Et même la tolérance zéro, en réalité, un policier qui va prendre quelqu'un, un jeune de moins de 25 ans qui souffle dans la balloune puis qui fait 0,01, je vous jure qu'il ne le traîne pas en cour. Vous savez pourquoi? Un jus de pommes, ça fait 0,01. Il n'y a pas une once d'alcool là-dedans. Mais le jus de pommes est métabolisé dans l'estomac puis, quand tu vas souffler dedans, ça va faire un 0,01. Le zéro absolu, ce n'est pas applicable parce qu'il y a toutes sortes de choses qui produisent de la... Bouffez beaucoup de sucre, là, vous allez produire de l'alcool parce que le suc gastrique de l'estomac avec le sucre, et ainsi de suite, va créer un taux d'alcool.

Donc, ce n'est pas une raison pour ne mettre aucune règle, mais ce qu'il faut dire, c'est que, quand on a mis une règle, il faut savoir qu'il va y avoir des marges avant et après qu'on ne sera pas capable de cibler exactement. Et, à ce moment-là, comme dans tout le reste, les policiers, il faut qu'ils utilisent leur tête aussi et, comme ils ne prennent pas quelqu'un avec 0,01, il ne faudra pas qu'ils prennent quelqu'un avec... Tu sais, il est à 0,04, mettons. Il le prend à 0,0425, il dit: Je vais aller le chercher, là. Il va perdre puis il va perdre son temps puis il va nous faire perdre de l'argent devant les tribunaux.

L'autre élément qu'on vous supplie de regarder comme il faut, c'est que le conducteur d'un poids lourd, ou d'un poids léger, ou d'un camion, ou d'une mobylette qui va fumer 18 joints en ligne, qui va embarquer dans son camion, qui va conduire 250 élèves puis qui va rentrer dans un autre camion-remorque avec des gens qui ont sniffé 80 lignes de coke, il n'y a rien pour mesurer ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Quatre-vingts lignes!

M. Sacy (Hubert): Non! Ce que je veux vous dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il va être speedé en... On appelle ça une hyperbole en français.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sacy (Hubert): Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a rien pour mesurer ça. Il y a des lacunes graves, ici. Il y a un niveau de tolérance vis-à-vis des drogues douces qui s'élève dans notre société et il y a des gens qui fument des joints, M. le Président, et ces gens-là, nous n'avons strictement rien pour mesurer, pour faire la preuve qu'ils sont pris dans cet état-là. Tout ce que le policier peut dire, c'est: Je l'ai fait marcher sur une ligne blanche puis il était... Mais là ce n'est plus la preuve de l'appareil, c'est la preuve du témoignage du policier, de la description du comportement de la personne. Je vous soumets qu'il faut vraiment travailler de ce côté-là beaucoup, beaucoup, beaucoup, parce que c'est de là que vont venir les prochains dangers. C'étaient des petites lignes, M. le ministre.

M. Bordeleau: Oui. Une dernière question. Dans votre mémoire, à la page 10, vous dites: «Au cours des dernières années, de nombreuses études ont montré les limites des mesures répressives, notamment lorsqu'elles n'étaient pas accompagnées de mesures de contrôle et de sanctions crédibles.»

M. Sacy (Hubert): Oui. C'est une...

M. Bordeleau: Vous faites référence à une étude de...

M. Sacy (Hubert): Berger et Marelich, 1997.

M. Bordeleau: Oui. Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu plus à quoi ça fait référence exactement, ces conclusions-là?

M. Sacy (Hubert): C'était une étude qui était sur les conducteurs qui conduisaient en état d'ébriété en Californie.

M. Bordeleau: Ah! C'est l'étude de Californie. O.K.

M. Sacy (Hubert): C'est ça. Vous avez la référence à la page 15, la référence complète, et, si vous voulez, je peux vous l'envoyer au complet. Si ça vous intéresse, on peut vous...

M. Bordeleau: Oui. Faites-la parvenir à la commission, puis on nous la...

M. Sacy (Hubert): Avec plaisir. Je vous ferai parvenir l'étude au complet. Puis, vous allez voir, ça démontrait qu'une mesure est implantée. Les deux premières semaines, parce qu'il y a beaucoup de brouhaha, etc., le monde fait attention. Après ça, s'il n'y a pas de mesures éducatives pour ramener les gens, avant qu'ils ne fassent des bêtises, dans le – pardonnez-moi l'expression moralisatrice – droit chemin, ils reprennent exactement les mêmes habitudes qu'ils avaient avant puis c'est exactement comme s'il ne s'était rien passé.

M. Bordeleau: Alors, je vous remercie, M. Sacy.

Le Président (M. Lachance): M. Hubert Sacy, merci pour votre présence à cette commission parlementaire au nom d'Éduc'alcool.

M. Sacy (Hubert): Je vous remercie, M. le Président. Et je rappelle à tout le monde que la modération a bien meilleur goût.

Le Président (M. Lachance): Le message est passé. Alors, j'invite immédiatement les représentantes du Tour de l'île de Montréal à prendre place à la table, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, madame, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier.


Le Tour de l'île de Montréal

Mme Lareau (Suzanne): Bonjour. Mon nom est Suzanne Lareau, je suis présidente-directrice générale du Tour de l'île de Montréal et je suis descendue avec ma collègue Rachel Martinez qui doit être perdue dans les dédales du parlement et qui devrait arriver d'un moment à l'autre. Alors, on va quand même commencer la présentation. Rachel Martinez est membre de notre conseil d'administration.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Mme Lareau.

M. Chevrette: On va envoyer quelques chercheurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lareau (Suzanne): C'est gentil.

Le Président (M. Lachance): Je vous rappelle que vous avez 20 minutes de présentation, et ensuite la période d'échanges avec les parlementaires. Vous pouvez y aller.

Mme Lareau (Suzanne): Merci. D'abord, je vous remercie de bien vouloir m'accueillir à cette commission et de me permettre d'exprimer mon point de vue sur la question du casque pour les cyclistes. Ça fait 20 ans que je suis impliquée dans le domaine du vélo et c'est à titre d'experte que je viens vous exposer ma vision, mon point de vue.

Le Tour de l'île de Montréal a pour mission d'organiser des événements et des voyages à vélo dans le but de faire la promotion de la bicyclette. Ça, c'est notre objectif principal. Le Tour de l'île a 15 ans cette année et a fait rouler, en 15 ans, 700 000 personnes. Alors, la position que je vous donne aujourd'hui, c'est le fruit de notre travail, de notre expertise au fil des ans.

Le Tour de l'île a toujours été préoccupé de sécurité, et on n'aurait pas pu faire rouler autant de gens, au fil des ans, si on n'avait pas encadré nos événements et nos voyages de façon sécuritaire, si on n'avait pas passé des consignes de sécurité auprès de notre clientèle. On n'aurait pas pu réussir ça.

Par ailleurs, le Tour de l'île investit aussi environ 150 000 $ par année depuis quatre ans pour réaliser des campagnes de promotion. Et ce ne sont pas des campagnes de promotion destinées à nos clients dans nos événements et des voyages, mais ce sont des campagnes de promotion diffusées au grand public. J'ai des exemplaires ici d'affiches qu'on a faites au fil des ans, je vous montrerai ça tout à l'heure.

Alors, j'aimerais vous dire pourquoi je pense que ce n'est pas une bonne idée de faire une loi obligeant le port du casque. Tout d'abord, je vais vous dire qu'on est pour le casque. On est pour le casque comme on est pour un ensemble de mesures importantes entourant la protection des cyclistes. Mais on est contre une loi. Tout d'abord, on est contre une loi parce que le bilan s'améliore. Au fil des ans, la pratique du vélo, dans les 30 dernières années, a décuplé, alors que les accidents de vélo et les mortalités, elles, ont diminué. Alors, on ne voit pas pourquoi on arriverait avec une loi alors qu'on est sur le bon chemin et que les choses s'améliorent.

Deuxièmement, on trouve qu'au fil des ans il y a une obsession sur le port du casque. Tout d'abord, ça fait la troisième commission parlementaire en sept ans qu'on vient débattre de la question et, pendant ce temps-là, on ne débat pas des enjeux qui sont fondamentaux pour nous et qui concernent la sécurité des cyclistes. Alors, à tant parler du casque, on finit carrément par évacuer des questions fondamentales qui, elles, peuvent vraiment apporter une sécurité aux cyclistes. On en est venu à faire croire que le vélo, c'est dangereux et qu'il y a un réel problème de santé publique à rouler à vélo. Je vous rappellerais, seulement dans les statistiques qui ont été publiées par la Société de l'assurance automobile du Québec, que les cyclistes représentent moins de 3 % des mortalités sur le réseau routier québécois et à peu près 4 % des accidents graves. Alors, on n'est pas devant une hécatombe, on n'est pas devant un problème de santé publique qui est à ce point important.

Un autre point. Les accidents cyclistes ont un sexe et ont un âge. En 1997 et 1998, toujours selon les chiffres de la SAAQ, les hommes représentaient 90 % des victimes décédées, 71 % des blessés légers et 72 % des accidentés graves. C'est donc dire que la question du comportement est au coeur des accidents de vélo. Les jeunes de moins de 20 ans sont surreprésentés dans les accidents de vélo.

Les effets néfastes d'une loi pour nous seraient extrêmement dangereux à moyen et à long terme. Tout d'abord, la question de la baisse de la pratique. Je me rends compte que, quand j'invoque la baisse de la pratique, les gens ne me prennent pas au sérieux. Alors, je vais vous citer deux exemples qui vont nous permettre de comprendre ce que ça voudrait dire que de passer une loi et de vivre avec les conséquences d'une baisse de pratique du vélo.

Tout d'abord, l'Australie. L'Australie est à peu près le seul pays au monde avec la Nouvelle-Zélande qui a imposé une loi – il y a 10 ans, dans le cas de l'Australie – pour obliger le port du casque. Il y a eu des effets très néfastes en Australie suite au passage de cette loi-là. Il y a eu des baisses de la pratique cycliste qui ont oscillé entre 15 % et 35 %, dépendamment des clientèles et dépendamment des lieux en Australie. Et je pense que de baisser le taux de pratique cycliste, ce ne serait pas un avantage pour le Québec.

(16 h 10)

Par ailleurs, il y a eu un sondage Léger & Léger qui a été effectué en janvier dernier et qui a sorti des chiffres étonnants. On a demandé aux gens: Si une loi passait, est-ce que ça influencerait votre pratique du vélo? Est-ce que vous arrêteriez? Est-ce que vous diminueriez? Est-ce que vous en feriez autant? 8 % des gens ont déclaré qu'ils ne pratiqueraient plus le vélo. 8 % des gens, quand on regarde la masse de cyclistes qu'il y a au Québec, c'est 300 000 personnes. Ça veut dire qu'au lendemain d'une loi qu'on passe pour obliger le port cycliste il y a 300 000 personnes qui font du vélo et qui arrêtent d'en faire. Par ailleurs, 20 % nous ont dit qu'ils réduiraient leur pratique. 20 %, c'est 700 000 personnes qui réduiraient leur pratique au lendemain d'une loi qu'on passerait pour obliger le port du casque. Ça, c'est 1 million de personnes qui seraient touchées et qui diminueraient ou qui arrêteraient leur pratique cycliste.

Honnêtement, je vais vous dire, au Québec, je pense qu'on n'a pas les moyens de perdre des gens actifs. Surtout quand on sait les bienfaits pour la santé individuelle et collective de ce que c'est que de bouger, que de faire de l'activité physique, on n'a vraiment pas les moyens de perdre des gens actifs. Alors, je pense que ça serait les effets pervers, les effets néfastes d'une loi qui obligerait le port du casque.

Par ailleurs, je reviens à l'Australie, qui est un pays qui a adopté la loi il y a une dizaine d'années, et ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu'après dix ans on est capable de voir un petit peu qu'est-ce qui s'est passé. C'est difficile de voir au bout d'un an ou deux les résultats réels, concrètement. Mais, après 10 ans, qu'est-ce qui s'est passé? Concrètement, ce qui s'est passé, c'est que c'est un échec. C'est un échec du modèle parce qu'on est parti avec un modèle théorique, que le casque protégerait les cyclistes et sauverait des vies. Alors, on s'est dit: Si le casque est répandu à grande échelle parmi les cyclistes, on va sauver des vies à grande échelle, c'est normal. Le problème, c'est que ce n'est pas ça qui s'est passé. Et, quand on regarde les chiffres en Australie, vraiment les chiffres des études récentes qui datent de l'automne dernier, on se rend compte que le casque n'a pas eu d'effet chez les cyclistes pour réduire les mortalités et même réduire les blessures à la tête. J'avoue qu'ils ne comprennent pas trop pourquoi, mais, dans les faits, c'est ce qui s'est passé.

Mme Martinez (Rachel): Alors, on s'entend tous ici pour dire que ce qui nous préoccupe vraiment, la raison qui nous réunit ici, c'est la sécurité des cyclistes. Ce que nous préconisons, nous, au Tour de l'île, c'est une approche globale de sécurité pour le réel mieux-être des cyclistes. Nous sommes persuadés qu'une loi obligeant le port du casque n'améliorera pas la situation.

Voici un peu ce qu'on entend pas approche globale. Tout d'abord, il faudrait commencer par mettre en application le règlement sur l'éclairage des cyclistes qui est inscrit au Code depuis 1981. Les accidents de vélo la nuit sont surreprésentés. On y compte 29 % des accidents mortels, alors que le kilométrage parcouru à la nuit tombée est de seulement 2 % du total du kilométrage parcouru. De plus, seulement 10 % des vélos sont équipés du feu blanc à l'avant et du feu rouge à l'arrière. Pourtant, c'est la loi. Et, nous, au Tour de l'île, on a fait des campagnes avec des partenaires pour promouvoir l'éclairage de... pour inciter les cyclistes à munir leur vélo de l'équipement adéquat. Suzanne va vous en montrer des exemples.

Mme Lareau (Suzanne): On a fait cette campagne-là avec des partenaires qui croyaient dans les objectifs qu'on poursuivait, qui sont la Société de l'assurance automobile du Québec ainsi que la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre. Alors, ça, c'était une affiche. Je ne vous montre que l'image, mais c'était une vaste campagne dont l'ampleur du budget était de 500 000 $.

Mme Martinez (Rachel): Deuxièmement, il faudrait s'assurer que tous les cyclistes adoptent un bon comportement sur la route. Et ici on peut penser seulement au respect des feux de circulation, au respect du sens du trafic. On a aussi agi à cet effet-là. Alors, ça, c'est la campagne sur la visibilité, d'accord. Si les cyclistes n'adoptent pas les attitudes, ils présentent un danger non seulement pour eux-mêmes mais aussi pour les piétons et les autres cyclistes. Et pourtant il s'agit de mettre en application les règlements.

Mme Lareau (Suzanne): Je vous montre quelques échantillons, je n'ai pas tout apporté, mais ça vous donne une idée de ce qu'on a réalisé dans les quatre dernières années pour parler de sécurité aux cyclistes.

Mme Martinez (Rachel): Troisièmement, il faut créer un environnement favorable à la pratique sécuritaire du vélo, entre autres, grâce à des aménagements cyclables adéquats et à un juste partage de la route. Le casque fait partie d'une approche globale de la sécurité à vélo et il faut continuer à en promouvoir le port.

Dans tous nos événements, sans forcer personne, nous avons obtenu un taux de port exceptionnel. Par exemple, au Tour de l'île, 80 % des participants portent un casque; lors des voyages que nous organisons au Québec ou à l'étranger, 90 % des cyclistes sont casqués; et au Tour des enfants, on arrive à 99 %. On y est arrivé sans jouer à la police et sans écoeurer le monde. Et les cyclistes ne se contentent pas de porter le casque, ils roulent prudemment en respectant le Code, parce qu'on le leur a expliqué au fil des ans, parce qu'on les informe à ce sujet-là.

Mme Lareau (Suzanne): Dans les dernières années, on trouve qu'on a souvent parlé des désavantages de la pratique de la bicyclette en disant que c'était dangereux et on a souvent oublié quels étaient les avantages. Les avantages de faire du vélo, bien, ce sont des avantages qui sont bien simples. On réussit à intégrer l'activité physique au quotidien. Quand on utilise le vélo comme moyen de transport, on contribue à désengorger les routes, on contribue aussi à réduire les gaz à émission à effet de serre. Alors, on pense qu'on a un petit peu trop, dans les sept dernières années – je pense évidemment aux commissions parlementaires – évacué tous les bienfaits que le cycliste se procure à lui-même et à la société et on a rarement parlé des avantages.

En résumé, on pense qu'une loi qui obligerait le port du casque, ce ne serait pas une bonne chose. On pense que la balance des désavantages serait beaucoup plus élevée que la balance des avantages. Et je pense qu'il faut regarder ça. Et je pense qu'il ne faut pas oublier le fait qu'on est parti d'un modèle théorique où on s'est dit: Tiens, s'il y a des blessures à la tête, la meilleure façon de les éviter, c'est le casque. Mais, dans les faits, ce n'est pas ça qui se passe. Dans les faits, quand on est cycliste, je vais vous dire une chose, ce n'est pas le fait de porter un casque qui va faire que je vais me sentir en sécurité. Le fait de rouler dans un environnement favorable, le fait d'être respecté par les automobilistes quand je suis sur la route, ce sont des conditions de cet ordre-là qui vont faire que, comme cycliste, je vais me sentir en sécurité.

Comme cycliste, aussi, j'aime bien croiser des cyclistes qui font leurs feux rouges et qui roulent dans le sens du trafic parce que, quand je croise un cycliste pas de casque, il n'est pas dangereux pour moi, par contre, quand je rencontre un cycliste qui ne fait pas son feu rouge puis qui roule en sens inverse du trafic, il est dangereux pour moi. Il est dangereux pour lui, mais il est aussi dangereux pour moi. Et je pense qu'on doit travailler à faire que le cycliste va être plus en sécurité mais aussi ne sera pas dangereux pour ses compagnons, pour les autres cyclistes qui l'entourent mais aussi pour les piétons. Et je pense qu'on a beaucoup de travail à faire avec les comportements cyclistes.

Et ce dont on s'est rendu compte au fil des ans, c'est que, vous savez, le vélo, il y a 20, 25 ans, c'était un jouet pour les enfants. Moi, je n'ai jamais vu mes parents faire du vélo. Et, au fil des ans, c'est devenu un moyen de transport, c'est devenu un outil de loisir. Et je pense qu'avec la prochaine génération on va avoir réussi à changer les comportements et les attitudes. Et je pense qu'on va être beaucoup plus gagnant, comme société, à travailler sur la question des comportements, de l'environnement favorable à la pratique du vélo qu'à obliger le port du casque. Et, honnêtement, c'est une façon de faire qui ne ressemble pas au Québec. Comme disait M. Sacy d'Éduc'alcool, on a beaucoup travaillé au Québec sur les questions d'éducation et de prévention et ça a porté fruit. Et je propose que, dans ce cas-ci, on continue à travailler dans ce sens-là et je pense que ça va être pour le réel mieux-être des cyclistes. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mmes Lareau et Martinez, pour votre exposé. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, mesdames, pour votre exposé. Mais, d'entrée de jeu, je vous dirai que, quand je vois dans une automobile quelqu'un qui n'est pas attaché, qui n'a pas sa ceinture, il n'est pas dangereux pour moi mais c'est dangereux pour lui, pour la personne, énormément, par exemple. C'est la même chose pour le port du casque, ce n'est pas dangereux pour moi, comme vous avez dit, quand je rencontre un cycliste. Même si tu es en automobile, si tu vois qu'il n'a pas de casque, ce n'est pas dangereux pour toi, c'est dangereux pour cette personne. Et l'objectif de la sécurité routière, ce n'est pas de dire qu'il ne présente pas un danger pour moi, c'est de le prémunir contre lui-même pour la sécurité. J'espère que vous adhérez à ce principe-là.

Mme Lareau (Suzanne): Il faut que la mesure soit à la mesure du problème qu'on rencontre.

M. Chevrette: Oui, on va en parler.

Mme Lareau (Suzanne): Et ça, c'est important.

M. Chevrette: C'est beau.

Mme Lareau (Suzanne): Et je pense qu'on ne peut pas dire qu'un cycliste qui roule sans casque est un cycliste qui est dangereux pour lui-même. Ça, je ne suis pas tout à fait d'accord avec cet énoncé-là.

M. Chevrette: Mais, madame, je ne suis pas un spécialiste, je ne suis pas médecin, je ne suis pas président du Département de traumatologie de Sacré-Coeur, je ne suis pas non plus du Département de santé communautaire. Ces gens-là sont venus ici, puis je pense qu'ils sont plus spécialistes que vous et moi ensemble parce que, quotidiennement, ils travaillent auprès des personnes qui sont victimes, elles. Et, par exemple, c'est sérieux en maudit, ça, 3 400 accidents par année, dont 300 très graves, 300 personnes qui sont blessées très gravement annuellement, 2 600, 2 700 blessés légèrement, 26 décès. C'est gros, ça, 26 décès. Si un des 26, c'était un des miens, je ne trouverais pas ça drôle. Je vous avoue que...

(16 h 20)

Je vais vous lire quelques passages de l'étude australienne que vous avez citée mais qui a été citée par tous les départements de santé communautaire qui sont venus ici: «En se basant sur l'expérience australienne...»

Mme Lareau (Suzanne): Pardon, M. le ministre, c'est quelle étude?

M. Chevrette: «En se basant sur l'expérience australienne...» Ils ne disent pas laquelle. Ils disent: «Nous estimons que le taux du port du casque de vélo passerait de 25 % à 65 % au Québec à la suite de l'entrée en vigueur d'une loi qui obligerait le port du casque.» Comme la ceinture de sécurité. Ça plafonnait à 30 %, 35 %. Avec le coercitif d'une loi, c'est passé à 97 %, 98 %. C'est unique, ce qu'on vit au Québec. C'est devenu un réflexe, une tradition. Ça ne fatigue pas. Ils disent qu'avec une loi ça pourrait au moins plus que doubler. Parce que, actuellement, ça n'augmente pas. Vous dites que vous faites de l'éducation dans votre événement. Vous, c'est un événement annuel.

Mme Lareau (Suzanne): On a plusieurs événements, oui.

Mme Martinez (Rachel): On en a plusieurs.

M. Chevrette: C'est un événement annuel. Puis ce n'est pas comparable aux autres groupes de cyclistes, là. Si, au Québec, c'est 26 % et que vous êtes à 90 %, il y en a toute une gang qui n'en ont pas. On se comprend là-dessus, au moins, sans faire de bataille de chiffres.

Mme Lareau (Suzanne): Oui, tout à fait.

M. Chevrette: On est à 26,9 %, selon un sondage scientifique, et ça plafonne, ça plafonne de plus en plus. Même si on fait de l'information et de la sensibilisation, ça plafonne. Bien sûr que, dans un événement comme le vôtre, on peut faire de l'éducation, on peut en profiter. Ça, je vous dis bravo, à part ça, pour ce que vous faites. Je pense cependant que vous ne parlez pas au nom du monde en général, des cyclistes et de la personne à protéger, le cycliste. Parce que, si c'est à 99 % chez les jeunes, pour vous, puis à 90 % chez les adultes, c'est à peu près ce qu'on veut atteindre dans une société normale. Mais on est à 26 %. On est à 26 % et on plafonne, malgré l'information que nous faisons.

Je vous donne d'autres exemples. Le coroner, ceux qui analysent chaque accident qui se produit nous disent que 27 % des décès suite à des accidents de cyclistes, c'est des 10 à 14 ans. Donc, c'est des jeunes, ça. Pour une société, c'est assez grave. Ce n'est pas moi qui dis ça, là, c'est le coroner en chef qui est venu nous dire ça hier.

Mme Lareau (Suzanne): On dit la même chose.

M. Chevrette: En Colombie-Britannique, le port du casque est obligatoire. Et ils ont été appuyés ou approuvés et soutenus par les associations de cyclistes lors de l'adoption de cette loi-là en Colombie-Britannique.

Mme Lareau (Suzanne): C'est vrai.

M. Chevrette: On a fait des vérifications: aucun commentaire négatif. Comment vous m'expliquez – puis je veux comprendre, je ne suis pas toqué – qu'au Québec il y a ce lobby épouvantable et cette concertation solide, et ça m'apparaît qu'il y a de la concertation, mais il y a un lobby même auprès de certains éditorialistes pour s'objecter fondamentalement au port du casque? Est-ce que c'est exclusivement le nombre d'adeptes qui vous fatigue? Parce qu'il me semble que, si vous pensiez sécurité, vous n'auriez pas ce réflexe-là. Sécurité, bien souvent contre la liberté de la personne.

Et je finis là-dessus avant de vous poser une question. Il ne se paie aucun sous pour un cycliste. Tu t'en vas, tu n'as pas de permis. Vous avez une très belle affiche là-dessus. Pas de permis, ça ne te donne pas la permission de faire tout. Mais vous ne payez pas une cenne à l'assurance automobile, à l'assurance collective que les Québécois se sont donnée.

Une voix: Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas.

M. Chevrette: Non, non. Vous ne payez pas une cenne présentement. En tout cas, il n'y a pas de permis, il n'y a rien. Et vous invoquez la liberté individuelle ou la pratique d'un sport, alors qu'il n'y a pas de liberté, pour ceux qui veulent se protéger dans l'assurance collective, de payer pour vous autres après, s'il arrive un accident. Et ce n'est pas le décès qui coûte cher à une société, vous le savez très, très bien, c'est le traumatisme ou encore les séquelles d'un accident grave. Quand il y en a 300 par année...

Mettez un jeune de 14 ans qui se fait frapper assez légèrement. Mais, pas de casque, le jeune, c'est prouvé qu'il tombe – ce n'est pas moi qui le dis, c'est les médecins spécialistes – ordinairement sur la tête. Ils ont des traumatismes crâniens puis des séquelles très prolongées. Puis la société n'a pas le choix de payer pour quelqu'un qui a la liberté de le mettre ou de ne pas le mettre. Essayez de me démêler ça pour que je comprenne un peu pourquoi, qu'est-ce qui vous motive à ce point de faire une lutte très solide et que je reconnais très correcte contre le port du casque, alors que c'est une question de sécurité pour la personne.

Mme Lareau (Suzanne): Bien, tout d'abord, on pense que c'est une fausse piste, tout simplement. Ce qui nous désole un peu, c'est quand on parle du taux de port du casque comme étant le seul baromètre pour déterminer si les cyclistes sont en sécurité ou pas. Quand je vous citais l'étude australienne, l'étude australienne, c'est vrai, le taux de port de casque a augmenté autour de 70 %, mais, dans les faits, le bilan routier ne s'est pas amélioré. Alors, on se dit: C'est vrai que le taux de port du casque a augmenté en Australie, mais, dans les faits – puis c'est ça qui nous intéresse, c'est ça qui vous intéresse et qui nous intéresse – est-ce que le nombre de morts à diminué? Est-ce que le nombre de blessés graves avec traumatisme crânien a diminué? Bien, ce n'est pas le cas. C'est ça qui n'est pas arrivé.

Alors, ce qu'on dit, c'est que le casque, c'est un beau modèle théorique, mais, dans les faits, il y a beaucoup de choses qui interviennent qui font que c'est beaucoup moins efficace. Pourquoi c'est plus ou moins efficace, un casque? Tout d'abord, c'est une petite corne de plastique qui recouvre le dessus de la tête. Ça ne protège pas le cou, ça ne protège pas le visage, parce qu'il faut tenir compte qu'un cycliste fait un effort quand il fait du vélo, il ne peut pas se retrouver avec un casque de motocycliste. On s'entend là-dessus.

M. Chevrette: Où vous avez pris vos chiffres pour dire que...

Mme Lareau (Suzanne): Dans les études de cet automne, les études...

M. Chevrette: Parce que, en Australie, là, deux ans après la législation, les traumatismes crâniens sont passés de 70 % à 48 %.

Mme Lareau (Suzanne): O.K. Ça, vous savez pourquoi, M. Chevrette? Parce qu'il y a eu une baisse de la pratique. Donc, il y a eu moins d'accidents parce que baisse d'adeptes. Et, en même temps qu'il y a eu une baisse des accidents chez les cyclistes...

M. Chevrette: Excusez, j'ai mal cité les chiffres. Il y avait 48 % de traumatismes crâniens et 70 %... C'est baissé de 70 % à 48 %.

Mme Lareau (Suzanne): Au même moment où la loi, en passant...

M. Chevrette: C'est 22 %, ça. Est-ce que la baisse de la participation a été de 22 %?

Mme Lareau (Suzanne): Elle a oscillé entre 15 % et 35 %, dépendamment des clientèles. Et ce qu'il faut quand même dire, dans cette étude-là australienne, c'est qu'au moment où les accidents cyclistes ont diminué au passage de cette loi-là les accidents chez les piétons ont diminué encore plus. Pourquoi? Parce que, au même moment, on a passé une loi sur la vitesse excessive au volant et sur l'alcool au volant. Alors, il y a eu d'autres mesures qui sont entrées au moment où on a fait entrer la question du port du casque obligatoire en Australie. C'est pour ça qu'on ne peut pas isoler ça.

Et, dans les dernières études, les plus récentes, celles de l'automne dernier qui ont été citées par Vélo Québec à cette commission-ci, c'est là qu'on a eu des résultats où les gens se sont rendu compte: Bien, on n'obtient pas les résultats qu'on pensait obtenir.

Un casque pour cycliste, on compare souvent ça avec la ceinture pour automobiliste, et c'est là qu'on fait un peu fausse route. Je vais vous dire pourquoi. Moi, je fais du vélo, c'est mon moyen de transport en ville, c'est aussi mon outil de loisir. Quand je vais en voyage, je voyage à vélo. Avoir un casque avec soi, il faut le transporter, il faut le porter quand on arrête de faire du vélo... on a toujours le casque avec soi. Quand on embarque dans une voiture, la ceinture, elle est là, elle est à notre disponibilité. On n'a pas à penser à apporter la ceinture. C'est facile à ajuster. Ceux qui ont des enfants et qui doivent faire porter un casque à des enfants savent ce que c'est que d'ajuster les sangles qui se désajustent à peu près à tous les 10 jours. À tous les 10 jours, il faut resserrer les sangles sinon le casque ne tient pas bien sur la tête. Ce n'est pas un accessoire qui s'ajuste facilement. Ça a peut-être l'air bête de dire ça, mais, dans la pratique, c'est ce qu'on constate, c'est compliqué à ajuster, un casque pour cycliste. Alors, ce qu'il fait, c'est qu'il n'est pas aussi efficace qu'on le penserait.

Par ailleurs, les compagnies canadiennes et américaines qui approuvent, donc, qui donnent des sceaux aux casques pour dire: Ce casque-là, il est valable, on l'approuve, elles disent toutes que le casque est efficace pour des impacts de 20 km et moins. On sait que la majorité des décès ont lieu avec un véhicule moteur, le coroner le disait hier, et on sait que, quand il y a un décès avec un véhicule moteur, c'est que généralement la vitesse était bien au-delà de 20 km/h, elle était à 50 km, à 60 km, à 90 km. Alors, on peut se dire que, dans ces cas-là, le casque ne serait pas efficace. Et ça, ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les fabricants de casques qui le disent.

Et, quand on nous dit que les cyclistes ne paient pas à la Société de l'assurance automobile du Québec, c'est vrai. Ça fait plusieurs années qu'on demande au gouvernement l'immatriculation des cyclistes. On nous refuse...

M. Chevrette: Vous n'auriez pas peur que ça baisse le nombre d'adeptes...

Mme Lareau (Suzanne): Non, je n'aurais pas peur que ça baisse le nombre d'adeptes.

M. Chevrette: ...si on mettait 30 $, par exemple?

Mme Lareau (Suzanne): Je n'aurais pas peur que ça baisse le nombre d'adeptes. Ça viendrait avec une série de services. Moi, je n'aurais pas peur que ça baisse le nombre d'adeptes. Ça a été étudié pendant plusieurs années, et on nous a toujours refusé ça.

Ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'un cycliste est indemnisé par la Société de l'assurance automobile du Québec uniquement quand il a un accident qui implique un véhicule moteur.

M. Chevrette: Mais vous auriez des illégaux sur la route... Écoutez, je ne veux pas vous contredire, mais prenez une famille...

Mme Lareau (Suzanne): Non, mais je ne voudrais pas qu'on nous reproche de ne pas payer un sou alors qu'on l'a déjà réclamé. C'est juste ça.

M. Chevrette: Non, ce n'est pas un reproche, j'observe. Non, mais c'est parce que vous argumentez, en tout cas, d'une façon qui, à mon point de vue... Prenez un milieu économiquement pauvre, là, où ils ont quatre, cinq enfants. À 30 $, par exemple, l'immatriculation pour une bicyclette, je vous avoue...

(16 h 30)

Mme Lareau (Suzanne): C'est le même prix pour un casque. C'est 30 $, un casque.

M. Chevrette: Ah, je ne dis pas le contraire. Je vous dis qu'on pourrait avoir des moyens incitatifs de mettre le casque en vente... Puis la Régie même pourrait peut-être s'impliquer dans l'achat d'un casque, etc., je ne sais pas, là. Mais c'est votre ténacité à vous battre contre le casque en général qui, par rapport au principe fondamental de la sécurité... Ce n'est pas seulement avec les véhicules automobiles qu'il y a des blessures avec des vélos. Sur les pistes cyclables... Il y en a qui ont des pistes cyclables à bordure de béton, là, puis ils s'enfargent soit dans un piéton, soit dans un patin à roues alignées. Vous le savez, ça n'arrive pas seulement sur les routes, les accidents de vélos, et des jeunes en particulier.

Mme Lareau (Suzanne): Tout à fait.

M. Chevrette: Moi, j'ai été impressionné par les chiffres du coroner hier puis je l'ai été doublement par le président... je ne me souviens plus de son nom, mais le directeur du Département de traumatologie de Sacré-Coeur qui nous a donné des exemples épouvantables. La santé communautaire... Je suis surpris de votre ténacité qui est basée sur deux objectifs, la pratique du sport et puis les gaz à effet de serre. Ça fait bien dans la discussion.

Mme Lareau (Suzanne): Non. Ce qui nous intéresse, c'est le réel mieux-être des cyclistes. Et ce qu'on sait, quand on est cycliste et par la pratique, avec les cyclistes qu'on côtoie – et c'est notre expérience qui nous fait dire ça – ce qu'on voit, c'est que le casque, ce n'est pas le miracle qu'on attend tous pour protéger les cyclistes. Et il faut pour ça avoir les deux pieds dedans pour se rendre compte que ça n'apporte pas tous les avantages escomptés.

Alors, on n'est pas contre le casque, on est contre une loi. Ça, c'est important. Pour nous, le casque est un accessoire de sécurité, mais il fait partie d'un tout, il fait partie d'un ensemble.

M. Chevrette: Êtes-vous d'accord pour l'imposer à des jeunes?

Mme Lareau (Suzanne): Non, je ne serais pas d'accord pour l'imposer à des jeunes...

M. Chevrette: Pas plus?

Mme Lareau (Suzanne): ...parce que je ne pense pas que ça donnerait des résultats. Les policiers ne réussiraient pas à la faire appliquer.

M. Chevrette: Mais, moi, c'est drôle, j'ai vu dans ma propre cour chez nous, madame... Si le jeune petit-fils n'avait pas eu un casque protecteur, je ne sais pas dans quel état il serait. Il a fait face à un arbre, puis, je vous avoue très honnêtement, je ne serais vraiment pas...

Une voix: ...

M. Chevrette: Oui, il y a 27 % des décès, qu'il a dit dans l'article – vous pouvez même regarder – ce matin.

Mme Lareau (Suzanne): Non, les décès chez les jeunes cyclistes, c'est vrai, vous avez raison, c'est une question de comportement.

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, non, il a 10 ans. Zéro à 14.

Mme Lareau (Suzanne): La question des comportements est extrêmement importante, et je pense qu'on a beaucoup de travail à faire sur le comportement. Parce que, vous savez, si on n'incite pas les jeunes garçons... Les 10-14 sont les plus vulnérables pour les accidents de vélo parce qu'ils ont les comportements les plus téméraires. Et, si on ne fait pas d'éducation auprès de ces jeunes-là, le jour où un dix-tonnes va leur rentrer dedans parce qu'ils ont un comportement qui est inadéquat, ce n'est pas le casque qui va protéger grand-chose.

M. Chevrette: Mais je dois vous dire, madame, que, dans les événements du genre des vôtres, ce n'est pas là qu'on a des troubles. Moi, je reconnais ça parce que je l'ai vu, j'ai assisté, j'ai participé à des événements. Ce n'est pas dans ces circonstances-là qu'on a du trouble. Au contraire, on se rend compte que c'est 80 % et plus. Mais c'est règle générale, il y a un... Je pense que le cycliste n'est pas en général membre obligatoirement ou nécessairement d'une association.

Mme Lareau (Suzanne): Pas du tout, effectivement.

M. Chevrette: Au contraire, vous devriez peut-être faire un effort dans le mouvement associatif à ce moment-là parce que...

Mme Lareau (Suzanne): Mais il y en a déjà un, c'est Vélo Québec.

M. Chevrette: Oui, mais il y en a qui se regardent le nombril en cercle fermé. Parce que, si ça plafonne à 26 %, il faut bien reconnaître que ça n'évolue pas. On est d'accord? Sauf que, dans votre cas, moi, je dois vous féliciter pour le travail que vous faites, puis, si j'argumente, c'est parce que je veux vous montrer qu'il y a un joyeux travail à faire s'il y a plafonnement puis ça ne sera pas seulement en se braquant contre quelque chose à un moment donné. Il va falloir qu'on débouche sur de l'action beaucoup plus vigoureuse que celle qu'on a eue jusqu'à maintenant parce que le plafonnement est inquiétant. Je vous remercie d'avoir participé à la commission.

Mme Lareau (Suzanne): Merci, M. Chevrette.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Brièvement. Auriez-vous une étude ou des références qui pourraient nous démontrer qu'on pourrait sauver plus de vies et d'accidents graves en travaillant sur le comportement que sur le casque?

Mme Lareau (Suzanne): On n'a pas d'études là-dessus, mais c'est une évidence, ça. Vous savez, quand un jeune se fait frapper par un camion parce qu'il a brûlé son feu rouge, on peut bien dire: S'il avait porté un casque, il aurait peut-être eu la vie sauve, ou je ne sais trop. Mais, bon sang, respecter des feux rouges, c'est le b.a.-ba de la sécurité, c'est le b.a.-ba des comportements. Rouler le soir, éclairé, c'est le b.a.-ba. Ça fait 20 ans que c'est une loi, c'est dans notre Code de la sécurité routière, et il n'y a pas 10 % des cyclistes qui ont de l'éclairage sur leur vélo. Alors, si vous n'êtes pas visible le soir, j'ai beau mettre un casque à tous les cyclistes, mais, s'ils ne sont pas visibles, on va juste se rendre compte que le casque, il n'est pas épais quand va arriver l'impact avec la voiture, qui ne l'aura pas vu parce qu'il va être sombre, le soir, le cycliste.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Mais vous ne connaissez pas d'État ou de province ou de pays qui aurait fait des campagnes pour améliorer le comportement et qui aurait baissé son nombre d'accidents graves ou de décès?

Mme Lareau (Suzanne): Non, je n'ai pas de chiffres là-dessus, sauf qu'évidemment quand on a... C'est la même chose au Québec. Si on s'attaquait uniquement au port de la ceinture puis on ne se souciait pas que les automobilistes respectent les feux rouges puis roulent dans le bon sens du trafic, on serait arrivé à des résultats désastreux même si la ceinture était obligatoire dans les voitures. Alors, je veux dire, c'est quand même un code de fonctionnement qu'on a dans la société et que tous doivent respecter, ce qui n'est pas toujours le cas avec les cyclistes, j'en conviens.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, madame.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. D'abord, je voudrais remercier Mme Lareau, Mme Martinez pour la présentation de votre mémoire. Moi, personnellement, disons que je suis assez favorable à votre approche par rapport à toute cette question-là. Et je crois beaucoup plus à de la sensibilisation, de la prévention qui fait... Un comportement, quand il est acquis parce qu'il est compris, il va persister plus longtemps que quand c'est imposé par une loi. Parce qu'on sait que des lois, on en a, et, quand les gens ont une chance de ne pas être surveillés ou de pouvoir passer à côté, ils passent à côté. Alors, évidemment c'est beaucoup plus long, c'est beaucoup plus difficile, en tout cas, en apparence, parce qu'on a toujours l'impression qu'une loi, ça règle le problème. Et ce que j'ai remarqué, au fond, et je le signale encore – on arrive vers la fin des travaux de la commission – c'est que les gens qui sont venus ici, qui sont contre une loi pour obliger le port du casque, sont totalement pour le port du casque. Alors, ça, il faut faire une nuance là-dessus. Là où on ne s'entend pas, c'est sur les moyens.

Alors, je pense que, quand on dit: Je ne comprends pas que vous êtes contre le port du casque, ce n'est pas ça que les gens nous disent. Les gens nous disent: On est pour le port du casque, excepté qu'une loi n'est pas le bon moyen. C'est sécurisant de penser qu'une loi réglerait le problème. Mais, à mon avis, c'est une fausse sécurité, et c'est trop facile de tomber dans ce panneau-là, alors qu'on dit, bien: Convaincre les gens, les sensibiliser, oui, c'est plus long, oui, c'est plus difficile, ça va prendre d'autres moyens, ça va prendre de la patience, ça va prendre de la persévérance, il va falloir travailler avec une foule d'organismes qui, dans le milieu, ont démontré clairement qu'ils ont réussi dans leur milieu à avoir des... Je pense à tous les groupes qui sont venus ici, qui représentaient le monde du vélo, qui nous parlent, dans leurs activités, de pourcentage du port du casque de l'ordre de 70, 75, 80 %. Si ça se fait dans ces cas-là, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de trouver un peu des recettes à l'intérieur de ça pour faire en sorte qu'on améliore le port du casque?

Et je trouve ça un peu négatif et décevant quand on nous met devant une évidence comme celle qu'on nous met souvent: on a atteint un taux de saturation de 26 %, il n'y a plus rien à faire, donc la seule voie qu'il nous reste, c'est la loi. Il me semble, personnellement, qu'on n'a pas fait tous les efforts ou on a peut-être fait beaucoup d'efforts mais on les a peut-être faits mal – puis ça je ne prête pas de mauvaise intention à personne – on a peut-être mal travaillé, on a peut-être mal ciblé nos interventions. Mais, avant de recourir à des lois, il me semble qu'il y a un bout de chemin à faire. Et, moi, les évidences, c'est les gens qui pratiquent dans le cadre de certaines activités qui, sans avoir d'obligation de porter le casque, le font à des pourcentages très élevés. C'est aussi des données qui sont dans le livre vert où on remarque que, par exemple, le port du casque varie d'une région à l'autre, de 48 %, actuellement, à 15 %. Pourquoi dans certaines régions c'est 48 % – je pense à l'Outaouais – 40 % à Québec et 15 %, je ne me souviens pas, en Abitibi ou ailleurs, là. Alors, il y a peut-être des choses qu'il faut regarder de ce côté-là. Alors, c'est dans ce sens-là, je pense, que votre approche, je la trouve correcte.

(16 h 40)

Et l'autre élément aussi que je voudrais signaler... Bon, évidemment vous n'avez pas suivi tous les travaux de la commission, je l'ai signalé à quelques reprises, je vais le signaler encore. Quand le gouvernement met moins d'efforts, il ne peut pas s'attendre à avoir plus de résultats. Et je fais référence ici au budget qu'on consacre aux activités entourant le monde du vélo. En 1995, on mettait 700 000 $ par année en publicité. Je pense au budget ici de la SAAQ: 700 000 $ en publicité axée sur la sécurité, l'utilisation d'un vélo. En 1999, on est rendu à 340 000 $; on a baissé de 50 %. Il ne faut pas penser qu'on va avoir plus de résultats en baissant de 50 %. Quand on regarde ce qu'on a investi durant ce temps-là, du côté des promotions concernant l'alcool au volant, on est passé, dans ces années-là, alors que le vélo diminuait d'année en année, je ne donnerai pas tous les chiffres, mais du côté de l'alcool, 1,1 million, 1,2 million, 2 millions, 2 millions, et la dernière année, 1999, 1,4 million. Alors, on a baissé quand même de beaucoup, mais on voit que la progression est beaucoup plus forte de ce côté-là puis on sait qu'on a fait beaucoup de campagnes de publicité.

Quand on regarde par automobiliste, là, par conducteur, combien ça fait: on investit 0,33 $ en publicité, en activités de sensibilisation, de promotion pour les conducteurs automobiles. On investit 0,08 $ par personne qui fait du vélo au Québec. Alors, à mon avis, il faut cesser de se dire qu'on est rendu devant un mur, qu'il n'y a plus rien à faire. Je pense qu'il faut regarder qu'est-ce qu'on peut faire et avant d'arriver à une approche, là, qui est axée sur la législation, d'autant plus que c'est loin d'être évident, comme vous l'avez démontré dans votre mémoire, que les résultats qu'on penserait avoir vont être ceux qui vont survenir.

Alors, c'est un commentaire que je voulais faire de façon générale au départ. Je vous laisse peut-être réagir si vous avez des commentaires à faire à ce niveau-là et j'aurai peut-être une autre question à vous poser par la suite.

Mme Lareau (Suzanne): Bien, je suis tout à fait d'accord avec vous que l'éducation, la sensibilisation, la prévention, ça n'atteint pas des... Pour moi, ça n'a pas atteint des plafonds encore. Il y a encore du travail à faire, puis on peut encore obtenir de bons résultats en continuant à faire de la promotion et de la sensibilisation. Ce que je voudrais juste dire, c'est que je sais que la SAAQ a mis des argents plus considérables à une certaine époque. Maintenant, c'est moins considérable. Mais on fait des actions avec la SAAQ, on fait des campagnes de promotion communes sur des thèmes sur lesquels on s'entend qu'ils sont importants comme, par exemple, l'éclairage, l'année dernière, et cette année on revient avec ça là-dessus.

Ce qui me semble important, c'est qu'on doit continuer dans la voie de la prévention et de la sensibilisation et de l'éducation, mais on doit le faire pas juste sur le casque. On doit le faire sur les comportements, sur l'éclairage, sur l'équipement adéquat, et on doit, c'est un tout, aller chercher ce tout-là si on veut vraiment avoir des résultats chez les cyclistes, des résultats qui vont être tangibles. Et les résultats qu'on a, dans le cas de... Quand on regarde le bilan de la SAAQ sur les accidents des 30 dernières années, on a des résultats qui sont fantastiques. On est parti de 60 morts dans les années soixante, soixante-dix et on se retrouve aujourd'hui avec une moyenne annuelle de 26 morts, avec beaucoup moins d'accidents. Pourquoi? Parce qu'on a sensibilisé les gens. Il y a de plus en plus de cyclistes sur les routes. On a pris aussi des mesures extrêmement importantes sur la vitesse des véhicules moteurs, sur l'alcool au volant, des choses comme ça, et on a réussi à améliorer le bilan malgré le fait que pendant tout ce temps-là la pratique du vélo a décuplé. Alors, moi, c'est ce qui me fait dire qu'il y a encore beaucoup de travail de prévention qui peut être fait, et ça va être un travail qui va être plus durable. Mais changer des comportements, ça ne se fait pas en cinq ans ou en 10 ans, ça se fait souvent en une génération et même plus. Alors, moi, je crois qu'il y a encore beaucoup de progrès qui peuvent être faits, tant qu'on va pouvoir continuer à faire de la sensibilisation.

Je vais vous laisser, en quittant, ici une BD Vélo . Ça, c'est une BD qu'on publie à l'intention des enfants des écoles primaires du Grand Montréal métro. On l'imprime à 190 000 exemplaires. Cette BD là, elle est imprimée non pas dans le cadre de notre campagne de sécurité, mais dans le cadre de notre événement du Tour des Enfants. C'est nous qui payons cette BD là. Et, dans cette BD là, on essaie d'expliquer aux jeunes de façon ludique comment avoir un comportement civique sur route et comment être prudents. Ce sont des activités comme ça qui ont un impact auprès des jeunes, et je pense que, en tout cas, si vous manquez d'idées là-dessus, nous, on n'en manque pas, sur des façons de faire la promotion, je pense qu'on peut faire un travail formidable. Puis, avec la SAAQ, ça fait plusieurs années qu'on travaille ensemble, et je pense qu'on peut arriver à faire un travail formidable auprès des jeunes. N'oublions pas que les jeunes vont prendre des bonnes habitudes, et on espère, après, quand ils vont être adultes, qu'ils vont les avoir conservées, et auprès des adultes qui souvent n'ont pas réalisé que le vélo est un moyen de transport parce que ça fait peu de temps qu'ils font du vélo. Alors, il y a beaucoup de travail à faire, d'éducation, de sensibilisation. Nous, on le fait, ce travail-là, ça fait 15 ans qu'on le fait, on est prêts à continuer à le faire. C'est vrai qu'avec des moyens un peu plus grands on pourrait encore étendre un peu plus notre action.

M. Bordeleau: En fait, j'aurais une question peut-être au ministre: Est-ce qu'il existe à la SAAQ une table de concertation entre le monde du vélo et la SAAQ?

M. Chevrette: C'est des contrats avec différentes associations, mais il n'y a pas de table générale.

M. Bordeleau: Je pense il y aurait peut-être avantage à faire une table où le monde du vélo serait là avec la SAAQ à travailler ensemble à établir des activités de promotion, de sorte qu'éventuellement tout le monde sera au même niveau au niveau des efforts qui ont été faits et aussi des résultats qu'on pourra obtenir. Et, s'il y a des mesures qu'on doit prendre ultérieurement, bien, tout le monde aurait assimilé les mêmes résultats, aurait fait les mêmes efforts et aurait obtenu les résultats de façon commune, et je pense que ça serait peut-être plus... on risquerait d'avoir de meilleurs résultats et aussi, si éventuellement on doit poser d'autres gestes, peu importent les gestes qu'on aurait à poser pour améliorer la sécurité, je pense que tout le monde arriverait à la même conclusion. Je pense que ce serait peut-être avantageux de créer ce groupe-là et de travailler justement dans l'éventualité où le port du casque ne serait pas rendu obligatoire par une loi, de travailler en concertation et de voir ensemble à obtenir des meilleurs résultats et ça ne coûterait pas cher. Au fond, je pense que tout le milieu du monde du vélo se dit disponible puis prêt à collaborer. Je pense que la SAAQ cherche les mêmes objectifs qu'eux. La seule différence, c'est peut-être des perceptions sur les moyens. Mais essayons de travailler ensemble, et on verrait un peu les résultats.

On parlait aussi tout à l'heure des... Le ministre mentionnait des moyens incitatifs. On faisait référence au prix d'un casque, et le ministre disait: Oui, mais il y a des moyens, on pourrait peut-être travailler sur des programmes avec les compagnies ou avec la SAAQ, qui pourrait éventuellement s'impliquer. Mais il n'y a rien qui empêche de le faire, actuellement, pour encourager le port du casque. Il n'y a pas besoin d'avoir une loi puis dire: On va essayer d'amoindrir le coût que ça représente pour des familles qui auraient de la difficulté à le payer. Même s'il n'y a pas de loi, faisons-le. Trouvons-en des moyens actuellement de travailler en collaboration avec les fabricants de vélos, puis essayer de trouver des commandites, des formules comme ça. Il n'y a rien qui empêche de le faire, et ça serait justement dans le sens de l'incitation de la promotion. Pas besoin d'attendre une loi pour penser à des moyens comme ça. On peut le faire immédiatement.

À la page 9 du mémoire, je vais laisser la parole ensuite à mon collègue...

Une voix: Prends ton temps.

M. Bordeleau: ...il y a une étude à laquelle vous faites référence. J'aimerais ça que vous nous reveniez, parce que ça me semble assez important. C'est dans le premier paragraphe, assez long là, le paragraphe se termine en disant: «En Nouvelle-Galles du Sud, 80 % des cyclistes mortellement blessés portaient un casque, soit exactement le même pourcentage que les cyclistes qui portaient le casque dans cet État-là».

Alors, tout à l'heure vous avez fait référence, au fond, qu'il n'y a pas d'évidence que le port du casque...

Mme Lareau (Suzanne): Son efficacité, oui.

M. Bordeleau: Alors, ces données-là vont à l'encontre, pas nécessairement, mais je veux mettre ça en parallèle avec ce que le coroner nous a dit quand il est venu ici, où il nous a dit que, dans le cas des accidents qu'il y a eu ici, au Québec, le pourcentage de personnes qui sont décédées ou qui ont été blessées gravement dans des accidents était très, très faible. Je ne me souviens pas, je n'ai pas le chiffre exact, je pense 2 % ou 3 %, c'est dans cet ordre-là, que les gens qui avaient été blessés portaient le casque. Alors, on pourrait supposer que c'est parce qu'ils ne portaient pas le casque qu'ils ont été blessés. Ça, c'est l'association facile qu'on peut faire, mais ce qui est là, ici, est quand même assez frappant. J'aimerais peut-être que vous nous expliquiez un peu plus ces résultats-là.

Mme Lareau (Suzanne): Mais, comme je le disais, en Australie, c'est vrai que la loi a réussi à augmenter le nombre de cyclistes qui portaient le casque, pour l'amener entre 70 % et 80 %, dépendamment des États. Mais, comme je le disais, le nombre de décès n'a pas diminué, ce qui veut dire que, si vous avez 80 % des cyclistes qui portent un casque, c'est à peu près évident qu'au niveau... Et c'étaient les conclusions de cette chercheuse-là, Dorothy Robinson. Dans le fond, ils se sont rendu compte que les cyclistes qui décédaient, il y avait le même pourcentage qui portaient des casques que la société en général. Et c'est là qu'il se sont rendu compte que le modèle théorique qu'ils avaient en tête en 1990, quand ils ont imposé la loi, ils ne comprenaient pas comment ça se faisait que ce n'était pas efficace. Et, quand on parle du coroner hier au Québec qui, lui, recommande le port du casque obligatoire, j'aimerais ça l'entendre discuter avec le coroner de l'Ontario, parce qu'en Ontario on a approuvé une loi, il y a deux ou trois ans, pour le port du casque obligatoire chez les 18 ans et moins. Et le coroner de l'Ontario a déclaré, après deux, trois ans, il ne sait pas pourquoi, il ne comprend pas pourquoi, mais il est obligé d'en venir à la conclusion que ça ne marche pas. Ça ne marche pas: le nombre d'accidents et de blessures à la tête n'a pas diminué.

Alors, c'est là que je dis: Il y a le modèle théorique où ça peut sembler beau, ça peut sembler la solution miracle de dire: Wow! si tous les cyclistes portent le casque, ça va être fantastique, on va sauver beaucoup de vies. Le problème, c'est que, dans les faits, ce n'est pas ça qui se passe. Et on a l'expérience de pays comme l'Australie ou d'une province voisine qui l'a approuvé pour les 18 ans et moins, et on se rend compte que, dans les faits, oui, le pourcentage de port de casque a peut-être augmenté mais, bon sang, ce qui nous intéresse, c'est le bilan routier. Est-ce que les morts ont diminué? Est-ce que les blessés graves ont diminué? Et dans ces cas-là, on se rend compte que c'est un échec, et les gens ne comprennent pas pourquoi.

(16 h 50)

Ce qui est intéressant aussi dans la présentation du coroner ici, c'est que, lui, dans les études qu'il a faites, il déclare que 48 % des cyclistes décédés, c'étaient des blessures à la tête. Dans le livre vert, on parle de 80 % de cyclistes décédés et c'étaient des blessures à la tête. Alors, il faut faire attention. Les chiffres ne sont pas les mêmes. Et, dans les chiffres de la SAAQ, ce dont je me rends compte, c'est que le 80 % inclut les blessures à la tête mais aussi les traumas multiples. Alors, vous avez un cycliste qui décède parce qu'il s'est fait frapper par un camion, la tête évidemment est touchée, mais le reste du corps est touché. On peut déclarer que cette personne-là est morte d'une blessure à la tête, mais, entre vous et moi, *elle est morte de traumas multiples. Alors, elle aurait eu un casque ou pas de casque, elle serait décédée de toute façon. Alors, ça, c'est les chiffres du coroner: 48 % des cyclistes décédés décédaient de blessures à la tête.

Quand on regarde les gens de la santé publique de Montréal qui sont venus ici faire une présentation, ils ont convenu que l'efficacité du casque oscillait entre 5 % et 15 %. Alors, si on prend des chiffres très simples, où on se dit qu'il y a 26 cyclistes qui décèdent par année au Québec, 48 % de ces cyclistes-là décèdent de blessures réellement à la tête, uniquement à la tête, puis après ça on prend le 15 % d'efficacité du casque que la santé publique de Montréal prétend, on ne sauve même pas deux morts par année. Et c'est un modèle théorique.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on est cyclistes, on a l'expérience de travailler avec des groupes. Et ce qu'on se dit: Il ne faut pas laisser tomber le casque, on est d'accord avec ça, mais il faut travailler sur d'autres choses. Il faut travailler sur l'environnement favorable, sur les comportements, sur l'ensemble des mesures que j'ai exposées un petit peu plus tôt, si on veut arriver à des gains réels, si on veut continuer à améliorer notre bilan routier.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford, en vous signalant qu'il reste quatre minutes du côté de l'opposition.

M. Benoit: Alors, mon introduction ne sera pas trop longue. Mme Lareau, vous dire d'abord que je suis un admirateur de vous, inconnu, dans votre cas. Vous ayant vue à quelques occasions ici, je trouve que vous savez où vous vous en allez. Et je suis aussi un admirateur de votre organisme. Chaque fois qu'on voit ça, une fois par année, là, on a le goût d'aller faire du bicycle, on a le goût de s'activer, on a le goût de se faire mouiller quand il pleut, comme il y a quelques années, et on se dit, bien: Ces gens-là, ils ont compris quelque chose. Et, une fois ça dit, la question que je vous pose... On sait que le peuple québécois, on n'est pas les plus grands sportifs sur la terre. Même, quand on regarde les statistiques, on est souvent dans les derniers, en tout cas, en Amérique, je pense qu'on est à peu près dans les derniers. Et à chaque fois que je vois que le législateur essaie d'ajouter quelque chose – un embâcle – pour qu'on pratique un sport, je me dis toujours: On n'aide pas notre cause, en quelque part.

Alors, dans le cas du bicycle, bien, moi, je suis venu au monde dans une petite ville, qui est Saint-Hyacinthe, puis on était obligé d'avoir une licence sur notre bicycle. Ensuite, bien là on nous parle du casque. Ensuite, bien là je lis qu'il y a des pistes cyclables, dans les Laurentides ou ailleurs, qui parlent de mettre des coûts pour qu'on puisse embarquer là-dessus, sans parler des policiers qui nous surveillent à l'occasion puis, quand on est un petit kid, ils nous surveillent rien qu'un peu plus encore.

La question que je vous pose, là: Est-ce que, effectivement, il y a une équation qu'on peut faire entre le port du casque de façon négative et cette volonté qu'on a, en tout cas que, moi, j'ai, que mes enfants, que mes petits-enfants fassent du sport et puis qu'on amène le peuple dans son ensemble à faire du sport sous toutes ses formes, que ce soit le ski, le bicycle, la pêche, qu'on amène les gens à sortir de leurs résidences? Y a-t-il une équation qu'on peut faire entre toutes ces contraintes qu'on met et le fait que les gens vont faire moins ou plus de sport? Et le casque bien sûr est, dans mon livre à moi, une de ces contraintes-là.

Mme Lareau (Suzanne): Oui. Justement, le sondage Léger & Léger qui a été commandé en janvier dernier, où on avait demandé aux gens, aux Québécois si, au lendemain d'une loi sur le port du casque obligatoire, ils continueraient à faire du vélo, les chiffres que je citais un peu plus tôt, c'est 300 000 personnes qui nous ont dit qu'elles arrêteraient de faire du vélo et 700 000 qui nous disent qu'elles en feraient moins souvent. Alors, on parle de 1 million de personnes qui font du vélo aujourd'hui, qui peut-être ne feraient pas d'autres sports. Parce qu'il ne faut pas oublier une chose, le vélo, c'est facile, ça rejoint tout le monde: les hommes, les femmes, les jeunes, les moins jeunes. C'est facile à faire. On a sa bicyclette, on sort le soir, c'est facile. Alors, si on perd 1 million d'adeptes ou, enfin, si on en perd 300 000 puis que 700 000 autres vont diminuer leur pratique, je pense que, comme société, on va y perdre beaucoup. Et vous avez raison quand vous dites: Plus on met des obstacles, plus on entrave la pratique. Et je pense qu'en ce moment, le Québec, on n'a pas de quoi fanfaronner sur notre taux de gens actifs. Et quand on sait les conséquences de la sédentarité sur la santé des individus... Il y a même l'Association des médecins britanniques qui dit que la sédentarité a plus d'effets néfastes sur la santé que des gens qui fument, que la fumée de cigarette. Alors, écoutez, c'est quelque chose d'extrêmement important, être actif.

Alors, si beaucoup de gens – parce qu'il y a 4 millions de cyclistes au Québec – si 4 millions de personnes ont trouvé dans le vélo une façon de bouger, puis que ça soit pour leurs loisirs, que ça soit pour leurs déplacements, peu importe, mais, bon sang, il faut tout faire pour les encourager à conserver ces bonnes habitudes là et même encourager d'autres personnes. C'est le travail qu'on fait dans notre organisation, c'est clair. Et on peut voir qu'au cours des 15 dernières années le nombre de cyclistes au Québec a augmenté de façon magistrale. Regardez le reste du Canada, vous n'avez jamais des taux de pratique que vous avez au Québec, pourquoi? Parce que probablement il n'y a pas eu d'organisation aussi dynamique que nous, que Vélo Québec, et qu'il n'y a pas eu non plus un consensus autour de la pratique de la bicyclette, où des municipalités, les gouvernements ont décidé de mettre en place une infrastructure destinée aux cyclistes. Le Québec est unique en Amérique du Nord là-dessus. Je veux dire, on a vraiment une position privilégiée, on a fait un travail considérable, on ne voudrait surtout pas reculer, même d'un iota, en ayant une loi qui obligerait le port du casque et qui risquerait... on risquerait tous de perdre des adeptes. Et honnêtement, au Québec, on y perdrait tous.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports, en vous signalant qu'il reste...

M. Chevrette: ...relever un de vos arguments tantôt qui m'apparaît douteux, parce qu'il va de soi, vous avez un exemple, vous dites qu'il y aura probablement plus d'accidents avec le port du casque.

Mme Lareau (Suzanne): Je n'ai pas dit ça.

M. Chevrette: Bien, ça ressemblait à ça. Ce que vous dites: Ils ont observé en Australie qu'il y avait plus d'accidents...

Mme Lareau (Suzanne): Non, je n'ai pas dit qu'il y avait plus d'accidents, j'ai dit qu'il n'y avait pas eu de diminution. Ce n'est pas pareil.

M. Chevrette: Mais il me semble que vous avez dit qu'il y avait plus d'accidents...

Mme Lareau (Suzanne): Non.

M. Chevrette: ...avec même ceux qui avaient le port du casque. De toute façon, si ça montait à 70 %, madame, il y aurait plus d'accidents avec des gens qui portent le casque, c'est évident. Ça va de soi, ça. Si tu passes de 26 % à 60 % de personnes qui portent le casque...

M. Bordeleau: ...les accidents qu'il y a dans la population.

M. Chevrette: Ce que je veux dire, il y a des accidents qui vont de soi. On ne baissera peut-être pas le nombre d'accidents, mais automatiquement, si on a 70 % qui portent le casque, il va nécessairement, parmi les 3 000 accidentés annuels, probablement y en avoir beaucoup plus qui vont porter le casque qu'avant. On pourra analyser à ce moment-là le type de traumatisme. Est-ce qu'il est moins grave? Plus grave? Moi, j'ai tendance à me fier surtout sur les spécialistes à ce moment-là qui analysent les cas directement, que ce soit la santé communautaire ou que ce soit les départements de traumatologie.

Ceci dit, je voudrais vous encourager quand même à continuer dans la promotion que vous faites parce que, je pense, avec le travail, avec la SAAQ, je ne sais pas quelles seront les conclusions de cette commission, mais il y a une affaire qui est certaine, c'est qu'on ne peut pas se permettre de plafonner indûment. Et pour moi, cinq morts, cinq décès de moins sur 26, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup dans ma tête à moi, surtout si c'est des jeunes. Puis je vous dirai aussi que, 200 traumatismes de moins par année, ça me plairait beaucoup. Parce que, mon objectif, ce n'est pas de compter le nombre de vélos, l'objectif de cette commission, c'est de regarder comment on peut sauver des vies, comment on peut éviter des traumatismes, comment on peut éviter des coûts sociaux astronomiques. C'est un peu ça, l'objectif, et c'est par une pratique encadrée. Je pense qu'il y a un problème de mouvement associatif, certain. Parce que tous ceux qui viennent puis qui sont dans un mouvement nous disent qu'il y a 80 %, 90 % de port du casque.

Mme Lareau (Suzanne): Où est le problème?

M. Chevrette: Puis on plafonne à 26. Il y a sûrement un problème d'organisation ailleurs sur le territoire, parce que, si on plafonne puis que tout le monde qui vient ici a 80 %, 90 %... L'ancien député de Verdun disait: Il y a un malaise dans le problème, là. C'est plafonné en quelque part. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans l'analyse. Puis l'analyse, on ne l'a pas.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, en conclusion, je vous dis: Vous avez un travail à faire, peut-être auprès du monde du cyclisme en général qui a une structure, comme vous dites, d'élargir leur cadre de membership parce que, quand ils sont membres d'une association, on se rend compte que vous avez raison. Ça gonfle. Comme vous faites vous autres, 99 chez les jeunes puis 90 chez les adultes. Donc, il y a un mouvement associatif ou il n'y a pas de rayonnement à ce moment-là dans le monde associatif, parce que ça n'a pas de bon sens de plafonner de même. Il y a quelque chose qui accroche. Je vous remercie puis je vous souhaite bonne chance.

Mme Lareau (Suzanne): Merci bien.

(17 heures)

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mmes Lareau et Martinez, pour votre contribution.

J'invite les représentants du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi à bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre quelques instants les travaux de la commission.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, M. Daniel Bouchard, du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi. Je vous indique que vous avez également un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi inc. (CPCDIT)

M. Bouchard (Daniel): Merci, M. le Président. Distingués membres de la commission, notre présentation sera relativement brève, nous préférons largement répondre à vos questions.

On va aborder chacun des cinq points qui nous ont été soumis pour fins de discussion, soit, en tout premier lieu, le port du casque obligatoire. Écoutez, si on y va plus globalement pour commencer, les chauffeurs de taxi au Québec sont probablement les plus grands utilisateurs du réseau routier, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural. Contrairement au grand public en général qui ne conduit son véhicule que pendant quelques minutes, ou, si c'est un malchanceux qui est dans la région de Montréal, peut-être deux heures par jour, nous, on est au volant de nos véhicules entre 10 et 14 heures par jour. Donc, le réflexe, ou les intentions, ou les propositions quant à la sécurité routière, ça nous préoccupe beaucoup. Ça, c'est clair.

Ça nous préoccupe, comme je vous disais, premièrement quand on parle du casque à vélo. On observe, nous, les chauffeurs de taxi, qu'il y a des situations qui, pour nous, représentent un stress considérable, c'est-à-dire quand on s'approche principalement des écoles ou des parcs où il y a plusieurs enfants et que ces enfants-là se déplacent à vélo. La dextérité de l'utilisation d'un vélo vient grandement de l'expérience, ça veut dire du temps qu'on a mis à conduire le vélo dans diverses situations. Ce qui est très préoccupant pour nous, c'est que principalement, quand on aborde les écoles et les parcs, on est face à une clientèle de cyclistes qui a très peu d'expérience, donc qui va utiliser son engin peut-être avec moins de dextérité que quelqu'un qui a plusieurs années d'expérience en arrière de lui.

Il est clair que, dans notre industrie – puis, ça, c'est assez connu du grand public aussi – heurter un enfant, ça a un résultat psychologique immédiat et qui perdure dans le temps. Ce qui fait en sorte, entre autres, que, pour un chauffeur de taxi qui a à transporter des gens toute la journée, je vous dirais, l'effet est même décuplé. Le fait de heurter un enfant, même si les blessures ne sont pas très graves, souvent ça engendre pour ce chauffeur-là une perte de revenus de quelques heures, voire quelques jours, à cause du traumatisme psychologique justement. Puis assez souvent cette personne-là va recommencer à travailler de telle sorte qu'elle va fuir les zones où il y a des écoles, où il y a des parcs, où il y a un potentiel de rencontrer des enfants, ce qui vient aussi modifier dans ses revenus.

Un autre point pour nous qui est extrêmement important, c'est qu'on ne vise pas tous les cyclistes en général dans notre proposition, on vise les enfants. On n'a pas fixé d'âge parce qu'on pense qu'après un certain âge ou un certain nombre d'années d'expérience les gens sont aptes à cohabiter plus facilement avec les autres utilisateurs du réseau, soit, entre autres, les chauffeurs de taxi mais aussi les camionneurs et les autres automobilistes. Il y a là une question d'expérience qu'il faut évaluer, puis, nous, ce qu'on dit, c'est que, si le milieu communautaire est prêt à s'impliquer, si la SAAQ est prête à s'impliquer, nous, on va supporter tous les programmes qui font en sorte de favoriser le port du casque obligatoire, pour nos jeunes enfants à tout le moins.

Il faut au moins leur donner la chance de prendre de l'expérience avec des équipements de sécurité minimale avant de les lâcher parmi les loups, comme on dit, là, au même titre que ce qu'on fait avec les nouveaux conducteurs de véhicules automobiles: on leur met tolérance zéro par rapport à l'alcool pendant les deux premières années de conduite. Tout ça, le temps qu'ils prennent de l'expérience à conduire. Je pense que la même logique s'applique avec les jeunes cyclistes, les gens qui commencent à faire du vélo. Laissons-leur le temps de prendre de l'expérience. On le calculera en nombre d'âge humain, si on veut, 10, 12, 14 ou 16 ans, on n'a pas de position là-dessus, mais au moins donnons-leur la chance d'avoir de l'équipement de sécurité minimale pendant les premières années où ils vont faire cet exercice-là.

C'est évident qu'on va parler de notre côté aussi du contrôle des délinquants. C'est-à-dire entre le moment où ils ont très peu d'expérience, donc ils font assez attention, et le moment où ils deviennent assez expérimentés. Généralement, ce qu'on voit, c'est que les gens assez expérimentés vont faire partie d'associations telles que les dames qui me précédaient. Les délinquants, pour nous, on les retrouve principalement dans les zones urbaines, qui se foutent des voies réservées, qui se foutent des trottoirs, qui se foutent de la circulation en général. Ce sont généralement des adolescents, ou en tout cas à l'adolescence un peu plus avancée, qui se foutent carrément des autres utilisateurs du réseau, qui se foutent carrément de tout ce qui peut s'appeler code de la sécurité routière, ou même, si on avait un code de savoir-vivre, on pourrait considérer qu'ils ne le respectent pas plus.

Ces gens-là, pour nous, c'est presque des crises cardiaques ambulantes. Ça a un comportement sur le réseau, qui est déplorable, et il semble qu'il y a très peu de gens qui soient intéressés à tordre la vis un peu à ces gens-là. C'est certain que ce n'est pas facile de courir après un cycliste quand tu es dans le trafic et que tu conduis un véhicule de police. Mais il y a peut-être des choses à voir ou des moyens à penser qui pourraient faire en sorte que ces délinquants-là pourraient être... à tout le moins qu'ils sauraient qu'il y a des mesures de contrôle qui vont être prises en quelque part, là.

Parce que, écoutez, moi, j'entends parler de ça sur une base quotidienne, et principalement au printemps d'ailleurs. Des gens de taxi qui m'appellent pour me demander voir si les cyclistes sont visés par un code quelconque, parce que, là, tiens, ça fait une semaine qu'il fait beau, ils ont commencé à sortir, là, on est passé proche d'en frapper une douzaine en l'espace d'une semaine. Et ça, moi, j'entends ça à nos bureaux sur base quotidienne, principalement le printemps, quand, là, c'est le «cycle fever» qui part, et ils sont tous bien en forme et ils sont contents de sortir leur vélo.

On a exactement la même position quant aux patins à roues alignées. Exactement la même position. Écoutez, il faut prendre des moyens. C'est certain qu'on parle de deux sports, puis ça on est conscient qu'on ne peut pas limiter le sport. Ça, on veut bien. Mais il y a des éléments de sécurité de base, je crois, qu'il faut considérer, et l'exercice du patin à roues alignées, pour nous, on a à peu près les mêmes problèmes de délinquance qu'avec les cyclistes. Parce qu'à partir du moment où il n'y a pas de pistes cyclables, où il n'y a pas de trottoir qui est prévu ou conçu à cette fin-là, on retrouve ces gens-là sur le réseau avec, trop de fois, des comportements qui sont très questionnables, donc qui ne respectent même pas les obligations des piétons. Parce qu'évidemment, en patins à roues alignées ou en vélo, on peut aller passablement plus vite, donc, traverser une intersection, on peut prendre plus de chances.

(17 h 10)

On pense qu'il faut que cette activité-là soit encadrée, de mettre certaines règles. On ne dit pas de prendre ces gens-là puis de les pendre avec une réglementation qui est absolument invivable; mettons juste des règles de base, des règles de civisme de base, de un pour assurer leur propre sécurité, de deux pour que les utilisateurs du réseau à outrance, comme, nous, on l'est par la force des choses, puissent s'imaginer que et le gouvernement ou la Société de l'assurance automobile font quelque chose pour que ces gens-là soient minimalement encadrés, comme eux peuvent l'être par rapport au Code de la sécurité routière.

Troisième point du livre vert, les photoradars ou cinémomètre photographique. Vous ne serez pas surpris de notre position si on vous dit qu'on est un petit peu réticent, dirons-nous.

M. Chevrette: C'est déjà mieux qu'être contre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Daniel): On est un peu réticents, mais on n'est pas réticents sur le principe du photoradar. On est réticents sur le fait que l'infraction serait imputée au propriétaire du véhicule; ça, nous autres, on débarque de ça tout de suite. Dans l'industrie du taxi, on a ce qu'on appelle des chauffeurs à location, mais on a aussi ce qu'on appelle des chauffeurs à commission. Ce sont ces gens-là qui principalement vont assurer le service à la clientèle le soir, la nuit et les fins de semaine. On utilise beaucoup ce type de chauffeurs là pour le deuxième chiffre, qu'on appelle dans notre jargon. C'est ce qui permet aux associations de services de fournir les services de soir et de nuit. Ce sont beaucoup ces gens-là à qui soit on loue, entre guillemets, ou on confie la garde et l'utilisation du véhicule, ou des gens que l'on paie à commission, soit à pourcentage sur le montant des recettes qu'ils auront perçus.

Donc, ces gens-là évidemment sont très autonomes. Ils ont un véhicule entre les mains, et le propriétaire de ce véhicule-là a une difficulté très grande à contrôler les agissements de ces chauffeurs-là, principalement en ce qui concerne la vitesse. Écoutez, le fait de conduire une voiture à des vitesses qui sont plus élevées que ce qui est permis par la loi, c'est une décision extrêmement personnelle. C'est très personnel, ça, de décider de dépasser les limites de vitesse.

Donc, on n'est pas contre sur le principe, mais, si on dit qu'on utilise des photoradars, il faudrait à tout le moins être capable de cibler le contrevenant pour que lui comprenne que ses agissements à lui ne conviennent pas à la société, pas aller imposer une infraction à quelqu'un qui n'est même pas partie dans l'affaire, mis à part de fournir un véhicule à quelqu'un. Elle est déjà responsable, cette personne-là, de s'assurer qu'il a un permis valide, ce qui est fait d'une manière générale, donc un contrôle là, mais il ne peut pas avoir de contrôle sur l'attitude du chauffeur par rapport aux autres utilisateurs du réseau.

C'est certain qu'à un moment donné un chauffeur qui va avoir, entre guillemets, scrapé trois chars va être connu dans son coin; il va avoir beaucoup de difficultés à trouver un autre véhicule. Mais, si on parle de villes comme Québec et Montréal, écoutez, le chauffeur, là, il peut continuer à exercer ses fonctions de chauffeur de taxi, de façon délinquante j'en conviens, sans pour autant devoir payer pour sa délinquance. Ça, là-dedans, on n'embarque pas, là.

À moins qu'on prévoie un processus de dénonciation du propriétaire par rapport au chauffeur qui était en fonction sur son véhicule à ce moment-là. Encore là il faudrait voir comment ce processus-là pourrait fonctionner pour, entre autres, des propriétaires de flotte qui ont 25, 30, 50, 100 véhicules, qui ont à gérer cette flotte-là sur une base quotidienne.

C'est clair que la vitesse excessive... C'est certain que les accidents sont plus graves quand la vitesse est plus élevée, ça, on en convient, puis on est des témoins privilégiés de ça, on est tout le temps sur le chemin, on le sait. Mais de là à envoyer les infractions directement au propriétaire du véhicule, ça, là, on a des très gros bémols là-dessus.

Virage à droite sur les feux rouges. Évidemment, on est pour, pour bien des raisons. Ça augmente la fluidité de la circulation. Donc, pour nous, ça représente, entre autres, des baisses d'essence, des baisses de dépenses en essence. On peut aussi amener le client... Bon, on part plus vite, parce qu'il n'y a pas d'attente à ce moment-là. Vous allez peut-être trouver que c'est contradictoire, mais ça fait aussi en sorte que le montant de la course par taxi va être moins élevé. Vous allez me dire: Où est-ce qu'il s'en va avec ses petits, lui, là? Il veut que ses gars fassent moins d'argent? Non. En période de pointe, si le trafic est plus fluide puis si on peut amener nos clients à bon port plus vite, ça veut dire qu'on va peut-être être capable de faire une ou deux courses de plus dans la même heure de pointe. Pour nous, c'est une logique incontournable. C'est bon pour tout le monde.

D'autant qu'on peut considérer que, si, nous, ça nous coûte moins cher d'essence, ça veut dire que la production de gaz à effet de serre va être moins élevée, parce qu'un véhicule qui est en attente à une lumière, c'est un véhicule qui est non productif. Donc, il y a là des coûts, je vous dirais, environnementaux associés à ça qui sont aussi importants.

Nous, cependant, une des choses qu'on dit là-dedans, c'est que, sur le virage à droite sur les feux rouges, on veut que le message... qu'il soit distribué soit par le gouvernement ou les municipalités, on aimerait mieux que ce soit distribué par les deux, le message. On veut que le message aux intersections soit très clair pour l'ensemble des usagers du réseau, principalement encore une fois pour les enfants. C'est-à-dire d'avoir une signalisation, quelle qu'elle soit, qui fait en sorte que pour les jeunes enfants ce soit très clair que, O.K., je suis dans une situation où ça se peut qu'il y ait un véhicule qui tourne à droite devant moi. Mais que ce soit clair, que le message soit clair, que ce soit par le biais d'une signalisation fixe, que ce soit par l'utilisation des systèmes de transport intelligents, la technologie par rapport aux feux de circulation, on veut que ce soit très clair.

Puis c'est encore une fois peut-être un peu égoïste de notre part. Frapper du monde, ce n'est pas notre sport national, ça, c'est clair. Donc, oui, on favorise certainement le virage à droite sur les feux rouges, mais on tient quand même à ce qu'il y ait une concertation quant au message, à la façon dont le message va être délivré. Ça, je pense que ça va de soi.

Conduite avec facultés affaiblies, le plus gros point quant à nous sur la sécurité routière. On est malheureusement des témoins quotidiens de délinquants en cette manière. Et ça, je vais vous dire, ça nous préoccupe grandement, et c'est encore une fois extrêmement égoïste. Qui plus qu'un chauffeur de taxi a la probabilité de rencontrer quelqu'un qui est en état d'ébriété au volant de son véhicule?

M. Chevrette: ...assis sur le siège arrière.

M. Bouchard (Daniel): Quand ils sont assis sur le siège arrière du taxi, ça nous dérange moins, pas mal moins, mais, quand ils sont au volant de leur propre véhicule, ça, ça nous fatigue beaucoup. Ils nous ont fait faire des prouesses en manoeuvres de panique de tous genres, puis, ça, ils continuent à nous le faire faire à tous les jours. Vous ne serez donc pas surpris que plus de sévérité et des sanctions immédiates, où le message est clair quant à la non-tolérance de la conduite avec facultés affaiblies, pour nous, c'est primordial.

Dans ce sens-là – et je terminerai là-dessus – pour nous, il est important, peu importe le moyen, de sensibiliser tous les usagers de la route, principalement les conducteurs de véhicules, que, quand ils conduisent sur le réseau, il n'y a pas seulement leur vie qui est en jeu, mais ils mettent aussi la vie de tous les gens qui gravitent autour d'eux en danger. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bouchard. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, M. Bouchard. Je pense que vous avez un mémoire très pragmatique en fonction de la vision globale que vous pouvez avoir des cinq thèmes, et je vous en remercie. Personnellement, je pense que votre approche, en particulier sur la fluidité, ça fait partie aussi du mandat. Il y avait la sécurité et la fluidité dans le fond dans le présent mémoire ou dans le présent livre vert, parce que, dès qu'on met le virage à droite, ce n'était pas nécessairement l'élément sécurité mais fluidité qu'on voulait aborder effectivement, dans ce livre vert ou dans ce questionnement-là.

(17 h 20)

Je voudrais reprendre quelques éléments de votre mémoire. Partons du virage à droite, par exemple. Je pense que la clarté du message, oui, elle doit être là. Je pense que, pour avoir voyagé passablement de par mes fonctions, je me rends compte qu'il faut une certaine uniformité sur un territoire vis-à-vis la signalisation sinon tu risques précisément un accident. Je trouve que les gens de l'Outaouais québécois, par exemple, ont beaucoup de mérite, et ça prouve leur habilité, parce que 50 000 à 60 000 personnes quotidiennement traversent le canal Rideau puis elles ont affaire à des normes différentes de celles du côté québécois. Et je dois vous dire qu'on harmonise avec l'Ontario, par exemple, les poids charges des camions, puis on n'harmoniserait pas le type de signalisation. Je pense qu'on a des efforts à faire de ce côté-là et on va les faire avec la plus grande clarté possible.

Il n'y a pas de décision arrêtée, mais je pense qu'à la suite des mémoires qui nous ont été présentés l'uniformité doit être claire. Et ça ne veut pas dire l'absence de signalisation, contrairement à ce que les gens ont interprété à la lecture du livre vert. Ça n'empêche pas de maintenir la main, de maintenir le petit bonhomme qui marche, de peut-être même améliorer le chronométrage sur certains coins. Ce n'est pas ça. À 3 heures du matin, coin Sherbrooke puis, je ne sais pas, Viau, t'attends trois minutes pour tourner à droite. Il n'y a pas un chat, ni dans un sens ni dans l'autre. Bien, c'est trois minutes de pollution inutile puis c'est clair, et ça, je pense qu'il faut le dire. Il faut expliquer ces choses-là puis avoir une cohérence dans notre discours.

Moi, j'arrive des États-Unis, puis je conduis, puis ce n'est pas... À 23 heures, même, tu peux avoir une grande fluidité puis ça circule. Moi, je pense qu'il ne faut pas l'inscrire, ce dossier-là, dans le sens d'un non-respect de la sécurité de la personne. Au contraire, dans une ville, aux intersections où il y a une densité de marcheurs ou encore de personnes, où, à certaines heures de magasinage, c'est très dense, il peut y avoir des mains, il peut y avoir des flèches, il peut y avoir n'importe quoi. On n'enlève pas ça. On dit tout simplement, je ne sais pas, moi: En Abitibi, à Joliette, dans des petites villes où il y a une densité très faible de population puis où il y a un paquet d'arrêts ou de feux rouges, s'il y a des endroits où il ne faut pas tourner, bien, c'est marqué.

Moi, je me rappelle, quand je prends la 63 pour aller sur la Biscayne, à Miami, c'est marqué: On ne tourne pas à droite sur un feu rouge. Bien, tu ne tournes pas. On doit être capable de comprendre ça pareil comme ailleurs, il me semble. Et je suis convaincu que les «cédez», par exemple, parce qu'on a regardé ça avec d'autres, les «cédez» à droite, là, quand tu vois changer la lumière puis que tu sais que la horde va partir, là tu te dépêches. Ça, c'est bien plus dangereux. Si tu empruntes ça, dépêche-toi, parce que le gars qui s'en vient, il ne veut pas attendre, lui, dans son «cédez» que tout le monde lui coupe ça. Je pense qu'il y a des choses à replacer dans leur contexte et je pense que votre mémoire, là-dessus, est très intéressant.

Pour l'alcool – je suis aussi bien de vous poser la question directe – il y a beaucoup de groupes qui sont venus dire: Tolérance zéro, même si on dit que zéro, c'est 0,02 dans le fond, parce que l'incertitude des appareils, ce n'est peut-être pas... puis même il y en a un qui nous a dit tantôt que même le jus de pomme pouvait créer un taux d'alcool dans le sang. Donc, est-ce que vous êtes pour la tolérance zéro, peu importe la différence, pour tout chauffeur professionnel, tout conducteur professionnel?

M. Bouchard (Daniel): Conducteurs professionnels dans l'exercice de leurs fonctions...

M. Chevrette: Pour moi, c'est oui, ça veut dire camionneurs, autobus, vous autres, taxis.

M. Bouchard (Daniel): Malgré que le livre vert mentionne qu'on a des comportements, semble-t-il, beaucoup plus responsables que le reste de la population, dans ce sens-là, oui, on est en accord.

M. Chevrette: On a été gentil.

M. Bouchard (Daniel): Oui. Mais oui. On est en accord sur le principe, d'ailleurs. Il y a, dans une vaste majorité d'associations de services, des règles de régie interne qui l'interdisent déjà. C'est déjà fait.

M. Chevrette: Dans votre régie interne?

M. Bouchard (Daniel): Dans la régie interne d'une majorité de compagnies de taxis, c'est déjà là, c'est tolérance zéro. Tu sens l'alcool, tu es chanceux la première fois, tu t'en vas chez vous. La deuxième fois, tu as deux, trois jours de congé. Puis la troisième fois, bien, tu ne travailles plus avec nous autres. C'est déjà là. Puis évidemment la sévérité varie d'une association à l'autre, là, mais dans la vaste majorité des associations de services, on retrouve déjà cette notion-là.

M. Chevrette: Y en a-tu un qui voulait questionner? Je vais prendre juste une autre question, d'abord. C'est correct.

Une voix: ...

M. Chevrette: Ah bien, vas-y.

M. Deslières: Ça donne quoi comme résultat chez vous? Ça a donné quoi comme résultat?

M. Bouchard (Daniel): Dans les associations?

M. Deslières: Combien est-ce qu'il y en a eu de gens qui se sont fait avertir une fois, deux fois, trois fois?

M. Bouchard (Daniel): C'est extrêmement rare.

M. Deslières: Extrêmement rare?

M. Bouchard (Daniel): Extrêmement rare.

M. Deslières: On parle de quelques cas?

M. Bouchard (Daniel): Quelques cas à la grandeur de la province au cours d'une année, pour une raison bien simple: les gars ne tolèrent pas ça entre eux autres, parce qu'il y a certainement un élément de sécurité, c'est sûr. Mais, on ne se contera pas de menteries, on est en commission parlementaire, on se dit la vérité, ce n'est pas bon pour la business en tabarnouche, sentir la bière quand tu es volant. Les clients sont très inquiets puis ils ne t'appellent plus, ils en appellent d'autres. Ils ne veulent pas embarquer avec un soûlon. Ils veulent avoir un conducteur sécuritaire puis ils veulent être dans un véhicule où ils savent qu'ils vont se rendre à bon port, en toute sécurité. Ils ne veulent pas avoir un gars qui sent la bière ou qui sent l'alcool à plein nez. C'est pour ça que ces règlements-là sont arrivés dans les associations de services.

M. Chevrette: Pour ce qui est du port du casque, vous savez que c'est très contesté par...

M. Bouchard (Daniel): Oui.

M. Chevrette: Vous avez entendu vos prédécesseurs, puis ils ne sont pas seuls, il y en a un joyeux paquet qui sont venus, je dirais la presque unanimité des groupes de véhicules, de vélos, carrément dire qu'ils ne veulent absolument pas une question de loi, sauf que, moi, je sais très bien, parce que je vais à Montréal sur une base très régulière – et je suis surpris que les groupes de vélos attaquent beaucoup les automobilistes...

M. Bouchard (Daniel): On fait partie...

M. Chevrette: Alors que je vais à Montréal, moi, les plus effrontés, ce n'est pas les autos, ce n'est pas les taxis non plus, c'est les vélos. Ça nous coupe, ça coupe trois travées, ça se faufile entre les autos. Je pense que dans chaque groupe il faut faire un équilibre là-dessus là, chacun a ses délinquants. Mais il va falloir qu'on fasse appel à la Sûreté du Québec, parce que les règlements, comme vous dites, ils existent. Un homme à vélo ou une femme à vélo doit respecter les lois, les arrêts, ils doivent signaler de quel côté, avec leur bras, où ils vont, etc. Puis ils doivent respecter les règles élémentaires du Code de la route. C'est vrai qu'ils ne sont pas obligés de porter un casque, mais, quand tu regardes ça à Montréal, les livreurs de je ne sais pas quoi... ça passe à part de ça, puis sur un temps riche. Puis, moi, je les ai vus valser devant les policiers.

Je pense qu'il va falloir qu'on ait de sérieux contacts avec les polices puis qu'il y ait certaines opérations pour ramener un peu d'ordre dans ça. Je pense qu'on n'a pas le choix. Et de ce côté-là on a l'appui des associations de cyclistes. Elles nous disent: Faites-leur respecter les lois. Je pense qu'on devra avoir la collaboration à ce moment-là, par exemple, des corps policiers.

Quels sont les moyens à prendre? Ça, ça peut être des opérations particulières à des moments donnés, qui porteront fruit. Parce que je regardais le nombre d'infractions à Montréal, c'est minime. Rien que par rapport à ce que je vois là, seulement à cause de ce que je peux voir en m'en allant une fois ou deux par semaine à mon bureau, là, c'est un fouillis d'infractions continuelles de ce côté-là. Donc, je pense qu'on prend bonne note, de ce côté-là aussi de votre mémoire.

Quant à l'alcool en général je ne sais pas ce qu'on fera. C'est contradictoire les témoignages ici. C'est très contradictoire. Il y en a qui nous disent: Laissez ça là, c'est un bon système, n'empruntez surtout pas la Suède. Un type tantôt d'Éduc'alcool est venu nous dire que c'est là qu'ils ont le plus de problèmes. Au-delà de votre règle de régie interne, si on disait, par exemple, la règle de 0,04 serait idéale pour l'alcool au volant, pour tout conducteur professionnel, quelle serait votre réaction?

(17 h 30)

M. Bouchard (Daniel): Honnêtement, M. le ministre, je pense que le problème de l'alcool au volant au Québec n'est peut-être pas un problème qui est généralisé. Je pense qu'il y a moyen de cibler certaines catégories de conducteurs qui sont plus enclins à conduire avec les facultés affaiblies. Je pense que le fait que vous interdisiez aux nouveaux conducteurs... c'est-à-dire le zéro alcool pour les nouveaux conducteurs, je pense qu'il y a un élément de réponse là-dedans, parce que ça doit faire suite à des études. Maintenant, 0,04, 0,08, je ne suis pas suffisamment ferré pour savoir quelle est la différence des effets entre ces deux critères-là. Mais, moi, je pense que le fait d'établir un critère, ce n'est pas assez, encore faut-il le faire respecter. Dans ce sens-là, nous, au Comité, on travaille avec, entre autres, la Régie régionale de la santé Beauce-Appalaches dans un projet-pilote depuis trois ans déjà, parce que c'est une région à problèmes en matière de consommation d'alcool et de conduite. On travaille avec ces gens-là de concert depuis trois ans puis on est en train d'amener des solutions qui vont faire en sorte de favoriser, entre autres, le raccompagnement des personnes qui ont consommé de l'alcool. Puis on a toutes sortes de trucs plus ou moins gracieux, là, mais on a toutes sortes de trucs pour faire comprendre à ces gens-là qu'ils ne doivent pas conduire alors qu'ils ont consommé de l'alcool.

Donc, je laisserai ça à des techniciens, de fixer la norme à savoir quand c'est sécuritaire ou quand ça ne l'est pas. Sauf que, par expérience, ce que je peux vous dire, c'est que peut-être deux ou trois bières quand tu es très en forme puis que tout va bien, ça ne change pas grand-chose dans ta façon de conduire, mais une bière après 13, 14 heures de travail, ça n'a probablement pas le même effet. Mais là on parle seulement d'alcool au volant. J'aimerais vous souligner, M. le ministre, que, dans notre mémoire on souligne l'alcool au volant mais les drogues aussi. Ça, ce n'est pas beau, là.

M. Chevrette: Je dois vous avouer que ça a été pas mal absent de nos discussions. Et, curieusement, aujourd'hui, c'est la deuxième fois qu'on a un mémoire là-dessus. Sur ce point précis, il va falloir qu'on s'interroge plus sérieusement, parce qu'on n'a pas eu grand-chose...

M. Bouchard (Daniel): Oui. Je ne voudrais pas me faire courir par certaines organisations, mais il y a des gens qui quittent certains types de bar, ils sont carrément dangereux puis ils n'ont pas d'alcool dans le sang.

M. Chevrette: ...les yeux vitreux.

M. Bouchard (Daniel): Ils n'ont pas envie de perdre leur permis pour une question d'alcool, mais ils ne sont pas plus drôles.

M. Chevrette: Merci. M. Côté.

Le Président (M. Lachance): M. le député de La Peltrie, en vous signalant qu'il reste deux minutes du côté ministériel.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Bienvenue. Alors, ça va être rapide. J'ai une question d'ordre un peu plus général. Lorsque vous dites, dans votre préambule du mémoire, que les chauffeurs de taxi partagent la route avec l'ensemble des autres usagers en auto, en moto, en autobus, en camion, mais à vélo, en patins à roues alignées ou à pied, alors, au fond... Vous mentionnez que, par contre, au niveau du patin à roues alignées... bon, vous faites quelques recommandations comme telles. Lorsqu'on aménage des infrastructures pour les pistes cyclables, par exemple, et pour justement rendre la circulation plus sécuritaire et que là... Ça me surprend un petit peu que vous soyez prêts à partager la voie publique avec les utilisateurs de patins à roues alignées ou les cyclistes. Est-ce que vous pourriez un peu plus élaborer sur votre prise de position face à ça? Parce que je trouve que ça va venir difficile si tous ces usagers-là voyagent en même temps sur nos voies publiques.

M. Bouchard (Daniel): Absolument, M. le député. Écoutez, on est parfaitement conscient que ce n'est pas toutes les villes au Québec qui ont les moyens d'aménager des pistes cyclables, les moyens financiers mais aussi les moyens physiques. Je prendrai Montréal, qui a des pistes cyclables puis qui a un réseau très développé, il y a certains endroits au centre-ville, ça ne donne rien d'essayer de penser à mettre une piste cyclable là, il n'y a plus de place. Donc, c'est là où on dit qu'on est très conscient que, quelque part ou dans certaines situations, on va devoir partager le réseau avec ces gens-là. Bien, s'il faut le partager, normons-le: Comment on va le partager? Puis où on est susceptible de rencontrer ces gens-là?

Maintenant, il y a des petites municipalités où l'argent n'est carrément pas là pour construire des pistes cyclables. On ne peut pas demander aux cyclistes de ne pas circuler dans les rues. La même chose aux patineurs à roues alignées, on ne peut pas leur demander de ne pas circuler dans les rues ou sur les trottoirs quand ces trottoirs-là sont existants. Ils ont besoin d'une place, là, on ne peut pas rouler sur le gazon.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est: C'est certain qu'on favorise les pistes cyclables, et ça, très largement parce que, pour emprunter une expression qu'on a dans notre industrie, le moins de monde il y a en avant de moi, le mieux ça va. Ça, c'est clair.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux vous remercier aussi, M. Bouchard, pour votre mémoire. Je veux revenir sur certains points. Sur le virage à droite, je pense que vous avez fait ressortir des avantages en termes de mobilité, des avantages économiques. Mais, juste par curiosité, ça peut représenter quoi, ça, au bout d'une année, comme baisse de coût d'essence? Est-ce que vous avez une petite idée ou...

M. Bouchard (Daniel): Comme baisse de coût d'essence, juste le virage à droite?

M. Bordeleau: Oui.

M. Bouchard (Daniel): Quelques centaines de dollars par taxi.

M. Bordeleau: Quelques centaines par année?

M. Bouchard (Daniel): Oui.

M. Bordeleau: Ah oui?

M. Bouchard (Daniel): La période de pointe, c'est la période où on est le plus actif, c'est là qu'on attend le plus parce que les files d'attente sont les plus longues.

M. Bordeleau: O.K.

M. Bouchard (Daniel): Puis la nuit, bien là on n'en parle pas. Je veux dire, c'est fréquent que, la nuit, tu vas voir un taxi tout seul à une lumière, le client qui est en arrière qui bougonne gros comme le bras puis qui dit: Passe, maudit cave, il n'y a personne!

M. Bordeleau: O.K. Sur la question du virage à droite, beaucoup de personnes qui viennent sont d'accord. Ceux qui ne sont pas d'accord, c'est les personnes handicapées, qui émettent certaines craintes, là, avec raison. Évidemment, elles le vivent comme ça et, pour eux, c'est... Les personnes handicapées, les personnes âgées, bon, les piétons, c'est eux qui ont des objections, actuellement, qu'ils émettent par rapport à cette question-là. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus? Comment on fait pour les convaincre que ce n'est pas dangereux, que ce n'est pas plus dangereux de...

M. Bouchard (Daniel): Je vais avoir de la misère à les convaincre parce que, nous, on partage en partie leurs craintes. C'est pour ça qu'on a été tellement clairs à dire: Là où le virage à droite sera soit autorisé, soit refusé, que le message soit clair pour tous les usagers, pour le chauffeur de camion, pour le chauffeur de taxi, pour la personne qui a une moto, pour le piéton, pour la personne âgée, pour la personne handicapée, même pour un enfant de quatre, cinq, six ans qui marche tout seul puis qui a à traverser à une intersection, il faut qu'il y ait un message clair devant les yeux qui dit: Est-ce que ça se peut qu'il y ait quelqu'un qui tourne devant moi? C'est pour ça qu'on a mis autant d'importance sur l'élément de sécurité.

Puis c'est certain qu'on va favoriser pour une région donnée une certaine uniformité dans le message. Ça, ça veut dire: un rond vert avec la flèche vers la droite, il est autorisé; un rond rouge avec la flèche vers la droite puis la barre à travers, il n'y en a pas, de virage à droite, ici.

M. Bordeleau: Il faut bien s'entendre, quand on parle d'un virage à droite sur feu rouge, là, il y a un arrêt.

M. Bouchard (Daniel): Ah! il faut qu'il y ait un arrêt.

M. Bordeleau: Et, après ça, la personne tourne.

M. Bouchard (Daniel): Oui, oui, il y a un arrêt obligatoire, là...

M. Bordeleau: C'est ça.

M. Bouchard (Daniel): ...comme s'il y avait un feu rouge clignotant.

M. Bordeleau: À la page 10 du mémoire – attendez un petit peu que je me retrouve, c'est à la fin de la page – vous dites: «Le comité favorise donc la construction d'îlots déviateurs là où la situation le permet.» Là, il y a peut-être une divergence. C'est que les présentations qui nous ont été faites à ce niveau-là nous disent justement que cette configuration-là, actuellement, est excessivement dangereuse.

M. Bouchard (Daniel): Oui?

M. Bordeleau: Ça a été fait, au départ, pour assurer une plus grande mobilité. Là, l'îlot, on pense à deux routes qui se croisent avec des voies de déviation dans chaque coin. C'est effectivement à peu près ce qu'il y a peut-être de plus dangereux avec le «cédez». Avec le «cédez», il n'y a pas d'arrêt, chacun juge s'il peut passer avant l'autre et il passe, il n'y a pas une obligation de faire un arrêt.

Les îlots déviateurs, là, il faut bien se rendre compte que, pour un piéton, une personne âgée ou une personne handicapée, ce que ça veut dire, c'est qu'il doit d'abord descendre du trottoir, traverser la voie de déviation, remonter sur un îlot, redescendre dans la route principale, de l'autre côté remonter sur l'îlot, redescendre puis traverser la deuxième voie de déviation, et là il arrive sur le trottoir, de l'autre bord. Alors, imaginez tous les problèmes que ça peut poser, par exemple, pour des personnes en chaise roulante ou des personnes qui ont de la misère à marcher. C'est beaucoup plus dangereux que... en tout cas, certains nous disent que c'est beaucoup plus dangereux que le virage à droite sur feu rouge parce que d'abord ça se fait dans un contexte où il y a juste la question du «cédez», il n'y a pas d'arrêt. Celui qui prend la voie de déviation, évidemment ça améliore la mobilité, mais, lui, il roule, il passe et puis il reprend l'autre rue et il s'en va. Et là ça complique la vie des... Puis des handicapés nous ont dit: Écoutez, c'est à peu près les pires situations qu'on a à vivre, ça, les îlots comme ça, de traverser, puis de monter, puis de descendre, puis de remonter. Et c'est plus dangereux, selon certaines informations, que les virages à droite sur feu rouge.

(17 h 40)

La ville de Hull est venue nous dire que, dans sa municipalité, dans le but toujours d'améliorer la mobilité, on a favorisé de plus en plus les îlots comme ça parce qu'on pensait que c'était la solution. Dans la ville de Hull, il y a 30 % des intersections qui sont organisées avec des îlots. Et là la ville les défait maintenant parce que c'est dangereux. Et elle revient en arrière. Elle a dépensé pour les mettre en place et là elle revient en arrière. Alors, je suis surpris de... Je comprends votre objectif, c'est le même probablement que le virage à droite sur feu rouge, c'est-à-dire assurer une plus grande mobilité, mais c'est probablement la question qui est la plus difficile, la plus dangereuse à ce niveau-là. Donc, je ne pense pas qu'on soit...

M. Bouchard (Daniel): Mais j'ai vu, je crois, de mémoire, que c'est dans le coin de Sherbrooke, le système de l'îlotage, eux, au niveau technique, ils l'avaient fait différemment. C'est qu'il y avait l'îlot, oui, mais, plutôt que d'être un «cédez» vis-à-vis de l'îlot, c'était soit une lumière rouge qui flashait, donc un arrêt obligatoire, et les gens qui voulaient traverser le «cédez» et, donc, l'intersection après, avaient une espèce de poteau avec un interrupteur sur lequel ils pouvaient demander la lumière rouge complète à tout ce tronçon-là en une seule opération.

M. Bordeleau: Oui, mais vous comprendrez que ça demeure quand même le fait que...

M. Bouchard (Daniel): C'est un peu plus compliqué.

M. Bordeleau: ...la personne va avoir trois rues à traverser plutôt qu'une.

M. Bouchard (Daniel): Oui.

M. Bordeleau: L'autre point sur lequel je voudrais revenir, c'est la question du photoradar. Vous dites: «À moins qu'on puisse mettre en place un système de dénonciation...» Mais est-ce que, de fait, c'est quelque chose de réaliste et de gérable, je ne sais pas, moi, un chauffeur de taxi qui est obligé de dénoncer? Et vous dites que le même taxi peut être conduit par plusieurs chauffeurs durant la semaine. Est-ce que ça ne devient pas un peu compliqué, disons, à partir du moment où lui reçoit l'amende, si on veut – parce que ça va être des amendes – d'avoir à gérer toute cette question-là?

M. Bouchard (Daniel): Très complexe, très lourd. Je doute de l'efficacité.

M. Bordeleau: Bon. Alors, ça, ça va. Qu'est-ce qu'ils font actuellement, les propriétaires de taxi, avec les tickets qu'ils reçoivent des mauvais stationnements? Parce que ça doit arriver. Un chauffeur part avec l'automobile, stationne mal, a un ticket, ne le paie pas et le propriétaire le reçoit éventuellement. Est-ce que ça arrive?

M. Bouchard (Daniel): Actuellement, oui, ça arrive.

M. Bordeleau: Qu'est-ce qu'ils font avec ça?

M. Bouchard (Daniel): On court après.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Daniel): On ne peut pas faire mieux que ça, on court après le chauffeur. Si tu es chanceux comme propriétaire, c'est un gars à qui tu loues qui travaille pour toi sur une base régulière. Si tu n'es pas chanceux puis que c'est un délinquant chronique qui s'attache surtout à ne jamais louer avec le même propriétaire ou que, en tout cas, il revient tellement peu souvent que l'autre ne se souvient pas du mauvais coup qu'il a fait, bien, on court après.

M. Bordeleau: Il y aurait sûrement une différence aussi, éventuellement, dans les amendes. Ça ne serait pas des amendes de stationnement.

M. Bouchard (Daniel): Bien, c'est ça. Il y a une bonne différence. Je vais vous dire honnêtement, moi, j'ai déjà monté à bord d'un taxi, dans la région de Montréal, puis on était à 170 km/h sur l'autoroute Ville-Marie. O.K.? Bon.

Une voix: ...

M. Bouchard (Daniel): Oui, lui était pressé. Moi, je ne l'étais pas tant que ça. Mais je suis intimement convaincu que... Bien, je sais de toute façon que le véhicule ne lui appartenait pas. O.K.? Et je sais aussi que le propriétaire aurait eu beaucoup, beaucoup, de difficultés à pouvoir percevoir l'amende que cette personne-là aurait eue. Je pense qu'il faut trouver un moyen pour que le délinquant paie pour.

M. Bordeleau: Juste une dernière... Est-ce que vous prenez le numéro du permis quand vous louez?

M. Bouchard (Daniel): Quand on loue? Oui, on prend le numéro de permis en note vite, vite pour appeler à la SAAQ, pour valider le permis.

M. Bordeleau: Oui, pour vérifier s'il est en règle. O.K.

M. Bouchard (Daniel): Bien oui, sauf que le gars, comme je vous dis, la personne avec qui on loue sur une base régulière, on ne vérifiera pas à tous les jours, là. Puis, encore là, si, moi, j'ai trois ou quatre permis et que j'en loue deux ou trois à des gens où c'est assez stable, il y a toujours moyen de finir par gérer ça. Sauf que le billet d'infraction arrive, puis il est, par exemple, à 16 h 30, l'après-midi. Les chiffres sont de 16 h 15, 16 h 30 du soir à 4 h 15, 4 h 30 du matin. Il n'y en a pas un des deux qui va avoir fait ça, là. Ça, c'est sûr. Mais le billet va être là pareil. Donc, la difficulté d'identifier le délinquant, pour nous, c'est très préoccupant.

M. Bordeleau: J'aimerais revenir sur un dernier point puis je vais laisser la parole à mon collègue. La question des cyclistes. Je suis bien conscient des difficultés que ça représente pour vous autres et surtout des expériences traumatisantes que ça peut avoir dans des cas où des conducteurs de taxi ont des accidents où on frappe des enfants, des choses comme ça. Ce que vous nous dites, puis je pense que je l'ai bien ressenti: effectivement, c'est quelque chose de difficile. Puis les situations que vous avez décrites, je suis d'accord avec vous, excepté que je ne suis pas nécessairement d'accord sur la solution.

Ce que vous nous avez décrit, c'est toutes sortes de comportements – à part la question du casque, vous avez dit: Le casque, on souhaiterait qu'il soit obligatoire – qui ne se régleront pas avec cette question-là, qui sont essentiellement une question d'éducation, une question de changer des comportements, une question de sensibilisation, d'apprendre aux jeunes à conduire de façon sécuritaire. Et ces jeunes-là ont l'avantage au moins de partir d'écoles pour s'en aller chez eux, donc ils sont dans un milieu où ils peuvent être sensibilisés, être encadrés un peu mieux pour essayer de leur donner des bons comportements. Et, je vous écoutais, même s'ils avaient un casque sur la tête, vos jeunes, s'ils continuent à conduire en fou ou de façon imprudente, ça ne réglera rien, puis vous allez être aussi traumatisé puis vous allez avoir les mêmes conséquences si, par malheur, vous frappez un enfant, indépendamment du fait qu'il va avoir un casque ou non.

Moi, ce que je comprends, c'est que c'est beaucoup plus... si on veut éviter ce genre de situation là, et je pense que c'est valable pour les chauffeurs de taxi comme pour n'importe quel conducteur privé – frapper un enfant, c'est assez traumatisant – je pense que c'est une question de formation et de sensibilisation. Et il ne faut pas penser que le casque ne réglerait rien de tout ce que vous nous avez mentionné. À mon avis, ce n'est pas une loi qui obligerait le port du casque qui réglerait ces choses-là. Et, dans ce sens-là, je suis tout à fait d'accord sur l'objectif que vous recherchez pour éviter des situations telles que vous nous les avez décrites, mais je ne pense pas que ce soit nécessairement le port du casque qui règle ce... le port du casque obligatoire, une loi, parce que le port du casque encouragé...

Évidemment, on souhaiterait que tout le monde le porte, mais plus en mettant le casque à l'intérieur de toute une formation qui est, au fond, à la conduite d'un vélo de façon sécuritaire. Ça devrait rentrer à l'intérieur de ça, et là on aurait peut-être des résultats beaucoup plus larges qui permettraient d'éviter le genre de situation que vous avez mentionnée. Alors c'était juste un commentaire. Si vous avez des choses, vous pourrez ajouter. Mais je vais laisser à mon collègue. Trois minutes.

M. Benoit: Trois minutes. Bien, d'abord, je voudrais revenir sur le mot «drogue», vous en avez parlé tantôt, vous dire que je ne suis pas dans l'équipe du président Clinton, qui disait qu'il n'avait pas fumé mais qu'il avait respiré, puis que je ne suis pas dans l'équipe non plus du médaillé d'or de la Colombie-Britannique, qui, lui, n'avait pas fumé mais il avait respiré. Alors, je ne suis ni dans une équipe ni dans l'autre. Mais, quand je vais sur la rue Saint-Denis, à Montréal, il faut que je me bouche les oreilles pour ne pas respirer, hein.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Vous autres, comment vous contrôleriez ça, finalement, les gens qui prennent de la drogue puis on ne veut pas qu'ils conduisent, d'une part? Et est-ce que, dans vos taxis, vous êtes capables de contrôler, quand ils entrent dans vos taxis, ces gens-là? Puis il y a toutes sortes de formes de drogues, là. Je parle bien sûr de la marijuana avec un peu d'humour, mais il y a toutes sortes d'autres formes. Comment on peut arriver à légiférer là-dessus? Ça se légifère-tu? Ça se quantifie-tu?

(17 h 50)

M. Bouchard (Daniel): Écoutez, les chauffeurs de taxi, actuellement, au Québec, n'ont pas de formation comme criminalistes ou comme policiers ou autrement, puis, à toutes les fois que quelqu'un qui est sous l'emprise des drogues monte à bord de notre véhicule, on le voit, c'est évident, que ce soit seulement les yeux dilatés ou la parole qui est déformée ou les gestes seulement, surexcitation, on s'en aperçoit tout de suite. Donc, si, nous, on s'en aperçoit, quand ces gens-là montent à bord de nos véhicules, nos prétentions, c'est qu'un policier qui aurait eu une formation adéquate dans ce sens-là pourrait facilement identifier un conducteur qui est sous l'emprise des drogues.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Bouchard, pour votre participation aux travaux de la commission, et là-dessus j'ajourne les travaux jusqu'à mardi, le 21 mars 2000, après les affaires courantes, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 17 h 51)


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