L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des transports et de l'environnement

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des transports et de l'environnement

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 6 juin 2000 - Vol. 36 N° 54

Consultations particulières sur le projet de loi n° 135 - Loi modifiant la Loi sur les transports


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions

Remarques finales

Autres intervenants

 
M. Claude Lachance, président
M. Gabriel-Yvan Gagnon, président suppléant
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Réal Gauvin
* M. André Duchesne, AIFQ
* M. Jacques Bégin, AMBSQ
* M. Arnold Dugas, FTQ
* M. Pierre Deschamps, idem
* M. Mario Sabourin, idem
* M. Richard Grisé, idem
* M. Jean-Pierre Néron, idem
* M. François Rouette, ACQ
* M. Manuel Dussault, AMEQ
* M. François Vaudreuil, CSD
* M. Pierre Cléroux, FCEI
* Mme Sylvie Ratté, idem
* M. Roger Valois, CSN
* M. Denis Marcoux, idem
* M. John David Duncan, idem
* M. Richard Bickley, ACTI
* M. Daniel Brulotte, APCRIQ
* M. Yves D. Gagnon, AITQ
* M. William Menzies, idem
* M. Steve Ramescu, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Benoit (Orford); et M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, j'invite les membres de la commission ainsi que les autres personnes présentes dans la salle qui auraient des téléphones cellulaires à bien vouloir les fermer.

Remarques préliminaires

Alors, bienvenue à toutes les personnes qui sont présentes ici ce matin pour ce mandat de la commission. Et j'invite immédiatement le ministre des Transports à bien vouloir nous faire part de ses remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, j'ai le plaisir de soumettre le projet de loi n° 135, intitulé la Loi modifiant la Loi sur les transports, à la présente commission des transports et de l'environnement afin que celle-ci en fasse l'étude détaillée. Ce que propose essentiellement ce projet de loi, c'est la création du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage.

Tel que conçu, ce Forum est appelé à regrouper en une même table les exploitants de véhicules lourds, les intermédiaires en services de transport, les expéditeurs ainsi que les routiers propriétaires d'un seul camion-tracteur et dont la principale activité consiste à conduire ce camion-tracteur. Il s'agira d'un lieu de concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du camionnage général au Québec.

n(11 h 20)n

On se souviendra, M. le Président, que, à l'automne 1999, plusieurs manifestations de routiers ont eu lieu, en particulier au Lac-Saint-Jean et en Abitibi, et ont eu pour effet de mettre en péril l'approvisionnement de ces régions en produits de première nécessité. Or, comme tous les secteurs, le camionnage est soumis aux données fondamentales de l'économie. Ainsi, il ne peut échapper aux contraintes que fait peser la concurrence entre les transporteurs eux-mêmes, entre les modes de transport, etc. C'est pourquoi, au cours des dernières années, plusieurs intervenants de l'industrie du camionnage général au Québec ont fait ressortir certains malaises qui affectent leur industrie. Les routiers propriétaires ont dû, sans trop le vouloir, apprendre à composer avec les différentes lois du travail en vigueur et aussi ont eu à composer avec les accords de commerce multilatéraux, avec les variations du prix du carburant sur les marchés internationaux, également avec des problèmes d'horaire, avec le respect de la réglementation, avec des normes de sécurité, etc.

De leur côté, les donneurs d'ouvrage, eux, ont également dû faire face à de nouvelles contraintes, tels une concurrence de plus en plus féroce par les compétiteurs, les impératifs du système juste à temps, une demande d'efficacité accrue de la part des clients, etc. Il faut ajouter à cela un plus grand intérêt des organisations ouvrières pour ce secteur d'activité. Les associations de camionneurs se sont ainsi employées à revendiquer de meilleures conditions de travail pour les conducteurs propriétaires. Pendant ce temps, les transporteurs, expéditeurs et intermédiaires en transport se sont davantage montrés favorables à l'ouverture des marchés, faisant ressortir le fait que la concurrence nord-américaine nécessite un plus haut degré d'harmonisation en matière de normes et également de manière à préserver toute cette compétitivité existante.

Bref, on le voit bien, les occasions de mécontentement se multiplient de part et d'autre alors que les données du problème se complexifient. Or, notre société ne peut se permettre le luxe d'être à la merci des revendications de groupes particuliers, quelle que soit la sympathie que l'on puisse éprouver pour les causes qu'ils défendent. C'est pourquoi, à la suite des événements de l'automne dernier qui, faut-il le rappeler, se déroulaient simultanément avec une hausse du prix du carburant, le ministre des Transports et celle du Travail ont décidé de mettre sur pied un forum réunissant des associations de routiers ainsi que les donneurs d'ouvrage. Les participants se sont ainsi réunis à six reprises, entre le 21 octobre 1999 et le 31 janvier 2000. Ils ont abondamment documenté les problèmes que rencontrent les routiers et ont tenté d'identifier les pistes de solution. Un rapport sur la synthèse des travaux du Forum sur le camionnage général nous a donc été remis, à ma collègue du ministère du Travail et à moi-même, à la suite de quoi nous avons décidé en février dernier, d'un commun accord, de légiférer afin de créer un mécanisme permanent de concertation.

Par ailleurs, un sondage effectué durant les travaux du Forum a démontré les différences notables entre les routiers propriétaires et les conducteurs salariés au profit de ces derniers. Les principales différences ont trait au revenu, aux heures de travail et à la satisfaction qui en découle. Ce sondage de même que les résultats des travaux du Forum sur le camionnage ont permis de constater ce qui suit: premièrement, les routiers se sentent isolés par rapport aux donneurs d'ouvrage ? ils déplorent, entre autres, l'absence de mécanismes de concertation; deuxièmement, plusieurs routiers n'ont pas d'entente contractuelle avec leur donneur d'ouvrage et, même lorsque des ententes existent, elles sont difficiles à analyser et à comparer entre elles ? aussi, plusieurs routiers en sont-ils insatisfaits; troisièmement, malgré l'existence de plusieurs associations et syndicats, moins de 40 % des routiers en sont membres; quatrièmement, ceux qui n'ont pas d'entente satisfaisante doivent, pour rentabiliser leurs investissements dans un tracteur routier, accepter des conditions parfois médiocres. La seule possibilité qui leur reste alors pour ne pas perdre d'argent consiste à déjouer le système de diverses façons. Ainsi, la tentation se fait-elle grande de conduire plus longtemps que les limites des temps prescrits pour une journée, une semaine ou même un mois. Certains autres ne déclarent pas le temps d'attente dans le registre des heures de conduite, ce qu'on appelle le «logbook» ou excèdent les limites de vitesse permises pour livrer à temps les marchandises et pour diminuer ainsi les trop longues heures de conduite. Dans d'autres cas, il peut s'agir d'excéder les limites de poids pour être plus concurrentiel, etc.

Comme on peut aisément le deviner, ces comportements influent évidemment de façon négative sur la sécurité du public et la protection du réseau routier. Il est également apparu que les heures consacrées à la gestion administrative par les routiers expliquent en bonne partie la durée plus longue de leur semaine de travail comparativement à celle des salariés. Ces activités de gestion demandent en effet des connaissances de plus en plus poussées.

Quant aux intermédiaires qui sont au centre de la chaîne de transport, ils constituent des donneurs d'ouvrage importants pour les routiers. Les associations de camionneurs ont dénoncé le fait que de nombreux intermédiaires ne paieraient pas ces routiers pour les services qu'ils ont rendus. Cette déclaration a été nuancée par l'Association des intermédiaires en transport du Québec qui soutient pour sa part qu'il s'agit de cas isolés.

La solution proposée dans le projet de loi n° 135 consiste en la création d'un mécanisme de concertation permanent où la reconnaissance de certains regroupements permettra aux routiers de sortir de leur isolement. Ainsi, le projet de loi prévoit que tous les routiers devront verser une cotisation annuelle au regroupement de routiers reconnu de leur choix si une majorité d'entre eux le décident. À défaut de verser cette cotisation, l'inscription du routier aux différents registres de propriétaires et exploitants de véhicules lourds sera suspendue.

Ce Forum aura également comme mandat de voir à l'élaboration des diverses ententes et conventions. Il aura à introduire des mesures garantissant le paiement pour les services rendus par les routiers ainsi que le partage de risques financiers lors de la transaction entre les intervenants de l'industrie. Il aura également pour mandat de se prononcer sur des questions concernant les intervenants de l'industrie du camionnage général et d'établir un plan stratégique de ses travaux. La mise en place d'une caution pour les intermédiaires diminuera également la précarité financière des routiers. De plus, le Forum accréditera et proposera aux routiers et aux donneurs d'ouvrage des procédés afin de régler efficacement les différends et les litiges.

L'instauration d'une obligation pour les nouveaux routiers de faire la démonstration au ministère des Transports du Québec de leurs connaissances en gestion ou des moyens dont ils disposent afin de mettre en place des mesures administratives assurera, je pense, le respect de la sécurité des usagers de la route et la préservation de notre patrimoine routier.

Et, en conclusion, bien, nul ne saurait nier que l'industrie du transport routier est un moteur important de l'économie québécoise. Cependant, cela ne la dispense aucunement de mener ses activités de façon sécuritaire et compétitive. C'est pourquoi, considérant le bien-fondé des difficultés soulevées et le fait que tous les intervenants ont maintenant une bonne connaissance des problèmes, il faut maintenant agir. Nous éviterons ainsi la répétition des manifestations plus ou moins spontanées telles que celles que nous avons connues dans un passé récent. Mais, plus encore, nous permettrons aux gens de l'industrie de trouver eux-mêmes des solutions appropriées durables aux problèmes qu'ils éprouvent.

Je compte sur les membres de cette commission afin de nous aider à améliorer ce projet de loi que je vous soumets aujourd'hui et j'annonce également qu'il y aura quelques amendements additionnels par rapport à ce qui a été versé. Les membres de la commission les recevront au cours de la journée, aujourd'hui, pour être fin prêts demain, et, au besoin, on met au service des membres qui voudraient questionner nos légistes, qui peuvent donner toute la quintessence des amendements suggérés. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des Transports. Alors, je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle et député de l'Acadie pour formuler ses remarques préliminaires. M. le député.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, effectivement, on en est aujourd'hui à l'étape des consultations particulières concernant le projet de loi n° 135. Et juste, peut-être, résumer un peu la position dont on a fait part au moment de l'adoption de principe. D'abord, il faut se resituer comme l'a fait le ministre un peu, tout à l'heure, dans le contexte dans lequel se sont déroulés les problèmes récents de l'industrie du camionnage. Et on se souvient qu'il y a eu, au cours des deux dernières années, disons, quand même passablement de manifestations sur les routes du Québec qui ont mis en danger le développement économique des régions et aussi, dans certains cas, la survie même des populations de certaines régions. Alors, je pense que c'est une situation qui, évidemment, est déplorable et sur laquelle il faut trouver d'autres solutions, c'est-à-dire que les moyens qui ont été pris pour régler des problèmes, des divergences de vues, ne sont pas acceptables quand on prend des populations en otages. Alors, dans le domaine de l'industrie du camionnage, je pense que, s'il existe des difficultés, bien, il faut qu'on trouve des mécanismes qui permettront de régler ces difficultés-là de façon correcte et non pas au détriment des populations.

n(11 h 30)n

Mais ce que je voudrais également souligner au moment de l'adoption du principe, c'est le fait que, si ces manifestations-là ont eu lieu, c'est qu'il y a des problèmes sérieux dans l'industrie, et ce n'est pas par plaisir que les routiers ont pris les moyens qu'ils ont pris. Alors, je pense qu'on peut questionner les moyens, mais je pense qu'il ne faudrait surtout pas perdre de vue que, si ces actions-là ont été prises, c'est à cause de problèmes sous-jacents qui sont des problèmes sérieux, et le gouvernement devra y apporter, au fond, des solutions à ce niveau-là. Et je pense que l'idée du Forum est un des moyens que le gouvernement veut mettre en place pour créer une dynamique qui permettra de solutionner, de façon plus raisonnable, l'ensemble de ces problèmes.

Il faut également souligner que, suite à ces différentes manifestations, il y a également eu un comité qui a été créé, le comité Bernier, qui a regardé un peu tous les problèmes qui existaient sur les conditions de travail dans l'industrie du camionnage. Et une des recommandations du rapport Bernier était à l'effet de permettre le droit d'association, sur une base volontaire, aux gens de l'industrie du camionnage. Alors, je pense que c'est une donnée importante dont il faut tenir compte.

Il y a eu également, au cours des mois plus récents, toute la question de la hausse de l'essence qui est venue accentuer les problèmes de l'industrie, et tout ça, M. le Président, se situe dans un contexte de déréglementation et d'accords qui ont été signés par le gouvernement du Québec. Je pense aux accords de libre-échange avec les États-Unis, mais aussi aux accords interprovinciaux de commerce. Alors, c'est un peu tous ces éléments-là qui sont sous-jacents aux crises qu'on a pu observer et qui ont mené aussi à la création d'une table où il y a eu des discussions entre les différents intervenants de l'industrie et qui débouchent aujourd'hui sur le projet de loi n° 135, où on crée, de façon permanente, un forum des donneurs d'ouvrage et des routiers.

Alors, sans entrer dans tous les détails du projet de loi, parce que je l'ai fait au moment de l'adoption de principe, je veux quand même revenir sur certains des points sur lesquels, nous, on a des interrogations. D'abord, dire au départ ? et on a voté pour l'adoption de principe du projet de loi ? alors, évidemment, on n'est pas contre le fait qu'il y ait une table où les parties peuvent s'asseoir, discuter et tenter de trouver des solutions aux problèmes qui peuvent survenir. Évidemment, on pense que c'est un bon mécanisme comme tel au niveau du principe, et il s'agit là aussi de la résultante d'un certain consensus qui s'est dégagé de la part de l'ensemble des participants qui ont été membres de la table qui a été mise en place par le ministre. Alors, à ce niveau-là, je pense que notre position est claire.

Maintenant, là où on a des interrogations plus sérieuses et qu'on va regarder de façon plus près, c'est d'abord la question du mandat comme tel du Forum, c'est-à-dire que: Est-ce qu'essentiellement c'est un forum qui est consultatif au ministre ou si c'est un forum qui est décisionnel? Et on nous parle de la possibilité de proposer au ministre des exigences qui pourraient s'appliquer. On parle aussi de promouvoir, au niveau des intervenants de l'industrie du camionnage, le respect des ententes, des conventions ou des exigences qui sont décrétées. On parle de se prononcer sur des questions dont le ministre pourrait saisir la table de concertation ou des mandats que la table elle-même peut se donner.

Alors, quand on regarde l'ensemble de ces mandats-là, ça nous laisse croire que ce n'est pas décisionnel comme tel, c'est consultatif au ministre. Par contre, quand on regarde la représentation des différents intervenants, ça nous semble passablement compliqué, où on arrive avec des regroupements qui sont reconnus par la CTQ, on arrive avec des votes qui sont répartis en proportion de l'importance de chacun des regroupements. Et la question que je me pose, c'est: Si c'est plutôt consultatif, pourquoi arriver avec un mécanisme si complexe, où on essaie de mettre en place une dynamique de... Alors, ça me laisse croire, moi, que ça va plus loin que tout simplement consultatif et que ça deviendra décisionnel, et on essaie, dans ce contexte-là, d'équilibrer l'importance relative des différents groupes qui seront membres du Forum comme tel. Alors, j'aimerais bien qu'on clarifie cette question-là.

Et je pense que le responsable des politiques sur le camionnage, c'est le gouvernement, c'est le ministère des Transports, et, peu importe que ça soit un forum qui regroupe les donneurs d'ouvrage et les routiers, je pense que ça doit demeurer consultatif et, dans la mesure où ça serait consultatif, je ne comprends pas la nécessité d'en arriver avec une formule de représentation si complexe.

L'autre point sur lequel je voudrais revenir, M. le Président, c'est la question de l'obligation qui est faite aux routiers. Ici, on définit les routiers par des gens qui sont propriétaires ou propriétaires exploitants d'un véhicule qu'ils conduisent eux-mêmes. Alors, ça veut dire que ça regroupe, selon les données que j'ai pu voir ? ce n'est pas très, très précis, mais on parle de 7 000 à 12 000 personnes au Québec. Et là, on va créer une obligation à ces gens-là d'appartenir à un regroupement et, s'ils sont effectivement membres d'un regroupement, ils devront payer à ce moment-là une cotisation au regroupement, mais ceux qui ne seraient pas membres d'un regroupement ? et c'est peut-être un choix, il faudra voir un peu les représentations qui nous seront faites là-dessus ? mais les gens qui ne seront pas membres de regroupements, eux, devront aussi payer une cotisation obligatoirement, sinon ils ne seront plus inscrits au registre. Alors, évidemment, ça veut dire qu'ils n'ont plus la possibilité de travailler s'ils ne sont pas inscrits au registre. Alors, à toutes fins pratiques, on a une forme de formule Rand, si on veut, qu'on veut appliquer à tout le monde et je ne suis pas convaincu, en tout cas, pour avoir eu des représentations récemment de membres de groupes qui étaient à la table de concertation que vous aviez créée et qui ne semblent pas d'accord avec cette alternative-là. Alors, c'est un point sur lequel, disons, on a des réserves.

L'autre point aussi, c'est la mise en place des contrats types. Je comprends qu'on dit qu'on veut améliorer les conditions de travail, j'en suis. Maintenant, on parle de créer des contrats types qui lieront éventuellement les donneurs d'ouvrage et les routiers et, là, on fait une obligation ? je le mentionnais tout à l'heure ? à tout le monde d'être assujetti à ces contrats types là. Il faudrait voir aussi dans quelle mesure les contrats types et les clauses qu'on pourra mettre à l'intérieur de ces contrats-là ou qu'on pourra ne pas y mettre ? parce qu'on dit qu'il y aura certaines clauses qui seront inacceptables dans certains contrats ? alors dans quelle mesure ça respecte l'Accord de libre-échange et l'Accord de commerce intérieur canadien.

Alors, l'autre élément qui nous semble ambigu aussi, c'est le fait qu'on se demande de quelle façon les gens, par exemple, qui sont des routiers du Québec, qui seraient assujettis éventuellement à toute la dynamique des contrats et de l'obligation d'être membres des regroupements, dans quelle mesure ces gens-là, quand ils vont sortir par exemple des frontières du Québec, soit pour aller aux États-Unis soit pour aller dans d'autres provinces canadiennes, vont être assujettis aux obligations qui seraient créées en vertu des contrats types. Alors, ça nous semble qu'il y a peut-être un problème là qu'il faudrait éclaircir, et la même chose aussi pour les gens de l'extérieur qui viendraient au Québec. On nous dit que ça va regrouper les propriétaires et les propriétaires exploitants du Québec, mais un routier étranger qui vient au Québec transporter des choses, livrer des choses au Québec, est-ce que lui sera assujetti, s'il veut reprendre des choses au Québec pour les amener aux États-Unis? Qu'est-ce qui va se passer à ce niveau-là? Parce que, lui, ce n'est pas un routier du Québec, il vient de l'extérieur mais il peut faire du commerce au Québec, parce qu'il peut prendre des choses ici et les transporter à l'extérieur, soit aux États-Unis soit dans d'autres provinces canadiennes.

Alors, voilà, M. le Président, un peu, les points principaux sur lesquels on a des réserves. Il y a certains autres éléments dont le ministre nous a fait part avec lesquels on est d'accord: sur la question des connaissances, des compétences évidemment des camionneurs ? on n'a pas de problème là-dessus ? mais c'est sur ces points-là qu'on a des difficultés actuellement et, tout dépendant des réponses qu'on aura éventuellement, bien on verra si on peut continuer à appuyer le projet de loi ou non.

n(11 h 40)n

Mais je pense que ce qu'il est important de retenir ? et je vais terminer là-dessus, M. le Président ? c'est qu'on a une journée où on va pouvoir entendre les personnes qui seront concernées éventuellement par la loi n° 135, c'est-à-dire à la fois les routiers et les donneurs d'ouvrage, et je pense que ce qui serait important, c'est qu'on saisisse bien que tous ces groupes-là ont participé à la table que le ministre avait mise en place pour regarder un peu les moyens qui pouvaient être adoptés, pour trouver des solutions. Il y a eu, comme je l'ai mentionné, un certain consensus qui s'est dégagé sur la création d'un forum de donneurs d'ouvrage et de routiers. Je ne suis pas convaincu, à date, que le consensus va jusque dans les moindres détails du projet de loi n° 135, tel qu'il nous est défini actuellement. Et je pense que le projet de loi n° 135 doit répondre aux besoins du milieu, et, dans la mesure où il répondra aux besoins de toutes les personnes qui étaient là, et qui voient maintenant un projet de loi écrit, et qui disent qu'ils sont d'accord avec tout ce qu'il y a là ? bien, je pense que ça sera un message important à recevoir ? mais dans la mesure où par exemple les gens qui étaient membres de cette table-là, qui ont participé, qui ont collaboré, qui ont probablement fait des compromis, voient maintenant le projet de loi tel qu'il est rédigé, ça serait important qu'ils nous disent aussi s'il y a certains aspects de ce projet de loi qui ne correspondent pas à leurs attentes ou à ce qui avait été discuté et ce sur quoi ils s'attendaient de voir le gouvernement apporter des solutions.

Alors, je pense que la journée va être importante dans ce sens-là, et moi, je suis prêt à procéder immédiatement, M. le Président, à l'audition des premières personnes, des premiers regroupements.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Juste un...

M. Chevrette: ...une demande.

M. Bordeleau: Oui. Juste un instant, M. le Président. J'aimerais peut-être... Parce que dans l'intervention du ministre, il a fait référence à deux choses, et j'aimerais peut-être que le ministre nous donne plus d'information ou les documents. Vous avez fait référence au sondage qui avait été effectué; alors, j'aimerais savoir si c'est possible de déposer copie de ce sondage-là.

Et également, vous avez fait référence, au moment où vous parliez du Forum, du travail, du temps de travail, etc. Alors, on sait que ce matin ça faisait partie de l'actualité. Alors, je ne sais pas si vous avez des données ou des informations particulières à nous fournir à ce niveau-là.

M. Chevrette: Oui, je vais déposer le rapport de recherche préliminaire de Léger & Léger. Et également, suite à ce qui a été véhiculé dans les journaux, hier, je vais déposer précisément les modifications du règlement sur les heures de conduite et de travail et sur le dossier du conducteur de véhicules lourds de Transport Canada.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y en a seulement une copie, M. le ministre?

M. Chevrette: Est-ce que c'est possible d'en avoir autant de copies qu'il y a de membres, de ce sondage?

Le Président (M. Lachance): Ou en tout cas en laisser une copie aux députés...

M. Chevrette: On pourrait l'apporter au début de l'après-midi, si c'est ça, au lieu de faire imprimer ça.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Chevrette: Le ministère va vous en envoyer autant de copies, après-midi.

Documents déposés

Le Président (M. Lachance): Alors, dépôt.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Mais ça, par exemple, j'aimerais qu'on le publicise parce que, après avoir parlé avec le député de l'Acadie, il y a une incompréhension véritable... Peut-être que dans une minute, compte tenu qu'il y a seulement un groupe, je pourrais l'expliquer, la différence sur les heures... ce qui est véhiculé dans les journaux de ce matin, par rapport à la réalité des faits.

La situation actuelle, c'est qu'on peut conduire 13 heures par jour de conduite, plus deux heures de travail, ce qui veut dire des travaux de déchargement du camion, etc., et plus huit heures de repos, ce qui fait 23 heures. Ça, c'est le règlement actuel. Une journée, donc, ayant 24 heures, il est possible qu'un conducteur travaille 16 heures dans une période de 24 heures; quand on regarde la réalité des faits, là, c'est ça. Donc, il n'y avait aucune pause qui était prévue.

Ce qui est proposé, c'est 14 heures de travail, sans distinction qu'il y ait conduite ou travail. Donc, par rapport aux 15 heures, c'est déjà une heure de moins, là. Deuxièmement, il y a 10 heures de repos, au lieu de huit: huit heures de repos consécutif et quatre pauses d'une demi-heure ? là, c'est prévu expressément dans le règlement ? ce qui fait 10 heures. Donc, 14 heures de travail potentiel global plus 10 heures de repos, ça fait 24. Dans la même journée, il n'y aurait pas reprise de l'heure qui était disponible par rapport au règlement antérieur.

Donc, il y a une nouveauté, c'est deux heures de pause qui n'étaient pas là, les demi-heures de pause n'étaient pas dans le règlement. Donc, dans les faits, il ne peut y avoir plus que 14 heures de conduite consécutives contrairement au fait qu'antérieurement il n'y avait pas de limite, il n'y avait pas d'heures de repos. Donc, c'est vraiment contraire à ce qui a été véhiculé dans les journaux ce matin.

Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Alors, nous allons entreprendre maintenant l'audition des groupes. Il y a 11 groupes que nous allons entendre. Aujourd'hui, il y a 10 présentations, parce que le premier groupe, que je convie immédiatement à prendre place à la table des témoins, c'est une présentation conjointe de l'Association des industries forestières du Québec avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.

Alors, je vous indique, comme prévu, que vous avez une présentation maximale de 15 minutes et, par la suite, des échanges pour un autre 30 minutes entre les membres de la commission. Alors, bienvenue, messieurs, et je vous inviterais à bien vouloir vous identifier.

Association des industries forestières du Québec
(AIFQ) et Association des manufacturiers
de bois de sciage du Québec (AMBSQ)

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon nom est André Duchesne, je suis le président et directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. M. Jacques Bégin est le directeur de l'aménagement forestier à l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.

L'AIFQ, c'est les papetières: 97 % de la capacité de production, 30 000 emplois en région, des emplois, vous le savez, rémunérés à plus de la moitié en haut de la moyenne manufacturière du Québec, au-delà de 7 milliards de balance commerciale positive.

L'AMBSQ, c'est 175 usines de sciage: au-delà de 80 % de la capacité, 45 000 emplois en usine et en forêt, au-delà de 3 milliards de balance commerciale positive. Autrement dit, nos deux secteurs industriels ensemble représentent plus comme balance commerciale pour le Québec que tout le Québec au complet; tous les autres ensemble sont négatifs.

Le transport là-dedans, c'est important: strictement, les dépenses de transport que font nos deux secteurs industriels en requérant directement les services ? pas par des intermédiaires ? c'est au-delà de 400 millions de dollars par année en forêt et entre l'usine de sciage et l'usine papetière. Alors, les blocages de routes dont le ministre parlait tantôt ont eu des impacts importants sur nos opérations. C'est pourquoi nous avons accepté, à l'invitation du ministre, de participer au forum temporaire. On a pu y amener l'expérience que le secteur du sciage a développée en négociant avec l'Association nationale des camionneurs artisans pour le transport du vrac forestier où on a abouti à un contrat type.

Alors, la loi n° 135 nous intéresse à cet égard-là. Je pense qu'on veut s'assurer que le traitement des camionneurs est équitable, même s'ils ne travaillent pas directement pour nous, et on veut assurer qu'on va avoir une entente de nature commerciale qui va se développer. En fait, il y a très peu de camionneurs qui sont concernés par la loi n° 135, qui travaillent dans le transport général directement pour l'industrie forestière. Il y a des compagnies qui ont leur propre flotte, qui font affaire avec des entreprises de transport général, qui ont beaucoup de camions, donc qui ne sont pas des donneurs d'ouvrage. Nos membres ne sont plus des donneurs d'ouvrage dans le sens que l'on comprend de la loi, mais il y a certains fournisseurs qui livrent à l'usine, il y a des clients qui prennent livraison à l'usine. Alors, tout ça fait que le nombre de camionneurs concernés est relativement petit pour nous.

Puis il y a toute la question de l'approvisionnement en matières ligneuses qui est probablement le plus gros morceau de notre approvisionnement qui pourrait être touché et qui fait déjà l'objet d'une entente avec l'ANCAI, d'un contrat de transport que le ministre a ratifié par voie réglementaire, le 22 décembre dernier. Puis on s'attend à ce que le décret pour l'entrée en vigueur soit soumis de façon imminente; on attend après les nouvelles du ministre là-dessus.

Or, pour nous, il est essentiel donc que le projet de loi n° 135 reconnaisse que le vrac forestier ? j'entends le bois rond, les copeaux, les résidus ligneux, le gravier qui sert à la construction des routes en forêt ? soit bien distingué du camionnage général parce que c'est déjà couvert. Le problème est déjà réglé. On a en plus là-dedans des équipements qui sont très spécialisés; c'est un secteur que l'on vient de déréglementer. Le contrat type est imminent et le nombre de camionneurs qui sont concernés, qui sont susceptibles éventuellement de devenir membres de l'ANCAI, est relativement restreint. L'ANCAI risquerait de se retrouver exclus même du Forum, suivant les règles de procédure qui sont prévues, à cause du petit nombre de ses membres. Alors, ça nous apparaît absolument inacceptable que ça se passe de cette façon-là.

Alors, ce qu'on suggère, c'est que le libellé de la loi devrait préciser très clairement le champ d'application puis distinguer le transport forestier parce qu'il est un cas particulier qui a déjà son propre contrat type, qui a fait déjà l'objet d'une entente particulière et qui mérite d'être considéré de façon différente, aussi parce que les particularités sont fort différentes.

Quant au détail des articles du projet de loi, M. le Président, je pense que l'article 1, qui vise essentiellement à assurer la compétence des nouveaux arrivants, on est d'accord avec ça.

n(11 h 50)n

Sur l'article 2, comme y faisait allusion M. Bordeleau tantôt, la création du Forum, nous, ce qu'on comprend, c'est que le ministre lui délègue, d'après le libellé actuel, l'autorité de décider de ce qui va être le contenu du contrat type, et lui va ratifier ça par la suite, une fois que le consensus s'est développé à l'intérieur du Forum. Mais ça, ça l'oblige à légiférer pour assurer l'équilibre des forces à la table du forum, et ça produit une situation qui est complexe puis qui est difficile à modifier parce que le secteur va continuer d'évoluer, puis il va falloir, éventuellement, modifier cet équilibre-là, en tout cas le corriger pour le maintenir en équilibre. Or, nous, on se demande pourquoi ne pas plutôt songer à un mécanisme qui est plus franchement consultatif? À ce moment-là, l'obligation de représentativité stricte devient beaucoup moins cruciale. Ça laisse au ministre le pouvoir décisionnel d'entériner les consensus. Ils vont venir quand même, les consensus. Ça permet d'adapter les intéressés qui siègent au Forum à l'évolution de la situation dans les années à venir et puis ça laisse encore au ministre la responsabilité ? que l'on comprend déjà prévue dans le projet de loi ? de trancher, s'il n'y a pas de consensus.

Alors, pour nous, il y a plusieurs avantages à procéder comme ça. Ça éviterait la compétition entre les associations de camionneurs, ça éviterait d'avoir à déterminer la représentativité. Il y a des frais là-dedans, il y a des délais. Moi, personnellement, la date du 15 juillet qui est prévue par la loi pour que la Commission de transport fournisse des listes, j'ai hâte de voir s'ils vont être capables de faire ça. Ça permettrait même ? puis là, je sais que ça ne fera pas consensus à la table ? d'ajouter, à l'immatriculation, cette cotisation qui serait uniforme et défraierait les frais d'opération du Forum finalement plutôt que de passer par des intermédiaires qui sont les différentes associations en cause. Puis finalement, ça nous éviterait d'avoir une approche du type relation de travail dans un dossier qui est carrément de nature commerciale à notre point de vue. La formule Rand, là, ce n'est pas une approche commerciale pour régler un problème; c'est une approche qui sort du Code du travail.

Alors, ça, c'est notre grosse remarque sur le projet de loi, M. le Président. L'article 3, les cautionnements, bien, ce qui est important, c'est que la caution ne doit pas être construite de telle sorte qu'elle nuise à la compétitivité d'un groupe en faveur d'un autre groupe. Ça ne doit pas briser l'équilibre qui existe. Puis nous, on n'est pas convaincus que ça apporte une solution globale aux problèmes qui ont été évoqués à la table du Forum. Ça corrige certains problèmes, mais ça ne les corrige pas tous. Pour ce qui est de l'article 4, bien, je pense que c'est approprié de simplifier la consultation. L'article 5: c'est normal que le ministre fasse rapport de ce qui se passe. Alors, on n'a pas de problème avec ça.

Alors, je termine, M. le Président, en vous réitérant l'intérêt à long terme de l'industrie forestière pour le dossier du camionnage. Nous, on va faire tout ce qu'on peut pour aider à maintenir la paix sur nos routes. Je pense que c'est essentiel au développement économique des régions. Et puis, nos usines sont à peu près exclusivement situées dans toutes les régions du Québec. Donc, on tient beaucoup à ce que tout se déroule normalement. Je vous remercie, on est prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Duchesne et M. Bégin. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais également déposer, avant de faire mon commentaire, le Forum sur le camionnage général ? Synthèse des travaux pour que chaque membre l'ait. On va faire venir les copies. La même chose pour ce qui est du sondage.

Document déposé

Le Président (M. Lachance): Alors, dépôt accepté.

M. Chevrette: Bien, d'abord, je voudrais vous remercier de votre présentation. Je pense que c'est clair. Ça ne souffrira pas d'ambiguïté, vos positions, sauf qu'il y a un débat que j'aimerais entamer avec vous rapidement, c'est la question de la cotisation. Vous aurez remarqué qu'au départ ce n'est pas la formule Rand qui est donnée par loi, c'est un mécanisme visant à ce qu'une majorité se donne ou pas le droit d'une cotisation. Il y a un vote pour savoir s'il y aura cotisation ou pas. On veut donner l'opportunité à un groupe de se donner des services. S'ils décident majoritairement de se donner un service, c'est normal que le monde paie. Moi, je vous avoue que je n'ai pas trop de scrupules là-dessus. Pourquoi 60 % qui auraient décidé de se donner une cotisation puis se paieraient des services, 60 %, puis qu'ils bénéficieraient au 100 % puis les 40 % ne paieraient rien. C'est vrai que c'est apparenté à la formule Rand, ça, je ne le nie pas, mais ça prend un vote positif du groupe concerné d'abord. Et ça, ça m'apparaît important de souligner la distinction parce que la proposition que vous faites, moi, j'ai le goût de vous relancer une question: Seriez-vous d'accord avec une cotisation également obligatoire pour tous les membres de l'industrie qui sont du côté donneurs d'ouvrage? Si c'est ça, demandez-le, je vais le donner. Parce que c'est pour se payer un service. Vous pourriez vous payer votre concertation, vous autres aussi. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Duchesne (André): Bien, M. le ministre, la possibilité a été discutée au Forum, elle n'a pas fait consensus. Toute la question est de savoir comment on partage ça, évidemment. Puis si vous demandez aux donneurs d'ouvrage de cotiser, vous allez devoir, là aussi, pondérer la cotisation en fonction de je ne sais pas quoi, là, la valeur des contrats de transport donnés ou... Et vous allez vous embarquer, là aussi, dans un mécanisme de compilation complexe qui va probablement coûter aussi cher que le montant que vous allez cotiser.

L'exemple de l'industrie forestière que je vous signalais tantôt: il y a peut-être, nous autres, 5 % de nos mouvements de transport où on va se retrouver à satisfaire la définition de donneurs d'ouvrage que vous avez là; autrement, on passe par un intermédiaire quelconque, une compagnie, une entreprise quelconque qui est entre nous deux, qui devient le donneur d'ouvrage. On la met où, la cotisation?

Alors, moi, j'avais l'impression que la façon simple, justement, c'était de dire: Tous ceux qui travaillent dans le secteur vont devoir payer un écot, puis ces frais-là qui vont être relativement minimes vont se retrouver à être répartis entre les travailleurs, les donneurs d'ouvrage puis les requérants de services au début du système. Puis ça va s'équilibrer de façon rationnelle.

M. Chevrette: Pour ce qui est de la non-duplication des juridictions, je suis d'accord avec vous. On va le clarifier. Je ne sais pas si c'est l'article 1 ou 2. C'est par phénomène d'exclusion, par décret, ça va être clair, on va même fournir les listes. On est en train de lister tous ceux qui sont déjà couverts. Alors, on ne cherche pas à faire la duplication juridictionnelle. C'est un nid à chicane pour rien, ça, je comprends ça. D'autant plus qu'on a travaillé longtemps sur le contrat type un peu du vrac.

n(12 heures)n

Mais je veux vous poser une question sur la notion de statut décisionnel versus statut consultatif, parce que le député de l'Acadie a eu des interrogations un peu dans le même sens. Je prends pour acquis que les gens qui se réunissent dans un forum, c'est pour chercher un terrain d'entente. On doit présumer la bonne foi. Dès qu'on arrive à un consensus, la preuve qu'il a été possible d'en trouver, des consensus, parce que, des travaux du Forum, il se dégage des consensus ? il y a quelques points de divergence, mais il y a quand même une série de consensus ? et, à mon point de vue, dès qu'il y a consensus entre les parties, le ministre entérine. C'est quand il y a divergence entre les parties que le ministre garde son pouvoir statutaire du ministre pour arbitrer certaines divergences ou édicter...

Si j'ai bien compris, on se garde un pouvoir d'édicter des normes dans la loi actuelle quand il n'y a pas consensus. Mais l'esprit véritable, au départ, quand on crée un forum permanent, c'est qu'on ait un lieu de concertation au lieu d'avoir des nids de confrontation. Donc, on arrive à dire: Entendez-vous au maximum au niveau de ce forum-là, et, à défaut d'entente, le ministre, en vertu de sa loi, conserve le pouvoir d'édicter des normes pour contrer les points de divergence qui auraient des effets négatifs sur l'industrie en général. C'est ça, l'esprit. Mais j'ai eu l'impression que ou bien on ne saisissait pas ou bien ce n'est pas assez clair dans notre projet de loi, je ne sais pas. Mais est-ce que vous en tirez l'impression ou vous en tirez la certitude, à la lecture du projet de loi, que le projet de loi est loin d'être clair et qu'il crée un pouvoir de décision obligatoire sans quoi rien ne se ferait? Est-ce que c'est ça, la perception que vous avez?

M. Duchesne (André): Effectivement, M. le ministre, le seul moment où le projet de loi va dans le sens de l'explication que vous venez de donner, c'est à 48.11.22 où on dit que le gouvernement, par décret, peut entériner tout projet de contrat. Mais le sens de «consensus», si vous voulez, opérationnel, de bonne foi, comme vous venez de le décrire, est contredit, dans notre esprit, par toutes les précautions que le projet de loi prend précédemment pour établir la représentativité, avec beaucoup, beaucoup de circonspection. Et si l'emphase est sur mieux on se parle, mieux on se comprend, mieux on s'entend, il me semble qu'on n'a pas besoin d'avoir autant de circonspection dans l'équilibre de la représentativité à la table. Plus il y aura de monde pour se parler, plus on sera susceptibles de se comprendre. Il y a des consensus, quand même, qui vont se développer, et le ministre, à la fin, va pouvoir les entériner de la même façon. Qu'ils aient été formulés à partir d'une représentativité stricte des différents participants ou de quelque chose de beaucoup plus flou, ça ne changera rien au consensus puis, dans notre esprit, ça ne changerait probablement rien non plus au point sur lequel il n'y aura pas de consensus puis que le ministre devra trancher.

M. Chevrette: Je reconnais qu'à court terme j'ai un joyeux problème sur le poids ou la pondération de la représentativité, ça, je le reconnais, parce que, quand je regarde les chiffres qui m'ont été donnés, il doit y avoir quelques camionneurs qui ont trois cartes parce que j'ai beaucoup plus de cartes que de camionneurs. Donc, j'ai un petit problème. Je vais dire comme l'ancien député de Verdun: Il y a un malaise dans le problème. Mais je ne sais pas comment je vais le régler encore. J'ai discuté, ce matin, une bonne heure là-dessus. Et, effectivement, la clause que vous soulignez, au moins, s'il y a consensus, ça ne me crée pas de problème, quelle que soit la pondération du vote. Le problème surgit lorsqu'il n'y a pas de pondération du vote et puis qu'il pourrait y avoir une majorité. Mais je l'ignore dans la conjoncture actuelle, je ne le saurai que lorsqu'il y aura eu véritablement un vote d'adhésion avec la Commission des transports du Québec.

Donc, sur cette partie-là, j'espère être éclairé aujourd'hui parce que c'est mon problème. Je comprends que c'est facile de le souligner, sauf que ce n'est pas facile de le résoudre.

M. Duchesne (André): Mais le forum temporaire que vous avez mis sur pied, M. le ministre, à ma connaissance, il fonctionne. Il a ? vous l'avez souligné vous-même tantôt ? permis d'aboutir à certains consensus, et on ne s'était pas barré les pieds pour le constituer dans les règles de représentativité qui sont dans le projet de loi. Alors, si ça fonctionne déjà, est-ce qu'on ne peut pas continuer à le laisser fonctionner?

M. Chevrette: Oui, mais, cependant... Faisons un exemple théorique pour essayer de comprendre mon problème. Ça va bien, il y a un consensus pour établir un contrat type. Mais un contrat type, qui va l'appliquer après? Est-ce que ce sont les x centaines de camionneurs qui ont adhéré à la CSD, x centaines qui ont adhéré à la CSN, x centaines qui ont adhéré à la FTQ, supposons que ces gens-là ont opté pour un des trois organismes ou associations? À partir de ce fait-là, quelle est la nature des services à rendre, par exemple s'il y a un mécanisme d'arbitrage dans le contrat type? Je ne peux pas présumer du produit ultime du contrat type, on se comprend bien? Est-ce qu'il y aura partout des consensus au niveau du contrat type? On peut en douter un peu. Il peut y avoir 60 %, 70 % du contrat type où il y a des consensus, mais le 30 % ou 40 % qui reste. C'est le ministre, en vertu de son pouvoir d'édicter certaines normes, qui va dire: Bon, bien, dans le contrat type, il va y avoir telle autre chose.

Mais quand on va arriver à l'application, est-ce qu'on a intérêt, par exemple au niveau de l'application au sein même d'une entreprise, à avoir une multitude de représentativités? Parce que c'est tout ça qu'il faut que je me pose comme question. Il faut regarder le fonctionnel après, moi. Je n'ai pas de difficulté à parler de consensus au niveau du Forum, sauf que... Prenons un exemple, encore théorique: Supposons que la CSD représente 2 000 personnes sur 4 000, que la CSN en représente 1 000 puis que la FTQ en représente 1 000; je me ramasse avec 50-50. Mais, dans les faits, pour compliquer un peu plus l'affaire, mettons 1 800 pour la CSD, mettons 1 800 pour la CSN puis mettons-en 400 pour la FTQ. À deux, ils ont la majorité, mais pour avoir un nombre de votes, la balance du pouvoir pourrait être exclusivement dans la troisième association, et, le vrai consensus, on ne pourrait pas le dégager. Ce n'est pas parce qu'ils sont deux qu'ils pourraient avoir la majorité, dépendant des chiffres avec lesquels on joue, du nombre d'adhésions.

C'est pour ça que j'avais pris le modèle de la construction, vous vous rappelez, quand on a rencontré les groupes. Et ça, ça ne peut pas se définir a priori, il faut le faire après que la loi sera établie. Donc, il faut décréter temporairement un poids relatif ou bien la première année, en ce qui regarde... on parle de consensus et du pouvoir des normes. Vous comprenez la situation dans laquelle je suis placé? J'ai de la difficulté à me trouver une position, sauf que je vais être obligé de trancher. Je vais trancher à partir du gros bon sens mais le gros bon sens, face à des adhésions possibles, vous savez..., J'ai des campagnes de recrutement, je ne sais pas, moi, comment ça va se retourner au bout de la course. Je peux me ramasser au 15 juillet ou au 15 septembre ? je ne le sais pas, peu importe la date, là ? avec une situation inverse à ce qu'on peut connaître aujourd'hui. On peut avoir quelqu'un qui passe de 10 % à 25 % de poids relatif dans cette industrie-là, dépendant des adhésions.

M. Duchesne (André): M. le ministre, en forêt, on a eu un peu la même difficulté. C'est moins complexe, là, mais M. Bégin peut peut-être vous rappeler un peu comment ça s'est passé.

M. Bégin (Jacques): M. le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que, dans le domaine du contrat de transport forestier, tous les membres qui vont y être soumis, tous les camionneurs qui vont y être soumis ne sont pas nécessairement membres de l'ANCAI. C'est un contrat qui va être de portée générale. On n'a pas constitué d'adhésion à un organisme en particulier comme étant un obstacle dans ce cas-là, on le fait de portée générale. Tout ce qui est transporté de bois en forêt publique est astreint à ce contrat-là.

Alors, je pense qu'on cherche peut-être à se faire un obstacle avec la représentativité stricte au niveau des gens qui seront membres d'une des trois grandes associations dont vous avez fait mention, mais je tiens à vous souligner que le problème est relativement complexe aussi eu égard à l'industrie qui va jouer son rôle au niveau de ce forum-là. Parce qu'on peut se poser des questions à l'effet que: Est-ce que c'est le nombre de membres faisant partie de ces associations-là qui sera le point de virage ou le volume transporté ou la valeur des transactions? Et, selon le point que vous allez prendre, vous allez avoir une représentativité d'un ou de l'autre et puis on rentre dans une mécanique qui va être encore extrêmement complexe.

n(12 h 10)n

Il existe des solutions qui ont fait leurs preuves actuellement. Le Forum ? en tout cas, à ma connaissance ? a donné des résultats dont vous êtes fier aujourd'hui d'amener les conclusions, et je pense que cette mécanique-là, où vous avez invité des gens à participer, a donné des fruits qui méritent d'être étudiés sérieusement comme formule pour l'avenir.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, je pense que vous avez fait état au ministre d'un certain nombre de problèmes que vous y voyez et qui correspondent à des difficultés que je vois dans l'application. D'abord, juste faire une remarque au départ, c'est que j'ai l'impression qu'on essaie de courir après plusieurs lièvres en même temps avec ce projet de loi là, et on essaie de rendre permanent un forum qui était un forum de discussions, d'échanges où on essayait de dégager des consensus. On veut le reconnaître et le rendre permanent ? c'est un objectif ? mais on essaie en même temps d'impliquer une dimension, là, qui est relativement près de la représentation syndicale, et on essaie de tout mettre ça ensemble.

Il me semble qu'il y a deux objectifs distincts et, moi, c'est ce que je comprends de vos propos aussi: qu'il y ait un forum ? si j'interprète mal, je vous prie de me corriger ? pour discuter comme vous l'avez fait, par exemple, dans le domaine forestier, avec les gens du vrac où vous avez dégagé, je pense, entre vous autres, un contrat qui est un contrat type, qui a ensuite été entériné par le ministre... Je pense que ça a émergé au fond des relations que vous aviez avec l'autre partie. Mais qu'on veuille au fond tout régler ça dans un forum avec une autre ambiguïté qui est celle du rôle du ministre, moi, encore là, ce que je comprends ? et je suis d'accord, si c'est bien ça que vous avez voulu nous dire ? c'est qu'on essaie de dégager des consensus. Si on les dégage, le ministre les reconnaîtra puis ça finit là; s'il n'y a pas de consensus, le ministre, c'est sa responsabilité, il tranchera les questions. Et on ne sera pas pris dans une formule de représentation très compliquée qui relève essentiellement d'essayer de représenter quasiment les différents regroupements ou différents syndicats en tenant compte des proportions, des membres, des signatures de cartes, etc. Alors, je pense que, de ce côté-là, il y a deux objectifs, et l'objectif du forum de discussions, d'échanges, moi, je n'ai pas de problème avec ça; le deuxième objectif, j'ai des problèmes avec ça, et j'ai l'impression que ça va devenir extrêmement complexe.

Il y a une question que je voudrais vous poser. Vous dites que, dans votre industrie, vous faites relativement peu affaire avec des routiers qui font du général comme ceux qui seraient couverts dans la loi n° 135. Vous dites: C'est relativement petit, le nombre de camionneurs. Je ne sais pas ce que ça veut dire «relativement», mais on se retrouverait, si je comprends bien, dans une position où vous faites faire du travail par des gens du vrac pour le transport du bois. Eux, ils ont un contrat type qui existe sur lequel vous vous êtes entendus. Vous auriez éventuellement à faire affaire avec le petit nombre d'autres personnes qui seraient couvertes par la loi n° 135 qui, elles, pourraient avoir un autre contrat type, pas nécessairement le même que vous avez dans l'industrie. Est-ce que ces gens-là feraient le même travail que les gens du vrac ou si c'est un travail qui serait différent? Est-ce que ça vous poserait problème d'avoir, comme ça, deux contrats types dans la même industrie? Ça, c'est une première question.

Je vais vous poser la deuxième aussi puis... On me dit aussi qu'il existe des gens qui font du vrac qui, à l'occasion, font aussi du général, c'est-à-dire que, quand il y a des contrats, ils vont accrocher une remorque pour faire du vrac, ils vont faire du vrac, et quand c'est plus tranquille du côté du vrac, ils vont prendre une remorque fermée, puis ils vont faire du transport général. À ce moment-là, ils seraient couverts par la loi n° 135. Alors, je ne sais pas exactement qui couvre qui? Quand le ministre nous disait tout à l'heure: On va faire en sorte qu'il n'y ait pas duplication, j'ai l'impression que, dans la réalité, on peut avoir une personne qui pourrait être dans les deux, c'est-à-dire assujettie au contrat du vrac quand elle travaille avec vous en fonction du contrat que vous avez signé avec l'ANCAI et assujettie au contrat type de la loi n° 135 quand elle ferait du général, si on veut. Alors, ça me semble être assez compliqué. Je ne sais pas si je me trompe; en tout cas, j'aimerais avoir vos commentaires sur ça.

M. Duchesne (André): D'abord, le nombre de camionneurs puis de nos membres qui seraient assujettis au projet de loi n° 135, je pense qu'il faut que je précise ça un peu plus.

Il y a une bonne partie de notre transport qui est l'approvisionnement en matières ligneuses, et ça, c'est couvert par le contrat type dans le vrac. Par contre, il y a une autre partie qui est celle de l'approvisionnement, par exemple en produits chimiques des usines papetières, qui est celle de la livraison des produits du sciage ou des produits des pâtes et papiers. Et ça, c'est dans le transport général. Dans cette deuxième partie là, on se retrouve rarement, comme industrie, comme usine, comme compagnie forestière, dans une position de donneur d'ouvrage en vertu de la loi. C'est sûr que c'est nous autres, ultimement, qui requérons un service de transport, mais on passe par un intermédiaire, puis vous savez qu'il y en a toute une série, d'intermédiaires différents. Il n'y a pas juste les gens de l'Association des intermédiaires en transport, là. On parle d'intermédiaires au sens large. Donc, je peux faire affaire avec une compagnie, je ne sais pas, moi, comme Robert Transport pour transporter mon papier. Cette compagnie-là pourra se retrouver éventuellement comme donneur d'ouvrage en vertu de la définition de la loi puis devoir utiliser le contrat type avec un camionneur éventuellement propriétaire.

Mais cette compagnie-là, bien souvent, va avoir elle aussi une convention collective et a embauché un paquet de camionneurs qui ne seront pas sujets au contrat type, tel qu'on est en train de le déterminer au Forum. Donc, quand je dis qu'il n'y a pas beaucoup de nos mouvements de transport qui seraient assujettis, dans le général, à ce contrat type là, c'est parce qu'il y a un paquet de gens qui sont syndiqués par ailleurs, il y a un paquet de gens qui ne travaillent pas pour nous autres et qui vont venir livrer, par exemple les produits chimiques qui viennent des États-Unis, avec une remorque américaine puis un conducteur américain, puis le gars s'en retourne à vide puis c'est tout. Ça finit là.

Alors, ça, c'est la première distinction, je pense, M. Bordeleau, qu'il faut qu'on fasse. Donc, est-ce que les gens de nos usines vont se retrouver devant une situation complexe parce qu'il existe deux contrats types? Bien, pas vraiment parce que ça va s'appliquer de toute façon dans deux situations fort différentes. Et, moi ? je ne sais pas si M. Bégin a un autre point de vue ? j'ai l'impression que ce qui va être dans le contrat type comme étant... Notamment le mode de calcul de la rémunération puis les conditions de travail, il va y avoir beaucoup de choses de toute façon qui vont se ressembler. Quand on dit qu'il faut calculer la distance de transport comme du monde, c'est dans les deux contrats types, il n'y a pas d'erreur. Peut-être que la façon de calculer va être un peu différente. Quand on dit qu'il y a probablement lieu d'indexer le prix du carburant, bien, ça va être dans les deux contrats types.

Alors, il va y avoir beaucoup de similitudes entre les deux, sauf qu'un va s'appliquer dans des conditions particulières qui est celle du transport en vrac où, pour répondre à votre deuxième question, il n'y a pas beaucoup de monde qui passe de l'un à l'autre. C'est rarissime. Parce que, en forêt, ça prend de l'équipement spécialisé. Et les tracteurs utilisés là ne sont pas appropriés pour faire de la grand-route; ça coûte cher puis vice-versa. Alors, il n'y a pas grand monde qui fait l'un ou l'autre en même temps, là. Les équipements sont trop différents.

Il y aurait peut-être ? encore une fois, Jacques ? des gens qui font des copeaux puis qui pourraient, avec un tracteur, mettre une autre remorque pour aller faire du général, mais je ne sais pas jusqu'à quel point c'est généralisé. Je n'ai jamais eu connaissance que ça se faisait.

M. Bégin (Jacques): Il faut comprendre, comme le dit M. Duchesne, que c'est des équipements spécialisés. Souvent, certains équipements sont configurés pour ne même pas rouler sur les routes. Alors, on parle, en forêt, d'équipements qui sont très spécialisés. S'il y avait une ambivalence du tracteur, on le voit dans le transport de bois et le transport de gravier, on va voir ça, mais, généralement, le gars qui transporte du gravier, il transporte aussi pour des travaux de voirie qui se font en forêt. Alors, de toute façon, c'est la quadrature du cercle, on tourne en rond, là. Alors, des gens qui vont délaisser le secteur pour aller travailler, faire une livraison à Toronto, c'est... Non. Ce n'est pas ce genre d'équipement là. Ils ne sont pas payants sur les routes, comme équipements. Ils sont construits robustes, solides, pour faire... C'est des configurations particulières, alors ils ne font pas ça.

Le Président (M. Lachance): Alors, Mme la députée de La Pinière, en signalant que, du côté de l'opposition, il reste un peu moins que cinq minutes.

n(12 h 20)n

Mme Houda-Pepin: Très brièvement, M. le Président. M. Duchesne, M. Bégin, je voulais avoir une clarification parce que j'ai vu que vous avez insisté beaucoup sur la nécessité de préciser le champ d'application du projet de loi, et vous avez spécifié aussi que le domaine forestier n'était pas couvert par ce projet de loi parce qu'il est davantage couvert par le transport en vrac. Où, dans le projet de loi tel que formulé, vous trouvez quelque chose qui vous inquiète par rapport à votre inclusion dans le projet de loi ou la nécessité que vous soulignez de préciser dans le projet de loi que le domaine forestier soit inclus dans l'objet du projet de loi qui est devant nous?

Moi, je regarde, par exemple, la section 5.1.01 sur le Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage où on précise «les intervenants de l'industrie du camionnage général». Je ne vois pas, dans cet article tel que libellé, quelque chose qui pourrait justifier vos appréhensions, mais peut-être que votre lecture à vous est plus pointue. Est-ce que vous pouvez nous préciser où, dans le projet de loi, vos inquiétudes sont fondées?

M. Duchesne (André): Dans l'article 2 qui introduit l'article 48.11.01 dans la loi actuelle, la façon dont on définit les donneurs d'ouvrage et les routiers, tout ce qui nous exclut en termes de vrac forestier, c'est les biens et matières exclus expressément par décrets édictés en vertu du présent article.

Je pense que l'intention du ministre n'est pas de tout mettre dans le même paquet ? on nous l'a dit tantôt ? mais il me semble que c'est un petit peu étroit comme porte, que la distinction devrait être faite beaucoup plus clairement, étant donné l'importance que le transport en vrac forestier a pour notre industrie et l'interprétation très difficile à faire, qu'on veut vraiment les distinguer. Il me semble que le législateur devrait faire une distinction beaucoup plus claire.

Mme Houda-Pepin: Donc, vous, vous auriez souhaité que ce soit clairement indiqué que le domaine forestier et le domaine manufacturier du bois de sciage soient exclus. C'est dans ce sens-là ou...

M. Duchesne (André): On a déjà une définition très précise, madame, de ce qui a été convenu comme étant le champ du transport en vrac forestier, le bois rond, les copeaux, le sable et gravier, la construction des routes en forêt, mais non pas les produits finis. Donc, il suffirait de référer à ça ? c'est déjà dans la décision gouvernementale ? pour que ce soit beaucoup plus clair que, ça, ça ne fait pas partie du présent amendement.

Mme Houda-Pepin: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, il reste deux minutes, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Je veux juste vous poser une autre question. C'est qu'on a eu des représentations et j'aimerais avoir votre... Je comprends que vous faites affaire surtout avec des intermédiaires quand vous engagez des camionneurs, mais ce que des gens nous mentionnent, au fond, puis c'est en tant que donneurs d'ouvrage ? ce n'est pas nécessairement dans votre secteur mais à partir de votre expérience ? on dit: Avec la loi n° 135, on va avoir un contrat type qui va être fixé soit par consensus ou édicté par le ministre éventuellement. Il y a deux possibilités: quand un donneur d'ouvrage veut engager des camionneurs, il va le donner à un intermédiaire ou il va faire affaire directement avec une grosse compagnie, et, avec une grosse compagnie qui a ses camions, ses chauffeurs, il va négocier les conditions. Dans le cas de l'individuel qui fait du transport, lui, il va être assujetti à un contrat type avec des conditions bien particulières, il va être obligé de s'y conformer.

Ce que les gens craignent, c'est que la marge de manoeuvre qu'un entrepreneur doit avoir pour négocier des contrats de gré à gré, l'individuel, lui, ne l'a plus, il n'aura plus la possibilité de le faire, il va être assujetti au contrat type, alors que le plus gros, lui, a la possibilité de négocier les conditions qu'il veut avec son client.

Et les petits entrepreneurs qui commencent à réagir nous disent: Écoutez, si on est entrepreneurs, c'est qu'on l'a choisi, puis on ne veut pas non plus être assujettis à un contrat type parce que ça va nous pénaliser à la longue, ça va nous pénaliser parce qu'on n'aura plus la marge de manoeuvre pour négocier nos contrats, alors que, à venir à date, on était entrepreneur, on l'avait choisi, on négociait les contrats de gré à gré avec nos clients. Alors, j'aimerais avoir votre réaction là-dessus.

M. Duchesne (André): Bien, ça a fait l'objet de débats, M. le Président, à la table du Forum, de façon assez longue et élaborée. Effectivement, la question est pertinente. Mais tout dépend du concept qu'on a du contrat type. Et le concept qu'on a développé en forêt puis que, nous, on souhaite voir s'appliquer dans le transport général, au contraire, permet au petit entrepreneur d'avoir un cadre de négociation qui l'assure qu'il n'est pas en train de se faire bulldozer par son donneur d'ouvrage. Ça lui donne une espèce de liste de vérifications de l'ensemble des facteurs qui influencent son coût de production et ça permet aux deux parties de confronter cette liste-là pour s'entendre sur la valeur du contrat, la valeur du travail qui va être fait. Alors, c'est un outil qui l'aide plutôt que d'être un règlement qui l'encarcane. Et moi, je pense que tout le monde à la table veut en venir là, à avoir un outil qui va aider les gens plutôt qu'un empêchement qu'il puisse se négocier des contrats de bonne foi entre des donneurs d'ouvrage et puis des petits camionneurs.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, M. le député.

M. Bordeleau: Pardon?

Le Président (M. Lachance): Rapidement, parce que le temps est déjà écoulé.

M. Bordeleau: Oui. Un donneur d'ouvrage, actuellement, dans le domaine du général, il a la possibilité de faire affaire directement avec une compagnie, il peut négocier les conditions qu'il veut, tandis que, quand il va faire affaire avec un individuel, ça va être le contrat type qui... Alors, est-ce que ça ne pourrait pas arriver que, en négociant avec un entrepreneur qui a plusieurs camions, un donneur d'ouvrage obtienne des meilleures conditions que s'il avait engagé des individuels pour faire le même travail et qui seront, eux, assujettis au contrat type?

M. Duchesne (André): Bien, encore une fois, là, la définition de «donneur d'ouvrage» qui est dans la loi, si j'ai une usine papetière qui veut faire transporter du papier, elle ne se retrouve pas nécessairement donneur d'ouvrage en vertu de la loi.

M. Bordeleau: ...ceux qui étaient inclus dedans, là. Mais je comprends que ce n'est pas...

M. Duchesne (André): C'est ça.

Le Président (M. Lachance): Mais c'est tout le temps dont nous disposions, même un peu au-delà. Alors, merci, MM. Duchesne et Bégin, pour votre participation aux travaux de la commission. Et, là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Lachance): Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports. Alors, je demande aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance.

J'invite immédiatement les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à bien vouloir prendre place.

Alors, cet après-midi, nous entendrons tour à tour les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ensuite l'Association du camionnage du Québec; par la suite, vers 16 h 30, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec et, finalement, les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques.

Alors, bienvenue, messieurs. Je vous indique que vous avez une présentation d'une durée maximum de 15 minutes et, par la suite, des échanges pour un temps maximum de 30 minutes. Je vous demanderais d'abord de bien vouloir vous identifier.

Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec (FTQ)

M. Dugas (Arnold): O.K. Mon nom est Arnold Dugas, je suis vice-président de la FTQ et directeur québécois du Syndicat des métallos; à ma gauche, Mario Sabourin, responsable aux Métallos pour le dossier du camionnage; Jean-Pierre Néron, avocat et responsable, au niveau de la FTQ, pour le camionnage; Pierre Deschamps, vice-président à la FTQ et directeur québécois des Teamsters; et Richard Grisé, Coopérative des camionneurs, associée avec les Métallos puis la FTQ.

Si vous me permettez, M. le Président, j'ai un document que je pourrais vous remettre, qui est notre mémoire.

Le Président (M. Lachance): Ça sera fait.

M. Dugas (Arnold): Sans plus tarder, la FTQ est heureuse de participer aux travaux de la commission parlementaire pour lui faire part de son soutien quant au dépôt du projet de loi n° 135, mais aussi des préoccupations que cela soulève quant à l'application de certaines dispositions du projet de loi.

La FTQ, la plus importante centrale syndicale au Québec, est présente dans l'industrie du camionnage à travers ses affiliés, plus spécifiquement le Syndicat des routiers et le Syndicat des métallos. Compte tenu du court délai donné pour l'élaboration d'un mémoire mais surtout grâce à l'opportunité que nous avons eue d'exprimer notre opinion lors des travaux du Forum transitoire sur le camionnage auquel nous avons participé, nous n'entendons exposer ici que les éléments les plus importants.

Premièrement, la définition du camionneur propriétaire. Comme vous le savez, le projet de loi n° 135 vise à protéger les personnes propriétaires d'un seul camion-tracteur immatriculé au Québec. Cette définition a fait l'objet d'un consensus de la part des intervenants au Forum sur le camionnage. Cependant, nous nous préoccupons du fait que certaines personnes soient tentées de contourner l'objectif de la loi qui vise essentiellement à protéger les camionneurs propriétaires d'un seul camion. En d'autres mots, pour éviter l'imposition d'un contrat type, certains donneurs d'ouvrage ou intermédiaires pourraient décider de ne plus faire affaire avec les camionneurs propriétaires d'un seul camion. La FTQ revendique donc qu'une clause antidétournement ou une clause antidiscrimination soit incluse dans le projet de loi pour éviter que les donneurs d'ouvrage ou les intermédiaires en services de transport cessent ou s'abstiennent d'utiliser les services des camionneurs propriétaires d'un seul camion. Vous trouverez en annexe un modèle de clause antidétournement. La définition retenue ne couvre pas le statut du camionneur propriétaire qui a fait faillite et qui continue de travailler dans sa compagnie dont le conjoint est propriétaire. Ces personnes sont exclues de l'application retenue dans le projet de loi n° 135, et la FTQ souhaite que vous y remédiiez.

La constitution du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage. La FTQ est d'accord avec la mise sur pied du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage ainsi que les mandats qui sont dévolus à ce Forum, notamment quant à l'élaboration du contrat type. La détermination du kilométrage réellement parcouru, le mécanisme d'indexation du carburant, le partage des responsabilités financières entre donneurs d'ouvrage et routiers sont au coeur des conditions de travail des camionneurs et doivent s'appliquer le plus rapidement possible.

Le contrat type. La FTQ souhaite que soit déposé, dès l'adoption de la loi n° 135, le projet de règlement à l'égard du contrat type. Il nous semble que les travaux du Forum transitoire sont suffisamment avancés pour que le ministère des Transports soit à même de trancher dans les diverses options qui lui ont été présentées par les participants et participantes au Forum transitoire sur le camionnage.

Reconnaissance par la Commission des transports. Le projet de loi n° 135 établit trois conditions pour siéger à ce que nous pouvons appeler la table permanente, à savoir: représenter au moins 10 % des routiers, selon la liste de la Commission; deuxièmement, que le Regroupement des routiers offre des services collectifs et individuels à ces personnes; troisièmement, que le Regroupement se classe parmi les cinq principaux regroupements de routiers ainsi qualifiés.

La FTQ est d'accord avec ces exigences. En revanche, cela soulève certaines préoccupations de notre part, soit l'établissement de la liste qui doit être constituée pour le 15 juillet 2000. Cette liste devrait, de toute évidence, exclure ceux et celles qui sont déjà syndiqués, et le projet de loi est muet à cet égard. Par ailleurs, quels sont les éléments de contrôle que la Commission entend utiliser pour l'établissement de cette liste?

La deuxième condition pour siéger au Forum est d'offrir des services collectifs et individuels. Cela ne pose aucune difficulté, puisque nos affiliés offrent déjà ce service. La FTQ exige que la description des services offerts par le Regroupement soit déposée auprès de la Commission des transports ainsi que le montant annuel de la cotisation pour bénéficier de ces services, et ce, afin de permettre aux camionneurs de choisir en tout état de cause leur association.

n(15 h 10)n

L'établissement de la cotisation. Le projet de loi établit que, pour qu'une cotisation puisse s'appliquer, cela exige que plus de 50 % des personnes identifiées à la liste se prononcent en faveur de son application. La FTQ est d'accord avec le principe élaboré; cependant, nous pensons que la majorité est atteinte lorsque 50 % des camionneurs ont choisi d'adhérer à un regroupement de routiers et que, d'autre part, l'établissement d'une cotisation est une démarche complexe qui s'établit lors de congrès statutaires des syndicats. La FTQ ne peut accepter que la détermination d'une cotisation soit sujette à une assemblée, même extraordinaire, en regard des services qu'elle doit offrir.

Nécessité d'une caution. La FTQ appuie la disposition permettant au gouvernement d'imposer aux intermédiaires en services de transport l'obligation de fournir et de maintenir auprès de la Commission un cautionnement afin d'assurer le respect de leurs obligations envers les camionneurs propriétaires.

Un système d'arbitrage. Le projet de loi prévoit que le Forum peut, par résolution, accréditer des personnes pour arbitrer des différends entre un routier et un donneur d'ouvrage selon les règles du droit civil. La FTQ est en faveur d'un système d'arbitrage unique, rapide, accessible et le moins coûteux possible pour trancher les litiges entre les donneurs d'ouvrage, les intermédiaires et les routiers.

En conclusion, le projet de loi n° 135 est une réponse attendue et souhaitée depuis plusieurs mois par la FTQ et ses affiliés, et ce, depuis la fin des travaux du rapport Bernier. Ce projet de loi est une nécessité pour les quelque 5 000 camionneurs propriétaires qui vivent des conditions de travail pour le moins difficiles dans une industrie changeante. Son adoption nous assurera en plus de la compétence et de la connaissance des camionneurs pour la sécurité des usagers du réseau routier.

Je vais vous faire grâce de la lecture de la clause antidétournement; vous l'avez en annexe, sur le document qu'on vous a déposé. Et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui. Je vous remercie de votre présentation. Je vais aller direct au but parce qu'on a seulement 15 minutes. Je voudrais vous poser une question: Combien vous avez de membres, vous représentez de membres?

M. Dugas (Arnold): À l'intérieur de la FTQ, dans les 5 000?

M. Chevrette: Oui.

M. Dugas (Arnold): Le décompte est assez... on représente...

M. Chevrette: Non, mais dans le camionnage d'abord.

M. Dugas (Arnold): Dans le camionnage, à l'intérieur de la FTQ: les Métallos, 6 000, et les Teamsters...

M. Deschamps (Pierre): Treize mille.

M. Dugas (Arnold): Treize mille, ça fait 19 000.

M. Chevrette: Sur les 6 000... on dit 6 000, là, mais on pense que ça va se solder à 4 000, nous autres, mais peu importe, sur les 6 000, combien?

M. Dugas (Arnold): Présentement, nous sommes à l'entour de 3 000 identifiés, là, qui ont un camion et moins. Parce qu'on a des propriétaires qui sont dans notre association qui ont deux, trois, quatre et cinq camions.

M. Chevrette: O.K. Moi, je veux être très pratique, après-midi, puis aller vous poser des questions bien précises. J'ai un problème sur le poids de la représentativité, je l'ai dit ce matin en toute candeur à la commission, ici. Étant donné que, en créant un forum permanent et en basant la représentativité sur le style de la Commission de la construction du Québec, étant donné que le vote se fait a posteriori de la loi, il faut que je me garde un mécanisme... C'est moi qui vais désigner les représentativités, à toutes fins pratiques, parce que je ne peux pas le définir dans la loi quand je ne sais pas quel sera le poids du vote, des 4 000. Donc, il faut que j'aie un mécanisme a priori ou transitoire avant d'arriver au poids permanent puis baser le poids permanent. On se comprend jusque-là? Quelle sorte de mécanisme que, si vous étiez à ma place, vous prendriez, temporairement?

M. Dugas (Arnold): Bien, pour nous, premièrement, pour sonder la volonté des chauffeurs de camion de faire partie d'une association, on a fait signer des cartes avec une très faible cotisation, qui était 2 $ dans le temps. Ça, ça a été très, très rapide, mais par la suite...

M. Chevrette: Oui, mais je vous arrête 30 secondes. Ça se peut-u que votre même gars ait été sollicité trois fois puis qu'il ait pris trois 2 $?

M. Dugas (Arnold): Oui, ça se peut... Ah, pas chez nous, mais il peut aller...

M. Chevrette: Non, non, je comprends. Un 2 $ chez vous, un 2 $ à la CSN, puis un 2 $ à la CSD.

M. Dugas (Arnold): Ça, c'est possible. Par la suite, nous, ce que qu'on a fait, on a dit: Pour appartenir à notre association, il faut qu'on ait une cotisation mensuelle. Notre cotisation mensuelle, à l'heure actuelle, est de 32 $ par mois, puis c'est volontaire. On n'a aucun problème à faire vérifier puis valider les cotisations qui rentrent chez nous avec les camionneurs qui font partie de notre association, ça, c'est... À un moment donné, on trouve un mécanisme, puis de dire: Voici, ça appartient à telle, à telle association. On n'a pas de problème avec ça.

Mais pour nous, on pense qu'on doit déterminer ? puis on peut faire ça au niveau de la table de concertation ? le moyen puis s'entendre ensemble pour dire quel moyen qu'on va voir... Puis on peut aller à un vote aussi. Nous autres, on serait d'accord pour qu'il y ait un vote de représentativité dans l'ensemble des camionneurs où il y a un seul camion. On serait d'accord à aller dans ce sens-là. Mais, après une période, chacune des associations pourrait faire valoir ses points et après une certaine période, parce que là, on parle du 15 juillet. Là, il faut faire la liste jusqu'au 15 juillet. Par la suite, comment est-ce que ça va se passer? En tout cas, nous autres, on pense qu'il devrait peut-être y avoir un délai d'un mois additionnel, 15 août ou à la fin août, puis là, à ce moment-là, on pourrait poser la question, puis on pourrait identifier clairement ceux qui appartiennent à telle ou telle autre association.

M. Chevrette: Seriez-vous d'accord avec une période de temps, là, ce qu'on appelle le «cooling period» en anglais, qui nous permettrait, je ne sais pas, moi, de faire véritablement une campagne de recrutement avant d'aller au vote, par exemple. Je vous donne un exemple: si une centrale faisait signer une carte, je ne sais pas, moi, à 5 $, un autre l'a fait signer à 2 $, un autre l'a fait signer à 1 $, n'importe quoi, là, c'est théorique ce que je dis, je ne sais pas ce qui se passe dans vos affaires, j'ai assez de mes affaires sans aller me mêler des vôtres. Donc, j'ai un problème au niveau du vote qui n'est pas basé sur une cotisation et en relation avec des services. Je ne sais pas si vous me suivez. Mais, moi, je pourrais avoir signé mes cartes au mois de mai ? j'en ai fait un peu de syndicalisme avant de mal tourner, là ? et puis je pouvais signer des cartes à 2 $, puis ne pas avoir de cotisation pendant six mois, par exemple. L'autre a signé des cartes puis a chargé une cotisation, par exemple. Ce n'est pas la liberté de penser quand arrive le vote. Vous êtes dans des situations différentes.

Moi, je me disais: Est-ce que c'est possible temporairement de dire: Pour les premiers x mois, on n'aura pas une représentativité au poids? Ce serait dans la loi, là. Ce serait base de consensus, puis la relativité du poids de l'organisme, ce sera après le vote. Est-ce que vous vous prêteriez à ça? Parce que, sinon je vais me casser la tête longtemps, puis je vais être tout seul à décider ça, moi. Puis je comprends que vous allez me trouver bien fin jusqu'au jour où je vais décider. Là, je vais être moins fin tout de suite après. Vous comprenez ce que je vous dis? Est-ce que vous seriez d'accord avec une période où la notion de consensus primerait sur le poids et que le poids du vote ou de la représentativité entrerait en jeu le jour où j'ai un vote bien, bien décompté, puis bien précis?

M. Dugas (Arnold): Mais, moi, en tout cas, c'est ce que je propose, là, mais pas dans un an, deux ans, trois ans. Moi, ce que je dis, c'est qu'on doit avoir une certaine période pour que chaque association puisse faire valoir les gens qu'elle représente. On est d'accord avec ça. Mais il ne faudrait pas qu'il y ait des personnes qui soient assises là, puis là on forme des associations, puis on en forme une par-dessus l'autre, puis on vient tous s'asseoir là, puis là, à un moment donné, on ne se comprend plus, puis c'est une vraie tour de Babel. Nous autres, ce qu'on dit, c'est que présentement on a identifié trois associations qui seraient là dans le camionnage puis, à ce moment-là, les trois associations ont leur travail de se faire valoir auprès des camionneurs puis, par la suite, il y aura un vote décrété par le ministère ou des gens qui surveilleront, nommés par le ministre, qui viendront voir qui représente qui. Ça, on n'a pas de problème.

M. Chevrette: Quel délai vous nous donnez?

M. Dugas (Arnold): Moi, je pensais à la fin du mois d'août mais c'est... Si la liste est prête au 15 juillet, nous autres, à la fin du mois d'août, on serait prêts.

M. Chevrette: Parce que la liste est soumise à la Commission des transports dans la loi. Il faut que je m'organise puis que ça soit réaliste. En juillet, vous savez ce qui se passe dans tout le Québec. Ce n'est pas que dans la construction, vous le savez, il y a un 15 jours, là, on garde du personnel en place pour répondre à un téléphone par jour. En tout cas, c'est un ordre de grandeur, mais si vous me dites fin août, c'est déjà moins pire que le 15 juillet et puis j'espère que vous allez vous rapprocher du 15 septembre. Allez-vous me faire une crise si je mets 15 septembre?

n(15 h 20)n

M. Dugas (Arnold): Bien, là, on ne fait jamais de crise, nous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dugas (Arnold): On élève la voix de temps à autre puis on fait une petite manif pacifique de temps en temps, mais pas plus que ça.

M. Chevrette: Ah, pacifique?

M. Dugas (Arnold): Toujours.

M. Chevrette: C'est bien, ça. Gardez ce rythme-là.

Deuxième question que je veux vous poser, c'est la cotisation. Vous avez expliqué que vous ne voulez pas vous voir imposer une cotisation par la loi, mais bien le respect des chartes, je suppose, de chacune de... Est-ce que c'est bien l'interprétation qu'on doit faire de ce que vous avez dit?

M. Dugas (Arnold): Oui, c'est ça, c'est exactement ça. Parce que les gens... c'est en fonction des services qu'on va donner. C'est sûr qu'on ne peut pas non plus imposer n'importe quelle cotisation. Puis c'est sûr que le ministre, si, à un moment donné, la cotisation devient obligatoire, on a un regard là-dessus, là. Mais il faudrait qu'il y ait une certaine liberté au niveau des associations en fonction de leur constitution puis de leurs règles.

M. Chevrette: O.K. Maintenant, la cotisation obligatoire. Vous avez bien compris que, dans le projet de loi, ce n'est pas automatique, c'est suite à un vote précis et ça prend une majorité. Est-ce qu'on s'est bien compris là-dessus? Parce que je ne veux pas avoir de surprise après. Je veux savoir si on a bien compris le sens de la loi là-dessus.

M. Dugas (Arnold): Nous autres, on a très bien compris ça. Mais c'est pour ça que, aussitôt qu'on aura ? la majorité des 5 000 ou dépendamment de la liste ? obtenu 50 % et plus, la cotisation sera obligatoire. Ça, on a compris ça.

M. Chevrette: Dernière question en ce qui me concerne, c'est: Quels sont les types de services que vous pensez que vous pourriez rendre?

M. Dugas (Arnold): Je vais laisser Mario répondre. Ceux qu'on a déjà, là, pour nous autres, c'est très clair, puis Richard...

M. Chevrette: Oui, ceux que vous offrez et ceux qui pourraient s'ajouter. Je voudrais bien me faire une idée.

M. Sabourin (Mario): Bon, actuellement, il y a les services juridiques qu'on offre. Qu'il se passe n'importe quelle situation, on analyse les dossiers puis on fait du «coaching» là-dedans; donc, on leur donne un coup de main. O.K. Il y a aussi au niveau de leur contrat, on offre un service là-dessus. Il y a toute la formation rattachée au transport ou les lois aussi, on s'assoit avec eux et on s'assure que tout est bien compris. Donc, il y a une formation là-dessus. Il y a les services coops au niveau des achats, on se regroupe ensemble, au niveau des assurances, des services qu'on offre actuellement qui sont en place et les services nécessaires. On a un service de 24 heures, quand ils sont mal pris sur la route ? ils peuvent nous appeler 24 heures ? on peut leur donner un avocat pour les défendre, les représenter partout en Amérique du Nord. Richard, si tu veux compléter.

M. Chevrette: Concernant le contrat type ? parce que le contrat type, on veut le créer, on veut le définir ? les éléments du contrat type ne sont pas là. Qu'est-ce que vous voyez dans ça?

M. Dugas (Arnold): Au niveau du contrat type, là, nous autres, on pense que ça doit venir après la loi, discussions à la table... Parce que c'est compliqué puis il faut s'assurer aussi que... Celui qui a seulement un camion puis qui est propriétaire de sa petite entreprise, il peut être pénalisé par rapport à l'ensemble des gros transporteurs. Pour nous autres, c'est important de s'asseoir puis de définir les règles, puis selon leurs besoins à eux. Puis on sait que, à l'heure actuelle, ils peuvent avoir certains problèmes. Mais c'est pour ça que dans notre mémoire, dans notre présentation, on dit: Ça, là, ça devrait s'en aller à la table permanente puis tous les intervenants en discuteront ensemble pour essayer de définir. Parce qu'on ne veut pas non plus empêcher les propriétaires uniques de se faire exclure du marché. Veux-tu rajouter quelque chose?

M. Grisé (Richard): Puis si on revient au but premier de, un, de la commission Bernier et, deux, du projet de loi aujourd'hui, le contrat type, ce qu'on vise dans le contrat type, en fait, c'est d'avoir certaines clauses fermées. Nos camionneurs, nos membres, sont des gens qui souvent sont pris à partie puis ils n'ont pas toujours les outils. Ces gens-là, comme vous le savez, gèrent leur entreprise de leur camion à 1 500 milles de leur résidence et ainsi de suite. Alors, quand arrive, par exemple, la crise du pétrole comme on vit présentement, quels outils ces gens-là ont, sinon d'avoir inclus des clauses pour prévoir certaines indexations? Ils n'ont pas les moyens de se payer, ils n'ont pas le temps non plus de se payer des avocats pour revendiquer leurs droits. Et ce sont des clauses qui doivent être absolument incluses dans le contrat type.

C'est la même chose pour le calcul du kilométrage ? on le mentionne dans le mémoire d'aujourd'hui ? on ne peut pas s'en aller puis laisser le choix du calcul parce que, bien souvent, il y a eu ? et il y en a encore, malheureusement ? certains abus alors qu'il y a une grande différence entre le kilométrage parcouru fidèlement par un camionneur et la méthode de calcul du transporteur ou du donneur d'ouvrage. Alors, à l'intérieur de ce contrat type là ? bien sûr qu'il est loin d'être terminé ? il ne faut pas perdre de vue jamais ? puis que je suis persuadé que vous gardez ça toujours en vue, M. le ministre ? qu'il faut donner des outils permanents à ces gens-là parce qu'ils n'en ont pas, d'outils, s'ils sont laissés à eux-mêmes. Et c'est un des grands problèmes qu'ils vivent, ces gens-là, présentement.

M. Chevrette: Dernière petite question: La clause antiroulement, je ne sais pas trop comment vous l'avez appelée... antidétournement. J'aimerais vous entendre de façon plus explicite là-dessus.

M. Néron (Jean-Pierre): L'objectif, c'est que notre mémoire dit: Voilà, il y a eu beaucoup de discussions à savoir c'était quoi, le statut qu'on allait donner aux camionneurs propriétaires. Alors, il y avait des gens qui disaient: On a deux camions, trois camions, cinq camions, etc. Et l'objectif, naturellement, vise à protéger des petits propriétaires. À un moment donné, pour nous, à la FTQ, on avait dit: C'est un seul camion qui va être protégé, le propriétaire d'un seul camion. Alors, les gens sont arrivés, ils ont dit: Oui, mais qu'est-ce qui se passe si, finalement, ils font face à ces gens qui décident de dire: Bien, écoute, je t'aurais bien donné du travail mais je vais être obligé de respecter le contrat; donc, je ne te donnerai pas le travail parce que tu as un seul camion mais, si tu avais deux camions, peut-être que je te donnerais du travail.

Alors, on s'est dit: On veut avoir une disposition qui va faire en sorte que, si jamais l'industrie change et décide, on pourrait dire, de ne plus donner de contrat à ces camionneurs propriétaires d'un seul camion, on veut une protection dans la loi. C'est-à-dire qu'il y aura une clause qui fera en sorte que, si on en vient à la conclusion que délibérément une entreprise écarte nos camionneurs propriétaires, on pourra prendre un recours devant un arbitre, c'est-à-dire on pourra imposer finalement un certain nombre de sanctions, un peu comme un arbitrage, et on veut que ça soit quelque chose de relativement simple.

Puis, une des objections de la part des donneurs d'ouvrage, c'est qu'ils ont dit: Oui, mais on a peur que les camionneurs propriétaires, à tout bout de champ, nous poursuivent, etc. Alors, on a mis ça sous la responsabilité du syndicat de la même manière qu'un grief. Vous étiez syndicaliste, M. le ministre, bien, c'est la même chose, c'est-à-dire le grief, ça appartient au syndicat, les syndiqués peuvent faire un grief quand ils veulent, etc., mais le syndicat a toujours la faculté d'agir avec discernement pour dire: Est-ce qu'on va mener ce grief-là à l'arbitrage? Alors, ça, c'est ce qu'il y a, finalement, dans les grandes lignes de cette clause-là.

Alors, nous, on souhaite qu'il y ait cette disposition-là pour envoyer un message très, très clair aux donneurs d'ouvrage puis aux intermédiaires, en tout cas à tous ceux qui vont donner du travail à nos camionneurs propriétaires, de dire: Ne vous amusez pas à ça parce que, éventuellement, il y a des dispositions dans la loi qui vont protéger ces gens-là. C'est ça que ça vise, et par quelque chose qui nous semble assez simple, qui ressemble étrangement à l'arbitrage qu'on connaît au niveau des griefs.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais d'abord juste, comme première question, vous demander ? c'est parce qu'on a eu une discussion ce matin à ce sujet-là ? et je voudrais savoir: Pour vous autres, le forum qui serait créé, le forum permanent comme tel, est-ce que c'est une entité qui sera consultative au ministre ou qui sera décisionnelle?

M. Dugas (Arnold): Bien, nous autres, on pensait qu'il avait certains pouvoirs de décision, qu'il allait prendre certaines décisions en fonction de la loi puis en fonction des règlements qui vont être établis.

n(15 h 30)n

M. Bordeleau: C'est parce que, quand on regarde la loi, j'ai l'impression qu'il y a une ambiguïté là. En tout cas, ce n'est pas tellement clair. Quand on regarde la loi, on dit... On parle de faire la promotion des... O.K., c'est l'article 48.11.02. On dit: «...voir à l'élaboration de diverses ententes et conventions». Bon, voir à l'élaboration, ça ne veut pas nécessairement dire que c'est décisionnel, ça. Ça peut être à la demande du ministre ou... Ensuite, on parle de proposer au ministre des exigences, au 2°. On parle de promouvoir, auprès des intervenants de l'industrie du camionnage, bon, le respect des ententes et des conventions, de se prononcer sur les questions dont il se saisit ou qui lui sont référées par le ministre, puis d'établir un plan stratégique de ses travaux, ses priorités et ses résultats attendus.

C'est parce que, au fond, la discussion qu'on a eue ce matin, c'est que, tout dépendant du mandat qu'on veut donner à un forum comme ça... Si c'est consultatif et puis que le seul pouvoir que le forum a c'est de faire, sous une forme ou sous une autre, des propositions au ministre... On met en place toute une structure de représentations, avec des pourcentages et des votes, qui est assez complexe, si c'est pour être tout simplement une forme de forum consultatif...

Si c'est un forum qui est décisionnel, là, on comprend que toute la question des poids relatifs de chaque regroupement prend son importance, parce que, évidemment, je comprends qu'on veut, à l'intérieur d'un forum comme ça, que les différentes parties soient représentées en proportion de leur importance relative pour que les décisions reflètent, au fond, ce qui est approuvé par la majorité des militants via les regroupements qui les représentent.

Alors, c'est à ce niveau-là que j'aimerais avoir votre opinion, parce que j'ai l'impression que c'est... Quand on lit le texte, on ne voit pas tellement de pouvoir décisionnel, là-dedans, on voit des pouvoirs consultatifs.

Une voix: O.K. Vas-y, Jean-Pierre.

M. Néron (Jean-Pierre): Oui. Bien, je pense que c'est mixte. O.K.? Parce que, quand on lit, effectivement, où vous avez lu, on comprend que, à l'égard du contrat type... En tout cas, notre compréhension du projet de loi, c'est ceci, c'est de dire: Faisons une table, entendez-vous, allez au maximum, puis, si vous avez un consensus, bravo, on va l'entériner au niveau de la réglementation. Je pense que c'est ce qui est souhaitable. Si ça ne fonctionne pas, bien, à la limite, le ministre, le 1er octobre, pourra imposer un contrat type. O.K.

Mais, quand vous regardez plus loin, il y a des aspects décisionnels. Si vous allez à 48.11.14, là, on dit: «Le forum peut, par résolution, accréditer des personnes pour arbitrer, selon les règles du droit civil, des différends.» Alors, on a là, donc, quelque chose qui est décisionnel, puisque c'est le forum qui va faire cette démarche-là. Alors, je dirais que, oui, il y a un côté promotion, il y a un côté consultatif, et il y a un autre côté qui est certainement décisionnel.

M. Bordeleau: O.K. L'autre point sur lequel j'aimerais revenir, parce que ça nous a été mentionné à une couple de reprises, puis je voudrais bien saisir, là, de quoi il s'agit... Quand on fait référence à la cotisation, on nous a dit: Il faut que les gens qui sont impliqués paient pour, au fond, les dépenses que va occasionner le forum. Ça ne me semble pas si évident que ça.

C'est une cotisation qui est fixée par des regroupements, il y aura cinq regroupements qui représentent les routiers qui seront membres du Forum, il y aura trois regroupements du côté des donneurs plus les deux autres qui seront nommés sur suggestion par le ministre. Alors, est-ce que ces regroupements-là vont devoir payer, au fond, pour le fonctionnement du forum? Mais ce n'est pas l'ensemble des cotisations qui seraient ramassées à partir des membres qui vont être acheminées directement au Forum pour faire fonctionner le Forum. Est-ce que...

M. Dugas (Arnold): En tout cas, moi, je n'ai pas la même compréhension du Forum puis à quoi va servir la cotisation. Parce que la cotisation, c'est très clair, elle ne s'en va pas au Forum, elle reste aux associations.

M. Bordeleau: Oui, bien, c'est ça.

M. Dugas (Arnold): Puis pour donner des services...

M. Bordeleau: Non, mais pour être plus précis, je fais référence à, ce matin, une remarque que le ministre faisait à un moment donné quand on parlait... On disait, par exemple ? je ne sais pas, si je me trompe vous me corrigerez, M. le ministre: S'il y a 60 % des gens qui décident de se donner des outils et qui paient des cotisations, il ne faut pas que les 40 % des autres ne paient rien pour retirer les mêmes bénéfices. Alors, ça se faisait par ce biais-là, et c'était comme relié à l'existence du Forum comme tel. Alors, c'est à ce niveau-là que...

M. Dugas (Arnold): O.K. Ce qu'on a compris, là, c'est: 50 % plus un acceptent de payer une cotisation ou d'appartenir à l'association, à ce moment-là, les 100 % vont payer une cotisation. Je pense que c'est de cette façon-là que j'ai compris les explications du ministre puis ce qu'on a demandé au niveau de la table de concertation, où l'ensemble des parties, que ça soit les propriétaires ou l'ensemble des autres, étaient là. Puis tout le monde est d'accord avec ça.

M. Bordeleau: 50 %, bon, évidemment, ça va être les 100 % des membres qui vont devoir payer. Ça, c'est...

M. Dugas (Arnold): C'est ça, puis il faut qu'il y ait une majorité pour accepter qu'il y ait une cotisation qui soit payée.

M. Bordeleau: Deux autres questions qui sont reliées à ça. Est-ce que les regroupements comme tels vont devoir payer quelque chose au Forum, vont devoir financer le fonctionnement du Forum, sous une forme ou sous une autre?

M. Dugas (Arnold): Non.

M. Bordeleau: Il n'y aura pas de financement au niveau du Forum, ça va être assumé par le gouvernement au complet.

M. Dugas (Arnold): Ça ne sera pas très dispendieux.

M. Bordeleau: Non, non, je le sais, parce que, de fait, il y a une personne qui serait à temps plein, là...

M. Dugas (Arnold): Je comprends.

M. Bordeleau: ...le président. Les autres, c'est... O.K. Alors, l'autre point: on a parlé des membres. À partir du moment où la majorité des membres dans un regroupement décide de fixer une cotisation, évidemment 100 % des membres devront payer.

Il y a aussi, dans la question de la cotisation, une autre... On parle des adhérents, c'est-à-dire que ceux qui ne sont pas membres d'aucun regroupement, eux vont devoir payer aussi à un regroupement de leur choix.

M. Dugas (Arnold): De leur choix.

M. Bordeleau: Bon. Alors là, il y a une obligation, au fond, qui s'apparente un peu à une formule Rand où on oblige les gens à cotiser comme tel. Advenant que, dans les cinq regroupements, les cotisations ne soient pas les mêmes, est-ce qu'il n'y a pas un risque à ce moment-là que l'ensemble des adhérents, ceux qui seront forcés de payer la cotisation même s'ils ne sont pas membres, vont se diriger plus vers un groupe, celui qui va charger le moins cher, que sur les autres groupes?

M. Dugas (Arnold): On veut évaluer cette question-là. Pour nous, c'est une question de services. Librement, les gens vont choisir à quelle place aller. Même, à l'heure actuelle, on est plus cher, et il y a beaucoup plus de membres chez nous que dans toutes les autres associations. Nous, on n'est pas inquiets là-dessus, je pense que le monde est capable de se faire un jugement pour dire: Nous, on s'en va dans un endroit ou un autre, dépendamment des services qu'on veut obtenir.

M. Bordeleau: Selon vos estimés ? c'est parce qu'on a toutes sortes de chiffres, et j'aimerais avoir votre perception ? il y a combien de routiers, tel que défini dans la loi n° 135: propriétaires exploitants d'un seul véhicule qu'ils conduisent eux-mêmes? Il y en a combien dans la province qui font du transport général, qui seraient impliqués dans la loi n° 135?

M. Dugas (Arnold): Général. Transport général.

M. Bordeleau: Oui.

M. Dugas (Arnold): Nous, à l'heure actuelle, les chiffres qu'on a, c'est 4 700. Mais, nous autres, on dit que ça peut aller peut-être à 5 000, 5 500, là, dépendamment de la liste qui pourra être...

M. Bordeleau: Mettons 5 000, là, juste pour un chiffre rond.

M. Dugas (Arnold): 5 000, oui.

M. Bordeleau: Il y en a combien actuellement qui sont reliés à un regroupement quelconque au niveau des... Il y a différents regroupements qui existent. Il y en a combien, des 5 000, qui sont membres d'un regroupement?

M. Dugas (Arnold): En tout cas, présentement, ailleurs, on ne le sait pas, mais, chez nous, on le sait. Nous, on sait qu'on a fait signer, à quelques reprises déjà, des cartes de membre. On sait qu'on maintient une liste à jour du 32 $ par membre par mois, un chèque qu'on dépose à tous les mois à la banque, puis c'est volontaire. On en a à peu près 1 800 de ceux-là plus les autres membres qu'on a à l'intérieur de la coop. Puis il y a un autre taux de 100 $; on en a un autre 1 500, là.

M. Bordeleau: Mais vous n'avez pas d'idée?

M. Dugas (Arnold): Mais on ne peut pas savoir s'ils sont seulement dans notre association ou s'ils sont dans les autres associations aussi, là. Mais ça, c'est dépendamment comment on va déterminer comment on va pouvoir s'asseoir ensemble puis avoir les chiffres précis au niveau du gouvernement. Là, on va pouvoir savoir c'est quoi.

M. Bordeleau: Vous n'avez pas d'idée du nombre de routiers qui ne sont pas membres d'aucun regroupement, avant même que vous commenciez peut-être à faire signer des... au cours de la dernière année, on n'a pas de proportion, là, de...

M. Dugas (Arnold): Non, on n'a pas ces chiffres-là puis ils ne sont pas disponibles, là. Parce qu'on regarde dans l'ensemble du camionnage au Québec, là... Combien on en a au Québec?

Une voix: De camionneurs?

M. Dugas (Arnold): De camionneurs.

Une voix: À peu près 45 000.

M. Dugas (Arnold): 45 000 à peu près, 45 000 camionneurs. Ça comprend les grandes compagnies aussi, mais là-dedans il y en a qui ont cinq camions, il y en a qui en ont 10, il y en a qui en ont 20 ou 15. Ça fait que c'est difficile.

M. Bordeleau: O.K.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière, en vous signalant qu'il reste moins de cinq minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je vais faire vite. Je voudrais revenir sur la clause antidétournement. Vous dites, à la page 1 de votre mémoire: «Nous nous préoccupons du fait que certaines personnes soient tentées de contourner l'objectif de la loi qui vise essentiellement à protéger les camionneurs propriétaires d'un seul camion.» Et vous proposez la clause antidétournement comme solution à ce problème.

n(15 h 40)n

Je voudrais savoir si cette problématique que vous soulevez est une hypothèse ou est-ce que vous avez des faits qui vous amènent à croire a priori qu'il y aura des possibilités de discrimination à l'égard des camionneurs propriétaires. Et l'autre aspect que ça soulève chez moi, c'est que vous êtes en train de proposer une solution, la clause antidétournement, avec un tribunal d'arbitrage qui peut ordonner aux donneurs d'ouvrage de conclure avec le routier un contrat type, selon les modalités entendues entre les deux parties, puis qui peut également le forcer à réutiliser les services de routiers, et vous spécifiez un peu dans quel contexte.

Ça m'amène à dire que l'expéditeur, lui, il est limité un peu dans ses moyens, dans ses choix. Est-ce qu'on n'est pas en train de réglementer dans les moindres détails une relation qui, en principe, relève de la négociation? C'est un peu tout ça qui me préoccupe. Je voudrais vous entendre. Est-ce qu'on n'est pas en train de sacrifier, finalement, la souplesse de la négociation à une démarche qui est lourdement réglementée et qui empêche, justement, cette liberté de transaction?

M. Grisé (Richard): Pour répondre à vos interrogations, Mme la députée, dans un premier temps, il faut bien comprendre que, lorsqu'il s'agit d'une relation commerciale, la clause antidétournement n'a rien à voir là-dedans. Lorsqu'il s'agit d'une nouvelle négociation entre un donneur d'ouvrage et un routier, comme on l'appelle dans la loi n° 135, il n'y a aucun problème, et on ne croit pas que l'article d'antidétournement soit applicable.

Là où on a des craintes, c'est dans ce qui existe présentement. Et déjà nos membres commencent à subir des contrecoups d'une possibilité de l'application du contrat type. Et je m'explique. Si éventuellement, puis même actuellement, les gens viennent pour signer un contrat type avec un donneur d'ouvrage avec des clauses fermées, comme on les appelle, que ce soit, comme j'ai mentionné tantôt, indexation au niveau du carburant, kilométrage, et ainsi de suite, bien, le donneur d'ouvrage peut être tenté soit de ne pas renouveler l'entente de travail, de ne pas la signer, l'entente de travail, ou même aller jusqu'au point de changer une politique puis dire: Bien, à partir de maintenant, on va utiliser des propriétaires avec deux véhicules.

Puis on a vu ça dans le passé. Il y a des gens qui peuvent dire: Bien, écoute... À la fin des années quatre-vingt, qu'est-ce qu'on disait aux gens, aux chauffeurs? Je n'ai plus de job pour toi ? excusez-moi l'expression ? mais, si tu veux acheter ton camion, t'as du travail demain matin.

Alors, il n'y a rien qui va changer sur la planète, et on va simplement contourner en disant: Bien, écoute, je n'ai peut-être plus de travail pour toi mais, si t'avais un deuxième véhicule sous l'égide de ton entreprise, bien, j'aurais peut-être du travail pour toi cet après-midi. Et c'est ce qu'on veut empêcher, c'est ce qu'on veut protéger dans cet article-là.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci, M. le Président.

Une voix: Il me reste-tu du temps?

Le Président (M. Lachance): Bien, écoutez, M. le député, quelques secondes, 10 secondes.

M. Gauvin: Juste une courte question. J'aimerais, monsieur, si vous étiez capable de me définir, selon vous, qu'est-ce que représente le terme «donneur d'ouvrage»? Sans prendre trop de temps, on devrait comprendre la façon que vous voyez ça.

M. Grisé (Richard): Écoutez, un donneur d'ouvrage, ça peut être un expéditeur, un transporteur, un intermédiaire en transport. À partir du moment où il y a un transfert de responsabilité d'un mouvement de transport, la personne qui transfère la responsabilité du mouvement de transport devient un donneur d'ouvrage.

M. Gauvin: Et le contrat type sera toujours signé entre le donneur d'ouvrage et le propriétaire-camionneur.

M. Grisé (Richard): Exactement, entre le routier et le donneur d'ouvrage.

M. Gauvin: D'après vous. C'est votre perception.

M. Grisé (Richard): C'est ça.

Le Président (M. Lachance): Alors, c'est tout le temps dont nous disposions. Merci pour votre présentation à cette commission parlementaire, messieurs de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

J'invite maintenant le représentant de l'Association du camionnage du Québec à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Me Rouette, à cette commission. Vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Association du camionnage du Québec (ACQ)

M. Rouette (François): Je tiens à vous remercier, M. le Président, M. le ministre, Mmes les députées et tout le monde qui siège à cette commission. Je suis porteur des excuses du président de l'Association du camionnage, M. Serge Leclerc, et du vice-président exécutif de l'Association, Me Claude Pigeon. Lorsqu'ils ont appris la date de la tenue de la présente commission, elle était conflictuelle avec une assemblée de l'ACQ qui était projetée depuis longtemps et qui se tenait à Chicoutimi. Donc, ils m'ont fait l'honneur de me déléguer, dans l'espoir que je traduise bien leur pensée plutôt que de trahir les propos.

Alors, d'entrée de jeu, l'Association du camionnage du Québec tient à remercier M. le ministre Guy Chevrette de lui fournir l'occasion de s'exprimer sur le projet de loi n° 135. L'ACQ est bien au fait des préoccupations ministérielles qui ont présidé au dépôt du projet de loi précité, ayant d'abord participé, à titre d'organisme membre du groupe consultatif, aux travaux du comité d'experts sur le statut des camionneurs propriétaires et ensuite à ceux du comité technique du Forum sur le camionnage auquel, par ailleurs, le projet de loi n° 135 conférerait un caractère permanent en l'institutionnalisant.

En tout temps, lors des travaux des divers comités constitués pour discuter du statut des camionneurs propriétaires ? qui sont désignés sous le vocable de «routiers» au sein du projet de loi n° 135 ? les représentants de l'ACQ y prenant part ont préconisé le statu quo, notamment en raison de la nécessité que soit maintenue la souplesse opérationnelle dont les entreprises de camionnage contemporaines ont besoin pour être en mesure d'adapter rapidement leurs offres de service à la mouvance des marchés desservis et dont les confins sont sans cesse repoussés.

De même, les interventions de l'ACQ ont-elles toujours mis en relief la primauté de la question de la sécurité routière et de la protection du réseau routier et soutenu que l'ensemble des efforts de tous les intervenants de l'industrie du camionnage étaient requis à cet égard, rien ne devant détourner l'attention du but que s'était fixé le législateur par l'adoption de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

Tant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds que les intermédiaires en services de transport et les requérants de services, s'ils désiraient s'inscrire dans la poursuite des objectifs dénoncés par cette loi, se devaient de prendre des mesures et des moyens témoignant de leur désir commun, qui de poursuivre leur route vers l'excellence, qui de s'affranchir de manières de faire incompatibles avec le niveau de comportement à atteindre.

Pour l'ACQ, la formation était et demeure la clé. L'inventaire des mesures à implanter puis des moyens à prendre ne peut avoir lieu avant que soient acquises les connaissances pertinentes à l'exercice compétent de l'activité exercée ou qu'on projette exercer.

Pour le gestionnaire d'une entreprise de camionnage, qu'il soit routier, au sens du projet de loi n° 135, ou propriétaire et/ou exploitant d'une flotte de plusieurs véhicules lourds, cela s'entend tout autant de la connaissance des obligations découlant de l'ensemble des lois et règlements régissant le camionnage que de la connaissance de l'industrie elle-même, de ses exigences et contraintes et des avantages et inconvénients qui en sont tributaires.

Selon nous, la formation est la mission première à l'exécution de laquelle devrait s'astreindre toute association ou tout regroupement d'intervenants de l'industrie du camionnage dont la raison d'être doit prendre sa source dans le motif qui, initialement, devrait en avoir justifié la création: savoir assister ses membres dans leur cheminement vers la compétence.

L'ACQ ne s'est jamais montré réfractaire à l'idée d'un encadrement dont l'effet premier serait de servir de guide dans les rapports commerciaux entre les exploitants de véhicules, les intermédiaires en services de transport et les requérants de services, d'une part, et les entreprises des routiers, d'autre part, et qui, par l'énoncé clair des droits et obligations de chacune des parties, favoriserait l'éthique sous le sceau duquel ces rapports commerciaux devraient s'établir.

n(15 h 50)n

Par contre, nous avons toujours soutenu que cet encadrement, s'il devait exister, ne pouvait conduire à autre chose qu'à l'établissement de stipulations propres à un contrat de nature commerciale intervenant entre deux entreprises négociant librement et individuellement, les obligations leur incombant réciproquement en vertu de ces stipulations.

Au surplus, nous avons constamment répété que nous ne pouvions souscrire à un tel encadrement que s'il était opposable à tous les routiers qui, à un moment ou à un autre, agissent en cette capacité au Québec ainsi qu'à tous les exploitants de véhicules lourds intermédiaires en services de transport et requérants de services qui contractent avec ces routiers. L'équité concurrentielle dictait en effet qu'il en soit ainsi, sinon on risquait d'ériger, pour les seules entreprises du Québec, des obstacles à l'exercice de leurs activités commerciales, obstacles qui n'auraient pas manqué de soulever un tollé de protestations si elles avaient été l'oeuvre de juridictions autres que le Québec.

Ces conditions continuent de prévaloir au moment où nous étudions le projet de loi n° 135 et vous faisons part des commentaires qui suivent. Notre compréhension est à l'effet qu'en raison de réalités juridictionnelles et constitutionnelles incontournables le projet de loi n° 135 ne peut satisfaire à ces conditions. Nous sommes certes d'accord avec l'approche sous-jacente au projet de loi n° 135; on y discerne clairement l'intention de privilégier la concertation et le commun accord aux dépens de la confrontation et de la coercition. Toutefois, nous y voyons également la cristallisation des réserves que nous avons maintes fois exprimées quant à l'opportunité d'une intervention législative en ce domaine.

Vous comprendrez dès lors que le fait que nous soumettions des commentaires à cette commission ne peut être interprété comme signifiant que l'ACQ avalise le projet de loi n° 135. Nous ne le dénonçons pas pour autant, reconnaissant en cela que toute initiative dont l'objet est d'améliorer les rapports commerciaux entre exploitants de véhicules lourds, intermédiaires en services de transport et requérants de services, d'une part, et les entreprises des routiers, d'autre part, mérite d'être saluée.

Au niveau des commentaires, le mémoire que nous avons préparé les subdivise par rapport aux articles ou sections qui ont retenu notre attention de façon particulière. Les articles dont nous ne traitons pas dans le mémoire ne suscitent pas de commentaires soit parce qu'ils relèvent de l'organisation qui, selon nous, ne semble pas incompatible avec une façon de faire les choses dans le contexte actuel ou soit qu'ils relèvent plus du fonctionnement interne des éventuels regroupements de routiers. Et vous comprendrez que nous considérons que nous n'avons pas nécessairement à aller pacager dans leur terrain, le nôtre nous suffit amplement.

Alors, vous allez ici voir d'abord un commentaire quant à l'article 1: c'est celui de la démonstration des connaissances des personnes s'inscrivant pour une première fois au registre des propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Nous sommes d'accord avec le fait que quelqu'un devrait démontrer qu'il a des connaissances. D'ailleurs, l'introduction du mémoire en parle. D'ailleurs, jadis, naguère ? et moi-même à titre personnel à une certaine époque ? nous avions réclamé qu'il y ait un véritable test de connaissances qui soit fait avant que quelqu'un puisse avoir accès au marché. Par contre, nous avons un petit peu de difficulté, même beaucoup de réserves dans une certaine mesure, avec la manière dont cela doit être fait. C'est entre les mains du ministre, alors que pourtant c'est auprès de la Commission des transports du Québec que les gens s'inscrivent. Auprès de la Commission des transports du Québec, ils doivent faire état des mesures puis des moyens qu'ils ont mis en place pour être capables d'atteindre un bon niveau de comportement.

On craint qu'il y ait un dédoublement des tâches, et nous soumettons qu'on pourrait peut-être arriver à ce test des connaissances strictement en l'intégrant dans le formulaire d'inscription au registre des propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Il pourrait, pour un premier inscrit, devoir être passé sous supervision. Je vous dis ça pour éviter les problèmes que l'Ontario a connus lors du questionnement de son CVOR. Il y avait un cahier corrigé de réponses, un peu comme à l'époque, lorsque nous avions la traduction de la guerre des Gaules, on réussissait tous à avoir une version latine qui était marquée d'une forte note. Alors, les gens ont tous passé parce que le test de connaissances équivalait à rien. Mais c'est possible, sans alourdir le processus.

Sur la constitution du Forum, on s'intéresse d'abord et avant tout au nom du Forum. C'est peut-être des modifications de concordance, mais pour autant que les définitions qu'on suggère demeurent substantiellement les mêmes, le Forum devrait s'appeler le «forum des intervenants de l'industrie du camionnage général», puisque «industrie du camionnage général» est défini dans la loi comme comprenant les donneurs d'ouvrage, les routiers, les exploitants de véhicules lourds, etc.

La définition de transport routier des marchandises. Bon, on prévoit que certaines marchandises pourraient être exclues, donc la loi ne s'appliquerait pas, et ça serait par décret. Nous avons déjà eu vent que le domaine du vrac, qui a été longtemps un problème qui semble s'être résorbé à la satisfaction de la plupart, serait exclu. Bon, c'est bien. Mais, moi, j'ai à l'idée aussi les gens qui font du transport de lait, de la ferme à une première usine de transformation, qui sont déjà tous assujettis à des contrats négociés par des gens qui sont mandatés, puis c'est approuvé par la Régie des marchés agricoles. Mais quels seraient les cas? Il serait peut-être intéressant de le savoir, puisqu'il y a peut-être une question de légitimité. Le sait-on présentement, et pourquoi? J'imagine que, chemin faisant, nous l'apprendrons.

La définition de routier. Alors là, c'est un sujet un peu plus sensible. La première question que nous posons là-dessus, c'est que nous faisons référence à une personne propriétaire d'un camion immatriculé au Québec. On sait que, évidemment, les certificats d'immatriculation des camions pour les résidents du Québec sont émis par la Société de l'assurance automobile du Québec. Par contre, les transporteurs de l'extérieur du Québec, ailleurs au Canada, en vertu d'une entente de réciprocité pancanadienne, paient des frais au Québec, qui leur confèrent le droit de circuler. Bientôt, en vertu du programme IRP, qui est «International Registration Plan», auquel le Québec a adhéré ce printemps, les gens des États américains verseront aussi des montants au Québec. Qu'entend-on par ça? Entend-on strictement un certificat d'immatriculation émis au Québec? J'aurais tendance à croire que c'est ce dont il s'agit, mais pour éviter par anticipation des problèmes, il serait peut-être mieux de le prévoir.

Maintenant, une personne se qualifie à titre de routier si sa principale activité, dans le cadre de son entreprise, consiste à conduire le camion-tracteur dont elle est propriétaire. On nous a dit que «principale activité», ça voulait dire plus de 50 % du temps. J'ai une grave inquiétude à cet égard. Il n'existe pas, à ma connaissance, de données objectives qui permettent de déterminer qui conduit son camion plus de 50 % du temps. Automatiquement, on risque d'avoir des problèmes à cerner si la personne est un véritable routier au sens de la définition. Pourquoi? Bien, si elle conduit 30 % du temps, elle ne l'est pas. Si elle conduit 60 % du temps, elle l'est. Comment allons-nous vérifier ça?

On a fait allusion aux fiches journalières, communément appelées «logbook». Je vous dirai que je n'y crois pas, tout simplement parce que les fiches journalières comportent les heures de conduite mais aucune référence par rapport à d'autres choses. Et il faudrait sans doute vérifier les fiches journalières de toutes les autres personnes qui ont été appelées à conduire le même véhicule pour être capable d'établir le pourcentage. Puis, au surplus, il y a tous les cas où les gens ne sont pas tenus par la réglementation de tenir des fiches journalières ou des «logbooks».

Ça prend des normes. S'il n'y a pas de normes, vous allez avoir une liste où, effectivement, des gens vont usurper le titre de routier, tel qu'il est prévu. Et ces normes, je crois qu'il appartient aux gens qui entendent dire que les gens sont membres du regroupement d'établir avec précision que ces gens-là rencontrent les critères.

Il faudrait également exclure la possibilité de faire deux routiers avec un seul camion-tracteur. Il serait possible d'avoir de la copropriété d'un camion et que chacun des propriétaires du camion, sa principale activité, c'est de le conduire. Pendant les trois jours de la semaine, c'est un, pendant les quatre jours de la semaine, c'est un autre. Alors là, on va avoir deux routiers avec un même camion.

Et, finalement, la loi devrait prévoir de façon spécifique qu'elle ne s'applique pas à un routier visé par une accréditation ou un décret de convention collective. Ça existe, il y a déjà tout un régime en place, soit parce qu'on a réussi à les accréditer, soit parce qu'effectivement, en vertu du décret soit de l'industrie du camionnage de la région de Montréal, soit celui de l'industrie du camionnage de la région de Québec, il y a des routiers qui se trouvent à être couverts et assujettis. Donc, on ne doit pas faire double emploi, et tous ces gens-là devraient être exclus.

n(16 heures)n

Dans le cadre du mandat du forum, nous vous disons ? et c'est paradoxal ? qu'il est à la fois large et trop précis. Je pense que les sujets dont on parle devraient être mentionnés à titre indicatif seulement, être tirés sur la table du Forum: Voici ce que nous vous suggérons qui devrait faire l'objet de vos discussions. Si on cherche désespérément à être précis, ce qui va se produire, c'est qu'il va y avoir des querelles d'interprétation énormes sur la portée de ce qu'on vise par rapport à ça.

Le Président (M. Lachance): Conclusion, M. Rouette.

M. Rouette (François): En conclusion, on a un autre problème extrêmement important, c'est celui du fait que la loi est une loi adoptée par l'Assemblée nationale, qui n'aura aucune emprise sous aucune entreprise de juridiction fédérale. Ce qui veut dire qu'à l'heure actuelle, au moment de la constituer, la liste de la Commission devrait être amputée, et j'entends des chiffres comme 4 700. Ce n'est pas 4 700 routiers au Québec qui ont des entreprises de juridiction provinciale. Entre 80 % et 90 % des entreprises de routiers et des entreprises de camionnage avec lesquelles ces entreprises de routiers font affaire sont des entreprises de juridiction fédérale auxquelles la loi ne s'appliquera pas. Aucune liste, donc, ne devrait comporter ces gens.

Je suis disponible pour répondre à vos questions et je suis certain que, des soirs d'insomnie, vous vous ferez un plaisir de lire le mémoire au complet.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. Rouette. Je voudrais saluer aussi, par votre intermédiaire, M. Pigeon et M. Leclerc, avec qui on a eu des échanges sur le projet de loi.

Maintenant, j'aurais une question assez précise. Étant donné que vous n'avez pas eu le temps de faire le tour de tous vos commentaires, je vais vous offrir l'opportunité de le faire un peu. Tout d'abord, le mandat du Forum. Je vais partir de là, parce que vous en étiez là, et je pense qu'il serait intéressant de vous entendre sur le mandat, parce que c'est là que votre commentaire est le plus substantiel dans votre mémoire et vous n'avez pu l'aborder.

M. Rouette (François): Pour ce qui est du mandat du Forum, évidemment, je pense que le Forum doit avoir beaucoup de souplesse opérationnelle, il doit pouvoir être capable de se saisir de choses et de déterminer. S'il est trop indicatif, en fait, même coercitif, dans le fond, vous devez parler de ça exactement et en ces termes-là. Le Forum ne vivra que le temps nécessaire pour le dissoudre. Si on veut qu'il y ait une possibilité de discussions, véritablement, on doit mettre sur la table des sujets que les gens doivent aborder mais on ne doit pas, dans le projet de loi, les astreindre à les aborder dans les termes dans lesquels ils sont prévus. On devrait garder ça de façon un peu plus générale.

Bon, regardez. On nous dit: Prévoir dans les conventions et les ententes des mesures garantissant paiement pour les services rendus par les routiers. On est même d'avis que, même à titre indicatif, ça ne devrait même pas être un sujet qui devrait être là. Ce dont on nous parle, c'est d'avoir dans des conventions quasiment des mesures d'assurance créances. Il n'y a pas personne qui est en entreprise qui a des mesures d'assurance créances. Il gère bien son entreprise, il s'assure que ses recevables ne montent pas trop haut, mais tu n'as pas d'assurance créances à moins qu'on se crée une mutuelle d'indemnisation pour voir venir les mauvais coups. Et ça, d'après moi, ça fait partie des services qui devraient être rendus par les regroupements de routiers. Si les gens décident de payer les primes inhérentes à l'établissement d'une mutuelle d'indemnisation, il leur appartient de le faire.

Le partage des risques financiers, c'est une expression qui déjà, à prime abord, porte à confusion. Ce dont on veut parler, c'est de savoir: Qui va devoir payer les postes de péage? Qui va devoir supporter le kilométrage à vide? Qui va faire ci? Qui va faire ça? Je pense qu'on devrait faire extrêmement attention dans le cadre du mandat pour éviter de coincer les gens.

Vous avez la détermination du kilométrage réellement parcouru. J'ai eu le bonheur de gagner une cause où on nous a poursuivis pour 300 000 $ pour du kilométrage réellement parcouru. Et on en était rendu à se demander à quelle distance était Landover, Maryland, de Luceville, cette semaine. Ce n'était jamais la même distance qui était parcourue, puis c'était pourtant toujours les mêmes routes qui y menaient, puis c'était toujours exactement chez le même client. Je pense qu'on devrait, par mesure de précaution, se référer à la détermination du mode utilisé pour établir le kilométrage payable. On doit s'entendre sur la manière dont on doit effectivement comprendre que ça doit être payé.

Je pense que le Forum a un mandat de discussion, de réflexion. Il y a de chaque côté de la clôture des gens qui ont des expériences particulières et qui peuvent enrichir l'expérience de leurs vis-à-vis. Que le Forum ? et c'est ce que je crois que le ministre est en train de créer ? devienne un endroit de réflexion, un «think tank», si vous me permettez l'expression, je n'ai rien contre ça, l'Association n'a rien contre ça, même c'est souhaitable. Mais si ça devient le tremplin de revendication, là, on se reconduit au point de départ. Alors, moi, j'aime beaucoup l'idée d'un forum qui pourrait arriver à un consensus et faire une recommandation sur la manière dont les choses devraient fonctionner par la suite. Surtout qu'on lui demande de faire la promotion de certaines choses.

Je vous l'ai dit, ça ne s'appliquera pas aux entreprises de juridiction fédérale. Je ne pourrai jamais, à titre de procureur de l'ACQ, et l'ACQ ne pourra jamais à l'égard de ses membres s'abstenir de le dire. C'est de la désinformation. Je devrai le dire. Mais, une fois que je l'ai dit, si on a pu atteindre un consensus, au Forum, à l'effet qu'on a créé quelque chose de bien, quelque chose de bon, un document qui est utile dans des relations commerciales, un document qui est marqué au sceau de l'éthique, oui, on va en faire la promotion.

Je le sais, que vous n'êtes pas forcés de le faire, mais on vous le suggère fortement, parce qu'il s'agit là d'un bel outil. Si on teinte autrement le mandat du Forum, je suis convaincu qu'on n'y parviendra jamais, et chacun va se retrancher sur ses positions, et il y aura à ce moment-là plus de guerres de tranchées que ce qu'on a connu encore à venir jusqu'ici. Je pense que tout le monde veut tenter de les éviter, mais il faut savoir exactement où on va avec ça.

Mais quand on doit proposer par la suite des choses au ministre, on ne pourrait pas lui proposer des exigences devant s'appliquer ? j'en fais le commentaire ? parce que les exigences vont appartenir à un règlement, règlement qui ne serait adopté que si effectivement les gens ne se sont pas entendus au Forum. Alors, ne venez pas me demander de faire la promotion de quelque chose sur quoi je ne me suis absolument pas entendu au Forum puis qui, par la suite, m'était imposé.

M. Chevrette: Vous dites que ? à la page... je vais le trouver, là ? la promotion des avantages sociaux...

M. Rouette (François): ...sur les avantages sociaux, M. le ministre...

M. Chevrette: Les services et les avantages sociaux.

M. Rouette (François): ...c'est, je pense, sur le 48.11.17.

M. Chevrette: Oui. C'est parce que ? «nous croyons que l'emploi du mot "promotion" trahit les fins visées» ? ...

M. Rouette (François): Oui.

M. Chevrette: ...j'aimerais ça que vous me parliez de la trahison.

M. Rouette (François): Il n'y a rien de séditieux, toutefois, dans l'emploi du mot. Je dirai que pour faire la promotion de quelque chose, il faut d'abord que le service existe. Je vais faire la promotion de mon service de réparation de voiture, mais je vais toujours bien le mettre sur pied, d'abord. La promotion, c'est une publicité, on cherche à attirer la personne, mais encore faudrait-il que ça existe. Et moi, ce que je ne voulais pas dans le mot «promotion», face à «services et avantages sociaux» pour les routiers, je ne voulais pas qu'on se retrouve dans une situation où on dise: Je vais faire la promotion que les gens te donnent des avantages sociaux.

Alors, moi, je pense... Et je rattache ça avec votre commentaire, peut-être, avant que vous puissiez le faire vous-même, M. le ministre, à l'effet que... Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir quelque chose qui est déjà en place avant qu'on détermine la représentativité des gens? Bon. Alors, offrez les services, fournissez les services, laissez les gens aller magasiner librement, pour savoir celui qui semble être le plus attrayant, puis, après ça, on pourra déterminer d'une façon un peu plus correcte la représentativité.

D'autant plus que la date du 15 juillet ? j'en fais mention dans le mémoire ? m'apparaît totalement irréaliste avec l'ensemble des vérifications qui doivent être faites pour savoir si c'est véritablement sa principale activité, pour savoir si la personne qui est sur une liste n'est pas déjà couverte par une accréditation, un décret puis une convention collective, pour savoir si elle est de juridiction provinciale. Je ne suis pas convaincu que c'est une tâche aisée, puis c'est ce qui nous fait craindre aussi que la Commission des transports ait à divertir trop d'effectifs pour le faire et compromette son rôle face à la loi n° 430 qu'on considère primordiale, toujours.

n(16 h 10)n

M. Chevrette: Oui, ça, je vais y réfléchir, parce que, effectivement... À part de ça, si on suit les méthodes traditionnelles de travail de la Commission des transports, ça peut être long. Puis ce n'est pas faire injure à qui que ce soit, c'est un constat, purement et simplement. C'est quasi judiciaire, vous le savez, puis leur fonctionnement est très judiciaire. Je pense qu'au contraire il devrait y avoir des formules très souples pour faire le constat de liste. Ça peut se faire comme un décompte électoral, ça, ça peut se faire relativement vite avec 4 000 personnes ou 5 000, je ne sais pas, peu importe le nombre. J'ai l'impression qu'il y a des procédures souples qu'on pourrait regarder puis qui demanderaient peut-être un travail intensif, mais d'une quinzaine de jours, point final.

Mais on est porté à rester dans les sentiers battus, dans le fonctionnement. Je ne sais pas si on ne pourrait pas faire des suggestions, comme commission, d'endosser de temps à autre des procédures très souples et qui nous permettent d'avoir un portrait réel dans un temps relativement court. En tout cas, on verra, mais je suis porté à inviter les gens à sortir des sentiers battus.

Ceci dit ? mon message étant passé, il sera lu, j'en suis sûr ? je voudrais vous poser une question additionnelle sur l'inquiétude que vous aviez concernant l'article 48.11.17. Soulignons qu'il nous semble difficile, à moins qu'il n'y en ait qu'un seul qui soit reconnu, qu'un regroupement de routiers reconnu représente l'ensemble des routiers.

M. Rouette (François): Le texte nous dit qu'un regroupement de routiers a pour fonctions de représenter l'ensemble des routiers. Là, à moins que je m'y perde, je veux dire, comment peut-il représenter l'ensemble des routiers si, dans les faits, il a seulement un certain pourcentage des gens qui sont devenus membres de cette organisation-là, de ce regroupement? Il faudrait donc comprendre qu'il y en a d'autres qui représentent quelqu'un d'autre. Bon.

Mais vous voyez aussi que je ne suis pas friand de l'utilisation du mot «représenter». D'abord, dans un contexte de fonctions, «représenter» s'inspire d'un mandat, pas d'une fonction. Alors, je crois qu'effectivement on devrait enlever le mot «représenter». Ils ne représentent pas l'ensemble des routiers, ils ont des fonctions, et les gens qui y adhèrent, qui en deviennent membres, s'attendent à avoir là des services, et nous croyons qu'ils peuvent recevoir, effectivement, éventuellement des services de qualité.

Je le souligne, nous sommes très favorables à l'existence d'associations dont les fonctions premières seraient d'informer et de former leurs gens. On ne craint pas d'avoir un cocontractant avisé devant nous. Plus il est avisé au moment où il négocie avec nous, plus il va être avisé sur la route.

M. Chevrette: La difficulté vient du fait ? vous allez le comprendre facilement, vous êtes avocat ? qu'il y a le syndicat des routiers, vous savez que ça existe, et, dans une législation qui ne relève pas du Code du travail, l'utilisation des mots prend toute son importance, puisque c'est une association de type professionnel qu'on essaie de bâtir et on essaie de bâtir pour une clientèle bien précise, en plus.

C'est vrai que le vocabulaire devient plus restrictif parce qu'en forêt je pense que c'est un peu pire. Je me rappelle, en forêt, dans le vrac, si vous vous souvenez, là, on a des syndiqués directs de compagnie, comme la Consol avait ses syndiqués qui ont gardé leur permanence à vie, d'après ce que j'ai compris, il y a des contracteurs, des sous-contracteurs qui ont des syndiqués puis il y a des artisans en plus.

Puis il faut bâtir une loi pour donner une certaine protection à ceux qui n'en ont pas. C'est pour ça que le vocabulaire devient difficile à utiliser, parce que tu ne peux pas utiliser le vocabulaire du Code du travail parce que le Code du travail dit qu'il faut que tu sois salarié au sens du Code, et c'est bien défini. Donc, on a des moyennes acrobaties pour venir à bout de trouver une terminologie qui protège, qui va trouver son assise juridique dans une nouvelle loi pour des clientèles non couvertes. C'est pour ça que j'ai dit: Tout ce qui est syndiqué n'est pas touché par ça, parce qu'ils ont leur protection, leur accréditation. Ou tout ce qui est syndicable aussi, dans le fond, n'a qu'à faire des accréditations. Prenez ceux du fédéral; même une association québécoise pourrait accréditer un groupe québécois en fonction du code canadien, s'il relève de la juridiction canadienne.

M. Rouette (François): Les gens qui m'ont précédé en représentent d'ailleurs.

M. Chevrette: Je sais, mais ce n'est pas tout le monde, par exemple, qui comprend ça, parce que, à lire certaines pièces de journaux puis à entendre certaines déclarations, il y en a qui se trompent de Parlement de temps en temps. Mais notre devoir, c'est de le rappeler. Je vous remercie, M. Rouette.

M. Rouette (François): Ça m'a fait plaisir, M. le ministre.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Tout d'abord, au tout début de votre mémoire, vous nous parlez un peu du mandat du Forum comme tel. J'aimerais savoir... Le Forum comme tel, vous voyez son mandat de quelle façon? Puis je le relie à la question de la représentation, j'ai posé la question tout à l'heure. Si le mandat du Forum est consultatif, j'ai l'impression qu'on met en place un mécanisme avec des pourcentages de votes, tout ça, qui n'est pas nécessairement utile dans ce contexte-là. Si on voit le mandat du Forum comme décisionnel sur certains aspects, et si vous êtes d'accord avec ça, quels devraient être les aspects sur lesquels il devrait être décisionnel, bien là on peut comprendre mieux toute l'importance qu'on accorde à la pondération puis à la représentation des divers regroupements.

M. Rouette (François): Comme Me...

M. Bordeleau: Alors, j'aimerais avoir votre point de vue sur ça, comment vous voyez le mandat comme tel.

M. Rouette (François): Avec plaisir. Comme Me Néron qui m'a précédé, moi aussi, j'aurais tendance à le qualifier de mixte. D'abord et avant tout, il est consultatif, c'est-à-dire qu'il y a plusieurs éléments que le rédacteur a prévus qui font en sorte que le ministre peut s'adresser au Forum puis dire: Écoutez, j'ai des ressources ici, j'ai des gens qui ont de l'expérience, j'ai des gens qui ont un vécu particulier dans cette industrie. Comment regardez-vous ça puis comment verriez-vous, vous autres, une solution à ce problème-là? J'allais dire, peut-être, effectivement, des gens qui, sans faire partie de la fonction publique, peuvent le conseiller de la même façon que certaines personnes qui font partie de la fonction publique peuvent le conseiller parce qu'elles ont une expérience pratico-pratique de l'affaire. Donc, là-dessus, ils sont très consultatifs.

Mais je le vois décisionnel s'il obtient un consensus, par exemple, sur la composition d'un contrat type. Il décide. O.K. Et le mécanisme, tel que je le saisis, fait en sorte que les gens peuvent représenter des intérêts divergents ou des intérêts semblables, mais avec des modifications, dépendant des regroupements de routiers. Donc, selon leur poids, il est normal que celui qui en représente le plus, si ça fait plus son affaire que la convention soit rédigée de cette manière, ait plus de voix pour obtenir le résultat souhaité.

Et, là-dessus, sur la question de la répartition des voix, je n'ai pas nécessairement beaucoup de problèmes parce que ma compréhension, c'est qu'une fois que les gens, la majorité, selon la répartition des voix, auraient voté en faveur d'un projet sur lequel les gens se seraient entendus, ce projet sera décidé par le Forum. En cela, il aura un caractère décisionnel et il pourra le référer au ministre qui, par la suite, par décret, pourra décider effectivement: Voilà, c'est ça que les gens ont souhaité.

Il y a un avantage à ça, c'est qu'on est dans un domaine qui va extrêmement vite. Ce que je vous dis maintenant risque d'être obsolète dans quelque temps. J'aimerais avoir plus de pérennité dans mes propos, mais ce n'est pas le cas, pas dans le camionnage, pas avec la vitesse avec laquelle ça évolue. Ce qui va donc nous amener à faire en sorte que le Forum pourrait être appelé à se ressaisir rapidement puis à dire: Écoutez, ça ne marche pas, ça, là, on avait des bonnes intentions, mais, sur le plancher, il y a des accrocs, et refondre immédiatement un nouveau contrat type, y apporter les correctifs sur lesquels ils seraient capables de s'entendre. Puis, encore là, ce serait par décret. C'est beaucoup plus simple que par toute autre machination, si vous voulez.

Mais, par contre, je vous le dis, là, ça prend de la souplesse au niveau de la réflexion, parce que les gens qui vont se retrouver là ne sont pas réputés pour être des gens qui sont des pâtes molles, et donc, effectivement, vont avoir tendance à avoir des opinions assez fermes, et, si on les a trop campées et trop emprisonnées, la chicane va prendre.

M. Bordeleau: Mais ce que vous me mentionnez, vous dites... C'est parce que, ce matin, on nous disait: S'il y a un consensus, le ministre va l'entériner; s'il n'y a pas de consensus, c'est la responsabilité du ministre de trancher.

M. Rouette (François): Oui.

M. Bordeleau: Donc, pourquoi toute la dynamique des représentations en pourcentages? Si les gens s'entendent, qu'il y ait des proportions différentes, avec des votes calculés, avec des pondérations précises, si les gens s'entendent, le ministre va l'entériner; s'ils ne s'entendent pas, c'est le rôle du ministre de trancher. Alors...

n(16 h 20)n

M. Rouette (François): Bien, remarquez que je suis un petit peu mal placé pour défendre le mécanisme qui a été mis en place, je peux juste vous en expliquer ma compréhension. Ma compréhension, c'est que, en bout de piste, il y a peut-être plus de chances que les gens réussissent à avoir un consensus parce que la répartition des voix qu'ils auraient ne serait pas exactement la même et elle serait déterminée par rapport au poids qu'ils ont, chacun d'entre eux. Donc, à ce moment-là, il y a peut-être plus de chances d'obtenir un consensus plutôt que, finalement, tout avorte sur une question de virgule, de tréma ou de cédille. Alors, c'est comme ça que je le vois. Mais remarquez que...

Moi, comme avocat puis comme procureur de l'ACQ, je n'étais pas mal à l'aise avec le processus. Là où j'ai des problèmes, c'est d'être bien certain que la représentativité est fonction de savoir à qui la loi s'applique. O.K.? Parce qu'on ne peut pas sortir des... On ne peut pas, comme à une certaine époque électorale, fort heureusement très révolue, faire voter les morts, là.

M. Chevrette: C'est mon dossier.

M. Rouette (François): Ha, ha, ha! Oui, d'une autre commission. Donc, effectivement, il va falloir s'assurer que c'est là. Le jeu de la représentativité va se faire au moment de l'établissement de la liste. Il va falloir que la liste soit épurée et il va falloir que ce soit vérifié. Après ça, si les gens... Puis je ne me mêle pas de ça, ça ne me regarde pas, de la façon dont les syndicats, les associations devraient fonctionner. Je suis respectueux de leur champ d'action. Mais si on devait opter pour une représentativité déterminée après qu'ils aient offert des services, le système fera en sorte que les gens choisiront en fonction de celui qui leur présente les meilleures garanties et le moins de vent.

M. Bordeleau: Le temps passe rapidement, puis je voudrais juste aborder un autre sujet aussi. Dans votre mémoire, à la page 4, vous nous parlez de l'équité concurrentielle. Vous nous dites: «L'équité concurrentielle dictait en effet qu'il en soit ainsi, sinon on risquait d'ériger, pour les seules entreprises du Québec, des obstacles à l'exercice de leurs activités commerciales, obstacles qui n'auraient pas manqué de soulever un tollé de protestations s'ils avaient été l'oeuvre de juridictions autres que le Québec.

«Ces conditions continuent de prévaloir au moment où nous étudions le projet de loi n° 135, et nous vous faisons part des commentaires qui suivent. Notre compréhension est à l'effet qu'en raison de réalités juridictionnelles et constitutionnelles incontournables, le projet de loi n° 135 ne peut satisfaire à ces conditions.»

Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus, à ce moment-là, votre point de vue sur...

M. Rouette (François): O.K. D'abord, on a toujours cru que, évidemment, on ne pouvait pas créer un système par lequel il y aurait quelqu'un qui serait pris à faire quelque chose, alors que son voisin n'aurait aucune obligation de cette nature. On a dit: S'il y a quelque chose qui est imposé, ça doit s'appliquer à tout le monde.

Or, première chose: aucun routier de l'extérieur du Québec, mais qui vient au Québec sur une base régulière, ne sera assujetti à cette loi. Il n'y a rien qui empêche n'importe qui de faire un contrat avec un routier qui est immatriculé en Ontario puis qui a parfaitement le droit de circuler au Québec, qui a parfaitement le droit de faire des conventions au Québec, d'être assujetti à cette loi-là. Ce n'est pas un routier au sens de la loi. Donc, il y a un pan complet de ces gens-là qui est escamoté tout de suite en partant.

Deuxièmement, il faut prendre en note que ces gens-là ne sont même pas tenus, quand ils ont le statut de camionneur propriétaire pur et dur, c'est-à-dire qu'ils n'exploitent pas au Québec, ils ne font que fournir les services d'un camion avec chauffeur au Québec, de s'inscrire au registre des propriétaires exploitants de véhicules lourds. Il y a une exemption réglementaire; donc, ils ne sont absolument pas répertoriés. Alors, tous ceux qui ont ce statut qu'on appelle, dans les provinces de «common law» puis aux États-Unis, des «owners-operators», tous ces gens-là ne sont pas répertoriés, ils ne sont pas connus puis ils sont partout au Québec. Ça, c'est certain.

Ensuite, vous avez toute la question de la dimension des entreprises de juridiction fédérale. Pour les entreprises de juridiction fédérale, et selon les principes constitutionnels, il suffit d'offrir des services liant une province à une autre sur une base régulière, mais ça n'a pas besoin d'être un pourcentage important, que l'entreprise soit de juridiction fédérale et qu'un contrat de cette nature-là ne s'applique pas à elle parce que ça la viserait dans une partie vitale et essentielle de sa spécificité fédérale. C'est établi par la Cour suprême, c'est clair.

Donc, moi, je pars du principe que, sur les 4 700, honnêtement, il y en a 500 à 550 auxquelles la loi s'applique.

M. Bordeleau: Sur les 4 700.

M. Rouette (François): Dans les réalités juridictionnelles et constitutionnelles qui s'appliquent, pour moi, c'est à ça que ça conduit.

M. Bordeleau: O.K.

M. Rouette (François): Par contre, l'allusion aux obstacles, c'est que, si, effectivement, on est certain que ça s'applique aux entreprises de juridiction provinciale ? ça, on peut le prendre pour acquis, là, ça s'appliquerait aux entreprises de juridiction provinciale ? il faut se demander si on ne joue pas à l'encontre de l'Accord sur le commerce intérieur puis à l'encontre de l'ALENA. On ne peut pas adopter des dispositions qui auraient pour effet de faire un obstacle au commerce, sauf dans la poursuite d'un objectif légitime. Mais ce n'est pas faire obstacle au commerce pour toute partie à l'entente. Il ne faut pas penser que le Québec respecte l'ALENA ou respecte l'Accord sur le commerce intérieur quand il impose à ses seuls citoyens des contraintes. Il est partie à l'Accord, il ne peut pas faire d'obstacle au commerce plus à ses gens à lui qu'il peut en faire aux Ontariens. Alors, on a cru bon de mentionner cet élément-là. Si ça avait été imposé par une autre juridiction, on aurait eu une levée de boucliers par rapport à ça, mais là on est en train de se l'imposer, à nos seuls gens à nous autres.

M. Bordeleau: Vous croyez que ça pourrait être contesté si la loi demeurait telle qu'elle est, de ce que vous en avez vu?

M. Rouette (François): L'intérêt est la mesure des actions. Les gens qui ont l'intérêt prendront sans doute les actions. Ce n'est pas, dans mon cas, à titre de procureur de l'Association du camionnage, lorsque les événements se produiront... Et nous voulons continuer à participer au processus. Nous sommes peut-être optimistes, là, mais nous avons eu des signaux très positifs de la part de nos collègues des syndicats, qui, effectivement, jusqu'à temps que nous croyions qu'on ne peut pas en venir à quelque chose, à un outil dont on pourrait faire la promotion, entendent continuer à travailler dans le sens de l'approche sous-jacente au projet de loi. Mais, évidemment, il y a assez d'arguments ici pour que je puisse collecter des frais d'opinion juridique pour ceux qui seraient intéressés à faire la contestation. Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Alors, le temps passe rapidement. Je vais vous poser deux questions avant que mon temps soit coupé. Ça fait que, comme ça, je vais avoir la chance d'avoir deux réponses après. Parce que si j'en pose juste une, je n'aurai peut-être pas le temps de poser la deuxième.

Alors, la première question que je veux poser, c'est: Les contrats types comme tels, est-ce que, à votre connaissance, l'esprit du contrat type dont on parle ici, est-ce que ça existe ailleurs dans d'autres provinces?

Et la deuxième question, c'est: Qu'est-ce que vous pensez de la question de la cotisation obligatoire pour les gens qui ne sont pas membres d'un regroupement, qui auraient éventuellement à payer une cotisation, même s'ils ne sont pas membres d'un regroupement spécifique?

M. Rouette (François): Bon. La notion d'un contrat type existait au Québec, elle a existé jusqu'au 1er juillet 1998, au moment où le règlement sur le camionnage a été abrogé. Il pouvait s'appliquer aux entreprises de juridiction fédérale parce que c'était une des conditions d'opération d'une licence et c'était chapeauté par la loi de 1987 sur les transports routiers. Ça ne serait malheureusement plus le cas maintenant. Donc, il ne pourrait pas s'appliquer. Par contre, ça, ça existait au Québec suite au dépôt du rapport Charbonneau et du rapport Norquay, du début des années quatre-vingt-dix, qui avaient cherché un moyen d'encadrer les activités de gens qu'on appelait les «sous-traitants» à l'époque, qui sont effectivement les routiers.

Au Québec, ça a toujours été inspiré de ce qui existe aux États-Unis, qu'on appelle le «Master Lease Agreement», qui se retrouve toujours dans le «Code of Federal Regulations». Le «Master Lease Agreement» comprend les items auxquels les gens doivent s'adresser lorsqu'ils concluent des contrats de la nature d'un contrat avec un routier. Il y a une liberté contractuelle totale. Cependant, le contrat doit faire mention de ces différents éléments. Mais on s'entend sur le restant.

Pour ce qui est de la cotisation, je vais demander de ne pas me prononcer sur cette question. Je pense que ça relève plus de la cuisine interne des syndicats, et je préfère peut-être leur laisser le soin de débattre entre eux et avec le gouvernement la manière dont cela pourrait être établi.

 

Mme Houda-Pepin: Juste une question.

Le Président (M. Lachance): Il vous reste une minute, madame.

Mme Houda-Pepin: Une minute. Très rapidement. M. Rouette, je vous ai entendu dire ? peut-être que vous allez me situer ? que 80 % à 90 % des entreprises de routiers étaient de juridiction fédérale. Est-ce que cela veut dire que le projet de loi qui est devant nous, s'il est adopté, serait inopérant, inapplicable par rapport à cette catégorie-là?

M. Rouette (François): Je crois que oui. On parle d'entreprises et il s'agit effectivement d'entreprises qui, en vertu de la Constitution canadienne, relèvent de la compétence législative du Parlement. Donc, comme pour les lois du travail, si vous me permettez le parallèle, comme pour les décrets de conventions collectives, rien de ça ne s'applique à une entreprise de juridiction fédérale. Et je crois, à ce stade-ci, que cette possibilité, et même cette probabilité qu'une cour saisie de la question détermine que la loi ne s'applique pas, est très présente.

n(16 h 30)n

Le Président (M. Lachance): Alors, Me Rouette, je vous remercie pour votre participation aux travaux de cette commission. J'invite les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, madame, monsieur, bienvenue à cette commission, et je vous rappelle aussi que vous avez un maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires. Je vous prie de bien vouloir vous identifier ainsi que la personne qui vous accompagne.

Alliance des manufacturiers et des exportateurs
du Québec (AMEQ)

M. Dussault (Manuel): Merci, M. le Président, députés. Je suis accompagné de Mme Julie Cusson, qui est économiste à l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Je suis Manuel Dussault, directeur de la recherche et de l'analyse, M. le ministre.

Alors, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec a pour mission de promouvoir la compétitivité et de faire des représentations auprès du gouvernement. Nos membres, les manufacturiers et exportateurs du Québec, sont une source importante de croissance et de prospérité pour l'ensemble de la société.

D'abord, pour vous situer un peu le transport pour les manufacturiers et exportateurs, ça représente 4 % des coûts totaux des opérations des manufacturiers. Ce n'est pas le coeur des opérations, mais, tout de même, chaque coût est important dans l'économie concurrentielle dans laquelle on vit aujourd'hui. En ce qui concerne les manufacturiers et exportateurs, ils font partie des expéditeurs de marchandises, pour les routiers, qui représentent les employeurs de 10 % des routiers exclusifs et de 25 % des propriétaires exploitants. Les manufacturiers comptent plus de 654 000 employés, toutes catégories confondues, ce qui représente 19 % de la main-d'oeuvre totale au Québec. L'emploi continue d'augmenter dans notre secteur, signe de la vitalité et de l'importance de notre secteur pour le bien-être des régions et des municipalités québécoises.

Il faut aussi noter que la performance économique du Québec se rapproche lentement de la moyenne canadienne. On a maintenant atteint les objectifs du sommet socioéconomique de Montréal en 1996, qui étaient de rattraper le taux de création moyen d'emplois du reste du Canada. Il faut cependant faire encore mieux. Le taux de chômage du Québec est chroniquement plus élevé que celui du Canada, 9,3 % contre 7,6 % en 1999, et on est généralement moins riches que les Canadiens et les Américains. Donc, tous les partenaires socioéconomiques, incluant les syndicats, ont l'obligation de chercher à améliorer la situation. Pour croître, pour créer des emplois, ça prend un climat compétitif, un environnement d'affaires compétitif qui encourage la productivité et l'innovation, et, contrairement à ce que certains pourraient croire, cette croissance économique contribue aussi au bien-être des gens les plus démunis de notre société et des gens qui ont plus de difficultés. Donc, une des voies pour aider les routiers, c'est évidemment la croissance économique.

L'Alliance participe depuis plusieurs mois aux travaux du Forum sur le camionnage, qui ont conduit au projet de loi que vous avez devant vous aujourd'hui. L'Alliance a cherché à faire progresser le dossier, tout comme l'ensemble des donneurs d'ouvrage, avec la conscience qu'il y avait effectivement des problèmes socioéconomiques dans le domaine du camionnage, particulièrement en ce qui concerne les routiers. On a fait, au Forum, trois recommandations qui, à notre avis, apportaient une solution cohérente aux problèmes des routiers québécois. La première, ça touchait le regroupement obligatoire au sein d'associations responsables, mais d'associations responsables de faire appliquer des normes et des standards de gestion pour les propriétaires conducteurs membres, sur le modèle d'ordres professionnels. Deuxièmement, on recommandait aussi une approche pancanadienne, sinon continentale, plutôt qu'une approche purement québécoise qui nous distinguerait des juridictions concurrentes. Et enfin, un moyen d'action qu'on avait soulevé était l'instauration d'un programme d'allégement fiscal pour ceux qui veulent vendre un camion devenu non rentable pour le remplacer par un plus économique ou pour abandonner la profession. L'exemple qu'on donnait à l'époque, c'était la possibilité de pouvoir prendre une perte en capital sans limite de temps, en étant conscient qu'il y avait une surcapacité, vraiment, dans le domaine du camionnage actuellement et qu'il fallait prendre les moyens pour assurer la période de transition qui résulte de la libéralisation du marché du camionnage. À notre avis, c'étaient des pistes classiques, cohérentes qui représentent généralement les moyens d'action qui sont disponibles aux décideurs publics.

En ce qui concerne le projet de loi n° 135 plus précisément, évidemment, ce n'est pas entièrement les pistes de l'Alliance qui ont été retenues. On y retrouve finalement un peu des recommandations de chaque participant au Forum, ce qui donne un projet de loi à tout le moins hybride avec des recommandations de chacun des participants, sans nécessairement former un tout cohérent. Alors, il faut rappeler aussi le contexte du Forum, où ça a fait suite à des blocages de routes, l'automne dernier, qui ont coûté beaucoup d'argent à plusieurs expéditeurs et transporteurs, dont les manufacturiers, et c'est dans ces conditions de négociation qu'on a participé au comité technique et au Forum sur le camionnage. Il faut souligner aussi que, dans le contexte du Forum, il y a eu des menaces de nouveaux désordres de la part des gens des syndicats qui forcent la main, puis, je pense, il faut l'avouer, on se demande si ça sert l'intérêt commun des Québécois.

Alors, on se retrouve aujourd'hui face à un projet de loi hybride, qui n'est pas harmonisé non plus avec ce qui se fait dans le reste de l'Amérique du Nord. On a de nombreuses interrogations sur la marginalisation de l'industrie du camionnage au Québec. Lors des discussions avec le ministère des Transports, l'Alliance a posé plusieurs questions sur des exemples de législations similaires dans d'autres juridictions. Il semble qu'il n'y en a pas. Les limites juridictionnelles qui étaient imposées au Québec, par opposition aux solutions qui avaient été retenues dans les États américains... C'était trop précipité pour faire ce genre d'études là; on n'a pas eu nos réponses, un portrait de la situation en Amérique du Nord et les solutions des autres États qui ont été retenues. Alors, le projet de loi, c'est certainement une expérience périlleuse pour les routiers du Québec à qui ça va être imposé.

Cependant, il faut dire que la mise en place du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage, c'est une bonne chose. Alors, il y a des balises opérationnelles dans le Forum. On cible bien ce qu'est un routier, et le Forum demeure un organisme flexible qu'il faut garder flexible et même rendre encore plus flexible. Alors, il n'est pas question, selon les membres de l'Alliance, que le Forum devienne un tribunal ou un organisme qui fait de la réglementation, mais ça doit s'inspirer des organisations qui font déjà de la concertation au Québec ? on connaît les sommets socioéconomiques ? ça doit rester le plus simple possible au niveau de la structure et le plus convivial possible.

Alors, à notre avis, il apparaît évident que les procédures de nomination sont beaucoup trop complexes pour les besoins d'une concertation dans le domaine du camionnage et que l'attribution de nombres de voix aussi complexifie beaucoup le processus. À notre avis, comme toute tribune de concertation, les décisions devraient se prendre par consensus, c'est-à-dire à l'unanimité.

n(16 h 40)n

On souhaite aussi que le projet de loi exclue les camionneurs propriétaires exploitants de la juridiction du Forum. C'est des ententes contractuelles qui existent déjà et qui sont bien encadrées, celles entre un exploitant et un expéditeur, et, comme manufacturiers expéditeurs, on ne voit pas la nécessité d'ajouter un autre niveau de négociation à des pratiques commerciales bien encadrées. Cependant, évidemment, pour les autres travaux dont c'est le mandat du Forum, bien évidemment, il pourrait être question des camionneurs propriétaires exploitants. Enfin, on appuie sans restriction la proposition que le contrat-cadre ne soit pas obligatoire, et l'Alliance s'engage évidemment à en faire la promotion auprès de ses membres.

En ce qui concerne l'obligation de cotiser pour un routier à un regroupement de routiers reconnu, on est en désaccord avec la proposition qu'il y a dans le projet de loi n° 135, même si c'est nuancé, c'est-à-dire que 50 % des routiers doivent voter pour l'obligation de s'associer. À notre avis, la liberté de s'associer est aussi importante que la liberté de ne pas s'associer, sauf, évidemment, lorsque la protection du public est en jeu ou des services d'intérêt commun peuvent être fournis. Alors, on recommande d'abroger l'article 48.11.18 ou encore de donner aux regroupements de routiers la tâche de gérer la qualité, l'entrée dans la profession de camionneurs propriétaires. À notre avis, ça serait bien reçu du public, et l'industrie du transport s'orienterait alors vers une représentation et une autogérance de la formation telle que celle dans le transport aérien avec l'IATA, dont le siège social est à Montréal.

Alors, pour conclure, le projet de loi n° 135, dans sa forme actuelle, nécessite des modifications afin d'en faire un projet de loi qui encourage la concurrence, mais aussi qui arrive à mieux concilier les enjeux d'aujourd'hui, qui sont de rester compétitifs tout en gardant la cohésion sociale. C'est important, devant ces nouveaux enjeux-là, d'innover, mais aussi de rester cohérent dans les actions qu'on propose, et on croit que les recommandations qu'on vous fait aujourd'hui bonifieraient le projet de loi qui est devant vous. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Dussault. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. Dussault, madame. J'ai quelques questions. La première est la suivante: Considérez-vous que c'est valable de faire voter les gens d'abord pour voir s'ils veulent être cotisés ou pas? Et, deuxièmement, concevez-vous que c'est normal, si tout le monde bénéficie des services, que tout le monde paie, après qu'ils aient eu la chance, globalement, de se prononcer pour ou contre?

M. Dussault (Manuel): Écoutez, je pense que, dans ma réponse, il faut tenir compte des droits des gens qui ne souhaitent pas s'associer; je pense que les gens peuvent voter, mais il faut tenir compte des gens qui ne souhaitent pas s'associer. Notre recommandation initiale, c'était sur le modèle d'associations professionnelles et du Code des professions. Je pense qu'il faut donner une fonction... Pour obliger les gens à s'associer, il faut que l'organisme ait un rôle d'intérêt public. C'était dans cette perspective-là que l'Alliance avait proposé l'obligation de s'associer, mais avec l'intention de protéger le public, d'appliquer des normes de gestion, parce qu'un des problèmes dans l'industrie du camionnage, c'est que chaque personne qui devient entrepreneur dans le camionnage n'a pas nécessairement tous les instruments pour devenir entrepreneur. Alors, c'est cet intérêt collectif que servirait le regroupement qui justifie, je pense, l'obligation de cotiser.

Maintenant, on a aussi, dans...

M. Chevrette: Peut-être, sur un point, là...

M. Dussault (Manuel): Oui.

M. Chevrette: ...parce que je voudrais reprendre ma question... pointue. Vous me répondez par une association professionnelle. Une association professionnelle, quand vous êtes avocat, les ordres, les syndicats professionnels, qu'est-ce qu'ils font avant qu'ils donnent des services? Ils font voter d'abord.

On ne dit pas que c'est la formule Rand légale, par la loi, on dit: Les camionneurs impliqués dans cette juridiction vont devoir d'abord voter s'ils veulent une cotisation obligatoire ou pas. S'ils votent majoritairement en faveur de la cotisation pour leur association professionnelle, ils vont payer tous après.

Vous me dites: C'est la liberté. Un avocat n'a pas la liberté d'appartenir au Barreau, il ne peut pas pratiquer s'il n'appartient pas au Barreau. Plusieurs associations professionnelles ont obtenu, de par tradition, le droit de faire voter leur monde pour voir s'ils veulent ou pas une cotisation. Mais, après qu'ils l'ont votée majoritairement, moi, je trouve que ce n'est pas normal que, par exemple, 60 % paient pour une association professionnelle puis qu'il y en ait 40 % qui bénéficient des services puis qui ne cotisent pas. Je trouve que, si on l'imposait de facto... Comme, par exemple, la Loi sur l'UPA, c'est un genre de formule Rand. L'UPA, il y a une cotisation de par la loi, puis ils n'ont pas fait voter, ils n'ont pas fait un référendum auprès des producteurs pour savoir s'ils doivent payer ou pas.

Mais ici, ce qu'on propose, c'est d'abord le geste de voter pour ou contre une cotisation, c'est ça qu'on dit. Il me semble qu'on est même plus rigoureux et plus sévère dans ce cas-ci que le sont des associations de type professionnel que vous me citez en exemple. J'ai de la difficulté à comprendre.

M. Dussault (Manuel): Bien, écoutez, en tant que membre du Barreau, je cotise...

M. Chevrette: Ah! Vous êtes de l'ordre? Payez-vous votre Barreau? Vous ne seriez pas assis ici, vous.

M. Dussault (Manuel): Je cotise.

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Dussault (Manuel): Alors...

M. Chevrette: Avez-vous eu la chance de vous exprimer par vote avant?

Une voix: Non.

M. Dussault (Manuel): Non. Personnellement...

M. Chevrette: Je pense que non, parce que mon fils est du Barreau aussi.

M. Dussault (Manuel): Personnellement, non. Mais, d'autre part, j'ai des critères de compétence à rencontrer. J'ai un syndic à qui je suis redevable; n'importe qui du public peut porter plainte contre moi, avoir mon adresse. Je pense qu'il y a un intérêt public qui dépasse mes propres intérêts professionnels, puis c'est un peu ça, le point que j'essayais d'amener. Est-ce qu'on ne crée pas des corporatismes inutiles dans le projet de loi avec cette proposition-là?

M. Chevrette: Bien, moi, je ne veux pas entreprendre une discussion de fond sur le sujet, je veux avoir votre point de vue. Mais je suis porté à dire que, dans notre société, c'est normal, en démocratie, si une majorité de gens concernés se donnent des règles, je ne pense pas qu'on doive faire payer exclusivement une majorité, mais faire payer la totalité pour les services ou la qualité des services qu'ils peuvent recevoir par après. Puis, si on n'introduit pas ça comme principe, vous développez le parasitage. Il y a un certain nombre de gens dans notre société qui... Moi, je n'y vais pas, je suis bien tout seul! Mais il va sauter sur tous les services puis il ne paiera pas une cenne. Moi, j'ai une tendance à ne pas gober ce genre de principe.

M. Dussault (Manuel): Je ne sais pas si vous me demandez mon opinion, là, mais...

M. Chevrette: Bien, c'était une affirmation avec une interrogation.

M. Dussault (Manuel): ...je suis membre du Barreau des États-Unis aussi. Puis, peu de temps...

M. Chevrette: Payez-vous là-bas?

M. Dussault (Manuel): Oui, je paie aussi.

M. Chevrette: Ah!

M. Dussault (Manuel): Puis, peu de temps après la Constitution américaine, il y a aussi eu la Déclaration des droits de la personne là-bas. Donc, les deux vont ensemble. Je pense qu'il y a des droits collectifs, mais il y a des droits individuels aussi dont il faut tenir compte, et celui de ne pas cotiser, dans certains cas, c'en est un aussi.

M. Chevrette: Dans certains cas.

M. Dussault (Manuel): Là où l'intérêt public...

M. Chevrette: Mais, entre vous et moi, un camionneur qui connaît son outil de travail, qui connaît bien son métier puis qui fait bien son métier, c'est un professionnel dans sa ligne, c'est un professionnel du camionnage. On veut les former, on veut qu'ils répondent bien aux normes, aux règles. Moi, j'ai plutôt tendance à croire qu'il y a certaines personnes qui cherchent à déformer les professionnels quand elles nous disent de chauffer 14 heures ou 17 heures par jour, quand elles nous demandent de travailler 16 heures en ligne, quand elles utilisent des brokers à bon marché pour faire faire des voyages puis qu'elles leur disent: Va vite si tu veux que ça soit payant, ou encore: Fais beaucoup de kilométrage dans la journée pour que ça soit payant. Ce n'est pas ça qu'on veut, on veut des professionnels du métier. N'est-ce pas?

n(16 h 50)n

Moi, je ne voudrais pas faire le débat sur «professionnel», «non-professionnel». Je pense que tout le monde qui fait bien son travail dans le travail qu'il fait est un professionnel dans sa ligne, dans son métier, dans son travail. Moi, je suis plutôt porté à ça. Un plombier peut être un professionnel, un électricien peut être un professionnel.

Une voix: Il y a des professions fermées.

M. Chevrette: Il y a des professions, oui, fermées en plus. Donc, je ne veux pas faire le débat là-dessus. Je veux juste vous dire que, si des travailleurs dépendants, des camionneurs autonomes, des camionneurs artisans qui travaillent pour des entreprises ont senti le besoin et ont sensibilisé l'ensemble du Forum à certaines anomalies... Je n'ai pas assisté à vos rencontres, mais j'ai lu tout le compte rendu et je l'ai déposé ici, le compte rendu des travaux.

On a fait une enquête assez sérieuse avec Léger & Léger et on dit: Il faut arriver à bâtir un système en tenant compte des contraintes que l'on a. Il y en a qui sont syndicables, d'autres pas syndicables, d'autres qui relèvent du Code canadien, d'autres qui ne relèvent d'aucun code. Si on légifère, c'est parce qu'ils ne se retrouvent nulle part, ils ne sont pas syndicables au sens du Code du travail. On a dit: On va créer un genre d'association qui ne sera pas un syndicat, mais qui va créer la possibilité de faire de la représentation et de dégager au moins un cadre de travail qu'on appelle le «contrat type». Plus il y aura de consensus, moins il y aura d'intervention d'État. C'est un peu ce que le député de l'Acadie demandait à M. Rouette, qui était là tantôt.

Mais, après que les gens se soient exprimés majoritairement pour se donner des services comme groupe, ce qui amène le Parlement à légiférer, est-ce que ce n'est pas normal que l'ensemble des impliqués paient pour les services qu'ils se donneront?

M. Dussault (Manuel): Écoutez, M. le ministre, je pense que n'importe quel groupe, dont l'Alliance, trouverait ça formidable d'avoir le même type de privilèges, d'imposer des cotisations obligatoires.

M. Chevrette: Une cotisation. En voulez-vous une?

M. Dussault (Manuel): Non...

M. Chevrette: Si vous en voulez une, je vais le marquer dans la loi tout de suite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dussault (Manuel): ...parce qu'on croit ? ha, ha, ha! je vous remercie beaucoup ? à l'importance aussi d'être les meilleurs, de justifier les services qu'on rend, d'aller convaincre les gens aussi et puis de respecter la liberté des gens. Là, si on poursuit cette logique-là, on va en donner à tout le monde, des cotisations obligatoires.

M. Chevrette: Bien, tout groupe qui veut s'organiser puis qui prend la peine d'accepter un processus démocratique, pourquoi ne pas le leur offrir? Si c'est bon pour le Barreau, ça peut-u être bon pour un autre groupe de se payer des services puis d'obliger leurs membres à être cotisés, s'ils s'expriment démocratiquement au départ en plus? Moi, ça m'a agacé, votre position, très... Puis ça ne paraît pas trop, là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça m'a agacé, votre position, parce que c'est une question de principe. Moi, j'ai fait du syndicalisme enseignant puis j'ai négocié des conventions collectives, dans le temps que ce n'était pas national, village par village. J'en négociais 44 dans mon coin à tous les deux ans, à l'époque. Mais est-ce que ça aurait été logique, dans une municipalité qui avait 15 institutrices, de faire payer les huit qui avaient adhéré au syndicat, puis que les sept n'auraient pas payé un sou pour aller chercher les augmentations de salaire, bénéficier des avantages marginaux? Il y a des principes de fond là-dedans.

M. Dussault (Manuel): Là, je vais essayer de l'aborder d'une autre façon encore. Une des approches qu'on avait proposées au ministère des Transports, c'était, plutôt que de... je veux dire, qu'au Québec on légifère nationalement, on pourrait faire des expériences types. C'est d'ailleurs ce que le Conseil de la science et de la technologie recommandait dans son rapport sur les sciences humaines, de faire des projets-pilotes, voir effectivement qu'est-ce qui marche le mieux. Là, on arrive avec un projet mur à mur, puis on le voit dans la discussion que nous avons, vous et moi, que, effectivement, il y a deux visions qui s'opposent. Est-ce qu'on ne pourrait pas le tester dans un projet-pilote, par exemple une ville précise, une région précise?

M. Chevrette: Ce serait difficile, parce que j'ai plutôt l'impression, entre vous et moi, que cette clientèle-là... Vous savez, on n'a même pas la même idée sur les nombres. M. Rouette disait tantôt: C'est peut-être 400, sur le plan strictement juridique; les fonctionnaires disent: Peut-être 4 000; il y en a qui parlent de 6 000. Vous le savez comme moi. On va faire le décompte à un moment donné, ça, c'est clair.

En tout cas, moi, je prends note que vous êtes quand même favorable au Forum. Je suis d'accord avec vous sur un point fondamental, par exemple: toute législation, quelle qu'elle soit, ne réglera pas les problèmes si, véritablement, il n'y a pas un effort de bonne foi au niveau du Forum. Ça, je partage votre point de vue là-dessus, c'est clair, parce que la législation comme telle, si on se met à faire la contestation avant même qu'elle soit votée, on n'est pas sorti du bois, ça, c'est clair.

Mais ne serait-ce que cette volonté de démontrer que c'est un canal de concertation qu'on veut créer, non pas un canal de confrontation... Parce que les événements de l'automne dernier, ce n'est drôle pour personne, ça. Quand une mère de famille t'appelle puis elle dit: Écoute, je n'ai plus de lait 2 % pour mon flo, qu'est-ce que tu fais? Puis elle est en Abitibi, tu sais. Puis il y a des gens qui disent: Je suis juste sur l'accotement. Il y en a qui le prenaient large, l'accotement; il était large, un certain temps.

Donc, c'est pour ça qu'il faut quand même démontrer, comme gouvernement, comme ministère des Transports, qu'on veut une harmonie, parce que le désordre, dans une industrie, est pire, entre vous et moi, que certaines accommodations, même au niveau de la compétitivité. Vous le savez comme moi, ça. Il n'y a rien de pire que la perception sur le plan économique.

M. Dussault (Manuel): Écoutez, M. le ministre, je pense que c'est vraiment le point fort de votre projet de loi; c'est d'innover et puis d'essayer de concilier cette compétitivité-là avec les enjeux sociaux. Maintenant, on est conscient que le projet de loi, ce n'est pas la solution idéale, mais on est de tout coeur dans cette initiative-là.

M. Chevrette: Sur le plan de la compétitivité...

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je vous prierais de faire ça rapidement, parce qu'il reste 30 secondes.

M. Chevrette: Si j'ai bien compris, il me reste deux minutes?

Le Président (M. Lachance): Oh, non! Moins que ça, M. le ministre.

M. Chevrette: Ah! Moi, je suis les quarts d'heure de l'horloge qui est là, M. le Président.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Moi, je suis la personne qui compte le temps à la seconde près, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Une dernière petite question, d'abord. Sur la compétitivité, est-ce que vous pouvez me dire quels sont les dangers du projet de loi quant à la compétitivité, les objets précis qui sont dangereux?

M. Dussault (Manuel): Écoutez, si on prend... Je veux dire qu'au niveau du Forum on n'en a pas parlé, des règles d'attribution de votes et de... Je pense que, pour nous, c'est un risque de rendre non flexible ce qui devrait rester flexible et puis de commencer dans des structures là où il ne devrait pas y avoir de structures. Le Forum a bien fonctionné sans vote. Le CCTM, par exemple, où on travaille avec les syndicats ? et le patronat travaille aussi ? c'est les associations les plus représentatives des secteurs syndical et patronal qui sont nommées là, ça fonctionne bien. Pourquoi rendre plus rigides des structures puis risquer de handicaper le Québec avec une réglementation qui est peut-être difficile à expliquer aux étrangers puis qui peut nous mener à des endroits où on ne veut pas aller, possiblement?

n(17 heures)n

Deuxièmement, je pense qu'un danger aussi, c'est au niveau des pratiques commerciales qui existent déjà pour les camionneurs propriétaires exploitants. Il y a déjà des contrats types, des pratiques commerciales qui existent dans ce domaine-là, et puis, si on donne d'emblée au Forum le mandat de se pencher sur ces questions-là, on risque possiblement de handicaper notre propre industrie des camionneurs propriétaires exploitants. Même si c'est volontaire, je pense que la perception peut faire qu'un expéditeur choisisse de faire affaire avec des gens à l'extérieur du Québec plutôt qu'avec l'industrie québécoise. En tout cas, c'est possiblement les deux dangers, incluant la discussion qu'on a eue sur le corporatisme.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. Dussault et Mme Cusson.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Alors, j'aimerais peut-être tout d'abord commencer à la suite de ce que le ministre mentionnait concernant la question des cotisations. J'ai l'impression qu'il y a certaines choses qui sont mélangées dans toute cette question-là. Quand on fait référence au Barreau ou à des ordres professionnels, c'est que le gouvernement a déjà reconnu essentiellement que, dans un certain nombre de secteurs, il y a des ordres professionnels et que le gouvernement a décidé de les créer avec le mandat premier de protéger les citoyens du Québec. Il y a tout un mécanisme qui est en place pour protéger les citoyens du Québec, et les citoyens peuvent se référer là pour avoir des références sur les membres, vérifier de cette façon-là la compétence des membres.

S'il y a des plaintes, ils peuvent formuler les plaintes. Ils ont un pouvoir d'enquête. Ils ont un pouvoir de discipline sur les membres de leur corporation professionnelle. Et, à ce moment-là, dans le but de protéger les citoyens du Québec... À partir du moment où le gouvernement a décidé de créer un ordre professionnel pour la protection, bien, tous les gens qui veulent travailler à ce titre-là ou, je pense aux corporations fermées, à titre réservé c'est-à-dire ou aux corporations sur l'acte, bien, les gens qui veulent pratiquer des actes qui sont assujettis à une corporation professionnelle doivent être membres. Et, à ce titre-là, pour remplir toutes les obligations que l'ordre a à assumer, il y a des cotisations qui sont fixées. Et, dans ce cas-là, tout le monde doit payer. Ça, c'est très clair.

Si je ne veux pas payer comme psychologue puis je ne veux pas travailler comme psychologue, bien, je ne travaillerai pas comme psychologue même si j'ai la formation. Mais, si je décide de le faire, bien, je dois être membre d'un ordre professionnel et je dois payer une cotisation qui a pour but, essentiellement, de protéger le public. Alors, ça, c'est... Et ce n'est pas tous les groupes de travail qui sont des ordres professionnels non plus. Il y a bien des secteurs d'activité qui ne sont pas recouverts par des ordres professionnels. Et, à ce moment-là, il ne faut pas comparer, je pense, ces deux choses-là.

Maintenant, l'autre élément qu'il faut regarder aussi par rapport à toute la question de la cotisation, c'est où on met la limite entre la liberté... parce qu'il y a un principe sur lequel vous avez attiré l'attention qui est la liberté d'association et la liberté de ne pas s'associer aussi. Alors, on met la limite où, là-dedans? Et, quand le ministre fait référence au fait que les membres d'un regroupement votent, par exemple, sur une cotisation qu'ils décident de se donner, 60 % sont d'accord avec la cotisation, 40 % dans les membres ont décidé de ne pas être d'accord, bien, s'ils veulent être membres du regroupement, c'est clair qu'ils doivent payer. Les 100 % des membres doivent payer.

Là où on ajoute un élément, c'est que ceux qui ne sont pas membres d'un regroupement et puis qui, pour une raison x, y, z, décident de ne pas être membres d'un regroupement, et qu'il n'y a pas d'obligation légale comme dans les ordres professionnels de faire partie d'un regroupement donné, à quel moment donné on doit respecter le choix de ces individus-là de ne pas être membres d'un regroupement et de ne pas avoir à assumer des coûts d'un regroupement, d'une association ? appelons-la comme on veut ? à laquelle on a décidé de ne pas adhérer?

Alors que les membres... À partir du moment où une majorité des membres d'un regroupement ont décidé de donner une cotisation, que ça lie 100 % des membres, ça, pour moi, c'est clair: il n'y a pas de problème là-dedans. C'est ceux qui désirent ne pas être membres: À quel moment on respecte la liberté de ne pas être associé? Je pense que je pose la question, et c'est ce que je comprends un peu dans l'exposé que vous avez fait. Quand ça va exister réellement, ce droit-là? Dans les ordres professionnels, ça n'existe pas, pour les raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure. Alors, c'est un commentaire que je voulais faire à ce niveau-là. Je ne sais pas si vous voulez réagir aux commentaires ou, sinon, je vais passer à d'autres questions.

M. Dussault (Manuel): En fait, je pense qu'on partage la même analyse, là. Je pense qu'il est important aussi de dissocier le Forum de ces voix-là et du regroupement qui pourraient mener à un comptage de voix et puis à des votes basés sur des voix. Je pense que le but d'un regroupement, s'il y en a un, ça pourrait être la protection du public, ça pourrait être la mise en commun de formation pour protéger le public, pour s'assurer qu'il n'y a pas de surcapacité dans le secteur. Mais, pour faire de la représentation comme c'est dans le projet de loi, je pense que ce n'est pas le bon véhicule qu'on s'est donné.

M. Bordeleau: L'autre question que je voudrais vous poser, c'est... Je ne sais pas si vous étiez ici, tout à l'heure, quand Me Rouette a fait sa présentation. À un moment donné, il nous mentionnait que, dans son esprit à lui, le projet de loi n° 135, ça couvrirait à peu près 500 des 4 500 camionneurs routiers au sens où on tente de le définir par la loi, parce qu'il dit que ça ne s'appliquera pas à tous les gens qui viennent de l'extérieur de la province, par exemple, et qui viennent livrer au Québec ou à des camionneurs qui sont sous la juridiction du fédéral. Et il concluait que ça ne pouvait que, au fond, selon son évaluation, s'appliquer qu'à peu près à 500 routiers sur les 4 500 qu'on dit qui existent au Québec, parce que la très grande majorité seraient enregistrés sous une charte fédérale. Est-ce que vous confirmez cette perception-là ou vous avez un point de vue différent?

M. Dussault (Manuel): Écoutez, on n'a pas fait d'analyse experte. D'autre part, on a demandé au ministère des Transports de nous la fournir, de nous dire: Écoutez, c'est quoi, les enjeux juridictionnels? Qu'est-ce qui se fait aux États-Unis? Pourquoi on ne le fait pas au Québec? Et cette analyse-là n'a pas été faite. On a accéléré un processus législatif, et je comprends pourquoi. Nous, on était au Forum et on s'est fait dire par les centrales syndicales: Écoutez, après le 23 juin, je ne retiens plus mon monde, là, ou je vais avoir de la difficulté à retenir mon monde. Alors, c'est ça, le contexte: on manque de données comparatives, on manque d'examens légaux pour se prononcer là-dessus. Puis je pense que le procureur de l'Association du camionnage a soulevé certains points excessivement légitimes.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: O.K. Peut-être une question. Voulez-vous me signaler combien on a de temps de passé, là?

Le Président (M. Lachance): Il vous reste huit minutes.

Mme Houda-Pepin: Donc, très rapidement.

M. Bordeleau: On va essayer de respecter.

M. Chevrette: Moi, je suis l'horloge.

M. Bordeleau: Oui, oui. Je voulais juste vérifier une chose. À la page 8 de votre mémoire, vous dites: «La [...] loi n° 135, dans sa forme actuelle, nécessite des modifications afin d'en faire un projet qui encourage la concurrence qui s'est établie dans le milieu depuis la déréglementation tout en protégeant les routiers.» Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment, dans ce contexte-là, vous voyez la protection des routiers? Qu'est-ce qui protégerait les routiers, de façon concrète, dans le contexte de la déréglementation, tout ça? À quoi vous pensez, de façon plus précise?

M. Dussault (Manuel): Moi, je vais vous dire, l'idée du Forum est excellente, l'idée d'aborder les problèmes ensemble, les étudier ensemble est excellente. Nous, les recommandations, je pense qu'il faut absolument... Pour une question de cohérence, le gouvernement aurait dû regarder la question des crédits d'impôt pour permettre une transition pour les camionneurs dont le camion est plus rentable ou qui désirent se recycler parce qu'il y a vraiment une surcapacité dans le secteur, une trop grande offre. Puis ça, ça aurait été des façons, à notre avis, porteuses d'encourager la concurrence parce que c'est là où il faut aller à long terme, tout en étant conscients qu'il y a des enjeux de transition. Je pense que toutes les études qui se sont penchées sur le libre-échange ou l'allégement réglementaire, la déréglementation, ont constaté qu'effectivement il y avait des coûts de transition. Mais ce qui est important dans le passage d'une moins grande libéralisation à une plus grande libéralisation, c'est de gérer la transition. Puis est-ce que le projet de loi n° 135 est la façon optimale de gérer la transition? Il y a des points positifs, mais il y aurait des points à améliorer.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière.

n(17 h 10)n

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Dussault, Mme Cusson, merci pour le mémoire et l'éclairage que vous nous avez apporté. Je voudrais vous ramener à la page 5 de votre mémoire lorsque vous faites des commentaires d'ordre général. Et vous dites que nous sommes face à une absence d'harmonisation nord-américaine. Et vous dites aussi que «à force de vouloir plaire à chacun, on se ramasse avec un projet de loi hybride». Vous faites référence de façon explicite au projet de loi n° 135. Et vous soulevez aussi toute la question de la marginalisation de l'industrie du camionnage du Québec compte tenu qu'on n'évolue pas en vase clos, mais que c'est une industrie continentale, parce qu'on a des liens avec le reste du Canada, on a des liens avec les États-Unis, l'Ontario en particulier, et vous arrivez quand même à un commentaire que je trouve pertinent sur lequel j'aimerais que vous puissiez faire des précisions. Vous dites: «Vouloir imposer un cadre réglementaire totalement différent de celui dans lequel oeuvrent nos partenaires commerciaux ne peut qu'être une expérience périlleuse pour les routiers du Québec.» Donc, je suppose que vous estimez que le projet de loi n° 135, loin de protéger l'industrie et les routiers, les met en situation de péril.

M. Dussault (Manuel): Il y a des aspects du projet de loi qui mettent dans une situation de péril. En effet, je pense que l'aspect principal, c'est probablement le contrat type pour la réglementation des camionneurs exploitants. Ça, ça risque effectivement de marginaliser les routiers dans ce domaine-là. D'autre part aussi ? le Forum, la concertation ? je pense qu'il y a des avantages à se démarquer dans l'innovation, mais il peut aussi y avoir des désavantages puis la cohésion sociale ? je pense que c'est un des avantages qu'on a au Québec ? c'est d'être capable de travailler ensemble, d'être capable de travailler avec les centrales syndicales, les représentants des camionneurs, et ça, à mon avis, c'est un avantage compétitif pour le Québec.

Mme Houda-Pepin: Et également, dans votre recommandation numéro un, vous recommandez qu'on profite de cette commission-là pour demander au gouvernement des précisions, notamment en ce qui a trait à «des exemples de réglementation semblables chez nos partenaires commerciaux, en tenant compte des questions juridictionnelles.» Je voudrais retourner la question et vous la poser à vous. Est-ce qu'il existe des réglementations semblables à ce qu'on veut introduire, nous, ici, ou pas?

M. Dussault (Manuel): Bien, en fait, les réponses du ministère des Transports qu'on a eues au cours de nos travaux, c'est qu'effectivement, dans les États américains, ils ont la même problématique d'une industrie extrêmement compétitive et qu'ils ont adressé à leur manière ces enjeux-là. Mais maintenant, le Québec se distinguerait par ce projet de loi là d'une façon remarquable. Alors, nous, on ne connaît pas d'exemple de loi ou de règlement similaire.

Mme Houda-Pepin: Merci. On va poser la question au ministre, à un moment donné.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Cusson et M. Dussault, pour votre présence ici cet après-midi.

Et j'invite immédiatement les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques.

(Changement d'organisme)

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Selon le rituel habituel, je vous indique que vous avez 15 minutes de présentation et je vous demande de bien vouloir vous identifier, même si vous être très connus.

M. Vaudreuil (François): C'est bien. Merci. Alors, mon nom est François Vaudreuil, je suis président de la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD. À ma droite, M. Roland Shink, qui est président du Syndicat des routiers autonomes du Québec qui est affilié à la CSD et, à ma gauche, M. Normand Pépin, qui est responsable du service de recherche à la CSD.

Voici, dans un premier temps, avant de débuter comme tel ? je ne vous ferai pas de lecture du mémoire, je vais vous faire une présentation verbale ? avant de débuter ma présentation comme telle, je voudrais vous indiquer que la CSD accueille le projet de loi qui a été soumis par M. Chevrette très favorablement. On considère que le ministre a respecté ses engagements qu'il avait pris envers tous les partenaires de l'industrie l'automne dernier et que, à cet égard, le projet de loi tel qu'il est formulé constitue une réponse innovatrice à un problème aigu de notre société et sûrement une piste intéressante.

Alors, ce projet de loi là, n° 135, est intéressant pour nous à la CSD parce que, d'une part, il va créer un lieu de concertation. Ce lieu de concertation, qu'on appelle le Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage, va avoir un impact très important sur la culture qui existe dans cette industrie au Québec. D'une part, elle va permettre d'institutionnaliser le dialogue et, d'autre part, elle va permettre de civiliser les rapports dans cette industrie ? qui en ont grandement besoin.

Deuxième élément très important, pièce maîtresse du projet de loi, c'est que, par l'institution du Forum, par la reconnaissance de regroupements de camionneurs propriétaires, le projet de loi vient briser l'isolement des camionneurs propriétaires qui étaient seuls, qui étaient sans voix, qui n'avaient aucun interlocuteur, et ce qui va permettre enfin, par l'entremise de leur regroupement, d'avoir une voix et de pouvoir intervenir sur leurs conditions de travail et leurs conditions de vie. Donc, ça, c'est une pièce maîtresse très importante du projet de loi.

Autre élément très important du projet de loi, c'est qu'il va permettre l'élaboration de diverses ententes et conventions. Un des problèmes majeurs que les camionneurs ont actuellement, c'est que, dans une très grande proportion, ils n'ont pas la possibilité de négocier leurs conditions. Comment voulez-vous qu'un travailleur autonome, seul, isolé, puisse convaincre une multinationale dans le papier que le taux qui lui est offert est en bas de ses coûts d'opération? Il se fait répondre ? et ça, c'est la loi qui existe actuellement dans l'industrie du transport: Si tu n'es pas content, fous ton camp, il y en a 10 qui sont prêts à prendre ta place.

Donc, il va corriger un problème structurel, il va permettre d'établir des normes minimales, et des normes minimales, dans une société où l'économie doit être au service des humains. Je pense que c'est très respectueux du bien commun que de légiférer dans ce sens-là et, dans ce cadre-là, on perçoit que c'est un élément très important pour les camionneurs propriétaires.

Donc, la CSD accueille favorablement le projet de loi. Cependant, nous croyons que, pour que l'objectif qui avait été énoncé par le ministre l'automne dernier, c'est-à-dire d'établir des solutions durables pour l'industrie du transport, puisse avoir tout son sens, il y aurait des bonifications à faire au projet de loi. Elles sont au nombre de six.

La première, c'est que nous croyons absolument essentiel qu'il y ait ? et ça, le mouvement syndical québécois, présent au Forum transitoire du camionnage, la CSD, la CSN et la FTQ sont d'accord ? il faut absolument qu'il existe une clause de non-discrimination pour protéger les camionneurs propriétaires. Alors, ça, c'est fondamental, c'est essentiel parce que, si on n'a pas ça, les donneurs d'ouvrage peuvent tout simplement s'abstenir de retenir les services des camionneurs propriétaires et faire en sorte que ces gens-là n'aient plus de travail.

n(17 h 20)n

Donc, dans la clause de non-discrimination, il faut aussi que le contrat de travail soit applicable à tous les camionneurs propriétaires résidant au Québec et, enfin, que le Forum ait la possibilité de pouvoir faire respecter cette loi-là. Alors, ça, c'est le premier élément qu'on voudrait voir comme modification.

Le deuxième élément très important qu'on voudrait voir, c'est la mise sur pied d'un fonds d'indemnisation. La situation, actuellement, n'est pas compliquée: un camionneur propriétaire va transiger avec un donneur d'ouvrage, le donneur d'ouvrage fait faillite, il lui doit 20 000 $, 25 000 $ 30 000 $, et c'est nettement suffisant pour basculer le camionneur propriétaire vers la faillite. Donc, ce qu'on aimerait, c'est qu'il y ait... et ça, on comprend que ça doit se faire par voie réglementaire, mais, dans un premier temps, on aimerait que la loi le prévoie, qu'un règlement puisse être adopté pour mettre sur pied un fonds d'indemnisation pour garantir le paiement dans le cas de faillite, un peu comme ce qui existe dans l'industrie de la construction.

Autre élément qu'on aimerait voir modifier, le troisième, dans le projet de loi actuel, c'est la répartition du nombre de voix qui est accordé aux regroupements. À la CSD, on préférerait beaucoup, plutôt que cette répartition se fasse par pourcentages, qu'elle se fasse un regroupement, une voix. Et, si jamais il y avait un regroupement qui avait une prépondérance, à ce moment-là, on pourrait lui accorder plus qu'un siège parmi les cinq qui sont disponibles, un peu comme on l'a fait par exemple à la CCQ, un peu comme on l'a fait à la CSST, un peu comme on l'a fait tout partout. Mais, à chacun des endroits que je viens d'énumérer, il s'agit toujours d'un regroupement, une voix, et ça, c'est tout simplement parce qu'il y a différents courants de pensée et que chaque courant de pensée devrait avoir le droit d'inscrire son vote, et non selon le pourcentage de votes.

Le quatrième élément, c'est que nulle part dans le projet de loi on ne traite des camionneurs propriétaires qui sont visés par une convention collective, parce qu'il y a certains camionneurs propriétaires qui, actuellement, sont visés par des conventions collectives. À cet égard, ce qu'on suggère d'apporter comme modification, c'est que, dans le projet de loi, soit prévue une disposition qui indique que les ententes ou les conventions qui vont être convenues, les contrats types fassent partie intégrante des conventions collectives existantes pour les camionneurs propriétaires, que ça devienne en quelque sorte la norme minimale et que, par conséquence, les syndicats qui sont accrédités auront à l'appliquer, et ces camionneurs propriétaires là, on ne devrait pas les obliger à faire le choix de participer à un regroupement selon la loi n° 135 et, en plus, à payer une cotisation additionnelle alors qu'ils paient déjà une cotisation à leur syndicat qui est dûment accrédité et pour lequel ils sont visés par la convention collective.

Le cinquième point, c'est la procédure de litige. On préférerait beaucoup, beaucoup, à la CSD, que la procédure d'arbitrage qui devrait exister puisse être accessible; et qui dit «accessible» dit des règles souples, dit des coûts beaucoup moins élevés. Et, à cet égard-là, la proposition qui est faite de référer au Code civil nous apparaît beaucoup trop onéreuse, beaucoup trop complexe et, ce qu'on suggère, c'est que les dispositions qui existent, qui apparaissent au Code du travail du Québec, en y apportant les ajustements requis, fassent partie intégrante de cette loi-là de manière à ce qu'on ait un excellent régime d'arbitrage, qui soit expéditif et surtout peu coûteux, et qui fasse en sorte que les camionneurs propriétaires puissent y avoir recours.

Le sixième élément enfin, qu'on aimerait... Et ça, ce n'est pas de le voir apparaître dans le projet de loi, mais c'est que, quand la loi sera adoptée, on puisse se rendre auprès du gouvernement fédéral pour exercer des pressions et faire en sorte que les dispositions dont nous aurons convenu puissent recevoir l'aval du gouvernement fédéral.

Alors, ça, c'était l'essentiel de la présentation. Si vous avez des questions...

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Vaudreuil. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie. Tout d'abord, il y a deux, au moins, de vos remarques que... déjà, on aura des amendements à proposer et on l'a même soumis aux parlementaires ici, en ce qui regarde le processus d'arbitrage des litiges et l'autre qui est les gens déjà syndiqués, quel que soit le Code, qu'il soit canadien, parce que, en l'occurrence, quand on parle de travailleurs propriétaires, c'est vraiment syndiqué en vertu du Code canadien, parce que le nôtre ne le prévoit pas. Je voulais au moins, d'entrée de jeu, dire ça.

Je voudrais revenir sur un point parce que le député de l'Acadie s'est permis ? puis il a le droit ? de faire des commentaires quant à la cotisation versus certains ordres. Moi, je vais vous offrir l'opportunité d'y répondre, à cela, parce que je pense que, tant qu'on agit dans un processus démocratique, qu'on s'adresse aux gens d'un même corps de métier puis qu'on dit aux gens: Voulez-vous ou pas, d'abord, payer une cotisation? c'est très démocratique, ça. Puis tu leur dis... Après qu'ils ont décidé majoritairement de le faire, pourquoi on permettrait à ceux qui ne veulent pas, dans un régime démocratique, de faire ce qu'ils veulent puis de bénéficier de services dûment négociés par d'autres puis de bénéficier d'ententes et d'avantages qui sont payés par un groupe? Je trouve que ça serait injuste, moi. Moi, personnellement, c'est de même que je le vois.

Je ne dis pas si on disait dans la loi, sans consulter personne: Vous allez payer une cotisation, puis qu'on ne leur aurait même pas permis démocratiquement de s'exprimer, là, je pourrais adhérer à une partie de l'argumentation du député de l'Acadie. Mais quand on prend la précaution, dans la loi, de suivre un processus tout à fait démocratique et qu'on dit aux gens: Voici, vous allez voter pour ou contre une cotisation professionnelle, qu'ils nous répondent en majorité oui, je pense qu'après il est tout à fait logique que ce groupe qui obtient un avantage et qui veut se donner des règles, que ce groupe au complet paie pour la nature des services qu'il reçoit. Moi, c'est de même que je le vois, et j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Vaudreuil (François): Bien, je pense que votre raisonnement s'inspire du juge Rand, de ce qu'on appelle la fameuse formule Rand, qui a établi clairement qu'on ne pouvait pas faire cotiser que quelques personnes et que tout le monde puisse bénéficier des fruits de cette négociation-là, mais que l'ensemble des gens devraient payer un montant égal à la cotisation syndicale ou à la cotisation qui est fixée s'ils ne sont pas membres.

Et ça, là-dessus, pour nous, je pense que c'est un cadre de fonctionnement qui est absolument nécessaire et qui est très respectueux de choix de société qui ont été faits dans plusieurs sociétés démocratiques depuis la Deuxième Guerre mondiale, qui est un élément culturel du Québec et qui correspond à l'édification aussi de regroupements et de choix de société qui sont très respectueux du bien commun et de la justice sociale. Dans ce cadre-là, évidemment, on applaudit une telle disposition dans le projet de loi n° 135.

M. Chevrette: Comment vous réagiriez si le ministre des Transports accordait au côté patronal, aux donneurs d'ouvrage, la possibilité d'avoir une cotisation?

M. Vaudreuil (François): Je serais entièrement d'accord avec ça. Moi, je n'ai aucune objection. Si les employeurs désirent majoritairement se constituer une organisation, que la formule Rand s'applique à leur égard, je n'ai aucun problème que les employeurs soient organisés, je n'ai aucun problème avec ça. D'ailleurs, dans les sociétés démocratiques avancées, quand les employeurs sont organisés, la concertation fonctionne très bien. Habituellement, ces mêmes organisations là bénéficient de plus de ressources, et on serait très favorables à cette idée, si c'est le choix des associations patronales.

n(17 h 30)n

M. Chevrette: Vous n'étiez sans doute pas ici tantôt quand on a parlé du poids relatif de la représentativité, mais vous l'avez quand même traité dans votre présentation en disant: Il faudrait au moins, minimalement, qu'il y ait un représentant de chacun des trois groupes identifiés. Je suppose que je ne pourrai pas... J'ai dit ce matin, je ne sais pas si on vous en a fait rapport, que j'avais un problème de ce côté-là parce que, tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de vote, c'est bien évident que je regarde le nombre de cartes déclarées et j'ai un petit problème. Il y en a qui ont des multiples cartes, là ? ils doivent avoir le portefeuille très lourd s'ils les traînent toutes ? parce que, là, il y a trois fois plus de travailleurs qu'il y en a dans les faits. À ce moment-là, il faut que le poids relatif s'établisse lors d'un vote précis, à partir d'une liste qui serait définie.

Entre-temps, quel type de fonctionnement voyez-vous au Forum? Je ne voudrais pas non plus empêcher le Forum de fonctionner, même si ça va prendre quelque temps pour faire la liste puis quelque temps pour faire le vote, pour vous permettre un peu de saine propagande, pour ne pas dire vente de votre structure personnelle et autre, bon. À partir de là, le fonctionnement, ça sera par consensus? Est-ce que vous accepteriez que ce soit un fonctionnement consensuel un peu comme on a fait au niveau du Forum jusque-là? Et si oui, quel délai me donnez-vous pour en arriver à la pondération ? qui peut être, en passant, une forme comme une autre ? du nombre de représentants ou de votes attachés à un représentant? Ça, ça n'a pas d'importance, ça là, je pense bien, mais pour respecter un peu ce qu'on avait dit à Montréal, lorsqu'on s'était rencontrés.

M. Vaudreuil (François): Bien, écoutez, parmi les enseignements qu'on tire depuis l'automne dernier, il faut vous dire que tous les délais qui nous ont été proposés à ce jour ont été respectés. Et, dans ce cadre-là, tous ceux qui ont pris l'engagement de travailler l'ont fait de façon très intéressante.

Sur les délais, on est bien conscients que, par exemple pour le contrat type, pour la liste pour la campagne d'adhésion qui suivrait, parce qu'il va falloir... Ce que j'ai compris dans le projet de loi, c'est qu'il y aurait des ententes qui se prendraient entre les différents regroupements pour savoir comment on ferait la campagne d'adhésion, quel serait le temps approprié, le mécanisme pour le scrutin. Bon, tout ça, c'est de la cuisine qu'on n'a pas besoin de mettre, je pense, dans le projet de loi, là.

La situation en raison de la précarité des gens est urgente. Bon. Nous, on avait comme ambition de voir le contrat type naître avant la fin de la session législative. On reconnaît aujourd'hui que ce n'est pas possible, mais on reconnaît en même temps que, même si ce n'est pas possible, les efforts sont nombreux à cet égard-là puis, je veux dire, on va aller rencontrer nos gens après l'adoption de la loi, on va leur expliquer, on va leur dire que, là, on a traversé le pont. Alors donc... et là on va leur expliquer tout ça.

Je n'ai pas de date fatidique. Moi, je pense que, à partir du moment où on maintient le même rythme qu'on a maintenu depuis l'automne dernier, depuis le 25 février dernier, M. Chevrette, on va y arriver. Je ne sais pas ça va être quoi, parce qu'il y a la période de vacances. Ça sera-tu le 15 août, ça sera-tu le 1er septembre? Je ne le sais pas, mais je pense qu'on est capables d'avoir un rythme comme ça et de bien le faire, et de le faire de façon respectueuse.

Bon. Le seul petit problème qu'on a, c'est sur le contrat type. Parce que, dans la loi, on parle, de mémoire, je pense, du 1er octobre 2000 ou le 15 octobre 2000, en tout cas comme date, là, qu'il y aurait une possibilité que vous puissiez réglementer. C'est le 1er octobre 2000? En tout cas... Là-dessus, la difficulté qu'on a, c'est que, sur le forum transitoire, la dernière réunion qu'on a eue, au groupe technique, il y a des gens autour de la salle ? et ce n'est pas venu du côté syndical, mais du côté des donneurs d'ouvrage ? qui ont dit: Bien, comme on ne sait pas si on va être assis au Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage, on ne voit pas l'opportunité ou la nécessité de continuer de travailler.

Alors, ça, on ne voudrait pas que ça perturbe ce qu'on a de fait à date parce que, à date, ce qu'on a de fait, ça va bien. Et là, la prochaine réunion du groupe technique, on est rendu à discuter du partage des responsabilités financières, et ça va très bien à ce jour. Bon, on n'aura sûrement pas un consensus sur tous les éléments, vous aurez à trancher à l'époque, mais il y a des choses qui se font dans ce cadre-là.

Ça fait que je pense que ce qu'il faut faire, c'est maintenir le rythme, maintenir le rythme puis se donner peut-être... Est-ce que les gens peuvent voter le 15 août? On ne fera pas voter les gens pendant qu'ils sont en vacances, aussi, pendant les deux dernières semaines de juillet, là; je pense que ça serait irréaliste, il va falloir attendre la fin de la période des vacances. Ça va-tu être le 1er septembre? Écoutez, on n'y a pas vraiment réfléchi, mais il ne faudrait pas que ça aille plus loin que le début de l'automne ou à la fête du Travail ou dans ce cadre-là.

M. Chevrette: O.K. Maintenant, une dernière petite question que j'ai, c'est sur votre position concernant l'analogie que vous faites avec le camionnage en vrac, là, sur la 48.7: «Afin d'assurer la protection des intérêts des membres, la Commission peut charger une personne qu'elle désigne d'enquêter sur la gestion ou les activités d'une corporation régionale.» C'est quoi que vous voulez souligner par ça?

M. Vaudreuil (François): À quel endroit, ça, M. Chevrette?

M. Chevrette: À 48.11.19: «Afin d'assurer la protection...», là...

M. Vaudreuil (François): C'est-u dans notre document?

M. Chevrette: Ce n'est peut-être pas dans le même... Ne grouillez pas. Non, j'étais dans mon propre papier et je trouvais que vous étiez... Excusez, c'est parce que j'ai cherché ma réponse tantôt pour voir ce que je devais vous répondre, je m'aperçois que j'étais... Application du contrat type à tous les camionneurs propriétaires, qu'est-ce que vous voulez dire par ça?

M. Vaudreuil (François): Bon. Il y a eu un débat autour de la table du Forum qui visait les exclusifs et qui voulait éliminer les exploitants. Bon, les exploitants, c'est ceux qui font affaire avec plusieurs donneurs d'ouvrage. Ça, c'est une position commune des trois organisations syndicales, CSD, CSN, FTQ, et ça fait partie d'une des trois dispositions de la clause qu'on appelle «de non-discrimination». C'est que ça doit s'appliquer à l'ensemble des camionneurs propriétaires, qu'ils soient en exclusivité ou non. Parce que ces gens-là sont confrontés à la même réalité, c'est-à-dire que, quand tu es tout seul vis-à-vis une grosse multinationale, tu es pris avec un contrat d'adhésion puis, si tu n'es pas content, tu fous ton camp. Ça fait que cette norme minimale dont on va convenir, qu'on appelle couramment un contrat type, qui a pour objectif d'assurer le bien-être des travailleurs ? qui n'est pas incompatible en passant avec les objectifs légitimes de l'Accord sur le commerce intérieur ? que ça s'applique à tous les camionneurs propriétaires. C'est ça, M. Chevrette, qu'on veut expliquer, les exclusifs comme les exploitants, et ça, c'est une position commune à l'ensemble du mouvement syndical.

M. Chevrette: O.K. Un autre point, dernier petit point d'abord. Personne n'en a parlé jusqu'à date, mais il faut au moins que je pose la question au moins une fois. Je n'ai pas eu la chance de le faire à venir jusqu'à date, mais je vous pose la question sur la caution. Personne n'en a parlé depuis le matin, ni la FTQ ni... Ou en a peut-être parlé ou j'ai été distrait, mais je n'ai pas posé une seule question sur ça. On sait qu'il y a des gens qui sont contre la caution. Vous, quelle est votre position?

M. Vaudreuil (François): On applaudit cette mesure. Il y a eu des abus par le passé, très importants, de la part d'aventuriers, qui ont coûté très cher et qui ont constitué dans certains cas des drames pour les camionneurs propriétaires qui, eux, ont travaillé honnêtement. C'est une mesure qu'on applaudit. Bon. Dans ma présentation sommaire, je ne l'ai pas énuméré, il y a d'autres éléments qu'on accueille favorablement, mais j'ai pris les deux pièces maîtresses qui étaient de briser l'isolement et d'établir des normes minimales. Mais la caution, on l'accueille.

Cependant, ce qu'on pense ? parce qu'on fait un parallèle avec l'industrie de la construction ? il y a une dizaine de mille donneurs d'ouvrage puis il y a des petits entrepreneurs qui sont mobiles, qui sont éparpillés un peu partout. Et, dans la construction, même s'il y a une caution qui est exigée, il y a des entreprises qui font faillite. Et quand les entreprises font faillite, les gens, plutôt que d'avoir à réclamer la faillite... Puis mettez-vous à la place d'un camionneur propriétaire qui est pris aux États-Unis, qui a un voyage de 3 500 $ puis qu'il y a l'assemblée des créanciers pour la faillite de son donneur d'ouvrage puis qui a un compte de 20 000 $. Il va-tu perdre son voyage pour aller à l'assemblée des créanciers dans l'espoir d'être élu comme inspecteur de faillite pour être capable de recouvrer quelques cennes dans chaque dollar qui lui est dû au niveau de ses créances ordinaires? Je veux dire, c'est absurde. Ils ne font pas ça. Je veux dire, ils font leur voyage puis ils perdent des montants qui sont très importants.

n(17 h 40)n

Donc, nous, ce qu'on prétend, c'est qu'il faut mutualiser ces risques-là. Et en ajout de la caution qui est correcte, il faut créer un fonds d'indemnisation pour faire en sorte que, quand il arrivera des horreurs semblables puis que le camionneur propriétaire aura assumé ses responsabilités et qu'il aura répondu à un certain nombre de critères à l'égard du donneur d'ouvrage, à ce moment-là, il puisse y avoir mutualisation des risques en ayant sur pied un fonds d'indemnisation, un peu comme il existe dans l'industrie de la construction. Et ça, comme ça peut être complexe, la mise sur pied d'un fonds d'indemnisation puis ça peut prendre quelques mois, pour ne pas retarder l'adoption du projet de loi, ce qu'on suggère, c'est que la loi prévoie qu'on passe par règlement pour l'établissement d'un fonds d'indemnisation qui, pour nous, est essentiel. Parce que, quand ça arrive à un camionneur propriétaire, c'est la faillite ou il est obligé de se retirer d'un métier qu'il aime tant. Je veux dire, c'est des drames humains à chaque fois. C'est des familles qui écopent. Je n'ai pas besoin de vous expliquer ça, vous connaissez très bien la dure réalité de ces gens-là.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Je veux revenir sur une proposition que vous avez avancée, qui est très différente de ce qu'on a entendu aujourd'hui, sur la question de la représentation. Vous proposez que les regroupements, au fond, aient un siège chacun, éventuellement, si un était peut-être plus important, possibilité de deux. Bon, vous mettiez en parallèle avec toute la mécanique qui est prévue dans le projet de loi, qui est assez compliquée: des pourcentages de votes distribués, etc. Est-ce que votre proposition, c'est une proposition qui est appuyée par les autres centrales syndicales ou si c'est une proposition qui vous est propre? Et quel est l'avantage ou les inconvénients de cette proposition-là par rapport à ce qui était attendu, si on veut, au niveau d'une représentation qui était très, très calculée, proportionnelle?

M. Vaudreuil (François): Regardez, partout dans la société québécoise ? puis les exemples que j'ai donnés, que ce soit la CSST, que ce soit à la Commission des partenaires du marché du travail, que ce soit au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à la CCQ ? dans tous les organismes, les organisations ont une voix et c'est une façon d'exercer la démocratie au Québec qui a été reconnue dans nos institutions, qui s'inspire un peu du modèle coopératif où on dit: un membre, un vote, et non un vote proportionnel aux actions. Mais on n'a pas discuté de cette question-là en intersyndical. Je n'ai pas échangé ni avec les gens de la CSN ni avec les gens de la FTQ. Cependant, on préférerait de beaucoup que ça corresponde à ce qu'on retrouve dans tous les lieux de concertation où on retrouve des organisations syndicales et des organisations patronales au Québec, que cette règle-là, parce que, bon, de tous les débats qui ont été faits, c'est celui qu'on a retenu. Et on ne voit pas pourquoi on changerait cette règle.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, on a eu une présentation qui a été faite par Me Rouette et qui nous mentionnait un chiffre, et je voudrais avoir votre point de vue si vous êtes d'accord avec sa perception, dont il nous a fait part. On disait qu'au Québec il y a peut-être 4 500 camionneurs routiers, propriétaires, conduisant un seul camion, etc., qui répondent à peu près à la définition qu'on a dans le projet de loi. Il nous mentionnait que la loi n° 135, évidemment, selon lui, ne s'appliquerait pas à des gens qui viennent de l'extérieur, des routiers qui viennent de l'extérieur du Québec ? qu'ils viennent des États-Unis ou d'une autre province canadienne ? sur le territoire québécois et que ça ne s'appliquerait pas aussi à tous les routiers qui ont des compagnies formées en vertu d'une loi fédérale. Et il mentionnait qu'à son avis ça s'appliquerait à peu près à 500 routiers sur les 4 500, 5 000 qui existent au Québec. Alors, est-ce que vous confirmez ça ou vous avez un point de vue différent?

M. Vaudreuil (François): Bon. On se retrouve... On ne nie pas l'existence d'une difficulté d'interprétation constitutionnelle à ce sujet-là. Là-dessus, le pari qu'on a pris au Forum transitoire sur le camionnage, c'est le suivant. On s'est dit: Est-ce qu'on peut bâtir des normes minimales qui vont permettre aux camionneurs propriétaires de vivre dans la dignité? Quand on sait que plus du tiers de ces camionneurs propriétaires, qui travaillent 75 heures par semaine, ne parviennent pas à avoir un taux horaire équivalant au salaire minimum, la situation est tragique, est inhumaine. On s'est dit, au Forum transitoire sur le camionnage: Est-ce qu'on ne pourrait pas définir, de consensus, sur un contrat type, la convention, les ententes qui sont là-dedans. Et, quand on aura convenu de ça sur une base libre et volontaire ? ça, c'est l'objectif qu'on vise ? on va s'engager, chacun dans nos organisations, y compris les organisations patronales comme les organisations syndicales, à en faire la promotion, de telle sorte que le modèle qu'on a développé au Québec prenne forme et puis puisse tenir le coup. Il y aura toujours un risque que, à quelque part, il y ait quelqu'un qui aura du mépris pour les camionneurs propriétaires, qui ne sera pas d'accord pour qu'on intervienne dans les règles commerciales ou, en tout cas, pour civiliser les règles commerciales, et qui posera la question de la constitutionnalité. Et les risques qu'il gagne sont grands, nous l'admettons.

Et c'est pour ça que, dans les six points que j'ai énumérés, au sixième, je disais: Il va falloir aller à Ottawa. Et, quand je vous dis qu'il va falloir aller à Ottawa, j'espère qu'Ottawa va être aussi conséquent avec ses discours que le ministre Chevrette l'a été avec le sien parce que, à la XIe Conférence interaméricaine des ministres du Travail qui s'est tenue au Chili, à Viña del Mar ? vous l'avez à la page 9 de notre document ? le ministre du Travail canadien de l'époque, Lawrence MacAulay, déclarait: «De plus en plus de gens travaillent selon des formules différentes de l'emploi à long terme. Le travail subit de profondes transformations. Nous savons tous que le travail à temps partiel et le travail autonome gagnent du terrain, comme d'ailleurs le télétravail, le travail à domicile et les petites entreprises innovatrices. Dans ce contexte, il nous faut penser à de nouvelles approches. Au Canada, par exemple, la Loi sur le statut de l'artiste offre un modèle novateur qui pourrait être appliqué aux travailleurs indépendants.»

Alors, ce qu'on espère, c'est que, quand on va aller à Ottawa, ils vont se souvenir de ce qu'ils ont écrit et que le modèle qu'on bâtit au Québec correspond à la philosophie qui est énoncé là. Et puis ils ne peuvent pas faire autrement qu'admettre qu'on ne peut pas laisser dans la société les petits tout seuls dans une jungle contre les grands qui les mangent littéralement, qui les déshabillent, qui les dépossèdent et qui les conduisent à la faillite. Il faut intervenir dans la société, c'est le rôle d'un gouvernement. À cet égard-là, ça rentre en plein dans la philosophie qui a été énoncée par le ministre du Travail du Canada, et ça, on va se charger de rappeler ça au gouvernement canadien.

M. Bordeleau: O.K. Tout à l'heure, on parlait du contrat type. On a eu des gens qui sont venus nous parler d'un contrat type comme étant une série d'éléments sur lesquels on devra avoir une réponse. Au fond, ça donne une grille et, dans les négociations qui auraient lieu entre un donneur d'ouvrage et un routier, on devrait avoir des réponses à ces différents points là. Et on a aussi l'autre hypothèse qui est dans les contrats types des clauses fermées, c'est-à-dire où c'est déjà tout précisé exactement. Comment est-ce que vous le voyez, le contrat type, par rapport à ces deux éléments-là?

M. Vaudreuil (François): Bon. Ce qu'on s'est entendu sur le contrat type, il y avait trois principaux axes. Le premier, c'était qu'il devait assurer le paiement à tout camionneur propriétaire pour le travail qui était effectué. Ça, c'est le premier axe.

Le deuxième axe, c'était le partage des responsabilités financières. Actuellement, il y a des contrats verbaux, non écrits, dans lesquels un donneur d'ouvrage va obliger un camionneur propriétaire à se déplacer en surcharge. Et, si le camionneur propriétaire se fait prendre en surcharge, l'amende qui devra être imposée au donneur d'ouvrage, bien, le camionneur propriétaire va devoir la lui rembourser.

Il y a d'autres situations où, par exemple, les donneurs d'ouvrage, ceux qui sont en exclusivité, vont faire des retenues pour accommoder, entre guillemets, les camionneurs propriétaires en disant: Bien, si tu fais un accident, moi, je veux être assuré que tu vas être capable de payer ton déductible. Les intérêts des argents qui sont placés là-dedans, là, ils ne vont pas aux camionneurs propriétaires. Puis ces argents-là, ils servent à quoi? Ils servent au fonds de roulement du donneur d'ouvrage. Il y a des donneurs d'ouvrage qui disent: Pour t'accommoder, on va t'offrir notre carte de crédit. Ils chargent un taux d'intérêt. Le camionneur propriétaire ne voit jamais le taux qui est véritablement payé par le donneur d'ouvrage. Or, le donneur d'ouvrage utilise ces argents-là pour constituer son fonds de roulement.

On est dans des situations, au niveau du partage des responsabilités, pour lesquelles il faut tirer une ligne. Les camionneurs propriétaires ont des responsabilités, ont des devoirs à accomplir, mais les donneurs d'ouvrage ont aussi des responsabilités et des devoirs. Donc, il faut faire le partage de ces responsabilités-là, tirer une ligne qui est bien claire.

n(17 h 50)n

Et le troisième élément, c'est celui qu'on pourrait appeler les régimes de prévoyance collective. Il y a à peine 5 % des camionneurs propriétaires qui ont des régimes de retraite. Alors, dans une société, quand les gens ne peuvent pas économiser pour la retraite, bien, on se dirige vers une société qui va être de plus en plus pauvre parce que le taux de remplacement des régimes publics, en termes de pourcentage des gains gagnés, n'est pas très élevé, et d'autant plus que ces gens-là n'ont pas des gros revenus et n'ont pas de grandes contributions au régime public, comme par exemple la Régie des rentes du Québec. Donc, c'est une situation qui est désastreuse, pour laquelle il faut travailler pour améliorer la situation de ces gens-là et, par conséquent, de la société de façon générale.

Alors, ça, ce sont les trois grands axes qu'on s'est donnés sur les échanges, la négociation du contrat type, et puis, pour nous, c'est comme fondamental. Et, en toile de fond de ça, en toile de fond de ces discussions-là, des revendications qu'on fait, c'est qu'on doit faire en sorte que les camionneurs propriétaires ne puissent pas travailler en deçà de ce que ça leur coûte. Parce qu'un des problèmes qu'on a, aussi, c'est que dans les prix qui ont baissé, les camionneurs propriétaires acceptent parce qu'ils savent qu'il y en a toujours un à côté qui est plus mal pris qu'eux autres, puis, pour éviter la faillite, va le prendre, même à des taux suicidaires. Ça fait qu'on se retrouve dans la spirale de la pauvreté, ça fait qu'on veut cesser ça. Comment on va y parvenir? Ça, il faut en discuter. On a des idées, il y a des outils informatiques actuellement qui sont disponibles, sans établir de taux, qui font en sorte qu'on pourrait s'assurer que quelqu'un ne roule pas à déficit. Donc, on peut outiller les camionneurs propriétaires. Ça, le Forum peut travailler là-dessus, pour faire en sorte qu'on ne se retrouve plus dans des situations catastrophiques comme on a aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Vous avez identifié six éléments comme étant des conditions essentielles pour atteindre les objectifs visés par le projet de loi, notamment la question du contrat type qui doit être considéré comme une norme minimale et qui doit être étendu, vous avez dit, aux camionneurs propriétaires qui sont visés par une convention collective. Ça représente combien de personnes, en termes de pourcentage, les camionneurs propriétaires qui sont déjà visés par une convention collective? En termes de pourcentage, on parle de 5 %, 10 %?

M. Vaudreuil (François): Regardez, Mme Houda-Pepin, dans le sondage Léger & Léger qui a été fait l'hiver dernier, il y a 19,8 % ? de mémoire, là, je vous donne, il me semble que c'est ça ? ou près de 20 % des camionneurs propriétaires, qui déclaraient être membres d'un syndicat et 20 % qui déclaraient être membres d'une association. Donc, combien de personnes? Je ne le sais pas. Et, là, M. Chevrette, j'ouvre une parenthèse, c'est que, dans le Code provincial, il y a eu une nouvelle jurisprudence qui fait en sorte que certaines personnes ? on en représente 800 entre autres, là ? vont être assujetties au Code du travail. Donc, combien il y en a exactement, je ne le sais pas puis je pense que personne, honnêtement, ne peut vous le dire précisément.

Mme Houda-Pepin: Bien. Mais au moins, vous me donnez un ordre de grandeur, autour de 20 % de camionneurs propriétaires...

M. Vaudreuil (François): Ce serait le maximum, madame, oui.

Mme Houda-Pepin: ...qui sont aussi couverts par une convention collective.

Cela m'amène à poser une question beaucoup plus large. Les camionneurs propriétaires sont des travailleurs autonomes. Le propre des travailleurs autonomes, c'est qu'ils ne veulent pas être syndiqués. Donc, vous êtes en train, par le biais de ce dossier, de cette problématique spécifique, d'ouvrir une brèche dans un chantier énorme. On comprend que, le travail autonome, ce n'est pas juste les camionneurs propriétaires, ce n'est pas juste l'industrie du camionnage, c'est tous les secteurs d'activité qui sont couverts. Est-ce que vous n'avez pas là une partie facile pour redorer votre blason auprès d'un secteur de travailleurs autonomes et que vous visez, en fait, le grand marché des travailleurs autonomes?

M. Vaudreuil (François): Bon. Ce qu'on vise essentiellement ? et je vais parler pour la CSD ? c'est à aider le monde. Et d'ailleurs, on a été la première organisation syndicale au Québec à offrir une structure d'accueil aux camionneurs propriétaires. Et la revendication qui a été faite par les camionneurs propriétaires en 1997 n'était pas d'emprunter la voie du Code du travail, mais c'était plutôt de travailler sur la piste qu'on a. Et, à la CSD, on pense que les travailleurs autonomes, c'est une création de l'évolution du marché du travail. De plus en plus, dans le marché du travail, on va demander aux gens, on a des exigences de compétence génériques nouvelles. Bon, à titre d'exemple, on va leur demander de travailler sur la capacité de résolution de problèmes, on va leur demander de travailler sur l'organisation de leur temps, on va leur demander de travailler en équipe. Et le travail autonome est comme le prolongement de cette nouvelle organisation du travail. Et les travailleurs autonomes sont une nouvelle catégorie de main-d'oeuvre, qui ont des responsabilités différentes, qui ont des choix à faire sur la gestion de leur temps, sur l'organisation de leur travail, mais ce sont aussi des personnes. Et, nous, on prétend que des personnes, même qui font le choix d'avoir une organisation du travail différente dans une société démocratique, devraient avoir le droit, lorsque la majorité y consent, d'établir un régime collectif qui va leur permettre de créer des réseautages, de développer une forme de solidarité pour briser leur isolement et ainsi se sortir de l'appauvrissement où ils sont.

Alors, faire du syndicalisme, représenter ces gens, ce n'est pas une question de business, c'est une question de venir en aide à des gens qui sont fragilisés, qui sont seuls, qui sont isolés. C'est de leur donner une voix pour améliorer leurs conditions de vie.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs...

Mme Houda-Pepin: On n'a plus de temps?

Le Président (M. Lachance): Plus de temps, le temps est même expiré depuis un petit bout de temps. Alors, merci. Et, là-dessus, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

 

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports. Je rappelle aux membres de la commission ainsi qu'aux autres personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance.

Alors, nous allons maintenant entendre des représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. J'inviterais le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne. Même si on vous connaît ? vous êtes de notoriété, M. Cléroux ? c'est selon le rituel habituel. Je vous souhaite la bienvenue, en vous indiquant que vous avez 15 minutes pour votre présentation.

Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante (FCEI)

M. Cléroux (Pierre): Parfait. Merci. Mon nom est Pierre Cléroux, je suis premier vice-président à la FCEI, et je suis accompagné ce soir de Sylvie Ratté, qui est économiste à la FCEI.

Juste un rappel. La Fédération regroupe un peu plus de 20 000 PME québécoises dans tous les secteurs d'activité économique et dans toutes les régions du Québec. Le mandat de la FCEI est de promouvoir et de défendre les intérêts économiques des propriétaires de PME. Il nous fait donc plaisir de prendre part aux audiences tenues par la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 135, la Loi modifiant la Loi sur les transports.

Notre présentation aura deux parties: la première, elle sera faite par Mme Ratté, et elle va vous présenter la vision de nos membres du secteur du camionnage; et, en deuxième lieu, je ferai de brefs commentaires sur le projet de loi sous trois thèmes.

Mme Ratté (Sylvie): Donc, bien qu'on soit une association présente dans tous les secteurs, on compte 860 membres qui sont des camionneurs dirigeant de très petites, de petites et de moyennes entreprises. Grosso modo, 40 % de nos membres ont moins de cinq camions et 15 % ont 20 camions ou plus; donc, ce sont de petites entreprises. Parmi nos membres aussi, 8,5 % sont des camionneurs propriétaires, donc des propriétaires d'un seul camion, des routiers au sens du projet de loi, et 45 % de nos membres, quant à eux, font affaire avec des camionneurs propriétaires, que ce soit sur une base exclusive ou non exclusive, permanente ou temporaire. À l'extérieur du secteur du camionnage, nous avons des membres qui peuvent recourir aux services d'un camionneur propriétaire, notamment des expéditeurs dans le secteur manufacturier.

Donc, comme vous le savez déjà, depuis le mois d'octobre, nous participons aux travaux du Forum sur le camionnage. La vision que nous y avons présentée est celle de nos membres, avec qui nous avons communiqué de façon régulière soit de vive voix soit par le biais d'un sondage. À l'instar des résultats du sondage Léger & Léger qui a été effectué cet hiver, les camionneurs nous ont indiqué que la concurrence était de plus en plus vive dans ce secteur et que la hausse des prix de l'essence les avait affectés. Par contre, il s'avère que 45 % d'entre eux sont assez optimistes par rapport à la réussite de leurs affaires. Pour eux, le facteur qui permettra à un camionneur de rester dans le marché est avant tout une bonne gestion de son entreprise. La connaissance du secteur du camionnage laisse dire à plusieurs que certains camionneurs propriétaires vivent des difficultés, entre autres, parce qu'ils éprouvent des problèmes de gestion, notamment un endettement élevé.

Notre vision est donc une vision d'affaires, c'est-à-dire que les camionneurs propriétaires doivent composer avec une réalité commerciale et être prêts à y faire face. Cette vision est celle qui nous vient de nos membres, qui est à la base des commentaires que Pierre Cléroux va faire concernant le projet de loi n° 135.

M. Cléroux (Pierre): Merci. Je vais regrouper mes commentaires sous trois thèmes: le rôle du Forum, le statut de routier et, enfin, la cotisation obligatoire.

Le rôle du Forum. En fait, nous sommes d'accord avec la constitution du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage. Le Forum provisoire s'est révélé un exercice utile afin de mieux comprendre la complexité des enjeux du secteur du camionnage. Donc, nous sommes d'accord avec le projet de loi d'instaurer un forum consultatif et nous sommes aussi d'accord avec l'aspect consultatif et non décisionnel du Forum. Nous sommes aussi d'accord avec le mandat de favoriser la concertation en regard aux pratiques commerciales.

Nous sommes, par contre, inquiets de l'article 48.11.01, qui fait l'objet du Forum. En fait, je vais le lire pour bien vous situer notre inquiétude. L'article 48.11.01 se lit comme suit: «Ce Forum a pour objet de favoriser la concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du camionnage général au Québec au regard des diverses pratiques commerciales prévalant dans cette industrie dont, notamment, celles affectant le développement des ressources humaines.»

n(20 h 20)n

C'est le dernier bout de cet article-là qui, pour nous, est inquiétant, celui qui dit: «...notamment [...] affectant le développement des ressources humaines.» Pourquoi? Parce qu'on trouve qu'il y a une confusion entre les relations commerciales et les relations de travail. Tout au cours du Forum qui a eu lieu, qu'on a appelé «provisoire», il y a eu, je pense, un consensus pour que l'objet du Forum soit de regarder les relations commerciales et non les relations de travail.

Donc, le Forum a pour mandat d'observer la relation entre un donneur d'ouvrage et un propriétaire camionneur qui n'est pas un employé mais une très petite entreprise. Il n'existe donc pas de relations de travail entre ces deux identités commerciales. Donc, on ne peut pas parler de développement des ressources humaines puisque, dans les ententes commerciales entre deux entreprises, aussi petites soient-elles, il n'y a pas de ressources humaines.

Cette question est fondamentale pour s'assurer que tous comprennent bien le mandat du Forum et la portée aussi du projet de loi. Nous croyons que le projet de loi devrait être modifié afin que le mandat du Forum consiste à examiner seulement le bon fonctionnement des relations commerciales entre les routiers et les donneurs d'ouvrage et ne contenir aucune référence sur le développement des relations de travail ou des ressources humaines.

Au point 2, c'est le statut du routier. Nous sommes d'accord en fait avec la définition du projet de loi qui définit le routier comme celui d'un conducteur propriétaire d'un seul camion. Un camionneur possédant plus d'un camion a davantage le profil d'un entrepreneur que d'un travailleur autonome. En effet, un conducteur faisant l'acquisition de deux, trois ou davantage de camions est un entrepreneur qui espère un retour sur son investissement. De plus, ce camionneur est vraisemblablement un employeur. Donc, il est important que les camionneurs, qui sont aussi des dirigeants d'entreprises, oeuvrent dans le même environnement commercial que leurs concurrents et ne soient pas, donc, assujettis à ce projet de loi.

Il sera aussi plus facile d'établir un contrat type si la définition du routier est homogène, «homogène» dans le sens qu'il regroupe plus de gens qui sont pareils. Et c'est la définition qu'on a dans le projet de loi, c'est-à-dire un camionneur avec un véhicule. On pense que ça va grandement aider des discussions alentour d'un contrat type, alors que, si on avait une définition du routier beaucoup plus large, ça aurait été beaucoup plus difficile de définir un contrat type adéquat pour une gamme différente d'entrepreneurs.

Le troisième point, c'est l'adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle. Nous aimerions exprimer notre désaccord avec l'article 48.11.18 qui obligera les camionneurs propriétaires à verser une cotisation obligatoire à un syndicat ou à une association professionnelle si ces derniers finissent pas représenter plus de 50 % des routiers. Étant donné le rôle consultatif et non décisionnel du Forum, nous sommes d'avis qu'obliger les camionneurs propriétaires à verser une cotisation constituerait une solution excessive. Cette obligation amène également une confusion sur le rôle du Forum. Une obligation de faire partie d'un syndicat ou d'une association pourrait constituer un premier pas vers une éventuelle négociation multisectorielle entre des travailleurs autonomes et leurs clients.

Notre compréhension du rôle du Forum, c'est que c'est un lieu de concertation entre routiers et donneurs d'ouvrage. Les routiers ne sont pas des salariés que l'on doit regrouper afin de négocier des conditions de travail avec un ou plusieurs employeurs. Les routiers sont des travailleurs autonomes, la plupart incorporés, qui ont une relation commerciale avec un ou plusieurs donneurs d'ouvrage. Le regroupement obligatoire ne correspond pas à ce type de relations commerciales et non plus au mandat d'un forum de concertation.

Par ailleurs, rendre obligatoire l'adhésion des routiers à une association aura pour effet de mal servir les routiers et de répandre la confusion sur les objectifs et les résultats des travaux du Forum. Une entente éventuelle sur un contrat type va certainement permettre d'encadrer des relations commerciales entre les routiers et les donneurs d'ouvrage. Mais il est faux de penser qu'il changera profondément les conditions du marché dans le secteur du camionnage. La concurrence demeurera féroce et les prix demeureront bas tant et aussi longtemps que le nombre de routiers indépendants sera aussi important. Et, comme dans tous les secteurs d'activité économique, les entrepreneurs les plus efficaces et les plus performants réussiront le mieux. Donc, forcer les travailleurs autonomes du secteur du camionnage, que l'on appelle ici routiers, à se regrouper et ainsi laisser croire que leurs conditions de revenus changeront, c'est d'ajouter à la confusion et mal servir les routiers. Aucun contrat type ne permettra de soustraire les routiers de la concurrence. En fait, aucun contrat type ne permettra de pallier aux lacunes de gestion.

La situation doit être claire: les routiers sont des entreprises, des petites entreprises certes, mais des entreprises qui ont des relations commerciales avec des donneurs d'ouvrage. Ces relations commerciales peuvent être encadrées mais seront toujours soumises et surtout déterminées par les règles du marché. En imposant une cotisation obligatoire, on laisse croire qu'il y aura une négociation sectorielle et des conditions de travail qui en découleront. Donc, on amène une certaine confusion.

En conclusion, nous sommes d'accord avec la mise sur pied d'un forum de concertation du camionnage mais nous sommes inquiets de l'étendue du projet de loi. Nous croyons fermement à la nécessité de considérer la relation entre les routiers et les donneurs d'ouvrage comme une relation commerciale, et le projet de loi devrait refléter cette réalité. L'obligation d'appartenir à une association ou à un syndicat et les références au développement des ressources humaines mettent de la confusion sur le rôle du Forum. Nous pensons que les routiers doivent être libres de faire partie ou non d'une association et que le projet de loi doit être limité aux relations commerciales entre routiers et donneurs d'ouvrage. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. Cléroux, merci, madame. Je voudrais d'entrée de jeu commencer à vous questionner sur la cotisation. Comment vous pouvez vous opposer à... Dans votre association, il y a une cotisation, les membres qui en font partie payent pour les services que vous donnez. Pourquoi ne pas offrir l'opportunité à ceux qu'on veut protéger de se payer une association de services?

M. Cléroux (Pierre): En fait, on est d'accord avec le principe que les routiers ou les travailleurs autonomes du camionnage fassent partie d'une association. Là où est-ce qu'on n'est pas d'accord, c'est que cette association-là soit obligatoire. En fait, on pense que les routiers devraient être libres de faire partie d'une association ? il existe déjà des associations, d'ailleurs ? et ce sera aux associations de fournir des services qui feront en sorte que les gens voudront être membres de leur association.

Donc, par exemple, à la Fédération, on offre un certain nombre de services qui sont ciblés pour les PME, ce qui fait en sorte qu'on a, sur une base volontaire, plus de 20 000 propriétaires de PME qui ont une cotisation à la FCEI. C'est dans ce même ordre d'idées là qu'on pense que ça serait beaucoup plus avantageux pour les routiers d'avoir une cotisation volontaire. Donc, les gens seraient libres d'aller vers l'une ou l'autre des associations spécialisées dans le transport ou non.

M. Chevrette: Mais vous souhaitez être membre du Forum?

M. Cléroux (Pierre): Oui, parce que, évidemment, tout comme on l'a fait depuis qu'on est membre du Forum provisoire, on veut donner la vision de nos propriétaires d'entreprises. Comme Sylvie l'a expliqué tantôt, on représente des gens dans le camionnage qui sont des petites et des moyennes entreprises. On représente surtout des gens qui ont entre 2, 3 camions et 20, 25 camions. On en a qui en ont 100, là, mais c'est la minorité chez nous. Donc, on pense qu'on représente une portion importante de l'industrie, et c'est cette vision de ces gens-là qu'on veut apporter à la table.

M. Chevrette: Mais vous aurez remarqué que je ne prescris pas de cotisation obligatoire. Je commence par poser le geste démocratique: Veulent-ils ou pas être cotisés. Si une majorité s'exprime en faveur d'une cotisation, pourquoi je laisserais une minorité bénéficier des avantages et des ententes et des services sans payer?

M. Cléroux (Pierre): En fait, parce qu'on pense que le libre choix des routiers est important. Donc, les gens devraient être libres de choisir. Et, si les gens considèrent que payer une cotisation de 500 $, 600 $, par année, ou je ne sais pas comment elle sera, ça ne correspond pas aux services qu'ils reçoivent d'une association, nous, on pense que les gens devraient être libres de faire ça. Aussi...

n(20 h 30)n

M. Chevrette: Mais je ne les embarque pas, en tout cas à moins que je lise mal le projet de loi, dans un cercle où ils ne pourront jamais changer. Si vous me chargez 200 $ par année puis que vous m'en donnez pour 20 $, je ne suis pas sûr que je vais vous renouveler comme services.

D'autre part, est-ce que ça serait raisonnable, par exemple, que le contrat type vienne donner des avantages certains pour les fins de la sécurité publique, qu'il vienne modifier les données du «logbook» pour simplifier cela, qu'il vienne dire les heures de travail hebdomadaires qui seront réduites de 13 à 12, je ne sais pas, peu importe, là, pour des fins de sécurité, pas pour des fins de convention collective? On établit des règles minimales, le genre de normes d'encadrement, et tout le monde en bénéficie. Et il y en a 60 % qui ont décidé de dire: Ça vaut une cotisation, ça, oubliant le montant de la cotisation. Vous ne pensez pas que ça serait déraisonnable de laisser 30 à 40 % bénéficier de services et d'avantages puis que ça soit payé par le 60 %?

M. Cléroux (Pierre): Mais déjà, présentement, vous posez des gestes qui ont un impact sur les routiers, par exemple sur les normes de sécurité, sur les «logbooks», sur les heures de travail. Et les gens bénéficient de ces changements-là sans qu'ils ne soient dans une association obligatoirement. Présentement, les routiers, il y en a qui sont membres chez nous. Les routiers, selon la définition du projet de loi, il y en a à peu près une centaine qui sont membres chez nous, il y en a qui sont membres ailleurs, dans d'autres associations, il y en a qui sont membres dans les syndicats. Tous ces gens-là, à travers leur organisation, ont contribué depuis six mois à se concerter sur les relations commerciales dans le camionnage.

Donc, il y a des fruits de ça, et les gens bénéficient de ça sans qu'il y ait obligation de cotiser à une des associations. Donc, ce que je veux dire par là, c'est que déjà les gens... il y a des règles dans le camionnage, et tout ça s'est fait sans qu'on ait été obligé de les cotiser obligatoirement.

M. Chevrette: Je comprends, mais je veux vous amener à vous prononcer sur le principe suivant: C'est-u normal dans une société où des gens se paient des services collectifs, après un vote démocratique, là ? je rappelle, ce n'est pas la formule Rand que je mets dans la loi ? qu'il y ait une obligation de ceux qui sont impliqués d'abord de voter pour s'en donner une, une cotisation, ou pas? Est-ce que c'est normal que des gens majoritairement, donc démocratiquement, veuillent se donner une structure de services qui va bénéficier à tout le monde, puis il y en a rien qu'une partie qui va payer? Je ne sais pas si vous saisissez mon interrogation, mais elle est de taille. Moi, j'aime bien ça, travailler, mais s'il y en a 10 qui bénéficient de mon travail, ils pourraient-u en payer un petit peu? On se comprend-tu?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Mais, en fait, il n'y a pas de contradiction entre nos positions. Ce que vous avez dans le projet de loi, c'est une table de concertation non décisionnelle. Donc, au Forum, il y aura des discussions, de la façon que je comprends ça, et il y aura des propositions amenées au gouvernement. Et le gouvernement décidera d'aller de l'avant ou non, mais c'est le gouvernement qui prendra la décision. Donc, ce n'est pas une négociation entre deux secteurs, entre le côté des donneurs d'ouvrage et le côté des routiers, c'est une table de concertation, de discussion.

M. Chevrette: Mais la loi dit ça. La loi dit: J'entérine les consensus et je tranche les divergences.

M. Cléroux (Pierre): C'est ça.

M. Chevrette: Mais c'est grâce à quoi, ça, si le climat, si les services, si, par exemple, il y a des projets d'achat en commun qui sont mis sur pied, s'ils peuvent se prendre une assurance collective grâce, justement, à cette concertation-là? Les employeurs acceptent de bonne foi un forum qui n'est pas un lieu de négociation contractuelle mais qui fixe des balises pour la meilleure compréhension. C'est un lieu de concertation, mais ça débouche sur l'amélioration, par exemple en fonction de la sécurité sur les routes, la sécurité des citoyens et aussi de certains avantages qui en découlent parce qu'ils se sont parlé, ils ont des mises en commun. Pourquoi ça ne serait pas tous ceux qui en bénéficient qui en partagent les coûts?

M. Cléroux (Pierre): Parce que déjà vous avez fait une loi qui a changé un peu les règles de sécurité, donc tout le monde bénéficie. Et pourtant, les gens n'étaient pas membres obligatoirement d'une association. Vous avez eu des représentations, pour faire cette décision-là de cette loi, qui sont venues de différents groupes, et vous avez pris une décision, et je pense qu'il y a un consensus pour dire que cette loi-là a amélioré les choses, ou va surtout améliorer les choses ? parce qu'elle vient d'entrer en vigueur. Mais donc, ce que je veux dire par là, c'est qu'on n'a pas besoin d'imposer une cotisation obligatoire pour améliorer le sort des routiers. Une table de concertation va vous donner les propositions qu'en tant que gouvernement vous serez en mesure d'appliquer, et ça bénéficiera à l'ensemble des routiers.

Pour ce qui est de la question des services offerts, nous, on en offre, des services, chez nous, et c'est pour ça que les membres, entre autres, sont membres chez nous. D'autres associations offrent d'autres services ou, des fois, les mêmes services, mais chacun est libre de décider s'il veut être membre d'une association ou l'autre. Donc, moi, je pense que l'avantage de ne pas avoir une cotisation obligatoire, c'est que les gens auront la liberté, mais aussi, je pense qu'il faut s'assurer que les gens n'aient pas une mauvaise compréhension du but du Forum.

Parce que, comme je le disais tantôt, oui, tout le monde est pour un contrat type, et, oui, tout le monde pense que ça va améliorer les relations commerciales. Sauf que ça ne changera pas le monde. Il ne faut pas penser que, si demain matin on s'entendait sur un contrat type et qu'on l'appliquait, demain matin les revenus des routiers changeraient drastiquement. La question des revenus des routiers a une problématique beaucoup plus lourde que la question du contrat type. C'est une question qu'il y en a beaucoup, de routiers, il y a une question d'endettement, etc. Donc, c'est pour ça que je ne veux pas qu'on donne l'impression aux routiers qu'on va les cotiser, ils vont faire partie d'une association professionnelle ou d'un syndicat et que, maintenant, ils vont voir leurs revenus ou leurs espérances de revenus changer.

M. Chevrette: C'est fini, je suppose? Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Je vais revenir sur le rôle, comme vous l'avez décrit, du Forum. Bon. Vous nous dites: On comprend que c'est un forum qui est consultatif. J'ai questionné les gens cet après-midi à savoir, est-ce que, de fait, le Forum, ça va être une instance consultative seulement ou ça va être une instance décisionnelle. Bon. Vous avez participé à la table temporaire de concertation, et j'ai eu deux réponses de la part de gens qui étaient à la même table. Vous, vous nous dites: C'est consultatif, d'autres ont dit après-midi: Bien, c'est consultatif en partie, mais ça sera décisionnel en partie. Alors, j'essaie de comprendre exactement: Si tout le monde était à la même table, est-ce que ça veut dire que les messages ne sont pas les mêmes ou la compréhension n'en est pas la même?

M. Cléroux (Pierre): En fait, la compréhension que, nous, on a du projet de loi, c'est que ça sera une table de concertation non décisionnelle. Donc, pour nous, les décisions, la responsabilité de la table, le mandat de la table sera de se concerter sur certaines propositions qui sont reliées aux relations commerciales, et ça sera à la table de proposer au gouvernement des changements. Et là, ça sera au gouvernement de prendre la décision, s'ils vont de l'avant avec les changements ou pas. C'est notre compréhension du projet de loi.

n(20 h 40)n

M. Bordeleau: O.K. On me faisait référence cet après-midi, quand on parlait de cette chose-là, à un article, par exemple, qu'on me donnait à titre d'exemple: «Le Forum peut, par résolution, accréditer des personnes pour arbitrer, selon les règles du droit civil, des différends entre un routier et un donneur d'ouvrage.» Alors, on dit qu'«il peut, par résolution, accréditer». Bon. Est-ce que vous considérez que c'est quelque chose qui est décisionnel, à ce niveau-là, ou c'est consultatif? À l'article 48.11.13.

(Consultation)

M. Cléroux (Pierre): Mais, en fait, ma compréhension ? et je ne suis pas un avocat, je ne suis qu'un pauvre économiste ? c'est que le contrat type qui sera négocié ou qui sera la résultante d'une concertation à la table de concertation devra être approuvé par le gouvernement ou devra être décidé par le gouvernement. Ce que vous mentionnez ici, ce seront les règles d'application de ce contrat type s'il y a des litiges, et je pense que, dans ce sens-là, évidemment, les gens seront responsables de faire appliquer les litiges. Mais, en ce qui concerne le contrat type lui-même, ma compréhension, c'est que ça, ce n'est pas le forum de concertation qui va prendre la décision de le faire appliquer, mais ce sera le gouvernement.

M. Bordeleau: O.K. Là-dessus, je vous suis. Cet après-midi, au fond, quand on parlait de la table, on a dit: Si, au fond, il y a un consensus, on a dit: Le ministre va l'entériner. Évidemment, s'il y a un consensus et puis que le ministre est d'accord, il l'entérine. S'il n'y a pas de consensus, il peut édicter ou imposer une solution.

Dans ce contexte-là, où le mandat serait un mandat plutôt consultatif, comment vous voyez la question de la représentation? Disons que, moi, ça me paraît assez lourd, pour un forum qui est consultatif, d'avoir des pourcentages de votes attribués en proportion de l'importance de chacun des regroupements, du côté des donneurs d'ouvrage comme du côté des routiers. Si c'est consultatif puis qu'au bout de la ligne, si les gens sont tous d'accord, le ministre entérine, si les gens ne sont pas d'accord, le ministre décide et que c'est sa responsabilité de le faire, vous ne trouvez pas ça lourd, un peu, toute cette mécanique-là de représentation des regroupements de donneurs d'ouvrage et de routiers?

M. Cléroux (Pierre): Oui. En fait, ce n'est pas tellement ça, notre préoccupation. Si le mécanisme fait en sorte qu'il y a une bonne représentation des donneurs d'ouvrage et des routiers, nous, on n'a pas vraiment de problème avec ça. Le problème qu'on voit plutôt, c'est que, dans le contexte d'une table, comme vous l'avez dit, d'un forum non décisionnel de concertation, on ne voit pas l'obligation ou la nécessité d'avoir une cotisation obligatoire pour dire: Ça nous prend absolument... regrouper l'ensemble des routiers pour qu'ils soient bien représentés à la table. Nous, on pense que, déjà, les routiers, à travers les différentes associations et syndicats, peuvent être très bien représentés à la table, et on n'a pas besoin d'une cotisation obligatoire. Mais, sur la mécanique, on est capable... nous, ça nous va.

M. Bordeleau: O.K. L'autre question concerne le contrat type. Comment vous le voyez? Dans votre esprit, c'est quoi, le contrat type qui, éventuellement, mettons, pourrait être négocié, sur lequel il pourrait y avoir entente? Ça aurait l'air de quoi, un contrat type?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Mais là, je vous mets un petit peu en garde, parce que, si vous posez la question à chacun, je pense que vous allez avoir des réponses différentes. Pour nous, notre vision du contrat type, c'est d'abord et avant tout dans le contexte d'une relation commerciale. Donc, pour nous, le routier est un travailleur autonome et quelqu'un qui a décidé d'avoir sa propre entreprise ? la plupart sont incorporés ? et qui a une relation commerciale avec des donneurs d'ouvrage; ça peut être une entreprise de camionnage, ça peut être un manufacturier. Le contrat type, d'après nous, devrait permettre d'avoir une base de contrat sur lequel on va s'entendre que, sur certaines clauses, tous les routiers vont utiliser le même contrat; donc, par exemple la façon de calculer le kilométrage, la façon de calculer les hausses reliées aux hausses d'essence, donc ce genre de choses là qui peut entrer dans un contrat commercial où est-ce que tout le monde partirait avec la même base. C'est ça, d'après nous, qui est le contrat type.

Donc, dans ce sens-là, ce que je disais tantôt, c'est clair que ça va beaucoup aider les routiers et ça va permettre d'avoir une situation plus claire. Mais ce n'est pas vrai qu'on va changer fondamentalement les règles du marché avec un contrat type. Donc, c'est pour ça qu'il faut faire attention. Demain matin, là, les revenus des routiers au Québec ne vont pas doubler parce qu'on a un contrat type à leur offrir. C'est à ça qu'il faut faire attention.

M. Bordeleau: O.K. Cet après-midi, on a rencontré l'Association du camionnage du Québec, Me Rouette, qui nous a donné un aperçu ? et j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus ? à savoir que le projet de loi n° 135, tel qu'on définit le routier ? propriétaire exploitant chauffeur de son propre camion ? ça touchait en bout de ligne à très, très peu de routiers au Québec. Et il nous mentionnait que... bien, en fait, les routiers qui viennent de l'extérieur du Québec, soit d'une autre province ou des États-Unis, bon, évidemment, ils sont exclus automatiquement de l'application de cette loi-là, parce qu'on dit d'ailleurs que c'est un routier qui vient du Québec. Donc, c'est une catégorie de personnes qui vont être sur le territoire du Québec qui ne seront pas assujetties évidemment à un contrat type ou à d'autres dimensions qui auraient pu être décidées par le Forum.

Mais il nous mentionnait aussi qu'au Québec, en fait, les chiffres approximatifs qu'on nous donnait, on parlait de 4 500 à 5 000 routiers, et qu'il y en avait là-dedans un très, très grand nombre qui étaient des compagnies formées en vertu de la loi fédérale, et qu'à ce moment-là ils ne seraient pas assujettis à la loi n° 135, et on nous donnait des proportions. Quand je dis «des grands nombres», Me Rouette nous a mentionné, bon, que ça peut peut-être couvrir 500 routiers au Québec; la balance des routiers qui font du transport sont des entreprises qui ont été créées en vertu de la loi fédérale, donc qui ne seront pas assujetties à...

Alors, si 4 500 ne sont pas assujettis, 500 sont assujettis, est-ce que ça ne peut pas poser des problèmes, ça, au niveau de toute la dynamique d'application d'un contrat type qui s'appliquerait à 500, mais, à côté, 4 500 routiers qui n'auraient pas, eux autres, à être assujettis à ça et qui pourraient négocier les conditions qu'ils veulent avec leurs clients?

M. Cléroux (Pierre): Oui. En fait, je suis d'accord qu'il y en a un certain nombre qui sont sous charte fédérale. Je suis d'accord aussi qu'il y en a un certain nombre qui viennent de l'extérieur. Je ne sais pas il y en a combien, de routiers au Québec qui vont rentrer dans la définition, ici. Mon feeling à moi, c'est qu'il y en a plus que 500. Chez nous, on en a 100, puis on n'est pas une grosse organisation, là. Donc, j'ai l'impression que ça va être plus que ça. Mais ça, je ne peux pas vous dire, sur les 4 500, il y en a combien qui vont rentrer dans la définition, ici. Ça, je ne suis pas en mesure...

M. Bordeleau: Mais quand vous dites que vous en avez 100, c'est des compagnies qui sont créées en vertu de la loi du Québec?

M. Cléroux (Pierre): Qui ont un camion et qui sont chauffeurs d'un camion à temps plein. Oui, c'est ça.

M. Bordeleau: Oui, mais créées en vertu d'une loi provinciale ou d'une loi fédérale?

M. Cléroux (Pierre): En fait, on n'est pas en mesure de spécifier si elles sont fédérales ou provinciales. Mais...

M. Bordeleau: Parce que, si elles sont assujetties au Code du travail fédéral, ce n'est pas la même chose...

M. Cléroux (Pierre): Ça, je suis d'accord avec vous. Mais...

(Consultation)

M. Cléroux (Pierre): En fait, ce qu'on me dit, c'est que... je ne suis pas sûr de la proportion ? la réponse, c'est ça ? je ne peux pas vous dire il y en aura combien.

Par contre, la deuxième partie de la question, où est-ce que vous dites: Il n'y aura pas une différence entre... En fait, ça a toujours été notre inquiétude, au Forum. C'est que, en définissant un groupe de gens, qu'on appelle ici «routiers», et en disant: Il va y avoir un contrat type, c'est clair que ces gens-là seront en concurrence avec des gens de l'extérieur, seront en concurrence avec des gens qui ont deux camions et, dans ce cas-ci, ne rentreront pas dans la définition de routier. Donc, ça a toujours été une inquiétude pour nous.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Ratté et M. Cléroux, pour votre participation aux travaux. Et j'invite maintenant les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Vous avez, comme les autres groupes, 15 minutes de présentation. Je vous invite, M. Valois, à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Valois (Roger): Merci. D'abord, je suis accompagné de Denis Marcoux, qui est le vice-président de la Fédération des employés des services publics de la CSN; John David Duncan, qui est le représentant du Syndicat national du transport routier; et Clément Gaumont, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN.

n(20 h 50)n

Alors, M. le Président, la Confédération des syndicats nationaux est heureuse de souligner le dépôt du projet de loi n° 135, qui constitue un premier pas dans la longue lutte des camionneurs propriétaires pour la reconnaissance du droit d'association qui leur permettra à terme d'améliorer leurs conditions de travail.

La CSN regroupe plus de 235 000 travailleuses et travailleurs de tous les secteurs d'activité économique. Le Syndicat national du transport routier compte quant à lui plus de 4 000 membres dont 1 200 chauffeurs propriétaires au moment du Forum ? et, là-dessus, ça a continué d'adhérer.

La CSN rappelle que le dépôt de ce projet de loi est un élément de solution, mais il n'est pas la solution en soi. Nous comptons sur le ministre des Transports pour rappeler à sa collègue ministre du Travail que, dans la réforme du Code du travail, on devra retrouver d'autres solutions comme la notion d'entrepreneurs dépendants assimilés à des salariés. Les camionneurs propriétaires, même s'ils possèdent leur outil de travail, ont le droit de s'inscrire s'ils le désirent. Le Québec, qui malheureusement n'a pas de disposition semblable à ce qui existe au Code canadien du travail ou encore au Code ontarien du travail, traîne honteusement de la patte dans ce domaine.

Nous rappelons au ministre que, si nous avions eu de telles dispositions dans notre Code du travail, le mouvement syndical aurait pu négocier plus facilement, avec la force de la reconnaissance que donnent des lois à des clauses d'indexation des prix du transport lors de la crise du fuel. Sans doute aurions-nous pu éviter l'anarchie caractéristique des rapports de travail lorsque ceux-ci ne sont pas encadrés et que règne la loi de la jungle. La syndicalisation représente pour la CSN l'assurance que les intervenants pourront à long terme prendre en main leur industrie.

Par ailleurs, il importe de souligner que le Code canadien du travail accueille et reconnaît l'accréditation et la convention collective lorsqu'un employeur change de juridiction. Les salariés du Québec sont alors protégés par le Code canadien du travail. La ministre du Travail a annoncé son intention d'avoir une disposition semblable au Québec. À notre avis, cela permettrait d'éviter beaucoup de problèmes de juridiction, problèmes qui risquent de se produire avec le projet de loi n° 135.

Nous comprenons bien les dispositions du projet de loi, mais plusieurs employeurs nous ont déjà signifié qu'ils entendent en appeler de la constitutionnalité de certaines dispositions du projet de loi lorsqu'ils effectuent du transport interprovincial. Selon eux, les dispositions du contrat type ne peuvent alors s'appliquer à eux. Avouons qu'il y a de quoi s'inquiéter, puisque l'ajout d'une simple route aurait pour effet d'éviter l'application de la loi.

En ce sens, nous croyons que le ministre devrait intervenir auprès de son homologue fédéral afin d'obtenir des dispositions miroir d'Ottawa, tout comme le Québec devrait faire de même avec plusieurs articles du Code du travail québécois. La CSN est satisfaite que le projet de loi n° 135 permette le pluralisme de représentation. Nous sommes de ceux qui croyons que les camionneurs doivent avoir le choix de leur organisation représentative et qu'il faut éviter qu'une seule organisation syndicale se voit allouer un monopole de représentation syndicale pour une durée déterminée.

Ceci dit, le projet de loi n° 135 est plus marqué du sceau des rapports commerciaux que des rapports patronaux-syndicaux. En ce sens, la loi constitue un contenant sans toutefois définir le contenu. En effet, au-delà des rares objets d'ententes qui pourront intervenir au Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage, le gouvernement a limité son intervention aux objets visés au premier paragraphe de l'article 48.11.02. Compte tenu des intérêts souvent divergents des parties, on peut douter des accords possibles du contenu qui sortiront des délibérations du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage.

Le fait que le gouvernement limite son champ d'intervention vient en effet d'autant réduire l'intérêt des employeurs à s'entendre. Il nous apparaît donc opportun que le gouvernement ne limite pas son champ d'intervention. Dans notre Code du travail actuel, il y a possibilité d'imposer par arbitrage le contenu d'une première convention collective.

Nous sommes d'avis que le ministre devrait, ici, se réserver les mêmes pouvoirs afin de fixer le contenu entier du contrat type s'il n'y a pas entente avec les donneurs d'ouvrage. La problématique des camionneurs propriétaires a de multiples visages et, là-dessus, je vais vous éviter de la lecture, parce qu'on en a abondamment parlé dans le passé. Donc, je vais sauter ces quelques paragraphes-là pour reprendre au milieu de la page suivante.

Il faut, à notre avis, se donner toutes les chances pour régler les problèmes. Quand des camionneurs n'ont pas d'autre choix que de tricher le «logbook» pour pouvoir survivre, il y a de quoi être inquiet. Le gouvernement doit donc se garder une marge de manoeuvre suffisante pour forcer le règlement de difficultés qui peuvent toujours survenir.

C'est pourquoi nous suggérons, en regard de la promulgation par règlement du contenu du premier contrat, que le champ d'intervention du ministre ne soit pas limité aux seuls objets identifiés dans le projet de loi.

Protéger l'exercice des droits. Nous sommes d'accord avec une définition du statut du camionneur propriétaire comme étant une personne propriétaire et chauffeur d'un seul camion. Nous assujettissons cependant cette définition à trois conditions.

La première est à l'effet que la loi comprenne des mesures visant à empêcher la discrimination à l'encontre des camionneurs propriétaires en raison d'exigences du contrat type. Aucun donneur d'ouvrage, un intermédiaire en services de transport, ni une personne agissant pour un donneur d'ouvrage ou un intermédiaire en services de transport, ni une association dont fait partie un donneur d'ouvrage ou un intermédiaire en services de transport ne doit refuser ou cesser d'utiliser les services d'un routier ni chercher par intimidation, mesures discriminatoires ou de représailles, menaces de renvoi ou autre, ou par l'imposition d'une sanction ou par quelque autre moyen, à contraindre un routier à s'abstenir ou à cesser d'exercer des droits établis en sa faveur dans le contrat type le liant au donneur d'ouvrage ou à un intermédiaire en services de transport ou encore à s'abstenir de participer aux activités d'un regroupement. Le fardeau de la preuve devrait incomber à l'employeur, comme au Code du travail, l'article 17. L'arbitre saisi d'une plainte de discrimination aurait alors des pouvoirs comme au Code du travail, c'est-à-dire la réintégration, la répartition des indemnités compensatrices.

La deuxième condition a trait à l'application du contrat type. Les parties syndicales demandent unanimement que le contrat type soit applicable à tous les camionneurs propriétaires, y compris aux camionneurs propriétaires exploitants. Le camionneur propriétaire, qu'il traite directement ou non avec l'expéditeur, qu'il assume ou non la responsabilité du transport, se trouve dans la même situation de dépendance économique.

La troisième condition vise les pouvoirs du Forum dans la nouvelle loi. Cette dernière devrait stipuler que le Forum a entre autres pour fonction d'examiner périodiquement le respect de la loi sur le terrain. Si l'examen mentionné précédemment révélait que certains donneurs d'ouvrage tentent de contourner de façon systématique l'application de la loi en ce qui concerne l'exigence du contrat type, le Forum devrait alors avoir pour fonction de formuler des recommandations nécessaires pour que la loi soit amendée et que des sanctions plus sévères soient incorporées afin de sévir à l'encontre des contrevenants.

De plus, la CSN croit que l'obligation faite aux intermédiaires de fournir un cautionnement est insuffisante. Nous préférerions avoir un mécanisme d'indemnisation semblable à celui qui existe dans la construction. Chaque intermédiaire serait tenu de contribuer à un fonds d'indemnisation qui permettrait de compenser les pertes subies par les camionneurs propriétaires qui seraient victimes de malversation de la part de certains intermédiaires.

Par ailleurs, tout intermédiaire qui est un mauvais payeur chronique devrait être radié. Lors de la bataille menée par la CSN sur l'indexation des coûts de transport suite à la flambée des prix du fuel, nous avons été à même de constater que certains intermédiaires pensent d'abord et avant tout à eux. Ainsi, des entreprises de bonne foi avaient indexé rétroactivement les coûts de transport et versé cette rémunération additionnelle à un intermédiaire qui, au lieu de la verser aux camionneurs, l'avait purement et simplement empochée. Nous ne prétendons pas que tous les intermédiaires sont des rapaces mais nous croyons qu'on doit se donner des moyens pour civiliser l'industrie.

L'objectif principal du projet de loi n° 135 devrait être d'initier une démarche de négociations continue permettant d'encadrer les conditions de travail des camionneurs propriétaires. De cet encadrement doit découler une obligation de résultats en termes de conditions de travail. La CSN aurait privilégié une approche «relations de travail». À notre avis, cette approche constitue la meilleure assurance de la réelle prise en charge de l'industrie afin de respecter les conditions d'opération et d'amélioration des conditions de travail des camionneurs.

Voici, M. le Président, le mémoire déposé par la CSN.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Valois. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie pour la présentation. Je voudrais entamer la discussion sur un des aspects que vous contestez, c'est la caution. Vous dites que ce n'est pas suffisant. J'aimerais vous entendre un peu plus, parce qu'il me semblait qu'au départ le «bondage» de responsabilité ou de caution... la caution était une façon d'éviter que certains «brokers», par exemple, fassent faire du travail qu'ils ne payaient pas. Vous comparez ça à la construction. Pouvez-vous le rappeler, parce que ça a changé, ça a évolué au niveau de la construction, pour permettre peut-être aux membres de la commission de dire quel est le système en vigueur?

M. Valois (Roger): M. le Président, avec votre permission, je vais demander à Denis Marcoux, le vice-président de la Fédération, de répondre à la question du ministre.

M. Marcoux (Denis): Ce qu'on veut par cette approche-là, c'est d'alléger la lourdeur administrative qu'il y a aux alentours des démarches que le camionneur propriétaire a à faire. Donc, les lourdeurs autour du cautionnement sont beaucoup plus lourdes qu'au Fonds d'indemnisation.

La façon dont on voit la chose, nous, c'est, suite à une décision arbitrale ? parce qu'il va y avoir un tribunal qui va être géré par quelqu'un soit de la CTQ ou quelqu'un d'autre ? le Fonds indemnise le camionneur, et le Fonds est responsable de récupérer les sommes face aux mauvais payeurs. Dans ce cadre-là, la caution pourrait être la garantie pour le Fonds que le Fonds va être remboursé.

M. Chevrette: Ça, ce n'est pas pour la caution?

M. Marcoux (Denis): Non, ce n'est pas placé à la bonne place.

M. Chevrette: Mais vous voudriez que la caution soit vis-à-vis le Fonds et non pas vis-à-vis le travailleur.

n(21 heures)n

M. Marcoux (Denis): Exactement. Pour réduire la lourdeur administrative que les camionneurs doivent assumer pour aller récupérer leurs sommes d'argent. Donc, de cette façon-là, il y a un mécanisme souple qui vient permettre au camionneur d'avoir son argent et, en même temps, le Fonds est assuré, par l'entremise de la caution, de récupérer les sommes qui lui sont dues.

M. Chevrette: Deuxième chose, vous savez qu'on a un problème de départ. Chacun déclare ses effectifs, puis la compilation faite à l'oeil suppose qu'il y a plus de cartes de signées qu'il y a d'êtres vivants qui signent. Donc, on ne peut pas établir... Ça déstabilise même un verre!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): C'est renversant quand même.

M. Chevrette: Donc, ça suppose au départ un fonctionnement différent de la pondération des votes. À court terme, quelle mesure transitoire me proposez-vous? Parce que c'est moi qui ai malheureusement la tâche de trancher.

M. Valois (Roger): Nous, en tout cas, à moins que... Il y a tellement de désir d'être représenté que peut-être qu'il y a du monde qui se fait représenter par deux ou trois associations. Ça veut tellement, donc on signe pour nous, on signe pour d'autres. Puis ce n'est pas le manque d'être représenté qu'on peut identifier par le fait que d'aucuns déclarent plus de camionneurs que... Nous, on déclare ce qu'on a comme cartons de signés.

M. Chevrette: Chacun fait ça?

M. Valois (Roger): Bien voilà. Mais, l'important, c'est de commencer. Je ne pense pas que le Forum ait besoin d'identifier le nombre exact que chaque association peut ou doit représenter. Il faut commencer, et ensuite on verra comment on détermine la représentativité de chaque groupe.

M. Chevrette: Que diriez-vous si le ministre des Transports du Québec disait: Bien, on va partir un représentant de chaque groupe puis on va prolonger le délai? Le délai du 15 juillet est irréaliste à mon point de vue, puis je pense qu'on n'a pas à vous convaincre de ça, vous autres non plus, là.

M. Valois (Roger): ...une bonne note pour les vacances, mais...

M. Chevrette: Oui, mais, dans un délai raisonnable ? disons raisonnable pour l'instant ? on va y aller par consensus, puis on établira une pondération le jour où on aura vraiment les listes puis que les campagnes de recrutement seront terminées puis que le vote sera pris. Est-ce que vous accepteriez cette façon de faire?

M. Valois (Roger): Je vais demander à John qu'il réponde parce que, lui, à date, il a le sentiment plus que moi des camionneurs eux-mêmes. Je vais demander à John David de répondre, M. le Président, si vous permettez.

M. Duncan (John David): Évidemment, la question: Quand est-ce? Si vous voulez étirer la date avant qu'on ait vraiment un forum qui soit légitime, que les gens qui siègent à ce forum-là soient vraiment légitimés par quelconque manière, si vous dites que ça va aller plus tard que le 15 septembre, alors qu'on a une date butoir qui est dans la loi, qui est le 1er octobre, si on va plus tard que dans ces coins-là, au début septembre, moi, je pense que le 15 septembre, ça pourrait être une date où est-ce qu'on pourrait aller, tout en poursuivant les travaux du forum transitoire, qui vont bien. On a été capables d'arriver à certains consensus jusqu'à maintenant. Je pense que les gens peuvent continuer à travailler puis continuer à déblayer du terrain concernant le contrat type. Mais, évidemment, il faut que les camionneurs propriétaires, ou ce qu'on appelle les routiers selon la loi, il faut que ces gens-là aient un résultat. Et il faut qu'ils l'aient quand même assez rapidement. On sent la grogne chez les camionneurs, ils en ont besoin. Qui plus est, le carburant a tendance encore une fois de plus à monter. Et, malheureusement, ça a une incidence directe sur les humeurs.

M. Chevrette: Ils n'ont pas tous les mêmes raisons d'être de bonne ou de mauvaise humeur.

L'autre question que je voudrais vous poser, c'est concernant la syndicalisation potentielle. La CSD, cet après-midi, je crois, nous a rapporté ici qu'il y avait des gens qui avaient ce statut mais qui étaient syndiqués en fonction du Code canadien. Est-ce que vous considérez qu'on doit les exclure de la présente loi?

M. Valois (Roger): Non, parce qu'on demande l'effet miroir, de toute façon. On ne veut pas exclure les camionneurs qui sont couverts par le Code canadien.

M. Chevrette: Non, mais qui sont syndiqués et qui paient déjà une cotisation, si j'ai bien compris. Je ne veux pas déformer ou dénaturer ce que la CSD a dit, mais j'ai compris qu'ils payaient déjà une cotisation parce qu'ils étaient syndiqués en fonction du Code canadien et que, si on ne les soustrayait pas, ils seraient appelés à payer deux fois.

M. Valois (Roger): Ah! non, je ne veux pas collecter deux fois là. Non, il faut absolument qu'il y ait une cotisation qui soit prévue pour les camionneurs. On ne peut pas commencer à cotiser... En tout cas, nous, ce qu'on espère, comme mouvement ? vous le savez, M. le ministre, c'est temporaire avec Ottawa ? on espère que ça va être le moins longtemps possible.

M. Chevrette: C'est parce que vous dites: Tous les conducteurs propriétaires, sauf ceux qui sont syndiqués en vertu des codes. On se comprend-tu?

M. Duncan (John David): Nous, on croit que le contrat type doit s'appliquer à tous les camionneurs propriétaires qui possèdent un camion et le conduisent, qu'ils soient syndiqués ou non, en vertu d'une convention collective ou en démarche de syndicalisation d'être accrédités, parce que le contrat type va un peu édicter comme des normes minimales ? si on peut utiliser ce terme ? de travail dans les relations commerciales. Alors, à ce moment-là, moi, je pense que tous les camionneurs propriétaires vont être assujettis au contrat type.

M. Chevrette: Oui. Mais si, en vertu de ma loi, j'oblige la cotisation obligatoire en fonction d'un résultat de votation de 50 % plus un et qu'elle touche tout, et qu'il y en a qui sont véritablement en syndicat en vertu de l'article du Code canadien qui dit qu'un entrepreneur dépendant a le droit de se syndiquer et qu'il s'est syndiqué, est-ce que ce ne serait pas superfétatoire de lui faire payer deux cotisations?

M. Duncan (John David): Oui. Ça serait un grave problème, je pense, puis on en a, des camionneurs, qui sont déjà conventionnés, qui sont membres de notre syndicat, et, évidemment, leur faire payer double cotisation, ça apporterait un problème. Mais je crois que ce n'est dans l'intérêt d'aucun syndicat de faire payer deux cotisations à un camionneur propriétaire, ce n'est pas dans l'intérêt non plus du camionneur propriétaire ou du routier. Mais je pense qu'on est capables de trouver une formule où, même si un camionneur propriétaire faisait partie d'une association ou d'un syndicat où il serait déjà régi par une convention collective qui ? le syndicat qui le représenterait ? ne siégerait pas au Forum, on pourrait quand même accepter le fait que... Il faut regarder la réalité des choses. Souvent, les gens qui vont être assis autour de la table du Forum, c'est trois grandes centrales syndicales et, généralement, les syndicats où les camionneurs propriétaires sont généralement affiliés à ces centrales-là. Alors, donc, il y aura un revers. Mais je pense qu'on est capables de trouver une formule souple qui va permettre aux gens de leur sauver une triple cotisation.

M. Chevrette: Mais le ministre ne doit pas prendre de chance, lui; il doit se «padder», comme on dit en bon québécois, contre ça.

M. Duncan (John David): Oui, mais...

M. Chevrette: Mais, comme j'ai l'appui de principe puis que vous ne voulez pas qu'ils en paient deux, vous ne serez pas surpris si je m'arrange pour ne pas qu'ils en paient deux.

M. Valois (Roger): On espère bien.

M. Duncan (John David): Oui, et on veut que...

M. Valois (Roger): Mais on espère aussi que, dans le Code québécois, on puisse donner le droit aux syndicats...

M. Chevrette: Non, mais je pense qu'on se comprend. Ce que je veux, là, ce n'est pas rédiger la clause...

M. Valois (Roger): Non, non, non!

M. Chevrette: ...c'est plutôt m'entendre sur le principe en disant... Moi, j'ai été ébranlé, après-midi, parce que je ne l'avais pas prévue, celle-là. Puis le fait de dire: C'est vrai, il y en a qui peuvent être syndiqués en vertu du Code canadien à qui vous demandez d'appliquer le contrat type mais qui cotisent déjà. Il est déjà cotisé, ce travailleur-là. Donc, il ne faudrait pas s'arranger... En tout cas, peu importe la formule, il ne faut pas s'arranger pour qu'il y ait double cotisation. Ça, c'est ce que je comprends.

M. Valois (Roger): Nous, ce qu'on espère, c'est que le contrat type, à moins que... Mais c'est toujours une garde qu'on se donne. On espère que le contrat type ne viendra pas pallier à quelqu'un qui... Là, vous parlez de quelqu'un qui est syndiqué. Quelqu'un qui est syndiqué en vertu du Code canadien, tout ce qu'on espère, c'est qu'il n'ait pas besoin du contrat type pour protéger ses bénéfices et son emploi.

M. Chevrette: Mais, s'il en est à se protéger par le contrat type...

M. Valois (Roger): Si le ministre veut être plus généreux que les conventions collectives...

M. Chevrette: ...il a une grosse force syndicale là-bas.

M. Valois (Roger): Oui, oui, mais... Non, non. Mais nous, on ne veut pas deux cotisations syndicales.

M. Chevrette: C'est beau. C'est ça que je voulais entendre de votre bouche, M. Valois.

M. Valois (Roger): C'est commode, mais pas tant que ça, des cotisations.

M. Chevrette: Je n'ai pas compris.

M. Valois (Roger): C'est commode, des cotisations, mais pas cotiser deux fois, quand même.

M. Chevrette: Bien, ça aide, mais il ne faut pas...

M. Valois (Roger): Ah! C'est très commode.

M. Chevrette: Trop, c'est comme pas assez, ça. C'est le prix des cigarettes, vous comprendrez, ça développe d'autres vices du système.

Donc, je voudrais vous poser une dernière question, c'est sur toute l'approche... Vous avez parlé de la définition des termes du contrat dans la loi. Ne croyez-vous pas... Puis je vous pose la question parce qu'il y a des amendements qui me trottent dans la tête présentement. C'est: À vouloir être spécifique dans un article de loi, on risque d'être obligé de revenir en législation pour définir des contenus. Étant donné que c'est une loi un peu cadre, comme vous le dites, qui vise d'abord à asseoir juridiquement le lieu de concertation, on se comprend là-dessus; ça, c'est premièrement.

n(21 h 10)n

Deuxièmement, est-ce que je ne dois pas être plutôt vague dans le cadre de la définition des sujets qui seront abordés à la table du Forum, plutôt que de dire: ces deux sujets-là, ces trois sujets-là? Que les parties devront s'entendre sur des objets ? devront discuter en tout cas ? en sachant que les points de consensus sont entérinés et les points de divergence sont arbitrés. C'est un peu ça, l'esprit du projet de loi. Je pense que le député de l'Acadie l'a posée quasiment à chaque groupe à date, cette question-là. En sachant ça, est-ce qu'on doit être très précis ou plus large? J'aimerais avoir votre évaluation.

M. Valois (Roger): M. Marcoux va répondre à la question.

M. Marcoux (Denis): Nous, ce qu'on veut éviter, c'est les problèmes de motivation, M. le ministre, parce que la façon dont le projet est rédigé à l'heure actuelle, à l'article 48.11.23, quand on fait référence strictement à l'alinéa 1, on s'adresse uniquement aux contenants, si je puis m'exprimer ainsi, et on exclut l'ensemble des aspects de contenu. Bon. Ça, si on se «padde», comme vous dites, avec un encadrement comme ça, ça va... On a assez de misère comme c'est là à s'entendre avec les donneurs d'ouvrage, à cause des divergences d'opinions, imaginez la motivation des employeurs à ce Forum-là, qui n'auront aucune espèce de menace que quelqu'un ? nous, on propose une approche de première convention collective ? va venir imposer un contenu au travail qu'on va faire. Moi, je peux vous dire que j'aime mieux le café que je vais boire au Dunkin' Donuts que le café que je vais aller boire là, M. le ministre. Ça, je peux vous dire ça. Parce que ces gens-là n'auront aucune motivation à arriver à un règlement.

M. Chevrette: Ces gens-là savent autant que vous que le Forum est consultatif et que le ministre entérine les consensus et que, à défaut d'entente, c'est le ministre qui administre, qui gère les points de divergence. Je vais vous en donner, un exemple.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Ah oui! C'est presque 15 minutes, là, que vous avez avec les échanges.

M. Chevrette: Bien, je peux-tu finir celle-là pareil.

Le Président (M. Lachance): Allez-y.

M. Chevrette: Merci. En d'autres mots, plutôt que de commencer à définir les points d'un contrat, si je dis dans un article quelconque: Les parties conviendront des éléments du contrat, vous pouvez avoir un consensus sur 10 éléments puis une divergence sur cinq, je ne le sais pas, alors que, si je me mets à faire des énumérations, vous ne croyez pas que, moi-même, je peux limiter les débats sans le vouloir? C'est ça que je voulais tester avec vous autres.

M. Valois (Roger): J'ai plusieurs réponses à côté de moi, mais ça va...

M. Marcoux (Denis): Là-dessus, ce qu'on a comme suggestion, M. le ministre, c'est, à l'article 23, de biffer toute référence aux alinéas de 48.11.02. Parce que, à l'article 48.11.02, il y a cinq alinéas là et chacun des alinéas traite d'un aspect différent qui pourrait être inclus au contrat. On intègre dans le projet de loi qu'on limite votre pouvoir d'intervention à l'alinéa 1, qui est en fait uniquement le contenant ou les mécanismes.

Si on enlève cette disposition-là, on se retrouve dans une situation où on a un libellé très général en termes de définition, et on serait tout à fait d'accord avec ça. Je pense que, nous ? parce que je vous dis qu'on est d'accord avec un aspect général, vous trancherez les litiges quand il y en aura ? nous, on aura nos discussions sur les consensus parce que, avec la façon dont c'est organisé à l'heure actuelle, il n'y a aucune motivation à arriver à une entente.

Mais, nous, on préfère un aspect général puis on pense qu'en biffant cet aspect-là, l'aspect de l'alinéa 1, on arrive à cette conclusion-là.

M. Chevrette: Merci. Je suis obligé d'arrêter.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Cet après-midi, la CSD est venue puis nous faisait une proposition. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Pour ce qui est de la représentation des regroupements de routiers, bon, dans le projet de loi, on parle d'un pourcentage de votes qui seraient attribués en proportion avec l'importance relative de chacun des regroupements. Alors, c'est le principe. Et ce que la CSD, elle, proposait, c'était que, au fond, au lieu d'avoir une dynamique comme ça, qui est plus complexe, ce soit un siège par regroupement, et elle ouvrait la possibilité en disant: Bien, peut-être que s'il y avait un regroupement qui en avait plus, à la limite il pourrait y avoir deux sièges ou quelque chose comme ça, plutôt que de calculer exactement les proportions de routiers affiliés à chacun des regroupements, ensuite de déterminer les pourcentages de votes. Comment vous réagissez à cette proposition-là?

M. Valois (Roger): La position de la CSN là-dessus est claire, c'est proportionnel, c'est en proportion.

M. Bordeleau: Ce qui est dans le projet de loi actuellement.

M. Valois (Roger): Oui, oui, absolument, parce que les camionneurs décideront de l'association un jour plus tard, et on va y aller avec la proportion au niveau des représentants. Parce qu'il faut aussi que les intervenants qui sont autour de la table représentent de quelque façon un pourcentage de membres. Et, là-dessus, je pense que, en proportion, ça nous va.

M. Bordeleau: Juste à titre d'information, les regroupements de donneurs d'ouvrage qui sont autour de la table, est-ce qu'ils représentent l'ensemble des donneurs... Est-ce que l'ensemble des donneurs d'ouvrage du Québec, disons, dans le domaine du transport général, sont effectivement représentés dans ces regroupements-là ou, éventuellement, dans la dynamique qui est prévue dans le projet de loi pour choisir les principaux regroupements, ensuite deux autres personnes qui sont nommées par les trois premières? Est-ce que, ça, ça fait le tour de l'ensemble des donneurs d'ouvrage ou s'il n'y aura pas à ce moment-là des donneurs d'ouvrage qui ne se sentiront pas concernés par ça parce qu'ils ne sont pas directement impliqués d'une façon ou de l'autre?

M. Valois (Roger): Avec votre permission, M. le Président.

M. Duncan (John David): Merci. Je crois que les gens qui siègent essentiellement au Forum devraient normalement se retrouver ? ceux-là qui siègent actuellement au groupe technique et tout ça ? aussi à la table de concertation qu'il va y avoir suite à la loi n° 135. Ces gens-là, évidemment, s'ils représentent réellement, je crois que c'est des incontournables dans le monde du transport général, ils le touchent de près ou de loin. Somme toute, des fois, à entendre certains discours, on est à même de se demander s'ils ont vraiment rapport parce qu'ils disent: Nous, on ne fait jamais affaire avec des camionneurs propriétaires, mais, soudainement, ils se sentent très concernés. Alors, nous, on sait pertinemment que les gens qui siègent autour de la table au Forum ont un certain rapport avec les camionneurs propriétaires et, donc, c'est pertinent qu'ils soient là. Et, nous, c'est ça. Il y a peut-être des associations qui ne se sentent pas concernées, qui trouvent que la démarche n'est pas bonne. Alors, si, ces gens-là, ça ne fait pas leur affaire d'être là, ils auront leur choix à faire de vouloir être présents à la table du Forum, à la table de concertation.

M. Bordeleau: Mais, quand vous dites, M. Duncan, que les groupes qui sont là devraient se retrouver éventuellement dans le Forum permanent, si on regarde le projet de loi, il y a cinq regroupements, au fond, de routiers et trois regroupements de donneurs d'ouvrage et, ensuite, deux autres qui sont nommés par la suite. Ça en fait un maximum de 10. Et je regarde, il y en a à peu près 18 actuellement. Donc, ils ne se retrouveront certainement pas tous là.

M. Duncan (John David): Si ces gens-là veulent faire des alliances avec certaines autres associations, on a vu certaines associations se mettre ensemble pour partager des frais ou partager des visions communes, alors, ces gens-là, s'ils veulent se regrouper, il n'y aura aucun problème. Peut-être que, du côté syndical, il y aura des choses comme ça aussi qui vont se présenter là-dessus. Je crois que je vais laisser la parole aussi à M. Denis Marcoux.

M. Marcoux (Denis): Bien, écoutez, monsieur, nous, on travaille avec le monde syndical, j'ai un petit peu de difficulté à me prononcer sur la représentativité des employeurs. Mais, moi, je pense qu'il y a trois sortes de monde qui sont de l'autre bord de la table: tu as les compagnies de transport, tu as les intermédiaires puis tu as les donneurs d'ouvrage, qui sont représentés par un certain nombre d'associations. Une fois que ces groupes-là, en termes de représentativité, sont présents au Forum, bien, je pense qu'on va laisser le libre choix d'arbitrer la représentativité de ce monde-là. Je pense qu'on ne peut pas se prononcer plus en détail sur leur représentativité.

M. Bordeleau: Je posais la question dans le sens où, évidemment, ça sera vos interlocuteurs éventuellement, c'est avec eux que vous ferez affaire. Et vous souhaitez en arriver à des consensus avec un contrat type qui sera accepté par tout le monde. Mais, s'il y a des grands pans, au fond des donneurs d'ouvrage qui ne se retrouvent pas là, bien, ils vont peut-être ne pas être au même diapason que les autres, là.

n(21 h 20)n

M. Marcoux (Denis): Écoutez, on peut avoir les meilleurs ingrédients puis manquer notre recette. Nous, on n'a pas à se prononcer là-dessus. Mais c'est clair qu'on va vouloir avoir des interlocuteurs qui sont là les plus représentatifs du secteur parce que, vous savez, il faut qu'il y ait des résultats tangibles qui sortent de là. J'entendais tantôt que ça ne changera pas le monde, là. Mais, le monde, il a besoin de changement, puis le monde, il en a plein ? excusez l'expression ? son truck. Ça prend des changements. S'il n'y a pas de changements, bien, on va... Tu sais, il y a d'autres moyens qui vont faire en sorte que les gens vont signifier leur désaccord, mais il faut qu'il y ait des changements tangibles. Il y a des problèmes, il faut les régler.

M. Bordeleau: O.K. À la page 6 de votre mémoire ? j'aimerais juste revenir sur un point que vous mentionnez ? vous dites: «La troisième condition vise les pouvoirs du Forum dans la nouvelle loi. Cette dernière devrait stipuler que le Forum a, entre autres, pour fonction d'examiner périodiquement le respect de la loi sur le terrain. Si l'examen, mentionné précédemment, révélait que certains donneurs d'ouvrage tentent de contourner de façon systématique l'application de la loi, en ce qui concerne l'exigence du contrat type, le Forum devrait alors avoir pour fonction de formuler les recommandations nécessaires...», bon, etc.

J'essaie juste de voir, là. Mettons qu'il y aurait un contrat type qui servirait éventuellement. Qu'est-ce que ça va être, l'organisation de tout ça, pour surveiller... Parce que le Forum, on nous dit: Il y a un président à temps plein, il y a des représentants des donneurs d'ouvrage, des routiers. Là, vous dites là-dedans: Le Forum devrait avoir la responsabilité de s'assurer que, au fond, les donneurs d'ouvrage respectent le contrat type et tout ça. Mais il y en a, des donneurs d'ouvrage. Comment ça va s'organiser pour savoir si, de fait, tout le monde, tout le monde suit? Est-ce qu'il va y avoir des inspecteurs? Comment ça va fonctionner?

On regarde dans le domaine de la construction, on sait qu'il y a des règles à suivre, il y a des inspecteurs qui se promènent. Là, quand ça va être décidé tout ça, qui va faire la surveillance de ça? Parce que, à date, dans le Forum, on ne nous a pas parlé de personnel comme tel qui serait attitré pour faire ce genre de travail là; on nous parle d'un organisme de consultation où on essaie d'arriver à des consensus. Alors, je ne sais pas, je voudrais avoir votre point de vue là-dessus. Comment on va pouvoir s'assurer que tout ça fonctionne correctement? Il me semble qu'on devrait avoir du monde pour aller vérifier ça, s'il y a des plaintes ou d'autres choses?

M. Duncan (John David): Bien, évidemment, une de nos demandes, c'est qu'il y ait ce qu'on appelle un TAPA, un tribunal d'arbitrage à processus accéléré, dans le genre qui existe, comme dans le Code du travail, et ça, ça va être un mécanisme qui va aider, justement, aux camionneurs propriétaires, s'ils ont un contrat type qui s'applique à eux, s'il y a quelqu'un qui transgresse ou le donneur d'ouvrage ne respecte pas certaines clauses du contrat type, ces camionneurs propriétaires vont pouvoir faire une plainte et obtenir justice concernant leur plainte. Donc, évidemment, il n'y a pas vraiment de personnel affecté, d'inspecteurs, pour aller vérifier. Les camionneurs ont à prendre leurs responsabilités et à s'organiser pour faire respecter le contrat type comme tel. Mais, ce qui va être très intéressant du contrat type et de la loi n° 135, c'est que les camionneurs vont avoir cette alternative-là, contrairement à ce qui se fait actuellement, aujourd'hui, où c'est unilatéral, c'est sens unique, d'une manière: Tu prends ce que je te donne, puis tu te la fermes. Alors, ça va changer les donnes.

Alors, je pense que les camionneurs propriétaires, quand ils vont avoir vraiment un contrat type qui va être vraiment significatif, avec un tribunal d'arbitrage accéléré qui va pouvoir régler leurs problèmes, qui va être cohérent avec le monde du transport surtout, puis que ces gens-là vont pouvoir se défendre puis obtenir justice assez rapidement, les gens vont eux autres mêmes embarquer, ils vont faire affaire avec leur association syndicale ou leur association de camionneurs et vont se défendre comme ça.

M. Bordeleau: Sur la clause dont vous nous avez parlé, il y a antidiscrimination, je ne sais si c'est comme ça exactement que vous l'avez... Vous dites: Il faudra s'assurer, avec ce nouveau mécanisme là, que les gens décident de ne pas continuer à embaucher des routiers qui étaient là, bon, à cause du changement qui serait survenu et qu'on se dirige, à ce moment-là, vers les gens qui ont deux camions et plus pour leur donner des contrats à eux.

Disons que ça, bon, on pourrait toujours référer... Dans le passé, effectivement, il y avait un routier individuel qui travaillait régulièrement pour un employeur ou un client de façon plus précise, et puis on peut voir par rapport au passé si, de fait, on arrête de le prendre ou non, puis là, que ça justifie une plainte, etc.

Mais, dans le futur, comment un mécanisme comme ça peut s'appliquer? Qu'est-ce qui pourrait empêcher un donneur d'ouvrage de décider de faire affaire seulement avec des compagnies qui ont deux, trois camions plutôt que de faire affaire avec des individus? Et, à ce moment-là, il n'y a pas de comparaison, on ne peut pas dire qu'il est de mauvaise foi parce qu'il change son comportement. C'est comme ça.

M. Vaudreuil (François): Je veux dire, là-dessus, on va, nous, comme association, veiller au grain, et tout ça parce que tout d'un coup on ferait affaire avec d'autres pendant qu'on a un contrat type puis qu'on veut se débarrasser de quelqu'un, par exemple, qui aurait milité à la mise sur pied d'une association quelconque puis que, tout d'un coup, on décide de donner des contrats à d'autres. Là-dessus, je pense qu'il va falloir que les associations représentatives s'occupent de ce phénomène-là et d'amener ces cas-là au Forum pour les mettre sur la table pour qu'on puisse regarder, avec le Forum, comment on trouve les solutions puis comment on trouve la façon que l'ostracisme cesse. Parce que c'est facile de dire: Bien, c'est parce que le comportement a changé, j'ai décidé de faire affaire avec un autre qui a plusieurs camions, etc. Et là-dessus, si on commence à jouer sur cet tableau-là, nous, on met une mise en garde, on dit: Il ne faudrait pas que ça nous amène là. Ce monde-là a rendu des services aux donneurs d'ouvrage pendant des années, ils sont capables de le faire encore. Ce n'est parce qu'il y aurait un contrat type qui viendrait encadrer ces conditions de travail là que, tout d'un coup, on devrait jeter le bébé avec l'eau du bain, là, on dit: On va veiller à ça. Et ça sera au Forum à déterminer comment on prend le taureau par les cornes. On fait confiance. Je vais vous dire: Peut-être qu'on est un peu fleur bleue de ce côté-là, mais on fait confiance. On dit: Un contrat type, on va l'appliquer. Et devant ce qui pourrait s'avérer de la malveillance ou de la mauvaise foi, bien, on avisera le Forum et les associations représentatives, les syndicats en place verront à ce que les personnes soient respectées et que, si on a des multiples cas, j'ai l'impression que le Forum va être occupé beaucoup.

Donc, le Forum va être notre référence où on va faire des discussions avec...

M. Bordeleau: Ça serait quoi, le mécanisme qui réglera ce genre de litige là? Est-ce que ça sera encore le tribunal...

M. Valois (Roger): Bien, on pourra soumettre ça...

M. Bordeleau: ...dont on a parlé tout à l'heure?

M. Duncan (John David): Oui, bien, écoutez, nous, on a soumis une clause anticontournement qui ressemble étrangement aux clauses qu'on peut retrouver dans les deux codes du travail, c'est-à-dire le Code canadien et le québécois, l'article 15 et l'article 96 qui, entre autres, incluent le renversement du fardeau de la preuve, c'est-à-dire que si quelqu'un pense qu'il a été lésé, qu'il a cessé d'être employé, parce que, justement, le contrat type est applicable à lui, ou il a été exercé un devoir d'association, il milite pour une association syndicale ou de camionneurs propriétaires, toutes ces dispositions vont pouvoir s'appliquer. Alors, le donneur d'ouvrage aura à démontrer qu'il ne l'a pas congédié. Alors, le mécanisme est là. Nous, on pense encore au tribunal d'arbitrage qui aura à gérer ces dossiers-là et, évidemment, ça va se faire avec discernement. Je crois que le Forum va être saisi de ça. De toute façon, nous, on demande que ce soit une question qui revienne fréquemment au Forum, qu'on fasse l'analyse de ça parce qu'il pourrait arriver un changement dramatique. Et, comme M. Valois le disait, les camionneurs propriétaires ont rendu d'immenses services aux donneurs d'ouvrage parce qu'ils étaient sous-payés. Il y a beaucoup de gens qui ont fait de l'argent avec eux et, de les jeter du revers de la main, évidemment ça créerait une fois de plus des remous.

Alors, ce n'est pas ça, on ne veut pas ça. Je pense que personne ne veut ça, puis je pense qu'il faut vraiment être sincère. Puis une clause anticontournement, je pense que ça serait le minimum qu'on pourrait demander pour protéger ces gens-là, qui ont rendu de fiers services et qui vont continuer à en rendre aussi, qui plus est.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de la CSN pour votre participation aux travaux de la commission ce soir.

(Changement d'organisme)

Association canadienne
du transport industriel (ACTI)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement le représentant de l'Association canadienne du transport industriel à bien vouloir prendre place. Alors, bienvenue, monsieur. Si vous voulez bien vous identifier, en vous indiquant que vous avez également un maximum de 15 minutes pour nous faire part de votre présentation.

n(21 h 30)n

M. Bickley (Richard): D'accord, merci beaucoup. Mon nom est Richard Bickley. Je suis président du conseil de l'Association canadienne de transport industriel. Et puis nous représentons, à notre Association, environ 200 entreprises manufacturières qui sont toutes des expéditeurs de matières, de produits vers la clientèle.

Ça fait plus de 80 ans que l'Association existe, et les entreprises qui font partie de notre groupe sont parmi les plus importantes au Canada et au Québec. Et la concentration fonctionnelle de notre rôle se limite uniquement au seul fait du transport sous toutes ses formes. La plupart de nos membres sont principalement des expéditeurs qui ont recours aux services de transport fournis par des entreprises spécialisées dans le domaine, que ce soit au niveau aérien, maritime, ferroviaire ou routier.

J'aimerais vous entretenir, ce soir, sur notre position sur le projet de la loi n° 135, en débutant par certaines considérations préalables sur les circonstances entourant cette loi. Le contexte de départ de cette loi a été les blocages ? illégaux, il va sans dire ? des routes par les routiers indépendants, d'abord en 1998 et 1999. Suite à une injonction qui a forcé le déblocage de ces routes, le gouvernement a promis de mettre sur pied une table de concertation appelée Forum sur le camionnage. Notre Association a été des toutes premières réunions.

Un de nos objectifs était de nous assurer que les intervenants comprennent que le fait de bloquer les routes était un désastre économique non seulement local et régional mais international, parce que nos fonctions ou nos expéditions ne vont pas juste au Québec ou au Canada, ça va ailleurs dans le monde. Et dans plusieurs cas, par ces blocages de routes là, nous avons causé des arrêts de travail ailleurs dans le monde, chez les clients, et des contournements de réapprovisionnement, c'est-à-dire qu'on a perdu de la clientèle par ça.

Notre deuxième objectif, de notre participation, était de faire réaliser à l'ensemble des participants que l'industrie du transport dans son ensemble n'était pas à ce point malade et en danger, comme le prétendaient certains routiers indépendants. Le sondage Léger & Léger a pu prouver sans l'ombre d'un doute que, sur quelque 120 000 opérateurs de camions, plus de 80 % étaient tout au moins satisfaits d'être dans le métier. Il y avait les routiers indépendants exclusifs qui étaient moins satisfaits, mais ceux-ci ne représentaient que quelques milliers de personnes, peut-être 5 % des travailleurs de l'industrie. Aparté: je serais curieux de voir les résultats d'un pareil sondage dans l'industrie ou dans le domaine de la santé.

Finalement, notre troisième objectif était d'apporter notre position, en tant qu'expéditeurs, concernant la gestion des contrats commerciaux de transport. Notre position est fort simple. Nous sommes des expéditeurs qui rédigeons ou signons des contrats commerciaux avec des entreprises de transport professionnelles, qu'on appelle maintenant «exploitants», pour obtenir, moyennant un tarif de transport négocié, un service de transport à partir de nos produits, à partir de notre origine, jusqu'à destination de notre clientèle. La preuve contractuelle de cette activité s'appelle «connaissement de transport», c'est tout simple.

Dans le cadre réglementaire, la nouvelle loi n° 430, qui a été mise sur pied grandement pour assurer la sécurité routière au Québec, a bien défini les participants dans cette industrie. Il y a les propriétaires de camions lourds, les exploitants de véhicules lourds, les intermédiaires, les conducteurs et les autres. Dans le pamphlet que j'ai ramené avec moi, les obligations des intervenants, qui apparaissent à la page 15, sont très claires: il y a les obligations qui appartiennent directement au conducteur, les obligations qui appartiennent directement à l'exploitant, et les obligations qui appartiennent au propriétaire. Et c'est tout.

L'expéditeur, n'étant pas un expert en transport, donne à contrat cette activité, et sa responsabilité se limite à assurer la précision des poids et mesures des produits que l'on exporte, l'emballage, s'il y a lieu, les particularités de matière dangereuse, s'il y a lieu, d'assurer que la cargaison est bel et bien arrimée, et finalement, fournir aux professionnels du transport ? et j'appuie le mot «professionnel» parce qu'on fait affaire avec des professionnels du transport ? toute l'information nécessaire pour qu'ils puissent exécuter ce transport.

L'expéditeur n'a aucun contrôle sur l'ensemble des responsabilités entourant le camion, le camionneur, l'entretien et la gestion du transport. Donc, l'ensemble de la loi n° 135 visant en quelque sorte une forme de gestion d'un camionneur indépendant ne doit pas viser l'expéditeur. Selon la loi n° 430, seul l'exploitant a un certain contrôle sur ce camionneur indépendant. Donc, dans le libellé de la loi, l'expéditeur proprement dit ne devrait pas faire partie des intervenants ou donneurs d'ouvrage.

Si je vais dans le coeur de la loi, les commentaires ou les propos que j'aimerais apporter... Dans l'article 4.1.01 où on parle d'un examen de passage... À notre avis, tout nouvel arrivé dans l'industrie qui s'enregistre à la CTQ devrait compléter un examen, à l'entrée, complet et assez sévère de façon à s'assurer d'avoir des gens motivés et prêts à affronter les aléas de cette industrie. Ce concept est appliqué en Ontario et il fonctionne. Les besoins en formation de base ont été mis en évidence durant les discussions initiales du Forum, d'où, je crois, la justification d'être intransigeants. Le fait de vouloir laisser la CTQ faire un jugement sur qui devrait passer un examen ou non laisse énormément de place à de l'imbroglio d'interprétation. Il serait même intéressant de faire un parallèle avec les industries ferroviaire et aérienne, où ce sont les associations professionnelles de ces deux industries-là qui gèrent la qualité et l'accès à l'industrie. La réglementation ferroviaire est gérée par l'association ferroviaire et la réglementation aérienne est gérée par l'association aérienne.

Pour l'article 48.11.01, je crois que la loi devrait, à ce point, faire la précision de qui sont les donneurs d'ouvrage par rapport aux routiers. Ce sont les exploitants et les intermédiaires agissant comme exploitants ou les propriétaires de véhicules qui engagent des routiers à exploiter leurs véhicules qui sont les donneurs d'ouvrage directs. La phrase «toute personne demandant ou participant à l'organisation du transport» est trop vaste et pourrait laisser des interprétations. Le point essentiel, dans les intervenants, est: Qui est-ce qui signe le connaissement de transport? Le transporteur qui signe, c'est un exploitant. C'est ce dernier qui utilise les services d'un routier pour accomplir la tâche, et c'est à l'exploitant de gérer ce genre de contrats là ou un contrat type.

Pour l'article 48.11.10, nous considérons que la loi telle qu'avancée semble vouloir compliquer le processus de votation et le processus des voix. Il y a 10 membres du Forum, il y a un président. Il me semble que la simplicité, ce serait: Il y a 11 voix, et puis ça semble plus facile à comprendre, en tout cas dans mon interprétation à moi.

Pour l'article 48.11.18, c'est évident que notre association a un biais. Chaque individu qui décide de se lancer en affaires, que ce soit dans la restauration ou le nettoyage à sec ou dans le transport, doit être libre de s'associer ou de ne pas s'associer. Si le gouvernement rend l'accès à l'industrie difficile en mettant en place des normes sévères et un examen à l'entrée, sévère également, et si, en plus, on laisse les associations de camionneurs créer la formation la plus appropriée pour répondre à ces normes et passer des examens, alors le routier qui veut être membre de cette industrie-là va certainement s'associer avec un groupe ou une association qui va lui fournir la meilleure formation ou la meilleure préparation.

L'article 48.11.21. Ce paragraphe, à notre sens, ne peut s'appliquer aux connaissements de transport, car l'expéditeur, en signant ce document, remet la propriété temporaire de son produit à un transporteur qui est exploitant. En cas de litige, suite à un dommage, perte ou autre situation, le recours de l'expéditeur va s'adresser uniquement à l'exploitant signataire du connaissement.

Concernant l'article 18.1, la particularité de la loi, au point de vue «un cautionnement», c'est applicable aux États-Unis et en Ontario pour une somme symbolique de 10 000 $. Le but, c'est d'assurer le sérieux de l'intervenant ou de l'intermédiaire qui a embarqué dans cette industrie-là. Si le but est de s'assurer du sérieux de l'intermédiaire, à ce moment-là, je crois que l'article est adéquat. Si le but est d'assurer une compensation des contractants hors situation de faillite, alors il va falloir qu'on émette des paramètres qui vont aider à déterminer le moment où la créance devient mauvaise et qui va l'arbitrer.

n(21 h 40)n

En conclusion, il est important de noter que l'industrie du transport s'exerce très mal dans un vase clos; les camionneurs québécois doivent transiger dans les autres provinces ainsi qu'aux États-Unis. En contrepartie, les camionneurs étrangers doivent entrer au Québec. L'ensemble du continent gère le transport avec un connaissement de transport qui est un simple contrat commercial entre un expéditeur et ce que l'on appelle, ici au Québec, un «exploitant». De changer, au Québec, cette pratique sera sans doute un risque énorme non seulement pour les expéditeurs, mais également pour les routiers qui vont devoir gérer les contrats types au Québec et les connaissements de transport ailleurs sur le continent.

Nous, de l'Association, sommes d'accord pour qu'il y ait un contrat type qui aide à gérer l'activité proprement dite du transport. Ce contrat devrait lier un routier à un exploitant qui veut utiliser ce routier pour donner des services de transport aux expéditeurs. En toute simplicité, je vous remercie pour l'opportunité que vous m'avez offerte de partager mes opinions et mes idées.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bickley. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci. Je voudrais vous questionner sur la formation. Vous avez souligné qu'il n'était pas du rôle de la CTQ, si j'ai bien interprété vos propos, de juger de la compétence. Vous avez dit plutôt que ça devrait être aux associations de professionnels. Concrètement, comment verriez-vous ça dans le camionnage?

M. Bickley (Richard): Pour l'aspect formation, ce que je voyais, c'est de ne pas obliger la CTQ à prendre ou à décider de qui doit subir un examen ou non, de simplifier l'aspect... C'est que l'examen devient obligatoire pour tout nouveau transporteur qui veut être enregistré ? ça, d'après moi, c'est la simplicité même ? mais de demander aux associations de camionnage, qui sont les professionnels dans ce domaine-là, de fabriquer, de mettre au point les programmes de formation que ce soit au niveau de la sécurité routière, de la gestion de parcs automobiles, de la gestion de flottes de remorques, de la gestion de chauffeurs, etc., de fabriquer ou de concevoir un programme de formation qu'ils vont donner à leurs membres. Donc, de laisser les experts faire la formation, comme ça se voit dans l'industrie ferroviaire et comme ça se voit dans l'industrie aérienne.

Mais les paramètres de ça vont nécessairement venir de la loi n° 430 qui a déjà établi un paquet de paramètres, fort bien faits d'ailleurs. Et, à partir de ces paramètres-là, la formation peut être établie par les associations de camionnage, qui sont des experts en camionnage.

M. Chevrette: Siégez-vous sur la table de la 430? La sécurité.

M. Bickley (Richard): Sur la sécurité seulement, oui.

M. Chevrette: Vous siégez?

M. Bickley (Richard): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous arrivez prochainement ? je ne vous demande pas de dévoiler le contenu des dernières réunions, là ? mais est-ce que vous en arrivez à proposer concrètement des choses quant à la formation?

M. Bickley (Richard): On est sur le bord de sortir quelque chose d'intéressant là-dessus, là.

M. Chevrette: Si on s'en tenait, à ce moment-là, à des voeux un peu plus larges, sans empiéter sur les recommandations, mais que ça constituait peut-être une assise au niveau de la formation, est-ce que ça vous irait?

M. Bickley (Richard): Oui.

M. Chevrette: O.K.

M. Bickley (Richard): Encore une fois, pour nous, l'expertise dans le transport appartient à ces associations-là. J'ai même fait un commentaire lorsqu'on a eu la présentation sur les normes d'arrimage: Qui d'autre est mieux placé qu'un transporteur pour faire partie des gens qui vont émettre les normes d'arrimage dans leur propre véhicule?

M. Chevrette: Vous parlez de caution. Vous ne semblez pas d'accord?

M. Bickley (Richard): Si le but de la caution, c'est de s'assurer que l'intermédiaire est sérieux, comme c'est le cas aux États-Unis ou en Ontario, à ce moment-là, je suis d'accord avec. Si le but de la caution, c'est de pouvoir utiliser ces argents ou cette forme d'argent là pour faire des réclamations avant faillite parce que, dans les deux autres cas, c'est-à-dire aux États-Unis puis en Ontario, l'accès à l'argent, c'est uniquement en cas de faillite, alors, si c'est fait ailleurs ou autres qu'en cas de faillite, à ce moment-là, il va y avoir besoin de paramètres très précis sur à quel moment la créance devient mauvaise.

M. Chevrette: En tout cas, moi, ce que j'avais compris des problèmes soulevés, c'était qu'il y a un bon nombre de camionneurs qui n'étaient pas payés pour faire des transports lorsqu'il y avait non-solvabilité de certains «brokers» et que le fait d'instituer une caution, ça permettait d'avoir un recours puis d'être payé.

Regardez la loi des faillites. C'est rare que le salarié qui a eu quatre semaines non payées, des vacances non payées, des avantages marginaux... Même quand ils sont syndiqués, ils ne sont payés. Celui qui écope, c'est souvent le moins bien nanti. Il travaille avec des conventions collectives même puis des salaires très modestes. Et puis, dans les cas de faillite, on voit les gens s'inscrire, les banques ne perdent pas ou à peu près pas. Les grandes institutions prêteuses se sont padées à mort, y compris bien souvent les biens individuels des actionnaires de la compagnie. Puis le petit salarié, lui, qui gagne, je ne sais pas moi, 500 $, 600 $ par semaine, lui, il perd tout, il perd son salaire de cinq, six semaines d'arriérages, il perd ses avantages marginaux, puis il perd ses vacances payées et puis il perd tout.

On ne peut pas continuer ça à perpétuité, ces histoires-là. Vous ne pensez pas que, dans ce cas précis, arriver avec une caution au moins, celui qui a la force de travail ait au moins un endroit où cogner pour se faire payer?

M. Bickley (Richard): Hormis que je me trompe ? puis je pense qu'il y a tout au moins un juriste dans la salle, là ? lorsqu'il y a un transporteur final ou un des partenaires dans le transport qui effectue un travail, une livraison quelconque, et qui n'est pas payé par son intermédiaire, je crois qu'il a recours contre l'expéditeur premier, il a recours même si l'expéditeur aurait payé l'intermédiaire. Je sais qu'il y a un juriste dans la salle, là.

(Consultation)

M. Chevrette: On vérifiera, de toute façon.

M. Bickley (Richard): Oui. Mais il y a plusieurs causes ? aux États-Unis, en tout cas, ça a fonctionné ? où il y a énormément d'expéditeurs qui se sont fait avoir avec certains intermédiaires, où ils ont dû débourser par la suite les frais deux fois: un au camionneur, un à l'intermédiaire. Et je crois sincèrement que c'est la même chose dans le Code civil, mais je pourrais me tromper parce que je ne suis pas juriste, là-dessus. Mais je crois qu'il y a recours pour le travailleur qui n'a pas été payé là-dessus. Puis, règle générale, lorsque ça arrive, l'expéditeur qui se fait prendre une fois ne retouche pas à cet intermédiaire-là.

M. Chevrette: Vous avez écouté la CSN avant vous?

M. Bickley (Richard): Oui.

M. Chevrette: Vous étiez dans la salle? Que pensez-vous de leur suggestion du fonds d'indemnisation?

M. Bickley (Richard): Comment... qui va payer ça? Il n'y a pas assez d'intermédiaires, je crois, au Québec pour pouvoir bâtir un fonds qui a de l'allure. Puis comment est-ce qu'on va gérer les paramètres de qui a le droit de faire une réclamation, puis à quel moment? Est-ce qu'on va attendre un mois avant que la personne soit payée ou non? Toute la gestion de cette chose-là pourrait être difficile. Mais je comprends très bien que, pour le camionneur indépendant, qui est tout seul, qui est dans son camion, il n'a pas les moyens nécessaires pour se battre pour aller le chercher. Puis, probablement qu'une des suggestions qui avaient été avancées, une sorte de tribunal flottant qui se promène pour aider, les dimanches, ces gens-là, c'est peut-être une avenue. Mais, encore une fois, je n'ai pas réellement de solution là-dessus.

M. Chevrette: O.K. Maintenant, vous avez dit que le vote devait être 10 personnes, 10 votes, ou 11 personnes, 11 votes. J'ai bien interprété ce que vous avez dit? Ne croyez-vous pas cependant que ça puisse constituer un danger? Je vous donne un exemple théorique: la FTQ représenterait 60 % des gens, la CSD 10 % puis la CSN 20 % ou 30 % ? je ne sais pas comment ça arrive, là ? et puis, à elle seule, la FTQ est majoritaire, puis les deux sont contre, c'est deux votes contre un. Vous venez de donner d'un côté de la table la majorité à une minorité. Ne pensez-vous pas que ça pourrait être dangereux dans des moments où le gouvernement a à trancher, puis il a à trancher selon une évidence du poids de représentativité, non pas selon une évidence de voix? Parce qu'un homme, un vote, ça ne signifie pas que c'est représentatif au niveau du poids réel du membership. Qu'est-ce que vous en pensez?

n(21 h 50)n

M. Bickley (Richard): Vu de cet angle-là, c'est très viable. Je ne le voyais pas de cet angle-là. Je n'avais pas compris le sens de la loi de cette façon-là.

M. Chevrette: C'est-à-dire que si je tranche seulement sur les consensus, vous avez raison de dire: Pas de problème. Mais, même là, je pourrais être induit en erreur, parce qu'il pourrait dire: Il y a un consensus au niveau des 10 à la table ou des 11. Mais ça ne refléterait pas un consensus majoritaire, M. le ministre. Mais c'est faux, parce que la majorité représentée par un est plus forte que les deux autres ensemble. C'est pour ça que j'ai été amené, au cours de la rencontre à Montréal, à parler du poids relatif d'une représentativité, parce que je pourrais bien avoir... Entre nous autres, ça arrive souvent dans la vie que tu as un organisme qui représente 80 %. Puis, qui a parlé le plus fort? À lire certains articles de journaux, il y a des associations de trois membres qui ont plus d'espace de journaux que les associations de 40 000 membres et, un moment donné, il faut être capable d'oser puis de jauger puis de l'évaluer. C'est dans ce sens-là que je voulais faire la nuance avec ce que vous aviez dit. J'ai fini, là, encore. Ce n'est pas long cette affaire-là. Merci, monsieur.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, vous nous disiez, au fond, que le domaine du transport ne fonctionnait pas en vase clos, que ça se faisait à l'échelle du continent et du Canada aussi pour les autres provinces. Dans ce contexte-là, vous nous disiez aussi qu'il y avait des risques pour les routiers. J'aimerais peut-être, dans un premier temps, que vous nous expliquiez, de façon plus précise, à quels risques vous faisiez référence et nous préciser ce point-là.

M. Bickley (Richard): Admettons une situation où on utilise un contrat type au Québec et puis que ce même routier-là va tenter d'avoir des avantages similaires ailleurs, soit aux États-Unis, en Ontario ou quel que soit l'endroit, la première chose qui va arriver, c'est que l'entrepreneur avec qui il va faire affaire à l'étranger ne voudra absolument pas s'embarquer avec un arrangement contractuel autre qu'un connaissement de transport purement et simplement basé sur une simple base de tarification, un tarif aller-retour entre le point a et le point b. Point à la ligne. Donc, ce transporteur routier là va se voir, d'après moi, en défaveur ou en minorité lorsqu'il va essayer de revenir vers son origine ou son point de départ.

M. Bordeleau: Maintenant, au niveau du commerce interprovincial aussi, dans le cas des entreprises qui sont créées puis qui sont assujetties au code fédéral du travail, le code canadien c'est-à-dire, elles ne sont pas assujetties au contrat type comme ça qui vient du Québec. Alors, elles ne sont pas concernées par ce genre de problème là.

M. Bickley (Richard): Non.

M. Bordeleau: Juste une chose, je n'ai pas eu l'occasion de poser la question à d'autres, mais, dans ces cas-là des compagnies de transport ? toujours dans le cas des routiers ? un propriétaire qui conduit, la définition qu'on a dans le projet de loi n° 135, dans le cas des gens qui sont assujettis au Code canadien du travail, donc pour qui le contrat type comme tel n'est pas une contrainte, qui sont aussi inscrits au registre qui découle de la loi n° 430, eux, indépendamment du fait qu'ils ne sont pas assujettis au contrat type, ils devront payer une cotisation à un regroupement quelconque pour demeurer inscrit au registre. Alors, est-ce qu'il n'y pas une espèce de problème? Pour pouvoir continuer à travailler, ils sont inscrits au registre de la loi n° 430 et, comme ils sont assujettis au Code canadien du travail, le contrat type ne s'applique pas, mais ils auront l'obligation de payer quand même pour demeurer inscrits au registre. Est-ce que vous ne voyez pas un problème de ce côté-là?

M. Bickley (Richard): Je pense... Tantôt, lorsqu'il y a eu discussion là-dessus, les gens, si je comprends bien le sens de votre question, ceux qui sont déjà assujettis au Code canadien du travail, soit qu'ils font partie d'une association syndicale de routiers fédérale, n'auront pas à payer deux fois une cotisation.

M. Bordeleau: Je ne parle pas de la cotisation syndicale.

M. Bickley (Richard): O.K. Je ne vous suis pas, là.

M. Bordeleau: Ce que je dis, au fond, c'est que, quand on regarde dans le projet de loi, on dit qu'un routier devra payer, quand on parle de la cotisation obligatoire, là...

Une voix: S'il y a plus de 50 % des membres d'une association.

M. Bordeleau: Oui, oui. À partir du moment, bon, où il y a une... Le routier qui est membre... Bon, évidemment, quand il est membre d'un regroupement et la majorité décide d'une cotisation quelconque, bon, bien, évidemment, il doit payer comme membre de ce regroupement-là. Ceux qui ne sont pas membres comme tels d'un regroupement, ils devront aussi payer une cotisation à un regroupement de leur choix puisqu'on dit... Bon, «Tout routier qui n'est pas membre d'un regroupement de routiers reconnu doit, pour maintenir son inscription au registre visé à l'article 4 de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, verser au regroupement de routiers reconnu de son choix la cotisation annuelle fixée par une assemblée extraordinaire des membres de ce regroupement afin d'en financer les activités.»

Ce que je mentionne, c'est qu'il y a des routiers qui sont assujettis au Code fédéral du travail pour qui un contrat type ne serait pas une obligation de le suivre, mais, pour demeurer inscrits au registre des propriétaires et exploitants de véhicules, il y aura l'obligation de payer une cotisation quand même à un regroupement de son choix. Alors, d'un côté, il ne retire aucun bénéfice parce qu'au fond il fait plus de l'interprovincial ou de l'international. Le contrat type, pour lui, ça n'a pas d'utilité. Mais s'il veut rester inscrit au registre, bien, il devra payer une cotisation à un regroupement.

M. Bickley (Richard): Premièrement, l'opinion qu'on avait, c'est que le droit d'association ou de ne pas s'associer, à notre sens, est légitime, c'est-à-dire qu'on n'est pas obligé de s'associer si on ne veut pas s'associer. Ça, c'est un point de départ que nous avons mis de l'avant. Nonobstant cette chose-là, mettons que la loi fait effet, puis c'est là où est-ce qu'arrive, à mon sens, l'essence du problème de qui doit être représenté ou syndiqué ou faire partie de ces associations-là. Le camionneur indépendant, le routier qui agit comme routier exclusif à un exploitant, à ce moment-là, ce routier exclusif là devrait normalement être uniquement sous la charte provinciale, c'est-à-dire dépendant de l'enregistrement à la loi n° 430.

Lorsqu'on retrouve un routier indépendant qui est soumis à la charte interprovinciale ou fédérale, ce routier-là agit comme exploitant, règle générale. C'est-à-dire qu'il a décidé, d'une façon motivée et volontaire, de faire affaire lui-même avec les gens qui veulent lui offrir leurs cargaisons, c'est-à-dire qu'il y a un expéditeur qui décide de faire affaire avec un camionneur indépendant exploitant.

Alors, dans ce sens-là, si on isole les deux groupes, c'est-à-dire le camionneur routier exploitant qui est non exclusif, à ce moment-là, vous évitez ce piège-là que vous mentionnez. Il y a une différence entre les deux, la mer de différences, parce que, d'ailleurs, la personne ou les personnes, au tout départ du Forum, qu'on voulait protéger, c'était les camionneurs indépendants exclusifs. C'étaient ceux qui étaient attachés à des exploitants qui signaient des contrats relativement cavalièrement.

Les camionneurs indépendants ou les routiers indépendants qui agissent comme exploitants, c'est une autre sorte de monde. Ce sont ces gens-là qui vont se véhiculer à travers le continent, règle générale. Il y a une mer de différences entre ces deux personnes-là, entre ces deux travailleurs-là.

n(22 heures)n

M. Bordeleau: Est-ce que vous comprenez comme moi ? je veux juste vérifier ? que l'interprétation que je fais de l'article 48.11.18 est exacte? C'est-à-dire que, même si c'est un exploitant qui fait de l'international, mais qui est québécois comme tel et inscrit au registre des véhicules, il va devoir payer une cotisation quand même.

M. Bickley (Richard): Le hiatus que j'aimerais apporter, c'est que le propriétaire routier qui est exploitant ne devrait pas être soumis au contrat type. S'il est exploitant, il rédige des contrats commerciaux avec sa clientèle. Si c'est un routier qui est exclusif, c'est-à-dire qui dépend d'un exploitant pour sa survie, à ce moment-là on donne lieu à un contrat type.

M. Bordeleau: Mais la nuance que vous faites n'est pas incluse actuellement dans le projet de loi n° 135.

M. Bickley (Richard): D'après moi, elle est importante.

M. Bordeleau: Mais elle n'est pas là présentement. Vous êtes d'accord?

M. Bickley (Richard): Oui.

M. Bordeleau: O.K. Au niveau des contrats types comme tels, est-ce que vous avez l'impression... C'est parce qu'on nous a mentionné que ça pouvait peut-être, dans certains cas, être contesté ou contestable en vertu des accords de commerce interprovincial ou de libre-échange. Est-ce que, à votre avis, c'est possible ou non?

M. Bickley (Richard): Je ne pourrais pas juger là-dessus.

M. Bordeleau: O.K.

M. Gauvin: Je pourrais peut-être, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: ...brièvement ajouter à... Je vais vous parler d'une région que je connais mieux, par exemple, la Côte-Sud et le Bas-Saint-Laurent. À mon avis, de ce que j'en connais, il y aurait à peine 20 % des camionneurs routiers qui seraient assujettis à un contrat type. Vous connaissez peut-être moins cette région-là que moi, mais est-ce que vous pensez que je me trompe?

M. Bickley (Richard): Ça, c'est le domaine forestier, j'imagine.

M. Gauvin: Non, non. Bien, le transport de façon générale.

M. Bickley (Richard): Oui.

M. Gauvin: C'est ça qui risque d'arriver, c'est qu'un très fort pourcentage de camionneurs indépendants travaillent à la solde de donneurs d'ouvrage ou d'intermédiaires qui sont déjà exploitants avec un... Je vais prendre un exploitant qui a une vingtaine de camions puis qui embauche quatre ou cinq camionneurs routiers, évidemment, puis qui fait de l'interprovincial ou de l'international. Donc, c'est ce que vous retrouvez assez souvent dans les régions.

M. Bickley (Richard): Oui. C'est ces personnes-là qu'on veut protéger par le contrat type.

M. Gauvin: Oui, mais il ne l'est pas, il fait de l'international ou de...

M. Bickley (Richard): Ce n'est pas grave. Si cette personne-là, si ce routier-là indépendant dépend totalement d'un exploitant pour son aller et son retour, à ce moment-là, c'est pour cette personne-là que vous voulez avoir un contrat type qui va être développé, parce que c'est cette personne-là qui dépend totalement de l'exploitant. À ce moment-là, tu as un exploitant qui investit à peu près peu de capital et puis embauche 75 routiers indépendants. O.K.?

M. Gauvin: Je vous arrête, parce que ce type de camionneur là est sous le Code du travail canadien.

M. Bickley (Richard): Oui.

M. Gauvin: Il n'est pas assujetti.

M. Bickley (Richard): Mais, à ce moment-là, il peut se syndiquer sur la base canadienne. Exemple, il y a une compagnie qui s'appelle XTL qui opère avec au-dessus de 300 camionneurs indépendants tous assujettis à un syndicat. Je crois même que c'est la CSD.

M. Gauvin: Oui, mais ils ne sont pas couverts par 135.

M. Bickley (Richard): Oui, mais ils sont couverts par une autre forme de syndicalisation.

M. Gauvin: Oui, mais là, on débat 135.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet, ça va être à mon tour de vous arrêter, parce que le temps est écoulé.

M. Bickley (Richard): À mon sens, l'objectif, c'était de protéger un groupement de camionneurs indépendants exclusifs qui étaient mal traités. C'est ça, le but.

M. Gauvin: On y reviendra.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Bickley, pour votre présentation ce soir.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement les représentants de l'Association des propriétaires de camions remorques indépendants du Québec.

Alors, bonjour, messieurs. Je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une présentation de 15 minutes.

Association des propriétaires de camions
remorques indépendants du Québec (APCRIQ)

M. Brulotte (Daniel): Bonjour. Mon nom est Daniel Brulotte, je suis président de l'Association des propriétaires de camions remorques indépendants du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, par M. Jean-Marie Bernier, de Transport Jean-Marie Bernier, qui est le vice-président de l'Association, et, à ma droite, de M. Denis Masse, qui est le président de Transport Denis Masse et secrétaire-trésorier de l'Association, tous des administrateurs. D'entrée de jeu, j'aimerais simplement vous rappeler que le document que vous avez ici, je pourrais le qualifier d'ébauche que j'aurais aimé raffiner, mais, étant donné le peu de laps de temps qu'on a eu, on devra s'en contenter, et vous me permettrez de corriger des choses ou des points.

J'aimerais, avant de débuter, vous remercier pour nous donner l'opportunité de vous adresser nos commentaires concernant le projet de loi n° 135. D'entrée de jeu, nous tenons à vous tracer un portrait de notre organisme, tant au point de vue de son mandat qu'au point de vue du type de clientèle que l'on représente depuis plus de 13 années, soit depuis mai 1987. L'Association des propriétaires de camions remorques indépendants du Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe 450 membres, représentant un parc d'environ 550 véhicules moteurs répartis de la façon suivante: environ 40 % de nos membres sont des propriétaires seulement, engagés dans une relation d'affaires en exclusivité pour une période de plus de 30 jours avec un exploitant, et les autres 60 % sont des propriétaires exploitants effectuant du transport de marchandises général contre rémunération, soit directement pour des expéditeurs, soit par le biais de courtiers en transport ou soit par le biais d'autres exploitants, à titre de transporteurs substituts ou successifs. De 85 % à 90 % d'entre eux sont propriétaires d'un seul véhicule moteur et le conduisent eux-mêmes, de sorte que, ce faisant, l'on constate que la grande majorité de nos membres correspondent à la définition de «routier», telle que contenue à l'article 48.11.01 du projet de loi n° 135.

Quant à son mandat ? celui de notre organisme, évidemment ? il se définit en trois points: représenter les intérêts des propriétaires et petits exploitants auprès des différents acteurs du gouvernement et de l'industrie, les informer sur l'ensemble des règles et obligations reliées à la fois au type d'activité qu'ils exercent ainsi qu'au statut d'entrepreneur qu'ils se sont attribué et, finalement, leur permettre de bénéficier d'un pouvoir d'achat sur différents produits et services nécessaires à l'opération de leur entreprise de façon à leur permettre de réduire leurs coûts d'opération sans pour autant en compromettre la qualité. En résumé, la représentativité, l'information et le pouvoir d'achat sont, dans cet ordre de priorité, les trois points qui définissent le mandat de notre organisme, qui veille à ce que certains changements réclamés par différents acteurs ne s'effectuent pas au détriment des propriétaires et petits exploitants consciencieux au nom desquels nous vous adressons aujourd'hui nos inquiétudes face au projet de loi n° 135.

Nous tenons à vous rappeler que nous avons pleinement participé au Forum sur le camionnage entrepris en octobre dernier dans le seul et unique but de faire valoir notre position en tant que représentants d'entrepreneurs et que, tout au long de ces travaux, nous n'avons cessé d'exprimer notre désaccord concernant l'approche utilisée par les représentants syndicaux, qui consistait à discuter de relations entre camionneurs et donneurs d'ouvrage, une approche qui s'apparente beaucoup plus aux relations de travail qu'aux relations d'affaires. Lors de ces réunions, c'est-à-dire d'octobre 1999 au 25 février 2000, nous sommes convaincus d'avoir clairement démontré que les principales causes des déboires de ceux que l'on qualifiait candidement de «camionneurs» proviennent du fait qu'ils ne possèdent pas les aptitudes minimales nécessaires à assumer leur statut d'entrepreneurs, qu'ils se sont attribué, et qu'ils ne sont absolument pas conscients des obligations et responsabilités reliées au fait qu'ils sont propriétaires ou propriétaires exploitants de véhicules lourds. Lors des barrages d'octobre 1998 et 1999, nous avons aussi, comme vous tous, pris connaissance d'énoncés tels que: Les prix sont trop bas, on ne gagne pas assez cher, on devrait baisser les taxes, etc. Comment peut-on objectivement évaluer la valeur des services qu'on offre si, de prime abord, l'on ne possède aucune des aptitudes nécessaires à son rôle d'entrepreneur et si, par surcroît, l'on ignore totalement l'ensemble des obligations qui se rattachent au statut de propriétaire et/ou de propriétaire exploitant, qui sont pourtant amplement définies dans les lois telles que le Code de la sécurité routière et la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds?

n(22 h 10)n

L'analyse que nous avons faite du projet de loi nous amène à la conclusion que l'approche envisagée consiste à freiner le professionnalisme au profit... Vous allez lire «d'un groupe d'amateurs», je changerais ça pour: «au profit de l'irresponsabilité». Compte tenu de la catégorie d'individus que nous représentons, cette approche est carrément inacceptable. Nous remettons en question ce projet de loi dans son ensemble puisque, à notre avis, la pertinence de son existence ne nous fut en aucun cas démontrée, bien au contraire. Et là, on va débuter un peu de toucher les articles.

En ce qui concerne l'article 4.1.01, qui vise à s'enquérir du niveau de connaissance des nouveaux inscrits concernant la sécurité routière et la protection du patrimoine routier, nous accueillons cette initiative avec satisfaction. Cependant, permettez-nous une suggestion qui, selon nous, permettrait d'améliorer grandement la portée de cet article: les nouveaux inscrits propriétaires ou propriétaires exploitants d'un seul véhicule moteur devraient obligatoirement faire la démonstration de leurs connaissances plutôt que de bénéficier de la possibilité de démontrer des moyens dont ils disposent pour s'assurer de leur capacité à assumer les responsabilités reliées au statut d'inscription choisi. De par la taille de leur entreprise et dû au fait que, dans la très grande majorité des cas, ces personnes conduisent elles-mêmes leur véhicule, la vérification de leurs connaissances est le seul moyen de vérification valable. La mise en place de politiques ou de moyens n'est pas pertinente, puisqu'un seul et même individu est à la fois propriétaire exploitant et/ou propriétaire seulement ainsi que conducteur.

Quant à la création même du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage, nous y sommes totalement opposés. L'élément principal de notre objection est directement lié à son appellation, qui indique clairement l'approche de discussion retenue, qui en est une qui s'apparente à des relations de travail employeur-employé, alors que, dans les faits, il s'agit purement et simplement de relations d'affaires entre des parties qui sont toutes des entreprises, et nous déplorons le fait que l'on ait décidé de ne pas reconnaître cette réalité. C'est précisément la non-reconnaissance ou l'incompréhension de cette réalité par certains acteurs qui est à l'origine de la plupart de leurs déboires. La création de ces nouveaux statuts plutôt simplistes, jumelée à l'emphase avec laquelle on a déjà utilisé et utilisera ces termes, c'est-à-dire les nouveaux termes, aura l'effet pervers de repousser dans le temps la responsabilisation de ces individus, qui dorénavant auront la fausse impression qu'ils ne sont que des routiers, tels que définis dans le projet de loi.

Vous me permettrez un petit aparté ici, une parenthèse. Ce qu'on avance là, c'est en fonction du message qui est véhiculé à l'extérieur, qui est totalement différent du message qu'on entend à l'intérieur, O.K. J'y reviendrai tantôt. Ça aura un lien direct avec le fait qu'on s'oppose aussi à la cotisation obligatoire, et c'est un peu ça qu'on veut dire avec ça.

Nous nous opposons à toutes mesures pouvant causer un retard de conscientisation chez des individus qui n'auraient tout simplement jamais dû se lancer en affaires faute d'aptitudes, de connaissances ou de compétences minimales nécessaires au choix qu'ils ont fait. De telles mesures auraient assurément un impact négatif chez des entrepreneurs qui maîtrisent ces éléments et qui, en toute connaissance de cause, ont choisi d'être propriétaires exploitants ou propriétaires seulement d'un seul véhicule qu'ils conduisent eux-mêmes ? on le répète, des statuts qui sont clairement identifiés dans les lois et règlements existants tels le CSR, la Loi concernant les propriétaires exploitants de véhicules lourds, le Règlement sur les heures de conduite, les charges et dimensions, etc. D'ailleurs, les articles définissant le mandat du Forum font tous référence aux pratiques commerciales dans le cadre de l'intérêt public et des accords gouvernementaux concernant les marchés, appuyés par l'article 48.11.17, qui définit les fonctions d'un regroupement de routiers reconnus qui, tel que présenté, vise de toute évidence à combler les lacunes précédemment énumérées et coïncide en tous points à ce que nous avons toujours identifié comme étant la source du problème.

Nous sommes d'avis que le ministre des Transports outrepasse largement son mandat de sécurité routière et de protection du patrimoine routier. À la limite de s'immiscer lui-même, il rend possible le fait que des organisations syndicales s'adonnent à de telles pratiques. En effet, en rendant possible que les routiers ? qui, nous le rappelons tous, sont des entrepreneurs ? aient l'obligation de cotiser à un regroupement reconnu, ce projet de loi légitimise l'application d'une formule Rand entre entrepreneurs et les organisations syndicales. Cette possibilité est en soi inacceptable et à tout le moins incompréhensible. Pire encore, cette cotisation serait une condition sine qua non pour le maintien de leur inscription au registre de la Commission des transports, dont la seule raison d'être est de s'assurer de la sécurité routière et de la protection du patrimoine routier. Faut-il rappeler que cette inscription est obligatoire pour le maintien de leur privilège de circuler ou d'exploiter un véhicule lourd au Québec en vertu des lois existantes? Depuis le dépôt, il y a 14 mois, du rapport du comité d'experts sur le statut du camionneur propriétaire, communément appelé le rapport Bernier, qui est sans contredit l'ancêtre du Forum sur le camionnage, on est passé d'une simple recommandation du droit de s'associer à une possible obligation de cotiser. Toute une progression dans un si court laps de temps!

Un autre élément d'inquiétude est le rôle que la Commission des transports serait appelée à jouer par ce projet de loi. L'ensemble des tâches additionnelles dirigées vers la CTQ auront de toute évidence un impact sur la performance à laquelle on est en droit de s'attendre en ce qui concerne les obligations et responsabilités qui lui sont édictées par la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. En effet, les ressources dont dispose la CTQ sont déjà insuffisantes par rapport à son mandat actuel, de sorte que les attentes espérées par les autorités et tous les représentants de l'industrie en regard de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds seront largement hypothéquées.

Quant aux dispositions accessoires liant les routiers et les donneurs d'ouvrage, celles visées par l'article 48.11.21 nous laissent perplexes. Tout d'abord, celle traitant de la nullité d'une disposition qui tiendrait le routier qui n'effectue qu'en partie le mouvement de transport seul responsable des risques et des frais de transport. Il faut d'abord comprendre qu'il existe dans l'industrie des façons de faire qui sont disponibles dans la pratique commerciale et qui font justement en sorte d'éviter de telles situations. Nous faisons référence à la production d'un connaissement ou d'un «pro bill» qui, s'il est dûment complété, permet de bien définir laquelle des parties impliquées dans l'ensemble de l'exécution d'un mouvement est responsable, puisque ce document précise la condition de la marchandise, qui a effectué quelle partie du trajet, etc. Quant à la deuxième partie de l'article, traitant de la nullité des dispositions dans un contrat contraignant un routier à enfreindre les lois, celle-ci nous semble inutile. Non pas que nous soyons contre la vertu! Cependant, nous sommes convaincus qu'une telle disposition serait inapplicable.

Nous avons aussi, à de nombreuses occasions, entendu les affirmations à l'effet que l'on était obligé de prendre le voyage dont le chargement était trop lourd ou bien d'enfreindre le règlement sur les heures de conduite, sauf qu'il faut bien comprendre que plusieurs situations sont possibles. Nous ne nions pas que de telles situations existent. Cependant, nous savons pertinemment que, dans la réalité, plusieurs raisons sont à l'origine de leur existence, et l'applicabilité de cet article ne serait possible que dans la mesure où l'on pourrait identifier une telle clause dans un contrat, ce qui, selon nous, est impossible. Tout entrepreneur, qu'il soit propriétaire exploitant ou propriétaire seulement, a toujours la possibilité de refuser d'exécuter un mouvement de transport qui l'amènerait à enfreindre une loi ou un règlement. Cependant, sa capacité d'exercer cette possibilité dépend de plusieurs facteurs: Est-il aux prises avec une pression économique? Cette pression est-elle exercée par l'exploitant ou lui provient-elle de ses créanciers? Si elle lui provient de l'exploitant, pourquoi n'a-t-il pas envisagé de faire affaire avec un autre exploitant? Si elle lui provient de ses créanciers, est-elle imputable à de mauvais choix d'affaires préalablement effectués par lui? Est-il aux prises avec de l'équipement trop lourd ou moins performant qui le rend moins compétitif? Autant de questions, autant de situations qui ne sauraient être corrigées par l'article précédemment cité.

Finalement, en ce qui concerne les modifications à la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds traitant de la possibilité d'imposer à certains intermédiaires qu'ils fournissent et maintiennent un cautionnement auprès de la Commission, nous supportons cette mesure, tout comme celle traitant des modifications de l'article 40 de cette même loi.

Le Président (M. Gagnon): Il vous reste deux minutes, M. Brulotte.

M. Brulotte (Daniel): Bon. Je terminerai ma présentation en vous référant à la dernière page.

Se lancer en affaires, c'est d'abord et avant tout reconnaître que l'on devra concurrencer avec des entreprises qui offrent un même produit ou service à une clientèle qui est sollicitée de toutes parts et qui est de plus en plus exigeante, puisqu'elle aussi doit faire face à la concurrence dans un secteur d'activité.

Le transport routier des marchandises est partie prenante à la concurrence qui prévaut dans tous les secteurs d'activité, et quiconque s'improvise entrepreneur dans l'industrie du transport à titre de propriétaire exploitant ou de propriétaire seulement sans avoir préalablement établi quels seront ses coûts d'exploitation afin de les comparer avec ceux de la concurrence commet une erreur dont lui seul est responsable. Dans une telle éventualité, le propriétaire exploitant sera confronté à un choix sans issue: faire payer le prix de son erreur à la clientèle, ce qui est à toutes fins pratiques impossible, ou bien tenter d'apporter des ajustements qui lui permettront d'être compétitif. Évidemment, la possibilité de se prévaloir de cette dernière option est inversement proportionnelle à l'ampleur du déficit concurrentiel que l'on doit combler.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Je vous remercie. Je voudrais tout d'abord vous demander s'il y a un intérêt à participer au Forum dans votre cas.

M. Brulotte (Daniel): On a participé dans la première partie, M. le ministre. On a cessé de participer, tout simplement, pour la simple et unique raison qu'on a senti ? et c'est un entonnoir qu'on a senti se diriger ? que ça se dirigeait vers des discussions de relations de travail. Nous, notre position est très claire: nous représentons tous des entreprises, et, si on parle d'améliorations de l'industrie...

D'ailleurs, on le fait. On n'a pas besoin, nous, de lois pour le faire, on siège à différentes places et on le fait avec d'autres organisations, on a des coalitions à brûle-pourpoint comme ça sur des points. À titre d'exemple, avec l'ACQ, par exemple, dans 80 % des dossiers, on a le même point de vue; dans le 15 % ou 20 % des cas où ça diffère de par la taille des entreprises qu'on représente, à ce moment-là, ils font leur représentation, on fait la nôtre.

La raison pour laquelle on a cessé de participer à ce forum-là, c'est que ça se dirigeait... On l'a vu par la nature des présentations, on parle de règles, de lois de transport et on se ramène avec des intervenants qui se ramènent tout le temps au niveau des lois du travail. Les entrepreneurs ? et, évidemment, par défaut ? sont aussi tous des conducteurs. Mais on ne représente pas des conducteurs, on représente des entreprises, et, dans la mesure où c'est comme ça...

n(22 h 20)n

D'ailleurs, j'ai très bien apprécié l'intervention de Me François Rouette cet après-midi quand il parlait de modifier le nom ? c'est quelque chose que je n'avais même pas envisagé ? parce que, si on se réfère aux pistes de solution qu'on avait données, nous, lors d'une des dernières rencontres au Forum, ça ressemblait un peu à ce qu'on avait déjà dit: «Que tous les partenaires de l'industrie qui, comme nous, se considèrent comme des gens d'affaires continuent de collaborer ensemble dans le but d'assainir notre secteur d'activité afin que, dans les plus brefs délais, ceux qui assument leurs responsabilités et qui défraient les coûts de la conformité puissent oeuvrer dans un environnement compétitif, certes, mais à l'intérieur duquel la conformité et le professionnalisme auront un prix.» C'est dans ce sens-là que je n'ai pas de problème.

M. Chevrette: M. Brulotte, j'ai entendu presque tout le monde, il en reste un après vous autres.

M. Brulotte (Daniel): Oui.

M. Chevrette: Je n'ai pas entendu un groupe dire qu'il était contre la formation du Forum. Vous êtes le seul groupe, à date, qui vous prononcez contre la formation du Forum.

M. Brulotte (Daniel): Dans la mesure où le message... Il y a une ambiguïté qui persiste, M. le ministre, et à laquelle on ne veut pas participer.

M. Chevrette: Non, je comprends ça. Mais je vous fais remarquer, là ? j'en étais à affirmer des choses ? que vous êtes le seul groupe qui dit que vous vous inscrivez en faux contre tout le projet de loi. C'est ce que je viens de comprendre. Et, je vous dis, l'ACQ, les entreprises indépendantes, juste avant vous, considèrent qu'il était temps qu'on ait un lieu de concertation plutôt qu'un lieu de confrontation. Je suis surpris que vous soyez contre tout le projet de loi. Il est normal que vous puissiez être contre certains éléments du projet de loi, mais contre tout le projet de loi, comme vous dites... Vous affirmez ça dans un premier temps puis vous vous prononcez en faveur de deux éléments, par exemple, après. Mais vous remettez en question l'ensemble du projet de loi. C'est votre droit le plus strict; moi, j'en prends acte. Mais vous représentez 450 personnes, d'après ce que j'ai compris.

M. Brulotte (Daniel): Oui.

M. Chevrette: C'est tous des propriétaires qui, pour la majorité ? 80 %, je crois ? sont propriétaires de leur...

M. Brulotte (Daniel): Environ 90 %, c'est ça; 80 %, 90 % des gens sont propriétaires d'un seul véhicule et le conduisent eux-mêmes.

M. Chevrette: Mais c'est précisément ceux-là qui ont demandé à l'État et qui ont demandé avec insistance ? en posant des gestes d'ailleurs répréhensibles, je me rappelle...

M. Brulotte (Daniel): Oui. Bien, c'est...

M. Chevrette: ... ? une certaine forme, au moins, de contrat type. Il y en a aux États-Unis, des contrats types; il en vient un en Ontario, un contrat type. On harmonise les poids charges. Est-ce qu'on ne doit pas harmoniser un tantinet les règles du jeu?

M. Brulotte (Daniel): En ce qui concerne le contrat type, je suis un peu d'accord avec quelqu'un qui l'a mentionné précédemment, on lui accorde un peu trop d'importance, il y en a déjà un. Le projet de loi n° 430, quand il est entré en vigueur, a abrogé certaines dispositions du règlement de la Loi sur le camionnage ? notamment les articles 18.3 du règlement ? qui, elles, étaient justement des stipulations minimales. Je suis très au fait de ce que c'était, parce que ? qui sont entrées en vigueur en mars 1995 ? l'APCRIQ était l'instigatrice de ça, j'ai été celui qui a terminé le dossier. Et je l'ai mentionné, ça, c'est que ces stipulations minimales là n'ont pas eu l'effet qu'on espérait nous-mêmes à l'époque, pour la simple et bonne raison... Et puis c'étaient des stipulations dans le genre: on identifiait ce qu'il devait y avoir dans le contenant et non pas le contenu. O.K. On a vu tantôt qu'il y a des différences. Parce que nous, si on veut parler du contenant, c'est tel que tel, il n'y a pas de problème avec ça. Mais, si on se met à parler et à vouloir du contenu, on tombe tout à fait à l'encontre des règles du marché de la concurrence.

Ces gens-là, même s'ils n'ont qu'un seul véhicule, M. le ministre, c'est des gens qui sont des transporteurs à part entière, ceux qui sont, évidemment, propriétaires exploitants. On ne parle pas de ceux qui sont propriétaires seulement, les exclusifs, comme M. Brickley, précédemment, faisait la différence. Il y a évidemment toute une notion de différence.

Mais les stipulations minimales, il y en a eu en place de mars 1995 à juillet 1998, et on n'a pas senti d'impact, pour la simple et unique raison... On a regardé ça avec un certain recul, nous. Et puis, si elles revenaient, on n'aurait vraiment pas de problème. On ne pense pas que ça aurait un impact, comme envisagé, parce que l'expérience qu'on en a eu, c'est que les gens, du fait qu'ils n'étaient pas tout à fait conscients des responsabilités dont ils sont imputables de par leur statut ? qui sont soit de propriétaires seulement, celles du conducteur et du propriétaire, aux termes du Code de la sécurité routière ? ces gens-là ne semblaient pas nous... Oui, O.K., oui. Ça, ce n'est pas grave, cette clause-là. C'est quelque chose qu'on a constaté, puis on le déplore. C'est pour ça que nous, on préconise plutôt l'application rigoureuse de 430.

M. Chevrette: Mais, M. Brulotte, vous avez assisté comme moi à ce qui s'est passé.

M. Brulotte (Daniel): Oui.

M. Chevrette: J'ai beaucoup d'admiration pour le travail que vous faites et que vous avez fait avec vos membres. À part ça, je l'ai déjà dit puis je le répète ce soir. Mais, au-delà de ce qui peut s'être fait de positif et de très professionnel dans votre association, je pense très sincèrement que le groupe de ces propriétaires-là avait véritablement, selon même le sondage scientifique, des revendications très, très sérieuses, eux autres. Tous ceux qui sont victimes de brokers qui ne paient pas ont revendiqué fort. Ceux qui doivent faire du millage assez vite pour venir à bout de se tailler une paie, ça fait sérieux, ça. C'est la sécurité, en plus, du public, des citoyens en général et de leurs propres personnes. Ceux qui doivent, comment dirais-je, tricher sur le «logbook» pour venir à bout de se faire une paie qui a de l'allure, ça fait sérieux, ça. Ce n'est pas seulement le travailleur, ce n'est pas seulement l'institution, c'est l'individu. Et ce n'est pas le syndicat, contrairement à ce que vous pouvez prétendre et que certains veulent continuer à entretenir.

Ce que je dis depuis le début, puis je ne me suis pas gêné pour le dire... J'ai toujours parlé d'une association professionnelle qui établissait un cadre ou des normes minimales, effectivement, mais dans le cadre d'un consensus. Moins on a à arbitrer, comme gouvernement, mieux c'est; plus il y a de consensus entre les parties, mieux c'est. J'ai été obligé de déposer une loi la semaine dernière, le député de l'Acadie puis mes collègues ici vont en témoigner. Toute action concertée pour le barrage des routes va arrêter. C'est rendu que la méthode privilégiée au Québec, c'est les barrages. Je ne suis pas ministre des barrages, moi, je suis le ministre des Transports. Il faut que ça roule!

M. Brulotte (Daniel): Cette loi-là, on la supporte, on est tout à fait contre les barrages aussi.

M. Chevrette: Bon. C'est pour ça que je veux vous dire: Comment il se fait qu'il y a autant de monde qui veut au moins un lieu de concertation, sachant que ce n'est pas le Klondike, sachant que le Code du travail, il ne permet pas la syndicalisation d'un entrepreneur artisan, on sait ça? Même si le Code canadien, lui, prévoit la syndicalisation possible d'un propriétaire dépendant et même s'il y a un jugement de dernier recours qui vient d'arriver qui reconnaît même qu'il pourrait être syndicable en fonction du Code québécois ? parce qu'on me dit qu'il est sorti un jugement il y a quelques jours, je ne l'ai pas vu encore; mais, d'ailleurs, ce n'est pas mon domaine, c'est le ministre du Travail qui doit trancher cette partie-là ? nous, ce qu'on offre, c'est une association professionnelle où on va leur faire un contrat type puis on va essayer de regarder ce qu'on peut faire en dialoguant de bonne foi, en offrant la possibilité à des individus qui n'ont aucun recours puis qui n'ont aucun service d'aller en chercher. Ce n'est pas tout le monde qui veut être dans une association x.

Mais je veux revenir sur la cotisation, parce que c'est là-dessus que vous avez à vous prononcer. Vous allez nous dire: Tout ce que vous dites, M. le ministre... Je vous connais! Vous allez dire: Je partage ce que vous venez de dire. Mais vous ne partagez pas la cotisation après. Mais je vais vous expliquer quelque chose.

Il reste seulement deux minutes?

Sur la cotisation, ce n'est pas la formule Rand, contrairement à ce que vous dites. Là-dessus, je dois nuancer avec vous. Si c'était la formule Rand, je dirais: Tout propriétaire doit payer une cotisation, choisis l'association que tu veux. Ça, ça serait la formule Rand. Moi, je dis: Je vous oblige à aller au vote si vous en voulez, une cotisation, ou si vous n'en voulez pas. C'est différent, ça. C'est ça qui est dans la loi, là. Dit démocratiquement: En voulez-vous, une cotisation, ou si vous n'en voulez pas? Le premier geste à poser, c'est ça. Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Brulotte (Daniel): Malheureusement, je ne sais pas si j'ai le temps, j'aimerais vous répondre.

M. Chevrette: Ah! Vous le prendrez, le temps.

n(22 h 30)n

M. Brulotte (Daniel): On est une association, nous, qui fait exactement... D'ailleurs, quand j'ai vu l'article de loi qui définit les fonctions d'un regroupement reconnu, j'ai dit: Mon Dieu, ils nous ont définis! Parce que c'est effectivement ce qu'on fait. On est le seul organisme qui représente ce type de clientèle là, qui, soit dit en passant, a fait des tournées d'information et de formation concernant la loi n° 430, la population d'évaluation de la SAAQ. D'ailleurs, je pense que vous le savez, les gens chez vous le savent tous.

Mais il y a une différence. Nous, on est contre ça pour la simple et bonne raison que c'est un droit fondamental d'adhérer ou non à un organisme d'entreprises. On n'est pas, à l'image de ce que vous disiez tantôt, là, un ordre de professionnels; on est une association d'entrepreneurs, et on pense que tous doivent avoir le loisir et la liberté d'adhérer ou non. Et ce qui est agaçant dans ça, M. le ministre, c'est que, je l'ai dit tantôt, le discours qui est véhiculé à l'extérieur est tout à fait différent... C'est évident, quand on regarde le projet de loi, c'est évident que ça dirige tout. Mon interprétation, c'est de dire qu'on va évidemment amener les gens à penser entrepreneur, et commercial à la limite, sauf qu'on voit qu'il y a des gens qui veulent parler du contenu plutôt que du contenant, mais en tout cas. C'est évident, ça.

Sauf que, ce qu'il faut comprendre, le message qui est véhiculé à l'extérieur est nettement différent de ce qu'il est. La clientèle qui est visée et celle qui a bloqué les routes n'est pas la nôtre. C'est une partie de la clientèle qui a malheureusement un endroit qu'elle ne devrait peut-être pas, parce qu'elle ne maîtrise pas certaines aptitudes, et on est d'avis que des gens les ont utilisés pour attirer l'attention. Et ça a fonctionné, on est assis ici aujourd'hui.

Nous, on dit: Laissez le libre choix, et on verra bien. Et, quand ce sera les associations et la qualité et le professionnalisme des organismes qui édicteront si les gens adhèrent ou non, on verra la différence. On n'a pas de problème avec ça. On n'a pas peur de ça, nous autres, des organisations ou des associations professionnelles de ce genre-là qu'ils mettraient en place. On est tout à fait d'accord, sauf qu'on a utilisé un message qui ne correspond pas à celui qui est visé par le règlement de loi.

C'est évident que la journée où il passera une cotisation obligatoire, M. le ministre, on va assister à la plus grande campagne de maraudage possible contre laquelle un organisme comme le nôtre n'a certainement pas les ressources nécessaires pour compétitionner avec le genre d'organisme syndical qui est présentement dans le terrain. Et ça, ça serait tout à fait discriminatoire envers des organismes sérieux et consciencieux comme on prétend l'être.

M. Chevrette: Vous avez 500 membres en partant...

M. Brulotte (Daniel): Peu importe.

M. Chevrette: ..ça fait des recruteurs en maudit, ça. Non?

M. Brulotte (Daniel): M. le ministre, j'ai des gens qui viennent me voir dans mon bureau qui se sont lancés, puis quand la personne vous rencontre puis elle vous dit: Regardez ? elle est tellement fière d'avoir le camion, elle vous montre la photo ? j'ai payé... Là, il dit qu'il a 3 500 $ par mois pendant six ans puis il y a une balloune de... Donnez-lui le pétrole, lui, donnez-lui le contrat que vous voulez, c'est certain... Moi, j'ai deux conseils à lui donner, je lui en donne toujours deux: Un, tu aurais dû prendre des paiements de 5 000 $, tu aurais souffert moins longtemps puis tu aurais dérangé les autres moins longtemps dans l'industrie. C'est tout ce que je peux faire pour cette personne-là.

Pensez-vous qu'elle, quand je lui adresse un message d'entrepreneur comme ça, elle a le moindre intérêt à adhérer à mon Association? Jamais dans cent ans. Mais, s'il y a quelqu'un dans le champ qui lui dit: Nous autres, on va vous faire avoir 3 $ du mille, c'est évident, M. le ministre, je n'ai aucune chance de concurrencer avec ça, vers ce type de clientèle là, mais je ne le veux pas. Ce que je dis, laissez la chance aux professionnels de se démarquer des autres par la qualité de ce qu'ils font. On verra bien ce qui se passera.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, le ministre disait tout à l'heure: Ce n'est pas la formule Rand, et il est revenu avec ça à plusieurs reprises en disant: Au fond, les gens, c'est eux qui décident eux-mêmes, les membres d'un regroupement, de se donner une cotisation. Alors, elle n'est pas imposée, c'est les gens entre eux qui décident. Mais, à moins que je saisisse mal, une formule Rand, c'est... Quand quelqu'un ne veut pas être membre d'un regroupement puis qu'il est forcé de payer une cotisation à un regroupement, d'après moi, c'est une formule Rand. Alors, je ne sais pas si j'ai une bonne compréhension.

Et je réfère à l'article 48.11.18 où on dit: «Tout routier qui n'est pas membre d'un regroupement de routiers reconnu doit, pour maintenir son inscription aux registres visés à l'article 4 de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, verser au regroupement de routiers reconnu de son choix la cotisation annuelle fixée par une assemblée extraordinaire des membres de ce regroupement.»

Alors, il n'est pas membre du regroupement, il n'a pas participé à la décision d'y donner une cotisation, mais, s'il veut demeurer inscrit au registre, bien, il doit cotiser à une... Alors, ma compréhension, moi, c'est ça, la formule Rand.

M. Brulotte (Daniel): Évidemment, je ne suis pas un expert de la formule Rand. Ceux qui sont experts de la formule Rand sont beaucoup plus près des normes du travail que des normes commerciales comme nous on l'est. Si j'ai qualifié ça de formule Rand et que ça ne l'est pas spécifiquement, c'était peut-être pas dans le terme légal qu'on l'a fait, mais dans l'ordre de ce qu'on voit. Nous, on ne voit pas de différence entre ça, là.

M. Bordeleau: Oui. Indépendamment du terme, au fond, vous ne voulez pas que des gens soient obligés de cotiser, qu'ils aient la liberté d'adhérer à un regroupement...

M. Brulotte (Daniel): Non, puis le problème est que, justement, le message... Il y a des gens qui ne seront jamais intéressés à devenir membres chez nous, M. Bordeleau. Ils ne seront jamais intéressés parce qu'on ne dit pas ce qu'ils veulent entendre. On dit la réalité, puis ça ne plaît pas toujours. Mais, malheureusement, c'est ce qu'on a décidé de faire, nous, d'être professionnels dans ce sens-là. Sauf que ce que je dis, c'est qu'il y a une ambiguïté qui persiste malheureusement, et c'est la raison pour laquelle on a cessé de participer à ça.

Je voudrais revenir un peu sur le sujet dont le ministre a parlé, qu'on s'opposait. J'ai pris la peine de dire tantôt que... Il y a eu une intervention de Me François Rouette tantôt qui a modifié l'appellation et qui est revenu en disant: Bah! c'est une participation des intervenants. Ah! dans ce sens-là, on n'a pas de problème. Nous, tant et aussi longtemps que ça sera des discussions à connotation relations de travail, on ne veut absolument rien savoir de ça et on s'opposerait à ça. On ne participera pas. Par contre, si ça parle d'amélioration de l'industrie en général, on n'a pas de problème avec ça. C'est deux choses tout à fait distinctes, là. Ce n'est vraiment pas la même chose.

M. Bordeleau: C'est ça. Je voulais revenir sur ce point-là tout à l'heure. Le ministre disait: Bon, si je comprends bien, vous ne voulez rien savoir d'un forum et vous ne voulez pas y participer, etc.

Une voix: ...

M. Bordeleau: C'est ça, ouais. Moi, ce que je comprends, au fond, c'est à peu près le même message qu'on a eu... bon, vous parlez de Me Rouette, et puis, tout à l'heure, il y a eu M. Cléroux, je pense, qui y a fait référence en disant: Tant que ça demeurera, au fond, un forum de concertation ou de discussions, de consultations axées sur des relations commerciales, on est d'accord avec ça. Est-ce que vous seriez d'accord avec un type de forum comme ça?

M. Brulotte (Daniel): Oui, à partir de l'instant où ce sera clair, et on s'assurera qu'il n'y aura pas deux messages qui seront véhiculés. Puis on ne dit pas que les autorités lancent le mauvais message. On dit que certains participants lancent un mauvais message et que ça garde une ambiguïté. Jumelé à certaines situations comme l'obligation possible de cotiser, ça lance un très mauvais message à l'industrie. Et, à partir de ce moment-là et tant et aussi longtemps que ça lancera ce genre de message là à connotation de relations de travail, dans ce sens-là, non, on n'est pas intéressé.

Mais, je vous le rappelle, on l'a dit dans une piste de solution, c'est une des pistes de solution qu'on a proposées dans un document qu'on a déposé au Forum. On demandait que les partenaires de l'industrie qui, comme nous, se considèrent comme des gens d'affaires continuent à collaborer ensemble dans le but d'assainir. C'était une invitation que je lançais comme ça. C'était ça avant de savoir que le Forum deviendrait permanent. Mais ce qu'on n'aime pas dans ça, c'est la connotation relations de travail. Ce n'en est pas une et on ne cotisera pas ça, on ne participera pas à ça et on ne supportera rien qui ressemble à ça.

M. Bordeleau: En fait, la question que je posais, c'était juste au niveau du principe. Je ne parle pas du projet de loi puis de la... tel qu'on l'a défini là.

M. Brulotte (Daniel): Non, non, d'accord.

M. Bordeleau: Ça, je comprends que vous êtes contre ça.

M. Brulotte (Daniel): Oui, mais dans le principe, les intervenants, oui, je n'ai pas de problème avec ça.

M. Bordeleau: Bon. Alors, au fond, vous êtes d'accord avec ce que M. Cléroux disait tout à l'heure à peu près, dans la mesure où, si on traite de relations commerciales, que c'est consultatif, vous seriez prêt à participer à un forum comme ça, excepté le forum tel qu'il est défini dans le projet de loi avec des incidences au niveau des relations de travail que vous y voyez.

M. Brulotte (Daniel): Oui. Tant et aussi longtemps que ça ne sera pas clair, tant qu'il persistera une ambiguïté, nous, ça... Mais, si on s'arrange, on s'assure que c'est clair et que le message surtout qui est véhiculé est clair, il n'y a pas de problème. On le fait de façon toute naturelle, collaborer avec d'autres organismes pour passer des messages et faire notre travail dans ce sens-là. On le fait de façon toute naturelle. On n'a même pas besoin, nous, en tout cas, d'une loi qui crée un forum quelconque. On le fait, là, comme toute organisation professionnelle de gens d'affaires le fait.

M. Bordeleau: O.K. Est-ce que vos membres sont des routiers qui font de l'interprovincial, de l'international ou seulement du...

M. Brulotte (Daniel): Je dirais que 85 % à 90 % de nos membres ne sont peut-être pas, là, d'une charte fédérale mais sont assujettis au Code fédéral parce qu'ils font du territoire extraprovincial ou à l'extérieur du Québec, extraprovincial.

M. Bordeleau: O.K. Puis vous comprenez comme nous que, dans le projet de loi tel que c'est là, au fond, le contrat type dont on parle souvent, il ne serait pas utile pour eux et qu'ils auraient à payer pour rester inscrits au registre des exploitants de véhicules lourds. Ils seraient obligés de payer une cotisation nécessairement, parce que c'est l'article 18, là, qu'on lisait tout à l'heure.

M. Brulotte (Daniel): Oui, mais ce n'est pas une avenue que, nous, on avait vérifiée à date dans le projet de loi, mais, suite à l'intervention de Me François Rouette qui, je dois le reconnaître, est quelqu'un qui sait très bien de quoi il parle, on en a pris bonne note. Et c'est évident qu'en tenant compte de son intervention plusieurs de ces gens-là ne seraient pas assujettis à ça évidemment et, du fait qu'ils sont propriétaires d'un seul véhicule, auraient à cotiser.

n(22 h 40)n

Mais ce qui est grave aussi, c'est que les gens qui sont propriétaires et exploitants d'un seul véhicule, ceux qui sont... À l'image d'un gros transporteur, un petit transporteur, mais un transporteur quand même, qui intervient auprès d'un client, par exemple, directement, il en existe beaucoup. On en a beaucoup, de ces gens-là. M. Masse en est un ici.

C'est-à-dire que présentement, lui, s'il fait affaire avec un client, il a simplement besoin de ce que M. Bickley mentionnait, un contrat, un connaissement. C'est tout ce qu'il fait. Il part avec ça puis il s'en va. La journée où ces gens-là seraient touchés par un contrat applicable à ces gens-là aussi, imaginez la lourdeur administrative. C'est suffisamment vrai pour un client qui dit: Ah! pour toi, ce n'est pas seulement un connaissement, ça va être aussi un contrat que je dois signer. C'est un fardeau, une lourdeur pour ces gens-là. Ça ne doit absolument pas les toucher, ça.

On parle de gens qui sont des transporteurs au même titre que les très gros transporteurs de ce monde. Un des désavantages des petits par rapport aux gros, c'est qu'ils ont justement une disponibilité de camions réduite. Un contrat comme ça viendrait leur rendre une lourdeur supplémentaire. Le client va dire: Écoute, en plus du connaissement, t'as aussi un contrat que tu dois m'appliquer parce que... Oubliez ça, là. C'est un boulet au pied de ces gens-là qui, dans plusieurs des cas, ont des entreprises et de très bonnes entreprises. Ce sont des transporteurs au même titre que les Cabano, les Guilbault et ces choses-là. C'est ça qu'il faut comprendre.

Il y a vraiment deux classes d'individus. Même s'ils ne possèdent qu'un seul véhicule, il y a des propriétaires exploitants et il y a des propriétaires seulement qui ont des contrats en exclusivité. Ce n'est pas la même chose. Et les stipulations minimales qui existaient déjà préalablement avec l'article 18.3 du règlement de la Loi sur les transports étaient applicables aux propriétaires seulement en exclusivité. C'est deux choses tout à fait différentes.

M. Bordeleau: O.K. Le point que vous venez de mentionner concernant un contrat imposé, au fond, c'est un des points que les gens font. Dans les lettres qu'on reçoit de vos membres...

M. Brulotte (Daniel): Bien, c'est parce que c'est le... On a vu les interventions, on a vu aussi, dans la première partie de participation au Forum, que, éventuellement, c'était un contrat qui pourrait... On parle de promotion dans le projet de loi, sauf que le ministre pourrait édicter quelque chose avec la Loi sur les transports ? l'article 5n ? édicter l'obligation ou quelque chose qui devrait apparaître, un connaissement, un contrat ou une estimation, et ça nous inquiète.

Dès l'instant où la possibilité est là, c'est inquiétant parce que ces gens-là sont des entrepreneurs, des transporteurs, au même titre que les gros, et ils seraient largement désavantagés par rapport à toutes les contreparties qui existent, des autres provinces.

M. Bordeleau: J'aimerais revenir à votre mémoire, à la page 4. Il y a un paragraphe que j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus. Vous dites: «Quant à la deuxième partie de l'article traitant sur la nullité des dispositions dans un contrat contraignant un routier à enfreindre les lois, celle-ci nous semble inutile, non pas que nous soyons contre la vertu, cependant nous sommes convaincus qu'une telle disposition serait inapplicable.»

M. Brulotte (Daniel): Nous, ce qu'on veut dire par là, c'est que, pour que ça soit applicable, il faudrait qu'on le voit dans un contrat: Tu es obligé de prendre quelque chose qui est en surcharge. On ne voit jamais ça. On a une pile de contrats ça d'épais, chez nous, qu'on regarde, qu'on a analysés, qu'on connaît tous par coeur, ça ne dit pas ça. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a toujours deux côtés à une médaille. On peut être, exemple, en surcharge de différentes façons: en surcharge axiale ou en surcharge hors tout, si on veut.

L'expéditeur, lui, a un voyage, puis c'est la concurrence qui dicte le marché. C'est la concurrence. Si, exemple, dans le marché, ça fait en sorte que cet expéditeur-là est capable d'envoyer, généralement avec des transporteurs qui sont compétitifs et efficaces, qui ont de l'équipement dernier cri, une charge payante de 50 000 livres, par exemple, si, vous, vous arrivez là puis vous avez un équipement qui est trop lourd puis que cette charge fait en sorte que vous êtes en infraction, la seule personne qui peut le savoir, c'est qui? C'est le propriétaire du véhicule, c'est l'exploitant.

Les contraintes que les gens subissent, disent subir... J'en ai eu, des camions, pendant 10 ans, moi, M. Bordeleau, et je n'ai jamais été obligé de virer de bord, comme on entend, des histoires d'horreur. La vraie contrainte qu'on a dans le dos, c'est quand le créancier nous appelle... qui, dans bien des cas, c'est parce que vous avez fait des mauvais choix d'affaires.

L'exemple que je vous ai donné tantôt, l'intervenant qui vient me voir puis qui me dit: M. Brulotte, pouvez-vous m'aider, je viens de m'acheter un camion? On regarde, il a 3 500 $ de paiement par mois sur un truck avec une balloune de 35 000 $ au bout. Je vous le dis: Donnez-lui le pétrole, il va crever pareil, ce gars-là. O.K.

On ne dit pas que tous les gens qui ont de la difficulté sont dans cette situation. Ce qu'on dit, c'est que le pourcentage de ces gens-là qui sont présentement actifs dans l'industrie et qui souvent crient plus fort que les autres, un peu à l'image de ce que le ministre a dit tantôt, leur présence débalance l'offre et la valeur des gens qui sont dans le marché qui, eux, sont obligés de vivre avec ça.

C'est pour ça que, nous, on préconise plutôt l'application rigoureuse de 430 qui cible la délinquance, sortir ces gens-là du marché, de façon à ce que ceux qui sont là présentement et qui se débrouillent assez bien pourraient facilement améliorer leur sort, toujours dans un contexte de compétition mais où le professionnalisme aurait un prix. C'est ce qu'on préconise.

M. Bordeleau: Ça va.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Brulotte et MM. Bernier et Masse, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Alors, je demande aux représentants du dernier groupe que nous entendrons ce soir, l'Association des intermédiaires en transport du Québec, de bien vouloir se présenter à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à s'identifier ainsi que les deux personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez aussi une période maximum de 15 minutes pour nous faire votre présentation.

Association des intermédiaires
en transport du Québec (AITQ)

M. Gagnon (Yves D.): Je peux avoir encore une seconde pour installer mes papiers, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Gagnon (Yves D.): Merci. Je vais me présenter: Yves Gagnon, vice-président de l'Association des intermédiaires en transport du Québec.

M. Menzies (William): William Menzies, secrétaire.

M. Ramescu (Steve): Steve Ramescu, président de l'Association.

M. Gagnon (Yves D.): On vous remercie de l'invitation à venir vous présenter nos commentaires sur le projet de loi. Ce que j'aimerais faire, dans un premier temps, c'est de présenter notre association, dans un deuxième temps, vous donner un peu d'information sur le Forum. On va parler de la loi n° 135, on va mettre beaucoup d'emphase sur la caution et on va apporter certaines conclusions et recommandations.

Alors, qui est l'Association des intermédiaires en transport du Québec? C'est une association qui est née de la loi n° 430. Ayant été identifiée dans le projet de loi sans qu'il y ait de regroupements quelconques qui existent, on a pris l'initiative de créer cette association. Les membres de notre association ? ça va être important qu'on comprenne bien leur rôle et qui sont-ils ? ce sont des entreprises qui agissent entre les expéditeurs et les transporteurs. Alors, il peut y avoir plusieurs types d'intermédiaires, mais les intermédiaires principaux qu'on représente, qui sont les membres de notre association, ils sont là à titre d'intermédiaires entre les expéditeurs et les transporteurs. Ce qui veut dire que, dans nos membres, on a des entreprises qui font du transport routier, transport aérien, transport ferroviaire, transport maritime, l'entreposage. Alors, ce sont tous des intermédiaires de marché qui agissent comme agents commerciaux.

Ce sont des entreprises aussi qui jouent un rôle de facilitateur opérationnel. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'ils permettent aux entreprises de réduire leurs coûts afin d'éviter les millages à vide, d'optimiser leurs opérations. Alors, ils sont là pour optimiser la chaîne complète de logistique. Ils jouent ni plus ni moins le rôle d'un grossiste, même principe qu'un Wal-Mart ? on fait des exemples simples du marché ? où il y a une mise en commun de produits; bon, eux, c'est une mise en commun de services.

Vous m'excuserez s'il est tard, mais on va essayer de vous garder réveillés. Excusez-moi, M. le ministre, elle était facile. Ce qu'on a créé...

M. Chevrette: Le lever a été tôt puis le coucher va être tard.

n(22 h 50)n

M. Gagnon (Yves D.): On se rejoint. Ce qu'on a fait avec l'Association, on a créé l'Association l'été dernier, en 1999. Vous m'excuserez, les dates, je ne les ai pas mises précises, mais vous avez sans doute déjà de l'information. Une chose qui est claire, c'est que le premier critère sur lequel on s'est basé pour qu'une entreprise intermédiaire soit membre: elle doit être inscrite à la Commission des transports du Québec. Nous, on trouvait d'un bon oeil la loi n° 430 d'identifier, maintenant, un coup qu'elle est identifiée, servons-nous de cette note-là comme critère à l'entrée pour être membre.

Deuxième critère qu'on a regardé: on a mis de l'avant un code d'éthique qui est un engagement moral des entreprises ? dont vous n'avez pas copie ici, on est à le fignoler ? un code d'éthique qui va être un engagement moral, qui n'est pas une police, qui n'est pas la Sûreté du Québec, qui n'est pas la SAAQ, mais qui est là sur une base volontaire pour dire aux gens: Avant de signer ton adhésion, veux-tu prendre note de ces règles d'or là, parce que, dans le fond, c'est ça qu'il faut qu'on regarde. On est un agent commercial.

On a eu un rôle au Forum. On a été invité au Forum. Comme expérience, ça été très bien; des moments qui sont bons, des moments qui sont moins bons. Principalement, dans la première manche du Forum ? si je dis la première manche, c'est de septembre à aujourd'hui ? on a eu un rôle, je dirais, beaucoup plus d'observateur, pour ne pas perdre de vue un point très important ? et je pense que c'est le plus important autour de la table du Forum sur le camionnage et du comité technique: on est probablement les praticiens les plus du plancher. En bon québécois, c'est nous autres qui est dans la soupe avec les routiers, avec les transporteurs, avec tous les donneurs d'ouvrage. On est là dans le marché. On n'est pas assis ailleurs. Et je pense qu'on a une bonne expertise, et je pense qu'on a aidé le Forum à certains moments pour amener des éléments pratico-pratiques et non pas des éléments théoriques non applicables.

En ce qui a trait au Forum, on voit certaines carences. Premièrement, la première chose qui me saute aux yeux, c'est qu'on nous a invités à un forum depuis septembre et que le Forum était, au départ, sur le camionnage. Jusque-là, moi, je n'avais pas de problème. Quand on me parle d'un forum sur le camionnage, j'ai en tête un forum qui va travailler à trouver des solutions sur des problèmes soulevés qui touchent l'industrie du camionnage. À brûle-pourpoint, le projet de loi qui sort, on parle maintenant d'un forum des routiers. On est un peu mal à l'aise avec la situation, on comprend mal le changement.

Un forum des routiers, pour moi, si on veut parler de relations de travail ? on va appeler ça les ressources humaines, je pense que c'est le mot précis ? nous, ça ne nous concerne pas, on se voit mal travailler avec un forum sur une table de concertation qui veut vraiment cibler les ressources humaines. On peut participer, entre «brackets», comme consultant, comme observateur, mais on n'a pas d'interaction avec ce groupe de gens là. On se demande qu'est-ce qu'on fait là.

Si on parle d'un forum du camionnage, ça, c'est intéressant. S'il y a des choses qui touchent notre industrie du camionnage, on va être là. S'il y avait un forum aérien, on ferait la même chose; s'il y avait un forum maritime, la même chose. On travaille avec les industries, on ne travaille pas avec les individus. Il ne faut pas perdre ça de vue, il faut s'en rappeler tout le long de la chaîne, on va toujours parler d'agent commercial.

Il y a eu le sondage Léger & Léger auquel vous faites référence dans le projet de loi. Je ne sais pas comment il a été lu, comment il a été interprété, mais on a l'impression que l'étude Léger & Léger est devenue la référence exemplaire de la vérité concernant les intermédiaires où on parle de caution et où on parle de différents éléments qui pourraient toucher les intermédiaires. Ce qu'on s'aperçoit, c'est que Léger & Léger, c'est une chose, sauf que la représentativité des groupes de conducteurs propriétaires, qu'ils soient exclusifs ou non exclusifs, par rapport aux intermédiaires est insignifiante, c'est-à-dire non valable.

Quand on me parle d'une caution, pour nous, une caution, en rapport aux intermédiaires, il faudrait identifier quel type de caution on pourrait avoir. On comprend que c'est peut-être un outil mais qui est non justifié. On prétend surtout qu'il est symbolique. À titre référentiel, l'industrie américaine, dont les intermédiaires doivent se cautionner pour environ 10 000 $, est à la recherche d'une solution pour l'éliminer. Ils ne s'en servent pas; ça ne sert pas. On peut mettre des cautions mais, si ça ne sert pas, moi, je me pose la question.

À tire référentiel pour le ministère, on a énormément de difficultés à voir la caution, comment elle pourrait être gérée. On prend juste l'inscription des registres de la Commission des transports concernant les intermédiaires, ça fait déjà plus d'un an qu'on est inscrit, et notre renouvellement n'est pas rentré encore. Alors, si on n'est pas capable de gérer l'inscription et le renouvellement, je me pose la sérieuse question: Comment allons-nous gérer la caution.

L'autre élément qu'on voit avec la caution, c'est qu'on y voit un danger de précédent. Je vais vous expliquer un peu qu'est-ce que je veux dire. C'est que, s'il y avait une caution pour l'intermédiaire envers un routier ? on va l'appeler le routier, là, parce que c'est le nouveau terme dans la loi ? on voit un danger. C'est que demain matin le transporteur routier, celui avec qui on travaille, va sans doute faire la même demande, dans un deuxième forum ou un troisième forum, pour dire au gouvernement: Bien, maintenant que vous avez accepté la caution entre l'intermédiaire et le routier, nous aussi, on veut se protéger des intermédiaires. J'espère qu'on va arriver à comprendre que ce n'est pas l'outil nécessaire. Quand on est dans des transactions commerciales, on prend des décisions d'affaires, et il faut apprendre à vivre avec.

Dans les notes que vous avez ? en passant, ce n'est pas des notes qui réfèrent à ça mais c'est juste pour vous donner un petit peu de suivi ? il y a un tableau qui est très important, qui est le tableau qui fait référence... Excusez-moi. Juste une seconde. Est-ce que vous avez un tableau qui ressemble à ceci?

Une voix: Oui.

M. Gagnon (Yves D.): J'apprécierais énormément que les gens autour de la table ? pour ce soir, parce qu'il est un peu tard, et je ne voudrais pas vous endormir plus rapidement ? de prendre note sérieusement... M. le ministre, là-dedans, vous avez de la viande après un os pour nourrir beaucoup de chiens. Et on a voulu être clair, précis au niveau du Forum et on a eu l'impression que ce document-là a passé en dessous de la table. Il n'a pas passé à la bonne place. On est relativement très déçu qu'aucun des éléments qu'on a apportés...

Le tableau, c'est une référence qui a été faite conjointement, puis je pense que c'était une valeur ajoutée au Forum, qui décortiquait d'une façon simplette: Qui joue quel rôle? Puis, à ma grande surprise aujourd'hui, avec le projet de loi qui est de l'avant, il manque encore des types d'intervenants. On parle de propriétaire exclusif un moment, on parle de propriétaire exploitant, permis de transport... Pourquoi on ne se référerait pas à notre loi n° 430? Celui qui a le permis, celui qui n'en a pas, celui qui roule avec un permis, celui qui roule sans permis. Mettons ça simple, simple, simple. On a tellement de langages qu'on a de la misère à se comprendre autour de la table. Tout le monde est de bonne foi, mais on ne se comprend pas. Moi, à l'école, si on ne se comprend pas, on n'avance pas. Il faut se rasseoir puis refaire nos devoirs.

On parle de rôles et de types de liens. Alors, je pense que ça va être important que vous vous référiez. Quand on a des liens sur des marchandises, c'est une chose, quand on a des liens sur des individus, c'en est une autre et, quand on a des liens sur des entreprises, c'est une autre. Et ça, ça a passé ipso facto. Les différents rôles. Il y a des intermédiaires qui peuvent jouer... Il y a deux rôles en fin de compte: l'intermédiaire pur qu'on pourrait baptiser, qui serait un intermédiaire qui agit strictement dans une transaction commerciale entre l'expéditeur et le transporteur ? le grossiste dont je parlais précédemment ? et l'intermédiaire exploitant.

Je pense que c'est celui-là qu'on a de la misère à identifier, parce qu'il se cache, il joue un rôle hybride. À un moment donné, il a un chapeau transporteur, à un moment donné il a un rôle intermédiaire, mais pas l'intermédiaire que, nous, on connaît. C'est celui-là qu'on entend dans les bandes de J.E., c'est celui-là qu'on entend à la radio et c'est celui-là qui est surtout à l'oreille du ministère et des syndicats, Et ça, ça nous agace un peu. Alors, s'il y a un encadrement, il faudrait viser les bons intermédiaires.

Reconnaissance des regroupements. On participe au Forum depuis le début et on a à chaque fois les syndicats qui sont là. On n'a rien contre les syndicats, je pense qu'on a appris à se connaître, et ça va relativement bien. Par contre, avec le projet de loi n° 135, on comprend mal c'est quoi, la relation d'un syndicat pour des routiers qui ont un rôle qu'on ne sait pas encore lequel. Ce qu'il faudrait clarifier, c'est: Est-ce qu'un routier peut avoir un rôle hybride, c'est-à-dire être entrepreneur et avoir les avantages fiscaux? Parce que, si on allait à Revenu Québec puis qu'on faisait l'évaluation fiscale de ces gens-là, on aurait un portrait, et du même coup essayer d'avoir les bénéfices d'un employé ? là, vous m'excuserez la connaissance des relations de travail. mais on a de la misère à saisir un peu ce rôle hybride là. Je pense que c'est le terme qu'il ne faut pas perdre de vue.

Il ne faut pas être employé puis employeur. Tu fais une décision d'affaires. Je veux m'engager comme employé? Je travaille comme employé, je négocie une convention, je négocie des conditions. Je veux être employeur? Bien, je prends des risques. Quand je fais affaire avec un intermédiaire, si c'est mon choix ? tout comme si je fais affaire avec un expéditeur, tout comme si je fais affaire avec un transporteur ? ma responsabilité, c'est de faire ce que toutes les entreprises doivent faire: vérification de crédit, expérience. Ce qui n'est pas fait.

Alors là, on veut créer une loi avec des cas d'exception ? pour créer un cas d'espèce ? pour l'incompétence du routier qui veut être sur ce rôle hybride là, puis on va lui donner la ouate pour se protéger des méchants intermédiaires qui ne paient pas. Il y a des décisions d'affaires qui se prennent, puis je pense que c'est important qu'on s'en rappelle. Si on crée des lois pour ça, je me pose la question: Vers quoi on s'en va? C'est important.

n(23 heures)n

On offre aussi à la Commission des transports du Québec un rôle élargi. Quand on a parlé de la loi n° 430, on nous a parlé d'une cote de sécurité. Puis là, tout le monde paniquait. Les intermédiaires avec une cote de sécurité. Bien, un intermédiaire pur ne peut pas avoir une cote de sécurité. Il ne gère pas des équipements. Il ne gère pas le fuel. Peut-être qu'on a lancé l'idée. On a lancé l'idée de peut-être créer une cote professionnelle; on n'a pas défini la cote professionnelle. On pourrait la définir ensemble au Forum. Ça pourrait être un élément pour le Forum, mais je pense qu'une cote professionnelle, comme toute association professionnelle, pourrait être mise de l'avant pour permettre aux intermédiaires d'être reconnus dans un encadrement. On ne dit pas de ne pas les encadrer. Si on passe un projet de loi pour améliorer les conditions de travail des chauffeurs ou des routiers, il ne faudrait pas profiter de cette loi-là pour encadrer des intermédiaires. C'est deux choses. Si on veut encadrer des intermédiaires, laissons-nous la chance de se parler et de créer des choses ensemble, pas de les soumettre et de les obliger par le truchement d'une autre loi.

La caution? On a fait nos devoirs. On a rencontré des compagnies d'assurances. Ça semble être un mot très facile, à la mode dans la bouche de plusieurs personnes. Une caution du type garantie de paiement pour les entreprises intermédiaires au Canada n'existe pas aujourd'hui. Les assureurs n'offrent pas d'assurance. Il n'y a pas de réassurance qui existe. Si on crée une loi, on va forcer les choses. Pas de problème. Il faudra identifier quel type de caution. Ce qui est clair aussi, c'est que la caution, c'était un outil qu'on devait utiliser. On n'est pas contre la caution, sauf qu'il faudra définir à quel moment elle sert. Si on propose la caution, il faudra penser aussi à la proposer à tous les niveaux de la chaîne. Si vous vous référez à mon tableau, à la ligne Transporteurs, j'ai mis un rond jaune ? vous avez peut-être ça en noir et blanc ? où c'est écrit Exploitants. L'intermédiaire, le transporteur ou l'expéditeur qui agit comme donneur d'ouvrage dans un lien direct avec le routier devront tous, sans contredit, avoir une caution au même titre que l'intermédiaire, et donc on en fait loi. On y fait référence dans le projet de loi. On n'acceptera pas une caution unilatérale, à sens unique. Je pense que c'est important.

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous prierais de conclure, M. Gagnon.

M. Gagnon (Yves D.): Oui. On aurait aimé avoir 1 h 45 min.

Le Président (M. Lachance): De toute façon, vous aurez l'occasion, en répondant à des questions, de passer votre message quand même un peu plus tard.

M. Gagnon (Yves D.): D'accord.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. Gagnon. Je voudrais poursuivre votre raisonnement sur l'intermédiaire, à la fin. Vous ne contrôlez sûrement pas tous les intermédiaires. Quand c'est rendu qu'il y en a deux et même trois entre l'expéditeur et le... entre celui qui va faire le voyage puis celui de qui vous avez obtenu un voyage, vous savez ce que c'est, la succession des «brokers». Je vous vends un voyage 10 000 $, puis vous le revendez 12 000 $, puis il le revend 13 000 $. Puis là, il n'est plus payant. Qui y goûte? Ce n'est pas les trois intermédiaires qui ont fait de l'argent. C'est souvent le gars qui est au volant, puis il faut qu'il tire les marrons du feu pour essayer de faire quelques piastres au dernier puis, lui, il faut qu'il roule vite ou bien il faut qu'il fasse bien des heures. C'est ça qu'on nous a rapporté. Moi, je n'ai pas inventé ça, là. Je ne suis pas camionneur. Puis, je comprends que vous n'avez pas d'ateliers fermés pour contrôler l'ensemble des intermédiaires. Ça, vous le soulignez vous-même en disant: Ça nous prendrait une association professionnelle, puis ça nous prendrait un code de déontologie ou quelque chose du genre. Mais la situation était la suivante: quand on vous a réunis au mois d'octobre, on faisait face à une situation puis on a dit: Il faut peut-être créer un lieu de concertation au lieu de laisser aller les choses comme elles vont présentement. Puis, moi, je ne sais pas, je suis prêt à reconnaître qu'il y a des maudits bons intermédiaires, mais qu'il y en a un paquet en bout de chaîne, dans le sous-sol chez eux, eux-mêmes, qui concluent une transaction puis ce n'est pas eux qui y goûtent. C'est ça que je veux éviter, puis c'est ça que le monde voulait éviter. Puis c'est ça même que les patrons veulent éviter parce qu'ils disent: Ça n'a pas d'allure que ça ne fonctionne pas de façon plus professionnelle dans l'industrie du camionnage.

Et, en passant, je vais vous donner raison, je vais le changer, le titre. Je vais l'appeler "camionnage en général". Correct? Moi, ça ne me fatigue pas. Le dictionnaire des synonymes, ça existe pour ça. Puis, si ça peut faire plaisir à quelqu'un, tant mieux. Puis, si ça reflète plus effectivement la réalité, on a le don... Moi, ça ne me dérange pas, pas du tout. Donc, vous pourrez repartir heureux en disant: Au moins, j'ai le titre. On fera les concordances après.

M. Gagnon (Yves D.): On a un contenant meilleur.

M. Chevrette: Mais reconnaissez-vous que si la caution, ce n'est pas bon, quel est le moyen de faire pour que le pauvre diable, lui, soit payé?

M. Gagnon (Yves D.): Est-ce que je peux répondre?

M. Chevrette: Ah! bien, oui, arrêtez. C'est pour vous donner la chance de...

M. Gagnon (Yves D.): Allez à ma page 2, vous allez voir ce qu'on a dit. C'est que, si la caution n'est pas le bon outil, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait donner à la Commission des transports... Moi, je vais vous dire, la Commission des transports, là, je lui en donnerais une, responsabilité. On aimerait que la Commission des transports ait le pouvoir de dénoncer, d'enquêter. On parlait tantôt d'arbitrage dans la loi ou dans le projet de loi versus... puis d'avoir des systèmes rapides. Pourquoi pas, au niveau de la Commission, la même chose?

J'aimerais faire référence à votre notion de sous-sol, M. le ministre, parce que ça m'agace toujours, puis faites-moi confiance que je vous invite à mes bureaux et à nos bureaux, tous...

M. Chevrette: ...votre...

M. Gagnon (Yves D.): ...on n'est pas dans les sous-sols. Mais, à titre indicatif, il faut faire attention avec la notion de sous-sol, parce que, dans le changement organisationnel des entreprises, de plus en plus de travailleurs deviennent autonomes, à la maison, qui sont dans leur sous-sol. Vous avez même ce système-là au gouvernement, je crois. La notion de sous-sol m'agace. Je pense qu'il y a un problème. C'est qu'il y a énormément d'avancées, il y a beaucoup de choses qui sont identifiées, on en parle, mais on n'en a pas fait la preuve.

Lors du Forum, j'ai même pris l'initiative de demander aux syndicats qui nous posent toujours l'argument, qui disent: Oui, bien, les maudits intermédiaires... On leur a dit: Êtes-vous capables de nous amener des faits, des éléments? On a voulu jouer le rôle qu'une Commission des transports devrait jouer. Dénoncez-m'en quelques-uns. Ça fait 20 ans qu'on est dans l'industrie, l'ensemble de nos trois entreprises. Ça fait 10 ans qu'on agit à titre d'intermédiaires. On a dit: Amenez-nous des vrais faits. Qui sont ces gens-là, dont vous nous parlez, puis on va vous clarifier la situation. Il n'y en a aucun, aucun, aucun des syndicats qui l'a fait; on attend encore.

Or, quand on veut japper fort, il faut être capable de mordre. Sinon, on n'aboie pas. Puis je pense que c'est ça, notre problème, c'est que tout le monde parle. Et je vous ramène à la source de tantôt. On est des praticiens, on est dans le marché. Je peux vous envoyer un témoignage que j'ai fait au magazine Le Point, personnellement, pour mon entreprise; l'Association n'existait pas, voilà 10 ans. Je peux vous faire réécouter cette bobine-là; 10 ans plus tard, c'est le même problème qu'on vit.

M. Chevrette: Si vous avez regardé la télé, au cours du mois d'octobre...

M. Gagnon (Yves D.): Sans doute, oui.

M. Chevrette: ...vous avez vu des gens qui barraient la route.

M. Gagnon (Yves D.): Oui.

M. Chevrette: Ils avaient le micro sous le nez puis ils disaient qu'ils avaient fait 60 $ dans un voyage, je ne sais pas trop, là, puis, après les fêtes, c'est revenu. Vous avez vu un gars qui a fait du camionnage vers les États-Unis. Il avait fait un gros 100 $ clair en passant Noël ou le jour de l'An ailleurs. Ce n'étaient pas les syndicats, ça. C'étaient les travailleurs, les travailleurs derrière le volant, qui disaient: Voici ce que ça me donne de faire ça. Quand on fouillait d'où il venait puis d'où il avait hérité de son voyage ? remontez-le au premier étage si vous n'aimez pas le sous-sol ? mais il reste qu'il avait obtenu un contrat de quelqu'un qui prenait sa cote dessus puis, dans bien des cas, en parlant avec les gars, ils nous disaient: C'est un voyage qui avait été revendu deux fois.

Donc, c'est bien clair que, en bout de course, pour faire 1 $, quand il est rendu trop cher, ça va bien, une première shot, là. Au lieu de faire 400 $ clairs, vous en faites 300 $, c'est encore beau. Si le deuxième en fait 200 $ puis le troisième en fait 100 $, la marge de manoeuvre n'est plus longue, là. Qui écope? Parce que, en business, vous savez très bien qu'il faut calculer, je n'en disconviens pas. Mais, quand t'as des enfants puis qu'il faut que tu travailles, tu prends ce qui passe. Tu prends ce qui passe. Puis, si tu ne le prenais pas, qu'est-ce qui arriverait? C'est-u le deuxième intermédiaire qui a vendu au troisième qui aurait la responsabilité vis-à-vis de celui qui dit: T'as acheté mon voyage; fais-le donc. Il y a quelque chose dans le jugement collectif qui manque.

M. Gagnon (Yves D.): Ça, je vous l'admets. Par contre, ce n'est pas nécessairement ce que vous me dites. Ça, je peux vous dire ça aussi. Si on a des faits... Il faudrait juste faire la nuance entre les émotions des camionneurs qui ont des familles... On a des entreprises, on fait vivre des familles. On a le même syndrome, faites-moi confiance. Et si, demain matin, j'ai un expéditeur qui fait faillite, M. le ministre, faites-moi confiance que, si je viens sonner à votre porte, dire: M. le ministre, vous êtes un bon gars. Je pense que vous avez des émotions, on va avoir besoin d'un coup de main parce que mon client vient de faire faillite. Vous allez me dire: Excuse-moi, t'as pris une décision d'affaires. Je pense que ça va ressembler à ça. On veut que le routier, qui veut jouer le rôle d'entreprise, qu'il fasse les mêmes devoirs économiques qu'on doit. Les banques sont là, les entreprises de crédit sont là, les structures sont là.

n(23 h 10)n

Le plus bel exemple, M. le ministre, on l'a dans l'étude Léger & Léger. L'étude Léger & Léger le démontre très bien. Elle démontre très bien le portrait de l'ensemble de notre industrie. Et, ce qu'elle dit en résumé, si je vous le vulgarise à ma façon, d'un côté, si tu décides d'être routier à contrat, exclusif, non exclusif, voici les conditions dans lesquelles tu vas te retrouver; si tu décides d'être salarié de telle façon ou de telle façon, syndiqué ou non syndiqué, voici les conditions dans lesquelles tu vas te retrouver. L'étude Léger & Léger, là, plus clair que ça, on meurt.

Alors, à partir de ce principe-là, votre principe d'association professionnelle non syndiquée, si on veut l'appeler comme suit, je pense que ça va être son travail, de les former, de les éduquer. Ce n'est pas juste aujourd'hui de dire: J'ai un permis de classe 1 puis je roule un truck. Il y a 200 000 permis au Québec, il y en a 50 000 actifs. Posons-nous la question: Ils font quoi, les 150 000 autres?

Il y avait un article ce matin dans le National Post, je ne sais pas si vous l'avez lu: Les emplois dans le domaine du transport, c'est débile. Il y a un manque de chauffeurs, une carence. L'intermodalité bouge comme jamais elle n'a bougé. On a un problème, un syndrome. Là, on est en train de créer pour quelque 1 000 chauffeurs... Je ne vous dis pas qu'ils n'en ont pas, des problèmes, sauf qu'ils n'ont peut-être pas pris les bonnes décisions. Il faut commencer par donner une structure...

M. Chevrette: M. Gagnon, vous êtes le deuxième en ligne qui dit quasiment que c'est des pas-bons. Tantôt, le mot était plus «rough», à part de ça, utilisé par M. Brulotte de l'APCRIQ.

M. Gagnon (Yves D.): On ne s'est pas concertés, en passant.

M. Chevrette: Mais la réalité dans l'industrie, là ? j'ai vu un petit peu neigé, là ? quand les entreprises avaient leur propre flotte de camions et des syndiqués, ça leur coûtait trop cher. Donc, ils ont dit: Pour être compétitifs ? ça vous coûte trop cher ? vous ne pouvez pas avoir de syndicat. Achète le camion puis je vais t'engager comme transporteur. Rappelez-vous l'historique du dossier. Je peux bien passer pour épais quelques minutes, là, mais on ne me fera pas gober tout.

Ce qui est arrivé, dans les faits, c'est que les entreprises en général ont dit: Plus de syndicat, ça coûte trop cher. Achetez-vous un truck de vrac, je vais te donner des contrats. Puis, après ça, la compétition entre les contrats. Là, ils ont dit: Ouais. Puis là, les intermédiaires sont arrivés en plus. Ils ont dit: Nous autres, on est brillants, on va les aider à s'en sortir puis on va gagner notre vie avec ça. Un intermédiaire. Oups, il y a un deuxième qui a dit: Moi, si tu veux m'en vendre, là, des... un deuxième intermédiaire. Puis là, c'est rendu au troisième intermédiaire. Puis c'est le pas-bon qui barre la route qui écope du tout. Minute, il y a du pas-bon partout. Moi, je vais vous dire ça.

M. Gagnon (Yves D.): D'accord.

M. Chevrette: On va partir de ça. S'il y a du pas-bon partout, on va faire le ménage de bas en haut. Je suis prêt à vous prendre au mot sur votre association professionnelle avec votre code d'éthique, là, puis votre code de déontologie pour les intermédiaires.

M. Gagnon (Yves D.): Je n'ai pas dit déontologie, M. le ministre, pour votre référence, code d'éthique. Il y a une nuance.

M. Chevrette: Oui, puis vous avez pris la peine de dire qu'il était juste incitatif. J'ai tout compris.

M. Gagnon (Yves D.): Non, mais ce que je veux dire, c'est que je fais une nuance.

M. Chevrette: Je ne suis pas si fou que j'en ai l'air, là.

M. Gagnon (Yves D.): Ah! Mais je pense que vous avez assez d'expérience, hein. Vous pourriez m'en montrer pas mal. Un code de déontologie, pour nous, c'est pour les ordres professionnels, un code d'éthique, c'est pour les associations professionnelles.

M. Chevrette: Ah, je sais ça. Je connais la différence.

M. Gagnon (Yves D.): C'est ça. Mais nous, on ne veut pas aller dans le code de déontologie. On n'est pas rendus là. Si on avait les moyens puis si on avait une structure pour le faire, peut-être, mais on n'est pas rendus là. Ce sera peut-être une avenue dans le futur.

M. Chevrette: Bon. Oublions la déontologie et l'éthique. Reconnaissez-vous que, si on a senti le besoin de faire un forum puis d'établir certains types d'encadrement, c'est parce qu'il y avait certains problèmes? Donc, on est mieux de collaborer à régler certains problèmes qu'à se buter face à notre propre statut, chaque groupe à l'interne.

M. Gagnon (Yves D.): Mais si on veut solutionner le problème, il faut le solutionner avec la source du problème. Puis si la source du problème est au niveau des chauffeurs routiers, alors, c'est avec eux qu'il faut travailler.

Quand vous me revenez à la notion des successifs, des intermédiaires, des intermédiaires, des intermédiaires, à quelque part, là, ça, j'ai un peu de difficulté à suivre. Si on avait des cas, moi, je pense que, au lieu d'en parler, il faudrait peut-être les amener, les identifier et les valider. C'est ça qu'on voudrait que la Commission des transports ait le pouvoir de faire. C'est que si le routier, en bon Québécois, il se fait planter ? excusez-moi l'expression, mais je pense qu'on va se comprendre ? si le pauvre routier qui voit neiger puis que, lui, au bout de la ligne, là, il se fait ramasser parce qu'il n'est pas payé, remontons-la, la cascade, puis on va vous aider à le faire s'il le faut, M. le ministre, ça va nous faire plaisir. Sauf que arrêtons de le faire sur une base qualitative, perceptuelle. Posons les vrais questions.

M. Chevrette: Je ne le fais pas de même.

M. Gagnon (Yves D.): Sortons le connaissement. On va les faire, les vraies affaires. Sortons le connaissement, remontons la filière, puis faites-moi confiance, on va les trouver, on va les dénoncer.

M. Chevrette: Mais, M. Gagnon, vous n'avez même pas un code d'éthique. Vous n'avez même pas des règles pour pénaliser un de vos gars. Quand bien même je vous le dirais, savez-vous ce qui va lui arriver? Il va être juste sur le carreau plus vite. Ne vous demandez pas pourquoi un syndicat ou une centrale ne parle pas, puis il dit: Je n'ai pas de nom.

Moi, je vais vous en nommer, des noms, si je veux. Je ne le ferai pas parce que le gars, il n'a aucun moyen de se défendre. Dès qu'ils vont apprendre qu'il a été se plaindre, il va être dehors. Dans les faits, c'est ça, la réalité. Moi, je le sais. Dans mon bureau de comté, ils viennent me voir, comme ministre des Transports, puis ils disent: M. le ministre ? je ne vous dirai pas exactement ce qu'ils disent, parce que, au micro et à la télé, j'ai l'impression que j'aurais des reproches ? il ne m'a pas payé deux voyages puis je n'ai pas de recours contre lui. Il va partir sur le nom de sa femme à part de ça si ça ne marche pas ou sur un numéro, un autre numéro. Et, celui-là, là, ce n'est pas un pas-bon qui est derrière la roue, c'est quelqu'un qui porte le titre d'intermédiaire. Je vous dis, il y a des pas-bons partout puis il y a des très bons partout. Moi, je suis d'accord avec vous. Mais n'essayons pas de mettre la faute exclusivement sur le dos de celui pour qui on travaille présentement; c'était celui qui gagnait sa vie derrière un volant qui peut créer un état d'insécurité qui peut être dangereux pour sa vie, dangereux pour la vie des autres, puis qu'on fixe des normes minimales. C'est ça, M. Gagnon. Si on s'entend sur ce cadre-là, on va bâtir de façon positive. Vous allez éliminer vos pas-bons. On va éliminer les autres pas-bons dans les autres secteurs puis on va avoir tout du bon.

Le Président (M. Lachance): C'était votre mot de la fin, M. le ministre.

M. Chevrette: Merci.

M. Gagnon (Yves D.): Je peux juste faire un dernier commentaire, M. le Président? Seulement une chose, M. le ministre, qu'il ne faut perdre de vue, c'est qu'on a le même objectif ? ça, c'est au moins ça ? c'est d'éliminer les pas-bons à peu près partout dans la chaîne, parce qu'il y a des mauvais expéditeurs, il y a des mauvais transporteurs, des mauvais tout le monde. On va être les premiers à collaborer à ça. Par contre, il ne faudrait pas encadrer non plus les mauvais, s'ils sont une exception, il faudrait plus les identifier, les éliminer s'il le faut, mais ne pas créer des lois pour empêcher tout le reste de la chaîne de fonctionner. Ça, je pense que c'est important de ne pas le perdre. Créer des lois pour améliorer les conditions de travail des routiers, je n'ai aucun problème avec ça, en autant qu'on fait ça. Mais si on le fait au détriment d'autres groupes, ce n'est pas sûr qu'on arrange les choses. On déplace le problème. C'est sûr que je pense que vous avez assez d'expérience pour comprendre ça.

Quand on parle de succession, ça, c'est assez pas évident à identifier puis j'espère qu'on va y trouver une solution. On va essayer de participer à ça. Mais ne pas perdre de vue une chose: la compétitivité de nos entreprises. Là, on a beau faire la loi que vous voudrez au Québec, quand j'ai un intermédiaire américain qui travaille pour Wal-Mart qui a un entrepôt à Cornwall qui distribue au Québec, vous allez voir comment ça ne sera pas facile à gérer ce bout-là, puis on est pris avec cette compétition-là. Si on n'avait pas notre place dans l'industrie, M. le ministre, vous devriez m'expliquer comment ça se fait qu'on est rendu aujourd'hui au niveau de la Commission des transports du Québec avec au-delà de 1 200 entreprises inscrites au registre des intermédiaires, et la plus belle chose qui est surprenante là-dedans ? et c'est ce que je trouve intéressant ? c'est que plus de 50 % sont des transporteurs routiers. Pourquoi? Je ne l'ai pas, la réponse, mais je me la pose, la question. Ne vous en faites pas, on est très heureux de la loi n° 430, nous, parce que, justement, on est capables d'identifier le chapeau des transporteurs, le chapeau des intermédiaires.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Juste ajouter quelques questions. Le ministre a fait passablement le tour. Je voudrais juste vérifier une chose, votre Association ? je ne sais pas si vous l'avez mentionné ? vous avez combien de membres qui sont membres de votre Association?

M. Gagnon (Yves D.): Actuellement, on a 25 membres.

M. Bordeleau: Vingt-cinq membres. Tous installés au Québec?

M. Gagnon (Yves D.): Pardon?

M. Bordeleau: Tous installés au Québec?

M. Gagnon (Yves D.): Oui.

M. Bordeleau: O.K. Et c'est quoi, l'ampleur? Juste pour avoir une idée de l'ampleur, ces 25 membres-là vont donner combien de contrats par année?

M. Gagnon (Yves D.): En chiffre d'affaires?

M. Bordeleau: En chiffre d'affaires ou en termes de contrats, là, avec différents intervenants.

M. Gagnon (Yves D.): C'est relatif, là. Il faudrait préciser votre question, M. Bordeleau, s'il vous plaît. Quand vous dites... Pour moi, c'est le chiffre d'affaires. On va prendre le chiffre d'affaires, je pense que c'est assez révélateur.

M. Bordeleau: Oui.

M. Gagnon (Yves D.): Je n'ai pas le sommaire parce qu'on ne valide pas le chiffre d'affaires actuellement, mais je peux juste vous donner un exemple. On est trois intermédiaires ici, on représente plus de 125 millions de chiffre d'affaires. On est trois.

M. Bordeleau: O.K.

M. Gagnon (Yves D.): Il y a un reportage dans un magazine torontois qui s'appelle le Canadian Transportation Logistic Magazine, dont j'ai une copie ici et dont on pourra faire suivre copie, qui parle justement du volume d'affaires contrôlé par ce qu'ils appellent, eux autres, les trois PL, les «third party logistic», les entreprises de tierce partie, qui sont les intermédiaires de marché, qui sont les intermédiaires dont nos membres sont. Ils parlent de ? excusez l'expression anglaise, mais je pense que tout le monde peut comprendre: «Is the Canadian market for three PL services ready for takeoff?» On est en retard par rapport aux Américains. Alors, si on veut créer des lois pour s'empêcher de travailler, les Américains vont venir nous envahir tantôt. On pourra vous faire suivre une copie de cet article-là qui est très, très précis et qui vous donne le niveau économique.

J'aimerais juste préciser une chose, M. Bordeleau. Si on n'a pas plus que 25 membres, c'est que l'Association a été créée dans l'été qui a suivi la loi n° 430 et, depuis que l'été est arrivé, l'automne avec les barrages routiers, donc, qu'on a dénoncés, on a été invités au Forum, et on a tellement mis de temps autour du Forum, parce qu'on n'a pas eu le temps de s'organiser puis de créer une permanence et tout ce qu'on voudra, alors, on a un membership qui est très minime, mais je peux vous dire que notre objectif de membership, c'est de 300 membres, 50 % des gens inscrits à la Commission. Sauf que quand on aura du temps pour le faire un peu plus de façon organisée, le membership va augmenter. Mais, actuellement, on n'a pas eu la facilité de le faire.

n(23 h 20)n

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez une idée du nombre de routiers qui sont impliqués? En fait, les contrats que donnent vos 25 membres, ça peut concerner combien de routiers à peu près par année?

M. Gagnon (Yves D.): Moi, je vous dirais, 98 % sont faits entre l'expéditeur et le transporteur routier. Un transporteur routier, juste pour mettre des entreprises, c'est des entreprises qui possèdent des flottes. On ne fait pas affaire avec les transporteurs ou les chauffeurs routiers.

Pour nous, un routier, ça n'existe pas. On ne dit pas qu'il n'y en a pas qui n'en font pas; selon l'information qu'on a sur nos membres, 98 % des affaires sont faites avec les transporteurs. Alors, le problème est entre le transporteur qui prend la commande et son routier qui peut travailler pour lui.

Alors, ce qu'il faudrait identifier peut-être, c'est: est-ce qu'un transporteur routier qui a 250 routiers qui travaillent pour lui, non syndiqués, qui sont propriétaires de leur tracteur, qui travaillent à titre de propriétaires ou d'exploitants ? il faut juste clarifier ça, ce n'est pas évident ? est-ce que le transporteur qui agit à ce titre-là est un transporteur ou effectivement ce n'est pas lui, l'intermédiaire, qui se dissimule entre le rôle hybride dont je parlais auparavant?

J'ai déjà eu une flotte de 250 camions personnellement pour lesquels je gérais, et 250 de nos chauffeurs étaient des routiers. Aujourd'hui, ils font 100 millions de chiffre d'affaires, puis ça va très bien. Il faudrait préciser.

M. Bordeleau: O.K. Tout à l'heure, le ministre faisait référence au changement de nom puis à une intervention que vous avez faite au début. Je comprends qu'appeler ça «Forum sur le camionnage» bon, ça va aller plus peut-être dans le sens de vos préoccupations, mais ça ne change rien à la réalité de ce qui est dans le projet de loi n° 135, c'est-à-dire qu'on y parle de relations de travail, y compris aussi de relations commerciales, mais beaucoup de relations de travail. Est-ce que, si je comprends bien l'interrogation que vous aviez, le rôle que vous pouvez jouer dans ce contexte-là va demeurer la même chose, qu'on appelle ça Forum sur le camionnage ou Forum des donneurs d'ouvrage et des routiers?

M. Gagnon (Yves D.): Si vous me permettez, M. Bordeleau, dans l'exemple que vous nous donnez, vous avez raison. Par contre, la raison pourquoi on voudrait qu'on conserve la notion de Forum sur le camionnage, c'est que, moi... En tout cas, nous, notre compréhension du Forum sur le camionnage, dès le départ, c'était un endroit où on pourrait identifier dans le temps différentes problématiques de l'industrie du camionnage. Le premier problème qu'on a à régler: on a des barrages routiers, les gars ne sont pas heureux, il faut trouver une solution. Alors, on fait focus: on l'a appelé forum ou comité technique, dépendamment quand nos sous-ministres sont là ou pas. Ça, on n'a pas de problème, sauf qu'on ne passe pas une loi dans le cadre du Forum sur le camionnage, on passe une loi sur... Qu'on garde la notion de Forum sur le camionnage global puis, quand on aura un volet routier ou un volet intermédiaire ou une autre sorte de volet que je ne connais pas, masse et dimension, ça pourrait aller jusque-là, un dilemme de notre industrie, bien là, on en fera un chapitre. Mais la notion de camionnage, si vous voulez faire un forum des routiers, on n'a absolument rien à foutre là. Faisons un forum du camionnage. Si on a un volet routier parce que c'est ce sujet-là qui est à l'ordre, étant donné qu'on va vouloir participer à l'ensemble des activités du camionnage, par la force des choses, on va être là. Mais si vous voulez l'isoler sur un forum...

Ça semble être compliqué, là, mais ce n'est pas si compliqué que ça. Il faut juste mettre les choses claires. L'industrie du camionnage, on parle de relations commerciales. L'industrie des routiers, c'est des relations employés-employeurs. On n'est pas là, on ne fait pas affaire avec ce monde-là. On va participer, on va amener nos observations. On est des praticiens, ça fait qu'on a la beauté d'être capables d'amener des observations qui, on le souhaite, vont permettre au Forum d'avancer. Mais, dans les faits, on n'est pas en lien avec ces gens-là. Référez-vous encore à mon tableau, on en parle, des liens; ils sont clairs, ils sont très, très clairs, et ce tableau-là est très, très clair. S'il y a besoin de précisions, on va le faire.

M. Bordeleau: Mais, dans le contexte du projet de loi n° 135, advenant qu'on l'appelle Forum sur le camionnage, est-ce que vous vous voyez, tel qu'il est défini là ? parce que, en gros, ça va être ce qui est là ? un rôle là-dedans, dans l'esprit qui est développé dans le projet de loi?

M. Gagnon (Yves D.): Ce que je vois, c'est que, nous, on est intervenus par rapport à l'avant-projet, on a identifié nos couleurs, puis ça a passé comme si de rien n'était. Je trouve ça déplorable. On veut introduire la notion de caution pour régler des problèmes de chauffeur propriétaire. Je ne vois pas le lien. Nous, la seule et unique raison pourquoi on participe actuellement à ce projet-là, c'est la notion de caution. Le reste, ça ne nous touche pas. On va-tu passer une caution pour créer une béquille qu'on ne sera pas capables... Excusez-moi, ça ne marche pas, ça ne marche pas! Je ne dis pas qu'il ne faut pas essayer de trouver une solution, s'il y a des problèmes successifs, mais ce n'est pas la caution qui va nous régler ça, là, ce n'est pas pantoute la caution.

L'autre élément de la caution, je voudrais faire une nuance: la caution peut donner un excellent outil de fraude. Je vais vous donner un exemple. Vous me demandez une caution demain matin, à titre d'intermédiaire. À titre d'intermédiaire, on décide: Pas de problème, on va vous en donner une, le montant que vous voulez. On va mettre des montants sensiblement les mêmes qu'aux États-Unis, pour la forme: 10 000 $. Entre vous puis moi puis les quatre murs, 10 000 $, ce n'est rien. Aujourd'hui, dans le commerce international, 10 000 $, c'est une bouchée de pain. Mettons que c'est 10 000 $, mettons que c'est 100 000 $ ? on va mettre ça plus exemplaire ? on va prendre des cautions pour 100 000 $. Mais qui dit que, nous, on est des bons gestionnaires? On peut aussi en avoir, des intermédiaires, qui sont des mauvais gestionnaires d'entreprises. Puis ils peuvent décider de te donner un mandat à l'externe, en sous-traitance, pour l'informatique, l'Internet, monter un système, une page Web. Et, tout d'un coup, on n'a plus d'argent pour payer nos pauvres routiers. Admettons que ça serait le cas. On va se déclarer «out of business». Oups! le routier va exercer sa caution. Qui va payer? Qui dit que le mandataire informatique, ça ne sera pas mon frère, ma soeur, mon cousin, la cousine de quelqu'un? C'est très dangereux. Si c'était le bon outil, on serait favorable à 100 milles à l'heure. Ce n'est pas le bon outil. Puis on voit des dangers, on voit des risques, justement, de fraudes. Je ne pense pas que le gouvernement soit intéressé à donner des outils pour créer de la fraude. On en a assez comme ça, qu'on a de la misère à gérer, sans créer des cautions.

M. Bordeleau: Ça va, moi. Pour moi, ça va. Merci.

Le Président (M. Lachance): Quels sont les outils que vous préconisez?

M. Gagnon (Yves D.): Excusez-moi?

Le Président (M. Lachance): Quels sont les outils que vous préconisez?

M. Gagnon (Yves D.): Ce n'est pas facile à déterminer. N'oubliez pas qu'on est nouveaux dans le marché et ne perdez pas de vue, là, que, dans la loi n° 430, pour une des premières fois de notre histoire, on a été identifiés. On a de la misère à savoir qui fait quoi parce qu'on ne se connaît pas. C'est la première fois qu'on a la chance de rencontrer notre ministre, l'opposition, etc. Je pense qu'on devrait avoir la chance de le faire plus souvent, pas pour dénigrer ce qu'on a fait au Forum, parce que je pense qu'il y a des gens qui ont fait du bon travail. Sauf qu'il y a la partie administrative qu'on a bien comprise jusqu'à maintenant puis il y a peut-être la partie politique qu'on avait moins saisie, que là on commence à bien comprendre. Mais je pense que ce serait important qu'on ait un échange, pas dans un forum global mais plus personnalisé, pour permettre de mieux se connaître puis peut-être de trouver des outils ensemble pour dire: Hé! qu'est-ce qu'on peut faire? On n'a pas une solution aujourd'hui. Puis de prétendre d'avoir une solution aujourd'hui, je pense... Je ne suis pas sûr.

On a donné des pistes. On a parlé d'une assurance professionnelle en cas d'erreurs et omissions. Quand on est dans le domaine du cargo international, dans le domaine du bateau, dans le domaine aérien, c'est le type de couverture qu'on a. C'est-u la bonne affaire? On se pose la question nous-mêmes. On l'a lancé comme idée. Erreur et omission, c'est quoi? C'est une erreur professionnelle. Je fais une erreur: j'ai reçu un connaissement ? parce qu'on émet le connaissement ? je marque une mauvaise quantité. La loi n° 430, déjà, a mis une certaine note à cet effet-là. Peut-être qu'il faudrait la mettre plus rigoureuse. Je ne sais pas. On n'a pas la solution. Si on l'avait, la solution, on serait très heureux de vous l'offrir. Par contre, on est très ouverts à en développer une. Si ça prend le Forum pour le faire, on le fera avec le Forum. Si on peut le faire directement avec le ministre, on va le faire avec le ministre ou son groupe de travail sur une base plus personnalisée.

L'autre élément... On a parlé, bon... L'assurance responsabilité civile. Ce à quoi, nous, en tant qu'association, on est prêts à s'engager, dans la note versus les intermédiaires, c'est que, si un intermédiaire n'était plus qualifié auprès de la Commission des transports, automatiquement il ne peut pas être membre chez nous. C'est quoi, l'impact? Aujourd'hui, il n'y en a pas. On a 25 membres. Soyons honnêtes. Moi, je n'ai pas peur des choses qui se passent sur le plancher. Mais, demain matin, on tombe avec 300 membres, et un client veut vérifier la cote de l'intermédiaire. On va s'engager à la dénoncer. On ne fera pas l'évaluation. C'est la Commission qu'on veut qui la fasse. Par contre, automatiquement, il va être banni de notre association puis, par le fait même, les expéditeurs qui vont vouloir avoir des références, ils n'en auront pas. C'est-u une bonne façon d'éliminer? Je pense que c'est une piste.

Le Président (M. Lachance): Alors, ça va, M. Gagnon.

M. Gagnon (Yves D.): Dernier élément que j'aimerais apporter à l'Assemblée si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, rapidement, s'il vous plaît.

n(23 h 30)n

M. Gagnon (Yves D.): J'ai exigé, en mon nom de vice-président de l'Association des intermédiaires en transport du Québec ? et ne perdons jamais de vue cargo, on ne parlera pas de passagers ? au Forum, au comité technique, à plusieurs reprises, d'établir un lexique, un glossaire ? et non pas juste de synonymes pour M. le ministre ? pour préciser de façon succincte qui fait quoi. Les syndicats ont une perception; nous, on en a une; les transporteurs en ont une autre; les expéditeurs.. Puis on parle d'une même chose. Un terme, il n'y en a pas un qui a la même perception. Et vous savez qu'à l'an 2000, la perception, c'est probablement la chose la plus délinquante. Je l'exige auprès de l'Assemblée nationale si on peut en tenir note. Je n'aimerais pas avoir à le répéter bien, bien longtemps. J'aimerais ça qu'on arrive. On pourrait identifier les termes qu'on voudrait bien voir, clairs. C'est quoi, un propriétaire? C'est quoi, un propriétaire exclusif? C'est quoi, un propriétaire non exclusif? C'est quoi, un exploitant? C'est quoi, un routier? C'est quoi, un intermédiaire, un intermédiaire pur? C'est quoi, un intermédiaire exploitant? C'est qui, l'expéditeur? C'est ça, à peu près, le coeur de tout le débat depuis le jour un. On vient de finir un tableau synthèse au Forum. Faites juste lire ça et, si vous êtes capables de décortiquer le nombre de définitions différentes pour les mêmes termes, chapeau! Je suis sidéré, en tant que citoyen, de voir qu'on n'est pas capables de s'entendre sur une nomenclature simple. La loi, elle est claire. La loi n° 430, elle est claire, elle est bonne. Travaillons avec les bons termes et, s'il en manque, rajoutons-en. On vous remercie de l'écoute.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de l'Association des intermédiaires en transport du Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission et, comme vous étiez le dernier groupe, eh bien, nous allons maintenant passer aux remarques finales, s'il y en a.

Remarques finales

Alors, M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle, est-ce que vous avez des remarques finales suite à ces consultations particulières?

M. Bordeleau: Est-ce que c'est le ministre ou moi qui commence?

Le Président (M. Lachance): C'est l'opposition qui commence puis c'est le ministre qui termine.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Non, je pense que la journée a été longue pour tout le monde, on va clore ça le plus tôt possible, mais je vais juste faire quelques remarques en terminant.

Quand le ministre nous a présenté le projet de loi n° 135, ce que, moi, j'avais compris au fond, c'est que c'était la résultante un peu de tout le travail qui avait été fait à la Table de concertation suite aux événements qu'on avait connus, les événements malheureux des blocus qu'on a observés au cours des deux dernières années.

Ce que je peux tirer comme conclusions, M. le Président, à ce stade-ci, c'est que j'avais peut-être exagéré, en tout cas, ma perception du consensus, parce qu'il y a quand même beaucoup de différents points de vue qui ont été émis durant la journée. Je pense que, sur l'existence d'un forum comme tel, qui est un organisme de concertation, de discussion, je pense que, là-dessus, de façon générale, les gens sont plutôt favorables à ce que ça existe et qu'il y ait une place pour discuter de ces problèmes-là. Sur les moyens à prendre pour assurer la compétence, la formation des gens, je pense qu'il y a une sensibilité qui existe et qui est évidente. Sur la façon dont la Table semble vouloir fonctionner, avec les mandats qui ont été définis, je pense qu'il y a de l'ambiguïté là-dessus. La conclusion que je peux en tirer, c'est de savoir: Est-ce que c'est consultatif ou si ça doit être décisionnel? Bon, on a eu un peu les deux points de vue qui ont été mentionnés. Alors, je pense qu'on aura l'occasion à l'article par article peut-être de clarifier ces points-là. Sur les modalités de représentation, ça semble relativement lourd. Je conserve la même impression que j'avais. Ça semble relativement lourd comme mécanisme pour une table de consultation. Maintenant, je perçois aussi que les gens semblent peut-être capables de vivre avec ça sans trop de difficulté. C'est ce que je retiens. Là où je pense qu'il y a un élément qui est important, c'est toute la question ? et ça, on l'a vu ressortir d'un façon assez partagée ? de l'association avec les cotisations obligatoires. C'est pour ça que, dans ce sens-là, je dis: Le consensus, il n'y a pas nécessairement eu un consensus qui existait à la Table sur cette modalité-là, entre autres parce que ça me semble assez divisé.

Alors, je pense que ce sont les seules remarques que je voulais faire ce soir. On va commencer demain si ça continue comme c'est prévu, d'après ce que le ministre m'a mentionné, l'article par article. Alors, on aura l'occasion de voir au fur et à mesure les amendements que le ministre va nous apporter, aussi peut-être clarifier certains des points qui ont été mentionnés par les gens qui ont comparu aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre des Transports.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Moi, je pense que c'est clair que les espoirs ne sont pas les mêmes mais que les constats, par contre, sur la formation même du Forum, je pense qu'il y a un consensus pour le lieu. Même, je pense que, sur la représentation comme mesure intérimaire, on a réussi à aller chercher un consensus aujourd'hui par le questionnement. Ils savent très bien que, à court terme, on ne peut pas pondérer un vote, par exemple. Je pense que les nuances, on le savait, ça, qu'il n'y avait pas de consensus sur la cotisation obligatoire, parce que les uns l'interprètent comme étant automatique, alors que la cotisation ne viendra que s'il y a une majorité de ces propriétaires dépendants, exclusifs ou non exclusifs, qui votent en faveur. Ça, cette partie-là, il va falloir peut-être l'expliquer davantage. Et, s'il n'y a pas de majorité, bien, il n'y a pas de cotisation obligatoire.

Là où ça peut être agaçant pour les groupes, c'est la notion d'association professionnelle versus syndicat. C'est sûr que, dans des réponses, vous ne demanderez pas à un syndicat de ne pas parler en termes syndicaux. Mais ce n'est pas un syndicat qu'on forme, là, parce que, si ça avait été un syndicat, je n'aurais pas eu besoin de venir ici. J'aurais dit: Allez-y en fonction du Code du travail. J'aurais dit: Accréditez-vous. J'aurais dit: Bien, écoutez une minute, demandez votre accréditation, le commissaire-enquêteur va passer, puis, si vous avez x pour cent, bien, ils vous accréditeront. Ce n'est pas ça. C'est véritablement, compte tenu des problèmes majeurs que vivait l'industrie: Est-ce qu'il n'y aurait pas un lieu de convergence où on pourrait asseoir à la fois les donneurs d'ouvrage et les transporteurs, pour venir à bout de trouver un modus vivendi? C'est ça, le cheminement qui s'est produit, et c'est ce que j'essaie de faire.

Je suis bien sûr que, s'il y en a qui ont de l'espoir puis qui font du recrutement en disant: C'est un syndicat, je vais vous défendre puis je vais me battre pour vous autres, bien, c'est leur façon à eux, peut-être, de s'exprimer. Mais la réalité des faits, ce n'est pas un syndicat que l'on fonde, c'est une association professionnelle où il pourra se donner des services. Ce qui sera consensuel sera ratifié par le ministre, puis, s'il y a des divergences fondamentales, je ne suis même pas obligé d'y donner suite, comme je pourrai trancher aussi. C'est ça que dit la loi présentement.

Donc, je pense qu'on va se comprendre au niveau de l'article par article. Il faudra clarifier; ça, je n'en doute pas un instant. Et, de toute façon, on n'a jamais refusé, et le député de l'Acadie en sait quelque chose. On va s'asseoir puis on va regarder ça article par article demain. J'espère que c'est demain, d'ailleurs ? ça a l'air que c'est demain matin, là, après la période de questions ? et qu'on pourra progresser dans l'élaboration de la loi. Il y a possiblement d'autres amendements ? je voudrais vous prévenir, là, parce qu'après avoir entendu un peu tout ça, là ? qu'on pourra ou qu'on pourrait faire en plus. Mais on en reparlera puis on les déposera demain matin. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. le ministre. C'est à suivre et, comme la commission a accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 38)



Document(s) associé(s) à la séance