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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 6 octobre 1999 - Vol. 36 N° 17

Consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Yvan Bordeleau, vice-président
M. Paul Bégin
M. Robert Benoit
Mme Rita Dionne-Marsolais
M. David Whissell
M. Norman MacMillan
M. Robert Middlemiss
* M. Gilbert Lacasse, Les Quotidiens du Québec et Association canadienne des journaux
* Mme Hélène Lauzon, idem
* M. Marc Sauvé, BQ
* M. Lorne Giroux, idem
* M. Jean Piette, idem
* M. André Prévost, idem
* M. Gaétan Blouin, Grappe de développement des industries de l'environnement inc.
* M. Charles Tremblay, idem
* M. Philippe Guérin, idem
* M. Michael Cloghesy, CPEQ
* M. Jocelyn Théberge, idem
* M. André Duchesne, idem
* M. Yvan Biron, EBI
* M. Pierre Sylvestre, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte.

Le mandat de la commission est de poursuivre ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Whissell (Argenteuil) remplace Mme Delisle (Jean-Talon); M. Laprise (Roberval) remplace M. Côté (La Peltrie); et Mme Dionne-Marsolais (Rosemont) remplace M. Pelletier (Abitibi-Est).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, bienvenue à tout le monde pour cette nouvelle journée de travaux sur l'avant-projet de loi. Aujourd'hui, nous allons tour à tour entendre les représentants des organismes suivants: d'abord, Les Quotidiens du Québec et l'Association canadienne des journaux; ensuite le Comité en droit de l'environnement du Barreau du Québec; par la suite la Grappe de développement des industries de l'environnement. Après la suspension pour l'heure du lunch, nous entendrons les représentants du Centre patronal de l'environnement du Québec, à 14 heures, et par la suite, pour terminer, à 15 heures, Les Entreprises Berthier inc.


Auditions

Alors, j'invite immédiatement les représentants des Quotidiens du Québec et de l'Association canadienne des journaux à bien vouloir prendre place.

Je prierais le porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Les Quotidiens du Québec et Association canadienne des journaux

M. Lacasse (Gilbert): Merci, M. le Président. Mon nom est Gilbert Lacasse. Je suis président et éditeur du quotidien Le Soleil et actuellement président du conseil de l'Association canadienne des journaux.

J'ai avec moi, à ma gauche, Me Philippe-Denis Richard, qui est adjoint au président au quotidien La Presse , et Me Richard est président de l'association des Quotidiens du Québec; à ma droite, Pierre Vincent, qui est un consultant en environnement; et, à mon extrême gauche, Mme Hélène Lauzon, avocate spécialisée en environnement chez Lavery, de Billy et qui agit comme conseillère de l'association des Quotidiens du Québec.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs. Et je vous rappelle que vous avez un bloc de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur l'avant-projet de loi, et, par la suite, il y aura les échanges pour une durée totale de 40 minutes de part et d'autre.

M. Lacasse (Gilbert): Oui, merci, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs. D'abord, merci de nous recevoir et de nous permettre de commenter le mémoire de l'association Les Quotidiens du Québec et de l'Association canadienne des journaux. Vous avez dû constater, à la lecture de ce mémoire, qu'il y a des similitudes avec celui que vous a présenté, je crois, la semaine dernière l'association des journaux hebdomadaires. Ce n'est pas étonnant parce que nous avons travaillé ensemble et ce n'est pas étonnant non plus parce que la plupart de nos sociétés de presse possèdent non seulement des quotidiens, mais des journaux hebdomadaires.

L'Association des journaux du Canada regroupe 102 des 105 journaux quotidiens qui sont diffusés au pays et avec l'association des Quotidiens du Québec nous représentons ensemble tous les quotidiens de cette province.

Les Quotidiens du Québec et l'Association canadienne des journaux comprennent, je crois, le but que ce projet de loi présente. Nous croyons que ce but est double, à notre compréhension. D'une part, le gouvernement veut augmenter la quantité de matériaux récupérés par la collecte sélective et, d'autre part, il veut que le secteur industriel partage le financement des systèmes de collecte sélective. C'est dans cette perspective que nous avons préparé notre mémoire et que nous formulons des commentaires ce matin.

Nous soutenons la volonté du gouvernement d'augmenter la quantité de vieux papier journal récupéré au Québec et nous vous proposerons des moyens concrets favorisant l'atteinte de cet objectif. Nous croyons que notre proposition, que nous détaillerons à la fin, peut contribuer de façon significative à l'équilibre des coûts de récupération et de disposition dans la catégorie qui nous concerne, c'est-à-dire les imprimés.

Cependant, nous soumettons respectueusement que les journaux quotidiens ne doivent pas être traités sans discernement dans la catégorie fourre-tout des imprimés et notamment pour les raisons suivantes: premièrement, les quotidiens sont des médias d'information dont le traitement réglementaire ne doit pas créer pour eux de discrimination par rapport aux autres médias, les médias électroniques; deuxièmement, les quotidiens sont des produits d'information que les citoyens achètent et sur lesquels ils payent la taxe provinciale, contrairement aux imprimés non sollicités; troisièmement, les quotidiens – vous le savez – sont déjà imprimés sur du papier journal à contenu recyclé dont il n'est ni nécessaire ni souhaitable de réglementer la composition; et, quatrièmement, les quotidiens sont des produits d'information et non des contenants ou des accessoires de soutien comme l'emballage, par exemple.

Nos commentaires portent principalement sur les articles 53.3, 53.25, 53.26 et 53.27 de l'avant-projet de loi. Bien que nous soyons d'accord avec les objectifs présentés à l'article 53.3, nous tenons à exprimer une sérieuse réserve au sujet du premier alinéa qui a pour objet «de prévenir ou réduire la production des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et la mise en marché des produits».

Nous ne pouvons pas souscrire à la deuxième partie de cet énoncé parce que dans un marché global – et c'est de ça qu'on parle ici – il est non seulement illusoire pour une juridiction provinciale de chercher à contrôler la fabrication et la mise en marché de produits de consommation, mais également parce qu'une telle intervention risque sérieusement d'être préjudiciable aux entreprises du Québec, qui, vous le savez, doivent répondre à des normes de clients étrangers pour l'essentiel de leur production.

Pour ces mêmes raisons, nous nous opposons fermement à l'inclusion des journaux quotidiens dans la catégorie des imprimés de l'article 53.25 portant sur la réduction de la production des déchets, notamment en ce qui concerne le pouvoir réglementaire visant, et je cite, à «déterminer les conditions ou prohibitions applicables à la fabrication et à l'utilisation des imprimés». Ce pouvoir réglementaire est à notre avis démesuré et son exercice, illusoire, selon nous, dans le contexte du marché international du papier journal.

(9 h 40)

Mais revenons aux raisons qui nous amènent à soutenir que les quotidiens ne devraient pas être considérés sans distinction parmi la vaste catégorie des imprimés. Vous êtes des dirigeants politiques. Probablement que, à l'heure où on se parle, 9 h 40, vous avez déjà lu vos journaux ou peut-être que, ceux qui en ont, vous avez déjà parcouru votre service de revue de presse. Vous n'avez pas consacré de temps, ce matin, à lire une page de l'annuaire du téléphone ou les circulaires de Jean Coutu. Le monde de l'information se compose de médias électroniques et de médias imprimés et, dans cette dernière catégorie, les médias imprimés, les journaux quotidiens constituent le médium d'information vital dans notre société démocratique.

Peut-on admettre une législation qui permettrait au gouvernement, par simple réglementation subséquente, d'édicter des normes de fabrication du papier qui pourraient soit rendre prohibitif le coût d'approvisionnement en papier journal, soit entraîner une dégradation de la qualité de reproduction ou compromettre la productivité d'impression, soit, à la limite, interdire la distribution de certains journaux? Certainement pas.

Une telle législation et sa réglementation en découlant sont inadmissibles, selon nous, parce qu'elles créeraient une discrimination injuste à l'égard des journaux quotidiens comme organes d'information par rapport aux médias électroniques d'information. Aussi, elles placeraient les quotidiens du Québec en état d'infériorité ou de vulnérabilité par rapport aux médias imprimés qui sont produits dans d'autres provinces ou à l'étranger et qui sont distribués au Québec par voie postale ou autrement. Et, troisièmement, une telle législation et sa réglementation constitueraient une atteinte à la liberté de presse consacrée explicitement dans la Charte canadienne des droits et libertés et implicitement dans la Charte québécoise des droits et libertés en tant que composantes de la liberté d'expression.

Deuxième raison à l'appui de notre position qui veut que les quotidiens ne soient pas sans distinction catégorisés dans les imprimés, les journaux quotidiens sont, à la différence de nombreux imprimés non sollicités et distribués dans nos foyers, des produits d'information que les citoyens choisissent d'acheter et sur lesquels une taxe provinciale est perçue. Le Québec est l'une des deux provinces canadiennes qui perçoit une taxe sur les quotidiens. L'autre province, le Manitoba, a déjà consacré une partie de sa taxe de vente au financement du recyclage dans cette province. La taxe provinciale perçue sur la vente des quotidiens, c'est-à-dire ce que nos lecteurs paient en taxe, a entraîné, en 1998, des remises de l'ordre de 13 700 000 $, dont une partie sinon la totalité, à notre avis, pourrait servir à financer la récupération des journaux.

Les quotidiens sont imprimés sur du papier journal recyclé. Vous le savez, la proportion de fibres recyclées dans le papier a augmenté: en 1994, c'était en moyenne 15 %; de nos jours, la proportion s'élève jusqu'à 33 % selon les fournisseurs. Il est important de souligner que le prix que doivent payer les journaux pour le papier journal recyclé comporte les coûts d'achat, de transformation et de traitement du vieux papier journal. Réglementer le contenu en fibres recyclées du papier journal fabriqué au Québec aurait très peu d'effets sur l'ensemble de ce marché et, à notre avis, n'augmenterait pas de façon significative la valeur du papier journal récupéré au Québec. Bien que le Canada soit le plus important producteur mondial de papier journal, son marché domestique est relativement petit. En fait, seulement 12 % du papier journal fabriqué au Canada, et principalement au Québec et en Ontario, est vendu au Canada, tandis que 58 % est exporté aux États-Unis et 30 % ailleurs dans le monde.

Les sociétés membres de l'Association des industries forestières du Québec sont venues vous dire que ses membres sont prêts à s'engager à acheter, au prix du marché, une quantité de papier récupéré égale à celle qu'elles mettent sur le marché du Québec.

Donc, il est évident, en tenant compte de tout ce que je viens de dire, que le gouvernement du Québec n'a pas à intervenir par règlement dans la composition du papier fabriqué au Québec afin d'en augmenter le contenu en fibres recyclées. L'industrie et les forces du marché s'en chargent déjà très bien.

Les quotidiens sont des produits d'information et non des contenants, non des accessoires de soutien comme l'emballage. Contrairement à bien d'autres imprimés, comme les emballages, qui sont des accessoires aux produits qu'ils présentent ou qu'ils contiennent, dans notre cas, le papier journal, c'est le produit. C'est le produit qui transporte l'information. Il n'y a pas d'autre option valable. Pour paraphraser Marshall McLuhan, dans notre cas, le médium ne peut donc être séparé ou distingué du message. Le papier est aussi le message. C'est aussi l'information. Dans ce contexte, réglementer l'usage, l'impression, la distribution et la commercialisation du papier journal, c'est réglementer la presse écrite et sa liberté de diffusion.

Nous sommes d'avis qu'il est souhaitable, bien sûr, d'augmenter la quantité de vieux papier journal récupéré via la collecte sélective pour toutes les raisons économiques et environnementales déjà mentionnées. Il est coûteux d'importer du vieux papier journal des États-Unis, en raison des coûts de transport – et il est regrettable qu'on doive le faire parce que ça alourdit notre bilan environnemental du côté des matières résiduelles que nous importons en même temps que le vieux papier – et d'être pris avec les résidus de boue de désencrage après le recyclage du papier journal qui vient d'ailleurs.

Les Quotidiens du Québec et l'Association canadienne des journaux proposent donc aux autorités gouvernementales québécoises de contribuer aux efforts de sensibilisation de la population en matière de récupération du vieux papier journal sous forme de messages d'intérêt public et d'espaces publicitaires qui pourront être mis à la disposition de Collecte sélective Québec ou des municipalités à cette fin. Nous sommes convaincus qu'il s'agit de la contribution la plus efficace que nous puissions faire dans le contexte actuel, et nous entendons traduire cet engagement par des gestes concrets.

Nous estimons que notre proposition d'allouer de l'espace publicitaire est appropriée, qu'elle est valable dans la perspective de ce que nous avons déjà fait valoir et pour les raisons suivantes. Il y a encore beaucoup de consommateurs qui ne mettent pas leur papier, leur carton et leurs vieux journaux dans le bac de récupération. Il y a donc encore de la place dans des milliers de bacs de récupération du Québec pour recevoir davantage de produits de papier dans le système existant. Deuxièmement, c'est un domaine où les débouchés sont assurés. Les acheteurs sont garantis d'avance. Nous ne récupérons pas assez pour satisfaire les besoins des papetières.

Récupérer davantage veut dire réduire les importations du Québec de vieux papier pour satisfaire les besoins et réduire les déchets de désencrage qui nous viennent de l'extérieur de la province. Récupérer davantage veut donc dire améliorer la rentabilité du système existant de collecte sélective parce qu'il y a de la place encore dans les bacs et qu'il y a des acheteurs, qu'il y a des besoins et qu'il y a des débouchés. Et, dans une perspective environnementale, les intentions du gouvernement ne peuvent réussir sans la sensibilisation du public et la collaboration des consommateurs. C'est ce volet de sensibilisation du public que nous vous offrons au nom des journaux quotidiens du Québec qui rejoignent la majorité des Québécois.

(9 h 50)

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, ne vous contentez pas d'envoyer les journaux quotidiens, qui sont des médias d'information, débattre le partage d'une facture avec des fabricants d'emballages et des producteurs de catalogues. Le gouvernement est celui qui est capable de reconnaître, dans un éventuel projet de loi, notre différence parmi les imprimés et notre importance dans une société démocratique. Admettez cette différence comme vous l'avez déjà fait ce matin en lisant vos journaux et permettez-nous de contribuer à la réalisation de nos objectifs et de vos objectifs d'une manière originale et conforme à la nature de ce que nous sommes dans la société.

Et, pour vous démontrer de façon concrète que notre proposition n'est pas un voeu pieux, que ce ne sont pas des paroles en l'air, je vous invite à regarder dans les quotidiens d'aujourd'hui. Nous avons dans Le Soleil , dans La Presse , dans Le Journal de Québec, même dans le Globe and Mail et dans le National Post , une page d'annonce sur le recyclage. C'est une démonstration d'une contribution significative qui aurait beaucoup d'impact sur la réalisation des objectifs. M. le Président, mesdames, messieurs, je vous remercie, et nous sommes prêts à recevoir vos commentaires et vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lacasse. M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. Lacasse, madame, messieurs, je vous remercie pour votre mémoire. Et cependant, comme vous l'avez dit, M. Lacasse, nous avons déjà eu une première présentation par les hebdos, donc nous sommes un peu familiers avec ce que vous avez dit ce matin.

Je me permettrais de rappeler quelque chose avant de peut-être poser quelques questions. Vous savez sans doute que, en 1989, le Québec s'était donné des objectifs de récupération de 50 % des matières qui étaient enfouies ou qu'on destinait à l'enfouissement. Nous avions, comme gouvernement, accepté que le tout, la collecte sélective se fasse sur une base volontaire. Ceci avait été fait à la demande des entreprises, qui disaient: Ne réglementez pas. Laissez-nous faire. Nous sommes capables sur une base volontaire d'arriver à augmenter la collecte sélective au point désiré, et ce, sans intervention gouvernementale. Ça a été accepté et Collecte sélective a été créé. D'ailleurs, ça a été le premier organisme qui est venu faire des représentations devant la commission parlementaire la semaine dernière. Donc, ça a été fait sur une base volontaire.

Les compagnies, certaines d'entre elles, ont contribué – je vais prendre plutôt le terme «entreprises» – les entreprises ont contribué assez au début mais de moins en moins au fur et à mesure que certaines entreprises se rendaient compte que d'autres qui étaient dans le même secteur, sur une base de compétitivité, ne contribuaient pas, de sorte que ça les désincitait à le faire. De sorte que, à la fin, maintenant à la dixième année, et nous sommes dans la dixième année, de moins en moins d'entreprises contribuent, au point que Collecte sélective Québec – puis ce n'est pas un reproche de ma part – n'est pas capable de rencontrer les objectifs et les engagements qu'elle avait pris à l'égard de plusieurs municipalités où on visait à implanter la collecte sélective.

En 1994, le gouvernement qui nous a précédés a adopté une série de dispositions législatives. Et je vous invite à reprendre l'article 53.25 auquel vous nous avez référés, pour vous dire que le seul mot qui a été changé dans cet article-là, c'est le mot «imprimés», à la troisième ligne. Donc, ce que nous avons là, à l'article 53.25, c'est le même article qui a déjà été adopté par le gouvernement, qui n'a pas été en vigueur mais qui est déjà adopté, sauf le mot «imprimés».

Vous nous dites, après 10 ans: Nous pensons, sur une base de la publicité – et vous avez fait référence à cet élément-là, je vous remercie d'ailleurs d'avoir fait cette contribution – être en mesure d'atteindre les objectifs. Malheureusement, le constat que nous avons tous fait, par le BAPE entre autres, et par les faits depuis, c'est que, malheureusement, les bonnes volontés ne sont pas suffisantes pour atteindre des objectifs.

C'est pour ça que, suite aux audiences, nous avons proposé – et l'avant-projet de loi cherche à concrétiser ce qui était inclus dans un plan d'action que j'ai annoncé l'an dernier au mois de septembre, que l'on retrouve dans ce petit document dont vous avez sans doute pris connaissance – un plan d'action où, dorénavant, les entreprises seraient appelées – celles qui mettent en marché des produits, que ce soit des contenants, des emballages ou des imprimés – à récupérer et à revaloriser elles-mêmes, et à assumer le coût de ça en choisissant entre deux méthodes: soit de le faire elles-mêmes soit de le confier à quelqu'un d'autre mais, en toute circonstance, en déterminant de quelle façon elles allaient le faire et en se partageant entre elles, les entreprises, le coût d'un secteur.

Exemple: avant-hier, j'étais à Victoriaville pour annoncer le règlement sur la peinture. Le règlement sur la peinture oblige... Tous les producteurs de peinture, tous les détenteurs de marques de peinture, tous les commerçants qui mettent en marché des peintures se sont entendus pour recueillir l'ensemble de la peinture dans les contenants de quelque nature qu'ils soient, à travers le territoire du Québec, et pour les envoyer à un endroit qui s'appelle Victoriaville, où le CFER, le centre de formation en environnement et recyclage – ce n'est peut-être pas le bon acronyme – se charge de récupérer, à hauteur de 25 % en 2002, 50 % en 2005 et 75 % en 2008, toute la peinture, qui la revalorise déjà à hauteur de 600 000 litres par année et qui vend ses produits de qualité à 8 $ le 4 litres.

C'est le principe qui a été adopté pour la peinture, les huiles, les batteries et les piles. Et le reste, c'est la collecte sélective dans le bac bleu, où, comme vous l'avez dit tantôt, les entreprises vont être invitées à déterminer entre elles la part contributive dans le bac bleu, dans le sens de, par le poids, le volume ou une autre technique, quelle est la contribution de chacun.

Ce que vous nous demandez, c'est de ne pas être partie prenante à cet exercice environnemental – on se comprend bien, qui est carrément environnemental – parce que vous payez des taxes. Mais, dans le bac bleu, toutes les matières qui vont être là vont avoir fait l'objet déjà d'une taxe. Elles vont être... Les motifs que vous invoquez, qui sont au nombre de quatre – à moins que je ne me trompe – vous dites: Les papiers sont déjà recyclés. Mais ils peuvent être recyclés à nouveau. Vous conviendrez que le même papier contient toujours une part de fibre vierge et que ça peut être recyclé. Et vous invoquez des motifs de médias d'information. Mais qui ne pourrait pas dire non pas que c'est un média d'information, mais que son produit est quelque chose d'unique, de spécial et dont la société ne peut se priver et que, en conséquence, il devrait être exempté?

J'essaie de comprendre pourquoi, compte tenu de ce tableau-là qui existe, on devrait avoir un traitement différent pour les imprimés ou les médias par rapport à n'importe quel autre produit qui est là. Et je reprendrais peut-être ce que mon collègue avait dit en interrogeant ceux qui représentaient les hebdos: Une fois que le journal est lu, est-ce que ce n'est pas aussi un déchet, au même titre qu'un autre produit qui a eu son utilisation antérieure?

M. Lacasse (Gilbert): Merci, M. le ministre. J'insiste sur le fait que le journal est un média d'information. Je suis sûr que vous n'avez pas pris le temps, ce matin, de lire l'étiquette d'un gallon de peinture. Il y a vraiment une différence, dans une société, entre un journal et un contenant. Et je vous rappelle ce que nous avons dit, que le Québec est l'une des très, très rares provinces à taxer l'information. Et nous vous offrons la possibilité de contribuer à la réalisation des objectifs de récupération par la sensibilisation du public, sans laquelle on ne peut pas réussir à augmenter les niveaux de récupération.

M. Bégin: Si on acceptait votre principe à l'effet – pour les raisons que vous soulevez – d'exclure les imprimés, qu'est-ce qui nous empêcherait de résister à la demande que chacune des industries ferait pour invoquer de ne pas être dans le bac, en disant: Moi, je fais déjà un effort; moi, mon bien est quand même un bien de qualité, il est réutilisable; je fais des efforts pour encourager les gens. En fait, les mêmes arguments. Qu'est-ce qui nous empêcherait de résister à ça et d'arriver, peut-être, avec un bac bleu vide, avec des peintures recueillies à hauteur de 10 %, des huiles usées à 5 %, après 10 ans d'efforts? Qu'est-ce qui nous empêcherait de faire le même raisonnement à l'égard de toutes les entreprises?

(10 heures)

M. Lacasse (Gilbert): En disant que nous sommes un média d'information, M. le ministre. Un contenant de peinture ou un emballage de carton qui contient un grille-pain, c'est un accessoire. Vous pouvez le modifier si vous trouvez que la réglementation qui s'en vient va vous causer trop d'ennuis ou va vous coûter trop cher. Il y a une grande différence. Une bouteille de vin, la valeur du produit, c'est le vin, ce n'est pas le contenant. Mais nous, c'est le papier, c'est le seul véhicule, et on est un média d'information. Qui peut prétendre qu'il est un média d'information? Certainement pas un fabricant de peinture ou un annuaire de téléphone.

M. Bégin: Mais, M. Lacasse, vous venez de le dire vous-même, une bonne bouteille de vin que je paie 60 $ – une fois par année seulement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: ...je n'ai pas le moyen d'en payer plus souvent – contient quelque chose d'excellent, le vin. La bouteille, que ce soit une piquette ou un vin de 60 $, ça va être la même bouteille ou à peu près, en tout cas en apparence tout au moins, sauf l'étiquette. Mais le journal, et je ne veux pas être méprisant en disant ça, ce qui compte, c'est l'information qu'il contient, mais, une fois que je l'ai lu et qu'il est déposé dans le bac bleu, il ne se différencie pas de la boîte de carton de Kellogg ou d'un autre contenu. C'est un contenant et non plus le contenu, c'est un contenant. Et ce contenant-là, il sert à contenir de l'information, l'autre sert à contenir du vin, l'autre des céréales, mais c'est un contenant. Alors, quand il remplit la moitié du bac bleu, est-ce que je peux l'ignorer en disant: C'est de l'information, et, en conséquence, je ne m'occuperai pas, sur le plan environnemental, de le recueillir? Qu'est-ce que je...

M. Lacasse (Gilbert): Nous vous proposons des moyens d'augmenter la récupération.

M. Bégin: Mais ça, nous l'avons essayé pendant 10 ans et nous savons le résultat: ça ne fonctionne pas, malgré tous les efforts de gens, d'entreprises, bien intentionnés, qui ont travaillé fort, et, je dois dire, qui ont travaillé très fort. Et l'entreprise, là-dedans, c'est Collecte sélective, puis, moi, je n'ai que des louanges à leur dire. Mais il y a une limite à chaque moyen d'action. Et le volontariat, la publicité, l'information, ça aide, mais ça plafonne. L'exemple, c'est 10 ans d'expérience vécue. Et là ce n'est pas des supputations, c'est du concret.

M. Lacasse (Gilbert): Il y a un volontariat du côté du public aussi. Il faut que les gens soient amenés, par sensibilisation, à mettre leurs journaux ou leurs cartons dans le bac de recyclage. Autrement, les objectifs ne sont pas atteints. Et il y a une différence, M. le ministre, entre un journal et puis tout autre produit papier, carton...

M. Bégin: Une fois qu'il est lu?

M. Lacasse (Gilbert): ...il faut bien l'admettre.

M. Bégin: Une fois qu'il est lu?

M. Lacasse (Gilbert): Il faut bien l'admettre.

M. Bégin: M. Lacasse, moi, je lis...

M. Lacasse (Gilbert): Votre vin, vous l'avez bu et il ne reste que la bouteille...

M. Bégin: Exact. Mais je m'occupe de la bouteille.

M. Lacasse (Gilbert): Mais le journal, il n'y a pas d'autre chose que le papier.

M. Bégin: Mais, quand j'ai fini de lire mes journaux – à tous les matins, j'en lis quatre – je les mets dans une pile et, à la fin de la semaine, je les mets dans mon bac bleu et je les mets sur le bord de la route, et il y a quelqu'un qui le ramasse, quelqu'un qui les trie, qui les envoie à un certain endroit, qui les retourne pour réutilisation. Il n'y a pas de différence entre ce papier journal et la canette d'aluminium de conserve et la bouteille de vin vide que je mets là. Ils sont tous les trois traités comme étant des matières résiduelles que nous pouvons réutiliser plutôt qu'elles soient enfouies.

M. Lacasse (Gilbert): C'est un produit d'information qui est taxable. Votre taxe, M. le ministre, que vous avez payée sur votre abonnement au Soleil pourrait servir à la récupération.

M. Bégin: Vous admettrez avec moi que le vin, il est pas mal taxé, puis la canette aussi, hein. C'est pas mal taxé, ces choses-là. Ha, ha, ha!

M. Lacasse (Gilbert): Je suis d'accord avec vous que le vin est très taxé.

M. Bégin: Ha, ha, ha! Très taxé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Orford, porte-parole de l'opposition en matière d'environnement.

M. Benoit: Oui. Alors, MM. Lacasse, Richard, Me Lauzon et M. Pierre Vincent, bienvenue parmi nous. Premier commentaire. Après avoir lu le document des Hebdos du Québec et le vôtre, il y a de très grandes similitudes. Je voudrais juste vous donner trois phrases, les trois premières phrases du résumé – et c'est tellement évident que ça se ressemble.

«En résumé, Les Hebdos du Québec [...] s'opposent à l'inclusion des journaux hebdomadaires dans la catégorie "imprimés"»; dans votre cas, vous dites «s'opposent à l'inclusion des journaux quotidiens dans la catégorie "imprimés"». Deuxième paragraphe, alors, Les Hebdos du Québec disent «défendront la mise en place d'un système de récupération», etc.; vous dites «défendront la mise en place de systèmes de collecte sélective du vieux papier», etc. Troisième, «supporteront les campagnes de sensibilisation du gouvernement»; alors, dans votre cas, troisième, «supporteront les campagnes de sensibilisation du gouvernement du Québec».

Vous comprendrez qu'il y a comme une similitude entre ce que vos confrères nous ont dit, des Hebdos du Québec, au début de la semaine, et ce que vous nous dites aujourd'hui. C'est même un peu effarant, cette similitude dans les points de vue.

Ceci dit, je voudrais renforcer ce que le ministre a dit tantôt. Les industries qui sont venues nous voir depuis maintenant cinq jours aujourd'hui, que ce soit les papetières, que ce soit Hydro ou les transporteurs d'électricité, que ce soit les médicaments, hier, ou les journaux comme vous, nous demandent toutes d'être exclues de la loi. De deux choses l'une: ou bien la loi est mal faite et on devrait les exclure, ou bien il va devoir y avoir un effort de tout le monde, incluant l'industrie, pour arriver à se donner un modèle environnemental de récupération au Québec. Et ça sera au ministre éventuellement à décider si la loi est mal faite ou si effectivement l'industrie devra embarquer. Et, si la loi est mal faite, bien il n'aura qu'une chose à faire, c'est de la refaire et de ne pas embarquer l'industrie dedans. À ce point-ci, moi, je n'ai pas une opinion très arrêtée là-dessus.

Dans votre mémoire, aux pages 5 et 6, vous nous dites: En 1995, la proportion moyenne de fibres recyclées dans la production québécoise de papier journal s'élevait à 15 %. De nos jours, la proportion de fibres recyclées que renferment les journaux peut même atteindre 33 % selon les fournisseurs.» J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu comment ça fonctionne dans l'industrie du papier. Je croyais que c'était une norme qui était nord-américaine, qui était identique pour tout le monde. Je crois comprendre, à la lecture de ça, que ça varie selon les fournisseurs et bien évidemment les acheteurs, à ce moment-là.

M. Lacasse (Gilbert): Oui, c'est exact. C'est ce que nos papetières-fournisseurs nous disent. D'abord, la plupart de leurs clients sont étrangers, et je crois qu'il y a des États américains qui ont des minima différents, évidemment à l'intérieur d'une certaine fourchette. Ils produisent du papier avec un contenu de fibres recyclées qui peut être variable pour des gros clients.

J'en profite pour souligner que... Vous savez, on n'abat plus d'arbres pour faire du papier. C'est devenu très, très rare maintenant. Ce qui entre dans la fabrication du papier journal, c'est à la fois du vieux papier qui est recyclé et des copeaux de bois qui sont les résidus du bois de sciage. De fait, c'est intéressant de noter qu'en terme environnemental on ne coupe plus de forêts pour faire du papier journal. On prend les copeaux qui autrement pourriraient au sol, et c'est mélangé avec du vieux papier désencré, recyclé.

M. Benoit: Bon. Vous dites: Oui, certaines industries vont produire un papier avec 33 % de papier recyclé. Est-ce qu'on pourrait aller beaucoup plus loin que ça? Est-ce que, pour le lecteur ou pour l'imprimeur ou pour le fournisseur de papier, il y a des impossibilités à franchir des niveaux plus élevés que ça? C'est peut-être plus à l'industrie des «pulp and paper» que j'aurais dû poser ces questions-là qu'à vous, mais...

M. Lacasse (Gilbert): Je ne peux pas répondre à ça parce que je ne suis pas expert en fabrication de papier journal. Mais ce que nous disons dans notre mémoire, c'est qu'il y a déjà un haut contenu de fibres recyclées. De fait, il est assez élevé qu'on n'est pas capable de ramasser assez de vieux journaux ici et de vieux papier pour satisfaire les besoins des papetières. Vous irez voir à la Daishowa ici. Il y a des pleins trains de vieux journaux qui nous arrivent des États-Unis qu'il faut désencrer. C'est pourquoi on dit: Si on vous aidait à en ramasser plus, on réglerait plusieurs problèmes.

Autrement, on s'inquiète de la formulation de l'avant-projet de loi qui donnerait à une réglementation subséquente le pouvoir de modifier les contenus, ou les critères, ou les normes de fabrication du papier. Il n'y a pas que le contenu de fibres recyclées à ma connaissance, il y a des agents, par exemple, de blanchiment qui sont employés dans la fabrication du papier. S'il arrivait à un gouvernement de vouloir enlever ou interdire l'utilisation de certains produits, chimiques ou autres, qui entrent dans la composition du papier, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que ça pourrait avoir un effet épouvantable soit sur la productivité, parce que le papier casse tout le temps sur la rotative pendant qu'on imprime, ou soit qu'il devient trop gris et ne permet plus la bonne reproduction, ou autre effet semblable.

On dit: Écoutez, c'est un marché mondial. Les normes sont dictées par les clients des papetières de cette province. Il y a déjà un haut contenu de fibres recyclées; on n'abat plus d'arbres pratiquement pour en faire. Laissons ça au marché. Pourquoi ajouter une réglementation dans un domaine où il n'est pas nécessaire... Puis une réglementation qui pourrait, à la limite, jusqu'à prohibition dans ce qui est marqué là, empêcher la production efficace des journaux quotidiens ou hebdomadaires.

(10 h 10)

M. Benoit: M. Lacasse, iriez-vous aussi loin que vos amis, dans leur mémoire, Les Hebdos du Québec, qui disaient: «Toute entrave réglementaire à leur diffusion – que ce soit au niveau des coûts, du taux de récupération exigé, etc. – constituerait une atteinte au droit du public à l'information»?

M. Lacasse (Gilbert): Bien, si ça allait jusqu'à la prohibition, parce que, ayant édicté des normes et que les papetières ne les rencontrent pas, ça interdirait la fabrication des journaux. C'est la porte ouverte qui est dans le texte. Je comprends que le ministre a dit tantôt que c'est une loi qui existait depuis longtemps. La seule chose qu'on a ajoutée, c'est le mot «imprimés». On n'en a pas parlé avant parce qu'on n'était pas là. On en parle aujourd'hui parce que vous nous mettez dans la catégorie d'imprimés dans ce projet de loi.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. Lacasse.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, merci, M. le Président. Bien, moi, il y a des choses qui m'étonnent dans votre mémoire. Mais je suis assez d'accord avec vous qu'un journal n'est pas un contenant. Et c'est d'ailleurs pour ça sans doute que l'on a cru bon de préciser dans le projet de loi les «imprimés». Le journal, c'est un support. C'est un support sur lequel l'information est inscrite et transmise. Mais ce n'est pas le seul support, vous l'avez dit vous-même. Il y a des médias électroniques aujourd'hui, de plus en plus, sûrement. Ici, à l'Assemblée, en tout cas, il y en a plusieurs qui prennent leurs informations également sur le fil de leur ordinateur, qui de plus en plus d'ailleurs s'abonnent à ces points d'information.

Je trouve que c'est un petit peu excessif quand on lit cette possibilité de réglementer et d'inclure le mot «imprimés» dans le projet de loi comme quelque chose qui entrave le droit du public à l'information. Parce que finalement les journaux contiennent beaucoup d'articles qui sont issus de communiqués de presse ou d'articles qui nous viennent de partout dans le monde mais qui peuvent être aussi maintenant accessibles par d'autres supports. Et, une fois que le support a fait son travail, bien, dans l'ordinateur, on le met dans le panier, il disparaît, c'est la beauté de la technologie. Mais, ici, on le met dans le bac bleu, le journal. Le papier; pas ce qui a... Bien sûr, les grands écrits qui sont dessus, on les garde dans notre cerveau, ceux qui ont la capacité de le retenir. Ou ceux qui nous intéressent, je devrais dire. Alors, je trouve ça un peu fort, moi, comme commentaire.

Ensuite, vous avez dit aussi dans le mémoire... Et puis je trouve que ça enlève un peu de crédibilité à certains de vos propos. Je pense que ce n'est pas trop constructif. Vous avez dit aussi tantôt que ce n'est pas aussi vital, l'information sur un contenant de peinture, que l'information qui est sur votre papier journal. Moi, je m'inscris en faux là-dessus aussi. Aujourd'hui, les informations qui sont sur les étiquettes, par exemple, des produits alimentaires sont extrêmement vitales pour des gens. Il y a des gens qui sont allergiques aux arachides, il y en a qui sont allergiques à toutes sortes de produits, s'ils ne lisent pas ce qu'il y a sur les étiquettes... C'est aussi vital. Moi, je pense que ce n'est pas de ça qu'on parle aujourd'hui.

Aujourd'hui, on parle d'une responsabilité corporative par rapport à une pollution du support, pas du texte mais du support comme tel, et on demande, on souhaite que l'industrie, comme vous l'offrez, travaille avec le gouvernement pour augmenter le recyclage de ses produits. Enfin, pas de ses produits mais du support sur lequel certains de ses produits sont diffusés. Alors, je crois que la responsabilité d'un gouvernement, c'est justement de prendre certaines mesures pour que tous les intervenants, dans la société, qui contribuent à une certaine pollution... Et abstraction faite, encore, du contenu, je pense que le papier journal en tant que tel, résidu du quotidien, ça fait pas mal de produits qui traînent, ça, dans toute notre société moderne.

Alors, je crois que ce serait peut-être intéressant que vous suggériez plus que seulement des campagnes de sensibilisation. Votre engagement est important parce que la conséquence de ça... J'ai l'impression qu'on est dans une discussion de – j'allais dire de deux siècles, ce n'est peut-être pas ça – deux périodes différentes. On rentre dans une société aujourd'hui qui valorise la qualité et la qualité de vie, et on veut améliorer nos conditions. Le respect de l'environnement et, dans la mesure du possible, le recyclage de certains produits, ça fait partie de cette responsabilité sociale. Et je crois que les quotidiens ont une responsabilité sociale à cet égard-là.

Alors, je ne sais pas comment vous réagissez à ça, mais je crois que... Vous avez dit d'ailleurs dans votre présentation, à moins que j'aie mal compris, que vous étiez prêts, vous étiez d'accord pour inclure l'équivalent de ce que vous vendez sur le marché du Québec. C'est à peu près ça. Je n'ai pas le texte malheureusement. Si vous m'indiquez où est-ce que c'est exactement dans votre mémoire, là...

M. Lacasse (Gilbert): Je vous rappelais que c'est l'Association des industries forestières qui a dit être prête, au nom de ses membres, à s'engager à acheter des vieux journaux, du vieux papier, à la hauteur de ce qu'ils fabriquent ici.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, est-ce que votre industrie, les quotidiens, serait prête, elle, à intégrer ou à contribuer l'équivalent de sa part de ce qu'elle envoie, elle aussi, dans le circuit, si je peux utiliser cette expression-là, dans le même esprit?

M. Lacasse (Gilbert): Ce que nous offrons, c'est d'aider, par la nature même de notre industrie, à amener plus de gens à mettre leur vieux papier, leurs vieux journaux ou leur vieux carton dans le bac de recyclage. Ça va réduire nos importations de vieux papier d'ailleurs et ça va contribuer à réduire l'enfouissement. Ça va contribuer à atteindre un meilleur équilibre financier dans le système de collecte sélective existant. Parce qu'il y a encore de la place pour en mettre et il y a encore des gens qui ne le font pas. Je pense qu'il y avait Mme Lauzon qui voulait réagir aussi ou commenter un de vos propos.

Mme Lauzon (Hélène): Oui. C'est simplement pour répondre, Mme la ministre, à une de vos interrogations. Vous disiez: Bon, on prétend qu'on porte atteinte au droit à l'information. Ce n'est pas notre prétention aujourd'hui. On ne prétend pas qu'on porte atteinte à la liberté d'expression avec l'avant-projet de loi, ni porte atteinte au droit à l'information. Par contre, ce qu'on veut faire, c'est mettre en garde sérieusement le gouvernement contre les effets prohibitifs que pourrait avoir la réglementation. Et les effets prohibitifs qui seraient substantiels pourraient à ce moment-là porter atteinte à la liberté d'expression qui comprend le droit à l'information. Ça, c'est important.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, on est dans le conditionnel, là, ça va mieux: «ça pourrait» et «s'ils étaient substantiels». Je pense que le fait d'inclure les imprimés dans le projet de loi ne fait que souligner que vous avez comme industrie aussi une responsabilité. Vous dites: On est prêt à assumer cette part de responsabilité en augmentant la sensibilisation. Bien, oui, c'est vrai. Mais ça se quantifie, ça se calcule, là, ce que ça représente, votre effort de sensibilisation, et ces choses-là peuvent être prises en compte. Mais je pense qu'il ne faut pas soustraire votre industrie de l'ensemble des autres entreprises du Québec, quelles qu'elles soient, dans cet effort-là.

Moi, je ne le comprends vraiment pas, comment on peut demander de se soustraire de ça, alors que l'objectif est que chacun qui contribue à une détérioration de l'environnement contribue aussi à apporter des correctifs à la mesure de ses dégâts, si je peux utiliser cette expression-là.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, Me Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène): Oui. Peut-être juste une remarque générale. C'est que, quand on lit le plan d'action québécois, on voit que les objectifs sont le recyclage et la valorisation, mais on veut quand même laisser les moyens d'action aux intervenants. Les moyens d'action pour atteindre ces objectifs-là sont laissés aux intervenants. Et c'est peut-être ça aussi qui est important. C'est de dire: À partir du moment où on impose des normes dans la fabrication... Et ça va un peu à l'encontre de la nouvelle philosophie du gouvernement, quand on regarde, par exemple, les attestations d'assainissement, où on ne veut plus intervenir dans les moyens, on veut seulement que les résultats soient atteints. Et, ici, on se demande pourquoi on veut imposer des moyens. C'est une remarque générale que je ferais.

Le Président (M. Bordeleau): Juste un dernier commentaire, le temps est terminé. Alors, juste...

M. Bégin: Ah bon! Écoutez, me permettez-vous de... Juste un complément. Si nous constations, par exemple, que – vous avez utilisé tantôt l'expression du chlore qui était utilisé – le chlore est une pollution inacceptable pour nos cours d'eau, il m'apparaîtrait raisonnable que nous puissions dire: Il n'est pas possible de dépasser tel taux de chlore dans le procédé ou dans le rejet dans un milieu récepteur x, y. Si on n'est pas en mesure de faire ça, j'avoue honnêtement ne plus comprendre dans quelle société nous sommes.

(10 h 20)

Parce qu'il m'apparaît que nous pouvons et nous devons même protéger l'environnement. Ça ne veut pas dire que nous voulons nous immiscer sur la manière d'arriver aux résultats. Si on dit, par exemple: Il ne peut pas y avoir plus que 1 mg de chlore par 100 ml d'eau, comment y arriver? Chacun déterminera de quelle façon. Mais qu'on ne puisse pas dire qu'il ne peut pas y voir plus que 1 mg de chlore, là, j'avoue que je ne comprends pas.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, la parole est maintenant au député d'Argenteuil.

M. Whissell: Madame, messieurs, bonjour. Au niveau de la composition de papier recyclé, vous nous avez expliqué qu'il y avait 15 %, en 1994, de contenu et que ça pouvait maintenant aller jusqu'à 30 %. Mais actuellement, au Québec, si on fait un survol de l'ensemble de vos journaux, c'est quoi, le pourcentage réel? Vous allez me dire entre 15 % et 33 %, là, mais ça se situe à quoi?

M. Lacasse (Gilbert): C'est à peu près 25 %.

M. Whissell: Ça, c'est vraiment une moyenne, là, annuelle?

M. Lacasse (Gilbert): Oui. Il y a des fournisseurs qui peuvent être à 27 %, il y en a qui peuvent être à 23 %.

M. Whissell: O.K. Puis qu'est-ce qui fait qu'un va être à 23 %, un à 27 %, un à 15 %? Y a-tu quelqu'un qui décide: Moi, j'achète un papier plus recyclé?

M. Lacasse (Gilbert): Je ne suis pas un expert là-dedans. J'imagine que, dans certains cas, c'est les exigences des clients – je parle surtout des clients américains – mais, dans d'autres cas, ça peut dépendre aussi des équipements ou des machines à papier qui peuvent accepter des tolérances différentes. Mais il faudrait parler à des papetières pour avoir une réponse précise là-dessus.

M. Whissell: Mais, au niveau de l'impression, là, que le papier ait un contenu plus fortement recyclé, est-ce que ça peut entraîner des modifications de machine ou les presses sont différentes?

M. Lacasse (Gilbert): Il faudrait demander à des papetières, monsieur. Nous, ce que nous attendons de nos fournisseurs, c'est qu'ils nous fournissent du papier de bonne qualité. Et, de bonne qualité, je veux dire de la blancheur minimale qui est requise et surtout une feuille de papier qui ne casse pas tout le temps. Et ce que je comprends des gens du monde des papetières, c'est que les fibres, à force qu'on les recycle une fois, deux fois, trois fois, s'affaiblissent. Et ma compréhension, c'est que, si on atteignait des niveaux très élevés, ça ferait un papier plus fragile. Et, comme il faut produire les journaux sur des rotatives qui tournent à grande vitesse et qu'on doit faire ça dans quelques heures pour que vous ayez votre journal sur votre perron à 7 heures le matin, à chaque fois qu'il y a une casse de papier sur une rotative, c'est un arrêt, c'est coûteux, c'est un retard. Et ça serait, à ce moment-là, une condition très, très difficile à soutenir.

M. Whissell: Dans vos conclusions, à l'item 2, vous avez mis un mot dans votre paragraphe qui m'a frappé. Vous dites «défendront la mise en place de systèmes de collecte sélective du vieux papier journal uniquement dans les secteurs urbains». Pourquoi le mot «uniquement»?

M. Lacasse (Gilbert): Dans notre mémoire, je pense qu'on a fait valoir qu'il y avait peut-être des régions où le rapport coûts-bénéfices de la récupération jusqu'au dernier rang de la dernière maison du dernier village n'était peut-être pas une proposition qui est économiquement valable, surtout lorsque vous l'adressez à des gens à qui vous voulez demander qu'ils se partagent la facture.

M. Whissell: Mais vous êtes quand même conscients que, même dans les...

M. Lacasse (Gilbert): Je parle pour le papier.

M. Whissell: ...secteurs ruraux, il y a déjà des campagnes de recyclage de papier et que ça fonctionne bien, règle générale.

M. Lacasse (Gilbert): Il y a des dépôts volontaires, oui.

M. Whissell: Ça va plus loin que ça.

M. Benoit: Il y a de la collecte à la porte.

M. Whissell: De la collecte à la porte, même dans le monde rural.

(Consultation)

M. Whissell: Dernière question. Au niveau de vos arguments afin que peut-être la législation ne s'applique pas dans votre cas, vous dites que c'est une atteinte à la liberté de presse, et vous allez même jusqu'à dire que ça... explicitement dans la Charte canadienne des droits et libertés. C'est quand même un peu fort. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, là, en quoi ça brime la Charte des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés?

Le Président (M. Bordeleau): Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène): C'est moi qui vais répondre à ça, mais j'ai répondu un petit peu tantôt quand j'ai dit: On ne prétend pas... C'est-à-dire que ce qu'on prétend, c'est qu'il y a un danger que la réglementation, si elle restreint de façon substantielle les activités de distribution des quotidiens, là, on pourrait se retrouver avec un cas d'atteinte à la liberté d'expression et de droit à l'information, qui sont des libertés consacrées dans les chartes. C'est en ce sens-là. Alors, c'était une mise en garde, on demandait de faire attention pour éviter une réglementation qui pourrait empêcher la distribution éventuellement.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député de Papineau, il reste six minutes aux députés de l'opposition.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Lacasse. Dans votre mémoire, à la page 3, dans les commentaires sur l'avant-projet de loi, vous dites, au sujet du premier alinéa, là, «a pour objet de prévenir ou réduire la production des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et la mise en marché des produits». Et, plus bas, vous dites qu'«une telle intervention risque sérieusement d'être préjudiciable aux entreprises locales». Pouvez-vous m'expliquer ça, s'il vous plaît, M. Lacasse?

M. Lacasse (Gilbert): C'est un commentaire qui vise à faire valoir que les normes qui pourraient être décrétées par réglementation pourraient nuire aux entreprises, aux papetières dans la mesure où leur marché, à 88 %, est à l'extérieur du Québec. Et les papetières qui sont sur le territoire du Québec, si elles avaient à respecter des normes qui ne conviennent pas aux clients étrangers de ces papetières, il y aurait un sérieux problème.

M. MacMillan: Côté compétitivité ou de...

M. Lacasse (Gilbert): Oui.

M. MacMillan: Est-ce que ça revient un peu aussi à ça quand on parle seulement du Québec, comme les gens le disaient tantôt, dans le bac? Vous, vous voulez inciter les gens à mettre leurs journaux à tous les jours dans un bac, et c'est tout en votre honneur de pouvoir l'avoir dans tous les journaux, même du Canada, aujourd'hui. Est-ce que ça nuit, ce projet de loi là? Est-ce qu'on va un peu trop loin en disant: À cause de ces règlements-là dans l'avant-projet de loi ou dans le projet de loi qu'on va avoir, ça va nuire au Soleil , au Droit , à La Presse ? Est-ce que, au bout de la ligne, ça peut nuire à la compétition entre les journaux, ou les frais vont augmenter, ou quoi que ce soit?

M. Lacasse (Gilbert): Je ne suis pas sûr que je comprends votre question.

M. MacMillan: Non, non, mais... Vous ne voulez pas être impliqués dans le projet de loi pour toutes sortes de raisons que vous avez expliquées tantôt, là: un contenu pas un contenant, etc. Mais est-ce qu'il y a un coût attaché à ça, si le projet de loi est... vous êtes impliqués directement, comme le projet de loi le dit, chez vous?

M. Lacasse (Gilbert): Bien, j'imagine qu'il y aurait un coût, c'est sûr. Les industries...

M. MacMillan: En plus de la taxe, là, qui est déjà là.

M. Lacasse (Gilbert): La taxe, oui, la taxe est déjà là. Il y aurait un coût certainement. Les industries autour de la table qui auraient à débattre de leur partage de coûts... C'est sûr qu'il y aurait un coût. Nous, ce qu'on dit, c'est: Laissez-nous contribuer autrement. Il y a seulement le gouvernement qui peut, contrairement aux autres producteurs de papier, d'annuaires, de circulaires, de boîtes de carton et de bouteilles et de toutes sortes de choses, reconnaître qu'un journal quotidien, c'est un médium d'information.

Et c'est seulement le gouvernement qui peut nous permettre de contribuer à notre manière et conformément à la nature de ce qu'on est. On est un média qui communique avec la population. Laissez-nous contribuer de façon significative à amener les gens, les consommateurs, à répondre – parce qu'on peut bien faire des règlements, mais il faut que le public embarque – et à mettre leur matériel en récupération dans le bac de recyclage. C'est ce qu'on peut faire de mieux. Et c'est ça qu'on sait faire. Et puis on va vous distribuer tantôt des exemplaires de plusieurs quotidiens. On l'a fait aujourd'hui, on l'a fait pour montrer que ce n'est pas des paroles en l'air. C'est ça qu'on peut apporter de mieux.

M. MacMillan: C'est-u un pur hasard que c'est arrivé aujourd'hui, parce que vous êtes en commission?

M. Lacasse (Gilbert): Non, non. Ce n'est pas un pur hasard. Je ne veux pas vous faire croire ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lacasse (Gilbert): Mais c'est une démonstration de ce que nous pouvons faire. Même le Globe and Mail et le National Post , dans leur édition distribuée au Québec, l'ont fait. C'est pour montrer qu'on est capable aussi d'embarquer notre monde dans la réalisation d'un objectif de soutien aux vues de ce projet de loi.

M. MacMillan: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député de Pontiac, vous avez deux minutes.

(10 h 30)

M. Middlemiss: Merci beaucoup, M. le Président. Si vous suggérez qu'en faisant de la publicité pour encourager les gens à déposer leurs journaux dans les bacs... Est-ce que vous avez fait une étude qui pourrait démontrer que, si on augmente le volume de papier qui est disponible pour recycler, ça aurait une conséquence positive; en d'autres mots, le coût ou la vente des journaux pourrait rendre la collecte sélective moins cher pour, disons, les municipalités? Est-ce que vous avez fait une étude de coûts dans ce sens-là? Parce que, si vous dites: Nous autres, on croit qu'en encourageant les gens à mettre leur papier ça devrait aider à avoir plus de papier au Québec que de l'importer... Est-ce que vous avez fait une étude des coûts, des avantages économiques de ça?

M. Lacasse (Gilbert): Non, nous n'avons pas fait d'étude, mais nous savons, par d'autres études qui existent, qu'il y a une partie du papier qui n'est pas récupérée et donc qui n'est pas recyclée. Alors, ce que nous disons, c'est que nous sommes capables d'amener un apport supplémentaire de papier qui va prendre le chemin de la collecte sélective, où il y a encore de la place, et il y a un débouché assuré, il y a des acheteurs garantis pour ça. Ils seraient trop contents d'acheter du papier récupéré au Québec plutôt que d'en importer des États-Unis.

Alors donc, on accomplit beaucoup de choses en même temps. La demande est là, et, dans la mesure où on sera moins dépendant de l'approvisionnement extérieur dans le vieux papier, on pourra aussi obtenir de meilleurs prix, parce qu'il y a au moins le transport que les papetières n'ont pas besoin de payer à la même hauteur lorsque le papier est récupéré à l'intérieur de la province. Alors, il y a du papier qui ne va pas dans les bacs. On peut augmenter cette quantité-là. Ça va rentabiliser le système. Il y a des acheteurs garantis. Il y a des débouchés assurés. Et ça, on peut aider à faire ça.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, le temps alloué est maintenant terminé. Je remercie M. Lacasse, Me Lauzon, Me Richard, M. Vincent de leur présentation. J'invite maintenant les représentants du Barreau du Québec à s'approcher à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite le porte-parole du Barreau du Québec à bien vouloir s'identifier puis identifier les personnes qui l'accompagnent.


Barreau du Québec (BQ)

M. Sauvé (Marc): Oui. Bonjour, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Marc Sauvé. Je suis avocat au Service de la recherche et de la législation au Barreau du Québec et secrétaire, aussi, du Comité du Barreau du Québec en droit de l'environnement. Je voudrais préciser ici que la représentation qui est faite n'est pas la représentation du Comité du Barreau, mais c'est vraiment la représentation du Barreau du Québec, puisque l'on va présenter les observations du bâtonnier qui sont contenues dans la lettre qui a été acheminée au ministre de l'Environnement.

Pour les fins de la présentation, je suis accompagné d'avocats avantageusement reconnus dans le domaine du droit de l'environnement. Alors, à ma droite, Me Jean Piette, de chez Ogilvy, Renault; et, un petit peu plus loin, toujours à ma droite, Me Lorne Giroux, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval; et, à ma gauche, Me André Prévost, de McCarthy, Tétrault, à Montréal.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Vous avez, comme les autres groupes, 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur l'avant-projet de loi.

M. Sauvé (Marc): Alors, comme je vous le mentionnais, dans sa lettre du 23 septembre dernier adressée au ministre Paul Bégin, ministre de l'Environnement, le bâtonnier du Québec faisait part de ses commentaires, des commentaires du Barreau, au sujet de l'avant-projet de loi concernant la gestion des déchets. Comme vous le savez, le Barreau a pour mandat de protéger le public. Comme institution essentielle dans notre démocratie, il véhicule les valeurs d'une société libre et démocratique, à savoir la protection de la règle de droit, l'égalité de tous devant la loi, l'indépendance judiciaire, l'équilibre des pouvoirs, les pouvoirs exécutif et législatif notamment.

Le Barreau du Québec est d'avis que le principe de la responsabilisation des pouvoirs régionaux constitue un principe valable – principe qui est véhiculé dans l'avant-projet de loi – en ce qu'il rend les décideurs locaux redevables envers la population concernée pour les décisions qu'ils prennent en regard de la gestion des déchets. En principe, cette approche démocratique réduit la distance entre l'instance décisionnelle et la population. Ce modèle de décentralisation s'inspire de ce qui a été fait, il y a une vingtaine d'années, en matière d'aménagement du territoire.

Là où ça se gâte toutefois dans l'avant-projet de loi, c'est qu'on prévoit que cette décentralisation sera largement tributaire de politiques qui seront laissées à la discrétion du ministre et du gouvernement. D'une part, peu ou pas de balises sont prévues pour encadrer, dans la loi, cette discrétion en matière de politiques. Au surplus, rien n'est prévu pour favoriser la participation des instances locales et des citoyens dans l'élaboration de ces politiques. Alors, nous sommes d'avis, au Barreau, que ces lacunes sont de nature à nuire à la crédibilité, à l'efficacité du régime proposé.

Outre cette question fondamentale de principe se pose une série de questions juridiques. Alors, qu'est-ce qu'une politique? Une politique gouvernementale peut-elle constituer une source de droits et d'obligations juridiques? Quelle est la force obligatoire de cette politique? Le projet de loi ne lui donne-t-il pas un caractère obligatoire comme s'il s'agissait d'une loi ou d'un règlement? Ces politiques gouvernementales seront-elles assujetties au processus d'évaluation environnementale? Quelle est l'interaction de ces politiques avec les certificats d'autorisation en matière de déchets? Alors, on prévoit, au Barreau, qu'il y a des débats juridiques à ce sujet qui risquent fort de nuire à l'efficacité du régime proposé.

Par ailleurs, le gouvernement jouit toujours d'un très vaste pouvoir de réglementation en matière d'élimination de déchets. Les grandes orientations gouvernementales en matière de réglementation sont inconnues. Les plans de gestion devront être complétés au plus tard en 2002 à partir d'une politique qui est laissée à la discrétion gouvernementale. Alors, dans ce contexte, on peut s'interroger: Comment peut-on parler de respect de la démocratie régionale alors que toutes les règles du jeux sont décidées par les règlements et les politiques du gouvernement?

On peut aussi s'interroger sur le choix des municipalités régionales de comté à titre d'entités régionales compétentes en matière de gestion de déchets. Les MRC, qui ont, par la loi, un rôle à jouer au niveau de l'aménagement du territoire, constituent-elles pour autant la structure régionale appropriée en matière de gestion de déchets? Il existe déjà plusieurs régies intermunicipales; pourquoi avoir écarté ces structures de la mise en oeuvre du projet de loi?

Il y a une question importante qui attire l'attention du Barreau et qui a trait au processus législatif. Effectivement, le 17 juin 1994, le gouvernement a adopté le projet de loi 151 qui visait à modifier la Loi sur la qualité de l'environnement et cette loi n'a jamais été mise en vigueur. Est-ce que cette loi sera reléguée aux oubliettes? Qu'est-ce qui explique ce phénomène? Est-ce qu'il manque d'outils réglementaires, manque de volonté politique ou de moyens financiers? Quoi qu'il en soit, cette façon de légiférer, selon nous, est de nature à jeter un certain discrédit sur le processus législatif lorsque, effectivement, l'Assemblée nationale vote des lois qui ne sont jamais mises en vigueur.

En conclusion, l'approche de décentralisation régionale en matière de gestion de déchets est une approche valable qui favorise, en principe, la responsabilisation des pouvoirs régionaux. Toutefois, le rattachement des plans de gestion de déchets à des politiques gouvernementales soulève de sérieux doutes quant à l'efficacité et à la crédibilité du régime proposé dans l'avant-projet de loi.

Avant de répondre à vos questions, j'aimerais céder la parole à Me Giroux, qui aimerait vous entretenir d'un aspect qui n'a pas été couvert comme tel dans la lettre du bâtonnier, mais qui est très important, et qui concerne les droits acquis.

(10 h 40)

M. Giroux (Lorne): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, il y a un aspect que nous aimerions porter à votre attention. Il est possible qu'il y ait une réponse à cette question-là, mais il nous apparaît qu'il y a un petit problème. C'est que, dans le projet de loi, l'article proposé, l'article 53.23 de la Loi sur la qualité de l'environnement, prévoit que, à compter de l'entrée en vigueur du plan de gestion élaboré par la MRC, on peut adopter un règlement qui prévoit une limitation ou une interdiction de mise en décharge, sur le territoire, des déchets provenant de l'extérieur du territoire, et l'article 53.23, dans son premier alinéa, dit bien que ce règlement-là doit être en conformité avec les dispositions du plan. Ceci implique évidemment que, lorsque l'on élabore le plan, il doit y avoir des discussions sur cette possibilité d'interdiction ou de limitation, de telle sorte qu'elle doit figurer au plan pour que le règlement puisse lui être conforme.

Le problème qui se pose ici, c'est que le deuxième alinéa de l'article 53.23 prévoit la possibilité de droits acquis à compter de l'entrée en vigueur du plan ou de la modification. Il nous apparaît que, si on veut que le débat se fasse dans la sérénité et en toute liberté sur l'élaboration du plan et sur la possibilité de limitation ou d'interdiction, on devrait prévoir une espèce de régime intérimaire pour éviter que, pendant que l'on discute ces questions-là, pendant qu'on élabore le plan, tout le monde se précipite et fasse des demandes de permis, de telle sorte que l'article 53.23, alinéa deux, vienne, à toutes fins pratiques, rendre inefficace la limitation.

Alors, la proposition qui nous apparaît ici, c'est que, à compter de l'adoption de la résolution de l'article 53.8, au moment où on commence l'élaboration du plan, il y aurait peut-être lieu de prévoir un régime intérimaire qui permette au moins que la discussion se fasse librement. Maintenant, il y a peut-être une autre disposition, que nous n'avons pas vue, qui règle ce problème-là, mais il nous apparaît ici qu'il y a une difficulté. Merci beaucoup.

M. Sauvé (Marc): Alors, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions, merci de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Je vais peut-être commencer par la dernière intervention, on reviendra sur les autres aspects. Il y a le moratoire qui a été décrété en 1995, qui a suspendu toutes les demandes depuis ce temps-là et qui, à mon point de vue, sert de tampon entre le moment de l'entrée en vigueur du règlement et les demandes qui ont été faites. Autrement dit, quelqu'un qui ferait une demande aujourd'hui ne pourrait pas voir sa demande aboutir ou créer ou ne pas créer de droits acquis parce qu'il y a un moratoire qui existe depuis 1995.

M. Giroux (Lorne): Oui, vous avez raison, M. le ministre. Maintenant, je dirais simplement ceci: C'est que ce moratoire-là, les MRC, les entités régionales qui doivent élaborer leur plan, n'ont aucun contrôle dessus.

M. Bégin: C'est exact.

M. Giroux (Lorne): Au moins, ici, il pourrait arriver que, comme les plans de gestion ne se feront pas tous dans la même séquence, si ce moratoire-là est levé, une MRC puisse se retrouver dans une situation. Ce que nous soumettons, c'est que la possibilité d'un gel, au moins temporaire, devrait être prévue au niveau régional par ceux qui vont discuter de ces options-là.

M. Bégin: J'opterais plutôt pour dire que le ministre ne devrait pas prévoir la levée du moratoire avant que le dernier plan ne soit adopté, parce que la création d'une autre technique, que vous suggérez, nous amènerait fort probablement à dire: Si on a dit ça, c'est parce que c'est différent de l'autre, et là on tomberait dans toute une série d'interprétations pour savoir qu'est-ce qu'on voulait dire dans le premier, qu'est-ce qu'on veut dire dans le second. Je ne suis pas sûr que, juridiquement, on aurait gagné quelque chose, plutôt que de dire: Il y a deux ans qui sont donnés aux MRC, il n'y aura pas de levée du moratoire avant que ces derniers plans soient complétés.

M. Giroux (Lorne): Maintenant, nous comprenons cette position-là. Nous soumettons avec respect que ce que vous dites est vrai. La seule difficulté, c'est que c'est un moratoire provincial. Si les plans de gestion n'entrent pas en vigueur à la même époque, à la même date, il va falloir prévoir la possibilité de lever ce moratoire-là de façon sélective pour ceux qui vont l'avoir élaboré, et je ne suis pas certain que ce soit permis actuellement.

M. Bégin: D'accord. Alors, je prends bonne note, et c'est évident que ça pourra éviter des difficultés; on va regarder la technique qui permettrait de rencontrer cette difficulté-là.

M. Giroux (Lorne): Merci.

M. Bégin: Sur un des points qui ont été soulevés: Pourquoi choisir la MRC par rapport à la régie intermunicipale? Cette question-là nous a été soulevée dès le début de nos travaux, et depuis, à quelques reprises, j'ai mentionné qu'effectivement nous ferions la même chose que nous avons faite entre la Communauté urbaine et la RIGDIM. C'est la même relation, RIGDIM étant une régie et la Communauté urbaine étant l'équivalent d'une MRC. Alors, nous allons permettre que ça se fasse à l'égard d'une régie intermunicipale de la même manière qu'entre la communauté urbaine et la RIGDIM. On reconnaît le fait que les régies intermunicipales qui existent font très bien la chose. On a échangé d'ailleurs avec plusieurs d'entre elles qui voyaient très bien comment ça pourrait s'accommoder entre la MRC et la régie intermunicipale.

Je reviendrais sur un point qui est le premier, je crois, que vous avez soulevé, celui de la conformité aux politiques et règlements. Là, je pense qu'il y a peut-être une question de compréhension. Tout le processus qui nous amène à l'avant-projet de loi repose sur une très, très, très large consultation qui a eu lieu par le Bureau d'audiences publiques, le BAPE. Par la suite, il y a eu aussi, de mes collègues et de ma part, du travail de réflexion pour tenir compte de ce que les gens avaient fait comme représentations, les choix, entre autres, par exemple, entre la collecte sélective et la consigne. Est-ce qu'on adopte le choix de la responsabilité élargie des entreprises, etc.? Tout ça, ça s'est fait dans une vaste consultation généralisée et ceci a abouti dans un plan d'action que vous connaissez très bien.

Le plan d'action est là, c'est la base de l'avant-projet de loi. Ce que nous essayons de faire par l'avant-projet de loi, c'est de donner la capacité de mettre ça en force. Or, on retrouve là-dedans les objectifs, les délais, les pourcentages, les quantités que l'on va retrouver dans les règlements habilitants au fur et à mesure qu'ils vont tomber. Donc, on a établi les politiques avant. On sait ce que tout le monde veut et ce qu'on a accepté de prendre. Nous nous donnons l'habilitation législative pour le faire. Les règlements vont tomber d'ici Noël, en cascade. Déjà, un, les pneus, c'est réglé; la peinture, c'est aujourd'hui, mercredi? En fait, la date de publication, c'est aujourd'hui, mais c'est annoncé depuis lundi. Le règlement est connu par les gens du milieu. La peinture, les piles et finalement celui concernant les contenants, emballages et imprimés qui va suivre. Après ça, la mise en décharge, tous les règlements afférents, mais ce sont des règlements qui vont être en conformité du plan d'action.

Alors, je ne crois pas qu'il y ait lieu de s'inquiéter de la capacité pour les MRC d'élaborer un plan de gestion dans l'ignorance de ce que seront les politiques ou les plans. Au contraire, ils seront connus et, deuxièmement, ils seront en conformité avec le plan d'action dont on s'est doté ensemble. Et j'ai compris, moi, depuis le mois de septembre 1998, je ne dirais pas une unanimité totale sur chacun des points mais une acceptation vraiment généralisée du plan d'action. Est-ce qu'à ce moment-là vous ne pensez pas que les inquiétudes que vous manifestiez sont moins importantes ou moins lourdes?

M. Piette (Jean): M. le ministre, excusez ma voix, j'ai été frappé par la grippe cette semaine.

M. Bégin: Ça arrive.

M. Piette (Jean): Je voulais vous dire qu'en ce qui concerne les politiques ce qui nous inquiète, c'est de voir la place prépondérante que les politiques gouvernementales occupent dans la mise en oeuvre de cette nouvelle façon de faire la planification de la gestion des déchets, de voir une politique, quelque chose qui n'est pas vraiment défini. Le contenu juridique d'une politique, ce n'est pas une chose qui est connue, qui est normalisée, qui est reconnue dans le droit; c'est quelque chose qui est assez flou. On ne dit pas où elles sont, ces politiques-là. Vous nous parlez du plan d'action. Est-ce que le plan d'action, c'est une politique aux fins de la loi? Je ne le sais pas. Est-ce que ça va le devenir? Je ne le sais pas. Qui le saura? Où les politiques seront-elles? Où seront-elles accessibles?

Ce qu'on déplore, c'est qu'il n'y ait aucun formalisme pour ce qui est de l'élaboration, de l'adoption et de la publicité des politiques. Les gens vont s'adresser où pour les trouver? La politique qu'on va trouver, est-ce que ça va être celle qui est encore en vigueur aujourd'hui ou est-ce qu'elle aura changé six mois plus tard à la faveur d'un nouveau gouvernement ou d'un changement de ministre? Alors...

M. Bégin: On a encore trois ans, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 h 50)

M. Bégin: Vas-tu nous faire des partielles?

M. Piette (Jean): Alors, c'est tout le flou qui accompagne cette notion de politique qui nous inquiète parce que, là, maintenant, on a un texte législatif qui reconnaît aux soi-disant politiques gouvernementales un rôle important, un rôle capital, même un rôle qui va limiter la liberté d'action des pouvoirs locaux et régionaux, puisque leur liberté d'action va être limitée, va être circonscrite, va être balisée par les paramètres prévus dans cette politique-là, ou dans ces politiques, parce qu'on parle de politiques au pluriel.

Alors, il y a là l'introduction d'une nouvelle notion dans notre droit public, et assujetti à cette notion se trouve à être l'exercice du pouvoir de réglementation des municipalités régionales de comté et des communautés urbaines. Normalement, ces pouvoirs de réglementation là sont assez larges, comportent un élément de discrétion qui est balisé par le législateur. Ici, la discrétion de la MRC et des communautés urbaines va être balisée, plus par le législateur, pas par des pouvoirs habilitants prévus dans une loi, mais par les paramètres prévus dans une politique, laquelle, je vous dis, n'est assujettie à aucun formalisme de publication, de consultations publiques, d'adoption, d'entrée en vigueur ou de quoi que ce soit.

Alors, comme je vous dis, c'est une nouvelle notion dans notre droit de l'environnement ou dans notre droit statutaire québécois qui nous inquiète, de voir que ça rentre comme ça, que c'est si peu balisé et que ça occupe une place si importante qui va faire en sorte que l'exercice de la discrétion que possèdent normalement les élus locaux va peut-être se trouver battu en brèche par le ministre, qui pourra dire: Bien, ce que vous avez mis dans votre plan de gestion, ce n'est pas conforme à nos politiques. Donc, j'émets un avis de refus puis je substitue même mon propre règlement à votre propre règlement. Alors, c'est de voir la portée de ces politiques-là qui nous inquiète.

Je dois vous dire à ce sujet qu'il y a une question, un petit peu, de cohérence aussi sur laquelle je voulais attirer votre attention. C'est au niveau des articles 53.14, 53.18 et 53.19. Si on regarde attentivement l'article 53.14, on parle, dans cet article-là qui parle du plan préliminaire, de la conformité du plan avec les politiques du gouvernement. Alors donc, on a le plan et l'ensemble du plan et les politiques.

Au paragraphe suivant, on parle de cette interdiction ou limitation de mise en décharge de déchets provenant de l'extérieur du territoire. Ça, on dit que c'est assujetti, que le critère pour juger si c'est acceptable ou non, c'est de prévenir des atteintes à la santé ou à la sécurité publique. Donc, on introduit là un autre critère qui n'est pas la politique du gouvernement, un critère de santé ou de sécurité publique, qui est un nouveau critère, lui aussi.

Là, après ça, on va à l'article 53.18. On est rendu à l'adoption du plan de gestion, et là, tout d'un coup, le plan de gestion, il doit être conforme aux deux choses à la fois, aux politiques du gouvernement ou encore ne pas compromettre la santé et la sécurité publique dans les territoires limitrophes. Là, on voit que les deux critères s'appliquent et ils s'appliquent non seulement au plan de gestion général, mais ou à l'une de ses dispositions aussi. Alors, là, on est plus spécifique. Et même chose à l'article 53.19, où, là encore, l'on vérifie la conformité aux politiques et à la question de la santé et de la sécurité publique dans les territoires limitrophes.

Alors, là, il y a une question de cohérence parce que, comme je vous dis, on commence avec deux critères distincts qui s'appliquent à deux situations distinctes. Et, quand on arrive à l'article 53.18, c'est-à-dire à l'adoption du plan, là, les deux critères se conjuguent, s'appliquent simultanément. Et, en tout cas, on voit un problème de cohérence à ce niveau-là. On voulait attirer votre attention, entre autres, sur cet aspect-là.

M. Bégin: Je voudrais vous poser une question qui va s'adresser autant à ce que vous avez dit avant que pour les dernières remarques. Si le plan de gestion des matières résiduelles, qui a été adopté par le gouvernement, était publié dans la Gazette officielle , est-ce que ça répondrait à certaines de vos appréhensions?

M. Piette (Jean): Je pense que ça serait déjà un pas de plus, effectivement, dans la bonne direction, en ce sens que ça donnerait au moins aux citoyens une balise, un endroit où trouver, une mesure de publicité. Puis on sait qu'en droit la publicité des lois, et des règlements, et des instruments statutaires, c'est un ingrédient essentiel de la valeur démocratique des lois et des règlements. Alors, ça serait déjà, je pense, un pas dans la bonne direction.

M. Bégin: Sachant qu'on ajoute la publication de tous les règlements qui vont être adoptés en vertu de la loi, est-ce que vous ne croyez pas que... En tout cas, je vous demande la question: Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus à cet effet-là? Parce que, j'avoue, au-delà du plan de gestion qui est vraiment la base de la législation actuelle, la publication des règlements, je cherche à voir comment on pourrait faire plus.

M. Piette (Jean): Bon. Je vais vous dire une chose. Là, effectivement, le plan d'action que vous avez entre les mains, on est conscient qu'il a été élaboré suite à de nombreuses consultations, etc. Mais il pourra changer, il pourra y en avoir d'autres, politiques, qui seront adoptées dans un an, deux ans, cinq ans ou huit ans, et est-ce qu'on va passer par les mêmes consultations qu'on a faites dans ce cas-là? Il n'y a aucune garantie dans la loi, et je pense qu'il faudrait qu'il y ait soit une garantie de consultation publique comme il y en a pour les règlements...

Alors, comme les politiques vont avoir quasiment un même effet qu'un règlement, puisqu'elles vont lier, elles vont assujettir l'exercice du pouvoir réglementaire par les MRC et les communautés urbaines, on ne voit pas pourquoi il y aurait moins de consultations pour une politique qu'il n'y en a pour un règlement.

M. Bégin: Mais la conformité dont on parle aurait lieu au moment de l'élaboration des plans de gestion, et, par la loi, c'est prévu que, d'ici 2002, ça devrait être complété. Donc, c'est dans la première phase.

Que dans huit ans, par exemple, le gouvernement décide de changer les choses, on ne sera plus dans le cadre de l'élaboration des plans, et là j'imagine que le gouvernement avisera de la manière de faire, soit en modifiant la loi, soit en modifiant les règlements, soit en changeant la politique, ou en faisant les trois en même temps.

M. Piette (Jean): Oui, mais attention. C'est que les plans devront être révisés à tous les cinq ans, les plans pourront être modifiés à tout moment. Les politiques ne sont pas immuables, on le sait très bien. Si on regarde les 15 dernières années, je vous dis que ça a évolué beaucoup, les politiques de gestion des déchets solides au Québec.

Là, on a la dernière mouture devant vous, mais je pense qu'il va encore y avoir de l'évolution: l'évolution des mentalités, l'évolution de la conjoncture économique, l'évolution des besoins régionaux, l'évolution des technologies. Tout ça va entraîner des modifications de politiques, de sorte qu'il faut prévoir, je pense, pour l'avenir. Cette loi-ci, on l'espère, ne sera pas une loi qui va être bonne pour trois ans. On espère qu'elle va être bonne pour plusieurs années et qu'elle va être proclamée en vigueur, entre autres.

M. Bégin: Ça, comptez sur moi!

M. Piette (Jean): Ha, ha, ha! Alors donc, je pense qu'il faut prévoir pour l'avenir. Il faut prévoir un mécanisme de consultations publiques et d'implication des citoyens autant pour l'élaboration des politiques qu'on l'a prévu pour l'élaboration des règlements.

M. Bégin: Ah... Oui.

M. Piette (Jean): Et, là-dessus, M. le ministre, je voudrais ajouter que, quand on parle de conformité aux politiques et même conformité à ces nouveaux critères de santé et sécurité dans les régions limitrophes, la conformité aux règlements du Québec, je ne l'ai pas vue comme telle. D'accord, il y a des normes générales qui s'appliquent dans la Loi sur la qualité de l'environnement pour la conformité des règlements des municipalités aux règlements adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement. Mais, ici, il n'en est pas fait mention, aucunement, puis je ne suis pas certain si la cohérence a été établie entre ces aspects-là. Je vous signale ça.

M. Bégin: Je vous remercie. On va vérifier ces choses-là. Je reviendrais sur les deux aspects de sécurité publique ou santé. Vous avez peut-être fait voir quelque chose que je n'avais pas perçu de cette façon-là jusqu'à date. La santé et sécurité s'adressaient à l'exercice du droit de regard, c'est-à-dire: Nous ne permettrons pas que des déchets provenant de l'extérieur du territoire de la MRC viennent sur notre territoire. Et c'est à cet égard de l'exercice de ce droit-là que le pouvoir du ministre, tenant compte de la santé et sécurité, pourrait être invoqué. Et là j'ai cru comprendre, peut-être en voyant le paragraphe 19, que ça irait également pour les autres aspects du plan. Là, vous soulevez quelque chose qui m'avait échappé jusqu'à ce moment-ci.

M. Piette (Jean): Les articles 53.18 et 53.19, effectivement...

M. Bégin: Et 53.19, oui, c'est ça.

M. Piette (Jean): ...mettent sur le même pied les deux, et ça, pour l'ensemble du plan de gestion ou l'une de ses dispositions. Alors, là, je vous dis: Il y a un problème d'incohérence avec...

M. Bégin: Exact, exact. Là, j'avoue que je n'avais pas perçu ça jusqu'à présent et l'idée n'était pas à cet égard-là. C'était vraiment à l'égard de l'exercice du droit de regard que c'était prévu. Alors, là, je vais regarder ça d'un peu plus près en tenant compte de vos remarques.

M. Piette (Jean): Évidemment, on aurait une question, un questionnement sur la notion de région limitrophe. Effectivement, on voit très bien, mais on se dit: Si cette préoccupation s'applique aux régions limitrophes mais si le problème de gestion couvre un territoire plus grand et qu'il y a d'autres territoires de compris, évidemment, ils échapperont à l'exercice de la discrétion du ministre, libellé comme c'est là. Je prends, par exemple, un cas très précis. On sait qu'une bonne partie des déchets de Montréal vont à Saint-Nicéphore, par exemple.

M. Bégin: Je ne comprends pas. Excusez, je ne comprends pas, là. Si, par exemple, une MRC située... Prenez Saint-Nicéphore versus Montréal.

M. Piette (Jean): Oui.

M. Bégin: Si la MRC de Drummond décidait de dire: Je n'accepte plus les déchets provenant de l'extérieur, vous me dites qu'il y aurait un problème qui pourrait se poser pour Montréal?

M. Piette (Jean): C'est ça. Puis Montréal n'est pas une région limitrophe, que je sache, de Saint-Nicéphore.

M. Bégin: Mais là ça revient à dire que le ministre décide à peu près partout, là.

M. Giroux (Lorne): La loi est faite comme ça, M. le ministre, avec beaucoup de respect.

M. Bégin: Pardon?

M. Giroux (Lorne): La loi permet ça, oui, avec beaucoup de respect. Et un des problèmes...

M. Bégin: Je crois qu'elle le prévoit à l'égard des municipalités limitrophes. Mais l'exercice, ce n'est pas... Excusez, je reprends. Le pouvoir qui est donné au ministre, c'est de dire: La MRC X, vous avez exercé un pouvoir qui vous est donné par la loi. Cependant, par l'exercice que vous en faites, ça pose un problème de santé et de sécurité publiques, et, en conséquence, je n'accepte pas ce que vous avez décidé. D'accord? Donc, il faut se mettre dans la position de la MRC qui exerce son pouvoir.

Si Drummond dit non à l'égard de Montréal, est-ce que je peux facilement prétendre qu'il y a un problème de sécurité publique et de santé publique entre... Ça voudrait dire que, techniquement, il n'y a pas d'autre choix entre Montréal et Saint-Nicéphore. Ça m'apparaît assez gros.

(11 heures)

M. Giroux (Lorne): Mais, M. le ministre, je comprends ces inquiétudes-là. Ce qui nous préoccupe, nous, c'est ceci: La politique gouvernementale peut conduire à un changement de règles juridiques en région, et toute norme qui peut conduire à un changement de règles juridiques devrait être publicisée de façon formelle. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que le pouvoir qui est donné au ministre d'intervenir dans le cas spécifique dont vous parlez, ce pouvoir-là est indépendant et autonome de la politique gouvernementale à l'égard de laquelle il doit y avoir conformité. Il nous apparaît que ça devrait être dans la politique que l'on prévoie à l'avance ces problèmes-là, pour éviter que le ministre ne puisse exercer un pouvoir autonome à l'extérieur de la balise de la politique. Et ce pouvoir-là...

Je vais vous donner un exemple, si vous me permettez. Dans le cas des orientations gouvernementales en matière de protection des activités agricoles, ces orientations-là ont un impact direct sur les règlements locaux d'urbanisme. Mais il y a un tampon qui est le rôle de la Commission municipale. Ici, il n'y a pas de tampon. C'est le ministre qui parle directement. Nous, on pense que, pour la sécurité juridique des citoyens, le pouvoir du ministre devrait être balisé. Et ce qu'on dit: Ça devrait être dans la politique; le pouvoir autonome ne devrait pas exister.

M. Bégin: C'est un peu la poule et l'oeuf, là. Si vous avez la capacité donnée aux MRC d'exercer un droit, vous ne pouvez pas, par anticipation, avoir exercé votre jugement en disant: Voici comment ça va se régler, le problème.

M. Giroux (Lorne): Non. Mais la politique connaît les situations actuelles dans les régions. Cette politique-là doit être élaborée en tenant compte des réalités qui existent. Ce qu'on dit, c'est qu'à l'heure actuelle il y a une politique qui n'est pas formalisée dans un document qui permet une intervention sur les pouvoirs régionaux et locaux et, en plus de ça, il y a une intervention potentielle directe du ministre.

M. Bégin: Là, je ne partage pas...

M. Giroux (Lorne): Ad hoc, à chaque fois.

M. Bégin: Non. Là, je ne partage pas votre point de vue.

Le Président (M. Lachance): Je vous signale qu'il reste 30 secondes.

M. Bégin: D'accord. Actuellement, c'est les MRC et le milieu qui vont décider comment les choses vont se faire sur le terrain, et on veut leur laisser le soin de décider de quelle manière ils vont gérer les matières résiduelles. Ce n'est pas au gouvernement de prendre une décision d'avance en disant, par exemple: Montréal va aller à Saint-Nicéphore, ou Montréal va aller à Sainte-Sophie, ou Montréal va aller à tel endroit parce qu'il n'y en a pas chez eux. Je pense que c'est le milieu qui va décider ce qu'il en est. Et laisser aller jusqu'au bout de la logique de la liberté de décider. Et ultimement, si le ministre se rend compte que, après l'exercice des droits qui reviennent aux MRC, on a un problème de santé et de sécurité publique, là il intervient, et seulement là. Sinon, c'est renverser la proposition et dire que le gouvernement va décider d'avance ce qui va arriver et choisir à la place du milieu. Moi, personnellement, je vous avoue honnêtement que ce n'est pas ça qui est l'esprit du projet.

M. Giroux (Lorne): Vous êtes d'accord avec nous que 53.18 et 53.19, c'est avant l'entrée en vigueur du plan.

M. Bégin: J'ai fait état que, peut-être, 53.18 et 53.19 débordaient de la compréhension que j'avais eue jusqu'à présent. Alors, je vais les regarder. Mais, moi, je les regardais sous l'angle prévu qui était le choix du droit de regard. Et, là-dessus, je maintiens ce que je viens de dire. Mais, vis-à-vis de 53.18 et 53.19, je vais regarder parce que vous soulevez un point que je n'avais pas vu à date.

M. Giroux (Lorne): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Bégin: C'est parce que je n'ai plus le droit de parole.

M. Benoit: MM. Piette, Giroux, Prévost et Sauvé, merci d'être avec nous aujourd'hui. Deux courtes questions avant de laisser la place à certains de mes confrères. La fiducie d'utilité sociale. Nous recevrons un autre groupe d'avocats qui s'appelle le Centre québécois du droit de l'environnement dans quelques jours. Et, dans leur mémoire, eux, ils disent, en parlant de la fiducie d'utilité sociale: «Quoi qu'il en soit, il est surprenant que ceux qui seront appelés à gérer la fiducie soient nommés par l'exploitant du site d'élimination suivant des normes à venir dans un règlement.» Alors, eux, ils sont surpris finalement que l'exploitant d'un site, lui, nomme le fiduciaire. Bon. Alors, premier problème. On pourra y revenir.

Deuxième problème, c'est dans votre mémoire, où vous dites: Le ministre serait finalement au-dessus des lois. C'est à peu près ce que je comprends dans le cas de l'article 6, 55.2°. Je ne sais pas à quelle page c'est, ça. C'est la page 4, je pense. Oui, à la page 4, en bas. Vous dites que, finalement, le ministre se positionnerait... Si jamais il y avait un jugement, le ministre serait comme au-dessus de ce jugement-là. C'est à peu près ce que je comprends.

Mais finalement, en résumé, j'aimerais ça vous entendre un peu sur la fiducie d'utilité sociale. Tout le monde s'entend sur le principe de la fiducie, en commission, depuis le début. Sauf quelques industries qui nous disent que ça ne les touche pas, elles, personnellement, l'ensemble des gens qui sont venus sont d'accord avec la fiducie d'utilité. Et c'est une coutume qui existe dans plusieurs autres pays où il y a des sites de déchets.

Mais j'aimerais ça vous entendre sur l'aspect, d'abord, est-ce qu'il est correct qu'une compagnie elle-même nomme son fiduciaire, de un, et, de deux, que le ministre se mette au-dessus d'un jugement, finalement.

M. Giroux (Lorne): Sur la première question, M. le Président, nous n'avons pas exprimé d'opinion, au Barreau, là-dessus.

M. Benoit: Non.

M. Giroux (Lorne): Moi, je ne peux pas prétendre parler au nom du Barreau. Ce qui nous a préoccupés, et ça remonte, M. le ministre... Il y avait eu des avant-projets de règlement à l'égard des fiducies qui ont circulé et qui ont même été discutés dans des cours de formation professionnelle du Barreau, dans des colloques, il y a quelques années.

Ce qui nous préoccupe, c'est ceci: le ministre a le contrôle absolu sur toute dépense qui est faite à même les fonds de la fiducie. Il nous apparaît que dans le cas, par exemple, où un citoyen aurait obtenu un jugement de la Cour supérieure, dans le cadre des articles 19.1 et suivants de la loi, qui ordonne que des travaux soient faits parce que ce citoyen-là subit les inconvénients de la mauvaise gestion ou encore du fait qu'il y a eu une contamination ultérieure, nous ne croyons pas opportun que, dans ce cas-là, ce soit quand même le ministre qui puisse refuser que les fonds soient déboursés dans le cas où un citoyen a obtenu un jugement.

La loi devrait prévoir que c'est soit le ministre qui autorise ou un jugement obtenu par quelqu'un contre cette fiducie-là ou qui ordonne des travaux qui doivent être payés à même la fiducie. Ça, ça nous apparaît un pouvoir qui est trop grand, qui a un contrôle trop sévère. Ce n'est pas seulement le ministre qui est concerné par ça, c'est également ceux qui vont devoir en subir les inconvénients. Et c'est comme ça, c'est le but de la fiducie. Nous ne voyons pas pourquoi le ministre aurait le contrôle même dans le cas où il y a un jugement.

M. Benoit: Dans le cas du mémoire du Centre québécois du droit de l'environnement, vous dites que vous ne l'avez pas regardé.

M. Giroux (Lorne): Non.

M. Benoit: Mais est-ce que, dans la pratique, il est normal – je ne suis pas avocat, je me vante souvent d'ailleurs de ne pas être avocat, je laisse le ministre de l'Environnement nous rappeler qu'il l'est – que, si on veut protéger des citoyens ou une municipalité – puis c'est le cas ici, on veut protéger des citoyens ou une municipalité qui seraient pris avec un site orphelin éventuellement ou des problèmes, même s'il n'était pas orphelin, que la compagnie n'ait pas les moyens de faire face à la situation – une compagnie puisse, elle, nommer le fiduciaire et gérer la fiducie? Parce que c'est ça, la question que...

M. Giroux (Lorne): Écoutez. Moi, je suis sensible à cet argument-là. Je dirai ceci: Dans le cas de la fiducie, l'idée de la fiducie, c'est que l'on crée un patrimoine distinct qui est autonome et il m'apparaît à moi – puis mes collègues, mes confrères me corrigeront – que l'idée derrière ça, c'est que ce patrimoine-là doit être géré de la façon la plus indépendante possible.

Et je rappelle qu'il y a des événements passés au Québec... Quand on pense à l'incendie de Saint-Basile-le-Grand, il devait y avoir des dépôts qui avaient été faits et, mystérieusement, les dépôts ont cessé d'être faits. Et, quand les dommages sont survenus, il ne restait plus une cenne. Et le gouvernement a obtenu un jugement symbolique de 14 000 000 $, qui est probablement encadré en quelque part, contre quelqu'un qui n'était plus là. Ce que nous disons, c'est que le régime qui est établi doit être étanche à toute possibilité que, lorsque les dommages vont survenir plusieurs années plus tard, il ne reste plus rien là-dedans.

M. Benoit: Et est-ce que, effectivement, c'est la compagnie – parce que je parle d'un site privé, mais ça pourrait être un site public aussi – qui devrait avoir autorité de décider à quel moment elle peut piger dans le fonds, dans le patrimoine, le fonds du patrimoine comme vous l'appelez? Ou est-ce que, effectivement, ça doit être une autre instance, la MRC ou un regroupement de MRC ou «whatever»?

M. Giroux (Lorne): Bien, une des possibilités, c'est qu'il est possible que l'exploitant puisse avoir son mot à dire, mais peut-être qu'on pourrait prévoir des mesures ou une réglementation quelconque qui ferait que le pouvoir de contrôler ça ne serait pas concentré entre les mains d'un seul de ceux qui ont des intérêts là-dedans.

M. Bégin: ...prévoit l'adoption d'une réglementation pour régir tout ça, là.

M. Giroux (Lorne): Oui, mais, excusez-moi, les projets de réglementation, les avant-projets qui avaient circulé, il y avait des gros problèmes avec ça.

M. Bégin: Je les ai déjà vus, mais ce n'étaient pas ceux-là.

M. Giroux (Lorne): Moi, j'en ai vu, en tout cas, et il y avait des difficultés.

M. Bégin: Ça date de quand, ça?

M. Benoit: Ça m'inquiète. Le Barreau les a vus puis le ministre ne les a pas vus, là.

M. Giroux (Lorne): 1994...

M. Bégin: 1994, c'est dans le temps où vous étiez là.

M. Benoit: À l'article 13 de votre mémoire, vous dites aussi que le ministre avait le droit à une révision quinquennale du permis qui donnait un outil de contrôle important et que cette révision-là va disparaître dans le nouveau projet de loi. J'aimerais ça, vous entendre sur cet aspect-là de votre mémoire.

(11 h 10)

M. Piette (Jean): Effectivement, le régime actuel prévoit pour le secteur privé des permis qui ont une validité de cinq ans. Ça veut donc dire qu'à chaque cinq ans l'exploitant doit demander le renouvellement de son permis, et, à ce moment-là, il est évident que c'est une occasion, pour le ministère, de vérifier la teneur de l'exploitation, les modalités d'exploitation qui ont été mises en place par l'exploitant et de s'assurer qu'il est toujours dans des conditions pour que le permis soit renouvelé. Alors, il y avait donc là un contrôle obligatoire qui s'effectuait tous les cinq ans.

Avec la disparition de cet article 55 – disparition, donc, de l'obligation de détenir un permis – le seul permis qui s'appliquera, ce sera le certificat d'autorisation universel de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, et ce certificat d'autorisation n'est pas limité dans le temps. Donc, une entreprise pourra avoir ce certificat d'autorisation et le conserver pendant deux, trois, cinq, 10, 15, 20 ans ou 30 ans. Il n'y aura pas de limite et il n'y aura pas de révision automatique d'inscrite dans la loi qui créait une contrainte tant pour l'exploitant que pour le ministère. Alors, on voyait donc là un désavantage de la formule qui est proposée et on voulait attirer l'attention du législateur sur la signification de ce changement-là et sur le fait qu'on va peut-être perdre quelque chose en faisant disparaître ce renouvellement quinquennal de permis, et il n'y a rien qui le remplace.

Évidemment, le ministère pourra sans doute dire: Bien, on va faire une inspection tous les cinq ans, même plus souvent, etc. Mais on sait qu'il y a bien des aléas là-dedans, il y a des contraintes budgétaires, diminution d'effectifs. Il peut y avoir toutes sortes de raisons pour lesquelles les suivis appropriés ne seraient pas faits. Alors que, dans le cadre législatif actuel, il y a une obligation pour l'exploitant d'aller chercher son renouvellement de permis, donc une obligation faite pour le ministère de se pencher sur la demande de renouvellement et de procéder aux vérifications et aux inspections nécessaires.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour. Je pense que ce qui se reflète depuis le début, c'est que le Barreau est pas mal inquiet, puis je pense que vous avez raison. Depuis les audiences, le ministre nous revient toujours avec un document. Et, moi, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est le document, dans le fond, qui est les orientations, est-ce que ce document-là a une force de loi ou, en bout de ligne, si ce n'est pas seulement des voeux pieux qui pourraient ne jamais être mis en application? Parce que vous dites dans votre mémoire: Bon, qu'est-ce qu'une politique? Je me pose la question, moi aussi. Est-ce que le contenu de ce rapport-là a force de loi? Est-ce qu'on peut imposer les objectifs qui y sont inscrits à la population?

M. Piette (Jean): Bon. Il est évident qu'au stade où on en est un plan d'action, ce n'est pas une loi, ce n'est pas un règlement, ce n'est contraignant pour personne. Cependant, ce qui nous inquiète, c'est qu'on va effectivement donner valeur obligatoire ou valeur contraignante à un document comme ce plan d'action, comme je vous dis, qui n'a pas fait l'objet d'aucune adoption formelle. C'est un plan d'action que le ministre a développé, etc., mais ça n'a pas fait l'objet, que je sache, d'une décision formelle de l'Exécutif qui est enregistrée quelque part, qui est connue, etc.

Et ce qui nous inquiète, c'est que, quand on établit des règles de droit, ces règles de droit là, les pouvoirs municipaux ont la possibilité, ont le pouvoir d'adopter des règlements obligatoires qui contraignent les citoyens, qui peuvent mener à des injonctions judiciaires, qui peuvent mener à des amendes, même à des peines d'emprisonnement. Alors, les pouvoirs locaux sont investis de ce pouvoir-là. Les pouvoirs régionaux également, les communautés urbaines ont de tels pouvoirs, les municipalités régionales de comté également.

Or, on va désormais baliser ces pouvoirs-là non plus seulement par les pouvoirs habilitant qui autorisent ces instances à adopter des règlements, mais on va le baliser, ce pouvoir-là, par une politique ou même des politiques – on parle des politiques au pluriel. Et il semble que le plan d'action serait promu à devenir une telle politique, ce qu'on ne sait pas encore à l'heure actuelle, ce n'est écrit nulle part. Et ça nous inquiète de voir, comme je vous dis, un document administratif dénué de tout formalisme acquérir une telle autorité dans notre système de droit, puisqu'il va désormais s'imposer de façon obligatoire aux municipalités régionales de comté, aux MRC et aux municipalités.

Donc, il y a quantité d'instances locales et régionales qui, désormais, devront devenir liées non pas seulement par la règle de droit émanant d'une loi, mais également par des règles contenues dans une politique. Alors, là, je vous dis qu'on introduit comme un corps étranger dans notre régime de droit parce qu'on donne une valeur juridique suprême à ces politiques, et ça nous inquiète. C'est pour ça qu'on est ici, devant vous, aujourd'hui.

M. Whissell: Parce que, au niveau...

M. Prévost (André): Si vous me permettez...

M. Whissell: Oui?

M. Prévost (André): Si vous me permettez, juste un commentaire additionnel pour compléter ce que Me Piette vient de dire. Lorsqu'on fait une loi, lorsqu'on fait un règlement, il y a un processus de consultation qui y est rattaché. C'est vrai qu'actuellement M. le ministre nous dit: Le plan qu'on a a fait l'objet d'une consultation; il y a eu une commission qui a pris les commentaires de plusieurs personnes. Mais la loi prévoit aussi des modifications aux politiques. Rien ne nous dit, dans l'état actuel de la loi, que les modifications aux politiques seraient soumises d'une manière ou d'une autre à un processus de consultation.

M. Whissell: Parce que, au niveau du plan de gestion que les MRC ou les communautés urbaines devront faire, j'imagine que les plans de gestion devront être en conformité avec le plan d'action. Et on a entendu au cours des derniers jours le BNQ qui est venu nous dire: Bien, nous, on pense que le plan de gestion, c'est quelque chose qui est très flou, qui devrait à la limite être normé. Parce que c'est quoi, un plan de gestion? Et là, à l'heure où on se parle, on ne sait pas si le ministre va mettre un règlement pour dicter c'est quoi, un plan de gestion, qu'est-ce que ça doit contenir, qu'est-ce que ça doit viser. Est-ce qu'il faut que ça vise une politique? Vous, est-ce que vous pensez que le plan de gestion devrait vraiment être encadré? Parce que ça va être la clé en bout de ligne.

Et ça ne sera pas évident pour ces gens-là de faire un plan de gestion quand tu t'alignes sur un plan d'action dont on ne sait pas trop, trop s'il a force de loi puis des règlements qu'on ne connaît pas encore qui, paraît-il, vont arriver. Mais, quand on regarde les cinq dernières années, les règlements ne sont pas venus trop, trop. Il y a des avant-projets de règlement qui ont circulé, qui ont été retirés. Ce n'est pas évident. Et, dans la loi, il y a une obligation d'ici deux ans d'avoir des plans de gestion, et on ne connaît pas vraiment l'objectif qui sera visé.

Alors, ma question: Est-ce que vous pensez que le plan de gestion devrait vraiment être normé, encadré et ficelé, pour que, d'un bout à l'autre du Québec, un plan de gestion soit similaire, indépendamment de la direction régionale qui nous supervise et des fonctionnaires qui appliquent les politiques du ministre?

M. Piette (Jean): C'est que le plan de gestion, évidemment, c'est un plan qui va être régional. Ça, c'est assez clair. Il devra être conforme à une politique ou à des politiques. Et c'est là où ça devient plus flou. Et c'est là où, nous, on est inquiets. On est inquiets que l'exercice du pouvoir réglementaire de la Communauté urbaine de Montréal et des municipalités régionales de comté soit assujetti à autre chose qu'à une loi et à des règlements.

Il est évident que, si on mettait le contenu du plan d'action dans un règlement, si on faisait ça, ça serait plus normal dans la hiérarchie de nos instruments statutaires. Parce que qu'un règlement provincial ait préséance sur un règlement municipal, c'est une chose qui se conçoit, c'est une chose qui est d'ailleurs prévue dans la Loi sur la qualité de l'environnement déjà depuis 27 ans. Alors, ça, ce n'est pas étrange.

Mais de voir qu'une politique va acquérir la même force qu'un règlement provincial adopté par l'Exécutif suite à tout un processus de prépublications, input du public, publications dans la Gazette , adoption par le Conseil des ministres par un décret, etc., de voir qu'on met ça sur le même statut, je vous avoue que ça nous inquiète. Je répète ça.

M. Whissell: Vous ne trouvez pas ça étrange que, en bout de ligne, ça va être le ministre qui va devoir trancher. Tu sais, ça fait drôle. On fait une loi qui est floue puis, en bout de ligne, on dit: Bien, le ministre, il tranchera si on ne s'entend pas.

M. Piette (Jean): Effectivement, le ministre va trancher. Et il y a une sorte – je dis bien une sorte – de consultation publique qui est prévue, puisque le ministre va devoir annoncer ses couleurs au niveau du projet de plan, mais effectivement, dans le système qui est proposé ici, c'est le ministre qui devra, lui, se porter juge de la conformité du plan d'action avec la ou les politiques du gouvernement.

M. Whissell: J'ai une dernière question pour ma part, avant de passer la parole à mon collègue. Au niveau des droits acquis, bon, on a entendu le ministre dire qu'il y avait un moratoire depuis 1995, mais concrètement aujourd'hui, en 1999, si une entreprise n'a pas atteint son maximum autorisé, il n'y a rien qui l'empêche demain matin de faire rentrer des vidanges de l'extérieur. Est-ce que c'est vrai ou... Mon raisonnement est bon?

M. Giroux (Lorne): Ça, cette question-là est à l'extérieur du projet de loi tel quel. Le moratoire dont le ministre a parlé, ce n'est pas celui qui vient des deux lois spéciales?

M. Benoit: La loi 101, en 1993.

(11 h 20)

M. Giroux (Lorne): Celui qui prévoit, là, l'assujettissement au processus d'évaluation environnementale.

M. Benoit: Oui, c'est ça.

M. Giroux (Lorne): Et le deuxième qui... C'est de ce moratoire-là qu'il est question.

M. Whissell: Oui, mais ça, ce n'est pas les augmentations de capacité puis les nouveaux sites.

M. Giroux (Lorne): Exact. C'est un moratoire sur l'établissement et l'agrandissement.

M. Benoit: C'est ça.

M. Whissell: Mais un site qui n'a pas la capacité maximum d'atteinte aujourd'hui, qui n'a pas besoin d'aller au BAPE, demain matin, il peut rentrer des vidanges d'une autre MRC pour avoir les droits acquis que ça va lui prendre au moment de l'application de la loi.

M. Giroux (Lorne): Exact. Et, si c'est de ce moratoire-là qu'on parle, ce moratoire-là n'a aucune incidence, à mon humble avis, sur l'importation de déchets à l'extérieur du territoire visé par les sites en question. Ces deux dispositions législatives là sont silencieuses là-dessus. Par conséquent, à notre avis, ça ne répond pas au problème qu'on a soulevé tout à l'heure.

M. Whissell: Le régime intérimaire, la question du ministre, il a passé à côté, dans le fond.

M. Giroux (Lorne): Oui. Mais c'est-à-dire qu'il y en a un, moratoire, mais, à notre avis, il concerne l'agrandissement et l'établissement.

M. Whissell: C'est ça.

M. Giroux (Lorne): Il ne concerne pas la capacité de recevoir des déchets quant à leur provenance.

Une voix: Vous avez raison.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Tantôt, maître, vous avez parlé des zones limitrophes. Hier, il y avait des gens de ma région qui étaient ici qui ont des contrats avec... Il y a la MRC de Papineau puis il y a la MRC Argenteuil Deux-Montagnes qui sont limitrophes, comme vous dites dans les mots qu'il y a dans le projet de loi. Mais il y a la CUO. La MRC de Papineau est entre les deux, là. Est-ce que ça cause un problème dans ce projet de loi? Parce qu'ils ont une entente, puis ils peuvent avoir une entente qui peut durer pour 80 ans.

Sans rentrer dans les détails, chez nous, il y a eu toutes sortes de manières pour essayer d'avoir un site d'enfouissement. La population a refusé. Alors, finalement tout le monde est venu à une entente avec la MRC Argenteuil Deux-Montagnes. Est-ce que, dans le projet de loi, ce qui se dit «les zones limitrophes», est-ce que la CUO de l'Outaouais est limitrophe à la MRC Argenteuil Deux-Montagnes?

M. Giroux (Lorne): Je pense que la question qui va se poser ici, c'est une question d'interprétation. Est-ce que «limitrophe», c'est synonyme de «contigu»? Par exemple, quand on regarde la jurisprudence, la jurisprudence a fait une distinction importante entre «contigu» et «adjacent». On a dit: Ce qui est contigu, ça se touche; ce qui est adjacent, c'est près, mais ça ne se touche pas nécessairement. La jurisprudence est assez claire là-dessus. Alors, moi, je n'ai pas mon Petit Robert à côté de moi. Je ne suis pas certain que «limitrophe» est un synonyme de «contigu». Et, à ce moment-là, je me retire sur la pointe des pieds parce que je ne suis pas capable de répondre précisément à la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Giroux (Lorne): Mais je pense que ce n'est pas contigu.

M. MacMillan: Alors, ça veut dire que ça peut causer un problème aux gens de la CUO.

M. Piette (Jean): Disons qu'il y a une question légitime là-dessus, à savoir: «Limitrophe», ça va jusqu'où?

M. Giroux (Lorne): Oui.

M. Piette (Jean): Par exemple, s'il y a une interdiction de recevoir les déchets, disons, dans le district de Drummond, à la MRC de Drummond, demain matin, et si ça avait des effets à Montréal, est-ce que Montréal est considérée comme une zone limitrophe de Drummond? La question, je pense, peut être valablement posée. On n'a pas fait l'examen juridique de cette notion-là, cependant.

M. MacMillan: Mais, une fois que le projet de loi va être déposé et qu'on fera le débat, ça va être obligé d'être clarifié de la part du ministre ou par le projet de loi parce qu'on ne peut pas laisser ça encore au discrétionnaire du ministre qui va dire non à la CUO puis oui à la MRC de Papineau parce qu'elle est adjacente, ou elle est limitrophe, ou elle est voisine, ou elle est contiguë.

Une voix: C'est évident.

M. MacMillan: Moi non plus, je n'ai pas de Petit Robert avec moi, mais, chez nous, c'est important. Puis ça va bien aujourd'hui, on peut parler de nos dossiers sans se faire interrompre, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. MacMillan: Ça peut être dangereux pour la Communauté urbaine de l'Outaouais si ça demeure comme c'est écrit.

M. Piette (Jean): Je crois que la notion de limitrophe devrait être réexaminée pour nous assurer que ça va couvrir toutes les situations. Ça risque d'être limitatif.

M. MacMillan: Alors, M. le ministre, est-ce qu'on va vérifier ça?

M. Bégin: C'est sûr, c'est déjà commandé.

M. MacMillan: Bien, je vous remercie en sacrifice.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Prévost (André): Si vous me permettez, je vais juste ouvrir une porte. Quand on parle du langage utilisé puis de la cohérence, il y en a une autre, nous, qu'on a soulevée, que vous n'avez pas resoulevée par après, puis c'est l'article 66, le nouvel article 66 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui, dans le deuxième paragraphe, dit, par exemple, que si les déchets ont été déposés ou rejetés dans un lieu non autorisé, le propriétaire, locataire ou tout autre responsable de ce lieu est tenu de prendre les mesures nécessaires pour que les déchets soient enlevés et mis dans un endroit autorisé.

Or, si on parle un peu de cohérence, puis on va parler de terminologie, quand on regarde les derniers amendements qui ont été apportés à la Loi sur la qualité de l'environnement – ils remontent à quelques années – à 31, 42 et 43 de la loi, on a créé le principe du pollueur-payeur. Donc, on a voulu faire assumer la responsabilité pas par une victime innocente qui s'adonne à être locataire de l'endroit où quelqu'un est venu sauvagement déposer des déchets, mais à la personne qui est responsable. On a adopté le règlement sur les matières dangereuses qui est entré en vigueur l'an dernier et, encore là, à l'article 9 on crée l'obligation, pour la personne qui a rejeté la matière dangereuse, de la ramasser. On a modifié le règlement sur les produits pétroliers très récemment. On a gardé la même disposition qu'à 69 où on dit encore: C'est la personne qui a émis le gaz ou le produit pétrolier qui est responsable de le ramasser.

Et là, par le biais de l'article 66, on s'éloigne de la notion de pollueur-payeur. Et, maintenant, on essaie d'allonger le bras pour aller chercher le propriétaire du site ou le locataire qui pourrait, en principe, ne rien avoir à faire avec le dépôt illégal, et même ne pas le savoir, puis qui va être pris pour ensuite le nettoyer. On parlait tantôt de mots, là on parle aussi un peu de cohérence dans l'approche qu'on a adoptée au cours des cinq ou six dernières années.

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Bégin: Avec la permission – le Barreau a pris un petit moins de temps que prévu – j'aimerais compléter peut-être les échanges sur deux volets qui ont été soulevés. Comme j'avais épuisé mon temps, je n'ai pas pu en parler. J'apprécierais pouvoir le faire si l'opposition le voulait.

Le Président (M. Lachance): Ce que je peux vous indiquer, M. le ministre, à ce moment-ci, c'est que, effectivement, lors de la présentation des gens du Barreau, ils ont compris que ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. Ils ont pris à peu près la moitié du temps qui leur était imparti. J'avoue que j'ai été confondu parce que j'avais un préjugé à l'égard des avocats et puis...

M. Bégin: Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, il resterait...

M. Bégin: Vous avez fait oeuvre utile aujourd'hui, messieurs.

M. Prévost (André): Un préjugé vient de sauter.

Le Président (M. Lachance): Avec le consentement des membres de la commission, je serais disposé... étant donné que vous avez débuté à 10 h 35, et il resterait peut-être un sept minutes, là, pour qu'on entre dans l'heure qui était réservée. Alors...

M. Bégin: Ça va?

Le Président (M. Lachance): Oui, ça pourrait être divisé des deux côtés, pas de problème. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Alors, de manière très précise, poursuite contre l'opérateur d'un site, capacité de la personne qui obtient le jugement de prendre l'argent, dans le fond, moi, je trouve que l'idée est bonne. Je me demandais si, pour y arriver, on ne demandait pas que le ministre soit mis en...

Une voix: Mis en cause.

M. Bégin: ...mis en cause, qui permettrait de régler le problème en bout de piste par le jugement. Je voulais vous poser la question de la technicalité, comment on devrait le faire? Et je vous suggère ça. Deuxièmement, pour la question de la politique, je vous référerais à votre expérience, messieurs, de l'article 2.1 de la Loi de la qualité de l'environnement qui dit: «Le ministre a la responsabilité d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables [...]. La politique adoptée par le gouvernement doit être publiée à la Gazette officielle du Québec

Est-ce que cette technique-là, additionnée d'une consultation qui devrait être préalable à sa publication, améliorerait sensiblement votre perception du concept de la politique?

M. Giroux (Lorne): N'importe quelle mesure qui prévoit une adoption formelle et une mesure de publicité serait meilleure que ce qui est ici. Maintenant, je vais vous donner un exemple qui a posé, à mon avis, et qui pourrait poser certains problèmes. Vous vous souvenez du document d'orientation en matière de protection et de développement des activités agricoles à partir duquel on évalue la conformité des règlements locaux. Alors, ce document-là a été adopté par une décision du Conseil des ministres qui est autre qu'un décret. Donc, il n'a jamais été publié.

Il existe un document qu'on peut obtenir au ministère des Affaires municipales, au ministère de l'Agriculture. Mais, quand on regarde la façon dont ça s'est fait, c'est une décision du Conseil des ministres mais qui n'était pas un décret. Et, d'ailleurs, si vous regardez dans la liste des décrets de l'année à la Gazette officielle , il est introuvable. Et ça, pour nous, c'est dangereux, dans la mesure où il y a des documents qui finissent par avoir un effet direct puis qui n'ont pas...

M. Bégin: Non, je comprends. Mais c'est pour ça que j'énonçais 2.1 qui est un modèle, mais «consultation» évidemment peut revêtir une forme juridique bien connue pour éviter ce que vous soulevez. Il ne s'agit pas de contourner ou de passer à côté, il s'agit de dire: Est-ce que ça, bien habillé juridiquement, répondrait à votre...

M. Giroux (Lorne): La seule difficulté avec une politique comme ça, c'est que, comme ce n'est pas un règlement, ça échappe aux mesures de consultation de l'article 124. L'article 124 prévoit la prépublication de tout projet de règlement avec une période où l'on peut présenter ses observations.

M. Bégin: Oui. Mais on pourrait le permettre.

M. Giroux (Lorne): À ce moment-là, si la loi le permet... Parce que, à l'heure actuelle...

M. Bégin: C'est ce que j'ai dit, là.

M. Giroux (Lorne): O.K.

M. Bégin: On pourrait permettre une consultation additionnelle à ce que l'on retrouve à 2.1 où il n'y a pas de consultation formelle.

M. Giroux (Lorne): Parfait. Parce que, dans le cas de la politique de protection, il n'y en a pas eu.

(11 h 30)

M. Bégin: Non, je sais. C'est pour ça que j'ai dit: J'ajoute la consultation, parce que j'étais bien conscient qu'elle n'était pas là.

M. Giroux (Lorne): Ça, certainement, c'est une importante amélioration à nos yeux.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, pour le mot de la fin.

M. Whissell: Oui. J'ai deux questions. Au niveau de la valorisation, vous en faites mention, et on a entendu les gens de la Communauté urbaine de Québec qui, eux, bon, ils brûlent des déchets puis, dans leur esprit, ils font de la valorisation, ils créent de la vapeur puis ce n'est pas de l'incinération, mais vous, le Barreau, je me posais la question: Est-ce que vous vous êtes arrêtés à savoir qu'est-ce que l'incinération, qu'est-ce que la valorisation? Parce que le projet de loi et, encore une fois, les voeux pieux du ministre, la politique, c'est assez flou puis, même, c'est en contradiction avec leur programme électoral. Ça, c'est ma première question.

La deuxième, vous faites mention, ici, que le projet de loi comporte une faiblesse majeure au niveau de la participation des citoyens et vous ne dites pas pourquoi; vous dites que ça mine considérablement la crédibilité et l'efficacité de la démocratie. J'aimerais ça que vous expliquiez votre point de vue. Alors, deux questions.

M. Giroux (Lorne): Sur la première question, M. le Président, on a parlé tout à l'heure des lois spéciales, les deux lois de moratoire. Dans ces lois-là, l'incinération, ça se rattache à l'élimination des déchets. Et là, ici, il y a un problème qui se pose subitement. Ce qui était de l'élimination devient de la valorisation, et, pour nous, il y a un problème de cohérence important. Ça, c'est le premier point.

M. Piette (Jean): Effectivement, la combustion de déchets pour fabriquer de l'énergie est à la fois, selon les définitions ici, de l'élimination et de la valorisation. Alors, il y a un chevauchement des deux définitions qu'il faudrait absolument corriger, d'après nous.

Je voudrais peut-être répondre à une question posée par le ministre. Pour ce qui est de la question du fonds en fiducie, il y a des possibilités effectivement qu'un jugement rendu sur une action d'un citoyen en vertu du pouvoir d'injonction du droit à la qualité de l'environnement, je crois que... il y a déjà l'article 19.5 qui prévoit la mise en cause du Procureur général. Alors, si effectivement les conclusions recherchées par le requérant mettent en cause l'accès au fonds en fiducie, je pense que le Procureur général pourra intervenir, faire les représentations pour que l'ordonnance du juge tienne compte du rôle du ministre ou identifie clairement les intervenants qui pourront utiliser ou avoir recours au fonds en conformité avec la loi.

M. Giroux (Lorne): Mais, par ailleurs, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): En terminant, s'il vous plaît.

M. Giroux (Lorne): ... – oui – si c'est une action en dommages, M. le ministre, là, la mise en cause de 19.5 ne s'appliquera pas parce que 19.5, c'est le cas d'une injonction. Alors, il faudrait le prévoir à quelque part.

M. Bégin: C'est pour ça que la mécanique devrait être harmonisée pour tenir compte de cette situation-là. Mais, juste un détail, si c'est une action en dommages sur une question de comportement mais qui n'est pas environnementale, est-ce que vous penseriez qu'à ce moment-là on pourrait puiser à même ce fonds-là?

M. Giroux (Lorne): Bien, je m'imagine mal, parce que là on parle dans le futur. Par hypothèse, c'est après la fermeture du site. Donc, les hypothèses autres que environnementales m'apparaissent moins plausibles.

M. Bégin: Vous avez raison.

M. Whissell: Je n'ai pas eu de réponse à ma deuxième question.

M. Prévost (André): Quant à votre deuxième question, je vais y répondre, moi. Je pense qu'on réfère justement au principe que la politique ne nécessite pas une consultation préalable des gens, ce qu'un règlement ou une loi fait. Alors, je pense que c'est surtout ça qu'on visait dans la phrase que vous avez relevée.

Le Président (M. Lachance): Alors, messieurs du Barreau, merci beaucoup pour votre participation remarquée et remarquable aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant les représentants de la Grappe de développement des industries de l'environnement à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Grappe de développement des industries de l'environnement inc.

M. Blouin (Gaétan): Bonjour. Mon nom est Gaétan Blouin. Je suis président-directeur général de la firme Sani-Gestion ONYX et ce matin j'interviens au niveau de la Grappe de développement des industries de l'environnement. M'accompagnent M. Charles Tremblay, président-directeur général de la société Matrec, et M. Philippe Guérin, de la firme Cintec.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue messieurs. Vous avez 20 minutes de présentation pour nous faire part de vos commentaires sur l'avant-projet de loi.

M. Blouin (Gaétan): La Grappe des industries de l'environnement représente les industries qui ont à exploiter des entreprises avec, comme clientèle, le milieu de l'environnement. Ce n'est pas comme une industrie dont des lois environnementales sont un accessoire. Pour nous, l'avant-projet de loi est le résultat de consultations publiques répétitives qui ont eu lieu dans le passé de tous les intervenants, et nous accueillons ce projet de loi là d'une façon très favorable. Pour nous, ça représente, en quelque vue, une étude de marché. Parce que notre marché, c'est chacun des citoyens du Québec, ce sont les municipalités, ce sont les MRC, et les industries, et les commerces.

On a à développer notre industrie avec des contraintes environnementales. C'est notre fonction principale de développement de marché. Nous avons évolué d'une façon très importante depuis, je dirais, une vingtaine d'années. On était des entreprises de cueillette, on est devenu des entreprises exploitantes de centres d'enfouissement pour, par la suite, devenir des entreprises qui se sont impliquées dans le recyclage et la valorisation des matières résiduelles. Donc, en résumé, nous accueillons très favorablement l'avant-projet de loi.

Nous allons intervenir sur trois éléments que nous considérons importants. Je ne veux pas faire une lecture de notre mémoire. Chaque personne présente ici en a eu copie. Notre intervention portera premièrement sur la politique importante qui est au niveau de la régionalisation. Ensuite de ça, nous allons intervenir sur certaines définitions de méthodes de valorisation ou l'élimination, parce que je crois qu'au niveau du public souvent il y a difficulté à interpréter: Est-ce que, exemple, j'entendais précédemment, l'incinération, c'est de la valorisation? D'un autre côté, est-ce que des centres de transfert, c'est des centres de traitement ou des centres d'élimination? Ça fait qu'on va faire une intervention là-dessus. Et notre dernière intervention: au niveau des fiducies.

(11 h 40)

Au niveau de la régionalisation, nous croyons que c'est l'opinion partagée de toute la population et que c'est une politique qui vient de plusieurs intervenants. Nous sommes pour que les MRC interviennent dans les décisions au niveau de la gestion de leurs matières résiduelles. Le seul élément que nous aimerions apporter à la commission, c'est au niveau de l'aspect décision d'importation de déchets solides d'autres régions. Nous croyons qu'il est du ressort des MRC de définir le cadre d'implantation des lieux d'enfouissement, de définir les conditions. Cependant, la décision, je dirais, finale ou la décision importante de l'effet d'importer des déchets devrait revenir à la municipalité hôtesse du centre d'enfouissement, car c'est surtout la municipalité qui a les contraintes d'avoir un centre d'enfouissement dans sa ville, et ce n'est pas toutes les municipalités qui forment la MRC qui vont avoir les contraintes.

Un autre aspect qui est une réalité de tous les jours, l'aspect économique. Présentement, au Québec, il y a environ quatre mégacentres d'enfouissement. Ces centres d'enfouissement là sont implantés dans certaines municipalités. Ces municipalités-là reçoivent des compensations financières qui portent les politiciens municipaux à être plus accueillants au niveau de centres d'enfouissement. Si les MRC s'impliquent de plus en plus sur la décision d'importation de déchets, je crois que toutes les municipalités de la MRC vont vouloir une compensation financière et nous croyons que c'est la municipalité qui a à vivre à tous les jours avec le centre d'enfouissement qui devrait avoir la décision.

Donc, nous accueillons favorablement la régionalisation au niveau de l'implantation et que ça soit la MRC qui prenne la décision, et, au niveau de l'acceptation d'importation de déchets, qu'elle revienne à la municipalité hôtesse. C'était notre intervention au niveau de la régionalisation.

M. Charles Tremblay va nous parler au niveau de certaines définitions que nous aimerions éclaircir au niveau de l'avant-projet de loi. Merci.

M. Tremblay (Charles): Donc, les industries membres de la Grappe sont les industries qui gèrent essentiellement... Pas toutes parce que certaines municipalités, ou communautés urbaines, ou régies gèrent leurs déchets. Mais, en général, les matières résiduelles, les déchets dangereux sont gérés par des industries membres de la Grappe. Mais, en général, ce ne sont pas nos déchets non plus, hein, ce sont les déchets des citoyens, ce sont les déchets des villes, des régies et des industries.

Et, comme le disait M. Blouin, nous autres, on évolue et on fait notre activité en fonction de la réglementation qui existe. C'est un peu notre cadre de jeu. C'est elle qui fixe le marché, et, quand les règles sont claires, notre industrie évolue là-dedans parce que les règles sont claires et elles nous donnent finalement la marche à suivre et créent le contexte économique pour développer des outils et des modes de gestion, donc, plus axés vers la récupération, le traitement, la valorisation et l'élimination.

Et, à notre avis, pour qu'il y ait des règles claires, bien ça prend des définitions claires. Et nous voulons apporter ici une attention particulière... Parce que, dans le projet de loi, nous n'avons vu que deux définitions: celles d'élimination et de valorisation. Et nous croyons qu'on tente de mettre un paquet d'activités dans deux définitions qui n'ont pas nécessairement les mêmes fins.

Donc, dans un but de clarté... Et je pense que, de toute façon, un projet de règlement ou un projet de loi, c'est de la sémantique, donc c'est sur la base des mots. Nous voyons mal la notion de transfert et de traitement à même la définition d'«élimination». Il y a peut-être effectivement des raisons ou des objectifs par après pour assujettir certaines conditions similaires à l'élimination à ces activités-là, mais il y a d'autres façons de le faire que de les inclure dans une même définition.

Pourquoi on voit mal le transfert et les traitements à même la définition de l'élimination? Dans certains cas, le transfert, c'est une activité qui est une activité purement de collecte. Donc, c'est du regroupement de matières résiduelles ou de déchets dans le but d'économiser des coûts de transport ou dans le but de faire des regroupements. Les normes de transport sont de plus en plus sévères. Donc, malgré la régionalisation, les centres de transfert sont appelés à devenir de plus en plus présents.

Il y a la notion de transfert dans les déchets ou les matières résiduelles d'origine banale, mais il y a aussi la notion de transfert dans les matières dangereuses. Dans les matières dangereuses, les activités de transfert vont représenter des activités de tri, de regroupement vers la valorisation ou de regroupement vers l'élimination. Certains vont voir les activités de transfert comme un obstacle à la régionalisation, mais ce n'est pas dans la définition qu'on devra régler ce problème-là, ça sera dans le règlement ou ailleurs.

Tantôt, on a soulevé – puis c'est un peu notre avis aussi – la définition de valorisation, la production d'énergie comme un élément de valorisation, alors que l'incinération, qui, dans la majorité des cas, est une création d'énergie, est traitée comme de l'élimination. Et on comprend mal, d'autant plus que, dans le plan d'action du gouvernement, toutes ces définitions d'«élimination», de «transfert», de «traitement» et de «valorisation» sont, à notre avis, très claires et pourraient être reprises dans la loi, et devraient être reprises dans la loi, et pourraient simplifier après ça beaucoup la compréhension du règlement qui va suivre ou la compréhension de cette loi-là. Je vais laisser la parole à M. Guérin pour la partie des fiducies.

M. Guérin (Philippe): Bonjour. Mon nom est Philippe Guérin, responsable du comité sectoriel sur les sols de la Grappe des industries de l'environnement.

Le mémoire du secteur sol déposé à la commission parlementaire comprend 10 recommandations et des commentaires d'ordre légal, d'autres faisant référence à des définitions et, enfin, des commentaires de fond sur le projet de loi. Ce mémoire a été préparé, revu, approuvé par toutes les compagnies qui siègent sur ce comité. Et d'ailleurs, sur ce comité, on retrouve la majorité des compagnies québécoises impliquées dans le traitement et l'élimination des sols.

Dans mon intervention, je ne m'en tiendrai qu'aux commentaires de fond et je vais commencer à les aborder. Actuellement, les certificats d'autorisation qui régissent les activités des sites d'enfouissement sont gérés à la carte et la Grappe approuve un projet qui normaliserait la gestion des sites. Toutefois, l'utilité de cette démarche ne pourra être appréciée que lorsqu'un projet de règlement permettra d'évaluer concrètement les mesures préconisées. Or, le présent avant-projet ne présente aucune mesure qui nous permette de porter un jugement sur son mode réel d'application. Il semble donner des pouvoirs extraordinaires au ministre sans donner de balises.

Il est donc essentiel que le projet de règlement sur la gestion postfermeture soit connu et commenté avant la sanction de tout amendement législatif. En particulier, l'avant-projet risque de créer des iniquités entre les différentes entreprises, et le règlement devra s'assurer que les sites d'enfouissement non commerciaux sont aussi assujettis aux mêmes règles que les sites commerciaux. Il faudra, de plus, s'assurer de la cohérence entre les sites actuels et les modifications qui y seront apportées par voie de règlement. Il est entendu qu'en ce qui concerne les futurs sites la gestion sera plus facile étant donné qu'il n'y aura pas à gérer d'effets rétroactifs. La Grappe invite le ministère de l'Environnement à la contacter dès la phase d'élaboration de ce futur règlement.

Le fond de notre intervention concerne toutefois l'institution de fiducies. La Grappe s'interroge sur le principe de fiducies en tant qu'instruments juridiques, et le ministère de l'Environnement n'a engagé aucune discussion avec notre secteur pour rechercher un instrument qui convienne le mieux pour s'assurer de la gestion postfermeture des sites.

(11 h 50)

L'instauration de fiducies est lourde, immobilise des fonds précieux et semble viser la mauvaise cible. Elle est lourde, car la gestion des fiducies est coûteuse. Elle immobilise des fonds précieux, car nos sociétés ne peuvent, par la nature de leurs activités, trouver du financement. Diminuer notre fonds de roulement met notre secteur dans une situation précaire. Elle vise la mauvaise cible parce que les générateurs de sols contaminés sont les responsables de la contamination. C'est là, à notre avis, le point le plus critique du présent avant-projet.

Premièrement, les fiducies proposées sont attachées site par site à des lieux d'enfouissement commerciaux seulement. Or, beaucoup de sites non commerciaux existent et continuent d'être autorisés par le ministère. Ceux-ci doivent impérativement être soumis au même régime. Que fera le ministère de l'Environnement si une cellule non commerciale appartenant à la société X, Y, Z non protégée par une fiducie fait défaut? Qu'arrive-t-il si X, Y, Z fait faillite? Nous pensons que ce sont tous les générateurs qui doivent contribuer à une fiducie qui pourrait être appliquée à n'importe quel site ayant un problème. Cela permettrait aussi de régler le problème lié à la compétitivité des sites québécois. En effet, les sols ont le droit de circuler vers les USA et les autres provinces, et ajouter des coûts supplémentaires aux sites québécois revient à les rendre non compétitifs.

Par contre, si les générateurs doivent contribuer au fonds en lieu et place des exploitants, cette situation serait remédiée. Autrement, le ministère devra, de la même façon que pour les matières résiduelles, contrôler la libre circulation des sols contaminés vers les USA ou les autres provinces.

Enfin, pour étendre encore plus le débat, si le principe de fiducie est valable pour les opérateurs de sites commerciaux, pourquoi l'avant-projet ne prévoit-il pas que cette mesure soit appliquée aux sites contaminés pour lesquels leurs propriétaires ne prennent aucune action? Ces sites contaminés sont, en effet, sans protection et constituent un plus grand danger pour l'environnement que les sites commerciaux, qui, eux, sont contrôlés et munis de toutes les mesures de protection imposées par la loi.

Au niveau des modalités – je finis – aucun article de l'avant-projet ne prévoit un droit de regard du constituant de la fiducie sur son utilisation. Dans le contexte proposé par l'avant-projet, soit que seulement les exploitants contribuent à une fiducie, cette absence de droit de regard est inquiétante. En effet, il arrive que le ministère agisse sur la base de pressions médiatiques ou sociales. Le constituant doit donc pouvoir protéger les montants qu'il aurait accumulés et qui devraient être utilisés à bon escient.

Comme vous le voyez, l'avant-projet prend par surprise les exploitants de lieux d'enfouissement. Ils n'ont jamais été consultés quant aux modalités, aux solutions de rechange ou alternatives ou quant à son inclusion dans un cadre plus vaste qui permettrait de gérer de façon plus globale et uniforme la problématique des sols contaminés au Québec. Il y en aurait plus long, mais je vais arrêter là.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs. J'invite le ministre de l'Environnement à amorcer la période des échanges. Ce n'est pas le président qui est responsable de ces bips-bips.

M. Bégin: Ha, ha, ha! Il semblerait que ce ne soit personne.

Une voix: Je crois que c'est un véhicule qui recule.

M. Bégin: Qui recule? Alors, pour moi, il était dans le milieu de la place. Ha, ha, ha!

Une voix: C'est un véhicule qui recule.

M. Bégin: C'est un véhicule lourd. Pour moi, c'est un véhicule lourd. Pour moi, il vient de la région de l'Outaouais. Ha, ha, ha!

Merci, M. le Président. Je vais revenir sur le fonds de fiducie, mais je commencerais par un élément que vous avez mis dans votre mémoire à la page 13 qui m'apparaît assez original. Vous mentionnez que, si une MRC a le pouvoir de dire: Vous ne mettrez pas des déchets venant de l'extérieur dans mon territoire, cette MRC là ne pourrait pas, elle-même, exporter des matières à l'extérieur de son territoire. Je trouve ça intéressant parce que je comprends qu'il pourrait arriver des cas où une MRC dise: Non, pas d'enfouissement chez nous, personne n'a le droit de venir, puis, elle-même, prendre ses matières résiduelles puis les envoyer ailleurs. C'est ça que vous dites, hein?

M. Blouin (Gaétan): Présentement, il y a quelques cas au Québec.

M. Bégin: Ah oui!

M. Blouin (Gaétan): La MRC a son centre d'enfouissement, puis c'est quelques municipalités qui font partie de cette MRC là qui, pour elles, à la limite de la MRC géographique, c'est plus rentable d'aller à côté puis de déposer leurs déchets là. Donc, on apporte l'élément qu'une MRC qui refuse l'importation doit se voir refuser automatiquement l'exportation.

M. Bégin: L'exportation. En tout cas, je vous souligne que c'est original. C'est certainement à y songer.

M. Tremblay (Charles): Non, mais c'est même – si vous me le permettez, M. le ministre – responsabilisateur parce que, à un certain niveau, donc, on parle de sites privés, ça n'arrivera pas quand une MRC est propriétaire de son site d'enfouissement là, mais dans un...

M. Blouin (Gaétan): Il y a un cas...

M. Bégin: Chicanez-vous pas. Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Charles): ...que la MRC est propriétaire de son site.

M. Bégin: Vous empirez la chose, là. C'est tout.

M. Tremblay (Charles): Ha, ha, ha! Donc, écoutez, si... Parce qu'on sait tous que l'enfouissement, plus il y a de volume, moins ça coûte cher. Donc, pour une question sociale de limiter les volumes, c'est correct. Par contre, il faut en assumer les conséquences. Donc, un site qui est fait pour recevoir 300 000 tonnes qui n'en reçoit que 50 000, bien, les municipalités qui auront pris la décision paieront le coût pour 50 000. Puis c'est très bien parce que même vous avez gardé la Commission municipale. Donc, les exploitants iront défendre en Commission municipale le pourquoi de leur prix de l'enfouissement.

M. Bégin: Parfait. Dans un tout autre ordre d'idée, en référant à l'article 53.24, il est dit que la MRC pourra obtenir des renseignements «concernant l'origine, la nature, les quantités, la composition, la destination et les modalités de récupération, de valorisation ou d'élimination des déchets qu'elle produit, remet à un tiers ou prend en charge». Et, à cet égard, vous dites: Nous craignons que ceci ne permette de connaître – et là on réfère j'imagine à des sites privés – la liste de nos clients, ce qui serait évidemment préjudiciable à l'entreprise. Pouvez-vous m'établir de quelle façon vous voyez le lien entre les deux? Parce que ce n'est pas nécessairement évident de demander qui produit quoi, quelle est la qualité des déchets, puis on donne la liste des clients. Je ne vois pas le lien nécessaire entre les deux choses.

M. Blouin (Gaétan): Présentement, la législation nous oblige à avoir des registres d'entrée sur tous ces aspects-là et qu'on fournit aux gens du ministère de l'Environnement pour fin de consultation. S'il arrive un problème environnemental, on peut retracer la provenance du déchet. Ce par rapport à quoi on a des restrictions, c'est la distribution de ces renseignements-là à une échelle plus large, c'est-à-dire à des municipalités, à des MRC. C'est sûr que la liste de nos clients apparaît dans ces registres-là, et, nous, on veut essayer de limiter la...

M. Bégin: Bien, là, écoutez. Vous dites que la liste de vos clients apparaît? Elle ne m'apparaîtrait pas essentielle. L'objectif visé n'est pas de connaître la liste des clients, c'est de connaître l'origine, la nature, la composition des matières, et ce n'est pas... Personne n'a intérêt... Bien, personne. Il y a des concurrents, oui, mais, pour faire un plan d'action, il n'est pas nécessaire de connaître les clients.

M. Blouin (Gaétan): Bon. Nous, ce à quoi on s'oppose, c'est de fournir la liste des clients. On collabore à fournir...

M. Bégin: Tout à fait d'accord avec vous, c'est une chose...

M. Blouin (Gaétan): ...la nature des déchets. Oui.

M. Bégin: C'est pour ça que je vous demande de quelle façon, parce qu'on ne voit pas le lien automatique. Vous le voyez sur le plan concret, mais, sur le plan du texte, je ne le vois pas. Maintenant, ça ne veut pas dire que ça n'existe pas. Alors, s'il y a quelque chose, je vous inviterais à nous faire des représentations légales pour dire: Bien, écoutez, enlevez tel aspect, parce que ce n'est pas ça qui est visé par le texte.

M. Tremblay (Charles): On ne l'a pas fait d'un point de vue légal. C'est l'impression qu'on a eue, que, comme citoyen corporatif, on devait fournir... Parce qu'on demande que les industries, les commerces fournissent la quantité de déchets qu'ils génèrent.

M. Bégin: Oui, mais, vous, vous n'en générez pas, vous les recevez. Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Charles): Bien, c'est ce qu'on prétend aussi, mais on ne voudrait pas se faire demander tout ce qu'on gère, là.

M. Bégin: C'est pour ça que je pense qu'il y a confusion. En tout cas, soyez assurés que ce n'est pas l'objectif. On va fermer la porte si jamais il y a quelque chose là-dessus.

(12 heures)

Je reviendrais au fonds de fiducie. Là, j'avoue honnêtement que ça me chatouille un petit peu. Vous dites, entre autres, comme un des motifs, que c'est l'exploitant qui paie et non pas le producteur. Je vous avoue que, quand je vois une exploitation... Je suis un exploitant d'un site, et, quand la loi me dit: Tu dois charger un certain montant d'argent pour chaque voyage ou à la tonne, à la verge – je ne sais pas comment ça fonctionne – pour tenir compte d'un fonds de postfermeture, d'après moi, ce n'est pas l'exploitant qui paie. Ce n'est pas son argent, c'est l'argent qui provient de celui qui amène la matière, donc soit le camionneur ou encore, à l'origine, celui qui a chargé. Alors, ce n'est qu'un percepteur, celui qui opère le fonds dans ce cas-ci, ce n'est pas son argent.

Deuxièmement, cet argent-là s'en va dans un fonds. Ce n'est pas pour lui, cet argent-là, c'est pour assurer à la population qu'après la fermeture, s'il arrive un accident ou un incident, on ait des sommes nécessaires pour réparer l'affaire et que ça ne soit pas la collectivité qui soit appelée à le faire.

Alors, quand vous dites: Ça touche à notre fonds de roulement, ou on en aurait besoin pour notre fonds de roulement, ou encore que c'est vous qui le payez, j'avoue honnêtement ne pas partager votre opinion. Et je me dis que, nous, on regarde – je parle du gouvernement – la chose sur un plan global pour assurer la pérennité des choses. Et le fait de mettre l'argent en fiducie, c'est pour être certain que, s'il arrive quelque chose, on soit en mesure d'agir et que l'argent soit disponible et non pas utilisé à d'autres fins.

Quelqu'un a mentionné un exemple tantôt, c'est des avocats qui mentionnaient le cas des BPC à Saint-Basile, hein, l'argent était – oh! – disparu. Bien, quand il y a un fiduciaire qui est mandaté de percevoir, de toucher l'argent et d'en rendre compte, bien c'est cette personne-là qui doit en rendre compte. Alors, j'essaie de comprendre pourquoi vous vous opposez à ça, puisque tout le monde va être obligé de le charger. Alors, il n'y aura pas de préjudice causé par un qui en charge, l'autre n'en charge pas, tout le monde va être obligé d'en charger, puis les prix vont se ressembler pas mal. Donc, sur le plan de la compétitivité, vous ne serez pas atteint.

M. Guérin (Philippe): J'ai deux ou trois commentaires, si vous me permettez, M. le ministre, là-dessus. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, je pense qu'il est trop tôt, pour les exploitants, à l'heure actuelle, de porter des commentaires sur le futur règlement qui va suivre. La seule chose qu'on peut lire, c'est un avant-projet de loi qui donne un certain pouvoir au ministère de fixer des sommes qui vont devoir être versées dans une fiducie.

Maintenant, il n'y a rien qui nous indique actuellement que ces sommes vont être identiques de site en site. Est-ce qu'il y aura une normalisation à ce sujet? Les méthodes de calcul sur ces sommes ne sont pas connues. C'est la raison pour laquelle on insiste sur le fait que, pour l'instant, cet avant-projet, on trouve, en tout cas, qu'il est un petit peu dangereux. Parce que c'est un peu comme un chèque en blanc, hein. On ne sait pas quelle sera la suite. Tant qu'il n'y a pas un règlement, c'est difficile de le juger.

Maintenant, pour revenir au coeur de votre intervention, les sols ne sont pas régis de la même façon que les déchets. Il existe une libre circulation des sols. Un générateur de sols contaminés peut faire affaire avec des sociétés au Québec, des sociétés aux États-Unis, des sociétés en Ontario. Quand on parle de sols qui sont soit dans l'est du Québec ou dans le Nord du Québec ou dans l'Outaouais, les distances pour se rendre en Ontario ou pour se rendre aux États-Unis sont absolument identiques que pour se rendre soit à un site à Montréal soit à un site dans la région de Trois-Rivières.

Donc, la conclusion que vous tirez que, bien oui, mais ça va s'appliquer à tous les sites québécois, elle est vrai pour des générateurs qui ne feraient affaire qu'avec des sites québécois, mais elle est fausse pour des générateurs qui ont le choix de choisir où ils veulent aller et où ils veulent bien aller avec leurs sols. Et, quand on dit: Bien, écoutez, ça va réduire notre fonds de roulement, c'est que, pour rester compétitif avec les autres sites, c'est simple, il va falloir qu'on baisse nos prix.

M. Bégin: J'ai perdu votre dernière phrase.

M. Guérin (Philippe): Il va falloir qu'on réduise nos prix, parce que, dans nos prix, vous avez raison, il va falloir qu'on rajoute puis qu'on demande un montant pour fournir...

M. Bégin: J'interrogeais les gens du ministère, on me dit qu'il y en a aussi, des fonds, ailleurs. Alors, ils chargent déjà les montants.

M. Blouin (Gaétan): Au niveau des déchets solides, toute entreprise présentement qui a une responsabilité sociale effectue ses propres provisions financières. La plupart des entreprises privées présentement au Québec prennent des provisions comptables pour...

M. Bégin: Comptables.

M. Blouin (Gaétan): ...prévoir éventuellement des coûts pour gérer des centres d'enfouissement qu'on va fermer.

Je pense qu'il y a eu beaucoup d'évolution dans notre industrie qui a fait que nos entreprises privées prennent leurs responsabilités présentement, et la plupart des entreprises qui font partie de la Grappe font des provisions comptables pour prévoir des coûts éventuels de fermeture. Et un des problèmes qu'on rencontre au niveau fiscal, c'est que nos provisions comptables, présentement, ne sont pas admissibles fiscalement parce qu'elles ne seront pas dépensées, sauf que, automatiquement, au niveau comptable, on augmente nos provisions annuellement. C'est une dette qui est là. Donc, on a une provision de prise à nos livres comptables pour parer à d'éventuels coûts futurs. Et, de plus en plus, lorsqu'on a à fournir des états financiers vérifiés, bon, bien, les vérificateurs se posent la question: Vous gérez des sites, avez-vous des provisions suffisantes pour parer à toute éventualité?

Donc, à l'interne présentement, on s'est donné cette discipline-là et on se crée des provisions comptables qui sont évaluées par des ingénieurs. Les fiducies vont apporter l'obligation de le faire pour des entreprises qui malheureusement ne le prennent pas. La seule différence, c'est qu'on va avoir des fiducies. Présentement, les fonds restent dans l'entreprise, et on a le pouvoir de virer ces provisions-là, mais elles sont déjà créées.

Et, nous, au niveau des déchets solides générés au Québec, considérant qu'on ne peut pas envoyer des déchets solides à l'extérieur de la province ou qu'on n'en reçoit pas de l'extérieur de la province, on accueille favorablement la venue des fiducies parce que ça va être les mêmes règles de marché pour tout. C'est un peu différent pour M. Guérin, c'est au niveau des sols contaminés que, lui, son marché est plus ouvert à l'extérieur de la province. C'est un peu pourquoi on s'opposait.

M. Guérin (Philippe): Puis, pour revenir au niveau du commentaire que vous avez reçu de votre ministère, s'il existe un rapport, M. le ministre, qui liste les contributions de fiducies de toutes les sociétés aux États-Unis, en bordure ou en Ontario, s'il était possible de le partager avec la Grappe, on apprécierait beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bégin: Dernière chose, si vous virez vos fonds, qu'est-ce qui arrive en termes de garantie? Si vous faites votre provision comptable pendant cinq ans, puis, au bout de cinq ans, vous dites: On en a besoin pour, je ne sais pas, moi, faire de l'expansion ou autre chose puis que vous virez l'argent, vous le prenez, quelle est la garantie qui est offerte?

M. Blouin (Gaétan): Bien, c'est sûr que, présentement, l'entreprise privée a la pleine gestion de ces fonds-là. Si, moi, j'ai une provision comptable de 1 000 000 $ puis que j'ai besoin de me servir de cette provision-là pour faire des travaux que je juge qui sont après fermeture, c'est officiel qu'on vire ces provisions-là. Mais, comme je vous disais, on accueille favorablement la venue de ces fiducies-là qui va rendre l'industrie uniforme. Parce que présentement c'est seulement les grandes sociétés qui prennent des provisions, ce n'est pas la petite entreprise privée qui va prévoir prendre des provisions.

M. Bégin: Exact.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, peut-être juste rajouter dans le débat des fiducies. Moi, j'ai été propriétaire d'une compagnie d'assurances pendant des années. Nous avions des garanties, mais elle était imposée par la loi, la garantie. Ce n'était pas au bon vouloir de l'entreprise de dire: Ça va être un peu moins, un peu plus, nos risques sont meilleurs que notre compétiteur, donc on veut avoir des garanties. Ce n'était pas ça. Le fédéral nous arrivait puis vous deviez avoir tant de garanties, et, si vous ne les aviez pas... Ils ont fermé des compagnies d'assurances.

(12 h 10)

On me fait part qu'aux États-Unis les entreprises, dans le secteur du déchet, doivent mettre leur argent dans un compte à l'EPA, et c'est l'EPA qui doit le gérer. On est loin de mettre ça dans la MRC de Saint-Tite-des-Caps, là, on met ça dans l'EPA. Et, à la démonstration même, l'EPA a même vidé les fonds là-bas parce qu'ils ont eu des crises dans les gros sites puis ils ont été obligés de vider l'argent, de un. Et ça, c'est ce que je dis au ministre depuis le début: On n'a pas idée, quand une crise prend dans un site de déchets, comment ça nous coûte.

L'autre exemple, c'est l'Irving Whale. Je veux dire, il y avait une assurance collective pour les bateaux effectivement. Un beau jour, l'Irving Whale s'est rivé le nez et on s'est aperçu que ce fonds-là n'était pas suffisant. Alors, imaginez-vous: toutes les compagnies de bateaux devaient prévoir des sommes, on s'aperçoit qu'une seule barge va couler puis ça ne sera pas suffisant. Le fédéral, je pense qu'on est rendu à 25 000 000 $ de manque dans le fonds en fidéicommis pour sortir ces bateaux-là.

Alors, moi, j'aime bien ça quand vous me faites les grandes valses, les entreprises, ici sur des fonds en fidéicommis, mais l'expérience démontre, à sa face même, que ces fonds-là n'ont pas été suffisants ailleurs et qu'il faut être un peu plus sévère.

Ceci dit, étant donné que votre mémoire... Vous êtes comme les 32e qu'on entend depuis deux semaines puis on va en entendre. J'aimerais ça vous questionner sur un autre sujet, d'un autre document qui vient de vous, dont Le Devoir a pris connaissance hier, le document de la Grappe de l'industrie sur l'environnement que vous avez envoyé à Bernard Landry, où vous dites que le pire des scénarios est en train de se réaliser, c'est le plongeon, dans l'industrie de l'environnement au Québec, dans votre Grappe, qu'on a créé trois fois moins de main-d'oeuvre que les pays de l'OCDE. Vous nous dites comment, dans la première partie de la décennie, on a créé beaucoup d'emplois, comment on est après les perdre, ces emplois-là. Moi, j'aimerais vous entendre, comme industrie. Cette industrie-là, elle est importante au Québec, et il me semble que ce que vous dites à Bernard Landry, il faut l'entendre ici aujourd'hui.

M. Guérin (Philippe): Écoutez, je pense que notre intervention aujourd'hui, c'est une intervention qui voudrait uniquement se faire au niveau des commentaires qu'on a apportés auprès de la commission. Il y a aujourd'hui une conférence de presse qui est faite par la Grappe des industries de l'environnement à Montréal pour rendre publique cette lettre incluant certains documents auxquels on voudrait sensibiliser le gouvernement. Si vous nous le permettez, on préférerait que ce débat se passe lors de cette conférence de presse et non pas ici.

M. Benoit: Vous dites dans cette étude: Le phénomène est si important que l'industrie québécoise de l'environnement est en train de perdre ses acquis et de se déstructurer. Alors qu'on va demander à l'industrie de prendre des positions importantes dans le secteur de l'environnement plus que jamais, vous êtes après nous dire, cet après-midi, à Montréal, que cette industrie-là est après se déstructurer. Il n'y a pas un double discours? D'ailleurs, vous dites au ministre qu'il tient un double discours, un peu plus loin dans le mémoire. Vous dites au ministre que les signaux qu'il a envoyés à l'industrie ont été tellement négatifs depuis toujours que vous ne savez plus sur quel pied danser.

J'aimerais ça vous entendre. On va bien sûr écouter la conférence de presse, le ministre en différé et moi en direct, si possible. On aimerait ça vous entendre un peu sur ce qui va être dit à cette conférence de presse là, un peu plus tard cet après-midi. On a déjà en notre possession le mémoire, bien sûr.

M. Guérin (Philippe): Écoutez, je pensais que j'avais été compris la première fois. J'aimerais qu'on aille ici... Il nous reste un quart d'heure pour discuter de nos commentaires. On est très sensibles à ces points-là, M. le député, c'est un élément qui est important pour nous, mais je préférerais, encore une fois, prendre le temps ici pour discuter de nos commentaires et de la question de fiducie.

M. Benoit: Vous savez, autant le ministre que nous, on essaie de créer des emplois au Québec, et, dans la politique du ministre, une des façons de créer de l'emploi va être par l'industrie de l'environnement. Il nous a annoncé qu'il va annoncer, dans les prochaines semaines, 6 000 000 $ pour la création d'emplois, et, au même moment, vous nous dites que l'effort qui avait été fait dans les cinq premières années, on l'a perdu dans les cinq dernières années. Est-ce qu'on peut revirer le vent de bord? C'est la question que je vous pose. Est-ce qu'il est temps de poser des gestes pour revirer le vent de bord au Québec dans l'industrie de l'environnement?

M. Tremblay (Charles): C'est sûr que, nous autres, ce qu'on demande, l'industrie de l'environnement, en général – je vais peut-être parler plus personnellement – c'est des règles claires, des règles qui s'appliquent à tous, que ce soit un organisme public, privé. L'environnement, c'est le même pour tout le monde. Dans ces règles du jeu, là, claires, nous autres, on va se développer, on va être créatifs, on va arriver avec des solutions, on va créer des emplois, on va faire plus de récupération, moins de récupération, dépendamment. Ça, c'est au gouvernement à fixer ces politiques-là.

Par contre, on veut des règles claires, équitables, simples. Et, si on se rapporte à ce projet de loi là, donc, on veut que le projet de loi aboutisse, on veut que le projet de règlement aboutisse. Ça fait 10 ans personnellement que je m'attends à ce qu'il soit pour aboutir l'année prochaine. On veut que ça aboutisse même s'il y a des erreurs dedans, on fera du lobby après pour les corriger. Mais donnez-nous des règles claires, équitables qui sont les mêmes pour tous, puis l'activité va se créer, les emplois vont se créer puis les nouvelles technologies vont arriver.

On possède souvent les nouvelles technologies, mais on n'a pas le marché pour les appliquer parce qu'on marche – bon, je parle pour le déchet – par soumission publique, le plus bas soumissionnaire. Et une ville va nécessairement choisir le meilleur coût. Si l'enfouissement est le meilleur coût, elle va prendre l'enfouissement. Puis, si le meilleur coût, c'est un site d'enfouissement qui a un permis, bien c'est beau, puis peu importe s'il est dans sa région ou pas, qu'il soit à 100 km de chez eux ou à 250 km. C'est un autre parti du gouvernement qui a créé ces règles-là puis je pense qu'il faut être cohérent là-dedans. Donc, fixez-nous des règles, des lois puis on va jouer là-dedans.

M. Benoit: L'industrie de l'environnement nous dit qu'effectivement, dans le secteur du déchet ou des matières résiduelles, quand elle va en soumission, le municipal a un avantage sur vous, l'industrie, parce qu'il ne paie pas le 15 % de TVQ, TPS. Est-ce que c'est un des points? Je ne l'ai pas vu dans le mémoire, je ne l'ai pas retrouvé dans le mémoire. Mais certaines industries prétendent que c'est une compétition – comment dirais-je – peut-être pas déloyale parce que les règles sont là, mais une compétition qui n'est pas égale tout au moins, je veux dire.

M. Blouin (Gaétan): C'est officiel que cet écart-là, surtout au niveau d'un centre d'enfouissement... Lorsque c'est un centre d'enfouissement qui est possédé par une MRC, elle ne charge pas la TPS et la TVQ, alors que l'entreprise privée charge ces deux taxes-là. Ce n'est pas un avantage ou désavantage au niveau de l'entreprise, parce que toutes les entreprises, on a notre crédit sur les intrants, sauf que les municipalités n'ont pas 100 % de crédit sur leurs intrants. Je ne me souviens plus c'est quoi, le pourcentage, peut-être que 75 % des deux taxes leur sont remboursées.

Donc, pour une municipalité, ça coûte moins cher faire affaire avec une autre MRC ou une autre municipalité que faire affaire avec l'entreprise privée, et ça, au niveau de la cueillette, au niveau de ces aspects-là. Mais je crois honnêtement que l'entreprise privée est capable de compétitionner n'importe quelle municipalité au niveau de ces services qu'elle peut offrir même si la municipalité a cet avantage-là.

M. Benoit: Une dernière question. Encore une fois, j'aurais bien aimé qu'on parle de ce mémoire que vous déposerez. Il me semble qu'il y a tellement de choses intéressantes et importantes là-dedans dont le ministre aurait pu s'inspirer dans les prochaines heures, mais enfin, on y reviendra. C'est notre rôle, nous, dans l'opposition, de faire connaître ces documents-là au ministre.

Vous dites dans votre mémoire, et vous êtes un des seuls qui dites ça: «En ce qui concerne le contrôle de l'élimination, transmettre les responsabilités aux municipalités plutôt qu'aux MRC.» Il n'y a pas grand-monde qui nous a dit ça. On va entendre l'UMQ la semaine prochaine. J'imagine qu'eux nous diront ça. Mais il y a très peu de monde qui nous a dit ça.

On a pu percevoir d'autre part des conflits entre certaines municipalités, Drummondville et Saint-Nicéphore, où, là, Saint-Nicéphore nous dit qu'ils ne veulent rien savoir de la MRC, etc. Il n'y a pas un danger à confier ça, un gros site, à une petite ville où, là, ces petites municipalités là n'ont pas toutes l'équipe pour être vigilantes, n'ont pas toutes l'équipe pour être audacieuses face à la compagnie? Est-ce qu'on n'est pas mieux finalement avec une entité un peu plus large, plus lente, pour prendre ce genre de décision là?

M. Blouin (Gaétan): Nous, on préfère que ça soit confié à la municipalité pour un élément de la décision, l'élément d'importation des déchets, le seul élément pour lequel on préférerait que ça soit la municipalité qui l'ait, ce pouvoir-là. Tout le pouvoir de réglementation ou de surveillance de centres d'enfouissement ou d'élaboration de stratégies pour le développement d'un centre d'enfouissement, je crois que c'est de la gestion de la MRC. C'est elle qui gère normalement le territoire de toutes ces municipalités-là.

(12 h 20)

L'argument que, nous, on apporte pour que ça soit la municipalité: nous considérons que c'est elle qui a les contraintes du centre d'enfouissement. Puis aujourd'hui la réalité, c'est que, pour réussir à développer un centre d'enfouissement, que ça soit par une entreprise privée ou une MRC ou une régie, l'aspect économique est un aspect important dans la prise de décision.

Il y a certaines municipalités qui reçoivent des compensations financières présentement et qui veulent d'autres déchets. Il y a des mégasites présentement qui reçoivent 800 000 tonnes, 1 000 000 de tonnes, puis la municipalité est prête à en recevoir d'autres. Puis, de l'autre côté, les mégasites, c'est les seuls qui réussissent à faire une exploitation de centre d'enfouissement qui respecte toutes les normes environnementales au niveau de la gestion des eaux ou de la gestion des gaz, parce qu'elle a les moyens financiers et c'est la plus concurrentielle.

Si on parle de la région de Montréal, on parle de prix d'enfouissement de 20 $ à 25 $. Dans la région de Québec, on a un incinérateur et ça en coûte 85 $. Certaines petites municipalités qui ont leur propre centre d'enfouissement sont prises avec des coûts de 75 $. Malheureusement, économiquement, un centre d'enfouissement, plus qu'il y a de tonnes, plus que t'as les moyens financiers d'investir dans ta gestion environnementale et de donner des compensations financières pour des municipalités qui sont prêtes à l'accepter. Puis c'est la seule façon de combler une municipalité parce qu'un centre d'enfouissement, ce n'est pas une industrie génératrice d'emplois.

M. Benoit: Quand vous dites qu'une municipalité est la seule à avoir les problèmes, permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous. Le site du canton de Magog, il y a des répercussions négatives dans la ville de Magog, dans la ville de Stanstead, dans la ville d'Ayer's Cliff, etc. Donc, le site est dans le canton de Magog – on les a rencontrés hier – mais il n'y a pas seulement le canton de Magog qui a des répercussions négatives ou positives, hein, parce que...

M. Blouin (Gaétan): Bon. Les répercussions sont quoi? Au niveau du transport?

M. Benoit: Au niveau du transport particulièrement, les bruits, les poussières, les papiers le long de la route, le défonçage des routes, bon, etc. Alors, c'est si vrai que Saint-Nicéphore va bâtir une route par en arrière pour entrer sur le site. Alors, c'est ce que j'essaie d'expliquer. Dans votre raisonnement, vous dites que c'est seulement la ville qui a le site qui a des problèmes. Moi, je vous dis: C'est relativement vrai.

M. Tremblay (Charles): Mais tout ça va aussi avec une question de responsabilisation. Donc, c'est ceux qui ont les impacts qui vont prendre les décisions, qui, à notre avis, doivent prendre les décisions, et, si c'est toute une région, bien, que cette région-là soit responsabilisée face à ses décisions. Donc, si elle empêche d'importer, qu'elle n'exporte pas elle-même, et que toutes les parties constituantes de cette MRC, qu'elles soient d'accord ou pas en accord avec la décision, soient obligées de...

Dans toutes les MRC où est-ce qu'il y a des sites, il y a toujours une ville ou une industrie – parce que là on parle des municipalités, mais ça pourrait être vrai pour les industries – il y a toujours des gens qui exportent leurs déchets, puis c'est ces mêmes gens-là qui prennent la décision de dire: On n'en veut pas de nos voisins. Et, au bout de la ligne, s'il y a une responsabilisation, s'il y a un coût à une décision comme ça pour les municipalités qui la prennent, bien il n'y a pas de problème: le jeu de pouvoirs va se faire entre ne pas recevoir de déchets, en recevoir un petit peu ou recevoir uniquement les déchets des villes constituantes de la MRC.

M. Benoit: Messieurs, ce qu'on a compris depuis cinq jours, c'est que le fait d'avoir attendu 10 ans avant de déposer l'avant-projet de loi, ça a eu des conséquences environnementales. Ce qu'on va apprendre cet après-midi, à partir de votre mémoire, c'est que ça a eu des conséquences sur l'emploi et bien sûr des conséquences économiques. Je vous remercie d'avoir été ici après-midi. Bonne journée.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Je suis contente d'entendre le député d'Orford dire que les retards de 10 ans doivent être corrigés, et c'est ce qu'on essaie de faire.

Moi, j'aimerais ça demander à nos invités aujourd'hui... Je reviens sur votre phrase où vous dites que la fiducie ne devrait peut-être pas être la seule forme de fonds retenue. Moi, je connais seulement une industrie où il y a une obligation de créer un fonds, par le biais d'un fonds d'amortissement quelconque, pour la réhabilitation du site une fois l'activité terminée, et c'est l'industrie nucléaire, que vous connaissez peut-être, où est-ce que, de mémoire, c'est une loi fédérale qui oblige les propriétaires de centrales de production d'électricité d'origine nucléaire à prévoir un fonds pour la décontamination et la remise en état du site, après les 30 ans de vie utile de la centrale. Alors, ça, c'est une obligation qui est législative, quand même.

Est-ce que vous connaissez d'autres secteurs industriels où il y a une obligation semblable et où il y a des exigences, que ce soit dans le code de comptabilité des différents ordres professionnels ou dans la loi purement et simplement d'un État, ou d'une province, ou d'un pays?

M. Guérin (Philippe): De plus en plus, les ordres professionnels de comptables demandent, en fait imposent, dans la préparation des bilans de compagnies, surtout lorsqu'il s'agit de compagnies publiques, de constituer des provisions, un petit peu comme on a parlé tantôt, qui permettraient de remédier à certains problèmes environnementaux que pourrait en fait générer la compagnie.

En dehors de ça, au Québec, bien, écoutez, il y a le cas de Kemtec qui est connu. Et je pense qu'il y a un autre cas qui est celui de Saint-Jean. Je ne sais pas si la fiducie est complétée à ce niveau ou pas, mais, à notre avis, c'est les deux seuls. Je ne voudrais pas que notre intervention soit mal interprétée, ce n'est pas une opposition à la constitution d'un fonds...

Mme Dionne-Marsolais: D'accord.

M. Guérin (Philippe): L'opposition, c'est...

Mme Dionne-Marsolais: La forme.

M. Guérin (Philippe): ...sa forme. L'opposition, c'est d'abord le choix de fiducies qui sont attachées à des sites commerciaux. Nous, au sein de la Grappe, on ne comprend pas pourquoi ça vise exclusivement les sites commerciaux et non pas aussi les sites non commerciaux, qui, dans quelques cas au moins, à notre avis, présentent des caractéristiques qui sont plus dangereuses pour l'environnement que les sites commerciaux, qui sont généralement blindés, protégés puis sujets à des inspections.

Alors, on est surpris de ça, que ce soit uniquement les sites commerciaux qui soient visés et non pas les sites non commerciaux. Il y en a de plus en plus. Maintenant, les propriétaires de terrain doivent faire des analyses de risque et démontrer que c'est correct d'accumuler sur leur site. Alors, pourquoi pas aussi inclure ces... Parce que ces sites peuvent devenir potentiellement plus dangereux que les sites commerciaux.

Deuxièmement, là où on se pose des questions, c'est que la fiducie est attachée à un site. Il y aura donc des montants d'argent qui seront accumulés mais applicables uniquement à un site. Or, au Québec, des sites contaminés, il y en a des dizaines de milliers. Et donc on fait des prévisions, oui, sur un site, oui, mais je ne pense pas que l'avant-projet permette... tout au moins a l'ampleur qui permet de régler les autres problèmes qui vont se présenter dans le futur. Alors, c'est les deux éléments qui nous inquiètent; pas qu'on soit contre l'établissement d'un fonds qui permet de régler des problèmes environnementaux, mais c'est le mode qui a été choisi.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, très rapidement, parce que le temps est pratiquement terminé.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Alors, juste pour ce qui est des exigences comptables, elles concernent les entreprises, les risques environnementaux plus que les enjeux de réhabilitation de sites. Et je suis assez familière avec ça, ce n'est pas la même chose que j'ai en tête. Donc, si je vous comprends bien, vous dites: On souhaiterait que le fonds, qu'il prenne une forme fiduciaire ou autre, soit non seulement pour les sites commerciaux, mais pour les autres aussi. Ça, c'est le premier point. Le deuxième, c'est que vous semblez dire qu'il ne faudrait pas qu'il soit lié, ce fonds-là... qu'il n'y ait pas un fonds par site mais qu'il y ait un pool, en quelque sorte.

M. Guérin (Philippe): Exactement.

Mme Dionne-Marsolais: Je pense que c'est quelque chose qui se regarde sérieusement. Il y a des avantages, des inconvénients à ça. Je pense que le ministre va regarder ça attentivement. C'est des points qui sont intéressants. Je vous remercie beaucoup.

(12 h 30)

M. Tremblay (Charles): Dans le fond, si vous me permettez, c'est une police d'assurance qu'on cherche. Donc, est-ce que, des fois, dans nos estimations pour un site, on pourra se tromper puis le risque ou l'inconvénient va être plus grand qu'on prévoyait? Plus le fonds va être grand, plus il va avoir de chances de pouvoir répondre aux besoins.

Mme Dionne-Marsolais: Mais, juste sur ça, il s'agit plus que de seulement une police d'assurance. Dans le cas de la politique du ministre, c'est aussi la réhabilitation des sites. Donc, ce n'est pas juste les risques, c'est beaucoup plus large que ça. Et je crois que les citoyens, ce qu'ils veulent, c'est justement la réhabilitation des sites parce qu'il y a une durée de vie dans un site. En tout cas, je vous remercie. Je pense qu'on a compris là votre...

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, messieurs de la Grappe de développement des industries de l'environnement, merci pour votre présence aux travaux de cette commission.

Et, là-dessus, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 1)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets.

Avant d'entreprendre nos travaux avec le Centre patronal de l'environnement du Québec, je voudrais attirer l'attention des membres de la commission sur une modification à l'horaire prévu pour le mardi 12 octobre: le deuxième organisme que nous allons entendre, c'est le Conseil québécois du commerce de détail, et ça correspond au mémoire 4MR. Alors, c'est un changement. Le groupe qui était prévu pour être entendu à 15 heures ne se présentera pas, alors c'est le Conseil québécois du commerce de détail. Et, la semaine prochaine, évidemment, vous savez que nos travaux se dérouleront à compter de 14 heures, le mardi 12 octobre.

Ceci étant, j'invite... Bon. Vous avez déjà pris place, c'est bien. Donc, je vous demanderais, le porte-parole, de bien vouloir vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent.


Centre patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

M. Cloghesy (Michael): Merci, M. le Président. Je salue les membres de la commission. Je me présente: Michael Cloghesy, je suis président du Centre patronal de l'environnement du Québec. Avec moi, j'aimerais vous présenter M. André Duchesne, président de l'Association des industries forestières du Québec, qui est membre de notre conseil d'administration ainsi que de notre comité exécutif; et, à ma gauche, j'ai M. Jocelyn Théberge, qui est directeur général de marché pour la firme Intersan, également membre au Centre.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, messieurs. Vous avez une période maximum de 20 minutes pour nous indiquer les commentaires sur l'avant-projet de loi. Par la suite, il y aura des échanges, pour un total de 40 minutes.

M. Cloghesy (Michael): Merci. Donc, j'aimerais d'abord, peut-être, parler un peu du Centre. Le Centre est un organisme assez unique. Je crois que c'est peut-être le seul organisme en Amérique du Nord qui représente les intérêts de secteurs très variés, mais dans le seul domaine de l'environnement. Nous avons élaboré une position patronale unifiée. Nous avons été – d'abord, je dois le mentionner – créé à l'instigation des membres du Conseil du patronat du Québec il y a six ans. Nous comptons au-delà de 100 membres corporatifs et 16 associations sectorielles, et nos membres sont parmi les plus importantes compagnies et associations du Québec.

Le Centre représente presque tous les grands secteurs industriels et d'affaires. Parmi nos membres, nous comptons des compagnies chimiques telles que DuPont et Dow. Nous avons également des banquiers, des assureurs, des grands manufacturiers comme Bombardier, GM, IBM et une dizaine de cabinets d'avocats, pour n'en mentionner que quelques-uns. Il est important de noter que le Centre représente autant les intérêts des compagnies qui oeuvrent dans le domaine de la gestion des matières résiduelles, telles qu'Intersan, que ceux des compagnies utilisatrices de ces services.

Tel que mentionné dans notre mémoire, le Centre a mis beaucoup d'efforts et de ressources à élaborer une position sur la gestion des matières résiduelles au Québec. Ça doit faire au moins quatre ans que nous avons consulté autant nos membres que des non-membres, tels que l'Union des municipalités, l'UMRCQ, la RIGDIM, la Collecte sélective du Québec, RECYC-QUÉBEC afin de trouver une piste qui soit autant que possible acceptable pour la plupart des parties concernées. Durant ce temps-là, nous avons travaillé de près avec le ministère de l'Environnement et nous avons participé à plusieurs tables de concertation. Nous sommes très actifs, même à ce jour, sur des comités qui ont rapport avec ce dossier-là.

Notre objectif est de développer, conjointement avec tous les partenaires intéressés, un système de gestion des matières résiduelles qui soit à la fois efficace et efficient, qui puisse rencontrer des objectifs environnementaux réalistes dans un contexte qui offre au secteur privé le plus de flexibilité possible à l'égard des moyens pour atteindre les objectifs. Parmi les principes que l'on souhaite retrouver dans ce système de gestion, il y a ceux du moindre coût pour la société et du moins de lourdeur administrative possible. Il faut aussi s'assurer que le système favorisé n'affecte en aucun temps la compétitivité des entreprises et de l'infrastructure du Québec. Donc, c'est dans un contexte de développement durable que ce système de gestion des matières résiduelles doit être conçu.

Le Centre cherche à travailler en partenariat avec le gouvernement afin de mettre en place un cadre législatif et réglementaire qui soit à la fois réaliste, efficace et efficient et, je le répète, qui vise des résultats plutôt que des moyens d'atteindre les objectifs. Nous croyons que cette coopération entre gouvernement et patronat profite beaucoup à la société en général tout en assurant un contexte compétitif pour le Québec.

Bien que le Centre soit d'accord avec une grande partie du Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles tel que présenté, nous avons de sérieuses réserves quant au libellé de l'avant-projet de loi sur la gestion des déchets. Le Centre ne peut être d'accord avec une loi qui dote le ministère de l'Environnement – ou le ministre, dans ce cas-ci – de pouvoirs si larges qu'il peut régir sur le commerce en général en dictant la nature de la fabrication et la mise en marché des produits.

Il ne serait pas approprié pour le gouvernement de réglementer la fabrication des produits, car cela va affecter la compétitivité des producteurs exportateurs. Il ne serait pas non plus approprié de réglementer la récupération de l'ensemble des produits mis en marché, car seulement certains d'entre eux ont suffisamment de valeur pour rendre la récupération rentable là où les coûts de gestion locaux le permettent. Le Centre propose plutôt au gouvernement de supporter des initiatives de récupération et de valorisation de produits susceptibles de stimuler leur demande.

De plus, le Centre ne peut être d'accord avec une loi qui pourrait conduire à la mise en place d'une barrière artificielle au commerce en donnant aux municipalités régionales de comté – MRC – le droit de limiter ou d'interdire la mise en décharge sur leur territoire des déchets provenant de l'extérieur de leur territoire. Les intentions de créer de nouvelles frontières administratives comportent des dangers importants sans garantir d'amélioration à la mise en valeur et à la gestion des lieux d'enfouissement, bien au contraire.

L'érection de barrières autour d'un territoire donné privera les municipalités, les industries, les commerces et les institutions de celui-ci d'importantes économies de masse, au moment où les critères d'exploitation d'une installation d'élimination seront resserrés et commanderont de nouveaux investissements. Ces derniers exerceront une pression sur les tarifs, qui, privés de ces économies d'échelle, seront gonflés artificiellement faute d'un volume suffisant pour amortir les coûts associés à l'atteinte de la conformité environnementale.

(14 h 10)

Le Centre croit que l'avant-projet de loi tel que déposé engendrera plus de problèmes qu'il n'en existe en ce moment. Nous sommes loin d'être convaincus que l'environnement sera amélioré par ces propos légalistes, et, au contraire, les exigences bureaucratiques proposées risquent de compromettre ou, à tout le moins, d'alourdir certaines activités de recyclage et de valorisation déjà en place.

De plus, nous prévoyons une augmentation des coûts de gestion des matières résiduelles et une pénurie possible de sites d'enfouissement; en particulier, je cite le cas de l'île de Montréal. Enfin, nous croyons qu'il demeure nécessaire de limiter l'application de la loi par une nouvelle définition claire des matières – entre guillemets, déchets – qui sont rejetées suite à un procédé de production ou après consommation, car il est important de se concentrer sur les objectifs du programme de gestion des matières résiduelles.

En conclusion, nous recommandons fortement à la commission de rejeter ou de modifier significativement l'avant-projet de loi tel que présenté afin de mieux l'arrimer aux objectifs du plan de gestion des matières résiduelles et de laisser une pleine flexibilité aux entreprises et individus pour les rencontrer. Le Centre se dit prêt à travailler avec le gouvernement à élaborer un nouveau projet de modification de la loi qui serait plus réaliste dans le contexte du développement durable.

Nous avons aussi quelques points additionnels que nous aimerions ajouter à ce point-ci, à ce stade-ci. Nous avons remarqué que, dans l'avant-projet de loi, semble-t-il qu'il y ait une absence presque complète du concept de partenariat avec le secteur privé. Nous, nous croyons être une bonne partie de la solution, et c'est absent. Donc, c'est une remarque qu'on vous fait à ce stade-ci.

Nous croyons d'ailleurs aussi que, s'il y a un pouvoir de refus, d'interdire le passage de matières résiduelles sur un territoire, c'est vraiment au niveau de la municipalité que ce pouvoir-là devrait être remis et non pas au niveau d'une MRC, puisque, comme vous le constatez probablement, les MRC n'ont pas été conçues en fonction d'un territoire pour la gestion des déchets. Nous sommes évidemment d'accord pour qu'il y ait une planification, mais, de là à ce que ça soit uniquement au niveau d'une MRC, nous questionnons cette position-là. Encore une fois, il y a eu peut-être des problèmes dans le passé à l'égard de certains sites d'enfouissement et de tout ce qui pourrait, nécessairement, entourer la gestion des matières résiduelles, mais, en ce moment, d'après les informations que nous avons reçues, semble-t-il que ces problèmes ont été réglés en grande partie.

Alors, encore une fois, il faudrait bien peser les pas que le gouvernement semble vouloir prendre avant d'aller de l'avant, puisque nous vous suggérons que ça peut créer énormément de problèmes, de donner des pouvoirs additionnels aux MRC, puisque, comme vous le savez, il y a nécessairement des intérêts qui varient entre municipalités, entre MRC. Pourquoi s'impliquer, s'embourber dans une situation qui peut vraiment tourner au désastre? Donc, nous vous suggérons très fortement, à ce stade-ci, de reconsidérer cette chose-là.

En même temps, nous avons de la difficulté à constater que le ministre semble vouloir, peut-être, agir comme arbitre dans de telles situations où il y aurait peut-être un conflit. Nous croyons qu'il n'y a pas de gagnant dans ces situations-là, c'est des intérêts contre d'autres intérêts. Donc, à notre avis, il serait peut-être plus simple de laisser ça au niveau des municipalités et non pas au niveau des MRC, qui, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, n'ont pas été conçues pour la gestion des matières résiduelles.

Alors, c'est mes commentaires à ce stade-ci. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. Cloghesy, M. Duchesne et M. Théberge, merci pour votre présentation. Je vais peut-être être injuste par rapport à votre présentation, mais j'ai eu l'impression, en l'entendant, que, tout en étant... Non, je reprends ça. J'irais par le mode interrogatif, parce que j'ai eu l'impression inverse, et là je veux le vérifier auprès de vous. Est-ce que vous êtes d'accord avec le principe, qui sous-tend l'avant-projet de loi, de la responsabilité élargie des entreprises relativement aux matières résiduelles? Est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe, qui vise à rendre les entreprises responsables de ces matières-là?

M. Cloghesy (Michael): Je crois que, dans notre mémoire qui a été déposé devant le BAPE en 1996, nous avons appuyé ce principe-là. Nous avons suggéré, d'ailleurs, que les entreprises soient plus impliquées au niveau de la gestion et du contrôle, évidemment, des résidus sortant de leurs industries. Donc, nous sommes d'accord pour que les entreprises se prennent en charge au niveau de la gestion de leurs matières résiduelles, mais qu'elles aient un mot très important à dire quant à la façon dont ces matières-là seraient gérées.

M. Bégin: Vous savez que le principe, dans les faits, tel qu'exprimé dans le plan d'action, consiste, dans chaque secteur – prenons les secteurs comme les RDD, les matières dangereuses comme la peinture, les huiles usées, les piles ou encore dans le bac bleu – à demander à l'industrie de prendre en charge à la fois l'organisation de la façon dont les matières vont être recueillies et d'en disposer, de les valoriser et d'assumer le coût. À compter de ce moment-là, ce n'est pas la municipalité, ce n'est pas le gouvernement, c'est l'entreprise qui le fait. La responsabilité élargie, telle que je la comprends, c'est ça.

Est-ce qu'il y a des problèmes avec cette façon de faire? Parce que, là, nous avons eu, pendant 10 ans, un système différent, qui était celui de la collecte sélective mais qui était sur une base volontaire. Malheureusement, les résultats qu'on doit constater – puis je ne blâme personne – après 10 ans, c'est qu'on est loin, loin, loin, loin, loin du compte. Est-ce que vous ne pensez pas que la façon qui est proposée, qui est conforme à ce qui est dans le plan d'action, va permettre d'arriver à ce résultat-là?

M. Cloghesy (Michael): Oui. Sur ce point-là, nous sommes d'accord – notre mémoire l'indique clairement – que, malheureusement, suite à l'expérience qu'il y a eu, comme vous l'avez mentionné, il y a eu, je dirais, des inéquités au niveau des contributions volontaires qui se sont faites par les entreprises. Donc, malgré le fait que nous préférions de beaucoup avoir un système volontaire en place, nous avons dû constater qu'il fallait mettre en place un système réglementé où il y aurait un terrain de jeu égal pour toutes les parties impliquées. Donc, oui, nous sommes d'accord avec cet aspect-là du plan d'action.

M. Bégin: Donc – puis je ne veux pas être réducteur en disant ça – si je comprends vos remarques à l'effet qu'on va beaucoup trop loin dans la réglementation dans l'avant-projet de loi, ce n'est pas ce volet-là que vous visez...

M. Cloghesy (Michael): Non, aucunement, non.

M. Bégin: ... – et là je pense qu'on va revenir au centre de votre intervention – c'est plutôt le fait qu'il y ait le droit de regard qui est accordé aux MRC.

À cet égard, je dois vous dire qu'il y a eu beaucoup de représentations qui ont été faites. Il y en a de deux ordres: celles qui sont comme la vôtre et d'autres qui ont dit: Il nous faut absolument cet instrument-là, cette façon de faire, sinon il ne sert à rien de faire de la planification régionale. Certains nous ont dit aussi: Une MRC, ce n'est pas un très grand territoire de planification, il faudrait qu'on aille beaucoup plus loin, la preuve en étant que beaucoup de municipalités se sont regroupées dans des régies intermunicipales qui recoupent, des fois, deux ou trois... et, même, dans un certain cas, je débordais d'enthousiasme, j'avais dit un plus grand nombre, mais, effectivement, c'est quatre MRC qui sont regroupées ensemble, puis il y en a deux qui sont en attente de se joindre à ces quatre-là, ce qui en ferait six.

Alors, on nous a dit: C'est donc petit. Là, vous nous dites: On devrait ramener ça à la hauteur de la municipalité. Plusieurs ont fait valoir que c'était peut-être un point de vue égoïste pour la municipalité hôtesse, qui réussissait d'habitude à se trouver certains avantages pour elle, mais sans partager ces avantages-là avec les autres municipalités de la MRC qui subissent des inconvénients. Mon collègue le député d'Orford a soulevé à plusieurs reprises que le camion n'arrive pas directement des airs au site d'enfouissement, mais passe à travers la municipalité de... la municipalité de... la municipalité de... subissant, au fur et à mesure qu'on avance, papiers, odeurs, poussières, défoncements de routes, etc. Alors, vous voyez qu'il y a deux points de vue qui s'expriment à cet égard-là.

(14 h 20)

Vous maintenez que nous devrions laisser ça à chaque municipalité. Mais quel est le type de planification que l'on va faire par rapport à aujourd'hui si on fait ça? Parce que, aujourd'hui, c'est la situation actuelle. Alors, comment va-t-on faire de la vraie planification, s'organiser? Je ne parle pas sur deux ans ou trois ans, là, mais on est en face d'organismes qui sont des municipalités, c'est sur des dizaines et des dizaines d'années qu'il faut regarder. Comment concilier le besoin exprimé par tous et par toutes d'une grande planification et, en même temps, de confier à une seule personne parmi une MRC le soin de décider qu'est-ce qui va arriver?

M. Cloghesy (Michael): D'accord. Alors, ce qui nous concerne le plus, sur cet aspect-là, c'est le droit de refus, d'interdire le transport sur le territoire, c'est cet aspect-là qui nous touche le plus. Quant à une formule de partage des bénéfices dans une région, évidemment nous n'avons pas vraiment de solution à vous proposer en ce moment. Tel que je l'ai mentionné lors de ma présentation, nous sommes très prêts à travailler avec vous sur une formule qui pourrait probablement remédier à cette situation-là. Mais l'important, c'est ce droit de refus au niveau de la MRC qui nous concerne le plus. D'après nous, c'est aux municipalités hôtesses de décider si, oui ou non, elles veulent élargir, si elles veulent fermer le site ou en ouvrir un nouveau. C'est tout ce que j'aimerais vous suggérer à ce stade-ci, et peut-être que M. Théberge, qui travaille dans le milieu, qui connaît intimement le milieu, pourrait apporter des commentaires additionnels.

M. Théberge (Jocelyn): Quant au droit de refus, le point de vue que je vais apporter est de nature pratique, dans le sens que c'est certain – et vous l'avez mentionné – que les inconvénients reliés à une installation, à un site d'enfouissement reviennent beaucoup plus à la municipalité hôtesse qu'à l'ensemble de la MRC.

Je peux vous citer plusieurs exemples où la localisation d'un site d'enfouissement fait en sorte que l'ensemble des autres municipalités de la MRC n'ont, à vrai dire, pas vraiment d'impacts. Le cas de Sainte-Sophie en est un particulier où, entre autres, le site d'enfouissement est situé vraiment dans le coin sud-ouest de la MRC de La Rivière-du-Nord, ce qui fait en sorte que le trafic passe par Mirabel, l'eau souterraine s'écoule vers Sainte-Anne-des-Plaines, qui est la MRC voisine, les vents dominants sont vers la municipalité voisine. Donc, c'est un cas. J'utilise cet exemple-là, que je connais très bien, qui montre que... Est-ce que la MRC de La Rivière-du-Nord devrait avoir prépondérance ou droit de regard, par rapport à la municipalité de Sainte-Sophie, sur l'avenir de cette installation-là ou, en fait, sur la quantité de déchets qui peuvent y être acheminés ou sur la limitation de la quantité de déchets qui peuvent y être acheminés?

C'est certain aussi, d'un autre côté pratique, que c'est plus facile de parler avec un intervenant qu'avec plusieurs intervenants. Vous avez mentionné l'exemple de quatre MRC qui pensent s'associer dans une régie ou autrement. Bien, évidemment, c'est plus difficile de parler avec de nombreux intervenants qu'avec un seul intervenant. Ce point-là est simple à comprendre. Ce qui préoccupe l'industrie, entre autres, c'est le fait qu'on négocie à plusieurs niveaux des ententes entre un exploitant et une municipalité, de sorte que le portrait devient très complexe et, finalement, coûteux aussi pour l'entreprise.

Maintenant, en conclusion, je tiens à rappeler une chose: il faut admettre le principe que la MRC ou les MRC qui font partie de ce territoire de marché là doivent se faire garantir d'avoir un lieu d'enfouissement, d'avoir accès à un lieu d'enfouissement. Donc, c'est important, à leur niveau, de discuter de la taille de l'installation, du nombre d'années où elles vont pouvoir y accéder et à un tarif qui pourrait être avantageux pour elles. Mais le droit de regard, pris dans son sens strict de dire oui ou non ou une quantité précise, on pense que c'est quelque chose qui devrait beaucoup plus être discuté avec la communauté hôtesse.

M. Bégin: Vous savez sans doute que ce sont les MRC qui ont été mandatées, depuis maintenant une quinzaine d'années, pour préparer les schémas d'aménagement. Les schémas d'aménagement consistent à dire: De quelle manière allons-nous utiliser le territoire compris à l'intérieur des limites de la MRC? Et ça, ça permet de dire quels sont les usages qui vont être faits: forestiers, agricoles, industriels, commerciaux, résidentiels, de catégories A, B, C, etc. Donc, une MRC est appelée, dans la préparation de son schéma d'aménagement, à prévoir tous les usages de son territoire.

C'est donc, me semble-t-il, tout à fait légitime de dire: Comment une MRC va-t-elle planifier – parce que c'est toujours à long terme – de quelle façon on va, par exemple, gérer le site d'enfouissement sanitaire, s'il y en a un sur le territoire? Où va-t-il être? Pour combien de temps va-t-il être disponible, compte tenu de sa capacité comme telle, puis quelle sera la suite des choses? Alors, j'essaie de concilier cette obligation de planification avec la capacité qui appartiendrait à une seule municipalité de décider où il sera, quelle serait son étendue, quelle planification on ferait sur 20 ans ou 30 ans. J'arrive mal à arrimer ces deux concepts-là.

M. Théberge (Jocelyn): C'est évident qu'au niveau de l'usage le territoire de la MRC, un territoire en particulier reçoit un usage en fonction de la préparation de schémas d'aménagement. Ça, c'est clair. Ce qui est plus difficile à concilier, c'est quand on arrive à déterminer la taille d'une installation. Je vous ai mentionné qu'on comprend très bien qu'il doit y avoir planification et qu'il doit y avoir une taille d'installation qui fasse en sorte que le service va pouvoir être donné à cette MRC là pendant une période de temps qui va la satisfaire, c'est évident.

En fait, j'utilise le droit de regard d'une façon un petit peu plus pointue, à savoir: pour nous, un droit de regard, entre autres, on l'utilise à certains endroits à partir d'un contingentement de volume. Ce contingentement de volume là, lui, il est déterminé à partir de différents facteurs: il y a des facteurs sociaux, il y a des facteurs économiques, il y a des facteurs environnementaux. Ce que je tiens à vous dire, c'est qu'il sera toujours plus facile pour nous autres de discuter de la combinaison de ces facteurs-là pour arriver à une solution qui semble rationnelle pour les parties avec le moins de joueurs possible autour de la table. Ça n'enlève pas tout le pouvoir, comment je pourrais dire, de lobby qui existe autour de la table de la MRC entre les membres, dont la communauté hôtesse qui est membre.

Maintenant, il y a un danger. Je ne sais pas si...

M. Bégin: Excusez, je vous interromps, là. Peut-être que je n'ai pas tout à fait la même perception du rôle de planificateur qui revient à la MRC. Il ne m'apparaît pas que ce soit une question de négociation, c'est une question de planification. La planification, c'est comment organiser les choses dans le meilleur intérêt... et là on va en mettre cinq ou six. Mais ce n'est pas, comme je l'entends de votre bouche – peut-être que les mots dépassent votre pensée – du «bargaining» ou de la négociation style: Je te donne ça puis tu me donnes ça, ce qui est tout à fait légitime en matière commerciale, mais, en termes de planification, ce n'est peut-être pas tout à fait, en tout cas, ce que j'attends, moi, d'un planificateur.

M. Théberge (Jocelyn): Il reste que, dans la planification, la combinaison de ces facteurs-là ne peut pas être évitée.

M. Bégin: C'est sûr.

(14 h 30)

M. Théberge (Jocelyn): Que ce soit la MRC qui, disons, dirige la planification ou la communauté hôtesse, tu ne peux pas sortir de cette combinaison-là qui, en fait, va déterminer la taille, la durée de l'installation. Par contre, vous devez comprendre que plus il y a d'intervenants – et c'est un point que je veux faire ressortir – à satisfaire autour d'une table, plus c'est compliqué. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'on doive s'ingérer dans les affaires de la MRC. Et je pense que, dans la confection des schémas d'aménagement, la communauté hôtesse et les autres membres de la MRC, bon, bien, peuvent régler leurs histoires entre eux autres.

M. Bégin: Juste un dernier point qui se retrouve à la page 12, l'avant-dernier paragraphe. Là, on parle du côté irréaliste du fait de contrôler comment fabriquer leurs produits, comment les emballer, et vous faites référence à l'industrie pharmaceutique.

Nous avons entendu, hier je crois, l'industrie pharmaceutique. Je crois qu'on a réussi à bien démêler entre ce qui est l'emballage et ce qui est peut-être, à toutes fins pratiques, une partie du produit lui-même avec ses caractéristiques bien particulières qui impliquent des questions de santé, de salubrité, etc. Alors, je pense qu'on a pas mal éclairci qu'on ne veut pas contrôler le contenu du médicament ni ce qu'il devrait faire ou combien de temps il devrait durer mais s'assurer que ce qu'ils appellent l'emballage secondaire soit éliminé de manière plus correcte. Alors, je voulais vous mentionner ça parce que ça a fait l'objet d'une longue présentation. Et vous abordez cette question-là, donc ça doit être parce que vous y trouvez une importance assez considérable.

M. Cloghesy (Michael): Est-ce que je...

M. Bégin: Oui, oui, allez.

M. Cloghesy (Michael): Oui, merci. M. le ministre. Sur ce point-là, évidemment, dans l'avant-projet de loi, nous avons compris que le gouvernement semblait vouloir se donner des pouvoirs à l'effet de pouvoir discuter des détails au niveau de la fabrication de produits, le type d'emballage. Je ne sais pas si j'ai mal compris ce que ces clauses-là voulaient nous indiquer, mais vous allez sans doute être d'accord que c'est beaucoup demander qu'une province puisse exiger une façon différente de fabriquer un produit ici, au Québec, ou d'emballer un produit ici, au Québec, lorsque de plus en plus les marchés sont d'ordre global. Alors, la taille du marché fera en sorte que peut-être que les Québécois seraient pénalisés. Donc, c'est ça qu'on aimerait éviter autant que possible.

M. Bégin: Là-dessus, on nous a fait des représentations également. Mais j'ai entendu également des entreprises nous mentionner... Par exemple, ce matin, les quotidiens nous disaient que, dans certains États amé-ricains, il y avait certaines normes. Dans certains États américains, on juge à propos, pour des raisons, j'imagine, environnementales, dans certaines circonstances, d'exiger telle et telle choses. On pense, entre autres, à la composition du papier qui a une certaine quantité de fibres usagées. Il a bien fallu que quelqu'un à quelque part décide à un moment donné que c'était ça. Alors, je présume que c'est un État qui a dit: Compte tenu de... nous voulons telle chose.

Par exemple, aussi il a pu arriver dans le temps, et il va arriver certainement dans le temps, que l'utilisation de certains produits peut être considérée néfaste. Je ne veux pas attaquer qui que ce soit. Mais, si on dit, par exemple: Le chlore constitue un élément nocif au-delà d'une certaine quantité dans l'eau, même si on dit par exemple: Ce n'est pas encore le cas dans l'État de New York, il m'apparaîtrait raisonnable qu'un État, ou une province, puisse dire: Nous considérons que l'impact environnemental est tel qu'on ne doit pas dépasser telles normes. Les moyens pour y arriver, ça, c'est une autre histoire. Il appartient à l'entreprise d'y arriver.

Mais je ne crois pas qu'on puisse dire que nous ne devrions jamais intervenir à un certain moment. Si un emballage, par exemple, était... Imaginons qu'une entreprise mettrait sur le marché un emballage qui s'avérerait quasiment indestructible et qu'il causerait vraiment un problème de pollution. Est-ce qu'il serait interdit à un État ou à une province de dire: Nous ne voulons plus de ce type d'emballage là? Moi, je ne dis pas que... Je n'ai aucun exemple à l'esprit, là, mais je prends un exemple grossier mais qui nous fait comprendre. Il me semble qu'on devrait être capable de pouvoir intervenir.

Est-ce qu'on va devoir attendre de dire: On a un problème, donc on va faire une loi, puis, quand on aura une loi, on va faire un règlement, puis, quand on aura un règlement, on va atteindre le résultat? Ou bien si on prévoit, dans l'ordre du possible, les moyens dont il faudra disposer pour régler les problèmes. C'est un peu dans ce sens-là.

M. Cloghesy (Michael): Oui, évidemment, nous comprenons l'objectif derrière ça. Mais nous croyons que ça serait peut-être plus plausible de passer, à cet égard-là, si le tout se faisait au niveau, je dirais, de toutes les provinces du Canada, sur une base nationale plutôt que sur une base provinciale. Alors, évidemment, vous n'avez pas d'exemple en tête, on n'en a pas, mais ces genres de clauses là, je dois vous l'admettre, nous donnent des frissons. Ça nous pose... Évidemment, ça crée des incertitudes et ça nous laisse très mal à l'aise, et c'est ce point-là que je voulais vous souligner. J'aimerais, si vous permettez, passer la parole à M. Duchesne, il a des remarques là-dessus.

M. Duchesne (André): Il y a une distinction importante, M. le ministre, dans ce que vous dites. Si un client, un État américain – ou au Québec, c'est aussi bon – décide, par exemple, que le papier journal utilisé dans l'État ou au Québec, à partir de maintenant, va avoir 20 % de recyclé, c'est officiel qu'il a le pouvoir de le faire puis que les éditeurs de journaux vont se revirer vers les fournisseurs et vont dire: Ça me prend 20 % de recyclé; sans ça, mon journal, il va être soumis à l'amende. C'est vrai, il y a des secteurs où, effectivement, ça, ça représente un objectif efficace.

Mais il y a des produits – pour toujours continuer avec ce même exemple-là – que... Si vous essayez, au Québec, de demander aux producteurs de papier journal d'inclure toujours 20 % de recyclé, ça veut dire que vous allez les empêcher d'atteindre certains marchés où ils n'ont pas besoin de ça; ça veut dire que vous allez empêcher d'autres fournisseurs de livrer au Québec parce qu'ils ne sont pas capables de faire ça.

L'approche que vous devez avoir, à notre sens, au moment d'établir la réglementation, c'est non pas l'approche du fabricant, mais l'approche de l'utilisateur. Et l'avant-projet de loi va en grande partie dans ce sens-là, au niveau notamment des emballages, au niveau de la responsabilisation dont vous parliez tantôt. Mais il faut que la distinction soit faite. Ce à quoi l'industrie s'oppose, c'est à une obligation de produire comme, par exemple, 20 % de recyclé dans tel type de papier. Mais elle ne s'opposera pas, en principe, s'il y a des bons arguments, à ce que telle sorte de papier utilisé au Québec contienne 20 % de recyclé. Il y a une nuance importante à faire, une distinction importante.

M. Bégin: Je pense qu'on partage une chose, c'est que le gouvernement n'a pas le goût pantoute de dire comment vous fabriquez vos produits. Ça, c'est clair. Cependant, l'aspect environnemental peut nous obliger, à un moment donné, à dire: Oh! Un instant! Il y a un problème environnemental, et nous voulons le régler, et donc nous prenons une mesure. C'est ça, l'angle de regard. Si on n'a pas cet angle de regard là, faites ce que vous voulez, que le client soit content et que le producteur soit satisfait. C'est ça, la loi du marché, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais, quand arrive un aspect environnemental – et c'est l'angle sous lequel je me place toujours – y a-t-il lieu ou pas d'intervenir? S'il n'y a pas lieu d'intervenir, on n'intervient pas. Mais, s'il y a lieu, il faut avoir l'instrument, et c'est ça qui est prévu, pas autre chose, pas plus que ça.

M. Duchesne (André): Bien, le texte laisse la porte ouverte aux deux façons de procéder, puis c'est là-dessus qu'on vous demande, je pense, de revoir le libellé, à tout le moins.

Le Président (M. Lachance): M. le député...

M. Bégin: On est dans la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, en conclusion.

M. Bégin: Excusez, j'ai terminé.

Le Président (M. Lachance): Oui. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Messieurs, merci d'être ici aujourd'hui. M. le président, quand vous nous avez parlé, dans l'aparté à la fin de votre mémoire, qu'on aurait dû parler plus de partenariat avec l'entreprise privée dans le projet de loi, vous avez quoi en tête? Vous pensez aux sociétés mixtes, dont le projet de loi n'a pas abouti ici, à Québec? À quoi vous pensez quand vous parlez de partenaires ici, d'une façon plus précise?

M. Cloghesy (Michael): Non, ce n'était pas nécessairement... Non, pas directement relié à ces sociétés mixtes. Non, aucunement. Non, c'est que, depuis cinq, six ans – depuis notre création, à vrai dire – nous avons bâti une relation, je dirais, très positive, très constructive avec le ministère, au point où nous avons suscité des nouvelles réglementations. Nous avons même incité le premier ministre à aller de l'avant avec un projet de règlement qui traînait depuis 12 ans. Donc, nous avons tout intérêt à travailler avec vous. Notre intérêt n'est pas de défendre des pollueurs, c'est vraiment de trouver des solutions constructives à des problèmes souvent difficiles au niveau de l'environnement. Et c'est en partenaires que nous voulons travailler avec le gouvernement.

(14 h 40)

Tout ce que je faisais remarquer dans notre mémoire, c'est qu'en lisant le texte de l'avant-projet de loi cet aspect-là de partenariat avec l'entreprise privée semblait presque absent, à tous points de vue. Nous voulons être partie de la solution, et nous croyons avoir les moyens, vraiment, d'être une partie importante des solutions qu'on semble viser à cet égard-là.

M. Benoit: Ma prochaine question serait à M. Théberge. M. Théberge, vous dites: Ça devrait être la municipalité qui a le droit de regard sur le site. Vous nous expliquez les considérants d'un site en particulier. On en a parlé, quand M. Deschênes est venu. M. Deschênes disait que ça devait être la région qui regarde ça, pas la MRC. Vous, vous nous dites: Bien, ça devrait être peut-être plus la municipalité.

Le problème que j'ai avec ça, c'est qu'aux États-Unis, dans certains États... Je pense à l'État de Washington, l'Oregon, où on s'est ramassé avec des mégasites, des sites immenses, parce que la municipalité y a, en quelque part, trouvé un avantage économique; peut-être pas un avantage environnemental, peut-être pas un avantage pour l'ensemble des citoyens, mais un avantage économique, où on a été capable de baisser les niveaux de taxation à des niveaux ridicules. Mais on a permis des montagnes et des montagnes de déchets dans ces municipalités-là. Est-ce que ce n'est pas un peu ce qui nous guette, si on remettait ça dans les mains des municipalités?

À titre d'exemple, on a ici la municipalité de Saint-Nicéphore. Le maire est dynamique, puis il parlait fort, puis il sait où il s'en va, puis il a tout réglé les problèmes, depuis qu'il est arrivé là, avec l'aide de votre entreprise. On est fort heureux de ça, mais il a eu un maudit avantage économique pour lui. Très bien, que bien lui soit fait, qu'il y ait un avantage économique. Mais est-ce qu'il n'y a pas un danger que l'avantage économique soit très fort, à un moment donné, puis qu'on soit permissif à l'égard de certaines entreprises dans certaines municipalités?

M. Théberge (Jocelyn): Bien, écoutez, ça fait neuf ans que je suis dans ce domaine-là; je travaille pour une grande entreprise. La grande entreprise s'est toujours montrée favorable et a même fait régulièrement des représentations auprès du ministère de l'Environnement pour mettre en place une réglementation sévère pour qu'on ait au Québec des sites techniques et aussi pour mettre en place la réglementation qui permet de constituer des réserves de postfermeture.

En fait, ces entreprises-là viennent avec une mentalité qui est américaine, donc ces processus-là existent aux États-Unis depuis plusieurs années. C'est un principe auquel on adhère, puis je pense qu'on l'a dit plusieurs fois aux fonctionnaires ou au ministre de l'Environnement. Et je pense que la constitution de ces fonds de postfermeture là peut faire en sorte que... en tout cas devrait au moins limiter les risques que vous mentionnez: que, bon, quelqu'un, une municipalité, trouve beaucoup d'avantages à recevoir beaucoup de déchets, et, après une certaines période d'utilisation du site, bien, on se ramasse avec un problème environnemental.

M. Benoit: Est-ce que le projet de loi comme il est rédigé en ce moment, où la MRC aura un certain droit de regard dans tout ça, ne met pas l'entreprise privée un peu comme joueur mineur dans cette histoire-là?

Tantôt, le dernier intervenant qu'on a eu avant le dîner nous expliquait qu'effectivement il y avait 15 % de taxation plus élevée pour l'entreprise privée que pour le municipal, si ce n'est que le monsieur en question nous a dit: Bah! finalement, on est plus dynamique que les sites municipaux puis, même s'il y a 15 %, bien on fonctionne très bien. Il nous a à peu près résumé, mais il nous disait qu'il y avait effectivement un 15 % de coûts en ce qui a trait à l'entreprise privée.

Le fait aussi que la MRC puisse contrôler tout le territoire, est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'on favoriserait à certains égards des opérations municipales plutôt qu'une opération indépendante venant de l'entreprise privée? Est-ce que ça vous passe par l'esprit quand vous vous couchez le soir, ça?

M. Théberge (Jocelyn): Bien, disons que c'est le plus grand risque qui est relié à toute la planification régionale, le droit de regard, qui est un peu, disons, une tangente de la planification régionale, c'est certain. La planification du territoire, pour nous autres, ce qui est dangereux là-dedans, c'est que, à un moment donné, une fois qu'on a fait de la planification territoriale, qu'on incite des municipalités à s'organiser, bien, qu'on soit près de dire maintenant: Le partenariat, dont parlait M. Cloghesy tout à l'heure, on n'en a plus besoin, et puis on va faire les choses nous-mêmes.

Or, je pense que l'expérience au Québec montre que, dans les 10 dernières années, l'entreprise privée a quand même réussi, tout en restant performante du point de vue environnemental et économique, à garder les coûts à des niveaux quand même presque uniformes depuis de nombreuses années. Alors, c'est certain que, pour nous, c'est une menace.

Maintenant, je veux faire une parenthèse sur ce que, nous, on considère carrément de la concurrence déloyale qui s'exerce entre certaines régies, parce que nous admettons le fait qu'il existe au Québec deux systèmes de gestion de déchets. Il y a des systèmes publics, il y a des systèmes privés. Nous admettons ce fait-là. Cependant, nous dénonçons le fait que certaines régies utilisent l'argent de leurs membres pour aller faire des affaires à l'extérieur de leur territoire, concurrençant de façon très déloyale nos entreprises.

Et, bon, vous avez mentionné l'histoire des taxes. Ce n'est pas seulement l'histoire des taxes. Je vais vous mentionner quelque chose que j'ai soulevé, parce que j'ai travaillé avec les fonctionnaires du ministère dans le comité de suivi de la mise en place du plan d'action. Écoutez, pour nous, c'est impossible de faire des ententes à long terme sans passer par la procédure d'appel d'offres. Et nous sommes limités à cinq ans. Alors, le plan parle de planification sur 20 ans. Alors, c'est difficile pour nous, dans le cadre actuel où on veut mettre ce plan en place, d'aller oeuvrer auprès de certains corps publics, certaines municipalités et leur offrir...

M. Benoit: Alors qu'une régie intermunicipale, elle, pourrait s'entendre à l'éternité et dire: On crée une régie intermunicipale qui serait même, par loi, obligée d'être dans la régie pour 30 ans, j'imagine. Est-ce que j'aurais raison de dire ça?

M. Théberge (Jocelyn): Bien, écoutez, pour deux entités publiques qui parlent ensemble, elles n'ont pas besoin de passer par la procédure d'appel d'offres. Et on a vu dans le passé plusieurs exemples où, suite à une procédure d'appel d'offres, bien, une régie est venue voir une municipalité cliente – parce que je n'appelle pas ça une municipalité membre, j'appelle ça un client – pour, bon, offrir tout simplement le même tarif que les appels d'offres avaient conclu, moins les taxes. Et ça, je pense qu'il faut absolument, M. le ministre, que vous adressiez cette situation-là, excusez l'anglicisme. Mais il faut vraiment faire attention à ça.

Nous reconnaissons le principe d'une gestion publique. Et il peut y avoir une MRC qui décide de gérer les matières résiduelles ou par le biais d'une régie. Par contre, il faut que cette régie fasse affaire avec ses membres à l'intérieur d'un cadre, en fait, de services qu'elle offre à ses membres. C'est tout à fait désavantageux pour nous d'avoir comme voisin – et je pense que le cas d'Argenteuil Deux-Montagnes qui vous a été présenté hier est tout à fait pertinent – une régie qui peut aller voir tes clients et leur dire: Bien, écoute, quand ton contrat va terminer avec telle entreprise, nous, on peut faire des affaires ensemble; nous sommes exemptés de vous charger les taxes. Donc, automatiquement, on est sorti.

Et, quand on lit votre avant-projet, on voit qu'il y a beaucoup de places où on veut donner un rôle important à la gestion publique. Et c'est très, disons, comment je pourrais dire... Ça nous indispose beaucoup, ça nous donne beaucoup d'incertitude.

M. Benoit: M. Théberge, une dernière question, pour laisser du temps à mes confrères ici. Autant les régies qui sont venues nous voir depuis une dizaine de jours que l'entreprise privée nous parlent d'économie de masse. Et je pense qu'il y a comme un consensus ici qu'il y a effectivement comme un minimum qu'on peut accepter dans un site. La maire de Coaticook lui-même me disait il y a quelques jours que, effectivement, il trouve que c'est bien dispendieux, gérer un petit site comme le sien, puis qu'il devra peut-être regarder à s'associer avec quelque chose de plus gros en quelque part.

Une fois ça dit, c'est quoi, l'économie de masse quand on parle de déchets? Probablement que dans l'Oregon, quand on a bâti des mégacentres, on leur a dit: Bien, ça nous prend ça pour arriver à une économie de masse. C'est quoi, une économie de masse? C'est quoi, le volume pour que ça soit le point où c'est avantageux un peu pour tout le monde, pour l'entreprise puis les citoyens? J'essaye de comprendre. Puis je ne veux pas une thèse de doctorat non plus; ils en donnent à l'université, je peux aller en suivre une. Mais c'est quoi, le niveau économique d'un site de déchets et d'une masse logique, là? Êtes-vous capable de me...

(14 h 50)

M. Théberge (Jocelyn): C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre, dans le sens que tout à l'heure, dans ma première réponse à M. Bégin, j'ai mentionné que, bon, il y avait la combinaison de différents facteurs, sociaux, environnementaux, économiques. Et la combinaison de ces facteurs-là, évidemment, elle varie. Elle varie dépendamment où on se situe au Québec. Par contre, le Québec, ce n'est pas si grand que ça. Il y a quand même, disons, je ne sais pas, moi, 60 % ou 70 % de la population qui vit dans une région quand même assez limitée.

Mais c'est évident que les facteurs sociaux ou les facteurs économiques, prenant pour acquis qu'on fixe les facteurs environnementaux... Puis, nous, c'est ce qu'on demande au ministre: Fixez les facteurs environnementaux. On s'en va avec des sites techniques partout, donc il ne devrait pas y avoir beaucoup de distorsion entre un site qui est situé, je ne sais pas, moi, dans la Beauce, versus un site qui est dans les Laurentides ou dans l'Estrie.

Alors, à partir de là, bien, il reste la combinaison des facteurs socioéconomiques, combien les gens sont prêts à payer. Et là, bien, c'est de combiner l'acceptabilité, combien on est prêt à payer. Sauf qu'il y a une rationalité qui nous rattrape, dans le sens que, par exemple, en Estrie, ça ne serait pas possible de décider, demain matin, de payer, disons, 50 $ ou 100 $ par tonne, parce que le marché régional... Et, quand je dis régional, c'est suprarégional, disons. Je prends de la Montérégie aux lignes jusqu'à la Beauce, bien ce n'est pas ce prix-là. Donc, ça serait difficile pour les gens de l'Estrie de décider de payer ce prix-là, puisqu'il y aurait sûrement fuite, à quelque part, de clients. En fait, ce que je suis en train de vous dire, c'est que, si on essayait de charger ce prix-là en Estrie, on perdrait nos clients.

M. Benoit: O.K. Si je vous aide à préciser votre pensée, là: Est-ce qu'un site à 100 000 tonnes par année, c'est encore réaliste, autant pour une régie que pour l'entreprise privée? Est-ce que c'est pensable économiquement d'opérer un site à 100 000 tonnes par année, en ce moment?

M. Théberge (Jocelyn): Je ne pense vraiment pas. Ni pour une entreprise privée ni pour une régie. Je pense qu'hier vous avez eu une démonstration de la Régie Argenteuil Deux-Montagnes. On a toujours parlé, à quelque part, de quelque chose entre 300 000 tonnes et 500 000 tonnes, et évidemment, dépendamment... Bon. Quand même, il y a des facteurs locaux qu'il faut appliquer, mais il faut vraiment penser au-delà du 100 000 tonnes.

M. Benoit: Merci, M. Théberge.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour, messieurs. J'aimerais revenir sur la question du plan de gestion qui a une durée de cinq ans. Tel que libellé dans la loi actuellement, cinq ans, pour vous, est-ce que, un, c'est pensable puis, deux, est-ce que c'est réalisable? Parce que j'imagine qu'une fois que le plan de gestion est fait... Et là on dit: Bien, on va de l'avant, le site continue les opérations pour cinq ans. Vous faites des immobilisations, des acquisitions, des projets d'expansion. Vous ouvrez une cellule. Est-ce que cinq ans, c'est réaliste?

M. Théberge (Jocelyn): Pas pour ce type d'installation là, c'est certain. Ce que je disais tout à l'heure, c'est que la planification sur une base de 20 ans, on est d'accord avec ça. Le problème qu'on a, c'est que, de façon pratique, actuellement, le cadre légal ne nous permet pas de le faire. Vous connaissez bien notre région; même avec la municipalité de Sainte-Sophie, je ne peux pas actuellement aller offrir des services sur une base de 20 ans sans passer par une procédure d'appel d'offres. Donc, cet argument-là fait en sorte que, oui, on serait d'accord pour des plans à long terme et le cinq ans, mais on est limité, nous, à cause de la procédure d'appel d'offres sur cinq ans.

M. Whissell: Avec les corporations publiques.

M. Théberge (Jocelyn): Oui.

M. Whissell: Mais là, avec le plan de gestion, ça va même s'étendre, dans le fond, à l'entreprise privée?

M. Théberge (Jocelyn): Bien, c'est ce que j'essaie de comprendre et c'est un peu la question que je retourne. J'ai dit tout à l'heure qu'on était préoccupé puis que je voulais que le ministre de l'Environnement prenne ça en considération. Est-ce que ce sera possible pour nous autres de faire des ententes? Est-ce que, après-midi, je peux partir puis aller commencer à faire des ententes à long terme avec des municipalités, des regroupements de municipalités? Moi, je pense que non, dans le cadre actuel. Sauf que la façon dont le plan d'action est monté, c'est sur cette période-là qu'il faudrait faire de la planification. Donc, on est un peu mis à côté du processus de planification, alors que l'autre entité qui gère des déchets – j'ai parlé tout à l'heure de l'entité publique – elle peut le faire.

M. Whissell: Vous parlez beaucoup de... Vous utilisez le terme «rentabiliser la récupération». Si je comprends bien, vous – vous représentez Intersan dans votre cas, M. Théberge – vous faites de l'enfouissement, mais vous avez également des centres de tri. Actuellement, comment ça vous coûte pour enfouir? Puis comment ça vous coûte pour trier puis récupérer?

M. Théberge (Jocelyn): Écoutez, c'est un facteur d'à peu près trois...

M. Whissell: C'est-à-dire trois fois plus cher que...

M. Théberge (Jocelyn): Excusez, cinq, pas trois.

M. Whissell: Pour trier et récupérer?

M. Théberge (Jocelyn): À peu près, oui. Je pense que...

M. Whissell: Mais, dans le fond, c'est un peu le message que vous passez. C'est que l'énergie gouvernementale puis les incitatifs devraient peut-être plus aller au niveau justement de la valorisation des matières résiduelles. Parce que là, dans le projet de loi, il n'y a rien qui va vous inciter, justement, à trier encore plus dans vos usines. Parce que vous êtes quand même des gens qui enfouissez, première chose. Alors, vous, vous allez continuer à enfouir, parce que les programmes gouvernementaux, la législation ne fait pas en sorte que le tri, justement, va être valorisé, favorisé. Non?

M. Théberge (Jocelyn): Oui, mais – là-dessus, je ne sais pas si Michael veut commenter – autant notre entreprise que les associations auxquelles on participe, on supporte le plan d'action du ministre. Le fait qu'on parle d'enfouissement depuis une demi-heure, là, ça ne veut pas dire que toutes les autres initiatives de réduction de volume... Bon. Vous l'avez dit vous-même, on exploite, entre autres, à Sainte-Sophie, un centre de récupération. On en opère un autre à Chicoutimi. On est un des leaders, au Québec, dans la collecte des matières recyclables qui vont à la collecte sélective. On est une entreprise de services, c'est évident.

Vous m'avez posé une question, à savoir, bon, concernant les coûts. Je vous ai donné, disons, grosso modo, l'heure juste. Il faudra toujours des incitatifs. En fait, la collecte sélective, ça ne sera jamais un produit substitut à l'enfouissement. Je pense qu'il faut partir avec cette idée-là. Et, à ce moment-là, bien, oui, qu'il y ait des incitatifs; je ne pense pas qu'on n'ait pas supporté le ministre dans certains de ces incitatifs-là.

M. Whissell: Dernière question. Vous parlez de substitut, ça ouvre une porte à la valorisation énergétique. On a entendu – c'est ce matin ou hier – la Communauté urbaine de Québec qui nous disait, bon, que, eux, ils brûlent les déchets puis que c'est de la valorisation, puis que, dans le fond, ils sont bien heureux avec la législation qui est proposée, malgré qu'elle soit en contradiction avec d'autres lois. Elle est en contradiction avec le programme électoral du Parti québécois. Qu'est-ce que vous pensez, vous? Parce qu'au Québec vous n'en faites pas, d'incinération. Peut-être que vous en faites ailleurs en Amérique du Nord. Mais pour vous, là, un cas comme la Communauté urbaine de Québec, est-ce que c'est vraiment de la valorisation?

M. Théberge (Jocelyn): Écoutez, c'est un domaine que je connais peu. De mon expérience passée, là, c'est difficile pour moi de vous répondre, disons, précisément.

M. Whissell: Selon vous, là, de brûler des déchets de toute provenance...

M. Théberge (Jocelyn): Honnêtement, je suis mal à l'aise de répondre à cette question-là, parce que c'est quelque chose que je ne connais pas bien.

M. Whissell: Peut-être que quelqu'un, chez vous, peut répondre.

M. Cloghesy (Michael): J'aimerais possiblement revenir sur la position du Centre, vu que c'est le Centre qui présente aujourd'hui. J'aimerais passer la remarque suivante: Qu'est-ce qui nous concerne le plus, évidemment, là-dedans, c'est qu'on puisse trouver un système qui soit réaliste, applicable, durable et au moindre coût possible. Et, lorsqu'on parle de coûts, c'est les coûts des usagers du système, non seulement des gestionnaires. Nous représentons également les gestionnaires, et vous savez peut-être que les sites gérés par le privé sont parmi les sites les mieux gérés. Même si c'est des mégasites, il n'y a rien qui dit que c'est pire d'avoir cinq mégasites que 100 petits sites mal gérés. Donc, pour nous, l'important, c'est de développer un système qui va laisser la flexibilité aux entreprises d'atteindre les objectifs, autant environnementaux qu'économiques, et au moindre coût possible pour la société.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie, pour une courte question.

M. Bordeleau: En fait, c'est juste une petite question, là. C'est que, dans votre conclusion, vous mentionnez: «D'après certaines études récentes [...] ce sont les sites qui appartiennent au secteur privé qui sont les mieux gérés et posent le moins de problèmes.» Je voulais juste savoir à quelles études vous faites référence et quelles sont les conclusions de ces études-là? En quoi c'est mieux géré que dans les sites publics?

M. Cloghesy (Michael): D'accord. Alors, c'est des études qui s'appellent PAERLES, P-A-E-R-L-E-S, qui ont été faites. La plus récente date de...

M. Théberge (Jocelyn): En fait, le programme PAERLES a été lancé en 1991 puis il y a eu une mise à jour en 1996.

M. Bordeleau: En 1996?

M. Théberge (Jocelyn): En 1996. Alors, on compare les résultats 1991 versus 1996 puis on voit où il y a eu amélioration ou pas amélioration.

M. Bordeleau: Les conclusions sont lesquelles?

M. Cloghesy (Michael): Vas-y.

(15 heures)

M. Théberge (Jocelyn): Oui. Bien, ce qui est mentionné dans le mémoire, c'est que, en 1991, on a relevé un certain nombre de déficiences dans l'ensemble des sites privés et publics. En 1996, quand on regarde le portrait, le secteur privé a eu tendance à résoudre beaucoup de ces déficiences-là, il en reste peu. Alors que le secteur public, bien, on voit qu'il n'y a à peu près pas eu d'amélioration. Pour faire un résumé de cette situation-là.

M. Bordeleau: C'est fait par quel organisme, ça?

Une voix: Le ministère de l'Environnement.

M. Bordeleau: L'Environnement?

Une voix: Oui.

M. Cloghesy (Michael): M. le Président, vous permettez? M. Duchesne aurait quelques commentaires lui aussi.

M. Duchesne (André): Je voulais juste, M. le Président, ajouter une information pour le député d'Argenteuil. Une des avenues, je pense, pour réduire les coûts puis rendre tout le processus efficace, c'est de valoriser le plus possible ce qu'on récupère, ce qu'on enlève justement de ce qui va finalement aller à l'enfouissement. Et, dans ce sens-là, nous, on est peut-être un petit peu déçus qu'il n'y ait pas vraiment de disposition dans le projet de loi qui favorise ça.

Du papier bien classé, par exemple, ça vaut pas mal plus sur le marché de la récupération et du recyclage que ce qu'on fait au Québec à l'heure actuelle. Or, il y aurait avantage pour tout le monde à essayer de valoriser, de mieux classifier le papier pour aller en chercher la valeur maximale. C'est la même chose pour la plupart des produits que l'on récupère. Dans le verre, s'il est tout mêlé, ça ne vaut rien. S'il est classé adéquatement, ça a une certaine valeur.

Alors, cet aspect-là est un petit peu négligé dans tout le processus et pourrait aider à contrer la crainte de l'industrie d'assumer les coûts, le déficit d'opérations des municipalités dont on a déjà parlé et qui risque d'être important si on fonctionne sans optimisation du processus.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs. Le temps dévolu est expiré et merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant les représentants de Les Entreprises Berthier inc. à bien vouloir se présenter à la table, s'il vous plaît. Oui, Berthier.

J'en profite également – même si on n'est pas à l'heure des bilans – pour vous dire que la commission a reçu jusqu'à maintenant 61 mémoires concernant l'avant-projet de loi et que le groupe que nous allons maintenant entendre, c'est le 34e groupe que nous rencontrons, avec qui nous avons l'occasion d'échanger. Et, si la tendance se maintient, il devrait y avoir encore une dizaine d'autres groupes qui devraient être entendus d'ici la fin de nos travaux, la semaine prochaine.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, je demanderais au porte-parole des Entreprises Berthier à bien vouloir s'identifier ainsi que les deux personnes qui l'accompagnent.


Les Entreprises Berthier inc. (EBI)

M. Biron (Yvan): Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, MM. les membres de la commission. Je suis Yvan Biron, je suis un consultant avocat en environnement. Je travaille avec le groupe Les Entreprises Berthier inc. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Pierre Sylvestre, qui est un des actionnaires principaux de l'entreprise et de ses filiales, et, à ma gauche, de M. Luc Turcotte, qui est ingénieur et qui est au service des Entreprises Berthier pour la gestion de plusieurs questions environnementales, dont le projet de biogaz actuellement et d'autres projets de ce type.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Et, comme les autres groupes qui vous ont précédés, vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

M. Biron (Yvan): On sera bref. Puisque vous l'avez déjà vu dans notre mémoire, nous n'avons pas de nombreuses doléances à faire valoir. Notre présentation sera assez succincte. Je vais d'abord vous présenter un tout petit peu l'entreprise, vous donner le point de vue général de l'entreprise à l'égard de l'avant-projet de loi et, finalement, l'inquiétude qui prévaut en vous disant pourquoi.

Donc, le groupe EBI est une entreprise familiale qui a ses racines dans la région de Lanaudière et qui a commencé à exploiter diverses activités dans le domaine de la gestion des déchets il y a déjà plus de 35 ans. C'est une des rares grandes entreprises du milieu dont les sources sont entièrement québécoises, son siège social étant au Québec et son actionnariat étant entièrement au Québec également.

L'entreprise oeuvre dans divers secteurs. Elle couvre l'ensemble des champs que l'on retrouve dans le domaine de la gestion des matières résiduelles, puisqu'elle fait autant de la cueillette, du transport, de la valorisation, déjà, du recyclage, du compostage, de la gestion de boue de fosses septiques et de l'élimination par enfouissement à son site de Berthierville.

Évidemment, c'est une entreprise qui contribue énormément à l'économie régionale. Il y a déjà plus de 250 personnes qui sont employées par Les Entreprises Berthier et on calcule grosso modo les retombées directes et indirectes, c'est-à-dire en salaires et en biens et services, à plus de 12 000 000 $ par année pour la région immédiate.

De plus, l'entreprise a acquis une forte connaissance de la gestion des déchets et même une renommée, puisqu'elle contribue déjà, depuis quelques années, à la réalisation de sites d'enfouissement à l'extérieur du Québec, dont un qui va bon train, en Amérique centrale, et qui devrait voir le jour incessamment.

Quant au projet de loi, nous vous dirons tout d'abord que l'entreprise le voit favorablement. EBI partage les préoccupations, objectifs et principes défendus dans cet avant-projet de loi, puisque ses propres gestes, ses propres projets des dernières années vont dans le même sens.

EBI a toujours collaboré avec les municipalités avec lesquelles elle fait affaire à des programmes de cueillette sélective, de récupération de déchets verts et autres et a toujours oeuvré dans ce sens-là, puisqu'elle a toujours cru que c'était la voie de l'avenir et que c'était la tendance inévitable du marché de la gestion des déchets.

De plus, et de façon particulière, l'entreprise a toujours été soucieuse de la gestion à long terme des sites. D'ailleurs, lors de sa dernière tarification, en 1989, elle avait demandé la possibilité de créer un fonds dédié à la gestion des risques propres au site et à sa fermeture, c'est-à-dire un fonds qui ressemble étrangement à la fiducie qui est proposée dans l'avant-projet de loi que l'on retrouve devant nous. Donc, 10 ans déjà, et l'entreprise avait déjà envisagé cette possibilité comme une réalité à laquelle elle devait faire face, et elle l'a affrontée de plein fouet.

Vous l'avez vu, les préoccupations sont relativement simples, et, bien que la planification régionale soit fort louable, la possibilité de faire des ghettos pour la gestion des déchets, c'est ce qui inquiète exclusivement l'entreprise. Ça l'inquiète de deux façons, c'est-à-dire quant à son fondement et quant à ses effets.

Je vous dirais que, quant au fondement, on voit là la création de nouvelles frontières, c'est-à-dire économiques et transactionnelles, qui est contraire à ce qu'on rencontre généralement actuellement, que l'on pense à tous les traités pour les échanges commerciaux. Il nous semble que la matière résiduelle pourra faire partie de ces échanges commerciaux, et, comme je vous le dirai peut-être tout à l'heure, si on veut réduire de façon très importante le volume des matières résiduelles, il faut justement les valoriser. Les valoriser veut dire leur donner une rentabilité économique, et il est clair que cette rentabilité n'est possible qu'à une certaine échelle, c'est-à-dire qu'avec un certain volume on réussit à rendre les choses rentables.

De plus, on trouve que c'est un peu contraire à l'esprit de solidarité que le gouvernement défend depuis un certain temps déjà à d'autres niveaux. Moi, l'exemple qui me vient en tête, c'est le fait que présentement on cherche à regrouper les municipalités en essayant de vendre à nos élus que la solidarité doit dépasser les frontières exclusives de petites villes et que la planification doit se faire à une plus grande échelle dans l'intérêt collectif. Moi, je vous dirais que le même esprit devrait régner en matière de gestion de déchets, et il me semble que la solidarité devrait être suprarégionale, c'est-à-dire qu'elle ne devrait pas se limiter exclusivement aux régions, parce qu'il me semble que, dans ses effets, ça nous mènera à des situations assez paradoxales.

La principale que je vois, c'est qu'à partir du moment où on aura des sites d'enfouissement régionaux il faudra probablement avoir des sites d'entreposage de pneus, des incinérateurs de déchets biomédicaux, des centres de transfert de déchets dangereux, des lieux d'enfouissement de sols contaminés, et j'en passe, c'est-à-dire qu'il faudra que chaque région se dote de 10, 12, 15 équipements pour réussir à gérer l'ensemble de la problématique réelle qu'est la gestion des déchets, qu'ils soient dangereux ou des matières résiduelles.

Il me semble que la solidarité collective du Québec fait en sorte qu'une région pourrait bien assumer le site d'enfouissement, alors qu'une autre assumera le lieu de gestion des sols contaminés et qu'une troisième assumera l'incinérateur de déchets biomédicaux. Il me semble qu'il y a une question de logique et de rentabilité également. C'est la principale préoccupation, quant au fondement de la régionalisation, qui nous préoccupe.

(15 h 10)

Nous vous dirons cependant que, de façon plus importante, il y a les effets que nous prévoyons avec un degré variable de certitude mais que nous pouvons voir poindre tout de même. Nous voyons d'abord la multiplication éventuelle des sites, avec les risques que cela comporte, c'est-à-dire plusieurs lieux qui seront des sources de préoccupations éventuelles et d'incidents ou de contrôles. Il nous semble que l'expertise n'est peut-être pas également répartie à travers le Québec.

Et nous voyons également une source de travail supplémentaire pour les représentants du ministère de l'Environnement qui, malheureusement, suite aux diverses coupures, sont déjà débordés. Il nous semble que, si on ne multiplie le nombre de sites que par deux ou par quatre, le travail de surveillance sera drôlement accru et drôlement plus difficile pour le ministère.

Nous voyons également, évidemment, un effet immédiat sur les tarifs. Il semble évident qu'à l'heure actuelle les tarifs sont relativement bas à cause du jeu de la concurrence. À partir du moment où vous aurez des sites qui auront une chasse gardée ou un territoire garanti, ils ne seront plus livrés à la libre concurrence avec leurs compétiteurs et nous verrons nécessairement les tarifs se modifier. Quant aux petits sites, évidemment le tarif pourra être très élevé du fait que l'économie découlant du volume ne sera pas là et que, si on veut assurer la gestion pleine et entière et la mise en place de toutes les mesures de protection, comme le site recevrait un petit volume, il faudra que son tarif soit également relativement élevé.

À ce niveau-là, un troisième élément s'ajoute, c'est-à-dire que l'objectif étant toujours de réduire le volume des déchets à long terme, il nous semble que la mise sur pied de nouveaux sites, à l'heure actuelle, pour répondre à des besoins régionaux fondés sur les volumes actuels, fera en sorte que dans 10 ou 15 ans ces volumes auront diminué de 60 %, on l'espère, à 65 %. Il restera à ces gens 30 % du volume actuel. Et donc les investissements initiaux qui devraient être faits présentement devraient être rentabilisés avec un volume de 30 % du volume actuel des déchets dans une dizaine d'années.

Donc, inévitablement, il va y avoir une flambée des tarifs qui va être assez spectaculaire. C'est un calcul mathématique. Quand il n'y aura que 30 % du volume actuel pour assurer la gestion d'un site, s'il n'y a pas une économie qui est faite sur une autre échelle, les tarifs vont inévitablement monter. À défaut de monter, l'inquiétude qu'on peut avoir, c'est qu'il manque de fonds pour assurer une gestion adéquate, une protection adéquate de l'environnement.

Quant à nous, un troisième effet qui est peut-être le plus important, c'est le frein à l'innovation. Le frein à l'innovation. L'objectif principal – enfin que, nous, on lit dans votre avant-projet de loi – c'est la réduction, évidemment par la valorisation et autres moyens, du volume de déchets éventuellement à enfouir ou à éliminer. Une réduction de 65 % ne se fera pas par la simple collaboration du public, qui est déjà très grande, ou par une nouvelle contribution d'effort collectif. On a vu déjà... On a réduit de 10 % à 15 % dans certaines régions, les gens font de la sélection du papier, etc., mais on a plafonné déjà depuis quelques années.

Cette réduction-là va sûrement se faire par la venue de nouvelles technologies que l'on voit poindre à l'étranger, c'est-à-dire des technologies de séparation mécanique, c'est-à-dire des technologies biotechnologiques, c'est-à-dire des méthodes de compost ou de digestion des matières organiques qui vont réduire substantiellement les volumes. Ces technologies-là, malheureusement, pour être implantées vont nécessiter des matières premières à grande échelle et des investissements très importants.

Il semble que, pour réaliser ce pas en avant, ça va prendre en place, de façon viable, des entreprises qui seront capables d'assumer ces investissements pour importer et mettre en place ces technologies. Il nous semble que, si on restreint l'arrivée de matières et éventuellement les volumes à long terme d'une entreprise, elle n'aura pas les capacités et on va, à mon sens, perpétuer l'enfouissement au cours des prochaines années, puisque ce sera la seule solution qui restera aux entreprises et elles n'auront pas les moyens pour justifier des modifications importantes.

Alors, en conclusion, comme vous verrez – je n'ai pris que peut-être la moitié de mon temps – je vous dirai que l'avant-projet de loi nous semble un effort tout à fait louable et important. L'entreprise EBI partage les préoccupations de réduction, comme je vous disais précédemment, puisqu'elle participe à une série de programmes et qu'elle cherche toujours elle-même des méthodes pour améliorer ou prolonger la capacité de son site. Vous comprendrez qu'une entreprise comme celle-là a une survie allongée, d'autant plus qu'elle réduit les volumes de déchets. Donc, nous y voyons finalement un risque pour l'ensemble de l'industrie et, sans le cacher, des effets importants sur l'entreprise que nous représentons et sur l'économie de sa région.

Et, en conclusion, nous estimons également que nous ne sommes pas certains et nous doutons même que la fermeture des frontières permettra d'atteindre les objectifs de réduction, et nous croyons plutôt qu'elle serait probablement un frein à cette réduction de l'enfouissement ou des volumes de matières résiduelles. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Biron. Oui, M. le ministre, Me Bégin.

M. Bégin: Ha, ha, ha! D'égal à égal. Merci, M. le Président. M. Sylvestre, M. Biron et M. Turcotte, merci de votre présentation. L'avantage de votre présentation, c'est qu'elle tourne autour d'une seule chose, et donc ça circonscrit bien le dossier.

Quand je vous ai écouté, j'ai eu l'impression que vous disiez à peu près ceci. Les MRC vont devoir avoir un site sur leur territoire pour rencontrer leurs besoins et, à la limite, un par secteur: matières résiduelles régulières, biomédicaux, sols contaminés, etc. Je vous avoue que, si c'est la compréhension que vous avez, il y a quelqu'un qui se trompe quelque part, c'est vous ou moi, mais ce n'est pas ça qui est dans le texte. C'est comme si vous disiez: Nous sommes propriétaires – et vous l'êtes – d'un site d'enfouissement sanitaire dans la MRC – c'est D'Autray, je pense, chez vous – de D'Autray et que, si toutes les MRC autour décidaient d'utiliser leur pouvoir, c'est comme s'il ne pouvait plus y avoir de déchets ou de matières résiduelles qui partaient de ces MRC là pour aller chez vous, c'est comme si vous disiez ça comme ça.

Si on dit: La MRC de D'Autray exerce son droit de regard puis elle dit: Dorénavant, il n'y en aura plus, vous avez la réponse que, dépendamment du temps qu'il vous reste pour votre site, vous allez pouvoir recevoir toutes les matières, quelle que soit la décision de la MRC de D'Autray. Rendus à l'extrémité de votre certificat d'autorisation, là il peut se poser la question, mais entre-temps il n'y a aucun problème. Tout le monde qui veut venir pourra venir chez vous comme c'est le cas actuellement.

Mais, dans votre argumentaire, il me semble que vous donnez vous autres mêmes des réponses au fait qu'il n'y aura pas un site par MRC. Moi, une des choses que j'ai entendues le plus souvent dans ma vie – il faut dire que j'ai travaillé dans le domaine municipal – c'est qu'un maire, ça n'aime pas ça, imposer des taxes qu'il n'a pas besoin d'imposer, il n'aime vraiment pas ça. Et, quand vous me dites: Si on en fait un par MRC, il va y avoir des augmentations de coûts, bien je suis persuadé que les maires, quand ils vont décider de planifier la MRC, vont dire: Est-ce qu'on se tire dans le pied ou bien si on regarde ce qui est le plus économique pour nous? Nous avons un site – mettons que je donne un prix – ça nous coûte 30 $, on va exercer notre droit pour que ça nous en coûte 90 $. Moi, en tout cas, je ne pense pas que c'est de même que les élus vont raisonner.

S'il y a un site qui est moins gros que chez vous, actuellement, où il y a peut-être un rendement de... où ça coûte 50 $, je suis persuadé que dans la planification ils vont regarder autour pour voir s'il n'y a pas d'autres MRC qui seraient intéressées à venir à cet endroit-là, si elles n'en ont pas, pour dire: Ça va augmenter notre volume. On a parlé tantôt d'un seuil minimum de quantité de matières à traiter et vous en avez ajouté en disant qu'au fur et à mesure qu'on récupère la quantité à enfouir diminue. Donc, ce raisonnement-là, je ne crois pas que vous soyez le seul à le penser, tout le monde va y participer, en tout cas j'espère, parce qu'il y en a qui vont vraiment commettre des graves erreurs s'ils ne l'ont pas à l'esprit.

Donc, ces arguments-là sont à l'encontre de la crainte que vous avez. Autrement dit, un entrepreneur se dit: Comment je vais pouvoir exploiter mon site de la manière la plus rentable possible? Moi, je pense qu'un maire puis un ensemble de maires – c'est encore pire – vont dire: Comment on peut avoir un site pour que ça nous coûte le moins cher possible? Moi, j'ai travaillé 30 ans dans le domaine municipal, et ça, j'ai pratiqué ça toute ma vie. C'est l'a b c de ce que c'est qu'un maire. Alors, je n'ai pas de crainte, moi, là-dessus, je n'ai pas de crainte. Et toutes les MRC vont raisonner de la même façon: Qu'est que l'on fait? Où est-ce qu'on va? Par contre, elles vont pouvoir dire: Non, nous ne voulons pas au-delà de...

(15 h 20)

Je vais faire une hypothèse claire. Imaginons que, chez vous, dans votre MRC, depuis 15 ans, il y a un site qui est le vôtre puis que les gens du coin disent: Nous autres, là, on en a ras le bol, on ne veut plus avoir des camions qui circulent, on a tels problèmes, on ne veut plus, et qu'ils disent: Nous, il n'y en aura plus, on va laisser celui-là là, mais, après ça, il n'y en aura pas d'autre. Le problème est posé tout de suite: Mais où est-ce qu'ils vont aller après?

Alors, ils ne peuvent pas prendre une décision sans penser à ce qui va arriver ailleurs, et, dans leur plan, il va falloir qu'ils disent où ils vont aller. Ils ne pourront pas faire un plan en disant: On ne veut pas que personne rentre chez nous, mais on ne dit pas où est-ce qu'on va aller, on va garder ça chez nous. Voyons! Ça n'a pas de bon sens. Tout le monde va être obligé de dire: Bien, moi, je m'en vais à tel endroit ou à tel autre endroit, ou, dans notre coin, dans notre secteur, il y a trois sites qui peuvent nous accueillir, on choisira bien lequel. Ils vont être obligés de faire ça, sinon ils n'auront pas de planification de faite. Alors, j'essaie de comprendre profondément l'inquiétude, et ça m'échappe un peu. Alors, peut-être pouvez-vous m'aider?

M. Biron (Yvan): Oui, si vous me permettez, M. le ministre. On n'a pas dit que ce serait nécessairement le cas que chacune des MRC s'installe des sites; on a dit que c'était une porte ouverte, à notre sens, à ce qu'éventuellement on voie cette tendance-là s'accentuer pour toutes sortes de raisons.

M. Bégin: L'autonomie locale? Ha, ha, ha!

M. Biron (Yvan): Pardon?

M. Bégin: L'autonomie locale?

M. Biron (Yvan): Non, il y a deux choses. Oui... Bien, il y a des pressions politiques, parce qu'il y a des gens qui décident qu'ils aimeraient bien que les choses soient chez eux, il y a aussi des choses... Vous me dites que les élus, bon, pensent bien, et je l'espère. Cependant, on a vécu ici, au Québec, une expropriation célèbre d'un site d'enfouissement par une régie régionale, il y a quelques années, parce que des élus ont décidé qu'ils voulaient gérer. Même si ça coûtait des millions de dollars, ils ont quand même choisi de le faire.

Notre inquiétude vient peut-être plus de l'inverse, ce n'est pas tant de choisir de le faire que de choisir de ne pas le faire. Ce n'est pas les MRC qui vont nécessairement décider qu'elles ont des sites chez elles, comme toutes celles qui vont fermer leurs portes, parce qu'elles disent: Nous, on en a un, site, puis, nous, s'il y a juste nos déchets qui rentrent dans le site, on en a pour 30 ans, on en a pour 20 ans ou on en a pour 50 ans avec le site qui est là. Je n'ai même pas à me préoccuper où je vais les envoyer, mes déchets, avant 50 ans, parce que le site que j'ai chez moi, il est parfait, il est bien géré, il a de l'expérience puis il ne coûte pas cher. Mais elles ferment les portes aux autres. Les autres vont avoir des problèmes.

M. Bégin: Mais, en même temps, ils peuvent avoir cette décision-là aujourd'hui, ils peuvent dire: On les envoie à cet endroit-là, point à la ligne. C'est un choix qu'ils ont déjà, ça.

M. Biron (Yvan): Oui... Non, ils n'ont pas le choix de fermer les frontières actuellement.

M. Bégin: Non, non, je comprends, mais le choix de les envoyer là et de se contenter de les envoyer là, ils l'ont déjà.

M. Biron (Yvan): Oui, mais, écoutez, la différence est la suivante. S'ils les envoient là, ils savent que, dans x années, ce site-là va être plein, ils vont peut-être devoir aller ailleurs. S'ils se disent: On est les seuls à aller là, le site va durer quatre, cinq, 10 fois plus longtemps, et je n'aurai pas – ce que vous disiez tout à l'heure – les camions, le bruit, la poussière, le transport, ce qui fait que mes citoyens veulent me mordre depuis...

M. Bégin: Mais ils vont payer plus cher.

M. Biron (Yvan): Oui, mais un site qui est bien établi et qui est bien rodé, qui marche déjà, avec une économie derrière lui, va coûter moins cher que d'en ouvrir un nouveau, ce qui fait que...

M. Bégin: Peut-être, mais le personnel, la machinerie, les infrastructures, que vous les ayez installés il y a trois ans, vous avez vos coûts que vous allez amortir sur un certain nombre d'années. Alors, ces coûts-là, ils ne baisseront pas parce qu'il y a moins de clients, ils vont rester semblables. Donc...

M. Biron (Yvan): Non. Mais, si un site existe depuis 25 ans, les amortissements et toutes sortes d'autres... Vous regarderez les décisions de tarification, comme on en faisait il y a 10 ans, mais qu'on ne fait plus parce que justement le libre marché a fait que ça n'a plus été nécessaire, il y a bien d'autres considérants qui font qu'une entreprise peut tarifer. Là, les gens vont aller en tarification, et, quand les amortissements auront été faits, il y a toutes sortes d'autres considérations qui seront derrière eux. Ils vont réussir à avoir un tarif raisonnable, avec un site qui va durer très longtemps, juste à eux: Pas dans ma cour les déchets des autres et puis je reste chez nous, et là les autres MRC vont commencer à avoir des problèmes puis vont devoir en ouvrir, des sites, elles n'auront pas le choix.

Moi, je n'ai pas tellement peur des gens qui vont vouloir en ouvrir que des gens qui vont vouloir fermer leurs portes. C'est un risque bien différent. Je ne pense pas que les gens vont être tentés puis qu'il va y avoir une ruée des MRC vers l'ouverture de sites. Mais, quand vous allez commencer à avoir des gens qui peuvent les fermer – et, moi, je pense qu'il y a des indications qui permettent de croire qu'il y a plusieurs sites qui pourraient être fermés, que les MRC vont le demander – ça risque de poser problème.

Et là il va y avoir toutes sortes de pressions politiques, également, des gens de l'environ, qui vont faire en sorte que les maires, à un moment donné, pour la paix – les élus, on leur fait confiance, mais on sait très bien comment aussi ils prennent parfois des décisions – dans la mesure où ils ont un groupe de citoyens qui s'est fortement préoccupé par quelque chose et qu'ils sont capables, à long terme, d'avoir une bonne réponse et un coût raisonnable, ils risquent de faire le pas. Et c'est en ce sens-là qu'on le dit, beaucoup plus qu'à l'inverse.

On ne dit pas que ça va se passer, on dit que c'est une ouverture, c'est une porte ouverte. Et c'est une porte ouverte qui nous inquiète, parce que, justement, c'est les entreprises qui sont présentement en place qui risquent de se faire fermer les frontières par leur MRC et c'est les entreprises présentement en place qui ont l'économie d'échelle, l'expertise passée et, éventuellement, les ressources pour mettre en place les nouvelles technologies qu'on voit poindre un peu partout. Le nouveau site, lui, il va juste ouvrir puis il va enfouir, parce qu'il ne sera pas capable de faire d'autre chose à court terme.

Et, moi, je pense que l'objectif de réduire, que vous envisagez à moyen et à long termes, va être freiné par la fermeture des frontières des MRC, et c'est un risque qui est, à notre sens, réel parce que les sites le vivent. Les propriétaires de sites voient régulièrement des groupes de citoyens faire des pressions auprès des conseils municipaux, auprès des conseils de MRC, signer des pétitions, et je vous passe tout ce que l'entreprise, ici, a vécu à travers les années.

M. Bégin: Mais toujours sans avoir à payer la facture qui dépend de la décision qui est prise. Quand...

M. Biron (Yvan): Oui, mais ce que je vous dis, c'est que cette facture-là va être très relative quand on va passer en tarification, et c'est là qu'il risque de...

M. Bégin: Mais, quand les gens vont arrêter de dire: Non seulement je ne suis pas content d'avoir un camion, mais, en plus, je veux avoir la facture qui va avec de 100 $ ou 125 $, là, c'est drôle, les choses vont se relativiser et je crois que c'est ça, un équilibre dans un plateau de balance. Et je crois que les éléments que vous énoncez répondent à ce questionnement-là, parce que vous avez donné les deux éléments comme étant négatifs, mais, en fait, l'un répond à l'autre.

M. Biron (Yvan): J'aurais le goût de vous répondre que, si vous pensez que le marché va faire la... C'est le marché. Vous me dites: Les gens vont réagir en bons consommateurs et dire: Je ne veux pas payer plus cher. Donc, le marché va égaliser les choses. Moi, je vous dis que le marché ouvert égalise bien les choses actuellement parce que, là, on vient mettre une règle qui vient limiter et changer le marché alors qu'il y a un marché qui fonctionne plutôt bien au niveau des tarifs justement.

Et, dans son ensemble, depuis 10 ans, il n'y en a pas eu, de gens, qui sont allés en tarification. Dans leur ensemble, les sites sont plutôt... On regarde les rapports du ministère de l'Environnement et les contraventions sont meilleures dans les dernières années qu'elles l'étaient il y a 10 ans ou il y a 15 ans. Moi, ça fait 15 ans que je suis dans le milieu de l'environnement et j'ai vu une amélioration notable se faire chez les sites. Donc, les sites ont plus de moyens, ils font plus attention, ils ont une meilleure connaissance. Les choses vont en s'améliorant, à mon sens, et on va y mettre un frein.

M. Bégin: Je ne connais pas la durabilité de vie de votre site, là, mais il vous reste combien d'années en principe, théoriquement, sur la base actuelle? Il vous reste combien d'années?

M. Sylvestre (Pierre): Sept, huit ans.

M. Bégin: Sept, huit ans.

M. Biron (Yvan): Huit à 10 ans, disons.

M. Sylvestre (Pierre): Huit à 10 ans. Dans cet ordre de grandeur là.

M. Bégin: Puis est-ce que vous aviez fait déjà une demande d'agrandissement?

M. Biron (Yvan): D'agrandissement? Oui. Il y a un lot.

M. Bégin: Et déposée quand?

M. Biron (Yvan): Déposée...

M. Sylvestre (Pierre): En 1993.

M. Bégin: Ah bon! C'est un hasard, ça. Ha, ha, ha!

M. Biron (Yvan): Oui, oui. Ha, ha, ha! À une époque où il y a eu beaucoup de demandes. Oui, oui. Ha, ha, ha!

Une voix: Puis on était sur le point de...

M. Bégin: Bon. Donc, théoriquement, si vous avez un site, l'hypothèse dont on parle est pratiquement inexistante à l'égard au moins de ce site.

M. Sylvestre (Pierre): Mais, dépassé sept, huit ans, on ne le sait pas.

M. Bégin: Non, mais vous avez droit à l'agrandissement et des droits acquis sont attachés à ce que vous avez.

M. Biron (Yvan): Le droit à l'agrandissement, d'abord, on sait la procédure. La demande est déposée. On ne l'a pas encore. Ça, c'est une chose. Et, deuxièmement, on vient vous voir, oui, pour l'entreprise, mais, oui, de façon générale. Ça fait 35 ans que l'entreprise est dans le milieu et ce n'est pas parce qu'elle a le goût de disparaître dans sept ou huit ans, c'est parce qu'elle a le goût d'être peut-être la première à mettre des nouvelles technologies en place puis de faire d'autres innovations comme elle l'a fait dans le passé. C'est sûr qu'on pourrait regarder à court terme et dire: Nous, on a une vie relativement confortable pour encore quelques années. On pourrait dire ça.

M. Bégin: Juste l'agrandissement.

M. Biron (Yvan): Mais il nous semble que ça va au-delà de ça et que les risques sont collectivement à la grandeur du Québec. Pour nous et pour d'autres, il risque d'y avoir des effets qui vont – encore une fois je vous le dis – freiner...

M. Bégin: Quelles sont les manières que vous envisagez de réduire l'enfouissement par opposition à d'autres méthodes ou choix qui ont été faits dans le plan de gestion? Avez-vous des recommandations pour diminuer la quantité de matières qui pouvaient être enfouies?

M. Sylvestre (Pierre): Bien, nous, on pense que – si on peut appeler ça comme ça – la participation populaire, la cueillette sélective, c'est environ 8 %, 10 % du volume qui peut être récupéré. Si on regarde le gazon puis les feuilles, l'expérience qu'on a à Repentigny puis dans d'autres villes qui le font, on peut aller de 15 % à 20 %.

M. Bégin: De plus?

M. Sylvestre (Pierre): De plus. Ça veut dire qu'on atteint un total de 25 % à 30 %. Ça, on peut appeler ça la participation populaire, les gens qui participent. On pense que c'est l'ordre de grandeur qui peut être atteint. Si on veut aller au-delà de ça, je pense qu'il faut y aller avec des méthodes plus mécanisées qui traitent l'ensemble du sac vert. C'est des méthodes qui commencent à se développer. Et puis, pour la matière organique aussi, il y a des méthodes, si on parle de digestion anaérobie, qui sont plus sophistiquées, de la biotechnologie, qui vont traiter l'ensemble de la matière organique de façon plus globale.

M. Bégin: Recevez-vous d'autres choses que des matières domestiques ou bien si vous recevez industriel et commercial?

M. Sylvestre (Pierre): Oui. Industriel et commercial, oui.

M. Bégin: De ce côté-là, quel est le taux que vous atteignez? Je sais bien que c'est peut-être un peu plus difficile d'évaluation, mais quel est le taux que vous faites de récupération ou qui pourrait être faite à partir des matières qui sont envoyées chez vous? Est-ce qu'il y a de la mise en valeur qui est faite?

M. Sylvestre (Pierre): Oui, c'est plus élevé. On n'a pas les chiffres exacts, là. Quand c'est un produit qui est plus homogène, c'est plus facile à récupérer. Dans le commercial et l'industriel, il y a des plus gros volumes qui sont plus facilement récupérables.

M. Bégin: Avez-vous un centre de tri?

M. Sylvestre (Pierre): Oui. On a deux centres de tri. On en a un à Joliette puis un à Montréal-Est depuis un an. Puis on a une plateforme de compostage aussi de 25 000 m².

(15 h 30)

M. Bégin: Est-ce que vous faites des matériaux secs? Est-ce que vous faites une récupération ou bien si vous enfouissez systématiquement ce que vous recevez?

M. Sylvestre (Pierre): On reçoit très peu de matériaux secs.

M. Bégin: Très peu de matériaux secs.

M. Sylvestre (Pierre): Très peu. On n'a pas...

M. Bégin: Mais d'autres matières, comme les ICI, c'est quoi, votre volume, par rapport à l'ensemble? Industries, commerces, institutions, là. Restaurants, magasins...

M. Sylvestre (Pierre): 25 %, 30 %. C'est sûr qu'il y a des industries qui ont des très gros volumes, là. C'est ça, 25 %, 30 %.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Messieurs, bienvenue parmi nous. Vous comprendrez que ce n'est pas tout le monde qui pense exactement, exactement comme vous autres. On a reçu la semaine dernière le Regroupement vert de Sainte-Geneviève de Berthier, vos voisins et amis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Eux, ils ne pensaient pas tout à fait comme vous autres. Je m'excuse.

M. Biron (Yvan): Non. On a même des transcriptions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Ils nous ont rappelé que la nappe phréatique dans votre site serait à 2 pi... que seulement 1 % des déchets dans votre site venaient de leur municipalité. Alors, ils n'étaient pas tout à fait... Bon. On sait ça. Ensuite, on a reçu la MRC, qui, elle, semble dire que vous êtes un bon citoyen corporatif mais qu'ils aimeraient bien... Je lis la phrase: «Par ailleurs, la MRC hôtesse devrait avoir un pouvoir de taxer à l'enfouissement. Ces modalités doivent être prévues dans une éventuelle entente inter-MRC.» Alors, eux, ils disent: Il faudrait même être capable de taxer. Et là on ne parle pas d'un fonds en fidéicommis, là. Ils parlent d'une taxe pour tout ce que ça leur cause de problèmes, je pense.

Une fois ça dit, deux questions. La première, vous disiez dans votre énoncé, tantôt, que cette politique que le ministre est après développer pourrait créer une multitude de sites au Québec. Ma compréhension des choses, pour avoir fait une tournée en environnement des sites du Québec, il y a deux ans, ce n'est pas ça que j'ai retenu. Ce que j'ai retenu, c'est qu'il y a plus de sites qui vont se fermer qu'il va s'en ouvrir. Il y a une consolidation dans cette industrie-là comme dans bien d'autres industries. Et qui veut aller devant le BAPE, dans un sous-sol d'église, pendant trois semaines, pour avoir le Regroupement vert de Sainte-Geneviève et leurs acolytes et essayer de répondre à leurs 500 questions?

Alors, permettez-moi de douter, pour un instant, du fait qu'il y aura plus de sites au Québec. S'il y a quelque chose qui va se passer, ça va être exactement le contraire. Pour avoir rencontré un certain nombre de maires qui ont des petits sites en ce moment, ils réalisent bien, eux autres aussi, qu'en bas de 100 000 tonnes, 200 000 tonnes par année, ce n'est plus viable. Ils ne seront jamais capables de rencontrer les 1 800 pages de règlements que je vois atterrir dans les prochaines journées. Checkez-vous bien, ça s'en vient, là. Alors, il n'y a pas une petite municipalité ou une petite entreprise... Et ceux qui sont déjà établis, là, ont un avantage indéniable sur l'ensemble du marché. J'aimerais vous entendre, là, parce que je ne suis pas d'accord avec votre énoncé là-dessus.

M. Biron (Yvan): Je vais me répéter un peu, mais c'est ce que je vous disais tantôt. On ne sait pas combien il va y en avoir de créés, mais, quand on va fermer les frontières quelque part, les autres n'auront pas le choix, il faudra bien qu'ils fassent quelque chose. Et, si vous me dites qu'il n'y en aura pas qui vont s'ouvrir, ça veut dire que ceux qui sont là vont répondre aux besoins et répondent déjà aux besoins. Donc, il n'y a aucune utilité de donner une juridiction ou un pouvoir aux gens de fermer les frontières. À quoi ça sert alors? À quoi ça sert? Parce que, avec ce que vous me dites... Vous me dites: On en a trop, on va en fermer. Donc, ça veut dire que ceux qui sont là sont en bonne position...

M. Benoit: Je n'ai pas dit qu'il y en avait trop, je n'ai pas dit qu'on allait en fermer; j'ai repris votre énoncé où vous dites qu'il va y en avoir plus.

M. Biron (Yvan): Non. D'accord. Mais vous dites que votre tournée fait en sorte que vous croyez que le nombre devrait diminuer. En fait, c'est quand même ce que vous venez de dire.

M. Benoit: C'est-à-dire que j'ai vu beaucoup de maires qui me disent que leurs sites sont dispendieux à opérer parce que les volumes ne sont pas suffisants et que la nomenclature de la réglementation va les mettre dans une position où ils n'auront qu'un choix, c'est probablement de fermer leurs petits sites. C'est ça que j'ai dit, et pas plus et pas moins.

M. Biron (Yvan): Oui. Mais, alors, écoutez, peu importe la formulation, il me semble que... Ce que je comprends, c'est qu'on risque de voir une diminution. Donc, ceux qui sont en place suffisent. Donc, le marché, comme je le disais tantôt, doit bien faire son travail. Alors, moi, ma question, c'est: À quoi ça sert alors de donner ce pouvoir-là? Parce que, si le pouvoir existe, soit personne ne fera rien, on va être dans la situation actuelle, soit il y a des gens qui vont l'exercer. L'exercer, c'est de fermer les frontières, c'est dire: Dans ma MRC, on ne reçoit que ce qui vient d'ici. Et là, écoutez, ce qui vient d'ailleurs, actuellement, il va bien falloir qu'il aille quelque part.

M. Benoit: Vous avez dit d'autres choses tantôt. Et là c'est ma déformation d'homme d'affaires, ça me préoccupe. Quand vous dites... Finalement, je ne suis pas sûr que vous l'avez dit, mais, en tout cas, ça a mis un doute dans mon esprit. Toute la tarification du déchet, à partir du moment où une MRC va contrôler son territoire et va contrôler l'arrivée des déchets puis le volume, est-ce qu'il n'y a pas un danger que la tarification du déchet soit accélérée à la hausse? Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait...

M. Biron (Yvan): Ça va dépendre.

M. Benoit: Parce qu'on va enlever des lois du marché là-dedans, finalement, dans cette loi-là. On va restreindre les lois du marché finalement.

M. Biron (Yvan): Avant de répondre à cette question-là, si vous me permettez...

M. Benoit: Oui, très bien. Bien sûr.

M. Biron (Yvan): Pour la question précédente, M. Sylvestre voudrait faire un commentaire.

M. Benoit: Bien sûr, bien sûr.

M. Sylvestre (Pierre): Oui, c'est ça. Nous autres, ce qui nous inquiète, c'est la MRC où on est installé, qu'elle dise: Vous n'avez pas le droit de recevoir des déchets de l'extérieur. Ça veut dire qu'en tant qu'entreprise on n'existe plus. Cette MRC là, je ne pense pas qu'elle soit préoccupée par les problèmes des autres MRC autour ou, de la façon que la loi est faite, celle qui a les infrastructures de disposition des déchets, si elle a le pouvoir de dire: On ne reçoit pas les déchets de l'autre, bien elle n'est pas préoccupée par les autres.

Mais, nous autres, en tant qu'entreprise, là où on est installé, on n'existe plus. Parce qu'on donne des services dans huit, 10 MRC autour, des commerces, des municipalités. On dessert une cinquantaine de municipalités dans un rayon autour de l'endroit où on est situé. Ça fait que, si la MRC où on est situé a le pouvoir de dire: C'est fini, vous n'avez plus le droit de recevoir des déchets, ils mettent une frontière autour de leur territoire, bien, nous autres, en tant qu'entreprise, on n'existe plus, c'est fini. C'est ça qui nous préoccupe.

M. Benoit: Une des choses qu'elle a dites, votre MRC – et je l'ai textuel ici, dans leur mémoire, puis c'est la seule d'ailleurs qui a dit ça – elle a dit: Au minimum, la MRC hôtesse – donc la vôtre – devrait pouvoir imposer certaines obligations à la MRC exploitatrice, basées sur sa propre performance en matière de gestion des déchets. Le droit de refuser des déchets de l'extérieur doit être maintenu. Effectivement, elle dit ça, mais ce qu'elle dit aussi, c'est que, si, nous, dans notre MRC, on fait un effort pour récupérer et que n'importe qui rentre chez nous puis eux n'ont pas fait l'effort, que nous, MRC, ayons le droit d'imposer à l'autre MRC qu'elle fasse cet effort de récupération. Comprenez-vous la logique de leur mémoire?

M. Sylvestre (Pierre): C'est ça. Là-dessus, je vous dirais que la logique va être selon les aléas des élus. Ça va changer d'élus, il va y avoir d'autres logiques. Ça donne un pouvoir à la MRC qui va évoluer selon les élus, parce que la logique du prix, ça n'a pas d'importance, ce n'est pas... Tu sais, c'est ça, là. Au mois de novembre, il y a des élections, il va peut-être y avoir quatre, cinq maires de plus. Ça va être quoi, leur logique par rapport au document qui est déposé là? On ne le sait pas.

Ça crée une incertitude qui est énorme pour les investissements futurs. Si on a des gros investissements à faire pour l'avenir, il faut se conformer aux normes, toujours. Ça fait que, si, à chaque aléas des élus, à chaque mois de novembre, ça change d'orientation au niveau de la MRC... Parce qu'il faut dire aussi que la MRC de D'Autray... Nous autres, notre site est dans les MRC de D'Autray et de Joliette. On est réparti dans le territoire des deux MRC. Actuellement, tous les déchets sont disposés dans la MRC de Joliette. Ça fait que la MRC de D'Autray exporte ses déchets dans l'autre.

M. Benoit: Joliette, c'est celle qui a failli avoir un permis de 20 ans. C'est-u ça?

M. Sylvestre (Pierre): C'est ça. Ha, ha, ha!

M. Benoit: Bon. Très bien. Je voulais juste être sûr qu'on parlait de la même.

M. Sylvestre (Pierre): Mais notre territoire de disposition des déchets, notre permis s'étend dans les deux MRC, autant dans une que dans l'autre. Puis je vous dirai que, au niveau de la façon de voir les choses, c'est le jour et la nuit entre Joliette puis D'Autray, puis elles sont voisines, puis on est sur les deux territoires. C'est pour ça que donner le pouvoir d'empêcher la disposition des déchets en un endroit à une MRC, c'est ça qui nous inquiète. Puis eux autres ne sont pas préoccupés par l'autre, à côté. On le vit actuellement, c'est le jour et la nuit en fait de façon de voir, de penser la gestion des déchets. C'est ça, le contexte.

M. Biron (Yvan): De plus, le contexte historique de l'entreprise, c'est qu'il y a de l'histoire avec la MRC. Puis, il n'y a pas si longtemps, avec d'autres élus, ce qui avait été demandé à l'entreprise, c'était de volontairement cesser de recevoir les déchets de l'extérieur. Parce que, à l'époque, ce qu'ils disaient, c'est: Si on l'avait, le pouvoir, on ferait de quoi avec. Puis ça, c'était il y a quelques années, ça fait... je ne sais pas combien d'années exactement, mais ça a été négocié, on a tenté d'ouvrir la porte là-dessus.

M. Benoit: Une MRC pourrait, à toutes fins pratiques, vous exproprier indirectement.

M. Sylvestre (Pierre): Absolument.

M. Biron (Yvan): Jusqu'à un certain point, oui, parce que, si elle décide qu'elle ne veut plus recevoir quoi que ce soit, on n'est pas exproprié en ce sens qu'on vit avec ce qu'il y a dans le marché, mais une partie de l'entreprise, en tout cas, ou de la viabilité...

Juste une précision, M. le ministre, peut-être que c'est moi qui ne comprends pas bien aussi, mais, à l'article 53.23, on parle bien de la capacité autorisée, à mon sens, à la date d'entrée en vigueur? C'est tout simplement pour ça, tout à l'heure, que j'ai hésité quand... Oui, le site a une demande d'agrandissement mais qui n'a pas encore fait l'objet d'autorisation. Alors, ça serait une surface, éventuellement, pour laquelle on pourrait peut-être être autorisé mais qui viendrait probablement après l'entrée en vigueur de la loi, donc qui ne serait probablement pas à l'abri de l'application de cette loi-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Dans votre cas, quand vous dites, M. Sylvestre, que votre MRC sur laquelle est votre site d'enfouissement, si cette MRC-là, demain matin, vous dit: Bon, bien, notre plan de gestion, il n'y en a plus qui rentre de l'extérieur, vous n'aurez pas quand même une relation de force au niveau de votre tarif, parce que vous allez avoir une argumentation, de dire: Bien, écoutez, vous nous coupez x 1 000 tonnes de déchets, mon entreprise, il faut qu'elle survive, il faut qu'elle fasse des profits, moi, il faut que je vous charge... de 20 $, maintenant, ça va monter à 80 $ ou 90 $? Vous allez avoir quand même une relation de force avec ces gens-là.

(15 h 40)

M. Sylvestre (Pierre): Pas nécessairement. Ça dépend de la vision des élus, là. C'est une question politique, eux autres, comment est-ce qu'ils voient ça. Ce n'est pas nécessairement...

M. Benoit: Ils pourraient les envoyer à Joliette puis vous empêcher d'avoir ceux de Joliette aussi.

M. Sylvestre (Pierre): En toute logique économique, oui, ça pourrait être le cas, mais pas la logique politique ou des débats à la table de la MRC.

M. Biron (Yvan): Puis, en plus, il y a deux phénomènes. On peut empêcher d'entrer nos déchets, mais ça ne nous empêche pas de les envoyer ailleurs. C'est couplé à la procédure de tarification à laquelle je faisais référence tout à l'heure. On a un pouvoir, mais un pouvoir qui va être limité. Parce que, là, nous, on a un tarif qui a été fixé il y a 10 ans puis qui existe, qui est inchangé parce que la loi du marché a fait son travail. À partir du moment où on va changer les règles, on va se retrouver astreint à la tarification.

Puis, moi, je vous dis juste que, par exemple, pour une entreprise comme celle-là, ça va être une perte d'un paquet d'emplois s'il fallait que le volume tombe à ce qui est à l'interne. Et puis la tarification, quand on va regarder le coût unique de la tonne qui rentre et qu'on va oublier, tu sais, une partie des infrastructures amorties ou des investissements que cette entreprise-là a faits depuis des années mais qui se retrouveraient peut-être à être amortis ou autre, le tarif ne sera peut-être pas si exorbitant que ça non plus. Ça, on ne le sait pas. On n'a pas fait l'exercice, on ne l'a pas fait, le calcul. C'est purement théorique, ce que je vous amène là, mais je vous dis juste que, à mon sens, il faudrait le faire peut-être, l'exercice, là. Mais il y a un risque que notre pouvoir soit limité.

M. Whissell: Mais, vous, M. Sylvestre, le projet de loi, là, vous en avez pris connaissance. Pour vous, est-ce que c'est un gros point d'interrogation? Vous avez une entreprise qui est quand même assez grande, vous êtes un homme d'affaires prospère. Pour vous, est-ce que c'est vraiment l'incertitude au niveau de votre entreprise?

M. Sylvestre (Pierre): L'ensemble du projet de loi nous convient parfaitement. La tendance d'aller vers la réduction, je vous dirais, c'est une tendance mondiale puis nord-américaine. C'est dans cet esprit-là que ça s'inscrit. On souscrit à ça à 100 %. D'ailleurs, au fil des années, on a investi dans la récupération, le recyclage, la collecte sélective. Récemment, on a fait un réseau de captage de biogaz de l'ensemble de notre site. On va valoriser cette ressource-là qui se perdait ou qui polluait.

L'ensemble du document nous convient parfaitement. C'est l'aspect de donner le pouvoir à la MRC de limiter l'accès, de limiter l'enfouissement sur son territoire qui est une menace pour notre existence de façon pleine et entière. C'est cet aspect-là, spécifiquement, qui ne nous convient pas. Le restant du document, on est parfaitement à l'aise avec.

M. Whissell: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, messieurs, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Merci.

Sur ce, j'ajourne les travaux au mardi 12 octobre, à 14 heures, dans la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 15 h 43)


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