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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 12 octobre 1999 - Vol. 36 N° 18

Consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Yvan Bordeleau, président
M. Paul Bégin
M. Robert Benoit
M. Serge Deslières
M. David Whissell
M. André Pelletier
M. Gabriel-Yvan Gagnon
M. Robert Middlemiss
*M. André Auger, Association canadienne du ciment portland
*M. Camille Veillette, idem
*M. Gaston Lafleur, CQCD
*Mme Gail Bebee, idem
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Manuel Dussault, idem
*M. Michel Lalonde, idem
*M. Hubert Bourque, Intersan inc.
*M. Martin Dussault, idem
*M. Jacques Gaudette, idem
*M. Jocelyn Théberge, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, mesdames, messieurs, je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Et nous devons poursuivre le mandat de la commission, qui est de poursuivre ses auditions dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Whissell (Argenteuil) remplace Mme Delisle (Jean-Talon).

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Alors, aujourd'hui nous aurons quatre présentations de mémoire: de 14 heures à 15 heures, l'Association canadienne du ciment portland; 15 heures à 16 heures, le Conseil québécois du commerce de détail; 16 heures à 17 heures, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec; et 17 heures à 18 heures, Intersan inc.


Auditions

Alors, je vais appeler les gens du premier organisme qui doit faire la présentation, les représentants de l'Association canadienne du ciment portland, à prendre place à la table. Alors, juste pour rappeler également les règles, disons qu'on a pour chacune des présentations une heure. Alors, vous avez droit à 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Ensuite, le gouvernement aura 20 minutes pour vous questionner et avoir des commentaires, et la même chose pour les députés de l'opposition. Alors, je vous demanderais – M. Auger? – ...

M. Auger (André): Oui.

Le Président (M. Bordeleau): ...de présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez 20 minutes pour nous faire votre présentation.


Association canadienne du ciment portland

M. Auger (André): Je vous remercie. Mon nom est André Auger. Je suis le délégué de l'Association canadienne du ciment portland et du comité environnement. Je travaille pour Ciment St-Laurent. À mes côtés, Camille Veillette, qui représente Ciment Québec. Malheureusement, M. Beaudet, de Lafarge, ne peut pas être présent aujourd'hui.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on vous écoute.

M. Auger (André): Parfait. Merci. D'abord, l'industrie du ciment fait partie de l'économie canadienne depuis plus d'un siècle et trois compagnies cimentières, c'est-à-dire Ciment St-Laurent, Ciment Québec et Lafarge, opèrent au Québec. En 1996, elles ont produit 23 % du ciment fabriqué au Canada. L'Association canadienne du ciment portland regroupe tous les cimentiers canadiens.

Le ciment est largement utilisé pour la construction d'infrastructures ainsi que pour l'édification du complexe immobilier de notre société moderne. Le rôle premier de notre industrie demeure toujours de fabriquer du ciment et cette mission se remplit en harmonie avec le tissu économique et environnemental d'un territoire donné. Effectivement, les principaux dossiers environnementaux préoccupent également l'industrie cimentière et ses représentants sont actifs à chaque grande table de discussion, ce qui amène l'Association à intervenir, par exemple, dans le dossier des gaz à effet de serre et, plus en amont encore, dans les tables de discussion des matières résiduelles.

Lors de la vaste consultation du BAPE sur l'environnement portant sur la gestion des matières résiduelles au Québec, qui a été menée en 1996, l'Association a été présente tout au long des séances et a fait valoir son point de vue tout en fournissant son expertise lorsqu'elle a été sollicitée. C'est donc une suite logique de présenter les commentaires de l'Association sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives.

Le rôle de notre industrie dans la valorisation énergétique de certaines matières résiduelles démontre le potentiel à contribuer à régler concrètement certains problèmes, comme l'exprimait d'ailleurs Mme Bureau, vice-présidente de RECYC-QUÉBEC, en faisant le point sur le programme des pneus hors d'usage: «Il faut aussi mentionner l'apport très important provenant du secteur des cimenteries. Ciment St-Laurent et Ciment Lafarge ont toujours été des partenaires d'une très grande fiabilité.» Selon le rapport annuel de RECYC-QUÉBEC, au cours de l'année 1997-1998, Lafarge Canada et Ciment St-Laurent ont valorisé le double de pneus pour beaucoup moins d'argent que les recycleurs. Vous pouvez d'ailleurs regarder, en page 5 de notre mémoire, le tableau, au bas, qui démontre très bien ces résultats.

Le nombre de pneus valorisés en cimenterie peut encore augmenter, et ce, à un coût toujours aussi compétitif pour le gouvernement. Il faut aussi tenir compte du fait que seules les cimenteries disposent chacune d'un site d'entreposage conforme et légal, faisant épargner énormément à RECYC-QUÉBEC sur ses coûts d'opération et de transport. Ceci permet aux cimenteries d'être plus compétitives, de conserver nos emplois et d'exporter le ciment qui ne peut être consommé au Québec.

(14 h 10)

Lorsque les déchets deviennent une ressource parce qu'ils peuvent être valorisés, les enjeux ne sont plus les mêmes et la solution doit être vue d'une façon globale sur tout le territoire du Québec. C'est le cas d'un immense volume de matériaux qui vont aujourd'hui à l'enfouissement ou dans des sites d'entreposage et qui constituent une biomasse avec valeur énergétique: par exemple le bois, le bois traité, les produits de construction et démolition ou autres résidus industriels.

Les plans de gestion doivent être basés sur deux principes pour parvenir à instaurer des mesures efficaces, soit la gestion intégrée et la valorisation. Comme premier principe, il faut conserver la perspective d'une gestion intégrée d'un bon nombre de matières résiduelles valorisables pour l'ensemble du Québec. Un problème global ne peut pas être efficacement résolu s'il est abordé sous l'angle de morcellement du territoire. Citons l'expérience actuelle des pneus. Le programme des pneus hors d'usage est géré de façon centrale par RECYC-QUÉBEC qui détermine la cueillette et la répartition de ces pneus par régions administratives. Il est nécessaire de prendre les pneus d'une région et de les acheminer vers le meilleur utilisateur, peu importe où il est situé sur le territoire du Québec. Aucune région n'est autonome pour régler ce problème.

En résumé, l'Association croit que la gestion intégrée de la valorisation des déchets se fait en combinant une gestion globale, des paramètres clairs pour la cueillette et le transport dans les régions et aussi bien sûr une priorité accordée au contrôle des coûts.

La valorisation optimale des matières n'est possible également qu'en favorisant des solutions durables les moins dispendieuses, qui tiennent compte à la fois de la qualité des installations industrielles qui valorisent, de la capacité de respecter les engagements ainsi que de l'existence d'un site d'entreposage à proximité.

L'enjeu de la valorisation des déchets rejoint les préoccupations d'un autre dossier environnemental très important, celui de la réduction des gaz à effet de serre. L'Association présente ici certains points tirés du rapport de SNC-Lavalin Changements climatiques, analyse des caractéristiques de l'industrie cimentière du Québec , qui a été produit pour le ministère de l'Industrie et du Commerce en août 1999. Une opportunité très importante de réduction des gaz à effet de serre est l'utilisation de déchets industriels combustibles, incluant la biomasse. Parmi ces avantages, citons: économie de combustibles fossiles devant bien souvent être importés; le pouvoir énergétique des résidus est récupéré dans un procédé industriel; les cendres sont incorporées dans le clinker, éliminant entièrement l'enfouissement; ainsi qu'un faible coût d'implantation.

Dans les cimenteries du Québec, parmi les principaux déchets qui sont ou qui pourraient être utilisés comme combustibles, on retrouve les pneus usés et du caoutchouc; la biomasse, incluant presque tous les tubes de bois; les huiles usées ainsi qu'autres produits industriels; les boues inorganiques séchées; ainsi que tous résidus compatibles avec le procédé cimentier. Je reviens tout juste d'une conférence internationale sur le sujet, et ces bénéfices sont déjà reconnus par bien d'autres pays dont la France, la Suisse, etc.

En plus de constituer une solution définitive, la valorisation des déchets en cimenterie contribue à diminuer les gaz à effet de serre. En l'an 2000, l'Association prévoit déjà que 30 % de la consommation d'énergie par des cimenteries sera attribuée aux matières résiduelles. Quant au Canada, il est prévu que ce pourcentage ne sera que de 10 %.

Maintenant, au niveau des commentaires sur l'avant-projet de loi. Tout d'abord, l'article 1 de la Loi sur la qualité de l'environnement est modifié par la suppression des articles 11° et 12° qui parlent de la suppression de la définition des déchets. Est-ce que la définition des déchets a évolué à ce point qu'elle peut être supprimée de la loi pour ne conserver que les grandes catégories de traitement, soit valorisation et élimination? Selon l'Association, il demeure nécessaire de garder dans la loi ou dans un règlement une définition claire des matières qui sont rejetées suite à un procédé de production ou après consommation. Les instances publiques gardent et même élargissent leur pouvoir sur le traitement des déchets ou de résidus ressources lorsque les déchets sont valorisés, et il est important de conserver des balises par une définition légale.

Maintenant, la définition de la valorisation, qui est l'article 53.1: «Toute opération visant le réemploi, le recyclage, le compostage, la régénération ou par toute autre action, à obtenir à partir des déchets des éléments ou des produits utiles ou de l'énergie.»

Voici une définition de la valorisation qui propose une vision globale dans la gestion des déchets et qui ouvre la porte à l'établissement de règles du marché où les solutions les plus efficaces, au meilleur prix possible, continueront à se développer pour la réutilisation des matières résiduelles. C'est un pas de plus vers le développement durable.

L'Association est en accord avec la définition de valorisation qui est ici proposée. À vrai dire, depuis longtemps, l'Association demande au ministère de l'Environnement une définition claire de la valorisation, et celle de l'avant-projet de loi est fort appréciée en donnant une perspective d'ensemble pour la seconde vie des déchets.

Contenu du plan de gestion.

«53.7. Le plan de gestion doit comprendre: 3° le recensement des organismes et entreprises qui oeuvrent sur le territoire dans le domaine de la récupération, de la valorisation ou de l'élimination des déchets.»

Ce paragraphe prévoit un recensement qui peut paraître simple à exécuter à première vue, mais sa complexité réside dans le fait que le recensement est évolutif et la fermeture ou l'ouverture d'un site de valorisation ou d'élimination est en mesure d'influencer largement les plans de gestion, surtout quand ce plan doit être fait pour une longue période. Les répertoires des utilisateurs et des éliminateurs des déchets devront être montés de façon standardisée dans chacune des régions pour que les informations colligées dans cet exercice de recensement soient transférables d'une région à l'autre, le cas échéant.

«4° un inventaire de déchets à valoriser ou à éliminer, qu'ils soient d'origine domestique, industrielle, commerciale, institutionnelle ou autres, la nature de ces déchets et leur composition.»

Le paragraphe 4° pose un problème encore plus complexe: Comment une MRC ou une communauté urbaine parviendra-t-elle à faire un inventaire juste des déchets à valoriser ou à éliminer là où le ministère de l'Environnement et RECYC-QUÉBEC éprouvent bien souvent des difficultés? Par exemple, le nombre exact de pneus hors d'usage entreposés au Québec n'est pas réellement défini et pourtant les organismes concernés ont tâché de faire la lumière. Lorsqu'un résidu ne peut pas être compté ou mesuré, il faut s'en tenir aux informations transmises par les gestionnaires des sites et faire des approximations en cas d'abandon d'activité. La marge d'erreur est très grande et peut occasionner des coûts supplémentaires majeurs.

Les organismes régionaux n'ont probablement ni le pouvoir ni les ressources techniques nécessaires pour délimiter la nature, la composition des déchets industriels et institutionnels de leur région. L'Association recommande donc que le ministère de l'Environnement demeure responsable de l'inventaire des déchets industriels et institutionnels et fournisse les informations aux organismes régionaux.

«6° un recensement des installations existantes de récupération, de valorisation ou d'élimination...»

Toutes les installations de valorisation du Québec devraient apparaître dans ce recensement, et non pas uniquement les installations du territoire de la MRC.

Finalement, l'Association propose d'ajouter un dixième paragraphe à l'article 53.7, car elle considère que la cueillette et le transport sont des points extrêmement importants et qui doivent faire partie intégrante des plans de gestion. Un texte proposé est tout simplement:

«10° les dispositions pour les activités de cueillette et de transport ainsi que la distribution des déchets.»

Consultation publique par la commission, à l'article 53.10. L'Association propose que le pouvoir de la commission soit mieux défini. La consultation publique sur le plan préliminaire du plan de gestion convoquée sous forme d'une assemblée publique ne sera pas nécessairement enrichissante pour les décideurs publics si elle ne requiert pas de préparation adéquate des participants. La structure de déroulement pourrait être définie de façon plus précise, du moins en demandant un résumé par écrit des commentaires des participants avant la tenue de cette séance publique. Rapporter des commentaires verbaux et interpréter leur intention est une source d'erreurs dont la commission devrait être protégée.

(14 h 20)

Pouvoir réglementaire du ministre, 53.27. Les décisions prises au niveau central par le ministère pour les catégories des déchets ainsi que pour le mode de traitement favorisé sont déterminantes comme le démontre clairement le cas des pneus hors d'usage. Les balises du pouvoir pour les catégories de déchets devraient être déterminées en fonction de la qualité des solutions et des coûts avantageux. L'Association croit que l'industrie du ciment peut jouer un rôle déterminant dans ces enjeux. De surcroît, il faut rappeler que la valorisation de matières résiduelles par notre industrie contribue à réduire la quantité d'émission des gaz à effet de serre. N'oublions pas que 5 % des gaz à effet de serre du Québec proviennent des sites d'enfouissement existants. Il faut cesser d'éliminer de cette façon.

Le ministre se donne des pouvoirs d'établir des mesures concrètes et de fournir de moyens appropriés pour augmenter la valorisation de certaines catégories de déchets, et ce, toujours en conservant le souci premier, fort logique, de réduire sensiblement la quantité de matériaux à enfouir. L'Association rappelle son désir de continuer à participer dans la mise en place de solutions durables, car l'industrie du ciment a la capacité de faire partie des solutions pour la gestion des déchets en les traitant comme des ressources.

Le ministère pourrait considérer de façon prioritaire des installations de valorisation comme les cimenteries afin de bien utiliser leur capacité, et ce, à tous les niveaux. Les éléments suivants devraient être analysés et pris en considération par le ministère de l'Environnement, c'est-à-dire: le tri à la source du bois et d'autres matières combustibles afin de les acheminer vers les installations de valorisation, ainsi que de faire la promotion de la valorisation pour introduire dans le procédé de nouvelles matières premières alternatives.

L'Association veut continuer à participer aux grandes orientations pour la gestion des matières résiduelles et notre démarche s'inscrit dans une volonté de partenariat et de complémentarité.

Enfin, l'Association canadienne a quatre recommandations: la première est que le gouvernement conserve la perspective d'une gestion intégrée d'un bon nombre de matières résiduelles valorisables pour l'ensemble du Québec, dont les huiles usées, les pneus, la biomasse, etc.; deuxièmement, que le ministère de l'Environnement considère de façon prioritaire la capacité des cimenteries dans la valorisation énergétique des déchets, car, en plus d'être efficace et de réduire la consommation de combustibles fossiles, le traitement des déchets en cimenterie contribuent à réduire la quantité d'émission des gaz à effet de serre; troisièmement, que le ministère de l'Environnement demeure responsable de l'inventaire des déchets industriels et institutionnels et qu'il rende les informations disponibles aux intervenants; et, enfin, que le recensement des organismes oeuvrant dans le domaine de la valorisation ou de l'élimination ainsi que l'inventaire des déchets à valoriser ou à éliminer soient montés de façon standardisée dans tous les plans de gestion selon des balises qui seraient déterminées par le ministère de l'Environnement. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Auger. Alors, la parole est maintenant au ministre pour une... Oui, M. Auger et M. Veillette. Alors, la parole est maintenant au ministre pour une durée de 20 minutes, en alternance toujours avec l'opposition.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, M. Auger, M. Veillette. J'aurais une seule question, je pense que c'est la clé de votre mémoire. Aux pages 10 et 11, vous dites ceci: «Voici une définition – en parlant de l'article 53.1 – de la valorisation qui propose une vision globale dans la gestion des déchets et qui ouvre la porte à l'établissement des règles du marché où les solutions les plus efficaces, au meilleur prix possible, continueront à se développer pour la réutilisation de matières résiduelles. C'est un pas de plus vers le développement durable.»

On a eu plusieurs intervenants qui sont venus ici nous dire que la définition, justement, de la valorisation n'était pas satisfaisante, vraiment l'opposé de vous, en disant, entre autres, que la valorisation telle que définie là ouvrait la porte à l'incinération et que, pour eux, il y avait une distinction vraiment importante entre de l'incinération et de la valorisation.

Est-ce que vous avez eu cette approche? Est-ce que vous voyez les choses de la même façon? Comment percevez-vous tout cela, la valorisation versus l'incinération?

M. Auger (André): Écoutez, on a souvent écrit que la valorisation était l'utilisation de résidus – on peut parler de sémantique, que ce soient des déchets, des résidus – dans un procédé industriel en remplacement de matières premières. Si on applique cette définition-là, on va tout simplement remplacer des combustibles fossiles, que ce soit du charbon, de l'huile ou autres, par des résidus. Alors que quelqu'un qui fait de l'incinération doit tout simplement détruire pour détruire. On a un gros volume, on va incinérer, on va avoir un petit volume de cendres et des gaz. Alors que, nous, quand on va remplacer une certaine quantité de combustibles, à ce moment-là, tout simplement, on prend des résidus et on n'achète pas de charbon. Donc, le charbon va carrément demeurer dans le sol, c'est une ressource qui n'a pas été utilisée. Je pense qu'il y a toute une différence entre faire les deux.

M. Bégin: Donc, vous partagez le même point de vue, finalement, parce que vous ne voyez pas dans le terme «valorisation» l'incinération. Vous faites une distinction, vous dites: L'incinération, c'est autre chose. Donc, vous rejoignez ces gens-là. Eux, ils craignaient que, avec la définition telle que formulée, cela permette ou favorise, en fait, l'incinération de la même manière que vous parlez de la valorisation.

M. Auger (André): Tout à fait.

M. Bégin: Mais, si on produit de la vapeur, par exemple, dans un incinérateur – je n'invente pas l'hypothèse, elle est ici à côté; à peine à un kilomètre d'où on est présentement, il y a l'incinérateur de la ville de Québec qui produit de la vapeur – est-ce que vous considérez que c'est de l'incinération ou de la valorisation, à ce moment-là?

M. Auger (André): Il faut se demander: S'il n'y a pas de débouché pour la vapeur, si on est en plein été et que l'incinérateur doit fonctionner, est-ce que la vapeur va être produite et utilisée dans un procédé industriel? Probablement pas.

M. Bégin: Mais imaginons que – parce que l'hypothèse existe encore une fois, il y a Daishowa qui est juste à côté – la vapeur peut être entièrement utilisée. Est-ce que, pour vous, le fait que la matière soit des déchets au sens de papier, des débris de table, etc., tout ce qui peut brûler... Si ça produit de la vapeur, est-ce que vous considérez ça comme étant de la valorisation?

M. Auger (André): Je vais le reprendre dans l'autre sens. Si vous avez besoin de vapeur et que cette vapeur-là doit être produite, que l'on utilise des combustibles conventionnels ou des déchets, absolument, ce sera de la valorisation. Mais, si les déchets doivent être détruits et qu'on va faire de la vapeur pour laquelle il y a peut-être un débouché, je pense qu'on irait dans l'autre sens.

M. Bégin: Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député d'Orford, porte-parole de l'opposition en matière d'environnement.

M. Benoit: Merci. Tout d'abord, une toute première petite question. Pourquoi il fut si long avant que l'industrie du ciment ici décide de se servir des vieux pneus pour mode d'énergie, alors que c'est une formule qui était connue – vous le dites vous-même dans votre mémoire – en Europe, c'était connu au États-Unis? Pourquoi ce fut si long? Avez-vous dû attendre que le gouvernement, finalement, décide de vous payer pour les pneus pour que vous alliez de l'avant avec ça? Et attention à la réponse, parce que la prochaine question s'en vient.

M. Auger (André): Dans la situation où nous étions en 1992 ou 1993, la réponse, c'est: Oui, on a dû attendre une intervention du gouvernement parce qu'il était absolument impossible de compétitionner contre des sites d'entreposage ou d'enfouissement. Parce que, aussitôt qu'on disait: On doit obtenir un certain montant pour rentabiliser nos exploitations, les gens baissaient les prix, baissaient les prix. Les gens qui ont des sites d'entreposage n'ont absolument aucun coût fixe. Les coûts variables, c'est nul. Donc, on ne pouvait absolument pas compétitionner contre un site quelconque qui baissait ses prix pour garder le marché, tout simplement.

M. Benoit: Je ne suis pas sûr que je vous comprends. Dans votre industrie, vous chauffiez avant ce ciment-là avec du pétrole et maintenant vous le chauffez avec des pneus. C'est ce que je dois comprendre, ultimement, là.

M. Auger (André): On chauffait avec...

M. Benoit: En simplifié, là.

M. Auger (André): Oui, oui.

M. Benoit: Je ne comprends pas votre explication. Je veux dire, à chaque fois que vous mettiez un pneu dans votre usine, vous enleviez un gallon, un litre ou trois gouttes de pétrole, là. Alors, qu'est-ce qui vous a empêché de le faire avant, alors que partout ailleurs on le faisait? Vous me parlez d'entreposage, j'ai de la misère à vous suivre.

M. Auger (André): O.K. Si on regarde ce qui se passe en Europe, si on veut commencer là-bas, des coûts d'enfouissement de 100 $, 200 $ ou des interdictions d'enfouir existent depuis beaucoup plus longtemps qu'ici. Donc, les gens sont prêts à payer un 100 $ ou 200 $ la tonne pour que les pneus aillent vers des solutions qui sont valables.

M. Benoit: Je comprends.

M. Auger (André): Ici, au Québec, on compétitionnait contre des coûts puis on parlait d'environ 30 $ la tonne pour les déchets domestiques. On avait quelqu'un qui avait un permis pour recevoir des pneus et, lui, s'il fallait, il baissait à 20 $, à 10 $. On avait à investir plusieurs millions de dollars dans les équipements pour manipuler ces pneus-là. Et les gens nous demandent un certain retour sur l'investissement. Donc, c'est impossible pour moi de justifier un investissement de 2 000 000 $, 3 000 000 $, si on dit: Bien, non, je ne serai pas payé pour les pneus, et l'économie du combustible n'est pas suffisante pour payer des installations.

M. Benoit: Là, je comprends beaucoup mieux. Ultimement, en environnement, puis, nous, on est à une commission où le ministre, c'est le ministre de l'Environnement, on regarde les impacts environnementaux. Je comprends que ce n'est jamais coupé au couteau bien clair, tout ça. En fin de semaine, dans la revue Les Affaires , il y a une firme, il y en a une autre dans mon comté, qui, elle, fait du recyclage de pneus, soit des tapis ou autres, et l'en-tête, c'est: Va manquer de pneus à recycler . L'entreprise Royal Mat dit qu'ils vont manquer, dans la prochaine année, de pneus à recycler.

Alors, je vais aller un peu dans le même sens que le ministre vous le demandait. Environnementalement, est-ce qu'on est mieux de recycler des pneus vers des tapis ou est-ce qu'on est mieux de les brûler et de produire une poudre qui s'appelle du ciment?

M. Auger (André): Si on avait voulu aller dans cette direction-là, il aurait dû y avoir un article dans la revue Les Affaires il y a à peu près six mois, parce qu'on en a manqué, nous, des pneus.

M. Benoit: Effectivement.

M. Auger (André): Écoutez, on nous a toujours dit que le recyclage venait en premier, et c'est pour ça que les gens qui font du recyclage reçoivent 125 $ la tonne de pneus qui est recyclée, alors que les cimenteries reçoivent 50 $ la tonne. Donc, on envoie en tout premier lieu les pneus vers l'industrie du recyclage, et je crois qu'on leur donne tellement d'argent que les gens peuvent tout simplement doubler les installations, ou à peu près, annuellement.

(14 h 30)

Je pense que, de façon pratique, nous avons la solution la moins dispendieuse. Je ne crois pas que le programme de RECYC existerait si ça n'avait été des cimenteries qui ont été là les premières. Aujourd'hui, on vise tout simplement à conserver ou à utiliser les installations qui sont déjà en place. Les pneus nous arrivent aujourd'hui de l'extérieur du Québec où les pneus sont transportés, livrés à nos usines, et on nous paie le même montant que RECYC nous paie pour recevoir ces pneus-là. Donc, le prix du marché est le prix que RECYC nous paie. Si les recycleurs devaient vivre aujourd'hui avec un marché libre, au lieu de recevoir 125 $ de RECYC, ils devraient recevoir 40 $ ou 50 $ de l'extérieur du Québec. Ça, c'est le prix du marché. Ça fait que, si les gens continuent à investir en ne se fiant que sur les subventions de RECYC, à la fin du programme, je ne suis pas certain que ces gens-là vont continuer à survivre.

M. Benoit: Quand vous dites que vous importez des pneus – on a eu un peu une euphorie collective sur les ondes il y a quelques semaines à cet égard-là, vous avez dû être au milieu de tout ça, probablement – ces gens-là qui vous exportent leurs pneus, ce sont les Ontariens, ce sont les Américains?

M. Auger (André): Il y a deux types de... on va appeler ça deux types de pneus qui vont entrer au Québec. Un certain groupe s'en va dans les sites d'entreposage et a causé justement les problèmes que vous avez vus dans les journaux. Ces pneus-là entrent au Québec, s'en vont dans les entrepôts de pneus et, à long terme, le gouvernement du Québec va probablement devoir nettoyer ces entrepôts-là. L'autre type de pneu qui va entrer, c'est celui qui s'en va chez un recycleur ou une cimenterie, et celui-là, RECYC ne met absolument pas d'argent; c'est un contrat privé entre le producteur et l'utilisateur.

Je vais vous donner un exemple, peut-être pour illustrer ça. La province de la Nouvelle-Écosse a un programme où les gens paient 3 $ du pneu pour que les pneus soient correctement utilisés. Il y a eu un feu récemment, ça a soulevé un petit peu de controverse là-bas. La province de la Nouvelle-Écosse est venue rencontrer Ciment St-Laurent, nous apporte ses pneus, refuse de les envoyer dans un autre site d'entreposage – on ne déplace pas un problème à un autre – est venue porter les pneus chez Ciment St-Laurent. Nous, on est payés par la province de la Nouvelle-Écosse le même montant que RECYC nous paie pour des pneus qui sont produits là-bas. Les gens ont payé pour avoir une solution environnementale et nous paient pour que ce soit bien géré.

M. Benoit: Deux courtes, finales, questions avant que mes confrères... Au niveau des émissions, vous émettez quelque chose, en bout de ligne. J'ai vérifié avec l'Université de Sherbrooke ce matin, j'étais sûr que vous étiez des grands pollueurs. On m'assure que non. Alors, ça, ça a défait ma première question que je voulais vous poser, mais qui contrôle ces émissions-là? Au-delà de mes vérifications avec l'Université de Sherbrooke, là, qui contrôle ce que vous émettez, en bout de ligne, dans les airs? Le ministère?

M. Auger (André): Le monsieur qui est en face de vous.

M. Benoit: Lui, personnellement? Lui, personnellement, ça m'inquiète, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Vous avez raison, je ne connais rien là-dedans.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Auger (André): Non, non. C'est le ministère de l'Environnement qui... Le permis qu'on a pour utiliser des pneus, évidemment a requis des mesures d'émissions atmosphériques. On fonctionne à l'intérieur des normes. On fonctionne même à l'intérieur de normes plus avancées que celles du ministère parce qu'on a participé avec le Conseil canadien des ministres à l'Environnement... Donc, ces normes-là font partie de notre permis. On doit vérifier à tous les ans ou tous les deux ans ou tous les trois ans, faire de nouveaux programmes d'échantillonnage. Lafarge et Ciment St-Laurent sont soumis exactement aux mêmes normes. Et puis on pourrait, je pense, citer le BAPE où il y avait quelqu'un du ministère qui a dit qu'il y avait, dans certains cas, moins de polluants. Je pense que la dame dont vous parliez, à l'Université de Sherbrooke, a aussi fait un doctorat sur le sujet. Et on a un comité de citoyens avec qui on partage tous ces résultats-là.

M. Benoit: M. Auger, dernière question. Dans votre mémoire, vous dites que, le Québec, nous sommes à 30 % dans nos entreprises de pneus, et le reste du Canada à 10 %. Comment on explique ce différentiel-là avec le reste du Canada? C'est-u la définition de la société distincte, ou si c'est d'autres choses, là?

M. Auger (André): Je ne sais pas. J'aimerais que ce soit ça, mais je ne pense pas. Non, c'est tout simplement que le Québec a été beaucoup plus actif au niveau de la valorisation. On a commencé il y a peut-être un peu plus longtemps, et il y a beaucoup plus d'activités. On a obtenu une acceptation sociale de la valorisation, mais on croit qu'on peut aller beaucoup plus loin.

M. Benoit: Et est-ce que le reste du pays essaie de reprendre le pas là-dessus ou...

M. Auger (André): Tout à fait. Je suis d'ailleurs le «chairman» du comité canadien de l'Association, et, tranquillement, je pense qu'on prend exemple sur le Québec.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous amène à la page 13 de votre mémoire concernant les consultations publiques par la commission.

Dans votre mémoire, le dernier paragraphe, vous nous dites: «La consultation publique sur le plan préliminaire du plan de gestion convoquée sous forme d'une assemblée publique ne sera pas nécessairement enrichissante pour les décideurs publics si elle ne requiert pas de préparation adéquate des participants.» C'est la première fois que j'entends ça depuis le début de nos audiences. Qu'est-ce que vous avez dans la tête, que vous ne nous dites pas dans votre mémoire?

M. Auger (André): Ce qu'on dit dans le mémoire, c'est ce qu'on a en tête.

M. Deslières: Oui, mais qu'est-ce que vous proposez?

M. Auger (André): Bien, c'est tout simplement qu'il y ait une structure fixe, avec des commentaires écrits. Je ne crois pas que même la commission, ici, pourrait aller très, très loin s'il n'y avait pas de documents écrits, s'il n'y avait pas des gens qui venaient déposer des mémoires et non pas des choses verbales. Parce que, pour avoir assisté à des audiences du BAPE ou d'autres, des fois, moi, je ressors de là avec une certaine impression, il y a d'autres gens qui ressortent avec une autre impression, mais, quand on relit les écrits par la suite, on s'aperçoit qu'il faut vraiment avoir ces écrits-là. Je pense que c'est énormément de travail, puis une trace écrite de tous les travaux doit être présente.

M. Deslières: Et aussi permettre aux gens qui n'ont pas de mémoire de participer, mais vous exigez que cette séance publique là... au moins une des séances publiques soit par dépôt de mémoires.

M. Auger (André): On n'exige pas, on suggère.

M. Deslières: Vous suggérez, vous recommandez, oui, excusez-moi.

Deuxième chose. Vous dites: «une assemblée publique». Est-ce que ça vous va?

M. Auger (André): Écoutez, une assemblée... le format, pour moi, est peu important en autant que les gens soient entendus et qu'on rapporte correctement les commentaires.

M. Deslières: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le député. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Messieurs, j'aimerais revenir sur la question au niveau des gaz de combustion. En utilisant les pneus, à la sortie de la cheminée, est-ce qu'il y a plus de CO2 ou moins de CO2, ou c'est équivalent?

M. Auger (André): C'est à peu près équivalant si on mesure ce qui sort au bout de la cheminée. Je dois vous dire que, de façon physique, si on mesure, c'est à peu près la même chose. Ce qu'on dit aussi, et qui a été accepté ailleurs, c'est que, quand on utilise des résidus qui s'en iraient dans un site d'enfouissement ou dans un incinérateur ou ailleurs, quand on utilise ces résidus-là en remplacement de charbon, par exemple, bien, le charbon va tout simplement demeurer dans la terre. Donc, au lieu d'essayer de capter le CO2, le retourner d'une façon quelconque ou d'en faire autre chose, on dit tout simplement que le charbon, il demeure dans la terre. Donc, l'effet net sur l'environnement est moindre parce que ce carbone-là n'a pas été émis. C'est accepté. D'ailleurs, en France, il y a une entente entre le gouvernement français et l'industrie cimentière française, où c'est carrément écrit, puis on a donné accès à tous ces documents-là à SNC pour produire un document pour...

M. Whissell: Alors, il n'y a pas plus de CO2 dans les gaz. Si on fait une analyse chimique, c'est identique.

Au niveau de votre coût pour éliminer les pneus, vous parliez que vous recevez 50 $ la tonne. Si je comprends bien, vous avez fait quand même des investissements en immobilisations pour adapter vos fours à la manipulation et pour insérer les pneus dans le four. Est-ce qu'un jour vos investissements vont être tellement amortis que ça pourrait même en venir que vous allez payer pour recevoir des pneus pour remplacer du combustible?

M. Auger (André): Il y a deux questions: Est-ce que les investissements vont être amortis? Les investissements, oui, s'amortissent, mais il y a toujours des coûts d'opération aussi. C'est beaucoup plus dispendieux d'utiliser deux systèmes d'alimentation dans un four que d'en utiliser un seul. Les coûts ont déjà diminué, ou les montants qu'on reçoit ont déjà diminué. Au début du programme de RECYC-QUÉBEC, nous recevions 60 $ la tonne; présentement, nous recevons 50 $ et, à partir du 1er novembre, nous recevrons 40 $. Donc, on en tient déjà compte un peu dans ça.

M. Whissell: Est-ce que vous pensez, un jour, que vous allez pouvoir arriver à zéro, ou même, si on veut être idéaliste, un jour dire que vous allez payer pour les pneus?

(14 h 40)

M. Auger (André): Disons que, si vous êtes en affaires et puis que vous pouvez vous faire payer 40 $ pour des pneus par RECYC-QUÉBEC et recevoir 50 $ ou 60 $ de l'extérieur du pays, il faut être pas mal nationaliste pour tenir à ceux de RECYC.

M. Whissell: À la page 8 du document, vous mentionnez qu'il y a d'autres déchets qui pourraient être utilisés. Vous parlez de biomasse, huiles usées, boues. À part les pneus, présentement, est-ce qu'il y a d'autres matières résiduelles que vous brûlez, valorisez?

M. Auger (André): Absolument. Ciment Québec, ici, utilise déjà de l'huile usée, utilise un peu de bois; Lafarge n'utilise que des pneus; Ciment St-Laurent, à Joliette, utilise du bois, a un permis pour du bois traité qui est poteaux et dormants de chemin de fer, utilise du bois non traité, du bois vierge et, évidemment, les pneus, les huiles usées.

M. Whissell: Mais dans le bois, ça inclut les poteaux d'Hydro-Québec, là...

M. Auger (André): Ça, c'est le bois traité, oui.

M. Whissell: Le bois traité. O.K.

À la page 11, vous faites mention du plan de gestion. On ne vous a pas vraiment questionné là-dessus, vous semblez avoir des réticences au niveau que les MRC vont établir leur propre plan de gestion, et vous dites que «le traitement des matières résiduelles doit être pris de façon globale» dans le cas des pneus. Pouvez-vous expliquer, peut-être, la problématique que vous envisagez? Parce que je pense que vous exprimez quand même une réserve dans ce paragraphe, puis je pense que ça serait important de l'éclaircir.

M. Auger (André): De façon simple, au Québec il existe deux cimenteries qui utilisent des pneus et quatre ou cinq recycleurs. Il y a 16 régions administratives, et il y a peut-être trois ou quatre régions administratives qui auraient des installations pour utiliser des pneus. Donc, si on ne voulait travailler que par régions ou MRC, la région de Lanaudière serait bien servie et on manquerait de pneus, et peut-être qu'une autre région n'aurait aucun débouché pour les pneus. Donc, on pense que c'est quelque chose qui doit être regardé de façon globale parce qu'on ne veut pas non plus multiplier par 16 toutes les installations d'utilisation de résidus à la grandeur du Québec.

M. Whissell: Mais, présentement, dans la loi telle qu'elle est écrite, ce n'est pas ce que ça dit, là.

M. Auger (André): Bien, ça dit qu'il doit y avoir des plans de gestion. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a certains résidus qui doivent être regardés de façon globale.

M. Whissell: Alors, ça ne serait pas qu'il y ait une exclusion au niveau de la loi?

M. Auger (André): Bien, écoutez, on n'a pas regardé pour le texte exact, mais l'idée, c'est qu'on doit regarder de façon globale plusieurs résidus parce que, par régions, ce n'est pas des choses qui sont gérables.

M. Whissell: Une dernière question, au niveau des BPC. On a connu la polémique des BPC, et même à un certain moment donné il était question que les BPC soient dirigés vers vos cimenteries. Pensez-vous que ça a été une erreur de ne pas les brûler à même les cimenteries? Parce qu'il y a eu un coût pour la collectivité, qui a été autrement plus dispendieux que si on les avait brûlés dans le procédé.

M. Auger (André): Sauf que je ne pense pas que, socialement, les gens de Joliette auraient accepté, pas plus que les autres régions, d'ailleurs, d'avoir les BPC chez eux. Je pense que ça aurait été très difficile à faire accepter. Ciment St-Laurent a envoyé ses BPC en Alberta étant donné qu'on n'a pas eu cette autorisation-là. Je pense que, la solution technique, elle était là, mais il y a d'autres volets dans l'environnement, dont le côté social. Je pense que personne n'aurait été gagnant si on avait forcé cette solution-là.

M. Whissell: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil. La parole est maintenant au député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. M. Auger ou votre collègue, j'aurais deux questions. Il y en a une concernant les pneus. Il y a des inventaires ou des montagnes de pneus. On sait que ces pneus-là, qui sont dans le paysage, il y en a une partie qui seraient réutilisables pour revalorisation, une autre partie qui pourraient être utilisés par les cimenteries. Est-ce que vous avez une idée ou un pourcentage de comment vous vivez cet inventaire de pneus là? Parce que, semble-t-il, pour toutes sortes de raisons, ils ne peuvent pas tous être revalorisés dans des usines. Est-ce que vous connaissez à peu près le pourcentage qui pourraient être utilisés chez vous et à l'usine de revalorisation?

M. Auger (André): L'usine de recyclage?

M. Pelletier (Abitibi-Est): Oui.

M. Auger (André): Je peux vous dire que, tant qu'il y a eu un surplus de pneus qu'on appelle le flux courant, donc les pneus produits au jour le jour, les recycleurs se disaient toujours que les pneus entreposés n'étaient pas bons pour leurs opérations. Aujourd'hui, alors qu'ils commencent à manquer de pneus, le discours commence à changer aussi.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que tous les pneus, en autant qu'ils sont de la bonne dimension, peuvent être utilisés par les cimenteries. Au niveau des recycleurs, il faudra leur demander parce que leur histoire change avec la situation.

M. Pelletier (Abitibi-Est): O.K. J'aurais une autre question, M. le Président, si vous permettez. Dans votre mémoire, vous mentionnez que les cimenteries contribuent à diminuer les gaz à effet de serre. Pouvez-vous me donner certains commentaires concernant cette affirmation-là?

M. Auger (André): Bien, c'est un petit peu ce que j'expliquais tantôt. C'est qu'au niveau de la valorisation, quand on utilise des combustibles ou quand on valorise – si on valorise – 10 % de nos combustibles... Avec nos combustibles, exemple 100 000 tonnes par année, il y a 10 000 tonnes de charbon qui vont demeurer dans la mine au États-Unis, donc le résidu n'ira pas dans un site d'enfouissement. Si on prend du bois, par exemple, construction et démolition, qui est un excellent exemple, quand on démolit une maison, on prend tout le bois, on l'envoie dans un site d'enfouissement, et celui-là va se décomposer sur une certaine période de temps, produire du méthane, et c'est cette décomposition-là qui représente à peu près 5 % des émissions actuelles du Québec pour le réchauffement planétaire.

Nous, ce qu'on dit, c'est que, si on prenait 10 000 tonnes de bois qui, au lieu d'aller dans le site d'enfouissement, s'en venaient chez nous, on en ferait un combustible et puis, à partir de ce moment-là, 10 000 tonnes de charbon demeureraient dans le sol, n'émettraient pas de gaz, et il y en aurait 10 000 tonnes qui ne feraient pas ça dans le site d'enfouissement. Donc, c'est un petit peu l'histoire en arrière. C'est accepté de plus en plus au niveau international, et la plupart des pays industrialisés commencent à regarder sérieusement cette alternative-là.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Une dernière question, M. le Président. Ce que je comprends, c'est que vous dites que les fours des cimenteries émettent moins de gaz dans l'atmosphère que le bois qui est enfoui dans le sol?

M. Auger (André): Ce qu'on dit, c'est que, si on utilisait une certaine quantité de combustible et qu'on prenait ce bois-là pour le mettre dans un site d'enfouissement, nous, on émettrait exactement la même quantité, mais le site se mettrait lui aussi à émettre du méthane ou autre chose. Si on est capable de détourner ces résidus-là et de les amener dans une installation de valorisation – il n'y a pas que les cimenteries, mais on en parle ici – on diminuerait les émissions du site d'enfouissement. Donc, la différence serait... C'est un crédit, tout simplement.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le député. La parole est au député d'Argenteuil, en soulignant qu'il reste trois minutes pour le député de l'opposition.

M. Whissell: Ma question s'adresse à M. Veillette. Vous êtes chez Ciment Québec. Vous, actuellement, est-ce que vous en faites de la valorisation de pneus?

M. Veillette (Camille): Pas du côté des pneus. On a fait des essais seulement mais, compte tenu du nombre réduit de pneus qu'il était possible d'utiliser dans notre procédé versus les redevances de RECYC-QUÉBEC et aussi les points d'interrogation qu'on avait sur les approvisionnements, on n'a jamais décidé d'investir de ce côté-là. On suit le dossier depuis longtemps mais, pour nous, et du côté rentabilité et du côté sécurité d'approvisionnement, ça n'a jamais réussi à rencontrer nos critères pour dire: On va de l'avant avec nos investissements.

M. Whissell: Et pensez-vous un jour aller de l'avant? Parce que, si j'ai bien compris la logique de monsieur, les immobilisations, ils les amortissent à 60 $ puis à 50 $ la tonne, mais ça s'en va toujours en diminuant.

M. Veillette (Camille): Oui, mais du côté garantie d'approvisionnement actuellement, je vous dirais qu'on est très heureux de ne pas avoir investi jusqu'à maintenant.

M. Whissell: Est-ce que vous utilisez actuellement d'autres matières résiduelles?

M. Veillette (Camille): On utilise des huiles usées puis quelques résidus provenant d'alumineries.

M. Whissell: Au niveau des pneus, là, les anciens pneus... je sais qu'au niveau technologique le caoutchouc a évolué à un certain moment donné. Pour vous, est-ce que ça fait une distinction un pneu qui date des années soixante versus un pneu qui a été construit dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix?

M. Veillette (Camille): Vous me posez la question à moi?

M. Whissell: Bien, ça peut s'adresser à un des deux, là.

M. Veillette (Camille): André est peut-être plus en mesure...

(14 h 50)

M. Auger (André): Il n'y a aucune différence pour l'utilisation en cimenterie en autant que le pneu n'est pas rempli de terre et puis assez propre, si vous voulez. Si c'est un pneu qui a été enfoui puis on a mis de la terre par-dessus, du sable, quand on le sort de là, il y a plus de matières non combustibles que de matières combustibles. Mais, si c'est tout simplement au niveau du caoutchouc ou de la composition, il n'y a aucune différence.

M. Whissell: Alors, il n'y a aucun pneu que vous allez rejeter, là...

M. Auger (André) : Pas sur ce critère-là. Présentement, nos installations, c'est des pneus entiers. Si on nous arrive avec des morceaux, il va falloir regarder une autre façon de les alimenter, mais...

M. Whissell: Puis pensez-vous, un jour, être capable de brûler les pneus industriels, comme exemple les pneus de chargeurs ou de camions hors route?

M. Auger (André) : C'est quelque chose qui est regardé. On a parlé un petit peu avec l'Association des mines. Ça dépend aussi combien les gens sont prêts à payer parce que, s'il faut commencer à couper ces pneus-là en morceaux qui sont gérables, c'est quand même une opération qui est assez dispendieuse. Ça, c'est une des économies qu'on avait envisagées au début, c'était justement d'utiliser des pneus entier pour ne pas avoir à déchiqueter, ce qui est une opération dispendieuse.

M. Whissell: Parce que, actuellement, ces pneus industriels là n'ont aucun débouché. Je pense qu'ils sont entreposés. On a beau avoir des articles où on dit: On manque de pneus au Québec, il y a quand même des pneus qui sont entreposés, puis ça s'ajoute jour après jour.

M. Auger (André) : Oui, il y a des pneus, surtout dans les mines. Mais, comme je vous dis, pour l'instant, nous, on n'a pas de façon d'introduire ça, notre valve a une grandeur maximale de 48 po.

M. Whissell: Puis, le ministère de l'Environnement et RECYC-QUÉBEC, est-ce que ces gens-là semblent mettre de l'énergie à vouloir s'attaquer à ce problème qui est toujours là, puis...

M. Auger (André) : Pour l'instant, ces pneus-là ne sont pas dans le programme de RECYC-QUÉBEC. Les pneus, on les liste à partir de pneus de moto jusqu'à une certaine dimension, mais les pneus hors route devraient être gérés par les producteurs, probablement les gens des mines.

M. Whissell: Mais ils font quoi avec les pneus?

M. Auger (André) : Présentement, ils sont entreposés.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député d'Argenteuil. La parole est maintenant au ministre, et il y a le député de Saguenay aussi qui veut intervenir. Il vous reste 12 minutes. M. le ministre.

M. Bégin: Le projet de règlement qui va être déposé prochainement pour les pneus suite à l'entrée en vigueur du droit sur des pneus va faire en sorte qu'il ne sera plus possible d'entreposer des pneus comme on en a présentement, mettons, à Saint-Amable ou ailleurs. Ça va être interdit, donc il devra y avoir le flux courant, et les autres pneus devront aller directement dans un centre de transbordement pour s'assurer que les pneus dont on dispose sont bien des pneus qui ont été recueillis ici. Ça pose la question, à la limite, d'une barrière qui empêcherait les pneus d'entrer au Québec. Le projet ne vise pas ça parce que, si ça s'en va directement chez vous, il n'y a pas de problème, mais, si on veut faire entrer des pneus, les faire payer par les Québécois pour en disposer, vous conviendrez que, là, il y a un petit problème d'éthique qui se pose à l'égard de nos citoyens.

Alors, vous autres, est-ce que ça vous poserait un problème majeur qu'il y ait, par exemple, fermeture... je ne dirais pas fermeture des frontières, mais faire en sorte que les pneus qui rentrent au Québec, ce soient seulement des pneus du Québec parce qu'on les paie, ou bien si vous pensez qu'on doit garder l'ouverture à des entreprises comme la vôtre de les faire venir d'ailleurs? Ce qui m'amène à une autre question: Pourquoi les autres provinces ou les autres États américains sont-ils disposés à envoyer leurs pneus ici, s'ils ont des mesures semblables aux nôtres? Je ne comprends pas l'idée d'envoyer des pneus ici.

M. Auger (André) : Bien, si on prend, par exemple, le cas de l'Ontario, eux ont procédé... au lieu de mettre un organisme qui s'appelle RECYC-QUÉBEC ou RECYC-ONTARIO là-bas, ils ont commencé par interdire l'enfouissement, donc les gens doivent trouver un autre débouché. Il se trouve que c'était probablement moins dispendieux pour eux de payer le transport et de venir les entreposer au Québec que de trouver un débouché interne.

M. Bégin: Donc, ils n'ont pas de débouché technique ou technologique connu, par exemple le brûlage. Ils doivent avoir certainement des cimenteries. Est-ce qu'ils le font là-bas, ou pas? Parce que, à date, je vois que vous êtes à peu près à 10 %, les autres provinces aussi, 10 % d'utilisation de produits, donc, théoriquement, ils devraient se débarrasser de leurs pneus de la même manière qu'on le fait ici.

M. Auger (André) : Présentement, il n'y a pas de cimenterie qui en brûle en Ontario. Il y en a qui ont leur permis mais qui n'ont pas trouvé ou les quantités, ou le prix, ou la combinaison des deux, donc ils ne sont pas prêts à faire, justement, les investissements. Par contre, ça, c'était disponible au Québec. Donc, je ne pense pas qu'il faut fermer la frontière parce que la journée où vous fermez la frontière complètement vous empêchez même quelqu'un de venir payer cinq fois le prix pour les porter ici, en autant qu'ils soient gérés correctement. Je pense qu'il faut qu'on interdise la frontière à de l'entreposage prolongé, mais dans le cas... puis je pense qu'une des premières versions que vous aviez c'était: L'entreposage sera permis en autant que les pneus seront utilisés sur le site.

M. Bégin: Oui, ça, il n'y a pas d'objection, là. Je voyais l'article de Royal Mat. Si Royal Mat a 10 000 pneus parce qu'elle en a besoin – je ne sais pas quel est son ratio quotidien, mais elle en consomme un moyen lot – il faut lui permettre d'avoir dans sa cour ce qu'il faut pour faire le... ce n'est pas «just in time», là, il faut un peu de matériel devant soi.

M. Auger (André): Écoutez, Ciment St-Laurent à Joliette a un entrepôt qui peut permettre d'accepter 400 000 pneus, et puis 200 000 chez Lafarge.

M. Bégin: C'est combien de jours, ça, à peu près? Je ne veux pas connaître vos secrets industriels, là, mais...

M. Auger (André): Bien, écoutez, 400 000 pneus, c'est à peu près trois mois d'utilisation.

M. Bégin: Trois mois. La qualité. Tantôt vous avez dit que, chez vous, il n'y a aucun problème. On m'a dit – je n'ai pas de preuve de ça – que les pneus qui seraient entreposés depuis au-delà de 10 ans n'auraient pas les qualités de caoutchouc requises pour faire, par exemple, de la poudrette ou des transformations, alors que chez vous, sur le plan énergétique, ça ne poserait aucun problème. Est-ce que vous êtes au courant de ce problème là ou si c'est une...

M. Auger (André): On en a utilisé. RECYC a même voulu venir voir sur place, quand on utilisait ces pneus-là, si ça faisait une différence, et la réponse est non, ça ne fait absolument aucune différence. On a utilisé des pneus... je pense c'est un site à Sainte-Foy, où la ville de Sainte-Foy a pu exproprier une certaine dame ou un monsieur qui avait des pneus d'entreposés. Les pneus se sont ramassés chez nous, ceux qui étaient dans les bonnes dimensions, mais sans aucun problème.

M. Bégin: O.K. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous référez à l'étude faite par SNC-Lavalin, et vous indiquez, là, que dans les cimenteries au Québec, parmi les principaux déchets qui pourraient être utilisés comme combustible, on retrouve la biomasse. Et moi, la question qui m'est venue à l'idée en lisant ça: Plusieurs de nos scieries, nos usines de sciage ont des problèmes avec les écorces. Qu'est-ce qui fait que, sachant qu'on pourrait utiliser cette biomasse-là, ces écorces-là comme combustible dans des cimenteries, on soit encore aux prises avec plein d'écorces à gérer sur le territoire? Ou, si je posais la question différemment: Quelles sont les étapes qui devraient être franchies pour nous permettre de se rendre au fait d'utiliser à cette fin-là les écorces?

M. Auger (André): Pour tous les résidus, y compris les écorces, la valeur calorifique doit être là, sinon on va faire de l'incinération. Autrement dit, si on laisse tremper ces écorces-là où il y a une valeur nette de combustible zéro, il n'y a pas beaucoup d'avantages à introduire un combustible à valeur énergétique zéro dans un four. Quand on cherche certains résidus, on va évidemment chercher à obtenir une certaine quantité de chaleur.

Le deuxième problème, c'est la distance de transport. Quand on a des écorces qui sont disponibles dans le Nord et qui ne pèsent à peu près rien dans un camion, ça va coûter une fortune de les descendre près des centres urbains où il y a des cimenteries d'installées. Je vous dirai, par contre, que des résidus de fabriques de meubles où on commence avec du bois séché, un bois qui a quand même été séché, qui a une certaine valeur calorifique et qui n'est pas trop loin, comme Saint-Michel-des-Saints ou Saint-Félix, pas trop loin de l'usine de Joliette, à ce moment-là, on en utilise déjà.

M. Gagnon: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Saguenay. Alors, comme il n'y a plus de questions, je vous remercie, M. Auger, d'avoir présenté le mémoire de l'Association canadienne du ciment portland. Je remercie également M. Veillette qui vous accompagnait.

(15 heures)

Alors, j'inviterais maintenant les représentants du Conseil québécois du commerce de détail à s'approcher de la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je souhaite la bienvenue à Me Gaston Lafleur, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail. Je vous demanderais, Me Lafleur, de présenter la personne qui vous accompagne et je vous rappelle que vous avez également 20 minutes pour faire votre présentation, suivie d'une période de questions des députés ministériels et de l'opposition.

Alors, Me Lafleur.


Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Oui, merci, M. le Président. J'aimerais vous présenter, avec moi, Mme Gail Bebee, de la Corporation Canadian Tire, qui m'accompagne aujourd'hui; nous étions aussi censés avoir M. Lemay, du Groupe RO-NA, mais, malheureusement, il s'excuse, il ne peut être avec nous cet après-midi.

Alors, j'aimerais remercier, en premier lieu, la commission de nous donner l'opportunité de nous entendre dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets.

Les objectifs visés par l'avant-projet de loi proviennent essentiellement, selon nous, de la mise en place des mesures législatives concernant le plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles qui a été mis de l'avant à la fin de l'année dernière. L'article 53.3, en particulier, indique les grands objectifs de cette démarche. On y dit que: «Les dispositions de la présente section ont pour objet: 1° de prévenir ou réduire la production des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et la mise en marché des produits; 2° de promouvoir la récupération et la valorisation des déchets; 3° de réduire la quantité de déchets à éliminer et d'assurer une gestion sécuritaire des installations d'élimination; et 4° de favoriser la prise en compte par les fabricants et importateurs de produits des effets qu'ont ces produits sur l'environnement et des coûts afférents à la récupération, à la valorisation et à l'élimination des déchets générés par ces produits.» Le Conseil reconnaît évidemment que ces objectifs sont fondamentaux pour amener une gestion plus respectueuse de l'environnement mais tient à exprimer de sérieuses réserves quant aux stratégies proposées en regard de la mise en marché des produits, et nous allons élaborer un peu plus loin notre position à cet égard.

Les objectifs qui sont édictés dans l'avant-projet de loi découlent des principes d'action identifiés dans le plan d'action, comme je l'ai mentionné plus tôt. Plus particulièrement à la page 13 du plan d'action, on y mentionne que les actions que propose le plan d'action québécois repose sur des principes fondamentaux suivants: la responsabilité élargie des producteurs qui se définit comme suit: les fabricants et les importateurs de produits assument une grande partie des responsabilités des effets environnementaux de leurs produits tout au long de leur cycle de vie, y compris les effets en amont inhérents au choix des matériaux composant le produit, les effets de fabrication ou de production comme tels et les effets en aval résultant de l'utilisation et de la mise en rebut des produits. Et pour atteindre ces objectifs, le ministre de l'Environnement propose de doter le gouvernement de pouvoirs réglementaires étendus.

Nous allons traiter ici de trois articles spécifiques dans notre présentation, entre autres l'article 53.25, qui vise la réduction de la quantité des déchets, l'article 53.26, qui vise la commercialisation et l'interdiction de commercialiser des produits et des biens, et l'article 53.27, qui vise essentiellement le cadre réglementaire concernant la récupération et la valorisation des déchets.

Je ne vous ferai pas la lecture de l'article 53.25; je présume que vous l'avez entendu, peut-être, à nombreuses reprises depuis les deux dernières semaines. Je me contenterai de vous dire que cet article évidemment souhaite conférer au gouvernement des pouvoirs réglementaires étendus dans le but de réduire la quantité des déchets à éliminer ou de faciliter leur valorisation, cet article, dans un contexte de globalisation des marchés... Plusieurs fabricants manufacturent des biens pour diffusion sur une échelle nord-américaine et même mondiale. Les exigences réglementaires qui pourraient être édictées en vertu de l'article 53.25 devront tenir compte de ces contraintes et prendre en considération les conséquences environnementales d'un processus de réemballage et de ses impacts sur l'accessibilité des produits de consommation aux consommateurs.

À cette disposition s'ajoute l'article 53.26, qui crée une interdiction générale et étendue de commercialiser des contenants, emballages, matériaux d'emballage, imprimés ou autres ainsi que les produits qui sont dans des contenants ou emballages non conformes aux normes. L'exercice du pouvoir réglementaire doit se faire, selon nous, dans un contexte où on reconnaît l'ensemble des impacts non seulement de nature environnementale, mais aussi de nature économique sur la compétitivité et la création d'emploi. L'interdiction qui est prévue à 53.26 est une mesure draconienne pouvant entraîner des conséquences majeures, néfastes pour le commerce de détail, les consommateurs et l'ensemble de l'économie québécoise et de l'emploi. En interdisant la vente de produits qui sont dans des contenants ou des emballages non conformes, le gouvernement fait plus que contrôler la gestion des matières résiduelles, il s'ingère dans la commercialisation et l'accessibilité des produits de consommation à la population québécoise.

En édictant cette disposition, le gouvernement touche directement l'ensemble des détaillants, petites et grandes entreprises. Une telle interdiction leur ferait porter le fardeau des conséquences économiques de l'application d'une telle disposition. Or, il est clair que le détaillant n'a pas le contrôle de la fabrication. Il est un intermédiaire entre le fabricant de produits et le consommateur. Les détaillants ne peuvent dicter la composition des emballages à la majeure partie de leurs fabricants ou fournisseurs. À titre d'exemple, les difficultés d'obtenir des informations sur la composition des emballages et contenants de fournisseurs ou de fabricants canadiens ou étrangers représentent un défi de taille. Ainsi, certaines entreprises de détail en Ontario, dans le but de satisfaire aux exigences de la réglementation ontarienne sur la vérification des emballages, n'ont pas réussi à obtenir de réponse de plus du tiers de leurs fournisseurs, et ce, malgré des efforts répétés de la part de ces détaillants.

Certes, les détaillants, par des politiques d'achat efficaces, doivent encourager et favoriser les emballages et produits qui minimisent le fardeau sur l'environnement à travers leur cycle de vie. Les détaillants sur l'ensemble du territoire canadien, à titre de participants au protocole national sur l'emballage, ont déjà contribué de façon significative à réduire l'élimination des emballages par enfouissement. Cette interdiction, en plus d'exposer les détaillants à des sanctions pénales, les place dans une position qui pourrait entraîner des conséquences significatives sur la compétitivité, leur croissance et l'emploi du secteur. Je me permettrai de rappeler aux membres de la commission que le secteur touche près de 400 000 emplois au Québec et représente plus de 50 000 établissements commerciaux pouvant offrir aux consommateurs plusieurs dizaines de milliers de produits différents. Quant aux consommateurs, ils seraient exposés à subir une réduction dans le choix, la sélection et la disponibilité de produits de consommation dont ils ont besoin.

Les objectifs environnementaux doivent cohabiter avec les impératifs économiques et minimiser les effets pervers qui peuvent en découler. D'ailleurs, nous nous permettons de citer le Groupe conseil sur l'allégement réglementaire dans son rapport au premier ministre, qui dit ceci à la page 23: «La réglementation environnementale pose également aux entreprises des exigences qui peuvent avoir des effets non négligeables sur la compétitivité et sur la création d'emploi. La réglementation gouvernementale doit donc être élaborée avec le souci d'en minimiser les répercussions indues. L'effort et les stratégies doivent porter certes sur la réduction de la production des déchets, avec les conséquences positives qui en découleront sur la mise en marché de ces produits. Cependant, une intervention directe sur la mise en marché par interdiction et l'ingérence sur le commerce des biens n'est pas une solution. La gestion des matières résiduelles est une responsabilité partagée par tous dans notre société. Particulièrement dans une économie de marché, le comportement du consommateur constitue un élément critique au succès de tout programme de gestion de matières résiduelles. C'est par la sensibilisation et l'information de tous les intervenants dans notre société sur les effets que ces biens produisent sur notre environnement et les coûts associés aux 3RVE que nous pourrons atteindre nos objectifs.»

(15 h 10)

Considérant que toute infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement ou aux règlements comporte déjà des sanctions pénales, en vous référant à l'article 109 de la loi actuelle; considérant les motifs qu'on vous exprime ci-haut, le Conseil québécois du commerce de détail le considère et soumet respectueusement à la commission que l'article 53.26 ne doit pas être retenu.

En ce qui concerne maintenant l'article 53.27, qui confère aussi au gouvernement des pouvoirs réglementaires étendus afin de régir la récupération et la valorisation des déchets, trois paragraphes attirent notre attention: il s'agit des paragraphes 6°, 7° et 8° de l'article 53.27. Cet article, qui est un article-cadre qui confère des pouvoirs réglementaires, s'inspire, sans aucun doute, du plan d'action, tout particulièrement sur l'objectif de renforcement de la collecte sélective. À cet égard, les surcoûts de la collecte sélective municipale sont au coeur du débat. Je vous réfère à la page 20 du plan d'action où l'on indique ce qui suit: «Pour renforcer la collecte sélective et assurer un meilleur partage des responsabilités entre ceux qui sont directement concernés par ce mode de récupération, soit les entreprises et les consommateurs, il convient de mettre en place les mesures nécessaires à une participation financière équitable et obligatoire de l'industrie concernée. Les entreprises responsables de la mise en marché au Québec, sous leur marque de commerce, des imprimés, des emballages et des produits commercialisés, recyclables ou non, destinés à la consommation finale des ménages québécois, de même que les distributeurs qui mettent en marché ces produits importés, devront assumer les coûts de la collecte sélective, des résidus, moins les coûts que les municipalités n'auront plus à débourser pour l'élimination de ces mêmes résidus.» En fait, les questions sont à savoir qui assumera les surcoûts et comment ces surcoûts seront financés. Voilà les questions fondamentales, selon nous, qui devront être résolues.

Les obligations qui sont prévues aux paragraphes 6° et 7° de l'article 53.27 sont très larges, étendues et sont cause de préoccupations et d'incertitudes. Dans les principes d'action, au plan d'action, on identifie les fabricants et les importateurs de produits comme étant les personnes qui doivent assumer une responsabilité élargie. D'ailleurs, le paragraphe 4° de l'article 53.3 l'identifie notamment. Selon nous, il y aurait lieu de baliser les pouvoirs réglementaires en ce sens afin de circonscrire la responsabilité aux fabricants et aux importateurs qui fabriquent, utilisent ou importent au Québec des contenants, emballages ou matériaux d'emballage. En effet, notre interprétation des paragraphes 6° et 7° de l'article 53.27 nous amène à conclure à un élargissement significatif des responsabilités au-delà du fabricant ou de l'importateur, puisqu'on réfère à tout établissement qui commercialise un produit dans un contenant ou un emballage, ce qui veut dire à peu près n'importe quel détaillant au Québec. De plus, on impose à ces établissements la mise en place de programmes de réduction, de récupération, de valorisation de ces contenants, emballages ou matériaux d'emballage ainsi que des déchets générés par les produits qu'ils mettent sur le marché. À cela s'ajouteraient des obligations reliées à des études, à la tenue de registres, à la soumission de rapports complexes et qui représenteront des coûts significatifs et entraîneront assurément une lourdeur administrative pour l'ensemble de nos détaillants.

Permettez-moi de vous indiquer que le détaillant n'est pas un producteur. Il rend le produit accessible aux consommateurs. Quant à la responsabilité de l'importateur formulée dans le plan d'action, elle touche tant le distributeur que le détaillant. À cet égard, nous comprenons que le gouvernement souhaite couvrir par sa réglementation non seulement les produits et emballages de fabricants québécois, mais aussi ceux qui sont importés au Québec. De ce fait, le gouvernement vise à imposer à ces importateurs les mêmes obligations qu'aux fabricants québécois. En effet, on doit reconnaître que le Québec ne vit pas en isolement et qu'il favorise une économie de marché qui vise le développement et la croissance de l'économie et de l'emploi dans un environnement où la globalisation des marchés se fait de plus en plus présente. L'importation des produits de consommation au Québec représente plusieurs milliards de dollars et génère des revenus fiscaux importants dans le budget du gouvernement du Québec. Les détaillants sont en ce sens des importateurs majeurs de produits. À titre d'exemple, nous estimons que l'offre de produits de consommation en magasin peut atteindre 60 % de produits d'importation dans la quincaillerie et au-delà de 80 % dans les grands magasins. Pensons aussi aux produits informatiques, aux articles de bureau, aux pièces d'automobile, aux pharmacies, en fait l'ensemble des produits de consommation.

Hormis le secteur alimentaire, qui bénéficie d'un réseau de distribution relativement concentré sur trois grands distributeurs, le commerce de détail est dispersé sur des multiples réseaux de distribution et où le détaillant même de petite taille est susceptible d'être un importateur de produits de consommation. Cependant, l'importateur, qu'il soit distributeur ou détaillant, a rarement un pouvoir ou un contrôle sur la composante des produits, des emballages ou des contenants provenant de fabricants étrangers. Au même titre que le détaillant, le distributeur ou importateur n'est qu'un maillon de la chaîne d'approvisionnement entre le fabricant et le consommateur, et il est fort à parier que peu de détaillants, s'ils étaient visés par une telle réglementation, pourraient être en mesure de rencontrer les exigences prévues aux paragraphes 6° et 7° de 53.27 Ils ne sont pas équipés pour le faire, ils n'ont pas les ressources économiques et matérielles, et force nous est de constater qu'ils devraient assumer un fardeau administratif indu et disproportionné par rapport aux objectifs recherchés.

La seule alternative qui reste: l'exemption prévue au paragraphe 8° de l'article 53.27, soit l'adhésion de toute personne assujettie à un organisme dont une des fonctions serait la mise en oeuvre d'un système de récupération ou de valorisation des déchets ou la promotion financière de la mise en oeuvre d'un tel système. En somme, le paragraphe 8° énonce le pouvoir d'exempter, mais en aucune façon sommes-nous éclairés sur les modalités, les normes, les critères d'adhésion, les objectifs de récupération, de financement et la structure des organismes dont il est fait mention dans ce paragraphe. En fait, pour en savoir un peu plus, nous devons regarder le plan d'action, à la page 21, et je vous réfère à mon texte si vous voulez en prendre connaissance. «Les entreprises auraient donc à conclure une entente avec le ministre de l'Environnement par le biais d'un organisme qui les représenterait. Le Conseil québécois du commerce de détail est particulièrement préoccupé par la complexité qu'une telle démarche représente pour les détaillants. L'expérience vécue ailleurs au Canada par des contributions financières imposées aux détaillants crée une situation défavorable pour ces derniers, qui doivent concurrencer avec le commerce électronique via Internet, ou les achats par catalogue, ou les commandes postales provenant de l'extérieur de la province et hors juridiction du gouvernement provincial concerné.»

J'aimerais vous faire part des résultats d'une étude qui a été effectuée par IBM Canada récemment, dont le résultat a été dévoilé au mois de juin et qui traitait justement de l'évolution du commerce électronique au Canada. En 1999, on a estimé que 1 150 000 000 $ seraient faits en transactions. En 2003, dans quatre ans d'ici, on estime que ce montant représentera 12 800 000 000 $. Aux États-Unis, on parle pour l'année en cours d'un chiffre de 24 100 000 000 $ et, en 2003, d'un chiffre de 75 000 000 000 $. Bon, évidemment, les chiffres, on peut les discuter, mais ce que ça tend à démontrer, c'est qu'il y a une progression significative incontournable et très lourde d'une progression de l'utilisation du commerce électronique et d'Internet pour la consommation, les biens de consommation. Autre facteur aussi préoccupant, cette étude a démontré que 68 % des internautes canadiens qui ont fait des transactions l'ont fait sur des sites américains.

L'identification des produits, les emballages ou les contenants qui seraient assujettis au financement est extrêmement difficile aussi à établir, surtout si les produits d'emballage ou de contenants sont nombreux et mal définis. Il faut considérer, par exemple, que, dans le secteur alimentaire, la marge de manoeuvre au niveau des prix est relativement mince, alors que, dans le commerce de détail en général, on peut parler de produits qui peuvent valoir de quelques sous à plusieurs centaines de dollars. Les paramètres d'une formule de contribution financière paraissent donc complexes. Doit-on percevoir ces contributions sur une base de nombre d'unités vendues, par volume vendu, par quantité de résidus ou de déchets récupérés par les municipalités dans le cadre de leur programme de collecte sélective ou autrement?

(15 h 20)

Les coûts administratifs reliés à la gestion des obligations financières en regard des divers produits, emballages et contenants assujettis sont aussi à considérer; les impacts sur les réseaux de distribution et les risques d'évitement des réseaux de distribution qui pourraient préférer s'implanter ailleurs et, pire, dans certains cas, qui pourraient fermer leurs installations au Québec pour s'établir ailleurs; les effets de l'absence d'harmonisation et l'éventuel impact non souhaité des barrières interprovinciales sur la libre-circulation des biens concernant les juridictions provinciales en matière de gestion des matières résiduelles; finalement, la complexité de gestion et d'administration imposée aux détaillants et distributeurs qui ont des structures de distribution d'envergure pan-canadienne et qui doivent s'ajuster en fonction des diverses juridictions.

Le délai de six mois, aussi, proposé dans le plan d'action, qui ne fait pas partie de l'avant-projet de loi, en tout cas, nous amène à conclure qu'une telle entente... Ce délai est-il suffisant eu égard à l'ampleur du nombre d'entreprises concernées. Et, d'autre part, est-ce que c'est réaliste qu'un secteur tel que le commerce de détail, comportant des dizaines de milliers d'établissements, puisse dans un tel délai de six mois réunir ses entreprises à l'intérieur d'un organisme et que l'on puisse, dans un tel délai, conclure une entente avec le ministre?

Le Président (M. Bordeleau): M. Lafleur, votre temps est terminé. Maintenant, je vous demanderais peut-être de conclure rapidement. Je vois qu'on est rendu presque à la fin.

M. Lafleur (Gaston): Bon, effectivement. Essentiellement, l'ensemble de ces préoccupations devraient être prises en compte, et les impacts sur les entreprises de notre secteur devraient être considérés, surtout concernant notre secteur composé essentiellement de PME. Alors, nous considérons que la souplesse et la flexibilité devraient être de mise, car un chemin long et tortueux sépare l'objectif de sa réalisation. Nos conclusions, essentiellement, ont été indiquées dans notre mémoire. Alors, je m'arrête là.

Le Président (M. Bordeleau): Parfait. Alors, merci, Me Lafleur. La parole est maintenant au ministre.

M. Bégin: Merci, Me Lafleur, Mme Bebee – je ne sais pas si c'est la bonne prononciation. J'écoutais ce que vous mentionniez et j'ai un peu de difficulté à réconcilier deux choses que vous avez dites, d'une part, que vous étiez favorables aux principes qui guidaient l'avant-projet de loi et, en même temps, ce que vous disiez concernant les difficultés rencontrées me faisait comprendre, en tout cas, que vous n'étiez pas d'accord pour le mettre en application. Est-ce que je vais trop loin dans mon interprétation ou bien si je dois penser que c'était plutôt des modifications que vous suggéreriez au projet?

M. Lafleur (Gaston): Bien, il y a deux éléments bien importants. D'une part, en ce qui concerne les dispositions concernant la réduction des déchets à l'article, en fait 53.3, lorsqu'on parle, au paragraphe 1°, de prévenir ou réduire la production des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et la mise en marché des produits. Évidemment, je pense que vous avez compris que, en ce qui concerne la mise en marché des produits, nous sommes tout à fait opposés à ce que ce moyen-là soit utilisé. Le principe de prévenir ou de réduire la production des déchets, oui, mais les moyens que vous proposez, non.

M. Bégin: Alors, de quelle manière pensez-vous que nous pourrions réduire la production d'emballages ou de contenants, si l'industrie elle-même ne le fait pas en y étant incitée par le prix qu'elle aura à payer pour se débarrasser ou se départir de ces matières?

M. Lafleur (Gaston): Nous, M. le ministre, on ne parle pas de l'élément fabrication. On dit que ce n'est pas en restreignant la mise en marché des produits qu'on va être en mesure d'atteindre un objectif de réduction des déchets.

M. Bégin: Mais comment faites-vous d'abord?

M. Lafleur (Gaston): Mais vous le faites au niveau de la fabrication, en établissant des normes et en s'assurant que les fabricants respectent ces normes. Et, si les fabricants ne respectent pas ces normes-là, vous avez des sanctions pénales qui sont prévues à la loi, à l'article 109, et vous les appliquez.

M. Bégin: Mais vous ne pensez pas qu'en disant aux entreprises qui mettent en marché des produits, des contenants, qu'elles auront à se préoccuper non seulement de vendre le produit tel qu'emballé, mais que, par la suite, il y a une partie qui n'est pas consommée comme telle et que cette matière-là devra être récupérée et que le prix qui sera nécessaire pour l'assumer, ça sera l'entreprise qui le mettra, donc, en conséquence, l'entreprise qui est appelée à contribuer verra à prendre le moins d'emballages possible ou le moins de gros emballages possible et pourra diminuer sa facture? Vous ne pensez pas?

M. Lafleur (Gaston): Je n'ai pas trop saisi votre point, là.

M. Bégin: C'est-à-dire que tout projet est bâti sur le principe suivant. Les gens qui mettent en marché des produits – je ne parle pas du détaillant spécifiquement, je parle de ceux qui produisent, qui mettent en marché des marques de commerce, par exemple Canadian Tire; c'est un détaillant, mais en même temps il met en marché certaines matières, bon – ceux qui mettent en marché des matières doivent assumer le coût de récupération des matières ou des contenants et des emballages qu'ils mettent sur le marché. Je dis: Est-ce que ce n'est pas là une manière d'inciter les entreprises qui mettent en marché des produits à réduire le volume, le poids et la quantité de ces emballages-là, si elles savent que c'est elles qui devront payer pour les récupérer?

M. Lafleur (Gaston): Bien, là, il faut faire attention, parce que, si on parle de la problématique de la mise en marché, nous ne jugeons pas qu'il soit utile ou même efficace d'utiliser la restriction ou l'interdiction de la mise en marché pour atteindre l'objectif recherché. L'objectif du projet de loi, c'est de réduire la production, et il y a des sanctions qui s'ajoutent à ça.

M. Bégin: C'est surtout de réduire et de récupérer le maximum.

M. Lafleur (Gaston): Bien, en ce qui concerne la récupération, c'est un autre volet. La récupération est axée sur le principe que vous avancez à l'article 53.27, et vise, en tout cas pour les entreprises, le paiement, essentiellement le financement de la collecte sélective. C'est ça, le moyen que vous privilégiez.

M. Bégin: Exact.

M. Lafleur (Gaston): Bon. Évidemment, ce qu'on vous dit, c'est que, à notre point de vue, il faut appeler une pomme une pomme puis une carotte une carotte. Les dispositions que vous mettez aux paragraphes 6° et 7°, ce que nous vous disons, M. le ministre, c'est que ce sont des dispositions qui, en termes pratico-pratiques, vont faire en sorte que très, très peu d'entreprises vont être en mesure d'appliquer ça.

Alors, ce qu'on questionne, nous, c'est toute la complexité d'un article, d'un paragraphe comme les paragraphes 6° et 7°. Alors, si on veut, dans le fond, imposer une obligation financière aux entreprises, on se trouve indirectement... On ne leur donne pas le choix, là, en bout de ligne, malgré qu'on semble vouloir créer un choix réglementaire, mais on sait pertinemment par nos consultations qu'actuellement... Je ne connais pas une entreprise qui va opter dans le commerce de détail, à l'option de récupération et de valorisation dans leur entreprise au niveau des emballages et...

M. Bégin: Non, mais les entreprises... Si vous parlez d'un établissement comme tel, peut-être pas, mais un ensemble d'établissements, oui.

M. Lafleur (Gaston): Bien, là, si on parle par le biais d'un organisme que vous mentionnez...

M. Bégin: C'est le choix.

M. Lafleur (Gaston): ...c'est l'alternative qui reste. C'est la seule alternative qui est à notre disposition. Or, nous, ce que nous exprimons aujourd'hui, c'est de grandes préoccupations, M. le ministre.

M. Bégin: Excusez-moi. Permettez-moi de vous interrompre. Il y en a une autre, alternative, c'est de faire faire par d'autres, c'est-à-dire que le gouvernement l'impose ou que l'entreprise se concerte avec d'autres pour établir une méthode de récupérer ou de revalorisation. Elles peuvent le faire très, très bien. C'est un véritable choix.

M. Lafleur (Gaston): M. le ministre, je comprends qu'il y a des choix qui sont offerts dans le cadre réglementaire que vous proposez. Mais ce que nous vous disons essentiellement, c'est que, lorsqu'on regarde la complexité de la mise en oeuvre – même que ça soit au niveau d'un organisme ou autre, là – j'aimerais qu'on fasse une distinction entre le commerce de détail et le secteur alimentaire. J'ai mentionné tantôt que le secteur alimentaire... Il y a trois distributeurs alimentaires qui couvrent à peu près 85 % à 90 % de la distribution alimentaire au Québec.

Le commerce de détail – les 40 000 autres établissements commerciaux qui font partie de notre giron – représente des multitudes de réseaux, représente des organisations qui sont disséminées sur l'ensemble du territoire, représente des entreprises qui sont souvent pancanadiennes, certaines sont québécoises et d'autres sont européennes ou étrangères. Tout ça fait en sorte que, dans notre secteur, nous pensons que les dispositions telles que prévues actuellement vont représenter un problème de grande envergure. Et je suis convaincu qu'évidemment l'approche qui est préconisée ne s'est peut-être pas attardée à ce problème-là, à cette spécificité-là qui touche le secteur du commerce de détail.

D'autre part, si on conjugue ça avec la proposition que vous avez mise de l'avant à l'article 53.26, concernant l'interdiction de commercialisation des produits, je dois vous dire que, pour nous, l'impact pourrait être non négligeable, parce qu'il n'y a aucun paramètre, aucune limite à ce pouvoir réglementaire. Actuellement, il est ouvert à la discrétion et le bon vouloir ou l'orientation que le gouvernement ou votre ministère pourrait mettre de l'avant. Alors, pour nous, ça représente un dossier excessivement complexe, très complexe.

(15 h 30)

M. Bégin: Ces dispositions-là existaient depuis quatre ans. Deuxièmement, il y a eu le protocole national sur l'emballage. Il visait à réduire de plus de 50 % les volumes et les poids des emballages, et plusieurs provinces, sinon toutes, ont adopté de telles mesures. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui elles soient si néfastes, alors que, effectivement – les résultats ont été obtenus – il y a eu une réduction de plus de 50 % de l'emballage et que d'autres provinces ont adopté des règlements et ça n'a pas créé de problèmes? Pourquoi, tout à coup, ici, ça créerait un tel problème?

M. Lafleur (Gaston) : Je vais laisser la parole à Mme Bebee qui, justement...

Mme Bebee (Gail) : Je vais essayer en français. Je crois qu'il n'y a pas de règlement dans les autres provinces, concernant l'emballage, qui soit en vigueur. On discute de règlement, mais sur la base d'un protocole national d'emballage, un processus volontaire pour réduire l'emballage, alors le Québec serait le première province à mettre en vigueur ces règlements. On a des lois, mais pas beaucoup de règlements qu'on doit suivre dans les autres provinces.

M. Bégin: Mais, ça, c'est une loi, ce n'est pas un règlement non plus, là. Dans les autres provinces, c'est des pouvoirs habilitants qui ont été adoptés, qui sont comme ceux-là. Les règlements n'ont peut-être pas nécessairement été adoptés, j'en conviens, mais le pouvoir d'en adopter est bien dans les lois. En tout cas, c'est ce qu'on me donne comme information, les gens du ministère ici, là.

Mme Bebee (Gail) : Dans quelles provinces? C'est la Colombie-Britannique...

M. Bégin: Je n'ai pas les noms, mais plusieurs provinces.

Mme Bebee (Gail) : Plusieurs provinces. Je crois qu'en Colombie-Britannique on a changé la loi pour l'emballage. Ils ont des lois, des règlements pour des produits spécifiques comme l'huile, comme la peinture, mais pas pour l'emballage qui est quelque chose de complètement différent. Par exemple, nous autres, Canadian Tire, on a à peu près 80 000 produits dans nos magasins, et peut-être les deux tiers de ces produits ont des emballages, alors, pour faire un système pour évaluer tous ces emballages, ça doit être très, très complexe. Pour nous, nous devons toujours suivre l'objectif du programme qui est de réduire l'emballage avec un système beaucoup plus simple pour les détaillants que le système qu'on prévoit, un peu comme le système pour les peintures en Colombie-Britannique, par exemple, ou même mieux le système pour les solvants et les pesticides en Colombie-Britannique qui est très, très complexe et très, très difficile à suivre.

M. Bégin: Alors, nous allons avoir une autre province où ça va être compliqué, parce que nous allons avoir un règlement sur la peinture, et il est prépublié, un autre sur les huiles qui est à venir.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Me Lafleur, à la lecture du mémoire, hier soir, quand j'ai eu fini de lire votre mémoire, j'ai dit: Qu'est-ce que ces gens-là essaient de nous dire? Et ce que j'ai retenu dans un premier temps, c'est une très grande inquiétude à l'arrivée de cette réglementation-là ou de cette loi-là. Est-ce que j'ai raison?

M. Lafleur (Gaston) : Vous avez très, très bien saisi. Effectivement, nous sommes particulièrement inquiets, d'une part parce qu'on a un ensemble législatif qui est un cadre... en fait, c'est une loi-cadre qui vise à attribuer des pouvoirs et, dans certains cas, des interdictions qui nous apparaissent inacceptables. En ce qui concerne l'interdiction de commercialisation des produits, selon nous, ça ne doit pas être dans ce projet de loi là, et en ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de 53.27, là, les paragraphes 6°, 7° et 8°, oui, ça nous pose de graves préoccupations.

M. Benoit: Est-ce que j'ai raison de dire, avec la réponse de Mme Bebee il y a quelques instants, que nous serions la première province canadienne à être très à l'avant, finalement, dans l'application d'un règlement? Ce que je crois comprendre du ministre, c'est qu'il y aurait des lois dans les autres provinces, mais que les règlements, à toutes fins pratiques, ne seraient toujours pas appliqués. Est-ce que ça vous met dans un état de non-compétition, particulièrement dans les zones périphériques du Québec? Je pense à l'Ontario, je pense au Nouveau-Brunswick ou ailleurs, possiblement l'Estrie avec les États-Unis, mais, ça, c'est un autre problème, là.

M. Lafleur (Gaston) : Bien, c'est un petit peu difficile de se prononcer là-dessus parce qu'on ne connaît pas la teneur du contenu des règlements, mais on peut s'imaginer très facilement que, si on applique des dispositions réglementaires qui vont faire en sorte de créer un cadre et des exigences face à certains produits, ou aux emballages, plutôt, de ces produits-là, ça va avoir un impact, certes, sur la santé financière et la compétitivité de nos entreprises si, par exemple, certains ne sont plus en mesure d'importer des produits ou si on interdit l'accessibilité à ces produits-là, d'une part.

D'autre part, écoutez, il y a toute la question, aussi, d'arriver avec un projet de législation ou un règlement qui doit être gérable, applicable et durable. C'est bien de légiférer, mais encore faut-il être en mesure de se doter de moyens pour faire en sorte que la législation soit appliquée et respectée. Or, quand on rentre dans la commercialisation des produits au nombre de 50 000 ou 60 000 établissements commerciaux au Québec, plus Internet, plus le publipostage, plus les catalogues, comme je l'ai indiqué tantôt, comment peut-on s'assurer d'une dose d'équité et de contribution équivalente pour tout le monde dans un contexte où, à cause de tous ces processus de distribution et de commercialisation des produits, on n'est pas en mesure d'en avoir le contrôle?

M. Benoit: Pourquoi votre industrie n'a pas été plus proactive dans tout ça? Ce n'est pas d'aujourd'hui que le consommateur... Moi, je regarde mon bac de récupération à la maison, mes bacs de récupération, c'est évident que c'est de l'emballage à 50 %, 60 %, 70 % qui se ramasse dans le bac. Et je suis encore surpris de voir que ni l'industrie qui me vend ça ni celui qui le fabrique n'a semblé vraiment se préoccuper de tout ça. Il faut maintenant que le législateur soit obligé d'imposer ça. Pourquoi votre industrie n'a pas été plus proactive, et plus tôt proactive? Ce n'est pas d'aujourd'hui que vous savez que tout ça s'en vient, je veux dire...

M. Lafleur (Gaston): Bien, disons pour l'instant qu'il y a toujours la notion, une notion de pollueur-payeur qui circule depuis plusieurs années. Et, comme je vous l'ai indiqué antérieurement, le détaillant est essentiellement un intermédiaire. Ce n'est pas un producteur, ce n'est pas un utilisateur, c'est un intermédiaire entre le fabricant et le consommateur, d'une part.

D'autre part, si on veut parler de la contribution, de la responsabilité des producteurs, entre guillemets, je pense qu'on se doit de réaliser que, dans la question des surcoûts de la collecte sélective, le secteur alimentaire représente près de 70 %, à peu près, des produits ou des emballages et des contenants qui sont mis au rebut et sujets à possibilité de recyclage au niveau des ménages québécois.

Mais, par contre, il faut aussi considérer qu'il y a les imprimés qui, eux-autres, à moins que je me méprenne – vous pourrez me reprendre là-dessus – représenteraient à peu près 60 % du contenu. Alors, si 60 % c'est les emballages, et des 40 % qui restent il y en a 70 % qui sont de l'alimentaire, il en reste donc 30 % du 40 % qui sont tous les autres produits de consommation, ce qui veut dire à peu près 12 % du panier total. Bon. Ce qui veut dire qu'on n'est pas des gros intervenants ou – comment je pourrais dire ça – des intermédiaires polluants dans le processus, si on prend la question de la collecte sélective puis des produits qui sont en mesure d'être recyclés ou récupérés.

Donc, ce n'est pas une question qu'on ne s'en est pas occupé, je dois vous dire, essentiellement, c'est que notre objectif, nous, c'est de faire en sorte que nos détaillants puissent évoluer dans un environnement qui est concurrentiel, de s'assurer qu'on va être en mesure de respecter les législations sur l'environnement, mais aussi être en mesure de savoir qu'on va être en mesure de les appliquer concrètement dans notre quotidien. Et ça, ça nous pose actuellement problème.

Il y a des expériences qui se sont vécues en France avec Eco-Emballages, on en a sûrement discuté à quelques reprises. Il y a des batailles juridiques de l'autre côté, à savoir: la responsabilité, c'est-u le distributeur, ou si c'est le fabricant? Qui est responsable de quoi? C'est loin d'être une solution facile. Nous, ce qu'on vous dit: Oui, c'est préoccupant. Comment on va gérer ça? Nos réseaux de distribution sont multiples, ça devient une problématique. On ne veut pas dire que ce n'est pas faisable, là, mais il faut...

Et aussi l'autre élément qui m'apparaît important: on a dit que c'est un projet de société. Je pense que c'est important aussi qu'on s'attarde à sensibiliser les consommateurs. Et, à ce niveau-là, je pense qu'une industrie comme la nôtre peut s'impliquer de façon significative au niveau de la sensibilisation et de la promotion de l'environnement auprès de nos clientèles.

M. Benoit: À la page 14 de votre mémoire, vous nous posez une question. J'aimerais vous la poser étant donné que c'est notre métier, ici, de poser des questions. Je reconnais le grand avocat en vous, Me Lafleur. Vous dites: «Qui assumera les surcoûts, et comment ces surcoûts seront-ils financés, voici les questions fondamentales qui devront être résolues.» J'aimerais remplacer le mot «résolues» par «répondues» par vous. Qui doit payer les surcoûts, et comment ces surcoûts devraient-ils être financés?

(15 h 40)

M. Lafleur (Gaston): Bien, ça, en fait, c'est tout le débat qui va s'entraîner dans l'application des dispositions des paragraphes 6° et 7°, et particulièrement du paragraphe 8°. Or, nous n'avons pas de réponse à cette question au moment où on se parle. Mais, selon nous, elle nous apparaît fondamentale, et on la voit se dessiner dans un horizon très peu lointain, très près, où on va devoir se pencher là-dessus.

M. Benoit: Est-ce que ces surcoûts-là doivent être en amont vers le fabricant ou en aval vers le client?

M. Lafleur (Gaston): Bien, nous, on pense que, si on parle d'une responsabilité partagée, il faudrait peut-être voir comment on peut faire une équation qui soit équitable, mais aussi incitative non seulement pour le fabricant, ou même l'ensemble du maillon de la distribution, mais aussi au niveau du consommateur, de l'utilisateur.

M. Benoit: Merci, Me Lafleur.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: J'aurais deux questions. En page 7, vous affirmez: «En interdisant la vente de produits qui sont dans des contenants ou emballages non conformes, le gouvernement fait plus que contrôler la gestion des matières résiduelles, il s'ingère dans la commercialisation et l'accessibilité des produits de consommation à la population québécoise.» J'essaie de concilier ça avec la responsabilité que le gouvernement ou que la société peut avoir en regard d'emballages qui pourraient être dangereux pour les consommateurs. Moi, je me disais: Bon, sous ce prétexte-là, est-ce qu'il faudrait accepter que des emballages soient faits avec des produits qui sont toxiques, ou autres? Je trouve que ça va loin comme affirmation.

M. Lafleur (Gaston): Ouais. Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous que, lorsqu'on parle... parce que, actuellement, le projet de loi ne parle pas d'emballages dangereux, il parle d'emballages et de composantes.

M. Gagnon: La composition.

M. Lafleur (Gaston): Ouais. Il ne peut y avoir aucun élément dangereux là-dedans, sauf qu'on n'aime pas la composition, puis le pouvoir est là. Si on parle de produits ou de matières, de composantes dangereuses, comme si on dit: Bien, tout emballage à base de plomb pour un jouet d'enfant est interdit, il n'y a pas de problème là. Je veux dire, il faut bien se comprendre, la dangerosité, ce n'est pas de ça qu'on parle, le cadre du projet de loi n'est pas limité aux emballages ou aux composantes qui ont des éléments de dangerosité. C'est n'importe quel emballage, n'importe quelle composante, à quelque niveau que ce soit, même si ce n'est absolument pas nocif pour la santé.

Alors, si, par contre, vous voulez limiter ça à des éléments de dangerosité, là je vous dirais qu'on serait entièrement d'accord. Écoutez, la santé publique est quand même en jeu, c'est important.

M. Gagnon: Mais, de toute façon, ça serait, suivant quand même votre affirmation, une ingérence dans la commercialisation, là.

M. Lafleur (Gaston): Non, non, mais on ne commercialisera pas des produits dangereux.

M. Gagnon: Parce que moi, je m'étonne qu'on veuille, sous le prétexte de libre marché, évacuer cet aspect-là.

M. Lafleur (Gaston): Je dois vous dire que le Conseil québécois, l'ensemble de ses détaillants et au niveau canadien, on a toujours respecté, ou du moins encouragé le respect en ce qui concerne notre organisme, de toute disposition ou mesure qui visait à l'élimination ou l'enlèvement d'un produit sur le marché lorsqu'il y avait des éléments de dangerosité pour la population, que ce soient les stores avec le plomb, que ce soient d'autres, le ftalate, tout ça, actuellement, à chaque fois qu'on identifie des éléments de dangerosité dans la composition d'un produit, laissez-moi vous dire qu'on est là pour faire en sorte d'encourager nos membres à retirer ces produits-là. Mais on parle de dangerosité, là, on parle de question de santé publique.

M. Gagnon: Pour intervenir, ça prend aussi un pouvoir réglementaire afin de permettre d'atteindre cet objectif-là.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Sauf qu'en santé publique, en tout cas, il y a diverses juridictions qui contrebalancent ce volet-là.

M. Gagnon: Tantôt, quand il était question de la collecte sélective, il me venait une question: Votre association, votre industrie, avez-vous contribué à la collecte sélective alors qu'elle était sur une base volontaire?

M. Lafleur (Gaston): Je dois vous dire que, en tant qu'association, nous autres on n'a pas contribué, on ne fait pas partie de Collecte sélective. On a été impliqués dans les discussions initiales, mais on n'est pas embarqués dans l'organisation des opérations de Collecte sélective.

M. Gagnon: L'association, O.K., mais l'industrie?

M. Lafleur (Gaston): Non.

M. Gagnon: Non?

M. Lafleur (Gaston): Je crois qu'on a une pharmacie, je pense, mais je ne voudrais pas... Là vous êtes mieux d'en parler à Collecte sélective, ceux qui connaissent le membership.

M. Gagnon: C'est beau.

M. Lafleur (Gaston): Mais je peux vous dire qu'il n'y a aucune entreprise chez nous, de quelque importance qu'elle soit – et là je parle du secteur non alimentaire, soyons bien clairs – qui ait été adhérente à Collecte sélective Québec.

M. Gagnon: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le député de Saguenay. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, on vous remercie, Me Lafleur et Mme Bebee, pour la présentation du mémoire du Conseil québécois du commerce de détail. Alors, merci beaucoup.

Alors, on va suspendre pour cinq, six minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 15 h 59)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, la commission va poursuivre ses travaux. Juste avant de donner la parole aux représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, j'aimerais juste vous donner une information. Conformément à une entente entre les leaders parlementaires, la commission des transports et de l'environnement entendra demain M. Jean-Paul L'Allier, maire de Québec, demain le 13 octobre, de 13 h 30 à 14 heures. M. L'Allier apportera lui-même le mémoire qu'il distribuera sur place.

Alors, ceci étant dit, j'invite maintenant M. Ponton à nous présenter les personnes qui l'accompagnent et je l'informe, comme il le sait déjà, que vous avez une période de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Alors, M. Ponton.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): Alors, M. le Président, il est 16 heures juste, pour les fins du Journal des débats . Alors, merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui, M. le ministre, MM. les députés. Et j'aimerais vous présenter, à ma droite, M. Michel Lalonde qui est membre du comité de l'environnement de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, de même qu'à ma gauche M. Manuel Dussault qui est mon directeur de l'analyse des politiques publiques.

(16 heures)

Comme vous le savez peut-être, l'Alliance des manufacturiers est un participant assidu aux audiences des commissions parlementaires de l'Assemblée nationale dans différents domaines et a pour mission de défendre les intérêts de l'industrie manufacturière auprès du gouvernement du Québec, toujours dans le but d'améliorer la compétitivité des entreprises et ainsi stimuler la création de la richesse au Québec et les emplois qui en découlent.

Les manufacturiers et les exportateurs sont des créateurs de richesse dans notre économie. Ils oeuvrent cependant dans un marché de plus en plus concurrentiel. Le secteur manufacturier représente 21 % de l'économie du Québec, une valeur ajoutée de 31 500 000 000 $ et 19 % des emplois, soit 641 000. Le taux de chômage dans ce secteur est bas, et les emplois sont bien rémunérés. Les exportations, quant à elles, sont une source indispensable de prospérité au Québec, ayant crû substantiellement de 6,7 % en 1997 et de 8,9 % en 1998, pour atteindre un niveau record de 57 000 000 000 $, soit plus de 50 % de notre PIB. Plus de 50 % de la production manufacturière est exportée.

Les commentaires de l'Alliance sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement et autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets visent d'abord à souligner les impacts des propositions gouvernementales sur la compétitivité des entreprises et la création d'emplois, dans l'esprit du développement durable.

L'Alliance a été et demeure partie prenante aux discussions ayant conduit à l'élaboration du plan d'action et à sa mise en oeuvre jusqu'ici. L'AMEQ a participé à la séance de travail préliminaire avec le ministère de l'Environnement sur le document de consultation à la base des audiences génériques, aux audiences du BAPE et aux rencontres du comité de suivi créé à la suite du dépôt du plan d'action. Le ministère de l'Environnement du Québec a ainsi démontré une capacité remarquable de permettre aux intervenants de faire connaître leur point de vue à toutes les étapes importantes du processus. Depuis le début, le gouvernement n'a cependant pas répondu aux préoccupations de l'Alliance en ce qui concerne la gestion des matières résiduelles au Québec. Elles sont fort simples, quoique fondamentales, et de trois ordres principaux.

Premièrement, l'efficacité. Il est bénéfique pour tous d'orienter les actions gouvernementales vers les problèmes les plus importants en tenant compte des ressources disponibles. Il est donc essentiel de répondre à ces questions: Quelle part des ressources de notre société devrait être consacrée à l'atteinte de ces objectifs? Comment agir le plus efficacement? Ceci requiert une compétence en analyse de politiques que tous les ministères de l'Environnement se doivent de plus en plus de développer, et qui fait défaut jusqu'à maintenant.

Deuxièmement, une connaissance scientifique et de gestion. Fonder les actions sur une science exacte, une bonne évaluation des risques et une saine gestion de ces risques est une condition nécessaire d'une gestion responsable des matières résiduelles. Une action sans fondement exact risque d'ignorer des risques importants, de se préoccuper de risques mineurs, ou même de nuire à l'environnement.

Troisièmement, l'atteinte des résultats et flexibilité des moyens. Dans le domaine des matières résiduelles, les industries de l'environnement accomplissent aussi un travail efficace dans le cadre d'objectifs fixés par le gouvernement. Il faut ainsi préserver le libre marché, le libre choix des consommateurs et l'équité entre les industries. Là où le secteur privé a démontré qu'il peut assurer la prestation d'un service, il faut encourager la libre concurrence afin de s'assurer des meilleurs services au meilleur prix. Pour ces raisons, le succès des politiques environnementales repose sur l'action complémentaire des autorités publiques et de l'économie de marché.

Après plusieurs années de consultations, l'Alliance et les décideurs doivent malheureusement encore aujourd'hui, M. le Président, se prononcer sans disposer d'une analyse d'impact économique sur ces questions ou sur le Plan d'action sur la gestion des matières résiduelles dans le cadre des consultations sur l'avant-projet de loi qui traduit de manière opérationnelle les orientations gouvernementales. Une telle analyse d'impact aurait dû être effectuée étant donné l'ampleur des changements proposés.

L'obligation de réaliser une étude d'impact sur les entreprises. Certains aspects de l'avant-projet de loi requièrent une analyse d'impact en conformité avec le décret, que vous connaissez tous, du 6 novembre 1996 modifié par le décret du 14 avril 1999. Ce dernier rend obligatoire la réalisation d'une étude d'impact non seulement d'un règlement, mais aussi d'une orientation, d'un plan d'action et d'un avant-projet de loi. Et je cite: «...lorsque sa mise en vigueur entraînerait pour des entreprises du secteur privé des coûts, y compris des déboursés encourus et des manques à gagner substantiels, de l'ordre de 10 000 000 $ ou plus». L'Alliance est particulièrement préoccupée par le pouvoir des MRC d'interdire l'importation de matières résiduelles sur leur territoire, par l'impact d'une collecte sélective obligatoire sur les entreprises et par le pouvoir du ministre de l'Environnement de réglementer la gestion des matières résiduelles dans les entreprises industrielles. L'AMEQ estime qu'une intervention du gouvernement pourrait entraîner des coûts de beaucoup supérieurs à 10 000 000 $, seuil à partir duquel une étude d'impact doit être menée, et on espère que cette étude va être réalisée et produite dans les meilleurs délais.

De plus, en termes de bonne pratique administrative, le gouvernement aurait dû faire accompagner le projet de loi d'un document décrivant les modalités d'exercice des pouvoirs, somme toute très larges, qui, nous en conviendrons tous, sont donnés au ministre de l'Environnement aux termes de l'avant-projet de loi. Ainsi, l'Assemblée nationale, la population et les groupes socio-économiques pourraient mieux juger, et de façon plus informée, de la nécessité d'accorder de nouveaux pouvoirs réglementaires au gouvernement.

Il est nécessaire également, M. le Président, non seulement d'estimer les impacts des actions gouvernementales, mais d'en évaluer régulièrement l'atteinte des résultats et la progression du plan de mise en oeuvre. À cette fin, l'AMEQ propose que le ministre de l'Environnement ait la responsabilité légale de faire rapport à tous les trois ans sur l'impact économique et environnemental du Plan d'action sur les matières résiduelles. Étant donné l'étendue des pouvoirs réglementaires possiblement accordés au ministre de l'Environnement, certaines obligations doivent aussi, nous vous le soumettons, incomber au gouvernement.

Le projet de loi découle directement du Plan d'action sur la gestion des matières résiduelles de 1998-2008. Le projet de loi vise donc, en principe, les matières résiduelles qui ne sont cependant pas définies dans l'avant-projet. Compte tenu du fait que la notion de déchet est complètement éliminée de la loi, il serait souhaitable, à des fins de clarification, de définir ce qu'est une matière résiduelle suivant la définition retenue pour le Plan d'action de 1998.

D'autre part, la portée du projet de loi semble beaucoup plus large que les seules matières résiduelles et risque de s'appliquer à tous les sous-produits qui ne sont pas rejetés mais valorisés. Cet encadrement risque de toucher des produits qui sont déjà recyclés ou font partie d'un cycle commercial déjà bien établi. Pour assurer l'atteinte des objectifs du plan d'action, le projet de loi ne devrait porter que sur les matières résiduelles qui sont éliminées, et non pas celles qui sont déjà valorisées.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec croit que la gestion des matières résiduelles dans les entreprises se fait de manière cohérente, avec l'objectif de développement durable. L'avant-projet de loi donne au ministre des pouvoirs importants sur la gestion des matières résiduelles dans les entreprises, et on ne pense pas que cet aspect du projet de loi soit approprié. Les résultats obtenus dans les entreprises font foi de la volonté et de la capacité des entreprises de réduire leurs coûts, et par conséquent l'enfouissement, en réduisant à la source et en recyclant le matériel de production. Notre question même de survie et de rentabilité nous force à valoriser le plus possible les produits qui sont dans notre chaîne de production. Partant de là, il nous apparaît superflu que le ministre ait le pouvoir d'intervenir dans les entreprises à cet égard.

D'ailleurs, je vous donne une citation d'un auteur qui, en 1999, décrivait l'impact des mesures gouvernementales obligatoires sur les matières résiduelles du secteur industriel, que je vous invite à lire: Il va de soi que, dans le secteur industriel, la dynamique est complètement différente de celle qu'on peut retrouver dans le secteur de la consommation en général. Le gouvernement, selon nous, doit démontrer que l'impact de son intervention réglementaire dans le secteur industriel contribuerait à la récupération ou la valorisation, ce qu'il n'a pas fait. Dans les circonstances, il ne nous apparaît donc pas nécessaire, pour le ministre, d'intervenir dans les entreprises privées dans ce domaine.

L'article 53.25. Cet article qui donne au ministre le pouvoir de gérer pratiquement les produits des entreprises québécoises apparaît, selon nous, tout à fait inacceptable et inapplicable. Est-ce que ce pouvoir irait jusqu'à dire à GM de Boisbriand quelle sorte de produits elle doit utiliser pour favoriser la valorisation ou le recyclage des voitures qui y sont fabriquées? Ce pouvoir devrait, selon nous, se limiter à fixer des cibles de réduction et à mettre l'accent sur les conditions réglementaires qui favorisent la valorisation plutôt que de dicter le mode de fonctionnement des entreprises. Ce n'est pas la première fois, M. le Président, que le ministre m'entend tenir ce langage, que nos entreprises sont beaucoup plus sensibles à l'atteinte d'objectifs qu'à la réglementation de leurs propres processus internes. Et, dans ce sens-là, on croit que 53.25 devrait être modifié en conséquence de façon à établir des cibles à atteindre, et non pas venir dire aux entreprises comment fabriquer leurs produits.

La régionalisation et la gestion des matières résiduelles signifient également, selon nous, la fin de l'efficacité dans le domaine de l'élimination et l'augmentation des coûts pour les particuliers et les entreprises. Je vous donne un extrait – je regrette s'il n'est pas en français – du Globe and Mail du 24 juin 1998. On y fait la différenciation entre des sites d'enfouissement de type urbain où la relation coûts-bénéfices n'est pas du tout la même que les sites d'enfouissement dans le domaine rural où l'immensité du territoire permet une plus grande flexibilité.

(16 h 10)

Nous convenons que l'élimination des déchets doit répondre à des standards environnementaux élevés et inclure les coûts liés aux externalités. La capacité des régions d'interdire l'importation de matières résiduelles est un pouvoir beaucoup trop large que ne justifient pas la science économique ni la protection de l'environnement. Différents autres mécanismes devraient être explorés, dont l'obligation pour un exploitant de site d'élimination de s'entendre avec la municipalité, par exemple, qui subit directement des inconvénients.

De plus, l'élimination sécuritaire des déchets devrait constituer la priorité principale du gouvernement. Ceci aurait pour effet de protéger l'environnement et d'augmenter l'acceptabilité sociale de l'industrie de l'élimination des déchets. La mise en vigueur d'un règlement sur la mise en décharge et l'incinération, à notre avis, à cet égard, nous apparaît impérative.

Le gouvernement du Québec doit, selon nous, M. le Président, explorer toute la gamme des politiques publiques afin de réduire l'enfouissement des matières résiduelles. Les frais d'utilisation permettent de rendre les consommateurs responsables de leurs choix. Ils s'inscrivent très bien dans la suite logique du concept de l'utilisateur-payeur. Les entreprises ne peuvent être considérées comme les uniques intervenants dans la gestion des matières résiduelles. La tarification au citoyen pour l'utilisation des services d'élimination des matières résiduelles est avant tout de responsabilité locale. Le gouvernement du Québec peut cependant mettre en oeuvre des mesures incitatives qui rendraient ce choix plus facile et qui permettraient une gestion plus efficace des matières résiduelles.

En conclusion, M. le Président, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec souhaite que le Québec fasse des choix éclairés en matière de gestion des matières résiduelles. Les manufacturiers et les exportateurs sont certes prêts à faire leur part pour réduire à la source, recycler et revaloriser les matières résiduelles. Ils ont toutefois une obligation d'efficacité et de rentabilité sanctionnée par le marché où la concurrence est de plus en plus forte, autant au Québec qu'à l'échelle internationale.

Des études économiques complètes sont essentielles afin d'éclairer les décideurs et les entreprises. Il n'y a eu jusqu'ici aucune évaluation des coûts et des bénéfices des propositions gouvernementales. L'AMEQ juge qu'un travail d'analyse plus complet est nécessaire avant de se prononcer sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. De plus, plusieurs de ces dispositions requièrent, par décret, une étude d'impact qui n'est pas disponible jusqu'ici.

En ce qui concerne la régionalisation et la réglementation des matières résiduelles dans l'industrie, l'Alliance estime que le gouvernement serait mal avisé de permettre l'interdiction des exportations de matières résiduelles ou la réglementation de la gestion des matières résiduelles dans les industries. Il n'y a aucune raison environnementale, selon nous, ou économique qui justifie d'inclure de telles dispositions dans l'avant-projet de loi.

Enfin, la portée de l'avant-projet de loi devrait être précisée et l'article 53.25 éliminé.

Alors, M. le Président, pour les fins de la clarification du débat, la recommandation 1 est à l'effet que le gouvernement dépose son analyse économique du Plan d'action sur les matières résiduelles et sur l'avant-projet de loi, démontrant les coûts et les avantages des actions proposées et examinant les solutions de rechange, dont les mécanismes de type marché. De plus, le gouvernement doit comparer sa proposition aux politiques des concurrents du Québec.

Recommandation 2. Comme le requiert le décret du gouvernement du Québec, que le gouvernement rende publique et dépose à l'Assemblée nationale une étude d'impact sur les sujets suivants: le pouvoir des MRC d'interdire l'importation de matières résiduelles; la collecte sélective obligatoire; et le pouvoir de réglementer la gestion des matières résiduelles dans l'industrie.

Recommandation 3. Que le gouvernement accompagne dorénavant les projets de loi et les avant-projets de loi accordant des pouvoirs réglementaires de renseignements sur les modalités d'exercice de ces pouvoirs.

Recommandation 4. D'inclure dans les dispositions générales, aux articles 53.1 à 53.5, l'obligation du ministre de l'Environnement de déposer un rapport tous les trois ans sur l'impact économique et le suivi environnemental du Plan d'action sur les matières résiduelles au Québec.

Recommandation 5. Que l'article 53.1 comprenne la définition de «matière résiduelle» telle que définie dans le Plan d'action, à savoir: toute matière ou objet périmé, rebuté ou autrement rejeté par les ménages québécois, les industries, les commerces et les institutions, à l'exception des matières dangereuses générées par les industries, les commerces et les institutions, des déchets biomédicaux et des résidus de fabriques de pâtes et papiers. Que toute référence à «déchet» soit donc, en conséquence, éliminée.

Recommandation 6. Que l'article 53.7, alinéa 4°, ne comprenne pas les déchets d'origine industrielle.

Recommandation 7. Que l'alinéa 7°, article 53.27, ne fasse pas partie du projet de loi qui sera présenté sur les matières résiduelles en ce qui concerne les activités industrielles.

Recommandation 8. Que l'article 53.25 soit éliminé.

Recommandation 9. Que les dispositions de l'avant-projet de loi sur la planification régionale, aux articles 53.6 et suivants, excluent explicitement le pouvoir de limiter ou d'interdire la mise en décharge sur son territoire de déchets provenant de l'extérieur de son territoire.

Recommandation 10. Que le gouvernement du Québec fasse de la tarification aux citoyens pour l'utilisation de services d'élimination une des priorités de son plan d'action.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Ponton. Je laisse maintenant la parole au ministre.

M. Bégin: M. Ponton, messieurs. Je vais peut-être aborder avec vous des questions qui n'ont pas été déjà abordées par d'autres parce qu'il y a certains sujets qu'on a déjà vus peut-être à sept, huit reprises, alors, pour nous, ça devient un peu répétitif, d'une certaine façon, même si c'est intéressant. Alors, je commencerais par quelque chose que nous n'avons pas encore vu, qui est votre dernière recommandation.

«Que le gouvernement du Québec fasse de la tarification aux citoyens pour l'utilisation de services d'élimination une des priorités de son plan d'action.» Est-ce que je dois comprendre par là qu'on devrait faire payer aux citoyens un montant supérieur ou proportionnel à ce qu'ils mettent dans le sac de vidange? Quel est le sens exact que vous voulez donner à toute cette mesure-là? Puis est-ce que, à la limite, ça ne va pas un peu à l'encontre même de tout ce qui était écrit dans le Plan d'action lui-même?

M. Ponton (Gérald A.): C'est l'application du principe utilisateur-payeur. Si, moi, comme consommateur, je prends le soin de recycler mes cartons, mes journaux, mes contenants de verre, mon plastique, je prends la peine de placer dans un autre sac les sacs de plastique tels emballages de pain et autres emballages de plastique pour les ramener au magasin d'alimentation, quand je me donne ce trouble-là parce que je crois en la valorisation des matières résiduelles, je devrais être récompensé. Or, celui qui, faute de temps, ne peut pas se permettre ou ne s'impose pas cette obligation-là devrait en faire les frais. Et, moi, je ne vois pas pourquoi, comme citoyen, je serais pénalisé par rapport à quelqu'un qui ne prend pas soin de valoriser le plus possible les produits qu'il utilise. Je ne sais pas si, Manuel, tu as d'autres points?

M. Bégin: Mais peut-être une suggestion. De quelle manière pourrait-on tarifer? Comment pourrait-on faire pour dire: Bon, un citoyen moyen ou une personne moyenne vivant seule a droit à, je ne sais pas, moi, un kilo de matières par semaine ou par mois – je ne sais pas quel est le chiffre? Est-ce que c'est sur une base semblable? Parce que, autrement, on va être obligé d'ouvrir les sacs pour savoir si c'est seulement des matières non recyclables qui s'y trouvent ou bien, au contraire, c'est un mélange des deux. Comment opère-t-on un tel service?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, je pense qu'on peut laisser aux villes le soin... Elles se cherchent beaucoup de responsabilités, les villes. Au niveau local, ce serait une belle responsabilité à leur confier. Mais ça pourrait très certainement être au poids: moins c'est pesant, moins ça coûte cher; plus c'est pesant, plus ça coûte cher. Si je nettoie mon terrain à la maison puis je jette mes morceaux de tourbe dans des sacs de plastique recyclable, bien, c'est normal que j'en paie le prix si je ne veux pas me donner le trouble d'en disposer et d'en disposer autrement, après l'avoir valorisée, autant que possible. Alors, moi, je pense qu'il y a des systèmes qui existent dans certaines juridictions, et l'étude d'impact pourrait, à titre d'exemple, faire état des expériences vécues dans d'autres juridictions pour amener des exemples concrets de ce qui pourrait être fait à ce niveau-là.

M. Bégin: Est-ce que vous en connaissez, des cas de tarification selon, je ne sais pas, le poids, le volume?

M. Dussault (Manuel): Bien, peut-être simplement... il y a des expériences...

Le Président (M. Bordeleau): Juste un instant, s'il vous plaît. Est-ce que vous pourriez vous identifier, pour faciliter le travail des responsables?

M. Dussault (Manuel): Oui. Manuel Dussault. Je vous réfère peut-être à une publication qui vient de sortir, qui s'appelle Reducing, Reusing and Recycling , les politiques de matières résiduelles au Canada. Dans ce livre, je crois qu'ils citent des exemples où c'est fait. Je pense que l'expérience la plus probante, c'est dans les industries. C'est-à-dire que, dès que les industries, elles, sont forcées à payer pour éliminer leurs matières, paient le coût de leurs matières, les résultats sont bénéfiques. Alors, pour les particuliers, il me semble que c'est une expérience à succès qui devrait être examinée. Moi, de mémoire, je pense qu'à Portland, en Oregon, où ils sont très, très sensibles aux questions environnementales, ça se fait. Mais je pourrais me tromper, c'est de mémoire.

(16 h 20)

M. Bégin: Je voudrais tout de suite aussi peut-être profiter de l'occasion pour dire que votre recommandation 5, elle va être respectée intégralement, soyez-en certains parce que, moi aussi, je crois qu'on devrait d'abord revenir à l'utilisation de «matières résiduelles» et que la définition soit là et qu'on la reprenne. Je voulais le mentionner.

Vous mentionnez également, à la recommandation 8, que l'article 53.25 soit éliminé. Et, quand je regarde cet article-là, c'est un article qui vise... d'abord qui existe depuis 1994, cinq ans, qui n'est pas en vigueur, et où on ajoute simplement le mot «imprimés».

M. Ponton (Gérald A.): Le mot... Comment?

M. Bégin: Le mot «imprimés», à la troisième ligne. Je ne sais si vous avez la même formulation.

M. Ponton (Gérald A.): Oui, «imprimés ou autres produits qu'il désigne».

M. Bégin: Bon. Alors, c'est le seul ajout qui est fait à cet article-là. Pardon, il n'était pas en vigueur, cependant, j'en conviens avec vous, là. Mais, quand je regarde ce qui est là, je lis simplement, mettons: peuvent «fixer la proportion minimale de matériaux ou d'éléments récupérés qui doit être respectée». Quand on regarde sur le plan environnemental, est-ce qu'il ne vous apparaît pas normal que certaines matières ou certains produits ou certaines façons de faire, disons, auraient intérêt – ou ont eu intérêt, dans le temps – à être utilisés? C'est sûr que, quand le problème est réglé, on dit maintenant: Bien oui, mais, ça, ça n'existe plus, mais il a été des temps où ce n'était pas le cas. Par exemple, tantôt on parlait des produits qui contenaient du plomb; quand on les a réglementés ou interdits, les gens ont dit: C'est vrai, ça a du bon sens. Est-ce qu'on ne peut pas se retrouver avec des produits qui, même sur le plan environnemental, hypothétiquement, seraient non recyclables ou non réutilisables, mais qu'on ait intérêt à éviter qu'on mette en marché des produits ou des emballages qui sont vraiment, à la limite, indestructibles? Ou qui sont vraiment des éléments qui polluent par rapport à d'autres contenants qui pourraient faire le même office mais ne pas avoir les inconvénients? Est-ce que vous ne pensez pas qu'il est normal qu'on ait ça?

M. Ponton (Gérald A.): Avant de répondre à votre question, M. le ministre, à la page 87 du volume que M. Dussault a cité, là, la publication de Donald Dewees et Michael Hare, Reducing, Reusing and Recycling , on fait état d'expériences dans certaines villes de la Californie, Miranda et Aldy, à titre d'exemple. On parle également de Portland...

M. Bégin: Quel type d'expériences, M. Ponton?

M. Ponton (Gérald A.): On parle ici de «subscription fees for garbage carts in California». C'est au niveau des carrosses qu'ils ont imposé des droits. Alors, je pense qu'il y a des choses qui se font, on aurait intérêt à y regarder.

Pour revenir à votre question sur 53.25, si le ministre fixe des – je ne sais pas si ça pourrait se faire – durées de vie de produits... Parce que la crainte que l'on a avec 53.25, c'est de se faire dire, comme entreprises, quels produits utiliser. Si je suis un fabricant puis je fais des skis de fond ou des patins à roues alignées, bien, il y a un ministre de l'Environnement à quelque part qui va venir me dire quels produits je dois utiliser dans les produits que j'utilise, et c'est ça la grande crainte de nos entreprises. Et nous, on est très jaloux de nos processus, M. le ministre, de notre régie interne, parce qu'on a une responsabilité corporative. Je m'attendais plutôt à une question de député sur les produits dangereux. Il n'y a pas une compagnie qui utilise des produits dangereux... d'abord, il y a une loi fédérale qui existe sur les produits dangereux, premièrement. On aurait dû vous dire ça, on ne l'a pas fait, mais je vous le dis. Deuxièmement, il n'y a pas une entreprise qui est en affaires, avec sa responsabilité corporative, qui va sciemment utiliser un produit qui a des effets nocifs pour ses clients ou pour les consommateurs. En tout cas, moi, je n'en connais pas.

Alors, le grand danger de 53.25, c'est de nous dire quoi faire, alors que le ministre devrait nous dire ce qu'il souhaite qu'on fasse, en d'autres termes quelle est la durée... Par exemple, un produit dont la durée de vie est de plus de 40 ans, ou un autre critère qui serait retenu, les entreprises pourraient ne pas l'utiliser. Je pense que ça rencontrerait votre objectif, mais ça ne viendrait pas nous dire quels produits utiliser, que nous, pour toutes sortes de raisons...

M. Bégin: J'essaie de voir, M. Ponton. Je vois le paragraphe 3°, par exemple: «régir la composition, la forme, le volume, la dimension et le poids des contenants ou emballages désignés, entre autres pour leur standardisation.»

M. Ponton (Gérald A.): Oui, mais les emballages, ça ne pose pas problème, M. le ministre.

M. Bégin: Non, mais c'est parce que vous voulez supprimer tout l'article, alors, là, je suis obligé de prendre chacun des éléments. Mais regardez, une chose banale...

M. Ponton (Gérald A.): Non, non. Prenez le 1°, là: «fixer la proportion minimale de matériaux ou d'éléments récupérés qui doit être respectée dans la fabrication des contenants, emballages, matériaux d'emballage, imprimés ou autres produits désignés;

«2° interdire, pour la fabrication...»

M. Bégin: Mais, regardez, on a eu l'exemple, là, concret. Ce n'était pas ici, au Québec, mais aux États-Unis, dans la fabrication du papier, on a dit: Dorénavant, il devra y avoir, mettons, dans certains États c'est 23 %, d'autres 25 %, d'autres 30 % de fibre recyclée.

M. Ponton (Gérald A.): Oui, d'accord.

M. Bégin: Ce que je veux dire par cet exemple-là: qu'il peut y avoir des cas où, sur le plan environnemental, il y a un avantage à indiquer: Nous tenons à telle chose. Non pas pour s'ingérer dans les discrétions des entreprises, mais pour dire qu'on a avantage, par exemple, à récupérer le papier. Ce qui a entraîné, entre autres choses, le désencrage du papier journal dans plusieurs endroits et la réintroduction de cette fibre-là à l'intérieur de la pâte vierge.

M. Ponton (Gérald A.): Et le développement d'une industrie très prospère.

M. Bégin: Voilà. C'est ça.

M. Ponton (Gérald A.): Mais, M. le ministre, vous avez donné l'objectif: vous devez inclure telle norme. Mais là, vous laissez les entreprises libres de décider comment elles vont rencontrer l'objectif, ce qu'on ne retrouve pas dans 53.25 parce que, par règlement, vous allez directement réglementer les processus en nous disant quel produit utiliser au lieu des normes à atteindre.

M. Bégin: Regardez, je vois les mots «fixer la proportion minimale». Bon, c'est le minimum, le reste, c'est à votre discrétion. «Interdire», bien, là, c'est empêcher complètement, c'est vrai. «Régir la composition [...] pour leur standardisation», bien, dire, par exemple, que les produits ne devront pas peser, je ne sais pas, moi, plus que 3 kg parce que c'est un problème pour des personnes âgées. Je n'ai pas d'exemples à vous citer mais, si on a mis une chose semblable, ce n'est quand même pas de nature à vous embêter beaucoup. «Régir l'étiquetage ou le marquage des contenants, emballages», entre autres pour permettre à l'usager de connaître le contenant. On sait qu'aujourd'hui le contenant puis le contenu, c'est deux choses, mais souvent il y a des relations de santé qui sont extrêmement importantes. Tous les emballages, aujourd'hui, contiennent des avertissements. Par exemple, on donnait le cas des arachides. Si on dit que vous devez indiquer le contenu d'un produit sur le contenant parce qu'il y a des dangers pour la santé, bien, c'est un exemple de choses qui peuvent être faites. Il ne s'agit pas d'en abuser, il s'agit de s'assurer que ça soit fait dans un contexte donné.

M. Ponton (Gérald A.): Je suis d'accord, M. le ministre. D'ailleurs, ça se fait dans la réglementation fédérale. Consommation et Corporations Canada a des normes d'étiquetage et, en autant qu'il y a une harmonisation... Il ne faudrait pas se retrouver avec deux étiquettes sur le même produit, là.

M. Bégin: Ça, j'avoue que je suis d'accord avec vous, mais...

M. Ponton (Gérald A.): Je pense que vous êtes très sensible à ça. Mais la crainte des manufacturiers, c'est lorsqu'on voit les mots «ou autres produits qu'il désigne» et «ces règlements peuvent notamment», sans limitation, ça veut dire qu'ils peuvent faire... Si le texte disait: Ces règlements doivent exclusivement fixer... Mais là, on dit: «peuvent notamment». Notamment, en tout cas en jargon juridique, c'est non limitatif et ça peut donner lieu à d'autres utilisations. Et c'est la préoccupation que l'on a sur cet article 53.25.

M. Bégin: Mais c'est des choses... Une règle de droit, aussi, dit qu'on ne peut pas, à partir de mots comme «notamment» ou «autres produits qu'il désigne», déborder le contexte des articles qui sont là, autrement, vous n'avez pas le pouvoir habilitant. Là c'est l'avocat qui parle, pas le ministre.

M. Ponton (Gérald A.): Pour essayer de vous convaincre, je vais lancer un appel à l'aide. M. Lalonde va m'aider à répondre à votre question.

M. Lalonde (Michel): Je veux juste reprendre, M. le ministre, l'exemple que vous donniez sur les pâtes et papiers. Je pense que c'est vrai, ce que vous dites. Effectivement, ça a stimulé, mais il y a d'autres types d'industries où c'est plus difficile de pouvoir appliquer l'exigence comme telle. Je prends comme exemple les métaux. Lorsqu'une manufacture de cannettes ou de métaux achète son matériel sur le marché libre, il n'y a pas nécessairement d'identifié sur le lingot de métal si c'est recyclé ou pas, ou à quel pourcentage. C'est certain que dans l'industrie il y a un souci de recycler au maximum parce qu'on sauve sur les coûts d'énergie, on sauve sur les émissions de gaz, mais ce n'est pas défini comme tel sur un lingot ou sur un autre lequel a été recyclé ou pas. De plus en plus le marché s'internationalise, on achète du matériel d'Europe, on achète du matériel des États-Unis, alors, ça devient très difficile pour ceux qui produisent de savoir la proportion qui rentre finalement dans leur produit final.

M. Bégin: Vous avez raison, mais vous ouvrez une grande, grande porte. Vous avez utilisé «de plus en plus», et vous savez que, de plus en plus, si on veut être capable de vendre certains produits à l'étranger, on doit être capable de prouver que, sur le plan environnemental, on respecte certaines règles. Et ça devient en quelque sorte une nouvelle barrière tarifaire qui remplace les barrières tarifaires, c'est-à-dire le respect de l'environnement. Et je crois que de plus en plus, aussi, on va aller vers la précision quant à l'origine parce que les citoyens, avant d'acheter, vont dire: Un instant, je veux être certain que le produit que j'achète là contient minimalement tant de matières recyclables. Ce n'est pas aujourd'hui nécessairement le cas, mais ça s'en va vers ça.

(16 h 30)

M. Lalonde (Michel): En Europe, ça existe déjà, et puis la pression est très forte, particulièrement sur les producteurs d'automobiles. Ça devient une question de survie pour l'entreprise de respecter ces exigences-là. Alors, ce qu'on dit, c'est plutôt: Laissons au marché le besoin, et la pression environnementale des citoyens et des rapports environnement qu'on publie dans chacune des entreprises...

M. Bégin: Mais, à cet égard-là, est-ce qu'on ne peut pas penser que, de temps en temps, l'environnement, un petit coup de pouce, ça ne peut pas aider?

M. Lalonde (Michel): Mais, dans cet aspect-là, l'aspect commercial est beaucoup plus fort que l'aspect environnemental, parce que, lorsqu'on parle vraiment d'une matière première dans nos installations... plus qu'une préoccupation environnementale.

M. Bégin: Oui, mais les matières premières recyclées ne sont pas toujours, de manière évidente, payantes au départ. Je vous en donne un cas bien particulier. Une matière première qui s'appelle le pneu était considérée – on en parlait tantôt entre nous – il y a 10 ans comme étant une matière vraiment, là, dont on voulait se débarrasser à tout prix mais qu'on n'arrivait pas à faire, puis aujourd'hui on est passé à une matière qui est recherchée et qui va devenir en pénurie. Alors, entre les deux, là, il y a eu tout un passage. Avant, personne ne voulait s'en occuper, maintenant tout le monde veut les avoir. Mais ça ne s'est pas fait par la magie du Saint-Esprit, là; ça s'est fait par un aspect économique, une incitation gouvernementale à payer l'industrie pour le faire.

Alors, on a là des matières premières au début, et aujourd'hui, c'est devenu une richesse. Mais dans le temps ça ne l'était pas. Il y a beaucoup de matières comme ça. Regardez d'autres industries sont venues ici, même les pâtes et papiers, elles sont venues nous dire: Oui, on est prêtes à recycler, à récupérer, mais seulement dans les grandes villes, parce qu'à l'extérieur le coût de récupération dépasserait peut-être la valeur de la matière. Mais vous voyez que sur le plan économique la règle est un petit peu dérangée: payant en ville mais pas payant en dehors des villes. Mais sur le plan environnemental vous savez le papier qui est dans, je ne sais pas, moi, à Chicoutimi, puis celui qui est à Québec, il a la même valeur environnementale, mais économiquement pas nécessairement. Alors, c'est pour ça...

M. Lalonde (Michel): Le seul commentaire que je veux faire, c'est que le principe peut sembler valable dans certains exemples; dans certains autres, il l'est beaucoup moins, mais son applicabilité va devenir très difficile dans certains secteurs.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, si le ministre précisait les produits qu'il veut viser, dans un premier temps. Je ne le sais pas, 53.25 pourrait peut-être être plus précis dans son application, dire: Bon, je ne sais pas, moi, les produits qui ont une durée de vie de plus de, je ne sais pas, x nombre d'années, pourrait peut-être représenter une approche plus raisonnable que de vouloir appliquer 53.25 à l'ensemble des produits. Oui, Manuel?

M. Dussault (Manuel): Oui, c'est pour compléter aussi l'intervention de Michel, M. Lalonde. C'est que ces questions-là aussi, ça se passe beaucoup au niveau international, et donc les manufacturiers ont peur d'une intervention qui ne serait pas harmonisée avec les normes internationales, là...

M. Bégin: Oui, mais à la limite cet argument-là...

M. Dussault (Manuel): ...par exemple, oui... particulièrement avec les normes nord-américaines. Ce qui amène le commentaire de M. Ponton exactement: Est-ce qu'il y a des objectifs précis, des produits précis, que le gouvernement veut légiférer? Quelle est la problématique à laquelle on s'adresse avant de donner un pouvoir, par appui au gouvernement, de normer certains produits et puis d'entraîner une incertitude sur le marché?

M. Bégin: Évidemment, à la limite ce que vous dites, c'est: Ne faisons aucune réglementation, laissons les autres décider. Mais les autres, c'est qui, à la limite, aussi? Parce qu'à un moment donné il faut bien que quelqu'un, s'il y avait quelque chose à faire, prenne une décision. Mais pourquoi ça serait toujours les autres alors que, si on a des problèmes particuliers, on ne soit pas capable de les résoudre.

C'est parce qu'on réfère à... Le marché. Le marché, c'est vrai, ça existe, mais, si le marché met en marché des produits que l'on considère néfastes sur le plan environnemental ou ne rencontrent pas certains standards minimums pour une vie en société, est-ce qu'on ne pourrait pas dire d'aucune manière ou quoi que ce soit à son égard, mais dire: C'est les autres qui vont décider? Parce que finalement, si c'est vrai pour ici, c'est vrai pour les provinces, c'est vrai pour le fédéral, c'est vrai pour les États-Unis, c'est vrai pour tout le monde. Donc, on fait quoi? On ne fait rien?

M. Ponton (Gérald A.): Mais, M. le ministre, tenir compte de la concurrence ou des pratiques américaines ou mondiales, ça ne veut pas dire abdiquer vos responsabilités comme ministre et de laisser faire le marché, j'en conviens, sauf qu'il y a une façon de réglementer, de stipuler qui va s'inscrire dans des objectifs qui sont poursuivis au niveau de l'ensemble du marché. On ne peut pas s'isoler...

M. Bégin: Non, non.

M. Ponton (Gérald A.) : ...face à des normes par rapport à nos concurrents. Alors, ce qu'on vous recommande, c'est d'intégrer la démarche avec ce qui se fait ailleurs dans d'autres juridictions avec lesquelles on est en concurrence, parce que, si c'est bon pour les Américains, ça va être bon pour nous, puis, si c'est bon pour nous, sans aucun doute ça peut être bon pour les Américains. Mais c'est de s'assurer de ça pour faire en sorte qu'on ne se compartimente pas, qu'on soit vraiment ouvert sur les grandes tendances mondiales. C'est pour ça que...

M. Bégin: Là-dessus, je partage.

M. Ponton (Gérald A.): Notre préoccupation, c'est d'arriver avec un règlement – ce n'est pas le cas, mais techniquement c'est possible – qui ne serait pas pratique d'application dans les entreprises et contre lequel on ne pourrait absolument rien faire sinon de s'y conformer au détriment du fonctionnement de nos entreprises.

Alors, si le ministre procédait par une approche d'objectifs à atteindre, de secteurs économiques donnés – l'exemple de la loi 17, on a procédé par étapes en fonction des secteurs qui avaient des indices, à l'époque, en 1977, je m'en souviens, particulièrement graves en termes de santé et sécurité au travail – on pourrait dans 53.25 cibler des secteurs de façon un peu plus spécifique pour, là, vraiment comprendre les secteurs que le ministre veut viser, puis peut-être qu'on va être en accord avec lui.

Sauf que la façon dont 53.25 est rédigé, bien, c'est une autorisation de faire à peu près n'importe quoi, d'autant plus qu'on ne sait pas si nos recommandations, que le ministre va avaliser à tous les trois ans, de nous déposer un suivi de sa loi pour en discuter en commission parlementaire, à titre d'exemple... ça serait une bonne occasion pour le ministre, après trois ans, de faire le point, de rencontrer les intervenants. Et, si c'était une obligation qui était incorporée au projet de loi, les industriels se sentiraient probablement aussi plus rassurés, en disant: Bon, bien, le ministre va suivre son affaire, puis, s'il y a des aspects qui sont vraiment problématiques, on pourra les lui adresser parce qu'on sait qu'à tous les trois ans on va revenir avec un rapport d'étape de mise en oeuvre de la politique.

M. Bégin: Je suis plutôt favorable à ce genre de...

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le ministre, votre temps est écoulé. Alors, à moins que vous ayez une dernière question, s'il y a le consentement de l'opposition...

M. Bégin: Bien, juste peut-être un commentaire, répondre à cette question-là.

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Bégin: Je suis plutôt favorable à ce genre de chose là, parce que ça pose l'hypothèse que le plan d'action... la loi est en vigueur et que tout le monde fait ce qui est prévu dans la loi. Donc, que le gouvernement rende compte, ça demande aussi aux municipalités, aux citoyens, aux industries, qui sont parties prenantes au projet, de rendre compte également. Moi, ça m'apparaît tout à fait dans l'ordre des choses, une belle occasion de voir si chacun a fait son effort.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député d'Orford, porte-parole de l'opposition en matière d'environnement.

M. Benoit: Merci, M. le Président. Alors, MM. Ponton, Dussault et Lalonde, merci d'être ici aujourd'hui.

M. Ponton, après 61 mémoires qu'on a lus, 45 présentations et quelques rencontres privées, il semble y avoir un schisme assez évident entre l'industrie et le reste du monde de l'environnement. Nous avons écouté un bon nombre d'industries, je pense aux pâtes et papiers, à Hydro, les médicaments, les journaux, le bois de manufacturiers, et il n'y a pas grand monde dans le monde industriel qui est venu nous dire que ce projet de loi là, ils étaient très enthousiastes et qu'il était très bon, pour ne pas dire moins que ça.

Votre première impression, c'est que les chances que ça fonctionne, ce projet de loi là, pour l'industrie, à court terme, vous y croyez, ou, avec tellement de monde qui nous dit que ça ne marchera pas, est-ce que le ministre est après s'enligner dans une direction où il n'aura pas de succès finalement?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, écoutez, dans la mesure où on donne suite à nos recommandations puis qu'on répond aux interrogations que nous formulons, moi, je ne vois pas pourquoi le projet de loi ne pourrait pas fonctionner.

L'environnement est intégré dans le fonctionnement des entreprises aujourd'hui de plus en plus, ça fait partie de notre préoccupation comme citoyens corporatifs, et, moi, je pense que c'est un projet de loi qui peut très bien réussir à rencontrer les objectifs d'intégrer le développement durable comme mode de vie. Mais avec les écologistes il ne faut pas se surprendre, on est souvent les deux côtés de la même médaille, on ne voit pas les choses de la même façon. Alors, je pense que c'est au gouvernement d'arbitrer les différences et les interprétations que chacun des groupes peut avoir.

Mais, nous, si on est ici, c'est parce que la qualité de l'environnement dans nos opérations, on y croit, on veut l'intégrer dans notre fonctionnement, mais en même temps il faut qu'elle soit opérationnelle puis efficace pour qu'on puisse faire bon ménage dans le concept du développement durable. Manuel?

M. Benoit: À la page 6...

M. Dussault (Manuel): Pardon?

M. Benoit: Oui, excusez, M. Lalonde.

M. Dussault (Manuel): Dussault.

M. Benoit: Dussault, excusez.

M. Dussault (Manuel): Rajouter aussi que tout de même on suit le processus depuis le début, là, avec les audiences du BAPE et le groupe de suivi sur le plan d'action. Il y a eu beaucoup de changements qui ont été faits, puis c'est un avant-projet de loi, je pense, qu'il y a des améliorations qui peuvent être apportées, particulièrement sur la gestion des matières résiduelles dans les industries, sur l'importation. Mais la gestion des matières résiduelles d'une façon durable, on y croit, nous, à l'Alliance, les membres y croient aussi.

M. Benoit: À la page 6 de votre mémoire, M. Ponton, en haut, vous dites: L'obligation de réaliser une étude d'impact sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, etc.

(16 h 40)

Ce qu'on a entendu depuis trois semaines, c'est effectivement à peu près le contraire; autant de l'industrie que des municipalités ou des groupes environnementaux, ça a été de dire au ministre: Écoutez, le moratoire sur les sites de déchets, il est arrivé le 18 juin 1993, donc sept ans; il y a eu toutes les études, tout le temps à tout le monde de regarder tous les revers, tous les aspects de l'environnement, il est le temps maintenant d'aller de l'avant. Vous, ce que vous nous proposez ici, c'est une autre étude.

Je comprends que vous partez de certains décrets, qui viennent du Sommet socioéconomique, je pense, là, mais est-ce que l'heure n'est pas arrivée de faire son nid finalement, et de dire à l'industrie: Voici les normes, voici les objectifs et tout le monde doit s'enligner dans cette direction-là? De continuer à demander des études... Enfin, ce que j'ai entendu ici depuis trois semaines, c'est une certaine impatience, pour ne pas dire moins. Les gens veulent vraiment connaître les règles du jeu.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, écoutez, ce n'est pas moi qui l'ai adopté, le décret en question. Puis en autant que je sache, on devrait s'y conformer puis dans le présent cas on ne l'a pas fait. Alors, qu'on fasse un consolidé des documents qui ont été faits par le passé, mais normalement... Je prends l'exemple du projet de loi sur les disparités de traitement. On avait une étude d'impact; on l'a critiquée, on n'était pas d'accord, mais on avait quand même un document de réflexion sur les coûts pour les entreprises, conformément au décret. Et je pense que ça devrait être fait. Manuel, tu veux compléter?

M. Dussault (Manuel): Oui. En ce qui concerne, par exemple, la mise en vigueur du règlement sur la mise en décharge et l'incinération puis des règles du jeu pour l'industrie, ça, ça nous semble assez clair que ça aurait dû être une priorité puis qu'il faut aller de l'avant. C'est un élément important du plan d'action. Pour nous, c'est l'élément prioritaire, d'avoir des règles du jeu claires. Puis évidemment ça demande une étude d'impact si on veut adopter un règlement. Mais, pour nous, on a fait valoir souvent à plusieurs reprises: Allons-y avec ça; c'est simple, puis ça va donner des résultats, ça va équilibrer les règles du jeu.

En ce qui concerne les autres éléments plus larges, c'est nécessaire de poursuivre une analyse du plan d'action, je pense que c'est fondamental de le faire. C'est fondamental d'avoir une approche, parce que c'est une approche très globale qui nous est proposée. Si on adopte une approche globale, c'est nécessaire de faire très attention et de bien étudier les modalités de cette approche-là. Mais il y a des choses très simples, très ponctuelles, qui peuvent être faites.

M. Benoit: À la page 7 de votre mémoire, à la fin, vous dites: Les matières résiduelles d'origine industrielle. Après avoir écouté, encore une fois, un bon nombre d'industries, je suis arrivé à me demander si finalement, ce projet de loi là, il ne devrait pas être deux projets de loi: un pour le sac vert, le citoyen avec 35 % des déchets du Québec, et un autre qui, lui, semble déjà s'organiser ou être organisé. Que ça soit la peinture, les batteries, les papetières, l'électricité, toutes ces industries-là nous ont démontré qu'elles avaient déjà un régime de gestion de leurs choses. Et la question que je vous pose: Est-ce qu'on ne devrait pas finalement, ultimement, avoir deux projets de loi: un qui gérerait le 35 % – le citoyen comme moi, avec mon sac vert – et un autre qui gérerait tout ce qui est industriel, commercial? On s'aperçoit que c'est des univers finalement bien différents.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Lalonde.

M. Lalonde (Michel): Disons qu'en tant que travailleur dans une industrie on a à vivre actuellement avec déjà plusieurs exigences légales et réglementaires qui touchent à la génération des matières résiduelles et des matières recyclables, etc. On peut nommer plusieurs règlements – sans compter l'article 22 de la loi – et tout nouveau projet couvre l'aspect gestion des déchets. Alors, il y a déjà un cadre qui fonctionne à mon sens assez bien, qui encadre la gestion des matières résiduelles et des déchets. Si c'est en tenant compte de ce cadre-là existant et puis en s'assurant qu'on l'optimise de façon à aller encore plus loin, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous proposez.

M. Ponton (Gérald A.): M. Dussault, pour un complément de réponse, M. le Président.

M. Dussault (Manuel): Oui. Je trouve que votre suggestion est intéressante. J'aurais peut-être une nuance à apporter. Chez les industries, il y a les industries qui génèrent des matières résiduelles dans leur processus de fabrication. À notre avis, c'est privé, cet aspect-là, et ça fonctionne très bien, les industries atteignent l'objectif de récupération qui est fixé. Cet aspect-là n'a pas besoin d'un projet de loi ou de réglementation. Puis les deux aspects, c'est les entreprises qui mettent en marché des emballages qu'on a. On fait partie du conseil d'administration de Collecte sélective; je pense qu'il y a besoin d'une réglementation dans ce secteur-là, mais le diviser avec les citoyens, je trouve ça une suggestion extrêmement intéressante, d'autant plus que l'Alliance est pour les frais d'utilisateurs auprès des consommateurs.

M. Benoit: Dernière question, pour laisser du temps à mes confrères. Vous êtes très opposé, comme à peu près tout le monde dans l'industrie, à la planification régionale de la gestion des matières résiduelles. Qu'est-ce qui vous fait peur là-dedans? Les assemblées publiques dans les sous-sols d'église? Les citoyens qui veulent tout savoir? Des politiques qui ne sont pas prêtes dans vos entreprises? Qu'est-ce qui vous fait... Je comprends que vous nous citez une partie de l'éditorial du Globe and Mail , là...

M. Ponton (Gérald A.): Oui, vous avez la réponse là. Ha, ha, ha!

M. Benoit: ...c'est bien agréable là, mais au-delà de l'éditorial.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, en fait, c'est toute la problématique: les vidanges, pas dans ma cour. Comme société, on est sur un territoire donné puis on produit de la richesse différemment des régions, et, moi, je vous dirais que la disposition des résidus devrait avoir la même approche. Ce qu'on craint, c'est qu'une entreprise qui est installée dans une MRC va être ballottée entre oui et non, dépendant de qui va être élu au conseil de la ville, au conseil de la MRC. C'est un peu comme à l'époque où les magasins au Québec, l'ouverture était régie par les municipalités. Une ville était fermée, l'autre était ouverte. C'était: où ça commence où ça arrête.

Je pense que là on s'embarque dans une dynamique qui ne sera pas du tout productive, et on devrait plus y aller en fonction de critères de sécurité, de normes à respecter et là laisser le promoteur libre de convenir avec la ville intéressée par le projet les conditions d'implantation. Et, quand l'implantation se discute avec la municipalité, en suivant les processus prévus à la Loi, le BAPE puis tout ça, bien, là, il y a une décision qui se prend puis, là, on sait qu'on a un type de site qui est en opération, qui peut accueillir des matières solides ou résiduelles d'un peu partout au Québec et même d'ailleurs. Ça peut devenir une industrie très profitable. Ce qu'on risque d'avoir, c'est des querelles entre: on ne veut pas de tes vidanges dans notre région. Ça, je trouve que ce n'est pas du tout productif comme débat. Manuel? Ça va?

M. Dussault (Manuel): Ça va.

M. Benoit: Très bien. Merci, messieurs.

Le Président (M. Bordeleau): D'autres interventions? M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: À la page 8 de votre document, vous dites que le gouvernement devrait se limiter à fixer les cibles de réduction et mettre l'accent sur les conditions qui favorisent la récupération au lieu de plutôt dicter des modes de fonctionnement pour les entreprises. Mais je me pose la question: Est-ce que vous voyez dans le fond le gouvernement qui arrive, qui vous dit: Dans tel type d'entreprise vous allez devoir récupérer ou produire des biens qui sont recyclables à tel pourcentage et à défaut de... Ça prend quand même un incitatif; c'est la question que je me pose: Quel va être l'incitatif pour vos entreprises?

M. Ponton (Gérald A.): M. Dussault va répondre à la question, M. le député.

M. Dussault (Manuel): Bien, en fait, quels vont être les incitatifs? Si le gouvernement donne des objectifs, nous, on a toujours compris qu'il y avait des sanctions qui étaient attachées aux objectifs, là. Ça a été clair depuis le début. Évidemment, il faut que les sanctions soient raisonnables, mais, quand les entreprises disent: Fixez-nous des objectifs et puis laissez-nous mettre des processus, c'est bien évident qu'on s'attend à ce qu'il y ait des sanctions prévues dans la loi.

M. Whissell: Bien, là, à ce moment-là ce serait quoi? Cas par cas, entreprise par entreprise ou par domaine d'activité?

M. Ponton (Gérald A.): M. Lalonde.

M. Lalonde (Michel): Je voudrais revenir à ce que le ministre Bégin disait tantôt, si on va dans le sens d'un rapport à tous les trois ans sur les performances de la législation et de la réglementation, mais aussi de la performance des entreprises. Il y a une publication finalement, de façon régulière, des performances de l'entreprise. Actuellement, il existe au fédéral un programme qui s'appelle le programme ARET qui vise la réduction des émissions toxiques, et plusieurs entreprises se sont engagées volontairement et publiquement à réduire leurs émissions.

Alors, je pense que cet engagement-là, de performance, par rapport soit volontairement à les réduire ou soit par réglementation, c'est une garantie en soi que l'entreprise va aller de l'avant. Parce qu'il n'y aucune entreprise qui veut s'engager dans un programme de réduction et arriver après un certain temps et dire: Je n'ai pas été capable de le rencontrer. Ça crée une pression sur l'entreprise qui est aussi forte sinon plus forte encore qu'une réglementation.

M. Whissell: Mais la pression existerait quand même avec une cible d'identifiée?

M. Lalonde (Michel): C'est ça, avec une cible bien précise qui s'applique. Puis il faut la rencontrer, et on est redevable de la rencontrer, publiquement.

M. Ponton (Gérald A.): Sinon, il y a des amendes, des pénalités.

(16 h 50)

M. Whissell: Alors, le gros de la discussion, si on résume un peu votre présentation, c'est: vous voudriez quasiment être exclus du projet de loi et, en bout de ligne, que ce soient seulement les objectifs qui sont imposés aux entreprises du Québec.

M. Ponton (Gérald A.): Mais les objectifs peuvent être imposés par règlement, il n'y aurait pas d'incompatibilité. Et, si on ne fait pas la preuve qu'on a rencontré les objectifs, bien, on est en défaut. Mais d'avoir une série d'autorisations à demander, là on se pose des questions sur l'efficacité du processus, parce qu'on revendique le privilège d'être maître des processus, quitte à ce qu'on rencontre des objectifs qu'on attend de nous dans la société, tels que fixés par le gouvernement.

M. Whissell: Mais un exemple, si on prend une industrie, un cas concret, là.

M. Ponton (Gérald A.): Les pâtes et papiers, par exemple, des normes sur le contenu de matières recyclées pour tel type de produits. Moi, avec un délai d'implantation, je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas envisageable de façon à réduire l'utilisation du papier, à titre d'exemple. D'autre chose?

M. Lalonde (Michel): Oui. Ça pourrait être aussi dans l'industrie métallurgique, un pourcentage de recyclage du produit. On produit du métal, bon, il faut recycler ce métal-là, de fixer des sites de recyclage de ce métal-là.

M. Ponton (Gérald A.): Les cannettes, à titre d'exemple, doivent contenir... Bien, là, c'est un facteur d'énergie, les automobiles aussi. Je ne vois pas pourquoi...

M. Whissell: Alors, pour vous et pour vos membres, ça serait moins astreignant que le gouvernement arrive, puis dise: Bon, vous avez l'obligation d'avoir une composition de matières recyclables à tel pourcentage puis arrangez-vous comme vous voulez, il faut que ça soit effectif pour telle date. Pour vous, c'est moins astreignant que le projet de loi tel qu'il est présenté aujourd'hui?

M. Ponton (Gérald A.): Ça, ça serait une approche qui est plus conforme à nos façons de faire, oui, avoir une norme à rencontrer, que d'avoir des produits à utiliser ou pas, dépendant de leur propre degré de valorisation. On voudrait être les maîtres de déterminer comment on va faire pour rencontrer la cible qu'on nous demande puis qu'on nous impose de rencontrer.

M. Whissell: Bien, je comprends exactement votre appréhension, d'autant qu'on ne connaît aucune réglementation à venir. Et le ministre qui est en face de nous nous dit: Elles vont venir, elles vont venir, mais on ne sait pas quand. On nous parle d'un plan d'action qui est sur la table, comme si c'était une loi et, en bout de ligne... On a eu le Barreau du Québec qui est venu ici puis que... Justement, le problème avec le projet de loi, c'est qu'on met un cadre puis il n'y a pas vraiment rien à l'intérieur, puis on dit: Ça va venir. Mais, vos entreprises, elles, ne savent pas à quoi s'attendre.

M. Ponton (Gérald A.): Je vais vous donner l'exemple... Vous savez qu'au Québec on exporte plus de 54 % de notre PIB. Il y a 50 compagnies peut-être qui exportent 80 % de tout notre volume: les aéronefs, les moteurs d'avions, les matières premières, l'aluminium, les hélicoptères, les automobiles. Alors, je pense qu'il faut vraiment regarder dans quel marché on s'intègre avant d'adopter des règlements qui pourraient être interprétés comme allant à l'encontre de la tendance nord-américaine. C'est pour ça que des objectifs, c'est plus facilement identifiable et repérable.

M. Whissell: Mais les objectifs, ça serait viable également pour les produits que vous exportez? Est-ce que ça pourrait aller jusque-là?

M. Ponton (Gérald A.): Ça pourrait l'être, oui. Oui, oui, ça pourrait aller jusque-là.

M. Whissell: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Pontiac, il reste trois minutes.

M. Middlemiss: D'accord, merci, M. le Président. M. Ponton, vous avez indiqué que peut-être pour responsabiliser l'individu, on devrait peut-être lui charger la pesanteur des déchets. Des gens qui prônent, eux autres, la régionalisation de la gestion des matières résiduelles disent que, si chaque MRC, elle doit avoir son propre site d'enfouissement ou bien avoir sa propre gestion, à ce moment-là ça va responsabiliser et sensibiliser les gens à faire, disons, à s'assurer de... au lieu de payer on les sensibilise que vous avez un site, là, ce site-là un jour va être plein, donc ça les incite à faire peut-être plus de recyclage. Croyez-vous que votre option à vous, le fait de les faire payer, ça va être plus efficace que l'autre?

M. Ponton (Gérald A.): Moi, M. le député, je pense ça va être plus efficace que l'autre parce que ça va frapper là où le bât blesse, dans le portefeuille. Je pense que les gens vont faire attention. Puis ceux qui y croient vont... Moi, je ramasse mes pots de peinture puis une fois par année je vais les porter à mon centre de collecte de produits dangereux. Je ne mets plus ça aux rebuts comme je le faisais auparavant parce que je suis maintenant beaucoup plus conscientisé. Les enfants ont été élevés dans cette dynamique-là. Et, moi, je n'ai aucune espèce de problème à récompenser ceux qui se donnent l'effort. Au contraire, je crois beaucoup à ça. Ceux qui ne veulent pas se donner la peine, bien, qu'ils payent pour.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous remercie, MM. Ponton, Dussault et Lalonde, de la présentation du mémoire de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, j'inviterais maintenant les représentants d'Intersan inc. à s'approcher de la table pour leur présentation. Alors, M. Bourque, j'aimerais que vous nous présentiez la personne qui vous accompagne. Je tiens à vous informer, comme dans les autres cas, que vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et qu'ensuite il y aura une période de questions de la part des députés ministériels et des députés de l'opposition. Alors, à vous la parole.


Intersan inc.

M. Bourque (Hubert): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission. Pour ouvrir, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent ici. M. Jacques Gaudette, qui est difficile à ne pas voir, mais il s'en vient bientôt. M. Gaudette est notre vice-président d'opération, et c'est un individu qui a 28 ans dans l'industrie des déchets. C'est probablement le gestionnaire de déchets avec le plus d'ancienneté au Québec, et je dirais même parmi les plus vieux au Canada. C'est un individu que j'ai un grand respect pour son expérience. À ma gauche, il y a Martin Dussault, qui est avec nous pour quatre ans. Il est un journaliste en formation et est l'auteur principal du mémoire que nous présentons aujourd'hui.

Moi-même, j'ai 25 ans dans la gestion des sites d'enfouissement au Canada ainsi qu'aux États-Unis. Je suis aussi l'auteur de plusieurs plans de gestion pour des municipalités, des grandes et des petites, à travers le Canada. Et j'ai aussi, parmi les projets que j'ai préparés durant les années où j'étais consultant, avisé le ministre de l'Environnement albertain au sujet de la localisation du projet de traitement des déchets dangereux en Alberta. Aussi, dans ma carrière, j'ai été le président fondateur, il y a 11 ans, de l'Environmental Services Association of Alberta.

Notre mémoire nécessite un discours franc. Il y a plus de 10 ans que nous demandons une réglementation qui a pour objectif principal la protection de l'environnement. C'est un besoin urgent. Notre mémoire est fondé sur les besoins de notre clientèle, c'est-à-dire le tiers des Québécois et des Québécoises qui se servent de nos services. Malgré les engagements prononcés, nous n'avons qu'à citer certains incidents récents, par exemple une situation où 90 résidents ont dû être évacués durant la nuit à cause d'un risque d'explosion de biogaz d'un site d'enfouissement avoisinant. Il y a aussi eu des expériences de contamination très sérieuse où l'eau potable des robinets est devenue noire dans les maisons de résidence, soudainement.

(17 heures)

Alors, c'est non seulement un privilège, mais un devoir de faire partie de cette commission. Nous nous engageons, comme nous l'avons toujours été, à être francs avec vous, à être responsables et à être directs.

Nous croyons que, premièrement, une réglementation claire, appliquée équitablement et à un standard le plus élevé possible est un besoin. Deuxièmement, nous supportons un support réaliste pour atteindre un taux le plus élevé de récupération, mais, en même temps, qu'elle soit abordable. Nous croyons que le 65 % de réduction que vous visez serait atteignable à certaines conditions, à des conditions que les contribuables sont prêts à supporter, et, deuxièmement, qu'il y a des technologies qui visent d'autres mesures de récupération, par exemple une technologie qui est en développement actuellement de bioréacteur de site d'enfouissement qui peut réduire jusqu'à 35 % l'espace requis pour les matières résiduelles.

Alors, je vous donne notre point développé après plusieurs années de considération.

M. Dussault (Martin): Notre intervention traduit généralement l'inquiétude de notre clientèle, en fait une centaine de municipalités où vivent environ 2 500 000 personnes et une clientèle d'environ 25 000 industries, commerces et institutions.

Intersan et sa clientèle sont préoccupés par l'intention gouvernementale de conférer de nouveaux pouvoirs aux MRC ou encore aux communautés urbaines, particulièrement le droit de regard. Il nous semble dangereux d'associer la planification à une notion de territoire à une échelle de MRC ou de supra MRC, comme il est proposé par l'avant-projet de loi.

En effet, en érigeant des barrières autour d'un territoire donné, cela aura pour effet de priver les municipalités, les industries, les commerces et les institutions d'importantes économies de masse au moment où les critères d'exploitation d'une installation d'élimination seront resserrés et commanderont, par le fait même, de nouveaux investissements. Ces derniers exerceront une pression sur les tarifs qui, privés de ces économies d'échelle, seront gonflés artificiellement, faute d'un volume suffisant pour amortir les coûts associés à l'atteinte de la conformité environnementale.

Puisque ces frontières administratives seront étanches pour contrôler la venue de déchets en provenance de l'extérieur du territoire, elles le seront également pour empêcher toute migration en dehors de celui-ci. Ce faisant, ces mêmes municipalités, industries, commerces et institutions seront privés d'un droit inaliénable, celui du libre choix de son fournisseur de service, pour des raisons d'affinité, de tarif et de qualité. Cette même clientèle se trouvera alors soumise à un tarif qu'elle ne pourra négocier et à un service dont elle n'aura rien à redire, étant sous l'emprise d'un monopole public ou encore privé.

L'exemple de la Communauté urbaine de Québec, la CUQ, est pertinent. Alors qu'au Québec, à l'heure actuelle, le prix moyen pour l'élimination d'une tonne de matières résiduelles varie de 25 $ à 30 $, il en coûte ici 82 $ à toutes les industries, commerces et institutions sur le territoire qui sont contraints d'expédier leurs matières aux installations municipales dans ce marché fermé. Pourquoi imposer une facture trois fois plus onéreuse à la clientèle? L'environnement n'est certes pas trois fois mieux protégé.

La menace de fermeture des territoires affecte tout autant sinon davantage les régions qui ne possèdent pas d'installation d'élimination. Ces dernières pourraient éventuellement être sujettes à une surenchère de la part de leur voisines desservies par une installation lorsqu'elles voudront y expédier leurs matières résiduelles.

À moyen terme, le danger de pénurie pointe à l'horizon. Les régions de Montréal, de Laval, de la Montérégie et de l'Outaouais seront ni plus ni moins aux prises avec un problème criant en termes d'espace d'élimination. C'est-à-dire qu'un bassin d'environ 4 000 000 de citoyens, près de 60 % de la population du Québec, sera touché par un problème d'élimination de déchets au nom d'une idéologie qui ne tient pas compte de la réalité démographique de la métropole et de ses environs.

La métropole est déjà desservie par des installations situées en banlieue, lesquelles, selon nous, sont appelées à jouer un rôle encore plus important avec la fermeture progressive de la carrière Miron. Ces sites doivent être considérés comme faisant partie intégrante de l'infrastructure de la gestion des matières résiduelles dans la grande région de Montréal. Il est tout à fait irréaliste, à notre avis, qu'au nom d'une idéologie de régionalisation le Québec fasse table rase de tout ce qui se fait actuellement et remplace ce système par un régime seigneurial de gestion de déchets, mettant ainsi en péril les infrastructures et les entreprises déjà implantées à la suite d'investissements et de développement des marchés. Le plan d'action du ministre devrait plutôt s'appuyer sur les infrastructures solides et viables et encourager la performance de l'entreprise privée qui est principalement responsable de l'évolution technologique dans ce domaine.

Les mesures proposées dans le chapitre sur la planification régionale confèrent non seulement des pouvoirs accrus aux MRC et communautés urbaines pour la gestion des matières résiduelles, mais constituent, selon nous, un incitatif et un encouragement pour elles à prendre en charge l'exécution des mandats et à se substituer éventuellement à l'entreprise privée qui acquitte déjà efficacement cette tâche.

D'obliger les municipalités à se regrouper dans une structure de planification à la formation d'une nouvelle entité publique de gestion des matières résiduelles, il n'y a plus qu'un pas à franchir. Cette situation risque de conduire le Québec vers l'étatisation de la gestion des matières résiduelles. Le contexte ouvre en effet encore plus grande la porte à certains corps publics exploitant des lieux d'enfouissement qui sont avantagés autant sur le plan légal, fiscal, qu'environnemental par des cadres favorables au détriment de l'entreprise privée.

Et je vais vous énumérer des situations concrètes qui causent préjudices aux entrepreneurs privés. D'abord, les corps publics bénéficient d'un avantage fort important sur le plan légal puisqu'ils sont en mesure de participer à la procédure d'appels d'offres publics et, ensuite, de la contourner s'ils n'en sortent pas gagnants tout simplement en signant des ententes de services dès l'ouverture des soumissions. Ils laissent ainsi les entrepreneurs se compromettent, après quoi ils peuvent ajuster les tarifs en fonction des prix offerts par les soumissionnaires.

Par ailleurs, les entreprises privées sont limitées lorsqu'elles signent des contrats les liant à des organismes publics, telles les municipalités, MRC ou communautés urbaines. La durée maximale de ces contrats est de cinq ans, ce qui n'est pas le cas des organismes publics. Pis encore, dans l'avenir, l'intention gouvernementale est d'obliger les municipalités à se regrouper dans un plan de gestion de 20 ans où forcément les entreprises n'auront pas leur place, à moins bien sûr d'amender le Code municipal et ainsi de permettre aux firmes privées de signer elles aussi des contrats d'une durée équivalente.

D'autre part, il nous apparaît clair que les régies, MRC ou autres corps publics devraient être constitués uniquement pour offrir des services à leurs membres et non pour se lancer en affaires et se substituer à l'entreprise privée en la concurrençant et en lui arrachant sa clientèle d'un autre territoire que le sien par une concurrence déloyale.

En ce qui a trait maintenant au cadre fiscal qui régit les corps publics dans la gestion des matières résiduelles, il est certes l'exemple de concurrence déloyale le plus facile à mesurer puisqu'il confère directement 15 % d'avantage économique. Les corps publics ne sont pas tenus de facturer les taxes fédérales et provinciales à leur clientèle. Concrètement, cette pratique a cours dans la région des Laurentides où la Régie Argenteuil–Deux-Montagnes frappe à la porte d'une municipalité ayant reçu des soumissions publiques et lui propose d'égaler le prix du plus bas soumissionnaire ou encore d'y ajouter un léger surplus en lui faisant toutefois valoir que ce tarif est exempt des deux taxes. Cette concurrence déloyale jumelée au contournement du processus de soumissions permet à un corps public comme la Régie Argenteuil–Deux-Montagnes de soutirer un à un les clients municipaux d'une firme comme Intersan. En plus de causer préjudice à une entreprise privée en compétition avec un corps public, eh bien, cette situation entraîne des pertes de millions de dollars pour le fisc.

Maintenant, en ce qui a trait au cadre environnemental, la réglementation est non seulement désuète, mais l'application de cette dernière est souvent inéquitable selon la propriété publique ou privée d'une installation d'élimination, conférant un autre avantage concurrentiel important aux corps publics. Il faut d'abord savoir qu'un corps public n'est pas tenu de détenir un permis d'exploitation pour un lieu d'enfouissement comme c'est le cas d'un propriétaire privé. Comment le ministère peut-il alors être coercitif envers ces exploitants publics s'il ne peut à tout le moins faire planer la menace de retirer leur permis en cas de déficience des installations? De plus, il est très délicat pour un niveau de gouvernement d'entreprendre des procédures légales contre un autre palier de gouvernement, par exemple une municipalité ou une MRC, en pensant que ce sera le même contribuable qui paiera les frais d'une telle dispute judiciaire.

Le rapport sur le suivi PAERLES, qui est le plan d'action pour l'évaluation et la réhabilitation des lieux d'enfouissement sanitaire, lequel a été rendu public en juillet 1996, dénote d'ailleurs un déséquilibre flagrant entre les deux types d'installation. Il démontre un laxisme important dans la gestion des sites publics en général et une nette amélioration des sites privés due à l'étroite surveillance de ces derniers par les autorités. Nous nous questionnons sur la pertinence, donc, de conférer encore plus de pouvoirs à ces corps publics. L'intervention gouvernementale s'impose plutôt afin que les corps publics opérant des installations soient soumis aux mêmes règles fiscales, légales et environnementales.

Aux aspects économiques et environnementaux que nous venons de traiter, il faut aussi ajouter le facteur social, lequel, nous convenons bien évidemment, fait partie intégrante de la gestion des matières résiduelles. Nous avons toutefois l'impression que le principe du droit de regard d'une MRC est une réponse aux tensions sociales il y a quelques années dans certaines régions, en l'absence à ce moment d'un consensus entre les différents intervenants, et qu'il se veut une façon de solutionner le fameux syndrome du «Pas-dans-ma-cour».

Intersan croit plutôt au développement d'un partenariat entre une entreprise comme la nôtre et la communauté hôtesse où nous possédons un lieu d'enfouissement sanitaire. Nous incitons donc fortement le ministère à favoriser cette approche de partenariat plutôt que d'introduire un droit de refus qui cache un pouvoir de surenchère, qui est en fait une menace à la viabilité d'une installation. Le gouvernement devrait plutôt encourager les propriétaires de lieu d'enfouissement à s'entendre avec leur municipalité hôtesse sur les paramètres d'exploitation. Selon nous, c'est d'ailleurs à la municipalité hôtesse et non à une MRC qu'est directement redevable un exploitant de lieu d'enfouissement. C'est cette dernière, de façon générale, qui subit des impacts reliés à la présence du lieu d'enfouissement et il lui appartient de négocier un entente avec l'exploitant.

Là où l'intervention de la MRC nous apparaît importante pour le bien public, c'est de s'assurer que les municipalités de son territoire pourront bénéficier d'un tarif avantageux et à long terme dans le cadre d'une planification, leur évitant d'être prises au dépourvu pour l'élimination de leurs matières résiduelles.

(17 h 10)

L'exemple de Saint-Nicéphore – le maire est venu en parler – où notre entreprise opère un lieu d'enfouissement est probant. Intersan négocie directement avec la ville une entente à long terme qui est équitable pour les deux parties. Les municipalités de la MRC de Drummond y ont également trouvé leur compte en obtenant un tarif préférentiel garanti pour l'enfouissement de leurs résidus sur une période de 10 ans, donc qui leur permet une bonne planification. Cette formule gagnant-gagnant satisfait la communauté locale et permet à Intersan d'opérer son lieu d'enfouissement avec des technologies de pointe, assurant une protection sécuritaire de l'environnement et de la population. Ce type d'entente est d'ailleurs au stade des discussions avec les autorités de Sainte-Sophie, également du canton de Magog, où Intersan opère un lieu d'enfouissement.

Donc, ces exemples démontrent qu'il est possible de développer un climat social harmonieux autour d'une installation d'élimination sans nécessairement contraindre l'exploitant par des barrières artificielles qui sont nuisibles au développement de celle-ci. Et, puisqu'il est question de sécurité des installations d'élimination, Intersan accueille favorablement l'intention gouvernementale de moderniser la législation qui devrait constituer la priorité des priorités. La mise en application du règlement sur la mise en décharge et l'incinération constitue, à notre avis, le levier de la mise en oeuvre du plan d'action. Et, à cet effet, M. le ministre, vous allez recevoir notre appui pour favoriser la mise en vigueur de cette nouvelle réglementation pour la gestion des sites d'enfouissement bien sûr basée sur une approche de résultats.

M. Gaudette (Jacques): M. le Président, moi, je n'ai pas de notes comme mes confrères. Moi, j'aimerais vous parler un peu d'opérations. Dans les opérations, il y a la formule pour les appels d'offres, les soumissions, tout ça.

M. le Président, je me rappelle, dans l'autre gouvernement, j'avais rencontré, par le biais de l'association, le ministre Paradis et avais mis en garde à ce moment-là le ministre Paradis concernant les MRC, des pouvoirs qu'ils peuvent se procurer, qu'un jour ces MRC là se créeraient un gouvernement à l'intérieur d'un gouvernement, aller jusqu'à tel point que ceux qui gèrent, puis là je ne parle pas des élus qui sont nommés aux sièges mais ceux qui gèrent, quand on parle de directeur général, les autres directeurs, ces gens-là, à un moment donné, il vient qu'il faut qu'ils se trouvent de l'ouvrage, il faut qu'ils protègent leur job. C'est clair. C'est juste ça que j'avais dit au ministre, de faire attention à ça parce que ce n'est pas croyable, les pouvoirs qu'ils peuvent prendre pour protéger leur job.

On a un exemple concret, c'est Argenteuil–Deux- Montagnes où on est rendu que la MRC ou la Régie d'Argenteuil, elle gère le site d'enfouissement, elle gère la cueillette transport et elle prend les moyens nécessaires pour se rendre là. Dans un premier temps, elle va voir une municipalité, elle dit: Tu veux-tu faire entente avec nous autres? On va faire une entente intermunicipale pour tes déchets. La municipalité, elle dit: Écoute, non, ça ne m'intéresse pas. Je vais aller en soumissions, je risque peut-être d'avoir un meilleur prix. À ce moment-là, la Régie va soumissionner. Elle, elle n'a pas de profit à calculer, elle n'a pas de taxes à calculer. Donc, on peut parler de entre 20 % et 30 % de différence avec le compétiteur. Elle se ramasse le plus bas soumissionnaire. Non seulement elle ne signe pas de contrat avec la municipalité, mais elle dit à la municipalité: Vous voyez, je suis le plus bas soumissionnaire. Maintenant, tu peux faire une entente intermunicipale. Ils se ramassent avec une entente de trois ans ou cinq ans, tout dépendant de ce que la municipalité demandait. Allons savoir si les cautionnements étaient là, ces choses-là, s'ils respectaient la demande de soumission intégrale. On ne le sait pas.

Quand on s'en va à Saint-Étienne-des-Grès, on se ramasse avec un site d'enfouissement qui a été exproprié. On parlait de l'ordre de 12 000 000 $ et on est rendu aujourd'hui à 30 000 000 $, et ce n'est pas encore fini. Plusieurs exemples comme ça sur la ligne. On s'en va dans un point tel que tantôt, M. le Président, quand une MRC aura chapeauté tout le domaine de la gestion des déchets avec peut-être – puis je pense ne pas venir fou en disant ça – trois employés pour un employé du privé pour faire les opérations de ça – on l'a vu dans des municipalités, on le voit encore aujourd'hui à la ville de Montréal où on a tout fait pour essayer de se débarrasser des camions à déchets, mais c'est impossible par rapport aux conventions collectives – on s'enligne vers ça, quand tout ça sera fait dans une MRC, là on dira: Bon, les déchets, c'est fait. On s'enligne-tu sur la neige? On fait-u la neige pour toute la MRC? Pourquoi pas? Rien qu'un petit projet de loi à passer en commission parlementaire. Ça va être passé, on ne le saura pas parce que la neige, ça ne nous intéresse pas, et ça va s'en aller. Ils vont faire la neige. Ils vont acheter l'équipement comme ils ont fait pour les déchets. Ils vont aller voir les municipalités, ils vont faire le même processus: services de ville à ville ou de MRC à la municipalité, etc., pas de taxes, pas de compétition, etc.

Quand tout ça sera fini, qu'on aura fait la neige puis qu'on aura fait les déchets, pourquoi on n'ira pas faire les routes dans les municipalités? Encore là, on partira sur le même principe. Ça peut aller très loin, puis c'est ce que j'ai dit au ministre Paradis dans le temps. Et le ministre Paradis m'avait fait comme réponse: M. Gaudette, vous savez, il dit, on est un peu conscient de tout ça, mais ce qu'on veut, c'est que les MRC, eux autres... Les écolos veulent gestionner leurs déchets. Ils vont s'apercevoir que ça coûte cher. Puis, quand ils vont s'apercevoir de ça, ils vont lâcher prise puis ils vont laisser ça à l'entreprise privée, non pas avec les fonctionnaires. Quand un fonctionnaire est rendu directeur d'une MRC, quand il a toute sa gang en arrière de lui puis qu'il faut tout que ça travaille, ce monde-là, on se fout, M. le Président, combien ça peut coûter aux citoyens. Ce n'est pas leurs problèmes. Ce n'est pas eux autres qui vont augmenter les taxes, ce n'est pas eux autres qui se présentent, mais c'est eux autres qui forment – comment je dirais ça? – le gros monstre. Là, les élus sont poignés avec ça puis ils ne sont plus capables de s'en défaire.

Vous le savez, M. le Président, dans les municipalités, comment est-ce qu'ils ont essayé de faire faire le faire-faire quand c'était la politique de tous les gouvernements élus, le faire-faire. Aujourd'hui, ce n'est plus ça. Aujourd'hui, on dirait, le gouvernement n'ose pas dire: Faites-le vous autres mêmes, les municipalités. Mais vous donnez les pouvoirs à des gens qu'eux autres s'enlignent là-dessus. Et à quelle place qu'on va se ramasser avec tout ça?

Le Président (M. Bordeleau): M. Gaudette...

M. Gaudette (Jacques): C'est les compagnies qui s'en vont.

Le Président (M. Bordeleau): ...je vais vous demander de conclure parce que le temps qui était alloué, le 20 minutes, est terminé, si on veut passer à la période de questions. Alors, vous pourrez compléter peut-être au fur et à mesure que des questions...

M. Gaudette (Jacques): Pour conclure, M. le Président, vous savez que dans le domaine des déchets, entre autres – parce que c'est notre domaine – il y a de la compétition, et très féroce. Les prix qu'on a aujourd'hui dans les déchets sont les mêmes que voilà 15, 20 ans. Et de la manière que vous vous en allez là, à donner les pouvoirs que vous donnez aux MRC, l'industrie va tout simplement quitter les régions tranquillement et, à un moment donné, ça va être juste des choses faites par les MRC, du moins dans le domaine des déchets, et ça s'en vient très vite.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. Gaudette. Je cède maintenant la parole au ministre pour la période de questions.

M. Bégin: Merci, M. le Président, M. Bourque, M. Gaudette, M. Dussault, merci. Je voudrais aborder... Il y a beaucoup de sujets dont on pourrait discuter ensemble, mais il y en a un, entre autres, que je vais prendre parce que vous êtes un des rares qui l'avez abordé sous cet angle-là. On retrouve ça à la page 14 de votre mémoire. Vous soulevez, si j'ai bien compris votre proposition, vous dites: Un, il faudrait que le règlement sur la mise en décharge soit adopté rapidement. Ce règlement-là, par hypothèse, on le sait, comprend des normes plus sévères que celles qu'on connaît aujourd'hui: étanchéité, membranes, traitement du lixiviat, etc. Vous dites donc: Adoptez ça rapidement. Mais là où vous avez quelque chose de nouveau, vous dites: Il faudrait que, dans les deux ans qui suivent l'entrée en vigueur de ce règlement-là, il y ait une évaluation faite de tous les sites existants et que l'on fasse, si j'ai bien compris, des recommandations, que les gens qui soient chargés de faire l'évaluation fassent des recommandations sur ce qui devrait être fait dans chacun des sites pour le rendre conforme à la nouvelle réglementation. Est-ce que, jusqu'à date, c'est conforme à ce que vous dites?

M. Bourque (Hubert): Moi, je dirais que c'est faisable sur une période de deux ans. Je l'ai vécu, moi. Ce n'est pas facile, mais c'est faisable.

M. Bégin: Excusez. Permettez-moi, M. Bourque... C'est bien ça, le sens de votre démarche – c'est ça? – que, au bout de deux ans, en fait, on ait fait une évaluation globale de tous les sites puis qu'on sache quelles sont les transformations qu'il faudrait faire? C'est bien ça?

M. Bourque (Hubert): Non, non. Moi, je dirais qu'après deux ans tous les sites soient conformes.

M. Bégin: Ah! rendus conformes.

M. Bourque (Hubert): À partir de la date de mise en vigueur de la nouvelle réglementation, tous les sites au Québec auront deux ans pour se conformer. S'ils ne se conforment pas, il faut qu'ils acceptent de fermer parce que c'est une indication qu'ils ne le seront vraiment pas. Alors, moi, je pense que c'est faisable dans deux ans. Moi, je pense qu'on peut arriver avec un projet de loi pour les lieux d'enfouissement sanitaire dans une période de 24 mois. Moi, je pense que c'est faisable et je pense que c'est souhaitable pour l'objectif de protéger l'environnement.

(17 h 20)

M. Bégin: En fait, vous dites: Il n'y a pas de droits acquis à continuer à polluer. Donc, vous devrez vous conformer à la nouvelle réglementation. Ce n'est pas trop caricatural? C'est bien ça?

M. Bourque (Hubert): C'est bien ça.

M. Bégin: O.K. Merci, parce que c'est la première fois qu'on l'entend de manière aussi explicite.

Deuxième chose. Vous parlez de la levée des lois spéciales, mais il y a un seul volet qui m'intéresse, vous dites: Une fois qu'on aura adopté le règlement sur la mise en décharge, il n'y aurait plus besoin d'évaluation environnementale. Est-ce que je vous comprends bien? Parce que je me dis: Même si on a un site étanche et dont le lixiviat est bien traité, il y a d'autres considérations qui sont étudiées sur le projet d'un site. Est-ce que vous nous demandez de l'exclure complètement ou bien, parce qu'il est étanche, parce qu'il est traité, on donne automatiquement une autorisation?

M. Bourque (Hubert): Non, ce n'est pas ça. Moi, à mon avis, quand les lois seront claires, le débat en audiences publiques ne va pas être si une membrane de 60 000 est l'équivalent d'un mètre d'argile compactée. Alors, au lieu de traiter tout ce débat-là en audiences publiques, on aura seulement qu'à se limiter...

M. Bégin: Aux autres aspects.

M. Bourque (Hubert): ...aux aspects sociaux. Alors, je pense que ça pourrait simplifier beaucoup les audiences publiques. Quand la réglementation sera claire, tous les sites auront à démontrer que le design est conforme à la nouvelle réglementation. Je pense que les évaluations vont être simplifiées au point que l'industrie, ce serait clair, elle doit se conformer pour au moins faire sa demande de permis.

M. Bégin: Je passerais à un autre point: comité de surveillance. Page 16 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous dites: «Les participants sont – vous parlez d'un comité de surveillance – représentatifs d'organismes et des secteurs d'activité du milieu.» Et là je dois dire que vous êtes cohérent avec ce que vous venez de dire concernant la relation avec la municipalité locale, puisque vous dites: «Ils proviennent d'un groupe environnemental local, des voisins immédiats du site, de la municipalité locale, de la MRC locale, du centre hospitalier local, de la chambre de commerce locale et du bureau régional.» Donc, c'est vraiment local.

Maintenant, ce n'est peut-être pas ce volet-là que je voulais soulever comme: La présence de différents intervenants, est-ce que c'est considéré par le milieu comme étant satisfaisant pour eux? Est-ce que les environnementalistes, par exemple, du coin se considèrent suffisamment représentés? Parce qu'on a eu des représentations qu'on devrait avoir un syndicalisme, on devrait avoir, bon, en tout cas, d'autres personnes d'autres secteurs. Est-ce que, sur place, le milieu – si je dois poser la question – il dirait: Ce qu'on a là, c'est suffisant ou bien est-ce qu'il y aurait des propositions de modifications?

M. Bourque (Hubert): Je peux vous assurer qu'on a déjà des syndicalistes en dedans de notre entreprise. On n'a pas besoin d'en inviter plus. Mais, en principe, je pense que la façon que nous gérons nos autres sites d'enfouissement dans d'autres provinces ou dans d'autres États, nous appuyons fortement le concept d'avoir un comité de surveillance. On l'appelle peut-être autre chose dans une autre place qu'un comité de surveillance. «Surveillance» semble dire qu'il faut être surveillé pour s'assurer que l'entrepreneur agit d'une façon responsable. Mais, nous, on appuie le concept d'un comité de surveillance parce que, pour nous, c'est un comportement responsable envers la communauté. Nos relations ne sont pas seulement avec le conseil de la municipalité, nos relations sont aussi directement avec les citoyens. Nous sommes dans une communauté hôtesse. Notre comportement devrait être tel que celui d'une entreprise, que ce soit General Motors ou une autre entreprise. Ce sont des comportements.

M. Bégin: Merci. Dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Vous parlez du fonds de postfermeture. Vous vous dites en accord avec sa création, mais vous dites que ça ne devrait pas être des sommes qui sont accumulées mais plutôt des lettres de crédit ou encore, ce que je ne connais pas, l'analyse financière qui est utilisée aux États-Unis. Un point qui est sous-jacent, et vous ne le dites pas, mais d'autres non plus ne l'ont pas dit, l'argent qui est ramassé, dans votre esprit, à qui appartient-il? Est-ce que c'est aux gens qui contribuent par le versement d'une somme d'argent ou si c'est au propriétaire du site?

M. Bourque (Hubert): C'est au propriétaire du site, parce que le but des fonds de fermeture et de postfermeture, c'est pour s'assurer que la dernière journée où la dernière tonne va être enfouie, il y a assez d'argent pour s'assurer que le site est bien fermé, premièrement; deuxièmement, pour les 20 ans, les 30 années après, que tous les fonds ont été mis de côté pour le suivi environnemental et toute la maintenance qu'il y a à faire sur le site.

En principe, le calcul des coûts de fermeture et de postfermeture sont faits par un ingénieur. Dans plusieurs États, ils sont faits par un ingénieur indépendant qui ne travaille pas pour la compagnie. Et aussi, pour le test financier, ils sont assujettis à une vérification d'une firme indépendante. Après avoir passé à travers ce calcul-là, il faut les soumettre à l'État – au Canada, je pense, il n'y a aucune province qui a adopté cette procédure-là – pour que l'État l'approuve. L'État a toujours le droit de dire: On n'accepte pas vos calculs. On voudrait que vous changiez tel et tel élément de votre calcul.

Alors, mon expérience personnelle avec le calcul de fonds de fermeture et de postfermeture, c'est un calcul qui est rigoureux et c'est un fonds qui est mis de côté pour protéger le site ou protéger les citoyens avoisinants pour s'assurer que le site est bien géré. Mais il y a d'autres éléments qui rentrent dans une réglementation. Par exemple, il y a des normes qui, si elles sont dépassées, exigent la création d'autres fonds, des fonds environnementaux, pour protéger l'environnement à certains autres risques.

Alors, moi, ce que je demande, c'est un processus qui est rigoureux, qui est détaillé, mais qui donne une certaine flexibilité. Parce que des fonds de fiducie, il faut s'assurer qu'ils sont bien gérés et il faut qu'ils soient gérés à long terme.

M. Bégin: Je vous pose la question parce que... Si on imagine que des sommes d'argent sont accumulées en fiducie, on peut se poser la question: Vingt ans après la fermeture, admettons qu'il n'y a rien qui se manifeste comme quoi il y aura un problème, qui va avoir droit à l'argent? Est-ce que c'est vraiment l'entreprise ou bien si c'est les gens vivant dans la collectivité qui ont contribué à cette somme-là? Le montant d'argent est perçu par l'opérateur du site, mais est-ce qu'elle lui appartient, cette somme-là?

M. Bourque (Hubert): Elle lui appartient jusqu'à ce que le propriétaire ne soit pas conforme. Alors, à ce moment-là, ces sommes-là peuvent être prises par l'État pour faire le travail. Mais il faut être clair, les fonds de fermeture et de postfermeture ne sont pas pour couvrir des événements non prévus. Des fonds de fermeture et de postfermeture sont là pour couvrir des coûts qui sont prévus à la fermeture du site et pour les 30 années après la fermeture du site.

Si on parle de risque environnemental, ça, c'est un autre problème, et ça, c'est déclenché après un certain événement. Par exemple, si le site dépasse continuellement les normes de qualité d'eaux souterraines, alors le site devrait être assujetti à un programme de surveillance plus détaillé. Ensuite, si le problème ne peut pas être corrigé dans un certain délai, alors, à ce moment-là, une somme additionnelle devrait être mise de côté ou des travaux devraient être exécutés immédiatement pour corriger le problème. Alors, les fonds de fermeture et de postfermeture ne sont pas là pour prévoir des événements non prévus dans l'opération d'un site conforme et normal.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Alors, MM. Bourque, Gaudette et Dussault, ainsi que les gens qui vous accompagnent, merci d'être ici aujourd'hui.

À la page 5, M. Bourque, de votre mémoire, vous nous dites que cette régionalisation des déchets... Vous dites: «Ces nouvelles mesures reliées à la planification territoriale nous apparaissent en effet comme une expropriation déguisée des marchés développés.» Vous y croyez vraiment? Vous pensez que le ministre a un grand plan machiavélique d'essayer de faire disparaître les entreprises privées ou de les étatiser de quelque manière?

(17 h 30)

M. Bourque (Hubert): Franchement, non, sauf que, pour mettre sur la table des exemples concrets, je pense qu'on s'est servi d'une expérience au Québec, et ce qu'on a fait, on a choisi certaines régions au Québec où nous ne pouvons pas être présents. Nous respectons le rôle du gouvernement, nous respectons le droit d'une municipalité de prendre charge d'une certaine activité. Mais ce qui est inquiétant pour nous, c'est du moment qu'elle la dépasse et que les règles ne sont pas claires. L'exemple qu'on a donné, la Régie Deux-Montagnes–Argenteuil, ce n'est pas pour viser Deux-Montagnes–Argenteuil, mais c'est pour simplement dire que, nous, nous sommes désavantagés. Les règles ne sont pas claires, c'est-à-dire que nous n'avons pas le droit de soumissionner sur des contrats municipaux à l'extérieur de la Régie. Je comprends que les municipalités ont le droit de s'entendre à travers des ententes intermunicipales, mais je considère que la Régie elle-même, c'est une entente intermunicipale. Et l'exemple aussi... quand on a acheté le site de Sainte-Sophie, il y avait une entente avec la CUO, et l'entente intermunicipale entre la CUO et la Régie s'est faite sans soumissions publiques, sans qu'on ait un mot à dire. Alors, ce qu'on veut, ce qu'on demande, c'est que le rôle du privé au Québec soit clair.

M. Benoit: Finalement, je pense que le rôle du privé est peut-être assez clair. C'est celui des régies intermunicipales qui n'est peut-être pas très clair, finalement. Elles ne paient pas le 15 %, si j'ai bien compris, et j'ai cru comprendre... Quand M. Gaudette a parlé tantôt, on a bien compris ce qu'il disait; il a une bonne voix, M. Gaudette, ça porte bien. Ce qu'il nous a dit aussi, c'est qu'elles ne payaient pas d'impôt. Le ministre des Finances est dans un autre salon ici après essayer de trouver de l'argent chez les veuves et les orphelins et un peu tout le monde. Est-ce qu'effectivement il n'y a pas là une source incroyable à côté de laquelle les régies intermunicipales ont été capables de passer et de compétitionner directement l'entreprise privée? Et je pense que, quand monsieur nous disait: La prochaine étape, ce seraient les routes, etc. Est-ce qu'il n'y a pas un problème, là, effectivement?

M. Bourque (Hubert): Oui, il y a un problème. Le problème sérieux, c'est que, quand la municipalité opère dans son mandat, je comprends les règles. Mais jusqu'à quel point est-ce que la régie peut aller pour compétitionner le privé? Est-ce que, en dehors de son mandat, ce n'est pas une opération qui touche au commercial? Et c'est ça, notre avis. On est complètement écarté des soumissions publiques avec les municipalités à l'extérieur de la régie que la régie choisit de faire affaire avec. Alors, je pense, moi, que c'est dans les intérêts des municipalités d'aller chercher le plus bas soumissionnaire. Ça l'a toujours été, et je pense que c'est exigé, sauf pour la situation qu'on vient juste de souligner.

M. Gaudette (Jacques): Je pourrais rajouter quelque chose. Une régie peut aller voir une municipalité et lui demander de faire une entente intermunicipale, et la municipalité est libre d'accepter ou pas. Et, si elle ne l'accepte pas, elle va au processus qu'on a expliqué tantôt, et, si la régie est le plus bas soumissionnaire, là, c'est facile de convaincre la municipalité.

Si la régie a le droit de s'asseoir, avant les soumissions, avec une municipalité pour faire une entente, pourquoi, nous autres, on n'aurait pas le même droit? Pourquoi on n'aurait pas le droit de passer outre au processus de soumission et de s'asseoir avec une municipalité puis dire: On va faire une entente avec toi, et puis ça va être tant? On vient d'éliminer le processus de soumission. Mais ce n'est pas ça qui se... Il n'y a rien qui est fair sur les deux bords. Là, c'est la Régie Argenteuil–Deux-Montagnes, tantôt ça va être une autre, et ça va s'agrandir à d'autres régies. La compétition, elle n'est pas fair, puis on va éliminer l'industrie privée dans les déchets.

M. Benoit: Dans votre mémoire, un peu dans la même ligne, vous nous dites: «Il faut d'abord savoir qu'un corps public n'est pas tenu de détenir un permis d'exploitation pour un lieu d'enfouissement.» Est-ce que c'est vraiment ce qu'on voulait dire? Est-ce que ça veut dire que Coaticook n'a pas à obtenir du ministère de l'Environnement un permis d'exploitation pour un lieu d'enfouissement?

M. Bourque (Hubert): Je vais demander à M. Théberge d'élaborer là-dessus.

M. Benoit: Faites attention à M. Théberge, il a été ici la semaine dernière puis il a volé le show complètement. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bordeleau): Oui. M. Théberge, si vous voulez intervenir, il faudrait que vous vous approchiez à la table, au micro. Alors, je laisse la parole à M. Jocelyn Théberge.

M. Théberge (Jocelyn): Oui. Écoutez, c'est tout simplement dans l'interprétation des articles 54 et 55 de la loi, qui fait en sorte qu'une municipalité qui exploite un site d'enfouissement doit détenir un certificat de conformité sur un certain terrain, avoir une activité d'enfouissement. Par contre, elle n'est pas tenue, comme le dit l'article 55, d'avoir un permis d'exploitation comme un entrepreneur privé est obligé de le faire. Donc, c'est dans l'interprétation – je ne suis pas juriste, là – de ces deux articles-là, c'est une question de personne et de... En tout cas, je pense que M. Bégin comprend mieux tout ce vocabulaire-là.

M. Bégin: L'article 1 dit qu'une personne, c'est toute personne, sauf une municipalité puis une régie intermunicipale. Donc, ça se trouve exclus du permis. Mais je fais remarquer que, le permis, on le supprime dans le projet de loi.

M. Benoit: Alors, dernière question, pour laisser un peu de temps à mes confrères. Dans votre mémoire, à la page 13, vous dites que vous avez fait une belle entente avec Saint-Nicéphore et que vous êtes en train de faire une belle entente avec le canton de Magog. Si je comprends bien, là, vous aimeriez mieux continuer à faire des ententes avec les municipalités plutôt qu'avec les MRC. Est-ce que j'ai raison de dire ça?

M. Bourque (Hubert): Oui, c'est ça, j'ai vécu l'expérience. Pour vous dire, quand je suis arrivé au Québec, Saint-Nicéphore, c'était un point chaud, et la première chose que j'ai faite... L'achat du site a été fait le 22 août 1996, un samedi, et à 9 heures le matin, à l'ouverture de l'hôtel de ville, j'étais dans les bureaux du maire Forcier pour lui dire que j'étais conscient qu'il y avait un problème et je voulais le rencontrer. Ça nous a pris cinq mois, ça n'a pas été une négociation qui était facile, ça a été très difficile parce qu'on était menacé d'expropriation et de toutes sortes d'affaires. Mais, finalement, on s'est entendus sur une entente qui était claire, qui était équitable, et nous voulions être vus comme une entreprise responsable dans la ville de Saint-Nicéphore. Alors, on y est arrivé, et je pense que la meilleure façon, c'est d'être responsable, c'est d'être transparent avec la municipalité et d'avoir des ententes qui sont bien rédigées.

M. Benoit: M. Bourque, je comprends que vous vous êtes entendus dans les deux cas, et bien vous soit fait. Mais est-ce que, effectivement, les conséquences d'une entente – si je pense à d'autres sites – sont plus larges que dans la municipalité? Vos camions qui se rendent au site de Magog passent dans Standstead, ils passent dans différentes autres municipalités, et de là l'esprit, je pense, du projet de loi.

M. Bourque (Hubert): Si vous me permettez, l'autre expérience que j'ai vécue, plus dans ma carrière... et c'était au Québec aussi. C'était la première fois que quelqu'un s'était entendu avec une municipalité hôtesse. J'étais à 90 % de signer l'entente et j'ai reçu un appel du préfet qui m'invitait à le rencontrer, et ça a été très clair que, s'il n'y avait pas d'entente aussi avec la MRC, jamais on se serait permis d'agrandir le site, et il fallait qu'il y ait une entente non seulement avec la municipalité hôtesse, mais avec la MRC. Et je pense que ça embête beaucoup les relations qu'on peut avoir. Je pense qu'il faut avoir des relations avec les MRC, et on a dit dans notre présentation que nos relations sont de s'assurer que les besoins, les intérêts de la MRC sont protégés, qu'elles ont accès à une capacité à long terme pour un plan de gestion à travers un site privé et que les inconvénients qui sont surtout impactés sur la municipalité hôtesse sont aussi compensés. Parce que le principe d'avoir une entente avec une communauté hôtesse, c'était que, à l'heure où on a acheté le site, je pense qu'on payait peut-être un compte de taxes de 25 000 $ par an. Pour la grandeur de l'entreprise, ce n'est pas équitable, puis on le sait que ce n'est pas équitable. Et l'entente, ce qu'elle a fait, c'est qu'on s'est rendu à environ 450 000 $ de redevances aux municipalités, ce que je pense qui est plus dans l'ordre de grandeur qu'on devrait être.

Alors, c'est vraiment le principe de base, c'est l'entente de communauté hôtesse, je pense, qui remplace une évaluation des terrains qui ne rend pas aux chiffres qu'on devrait être. Alors, c'est ça, le principe avec la municipalité hôtesse, qui n'est pas le même principe qu'une entente avec les MRC.

M. Benoit: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vais laisser la parole au député d'Abitibi-Est en signalant qu'il reste huit minutes pour le député ministériel et que le député de Salaberry-Soulanges veut également intervenir.

(17 h 40)

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Tantôt, je crois que c'est M. le vice-président qui mentionnait d'une manière assez claire... Il nous disait: Ne donnez pas de pouvoir aux MRC, parce qu'il se crée des organismes et tout ce qu'ils veulent, c'est de protéger leur job. Dans une certaine mesure, est-ce que ce n'est pas ce que vous êtes après faire ici aujourd'hui?

M. Bourque (Hubert): Oui, jusqu'à un certain point, vous avez raison. Mais, nous, nous sommes tenus de le faire de la façon la plus efficace. Comme a dit M. Gaudette, les prix qui sont soumissionnés aujourd'hui sont les mêmes prix, sans tenir compte de l'inflation, de rien, qu'on soumissionnait il y a 10 ans. Alors, le travail que, nous, on a à faire... L'approche qu'on a, c'est la même approche que les municipalités ont. Si on compare aux directeurs de grandes villes dans la région de Montréal, leur défi est le même que le nôtre. On est obligé, on est tenu d'essayer de rendre service d'une façon la plus efficace, la moins coûteuse pour le contribuable. Et nous sommes simplement les servants de ces municipalités-là en soumission publique. On dessert ces municipalités-là, et je peux vous dire que la compétition... Quand on dit que la compétition est féroce actuellement, il n'y a pas une graine d'exagération là-dedans. On est dans une compétition extrêmement féroce. Et nous, oui, on veut créer de l'emploi. Mais le point, c'était le surplus de l'emploi au-dessus de ce qui est nécessaire pour faire l'ouvrage.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Quand vous réclamez avec force qu'on ne donne pas de pouvoir aux MRC, donc par ricochet aux citoyens, ne trouvez pas que vous y allez un peu fort?

M. Bourque (Hubert): Non, le point, c'était de ne pas donner des pouvoirs qui ne sont pas équitables, qui contournent le principe de faire l'ouvrage au moins cher, le plus efficace, de la meilleure qualité. C'est ça, le point. C'était de créer un marché qui est équitable. Moi, je n'ai aucun problème, la compagnie n'a aucun problème, j'ai un respect pour les MRC qui veulent faire l'ouvrage elles-mêmes. Nous acceptons ça à 100 %. Mais où est-ce qu'est l'argument? C'est de ne pas donner des pouvoirs aux MRC qui contournent les responsabilités des municipalités d'aller chercher l'entrepreneur ou le donneur d'ouvrage au meilleur prix possible. C'est ça, le principe.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Parce que... Oui?

M. Gaudette (Jacques): Je voudrais juste compléter.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gaudette, oui, allez-y.

M. Gaudette (Jacques): Quand on dit: Les pouvoirs à la MRC, je suis le premier à dire que la MRC peut prendre le pouvoir pour la gestion des déchets. Ce que je dis, c'est de ne pas lui donner tous les pouvoirs: le pouvoir de s'acheter des camions, le pouvoir de faire la cueillette elle-même, le pouvoir de décider quels déchets viennent, juste les déchets à cette MRC là. Et, quand il n'y en aura pas assez, elle va faire une entente avec l'autre MRC à côté. C'est elle qui va décider combien de MRC vont se joindre à son site d'enfouissement. C'est elle qui décide si elle va acheter des camions. C'est elle qui décide tout ça. Nous autres, ce qu'on dit: Notre business, à l'entreprise privée, c'est de desservir.

La même chose, on se rappellera, quand il y avait la Régie intermunicipale de l'île de Montréal où dans un de ses projets de loi c'était clair et net, ce n'était pas ce qu'elle voulait. Mais c'était clair et net dans le projet de loi qu'elle pouvait taxer n'importe quel camion à déchets qui passait sur l'île de Montréal. Ça veut dire que, un camion à déchets qui venait de Laval, qui passait par Montréal et qui venait à Longueuil, il pouvait être taxé. Ce n'était pas ce qu'elle voulait faire, ce n'était pas son intention, mais c'était dans le projet de loi. C'est ça qu'on dit: C'est de faire attention à ce que vous mettez dans le projet de loi.

Vous avez des entreprises de services en gestion de déchets. Laissez-les travailler. C'est notre domaine, puis c'est prouvé par le passé que l'entreprise privée peut le faire à meilleur coût qu'un organisme public. C'est ça qu'on dit. On ne dit pas de ne pas donner de pouvoirs à la MRC. La MRC peut les gestionner, ses déchets. Elle peut faire une soumission pour l'ensemble de sa municipalité ou par secteur, selon ce qu'elle croit qui est le plus rentable, qu'elle va avoir les meilleurs prix, mais pas dire: On le fait tout nous autres mêmes. C'est là qu'est l'erreur, de leur donner des sites d'enfouissement, de leur donner les camions, puis c'est là qu'on ne sait pas où ça va arrêter, tout ça.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour, messieurs. Dans votre document, il y a un aspect de la loi, il me semble, auquel vous passez outre, au niveau de la cueillette d'information. Parce que, dans le projet de loi, on mentionne que le milieu, la MRC ou les entreprises devront évaluer le taux de matières qui sont recyclées. Et je ne vois pas dans votre document que vous abordez la question. Est-ce que vous avez une position à cet égard?

Le Président (M. Bordeleau): M. Bourque.

M. Bourque (Hubert): Je pense que c'est une activité qui est nécessaire, je pense qu'il y a eu succès depuis quelques années. On le vit, nous autres, on comprend jusqu'à quel point on peut aller chercher les matières à récupérer et on comprend aussi jusqu'à quel point le client nous... pas plus. Alors, je pense que c'est un exercice qui est utile.

Mais il ne faut pas oublier que c'est comme la comptabilité. Tu sais, par exemple, je pourrais être maire d'une municipalité de 3 000 et je pourrais toujours démontrer un taux de récupération très élevé si je disais: Je vais refaire la rue je ne sais pas quoi, la rue principale, et je vais prendre toute l'asphalte et la récupérer et je vais la mettre à mes chiffres. C'est un exemple exagéré, mais la comptabilité de récupération n'est pas une science exacte. Il faut comprendre ça. Et aussi la comptabilité dans un site d'enfouissement peut tenir compte exactement du tonnage qui est entré sur une période annuelle. Mais il y a des efforts qui se font aussi au site d'enfouissement, puis j'ai un exemple à vous donner. Moi, ça fait 25 ans que je suis dans le domaine, et j'étais ingénieur. Mais à ce moment-là on se servait d'un taux de compaction de 800 lb la verge cube. Aujourd'hui, c'est 1 600, alors deux fois plus efficace qu'il y a 20 ans. Les sites à ce moment-là avaient une hauteur de 20 à 30 pi. Aujourd'hui, on voit des sites – pas au Québec, parce qu'on est limité à 4 m – de 200 pi qui sont très bien gérés. Ils sont intégrés au voisinage. Alors, c'est 10 fois plus profond. Et on voit aussi des taux de récupération. Alors, en faisant le calcul mathématique, ça veut dire, ça, que la superficie qui est prise pour nos déchets aujourd'hui par rapport à 20 ans est à peu près, mettons, 5 % à 10 %.

Or, les sites d'enfouissement sont devenus efficaces aussi, et ce qui s'en vient très bientôt, c'est une technologie de bioréacteur qui va réduire l'espace qui est requis dans un site, de 35 %, c'est-à-dire que la densité va augmenter de 1 600 à 2 300 ou 2 400. C'est une technologie aussi qui va décomposer les déchets comme un compost. Il y a eu des essais, mais c'est seulement de la recherche actuellement, où des municipalités ont miné les déchets décomposés qui peuvent être retraités comme un compost.

Alors, je pense que, oui, c'est un bon exercice, mais il faut tenir compte aussi que ce n'est pas une science exacte aujourd'hui.

M. Whissell: Au niveau de la récupération et de la valorisation des matières, vous ne vous prononcez pas de façon vraiment approfondie – même, à une certaine limite, on peut penser que vous évitez la question – mais, ce qui est proposé dans la loi, est-ce que vous pensez que c'est réalisable?

(17 h 50)

M. Bourque (Hubert): Moi, je pense que, oui, c'est réalisable, absolument, c'est réalisable, sauf qu'il faut comprendre qu'avec notre expérience ça va coûter trois, quatre fois plus cher que ce qu'on fait actuellement. Alors, ce dont on parle, c'est d'un autre 100 $ pour se rendre à 65 %. Mettons qu'on se rend à 50 % d'excédent d'où on est aujourd'hui, 50 % de 5 000 000 de tonnes, c'est 2 500 000 t, fois 100 $, c'est 250 000 000 $ de facture d'excédent, si le gouvernement y allait jusqu'au bout. Je ne dis pas qu'on ne peut pas être plus efficace que ça, mais notre expérience personnelle, c'est que je dirais que, dans deux centres de tri, on voit une perte énorme. Ce n'est pas qu'on ne veut pas le faire, on va continuer à en faire, du recyclage, mais on a eu des chutes de marché dans la vente de matières, et il faut s'attendre à ça.

Je ne suis pas sûr si on est capable de trouver un marché pour 2 500 000 t de matières par an. Oui, c'est sûr que, dans l'aluminium, dans l'acier, dans le papier, les marchés sont présents, mais, pour arriver où on veut aller... Je pense que notre compagnie a vécu, et l'industrie a vécu des faillites, et on a bien vu l'expérience de compagnies qui ont investi 20 000 000 $ pour un bon centre de tri et qu'après cinq ans elles ont dû fermer. Mais je ne dis pas qu'on ne va pas investir encore, je pense qu'on s'engage à investir pour le recyclage, pour le compostage, pour avoir des sites plus efficaces, mais, au bout de la ligne, il faut comprendre que la rentabilité d'une compagnie, c'est comme le sang d'un corps humain: sans la rentabilité, nous sommes morts. Puis on a vu l'expérience dans l'industrie.

M. Whissell: Vous avez parlé beaucoup des régies, vous n'êtes pas sans savoir que la Régie intermunicipale d'Argenteuil–Deux-Montagnes est dans mon comté, mais j'ai une question: Combien de régies au Québec on peut dénombrer, qui font vraiment ce qui se passe à Argenteuil–Deux-Montagnes, et combien de tonnes ces régies-là peuvent-elles manipuler et enfouir par année versus ce que l'entreprise privée peut faire au Québec?

M. Bourque (Hubert): Je peux me servir de l'exemple marché fermé. Je pense que la Régie Deux-Montagnes–Argenteuil est un marché fermé, sauf que notre discussion c'était: non pour le marché fermé mais pour leurs activités à l'extérieur de ce marché-là, où les lois de concurrence, l'obligation d'aller en soumissions publiques n'est pas appliquée. Il y a la Régie Deux-Montagnes–Argenteuil, ensuite il y a la Mauricie. Tout un regroupement de MRC qui a exproprié non un terrain pour implanter un site d'enfouissement, mais une entreprise qui avait déjà un site d'enfouissement de deuxième génération avec toutes les membranes, etc. Le premier site au Québec était construit comme ça. Alors, c'est une expropriation d'entreprise et non une expropriation de terrain. C'est ça, la cause en appel actuellement qui a été mentionnée. Mais, juste pour mettre un autre point là-dessus, il y a une résolution qui a été passée par une des MRC membres de dire que toutes les DCI, les déchets industriels, commerciaux et institutionnels doivent se rendre à ce site. Et alors la prochaine étape pourrait bien être de dire que c'est nous qui allons faire ce travail-là.

M. Whissell: Mais, M. Bourque, ça représente combien de tonnes? Prenez la Mauricie, prenez Argenteuil–Deux-Montagnes, ça fait combien de tonnes en tout?

M. Bourque (Hubert): Vite fait, je dirais un 200 000 t.

Une voix: Par site?

M. Bourque (Hubert): Par site, oui.

M. Whissell: 400 000 t. Puis votre entreprise peut traiter combien de tonnes annuellement?

M. Bourque (Hubert): Notre entreprise?

M. Whissell: Votre entreprise à vous?

M. Bourque (Hubert): Actuellement, on a géré 1 800 000 t, à peu près.

M. Whissell: C'est quand même négligeable par rapport...

M. Bourque (Hubert): Mais non, je n'ai pas fini. Je fais juste commencer.

M. Whissell: Oui, mais ce que monsieur disait – le monsieur qui est à votre droite – que les entreprises publiques étaient toujours moins performantes, moins concurrentielles que les entreprises privées. Alors, de ce fait même, la Régie ne devrait pas être vouée à un succès à long terme ou, à tout le moins, ne devrait pas être plus efficace que vous ou ne devrait pas...

M. Bourque (Hubert): Non, non, mais il y a les autres exemples. On parle de la MRC du Fjord qui est à 75 % d'avoir un marché fermé. Alors, le taux actuel est à 54 $. Et c'est bien possible que d'ici quelques mois il soit rendu à 70 $ ou à 80 $. C'est un marché fermé, ça. Il y a Compo–Haut-Richelieu, qui est une société mixte, un autre marché fermé, et il y a la CUQ qui est l'autre exemple. J'accepte que, dans cette situation-là, il fallait avoir un marché fermé pour supporter l'investissement de l'incinérateur. Alors, je le mentionne comme marché fermé aussi.

Alors, je pense que c'est la tendance que supporte le projet. C'est de voir donner des pouvoirs aux MRC. Je comprends que la MRC devrait avoir le choix. Mais notre position, c'est qu'elle l'ait aux mêmes règles pour avoir de l'équité et continuer à avoir la concurrence.

Une voix: Dernière question.

Le Président (M. Bordeleau): Non, c'est terminé. Je dois laisser la parole au député de Salaberry-Soulanges, qui avait...

M. Deslières: Merci, M. le Président. Merci, M. Bourque. Moi, j'ai lu votre mémoire puis je vous ai écouté tout à l'heure. Je vous dis que j'étais très inquiet quand j'ai lu des termes comme la nationalisation des déchets, l'étatisation de la gestion des matières résiduelles, une idéologie de régionalisation. Je me pensais dans un autre forum politique. J'ai dit: Ils vont nous faire passer pour des rouges! Des verts, peut-être, mais pas des rouges!

Non, sérieusement, je voudrais revenir sur une notion fondamentale de l'avant-projet de loi: celle de toute la planification régionale. On a beau être dans l'entreprise privée, on a beau avoir une conception de la société, mais pour discuter franchement avec vous, M. Bourque puis vos collègues, nous avons entendu, au cours de la semaine dernière, la ville de Laval. Je vous donne cet exemple-là. On pourrait prendre la CUO, l'Outaouais. Quand on sait que la ville de Laval compte 350 000 personnes, produit 250 000 t de déchets, une force économique extraordinaire, 100 000 travailleurs, 2 000 employés de la municipalité et qui font en sorte qu'ils déversent leurs déchets ailleurs que sur leur territoire. Vous ne pensez pas qu'il y a là une déresponsabilisation de leurs citoyens et citoyennes, en fait de ça, et qu'ils ne permettraient peut-être pas ça, eux, à ville de Laval, que les gens de l'extérieur, si la ville de Laval avait un site, fassent l'inverse.

Vous ne croyez pas, sincèrement, là, qu'il est vraiment question un peu de mettre de l'ordre dans la cabane et de dire que, question d'équité, au niveau du Québec, on va regarder tout ça de façon plus équitable?

M. Bourque (Hubert): Je pense que c'est un bon exemple. Premièrement, la ville de Montréal elle-même avait, pour un bout de temps, accepté les déchets de la ville de Laval. Moi, j'ai signé un premier contrat avec le maire de Laval pour recevoir les déchets à Lachenaie et ensuite, avec l'achat de notre site de Sainte-Sophie, non seulement nous acceptons les déchets de Laval, mais je pense que nous acceptons les déchets de votre région aussi, à Sainte-Sophie.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie. Le temps qui était alloué est maintenant terminé. Alors, je remercie MM. Bourque, Gaudette et Dussault pour leur présentation et j'ajourne les travaux jusqu'à demain, le mercredi 13 octobre 1999, à 9 h 30 dans la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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