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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le vendredi 27 mai 2011 - Vol. 42 N° 17

Étude détaillée du projet de loi n° 2, Loi concernant la construction d’un tronçon de l’autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Huot): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Bon matin, tout le monde. Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je rappelle à tout le monde de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Billette (Huntingdon) est remplacé par M. Drolet (Jean-Lesage); M. Diamond (Maskinongé) est remplacé par Mme Charlebois (Soulanges); Mme L'Écuyer (Pontiac) est remplacée par M. Morin (Montmagny-L'Islet); M. Reid (Orford) est remplacé par M. Matte (Portneuf); et Mme Ouellet (Vachon) est remplacée par M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).

Reprise du débat sur la motion proposant
d'entendre Mme Eugénie Brouillet

Le Président (M. Huot): Merci. Au moment de l'ajournement de nos travaux hier, nous étions à un débat sur motion préliminaire présentée par le député de Lac-Saint-Jean. M. le député, il vous reste 19 minutes sur cette motion. La parole est à vous, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier (suite)

M. Cloutier: Merci. Merci, M. le Président. Alors, saluer mes collègues, que je retrouve avec beaucoup d'enthousiasme en ce vendredi matin. Je suis certain que ce qui nous invite ici, aujourd'hui, c'est avant tout une question de principe, parce que notre collègue de Beauce-Nord a bien exprimé, avec beaucoup de détails et de justesse, l'importance de la construction de l'autoroute pour les gens de la Beauce. Et évidemment on partage ces préoccupations, on partage l'urgence de la situation. On est tout à fait d'accord pour dire qu'on souhaite la construction de cette route le plus rapidement possible.

Mais, malheureusement, M. le Président, comme vous le savez, on se retrouve dans une drôle de situation juridique. Je devrais dire: dans une situation juridique déplorable. Et c'est pour ça que l'opposition officielle marque son opposition et fait entendre sa voix. Et Dieu sait que j'entends très bien la mienne maintenant. je fais référence au son, au son qui est plutôt rendu fort. Mais, ça, c'est un problème technique, M. le Président.

Une voix: ...

Le Président (M. Huot): ...donc, vous prenez votre voix FM...

M. Cloutier: Très bien.

Le Président (M. Huot): On a demandé de monter le son.

M. Cloutier: Très bien. Merci, M. le Président. Alors, je comprends mieux. Alors, ce que j'étais en train de dire, finalement, c'est que l'opposition officielle inscrit son opposition au projet non pas parce que nous sommes contre l'autoroute, mais plutôt parce que, malheureusement, il y a eu plusieurs erreurs de commises dans ce dossier-là, ce qui fait en sorte qu'on est obligés de souligner à grands traits les erreurs qui ont été commises par le gouvernement du Québec.

Et essentiellement notre argumentation s'inspire du Barreau du Québec, de la lettre qui a été transmise ici, à la commission parlementaire, et qui, dans le fond, est venue prévenir les parlementaires d'une situation qui était, somme toute, problématique aux yeux du Barreau du Québec.

Pourquoi c'est problématique aux yeux du Barreau du Québec? C'est parce qu'essentiellement ce que le gouvernement fait, c'est, par l'intermédiaire d'une procédure parlementaire, donc du projet de loi qui est sous étude présentement... On vient, de façon rétroactive, régler une situation qui elle-même était problématique, donc contraire à la loi.

Et le gouvernement du Québec, devant ce cul-de-sac juridique, ayant perdu d'abord au Tribunal administratif du Québec, en Cour supérieure, et sans doute voyant ses minces chances de gagner en Cour d'appel du Québec, voire l'absence de chances de gagner en Cour d'appel du Québec, bien, a décidé de procéder avec une loi. Mais, comme le Barreau du Québec le mentionne très justement, cette façon de procéder, bien, vient modifier les règles de jeu en cours de route, et le Barreau du Québec a utilisé l'exemple d'un match de hockey où, en plein match, bien, l'arbitre, finalement, décidait de changer les règles pour accommoder une partie plutôt qu'une autre.

Alors, M. le Président, nous sommes sur une motion, la motion 244, que j'ai déposée pour que nous entendions une professeure de droit constitutionnel qui pourrait venir nous éclairer davantage. Parce que ce que j'ai essayé d'illustrer, c'est que, même si la loi devait être adoptée, il pourrait y avoir une situation... une nouvelle situation juridique problématique, qui est celle de la validité constitutionnelle de la loi.

Ça serait intéressant d'en connaître davantage sur le concept de la primauté du droit -- ou, de l'expression anglaise, de la «rule of law». Nous, comme parlementaires... Je vous dirais que ça a surtout été un réflexe, là, dans mon cas. On n'a pas pu consulter... On n'a pas eu la chance d'entendre les spécialistes, durant cette commission, sur cet enjeu assez pointu du droit, là, il faut l'avouer.

**(9 h 40)**

Mais, nous, comme parlementaires, on fait ça au mieux de nos connaissances. À l'aide de nos recherchistes, on essaie d'approfondir des enjeux pointus comme celui-là, mais évidemment on n'a pas l'expertise des professeurs d'université qui, eux, grâce à leurs travaux rigoureux, leurs travaux de recherche importants, bien, nous permettent... ou pourraient permettre aux parlementaires d'avoir un éclairage supplémentaire sur la suite des choses. Parce que, sincèrement, je suis sûr que, même pour le député de Beauce-Nord, qui ne doit certainement pas vouloir se retrouver dans une nouvelle situation judiciaire...

Puis je le dis très sincèrement, hein? Très sincèrement, là, je vous le dis, là, ça vaudrait le coût de les entendre, et qu'ils viennent nous dire si, oui ou non, il y a une réelle possibilité qu'effectivement on se retourne... on se retrouve à nouveau dans un nouveau processus judiciaire. Puis je ne dis pas ça pour faire peur à qui que ce soit, là, je vous le dis comme je le pense. Moi, certainement, je ferais les vérifications nécessaires pour s'assurer que ça ne sera pas le cas. Peut-être que le gouvernement du Québec ne veut pas entendre la réponse que... ce que nos constitutionnalistes voudraient nous dire, mais je pense que c'est notre responsabilité d'avoir cette réponse-là puis de s'assurer qu'effectivement on ne se retrouvera pas avec un nouveau problème.

Alors, mes collègues ont eu la gentillesse de me sortir la biographie d'Eugénie Brouillet, et je savais qu'elle avait beaucoup publié, mais, sincèrement, là, j'ai sa liste de publications, et ça serait absurde de vous en faire la lecture détaillée, mais je vais quand même vous souligner, là, à grands traits, son expertise.

Alors, elle a un doctorat de l'Université Laval, un diplôme de l'Institut du fédéralisme, de l'Université de Fribourg, maîtrise de l'Université Laval et un baccalauréat à l'Université Laval, tout ça en droit constitutionnel, essentiellement. Elle est surtout spécialisée sur le fédéralisme canadien, le partage des champs de compétence. Ça serait aussi intéressant de l'entendre là-dessus, parce que, lorsque le ministre nous a parlé de la souveraineté parlementaire... Moi, j'aime beaucoup entendre Eugénie sur... En fait, j'ai eu la chance de l'entendre à quelques reprises, mais elle fait une présentation tout à fait juste de ce qu'on peut faire ici, à l'Assemblée nationale. Puis c'est assez fascinant, lorsqu'elle nous parle, entre autres, du pouvoir fédéral de dépenser et qu'elle nous exprime justement avec quelle sorte... Notre pouvoir ici, à l'Assemblée nationale, est grugé de tellement de manières différentes par l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser.

Mais, essentiellement, comme son champ d'intérêt à elle, c'est le partage des compétences, donc l'exercice du fédéralisme canadien, bien ce qu'elle vient nous... ce qu'elle pourrait venir nous exprimer, entre autres, c'est ce que le Parlement peut et ne peut pas faire. Et, certainement, une des limites, M. le Président, aux gestes que peut poser l'Assemblée nationale, bien, c'est certainement les principes constitutionnels non écrits, principes constitutionnels dont j'ai eu la chance de parler un peu hier et sur lesquels je devrais revenir.

Alors, je vous disais, M. le Président, que, dans le renvoi sur la sécession, on a...

Ah! c'est assez intéressant, ça. Je m'excuse, M. le Président, mais, au même moment où je vous parle, je viens... je réalise qu'il y a une publication sur la sécession en droit constitutionnel canadien... C'est dans la biographie de Mme Brouillet. C'est évident que, dans son champ d'intérêt, elle s'est aussi intéressée à ces principes constitutionnels non écrits, dont celui de la primauté du droit, et on devrait pouvoir l'entendre, justement, pour faire toute la lumière nécessaire.

Le Barreau du Québec ne s'est pas prononcé comme tel sur la future validité de la loi. On n'a pas posé... on ne leur a pas, certainement pas posé cette question directe: si ça violait un principe de droit constitutionnel.

M. Hamad: ...dit oui.

M. Cloutier: Alors, le ministre nous dit qu'on a demandé au Barreau si c'était légal, et ils ont répondu oui. Alors, moi, je suis convaincu que le Barreau du Québec n'a pas regardé sous l'angle des principes constitutionnels non écrits, et on dit largement que l'Assemblée nationale pouvait poser des gestes, mais ces gestes-là devaient s'inscrire... devaient respecter le caractère exceptionnel de la procédure pour une raison assez évidente.

M. le Président, je pense que le ministre souhaite intervenir, peut-être pour me faire une citation, mais je serais prêt à l'entendre, avec mon consentement, peut-être, pour qu'on puisse engager un...

Le Président (M. Huot): Bien, je répète toujours: Avec le consentement de la commission, on peut faire ce qu'on veut. Si vous offrez la parole, est-ce qu'il y a consentement de ce côté-ci?

M. Hamad: ...mon collègue de Lac-Saint-Jean. Je vais le laisser finir, il est bien parti, puis je trouve ça intéressant, ce qu'il dit.

Le Président (M. Huot): Donc, on comprend qu'il n'y a pas de consentement, donc il vous reste 10 minutes...

M. Hamad: Non, c'est par respect, par respect.

Le Président (M. Huot): ...M. le député de Lac-Saint-Jean, à votre intervention.

M. Cloutier: Merci. Merci, M. le Président. Bien, je rassure tout de suite le ministre, j'ai lu en détail la présentation qui a été faite par le Barreau du Québec, là, puis ce qui est certain, c'est qu'au niveau constitutionnel on n'a certainement pas abordé la question des principes constitutionnels non écrits sur cet enjeu-là. Il n'y a aucun doute dans mon esprit.

Alors, c'est vraiment dans cette optique-là que, je pense, nous avons une responsabilité. Le Barreau, qu'est-ce qu'ils sont venus faire, le Barreau? Ils sont venus sonner une cloche aux parlementaires. Ils sont venus dire: Est-ce que vous réalisez ce que vous êtes en train de faire? Alors, le Barreau nous demande... nous a dit un peu: Réveillez-vous. Est-ce que vous réalisez que vous êtes en train d'adopter une loi rétroactive alors qu'il y a une cause pendante devant les tribunaux? Là, le Barreau nous dit que: Bien, écoutez, si l'Assemblée nationale peut faire une loi, même une loi rétroactive, encore faut-il justifier son caractère exceptionnel. Puis là-dessus, bien, le Barreau du Québec conclut carrément que le Barreau ne voit pas clairement le motif supérieur d'intérêt public qui serait de nature à justifier la législation exceptionnelle envisagée.

Alors, c'est très clair. Le Barreau a analysé les faits, a regardé la situation, a regardé le projet qui était en cours de construction, d'autoroute pour la Beauce, a regardé les contestations qui ont été exprimées, légitimement d'ailleurs, dans les règles du droit, par les citoyens qui étaient directement touchés, et en est venu à la conclusion que malheureusement l'intérêt public ne justifiait pas que le gouvernement procède par cette mesure exceptionnelle.

Puis le Barreau va plus loin. Le Barreau dit carrément: Écoutez, c'est la responsabilité du Barreau du Québec d'intervenir à chaque fois qu'il y aura une loi rétroactive et que le caractère exceptionnel ne justifiera pas une telle procédure rétroactive. Alors, ça, c'est une sérieuse mise en garde parce que ce que le Barreau nous dit essentiellement, c'est: Quand vous faites ça, vous violez un principe de droit de base qui est celui de la prévisibilité des règles juridiques applicables.

Et c'est là qu'on rejoint la question du principe constitutionnel non écrit, de la primauté du droit, de la «rule of law», de ce que Vincent Marissal, hier, parlait dans sa chronique et qui invitait les parlementaires à être très prudents sur la question de la «rule of law». Vous comprendrez que j'ai choisi le passage sur Dicey, dans l'article de M. Marissal. Je comprends que le ministre trouvera d'autres commentaires de nature plus partisane sur un autre projet, mais ça, je ne pense pas qu'on est là aujourd'hui là-dessus.

On est sur le fond, M. le Président, vous aurez compris qu'on exprime des arguments juridiques et on n'est pas dans une approche partisane, parce que, je le répète, si on était dans une approche partisane, ce serait parce qu'on est contre le projet et qu'on mettrait tout en oeuvre pour s'opposer. On est vraiment dans une logique juridique et je veux qu'on s'en tienne à ça. On est dans une logique juridique parce que le Barreau du Québec s'est farouchement opposé à la façon dont on s'exerce... dont le gouvernement du Québec procède dans ce dossier-là, et c'est vraiment ce qui motive notre opposition. Parce que, je le répète, on est pour le projet, on souhaite l'autoroute, on souhaite que ça se fasse.

Alors, j'ai des collègues parlementaires qui me regardent en voulant dire: Mais pourquoi vous vous opposez si vous êtes pour l'autoroute? Bien, on s'oppose, M. le Président, essentiellement pour les motifs qui sont exposés par le Barreau du Québec, et motifs qu'on reprend, et je le dis très franchement... Ce que je dis, je le crois profondément. Je crois que la façon dont on a travaillé dans ce dossier-là, on l'a fait malheureusement de façon cavalière. On a pris un décret sans même informer les gens directement, ce qui est venu en violation du principe du droit d'être entendu. Et, comme on a violé ce principe du droit d'être entendu, la Cour supérieure du Québec, par son pouvoir de révision, elle est intervenue et elle a dit au gouvernement: Désolée, mais vous n'avez pas ce pouvoir de violation de ce principe de justice naturelle. Alors, c'est pour ça que le gouvernement du Québec a perdu en Cour supérieure. Et pour la Cour d'appel, le gouvernement ensuite est allé en appel de cette décision-là plutôt que d'entendre la cause, hein? Parce qu'on avait une date d'audition. Mon collègue...

Une voix: Qui était le 16 mai.

**(9 h 50)**

M. Cloutier: Qui était le 16 mai. Donc, maintenant... Alors, si le gouvernement n'avait pas lui-même reporté cette date d'audition, parce que c'est à la demande des procureurs du gouvernement du Québec, bien, on aurait déjà entendu la cause en appel, et la cause serait en délibéré. Alors, peut-être même qu'il y aurait eu un jugement sur le banc, hein? Il faut être conscient de ça, la Cour suprême -- et la Cour d'appel, la Cour d'appel aussi -- peut rendre des décisions sur le banc. Donc, elle entend la cause, délibère de façon rapide et ils reviennent pour rendre leurs décisions. Puis une des choses qui m'avait... D'ailleurs, à la Cour suprême, c'est assez fréquent, contrairement à ce qu'on peut penser. Là, on pense que, des fois, les décisions se rendent en Cour suprême, ça doit être parce qu'il y a beaucoup de divisions, mais pas nécessairement, des fois, la décision est rendue sur le banc.

Alors, ce que ça veut dire, là, si on résume, c'est que la décision de la Cour d'appel pourrait déjà être rendue au moment où on se parle si le gouvernement n'avait pas lui-même fait retarder l'audition de cette cause-là, ce qui est pour le moins surprenant. Pourquoi le gouvernement a voulu remettre? Bien, essentiellement parce qu'il préfère imposer ce projet de loi là pour mettre fin, dans le fond, aux procédures qui sont pendantes.

Alors, c'est évident qu'on ne peut pas demander au Barreau du Québec, à cet ordre professionnel, de faire fi de la réalité judiciaire, mais faire fi surtout de ces responsabilités, parce que le Barreau a cette responsabilité de faire respecter les règles applicables.

Alors, si j'avais à résumer, M. le Président, c'est que là le Barreau nous dit: On n'est pas dans une situation exceptionnelle, on est dans une situation qui ne justifie pas une procédure rétroactive, et que, par conséquent, le Barreau s'est opposé, dans le fond, à la façon de faire du gouvernement du Québec. Alors là, le gouvernement nous apporte un... nous présente un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, et ce projet de loi risque de venir en contravention de l'article... en fait, du principe constitutionnel non écrit de la primauté du droit. La raison pour laquelle l'opposition officielle demande d'entendre d'autres experts, c'est simplement parce qu'on n'a pas eu la chance de les entendre sur cet enjeu bien précis. Alors, le Barreau nous a déjà exprimé son malaise de façon assez claire, merci, hein? D'ailleurs, j'ai rarement lu une note aussi précise, c'est très concis, ça fait trois pages, trois pages...

Une voix: ...

M. Cloutier: Oui, chirurgicale, c'est effectivement la bonne expression. Le Barreau conclut que la situation actuelle ne justifie pas la procédure exceptionnelle.

Alors, on n'a pas eu le bénéfice d'entendre les constitutionnalistes, et Mme Brouillet, j'imagine que mon collège peut-être pourrait la présenter davantage, là, en faisant référence à son expertise... Moi, pour la connaître plus personnellement, parce que j'ai eu la chance de bénéficier de ses bons conseils lorsque j'étais étudiant au doctorat, je peux vous assurer que, très rapidement, elle ferait un éclairage de cette préoccupation-là que j'exprime aux parlementaires. Elle pourrait même rassurer le gouvernement sur le fait... dire, oui ou non, si effectivement, là, la crainte que j'exprime, elle est fondée de façon bien ancrée, et elle pourrait, devant le tribunaux, là, assurer le succès des plaignants. Parce que je pense que, si le gouvernement devait se ramasser en cour après avoir adopté la loi, je pense qu'en Chambre à l'automne on rappellera au gouvernement, n'est-ce pas, quelques préoccupations que nous aurons exprimées au cours de cette commission.

Alors, pour les gens de la Beauce qui nous écoutent, M. le Président, je leur réitère ma désolation pour eux de se retrouver malheureusement dans cette procédure, je dirais... La procédure, la façon de faire du gouvernement, elle, elle est différente de la procédure habituelle, parce que, normalement, ce qu'on aurait fait, c'est qu'on aurait laissé aller la cause pendante et ensuite on aurait agi. Je vois que le ministre meurt d'envie... M. le Président, il me montre à répétition la chronique de M. Marissal. J'espère que le ministre va s'en tenir... va mettre l'accent sur le passage de Dicey, où il cite lui-même le constat de la primauté du droit et qui explique au ministre, dans le fond, que, sur cette base, les lois rétroactives peuvent venir en contradiction.

Vous comprendrez que ce n'est pas à l'intérieur d'une chronique de je ne sais pas combien de mots, là... Il doit y avoir 500, 600 mots dans cette chronique-là. On ne peut pas exposer en long et en large un principe constitutionnel aussi important, d'où la nécessité d'entendre aujourd'hui ou dans les jours à venir une constitutionnaliste comme Mme Eugénie Brouillet.

Alors, M. le Président, vous m'indiquez qu'il ne me reste plus de temps. J'aurai la chance sans doute d'y revenir plus tard, au cours de ces travaux.

Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. M. le député de Chambly, vous avez la parole pour 10 minutes.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir, même si c'est 10 minutes. C'est fort bref pour exposer mon point de vue sur cette motion qui, je pense, est très importante. C'est une motion qui a été présentée par mon collègue de Lac-Saint-Jean, en vertu de l'article 244, pour que nous puissions entendre une experte réputée en droit constitutionnel avant d'amorcer l'étude détaillée du projet de loi n° 2.

Je vais vous dire, M. le Président, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, là, que nous sommes à étudier un projet de loi exceptionnel, vraiment exceptionnel, le projet de loi n° 2, qui vise, en quelques mots, à valider par une loi un décret pris par le gouvernement, par le Conseil des ministres libéral en 2009, mais qui a été jugé illégal, nul par la Cour supérieure du Québec en novembre dernier. Et le juge Corriveau qui s'est penché sur ce décret adopté par le Conseil des ministres libéral en 2009 a dit: Ce décret, et je peux le citer, M. le Président... Je cite le juge Paul Corriveau de la Cour supérieure: «...le gouvernement, lorsqu'il a adopté le décret 1180-2009[...], n'a pas respecté la loi», et il a donc déclaré ce décret nul. Et ce que ce projet de loi vient faire, ce projet de loi qui a été déposé en mars dernier, c'est de venir dire: Quoi qu'en pense la Cour supérieure, et avant même que la Cour d'appel se penche à nouveau sur le dossier dans quelques mois, nous, on vient vous dire, législateurs, que ce décret-là, il est valide, et il est valide, même si la Cour supérieure a dit qu'il était invalide. Nous, on vient vous dire par une loi que c'est valide, et on vous dit qu'il est valide rétroactivement à sa date de prise par le Conseil des ministres libéral le 11 novembre 2009.

Alors, c'est un projet de loi exceptionnel, qu'on voit extrêmement... de façon extrêmement rare, et je pense qu'on doit se pencher notamment sur les implications constitutionnelles de ce projet de loi là. Est-ce que ce projet de loi est constitutionnel? Et, pour le savoir, bien, quoi de mieux qu'entendre une experte en droit constitutionnel réputée? Et mon collègue, qui est plus familier que moi avec les experts en droit constitutionnel, nous a proposé Eugénie Brouillet qui... Effectivement, M. le Président, quand on regarde rapidement son C.V., on voit que c'est une personne qui est une experte en droit constitutionnel. Elle a un doctorat en droit constitutionnel. Elle enseigne à l'Université Laval depuis 10 ans, au moins une dizaine d'années, des cours qui sont effectivement très appropriés à ce que nous devons étudier ici, à savoir le droit constitutionnel, les libertés fondamentales. Et, effectivement, comme l'a dit mon collègue, elle est aussi une experte du fédéralisme, et, en ce sens-là, je pense que ça pourrait être très éclairant. Je vous le dis, M. le Président, moi aussi, je vous propose... j'appuie cette motion avec beaucoup de sincérité.

J'ai lu le témoignage. J'ai lu le témoignage, parce que, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, il y a déjà eu des consultations particulières qui ont eu lieu, il y a quelques semaines, eu égard à ce projet de loi, et le Barreau du Québec effectivement est venu s'exprimer. Mais les gens qui sont venus s'exprimer au nom du Barreau du Québec, M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour eux, parce que ce sont sûrement de grands juristes, mais étaient essentiellement des gens spécialisés. Par exemple, je prends Me Jean Piette, qui était le principal intervenant lors de ces consultations particulières, il est le président du comité du Barreau en droit de l'environnement. Je vais vous dire, je pense que ce qui... Et, en ce sens-là, il a fait un certain nombre de représentations, le Barreau a fait un certain nombre de représentations, je ne les reprendrai pas tout de suite, j'aurai l'occasion de le faire plus tard, mais effectivement ils sont venus dire en quelques mots que ce projet de loi était inopportun. Et ils sont venus fustiger... En fait, c'est le terme qui a été utilisé par le journal Le Soleil le 4 mai, au lendemain des consultations particulières. Le titre, M. le Président, c'était: Prolongement de l'autoroute 73, le Barreau fustige Québec. Alors, condamnation très claire du Barreau du Québec de ce projet de loi n° 2.

n(10 heures)**

Mais les aspects constitutionnels ont été effleurés lors de ces consultations particulières. Oui, c'est vrai, M. le ministre y a fait référence tantôt, il en a été question. Mais, moi, je pense qu'il faut aller plus en profondeur que ces quelques minutes qui ont été consacrées à la dimension constitutionnelle qui se retrouve derrière ce projet de loi et, je le répète, ce projet de loi exceptionnel.

M. le Président, vous le savez, on a eu l'occasion de le dire, on est pour ce projet de loi, pour l'intention derrière ce projet de loi. On est pour le prolongement de cette autoroute 73. On est pour le prolongement de l'autoroute 73. On est pour cette idée de prolonger l'autoroute 73 en Beauce, mais pas à n'importe quel prix. Pas à n'importe quel prix. Et c'est le problème du projet de loi n° 2: c'est qu'il nous demande, dans sa forme actuelle... Il nous demande, dans sa forme actuelle, d'aller à l'encontre... possiblement à l'encontre de certains principes qui sont des principes essentiels de notre société.

M. le Président, le ministre va sûrement nous dire: Oui, mais le Parlement est souverain. le Parlement peut tout faire. Mais, M. le Président, s'il est vrai que le Parlement est souverain, il est souverain dans ses champs de compétence et il est souverain à l'intérieur de nos règles de droit constitutionnel qui s'appliquent. Il faut respecter les principes de nature constitutionnelle qui sont à la base de notre société. Et, M. le Président, le Barreau, d'ailleurs, le dit dans son avis qu'il a présenté en consultations particulières. Et je le cite: «Dans un régime démocratique comme le nôtre, le respect de la règle de droit, de l'indépendance de la magistrature, du rôle de surveillance de la Cour supérieure et du droit des citoyens à l'équité procédurale sont nécessaires afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité juridiques.»

Alors, M. le Président, il y a vraiment... Derrière ce projet de loi, il y a vraiment des principes fondamentaux de notre société qui sont présents. Et mon collègue a raison. Mon collègue de Lac-Saint-Jean a raison de dire: Vous imaginez-vous, M. le Président, si on adopte un projet de loi qui est inconstitutionnel? Et c'est pour ça qu'on a besoin de l'éclairage d'un expert ou d'une experte en droit constitutionnel, parce que, si on adopte un projet de loi qui est inconstitutionnel, ou qui a des apparences d'inconstitutionnalité, qu'est-ce qui va arriver, M. le ministre? Il va arriver qu'il va y avoir un recours en nullité. On va attaquer le projet de loi n° 2 devant les tribunaux. C'est certainement une possibilité. Et, pendant... Et le recours... Donc, on va attaquer le recours devant... On va attaquer le projet de loi devant les tribunaux. Il y aura un recours, qui pourrait se faire dans les prochaines semaines.

Et qu'est-ce qui va arriver par la suite, M. le ministre... M. le Président? Les gens vont présenter une injonction: Arrêtons les travaux en attendant que le recours en nullité soit entendu par la cour. Et là on parle d'un an peut-être pour la Cour supérieure. Ensuite, appel devant la Cour d'appel; on parle de deux ans. Ensuite, permission d'en appeler devant la Cour suprême. Finalement, M. le Président, ce qui m'inquiète avec ce projet de loi, c'est que le ministre a voulu court-circuiter le processus judiciaire, voulu court-circuiter le processus judiciaire pour aller plus vite, mais, en bout de ligne, il risque de se retrouver avec une situation qui va plutôt ralentir les choses si on ne s'assure pas, dans un premier temps, que ce projet de loi est constitutionnel.

Et, moi, je vais vous dire, je regarde ça et je vous avoue que, bien honnêtement, je me pose des questions sur la légalité constitutionnelle, sur la constitutionnalité du projet de loi qui est à l'étude devant nous. Et loin de moi l'idée de vouloir... Vous savez, de ce côté-ci, là, je pense qu'il n'y a pas de... On fait notre travail d'une manière professionnelle. Il n'y a pas de millage politique à gagner de notre côté dans ce dossier. On le fait par principe. On le fait parce qu'on considère qu'il y a des principes fondamentaux qui sont battus en brèche par ce projet de loi. Et donc il faut, M. le Président, exprimer haut et fort cette attaque à nos principes fondamentaux et, en ce sens-là -- je reviens à la motion en conclusion, je présume que je me dirige vers la conclusion, M. le Président -- il y a des questions qui se posent dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, il y a des questions qui se posent au niveau de la constitutionnalité de ce projet de loi, et je pense que, si on veut faire un travail sérieux... Oui, on a entendu des experts du Barreau du Québec, des juristes, par exemple M. Piette, qui est un expert en droit de l'environnement, mais il s'imposerait, me semble-t-il, avant d'aller plus loin dans l'étude détaillée de ce projet de loi, d'entendre à tout le moins Me Brouillet, professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval, qui pourrait nous éclairer sur la dimension constitutionnelle de ce projet de loi.

Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Chambly. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant.

M. le député de Gouin, comme porte-parole de l'opposition en matière de transports, vous avez 30 minutes.

M. Nicolas Girard

M. Girard: Merci. Merci, M. le Président. Avant d'entrer, là, à proprement dit sur la motion présentée par mon collègue de Lac-Saint-Jean, vous me permettrez quand même, M. le Président, de revenir hier un peu sur ce que le ministre nous a dit à la fin de nos travaux à la salle 1.38, surtout de déplorer la décision du parti ministériel, là, de rejeter notre motion qui visait à entendre le Barreau de Québec. C'est un vote serré, mais le parti ministériel, là, a rejeté notre motion. Mais le ministre nous a dit dans son intervention hier que c'est évident que le Barreau de Québec pense la même chose que le Barreau du Québec. C'est ce que le ministre nous a dit hier soir. Donc, est-ce que je dois comprendre que le ministre, à ce moment-là, considère que les avocats du district judiciaire de Beauce appuient l'avis qui a été présenté par le Barreau du Québec, qui a fait parvenir...

M. Hamad: M. le Président, l'article 212.

M. Girard: ...qui a fait parvenir une lettre...

M. Hamad: L'article 212.

Le Président (M. Huot): Oui. Question de règlement?

M. Hamad: Oui, question de règlement, l'article 212. Le député de Gouin m'impute des motifs que je n'ai jamais dits. Moi, j'ai parlé de Barreau, du Barreau. Je ne parlais pas des membres du Barreau, parce que les membres du Barreau et le Barreau, pour moi, c'est comme l'Ordre des ingénieurs et les ingénieurs, c'est deux choses différentes.

Le Président (M. Huot): Donc, monsieur... M. le député de Gouin, juste faire attention à l'interprétation qu'on donne aux propos.

M. Girard: Non, mais j'ai dit: Est-ce que je dois comprendre que le ministre pense que les avocats du district judiciaire de Beauce appuient l'avis du Barreau, du Barreau du Québec, puisque, on l'a dit hier, les avocats du district judiciaire de Beauce sont membres du Barreau de Québec? On ne sait pas le nombre, on ne sait pas le nombre exact. Mais c'est intéressant parce que là ça veut dire: Est-ce qu'il y a une brèche, là, dans le consensus dont nous parlait le ministre depuis le début des travaux? Là, on se retrouverait dans une situation où il y a des avocats du district judiciaire de Beauce qui sont d'accord avec le passage suivant de la lettre qu'ils ont fait parvenir au Procureur général et ministre de la Justice et au ministre des Transports, où on dit, à la page 2 que «dans un régime démocratique comme le nôtre, le respect de la règle de droit, de l'indépendance de la magistrature, du rôle de surveillance de la Cour supérieure et du droit des citoyens à l'équité procédurale sont nécessaires afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité juridiques. Une législation rétroactive compromet la sécurité juridique en ne permettant pas aux citoyens de connaître à l'avance les règles de droit qui s'appliquent à eux.»

Et le Barreau ajoute: «Or, les justiciables doivent normalement pouvoir connaître à l'avance les règles juridiques qui régissent leurs relations avec l'État afin de pouvoir adapter leur comportement et d'ajuster leurs expectatives en conséquence.»

**(10 h 10)**

Et là il y a un passage, M. le Président, là, qui est fort percutant, dans lequel on dit: «L'adoption de lois rétroactives n'est justifiable que dans des circonstances exceptionnelles où un impératif d'intérêt public le commande. Le Barreau ne voit pas clairement le motif supérieur d'intérêt public qui serait de nature à justifier la législation exceptionnelle envisagée.»

C'est ce qu'ils sont venus dire en commission parlementaire. C'est ce qu'ils ont fait parvenir, là, comme lettre, de la plume du directeur général, Claude Provencher, au Procureur général, au ministre des Transports. Puis malheureusement, en tout cas, le Procureur général, celui qui est responsable de la justice au Québec, visiblement, bien, lui, ça ne le dérange pas. Ça ne le dérange pas. Mais, tu sais, y a-t-il encore un ministre de la Justice au Québec? Bien des gens se posent la question, avec tout ce qui s'est passé dans les derniers mois.

Mais donc ça veut dire qu'on se retrouve dans une situation où il y a le Barreau du Québec qui a envoyé une lettre qui dit très clairement -- qui est venu en commission parlementaire -- qu'il n'y a pas de motif supérieur d'intérêt public dans le projet de loi qu'a déposé le ministre.

On aurait voulu entendre le Barreau de Québec sur cette question-là. Il y a des membres du district judiciaire de la Beauce. Puis le ministre semble penser que le Barreau, le Barreau de Québec, pense de la même façon que le Barreau du Québec. Donc, il y a des membres du district judiciaire de la Beauce qui sont membres du Barreau de Québec, donc je pense que ça vient ouvrir une brèche en tout cas dans le consensus que nous dit le ministre, que tous les gens de la Beauce sont favorables au projet de loi qu'il a déposé. Alors, je tenais à faire cette mise au point, M. le Président, d'entrée de jeu, avant de revenir à la motion qui a été présentée par mon collègue le député de Lac-Saint-Jean.

Je rappelle la motion. Il est proposé:

«Que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende la constitutionnaliste Eugénie Brouillet.»

Vous savez, Mme Brouillet, c'est une professeure agrégée et vice-doyenne au programme de premier cycle, et secrétaire à l'université, à l'Université Laval. Ses champs d'intérêt, là, comme professeure, M. le Président, sont le droit constitutionnel, le fédéralisme canadien et comparé, le partage des compétences et les droits de la personne. Ça, c'est les champs de compétence... champs d'intérêt de Mme Brouillet comme professeure à l'université, à l'Université Laval.

D'ailleurs, M. le Président, j'ai... En consultant sa biographie sur le site de l'Université Laval, on apprend qu'elle donne aux étudiants de premier cycle un cours de droit constitutionnel. Fort intéressant. Peut-être que c'est un cours qui pourrait intéresser le ministre des Transports parce que c'est lui qui dépose un projet de loi sur le prolongement de l'autoroute 73 en Beauce. Là, il y a un cours de droit constitutionnel qui est offert par Mme Brouillet. Peut-être que, suite à de l'information supplémentaire, ça pourrait l'amener, lui, comme ministre, à revoir, à réfléchir à la nécessité de présenter ce projet de loi aux parlementaires.

Puis je pense fondamentalement, M. le Président, qu'il est important d'entendre la constitutionnaliste Eugénie Brouillet, dont la compétence n'est plus à démontrer, puis mon collègue député de Lac-Saint-Jean l'a brillamment expliqué dans sa présentation. Donc, je pense que ça pourrait être utile pour le ministre d'aller suivre ce cours-là. Il pourrait l'ajouter à son curriculum vitae, lui qui a déjà d'autres qualités, une autre formation professionnelle. Il pourrait ajouter une corde de plus à son arc qui pourrait l'aider dans la préparation de projets de loi de cette nature-là.

Et je pense que c'est important de recevoir Mme Brouillet parce que le Barreau du Québec nous a dit essentiellement qu'il ne voit pas, puis je l'ai dit un peu plus tôt, de motif supérieur d'intérêt public qui serait de nature à justifier la législation exceptionnelle envisagée dans le projet de loi n° 2 sur le prolongement de l'autoroute en Beauce.

Donc, le Barreau du Québec nous dit clairement qu'on n'est pas dans une situation, là, qui est exceptionnelle, et on n'est pas dans une situation particulière, qu'on n'est pas dans une situation qui est urgente, qu'on n'est pas dans une situation qui est exceptionnelle, qui nécessiterait un geste extraordinaire que nous demande de poser le gouvernement libéral, que nous demande de poser le ministre des Transports, qui constitue, au fond, l'exercice du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale de pouvoir suspendre un processus judiciaire en cour. Parce qu'on se rappellera que la Cour supérieure a donné raison à des citoyens qui ont contesté le tracé, que le gouvernement a décidé de porter cette décision-là en appel, qu'il devait avoir une audition le 16 mai puis que le gouvernement a décidé de reporter, a demandé de reporter l'audition au 5, au 5 juillet. Donc, si le gouvernement n'avait pas déposé son projet de loi, il aurait déjà plaidé sa cause en Cour d'appel lors... Il y aurait déjà eu une audition. Donc, il faut le faire! Il faut le faire! Franchement, il faut le faire!

Et le Barreau, au fond, dit, puis ça, on le disait en commission parlementaire, dans la lettre qu'ils ont fait parvenir au Procureur général, au ministre des Transports, qu'eux n'embarquent pas, là, dans le scénario du ministre, là, que c'est une situation particulière, que c'est une situation urgente, que c'est une situation exceptionnelle. Le Barreau n'embarque pas là-dedans. Nous autres, on n'embarque pas là-dedans, comme opposition officielle.

Et, vous savez, mon collègue de Lac-Saint-Jean l'a brillamment expliqué, c'est que le problème pour le gouvernement, c'est qu'avec sa loi d'exception, le ministre, il n'est pas à l'abri, là, d'une nouvelle contestation judiciaire, là. Il y a des citoyens qui pourraient se sentir lésés par sa loi et qui pourraient se dire, en consultant leurs avocats: Bien, même si le projet de loi du ministre des Transports, du gouvernement libéral est adopté, bien, nous, on pourrait aller en Cour supérieure puis contester la validité constitutionnelle de la loi. Bien, pour quelles raisons? Je pense que mon collègue de Lac-Saint-Jean l'a expliqué: parce qu'on n'aurait pas respecté le principe d'indépendance judiciaire. Et, même si le ministre, là, n'aime pas ça entendre ça, bien, le principe, le principe d'indépendance judiciaire, bien, c'est un principe constitutionnel. Puis, quand on viole un principe constitutionnel, bien, ça veut dire qu'on n'est pas à l'abri, on n'est pas à l'abri de contestations, de contestations judiciaires.

Donc, M. le Président, si la loi devait être adoptée, parce que vous le savez mieux que quiconque, M. le Président, que le gouvernement libéral, depuis 2003, ne s'est pas gêné, ne s'est pas gêné, du haut de sa majorité, pour imposer des bâillons... Puis ce même gouvernement là, bien, ne sera pas à l'abri que la loi n° 2 soit contestée devant les tribunaux. Pourquoi? Pourquoi? Il pourrait y avoir une contestation devant les tribunaux de la loi n° 2 parce qu'on aurait violé le principe d'indépendance, d'indépendance judiciaire. Puis ce n'est pas impossible, M. le Président, qu'une telle chose pourrait se produire, qu'on se retrouve à nouveau dans une saga judiciaire. Mais ça, M. le Président, le ministre des Transports, son collègue de la Sécurité publique ne sont pas allés leur dire, ça, aux Beaucerons, ne sont pas allés leur dire, ça, aux Beaucerons, qu'il ne sont pas à l'abri d'une nouvelle saga judiciaire, qu'il pourrait y avoir des contestations de la loi qu'il veut faire adopter par les parlementaires. Ça, ils n'en ont pas parlé aux Beaucerons. Ils ne sont pas allés leur dire qu'ils ne sont pas à l'abri d'une nouvelle saga judiciaire. Ils n'en ont pas parlé, de ça, aux Beaucerons. Ils ne l'ont pas dit quand le ministre de la Sécurité publique a participé à des manifestations. Non, ils n'ont pas parlé, ils n'ont pas parlé de ça.

Le ministre, au fond, là, bien, il veut nous rentrer dans la gorge ce projet de loi là pour se sortir du bourbier dans lequel le gouvernement libéral s'est lui-même placé. Donc, ce n'est pas impossible, M. le Président, que le gouvernement se retrouve dans une situation qu'il voulait éviter en adoptant la loi n° 2 et qu'il se retrouve encore une fois, encore une fois, devant les tribunaux puis dans une saga judiciaire. Si c'est le cas, bien, M. le Président, le ministre puis son gouvernement vont avoir des explications à fournir aux contribuables puis des explications à fournir aux Beaucerons, hein? Et je pense que le ministre doit se préparer, doit se préparer à ça. C'est pour ça que, moi, j'invite... Je veux rendre service au ministre. Je veux rendre service au ministre. Je veux l'inviter à accepter notre invitation, à accepter notre invitation et à entendre la constitutionnaliste Eugénie Brouillet. Je lui rends service. Je lui rends service. Et, de la part de l'opposition, il devrait accepter la main tendue des députés de l'opposition officielle pour qu'il ait un éclairage, un éclairage nouveau, puis pour qu'il puisse voir, M. le Président, la lumière, la lumière au bout du tunnel et puis qu'il puisse, là, réfléchir, songer à reconsidérer sa décision d'aller de l'avant avec son projet, avec son projet de loi n° 2.

**(10 h 20)**

Puis, moi, j'invite, là, bien sincèrement, M. le Président, le ministre des Transports, au lieu de faire preuve, là, de partisanerie, d'accuser l'opposition de voter contre les gens de la Beauce en votant contre le projet de loi, de déclarer publiquement qu'il y a trois citoyens qui prennent en otage une région, la Beauce, parce qu'ils contestent un tracé légitimement parce que ça passe sur leurs terres, parce qu'on leur enlève des biens, parce qu'on leur enlève des biens... Puis ça, on a tendance à l'oublier. On passe sur leurs terres puis on leur enlève des biens. Puis ça, le ministre ne nous en parle pas souvent. Dans un contexte où ces gens-là, là, M. le Président, ont eu des menaces de mort, des menaces de brûler leur ferme-là... C'est ce que Le Devoir titrait, là: Autoroute de la Beauce -- Des opposants au «tracé Est» menacés de mort. Ce n'est pas des farces, ça, M. le Président, là. Pour un tracé d'autoroute, là, il y a de citoyens qui, légitimement, qui, démocratiquement, se sont opposés au tracé, qui ont gagné devant les tribunaux puis qui se font menacer de mort, menacer de brûler leurs fermes. C'est quand même incroyable! Quand même incroyable! Quand même incroyable!

Puis j'invite, là, le ministre à s'élever au-dessus de la mêlée, à réfléchir, à prendre son temps d'analyser tout ça, puis de revoir sa position, d'entendre Mme Brouillet, la constitutionnaliste, en commission parlementaire, de tenir compte de l'avis du Barreau du Québec, d'un éventuel avis du Barreau de Québec, des avocats du district judiciaire de Beauce. Alors, moi, j'invite le ministre, au fond, à accepter, à accepter les règles, les règles du jeu. Ça, ça veut dire, là, M. le Président, bien, de laisser cours, là, au processus judiciaire, de laisser la Cour d'appel décider par elle-même.

Puis, d'autant plus, je le rappelais tout à l'heure, puis mes collègues l'ont dit, le ministre ne nous a jamais parlé de ça pendant les consultations particulières, il ne s'en est jamais vanté, que l'appel du jugement de la Cour supérieure qu'a enclenché le Procureur général était fixé au 16 mai dernier. Il ne nous en a pas parlé, de ça. Il ne nous en a pas parlé. Il ne nous a pas dit ça, le ministre, que le gouvernement, avec le dépôt du projet de loi, le 24 mars dernier, a dit: Ah! Nous, on veut un report. On veut un report de l'audition qui était prévue le 16 mai. Puis elle est maintenant fixée au 5, au 5 juillet, au 5 juillet 2011. Alors, le ministre ne s'en est pas vanté. Il n'en a pas parlé. Il n'en a pas parlé non plus aux Beaucerons. Il n'en a pas parlé aux Beaucerons, de ça. Il n'en a pas dit un mot.

Ça, ça veut dire, là, qu'il y aurait déjà eu une audition. Il y aurait déjà eu une audition en Cour d'appel, le 16 mai dernier. Ça, le ministre ne nous l'a pas dit. Il ne nous l'a pas dit. Il aurait dû l'expliquer, ça, aux Beaucerons quand il a fait des entrevues en Beauce. Quand le ministre de la Sécurité publique a participé à des manifestations, il aurait dû le dire, ça aussi. Il y aurait eu une audition. Puis, en plus, dans leur communiqué, dans le communiqué que le gouvernement... pas nous, là, le communiqué du gouvernement libéral, le 26 novembre 2010, il a affirmé, par voie de communiqué: «L'appel du jugement ne met pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet.» Ils ont émis un communiqué de presse. Le ministre la vu, ce communiqué de presse là. Il l'a autorisé, ce communiqué de presse là. Il ne l'a pas dit, ça, aux Beaucerons. Il ne l'a pas dit aux Beaucerons. Il n'en a pas parlé lorsqu'il a eu la consultation particulière.

Alors, moi, je trouve ça, là, proprement dit, M. le Président, là, scandaleux. Moi, je trouve que ça n'a pas de bon sens. Puis le ministre ne peut pas accepter une telle chose. Puis on se retrouve vraiment, là... Puis, plus on avance dans ce dossier-là, plus on se rend compte que c'est David contre Goliath. Puis heureusement que l'opposition officielle est là pour défendre les intérêts des citoyens qui ont gagné légitimement, qui ont gagné démocratiquement devant les tribunaux.

Puis comment le gouvernement peut prétendre, dans ce contexte-là, qu'il ne brime les droits de personne? Est-ce que le ministre peut nous expliquer ça? Avec son projet de loi, il ne brime les droits de personne? Moi, M. le Président, je ne comprends pas. Je ne comprends pas le raisonnement du ministre, d'autant plus, avec ce communiqué-là, du 26 novembre 2010, où on dit que le jugement ne met pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet de loi. Comment le ministre, d'un côté, peut plaider la nécessité qu'il faut absolument adopter le projet de loi n° 2 pour ne pas retarder les travaux puis, de l'autre côté, soutenir dans un communiqué que l'appel ne va pas avoir d'impact sur l'échéancier. Ça, il faudrait me l'expliquer: il y a une contradiction, là, flagrante, flagrante. Il faudrait que le gouvernement nous explique ça, puis il n'en a pas parlé du tout lors des consultations particulières.

Puis, en plus, là, le gouvernement, lui, a déposé une loi, le 24 mars, pour demander, là... déposé une loi qu'il veut faire voter par les députés de l'opposition, par l'ensemble des députés à l'Assemblée nationale, puis, lui, il a demandé, à ce moment-là, bien, de reporter l'audition pour la procédure d'appel. Le gouvernement, je vous le dis... Je vous le dis, M. le Président, le gouvernement est très difficile, très, très difficile à suivre.

Puis la question qu'on se pose tous, c'est: Pourquoi le gouvernement n'a pas laissé le processus judiciaire suivre son cours? L'audition aurait déjà eu lieu. Est-ce que je dois comprendre que le ministre s'est fait dire par ses conseillers juridiques qu'il allait perdre en Cour d'appel, qu'il allait perdre en Cour d'appel, que le ministère des Transports n'avait pas un bon dossier, qu'ils ont fait des erreurs puis que c'est pour ça que le ministre veut corriger des erreurs qui ont été commises par son propre ministère dans sa cour, puis qu'il veut nous faire adopter ce projet de loi là? C'est ça, le fond du problème? Il ne l'a pas dit, ça, aux Beaucerons. Il ne l'a pas dit, ça, M. le Président, aux Beaucerons. Il n'en a pas parlé, ça, aux Beaucerons. Non, on n'a pas parlé aux Beaucerons, on ne parle pas de ça, on préfère accuser l'opposition officielle de voter contre la Beauce. On préfère dire qu'il y a des citoyens qui prennent en otage une région. Ça, c'est ce que le ministre veut passer comme message plutôt que regarder dans sa propre cour puis regarder dans son propre ministère. Non, ça, c'est ce que... Le ministre préfère blâmer les autres.

Puis je vais vous dire, là, M. le Président, ce qui me jette à terre, là, c'est l'intervention du ministre hier puis celle du député d'Orford vers la fin de nos travaux hier, à la salle 1.38. Hier, là, j'ai posé la question au ministre s'il avait l'intention de donner suite à la demande du Barreau qui disait, là, ce qui suit, puis je cite le passage: «Par ailleurs, les parties concernées ont engagé des frais judiciaires et des honoraires auront été payés en pure perte, sans compensation. Telle que proposée, l'intervention du législateur dans ce dossier aurait pour effet de priver [les] citoyens du résultat de leur recours en Cour supérieure et de leur recours en appel au nom de l'intérêt général sans les indemniser pour le coût qu'ils ont assumé pour l'exercice de leurs droits.» C'est fort, ça. C'est fort, M. le Président.

Puis le Barreau ajoute, là: «Si le législateur décide tout de même d'adopter ce projet de loi, on devrait au moins y introduire une obligation de rembourser aux personnes concernées les dépenses faites pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux.»

J'ai indiqué clairement, M. le Président, vous l'avez entendu hier, qu'à ce jour le ministre n'a fait aucune proposition concrète, aucune proposition concrète sur le remboursement aux personnes concernées pour les dépenses engendrées pour la défense de leurs droits devant les tribunaux malgré le point de vue du Barreau. Puis le ministre, hier, il y a refusé de s'engager à le faire. Il a refusé de s'engager à le faire, vous l'avez entendu. Puis, en plus, il a fait le lien en disant que, de toute façon, bien, l'opposition va voter contre la loi. Bien oui, bien oui, M. le Président, l'opposition va voter...

M. Hamad: M. le Président...

M. Girard: ...l'opposition va voter contre la loi.

M. Hamad: ...question de règlement.

Le Président (M. Huot): Question de règlement, M. le ministre, oui.

M. Hamad: C'est la marque de commerce du député de Gouin. L'article 212.

Le Président (M. Huot): Je veux simplement...

M. Hamad: Il m'impute des motifs...

Le Président (M. Huot): Je vais vous arrêter tout de suite, M. le ministre.

M. Hamad: Oui.

Le Président (M. Huot): Tantôt, je vous ai laissé aller. Article 212, vous devez attendre la fin de l'intervention de la personne en question pour invoquer l'article 212 pour faire une réplique, pour préciser vos propos à la fin de son intervention.

M. Hamad: Ah bon! O.K. Merci.

Le Président (M. Huot): Si vous voulez l'utiliser, je peux vous le laisser après.

M. Hamad: Oui.

Le Président (M. Huot): Après, à la fin de son intervention.

**(10 h 30)**

M. Girard: Bien, il n'y a pas de problème, là, nous, on est ouverts à entendre le point de vue du ministre puis répondre aux questions que je soulève. Alors, moi, je n'ai pas de problème, je n'ai pas de problème, M. le Président.

Alors, comme je disais, le ministre a refusé de s'engager hier. Puis, en fait, il a fait le lien, comme je disais, en disant que, de toute façon, l'opposition va voter contre la loi. Est-ce que le ministre est en train de nous dire que, non satisfait de passer le rouleau compresseur sur des citoyens qui ont gagné devant le Tribunal administratif, qui ont gagné devant la Cour supérieure, qui se font enlever leurs droits, qui se font enlever leurs terres, qui se font enlever leurs biens, il ne va pas, en plus, leur rembourser leurs dépenses encourues pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux, et ça, leurs droits, qu'ils ont fait valoir depuis 2007? C'est ça que le ministre est en train de nous dire: qu'il va leur passer dessus avec encore plus de force, qu'il ne va pas les rembourser, qu'il va les pénaliser en plus parce que l'opposition officielle va voter contre la loi? Est-ce que c'est ça que le ministre est en train de nous dire? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre des propos qu'il a tenus hier, à la fin de la séance, à la salle 1.38? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre? Si c'est ça, ça n'a pas de bon sens.

Puis, vous savez, le député d'Orford, lui, il m'a dit que ma demande de remboursement de ces honnêtes citoyens qui ont fait valoir leurs droits, bien, elle était futile, futile. Imaginez! Futile. Je n'en reviens pas. Je n'en reviens pas, M. le Président. Il y a quand même bien des limites, là, à écraser, là, d'honnêtes citoyens, d'honnêtes citoyens qui ont défendu légitimement, légitimement leurs droits devant les tribunaux, qui ont fait un travail remarquable. Et le Tribunal administratif leur a donné raison, la Cour supérieure leur a donné raison. Ils ont suivi, eux, les règles du jeu du début à la fin et ils ont gagné, et là le ministre refuse de s'engager à rembourser les dépenses de ces honnêtes citoyens, de ces honnêtes citoyens, refuse de s'engager parce que l'opposition officielle va voter contre la loi? Ça n'a pas de bon sens. Puis le député d'Orford, hier, m'a dit que ma demande, elle est futile. Je n'en reviens pas. Je n'en reviens pas. Ça paraît que ce n'est pas leurs biens, que ce n'est pas leurs terres dont il est question. Un peu de bon sens. Un peu de bon sens, M. le Président. Je n'en reviens pas, de ces propos-là. Je n'en reviens pas qu'on puisse écraser à ce point-là d'honnêtes citoyens qui ont gagné légitimement devant les tribunaux, légitimement.

Puis, le ministre, il le sait très bien en plus, que la rétroactivité de son projet de loi, bien, ça équivaut à changer les règles du jeu. C'est comme si on changeait les règles du jeu, là, en plein milieu, là, d'un match de football. Lui, je ne sais pas si... peut-être allé voir quelques matchs du Rouge et Or à l'Université Laval. Il aime peut-être ça, le football. Moi, j'aime ça en tout cas. Tu sais, il le sait très bien, là, que ce qu'il fait, là, c'est comme si on adoptait des nouveaux règlements après la fin du match pour permettre, au fond, là, à l'équipe perdante, bien, de renverser le résultat final en sa faveur. C'est exactement ce qu'il fait avec son projet de loi, exactement ce qu'il fait. Puis ce n'est pas équitable pour l'équipe, en l'occurrence pour les citoyens qui ont remporté une victoire dans les règles de l'art, qui ont suivi le processus qui est établi à la CPTAQ, au Tribunal administratif, qui ont suivi toutes les règles du jeu, toutes les règles du jeu.

Puis ils ont gagné. Ils ont gagné, puis là, en plein milieu de la partie, le ministre dit: Bien, moi, non, non, non, moi, j'ai perdu, ça devait être la faute des règlements, alors, moi, je les change, les règlements, je change les règles du jeu. Mais là il y avait des règles du jeu au départ pour les deux équipes, il y avait des règlements pour les deux équipes, puis, comme ça existe au football, il y a des arbitres qui sont là pour faire respecter les règlements, puis là le ministre nous dit: Bien, moi, je change les règlements en cours de route. Il n'accepte pas la défaite. Il n'accepte pas d'avoir perdu. Il n'accepte pas que les citoyens aient gagné. Le gouvernement, là-dedans, est mauvais perdant puis il décide de changer les règles du jeu puis de brimer des droits de citoyens. Ça, là, M. le Président, nous, on ne peut pas accepter ça comme opposition officielle, la démarche du ministre, les gens qui ont gagné légitimement, qui ont fait une démarche, qui ont gagné devant le Tribunal administratif, devant la Cour supérieure...

Puis le gouvernement, en plus, avait décidé de porter la décision devant la Cour d'appel puis, plutôt que de laisser cours au processus judiciaire, de respecter les règles du jeu, a décidé de déposer un projet de loi. Puis le gouvernement ne veut pas laisser cours au processus judiciaire, ne veut pas se rendre jusqu'en Cour d'appel. Visiblement... Ça veut dire quoi, ça? Bien, ça veut dire que le ministre s'est fait conseiller ou s'est fait dire: Écoutez, on va perdre en Cour d'appel. On va perdre en Cour d'appel. On a fait des erreurs, on a mal fait notre travail. Pouvez-nous nous couvrir? Déposez la loi parce qu'on va perdre. Puis le ministre, lui, il protège ça. Il protège ça, le ministre. Moi, je ne comprends pas. Je ne comprends pas.

Puis, en plus, il ne prend aucun engagement formel, aucun engagement formel de rembourser les dépenses. Puis le député d'Orford, lui, il dit que c'est futile, notre demande, c'est futile, parce que, nous, l'opposition officielle, on va voter contre la loi. Alors, il va pénaliser des citoyens qui non seulement ont gagné devant les tribunaux, qui se font enlever leurs droits, qui se font enlever leurs biens, qui se font enlever leurs terres, puis il va les pénaliser encore plus en refusant de s'engager à rembourser leurs dépenses parce que l'opposition officielle vote contre la loi.

Écoutez, je ne suis pas le ministre, là. Je ne suis pas le gouvernement dans ce dossier-là et je pense que, comme le Barreau le disait, si c'est une procédure ou une façon de faire qui est analogue à l'expropriation d'un recours, en quelque sorte, les gens qui ont dépensé pour exercer leurs droits devraient normalement, selon la règle de droit dans un État de droit, être indemnisés pour les dépenses qu'ils ont encourues et qu'on leur a... au fond, quand on leur enlève dans l'intérêt général. Puis le Barreau a soutenu, a soutenu, avec raison, que l'on souhaiterait que la compensation soit prévue dans ce projet de loi de nature exceptionnelle, que ça pourrait être inscrit dans la loi pour garantir au moins certains droits aux citoyens qui vont être lésés par cette loi.

J'espère que le ministre, j'espère que le député d'Orford vont réfléchir à ce qu'ils ont dit hier. J'espère qu'ils ne pensent pas encore ce matin que c'est une demande qui est futile, qu'il est futile de demander de rembourser les dépenses de ces citoyens qui, honorablement, ont gagné devant les tribunaux, que ce qu'ils ont dit hier, ça n'a pas de bon sens, ça n'a pas de bon sens. J'espère que le ministre puis j'espère que le député d'Orford ne pensaient pas sincèrement que la demande de l'opposition officielle, là, elle était futile. Non, elle n'est pas futile, cette demande-là, parce qu'il y a des gens qui ont gagné légitimement devant les tribunaux, puis le gouvernement veut changer les règles du jeu en mauvais perdant parce qu'ils ont perdu devant les tribunaux, puis ça, c'est inacceptable. Puis, nous, l'opposition officielle, on ne peut pas voter en faveur de ce projet de loi là en ces circonstances-là.

Le Président (M. Huot): Merci. Merci, M. le député de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants pour... M. le député de Beauce-Nord, la parole est à vous. Vous avez la parole pour un maximum de 10 minutes.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Ça ne va prendre que quelques minutes.

Une voix: Prenez votre temps.

M. Grondin: Écoutez, j'écoute ça puis je n'en reviens tout simplement pas. On va faire venir un constitutionnaliste, la Chambre des notaires... En tout cas. Mais je me demande, moi, sur quelle planète qu'on vit. Il me semble que j'ai vu, moi... Depuis que je suis ici, au Parlement, depuis huit ans... On a passé une loi spéciale, l'an passé, pour permettre à Bombardier d'avoir un contrat, on l'a passé, ça, puis on... C'est sûr qu'on a dérangé des droits des citoyens. Mais, en dessous de tout ça, il y avait une élection partielle, puis on voulait la gagner. Alors, tout était beau, tout était permis, on a tout laissé passer. On n'a pas demandé de constitutionnaliste à venir ici, à l'Assemblée, on n'a pas demandé au Barreau de venir expliquer le projet de loi, parce qu'on pouvait gagner le comté en élection partielle. Ça a passé comme du beurre dans la poêle.

Là, on arrive avec le projet de l'amphithéâtre à Québec. Là, on peut aller chercher un poids politique, on va laisser passer tout. Tout va être beau. Mais là on arrive avec un projet de loi dans la Beauce, qu'on sait qu'on ne peut pas gagner grand-chose politiquement, bien, on est en train de virer la planète à l'envers. C'est ce qui m'énerve un peu, parce que je vois qu'il y a deux poids, deux mesures. Vous parlez de choses... D'un côté, ça va bien, tout est permis, parce qu'on peut gagner un poids politique; de l'autre côté, on ne peut pas rien gagner, on veut tuer tout le monde.

Alors, moi, je trouve ça très... En tout cas, les Beaucerons en feront qu'est-ce qu'ils... Ils sont assez intelligents pour juger de ce qui se passe ici aujourd'hui. Mais je trouve que vous parlez des deux côtés de la bouche, puis ça...

Une voix: Vous parlez de qui, là?

Le Président (M. Huot): Monsieur...

**(10 h 40)**

M. Grondin: Bien, le Parti québécois, parce que vous parlez de... Vous essayez de tout défaire de ce qui se passe dans la Beauce parce que vous ne prévoyez pas de faire de gains politiques, mais, quand c'est les autres, puis les autres coins du pays où vous pensez que vous allez... les autres coins de la province, excusez, quand vous pensez faire un gain politique, bien là, nos constitutionnalistes, le Barreau, on n'en a pas besoin, la loi doit être correcte, puis... Puis remarquez que, moi, moi, même moi, personnellement, je vais vous dire que, même le projet de l'amphithéâtre, je trouve que c'est un bien public puis c'est un bien qui va... Même nous autres, avec une autoroute, on va venir au hockey, puis je suis d'accord parce que je trouve que c'est pour le bien de tout le monde.

Les trains de Bombardier, je trouvais que c'était un bien que tout le monde va en profiter, même si on a payé un petit peu plus cher puis on a passé... Mais je trouvais que c'était quand même... Même, moi, dans mon parti, j'ai dû défendre ce projet-là parce que je disais: Les trains de Bombardier, moi, je les ai vu, en 1967, arriver, parce que j'étais à Montréal dans le temps, puis regardez le temps... le nombre d'années; on a pris ces trains-là puis ils sont encore là aujourd'hui, alors, c'est une bonne voiture. Alors, je l'ai défendu dans mon parti. Puis c'est sûr qu'on tassait des citoyens dans tout ça qui auraient peut-être apporté d'autre chose.

Alors, moi, je trouve ça un peu spécial que vous vous acharniez tant que ça, le Parti québécois, sur l'autoroute de la Beauce, pour priver les Beaucerons d'un lien qu'on a besoin. Alors, c'était ça, mon intervention, mon cher M. le Président. Je vous remercie de votre écoute attentive.

Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Des voix: ...

Le Président (M. Huot): S'il vous plaît, on évite de s'interpeller d'un bord... S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Huot): S'il vous plaît! Ça se passe bien, ça se passe très bien, ce matin. S'il vous plaît, on va continuer, on va continuer comme ça. Est-ce qu'il y a d'autres demandes d'intervention?

M. le ministre, la parole est à vous. Vous avez la parole pour un maximum de 30 minutes.

M. Sam Hamad

M. Hamad: Merci. Merci, M. le Président. Je vais encore une fois féliciter le député de Beauce-Nord pour son franc-parler, pour... Et, M. le Président, là, on voit que le député de Beauce-Nord, il dit toujours la vérité, puis c'est ça, la vérité. Maintenant, M. le Président, je reviens à la demande, à la motion présentée par mes collègues, et particulièrement le collègue de Lac-Saint-Jean. Dans son introduction, il a fait référence à l'article de Vincent Marissal qu'il trouvait un excellent article. Je cite ses mots. Il dit: C'est tellement bon. Alors, je réfère à cet article-là, et il a bâti sa logique derrière la motion en basant sur des... en fait, en appuyant ce que M. Marissal a dit. Puis il nous a mis au défi si... On ne reviendra pas à l'article de Marissal et aussi on ne reviendra pas au «rule of law», et on va revenir à sa demande.

En fait, il sait bien... parce que c'est lui qui connaît ça plus que moi, M. le Président, en termes constitutionnels, puisqu'il a étudié plusieurs années là-dedans. Alors, la primauté de droit, et je lui dis, on est tous d'accord avec ça, il n'y a personne au Québec qui peut être contre la primauté des droits. Deuxièmement, et ça, ça l'intéresse aussi parce qu'il était porte-parole du Parti québécois dans les relations intergouvernementales, et je me souviens des débats que nous avons eus ensemble là-dessus, hein, avec Jacques Dupuis... Et il parlait souvent des champs de compétence. Aujourd'hui, le projet de loi que nous déposons, il est dans les champs de compétence du Québec, clair. Donc, il n'y a pas un problème de champs de compétence avec le fédéral puis un problème de Constitution avec le fédéral. Et, troisièmement, on parle de surveillance. L'article de Marissal, il parle de surveillance.

Là, j'ai pris les points, là: primauté des droits, champs de compétence, et le troisième, c'est le droit... la surveillance. Puis, en passant, le projet de loi n'empêche absolument pas l'exercice de la surveillance de la Cour suprême sur ce projet de loi là. Donc...

Une voix: Supérieure.

M. Hamad: Supérieure, supérieure, Cour supérieure, oui, merci. Et donc n'empêche pas. Et aussi le projet de loi n° 2 n'a rien à voir avec le pouvoir de dépenser, le pouvoir général de dépenser non plus. Alors là, je regarde là où les éléments de... où on peut parler de Constitution, c'est les champs de compétence, pouvoir de dépenser et le droit de surveillance.

Le projet de loi n° 2, c'est un projet de loi qui touche l'aménagement de la loi sur la protection du territoire agricole. Et qui qui a adopté ce projet de loi là? Qui qui l'a mis en vie, ce projet de loi? C'est le Parti québécois. Là, je ne sais pas si vous êtes en train de remettre en question la loi que vous avez adoptée, parce que vous voulez regarder la Constitution. Parce que, nous, ce qu'on fait ici, on fait un aménagement dans la loi de protection du territoire agricole. Pourquoi qu'on fait ça? Parce que le jugement de la Cour supérieure, il touchait un article de la loi sur la protection du territoire agricole, puis, nous, on vient toucher cet aménagement-là. Donc, on est toujours dans le champ de compétence du Québec et on continue là-dedans.

Maintenant, ça, c'est le premier élément de l'article Marissal. J'ai, après, le dessert pour l'article Marissal, là, mais je le garde un petit peu, on va le savourer tranquillement. Et...

Une voix: ...

M. Hamad: En conclusion, peut-être. Le Barreau a écrit aussi sa lettre avant... En fait, vous référez au Barreau, quelle est la raison de ça? Le Barreau, il a fait sa lettre avant qu'on fasse notre intervention puis justifier l'importance du projet. Si on se rappelle le plaidoyer que nous avons fait... et probablement que vous l'avez trouvé très bon parce qu'il répondait à toutes vos questions: le tracé, l'importance, le choix de l'environnement, l'étude, l'importance de la sécurité, l'hydrologie. Toutes les questions que vous avez soulevées, on vous a donné toutes les réponses. Et c'est drôle parce que la moitié des réponses, ça venait de votre gouvernement, parce que c'est votre gouvernement qui a initié tous ces éléments-là dans les choix. Et, comme d'habitude, on fait toujours des études, au Parti québécois, mais on ne se rend jamais à l'autoroute. On fait des études, mais on ne se rend jamais à réaliser. Mais on fait des études, on est bons. Comme les études des souverainetés, etc. On est bons dans les études.

L'autre élément aussi, vous avez dit à plusieurs reprises aujourd'hui: On a demandé à la cour de retarder la séance pour l'entendre. C'est faux! C'est faux, et je vous le dis humblement, c'est faux, ce que vous avez dit parce que nous n'avons jamais demandé à la cour de retarder, c'est la cour qui a décidé de retarder. Donc, encore une correction de ce que vous avez dit...

Une voix: ...

M. Hamad: On n'a jamais demandé à la cour... Non, non, vous avez dit, mot à mot... M. le Président, ils ont dit: On a demandé à la cour... Je l'ai entendu, comme les 100 000, 500 000 personnes qui nous entendent aujourd'hui, vous avez dit qu'on a demandé à la cour de retarder. C'est faux! On n'a jamais demandé.

L'autre élément, M. le Président, là...

Une voix: ...

Le Président (M. Huot): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Là, il y a une personne qui a la parole, là.

M. Hamad: Là, le député de Gouin, il dit: Vous avez traité les Beaucerons... Moi, je trouve que c'est réducteur, M. le Président, très réducteur pour les Beaucerons, de la part du député de Gouin, quand il dit qu'ils n'ont pas... c'est comme ils ne sont pas conscients de rien, eux autres, ils ne connaissent pas le dossier. Ce qu'est la bonne nouvelle, M. le Président, c'est que les Beaucerons et les gens de Chaudière-Appalaches connaissent le dossier mieux que le député de Gouin. Eux autres connaissent l'histoire parce qu'ils l'ont vécu. Les autres savent exactement pourquoi qu'on a fait les choix, et d'ailleurs, M. le Président, c'est les Beaucerons qui ont demandé qu'on dépose ce projet de loi, c'est les Beaucerons. Il n'était pas là, mais c'est les Beaucerons qui ont demandé de déposer le projet de loi, sachant très bien de leur écoeurement, en bon québécois, M. le Président, de tout ce qui est arrivé avant. Alors donc, je pense que c'est un peu de respect au jugement des Beaucerons dans le sens que, quand il dit: Nous, on n'a pas dit... puis on a dit... puis ils pensent ça... Là, ils savent tout, les Beaucerons, toute l'histoire, puis ils connaissent ça, puis ils savent toutes les conséquences de notre décision. Je pense c'est un peu réducteur de dire que les Beaucerons ne connaissent pas ça.

Après ça, M. le Président, c'est malheureusement que le député de Gouin, il parle du député d'Orford. Probablement, il profite de son absence pour dire qu'il a dit: C'est futile. En fait, moi, ma compréhension, ce que le député d'Orford a dit: C'est la démarche du PQ qui est futile. Ce n'est pas l'amendement, c'est la démarche. S'il revient à l'amendement, s'il revient à l'amendement... J'ai dit hier, j'ai répondu hier clairement: Si le député de Gouin, il veut parler des amendements, qu'il commence à discuter le projet de loi, commence à traiter article par article puis qu'il fasse un amendement.

J'ai posé la question, hier, claire: Êtes-vous d'accord avec l'amendement? Est-ce que ça signifie, si vous faites cet amendement-là, parce que vous voulez approuver le projet de loi? Il m'a répondu: Non, absolument. Donc, j'ai compris qu'il est contre l'amendement. Il corrigera s'il n'est pas contre l'amendement, s'il propose un amendement, parce qu'il veut adopter le projet de loi. Mais là il dit qu'il est contre le projet de loi puis il veut proposer des amendements. Il y a une mauvaise volonté là-dedans, là: on est contre la loi mais on propose des amendements. Alors, ça, c'est... M. le Président, c'est un petit peu en dehors de l'élément.

Maintenant, relativement à la Constitution, moi, je trouve, l'idée est très bonne d'amener un expert. Je trouvais ça excellent, mais... et je vous demande: Si vous trouvez ça bon, vous autres, le Parti québécois, puis vous basez votre logique d'inviter la constitutionnaliste sur Marissal, Marissal, ce qu'il dit aussi, parce que j'ai tout pris: «Alors, à quoi jouent exactement nos élus, à Québec? Difficile à dire, mais, chose certaine, [la chef de l'opposition semble dire...] semble [...] pressée, elle qui qualifie de "niaisage" les questions et objections de ceux qui ne partagent pas son enthousiasme pour le projet.» Du niaisage. Elle, elle dit, là: Taponnage là-dedans. C'est votre chef, là, votre boss, là. Alors, c'est votre boss, elle dit: C'est du niaisage.

«Si [la chef de l'opposition], ex-ministre de la Santé, et son gouvernement avaient manifesté le même empressement pour le nouveau CHUM, au début des années 2000, on y soignerait des patients depuis quatre ou cinq ans déjà.» Ça, c'est le même article que vous avez basé le fondement de votre argument, de dire qu'on veut avoir la...

Et maintenant, si vous insistez, si vous insistez pour avoir Mme Brouillet, bien, moi, j'ai une suggestion pour vous autres. Si vous êtes vraiment logiques dans votre proposition, si vous êtes sincères dans votre proposition, si vous y croyez, pourquoi vous ne l'invitez pas à présenter le même plaidoyer devant la commission qui avait siégé pour l'amphithéâtre? Pourquoi vous ne demandez pas d'aller là puis de présenter...

**(10 h 50)**

Des voix: ...

M. Hamad: Si vous le trouvez, alors, prenez l'engagement aujourd'hui si vous êtes sincères.

Une voix: ...

M. Hamad: Alors, le député de Gouin veut prendre l'engagement pour l'inviter à cette commission-là. En passant, c'est plus facile...

Une voix: ...

M. Hamad: Même, c'est plus facile, parce que... juste lui dire, parce que ça a l'air à avoir des... Vous avez des contacts avec elle. En passant, elle peut juste dire: Ça m'intéresse d'aller à la commission. Elle viendra à la commission pour présenter les mêmes arguments. Puis, honnêtement, si elle vient à la commission pour l'amphithéâtre, je serai présent pour l'écouter. Et ça va régler le problème. Donc, la même logique, dans votre présentation, appliquez-la donc à l'amphithéâtre de Québec.

M. Girard: ...

Le Président (M. Huot): S'il vous plaît! Une personne a la parole. Ça commence à être agaçant, là. Ça...

M. Hamad: Il me demande si je suis contre l'amphithéâtre. Quelle question! On a mis 200 millions là-dedans. Vous avez mis quoi, vous autres? Rien.

Une voix: ...

M. Hamad: Vous avez fait quoi pour garder les Nordiques au Québec?

Le Président (M. Huot): O.K. S'il vous plaît, je vais rappeler à l'ordre.

M. Hamad: Quand ils sont partis, c'est M. Parizeau qui était là.

Une voix: ...

Le Président (M. Huot): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! O.K., on est sur la motion. Évitez de vous interpeller. Ça commence à être désagréable. On évite de s'interpeller autour de la table. On est sur un débat sur la motion. Il y a une personne qui a la parole.

M. le ministre, la parole est à vous. Je suis très permissif sur la pertinence. Je suis très... J'interprète ça de façon très large, je vous laisse aller, mais évitez de vous interpeller d'un bord et de l'autre de la table, s'il vous plaît. M. le ministre, la parole est à vous. Il vous reste un maximum de 20 minutes.

M. Hamad: Ah? 20 minutes. Parfait. Merci, M. le Président. Donc, je continue sur le plaidoyer sur la motion. Alors, si on a mis toute la logique là-dedans, sur le droit constitutionnel, sur le droit de surveillance de la Cour suprême, sur la primauté des droits, sur la «rule of law», alors, tous ces éléments-là s'appliquent à un projet de loi où on veut le mettre pour protéger les actions d'un gouvernement ou les actions d'une ville. Et, nous, on a toujours dit qu'on veut avoir notre amphithéâtre. Donc, nous, on ne se pose pas la question là-dessus.

Cependant, moi, je dis que, si vraiment on est sincères dans notre proposition, si on est vraiment... on veut vraiment puis on trouve ça bonne idée, bien, moi, je serais d'accord qu'on l'invite et que le Parti québécois prenne le même engagement, la même motion pour que Mme Brouillet viendra à la commission pour l'amphithéâtre puis qu'elle parle de droit.

En passant, c'est le même cas, hein, c'est le même cas. Mais on sait que, pour le Parti québécois, c'est toujours géométrie variable. Tu sais, ce n'est pas... Même, hier, j'ai trouvé ça frappant, moi qui ne connais pas le droit, là, de dire: On veut entendre les sentiments du Barreau, on veut savoir le sentiment du Barreau. On ne veut pas savoir que... C'est comme on est en train de dire: Les lois ne s'appliquent pas à la même façon dans Saint-Georges de Beauce, Notre-Dame-des-Pins, à Québec, à Québec dans le comté de mon collègue député de Jean-Lesage, ou, dans Montréal, sur le plateau de Mont-Royal, ou sur, je ne sais pas, moi, le nord de Montréal, ou quelque... C'est question de sentiment. Ils voulaient savoir les sentiments, hier, du Barreau. Aujourd'hui, ils veulent regarder la question constitutionnelle.

Mais, si on regarde la question constitutionnelle, moi, je trouve ça intéressant. Honnêtement, moi, je serais intéressé à voir Mme Brouillet venir. Alors, on va voter non pour cette commission-là, mais, s'il insiste puis il trouve que ce n'est pas correct qu'on vote non, moi, c'est drôle, hein... Ils ont vraiment une belle opportunité. Ils n'ont pas besoin de demander le vote pour ça, hein? Ils n'ont pas besoin. Juste à dire à Mme Brouillet... Puis j'ai regardé son C.V. Sincèrement, elle est très intéressante, puis je pense qu'elle est pleine de compétences et je suis convaincu que ça va être intéressant de venir apporter les idées.

Puis je souhaiterais, M. le Président, quand Mme Brouillet va être là, que le député de Gouin, le député de Lac-Saint-Jean, le député de Chambly, ils soient présents aussi. Il faut qu'ils soient présents à la commission parlementaire quand Mme Brouillet va venir parler. Puis, moi, je vais transmettre leurs demandes. S'ils ne le font pas... Je ne sais pas si leur chef est au courant. Bien, je suis sûr que la chef du Parti québécois n'est pas au courant de leur demande. Ils ont fait ça parce qu'eux autres font partie d'un autre groupe.

Vous savez, le Parti québécois actuellement est divisé, là, selon Michel David, puis selon ce qu'ils disent. Il y a des gens qui disent: Ce n'est pas un gros bon sens. Ceux qui disent: Ce n'est pas un gros bon sens sont pour l'amphithéâtre; ceux qui trouvent que c'est un bon sens sont ici. J'ai posé la question à la première intervention: Êtes-vous partie des gens qui sont contre ou pour? Ils n'ont pas répondu, donc ils sont pour.

Alors là, ça serait intéressant d'informer Mme la chef de l'opposition et la députée de Taschereau, la députée de Taschereau qui est allée en avant, puis on voit toutes les critiques qu'elle a ramassées, de lui dire, à la députée de Taschereau: Nous, on veut avoir l'expert en Constitution, là. C'est vrai que... Puis, en plus, Mme la députée de Taschereau, elle a dit qu'elle a tout vu les règlements, elle a tout vu les lois, elle a tout vu les contrats, elle a tout vu les avis juridiques. Elle a tout fait le tour de ça. Donc, j'espère que le député de Lac-Saint-Jean, il va lui rappeler, à la députée de Taschereau: Hé! moi, j'aimerais ça avoir la vice-doyenne de la Faculté de droit, une... -- puis, en plus, une des meilleures universités, l'Université Laval, et ça, c'est important, en plus -- donc, de dire à la députée de Taschereau: C'est dans notre coin, ici, à Québec, on a la vice-doyenne de la Faculté de droit, elle peut venir à la commission. Puis je suis convaincu, M. le Président, jusqu'à preuve du contraire, qu'ils n'ont jamais parlé à la députée de Taschereau, jamais, de ça, leur motion, puis peut-être, s'ils trouvent une bonne idée puis essayent d'être convaincants, d'aller lui parler, de la convaincre, la députée de Taschereau pour...

Une voix: ...

M. Hamad: Oui, parce que vous avez manqué un petit peu. Je vous ai...

Le Président (M. Huot): Oui, là, M. le député de... On ne peut pas souligner l'absence, mais j'ai dit... J'ai demandé aux gens d'éviter de s'interpeller. Ça devenait très désagréable, là. Cette discussion, même, là a été faite, M. le député de Lac-Saint-Jean. Donc, s'il vous plaît, M. le ministre, continuez votre intervention.

M. Hamad: Alors, le député de Lac-Saint-Jean me demande si je suis pour. J'ai dit, pour faciliter sa tâche, devant son enthousiasme: Pourquoi qu'il ne l'inviterait pas pour l'amphithéâtre et qu'elle viendra faire la présentation? Et l'autre question que je me pose: Est-ce que la chef de l'opposition, députée de Taschereau... au courant de cette motion-là?

Donc, M. le Président, en résumé, nous allons voter contre.

Le Président (M. Huot): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a... Juste vérifier, avant le vote, s'il y a d'autres interventions du côté ministériel. Il y a des droits de parole de 10 minutes qui n'ont pas été utilisés. Non, ça va?

Donc, le vote nominal est demandé. Je vais relire la motion qui avait été déposée par le député de Lac-Saint-Jean:

Il est proposé «que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières [avant] tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende la constitutionnaliste Eugénie Brouillet».

M. le secrétaire, le vote nominal est demandé.

Mise aux voix

Le Secrétaire: M. Cloutier (Lac-Saint-Jean)?

M. Cloutier: Pour.

Le Secrétaire: M. Girard (Gouin)?

M. Girard: Pour.

Le Secrétaire: M. Grondin (Beauce-Nord)?

M. Grondin: Contre.

Le Secrétaire: M. Hamad (Louis-Hébert)?

M. Hamad: Contre.

Le Secrétaire: Mme Charlebois (Soulanges)?

Mme Charlebois: Contre.

Le Secrétaire: M. Morin (Montmagny-L'Islet)?

M. Morin: Contre.

Le Secrétaire: M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet: Contre.

Le Secrétaire: M. Huot (Vanier)?

Le Président (M. Huot): Je m'abstiens.

Le Secrétaire: La motion est rejetée.

Le Président (M. Huot): M. le député de Chambly a demandé la parole.

Motion proposant d'entendre M. Henri Brun

M. St-Arnaud: Oui, M. le Président. M. le Président, je vais proposer une motion en vertu de l'article 244 parce que... Et je vais la... Je vous la lis:

Il est proposé «que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le constitutionnaliste Henri Brun».

Voici la motion, M. le Président.

**(11 heures)**

Le Président (M. Huot): Vous l'avez par écrit? Oui. On va prendre le dépôt. Donc, la motion est conforme. Évidemment, on va faire des copies pour distribuer la motion à tout le monde.

Donc, ce sont les mêmes règles qui s'appliquent. Tout simplement un rappel: M. le député de Chambly, vous avez 30 minutes pour présenter votre motion; le porte-parole de l'opposition, également 30 minutes; le ministre a 30 minutes; tous les autres membres de la commission ont 10 minutes chacun pour intervenir sur la motion.

Donc, M. le député de Chambly, je présume que vous allez débuter, donc je vous cède la parole. Vous avez la parole pour un maximum de 30 minutes.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. M. le Président, on est ici pour étudier de façon plus détaillée le projet de loi n° 2, Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges. Le ministre, dans sa dernière intervention, a fait référence à un tout autre projet de loi. Je pense qu'il est important de revenir à celui qu'on étudie ici. L'autre projet de loi, il sera étudié dans une autre commission, et on y verra à ce moment-là. Mais je pense qu'il ne faut pas mélanger les pommes avec les oranges, puis on ne rentrera pas là-dedans, parce que je pourrais rentrer là-dedans et faire toutes les distinctions qui s'appliquent entre le projet de loi sur l'autoroute 73 et le projet de loi sur l'amphithéâtre.

Alors, revenons à ce pour quoi nous sommes réunis ce matin: c'est le projet de loi n° 2 concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges. M. le Président, d'abord, je veux m'adresser par votre intermédiaire au député de Beauce-Nord, qui est un député que tout le monde respecte et que tout le monde apprécie. M. le Président, tous ici nous sommes pour le prolongement de l'autoroute 73 en Beauce. Tantôt, j'ai même... Pour vous démontrer à quel point on est tous favorables au prolongement de l'autoroute 73, tantôt j'ai même commis un lapsus, M. le Président, un lapsus révélateur. J'ai même dit à un certain moment: On est pour le projet de loi. Parce que... C'est un lapsus révélateur, parce qu'on est effectivement pour l'intention qui est derrière ce projet de loi, qui est de prolonger l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.

Alors, ça, je pense qu'il faut que ça soit... Il faut que ça soit clair. Mais pas de n'importe quelle façon, pas à n'importe quel prix. Et c'est là, le problème. Vous savez, M. le Président, ça aurait été très simple. Et d'ailleurs, ça a été rendu public, alors je peux y faire référence, ça aurait été très simple de faire en sorte... et je pense que les premières discussions venant du gouvernement étaient à cet effet-là: Écoutez, le projet de loi n° 2, là, ce n'est pas compliqué, adoptons ça, donc, un, deux, trois, la même journée en cinq minutes. C'était ça, les premières discussions entre le cabinet du leader du gouvernement et le cabinet de l'opposition officielle.

Et, chez nous, notre leader parlementaire a dit: C'est donc bien... Il y a quelque chose là. Pourquoi ils veulent qu'on adopte ça vite, vite, vite, ce projet de loi là? On va aller voir c'est quoi. Et, effectivement, on a découvert que c'était un projet de loi qui posait problème, qui était un projet de loi d'une nature exceptionnelle et qui méritait qu'on prenne plus que cinq ou 10 minutes, comme nous le proposait le gouvernement, pour regarder ce projet de loi.

M. le Président, c'est effectivement un projet de loi de nature exceptionnelle, qui mérite donc qu'on s'y attarde plus longuement. Vous savez, M. le Président, ça aurait été très facile pour nous de dire: Écoutez, on est d'accord avec l'intention derrière ça. On adopte ça. Et on arrête... Et voilà, on va de l'avant. Mais il y a des... Vous savez, on est des parlementaires. On est là pour regarder avec attention les projets de loi. Et, quand on constate qu'un projet de loi pourrait aller à l'encontre de nos principes fondamentaux que nous avons comme société, bien, je pense que c'est de notre devoir de prendre le temps de regarder ça et de faire les débats qui sont nécessaires. Vous savez, on est ici pour ça. On est ici pour se poser des questions quand on voit à sa face même qu'il y a un problème grave avec une situation que l'on retrouve dans un projet de loi.

M. le Président, je reprends rapidement, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, c'est quoi, le problème qui nous amène à présenter la motion que j'ai présentée, à savoir d'entendre le constitutionnaliste réputé, Henri Brun. Le problème, c'est qu'il y a un problème constitutionnel derrière ce projet de loi. À tout le moins, il y a un problème potentiel de... relatif à la constitutionnalité de ce projet de loi. Pourquoi? Rappelons ce qui s'est passé. Il y a eu toutes sortes de démarches, devant les tribunaux au fil des ans. Je peux peut-être les résumer très rapidement.

En 2006... En 2004, le gouvernement a décidé qu'il prolongeait l'autoroute 73 par le biais du tracé est. En 2006, le gouvernement demande à la Commission de protection du territoire agricole d'autoriser le ministère des Transports à utiliser, à des fins autres qu'agricoles, certains terrains nécessaires pour prolonger l'autoroute 73. En 2007, la commission de protection donne raison au gouvernement. Les citoyens visés, comme ils en ont le droit dans une société démocratique, ont décidé d'aller en appel devant le Tribunal administratif du Québec. J'épargne certaines péripéties pour vous dire, M. le Président, qu'avant même que les citoyens se fassent entendre devant le Tribunal administratif du Québec, le gouvernement libéral, en novembre 2009, le Conseil des ministres a adopté un décret et a dit: Bien, ça suffit, les recours devant les tribunaux. On n'attendra pas l'appel prévu devant le Tribunal administratif du Québec, on va adopter un décret pour décréter que le gouvernement peut utiliser à des fins autres que l'agriculture les terrains visés pour prolonger l'autoroute 73.

Dès 2009, pour une première fois, le gouvernement court-circuite le processus judiciaire. Il n'attend pas le recours devant le tribunal d'appel que les citoyens ont intenté; il court-circuite le processus judiciaire. Il tasse les tribunaux et il impose, par un décret, sa volonté. Et il l'impose sans même consulter, sans même entendre les gens visés, les citoyens qui sont devant les tribunaux sur ce dossier. Vous comprenez, M. le Président, qu'à sa face même ça pose un problème. Le gouvernement gagne, les citoyens vont en appel, et, avant même l'audition de l'appel devant le Tribunal administratif du Québec, le gouvernement dit: Aïe! là, ça suffit, là, et il impose par un décret sa volonté. Il décrète que le gouvernement peut utiliser ces terrains à des fins autres que l'agriculture.

Qu'est-ce que font les citoyens? Les citoyens, et c'est un fondement de notre société, ils décident de s'adresser à la Cour supérieure, parce que la Cour supérieure, c'est la cour qui a le pouvoir de surveiller les actes de l'Administration, de vérifier la légalité des actes posés par le gouvernement, par l'Administration. Et la Cour supérieure, effectivement, en novembre dernier, décide que le décret adopté en 2009 est nul, est invalide, et le juge Paul Corriveau, de la Cour supérieure, dans son jugement du 3 novembre dernier, dit: Le décret du gouvernement libéral, le décret de 2009 où vous avez court-circuité le processus judiciaire, il est nul, et il ordonne la cessation des travaux relatifs à l'autoroute 73. Et il dit, là, le juge Corriveau, je le cite: «...le gouvernement, lorsqu'il a adopté le décret 1180-2009[...], n'a pas respecté la Loi sur la protection du territoire agricole», et donc il décrète que le décret, il juge que le décret de 2009 est nul.

Le gouvernement, insatisfait à juste titre de la décision du juge Corriveau, décide d'aller en appel devant la Cour d'appel, et l'audience, dans un premier temps, avait été fixée au 16 mai dernier. Que fait le gouvernement? Pour une deuxième fois, il décide de court-circuiter le processus judiciaire en présentant le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, où essentiellement, ce que le gouvernement dit... Alors, il n'attend pas la décision de la Cour d'appel. Il a perdu en première instance, il porte la cause en appel, puis il n'attend pas la décision de la Cour d'appel, puis il arrive avec un projet de loi, c'est le projet de loi n° 2 qu'on a devant nous, qui est un projet de loi qui vise... donc qui court-circuite le processus judiciaire et qui vise à rendre valide un décret de 2009 jugé nul et invalide par la Cour supérieure en 2010, et il le fait rétroactivement.

**(11 h 10)**

Alors, en disant -- et on l'a dans le projet de loi -- que le décret est valide, même si la Cour l'a déclaré invalide... Le gouvernement arrive avec son projet de loi puis il dit: Là, on va dire que le décret est valide, puis non seulement il est valide, mais il est valide rétroactivement à partir de la date de son adoption, en novembre 2009, même si la Cour supérieure l'a déclaré invalide et avant même que la Cour d'appel se prononce. Vous voyez le problème? C'est un problème extrêmement grave où il y a une immixtion du pouvoir législatif dans le processus judiciaire. Et d'ailleurs le Barreau le dit très bien dans son témoignage rendu ici, il y a quelques semaines, le Barreau du Québec, en disant ceci: «En matière de respect de la règle de droit et du respect de l'indépendance des tribunaux, le gouvernement doit donner l'exemple et éviter de modifier la règle de droit rétroactivement de façon à priver d'effets les jugements qui s'appliquent à lui et qui ne font pas son affaire. Cette façon de légiférer jette le discrédit sur le processus judiciaire et sème un doute sur la portée des lois d'ordre public adoptées par l'Assemblée nationale. Cette situation constitue une immixtion du pouvoir législatif dans un processus judiciaire afin de couvrir rétroactivement une décision illégale de l'Exécutif. À quoi sert-il -- dit le Barreau -- d'adopter des lois et de donner des droits aux citoyens si le gouvernement utilise son pouvoir législatif pour court-circuiter les décisions judiciaires lorsqu'elles ne font pas son affaire?»

C'est exactement ce qui est arrivé ici, effectivement: le gouvernement a une décision qui ne fait pas son affaire, qui est rendue par un juge, et il décide d'aller en appel, mais il n'attend même pas la Cour d'appel et tient... Il vient, d'une certaine façon, rendre jugement lui-même en proposant le projet de loi n° 2 qui vient renverser la décision de la Cour supérieure et déclarer valide un décret qui avait été déclaré invalide par la cour.

Vous comprendrez que c'est assez préoccupant, parce que, dans notre système, M. le Président, vous connaissez bien ça, il y a les trois pouvoirs, il y a l'exécutif, ça, c'est le gouvernement, essentiellement, il y a le législatif, c'est le Parlement, et il y a le judiciaire, c'est les tribunaux. Ça, c'est les trois grands pouvoirs. Et on parle... et c'est des pouvoirs qui sont, notamment quant au processus judiciaire, indépendants. Alors, le processus judiciaire, l'indépendance judiciaire, elle est importante, c'est un de nos principes de droit... un de nos principes fondamentaux de notre système démocratique que les tribunaux soient indépendants et soient en mesure de porter jugement sur les décisions qui sont prises par le législatif.

Alors, M. le Président, il y a donc... il y a un principe, là, parce que là le gouvernement vient s'immiscer dans le processus judiciaire, vient l'interrompre et vient imposer sa volonté par le biais de la loi n° 2.

M. le Président, oui, le Parlement est souverain, et le ministre le répète souvent, mais il est souverain dans ses champs de compétence, parce qu'évidemment, on ne peut pas, par exemple, M. le Président, ici, à l'Assemblée nationale, adopter un projet de loi sur une matière qui est de compétence fédérale. Il faut que ça soit dans nos champs de compétence. Mais, plus largement que ça, oui, il y a les champs de compétence, mais au-dessus des champs de compétence, M. le Président, et c'est ça que le ministre tantôt ne semblait pas saisir parfaitement, au-dessus de la répartition des champs de compétence qui est prévue dans la Constitution, notamment dans la Constitution de 1867, là, qui répartit les champs de compétence, au-dessus de ça, il y a des principes constitutionnels qu'il faut respecter, parce que, si on ne respecte pas ces principes constitutionnels, on peut se retrouver dans une situation où la loi est déclarée inconstitutionnelle. Non pas parce que le Parlement n'a pas agi dans ses champs de compétence, mais qu'il a agi en contravention avec nos règles, nos principes de nature constitutionnelle.

Et, nous, on pense sérieusement, M. le Président, et je vous le dis, moi, avec toute la sincérité que je peux avoir... je pense qu'il y a un problème de nature constitutionnelle dans ce projet de loi, et c'est pourquoi j'aimerais que la commission soit éclairée là-dessus. Tantôt, on a proposé une motion pour entendre Me Brouillet; elle a été battue. On revient à la charge et on revient à la charge par le biais de la motion que je viens de présenter en demandant probablement ce qui est le plus... un des principaux experts -- si ce n'est pas le principal expert en droit constitutionnel au Québec -- de venir nous éclairer ici comme parlementaires.

Puis, encore une fois, là, je le dis, on ne fait pas ça par... On fait ça parce que ça fait partie de notre travail de le faire. On est à étudier un projet de loi. Notre travail, c'est de le regarder, de se poser des questions. Puis, quand on l'a regardé, avec mes collègues qui sont ici présents, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport, le député de Gouin, le député de Lac-Saint-Jean, qui est un expert de ces questions, le député de Chicoutimi, qui est le leader parlementaire du gouvernement, quand on regardé ce projet de loi là, on a dit: Il y a un problème.

Puis effectivement, on y a fait référence hier, des projets de loi qui viennent rendre valides des décrets qui ont été déclarés invalides par la cour, là, on n'a pas vu ça souvent dans notre histoire parlementaire. C'est une situation exceptionnelle. C'est un projet de loi exceptionnel, qui pose des... qui nous interpelle sur des questions constitutionnelles. Il me semble que la moindre des choses, si on veut être sérieux dans le travail qu'on fait, ce serait d'entendre un constitutionnaliste.

Et là je vous en propose un qui est à peu près... qui est un des plus réputés au Québec et au Canada, Me Henri Brun, que tout le monde connaît. Écoutez, j'ai devant moi... Évidemment, c'est quelqu'un de l'Université Laval. Alors, en partant, on a peut-être un peu plus... On a peut-être des chances avec le ministre, là, puisque c'est un éminent professeur de l'Université Laval. C'est un... Écoutez, je pense que je n'ai pas besoin d'exposer longuement le parcours d'Henri Brun. Tout le monde le connaît au Québec. C'est quelqu'un qui a fait... qui a formé, depuis 30 ans, des milliers de juristes, auxquels il a enseigné. Et ses domaines sont le droit constitutionnel, bien sûr, mais ce qui est intéressant aussi dans le cas d'Henri Brun, c'est que c'est aussi un expert en droit administratif. Et ça nous... Et, ici, il y a une dimension, aussi, de droit administratif dans le problème qui est devant nous.

Et donc, M. le Président, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre qu'on refuse d'avoir un éclairage sur l'élément constitutionnel de ce projet de loi. Je vous le dis, ça aurait été plus facile pour nous, vous savez... On le sait, en Beauce, les gens, le député de Beauce-Nord l'a bien dit, les gens sont... Bien sûr, ils souhaitent avoir leur autoroute, puis au plus vite, parce que c'est un dossier qui traîne depuis longtemps. Ça, alors, je ne pense pas que... Et je ne pense pas que... Alors, je ne pense pas qu'on fait beaucoup de gains en Beauce en s'interrogeant sur la constitutionnalité d'un projet de loi. Alors, on ne le fait pas pour avoir des gains en Beauce, pour se rendre populaires en Beauce. On le fait parce qu'on y croit. Puis ce n'est pas un projet de loi qui est... Je ne suis pas sûr qu'on a beaucoup de gens qui suivent nos travaux aujourd'hui. Si j'en juge par la couverture médiatique sur ce projet de loi là, il n'y a pas eu beaucoup d'articles d'écrits sur le fond de ce projet de loi. Alors, il n'y a pas grand monde au Québec, qui nous suit. Alors, on ne fait pas ça, là, parce que les gens nous suivent, puis on sent, là, que les gens vont... que ça va nous permettre de faire du millage politique.

Alors, pourquoi on fait ça? On fait ça parce qu'on croit qu'il y a un problème, parce qu'on est des professionnels, on a regardé ça, puis on dit: La constitutionnalité de ce projet de loi nous préoccupe. On pense que ça ne se fait pas, ce que le gouvernement veut faire présentement. Ça ne se fait pas. Quand on perd en première instance, quand le gouvernement perd devant les tribunaux, on doit aller en appel, puis on doit voir... on doit respecter l'indépendance des tribunaux, aller en appel puis attendre le jugement en appel. Ce n'est pas vrai qu'on peut arriver, quand on est le gouvernement: On n'est pas contents de la décision, bien, tiens, on va adopter un projet de loi puis on va renverser la décision par un projet de loi au lieu d'attendre la décision des tribunaux. Autrement dit, on va s'immiscer dans le processus judiciaire.

**(11 h 20)**

Et le Barreau, là-dessus, quand ils sont venus témoigner, même si ce n'étaient pas des experts en droit constitutionnel, je dois le dire, M. le Président, parce que, oui, il y a eu des juristes, qui sont venus témoigner, mais c'était pour... On parle, par exemple, de Me Piette, qui est un éminent juriste, mais sur les questions environnementales. Il est d'ailleurs le président du comité du Barreau du Québec en environnement. Mais, nous, là, on est rendus sur un aspect beaucoup plus pointu et important, qui est la constitutionnalité du projet de loi. Et on pense qu'il y a des questions sérieuses qui se posent, qui ont été évoquées depuis hier, des questions fondamentales, et qu'il faut approfondir cela avant d'aller plus loin.

Et le ministre, lui, nous dit... Il balaie un peu ça du revers de la main depuis hier, en disant: Bien, voyons donc! Le Parlement est souverain, il peut tout faire, il n'y a pas de problème. Honnêtement, je pense que le ministre, avec tout le respect que j'ai pour lui, je pense que le ministre banalise un peu la situation actuelle et le problème que nous mettons de l'avant.

Parce que, si son intention en arrivant avec le projet de loi... Et, plusieurs fois, on l'a entendu, et je l'ai moi-même entendu plusieurs fois en Chambre, sur ce projet de loi, dire: Il faut aller de l'avant avec le projet de loi n° 2 parce que là ça presse, l'autoroute de la Beauce, puis là il faut arrêter d'être devant les tribunaux, puis il faut aller de l'avant, puis tout ça. Mais, M. le Président, le ministre, il risque d'avoir des petites surprises tantôt parce que son immixtion dans le processus judiciaire va peut-être lui causer plusieurs ennuis au plan juridique.

Et, on l'évoquait tantôt, plusieurs d'entre nous, de ce côté-ci: s'il fallait qu'il y ait une requête en nullité de ce projet de loi et que, dans l'intervalle, on décide... les cours demandent d'interrompre la construction de l'autoroute 73, bien, on le sait, M. le Président, le processus judiciaire, c'est la Cour supérieure, puis ça, c'est long, un an; après ça, on va en Cour d'appel, un an, deux ans; après ça, on demande la permission d'en appeler à la Cour suprême, puis la Cour suprême, peut-être, M. le Président, la Cour suprême du Canada, peut-être qu'elle dirait: C'est un problème vraiment très intéressant qui pose des questions fondamentales de droit constitutionnel, on va entendre la cause; bien là vous venez de repartir pour un autre deux ans, M. le Président.

Alors, le ministre, dans sa volonté d'aller vite pour que la construction de l'autoroute 73, qu'on souhaite tous, se fasse le plus rapidement possible, bien, il prend des procédures, dont ce projet de loi, qui risquent, au contraire, d'allonger les choses. Et il aurait été beaucoup plus simple, et il n'est pas trop tard, il aurait été beaucoup plus simple pour le ministre d'attendre, d'attendre la décision de la Cour d'appel -- ça aurait été un premier geste intéressant -- et d'attendre, plutôt que de faire adopter, en se dépêchant avant l'ajournement du 10 juin, le projet de loi n° 2, parce que, je vous le dis, il va peut-être avoir des petites surprises au fil du temps.

Parce que, comme l'a dit le Barreau, on ne peut pas, M. le Président, changer les règles du jeu à la fin de la partie, en troisième période, pour assurer la victoire de son équipe; ça, c'est facile à comprendre, et c'est ce que le gouvernement fait. Il y a des règles. Il y a des règles du jeu dans une société démocratique, et il faut les respecter. Et là ce que je gouvernement fait, en plein milieu de la troisième période, comme il sent qu'il est en train de perdre la partie, il décide de changer les règles du jeu par ce projet de loi n° 2 qui est considéré inopportun par le Barreau du Québec.

Et, M. le Président, je relisais certains témoignages rendus... Je vais essayer de les retrouver, M. le Président. Je relisais certains témoignages rendus lors des consultations particulières. Et notamment je relisais les... Je relisais ce que les gens du Barreau étaient venus nous dire il y a quelques semaines. Et c'est intéressant.

Me Marc Sauvé, qui était un des trois représentants du Barreau, Me Marc Sauvé, Me Jean-Pierre Piette et Me Jules Brière, Me Marc Sauvé disait... Il commençait comme ça, ça commençait comme nous autres, il dit: «...je suis bien content qu'il y ait une autoroute. Personne n'est contre les autoroutes, mais on pense, au Barreau, que les actions de l'État doivent s'inscrire à l'intérieur du cadre législatif, doivent respecter la loi. Et la législation rétroactive applicable aux causes pendantes, c'est certainement, pour le Barreau, en tout cas, un moment où il doit intervenir pour protéger les principes d'une société démocratique.»

Alors, le Barreau dit: Ce projet de loi, il est inopportun. Nous, on doit vous le dire, on doit intervenir pour protéger les principes d'une société démocratique. Et il ajoutait: «Dans une société démocratique comme la nôtre, le respect de la règle de droit, de l'indépendance de la magistrature, du rôle de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et du droit des citoyens à l'équité procédurale sont nécessaires afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité juridiques.»

Me Piette ajoutait: «...nous avons plusieurs raisons de soulever des préoccupations devant vous aujourd'hui. On a le respect des tribunaux et des décisions judiciaires. Pour nous -- il parle au nom du Barreau du Québec -- là, c'est important, dans une société démocratique, que tous les intervenants, y compris le gouvernement, respectent les tribunaux et les décisions judiciaires», ce que ne fait pas le gouvernement, M. le Président, par le biais de son projet de loi n° 2. Il ne respecte pas la décision de la Cour supérieure, rendue en novembre dernier, par le juge Corriveau, qui dit que son décret est invalide. Il arrive avec un... Et il n'attend même pas la fin du processus judiciaire. Il arrive avec le projet de loi n° 2, qu'on étudie aujourd'hui, pour dire: Bien, on s'en fout, de la décision du juge Corriveau. Notre décret, par une loi, on va dire qu'il est valide, puis on va dire qu'il est valide depuis le jour où on l'a adopté, en novembre 2009.

Et Me Piette continue: «Également, il y a le respect de la règle de droit.» Et ça, la règle de droit, c'est un des principes qui sont au-dessus de tout, et c'est là qu'on se pose la question: Est-ce que le projet de loi ne va pas à l'encontre de ces principes qui chapeautent notre société démocratique? Alors, je vous le cite, M. le Président: «...il y a le respect de la règle de droit. L'Assemblée nationale adopte des lois qui prévoient des procédures, des procédures où les citoyens ont le droit d'intervenir à certains moments, des procédures où l'État doit, comme à l'article 96 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles... Il y a une procédure qui est prévue pour le gouvernement. Il doit dessaisir la commission de son dossier, il doit lui demander son avis; la commission[, etc. Il y a donc des règles] qui s'appliquent au gouvernement lui-même[...]. Et ces règles-là, adoptées par l'Assemblée nationale, ça constitue la règle de droit. Et il nous semble normal que l'État respecte ces règles qui s'appliquent à eux. Et, si un tribunal intervient et constate que ces règles n'ont pas été respectées, bien, il est normal que le tribunal ait le droit d'intervenir et d'annuler une décision rendue sans respecter ces règles de droits obligatoires, même pour l'État.»

Voyez un peu le problème, M. le Président. Me Piette ajoute plus loin: «Chaque fois que l'Assemblée nationale fait ça, elle bat en brèche certains autres principes importants dans notre société, le respect du pouvoir judiciaire, des décisions judiciaires, la séparation de l'ordre judiciaire et le législatif. Tout ça, ce sont des principes importants.»

Et donc, M. le Président -- je conclus là-dessus -- je vous le dis, là, de ce côté-ci, on a une réelle préoccupation quant à la constitutionnalité du projet de loi. On pense que ce projet de loi, au lieu... va à l'encontre de nos principes fondamentaux dans notre société. On pense que le ministre, qui pense aller plus vite en le faisant adopter, va, en fait, se créer de nouveaux problèmes judiciaires. Mais, avant d'aller plus loin dans l'étude détaillée du projet de loi, pourquoi on ne se donne pas deux heures? Lundi, là, on doit siéger, M. le ministre... M. le Président, pendant quatre heures, pourquoi, M. le ministre, lundi, on n'entendrait pas, à 14 heures, là, notre prochaine séance, pendant une heure, 1 h 30 min, Henri Brun, comme le propose cette motion. Il me semble que ce n'est pas compliqué. Il est ici, à l'Université Laval. Je suis sûr qu'on lui donne un coup de fil aujourd'hui, puis M. Brun va se faire un plaisir d'être devant nous, à 14 heures, à notre prochaine séance, quand on va ajourner dans une demi-heure. On revient lundi à 14 heures, il se ferait un plaisir d'être ici à 14 heures puis d'aller un peu plus loin sur cette préoccupation, cette préoccupation que nous avons de ce côté-ci, qui est vraiment... et qu'on exprime avec toute la sincérité qu'on a.

Parce que, réellement, on pense qu'il y a un problème. Et on ne fait pas de la petite politique en faisant ça, M. le Président, on ne fera aucun gain sur ce projet de loi là, mais on pense que, comme parlementaires, comme députés, particulièrement comme parlementaires d'opposition... Les parlementaires ministériels ont un rôle, mais du côté de l'opposition on doit avoir un rôle encore plus critique des projets de loi. Et on pense que, comme parlementaires, il y a des questions préoccupantes qui se soulèvent quant à la constitutionnalité de ce projet de loi là. Et, moi, je peux vous dire, comme député de Chambly, ce qui m'a amené à présenter cette motion, c'est que je pense qu'il y a... ça existe, ces problèmes-là, ils sont réels. Et j'aimerais entendre un expert. Et on a pris le plus grand expert du Québec en droit constitutionnel et administratif, Me Henri Brun.

Le Président (M. Huot): Merci.

M. St-Arnaud: J'aimerais, M. le Président, que cette motion soit adoptée. Et je suis sûr que M. Brun se fera un plaisir d'être parmi nous dès lundi...

Le Président (M. Huot): Merci.

M. St-Arnaud: ...pour qu'on l'entende pendant une heure ou deux sans plus...

Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: ...et on continuera après.

**(11 h 30)**

Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Chambly. Avant de reconnaître un prochain intervenant, simplement pour spécifier, la commission est bel et bien convoquée jusqu'à midi. Là, il y avait mésentente au départ, on ne savait pas si c'était midi ou 12 h 30. Donc, à moins d'un consentement... Évidemment, on peut poursuivre jusqu'à... s'il y a un consentement. Si vous voulez absolument poursuivre jusqu'à 12 h 30, avec le consentement, on peut le faire, mais on est convoqués jusqu'à midi officiellement, donc, simplement le spécifier.

Donc, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole pour un maximum de 10 minutes.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci. Merci, M. le Président. Alors, ce serait très intéressant, je pense, la semaine prochaine, d'avoir l'avantage de pouvoir entendre l'éminent constitutionnaliste la semaine prochaine. Alors, le ministre sera libre à ce moment-là de lui poser toutes les questions qu'il souhaitera et de pouvoir connaître le détail, dans le fond, leur pensée sur le principe de la primauté du droit.

Mais, M. le Président, faute de pouvoir les avoir avec nous aujourd'hui, on peut amener, du moins virtuellement ou par leurs écrits, M. Brun à cette commission par l'intermédiaire de leurs livres et de ce qu'ils ont publié sur la primauté du droit.

M. le ministre, je vais vous citer qu'est-ce que M. Brun écrit sur la primauté du droit, mais, avant ça, je vais vous répondre sur le partage des compétences.

Vous avez dit tout à l'heure à l'opposition: Il n'est pas question, dans le projet de loi, d'un problème de partage des compétences. Mais j'en conviens avec vous, il ne s'agit effectivement pas d'une question où le Parlement n'aurait pas compétence en vertu du partage des compétences, ce n'est pas du tout ce qui est plaidé. Il ne s'agit pas non plus d'une situation où ce serait l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser, ce n'est pas ça du tout non plus qu'on a plaidé. Alors, sur ces arguments...

Une voix: Au-dessus.

M. Cloutier: Bon. Voilà, exactement. Alors là, mon collègue fait référence... Il dit: Au-dessus. Quand j'ai fait référence au renvoi sur la sécession et vous ai expliqué qu'on avait rendu une décision sans avoir de règle écrite, on avait eu à ce moment-là l'obligation de se référer à des principes qui sont sous-jacents à notre système judiciaire, et ce sont ces principes-là qui, eux aussi, ont une valeur constitutionnelle, qui viennent, je dirais, en suspens de notre système judiciaire et qui peuvent être invoqués pour déclarer une loi inconstitutionnelle, et c'est ça qui est en cause ici, c'est le principe de droit constitutionnel non écrit, qu'on appelle le principe de la primauté du droit.

Je vais vous lire quelques extraits du livre de M. Brun, puis peut-être que ça va porter un éclairage, mais évidemment ça ne remplace pas une présence ici, en commission parlementaire, sur le projet de loi qui serait directement en cause. Mais, d'abord, la première remarque qu'ils font, c'est dans le renvoi relatif à la sécession du Québec -- alors, ce à quoi je faisais référence -- le renvoi identifié... Bien, c'est-à-dire, la cour a identifié quatre principes constitutionnels comme étant, avec d'autres principes, des principes qu'on appelle sous-jacents ou des principes structurels de la Constitution du Canada. Parmi eux figure la primauté du droit. Or, la cour, dans une section du jugement justement intitulée La nature des principes, s'avère peu limpide quant à savoir ces principes, bla, bla, bla... Là, là, on explique, dans le fond, la difficulté de définir qu'est-ce qu'on entend par le principe de la primauté du droit.

Puis, un petit peu plus loin, M. le Président... Parce que là, je ne peux pas vous lire, là, le chapitre au complet, parce que ça fait, je ne sais pas, moi, une quarantaine de pages, là, c'était... Je ne suis pas là pour faire un cours sur la primauté du droit, mais je vais essayer de vous lire les passages les plus pertinents. Alors, ensuite, on dit: Bon, bien, qu'est-ce que ça veut dire, la primauté du droit, concrètement? Alors là, on explique la signification générale de la primauté du droit. On dit que de ce concept plus général se détachent quatre autres concepts que la jurisprudence a établis. Alors, le premier concept -- c'est celui de la primauté du droit -- implique l'existence du droit, alors la prévisibilité du droit, le droit applicable; le deuxième: le droit doit être raisonnablement clair, donc les gens doivent savoir suffisamment à quoi s'en tenir; le troisième principe, c'est celui que le droit doit être appliqué sans discrimination; puis le quatrième principe, c'est: la sanction requiert la présence des tribunaux indépendants, bref, le Parlement ne peut pas écarter le processus judiciaire.

Je vais quand même vous lire rapidement ce qu'Henri Brun dit sur chacun de ces principes-là, puis ça va être peut-être plus clair que ce que je viens de dire.

Alors: «Le principe de la primauté du droit implique l'existence du droit.» Qu'est-ce que ça veut dire? «La première de ces propositions rappelle simplement que l'anarchie est tout le contraire du règne du droit.» Hein, je ne prétends pas qu'ici on est dans un contexte anarchique. «La primauté du droit, comme principe constitutionnel, implique avant toute chose l'existence d'un ordre juridique effectif.» Ça, ça va encore. «Avant d'être une limite ou une contrainte à l'État la primauté du droit postule l'existence de l'État.» Pour pouvoir parler de la primauté du droit, il faut qu'un ordre d'État, qu'un minimum dans l'organisation de l'État existe.

«La Cour suprême a eu l'occasion de rappeler ce sens premier de la primauté du droit en 1985...» Mais là, comme on n'est pas dans un contexte anarchique, là, je ne vous plaiderai pas ça puis je vais passer tout de suite au second, que le droit doit être raisonnablement clair.

«La seconde de ces quatre propositions exprime l'idée que les règles qui composent l'ordre juridique auquel s'applique le principe de la primauté du droit doivent être des règles suffisamment claires et précises pour que le justiciable sache d'avance comment régler sa conduite. C'est en interprétant le concept de "règle du droit" et celui de "justice fondamentale" des articles 1 et 7 de la Charte canadienne des droits [et libertés] que la cour a eu recours à la primauté du droit pour expliquer que la clarté est une qualité dont doivent jouir les normes qui visent les comportements des individus. À ce chapitre relatif au caractère prévisible du droit, la primauté du droit implique aussi [l'obligation] pour l'État [de s'assurer] une diffusion adéquate du droit...»

Alors, non seulement le droit doit être prévisible, donc connu, mais encore faut-il qu'il soit publié. C'est pour ça qu'il y a l'obligation de publication, puis l'obligation de publication des lois du gouvernement, mais aussi l'obligation de publication des règlements du gouvernement. Et, s'ils n'étaient pas publiés, on pourrait le contester en vertu de la primauté du droit.

Mais le caractère prévisible du droit, donc... c'est de là que vient l'argument du Barreau de dire: Si jamais on devait violer le principe de la prévisibilité, bien, il faudrait le justifier. Parce qu'à chaque fois qu'il y a une violation d'une règle de droit, on peut aussi parfois la justifier, puis ça, c'est l'argument de... Là, la Cour va regarder le caractère exceptionnel, s'il y a des motifs particuliers qui peuvent l'amener, mais c'est pour ça que le Barreau du Québec dit: Bon, bien, s'il y a un caractère qui vient en violation du principe de la prévisibilité du droit, alors là le législateur doit s'assurer qu'on est bien dans une situation qui est exceptionnelle. Et c'est ce caractère exceptionnel que le Barreau du Québec dit que, dans le contexte qui nous occupe, ce n'est pas présent. Alors, c'est extrêmement intéressant.

Moi, je vous le dis, il doit y avoir l'avocat des opposants qui nous écoutent certainement. Je suis certain qu'il faut le regarder l'argument. Je suis profondément convaincu. Il s'agit d'un principe constitutionnel, donc motif valable pour venir contester, au niveau constitutionnel, la loi, et je suis persuadé qu'ils vont regarder cet argument-là. La présence de M. Brun... Sincèrement, là, on le ferait venir, quoi... Ça dure... c'est quoi, ça? Une vingtaine de minutes, c'est une heure?

Une voix: Une heure, 1 h 30 min.

M. Cloutier: Savez-vous ce qu'on pourrait...

M. St-Arnaud: Lundi, lundi, 14 heures.

M. Cloutier: Puis même, pour montrer la bonne foi de l'opposition, on pourrait demander que Mme Brouillet vienne accompagnée de M. Brun, hein? Peut-être qu'on sauverait un peu de temps.

Une voix: ...

M. Cloutier: Pardon?

Une voix: Ils se connaissent bien.

M. Cloutier: Ils se connaissent très bien, oui, évidemment. Alors, ils viennent tous les deux ensemble répondre à nos questions...

Une voix: Deux pour un, c'est un compromis.

M. Cloutier: ...puis, à ce moment-là, on pourrait peut-être...

Une voix: ...

M. Cloutier: Pardon?

Une voix: On va souper avec eux autres...

M. Cloutier: Alors, le ministre... Je ne suis pas sûr qu'elle est...

Une voix: Il faut que ce soit public.

M. Cloutier: Effectivement, je ne suis pas sûr que le procureur des personnes impliquées malheureusement dans ce litige qui les opposent au gouvernement du Québec... Ils doivent, eux, pouvoir bénéficier justement des travaux de ces experts et pouvoir avoir l'heure juste sur la situation réelle. Alors, moi, je suggère, je fais une suggestion, puis c'est une suggestion de compromis au gouvernement, qu'on puisse entendre ces deux experts et qu'à tour de rôle ils puissent répondre à nos questions, parce que l'argument est valable, là. On n'est pas dans l'approximatif, on n'est pas dans le «coin de table», on est dans un argument qui est bien réel.

Écoutez là, je peux poursuivre plus en détail, aller citer des décisions de la Cour pour exprimer plus à fond, mais, M. le Président, là, on n'est pas ici pour régler le fond de l'affaire, on n'est pas un tribunal. Ce qu'on peut faire, c'est soulever un argument qui, lui, est valable. Alors, si on avait le bénéfice d'entendre ces experts, M. le Président, je pense qu'on viendrait clarifier une situation.

Écoutez, le caractère prévisible du droit, là, ce n'est pas banal, là, puis je pense que le ministre en convient. Pourquoi le législateur ne fait pas des lois rétroactives? Ça va de soi, c'est parce que, justement, on est bien conscient qu'on viendrait créer des problèmes avec des gens qui étaient de bonne foi, hein, du monde qui avait prévu agir en conformité avec la loi. Soudainement, on leur apprendrait: Désolé, le geste que vous avez posé la semaine passée, même si la loi vous disait que vous aviez raison la semaine d'avant, bien là, dorénavant, vous avez tort. C'est pour ça que la loi ne doit pas être de façon rétroactive, à moins qu'il pourrait exister une situation vraiment exceptionnelle, là, qui pourrait justifier une intervention de l'État, mais encore faut-il que cette intervention-là soit limitée, se fasse dans un contexte bien particulier et qu'elle ne soit pas étendue.

Alors, j'ai lu, à cette commission, les propos de M. Brun dans son livre, c'est la quatrième édition. Malheureusement, je n'avais pas la cinquième édition à laquelle participe aussi Mme Brouillet. Ça a été publié, je crois, en 2002. Mais, sur la primauté du droit en 2002 puis 2011, là, je peux vous assurer que c'est un principe suffisamment de base que le principe expliqué plus en détail par Dicey au début du XIXe siècle...

Une voix: ...

M. Cloutier: Exactement, la nature du principe est toujours la même. Alors, M. le Président, là, j'invite réellement la commission à mettre cet argument derrière. Puis sincèrement ça ne durera pas trois jours, M. le député de la Beauce, hein, ça va durer 1 h 30 min, là, puis...

Une voix: J'ai des doutes.

Une voix: Ça va être éclairant.

**(11 h 40)**

M. Cloutier: Non. Non, non.

Le Président (M. Huot): On va éviter de s'interpeller et on va passer par ici.

M. Cloutier: Alors, j'invite vraiment le député de la Beauce à mettre ça aussi derrière eux, parce que, si jamais ça devait être contesté, il y a peut-être des gens qui vont vous demander: Pourquoi vous n'y avez pas pensé avant?

Le Président (M. Huot): Merci. Merci. Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je présume que ça sera au tour du député de Gouin. Donc, vous avez la parole. C'est pour... Vous avez un 30 minutes, mais ça sera pour les 20 prochaines minutes, compte tenu de l'heure. Donc, je vous reconnais. Je vous cède la parole, M. le député de Gouin.

M. Nicolas Girard

M. Girard: Bien, merci. Merci, M. le Président. Je ne sais pas si le ministre voulait ajouter quelque chose. Non, ça va?

Alors, dans un premier temps, M. le Président, je vais à nouveau déplorer le fait que le parti ministériel ait à nouveau rejeté une nouvelle motion présentée par l'opposition officielle. Hier, on a déposé une motion pour entendre le Barreau de Québec. Le parti ministériel a rejeté cette motion-là. Aujourd'hui, nous sommes revenus avec une deuxième motion, qui visait à entendre la constitutionnaliste Eugénie Brouillet, et je pense que... une personne qui est fort compétente, qui aurait pu venir nous donner son avis sur la constitutionnalité du projet de loi n° 2 sur le prolongement de l'autoroute 73 entre Beauceville et Saint-Georges. Mais, encore une fois, du côté du gouvernement, on a rejeté la motion qu'on a présentée. Puis je le déplore vivement parce que, sur un projet de loi de cette nature-là... Et vous savez que notre formation politique, on souhaite, comme les gens en Beauce, le prolongement de l'autoroute 73 entre Beauceville et Saint-Georges. Comme tout le monde, on souhaite ça. Cependant, on n'est pas d'accord avec la façon dont le gouvernement procède dans ce dossier-là.

On a tenu une trop courte consultation. Puis, suite aux points de vue qu'on a entendus des gens, ça a soulevé d'autres questions, d'autres interrogations, puis, avant de voter un projet de loi de cette nature-là, il faut être certains d'entendre tous les intervenants, tous les spécialistes, d'entendre tous les points de vue pour être certains qu'on fait les choses en connaissance de cause. Puis je pense que Mme Eugénie Brouillet, ça aurait été une excellente personne fort intéressante à entendre dans le cadre de nos travaux. Puis, comme je l'ai dit un peu plus tôt, c'est une professeure agrégée, vice-doyenne aux programmes de premier cycle puis secrétaire à l'Université Laval, a des champs d'intérêt en droit constitutionnel, en fédéralisme canadien comparé, en partage des compétences, en droits de la personne. Elle donne un cours aussi en droit constitutionnel au premier cycle. Je pense que c'est quelqu'un de fort compétent, puis, je pense, ça aurait pu apporter un éclairage intéressant au ministre, ajouter de nouvelles connaissances au ministre sur ces enjeux-là. Puis je pense que, sur un projet de loi comme celui-là, je pense que le ministre aurait dû accepter notre proposition, puis les députés du parti ministériel. Mais, bon, ils ont choisi, c'est leur droit dans notre régime parlementaire. Ils sont majoritaires, ils ont refusé la proposition soumise de bonne foi par les députés de l'opposition officielle.

Maintenant, on a présenté une autre motion, celle de... de recevoir le constitutionnaliste Henri Brun, en espérant cette fois-ci que le ministre et les collègues du parti ministériel qui l'accompagnent aujourd'hui vont faire preuve d'ouverture et vont accepter la motion que nous présentons de bonne foi pour venir jeter un éclairage nouveau sur le projet de loi n° 2 sur le prolongement de l'autoroute 73 entre Beauceville et Saint-Georges.

Vous me permettrez, M. le Président, quand même, avant que j'entre dans le vif du sujet, de revenir quand même sur certains propos que le ministre a tenus, et également le député de Beauce-Sud, où on a tenté de comparer le...

Une voix: ...

M. Girard: ... -- Beauce-Nord, excusez-moi -- projet de loi n° 2 avec celui du dossier des wagons de métro, là. À ce que je sache, dans le dossier des wagons de métro, là, est-ce qu'on enlevait des terres et des biens à des citoyens qui avaient gagné devant les tribunaux? À ma connaissance, non. Non, on n'enlevait pas de terre puis on n'enlevait pas de bien à des gens qui avaient gagné devant les tribunaux.

Puis ça me permet de faire une parenthèse. Moi, j'ai eu l'occasion de rencontrer la coalition de La Pocatière, le 23 septembre dernier, puis ils ont rencontré le ministre tout de suite après la rencontre que j'ai eue avec eux. Puis, à cette époque, moi, on m'avait indiqué que le ministre leur avait dit lors de la rencontre: Bien, il n'y en aura pas, de loi spéciale, il n'y en aura pas, de loi spéciale sur les wagons de métro, puis, étrangement, une semaine plus tard, le ministre est arrivé avec un projet de loi. Ça, je vous avoue, je ne l'ai pas compris, je ne l'ai pas compris, celle-là. Ça, honnêtement, je ne l'ai pas compris, je ne l'ai pas compris. Puis, quand il y a eu le débat, d'ailleurs, sur ce projet de loi l'automne passé, le ministre s'en rappellera, nous, comme députés de l'opposition, on tentait de faire notre travail correctement, on posait des questions sur la nature du projet de loi, mais les... on souhaitait en poser aux gens de la Société de transport de Montréal, mais ils n'étaient pas présents. Je ne sais pas pour quelle raison. Est-ce que le ministre ou son Administration avait renvoyé les gens de la STM à Montréal? Mais c'est un projet aussi fondamental. On posait des questions, puis on n'avait de réponse, là. J'ai déploré ça. Nous, on posait des questions légitimes, puis on n'a pas... Malheureusement, les gens de la société de transport avaient déjà quitté. Je ne sais pas si c'est quelqu'un au ministère qui leur avait demandé de déjà quitter alors qu'on étudiait un projet de loi qui est quand même fondamental pour Montréal, pour les Montréalais -- je le sais, parce que je suis député montréalais -- mais je tenais à le souligner aujourd'hui.

L'autre chose que le ministre nous a dit, c'est de tenter de faire un lien entre le dossier du CHUM puis le projet de loi n° 2, là, ça, je vous avoue que j'ai beaucoup de difficulté à le suivre, mais en citant un article de Vincent Marissal, tenter de faire un lien avec ça, d'attribuer ça. Donc, moi, je le connais bien, ce dossier-là, M. le Président, parce que je suis le député de la circonscription de Gouin. Je représente les gens de La Petite-Patrie puis les gens de Rosemont. Puis le 6000, Saint-Denis, là, vous savez il était situé où? Il était situé dans ma circonscription électorale. Alors, tout le monde sait au Québec, là, que, si le ministre Couillard, à l'époque, qui avait gagné son bras de fer contre le premier ministre et député de Sherbrooke... Si on n'avait pas changé l'emplacement du 6000, Saint-Denis, là, aujourd'hui, l'hôpital accueillerait ses premiers patients. C'est ça, le fond de l'histoire. C'est ça, le fond de l'histoire. Puis c'était le meilleur site. Il y avait eu des études faites par la SICHUM qui démontraient que c'était le meilleur site. Puis, vous savez, à l'époque, les études qui avaient été faites démontraient où était le pire site pour installer le nouvel hôpital?

Une voix: Dans le Vieux-Montréal.

**(11 h 50)**

M. Girard: Le 1000... Oui, le 1000, Saint-Denis, oui. L'endroit où on disait: C'est le pire site pour installer l'hôpital, c'était là. Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Bien, il a choisi de l'installer là. Et avec les retards qu'on connaît. Il y a eu plusieurs reportages dans les journaux sur les retards dans la construction de ce nouvel hôpital là. Alors, moi, quand le ministre, là, veut tenter, en utilisant un article de journal, de faire une comparaison entre le projet de loi n° 2 puis le 6000, Saint-Denis, là, visiblement, là, j'ai beaucoup de difficulté à le suivre, parce que le fond de l'histoire, c'est que son gouvernement a changé le lieu puis l'emplacement de l'hôpital, puis aujourd'hui, bien, les patients... les patients ne peuvent pas être soignés dans ce nouvel hôpital là parce qu'ils ont choisi de changer le lieu de l'hôpital, alors que le meilleur site, c'était le 6000, Saint-Denis, 6000, Saint-Denis. Et les gens, tout le monde le reconnaissait, les gens... le milieu hospitalier, le milieu universitaire était d'accord avec ce choix-là, et le gouvernement a décidé de changer le site. Qu'il en assume les responsabilités, qu'il assume le fait que l'hôpital n'est pas encore ouvert à cause de la décision politique prise par Philippe Couillard, l'ancien ministre de la Santé, et approuvé par le caucus libéral, par le Conseil des ministres libéral. Ça, je tenais à rappeler ça au ministre.

Mais revenons à la motion, qui a été déposée par le député de Chambly, qui dit qu'il est proposé, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, que «la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le constitutionnaliste Henri Brun».

Je pense que ce serait intéressant de l'entendre, M. Brun, puis je me permets de citer certains extraits de sa biographie qui est sur le site de l'Université Laval. On dit que M. Brun est l'un des constitutionnalistes, là, les plus réputés au Canada, qu'il a obtenu un baccalauréat en philosophie, une licence en droit, une licence en histoire à l'Université Laval, séjourné à Paris pour y faire des études plus poussées. Il a un doctorat en droit, puis il est devenu professeur à l'Université Laval en 1967. Donc, ça fait plus de 30 ans que M. Brun a formé des milliers de juristes auxquels il a enseigné le droit constitutionnel, le droit administratif et les droits de la personne, donc quelqu'un qui a une réputation absolument extraordinaire.

Puis également on mentionne, sur le site de l'Université Laval, que -- pour le bénéfice du ministre et des députés ministériels, ça les incitera peut-être à appuyer notre motion et à permettre de l'entendre dans le cadre de cette commission parlementaire... On dit que M. Brun a aussi parallèlement été très actif en matière de recherche, que, jusqu'à maintenant, il a rédigé plus d'une centaine de volumes et d'articles spécialisés -- mon collègue en a cité des extraits tout à l'heure -- qu'en 2003 il a publié la 16e édition de Chartes des droits de la personne, un ouvrage de référence de plus de 1 300 pages. Il est également l'auteur, en collaboration avec Guy Tremblay, de Droit constitutionnel, c'est ça que mon collègue a cité, là, une véritable bible consultée par de nombreux juristes québécois et canadiens. Je pense que c'est une bible qui devrait être consultée par le ministre, par les gens du ministère des Transports avant de nous inciter à faire adopter cette loi, cette loi n° 2, puisqu'on a posé de nombreuses questions, on se pose des questions sur la constitutionnalité de cette loi, de façon légitime. Alors, je pense que ce serait intéressant de l'entendre, M. Brun, en commission parlementaire.

On dit aussi de M. Brun, sur le site de l'Université Laval, que c'est un expert qui est reconnu en droit constitutionnel et il a notamment siégé à plusieurs commissions d'étude et d'enquête. Il a été également consultant, avocat-conseil auprès de nombreux organismes. Il a dirigé le contentieux constitutionnel du ministère de la Justice. Bien, ça, c'est intéressant, d'autant plus que le Barreau a envoyé une lettre au ministre de la Justice. Peut-être que le Procureur général aurait dû consulter M. Brun avant d'autoriser le ministre des Transports à aller de l'avant avec son projet de loi n° 2, comme visiblement le ministre de la Justice -- bon, comme je l'ai dit tout à l'heure, on se demande s'il y a encore un ministre de la Justice au Québec -- aurait pu... À ce moment-là, comme visiblement on ne l'a pas consulté, bien, écoutez, je pense que ce serait une occasion d'entendre M. Brun en commission parlementaire, puis on pourrait inviter le ministre de la Justice, le Procureur général, à participer, à venir participer aux travaux de la commission, à entendre l'avis de M. Brun, parce que, visiblement, ils ne l'ont pas fait.

Alors, ça, je pense que c'est un élément important. Donc, on apprend ça, qu'il a dirigé le contentieux constitutionnel du ministère de la Justice. Puis on dit que l'expertise de M. Brun, il l'a aussi constamment mise au service de la cause du Québec. On dit qu'en 1978, dans le but d'assurer une représentation adéquate du gouvernement du Québec devant les tribunaux, Me Brun a fondé une firme d'avocats en droit constitutionnel, ce qui l'a conduit à plaider des dizaines de litiges de cette nature en Cour d'appel et en Cour suprême.

Alors, je pense qu'uniquement en lisant aujourd'hui... En présentant au ministre, aux parlementaires, que ce soient les députés du parti ministériel, que ce soit le député d'opposition, le député du deuxième parti d'opposition... Je pense qu'on fait une démonstration éloquente du talent, de la compétence de M. Brun et de la nécessité, compte tenu du projet de loi qui est sur la table, projet de loi n° 2 sur le prolongement de l'autoroute 73 entre Saint-Georges et Beauceville, que c'est important d'entendre M. Brun en commission parlementaire aujourd'hui. Donc, si le ministre en veut une copie, et les parlementaires, ça me fera plaisir de le déposer, là, pour le bénéfice... Je peux même le déposer pour le bénéfice des gens de la commission. Je peux le déposer. Ça permettra au ministre et aux parlementaires d'en prendre connaissance.

Document déposé

Le Président (M. Huot): Consentement?

Une voix: Consentement, oui.

M. Girard: Donc, c'est important de recevoir M. Brun, M. le Président, Me Brun, parce que, on a eu l'occasion de l'expliquer un peu plus tôt, le Barreau du Québec nous a dit, puis j'aimerais en citer des extraits... On nous dit, à la page 2 de la lettre qui a été acheminée au ministre de la Justice, Procureur général, également au ministre des Transports, une lettre qui est datée du 29 avril 2011, du directeur général, M. Claude Provencher... On dit... J'en cite un extrait, un paragraphe qui est fort significatif. On dit: «Dans un régime démocratique comme le nôtre, le respect de la règle de droit, de l'indépendance de la magistrature, du rôle de surveillance de la Cour supérieure et du droit des citoyens à l'équité procédurale sont nécessaires afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité juridiques. Une législation rétroactive compromet la sécurité juridique en ne permettant pas aux citoyens de connaître à l'avance les règles de droit qui s'appliquent à eux. Or, les justiciables doivent normalement pouvoir connaître à l'avance les règles juridiques qui régissent leurs relations avec l'État afin de pouvoir adapter leur comportement et d'ajuster leurs expectatives en conséquence.» Et là, fort pertinent, ce que dit le Barreau: «L'adoption de lois rétroactives n'est justifiable que dans des circonstances exceptionnelles où un impératif d'intérêt public le commande. Le Barreau ne voit pas clairement le motif supérieur d'intérêt public qui serait de nature à justifier la législation exceptionnelle envisagée.»

Et ils ajoutent: «Cette loi rétroactive, si elle est adoptée et mise en vigueur, privera d'effets une décision judiciaire déjà rendue par la Cour supérieure, et trouvera application malgré la procédure pendante devant la Cour d'appel.»

Et je veux revenir aussi sur un autre extrait de la lettre, puisque le ministre a fait référence à une intervention que j'ai faite tout à l'heure sur la question du remboursement des dépenses. La dernière partie de la lettre qui est signée par le directeur général, M. Provencher, il dit: «Par ailleurs, les parties concernées ont engagé des frais judiciaires et des honoraires auront été payés en pure perte, sans compensation. Telle que proposée, l'intervention du législateur dans ce dossier aurait pour effet de priver des citoyens du résultat de leur recours en Cour supérieure et de leur recours en appel au nom de l'intérêt général sans les indemniser pour le coût qu'ils ont assumé pour l'exercice de leurs droits.»

Il indique dans la lettre que «si le législateur décide tout de même d'adopter ce projet de loi, on devrait au moins y introduire une obligation de rembourser aux personnes concernées les dépenses faites pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux». Alors, c'est ce que dit le Barreau.

Et ce qui m'étonne, ce qui m'étonne, c'est que le ministre, encore une fois, a dit tout à l'heure qu'il refuse de s'engager à déposer un amendement pour tenir compte de l'avis du Barreau. Il n'y a aucune proposition concrète sur le remboursement des personnes concernées pour les dépenses qui ont été engendrées pour la défense de leurs droits. Et il y est allé avec un argument, à mon avis, qui ne tient pas la route, là. Il nous dit, là: Bien, l'opposition officielle, comme ils sont contre le projet de loi, ils ne peuvent pas déposer un amendement à la loi. Je veux dire, ça ne tient pas la route, là. Depuis quand, depuis quand, dans notre régime démocratique, une opposition ne peut pas déposer d'amendement à un projet de loi parce qu'elle est en désaccord avec le projet de loi? Voyons donc! Ça ne tient pas la route. Combien de fois on a siégé dans des commissions parlementaires, que ce soit le Parti libéral, le Parti québécois ou d'autres oppositions, où on était en désaccord avec un projet de loi, où on l'a amendé, où, à la fin, on a voté contre le projet de loi parce que globalement il ne nous plaisait pas, mais il y avait certains articles qui nous plaisaient? Mais le ministre vient de nous dire, comme on est contre le projet de loi: Vous ne pouvez pas déposer d'amendement pour rembourser les frais de ceux qui ont contesté la proposition gouvernementale sur le tracé. Voyons donc! Ça ne tient pas la route. Je n'en reviens pas que le ministre nous ait dit ça, aujourd'hui, en commission parlementaire. J'espère qu'il va profiter de la fin de semaine, qu'il va réfléchir et qu'il va nous annoncer lundi, à 14 heures, qu'il a l'intention de déposer un amendement pour rembourser les personnes concernées pour les dépenses qui ont été engendrées pour la défense de leurs droits devant les tribunaux, là.

Je rappelle que ces gens-là ont gagné devant la Cour supérieure, ils ont respecté toutes les règles, que le gouvernement veut leur enlever leurs terres, veut leur enlever leurs biens, puis en plus ces gens-là ont eu des menaces de mort, des menaces de brûler leurs fermes, puis en plus le ministre n'est même pas capable de s'engager, de s'engager à rembourser leurs frais. Jusqu'où, jusqu'où va s'arrêter le rouleau compresseur du ministre des Transports? Jusqu'où va-t-il aller? Il y a quand bien même des limites. On doit avoir du respect pour les citoyens qui ont contesté, qui ont contesté la procédure, qui ont contesté la décision du gouvernement. Alors, je pense que c'est important, M. le Président, que le ministre profite de la fin de semaine pour réfléchir à cette question-là, puis...

Le Président (M. Huot): Merci...

M. Girard: ...contrairement à ce que dit le député d'Orford, notre demande, elle n'est pas futile. Elle n'est pas futile.

Le Président (M. Huot): Je vais devoir...

M. Girard: Elle n'est pas futile.

Le Président (M. Huot): Je vais devoir vous interrompre parce que, compte tenu de l'heure... Je vous informe qu'il vous restera un peu plus de 10 minutes...

M. Girard: Merci.

Le Président (M. Huot): ...à votre intervention, mais, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission au lundi 30 mai, à 14 heures. Bonne fin de semaine à tous.

(Fin de la séance à 12 heures)

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