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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 18 février 2014 - Vol. 43 N° 12

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 37, Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Yves-François Blanchet

M. Gerry Sklavounos

Auditions

Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)

Municipalité régionale de comté de Nicolet-Yamaska (MRC de Nicolet-Yamaska)

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG)

Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ)

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Collectif Moratoire, Alternatives, Vigilance et Intervention (CMAVI)

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Autres intervenants

M. Laurent Lessard, président

Mme Denise Beaudoin

M. Scott McKay

M. Donald Martel

M. Sylvain Roy

M. Ghislain Bolduc

M. David Heurtel

*          M. Robert Masson, Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent

*          M. Philippe Chenard, idem

*          M. André Bélisle, AQLPA

*          Mme Sophie-Anne Legendre, idem

*          M. Alain Drouin, MRC de Nicolet-Yamaska

*          M. Jean-François Albert, idem

*          Mme Lucie Gervais, ACIG

*          Mme Shahrzad Rahbar, idem

*          M. Michael Binnion, APGQ

*          Mme Marie-Chantal Domingue, idem

*          M. Jean Baril, CQDE

*          M. Hugo Tremblay, idem

*          M. François-William Simard, FCCQ

*          M. Dany Lemieux, idem

*          M. Serge Fortier, CMAVI

*          M. Pierre Bluteau, idem

*          Mme Mylène Bolduc, idem

*          Mme Lise Perreault, idem

*          Mme Hélène Lauzon, CPEQ

*          M. Pierre-Olivier Pineau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

 (Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Lessard) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix : ...

Le Président (M. Lessard) : Ah! O.K. Il faut que j'attende l'image, hein?

Une voix : ...

Le Président (M. Lessard) : On s'est fait signe. Parfait. Merci. Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 37, Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marcotte (Portneuf) sera remplacé par M. Martel (Nicolet-Bécancour).

Le Président (M. Lessard) : Merci. Alors donc, à l'ordre du jour aujourd'hui, nous entendrons les personnes suivantes, les groupes suivants, donc l'Alliance… Après les remarques préliminaires, il y aura donc l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Donc, ça va durer pour l'avant-midi. Et, comme nous avons commencé un petit peu en retard, je demanderais déjà, tout de suite, le consentement pour perdurer au-delà de 11 h 45, tel que… pour lequel nous avons été convoqués. Alors, y a-t-il consentement pour aller au-delà de l'heure? Merci.

En après-midi, nous allons recevoir, donc, la MRC de Nicolet-Yamaska, l'Association des consommateurs industriels de gaz, l'Association pétrolière et gazière du Québec, le Centre québécois du droit de l'environnement et, en soirée, la Fédération des chambres de commerce du Québec, Collectif Moratoire, Alternatives, Vigilance et Intervention et, finalement, le Conseil patronal de l'environnement du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, nous débuterons sans plus tarder avec les remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez donc de six minutes pour vos remarques d'ouverture.

M. Yves-François Blanchet

M. Blanchet : Merci beaucoup, M. le Président. Chers collègues, messieurs, écoutez, c'est une circonstance heureuse, je pense, qui fait qu'on est tous ici ce matin parce que nous transportons un débat qui aura été important, intense, très animé chez les Québécois au cours des dernières années, nous le transportons dans un lieu qui prête à ce que cette discussion-là se fasse entre des citoyens, des groupes représentant des citoyens, des organisations et les parlementaires, et je pense que c'est tout à fait souhaitable pour d'assez nombreuses raisons.

Permettez-moi d'abord, au bénéfice des gens qui pourraient prendre connaissance… ou être à l'écoute de nos échanges, de rappeler très brièvement le contexte. Un premier BAPE avait établi que l'État ne disposait pas d'informations scientifiques suffisantes pour prendre une décision éclairée dans le dossier du gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent, qui était déjà, avouons-le, passablement enflammé. Le BAPE a donc demandé à être alimenté en données scientifiques, ce qui a donné lieu à la création d'un comité allant piloter une évaluation environnementale stratégique, laquelle évaluation environnementale stratégique a été maintenue par nous parce qu'on pense que l'exercice était important. Mais, plutôt que de nous restreindre au dépôt de recommandations par le comité de l'évaluation environnementale stratégique, nous avons fait le choix de reconfier, comme c'était le voeu initial, au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement l'étude des données qui auront été cumulées par l'EES.

• (10 h 10) •

Nous en sommes là, le mandat vient d'être confié au BAPE. Le BAPE va commencer ses travaux le 31 mars. Et, en parallèle de ça, par souci de cohérence, le gouvernement a décidé d'établir un moratoire sur les activités d'exploration et d'exploitation de gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent, essentiellement sur le shale dit d'Utica. C'est là où nous en sommes aujourd'hui. Nos discussions, normalement, vont porter de façon rigoureuse — qui pourrait être jugée étroite — sur le moratoire. Dans les faits, bien sûr, on s'attend un peu à ce que ça déborde, et je vous dirai que cette, peut-être, saine contamination de l'ensemble d'autres débats dans celui-ci peut faire l'objet de nos discussions si c'est fait de façon raisonnable.

La seule chose que je nous demande à tous, compte tenu de la façon dont ça s'est fait initialement dans la vallée du Saint-Laurent, compte tenu de certains enjeux d'actualité dont les médias font état avec des colonnes de chiffres de plusieurs couleurs, compte tenu de l'enjeu d'Anticosti, qui est apparu dans l'actualité récemment, et compte tenu de la façon dont le débat s'est fait sur le principe de ce projet de loi... Il y a un potentiel que ce soit très animé et effervescent, il y a potentiel de débordement. Je nous invite à aborder tous les sujets qu'on voudra aborder en donnant, bien sûr, la priorité à celui pour lequel nous sommes ici. Je nous invite à les aborder, mais à les aborder toujours en nous référant à la connaissance, à la science, à la volonté d'alimenter une réflexion publique avec, peut-être, un peu moins de rhétorique, un peu plus de faits, un peu plus de rationalité. Parce que, même si je comprends parfaitement bien — et j'en suis, et j'en fais partie — que des gens aient pu réagir de façon très intense au débat initial, maintenant, quand le moment viendra de le trancher, il faudra qu'on soit le plus rationnel possible dans le meilleur intérêt de la population du Québec. Alors, je nous souhaite de fructueux échanges. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lessard) : Merci, M. le ministre. Donc, je vais donc céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition, et député de Laurier-Dorion, et porte-parole en matière de développement durable et de l'environnement. Vous disposez d'un délai maximal de six minutes.

M. Gerry Sklavounos

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Je vous salue ainsi que la secrétaire de la commission. M. le ministre, mes salutations à vous, à toute votre équipe qui vous accompagne, les collègues ministériels, les collègues de l'opposition officielle et les gens... évidemment, en remerciant rapidement aussi les gens qui sont devant nous en ce moment et qui seront devant nous plus tard aujourd'hui et pour le reste de cette semaine.

Nous sommes ici, évidemment, dans des auditions publiques pour le projet de loi n° 37, qui est la Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste. Ce qu'il faut rappeler rapidement, c'est que ce projet de loi a été déposé au mois de mai 2013. Deux jours plus tard, l'opposition officielle, nous avons dressé notre liste de groupes que nous voulions entendre dans cette commission-là. Du moment qu'on a dressé notre liste et soumis au gouvernement, on n'a pas entendu parler de ce projet de loi durant une période de six mois. Ce projet de loi est réapparu sur le radar six mois plus tard, et le gouvernement, le leader du gouvernement — je me souviens de cet échange qu'il y a eu en Chambre — a demandé aux oppositions d'adopter le principe sans que le gouvernement ne s'engage à avoir des consultations.

Alors, juste pour reprendre rapidement ce que le ministre a dit au niveau de la conjoncture, je ne me souviens pas de quels termes il a utilisés, si nous sommes ici aujourd'hui pour ces consultations, c'est parce que l'opposition a exigé des consultations, c'est parce qu'à quelques reprises l'opposition a même ajourné le débat qui visait à prendre un vote pour adopter le principe sans que le gouvernement ne s'engage à faire des consultations. Et vous allez vous souvenir, tous les gens autour de la table vont se souvenir que même le député de Mercier, le député de Québec solidaire, le député de Mercier, s'était abstenu de voter avec le gouvernement à ce moment-là, appuyant l'opposition, qui exigeait des consultations de ces groupes-là. Et je me souviens de l'incident, qui a été, si vous voulez, un petit peu bizarre, surréel, où le député de Mercier se faisait accuser d'être pour l'exploitation et l'exploration des gaz de schiste parce qu'il avait exigé, lui aussi, avec les autres oppositions, qu'on ait des consultations. Et donc nous sommes très heureux que vous êtes devant nous, et nous sommes très heureux que nous allons donner l'occasion à d'autres groupes de se prononcer, et c'est dû à cette bataille-là, qui a été menée par l'opposition, de faire les choses dans un ordre qui est correct.

Je dois vous dire qu'évidemment, si quelqu'un écoutait les nouvelles jeudi soir, on se demandait ce qui allait se passer ici aujourd'hui parce qu'en écoutant les nouvelles jeudi soir je pense, tout le Québec, les gens partout, les observateurs se sont dit : On est devant une drôle de contradiction, si vous voulez, où on a un feu vert pour le pétrole de schiste, alors qu'on a un feu rouge pour le gaz de schiste. Les gens ont des questions, et, évidemment, ce sont des questions légitimes. Est-ce que la priorité, c'est l'environnement ici? C'est quoi, la priorité?

Parce que vous vous souvenez que, lorsque ce projet de loi a été déposé, on a regardé rapidement, il y avait des trous, il était, si vous voulez, à géographie variable. Ça ne couvrait pas la Gaspésie, ça ne couvrait pas l'Anticosti, et il y avait d'autres éléments qui étaient aussi fatigants, dont l'élément qui parle de l'annulation ou la suspension des permis sans indemnité, indemnisation, ce qui est quand même bizarre, hein? En Russie, sous Vladimir Poutine, ça ne serait pas nécessairement bizarre, dans un régime totalitaire, d'annuler un permis et ne pas compenser. Mais, dans notre tradition à nous, en Amérique du Nord, en Europe, en général, lorsqu'on est pour annuler un permis et lorsqu'on n'est pas pour respecter une décision prise par le gouvernement précédent, il faut quand même qu'on envisage à quelque part la possibilité d'un dédommagement, là, parce qu'il y a des investissements là-dedans. Et ça envoie un message très, très néfaste. Imaginez, ça envoie les messages du genre nationalisation, et saisies, et d'autres choses qui se sont passées dans d'autres juridictions qui ne sont pas notre juridiction à nous.

Il y a aussi la question de l'étude environnementale stratégique, que nous avons eue hier, à 5 h 40… 17 h 40, après les heures de bureau, qui a été déposée avec un communiqué du ministre. C'est bizarre aussi, il faudrait noter qu'initialement, lorsque l'ancien ministre de l'Environnement, député de Mont-Royal, avait demandé cette étude environnementale stratégique, il avait précisé qu'il voulait regarder et le pétrole de schiste et le gaz de schiste. Mais, en faisant comme une espèce de rappel à ce comité le 14 février 2013, le ministre actuel a précisé qu'il voulait absolument laisser de côté le pétrole de schiste. Il fallait, premièrement, ne pas avoir de recommandations et, deuxièmement, il ne fallait pas parler de pétrole de schiste. Alors, on avait déjà dit qu'on n'allait pas parler de pétrole de schiste, on avait laissé le territoire d'Anticosti exclu du projet de loi, il y a des questions.

Et nous l'avons reçu à la dernière minute hier, alors qu'on sait que le rapport est daté de janvier 2014. On a des questions pour le ministre. J'aimerais que le ministre profite de sa prochaine intervention pour nous dire depuis quand qu'il l'a et pourquoi ça n'a pas été divulgué un peu plus tôt. Si on est pour faire des consultations, il faut les faire avec tous les renseignements.

Vous savez, au niveau du la transparence, il y a des questions qui ont surgi, que ça soit au niveau de la rivière Chaudière, les BPC de Reliance, le rapport Alberta-Québec. Et je vous mentionne également que nous attendons aussi le plan d'action de ce gouvernement en matière de gaz à effet de serre, qui jouent là-dedans, et que nous n'avons pas vu encore. Alors, il y a plein de questions, et je suis sûr que certaines de ces pistes-là seront des pistes prises par les groupes qui parleront devant nous. Alors, avec grand enthousiasme et plaisir que j'attends des échanges très fructueux. Merci, M. le Président.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci beaucoup. Le temps alloué, donc, pour les remarques préliminaires étant terminé, nous allons procéder maintenant à l'audition. Je veux rappeler les règles concernant l'audition. Donc, le groupe devant nous et tous les groupes qui se présenteront auront 10 minutes pour leur présentation. Les échanges avec les groupes parlementaires seront de 35 minutes, soit 16 minutes pour le gouvernement, 15 min 22 s pour l'opposition officielle et 3 min 48 s pour le deuxième groupe d'opposition.

Auditions

Alors, sans plus tarder, nous allons donc débuter les auditions avec Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Donc, je vous souhaite la bienvenue. Je vous inviterais à vous présenter et à nous faire votre exposé. Alors donc, si vous voulez vous présenter pour les enregistrements officiels, et puis on va procéder par la suite aux échanges. Alors, la parole est à vous. Merci.

Alliance des villes des Grands Lacs
et du Saint-Laurent

M. Masson (Robert) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, j'aimerais, dans un premier temps, remercier la commission pour l'invitation transmise à l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent ainsi que pour l'occasion qui nous est offerte de présenter sa position sur le projet de loi à l'étude.

Je me présente, Robert Masson. Je suis le directeur des affaires gouvernementales et des communications. Et je suis accompagné ce matin par mon collègue, M. Philippe Chenard, gestionnaire de programme et des politiques.

Avant de commencer nos remarques à proprement parler, j'aimerais, tout simplement, porter à votre attention, et ce, sans surprise, je pense, que tant notre mémoire que nos commentaires ont été préparés avant le dépôt de l'étude environnementale stratégique et ne porteront que sur le projet de loi n° 37, le projet de loi qui est à l'étude, mais que, malgré cela, plusieurs des commentaires que nous ferons et puis plusieurs principes que nous soulèverons demeurent d'actualité.

Alors, l'alliance est une coalition binationale de plus de 110 villes, cités et autres organismes municipaux représentant plus de 17 millions de citoyens. L'alliance travaille activement auprès des gouvernements fédéraux, d'États, provinciaux, tribaux et des Premières Nations, et autres organismes d'intérêts, pour favoriser la protection, la restauration et la promotion des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. En date d'aujourd'hui, l'alliance compte au Québec 22 municipalités membres représentant plus de 3 millions de citoyens qui vivent à proximité des rives du Saint-Laurent.

En raison des impacts potentiels tant sur la santé et la sécurité des citoyens que sur les ressources en eau, l'alliance est, depuis 2010, impliquée dans la question des gaz de schiste. Ces dernières années, l'alliance a, en effet, déposé des mémoires lors de deux processus de consultation, soit au Québec, lors des audiences du BAPE en 2010, et au Department of Environmental Conservation de l'État de New York en 2012. La prochaine phrase qui suit résume en quelques mots la position de l'alliance, et puis, vous verrez, elle demeure d'actualité, qu'on se situe en aval ou en amont du dépôt de l'étude environnementale stratégique. Alors, en résumé, l'alliance appelle à la gestion prudente, efficace et responsable de l'industrie du gaz de schiste pour protéger l'intégrité de l'environnement naturel, le bien-être des citoyens ainsi que le rôle et les pouvoirs des municipalités.

Bien que les activités liées au gaz de schiste aient connu une hausse importante ces dernières années dans plusieurs régions des Grands Lacs et du Saint-Laurent favorisant des investissements, la création d'emplois et des revenus additionnels en redevances et impôts, des incertitudes persistent. L'exploration, l'extraction et le traitement des gaz de schiste poseraient, en effet, des risques environnementaux pour l'eau, l'air et le sol, sans oublier les impacts possibles sur les municipalités, tant sur leurs responsabilités à titre de premiers répondants que sur le plan financier.

L'alliance se soucie particulièrement des impacts liés aux niveaux d'eaux et à leur qualité, de la divulgation des additifs employés et des émissions des gaz à effet de serre. De plus, tel qu'indiqué dans une résolution adoptée par ses membres en juin 2012 lors de son assemblée annuelle, l'alliance demande une transparence accrue et une meilleure communication entre les gouvernements, les sociétés d'exploitation et les citoyens dans toutes les phases du processus de développement.

En février 2011, suite au dépôt du rapport du BAPE sur le développement durable de l'industrie des gaz de schiste, l'alliance s'est déclarée satisfaite que ses recommandations fussent très proches de ses propres propositions. La réalisation d'une étude scientifique indépendante et rigoureuse ainsi qu'une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et économiques étaient au coeur de nos préoccupations. Également, en accord avec les commentaires de l'alliance, l'approche proposée par le BAPE privilégiait l'acquisition de connaissances nécessaires à une prise de décision éclairée. Cela se traduit par une participation accrue des communautés locales, selon le respect des autorités et des citoyens, dans le processus décisionnel lors de tout nouveau développement gazier.

Avec votre permission, M. le Président, je céderai maintenant la parole à mon collègue, M. Chenard, qui présentera les principaux motifs de la prise de position de l'alliance sur le projet de loi à l'étude ainsi que nos recommandations.

Le Président (M. Lessard) : Alors, M. Chenard, la parole est à vous.

M. Chenard (Philippe) : Merci. Merci, M. le Président. Donc, en ce qui a trait au projet de loi présentement à l'étude, la position de l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent repose principalement sur les éléments suivants, à savoir :

Les incertitudes persistantes en ce qui a trait aux risques environnementaux liés à l'eau, à l'air et au sol dans le contexte de l'exploration, de l'exploitation et du traitement des gaz de schiste;

Les études toujours en cours au sujet de l'impact environnemental, social et économique des activités d'exploration, d'extraction et de traitement des gaz de schiste, notamment celles du Comité de l'évaluation environnementale stratégique en cours au Québec — du moins, jusqu'à hier soir — du Department of Health de l'État de New York sur les effets potentiels sur la sécurité publique et de l'Environmental Protection Agency ou U.S. EPA sur les ressources en eau;

Le devoir et les obligations des municipalités de protéger la santé, la sécurité et le bien-être de leurs citoyens, particulièrement en fournissant une eau potable saine;

Le potentiel d'impacts financiers sur les municipalités, advenant une fuite, une explosion ou tout autre incident significatif lié avec l'exploitation, l'exploration, l'extraction et le traitement des gaz de schiste, ainsi que l'assurance d'un niveau de préparation adéquat et d'équipement adapté et disponible pour les premiers répondants;

Les préoccupations récurrentes en ce qui a trait aux impacts des liquides de fracturation hydraulique sur les aquifères, à l'apport des gaz de schiste sur les émissions de gaz à effet de serre et à l'utilisation de composés chimiques non dévoilés dans de nombreuses juridictions;

Et, finalement, les incertitudes quant à la capacité des usines de traitement municipales à traiter efficacement et en toute sécurité les eaux usées découlant du processus de fracturation.

Pour ces raisons, l'alliance accorde son appui à l'esprit et aux objectifs du p.l. n° 37 tel que présentement formulé. En suspendant l'exploration, l'exploitation et le traitement des gaz de schiste durant une période prolongée, nous estimons, en effet, que le moratoire permettra à la fois une progression du niveau de connaissance scientifique ainsi que la mise en place, par une collaboration entre gouvernements, municipalités, industrie et autres acteurs pertinents, de normes réglementaires, de garanties financières et de processus d'intervention nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens dans l'éventualité d'une exploitation.

Bien qu'elle approuve l'adoption du p.l. n° 37, l'alliance soumet respectueusement à la commission trois recommandations visant à renforcer son application, favoriser la transition vers le prochain régime d'exploitation des hydrocarbures et à mieux desservir, selon nous, ses objectifs.

Recommandation n° 1. Le p.l. n° 37 bénéficierait, selon nous, d'une application plus large. Le texte actuel ne désigne, en effet, que le gaz de schiste, alors que le procédé par fragmentation hydraulique est aussi utilisé pour l'extraction du pétrole. Nous suggérons donc d'inclure dans le p.l. n° 37 l'ensemble des procédés d'extraction par fragmentation hydraulique.

Recommandation n° 2. Le territoire couvert par le p.l. n° 37 vise essentiellement la vallée du Saint-Laurent. Nous recommandons à la commission que son application, autant pour des motifs de simplicité que d'équité, comprenne l'ensemble du territoire québécois, ce qui inclurait d'autres régions présentement omises comme la Gaspésie ou l'île d'Anticosti. Dans le cas de l'île d'Anticosti, force est d'admettre que cette recommandation sera difficilement applicable, du moins pour les activités d'exploration, suite à la récente annonce de partenariat annoncée la semaine dernière par le gouvernement québécois.

Je me permets un petit aparté ici pour dire que, lorsqu'on parle des régions omises, l'accent est particulièrement fait sur les zones habitables. Nous avons eu, entre autres, des commentaires du maire actuel de Gaspé, qui reprenait — M. Côté — aussi la position de son prédécesseur, M. Roussy, comme quoi en Gaspésie il y avait 85 % du territoire qui n'était pas occupé ou habité, donc qui ne posait, évidemment, pas les mêmes obligations en termes de gestion de risques que les territoires habités.

Le Président (M. Lessard) : M. Chenard, je vous avise qu'il vous reste une minute pour votre présentation. Ça pourrait donner le ton.

M. Chenard (Philippe) : Oui, j'ai presque fini, M. le Président. Recommandation n° 3. L'application du p.l. n° 37 prendra fin avec l'adoption d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures ou à l'expiration du délai prescrit de cinq ans. Dans le but de permettre à la fois l'acquisition d'un niveau de connaissance adéquat, la mise en place de mesures et de normes assurant la sécurité tant des citoyens que des ressources naturelles, et notamment celles en eau, nous recommandons que le p.l. n° 37 soit appliqué minimalement pour une période de cinq ans.

En plus de ces recommandations, nous jugeons important de réitérer auprès de la commission plusieurs éléments additionnels, bien qu'ils dépassent le cadre du projet de loi présentement à l'étude. Ces éléments pourraient être considérés lors de l'adoption d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures afin d'assurer une gestion intégrée, efficace et responsable de l'industrie des gaz de schiste. L'alliance souhaite la plus grande cohérence possible entre toute nouvelle loi concernant les activités d'exploration, d'extraction et de traitement…

• (10 h 30) •

Le Président (M. Lessard) : Je dois vous aviser que votre temps, maintenant, est dépassé. Mais on va procéder aux échanges, donc vous aurez peut-être l'occasion de refaire votre point de vue là-dessus. Alors donc, je tiens à rappeler… Mais je vais essayer de le faire en vous avisant qu'il reste une minute pour, parfois, être capable de vous donner le temps et ne pas vous couper à la dernière seconde. Avant de passer, donc, la parole au groupe formant le gouvernement, donc, je tiens à rappeler les règles. Le groupe parlementaire, donc, formant le gouvernement aura 16 minutes, 15 min — par la suite — 12 s pour le premier groupe d'opposition, et le deuxième groupe d'opposition aura 3 min 48 s.

Alors, M. le ministre, vous disposez maintenant de 16 minutes pour, donc, faire votre présentation ou questionner, donc, nos invités. La parole est à vous.

M. Blanchet : Merci, M. le Président. Écoutez, d'abord merci beaucoup. Je vais me permettre, si vous me le permettez, mais je vais prendre le moins de temps possible de… Je n'ai pas le choix, là, il y a des éléments d'informaiton qui n'en sont pas qui ont été transmis. C'est à peu près ce que je voulais éviter. Il n'a jamais été dit — et j'aimerais voir les extraits de quelque galée que ce soit — que le gouvernement ne voulait pas d'audiences sur le projet de loi n° 37. Ça n'a jamais été dit nulle part, c'est d'une inexactitude complète. Mais, puisqu'il fallait trouver quelque chose pour s'accrocher, c'est ce qui a été inventé. Alors, s'il existe une citation de qui que ce soit du gouvernement qui dit : Nous ne voulons pas rencontrer les citoyens sur le projet de loi n° 37, qu'on nous la sorte.

En revanche, il y a quand même 41 organisations sur la liste de 70 et plus... de 70 organisations qui a été déposée par l'opposition officielle qui ne sont pas venues en commission parlementaire, qui ne l'ont pas jugé nécessaire.

Petit élément de fait aussi, les permis sont suspendus pendant le moratoire, ils ne sont pas annulés.

Enfin, je pense qu'on devrait totalement s'abstenir d'utiliser des mots comme «totalitaire» dans une démocratie, au Québec, d'autant plus que ma compréhension est que le geste du gouvernement du Québec, en imposant ce moratoire, qui, pour l'instant, est à l'étude avec l'appui de toute l'Assemblée nationale, est justement, enfin, d'avoir été à l'écoute de ce qu'était la volonté des gens de la vallée du Saint-Laurent.

Information technique, là, le rapport qui a été déposé, qui a été rendu public hier l'est à l'initiative du Comité sur l'évaluation environnementale stratégique. Je vous dirai toutefois qu'il aurait pu l'être deux jours plus tôt. Mais, compte tenu du contexte, essentiellement, de l'annonce d'Anticosti, qui aurait — comment dire? — fait passer sous le radar, ce qui n'est absolument pas ce que je voulais, je pense que c'est une bonne nouvelle que ce soit public et c'est une bonne nouvelle que le mandat aille au BAPE… on s'est parlé puis on a dit : On va faire ça lundi. Et voici tout le complot incroyable qu'il y a autour de ce moment. Notre activité devrait porter sur le moratoire, et non pas sur le fond. Donc, le moment du dépôt n'est pas un enjeu.

Maintenant, je comprends de votre mémoire et de votre présentation que vous êtes d'accord avec l'esprit général de la loi n° 37, mais que vous l'auriez voulue même un peu plus sévère, un peu plus restrictive. Je veux m'assurer d'une chose. Le processus que nous avons mis en place, qui est dans la foulée du premier BAPE, qui disait : Peut-on avoir davantage d'information?, donc qui est de compléter l'évaluation environnementale stratégique, mais de retransmettre au BAPE pour que ce soit le BAPE, qui, après des consultations publiques et parce que c'est sa manière de travailler… lui reviendrait avec des recommandations au gouvernement du Québec, avec, en parallèle, un moratoire, une suspension, donc, de toutes les activités… Cette démarche-là comme telle vous apparaît convenable? Peut-être une question… Allez-y.

M. Chenard (Philippe) : Merci. Merci, M. le ministre. Non, tout à fait. L'alliance et ses membres, on est… Comme mentionné dans notre mémoire, nous sommes tout à fait d'accord avec autant le texte que l'esprit. Les recommandations qu'on fournit, en fait, ça ne vise qu'à renforcer l'application du p.l. n° 37. Mais, pour ce qui est du principe d'un moratoire, ça, nous sommes entièrement pour.

M. Blanchet : Un point sur lequel on n'est pas exactement à la même place, mais je suis très ouvert et très curieux… Vous savez, comme je le disais en d'autres circonstances, le Québec, c'est trois fois grand comme la France. La réalité géographique, économique, démographique, géologique et, je dirais, dans ces dossiers-ci, historique même des enjeux, qui seraient ceux des différentes régions du Québec, sont très différents les uns des autres… Dans ce cas-ci, nous avons accès maintenant à un ensemble de données scientifiques, nous sommes documentés pour aller de l'avant avec un BAPE de façon articulée, BAPE qui avait lui-même dit, dans un premier temps : Écoutez, on ne peut pas vous faire de recommandations, on n'a pas de données scientifiques pour le faire. Dans ce cas-ci, ça marche.

Et vous soulevez le cas d'Anticosti, où on n'a pas de données scientifiques à l'heure où on se parle. Le gouvernement dit : Nous allons chercher les données scientifiques et les confier au BAPE si jamais il a raison de le faire, c'est-à-dire s'il y a un potentiel d'exploitation commerciale. Est-ce qu'il n'est pas normal qu'on reproduise, mais avec un encadrement plus serré, parce qu'on en fait partie, le même principe de cueillette de données préalable au BAPE à Anticosti que ce que vous saluez qu'on a fait, pour l'avoir fait, dans la vallée du Saint-Laurent?

M. Chenard (Philippe) : Je crois que, pour le cas de l'île d'Anticosti, que ce qui est intéressant, c'est qu'il s'agit peut-être d'un territoire peut-être plus approprié pour ce type d'exercice là. Si je reviens à l'exemple de la ville de Gaspé, où il y a — bon, ce n'est pas du gaz de schiste, c'est du pétrole de schiste — un projet de puits qui est dans le territoire municipal et près de zones habitées, là c'est certain que l'opposition serait plus grande. Mais, dans le cas d'une zone sur un territoire non organisé ou un territoire qui n'a pas du tout une présence de citoyens, là, je crois que, dans ce cas-ci, oui, ça serait plus acceptable.

C'est tout simplement d'avoir un cadre — puis ça, pour nous, c'est très important — qui permette aux municipalités de pouvoir faire face aux types de demandes ou aux types de projets que certaines compagnies pourraient faire. On l'a vu en 2010. Si j'avais été l'industrie des gaz de schiste, j'aurais peut-être agi avec moins de précipitation. Puis je pense que c'est cette précipitation qui a, finalement, heurté beaucoup leurs propres initiatives et leurs propres projets. Donc, autrement dit, je crois que les préoccupations principales de nos membres — puis, là-dessus, on fait juste écho à qu'est-ce que d'autres associations font comme l'UMQ ou la FQM — c'est que les municipalités aient, tout de même, leur mot à dire puis puissent contrôler du moins les activités, que ce soient des activités d'exploitation ou, à prime abord, d'exploration dans leur territoire, dans les zones habitées ou près de leurs ressources en eau.

Pour ce qui est de l'île d'Anticosti, bon, les chevreuils n'ont pas le droit de vote, l'impact est sans doute moins grand, du moins pour les municipalités. Il y a peut-être une latitude qui est beaucoup plus grande que s'il s'agissait, là, d'un territoire municipal. Ça fait que, dans ce cas-ci, je crois qu'il y a… ça peut tout à fait se défendre puis se justifier.

Le Président (M. Lessard) : M. le ministre, je vais vous laisser la parole, mais je vois que vos collègues de Mirabel et de Repentigny m'ont signifié qu'ils voulaient poser des questions.

M. Blanchet : Par la suite.

Le Président (M. Lessard) : Par la suite, parfait. Je vais vous laisser juste organiser votre temps. Alors, M. le ministre.

M. Blanchet : Rapidement. Est-ce que je comprends que, si nous déployons des mesures de collaboration étroite avec la municipalité de Port-Menier, bien sûr, mais qui est environ 1 % du territoire de l'île d'Anticosti, là, en termes de territoire occupé, et, par exemple, Gaspé — mais ça, c'est déjà pratiquement quotidien, là, la collaboration ou la relation est très, très étroite — on est en mesure d'avoir un déploiement responsable et sécuritaire de ce qui vous semble nécessaire?

M. Masson (Robert) : Je pense qu'une démarche comme celle que vous mentionnez rencontre les principes que l'alliance défend, à savoir que la gestion doit être prudente, la collaboration des municipalités doit être acquise, et puis l'acquisition de données scientifiques est également importante. Donc, tout ça, ça dresse un petit peu, là, la toile de fond de notre position, puis je pense qu'une démarche comme celle que vous venez de mentionner rencontrerait ces critères-là.

M. Blanchet : Dernière question, très rapidement. J'aimerais que vous nous disiez... L'alliance représente des villes à l'extérieur du Québec. Donc, j'imagine qu'il y a l'Ontario et il peut y avoir des villes américaines dans cette alliance. Vous êtes au courant, évidemment, de l'entente Québec-Californie en termes de gestion des gaz à effet de serre, le marché du carbone, et que, par le principe de compensation, un territoire donné peut réduire ses émissions de gaz à effet de serre de façon significative par le principe de compensation autant que par une réduction réelle.

Est-ce qu'en vertu de ça on peut considérer que, si — si, parce que la démonstration est à faire — il y a un enjeu d'émission de gaz à effet de serre dans l'exploitation et l'exploration par le biais de fracturation, que cet enjeu-là — puis je ne parle pas tellement de la vallée du Saint-Laurent que d'autres secteurs — serait couvert et que les objectifs de réduction du Québec seraient quand même atteints par le principe de compensation en vertu du marché du carbone?

M. Chenard (Philippe) : C'est certain que, sur ce point précis, là, il faudrait refaire une consultation avec nos membres, mais, pour ce qui est du principe, comme vous le dites, de compensation, ça n'empêche pas les émissions d'arriver, mais, au moins, ça permettrait à la province, là, d'améliorer son bilan là-dessus. Donc, pour nous, à prime abord, ça serait une piste intéressante.

M. Blanchet : Merci.

Le Président (M. Lessard) : Parfait. Je reconnais donc la députée de Mirabel et vice-présidente de la commission.

Mme Beaudoin : Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais saluer le nouveau président de cette commission, le féliciter pour sa nomination. M. le ministre, les collègues de l'Assemblée nationale. Messieurs, d'abord, merci pour la présentation de votre mémoire. Si je comprends bien, d'après votre mémoire et d'après vos réponses à M. le ministre, un moratoire permettrait bien de calmer les esprits, là, selon vous. Est-ce que c'est exact?

• (10 h 40) •

M. Chenard (Philippe) : Pour nous, en fait, je vous dirais, ce n'est pas tant de calmer les esprits. On a vu en 2010 que ça s'était échauffé, tout de même, il faut le reconnaître. Comme mon collègue l'a mentionné, en fait, à l'alliance, on a, par nature et pour tous les dossiers, une approche très pragmatique, mais avec un principe de précaution qui soit le plus élevé possible. Donc, si le moratoire permet d'avoir la meilleure acquisition des connaissances possible... Là, c'est sûr que l'EES vient de publier ses recommandations hier, mais, si le moratoire permet d'avancer la connaissance et, surtout, la mise en place de mesures de protection, de garantie financière puis de collaboration avec les citoyens puis les municipalités, eh bien, pour nous, ça ne peut être que positif.

Mme Beaudoin : Ma question principale, là, concerne l'une de vos recommandations. À la page 8 de votre mémoire — et je le cite — cette recommandation-là, vous dites : «L'alliance demande finalement la création d'un fonds de redressement et d'indemnisation pour les municipalités, financé par des droits versés par l'industrie des gaz de schiste, au cas où surviendraient des impacts négatifs dans leur territoire suite à des activités d'exploration, d'extraction ou de traitement.» J'aimerais avoir plus de détails sur ce que vous demandez. Est-ce que vous avez des montants qui ont été fixés pour cette demande-là?

M. Chenard (Philippe) : Je vous dirais, à prime abord, non, pour la simple raison qu'il fallait d'abord connaître l'étendue de l'activité. Ça, ça demeurait une grande inconnue autant en 2010 que maintenant. Juste pour bien comprendre le mécanisme, c'est qu'autant pour le dossier des pipelines que pour le dossier des gaz de schiste ou de l'industrie maritime l'alliance a toujours préconisé une couverture à deux niveaux — bien sûr, une couverture d'assurance — qui soit adéquate. Et ça, on en avait même parlé lors d'autres présentations à partir de 2010, même avant l'incident malheureux, là, ou même tragique de Lac-Mégantic, donc, d'avoir une couverture d'assurance qui soit suffisante.

Mais aussi, étant donné les délais qui sont souvent encourus pour le traitement des demandes aux compagnies d'assurance, on trouverait que ça soit important qu'il y ait des fonds de couverture sur le modèle de qu'est-ce qui existe ailleurs — je pense, entre autres, à la Colombie-Britannique ou dans certains États américains — qu'il y ait des fonds de couverture qui soient capables de répondre rapidement aux besoins des municipalités. Et ça, là-dessus, il y a un modèle qui existe actuellement dans le domaine maritime au Canada, où il y a un fonds de prévoyance pour les cas de déversement maritime qui pourrait servir de modèle. Par contre, pour ce qui est de l'étendue, ça, je vous avoue qu'on n'est pas rendus à ce niveau de détail là. Puis il faut comprendre aussi que les compagnies de gaz de schiste sont souvent des compagnies… À part peut-être Junex et Talisman, ce sont souvent des compagnies qui sont dans leur lancement. Donc, les modalités financières, nous ne sommes pas rendus là encore.

Le Président (M. Lessard) : Pour les fins des échanges, le député de Repentigny m'avait demandé le droit de parole. Ça fait qu'on serait peut-être rendus là, étant... Il reste environ trois minutes.

M. McKay : Trois minutes?

Le Président (M. Lessard) : Oui.

M. McKay : Oui. Bien, merci, M. le Président. Alors, je vais saluer, moi aussi, M. Masson, M. Chenard et saluer notre nouveau président de la commission, vous souhaiter la bienvenue.

En ce qui concerne la question de l'eau, vous savez sûrement qu'en 2009 l'Assemblée nationale a adopté une loi qu'on appelle de façon plus courte, là… je ne vous donnerai pas tout son nom, mais qu'on appelle la loi sur l'eau, donc, qui réaffirmait le caractère collectif… et on reconnaît un principe fort important. Je pense que l'opposition officielle aurait avantage à relire ce projet de loi là... bien, cette loi-là, qui a force de loi maintenant, parce qu'on y reconnaît un principe qui est une grande avancée dans le domaine du droit environnemental, c'est-à-dire le principe de l'État comme gardien des intérêts collectifs de la nation dans ses ressources en eau, puisque l'eau est un bien collectif. Et, dans ce cadre-là, on reconnaît — et c'est une loi qui avait été adoptée sous le précédent gouvernement — justement à l'État le droit de cesser des prélèvements en eau s'il y a un danger ou une menace pour la qualité de l'eau, et ceci, sans indemnité de la part de l'État. Donc, c'est un principe qui est de base. Et on pourrait le résumer ainsi, c'est que ça n'existe pas, un droit acquis à polluer au Québec.

Alors, par rapport à ça… Et il ne restera pas grand temps pour répondre à la question, mais moi, j'aimerais ça, éventuellement, si vous pouviez élaborer sur, justement, comment est-ce qu'on peut... Parce que vous dites : Il faudra que, pendant ce moratoire-là, qu'on prévoie des mesures pour l'après-moratoire, et comment est-ce qu'on peut concilier les besoins en eau de l'industrie des gaz de schiste, puis les critères environnementaux, puis les sociaux… de la population et des municipalités qui les représentent?

M. Chenard (Philippe) : Bien, très rapidement... Je ne sais pas combien de temps dont je dispose.

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste une minute…

M. Chenard (Philippe) : Une minute?

Le Président (M. Lessard) : Un peu plus.

M. Chenard (Philippe) : Bon, je crois que la clé de cette question-là… C'est certain qu'à un niveau macro, bon, il va avoir une loi qui, éventuellement, va être appliquée, mais je crois qu'une des réponses importantes à cette question-là, c'est d'avoir vraiment une possibilité, pour les collectivités locales, les municipalités, d'avoir un dialogue avec l'industrie et le gouvernement pour savoir de façon précise, pour une MRC, pour une municipalité donnée, de quelle façon l'industrie va se déployer. Parce que, comme vous l'avez mentionné lors de la commission, la géographie du Québec est très différente. Je crois qu'il faut que, dans les mécanismes, dans la façon que ça va se faire… il faut que l'industrie puisse dialoguer avec les intervenants, les citoyens des municipalités pour dire : Bien, voici la façon que nous allons procéder, et qu'il y ait vraiment une compréhension puis un dialogue pour que l'extraction ou la prise de ressources en eau se fasse de façon adéquate et responsable, pas que l'industrie arrive et, de façon unilatérale, sollicite un tributaire ou une rivière, et que, s'il y avait, par exemple, un épisode de sécheresse important, qu'il pourrait y avoir des problèmes d'approvisionnement. Ça fait que je pense qu'une des clés, des réponses, c'est vraiment le dialogue au niveau local.

Le Président (M. Lessard) : Quatre secondes. Je pense que le temps est expiré. Alors donc, le temps réservé pour la partie gouvernementale est expiré. Nous allons donc passer, pour une période de 15 min 12 s, au groupe formant la première opposition. Donc, le député de Laurier-Dorion et porte-parole officiel en matière de développement durable et de l'environnement, la parole est à vous.

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Masson, M. Chenard. Merci de votre présentation, votre présence ici aujourd'hui. Je ne veux pas m'éterniser sur la question des consultations, là, avec mon collègue parce qu'on est plutôt ici pour vous entendre. Évidemment, je ne sais pas si vous allez vous souvenir de la période de marchandage qu'il y a eu, où le gouvernement nous disait que, si on n'adoptait pas le principe, on n'était pas capable de nous assurer des consultations. Alors, bien que le gouvernement n'a jamais dit qu'il ne voulait pas de consultations, on a marchandé les consultations pour une adoption du principe du projet de loi. C'est dans les galées, c'est partout, on pourrait faire la vérification, et le ministre pourrait revenir par la suite. On a les déclarations du leader du gouvernement là-dessus.

Je vous rappelle rapidement que la position de notre formation politique a toujours été claire. En tout temps, les libéraux ont toujours dit que le développement du gaz de schiste allait se faire correctement, ou pas du tout. On a toujours été clairs là-dessus, et la position du parti était d'attendre la fin de l'évaluation stratégique environnementale, qui allait nous éclairer, qui allait pouvoir stimuler le débat, nous éclairer sur la faisabilité des activités d'exploration, d'exploitation au Québec. Seulement à l'aboutissement de ce processus, une fois qu'on avait ces données-là, qu'on a eu le temps de les regarder, de les évaluer, de les analyser, seulement à la fin de ce processus, si nous avions la certitude que les activités d'exploration et d'exploitation pouvaient se réaliser selon les meilleurs principes de développement durable — évidemment, les 16 principes, de concert avec l'accord de la population parce que c'est très important, et vous l'avez mentionné en quelque part, mais je vais revenir, ce que vous avez dit concernant les chevreuils, M. Chenard — nous allions déterminer seulement à ce moment-là si c'était envisageable d'aller de l'avant. Ça prenait, évidemment, l'acceptabilité sociale et le reste. Aucun permis d'exploitation n'allait être autorisé tant et aussi longtemps qu'une loi aussi pour encadrer ce secteur n'allait pas être adoptée. Alors, c'était notre position. On n'était pas des gens qui avons dit : Écoutez, on ne va pas attendre, on va aller… Ça ressemble bien plus à ce qu'on voit, si vous voulez, aujourd'hui à Anticosti, où on se dit qu'on va aller au niveau de l'exploration et que le BAPE va se faire par la suite, sachant pertinemment, évidemment…

Et vous mentionnez, en quelque sorte, dans votre mémoire que le procédé est le même, quand on parle de fracturation, là, que ce soit pétrole de schiste ou gaz de schiste, c'est le même procédé. Dans un cas, on s'inspire — et comme je l'ai dit tout à l'heure — de la Russie, on suspend des permis sans indemnisation. Et, bien qu'il n'y a pas de droit de polluer, lorsque le gouvernement lui-même a, avec une couleur de droit, émis un permis sur la base de ce qui était connu à ce moment-là, il y a, je crois, une injustice flagrante de révoquer ce permis sans une indemnisation si l'état des connaissances a évolué. Ce n'est pas une question de... le droit de polluer, c'est que le gouvernement lui-même avait émis ce permis-là, et c'est le même gouvernement qui suspend ce permis-là. C'est le gouvernement, dans le fond, qui change de position suite à l'évolution des connaissances, et ça, ce n'est pas la faute de l'entreprise comme ce n'est pas la faute du gouvernement. Mais dire qu'on va révoquer ou suspendre — «suspendre», c'est le bon mot du ministre — sans aucune indemnisation, ça rappelle pas mal ce qui se passe dans d'autres régimes.

Mais, dans l'autre cas, d'Anticosti, on s'inspire plutôt des États-Unis, et non pas de la Russie. On s'inspire plutôt du «drill, baby, drill», où on va directement sans passer par le BAPE, puis on se dit : On va faire le BAPE par la suite. Mais ce qu'il faut clairement comprendre — et vous le mentionnez dans votre mémoire — c'est qu'au niveau de l'exploration comme telle il y a le procédé de fracturation hydraulique. Alors, vous, quand vous parlez d'étendre, en quelque sorte, vous auriez… vous trouvez, en quelque sorte, contradictoire, si je vous comprends bien, d'avoir le pétrole de schiste pas encadré de cette façon-là et le gaz de schiste encadré de cette façon-là. Est-ce que je comprends bien, un petit peu, ce que vous dites dans le mémoire, M. Chenard?

• (10 h 50) •

M. Chenard (Philippe) : Pour être bien franc, M. le député, il faut comprendre que le mémoire a été rédigé avant l'annonce. Donc, on n'avait pas eu la prescience de savoir qu'il allait y avoir de la collaboration entre le gouvernement québécois et la compagnie, dont j'ai oublié le nom… ou les compagnies parce qu'il y en a plus qu'une qui sont impliquées.

Ceci étant dit, c'est certain qu'on n'est pas là, ici, pour juger ce projet-là en tant que tel. Nos commentaires portent spécifiquement sur p.l. n° 37. Mais c'est certain que, s'il doit y avoir une activité, comme M. le ministre l'a mentionné, qu'on souhaite et on espère que ce soit dans le meilleur encadrement et l'application des normes environnementales les plus élevées possible. Et on espère que les résultats de ces explorations-là sauront servir à faire avancer, tel qu'on l'a mentionné aussi, là, la connaissance scientifique et qu'ensuite les municipalités et tous les autres acteurs bénéficient de cette avancée de connaissance là. Mais, dans le principe, oui, si on prend le cas d'autres municipalités, que ce soit pour du gaz ou du pétrole de schiste, surtout dans les zones habitables, on souhaiterait que le moratoire soit élargi.

M. Sklavounos : Alors, votre recommandation n° 1, dans un sens, c'est ça : «Le texte actuel ne désigne que le gaz de schiste alors que le procédé par fragmentation hydraulique est aussi utilisé pour l'extraction du pétrole — vous le dites assez clairement. Nous suggérons donc d'inclure dans le projet de loi n° 37 l'ensemble des procédés d'extraction par fragmentation hydraulique.»

Vous mentionnez aussi ailleurs dans votre mémoire la question des produits chimiques, les composés chimiques qui sont non dévoilés, etc., et qui rentrent dans la fracturation hydraulique. C'est exactement la même chose au niveau du pétrole, c'est pas mal le même procédé.

M. Chenard (Philippe) : En principe, oui. Je n'ai pas la prétention… je ne suis pas un expert technique, ni un géologue, ni un ingénieur, mais, pour ce qui est de notre compréhension, oui, il y a des produits chimiques qui sont utilisés dans tous les procédés de fracturation. Et, ceci dit, nous sommes conscients aussi qu'il y a une question de droits, des droits de propriété sur le cocktail ou le mélange. Mais, un petit peu comme... faire un parallèle avec la situation pour le chemin de fer, où il y a des principes de non-divulgation qui doivent être signés par les municipalités dans le processus où les compagnies de chemin de fer informent les municipalités pas de la composition, mais du contenu de leur transport ferroviaire, bien, ce serait un peu l'adoption d'un même principe où il y aurait cette information-là qui serait, au moins, divulguée aux premiers répondants puis aux autorités compétentes, que ce soit au niveau provincial ou fédéral. Donc, on trouve que ce serait, au moins, un minimum, là, pour les compagnies impliquées.

M. Sklavounos : Et je vous dirais que, même dans certaines juridictions et même ici, aux dernières nouvelles, il y a des représentants de l'industrie qui seraient d'accord pour que ces composés chimiques soient divulgués, là. Dans d'autres juridictions, c'est le cas. Et même ici, aux dernières nouvelles, il me semble — et on va avoir l'occasion de les entendre — qu'une divulgation volontaire, de la transparence peut juste être bénéfique, là, pour les citoyens et pour le public en général.

Une autre question. Vous parlez à la page 5, au bas de la page… vous mentionnez que l'esprit et les objectifs du projet de loi n° 37, tels que présentement formulés, vous les appuyez. Et je vous dirais que, d'une certaine façon, nous aussi, on s'était dits d'accord, le temps de laisser progresser la science. Vous avez mentionné que… Évidemment, l'étude environnementale stratégique est tombée à 17 h 48, hier soir. Avez-vous eu l'occasion de la regarder ou de l'analyser avec… Évidemment, vous êtes les représentants d'un plus large groupe. Évidemment, vous avez aussi des gens qui ont les connaissances dont vous avez mentionné tout à l'heure ne pas posséder ces connaissances-là. Avez-vous eu le temps, l'occasion de pouvoir, je ne sais pas, faire un appel conférence téléphonique, quelque chose pour essayer de... Je sais que le mémoire comme tel était déjà écrit, je comprends, mais, au niveau de l'analyse, est-ce que vous avez eu l'occasion ou ça a été impossible, vu le peu de délai entre la divulgation de l'étude environnementale stratégique et votre présence ici aujourd'hui?

M. Chenard (Philippe) : Je vous dirai, M. le député, que c'est un exercice que l'on va certainement faire dans le futur rapproché. Et ça, là-dessus, oui, et, comme pour tous les autres dossiers où il y a une dimension scientifique ou de connaissances techniques plus fines, habituellement, à l'alliance, on diffuse l'information auprès de nos membres et, ensuite, on a des suivis. Étant donné que, dans les municipalités, il y a cette connaissance technique qui est présente, bien, on compte, bien sûr, sur l'apport de nos membres là-dessus. Donc, c'est un exercice que nous allons certainement faire.

M. Sklavounos : Une autre question. Je vous dirais, on comprend tous, il y a une partie, là, de l'étude environnementale stratégique qui était claire, là, même si on a lu juste le résumé. Évidemment, il y a une certaine conjoncture économique qui fait en sorte qu'en ce moment le marché, la rentabilité... on ne peut pas être sûr que c'est le bon moment, là, au niveau d'avoir, comme disent les Anglais, «a bang for our buck», ce n'est peut-être pas le bon moment en ce moment. On n'est pas si pressé, je pense qu'il n'y a personne qui est pressé. On a dit vouloir progresser la science, nos collègues d'en face veulent un moratoire. Est-ce que vous, dans l'éventualité où vous auriez l'occasion de prendre connaissance de l'étude environnementale stratégique, pouvoir consulter vos membres, vos experts... ne serait-il pas intéressant de pouvoir revenir devant nous à un moment donné et vous prononcer après avoir eu le temps d'analyser cette étude environnementale stratégique, consulter vos experts, vos membres? Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être envisageable pour vous de pouvoir revenir devant cette commission?

M. Masson (Robert) : Certainement, quand on aura eu la chance de se pencher sur ce rapport-là, quand on aura pu en avoir discuté avec nos membres. C'est certain qu'il y a beaucoup de choses... Nous pensons qu'il y a beaucoup de choses dans cette étude-là, qui va répondre à beaucoup de questions qu'on avait soulevées.

Quant à l'opportunité économique de procéder, bien, nous, ce qui nous intéresse davantage de par les membres qu'on représente, c'est de, premièrement, aller chercher l'information scientifique, s'assurer que le développement se fasse de façon harmonieuse le plus possible, que les villes et municipalités puissent avoir leur mot à dire. Mais on comprend qu'ultimement c'est le marché qui va décider de l'exploitation, une fois qu'on aura pu répondre à toutes les questions qui étaient en amont du processus.

M. Sklavounos : Alors, sachant pertinemment qu'en ce moment il n'y a pas d'exploitation, il n'y a pas d'exploration, de facto, il y a un mémoire... un moratoire — j'ai-tu dit mémoire? — …

Une voix : Oui.

M. Sklavounos : …oui, moratoire, vous, vous ne serez pas en désaccord qu'on puisse reporter ou mettre la pédale douce, attendre, faire ce débat, avoir l'analyse de l'étude environnementale stratégique? De toute façon, un, la conjoncture n'est pas rentable. Ça, bon, on va tous être d'accord ici, je pense qu'on ne peut pas contester ces données-là. Deuxièmement, dans les faits, il n'y a rien qui se passe en ce moment, là, il y a… Et, troisièmement, le débat serait probablement beaucoup plus éclairé. On pourrait revenir un petit peu plus tard ou faire une deuxième version d'une consultation, procéder rapidement pour essayer de passer un moratoire, alors que, premièrement, on exclut des territoires, deuxièmement, l'état de la science n'était pas tout à fait clair au moment que... Il y aura peut-être d'autres groupes qui auront l'occasion de se prononcer un petit peu plus tard dans la semaine, ils auront eu un petit peu plus de temps, mais, je vous dirais, ça laisse très, très peu de temps, là.

Et, évidemment, vous savez qu'après cette semaine on tombe en congé... pas en congé, mais en travaux de circonscription, mais il y a un congé parlementaire, dans le sens qu'il n'y a pas de travaux ici. Et par la suite, évidemment, il y a des rumeurs, il y a des rumeurs électorales qui circulent, de plus en plus pressantes. Ça fait que, pour vous, il ne s'agit pas d'aller plus vite que nécessaire ici. On est probablement... Vous êtes d'accord avec nous qu'on peut tous bénéficier de prendre notre temps, étudier l'étude environnementale stratégique, consulter et revenir pour discuter à tête reposée, sans avoir aucune échéance en tête, de cette question-là qui est très importante au niveau de la population.

• (11 heures) •

M. Chenard (Philippe) : Mais c'est certain qu'en gros, si nous avions l'invitation de la part de la commission ou d'autres instances, que ce soit le prochain BAPE, bien, c'est certain que nous serions tout à fait disposés, là, à poursuivre la réflexion collective.

M. Sklavounos : Et d'avoir cette invitation avant qu'on puisse légiférer, là, avant qu'on puisse passer ou essayer de passer un projet de loi, ça serait juste normal, la consultation avant.

Alors, j'ai une dernière question pour vous. Et je ne sais pas combien de temps qu'il reste, M. le Président.

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste 1 min 12 s.

M. Sklavounos : Oui, 1 min 12 s. Juste rapidement, lorsque vous parlez du fait que, malgré le moratoire, on… Vous estimiez qu'on pourrait progresser au niveau de la connaissance scientifique, pouvez-vous me dire de quoi vous parliez exactement? Est-ce que c'était l'étude environnementale stratégique? Comment envisagez-vous approfondir les connaissances s'il y a un moratoire, puis il n'y a pas de procédés scientifiques qui peuvent être testés sur le territoire?

M. Chenard (Philippe) : Oui. Bien, en fait, il y a deux choses. Il y a d'abord la poursuite des activités d'exploration comme… Elles vont se dérouler à l'île d'Anticosti. Donc, ça, c'est peut-être davantage une approche empirique. Mais, en dehors de l'EES, il y a des études très importantes dans un contexte nord-américain. Comme on l'a mentionné, il y a une étude en cours de l'État de New York qui devait être annoncée l'an dernier, mais qui se poursuit encore et qui est une étude très… qui focalise beaucoup sur les questions de santé publique. Il y a la U.S. CPA qui fait une étude très importante sur les impacts sur les ressources en eau. Ça aussi, c'est une étude, un peu comme l'EES, qui a pris plus de temps que prévu. C'est une étude très importante que fait cette administration-là présentement et dont les résultats sont très attendus. Donc, c'est certain qu'il y a un contexte… On voit, en gros, qu'à l'échelle nord-américaine que tous les exercices d'évaluation ont tendance à prendre plus de temps que prévu. Et, comme il y en a certaines qui arrivent à…

Le Président (M. Lessard) : Excusez, je vais devoir vous interrompre, malheureusement, étant donné que le délai imparti pour le premier groupe d'opposition est expiré. Nous allons passer, donc, au critique d'opposition officielle du deuxième groupe d'opposition, qui est critique, donc, en matière d'environnement, développement durable, faune et parcs. La parole est à vous pour 3 min 48 s.

M. Martel : Merci, M. le Président. Puis je tiens à vous féliciter pour votre nomination et saluer tous mes collègues de l'Assemblée nationale pour cette commission.

En premier, dans mon ancienne vie, j'étais directeur général de la MRC de Nicolet-Yamaska, puis, vraiment, où est-ce que le territoire est situé, c'est vraiment une zone importante de potentiel de gaz de schiste. Puis, quand ça nous est arrivé, les premiers tests, pour voir le potentiel de tout ça, une des frustrations qu'on avait au niveau de la MRC, c'était avoir de la compétence, de la connaissance pour alimenter les maires par rapport à tout ce phénomène-là. Moi, je me demandais, dans votre organisation, c'est de quel genre de compétences vous bénéficiez pour vous alimenter, pour vous… qu'est-ce qu'il y a comme compétences au sein de votre organisation à ce niveau-là.

M. Chenard (Philippe) : Si vous parlez de l'équipe, nous sommes une équipe très réduite, nous sommes six personnes réparties dans quatre villes. Donc, c'est certain que nous, notre compétence et notre expertise, pour des sujets très techniques comme celui-ci, on ne l'a pas nécessairement à l'interne. Mais, par contre, on sait où aller la trouver. Et, dans ce domaine, qui touche plus la pétrochimie ou les questions énergétiques, nous avons quand même plusieurs municipalités qui sont actives ou qui ont une certaine connaissance approfondie du domaine. Donc, c'est certain que nous, pour se faire une tête, comme on dit en bon québécois, on doit… et, par nature, c'est quelque chose qu'on fait régulièrement, on va consulter nos municipalités membres et celles qui ont une connaissance, évidemment, là, du sujet. Donc, on doit se référer à la connaissance scientifique, mais, bien sûr, à la connaissance de nos membres.

M. Martel : Mais c'est exactement dans cette veine-là. Moi, je connais bien les municipalités — là, je ne parle pas de l'Ontario ou… mais les municipalités au Québec — puis, sincèrement, on n'avait pas cette expertise-là. Là, je parle de voilà trois, quatre, cinq ans. Est-ce que les municipalités se sont donné des nouvelles ressources dans ce domaine-là ou c'est des études privées qui ont été faites? Mais j'essaie de bien comprendre d'où vient votre «know-how», là, dans ce domaine-là.

M. Chenard (Philippe) : Je dois vous avouer qu'en 2010 c'étaient plus des principes de précaution, c'était plus, je vous dirais, de l'intuitif que du scientifique. Parce que, bien sûr, c'était un nouveau domaine pour tout le monde. C'était un nouveau domaine pas juste au Québec, mais à l'échelle nord-américaine. C'est certain que, quand on a fait nos représentations pour le dossier d'Enbridge, là, par contre, on avait une meilleure connaissance. Mais je vous avoue que c'est sur un mode de «work in progress», si vous me permettez l'expression. La connaissance scientifique avance, elle avance dans les municipalités, mais c'est certain que nous, à l'alliance, on a un sujet à traiter, et c'est un sujet parmi d'autres. On a, par contre, des ressources dans les municipalités qui focalisent, qui travaillent là-dessus de façon plus intensive. Donc, on doit se reposer là-dessus.

M. Martel : Mais vous comprenez pourquoi je vous amène là, je n'essaie pas de vous tendre un piège, mais l'expertise, elle est difficile, dans le domaine municipal, à trouver. Puis, moi, c'est ça que je trouvais intéressant, d'attendre les conclusions du comité d'étude stratégique pour qu'on se fasse vraiment une tête par rapport à ça, puis je suis un peu surpris que vous arriviez avec des recommandations qui vont au-delà du p.l. n° 37 avant de prendre connaissance de façon plus approfondie des orientations.

Le Président (M. Lessard) : C'est ce qui va terminer, malheureusement, nos audiences pour l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

Alors, on remercie, donc, les représentants de l'organisation, et nous allons suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 8)

Le Président (M. Lessard) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous accueillons donc l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Alors, bienvenue. Si vous voulez vous nommer pour les fins d'enregistrement de nos auditions.

Association québécoise de lutte contre la
pollution atmosphérique (AQLPA)

M. Bélisle (André) : Bonjour, M. le Président. Bonjour, les membres de la commission. Je m'appelle André Bélisle. Je suis président de l'AQLPA, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, organisme qui existe au Québec depuis maintenant 32 ans et celui qui a sonné le réveil sur le dossier des gaz de schiste au Québec aussi.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bonjour. Mon nom est Sophie-Anne Legendre. Je travaille avec l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique à titre d'analyste et de conseillère aux communications. Je travaille avec l'AQLPA depuis 2009, donc j'étais là à l'époque de la première demande de moratoire complet sur les gaz de schiste au Québec.

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci beaucoup. Vous disposez maintenant d'une période de 10 minutes pour votre présentation. Et, vers la fin, vers neuf minutes et quelques, je vais vous indiquer si vous voulez, donc, terminer votre présentation pour qu'on puisse passer aux échanges par la suite. D'accord? La parole est à vous.

• (11 h 10) •

M. Bélisle (André) : Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord, j'aimerais indiquer qu'il y a deux documents. Il y a le mémoire qu'on vous dépose sur le projet de loi et il y a aussi les commentaires, questions et recommandations sur le plan de réalisation de l'étude environnementale stratégique qui a été finalement déposé hier. Mais, nous, c'était un document qu'on a quand même déposé le 15 janvier 2011, et il y a des rappels importants là-dedans, là, qui devraient nous être utiles pour nous orienter.

Alors, tout d'abord, bien, merci à la commission de nous recevoir. C'est un plaisir d'être avec vous et c'est aussi un devoir important de se poser les bonnes questions face à un dossier aussi déterminant au niveau environnemental.

D'abord, un mot sur le contexte dans lequel nous faisons, ce matin, notre présentation, au lendemain d'une annonce très importante concernant la fracturation à venir sur l'île d'Anticosti et à la veille très probable du déclenchement des élections au Québec. Et en plus — et ça nous a joué un petit tour hier — bien, on a appris que M. le ministre annonçait qu'il y avait un BAPE qu'on voulait vous demander. Alors, merci, M. le ministre. Et, bien, il y a aussi l'étude environnementale stratégique qui a été annoncée, sur laquelle on a pas mal de commentaires.

Bon, bien, au sujet des élections, on invite tous les parlementaires à reprendre cet exercice et à le conclure à la lumière de la volonté clairement exprimée par la majorité de la population. Et je souligne, pour ceux qui s'en rappellent, qu'on a fait ça, il n'y a pas tellement longtemps, dans le dossier des poursuites abusives. Il y a eu une élection qui a fait que la commission qui avait commencé n'a pas pu faire son travail, mais elle a été reprise dès que le gouvernement est revenu en place, et on a conclu, et ça a donné la loi n° 9, que vous connaissez et pour laquelle on a travaillé très fort à l'AQLPA.

Un mot aussi sur la teneur du mémoire que nous vous présentons ce matin. Le présent mémoire se veut succinct. Son but n'est pas une mise à jour de l'avancement des connaissances en matière d'impacts environnementaux et sanitaires de l'industrie du gaz de schiste et de la fracturation en général, mais bien un commentaire sur le projet de loi n° 37. Le présent mémoire ne reflète donc pas l'ampleur des réflexions des travaux de recherche effectués par les équipes de l'AQLPA et de Stratégies énergétiques au fil des années. Comme je le disais tantôt, vous savez, c'est nous qui avons sonné le réveil là-dessus. Mais, quand on regarde l'annonce de l'EES, bien, finalement, les études à la base de l'annonce du rapport synthèse de l'EES confirment ce que l'AQLPA disait depuis le début en termes de pollution atmosphérique, à savoir les émissions de gaz à effet de serre qui augmenteraient de façon très importante et aussi les différents types de pollution liés à l'exploration et à l'exploitation de ce gaz-là. Alors, là-dessus, bien, je cède la parole à ma collègue Sophie-Anne, qui a un message éditorial aussi à livrer.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, d'abord, merci de nous recevoir aujourd'hui. C'est une consultation qui est très importante pour l'avenir du Québec et, émotivement un peu, je dirais aussi, pour l'avenir du monde, qu'on peut être des leaders dans bien des choses, notamment en matière de protection de la santé des populations et de l'environnement.

Donc, après ces remerciements d'usage, je vais vous lire le préambule, que vous avez également dans le mémoire qu'on vous présente aujourd'hui. J'aimerais que, tout au long des consultations qui ont lieu présentement, vous gardiez ce message en tête.

Qui peut sérieusement penser qu'injecter des tonnes de produits chimiques dans les sols soit une bonne idée? Rien ne justifie cet empoisonnement du monde. Rien. Soyons bien clairs là-dessus. Oui, nous pourrions débattre longtemps, tenter de documenter les impacts ou orienter le débat sur des aspects techniques comme les distances séparatrices adéquates, l'épaisseur du ciment ou l'intensité carbonique des gaz et pétrole de schiste. Mais, au fond, peu importe, l'essentiel tient en peu de mots : Injecter des tonnes de produits toxiques dans les sols mélangés à de l'eau douce est une aberration totale et complète.

La Loi sur le développement durable, adoptée au Québec en 2006, stipule que «le développement durable s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement». Parmi les principes soutenant cette loi, notons santé et qualité de vie, équité et solidarité sociales, protection de l'environnement, prévention, précaution et préservation de la biodiversité. Dans le cadre de l'industrie du gaz de schiste, de la fracturation hydraulique, nous jugeons que la santé et la qualité de vie des citoyens sont menacées et que les principes de prévention, de précaution et de protection de l'environnement, de préservation de la biodiversité et d'équité intergénérationnelle sont ignorés.

Donc, pour faire suite à ce préambule, on articule notre mémoire très simplement autour de quatre recommandations qui parlent exclusivement du projet de loi n° 37. La première de ces quatre recommandations va comme suit : Le projet de loi n° 37 devrait établir un moratoire à l'ensemble du territoire québécois, et non pas seulement à une série de municipalités densément peuplées.

M. Bélisle (André) : La deuxième recommandation dit que le projet de loi n° 37 devrait s'appliquer à la fracturation sans distinction au fait que celle-ci soit destinée à l'exploration ou l'exploitation du gaz ou du pétrole de schiste.

Mme Legendre (Sophie-Anne) : En troisième position, donc, de nos recommandations, un préambule devrait être ajouté au projet de loi n° 37 afin de décrire le contexte et les objectifs visés afin d'éviter des contestations auprès d'instances commerciales internationales telles que l'ALENA.

M. Bélisle (André) : La quatrième recommandation se lit comme suit : Les obstacles législatifs actuels doivent être levés afin de favoriser la production, la distribution et l'utilisation du biogaz, biométhane pour le développement adéquat d'une filière de gaz naturel de source renouvelable.

Et en conclusion, si vous me permettez, l'AQLPA et Stratégies énergétiques remercient chaleureusement les membres de la Commission des transports et de l'environnement de leur accueil et invitent respectueusement cette commission à accepter les présentes recommandations et propositions d'amendement au projet de loi n° 37, en espérant humblement que leur présent mémoire contribuera à mettre en place au Québec des mesures législatives cohérentes relatives au pétrole et au gaz de schiste au Québec et, parallèlement, à lever les obstacles législatifs actuels à l'essor du biogaz, biométhane, du gaz naturel pour véhicules et au développement des mesures d'efficacité énergétique, le tout dans l'intérêt des citoyens et des générations futures. Merci.

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci beaucoup. Donc, votre condensé est même rentré à l'intérieur du 10 minutes, ce qui est un fait assez rare ici. Donc, c'est bon. Alors donc, la parole est maintenant au gouvernement. Donc, vous avez une période de 16 minutes. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Blanchet : Messieurs dames, un plaisir comme toujours. Vous savez, il y a des organisations et des gens qui sont reconnus et salués pour le franc-parler et la clarté de la façon dont ils s'expriment. Moi, je salue ça parce qu'ultimement, même si, sur les moyens, compte tenu de chaises différentes qu'on peut occuper, sur les moyens, on peut avoir des différends, sur les objectifs, vous pouvez être assurés qu'on a les mêmes. Et là, après ça, il y a des moyens de l'articuler, et c'est ce qui fait débat selon qu'on est, évidemment, dans un gouvernement ou dans une organisation de sensibilisation.

Je veux préciser quelques éléments par rapport à ce qui a été dit avant. D'abord, les intrants sont connus, même que l'évaluation environnementale stratégique et la synthèse en font état. Il reste des variables par rapport au ratio à l'intérieur de ça, mais les intrants comme tels sont connus. Et, lorsqu'un certificat d'autorisation est émis, le cas échéant, le détail du cocktail, si vous me passez l'expression, doit, effectivement, être soumis.

Un autre élément — je veux juste mettre ça clair — nos audiences portent sur le projet de loi n° 37, sur le moratoire. Il y a, effectivement, des documents puis une synthèse qui ont été déposés par le Comité sur l'évaluation environnementale stratégique hier. Moi, je suis très ouvert à ce qu'on aborde autre chose que le strict moratoire, mais je ne suis pas ouvert à ce qu'on reproche au gouvernement de ne pas avoir déposé des documents sur autre chose que ce sur quoi on se parle aujourd'hui à l'avance. C'est comme incohérent, là, tu sais. Tant mieux que ce soit disponible, tant mieux si les gens peuvent y référer, et la plupart ont l'articulation nécessaire pour le faire. Moi, je ne me serais pas permis, d'ailleurs, de mettre en doute la compétence de gens qui viennent s'asseoir ici. Il y a des citoyens qui pourraient avoir un niveau de compétence limité parce que ce n'est pas leur métier ou des organisations qui ont dit : On va parler juste du moratoire, puis pas du reste à ce stade-ci. Moi, je ne le leur reprocherai pas. Et enfin tout le monde pourra venir développer leur opinion lors des audiences du BAPE, lequel BAPE n'existait pas dans les plans du précédent gouvernement et a bel et bien été confirmé dans nos intentions et dans l'action, puisque le mandat est maintenant donné.

Cela dit, je veux juste préciser une chose, si l'enjeu… Parce que vous dites deux choses : On veut que ça s'étende à l'ensemble du territoire et on veut que ça s'étende au pétrole. L'enjeu du pétrole, dans la vallée du Saint-Laurent, ne se posait simplement pas. Dans les basses-terres du Saint-Laurent, dans le schiste de l'Utica, selon les données scientifiques dont nous disposons, à part une trouvaille, il y a environ un siècle, qui s'est avérée absolument non pertinente, il n'y a pas de pétrole dans la vallée du Saint-Laurent. Donc, c'est la raison.

L'autre raison, je l'ai expliquée — et je vous inviterais à vous exprimer là-dessus — c'est que nous considérons que les différents secteurs géographiques du Québec qui pourraient contenir des hydrocarbures sont tellement différents les uns des autres que la même règle pourrait s'appliquer, mais ça serait du mur-à-mur. Mais ça ne serait pas la meilleure façon de servir les intérêts des Québécois, quelles que soient les décisions futures du Québec. Je pourrais être opposé à toute exploration et dire que c'est quatre territoires différents pareil, vous comprenez. C'est la réalité géographique, économique, géologique, démographique, historique de ces secteurs-là, et traitée différemment par choix.

Là où je veux vous entendre — et c'est un peu une question que j'ai posée au groupe avant vous — dans le cas du gaz de schiste — parce que vous voulez étendre, puis vous faites référence à Anticosti — on a obtenu une information scientifique étoffée, 73 études, on les remet au BAPE, le BAPE formule les recommandations, tel que c'est la façon de faire, tel que vous l'avez vous-mêmes souhaité dans le cas du gaz de schiste. Nous voulons procéder ainsi sur un autre territoire, aller chercher l'information avant de la soumettre à un BAPE pour ne pas avoir de nouveau un BAPE qui dit : Écoutez, on veut bien, mais on n'a pas de données scientifiques sur lesquelles travailler. C'est un peu le piège qu'on veut éviter, un BAPE inutile, on veut qu'un BAPE soit alimenté et documenté. Est-ce que ça ne vous apparaît pas une approche cohérente, quel que soit le territoire visé?

• (11 h 20) •

M. Bélisle (André) : Il y a plusieurs questions dans votre question, M. le ministre. Bon, d'abord, pour nous, c'est la fracturation hydraulique, là, qui est le dénominateur commun, et il faut que ce soit vraiment étudié et encadré. Et, pour nous, c'est plus simple si on commence par le coeur du problème, qui est la fracturation hydraulique, et qu'on fasse les réflexions autour de ça. Maintenant, qu'on le fasse pour le pétrole et le gaz, oui, il y aura des variantes, et elles vont prendre toutes sortes de formes, que ce soient des variantes territoriales, des variantes opérationnelles, mais il faut encadrer ça de façon très prudence avant de permettre l'avancement ou le développement de quelque façon que ce soit.

Maintenant, pourquoi un moratoire sur l'ensemble du territoire? Bien, c'est que, par exemple, si je regardais juste la région où je demeure, à un moment donné La Nouvelle-Beauce n'était pas incluse, elle l'a été un peu plus tard. Par contre, on s'est rendu compte que, possiblement, peut-être, dans l'autre secteur de la Beauce, il y en aurait. Et après on a appris, bien, peut-être qu'au Lac-Saint-Jean il y en a aurait, peut-être qu'ailleurs il y en aurait aussi. Alors, on s'est dit : Façon cohérente de procéder, on couvre l'ensemble du territoire, on fait la réflexion nécessaire et, ensuite, on décide qu'est-ce qu'on fait.

Même chose pour le pétrole, le pétrole, on parle : Il n'y en pas peut-être pas beaucoup, il y en a peut-être beaucoup à Anticosti, mais on sait que, par exemple, en Gaspésie, bien, il y a des projets en cours depuis longtemps avec Pétrolia. Alors, dans ce contexte-là, on se dit : Encore, peut-être qu'on découvrira quelque à un moment donné qu'il y en avait. Et, si on procède avec, comme je le disais, prudence, bien, qu'on encadre la fracturation hydraulique pour l'ensemble du territoire, pétrole et gaz avant, et ensuite on décide.

Le Président (M. Lessard) : M. le ministre.

M. Blanchet : O.K. Le principe, la volonté d'encadrement de l'activité de fracturation, je vous suis tout à fait là-dessus. Peut-être que, sur les moyens, on ne choisit pas les mêmes. Je ne suis pas convaincu, toutefois, que… Le moratoire n'est pas un outil d'encadrement, il est un outil d'empêchement. Notre volonté est d'empêcher dans la vallée du Saint-Laurent jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait disposé de l'enjeu ou période maximale de cinq ans… On n'attache pas l'avenir au-delà d'une certaine légitimité. Il y a d'autres endroits où on veut qu'il y ait exploration, acquisition de connaissances auxquelles un territoire total de 0,43 kilomètre carré va être affecté, par lequel ça va être touché — donc, c'est extrêmement restreint — avec, comme encadrement, une présence, je dirais même une omniprésence, comme je l'ai dit, avec le ministère de l'Environnement dans les bottes du promoteur auquel on est associé. Donc, il y a comme… Ne voyez-vous pas là un niveau de sécurité dans l'encadrement? Ce demi-kilomètre carré sur un territoire de 8 000 kilomètres carrés avec directement les inspecteurs du ministère de l'Environnement sur place avec l'entreprise, est-ce qu'il n'y a pas là un niveau de sécurité intéressant?

M. Bélisle (André) : Bien, on voit que le gouvernement a quand même fait une réflexion dans le sens de mettre, si on veut, plus de prudence dans ce développement-là. Mais, par contre, pour nous, on pense qu'on doit être encore plus prudent, dans le sens qu'il faut vraiment s'entendre sur la fracturation hydraulique. Je vous donne l'exemple quand on a parlé pour la première fois des gaz de schiste et que j'ai soulevé la question à votre prédécesseure qui était Mme Beauchamp, et que j'ai posé la question : Qu'est-ce qu'on connaît sur le gaz de schiste pour avoir émis 585 permis? Et Mme Beauchamp a été d'une franchise vraiment… avec son cabinet, d'une franchise très directe pour dire : Bien, André, on ne connaît pas ça. Bien là, on a un problème, on a émis 585 permis, et il y a déjà des forages de faits. Et là, bien, avec son successeur, on a pu — et nous, on le savait — démontrer que, sur ces 31 forages qui ont été faits, il y en avait 19 qui avaient des problèmes, qui fuyaient. Alors, nous, c'est ça qu'on veut éviter. On veut éviter qu'on fasse des démarches et qu'on se retrouve ensuite avec un problème qu'on aurait pu éviter si on avait eu un contrôle et qu'on avait réfléchi de façon plus, je dirais, poussée avant.

Et ensuite, M. le ministre, je pense que ça ne vous surprendra pas, pour nous, on est opposés à ce virage-là tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vraiment un plan d'action de lutte aux changements climatiques ou aux gaz à effet de serre et aussi qu'on nous démontre un plan qui va rejoindre les engagements du gouvernement, à savoir qu'on va réduire notre consommation de pétrole de 30 %. Bien, ça, pour nous, il faut que ça passe avant, il faut qu'on ait ça sur la table pour dire, bien, on s'en va dans quelle direction. Sinon, bien là on a pris des engagements et, en parallèle, on s'en va dans le sens contraire. On a de la misère. Bien, peut-être que je n'ai peut-être pas la souplesse mentale qu'il faut, là, mais, moi, bon, l'idée, c'est de savoir où est-ce qu'on s'en va.

Le Président (M. Lessard) : Alors, M. le ministre, après ça, j'aurai donc le député de Bonaventure, qui a demandé la prise la parole aussi. Ça fait que si vous voulez poursuivre…

M. Blanchet : Oui, je veux juste poser une petite dernière.

M. Bélisle (André) : Complément de réponse peut-être?

Mme Legendre (Sophie-Anne) : …en complément de réponse, je pense qu'il y a quelque chose de très dangereux à morceler le territoire comme ça. On parle de moins de 0,5 kilomètre qui serait affecté au sol, mais… Ça dépasse, là, moins de 0,5 kilomètre qui serait affecté au sol. Ce qui nous inquiète en premier lieu, c'est les émissions atmosphériques, c'est les choix énergétiques qu'on fait, c'est la contamination des nappes phréatiques, des sources d'eau potable des citoyens et c'est l'industrialisation de secteurs qui n'ont peut-être pas besoin d'être industrialisés pour le bien du plus grand nombre. Je crois que c'est un danger, dans la façon dont on aborde le débat présentement, de morceler, de parler d'acceptabilité sociale. Oui, c'est important, mais, au-delà de l'acceptabilité sociale de proximité, il faudrait qu'on soit capable de réfléchir aussi en termes d'acceptabilité sociale morale.

Le Président (M. Lessard) : Donc, peut-être qu'on va céder la parole, M. le ministre, à notre collègue de Bonaventure, qui a demandé la parole.

M. Blanchet : …un petit point là-dessus.

M. Roy : Bien, allez-y, M. le ministre.

M. Blanchet : …je comprends l'objectif. Encore une fois, on est plus dans l'échéance que dans le fait. Je vous rappelle le système de plafonnement et échanges, qui est majeur en termes de réduction de gaz à effet de serre, la politique d'électrification des transports, dans laquelle on investit d'emblée quatre puis cinq fois déjà ce qui a été annoncé pour l'exploration pétrolière à Anticosti, le premier pacte qui a été complété, le deuxième pacte qui est en branle, le programme de biométhanisation, qui produit, effectivement, des biogaz, tel que vous le soulevez. Donc, vous voyez, il y a des gestes extrêmement concrets et des investissements infiniment plus importants qui sont faits dans le développement des énergies alternatives par rapport à l'énergie conventionnelle, je veux juste qu'on le reconnaisse. Mais, sur ce, je vais bien laisser la parole à mon collègue de Bonaventure.

Le Président (M. Lessard) : Parfait, M. le ministre. Donc, il reste environ six minutes, donc, pour nos échanges. M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Salutations à tous mes collègues. Bonjour. On a beaucoup parlé de la Gaspésie, hein? Je suis député de la circonscription de Bonaventure, donc on est très interpellés par tout ce qui se passe au niveau du pétrole, de l'eau, etc.

Moi, j'aimerais vous poser une question très simple : Comment évaluez-vous le fait qu'il n'y aura pas d'autres forages à Gaspé, entre autres, tant et aussi longtemps que l'étude hydrogéologique ne sera pas déposée? Est-ce que vous considérez que ce genre d'étude a sa place et est pertinente au niveau scientifique?

M. Bélisle (André) : Oui, tout à fait. C'est quelque chose qu'il faut faire. Par contre, il y a aussi des menaces, si on veut, il faut… Bon. Et là je ne suis pas… Je n'ai pas préparé une présentation par rapport à la Gaspésie, mais on sait bien que, présentement, il y a un débat pour la protection des sources d'eau potable. Et, pour nous, bien, ça, c'est l'enjeu principal. On ne peut pas prendre le risque avec l'eau des gens. Et, une fois qu'on a contaminé un puits, c'est fait. Alors, pour nous, encore là, c'est la prudence qui doit nous guider. Les études hydrogéologiques sont importantes, mais il faut aussi arrêter l'ensemble de la machine pour dire comment on procède et est-ce qu'on le fait dans l'intérêt et avec l'appui des gens. Parce que, si on permet des choses que les gens ne veulent pas, ah! bien là, on a peut-être un problème aussi qu'on est en train de créer au niveau sociologique, en plus des problèmes environnementaux.

M. Roy : Mais vous reconnaissez qu'une étude hydrogéologique qui est faite à partir des critères de scientificité les plus rigoureux peut quand même rassurer une certaine partie de la population?

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, on peut le reconnaître, oui, mais on peut aussi le remettre en contexte. C'est une précaution élémentaire, c'est la base d'aller vérifier et de faire une étude hydrogéologique. On parle beaucoup de données disponibles, de données scientifiques. Il faut aussi, encore une fois, prendre du recul et se dire de quelle échelle de temps est-ce qu'on dispose. Les profits à court terme qu'on peut imaginer, c'est une chose. On peut calculer l'impact de l'industrie du gaz de schiste et de la fracturation hydraulique en général sur une échelle de temps relativement restreinte. Je suis plus vieille que l'industrie schisteuse dans le schiste et dans le pétrole, on n'a pas le recul nécessaire pour voir dans 20 ans, dans 30 ans, dans 50 ans. Ce qu'on peut voir présentement comme contamination des sols et de l'eau, c'est peut-être simplement un aperçu. On sait notamment qu'aux États-Unis il y a des problèmes graves de radioactivité des déchets de forage. La demi-vie des produits radioactifs, là, qui sont trouvés dans les eaux et dans les déchets de forage, c'est de 600 ans. On ne dispose pas du temps nécessaire pour avoir une vraie image. Et, encore une fois, au-delà de la volonté d'obtenir des hydrocarbures fossiles, il faut se poser la question : Dans l'ensemble, pourquoi? À l'avantage de qui veut-on faire ça?

M. Roy : Merci.

Le Président (M. Lessard) : C'est encore à vous. Donc, est-ce que… Oui, le député de Repentigny a demandé la parole. Il vous reste deux minutes.

• (11 h 30) •

M. McKay : Deux minutes. Bien, moi, je pense, je vais surtout en profiter, justement, pour féliciter l'AQLPA d'avoir, effectivement, levé le drapeau concernant les gaz de schiste. Je me souviens très bien du moment que vous avez évoqué avec Line Beauchamp, qui était ministre à l'époque, et j'avais été… En tout cas, j'ai été fortement impressionné cette journée-là par le fait qu'effectivement des centaines de permis avaient été émis, et la ministre de l'Environnement admettait candidement qu'elle ne disposait pas des connaissances requises. Alors, effectivement, vous avez sonné la sonnette d'alarme, et, par la suite, on a vu une mobilisation citoyenne assez extraordinaire dans la vallée du Saint-Laurent, et donc c'est, effectivement, le territoire qui fait l'objet du présent projet de loi.

Rapidement, je veux juste souligner le fait qu'à votre point 1.4, dans votre mémoire, vous parlez de l'importance de protéger la loi n° 37 contre les attaques devant les instances commerciales internationales. Alors, on n'aura peut-être pas le temps d'en parler beaucoup, mais peut-être que les autres membres de la commission pourront revenir là-dessus. Mais soyez assurés qu'on va y porter une attention particulière.

Le Président (M. Lessard) : Oui.

M. Bélisle (André) : M. le Président, il y avait aussi le point que… Mais là, avec l'annonce de M. le ministre pour le BAPE, bien, ça a changé un peu le contexte. Mais, nous, une autre chose qui nous inquiétait, c'est que le quasi-moratoire dont on parle vient à échéance le 13 juin prochain. Alors là, il ne faut pas que, le 14 juin, tout d'un coup, on revoie, là, le raz-de-marée d'industries qui se lancent un peu partout parce qu'il n'y a plus d'arrêt…

Le Président (M. Lessard) : …imparti est terminé. Donc, on doit passer, donc, au groupe formant l'opposition officielle. Donc, la parole sera donc au porte-parole de l'opposition officielle pour une période de 15 min 12 s.

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Bélisle, Mme Legendre. Merci d'être là. Merci pour votre travail, vos observations.

L'étude environnementale stratégique est tombée hier soir. Il y a un communiqué de presse émis à 17 h 48. J'attendais… Parce que j'étais devant mon écran et je rafraîchissais tout le temps pour savoir. Parce que j'étais convaincu qu'on allait sortir ça juste avant, on ne pouvait pas le sortir après. Mais j'avoue que c'était quand même dernière minute.

J'imagine que vous avez, comme les autres… Les autres intervenants juste avant vous sont venus nous dire candidement : Le mémoire a été écrit avant, on n'a pas vraiment eu le temps de le lire. Même si on avait eu le temps de lire des bouts, on n'a pas eu le temps de consulter. C'est très difficile, ce qu'on demande, parce que, là, il faut aller aux experts, etc.

À la fin du grand document — parce qu'il y en a un petit puis un plus grand, là, un qui est plus résumé puis l'autre est plus grand — il y a des annexes et il y a des lettres à l'intérieur, des lettres des ministres. Et il y a une lettre datée du 25 avril 2012, elle est signée par Pierre Arcand. Et le paragraphe du milieu, je vais vous lire ce qui est noté : «Les annonces récentes de certaines entreprises d'exploration pétrolière, comme Pétrolia et Corridor Ressources, concernant le développement du potentiel pétrolier en Gaspésie et à l'île d'Anticosti soulèvent de vives inquiétudes dans les communautés d'accueil et dans la population en général. » Ça, c'est Pierre Arcand, c'est un libéral, là, tu sais, juste… «Je souhaite m'assurer que cet enjeu soit abordé dans le cadre de l'évaluation environnementale stratégique, puisque votre mandat stipule que le comité "...pourra aussi traiter — et ça, c'est une autre... entre guillemets, là — de toute autre question pertinente relative à l'exploration et à l'exploitation des ressources pétrolières et gazières, de même que [...] leurs répercussions".» Ça, c'est une lettre de Pierre Arcand, libéral, 25 avril 2012.

Il y a une autre…

Le Président (M. Lessard) : Oui? Question de…

M. McKay : Oui.

Le Président (M. Lessard) : Il y a une question qui est soulevée, si vous voulez...

M. McKay : Vous savez bien qu'on ne peut pas nommer les membres...

Le Président (M. Lessard) : Oui, effectivement. Donc, j'avais laissé passer une première fois, mais je pense qu'on doit suivre le règlement, qui est : On interpelle, donc, un député par son comté. Merci. Alors, poursuivons.

M. Sklavounos : Effectivement, je devrais mieux savoir. Le député de Mont-Royal, qui avait, à ce moment-là, à titre de ministre, envoyé cette lettre. Il y en a une autre le 14 février, et c'est le ministre actuel qui la signe, celle-là. Avant-dernier paragraphe, avant le «veuillez recevoir, M. le Président, mes salutations distinguées», une autre citation : «Il m'apparaît de plus important dans le contexte actuel des choix du gouvernement de vous spécifier que la filière pétrole n'est donc pas visée par l'EES en cours.» Signé : le ministre actuel.

Pourquoi je vous mets devant ces deux lettres-là? Parce qu'à quelque part on peut se parler, on se pose des questions, on veut tous se proclamer des disciples de la science et dire : On va laisser procéder la science, on va faire ce qu'on peut faire avec la science. Quand qu'on ne le sait pas, on ne fera pas… Quand qu'on sait, on va avancer, puis on va avancer aussi doucement que la science nous dit que c'est possible de le faire sans empoisonner le monde, sans empoisonner l'eau, etc.

Il me semble, là, que, malgré le fait qu'on l'a reçue à la dernière minute, si on avait laissé aller l'étude environnementale stratégique comme elle avait été stipulée dans cette lettre-là du député de Mont-Royal, qui était alors ministre, on aurait aujourd'hui certaines réponses qui auraient pu servir à se positionner dans un autre dossier qui est, pour le moins, un petit peu... qui a l'air un petit peu contradictoire. M. Bélisle, vous nous avez parlé, possiblement, de manquer la souplesse, là, nécessaire pour voir la cohérence là-dedans, dans le morcellement, ce sont d'autres termes qui ont été utilisés, et, je dois vous dire, j'ai trouvé ce matin que cette manchette était absolument injuste, Pascal...

Le Président (M. Lessard) : ...s'il vous plaît, sans...

M. Sklavounos : Ah! je n'ai pas le droit de faire ça. Le député de Matane-Matapédia fait volte-face… Parce qu'elle disait qu'un député… alors que ce n'est pas juste un député, là, c'est une question de toute une formation politique, tout un gouvernement, en quelque sorte. On est les libéraux, là, je... On a toujours dit… Et je vous regarde, je vous dis ça bien franchement : On est les libéraux. On a dit qu'on allait faire les choses… Le BAPE nous a dit : Écoutez, on va aller chercher d'autres connaissances. On a mandaté l'étude environnementale stratégique, mais, lorsqu'on a mandaté l'étude environnementale stratégique, on avait la fracturation couverte, M. Bélisle, des deux bords, pétrole, gaz. C'est dans la lettre, là, je vous l'ai lue, là. Et, lorsque le PQ a pris le pouvoir, là, on a exclu le pétrole. Là, aujourd'hui, on se retrouve devant des choses qui sont un petit peu contradictoires, puis il manque possiblement la science pour pouvoir nous aider à faire ce débat qui fait rage actuellement. J'aimerais vous entendre là-dessus, M. Bélisle.

M. Bélisle (André) : Bien, écoutez, je pense que ça va être... Bien, il y avait bien des choses dans ce que vous avez dit, je pense que ça va être relativement court. Nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un encadrement autour de l'ensemble de la fracturation hydraulique, pétrole et gaz. Et on sait que, sur l'île d'Anticosti, il y a déjà eu de la fracturation et il y a des problèmes, le puits Chaloupe, par exemple, qui fuit. Alors, ça, c'est là où on dit : Avant de permettre la fracturation, il faut définir comment ça marche, il faut l'encadrer de façon très, très prudente. Et, comme ce sont les mêmes procédés pour le gaz et le pétrole, bien, on pense qu'on a avantage à le faire immédiatement au départ, et, ensuite, on verra comment on fait.

Maintenant, je vais aussi vous dire, nous... J'ai peut-être les traits tirés ce matin, là, puis notre avocat aussi, parce qu'on s'est tapé une analyse assez rapide du rapport synthèse et des 60 quelques études qui nous mettent en garde contre la fracturation hydraulique parce qu'il y a beaucoup de problèmes qu'on n'a pas encore bien identifiés et pour lesquels on n'a pas le contrôle. Alors, raison de plus d'avoir un encadrement global, fracturation hydraulique au complet, pétrole et gaz.

Le Président (M. Lessard) : M. le député, oui.

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. M. Bélisle, est-ce que vous êtes rassuré, là, du fait qu'à l'intérieur de l'étude environnementale stratégique on parle du contexte économique et qu'on semble dire assez clairement qu'au niveau de la rentabilité de faire l'exploration ou l'exploitation, là, on risque de manquer, là — pour même ceux qui veulent aller plus vite ou qui veulent avancer — on risque de manquer d'arguments économiques?

Les arguments financiers et économiques sont généralement ceux qui semblent influencer le plus les investisseurs et ceux qui seraient tentés par l'aventure, à moins qu'on serait dans un autre cas où le gouvernement subventionnerait le risque, là, et prendrait une police contre le risque, là, en le mettant sur le dos des contribuables. Mais est-ce que ça vous rassure un petit peu de voir que ce n'est simplement pas rentable en ce moment de procéder avec le gaz de schiste? Le gaz.

• (11 h 40) •

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, «rassurer», c'est un mot un peu fort. C'est-à-dire que c'est sans surprise, notamment à cause des cours actuels. On sait que ce n'est pas rentable présentement à cause de tout ce que ça implique, mais c'est une portion de l'argument seulement qui joue en la faveur de ceux qui prônent la prudence et la précaution. Donc, oui, bien sûr, on peut être ravis de cette analyse-là qui dit : Ce n'est pas rentable. L'expérience des États-Unis nous le montre aussi, là, c'est une bulle qui, à certains endroits, commence à montrer des signes de défaillance, mais je ne pense pas que c'est… en tout cas, pour moi ni pour l'AQLPA... Ce qui nous intéresse le plus, ce n'est pas tant la rentabilité de cette entreprise-là que les impacts à court, moyen et long terme. C'est ce qu'on a beaucoup de difficultés à calculer, les impacts à long et à très long terme. Ce n'est pas seulement pour nous qu'on doit considérer les impacts, c'est pour nos enfants et leurs petits-enfants, et il faut absolument garder ça en tête.

M. Bélisle (André) : Et peut-être, si vous me permettez...

Le Président (M. Lessard) : M. Bélisle.

M. Bélisle (André) : ...un complément de réponse, il faut faire bien attention parce que, là, il y a des signaux qui démontrent que le prix du gaz a tendance à vouloir remonter aux États-Unis. Eh bien, là, le Québec a investi — et ça a commencé sous le gouvernement libéral, et heureusement ça a été poursuivi sous le gouvernement du Parti québécois — on a investi des montants très importants dans la biométhanisation. Bien, ce qu'on veut, dans le gaz de schiste comme dans le gaz naturel, c'est le méthane. Bien, le biométhane, c'est un gaz naturel 100 % renouvelable qui permet de réduire les gaz à effet de serre et qui a la même valeur. Alors, ça, pour nous, là, ce qui est important, c'est que le Québec renoue avec ses vraies origines. Au Québec, là, on aime les énergies vertes, renouvelables et sans impact ou de moindre impact sur l'environnement. Bien, c'est ça qu'il faut développer.

Le Président (M. Lessard) : M. le porte-parole.

M. Sklavounos : Juste clarifier, la position du PLQ a toujours été en faveur du moratoire de facto, si vous voulez. La seule chose qu'on a refusé de dire, c'est un moratoire qui ne pourrait jamais bouger, qui ne pourrait jamais changer et évoluer avec la science. Alors, le moratoire de facto était en place en attendant la science. La question que je vous pose, c'est que — et il faut que ce soit clarifié — dans le cas du BAPE, on parle du BAPE, là, sur Anticosti, là, mais, à part d'un BAPE après l'exploration, est-ce que c'est assez clair dans votre esprit, là, qu'évidemment l'exploration au niveau d'Anticosti inclut de la fracturation hydraulique? Donc, il y aura de la fracturation hydraulique à Anticosti avant le BAPE, alors qu'ici on parle de faire un BAPE. Je veux dire, c'est toute une contradiction, quand même. Moi, quand on parle de cohérence, là, ce n'est pas une question de la position, là, pour le développement de nos ressources ou non, là, je parle d'essayer de comprendre la boîte à surprise, là, parce qu'on avoue... vous le dites, ça prend beaucoup de flexibilité pour voir la cohérence là-dedans. Au niveau du BAPE, là, Anticosti, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, il ne faut pas de faire de procès d'intention. Moi, vraiment, mon idée ici, ce n'est pas de faire de procès d'intention, mais je suis d'accord avec vous que, s'il y a de l'exploration, il y a des dangers. Et puis de tenir le BAPE après avoir fracturé, c'est une idée qui tient drôlement la route. Donc, bien sûr, c'est pourquoi on fait la recommandation suivante, que le moratoire s'applique également à la fracturation pour le pétrole de schiste, sur les phases d'exploration et d'exploitation. Donc, en ce sens, oui, il y a une grosse lacune à Anticosti.

M. Sklavounos : Est-ce que vous auriez aimé voir l'étude environnementale stratégique porter sur la question du pétrole de schiste également? Parce que vous, vous avez mentionné, M. Bélisle, que nous attendons encore le plan d'action du gouvernement au niveau des gaz à effet de serre, là. Si je comprends bien, là, des deux procédés, là, pétrole et gaz, là, il me semble que le pétrole contribuerait plus au niveau des gaz à effet de serre. Je ne le sais pas, je veux votre analyse là-dedans parce qu'on semble aller vite sur le pétrole, on semble mettre les freins sur le gaz. Quelqu'un a dit que les chevreuils n'ont pas le droit de vote à Anticosti. Je ne sais pas, c'est une expression que je ne vais pas reprendre, là, mais, au niveau des gaz à effet de serre, là, votre analyse, là, malgré le fait qu'on n'a pas de plan d'action…

M. Bélisle (André) : Bien, écoutez, là, il faut se projeter dans le temps et dans quelque chose que nous, on ne veut pas voir, mais admettons qu'on décidait qu'Anticosti devienne comme le Dakota. Bien, le Dakota, c'est un État que, si vous étiez avec moi assis sur la lune, bien, vous n'auriez pas vu. Et aujourd'hui, si on va s'asseoir sur la lune, le Dakota est illuminé avec les dizaines de milliers de torchères qui brûlent jour et nuit du gaz et qui polluent de façon très importante. Alors, est-ce que c'est ça qu'on veut voir à Anticosti? Certainement pas dans le cas de l'AQLPA. Et les conséquences de ça, bien, c'est clair que c'est en termes de gaz à effet de serre, mais c'est aussi tous les gaz qui polluent l'air, qui sont à l'origine des pluies acides, de toutes les problématiques atmosphériques. Alors, bien, c'est ça qu'on veut éviter. Et, pour nous, c'est pour ça qu'on dit : On devrait, de façon très prudente, aborder cette question-là, s'assurer qu'on a des plans.

Et là je reprends les paroles de M. le ministre, bien, tant mieux, là, on voit que le gouvernement a donné des orientations pour un plan d'action, mais il faut que ça soit très clair, qu'on ait un plan d'action défini et qu'on puisse vraiment le suivre. Parce que ça, ça a été le problème, hein? Nous, on a demandé, à un moment donné, une évaluation du plan d'action sur les changements climatiques parce qu'on en entendait parler, et même on nous disait que Kyoto, c'était beau, que tout était réglé. Bien, ce n'était pas le cas, hein, le Vérificateur général a donné raison à l'AQLPA, il n'y avait rien de fait. Bien, on veut éviter ça.

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste donc peut-être une minute. Oui, on a le député de Mégantic.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. Une question rapidement. Le ministre nous a mentionné tout à l'heure qu'on parlait de 0,43 kilomètre carré sur 8 000 kilomètres carrés, mais que les employés du gouvernement seraient là, impliqués comme promoteurs. Est-ce que le fait que le gouvernement soit promoteur, qu'il soit impliqué puis qu'il soit juge et partie en même temps… est-ce que ça vous rassure, ça?

M. Bélisle (André) : Bien, oui, d'une manière parce qu'avant ça on a vu l'invasion, que je qualifierais d'invasion barbare, des entreprises, qui ont décidé de faire n'importe quoi, n'importe comment, n'importe où. Et là, bien, avec le gouvernement, il y aura probablement une petite gêne. Mais la cohérence, là, nous oblige à encadrer d'abord et à procéder ensuite.

M. Bolduc (Mégantic) : Encadrer d'abord, procéder ensuite. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Lessard) : Oui. Il reste… Bon, c'est moins d'une minute.

M. Bolduc (Mégantic) : Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on veut prioriser le développement du pétrole dans un contexte où le gaz naturel est 30 % moins polluant que le gaz naturel ou... qui provient de la biométhanisation? Puis vous nous avez parlé un petit peu de ce contexte-là, pouvez-vous élaborer là-dessus?

M. Bélisle (André) : Bien, écoutez, pour nous, le gaz qu'on peut produire à partir de la matière organique, qui est le biométhane, c'est la voie à emprunter. On l'a dit dès le début du dossier des gaz de schiste, et maintenant même Gaz Métro le reconnaît.

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, je vais devoir vous couper là-dessus, j'ai le mauvais rôle. Donc, on va passer maintenant au deuxième groupe de l'opposition. Donc, je cède donc la parole au député de Nicolet-Bécancour pour 3 min 48 s.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Moi, j'aimerais ça avoir, très franchement, votre position par rapport à une expérience pilote. Nous, on s'est positionnés favorables à ça. Pour en avoir discuté avec le ministre, il avait l'air à être favorable aussi, le Parti libéral. L'industrie était d'accord à faire, pendant le moratoire, des expériences pilotes dans des endroits sécurisés où il y a un potentiel, quand même. On ne peut pas aller faire des expériences pilotes où est-ce qu'il n'y a pas de gaz de schiste. Moi, très franchement, j'aimerais ça, connaître votre position par rapport à une expérience pilote.

M. Bélisle (André) : Bien, si vous me permettez, M. le Président, il y a une réponse peut-être bien simple à ça, puis elle vient de l'industrie elle-même, c'est M. Binnion qui disait : On n'a même pas besoin de faire d'expériences, il y a tellement de puits qui ont été forés partout aux États-Unis et dans l'Ouest canadien qu'on sait comment ça marche. O.K.? Bon, bien, maintenant, on doit encadrer parce qu'on a vu partout... Et ça, on nous présente toujours l'aspect, bon, il y a de l'argent qui se fait, mais on parle très peu des problèmes environnementaux qui ont été causés. Eh bien, l'idée d'apprendre ou d'acquérir des connaissances, si c'est mal encadré, va donner les mêmes résultats qu'on a vus ailleurs. Alors, pour nous… Et là je reprends le… de M. Binnion, là, qui nous disait qu'au fond on a les connaissances, ce qu'il faut, c'est… Bien là, ce n'est pas M. Binnion. Lui, il disait qu'ils avaient les connaissances, l'industrie. Mais, nous, ce qu'on dit, c'est l'encadrement, là, qui va faire foi de tout là-dedans, là.

Mais, bon, en même temps, comme je disais tantôt, pour nous, à l'AQLPA, on est contre la production de pétrole et de gaz si ça nous amène à ne pas respecter nos engagements de réduction de gaz à effet de serre par rapport au réchauffement planétaire. Mais il y a aussi les autres gaz qui causent d'autres problèmes comme les pluies acides, dont on parle peu, mais qui sont en train de revenir nous hanter.

M. Bolduc (Mégantic) : Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris votre réponse. Je vais vous donner la parole, mais est-ce que vous êtes d'accord ou pas d'accord à ce qu'il y ait une expérience pilote?

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Pas d'accord. Avec plus de 45 000 puits aux États-Unis, je pense qu'il y a suffisamment de puits pour aller faire des études. Ceci dit, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, si on veut faire des études exploratoires, ce serait comment régler les problèmes de fuite, qu'on devrait s'attarder à régler. Ça, ce serait une bonne étude à faire. Sur les 31 puits forés au Québec, 19 puits fuyaient aux dernières nouvelles. Il faudrait aller vérifier à la source est-ce que ces puits-là fuient encore. Je crois que, s'il y a une expertise d'avenir à développer, de leader, ça va être d'être capable de vraiment colmater les fuites qui vont continuer de se produire aux alentours des puits pour les années à venir si on en croit l'expérience précédente. Donc, il n'y a rien qui justifie l'exploration présentement, puisque la littérature et l'expérience étrangères sont bien assez développées pour qu'on puisse se faire une tête.

Et je reviendrais aux questions précédentes. Je reviens là-dessus, le pétrole de schiste versus le gaz de schiste. On parle de fracturation hydraulique, et c'est de ça dont on devrait parler, pas de ce qu'on va tirer, parce qu'on va tirer du gaz, du pétrole, de la houille, plein d'autres produits qui vont sortir de ces trous-là qu'on creuse. Donc, on devrait parler de fracturation, hydraulique et autre, même, parce qu'on s'aperçoit…

• (11 h 50) •

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste à peu près 30 secondes.

M. Martel : Oui, c'est ça, c'est parce que, là, ça m'intéressait, vous répondez à la question de mon collègue, mais vous ne trouvez pas ça curieux que le ministre impose un moratoire par rapport à l'exploration des gaz de schiste dans les basses-plaines du Saint-Laurent, mais pas au niveau d'Anticosti... qu'il impose... pas un moratoire, qu'il demande au BAPE, je veux dire?

Mme Legendre (Sophie-Anne) : Bien, comme je vous disais, je préfère ne pas faire de procès d'intention, mais je vous dirais simplement que le titre de notre mémoire en dit long, c'est Le projet de loi n° 37 : en augmenter la portée pour plus de cohérence.

Le Président (M. Lessard) : ...le temps est donc passé. Donc, je vais donc…

La commission suspend donc ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Alors, merci de votre présentation, puis on…

(Suspension de la séance à 11 h 51)

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci, donc. À l'ordre, donc, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande aussi à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 37, Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste.

Alors, je tiens à rappeler au groupe qui va se présenter et pour tous les membres de la commission, donc pour nos invités d'aujourd'hui, dont on va demander par la suite de se nommer, mais... donc, les échanges, c'est 10 minutes de présentation. Après ça, il y a 35 minutes d'échange : 16 minutes est donné au gouvernement, 15 min 12 s à l'opposition officielle et 3 min 48 s à la deuxième opposition.

Alors donc, on s'est entendus, je pense, de consentement, de terminer à 18 heures. Et là on est en train de recalculer quels seront les temps de parole attribués à chacun et on va s'ajuster sur le nombre de personnes à être présentées. Alors donc, on va débuter sans plus tarder à la MRC de Nicolet-Yamaska, qui vient nous visiter cet après-midi. Si vous voulez vous présenter pour les fins d'enregistrement de nos audiences. Par la suite, on pourra distribuer, donc, le temps de parole, après votre présentation de 10 minutes. Bonjour.

Municipalité régionale de comté de
Nicolet-Yamaska (MRC de Nicolet-Yamaska)

M. Drouin (Alain) : Merci, M. le Président. Merci, M. Lessard, de nous accueillir à cette commission parlementaire. Vous me permettez de... Mon nom, c'est Alain Drouin. Je suis maire de la ville de Nicolet, préfet de la MRC Nicolet-Yamaska. Je suis accompagné du directeur général de la MRC Nicolet-Yamaska, M. Jean-François Albert. Vous me permettez de saluer le ministre de l'Environnement, M. Blanchet. Vous me permettez aussi de saluer M. Martel, qui n'était pas loin tantôt. Il s'est effacé, il va revenir, j'imagine. Alors, mon député, il faudrait l'identifier comme ça.

Alors, normalement, on devait vous donner un petit peu de temps. On ne sera pas très longs dans notre présentation. Le portrait, peut-être qu'on pourra préciser, là, qui on est. La MRC de Nicolet-Yamaska est un organisme dont le mandat principal est de voir à l'aménagement du territoire, comme toutes les MRC du Québec. La MRC se caractérise par un milieu rural à 98 % de son territoire. Et 98 %, donc, de son territoire est situé dans une zone agricole, et chose que nous ignorions précédemment, le sous-sol de la MRC est notamment composé de schiste.

La MRC compte sur son territoire 16 municipalités et une communauté autochtone. Elle s'étend sur une vaste plaine bordée par le fleuve Saint-Laurent et est découpée par les rivières Saint-François, Nicolet et Bécancour. L'UNESCO a reconnu la réserve de la biosphère du lac Saint-Pierre, qui représente une portion significative de son territoire. Il s'agit donc d'un territoire à vocation agricole avec un fort potentiel récréatif en bordure du fleuve Saint-Laurent, et dont le chef-lieu est la ville de Nicolet.

Le contexte de la MRC de Nicolet-Yamaska versus le gaz de schiste. Dès que la MRC a été mise au courant d'activités de forage sur son territoire, elle s'est intéressée à la question du gaz de schiste. C'était en avril 2009. Aujourd'hui, donc a posteriori, je pense qu'on peut dire que la MRC aura été un leader dans son milieu et même, à une plus grande échelle, concernant le débat qu'a connu le Québec au sujet du gaz de schiste dans les dernières années. C'est depuis ce moment un sujet d'intérêt pour la MRC, qui suit de près tout développement dans ce dossier, et notre présence ici n'est pas étrangère à notre intérêt toujours vivant de participer à cette grande réflexion sur l'avenir de la filière gazière au Québec.

On comprendra que, dans le débat sur le gaz de schiste puis sur le développement de l'industrie pétrolière ou des hydrocarbures, les municipalités, les MRC ont été et seront encore les premières interpellées, les premières institutions, en tout cas celles qu'on décrit toujours comme étant les plus proches des citoyens, vont être encore... ça sera encore ça dans l'avenir. Et, lorsqu'il sera question de développement de l'industrie gazière ou pétrolière, eh bien c'est sûr que ça va atterrir dans nos cours. Et, si on se fie à l'expérience passée dans nos cours, c'est atterri avec assez d'agressivité puis de façon assez violente. On a vécu de façon assez particulière le développement, là, de la filière du gaz de schiste, de façon encore un petit peu plus pointue. Alors, on souhaite que, dans les décisions qui seront prises dans le développement de l'industrie, bien, qu'on tienne en compte qu'il y a des gens sur le territoire qui vivent ça de proche puis qui ne sont pas menacés, mais qui sont interpellés, et de façon agressive.

• (15 h 50) •

Trois puits d'exploration ont, à ce jour, été forés sur le territoire de la MRC. Mis à part les craintes soulevées par la population, nous n'avons pas été témoins de problèmes particuliers vécus par les citoyens du territoire, là, durant la période de test ni depuis ce jour. On n'a pas vécu de problèmes. En ce qui concerne les craintes manifestées par la population, nous avons reçu une forte délégation citoyenne lors d'un conseil des maires, et le conseil des maires a maintenu sa position, qui était à l'époque — je vais la résumer, là — la suivante. Donc, dans le contexte actuel — puis je pense que c'est encore vrai — n'ayant pas en main toutes les informations pertinentes pour prendre une décision éclairée, le conseil des maires est contre la poursuite des activités de forage. Cette position sera révisée à la lumière du rapport du comité responsable de l'étude environnementale stratégique qui vient juste d'être publiée. C'est un engagement que nous avons pris comme conseil des maires devant la population de la MRC Nicolet-Yamaska.

En 2009, nous avons formé un comité ad hoc avec cinq autres municipalités régionales de comté, et on s'était donné comme mandat d'approfondir nos connaissances sur la question de l'exploitation, là, afin de protéger efficacement les intérêts de nos populations respectives. Nos objectifs, notre compétence et notre prise de parole se sont faits au nom des citoyens, jamais de façon scientifique. On n'avait pas les connaissances, nous, on était là pour représenter la population, défendre ce qu'on croyait les intérêts de la population. Donc, ce comité ad hoc, on l'a formé en souhaitant, justement, pouvoir regrouper nos forces avec cinq territoires de MRC et on a laissé tomber... Bon, on se rappellera qu'il y a eu la création du comité de liaison, qui a un petit peu adouci les affaires dans cette époque-là, et on s'est rendu compte aussi que, finalement, ça nous prendrait de l'argent pour avoir les compétences pour développer, justement, les connaissances sur l'exploitation des gaz de schiste, et on a dû abandonner pour ces deux raisons-là : le manque de soutien financier et le manque de ressources, et la création du comité de liaison.

La MRC, par contre, a pris position à plusieurs reprises dans le dossier, et notamment par l'intermédiaire d'un mémoire qui a été déposé ici dans le cadre d'une consultation précédente, justement, là, relativement à la Loi sur les mines, le projet de loi n° 79. Et nous pensons que notre position est toujours pertinente, mais elle sera particulièrement utile lorsque viendra le temps d'influencer la rédaction de la future loi sur les hydrocarbures.

La position de la MRC versus le projet de loi n° 37 de façon particulière. Alors, la MRC se réjouit du moratoire prévu au projet de loi, malgré que la MRC a toujours évité de faire la promotion d'un moratoire. On s'en réjouit, même si on n'en a jamais fait la promotion. Pour nous, le plus important, c'est surtout que les études environnementales stratégiques concernant le gaz de schiste permettent à l'État et à l'ensemble de la population de faire les bons choix. Le moratoire ne doit pas être une rupture dans le processus. C'est une étape, tout simplement, qui devra mener à une position gouvernementale claire, définitive, qu'elle soit favorable ou non au développement de la filière. Donc, le moratoire, c'est une étape dans le processus.

Nous avions fait écho, dans notre mémoire déposé dans le contexte de la révision de la Loi sur les mines, que nous estimions être très mal préparés à la venue de l'industrie gazière. Il faut que cette période de moratoire permette précisément de nous donner des moyens raisonnables et efficaces pour bien encadrer l'industrie si la population du Québec, à la lecture des résultats des études en cours, compte, effectivement, développer ce potentiel. Donc, c'est une période de transition, la période de moratoire.

Il y a eu des changements intéressants dans la Loi sur les mines que nous recommandions, là, tels que la possibilité pour le monde municipal de fixer certaines limites au développement de l'industrie à l'égard des autres usages du territoire. Cela laisse espérer dans le futur une meilleure prise en compte des intérêts locaux dans la réalisation des projets d'exploitation des ressources naturelles. Je redis, la proximité du monde municipal dans ces dossiers-là et la proximité de l'exploitation aussi, hein, qui devra… De par sa nature même, l'exploitation gazière devra se faire de façon intensive, donc avec de nombreux puits. Ça ne pourra pas se faire n'importe comment, là, c'est dans la nature même de l'industrie, on croit, là... Alors, ça va venir perturber pas mal le territoire et l'habitat. Alors, il faudra s'assurer que la population accepte.

Pour l'instant, vous aurez donc compris que la MRC n'est ni pour ni contre le développement du gaz de schiste. Nous avons pris l'engagement devant la population de prendre une position quand nous aurons pris connaissance des conclusions de l'étude environnementale stratégique qui est sortie hier. Encore une fois, là, l'imposition d'un moratoire nous apparaît donc raisonnable dans le contexte actuel, mais à la seule condition qu'il faudra statuer une fois pour toutes au sujet de la pertinence ou non de développer cette filière en sol québécois.

Le Président (M. Lessard) : …d'une minute, M. le préfet.

M. Drouin (Alain) : Merci. Il ne saurait s'agir d'un moyen final. Il s'agit d'un moyen transitoire, et le délai de cinq ans inscrit à la loi apparaît plus que suffisant pour permettre à l'État de tracer une voie claire pour le développement du gaz de schiste. À ce sujet, vous pouvez compter sur la MRC Nicolet-Yamaska pour continuer de contribuer au débat et à la réflexion. Évidemment, on ne sera pas là comme des experts, on va continuer d'y être à titre de représentants de la population. Nous espérons donc être entendus lorsque viendra le temps d'étudier la future loi sur les hydrocarbures. Merci de votre attention. On pourra répondre à vos questions.

Le Président (M. Lessard) : Merci beaucoup, M. le préfet. Je pense que vous avez bien fait étalage des expériences que vous avez vécues chez vous, donc.

Juste avant de passer la parole au gouvernement, donc, suite à une entente intervenue entre les partis de terminer à 18 heures, le temps de parole sera réparti comme suit. Donc, pour les groupes, le 10 minutes va rester pour la présentation, et, donc, il restera 23 minutes, donc, pour l'ensemble des partis à se partager : 10 minutes au gouvernement, neuf minutes à l'opposition officielle, et le 3 min 48 s qui est préservé, là, pour la deuxième opposition.

Alors, M. le ministre, sans plus tarder, je vous laisse la parole.

M. Blanchet : J'aime toujours ça, faire sourire mon collègue de Nicolet-Bécancour.

Écoutez, bien, d'abord, bien le bonjour, M. le maire, M. le directeur. Évidemment, on ne fera pas comme si on ne se connaît pas. C'est toujours un plaisir de vous voir et c'est... Je dirais que votre présence et ce que vous venez de nous dire a quelque chose d'emblématique, et je vous explique pourquoi. D'abord, Nicolet-Yamaska, on est dedans, là, on est dans la zone dans laquelle... tout près. Parce que l'intensité de l'inquiétude, ça se situe un peu plus Bécancour que Nicolet. Mais grandes inquiétudes, si on déborde un peu vers Drummond, on arrive Saint-Bonaventure. Donc là, on est dans le très, très emblématique, vous êtes dedans.

Or, ce que vous dites aujourd'hui… Vous n'amalgamez pas ce débat avec d'autres, vous ne dites pas : On tranche sur le fond. Vous ne dites pas : On présume de ce que doit être la fin des discussions. Vous ne dites pas : On sait ce que la science va dire avant que la science le dise. Vous dites : Écoutez, on ne le sait pas trop. Puis même vous faites état d'un historique où ça a brassé un peu d'un côté, un peu de l'autre, et vous dites : Dans ce contexte, le gouvernement choisit le bon outil en imposant un moratoire. Alors, moi, je trouve ça particulièrement intéressant non pas par récupération, mais parce que c'est ce qu'on voulait. Fondamentalement, c'est ce qu'on voulait. Au-delà du débat de fond qui va se faire, au-delà des analyses qui sont rendues publiques, au-delà des consultations qui vont avoir lieu avec le BAPE, il était essentiel qu'effectivement on se donne cet outil de recul, que d'autres voudront peut-être un peu démoniser, mais son intention n'a jamais été dans cet esprit-là.

Quelques questions qui vont nous éclairer parce que vous êtes plus proches des citoyens qui le vivent qu'à peu près n'importe qui parmi ceux qui vont venir ici, sauf peut-être d'autres MRC. Si ça avait été fait autrement — parce qu'on a tous décrit un peu la façon cavalière dont ça s'est passé au début — si ça avait été fait autrement, si ça avait été fait selon ce qu'on pourrait considérer aujourd'hui comme les règles de l'art, si les approches auprès des citoyens avaient été nuancées, si ça avait été : Écoutez, c'est un processus scientifique, exploratoire au début, et non pas comme… — ça nous a été écrit de même, je ne sais pas si ça s'est passé de même — et non pas : J'ai le droit, j'y vais… Vous savez, il y a eu… les citoyens ont été très heurtés. Est-ce qu'on aurait un débat différent aujourd'hui si les citoyens n'avaient pas eu ce sentiment d'être accessoires sur leurs propres terres?

M. Drouin (Alain) : Les politiciens, en général, à des situations hypothétiques, ils voient des questions hypothétiques et ne répondent pas, mais je vais répondre parce que… Puis je vais répondre oui à votre question. Si ça avait été différent, le résultat… Si ça avait été présenté différemment, le résultat aurait été différent, je suis convaincu. Il aurait été quoi, le résultat? Je ne le sais pas parce que le différent, c'est tout ce qui n'a pas été fait. Puis tout ce qui n'a pas été fait, bien, il y a des affaires qui ont été mal faites, puis il y a des affaires qui ont peut-être été bien faites. Donc, la réponse, c'est sûr que c'est oui s'il y avait eu une différence, M. Blanchet. Mais je ne peux pas aller plus loin que ça.

Il y a des choses qu'on aurait dû faire différemment, puis particulièrement dans l'approche, particulièrement dans, je dirais, l'image qu'on laissait paraître des impacts de l'exploitation gazière, hein? On laissait peut-être paraître qu'il n'y en avait pas, d'impacts environnementaux, finalement, que ce n'était pas grave, qu'on s'inquiétait pour rien. Alors, ça a juste fait en sorte que la population s'est inquiétée encore plus, et ça a fait en sorte que la population s'est manifestée encore plus, et s'est manifestée encore plus chez nous, dans nos cours.

• (16 heures) •

Le Président (M. Lessard) : M. le ministre.

M. Blanchet : Oui. Est-ce que le moratoire... On sait qu'il a été beaucoup demandé, mais, votre sentiment, est-ce que le moratoire va donner aux citoyens de la MRC de Nicolet-Yamaska le sentiment de sécurité auquel ils aspirent?

M. Drouin (Alain) : Pour le temps du moratoire, assurément. Nous les premiers, comme élus, on s'est engagés devant la population de la MRC de Nicolet-Yamaska à regarder les résultats du moratoire, à regarder les résultats de l'évaluation environnementale stratégique, on s'est engagés devant la population pour continuer à défendre ces intérêts-là. Et on vous dit aujourd'hui qu'on va le regarder et qu'on va vouloir être présents lorsque la prochaine loi sur les hydrocarbures sera présentée. On va vouloir être ici pour dire les préoccupations du monde municipal là-dedans. Alors, durant le moratoire, M. le ministre, oui, la population va... on pense, là, que ça va tempérer les inquiétudes. Quant aux résultats, on n'en présumera pas plus maintenant qu'on en présumait il y a 10 minutes, là.

Le Président (M. Lessard) : M. le ministre.

M. Blanchet : Bien, les enjeux du débat, c'est la présence de populations et d'activité économique, essentiellement l'agriculture, qui soulèvent beaucoup d'inquiétudes. Vous faites état de trois puits par fracturation, et ça n'a pas fait débat, ça n'a pas été problématique. Ma question est la suivante...

M. Drouin (Alain) : ...ça n'a pas fait débat...

M. Blanchet : Ça n'a pas fait problème, techniquement.

M. Drouin (Alain) : Il n'y a pas eu de problèmes environnementaux connus, là, qui...

M. Blanchet : O.K. Si — et j'imagine que vous avez eu des discussions avec des gens de l'industrie — la région était allée vers une exploitation de la ressource, on n'aurait pas parlé de trois puits, on aurait parlé — et vous le savez probablement mieux que moi — d'un nombre beaucoup plus significatif de puits sur le territoire. Est-ce que votre compréhension est que les citoyens auraient considéré compatibles l'activité économique agricole et l'activité économique gazière sur un même territoire?

M. Drouin (Alain) : À ma compréhension, non. À ma compréhension, là, non. Ça n'aurait pas été compatible. À ma compréhension, non.

M. Blanchet : Nous avons revu le processus qui était en place parce que l'évaluation environnementale stratégique était déjà en place, mais avait un mandat de recommandation. Nous avons retiré le mandat de recommandation pour le confier de nouveau au BAPE parce que le BAPE ne fait pas que des recommandations, il fait aussi des consultations publiques. J'aimerais avoir votre commentaire, mon opinion est à l'effet que… Si nous n'avions que pris la science, les recommandations et la mise en oeuvre — quel que soit le résultat, mais imaginons une mise en oeuvre moins défavorable — est-ce que les citoyens auraient été satisfaits de ne pas être de nouveau consultés, de ne pas avoir de nouveau l'occasion d'exprimer leurs inquiétudes, leurs appréhensions ou leurs questions?

M. Drouin (Alain) : Moi, je pense que les citoyens vont toujours souhaiter être consultés. Les citoyens sont toujours concernés par l'exploitation des ressources sur leur territoire. Alors, ils vont toujours souhaiter être consultés parce qu'encore une fois c'est dans leur cour que ça se passe. Et, quand on parle d'exploitation minière, ou gazière, ou pétrolière, ça se passe dans leur cour, puis parce que ça se passe chez eux... Bien, si ça se passait chez moi, je voudrais être consulté puis j'imagine que, si ça se passait dans votre cour, ça serait pareil, on souhaite... Oui, les citoyens vont souhaiter être consultés et sont concernés par l'exploitation des ressources naturelles. Particulièrement du gaz, mais de l'ensemble du dossier des mines et pétrole, des hydrocarbures, ils sont concernés par ça.

M. Blanchet : Moi, ma circonscription est tout près de votre secteur, que je connais très bien. Et, d'ailleurs, c'est un secteur qui, en termes environnementaux, est emblématique aussi. C'est riverain du lac Saint-Pierre, réserve mondiale de l'UNESCO. C'est un endroit qui, effectivement, a une valeur environnementale extraordinaire, et vous avez quand même eu des débats. Il n'y a pas eu un braquage immédiat, il y a eu des discussions. La MRC a débattu, les maires ont débattu de l'enjeu. Si je comprends bien — vous commenterez — à travers les débats que vous avez eus, vous en êtes arrivés à la conclusion que, puisqu'il n'y avait pas de consensus, le plus sage était que tout le monde s'abstienne jusqu'à ce qu'une loi dispose de l'enjeu.

M. Drouin (Alain) : Cette conclusion-là, on y est arrivés, mais ce n'est pas exclusivement lié au consensus scientifique ou au consensus social. Cette conclusion-là, qu'il fallait attendre, c'était, effectivement, en fonction des connaissances, qu'on croit encore imparfaites, des expériences, qu'on croit encore imparfaites. Elles le seront toujours, là, mais il y a de la place pour bonifier ces connaissances-là, pour bonifier nos expériences, pour bonifier nos méthodes de travail. On peut encore dire aujourd'hui au nom de la population, hein, que, compte tenu des compétences, justement, l'exploitation, ce n'est pas encore le moment, alors… Puis c'est encore vrai.

Le Président (M. Lessard) : M. Albert.

M. Albert (Jean-François) : Oui. Un autre commentaire aussi à ce sujet-là. Même, je pense que c'est assez évident, là, même si le gouvernement décide d'aller de l'avant dans cette filière gazière là, même si les études sont plutôt rassurantes, puis, bon, que le contexte semble être bon pour développer ça, il est évident qu'il va avoir un braquage d'une certaine partie de la population sur le développement de la filière. Ça va demeurer un enjeu au niveau citoyen. Moi, je suis persuadé que, même avec le meilleur cadre, il risque d'y avoir des citoyens mécontents qui viennent, par exemple, à la MRC Nicolet-Yamaska, là.

Le Président (M. Lessard) : ...je m'excuse de vous interrompre, mais ça termine la partie pour laquelle le gouvernement pose des questions. On va aller du côté de l'opposition officielle maintenant. Vous avez donc neuf minutes pour vous adresser, donc, à nos invités.

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Drouin, le préfet de Nicolet-Yamaska, et M. Albert également. Je vais vous lire une citation qui a été d'une déclaration faite par la ministre des Ressources naturelles. Parce que j'ai entendu attentivement votre présentation, M. Drouin, à l'effet que, pour vous, ce qui est important, c'est de pouvoir prendre une décision qui est éclairée, avoir l'information, et que vous, vous ne sentiez pas… sans les moyens de pouvoir prendre une décision et recommander quelque chose au public, là, il y avait trop d'interrogations, là.

Vous savez que l'étude environnementale stratégique est sortie hier soir, 17 h 48, la veille du début de nos consultations. Je veux savoir, d'abord, si vous avez eu l'occasion, premièrement, de la consulter et d'échanger, de consulter vos experts et de faire le tour un petit peu. Et j'avoue qu'en posant la question je sais que… Il y en a qui nous ont dit qu'ils paraissaient un petit peu cernés aujourd'hui parce qu'ils avaient passé une nuit blanche en essayant de décortiquer le tout. Est-ce que, vous, c'est votre cas? Est-ce que vous avez eu l'occasion, avant de venir ici aujourd'hui et, en quelque sorte, faire votre présentation… avez-vous eu l'occasion, vraiment, de regarder en profondeur ce qui a apparu sur le site Internet, là, hier, à 6 heures, le soir?

M. Drouin (Alain) : Non, on n'a pas consulté. On en a discuté, là. Personnellement, je ne l'ai pas consulté du tout. M. Albert en a vaguement pris connaissance, là, des conclusions...

M. Albert (Jean-François) : Un certain nombre…

M. Drouin (Alain) : Un certain nombre, mais on comprend que, je veux dire, c'est un sommaire. Puis il y a 278 pages, je pense, alors… Mais on n'a pas regardé ça de façon pointue.

• (16 h 10) •

M. Sklavounos : Ce n'est pas une question piège, là. En posant la question, je soupçonnais quand même la réponse un petit peu, M. Drouin. Vous savez, par le passé… Et nous aussi, on a été pris par surprise un petit peu avec ce qu'on a entendu dans les nouvelles jeudi parce que vous savez, vous n'êtes pas sans savoir, je pense, que tout le Québec est au courant qu'on... en utilisant un procédé similaire, la fracturation hydraulique, on a une annonce pour Anticosti. Et, en quelque sorte, c'est le même procédé où on dit : On va explorer d'abord et faire un BAPE après, alors que l'exploration elle-même comporte la fracturation.

Ici, on parle plutôt d'arrêter tout. Ou c'est déjà arrêté de facto, veux veux pas. Il y avait par le passé une déclaration de la ministre des Ressources naturelles où elle avait déclaré, et je cite : «Je ne vois pas le jour où des technologies permettront une exploitation sécuritaire.» Et ceci, elle le disait en parlant des gaz de schiste. Je comprends que, vous, votre position est plutôt, au lieu de présumer qu'il n'y en aura jamais, une façon technologique sécuritaire et appropriée pour traiter, pour forer, vous préférez dire : Je veux pouvoir m'appuyer sur la science, je veux pouvoir avoir cette information.

Alors, la question que je vous pose, là, j'imagine, en quittant ou à un moment donné dans le proche avenir, vous allez consulter et essayer de prendre position en vertu de ce qui est dans l'étude environnementale stratégique, qui est une synthèse de plusieurs rapports. Sentez-vous à l'aise. À part le fait de dire : Écoutez, en ce moment, économiquement, ce n'est pas rentable, le gaz, tout le monde semble d'accord là-dessus pour le moment, et le fait qu'il y a un moratoire de facto, veux veux pas, il n'y a personne qui est en train de forer pour du gaz,-est-ce que vous ne préférez pas, à un moment donné — et le BAPE, c'est quelque chose qui va arriver plus tard — pouvoir venir et vous positionner sur la question du moratoire, ayant eu le temps préalablement de pouvoir analyser, étudier l'étude environnementale stratégique afin de pouvoir vous positionner, sachant que, de facto, ce moratoire existe?

Le Président (M. Lessard) : M. le préfet.

M. Drouin (Alain) : Bien, d'abord, je vais parler de mes yeux pochés, c'est naturel.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Drouin (Alain) : Je vais me coucher tard, je vais me coucher de bonne heure, ils sont toujours pochés.

Le Président (M. Lessard) :

M. Drouin (Alain) : Merci, M. le ministre... M. Lessard. M. le ministre... Écoutez, la réponse à la question, nous, d'abord, on ne décidera pas, hein, de l'avenir de l'industrie gazière puis de l'industrie pétrolière sur le territoire québécois. Puis l'exploitation, si ça venait en exploitation, on ne décidera pas ça.

Encore une fois, on est une petite municipalité régionale de comté, on n'a pas d'experts, on n'en aura jamais à notre emploi. On se fie à l'État, on se fie comme on s'y est fié jusqu'à aujourd'hui, comme on s'y est fié dans le passé, à l'État. Ça a d'ailleurs… On s'y est fié, là, à cette méthode, cette façon de faire. On ne s'est jamais, encore une fois, prétendu des experts. On s'est dit, encore une fois, qu'on défendait à une certaine époque… Donc, c'est encore ça, c'est la démocratie dans le système lui-même. C'est-à-dire que l'institution, non seulement l'Assemblée nationale, mais les moyens dont elle s'est donné, le Bureau d'audiences publiques, l'évaluation environnementale stratégique, c'est… on a dit : On se fie à ça, puis ce qu'on défend… En fait, ce n'est pas les individus, c'était l'institution qu'on défendait en disant : Laissons l'institution, justement, faire son travail. On évaluera après le résultat, mais pas avant. Et c'est encore vrai.

M. Sklavounos : Sachant qu'en utilisant le même procédé, qui est la fracturation hydraulique, pour faire de l'exploration à Anticosti… Et vous comprenez que le BAPE à Anticosti dont on parle… Parce qu'on parle de BAPE ici, on parle de BAPE là. Ici, on parle de BAPE alors que tout est arrêté. Là, on parle d'un BAPE après qu'il y aura eu des forages puis de la fracturation hydraulique au stade de l'exploration. Alors, on le place à des endroits différents, le BAPE, selon que ce soit du pétrole ou du gaz.

Ceci étant dit, on comprend tous… Et c'est souvent le cas qu'on trouve les deux ensemble, et, en forant pour du pétrole, on risque de frapper du gaz avant de toucher à du pétrole, il y a… Je poserai la question à d'autres plus tard, mais ma question pour vous : Est-ce que vous trouvez qu'on devance un petit peu la question en voulant imposer le moratoire avant de pouvoir regarder les études? Ça, c'est la première.

Et la deuxième : Est-ce que c'est de nature à vous rassurer, à rassurer les citoyens, alors que le gouvernement va de l'avant avec le pétrole de schiste en nous disant qu'on est capable de le surveiller, on va avoir nos experts là, on va pouvoir faire ça correctement? Est-ce que ça vous rassure à quelque part, puisqu'on utilise le même procédé?

M. Drouin (Alain) : Nous, sur la fracturation, là, à l'île d'Anticosti, on ne s'est pas arrêté. Honnêtement, on ne s'est pas arrêté, comme MRC, sur la fracturation pour aller extraire les hydrocarbures, le pétrole de schiste qui y est enfermé. On comprend, puis je comprends bien le sens de votre question, c'est la même méthode d'extraction, mais on ne s'est pas attardé sur ce qui va se passer là-bas. On comprend que l'île d'Anticosti… Je crois qu'il y a 187 habitants, quelque chose comme ça, ce n'est pas…

Une voix :

M. Drouin (Alain) : Pardon, 188? Ce n'est pas moins important parce qu'il y a 188, ou 189, ou 200 000 personnes, il y a 100… Il y a des individus qui vivent là-bas. Mais il y a peut-être moyen de moyenner, là, en faisant des fracturations à certains endroits où ce n'est pas habité, j'imagine. L'exploitation, on sait, là, du gaz de schiste, c'est de ça dont…

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, je dois vous interrompre, M. le préfet, étant donné qu'on est rendu maintenant au temps accordé, donc, au deuxième groupe d'opposition, et critique de l'opposition officielle, donc, en matière de développement durable, et député de Nicolet-Bécancour. Donc, à vous la parole pour 3 min 48 s.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Drouin, Jean-François. Je dois vous dire, cet après-midi, que je suis vraiment fier de vous autres. Je ne dis pas ça d'un ton paternaliste, là, je suis fier d'avoir été associé… Puis je trouve que vous nous avez fait un beau témoignage de ce qui s'est vécu au niveau de la MRC. Puis moi, je rajouterais… Puis c'est peut-être gênant pour vous autres de dire ça, mais les citoyens de Nicolet-Yamaska ont été chanceux de compter sur un préfet aussi sage que vous, des maires complètement objectifs et ouverts sur cette question-là. Et, Jean-François, une belle expertise qui tu as amenée avec les moyens du bord, mais la curiosité... On a toujours pu être bien informés par rapport à ce dossier-là, puis je trouve que vous seriez en mesure, les maires de la MRC de Nicolet-Yamaska, à donner une leçon aux parlementaires.

Moi, je peux témoigner que cette question-là du gaz de schiste, au sein de la MRC, elle s'est traitée en faisant totalement abstraction de la politique. Il y a des maires qui ont une tendance plus péquiste, il y a des maires qui ont une tendance plus libérale. J'espère qu'il y a des maires avec une tendance caquiste aussi, mais je pense sincèrement… je pense que vous avez fait abstraction de ça, et c'est ce qui a fait qu'on a pu avoir des discussions franches et ouvertes. C'est de valeur, je n'aurai peut-être même pas le temps de poser des questions, mais je pense que l'attitude que les maires ont eue là-dedans… même s'il y a eu de l'opposition, l'objectif recherché, c'était vraiment la vérité. Ce n'était pas l'opportunisme politique, c'était vraiment... il y avait une curiosité et un désir de bien servir les citoyens de Nicolet-Yamaska. Moi, je vous dis bravo, je profite de ma tribune pour vous féliciter de cette attitude-là.

Peut-être que je vous donnerais juste l'opportunité de vous exprimer. Parce que, tantôt, mon collègue, il vous parlait de l'expertise au niveau de la MRC, on n'a pas les moyens dans les MRC de se payer ça, c'est vraiment des choses qu'on rajoute, et, en même temps, on est responsables de l'aménagement. Les gouvernements demandent beaucoup aux MRC. J'aimerais ça, vous laisser peut-être l'opportunité de faire les réclamations nécessaires.

Le Président (M. Lessard) : Alors, M. le préfet, vous avez presque une minute.

M. Drouin (Alain) : Bien, je pourrais joindre ma voix, bien sûr, à la voix des élus locaux, de l'ensemble des élus locaux du territoire québécois puis de de l'ensemble, j'imagine, des préfets de MRC pour dire : Bien oui, il y a des responsabilités qui sont cédées aux municipalités, il y a des responsabilités qui sont cédées aux MRC, puis parfois ça se fait par la bande. On comprend que les interventions ou les coupures budgétaires dans le réseau de la santé, les coupures budgétaires dans le réseau scolaire, les coupures budgétaires un peu partout dans les réseaux, dans les services publics, eh bien ça se répercute, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, sur les municipalités. Ceux qui sont passés par le rôle d'élu municipal parmi vous…

Le Président (M. Lessard) : Ça met fin, malheureusement, à nos échanges aujourd'hui. Alors, on veut remercier, donc, les représentants de la MRC de Nicolet-Yamaska.

Nous allons suspendre quelques minutes pour que le prochain groupe puisse s'approcher. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Lessard) : …nous allons maintenant entendre l'Association des consommateurs industriels de gaz. Je ne voulais pas couper le plaisir de personne, mais, comme on s'est donné un cadre temporel à respecter, alors donc bienvenue à cette commission, et veuillez aussi décliner votre identité pour les fins d'enregistrement de nos travaux.

Association des consommateurs
industriels de gaz (ACIG)

Mme Gervais (Lucie) : Bonjour. Mon nom est Lucie Gervais. Je suis consultante principale pour l'Association des consommateurs industriels de gaz.

Mme Rahbar (Shahrzad) : Moi, je suis Shahrzad Rahbar, la présidente de l'association.

Le Président (M. Lessard) : ...alors, vous avez donc 10 minutes pour faire une présentation. Je vois que vous avez un soutien, donc, audiovisuel actuellement. Alors, on vous laisse aller, vous avez 10 minutes pour la présentation.

Mme Rahbar (Shahrzad) : Mme Gervais.

Mme Gervais (Lucie) : Alors, bonjour, M. le Président et les membres du comité. Naturellement, nous sommes bien heureux d'être ici et de pouvoir contribuer à votre consultation. L'objectif de l'association, de notre présentation aujourd'hui est de vous sensibiliser au lien qui est très, très intime et très important entre, pour les industriels, d'avoir un approvisionnement gazier qui est fiable et à prix compétitif et l'impact que ça a ou le lien que ça a avec le développement économique durable au Québec et pour les régions également.

Alors, je vais vous parler rapidement de l'ACIG, de l'association, pour que vous ayez une bonne idée qui nous représentons. Alors, les membres, globalement, de l'association, il y a 22 membres, dont neuf qui sont présents au Québec. Ces membres sont partout en région. Ils représentent 20 000 emplois directs au Québec et ils représentent autant, donc 20 000 emplois indirects au Québec. Ils ont des liens d'affaires avec 9 000 fournisseurs. Ils injectent plus de 7,5 milliards, donc tout près de 8 milliards de dollars annuellement dans l'économie du Québec. Et leur consommation seulement au Québec représente environ 25 % de la consommation totale du Québec au niveau du gaz naturel. À l'échelle mondiale, les 22 membres de l'association qui… les 22 membres totaux consomment l'équivalent de la moitié de la consommation de gaz naturel au Québec et ils représentent, à eux seuls, à travers le monde, sur la planète, près de trois quarts de million d'emplois.

Les industriels sont engagés à protéger l'environnement. Ils sont de fiers partenaires au développement durable. Certains de ces industriels… en fait, tous ces industriels qui sont les membres de l'ACIG, de l'association, ont une politique environnementale. Plusieurs d'entre eux utilisent des matières résiduelles. Certains d'entre eux sont partenaires de chaires de recherche en efficacité énergétique. Au moins trois d'entre eux que j'ai pu décompter, finalement, qui ont reçu des prix Énergia de l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie et les prix Innovation de l'ADRIQ, qui est l'Association de la recherche industrielle du Québec. Alors, chacun, c'est sûr, que ce soit pour des motifs d'économie d'énergie, de coûts, naturellement, également pour une sensibilité environnementale… chacun fait sa part, et c'est une question à laquelle les industriels sont très conscients et très concernés.

La consommation d'énergie au Québec... On a vu dans les documents qui ont été présentés lors de la consultation sur les enjeux énergétiques, l'électricité comptait pour 40 % de la consommation énergétique au Québec, le gaz naturel, 13 %. Les industriels, leur consommation, dans leur secteur, on parle de 49 % d'électricité, mais on parle de près de 20 % pour le gaz naturel. Donc, la part du gaz naturel, elle est plus forte du niveau industriel qu'elle l'est sur l'ensemble des Québécois, de la consommation. Et, pour les industriels, c'est presque 20 %. C'est très important comme valeur parce que les coûts sont importants et les coûts se dirigent, vont en grande partie… tiennent une grande place dans le coût de production de l'industrie. Alors, les coûts de production sont directement liés avec les coûts de l'énergie et la disponibilité, et c'est pour ça que c'est essentiel d'avoir un accès fiable et un accès à prix compétitif d'un approvisionnement en gaz naturel.

Dans le document de consultation qui a servi à l'élaboration de la politique énergétique, qu'on n'a pas vue encore, mais qui est probablement en train d'être élaborée, il y avait deux des six ou sept objectifs qui étaient visés qui, particulièrement, nous interpellaient, le premier étant d'explorer et exploiter de façon responsable les réserves d'hydrocarbures sur le territoire et valoriser cette ressource afin d'enrichir les Québécois. Alors, il n'y a personne qui est contre la vertu, et ça va de soi que, pour nous, c'est important. Si l'approvisionnement est plus près, on aimerait croire que les coûts vont être moins élevés également parce qu'ils seront à proximité. Alors, pour nous, si le Québec pouvait développer des ressources d'hydrocarbures tout comme le Québec a su développer les ressources hydrauliques dans le passé, on est convaincus que ça devrait aider à l'apport économique parce que ça va rendre les coûts de production moindres et ça pourrait inciter de nouveaux investissements, finalement, au Québec. Également, ce qui est important pour nous, c'est d'assurer — ce qui était un objectif aussi — à long terme la sécurité et la diversité des approvisionnements énergétiques du Québec.

Le gaz naturel est une énergie qui est essentielle au développement économique parce qu'elle est essentielle à certaines industries. Ce ne sont pas toutes les industries qui utilisent de l'électricité, et, pour certaines industries, il est essentiel d'avoir du gaz naturel. L'électricité ne pourrait pas répondre à la transformation, finalement, ou à la production comme telle, ne donnant pas suffisamment d'énergie ou de chaleur, finalement. Alors, le gaz naturel est essentiel pour les industries qui sont implantées au Québec, et il est important que le gouvernement reconnaisse cet apport-là et le rôle que ça joue dans l'économie, et également le gouvernement devrait en faciliter l'accès. Il en va de la viabilité des entreprises d'accéder à cette énergie à des bons prix.

L'exploitation du gaz de schiste au Québec, l'association des consommateurs de gaz naturel, vous comprendrez qu'on ne se prononce pas sur le gaz de schiste ou pour ou contre. Ce que l'on dit, c'est : Les industries au Québec ont besoin de gaz naturel. Alors, peu importe d'où il provient, le besoin est pour le gaz naturel. Maintenant, ce qui est important, je le répète, parce que c'est très important pour nous, c'est qu'il soit fiable et qu'il soit à prix compétitif.

• (16 h 30) •

Présentement, l'industrie du gaz naturel ou le monde du gaz naturel vit de grandes transformations où l'approvisionnement, qui venait auparavant de l'Ouest, de l'Alberta, finalement, tant avec les exploitations de gaz de schiste et de… aux États-Unis, au sud de l'Ontario, cela correspond, finalement, à une nouvelle source d'approvisionnement pour les industriels au Québec qui est plus près que l'Ouest et qui offre une option ou une alternative, finalement. Mais c'est sûr que, si on est assis sur des ressources et qu'on pouvait les exploiter, encore faut-il s'assurer de bien les exploiter et de bien établir les règles, finalement. Mais ça pourrait représenter un avantage économique tant pour le Québec que pour les industries qui font partie… Le Québec, on croit qu'il doit développer son savoir-faire et prendre le temps de bien faire les choses.

Le projet de loi n° 37, visant... finalement, de ce que je comprends, ça officialise un moratoire qui est, entre guillemets, de facto. On est un petit peu... Ce n'est pas qu'on est contre le projet de loi ou pour le projet de loi, je crois qu'on n'a pas à... on ne peut pas vraiment... on n'arrive pas à se prononcer. Ce que l'on croit, l'association, ça nous semble aller... je dirais, à être prématuré, je le dirais comme ça, dans le sens qu'on attend toujours la politique énergétique. Et, pour nous, dans l'ordre des choses, on s'attendrait à ce que la politique énergétique soit, premièrement, émise et approuvée, ce qui donnerait la direction à prendre. Parce que les objectifs sont de développer les hydrocarbures au Québec, c'est un des objectifs que j'ai mentionnés tout à l'heure. Alors, le fait que l'on arrête présentement... De toute façon, il n'y a pas d'activité qui se fait, alors, pour nous, le moratoire, on croyait qu'il était vraiment en place. Alors, de voir le projet de loi tel que prononcé, pour nous, on croit que c'est tout simplement prématuré, qu'il y aurait plus lieu de focusser vraiment, de porter son attention sur le développement de la politique énergétique pour qu'on connaisse les règles de façon très claire, finalement, pour qu'on sache c'est quoi, le carré de sable dans lequel on va jouer, et quelles sont les règles qui vont être en place. Et, pour nous, tant que la politique n'est pas confirmée...

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, ça va terminer le temps alloué, là...

Mme Gervais (Lucie) : Ça termine également...

Le Président (M. Lessard) : …pour la présentation, mais on aura l'occasion de faire des échanges.

Mme Gervais (Lucie) : On a terminé, alors je vous remercie.

Le Président (M. Lessard) : Merci pour le travail bien documenté. Alors donc, je rappelle les règles : 10 minutes au gouvernement, neuf minutes à l'opposition officielle et 3 min 48 s à la deuxième opposition. Alors, la parole est au ministre, donc, du Développement durable.

M. Blanchet : Mesdames, bonjour. Écoutez, votre présentation est très, très intéressante parce que vous abordez la question sous un angle qui a été sinon peu abordé, au moins peu médiatisé. Ça n'a pas assez fait partie du débat qu'il y a des consommateurs à grande échelle. Et on comprend, d'ailleurs, que l'essentiel du gaz naturel au Québec, pour une très, très, très grande partie, est, effectivement, dans le secteur industriel.

J'ai plusieurs types de questions. Je ne réussirai pas à toutes les rentrer dans le 10 minutes, je vais essayer d'y aller au plus coupant. Vous dites que le moratoire retarde le développement d'une filière. Or, est-ce que la demande sur le marché québécois, au prix qu'est le gaz américain, justifie le développement de la filière? Et, sinon, qu'est-ce que ça retarde?

Mme Gervais (Lucie) : Je ne crois pas avoir dit que le moratoire retardait le développement de la filière.

M. Blanchet : On l'a lu dans le mémoire.

Mme Gervais (Lucie) : En fait, ce que l'on dit est qu'il est prématuré. Tant qu'on n'a pas encore développé les politiques et qu'on n'a pas pris connaissance de la politique énergétique, pour nous, le moratoire nous apparaissait comme on voulait tout arrêter, alors qu'il y aurait probablement lieu de développer notre expertise, nos connaissances par des recherches. Les gens de la MRC de Nicolet ont parlé avant nous et faisaient référence, justement, tant qu'on n'a pas vu les rapports, qu'on fasse les... Ma compréhension de… Ce que j'ai entendu, finalement, de leur commentaire à l'effet que le moratoire, présentement, on ne voit pas ce qu'il vient arrêter, puisque le reste est déjà arrêté, c'était le moratoire de facto auquel j'ai fait référence un petit peu tout à l'heure. Et de vouloir mettre l'emphase sur ce moratoire maintenant ou sur le projet de loi, on croyait que ça venait tout simplement... J'essaie de ne pas dire «à l'encontre» parce que je ne suis pas certaine, même si je... Peut-être que le mot est bon, mais peut-être qu'il est fort, un peu. Alors, j'essaie d'adoucir cette expression-là, mais d'être un petit peu dans une direction opposée ou ne pas aller dans le même sens que les objectifs qu'on lit dans la politique.

Essentiellement, si on lit une politique... Parce qu'on ne l'a pas lue, parce qu'elle n'est pas sortie. Alors, ce n'est pas un reproche, là, c'est plus une constatation. Lorsqu'on lira la politique énergétique et on dira : Voici, c'est vers ça qu'on veut aller, je crois que tout le reste va découler de ça. C'est plus la position ou la conception. C'est une fois qu'on a une politique, on sait que, voici, c'est la direction qu'on va prendre. À ce moment-là, le reste des outils, le moratoire, et le reste, et tout autre décret qui pourrait arriver ou loi devraient découler de la vision globale qui sera énoncée par la politique. La difficulté, si je peux l'exprimer ainsi, c'est qu'en allant avec un moratoire maintenant ou avec le projet de loi c'est comme si on arrêtait certaines étapes bien encadrées, et, ensuite, on va arriver avec une politique énergétique, mais on aura déjà décidé des choses auparavant. C'était juste dans l'ordre des choses, qui nous apparaissait un peu ambigu.

M. Blanchet : J'ai l'impression contraire. Puisque vous souhaitez que la politique énergétique précède les décisions relatives à l'exploitation ou non d'une filière, le moratoire n'est pas un obstacle, puisque vous souhaitez que nous attendions la politique énergétique avant d'aller de l'avant. Autrement dit, c'est comme si, pour deux raisons différentes, on arrivait à une même conclusion, on souhaite attendre parce qu'on n'a pas la politique énergétique et on souhaite attendre de notre côté parce qu'il y a un ensemble d'enjeux qui ne sont pas réglés. Mais le moratoire n'est pas un obstacle au développement de la politique énergétique, il est même, à la limite, favorable à cette attente et à cette période de réflexion pendant laquelle le gouvernement développe, justement, sa politique énergétique.

Mme Gervais (Lucie) : Je ne suis pas en désaccord avec vous, et ce n'est pas une question de débattre comme tel. Ce que je vois, c'est que, lorsqu'on aura la politique, on saura que c'est la direction vers laquelle on veut prendre. Présentement, l'annonce qu'il y a eu la semaine dernière pour le développement du pétrole de schiste à Anticosti, pour moi, je le lis comme étant en lien avec la politique énergétique ou, du moins, qui est à venir, dont on a vu les objectifs énoncés lors de la consultation à l'automne dernier ou au courant de l'été.

Et, je vais vous dire très candidement, le moratoire, qu'il soit ou non enforcé, finalement, par le projet de loi... Moi, j'étais convaincue qu'il y en avait un, moratoire, jusqu'à ce que je fasse ma recherche. Alors, pour moi, le moratoire… Et ce n'est pas contre le moratoire que j'en ai, et ce n'est pas une question qu'on a quelque chose contre. Ce qu'on dit, c'est : On se questionnait sur la nécessité d'avoir ce projet de loi là qui venait donner, je dirais, des dents peut-être à quelque chose qui n'est pas utile parce que, de toute façon, il n'y a rien qui se passe tant qu'on ne saura pas vers quoi on va ou tant et aussi longtemps… Si on prend pour acquis que le moratoire est déjà en place, c'est comme si on vient… Vous connaissez l'expression d'avoir la ceinture et les bretelles et d'en rajouter. Alors, on se demande, tout simplement, est-ce que c'est pertinent de l'avoir.

M. Blanchet : C'est tout l'exercice de dérive auquel un certain nombre de personnes nous ont conviés. Ce n'est pas parce que quelque chose ne se fait pas que c'est interdit. Ce n'est pas parce que je roule à 100 que je n'ai pas le droit de rouler à 120. Peut-être que je m'abstiens de rouler. C'est peut-être pour d'autres raisons qu'il n'y a pas de développement. Je suis convaincu que l'absence de développement n'est pas due au fait que les promoteurs diraient : Ça ne nous intéresse pas. Il y a d'autres raisons pour lesquelles il n'y a pas de développement. Le moratoire de facto que vous décrivez n'est pas du tout un moratoire parce que ce n'est pas une interdiction. Un moratoire, c'est un empêchement, c'est une interdiction. Ce n'est donc pas parce que ça ne se fait pas que c'est l'objet d'une interdiction, ça ne se fait pas pour d'autres raisons. Parmi les autres raisons possibles, est-ce qu'on peut considérer les facteurs économiques?

Vous parliez d'un prix compétitif pour le gaz. Et ça, je le comprends parfaitement bien, vous avez besoin d'un approvisionnement stable, de qualité, à prix compétitif. Est-ce qu'on peut considérer qu'un des facteurs pour lesquels il n'y a pas plus de pression récemment sur les projets de gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, c'est qu'au niveau économique ces projets-là ne seraient pas concurrentiels par rapport à la production extrêmement abondante qui est en train de faire des États-Unis le premier producteur d'hydrocarbures au monde?

• (16 h 40) •

Mme Gervais (Lucie) : M. le ministre, vous comprendrez que l'association des consommateurs n'est pas l'association des producteurs. Ça va de soi que tout ce qui est… Et je vous le concède, je ne vais pas discuter de tout ce qui est des coûts de production et d'aller chercher le gaz de schiste, et tout, parce que ce n'est pas nous qui le produisons, ce n'est pas les… Nous, on représente les consommateurs. Le message qu'on veut vous transmettre, c'est que les consommateurs ont un besoin au niveau de l'économie, au niveau de la santé de leur entreprise, d'avoir un accès fiable et de connaître les règles du jeu clairement. Alors, pour nous, ce qui importe, c'est que le Québec ait accès à un approvisionnement gazier fiable. Présentement, il ne vient pas du sous-sol québécois, et c'est correct.

Et ce qu'on veut vous dire, c'est qu'il ne faut pas aller à la course, de dire : Il faut absolument qu'on ait quelque chose demain matin. Comme je vous dis, ce n'est pas de retarder indûment non plus. Le message qu'on veut vous transmettre, c'est que les industries, parce que ça les touche profondément et directement dans leur santé économique ou leur santé d'industriels… Ce qui est important pour nous, pour les membres de l'ACIG, pour les industriels au Québec, c'est de faire, je dirais, une transformation lorsqu'il y en aura une et la faire parfaitement, du bon coup. Donc, si ça prend deux ans, trois ans, si ça prend le temps qu'il faut… Et je ne veux pas attacher de temps, ça peut être… mais il faut s'assurer que, lorsqu'on le fera, on le fera correctement du premier coup et de prendre le temps de le faire.

Pour l'instant, on a accès à d'autres approvisionnements, mais est-ce que cet approvisionnement-là sera toujours… Il faut s'assurer qu'on a une vision à long terme. Est-ce que cet approvisionnement-là sera toujours disponible pour les industriels du Québec? Et est-ce qu'il sera toujours disponible à prix compétitif? Alors, il n'y a pas le feu, comme on dit, mais, en même temps, on veut s'assurer que, lorsque vous ferez quelque chose, ce sera fait correctement du premier coup.

M. Blanchet : L'approvisionnement extérieur a des chances de demeurer assez crucial, même si je comprends très, très bien les préoccupations de l'industrie, et vous les exprimez très bien.

J'aurais une dernière question pour vous. Est-ce qu'il y a un effort de fait parmi vos membres pour aller vers le biogaz, dont le Québec fait des efforts considérables pour en développer, faire en sorte… Parce que c'est, évidemment, beaucoup plus environnemental, et est-ce qu'il y a des efforts qui se font pour s'affranchir des hydrocarbures? Parce que, quels que soient les débats qu'on a au Québec présentement, sur un horizon de quelques dizaines d'années il faudra s'affranchir éventuellement des hydrocarbures pour des raisons environnementales assurément et, éventuellement, pour des raisons économiques. Donc, est-ce que vos membres font des efforts vers le biogaz et vers l'affranchissement de ce type de carburant en général?

Mme Gervais (Lucie) : Le biogaz, les efforts, naturellement, ça dépend là où il sera. L'industrie…

Le Président (M. Lessard) : Je pense, ça va terminer nos échanges concernant la question du ministre. Avant de passer, donc, au groupe de l'opposition officielle, donc, je sais que le ministre essayait de faire un point sur l'interdiction, à savoir ce n'est parce que personne ne te le demande pas qu'il n'y a pas d'interdiction. Donc, la loi vient préciser que le ministère aura la capacité d'interdire. Alors, quiconque demanderait un permis, la loi interdirait de l'émettre, alors que la loi, actuellement, l'autorise.

Alors donc, on va passer, donc, du côté de l'opposition officielle pour neuf minutes.

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Fortin, Mme Rahbar, et bienvenue. Merci pour vos observations.

D'abord, je vous comprends bien lorsque vous dites que, lorsqu'on n'a pas de politique énergétique, c'est très difficile de comprendre la logique lorsqu'on semble procéder morceau par morceau. Et, si vous voulez, depuis jeudi, un petit peu en contradiction, là… Et, comme vous l'avez dit, au niveau de la politique énergétique, il y en a d'autres qui sont venus nous parler plus... des groupes de nature environnementale sont venus nous parler plus du plan d'action au niveau des gaz à effet de serre, nous dire également que c'est très difficile de comprendre ce qu'on fait, là, lorsqu'on n'a pas un plan d'action, là, parce qu'évidemment il y a une différence entre les émissions des gaz pour la production et l'utilisation du gaz naturel et pour le pétrole. Malgré le fait qu'on les trouve souvent ensemble, la plupart du temps ensemble, là, il y a des impacts et une empreinte différente, là, lors de l'utilisation.

Et je comprends ce que vous craignez, je comprends ce que vous craignez lorsque vous dites : Il y a un moratoire de facto. Parce que oui, le gouvernement précédent s'était engagé à ne pas autoriser — malgré le fait que ce n'est pas interdit — des forages de ce type-là tant et aussi longtemps qu'on n'avait pas la science pour nous appuyer. Mais, lorsque vous, vous entendez comme d'autres les déclarations de la ministre des Ressources naturelles, qui dit : On ne pourra jamais, techniquement, faire ça, là je comprends que vous êtes inquiètes. Parce que, là, vous dites : Écoutez, là, là, ce moratoire-là, là, c'est un moratoire comme final, là. Ce n'est pas un moratoire temporaire, c'est un moratoire comme final qui va piper les dés, si vous voulez, qui va faire en sorte qu'on ne pourra pas, au niveau scientifique, même aller voir…

Vous parlez d'un projet pilote à la page 9 de votre mémoire, vous parlez de... Il est prématuré parce que ça ne permet même pas au gouvernement de mettre en place un projet pilote qui pourrait nous donner des réponses, pourrait nous permettre de développer nos connaissances et notre expertise. Et il me semble qu'en lisant… il me semble que je vois toute la logique et les explications données par le gouvernement pour procéder à Anticosti, hein? On va être là, on va procéder, on va prendre des connaissances, on va savoir ce qui se passe. On ne peut pas se fermer les yeux, il faut savoir ce qu'il y a là. On va prendre une décision, on va parfaire les connaissances. Alors, je vous comprends, vous ne comprenez plus rien. Comme nous, on a de la misère à comprendre aussi. On parle des deux côtés de la bouche, si vous voulez, et je vous comprends. Et ce que vous reprochez, c'est le fait de mettre un frein à la possibilité d'aller faire l'acquisition des connaissances pour voir si c'est faisable ou non. Est-ce que je vous comprends bien? Est-ce que j'ai bien compris ce bout-là de votre mémoire?

Mme Gervais (Lucie) : Oui, effectivement — j'attendais le micro — effectivement, cette portion-là... En fait, ce qui est important pour les industriels, c'est d'être capables de prévoir. Les industriels doivent investir d'énormes... des millions et des millions dans leurs usines pour rester à l'avant-garde, rester compétitifs, développer. Et ces investissements-là, ça ne se fait pas en trois mois et demi, ça ne se fait pas en six mois, ça se planifie sur des années. Alors, de toujours connaître où est l'Étoile du Nord, là, et de savoir vers où on va aller, c'est un outil pour les industriels également.

Ce qui est important, c'est de savoir est-ce qu'on va vers l'avant. Qu'on y aille dans six mois, dans un an, dans cinq ans, là n'est pas la question. La savoir, c'est est-ce qu'on va investir, comme industriels, à rajeunir et à réétablir, finalement, ou rendre meilleures nos usines, finalement, pour demeurer compétitifs en sachant qu'à long terme on pourra peut-être en bénéficier encore plus? Ça va de soi que, le moment où le gouvernement va investir et exploiter ses richesses dans son sous-sol — peu importe l'énergie qu'il va y trouver, finalement, ça demeure sa ressource — à ce moment-là ce sera un avantage pour les industriels de venir s'établir au Québec et d'investir à long terme au Québec. Ça demeure la ligne, finalement, qu'on tient... le message qu'on tient à vous passer.

Le Président (M. Lessard) : M. le député.

M. Sklavounos : Et je ne sais pas si vous avez suivi lorsqu'on regardait la question du renversement du flux de la pipeline d'Enbridge, et lorsqu'il y a... Évidemment, sur cette question-là, on parlait de la stabilité dans l'approvisionnement pour pouvoir assurer non seulement des emplois, faire du développement, mais aussi pour attirer de l'investissement. Il me semble qu'on entendait des arguments qui étaient différents, à ce moment-là, du gouvernement.

Il faut aussi se dire — et je vais en ajouter un petit peu parce que je ne sais pas si les députés ministériels n'ont pas eu l'occasion de le mentionner — il me semble que les cimenteries sont aussi un des grands consommateurs de gaz naturel. Je ne sais pas si vous pourriez le confirmer, mais il me semble que les cimenteries sont une des grandes, de grandes consommatrices de gaz naturel, et ça m'étonne que les membres du parti ministériel ne l'ont pas soulevé.

Mais, vous, lorsque vous nous parlez d'un projet pilote qui permettra de développer ces connaissances, qu'est-ce que vous avez en tête? Comment qu'on l'encadrerait? Et, selon vous, ce moratoire-là, de votre compréhension — et ça semble être notre compréhension aussi — va mettre, effectivement, fin à tout type de projet pilote qui pourrait nous aider à parfaire nos connaissances. Est-ce que c'est ce que vous comprenez également?

Mme Gervais (Lucie) : Vous me donnez une seconde?

Le Président (M. Lessard) : Oui. Donc, une petite consultation. Si Mme Rahbar veut s'exprimer, vous avez toute l'occasion de le faire...

Mme Rahbar (Shahrzad) : Je vous remercie.

Le Président (M. Lessard) : ...dans la langue de votre choix.

Mme Rahbar (Shahrzad) : Merci. Si vous me permettez, je vais parler anglais parce que je ne veux pas maltraiter la langue merveilleuse de Molière plus que j'ai fait déjà, si vous me permettez.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Lessard) : Allez-y.

Mme Rahbar (Shahrzad) : So the reason we are supporting pilots is in our own industries… I'll use an example, pulp and paper. 20 years ago, we had no renewables in there. Today, most of our plants in Québec are running on 75 % own fuel. We believe, with connecting the dots, our education system, the expertise that we have, and the human capital that we have, and the scientific knowledge, over time we are hopeful... As we have seen, in our own industries, we are not experts, as my colleague said, in the production of natural gas, but we do certainly have belief that, when you put the science, and the people, and the resources together, human beings are resilient and will find solutions. We are confident that it would be possible in due course to find ways that resources can be developed in an environmentally responsible manner that will keep the beautiful environment for our children and grandchildren. Do we know all? Do we have all the answers today? No. Will we never have them? I think the answer to that is no as well. How do we learn? The way of human beings normally learn. We try, we move a bit, we… When two steps back, we eventually progress. We are just saying: Don't shut the door on progress because our sector could really take advantage of having those resources. That's…

Le Président (M. Lessard) : 45 secondes.

M. Sklavounos : I don't have much time. I just wanted to say that I thought your French was impeccable. I think it is better than mine, so… from what I heard, so…

Juste rapidement, aussi n'y a-t-il pas une certaine logique de dire que, si on pourrait faire ça de manière prudente, on pourrait garder des milliards de dollars au Québec au lieu de les envoyer à l'extérieur du Québec? C'était un des arguments qu'on avait pour Enbridge qu'on utilisait des deux bords, là, les ministériels aussi, n'est-il pas logique de vouloir garder cet argent ici, au Québec?

Mme Gervais (Lucie) : C'est ce qu'on souhaite. Essentiellement, un approvisionnement le plus près possible, à proximité, coûte moins cher. Il est donc plus intéressant pour les investisseurs ou les industriels, et ça génère des emplois, ça génère des revenus et ça remet l'argent dans...

Le Président (M. Lessard) : Ceci, malheureusement, met fin, donc, à nos échanges. Alors donc, je vais remercier les représentants de l'association des consommateurs industriels du Québec.

Je vais donc suspendre quelques instants pour que le prochain groupe puisse prendre la place en vous remerciant. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci beaucoup. Donc, on donne la chance à l'Association pétrolière et gazière du Québec de prendre place afin qu'on puisse reprendre le cours de nos travaux, là, concernant les audiences concernant le projet de loi n° 37.

Alors, si notre représentant peut prendre place pour qu'on puisse débuter. Alors donc, je vais laisser, donc, la chance à nos représentants de se nommer pour les fins d'enregistrement, donc, de nos travaux. Alors, la parole est à vous. Alors, je comprends que vous… M. le président est venu m'informer que la présentation a 10 minutes, il va s'exprimer en français et, s'il y a le consentement, donc il pourrait peut-être dépasser de quelques secondes. Alors, je ne sais pas si, M. le ministre… On verra, donc, à l'usage de vos 10 minutes. On vous demande de faire 10 minutes, mais, si ça dépasse, on verra si vos derniers messages peuvent être entendus, donc, avant de passer à la période de questions. Donc, allez-y, la parole est à vous.

Association pétrolière et gazière
du Québec (
APGQ)

M. Binnion (Michael) : Merci. Et bonjour, M. le Président et le monde de la commission. Je suis Michael Binnion, le président de l'Association pétrolière et gazière du Québec et aussi le président de Questerre Energy, une entreprise majoritairement norvégienne. Je vous présente Marie-Chantal Domingue, notre coordonnatrice des communications et, aujourd'hui, le traducteur officiel pour moi.

C'est un honneur d'être parmi vous pour exprimer la vision de l'APGQ sur comment on peut, tous ensemble, créer une nouvelle industrie florissante au Québec. Ma compagnie a foré son premier puits au Québec en 1989. Plusieurs générations d'experts prétendaient que le Québec n'avait pas de pétrole ni de gaz sur ses terres. Ça a été une immense fierté pour moi et plusieurs membres de l'association lorsqu'on a trouvé la présence de ressources en hydrocarbures.

Pour expliquer ce qui se passe avec notre industrie, je vais vous raconter une petite histoire. Un homme conduit sa voiture dans une route de campagne. Il aperçoit au loin un poulet qui court dans le chemin. L'homme roule à 50 kilomètres-heures et il voit la poule courir plus vite. Il accélère à 70 et puis à 100, et il ne peut pas rattraper le poulet. Le poulet se dirige vers une ferme, l'homme le suit et aperçoit le fermier. Il lui dit : Vous allez probablement croire que je suis fou, mais j'ai suivi un poulet jusqu'ici. Il courait sur la route, et je roulais à 100 kilomètres-heure, et je n'étais pas capable de le rattraper. Le fermier répond : Oui, je sais, il a trois pattes. Trois pattes… Comment ça, trois pattes? Le fermier dit : Je l'ai créé de cette façon. Quand notre enfant est arrivé, on voulait que les trois membres de notre famille aient chacun une cuisse pour le repas. J'ai donc créé des poulets à trois pattes pour avoir le poulet parfait pour un souper parfait pour les trois membres de ma famille. L'homme intrigué demande au fermier : Qu'est-ce que ça goûte? Le fermier répond : Je ne sais pas, je ne suis pas capable de les attraper.

Comme le fermier, l'industrie a découvert le projet parfait à l'endroit parfait. Un projet aussi à trois pattes qui peut aider l'économie, aider les communautés locales et, en même temps, aider à améliorer l'environnement. Un projet qui peut être bénéfique pour ces trois piliers de notre société. Ce n'est pas… Mais, comme le fermier, on n'est pas capables de l'attraper. Plus on voulait aller rapidement de l'avant, plus la population soupçonnait qu'on cachait quelque chose. On est des spécialistes de l'exploration et on n'a pas vu au-delà de notre rêve de trouver des hydrocarbures au Québec. On était concentrés sur nos défis techniques et on n'a pas vu la réalité. La réalité : une découverte est le début, pas la fin de notre aventure. C'est la production, c'est la raison de vivre de notre industrie.

La population de Québec avait le droit de savoir comment nos projets seraient produits ainsi que les coûts et bénéfices. Même un poulet à trois pattes doit être nourri et déplumé avant d'être mangé. Même les meilleurs projets ont des coûts et des impacts. Je ne suis pas ici au nom de l'industrie pour demander une levée du moratoire demain. On est d'accord que l'industrie, le gouvernement et la population ne sont pas prêts pour la production. On n'a plus l'approche de Nike : Just do it. Mais on espère, avec l'immense potentiel de notre projet, que la population va voir que «just stop it» n'est pas non plus la bonne approche.

• (17 heures) •

Je suis ici pour dire qu'on veut établir une relation constructive et respectueuse avec tous les intervenants de ce débat. C'est possible, depuis hier, de consulter le rapport de l'évaluation environnementale stratégique, basé sur plus de 70 études toutes faites au Québec par des Québécois. Maintenant, ça serait le temps de discuter du rapport et la possibilité de créer une nouvelle industrie au Québec, une industrie de production.

Au lieu de ça, on est ici aujourd'hui pour discuter d'une nouvelle loi pour un deuxième moratoire. Il y a certainement des aspects positifs à cette loi. Par exemple, cette nouvelle loi est seulement pour les basses-terres, le seul endroit où l'industrie a trouvé une découverte majeure. Donc, ça va éliminer complètement le moratoire dans plusieurs régions, les régions à explorer. C'est reconnu que le développement local pourrait être positif et c'est possible d'exploiter ces ressources en toute sécurité en utilisant les meilleures techniques modernes d'extraction. Le gouvernement a même investi l'argent des Québécois. On salue et on appuie ces actions qui supportent le projet de loi.

Cependant, permettre seulement l'exploration, c'est remettre un statu quo de 50 ans. Aujourd'hui, en 2014, on croit que ce n'est plus le temps de revenir en arrière sur un débat qu'on a déjà eu il y a trois ans. Ce débat a été réglé, et le présent moratoire en est le résultat. Le vrai débat au Québec, c'est si et comment les découvertes des hydrocarbures vont être produites. Notre association supporte le processus du BAPE pour répondre aux questions sur le si et le comment. On n'a pas l'intention de demander la permission d'aller de l'avant avec la production avant que ce processus soit complété. Cependant, on doit s'opposer au présent projet de loi tel qu'il est présenté. Un, il est discriminatoire. Deux, il n'est supporté par aucune preuve scientifique. Trois, il est inutilement punitif. Quatre, il envoie un message négatif aux investisseurs. Cinq, il n'encourage pas une consultation constructive.

Vous pouvez trouver dans la présentation la liste de 10 étapes nécessaires pour créer l'industrie des hydrocarbures :

1° comprendre les bénéfices des hydrocarbures;

2° développer une expertise;

3° définir les règles du jeu;

4° attirer les investisseurs;

5° faire une découverte;

6° étudier les impacts locaux;

7° exploiter la découverte;

8° utiliser les revenus pour la société;

9° attirer davantage d'investisseurs;

10° en profiter pour faire une autre découverte et répéter les étapes 5° à 10° plusieurs fois.

Malheureusement, on est dans une boucle qui répète continuellement les étapes 1° à 5°. Ce projet de loi, tel qu'il est présenté, nous renvoie à l'étape 1° pour une seconde fois, et cela, pour la même découverte. Ce n'est pas un bon message à envoyer.

On demande au gouvernement du Québec de considérer les recommandations suivantes :

1° la loi doit avoir comme objectif de créer et supporter un dialogue constructif sur la possibilité d'une nouvelle industrie de production;

2° jusqu'à la fin d'un BAPE, considérer une simple extension du moratoire existant et la permission, dans le cadre de la loi actuelle, de mettre en oeuvre un projet de démonstration pour permettre l'exploration, par exemple, à l'île d'Anticosti ou simplement la création d'un moratoire sur la délivrance des loyers de production;

3° préciser que les obligations des sociétés sont suspendues pour une durée égale à la suspension de leurs droits pour s'assurer que la loi n'est pas discriminatoire et punitive pour ceux qui ont investi de bonne foi dans ces projets.

Coopérer avec les processus du BAPE, encourager les projets de démonstration pour aider le… de l'acceptabilité sociale.

Pendant 400 ans, l'histoire du Canada s'est construite d'est en ouest. Cadillac, Franchère, et le Père Lacombe, et les coureurs des bois sont les premiers à avoir apporté l'expertise et du financement à partir de l'est du pays pour le développement de l'Ouest canadien. Cette histoire est l'héritage qui appartient aux Québécois. Le pétrole et le gaz naturel de schiste sont aussi un héritage qui appartient aux Québécois. Aujourd'hui, les pionniers de pétrole et gaz de l'Ouest veulent redonner au Québec. Avec les Québécois, ils veulent développer cette ressource...

Le Président (M. Lessard) : …de vous interrompre. Toutefois, c'est le temps qui est alloué. On va vous demander de passer vos messages du reste de votre présentation à travers, peut-être, les deux périodes de questions, alors, étant donné que votre temps pour le 10 minutes est alloué. Alors donc, malheureusement, donc, je vous invite à passer vos autres messages du reste de votre texte à travers les questions que chacun pourra vous présenter. Ça va? Je suis obligé de passer, malheureusement, au ministre pour sa présentation, à moins qu'il vous...

M. Binnion (Michael) : Vous avez coupé à… monsieur.

M. Blanchet : M. le Président, je suis déçu que vous soyez malheureux de me passer la parole.

Le Président (M. Lessard) : Alors, je vais passer la parole au ministre parce qu'on a une période de questions de prévue. Alors, à moins qu'il vous autoriserait, mais c'est à la discrétion du ministre. Normalement, on est rendus aux échanges.

M. Blanchet : On aura l'occasion de... Je suis certain que vous allez avoir le talent nécessaire de reprendre au bond tout ce que je vous enverrai comme questions pour passer les messages qui sont les vôtres, et ça me va très bien.

D'abord, bonjour, madame, monsieur. On s'est vus récemment. Donc, on donne suite dans un contexte différent à une conversation qu'on avait eue récemment à mon bureau. Écoutez, je veux revenir sur un point précis. Les grandes lignes, on peut en discuter. L'orientation générale de l'association, elle est relativement connue. Je veux revenir sur la notion de projet pilote. Je veux connaître le but d'un projet pilote parce qu'il y a deux buts possibles à un projet pilote. Parce qu'un projet pilote, fondamentalement, c'est de l'exploration. S'il s'agit d'obtenir des connaissances générales sur le procédé, les risques, les effets, c'est, effectivement, déjà passablement documenté. Comme l'évaluation environnementale stratégique qui l'établit assez clairement, il y a beaucoup de documentation sur les procédés et ce qui entoure les procédés. Si c'est pour ça, donc je m'explique mal la nécessité d'un projet pilote. Si c'est pour savoir ce qu'il y a à un endroit précis, mais là, à ce moment-là, un projet pilote n'est pas le bon outil parce que vous ne voudrez pas savoir ce qu'il y a à un endroit précis, mais bien sur un territoire plus vaste. Qui n'est probablement pas l'ensemble du «shale» d'Utica, mais sur un territoire plus vaste.

Donc, est-ce que le but de ce projet pilote est de déterminer le potentiel d'un endroit précis ou de tester un procédé?

M. Binnion (Michael) : Alors, pour moi, les projets de démonstration ont trois buts : un, pour démontrer aux gens du gouvernement les processus pour la production… La production est un processus beaucoup plus large que les processus de l'exploration comme on a une plateforme avec huit puits, pas une plateforme avec un puits, avec les usines pour le processus pour le gaz, pour les pipelines et les autres choses comme ça. Et le premier but, c'est de démontrer ça au gouvernement, mais aussi de démontrer ça aux communautés et, trois, pour l'industrie. Maintenant, on veut établir la rentabilité de notre projet, et c'est possible, avec un projet pilote, de savoir la rentabilité de notre projet.

M. Blanchet : Mais je veux être sûr de bien comprendre. Vous voulez tester davantage un procédé ou les versions d'un procédé que de déterminer le potentiel d'un lieu précis, déterminer ou faire... cet exemple du procédé autant à l'attention du gouvernement que de l'industrie, que des communautés. C'est bien ça? C'est un objectif de démonstration d'un processus, et non pas un objectif d'établissement du potentiel.

• (17 h 10) •

Mme Domingue (Marie-Chantal) : Si je peux me prononcer, effectivement c'est plus... pas de nécessairement trouver un potentiel. Présentement, il y a une découverte qui a été faite. La découverte, nous, on doit aller de l'avant pour savoir exactement c'est quoi, cette découverte-là, puisqu'il y a plusieurs étapes, là, en ce qui concerne une découverte. You can talk about the different…

M. Binnion (Michael) : …resources?

Mme Domingue (Marie-Chantal) : Yes.

M. Binnion (Michael) : Oui. Il y a peut-être six types de ressources. Il y a des ressources découvertes, qui est seulement le pétrole à gaz… qu'un crochet a trouvé à la surface. C'est clair, il y a une ressource là, c'est la ressource découverte. La prochaine étape, c'est la «resource contingent». C'est la ressource qu'on a trouvée à la basse-terre maintenant. C'est prouvé, aux basses-terres, que c'est possible d'extracter la ressource avec la technologie aujourd'hui. C'est une grande étape, et on a dépensé probablement plus de 200 millions de dollars pour prouver cette étape. Après ça, c'est la réserve «probable». Les réserves «possible, probable, proven». Et la dernière étape, c'est la réserve «producing», pour la production de réserves. Il y a beaucoup d'étapes. Aujourd'hui, au Québec, la ressource est la ressource découverte. C'est clair que la ressource est là, mais ce n'est pas clair qu'on peut extracter la ressource avec la technologie aujourd'hui, sauf pour une découverte, Haldimand, en Gaspésie, et une autre, d'Utica, aux basses-terres. Et, un projet pilote, on peut avancer notre projet entre la «resource contingent» et la réserve «possible, probable, proven».

M. Blanchet : Donc, ce que vous appelez projet pilote, c'est de l'exploration dans le but de prouver la réserve.

M. Binnion (Michael) : Prouver, oui. C'est parce que la définition pour réserve, c'est la ressource qu'on peut démontrer, pour un ingénieur indépendant, que c'est possible de produire la ressource dans une façon rentable. Et on doit démontrer ça à un ingénieur pour le marché, pour les banques, pour les investisseurs, pour avoir l'argent pour produire la ressource pour les réserves.

M. Blanchet : Je vous amène complètement ailleurs. Ça ne s'est pas bien passé au début de l'exercice. On nous conte des histoires désolantes d'entreprises qui auraient été cavalières avec des résidents, des citoyens. Vous n'avez peut-être pas la même perspective là-dessus, puis je comprendrais très, très bien ça, mais quelle est votre explication à cette réaction forte de la population contre ce projet-là? Nous, entre nous, on se donne des explications, mais, de votre point de vue, pourquoi est-ce que ça a dérapé comme ça?

M. Binnion (Michael) : En 2009, en 2010 dans l'histoire de notre dossier?

Des voix :

M. Binnion (Michael) : O.K. Pour moi, en 2010, on a beaucoup de choses au Québec. Il y a deux enquêtes pour le gouvernement, mais aussi c'est très important, le déversement de BP, Macondo, le déversement de BP au golfe du Mexique. Le déversement au golfe a créé les nouvelles par tout le monde que l'industrie du pétrole et gaz ont des risques. C'est sur la télé 24 sur 24. Et aussi, en même temps, il y a le film Gasland avec les feux dans les robinets, et c'est une image qui était très mauvaise pour notre industrie, l'idée que l'industrie a créé le feu dans les robinets. Aujourd'hui, aux États-Unis, c'est clair, toutes les études ont prouvé que le feu dans les robinets, c'est à cause du gaz naturel, comme l'étude pour l'évaluation environnementale stratégique qui a prouvé, au Québec, il y a beaucoup de gaz naturel dans la nappe phréatique au Québec, aux basses-terres. Mais l'image était très mauvaise pour nous. L'image des déversements est très mauvaise pour nous, et les inquiétudes pour le gouvernement... C'est une coïncidence, mais ce n'était pas bon pour nous aussi.

Le Président (M. Lessard) : Parfait. On a le député de Repentigny, qui veut le faire. On a moins de 30 secondes... 30 secondes.

M. McKay : Bien, enfin, je veux peut-être en profiter pour vous féliciter pour les efforts et les progrès que vous faites en français parce que, depuis quelques années, on voit que vous avez travaillé fort de ce côté-là. Alors, félicitations.

Peut-être qu'un peu plus tard vous aurez l'occasion de nous rappeler un peu votre histoire, là, disons, autour des coureurs des bois et... parce que moi, je vous dis, je trouve un peu cette comparaison-là un peu paternaliste, de dire qu'au début de la colonie...

Le Président (M. Lessard) : ...tout le temps qu'on avait du côté gouvernemental. Excusez-moi de vous interrompre, mais ça fait partie des règles du temps alloué.

M. McKay : Alors, sûrement que le député de Laurier-Dorion va aimer ça parce que c'est toute l'histoire de votre Canada qui est en cause.

Le Président (M. Lessard) : Oui. Alors, si vous voulez, pour respecter le temps qui nous est accordé, donc, on va passer du côté de l'opposition officielle pour une période de neuf minutes, et c'est le député de Mégantic, donc, qui va adresser les questions à nos invités.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. J'aime beaucoup entendre ce que vous nous dites, mais vous passez à travers des éléments très techniques pour faire le développement de votre industrie. En premier lieu, je voudrais comprendre de votre part… Est-ce que vous préconisez, par exemple, que le moratoire nous amène à une loi des hydrocarbures qui permettrait de définir les règles du jeu pour votre industrie? Comment vous voyez l'évolution… À partir d'aujourd'hui, là, comment vous voyez l'évolution de ce qu'on devrait mettre en place pour que l'industrie puisse éventuellement, de façon sécuritaire, en collaboration avec le milieu, la population, se développer d'une façon rentable, économique et équitable pour l'ensemble de la société?

M. Binnion (Michael) : Oui, mais on n'est pas contre une pause, on n'est pas contre le moratoire, le présent moratoire, on est contre la loi n° 37 pour le plan technique. Un moratoire de cinq ans, c'est un mauvais message pour les marchés internationaux. La loi n'est pas claire si notre obligation est suspendue pour une durée égale de notre droit. Pour nous, la loi est... On peut accepter un moratoire pour la durée du BAPE, par exemple, on n'est pas contre.

Le Président (M. Lessard) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc (Mégantic) : Oui. Vous n'êtes pas contre. Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que le temps qu'on fasse des études, l'étude environnementale stratégique, l'étude du BAPE… puis qu'après on continue à faire du développement technologique pour essayer de définir les meilleures méthodes d'opération, les meilleures technologies utilisables dans un environnement sécuritaire et acceptable pour la population.

M. Binnion (Michael) : Oui.

M. Bolduc (Mégantic) : Parce que vous semblez avoir relié le fait qu'au début, quand il y a eu des études d'exploration de faites au Québec, c'est qu'on s'est soucié de la technologie et on n'a pas pris le soin d'informer la population. Vous avez mentionné ça au début de votre présentation.

M. Binnion (Michael) : Comme j'ai dit, jamais je n'ai pensé que la découverte n'était pas la fin... le bout de la ligne. J'ai foré mon premier puits quand j'avais 30 ans. Regardez-moi, monsieur, je n'ai pas 30 ans aujourd'hui. Pour nous, la découverte était le bout de la ligne, mais aujourd'hui je comprends bien, on comprend bien que la découverte est le début, et pas la fin de notre aventure au Québec. Oui, on a fait une erreur, c'est clair, c'est clair pour nous, et aujourd'hui on veut travailler avec le BAPE, avec le gouvernement, avec les communautés, avec la population, et on est patients.

• (17 h 20) •

M. Bolduc (Mégantic) : Donc, vous ne voyez pas d'objection à passer à travers ces étapes-là. Ce que vous nous dites aujourd'hui, là, c'est : Donnez-nous la chance de vous le démontrer. On va travailler avec tout le monde de façon harmonieuse, de façon à produire dans un environnement sécuritaire. Je comprends bien? Ça va comme ça?

Maintenant, vous avez parlé de démontrer, via des projets pilotes… de démontrer les étapes du processus. Est-ce que, l'extraction du pétrole ou du gaz naturel dans la vallée du Saint-Laurent, pour vous, parce qu'il y a une population relativement dense, parce qu'il y a beaucoup d'agriculture, parce qu'il y a beaucoup de conditions spécifiques, vous devez démontrer avec des outils de façon spécifique comment on va le faire ici, au Québec, en opposition au Wyoming, ou au Dakota du Nord, ou ailleurs? Est-ce que c'est ça que vous essayez de nous expliquer avec le projet pilote, de comment on va bien le faire ici, spécifiquement au Québec?

M. Binnion (Michael) : Oui. On pense que c'est possible de démontrer, avec un projet de démonstration à la vallée du Saint-Laurent, aux basses-terres, que notre industrie est «low impact» dans les quartiers des fermes. On a deux tournées des agriculteurs pour les Québécois, de visiter les fermes en Alberta, et toujours les fermiers du Québec étaient presque choqués parce que c'est presque impossible de voir les puits, de voir les impacts sur les terres, sur les quartiers des fermes. Actuellement, vraiment, c'est plus facile de voir les impacts dans les quartiers de nature que dans les quartiers des fermes.

M. Bolduc (Mégantic) : O.K. Donc, ce que vous nous dites, c'est que l'impact dans l'agriculture, par exemple, est tellement faible que c'est presque difficile, dans certains cas, de l'observer. O.K.? Donc, est-ce que vous préconisez qu'ici on va devoir s'ajuster à l'environnement parce que le climat, parce que le fleuve Saint-Laurent, parce qu'il y a toutes sortes d'autres conditions et le... entre autres, les communautés veulent comprendre et vous devez les rassurer? Comment vous comptez le faire, ça? En faisant le projet pilote, vous savez, la relation entre la population et l'élaboration du projet, est-ce que vous avez un plan qui va vous permettre de rassurer la population, une fois que nous, on s'entend, là, à comprendre comment vous allez le faire?

M. Binnion (Michael) : On est pour un projet de démonstration, absolument. C'est très facile de voyager à l'Ouest canadien ou aux États-Unis et de voir les projets de production. Mais «seeing is believing», et, si on a un projet de démonstration au Québec, c'est très facile pour les Québécois de voir ce projet au Québec, et ça ne va pas être nécessaire de voyager à l'Ouest canadien de le voir.

M. Bolduc (Mégantic) : Donc, vous voulez vous servir de ce projet-là pour rassurer les Québécois et leur permettre une visibilité en même temps que vous faites l'évolution technologique jusqu'à la réserve qui peut être extraite, vous apprenez en même temps et vous échangez avec la population locale la compétence technologique et la sécurité de ces projets-là.

M. Binnion (Michael) : C'est exact.

M. Bolduc (Mégantic) : C'est ça que vous nous décrivez?

M. Binnion (Michael) : Oui, exact.

M. Bolduc (Mégantic) : O.K. Combien de temps vous croyez que ça peut prendre, ça?

M. Binnion (Michael) : Un projet de démonstration, probablement on doit planifier pendant un an et, probablement, on doit prendre un autre an pour faire le projet de production. Pour nous, c'est possible de faire ça complètement en coopération avec les processus du BAPE.

M. Bolduc (Mégantic) : Complètement en... O.K. En deux ans. Une fois que le BAPE est approuvé, vous nous dites qu'en deux ans vous êtes capables de faire le développement et l'éducation et informer la population sur un projet spécifique.

M. Binnion (Michael) : Oui. Mais c'est un «educated guess», oui.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci beaucoup.

M. Binnion (Michael) : Merci, monsieur.

Le Président (M. Lessard) : Merci beaucoup. Donc, on va passer au deuxième groupe… groupe de deuxième opposition, donc le député de Nicolet-Bécancour, qui est porte-parole officiel. Alors, vous avez 3 min 48 s pour adresser la parole, donc, à…

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, un peu comme mon collègue, M. Binnion, je veux vous féliciter pour l'amélioration de votre français. Je vous ai vu ça fait peut-être trois ans, puis ce n'était pas cette qualité-là. Je veux aussi souligner votre ténacité. S'il y a des gens qui doutent que vous doutez du potentiel québécois, je pense que vous avez confondu tous les sceptiques par rapport à ça. Puis, en même temps, vous avez eu quand même une bonne nouvelle avant les fêtes, je pense. Vous avez un ancien collaborateur, André Boisclair, qui est maintenant rendu un collaborateur du ministre de l'Environnement. Donc, c'est possible que vous ayez une oreille un peu plus attentive au niveau du cabinet.

Un des griefs qu'on a beaucoup par rapport au… une des craintes qu'on a par rapport à l'exploitation, c'est qu'on se dit : Au Québec, c'est dans des zones habitées. Par exemple, le long du Saint-Laurent, il y a des municipalités, c'est habité pratiquement partout, puis ça fait peur, quand même, aux citoyens. En Amérique du Nord, là, est-ce qu'il y a des endroits qui sont comparables où il y a quand même beaucoup d'exploitation dans des zones rurales, là, habitées comme on connaît au Québec?

M. Binnion (Michael) : Le corridor entre Calgary et Edmonton est très similaire du corridor entre Québec et Montréal, beaucoup similaire. Le quartier des fermes, la terre est très plate et très… Juste un exemple, dans le… seulement le Red Deer County, il y a plus de puits en Red Deer County que pour probablement tout le Québec.

M. Martel : Est-ce que c'est du gaz de schiste? Puis est-ce que c'est par fracturation aussi, là?

M. Binnion (Michael) : Il y a un projet de pétrole de schiste dans la banlieue de Calgary maintenant avec les puits horizontaux, avec la fracturation «multistages», fracturation... J'ai un projet à Vulcan, Alberta, et on a fait un puits horizontal avec les fracturations multiples. Et aussi Questerre a un projet en Saskatchewan, près des petites villes et dans le quartier des fermes, avec les puits horizontaux. Et il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'exemples dans le quartier des fermes dans l'Ouest canadien.

M. Martel : Juste une petite dernière. C'est quoi, le niveau d'acceptabilité sociale dans les endroits que vous nous parlez? Est-ce que vous vivez les mêmes craintes qu'au Québec ou c'est une industrie qui procède avec l'accord de la population?

M. Binnion (Michael) : Pour les fermiers, on doit forer un puits, on doit fracturer le puits. Probablement, ça fait un ou deux mois pour ça, et il y a des petits désagréments pour ça, le bruit, etc., et les camions, etc. Mais, après ça, 20 ou 30 ans de tranquillité et 20 ou 30 ans de chèques. Et les fermiers, normalement, pour nous, probablement plus de 90…

Le Président (M. Lessard) : Ça va terminer nos échanges, M. Binnion.

M. Binnion (Michael) : …qui aiment les chèques comme ça.

Le Président (M. Lessard) : Ça va terminer nos échanges, M. Binnion. Merci beaucoup, donc, à votre présentation. Merci de vos échanges.

On va suspendre quelques minutes et inviter, donc, le prochain groupe à prendre place, qui est le Centre québécois du droit de l'environnement.

(Suspension de la séance à 17 h 29)

(Reprise à 17 h 30)

Le Président (M. Lessard) : Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, on accueille aujourd'hui le Centre québécois du droit de l'environnement. Alors, messieurs, si vous voulez vous présenter pour les fins d'enregistrement de nos travaux. Et bienvenue.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

M. Baril (Jean) : Oui, merci. Bonsoir. Merci de nous accueillir. Mon nom est Jean Baril. Je suis avocat, docteur en droit. Je suis accompagné par mon collègue Hugo Tremblay, qui est, lui aussi, avocat et docteur en droit. À des fins de transparence, je dois aussi vous aviser que nous avons été, tous les deux, associés à la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement pour réaliser les recherches et la rédaction de trois études juridiques pour le compte du comité responsable de l'évaluation environnementale stratégique.

Nous sommes aussi administrateurs bénévoles du Centre québécois du droit de l'environnement, un organisme que certains d'entre vous connaissent, qui existe depuis près de 25 ans, sans but lucratif et toujours sans financement public. Le CQDE considère que le projet de loi n° 37 est prématuré et inopportun, puisqu'il fait fi du processus d'évaluation environnementale stratégique en cours, autorise les travaux de recherche à l'aide de sondages stratigraphiques sans définir en quoi consiste cette notion, risque d'affaiblir les mécanismes d'autorisation environnementale existants par ses ambiguïtés et reproduit une limite territoriale et géologique peu conforme avec les impératifs de protection environnementale de l'ensemble du territoire québécois.

Pour ces raisons, le CQDE demande le retrait de ce projet de loi jusqu'à la conclusion du processus d'évaluation environnementale stratégique par le dépôt du rapport du BAPE à cet effet. Subsidiairement, si les parlementaires décident d'aller de l'avant malgré tout, nous proposons certaines modifications visant à bonifier et renforcer la portée du moratoire recherché.

Vous le savez, une évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste a été amorcée en 2011 dont le rapport synthèse, rendu public hier, fera l'objet d'une consultation publique par le BAPE à partir du 31 mars prochain. Le CQDE constate que le projet de loi précède donc l'achèvement du processus d'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste. Cette façon de faire ne respecte pas les meilleures pratiques en cette matière ni les principes d'accès à l'information et de participation du public à la prise de décision reconnus, entre autres, par la Loi sur le développement durable.

Le CQDE rappelle que le comité responsable de l'EES a élaboré des propositions d'encadrement législatif pour l'industrie du gaz de schiste sur la base de cinq scénarios qui illustrent sur un horizon de 25 ans l'ensemble des niveaux de développement plausibles de cette industrie. Ces scénarios vont de l'interdiction complète et permanente jusqu'au développement extensif et rapide de l'industrie et ont été utilisés par le Comité de l'EES pour mener l'ensemble de ses analyses et rédiger son rapport — vous pouvez trouver dans le rapport de l'EES, d'ailleurs, les cinq scénarios mentionnés — alors que, de son côté, le projet de loi propose un moratoire qui serait effectif pour une période maximale de cinq ans ou jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi sur les hydrocarbures, loi qui a été annoncée par deux ministres différents pour la présente session. Le gouvernement semble donc décider tant de l'opportunité et de la durée du moratoire que des règles devant éventuellement encadrer l'industrie sans attendre la consultation publique sur les différents scénarios développés dans l'EES, dont celui d'un moratoire de 25 ans, ni le rapport du BAPE qui suivra les consultations de la population.

Le projet de loi entend aussi imposer un moratoire. Cependant, il permet à l'industrie de poursuivre certaines activités, dont les sondages stratigraphiques. Aucune définition n'accompagne cette notion nouvelle ni aucune justification quant à la nécessité ou l'utilité de permettre de tels travaux malgré le moratoire annoncé, le tout sans attendre les résultats de l'EES et les travaux du BAPE quant à l'opportunité de permettre de tels travaux.

Par ailleurs, les opérations visées par le terme «sondage stratigraphique» sont, tout simplement, des opérations de forage à des fins de recherche des hydrocarbures. D'ailleurs, les rapports d'inspection du MRN à l'égard d'opérations visées par le terme «sondage stratigraphique» démontrent que ces opérations sont des travaux de forage, le tout tel qu'il appert du document formant l'annexe II de notre mémoire, où vous voyez des photos des rapports d'inspection, et c'est des forages faits par des foreuses, des équipes de foreurs, etc.

La description du projet type d'un puits gazier fournie par le CIRAIG dans le cadre toujours de l'EES ne contient aucune trace de «sondage stratigraphique». Le rapport synthèse, publié hier, de près de 300 pages, ne mentionne qu'à un endroit cette notion, et là c'est lorsqu'il cite le projet de règlement sur le prélèvement des eaux et de leur protection. Ce terme ne semble utilisé, donc, que par le ministère, puisque la nomenclature utilisée par l'industrie ne réfère pas à des activités de sondage stratigraphique. L'impossibilité pratique de distinguer les opérations visées par ce terme, «sondage stratigraphique», des travaux de forage à des fins de recherche transparaît aussi du texte même du projet de loi.

La version anglaise de l'article 1 indique que les termes «sondage stratigraphique» se traduisent par «stratigraphic drilling». Or, «drilling» se traduit en français par le mot «forage», tel que repris d'ailleurs à l'article 1 du projet de loi. Le concept de sondage stratigraphique n'est pas non plus utilisé dans la Loi sur les mines et ses règlements afférents. Les activités visées par ces termes sont clairement des travaux assujettis à l'octroi d'un permis de forage émis par le ministère des Ressources naturelles conformément à l'article 160 de la Loi sur les mines, qui est le seul permis en vertu de la Loi sur les mines qui permet d'aller faire des travaux dans le sous-sol québécois. Le CQDE constate donc que l'utilisation du terme «sondage stratigraphique» ne décrit pas adéquatement les opérations de forage visées par ce terme et que la rédaction actuelle du projet de loi ne peut que générer des incertitudes et des incohérences quant à l'application des mécanismes d'encadrement et de surveillance de la Loi sur les mines.

Par ailleurs, depuis un décret publié sous l'ancien gouvernement le 10 juin 2011 — et je cite — «les travaux de forage autorisés en vertu de la Loi sur les mines destinés à rechercher ou à exploiter du pétrole ou du gaz naturel dans le shale, communément appelé schiste, et toute opération de fracturation destinée à rechercher ou exploiter du pétrole ou du gaz naturel sont assujettis à l'obligation préalable de demander et obtenir du MDDEFP un certificat d'autorisation délivré en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement».

Au même moment, le Règlement relafif à l'application de la LQE avait été modifié afin d'introduire dans la procédure d'émission du certificat d'autorisation des obligations particulières en termes d'information et de consultation du public et des municipalités. Le même jour, est entré en vigueur le Règlement sur la transmission de renseignements liés à l'exécution de certains travaux de forage et de fracturation de puits gaziers ou pétroliers, qui impose des obligations de transmettre des renseignements au ministre, à tous les titulaires de certificats d'autorisation portant sur ces travaux. Le CQDE constate que le droit environnemental actuellement en vigueur regroupe les essais d'injectivité et les opérations de fracturation sous les termes «toute opération de fracturation destinée à rechercher ou à exploiter du pétrole ou du gaz naturel». Effectivement, l'essai d'injectivité, mentionné dans le projet de loi, et l'opération de fracturation consistent tous deux en l'injection de liquide pressurisé dans des formations géologiques en relation avec la fracturation.

Le CQDE signale que le texte de l'article 1 du projet de loi ignore cet état de fait et semble distinguer une opération de fracturation d'un essai d'injectivité, ainsi qu'un sondage stratigraphique d'un forage. En introduisant ces distinctions, c'est l'ensemble des mécanismes de surveillance, d'autorisation préalable, d'acquisition de connaissances, d'information et de consultation du public mis en place en juin 2011 qui pourraient être écartés lors de l'exécution des travaux de sondage stratigraphique ou de tests d'injectivité, ce qui constitue, selon nous, un net recul sur la situation actuelle. Par ailleurs, le rapport synthèse de l'EES, rendu public hier, ne fait… on ne retrouve aucune mention d'essai d'injectivité dans un rapport de près de 300 pages.

Finalement, le projet de loi interdit les forages, les essais d'injectivité et les opérations de fracturation, mais seulement dans le schiste. Pourtant, les impacts de ces travaux sur l'air, l'eau et le sol, tels que définis dans la LQE, sont les mêmes, quelles que soient les formations géologiques visées dans le sous-sol québécois. Du point de vue environnemental, cette limite arbitraire ne fait pas vraiment de sens et rend plus difficile la mise en oeuvre des divers mécanismes prévus dans la législation environnementale. Pour le CQDE, il apparaît peu approprié que ce type d'ouvrages et de techniques pouvant avoir de forts impacts environnementaux puissent être autorisés partout ailleurs que sur le territoire des municipalités indiquées à l'annexe 1 et pour explorer toute autre formation géologique que le schiste.

En conclusion, face à l'ensemble de ces constats, le CQDE recommande de retirer l'actuel projet de loi n° 37 et d'attendre l'achèvement du processus d'EES en cours, dont la consultation du public à cet effet par le BAPE et la production de son rapport, afin de pouvoir ensuite présenter à l'Assemblée nationale un cadre législatif reflétant les diverses consultations publiques menées ces dernières années. L'acceptabilité sociale des décisions prises serait, selon nous, alors renforcée.

Le Président (M. Lessard) : Merci. Donc, vous avez terminé. Il vous restait encore une belle minute. Alors donc, on va essayer de la faire profiter aussi au débat. On va aller du côté gouvernemental, le député de Repentigny, donc, qui va adresser les questions. Ah! vous… D'accord, il y a un changement à l'horaire, la députée de Mirabel, donc, qui va prendre la parole au préalable. La parole est à vous.

• (17 h 40) •

Mme Beaudoin : Merci, M. le Président. Me Baril, Me Tremblay, merci pour la présentation de votre mémoire. Étant avocate moi-même, je trouve que vous vous démarquez, puisque vous apportez quand même un volet juridique important. J'aimerais ça que vous puissiez élaborer sur ce que vous dites, là, concernant la Loi sur la qualité de l'environnement. À la page 19 de votre mémoire, vous dites : «En outre, les concepts de "sondage stratigraphique" et de "test d'injectivité" ne sont pas utilisés dans la Loi sur la qualité de l'environnement et sa réglementation actuelle et leur introduction dans le projet de loi pourrait entraîner des difficultés d'application et nuire à l'information et à la participation du public.» Pour les fins d'enregistrement, ce serait important d'expliquer, pour les gens qui nous écoutent, de quoi vous parlez exactement, là.

M. Baril (Jean) : Bon, vous savez — c'est ce qu'on indique dans le mémoire — en 2011, suite à la controverse des gaz de schiste, le gouvernement de l'époque avait été obligé de réagir parce qu'une des plaintes des citoyens, des municipalités, c'est qu'ils n'étaient pas informés du début des travaux. Il y avait des maires qui disaient : Bien, ça ne se peut pas, il y a des tours de forage qui s'érigent dans notre municipalité, puis on n'a jamais été même informés de cette chose-là. Au niveau environnemental, les citoyens étaient aussi choqués de s'apercevoir qu'à l'époque tous travaux de forage, incluant la fracturation hydraulique, ne nécessitaient aucune autorisation environnementale de la part du ministère de l'Environnement malgré l'ampleur connue, reconnue ailleurs de ce type de travaux là. Sans dire que c'est la fin du monde, là, mais c'est quand même des travaux qui ont un certain impact sur l'environnement, l'EES le démontre bien.

Donc, il y a eu des avancées marquantes parce que c'est le seul certificat d'autorisation, celui qui est émis pour les forages, la fracturation, où les citoyens peuvent s'attendre d'être consultés, d'être informés, et même leur municipalité. Ça ne se fait pas pour les autres types de certificats d'autorisation. Les renseignements… le règlement sur la transmission de renseignements, c'était à des fins d'acquisition de connaissances aussi. Le gouvernement de l'époque avait dit : S'il y a des forages, s'il y a des travaux, que ça demande un certificat d'autorisation, il va y avoir un certain nombre d'informations sur les produits utilisés, les méthodes, les techniques, etc., qui vont être obligatoirement données au ministre. Ça s'applique aux forages et aux fracturations.

Notre crainte, parce qu'étant avocat… Les mots, vous savez comment c'est important. Et, moi, ce qui m'a amené en droit — une vocation tardive — c'est en 1999, justement un projet de construction d'une centrale hydroélectrique sur la rivière Batiscan où le ministère de l'Environnement avait donné une autorisation sur la base que ce n'était pas un réservoir de plus de 50 000 mètres carrés qui était créé, mais une aire de retenue d'eau. Ça ne changeait pas beaucoup de choses pour la faune, la flore, les citoyens que ça soit une aire de retenue d'eau, mais le certificat avait été déployé sans passer par les audiences publiques du BAPE. Ça s'est ramassé devant la Cour d'appel, justement avec le ministre Bégin, qui nous avait appuyés, et c'est comme ça que ça s'est réglé.

Les mots ont un sens. Et ce qui nous inquiète, c'est que les mots qui sont introduits sans définition dans le projet de loi, «sondage stratigraphique», «essai d'injectivité», qu'on ne retrouve pas nulle part ailleurs, ouvrent la porte à des travaux qui ne vont pas permettre l'information, la consultation, la transmission de renseignements. Donc, tous les mécanismes qui ont été mis en place graduellement avec la controverse des gaz de schiste qui n'ont toujours pas été mis en oeuvre parce qu'il n'y a pas eu aucune demande de certificat d'autorisation risqueraient d'être écartés. Donc, c'est pour ça qu'on dit que l'introduction de ces notions nouvelles là qui n'ont pas été discutées par l'EES, qui ne se ramassent pas dans le rapport, qui n'apparaissent pas dans le rapport type... Le CIRAIG, là, qui est quand même quelque chose de reconnu, qui a dressé un portrait de c'est quoi, un puits type, là, de l'accès, là, routier jusqu'à la fermeture, nulle part n'a mentionné ce type d'activité là. Donc, pourquoi — la question — risquer d'introduire ces nouvelles notions là et de nuire aux rares avancées que les questions des gaz de schiste ont pu permettre au niveau légal au Québec ces dernières années?

Mme Beaudoin : Merci.

Le Président (M. Lessard) : …nos échanges, et je crois que votre… Vous pouvez compléter l'information…

M. Tremblay (Hugo) : Oui. Mme la députée de Mirabel, si vous me permettez, en fait... En fait, oui, je continuerais ce que mon collègue disait. En fait, je voulais simplement, au niveau purement technique, là, vous parler des règles d'interprétation des lois, en fait. La façon dont est rédigé l'article 1 du projet de loi fait en sorte que, par exemple, les essais d'injectivité, qui sont essentiellement des opérations de fracturation mais à très faible volume, semblent être exclus, si on veut, du vocable plus général d'opérations de fracturation. En fait, selon les règles d'interprétation des lois normales, lorsqu'un juge lirait cet article-là, il se demanderait pourquoi les essais d'injectivité ne sont pas inclus dans le sous-paragraphe 2°, qui traite de façon plus générale des opérations de fracturation. Et c'est un petit peu la même chose, le même problème avec la question des sondages stratigraphiques.

Et la raison pour laquelle ça peut causer un problème, que ces énumérations-là font en sorte de distinguer les essais d'injectivité et les sondages stratigraphiques des termes, des vocables plus généraux que sont les forages et les opérations de fracturation. C'est parce qu'en fait, comme le disait mon collègue, ces concepts très spécifiques qui sont apparus tout à coup avec le projet de loi ne se retrouvent pas dans l'article 2, paragraphe 6°, du règlement d'application de la LQE.

Le Président (M. Lessard) : Alors, si vous voulez poursuivre. Je ne sais pas si vous voulez toujours partager le temps. Là, on va aller à notre collègue, maintenant, de Repentigny pour le côté gouvernemental, toujours.

M. McKay : Merci. Alors, bonjour à vous deux. Bien, en fait, moi, j'ai quelques informations qui nous viennent du ministère des Ressources naturelles et... En tout cas, je vous remercie pour votre intervention aujourd'hui parce que, dans le fond, jusqu'à maintenant je pense que vous êtes le premier intervenant qui nous permet de rentrer vraiment dans le libellé du projet de loi et qui... Vos interventions vont nous être très utiles au moment de l'étude article par article parce que ce que le MRN, le ministère des Ressources naturelles, considère comme un sondage stratigraphique, ce sont des sondages réalisés avec des petites foreuses au diamant qui font des trous de l'ordre de quatre pouces de diamètre, dont le but est de récupérer des échantillons de roc.

Et il semblerait qu'il y ait des milliers de tels sondages qui sont réalisés chaque année au Québec, et, en effet, ces sondages-là ne sont pas assujettis à l'article 22. Donc, on n'exige pas de certificat d'autorisation, et le ministère des Ressources naturelles non plus n'exige pas de permis. Et la raison pour laquelle on n'en exige pas, c'est que l'impact environnemental est considéré négligeable. En fait, on libère, on me dit, quelques centaines de kilos de roche dans quelques centaines de litres d'eau. Il n'y a pas... peu d'additifs de forage, et, lorsqu'il y en a, ils sont supposés… ils sont reconnus étant «eco-friendly», en anglais, Donc, je ne sais pas si on peut traduire par «écogentil». Et on me dit que, dans le cas de l'exploration de pétrole et gaz, ils sont tout de suite cimentés à la fin du forage, donc...

Par contre, ce que je retiens, c'est qu'en effet ça voudrait dire que, dans le cadre du territoire assujetti au moratoire, l'industrie pourrait quand même aller réaliser des forages, mais, comme je vous dis, ce sont des forages qui sont réputés ne pas avoir d'impact au niveau de l'environnement. Par contre, il y aurait potentiellement le problème que vous soulignez, c'est-à-dire que les citoyens et citoyennes concernés, disons, n'auraient pas à être avisés parce que le ministère lui-même ne serait toujours pas avisé, alors qu'actuellement, comme on ne fait pas la distinction, il y a un certificat d'autorisation qui doit être demandé dans tous les cas. Alors, je pense que ça va être une matière à réflexion pour le ministre puis les membres de la commission.

Mais, en ce qui concerne votre proposition de base, qui était de surseoir à ce projet de loi, en fait le projet de loi, c'est un... C'est justement, le moratoire, son but… Et vous avez peut-être consulté le projet de loi que j'avais déposé lorsque j'étais porte-parole de l'opposition officielle, c'était tout à fait le même esprit, c'est-à-dire dans l'attente... on considère qu'on n'a pas actuellement l'encadrement législatif et réglementaire adéquat pour encadrer l'industrie des gaz de schiste. Dans l'intervalle qu'on se donne, tout ça, donc, qu'il y ait le BAPE, l'EES et éventuellement une loi qui viendra concerner directement les hydrocarbures, pendant toute cette période-là, on s'assure que les permis de recherche de gaz de schiste soient... Le permis n'est pas arrêté, l'exercice du droit est suspendu pendant cette période-là. Et je pense que, dans notre esprit, ça ne préjuge en rien du fait d'un scénario d'un moratoire, par exemple, de 25 ans à la fin du processus. Donc, on s'assure, tout simplement, pendant cette période-là d'un maximum de cinq ans, pendant que tout ce travail-là se fait...

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait, là, pour... On va essayer de continuer les échanges en, peut-être, raccourcissant les questions si on veut avoir des réponses. Alors, on va aller du côté de l'opposition officielle, le député de Laurier-Dorion, porte-parole officiel, qui va s'adresser à nos invités.

(17 h 50)

• (17 h 50) •

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, Me Baril, Me Tremblay, merci beaucoup de votre présence. J'avoue que, si quelqu'un qui n'est pas formé en droit a essayé de suivre votre présentation… Je suis d'accord avec ma collègue que c'est plutôt compliqué pour le commun des mortels. Je suis avocat également. Juste résumer rapidement, là, je vais essayer de le faire, de… Je ne veux pas utiliser le terme «for dummies», là, mais on va essayer de rendre ça plus simple. Les essais d'injectivité, c'est de la fracturation. Puis les sondages stratigraphiques, c'est des forages, dans le fond. Ça fait qu'en employant des termes différents pour dire la même chose on crée de la confusion. Puis, au niveau des principes d'interprétation de droit, là, on n'utilise pas des termes spécifiques, à moins que notre but, c'était de vouloir faire ou dire quelque chose de différent que le terme plus général, là. Juste pour les gens qui nous écoutent, je pense, on va laisser ça là.

On vous comprend, puis, honnêtement, je trouve ça très utile et j'ai l'impression que, dans la vitesse à laquelle nous travaillons ici, on a tendance… Mais là le fait que nous sommes des avocats, de bord et d'autre il y en a, on a tendance à passer par-dessus ces affaires-là. Alors, je dois vous dire à quel point votre présentation et votre contribution sont bienvenues et utiles, et je vous remercie de votre présence et de… Ça, vous vous consacrez à ça, vous êtes des bénévoles si j'ai bien compris. Vous n'avez pas d'argent public, vous êtes ici de votre propre chef, en train de nous dire que ceux qui ont fait ça, ils ont écrit un petit peu trop rapidement, puis les avocats qui siègent ici, qui représentent des gens ont aussi manqué ça. Ça va aller sous notre radar. Moi, pour ça, je vous remercie, puis je pense que c'est tout en votre honneur de pouvoir jouer ce rôle-là.

Au niveau de votre… Un autre commentaire que vous avez fait… Parce que ça, c'est le premier, mais le deuxième, c'est qu'on semble… on a inversé l'ordre logique des choses. D'abord — et je l'ai dit à d'autres groupes aussi — on a eu l'étude environnementale stratégique ou la synthèse de ces 70 quelques… 73 études hier, à 17 h 48, tardivement, d'après nous. Je sais que, dans le rapport — vous l'avez vu comme moi — on mentionnait... il n'était pas daté, là, mais on mentionnait janvier 2014. Il y avait eu quelques explications du ministre, je comprends. Peu importe, peu importe, le problème, c'est que la plupart des gens qui sont venus devant nous aujourd'hui ont avoué candidement ne pas avoir eu le temps de le lire puis, dans plusieurs cas, d'avoir lu en diagonale, dans certains cas de ne pas avoir pu consulter des experts. Certains ont avoué qu'ils n'avaient pas d'experts, là, mais qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de se faire une tête là-dessus.

Évidemment, on parle de verser ce travail-là dans un BAPE. Évidemment, l'étude environnementale stratégique émane aussi d'un BAPE qui a demandé, a suggéré qu'on approfondit nos connaissances sur le sujet. On veut ramener ça au BAPE, mais, en même temps, il y a ce projet de loi qui est là, où on veut procéder le plus rapidement possible pour une raison qui n'est pas tout à fait claire. Et, si j'ai bien compris, vous nous dites : Écoutez, il faut laisser le temps, et pour l'étude environnementale stratégique de se faire analyser, pour le BAPE, entendre les opinions, entendre les expertises, et seulement à ce moment-là on pourra procéder. Et vous êtes… Dans l'état actuel des choses, il y a une espèce de moratoire de facto qui fait en sorte que, combiné à d'autres éléments qui sont économiques, qui ne sont pas… bien, il y a un moratoire de facto en place. Nous pouvons prendre le temps de faire ça correctement, en toute connaissance de cause, avec tous les éléments, avoir le temps de bien les analyser avant de se prononcer sur un moratoire qui s'entête avant tout… un moratoire de type final, surtout si on le conjugue à des déclarations faites par la ministre des Ressources naturelles, qui semble nous dire : Peu importe ce que la science va dire, moi, je ne crois pas qu'on va trouver une façon de faire ça, qui sont des commentaires du genre à inquiéter les gens qui privilégient la science et qui veulent laisser l'occasion à la science… Est-ce que j'ai bien compris ou si j'ai mal compris? S'il vous plaît, corrigez-moi ou précisez. Merci.

M. Baril (Jean) : Nous, ce qu'on demande, c'est de respecter l'institution nouvelle au Québec qui est une évaluation environnementale stratégique, d'aller jusqu'au bout. Et je dois dire qu'en mars dernier, quand on a vu le dépôt de ce projet de loi là, on était un peu déçus parce qu'on était en plein dans la rédaction de différents textes à la demande du Comité d'évaluation environnementale stratégique, entre autres sur un moratoire de 25 ans, et là on déposait quelque chose qui semblait dire : Bien, de toute façon, nous, notre projet, c'est maximum jusqu'à temps qu'on dépose une loi sur les hydrocarbures ou un maximum de cinq ans — c'est un petit peu embêtant — ce qui est très différent du projet de moratoire qui avait été déposé antérieurement par… M. le député en a parlé tantôt, qui était au moment où il n'y avait pas nécessairement d'évaluation environnementale stratégique, au tout début. Là, on est en plein dans un processus qui a été pas facile, qui est un gain de la population du Québec, là, d'obtenir un BAPE, d'obtenir une évaluation environnementale stratégique. Ça ne s'est pas fait tout seul, ça allait à l'encontre de plusieurs puissants du Québec. Et moi, je suis très content de voir que le Québec a arraché ça, mais il faut le respecter jusqu'au bout.

Et, effectivement, il y a un moratoire de facto. Le ministre Arcand, au moment de déclencher l'EES, avait dit : Si le comité responsable de l'EES nécessite d'autoriser les forages, on le fera à des fins d'acquisition scientifique. Dès le départ, le Comité de l'EES a dit : Non, ce n'est pas nécessaire, on n'en aura pas besoin. Pour toutes sortes de raisons, mais aussi l'obligation qu'il y aurait maintenant, si quelqu'un voulait faire un forage, d'aller demander un certificat d'autorisation au ministère, ce qui demande un certain temps, d'aller consulter la population et les municipalités, dans l'état actuel des choses, sans qu'on ait pris connaissance des études scientifiques qui viennent d'être rendues publiques, je ne suis pas convaincu — et, d'ailleurs, M. Binnion l'a dit tantôt — que ça va se faire. Donc, il n'y a pas d'urgence sociale, il n'y a pas d'urgence environnementale, puis il n'y a pas d'urgence économique à présenter ça.

Moi, en droit, on a tout le temps appris qu'un projet de loi doit avoir une utilité sociale, une finalité sociale, on la cherche. Et ce qui nous inquiète, c'est justement l'introduction d'un nouveau concept qui, à notre avis, risque de faire reculer les gains environnementaux à titre d'information et de consultation qui sont là depuis juin 2011.

M. Sklavounos : Alors, si je peux résumer une partie de ce que vous dites, vous, vous avez été impliqué dans un processus qui a été mis en place pour acquérir des connaissances, pour pouvoir partager ces connaissances, pouvoir permettre une analyse d'où était l'état de la science sur l'affaire, et, en quelques sorte, vous vous sentez un petit peu court-circuité par le fait qu'il y a ce projet de loi qui vient imposer un moratoire. Le ministre, à d'autres intervenants, il a… Bien, il a fait une tentative d'expliquer qu'en ce moment il n'y a pas de moratoire. On a une autre dame qui est venue représenter les consommateurs de gaz, qui nous a dit : Bien, s'il n'y en a pas un là, je ne sais pas, là, j'étais sous l'impression, tellement qu'il n'y a rien qui se passe… j'étais sous l'impression qu'il y en avait un. Vous venez de clarifier… Je vous dis ce qu'elle a dit sur le terrain, mais vous venez de dire assez clairement que le ministre, député de Mont-Royal, qui était l'ancien ministre, avait clarifié la situation. Puis, au niveau des gens qui ont été impliqués dans l'EES, ils ont clarifié la situation encore plus pour dire que, de facto, il n'y a rien qui va se passer avant qu'on puisse atteindre ce niveau de connaissance, avoir les résultats et les faire correctement. Alors, vous... et vous nous dites que vous ne comprenez pas aujourd'hui pourquoi on veut aller de l'avant à ce niveau-là, et je vous comprends parce que je ne comprends pas non plus.

Au niveau Anticosti, au niveau de l'annonce de jeudi, je sais que vous avez émis un communiqué de presse, qui est juste ici. Vous avez, dans le titre, dénoncé l'incohérence des choses. Pourriez-vous, s'il vous plaît, des deux approches… Parce que, dans une approche, on semble dire : On va être là… Combien de temps qu'il me reste, M. le Président?

Le Président (M. Lessard) : C'est 15 secondes.

M. Sklavounos : Je vais vous laisser commenter rapidement.

M. Baril (Jean) : Incohérence, parce que nous, on n'est pas ni pour ni contre. C'est nouveau. Si on décide qu'une opération de fracturation porte des dangers suffisants pour l'interdire ou pour demander des autorisations avec des mécanismes d'information et de consultation…

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait. Donc, alors, on vous remercie de votre présentation, vous avez jeté un éclairage important.

Alors donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 19 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci. Donc, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes de la salle de bien vouloir éteindre leur sonnerie de téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie, donc, afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de loi n° 37, Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste.

Alors donc, nous allons donc voir trois groupes ce soir. Nous sommes convoqués pour nos travaux jusqu'à 21 h 45 et, pour ce faire, nous devrons, un petit peu, partager le temps. Les présentations seront toujours de 10 minutes, donc, pour votre présentation officielle, et nous allons répartir le temps plutôt : 14 minutes pour le groupe gouvernemental, donc 13 minutes pour l'opposition officielle et 3 min 30 s, là, pour le deuxième groupe d'opposition. Comme ça, on sera capables de finir nos travaux selon l'heure respective.

Alors donc, si vous voulez, s'il vous plaît, on reçoit maintenant la Fédération des chambres de commerce du Québec. Si vous voulez décliner, donc, votre identité pour les fins d'enregistrement de nos travaux, faire votre présentation de 10 minutes, puis, après ça, on ouvrira sur les questions de chacun des groupes d'opposition et du gouvernement. Merci.

Fédération des chambres de commerce
du Québec (FCCQ)

M. Simard (François-William) : Donc, bonsoir, tout le monde. Mon nom est François-William Simard. Je suis directeur à Stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec.

M. Lemieux (Dany) : Dany Lemieux. Je suis consultant en énergie et en environnement auprès de la fédération.

Le Président (M. Lessard) : Bonsoir. Donc, la parole est à vous pour une présentation de 10 minutes.

M. Simard (François-William) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, merci de nous permettre d'être présents ce soir. C'est un dossier qui est extrêmement important pour nous. On a été très présents dans les débats qui ont précédé… en fait, qui ont marqué les dernières années sur la filière du gaz de schiste, et on est très heureux d'être présents ce soir. Donc, Dany, comme il le mentionnait, c'est notre expert en environnement et en énergie. Donc, si jamais il y a des questions qui sont très poussées, très techniques, c'est certain que je vais me tourner vers Dany.

Rapidement, vous présenter la Fédération des chambres de commerce. On représente environ 150 chambres de commerce au Québec. On représente 1 200 membres qui sont directement membres chez nous, donc des membres corporatifs. On a également... par le biais de notre réseau, on représente 60 000 entreprises et 150 000 gens d'affaires. Donc, simplement pour vous présenter la fédération, on a également 17 comités sectoriels à la fédération, dont un comité Énergie qui se penche spécifiquement sur les questions, évidemment, qui sont liées aux hydrocarbures, dont les gaz de schiste. Donc, on a travaillé très fort ce dossier-là pour vous présenter la position ce soir.

M. le Président, comme vous le savez peut-être, la fédération a été très active dans le dossier des ressources naturelles au cours des dernières années, que ce soit en matière de forêts, de mines ou d'énergie. Nous voyons l'exploitation de nos ressources naturelles comme un immense potentiel de développement économique et d'enrichissement de tous les Québécois. C'est pourquoi nous n'avons pas hésité à prendre la parole pour défendre une exploitation responsable des gaz de schiste dès que cette nouvelle industrie a fait son apparition au Québec, il y a quelques années, et vous comprendrez que depuis nous n'avons pas changé d'idée. Au contraire, nous sommes plus convaincus que jamais. Pourquoi? Parce que, depuis les premiers balbutiements de ce dossier au Québec, les exemples de pays ayant exploité le gaz de schiste tout en respectant l'environnement se sont multipliés et les études démontrant les bénéfices économiques et environnementaux de cette industrie n'ont pas manqué non plus. Je reviendrai à ces éléments dans quelques instants.

Comme je le disais, nous avons toujours appuyé le développement de cette industrie. Nous insistions principalement sur quatre éléments : que le gouvernement du Québec rende disponible une analyse coût-avantage et de retombées économiques; que, pour les aspects environnementaux, nous considérions l'apport de cette industrie dans sa globalité plutôt que de se limiter à son extraction; que le gouvernement du Québec détermine, avec les municipalités et les MRC, des moyens et des outils en matière d'aménagement durable du territoire en utilisant ceux qui existent déjà dans d'autres cadres tels que l'éolien; que le gouvernement du Québec fasse preuve de prudence dans sa présentation de l'instance municipale comme pôle de gouvernance. La gestion des ressources naturelles est une responsabilité provinciale, et elle doit le demeurer. Voilà pour la position que nous défendons depuis le début.

• (19 h 40) •

M. le Président, si nous sommes présents en commission parlementaire ce soir, c'est pour recommander au gouvernement de ne pas aller de l'avant avec le projet de loi n° 37. Oui, il y a une blessure collective sur les gaz de schiste, entre autres en raison de la façon dont le dossier a été géré au départ. Personne ne va remettre en cause cela ce soir. Mais ce n'est pas à coups de moratoires sur le développement de cette industrie que nous allons gérer et guérir cette blessure. Entre démarrer sur les chapeaux de roue et ne rien faire du tout, il y a sans doute quelque chose qu'on peut faire. J'y reviendrai dans quelques minutes lorsque nous vous présenterons les recommandations que nous formulons ce soir. Parce qu'avant de vous présenter ces recommandations il nous apparaît essentiel d'examiner ce qui s'est fait ailleurs dans le monde dans l'industrie des gaz de schiste et comment cela a affecté positivement la situation économique et énergétique de ces endroits.

D'abord, en Colombie-Britannique, une province reconnue pour être l'une des plus vertes au Canada, les investissements de l'industrie du gaz naturel ont presque quadruplé entre 2000 et 2010, augmentant de 1,8 milliard à 7,1 milliards de dollars. Dans cette province, le secteur du gaz naturel est devenu l'un des piliers de l'économie, l'un des plus gros employeurs et il représente la source de revenus la plus importante provenant des ressources naturelles. Selon la première ministre britanno-colombienne Christy Clark, l'industrie des gaz de schiste pourrait créer jusqu'à 100 000 emplois, et les redevances contribueront à diminuer, voire éliminer la dette de la province. C'est ce que la fédération appelle être «open for business».

Autre exemple, aux États-Unis, la production de gaz de schiste représentait plus de 27 % de tout le gaz naturel produit en 2010, proportion qui devrait passer à 43 % en 2015. Selon une étude réalisée par l'IHS Global Insight, les emplois liés à cette industrie étaient de plus de 600 000, et sa contribution au PIB, de près de 77 milliards en 2010. Au cours des 25 prochaines années, les municipalités, les États et le gouvernement fédéral devraient toucher plus de 933 milliards de dollars en impôts fonciers, taxes et recettes fiscales de toutes sortes. C'est gigantesque.

Finalement, autre impact plus que significatif, alors que les multinationales manufacturières américaines avaient transféré des capacités de production à l'étranger depuis quelques décennies, elles les rapatrient désormais en force à cause du faible coût de l'énergie, de la sécurité et de la grande disponibilité d'approvisionnement du gaz naturel. Nous ne pouvons avoir un exemple de retombées économiques plus concret que celui-là.

M. le Président, si la Colombie-Britannique et les États-Unis, pour ne citer que ceux-là, se sont enrichis grâce au gaz de schiste, qu'ils ont amélioré leur situation énergétique et qu'ils l'ont fait tout en assurant une protection de l'environnement, pourquoi n'en serions-nous pas capables ici?

Parmi les recommandations que nous... Je vais laisser la parole, en fait, à Dany avant. Je suis parti un petit peu vite sur mon discours, je vais laisser la parole à Dany.

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste quatre minutes.

M. Lemieux (Dany) : Merci. Donc, on va faire un bref rappel, là, des principales étapes qu'il y a eu au Québec depuis quelques années. Depuis le mois d'août 2010, le gouvernement a multiplié les interventions visant à encadrer et évaluer l'impact du développement de l'industrie des gaz de schiste au Québec, et ça, ça a eu comme conséquence de faire un quasi-moratoire, en fait, sur le développement de la filière. Donc, août 2010, Québec fait appel au BAPE; mars 2011, rapport du BAPE avec comme principale recommandation d'avoir une étude environnementale stratégique où l'exploration est permise, mais la fracturation hydraulique interdite, sauf pour faire des expériences scientifiques, et ça, c'est très important. Toujours en mars 2011, l'industrie accepte les recommandations du BAPE. Toujours en mars 2011, la ministre Normandeau annonce que toutes les opérations de fracturation seront dorénavant assujetties à l'étude environnementale stratégique et que les travaux de fracturation ne seront autorisés que pour les besoins de développement de connaissances scientifiques. Encore une fois, c'est important. 26 mai 2011, début du mandat du comité environnemental stratégique. 6 février 2013, le ministre annonce qu'il va confier au BAPE la réalisation de la consultation élargie. Et, 15 mai dernier, le projet de loi n° 37 est déposé.

Aujourd'hui, près de quatre ans plus tard, outre le comité environnemental stratégique, rien n'a été fait au Québec : pas de projets de démonstration, pas de connaissances scientifiques terrain, donc pas de nouvelles connaissances pour les employés du ministère du Développement durable, Environnement et Parcs et du MRN pour parfaire leurs connaissances le jour où on en aura vraiment besoin. On n'a toujours pas de chiffres de retombées économiques émanant du gouvernement et on n'a toujours pas d'étude avantage-coût complète.

L'impact sur les entreprises entre le mois d'août 2010 et la fin mai 2011 — donc, ça, c'est les dates entre lesquelles le gouvernement a respectivement fait appel au BAPE et au comité environnemental stratégique — Questerre Energy a perdu 65 % de sa valeur boursière, Junex, 52 %, Gastem, 38 %. Donc, ça, c'est des impacts réels. Est-ce qu'un autre moratoire de cinq ans va envoyer un message positif aux investisseurs, que le Québec «is open for business», comme disait la première ministre? Donc, la fédération tient à rappeler que, dans le concept de développement durable, l'acceptabilité sociale, l'environnement et l'économie doivent être considérés sur le même pied.

En termes de retombées économiques, on a été très surpris de voir à quel point l'étude du ministère du Développement durable, Environnement, Faune et Parcs était frileuse et refusait de chiffrer les retombées économiques de l'industrie, donc a refusé de mettre un chiffre. Comment est-ce qu'on peut soupeser les avantages économiques par rapport aux inconvénients environnementaux et sociaux si on refuse de mettre un chiffre sur la partie avantages? Donc, il faut se doter d'une étude coût-avantage complète.

Donc, présentement, on trouve que c'est hâtif d'imposer un moratoire maximal de cinq ans, puisque le gouvernement n'a pas toutes les données en main pour prendre une décision éclairée et de soupeser adéquatement les avantages économiques par rapport aux inconvénients sociaux et environnementaux.

M. Simard (François-William) : Oui. Bien, rapidement, parce qu'il nous reste, quoi, environ une minute, parmi les recommandations que nous formulons aujourd'hui, outre celle de ne pas aller de l'avant avec le projet de loi n° 37, nous recommandons de permettre la réalisation de quelques projets de démonstration. En plus de pouvoir confirmer s'il y a un réel potentiel d'exploitation, cela permettrait au gouvernement de développer sa propre expertise sur les gaz de schiste, ce qui serait très utile si jamais l'industrie devait, un jour, prendre son envol au Québec. Rappelons que c'était d'ailleurs l'une des principales recommandations du rapport du BAPE du 8 mars 2011, alors qu'il était suggéré que l'étude environnementale stratégique se fasse en parallèle avec l'exploration gazière.

Le Président (M. Lessard) : Alors, ça termine donc le temps alloué, là, pour la présentation. On pourra vous faire élaborer votre point de vue à travers les différentes questions. Donc, il y a 14 minutes maintenant qui sont attribuées au gouvernement. Je donne la parole maintenant au ministre pour ses questions.

M. Blanchet : Bien le bonjour, messieurs. Fort intéressante présentation, qui a la vertu d'avoir — comment dire? — un niveau de représentativité et d'articulation souhaitable dans un débat comme celui que nous voulons avoir. Maintenant, il y a des endroits où le débat va se déployer complètement et des endroits où c'est plus restreint comme sujet. Comme j'ai dit, moi, je n'ai pas de problème à ce qu'on déborde de la simple notion de moratoire, là, ça me va. Ça me va bien, on peut le faire, à la condition, bien sûr, qu'on ne fasse pas le raccourci intellectuel de nous reprocher le moment de dépôt de documents qui n'ont rien à voir avec ce pourquoi on est là aujourd'hui. Mais, les raccourcis, il y a des spécialistes là-dedans.

Une question pour vous, qui est brève et technique. Quand vous dites : Le gouvernement ne fournit pas des chiffres, une étude, vous parlez d'une étude du gouvernement, je veux être sûr de ce dont vous parlez. Est-ce l'étude préalable au premier BAPE ou est-ce l'étude qui est dans le rapport de l'évaluation environnementale stratégique?

M. Lemieux (Dany) : En fait, dans le cadre de l'étude environnementale stratégique, il y a un mandat qui a été donné à la Direction des analyses économiques de votre ministère de regarder les études de retombées économiques qui ont été faites, notamment par le secteur privé, et d'arriver avec un chiffre pour qu'on ait un chiffre à mettre sur les avantages liés au développement de la filière, et la conclusion de cette étude-là, c'est que… Bien, on ne comprend pas trop s'ils ne veulent pas ou ils ne sont pas capables de le faire, mais il n'y a pas de chiffre. Et ça, c'est sur le site Internet, là, je l'ai ici, et donc le ministère refuse de mettre un chiffre sur les retombées économiques de la filière.

M. Blanchet : Là, vous dites : Ne veulent pas, sont incapables ou refusent.

M. Lemieux (Dany) : On ne le sait pas.

M. Blanchet : Donc, vous excluez l'hypothèse que leur conclusion soit celle qui est dans l'étude. Vous assumez que ce qu'eux autres ont écrit dans l'étude, ils l'ont écrit pour ne pas dire ce qu'ils pensaient pour vrai?

M. Lemieux (Dany) : Bien, en fait, c'est qu'on ne le sait pas. C'est un peu bizarre qu'on demande de fournir un chiffre et qu'ils ne fournissent pas de chiffre en disant : Bien, écoutez, il y a eu toutes sortes d'études...

M. Blanchet : Est-il possible que l'état des connaissances ne permette pas d'établir un chiffre aussi clair que ce que vous auriez souhaité d'avoir?

M. Lemieux (Dany) : Bien, dans le rapport que vous avez rendu public hier soir, le comité en tant que tel...

M. Blanchet : Que le comité a rendu public.

M. Lemieux (Dany) : Oui, que le comité a rendu public, pardon. En fait, il relate trois études qui ont été faites par le secteur privé, et eux discutent des hypothèses qui sont derrière. Et, bon, eux-mêmes ne concluent pas, mais il y avait un autre exercice qui avait été demandé à votre Direction des affaires économiques, et eux non plus n'ont pas conclu. Et donc, nous, la question qu'on se pose, si on veut soupeser les avantages par rapport aux inconvénients et que le gouvernement... Puis là nous, on ne le sait pas, est-ce que c'est parce qu'ils ne sont pas capables? Est-ce que...

Puis ça, une des choses qu'on vous recommande depuis fort longtemps, à la fédération, c'est de créer un bureau d'analyse économique qui serait indépendant, qui serait complémentaire au BAPE. Parce qu'on comprend que le BAPE, ça fait partie de sa mission du développement durable, mais ce n'est pas au coeur de sa mission. D'ailleurs, il y a, quoi, trois économistes sur 50 employés au BAPE, et nous, ça fait longtemps qu'on demande au gouvernement de créer un bureau des analyses économiques. Puis ça ne serait pas juste pour les gaz de schiste, tout projet économique majeur pourrait faire l'objet d'études indépendantes, et donc ça viendrait complémenter, apporter des chiffres neutres. Parce que, souvent, les opposants disent que les chiffres des industriels ne valent rien, c'est des chiffres gonflés, ce n'est pas bon. Donc, un bureau des analyses économiques ferait en sorte de dépolitiser la partie avantages, la partie économique qu'on voit dans les dépôts de projets. Ça, ça fait des années qu'on le recommande au gouvernement, et on pense que ça pourrait être une bonne solution, et on arriverait à un chiffre.

• (19 h 50) •

M. Blanchet : Je reviens à votre propos, je ne suis pas sûr qu'on arriverait à un chiffre parce que ce que j'entends de ce que vous me dites, c'est : Il y a trois études qui ont été faites par le privé, et le ministère n'a pas endossé la conclusion d'aucune de ces trois études-là, donc il n'a pas voulu ou il n'a pas été capable de tirer une conclusion.

Vous savez, aucune agence ou aucun ministère du gouvernement ne sous-traite nécessairement les études. On peut faire des revues de littérature et on peut arriver à la conclusion que, justement, ce n'est pas concluant. Mais toutes les opinions sont valables. Je doute fort, par contre, que les gens du ministère soient portés par une mauvaise volonté ou incapables. J'ai tendance à les croire très capables et de beaucoup de bonne volonté.

Un autre ordre d'idées. Au fil de votre implication dans ce dossier-là — parce que c'est le coeur de l'enjeu à quelque part — au fil de votre implication, je présume que vous êtes allés dans la région qui est concernée, vous êtes allés dans les basses-terres du Saint-Laurent, vous êtes allés dans la région de Bécancour, dans la région de Nicolet. Vous avez dû rencontrer des gens, vous avez dû vous mettre à la recherche de l'explication pour laquelle les citoyens n'endossaient pas le projet ou, même, manifestaient une grande colère à l'endroit du projet. Quelle lecture faites-vous de vos contacts directs avec les citoyens de la région, de leur refus de ce projet-là?

M. Simard (François-William) : Bien, je vais me permettre de répondre, et, ensuite de ça, je vais laisser la parole à Dany pour qu'il puisse compléter. Dans les éléments qu'on a constatés au départ, avec la façon dont le projet a été lancé, c'est certainement le manque d'accompagnement de la part du gouvernement. Ça fait partie de nos recommandations aujourd'hui que le gouvernement, lorsqu'il y a des projets de cette ampleur-là… Parce que oui, ça peut être intimidant pour les citoyens puis ça peut… c'est tout à fait légitime. La réaction que certains citoyens ont eue est tout à fait légitime, ça peut être intimidant. On voit une nouvelle industrie qui est débarquée, on entend toutes sortes de choses à gauche et à droite, et les craintes peuvent être légitimes.

Maintenant, est-ce qu'entre ce qu'on entend et la réalité, c'est exactement la même chose? Parfois, il y a des choses qui sont dites qui ne sont pas tout à fait exactes. Donc, c'est le rôle du gouvernement d'apporter des informations qui vont être neutres, qui vont être objectives. Et je fais, malheureusement, le constat — et on l'a fait à la fédération — qu'à l'époque le dossier a été laissé entre les mains de l'industrie, et c'est probablement là la chose, la première chose à corriger si jamais on va de l'avant avec une exploration des gaz de schiste éventuellement, il faut que le gouvernement soit présent dans tout le processus. Je ne sais pas si tu veux conclure.

M. Blanchet : Juste là-dessus, ça vous permettra de compléter parce que… Écoutez, c'est semi-historique, au moins pour la journée, si je comprends bien, la Fédération des chambres de commerce dit que les cafouillages du départ ne sont pas dus au comportement de l'industrie, mais bien parce que le gouvernement, qui, d'habitude, est trop interventionniste, dans ce cas-ci, aurait dû se porter à l'avant et dire aux entreprises : Nous allons y aller avec vous pour être sûrs que ça se passe bien. De telle sorte que, ne l'ayant pas fait, l'industrie peut dire : Ah non! Nous, nous n'y sommes pour rien, le gouvernement ne nous a pas accompagnés, donc ça a pu heurter des citoyens.

M. Simard (François-William) : Vous n'entendrez jamais la fédération dire : L'industrie devrait fonctionner toute seule, peu importe l'industrie qu'on parle. On oublie les gaz de schiste, là, vous ne nous entendrez jamais dire qu'une industrie devrait fonctionner toute seule, être laissée comme un électron libre, sans aucune règle. Les industries doivent être encadrées, et le rôle du gouvernement, c'est de le faire. C'est d'être également présent quand il y a des nouveaux projets qui arrivent. C'est également le rôle du gouvernement d'être présent. Donc, on n'est pas en porte-à-faux du tout avec ce qu'on a dit par le passé.

M. Lemieux (Dany) : Peut-être juste un dernier point pour compléter. La certitude réglementaire est primordiale pour une entreprise, spécialement pour les entreprises qui ne sont pas issues du Québec, donc qui ne savent pas comment ça fonctionne ici et qui ne connaissent pas comment les gens peuvent réagir à certains types de projets de développement.

Donc, le fait de dire à une entreprise : Bien, écoutez, comme ça, au Québec, dorénavant on aimerait qu'il y ait des consultations au préalable et qu'il y en ait x, consultations au préalable, ensuite sachez qu'il y a des certificats d'autorisation, sachez qu'il y a un BAPE, sachez que… Bien, présentement, les entreprises sont laissées un peu dans une espèce de flou, et nous, tout ce qu'on demande, c'est d'avoir une certitude réglementaire et d'avoir une espèce d'encadrement pour que les entreprises sachent comment que ça peut se passer, quelles devraient être les étapes pour pas s'assurer d'une acceptabilité sociale, mais, à tout le moins, favoriser l'acceptabilité sociale et...

M. Blanchet : Je vous dirais que c'est exactement ce qu'on est en train de faire. Le premier BAPE dit : Nous n'avons pas les informations nécessaires. Les études se font par l'évaluation environnementale stratégique. C'est retourné au BAPE. Pour éviter de la confusion sur le terrain, il y a un moratoire qui est implanté, qui sera levé au moment où l'Assemblée nationale, dont vous dites vous-mêmes qu'elle doit encadrer l'activité, aura disposé de l'enjeu du gaz de schiste. On donne cette prévisibilité.

Puis je comprends parfaitement bien que c'est un facteur crucial pour une entreprise que d'avoir de la prévisibilité dans les conditions. Ça s'est passé d'une façon qui n'a pas été adéquate, il y a un recul à prendre, il y a un mécanisme à mettre en place pour aller chercher et la prévisibilité, et la clarté, et, potentiellement — peut-être que non aussi — l'acceptabilité sociale, mais au moins de façon structurée. Donc, je pense que c'est ce qu'on fait, c'est ce qu'on propose. Peut-être d'une manière que vous auriez faite différemment, c'est ce qu'on propose.

Et je vous donne tout de suite l'autre question parce que, d'habitude, il ne reste pas grand temps, puis je veux avoir le temps de vous la poser. Vous avez… — et je l'ai noté quand vous le disiez, donc mes mots peuvent ne pas être exactement comme les vôtres — vous mettez en garde le gouvernement contre son approche de transmettre une forme d'instance de gouvernance aux municipalités dans les dossiers de gaz de schiste. Ah! bien là, nous, évidemment, on est plus dans un esprit de valoriser le rôle des institutions municipales dans beaucoup de dossiers, dont ces dossiers-là, dont les dossiers miniers, et là vous dites : Attention! On vous met en garde. Avant de transmettre une forme d'autorité ou une forme de gouvernance aux municipalités dans ces dossiers-là, on met en garde le gouvernement contre ça. Moi, je veux bien comprendre, puis je suis certain que les municipalités voudraient bien comprendre.

M. Simard (François-William) : Je vais répondre à la première question, qui est celle sur la démarche du gouvernement. Le problème qu'on y voit avec le moratoire actuel, on l'a vu dans les dernières années, si on se fie… en fait, si le passé, il est garant de l'avenir, on a un petit peu peur que ça prenne quatre et cinq ans avant qu'effectivement on ait un cadre qui permette l'exploration et l'exploitation. Nous, ce qu'on vous dit aujourd'hui, pourquoi qu'on ne définirait pas des projets de démonstration qui permettraient de dire : On fait de l'exploration à quelques projets? On n'est pas en train de dire : Mettons 50, mettons 100 projets de démonstration ou des projets pilotes, peu importe comment qu'on les appelle… On n'est pas en train de dire : Mettons-en une centaine en marche. On est en train de dire : Faisons-en quelques-uns, ça va nous permettre de développer une expertise, de voir exactement comment ça se fait. Et aussi ça va nous permettre non pas probablement, mais certainement de rassurer la population que ça peut se faire de façon sécuritaire parce qu'ailleurs ça se fait de façon sécuritaire.

Donc, plutôt que de ne rien faire, nous, ce qu'on vous dit aujourd'hui... On n'est pas en train de vous dire : Démarrez sur les chapeaux de roue, comme je disais tout à l'heure. On est en train de dire : Est-ce qu'on peut y aller progressivement? Ça va permettre, un, de développer l'expertise et de rassurer les gens également. Sur les municipalités…

M. Lemieux (Dany) : Au niveau des instances municipales, si vous prenez dans le cadre des éoliennes, le MRN a développé un guide d'implantation des éoliennes pour aider les municipalités à faire leur schéma d'aménagement. Donc, le gouvernement a proposé un outil aux municipalités pour les aider à encadrer le développement de cette industrie-là. Donc, dans le contexte actuel, avec les pouvoirs qui existent, qui sont dévolus au gouvernement provincial et aux municipalités, on a trouvé un moyen d'établir un cadre pour que les municipalités aient un rôle via le schéma d'aménagement du territoire. Et moi, je n'ai pas entendu personne hurler, au niveau des éoliennes, que le gouvernement ou les municipalités avaient trop ou pas assez de pouvoirs parce qu'on l'a fait de façon concertée, et ça a été un très bel exemple de réussite de gouvernance conjointe, municipalités-gouvernement, sans pour autant que le gouvernement du Québec délaisse son pouvoir au niveau de la gestion des ressources naturelles.

M. Blanchet : Vous me rassurez et vous rassurez sûrement d'autre monde parce que j'avais vraiment entendu un doute. L'encadrement, les outils de travail qu'on peut donner aux municipalités, je pense qu'effectivement il y a mieux à faire dans beaucoup de dossiers. Je l'ai dans les milieux humides, je l'ai dans un ensemble de dossiers aussi.

Une dernière chose. Vous avez parlé de projets, bon, projets pilotes, démonstrations. Vous savez, moi, ce que j'ai compris après-midi, si un projet pilote sert à démontrer une technologie, puis ce n'est pas ce dont il s'agit, bien là c'est un projet pilote. S'il sert à démontrer qu'il y a, effectivement, une ressource dans le sous-sol, c'est de l'exploration. Si je comprends bien, si l'exploration est là pour montrer que ça peut être rentable, c'est simplement de l'exploitation à petite échelle, on n'est pas dans l'exploration. L'exploration, c'est qu'est-ce qu'il y a — c'est une démarche à laquelle nous-mêmes on réfléchit — qu'est-ce qu'il y a là, comment on le détermine, on fixe le potentiel. Si c'est ça qu'on veut faire, qu'on dise que c'est ça qu'on veut faire clairement : On veut établir le potentiel, prouver la réserve. On pourra refuser de le faire, les gens pourraient le refuser, mais ça aura la vertu d'être clair et de ne pas être un peu camouflé derrière un projet pilote qui… Comme le disait M. Binnion lui-même, là, on pourrait creuser 40 000 puits en Amérique, on n'en apprendrait pas davantage sur la technologie que ce qu'on sait maintenant.

• (20 heures) •

M. Lemieux (Dany) : Bien, en fait, le problème — puis j'en ai fait référence tantôt dans mon allocution — c'est que le BAPE, déjà, en mars 2011, disait qu'on devrait faire des projets de démonstration pour acquérir des connaissances scientifiques. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que ça a été une occasion perdue, on a perdu trois ans, au moins trois ans, parce qu'il ne s'est rien fait. Et, durant ces trois années-là, les Québécois auraient pu, avec un encadrement gouvernemental, les employés du MRN, les employés du MDDEFP qui auraient encadré tout ça, qui se seraient assurés que tout est fait selon les meilleures pratiques…

Le Président (M. Lessard) : ...nos travaux du côté de l'aile gouvernementale. On va poursuivre du côté de l'opposition officielle, et le député de Viau, donc, qui va prendre la parole et s'adresser à vous pour 13 minutes.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. En résumé, la grande question, c'est les inquiétudes. Ce que vous appeliez tout à l'heure la blessure collective, il faut tenter… Pour aller de l'avant dans ce secteur-là, il faut réconcilier un gouffre assez majeur qui s'est créé. Puis ce n'est pas de revenir sur les raisons, puis comment, mais, à la fin de la journée, les citoyennes et les citoyens n'ont pas de confiance dans ce secteur industriel là. Et conséquemment, si on veut aller de l'avant, puis on regarde, puis on vous entend qu'il y a des possibilités, au niveau du développement économique, très importantes…

On a parlé du passé, mais, moi, ce que j'aimerais vous entendre davantage, c'est comment faire pour réconcilier à l'avenir ces populations-là qui sont, et avec raison, très hésitantes et même réfractaires à ce développement-là et faire en sorte qu'il y ait une acceptabilité sociale. C'est quoi, là, qu'il faut faire à partir de maintenant? Là, vous avez parlé brièvement, là, de l'idée, bon, de l'intervention gouvernementale, de l'accompagnement gouvernemental, mais j'aimerais que vous alliez plus loin que ça, et qu'est-ce que la Fédération des chambres de commerce… Parce que, j'imagine, il y a des chambres de commerce qui sont dans la région, dans les diverses régions visées par le projet de loi, donc qu'est-ce que, je veux dire, le secteur privé, le secteur économique en général peut faire pour, justement, aider à faire avancer ce dossier-là de façon positive?

Puis aussi j'aimerais ça, en même temps, en termes de sous-question, couvrir aussi les meilleures pratiques. Vous avez parlé de la Colombie-Britannique, j'aimerais en entendre plus à propos de ça et d'autres cas de meilleures pratiques qui ont permis d'aller de l'avant.

Le Président (M. Lessard) : M. Simard.

M. Simard (François-William) : Oui. Je vais répondre pour la première partie de la question et je vais laisser M. Lemieux poursuivre. Dans les façons, nous pensons de pouvoir... Pouvoir réparer en tant que tel ou guérir cette blessure, comme on l'a mentionné tout à l'heure, c'est d'y aller de façon intelligente, progressive et de ne pas nier, justement, les craintes que les gens ont. Puis ça, je pense que c'est, entre autres, le rôle de l'industrie, c'est, entre autres, le rôle des entreprises, et je pense qu'elles sont prêtes à le faire. Il n'y a aucune entreprise qui va vous dire aujourd'hui… des entreprises qui sont impliquées dans le gaz de schiste qui vont vous dire qu'elles répéteraient exactement qu'est-ce qui s'est passé il y a quelques années. Je pense qu'on a des leçons à tirer.

J'ai parlé tout à l'heure du gouvernement. Je maintiens, effectivement, que le gouvernement doit être présent. Non pas pour prendre par la main les entreprises, mais pour les accompagner parce que, naturellement, les citoyens ont confiance en leur gouvernement davantage qu'ils ont confiance en les promoteurs.

L'autre chose que j'ai mentionnée tout à l'heure, les projets de démonstration, c'est justement là pour ça. Pourquoi qu'on propose ça? Pourquoi qu'on pense que c'est probablement une des façons d'y parvenir? C'est qu'on arrive avec quelques projets qui vont se dérouler correctement parce qu'on aura mis un cadre rigoureux en place pour pouvoir procéder à ces projets pilotes là et on aura démontré que ça peut se faire de façon sécuritaire. Je pense qu'on est à l'étape où est-ce que les gens ont besoin d'avoir des démonstrations tangibles que les gaz de schiste, ça ne signifie pas nécessairement, comme plusieurs le prétendent, chaos environnemental ou tout autre. C'est ça que les gens ont besoin actuellement pour être rassurés, certainement.

M. Lemieux (Dany) : Pour l'avenir, en fait, une des choses que la fédération propose, c'est de préparer dès maintenant le cadre réglementaire et... Parce que je vous annonce tout de suite que le prix du gaz va monter un jour. Ce n'est pas une surprise, là, il va monter un jour. On a le phénomène de la réindustrialisation aux États-Unis. La demande est très forte en Europe et en Asie présentement. Il y a des projets de ports méthaniers pour exporter du gaz naturel liquéfié vers ces marchés-là. Donc, ça va faire en sorte que, si on sort du gaz du continent, du Nord-Est américain, ça va faire plus une parité au niveau des prix, donc on peut s'attendre, à moyen, long terme, à ce que les prix remontent. Et, à ce moment-là, il faudrait qu'on soit prêts si jamais ça devient rentable. Et là, à ce moment-là, l'argument de dire que, parce que le prix est faible, bien, ça ne donne rien de le faire... Bien, il se passe quoi si, le mois prochain, il y a un renversement complet?

Je vous rappellerai qu'il n'y a pas longtemps, là, en 2005, le prix du gaz naturel était beaucoup plus élevé qu'il était, là, à l'heure actuelle, jusqu'à temps que les gaz de schiste rentrent dans la production américaine de façon massive. Et, il n'y a pas si longtemps que ça, on voulait importer du gaz naturel parce que le prix du gaz naturel était trop élevé en Amérique du Nord. On voulait faire des ports méthaniers pour en importer. On parle de 2005, là, il n'y a pas 100 ans, donc il y a à peine huit ans, et là on est à une situation inverse. Donc, la situation peut changer très rapidement au niveau des prix. Comment qu'on peut se préparer? Comment qu'on peut préparer l'avenir? C'est en fournissant un cadre réglementaire clair, efficace, et là les entreprises… Si les règles, elles peuvent être aussi sévères que le gouvernement pourrait souhaiter qu'elles le soient, ces règles-là, bien là les entreprises prendront une décision d'affaires : On y va ou on n'y va pas. Mais, en ayant un cadre réglementaire, les entreprises auront une certitude réglementaire, et sauront à quoi s'attendre, et prendront leurs décisions économiques en toute connaissance de cause.

En Colombie-Britannique... ou je peux vous donner l'exemple de l'Alberta. En Alberta, il y a des bureaux de projets uniques. Donc, le promoteur cogne à une porte, et c'est le gouvernement, qui a des gens de chaque ministère et organisme qui travaillent à ce bureau unique là, qui fait en sorte que tous les acteurs gouvernementaux travaillent de concert, et ça, ça aide beaucoup. C'est d'ailleurs une des recommandations que la fédération avait faites au gouvernement il y a quelques années.

Aux États-Unis, l'Environmental Protection Agency, présentement, mène une série d'études depuis 2011 pour, justement, en arriver avec les meilleures pratiques pour encadrer cette industrie-là. Il y a même des groupes environnementaux qui n'avaient pas confiance à ces études-là qui sont en train de faire leurs propres études aux États-Unis. Et, d'ailleurs, il y en a une qui est sortie récemment et, à leur grande surprise, il y avait beaucoup moins de fuites de méthane qu'anticipé. Donc, on peut tout préparer ça déjà. On peut déjà préparer l'avenir, il faut juste le faire. On attend la nouvelle loi sur les hydrocarbures depuis longtemps et on pense que ce serait un très bon pas pour, justement, préparer demain.

M. Heurtel : Au niveau du temps, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste encore sept minutes.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Lessard) : Six minutes, en fait.

M. Heurtel : Merci. Plus particulièrement, est-ce que ce serait possible d'élaborer davantage sur le cas de la Colombie-Britannique? Ça m'intéresse particulièrement, ça. Est-ce que, par exemple, ce que vous avez au niveau de la Colombie-Britannique… est-ce qu'on parle de même type de territoire? Est-ce qu'on parle de même genre de population? Est-ce que ces impacts-là... est-ce qu'il y a vraiment une corrélation à faire entre les régions visées par le projet de loi et ce que vous avez constaté en Colombie-Britannique, par exemple?

M. Lemieux (Dany) : Bien, en Colombie-Britannique, le bassin qui est le plus en développement à l'heure actuelle est un peu plus au nord, donc un peu moins densément peuplé, mais il y a quand même une population qui est autour, là. Donc, on n'est pas dans un champ, au milieu de nulle part.

Une voix : ...

M. Lemieux (Dany) : Non, non. Donc, il n'y a pas de... En fait, chaque province gère ça à sa façon, établit ses propres règles. En Colombie-Britannique, ça s'est fait de façon graduelle dans le temps parce que les découvertes… donc, la découverte de potentiel se fait de façon graduelle également. Donc, ici, au Québec, on ne connaît même pas le potentiel encore. Donc, il n'y a pas de... François-William, tantôt, faisait référence à partir sur les chapeaux de roue. Ça ne peut pas être le cas au Québec, on ne connaît même pas le potentiel. Puis ça, c'est une des choses qu'on demandait au gouvernement, de mettre en place des projets de démonstration et, éventuellement, qu'on soit capable d'établir si on a un potentiel ou non.

M. Heurtel : Par rapport au marché, parce que c'est une... Ce qui ressort, les premières conclusions qui ressortent de l'évaluation environnementale stratégique, c'est justement qu'il n'y a pas de marché pour le gaz. Puis vous parliez tout à l'heure du fait qu'éventuellement il y en aurait, mais est-ce que vous avez constaté que, malgré le prix de marché faible, il y aurait quand même un potentiel de développement assez rapide? Est-ce que l'industrie est prête à y aller maintenant de façon importante ou est-ce qu'on parle de quelque chose qui peut se faire sur cinq, 10, 20, 25 ans?

• (20 h 10) •

M. Lemieux (Dany) : Tout est une question de rentabilité. Vous avez entendu des grands industriels qui sont sur la Côte-Nord qui sont fortement intéressés par la substitution énergétique au gaz naturel, compte tenu du prix du gaz à l'heure actuelle. Présentement, le réseau de distribution ne se rend pas jusque-là. Quand on dit qu'il n'y a pas de marché, on importe 2 milliards de mètres cubes par année, ce n'est quand même pas rien, ce qui est… 100 % de notre gaz est importé.

L'autre point, comme je disais tantôt, la réindustrialisation dans le Nord-Est, dans le Midwest américain, est très rapide, donc ça pourrait avoir un impact plus tôt que plus tard sur le prix, en fait. Le prix du marché du gaz naturel en Europe est très élevé présentement. En Asie, ça monte sans cesse. Donc, c'est des marchés potentiels.

M. Heurtel : Donc, c'est un enjeu d'indépendance énergétique pour le Québec, selon vous?

M. Lemieux (Dany) : Bien, 2 milliards de mètres cubes d'achat par année, ce n'est pas rien, comme je vous dis, là. Il y a une question de sécurité énergétique, il y a une question de… C'est un marché continental, hein, le gaz naturel. Et, si on l'exporte sous forme liquéfiée, ça devient un marché international. Donc, des marchés, il y en a. C'est une question de prix.

M. Heurtel : L'autre point, vous avez parlé des conséquences au niveau du «open for business». Ce que j'aimerais comprendre, c'est… Bon, vous en avez parlé directement, mais est-ce qu'il y a des conséquences, des dommages collatéraux aussi qui se font? Est-ce que vous constatez que le fait qu'on ferme cette porte-là de façon définitive pendant une très longue période de temps crée des dommages, là, vraiment au-delà de l'industrie gazière directement?

M. Simard (François-William) : Je peux peut-être me risquer à une réponse. Malheureusement, je ne vous donnerai pas une réponse qui est très, très précise, mais c'est certain que, quand on envoie des signaux… Parce qu'il faut se rappeler… Puis, par rapport à ce que Dany disait il y a quelques instants, la question de la rentabilité, ce n'est peut-être pas… peut-être que, quand on prend une photo aujourd'hui, ce n'est peut-être pas aussi rentable qu'on le voudrait, mais il faut comprendre que cette photo-là est appelée à évoluer. Et, quand on dit : Bien, peut-être que ça va devenir rentable dans trois, dans quatre ans, dans cinq ans, prenons des hypothèses, peu importe, bien, il ne suffit pas de peser sur un piton pour dire : Bien, parfait, l'exploitation, l'exploration peut commencer. Ça prend des années de préparation, mais ça prend aussi une capacité à aller lever des capitaux, c'est aussi ça.

Puis, quand vous parlez de dommages qui peuvent être faits, justement, bien, c'est certain que, si on poursuit dans la voie du moratoire, qui est celle qui est privilégiée actuellement, et si on retarde encore de plusieurs années notre ouverture à développer cette industrie-là, bien, c'est certain que ça a un impact sur notre capacité à lever du financement, entre autres, comme on en a eu dans les dernières années, certaines difficultés à lever du financement au niveau minier, avec les conséquences qu'on connaît aujourd'hui, parce qu'entre autres il y avait une certaine hésitation au niveau gouvernemental. Puis je ne pointe aucun gouvernement particulier, mais il y avait une hésitation au niveau gouvernemental, et ça a eu un impact sur la capacité à lever du financement parce que, d'abord et avant tout, pour les entreprises, c'est ça, le nerf de la guerre.

M. Heurtel : Ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lessard) : D'accord. Donc, on va passer au porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Nicolet-Bécancour. La parole est à vous pour 3 min 30 s.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux. Premièrement, permettez-moi de souligner votre courage d'énoncer des choses… pas dénoncer, mais d'énoncer des choses très sensibles. Puis je vous dirais même que moi, j'habite Nicolet-Bécancour, on est un territoire visé, et, dans la grande tourmente, même la Chambre de commerce Coeur-du-Québec avait pris position. Je pense que c'est important qu'on ait les deux côtés de la médaille puis je souligne votre courage par rapport à ça.

Moi, je pense que l'idée du moratoire, c'est quand même une bonne idée parce que, je vais vous dire, premièrement, le contexte financier n'est pas nécessairement une nuisance par rapport à la situation actuelle, mais je vous dirais surtout qu'au niveau de l'acceptabilité sociale on a vraiment quelque chose de difficile. Puis, pour avoir été aux premières loges, je vous dirais qu'à la fois l'ancien gouvernement, dans sa stratégie de développer cette filière-là, a été très maladroit, et les compagnies aussi ont été très maladroites en venant sur nos territoires. Donc, je pense que c'est important. Nous, on pense que ça serait important qu'on ait un puits pendant le moratoire en exploration pour améliorer notre connaissance scientifique, comme vous avez mentionné, autant les différents ministères, mais aussi que la population apprivoise un peu ce secteur-là.

Ce que je veux vous dire, par rapport aux coûts-bénéfices, ce que vous dites, moi, je pense qu'effectivement c'est une donnée qui est manquante. Vous faites bien de mettre de la pression par rapport à ça parce que — vous avez très bien compris — quand le gouvernement a parlé d'Anticosti, avec quoi on est d'accord, immédiatement il a vanté les vertus économiques de ce potentiel-là. Il a fait la même affaire avec les cimenteries, il a fait la même affaire avec le développement éolien. Donc, je pense que... puis j'aimerais ça avoir votre idée, pendant le moratoire, pendant qu'on améliore nos connaissances, ce serait peut-être bon de développer tout l'aspect économique, là, des coûts et bénéfices. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Lemieux (Dany) : Oui. En fait, la firme qui a fait l'analyse coût-avantage, très clairement, dans son rapport, il y a une section sur les limites méthodologiques, et là elle cite très clairement qu'il lui manquait un paquet de données pour faire son étude. Donc, elle a dû faire beaucoup d'hypothèses qui rendent l'étude, l'analyse coût-avantage très imprécise. Et le fait de faire des projets de démonstration, on aurait des données réelles, et donc on ne serait plus dans les hypothèses imprécises, mais on serait avec des données réelles. Donc, l'analyse coût-avantage qui découlerait des projets de démonstration, on aurait des données beaucoup plus solides à ce moment-là, et, oui, c'est quelque chose que je pense qui serait très souhaitable, là, pour la suite des choses.

Et, l'entreprise, je ne la blâme pas, elle a fait ce qu'elle pouvait avec les chiffres qu'elle avait en main. Elle disait : Bien, écoutez, on était supposés avoir accès à tels chiffres, tels chiffres, vous regardez le rapport, et on n'a pas eu accès. Donc, on a été obligés de faire des hypothèses, et c'est ça que ça donne. Donc, moi, je ne la blâme pas du tout, l'entreprise, elle a fait ce qu'elle pouvait avec ce qu'elle avait sous la main, mais je pense qu'avec des projets de démonstration on aurait des chiffres réels et…

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, je dois vous interrompre, là, pour dire que ça termine la présentation des audiences publiques. On veut remercier les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec de votre présentation et la contribution à cette commission.

Je vais donc suspendre quelques instants pour inviter le prochain groupe, là, à se joindre à la table pour les travaux.

(Suspension de la séance à 20 h 17)

(Reprise à 20 h 19)

Le Président (M. Lessard) : Alors, nous reprenons nos travaux, donc, pour l'audience sur le projet de loi n° 37. Nous recevons ce soir le Collectif Moratoire, Alternatives, Vigilance et Intervention. Alors, si vous voulez décliner votre identité pour les fins de l'enregistrement de nos débats, et vous aurez une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, chacun des groupes va pouvoir vous questionner pour une période de temps. Alors, si vous voulez faire la présentation… et qui vous accompagne, M. Fortier. Merci.

Collectif Moratoire, Alternatives, Vigilance
et Intervention (CMAVI)

M. Fortier (Serge) : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Mmes, MM. les députés, mon nom est Serge Fortier. Je suis porte-parole du CMAVI, le Collectif Moratoire, Alternatives, Intervention et… — mon Dieu, Seigneur! — Vigilance, bon, oui. Je suis accompagné de M. Pierre Bluteau ici, coordonnateur du volet Gaz de schiste de l'organisme, Mme Mylène Bolduc, qui est responsable des communications, et de Mme Lise Perreault, qui est membre du conseil d'administration.

• (20 h 20) •

Le CMAVI, entre autres, a été formé… c'est une organisation citoyenne qui a été mise sur pied à l'automne 2013, donc c'est tout récent. Nous voulons, premièrement, vous remercier de nous donner la chance de venir expliquer les raisons de notre appui au projet de loi n° 37 interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste. Alors, le CMAVI poursuit deux objectifs principaux. Premièrement, la mise en place d'un moratoire sur l'exploitation et l'exploration du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent et d'un BAPE générique sur le sujet et, à moyen terme, l'abandon total de l'idée même d'exploiter cette forme d'énergie fossile dans les basses-terres du Saint-Laurent. Comme second objectif de notre collectif, c'est de faire la promotion des énergies renouvelables comme alternative durable au gaz de schiste.

Il y a maintenant près de quatre ans que les citoyens sont mobilisés contre la venue de cette industrie lourde des hydrocarbures non conventionnels dans la vallée du Saint-Laurent. Cette industrie s'est installée sournoisement sur nos terres, sans aucune consultation de la population et de ses élus municipaux et avec la complicité du gouvernement en place à ce moment. Comme citoyens, nous ne connaissions rien du dossier à l'époque mais avions constaté également l'ignorance de notre gouvernement sur les enjeux majeurs dans ce dossier. Nous, citoyens, avons fait nos classes depuis.

Loin de nous enfermer dans une opposition aveugle, nous avons décortiqué un grand nombre d'études scientifiques et les avons vulgarisées au profit de nos citoyens et de nos élus. Nous sommes allés en mission d'observation à trois reprises en Pennsylvanie afin de rencontrer des citoyens aux prises avec des problèmes suscités par l'exploration et l'exploitation à grande échelle de l'industrie du gaz de schiste. Nous y avons aussi rencontré un grand nombre de scientifiques des plus grandes universités américaines qui nous ont dressé un portrait sombre de cette industrie basé sur l'état actuel des connaissances et sur les perspectives d'avenir pour une population sacrifiée sur l'autel de l'indépendance énergétique. Plusieurs de ces spécialistes connaissant la situation au Québec nous ont exhortés à ne pas céder à la tentation, comme société, de faire ce virage vers la production du gaz de schiste.

Alors, le mouvement citoyen d'opposition au gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent ne peut être catalogué comme un mouvement «pas dans ma cour» selon une étude réalisée par l'Université du Québec à Rimouski dans le cadre de l'évaluation environnementale stratégique. La non-acceptabilité sociale de l'implantation d'une telle industrie dans la vallée du Saint-Laurent correspond plutôt à une conscience de ce que devrait être le développement durable de notre territoire.

Dans notre mémoire écrit déposé à la commission parlementaire et que vous avez lu attentivement, sans aucun doute, nous reprenons les principales préoccupations qui nous habitent en ce qui concerne le développement d'une industrie du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. En voici un bref résumé.

Le moins que l'on puisse dire est que la technologie utilisée pour extraire le gaz de schiste n'est pas au point et comporte un grand nombre d'éléments susceptibles de causer de gros problèmes environnementaux à court, moyen et long terme. Depuis les trois dernières années, certains représentants du gouvernement, surtout de 2009 à 2012, et les représentants des compagnies ont constamment évité ou dissimulé des éléments pourtant essentiels à un jugement éclairé sur l'ensemble des enjeux du développement de cette filière énergétique pour le Québec. Ils ont répété à plusieurs reprises que les dangers étaient plus que minimes, voire même inexistants. Devant l'organisation et la grogne citoyenne, ils ont modifié leur langage en insistant sur le fait que tout développement comporte des risques. Par la suite, ils ont reconnu, mais seulement du bout des lèvres, certaines erreurs reliées à la technologie de fracturation et de réparation des puits en difficulté, et ce, après plusieurs constatations et démonstrations concrètes sur les terrains où avaient été forés les puits des compagnies gazières.

Lors des audiences du BAPE sur le gaz de schiste, nous avons appris, après une série d'inspections des 31 puits de gaz de schiste effectuées par le ministère de l'Environnement, que 19 de ceux-ci présentaient une fuite plus ou moins importante de méthane, 11 de ces puits étaient problématiques selon le ministère. Les deux puits de Talisman et Leclercville ont dû être l'objet de travaux pour colmater des fuites en 2011 et 2012. Dans un cas, cette fuite se trouvait à un kilomètre de la surface et résultait du forage dans une faille naturelle selon le géologue de Talisman.

Vous savez que la zone où se retrouve le gaz de schiste se situe dans la vallée du Saint-Laurent. L'industrie gazière y a acquis des droits d'exploration sur l'ensemble du territoire. C'est là où vit la majorité de la population du Québec. Les basses-terres du Saint-Laurent sont l'endroit où se concentrent les terres agricoles les plus productives. Ce serait un détournement de vocation peu avantageux pour la souveraineté alimentaire du Québec si nous devrions en faire une zone industrielle. Lors d'une mission d'observation en Pennsylvanie avec des agriculteurs, ceux-ci en sont venus à la conclusion que l'agriculture et l'exploitation du gaz de schiste étaient incompatibles. La souveraineté énergétique ne peut se faire sur le dos de la souveraineté alimentaire. Il y a des alternatives énergétiques, mais il n'y a pas d'autre façon de produire notre nourriture que sur les terres agricoles de la vallée du Saint-Laurent qui sont convoitées par les gazières. N'oubliez pas que seulement 2 % du territoire québécois est cultivable et que déjà près de 4 000 hectares disparaissent à chaque année pour l'industrie ou pour le développement.

L'autre danger qui menace l'agriculture et la survie même des humains est le risque d'une pollution irréversible des nappes phréatiques et des puits d'eau de surface sur le territoire convoité par l'industrie gazière. Alors, pour forer chaque puits, les compagnies vont utiliser au moins de 20 à 26 millions de litres d'eau. À cette eau, les compagnies ajouteront une concentration de 1 % du fluide composé de 160 à 200 produits chimiques sur une possibilité de près de 750 produits chimiques selon un rapport de la Chambre des représentants aux États-Unis. On sait maintenant que plus de 50 % de ce mélange d'eau et de produits chimiques restera dans la terre et pourrait migrer au fil des années vers les nappes phréatiques et les puits d'eau de surface par les failles naturelles existantes.

Dans un rapport déposé par la Santé publique du Québec au comité de l'étude environnementale stratégique, les chercheurs concluent que — et je cite — «les possibilités de contamination des eaux souterraines sont réelles». En se basant sur 18 nouveaux documents, ce même rapport de la Santé publique précise que des mesures effectuées depuis trois ans près des sites d'exploitation gazière — et je cite — «permettent de prévoir des augmentations locales des concentrations de certains polluants de l'air».

Or, très peu d'études ont été produites pour évaluer les risques pour la santé humaine de ces polluants émis par l'industrie gazière, et, pour documenter les risques de façon cohérente, il importerait de tenir compte des effets à plus long terme de l'émission de gaz à effet de serre. Certains diront que le Québec doit exploiter ses richesses gazières afin que les revenus tirés de celles-ci puissent soulager le fardeau de l'État et qu'un grand nombre d'emplois seront créés par cette exploitation. De nombreuses études scientifiques tendent maintenant à démontrer le contraire. La plus récente déposée au Comité de l'évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste en décembre dernier est signée par la firme Genivar, le Groupe AGECO et M. Jean-Thomas Bernard. Elle s'intitule Analyse des avantages et des coûts de la pertinence socioéconomique de l'exploitation du gaz de schiste au Québec. Nous vous encourageons à lire cette analyse, que vous retrouverez sur le site de l'EES. Les conclusions sont sans équivoque.

En voici des extraits : «Du point de vue de l'industrie, les données utilisées pour les coûts d'exploitation, ainsi que celles sur les prix du gaz prévus dans les prochaines années laissent présager que l'exploitation du gaz de schiste est non rentable au niveau privé selon les différents scénarios de développement analysés.[...]il semble très peu probable que les prix du gaz augmentent dans un horizon de 20 à 30 ans.»

«En regard des paramètres retenus dans le scénario de référence, qui prend en compte les prix projetés par l'EIA, la valeur sociale nette de l'exploitation des gaz de schiste au Québec serait négative, soit de l'ordre de moins 397 millions de dollars pour le scénario 3 — de l'étude — et de moins 3,3 milliards de dollars pour le scénario 5. [...]En regard de ces considérations, il est clair que la conjoncture actuelle et prévisible concernant le prix du gaz naturel constitue une contrainte importante au potentiel de rentabilité de l'exploitation des gaz de schiste au Québec.» Alors, que dire de plus?

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier, il va vous rester une minute.

M. Fortier (Serge) : Une minute?

Le Président (M. Lessard) : Bien oui.

M. Fortier (Serge) : O.K. C'est beau. Les Québécois et Québécoises ne veulent pas que l'industrie du gaz de schiste s'installe dans la vallée du Saint-Laurent. Tous les sondages d'opinion menés depuis 2010 le confirment. En ce qui concerne le moratoire comme tel, un sondage Léger de la fin de 2012 nous apprend que 63 % de la population québécoise appuie l'adoption du moratoire, tous partis politiques confondus. Plus de 80 % des électeurs du Parti québécois et de Québec solidaire y sont favorables, ainsi que 44 % des électeurs libéraux et 60 % des électeurs de la Coalition avenir Québec. Le consensus québécois est là. Ce même sondage nous apprend que seulement 17 % de la population québécoise voit l'exploitation du gaz de schiste d'un bon oeil. Alors, les Québécois et Québécoises ne veulent pas que l'industrie du gaz de schiste s'installe dans les basses-terres du Saint-Laurent.

Alors, nous, ce qu'on demande, c'est quatre choses : de voter à l'unanimité pour l'adoption du projet de loi n° 37 afin qu'il devienne une loi officielle à l'Assemblée nationale du Québec; deuxièmement, d'appuyer l'instauration d'un BAPE générique avec le mandat de réaliser des études indépendantes et scientifiques sur les gaz de schiste…

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier, malheureusement, je devrai vous couper, mais vous essaierez de repasser le message en faisant des périodes de…

M. Fortier (Serge) : Je faufilerai ça lors des questions.

Le Président (M. Lessard) : Alors donc, la parole est au ministre. Donc, vous avez 14 minutes pour le faire.

M. Blanchet : Je comprends que vous n'ayez pas pu tout mettre, vous aviez énormément d'information. Prenez un peu d'eau et faites-nous état des points 3 et 4. Puis, après ça, j'aurai des questions pour vous.

M. Fortier (Serge) : Pardon?

M. Blanchet : Vous devez être essoufflé. Mais c'est la fougue que nous vous connaissons.

M. Fortier (Serge) : J'ai mal entendu, là.

Le Président (M. Lessard) : C'est parce que vous avez… au lieu de faire la synthèse, vous avez accéléré, mais vous avez manqué de temps. Alors, le ministre vous offre l'occasion…

M. Blanchet : Prenez le temps de finir les points 3 et 4...

M. Fortier (Serge) : J'avais peur de parler trop vite et de ne pas me faire comprendre comme il faut…

• (20 h 30) •

Le Président (M. Lessard) : Oui. Le ministre vous donne l'occasion de finir vos points en attendant..

M. Fortier (Serge) : Ah oui?

Le Président (M. Lessard) : Oui, oui.

M. Fortier (Serge) : Ah! O.K. D'accord. Merci beaucoup, M. le ministre. J'avais mal compris. Alors, point 3. O.K. Donc, moratoire, BAPE générique pour étudier la question. Troisième point, favoriser l'organisation d'un débat de société aussi accessible à tous les citoyens et citoyennes de différentes régions du Québec concernant les futurs choix énergétiques pour le Québec de l'avenir. Et, quatrièmement, d'adhérer au principe élémentaire que tous les projets reliés aux énergies fossiles fassent l'objet d'une évaluation des impacts environnementaux ainsi que de l'évaluation de la pertinence de développer chaque type d'énergie. C'est l'application du principe de précaution et celui de la protection du bien commun que les citoyens et citoyennes ont toujours revendiquée légitimement et pacifiquement. Alors, je fais grâce des deux derniers paragraphes, mais nos quatre demandes sont là.

Le Président (M. Lessard) : Merci, M. Fortier. M. le ministre, donc, pour ouvrir la discussion.

M. Blanchet : Bon, bien, d'abord, de nouveau bonsoir. J'ai déjà eu l'occasion de vous rencontrer, et c'est toujours un plaisir. Écoutez, je vois vos constats, je vois vos recommandations. Personne ne sera surpris que j'aie une proximité considérable par rapport à ce que vous énoncez. Alors, je ferai l'exercice de me mettre plutôt dans la peau, un peu, de l'avocat du diable. En disant d'emblée que vous voulez que ce soit non à long terme, que vous voulez que l'aboutissement de la démarche, c'est qu'il n'y en ait pas, d'exploitation de gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, est-ce que vous ne restreignez pas votre propre analyse et votre propre objectivité dans la présentation de vos arguments?

M. Fortier (Serge) : Moi, je vous dirais que non parce que c'est une étape. Imposer un moratoire, c'est pour nous donner le temps de faire la preuve que le gaz de schiste ne sera pas et ne deviendra jamais une alternative ou une solution énergétique à long terme pour un vrai développement durable au Québec. Nous, on est beaucoup plus convaincus qu'on devrait mettre l'énergie sur développer au plus vite les énergies alternatives parce qu'on va être obligés, on va être forcés d'arriver là d'une manière ou d'une autre. On ne peut pas se le cacher, les énergies fossiles, elles ne sont pas durables, elles polluent de plus en plus notre air, notre eau. Ça devient de plus en plus difficile à aller les chercher, c'est de moins en moins rentable. Alors, nous, pour nous, à long terme ce n'est pas une solution. Tout ce que ça fait, c'est que, si on se lance dans une exploitation de gaz de schiste au Québec, ça ne fait que retarder la mise en place des énergies renouvelables parce qu'on maintient la population, on maintient notre style de vie dans une consommation d'énergies fossiles. Nous, c'est notre point de vue. Alors, au plus vite, c'est vers les énergies renouvelables. Mettons nos énergies — l'argent qu'on a, les contribuables — qui commencent à être plus grosses, là, vers la solution d'avenir, soyons innovateurs. Ce qu'on veut, c'est qu'on soit innovateurs au Québec, qu'on ne soit pas des traîneux ou des suiveux parce que d'autres le font.

M. Blanchet : O.K. Dans cette période de transition vers des énergies renouvelables, il y aura quand même des besoins énergétiques qui vont rester tributaires d'énergies fossiles, je pense qu'on ne peut pas se le cacher. Dites-moi, votre approche, le fondement de votre action, est-ce que ça s'appuie davantage sur un argumentaire général, à la limite, je dirais, idéologique, ou est-ce que c'est issu des intérêts immédiats du quotidien, des inconvénients subis par des citoyens au jour le jour dans la région? Parce que c'est deux approches différentes. La position générale et idéologique peut être tenue par un groupe environnemental qui est basé à Rimouski, même si c'est situé dans la vallée du Saint-Laurent, là, dans les basses-terres. Donc, est-ce que c'est plus ça ou est-ce que c'est vraiment un mouvement citoyen de gens qui l'ont subi puis qui disent : Nous autres, c'est moins philosophique, c'est très concret, chez nous ça ne passe pas?

Le Président (M. Lessard) : Je pense que vous voulez, M. Bluteau… M. Bluteau, vous voulez peut-être répondre à...

M. Bluteau (Pierre) : Merci. Donc, à vrai dire, c'est les deux, hein? Parce que, écoutez, ça fait quatre ans maintenant qu'on s'occupe de ce dossier-là parce qu'on l'a vécu. Comme chez moi, dans un rayon de huit kilomètres autour de chez moi, j'ai six puits de gaz de schiste. J'en ai quatre là-dessus qui sont fracturés. C'est sûr que, pour moi, c'est une préoccupation personnelle, ça va de soi. Mais, par contre, au fil des années, depuis quatre ans maintenant, on a étoffé, comme on a dit dans le document tout à l'heure, on a étoffé notre argumentaire aussi, on est allés chercher, justement, la science. Et, à chaque fois que la science s'est prononcée sur le dossier, autant dans le premier BAPE que dans l'étude environnementale stratégique, que dans l'étude de l'Institut national de santé publique, à chaque fois ça nous a donné raison, ça a toujours accrédité la thèse qui disait que c'est dangereux, on joue les apprentis sorciers en allant dans ce domaine-là.

Puis on sait très bien… O.K. Pour le pétrole, il n'y a pas peut-être pas actuellement d'alternative intéressante au niveau alternatives renouvelables, mais, au niveau du gaz, il y a des alternatives. Le biogaz par exemple, des choses qui ne sont pas vraiment exploitées au Québec. On va en Allemagne, il y a des projets extraordinaires là-dessus. On s'en vient, au Québec, là-dedans, mais ce n'est pas vraiment exploité. Donc, il y aurait vraiment une technologie à développer qui serait beaucoup plus rentable puis beaucoup plus propre aussi, beaucoup plus rentable pour les Québécois d'y aller dans ce sens-là, à mon avis.

M. Blanchet : C'est intéressant, mais, strictement à titre de point d'information, je vous dirais que, si toutes les municipalités qui sont admissibles au programme de biométhanisation mettaient des projets en place, on serait autour de 1 % de la consommation de gaz du Québec. Alors, la seule façon pour que, toutes proportions gardées, l'Allemagne ait un plus gros ratio, il faudrait qu'ils produisent plus de déchets. Or, toutes proportions gardées, les Québécois sont les plus gros producteurs de déchets au monde. Donc, je pense qu'il est très environnemental d'aller vers le biogaz, mais qu'il faut reconnaître la limite que ça présente et que les usages de proximité sont peut-être, à terme, plus porteurs.

Vous avez parlé d'incompatibilité entre l'agriculture et l'industrie gazière. Au-delà du côté engagé et militant du propos, j'aimerais que vous développiez, mais sur le concret, là, qu'est-ce que... où est-ce que ça accroche, où est-ce que ça accroche, l'un et l'autre, où est-ce que ça ne marche pas, où est-ce qu'on dit : Écoutez, tu ne peux pas mettre ça à la même place, ces deux affaires-là, ça ne marche pas.

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier.

M. Fortier (Serge) : Bon, oui. Écoutez, il y a beaucoup de points qui accrochent, entre autres la valeur des terres agricoles. Ça, c'est un point majeur. On a vu, là où il y a des puits de gaz de schiste actuellement au Québec, une dévaluation des propriétés. Donc, en partant, déjà ce n'est pas trop avantageux pour les agriculteurs ou pour même les citoyens qui demeurent près des puits. Ça, c'est déjà une chose très importante sur le plan économique qu'on ne tient pas compte, hein? Il ne faut pas regarder rien que les profits qu'on fait, mais il faut regarder tous les impacts que ça crée aussi. Alors, ça, c'en est une.

Au niveau agricole, aussi il y a la grande crainte, et qui est très fondée, d'une pollution des nappes phréatiques qui ferait que ça... regarde, ça compromettrait carrément l'agriculture. Je ne sais pas si vous savez les besoins en eau des animaux, combien ça a besoin de boire, les animaux, tout faire le lavage des appareils pour le lait, etc. L'eau est primordiale en agriculture. Et, s'il fallait qu'une nappe phréatique soit contaminée, vous venez de scraper cette économie-là, là. Et est-ce qu'on a la preuve que ça ne scrapera pas cette économie-là? Est-ce qu'on a la preuve que l'eau ne sera pas contaminée? On n'a pas de preuve pour l'instant. Alors, c'est pour ça que nous, on demande… On prend une pause puis on finit les études comme il faut pour avoir l'heure juste là-dessus à tous les niveaux. Je pense que c'est juste une question de sagesse. Ce n'est pas une question de philosophie ou bien donc d'idéologie, c'est une question de sagesse.

On est conscients, même nous qui sommes engagés, on est conscients qu'on a encore besoin de gaz, que ce n'est pas demain matin qu'on va se priver de ça. Mais c'est quand qu'on va ralentir, par exemple, ça, c'est ça qui nous inquiète. Parce que, si on continue à produire, comment voulez-vous ralentir quand on en a plein... Tu sais, je veux dire, on ne sera pas portés à ralentir. Et puis, vous savez, je me dis, peut-être finir là-dessus...

Le Président (M. Lessard) : Vous nous demandez donc de prendre notre gaz égal, c'est ça, là.

M. Fortier (Serge) : Bien, il faut... Toute chose... Dans tout projet, il faut... Sur le plan environnemental, la première des choses, il faut commencer par penser à réduire notre consommation. C'est ça, c'est ça qui est primordial. Tu ne peux pas passer à côté de ça, c'est de un.

Mais, vous savez... Regardez, je vais vous donner un exemple. Est-ce qu'il y en a qui mangent des bananes icitte? On en consomme, des bananes, mais est-ce que, parce qu'on consomme des bananes, on va aller en produire, des bananes au Québec? On se rend compte que, si on regarde les avantages et les inconvénients, on est encore aussi bien de les importer, mais on continue à en manger pareil. Alors, est-ce qu'on ne peut pas faire la même chose avec le gaz en attendant de passer à d'autres choses? Vous voyez, c'est ça aussi, là, qu'il faut regarder. On n'est pas obligés de devenir une province productrice parce qu'on en consomme. On peut très bien accepter pour l'instant de continuer à l'acheter, même si ça coûte plus cher. Tant mieux si ça coûte plus cher, on passera plus vite aux énergies alternatives. Ça nous donnera la chance, justement, de faire un transfert. Et je vous jure que les...

Le Président (M. Lessard) : J'ai le député de Bonaventure qui veut vous poser une question.

M. Fortier (Serge) : ...études prouvent que les énergies alternatives sont beaucoup plus rentables que...

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier, je ne veux pas vous couper, mais le député de Bonaventure a levé la main, il aimerait ça, vous poser une question concernant le sujet. On va laisser les bananes puis les... On va revenir peut-être sur le sujet de... M. le député de Bonaventure, je vous laisse la parole, là.

Une voix :

Le Président (M. Lessard) : Parfait.

M. Roy : Écoutez, vous nous avez dit tout à l'heure que, bon, l'exploitation des gaz de schiste, ce n'était pas rentable. O.K.? C'est ce que j'ai entendu.

M. Fortier (Serge) : Selon des études qui sortent de l'EES, alors ce n'est pas nous qui...

M. Roy : Donc, pourquoi certains groupes ne veulent pas de moratoire dans ce cas-là?

M. Fortier (Serge) : Pardon?

M. Roy : Pourquoi certains groupes ne veulent pas de moratoire?

Une voix : Comme les chambres de commerce.

M. Roy : Comme les gens qui ont un intérêt particulier à faire...

M. Fortier (Serge) : Qui ont passé auparavant, oui.

M. Roy : C'est quoi, votre interprétation de ce phénomène-là?

• (20 h 40) •

M. Bluteau (Pierre) : D'ailleurs, dans l'analyse de l'EES, la même étude de monsieur... Ceux qui l'ont faite, là, M. Bernard, et tout ça, concluent, d'ailleurs, que les compagnies pourraient très bien, même si ce n'est pas rentable, pourraient très bien y aller quand même, effectivement. C'est-à-dire s'il n'y avait pas de moratoire, là, et si on décidait d'ouvrir la porte aux compagnies actuellement, aujourd'hui même, là, les compagnies iraient quand même.

Aux États-Unis, le prix du gaz n'est pas plus élevé qu'ici, hein, et actuellement, en Pennsylvanie, il se fait autant de forage qu'il s'en faisait il y a cinq ans. Et pourquoi? Parce que les puits de gaz de schiste s'épuisent rapidement. En l'espace d'une année, un puits va perdre 40 % de sa capacité de production. Donc, qu'est-ce qu'il faut qu'ils fassent pour maintenir le même niveau de production? Bien, il faut qu'ils en fassent un autre, puis un autre, puis un autre. Actuellement, en Pennsylvanie, là, j'ai sorti ça ce matin dans le journal, il y a 6 261 puits dans l'État de Pennsylvanie, il y en a 4 312 qui ont été faits depuis deux ans seulement. Et, là-dessus, il y en a 2 879 qui ne sont même pas en opération parce qu'il manque de pipelines, il manque de gazoducs actuellement, il faut qu'ils fassent des gazoducs pour relier ces puits-là. Parce que c'est un autre problème. Quand on parlait tantôt de l'agriculture, ce n'est pas rien que la petite partie que le puits prend sur une terre agricole, tout ça doit être relié par un gazoduc aussi, hein? Donc, ça vient enlever… ça vient empiéter là aussi sur les terres agricoles. Puis on n'en a pas à perdre, comme on dit. C'est 2 %, les terres agricoles, là.

Donc, pour répondre à votre question, je suis persuadé, moi, que, si on ouvrait la vanne demain matin, les compagnies s'en viendraient. Entre autres chez moi, dans mon coin, dans Fortierville, c'est dans le comté de M. le député ici, la compagnie Talisman a un permis pour fracturer. Ça a été émis en 2010. Donc, ils pourraient très bien dire demain matin : Regarde, O.K., nous autres, on veut aller fracturer notre puits à Fortierville, on a le droit de le faire. Donc, ça nous prend un moratoire pour, au moins, suspendre ces travaux-là.

Le Président (M. Lessard) : D'autres questions? Peut-être, oui, de Mirabel. La collègue de Mirabel qui a une question.

Mme Beaudoin : Merci, M. le Président. Merci pour la présentation de votre mémoire. Vous étiez présents tantôt et vous avez écouté les commentaires et le mémoire de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et on a fait une analyse de ce qui se passait dans d'autres pays, puis ça s'intitule Les gaz de schiste ailleurs au Canada et dans le monde. Puis on parle de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, des États-Unis, et il semblerait qu'ils arrivent à la conclusion que, finalement, c'est positif parce qu'on prône la protection de l'environnement puis qu'il n'y a pas de problèmes ailleurs. Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur ces propos?

M. Fortier (Serge) : Très facile à dire, mais sur quoi se sont-ils basés? Je n'ai pas vu aucune étude, ceux qui parlaient, au niveau de l'environnement, que tout était correct. C'est juste des mots à travers le texte qu'ils lisaient tantôt, les gens. Alors, nous, on est allés sur le terrain, on a constaté qu'est-ce qui se passait. On a osé y aller. Vous savez, quelqu'un posait la question, d'ailleurs, si les gens qui étaient là nous avaient rencontrés, les citoyens, pour savoir pourquoi que nous autres, on s'oppose à ça, c'est quoi, la raison de la non-acceptabilité sociale. Il y a une raison en arrière de ça, ce n'est pas juste parce qu'on ne veut pas que ça soit dans notre cour ou qu'on a peur. Ce n'est pas ça, c'est vraiment basé sur des faits, soit des choses qui sont prouvées ou des choses qui sont inconnues, qui demandent, à ce moment-là, le principe de précaution tout à fait naturel. C'est là-dessus qu'on se base.

Alors, vous savez, les… Comment dire, donc? C'est facile de lancer des chiffres ou bien donc d'affirmer des choses, mais nous, on ne voulait pas fonctionner comme ça. C'est pour ça que notre mouvement a tenu puis que nos arguments sont valables, parce qu'on est allés chercher les preuves. Ça a l'air qu'il y en a, des victimes, en Pennsylvanie? On va aller les voir, ces victimes-là. Puis, quand tu vois quelqu'un, entre autres, qui n'a plus d'eau potable puis que, pour prendre sa douche, il est obligé, quand il fait moins 20 C dehors, d'ouvrir la fenêtre, faire marcher son ventilateur puis fermer la porte pour faire sortir le méthane, qui risque de faire exploser sa salle de bains, je vais te dire que ce n'est pas trop intéressant. Ça, on l'a vécu, c'est des gens comme vous puis moi qui vivent ça, là.

Mais est-ce qu'on en entend parler dans les médias, ça? Est-ce que les compagnies parlent de ça, de ces conséquences-là, de ces… Non. Et ça, c'est important que vous le sachiez, et puis, actuellement, on s'est rendu compte qu'on est à peu près les seuls, les citoyens, bénévolement, à avoir exploré ces facettes-là, qui sont réelles, qui existent, là. O.K.? Alors, quand on me parle de chiffres ou quoi que ce soit, moi, je suis sur mes gardes parce qu'il y a d'autre chose à considérer qui est hyper important…

Le Président (M. Lessard) : C'est terminé, M. Fortier. Excusez de vous couper la parole, mais le temps… Puis on verra sur le temps du gouvernement…

Mme Bolduc (Mylène) : ...

Le Président (M. Lessard) : Malheureusement, on est obligés de passer au bloc de l'opposition officielle, qui va vous questionner pendant 13 minutes là-dessus. Vous pourrez faire valoir votre point, Mme Bolduc, si l'occasion est donnée. Je pense que le critique de l'opposition officielle permettra certainement que vous puissiez vous prononcer là-dessus. Alors…

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Fortier, Mme Perreault, M. Bluteau et Mme Bolduc. Merci de votre présence. Et c'est sûr et certain que c'est important, votre présence et votre manifestation ici aujourd'hui.

Évidemment, l'étude environnementale stratégique ou la synthèse des différentes études qui ont été faites est sortie hier, à 17 h 48. J'imagine que vous avez pris un petit peu de temps hier pour la regarder. Évidemment, il y en a certains qui ont passé du temps là-dessus, il y en a certains qui n'ont pas dormi pour pouvoir bien étudier la question et pouvoir venir prêts aujourd'hui. Il y a d'autres qui sont venus devant nous, qui ont avoué qu'ils n'avaient pas eu le temps de vraiment faire une analyse exhaustive, etc.

Vous, votre point de vue sur ce qui est dans l'étude environnementale stratégique... Il y avait un point qui ressortait, mais qui... on aurait pu se mettre d'accord avant de l'avoir vu, au niveau de la rentabilité actuelle, là, et, évidemment, il y en a d'autres qui sont venus nous dire : Écoutez, faites attention, ça peut fluctuer, ça peut changer, et on est d'accord là-dessus également.

Au niveau de ce qui était la technologie, la technique, etc., il me semble qu'il y en a qui attendaient à ce que ça soit beaucoup plus catastrophique que ce qu'on a vu, là, à l'intérieur de l'étude environnementale stratégique. Vous, votre point de vue de ce qui était là-dedans, au niveau de la technologie, la fracturation comme telle et la technologie, quel est votre point de vue après avoir pris le temps... Je sais que vous l'avez regardée, ça a été mentionné. Comment vous réagissez à cette étude environnementale stratégique, à ces études qui ont été faites au niveau technique, là?

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier.

M. Fortier (Serge) : O.K. Tu vas y aller après? O.K. Entre autres, ici, j'ai justement… C'est l'évaluation environnementale stratégique, dans le rapport, pour ceux qui ne l'auraient pas lu jusque-là, là, Risques technologiques. Ça, c'est l'étude qui dit ça : «L'examen des rapports d'accident d'autres États montre que des accidents graves se produisent périodiquement avec des conséquences importantes.» Ça, ça fait partie du rapport, entre autres. Il y en a, des accidents. Puis, de toute façon, si on se reporte concrètement à notre cas à nous, là, vous savez, un projet pilote, il y en a eu un. Il y en a 31 puits sur notre territoire qui ont été forés, plusieurs ont été fracturés, et on a vécu toutes sortes d'affaires là-dessus. Vous savez qu'il y a deux puits problématiques, on a parlé de celui de Leclercville tantôt. Qu'est-ce qui va arriver là-dessus? Qu'on se penche donc sur ce puits-là. La Présentation, là, des fuites de méthane à 45 mètres du tuyau de forage, merde, ça sort d'où, ça? Qu'est-ce qui se passe en dessous de ça? Est-ce qu'on s'est penché sur cette étude-là?

Le Président (M. Lessard) : Vous êtes un homme coloré. On va essayer de garder des mots qui passent ici, à l'Assemblée, comme il y a du monde qui nous écoute.

M. Fortier (Serge) : Ah! excusez-moi, c'est vrai. D'accord.

Le Président (M. Lessard) : Vous êtes capable…

M. Fortier (Serge) : C'est ça. Ça, c'est important de...

Le Président (M. Lessard) : …vous êtes capable d'utilisation d'expressions colorées, mais qui passent mieux à l'Assemblée.

M. Fortier (Serge) : Ah! vous savez, des fois j'en ai d'autres. Celui-là n'était pas terrible.

Mme Bolduc (Mylène) : Est-ce que je peux…

M. Fortier (Serge) : Oui, vas-y.

Le Président (M. Lessard) : Mme Bolduc.

Mme Bolduc (Mylène) : C'est sûr qu'au niveau de nos appréhensions… c'est sûr que l'EES vient dans le même sens que nos inquiétudes. Puis, si je peux me permettre d'introduire ce que je voulais dire tout à l'heure dans cette réponse-là, ce qu'on a vu aux États-Unis, c'est que le fardeau de la preuve repose toujours sur l'épaule des citoyens. Donc, de voir, pour vous, vraiment un cas de cause de contamination, lorsque c'est le citoyen qui doit se battre contre des mégagrosses entreprises jusque, à la rigueur, des lobbyings, pour eux c'est très difficile. Pour nous, ici, même au Québec, d'avoir une analyse d'eau, c'est difficile pour un citoyen qui habite à côté du puits. Donc, quand on a lu les grandes lignes… J'avoue que je n'ai pas lu tout, tout, tout en profondeur le 273 pages, mais ça nous réconforte dans nos appréhensions pour les risques de la qualité de l'eau, la qualité de l'air.

On a vu des producteurs agricoles bios, là-bas, qui ont perdu leur accréditation parce qu'il y a des produits chimiques qui se retrouvent dans le lait. Donc, le fardeau de la preuve est où? Il est encore sur les épaules d'un citoyen. Et ça devrait être l'inverse, et on souhaite que le moratoire, peut-être, ça pourrait faire pencher les choses, qu'on souhaiterait que le fardeau de la preuve ne soit pas sur nos épaules.

Le Président (M. Lessard) : …donc, le critique de l'opposition officielle.

M. Sklavounos : Il y a des intervenants qui ont suggéré devant nous qu'on venait de recevoir l'étude environnementale stratégique, et il fallait prendre le temps d'analyser — évidemment, le gouvernement, le ministre l'a déjà envoyée au BAPE, comme il s'était engagé de le faire — et que, dans les faits, il y a un moratoire de facto sur le territoire du Québec, et qu'on devrait probablement... ou on devrait laisser la porte ouverte à faire ce débat-là, attendre le BAPE et, par la suite, nous prononcer sur un moratoire complet comme tel. Entre autres, le Centre québécois du droit de l'environnement, les représentants, Me Baril et Me Tremblay, sont venus nous dire ça.

Est-ce que, d'après vous, le moratoire de facto ne fait pas l'affaire? Il me semble que, lorsque je vous entends, je vous entends, d'un côté, dire : Écoutez, on va attendre, on veut voir la science, on veut être convaincus, et je comprends. Mais, d'un autre côté, j'ai entendu M. Fortier qui semblait nous dire, un petit peu sur les mêmes lignes que la ministre des Ressources naturelles : Écoutez, on ne veut jamais aller là-dedans. On veut s'acheter du temps jusqu'à temps qu'on démontre qu'on ne devrait jamais aller là-dedans.

Alors, ma question pour vous : Est-ce qu'on va trop vite en faisant le moratoire tout de suite? Est-ce qu'on devrait laisser le temps de l'étude environnementale stratégique, faire ce débat au BAPE et, par la suite, revenir sur cette question-là, laisser le temps aux gens de prendre connaissance et de prendre position là-dessus, au lieu d'aller sur le moratoire tout de suite, qui semble pour vous, en tout cas… Des fois, oui, des fois, non, mais ça semble être un moratoire final, final qu'on veut.

• (20 h 50) •

Le Président (M. Lessard) : Je vois la main de Mme Perreault. Donc, Mme Perreault, si vous voulez vous exprimer là-dessus.

Mme Perreault (Lise) : Déjà, l'EES, dans la liste de ses constats auxquels ils en sont venus, disent que, sur le plan de l'environnement, on appréhende plusieurs impacts environnementaux, dont, au premier chef, la contamination de l'eau et des sols, un bilan négatif de GES ainsi que les fuites de gaz liées à l'utilisation de la technique de fracturation. Moi, je ne vois pas en quoi attendre changerait quelque chose à ça. Si l'eau se pollue, si l'eau est contaminée, si l'air continue de l'être, si on produit encore plus de GES, je ne vois pas pourquoi on attendrait. Parce que ça ne changera rien, la pollution demeure, la contamination existe, c'est nos terres agricoles, c'est... Je trouve qu'on est en train de se piéger en tant que société en développant ça. Je pense qu'on aura toujours… Moi, j'aimerais qu'on…

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier, oui? Excusez, c'est parce que M. Fortier semblait vouloir complémentaire… Si on veut faire des échanges plus nombreux…

Mme Perreault (Lise) : Oui, c'est bon.

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier, vous pouvez compléter.

M. Fortier (Serge) : O.K. Bien, juste rapidement, c'est… Je m'excuse.

Mme Perreault (Lise) : Oui, oui, c'est beau.

M. Fortier (Serge) : Bien, juste rapidement, là, pour répondre à votre question, vous dites : Est-ce qu'on est trop vite? Écoutez, on n'est pas trop vite, on est quatre ans en retard. C'est au début du projet que ça aurait dû se faire, tout ça O.K.? Là, ça fait quatre ans qu'on perd, carrément, quatre ans qu'on perd au Québec à garder l'industrie dans l'insécurité, à ne pas savoir sur quel bord qu'ils vont se brancher. Bien là, au moins, s'il y a un moratoire, l'industrie va dire : Écoute, ça ne donne rien de tirailler, là, on va passer à d'autre chose en attendant que les études se finissent. Mettons donc ça clair. Puis le moratoire, pour nous, c'est ça que ça va faire, ça va mettre ça clair, c'est…

Le Président (M. Lessard) : Alors donc… Oui, monsieur…

M. Sklavounos : Merci. On a entend plus tôt le ministre commenter un petit peu l'EES, et il a dit lui-même, en quelque sorte, que… Je n'ai pas la citation exacte, là. On pourrait l'avoir, mais ça ressemble un petit peu…

Une voix : Les faits scientifiques ne sont pas aussi inquiétants.

M. Sklavounos : Oui, les faits scientifiques ne sont pas aussi inquiétants que ce qu'on aurait pu — je lis «croire» — croire. Il y a des éléments là-dedans, évidemment, qui demandent plus d'attention. Et, évidemment, le ministre, je pense — et c'est pour cette raison-là qu'il veut l'envoyer au BAPE — s'il pensait qu'il y avait quelque chose là-dedans qui signalait la fin de la question parce que c'était absolument concluant, j'ai l'impression que ça serait illogique de continuer le processus juste parce qu'il s'était engagé à envoyer quelque chose au BAPE.

Mais ma question pour vous… On a entendu plus tôt le préfet de la MRC Nicolet-Yamaska, il est venu témoigner devant nous. J'imagine que vous l'avez rencontré à un moment donné. M. Drouin nous a dit que lui, il n'était pas pour, il n'était pas contre. Il semblait dire que ce qu'il voulait, c'est pouvoir renseigner ses citoyens. Parce qu'il dit aujourd'hui : Les citoyens... On s'est dit, nous, comme MRC, là, qu'on n'avait pas les moyens d'informer les citoyens correctement. Alors, il ne voulait pas se prononcer contre, contre, contre, il s'est dit : On veut se renseigner. Et il nous a aussi expliqué que c'est en plein coeur de son affaire, là, ce dont on parle ici, aujourd'hui.

Comment vous réagissez à ça? Est-ce que vous avez rencontré M. Drouin? Est-ce que lui aussi, il représente une partie de la société ou une partie des citoyens, peut-être, qui veulent aussi se renseigner avant de fermer la porte à triple tour sur cette question-là, alors que, dans les faits, en ce moment, il n'y a pas d'exploration ni d'exploitation?

Le Président (M. Lessard) : Je pense qu'on a M. Bluteau qui vient de Fortierville, donc il fait partie...

M. Bluteau (Pierre) : Non, de Leclercville, monsieur...

Le Président (M. Lessard) : De Leclercville? D'accord.

M. Bluteau (Pierre) : Je suis un de vos électeurs.

Le Président (M. Lessard) : D'accord, oui. Bonjour. Ça doit être là que je vous avais vu. Je ne sais pas, je cherche depuis tantôt. Alors donc, si vous permettez, peut-être, de répondre.

M. Bluteau (Pierre) : Oui, je vais répondre au député. C'est que toute l'information est là. Écoutez, ça fait maintenant quatre ans, là, qu'il y a eu un BAPE qui s'est prononcé là-dessus. On est allés au BAPE, évidemment, nous-mêmes. Il y a l'EES ensuite qui a publié 73 études hier, à 17 h 48, comme vous dites, là, et je pense que tout est là actuellement, là, il s'agit rien que... Mais, comme députés, comme représentants du peuple — c'est vous autres, les représentants du peuple — à un moment donné, il faudra aussi que vous preniez une décision. C'est-à-dire le peuple demande... le peuple de la vallée du Saint-Laurent et le peuple du Québec dit : Non, on n'en veut pas, de cette filière-là, on veut aller ailleurs. On trouve qu'avec toute l'information qu'on a, l'information scientifique qui est sortie depuis quatre ans, on a l'impression que... Les citoyens disent ça, là : On ne veut pas aller là-dedans. Donc, il me semble, comme députés, vous devriez avoir le devoir de respecter la volonté populaire aussi, il me semble.

M. Sklavounos : J'ai une dernière question pour vous. Il reste...

Le Président (M. Lessard) : Deux minutes.

M. Sklavounos : Deux minutes, oui. Je vous entends bien, et on vous comprend, et, évidemment, on n'est pas étrangers à ce qui s'est passé et comment les citoyens ont réagi. Et je pense que même les représentants de l'industrie, à quelque part, sont venus nous dire : Écoutez, on a peut-être mal commencé cette affaire-là. Ils se remettent en question, là. On l'a entendu, ils sont venus le dire candidement qu'on aurait pu informer mieux, on aurait pu commencer différemment. Mais vous, votre position est tranchée, je vous comprends, c'est clair. Je me demande, jeudi passé, là, lorsque vous avez entendu l'annonce du gouvernement, et le ministre de l'Environnement était à côté de la première ministre puis applaudissait alors qu'on annonçait la fracturation hydraulique à des fins d'exploration sur l'île d'Anticosti, est-ce que vous vous êtes sentis trahis par ce gouvernement?

M. Bluteau (Pierre) : Est-ce qu'on peut marcher avec un dossier à la fois? Nous, notre dossier, c'est le gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, et, là-dessus, on pense qu'il faut avoir un moratoire, puis on pense qu'il faut arrêter éventuellement cette hypothèque-là sur la vie des citoyens.

La question du pétrole, c'est autre chose. On ne parle pas du pétrole ici. Le projet de loi qu'on a à étudier, le projet de loi n° 37, c'est sur le moratoire, gaz de schiste, vallée du Saint-Laurent, tenons-nous-en à ça.

M. Sklavounos : Vous n'avez pas d'opinion sur Anticosti du tout?

M. Bluteau (Pierre) : Je peux avoir une opinion, mais c'est mon opinion personnelle, que je pourrais émettre, mais ce n'est pas l'opinion du groupe.

M. Sklavounos : O.K. Mais y a-t-il quelqu'un qui veut s'aventurer des quatre personnes qui sont devant nous...

M. Bluteau (Pierre) : À titre personnel?

M. Sklavounos : ...sachant que, la plupart du temps, en creusant pour du pétrole, on trouve du gaz avant?

M. Bluteau (Pierre) : Pas dans la vallée du Saint-Laurent. Dans la vallée du Saint-Laurent, il n'y a pas vraiment de pétrole qui serait rentable ici, là.

Le Président (M. Lessard) : La question, je pense, était plus...

M. Sklavounos : Il reste un petit peu de temps?

Le Président (M. Lessard) : Oui. Alors donc, il reste 30 secondes, quand même.

M. Sklavounos : Alors, juste sur Anticosti...

M. Fortier (Serge) : Écoutez, le volet alternative qu'on développe, qu'on veut développer, qu'on veut faire la promotion, quand on amène une alternative, c'est pour remplacer quelque chose, d'accord? Alors, nous, on considère que, si on veut développer autre chose, bien, il ne faudrait peut-être pas encourager les développements pétroliers ou devenir une province pétrolière parce que...

Le Président (M. Lessard) : M. Fortier, malheureusement, je devrai vous couper pour le temps qui est alloué à l'opposition officielle. On va passer au deuxième groupe de l'opposition. Donc, le porte-parole et député de Nicolet-Bécancour, donc, va s'adresser à vous pour 3 min 30 s.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous quatre. Tout à l'heure, on a reçu les gens de la Fédération des chambres de commerce, puis j'ai salué leur courage d'avoir pris position dans ce débat-là, puis je salue le même courage de votre part, sincèrement. Je pense que c'est important qu'on entende des personnes qui sont pour, des personnes qui sont contre, puis c'est un peu la job des élus de soupeser tout ça puis d'essayer de prendre les meilleures décisions. Puis, cet après-midi, on avait les représentants de la MRC Nicolet-Yamaska, auxquels j'étais associé à l'époque, puis c'est toujours dans cette optique-là qu'on a essayé de prendre des décisions, c'est vraiment mettre les allégeances politiques de côté et de trouver les meilleures façons possible.

Moi, je voudrais faire du pouce un petit peu sur la question... Le ministre vous a posé une bonne question tantôt, et je voudrais faire un petit peu de pouce là-dessus parce que je suis resté un peu sur mon appétit. Moi, je regarde, là, vos quatre recommandations, puis, sincèrement, je suis assez d'accord avec ça. La seule chose qui accroche, c'est quand je vous entends dire qu'on n'en veut pas jamais, tu sais. Ou à un moment donné vous parliez de 50 ans ou je ne sais pas trop. Ça fait que je me dis : Comment qu'on peut faire un exercice constructif en partant avec des conclusions? J'aurais d'autres choses à dire, mais, juste par rapport à ça, si vous voulez rajouter, là...

M. Fortier (Serge) : Bien, dans nos quatre points qu'on a demandés, on ne parle pas d'un abandon complet et définitif de toutes les énergies d'hydrocarbures, à ce que je sache. Les quatre points, c'était : moratoire, instauration d'un BAPE, consultation citoyenne ou sociale, là, un débat social sur la question, et puis envisager aussi de voir la pertinence de développer une telle énergie face à d'autres énergies alternatives, et finalement, quatrièmement, bien, c'est ça, c'est de passer le plus vite possible au niveau des énergies alternatives. Donc…

M. Martel : C'est parce que vous dites : Ça, ça va démontrer clairement que ce n'est pas nécessaire. Autrement dit, si on arrivait à d'autres conclusions, vous seriez forcément — moi, c'est de même que je le comprends — contre ces conclusions-là. Parce que le gaz naturel, veux veux pas, on en a besoin. Vous savez, à Bécancour, il va y avoir une usine d'urée que le ministre est venu annoncer avec beaucoup de fierté. Fondamentalement, essentiellement, la matière première de l'urée, ça va être le gaz naturel. Ça fait qu'on s'entend-u pour dire qu'on ne peut pas se priver de ça demain matin, là?

Mme Perreault (Lise) : Pardon, moi, je...

Le Président (M. Lessard) : Oui. Alors donc, on va y aller avec Mme Perreault, oui. Plusieurs ont levé la main, mais on va lui donner le droit de parole.

• (21 heures) •

Mme Perreault (Lise) : Dans un article ici qui s'intitule Bond de 5 % des GES en deux ans : «À ce rythme, la hausse de température de la terre risque de dépasser le seuil critique des 2 Celcius.» Bon, ça, c'était dans Le Devoir du 31 mai 2011. Ici, on dit : «Selon le chef économiste de l'AIE, deux raisons principales expliquent l'échec de la communauté internationale à réduire ses émissions de GES. D'abord, dit-il, "les grandes nations émettrices n'envisagent pas sérieusement de réduire leurs émissions. Et, deuxièmement, la révolution des gaz de schiste menace la viabilité des projets d'énergies vertes partout sur la planète".»

Le Président (M. Lessard) : …c'est tout le temps qui nous a été consacré. Excusez de vous couper comme ça, mais je suis l'arbitre du temps ici. Alors, ça va terminer, donc, la présentation que CMAVI a pu faire ici, donc, dans une… assez enthousiaste.

On vous remercie et on va donc suspendre quelques minutes pour donner la chance à un autre groupe de prendre la place. Merci.

(Suspension de la séance à 21 h 1)

(Reprise à 21 h 4)

Le Président (M. Lessard) : Alors donc, nous reprenons nos travaux concernant, donc, le projet de loi n° 37. Alors donc, nous recevons maintenant le Conseil patronal de l'environnement du Québec. Alors donc, bienvenue. Vous aurez donc une période de 10 minutes, donc, pour faire votre présentation, et si vous voulez décliner votre identité pour les fins de l'enregistrement. Par la suite, donc, deux blocs seront offerts à vous… trois blocs, en fait : 14 minutes pour le gouvernement, 13 minutes pour l'opposition officielle et 3 min 30 s pour le deuxième groupe d'opposition. Alors, nous vous écoutons.

Conseil patronal de l'environnement
du Québec (CPEQ)

Mme Lauzon (Hélène) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, madame… oui, Mme et MM. les parlementaires. Donc, merci de nous permettre de commenter le projet de loi n° 37. Je suis Hélène Lauzon, la présidente du Conseil patronal de l'environnement du Québec, et je suis accompagnée ce soir du Pr Pierre-Olivier Pineau, qui est professeur à l'École des hautes études commerciales à Montréal, mais également titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie des HEC. Je l'ai dit comme il faut, hein?

Donc, le Conseil patronal de l'environnement du Québec, c'est l'organisation qui représente le secteur d'affaires du Québec pour toutes les questions relatives à l'environnement et au développement durable. Nous générons avec nos membres 280 000 emplois et nous affichons des revenus de l'ordre de 45 milliards de dollars.

Avant de vous transmettre les commentaires plus précisément sur le mémoire, j'aurais à vous dire que nous avons pris, bien sûr, connaissance de l'annonce qui a été rendue publique hier par le ministre, le rapport du Comité d'évaluation environnementale stratégique, et également l'annonce que le BAPE allait tenir une audience publique. Bien sûr, nous sommes satisfaits que ce rapport ait été rendu public, mais nous déplorons qu'il ait été rendu public la veille des débuts de la commission aujourd'hui parce que nous aurions souhaité bénéficier d'un délai plus long pour en prendre connaissance, pour ajuster notre mémoire. Parce que vous avez sûrement constaté, puisque nous avons transmis notre mémoire hier après-midi, vous avez sûrement constaté que notre mémoire est déphasé par rapport à la réalité, puisque nous n'avions pas, à ce moment-là encore, entre nos mains le rapport du comité. Alors, une telle commission sert à obtenir des avis, sert à obtenir un éclairage pour élaborer des politiques publiques. Donc, idéalement, c'est toujours préférable si on peut avoir les documents plus longtemps d'avance.

Cela dit, je suis prête à vous formuler nos commentaires qui portent, d'une part, sur les effets négatifs du projet de loi, qui vise à décréter un moratoire et, d'autre part, qui, pour nous, manque un élément essentiel… c'est-à-dire que c'est un projet qui manque deux éléments essentiels aussi. Donc, si je commence sur les effets négatifs, ils portent, d'après nous, sur l'effet d'insécurité juridique que ça crée pour les entreprises, la crainte pour les investisseurs potentiels et le préjudice que certaines entreprises peuvent encourir, et je vais vous donner des exemples que l'on retrouve dans le projet de loi qui permettent de conclure à ces effets négatifs.

Le premier, vous savez qu'en vertu du projet de loi le moratoire, qui, bien sûr, interdit l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste, s'appliquera sur le territoire de 52 municipalités et MRC. Par contre, c'est ce qu'on déplore, le gouvernement aura un pouvoir discrétionnaire de déterminer éventuellement l'étendue de ce moratoire en l'élargissant à d'autres territoires contigus. Nous, nous croyons que les permis qui ont été délivrés aux entreprises sont valides. Et imaginez-vous, placez-vous dans la position d'une entreprise dont les permis visent un territoire qui est contigu à l'une des 52 municipalités qui sont visées par le projet de loi. Alors, ce titulaire de permis, en ce moment, ne sait pas si son permis est valide. Il sait qu'il est possible que le gouvernement décide sur une base purement discrétionnaire que son territoire sera visé. Alors, nous le déplorons et nous le dénonçons.

Un autre exemple des effets négatifs, c'est l'effet rétroactif du moratoire. Ce qu'on a constaté, c'est qu'en vertu des articles 2, 3 une entreprise qui possède des autorisations en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement verra ses autorisations suspendues pendant toute la durée du moratoire, c'est-à-dire pendant cinq ans. Et une entreprise qui possède aussi un permis de forage en vertu de la Loi sur les mines verra aussi son permis suspendu pendant cinq ans. Ça a un effet rétroactif, un moratoire, de cette façon. Je vais vous donner l'exemple concret pour que ça puisse avoir une résonance pour M. et Mme Tout-le-monde, ce serait la même chose que... Le rêve de plusieurs individus dans une vie, c'est de se procurer une terre ou un terrain puis de se faire construire une maison. Alors, ce serait, par exemple, si on prend le scénario, un individu qui s'achète son terrain, qui obtient tous les permis pour construire la maison, qui retient les services d'un architecte pour élaborer les plans, qui retient la main-d'oeuvre nécessaire, qui achète les matériaux, puis, à la toute dernière minute, on lui dit : Bien, finalement, vous ne pourrez pas construire votre maison. Alors, transposé dans le monde des entreprises, c'est un exemple comme celui-là. Et pourtant, lorsqu'on a fait nos demandes de permis, nous respections les conditions. Ça crée de l'insécurité juridique, puisque ce qui se dit dans le monde en ce moment, les entreprises, c'est : Au Québec, on ne sait pas si nos permis seront bons longtemps, on ne sait pas si on ne pourrait pas se voir suspendre nos permis, et, bien sûr, ça décourage les investissements.

Le dernier exemple des effets juridiques… c'est-à-dire des effets négatifs du projet de loi, porte sur l'absence d'indemnité. Il y a une disposition dans le projet de loi qui vient dire que l'État ne versera aucune indemnité, par exemple, si une entreprise subit un préjudice. Je vais prendre une petite gorgée d'eau. Alors, ce que ça peut faire, c'est que l'entreprise… Et là, en ce moment, ce sont les permis de forage puis les autorisations délivrées en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement qui sont suspendus, mais vous devez savoir qu'une entreprise qui oeuvre dans le domaine des gaz de schiste possède également un permis d'exploration.

• (21 h 10) •

Le permis d'exploration, lui, en vertu du projet de loi, n'est pas suspendu. Par contre, les obligations qui y sont assorties, c'est-à-dire l'obligation de faire des travaux de recherche puis l'obligation de verser une rente annuelle, continuent de s'appliquer. Et pourtant il n'y a aucune indemnité, et le permis de recherche sous-tend l'obligation de faire des forages. Alors, d'un côté, on interdit de faire des forages en vertu du projet de loi, mais, en vertu de la Loi sur les mines, nos titulaires de permis sont obligés de faire de la recherche et obligés de faire du forage. Donc, il y a quelque chose d'antinomique, et voilà encore un exemple de préjudice potentiel. Alors, ce sont les effets négatifs que je voulais soulever.

Maintenant, je vous disais aussi qu'il manquait deux éléments importants dans le projet de loi. Premier élément, un inventaire qui devrait être réalisé sur l'ensemble du territoire pour connaître notre ressource. Et le deuxième élément, c'est la possibilité de faire un projet de démonstration. Le rapport qui a été publié hier en fin de journée indique que le climat économique n'est pas favorable à l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste en raison du fait que le prix du gaz naturel est bas, mais qu'un jour, si le prix montait, ça pourrait devenir favorable sur le plan économique. Ce qui arrive, c'est que nous croyons que, pendant cette période, c'est justement l'occasion d'aller de l'avant et d'essayer de parfaire nos connaissances pour essayer de répondre aux préoccupations des citoyens qui se posent des questions par rapport aux risques que comportent la fracturation ou encore les émissions fugitives. Alors, dans ce contexte, nous croyons qu'un projet de démonstration serait tout à fait bienvenu, et le comité lui-même le suggère dans son rapport. Voilà, c'est ce que nous avions à formuler comme commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci beaucoup. Donc, on va ouvrir nos échanges immédiatement, donc, sur M. le ministre, qui va donc s'entretenir avec vous pendant 14 minutes. Par la suite, 13 minutes, l'opposition officielle, et 3 min 30 s pour le deuxième groupe. M. le ministre.

M. Blanchet : Permettez-moi de prendre une minute encore une fois. Je comprends que la politique est souvent affaire de rhétorique puis de répétition de choses qui pourraient ne pas s'avérer tout à fait exactes. Bien sûr, passeront à l'histoire le 17 h 48, qui pourrait être 17 h 47 ou 17 h 49. Le fun, sympathique, pas très grave.

Par contre, très grave de faire le lien entre le document d'hier et ce qu'on fait ici aujourd'hui. Et je suis convaincu, je suis convaincu, compte tenu de la grande estime que j'ai pour vous, que vous savez très bien que ce qu'on fait ici aujourd'hui n'a aucun rapport avec le rapport de l'évaluation environnementale stratégique déposé hier et qu'il est donc inadéquat de dire que ça a été déposé trop tard, puisqu'on devait venir là-dessus aujourd'hui. Ça aurait pu être déposé dans trois semaines, il y a trois semaines, le Comité de l'évaluation environnementale stratégique déposait son rapport. Il n'y a pas de lien, puisqu'on parle ici d'un projet de loi sur le moratoire, et non pas sur le fond de l'enjeu. Alors, je l'ai dit — je présume que je le redirai encore — parce que je présume que mon estimé collègue de Laurier-Dorion va répéter la même affaire encore à de nombreuses reprises, mais ce ne sera peut-être pas tous les gens qui viennent ici qui reprendront cet argument.

Cela dit, on parle de quelques décennies… — et là, quelques décennies, quand on dit 30 ans, je pense qu'on est bien, bien optimiste, là — on parle de plusieurs décennies avant qu'on puisse opérer une transition réussie vers l'essentiel de notre consommation d'énergie qui viendrait d'énergies renouvelables, de sources renouvelables. Dans l'intervalle…

Une voix : ...

M. Blanchet : ...peut-être jamais, là, mais moi, je ne rirai pas pendant vos interventions. Mais les gens…

Le Président (M. Lessard) : M. le ministre, adressez-vous à moi s'il y a lieu, mais on ne va pas favoriser les interpellations entre les personnes.

M. Blanchet : Les gens, il y en a qui parlent de 30 ans. Moi, je n'y crois pas. Avant que l'essentiel de notre consommation d'énergie soit de sources renouvelables, il va falloir des décennies. Ma question est fort simple : Est-ce qu'on est capable, compte tenu de l'enjeu d'acceptabilité sociale du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, de traverser cette période de transition sans avoir recours à cette ressource?

Le Président (M. Lessard) : Donc, la parole est à vous. Je ne sais pas si vous voulez vous exprimer, Mme Lauzon ou M. Pineau, là, qui est titulaire d'une chaire de recherche.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Bien, quand vous faites référence à nos besoins, c'est mal défini si c'est les besoins du Québec, où, en fait, presque la majorité des ressources énergétiques au Québec sont déjà de sources renouvelables, ou si vous faites référence à l'humanité. Je pense que le Québec est dans une situation très différente. Et le gouvernement du Parti québécois veut réduire, d'ici 2025, de 30 % notre consommation de pétrole. Donc, si on réduit de 30 % notre consommation de pétrole et qu'on est déjà à 50 % d'énergie renouvelable, et qu'on amène, même si c'est des petites quantités, du biométhane sur le marché, on va arriver bien plus vite vers une société où on a des parts d'énergie renouvelable qui sont bien plus grandes que ce qu'on a aujourd'hui.

Mais je suis d'accord avec vous, ceci dit, sur le fait que nous avons besoin, dans la transition, d'énergie fossile et qu'il y a un avantage à la produire en sol québécois, et que, donc, c'est important, et c'est à ce titre-là que je suis venu soutenir le mémoire du CPEQ, que c'est important d'acquérir le maximum d'information sur… d'expertise québécoise sur la fracturation et sur les émissions fugitives qui ont lieu lorsqu'on exploite des pétroles et des gaz non conventionnels. Et donc c'est dans ce moratoire qui pourra avoir lieu que ça nous restreindrait dans l'acquisition d'information, et donc je souscris complètement à l'idée que, pour acquérir de l'information, justement pour assurer la transition énergétique dont vous parlez en maximisant les éventuelles retombées économiques québécoises, qu'il faut être ambitieux, aller très vite vers des énergies vertes en réduisant notre consommation, en augmentant la part des énergies renouvelables, mais en ne disant pas non à une exploitation responsable, si c'est possible de le faire, d'énergies fossiles, même de type non conventionnel, en sol québécois. Donc, je pense avoir répondu...

Le Président (M. Lessard) : M. le ministre, je pense…

M. Pineau (Pierre-Olivier) : …à la question, M. le Président.

Le Président (M. Lessard) : …des échanges.

M. Blanchet : …ma question parce qu'à l'heure actuelle il y a à peu près 14 milliards par année d'importation de pétrole. Même si on réduisait ça de 30 %, il en reste à peu près 9 milliards. Ça reste encore un volume phénoménal de pétrole, beaucoup trop. Donc, effectivement, l'alternative locale, mais j'ai précisé spécifiquement l'enjeu de la vallée du Saint-Laurent. Pourquoi? Parce qu'il y a un enjeu d'acceptabilité sociale de résidents, et donc, dans cette mesure-là, je dis… Et je parle strictement d'indépendance énergétique pour le Québec, puis j'avoue qu'aujourd'hui je n'ai pas la perspective humanité. Donc, je dis juste : Est-ce qu'on est capables mathématiquement de traverser cette transition, dont on pourrait beaucoup débattre de comment de temps elle va durer, là, parce qu'il y a quelques milliers de véhicules électriques sur les routes du Québec à l'heure où on se parle… est-ce qu'on est capables de traverser cette transition sans recourir spécifiquement à cette source d'hydrocarbures là?

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. C'est possible. Ce que je vous dirais, M. le ministre, c'est : À partir du moment où il y aura toujours… Il y aura toujours un enjeu d'acceptabilité sociale pour les combustibles fossiles, vous le voyez dans le dossier d'Anticosti. Est-ce que ça veut dire qu'à chaque fois où on aura un enjeu d'acceptabilité sociale on devra avoir un moratoire? Moi, je me pose cette question-là. Mais, pour répondre à votre question : Oui, c'est possible.

M. Blanchet : Je vous dirais sur cet aspect-là précis que la démarche qu'on fait sur Anticosti est exactement celle qu'on fait dans la vallée du Saint-Laurent. Pourquoi? On dit : Allons chercher de l'information, de la connaissance, soumettons-la au BAPE. Mais, à Anticosti, on va faire partie de l'exercice de cueillette d'information qui va aussi être soumise au BAPE. Donc, on a une démarche qui procède de la même logique.

Vous parliez de connaissance de ce que… de ce dont recèle le sous-sol, que c'était essentiel de faire l'inventaire de ce dont nous disposons. Donc, le projet de démonstration, qui revient dans un certain nombre de présentations, me laisse un peu perplexe parce que… Puis je citais tout à l'heure M. Bélisle, qui dit : Même si on creusait 40 000 autres puits en Amérique, on n'en saurait pas plus sur l'aspect technique de la chose. La raison du forage, c'est identifier le potentiel d'exploitation commerciale de ce qu'il y a en dessous. Quand on se le dit franchement, c'est clair. Pour moi, donc, ce projet de démonstration, je dis : C'est de l'exploitation à petite échelle, ce n'est pas autre chose. C'est : On va faire en petit ce qu'on ne réussit pas à faire en grand. Je ne m'explique pas la pertinence de cet exercice de créer un exemple ou de faire un projet de démonstration qui ne démontre rien, qui n'est pas déjà pratiqué à coups de dizaines de milliers de puits en Amérique du Nord déjà.

Le Président (M. Lessard) : Pr Pineau ou Mme la présidente?

• (21 h 20) •

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Mais alors, à Anticosti, on va faire de l'exploration, justement, pour acquérir plus de données. Je pense que les compagnies gazières voudraient acquérir plus de données dans les basses-terres du Saint-Laurent pour, justement, tirer le même type de conclusions que ce que Ressources Québec va tirer dans deux ans. Je crois que, d'un niveau d'expertise gouvernementale, là où, au Québec, je pense que nous devons viser d'avoir une réglementation exemplaire et d'être des leaders, c'est au niveau des émissions fugitives parce que les conclusions de l'évaluation environnementale stratégique ont vraiment souligné le fait que, selon le pourcentage d'émissions fugitives qui sont associées à l'exploitation de gaz de schiste... Mais c'est la même chose pour le pétrole de schiste, il y a des émissions fugitives. Lorsqu'on fore pour ce type d'hydrocarbures, il y a du méthane qui fuit, et on a peu de capacité à bien savoir quelle est la quantité qui fuit. Et c'est essentiel, pour que l'État québécois puisse suivre et surveiller quel est le niveau d'émissions, qu'il y ait une expertise de mesure, d'encadrement, de réglementation pour que les entreprises sachent exactement à quoi s'attendre, et à quoi elles vont faire face, et le nombre de droits d'émission qu'elles devront aller acheter sur le marché du carbone pour compenser ces émissions qu'elles vont avoir là.

Et c'est dans cette mesure-là où il faut bien comprendre l'industrie, bien comprendre le type de forage, le type de produits qu'on a. Parce qu'on dit que ce n'est que du gaz naturel ou que du pétrole. Dans la réalité, c'est mélangé, il y a des gaz de pétrole liquéfiés qui vont sortir. C'est ce qui fait que le gaz de schiste, aux États-Unis, est rentable, c'est qu'il y a plus que du gaz de schiste qui sort de là, il y a du propane, il y a du butane, il y a de l'éthane, qui sont des produits à valeur ajoutée. Et il y en aurait peut-être une certaine proportion qui pourrait rendre le forage dans les basses-terres du Saint-Laurent rentable si on avait un peu plus de propane et de butane que de gaz que ce qu'on attend aujourd'hui. Donc, dans cette exploration-là, il y a encore des données à aller chercher, des validations, il faut l'encadrer. Et, comme le disait Mme Lauzon, c'est pour être prêts, lorsqu'on va avoir, dans deux ans, trois ans, cinq ans ou dans 10 ans, des prix du gaz naturel qui remontent, eh bien, que l'État québécois soit prêt à bien encadrer. Et le prix du gaz naturel peut fluctuer très rapidement. On l'a vu en janvier dernier, il a dépassé le 5 $ le million de BTU, alors que plusieurs prédisaient qu'il resterait à 2 $, 3 $ pendant des décennies. Il se peut que le prix du gaz naturel remonte relativement rapidement et que, dans trois, quatre ans, on se trouve à 5 $, 6 $, 7 $, et le seuil de rentabilité, d'après les rapports de l'EES, c'est environ 6 $,7 $ le million de BTU pour le gaz naturel de schiste au Québec. Alors, 6 $, 7 $, c'est ce qu'on avait en 2007-2008, ça pourrait arriver dans quatre, cinq ans.

Le Président (M. Lessard) : Je pense qu'il y a un complément d'information que la présidente veut donner, mais, M. le ministre, il vous reste quatre minutes. Donc, un petit complément d'information si on veut avoir deux échanges. Je pense que le député de Repentigny aussi…

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. C'était pour répondre au ministre. Lorsque vous dites : Mais finalement c'est une exploitation à petite échelle, vous avez raison, un projet pilote, c'est toujours une exploitation à petite échelle, mais ce serait sur un petit terrain, petites dimensions, dans une approche de gestion de risques, comme le comité d'évaluation stratégique le dit aussi, mais, oui, dans un contexte d'exploitation, mais pour évaluer le risque aussi.

M. Blanchet : Écoutez, c'est assez précisément ce qu'on va faire à Anticosti, ce qui amène à notre comparaison. D'abord, trois choses. Au niveau économique, effectivement, on constate que les gens qui font des pronostics, les uns et les autres, ça varie énormément, là, je suis totalement d'accord avec vous, dans un premier temps. Sur les fuites, sur les émanations fugitives, j'ai moi-même, aujourd'hui… j'ai dit : Sortez-moi de meilleures données, on doit avoir une meilleure compréhension de cet enjeu-là. Mais, encore là, d'une étude à l'autre, on va de là à là. Le débat est ouvert entre une fraction de 1 % et 7 % d'émanations fugitives, c'est un énorme écart.

Par contre, sur la comparaison avec Anticosti — j'ai eu l'occasion de le faire souvent, et ça aussi, je le ferai encore souvent — il y a des différences géologiques, géographiques. Il y a des différences dans la nature de ce qu'il y a dans le sol. Il y a des différences démographiques évidentes. Il y a des différences économiques évidentes entre la vallée du Saint-Laurent et l'île d'Anticosti. Sur une base purement scientifique, on ne va pas tenir compte des résidents en surface puis de l'industrie agricole si on ne s'intéresse qu'aux hydrocarbures. Mais, comme gouvernement, on n'a pas le droit de ne pas tenir compte du fait qu'il y a dans la vallée du Saint-Laurent des gens qui vivent en surface, qui pratiquent l'agriculture et qui pourraient dire : Nous ne voulons pas ça chez nous. Et là on n'est plus ni dans l'économie ni dans la science, on est dans la volonté populaire, c'est très légitime.

À l'île d'Anticosti, il y a environ 250 habitants qui n'occupent pas 1 % du territoire de l'île d'Anticosti. On ne fera pas de trous dans la cour arrière de personne en allant avec un processus qui sera de l'exploitation à petite échelle dans la mesure où on veut aller voir qu'est-ce qu'il y a là puis si ça sort. Donc, la comparaison entre les deux, on la fait. Mais, si on la fait sur une base rhétorique, tu fais attention, la réponse est très, très claire. Si on la fait sur une base scientifique, du contenu, des mécanismes, des technologies, là je suis tout à fait d'accord. Je veux laisser du temps à mon collègue. Donc, moi, je m'arrête là.

Le Président (M. Lessard) : Alors donc, le député de Repentigny aura une des questions parce qu'il reste moins… 1 min 30 s environ.

M. McKay : Bien, je vais essayer d'y aller rapidement. Il y a eu huit forages, huit avec de la stimulation hydraulique, de la fracturation. Il y en a quatre là-dessus qui fuient. Alors, vous ne les avez pas déjà, vos exemples d'émissions fugitives? Pourquoi ça prendrait un puits de plus pour démontrer que les puits de gaz de schiste fuient?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Bien, c'est justement, ce serait de... c'est des exemples de mauvaises pratiques. L'industrie a, en Amérique du Nord, un historique qui est loin d'être parfait sur l'exploitation de pétrole et de gaz non conventionnels. L'Agence internationale de l'énergie, dans une de ses recommandations, recommande, justement, qu'il faut être extrêmement rigoureux si on veut pouvoir en faire de manière responsable.

Maintenant, dire qu'à cause d'un mauvais conducteur on interdit à tout le monde de conduire, c'est un problème. Même s'il y a beaucoup de mauvais conducteurs, est-ce qu'il faut interdire à tout le monde ou il faut éduquer et bien réglementer? Je pense que nous, on prend l'approche... et je prends l'approche de dire : Il vaut mieux réglementer, encadrer et, surtout, bâtir une expertise. Et des règlements clairs parce que, comme l'industrie n'avait pas de règlements clairs, elle ne savait pas vraiment à quoi s'en tenir.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Lessard) : Alors, il reste à peu près 20 secondes.

M. McKay : O.K. L'article 31.86 de la loi sur l'eau fait en sorte que le ministre peut arrêter un prélèvement d'eau s'il juge que l'environnement est menacé. Alors, vous dites, vous, que le projet de loi n° 37 va créer de l'insécurité juridique. Est-ce que vous remettez en cause...

Le Président (M. Lessard) : C'est tout le temps... Je vais arrêter le député de Repentigny dans son élan, mais, malheureusement...

M. McKay : ...la protection de l'eau qu'il y a dans la loi sur l'eau?

Le Président (M. Lessard) : ...le temps imparti est terminé. Donc, vous aurez peut-être l'occasion de répondre du côté de l'opposition officielle, qui a 13 minutes. C'est le député de Viau qui va donc s'adresser à vous.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Me Lauzon, Pr Pineau, bonsoir. La présentation est très intéressante, puis, lors des échanges, on a appris énormément. La question reste depuis le début, là, de la journée, quand on a des groupes citoyens qui viennent nous voir, on ne peut pas nier le fait qu'il y a une inquiétude fondamentale, là, qui est là, qui est présente, puis on peut faire des démonstrations très éloquentes comme la vôtre, il demeure qu'il faut répondre à cette inquiétude-là.

Alors, de votre côté, qu'est-ce que vous proposez, qu'est-ce que vous mettez de l'avant? Pas pour... Puis, encore une fois, le procès du passé, il a été fait à maintes et maintes reprises, on sait les erreurs qui ont été commises, même ceux qui les ont commises les reconnaissent. Moi, ce que je voudrais approfondir, c'est voir qu'est-ce que vous mettez de l'avant, qu'est-ce que le CPEQ, vos membres, particulièrement, là, les gros joueurs industriels québécois mettent de l'avant pour tenter de rapiécer ce lien de confiance là qui a été brisé.

Mme Lauzon (Hélène) : Bien, je vous remercie. Ce qu'on a fait, tout de suite après le dossier en question, lorsque le tout a dérapé, si on peut dire, ce qu'on a fait, c'est qu'on a senti le besoin d'élaborer un guide de bonnes pratiques afin de favoriser l'acceptabilité sociale des projets. Donc, c'est un guide qui va loin, qui incite nos membres à adopter de bonnes pratiques, donc à consulter en amont, à remettre en question, à plusieurs étapes dans le processus de consultation, le projet lorsqu'il y a un mécontentement. Nous avons élaboré ce guide avec l'ensemble de nos parties prenantes de façon à bonifier le guide. Donc, c'est une façon pour nous de réagir à cet enjeu qui comporte... qu'ont les citoyens de... leurs craintes, leurs préoccupations, d'essayer de voir quelle serait l'acceptabilité sociale.

Et l'une des choses que l'on met de l'avant, c'est de vouloir travailler avec le gouvernement éventuellement sur une proposition de qu'est-ce que l'acceptabilité sociale. Mais je dirais plus que ça : À quel moment on atteint l'acceptabilité sociale? Et c'est l'enjeu en ce moment. Alors, c'est sûr que ce dossier-là nous préoccupe, mais beaucoup d'autres dossiers, puisqu'il semble que l'acceptabilité sociale devienne le prétexte pour... Et je ne suis pas à remettre en question les préoccupations des citoyens, qui sont très légitimes. Mais ce que je constate, par contre, c'est que l'acceptabilité sociale est le prétexte pour freiner le développement aussi. Parce que nous préconisons un développement durable, donc un développement qui respecte des conditions de base, alors c'est ce qu'on a préconisé auprès de nos membres.

M. Heurtel : Est-ce que vous comprenez qu'on part de très loin? Si vous prenez le groupe qui vous a précédés, la proposition est presque de dire que ça ne sera jamais acceptable ou, en tout cas, pas loin. Ça va prendre beaucoup, beaucoup de temps. Alors, si on part de si loin que ça, je comprends qu'il y a un guide, mais, au-delà de ça, vous pensez faire quoi exactement, plus précisément? Parce que le guide, je comprends, mais rejoindre ces gens-là ou tenter un dialogue... Je sais bien qu'on ne peut pas aller chercher 100 % de consensus dans quelque question que ce soit, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour, justement, aller chercher ce degré-là, là, dont vous parlez?

• (21 h 30) •

Mme Lauzon (Hélène) : Donc, je vais juste… Avant de vous céder la parole, M. Pineau, ce que je dirais à ça, c'est d'essayer... C'est certain qu'il y a toujours des gens qui vont être contre l'exploitation des gaz de schiste, qui sont contre les combustibles, de toute façon. Alors, la seule chose que l'on peut faire, parce qu'auprès de ces gens-là on ne pourra jamais réussir à les rassurer non plus, ils sont contre de façon déterminée et, je pense, perpétuelle… Mais ce qu'on peut faire, c'est, avec le projet de démonstration, essayer de répondre à leurs préoccupations et démontrer qu'il n'y a aucun risque ou les risques sont contrôlés. Donc, c'est de faire de l'information beaucoup et de la transmission de connaissances. Et je vous céderais la parole, M. Pineau.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Mais je pense que ces derniers points sont les points sur lesquels je voulais insister. Je pense que les citoyens, à juste titre, n'ayant pas d'information, n'ayant pas de réglementation gouvernementale en ce qui concerne l'eau, le traitement de l'eau, les émissions fugitives, un ensemble de préoccupations environnementales réelles, n'ayant pas cette information et se sentant seuls, ils se sont sentis démunis. Et, si, par contre, l'information leur est donnée et qu'il y a une crédibilité dans l'expertise du gouvernement à gérer ces situations pour ne pas que le citoyen se sente seul face à des grandes entreprises, mais se sente, premièrement, en contact avec les entreprises par une meilleure approche de relation et aussi protégé et encadré par un gouvernement, c'est-à-dire que le gouvernement encadre les relations, je pense qu'il y aurait moyen de rétablir le lien de confiance qui est nécessaire. Et c'est ce qui se passe dans beaucoup de juridictions en Amérique du Nord. Par exemple, sur les produits chimiques qui sont mis dans les liquides de fracturation, eh bien, on a de plus en plus de divulgation obligatoire de ces produits-là, qui ne sont pas forcément des produits chimiques toxiques, qui sont différents produits qui sont mis. Et donc, s'il y a une divulgation, s'il y a une transparence sur la manière dont ils sont traités par la suite, eh bien, il va y avoir une plus grande acceptabilité de ces pratiques-là.

M. Heurtel : Sur la question des meilleures pratiques, justement, est-ce que vous pouvez aller plus loin au niveau d'exemples concrets des juridictions? Parce que, bon, dans les présentations, notamment la Fédération des chambres de commerce, on parlait de la Colombie-Britannique. Est-ce que vous avez, justement, des exemples qui s'apparentent, justement, au genre de territoire puis à la densité de population, là, qu'on a ici, là, qui est visée par le projet de loi? Est-ce que vous avez des exemples des meilleures pratiques, là, qu'on pourrait regarder, là, davantage pour s'inspirer, là, de ce que vous dites?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je crois qu'il n'y a pas un endroit en Amérique du Nord où on peut établir des meilleures pratiques encore aujourd'hui parce que c'est une industrie à la fois naissante, mais extrêmement atomisée. Donc, on a un ensemble de compagnies, dans certains cas des petites compagnies, qui, elles-mêmes, bâtissent leur expertise un peu sur chaque projet. Donc, on fait face à un défi, et c'est d'autant plus important pour le Québec, pour l'État québécois de se bâtir une expertise, une capacité à comprendre les enjeux pour pouvoir encadrer l'industrie de manière responsable et rendre son activité légitime auprès de la population si, évidemment, on conclut qu'il y a lieu d'aller de l'avant avec de tels projets. Mais on ne dispose pas encore d'assez d'information et d'assez de capacité de réglementation pour vraiment encadrer l'industrie et s'assurer que les fuites fugitives sont contrôlées, que l'eau est bien gérée et que l'ensemble des préoccupations légitimes des citoyens est traité de manière adéquate.

M. Heurtel : Pardon, M. le Président. Le temps, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lessard) : Il vous reste sept minutes, oui.

M. Heurtel : Merci. Maintenant, au niveau du processus, là, qu'on vit, là, je comprends qu'on a commencé par un BAPE, après ça on est passé à une étude environnementale stratégique, qui, par une coïncidence fascinante, a été divulguée hier soir, à 17 h 48, c'est ça, et donc…

Une voix :

M. Heurtel : Oui, vous pourriez certainement les donner. Et donc, là, maintenant, ce qu'on comprend, c'est qu'on va retourner avec un autre BAPE. J'aimerais ça vous entendre sur ce genre de mécanique là et comment vous voyez ça, et les conséquences d'agir de la sorte, là, parce que ça va créer des précédents, sans doute.

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. C'est-à-dire que, là, ça va me permettre aussi de répondre à votre préoccupation, M. le ministre, quand vous avez dit : Je ne peux pas croire que vous pensez qu'il y a un lien entre les travaux du comité puis la commission d'aujourd'hui. Ce n'était pas pour dire qu'il y avait un lien direct, mais il y a un lien quand même indirect, en ce sens qu'il y a des recommandations qu'on vous a formulées que, si on avait pris connaissance du rapport avant, peut-être que les recommandations auraient été encore plus précises. C'est en ce sens-là que, pour moi, il y a un lien.

Mais, pour répondre à votre question, Me Heurtel, ce que je vous dirais, c'est : Il y a, effectivement, eu une audience publique tenue par le BAPE au départ. Le BAPE en était venu à la conclusion qu'il ne disposait pas suffisamment de connaissances, et, pour cette raison, le gouvernement avait confié un mandat au Comité d'évaluation environnementale stratégique.

Pour nous, il est un peu précipité… Et loin de moi l'idée de dire que le BAPE ne devrait pas faire son travail, puisque c'est une institution qu'on admire et qui est citée partout dans le monde, on a la chance d'avoir cette institution-là. Mais c'est peut-être un peu précipité, puisque le comité lui-même a conclu à des recommandations, et pourquoi ne pas prendre le temps d'analyser ces recommandations avant de retourner devant le BAPE, qui, peut-être, ne pourra pas arriver à d'autres conclusions que celles du Comité d'évaluation environnementale stratégique? Alors, c'est peut-être un peu précipité.

M. Heurtel : C'est parce que j'aimerais ça, entendre le Pr Pineau au niveau économique, la dimension économique, dont vous avez parlé ce soir. Est-ce que le BAPE est équipé pour en tenir compte?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je ne crois pas que le BAPE apportera un nouvel éclairage par rapport à ce qui est déjà inclus dans les rapports, enfin les études de l'EES. Donc je crois qu'à ce stade-ci le BAPE est… et je m'en excuse, là, mais un peu inutile dans … parce que l'état de connaissances n'a pas évolué par rapport à ce qu'on a. Alors, on va consulter des gens qui vont revenir avec des mémoires qui ont déjà été écrits dans d'autres circonstances et qui vont être resoumis à la discussion. Alors, personnellement, je ne vois pas la valeur ajoutée de cet exercice-là dans l'immédiat.

M. Heurtel : O.K.

Le Président (M. Lessard) : Ça va. Donc, on va continuer de faire nos échanges, là, jusqu'à la fin correctement. Alors, il reste trois…

M. Heurtel : Moi, ça va aller. Ça va aller, M. le Président.

M. Lessard : …trois minutes. Ça va aller pour ça? Parfait. On va donc passer aux critiques de la deuxième opposition. Vous avez trois minutes, alors.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux. Moi, j'aimerais ça… Je ne sais pas si vous avez l'expertise pour répondre correctement. Moi, dans mon esprit, le moratoire, c'était adéquat, mais je souhaitais vraiment qu'il y ait un puits, un projet pilote d'un puits où, un peu comme le ministre veut faire à Anticosti, on mettrait les Ressources naturelles, l'Environnement, l'entreprise privée. Le ministre, il dit : On va la faire, cette expertise-là, au niveau d'Anticosti, donc ce n'est pas nécessaire qu'on fasse ça dans les endroits où est-ce qu'il y a le gaz de schiste.

Est-ce que vous pensez que ce qui va sortir d'Anticosti peut être pertinent pour approfondir notre connaissance dans les gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je pense que oui, ça va être pertinent, évidemment, si on prend le temps, quand on va aller à Anticosti, d'avoir véritablement non seulement les équipes techniques des compagnies qui sont impliquées, mais une équipe d'experts, de scientifiques qui vont étudier ce qui se passe et regarder comment ça se passe. Il faut que le gouvernement crée un comité de suivi des travaux d'exploration. Si jamais on n'a que les équipes des compagnies qui vont forer, qui n'ont pas le mandat, elles, d'acquérir de l'information à plus long terme, bien on n'aura pas cette… alors on a un risque, en fait, parce que je n'ai pas entendu le gouvernement là-dessus, sur quel genre d'encadrement pour acquérir l'expertise est-ce qu'on va avoir. Donc, oui, il y a une possibilité.

Je pense que le ministre fait aussi une distinction, il dit : Ça serait intéressant de faire la même chose qu'on fait à Anticosti dans les basses-terres du Saint-Laurent, mais le contexte social est différent. Moi, je crois que ce serait envisageable de voir s'il n'y a pas une municipalité dans les basses-terres du Saint-Laurent qui serait prête à accepter un projet de démonstration, justement, pour faire la preuve d'un côté ou de l'autre. Exactement comme l'a dit le groupe qui nous a précédés, ils sont ouverts, eux, à ce qu'il y ait plus de données scientifiques. En fait, ils sont convaincus que ces données scientifiques vont leur donner raison. Mais alors mettons-nous d'accord avec eux et dire : Allons chercher ces données scientifiques bien encadrées, et non pas de manière anarchique, comme ça s'est fait un petit peu trop, malheureusement, de 2006 à 2010. Donc, encadrons cette exploration dans un projet de démonstration bien encadré.

Le Président (M. Lessard): Une minute.

M. Martel : Une minute? Très général, là. Je vous ai entendu, professeur, par rapport à Anticosti, les retombées économiques. Pouvez-vous faire un parallèle avec le potentiel de gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent? C'est trop vague, hein?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : C'est très difficile parce qu'on ne connaît pas exactement encore la ressource en place de manière exacte, on ne connaît pas encore quels sont les taux de récupération. Mais une autre grosse incertitude, c'est le prix du gaz naturel. Si le prix du gaz naturel est de 2 $ le millier de BTU ou de 7 $ le millier de BTU, et on se rend compte qu'il y a une différence énorme… Très difficile à dire, donc il y a un risque. Mais une chose est certaine, c'est que cette ressource-là… le prix du gaz naturel est destiné à augmenter dans les années à venir, donc la pression des compagnies va redevenir plus forte d'ici deux, trois, quatre, cinq, 10 ans.

M. Martel : Merci beaucoup. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lessard) : Alors, merci beaucoup aux représentants, donc, du Conseil patronal en environnement.

 Donc, la commission, ayant épuisé l'ordre du jour, ajourne ses travaux au mercredi 19 février, 15 heures, où elle poursuivra ce mandat. Merci. Ça termine notre soirée.

(Fin de la séance à 21 h 40)

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