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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 24 novembre 2016 - Vol. 44 N° 88

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert


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Table des matières

Auditions (suite)

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Comité consultatif de l'environnement Kativik (CCEK)

Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James (CCEBJ)

Alliance Transit

Intervenants

M. Alexandre Iracà, président

M. David Heurtel

M. Marc H. Plante

M. Sylvain Gaudreault

M. André Villeneuve

M. Mathieu Lemay

M. Guy Bourgeois

M. Serge Simard 

M. Jean Boucher 

*          M. Martin Caron, UPA

*          M. Stéphane Forest, idem

*          M. Daniel Bernier, idem

*          M. Benjamin Laplatte, CPQ

*          Mme Audrey Azoulay, idem

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. Bruno Leblanc, idem

*          M. Michael Barrett, CCEK

*          Mme Paule Halley, idem

*          Mme Pascale Labbé, CCEBJ

*          Mme Ginette Lajoie, idem

*          M. Graeme Morin, idem

*          M. Philippe Cousineau Morin, Alliance Transit

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Iracà) : Alors, bon matin à tous! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Iracà) : Alors, voici l'ordre du jour de cet avant-midi. Nous entendrons les groupes suivants : L'Union des producteurs agricoles et le Conseil du patronat.

Alors, évidemment, je souhaite la bienvenue au groupe que nous recevons en premier ce matin, L'Union des producteurs agricoles. Je vous demande de bien vouloir vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Mais juste avant qu'on commence, je demanderais à une personne, s'il vous plaît, d'aller fermer la porte à l'arrière. C'est pour qu'on puisse bien vous entendre. Merci beaucoup. Alors, vous disposez de 10 minutes. La parole est à vous. Bienvenue, messieurs.

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Caron (Martin) : Merci bien. Tout d'abord, je me présente, Martin Caron, je suis deuxième vice-président à l'UPA provinciale et je suis producteur laitier et céréalier à Louiseville, en Mauricie, entre autres. Je suis accompagné de Daniel Bernier, qui est avec moi dans le dossier environnement, qui est au niveau de la direction Recherches et politiques agricoles à l'UPA, et M. Stéphane Forest, qui est le côté juridique au niveau de l'UPA.

• (11 h 20) •

Bien, merci bien. Bonjour, M. le ministre. Bonjour à vous tous. Tout d'abord, bien, l'union remercie la Commission du transport et de l'environnement de lui permettre de présenter le point de vue des agriculteurs et agricultrices du Québec concernant le projet de loi n° 102 visant la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement.

L'union accueille favorablement les modifications proposées à la loi permettant une meilleure modification des exigences selon les risques. Cette proposition est parfaitement logique. L'introduction du concept de déclaration de conformité pour des activités jugées à faible risque environnemental offre un intéressant potentiel d'application pour toutes les nombreuses activités agricoles et forestières. Le processus d'autorisation s'avère disproportionné pour nos activités, compte tenu du faible niveau de risque qu'elles représentent, qu'il s'agisse, par exemple, de travaux sylvicoles en milieux humides réalisés conformément à de bonnes pratiques ou de traitement des eaux usées générées par le lavage des fruits et légumes. Une déclaration de conformité constitue un instrument de contrôle nettement mieux adapté pour attester que les règles en vigueur sont respectées.

Le projet de loi comporte malgré tout peu de changements au chapitre des activités agricoles. Bien qu'intéressantes, les modifications suggérées au règlement d'exploitations agricoles sont relativement modestes. Il est seulement proposé de hausser le seuil pour lequel une autorisation est requise pour les activités d'élevage. Ainsi, dans le cas de l'implantation d'un nouveau lieu d'élevage, il serait impossible de produire une simple déclaration de conformité si la production annuelle est inférieure à 4 200 kilos de phosphore plutôt que du seuil de 3 200 kilos. À titre d'information, mentionnons que 1 000 kilos de phosphore représentent moins de 20 vaches laitières. C'est donc dire que l'assujettissement à une autorisation est passé d'un équivalent de 61 vaches à 80 vaches. Cela implique également que les exploitations visées par une autorisation devront en obtenir une nouvelle du ministère... des ajouts de 20 vaches ou son équivalent.

Le tout demeure très exigeant au plan administratif pour les fermes de petite taille lorsque l'on compare les normes américaines ou canadiennes. Le Québec reste l'autorité la plus exigeante dans ce domaine. À titre de comparatif, si on regarde au niveau de l'Ontario et qu'est-ce qui s'applique à l'échelle canadienne, c'est l'une des réglementations les plus exigeantes après nous. D'ailleurs, ils n'imposent pas l'équivalent à ces exploitations-là. Cela s'apparente davantage à la déclaration de conformité. Il est à noter que l'équivalent d'un Plan agroenvironnemental de fertilisation, PAF, que doivent réaliser les producteurs agricoles du Québec possédant plus de 30 vaches n'est requis en Ontario que pour des fermes de plus de 210 vaches. Ça fait que vous voyez qu'il y a quand même un bon écart.

Compte tenu de ce qui précède, le seuil pour lequel un certificat d'autorisation est requis devrait être substantiellement relevé. Dans le contexte aussi des normes réglementées qui caractérisent le secteur d'élevage, il n'y a pas réellement d'utilité au processus d'autorisation, qui entraîne des coûts et des délais supplémentaires nuisant à la compétitivité des fermes québécoises.

Le nouveau pouvoir discrétionnaire. Les nouveaux articles 26 et 115.10.1 de la LQE sont particulièrement préoccupants, puisqu'ils permettent d'ajouter de façon discrétionnaire des exigences supplémentaires par rapport à ce qui est prévu aux divers règlements. Même après avoir été autorisée et malgré le respect des conditions prescrites, une activité pourrait être soumise à des normes additionnelles si le ministère le juge utile. Pire, une autorisation accordée à une entreprise qui en respecte les conditions rattachées pourrait être révoquée sans aucune compensation. On peut présumer que le secteur agricole n'est pas a priori spécifiquement visé par cette nouvelle disposition.

Toutefois, une fois introduite à la LQE, celle-ci devient applicable, ce qui engendre déjà passablement des insécurités. Le problème est le suivant : on peut très bien trouver des situations où l'exercice de ces pouvoirs pourrait être utile, par exemple, pour une entreprise qui a été autorisée à émettre un contaminant dont on ne soupçonnait pas la réelle toxicité pour l'environnement au moment de la délivrance du certificat d'autorisation; le pouvoir du ministre d'intervenir pour corriger la situation ou pour faire cesser ce rejet est justifiable et souhaitable. Par contre, il existe un risque réel de recours abusifs auprès des entreprises qui respectent les conditions auxquelles elles ont été assujetties, mais qui seront confrontées à une vision plus radicale de la protection de l'environnement. Même en l'absence d'une disposition légale offrant aussi une grande latitude, nous sommes exposés à une certaine variabilité de l'application réglementaire d'une direction régionale du ministère à une autre. Comment serait donc encadré l'exercice d'un pareil pouvoir laissant autant de place à l'interprétation?

On ouvre ici la porte à une négociation à la pièce et à des normes applicables à l'échelle d'une ferme, avec pour conséquence l'imprévisibilité des règles auxquelles elles se conforment et, par ricochet, une menace à la sécurité financière des exploitations agricoles. Bien sûr les connaissances évoluent dans les domaines agricoles. Comme ailleurs, on peut découvrir que les règles visant l'exercice d'une activité sont devenues inadéquates. En pareille situation, on doit procéder à une révision des normes par une modification des règles applicables. Il faut mettre en place un processus de révision structuré, cohérent et rationnel visant l'adoption de nouvelles règles équitablement appliquées à tous les secteurs. L'incertitude induite par ces nouveaux pouvoirs serait sans aucun doute nuisible à la sécurité financière des exploitations agricoles. D'ailleurs, une institution financière prêteuse, informée de cette discrétion ministérielle, pourrait revoir les règles au niveau des financements ou même refuser des prêts à certaines entreprises agricoles.

En résumé, les pouvoirs discrétionnaires accordés à l'article 26 ouvrent la porte à une modulation inéquitable des règles à l'échelle des fermes. Les capacités de supporter auxquelles renvoie notamment l'article 26 pourraient conduire à l'imposition et la restriction arbitraire envers les activités agricoles qui ne sont pourtant pas les seules émettrices de phosphore dans l'environnement. Quant à l'article 115.10.1, il est beaucoup plus large et il ne devrait pas être applicable au secteur agricole compte tenu du faible niveau de risque qu'il représente. En second lieu, la discrétion ministérielle devrait être mieux balisée et ne porter que sur les situations qui nécessitent une intervention d'urgence en raison d'un risque sérieux pour la santé publique ou de faire l'objet de compensations financières.

Pouvoir du ministre à assujettir un... du projet BAPE. Le projet de loi prévoit que le gouvernement pourrait exceptionnellement assujettir à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement un projet qui n'est pas soumis par les règles si notamment le projet implique l'emploi d'une nouvelle technologie ou préoccupe le public. C'est donc dire que les exploitations d'élevage de taille inférieure au seuil défini pourraient se voir imposer la réalisation d'une étude d'impact sur l'environnement. Cette perspective n'est guère réjouissante et pourrait nuire à l'obtention de nouvelles technologies. Le fait que certains secteurs sont confrontés à une opposition systématique des citoyens qui, de mauvaise foi, utilisent tous les moyens dont ils disposent pour empêcher la réalisation de ces projets... ce nouveau pouvoir pourrait alors être exercé sous la pression d'un groupe d'activistes opposés à l'implantation d'une nouvelle installation d'élevage.

Régionalisation des normes environnementales. Le projet de loi donne au gouvernement le pouvoir d'adopter des normes environnementales appliquées à des territoires spécifiques, notamment pour tenir compte des caractéristiques particulières et des effets cumulatifs du développement et de la capacité de support des écosystèmes et de même que les perturbations et pressions anthropiques sur le bassin versant.

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes, M. Caron.

M. Caron (Martin) : On va aller tout de suite à la conclusion. Le projet de loi n° 102 propose des modifications intéressantes qui contribuent à l'allègement administratif de l'application. En revanche, certains nouveaux pouvoirs donnés au ministre soulèvent des grandes inquiétudes et auront un effet d'accroître l'imprévisibilité par rapport aux règles. Certes, la protection de l'environnement est fondamentale et il est important, au niveau de la législation, que le ministre dispose de capacités de faire cesser des activités néfastes au niveau de l'environnement. En conséquence, il faudrait soit soustraire le secteur agricole de l'application de l'article 26 ou 115, ou mieux baliser leur portée, qui pourrait être beaucoup trop grande dans sa forme actuelle.

Enfin, en ce qui concerne le conseil de gestion du Fonds vert, l'union est favorable. Nous considérons aussi que le Fonds vert devrait être investi... pour favoriser la réduction et la dépendance des producteurs et productrices agricoles aux énergies fossiles et favoriser la réduction des gaz à effet de serre sur les fermes.

• (11 h 30) •

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Caron, pour votre exposé. Alors, nous allons procéder à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Vous aurez l'occasion certainement, s'il y a des points que vous n'avez pas pu amener, là, avec les questions, de vous rattraper. Alors, je cède la parole immédiatement à M. le ministre pour la période d'échange.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que pour votre mémoire. Je vais aller très rapidement parce que mes collègues évidemment des régions sont très intéressés à échanger avec vous.

Moi, c'était juste revenir... Vous avez passé beaucoup de temps, dans votre présentation, sur 115.10.1 et sur la question du pouvoir discrétionnaire, qui est une question qui est beaucoup discutée, là, depuis que nous avons commencé cette consultation particulière. Et d'ailleurs un de vos collègues, maître... on avait déjà échangé là-dessus précédemment. Je comprends la préoccupation, puis on l'entend bien, puis on va voir comment baliser.

Mais 115.10.1... puis je veux juste comprendre votre raisonnement, parce que, quand je me suis pris à le relire, là, en préparation de votre présentation... puis je trouve que, dans ce cas-ci quand même, il y a beaucoup de balises. Là, je veux dire, il y a véritablement des critères. Il faut une activité, bon, autorisée en vertu de la présente loi. Il faut déterminer qu'il y a un risque sérieux pour la santé publique en raison d'informations nouvelles ou complémentaires devenues disponibles après la délivrance de l'autorisation. Il faut une réévaluation des informations existantes. En tout cas, bref, il y a une série de conditions, là. Je ne lirai pas tout parce que c'est assez long.

J'essaie juste de comprendre en quoi, cet article-là, vous voyez des dérapages parce que, quand même, il y a une liste, là, assez exhaustive, là, de critères dans cet article-là, puis encore une fois c'est une exception, là, l'intervention, là. C'est vraiment s'il y a une série de critères qui sont réalisés. Alors, je voulais juste vous entendre davantage sur votre réflexion là-dessus.

M. Caron (Martin) : Je vais laisser aller Stéphane dans un premier temps puis je vais compléter.

M. Forest (Stéphane) : Alors, M. le ministre, merci de la question. On sait que cette question est préoccupante pour des juristes notamment. Alors, à votre question précise, pourquoi on considère que la discrétion est très ouverte, voire qu'elle pourrait remplir certains critères de la jurisprudence qui la rendraient illégale, c'est que, premièrement, il y a l'utilisation d'un «ou» dans la première partie de la phrase. Quand vous parlez de «santé publique», c'est une situation, et on y revient dans une proposition. On pense que, dans notre mémoire, quand la santé publique est en jeu, probablement que vos nouveaux pouvoirs seraient essentiels.

Mais le «ou» après ça ouvre la porte à tout l'environnement, donc à tous vos champs de compétence au niveau législatif. Alors, il n'y a plus la balise que vous suggérez qui est présente puisque, dans le fond, la discrétion va s'exercer pour l'environnement. Et là, dans l'environnement, vous nous dites que vous ajoutez une nouvelle discrétion. Il faut que des informations nouvelles ou complémentaires soient disponibles, mais ces informations-là doivent être basées sur des connaissances scientifiques. Mais quelles connaissances scientifiques? Ne pourrait-on pas baliser une connaissance scientifique reconnue par la... il ne faudrait pas que, par exemple, une seule étude vienne dire que tel produit est rendu toxique, mais que, deux ans plus tard, de nouvelles études viennent balancer ou contredire, alors que là vous auriez exercé vos pouvoirs. Puis je le dis de façon générale, là, ça ne s'applique pas nécessairement au monde agricole.

Alors, c'est beaucoup de la légistique, M. le ministre, là, c'est vraiment... Ce n'est pas de la politique, là, c'est plutôt de la technique rédactionnelle. Et on pense que de la façon dont ça a été proposé dans le projet de loi... puis ce n'est rien qu'un projet de loi, il peut être bonifié. On entend ce que vous dites. Votre discrétion serait très, très, très grande.

M. Heurtel : Parfait. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole au député de Maskinongé qui, je crois, a des questions pour vous.

M. Plante : Mais oui. Merci, M. le Président. Donc, bonjour, messieurs. M, Caron, un plaisir de vous voir ici. Alors, vous avez le privilège d'avoir votre exploitation agricole dans le plus beau comté au Québec. Alors, vous avez tous une grande chance.

Alors, j'aurais quelques questions, parce qu'à la lecture de votre mémoire il y a quelques points qui me questionnent et qui me reviennent. On en a discuté d'ailleurs à quelques reprises, dans d'autres dossiers. On s'est rencontrés à plusieurs reprises. Vous parlez au niveau de l'adoption des normes régionales plus contraignantes, qu'elles ne soient envisagées que sur la base d'une justification scientifique qui fait consensus. C'est à la page... je n'ai pas de page, là, mais la page 16 de votre mémoire, dans «l'Union demande».

Donc, au premier point, vous demandez vraiment que des normes ne soient pas envisagées que sur une justification scientifique qui fait consensus. J'aimerais savoir un petit peu plus c'est quoi, et à quel niveau, et quelles sont les craintes envisagées?

M. Caron (Martin) : Je vais laisser Daniel, peut-être, amener un point, puis on va avoir des exemples à vous donner, qu'est-ce qui se passe un petit peu sur le terrain aussi présentement.

M. Bernier (Daniel) : En fait, là, je vous ferais préciser la... par rapport à la réglementation municipale?

M. Plante : Bien, oui, vous avez ça ici, c'est au point...

M. Caron (Martin) : C'est le 7.2, à la page 14.

M. Plante : C'est le 7.2, encadrement du pouvoir des municipalités, protection, page 16, à vos demandes.

M. Caron (Martin) : Que l'adoption des normes régionales plus contraignantes ne soit pas envisagée.

M. Bernier (Daniel) : Oui, en fait, bien, c'est ça, c'est que là on amenait ce point-là parce qu'on considère, d'une part, que c'est important, dans la loi, de conserver cette hiérarchie des normes, donc lorsque le ministère de l'Environnement réglemente dans un domaine donné de l'environnement, que les municipalités n'aient pas la possibilité d'intervenir dans le même champ. On pense tout simplement que les municipalités n'ont pas les ressources pour réglementer dans un domaine aussi complexe que l'environnement et sont peut-être plus... Elles peuvent plus flanc à des pressions populaires qui les mèneraient à réglementer plus sur une base subjective de «pas-dans-ma-cour» que sur des bases rationnelles, là.

Donc, c'est pour ça qu'on soulignait l'importance de maintenir cette disposition-là qui donne une priorité à la réglementation provinciale.

M. Caron (Martin) : Si je peux me permettre juste de rajouter des exemples un peu là-dessus, c'est que, bien souvent — dans le préambule que j'ai fait de notre mémoire, on parle de ça — il y a beaucoup de groupes, des fois, au niveau de l'élevage, bien, ils sont contre d'avoir un site d'élevage très proche, tout ça et craignent... et bien souvent, malheureusement, c'est une méconnaissance, une méconnaissance de la population. On a besoin d'éducation.

Mais quand on donne un pouvoir au niveau des municipalités puis des MRC, c'est un grand défi parce que ces personnes-là n'ont pas nécessairement l'expertise de la connaissance. Et c'est pour ça qu'on dit qu'il faut vraiment faire attention sur cet aspect-là parce qu'il y a beaucoup de pressions face à la population. Mais je tiens à leur dire, bien souvent, c'est de la méconnaissance de la population sur le métier qu'on fait et sur les règles qu'on a à appliquer aussi.

M. Plante : O.K. Parfait. Je vais continuer un peu plus loin, au niveau de la cessation des activités, et là j'ai un gros questionnement. Vous demandez une période d'au moins cinq ans pour la durée d'interruption au-delà de laquelle le maintien de la validité du certificat d'autorisation nécessite l'accord du ministre, là. Ça, c'est une chose...

Je suis un peu surpris de voir ça dans votre mémoire parce que j'avais comme l'impression que... et ce qui se produit chez nous et dans d'autres régions, là, quand il y a une cessation d'exploitation agricole, bien, on s'entend souvent, bon, les terres sont vendues ou changent de vocation plus au niveau de grandes cultures ou de choses comme ça, mais il n'y a plus nécessairement... et le propriétaire qui demeure propriétaire de la ferme ou du lot utilise les bâtiments à d'autres fins qu'agricoles, là.

Donc, ce que vous nous demandez, c'est de laisser l'autorisation pendant cinq ans, même s'il n'y a plus d'activité. Et j'aimerais savoir qu'est-ce que ça ajoute, qu'est-ce que ça enlève ou qu'est-ce que ça peut permettre, parce que j'ai comme l'impression que, dans le cas de cessation d'activité, c'est vraiment volontaire des producteurs, bien souvent, et que la vocation des bâtiments et même des terres agricoles est changée ou, on le sait très bien, là, les terres souvent sont achetées par les voisins limitrophes.

Donc, j'aimerais comprendre qu'est-ce que ça ajoute ou qu'est-ce que ça vous enlève de ne pas donner ça, là.

M. Bernier (Daniel) : Oui, en fait, je pense que ce qui serait important de préciser, c'est... Il faut pouvoir distinguer la cessation d'une activité de l'interruption d'une activité. Puis là, comme il n'y a pas de délai d'indiqué, comment faire la distinction entre les deux? Et le fait est que ça peut arriver que, dans une activité d'élevage, on ait une interruption de production pendant quelques mois ou quelques années et on reprenne les activités par la suite lorsque les conditions redeviennent favorables.

Là, le projet de loi ne précise pas... ne nous permet pas de faire la distinction entre la cessation puis l'interruption. Donc, nous, on dit: Si on est en interruption de moins de cinq ans, on devrait pouvoir reprendre nos activités sans démarche administrative.

• (11 h 40) •

M. Caron (Martin) : De l'autre côté, dans les exemples, on a beaucoup de personnes, comme vous l'avez mentionné, M. Plante, c'est qu'on a beaucoup de personnes qui arrêtent peut-être au niveau de la production, mais il y a d'autres producteurs qui sont à côté. Et, quand ces producteurs-là veulent utiliser les structures d'entreposage, exemple... et des fois ça laisse quand même un délai. On peut peut-être, oui, louer les terres, tout ça, mais quand on arrive pour prendre de l'expansion sur nos entreprises, à la place de rebâtir des structures pour les fumiers, tout ça, bien, on pourrait utiliser. Et, bien souvent, on sait que les décisions, ça prend quelques années. Et c'est pour ça, en mettant cinq années, bien, ça nous permet d'avoir un délai et de réutiliser ces entreprises-là.

Et je pense que tout le monde est au courant. Si vous vous promenez à travers le Québec, il y a beaucoup de bâtiments qui sont laissés présentement... puis ça nous permettrait vraiment de ramener des activités agricoles sur ces entreprises-là, entre autres, là, peut-être à petite échelle, mais au moins d'avoir une viabilité puis d'habiter le territoire encore plus.

M. Plante : O.K. J'aimerais vous entendre aussi... Et, dans diverses consultations publiques ou dans diverses rencontres, on a souvent parlé de la volonté du ministre, par la modification de la loi, de rendre le ministère avec un rôle d'accompagnateur beaucoup plus accompagnant dans les dossiers et faire le suivi. Et j'ai comme l'impression que ce rôle d'accompagnement est, pour vous, essentiel, là, parce qu'on sait... puis là vous parlez des diversités régionales et tout ça, mais on sait que, si vous avez un meilleur accompagnement et que le ministère devient de plus en plus accompagnateur dans les demandes, bien, ça a pour but de faciliter aussi les démarches des producteurs, des agriculteurs pour permettre, un, de respecter la loi, mais aussi de vous faire moins de problèmes par la suite, là.

J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'était une de vos demandes répétées à de nombreuses reprises et depuis de nombreuses années, là.

M. Caron (Martin) : Bien, je vous dirais que c'est vraiment une plus-value quand on est capable de procéder de cette façon-là et, que ce soit au niveau régional ou provincial, d'avoir accès avec les personnes, être capable de discuter, de communiquer, c'est vraiment excellent, puis ça nous amène vraiment à une vision puis de partager ça. Je pense qu'on parle de développement durable, entre autres, mais notre développement durable fait partie, en tant que producteur agricole, de nos entreprises. C'est un élément essentiel pour nous, mais qu'on est capables de le partager avec les ministères, entre autres, puis je me répète peut-être, mais que ce soit régional, et là je parle au niveau du ministère de l'Agriculture et naturellement du ministère de l'Environnement aussi.

Puis je pense qu'on peut dire qu'on a un exemple aussi, parce qu'il y a un comité d'effluents d'élevages qui est organisé avec le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Environnement qui sont là, et puis ça nous permet aussi d'amener des nouvelles technologies, des nouvelles façons de faire. Ça fait que, je pense, ces milieux d'échange là, c'est très important. Il faut les maintenir, il faut contribuer. Et pour les producteurs, vous savez que l'entrepreneuriat, ça demande beaucoup, au niveau de l'entreprise agricole, de s'en aller puis de remplir les défis. Mais, quand on se sent accompagnés puis qu'on se sent vraiment visé pour nous aider à se développer, bien, c'est une plus-value, là.

M. Plante : O.K. Merci. Je terminerai... bien, je terminerai peut-être, ce n'est pas sûr, je vais peut-être avoir d'autres sous-questions.

Quand vous parlez de la nouvelle gestion du Fonds vert, là, bon, on sent que vous êtes d'accord puis que vous êtes contents un petit peu du nouveau fonctionnement qui est proposé pour le Fonds vert. Dans vos demandes, la première, c'est l'accroissement des investissements, bon, pour la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, l'efficacité énergétique, tout ça. J'aimerais savoir, concrètement, pour vous, comment ça se matérialise dans les différents programmes ou les différents investissements. Première question. Et la question sous-jacente, puis on en a beaucoup parlé, mais, au niveau du réseau électrique triphasé, j'aimerais que vous puissiez nous expliquer vraiment quelle est votre demande à ce niveau-là.

M. Caron (Martin) : Je vais peut-être laisser aller Daniel sur l'aspect triphasé, mais c'est une des demandes qu'on a parce que, quand on se promène au Québec, pourtant, on est au Québec, puis c'est un de nos joyaux, au niveau de l'électricité, bien, malheureusement, on voit qu'on a un impact parce que le triphasé n'est pas là. Je vais laisser aller Daniel un petit peu là-dessus.

M. Bernier (Daniel) : Bien, en fait, c'est ça, c'est que le milieu rural est mal desservi par le réseau triphasé, et ce réseau-là est nécessaire au fonctionnement de moteurs puissants qui pourraient permettre de remplacer l'utilisation du tracteur, là, communément la prise de force du tracteur pour un bon nombre de travaux, que ce soit pour le brassage du fumier, le pompage.

En fait, il y a de multiples travaux qui exigent actuellement des moteurs à carburant fossile, du diesel notamment, et on pourrait avantageusement remplacer l'utilisation de ces moteurs-là, qui émettent des gaz à effet de serre, par des moteurs électriques, mais, pour ce faire, on doit avoir accès au réseau triphasé, et comme je vous dis, là, le milieu rural est mal desservi.

Donc, il faudrait investir pour rendre accessible ce réseau-là à davantage de fermes.

M. Caron (Martin) : Beaucoup de systèmes d'alimentation présentement sont avec des moteurs, et, comme Daniel le mentionnait, on utilise des tracteurs ou des moteurs à essence pour être capable de les faire fonctionner, tout ça, parce que la demande d'ampérage au tout début est énorme. Là, on parle des moteurs alentour de 20 forces et plus.

Mais, si on était capable, dans certaines situations de triphasé, d'être proche, d'être capable d'avoir accès, bien, ça nous amènerait rapidement une efficacité de ce côté-là. Et puis je vous dirais que, là-dessus aussi, il faut voir au niveau de l'efficacité énergétique de nos entreprises aussi. Il y a déjà eu un petit peu des projets qui ont été lancés là-dessus, puis que, quand on pense au niveau, que ça soit horticole ou côté maraîcher, on parle des serres aussi, là aussi il y aurait un très grand avantage d'avoir ça, puis on aurait une économie facilement récupérable au niveau environnemental, entre autres.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci. Il nous reste 20 secondes.

M. Plante : Bon, écoutez, je vais juste terminer en vous remerciant de votre présence puis en vous disant simplement merci pour la campagne de sensibilisation au respect de la bande riveraine que l'UPA a faite cet été. Ça a été un succès, puis on vous remercie beaucoup. Ça va conjointement avec nos efforts de protéger nos cours d'eau. Donc, merci beaucoup.

Le Président (M. Iracà) : Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Vous avez maintenant une période d'échange avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Caron, M. Forest, M. Bernier. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de votre présentation, puis effectivement, le monde agricole est très, très interpellé par la lutte aux changements climatiques et par l'environnement de façon générale, particulièrement au niveau de la protection des cours d'eau, protection de la biodiversité, etc. Alors, vous êtes un acteur incontournable dans ce dossier.

Vous avez été quand même assez sévères concernant la question des pouvoirs discrétionnaires. Très franchement, si vous avez suivi nos travaux depuis cette semaine, vous avez sûrement constaté que plusieurs groupes qui viennent ici vont dans le même sens que vous, critiquent beaucoup la largesse des pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre. C'est intéressant de vous l'entendre... sous l'angle agricole.

Alors, on va sûrement s'en inspirer dans nos travaux qui suivent, mais j'aimerais ça que vous nous disiez... bien, en fait, vous en parlez un peu dans votre mémoire, là, entre autres, si on va dans le résumé à la fin, à la page 21, concernant les nouveaux articles 26, 115.10.1 de la LQE. Et là vous arrivez avec un certain nombre d'éléments, de suggestions. Ce que je comprends de ces suggestions-là, si oui, vous me le direz et vous pourrez détailler, c'est ce que je veux entendre, comment on peut baliser. Parce que c'est sûr que vous pouvez souhaiter qu'il n'y ait pas du tout de pouvoir discrétionnaire. Ça, c'est comme la demande totale, mais vous dites bien subsidiairement. Dans votre deuxième picot, là, à la page 21, en bas complètement, là, subsidiairement, concernant l'article 27... 26, pardon, etc.

Bon, alors, si nous sommes appelés, nous, comme parlementaires, à baliser le pouvoir discrétionnaire... parce que c'est gros, accorder, en législation, là, accorder un pouvoir discrétionnaire à un ministre, c'est important. Alors, nous, on veut bien faire notre travail. Pouvez-vous nous aider à le baliser? Pouvez-vous nous donner des balises, là, je m'excuse du pléonasme, mais pour nous guider davantage?

Le Président (M. Iracà) : M. Caron.

M. Caron (Martin) : Oui. Stéphane va...

Le Président (M. Iracà) : M. Forest?

• (11 h 50) •

M. Forest (Stéphane) : M. le député, écoutez, ce sont des suggestions très humblement soumises par l'union pour tenter d'arriver à une disposition plus équilibrée, que ce soit tant à l'article 26 qu'à l'article 115. Nous croyons notamment que, pour l'article 115... on y met un peu plus d'emphase parce que, vous savez, à l'article 115.10.1, l'autorisation est émise. L'entreprise fonctionne, elle a emprunté, elle génère des revenus, donc des revenus fiscaux, et là il arriverait une situation — qu'on a décrite tantôt quand je répondais au ministre — qui ferait en sorte qu'on reviendrait, on reformaterait au point de départ, comme s'il n'y avait jamais eu de certificat ou à peu près, parce que la façon dont est écrit l'article permettrait ça, d'imposer de nouvelles normes dans certaines circonstances.

Alors, une des premières suggestions qu'on se dit, il faut restreindre ça à la santé publique ou, à tout le moins, à une notion d'urgence de santé publique. Il faut que ça soit sérieux, mais il faut que ça soit aussi urgent parce que, sans ça... Il ne faut pas se le cacher, l'humain génère des rejets dans l'environnement. Tous les humains dans cette salle rejettent. Il faut juste savoir comment on équilibre le tout pour que nos milieux supportent nos activités.

Alors, si ce n'est pas urgent, bien là, on a peut-être le temps de réfléchir à l'adoption de normes réglementaires dans un cadre plus administratif et gouvernemental traditionnel qui va nous permettre de fixer des seuils en vertu des nouvelles connaissances et non de faire de la révocation de C.A. à la pièce par ferme. Alors, ça, c'est la première justification qu'on disait, et ce qu'on disait également, c'est qu'il fallait que les informations scientifiques nouvelles soient corroborées par la communauté scientifique. Alors, un chercheur peut arriver à une conclusion, puis je pense que vous comprenez le propos quand j'ai répondu au ministre tantôt, avec une donnée sur la toxicité d'un produit, ça s'applique peut-être un peu moins au monde agricole, là, mais là il faut que ça soit partagé scientifiquement à travers le monde, là. Il ne faut pas qu'on aille dans un chemin qui va se révéler n'être peut-être pas celui qui avait été annoncé par l'étude ou la connaissance scientifique qui est développée. Et ça, on est capable de baliser le texte de en faisant de la légistique plus précise, à baliser le texte législatif.

M. Gaudreault : Merci. M. le Président, avec le consentement des collègues, j'aimerais que mon collègue député de Berthier puisse intervenir, vu qu'il n'est pas membre...

Le Président (M. Iracà) : Absolument, absolument. L'article 132, sans aucun problème, si les collègues acceptent, parce que le député de Berthier n'est pas membre de la commission, de consentement, il pourrait prendre la parole. Est-ce que ça vous va?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Iracà) : Consentement. Alors, M. le député de Berthier, vous avez la clémence de vos collègues. Vous pouvez poser une question.

M. Villeneuve : Merci, M. le Président. Bonjour à vous, bonjour aux collègues. Merci de votre clémence. Bonjour à vous, messieurs.

Écoutez, en fait, j'avais deux volets. J'avais le Fonds vert, entre autres. On sait qu'il y a à peu près 3 milliards de dollars dans le Fonds vert, et tantôt vous parliez justement de permettre de passer à l'électricité. Dans bien des cas, il y a des obstacles, évidemment le triphase, donc l'énergie plus forte, mieux adaptée, justement, aux outils que vous utilisez notamment pour l'irrigation, entre autres. Moi, j'ai un voisin, chez nous, qui s'est mis à l'électricité et il fait des économies extraordinaires.

Alors donc, moi, j'aimerais vous entendre davantage sur le Fonds vert. Donnez-moi quelques exemples assez frappants de ce que vous pourriez faire si, demain matin, vous aviez justement un réseau électrique adéquat pour justement, de un, émettre moins de gaz à effet de serre, utiliser moins d'énergies fossiles et, au final, arriver à avoir une meilleure gestion pour vous et des économies notables pour vos entreprises.

M. Bernier (Daniel) : En fait, c'est ça, tous les moteurs qui exigent une forte puissance, qui actuellement... Il y a de nombreux moteurs, là, sur les fermes, là. Vous donnez l'exemple des pompes pour l'irrigation. Effectivement, ça, en bout de champ, si on peut raccorder ça au réseau électrique, c'est des combustibles fossiles en moins qui sont brûlés puis, bon... plusieurs moteurs nécessaires aux travaux de la ferme. Actuellement, on est contraints à des moteurs à essence ou à diesel. Il y de grandes possibilités, et là, bien, en fait, on les sous-utilise parce qu'il y a très peu de fermes qui ont accès au réseau triphasé. Mais à partir du moment où on connecte les fermes sur un tel réseau, ça ouvre la porte à une grande conversion, un grand type de conversion.

M. Caron (Martin) : Et peut-être des exemples concrets : érablières, les évaporateurs, ça, c'en est un exemple. On sait que c'est un de nos fleurons qu'on a ici, au Québec. Ça fait que ça, c'est une utilisation. On a parlé des serres tantôt. Tous les systèmes au niveau de la gestion des fumiers liquides, tout ça, et vous savez qu'il faut brasser nos fumiers et tout ça, là, c'est tous des systèmes avec des tracteurs, mais, si on avait le triphasé, à bien des places, ça serait des moteurs électriques qui seraient là.

Et vous comprendrez qu'on a un tracteur qui est là, qui fait du surplace et naturellement qui fonctionne pour brasser. Ça fait que tous des systèmes-là qui sont là, quand on arrive au niveau de l'ensilage, pour des silos, le même principe, c'est un tracteur qui est stationnaire, qui va passer 10 heures, 15 heures là, fixe. Mais, si on était capables d'avoir le triphasé à des endroits, bien, on irait avec un moteur électrique directement, là.

Ça fait que c'en est plein d'exemples comme ça que ça pourrait avoir un impact rapidement au niveau environnemental.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste une minute.

M. Villeneuve : Oui. Bien, je sais qu'au niveau de l'acériculture, entre autres, plus de la moitié maintenant fonctionne encore malheureusement au diesel, entre autres, et donc l'électricité viendrait changer la donne de belle façon. Puis peut-être rapidement vous entendre sur toutes les législations, toutes les réglementations municipales, gouvernementales qui vous assaillent, je vais le dire comme ça, parce que c'est le cas, là. Ça vous prend des experts, et vous en êtes, la plupart du temps, dans votre bunker sur la ferme en train de travailler pour réussir à comprendre et à mettre en application tous les règlements. Vous verriez quoi pour corriger ça?

M. Caron (Martin) : Bien, pour corriger ça... Je pense que tantôt, il y a eu une question par rapport à amener vraiment les ministères de l'Environnement en région de travailler avec les entreprises agricoles, travailler avec les producteurs, productrices. Je pense, c'est une plus-value là-dessus.

M. Villeneuve : Un point de chute?

M. Caron (Martin) : Un point de chute directement, mais je vous dirais que c'est le défi qu'on a présentement, puis on a peut-être deux exemples qu'on peut vous ramener bien rapidement au niveau de l'aquaculture ou de la volaille, entre autres. Je vais peut-être laisser Daniel aller côté de volaille, entre autres, amener des exemples, qu'est-ce qu'on peut vivre sur le terrain présentement puis ça a un impact majeur, même si on n'a pas encore ce droit-là d'envoyer. Daniel.

M. Bernier (Daniel) : Bien, en fait, là, si on fait référence, justement, à l'importance de bien baliser les normes puis à limiter les pouvoirs discrétionnaires, là, même en l'absence de la latitude qu'accorderait la loi, on est parfois vis-à-vis des cas où l'analyste qui a à examiner un projet de... bon, dans le cas que je mentionnais, c'est une entreprise de volaille. On est en processus d'agrandissement, on présente la façon dont on va gérer les fumiers, notamment par entente d'épandage, et là la direction régionale refuse pourtant ce qui est possible par règlement en disant : Bon, on exige qu'une partie du fumier soit traitée dans un centre de traitement, bien que la réglementation ne prévoie pas cette exigence.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Bernier. Malheureusement, ça met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons procéder à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition, et je vais céder immédiatement la parole au député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être avec nous aujourd'hui. Je vais vous emmener sur la sécurité financière. Vous en parlez un peu à la page 14 de votre mémoire. Dans le fond, vous craignez qu'une institution prêteuse, financière, là, elle pourrait revoir ses règles de financement puis même refuser de prêter à certains à certains types d'entreprises agricoles, compte tenu un peu, là, de la notion du pouvoir discrétionnaire du ministre, là, puis que, dans le fond, ceci, ça ouvrait la porte à une modulation inéquitable des règles à l'échelle des fermes.

Pourquoi est-ce que c'est si important pour vous puis, dans le fond, que... votre crainte, là, sur l'augmentation des coûts de financement, si vous pouvez nous donner plus de détails, s'il vous plaît.

M. Caron (Martin) : Bien, je vais laisser Stéphane commencer puis je vais compléter avec un exemple ou deux.

M. Forest (Stéphane) : Merci, M. le député. Il faut savoir que nous, on représente des PME, donc des petites entreprises qui n'ont pas la capacité financière d'avoir des liquidités pour faire face aux diverses exigences, expertises qui pourraient être exigées, rapports scientifiques, etc. Ça, c'est une première des choses.

La deuxième des choses, c'est que dans le mémoire, vous avez vu, pour générer un dollar de revenus, l'agriculteur doit investir 8 $. Ça, ce n'est pas les mêmes proportions dans les autres types de PME au Québec ou dans la grande industrie. Alors, c'est pour ça qu'on est plus à risque. Le conseiller financier va se poser des questions s'il est au courant que le pouvoir du ministre peut s'exercer de façon régionale ou même, ce qui encore pire, à la pièce, parce que c'est ça qu'on a peur, c'est qu'au lieu qu'il y ait des normes, dans les règlements, qui s'appliquent à tout le monde, que le pouvoir du ministre d'imposer des conditions s'exerce à la pièce, par ferme.

Alors, il est conséquent de penser que le conseiller financier va avoir des questions à se poser.

M. Lemay : Excellent. Puis votre exemple?

• (12 heures) •

M. Caron (Martin) : Peut-être, dans des exemples comme ça, c'est que ça a des impacts majeurs sur le côté financier. Puis je voudrais rajouter un autre exemple aussi qui est assez important. C'est que tous ces éléments-là au projet de loi, qu'on amène, au niveau environnemental, il reste quand même l'exemple du REA, au niveau du Règlement aux exploitations agricoles présentement. Vous savez, vous êtes tous au courant qu'il y a 500 ou plus que 570 municipalités où est-ce que les producteurs agricoles ne peuvent pas faire un accroissement au niveau des superficies. Ça, ça a des impacts majeurs au niveau financier et ça nous amène aussi, je vous dirais, un impact économique.

Puis bien souvent, cet élément-là... puis je sais qu'on travaille présentement avec le ministère pour regarder ces situations-là puis d'amener des façons de faire pour vraiment modifier ces règles-là, parce que ça a un impact financier, mais, en même temps, ça a un impact environnemental aussi, parce qu'il y a une gestion qui est faite.

Je prends juste un exemple. Vous avez deux champs qui sont croisés par un fossé puis vous voulez faire du drainage de vos terres pour avoir une meilleure efficacité. Vous voulez remplir le fossé, mais vous n'avez pas le droit de faire ça, présentement, là, si vous êtes dans les 570 municipalités qui ont été enlevées au niveau du droit d'accroissement des terres. Ça fait que, tu sais, encore là, c'est un aspect financier, mais c'est un aspect aussi environnemental. Et, par rapport au projet de loi, c'est sûr qu'on le mentionne dans notre mémoire, c'est quelque chose qu'il faut aller de l'avant très rapidement, ça fait des années qu'on demande ça au niveau du REA pour le maintien des superficies agricoles. Ça fait que c'est un défi. Je pense qu'on travaille présentement avec le ministère pour trouver une façon de faire, mais il reste qu'il faut arriver rapidement, parce que ça a un impact au niveau financier sur nos entreprises agricoles, aussi.

M. Lemay : Parfait. Si on reste dans le même thème du financement, le ministre a parlé, dans le livre vert, qu'il voulait augmenter les tarifs pour les certificats d'autorisation. Présentement, c'est en moyenne 45 % des coûts que les gens paient, et puis ils veulent monter ça à 100 %. Donc, vous le mentionnez ici, à la page 17 de votre mémoire, là, à votre item 10, que ça serait... dans le même sens, ça serait dommageable, si on vous chargeait plus cher. Est-ce que vous avez quelque chose d'autre à rajouter, ou vous l'avez tout mentionné tout à l'heure, dans ma première question?

M. Caron (Martin) : Je vais laisser répondre Daniel là-dessus.

M. Bernier (Daniel) : Oui. En fait, bien, c'est ça, nous, le message qu'on passait... Parce qu'effectivement c'était une intention, là, d'augmenter le ratio d'autofinancement. Nous, pour certaines dispositions du règlement, on est exemptés de ces frais-là, et on pense que, un, ça doit être maintenu, cette exemption-là, pour les raisons qu'on sait, là, le contexte particulier économique de l'agriculture, et même on devrait l'étendre à d'autres activités agricoles, forestières notamment. Par exemple, prenons un producteur forestier qui a à faire des travaux dans un milieu humide; on devrait aussi prévoir une exemption dans ces cas-là. Ce n'est pas des activités qui génèrent énormément de revenus, alors, si les tarifs sont trop élevés, la rentabilité n'est plus là.

M. Caron (Martin) : ...on est en compétition directement avec l'Ontario, à côté, puis au niveau des États-Unis. Puis, quand on vous parle d'un plan de fertilisation, le bilan phosphore, reste que ça amène des coûts au niveau des producteurs agricoles. On évalue en moyenne à peu près à 1 000 $ par entreprise. Ça, c'est un revenu net, quand on parle de 1 000 $, comparativement au niveau de l'Ontario, qui n'ont pas ces coûts-là à assumer, tout ça. Ça fait que, déjà là, on répond à différentes exigences. Si on nous ramène encore d'autres exigences, bien, on vient de creuser l'écart, là. Je pense que c'est un défi qu'il faut réaliser tout le monde ensemble. C'est bien qu'au niveau du Québec on se mette peut-être des règles, mais, en même temps, on a à faire face à la compétition de l'extérieur. Ça fait qu'il faut avoir une certaine cohérence là-dessus.

M. Lemay : Parfait. 30 secondes, hein?

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes.

M. Lemay : 30 secondes. Sur le Fonds vert, là, tantôt, vous avez parlé du courant triphasé, vous avez aussi un encadré sur la biomasse forestière qui pourrait vous aider. Est-ce que vous avez un petit court commentaire?

M. Bernier (Daniel) : En fait, ça aussi ça pourrait être super intéressant pour le chauffage. Il y a beaucoup d'énergies fossiles qui sont utilisées pour le chauffage des bâtiments d'élevage ou même pour l'évaporation en acériculture. Si on pouvait avoir des programmes qui facilitent, là, l'utilisation de la biomasse, là, on ferait des gains importants.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Bernier. M. le député de Masson, merci beaucoup. Merci, messieurs, de votre contribution à la commission. Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre au deuxième groupe de se présenter.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 12 h 6)

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Nous allons reprendre les travaux. Bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Madame monsieur, la parole est à vous.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Laplatte (Benjamin) : Eh bien, bonjour, et merci de nous recevoir. Alors, évidemment, je tiens à adresser, au nom du Conseil du patronat et de ses membres, nos remerciements à vous, M. le Président, M. le ministre et les parlementaires, pour cette invitation. Je suis Benjamin Laplatte, directeur principal aux Affaires publiques du Conseil du patronat, que je vais qualifier de CPQ pour la suite de l'exposé. Et je serai accompagné d'Audrey Azoulay, économiste, qui a travaillé avec nous sur notre mémoire.

Un petit rappel. Créé il y a bientôt 50 ans, le CPQ est une confédération d'associations sectorielles, à ce titre, qui représentent directement ou indirectement près de 75 000 employeurs au Québec, et ce, c'est important de le rappeler, dans les secteurs aussi bien privé que public et parapublic. Et, à ce titre-là, le CPQ représente différents secteurs d'activité. En fait, très peu de secteurs d'activité économique au Québec qui ne sont pas membres chez nous.

Le CPQ a décidé, il y a quelques années, de s'engager dans un dialogue sain et constructif avec plusieurs groupes issus de la société civile, et notamment environnementaux, c'est important de le préciser, particulièrement dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. C'est pourquoi, et nous le rappelons régulièrement sur plusieurs tribunes, le CPQ s'appuie depuis plusieurs années sur les compétences spécifiques du Conseil patronal en environnement du Québec, qu'il a contribué d'ailleurs à mettre au monde. Il prend également activement part au sein des discussions de Switch, L'Alliance pour une économie verte, au Québec. Il a également contribué très étroitement avec plusieurs groupes, au cours des deux dernières années, sur des réflexions concrètes, là, concernant le rôle de l'écofiscalité et la reconnaissance du principe du pollueur-payeur, d'ailleurs, en conséquence, avec le principe d'utilisateur-payeur, qu'on peut prôner sur d'autres tribunes, mais également des études sur l'importance d'oeuvrer à une transition énergétique dans le transport des personnes et des biens, notamment en vue d'optimiser nos plateformes logistiques. Et le CPQ continuera de réfléchir de manière proactive aux déterminants d'une économie durable et d'une prospérité par tous, pour tous et avec tous. C'est d'ailleurs la signature de la campagne Prospérité.Québec que le CPQ a initiée il y a maintenant deux ans.

Un préambule pour vous dire que l'ambition que l'on nourrit ici est de faire en sorte que les entreprises soient reconnues comme faisant partie de la solution plutôt que du problème, comme on peut l'entendre encore trop souvent. Et c'est avec cette même philosophie qui nous anime aujourd'hui, et nous espérons qu'elle sera reconnue par cette commission. Donc, voilà pour les motivations à réagir à ce texte de loi.

J'irai dans un avant-propos pour dire que le CPQ soutient les orientations du p.l. n° 102. Il soutient la démarche du gouvernement pour une Loi sur la qualité de l'environnement modernisée et pleinement propice au développement durable. À ce titre, il faut souligner, et j'insiste là-dessus, le travail qu'a représenté l'écriture de cette pièce législative. Nous allons en discuter plus loin, mais on tient à souligner l'implication et le leadership dont a fait montre le ministre, depuis son plan vert, pour modifier toute une pièce législative qui est importante et qui sera elle-même suivie de plusieurs modifications réglementaires. Malgré l'ampleur du travail accompli, évidemment, il en reste encore à abattre, et on espère pouvoir le faire de façon constructive, sereine et ouverte avec vous.

• (12 h 10) •

Le CPQ a déposé un mémoire, dont les recommandations cherchent globalement à tendre vers un encadrement législatif et réglementaire qui vise trois objectifs principaux : le pragmatisme, avec des objectifs réalistes et des outils applicables concrètement; un projet de loi qui se veut compétitif, en prenant garde de ne pas pénaliser la trajectoire des entreprises en motivant l'investissement et la création de valeurs; et mobilisateur, car évidemment l'adhésion des entreprises visées, des promoteurs visés est un facteur de succès essentiels, et ce, en se prémunissant le plus possible contre une complexification des processus ou leur judiciarisation éventuelle.

Les commentaires généraux, à présent. On retient du projet de loi une simplification qui est évidente, mais certains éléments qui demeurent imprévisibles et sur lesquels on aura l'occasion d'échanger. Néanmoins, on reconnaît que le projet de loi permet une avancée très significative dans la simplification du fardeau réglementaire, et on a bien pris note que le ministre lui-même a réitéré cet engagement fort, lorsqu'il a dévoilé le projet de loi n° 102, en accompagnant ce projet de loi d'un certain nombre d'indicateurs de performance visant notamment le raccourcissement des délais et l'allégement du processus. Et c'est quelque chose qui rentre en pleine ligne avec la politique d'allégement réglementaire.

Évidemment, on est dans un terrain législatif. Il y a une écriture qui, des fois, peut paraître indigeste et peut laisser place à certaines interprétations ou perceptions, et c'est ce que nous allons tenter de clarifier avec vous aujourd'hui. Mais on a en face de nous un régime qui est globalement mieux structuré, en particulier grâce à une modulation des obligations en fonction du risque, que le CPQ juge pleinement judicieuse. Cependant, le nouveau régime d'autorisation environnementale présente également quelques défauts certainement perfectibles et qui vont vous occuper au cours des prochaines semaines, nous en sommes persuadés.

Revenons sur la modulation en fonction des risques. C'est une des grosses pièces de cet élément législatif. Plusieurs recommandations que nous vous formulerons plus tard, dans la période des questions, nous amènerons à dire que, par exemple, pour les risques notamment élevés, les préconsultations prévues pour l'élaboration des PEEIE se devront d'être efficaces et de rester informatives plutôt que prescriptives. Les conditions exceptionnelles qui permettront à un projet ou à un règlement d'être assujetti, par exemple, à la PEEIE doivent également être rapidement précisées, selon nous, et ce, pour bénéficier aux travaux qui vont suivre de cette commission, mais également pour pouvoir répondre à plusieurs préoccupations légitimes que pourrait avoir le milieu quant à l'application de cette loi. Le gouvernement doit, à ce titre, garantir un maximum de clarté sur ce qu'il entend par «étude complète».

On retient également certains éléments de bonification qui vous ont été présentés par d'autres groupes avant nous. Concernant la durée de validité des autorisations, par exemple, pour les projets industriels, on fait recommandation, une autre également, de la porter de cinq à 10 ans. Et on pourra revenir sur d'autres éléments de bonification, mais globalement — je vais vite — le CPQ est favorable à cette modulation, mais avec des modifications qui réduiront la stabilité réglementaire qu'on peut voir à ces endroits et qu'on juge qui pourrait présenter un risque défavorable aux investissements. Encore une fois, on va revenir sur l'importance de la prévisibilité de ce cadre législatif là.

Justement, à ce titre, on constate que certains pouvoirs discrétionnaires seront accordés au ministre. Le CPQ, à ce stade-ci, comprend tout à fait la volonté en arrière de cette intention qui est de se doter d'un cadre qui soit agile et flexible. Bien que souhaitable, évidemment, cette flexibilité mériterait d'être balisée par endroit, pour éviter de créer justement l'effet contraire de ce qui a été recherché, une imprévisibilité législative qui aurait, comme on le dit, un impact immédiat sur la stabilité juridique et l'efficacité intrinsèque de la loi dans son application. Donc, le CPQ demande d'ajuster certaines dispositions qui permettront de réduire ses sources d'imprévisibilité dans les travaux subséquents.

On doit vous faire montre, par contre, d'un certain inconfort par rapport à la divulgation d'informations confidentielles. Alors là, évidemment, on lève un «flag» orange, que d'autres ont pu faire avant nous, en ce qui concerne, bien, l'affirmation du caractère public de certaines informations environnementales. Évidemment, on ne saurait suffisamment rappeler l'importance de pouvoir préserver le secret industriel dans ce processus-là et de bien baliser la divulgation d'informations qui pourraient avoir un caractère confidentiel ou un caractère stratégique et qui pourraient placer une entreprise demanderesse d'une autorisation dans une situation complexe, y compris en regard de certains compétiteurs. Nous sommes persuadés que les parlementaires que vous êtes saisissent bien cette importance-là.

On va venir sur l'augmentation et l'ampleur de la LQE. On reconnaît dans le p.l. n° 102 la volonté d'augmenter l'ampleur de la loi, notamment avec l'autorégulation par la divulgation d'informations, des dispositions préliminaires favorisant l'inclusion des principes de développement durable, donc, ce qui occasionne évidemment un élargissement qui peut être intéressant en soi. Il y a l'article 20 qui peut soulever certaines questions, qui interpelle le ministre de la Santé. On retient, par contre, des évaluations environnementales stratégiques plus systématisées, peut-être mieux balisées dans leur mission et dans leur coexistence avec le Bureau d'audiences publiques. Évidemment, on retient le test climat, sur lequel je reviendrai une minute tout de suite.

Le Président (M. Iracà) : 45 secondes.

M. Laplatte (Benjamin) : Mais le CPQ veut attirer l'attention du ministère sur l'importance d'investir aussi dans le maintien du développement de ses ressources humaines. Parce qu'une des conditions de succès de la mise en oeuvre de cette stratégie sera de faire en sorte que les pratiques vont être harmonisées entre les directions générales et que les différentes compétences pourront consulter les unes entre les autres, et ce, peu importe où elles oeuvrent sur le territoire.

Enfin, on ne pourrait qu'encourager le ministère à inviter ses équipes à se rendre sur le terrain et se porter à la connaissance de la réalité qui va être vécue par les entreprises, et ce, dans une perspective d'amélioration continue.

Sur le test climat, je vous invite peut-être à nous poser des questions là-dessus, mais on a bien pris note des échanges qui ont eu lieu depuis mardi là-dessus, et je reviendrai peut-être ici pour répéter qu'on est conscients qu'il peut subsister, des fois, dans l'aridité des textes de loi, un écart entre l'intention de l'auteur et ce qu'on peut comprendre à la lecture du projet de loi.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Laplatte. Malheureusement, ça met fin à votre exposé. Vous n'avez plus de temps.

M. Laplatte (Benjamin) : C'est parfait.

Le Président (M. Iracà) : Vous pourrez vous reprendre lors des périodes d'échange. Et nous allons débuter avec une première période d'échange avec la partie gouvernementale, et je cède la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Justement, sur le test climat, vous écrivez dans votre mémoire, à la page 19 : «Le test-climat n'inclut aucune considération économique et s'écarte ainsi des principes du développement durable.» Le but du test climat... En tout cas, j'aimerais mieux comprendre cette affirmation-là, étant donné que le but du test climat, c'est, entre autres, d'identifier d'abord puis fouiller les questions soulevées par un projet en matière de lutte contre les changements climatiques. Il va y avoir des questions, nécessairement, qui vont se lier à l'économique; le choix de technologies, par exemple. Le but, justement, c'est d'alléger le processus.

On peut peut-être percevoir le contraire, mais notre prétention, c'est que, pour des projets majeurs, le fait de soulever en amont le plus tôt possible ces questions-là et peut-être même trouver des solutions auxquelles le gouvernement pourrait contribuer via le Fonds vert pour améliorer les choix technologiques du promoteur, bien, nous, on voit ça d'un angle économique aussi. Oui, il y a le but premier, qui est la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la cohérence de notre processus d'autorisation environnementale avec tout l'écosystème de mesures qu'on a mis en place en matière de lutte contre les changements climatiques, mais il y a également tout un pan, tout un volet de développement économique très important, c'est-à-dire toute, justement, cette transformation de l'économie québécoise vers une économie plus sobre en carbone. Ça, c'est des opportunités économiques.

Ça, il y a des études, là, de A à Z. Je reviens de Marrakech, de la COP22, on confirme de plus en plus le fait que la transition vers une économie plus sobre en carbone démontre des opportunités de développement économique importantes. Oui, il y a des types d'activité qui vont devoir être délaissés, mais en échange d'un plus grand éventail d'activités, des meilleurs emplois, de la recherche, des technologies propres. Bref, l'idée du test climat, c'est de venir justement approfondir ces enjeux-là. Alors, je me questionne sur votre affirmation que le test climat n'inclut aucune considération économique. Alors, j'aimerais mieux comprendre les bases de cette affirmation-là.

• (12 h 20) •

M. Laplatte (Benjamin) : Certainement. Je vais répondre à plusieurs niveaux. Évidemment, je l'ai dit à deux reprises en préambule, il y a l'aridité intrinsèque d'un texte de loi. Je vous dirai par contre que la réaction...

M. Heurtel : ...peut être amélioré, là, hein, c'est le but de l'échange, là.

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, et puis d'ailleurs on comprend que c'est pour ça qu'on est ici.

M. Heurtel : Oui.

M. Laplatte (Benjamin) : Et puis on comprend également qu'au stade où nous en sommes rendus du processus on va surtout discuter des grands principes et de l'esprit, puisqu'il y a plusieurs règlements qui vont devoir être mis à jour. Et on est très certains qu'il y aura place à l'amendement, peut-être pour alléger certaines écritures et éliminer des biais de perception. Parce que la façon dont vous venez d'expliquer le test climat et le rôle que pourrait venir y jouer le Fonds vert, on est ailleurs. Lorsqu'on lit le projet de loi, on constate que le test climat raisonne peut-être davantage comme un examen. Un test, c'est un examen. Un examen, bien, on le sait tous, on l'a vécu, prête en général à une sanction qui peut être positive ou négative, mais à une note de passage. Et, dans cette section-là, de surcroît, il est fait mention, à un moment donné, de la possibilité d'obliger, contraindre une entreprise vers un choix technologique.

Ce qu'on comprend de votre intention... Et je vous dirai que là ça nous amènerait sur une piste qui est intéressante. Si on approche le ministère de l'Environnement dans une perspective de service à la clientèle, et je m'explique, effectivement, c'est, à toutes fins pratiques, extrêmement souhaitable que, dans sa demande d'autorisation, un demandeur puisse bénéficier d'un conseil qui vise non pas à tester, examiner, comme on pourrait l'entendre, mais à orienter le demandeur dans son choix et où, effectivement, plutôt qu'une sanction de délivrance d'autorisation de certificat, le demandeur puisse se voir bénéficier une orientation dans les programmes qui sont ouverts puis qui mériteraient d'être davantage utilisés, qui sont financés par le Fonds vert.

D'ailleurs, là-dessus, deuxième niveau de réponse, pour nous, c'est important, et on l'a dit d'ailleurs dans l'étude du projet de loi n° 106 consacrant la mise en place de Transition énergétique Québec, pour nous, il est vital pour le Québec, afin qu'il puisse se doter des ambitions légitimes à ses objectifs, que le Fonds vert et Transition énergétique puissent travailler de manière très, très ténue. Et, si on réunit ces ingrédients-là, bien, peut-être que la réalité terrain sera plus proche de la vision que vous venez d'exprimer. Donc, il y a certainement peut-être une place pour une écriture un peu plus légère ou qui rendrait davantage justice à cette vision service à la clientèle que vous venez d'exposer.

M. Heurtel : Je crois qu'on n'est pas loin, parce que...

M. Laplatte (Benjamin) : On s'approche.

M. Heurtel : Oui. C'est parce que l'idée... On ne peut pas nier le fait qu'on ait des cibles de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Ces cibles-là sont adoptées en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, ce sont des décrets du Conseil des ministres qui les établissent. Et on a depuis... bon, on a mis en place... on est à notre deuxième plan d'action sur les changements climatiques, plan d'action électrification des transports, Politique énergétique, stratégie gouvernementale développement durable, bref, un écosystème de mesures pour lutter contre les changements climatiques. Vos membres y souscrivent, je veux dire, le Conseil du patronat et vos membres, vous êtes membres de L'Alliance Switch, entre autres, vous travaillez avec les groupes environnementaux, d'autres acteurs économiques en matière de lutte contre les changements climatiques.

Le point du test climat, c'est qu'on s'assure, quand il y a un projet majeur, qu'on puisse faire tout ce qui est possible pour assurer une cohérence avec l'ensemble de nos éléments puis nos obligations ultimes d'atteindre nos cibles. Alors, on ne veut pas... Ce n'est pas de dire... Il n'y a rien dans le projet de loi qui est : Ça passe ou ça casse. Il n'y a rien dans le projet de loi... C'est de forcer l'évaluation à la lumière de tout ce qu'on a établi et ce qui sera établi à l'avenir, parce qu'il va y avoir d'autres mesures, plus on avance dans ce combat-là, de s'assurer qu'il y a une cohérence. Et, si le projet doit évoluer, doit changer, tout comme, dans des certificats d'autorisation, il y a des conditions, à l'heure actuelle, qui affectent les projets, bien, s'il y a des conditions au niveau économique, bien, justement on s'est donné un outil, grâce au marché du carbone, qui est le Fonds vert, pour contribuer, pour aider l'entreprise à adopter les meilleures technologies.

Alors, c'est vraiment plus un échange, moins une question, là, mais je tenais quand même à préciser ça, parce qu'on a eu beaucoup de commentaires sur le test climat. Puis, en même temps, il mérite certainement une réflexion sur comment on peut peut-être le clarifier, parce qu'il y a plusieurs personnes, plusieurs groupes ont soulevé des questions intéressantes. Mais, en même temps, je tenais à quand même, peut-être, vous rassurer sur son objectif.

M. Laplatte (Benjamin) : Si vous me permettez une réponse. Bon, de un, il faut continuer de consacrer nos efforts, nos énergies au choix que le Québec a fait de se doter du SPEDE et du marché du carbone. Le piège dans lequel il ne faudrait pas tomber, c'est qu'un test climat devienne une espèce de cheminement réglementaire parallèle qui...

M. Heurtel : On est d'accord.

M. Laplatte (Benjamin) : Bon, je pense qu'on s'est compris là-dessus. Et, pour éliminer toute confusion, il y aurait peut-être lieu de réexaminer le projet de loi et peut-être d'y éliminer les éléments qui ont une connotation ou un caractère un peu trop prescriptif. C'est la piste sur laquelle je vous amène.

M. Heurtel : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole au député de Maskinongé, qui a quelques questions pour vous.

M. Plante : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Donc, madame, monsieur, bienvenue. Écoutez, on a bien écouté vos propos, et j'ai bien aimé l'échange que vous avez eu précédemment avec le ministre, là, je trouvais ça important de clarifier. J'ai quelques points, à la lecture de votre mémoire, à peut-être clarifier, où j'aimerais vous entendre plus en détail. Si je regarde à la page 14, vous faites ressortir deux points, le deuxième point étant «l'augmentation des plateformes de consultations et [des] risques de délais engendrés par [des contestations systémiques] et une acceptabilité sociale mal engagée». J'aurais besoin, si possible, d'une certaine définition ou d'une explication de cette expression-là. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire par «acceptabilité sociale mal engagée», j'ai une petite difficulté, là.

M. Laplatte (Benjamin) : On va tenter de s'expliquer, parce que c'est un commentaire qui est fondé aussi sur une base empirique de l'expérience vécue par certaines entreprises, certains promoteurs, particulièrement au sein du BAPE, par exemple.

Il est important de considérer, dans l'évaluation de tout projet, sa raison d'être économique. Le projet de loi est intéressant dans le balisage qu'il fait des rôles respectifs et de l'évaluation environnementale stratégique, pour améliorer la connaissance et de renforcer le rôle du Bureau d'audiences publiques en environnement dans ce qu'il sait faire et fait le mieux. Néanmoins, et on l'a répété sur différentes tribunes, on n'est pas toujours, là, dans des environnements où on fait le débat autour de l'acceptabilité sociale d'un projet, on n'est pas toujours là dans un climat qui se prête à une évaluation sereine et objective de l'opportunité économique de ce projet-là.

D'ailleurs, j'imagine que c'est aussi l'intention, de se doter, à travers la mise en oeuvre du projet de loi n° 102, là, de processus peut-être autres que le BAPE ou l'évaluation environnementale stratégique pour recourir peut-être plus rapidement à de la médiation sur le terrain. C'est peut-être là aussi l'intention qu'on lit que de favoriser un meilleur climat d'acceptabilité sociale. Il reste que l'acceptabilité sociale, puis on l'a dit notamment en réaction au livre vert du MERN sur le sujet, c'est quelque chose de fondamental à discuter, et le plus rapidement possible, parce que ça vient orienter drastiquement des décisions de gestion pour un promoteur. Par contre, il est important que, dans tous ces processus qui visent à organiser ou favoriser la recherche de l'acceptabilité sociale et surtout la recherche de compromis, qu'on ne perde pas de vue en tout temps l'importance de pouvoir sous-peser de manière objective et rigoureuse l'opportunité économique qui est assortie à chacun des projets.

En résumé, ce qu'on dit, c'est qu'empiriquement le Québec s'est doté d'outils intéressants, d'ailleurs, qui sont des exemples pour d'autres juridictions à travers le monde. Par contre, ces outils-là ont tellement de succès, font l'objet de tellement de popularité qu'à un moment donné il devient peut-être un peu difficile pour le gestionnaire ou le décideur de sous-peser tous les avantages et inconvénients d'ordre pas uniquement environnementaux, mais également sociaux, et surtout économiques dans le cas dont on discute ici.

M. Plante : Parfait, merci. Je crois que j'ai mon collègue d'Abitibi qui avait une question.

Le Président (M. Iracà) : Alors, ça fait le tour, M. le député de Maskinongé? Alors, M. le député d'Abitibi-Est, la parole est à vous.

M. Bourgeois : Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue. Dans les recommandations que vous nous adressez, il y a deux sections qui m'interpellent plus particulièrement. J'aimerais mieux connaître... Vous demandez, à la 23e recommandation, d'imposer des compétences de haut calibre en investissement stratégique aux membres du conseil de gestion du Fonds vert. Vous traduisez ça comment, comme exigence? J'aimerais mieux voir le profil.

• (12 h 30) •

M. Laplatte (Benjamin) : Compte tenu de toutes les discussions qui ont eu lieu depuis le début de la commission sur le n° 102, et il y en aura d'autres, on comprend toute l'importance que revêt le Fonds vert dans les ambitions que nourrit le gouvernement. C'est un fonds de financement éminemment stratégique pour accompagner notre tissu industriel et nos entreprises dans la transition énergétique et vers la réduction de leur empreinte carbone, sans sacrifier, et c'est important de le dire et de le rappeler, leur compétitivité pour faire en sorte qu'elles demeurent concurrentielles en regard d'autres juridictions.

À ce titre-là, c'est certain que, dans l'opportunité qui nous est donnée de discuter de la gouvernance et de l'organisation du Fonds vert, je pense que c'est légitime de rapporter combien il serait important que le comité de gestion du Fonds vert puisse être doté de personnalités qui ont la compétence et l'expérience du financement, de la levée de projets, de la maturation et de la création d'entreprises — j'aurais dû dire : Création d'entreprises et leur maturation, mais je pense qu'on s'est compris — et d'autres enjeux qui peuvent être périphériques. Parce que, si on considère véritablement le Fonds vert comme un fonds de financement stratégique pour accompagner la transition qu'on espère pour le Québec, bien, c'est minimalement les compétences requises pour pouvoir opérer ce fonds-là de façon efficiente.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste moins d'une minute, monsieur le député.

M. Bourgeois : Rapidement, également au niveau des recommandations, au niveau de l'utilisation optimale du Fonds vert, vous nous parlez, entre autres, d'un portefeuille technologique transversal, donc de favoriser cette façon-là de faire. Avez-vous un exemple à nous proposer qui pourrait nous permettre d'imager un peu plus ce que vous souhaitez?

M. Laplatte (Benjamin) : Bien, écoutez, là, quand on pense au Fonds vert, évidemment on pense aux technologies propres, puis à un levier financier qui va permettre à des entreprises qui sont soucieuses ou contraintes d'améliorer leur performance environnementale d'aller se doter de ces technologies. Cela dit, il faut toujours tenir compte du niveau de maturité de ces technologies. C'est comme d'avoir raison trop tôt; c'est le syndrome de Galilée. Et, à ce moment-là, c'est important que le Fonds vert puisse aussi servir à développer ces filières-là.

Vous me demandez un exemple; il y a certainement des exemples qui seraient hautement profitables à des secteurs plus traditionnels dont on veut accompagner la transition. Puis ça, c'est important de s'en soucier, parce que les technologies propres, ce n'est pas juste une fin en soi, c'est aussi un moyen de permettre à des secteurs plus traditionnels de muter, en quelque sorte, et de s'adapter. Mais un exemple qu'on nous a donné parmi nos membres, par exemple, là, puis on s'approche un peu de l'univers des matières résiduelles...

Le Président (M. Iracà) : En 20 secondes, M. Laplatte.

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, bien, c'est ça, mais c'est de s'intéresser à l'économie circulaire, puis spécifiquement comment le Fonds vert peut contribuer à qualifier toutes les opportunités liées à l'économie circulaire sur le plan de l'innovation, du soutien à la commercialisation de ces innovations, découvrir de nouveaux terrains d'application au niveau des produits, des matériaux, etc.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Laplatte. Alors, ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec l'opposition officielle. Et je cède immédiatement la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Bienvenue, M. Laplatte, Mme Azoulay. Merci beaucoup de votre présence ici. Toujours intéressant de recevoir le Conseil du patronat et de pouvoir échanger avec vous.

Je voudrais revenir sur la question du test climat. Vous avez eu un échange avec le ministre. Si on le prenait sous un autre angle... parce qu'au fond ce qui compte, c'est d'être capables d'atteindre des cibles qui ont été fixées par le gouvernement en termes de réduction des gaz à effet de serre, des cibles qui sont, bien sûr, québécoises, mais qui sont aussi même internationales.

Et je constate qu'effectivement le Conseil du patronat est favorable à ça. Vous faites partie effectivement d'alliances aussi, comme Switch et autres.

On a eu l'occasion d'en discuter avec d'autres groupes précédemment. Que diriez-vous d'inclure, dans une législation, ces cibles-là, donc que les cibles soient légalisées, d'une certaine manière, pas juste une orientation politique qui pourrait être fragile au gré des changements de gouvernement, mais de les inclure dans une loi?

M. Laplatte (Benjamin) : Bien, la question est intéressante. Évidemment, on s'est prêté collectivement, au Québec, à cet exercice pour l'Horizon 2020, donc, la question peut légitimement être posée pour ce qui est des cibles 2030. Mais ça va m'amener à un commentaire et je vais réagir sur quelque chose que vous avez dit à l'égard de ces fameuses cibles. Il faut quand même réaliser qu'au Québec — et on ne le dit pas assez souvent — les entreprises ont quand même réduit leurs niveaux de 22 % par rapport à 1990, tandis qu'on voit que le transport, lui, a cru ses émissions de presque 25 % depuis 1990. Donc, quand on parle des cibles, il faut aussi mesurer à quoi on s'attaque. Et là, c'est certain qu'on est dans le contexte de l'examen du projet de loi n° 102, où, évidemment, on s'intéresse essentiellement au périmètre législatif qui encadre l'activité des entreprises. Il ne faudrait pas oublier, parallèlement à cela, qu'on a toute une job qui nous attend au Québec dans les secteurs de transport parce qu'actuellement c'est peut-être un peu triste à dire, mais ce sont les entreprises qui... toutes choses étant égales par ailleurs, bien sûr, là, mais qu'on pense quand même en partie substantielles, là, pour les émissions dans le secteur de transport.

Alors, pour répondre directement à votre question, d'enchâsser les cibles 2030 dans un exercice législatif, c'est quelque chose qui va mériter une réflexion de notre côté avec nos membres, mais pour rebondir sur la fameuse question des cibles, le milieu des affaires au Québec est déjà pleinement engagé dans cet effort collectif de réduction des GES puis c'est le choix qu'on a fait avec le marché du carbone puis le SPEDE. Les entreprises ont déjà réalisé plusieurs efforts puis, je l'ai démontré, elles continueront de le faire, mais elles ne pourront pas continuer de le faire dans les mêmes proportions nécessairement que ce qu'on a connu dans les dernières années. Et ça, il faut le réaliser parce qu'il n'y a pas de régression linéaire, là, entre le niveau d'investissement puis ce qu'on va chercher comme gains en termes de GES. À un moment donné, la technologie nous amène toujours à devoir négocier un plateau. Donc, il va falloir s'intéresser à d'autres secteurs que celui des entreprises.

M. Gaudreault : Vous avez raison que les gros efforts à faire sont du côté du transport puis il faut vraiment changer les pratiques là-dessus puis les manières de faire.

Maintenant, je voudrais vous entendre davantage sur le Fonds vert parce que vous avez dit dans votre... je ne me souviens plus si c'est dans la présentation ou en répondant à une question à un collègue, vous avez parlé d'une relation ténue, plus ténue entre le Fonds vert et Transition énergétique Québec, qui est créé en vertu du projet de loi n° 106 qui est présentement à l'étude, et vous faites, dans votre recommandation 24, deuxième sous-point, là, à la page 24, justement... vous dites : «Privilégier également les programmes d'efficacité et de transition énergétique incitant positivement les comportements des consommateurs particuliers.» Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ce que vos pensées vraiment ou réellement, ou en... complètement, là, sur cette relation entre le Fonds vert et Transition énergétique Québec. Je voudrais savoir exactement ce que vous pensez.

M. Laplatte (Benjamin) : On se souviendra que Transition énergétique Québec aura pour mission de coordonner plusieurs programmes destinés aux différentes clientèles touchées en termes d'efficacité énergétique. Pour nous, il y a un lien évident à faire entre efficacité énergétique, réduction de la consommation énergie et, en bout de ligne, réduction des GES, puis ce, probablement pour la majeure partie des initiatives qui seraient visées par Transition énergétique Québec. C'est un gain à la marge. C'est un double dividende que la société québécoise va aller chercher et c'est pour cette raison qu'on espère, et véritablement, que le Fonds vert va pouvoir servir de source de financement stable, prévisible et suffisante pour nourrir toutes les ambitions qu'on a avec Transition énergétique Québec. C'est aussi simple que ça.

M. Gaudreault : Mais est-ce que vous croyez que ce qui est prévu dans projet de loi n° 102, que nous étudions présentement, va permettre ça? Considérant que c'est quand même... Est-ce qu'il va y avoir un aller-retour dans le conseil, le comité de gestion que propose le ministre dans le projet de loi n° 102 et Transition énergétique Québec, qui sera une autre instance, qui va quand même proposer aussi des programmes, comme vous le dites, en réduction de la consommation énergétique?

• (12 h 40) •

M. Laplatte (Benjamin) : Vous allez me ramener sur un commentaire qu'on a déjà formulé dans l'étude du projet de loi n° 106. Si on veut que le Québec réussisse, et si les gouvernements qui vont se succéder dans le futur puissent faire état d'un bilan avantageux à exposer à la face du reste du monde, bien, il faudrait peut-être éviter de faire en sorte que le Fonds vert et TEQ deviennent une espèce d'organisme à deux têtes. Il y a peut-être là un risque dont il faut se prévaloir.

Et ce qu'on espère sincèrement, en faisant ce commentaire-là, là, c'est que ce commentaire soit pris autant par le gouvernement que par les partis d'opposition pour la simple raison qu'on va vivre longtemps avec ces outils-là et qu'il s'agit de leviers, d'outils extrêmement importants pour la prospérité du Québec au cours des prochaines années, et particulièrement la capacité d'adaptation de notre tissu industriel.

M. Gaudreault : Oui, je suis entièrement d'accord avec vous. C'est pour ça d'ailleurs que je vous pose cette question, parce que j'espère qu'on va faire une législation. Le projet de loi qu'on est en train d'étudier vise à modifier une loi qui a 44 ans d'âge. Alors, ça montre qu'on la modifie rarement de façon aussi importante, alors, c'est pour ça : raison de plus pour laquelle on doit travailler correctement dès maintenant.

M. Laplatte (Benjamin) : ...à bien faire les choses. Exactement. Mais c'est dans l'intérêt collectif.

M. Gaudreault : C'est ça. Il me reste combien de temps?

Une voix : ...

M. Gaudreault : Il nous reste deux minutes? O.K. Deux minutes pour discuter du pouvoir discrétionnaire qui est accordé au ministre. Je veux voir comment vous vous situez par rapport à ça, notamment sur la question de l'article 24 du projet de loi, où on peut même constater un genre de déresponsabilisation du ministre parce qu'au lieu d'avoir une obligation de prendre en considération une série d'éléments environnementaux pour l'analyse des impacts en environnement, il est mentionné nommément que le ministre prend «notamment» en compte lesdits éléments.

Alors, comment vous voyez ça du côté du Conseil du patronat et du côté aussi... on pourrait nommer d'autres articles qui donnent un pouvoir discrétionnaire plus large au ministre?

M. Laplatte (Benjamin) : Le pouvoir discrétionnaire est toujours à double tranchant. C'est susceptible de revenir dans la face du titulaire de charge autant du côté du demandeur d'autorisation que du côté du grand public s'il y a un enjeu d'acceptabilité sociale.

Donc, c'est certain que, pour nous, puis on ne répétera pas nécessairement tout ce qui a été dit par d'autres, qui sont d'ailleurs des membres également du CPQ, pour certains d'entre eux. Il y a plusieurs endroits où on ramène un pouvoir discrétionnaire qui va mériter d'être balisé. Ça, c'est certain. On n'a pas, à ce stade-ci, tous les éléments de réponse sur les meilleures balises à mettre en place, mais on est certains que, pour des questions de prévisibilité, autant que pour des questions de robustesse législative, si on ne veut pas en venir à une surjudiciarisation un peu plus tard à cause de trous discrétionnaires en pensant bien faire, on pense qu'il va falloir se doter de certaines balises, là, pour encadrer ces pouvoirs décisionnels là.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Laplatte, M. le député de Jonquière. Ceci met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons débuter la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson, la parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici avec nous en commission. Vous savez, le projet de loi introduit la notion de modulation de risques, là, avec les risques élevés, modérés, faibles et négligeables. Et puis vous avez pris, à partir de la page 8, là... vous en parlez largement, là, de qu'est-ce que qu'il peut se passer puis vous craignez qu'il pourrait y avoir une surenchère dans l'évaluation des risques. Je ne sais si vous désirez en parler un peu plus de ça, parce que, dans le fond, on n'a pas encore les intentions de règlements du ministre. Donc, vous voyez ici une crainte de surenchère dans l'évaluation des risques, là. J'aimerais avoir plus de commentaires, s'il vous plaît.

M. Laplatte (Benjamin) : Évidemment, puis la crainte est légitimement fondée par l'absence, actuellement, de certaines informations du cadre qui va permettre de déterminer de ces listes ou qui va permettre de déterminer, au meilleur de la connaissance scientifique, quels sont les projets qui vont mériter — mériter ou démériter, malheureusement, là, excusez le jeu de mots, là — de se retrouver dans la catégorie des risques modérés ou élevés. Donc, c'est certain que, de un, je pense que, pour le bénéfice de tout le monde, on va gagner à avoir ces projets de réglementations là plus tôt que tard afin de pouvoir les examiner.

Cela étant dit, c'est certain qu'on peut voir évidemment, là, un risque ascenseur qu'un projet se voit glisser dans une catégorie à risques plus élevés. Ça semble être moins le cas à l'inverse. Il faudrait que le projet de loi, dans son écriture, puisse quand même minimalement tenir compte du fait que, bien, justement parce qu'on veut favoriser l'amélioration continue de la performance environnementale des entreprises, qu'à un moment donné un demandeur d'autorisation puisse, pour un projet donné, se voir aussi bénéficier, là, d'un reclassement, le cas échéant. Donc, il ne faudrait pas juste voir la chose comme un ascenseur vers le haut, mais faire en sorte que l'ascenseur puisse redescendre, en des termes un peu imagés. Et puis le Conseil patronal de l'environnement vous avait envoyé sur une bonne piste, là-dessus, soit dit en passant, là, c'était aussi de pouvoir consacrer... sans dire qu'il s'agirait d'une cinquième catégorie de projets, là, mais de pouvoir reconnaître les effets positifs aussi de certains projets sur l'environnement.

M. Lemay : Ah, mais très bien, dans le fond, un peu ce qu'on appelait, lors de l'étude du livre vert, le «fast track» pour les projets ayant un effet positif sur l'environnement. Vous êtes favorables à cette mesure-là.

M. Laplatte (Benjamin) : Définitivement.

M. Lemay : Parfait, merci. Je vais vous amener à la page 17 de votre mémoire, quand on parle de l'article 22 de la LQE. Dans le fond, vous avez des préoccupations en ce qui concerne les investissements des entreprises, particulièrement les investissements industriels, puis vous souhaitez «que l'assujettissement de ces activités permette une application qui soit conforme au maintien de la compétitivité des entreprises concernées». Puis moi, ce qui m'a intrigué, c'est que vous dites... bien, en fait, c'est mentionné dans l'article «que toute augmentation de la production doit faire l'objet d'une autorisation». Ça semble lourd, comme conséquence, ça, comme réglementation. Est-ce que vous pouvez me donner plus de détails?

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, effectivement, ça semble lourd et ça peut l'être, effectivement, sur le terrain. On parle de certaines industries qui, dans des cas, là, raisonnent leurs stratégies d'investissement, là, sur plusieurs années, des fois 10, même 20 ans. Donc, de repasser à travers tout un processus fastidieux pour agrandir une unité de production, peut-être qu'on va un petit peu loin, là. Et puis, dans certains cas, là, il faut aussi réaliser qu'augmentation de production ne signifie pas nécessairement augmentation de la pollution. Il n'y a pas un rapport d'élasticité directe, là, mur à mur. Donc, là encore, il y a peut-être un écueil dans le projet de loi, là, qu'il conviendrait d'améliorer.

M. Lemay : Donc, assurément un amendement sur cette portion-là.

M. Laplatte (Benjamin) : Fort probablement.

M. Lemay : Parfait. Si on va à la page 19 de votre mémoire, quand vous parlez des instruments économiques de la LQE qui doivent être augmentés, dans le fond, vous mentionnez que vous souhaitez que l'application de cette disposition ne soit pas trop rarement appliquée, comme si, dans le fond, quand on veut des projets qui auraient des nouvelles technologies innovantes pour l'environnement — on en a parlé tout à l'heure un peu dans ma première question — bien là, ici, vous mentionnez que vous voudriez avoir des balises un peu plus claires pour savoir quels projets pourraient pouvoir bénéficier d'une... si on veut, d'être facilités, là, on en a parlé tout à l'heure un peu.

Moi, ma question, c'est : Comment on pourrait faire la mécanique pour s'assurer que les projets qui ont des caractères innovants pour l'environnement puissent justement être facilités puis passer plus vite au niveau des certificats d'autorisation? Est-ce qu'il y aurait une mécanique spéciale à prévoir?

Une voix : ...

Mme Azoulay (Audrey) : Écoutez, très brièvement, il s'agit de faciliter la vie des entreprises lorsqu'elles veulent investir, alors il y a toutes sortes de cas, là. Le vrai enjeu, je crois, c'est que la capacité des agents du ministère à vraiment évaluer l'innovation, parfois, elle paraît anodine, mais elle peut être majeure, alors c'est cette sensibilité-là qu'il faut saisir, je pense, le principal enjeu.

M. Lemay : Vous voulez rajouter?

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, certainement, et puis je le mentionnais en fin d'introduction, là, et c'est vraiment important, dans la mise en application de ce projet de loi, d'investir dans la compétence des équipes qui sont chargées d'évaluer les demandes d'autorisation. Et ça, c'est un élément de réponse à votre question. C'est que, si on veut pouvoir faire en sorte qu'on ait une fonction publique qui est efficace, il faut l'outiller, et il faut que ces personnes-là soient capables d'apprécier, à un moment donné, le niveau de conformité technologique, mais, aussi, pas juste le risque avéré, l'impact aussi, avéré, d'un choix technologique au détriment d'un autre pour pouvoir bénéficier à un projet d'être mis sur le «fast track», comme vous le disiez.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Masson. Merci, madame, messieurs, pour votre contribution.

Je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 50)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Iracà) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. S'il vous plaît, éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert.

Alors, nous poursuivons notre merveilleuse consultation. Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le Comité consultatif de l'environnement Kativik, le Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James et l'Alliance Transit.

Je souhaite donc la bienvenue au premier groupe, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, madame monsieur, la parole est à vous.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Bonjour. Merci, M. le Président. Alors, je suis Martine Hébert, vice-présidente principale à la FCEI. Je suis accompagnée par M. Bruno Leblanc, qui est notre directeur pour le Québec des affaires législatives.

Alors, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier sincèrement de cette invitation à discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi n° 102 sur l'environnement. Comme vous le savez, la FCEI est le plus important regroupement de PME au Québec et au Canada. Nos petites et moyennes entreprises oeuvrent dans tous les secteurs de l'économie au Québec. Ainsi, bon nombre d'entre elles doivent composer avec les exigences de la Loi sur la qualité de l'environnement, et autres, et notamment aussi avec le régime d'autorisation environnementale qui a été mis en place au fil des décennies. On a donc pris connaissance, vous le comprendrez, avec grand intérêt du projet de loi n° 102, dont nous avons d'ailleurs salué le dépôt. Et j'en profite, M. le Président, pour saluer aussi le leadership du ministre dans cet important dossier et complexe dossier pour lequel une modernisation était attendue, là, depuis bientôt à peu près 40 ans, hein, qui date d'à peu près 40 ans.

Donc, d'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais souligner que la FCEI adhère totalement à la nécessité de protéger l'environnement. Nos entrepreneurs sont évidemment bien conscients de son importance et comprennent bien que le contexte moderne des affaires doit s'y attarder. Cependant, pour la FCEI, il y aura toujours un risque que les nobles objectifs de l'État en matière de protection de l'environnement se transforment sur le terrain en cauchemar réglementaire et administratif, ce qui représenterait une entrave non seulement à la création de richesse collective, mais aussi un obstacle important à l'observance et à la portée optimale des lois et des règlements. Évidemment, ce n'est pas le cas dans le projet de loi qui nous occupe, et je comprends bien aussi que ce n'est pas l'intention du ministre de faire cela parce que j'ai entendu... on a écouté un petit peu, là, les autres audiences, mais malheureusement, M. le Président, je vous dirais que les ministres se succèdent souvent, mais parfois ne se ressemblent pas, et par contre les écrits restent, par contre les écrits restent. Alors, c'est un petit peu pour ça qu'il y a certaines préoccupations, dont nous avons discuté dans notre mémoire, sur lesquelles j'aimerais revenir, M. le Président, avec les membres de la commission aujourd'hui.

À la lumière des détails du projet de loi, force est de constater que le remaniement du régime d'autorisation environnementale, entre autres, et le dépoussiérage général que supposent plusieurs dispositions du projet de loi sont de bon augure, mais annoncent aussi la possibilité que le ministre ou le gouvernement doive, au cours des prochaines années, préciser le mode d'intervention de plusieurs mesures par la voie réglementaire. En outre, il y est du même souffle envisagé de réduire la période de consultations avant l'adoption de certains règlements, en plus d'octroyer des pouvoirs discrétionnaires au ministre, qui, à première vue, nonobstant les intentions que le ministre a précisées, nous semblent, en tout cas à l'écrit, très peu balisés. Une telle approche nous laisse un petit peu perplexes, et on ne voudrait pas, dans le fond, qu'on vienne défaire de la main droite que l'on tente de faire de la main gauche en termes de simplification, de clarté et de prévisibilité en ne clarifiant pas certaines dispositions du projet de loi à cet égard-là.

C'est pourquoi la FCEI considère, contrairement à l'approche préconisée dans le projet de loi n° 102, que la perspective d'une activité réglementaire plus importante en aval de son adoption ainsi que les pouvoirs discrétionnaires conférés au ministre commandent l'expansion de consultations étendues du gouvernement et non pas la suppression de dispositions qui favorisent ces consultations étendues. On pense aussi qu'il y a certaines dispositions du projet de loi qui commandent un certain balisage des pouvoirs pour éviter des dérapages dans le futur. Cela s'inscrirait d'ailleurs en lien avec les principes de développement durable et les objectifs du gouvernement en matière d'allègement administratif et réglementaire en plus d'ajouter à l'objectif visé en matière de prévisibilité et de clarté. Nous souhaitons donc, M. le Président, que le législateur puisse réviser les dispositions concernées afin de les baliser davantage.

Quelques mots maintenant sur l'application du développement durable et sur le nécessaire rééquilibrage entre ces trois piliers. M. le Président, rappelons-le, dans son préambule, le projet de loi prévoit, et je cite, qu'il vise à «établir dans la Loi sur la qualité de l'environnement un processus d'évaluation environnementale stratégique, lequel vise à favoriser une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ainsi que des principes de développement durable lors de l'élaboration des stratégies, plans et programmes des ministères et organismes gouvernementaux». Or, M. le Président, si l'objectif du gouvernement est de doter le Québec d'une économie durable, nous, on pense qu'il est impératif qu'un rééquilibrage se produise entre les trois piliers du développement durable que sont le social, l'environnemental et l'économique dans l'appréciation et l'évaluation des projets au Québec.

Il apparaît donc à la FCEI que, dans bien des cas, le corpus réglementaire en matière de protection de l'environnement, ou encore les analyses qui en découlent, infère un biais souvent en défaveur du pilier économique du développement durable. La FCEI estime donc que le législateur devrait soigneusement faire en sorte de préserver, voire rétablir l'équilibre entre ces trois piliers lorsqu'il légifère, et on souhaiterait qu'il saisisse l'occasion que ce projet de loi offre pour ce faire. En ce sens, on pense que cela devrait se retrouver, sans équivoque, inscrit non seulement dans la procédure de sélection des membres du BAPE, mais également dans sa mission et dans ses actions. En fait, la FCEI préconise même de transformer le BAPE, où on retrouve le mot «environnement», plutôt en un BAPDD, qui serait le Bureau d'audiences publiques sur le développement durable. Bref, une espèce de BAPE transgenre, finalement.

Actuellement, l'horizon disciplinaire duquel proviennent aussi les membres du BAPE est davantage lié au prisme à travers lequel ces mêmes membres analysent les questions qui leur sont soumises. Il est donc primordial que non seulement le BAPE étende son expertise, mais aussi que ses membres soient issus à parts égales de tous les piliers du développement durable.

Je m'excuse, j'ai un petit rhume, alors je vais devoir faire une petite pause de temps en temps.

Le Président (M. Iracà) : Prenez votre temps, mais il vous reste quatre minutes.

• (15 h 10) •

Mme Hébert (Martine) : Parfait. Concernant la sélection des membres du BAPE, la FCEI estime que, dans le but de garantir le maximum d'expertises à cet égard-là, l'obligation d'adopter une procédure de sélection devrait être inscrite directement dans le dispositif de la loi.

Dans un deuxième temps, l'article 8 du projet de loi n° 102 prévoit la possibilité qu'un comité de sélection soit formé. Nous, on souhaiterait que ce ne soit pas une possibilité, mais bien une obligation. On souhaiterait également que le comité soit composé de membres référés notamment par des organismes représentatifs des groupes oeuvrant dans les trois piliers du développement durable, et nous préconisons que, pour le volet économique, des associations d'entreprises représentatives et en développement économique soient désignées à cet effet.

Finalement, la FCEI s'explique mal pourquoi le législateur, par le truchement de l'article 13 du projet de loi n° 102, soustrairait le BAPE à la production d'un rapport sur ses activités financières et au dépôt de ce dernier à l'Assemblée nationale. On estime qu'en cette ère de transparence le gouvernement devrait plutôt renforcer cette responsabilité-là et s'assurer de la bonne gestion des affaires financières de cet organisme-là comme de n'importe quel autre organisme. Il nous apparaît donc inopportun de réduire le contrôle gouvernemental des activités de gestion du BAPE.

Parlant de transparence et de gouvernance, M. le Président, passons maintenant au Fonds vert. Il y a plusieurs éléments du projet de loi qui sont vus positivement. Ça fait longtemps que beaucoup de gens réclament une meilleure gouvernance pour le Fonds vert. Donc, on estime toutefois qu'il est essentiel que le Fonds vert participe à des projets qui vont favoriser le développement durable, et ce, en recourant, encore une fois, à ces trois piliers : environnement, économie et social. On estime donc que la gouvernance du Fonds vert devrait être ajoutée de manière à ce que les trois piliers du développement durable y soient traités sur un pied d'égalité.

Et on profite de l'occasion, M. le Président, pour dire aussi qu'on souhaiterait que le Fonds vert fonctionne en cohésion avec Transition énergétique Québec, qui, on le sait, là, est un autre organisme créé par le gouvernement pour favoriser la transition énergétique au Québec. Je pense qu'il faut qu'il y ait des ponts qui soient créés entre les deux organisations.

En conclusion, M. le Président, je pense que le législateur fait le bon choix en modernisant le régime d'autorisation environnementale et en introduisant un système d'autorisation à géométrie variable. La nouvelle procédure de sélection des membres du BAPE, de même que les nouvelles règles de gouvernance du Fonds vert et la transparence qui y sont associées, sont des avancées importantes.

Cependant, si le nouveau cadre législatif présente plusieurs améliorations en moult matières, je pense qu'il y a des petites améliorations à apporter en d'autres matières afin d'assurer qu'on atteigne les objectifs qu'on s'est fixés avec ce projet de loi là, notamment en matière de simplification, de clarté et de prévisibilité pour les entreprises, et ce, je vous dirais, M. le Président, au plus grand bénéfice, là, de l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Hébert. Vous êtes exactement dans les temps. Alors, merci de votre exposé. Nous allons procéder à la période d'échange avec la partie gouvernementale, alors je cède la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Hébert, M. Leblanc. Ne vous en faites pas, vous avez quelques minutes, je vais faire un préambule assez long à ma question, reprenez votre souffle. Vous avez très bien fait ça.

Bon, juste deux commentaires avant ma question, parce que vous n'êtes pas la première organisation à nous parler de l'obligation de déposer un rapport à l'Assemblée nationale. On a enlevé cet article-là simplement parce qu'il y avait une redondance avec les articles 24 à 26 de la Loi sur l'administration publique, qui prévoient déjà que les organismes gouvernementaux comme le BAPE doivent déposer un rapport. Alors, l'obligation subsiste, c'est juste qu'elle est prévue ailleurs dans le corpus législatif, alors c'était simplement une question de ne pas avoir à répéter quelque chose qui existe déjà. Donc, ça, c'est pour l'obligation de déposer.

Pour la coordination aussi, il y a eu d'autres organisations qui parlent de la coordination entre les dispositions du projet de loi n° 102 qui créeraient le Conseil de gestion du Fonds vert et la coordination avec Transition énergétique Québec. Bien comprendre, le Conseil de gestion du Fonds vert va s'occuper de mettre en place le cadre de gouvernance pour l'ensemble du Fonds vert. C'est ce qui veut donc dire que les sommes du Fonds vert qui vont aller à Transition énergétique Québec vont nécessairement et obligatoirement être soumises au cadre de gouvernance qui va être établi par le conseil de gestion.

Alors, Transition énergétique Québec, comme les autres ministères et organismes qui recevraient des fonds du Fonds vert, devront donc se soumettre à l'ensemble des directives, donc, de rigueur, de transparence, de reddition de comptes, de gestion par projets que le conseil de gestion établirait. Alors, j'espère que ça, à ce niveau-là, ça peut clarifier. Mais c'est très clair, quand on lit les dispositions du projet de loi n° 102, il n'y a pas d'exception pour TEQ, TEQ qui va être un organisme gouvernemental, advenant l'adoption du projet de loi n° 106. Et cet organisme gouvernemental, tout comme les ministères, tout comme n'importe quel autre organisme gouvernemental, va devoir respecter les règles de gouvernance du Fonds vert qui vont avoir été établies par le conseil de gestion créé en vertu du projet de loi n° 102. Donc, il y a une cohérence, et il n'y a rien dans le projet de loi n° 106 qui soustrait TEQ de cette obligation-là.

Ma question maintenant. Je lis, de votre communiqué de presse que vous avez émis sur le projet de loi n° 102, je cite... donc, ça revient que vous dites... bon, l'actuel BAPE soit transformé en bureau d'audiences publiques sur le développement durable, ce que vous avez dit plus tôt. La citation : «Nous considérons que l'aspect économique est souvent défavorisé dans le processus d'évaluation de l'actuel BAPE.» J'aimerais ça que vous alliez plus loin. J'aimerais ça mieux comprendre cette affirmation-là. Avez-vous des exemples? Parce que je vous ai entendu dans votre présentation, vous avez suggéré des pistes de solution quant à la représentativité du BAPE, la composition du BAPE, mais j'aimerais, en amont, que vous nous expliquiez, bien, vous, vos membres, comment vous avez vécu ça, comment vous arrivez à cette conclusion-là que je viens de lire.

Le Président (M. Iracà) : ...

Mme Hébert (Martine) : Merci, M. le Président. M. le ministre, on en arrive à cette conclusion-là par plusieurs chemins, en fait, je vous dirais, puis je sais qu'on n'est pas les premiers à venir dire aussi devant cette commission, là, qu'on sent qu'il y a un déséquilibre, à l'heure actuelle, dans l'appréciation des trois piliers du développement durable lorsqu'on examine des projets. On a saisi, dans le fond, l'opportunité... Parce que ça fait longtemps, à la FCEI aussi, comme d'autres groupes, qu'on réclame qu'il y ait un bureau d'analyse économique des projets qui ont des retombées ou qui ont des répercussions environnementales, et on a saisi l'opportunité du projet de loi qui nous est donnée ici pour dire : Bon, bien, si ce bureau-là n'a pas été créé, d'abord est-ce qu'on peut rétablir l'équilibre, mais au sein d'un organisme comme ce que pourrait être un bureau d'audiences publiques en matière de développement durable, dans lequel on pourrait ajouter une division économique pour faire des analyses économiques, je vous dirais, sérieuses sur les projets qui sont soumis?

Et je ne critique pas du tout, si vous voulez, l'expertise et la compétence des membres du BAPE, mais je parle en matière d'analyse d'impacts économiques réels. Lorsqu'on apprécie, par exemple, l'imposition que ça soit d'une centrale hydroélectrique ou peu importe, bien sûr il y a les emplois directs, mais il y a aussi tous les emplois qui sont créés en dehors de ça à moyen ou à long terme. Lorsqu'on parle d'une mine, c'est la même chose, il y a bien sûr les emplois liés à la mine, mais il y a les emplois qui vont être créés, dans la région, dans les petits restaurants, dans les petites boutiques, les commerces de détail, etc.

Donc, on a rarement, en tout cas dans le débat public au Québec, lorsqu'on analyse des projets, des résultats, des données probantes ou encore des résultats, là, élaborés par rapport à ça. Et je suis allée feuilleter, en fait, quelques rapports, là, qui ont été produits par le BAPE dans les dernières années, là, je suis allée faire ça comme lecture de chevet hier soir, et, bon, souvent, effectivement, le volet économique est très dilué dans le rapport ou encore est très factuel. On va donner des statistiques sur la région, ou des choses comme ça, ou encore on va faire acte de commentaires qui ont été présentés, mais ce n'est pas une analyse d'impacts économiques au sens où on l'entend — je suis moi-même économiste, là — on n'a pas un portrait... Et je trouve que ça manque dans le débat à l'heure actuelle, et c'est pour ça qu'on a fait cette proposition-là, proposition, comme je vous dis, que nous avons importée d'une autre proposition qu'on faisait pour la création d'un bureau d'études économiques de projets, que ce soit à caractère... qui ont un impact sur l'environnement. On a parlé beaucoup des énergies fossiles au Québec. On a entendu très peu, dans le discours et dans le débat, là, d'études sérieuses ou d'organisations, là, qui pouvaient apporter un éclairage sur les retombées économiques potentielles de ce genre de projets là. Donc, c'est pour ça qu'on a saisi l'opportunité de ce projet de loi là pour dire : Bien, d'abord, est-ce qu'on ne pourrait pas transformer le BAPE ou, en tout cas, faire du BAPE... parce que, dans sa mission, on en parle, de développement durable, mais, dans l'actualisation de sa mission, on le perçoit peu.

M. Heurtel : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Alors, M. le ministre... Alors, je vais céder la parole au député de Maskinongé, qui, je crois, a quelques questions pour vous.

• (15 h 20) •

M. Plante : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Écoutez, le ministre a bien parlé, là, de vos interrogations. Moi, je vais aller dans le positif, parce qu'on sait que vous attendiez la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement depuis longtemps. Vos membres, qu'on rencontre dans nos circonscriptions, nous faisaient part aussi de cette attente-là, et je sais que, comme vous avez écouté la commission et que vous avez eu des rencontres avec le ministre puis avec les membres du gouvernement à quelques reprises, vous savez que l'intention aussi avec cette modification de la loi là est de donner un rôle d'accompagnateur plus au ministère pour permettre, justement, aux entreprises d'être mieux accompagnées, pouvoir faire ce qu'il faut, et par la suite, bien, suivre la réglementation, et c'est plus facile, et c'était demandé de votre part, de la part des chambres de commerce aussi, plusieurs personnes demandaient ça. Et j'aimerais savoir, pour vous, pour vos membres, quelle serait la meilleure façon d'accompagner, non seulement législativement, mais d'accompagner un projet. On dépose un projet, on appelle le ministère de l'Environnement puis on dit : J'ai ça. Quelle serait la meilleure façon, pour vous, que le ministère accompagne les entreprises?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, on est toujours disposés — d'ailleurs, je tends la main au ministre — à travailler avec ses équipes, là, pour faire en sorte, particulièrement, que les petites et moyennes entreprises, là, puissent bénéficier d'accompagnement, non seulement, comme vous le dites, en matière d'observance de la réglementation, mais aussi en matière d'accompagnement au niveau, là, des sommes qui sont disponibles. Parce qu'un des gros défis qu'on va avoir au Québec... On peut avoir des bien belles cibles en matière de réduction de GES, et tout, et tout ça, mais un des gros défis qu'on va avoir, c'est qu'on est une économie de petites entreprises. On est une économie, au Québec, de PME. Et, lorsqu'on parle... Tu sais, on peut bien parler, là... Je sais que M. le ministre a dit, par exemple, qu'il avait rencontré des grandes entreprises, entre autres à Marrakech, et tout ça, mais on n'est pas du tout dans les mêmes moyens lorsqu'on parle de la petite entreprise, là, le petit maraîcher qui produit en serre, là, dans une région du Québec.

Donc, il va falloir qu'on s'assure que les programmes aussi... non seulement que la réglementation soit claire, et soit prévisible, et quitte à avoir des check-lists, comme on dit, puis avoir de l'accompagnement de la part des gens du ministère pour que ce soit clair pour les entreprises de savoir à quoi elles doivent se plier. Mais, quand je parlais tantôt aussi des synergies entre Transition énergétique Québec puis le Fonds vert, qu'il n'y a ait pas 56 000 portes où tu vas cogner quand tu es une petite entreprise puis que tu as un projet, justement, que ce soit en matière de transition énergétique, ou de diminution de GES, ou quoi que ce soit, de modernisation, d'innovation, que tu n'aies pas 12 portes à aller cogner parce que c'est clair qu'à ce moment-là on n'aidera pas les entreprises. Ça fait que, quand on parle d'accompagnement, là, c'est : porte d'entrée unique où on peut se diriger en fonction du projet qu'on a, un accompagnement dans ce sens-là, des outils clairs, facilement accessibles, mais qui traduisent en mots compréhensibles par tout le monde, là, qu'est-ce que c'est, la réglementation.

Aïe! Je suis allée voir... Justement, j'ai fait mes devoirs aussi, encore une fois, hier soir. Je suis allée voir les guides, je suis allée voir les guides, comment ça marche, là. Tu sais, un guide dans le recyclage des matières résiduelles fertilisantes, 212 pages, le guide d'explication. Le guide de soutien aux entreprises agricoles, 37 pages, avec toutes sortes de termes, de termes techniques. Ce n'est pas simple. Alors, oui, elles ont besoin d'accompagnement, les entreprises, que ce soit au niveau agricole ou autre, et en ce sens-là ça prend des spécialistes, au sein du ministère, qui sont capables d'accompagner les entreprises, mais dans une approche d'accompagnement, pas dans une approche coercitive où on essaie de bloquer les projets. Parce qu'on a un gros défi au Québec, et le gros défi, je le dis, si on veut rencontrer les objectifs que le gouvernement s'est donnés, il va falloir qu'on soit conscients et qu'on ait des outils spécifiques pour nos PME qui sont simples, facilement accessibles et, évidemment, auxquels elles peuvent avoir accès, là, pour rencontrer ce défi-là.

Le Président (M. Iracà) : M. le député.

M. Plante : Oui. J'entends bien vos propos, mais d'entrée de jeu vous avez dit, puis j'ai trouvé ça très, très bien, vous avez dit : Aujourd'hui, une économie moderne passe par l'environnement puis le respect des normes environnementales. Puis je pense que tout le monde adhère à ça, vos membres, tout le monde est conscient qu'aujourd'hui, désormais, si on veut développer, si on veut être en affaires, ou tout ça, on doit respecter les normes environnementales. Et j'ai bien aimé votre première phrase, c'est une belle ouverture, je trouve, et c'est un beau message à lancer aussi.

Quand vous parlez d'accompagnement... Puis, vous le savez, c'est la volonté, puis ce qui est important... Et je comprends bien votre problématique, parce que, chez nous, vos membres, certains de vos membres nous le disent, une petite entreprise, là, pas de consultants à même l'entreprise, tout ça, et parfois est un peu perdue dans des dédales, que ça soit le gouvernement ou autres, bon, la paperasse, c'est compliqué.

La volonté, c'est l'accompagnement, puis, moi, comme je vous disais tantôt... Vous me parlez comme d'une porte unique ou d'un guichet unique, là. Ça, c'est un vocabulaire qu'on utilise souvent dans plusieurs sauces, mais au niveau de l'accès, vous m'avez parlé des maraîchers, tout ça, même au niveau de l'accès avec le Fonds vert, présentement, dans divers programmes, parce qu'il y a le Fonds vert, mais on sait qu'il est réparti dans différents ministères, ils ont accès à ces sommes-là, ils ont accès, puis je pense qu'ils sont informés qu'ils peuvent avoir accès à...

Mme Hébert (Martine) : Vous savez, le défi, c'est toujours la ligne entre... Avoir accès à quelque chose, c'est une chose, mais pouvoir y accéder, c'en est une autre, et avoir les moyens d'y accéder, c'en est une autre. Donc, c'est sûr que le petit maraîcher qui regarde ça, là, puis qu'il faut qu'il remplisse... si ça prend un doctorat en paperasserie gouvernementale pour remplir la demande de subvention, là, c'est sûr que vous allez le perdre. Vous ne l'aurez pas parce que le doctorat en paperasse gouvernementale, ce n'est pas ça qu'il a, lui, il est maraîcher, O.K.? Donc, il faut faire attention. Il faut faire attention à ce que les programmes soient accessibles. Puis, quand on parle d'accompagnement, moi, je verrais aussi des programmes où, justement, les PME pourraient, par exemple, accéder à des fonds pour pouvoir embaucher un consultant ou pour pouvoir se prévaloir de services de consultants. Et on ne fera pas ça aujourd'hui, là, mais c'est pour ça que je vous dis, on a offert... et je réitère l'offre au ministre que j'ai faite tantôt pour dire : On est prêts à accompagner les gens dans le ministère pour dire, bien, quels seraient, justement, les programmes qui pourraient... ou quelles seraient les mesures qui pourraient aider les PME à accéder à ces mesures-là. Et ça va nous faire plaisir, là, de travailler ça avec le ministère et avec l'équipe du ministre.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci, M. le député de Maskinongé. M. le député de Dubuc.

M. Simard : Pour 10 minutes?

Le Président (M. Iracà) : Vous avez deux minutes.

M. Simard : Merci. Mme Hébert, bonjour. M. Leblanc, bonjour. Une question. Je pense que, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de... D'abord, on le sait, le gouvernement, par sa volonté de ce projet de loi là, c'est pour diminuer la paperasserie, diminuer, je vous dirai, justement, le besoin d'une grande connaissance par rapport à faire les demandes. Mais sauf que, quand je lis votre mémoire, vous dites, à l'intérieur de votre mémoire, que vous êtes bien inquiète par rapport aux pouvoirs qui sont donnés au ministre et vous... parce que, sous-jacent à ça, ça dit qu'il va y avoir moins de consultations. C'est ce que vous dites, puis vous êtes bien inquiète de ça... Bien, votre organisation est bien inquiète de ça, qu'il y ait moins de consultations. J'aimerais que vous élaboriez un peu, là. Pourquoi? C'est quoi, votre inquiétude par rapport à ce qui peut se passer, etc.? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Hébert (Martine) : Deux choses. Une première chose, je crois comprendre du projet de loi qu'on vient diminuer, par exemple, la période de consultations, là, pour la réglementation. Puis je suis consciente, en même temps, qu'on recherche de la flexibilité, hein? Je veux dire, on ne peut pas avoir... on essaie d'avoir le beurre puis l'argent du beurre, là, c'est... mais, bon, je comprends, en même temps, cet objectif-là. La seule chose que je dis, c'est que de diminuer... Si le législateur, au départ, avait fait en sorte que, par exemple, dans un processus réglementaire, dans le projet de loi, quand il est question d'environnement, on met 60 jours de consultations au lieu de 45, il y avait une raison, parce que souvent c'est des questions qui sont plus complexes, parce que souvent des groupes comme le nôtre, on n'a pas des experts à portée de main ou encore on n'a pas... on ne peut pas non plus, là... et c'est complexe. Ce n'est pas comme une consultation, là, sur un projet de règlement qui change une procédure administrative, là, on n'est pas dans cette dynamique-là, alors c'est pour ça que ça nous inquiète de voir les délais.

La deuxième portion, c'est la question du pouvoir discrétionnaire. Puis on a bien entendu que le ministre, ce n'était pas son intention à lui, là, mais, comme je l'ai dit tantôt, les ministres se succèdent et ne se ressemblent pas, mais les écrits, eux autres, ils restent, puis on reste pognés avec. Alors, c'est comme... c'est comme... c'est pour ça que... Je vais laisser mon collègue, peut-être, compléter la réponse, là.

Le Président (M. Iracà) : Malheureusement, Mme Hébert, ça complète la période d'échange avec la partie gouvernementale, mais rien n'empêche, s'il y a une question qui se rapproche de la part de l'opposition officielle, d'y revenir. Alors, je vais céder la parole, à ce moment-ci, au collègue de Jonquière, député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, bonjour. Bienvenue, Mme Hébert, M. Leblanc, ça fait plaisir de vous accueillir ici. Votre mémoire est intéressant. J'ai également regardé votre communiqué de presse émis un petit peu plus tôt aujourd'hui. C'est sûr que votre idée de changer le BAPE en bureau d'audiences publiques sur le développement durable, c'est gros, c'est une grosse idée. Mais je voulais juste vous relire la mission du BAPE telle qu'énoncée dans son dernier rapport annuel 2015‑2016 : «Le BAPE a pour mission d'éclairer la prise de décision gouvernementale dans une perspective de développement durable, lequel englobe les aspects écologique, social et économique. Pour réaliser sa mission, il informe, enquête et consulte la population sur des projets ou des questions relatives à la qualité de l'environnement que lui soumet le ministre.» Bon, il produit ensuite des rapports.

Plus loin, on dit... c'est que le BAPE est un «organisme assujetti à la Loi sur le développement durable et à la prise en compte des 16 principes qui y sont énoncés, le BAPE poursuit sa démarche pour parfaire la culture du développement durable dans la réalisation de ses mandats et le travail quotidien de son personnel».

Et sur ses valeurs éthiques, on dit que «le BAPE privilégie quatre grandes valeurs au regard de la mission qui lui est propre afin que ses actions soient guidées par l'éthique et pleinement orientées vers la recherche d'un développement durable».

Et une petite recherche rapide nous permet de constater également que, parmi ses membres, il y a des gens proches du milieu économique, dont Mme Gisèle Grandbois, par exemple, qui est économiste elle-même, qui a travaillé dans des firmes de génie-conseil, etc.

Donc, est-ce que vous ne trouvez pas que, déjà, c'est peut-être juste... Je veux dire, ça s'appelle le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, là, mais il est soumis à la Loi sur le développement durable. Il est tenu, dans sa mission même, de tenir compte du développement durable. Quand il y a un projet qui est soumis au BAPE, le promoteur doit le présenter au public, doit présenter une étude d'impact. Donc, il y a quand même beaucoup d'occasions pour le promoteur de faire valoir différents volets sous l'égide du développement durable. Alors, qu'est-ce qui ne marche pas?

• (15 h 30) •

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, nous, la perception qu'on a, là, puis on n'est pas les seuls, d'ailleurs, je pense qu'il y a plusieurs intervenants qui ont défilé devant vous et qui sont venus le dire, la perception que nous avons et ce qu'on voit, ce qu'on constate, c'est qu'il y a un déséquilibre en défaveur du volet économique. Et d'ailleurs le BAPE, dans son appellation même, pourtant, on l'appelle le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et non pas sur le développement durable. Si on veut vraiment en faire un organisme de développement durable, bien, premièrement, qu'on le mette dans son nom même et non pas qu'on mette dans son nom, dans son appellation même, un biais à l'égard de l'un des trois piliers du développement durable, l'un des trois piliers, d'ailleurs, qui... on a entendu beaucoup de sommets, là, sur l'environnement, mais, je vous rappelle, qui ont fait l'objet d'un consensus international au sommet de Johannesburg en 2002, et ce n'était pas écologique, d'ailleurs, soit dit en passant, là, c'était : environnement, société et économie. Donc, il y a ça.

Vous avez parlé de la composition, effectivement, M. le député, des membres du BAPE. C'est vrai qu'il y a une membre qui est économiste sur six membres. Donc, encore là, ici, on a un déséquilibre par rapport à la composition, mais aussi par rapport à l'analyse. Comme j'ai dit tantôt, là, on a fait... D'ailleurs, comme je vous disais, on est allés éplucher des rapports. Souvent, des retombées économiques, dans un rapport de 167 pages, chapitres 1, 2... il y a trois chapitres avec je ne sais pas combien de sections, puis tu as une section sur l'économie, sur les retombées économiques, où, souvent, c'est plus des statistiques qu'on énonce. Puis je ne dis pas... Moi, je pense qu'il y a moyen de renforcer cette composante-là. Il faut rétablir l'équilibre, et comment le faire? Puis ce n'est pas de la mauvaise foi des personnes qui sont là, là, pas du tout. Bon, il faut le faire comment? Il faut le faire dans l'appellation même de ce que ce bureau-là est, en renforçant, dans sa mission même, que ce sont les trois volets, à parts égales, qu'il faut qui soient regardés, dans sa composition aussi et dans les ressources qui lui sont attribuées, là, pour être en mesure justement d'effectuer des analyses d'impact économique de façon aussi rigoureuse qu'avec les deux autres composantes, donc, et ce n'est pas le cas actuellement. En tout cas, ça ne nous apparaît pas être le cas actuellement.

C'est pour ça qu'on se disait : Bien, profitons de l'occasion, là, ça fait 40 ans... Vous dites : C'est gros. Là, ça fait quand même 40 ans, hein, qu'on attend cette modernisation-là, bien, tant qu'à faire, tant qu'à y aller avec quelque chose, là, qui est attendu depuis longtemps, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder ça? Parce que l'atteinte de... La lutte aux changements climatiques du Québec va passer par le développement durable. L'outil, l'instrument qui va nous permettre d'atteindre les cibles qu'on se fixe, peu importe la couleur du parti ou les cibles que les partis politiques... au-delà, là, des intentions, ce qui va nous permettre d'y arriver, c'est le développement durable, mais le développement durable avec ses trois composantes. C'est sûr que, si on ne tient pas assez en compte la composante économique... Demain matin, on pourrait fermer toutes les entreprises du Québec, hein, puis dire : Regarde, on n'en aura plus, de GES, là, puis arrêtez, tout le monde, de circuler en auto. Je veux dire, on n'en émettra plus, de GES, sauf que ce n'est pas ce qu'on souhaite. Alors, nous, ce qu'on pense, c'est : Il faut rétablir l'équilibre, et c'est une des clés à l'atteinte des objectifs environnementaux que nous avons, au Québec, pour nous.

M. Gaudreault : En tout cas, moi, je constate que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, dans sa mission même, telle qu'énoncée dans son rapport, et par sa loi même, constitutive, et par le fait qu'il est soumis à la Loi sur le développement durable, pour moi, ce n'est pas juste une question cosmétique d'avoir un nom qui inclut «développement durable», parce que, regardez, le gouvernement a changé le nom du ministère des Transports pour ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports puis le ministre des Transports actuel se refuse d'adopter une politique de mobilité durable incluant un transfert modal vers plus de transport collectif. Alors, on peut bien faire des changements cosmétiques, mais, pour moi, il faut que ça soit plus fondamental, parce que, moi, tant qu'à ça, je pourrais faire un peu de judo avec ce que vous dites et moi, j'aimerais bien... j'ai hâte de voir un ministre du Développement économique qui serait écologiste, ou qui serait ingénieur en environnement, ou qui serait un environnementaliste, là. Alors, en tout cas, je reçois votre idée. Vous la lancez au jeu. On verra comment ça sera reçu et accueilli, mais moi, je vous fais part de ma réaction à première vue.

Je voudrais vous amener par ailleurs sur le test climat. On a entendu des représentants de différents groupes, soit patronaux ou du monde économique, qui nous disaient qu'ils avaient peur, par exemple, que le test climat amené par le projet de loi n° 102 puisse conduire à forcer, si on veut, un promoteur d'un projet à utiliser une technologie plutôt qu'une autre. Comment vous vous situez par rapport à ce test climat?

Mme Hébert (Martine) : Merci, M. le Président. Je vais laisser mon collègue répondre, parce que ça revient au pouvoir discrétionnaire aussi, tout ça, là.

M. Leblanc (Bruno) : Bien, évidemment, on a entendu certains autres participants à cette commission mentionner qu'il y avait potentiellement un dédoublement dans ce test climat là par rapport au SPEDE, puis effectivement je pense que nous, on va quand même dans ce sens-là, dans le sens où le marché du carbone est un instrument qui est adopté, dans le fond, pour pallier à des approches plus traditionnelles, qu'on dit de «command and control», dans le domaine de l'environnement, où, essentiellement, ce qu'on vous dit, devant une problématique environnementale... on veut réduire les gaz à effet de serre, alors, dans l'approche «command and control», on dit : Voici la cible et voici le moyen pour l'atteindre, et le coût, bien, on tasse ça puis on verra ça après, alors que, dans l'approche du marché, ce qu'on dit, c'est que... Écoutez, nous, ce qu'on veut, c'est que les gens, ou les industries, ou les points d'émission de gaz à effet de serre qui sont dans le marché vont s'organiser pour aller chercher la réduction qui est la moins onéreuse, et, par l'entrepreneuriat environnemental, entre autres, bien, on va y arriver.

Alors, quand on vient instaurer un test climat qui, notamment, comme vous le mentionnez, amène une dimension où, potentiellement, une technologie ou une autre, une même source d'énergie pourrait être identifiée, bien, en quelque part, on vient un petit peu dédoubler cet effet-là du marché. Puis peut-être un exemple que je pourrais donner, qui est plus ou moins applicable, mais, je pense, ça va donner quand même une idée de ce que je veux dire, par exemple, dans le cadre du marché du carbone, vous savez qu'il peut y avoir certains crédits compensatoires qui peuvent être octroyés ou obtenus par certains projets qui vont viser à réduire les gaz à effet de serre, et, dans ce domaine-là, un des critères de base qui est quand même reconnu à l'international, c'est le critère d'additionnalité environnementale. Alors, évidemment, additionnalité, on veut dire par rapport aux exigences de la juridiction, si vous voulez, réglementaire. Il faut qu'on aille une coche plus loin pour aller chercher ce type de crédit là. Alors, dans un cadre où on rajoute une couche, si vous voulez, par-dessus le marché du carbone, bien, on vient potentiellement d'échapper une partie de ce marché-là, et puis il y a peut-être des enjeux aussi quand on va arriver pour vouloir se brancher sur d'autres juridictions. Éventuellement, peut-être, ça arrivera, là, dans le temps.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Leblanc. Malheureusement, ça termine la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons procéder à une période d'échange avec la deuxième opposition, et je cède la parole au député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui en commission.

Bon, plusieurs bonnes questions ont déjà été posées par mes collègues, mais je vais essayer d'aller sur d'autres sujets. Il y a quelque chose qui a attiré mon attention. À la page 2 de votre mémoire, vous parlez, dans le fond... puis vous sortez une statistique de l'administration gouvernementale, qui estime pouvoir diminuer d'environ 20 % le délai de délivrance des certificats d'autorisation. On sait aussi que c'est projeté par le ministre et son ministère d'augmenter aussi les coûts pour obtenir un certificat d'autorisation, qui sont présentement assumés par le demandeur à 45 %, de faire augmenter les coûts à 100 %, mais on voit ici, là, qu'on prévoit de réduire les délais de 20 %. Est-ce que vous croyez que, dans le fond, on pourrait faire un effort supplémentaire? Est-ce qu'on devrait moduler les coûts en fonction du service qui va être rendu sur le délai de livraison?

Mme Hébert (Martine) : Ça pourrait être une option. Écoutez, moi, c'est sûr que de diminuer les délais... Les délais, c'est souvent des coûts pour des entreprises, hein, parce qu'une entreprise qui est en attente d'une autorisation de quelque chose, elle a des coûts, elle assume des coûts, qu'ils soient directs ou indirects. Mais, moi, je ne vois pas de... Évidemment, sur la question des coûts, je reviens à ce que je disais tantôt, il faut se rappeler que l'économie du Québec est une économie qui est beaucoup basée sur la PME, hein? Vous savez, 95 % de nos entreprises ont moins de 50 employés, le trois quarts en ont moins de 10, donc on est dans une économie, lorsqu'on parle de lutte aux changements climatiques, lorsqu'on parle de mesures environnementales, on est dans une économie où on deale... on est avec de très petites entreprises, là. Excusez-moi l'expression anglaise, on «deale», on jongle avec de très petites entreprises, alors c'est sûr qu'il ne faut pas que les coûts, non plus, deviennent disproportionnés, là, dans ce sens-là.

M. Lemay : Parfait. Donc, on convient tous par contre que réduire les délais pour obtenir un certificat d'autorisation, ça, ça reste que c'est quand même la priorité qui devrait être visée par ce projet de loi là.

• (15 h 40) •

Mme Hébert (Martine) : Absolument.

M. Lemay : Excellent. On va aller à la page 10 de votre mémoire, on a... En fait, vous avez un encadré concernant l'article 203 du projet de loi, qui est, dans le fond, l'article 15.4.9, où qu'on fait... le Conseil de gestion du Fonds vert, là, puis, dans cet article-là, on dit qu'on va avoir trois membres qui vont être issus du gouvernement puis cinq membres indépendants qui vont être issus de la société civile, mais vous, vous proposeriez dans un amendement qu'en plus de ça les membres indépendants issus de la société civile soient faits selon une recommandation d'organisations qui sont reconnues comme étant des entreprises représentatives du pilier économique. Vous voulez faire un commentaire sur ça?

Mme Hébert (Martine) : Oui. Bien, c'est dans la foulée de ce qu'on disait tantôt, il faut rétablir l'équilibre. Alors, quand on fait des nominations, c'est sûr que, si on nomme des individus qui ne sont pas nécessairement représentatifs, là, des organismes qui représentent, par exemple, les entreprises ou qui sont spécialisés en développement économique, bien, c'est sûr qu'on va rater notre cible. Donc, nous, ce qu'on a voulu faire à travers les recommandations qu'on a faites dans ce sens-là, c'est de s'assurer justement que le volet économique serait adéquatement représenté et que... Toujours dans le même esprit, là, il y a un filigrane, une trame de fond à notre mémoire, hein, puis à nos recommandations, là, c'est de rééquilibrer les trois piliers du développement durable, et on est dans une situation, à l'heure actuelle, au Québec, où on est en déséquilibre par rapport à ça. Donc, c'est dans cette foulée-là qu'on fait ces recommandations-là.

M. Lemay : Ah! parfait. Parce que, juste pour le souci de nos auditeurs, là, dans le fond, à l'article en question, là, quand on nomme les cinq membres indépendants, c'est mentionné que c'est en tenant compte des profils de compétence et d'expérience établis par le conseil d'administration. Donc, ce n'est pas assez précis là-dedans. Le conseil d'administration pourrait dire : Ah! on veut les gens avec plus le volet environnement, puis vous, vous dites : On devrait venir préciser dans la loi qu'on veut aussi tenir compte des principes de développement durable puis d'avoir un volet économique. Parfait. Merci de cette précision.

Si on va à la page 11, on parle beaucoup de nécessité de maintenir le secret commercial. Vous n'êtes pas les seuls qui sont venus nous parler de ce volet-là. C'est un volet qui est quand même important, de maintenir... et puis vous êtes inquiets, dans le fond, que nous, en tant que législateurs, on n'ait pas pris soin, dans le projet de loi, «de baliser les divulgations de documents afin [de s'assurer] de la préservation du secret commercial et fiscal des entreprises, dans le cadre des documents exigés [par] les autorisations ministérielles». C'est un souci qui est aussi noté par d'autres groupes. Je ne sais pas si vous voulez nous faire un commentaire supplémentaire à cet effet.

Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est ça, il n'y a pas beaucoup de précisions par rapport à c'est quoi, les renseignements, qu'est-ce qui va devoir être publié, et tout ça. Ça fait qu'encore une fois je ne dis pas que c'est l'intention, que l'intention était là, mais je pense que ça mérite d'être précisé, là, parce qu'il ne faudrait pas qu'on se ramasse avec un registre sur lequel les entreprises sont obligées de se retrouver à divulguer leurs secrets commerciaux ou encore des informations fiscales, là, et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut que ce soit balisé davantage, dans la loi même, c'est quoi, le type d'information, là, qu'on va retrouver là-dessus, là, sur ce registre-là, et qui va y avoir accès.

M. Leblanc (Bruno) : Bien, si je peux peut-être ajouter, c'est qu'il ne faut pas perdre de vue que les entreprises au Québec ou les entreprises qui veulent venir faire des affaires au Québec ont le choix de plusieurs juridictions, puis ça rentre dans leur matrice d'analyse du risque, ce type de risque là qui est lié à des enjeux concurrentiels importants, et je pense que le législateur doit s'assurer, là, qu'on est bien équipés, là, pour faire face à ce type d'enjeu là dans le développement économique.

M. Lemay : Votre message est bien rendu. Je sais qu'on a très peu de temps. Je ne sais pas si vous avez un commentaire final à apporter?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, nous, je pense que ce qui est important, c'est qu'on voudrait qu'on saisisse... Outre ce que nous avons dit en matière de balisage qui serait nécessaire au niveau des pouvoirs discrétionnaires, en tout cas, à l'écrit, là, et de la réglementation, je pense que ce qui est important, c'est de dire : On voudrait qu'on saisisse l'opportunité de ce projet de loi là pour rétablir l'équilibre vraiment entre les trois piliers du développement durable dans l'appréciation des projets, que ce soit au BAPE ou que ce soit ailleurs, et je pense qu'il faut mettre dans le projet de loi les paramètres qui vont nous permettre d'y arriver, parce qu'il y a un déséquilibre à l'heure actuelle, et ce n'est pas gagnant pour le Québec, parce que le développement durable, c'est par là qu'on va atteindre les objectifs qu'on s'est fixés comme société.

M. Lemay : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Mme Hébert, M. Leblanc. Je vais suspendre les travaux quelques instants. Merci de votre contribution à la commission. Je vais suspendre pour permettre au deuxième groupe de se présenter.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 47)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Comité consultatif de l'environnement Kativik. C'est bien ça? Alors, je vous demande de bien vouloir vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, mesdames, monsieur, la parole est à vous.

Comité consultatif de l'environnement Kativik (CCEK)

M. Barrett (Michael) : «Ullaakkut», bonjour. Mon nom, c'est Michael Barrett. Je suis membre du Comité consultatif de l'environnement Kativik. À ma gauche, c'est Paule Halley, qui est aussi un membre du comité consultatif, et Stéphanie Benoit, qui est une analyste pour le comité.

Le comité consultatif a été créé en vertu du chapitre 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, ça a été créé en l'année 1980, et le comité est un interlocuteur privilégié pour le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, l'Administration régionale Kativik et les villages nordiques en termes d'environnement. Notre région, c'est au nord du 55e parallèle. Il y a 14 villages dans lesquels la population, la langue maternelle, c'est 90 % inuktitut. Il y a aussi des territoires... en plus, des territoires des Inuits, des Naskapis et, dans certaines sections, les lignes de trappe, les usages traditionnels cris. Donc, ça, c'est notre région. Le régime environnemental, c'était différent que vous autres au Sud, c'était aussi le chapitre 23 de la convention et le chapitre II de la Loi sur la qualité de l'environnement.

La Commission sur la qualité de l'environnement Kativik est comprise de huit membres, quatre nommés par le gouvernement du Québec, quatre par l'Administration régionale Kativik, et le président nommé par Québec en consultation avec l'Administration régionale Kativik, et la commission a été aussi créée en l'année 1980. Donc, je passe la parle à Paule Halley.

 (15 h 50)

Mme Halley (Paule) : Alors, je vais poursuivre en résumant les observations et les commentaires formulés par le Comité consultatif de l'environnement Kativik dans son mémoire, dans lequel mémoire il cherche à mettre en évidence deux choses, d'une part, l'arrimage à réaliser entre le projet de loi n° 102 et le chapitre II de la Loi sur la qualité de l'environnement, dans lequel a été intégré le chapitre 23 de la Convention de la Baie James, malgré le fait qu'on souhaite que le projet de loi ne modifie pas le chapitre 22, et on souhaite également mettre en évidence qu'il y a, avec le projet de loi n° 102, une opportunité pour le Nunavik d'améliorer et de moderniser également le régime d'évaluation environnementale, pour lequel le CCEK a fait, dans le passé, plusieurs représentations à ce sujet.

En matière d'arrimage, arrimer le projet de loi avec les dispositions du chapitre II de la Loi sur la qualité de l'environnement, nous souhaitons attirer votre attention sur cinq aspects généraux.

En premier lieu, le CCEK note que l'abrogation de l'obligation pour un promoteur d'obtenir un certificat de conformité à la réglementation municipale, qui est émis par la municipalité où se trouve le projet, n'apparaît pas souhaitable vue dans une perspective du Nunavik, car cette procédure permet à l'Administration régionale Kativik d'être informée en amont des projets qui sont anticipés sur le territoire. Elle permet également d'assurer ainsi une cohérence en matière d'aménagement. Et la procédure est pertinente plus particulièrement sur un territoire aussi grand que celui du Nunavik, où les projets se réalisent généralement à l'extérieur des communautés, voire très loin de celles-ci.

Deuxième lien d'arrimage qui préoccupe le comité, c'est celui qui devra être réalisé avec le nouveau régime d'autorisation fondé sur une déclaration de conformité. Le champ d'application n'est pas défini dans la loi. La portée, au Nunavik, de ce régime n'est pas claire. Dans ce contexte, il apparaît difficile au Comité consultatif de l'environnement Kativik de se positionner sur les implications de ce régime sur le territoire. Dans ce contexte, il nous apparaît donc que nous ne souhaitons pas appuyer son application au Nunavik en raison des conditions climatiques qui y sont particulièrement rigoureuses, alors que les activités soumises à une simple déclaration sont susceptibles de produire plus d'impacts dans un tel milieu nordique qu'elles n'en produiraient si elles se réalisent dans le sud de la province.

En troisième lieu, toujours en arrimage, le comité est très favorable à l'inclusion d'un processus d'évaluation environnementale stratégique dans la LQE, mais il note là aussi que le projet de loi n'est clair en ce qui a trait à son application au Nunavik, et ça soulève des questions. On se demande comment les conclusions d'une EES seront-elles appliquées dans les directives qui vont être délivrées sous le chapitre II. Est-ce que cela va avoir une incidence sur la participation des Inuits qui siègent à la Commission de la qualité de l'environnement Kativik et qui formulent ces directives? Enfin, le comité note que la nature purement volontaire du régime d'évaluation environnementale stratégique n'est pas souhaitable et recommande de faire comme ailleurs et de le rendre obligatoire.

En quatrième lieu, toujours en arrimage, le comité constate que des propositions du projet de loi en matière d'accès à l'information tendent à répondre à des préoccupations que nous avons formulées dans notre mémoire sur le livre vert. Le CCEK est tout à fait favorable à la mise en place d'un registre des évaluations environnementales. Mais par ailleurs nous vous recommandons de modifier cette disposition, 118.5.0.1, afin d'inclure de manière expresse le fait que les projets qui sont réalisés sur le territoire du Nunavik vont également pouvoir être diffusés, les informations, être diffusées sous ce nouveau registre, ce qui n'est pas le cas actuellement, alors qu'il y avait une référence, dans l'ancien 118.5, qui est disparue dans le projet de loi. Donc, c'est très important pour nous que les activités qui ont lieu au Nunavik puissent également être rendues publiques par le biais de ce registre.

Dernière remarque sur l'arrimage, qui concerne le Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État. Est prévu que les bénéficiaires seront notamment les municipalités, qui pourront obtenir un soutien financier. Cette mesure devrait également pouvoir s'appliquer à l'Administration régionale Kativik, mais, pour ça, elle mériterait, cette disposition, d'être précisée davantage en vue de s'assurer de l'admissibilité des municipalités régionales de comté, ce qu'est l'Administration régionale Kativik. Dans le libellé actuel, il y a une incertitude.

Enfin, j'aimerais terminer avec des opportunités qui sont créées par le projet de loi n° 102 et qui mériteraient également d'être transposées dans le processus d'autorisation applicable au Nunavik.

À ce sujet, le comité constate que des modifications proposées au régime d'autorisation seraient grandement profitables également au Nunavik, comme par exemple le fait qu'il y ait des nouvelles règles et de nouvelles conditions qui encadrent la recevabilité des demandes d'autorisation qui encadrent la cessation des activités et qui encadrent également la prise en considération des émissions des gaz à effet de serre et des mesures d'adaptation aux changements climatiques. Ce sont des améliorations qui gagneraient à être introduites au Nunavik.

Il en va de même des précisions apportées aux règles et aux conditions encadrant la recevabilité de l'étude d'impact, la fin de l'évaluation environnementale, le fait de permettre à toute personne de s'impliquer plus tôt dans le processus, et quelque chose que nous avons été sensibles, c'est le fait d'établir une procédure de sélection des membres du BAPE, mais qui pourrait être transposée au Nord pour les nominations provinciales à la Commission de la qualité de l'environnement Kativik et du Comité consultatif de l'environnement Kativik.

Enfin, vous trouverez, dans le mémoire du CCEK, les motivations à l'appui de nos recommandations, ainsi que d'autres observations sur la teneur des propositions du projet de loi n° 102. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Halley. Alors, ça fait le tour de votre exposé? Merci beaucoup. Nous allons procéder à un échange avec la partie gouvernementale. Je cède de ce pas la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présentation, ainsi que votre mémoire.

J'ai juste deux... bien, une petite question, mais peut-être va nécessiter une longue réponse, après ça, je vais laisser mon collègue d'Ungava questionner pour la partie gouvernementale. L'arrimage que vous suggérez, est-ce que ça nécessite la réouverture de conventions ou... est-ce que ça peut se faire simplement par voie législative normale ou est-ce que ça veut dire rouvrir des conventions existantes puis des ententes existantes?

Le Président (M. Iracà) : Mme Halley, M. Barrett?

Mme Halley (Paule) : En fait, on n'a pas le projet tel qu'il sera adopté. Il est évident que le nouveau régime fondé sur une déclaration de conformité ne pourrait pas actuellement viser des activités qui sont sur les annexes A et B de la partie II parce qu'elles ne pourraient pas s'appliquer dans le Nord, ce serait illégal. Donc, oui, il y a des éléments qui soulèvent des questions d'arrimage. Donc, celle-là, elle en est une. Donc, c'est pour ça, nous, on n'avait pas suffisamment d'informations, et, compte tenu de cette possibilité-là... qu'on propose que ce régime-là ne s'applique pas sur le territoire du Nunavik.

Par ailleurs, l'Administration régionale Kativik recevait déjà des informations — on était considérés comme une municipalité régionale de comté — et là on viendrait un petit peu retirer sa capacité d'avoir des informations. Certainement que ça ne change pas le chapitre II de la Loi sur la qualité de l'environnement, mais il y a une perte d'avis pour l'Administration régionale Kativik. Je ne pense pas que ça, ce soit nécessaire.

Le processus d'évaluation environnementale stratégique, là aussi, on a des problèmes d'arrimage parce que, c'est ça, dans quelle mesure on peut appliquer ensuite... aux directives qui vont être élaborées dans un cadre où siègent des personnes qui ne siègent pas aux évaluations environnementales stratégiques? Donc, là aussi, on trouvait que ça pose la question, et le fait que ce ne soit pas clair ou manifestement clair, ça pourrait être à l'origine de différends ou à l'origine de conflits qui seraient malheureux. Alors qu'on voit déjà que la question se pose pour l'EES, alors que, vraisemblablement, ça pourrait avoir une portée intéressante pour le Nord, mais il conviendrait, là, si ça a un impact sur le travail des comités, à ce que ce soit vu avec les parties.

La question d'accès à l'information, à mon avis, ne touche pas le fond des accords, et le fait de rendre disponible... de faciliter la participation, ça va même dans le sens du renforcement des principes qui ouvrent le chapitre 23. Donc, je crois que l'arrimage devrait être fait clairement pour que les gens du Nord puissent profiter pleinement de ces avancées, de ces innovations qui sont introduites dans la Loi sur la qualité de l'environnement.

Pour l'arrimage avec le fonds sur la protection de l'environnement et du domaine hydrique, je pense qu'il n'y a pas de souci à ce qu'ils puissent, dans le Nord, avoir accès à des financements, encore faut-il être sûr qu'ils puissent se qualifier. Et les opportunités aussi... Nous avons tenté évidemment de ne pas proposer des modifications qui ne seraient pas légales, qui ne seraient pas respectueuses de la Convention de la Baie James.

M. Heurtel : O.K. Bien, je veux juste commenter... Ah! vous vouliez rajouter? Excusez-moi, excusez-moi.

• (16 heures) •

M. Barrett (Michael) : Juste pour les certificats de conformité. L'Administration régionale Kativik, elle va recevoir les demandes pour les certificats des promoteurs suite à la décision de l'exécutif et faire les demandes pour l'avis aux Inuits, communautés des Inuits adjacentes ou pour les Naskapis, et, suite à ça, elle émet un certificat de conformité. Et ça, pour nous autres, ça, c'est bien positif parce que c'est l'information, et le territoire, c'est immense, c'est le tiers du Québec, et, à ce moment, les communautés sachent qu'est-ce qui va se passer à l'extérieur de leur village, elle émet un certificat de conformité. Donc, ce n'est pas un processus lourd, mais c'est un processus positif.

M. Heurtel : Bien, je voulais juste dire merci pour vos recommandations, puis j'apprécie notamment les précisions au niveau de la reconnaissance des MRC. Très intéressant. Ça fait qu'on va certainement, là, regarder ces recommandations-là de très près. Merci beaucoup. C'est tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole au député de Maskinongé ou le député...

Une voix : Ungava...

Le Président (M. Iracà) : Ungava. Bien sûr! Le député d'Ungava a des questions.

M. Boucher : Combien de temps reste-t-il, M. le Président?

M. Iracà : Il vous reste un gros 11 minutes.

M. Boucher : 11 minutes. Bon, c'est bien. Alors, bonjour, M. Barrett, bonjour à aux gens qui vous accompagnent. «Ullaakkut». Quand on regarde votre mémoire, on parle, à un moment donné, que... on dit que les promoteurs de projets sont soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts prévue au chapitre I de la LQE puis qu'ils doivent payer des frais qui peuvent atteindre parfois jusqu'à 100 000 $, selon l'envergure du projet. Vous dites que toutefois, bon, ces frais-là ne s'appliquent pas au Nunavik. Mais vous dites qu'il serait souhaitable qu'on profite de cette mise à jour pour corriger cette situation-là. Pourriez-vous m'éclairer un peu là-dessus, me donner des détails?

Mme Halley (Paule) : Pouvez-vous me préciser quelle page, là?

M. Boucher : Ah! je n'ai pas la page sous les yeux, là. Je l'avais dans un résumé tiré à part.

(Consultation)

M. Boucher : O.K. pendant que vous cherchez ça, là, je peux y aller avec un... L'idée, ce n'était pas de vous prendre par surprise, là, loin de là.

Mme Halley (Paule) : J'espère que vous parlez de mon mémoire?

M. Boucher : J'espère aussi.

M. Hallé (Paule) : C'est pour ça que je posais la question. J'ai le livre vert, donc... On en a parlé, de ça, dans le livre vert, mais là j'ai un petit souci, là.

M. Boucher : O.K. Bon. À la page 10 de votre mémoire, vous indiquez qu'«il serait souhaitable d'assurer la représentation de la société civile, [des gens des Premières Nations,] des Autochtones et du secteur privé au sein du nouveau Comité consultatif sur les évaluations environnementales stratégiques». J'aimerais savoir, bon, selon vous, là, c'est quoi, les avantages, puis qu'est-ce que ça apporterait, là, une telle composition.

M. Barrett (Michael) : Avoir la présence des Inuits et des Premières Nations associés avec l'évaluation?

M. Boucher : C'est ça.

M. Barrett (Michael) : Alors, si je peux parler de l'exemple de l'évaluation d'acceptabilité de l'industrie uranifère et dans laquelle le Comité consultatif du gouvernement Kativik et le Comité consultatif de la Baie-James avaient une participation avec le BAPE, dans notre région... Et nous autres, on a trouvé ça bien positif et c'était... J'espère que le rapport émis par le BAPE avec un chapitre pour les territoires conventionnés... La contribution était positive, selon moi.

M. Boucher : O.K.

M. Barrett (Michael) : Donc, pour une évaluation stratégique, d'avoir une participation des Inuits et les Premières Nations, ça doit être positif pour Québec.

M. Boucher : O.K.

Mme Halley (Paule) : Je peux peut-être ajouter simplement qu'on a quand même observé certaines pratiques d'évaluation environnementale stratégique, puis le fait de sélectionner, de cadrer des programmes, des impacts, on peut souhaiter que cette réflexion se fasse avec les différentes représentations et groupes d'intérêt d'une société. Et à ce moment-ci ce qu'on propose dans le projet de loi, c'est plutôt une réflexion interne du gouvernement du Québec. Puis on souhaitait souligner le fait qu'il serait préférable de joindre à cet exercice les différents membres de notre société pour réfléchir à ces questions en amont.

M. Boucher : O.K. C'est bien. À la page 7 de votre mémoire, vous dites que «certaines avancées proposées par le p.l. n° 102, pour le chapitre I de la LQE seraient également profitables au régime applicable au Nunavik [notamment] en ce qui concerne la possibilité pour le gouvernement d'établir une procédure de sélection des membres du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement», du BAPE, ainsi que : «Des modifications de cette nature auraient pour effet d'améliorer la sélection des membres des comités nordiques et la procédure de nomination.» Pouvez-vous élaborer à ce sujet-là, là, puis me donner plus d'informations?

Mme Halley (Paule) : Bien, en fait, c'est des objectifs de transparence, de reddition de comptes, de sélection, donc c'est des éléments qui sont très valables pour avoir une loi qui est claire, que les gens puissent s'approprier, comprendre comment les choses procèdent. Il nous est apparu que ces bonnes pratiques gagneraient à être appliquées également lorsque le gouvernement du Québec nomme des membres, également, dans les organismes qui s'appliquent au Nunavik, qu'il s'agisse du Comité consultatif de l'environnement Kativik ou qu'il s'agisse de la commission, toujours basé évidemment sur l'expertise des personnes à capacité, là, de rendre compte des mandats qui sont donnés à ces institutions.

M. Boucher : O.K. À la page 7 de votre mémoire, bon, vous dites que vous êtes favorables à l'application d'un test climat à même le régime d'autorisation environnementale. Donnez-moi, bon, plus de détails, là, sur l'importance de l'application de cette mesure-là sur le territoire nordique.

M. Barrett (Michael) : Parce que quand vous avez demeuré au Nunavik, un certain changement de climat, son impact, c'est énorme. Pour l'infrastructure du village, on parle de danger pour les personnes à l'extérieur du village, avec les changements de vents, avec les changements de régime de glace, avec les changements de végétation. Et des industries nouvelles doivent essayer d'aider, de faire de la réduction des effets de serre et dans le changement de climat. On a vécu ça, on l'a vécu à Salluit, on a vécu ça avec les infrastructures, on a perdu des personnes à cause des changements de météo, les vents violents. Et c'est partie de la vie, mais il faut voir dans l'évaluation environnementale pour rendre compte de ça. Des compagnies, des industries et nos communautés doivent travailler plus fort là-dedans, et ça doit être dans l'évaluation environnementale, selon nous. Je parle un peu personnel, mais c'est comme ça, c'est... Tu vois des avalanches, tu vois les infrastructures, quand le plancher d'un garage tombe d'un mètre. C'était énorme. Et ça va continuer. Et il faut faire notre part. Les industries, dans l'évaluation environnementale, doivent faire de même.

Mme Halley (Paule) : J'ajouterais peut-être, à titre d'exemple, la mine Raglan. Donc, c'est important de tenir compte d'une perspective à très long terme. C'est très dynamique, c'est déjà en action, et on ne peut pas penser que le pergélisol va être du pergélisol pendant 50 ans puis qu'on va mettre des tailings dans le sol. Donc, c'est très important pour le Nunavik. Donc, on voulait appuyer cette introduction de critères, l'adaptation, la réduction des risques associés. Et certainement, sur le territoire du Nunavik, c'est une question d'une grande acuité.

M. Boucher : C'est ça. Parce qu'on sait qu'au Nunavik les changements climatiques sont vécus de façon beaucoup plus marquée qu'au Sud. Au Sud, on n'a plus les hivers qu'on avait, puis les automnes, les printemps sont différents de notre jeunesse. Mais au Nunavik, là, c'est vraiment accéléré, puis ça a vraiment des conséquences beaucoup plus sérieuses, là, que le fait que la neige arrive quelques semaines plus tôt ou plus tard que dans notre jeunesse, là.

On va parler du Fonds vert un petit peu. Vous dites que... bon, vous recommandez de bonifier l'article 15.4.38 de la Loi sur le ministère du Développement durable et de l'Environnement de manière à garantir la municipalité de l'Administration régionale Kativik, en précisant que le fonds vise, entre autres, à apporter un soutien financier aux municipalités, qu'il s'agisse d'un territoire non organisé ou d'une municipalité régionale de comté. Pourriez-vous m'éclairer puis me donner plus d'exemples là-dessus par rapport à vos craintes ou... C'est à la page 15 du mémoire.

• (16 h 10) •

Mme Halley (Paule) : En fait, le territoire conventionné est différent, et la terminologie est différente, puis ce n'est pas un territoire organisé comme un territoire du Sud, et l'Administration régionale Kativik est considérée comme une municipalité régionale de comté pour qu'on puisse traduire certaines de ses responsabilités sur le territoire. Donc, c'est important pour nous que cette expression-là soit présente pour que ça ne soit pas un risque de voir l'Administration régionale Kativik être déclassée ou de ne pas être admissible à des fonds qui vont être destinés à ce type d'administration là, mais pour des raisons de particularisme. C'est pour ça aussi que le CCEK existe, là, c'est pour le rappeler qu'il y a des particularismes dans les régimes juridiques du nord, et qu'il faut, à certains moments, adapter le régime général pour s'assurer de ne pas échapper personne. Et c'était notre souci, quand on a passé à travers le projet de loi n° 102, de voir s'il n'y avait pas justement d'autres craques qui fait en sorte que...

M. Boucher : ...quelque chose, là.

Mme Halley (Paule) : Oui, on n'a pas la prétention de les avoir tous relevés, malgré qu'on ait eu cette intention.

M. Boucher : On sait que, bon, au Nunavik, par exemple, chaque village est éclairé, bon, a un service d'électricité indépendant du réseau d'Hydro-Québec, qui fonctionne bien, mais qui, malheureusement, fonctionne encore au pétrole encore aujourd'hui. C'est sûr que, bon, c'est un moindre mal, là, sauf que, ces centrales-là, souvent, arrivent à la limite de leurs capacités puis, plutôt qu'en bâtir une plus grosse avec un plus gros diesel, ça pourrait être intéressant d'arriver avec des solutions, soit des panneaux solaires, ou des éoliennes, ou des choses comme ça, puis recevoir de l'aide à travers le Fonds vert, par exemple. C'est des choses auxquelles vous voulez assurer votre droit, là.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le député d'Ungava. Malheureusement, ça met fin à l'échange avec la période gouvernementale. Désolé de vous avoir coupé, mais j'ai étiré l'élastique le plus loin que je pouvais. Alors, de ce pas, nous allons procéder avec l'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence, Mme Halley, Barrett et Mme Benoit. Alors, merci beaucoup de votre présence. Je sais que, dans certains cas, ça peut représenter beaucoup d'heures de déplacements, et je pense que c'est important qu'on prenne du temps pour bien échanger ensemble.

Je veux être sûr de bien comprendre ce que vous nous dites. Est-ce qu'au fond vous trouvez qu'il n'y a pas suffisamment, voire même pas du tout d'arrimage entre la réalité, les lois, les conventions qui vous gouvernent, d'une certaine manière, ou qui sont en application sur votre territoire et le projet de loi n° 102? J'en veux pour preuve... Bon, par exemple, dans le sommaire de vos recommandations, à la page 14, les «Dispositions interprétatives», vous dites: «Remplacer le terme [des]"réalités des territoires et des collectivités[...]" par [d'autres] notions», «énoncer clairement que les dispositions de la [loi] favorisent la satisfaction des besoins des "générations futures"», et vous dites: «Intégrer dans la LQE des dispositions interprétatives spécifiques à l'obligation de consultation des Autochtones.» Alors, est-ce que je dois comprendre que le projet de loi n° 102 ne tient pas suffisamment compte de cette réalité-là au sens large et qu'on devrait même agir dès les premiers articles, ou dès la présentation, ou les considérants de la loi?

Mme Halley (Paule) : En fait, le projet de loi n° 102 est l'occasion d'être ambitieux. Donc, il y a des choses que nous aurions souhaité voir. C'était l'occasion aussi de parler de ce qui était absent. Et, comme nous avons participé aux différentes versions de la Loi sur les mines, au cours des dernières années, sur les hydrocarbures, donc nous avons remarqué qu'on faisait une attention particulière à la consultation des autochtones. Donc, dans cette perspective d'harmonisation des législations récentes, on a fait ces propositions. La même chose pour la disposition préliminaire, où on préfère avoir des références à la Loi sur le développement durable, à des concepts de la Loi sur la qualité de l'environnement, au lieu d'avoir l'introduction de nouveaux concepts qui peuvent, juridiquement, être peu significatifs.

Par ailleurs, depuis le livre vert, il est très clair, dans ce projet, qu'on veut moderniser la partie I de la LQE. Je pense que c'était très, très, très clair, parce que les parties sont conscientes qu'ils ne peuvent pas changer la partie II sans l'accord des signataires de la Convention de la Baie James, notamment des Inuits et notamment des Cris. Donc, c'est tout à fait logique. Mais, par ailleurs, ce que nous remarquons, c'est que, malgré tout, il y a des impacts du projet de loi sur la partie II. Et c'est ce qu'on souhaitait mettre en évidence dans notre mémoire afin de sensibiliser le législateur à cela et qu'à l'occasion il conviendrait de préciser que... s'appliquent ou ne s'appliquent pas, comme la question de l'accès à l'information. Les modifications qui ont été apportées au registre du 118.5 font en sorte qu'on devrait se retrouver dans le nouveau registre des études d'impact. On s'attendrait à ça, ça serait la logique même. Mais peut-être, à l'origine, dans l'architecture du projet de loi, on n'a pas fait toute cette réflexion-là, et c'est pour ça qu'un comité comme le nôtre existe, c'est pour s'assurer de ne pas les oublier.

M. Gaudreault : C'est pour ça que vous venez...

Mme Halley (Paule) : Et on est vraiment, là, dans le coeur de notre mandat, ici.

M. Gaudreault : Oui, c'est sûr que je comprends. Vous êtes vraiment ici pour venir nous le dire, là.

Mme Halley (Paule) : Oui, qu'il va y avoir des impacts. Parce que les articles 22, 32, 48 s'appliquent lorsque les projets sont soumis à ce type de régime, lesquels maintenant vont passer sous un 22. Et là il faut essayer de se projeter pour voir tout ce que ça va poser comme questions lorsqu'un projet va se réaliser sur le territoire du Nunavik. Puis il va y avoir ces nouvelles dispositions, ces nouveaux régimes, aussi, donc...

M. Gaudreault : ...obligations de consultation. Et vous trouvez que la partie II ne tient pas suffisamment compte de ça?

M. Barrett (Michael) : Avec l'expérience, les révisions de la Loi sur les mines, dans laquelle il y a des obligations, ça change l'attitude. On a plus la consultation. Donc, ça, je parle d'expérience avec la Loi sur les mines. Et tout ça positif pour Nunavik et pour Québec aussi. Donc, c'est souhaitable que c'était... c'est le même dans la révision de la loi.

M. Gaudreault : O.K. Donc, vous nous suggérez, au fond, peut-être, de nous inspirer davantage de ce qui a été fait lors de la Loi sur les mines pour le projet de loi n° 102, c'est ça?

Mme Halley (Paule) : C'est ce que nous avons proposé pour la consultation de nature autochtone.

M. Gaudreault : O.K. Très intéressant. Maintenant, vous dites, toujours à la page 14, je parle de la page 14 parce que je regarde le sommaire de vos recommandations, dans les «Régime d'autorisation de la LQE» : «Inclure la lutte contre les changements climatiques dans les processus d'autorisation de la LQE.» Vous trouvez que ce n'est pas assez? Comment vous voudriez inclure davantage la lutte contre les changements climatiques? Le test climat, par exemple, ça ne vous satisfait pas? J'aimerais ça que vous m'expliquiez davantage cet élément-là.

Mme Halley (Paule) : En fait, nous souhaitons l'appuyer, mais elle s'applique au Sud, puis là on a des questions, des interrogations quant à la portée de tout ça dans le Nord. On appuie cette approche de prendre en considération les questions, notamment, d'adaptation, les questions aussi de réduction, suivant les projets. Mais nous souhaiterions que ces idées soient aussi portées au Nunavik. Donc, on l'appuie pour le Sud, mais en fait notre mandat, ce n'est pas véritablement de faire la promotion des régimes pour le Sud. Mais on trouve que c'est des bonnes idées. Et nous, on est particulièrement sensibles à ça et on souhaiterait que ça soit une idée aussi qui soit prise en compte dans le Nord.

• (16 h 20) •

M. Gaudreault : O.K. Et ça nous amène, disons, à discuter des quatre niveaux de risque que le ministre amène dans le projet de loi n° 102, là : risques faibles, modérés, risques...

Une voix : Négligeables.

M. Gaudreault : ...négligeables, faibles, modérés et risques élevés. Bon. Alors, est-ce que vous trouvez que ces quatre catégories s'appliquent de la même manière dans le Nord? Et, deuxième sous-question, est-ce que vous seriez plus rassurés si vous aviez, dès maintenant, et que ça puisse nous guider également lors de nos travaux en article par article, les intentions réglementaires du gouvernement?

Mme Halley (Paule) : Je suis désolée, mais je n'ai pas vu utiliser le mot «risque» dans le projet de loi. Je l'ai vu utilisé dans la documentation administrative, et le mot «risque élevé, faible, moyen» n'est pas utilisé dans le projet de loi. On parle d'impacts, on utilise l'impact négligeable, juste après la disposition sur les déclarations de conformité, mais pas le mot «risque». C'est une très bonne chose. Je suis venue en discuter, c'est avec un autre chapeau, à l'occasion du livre vert. Et en fait les activités au Nunavik sont déjà classées, et il y a déjà une institution qui s'occupe de classer les impacts, donc il y a une commission d'environnement Kativik... de l'évaluation de l'environnement et il y a déjà une liste d'activités qui sont considérées comme suffisamment importantes, en termes d'impact culturel, social, économique, etc., qui sont assujetties à une procédure au siège des Inuits. Ça, le projet de loi n° 102 ne peut pas toucher à ça.

Également, une liste de projets qui sont totalement exclus de la juridiction de cette Commission sur la qualité de l'environnement Kativik. Et ensuite c'est cette commission, ce sont ces personnes qui ont juridiction pour déterminer si les activités, les impacts prévisibles d'un projet devraient faire en sorte que ce projet soit assujetti à une procédure d'évaluation et d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social, hein? Dans le Nord, on évalue les impacts aussi sur le milieu social. Donc, ça, si ça doit être modifié, ça devrait certainement être modernisé.

On a voulu insister sur le fait que ça existe depuis 1978. On modernise la LQE, il y a des éléments dans cette modernisation qui gagneraient à être insufflés dans le régime du Nunavik. Mais par ailleurs il y a des éléments que vous ne pouvez pas toucher avec le projet de loi n° 102 parce que ça ressortit d'une négociation avec les peuples inuits et cris, et ils devraient être consultés.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Mme Halley. Malheureusement, ça met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. On va procéder avec une période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole au député de Masson. La parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci encore une fois d'être ici. Bien heureux de vous revoir. On s'était vus aussi au livre vert. Maintenant, on va aller à la page 5-6 de votre mémoire. Vous mentionnez l'obligation de consulter des communautés autochtones. Je sais que vous en avez parlé précédemment avec le député de Jonquière, en ce qui concerne la Loi sur les mines, mais est-ce que vous aviez quelque chose à rajouter? Parce que vous aviez des points spécifiques, là, vous aviez sorti les extraits, là, les points 2.1, 2.2 et 2.3, à la page 6, mais est-ce que vous avez un endroit spécifique que vous voyez que ça pourrait mieux s'intégrer dans le cadre de la LQE? Est-ce que vous avez une section que vous croyez que, selon vous, ça s'intégrerait parfaitement à tel endroit dans la loi?

Mme Halley (Paule) : En fait, on l'a mis comme vraiment au début. Je crois que c'est une annonce au début d'une loi, de la façon dont celle-ci sera appliquée d'une manière particulière à un certain peuple. Je ne sais pas si Michael a quelque chose de particulier, mais les membres du comité n'avaient pas nécessairement retenu un endroit particulier, sinon d'imaginer que ça allait plutôt dans l'introduction, dans les premières dispositions de la loi.

M. Lemay : Si on va à la page 12 de votre mémoire, vous mentionnez, dans le fond, que... on parle ici de l'article 118.5.0.1 de la LQE, puis vous mentionnez que des projets qui concernent le Nunavik «soient soumis au processus d'évaluation et d'examen [sur les] répercussions sur l'environnement et le milieu social applicable au Nunavik». Est-ce que vous voulez donner des commentaires supplémentaires? Dans le fond, ce que vous dites, c'est carrément de pouvoir modifier cet article-là pour dire : On veut que le Nunavik soit inclus dans ce processus. C'est ça? C'est ce que je comprends?

Mme Halley (Paule) : Oui, c'est tout à fait cela. Donc, il y a une petite perte parce que les... Jusqu'à maintenant, 118.5 annonce que de la documentation associée aux études d'impact qui sont réalisées au Nunavik est rendue publique, puis là, maintenant, 118.5 parle juste de la loi. Donc, on comprend que ça pourrait être... Donc, c'est la partie II. Puis on a ce nouveau registre pour les études d'impact. Ça fait qu'on souhaiterait véritablement que ça ne soit pas juste les études d'impact, le processus du Sud, qui bénéficie de ce registre, mais également le processus qui a lieu au Nunavik, qu'on puisse également consulter, avoir accès à cette information qui soit disponible, au lieu... C'est plus vague, sur ce qu'on propose à 118.5, dans le projet de loi. On souhaiterait vraiment pouvoir voir, avoir cette garantie juridique de l'accès à l'information sur les études d'impact qui ont lieu au Nunavik. Et je ne crois pas que ça porterait atteinte au consentement des parties de rendre disponibles des informations qui sont par ailleurs publiques.

M. Lemay : Parfait, merci, c'est très clair. Et puis, si on va à la page 15 de votre mémoire, à la toute fin, on parle du Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État. Vous proposez une modification à l'article 203 du p.l. n° 102 afin que le libellé du nouvel article 15.4.38 puisse inclure, là, aussi pour l'Administration régionale de Kativik... vous mettez un commentaire : «S'il s'agit d'un territoire non organisé, d'une municipalité régionale de comté.» Je sais que vous en avez déjà parlé un peu, mais est-ce que vous voulez donner des détails supplémentaires? Ça va sûrement en lien avec ce que vous venez dire, précédemment, là, à la question précédente.

Mme Halley (Paule) : ...information juridique. Donc, comme je le soulignais, il y a un vocabulaire, il y a un particularisme qui est associé à la signature de la Convention de la Baie-James, qui fait en sorte que certains régimes généraux ne s'appliquent pas directement, et il faut donc faire des précisions. Et ce n'est pas une municipalité, l'Administration régionale Kativik, mais elle est considérée, par sa loi constitutive, comme une municipalité régionale de comté. Donc, à toutes les fois qu'on veut s'assurer qu'une administration comme celle-là puisse bénéficier des attributs qu'on va accorder aux municipalités, il y a un certain souci que ça ne soit pas le cas, que ça soit litigieux ou pas clair. Donc, on préfère... On vous propose un libellé, même. On a essayé, quand c'était possible, de vous proposer des libellés pour les modifications que nous vous suggérons, afin de faire bénéficier le territoire du Nunavik des innovations, des améliorations qui sont apportées avec le projet de loi n° 102.

M. Barrett (Michael) : C'est ça, parce que c'est le plus grand territoire, si je peux dire ça, municipal au Québec, mais personne ne demeure là-dedans. Et il faut être plus précis, parce qu'en termes de protection environnementale et de management régional il faut avoir, c'est bien clair, le pouvoir. Et l'Administration régionale Kativik, les membres du conseil, c'était un membre de chaque village plus la nation des Naskapis, plus le président et vice-président. C'est bien démocratique, ils essaient de s'occuper de la plus grande région, mais il faut, c'est clair, dans les lois et les règlements, le pouvoir. Sinon, on fait beaucoup de travail pour rien.

Et on a eu des choses comme les sites d'occupation minière abandonnés. On a eu d'autres exemples. Et il faut être plus clair au fait que l'Administration régionale Kativik peut avoir le pouvoir de protection, de management dans le territoire. Et en disant positif, on peut parler de centaines de camps de pourvoyeurs abandonnés, le gouvernement du Québec, on fait beaucoup de travail, la présentation, la semaine passée, pour les sites minéraux abandonnés. Je ne sais pas, avec les nouvelles compagnies, il ne fait pas ça. Mais on vit dans le passé, on a une ligne de radar avec 38 sites abandonnés avec 15 000 barils, et donc on ne veut pas avoir ça dans le futur. Donc, je parle de mauvais exemples passés, mais, dans le futur, si la région peut avoir les mêmes pouvoirs que les municipalités au Sud, on peut améliorer ça.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Barrett. Ça fait le tour pour les échanges. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à la commission, d'être venus ici, c'est très apprécié.

Je suspends quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Iracà) : Nous allons reprendre nos travaux. Je vous souhaite la bienvenue, au Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James. Bienvenue chez vous. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période des échanges avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James (CCEBJ)

Mme Labbé (Pascale) : Merci, M. le Président. Mon nom est Pascale Labbé. Je suis présidente du Comité consultatif pour l'environnement Baie-James, le CCEBJ, membre nommé par le gouvernement du Québec. Je suis accompagnée de Ginette Lajoie, ici, membre nommée par le gouvernement de la nation crie, et de notre analyste Graeme Morin. Le CCEBJ est un comité tripartite, un peu semblable au comité que vous avez entendu précédemment, le CCEK, dont le mandat est la surveillance et l'administration du régime de protection de l'environnement et du milieu social, créé en vertu du chapitre 22 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et enchâssé dans le chapitre II de la LQE.

À ce titre, nous sommes l'interlocuteur privilégié pour tout projet de loi et règlement qui peuvent toucher au régime de protection de l'environnement ou avoir des incidences sur le territoire de celui-ci. Bien que les modifications proposées ne touchent pas directement le chapitre II de la LQE, nous croyons qu'il a quand même des incidences sur le régime et sur son territoire, et le CCEBJ est soucieux de s'assurer que la Convention de la Baie-James sera respectée, dont le mandat des institutions qui sont créées par le chapitre 22 de la convention.

La principale préoccupation qui est exprimée dans notre mémoire a trait au cadre qui est proposé pour les évaluations environnementales stratégiques. Nous croyons qu'il y aura une incidence, ne serait-ce que par le fait que les recommandations issues d'une EES devront être prises en compte également pour les projets qui seront évalués dans le cadre du chapitre 22. Nous croyons que le mandat des institutions créées en vertu du régime de protection de l'environnement devra être respecté, particulièrement lorsqu'il y a une EES qui touche directement le territoire de l'application de ce régime ou a des incidences importantes sur ce territoire, à commencer par le mandat du CCEBJ. On croit qu'on aurait un rôle à jouer, à titre de comité consultatif, pour éclairer l'administration responsable d'une EES sur les enjeux qui doivent être pris en compte, donc vraiment dans le cadrage de l'EES.

Mais également, à la lumière des principes directeurs du chapitre 22, tout mécanisme de consultation qui a lieu dans le territoire doit prévoir une place prépondérante ou plus importante aux Cris que le public en général. C'est à la lumière de ce principe que, dans le cadre de la... le mandat du BAPE, l'enquête sur la filière uranifère, une entente avait été signée entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la nation crie, et les modalités interpellaient directement le mandat du CCEBJ en ce qui a trait à la consultation publique qui devait avoir lieu et à l'élaboration des recommandations en étant issues.

Pour signer cette entente-là et pour définir le fonctionnement entre les commissions qui avaient été créées par le BAPE et le CCEBJ, ça a été un très long processus, qui a demandé beaucoup de temps, donc nous croyons que, lorsqu'une EES touche directement le territoire ou a des incidences importantes sur celui-ci, des mécanismes clairs devraient être définis. Donc, nous souhaitons que le projet de loi pave la voie à un établissement de tels mécanismes de façon à ne pas devoir fonctionner au cas par cas, de façon ad hoc, lorsqu'une situation similaire se produit.

On comprend que, le cadre proposé, les EES se feraient sur une base volontaire. Dans ce cas, nous comprenons difficilement pourquoi les politiques ne figurent pas au projet de loi. Selon nous, une politique peut être suffisamment stratégique et structurante pour les initiatives qui vont en découler. Donc, on croit que les politiques devraient figurer au projet de loi, mais nous questionnons évidemment la crédibilité et la cohérence du processus dans la mesure où les déclencheurs d'une EES ne sont pas clairement identifiés. Pour le CCEBJ, il aurait été souhaitable que des projets de loi, de règlements... en fait, les stratégies, les plans, les politiques, certains types soient identifiés et seraient automatiquement assujettis à une EES.

Pour les autres types d'EES, on suggère qu'il y ait des critères très clairs d'assujettissement. Et lorsqu'une administration évalue si son plan, sa stratégie doit passer par une EES, qu'elle justifie, en fait, les raisons pour lesquelles une EES n'a pas été jugée souhaitable. On croit même qu'un mécanisme de validation de cette décision-là devrait être mis en place. Et, en ce qui concerne les critères d'assujettissement, nous croyons que les impacts sociaux doivent être pris en compte. Particulièrement en ce qui concerne le territoire, ces impacts sociaux là vont toucher directement à la protection des droits garantis par la convention.

Ensuite, notre intervention dans le mémoire concerne les changements proposés au régime d'autorisation. Nous croyons qu'il n'y a pas de division hermétique entre le Chapitre II de la LQE et les autorisations, disons, plus sectorielles, étant donné que plusieurs vont découler d'un projet qui est autorisé en vertu du Chapitre II de la LQE. Donc, pour cette raison, on se préoccupe de la cohérence qui doit demeurer entre les autorisations... bien, en fait, le régime d'autorisation en entier, et les autorisations qui peuvent être données selon le Chapitre II. À cette fin, nous croyons que les impacts sociaux doivent être pris en compte dans tous les types d'autorisation, non seulement pour l'analyse, mais qu'elles puissent faire l'objet de conditions au certificat d'autorisation. Et, dans le cas du territoire, ça peut comprendre les répercussions sur la société crie, les aires de trappe cries, les droits d'exploitation faunique, donc c'est un événement qu'on croit important d'inclure au projet de loi.

• (16 h 40) •

Une préoccupation majeure que nous avons, c'est concernant la classification des projets selon les impacts ou selon la notion de risque. Évidemment, pour les milieux nordiques, surtout les milieux biophysiques versus les milieux biophysiques du Sud... sont différents. Donc, les impacts environnementaux peuvent être légers, peuvent être négligeables au Sud, alors qu'ils seraient beaucoup plus importants dans le Nord. Mais également on voudrait s'assurer que cette notion de risque là comprenne la dimension sociale. Le milieu nordique a ses particularités qu'on croit qu'elles devaient prises en compte. Simplement, à titre d'exemple, la subdivision du territoire de la Baie-James en aires de trappes familiales fait en sorte que des projets qui seraient à risque négligeable, s'ils sont situés dans une seule aire de trappe crie, les impacts cumulatifs deviennent importants. Donc, c'est pour cette raison-là qu'on croit qu'on... En fait, le CCEBJ aimerait beaucoup participer à la réflexion sur la catégorisation des projets pour justement s'assurer que cette dimension-là puisse être prise en compte.

On est très heureux des changements qui sont proposés en ce qui concerne le registre des évaluations environnementales. On a le même message que le CCEK à l'effet qu'on espère que ce registre-là va comprendre également le chapitre II de la LQE, les autorisations données en vertu de ce chapitre, mais on aimerait que tous les types d'autorisations, en fait, y figurent, y compris les déclarations de conformité, afin que les citoyens soient informés de ce qui se passe sur le territoire.

Ensuite, bon, concernant les changements climatiques, la prise en compte des changements climatiques dans le régime d'autorisation, on voit ça d'un bon oeil, mais évidemment ça demande une connaissance, une amélioration des connaissances de base sur les changements climatiques, particulièrement dans le contexte nordique où les chasseurs cris perçoivent et des communautés cries vivent de près les changements climatiques. Les connaissances de base, les états de référence ne sont pas encore adéquats pour qu'un promoteur puisse suffisamment juger de l'impact de son projet, et on croit que ce n'est pas uniquement la responsabilité du promoteur de travailler à cet état des connaissances.

Par ailleurs, dans les conditions qui seraient en lien avec les émissions de GES, on croit que ça serait peut-être... en fait, qu'il serait nécessaire d'ouvrir la porte à l'adaptation aux changements climatiques, donc que des conditions puissent porter directement sur des mesures d'adaptation aux changements climatiques.

Le... qu'on vous propose, en fait, propose des avenues et certains principes sur quoi les trois parties membres du CCEBJ se sont entendues, mais la réflexion doit se poursuivre parce qu'on aimerait proposer des avenues plus concrètes sur la façon de mettre en oeuvre ce qu'on propose, tout en respectant la Convention de la Baie James, et donc on s'attend à être consultés sur les initiatives qui vont suivre, les projets de règlement.

Je voulais souligner que, ce matin, les membres du CCEBJ nommés par le gouvernement de la nation crie vous ont déposé une lettre qui fait état de leur position particulière par rapport à l'applicabilité de certaines dispositions du projet de loi, et je voulais préciser, en fait, qu'il s'agit d'une démarche qui se situe hors du corps du processus qui a mené à l'adoption du mémoire et qu'il n'engage en rien la position des autres membres du CCEBJ.

Merci beaucoup. On est prêts à recevoir vos questions.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, Mme Labbé. Alors, M. le ministre, nous allons procéder à une période d'échange avec la partie gouvernementale. Je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. Merci pour votre présentation et votre mémoire. Je voulais juste m'assurer... Aviez-vous terminé ce dernier élément?

Mme Labbé (Pascale) : Tout à fait, tout à fait.

M. Heurtel : Ça va?

Mme Labbé (Pascale) : Oui.

M. Heurtel : Écoutez, je vais simplement... je voulais vous remercier, prendre bonne note de vos recommandations, mais je vais m'arrêter là pour laisser mon collègue d'Ungava prendre la relève. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Alors, oui, immédiatement, je vais céder la parole au député d'Ungava, qui, j'en suis certain, a plusieurs questions et commentaires à faire.

M. Boucher : Alors, bonjour, «wachiya», «kwe». C'est un plaisir pour moi de vous recevoir ici aujourd'hui.

Vous parlez, bon, à la page 12... concernant les changements climatiques, vous dites que les conditions qui peuvent être imposées lorsque des projets sont autorisés doivent également prendre en considération des conditions existantes dans la zone d'étude, notamment des adaptations possibles aux impacts de changements climatiques, puis pas seulement la réduction des GES.

De quelle manière vous souhaiteriez que cette adaptation-là aux changements climatiques soit prise davantage en compte dans l'analyse des projets en milieu nordique, puis avez-vous des exemples à cet effet-là?

Mme Labbé (Pascale) : Ginette...

Mme Lajoie (Ginette) : Oui, je pourrais répondre. Au départ, on considère que ce n'est pas seulement évaluer les mesures de gaz à effet de serre qu'un projet pourrait libérer dans l'atmosphère et donc engendrer de nouveaux impacts. Comme Pascale l'a mentionné tantôt, déjà, dans le territoire, les utilisateurs du territoire, les chasseurs cris qui se promènent à l'ensemble du territoire observent, d'une part, et subissent les effets déjà. L'ampleur varie dans le temps, varie dans le territoire, mais nous, ce qu'on dit, c'est ceci : Dans tous les projets qu'on examinera, cette dimension-là des impacts sur les utilisateurs du territoire doit être documentée. Et, en plus, dans le cadre de ces projets-là, dans la réalisation de ces projets-là, on doit inclure des mesures qui permettent à aider à l'adaptation à ces changements-là. Je donnerais un exemple, ce qui est noté particulièrement chez les chasseurs cris, c'est le moment de prise des glaces, à l'automne, qui a beaucoup changé, ainsi que la fonte au printemps. Et on a noté plusieurs accidents qui sont arrivés dans le territoire parce que justement ces changements-là, aux lieux où ces plans d'eau n'ont plus le même comportement, entre guillemets, alors, supposent que les gens doivent s'adapter.

Alors, ce que nous, on propose aussi, c'est que, dans un contexte comme ça, il faut absolument qu'il y ait une espèce... qu'on instaure une vigie territoriale sur ces changements observés par les utilisateurs. Et il y a déjà eu des efforts en ce sens faits par l'Association des trappeurs cris, qui documentait, sur une base de GIS, les endroits justement où certains phénomènes étaient observés et les conséquences sur les utilisateurs. Et ce serait important que les données ainsi recueillies soient colligées et accessibles, par exemple, soit aux instances gouvernementales ainsi qu'aux promoteurs.

À moins que Graeme ait quelque chose à rajouter, là, c'est, grosso modo, dans ce sens-là qu'on voulait intervenir.

M. Boucher : Et puis cette vigie-là... souhaiteriez-vous que l'information soit disponible aux utilisateurs aussi? Vous parliez, bon, de comportement des glaces, peut-être qu'il y a des endroits où, traditionnellement, c'était sécuritaire de telle à telle période de l'année, mais maintenant ça ne l'est plus, pour x, y raison.

Mme Lajoie (Ginette) : Au premier chef, c'est évident qu'il faut que... de toute façon, de la façon dont le projet avait été conçu à l'époque, là, si je m'inspire de cette idée-là, là, qui est issue du milieu lui-même, là, c'était justement destiné pour qu'entre elles les familles puissent partager — parce que le territoire de la Baie-James est un grand territoire, on parle quand même de plus de 400 000 kilomètres carrés, 300 territoires de chasse familiaux — donc, cette vigie. Il est important de partager les informations, parce qu'il y a beaucoup de déplacements, au cours d'une année, dans les territoires.

M. Boucher : Vous parliez tantôt, bon, parfois de projets qui peuvent avoir des impacts mineurs ou mitigés sur l'ensemble du territoire, mais étant donné que 100 % ou un fort pourcentage du projet sera réalisé sur une ligne de trappe, que peut-être ça aura un impact plus majeur sur cette ligne de trappe là.

Pour le bénéfice de tout le monde, pourriez-vous faire un petit résumé, là, sur c'est quoi, une ligne de trappe? Quand on parle d'un «tallyman», on parle de quoi, puis comment tout ça vient s'insérer dans ça, là?

Mme Labbé (Pascale) : Ginette va être mieux placée...

Mme Lajoie (Ginette) : Oui, je vais essayer de résumer. Ces territoires traditionnels ont des dimensions qui peuvent varier entre, je dirais, 700 kilomètres carrés et peut-être 1 000 kilomètres carrés. Au sud, ils sont plus petits, au nord, ils sont plus vastes. Plusieurs membres d'une même famille en bénéficient, la tradition veut que le chef de famille, le «tallyman», en soit le gestionnaire premier. Et, de par ses connaissances traditionnelles, c'est lui qui est en mesure de bien s'assurer que le territoire est bien occupé, entre guillemets. Je résumerais ça...

• (16 h 50) •

M. Morin (Graeme) : J'ajouterais tout simplement que ce système familial est reconnu explicitement au chapitre 24 de la convention et que nous, le CCBBJ, ça fait partie de notre mandat d'assurer le respect de ces droits qui sont élaborés au chapitre 24.

M. Boucher : Dans la tradition crie, on n'hérite pas de la terre, on l'emprunte à nos enfants. Donc, on doit s'assurer de la remettre dans un état...

Mme Lajoie (Ginette) : ...il y a une grande compétition qui vient des projets de développement, et là est toute la question pour nous, là, c'est...

M. Boucher : Dans votre mémoire, bon, à la page 12, vous parliez de la catégorisation des projets en fonction des risques, qui doit tenir compte des milieux biophysiques, sociaux, culturels et spécifiques du Nord. Faites-vous référence, bon, plus aux projets à faibles risques qui pourraient être assujettis à une déclaration de conformité ou à une autorisation ministérielle? Élaborez un petit peu là-dessus, là.

Mme Labbé (Pascale) : Je pense que c'est dans tous les types de projets. En fait, on se questionne si, justement, la notion de risque comprend cette dimension-là, la dimension sociale. Et comme, en fait, nous, on voudrait vraiment être consultés là-dessus, et puis je passe le message que c'est le genre de... ça va prendre beaucoup d'analyse parce que ce n'est pas simple comme question. Donc on souhaiterait être consultés le plus en amont possible sur le projet de règlement ou les listes de projets, là, qui seraient...

Mme Lajoie (Ginette) : Si vous me permettez, en complément, je vous donnerais l'exemple de travaux que nous avons accomplis sur une période de deux ans dans le cadre des recommandations qu'on a faites aux différents gouvernements cris, fédéral et provincial, sur la révision des annexes au chapitre 22 de la convention, ce que vous retrouvez dans la LQE, au chapitre II. Et on s'est intéressés à la question des activités liées à l'exploration minérale qui tombent dans des espèces de zones grises, là. Et on a essayé de catégoriser justement les différentes activités d'exploration minérale que ce soit forage, que ce soit dynamitage, etc., pour essayer de dire : Actuellement, comme je vous dis, ils sont en zone grise, donc on doit déterminer si une activité doit être assujettie ou non à un processus d'évaluation environnementale. Et c'est dans ce sens-là qu'on a examiné par... un des critères était justement le niveau de risque associé avec ce genre d'activité d'exploration minérale.

Et, deuxièmement, ce niveau de risque là a été évalué en fonction aussi de l'existence d'un cadre réglementaire qui pouvait encadrer les impacts liés à ces activités d'exploration minérale. Et là, on voit venir... ça a été très difficile, premièrement, de décortiquer, de catégoriser. Alors, je vous dis que, si on se lance dans cet exercice-là, ça vaut la peine de le faire, mais c'est hautement complexe.

M. Boucher : M. le Président...

Le Président (M. Iracà) : Oui, allez-y.

M. Boucher : O.K. C'est bon. Vous parliez, bon, de catégorisation de risques, et puis on sait que, bon, sur votre territoire, ce n'est pas vraiment le BAPE, c'est le COMEX, là, qui s'occupe de faire les études en question. Comment vous voyez, là, qu'éventuellement une déclaration de conformité puisse contourner un COMEX ou... expliquez-moi ça, là, comment vous voyez tout ça, là.

Mme Labbé (Pascale) : Bien, en fait, comme je disais tout à l'heure, on a des grands principes d'établis, mais sur le comment, on a beaucoup de réflexions à avoir, discussions à avoir au sein... mais il n'est pas question de contourner le COMEX, les listes de projets définis dans le chapitre II demeurent. Et, je veux dire, je ne crois pas sincèrement que quelque chose qui ferait l'objet d'une déclaration de non-conformité se retrouverait... je crois qu'il y a une préoccupation de cette analyse-là déjà, ça serait surprenant. Mais ça fait partie de la raison pour laquelle le CCEBJ veut être consulté parce que, même s'il ne figure pas sur les listes, ça peut être peut-être des projets qui sont en zone grise, donc la réflexion s'impose, là.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste cinq minutes, M. le député d'Ungava.

(Consultation)

M. Boucher : Vous parlez, bon, un petit peu, là, de l'étude environnementale stratégique. Comment vous voyez, bon, ça, et puis comment tout ça vient s'arrimer, là, avec ce qui existe déjà, puis qu'est-ce qui fait qu'une étude environnementale stratégique pourrait être déclenchée ou pas déclenchée, à quelles conditions, comment? Parlez-moi de vos vues par rapport à ça, là, puis ce que vous pensez de ça.

Mme Lajoie (Ginette) : Je me dois, à ce stade-ci, quand même, de souligner qu'il y a une position qui a été développée dans un mémoire de laquelle les membres nommés par le gouvernement, de la nation crie, se dissocient, particulièrement concernant la question des évaluations environnementales stratégiques. De notre point de vue, et je parle au nom des quatre membres qui sont nommés par cette instance, les études... le cadre proposé actuellement ne s'applique pas, selon nous, dans le territoire de la Baie-James.

Donc, on va au-delà de ce qui est présenté. Il est clair pour nous, les représentants, qu'il faudra qu'au préalable il y ait des discussions avec le gouvernement de la nation crie pour que leur consentement soit atteint concernant l'application de cette disposition concernant les EES dans le territoire.

Par ailleurs, sur le fond... et le gouvernement de la nation crie l'a déjà dit, notamment dans le cadre de sa vision du Plan Nord, que les évaluations environnementales stratégiques devaient être un outil à considérer. Mais, dans le projet de loi actuel, nous considérons que c'est inapplicable dans le territoire.

Mme Labbé (Pascale) : Simplement pour rappeler que c'est vraiment la position que fait valoir le gouvernement de la nation crie. Par ailleurs, ce qui est avancé dans le mémoire rejoint quand même... Je pense que, sur les principes de base, on s'entend. C'est sur le comment...

Pour l'instant, c'est sûr, comme j'ai exprimé tout à l'heure, que le CCEBJ étant un comité consultatif, quand une EES touche... Bon, supposons, qu'il y aurait une EES spécifiquement pour le développement du Nord, ou un plan de transport, ou quoi que ce soit spécifique au territoire, il va de soi que le CCEBJ aura un rôle à jouer, là, dans le cadrage, puis donner des observations sur les principaux enjeux. Pour nous, ça, c'est essentiel, et ensuite, c'est clair, pour nous, que le volet consultation publique qui aurait lieu dans ce type-là d'EES ne peut pas être mené par le BAPE ou pourrait se faire de façon conjointe, comme ça aurait été fait dans le cadre du BAPE sur la filière uranifère.

Donc, pour l'instant, nos réflexions en sont là. On va continuer à discuter ensemble, peut-être arriverons-nous à une position commune plus élaborée éventuellement.

M. Boucher : Sur le quoi, il n'y a pas de problème, c'est plus le comment, que, là, ça devient plus délicat, disons.

Mme Labbé (Pascale) : Exact.

M. Boucher : Dans votre mémoire, bon, vous ne semblez pas parler du Fonds vert. On sait que... Bon, certains ont apporté des choses, à savoir : être sûrs que le Fonds vert, bon, s'applique sur leurs territoires, s'applique chez eux. Bien que, dans votre mémoire, vous ne semblez pas en faire allusion, avez-vous une position là-dessus? Avez-vous une pensée là-dessus à partager avec nous autres?

M. Morin (Graeme) : Pour dire que, non, le Fonds vert, ça n'a été.. pas un élément sur lequel on s'est penchés, bon, pour dire les choses comme elles sont. La réalité étant tout simplement que, peu importe la volonté du législateur par rapport au projet de loi, on est sûrement pour toutes actions qui peuvent réduire les impacts des changements climatiques.

Mais, honnêtement, pour nous, l'élément clé, c'est la connaissance de base, c'est la connaissance du territoire pour pouvoir émettre des conditions ou pour pouvoir mener des actions pour combattre les changements climatiques. Donc, c'est vraiment de là où on voulait se prononcer. On ne s'est pas vraiment penchés particulièrement sur le Fonds vert parce qu'on disait que, oh! le problème numéro un, pour nous, au moins la préoccupation numéro un, c'est vraiment la connaissance du milieu, des impacts que les gens subissent déjà effectivement.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci...

• (17 heures) •

Mme Lajoie (Ginette) : Mais, en complément, je dirais que les nouvelles instances gouvernementales régionales qui ont été créées, il y a maintenant deux ans, je crois, ont un rôle à jouer de ce côté-là, et on ne voulait pas se substituer à ces nouvelles instances du gouvernement régional cri Baie-James.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Ça met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Lajoie, Mme Labbé, M. Morin. C'est un plaisir de vous recevoir ici.

Je vais continuer sur la lancée de mon collègue concernant les évaluations environnementales stratégiques. Je veux juste être sûr de bien comprendre, et je comprends déjà qu'il n'y a pas nécessairement unanimité sur le comment de faire les EES dans la région, dans votre région, là, de la Baie-James. Alors, je comprends que vous, vous souhaitez que les évaluations environnementales stratégiques soient presque un automatisme, mais sur la base d'une liste préétablie. Voilà. Donc, je vais commencer avec ça, là. Est-ce que je m'oriente bien de cette manière? Puis continuez de me guider.

Mme Labbé (Pascale) : Ça va bien. Je ne sais pas si je vais répondre... On avait réfléchi aux titres de plans, programmes, stratégies qui seraient... bien, surtout avec une vision du territoire, là, qui, pour nous, devrait être systématiquement assujettie.

Ginette, si tu veux poursuivre sur la réflexion qu'on avait eue là-dessus?

Mme Lajoie (Ginette) : Oui. Les évaluations environnementales stratégiques, on trouvait que, dans le libellé actuel, ça portait à trop de flou et pas assez de précision et de transparence. On s'inspire un peu, dans notre façon de penser, aux annexes justement du chapitre 22 de la convention où là on a une liste de projets automatiquement assujettis, ainsi qu'une liste de projets exempts de l'évaluation environnementale, et ce qui ne se retrouve pas dans les deux listes, ce qu'on appelle la zone grise, bien là il y a une certaine marge de manoeuvre, en fonction de ce qu'on nous présente, de décider après qu'on recommande d'assujettir ou non. C'est dans ce sens-là qu'on s'inspire de ça, parce que ça, c'est clair, c'est net, c'est...

M. Gaudreault : On sait où on s'en va.

Mme Lajoie (Ginette) : On sait où on s'en va. Tout le monde sait où on s'en va, que ce soit un ministère, que ce soient le public, les communautés. C'est déjà une balise claire qui permet aux gens de... Quand on annonce qu'éventuellement il y aura une politique énergétique, par exemple, qui sera mise à jour, les gens peuvent déjà se préparer à ce que ce soit assujetti à une évaluation environnementale stratégique.

M. Gaudreault : Et vous voudriez que cette liste de sujets, on va dire, soit en annexe à quelque part ou dans un règlement à la loi. C'est ça? Pouvez-vous me donner des sujets, par exemple, qui pourraient se retrouver dans cette liste, sans que ce soit exhaustif ou...

Mme Lajoie (Ginette) : Oui. Bien, on avait déjà, dans le mémoire, indiqué, par exemple... Je vous citais la politique énergétique. On parle de plan de transport. Maintenant, on appelle ça un plan de mobilité durable, là. Bon, l'exemple, le plan de mobilité durable du Nord-du-Québec, par exemple, pour nous, ça va de soi que ça devrait être assujetti à une évaluation environnementale stratégique. On a déjà défendu, il y a plus de cinq ans de ça, l'assujettissement du Plan Nord à une évaluation environnementale stratégique. Bon, c'est des exemples. La politique minière, pour nous, pourrait être les plans d'aménagement territoriaux. Et enfin je vous donnerais comme exemple les plans d'aménagement forestier, pas les opérationnels, là, ou annuels, mais ceux qui sont de niveau plus stratégique.

M. Gaudreault : Bien, c'est quand même des gros morceaux.

Mme Lajoie (Ginette) : C'est un bon menu.

M. Gaudreault : Oui, c'est ça.

Mme Lajoie (Ginette) : On s'entend.

M. Gaudreault : Oui, M. Morin?

M. Morin (Graeme) : Ce que j'ajouterais aussi, juste peut-être pour fermer la boucle un peu, c'est qu'en termes de balises générales, là, ça sera... pour nous, si le PPP, le plan, le programme ou la stratégie a un caractère stratégique, bien là, déjà là, vous avez un raisonnement pour l'assujettir, et effectivement que le plan ou le PPP en question va avoir un effet assez «significant» sur des actions ou des projets qui en découlent en amont, donc, bon, justement, comme plan, comme guide général pour quel type de PPP devrait être assujetti.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, moi, je m'intéresse aussi à la question, vous en faites mention à la page 9 de votre mémoire, dans le premier encadré, là, la deuxième recommandation, sur la catégorisation des projets en fonction des risques. Mon collègue d'Ungava en a parlé aussi tout à l'heure, et j'ai bien retenu — puis, je pense, c'est Mme Lajoie qui le disait — que c'était hautement complexe d'arriver à une catégorisation en fonction des risques. J'ai entendu ça. Mais là, en même temps, vous nous dites : «La catégorisation des projets en fonction des risques doit tenir compte des milieux biophysiques, sociaux et culturels spécifiques [au] Nord.» Alors, si, en même temps, c'est hautement complexe, comment on règle ça, là? La voie de passage est où pour dire : il faut en tenir compte, catégoriser les risques en fonction des besoins ou des réalités biophysiques, sociales, culturelles spécifiques à votre région, mais c'est hautement complexe? Alors, est-ce que c'est une utopie? Comment on y arrive?

Mme Labbé (Pascale) : Bien, on a fait l'exercice dans le cadre des recommandations qui avaient été présentées pour la révision des annexes du chapitre 22 en ce qui concerne l'exploration minière. Ça a été long, ça a été fastidieux, mais je pense qu'on y est arrivés, et, en fait, c'est simplement... Je pense que ce qu'on entendait par «complexe», c'est que ça prend quand même du temps parce que ce n'est pas simplement un élément, ça demande aussi d'aller consulter un milieu qui peut être touché par ce genre... qui a vécu ce type d'expérience là avec un projet spécifique. Donc, c'est dans ce sens-là que ce n'est pas...

M. Gaudreault : Donc, est-ce qu'on pourrait envisager, puis je ne sais pas, là, je réfléchis au fur et à mesure que je parle, là, est-ce qu'on pourrait envisager un genre de structure permanente de discussion pour être capable d'évaluer ça? Parce que, si, en même temps, on veut avancer avec le projet de loi n° 102, mais qu'il y a en même temps des réalités dont on doit tenir compte dans la catégorisation des risques, et on n'a pas tout non plus comme information ici, là, lors de l'étude du projet de loi, parce qu'il nous manque des intentions réglementaires, il nous manque toutes sortes de documents si on veut bien faire notre travail, est-ce qu'on ne devrait pas se dire tous ensemble : Bien, le gouvernement et votre administration, on se crée une structure qui se parle, là? Est-ce que c'est quelque chose d'envisageable?

Mme Lajoie (Ginette) : Bien... Non, non, mais absolument, dans... En fait, au Comité consultatif sur l'environnement de la Baie-James, ce qu'on souhaite toujours, c'est d'avoir un canal d'échange au lieu de s'envoyer des lettres, de prendre le temps de réfléchir, et c'est ce qu'on avait fait dans le cadre des travaux liés aux listes d'assujettissement et de l'exemption, hein? Alors, on avait travaillé avec différents groupes, ainsi qu'avec les comités d'examen, etc., pour en arriver... Donc, c'est comme ça qu'on a pu cheminer à travers ça. Dans ce cas-ci, c'est évident que ce serait un gain de pouvoir avoir un processus d'échange continuel.

M. Gaudreault : Il me reste du temps?

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste une minute à peu près.

M. Gaudreault : O.K. Concernant l'accès à l'information, à la page 12, dans votre premier... en encadré, en haut, la recommandation 2, vous parlez d'un registre central des projets assujettis au processus d'évaluation, avec des hyperliens, en tout cas, qui devraient être ajoutés en attendant. Pouvez-vous m'en parler un petit peu plus, de cette idée de registre central?

Mme Labbé (Pascale) : En fait, présentement, le COMEX a créé un registre sur sa page Internet de tous les projets qui passent dans la procédure du chapitre 22. Donc, ce qu'on demande, c'est qu'au minimum, lorsque le registre des évaluations environnementales sera créé, ce serait bien qu'il y ait un lien vers le registre existant du COMEX. Mais je pense qu'à terme on souhaiterait que le registre des évaluations environnementales comprenne tous les régimes d'évaluation environnementale, et on pousse encore plus loin, pour l'accès à l'information des citoyens sur tout ce qui se passe au territoire. Donc, tous les types d'autorisations environnementales devaient y figurer, y compris les déclarations de conformité, autrement, on craint que, et je parle autant pour l'ensemble du Québec, en fait, les citoyens ne sachent pas qu'est-ce qui se produit, alors qu'à l'heure actuelle il y a des moyens, on sait qu'il y a un certificat d'autorisation émis. Donc, cet aspect-là, de l'accès à l'information sur les projets qui ne feraient plus l'objet d'autorisation, nous inquiétait un peu.

M. Gaudreault : Ça va. Merci beaucoup.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup. Ça met fin à l'échange avec l'opposition officielle. Nous allons procéder à la dernière période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole au député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Mme Lajoie, Mme Labbé, M. Morin, bienvenue.

Vous savez, tout à l'heure, à la dernière question du député d'Ungava, Mme Lajoie, vous parliez des instances régionales. Je ne crois pas que vous aviez terminé votre réponse, ou, si vous aviez terminé, en tout cas, moi, je n'avais pas trop compris ce que vous disiez. Est-ce que vous pouvez approfondir?

• (17 h 10) •

Mme Lajoie (Ginette) : On parlait du Fonds vert, je crois, à ce moment-là, là? Oui. Ce que j'essayais de souligner, c'est qu'il y a maintenant des nouvelles instances de gouvernance, dans le territoire de la Baie-James, qui datent de peut-être deux ans, je dirais, environ, adoptées en janvier par le Parlement du Québec, qui créent des nouveaux... un gouvernement qui implique directement les Cris, ainsi que les résidents de la Baie-James, pour les terres de catégorie III, ainsi qu'un gouvernement Eeyou Istchee pour les terres de catégorie II, où les Cris sont là à décider de ces portions de territoire là. Donc, vous avez ces nouvelles structures de gouvernance, et je pense que, dans leur mandat, il y a la question de tout l'aménagement du territoire, etc. Dans le cas du Fonds vert, ce que je pense et j'espère, j'ose espérer que ces nouvelles instances gouvernementales auront accès, comme les autres régions, à ce Fonds vert pour plein de projets, là.

M. Lemay : Parfait. Merci de la précision. J'aimerais vous amener à la page 6 de votre mémoire, lorsque vous parlez des évaluations environnementales stratégiques. Mais votre recommandation n° 4, dans le fond, on sait, dans le projet de loi, c'est... en fait, dans la loi, c'est à l'article 95.5 que c'est introduit, puis vous mentionnez là-dedans qu'il y aurait des définitions qui devraient être plus claires en termes de stratégie, de plan, de programme, de politique ou d'autres formes d'orientation afin d'améliorer la clarté et la prévisibilité de la procédure des EES. Est-ce que vous avez des commentaires supplémentaires à faire sur cette recommandation spécifique?

M. Morin (Graeme) : Oui. Tout simplement, ça va de soi pour nous qu'il faut absolument bien définir ces éléments-là pour pouvoir faciliter la compréhension de tout le monde et la prévisibilité du processus. Donc...

M. Lemay : Est-ce que c'est aussi pour... Est-ce que c'est dans un souci de mieux inclure la réalité que vivent les communautés du Nord, dans le fond, ou c'est simplement général?

Mme Labbé (Pascale) : ...clarification générale.

M. Morin (Graeme) : C'est une clarification. Exemple...

Mme Lajoie (Ginette) : Bien, je dirais, ce qui a stimulé ce questionnement chez nous, c'est lorsqu'est apparue dans le projet de loi la notion d'assujettir à une EES des stratégies, quand, partout ailleurs au monde, notamment dans l'Union européenne, on parle de plans et programmes. À l'époque, ils ont parlé aussi d'inclure les politiques. Quand, tantôt, Greame faisait référence aux PPP, c'était... Normalement une EES s'attarde aux politiques, plans et programmes, et là on arrive maintenant avec une nouvelle terminologie, «stratégie». On peut aller dans le dictionnaire pour essayer de comprendre qu'est-ce qu'on veut dire par «stratégie». Alors, on était curieux puis on s'est dit : Pour que le public... parce qu'il faudra que le public participe à ces évaluations environnementales stratégiques, il faut que ça soit clair dans la tête de tout le monde, qu'est-ce qu'on entend par ces différents compartiments.

M. Lemay : Merci. Si on va à la page 7, dans les modifications au régime d'autorisation pour les projets de développement, vous avez un encadré, là, dans votre premier paragraphe, là, que vous semblez dire que «même si les changements proposés ne semblent pas avoir d'incidence sur le régime de protection de l'environnement [en vertu] du chapitre 22», bon, vous dites que, dans le fond, «ils pourraient en avoir sur le régime et sur ses objectifs de protéger les droits et les garanties prévus dans le régime de chasse, de pêche et de piégeage du chapitre 24 de la CBJNQ». Est-ce que vous avez des détails spécifiques à mentionner là-dessus?

Mme Labbé (Pascale) : Bien, comme on spécifiait tout à l'heure, c'est que des changements, des projets qui ne feraient plus l'objet d'autorisation, de certificats d'autorisation, peuvent peut-être paraître à risque négligeable, mais, dans une même aire de trappe crie, les impacts cumulatifs pourraient éventuellement nuire à la protection des droits de prélèvement, par exemple. C'est quelque chose qu'on présume, mais, encore là, on a beaucoup de réflexion à faire sur comment s'assurer... Comme on parlait tout à l'heure, la notion de risque, comment prendre en compte cet aspect-là?

Mme Lajoie (Ginette) : Je donnerais l'exemple... Le comité consultatif est allé sur le terrain il y a peut-être deux ans. On est allés visiter un futur site de développement minier, et là on a rencontré aussi le maître de trappe et sa famille, ainsi que le promoteur minier, et là on a bien mieux compris la notion d'impact cumulatif. On pouvait, par exemple, imaginer qu'un campement industriel installé pour le projet minier ou encore une gravière, ça peut apparaître comme un projet négligeable, ça pourrait donc être classé, catégorisé projet négligeable en termes de risque. Or, quand vous le mettez dans le contexte de l'utilisation du territoire de cette famille de trappe là, on s'est rendu compte qu'il y avait déjà eu d'autres types de développement à l'intérieur de ce territoire-là, mais on s'apercevait que, là, ce projet-là s'approchait trop d'une zone particulièrement sensible et importante pour eux, le «moose yard», le... Comment j'appellerais ça en français? Là où se concentrent les orignaux, là, pendant une certaine période de l'année. Et c'est très, très, très important pour les chasseurs cris. Or, à prime abord, on peut regarder l'ensemble du territoire puis dire : Il n'y a pas de risque, or, il y en avait un très sérieux pour la viabilité de la pratique du droit de chasse.

M. Lemay : Je comprends. Je me rappelle que vous aviez mentionné ça dans l'étude du livre vert. Justement, là, avec le maître trappeur, vous aviez aussi un autre exemple. Bien, merci. Je crois que c'est tout le temps que j'avais.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Masson. Effectivement, ça met fin à la période d'échange. Merci de votre contribution. Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 19)

Le Président (M. Iracà) : Merci. Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue au représentant du groupe d'Alliance Transit. Je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, monsieur, la parole est à vous.

Alliance Transit

M. Cousineau Morin (Philippe) : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, je suis Philippe Cousineau Morin. Donc, je suis coordonnateur et porte-parole de l'Alliance Transit. Donc, l'Alliance Transit pour le financement des transports collectifs au Québec reçoit l'appui d'une cinquantaine de groupes de la société civile de divers horizons et d'un comité d'experts universitaires. Notre mission est essentiellement, là, de faire de la recherche et de la représentation sur le meilleur cadre financier pour le développement des transports collectifs dans toutes les municipalités du Québec.

Alors, merci de nous recevoir sur le projet de loi n° 102. Nous saluons la volonté de modernisation de la LQE qui est présentée par le gouvernement. Vous aurez compris par ailleurs que notre intervention porte essentiellement sur le sujet de la réforme du Fonds vert. On a déjà fait des interventions par le passé sur le sujet. D'entrée de jeu, je tiens à souligner l'importance, le caractère incontournable, pour nous, du Fonds vert, et je pense que c'est très salutaire aujourd'hui, après une durée de vie, donc, d'environ une décennie déjà, d'aller vers une deuxième étape, donc de réformer pour raffermir les bases. On pense que... Il y a eu des critiques, et on en a été, mais le levier qu'est le Fonds vert demeure un levier incontournable, puis on pense qu'avec le projet de loi n° 102 on peut en faire... on peut passer d'un bon outil à un très bon outil, voilà, et, dans ce sens-là, donc je veux saluer le travail qui est fait par le ministre et les gens du ministère du Développement durable sur le Fonds vert, sur le marché du carbone en général, donc le sérieux et la rigueur qui est portée à ce sujet-là. Même s'il y aura peut-être des turbulences climatiques, là, au sud de notre frontière, on a l'impression qu'ici ça va bien aller, les bases sont bonnes, et donc allons-y pour une version réformée qui sera encore mieux.

• (17 h 20) •

Alors, nous avons quelques propositions à soumettre aux gens de la commission qui découlent de préoccupations sur une action bien spécifique. Alors, vous comprendrez que mon domaine d'intervention, c'est les transports. Alors, je vous parle d'une action spécifique du plan d'action sur les changements climatiques, sachant que les préoccupations qui sont nôtres peuvent se reproduire peut-être dans d'autres volets qui concernent d'autres ministères, mais donc, en se préoccupant de cette action, le 13.2 du plan d'action sur les changements climatiques, elle recoupe quand même... elle accapare, c'est-à-dire, 500 millions des fonds du plan d'action sur les changements climatiques. Donc, c'est une part non négligeable et il faut s'en assurer d'avoir une bonne gouvernance.

Donc, l'action 13.2, transports collectifs, FORT — le FORT, c'est le Fonds des réseaux de transport terrestre — permet au ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports d'utiliser jusqu'à 500 millions pour son programme principal d'infrastructures en transport collectif, un programme en vigueur depuis la fin des années 70, alors, je le souligne, donc depuis bien avant le libellé de la lutte aux changements climatiques, là, au gouvernement du Québec. Nous avons quatre préoccupations qu'on a inscrites à notre mémoire.

La première, c'est que, pour cette action, il n'y a pas de cible de GES qui est exigée. En fait, il y a très peu d'indicateurs, en général, qui sont fixés. On a compris récemment que le principal indicateur, c'est, je cite, «l'incidence directe sur les gaz à effet de serre». Alors, je ne sais pas pour vous, mais ça me semble un critère peut-être un peu trop vaste, un peu trop général pour pouvoir évaluer la valeur d'un projet versus un autre projet, surtout quand on parle de sommes aussi importantes. Je souligne néanmoins, là, que le critère GES n'est pas un critère absolu, hein? Il y a bien sûr des mesures structurantes qui peuvent coûter plus cher que d'autres, mais qui sont néanmoins incontournables. Mais il y a néanmoins un besoin d'avoir des indicateurs sur les projets choisis par le ministère des Transports.

Deuxièmement, la deuxième préoccupation, c'est une reddition de comptes qui est incomplète, reddition de comptes qui est enchâssée à l'entente qui lie le ministère des Transports, là, avec le ministère de l'Environnement. Donc, l'action 13.2, plus spécifiquement, a des exceptions de redditions de comptes, et on ne comprend pas pourquoi il y a un passe-droit pour certains programmes versus pour... ou, par exemple, pour ce ministère-là versus d'autres ministères qui n'en auraient pas. Alors, c'est une deuxième préoccupation.

Pour aller plus précisément dans le sujet, la troisième préoccupation, c'est le versement, donc, des crédits qui proviennent du Fonds vert au MTQ dans le... oh, pardon, le MTMDET, dans un autre fonds spécial, le FORT, donc, pour Fonds des réseaux de transport terrestre. Donc, l'action qui est visée par le financement du Fonds vert pourrait se trouver diluée dans toutes les interventions du FORT, et, je le souligne, le FORT est probablement bien plus opaque que ne l'est le Fonds vert. On a probablement encore moins d'informations, et ce n'est pas lui pourtant qui est visé par un projet de réforme aujourd'hui.

Et ça nous amène à la quatrième préoccupation qui est la distinction à faire, dans l'usage que fait le ministère des Transports, entre les projets qui vont contribuer à des réductions additionnelles de gaz à effet de serre et des projets de maintien ou de renouvellement des actifs existants en transport collectif. Alors, ça a été souligné également récemment à la Commission de l'administration publique, là, qui, dans son rapport en juin dernier, demandait spécifiquement au ministère de l'Environnement et au ministère des Transports, dans les sommes visées par le Fonds vert, de distinguer les sommes visant les réductions additionnelles des sommes qui pourraient servir à du maintien d'actifs.

Alors, ça m'amène à essentiellement trois conclusions que je vous présente... trois recommandations que je vous présente sous leur aspect politique.

La première, c'est que l'usage des revenus ou l'usage des sommes du Fonds vert reflète expressément les finalités du Fonds vert. Ça devrait aller de soi, il me semble, mais je le répète parce que je ne suis pas certain que tous les intervenants gouvernementaux... ça a été parfaitement appliqué. Puis vous me permettrez de revenir à l'intention du législateur, hein, à la création du Fonds vert, c'est-à-dire que les sommes puissent servir à financer... je cite, «financer des mesures visant la réduction, la limitation et l'évitement d'émissions de gaz à effet de serre [...] la sensibilisation du public et l'adaptation aux impacts» des réchauffements climatiques. Alors donc, la première recommandation, effectivement, qu'on respecte expressément les finalités, je le répète, c'est important.

Deuxièmement, on pense qu'en termes... Je ne suis pas spécifiquement un comptable, mais je pense que, dans le suivi, la reddition de comptes que doit présenter le Fonds vert, on devra distinguer, donc, l'usage des crédits qui passent d'un fonds spécial, le Fonds vert, vers un autre fonds spécial, le FORT. Ça nous semble être une double comptabilité qui complexifie, si on veut, la reddition de comptes. Alors, notre suggestion, c'est d'éliminer le passage par le fonds spécial au MTQ, que, comme elle le fait dans d'autres ministères, les crédits qui proviennent du Fonds vert soient appliqués pour un programme spécifique dans les crédits généraux du ministère des Transports. Et je l'ai dit, je crois quand même que le FORT a aussi beaucoup d'enjeux sur son opacité, alors c'est important, pour nous, pour bien distinguer les mesures qui seront utilisées avec les sommes du Fonds vert.

La troisième recommandation, qui est de portée plus générale, là, pas spécifiquement sur des articles du projet de loi, et il manque un mot à ma recommandation dans mon mémoire, c'est que le gouvernement, comme il l'a fait en 2006, à la suite du premier plan d'action sur les changements climatiques, il a adopté une politique québécoise du transport collectif, donc, pour un des secteurs principaux d'intervention, là, en changements climatiques... Donc, la recommandation est à l'effet que le gouvernement adopte une nouvelle politique de mobilité durable qui indique notamment des cibles et des indicateurs qui seront utilisés quand on définira les programmes ou quand on raffinera les programmes au ministère des Transports, notamment ceux qui sont issus du Fonds vert.

Alors, c'était l'essentiel des trois propositions, puis, bien sûr, il y a d'autres aspects dans mon mémoire. Alors, je suis en bas de mon temps, mais je suis prêt à recevoir les questions et échanger avec vous.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Cousineau. On va procéder à la période d'échange avec la partie gouvernementale, et je cède la parole à M. le ministre.

• (17 h 30) •

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, merci pour votre présentation, ainsi que votre mémoire. Ce n'est pas la première fois qu'on vous rencontre devant cette commission, et je peux vous féliciter pour la constance de votre message. Et je crois quand même que le gouvernement a entendu ce que vous et d'autres ont soulevé concernant la gouvernance du Fonds vert, et d'où la motivation que nous avons, dans ce projet de loi, de faire une réforme en profondeur de la gouvernance du Fonds vert.

J'aimerais vous référer, donc, au projet de loi, et c'est l'article 203 du projet de loi, qui crée, entre autres... l'article qui propose la création de l'article 15.4.7. Alors, c'est dans la nouvelle section II.2 de la loi sur le ministère, sous la rubrique «Mission et pouvoirs» du Conseil de gestion du Fonds vert. Puis là je vais faire une longue citation, mais ma question, ça va être de voir comment, d'après vous, la disposition que je vais vous lire répond aux préoccupations que vous soulevez puis aux recommandations que vous avez décrites dans votre présentation, mais : «Le conseil de gestion a pour mission d'encadrer la gouvernance du Fonds vert et d'assurer la coordination de sa gestion dans une perspective de développement durable, d'efficacité, d'efficience et de transparence.

«À cette fin, il privilégie une gestion par projets, axée sur les meilleurs résultats à obtenir pour le respect des principes, des orientations et des objectifs gouvernementaux, notamment ceux prévus à la Stratégie de développement durable adoptée en vertu de la Loi sur le développement durable, à la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, à la Politique de gestion des matières résiduelles prévue à l'article 53.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement et au plan d'action pluriannuel sur les changements climatiques prévu à 46.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement, lequel — et là c'est le plus important — contribue à la lutte contre les changements climatiques et favorise l'atteinte des cibles gouvernementales fixées en matière de réduction [d'émissions] de gaz à effet de serre.

«Il exerce plus particulièrement les fonctions suivantes — encore le conseil de gestion :

«1°préparer annuellement les comptes du Fonds vert, en collaboration avec le ministre et le ministre des Finances — le ministre étant le ministre de l'Environnement;

«2°proposer au ministre des renseignements à intégrer aux comptes du Fonds vert;

«3°conclure [des] ententes visées à l'article 15.4.3, veiller au respect des engagements pris par les ministres dans le cadre de ces ententes et approuver les frais d'administration pouvant être débités du Fonds vert en application de ces ententes;

«4°préparer sur une base annuelle, en collaboration avec le ministre, une planification des mesures financées par le Fonds vert et un plan de dépenses à cet égard, en conformité avec les objectifs gouvernementaux établis en cette matière;

«5° évaluer la performance du Fonds vert en fonction de ses affectations particulières et recommander au ministre les ajustements requis pour favoriser une meilleure performance;

«6° assurer la supervision et le suivi des activités de trésorerie du Fonds vert et de ses flux financiers;

«7° collaborer à la préparation des prévisions du Fonds vert pour chaque année financière; et finalement,

«8° proposer les orientations stratégiques, les objectifs et les axes d'intervention applicables au Fonds vert qu'il convient de retenir.»

Quand même, je crois qu'on touche à beaucoup d'éléments que vous avez soulevés, non seulement aujourd'hui, mais de par le passé. Alors, j'aimerais avoir votre réaction spécifique à cette disposition, là, qui est dans le projet de loi.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Merci, M. le ministre. Je suis content, en fait, que vous la citiez, parce que je me l'étais notée à la main ici, justement, pour souligner. Dans les premiers mots, là, vous avez utilisé la gestion axée sur le résultat, vous avez parlé des cibles. Ça me semble effectivement aider le Fonds vert à faire une bonne partie du chemin vers une meilleure reddition de comptes.

Je retiens, entre autres, que vous avez parlé aussi, dans le libellé, des cibles gouvernementales. Permettez-moi de réitérer que les cibles gouvernementales, elles sont là, la cible globale en changements climatiques, cible ambitieuse pour 2030, aussi, mais il y aura probablement besoin d'aller vers des cibles sectorielles également, pour bien comprendre l'effort qui devra être fourni par chacun des secteurs, nommément le transport. Puis, en fait, c'est une réflexion générale, je ne suis pas allé relire toutes les autres lois qui régissent les fonds spéciaux du gouvernement. Mais, quand vous avez parlé, donc, de la façon dont on prépare les états de comptes, si on en avait un effort aussi subséquent pour d'autres fonds spéciaux, comme, par exemple, le FORT ou d'autres, d'une aussi grande transparence — c'était déjà le cas dans la plupart des lois qui régissent ces fonds spéciaux — on ne serait peut-être pas à discuter, justement, de ces problématiques-là.

Alors, ma réponse est à l'effet, un, effectivement, de souligner qu'effectivement cet article-là est très intéressant. Puis je pense qu'on pourra aller plus loin, si on valide, une fois que la loi est en vigueur, que ça fonctionne bien, pour aller exiger d'autres fonds spéciaux, qu'ils appliquent le même genre de dispositions, même genre de normes, et, spécifiquement sur les cibles, qu'on aille sur des cibles sectorielles. C'est ce que...

M. Heurtel : Parfait. Parce qu'étant donné votre préoccupation particulière à propos du FORT, donc, avec ce que je viens de vous lire, une fois adoptées, toutes les sommes provenant du Fonds vert qui seraient versées au FORT, bien, cette disposition s'appliquerait aux fonds provenant du Fonds vert qui seraient déposés dans le FORT. Alors, on aurait donc réponse à vos préoccupations, tout comme les fonds qui seraient déposés dans l'éventuel TEQ, du côté transition énergétique, ça serait la même chose. Alors, ça suit.

L'autre chose, par rapport aux cibles, c'est important de souligner que ces cibles, la cible de 2020 et la cible de 2030, ont été établies par voie législative. C'est la Loi sur la qualité de l'environnement, un processus... D'ailleurs, on a eu une commission parlementaire, je ne sais pas si... Aviez-vous participé à celle sur la cible? Parce qu'on en a fait beaucoup, mais... Donc, vous aviez notamment participé à la commission parlementaire qui est prévue par la loi, qui a établi la cible de 2030 et qui est fixée par décret du Conseil des ministres, suite à la procédure prévue par la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, je comprends que l'article 15.4.7 qui est projeté va dans le sens de vos recommandations.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Effectivement.

M. Heurtel : Bon, parfait.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Effectivement, et notre première recommandation, à la page 8 de notre mémoire, serait peut-être un ajout, là, comme je l'ai dit, par rapport à l'usage des revenus, c'est-à-dire sur le nouvel article... En fait, là, je n'ai pas le bon article de la loi. Le nouvel article 15.4.1, alinéa 1, donc, de la loi sur le ministère, qui conserve une référence expresse aux finalités du Fonds vert, c'est-à-dire celles que je vous ai nommées comme étant l'intention première du législateur, là. Donc, je supporte votre point puis je dirais : Si on ajoute cela, là, ça me rassure énormément.

M. Heurtel : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des collègues de la partie gouvernementale? M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Bien, peut-être juste une question en ajout ou en complément, là. Vous avez mentionné d'entrée de jeu, dans votre présentation, que présentement, bon, le Fonds vert est essentiel, que c'est une bonne chose, mais qu'il y a possibilité de le rendre excellent. Suite aux réponses que le ministre vous a données aux questionnements, selon vous, quelles seraient des modifications pour le rendre encore plus excellent, selon votre façon de dire?

Et, autre chose, vous critiquez aussi le fait, plus loin dans votre mémoire, que les sommes du Fonds vert peuvent aller à l'entretien ou la mise aux normes d'infrastructures de transport déjà existantes, là. Je résume ça assez bref, là, mais j'aimerais vous entendre aussi là-dessus un petit peu plus.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Donc, sur les deux volets de votre question — merci, M. le député — donc, oui, effectivement, on supporte l'article qui a été cité par le ministre. On a des recommandations complémentaires qui nous rassureraient encore plus. Et donc le Fonds vert fonctionnera bien, ça reste un outil financier, un outil financier qui s'applique à, donc, une des grandes politiques gouvernementales. Alors, ce n'est peut-être pas dans le cadre du projet de loi, mais, comme je l'ai dit, je le répète, il faudra que les transports, qui, encore aujourd'hui, sont un des moins bons élèves en lutte aux changements climatiques, il faut le dire... on devra leur fixer une cible spécifique en GES à l'intérieur de la cible gouvernementale, ce qui nous amènera à des cibles GES par action. Alors qu'actuellement la plupart des actions n'ont pas... c'est-à-dire, l'ensemble des actions n'ont pas une cible elles-mêmes en GES. Je vais te laisser du temps, s'il y a une autre question, puis je reviendrai...

M. Plante : Tu as du temps encore.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Oui? O.K., parfait.

M. Plante : Il vous reste cinq minutes.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Sur la deuxième partie de votre question, c'est... Puis je vous amènerais, donc, à l'annexe de mon mémoire. Ce n'est que récemment, moi, que j'ai pris connaissance, et c'est pour ça que je les ai mis dans le mémoire, des programmes, donc, qui ont été... c'est-à-dire des actions qui ont été financées cette année au MTMDET, dans l'action 13.2. Vous avez une liste qui a été obtenue, à mon sens... qui a été obtenue, c'est-à-dire, pardon, par accès à l'information, alors que dans d'autres cas on trouve les listes très facilement sur le site du ministère, là, qui de plus en plus met... le ministère de l'Environnement, qui de plus en plus met les programmes. Mais, comme je disais, ce programme-là semble un peu plus opaque que les autres.

Peut-être juste souligner, là, entre autres choses, dans cette liste-là, quand on dit : On n'a pas confirmation qu'on fait de la réduction additionnelle de GES ou on fait de l'entretien. Je vais nommer quelques projets : centre d'entretien; gare intermodale de Longueuil; métro de Laval... Métro de Laval, hein, c'est un projet annoncé en 2003. La lutte aux changements climatiques, là, a commencé un peu plus tard, comme vocable d'État. Alors, je reste un peu surpris, je me dis : Si on n'avait pas eu de lutte aux changements climatiques, aurait-on, finalement, réussi à payer le métro de Laval en entier? Achat d'autobus hybrides, bon, bien, bien sûr, l'hybride... la propulsion hybride vous permet de réduire les GES. Mais ma question, c'est : Est-ce qu'il y a une proportion du projet qui est financée, ou c'est l'entièreté d'un projet de changement d'un autobus? Par exemple, si on dit : On a un autobus en fin de vie, au diésel, on change pour un autobus hybride, est-ce que c'est l'ensemble de l'autobus qui est payé ou c'est l'équivalent du surcoût de la propulsion hybride? On n'a pas ces réponses-là, et moi, je pense qu'on devrait les avoir.

M. Plante : Merci. Juste pour répondre ou ajouter, le ministre l'a bien mentionné qu'avec la réforme, s'il y a un centime ou 1 $ qui va dans des projets comme ça, ils vont devoir se justifier, le ministre l'a expliqué tantôt. Mais je voulais vous entendre. Et là je vais laisser la parole à mon collègue de Dubuc, qui a une question à vous poser.

Le Président (M. Iracà) : Alors, M. le député de Dubuc.

M. Simard : M. le Président, merci. M. Morin, bienvenue. D'abord, tout à l'heure, je vous entendais, dans vos recommandations, la troisième recommandation : Adopter une nouvelle politique de développement durable. J'aimerais que vous expliquiez ça un petit peu plus, autrement dit, mettre du gras après l'os, parce que c'est pas mal général, là.

• (17 h 40) •

M. Cousineau Morin (Philippe) : Je me suis peut-être trompé, c'est de mobilité durable, que j'ai dit. Donc, c'est en fait ce qui avait cours de 2006 à 2012, une politique québécoise du transport collectif. J'ai changé le nom, j'ai dit : Une politique de mobilité durable. Vous savez, ça a été, à notre sens, et on l'a dit, on le redit, ça fait plaisir de le redire aujourd'hui, ça a été un des programmes les plus efficaces, dès le début du financement de la lutte aux changements climatiques au Québec. C'est-à-dire, on a dit : Faisons un programme qui augmentera les services de transport dans toutes les villes du Québec, ce qui nous permettra d'augmenter l'achalandage. Et les résultats ont dépassé de loin les attentes. On attendait 8 % de plus de gens dans les transports collectifs au Québec, il y en a eu 11 % de plus. Ça se chiffre en millions, le nombre de déplacements par année qui ont été augmentés.

Et, depuis 2011, les sommes affectées à ce programme-là ont stagné, et il n'y a pas eu de nouvelle vision mise de l'avant, il n'y a pas eu de nouvelle politique qui dit : Quelle est la vision vers laquelle on mobilise les municipalités, les sociétés de transport, les MRC qui ont des services? Je pense que c'est très important pour la lutte aux changements climatiques, mais pour plein d'autres raisons pour lesquelles la mobilité durable est bonne, là, puis ça inclut les transports actifs, aussi, pas seulement les transports collectifs. Je pense que c'est important que le gouvernement dise : Il y a une vision à long terme, et tous les acteurs qui ont aussi la vision dans leur milieu peuvent s'adjoindre à cette vision-là et ils ont aussi un support financier, un support technique, réglementaire avec la vision qui est mise en place avec le gouvernement. Ça fait cinq ans, donc, qu'on attend qu'elle soit renouvelée. Elle a été promise à un certain nombre de moments, et on aimerait bien que ce soit mis de l'avant.

M. Simard : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Est-ce que ça complète?

M. Simard : Bien oui, M. le Président, oui. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Ça complète pour la partie gouvernementale. Alors, nous allons procéder aux échanges avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. Cousineau Morin, de votre présence. Je comprends qu'au fond votre mémoire et vos critiques sont essentiellement adressées à l'égard du ministère des Transports. Et vous souhaitez, autrement dit, en intervenant sur le projet de loi n° 102, un peu comme on joue au billard, là, viser une balle pour viser un autre coin, là, être capable d'attaquer... bien, pas d'attaquer, mais de cibler le ministère des Transports. Parce que moi, je partage votre opinion que les plus grands efforts à faire dans la lutte contre les changements climatiques sont dans les transports. Donc, on ne peut pas envisager de faire une loi comme celle sur laquelle on travaille présentement, et qui vise principalement à lutter contre les changements climatiques, en ignorant totalement les transports. Je pense qu'on se suit là-dedans. Donc, je comprends que vous souhaitez qu'on en tienne suffisamment compte, que le projet de loi n° 102 en tienne suffisamment compte, et que vous souhaiteriez même que les cibles de réduction des gaz à effet de serre contiennent des cibles sectorielles claires, précises, incluant les transports. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire?

M. Cousineau Morin (Philippe) : Oui, effectivement. Vous me dites que je cible principalement le ministère des Transports. Nous avons réussi, grâce à nos efforts de recherche, de mettre en lumière quelque chose qui nous apparaissait comme imprécis. Peut-être y a-t-il d'autres ministères qui usent du Fonds vert de la même façon qui serait donc incohérente avec les finalités du Fonds vert. Donc, c'est pour ça qu'on est contents qu'il y ait une réforme qui soit en place et qui, l'espérons-nous, permettra d'éviter cela, c'est-à-dire que tous les gens qui bénéficient des sommes du Fonds vert comprennent bien à quoi cela doit servir.

La deuxième partie de votre question, c'est sur les cibles. Je ne connais pas les calculs précis du ministère de l'Environnement, mais, si on regarde pour 2030, on voit bien que le secteur des transports devra baisser ses émissions à autour 20 millions de tonnes, ce qui est un effort significatif de réduction. On le sait, que ça va être difficile, c'est complexe à faire, c'est ambitieux, mais il n'y a pas d'autre choix que de passer par là. On le connaît, le contexte climatique. Alors, pour faire le pont entre cette grande cible gouvernementale, sociétale de moins 20 % en 2020, moins 37,5 % en 2030, et des actions très précises, très ponctuelles dans les milieux, je pense qu'il faut... on est capable comme société de se dire, aussi : Le secteur des transports devra contribuer tant, le secteur de l'agriculture devra contribuer tant, le secteur de l'industrie... Mais c'est comme vous l'avez dit, c'est essentiellement aux transports que ça se passe. C'est presque une réduction de la moitié des émissions des dernières années d'ici à 2030, là, c'est majeur.

M. Gaudreault : Est-ce que, selon vous, ça faciliterait cet objectif, l'atteinte de cet objectif, si on incluait dans la loi carrément les cibles?

M. Cousineau Morin (Philippe) : Bien, en termes juridiques, je ne peux pas vous valider, si ce serait dans la loi, que ce serait la bonne chose. Mais, comme le ministre disait que la cible générale est effectivement une cible, donc, dans une loi, je pense...

M. Gaudreault : ...la cible générale est décidée par décret mais n'est pas dans la loi comme telle.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Par décret, O.K. Mais je suis favorable à l'idée de façon générale, là, ça me semble être une proposition qu'il faut... oui, qui est intéressante, donc, que le secteur des transports...

M. Gaudreault : Parce qu'en même temps cela amènerait ou conduirait à des obligations auxquelles tous les ministères... bien, le gouvernement dans son ensemble serait tenu, là.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Je pense qu'on va dans le même sens, de dire : Cette réforme-là doit faire une deuxième étape, pour qu'on ait bien compris, dans l'ensemble de l'appareil d'État, que le plan d'action qui est mis en place, d'autres politiques transversales comme la stratégie de développement durable, s'appliquent partout de façon uniforme. C'est une stratégie gouvernementale. Puis la proposition que vous me soumettez, d'inclure une cible pour les Transports dans la loi, aurait le même effet, c'est-à-dire d'obliger les gens qui ne sont pas, au quotidien, nécessairement dans l'action en lutte aux changements climatiques à se mobiliser, à se conformer aux efforts.

M. Gaudreault : Puis à avoir une forme de cohérence...

M. Cousineau Morin (Philippe) : Absolument.

M. Gaudreault : ...peu importe le changement de gouvernement ou le changement de ministre, pour être au moins... c'est ça, avoir cette cohérence pour l'atteinte des cibles. Donc, pour vous, ça serait encore plus fort.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Absolument.

M. Gaudreault : ... sans mauvais jeu de mots, là...

M. Cousineau Morin (Philippe) : Oui, absolument. Bien, au même sens où on demande une politique de mobilité durable, effectivement, ça serait une bonne suggestion.

M. Gaudreault : J'aimerais ça vous entendre sur le test climat. Le ministre en a parlé à quelques reprises, je ne sais plus c'est quand, là, hier, ou aujourd'hui, ou... Par exemple, un projet d'autoroute pourrait être soumis au test climat. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Prendre un exemple au hasard, là, que vous chérissez particulièrement, disons l'autoroute 19, par exemple. Donc, elle pourrait être soumise au test climat au moment où le gouvernement fait l'annonce. Alors, qu'est-ce que vous pensez, vous, de cette idée de test climat?

M. Cousineau Morin (Philippe) : On n'a pas étudié les dispositions spécifiques, là, qui sont proposées par rapport à ça, puis... Donc, en tant qu'Alliance, ce n'est peut-être pas spécifiquement sur le test climat que je me prononce, mais ça me semble être une bonne idée de façon générale, au sens où... Je donnerais un exemple. Il est évident qu'à travers les mécanismes actuels comme le BAPE les projets de transport sont très mal compris dans l'ensemble de leurs impacts, de leurs effets, notamment en termes de gaz à effet de serre, pas seulement environnemental, mais en termes de gaz à effet de serre. Effectivement, je dois répondre à votre proposition au hasard... pas proposition, mais votre sujet au hasard, avec l'autoroute 19, je me rappelle avoir participé au BAPE, sur l'autoroute 19, et il me semblait que la côte était grande à remonter pour pouvoir expliquer qu'il y avait, oui, un fort impact en émissions de gaz à effet de serre d'un tel projet. C'était mal compris. Alors, si je reviens au test climat, si ce test climat, là, peut nous aider à ce que les projets de transport soient bien mieux compris, bien mieux préparés par leurs promoteurs, comme le ministère des Transports, en termes de quels seront les impacts de gaz à effet de serre, absolument, on y est favorables.

M. Gaudreault : O.K. Et, pour vous, ne n'est pas incompatible avec, par exemple, le marché du carbone, vous n'êtes pas dans cet univers-là. Parce qu'on l'a quand même entendu ici à quelques reprises.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Je ne pourrais pas aller dans le détail pour répondre à votre question.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, bon, évidemment, vous intervenez beaucoup sur la question du Fonds vert, de la gestion du Fonds vert. Vous faites référence, entre autres, à d'autres travaux auxquels j'ai eu l'occasion de participer avec bonheur, là, à la Commission de l'administration publique, et les recommandations de la CAP, la Commission de l'administration publique, concernant la gestion du Fonds vert, à la suite des rapports assez critiques, voire dévastateurs, du Vérificateur général, du Commissaire au développement durable. Donc, en termes de gestion du Fonds vert, idéalement, là, si c'était vous qui teniez le crayon, là... Parce que le projet de loi n° 106 crée Transition énergétique Québec, qui va gérer une portion du Fonds vert. Là, on a un autre comité de gestion, un conseil de gestion du Fonds vert. Vous, vous êtes inquiet concernant la portion au MTQ. Alors, pour éviter justement la multiplication de ces tuyaux-là, là, séparés l'un de l'autre, comment on pourrait les inverser pour qu'ils communiquent, là?

M. Cousineau Morin (Philippe) : De façon générale, effectivement, on s'inquiète de la trop grande discrétion qui est laissée. Je donne l'exemple, je reviens sur mon exemple du ministère des Transports, sur son utilisation des sommes du Fonds vert. Alors, si l'imputabilité, la reddition de comptes remontent vers le porteur du Fonds, mais la stratégie gouvernementale, qui est le PACC, qui va avec, c'est-à-dire vers le ministère de l'Environnement, et c'est ce qui est présenté, je pense, en partie dans le projet de loi, on est favorables. C'est-à-dire que, comme on se disait un peu plus tôt, ce n'est pas à chacun dans l'appareil d'État à avoir sa compréhension de ce qu'est le plan d'action sur les changements climatiques. Je cite d'autres politiques gouvernementales auxquelles... le ministère des Transports aurait avantage à être meilleur élève, donc : les cibles en changements climatiques; mais, bien sûr, les cibles en réduction de pétrole; plus récemment dans la politique énergétique; plus récemment, la politique de prévention en santé, qui contient des objectifs en transport et aménagement du territoire. Alors, moi, j'ai bien confiance, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, envers les gens du ministère du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques pour mettre en oeuvre... pas mettre en oeuvre, mais sélectionner des bons programmes, pour l'instant, qu'on ait des critères, des bons indicateurs en place.

M. Gaudreault : Mais c'est comme si vous disiez, au fond, au ministère des Transports : On va soumettre la reddition de comptes des sommes que tu utilises à un autre ministère. C'est un gros morceau.

• (17 h 50) •

M. Cousineau Morin (Philippe) : Dans le volet changements climatiques, c'est-à-dire, et c'est là qu'est la difficulté, actuellement, dans la fusion des comptes.

M. Gaudreault : Vous dites : Soyons cohérents, si le Fonds vert sert à la lutte contre les changements climatiques et qu'on en verse, à ce titre, une portion aux Transports, il faut que ça...

M. Cousineau Morin (Philippe) : ...le ministère des Transports est un mauvais élève, mais j'ai quand même espoir qu'il devienne un bon élève. Comment on s'y prend? Bien, je pense qu'il faut l'accompagner, puis, dans ce cas-là, l'accompagnateur, c'est le ministère de l'Environnement.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Jonquière...

M. Gaudreault : C'est bon. Merci.

Le Président (M. Iracà) : ...ça met fin à l'échange avec l'opposition officielle. Nous allons procéder à la dernière période d'échange avec le député de Masson. La parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici avec nous. Je me rends compte que je suis le dernier intervenant avant l'ajournement de nos travaux. Donc, on va tâcher d'être brefs et concis. Vous savez, vous avez mentionné qu'il y avait de la difficulté de suivre, quand l'argent passe du Fonds vert vers le FORT ou vers d'autres programmes. Mais, dans le projet de loi, on introduit une nouveauté en introduisant le Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État. Est-ce que vous pouvez faire un commentaire là-dessus? Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil, l'introduction de ce nouveau fonds?

M. Cousineau Morin (Philippe) : Malheureusement, je n'ai pas regardé sur le volet hydrique, je ne pourrais pas répondre plus précisément à votre question.

M. Lemay : Parfait. Alors, je comprends que vous avez regardé principalement le volet des transports. Mais je voulais juste savoir, puisque vous aviez fait un commentaire en ce sens avec le FORT, peut-être que vous auriez pu...

M. Cousineau Morin (Philippe) : Bien, comme j'ai dit, les préoccupations qu'on a soulevées... Puis, comme l'a dit le ministre, ce n'est pas pour la première fois, elles se produisent peut-être dans d'autres secteurs d'activité. À d'autres de le dire. Alors, assurons-nous que les dispositions, là, dans le projet de loi n° 102, permettent de l'éviter dans l'ensemble des ministères, s'il y a des dérives qui peuvent arriver.

M. Lemay : Excellent. Dans votre conclusion, vous mentionnez, dans le fond, que le PACC 2013‑2020, là, il n'y pas de cible, de politique, d'objectif supplémentaire, il n'y a pas de hausse de budget de programme existant, malgré les revenus croissants du Fonds vert, malgré le fait qu'il y a déjà 2,1 milliards, là, de mesures qui sont dans le secteur des transports. Puis vous mentionnez aussi que la politique québécoise des transports collectifs est arrivée à échéance en 2011 sans être remplacée. Vous faites une recommandation. Est-ce que vous voulez commenter?

M. Cousineau Morin (Philippe) : Oui. Bien, c'est un peu dans le sens... je vais compléter ce que j'ai dit de ce côté-ci tantôt. Les budgets, donc, qui étaient là, le principal programme de la politique québécoise du transport collectif, comme je l'ai dit, c'était pour la hausse de l'achalandage, et ces budgets-là n'ont pas été rehaussés depuis lors, malgré une forte croissance, effectivement, du marché du carbone, de l'intervention de l'État. Alors, on se serait attendu... et 2011, c'était aussi l'année de la création de notre alliance, donc on s'attendait dès lors à voir ce programme-là dédoubler ses effets, et ça ne s'est pas matérialisé depuis. Il y a quelques ministres qui l'ont promis. Il y a eu une courte durée, je dois le dire, une courte vie dans la Stratégie nationale de mobilité durable, lancée en 2013, mais, donc, on n'a toujours pas à ce jour, là, la vision à long terme du gouvernement sur cet enjeu-là.

M. Lemay : Je vais vous amener à quelque part. Dans le fond, vous êtes l'Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec, et puis on voit de plus en plus... en fait, on a encore vu dans les journaux, je crois que c'est ce matin, Volvo et Nova Bus qui sont prêtes à faire le déploiement des autobus électriques, commercialiser leurs autobus électriques. Et puis, dans le fond, je voulais savoir, si on fait le lien avec le fait que les budgets n'ont pas été revus ou les sommes... peut-être des sommes qui ne sont pas allouées, une municipalité, là, qui voudrait introduire des autobus électriques à grand déploiement, là, dans sa flotte, là, elle fait comment présentement, là? Est-ce qu'elle peut recevoir de l'aide, selon vous, ou c'est un peu difficile, c'est ardu ou...

M. Cousineau Morin (Philippe) : Bien, il existe effectivement, donc, dans le volet électrification des transports, là, de l'action du gouvernement, il existe des fonds pour ça. Mais, sur le volet, donc, de développement de l'offre, non seulement le programme gouvernemental est limité, mais également les municipalités, actuellement, ont de la difficulté à accoter la contrepartie qu'elles doivent apporter dans ce programme-là qui est à 50-50, là, 50 %, 50 %. Les municipalités, donc, leurs sources de revenus pour aller, au moins, jusqu'à leurs ambitions en transport collectif, sont, elles aussi, limitées. Et là on est bien sûr dans un débat beaucoup plus large que celui qui nous occupe aujourd'hui, mais c'est quand même à souligner, parce que, si on veut avoir les moyens de nos ambitions, c'est non seulement au gouvernement du Québec, mais c'est aussi dans les municipalités.

M. Lemay : Je comprends qu'on sort un peu... on est dans un volet un peu plus large, mais, bref, le fait qu'on doive y aller à un appariement de 50-50, ça semble être problématique, là. Moi, j'ai discuté... Mettons qu'on discute avec quelqu'un... On prend, par exemple, à Terrebonne, dans ma MRC, on a Urbis—Les Moulins, qui sont en train de faire un test sur un autobus. Bref, eux, ils ont fait la sélection d'un autobus qui vient de la Chine, mais ça reste quand même... Il mentionnait : Si on veut l'utiliser, on n'a pas les sommes, là, le coût pour l'achat du véhicule de l'autobus est tellement supérieur à un autobus conventionnel au diesel que, bon, bref, il ne voit pas comment qu'il va pouvoir l'implanter s'il n'a pas d'aide supplémentaire. Vous auriez une recommandation d'aide, dans ce cas spécifique là, qu'on pourrait faire?

M. Cousineau Morin (Philippe) : Il faut avoir un certain surcoût, effectivement, qui, on l'espère, tombera dans les prochaines années. Mais je me dois de rappeler qu'en termes d'émissions de gaz à effet de serre, donc, pour l'instant on est encore plus gagnant à ajouter plus d'autobus, soient-ils au diésel, que des autobus hybrides ou électriques. J'espère que ça ne sera pas pour le long terme, mais, pour l'instant, c'est encore le cas pour les problèmes que vous soulignez, que c'est encore difficile opérationnellement d'avoir des flottes électriques viables, là, tout dépendamment des types de villes auxquelles ça s'applique. Donc, je peux peut-être compléter...

M. Lemay : Parfait... Allez-y.

M. Cousineau Morin (Philippe) : C'est ça, j'allais donc compléter en disant que c'est pour ça aussi qu'on demande très fortement à ce que le programme d'augmentation de l'offre de service, qui était si gagnant, soit rehaussé, soit amélioré et fasse partie d'une nouvelle vision gouvernementale, soit-il à court terme, des achats d'autobus diésel. Mais c'est quand même gagnant pour le portrait général des gaz à effet de serre au Québec.

M. Lemay : Bon bien, merci beaucoup.

M. Cousineau Morin (Philippe) : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à la période d'échange. Merci beaucoup de votre contribution à la commission.

L'ordre du jour étant épuisé, je lève la séance et ajourne les travaux jusqu'au lundi 28 novembre, 14 heures. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 56)

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