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Version préliminaire

43e législature, 2e session
(début : 30 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 25 novembre 2025 - Vol. 48 N° 1

Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-sept minutes)

La Présidente (Mme Nichols) : Bonjour, les collègues. Bonjour, tout le monde! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le document intitulé Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Et je vais commencer en demandant à M. le secrétaire est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Grondin (Argenteuil) remplace Mme Roy (Verchères); Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Derraji (Nelligan); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine) remplace M. St-Pierre Plamondon (Camille-Laurin).

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Le premier groupe... Le premier groupe est... est confortable au bout de... Nous allons quand même commencer par les remarques préliminaires. Donc, ce matin, nous entendrons évidemment le Comité consultatif sur les changements climatiques et Nature Québec. D'abord, les remarques préliminaires. M. le ministre, j'invite le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes, M. le ministre.

M. Drainville : Très bien. Bien, mes premières salutations, Mme la Présidente, sont pour vous. Au plaisir de siéger avec vous. Je suis sûr qu'on pourra...

M. Drainville : ...travailler d'une manière très constructive. Vous êtes une parlementaire d'expérience pour laquelle j'ai beaucoup de respect, et donc je suis certain que nous allons bien nous entendre. Je salue mes collègues du côté du gouvernement. Content de vous retrouver, chers collègues. Je salue évidemment les collègues des oppositions qui sont ici présents. Je réitère que tous ensemble, nous saurons, je le crois, réaliser un travail qui est constructif. J'en profite pour saluer tous les groupes qui vont se présenter devant cette commission au cours des prochains jours ou encore ceux qui ont déposé un mémoire. Donc, dans le cadre de ces consultations sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec, je suis accompagné à ma gauche de M. Jocelyn Savoie, il est sous-ministre adjoint au Bureau de la transition climatique et énergétique, et à ma droite, M. Alexandre Elabiad, qui est conseiller politique, responsable notamment du dossier climat à mon cabinet.

• (9 h 50) •

J'aborde ces consultations en pensant d'abord aux humains, ceux qui habitent notre bonne vieille terre et ceux qui l'habiteront, nos enfants, nos petits enfants, bref, les prochaines générations. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais aller à l'essentiel, on va d'abord commencer par faire le point sur le chemin parcouru. La cible du Québec en matière de réduction de GES, elle est de moins 37,5 % d'ici 2030. Et nous avons accompli à peu près la moitié du chemin, on a obtenu, depuis 1990, une diminution d'à peu près 19 % de nos GES, 19 % sur 37,5. C'est pratiquement la moitié, un petit peu plus que la moitié. Donc, en 32 ans, depuis 1990, parce que ce chiffre-là que je viens de vous donner, c'est le tout dernier chiffre, c'est celui de 2022, en 32 ans, nous avons fait la moitié du chemin. Il nous reste, si nous conservons la cible actuelle, cinq années pour faire l'autre moitié. Donc, 19 % pendant 32 ans, et là il faudrait faire un autre pratiquement 19 % en cinq ans. C'est là qu'on réalise à quel point nous sommes face à un défi qui est considérable.

Et c'est la raison pour laquelle, je l'ai dit et redit dans plusieurs interventions, ce qui va nous guider, c'est une approche équilibrée. Oui, il faut prendre soin du climat, mais il faut prendre soin également de nos gens, de notre économie, de nos emplois. L'arrivée de Trump et ses politiques ont déclenché une réaction en chaîne. Il a mis fin pratiquement à l'ensemble de la politique climat du gouvernement américain, il a sabordé la politique d'électrification des transports, il a bousillé la politique de transition énergétique et, ce faisant, il a amené d'autres gouvernements en Amérique du Nord à reculer sur un certain nombre de choses. À Ottawa, par exemple, le gouvernement fédéral qui a décidé d'éliminer sa taxe carbone sur les consommateurs, d'autres mesures également, qui n'allaient certainement pas dans le sens d'un avancement dans la lutte contre les GES. L'Ontario a annoncé il y a deux semaines son intention de mettre fin à son obligation d'établir des cibles de GES. Vous imaginez ce que ça veut dire, ça? C'est notre principal concurrent économique, l'Ontario, l'Ontario qui, ce matin, d'ailleurs, se targue d'avoir réussi à attirer chez elle une usine de 3,2 milliards. Le Québec et l'Ontario étaient en concurrence pour cette usine de Vianode, une entreprise ontarienne. Ils ont réussi à l'attirer comment? Ils ont réussi à l'attirer grâce à l'énergie qu'ils produisent avec des centrales au gaz. Pendant ce temps, nous, on mise sur les énergies vertes. Alors, quand je vous dis qu'il faut faire attention à notre économie, on en a un très bel exemple ce matin : un état voisin, concurrent économique qui essaie d'utiliser les hydrocarbures pour attirer chez elle des investissements de plus de 3 milliards. Pendant ce temps, le gouvernement du Québec, l'État québécois, garde le cap sur la transition énergétique et se propose d'investir 200 milliards d'ici 2035 pour développer des énergies vertes. C'est ça notre programme.

Alors, notre programme, c'est de rester un État ambitieux avec des cibles de réduction de GES qui sont costaudes, qui nous font avancer, mais en même temps on se...

M. Drainville : ...doit de faire attention à l'impact que ces cibles-là auront sur le gagne-pain de nos concitoyens. Il faut prendre en considération les efforts économiques qui viennent avec ces cibles-là. C'est en ce sens que je parle d'une approche équilibrée, d'une approche qui est responsable. Et je le dis d'emblée, M. le Président... Mme la Présidente, dis-je bien, je le dis d'emblée...

La Présidente (Mme Nichols) : 20 secondes.

M. Drainville : Il reste 20 secondes? Bien, il va falloir, Mme la Présidente, que, si les groupes d'opposition, les partis d'opposition proposent des cibles plus exigences que 37,5 %, il va falloir qu'ils nous disent comment ils comptent les atteindre, il va falloir que les moyens concrets pour obtenir ces réductions de GES soient bel et bien documentés, et, là-dessus, je compte sur leur sens des responsabilités.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, merci, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce... Vous avez 3 min 36 s pour vos remarques préliminaires.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci, M. le ministre, je voulais vous saluer, aussi, la banquette... les collègues du ministère et la banquette ministérielle, les autres collègues en opposition, dont ma collègue la députée de Mille-Îles, qui est notre porte-parole en matière d'environnement. Et je suis la porte-parole en matière de changements climatiques, parce que, nous, notre formation, on reconnaît le fait que les changements climatiques, c'est un dossier... c'est un enjeu transversal, c'est-à-dire que ça touche l'économie, la santé, la sécurité publique, ça touche aussi beaucoup de groupes, en parlant d'êtres humains, de groupes démographiques, qui sont particulièrement atteints par les changements climatiques, dont les jeunes et les aînés, entre autres, et c'est un enjeu sérieux.

On a ces discussions-là suite à la... à la COP30, avec des résultats, on va dire, mitigés. On sait que les groupes se sont empêchés de revenir au Québec, justement, pour déposer leurs mémoires et être avec nous en présentiel. C'est sûr qu'on a bien hâte d'entendre les présentations des experts, des groupes qui sont sur le terrain. On va écouter, on va faire notre devoir, Mme la Présidente, d'opposition officielle, on va être rigoureux et on va aussi être constructifs.

Sur une note personnelle, évidemment, les gens... les enjeux sont... sont élevés, avec... C'est un enjeu majeur, Mme la Présidente, on le reconnaît. Les changements climatiques, c'est une réalité, et ça me tient à cœur personnellement, Mme la Présidente. Je suis impliquée dans ce dossier-là depuis que je suis étudiante à l'université. J'ai été au Sommet de la Terre, à Rio, où la Convention sur les changements climatiques a été lancée, avec la Convention sur la biodiversité. J'ai suivi les... les négociations, comme reporter, et j'ai ensuite cofondé le projet Réalité Climat, d'Al Gore, au Canada. Donc, en parlant de réalité climatique, il faut aussi... il faut aussi parler des enjeux, des impacts. Et on sait que, pour chaque dollar investi en prévention, on va... C'est très payant, c'est plus payant que d'être toujours en mode réaction. Donc, on doit faire... on doit... on a le devoir d'être ambitieux, justement, dans nos objectifs, pour prévenir les pires conséquences des changements climatiques, qui sont déjà avec nous.

Et moi, je suis rentrée en politique, Mme la Présidente, pour assurer le succès des futures générations, c'est-à-dire une économie durable, une société juste, et surtout, un environnement sain. On a le devoir, envers les générations... notre propre génération, mais surtout, les générations prochaines, qui n'ont pas le droit de vote présentement, qui ne sont pas encore nés... on a un devoir d'équité intergénérationnelle, et c'est dans cet esprit-là. J'espère que ça va nous guider dans nos consultations, dans notre... dans notre analyse de ce sujet hyperimportant. Donc, j'ai bien hâte, Mme la Présidente, d'entamer les consultations avec les groupes, avec les experts. Et c'est une question environnementale, c'est une question économique, et c'est aussi une question morale envers les futures générations, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe de l'opposition. M. le député de Taschereau, vous avez 1 min 12 s.

M. Grandmont : Merci beaucoup. J'ai peu de temps, donc je vais vous... je vais faire rapidement. Merci, M. le ministre, salutations aux collègues de la banquette gouvernementale, aux membres de l'opposition, au personnel qui est ici aujourd'hui... et, évidemment, les gens de la technique également, qui nous permettent d'avoir des débats sereins et rediffusés.

Évidemment, c'est l'enjeu le plus important du XXIe siècle, nous devons nous y attaquer avec ambition. Je regardais les chiffres de la... des... les chiffres que nous avons atteints en...

M. Grandmont : ...quant à nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre, on est à moins 19 % depuis... par rapport à 1990. Donc, 7,2 % en réduction sur le territoire et 11,7 % grâce au SPEDE. Évidemment, on n'est pas du tout dans la bonne direction et, en 2022, donc, on était très en retard sur nos objectifs et ce n'était pas la faute de Trump au sud de la frontière. Le contexte a changé certes, mais il ne faudrait pas... il ne faudrait pas que ça masque l'inaction du gouvernement, qui a été très, très grande depuis son élection.

Je vais parler tout au long de la commission de l'étude, avec les partenaires qu'on va entendre, de l'opportunité que ça représente d'un point de vue environnemental, social et économique. Ce n'est pas une menace, c'est une opportunité et mon propos ira toujours dans ce sens-là, M. le ministre.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 1 min 12 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, merci à tous d'être présents pour ce rendez-vous fort important qu'on attendait déjà depuis plusieurs semaines, et c'est prévu par la loi. Donc, cette discussion-là sera intéressante, avec tous les groupes qu'on aura l'occasion d'entendre. C'est fondamental, évidemment, de pouvoir se donner des cibles ambitieuses. Et, là-dessus, j'invite l'ensemble des membres de la commission, et particulièrement le ministre, à faire preuve d'ouverture et d'écoute. Et je m'explique mal le ton avec lequel le ministre aborde la question, c'est comme si les conclusions étaient tirées d'avance. J'espère que ce n'est pas le cas. Il y a quand même des ambitions qui avaient été affichées par son prédécesseur pas plus tard qu'en juin dernier, où il disait qu'on a tout à gagner à accélérer la transition écologique. On semble voir maintenant un ministre qui met les freins. On espère donc que ces consultations-là permettront de faire avancer le débat, et, évidemment, je nous souhaite des travaux constructifs et productifs. Merci.

• (10 heures) •

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Merci, cher collègue. Nous allons maintenant débuter les auditions. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Comité consultatif sur les changements climatiques. Merci. Merci d'être présents parmi nous.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, puis ensuite commencer votre exposé.

M. Webster (Alain) : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, MM. et Mmes les députés de nous accueillir. Je vous rappelle ce que vous savez déjà, le comité consultatif créé par la loi n° 44 sur la gouvernance climatique, comité scientifique indépendant dans la structure gouvernementale, qui a comme mandat de conseiller le ministre et, en lien avec notre plan stratégique qu'on a élaboré avec le ministère l'année passée, ramener la science dans la prise de décision chez tous les acteurs pour accélérer cette transition climatique.

Je vous rappelle aussi la mécanique. J'ai le bonheur d'être président de ce comité, nommé par le Conseil des ministres. Mes 12 autres collègues sont nommés par le ministre à ma recommandation et à celle du scientifique en chef pour créer un comité indépendant interdisciplinaire à majorité scientifique, avec aussi un ensemble d'expertises, bien sûr, économiques, très concrètes sur le terrain, mais une approche la plus diversifiée possible et surtout complètement neutre pour pouvoir se dire à chaque fois : Que nous dit la science? Et, bien sûr, ces comités consultatifs, c'est d'inspiration à l'échelle internationale des modèles anglais qui ont été les premiers à faire ça. C'est ce que la France fait avec son Haut conseil pour le climat. C'est ce que l'Union européenne fait avec son conseil scientifique. Ça fait partie des bonnes stratégies en matière de gouvernance : Comment le gouvernement reçoit un ensemble d'avis scientifiques de son comité scientifique indépendant, qui complète l'expertise des ministères et, en particulier, bien sûr, celle du ministère de l'Environnement. Donc, on ne cherche pas à réinventer la roue, mais à travailler de façon la plus collaborative possible sur ces enjeux. C'est ce qu'on a tenté de faire.

L'avis qu'on vous a présenté ce matin est en lien avec la demande de l'ancien ministre de l'Environnement qui nous a demandé un avis spécifique sur la carboneutralité et sa trajectoire. Et comme il fallait étudier, bien sûr, la cible de 2030, on a bien sûr commencé par cet enjeu, qui est un premier jalon. J'ai le bonheur, ce matin, d'être accompagné de trois de mes collègues, parce qu'il n'y a pas de la place pour les mettre les 13. Lota, professeur à l'Université Laval, Jérôme, professeur à l'Uco, et probablement que vous connaissez aussi mon collègue de droite, Sylvain. J'ai le bonheur, moi, d'enseigner l'économie et l'environnement, l'Université de Sherbrooke, et donc de présider ce comité. Très, très rapidement. Je suis tout à fait d'accord avec l'importance que vous avez accordée à ce sujet, tout simplement parce que le Secrétaire général des Nations Unies nous dit que cette question climatique est le plus grand défi de l'histoire de l'humanité. Et la Cour internationale de justice nous a rappelés l'importance de cet enjeu dans son...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Webster (Alain) : ...avis présenté cet été.

Lota, tu poursuis avec ça?

M. Tamini (Lota Dabio) : Oui. Donc, bonjour et merci de nous recevoir. Ça fait que, comme la table a été déjà mise par Alain sur la question... En fait, elle est importante. Donc, ça, on s'entend tous là-dessus, la question est importante. On était dans ce contexte de 10 ans après les accords de Paris, et il s'agissait également de regarder tout le chemin qui avait été parcouru, donc à la fois au Québec mais également ailleurs dans le monde. Et je pense que tout le monde s'entend pour dire que cette question climatique est là, et ne pas l'aborder ne va pas la faire disparaître.

Et, c'est pour ça, au niveau du comité, on pense que, stratégiquement, même si on a des questions géopolitiques qui sont de face, même si on a des questions économiques qui pourraient... qui pourraient également être un vent de face, il nous faut aller de l'avant. Stratégiquement, on ne peut pas se permettre de faire une pause ou de ne pas continuer nos efforts parce que ce serait une vision de court terme. Donc, il faut aller de l'avant même si on a ce vent de face.

Et, dans la réalité, c'est quand on a un regard focussé sur l'Amérique du Nord qu'on peut penser que, finalement, tout le monde a mis le frein. Sauf qu'il y a des... il y a des investissements massifs sur la question, des pays sont très engagés, même si c'est des économies qui sont basées sur des énergies fossiles. La Colombie menait la bataille pour sortir des énergies fossiles à la COP30. Le principal partenaire garde sa cible de carboneutralité pour 2045 en Californie, donc à l'intérieur des États-Unis. Donc, ils n'ont pas abandonné l'idée de poursuivre cette lutte aux changements climatiques par décarbonation et adaptation.

Donc, lorsqu'on regarde quand même l'ensemble de la planète, les efforts se poursuivent, des investissements massifs sont faites... sont faits, je vais y arriver, dans des énergies propres. Et donc, stratégiquement, pour avoir une société québécoise résiliente, il nous faut continuer nos efforts. Cet effort va nous permettre, en fait, d'être une société innovante sur le plan technologique. Notre lutte va être transformatrice. Et, même sur le plan social, également, on sera une société résiliente. D'où, finalement, notre regard sur la cible et la trajectoire, dont va finalement vous parler Alain.

M. Webster (Alain) : Merci, Lota. Alors, essentiellement, sur cette question très spécifique des cibles, il faut se demander où on veut aller. C'est ça, l'enjeu. On fait de la prospective. Vous avez parlé, M. le ministre, à juste titre, de l'importance de ce regard humain, de s'intéresser, bien sûr, à cette population actuelle et future. Et c'est le sens de cet accord de Paris, c'est le sens de la Convention-cadre sur les changements climatiques : assurer que la température n'excède pas des niveaux qui mettent en péril, bien sûr, la capacité de survie sur cette planète. C'est aussi fondamental que cela.

Et le contexte a changé depuis 1992, lorsqu'on a élaboré cette convention-cadre à Rio, elle a changé depuis l'accord de Paris, bien sûr, il y a 10 ans. Le constat aujourd'hui est assez simple : les États doivent se décarboner à l'horizon 2050 collectivement pour que cette température soit conforme à l'objectif qu'on s'est donné à l'échelle internationale, signé par plus de 180 États membres des Nations Unies : deux degrés, de préférence 1,5. Une fois qu'on s'est dit ça, c'est à partir de ça qu'on a travaillé cet été, c'est quoi, la cible? Qu'est-ce qu'on a comme approche? L'OCDE nous dit, comme la Banque mondiale, comme le FMI, comme tous les organismes économiques : Il faut décarboner à l'horizon 2050 et il faut que les États riches en fassent encore plus. Donc, il ne faut pas seulement faire une réduction, mais ramener ça à zéro à l'horizon 2050. Donc, la trajectoire scientifique préconisée par le GIEC et appuyée par tout ce qui existe comme organisme international, de l'OCDE à la FMI, aux banques mondiales, en passant par le PNUE, bien sûr, nous dit la même chose : 45 % de réduction à l'horizon 2050... 2030 sur la planète et 85 % à l'horizon 2050 et, dans le cas des pays occidentaux, 100 % de réduction, donc ramener nos émissions à un niveau net de zéro. On est partis de ça puis on s'est dit : Oh! on est à moins 19 %, là, il reste cinq ans, comme vous l'avez mentionné tantôt. Est-ce qu'on peut atteindre moins 45 % en si peu de temps? On a commencé l'ensemble de cette stratégie de façon plus sérieuse en mettant en place unanimement ce marché du carbone avec la Californie en 2013, avec son entrée en vigueur en 2014 dans cette liaison. Vous avez tous accepté ça collectivement, et, 10 ans plus tard, on se dit moins 19,4 %. Donc, on a dit : Idéalement, on devrait se rendre à moins 45 %. C'est ce que la...

M. Webster (Alain) : ...science nous dit. Mais le contexte, et M. le ministre l'a bien présenté, les vents de face sont très, très, très forts. Et on s'est dit : On n'y arrivera pas à moins 45. Mais il faut réussir à trouver un amalgame entre ce que la science nous dit qu'on doit faire et le contexte géopolitique particulier de 2025, pas de façon éternelle, mais de 2025.

Et c'est là qu'on s'est dit : Pour la cible 2030, on devrait maintenir ce qui est un minimum, le seuil de 37,5 à l'horizon 2030, qui est un premier jalon, mais inscrire ça dans une espèce de fourchette, de vision. Idéalement, on devrait se rendre à moins 45, si le contexte devient plus favorable, mais, si le contexte n'est pas très favorable à court terme, on sera plus ambitieux ultérieurement. Et donc on a proposé de fixer une cible de carboneutralité, non pas en 2050, mais en 2045, exactement comme la Californie, devenir la Californie du Nord, si vous préférez. Pour une raison très simple : on a comptabilisé l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre.

Pour ceux qui étaient dans notre discussion sur les changements climatiques à l'Assemblée nationale il y a deux ans de ça, et vous étiez très nombreux à y être, vous vous rappelez, on s'est dit : Ce qui est fondamental, ce n'est pas l'atteinte d'une cible spécifique, ce qui est fondamental, c'est la trajectoire, le cumul de ces émissions, année après année. Et donc, on s'est dit : Si on fait le cumul de toutes ces émissions jusqu'en 2050 et qu'on n'est pas capables d'atteindre moins 45 en 2030, on se contentera de moins 37,5, et on deviendra plus ambitieux en ramenant ça en 2045. Le cumul sera exactement similaire en matière d'émissions totales de gaz à effet de serre et, M. le ministre, vous pourrez dire à vos collègues à l'échelle internationale que le Québec a choisi de se situer du bon côté de la science, du bon côté de l'histoire et du bon côté de l'économie en mettant en place une... climatique conforme aux objectifs de l'Accord de Paris.

Et c'est comme ça qu'on a structuré cet objectif 2030 : le jalon essentiel en 2035 demandé par la COP, celui en 2045... en 2040 nécessaire pour pouvoir prolonger ce marché du carbone, et bien sûr la cible de 2045 qui nous ramène à zéro.

Et puis la mauvaise nouvelle, c'est qu'on s'est dit que ce n'était pas assez, il fallait en plus vous parler de terres et forêts. Donc je laisse la parole à Jérôme.

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme Nichols) : Il vous reste un petit 10 secondes. Je suis désolée, là, je suis la gardienne du temps. Je suis vraiment désolée.

M. Dupras (Jérôme) : Très rapidement. Il faut être capables de marcher et mâcher de la gomme en même temps. Ça veut dire que notre objectif, c'est de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Il y a des cibles sectorielles. Il faudra aussi avoir une réflexion sur la séquestration de carbone. Donc, notre carboneutralité à l'horizon 2045, ça se constitue aussi de 15 % des émissions qui sont séquestrées. Alors actuellement, il y a des... je fais... je fais ça très rapidement, là, il y a des... il y a une séquestration permanente, une séquestration temporaire. La séquestration temporaire, c'est ce qu'on peut penser dans des écosystèmes naturels, les sols, les forêts, les milieux humides. La permanente, c'est une vision sur des millénaires, avec de la minéralisation, de l'enfouissement dans des poches rocheuses. La science nous dit qu'on va absolument avoir besoin de ces technologies, ce qui n'empêche pas qu'on doit avoir un discours sur la sobriété. Mais on... on doit développer un agenda de séquestration de carbone. C'est une opportunité de filière économique, c'est l'innovation, c'est de la recherche. On doit démarrer ça pour avoir 15 % de nos réductions à l'horizon 2045.

Rapidement, sur l'affectation des terres, donc lorsqu'on parle d'agriculture, de foresterie, de gestion de nos tourbières, ce sont des profils d'émissions de gaz à effet de serre qui ne sont pas inclus aux cibles du Québec. Actuellement, c'est une source nette d'émissions. Donc, on a environ 14 mégatonnes qui sont émises chaque année. On doit absolument se doter d'une cible de carboneutralité pour l'affectation des terres là aussi à... à l'horizon 2045, avec une capacité d'intervenir dans le milieu naturel pour séquestrer ce carbone, générer des cobénéfices d'adaptation aux changements climatiques.

Et très rapidement aussi, on a entendu parler des événements extrêmes, feux de forêt, inondations, on doit être aussi... être capables de mettre sur pied une stratégie de gestion des risques liés aux émissions fugitives de la nature. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je suis désolée. C'est hyperintéressant, mais vous comprendrez que je suis aussi la gardienne du temps, un rôle pas toujours superagréable. Mais je vous remercie pour votre exposé. On va... passer à la période d'échange. Vous pourrez certainement compléter... compléter avec vos... vos propos. On va débuter la période d'échange avec M. le ministre. La période est... La période est à vous pour 15 minutes.

M. Drainville : Oui, merci, Mme la Présidente. Oui, bien, je... je vous ai laissé une minute de mon temps pour que vous ayez le temps de... de résumer votre pensée, M. Dupras. Mais vous avez justement abordé la question de la séquestration, qui était ma première question. Je pense que...

M. Drainville : ...il serait bien... bien utile que vous nous donniez un peu le... le portrait du potentiel qui existe présentement, les technologies qui existent ou qui sont en développement, parce qu'au rythme où vont les choses on a tous compris que la cible de 1,5 va être très difficilement atteignable. On s'oriente plus sur un 2,5, 2,8 présentement. Et donc, si on veut pouvoir à un moment donné revenir vers 1,5, il va falloir aspirer du carbone qui est déjà dans l'atmosphère et les techniques de séquestration pourraient nous le permettre. Mais j'aimerais ça que vous nous donniez, sans nous faire le grand tour d'horizon, là, parce qu'on veut se garder du temps pour d'autres questions, mais est-ce que... est-ce que c'est... est-ce que c'est à point ces techniques-là? Est-ce que certains les utilisent déjà pour diminuer, là, la présence de... de carbone dans l'atmosphère? Donnez-nous un peu le portrait de la situation.

M. Dupras (Jérôme) : Oui. Bien, le portrait commence par une séquence du développement durable : éviter, minimiser, compenser. Donc, on ne peut pas tout mettre dans la séquestration, il faut penser à d'autres stratégies de réduction, d'évitement.

Lorsqu'on arrive à cette compensation, à la séquestration, il y a la compensation qui est temporaire, donc travailler avec les écosystèmes, les sols, la biomasse. C'est une stratégie qu'on devra regarder, mais celle qui doit être dans nos cibles, c'est la... la séquestration permanente. Donc, ça, on parle d'enfouissement dans des poches rocheuses, des poches sous-marines, la minéralisation.

En 2023, là, les derniers chiffres en date, on parle d'une cinquantaine de millions de tonnes qui sont séquestrées chaque année à l'échelle mondiale. 2030, c'est fois 20, 2050, c'est fois 150. Donc, c'est vraiment une tendance où la science nous dit qu'on doit absolument aller là. On aura besoin de ces outils, on aura besoin de ces technologies.

On voit émerger certains, ce n'est pas... ce n'est plus seulement des projets pilotes, là, on parle de capitalisation. Au Québec, il y a Deep Sky, qui est une entreprise qui a été fortement capitalisée par Investissement Québec. Ils détiennent des brevets. Il y a d'autres endroits dans le monde où il y en a également. La Norvège a annoncé il y a quelques semaines des... des projets très porteurs en ce sens là.

Donc, au Québec, je pense qu'on a un avantage territorial très fort pour ça. On a un avantage d'innovation, de recherche. Ce qu'on dit dans notre... dans notre...

M. Drainville : ...avantage territorial?

M. Dupras (Jérôme) : Des formations géologiques capables...

M. Drainville : ...rocheuses?

M. Dupras (Jérôme) : Exactement. Oui.

M. Drainville : Est-ce que ça prend un certain type de roc? C'est déjà avéré, ça?

M. Dupras (Jérôme) : Bien, j'en viens à notre première recommandation qui est de dire qu'actuellement il faut vraiment se faire un œil intéressé mais aussi très sérieux sur la question, parce qu'il y a des... il y a des questions de faisabilité, il y a des questions de technologie, il y a des questions d'énergie. C'est une course, il y a des arbitrages forts pour l'énergie.

M. Drainville : ...séismologique également, non? Il y a des inquiétudes par rapport à ça, là.

M. Dupras (Jérôme) : C'est le potentiel, c'est la faisabilité. Notre première recommandation ici dans... sur cette question-là, c'est de faire vraiment un regard approfondi sur le potentiel, avec les avantages, les risques, le potentiel de développement de cette filière-là. Et, dans la... en même temps, en parallèle de pouvoir développer des projets pilotes. Donc, on a besoin d'animer notre recherche, notre innovation sur cette question-là.

Je ne voudrais pas passer sous silence rapidement aussi l'importance de travailler les questions de séquestration dans l'affectation des terres. Lorsqu'on parle d'agriculture, de foresterie, il y a là aussi une très forte capitalisation internationale. Il y a un intérêt d'investir dans la nature pour lutter contre les changements climatiques : agriculture régénératrice, foresterie durable, gestion long terme des... des tourbières.

M. Drainville : ...régénératrice, vous parlez de quoi, par exemple?

M. Dupras (Jérôme) : Mais on parle de pratiques agricoles capables de se soutenir...

M. Drainville : ...

M. Dupras (Jérôme) : Des couvertures de sol, de la santé des sols, des pratiques d'agriculture durable qui c'est comme... c'est comme...

M. Drainville : ...végétalisées.

M. Dupras (Jérôme) : Pardon?

M. Drainville : Bandes végétalisées, les bandes le long des fossés, par exemple.

M. Dupras (Jérôme) : Exactement. Oui. C'est ça. Donc, dans l'affectation des terres, il y a des solutions techniques, ce n'est pas technologique, on travaille avec la technologie naturelle, mais qui nous permettent de séquestrer du carbone. Et lorsqu'on travaille avec la nature, on a aussi des cobénéfices d'adaptation au changement climatique. Donc, il faut être capable de regarder la permanente comme une filière potentielle à fort potentiel économique de séquestration. Vous parlez de création d'emplois, je pense, c'est très, très judicieux de l'imaginer dans cette filière-là aussi. Il faut regarder au niveau... au niveau temporaire aussi, qu'est-ce qu'on peut faire avec la nature, où là aussi on est écologiques, socials et économiques.

M. Webster (Alain) : ...M. le ministre, de vous dire que cette innovation en matière agricole, ou forestière, ou technologique, elle existe si les cibles, la vision et l'orientation gouvernementale est claire. Et c'est ça à laquelle vous avez le privilège de vous prononcer dans les prochaines semaines et les prochains mois : Veut-on continuer à être parmi les États ambitieux? Et dans cette stratégie-là, on va innover, on va mettre en place les approches efficaces et on va faire partie des États qui auront contribué à mettre en place ces solutions. Ça reste fondamental. Et c'est pour ça que cette cible est essentielle, parce qu'en soi la cible, elle ne sert à rien, elle sert à orienter l'ensemble de ses prises de décisions de l'agriculture à...

M. Webster (Alain) : ...technologie en passant par la forêt.

M. Drainville : Sur le... Alors, vous, vous dites cible minimale de moins 37,5 %. Ça, c'est le strict minimum. Vous préféreriez quelque chose de plus important, là, moins 45 %. Moi, je veux vous entendre quand même sur l'effort citoyen, l'effort économique que ça va prendre juste pour le 37,5 %, là. N'allons même pas aux 45 %, là. Nos amis de l'opposition sont sur la cible de 45 %. Ils vont nous expliquer sans aucun doute comment ils comptent y arriver, là, sans parler de Québec solidaire. Eux autres sont à moins 55 %. Mais restons sur 37,5 %. Je l'ai dit d'entrée de jeu, on a atteint la moitié de la cible en 32 ans, là. Là, vous dites : Dans les cinq années qu'il reste, il faut atteindre... Au minimum, il faudrait atteindre l'autre moitié, au moins une autre réduction de tout près de 19 %.

M. Webster (Alain) : Vous savez, M. le ministre...

M. Drainville : Parlez-moi du... J'insiste là-dessus, là. Je sais que vous allez me dire : Oui, c'est des occasions d'innovation, de création d'emplois, etc. Je suis d'accord avec ça, mais là je vous parle d'une durée de temps très limitée, là. On a réussi en 32 ans à réduire de 19 %. Là, on dit on va faire essentiellement la même réduction en cinq ans. Je veux bien croire que le virage vert, vers l'économie verte, va créer de nouveaux emplois. Je veux bien, mais en l'espace de cinq ans, de penser qu'on va atteindre la moitié du 37,5 % sans qu'il y ait un effort économique très important qui soit demandé à la société québécoise, là, je pense qu'il faut se dire les choses franchement. Et il faut donc parler de cet effort économique. Et je veux vous entendre là-dessus. C'est quoi votre réponse à ça?

• (10 h 20) •

M. Webster (Alain) : M. le ministre, je suis content que vous m'amener sur ce sujet parce que nous avons presque la même réponse. Le canal de communication n'est pas le même, là, mais on dit presque la même chose. Vous dites : Il faut mettre 200 milliards dans le développement d'énergies renouvelables dans ces stratégies.

M. Drainville : ...

M. Webster (Alain) : Exactement. Dont une grande partie d'ici 2030. Et on fait ça avec les communautés. Très bonne nouvelle. On a compris comment faire de l'éolien dans l'est du Québec avec les communautés. On a compris comment travailler avec les autochtones, les Premières Nations. On va mettre en place des projets collectifs facilitant bien sûr ce dialogue. C'est essentiel. Et donc ce message, il est majeur. Comment, au Québec, on fait un choix de développement d'énergies renouvelables, d'efficacité énergétique et de sobriété? Et c'est ça que vous dites dans votre vision économique. Le pilier fondamental, c'est de faire plus d'énergies renouvelables au Québec. Nous disons exactement la même chose parce que nous pensons que la science nous dit, que la science nous dit, pour les ensembles actuels et futurs, il faut quitter le secteur énergies fossiles. Et pour quitter le secteur énergies fossiles, bien, il faut développer une plus grande efficacité énergétique, une meilleure sobriété dans un ensemble d'enjeux pour éviter le gaspillage. Et puis, bien sûr, il faut accroître ce potentiel d'énergie. Et ça, le Québec va gagner. Si on ne réussit pas à le faire ici, sur la planète, ça va se faire ailleurs. On a mis une petite note en bas de page. À l'échelle internationale, depuis une décennie, 120 % de croissance en matière de production d'électricité renouvelable, 240 % en Chine, 120 % aux États-Unis, y compris les quatre ans de l'administration Trump. Au Canada, 15 %. Le Québec, dans les dernières années, dans la dernière décennie, n'a pas accru massivement sa production d'énergies renouvelables parce qu'on avait une stratégie. On répond déjà de façon extraordinaire à cette productivité au niveau de l'électricité, avec 99 % de renouvelable, c'est exceptionnel. Mais dans le bilan énergétique, il y a encore 50 % d'énergies fossiles.

Et quand vous dites, on va accroître l'énergie renouvelable, on fait : Extraordinaire! C'est ça qu'on veut. On va accroître l'énergie pour répondre à ces besoins supplémentaires, mais aussi et surtout pour substituer du fossile par du renouvelable qu'on aura produit au Québec avec des gens qui travaillent au Québec, dans toutes les régions. Et ça va être parfait pour notre balance commerciale, puisque vous le savez mieux que moi, on n'a produit ni pétrole ni gaz. Donc, ça contribue à notre déficit commercial. Le message n'est pas le même en Alberta évidemment, mais on ne travaille pas avec le gouvernement canadien. On travaille avec l'État québécois. Et quelle est la vision que vous avez dans cet enjeu? Cette vision-là est : On est capable de répondre à ces besoins. Et vous le faites et on le mentionne dans le chapitre I, les axes qu'on a mis en place, c'est quoi? C'est le développement d'énergies renouvelables et travailler dans toutes les régions, toutes les MRC. Vous avez financé l'année passée quelque chose de fondamental, c'est-à-dire la mise en place de plans climat dans toutes les MRC au Québec pour se dire sur une base régionale collective comment on fait face à ce défi exceptionnel en matière d'adaptation et de réduction. Et c'est ça qui contribue à définir...

M. Webster (Alain) : ...un soutien des ressources, une mobilisation, une feuille de route à l'effet... à l'échelle régionale. Et, là-dessus, je vais passer mon... la parole à mon collègue qui va parlé de feuille de route et de budget, je suis sûr, pour compléter cette vision économique.

M. Drainville : ...collègue d'Argenteuil aussi a une question sur l'adaptation, si je ne m'abuse, mais à tout seigneur, tout honneur, n'est-ce pas?

M. Gaudreault (Sylvain) : ...une grande responsabilité. Mais, effectivement, l'élément que je voulais ajouter en ce qui me concerne, c'est que, pour atteindre les cibles, et vous faites bien de soulever le défi qu'on a d'ici les quatre ou cinq prochaines années, ça prend aussi une bonne gouvernance. On a déjà fait des pas importants au Québec, notamment avec la création du comité consultatif en 2020, mais il faut qu'on se donne des balises claires, et c'est ce qui manque dans la gouvernance climatique au Québec. Et c'est une de nos recommandations de notre mémoire et de l'avis qu'on a déposé également, qui prend la forme du dépôt d'un budget carbone, budget carbone permettant une meilleure prévisibilité. M. le ministre, moi, je suis d'avis que de réduire les cibles à l'heure actuelle enverrait un message difficile, un message de recul autant la société québécoise qu'aux entreprises qui veulent se préparer et qui travaillent sur un... des scénarios de moins 37 cinq, et on viendrait affecter cette prévisibilité. Donc, le budget carbone qu'on propose, c'est inspiré entre autres du modèle au Royaume-Uni, cinq... aux cinq ans, des budgets carbone avec des plafonds permettant d'atteindre la cible de réduction de gaz à effet de serre d'ici 2045, avec reddition de comptes à l'Assemblée nationale, avec une obligation légale d'offrir des réponses, ou des solutions, ou des mesures, des actions quand les cibles ne sont pas atteintes. Donc, c'est une mesure extrêmement importante qu'on propose également comme recommandation.

M. Webster (Alain) : Et, en matière économique, pour faciliter cette transition, le Québec a eu... bien, «le Québec», bien, le Québec, oui, mais concrétisé par une décision unanime de l'Assemblée nationale, a eu la brillante idée de lier son marché à celui de la Californie pour permettre de réduire le coût de cette transition. Donc, le message que vous aviez en 2015, comme député de l'Assemblée nationale, c'est : Nous ferons 60 % de la réduction au Québec et, éventuellement, 40 % dans ce marché du carbone. En 2025, nous n'avons jamais dit que le Québec ferait 100 % de cette réduction sur son territoire. L'idée, c'est de pouvoir mettre en place les stratégies de réduction les moins chères, les plus efficientes possible pour faire cette transition adéquatement au coût le plus bas possible. Donc, présentement, dans votre plan de mise en œuvre de votre stratégie, qui est celle de l'État québécois, bien, vous nous dites : On est capable de réduire environ 15 millions de tonnes, il en faut 25. Bonne nouvelle, le flux avec la Californie, en matière de droits d'émission, correspond à peu près à 10 millions depuis plusieurs années.

Donc, on pense que les politiques que vous avez élaborées présentement et qui doivent être mises en œuvre dans les prochaines années conformément au PMO vont livrer un ensemble de réductions des émissions qui vont être complétées par ce marché du carbone et qui va peut-être donner 20 %, 25 %, 30 %, 35 %. Vous l'écrivez noir sur blanc dans votre document : Difficile de prévoir, mais on verra. Et, si jamais ça ne se passe pas comme on prévoit, bien, on s'en reparlera dans deux ans, trois ans. Mais, présentement, la discussion avec la Californie, c'est : Comment on rajoute dans ça l'État de Washington, comment on travaille de façon plus efficace? Et le Québec a tout pour réussir cette transition, notamment en termes économiques.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Il reste une minute.

M. Drainville : Mme la députée d'Argenteuil.

La Présidente (Mme Nichols) : Je cède la parole à Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci. Bonjour, messieurs. Toujours un plaisir de pouvoir échanger avec vous. Vous mettez beaucoup l'accent, évidemment, sur les stratégies de réduction de gaz à effet de serre. Qu'en est-il de l'adaptation?

M. Dupras (Jérôme) : Bien, rapidement. On parlait du citoyen. Je pense, la question des changements climatiques, elle touche les citoyens dans les impacts, et on a besoin de parler d'adaptation aux changements climatiques, les coûts des dommages d'assurance doublent à chaque cinq ans depuis le début des années 2000. Donc, la réalité, elle est là, on a besoin de réduire. Et c'est pour ça qu'on revenait sur l'économie. Je pense que cette dimension-là, elle est très énergétique. Il faut penser où on alloue nos blocs énergétiques pour réaliser la décarbonation puis l'industrielle. Si on parle du citoyen, si on parle de l'adaptation, on a absolument besoin de se doter d'une feuille de route, qui est déjà présente, là. Elle est présente, elle est financée par le fait...

M. Dupras (Jérôme) : ...lorsqu'on, dans notre avis, on parle d'adaptation, il faut évidemment être dans les premières lignes au niveau des infrastructures, des services d'urgences, des écosystèmes. Ça prend aussi de l'argent, mais...

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie... je vous remercie, M. Dupras, là, ça tombe toujours sur vous. Je dois... je suis vraiment désolée. Je vais maintenant céder la parole à la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez 9 minutes 54 secondes. Je dis le temps, là, pour que vous soyez... pour que vous puissiez essayer de cadrer dans le... dans ce temps-là.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Et merci à vous pour votre présentation et votre présence. Ma première question, ça serait pour Professeur Dupras. Vous décrivez comme un économiste écologique. Vous avez parlé d'éviter, de minimiser et compenser. Au niveau de l'économie et de l'écologie, qu'est-ce qui est plus rentable? Éviter, minimiser, compenser? Dans quel ordre?

M. Dupras (Jérôme) : Bien, d'abord, sur la question changements climatiques, on est... on est dans l'évitement. Puis c'est une séquence, ça a été publié en 1987 dans les textes fondamentaux du développement durable. Il faut se ramener, il faut se ramener à ça. Lorsqu'on parle de changements climatiques, d'énergie, il faut aussi avoir le courage de parler de sobriété énergétique. Donc, la production, le doublement de notre production en 2035, c'est un extraordinaire chantier national. Il faut qu'il soit accompagné d'une vision sur la... sur la gestion de notre énergie.

On lance souvent des chiffres, on peut leur faire dire parfois ce que l'on veut. Actuellement, on a aussi un déficit commercial de plusieurs milliards de dollars sur la question des combustibles fossiles. Donc, on se dit que 99 % de notre énergie est produite par des technologies vertes. L'hydroélectricité, lorsqu'on la consomme, 50 % est au niveau d'énergie fossile, ce qui crée un déficit commercial. Donc, il y a dans cette lunette-là de sobriété, mais aussi de pouvoir déplacer en termes de politiques publiques certains incitatifs, ou des incitatifs, pour ramener dans le giron du Québec, la plus grande capacité d'investissement durable, de réduction et, éventuellement, d'adaptation aux changements climatiques.

• (10 h 30) •

Mme McGraw : Donc, on est d'accord pour dire qu'au niveau de l'économie et de l'écologie, éviter c'est plus rentable que minimiser et compenser. Dans le choix des trois, dans l'ordre, il faut prioriser. Moi, ce que je retiens, je vais le dire moi-même, qu'il faut éviter. On a beaucoup de questions...

M. Dupras (Jérôme) : ...juste un petit peu de relief, c'est... c'est plus complexe que ça. Il faut regarder aussi des marchés internationaux, la compétitivité du Québec. Mon collègue Lota en faisait état tout à l'heure. Les marchés vont s'en aller vers des chaînes d'approvisionnement qui sont décarbonées, les investissements qui sont là, il y a un vent de face, certes, il y a un vent de face, la prépondérance nord-américaine, mais si on regarde à l'échelle internationale, cette vision-là d'investissement durable. Donc, il faut éviter, mais il faut aussi être capable de placer les billes aux bons endroits dans une vision stratégique qui est à moyen et long terme.

Mme McGraw : Tout à fait. Les trois... les trois outils... mais éviter... on comprend... la Banque mondiale, l'OCDE, c'est ce qui est plus rentable. Est-ce qu'on est d'accord pour dire que le Québec, au sein du Canada et même en Amérique du Nord, elle a plus... elle a plus d'outils que n'importe quelle autre juridiction pour confronter, pour atteindre la carboneutralité, le SPEDE, l'énergie propre. Est-ce qu'on a plus d'outils que les autres provinces et même des États américains?

M. Dupras (Jérôme) : ...si c'est encore à moi...

Mme McGraw : Bien, ça peut être n'importe quel des panélistes, des experts.

M. Webster (Alain) : Oui, mais à l'échelle canadienne... vous vouliez y aller, Lota?

M. Tamini (Lota Dabio) : Non, vas-y. Vas-y.

M. Webster (Alain) : Oui, mais à l'échelle canadienne, aucun doute. La Colombie-Britannique travaille assez bien sur ces enjeux, c'est clair, mais le SPEDE est un outil essentiel. La capacité d'avoir cette production d'énergie renouvelable chez Hydro-Québec et ce levier extraordinaire que nous avons est passionnant, et on s'est déjà dit ça à l'Assemblée nationale. La capacité du Québec à travailler collectivement, parce que cette transition, c'est ça, là, c'est un enjeu collectif. Dans cet enjeu-là, ça a été vrai pour les droits de scolarité, pour les droits de coûts pour les services de garde, pour un ensemble d'éléments où le Québec s'est dit collectivement : Que veut-on faire? Et on est exactement dans cette situation-là sur le volet énergie. On a donc un ensemble de leviers, Caisse de dépôt, finances agricoles, et c'est l'une de nos recommandations, incluant l'une des recommandations du groupe d'experts en adaptation. Intégrons ces enjeux d'adaptation et de décarbonation dans nos leviers économiques, pour être sûr de pousser adéquatement et de façon concertée, cohérente. Et les leviers que possède l'État québécois vont permettre de faciliter cette transition. Donc, vous avez raison, le Québec est très, très bien placé, mais ce n'est pas mauvais non plus en Californie, ce qui se passe présentement.

Mme McGraw : Tout à fait. Alors... mais on a le SPEDE et aussi l'énergie propre. On a mis en place des mesures structurantes au fil des décennies. On est dans une très bonne position de continuer à mener ce combat contre les changements climatiques...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme McGraw : ...revenons au SPEDE, vous expliquez qu'à l'horizon de 2030, le SPEDE ne devrait couvrir qu'une fraction limitée de l'effort total. Et donc quelles balises vous recommandez pour éviter une dépendance excessive aux achats de droits d'émission? On a beaucoup de questions, je vais juste souligner, ma collègue et moi. Alors, si on peut garder les réponses assez courtes. Merci.

M. Webster (Alain) : C'est toujours un défi en soi. On a fait un avis l'année passée sur l'aspect... en disant : ça fonctionne très bien, il faut le prolonger, ça fonctionne. On a vu la Californie avec la volonté de prolonger ce système. On a vu l'État de Washington qui veut s'y intégrer. Il faut juste se rappeler l'élément essentiel de ce SPEDE, réduire au coût le plus bas possible. En matière environnementale, cette réduction, qu'on la fasse au Québec ou en Californie, ou à l'État de Washington, c'est une réduction. Ça a le même effet en matière environnementale. Donc, l'idée, c'est d'atteindre l'objectif au coût le plus bas possible présentement, depuis plusieurs années, c'est environ 10 millions de tonnes qu'on réduit associées à ce flux net avec la Californie, à peu près 10 millions de droits d'émission qui sont inchangés, et donc ça réduit, c'est pour ça qu'on passe à 19 % de réduction. Et dans ce scénario-là, on se dit : ça va continuer encore. Est-ce que ça va se réduire? Vraisemblablement, parce que les niveaux d'émission de GES baissent, et parce que les niveaux d'ambition de la Californie augmentent, carboneutre en 2045. Donc, ça ne va pas durer éternellement. Mais à l'horizon 2030, on peut assister à une réduction de ces droits d'émission, qui sont déjà très présents. Les entreprises, on parlait tantôt des alumineries, possèdent un ensemble de droits d'émission, parce qu'ils ont devancé ces achats présentement, et donc ça leur permet justement de faire cette transition au coût le plus bas possible. Cette aluminerie à qui on donne des droits d'émission et qui en achète à des coûts faibles historiquement, y compris en Californie, est capable d'atteindre sa cible à un coût faible.

Mme McGraw : Merci. Une dernière question de ma part. Ensuite, je cède ma place à ma collègue. Donc, en termes de cible, la cible recommandée, vous recommandez la à la hausse jusqu'à 45 % afin de respecter des trajectoires compatibles avec le 1,5 degré Celsius. Quels seraient les principaux critères qui justifient cette hausse? Et pourquoi estimez-vous que le Québec peut l'atteindre? Et peut-être j'ajouterais aussi, si tous les... les juridictions, les pays, les provinces se permettaient de ne pas atteindre ce qu'ils avaient promis ou éviter le 1,5... les 1,5 degré Celsius, quels seraient les impacts sur l'environnement, l'économie, etc.?

M. Webster (Alain) : C'est compliqué à l'échelle canadienne parce qu'en même temps qu'on se parle des cibles de réduction, on entend le premier ministre canadien nous parler de pipeline et d'accroissement de la production pétrolière. 40 % de croissance de pétrole depuis une décennie, alors que l'énergie renouvelable a crû de 15 %. Le Canada n'est pas dans une bonne stratégie en matière de lutte aux changements climatiques. Mais on n'est pas dans une commission parlementaire de l'État fédéral. On est au Québec. Et dans cette stratégie-là, le Québec, dans sa responsabilité constitutionnelle de gestion en matière environnementale, avec les liens bien sûr en matière économique et sociale essentiels, doit se positionner comme approche : qu'est-ce que je fais? Bien, on constate dans l'Union européenne une réduction de 90 % à l'horizon 2040. Et ça, c'est une position unanime de tous les États, qu'il soit de droite ou de gauche ou de centre social-démocrate, qu'importe leur vision politique, ils ont la même approche. Donc, vous êtes interpelés comme parti politique, qu'importe votre opinion politique, à se dire : en matière de science, on fait quoi? Et donc la science nous dit : être le plus proche possible de 1,5. Ça signifie que selon les dernières données, on va peut-être être à 1,60, 1,65 dans les prochaines décennies. Il faudra s'adapter à cette nouvelle température. C'est pour ça qu'on a pris la photo de notre photographe québécois gagnant un prix Nobel... prix Nobel... gagnant un prix du World Press sur ces enjeux d'adaptation. Dans ces enjeux-là, c'est possible de faire mieux. J'arrête parce que votre collègue veut parler.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui. La parole est à la députée des Mille-Îles.

Mme Dufour : Merci, Mme la Présidente. Merci pour vos... pour votre présence ici. Le SPEDE, je voudrais juste y revenir. Il y a... dans le fond, l'argent qui est récolté dans ce système de plafonnement, va en partie dans le fonds d'électrification aux changements climatiques, l'ancien Fonds vert. Il y a des groupes qui souhaiteraient détourner l'argent qui est dans ce fonds pour aller... toutes sortes de choses, mais qui n'ont pas un lien avec le SPEDE. Ce serait quoi? Puis là je regarde M. Webster, mais la question, ça peut être pour n'importe qui, là. Ce serait quoi le... Est-ce que ce serait une erreur de faire ça d'abord?

La Présidente (Mme Nichols) : Dans une courte réponse, je sais que ce n'est pas facile.

M. Webster (Alain) : Juste pour vous montrer comment faire une courte réponse, l'engagement moral qu'on a fait, c'est de mettre en place une tarification sur le carbone, et cette... ces revenus associés à ces enjeux sont dédiés à la lutte aux changements climatiques. Et c'est ce que vous faisiez année après année...

M. Webster (Alain) : ...et en reprenant le plan dans PMO en se disant il reste un solde budgétaire et à mettre en place une stratégie de réallocation pour éviter qu'il reste un surplus, bonne idée. Ensuite se pose la question : que fait-on avec le surplus de 1,7 milliard? C'est là où vous voulez m'amener, j'imagine. J'ai bien hâte de voir comment vous allez traiter ce sujet dans une autre commission parlementaire et sur un autre projet de loi. Mais fondamentalement, il faut contribuer à mobiliser tous les acteurs québécois sur cette stratégie climatique et donc il faut que ça soit clair, précis, visible, que les gens, ils comprennent la cohérence de l'action du gouvernement du Québec, c'est essentiel. Et ça, ça peut passer par différentes approches, mais il y a beaucoup de leviers financiers qui pourraient être utilisés là-dessus.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Webster. C'est... Bien oui, mission accomplie. Je cède la parole au député de Taschereau pour 3 minutes 20 secondes.

M. Grandmont : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous quatre pour votre présence. Évidemment, on n'a pas beaucoup de temps, trois minutes, 20 secondes. Je dois d'abord dire... vous dire merci pour votre présence, mais aussi pour ce mémoire qui est une feuille de route réaliste intéressante à laquelle je souscris, je la trouve bien intéressante. J'ai envie de vous entendre sur... on va essayer de faire peut-être deux questions si vous le permettez. La première, vous dites en page sept qu'il sera difficile d'atteindre ce niveau de réduction d'ici 2030 en raison notamment des retards dans l'adoption de changements structurels. Pouvez vous me parlez de, rapidement là, quelques-uns des changements structurels qui ont tardé à être mis en place au Québec et qui nous... qui nous ralentissent dans l'atteinte de nos cibles.

• (10 h 40) •

M. Gaudreault (Sylvain) : Bien, je peux certainement nommer, notamment, en matière de gouvernance comme on parlait tout à l'heure sur la question des budgets carbone qui permettent une prévisibilité, mais qui permettait également une transparence, puis un accès à l'information et une obligation légale pour le gouvernement de respecter l'atteinte de ses cibles. Un autre élément, c'est certainement sur des politiques fortes en matière de transition juste pour les travailleurs et les travailleuses qui sont concernés notamment par les changements de leur emploi, de leur... de leur travail au quotidien, là, en forêt, en alumineries par exemple ou ailleurs. Je sais qu'il y a des initiatives diverses, là, dans plusieurs ministères ou dans plusieurs comités sectoriels de main-d'œuvre, mais il faut un élan, je dirais, ou un message beaucoup plus clair de l'État. Donc, en matière de gouvernance et d'actions politiques ou de politiques publiques, moi, je ciblerais certainement ces deux éléments-là.

M. Webster (Alain) : Et ma collègue derrière, si elle était avec nous en avant, nous dirait qu'on a dit dans notre bilan sur l'action climatique qu'il... l'année passée, qu'il fallait accroître la mobilisation de l'ensemble des acteurs. Dans le volet anecdotique, quand je suis arrivée ici, j'ai pris un café en m'en venant et le commis m'a dit : Vous allez faire quoi ce matin? Et là, je lui dis : Bien, on va en commission parlementaire, l'État québécois se pose comme question est-ce que j'en fais plus ou j'en fais moins en changements climatiques. Il m'a regardé comme si je sortais d'une boîte à surprise et il m'a dit : Bien, c'est évident, il faut en faire plus, tu parles d'une question. Là, j'ai fait : C'est un peu ce que ma collègue dit dans son étude qu'on fait à chaque année, les trois quarts de la population du Québec se disent l'État québécois devrait en faire plus en matière de lutte aux changements climatiques. Donc, le volet mobilisation, c'est fondamental. Puis, un des enjeux les plus difficiles au Québec, c'est le volet transport. On avance dans certains cas, le REM est un exemple, on avance dans le volet métro, ça peut être un exemple, mais il faut en faire beaucoup plus, c'est clair, parce que c'est l'enjeu majeur en matière de lutte aux changements climatiques et en matière de transition.

M. Grandmont : Merci beaucoup. À la page 15 de votre mémoire, toujours, vous... vous parlez de réduire les coûts et les conséquences associées à l'inaction climatique. J'ai l'impression que vous vous gardez de le chiffrer. L'étude d'Ouranos, précédemment, il y a quelques années, avait mentionné les coûts d'inaction politique, là, on parlait d'un ratio d'à peu près sept de mémoire. Est-ce que... quel est le coût d'inaction politique? Quel est le coût de ne rien faire ou de ne pas atteindre nos cibles?

M. Dupras (Jérôme) : C'est certes imprécis, mais les derniers rapports qui sont disponibles nous disent qu'au Canada, c'est à peu près 25 milliards de dollars cette année, les coûts de l'inaction en changement climatique. C'est un chiffre qui va augmenter à 50 milliards en 2050. Donc, il y a des... il y a des coûts sur les effets, les causes, les assurances, etc. Donc, on dit généralement que chaque dollar investi dans la lutte et l'adaptation rapporte entre quatre et sept dans une perspective. Donc c'est un peu le signal de ce n'est pas une dépense en environnement en changement climatique, c'est un réel investissement qui peut se faire, qui peut avoir des retombées à très court terme dans l'adaptation et de façon structurelle sur quelques années.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, merci...

M. Webster (Alain) : ...climatique canadien nous dit : Vous allez perdre 20 % de votre revenu si on n'atteint pas nos cibles climatiques.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Webster, je voulais interrompre, M. Dupras. Non... je ne fais pas de l'acharnement, ça a adonné comme ça. La parole est maintenant au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre mémoire, votre... et les réponses que vous apportez. Je vais vous donner la chance de réagir spontanément, même si...

M. Arseneau : ...vous parliez d'une autre commission, on vient d'apprendre que les surplus du Fonds d'électrification et de changements climatiques seraient versés au Fonds des générations en 2026‑2027. Spontanément, ça vous... ça vous dit quoi sur les orientations gouvernementales eut égard à ces surplus?

M. Webster (Alain) : Ce que ça me dit, spontanément, c'est que lorsque je siégeais sur un comité consultatif très informel, on disait au gouvernement : On ne dépense pas assez, il faut mettre en place des stratégies, sinon il va y avoir une rupture de confiance. Il faut que les gens comprennent vers quoi on s'en va en matière climatique et qu'on mobilise tous les acteurs. D'où l'idée de budget carbone, feuille de route et compagnie. Et ça passe, bien sûr, par un volet financier.

Donc, on a un historique, on comprend très, très bien cet enjeu. On a accumulé ces revenus-là historiquement, depuis plusieurs, plusieurs années, et je ne dirai pas qui, quand, comment, vous le savez mieux que moi. Et, dans ce type de stratégie, on se ramasse avec un surplus de 1,7 milliard. Si on l'utilise, bien, ça se traduit par une dépense réelle. Donc, on a comptabilisé cette somme-là en termes comptables. Ça a permis de faire des gains à l'État québécois, dans ces périodes, mais, présentement, si on les utilise, ça a un impact négatif. Donc, c'est compliqué. Ça amène une nouvelle dépense.

La question, c'est comment on le réalloue. Ce qu'on en comprend, c'est qu'il n'y en aura pas, de ces surplus, à l'avenir, c'est pour ça que vous l'avez travaillé comme ça, M. le ministre, avec votre prédécesseur. Faire la révision en cours d'année pour être sûr que ces sommes sont dédiées toujours au volet changements climatiques, par rapport à ce qui est proposé sur le 1,7 milliard, on pourrait sûrement être un peu plus créatif pour être sûr que les gens se disent : On comprend à quoi ça sert.

Et les dépenses sont innombrables, en matière, bien sûr, d'adaptation sur des fonds spécifiques, en matière de feux de forêt, en matière d'inondation. Les besoins en matière financiers et l'investissement financier sont majeurs pour l'État québécois, au-delà du SPEDE et au-delà, bien sûr, de ce fonds d'électrification. Donc là, il y a une espèce d'élément de transparence. On peut peut-être faire mieux que ce qui est proposé présentement dans le projet de loi.

M. Arseneau : Il me reste une petite minute pour ma deuxième question. Quand on entend le ministre agiter le spectre des pertes d'emplois ou des baisses de production imposées à des usines, par exemple, en aluminium, dans le secteur de l'aluminium... Moi, j'ai cru comprendre que, si on utilisait le tableau 2 du mémoire du gouvernement, qui dit que si on atteignait... si on voulait atteindre la cible de 37,5 % sous le seuil de 1990, uniquement au Québec, sans le SPEDE, bien, c'est peut-être des mesures comme celle-là qu'on devrait prendre. En d'autres mots, est-ce qu'on crie au loup un peu? Parce que j'ai cru comprendre que vous pensiez qu'avec les mesures en place, si on les actualise, si on... à la limite, si on... si on insiste un peu, on va l'atteindre, le 37,5 %. Est-ce que c'est réaliste? Encore une fois, je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est réaliste?

La Présidente (Mme Nichols) : Très, très rapidement.

M. Webster (Alain) : On est convaincus que c'est réaliste, 37,5 %, puis on est convaincus que c'est fondamental de faire 37,5 %, parce qu'on est convaincus que, fondamentalement, les sociétés humaines vont réussir à faire cette transition et que, là, il y a une période très conjoncturelle, avec cette administration américaine qui nous dit : Tout ça est un canular. C'est faux, ce n'est pas ce que la science nous dit. Donc, on va la faire et on devra la faire, cette transition. Si le Québec ne la fait pas adéquatement, on se fera demander par nos enfants : On faisait quoi pendant qu'on était prospères? Et, dans cette stratégie-là, on pense que c'est possible de poursuivre ces enjeux, continuer à être créatif, innover, créer des emplois, et on a tous les leviers pour le faire. C'est terminé?

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour que l'on puisse accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 48)

(Reprise à 10 h 53)

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, nous sommes de retour. Nous poursuivons les consultations. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentantes de Nature Québec. Merci de vous être déplacées. Merci d'être parmi nous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi on va procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Mme Simard (Alice-Anne) : Merci. Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie de nous donner l'occasion, en fait, de vous présenter le mémoire de Nature Québec. Je m'appelle Alice-Anne Simard, je suis la directrice générale de Nature Québec et je suis accompagnée de Mme Anne-Céline Guyon, qui est notre analyste climat.

Alors, tout d'abord, vous devez comprendre que le Québec a vraiment une chance inouïe de pouvoir compter sur un Comité consultatif sur les changements climatiques qui est composé de... d'expertises aussi solides et diversifiées. Ce n'est pas un comité composé de citoyens engagés ou de gens qui font de l'action citoyenne, comme l'a affirmé ce matin en entrevue le ministre. Ce sont des scientifiques de renommée internationale, des experts et des expertes qui cumulent des dizaines d'années d'expérience dans leurs domaines respectifs. Ce sont des spécialistes qui étudient...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...analysent et comprennent les changements climatiques et leurs impacts comme personne d'autre au Québec, incluant bien plus que tous nous ici réunis dans cette salle.

Donc, dans un contexte où les changements climatiques ont déjà des conséquences bien réelles sur les vies humaines, les écosystèmes et l'économie, se donner les meilleures chances de réussir, ça implique de s'appuyer sur cette expertise. Alors, c'est pourquoi Nature Québec appuie la grande majorité des recommandations formulées par le comité consultatif et estime que le gouvernement doit les suivre avec sérieux et cohérence.

On part collectivement, là, avec des conditions gagnantes que bien des juridictions dans le monde nous envient. Plus de 99 % de notre électricité est renouvelable. On dispose d'une fonction publique compétente, d'outils de gouvernance, comme le marché du carbone, comme le Plan pour une économie verte, d'une communauté scientifique reconnue et d'une société civile qui est mobilisée depuis des décennies. Tout est en place pour réussir la transition énergétique. Dans ce contexte-là, ce n'est pas les capacités techniques ou financières qui risquent de nous faire échouer, ce sont plutôt de mauvaises décisions politiques ou l'absence de décision au moment où elles s'imposent.

Notre société, elle a tout intérêt aussi à ce que la transition énergétique se réalise pleinement pour réduire les coûts humains et matériels des feux, inondations, vagues de chaleur, sécheresses, pour demeurer compétitive dans une économie mondiale en voie de décarbonation, pour protéger la biodiversité puis pour bâtir une société plus égalitaire qui ne laisse personne derrière. Notre succès repose sur vous, chers élus de l'Assemblée nationale, si seulement vous êtes prêts à assumer le niveau d'ambition que commande la science et si vous misez sur la mise en œuvre concrète, le suivi et l'efficacité des mesures. Personne, évidemment, n'a jamais prétendu qu'opérer un tel virage va être facile, mais on est face à un véritable projet de société d'une ampleur comparable aux grandes transformations que le Québec a connues dans son histoire récente. Loin d'être décourageant, ça devrait plutôt être profondément motivant. On a l'occasion de repenser nos systèmes énergétiques, économiques et territoriaux de manière à mieux protéger le vivant et à améliorer la qualité de vie de la population. Devant l'ampleur de la tâche, là, on a tout intérêt à mettre nos cerveaux en commun.

Donc, le processus de révision de la cible de 2030 ne doit pas servir à réduire la discussion à un simple débat de chiffres. Se concentrer seulement sur la cible de 37,5 % serait une erreur. Pour nous, là, c'est aussi l'ensemble de la trajectoire vers la carboneutralité qui doit être mis sur la table. Et ce n'est pas un chiffre ou une trajectoire, tu sais, on a besoin des deux. La valeur de la cible, elle détermine le niveau d'ambition, elle envoie un signal clair et prévisible aussi aux marchés, aux entreprises, aux municipalités, aux ménages, puis la trajectoire, elle, bien, elle... avec des cibles intermédiaires, des budgets carbone, des feuilles de route sectorielles, elle permet de planifier les transformations, d'orienter les investissements puis de vérifier si on est vraiment sur la bonne voie.

C'est sûr que la limite de 1,5 degré Celsius est de plus... plus en plus difficile à respecter à l'échelle mondiale, mais le prochain objectif, ça devient 1,6, puis, si, celui-là, on ne l'atteint pas, c'est 1,7. Chaque dixième de degrés compte. Chaque dixième de degré gagné ou perdu, ça se traduit en vies humaines, en infrastructures préservées ou détruites, en habitats naturels sauvegardés ou perdus. Dans ce contexte-là, il n'y a aucun recul qui est acceptable. On doit mener de front, oui, l'adaptation pour gérer l'inévitable, mais l'atténuation aussi pour éviter l'ingérable.

Puis l'adaptation, elle a des limites physiques, financières, sociales. Plus on tarde à réduire nos émissions, plus ces limites-là se rapprochent. Puis il n'est pas possible de s'adapter à un monde qui a connu une augmentation de la température moyenne de trois, quatre ou cinq degrés, ce n'est pas possible. Donc, plutôt que d'essayer de se coller, là, aux ingénieurs du chaos au sud de la frontière, le Québec doit assumer son leadership environnemental, tirer l'ensemble des États vers le haut si on veut avoir une chance de limiter les effets de la crise climatique.

On rappelle aussi que la transition, bien, elle doit être juste. On va la réussir seulement si la population y voit une amélioration de ses conditions de vie, davantage d'égalité et de sécurité et la garantie que personne ne va être laissé derrière.

Permettez-moi d'ajouter ici quelques mots plus spécifiquement sur les impacts économiques de l'action climatique, là, puisque le ministre insiste beaucoup sur ces impacts. Les dérèglements climatiques font déjà monter le coût de la vie au Québec. Les pertes agricoles liées aux sécheresses et aux inondations se répercutent sur les prix des aliments. Les routes fermées, les ponts fragilisés, les feux de forêt perturbent les chaînes d'approvisionnement, augmentent les coûts de la construction, le... du transport, de la logistique. Les assurances sont de plus en plus chères. Les vagues de chaleur, les feux de forêt, les pannes d'électricité réduisent la productivité, provoquent des pertes de produits périssables. Ça pèse aussi sur les entreprises et sur les ménages. Des évacuations massives ont déjà été réalisées dans plusieurs communautés. Ça a entraîné des coûts importants pour les ménages puis pour le gouvernement. Il y a des effets importants aussi sur la santé puis le bien-être qui se font déjà sentir. Comme par exemple, quand, l'été, ça devient dangereux de sortir dehors parce que l'air est trop pollué à cause des feux, ou que votre sous-sol est inondé, ou que vous devez évacuer votre maison à cause des feux, justement, qui se rapprochent, ça des impacts...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...sur vous et sur votre santé déjà aujourd'hui. Tout ça, ça entraîne aussi une hausse des dépenses publiques en santé, en sécurité civile, en infrastructures à réparer ou à adapter, et au final, bien, ce sont les contribuables d'ici qui payent la facture, pas des acteurs lointains. On nous répète que l'action climatique, ça coûte trop cher, mais en réalité, c'est l'inaction qui coûte cher et ça va nous coûter de plus en plus cher à mesure que les années passent. On peut choisir de payer maintenant pour une transition qui est ordonnée, planifiée et juste, ou subir, demain, des coûts exponentiels dans un contexte de crises multiples où on aurait des capacités d'adaptation qui seraient dépassées.

À l'inverse, les pays qui ont choisi d'assurer un leadership climatique récoltent déjà des bénéfiques économiques, des bénéfices économiques tangibles : innovation, diversification industrielle, emplois de qualité dans l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, la mobilité durable, l'économie circulaire. La transition n'appauvrit pas les sociétés qui la planifient sérieusement. Pour elle... en fait, elle les rend plus résilientes, plus compétitives, plus attractives pour les investisseurs. Pour le tissu économique québécois, une cible et ambitieuse adossée à une trajectoire crédible, c'est de la prévisibilité, la possibilité d'anticiper, d'investir au bon endroit, de ne pas se retrouver coincés dans des actifs qui vont perdre de leur valeur au fil de la décarbonation mondiale.

• (11 heures) •

Donc oui, la transition ne va pas être facile, mais l'inaction n'est tout simplement pas envisageable. Chaque année de retard rend l'adaptation plus coûteuse et pour certaines communautés, c'est simplement hors de portée. Plus on repousse les mesures de réduction, plus elles vont devoir être brutales pour atteindre la carbo neutralité, avec des coûts économiques élevés et, surtout, des coûts humains : pertes de vies, déplacements forcés, effondrement de milieu de vie, chute de l'adhésion sociale. À terme, là, c'est... plus de personnes vont être laissées derrière et c'est la légitimité même des politiques climatiques qui va être fragilisée.

On le rappelle, le Québec dispose de tous les outils pour y arriver. Le véritable enjeu, c'est vraiment la volonté politique de s'en servir pleinement puis de manière cohérente. Lutter contre les changements climatiques, là, c'est sauver des vies, réduire les inégalités, protéger la biodiversité, rendre nos territoires puis notre économie plus résilients. Le processus de révision de la cible, ce n'est pas un exercice administratif parmi d'autres, c'est un moment charnière pour faire le bilan de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas, pour réaligner nos politiques sur la science la plus récente, surtout. Puis ça doit permettre de corriger des angles morts majeurs, aussi, puis mettre en place une gouvernance climatique robuste. Donc, en adoptant une cible rehaussée pour 2030, en devançant la carbo neutralité à 2045, en se dotant d'un budget carbone rigoureux et en priorisant la réduction réelle des émissions, le Québec peut envoyer un signal fort, celui d'une nation qui choisit le respect de la science, la résilience, la prévisibilité, l'innovation, la cohérence et la solidarité. Nature Québec appelle le gouvernement à saisir cette occasion historique pour que la transition énergétique devienne un vrai projet collectif, porteur d'espoir, puis non une succession de crises subies. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Merci de votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, vous avez une période de 16 min 30 sec.

M. Drainville : Très bien, merci pour votre présentation. Être un citoyen engagé puis un scientifique, ce n'est pas contradictoire, Madame. Je pense qu'on peut être un scientifique, puis être un citoyen engagé comme l'ont été...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...quand même un peu réducteur pour l'expérience qu'il y avait devant vous, aujourd'hui.

M. Drainville : ...comme l'ont été les participants à la présentation précédente. L'engagement citoyen, c'est très, très noble. Et donc je ne vois pas pourquoi vous essayez d'opposer l'un et l'autre, je ne trouve pas ça constructif, mais quoi qu'il en soit, restons sur votre présentation. Alors je comprends, là, l'argument, évidemment, à l'effet que les changements climatiques causent toutes sortes de dérèglements qui comportent un coût. Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, on a réussi à diminuer les GES, au Québec, de 19 % en plus de 30 ans. Et là, la cible actuelle de -37 nous obligerait à faire l'autre moitié de la réduction en 5 ans. Est-ce que vous reconnaissez que ce rythme très rapide pour atteindre l'autre moitié comporte un coût économique? Est-ce que vous reconnaissez ça?

Mme Simard (Alice-Anne) : Donc, d'abord pour... parce que je pense que mon micro n'était pas ouvert tout à l'heure, donc, qualifier le Comité consultatif sur les changements climatiques de citoyens engagés, c'est sûr que ce n'est pas en opposition avec ce qu'ils font actuellement, mais c'est quand même réducteur comparativement à toute l'expertise qu'il y avait devant vous aujourd'hui. Ça reste que ce sont des scientifiques de renom que le gouvernement, finalement, devrait écouter s'il souhaite écouter la science, tout simplement. Donc bien sûr, ce sont... ce sont des citoyens engagés, mais avant tout, ce sont des citoyens, surtout, très experts, expertes des...


 
 

11 h (version non révisée)

Mme Simard (Alice-Anne) : ...des scientifiques, des spécialistes. Au niveau de la cible, je pense que vous comprenez quand même que, quand on dit de diminuer la cible de 37,5 % depuis... avec... selon 1990, ça ne veut pas dire qu'on a commencé à faire des actions pour le climat en 1990, tu sais, c'est juste une mesure étalon. Dans les faits, c'est fait beaucoup plus récemment que ça, qu'on a commencé à agir réellement pour les changements climatiques. On a... bon, le marché du carbone a été mis en place en 2013, le plan pour économie verte a été mis en place en 2020. Donc, de dire qu'on a eu 19 % de réduction depuis 32 ans, bien, non, dans... c'est juste parce que c'est la mesure étalon. C'est depuis seulement quelques années, qu'on réussit vraiment à mettre en place des mesures structurantes. Puis, malheureusement, il y a énormément de mesures structurantes, en effet, qui n'ont pas été mises en place suffisamment rapidement, puis par des gouvernements successifs, et par le gouvernement actuel, et celui qui était là précédemment aussi, et c'est déplorable. Des groupes comme nous, Nature Québec, ont...

M. Drainville : ...s'il vous plaît.

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, bien sûr. C'est ce que je suis en train de faire.

M. Drainville : En cinq ans, diminuer de près de 19 % les GES, est-ce qu'il y aura un coût économique à ça, selon vous?

Mme Simard (Alice-Anne) : Je suis en train d'expliquer pourquoi on... ce n'est pas 19 % en 32 ans. Donc, il y a beaucoup de... Donc, il y a beaucoup de mesures structurantes qui n'ont pas été mises en place puis qui ont été mises, malheureusement, trop tardivement. Il y a des coûts, je l'ai bien exposé dans mon message d'introduction, finalement, où est-ce qu'il y a des coûts, assurément oui. Par contre, si vous allez voir votre propre document de consultation, il faut mettre en perspective, finalement. Il y a beaucoup le chiffre du 38 milliards de dollars qui a été avancé, mais, dans les faits, si on réinvestit les revenus tirés de la tarification des émissions de GES, on descend à 9 milliards. Et, si vous regardez, là, dans le bas de la page, là, il y a une note de bas de page à la page 23, ça dit clairement que «l'atteinte de la cible de 2030 ne nécessiterait pas pour autant la décroissance de l'économie québécoise. En effet, la modélisation indique que le PIB réel du Québec en 2030 serait alors inférieur à ce qui est projeté pour un scénario de désengagement, mais tout de même plus élevé qu'aujourd'hui.» Donc, malgré tout, votre document, dans une note de bas de page, explique qu'il y aura quand même une croissance économique du Québec, même si on met en œuvre l'entièreté de l'assiette de 37,5 %.

M. Drainville : OK. Mais, puisque vous vous référez au document, vous avez vu sans doute que l'atteinte de la cible actuelle impliquerait, par exemple, ce sont des exemples qui sont donnés, une diminution de la production d'aluminium de 14 %. Est-ce que vous êtes prêts, vous, à aller dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean et leur dire : En plus du tarif de 50 % que Trump vous impose sur votre aluminium, on vous demande de réduire votre production d'aluminium de plus de 10 %? Est-ce que vous êtes prêts à aller au Saguenay—Lac-Saint-Jean et a dire ça aux populations là-bas?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bonjour, M. le ministre. Savez-vous que le secteur de l'aluminium au Québec, c'est 40 000 emplois présentement? Mais savez-vous aussi que, par exemple, dans une éolienne, il y a une à trois tonnes d'aluminium nécessaire pour les fabriquer? Avec le développement éolien qui s'en vient au Québec, il y a un marché là aussi pour notre économie de l'aluminium. L'aluminium joue un rôle central également dans la transition énergétique de manière générale, à partir du moment où la production est à faible empreinte carbone. Or, au Québec, ça tombe bien, votre gouvernement a déjà investi massivement pour soutenir certaines alumineries, justement dans le développement de nouvelles technologies. On peut penser, par exemple, à Elysis. Donc, le Québec, au niveau de la production de l'aluminium, pourrait aussi décider, de manière très consciente, d'envoyer ce secteur-là particulièrement pour la transition énergétique du Québec et que notre secteur de l'aluminium serve au plan stratégique d'Hydro-Québec. Ça, plus le fait aussi, par exemple, qu'on a besoin d'aluminium dans les voitures, dans les batteries, etc. C'est un matériau stratégique nécessaire à la transition énergétique. Il y a un marché là. Il y aura un marché mondial aussi pour, justement, de l'aluminium bas carbone.

Et, si... Et, par rapport à ce que le document de consultation dit sur le secteur de l'aluminium, je pense aussi qu'on peut regarder tous les secteurs industriels et voir... Tu sais, c'est certaines propositions que la documentation a choisi de mettre en exergue, mais c'est très loin des feuilles de route qu'on pourrait mettre en œuvre pour différents secteurs industriels au Québec. Et on pourrait tout à fait décider que notre secteur de l'aluminium bas carbone nécessite des investissements, mais que ce soit justement le secteur qu'on...

Mme Guyon (Anne-Céline) : ...de... de soutenir versus des secteurs beaucoup plus polluants, mais encore une fois j'insiste, à condition d'aider ce secteur-là effectivement à devenir novateur dans la production d'aluminium bas carbone.

Mme Simard (Alice-Anne) : Donc, pour répondre à votre question, ça nous ferait plaisir d'aller au Saguenay-Lac-Saint-Jean expliquer ça aux gens là-bas.

M. Drainville : Bien, je vous invite à le faire, Mme.

Par ailleurs, le sommet de GES au Québec, il a été atteint en 2003. Et donc, la réduction de 19 % s'est faite en 22 ans. Donc, vous soumettez... vous...

Mme Simard (Alice-Anne) : Mais... (panne de son) ...2003, il n'y avait pas le marché du carbone...

M. Drainville : Mme, si vous me permettez... si vous me permettez...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...et il n'y avait pas le Plan pour une économie verte.

M. Drainville : Si vous me permettez, je vais quand même...

La Présidente (Mme Nichols) : ...personne à la fois, là. Je vais laisser le ministre terminer sa question, puis après, notre invitée pourra répondre. M. le ministre.

• (11 h 10) •

M. Drainville : Alors, je redis, je réitère que de dire aux Québécois : Vous pouvez atteindre la moitié de la cible en cinq ans, alors que ça nous a pris 22 ans pour obtenir la première moitié de réduction, je réitère qu'il y a un coût économique à ça. Et je pense que la crédibilité de votre argumentaire en sortirait renforcée si vous admettiez qu'il y a ce coût et que vous nous disiez comment est0ce qu'on devrait le minimiser, ce coût économique.

Par ailleurs, je suis surpris qu'une représentante de Nature Québec ne parle pas d'accès à la nature. C'est la mission première de votre organisme. Moi, je suis absolument convaincu que l'accès à la nature, c'est un des... une des meilleures façons de lutter contre les changements climatiques. Parce que si on donne accès à la nature, comme on l'a fait récemment en annonçant que nous allions doubler la superficie du parc du Mont-Orford, je pense qu'en donnant davantage accès à la nature, on fait aimer la nature et on donne le goût de la protéger. Et on donne le goût aux citoyens, justement, de devenir des membres actifs dans la lutte contre les changements climatiques parce qu'ils vont vouloir la... protéger l'immense et extraordinaire environnement que nous avons au Québec, qui est une grande richesse. Et donc je vais poser la question même si ça ne fait pas partie de votre présentation. Je vais vous demander quand même de me dire en quoi les solutions axées sur la nature peuvent contribuer à l'atteinte de la... carboneutralité.

Mme Simard (Alice-Anne) : Mais bien sûr. On a dans notre mémoire... on en parle justement. Puis c'est sûr qu'on n'a pas parlé d'accès à la nature dans notre message d'allocution parce que ce n'est pas une commission parlementaire sur l'accès à la nature, c'est sur les cibles de... des GES. C'est pour ça qu'on a concentré notre message là-dessus. À Nature Québec, on fait plein de travail à ce niveau-là. On... On emmène justement des enfants en nature pour leur apprendre à... à protéger ce qu'ils aiment. Mais, oui, les solutions nature, évidemment, on a des... des recommandations là-dedans, dans notre mémoire, où est-ce qu'au final il y a beaucoup d'écosystèmes au Québec qui sont des puits de carbone. On... pense aux milieux humides, par exemple, des forêts riches en carbone, et tout ça. Et, si on les protège, si on les restaure, si on améliore les pratiques de gestion de ces écosystèmes-là, il y a un grand potentiel finalement pour venir atténuer la crise climatique puis surtout pour adapter nos écosystèmes aux changements climatiques aussi.

Donc, par contre, tu sais, on insiste toujours sur le fait qu'il faut avant tout réduire les émissions en premier, mais la nature peut nous aider finalement à venir un peu compenser ces émissions-là. Mais, pour ça, c'est vraiment en protégeant bien les écosystèmes riches en carbone. Et c'est quelque chose sur lequel on travaille aussi à Nature Québec, puis en améliorations... en améliorant nos pratiques forestières aussi. Il y a aussi de... beaucoup de carbone comme ça qui peut être préservé, notamment dans les sols. Puis il y a une grande section sur notre mémoire aussi qui concerne finalement comment on peut améliorer les... les pratiques forestières puis comment on peut mieux comptabiliser finalement l'effet sur le carbone de la foresterie, là.

M. Drainville : Alors, s'il y avait une mesure que vous souhaiteriez, qui serait prioritaire, à votre avis, une que vous souhaiteriez mettre en place, quelle serait-elle?

Mme Simard (Alice-Anne) : Que le gouvernement écoute la science.

M. Drainville : Oui. OK. Parlons concrètement, là... je ne veux pas un... je ne veux pas une.... un discours, je veux une mesure, un moyen concret, là. Qu'est-ce qui serait, à votre avis...

Mme Simard (Alice-Anne) : Que le gouvernement adopte les recommandations du Comité consultatif sur les changements climatiques.

M. Drainville : OK. Mais je vous repose la question : Quelle serait, à votre avis, la mesure la plus porteuse pour réduire les GES? Est-ce que c'est... Je vous donne une... un certain nombre d'options, là, pour vous amener vers le concret : Est-ce que c'est dans le domaine des transports? Est-ce que c'est dans le domaine de la séquestration? Est-ce que c'est dans le domaine des ressources naturelles? Est-ce que c'est dans le domaine du... de l'industriel, du biogaz? Quelle serait votre mesure privilégiée?

Mme Simard (Alice-Anne) : C'est vraiment au niveau de la sobriété énergétique dans son ensemble, donc tant au niveau des transports que de... des bâtiments, par exemple, d'avoir en place des mesures d'efficacité énergétique, de sobriété énergétique qui vont nous permettre vraiment de diminuer la quantité d'énergie dont on a besoin au...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...Québec, parce qu'on ne peut pas de toute façon tout convertir l'énergie qu'on utilise actuellement seulement, tu sais, en énergie renouvelable. Là, ça serait... Ça serait vraiment un chantier qui serait gigantesque, finalement. Donc, il faut avant tout venir faire de la sobriété énergétique à tous les niveaux.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Si je peux compléter, M. le ministre, moi, je viserais aussi des mesures dans l'ensemble, qui font d'une pierre plusieurs coups, c'est-à-dire de vraiment chercher à y aller avec des mesures qui vont à la fois réduire nos GES, nous aider à nous adapter, mais également travailler la santé de nos populations. Aider parce que les coûts sur la santé des changements climatiques sont énormes. Réduire la pollution de l'air, c'est aussi faire en sorte qu'il y ait des coûts moindres sur notre système de santé qui, on le sait très bien tous, en a grandement besoin. Et la nature offre énormément de solutions qui font d'une pierre plusieurs coups.

M. Drainville : Et donnez-nous des exemples.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bien, par exemple, de reverdir nos villes. On sait que ça va nous aider non seulement sur les îlots de chaleur en période de canicule, mais également en réduisant la pollution de l'air. Ça, c'est un élément. Écoutez, il y en a plein. En agriculture, le comité consultatif vous parlait tout à l'heure de l'agriculture régénératrice, par exemple. Moi, j'ai visité une ferme il y a deux ans, d'élevage régénérateur. C'était fascinant. Là, l'agriculteur, en l'occurrence du côté de l'Outaouais, utilise extrêmement peu d'intrants. Donc, ça lui coûte beaucoup moins cher. Ça réduit les GES. Les animaux sont élevés dans d'excellentes conditions, et ça fait une agriculture qui est aussi excellente en termes de qualité, justement pour la santé humaine, au niveau de l'alimentation.

Mme Simard (Alice-Anne) : Même au niveau de la foresterie aussi, il peut y avoir plein de choses qui sont mises en place, notamment pour permettre de maximiser la séquestration du carbone, la protection des sols évidemment, les coupes partielles, l'allégement des rotations, la préservation des forêts matures et anciennes, l'adaptation aux changements climatiques de toutes les opérations forestières. Bref, vraiment, il y a une panoplie de solutions qui existent, qui sont documentées par plein d'organismes comme nous, par des scientifiques aussi. C'est sûr qu'une seule mesure n'arrivera pas à sauver, tu sais, à atteindre nos objectifs. Ça prend une panoplie de mesures de toute façon.

M. Drainville : On s'entend. Vous avez évoqué, Mme Guyon, vous avez évoqué la question de l'adaptation. Quelle devrait être la place de l'adaptation dans la stratégie climatique du gouvernement, à votre avis?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bien, écoutez, l'adaptation est essentielle, ça c'est certain, parce que, malheureusement, au stade où on en est à l'heure actuelle, on voit, on a les impacts qui sont déjà là, on les subit année après année au Québec, au Canada, bref sur le reste de la planète, les feux, les inondations, etc. Donc, oui, l'adaptation est essentielle, mais l'adaptation, encore une fois, aura aussi ses limites si on continue à aggraver le problème. Donc, c'est pour ça qu'il faut continuer absolument à travailler sur les deux volets. Parce que, oui, il faut mettre beaucoup plus d'argent dans l'adaptation et établir des feuilles de route, tu sais, conséquentes parce qu'il va falloir soutenir nos populations face aux aléas climatiques, ça, c'est certain. On est complètement d'accord avec vous sur ce sujet, mais ce n'est pas en aggravant, en continuant à émettre des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère que ces impacts-là vont s'amoindrir. Au contraire, ils vont aller exponentiel. Donc, il faut agir absolument sur les deux volets.

M. Drainville : Ma collègue de... d'Argenteuil. Oui, c'est bien cela.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, exactement. La parole est à la députée d'Argenteuil pour une minute.

Mme Grondin : J'hésite tout le temps des deux micros. Bonjour, mesdames. Toujours un plaisir d'échanger avec vous. En écoutant les échanges, vous proposez dans votre recommandation 21 une feuille de route sectorielle. Ah! Mais là pour... Vous le précisez notamment sur la question de la foresterie. Mais en écoutant les échanges avec le ministre, le potentiel des solutions nature, là, on n'a pas à remettre en question, est ce que vous pensez... Qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'une feuille de route sur... beaucoup plus large. Là, vous le centrez sur la foresterie, mais tout ce qui est solution nature, vous en avez parlé, plusieurs exemples que vous avez donnés au ministre, est-ce qu'il n'y aurait pas là, justement, une idée de dire, peut-être une feuille de route plus large que juste la foresterie?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien... Bien, c'est déjà un petit peu plus large, tu sais. On parle de tous les secteurs, AT... CATF, là, finalement, là, qui inclut... Le dernier F, c'est la foresterie, mais c'est tout le secteur de l'affectation des... des changements d'affectation sur les terres. C'est tout qu'est-ce qui est... Si un boisé se fait détruire, par exemple, parce qu'il y a un nouveau quartier résidentiel qui se fait construire, bien ça, ça relâche du carbone, tu sais...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...ces notions-là aussi. Puis, pour nous, bien, c'est important que ce secteur atteigne la carboneutralité. Il a été inclus pour la première fois, tu sais, dans la mise à jour, finalement, du Plan pour une économie verte, mais pas encore inclus dans le bilan total. Mais on voyait déjà que, finalement, ce secteur-là, c'est un secteur émetteur d'émissions de gaz à effet de serre. Donc...

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci. Je suis vraiment désolé. Je cède maintenant la parole à la députée de... voyons, j'ai un blanc de mémoire, Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez un bloc de 9 min 54 s.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci à vous d'être en présentiel aussi pour votre présentation de votre mémoire. Est-ce qu'il y a des éléments que vous aimeriez aborder, on a beaucoup de questions, mais que vous n'avez pas eu la chance de répondre en discussion avec le ministre que vous voulez ajouter?

• (11 h 20) •

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, je terminerais peut-être juste sur cette réponse-là. Au final, tu sais, ça prend une feuille de route complète pour mieux inclure les émissions de ce secteur, finalement, d'affectation des terres dans le bilan de GES. Puis là, surtout que l'année prochaine, on va avoir, finalement, le bilan de l'année 2023, on se souvient, c'était l'année des feux de forêt, donc il va falloir qu'on voie finalement l'effet net sur le bilan de GES. Puis ça va nous permettre... mieux on comptabilise ce secteur. Puis on a dans notre mémoire des mesures pour... des propositions pour bien comptabiliser ce secteur-là puis séparer l'anthropique du naturel, finalement, dans les émissions. C'est un domaine assez complexe, mais si on comptabilise bien, bien, c'est comme ça qu'après ça on peut prendre les bonnes décisions, finalement, pour s'assurer que ce secteur-là devienne carboneutre, finalement, ou même, tu sais, qu'il permette de ne pas émettre émission du tout.

Sinon, dans les autres éléments, bien, c'est sûr qu'on a... on parle de transformation systémique aussi dans notre mémoire. Tu sais, on fait référence beaucoup au sixième avis du Comité consultatif sur les changements climatiques aussi. C'est juste de rappeler, justement... il y avait, dans cette proposition-là, énormément d'éléments de solutions pour avoir une transformation profonde, là, tu sais, de la société et l'économie. Donc, on vous invite à vous y référer. Parce que c'est facile de débattre sur un chiffre, mais si on oublie c'est quoi, tu sais, les solutions puis les façons d'y arriver, on peut perdre de vue l'objectif, finalement. Donc, de garder ça en tête quand on débat sur le chiffre puis que c'est possible, finalement, d'y arriver. Puis ce n'est surtout pas le temps d'être moins ambitieux, finalement.

Mme McGraw : Merci. On sait que, selon l'ONU puis le secrétaire général de l'ONU, en amont de la COP, il y a à clarifier qu'effectivement le réchauffement de 1,5, ça va être dépassé, que c'est déjà... effectivement, on prévoit que ça va être dépassé. Face à cette réalité climatique, quelle est la posture appropriée pour le Québec? Rester leader puis prendre des choix... aller de l'avant ou reculer?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Aller de l'avant. Il n'y a aucun doute à avoir là-dessus. Le Québec a tout à gagner à continuer sa lutte aux changements climatiques et à s'adapter. Un vrai leader, c'est quelqu'un qui est toujours 10 pas en avant de tout le monde, ce n'est pas quelqu'un qui fait une pause en plein milieu du chemin. Donc, ça, c'est vraiment le message qu'on veut envoyer. Puis le Québec a tout... hein, je répète ce que ma collègue disait tout à l'heure, on a tous les outils nécessaires pour aller de l'avant, il y a juste des mauvaises décisions politiques qui peuvent nous faire reculer ou stagner. Et on est à ce moment charnière aujourd'hui, au Québec, où on se demande vers quelle voie il faut aller. La voie de l'ambition. Chaque 10 ᵉ de degré va compter. C'est des vies humaines, on ne le répétera jamais assez, on parle de vies humaines ici. Donc, 1,6, notre prochain... Si 1,5 doit être dépassé, la prochaine cible c'est 1,6. Donc, il faut garder nos cibles alignées sur le plus haut niveau d'ambition du GIEC, il n'y a aucune photo là-dessus, là.

Mme Simard (Alice-Anne) : Le Secrétaire général de l'ONU, quand il a dit que c'était probablement un objectif qui n'était plus atteignable, il n'a pas dit : Bon, bien, c'est correct, tu sais, on abandonne tout, rentrez chez vous, tout le monde, là. Tu sais, au contraire, il demande à redoubler d'efforts à tous les États. Puis même notre partenaire de la Californie, le gouverneur de la Californie à la COP, il a dit justement à Donald Trump : Il est temporaire, là.

Mme McGraw : Donc, si je comprends bien... puis, justement, c'est ma question, est-ce qu'on va suivre l'exemple de Donald Trump ou de notre partenaire en Californie qui, effectivement, vont redoubler leurs efforts pour atteindre la carboneutralité? Donc, j'imagine que c'est de suivre la Californie, en partenariat.

Mme Simard (Alice-Anne) : Exact, c'est ça. Puis on le voit, le gouverneur de la Californie a été très clair finalement que, c'est ça, Donald Trump est seulement temporaire, eux, ils continuent d'aller de l'avant. Il faut qu'on continue aussi. Puis si on voit... en Europe aussi, c'est des mesures de plus en plus ambitieuses aussi qui sont mises en place. Il y a une taxation au carbone qui devrait être mise en place à la frontière aussi en Europe dès l'année prochaine. Si on veut développer ce marché-là justement avec l'Europe, il faut qu'on trouve une façon de décarboner notre économie pour pouvoir exporter nos produits là-bas.

Mme Guyon (Anne-Céline) : En fait, plus exactement, la taxe...

Mme Guyon (Anne-Céline) : ...à la frontière est déjà en place, elle va, en fait, être renforcée, en 2026, plus exactement. Puis aux États-Unis, on parle de la Californie, mais il y a carrément une «climate alliance» d'États américains qui mènent l'ambition climatique à l'heure actuelle. Puis au-delà des États américains, à l'échelle mondiale, on l'a quand même vu à la COP30, évidemment, il est de bon ton, à chaque fois, de regarder ce qui a mal été à la COP30, mais on voit à quel point il y a des États qui gardent un niveau d'ambition, et les villes et les états infranationaux. Puis je rappellerai que le Québec a été quand même un des leaders internationaux à ce niveau-là, a toujours porté les États infranationaux et a travaillé pour que cette échelle-là soit reconnue au niveau de la CCNUCC. Donc, tu sais, on se bat pour ça depuis des années. Soyons à la hauteur de ce que nous-mêmes portons depuis maintenant plus de 10 ans.

Mme McGraw : Donc, effectivement, vous proposez d'au lieu de participer à une course vers le bas avec les États-Unis, de lier notre stratégie à une stratégie commerciale. On est en train de diversifier nos marchés vis-à-vis, entre autres, l'Europe, et de regarder à avoir une course vers le haut, vers la haute ambition, si je comprends bien, et de lier ça avec les enjeux commerciaux, économiques, la diversification des marchés, où il y a un consensus en Europe et, déjà, des pénalités si on ne s'enligne pas.

Juste pour revenir à une recommandation. Vous parlez de réduction brute versus nette, et vous critiquez... bien, «critiquez»... un peu la dépendance sur le SPEDE. Par contre, ça a été une initiative, une... une avancée québécoise, donc. Mais vous dites, si je comprends bien, qu'on dépend excessivement de ces réductions-là. Mais, en même temps, si on veut avoir l'ambition... puis on comprend que pas assez n'a été fait pour réduire les GES, on est rendus dans cette position-là... on ne devrait pas se donner plus de moyens, plus de flexibilité? C'est... c'est comme une... une recommandation un peu difficile, dans le sens qu'il faut... En tout cas, je vous laisse répondre.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bien, on ne remet absolument pas en question le SPEDE. Soyons clairs, c'est un outil essentiel, on en a besoin, clairement. Le comité consultatif le disait ce matin, le... la Californie haussant elle-même son niveau d'ambition, les réductions possibles avec notre partenaire vont s'amoindrir avec le temps, et il faut en avoir conscience.

Deuxième élément, en 2015, quand on a établi notre cible de 37,5 %, on disait qu'à peu près 65 % de notre cible devait être atteinte par des réductions sur le territoire québécois, et le reste par, justement, l'entremise du SPEDE. Or, on s'aperçoit qu'aujourd'hui le rapport est complètement inversé. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est de réinverser, et notamment en s'assurant d'avoir des budgets carbone non seulement quinquennaux, mais aussi sectoriels, accompagnés de feuilles de route, et d'obliger notamment les secteurs industriels à avoir des plans de décarbonation, parce que ce qu'on constate aussi dans les différents inventaires des dernières années, c'est que l'industrie a vraiment fait un effort de décarbonation dans les six premières années, à peu près, de l'élaboration du SPEDE et, depuis maintenant quelques... quelques années, stagne, et les investissements nécessaires ne sont plus faits, à l'heure actuelle, pour décarboner les procédés industriels. Donc, c'est là aussi où nous, nous disons : Demandons... Et d'ailleurs le... l'ancien ministre de l'Environnement a imposé cela aux cimenteries. En janvier 2024, il a imposé aux cimenteries québécoises de fournir des plans de décarbonation. Ce qu'on propose, c'est d'étendre cette mesure à l'ensemble des secteurs industriels.

La Présidente (Mme Nichols) : Parfait. La parole est à la députée des Mille-Îles.

Mme Dufour : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présence. Vous avez dit tout à l'heure : La transition n'appauvrit pas les sociétés qui les planifient sérieusement. Est-ce que le gouvernement actuel, vous considérez qu'il a bien planifié la transition?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, c'est sûr que si le gouvernement repousse à plus tard sa cible, ce n'est pas une façon de bien planifier cette transition-là. Oui, il y a des mesures qui sont mises en place, puis le Plan pour une économie verte, bon, malgré qu'il pourrait y avoir des améliorations, c'est une bonne base, finalement, s'il continue à travailler sur cette base-là, de s'assurer qu'on... on met en place... qu'on... des mesures qui vont nous permettre d'atteindre 100 % notre cible, aussi, pour 2030 puis la carboneutralité. Donc, il y a des choses, quand même, qui sont mises en place, peut-être pas suffisamment structurantes, planifiées, mais on peut se bâtir sur cette base-là, oui.

Mme Dufour : Parfait, merci. Tout à l'heure, le ministre a parlé de sa préoccupation pour le secteur de l'aluminium. Vous avez mentionné qu'une éolienne pouvait contenir jusqu'à trois tonnes de... d'aluminium. Lorsqu'on qu'on... qu'on voit que... Tu sais, dans le fond, ce qu'on constate, c'est que l'énergie renouvelable peut être un appui à la décarbonation, mais aussi à l'économie du Québec. Par contre, quand les... quand le gouvernement permet, finalement, que les éoliennes soient...

Mme Dufour : ...construites en Chine, est-ce qu'on ne se tire pas un peu dans le pied?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, c'est sûr que le plus qu'on peut... qu'on peut aider les entreprises d'ici à nous aider dans la transition énergétique, le mieux ce sera pour tout le monde puis pour l'économie du Québec.

Mme Dufour : C'est ça, mais les éoliennes construites en Chine sont beaucoup moins intéressantes au point de vue d'émissions de GES que celles construites au Québec avec l'aluminium du Québec.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bien, dans l'idéal, oui. Après, il faut comprendre qu'au niveau de l'échelle de développement de l'éolien... on a tout un rattrapage à faire au Québec à ce niveau-là avant de pouvoir se passer des éoliennes chinoises, malheureusement, là, donc il faut aussi le prendre en compte. Il y a, je dirais, une épreuve de réalisme, ici, à faire. Ceci dit, oui, notamment, imposer des contenus québécois à la production d'éoliennes serait essentiel.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci de votre réponse. Je vais céder la parole au député de Taschereau pour 3 min 20 s.

M. Grandmont : 3 min 20 s. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être présentes et de rester concentrées malgré le bruit. Je me... Merci pour votre présence, mais aussi pour votre mémoire, donc. Je me réjouis aussi de voir que vous appuyez à grands traits, là, les recommandations du Comité consultatif sur les changements climatiques.

J'aurais une question d'ordre plus général à vous poser. Pourquoi, selon vous, on est en face d'un ministre, d'un gouvernement qui veut repousser les échéanciers qui nous mènent vers l'atteinte de cibles de réduction de gaz à effet de serre? Pourquoi, selon vous, on est dans cette situation-là maintenant?

• (11 h 30) •

Mme Simard (Alice-Anne) : Malheureusement, c'est que les gouvernements successifs n'ont pas mis en place les mesures structurantes dont on a besoin, puis là on se retrouve avec un retard à rattraper pour toutes sortes de raisons. Puis je ne vais pas... tu sais, on ne veut pas rentrer là-dedans, mais, tu sais, il y a des mesures qui auraient pu être mises en place il y a des années pour le transport collectif, pour limiter l'étalement urbain, pour favoriser, finalement, un aménagement du territoire qui permet de ne pas miser tout sur l'auto solo. Et on aurait pu, de cette façon-là, éviter d'avoir une augmentation des gaz à effet de serre dans le secteur des transports, alors qu'au contraire on devrait avoir une diminution. Puis il y a beaucoup du bilan GES du Québec, en ce moment, qui est attribué, finalement, à l'augmentation de ces émissions-là dans le secteur du transport, mais ça, c'est des mesures structurantes qui prennent du temps, finalement, mais si on les avait mises en place il y a plusieurs années, bien là, on en verrait les effets aujourd'hui.

Donc, c'est ça, sans mesures structurantes, malheureusement, on a des retards à rattraper. Puis, bien, tu sais, on n'a pas fait nos devoirs, je demande à mon professeur une extension. Ce n'est peut-être pas la bonne... la bonne façon de faire. À la place, on devrait peut-être juste, tu sais, le faire, le devoir, là.

M. Grandmont : On connaît le truc, on l'a sûrement tous et toutes déjà employé, mais là on joue avec, effectivement, un devoir qui a des répercussions très grandes, potentiellement, sur le Québec, sur les personnes qui y habitent.

Qu'est-ce que vous entendez, vous, quand vous entendez un ministre de l'Environnement dire : Moi, je veux être le ministre de l'approche équilibrée? Qu'est-ce que ça sonne, pour vous, dans vos oreilles, l'approche équilibrée portée par un ministre de l'Environnement?

Mme Simard (Alice-Anne) : On ne négocie pas avec, tu sais, le climat, onn ne négocie pas avec les feux, les inondations, les sécheresses, les canicules. Il n'y a pas d'approche équilibrée qui face à la plus grande, tu sais, que vit l'humanité. On l'a exposé dans notre mémoire, on l'a exposé en allocution d'introduction, au contraire, on a tout à gagner, pour que notre économie soit résiliente, pour préserver nos emplois, pour préserver la qualité de vie de notre population, à agir face aux changements climatiques.

Le comité l'a dit encore ce matin, c'est... on gagne 4 $ à 5 $ qui sont évités, finalement, quand on investit 1 $, là, tu sais, pour régler la crise climatique. On a vraiment... Oui, ça se peut que pour... au début, on doive faire des investissements plus importants, mais ça va être tellement payant sur le long terme.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Puis j'ajouterais à ça, si vous le permettez, que 1 $ investit dans le statu quo, tu sais, au final, ou si on garde notre niveau de consommation des énergies fossiles, c'est de l'argent qui va au reste du Canada, voire même à des investisseurs américains, à l'heure actuelle, parce que ça, il ne faut pas l'oublier, là, les énergies fossiles, les investisseurs sont la plupart étrangers. 1 $ investi dans les énergies renouvelables au Québec, c'est de l'argent qui va aller à notre société d'État s'il reste dans le domaine public, c'est de l'argent qui va aller à notre éducation et à notre système de santé.

M. Grandmont : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour la présentation, et surtout de remettre les pendules à l'heure, parce qu'effectivement il faut comprendre que l'action climatique au Québec remonte à 2014, à peu près, et de façon peut-être plus accélérée il y a cinq ans, avec l'adoption du Plan pour une économie verte. Mais j'aimerais vous entendre sur le scénario que le ministre vous a présenté, à savoir qu'on devrait réduire la production d'aluminium, ce qui semble être tiré du document gouvernemental, à la page 28, dans le scénario où 100 %...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Arseneau :  ...de l'atteinte des objectifs ciblés serait au Québec en faisant abstraction du SPEDE. Ce n'est pas ce que vous proposez, si je comprends bien, là. Vous proposez d'inverser les chiffres qu'on voit actuellement, qui sont à 60 % SPEDE, 40 %... alors que l'objectif, au début, c'était plutôt 65 % au Québec et 35 % à travers le SPEDE. C'est ça que vous proposez.

Mme Simard (Alice-Anne) : Exactement. Donc... Puis, c'est ça, le chiffre de 38 milliards de dollars, c'est sans compter le SPEDE. Puis on ne l'abandonnera, pas le SPEDE, là, on continue de l'utiliser. Donc, tu sais, c'est... Puis, après ça, ce qui est mis en place comme exemples, ce sont des exemples, justement, que les fonctionnaires ont mis en... ont mis dans le document, mais ce n'est pas dit que c'est ça qui devra être réalisé pour y atteindre. Il y a une panoplie d'exemples puis de solutions qui existent aussi pour atteindre la cible.

M. Arseneau : Comment vous expliquez que, pas plus tard qu'en juin dernier, le ministre de l'époque a déposé un plan de mise en œuvre où il est indiqué, dans le mot du ministre, que, d'ici 2030, les mesures qui sont planifiées devraient permettre de «faire croître le PIB réel du Québec de plus de 700 millions de dollars, tout en renforçant la position du Québec parmi les territoires où on émet le moins de gaz à effet de serre»? Comment vous réconcilier ça avec le discours qu'on entend trois mois plus tard ici de la part du ministre?

Mme Simard (Alice-Anne) : ...dans le document de consultation, c'est mentionné que tous les effets économiques de la réduction des émissions de gaz à effet de serre n'a pas été quantifié, finalement. Donc, parmi ça, tous les avantages économiques, que ce soit lié à, justement, bon, la décarbonation dans l'économie, finalement, dans l'efficacité énergétique, des choses comme ça, mais même dans l'amélioration de la qualité de l'air, par exemple, ou même ceux qui vont découler, finalement, du fait que les entreprises québécoises vont éviter, justement, des ajustements carbone, là, tu sais, aux frontières des marchés d'exportation, tout ça n'a pas été calculé, tu sais, dans le document de consultation. Donc, il faut, encore une fois, prendre tout ça avec des bémols puis comprendre que, dans les faits, l'économie québécoise va être quand même... va bénéficier, finalement, de cette cible.

M. Arseneau : ...l'autre élément de réflexion, je partage cette réflexion-là avec vous, c'est que, dans le plan de mise en œuvre, on a des sommes qui sont consenties pour des mesures de réduction de gaz à effet de serre. On parle de 1,4 milliard, 1,6... presque 1,7. Et, par rapport aux sommes investies dans l'adaptation, on sait également que le ministre s'est prononcé pour rediriger ces sommes. Est-ce que vous pensez que c'est ça qu'il y a là-dessous, à savoir qu'on en met moins dans les gaz... dans la réduction des gaz à effet de serre et davantage dans l'adaptation?

Mme Simard (Alice-Anne) : Ma collègue l'a expliqué tantôt, au contraire, il faut absolument faire les deux. On peut... On ne peut pas s'adapter à un monde à trois, quatre degrés, cinq degrés Celsius d'augmentation, c'est impossible. Donc, il faut continuer à miser sur atténuer pour éviter l'ingérable, absolument, absolument. Les deux vont de pair ensemble.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les avis touchant les travaux de la commission...

(Suspension de la séance à 11 h 37)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 20)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, bonjour à tous, la commission des transports et de l'environnement va reprendre ses travaux. Nous allons poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le document intitulé Consultations sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Et cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants, soit Hydro-Québec, qui sont avec nous, Fédération québécoise des municipalités, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec et le consortium Ouranos. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants d'Hydro-Québec et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

M. Rhéaume (Dave) : Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Hydro-Québec remercie les membres de la Commission des transports et de l'environnement pour l'invitation à participer à la consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Cette démarche est une étape essentielle pour se doter d'une vision commune et orienter nos efforts de décarbonation. Je suis Dave Rhéaume, vice-président exécutif, stratégie énergétique, réglementaire et des activités industrielles chez Hydro-Québec et je suis accompagné de Caroline De Vit, directrice principale développement des affaires et de performance, ainsi que de Nicolas Fleury, chef Affaires gouvernementales et publiques chez Hydro-Québec.

Les aléas de notre métier font en sorte que nous observons les effets des changements climatiques au quotidien. Pluies diluviennes, canicules, tempêtes, autres événements extrêmes sont plus fréquents qu'autrefois. Comme société d'État responsable d'un réseau d'infrastructures alimentant le Québec en électricité, un service essentiel, nous devons nous adapter pour augmenter notre résilience face à ces événements climatiques.

En parallèle, nous devons mettre de l'avant un plan d'investissement ambitieux pour répondre à la croissance de la demande en électricité dont la majeure partie est à des fins de décarbonation. Notre plan d'action 2035 prévoit des investissements de 200 milliards de dollars et l'ajout d'environ 11 000 MW de puissance et 60 TWh d'énergies renouvelables. À l'horizon 2050, ce sera encore plus, car pour tendre vers la carboneutralité, on estime aujourd'hui qu'entre 150 à 200 TWh d'énergie supplémentaire seront requises, l'équivalent de toute la capacité actuelle d'Hydro-Québec, cela illustre bien l'ampleur de la tâche. La contribution du plan d'action à la décarbonation est majeure. Nous avons bâti notre plan d'action 2035 en considérant que 75 % de l'électricité supplémentaire servirait à décarboner certains usages au Québec. Ainsi, nous estimons que la réduction des émissions de GES résultant de l'électrification des transports, du bâtiment et des industries pourrait être de l'ordre de 25 millions de tonnes, soit près du tiers des émissions actuelles du Québec.

Au cours des prochaines minutes, nous allons approfondir ce grand projet collectif en deux parties. Premièrement, nous allons mettre en lumière l'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés pour déployer notre plan d'action et ensuite suggérer des pistes pour une décarbonation séquencée et efficace.

Commençons par les défis que nous devrons relever pour atteindre nos objectifs. Nous devons changer collectivement notre rapport à l'électricité pour consommer moins et consommer mieux. L'électricité la moins chère est celle que nous ne consomment pas. En effet, l'efficacité énergétique aujourd'hui est trois fois moins chère que les autres sources d'approvisionnement en électricité. D'ici 2035, notre cible en efficacité énergétique s'élève à 21 TWh. C'est, pour illustrer là, l'équivalent du retrait de la consommation d'une maison sur quatre existantes au Québec. C'est pourquoi... c'est pourquoi nous allons consacrer des montants historiques en efficacité énergétique. La trajectoire en efficacité que nous avons annoncée ce printemps prévoit des investissements de 10 milliards de dollars pour y arriver. Nous soutiendrons les clients dans cette transition avec des appuis financiers pour l'achat d'équipements performants et des...

M. Rhéaume (Dave) : ...les rabais sur la facture. L'efficacité énergétique ne suffira toutefois pas pour répondre à la demande. Nous devons produire beaucoup plus d'électricité. Ajouter 11 000 mégawatts impliquera inévitable... inévitable... inévitablement, de diversifier notre mix énergétique et de maximiser le recours à différentes sources d'énergie. L'hydroélectricité va continuer de jouer un rôle central dans notre système énergétique. Nous allons également augmenter la capacité de production de 11 centrales existantes pour obtenir 2000 mégawatts supplémentaires, en remplaçant les turbines qui ont pris de l'âge et qui sont moins performantes que les nouvelles technologies. C'est l'équivalent d'une nouvelle grande centrale à elle seule. Avec notre stratégie éolienne, nous allons passer de 4000 mégawatts à 10 000 mégawatts en 10 ans. Pour illustrer le défi, nous avons développé 4000 mégawatts au cours des 20 dernières années. Nous allons aussi développer une nouvelle filière avec le solaire. Notre approche annoncée récemment, cet été, prévoit l'ajout de 3000 mégawatts d'ici 2035, ce qui équivaut à la consommation de 300 000 résidences au Québec. Pour acheminer toute cette nouvelle production vers les centres de consommation, nous devrons étendre notre réseau de transport d'électricité, au total, c'est des milliers de kilomètres de nouvelles lignes qui devront être construits en plus de nombreux postes de transformation. Pour réaliser tous ces projets, plusieurs conditions devront être réunies. La main-d'œuvre devra être disponible. Nous évaluons que les projets requis pour le plan d'action mobiliseront, en moyenne, 35 000 travailleurs par année d'ici 2035. C'est pourquoi nous avons signé une entente de 100 millions de dollars avec le ministère de l'Éducation récemment pour accroître la formation dans les métiers prioritaires nécessaires à nos projets. L'acceptabilité sociale sera également un défi. Nous devrons travailler en partenariat avec les communautés locales et autochtones. Notre stratégie de réconciliation économique avec les Premières Nations et les Inuits est d'ailleurs un jalon clé de notre plan d'action et nous devrons déployer nos projets rapidement, en respectant les meilleures pratiques environnementales et en s'assurant d'obtenir l'acceptabilité sociale des communautés. Hydro-Québec est également en action pour réduire les émissions de GES de nos propres activités. Cet engagement se traduit par des actions concrètes comme l'optimisation de nos déplacements et l'électrification progressive de notre parc de véhicules. Aujourd'hui, c'est près du quart de notre flotte de véhicules légers qui a été remplacé par des options hybrides ou électriques. Et en parallèle, nous convertissons graduellement les réseaux autonomes alimentés par des énergies fossiles vers des solutions plus sobres en carbone. On peut penser à la centrale Au fil de l'eau, à Inukjuak et à la centrale hybride solaire à ... toutes nos initiatives tiennent compte des besoins des collectivités tout en assurant la fiabilité du réseau.

Mme De Vit (Caroline) : Donc, comme le soulignait M. Rhéaume, dans le Plan d'action 2035, Hydro-Québec s'est engagé dans une trajectoire qui rend possible la transition énergétique. Mais les ressources électriques vont demeurer rares. Et pour y arriver, nous devons décarboner là où c'est le plus efficace pour le Québec. Le document de consultation souligne la pression de la décarbonation sur le système électrique. On en demande plus au réseau électrique et dans ce contexte, il est essentiel de miser sur les technologies à haut rendement énergétique et de cibler les secteurs avec le plus haut potentiel de réduction de GES. Avec cette approche, nous visons une décarbonation plus efficace et plus performante, autrement dit, nous pouvons et voulons en faire plus avec moins. En ce sens, une réorientation des subventions disponibles permettrait de concentrer nos efforts de réduction de GES là où leurs impacts seraient le plus rentables. D'abord, électrifier le transport léger, comme vous le savez, le secteur représente... ce secteur des transports représente un tiers des émissions de GES du Québec. La technologie est mature et le coût d'acquisition tend à devenir de plus en plus avantageux pour les véhicules légers grâce à la baisse du prix des batteries. Électrifier une voiture est cinq fois plus efficace qu'électrifier le chauffage d'une maison, ce qui en fait un secteur particulièrement performant pour réduire les émissions. Deuxièmement, convertir le mazout dans les bâtiments. 10 % des émissions de GES sont liées au bâtiment. Ça peut sembler peu, mais c'est l'équivalent de centaines de millions de tonnes de CO2 par an. Comparativement à d'autres alternatives énergétiques, la conversion du mazout est une solution simple, économique et efficace lorsqu'elle repose sur la bonne technologie, notamment les thermopompes. Ce levier offre un potentiel d'impact rapide sur la réduction des émissions et la fin de l'utilisation du mazout dans les bâtiments commerciaux est à prioriser. Dans cet ordre d'idée, il y a lieu de se questionner sur des subventions qui soutiennent des conversions qui utilisent des technologies inefficaces, comme, par exemple, des chaudières électriques...

Mme De Vit (Caroline) : ...une option qui rapporte peu de gains en efficacité énergétique et demeure peu performante pour la réduction de GES.

Il serait donc plus judicieux de rediriger des subventions vers des initiatives plus efficaces, comme les thermopompes, en attendant le développement de technologies plus avancées. Bien utilisée, cette solution est simple, économique et particulièrement efficace pour réduire les émissions.

Finalement, innover dans le secteur industriel. Le secteur industriel représente 30 % des GES, ce qui en fait un incontournable pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Cependant, l'absence de technologies matures, pour des usages à haute température par exemple, rend son électrification complexe.

Il est donc essentiel d'investir dans des technologies propres et de soutenir la recherche et le développement pour accélérer la transition de ce secteur vers des énergies plus vertes. Des options prometteuses, comme les thermopompes industrielles, les projets pilotes sur la capture et le stockage de carbone, pourraient offrir des gains significatifs d'ici une dizaine d'années.

Miser sur le développement de technologies propres permettrait de préparer le terrain et de positionner le Québec comme un leader en innovation industrielle durable.

• (15 h 30) •

M. Rhéaume (Dave) : En conclusion, Mme la Présidente, Hydro-Québec réaffirme son soutien au Gouvernement dans l'atteinte de la cible qu'il établira, en sachant que seul un effort collectif nous permettra d'avancer vers un Québec décarboné.

Nous sommes convaincus qu'il est possible de conjuguer décarbonation et développement économique, mais le défi est grand. Notre plan d'action 2035 constitue un levier stratégique pour y parvenir, en misant sur l'efficacité énergétique et l'augmentation de la production d'électricité.

Notre électricité est une ressource précieuse et il faut en faire un usage optimal.

 Pour relever ce défi, nous devons poursuivre le développement de nos projets structurants et miser sur une décarbonation efficiente, là où l'impact est le plus important. C'est ainsi que nous réussirons, ensemble, le pari de la transition énergétique.

Hydro-Québec tient à remercier les membres de la commission pour leur écoute. Nous sommes engagés à poursuivre notre collaboration avec le gouvernement afin d'avancer ensemble vers un Québec carboneutre.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, merci beaucoup de votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous le premier bloc.

M. Drainville : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous, chers représentants d'Hydro-Québec. Les chiffres sont vraiment, je dirais, astronomiques, là. Ce n'est pas juste le 200 milliards, là, que je répète abondamment dans à peu près toutes les entrevues que j'ai faites jusqu'à maintenant, mais c'est ce que... ce qui résultera de ces 200 milliards d'investissements, là, l'ajout de 11 000 mégawatts de puissance ou 74 térawattheures d'énergie. Puis là vous dites : Ça va être encore plus parce que, pour atteindre la carboneutralité en 2050, ça va prendre de 150 à 200 térawattheures d'énergie. Ça fait que, là, j'essaie de comprendre. Si c'est 200 milliards pour 60 térawattheures d'ici 2035, êtes-vous en train de nous dire que... Mettons, on va prendre le plus petit chiffre des deux, là, 150 térawattheures pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050. Êtes-vous en train de nous dire que ça va prendre un autre 400 milliards d'investissements pour générer ces 150 térawattheures d'énergie?

M. Rhéaume (Dave) : En effet, l'ordre de grandeur qu'on estime aujourd'hui pour atteindre la pleine carboneutralité, c'est un autre 300 à 400 milliards de dollars d'investissements qui sera requis pour se rendre à cette ampleur-là de production.

M. Drainville : ...

M. Rhéaume (Dave) : Si on maintient une cible à 2050, il faudra que...

M. Drainville : De carboneutralité?

M. Rhéaume (Dave) : Oui.

M. Drainville : Un autre 3 à 400 milliards?

M. Rhéaume (Dave) : Exact, en supplément du 150 à 200 milliards actuel.

M. Drainville : Comment est-ce qu'on va faire ça? C'est énorme.

M. Rhéaume (Dave) : C'est des...

M. Drainville : Est-ce que c'est réaliste? Les gens diront : Là, écoutez, vous lancez des chiffres astronomiques, mais vous êtes... vous rêvez, vous... vous n'êtes pas sur... vous ne vivez pas sur... vous n'êtes pas réaliste, mettons. Qu'est-ce que vous répondez à ces personnes?

M. Rhéaume (Dave) : Notre réponse : C'est l'ambition du plan d'action. Donc, appelons ça la première phase, le 150 à 200 milliards pour les 10 prochaines années, c'est le bon plan. Est-ce que ça veut dire qu'il va falloir maintenir ce rythme-là et ce plan d'action là? Peut-être important à dire. C'est une vitesse de croissance de l'énergie renouvelable historique à l'échelle du Québec. Malgré que le Québec soit l'une des juridictions dans le monde qui a eu les booms de croissance avec son électricité les plus incroyables, c'est un plan de l'ordre de grandeur des phases les plus...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Rhéaume (Dave) : ...ambitieuse que le Québec n'a jamais eue en matière d'électricité. Nous sommes convaincus que c'est la bonne chose à faire sur l'horizon 2035, de se donner ces marges de manœuvre là avec de l'électricité renouvelable supplémentaire pour nourrir la prospérité et la décarbonation du Québec.

Est-ce qu'on a besoin aujourd'hui de confirmer que... et entre 2035 et 2050, voici c'est quoi le plan d'action supplémentaire? Non. Ça, ce n'est pas l'engagement qu'Hydro-Québec a pris. On a un plan très clair pour les 10 prochaines années. On nomme que ce plan-là ne va pas faire la totalité du travail comme vous le voyez, on va être encore loin d'une pleine décarbonation, puis on répond à votre question sur : Et qu'est-ce que ça prendrait? Mais aujourd'hui, c'est... je vous dirais, ce n'est pas dans notre plan. On sait que ce plan-là, le Québec va en avoir besoin puis qu'il va permettre de nourrir la décarbonation et la prospérité.

M. Drainville : Vous avez parlé. Vous avez dit : Ensuite, nous allons suggérer des pistes pour une... décarbonation, dis-je, séquencée et efficace. Parlez-nous un peu de cette séquence parce que je sais que ça peut devenir un enjeu par moment. Il y a la production, il y a la distribution, il faut s'assurer que, là où on produit, il y a des lignes qui vont nous permettre d'amener le courant produit au bon endroit dans les bonnes zones. Ce n'est pas nécessairement les mêmes enjeux d'une région géographique à une autre. Parlez-nous un petit peu de cette... Comment... comment vous solutionner ce casse-tête?

M. Rhéaume (Dave) : Dans le... ce qu'on a fait pour... pour livrer 11 000 mégawatts avec 200 milliards de dollars, on se doit de miser sur les solutions les moins chères. Donc, ça implique de miser sur l'éolien qui peut être très compétitif au Québec aujourd'hui, qui est une des sources. Ça... ça implique de miser sur l'augmentation de la puissance dans nos centrales existantes, donc là où on a déjà des ouvrages civils pour la production hydroélectrique, si on est capables d'aller chercher plus de puissance. Puis ça implique de continuer à miser sur la flexibilité que nos réservoirs offrent. Puis lorsque... Par exemple, on parle du solaire, est-ce que le solaire aujourd'hui, en 2025, est la solution la moins chère? Non. Mais, sur l'horizon 2035, elle va faire partie du mix. Puis c'est pour ça qu'on est déjà capables de prévoir ce que ça va prendre. Et on le fait en tenant compte du système de transport actuel, donc où on a déjà des autoroutes de transport sur certaines régions et de ce que ça va coûter pour ajouter cette nouvelle production-là au bout du réseau de transport puis de la descente vers les centres de consommation qui sont largement le long du fleuve Saint-Laurent.

Ceci dit, une fois qu'on fait le maximum d'efficacité énergétique, qu'on ajoute toute la production la plus abordable et compétitive et qu'on rend ce 11 000 mégawatts supplémentaires si on l'alloue, par exemple, dans des projets de décarbonation qui demandent beaucoup, beaucoup, beaucoup d'électricité pour sauver peu de GES, on va sauver moins de GES que si on prend ces mêmes quantités d'électrons là puis on les met dans des usages qui polluent beaucoup. C'est... c'est un exemple qu'on donne. C'est, par exemple, si vous prenez un kilowattheure, un électron d'électricité renouvelable, puis vous allez remplacer un système très efficace de chauffage dans une maison ou si vous allez, avec le même kilowattheure, remplacer la combustion d'un véhicule à essence dans la rue, vous ne sauvez pas autant de GES.

Donc, ce qu'on se dit, c'est si on en avait tellement à ne pas savoir quoi faire à faire, bien, on pourrait se dire : On va faire toute la décarbonation qui nous passe sous la main. Dans les faits, il y a une rareté, c'est précieux, aussi bien commencer à allouer les kilowattheures disponibles sur les projets qui ont le plus d'impact en GES et de repousser certaines formes d'électrification lorsqu'on sera rendus dans les derniers gestes qui sont moins payants mais qui pourraient faire partie de nos ambitions. Donc, il y a une priorisation.

M. Drainville : Je sais que ma collègue la députée de Laviolette—Saint-Maurice souhaite poser une question, mais je vous en pose une dernière. Dans quelle mesure est-ce que l'autonomie énergétique du citoyen fait partie de... de vos réflexions pour augmenter, justement, la quantité d'énergie disponible? Par exemple, moi, j'aime beaucoup, puis je ne connais rien à la technologie, là, je... je me fie un peu sur vous pour m'éclairer, mais j'aime beaucoup l'idée qu'on ait une... une batterie chez nous à la maison qui nous permette de stocker de l'énergie, puis, à un moment donné, lorsqu'on en a besoin, cette énergie-là est disponible. Ça responsabilise le citoyen. Ça pourrait vous aider à atteindre vos objectifs. Est-ce que vous êtes capables de nous projeter dans l'avenir un petit peu puis...

M. Drainville : ...nous dire qu'est-ce qui... Qu'est-ce qui se... Qu'est-ce qui se dessine? À quoi pourrait ressembler l'avenir énergétique, mais d'un point de vue de l'autonomie du citoyen et de sa capacité de stocker de l'énergie chez lui, chez elle?

M. Rhéaume (Dave) : Deux angles à la réponse, d'abord, pour votre information, il y a un an environ, Hydro-Québec a lancé un programme d'achat de batteries pour les particuliers où on subventionnait des batteries que les gens pouvaient installer chez eux, qui allaient accroître leur résilience, leur confort, mitiger les impacts en période de panne et même pouvoir devenir éventuellement un outil de modulation de la demande électrique pour éviter les pointes. C'est des solutions que, même subventionnées, aujourd'hui ont peu d'intérêt pour la clientèle parce qu'ils demeurent chers par rapport au coût de l'électricité. Donc, un peu comme le solaire, aujourd'hui, ces technologies-là ne sont pas encore très attrayantes pour les citoyens.

M. Drainville : ...coûte trop cher?

• (15 h 40) •

M. Rhéaume (Dave) : La batterie coûte trop cher par rapport à ce qu'elle va économiser si Hydro-Québec t'offre le service directement. Par contre, sur l'horizon 2035, on s'attend à ce que de plus en plus, la batterie des véhicules, qui est la plus grosse batterie que... va être plus grosse que les batteries que les gens pourraient acheter à la quincaillerie, que ces batteries de véhicules là va littéralement devenir un outil de résilience d'emmagasinage, c'est-à-dire, donc, dans des périodes de forte consommation, tous les systèmes électriques du monde prévoient qu'on va être capable d'utiliser les batteries des véhicules pour décharger le véhicule et limiter donc la demande de la maison, donc contribuer aux besoins électriques de la maison pour limiter, je dirais, la... en période de pointe.

M. Drainville : ...par exemple l'hiver, là, quand vous nous demandez de baisser le chauffage et tout ça, on pourrait imaginer. Je ne pense pas qu'on soit tout à fait dans de la science-fiction, nous dites-vous, on pourrait imaginer que pour baisser notre consommation sur le réseau, on se branche sur nos voitures, puis on utilise la réserve énergétique de nos voitures pour vous soulager... pour soulager le réseau d'Hydro.

M. Rhéaume (Dave) : C'est exactement ça. Et non seulement on n'est pas dans la science-fiction, c'est des technologies qui existent. Il y a des entreprises québécoises qui exportent ces technologies-là aux États-Unis, dans des marchés où les prix en pointe sont très élevés. Il y a des gens qui achètent ces technologies-là, qui contrôlent leurs panneaux solaires, leur véhicule pour optimiser la relation de la maison avec le système électrique, pour réduire les coûts. Parce qu'évidemment, nous, comme système électrique, on va être content de donner de la rémunération incitative aux gens qui vont avoir ce genre de comportement là. On va s'y rendre. Je vous dirais que, compte tenu des prix de l'énergie, la batterie, elle va coûter la même chose en Ontario, en Californie puis au Québec. Mais évidemment, les kilowattheures sont pas mal plus chers en Ontario puis en Californie qu'au Québec. Donc, ces technologies-là ont tendance à rentrer dans les ménages avant dans les autres juridictions, on l'a vu avec le solaire, mais ils vont se rendre à nous. Puis je vous dirais que la deuxième moitié du plan d'action, des années 2030 à 2035, on va se mettre à avoir une beaucoup plus grosse présence de ces technologies-là.

M. Drainville : Très bien. C'est très inspirant. Ma chère collègue.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui. On va céder la parole à Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Non? Cinq minutes.

Mme Tardif : Cinq minutes. Merci. Merci. Merci d'être là. Merci. C'est toujours un plaisir, là, d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec parce qu'on sait que vous travaillez très fort. J'aimerais vitement, parce que j'ai quelques questions, mais vous donner l'opportunité de corriger ce qu'on entend, ce qu'on a entendu au cours des dernières semaines, qu'Hydro-Québec achète des éoliennes chinoises. Donc, j'aimerais que vous nous disiez... je le sais la réponse, là, mais j'aimerais bien que ce soit davantage... parce qu'encore ce matin, on a parlé de ça. Et je vous écoute. Je ne veux pas que ce soit moi qui donne la réponse. En fait, ce sont les pales que vous achetez et pourquoi vous achetez des pales chinoises plutôt que québécoises? Est-ce que je vous mets en boîte ou vous voulez que je donne la réponse? Parfait! Merci.

M. Fleury (Nicolas) : Non, non, c'est bon. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a un enjeu avec la chaîne d'approvisionnement au Québec, hein, pour l'industrie éolienne et dans le cas qui nous concerne, effectivement, il n'y avait pas... bon, l'usine dont on... dont il est question ne fournissait pas les pales pour répondre aux besoins d'Hydro-Québec et de ses partenaires pour le projet. Donc, c'est un... C'est un enjeu de chaîne d'approvisionnement.

Mme Tardif : Exactement. Donc, ça, c'est un... c'est une composante d'une... d'une... d'une éolienne qui n'est pas fabriquée ici, au Québec, et dont on avait besoin, là. Et c'est la Chine qui l'avait. Merci. Par rapport aux changements climatiques, est-ce que, pour les types... parce qu'on en a, on en a eu il y a 27, 30 ans, le gros verglas dans la région, là...

Mme Tardif : ...de Montérégie, Montréal, mais on en a encore et on en a de plus en plus. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous adapter aux infrastructures terrestres pour... qui sont aériennes par rapport à ces changements? Est-ce qu'ils sont pris en considération?

M. Rhéaume (Dave) : Je vais commencer puis... Nicolas, si tu veux renchérir. Absolument. Donc, lorsqu'on a sorti le plan d'action aujourd'hui, j'ai focussé sur les éléments en lien avec la cible de GES, mais je tiens à clarifier, la priorité numéro un du plan d'action, le premier élément, si vous avez le document, c'est la question d'augmenter la fiabilité du service. On est... On le reconnaît d'emblée, le niveau de pannes des dernières années ne répond pas aux ambitions qu'on a pour le service qu'on veut offrir aux Québécois. Il y en aura toujours, mais ce niveau-là est, selon nous, pas acceptable, puis on doit faire des investissements en lien avec ça.

Donc, il y a plusieurs angles. Donc, déjà, on déploie des nouvelles technologies, on pense à des types de poteaux qui sont plus résistants puis qui sont capables de rencontrer le genre de situations qu'on pourrait rencontrer pour réduire le risque de pannes. Il y a des technologies aussi qu'on déploie en matière de redondance sur le réseau. Mais la chose qui a le plus d'impact, au-delà du design du réseau, c'est assurément la question de la végétation autour du réseau. On a besoin, pour éviter des pannes, que des branches d'arbres ne tombent pas ou ne plient pas sur le réseau électrique. Puis on l'a vu la semaine dernière, les arbres étaient pleins de feuilles. Un arbre plein de feuilles, quand il y a de la neige qui tombe dessus, c'est comme des gants de baseball, ça attrape la neige, ça plie, alors que si cette même neige là, qui n'était pas si pire que ça, est arrivée plus tard dans la saison, quand il n'y avait pas de feuilles, ça serait passé à travers les branches puis ça aurait moins plié. Lorsque les arbres plient ou qu'ils cassent, ils tombent sur les fils électriques. Et...

Mme Tardif : Donc, vous avez tout... vous avez un programme mis en place pour planter le bon arbre au bon endroit et faire de l'éducation par rapport à ça aussi, là.

M. Rhéaume (Dave) : On fait le volet éducation pour, lorsque quelqu'un plante un arbre, s'assurer que c'est le bon arbre au bon endroit. Donc, il y a des... il y a des types d'arbres qui grandissent moins que d'autres, puis qui vont prendre moins d'espace, puis qui sont plus appropriés. Mais aussi, on a besoin de l'aide de la population puis des gens du milieu lorsque vient le temps de faire de l'élagage. Donc, c'est certain qu'on a besoin du support du milieu pour faire l'élagage, pour s'assurer que le corridor est dégagé autour des filets.

Mme Tardif : Vous nous avez dit que, puis on le sait, là, c'est un projet de société. Il faut que chacun embarque, il faut que chacun prenne conscience, ce qui n'est pas le cas toujours actuellement. Et c'est la même chose pour l'eau, qu'il faut faire attention à notre consommation d'électricité. Vous avez aussi des programmes de soutien financier, des programmes de subventions. Et là, je pense aux citoyens et citoyennes du Québec. Quelles sont... quelles sont et quels seraient les programmes qui sont en cours actuellement, je ne sais pas si vous en connaissez quelques-uns, là, pour aider à diminuer la consommation dans les maisons?

M. Rhéaume (Dave) : Bien, pour les maisons, pour le résidentiel, je vous simplifierais, là, si on était tous capables de devenir des ambassadeurs de deux mots, deux t, thermopompe, thermostat. Si les gens s'installent une thermopompe, ils réduisent significativement la consommation d'électricité pour leur chauffage, en plus de bénéficier du confort de la climatisation, mais, l'un dans l'autre, c'est un énorme gain en matière d'efficacité d'énergie. Donc, mettre une thermopompe, c'est la meilleure façon de réduire la consommation de chauffage. Et on a un programme gratuit de thermostat intelligent qui permet de réduire l'impact en périodes de pointe. Avec ces deux technologies là, c'est un gain incroyable que le Québec est capable de faire dans les résidences.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle, pour un bloc de 9 min 54 s.

Mme Dufour : C'est moi qui va commencer, Mme la Présidente. Donc, vous avez dit combien de temps? Je suis désolée.

La Présidente (Mme Nichols) : 9 min 54 s.

Mme Dufour : Excellent. Merci. Merci pour votre présence aujourd'hui. Je vais commencer avec une... Vous avez mentionné qu'une réorientation des subventions disponibles permettrait de concentrer nos efforts de réduction de GES là où leurs impacts seront les plus rentables. Et vous avez poursuivi, là, tout de suite après en disant que le transport léger représentait 32 % des émissions de GES et qu'électrifier une voiture est cinq fois plus efficace qu'électrifier le chauffage d'une maison. Alors, je vous demande, à ce moment-là, est-ce qu'on se trompe lorsqu'on décide, comme le gouvernement le fait actuellement, de réduire les subventions pour les véhicules électriques, alors que, ce que je comprends, c'est que c'est là qu'on devrait mettre l'argent?

M. Rhéaume (Dave) : Ce qu'on dit ici...

M. Rhéaume (Dave) : ...tu sais, c'est mieux de faciliter puis d'encourager l'électrification d'un véhicule à combustion vers un véhicule électrique que d'autres formes d'électrification. Là, la période de retour sur investissement entre la voiture puis les autres formes, je ne suis pas en position, là, de la commenter, c'est les programmes du gouvernement. La récente décision de réallouer la priorisation au niveau du véhicule électrique, pour nous, est cohérente avec les cibles de prévision qu'on avait, c'est-à-dire que le Québec demeure un leader en matière d'électrification des transports légers à l'échelle de l'Amérique du Nord. Puis ce n'est pas un écart significatif par rapport à ce qu'on anticipait déjà.

Mme Dufour : Mais si demain matin, il n'y a plus de subventions puis que finalement, les ventes baissent parce que c'est toujours quand même plus dispendieux, bien, il y aura moins d'électrification des transports ou du moins, ça va se faire moins vite, peut-être, que ce qu'on envisageait, donc... moi, en tout cas, ce que je lis, c'est... vous dites au gouvernement que les subventions devraient aller là où c'est le plus rentable et vous dites que le transport léger, c'est plus rentable.

• (15 h 50) •

M. Rhéaume (Dave) : C'est exact que le transport léger, c'est une des formes d'électrification les plus efficaces selon nous. Mais ce qu'on ne dit surtout pas, puis c'est notamment parce que ce n'est pas notre rôle, mais aussi parce que ça ne reflète pas notre position, qu'il faut, donc, tout électrifier jusqu'à 100 %, dans... dans quelconque secteur. Pour chaque secteur c'est important de s'assurer que les aides financières permettent de bouger de la bonne façon. Je vous comparais ça aux thermopompes, j'ai beau dire que je suis pro thermopompes, si je fais un programme pour être sûr que 100 % du monde a une thermopompe, il risque de me coûter très cher. Une mesure à 80 % peut parfois être mieux modulée.

Mme Dufour : Merci. Vous parlez qu'il faut faire aussi du... de l'arbitrage dans la décarbonation. Est-ce que les blocs d'électricité qui ont été choisis par le gouvernement dans les dernières années, est-ce que ça correspondait à vos priorités pour la décarbonation?

M. Rhéaume (Dave) :  Là vous... là vous... non, c'est peut-être une confusion, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut... il y a deux formes d'arbitrage. Lorsqu'on fait de la décarbonation, il faut la faire dans les... sur les technologies qui émettent le plus de GES, donc, par exemple, un moteur à combustion, donc... l'autre arbitrage, ce qu'on dit, c'est il faut faire un arbitrage quand on fait de la décarbonation ou de la croissance, ce n'est pas des... c'est des vases qui communiquent, dans le sens qu'il y a plusieurs projets de croissance qui ont été faits dans les dernières années, qui visent des industries qui sont dans la filière de l'économie verte puis de la décarbonation, mais nous, on ne compare pas... Une nouvelle usine, c'est une nouvelle usine, ça ne veut rien dire, la décarbonation d'une nouvelle usine. Si elle n'avait pas été là, forcément il n'y aurait pas eu de GES associés.

Mme Dufour : Oui, mais en tout cas, votre... votre patron, dans le passé, l'a bien dit, là, que c'était un enjeu, là, les projets ne correspondaient pas à des projets de décarbonation pour les blocs d'énergie. Ceci dit, je vais vous amener ailleurs, 35 000 travailleurs, ça, c'est quand même quelque chose qui nous préoccupe beaucoup. Si ce n'est pas clair si c'est 35 000 nouveaux travailleurs que ça va prendre, ou c'est 35 000 incluant ceux qu'il y a déjà chez Hydro-Québec, j'aimerais comprendre le chiffre.

M. Rhéaume (Dave) : C'est... c'est 35 000 travailleurs de... disons, associés à l'industrie de la construction pour réaliser le plan. Ce ne sont pas les 23 000 travailleurs existants d'Hydro-Québec.

Mme Dufour : Donc, ce sont des travailleurs qui, actuellement, ne travaillent pas pour Hydro-Québec, mais qui auront à venir travailler sur ces chantiers-là. C'est beaucoup de monde. On est... il y a 10 % des... pardon, 25 % des travailleurs de la construction qui vont prendre leur retraite d'ici 10 ans. Il y a une crise du logement, on veut construire davantage des logements. Comment on... comment vous voyez tout ça peut s'arrimer?

M. Rhéaume (Dave) : Bien, vous référiez à certaines déclarations qui ont été faites dans ce... dans ce bâtiment avant, là. Depuis la sortie du plan d'action, la question de la disponibilité de la main-d'œuvre pour atteindre les ambitions de construction, c'est probablement le plus gros risque qu'on met de l'avant depuis le début. C'est certain que ça implique des gains en productivité importants, ça implique la disponibilité de la main-d'œuvre, ça implique de la flexibilité, donc, c'est pour ça, en toute transparence, c'est un gros défi. C'est pour ça qu'on met de l'argent et du temps avec le ministère de l'Éducation pour voir comment on est capable de s'assurer d'avoir la main-d'œuvre disponible.

Mme Dufour : Mais il y a eu des programmes qui ont été mis pour aller chercher des travailleurs de la construction avant que le plan d'Hydro-Québec ne soit dévoilé, qui étaient pour la construction résidentielle, justement. Et ça n'a pas... ça n'a pas donné les résultats. Ça n'a pas amené des nouveaux travailleurs, il y a des gens qui ont été formés pour finir leur sous-sol, mais on n'a pas vu beaucoup de nouveaux travailleurs, les gens dans l'industrie nous l'ont dit. Comment est-ce qu'on va faire différent? Puis je comprends, c'est... tu sais, c'est un gros, gros défi, on le voit, là, c'est comme la clé. Si on n'a pas ces travailleurs-là, tout le plan ne peut pas se réaliser, donc c'est majeur. Donc, je comprends, tu sais, que vous avez eu des... des discussions avec le ministère de l'Éducation. Mais... mais comment on...

Mme Dufour : ...va faire différent pour que cette fois-ci ce soit... ça fonctionne. Mais aussi, le bassin, il va venir d'où? Parce qu'on est en train de couper aussi les entrées de travailleurs étrangers. Donc, il va venir d'où? Les gens s'en vont à la retraite, là.

M. Rhéaume (Dave) : Bien, Hydro-Québec n'est évidemment pas imputable et impliquée dans la totalité des points que vous avez nommés. Nous, de notre côté, ce qu'on doit s'assurer de faire, c'est comment on s'assure que les méthodes de construction sont les plus optimales possible. Il y a des choses que nous, on peut faire et améliorer pour s'assurer que... Peut-être qu'on sera capable de traduire ça 35 000, là, travailleurs requis en 30 000 si on est capables d'améliorer la productivité sur nos chantiers. Donc, toute la question de...

Ce qu'on a fait, lorsqu'on a sorti le plan d'action, c'est... on a dit : Écoutez, c'est en effet un défi colossal, c'est une croissance à des niveaux qu'on n'a pas vus dans notre histoire récente, puis tout indique que ça, c'est l'ampleur de ce qu'il va falloir être capables de trouver pour y arriver. Mais travaillons collectivement, nous, du côté d'Hydro-Québec, sur comment on design nos projets, puis ensuite avec le gouvernement puis les différentes instances, comme avec le ministère de l'Éducation pour la formation, pour rendre les travailleurs disponibles.

Mme Nichols : Oui, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présence. Alors, peut-être, je vais commencer avec une question en lien non seulement avec mes dossiers de porte-parole changements climatiques, mais aussi commerce international et interprovincial. On a eu un représentant d'Hydro-Québec, récemment, qui est venu rencontrer la délégation de Massachusetts, justement, puis il a parlé de la... bon, on est en train de diversifier, le Québec et le Canada sont en train de diversifier nos marchés. Et on comprend que l'énergie, c'est souvent nord-sud, bien, beaucoup de nos échanges, c'est nord-sud. Quels sont les enjeux pour Hydro-Québec si l'idée, c'est d'avoir plus d'efficacité énergétique ici au Québec pour pouvoir, entre autres, vendre notre énergie à l'extérieur du Québec plus dispendieux, donc plus rentable pour nous?

M. Rhéaume (Dave) : Votre question c'est quoi les défis de faire ça?

Mme McGraw : Les défis, les opportunités, les plans.

M. Rhéaume (Dave) : Ah! Bien, le plan, c'est... Merci pour la question. C'est en effet de... Tout ce qu'on est capable de faire au Québec pour économiser va nous permettre trois opportunités, soit de prendre cet électron-là économisé puis décarboner sans avoir besoin de bâtir des infrastructures, soit de le réinvestir au Québec dans un projet de croissance pour créer de la richesse ou de prendre cet électron-là puis d'aller le vendre dans un marché qui est prêt à payer très cher, pour ramener cet argent-là au Québec, pour améliorer la qualité de vie des Québécois. C'est le geste que les Québécois puis les entreprises peuvent faire qui est le plus efficace pour créer de la richesse au Québec, aujourd'hui, c'est de libérer de l'énergie disponible, qui n'est pas absolument nécessaire.

Mme McGraw : Peut-être une dernière question, plus générale. Donc, quel serait l'impact sur le plan 2035 d'Hydro-Québec si on respecte présentement les cibles de 37,5 %, versus à la baisse ou à la hausse, à 45 %? Quels seraient les impacts?

M. Rhéaume (Dave) : Bien, d'abord, le plan d'Hydro-Québec, c'est de rendre 11 000 mégawatts disponibles. Puis, après ça, il y aura une décision, qui va bien au-delà d'Hydro-Québec, sur comment ils sont alloués, ces mégawatts-là. Je peux présumer que, toutes choses étant égales par ailleurs, là, il n'y a pas juste Hydro-Québec qui fait de la réduction de GES, là, la place des biocarburants, notamment, a un rôle à jouer, les autres distributeurs d'énergie peuvent... ont un rôle à jouer, mais si le Québec réduit sa cible, nous, on ne va pas réduire l'ambition de notre plan. Ça pourrait vouloir dire, donc, plus d'énergie allouée à de la croissance économique ou... et vice versa, de l'autre côté, mais le plan d'Hydro-Québec va demeurer, sur l'horizon 2035, de rendre ces 11 000 mégawatts là disponibles.

Mme McGraw : Et si c'est à la hausse, est-ce que ça va avoir un impact sur le plan?

M. Rhéaume (Dave) : On pense que le plan qui est présenté devant vous, c'est le maximum d'ambition plausible que le Québec peut poursuivre à ce point-ci. Le plan demeure le plan. Après ça, ce sera une question d'arbitrage, comme on disait tout à l'heure, entre les différentes opportunités.

Mme McGraw : Donc, peu importe les cibles, le plan demeure le plan.

M. Rhéaume (Dave) : Absolument.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Maintenant, je cède la parole au député de Taschereau.

M. Grandmont : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présence. Je dois vous dire que je me serais attendu à un mémoire un peu plus étoffé. Sept pages, qui ont été lues, par ailleurs, avec des chiffres qui sont envoyés comme ça. Puis je vais rejoindre le ministre, hein, qui dit : Effectivement, les chiffres sont astronomiques, sont très importants. En même temps, on peut se poser la question... vous parlez du parc automobile, c'est un domaine que je connais bien, oui, effectivement, on doit électrifier une part de ce parc automobile là, mais les calculs, est-ce que vous les avez faits en fonction du parc automobile actuel, au fil de l'eau, ou si on vise une réduction de la taille du parc automobile? Ce n'est pas trop détaillé dans votre exposé. Il y a une politique d'attraction de multinationales qui a été lancée par le gouvernement. On ne sait pas trop dans quelle mesure ça joue, en fait, dans votre...

M. Grandmont : ...un peu, là, sur le partage de 11 000 MW. Il y a les centres de données, aussi là, dont on a beaucoup parlé dans les derniers... dans les dernières semaines, qui ne réduisent pas, évidemment, nos émissions de gaz à effet de serre au Québec, mais qui, par ailleurs, contribueront pour beaucoup à l'importance de la consommation chez Hydro-Québec. Donc, j'aimerais... ma question est toute simple, en fait, est-ce que vous pouvez, au bénéfice de la commission, pour être capable de prendre une bonne décision, c'est quand même on recalcule les cibles GES au Québec et vous êtes évidemment un acteur incontournable dans cette équation-là, est-ce que vous pouvez, au bénéfice de la commission, fournir un complément d'information qui explique comment vous expliquez vos 200 milliards d'investissements, les 11 000 MW prévus pour 2035 et comment vous arrivez à la nécessité de doubler la capacité Hydro-Québec d'ici 2050 pour atteindre la carboneutralité?

• (16 heures) •

M. Rhéaume (Dave) : Donc, merci pour votre question, c'est... ça va être une opportunité de préciser, puis c'est en lien avec la question de votre collègue. Le plan qu'on a publié il y a maintenant deux ans, à la fin de l'année 2023, c'était le plan pour un Québec prospère et décarboné, c'est la vision d'Hydro-Québec de comment on peut contribuer aux ambitions du Québec. Puis, ce qu'on a identifié, c'est qu'au maximum de l'ambition, le Québec devrait viser d'aller chercher 11 000 MW, c'est ce qui est, on pense, techniquement possible, quoiqu'extrêmement ambitieux. Et ça, ça va nous coûter 200 milliards de dollars et qu'avec la trajectoire des tarifs actuels, c'est viable. Après ça, on a fait l'exercice de se demander comment ce 11 000 MW-là va vraisemblablement être distribué à travers le secteur résidentiel, commercial, industriel, puis entre de la décarbonation et de la croissance, puis on est arrivé à 75 % de décarbonation, 25 % de croissance. Mais ça, ce n'est pas Hydro-Québec qui le décide. Nous, on va rendre disponibles ces 11 000 MW-là, puis, là, c'est les politiques publiques actuelles, mais aussi celles des dix prochaines années qui vont, bien entendu, venir affectées. Est-ce que l'électrification des transports accélère ou ralentit? Est-ce qu'il y a une forte croissance ou une décroissance? Donc ce qu'on a chiffré, c'est ce que ça coûte rendre 11 000 MW.

M. Grandmont : Donc, en conclusion, est-ce que vous pouvez vous engager à nous fournir les calculs que vous avez effectués de votre côté pour étoffer votre argumentaire?

M. Rhéaume (Dave) : Bien, on a de l'information qui est disponible sur le site qu'on pourra vous envoyer, là, qui montre essentiellement le 2 milliards de dollars vient d'où, mais ça ne va pas se traduire par ce que votre question visait, c'est-à-dire un chiffre à relier au coût des véhicules.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup, merci pour les informations. Alors, le dernier bloc appartient au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, madame la Présidente. Un petit trois minutes. Merci d'être là. Écoutez, la question à la page 56, c'est très simple, le gouvernement devrait-il modifier l'actuelle cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre? Je ne vois pas de réponse dans votre mémoire, est-ce que vous en avez une à nous offrir? Si on prend en compte le fait qu'il y a un comité consultatif sur les changements climatiques qui dit : On devrait aller entre le 37.5 et 45. Bien, évidemment, si on fait ça, bien, il faut électrifier l'économie, vous êtes le fournisseur d'électricité au Québec. Vous en pensez quoi?

M. Rhéaume (Dave) : Ce qu'on en pense c'est qu'on a un plan extrêmement ambitieux qui n'a pas de comparable actuellement en Amérique du Nord, puis ça, c'est l'ampleur de l'électricité qu'on pense que nous, on est capable de rendre disponible pour le volet électrique. Il y a d'autres volets qui sont non électriques, que, j'imagine, vous prenez en compte sur... pour ensuite fixer si le 37,5 doit être diminué ou augmenté ou maintenu. À cet effet-là, nous on n'est pas en mesure de vous dire, selon nous, s'il faut l'augmenter ou le diminuer, ce qu'on dit c'est : ne présumer pas qu'il y a plus d'électricité disponible, ce plan-là est déjà historiquement ambitieux.

M. Arseneau : Mais est-ce qu'on peut présumer que si on maintient l'objectif ou qu'on devient encore plus ambitieux qu'Hydro-Québec pourra être au rendez-vous pour favoriser l'électrification, notamment du transport, qui est de 43 % de l'émission des gaz à effets de serre.

M. Rhéaume (Dave) : Hydro-Québec va assurément être au rendez-vous pour répondre à la demande électrique. Ce qu'on dit c'est : ça, c'est l'ampleur de l'électricité qui risque d'être disponible au cours des prochaines années.

M. Arseneau : D'accord. Puis, lorsqu'on parlait de la décarbonation 2050, on disait que, bon, les sommes seraient quand même importantes à investir. Là, bon, vous avez parlé de 300, 400 milliards, si je me souviens bien, là.

M. Rhéaume (Dave) : L'estimé pour si on veut se rendre à 150 à 200 TWh.

M. Arseneau : Oui. Oui, mais est-ce qu'on calcule là-dedans, je ne sais pas si... ce n'est pas nécessairement votre mission, mais, évidemment, lorsqu'on parle de décarbonation, on parle de se débarrasser des énergies fossiles. Les énergies fossiles, sauf erreur, on ne les a pas gratuitement. On a une balance commerciale largement déficitaire au Québec en raison de l'importation de tous les produits pétroliers. Est-ce qu'on fait ces calculs-là, ce calcul coûts avantages. Si on se débarrasse des produits pétroliers, on n'a plus à...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Arseneau : ...payer pour ça. Vous êtes la société d'État, vous rapportez des dividendes, vous vendez votre électricité. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qui apparaît positif de dire : On va produire notre électricité, développer notre économie sur la base de notre source qui est exploitée ici, plutôt qu'aller en... acheter... des produits pétroliers un peu partout?

M. Rhéaume (Dave) : Je vous confirme que chez Hydro-Québec, on voit ça très positivement, l'électrification de... On est fiers du rôle qu'Hydro-Québec va jouer dans la croissance économique puis la... la décarbonation du Québec. Puis on se voit comme un acteur central, assurément, de ce côté-là. Puis on voit plusieurs bénéfices associés à l'électrification.

M. Arseneau : Mais... Mais ce que je... je veux dire, c'est que ces sommes-là à investir sur 25 ans sont toutes relatives, si on n'a pas à dépenser, je ne sais pas, moi, 15 ou 20 milliards de dollars en importations de produits pétroliers par année.

M. Rhéaume (Dave) : Je confirme qu'il ne faut pas voir la totalité de ces sommes-là comme un surcoût. Il y a... en effet, ça vient déplacer, se substituer à d'autres sources d'énergie qui elles aussi engendrent des coûts. Absolument.

M. Arseneau : D'accord. Puis une dernière petite question.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous... Je vous... On n'aura pas le temps. Le temps est écoulé.

M. Arseneau : Je n'ai pas le temps. Une prochaine fois. Merci beaucoup de votre présence.

La Présidente (Mme Nichols) : Je suis vraiment désolée. Je vous remercie de votre présence. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que le groupe suivant s'installe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 05)

(Reprise à 16 h 08)

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, on reprend. Et on... je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Merci de votre présence. Des habitués. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour... pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les... les élus. Merci.

M. Pilote (Michaël) : Bien, merci. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, membres... des députés de la partie gouvernementale, les partis d'opposition également. Toutes mes salutations. Merci de nous recevoir aujourd'hui.

Donc, je me présente pour ceux qui ne me connaissent pas, Michaël Pilote. Je suis maire de la ville de Baie-Saint-Paul. Je suis également membre du conseil d'administration de la Fédération québécoise des municipalités. Aujourd'hui, à ma gauche également, Pierre Châteauvert, que vous connaissez fort probablement, directeur des politiques à la fédération également.

Donc, on est bien heureux d'être ici aujourd'hui. Je... Je pense que la Fédération québécoise des municipalités...

M. Pilote (Michaël) : ...et on l'a dit en préambule, est habituée d'être dans cette enceinte, hein, fédération qui regroupe quand même 1 073 membres, donc... et la totalité, là, des MRC à travers le Québec, donc, sur les 1 091, en additionnant aussi, là, toutes les MRC. Donc, je pense, c'est quand même une belle représentativité aux quatre coins du Québec.

Les changements climatiques. Ça, je pense aussi qu'il n'y a plus personne aujourd'hui, hein, qui nie la présence des effets, à tout le moins, là, des changements climatiques. Là, peut-être nos voisins du Sud, leur leader politique ont encore quelques questionnements à cet effet-là. Cependant, je pense qu'au Québec, avec tout qu'est-ce qu'on a vécu au cours des dernières années, que ce soit l'érosion côtière, que ce soit les feux de forêt, la sécheresse qu'on a vécue cet automne, les inondations... excusez, que j'ai moi-même vécues, hein? On se rappellera, en 2023, la ville de Baie-Saint-Paul a été touchée de plein fouet par des inondations qui ont, malheureusement, même, coûté la vie, là, à deux pompiers. J'ai vu d'ailleurs certains d'entre vous venir me rendre visite lors des inondations de Baie-Saint-Paul. Donc, c'est des catastrophes qui coûtent des vies, qui coûtent aussi énormément d'argent, que ce soit aux municipalités ou encore au gouvernement québécois, là.

• (16 h 10) •

Juste au niveau des inondations, on parle de plusieurs millions de dollars qui ont été, là, nécessaires, que ce soit en rétablissement, rénover des résidences, travailler dans la résilience dans les différents ouvrages de protection, les effectifs, les équipements aussi, les actifs municipaux, hein, on a qu'à penser les véhicules, les bâtiments, les systèmes d'aqueduc, d'égout. Tout ça, ça a quand même des coûts. Et de travailler en sécurité civile, en préambule, pour se préparer, là, à... justement, à la crise climatique, tout ça, les mesures d'urgence, ça a des coûts, là, qui sont... qui sont quand même d'une grande intensité, hein, sur... pour les municipalités. Et je pense que, si on repousse dans le temps le tout, bien, c'est clair que les coûts vont nous rattraper, là, un jour ou l'autre.

Donc, je pense que... il y a des cibles de diminution des gaz à effet de serre, je pense qu'on doit les maintenir. Est-ce qu'on va l'atteindre? Dans un premier temps, ça, c'est une autre chose, mais je pense qu'on doit quand même les maintenir puisque la bataille devant nous, elle est quand même importante.

Et je pense qu'avec les différentes conséquences, que je viens de témoigner, on le voit, on est touchés. La période de sécheresse cette année aussi, hein? Ça... Je ne suis pas très vieux, là. Vous voyez avec mon visage que je suis... je suis quand même encore tout de même jeune. Lorsque j'étais à l'école, au primaire, que les enseignants nous apprenaient au Québec, hein, qu'on a une des plus grandes réserves d'eau douce à travers la planète puis qu'on ne manquerait jamais d'eau... Bien, c'est difficile à croire, mais c'est arrivé au Québec cette année, hein? Il y a des municipalités qui ont manqué d'eau pour s'approvisionner. C'est difficile de croire que, sur le territoire québécois, des gens n'avaient même pas de l'eau pour s'alimenter. Et ça, ça a eu des coûts aussi importants. Déjà de vivre cette problématique, cet enjeu, ce n'est pas très le fun, mais, en même temps, les coûts, hein, que ça a dû nécessiter pour le transport de l'eau potable dans cesdites municipalités, bien, ça, c'est quand même très important aussi. Donc, ça, c'est des choses aussi, là, qu'on a à vivre, malheureusement, de plus en plus au Québec.

Et, face à ces enjeux-là, la FQQ n'était pas, là, assise avec les bras croisés, hein? Il y a eu différentes rencontres dans le cadre aussi... En 2023, avec les préparations budgétaires, la fédération... et même avant cela, la fédération avait proposé les fameux plans climat, hein, aujourd'hui, que chaque municipalité, là, a travaillé activement. Il y a eu aussi des propositions de la fédération québécoise pour qu'on puisse financer ces plans climat là avec le Fonds vert, là, le Fonds d'électrification, là. Et, au niveau des changements climatiques, je vous dirais que c'est quand même un très bel outil. Et ça, on doit être fier au Québec, hein, on aura... à 2027, hein, chaque MRC aura une cible régionale et on sera en mesure de mieux connaître nos territoires, d'avoir des priorisations aussi pour les interventions et d'avoir différentes actions qui vont s'ensuivre aussi.

Là, je pense que, lorsque le programme est sorti, là, de l'accélération de la transition climatique locale, les MRC étaient bienheureuses, les municipalités... bien, en fait, tout le monde municipal, hein? C'étaient 500 millions qui avaient été annoncés, et les gens, comme je le mentionne, sont bienheureux. Et je vois même des élus qui sont des fois... là, ce n'est pas un préjugé, mais des fois de d'autres générations qui nous disaient : Bien, moi, les changements climatiques, tu sais, c'était correct, là, mais on voit ça à la télévision, on en parlait moins, qu'ils nous ont même témoigné qu'ils ont changé leur façon de penser puisqu'ils voient que, finalement, bien, les plans climat, ça va avoir des actions, ça va être intéressant et ça va pouvoir faire la différence dans le futur.

Donc, ça, je pense que c'est quand même bien de voir que certains élus même changent leur discours en travaillant dans cettedite démarche-là et de pouvoir doter l'État, hein... le Québec va pouvoir être en mesure de savoir sur l'ensemble de son territoire, parce que, des MRC, il y en a sur l'ensemble du territoire québécois, bien, de savoir un petit peu les différentes cibles qui seront à atteindre et d'avoir les priorisations aussi, là, pour la suite des choses. Et un inventaire des gaz à effet de serre aussi, là, d'en avoir un global sur l'ensemble du territoire, là, ça, je crois que c'est quand même un plus, là, d'avoir les plans climat à ce niveau-là.

Et il y a le comité consultatif également, hein, sur les changements climatiques, qui citait, là, le secrétaire de l'ONU dernièrement, vous allez me permettre de le citer mot à mot. Donc, qu'est-ce que ce dernier disait, c'est que l'action climatique nécessite une feuille de route avec des voies de solutions qui conduisent à des actions immédiates...

M. Pilote (Michaël) : ...des voix qui nous guident, secteur par secteur, région par région, pour arriver là où nous devons aller. Mais ça, la Fédération québécoise des municipalités, on soutient ardemment qu'est-ce que, justement, le comité consultatif, là, a cité, là, de la part de l'ONU. Et, en même temps, ça nous amène à parler un petit peu de finances.

Parce que, lorsqu'on parle de changements climatiques, bien, c'est évident qu'il y a des coûts par la suite, tout ça. Et on l'a vu dans La Presse ce matin, il y a des articles sont sortis, là, suite à la mise à jour économique du ministre des Finances. Et le projet de loi de la présidente du Conseil du trésor, Mme Duranceau, là, sur la réduction de la bureaucratie et de l'amélioration de l'efficacité de l'État, ça, c'est louable, hein? Ça, c'est... tout le monde veut justement améliorer la fluidité dans l'État. Cependant, lorsqu'on voit que le ministre des Finances peut, à chaque année, prendre les surplus au Fonds vert et les envoyer au Fonds des générations ou encore au Fonds terrestre du transport, bien, ça, ça nous préoccupe. Puisqu'on se dit que c'est bien beau, les plans climat, tout le monde travaille, tout le monde est motivé aussi dans ces plans-là, et là de se dire : Bon, bien là, il y a de l'argent qui va être parti de ce fonds-là pour être envoyé sur la dette, ça, c'est... la dette, c'est sûr qu'il faut y travailler. Cependant, c'est de l'argent qui était garanti, hein? C'était une des préoccupations initiales de la FQM, de se dire : Il faut qu'il y ait un financement stable et récurrent et qu'on soit en mesure aussi de réaliser les différentes actions qui sont dans les plans climat. Puisque si on a élaboré tous ces plans-là et que c'est tabletté puisqu'on n'a pas le financement pour assurer la réalisation, bien, c'est là que ça va devenir problématique.

Et, en même temps, ce qu'on se dit : Bien, est-ce que ça va être seulement les plans des grandes municipalités, des grandes villes qui vont pouvoir se réaliser pour manque de financement? Et les changements climatiques, ça ne se vit pas inclusivement... exclusivement, pardon, juste dans les grandes villes. On l'a vu, là, ce que je viens d'énumérer, les feux de forêt, ça a été dans la Côte-Nord, ça a été dans les régions du Québec, les inondations, la période de sécheresse qu'on a vécu à l'automne 2025. Donc, ça touche les régions et, ce qu'on veut, c'est qu'il y en ait pour tout le monde. Donc, ça, on le sait que ce n'est pas facile pour le gouvernement, là, toute la question, là, des cibles des gaz à effet de serre, mais ce qu'on vous invite, c'est de maintenir les cibles et de... il faut travailler, je pense, tout le monde ensemble en éducation pour qu'on puisse favoriser l'acceptabilité sociale. Ça, on a encore un bout de chemin à faire, mais je pense que c'est en travaillant tous ensemble qu'on pourra avoir des résultats qui seront garants pour l'avenir.

Bien, merci de nous avoir écoutés, et on est disponibles, évidemment, pour répondre aux questions.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, vous avez le premier bloc de 16 min 30 s.

M. Drainville : Merci beaucoup pour votre présence et votre présentation. M. le maire de Baie-Saint-Paul, vous y avez fait référence, vous avez subi tragiquement les conséquences d'un bouleversement climatique. Puis d'ailleurs, on a une pensée pour eux, il ne faut pas les oublier, ces deux pompiers là. Il y a, parmi... enfin, chez certains de nos concitoyens, une réserve à trop mettre de moyens dans l'adaptation climatique. Parce qu'ils ont l'impression que, quand on met davantage de moyens dans l'adaptation, on en enlève à la lutte contre les GES. Mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Parce que moi, je pense qu'il faut mettre... il faut en mettre dans les deux, puis, même si... tu sais, juste avec la quantité de CO2 qu'il y a dans l'atmosphère déjà présentement, là, on sait qu'on va devoir vivre avec des bouleversements climatiques, peu importe ce qui va arriver par la suite, puis on veut évidemment réduire le plus possible les émissions pour la suite des choses. Mais ce qu'on a déjà pompé dans l'atmosphère fait en sorte qu'on... enfin, on va vivre de plus en plus parce qu'on vit déjà avec les bouleversements climatiques.

Mais moi, je veux vous entendre là-dessus, là, sur l'adaptation. Mettons que vous seriez à notre place, là, quelle proportion des moyens vous accorderiez, vous investiriez dans l'adaptation plutôt que... bien, plutôt que la lutte? Parce que ceux qui s'opposent à l'adaptation ou qui ont des réserves sur l'adaptation considèrent que c'est une soustraction, là, qu'on enlève.

M. Pilote (Michaël) : Je ne pourrais pas sortir de chiffres. Cependant, je pense que tout... dans la vie, tout est une question d'équilibre, hein? Je pense qu'il faut avoir un équilibre dans tout cela et je pense qu'on n'en fera jamais assez. Il y a des gens que c'est de travailler à les convaincre, tout ça encore, mais il y a des gens pour qui c'est de l'argent qui est gaspillé, tout ça. Mais je pense qu'on n'en fera jamais assez, et il faut vraiment s'équilibrer dans tout ça.

M. Drainville : Là, vous parlez d'adaptation ou vous parlez en général?

M. Pilote (Michaël) : Bien, je vous dirais en général dans les deux. Parce que, tu sais, il faut s'adapter, mais, en même temps, il faut lutter aussi pour les GES à ce niveau-là. Ça fait que je pense qu'il faut travailler puis il n'y a pas de...

M. Pilote (Michaël) : ...solution miracle non plus, c'est...

M. Drainville : Donc, il faut travailler sur les deux fronts, la lutte aux GES et l'adaptation aux GES. C'est ça que vous dites?

M. Pilote (Michaël) : Mais moi, je pense qu'il faut vraiment y aller aussi sur les deux fronts à ce niveau.

M. Drainville : OK.

M. Pilote (Michaël) : Je ne sais pas si tu veux ajouter.

• (16 h 20) •

M. Châteauvert (Pierre) :Oui, si vous permettez. Bonjour, M. le ministre. Merci de la question. En fait, dès 2015, on déposait un mémoire, la FQM, pour dire... pour appuyer la volonté puis l'ambition du gouvernement du Québec de l'époque de s'attaquer à... premièrement, à identifier et à... et à proposer des mesures pour baisser les quantités des GES puis aussi d'adapter, dès 2015, il y avait une commission à l'époque, il y avait des objectifs. Et c'est ça qui nous a amené aussi, comme M. le maire de Baie-Saint-Paul expliquait, à proposer les plans climat, puis avec des gens audacieux à l'intérieur des... du... des... des différents ministères, dont des personnes qui sont ici autour de la table, on est arrivé à faire quelque chose d'absolument extraordinaire qui... 2027, on va avoir des... on va voir des plans. Mais ce à quoi aussi il y a des schémas d'aménagement que les MRC sont en train de réviser et qui s'attaquent aussi à l'ensemble de l'adaptation qui, sur le long terme, va arriver à mettre un cadre pour mieux préparer la société.

Mais je vais vous donner un exemple aussi. C'est vrai qu'il faut l'adaptation, il faut s'y attaquer. La FQM, on a un service d'ingénierie, une centaine d'ingénieurs, architectes, et tout. On est dans des dossiers d'adaptation, notamment le rechaussement de berges, et tout ça, Saint-Flavie notamment. Vous savez, on a déménagé une partie du village. Là, on le fait à Maria, on le fait à plein de choses, aux Îles-de-la-Madeleine. Et, souvent là-dedans, les... et c'est vraiment important. Ça amène des sous. Ça fonctionne, mais, en même temps, il faut s'occuper du côté social. On est obligé d'engager avec la municipalité des psychologues parce que les gens sont traumatisés par ce qui se passe, parce que ce qu'ils ont vécu puis le déménagement. Donc, c'est quelque chose de complexe.

Et comme M. le maire disait, il faut s'occuper des deux à la fois, puis il faut être ambitieux, puis y aller, et foncer, et... et surtout expliquer aux citoyens pourquoi on le fait.

M. Drainville : Vous représentez évidemment beaucoup de communautés rurales et semi-rurales. Bon. Votre position, c'est de maintenir la cible, donc -37,5 d'ici 2030. Puis, comme on le sait, c'est à peu près 45 %, là, des émissions de GES qui sont produites par le secteur des... des transports. Alors, nécessairement, si on est pour atteindre cette cible-là de -37,5 d'ici 2030, ça va passer beaucoup par les transports. Alors, comment est-ce que vous concilier votre volonté d'atteindre la cible, -37,5, sans dire aux gens que vous représentez : Bien, il va falloir que tu utilises un peu moins ton pickup puis, si tu es pour avoir un pickup, mais peut-être ce serait mieux d'avoir un pickup électrique plutôt que d'avoir... ou un hybride plutôt que d'avoir un pickup à essence. Tu sais, moi, je... moi, je... comment je vous dirais bien ça, moi, je veux qu'on soit le plus ambitieux possible, mais je ne veux pas qu'on se donne une cible pour bien paraître. Je veux qu'on se donne une cible qui est atteignable. Puis je viens d'un milieu rural, moi, là, je le sais ce que ça représente quand on dit aux gens des milieux ruraux et semi-ruraux : Vous devez faire votre part pour diminuer vos... vos émissions de GES. OK. C'est quoi que tu me dis, là? Ça fait que moi, j'aimerais ça entendre les représentants de la FQM parler à ces citoyens des régions rurales et semi rurales. Quand vous dites «il faut atteindre -37,5 d'ici 2030», ça veut nécessairement dire avoir un impact sur vos transports, vos moyens de transport, vos... vos façons de vous transporter, vos... votre culture du transport. C'est quoi que vous leur dites?

M. Pilote (Michaël) : Bien, il y a un travail d'éducation, ça, c'est évident. C'est sûr que le travail d'éducation doit... doit se continuer à cet effet là, ça, c'est... c'est évident. Mais déjà, oui, dans les régions, c'est des choses qui se disent, ça, chacun a sa motoneige, chacun a son véhicule, tout ça. Mais je pense qu'il y a déjà quand même, là, une... une amélioration qui se fait à cet effet là. Évidemment, dans Charlevoix, on n'a pas un Réseau de transport de la capitale ou encore la Société de transport de Montréal, mais c'est clair qu'il y a déjà même un réseau de transport qui vient d'être établi, là, Mobilité collective Charlevoix. Donc, on a du transport en commun dans Charlevoix. C'est sûr qu'on n'a pas des horaires de transport 24 heures sur 24. On a même des projets d'autopartage, des choses comme ça. Donc, ça s'améliore dans les régions, c'est... Mais je pense que les villes ont quand même un gros... un gros chemin à faire. C'est sûr que l'apport de la ville de Montréal, par exemple, ville de Québec, puis ça, c'est quand même des gros bassins, tout ça, mais dans les régions, je pense que ça s'améliore. Mais oui, il faut continuer l'enseignement à ce niveau-là puis la prévention, là, dans toute la population.

M. Drainville : OK.Mais concrètement, là, dites-moi, donnez-moi deux ou trois...

M. Châteauvert (Pierre) : ...

M. Drainville : ...mesures très concrètes, là, que les gens des régions rurales et semi-rurales peuvent utiliser pour diminuer les GES?

M. Châteauvert (Pierre) :Je vais vous en donner. Claude Villeneuve, feu Claude Villeneuve, le professeur de l'UQAC, est venu en 2009 au congrès de la FQM s'adresser à tous les élus. On était 1 500 le samedi matin. Il est venu présenter. Et lui, il avait un pickup, Claude Villeneuve, puis il allait dans le bois, puis il n'avait pas de problème avec ça parce qu'effectivement en région... Puis nous autres, moi aussi, avec un de mes amis, tu sais, on l'utilise, un pickup, mais on le serre, là, puis, quand on en a de besoin, bien, on le sort. Mais une mesure concrète : à chaque année, depuis plusieurs années, on demande, dans nos... et dans les assemblées générales, et dans nos demandes budgétaires, et au ministère des Transports, une part... la part qui devrait nous revenir en matière de transport collectif. Il n'y a pas un coin, il n'y a pas une MRC qui n'a pas un projet, comme chez vous ou la Côte-de-Beaupré, qui a... Plurimobile... Plurimobile, c'est ça, un peu partout, qu'il n'y a pas de projet. L'ensemble du Bas-Saint-Laurent sont en train de bâtir un projet collectif, là, huit MRC ensemble, de transport collectif, de transport interrégion, et nous n'avons pas la part du ministre des Transports.

Je vais vous donner aussi un autre exemple : une simple petite modification réglementaire, de permettre aux MRC... Actuellement, une MRC qui veut faire... mettre en place un service de transport en commun n'a pas le droit d'acheter un autobus. La... Les règlements lui interdisent. On veut faire un transport de... pour... adapté, on ne peut pas acheter les véhicules parce qu'on doit... on doit passer par un OBNL ou une entreprise privée. Ce n'est pas très... Pour organiser un système de transport, là, il y a des... Puis on les a tous identifiés, les problèmes. On leur demande régulièrement et on leur dit... et là... je ne sais plus quoi faire, je vais vous dire bien... bien franchement, pour qu'on... faciliter la mise en place. Donc, le financement.

Je vais vous donner un autre exemple aussi. Une MRC, comme on est... des fois, on reçoit, deux ans, trois ans après les subventions qu'on doit s'attendre pour le transport collectif dans un territoire de MRC. Souvent, hein?

M. Pilote (Michaël) : Très souvent.

M. Châteauvert (Pierre) :Et, pour assurer la stabilité, bien, on se ramasse des petits surplus. Puis là, à un moment donné, bien, le ministère des Transports nous écrit au nom du Conseil du trésor : Vous avez un petit surplus, on vous le... on vous le rappelle. De mettre fin à ça, cette flexibilité-là... on ferait des miracles. Puis on ne demande pas de... tu sais, on pourrait parler de d'autres affaires. Il y a des moyens, il y a des façons de faire.

Moi, je viens d'une... j'ai été élevé par des ministres, par du monde qui disaient : On met tout le monde autour de la table, puis on en crée, puis on en trouve, des solutions. Il y a en... C'est possible. Mais là, dans... en matière de transport, on pourra... on va vous transmettre, on pourra vous transmettre la dernière résolution adoptée lors du congrès, la commission pourra la déposer, il y a un exemple concret de ce qui peut être fait pour faciliter le transport collectif en région.

M. Pilote (Michaël) : Et, si je peux me permettre, c'est ça, tu sais, même en transport collectif, on en fait plus que notre part. Tu sais, même, nous, chez nous, les MRC dans la région, on est rendus qu'on finance les projets de transport collectif, tout ça, parce que, le ministère des Transports, les sommes arrivent un an, voire des fois même deux ans en retard, tout ça, puis c'est pratiquement le cas chaque année. Donc, on travaille à ce niveau-là.      Et même, des bornes de recharge, il s'en additionne année après année, là. Je ne pourrais pas vous donner un dénombrement au moment où on se parle juste à Baie-Saint-Paul, mais il y en a plus d'une dizaine, voire des dizaines. Donc, il y a quand même des actions qui se font. Et je ne pourrais pas dire que, non plus, les bornes sont toujours, là, vides. Il y a... Il y a souvent des gens, là, qui sont en place, là, pour, justement, effectuer leur recharge. Donc, il y a quand même des bonnes choses qui se font dans les régions à ce niveau-là.

M. Châteauvert (Pierre) :...je vais vous donner un autre exemple aussi, en matière de services de la part du gouvernement. Le ministère de la Santé a fermé des dizaines et des dizaines de services de base dans des communautés rurales, genre une prise de sang, pour les concentrer dans les plus grandes villes, ce qui fait que... je pense à la MRC de Pierre-De Saurel, qui est en train de mettre en place... qui se bat pour mettre en place un service de transport collectif dans sa communauté pour, d'abord, les personnes qui n'ont pas de moyen... qui sont... qui sont âgées, qui n'ont pas de véhicule pour aller au service de santé. L'État, si les ministères assuraient une desserte de services de base sur l'ensemble du territoire, il y aurait déjà moins de... on baisserait énormément le nombre de déplacements puis l'utilisation des autos à gazoline. Ça, c'est d'autres exemples.

M. Drainville : Vous avez parlé des schémas d'aménagement. Comment est-ce que les schémas d'aménagement peuvent contribuer à la diminution des GES?

M. Châteauvert (Pierre) :Densification, utilisation plus rationnelle du territoire, baisse de l'étalement. C'est des orientations qui ont été... Notamment, votre ministère a très bien contribué. Et les nouvelles orientations...

M. Drainville : Notre ministère, le ministère de l'Environnement, dites-vous?

M. Châteauvert (Pierre) : Le... Oui, le ministère de l'Environnement. C'est publié par le ministère des Affaires municipales, mais tous les ministères du gouvernement, l'Agriculture... Il y a le ministère des Forêts qui... avec qui on trouve que la contribution n'a pas été intéressante. Mais même le ministère de l'Agriculture, la FQM, on était contents du ministère de l'Agriculture, vous pouvez imaginer? Mais le... il y a des... Et c'est très exigeant, hein, le schéma, vous dites... votre MRC, c'est très exigeant sur l'utilisation plus rationnelle du territoire...

M. Châteauvert (Pierre) : ...et vous dire, c'est que les dernières orientations du gouvernement du Québec en aménagement du territoire dataient de 1994. Donc, pendant 30 ans, il n'y en avait pas eu. Donc, voilà, quand on dit des moyens concrets pour une utilisation puis baisser... une utilisation plus rationnelle puis des ressources du territoire sur le transport, voilà deux outils qui, actuellement, les MRC... 2027-2028, il va se faire une petite révolution au Québec, là, ça va être super intéressant.

M. Drainville : C'est quoi, la petite révolution?

M. Châteauvert (Pierre) : Bien, les plans climat et les schémas d'aménagement. Tout ça est en train de se faire ensemble et, excusez l'expression, les élus, j'ai des élus, tantôt Michaël parlait de ça, les élus qui trippent littéralement. Il y a des jeunes qui arrivent dans les MRC, il y a une discussion, une conception du territoire. C'est vraiment très intéressant ce qui se passe sur le terrain et c'est ça que... de venir appuyer en changements climatiques, de venir appuyer ça, il ne faut pas se retirer, il faut appuyer ça pour aller plus loin.

• (16 h 30) •

M. Drainville : Qu'est-ce qu'il va y avoir dans ces plans climat, là, puis comment ça va se conjuguer au schéma d'aménagement?

M. Pilote (Michaël) :  Au niveau des plans climat, c'est vraiment des actions, là, on est à définir les cibles. C'est sûr qu'on ne peut pas encore parler de la conclusion sans avoir tout étudié tout ça, là, les ressources ont été embauchées, là, au courant de la dernière année, sont à faire justement le bilan.

M. Drainville : Les ressources de la FQM.

M. Pilote (Michaël) : Ça, c'est des ressources... Chaque MRC dans son enveloppe, là, dans les 500... le 500 millions de dollars qui a été mis, là, il... c'est ça, puis il y a 137 millions qui est pour ça.

M. Drainville : C'est l'Environnement qui finance ça, hein?

M. Pilote (Michaël) : Ça, oui. C'est l'Environnement.

M. Drainville : Donc, Environnement vous a donné des ressources pour embaucher des personnes...

M. Pilote (Michaël) : Oui, de l'argent pour embaucher... embaucher des ressources...

M. Drainville : ...qui vont travailler sur le plan climat.

M. Châteauvert (Pierre) : L'histoire, ce qui est arrivé, M. le ministre, c'est qu'au mois d'aout 2023, on a rencontré le premier ministre, on a fait une proposition, on a dit : Chaque MRC, on a un problème, il y a les schémas d'aménagement qui s'en viennent, puis aussi toute la question des changements climatiques, ça a fait que les gens sont fortement préoccupés. Donc, on a dit : Nous, on ne veut pas de... nécessaire être financés par le budget de l'État, qui va toujours un peu comme ça, le Fonds vert est là, vous... vous voulez utiliser... chercher des façons d'utiliser le Fonds vert, et tout ça.

Nous, on a cette idée-là de chaque territoire de MRC qui... avec le schéma, on va financer la préparation d'un plan climat pour identifier, comprendre la connaissance, identifier des mesures et les prioriser. Parce qu'on savait très bien qu'il n'allait pas y avoir assez d'argent pour tout. Le premier ministre a acheté ça, au mois de février 2024, annonces à Sainte-Marie-de-Beauce ou à... en tout cas, dans la Beauce, de tout ça. 137 millions pour faire les schémas, 500... première enveloppe de 500 millions pour les mesures qui allaient découler. Donc, c'est... Et chaque MRC, depuis ce temps-là, février 2024, en un mois... un mois, on a réussi... chaque MRC a embarqué à adopter une résolution : Oui, on embarque, on embarque, pour vous dire l'adhésion. Et là le mouvement est lancé. Et en même temps, avec le schéma, ce qui fait qu'il se fait... il se prend des décisions fondamentales quant à l'utilisation du territoire, les... les connaissances, et c'est ça qui est hyper intéressant.

M. Pilote (Michaël) : On est à l'étape de l'inventaire vraiment, de regarder les différents GES qu'on a sur le territoire, l'utilisation des véhicules municipaux. Donc, c'est vraiment un recensement, là, des différents GES et par la suite, là, ça va être de déterminer les interventions.

M. Châteauvert (Pierre) : On va être en avance sur à peu près tout le monde. En tout cas, on ne sera pas... on ne sera pas gêné.

M. Drainville : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, je lui cède la parole, M. le ministre.

Mme Tardif : Merci. Merci d'être là. Bonjour, merci de vous être déplacés. Merci d'avoir préparé votre rapport. Il me reste combien...

La Présidente (Mme Nichols) : 30 secondes.

Mme Tardif : Ah! 30 secondes. Hydro-Québec nous a parlé des... d'installations d'éoliennes, du besoin accru en énergie. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Pilote (Michaël) : Bien, je pense que c'est une énergie quand même qui est renouvelable, et c'est... chaque communauté, par la suite, est consultée à ce niveau-là via les BAPE, via toutes les choses. Je pense que, dépendamment des projets... mais c'est sûr que c'est une des énergies qui est intéressante. Et en partenariat avec les communautés, il y a des projets de redevances, de dividendes, tout ça...

Mme Tardif : Des organismes nous disent qu'on doit diminuer les coupes forestières pour diminuer l'émission des gaz à effet de serre. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Pilote (Michaël) : Bien, je pense que c'est... je ne peux pas me prononcer sur... directement.

M. Châteauvert (Pierre) : Excusez-moi, Mme la députée, mais je ne vois pas le lien. La coupe forestière, quand c'est bien fait, ça, peut-être... c'est une question de jardinage, je ne vois pas, là. Puis, pour ce qui est des éoliennes, oui effectivement, c'est un modèle, puis nous on est directement impliqué puis on accompagne plein de monde pour la réalisation. On a un service de décarbonation puis de développement énergétique, mais...

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Châteauvert. Je m'excuse.

Mme Tardif : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Je vais céder la parole à l'opposition officielle, Mme la députée des Mille-Îles. 

Mme Dufour : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. le maire et M. Châteauvert, d'être ici aujourd'hui. Vous avez parlé de l'entente de 500 millions pour financer les plans climat. C'est clairement très peu quand on voit que la demande de l'UMQ, en 2022, était de 2 milliards par année, pendant cinq ans, pour l'adaptation seulement. Vous, de votre côté, la FQM, est-ce que vous avez regardé cette étude-là? Est-ce que vous avez évalué pour vos membres...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Dufour : ...que ça pouvait représenter les besoins en adaptation aux changements climatiques.

M. Châteauvert (Pierre) :On n'était pas de cette approche-là, nous, parce qu'on voulait d'abord que chaque territoire ait sa... étudie et définisse son plan pour son territoire. Et l'idée, après, c'est qu'il y avait un 500 millions. Et après, avec le Fonds vert, allait pouvoir être réapprovisionné une fois que... que les montants. Mais d'abord... Parce que de demander 2 milliards par année, mais oui, mais on commence par quoi puis on fait quoi? La connaissance... On est une démarche très structurée, comme le schéma, on commence par connaître le territoire, identifier les problématiques, trouver et proposer des idées, des solutions, puis après prioriser.

Mme Dufour : Oui, évidemment, la demande venait des grandes villes principalement, je peux vous dire, parce que je l'ai fait à Laval, il y a plusieurs années, j'étais conseillère municipale, responsable du dossier, puis on l'a fait. Donc, peut-être qu'il y a des villes qui étaient plus en avance, c'était pour ça qu'ils pouvaient estimer. Mais est ce que vous pensez que ces 500 millions là... ou, en tout cas, est-ce que c'est... vous avez les sommes actuellement pour les moyens de vos ambitions... vous allez avoir besoin de faire pour vous adapter, vraiment, aux réalités des inondations chez vous, par exemple à Baie-Saint-Paul, mais aussi des sécheresses pour puiser de l'eau plus profondément?

M. Pilote (Michaël) : Je ne peux pas sortir un chiffre, combien ça va prendre, c'est sûr que c'est un bon pas dans la bonne direction, mais est ce que ça va être assez? Ça, je pense que la réponse est non. C'est clair que ça va prendre beaucoup plus que ça, tu sais. Lorsqu'on parle d'adaptation, c'est juste à Baie-Saint-Paul, on parle des projets de plusieurs millions, on parle dans des dizaines de millions juste pour s'adapter aux changements climatiques puis d'avoir des ouvrages de protection qui vont être en mesure d'assurer la résilience des citoyennes et des citoyens. Et ça, ce n'est pas une municipalité. Donc, si on regarde partout au Québec, c'est quand même plusieurs centaines de millions qui vont être nécessaires.

Donc, oui, c'est un bon point, mais là ce qui nous inquiète surtout, c'est de voir que le Fonds vert, on va prendre de l'argent pour faire... pour transférer dans d'autres fonds. Donc, c'est clair que, est-ce que l'assiette financière qui est disponible va être moindre? Bien, ça, ça nous inquiète, parce que, si, en même temps, on mobilise les gens, on travaille dans les différentes MRC, les municipalités du Québec, à faire ces climats... ces plans climat... Et là on a embauché des ressources, c'est quand même une démarche... Ce n'est pas, on claque des doigts puis on écrit ça, puis on va juste mettre des belles... des belles paroles qu'on prend l'autobus, on utilise le bac de recyclage, on fait du compost. Là, c'est beaucoup plus que ça. Et si là les gens, on les mobilise, puis on arrive à la fin : Ah! mais désolé, il n'y a pas d'argent et les plans climat sont tablettés, bien, je pense qu'on va être en échec sur ce dossier-là.

Mme Dufour : Oui, merci. Ma collègue va vous parler davantage du fonds, justement, le fonds de changement climatique. Moi, j'ai peut-être une dernière question. Est-ce que... Vous avez parlé des petits gestes, là, tout à l'heure, qu'il y avait des programmes qui fonctionnaient. En tout cas, j'aimerais vous entendre peut-être sur des programmes comme RénoVert, tu sais. Est ce que ce sont des programmes qui devraient être réactivés pour... pour permettre... tu sais, Hydro-Québec tout à l'heure, ils nous parlaient tout à l'heure de l'efficacité énergétique des bâtiments, c'était un des éléments.

M. Châteauvert (Pierre) :Ça, c'est intéressant, efficacité énergétique du bâtiment. On est en train de mettre en place, avec du financement privé, la décarbonation des bâtiments municipaux. Des fois, il faut s'asseoir puis réfléchir. On ne peut pas vous dire si ce programme-là, il faut le revoir. C'est la créativité puis c'est ça que ça amène, hein? Tout ça, là, l'idée de ce que je viens de vous dire, nous autres, si vous allez voir sur le site de la FQM, la direction de la décarbonation... 360. C'est à travers.... À partir du financement privé, on va lancer bientôt la décarbonation de bâtiments municipaux, et ça ne demande pas nécessairement de l'argent du gouvernement, là.

Donc, il faut s'asseoir, parce que tout ça, ça découle de tout ce bouillonnement-là autour de RTCL, des choses comme ça, ce qu'on est en train de créer. L'importance de ne pas arrêter, c'est ça qu'on vous dit comme message.

Mme Dufour : Évidemment, je parlais des bâtiments résidentiels, là...

M. Châteauvert (Pierre) : Ah! bien ça, il y a d'autres idées qui s'en viennent aussi, mais ça, effectivement, ça va prendre des sous.

Mme Dufour : Ça va prendre des sous. Parfait.

La Présidente (Mme Nichols) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci pour votre présence. Juste pour corriger peut-être, comme contexte, la lutte contre les changements climatiques. On comprend tous et toutes que ça comprend et atténuation et adaptation, les deux causes ensemble, c'est la lutte contre les changements climatiques. Et, dans ce contexte-là, on aimerait avoir... savoir quelle est votre réaction. On vient d'apprendre aujourd'hui, dans la mise à jour économique, que le fonds... le surplus des fonds d'électrification, ça a été mis au Fonds des générations, quelque chose qui a été une initiative libérale pour contrer le déficit. Donc, ça va être ni pour l'adaptation ni pour l'atténuation des changements climatiques, peut-être pour une future crise, comme on dit. Mais, selon moi, est-ce que vous jugez qu'il y a des municipalités qui sont déjà... qui ont déjà confronté cette crise-là? On est déjà en crise climatique. Donc, quelle est votre réaction à la mise à jour économique où le Fonds vert a été mis au Fonds des générations pour contrer le déficit du gouvernement caquiste?

M. Pilote (Michaël) : Je vous dirais, Mme la députée, qu'il y a un mot «inquiétude». On est inquiets, à la fédération, de voir ça...

M. Pilote (Michaël) : ...je me... je me répète à ce niveau-là puis je pense que, des fois, plus on le dit, des fois, plus ça a la chance, des fois, là, de faire son chemin. Mais c'est... les plans climat, on mobilise les gens, et si, par la suite, on n'est pas en mesure de réaliser ces actions-là, puisqu'on a plus d'argent, bien, ça va être une démobilisation, puis, après ça, on va pouvoir dire : Ah! bien, on n'a pas été en mesure d'atteindre nos cibles puis on est en retard à ce niveau-là. Donc, je pense qu'il faut garder ces sommes au Fonds vert.

Le Fonds vert, au début, tout le monde était bien heureux de voir la création de ce fonds-là, et ça permettait d'avoir de l'argent, là, de façon récurrente, puis d'être en mesure de financer les plans climat. Je le dis, les plans climat, c'est quand même... au niveau des MRC, c'est un... Pierre parlait de révolution tantôt... je pense que c'est quand même quelque chose d'ambitieux, qui va faire son chemin, qui va atterrir, là, au... dans les prochaines années, là. En 2027-2028, on va voir déjà une priorisation par région, et ça, je pense qu'on ne peut pas se permettre de passer à côté de cette démarche-là. Donc, je le redis encore, on est bien inquiets de la décision, là, du gouvernement, là, par le biais du ministre des Finances ce matin.

• (16 h 40) •

Mme McGraw : Est-ce qu'il y aurait des actions... Bon, suite à cette réalité, cette décision, quelles garanties concrètes est-ce que le gouvernement devrait offrir aux municipalités pour assurer le financement, la pérennité du financement aux MRC, justement, en matière d'adaptation et atténuation? On comprend très bien qu'aujourd'hui on est en mode adaptation, parce qu'on n'en a pas fait assez, tout le monde, tous partis confondus, tous gouvernements confondus, en amont, pour, justement, contrer les conséquences des changements climatiques.

M. Pilote (Michaël) : Bien, ce qu'on ne fait pas aujourd'hui, ça va nous rattraper un jour. Donc, je pense que ce que le gouvernement pourrait faire, ce serait de garder les surplus, là, au Fonds vert, dans l'enveloppe du Fonds vert. C'est vraiment ça. Il n'y a pas... Je n'ai pas 10 minutes à faire sur cette question-là, je pense que cette réponse, elle se résume ainsi.

Mme McGraw : Dans votre mémoire, vous indiquez que la révision de la cible aura, et je cite, «assurément une incidence économique pour les municipalités et que le gouvernement doit œuvrer à l'acceptabilité sociale des mesures». Que voulez-vous dire par ce... cette recommandation?

M. Pilote (Michaël) : Bien, l'acceptabilité sociale, c'est sûr, comme je disais tantôt, on a encore un rôle à jouer à ce niveau-là, au niveau de la population. C'est vraiment que les gens comprennent que c'est important et qu'on doit faire un bout de chemin à ce niveau-là. Tantôt, ç'a été évoqué, là, par le ministre, justement, sur le comportement de certaines personnes. Il y a des gens qui disent : Ah! bien, je veux encore avoir mon bon vieux camion, tout ça. Donc, on a quand même un rôle d'acceptabilité sociale à ce niveau-là. Et des emplois, bien, c'est sûr qu'à travers toute l'énergie puis la transition, il y a de la création d'emplois qui se fait aussi. Là, on parle des projets éoliens. Ce matin, dans les médias, juste dans la région de Charlevoix, un des plus gros parcs, là, on parle de 500 emplois qui seraient créés, c'est l'éolien, c'est quand même une énergie qui est verte tout ça. Donc, il y a de la création d'emplois quand même à ce niveau-là.

Mme McGraw : Peut-être une dernière question. Vous affirmez, dans votre mémoire, que les régions constatent déjà les effets des changements climatiques et que, je cite, «réviser la cible à la baisse ne peut qu'accentuer les conséquences sur les territoires». Alors, quels devraient être les arguments, selon vous, pour guider le gouvernement, pour justifier publiquement le maintien ou le renforcement de la cible actuelle?

M. Pilote (Michaël) : Bien, on voit, hein, les régions les vivent les changements climatiques. Quand je parlais tantôt d'inondations, c'est des régions qui les ont vécues. Quand je parle des feux de forêt, on parle des feux de forêt sur la Côte-Nord, tout ça, c'est dans les régions du Québec. Il y a des municipalités qui ont été aux prises avec des problématiques de manque d'eau suite aux sécheresses cette année, c'étaient des régions aussi. Donc, les régions sont quand même touchées de plein fouet par ces changements climatiques.

M. Châteauvert (Pierre) : J'ajouterais aussi la baisse de production agricole. Donc, ça a un effet direct sur le citoyen, sur le coût des légumes de la production agricole, et on le vit. Dans les jardins de Napierville, il y a une forte préoccupation. Et là, d'ailleurs, on demande au ministre de l'Environnement de revoir l'utilisation... Vous savez, on prend de l'eau pour laver des légumes, il y a des grosses compagnies, et on... on ne peut pas réutiliser cette eau-là, alors que nous sommes les seuls, en Amérique du Nord, à conserver cette réglementation-là. Ça prend... On ne peut pas baisser les bras.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci beaucoup. Je suis désolée, le temps est écoulé. Je cède la parole au député de Taschereau.

M. Grandmont : Oui, merci beaucoup. Merci pour votre présence. C'est toujours un plaisir de recevoir la Fédération québécoise des municipalités. Votre contribution est toujours fort appréciée. Vous l'avez dit d'emblée, les municipalités, vous représentez le plus de municipalités au Québec, elles sont au front dans la lutte aux changements climatiques, mais aussi dans les effets, dans les conséquences. Vous avez parlé de feux, d'inondations, de pénurie d'eau. Vous avez parlé de décès. Il y a du stress. Il y a des gens qui perdent leurs biens, leurs maisons.

J'aimerais savoir... En fait, on a un ministre qui... qui arrive avec l'idée de réduire l'ambition climatique du Québec. J'aimerais savoir... Vous représentez aussi des gens...

M. Grandmont : ...aussi des électeurs. Quelle serait la réaction des gens que vous représentez dans les plus de 1000 municipalités si le Québec devait réduire son ambition climatique?

M. Pilote (Michaël) : Je pense que les gens vont être stupéfaits. Parce que oui, je ne dis pas que tout le monde est parfait puis tout le monde s'inscrit dans cela, cependant, c'était quand même surprenant de voir de plus en plus de gens quand même, là, qui nous parlent d'environnement, là, tu sais. Il y a plusieurs années peut-être, tu sais, on disait, ah, bien ça, c'est les gens qui sont vraiment écologistes, tout ça, qui parlent d'environnement. Mais nous, on a refait notre plan de développement durable puis on a eu plusieurs centaines de personnes qui sont venues se mobiliser dans les consultations publiques. Donc, des fois, les consultations publiques, ce n'est pas seulement ah, bien, on vient au micro à 19 h une journée, puis c'est tous les trois, quatre mêmes personnes qui viennent, là. Il y avait vraiment plusieurs centaines dans les citoyens de demain, aussi dans les écoles, on en parle énormément, que ce soit au primaire, que ce soit au secondaire.

Donc, je pense que la population, quand même, est de plus en plus sensibilisée à ça et les gens, les changements climatiques, des fois les gens n'y croient pas ou les gens ne s'y préoccupent pas. Mais quand ils perdent leur maison parce que leur maison est inondée, quand ils sont pris d'évacuer la ville, puisque les incendies gagnent plusieurs mètres à la minute et que la ville est menacée d'être incendiée, quand des agriculteurs perdent leurs récoltes parce qu'il manque d'eau ou que justement il y en a trop, bien, ça, je pense que les citoyens sont touchés. Et quand le prix des aliments à l'épicerie augmente parce que c'est une question de rareté des aliments ou qu'on doit s'approvisionner sur nos voisins américains, des choses comme ça, bien, là, les gens, quand ça les touche, quand on parle d'argent à ce niveau-là, mais là, je pense que les gens, ça les inquiète à ce niveau-là.

M. Grandmont : Absolument. Puis, évidemment, je vais revenir sur les plans climat parce que c'est quand même un morceau important. J'aurais aimé ça te parler de transport aussi, puis des... d'autobus, mais bon. Les plans climat... tu sais, au-delà de la déception, il y a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus, évidemment, puis vous avez parlé d'un momentum de mobilisation, ça, c'est bien. Mais concrètement, qu'est-ce que ça va vous permettre de faire si on est capable de bien financer ces plans climat-là ou si vous voulez le prendre à l'inverse, qu'est-ce que ça empêcherait si on ne le finance pas? Je vous laisse choisir.

M. Pilote (Michaël) : Bien, je pense que ça va nous permettre de prioriser. Ça, c'est un des mots parce que par territoire, là, ça ne sera pas une grande recette pour l'ensemble du Québec. Ça va être vraiment par région de savoir c'est quoi notre priorité, exemple en Abitibi-Témiscamingue. Quelle est la priorité au Saguenay—Lac-Saint-Jean dans... puis là, j'y vais en région région administrative, mais ça va être encore même plus petit. Ça va être par MRC. Mais quelle est la priorité? Il y en a que c'est peut-être l'érosion au niveau côtier, il y en a d'autres que c'est le transport, tout ça. Ça va être vraiment de prioriser en fonction du territoire défini. Et c'est pour ça que là, on est à l'étape d'étudier, de regarder pour chaque territoire, on inventorie les GES, on fait le bilan et on va pouvoir en mesure, là, de déterminer des actions pour chaque municipalité, chaque MRC, puisqu'une solution à un endroit peut être différent dans un autre secteur.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci beaucoup de votre réponse. M. le député de les Îles-de-la-Madeleine pour 3 minutes 20 secondes.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour votre présentation. Je ne reviendrai pas sur les effets des changements climatiques comme Baie-Saint-Paul, les Îles-de-la-Madeleine sont aux premières loges des changements climatiques. On sait les effets dévastateurs, les coûts que ça comporte aussi, et toute la question de l'adaptation, on y est. Mais je suis quand même heureux de vous entendre dire qu'en sus de l'adaptation, on doit agir en amont. C'est ce que je comprends, et qu'il ne faut pas réduire nos ambitions de réduction de gaz à effet de serre. Donc, ce que vous dites, c'est le 37,5 % par rapport à 1990, on le maintient. Vous savez que le Comité consultatif sur les changements climatiques dit même : Bien, la fourchette entre 37,5 puis 45, tu sais, soyons ambitieux. Je pense que vous partagez cet objectif-là, mais j'aimerais savoir, une fois les plans climat définis, adoptés, est-ce que vous voyez un rôle supplémentaire à exercer par le palier municipal ou des MRC concernant les actions à entreprendre sous l'angle du principe de subsidiarité que la FQM défend toujours? Est-ce qu'on... parce qu'on a des cibles, on propose des feuilles de route sectorielles, tu sais, il y a différents domaines, mais là, vous parlez des cibles régionales. Est-ce que ça pourrait s'intégrer dans un plan global de l'État du Québec et que votre rôle dépasse celui de l'action municipale, mais de l'action territoriale, en quelque sorte?

M. Pilote (Michaël) : Bien, je pense qu'au niveau gouvernemental ou au niveau national, ça va permettre de mieux connaître les données, d'avoir un portrait de vue d'ensemble. Mais d'opérationnaliser les différentes actions, je pense que ça va revenir au palier local, puisque qui est mieux placé que les municipalités, les MRC pour prendre des décisions sur leur territoire? Bien, c'est eux, parce qu'ils connaissent le territoire. C'est nous qui va avoir justement, là, cartographié tout cela, qui va avoir déterminé les cibles, également, les priorités régionales. Donc, je pense que les municipalités, les MRC auront un rôle fondamental à jouer, là, pour la suite des choses dans l'opérationnalisation des actions qui ont été priorisées.

M. Arseneau : Mais y compris dans les différents secteurs, que ce soit le...

M. Arseneau : ...transports, où il y a 43 % des gaz à effet de serre qui sont... qui sont dans ce secteur là, dans le bâtiment, dans l'industriel... vous... vous voyez un rôle, jusqu'à un certain point, dans ces secteurs-là?

M. Châteauvert (Pierre) : L'industriel, c'est... c'est mixte, là, parce que nous, on s'occupe des... de développement économique des petites entreprises, tu sais, l'industriel, là, c'est avec plus le gouvernement, Investissements Québec, des programmes, ce n'est pas à notre portée, là. Donc... le territoire, oui, l'entreprise, le transport, le transport en collaboration avec le ministère des Transports, nous, on travaille toujours en collaboration,

 on n'est pas un contre l'autre. Mais c'est certain que l'opérationnalisation doit demeurer à la MRC, dans notre tête, c'est certain.

M. Arseneau : J'ai juste quelques secondes, encore. Vous avez parlé du transport collectif, je pense que c'est assez fondamental, justement, pour contrer l'auto solo, y compris dans les régions du Québec. Le Programme d'aide au développement du transport collectif, là, on n'a toujours pas de budget pour 2025-2027. Est-ce que ça vous inquiète? Parce que c'est non seulement le maintien des services, mais le développement du service, également.

M. Châteauvert (Pierre) :On va vous envoyer notre résolution adoptée lors de la dernière Assemblée générale, vous allez tout comprendre.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Donc, merci beaucoup. Je vous remercie de votre présence et de votre contribution aux travaux... aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

(Reprise à 16 h 54)

La Présidente (Mme Nichols) : Parfait, alors nous sommes de retour. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Regroupement national des Conseils régionaux de l'environnement du Québec. Merci d'être parmi nous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

M. Vaillancourt (Martin) : Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission, merci de nous entendre aujourd'hui sur un sujet qui va marquer durablement l'avenir du Québec : la cible de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Je m'appelle Martin Vaillancourt, je suis le directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, le RNCREQ. Je suis accompagné de M. Alexandre Turgeon, directeur général du CRE de la Capitale-Nationale.

 Notre réseau regroupe les 17 conseils régionaux de l'environnement présents dans tout le Québec méridional. Ensemble, ils rassemblent près de 1500 membres issus des milieux municipaux, communautaires, économiques et des citoyens. Nous travaillons depuis... en réseau depuis plus de 35 ans, à concilier environnement, développement économique et qualité de vie. Si je devais résumer notre message en une phrase, ce serait le titre de notre mémoire : Agir pour le climat, c'est faire gagner le Québec, gagner en sécurité, en prospérité, en autonomie, gagner pour les régions et dans... et dans les grands centres. Nous sommes à un moment charnière. Les impacts climatiques s'accélèrent plus vite que prévu et ne sont plus que des scénarios théoriques. Ce sont les feux de forêt, les inondations, les sécheresses, les risques sur l'eau potable, les infrastructures fragilisées, les coûts d'assurances qui explosent. Les analyses montrent que les coûts de l'inaction dépassent largement ceux de l'action. Pour le RN, l'ambition climatique n'est pas une contrainte à gérer, c'est un levier de protection et de prospérité. C'est protéger la santé, le pouvoir d'achat, les finances publiques et la compétitivité de nos entreprises. C'est aussi un enjeu de justice sociale. Quand on investit dans la mobilité durable, dans l'efficacité énergétique, dans des milieux de vie résilients, on aide d'abord les ménages les plus vulnérables. C'est pourquoi nous recommandons de rehausser l'ambition climatique en s'appuyant systématiquement sur les meilleures données scientifiques disponibles, d'intégrer dans toute planification une analyse rigoureuse des bénéfices socio-économiques des mesures climatiques, pas seulement leur coût. Structurer les communications publiques autour d'un récit mobilisateur qui montre que la transition n'est pas une série de renoncements, mais un projet gagnant pour le Québec.

Deuxième message : la cible 2030 n'est pas qu'un chiffre, c'est un signal stratégique. Dans un contexte où des juridictions comparables, l'Union européenne, la Suède, l'Allemagne, la France, l'Angleterre visent des réductions autour de 50 à 65 % d'ici 2030, le Québec ne peut pas se contenter de rester dans la moyenne s'il veut demeurer crédible et attractif. Notre réseau électrique est déjà largement décarboné, nos émissions par habitant sont plus faibles que la moyenne nord-américaine. Nous disposons d'un tissu d'acteurs mobilisés, ce sont des atouts pour aller plus loin, pas des prétextes pour ralentir. Le Comité consultatif sur les changements climatiques recommande de viser une fourchette située entre notre cible actuelle de 37,5 et -45 en 2030, nous endossons cette approche. Même si l'atteinte parfaite d'une cible plus élevée sera difficile, il est préférable d'envoyer un signal d'ambition et d'organiser la trajectoire en conséquence plutôt que de gérer un rattrapage précipité et coûteux après 2030. Nous insistons aussi sur la nature de l'effort. La cible doit porter sur des réductions réelles d'émissions et non sur des compensations comptables. C'est un enjeu de transparence et de confiance du public.

Enfin, un mot sur le financement. Le marché du carbone est un outil puissant mais fragile politiquement. A nos yeux, les revenus du fonds d'électrification et de changement climatique, le FEC, doivent rester intégralement dédiés à la réduction de notre dette climatique. Nous demandons donc de retirer du projet de loi 7 les dispositions qui permettraient de transférer le surplus du FEC vers d'autres fonds. Concrètement, nous recommandons de rehausser la cible 2030 pour la rapprocher des juridictions chefs de file, de fonder cette cible sur des réductions réelles plutôt que sur des crédits compensatoires, de publier une mise à jour transparente des projections d'émissions pour 2030 et au-delà, et de maintenir l'obligation que 100 % des revenus du marché du carbone via le FEC soient consacrés à l'action climatique.

Troisième message : 2030 ne suffit pas. Sans vision post 2030, on navigue à vue. Aujourd'hui, le Québec n'a pas encore inscrit de cible de carboneutralité dans son corpus législatif ni adopté de trajectoire officielle avec des jalons intermédiaires. Cela crée de l'incertitude pour les entreprises, pour les municipalités, pour les régions qui doivent planifier leurs projets de développement et d'investissement sur 20 ou 30 ans. Le comité consultatif, toujours, propose une trajectoire progressive avec des jalons à -58,5 en 2035 et -70 en 2040, avant séquestration. Et si nous n'en...

M. Vaillancourt (Martin) : ...si nous n'atteignons pas moins 40,5 % en 2030, le comité recommande de devancer la cible de réduction de 85 % à 2045 plutôt qu'à 2050 pour rester compatible avec le scénario de 1,5 degré Celsius. Pour nous, cela signifie de devancer la cible de carboneutralité à 2045, l'inscrire dans la loi et l'adopter par décret, adopter officiellement des jalons obligatoires en 2035 et en 2040, clarifier et intégrer la séquestration du carbone dans nos cibles de manière rigoureuse et transparente.

Un point sur la gouvernance climatique moderne. D'avoir une cible, ce n'est pas suffisant. Il faut des outils de gouvernance à leur hauteur. Nous recommandons que le Québec adopte les budgets carbone quinquennaux, à l'image de ce qui existe au Royaume-Uni ou en France. Ces budgets fixent un plafond d'émissions pour une période donnée et permettent de vérifier en continu si l'on reste sur la trajectoire, pas seulement à la fin du parcours. Le Québec dispose déjà d'un système de plafonnement et d'échange robuste, il serait naturel de le compléter par de tels budgets.

• (17 heures) •

Ensuite, nous proposons des feuilles de route sectorielles, transport, industrie, bâtiment, agriculture, matières résiduelles, énergie, élaborées en concertation avec des trajectoires et des mesures claires, appuyées sur une planification intégrée, climat, énergie, air, à l'échelle régionale et assorties d'une reddition de comptes annuelle. Cela suppose de reconnaître pleinement le rôle des municipalités et des MRC qui sont en première ligne de la transition. Ils élaborent actuellement des plans climat, revoient leur schéma d'aménagement, mais souvent sans volet énergétique structuré, alors même que les défis de capacité Hydro-Québec et l'acceptabilité sociale des projets dépendent de cette planification énergétique territoriale.

Des solutions existent déjà. En Outaouais, par exemple, un plan de transition énergétique piloté par le CREDO avec le gouvernement et les universités trace des trajectoires concrètes, identifie les potentiels solaires, les futurs réseaux de chaleur, les innovations réglementaires nécessaires. C'est un modèle reproductible pour d'autres régions. Nous recommandons donc de... d'adopter un premier budget carbone quinquennal dès le prochain plan de mise en œuvre, puis des budgets successifs jusqu'à la décarbonation, développer des feuilles de route sectorielles appuyées sur une planification intégrée climat, énergie, air à l'échelle régionale, rendre obligatoire une évaluation climatique pour tout investissement public majeur afin d'éviter de créer aujourd'hui les émissions et les coûts que nous combattrons demain.

Il me reste un tout petit peu de temps. Je vais vous aborder la séquestration du carbone qui devra se faire de manière prudente et publique. Le secteur d'affectation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie, le fameux ATCATF là, est aujourd'hui une source nette d'émissions au Québec. Nous ne pouvons pas donc pas lui demander à court terme de tout compenser pour les autres secteurs. La séquestration biologique est essentielle, mais elle reste aussi vulnérable aux feux, aux insectes, aux changements d'usage. Elle doit être considérée comme complémentaire et encadrée. Le comité consultatif recommande, et nous partageons cette position, que la séquestration naturelle serve d'abord à neutraliser les émissions du secteur ATCATF et que les émissions résiduelles des autres secteurs soient compensées par de la séquestration permanente, notamment via le captage et le stockage géologique, dans un cadre responsable, public et prudent.

Nous recommandons donc... Nous recommandons donc d'adopter une stratégie québécoise de séquestration du carbone clair sur les limites potentielles et les conditions de déploiement graduel et prudent, de prioriser les solutions naturelles en limitant les crédits compensatoires à des pratiques rigoureusement vérifiées, d'établir une cible de carboneutralité et des jalons pour laisser le secteur ATCATF afin qu'il devienne de véritable contributeur net à la réduction des émissions. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, ce que nous vous proposons aujourd'hui, c'est une trajectoire réaliste, rigoureuse, appuyée sur la science, sur les travaux du comité consultatif et sur les expériences concrètes des régions du Québec.

Rehausser la cible 2030, inscrire des jalons clairs jusqu'en 2045, moderniser notre gouvernance avec des budgets carbone et des feuilles de route sectorielles, encadrer sérieusement la séquestration et soutenir les collectivités locales, ce ne sont pas des contraintes, ce sont des conditions pour que le Québec sorte gagnant de la transition. Les régions sont prêtes, elles innovent, elles expérimentent, elles démontrent que chaque tonne évitée ou séquestrée peut aussi être un gain économique, social et territorial. Aujourd'hui, le vrai choix n'est plus entre ambition et réalisme, le vrai choix est entre une ambition organisée, assumée qui protège nos communautés ou un rattrapage désordonné, plus coûteux et plus risqué. En rehaussant ses cibles et en se dotant d'outils de gouvernance moderne, le Québec peut redevenir un chef de file climatique, protéger sa population, renforcer sa prospérité et affirmer son autonomie.

Agir pour le climat, c'est faire gagner le Québec. Le RN et les CREQ sont prêts à collaborer avec vous pour que ce projet de société devienne pleinement réalité. Je vous remercie de votre attention et nous serons heureux de poursuivre la discussion.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui. Et merci beaucoup pour votre exposé...


 
 

17 h (version non révisée)

La Présidente (Mme Nichols) : ...nous allons débuter la période d'échanges. Le premier bloc est M. le ministre, pour 16 minutes 30 secondes.

M. Drainville : Merci pour votre présentation. Quand vous dites éviter les crédits compensatoires, là, juste pour être clair, est-ce que vous parlez de l'achat sur la bourse de Californie? Est-ce que c'est de ça dont vous parlez?

M. Vaillancourt (Martin) : La... pardon. Les mécanismes boursiers permettent de compenser une partie de nos émissions. Ça demeure une béquille au problème. C'est-à-dire qu'on doit faire tout ce qui est en notre possible pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, de faire le plus possible de séquestration naturelle également, avant de compenser nos émissions par l'achat de crédits. On doit donc, là, viser le changement de comportement et des... et des pratiques.

M. Drainville : Donc, la réponse c'est oui. Vous souhaiteriez que toutes les réductions de GES se fassent sur le territoire québécois à 100 %.

M. Vaillancourt (Martin) : Ça ne sera pas possible de faire l'ensemble de ça. Mais on priorise d'abord la réduction des GES localement et la séquestration naturelle avant l'achat.

M. Drainville : OK. Parce que si vous avez vu dans le document de consultation qui a été déposé en vue de cette commission parlementaire, vous avez sans doute vu que si on prend le scénario où effectivement la totalité de la cible est réalisée au Québec, vous avez dû voir qu'il y a des exemples de mesures d'efforts qui devraient être faits. Moi, je donne souvent l'exemple de la diminution de la production d'aluminium, là, de plus de 10 %, un secteur qui est durement frappé par les tarifs de Trump. D'aller voir les gens du Saguenay—Lac-Saint-Jean pour leur dire en plus du 50 % de tarifs qui vous a été imposé par les États-Unis, on va vous demander aussi, pour atteindre l'objectif, là, de diminuer de plus de 10 % la production d'aluminium. Puis, moi, honnêtement, je suis très sensible au coût économique qui vient avec la cible actuelle de 37,5 %, sans parler d'une cible encore plus exigeante comme vous le demandez. Et donc, je me pose la question, est-ce que dans votre réflexion puis dans votre position, vous prenez en considération l'effort économique puis l'impact que ça pourrait avoir sur les emplois à court terme et j'insiste là-dessus, à court terme? Il va nous rester quatre ans, là, pour arriver à 2030. On a fait à peu près la moitié du chemin, on a... on est à -19 % de réduction, là, depuis 1990. Il faudrait faire l'autre 18,5 % en quatre ans.

M. Vaillancourt (Martin) : Oui. Je comprends bien votre inquiétude et je...

M. Drainville : Vous ne la partagez pas, mon inquiétude?

M. Vaillancourt (Martin) : ...bien, je comprends que la situation actuelle dans laquelle on est est défavorable à avoir cette discussion-là. Mais de faire l'inverse, c'est-à-dire de ne pas garder la cible et de se montrer même davantage ambitieux, ça va envoyer un très mauvais signal à l'ensemble des gens qui ont déjà investi dans la décarbonation, notamment l'industrie de l'aluminium, qui fait des efforts incroyables pour décarboner sa production et de moderniser ses usines. Ces investissements-là sont des investissements à long terme, d'envoyer un signal à l'heure actuelle, qu'on change le rythme, c'est une démobilisation de ces capitaux-là qui va être fort dommageable et qui va être... et qui va coûter beaucoup plus cher que la baisse de production anticipée, si on maintient le rythme.

M. Drainville :  OK. Puis je ne veux pas caricaturer votre position, là, OK? Je ne veux vraiment pas là, je suis très respectueux de votre position, mais j'ai l'impression que ce que vous nous dites, c'est : On préfère garder une cible, la cible actuelle de 37,5%, quitte à ce qu'elle ne soit pas atteignable, plutôt qu'une autre cible qui serait moins exigeante mais qui serait elle, atteignable. Est-ce que...

M. Turgeon (Alexandre) : Si je peux revenir sur votre première question sur l'impact économique, je pense que nous, comme plusieurs acteurs qui vont se présenter devant vous, incluant les acteurs économiques comme le Conseil du patronat puis la Fédération des chambres de commerce, et même les municipalités juste avant nous, se préoccupent des conséquences négatives qu'aurait la diminution de la cible. Il n'y a pas... il y a plus de choses à perdre à baisser la cible que de gains économiques. Et ça, ça se fait dans multiples secteurs. Les potentiels de gains économiques par l'augmentation de la cible, non seulement en termes d'atténuation, mais également en termes... en termes d'adaptation.

M. Drainville : Monsieur... Monsieur... M. Turgeon.

M. Turgeon (Alexandre) : Oui?

M. Drainville : C'est très important, là...

M. Drainville : ...je vous parle de quatre ans, moi, je vous parle d'une autre diminution de 18,5 %, donc l'équivalent de ce qu'on a réussi à faire en 30 ans, qu'on réussisse à le faire en quatre ans. Et là, votre réponse, c'est de me dire : bien, le coût économique de ne pas le faire va être plus important que le coût économique de le faire. Mais vous... je parle d'une diminution de 18,5 % en quatre ans, ce qu'on a mis 30 ans à faire, on le ferait en quatre ans. Dites-moi pas que vous n'êtes pas conscient de ce que ça va exiger, puis du stress que ça va mettre sur une économie qui est déjà durement éprouvée et de l'impact que ça pourrait avoir sur les emplois. Si vous me disiez : regardez, la cible doit être maintenue, puis on a... mettons, pas 30, mettons on a...10 ans, 15 ans pour l'atteindre. Je vous suivrais, là, je vous dirais : oui, ça se peut, ça se peut, il va falloir beaucoup d'efforts, mais on va y arriver. Mais en quatre ans, M. Vaillancourt, vraiment?

• (17 h 10) •

M. Vaillancourt (Martin) : L'Hydro-Québec, qui était devant vous il y a quelques minutes, a un plan pour 2035, puis avec ce plan-là, eux, ils visent 30 % de réduction des GES dont... dont, sur lequel ils peuvent avoir le contrôle, donc c'est déjà un gros morceau de ce 18 % là. Ce n'est pas impossible d'avancer...

M. Drainville : Justement, on est en 2035, on n'est pas en 2030.

M. Vaillancourt (Martin) : Mais, mais oui, on est au... on est au-delà de 18, là. La... donc il y a moyen de faire ces pas-là. Les... on peut encore travailler énormément sur les changements de comportement sur quatre ans. Il y a plusieurs choix qui peuvent être faits, la... il y a 30 ans, comme vous le dites, on était à la..., là, qui... et on était encore en train d'expliquer qu'est ce que c'était que les changements climatiques, puis à convaincre les gens de passer à l'action, puis dans les faits, les juridictions ont mis en place des premiers programmes, écoutez, au Québec, on est au tournant des années 2000 quand on commence à élaborer ces choses-là, on commence à voir les résultats de cet effort-là. De changer le rythme à ce moment-ci va envoyer un mauvais signal et ça va être beaucoup...

M. Drainville : Oui, mais si c'est ça, votre position, moi, je la respecte,  M. Vaillancourt. Je la respecte. Puis je la comprends. Mais je veux juste être... je veux juste être sûr qu'on se comprenne bien. Vous nous dites : J'aime mieux qu'on maintienne la cible et même peut-être qu'on l'augmente, quitte à la rater? Parce que si on ne la maintient pas, on va envoyer un signal de démobilisation. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Vaillancourt (Martin) : Oui, on va perdre plus d'années par la suite que les années qu'on cherche à gagner en diminuant la cible à court terme.

M. Drainville : OK, mais vous comprenez, moi, ce que je vous dis, c'est : j'aime mieux avoir une cible exigeante parce que 37, 5, là, c'est très exigeant, là. Que ce soit d'ici 2030 ou même plus tard, ça reste une cible très exigeante dans la mesure du... dans la mesure où on a seulement la moitié de fait, là, bien, seulement... on a... on la moitié de faite.

M. Vaillancourt (Martin) : L'atteinte de cette cible-là est aussi une question de moyens, de ressources. La... les fonds disponibles dans le Fonds vert peuvent être mis à contribution pour accélérer le rythme. Les surplus ont été générés par un ralentissement des investissements au cours des dernières années.

M. Drainville : Oui, mais les surplus, là, je veux juste être clair là-dessus, l'essentiel des surplus, là, c'est du temps du Fonds vert. Ce n'est pas... C'est du temps du Fonds vert...

M. Vaillancourt (Martin) : C'est la contribution des entreprises.

M. Drainville : ...essentiellement, bien, en tout cas, pour une bonne partie... bien, du gouvernement libéral, qu'est ce que vous voulez que je vous dise? C'est ça, je ne fais pas de politique, c'est factuel. Les dernières années, il y a eu peu de surplus et pour les prochaines années, il n'y a pas de surplus de projeté. Ça fait que l'histoire des surplus, à un moment donné, il va falloir en revenir. Mais je... c'est parce que moi, je vais vous le dire, là, puis on est plus dans une discussion philosophique, mais je pense que... c'est plus démobilisant de se donner une cible qu'on ne peut pas atteindre, puis, de... Moi, je vois un risque, en tout cas, de démobilisation à se donner une cible dont on sait qu'elle n'est pas atteignable parce qu'à un moment donné, les gens vont se dire : bien, écoutez, vos cibles, là, c'est pour bien paraître, mais dans les faits, là, vous nous condamnez à ne pas les atteindre, ça fait que tant qu'à se donner une cible qui n'est pas atteignable, bien, vous reviendrez nous voir quand vous aurez un plan de marche sérieux qui colle à la réalité, notamment économique, actuelle. Puis j'entends votre point de vue, votre point de vue se tient tout à fait, mais je pense que le mien se tient aussi...

M. Vaillancourt (Martin) : ...Il faut se comparer aux meilleurs, je pense, dans les enjeux climatiques. Puis il y a plusieurs juridictions qui sont comparables à la nôtre qui se sont donné des cibles plus ambitieuses et qui sont en voie de les atteindre. Donc, c'est possible...

M. Drainville : Mais ce ne sont pas nos concurrents. M. Vaillancourt, quand vous me donnez l'exemple dans... quand vous êtes dans votre... Vous parlez de la Suède, vous parlez de l'Allemagne, vous parlez de l'Angleterre, vous parlez de la France. Ce ne sont pas nos concurrents. Nos concurrents, actuellement, là, là où... là où on exporte, encore aujourd'hui, la majorité de nos produits, c'est les Américains. Ils ont fait sauter leur politique climatique, leur politique d'électrification et leur politique de transition énergétique. Le gouvernement fédéral a emboîté le pas en faisant sauter la taxe sur le carbone, en faisant sauter son objectif d'électrification des voitures. La Colombie-Britannique vient de faire sauter son objectif d'électrification des transports. Puis l'Ontario dit : On va faire sauter nos cibles de réduction de GES. Au jour d'aujourd'hui, ils sont allés chercher un investissement de 3 milliards qui aurait pu aller au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ils sont allés le chercher. Ça s'en va à Saint Thomas, dans le sud-ouest ontarien, parce qu'ils produisent de l'énergie avec du gaz naturel. Ça fait que nos concurrents lèvent le pied.

Moi, je ne veux pas lever le pied, moi, je veux rester premier, moi, je veux qu'on soit encore les leaders, mais, à un moment donné, je regarde tout autour... Puis nos concurrents économiques, ce n'est pas la Suède, ce n'est pas la France, c'est tout ce monde là qui, pour des raisons que je leur... qu'ils se voient... qu'ils doivent assumer, lève le pied les uns après les autres. Ça fait que, nous autres, moi, je pense qu'il faut s'ajuster. Il faut rester ambitieux, il faut rester les leaders, mais on ne peut pas faire comme si on était tout seul sur une île parce qu'on va se faire mal économiquement. Puis là je vous le dis, là, le jour où les Québécois vont avoir l'impression que les cibles de GES ont pour résultat de les appauvrir économiquement, là on va perdre la bataille, là on va n'en avoir une, démobilisation, M. Vaillancourt. Me suivez-vous?

M. Turgeon (Alexandre) : Oui, on vous suit, M. le ministre.

M. Drainville : Challengez-moi. Dites-moi que j'ai tort : Vous avez tort, M. le ministre. Pourquoi vous avez tort...

M. Turgeon (Alexandre) : Premièrement... Premièrement, les États-Unis, ce n'est pas Donald Trump.

M. Drainville : Ce n'est pas quoi?

M. Turgeon (Alexandre) : Les États-Unis, ce n'est pas Donald Trump, ce n'est pas l'État fédéral seulement. C'est des États américains qui ne sont pas tous contrôlés par des républicains, c'est des villes... Il y avait plus de 100 élus américains qui ont participé au sommet à Belém les dernières semaines.

M. Drainville : Bon point.

M. Turgeon (Alexandre) : Deuxièmement, si on veut diversifier notre marché économique et se tourner davantage vers l'Europe notamment, bien, l'Europe a des exigences qui font en sorte qu'elle va exiger des entreprises exportatrices qu'elles regardent l'ensemble des chaînes d'approvisionnement et la décarbonation des produits qui lui sont vendus. Si on veut être compétitifs pour vendre en Europe, il faut bien se positionner, il faut maintenir nos cibles élevées. Puis je rajouterai, finalement, sur l'aspect de la démobilisation, qu'il y a eu des sondages au mois d'octobre, M. le ministre, auprès des citoyens, sur l'ambition climatique des Québécois à l'égard de 12 mesures et de la question des changements climatiques et les attentes des Québécois à l'égard des municipalités. Mais saviez-vous quoi? Plus de 80 % des Québécois veulent que les municipalités en fassent plus dans la lutte aux changements climatiques. Il y a un sondage, au mois d'octobre aussi, qui a été fait auprès... Est-ce que les Québécois songent... demandent que les entreprises québécoises en fassent plus? Et moi, je parie, s'il y avait eu un sondage qui demandait est-ce qu'on... le gouvernement du Québec devrait en faire plus sur les changements climatiques, que la réponse serait aussi élevée, au-dessus de 80 %.

M. Drainville : ...si vous me permettez, parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps.

M. Turgeon (Alexandre) : Oui.

M. Drainville : Vous avez raison. Tant qu'on ne dit pas aux citoyens : Voici l'impact que ça aura sur toi, comme, dans le document de consultation, là, la baisse de 37,5 à 100 % sur le territoire québécois, là, diminution des distances parcourues en voiture à essence, augmentation de la taxe sur l'essence. Si la question, c'est : Êtes-vous prêt à ce que votre municipalité ou votre gouvernement fasse plus, si vous devez payer une augmentation de la taxe sur l'essence?, pas sûr que vous allez avoir le même résultat. Est-ce que vous êtes d'accord pour que le gouvernement fasse plus, si vous devez, une semaine sur... une journée sur sept ou deux journées sur sept, ne pas pouvoir prendre votre voiture? Si vous demandez aux gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean : Êtes-vous d'accord pour en faire plus, si on vous demande de diminuer de 14 % la production d'aluminium... Tant et aussi longtemps qu'on reste au niveau de l'idéal, les gens sont totalement favorables. Quand on leur dit : Ah! mais, attention, voici le coût économique qui va venir avec la cible, avec l'effort qu'on me demande, wo, là, c'est autre chose.

M. Vaillancourt (Martin) : Dans le Bas-Saint-Laurent, il y a des élus qui demandent actuellement une hausse de la taxe sur l'essence de 0,02 $ le litre pour mettre en place un réseau de transport en commun, et ça, ça ne leur est pas permis par la réglementation actuelle. Donc, je pense qu'il y a des choses qui sont acceptables pour augmenter les services, pour donner des alternatives aux gens en matière de...

M. Vaillancourt (Martin) : ...et il faut viser ces possibilités-là.

M. Turgeon (Alexandre) : Et, dans l'exemple que Martin donne, au Bas-Saint-Laurent... les municipalités du Bas-Saint-Laurent ont fait un sondage auprès des citoyens pour savoir si les citoyens étaient favorables à ces taxes-là. Moi, je veux juste en profiter pour rebondir avec la présentation précédente de la FQM qui vous demandait qu'on leur donne les moyens. Laissez les municipalités avoir les moyens d'avoir de l'ambition. Donnons-leur des cibles, des objectifs, ils savent de plus en plus être ambitieuses par elles-mêmes, les municipalités, qu'on leur donne les moyens d'être capables d'atteindre leurs ambitions, qu'on arrête d'avoir des règlements, des normes qui fassent en sorte qu'ils doivent constamment demander la permission au gouvernement du Québec pour agir.

• (17 h 20) •

M. Drainville : Ils peuvent augmenter la taxe sur l'immatriculation à ce que je sache, ces municipalités-là, donc ils n'ont pas... ils n'ont pas...

M. Vaillancourt (Martin) : Oui, mais la... la taxe sur l'essence, ça permet de capter les gens qui traversent la région, qui ne sont pas résidents, puis ça permet aussi de capter la taxe sur l'essence du commercial. Les taxes sur l'immatriculation, c'est seulement les citoyens résidents qui payent, donc c'est pour ça que c'est préférable une taxe sur l'essence pour soutenir un tel transport.

M. Turgeon (Alexandre) : D'un point de vue économique, c'est aussi une taxe qui est davantage liée à l'usage qu'à un camion qui est stationné dans le garage.

M. Drainville : Oui, mais tout ce que je veux vous dire, c'est que si les municipalités ont besoin de ces moyens-là, ils ont des leviers pour le faire, déjà, là. Tu sais, de toujours pelleter ça dans la cour de Québec, des fois c'est, comment dire, c'est confortable. Là, ils ont des moyens, par ailleurs, je trouve qu'il y a une différence entre dire à quelqu'un je vais te taxer pour un nouveau service, par exemple de transport collectif, et es-tu prêt à payer... es-tu prêt à en faire plus pour la lutte au GES, sans dire, exactement, voici ce qu'on va te demander. Moi je vois une distinction.

La Présidente (Mme Nichols) : Désolé, je dois mettre fin aux...

M. Drainville : Mais merci pour l'échange, j'aime ces échanges dynamiques, j'ai l'impression de me retrouver un petit peu sur un... dans mon... dans ma job passée de... Bon, j'espère que ça ne vous offusque pas de...

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. le ministre, vos réflexes naturels reviennent au galop. Je vais céder la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour son bloc de 9 minutes 54 secondes.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Alors, on aimerait vous entendre plus davantage parce qu'on a l'impression qu'il y a des décisions déjà prises, puis on est vraiment là pour écouter les experts, pour se faire une tête sur un enjeu très important. Donc, le ministre vous avait posé une question est-ce que... un peu... des cibles atteignables versus des cibles ambitieuses, vous avez répondu ambitieuse, mais est-ce qu'il y a des cibles atteignables... ambitieuses seraient atteignables? Et là, vous avez commencé à répondre, mais je n'ai pas entendu la réponse au complet, que c'est une question de ressources et de moyens. C'est aussi une question de volonté... volonté politique on comprend tout à fait. Est-ce que le Québec dispose des ressources et des moyens pour atteindre cette cible aux moins de 37.5 % d'ici 2030?

M. Vaillancourt (Martin) : Normalement, avec le plan de mise en œuvre du plan climatique du Québec, là, et le mécanisme du Fonds vert, la majorité des moyens sont identifiés, c'est-à-dire que, je ne me souviens plus du chiffre exact, là, mais on... il nous manque, je pense, autour de 25 % ou 30 %, là, des moyens identifiés pour atteindre les cibles qui sont déjà fixées. Mais on peut penser que dans l'intervalle qui nous reste avec les futurs budgets, ces moyens-là pourraient être ajoutés. Ce qui est déplorable, c'est dans des décisions comme celle qui... l'orientation qui est prise aujourd'hui, où le surplus accumulé s'en va ni plus ni moins qu'au service de la dette. La... ces sommes-là auraient très bien pu servir dans... à être investi, là, dans des enjeux d'adaptation, puis je comprends la préoccupation des élus qui étaient juste avant nous, devant vous et qui disent : C'est probablement une occasion manquée de ne pas conserver ces sommes-là dans le but qui ont été... dans lesquels ils ont été pensés.

Mme McGraw : Donc, justement, pour confronter ce déficit fiscal caquiste, il y a un déficit climatique majeur et là on vient de s'enlever les moyens pour y confronter atténuation et adaptation. Donc votre... on vient d'entendre la Fédération des municipalités et on... qui se sont prononcés très inquiets. Quelle est votre réaction à cette décision en termes de mesures, de moyens, se donner les moyens de nos ambitions lorsqu'on enlève les moyens de nos ambitions?

M. Vaillancourt (Martin) : Il y a...

M. Vaillancourt (Martin) : ...ça a été dit, il y a actuellement une très grande mobilisation dans la réalisation des plans climat. On le constate sur le terrain, il y a certains conseils régionaux en environnement qui sont impliqués à différentes étapes ou à des étapes de concertation, parfois même des étapes de coordonner, là, la réalisation d'un plan climat pour certaines MRC. Les citoyens sont preneurs de ce genre d'initiatives là, le... ça va déboucher sur des plans d'action, et là on va chercher à passer à la mise en œuvre de ces mêmes plans d'action là. Les sommes qui sont actuellement annoncées, et c'est un bon départ, là, près de 500 millions au total pour la réalisation et la première phase de mise en œuvre, mais c'est nettement insuffisant. Les besoins vont être beaucoup plus grands que ça, juste en termes, là, d'adaptation et de... pour ne décarboner probablement dans un premier temps que les bâtiments municipaux. Quand on va s'attaquer à d'autres types d'infrastructures à décarboner, là, qui sont sur les mêmes territoires, les sommes vont... vont bondir, là.

Mme McGraw : Vous avez... Le ministre s'inquiétait du court terme et posait des questions sur les courts termes et les coûts économiques à court terme. Et vous avez aussi commencé à répondre. J'aimerais entendre la réponse. Vous avez parlé de la démobilisation de capitaux importants. Vous avez parlé d'investissement... pour le long... Par le passé. Maintenant, pour le long terme. Quel est l'impact? Quel serait l'impact à court terme, immédiat sur ces investissements si on change à la baisse la cible?

M. Vaillancourt (Martin) : La... Il y a une statistique, là, qui vient d'un document cité par le Comité consultatif sur les changements climatiques, qui montre qu'à l'échelle du Canada actuellement, annuellement, ça nous coûte déjà 25 milliards par année faire face aux enjeux des changements climatiques. Puis, quand on projette ces chiffres-là sur l'horizon 2050, on parle de 100 milliards par année annuellement, là, donc une énorme somme et qui... où le Québec, là, aura sa part, là, inévitablement, si on conserve les trajectoires dans lesquelles on est. Donc, de ralentir le rythme aujourd'hui, c'est faire face à très court terme aussi à des coûts très importants, de toutes sortes, pas seulement des coûts qui sont refilés directement à l'État quand c'est des infrastructures publiques qui sont endommagées, mais aussi, on le voit, là, avec les coûts d'assurance qui augmentent à une vitesse folle, qui impactent directement les Québécoises puis les Québécois, là.

Mme McGraw : D'ailleurs, je ne sais pas si vous pouvez citer des études, mais on cite... soit selon, par exemple Banque mondiale, OCDE, un investissement, maintenant, de 1 $, ça va... nous faire sauvegarder 10 $ dans l'avenir. Il y en a d'autres, c'est 4 $, 6 $. Mais est-ce que vous avez des informations là-dessus sur les investissements maintenant, en prévention? Même c'est quoi, les coûts qu'on va pouvoir... Vous avez parlé d'un... de faire... d'avoir de l'ambition présentement. Sinon, rattrapage, vous avez parlé de rattrapages coûteux, chaotiques et imprévisibles. En tout cas, je vais... peut-être vous entendre là-dessus.

M. Vaillancourt (Martin) : Oui, je n'ai pas la statistique exacte, là, sur l'effet de levier, mais tout le monde reconnaît qu'il y a... un dollar investi aujourd'hui, c'est des dollars économisés plus tard, là. L'enjeu de ralentir maintenant, c'est d'avoir à fournir un très grand effort après 2030 pour avoir des jalons raisonnables en 2035 puis en 2040, là. Et la... on n'est pas prêt non plus à cette accélération-là. Donc, il ne faut pas changer le rythme maintenant, il faut au contraire apprendre à l'accélérer tranquillement pour qu'on arrive à une décarbonation en 2050. Parce que de mettre les freins maintenant et de réaccélérer ensuite, ça va être très, très difficile et très coûteux à le faire.

Mme McGraw : Parce qu'on est d'accord, tout le monde est d'accord sur la carboneutralité d'ici 2050, il y en a qui parlent de 2045, ça demeure l'objectif. Donc, si on freine maintenant, il y a du rattrapage plus tard, qui est donc tout un momentum. Donc, il y a des coûts quand même à cette approche à court terme. Je pense que ma collègue a une question, donc.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, Mme la députée des Mille-Îles.

Mme Dufour : Merci. La dernière fois qu'on s'est vus... bien, peut-être pas la dernière fois, mais en tout cas un moment donné qu'on s'est vus dans la dernière année, on a parlé de milieux humides. Vous parlez dans votre mémoire, là, que c'est... il y a de la captation, là, de GES qui se font dans les milieux humides. Donc, à chaque fois... est-ce que je comprends bien, si, à chaque fois qu'un milieu humide d'importance est détruit, comme on l'a vu par exemple pour Northvolt qui a... qui finalement est un échec, est-ce qu'on ne se tire pas dans le pied à ce moment-là pour atteindre nos objectifs?

M. Vaillancourt (Martin) : Le... Vous l'avez remarqué dans le mémoire...

M. Vaillancourt (Martin) : ...on a cherché à présenter des cas concrets de réduction des GES, là, de l'action qui se fait dans les régions. Il aurait pu y avoir beaucoup plus d'exemples que ceux qui sont présentés parce que, bon, le... on a quand même produit un mémoire en cinq jours ouvrables, là, ce qui n'est pas une mince affaire. La... Le...

Et effectivement les... il y a 10 CRE actuellement qui sont associés à un projet qui permet de caractériser le carbone dans les milieux humides, dans toutes sortes de types de milieux humides, là, dans tout le Québec méridional, c'est en collaboration, là, avec un laboratoire universitaire qui est affilié à plusieurs universités québécoises, de manière à avoir une meilleure connaissance de ce service écologique là, là, qui est rendu par les milieux humides. Et, en effet, quand on se met à détruire un milieu humide, il y a une conséquence des fois sur la qualité de l'eau, des fois sur la qualité des écosystèmes, des habitats, mais aussi sur sa capacité à capter du carbone. Cette étude-là va nous permettre d'avoir une meilleure idée en fonction du milieu humide détruit, donc, à la limite, ça pourrait peut-être aider à ajuster, là, la compensation pour un milieu détruit, mais la deuxième phase de ce projet-là, c'est vraiment après une phase de sensibilisation auprès des MRC dans lesquelles on fait les... ces relevés-là pour leur faire comprendre la valeur ajoutée de conserver ces dits milieux humides là dans la lutte aux changements climatiques. Donc, c'est un des... c'est un exemple, là, de mandat qu'on peut réaliser à l'échelle du Québec.

• (17 h 30) •

M. Turgeon (Alexandre) : D'un point de vue séquestration du carbone, mais aussi d'un point de vue adaptation aux changements climatiques, parce que ce sont des éponges qui ralentissent le cycle de l'eau quand il y a des fortes précipitations et des événements climatiques extrêmes.

Mme Dufour : Bien, bravo pour votre mémoire! Si vous l'avez fait en cinq jours, c'est quand même impressionnant. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci beaucoup. Alors, je cède la parole au député de Taschereau pour un bloc de trois minutes 18 secondes.

M. Grandmont : Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence et pour votre mémoire, très bon, c'est vrai.

Première question très courte. Alors, oui ou non, est-ce que vous appuyez les recommandations du Comité consultatif sur les changements climatiques?

M. Turgeon (Alexandre) : Oui.

M. Grandmont : Merci beaucoup. Deuxième question. Est-ce que, pour vous... Puis vous l'avez bien dit dans votre introduction, là, vous conciliez environnement et économie. C'est comme... C'est la première chose, je pense, que vous avez dite tantôt dans votre introduction. Est-ce que maintenir la cible de 37,5 degrés sous 1990, c'est nécessairement sacrifier des emplois?

M. Vaillancourt (Martin) : Non.

M. Grandmont : Expliquez.

M. Vaillancourt (Martin) : Il y a un pan de l'économie qui est en train de se développer autour de l'économie verte et des technologies, des infrastructures naturelles. En fait, il y a énormément de possibilités avec la transition. Je pense que ça remonte à maintenant deux ans, là, c'était la première fois qu'il y avait autant d'emplois dans le monde dans les énergies renouvelables que dans les énergies fossiles. Et cette tendance-là se poursuit. Puis l'écart va toujours s'accentuer en faveur des énergies renouvelables. Donc, on est arrivés à un point de bascule où le développement... où l'économie de la transition devient un vecteur économique important qui influence le PIB des États, là. Ça fait que c'est un faux problème, là. Il y a...

M. Turgeon (Alexandre) : Puis, même dans l'exemple que le ministre donnait avec les alumineries... D'abord, on a besoin d'aluminium pour alléger nos composantes et être plus sobres en carbone dans nos matériaux, pour des matériaux légers. C'est un positionnement de notre... Nos alumineries aussi sont... ont tendance à être plus sobres en carbone que d'autres alumineries ailleurs dans le monde, donc peuvent mieux se positionner pour vendre cet aluminium-là. Donc, même dans cet exemple-là, j'ai de la misère à voir comment de garder une cible ambitieuse serait une menace à cette industrie-là en particulier.

M. Grandmont : Merci. Est-ce qu'il est vrai de dire que l'économie de demain, que ce soit en 2040, 2050, en 2100, elle sera décarbonée de toute façon et qu'il vaudrait mieux, comme le fait, par exemple, la Chine en ce moment, se positionner le plus rapidement pour être un leader dans cette future économie décarbonée?

M. Turgeon (Alexandre) : Absolument. Je pense qu'il faut juste être un négationniste des changements climatiques, comme Donald Trump l'affirmé à l'ONU récemment, pour ne pas le comprendre.

M. Grandmont : Le ministre a opposé... oppose ambition et réalisme en parlant notamment des emplois ou du contexte politique dans lequel on se trouve en ce moment. Est-ce que vous adhérez à cette dichotomie ambition versus réalisme, entre guillemets?

M. Vaillancourt (Martin) : Au RN puis dans le réseau des... dans le... en fait dans l'ensemble des conseils régionaux en environnement, on a souvent une approche très pragmatique. Le... On avance à la vitesse des partenaires locaux et régionaux et on sent toujours, actuellement, un appétit pour les enjeux climatiques, pour les enjeux d'adaptation. Et on considère...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Vaillancourt (Martin) : ...que de... conserver cette mobilisation-là est plus important que des enjeux de réalisme qui peuvent être abordés et qui fait en sorte... Quand on regarde le contexte dans la géopolitique actuelle, on peut être inquiet, en effet, là, mais, sur le terrain, les gens sont prêts à faire des actions, donc il faut les supporter dans ce sens.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci d'être là. Merci pour votre mémoire, effectivement, qui est très intéressant et je sais que ça a été un poids pour vous de le rédiger si rapidement, mais il touche à plusieurs des préoccupations qu'on peut avoir ici en commission. J'aimerais savoir... puisque je suis convaincu que vous avez pris connaissance du plan de mise en œuvre qui a été publié il y a quelques mois à peine, en juin dernier, à ce moment-là, on semblait vouloir accentuer ou accélérer la marche vers l'atteinte des objectifs fixés à 37,5 %. Comment vous expliquez qu'aujourd'hui, trois mois plus tard, on semble essentiellement utiliser les arguments à l'inverse de ce qu'on faisait valoir dans le plan de mise en œuvre, en disant qu'on allait essentiellement atteindre l'objectif, que ça allait créer des emplois, augmenter le produit intérieur brut et ainsi de suite, et, aujourd'hui, on dit essentiellement le contraire du côté ministériel?

M. Turgeon (Alexandre) : Je pense qu'on ne se l'explique pas. On n'est pas politicologues, alors on va laisser ça à d'autres, le soin de faire l'analyse, là.

M. Arseneau : Mais, est-ce que vous comprenez comme moi que, lorsqu'on parle du scénario où on atteint l'objectif en 2030, il s'agit d'un scénario où 65 % des actions aux alentours sont réalisées sur le territoire québécois et le reste vient du SPEDE, essentiellement, là? C'est là-dessus qu'on est. Mais lorsqu'on dit qu'il faudrait ralentir les efforts, c'est parce que l'on prendrait l'autre scénario où 100 % des actions sont réalisées au Québec, ce qui entraînerait, selon ce qu'on a dans le cahier ministériel, là... on devrait, par exemple, serrer la vis aux alumineries et ainsi de suite, là. Vous, vous êtes en accord avec le premier scénario. C'est là-dessus qu'on est fixé. C'est comme si on avait deux discussions parallèles. Est-ce que vous comprenez la même chose que moi?

M. Vaillancourt (Martin) : Le premier scénario, le SPEDE demande clairement aux entreprises de réduire annuellement, là, leurs émissions, et c'est prévisible pour eux, donc ils adhèrent à ça. Il faut absolument conserver ce mécanisme-là.

Ensuite, il y a énormément de choses encore à faire sur les changements de comportements au Québec puis surtout d'offrir des solutions de rechange aux citoyens pour qu'ils puissent faire un choix quant à ces modes de consommation, ces modes de transport. Et, là-dessus, il reste énormément de travail à faire.

M. Arseneau : Mais la question qui était posée tout à l'heure, c'était par rapport au réalisme de l'objectif. Est-ce que vous, lorsque vous prenez connaissance du plan d'action qui a été déposé en juin dernier, le plan de mise en œuvre, c'est-à-dire, vous jugez qu'avec 10 milliards d'investissements dans différentes actions, est-ce que la trajectoire nous mène à l'atteinte de l'objectif?

M. Vaillancourt (Martin) : Dans les actions qui sont identifiées, il y en a une partie qui sont financées. Donc, ça nécessite que, dans les prochains budgets du gouvernement québécois, qu'il y ait encore des investissements d'annoncés en ce sens-là.

M. Arseneau : D'accord. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Vaillancourt, merci, M. Turgeon, de votre présence et de votre contribution aux travaux de la commission. Nous allons suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 38)

(Reprise à 17 h 44)

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci. Alors, nous reprenons nos travaux parlementaires. Je souhaite la bienvenue au consortium Ouranos qui est parmi nous, M. Bourque, par visioconférence. Alors, M. Bourque, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, bien que j'aie l'impression qu'on vous connaît déjà, et à nous présenter votre exposé.

M. Bourque (Alain) : Bonjour. Bonjour à tous. Merci pour cette invitation à contribuer aux travaux de la... de la commission, et ça, même si je suis au milieu de la journée. Donc, je comprends que je suis le dessert de la journée. Mon nom est Alain Bourque. Je suis directeur général du consortium Ouranos. Ouranos, c'est le nom du dieu grec de l'atmosphère, mais c'est aussi un consortium de recherche très appliquée qui vise à avancer les connaissances sur la climatologie régionale, mais aussi à avancer l'action en matière d'adaptation aux changements climatiques. Donc, j'y reviendrai, mais en gros on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre d'une part, mais on veut aussi s'adapter à la partie incontournable des changements climatiques. Donc, c'est clairement notre mission. Ouranos est supporté par une panoplie de membres réguliers, membres affiliés, différents paliers de gouvernement, etc., même Rio Tinto, une compagnie privée, etc., pour faire avancer, comme je le disais, là, la science, l'adaptation, la climatologie régionale. J'imagine que vous avez peut-être déjà entendu parler du GIEC aujourd'hui, le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat. Dans le GIEC, il y a trois groupes de travail, un sur la science du climat, un sur les impacts et l'adaptation, un sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Alors, Ouranos travaille surtout sur les deux premiers et non pas sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ceci étant dit, on utilise beaucoup les scénarios d'émission de gaz à effet de serre pour développer la science du climat, pour évaluer les impacts, etc. Donc, c'est pour ça que malgré le fait qu'on ne travaille pas directement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, je pense qu'on a quelque chose de pertinent à présenter au niveau de la... de la science puisque ça a des implications sur l'avenir du climat bien sûr.

Donc je veux quand même débuter autour du sujet d'une... d'une affirmation, là, qu'un président au sud du Canada, là, en faite, a fait une affirmation autour du fait que la science des changements climatiques était dans les patates et que les modèles climatiques s'étaient trompés continuellement au cours des dernières décennies. Ici, j'ai un petit graphique un petit peu compliqué, là, mais qui montre en noir l'évolution des observations des anomalies de température observées sur la planète, en noir. Et ici, vous avez en petites lignes, vous avez tous les simulateurs qui ont été utilisés dans les évaluations historiques pour tenter de comprendre qu'est-ce qui se passait avec les changements climatiques, avec les prévisions qui avaient été faites. Et ça, ça date des années 70.

Donc, on voit que dans les années 70 le premier simulateur n'était pas très bon. Mais après, depuis ce temps-là, on voit tous les autres simulateurs qui ont plutôt très bien anticipé les changements climatiques qui ont été observés jusqu'à l'horizon de 2025. On voit même le saut des températures au cours des deux dernières années. Donc, je ne voulais quand même pas tomber trop dans la science, mais quand même rappeler que la science des changements climatiques, elle est bien établie. Les outils de simulation sont des outils fiables pour regarder dans le passé et dans le futur.

Et justement, parlant de futur, bien, ici, vous avez encore une fois un graphique qui montre l'évolution des anomalies de température anticipée pour la planète sur l'axe... sur l'axe à gauche ici. Et donc vous avez l'évolution des températures observées et l'évolution anticipée des... des anomalies de température planétaire selon différents scénarios d'émission de gaz à effet de serre. Et là, c'est là que ça va commencer à être intéressant, puisqu'on ne sait pas quelle est la quantité d'émissions de gaz à effet de serre qui va être faite dans l'atmosphère, qui va être émise dans l'atmosphère d'ici 2100. Bien, les scientifiques travaillent avec différents scénarios allant de plus optimiste, c'est-à-dire l'accord de Paris à 1,5 degré Celsius ou encore à 2 degrés Celsius, ou les scénarios qu'on dit souvent «business as usual», où on continue à émettre des émissions de gaz à effet de serre.

Alors, pour ce graphique-là, j'ai une bonne nouvelle, puis une mauvaise nouvelle. La première bonne nouvelle, c'est qu'il semble qu'avec les efforts de réduction de différents pays à travers la planète, bien, il semble que le scénario le plus pessimiste soit de plus en plus écarté. Alors ça, c'est une bonne nouvelle parce qu'on semble voir des scénarios de changement à cinq degrés devenir de moins en moins probables. Donc ça, c'est vraiment une bonne nouvelle. Par contre, la mauvaise nouvelle, c'est que le scénario de stabilisation des températures à 1,5 degré semble lui aussi être très difficile à atteindre, compte tenu qu'il nous reste à peu près trois à quatre ans d'émission de gaz à effet de serre au rythme de 2024‑2025 pour atteindre le 1,5 degré Celsius à l'échelle planétaire. Donc...

M. Bourque (Alain) : ...ça, c'est une moins... moins bonne nouvelle. Heureusement, l'accord de Paris parle de sous deux degrés Celsius. Donc, on peut réussir encore à limiter les changements climatiques à sous degrés Celsius... deux degrés Celsius à l'échelle planétaire.

• (17 h 50) •

Alors, si je fais le corollaire un petit peu pour le Québec, là, je veux juste rappeler un peu ce qui s'est passé. Alors, historiquement, ici, c'est des anomalies de température, même chose que le graphique d'avant, mais pour le sud du Québec, donc, historiquement, avant les années 80-90, le climat était relativement stationnaire, il y avait une variabilité naturelle d'une saison à l'autre, d'une année à l'autre, mais globalement on retombait toujours sur nos pattes avec des anomalies de zéro degré. Et là est venue, de façon un petit peu plus substantielle, l'émergence du signal des changements climatiques jusqu'à l'horizon 2010. Et là, depuis 2010, bien là, on est vraiment rendus à la période où on vit des changements inévitables, simplement à cause des émissions de gaz à effet de serre qui ont déjà été ajoutées à l'atmosphère. Et là, la mauvaise nouvelle, c'est que ça va continuer comme ça au moins jusqu'à à peu près dans les années 2040. Donc, il y a une partie du changement climatique qui est bien amorcée. La locomotive climatique a beaucoup de momentum, et donc on ne peut pas, en criant ciseau, là, arrêter l'évolution du climat. Et c'est là que les émissions de gaz à effet de serre deviennent particulièrement importantes pour déterminer à quel niveau est-ce qu'on va se stabiliser. Et donc ça, c'est la quatrième partie de mon graphique qui montre que l'avenir climatique dépend essentiellement des... des émissions de gaz à effet de serre émises dans l'atmosphère. Encore une fois, on a les scénarios optimistes ici, où on contrôle... on respecte l'accord de Paris et le climat change de deux degrés Celsius ou moins, ou on a des scénarios un peu plus pessimistes, en fait, si... Donc, on a des scénarios plus pessimistes qui vont jusqu'au rouge où malheureusement, là, on n'avance pas suffisamment rapidement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. J'ai mis ici un cercle rouge, juste pour montrer que, peu importe si on prend le scénario optimiste, modéré ou pessimiste pour la suite des choses, malheureusement, là, le climat... on est déjà pas mal engagé dans des changements climatiques jusqu'à l'horizon 2040-2050. Là, naturellement, pour ceux qui me connaissent...

La Présidente (Mme Nichols) : On ne voit pas vos scénarios, M. Bourque, on ne les voit pas à l'écran.

M. Bourque (Alain) : Ah, bien là, moi, je les voie.

La Présidente (Mme Nichols) : Vous avez parlé d'un petit cercle rouge.Vous, vous les voyez tantôt, OK. Puis, tantôt, on les voyait. Là, c'est parce que vous parlez du cercle rouge, puis là on ne voyait pas...

M. Bourque (Alain) : Ah, mais là, moi, je les vois, mais je... Bon, ça ne va pas bien.

La Présidente (Mme Nichols) : Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Bourque (Alain) : OK. Mais, en tout cas...

La Présidente (Mme Nichols) : Peut-être, continuez, puis on mettra la main sur le document.

M. Bourque (Alain) : J'espère que le graphique vous est assez clair dans la mesure où il y a des scénarios... un scénario bleu optimiste où on voit le climat qui s'est stabilisé.

La Présidente (Mme Nichols) : Ah, oui. Oui, on voit. Très bien. On

 voit, là.

M. Bourque (Alain) : D'accord. Versus un scénario rouge où les émissions ne se sont pas... ne se sont pas stabilisées.

Alors, prochaine slide, c'est simplement pour montrer... donc pour montrer que, face à ce défi de l'évolution du climat qui est en quelque part incertain parce qu'on ne sait pas si la planète va réussir à atteindre la carboneutralité ou pas, bien, c'est sûr que la stratégie à... à prendre, c'est une stratégie équilibrée entre la réduction des émissions de gaz à effet de serre et s'adapter à la partie du changement qui s'avère malheureusement incontournable.

Et... et donc j'espère que vous voyez ces animations-ci. Donc, je reviens avec les différents scénarios d'émission de gaz à effet de serre. Celui qui respecte l'accord de Paris, c'est le scénario... le scénario bleu. Par contre, ces scénarios d'émission de gaz à effet de serre là doivent être accompagnés aussi avec des... des stratégies d'adaptation au changement climatique pour apprendre à vivre avec cette réalité climatique là. Donc, on parle d'à peu près plus deux degrés Celsius à l'échelle de la planète, plus 1,5 à plus deux degrés Celsius. Ce qui se traduit, pour le Québec, vous allez voir un petit peu plus loin, à un doublement des... de l'ampleur des changements climatiques anticipés. Pour le Sud et pour le Nord, mais c'est souvent trois fois plus important comme type de changement en matière de changement de... de... de température. Donc, réduction des émissions de gaz à effet de serre et trajectoire d'adaptation.

Peut-être, si je peux rajouter par rapport aux... à ces différents scénarios du GIEC là, selon l'accord de Paris... Bien, en fait, les scénarios du GIEC ne font pas une simulation des émissions de gaz à effet de serre pour chaque petite région de la planète, ce qui est plutôt fait, c'est une simulation planétaire, parfois à l'échelle des pays. Et donc certaines des hypothèses qui sont avancées, qui sont recommandées, en fait, ce sont que les pays qui sont davantage développés et qui ont...

M. Bourque (Alain) : ...accès à des énergies davantage propres et renouvelables, devraient être donc les premiers à atteindre la carboneutralité puisque les pays qui eux ont moins accès à des ressources qui n'émettent pas de gaz à effet de serre, qui ont des enjeux de pauvreté, qui ont des plus grandes populations, bien, eux, on s'attend à ce que la carboneutralité soit atteint un peu plus tard, de façon à pouvoir respecter l'accord de Paris et donc réussir à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre. Donc, ça, c'est ce que je peux dire par rapport à... aux travaux du GIEC et aux émissions de... de gaz à effet de serre.

Donc, deux messages importants ici : les impacts des changements climatiques... s'aggraveront tant le... tant que la carboneutralité mondiale n'est pas atteinte, et le deuxième message, c'est que la réduction des émissions de gaz à effet de serre vise à stabiliser le climat en deuxième partie du XXIe siècle. Et l'adaptation vise à réduire ou à gérer les risques et les impacts qui sont liés aux changements climatiques, des impacts sont déjà en cours et d'autres qui vont s'accumuler à cause du momentum climatique.

Donc, les impacts. Plusieurs d'entre vous ont peut-être déjà vu les présentations, là, il y en a une panoplie d'impacts sur l'environnement naturel, la fragilisation des écosystèmes, des forêts qui deviennent plus vulnérables et plus à risque de feux de forêt ou d'épidémies de... de toutes sortes de maladies, des enjeux sur la santé et la sécurité des populations, notamment au travers des événements météorologiques extrêmes, ou des inondations, ou des enjeux côtiers, ou des canicules, des impacts sur des infrastructures qui ont été conçues dans bien des cas en lien avec des paramètres climatiques historiques qui ne sont plus représentatifs de... de l'évolution du climat futur et des impacts économiques, là, en lien avec la production d'énergie, Hydro-Québec produit quand même de l'électricité avec de l'eau, la production agricole et même les... les chaînes de valeur, là, où... où les les produits mondialisés peuvent être perturbés par des événements météorologiques extrêmes, des ouragans qui frappent d'autres régions. Même, en... en fait, l'inflation alimentaire, on le sait, elle est en partie due aux changements climatiques qui augmentent les coûts de production dans plusieurs régions du monde qui manquent de plus en plus d'eau.

Donc, je reviens...

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je vous remercie. Je suis désolée de vous interrompre, c'est superintéressant, cependant je suis la gardienne du temps.

J'avais deux petits points avant... un point avant de passer aux échanges avec les collègues. Je voulais savoir, le document que vous présentez, est-ce que vous acceptez qu'il soit distribué de... qu'il soit distribué aux collègues pour consultation?

M. Bourque (Alain) : Oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Nichols) : Parfait. Très bien. Merci. Et... Oui. Très bien. Merci. Alors, je cède la parole de... pour 16 minutes 30 secondes à M. le ministre pour le premier bloc d'échange.

M. Drainville : Merci beaucoup. M. Bourque, enchanté de vous revoir, même si c'est de façon virtuelle.

Bon. Vous le dites vous-même, là, vous avez pour mission d'aider la société québécoise à mieux s'adapter aux changements climatiques. Quel est le pourcentage des investissements qui devraient aller en adaptation par rapport au pourcentage qui devrait aller en réduction des GES? Est-ce que le temps est venu de rééquilibrer l'un par rapport à l'autre? Quelle est votre vision des choses là-dessus?

M. Bourque (Alain) : Ma... Ma vision des choses, c'est que... bien, en fait, ma vision des choses, c'est une question très difficile dans la mesure où, à mon avis, l'adaptation aux changements climatiques doit en quelque part être intégrée dans le fonctionnement normal des choses pour n'importe quelle organisation.

Puis là je donne un exemple concret en lien avec la météo historique. Historiquement, on s'est adaptés à... à l'évolution de la météo et du climat, etc., sans dépendre d'un fonds spécial qui était en lien avec l'adaptation à la météo, etc. Naturellement, ceci étant dit, quand on est en processus de changement puis qu'on veut générer des changements de façons de faire, là c'est une bonne idée d'avoir, par exemple, comme on a au Québec, ici, le FECC, qui permet de financer des actions pour faciliter le changement. Ceci étant dit, moi, dans ma tête, ce n'est pas... Ça commence à être un jeu un peu dangereux que de dire que la lutte aux changements climatiques est un montant fixe pour lequel il faut négocier à savoir combien on attribue à la réduction et combien en adaptation.

M. Drainville : Laissez-moi... Laissez-moi vous arrêter, là. J'ai un montant qui est récolté par le FECC annuellement, bon, en vertu du... de la Bourse du carbone. Ce montant-là, il existe. Et, par la suite...

M. Drainville : ...il faut en faire la répartition. Ce n'est pas théorique pour moi, là. Et donc il faut décider, à un moment donné, quelle est la part qu'on envoie dans telle mission, quelle est la part qu'on envoie dans telle autre mission. Il faut prendre des décisions, et...

M. Bourque (Alain) : Oui, bien, je pense que, si je peux vous dire, honnêtement, c'est bien connu, dans le domaine des changements climatiques, pas juste au Québec, partout dans le monde... c'est vrai que l'adaptation est souvent qualifiée du parent pauvre de la lutte aux changements climatiques.

M. Drainville : Oui, c'est ça, exact.

M. Bourque (Alain) : Donc, je pense qu'effectivement c'est certainement une bonne idée d'accroître les investissements en matière d'adaptation aux changements climatiques, d'autant plus que les impacts sont de plus en plus concrets pour les gens, donc c'est clair que ça peut être intéressant. Ceci étant dit, j'y reviens, je pense que l'un des objectifs et un des défis du CPEQ, c'est de s'assurer que l'ensemble des ministères, et même des municipalités, et même du secteur privé, que, le plus rapidement possible, ils intègrent dans leur fonctionnement courant la réalité des changements climatiques.

• (18 heures) •

M. Drainville : Oui, oui. Non, là-dessus, on s'entend, on s'entend, vous avez absolument raison. Il y a une chose, je pense, qu'on n'a pas peut-être suffisamment dit jusqu'à maintenant dans ces... dans cette consultation, c'est le fait que l'Accord de Paris, aussi imparfait soit-il, a quand même donné des résultats positifs, puis je pense que ça, c'est très important, une fois de temps en temps, de le rappeler, et le Programme des Nations unies pour l'environnement l'a fait il y a quelques jours de ça, en disant : Si on n'avait pas eu l'Accord de Paris, les modèles climatiques nous amenaient à un réchauffement de 4° d'ici la fin du siècle, alors que, grâce aux accords de Paris, on est davantage autour de 2,5° d'augmentation, ce qui est encore trop élevé, on s'entend là-dessus, là, mais on s'entend aussi que 2,5°, c'est mieux que 4°.

Et donc je pense que c'est important, si on veut garder notre population mobilisée, ici et ailleurs... je pense qu'une fois de temps en temps, il faut quand même rappeler que les gestes qui ont été posés, surtout, là, je dirais, au cours des 10 dernières années, ont quand même donné des résultats. C'est... c'est insuffisant, oui, mais c'est quand même notable et important, ce qu'on a réussi à faire comme planète, là. Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'on ne l'entend pas suffisamment.

Moi... moi, une de mes grandes inquiétudes, M. Bourque, c'est que les gens finissent par dire : Écoute, on a beau faire des efforts, ils passent leur temps à nous dire que, de toute façon, on va brûler. Ça fait qu'à un moment donné tu te dis : Bon, bien là, si on est pour brûler, on va arrêter de se forcer pis on va arrêter de faire des efforts. Moi, ça... j'ai une très grande inquiétude à ce niveau-là, moi. Et je pense qu'il faut aussi à un moment donné, oui, rappeler qu'on se dirige vers une... un réchauffement qui est trop important, mais ça aurait été bien pire si on n'avait rien fait, et ce bout-là, ça aurait été bien pire si on n'avait rien fait. Je pense qu'il faut le dire. Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Bourque (Alain) : Oui, bien, écoutez, je suis dans le domaine des changements climatiques depuis le milieu des années 90, j'ai participé... et je reviens de ma 12e COP et, effectivement, je vous confirme que les choses ont progressé, et donc, ça, c'est le bon côté de la nouvelle. Naturellement, je veux dire, les lois de la physique restent les lois de la physique, et, malheureusement, un changement à 2,5 °C ou à 3° à l'échelle planétaire, ça a des impacts vraiment très importants.

M. Drainville : Évidemment.

M. Bourque (Alain) : On est juste à 1,5° présentement, et puis c'est vraiment la pointe de l'iceberg, là, si je peux utiliser une anomalie... une image presque inappropriée, là, dans ce contexte-ci. Donc, oui, on a fait du progrès, puis... puis, en fait, même, pour être franc, au Québec, on en fait... bien, c'est sûr qu'on est... on a davantage d'hydroélectricité, etc.... on en fait plus qu'ailleurs à certains endroits. Mais... mais, malheureusement, scientifiquement parlant, il y a une très grosse différence entre passer de 1,5° à 2°, à 2,5° à 3°. Les impacts sont substantiellement différents.

M. Drainville : Est-ce que je peux vous demander quel est le chiffre que vous, vous utilisez? La courbe actuelle nous amène à combien?

M. Bourque (Alain) : Dans mes images, dans mes images, c'était le scénario du milieu, celui orangé, là. Donc, c'est lui qui est présentement... Si on accepte toutes les promesses que les pays ont faites à gauche et à droite, et les engagements, donc, on atteint le milieu du chemin. Naturellement, l'Accord de Paris, c'est qu'à chaque...

M. Drainville : On atteint... on atteint, donc, autour de 2,5°, c'est ça, d'ici 2100, hein?

M. Bourque (Alain) : Oui, exact, 2,5 °C. Pour le Québec, ça veut dire, pour le sud du Québec, à peu près 4°, 5°...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Bourque (Alain) : ...pour le nord du Québec, à peu près 5 à 7,5 degrés.

M. Drainville : Mais 2,5 c'est si les États respectent les engagements qu'ils ont faits, n'est-ce pas?

M. Bourque (Alain) : Tout à fait, exact.

M. Drainville : Et ça, c'est important. S'ils ne respectent pas les engagements qu'ils ont faits, on est sur une courbe de quoi? De 3 %?

M. Bourque (Alain) : Le... la ligne rouge de mon graphique, c'est-à-dire à peu près 3,5 à 4 degrés. La bonne... la seule bonne nouvelle qu'on a eue dernièrement, là, c'est que le scénario le plus pessimiste semble écarté.

M. Drainville : Lequel?

M. Bourque (Alain) : Celui... on appelle ça le scénario SSP 8.5, là, c'est du langage très technique, mais c'est celui qui nous amène à 4,5, 5 degrés Celsius. Lui il semble de moins en moins probable.

M. Drainville : Donc le scénario le plus catastrophique actuellement serait 4 % d'ici 2100, c'est bien ça?

M. Bourque (Alain) : Degré.

M. Drainville : Oui, 4... oui, excusez-moi, oui, bien sûr, 4 degrés. OK, OK. Combien de temps il me reste, madame...?

La Présidente (Mme Nichols) : 8 minutes, M. le ministre.

M. Drainville : Bon, parlez-nous un petit peu, parce que j'en ai... je l'ai évoqué plus tôt aujourd'hui, évidemment, il y a beaucoup de CO2 qui a été pompé dans l'atmosphère et là dans les, comment dire, dans les discussions, puis dans les stratégies qui sont envisagées pour l'avenir, il y a cette idée d'aspirer, dans le fond, du CO2 qui est déjà dans l'atmosphère. Donc, on a pris du retard, on ne diminue pas suffisamment rapidement, mais peut-être qu'on sera capable de développer des technologies qui vont nous permettre plus tôt que tard, on l'espère, de rattraper, si on peut dire, le temps perdu ou de rattraper les retards accumulés en allant chercher le CO2 qui est déjà dans l'atmosphère, puis en le stockant, en le séquestrant. Où est-ce qu'on en est là-dedans? Est-ce que c'est... est-ce qu'on est dans les lubies, dans les fantasmes de gens qui rêvent un peu en couleur ou qui essaient de se détourner en s'imaginant des scénarios qui ne sont peut-être pas réalistes? Ou est-ce que vous voyez, vous, à court terme, des technologies qui vont nous permettre justement d'aller chercher ce CO2, puis peut-être donc de revenir éventuellement sur une courbe de 1,5 ou de 2 d'ici 2100, tu sais? Vous me suivez?

M. Bourque (Alain) : Alors, oui, oui, je vous suis tout à fait. Naturellement, il faut que je fasse attention ici parce qu'on sort vraiment du champ de travail d'Ouranos qui est plus sur l'adaptation au climat qui change.

M. Drainville : Oui, mais vous êtes un esprit qui est très curieux, un esprit scientifique très curieux. Je suis certain que vous avez quand même une réflexion là-dessus, là.

M. Bourque (Alain) : Oui, c'est ça. Exact. J'ai tout à fait une réflexion. Premièrement, la démonstration, notamment la démonstration économique de la faisabilité de tout ça, est extrêmement éloignée et ça semble très peu probable que ça peut être une solution significative ou importante avant au moins 30, 40 ans si elle a lieu. Alors, il y a quand même un certain potentiel, mais ça semble être davantage sur des usages extrêmement spécifiques de potentiellement de... en lien avec les hydrocarbures ou, etc. Et donc ça, ça serait à la fin... à la fin du siècle. Le point, c'est que la communauté scientifique, présentement, notamment dans les rapports du GIEC, juge qu'elle ne voit pas cette possibilité-là comme une contribution très significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2100, d'autant plus que plus on attend, bien, plus le momentum climatique accélère et que si jamais ça fonctionne, bien, ça va être pour donner des retombées dans quelques décennies après et non pas plus tôt. D'où l'importance... en fait, je ferais une analogie amusante ici, en lien avec la magie des intérêts, là. C'est mieux d'agir le plus tôt possible dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour réussir à ralentir le momentum climatique.

M. Drainville : L'effet multiplicateur, là. Oui. Très bien. Ma collègue la députée d'Argenteuil, Mme la Présidente, a une question.

La Présidente (Mme Nichols) : Parfait, la parole à Mme la députée d'Argenteuil pour 4 minutes, 30 secondes.

Mme Grondin : Merci, Mme la Présidente. M. Bourque, toujours un plaisir d'échanger avec vous. Vous avez dit, parce qu'on vous a comme... pas forcé la main, mais en fait, adaptation...

Mme Grondin : ...versus réduction de gaz à effet de serre. Vous avez dit que c'était peut-être l'adaptation... ou les investissements, en matière d'adaptation, étaient peut-être un peu le parent pauvre. Effectivement, quand on regarde le pourcentage d'investissement, dans l'enveloppe qui est dédiée, là, le FECC, c'est 70-30 à peu près, là, 30 % d'adaptation. Vous nous expliquez que le scénario planétaire, dans le fond, de ce que je comprends, on évite le scénario le pire, mais... mais, de façon réaliste, c'est entre 2,5 et 4 degrés d'augmentation, qui est à peu près prévu. Ça, c'est à condition... Ça, c'est si tous les États ne font pas leur travail et ne réalisent pas leurs cibles. Puis là vous nous dites qu'au Québec, c'est encore plus impressionnant comme augmentation. Parce qu'évidemment, quand on donne une moyenne de 2,5 degrés, ou 3 degrés, ou 4 degrés au Québec, ça veut dire beaucoup plus, notamment dans le Nord-du-Québec. Si vous aviez à prioriser des mesures d'adaptation ou, en fait, des incontournables en matière d'adaptation, ce serait quoi?

• (18 h 10) •

M. Bourque (Alain) : En fait, compte tenu d'une certaine urgence à réduire l'ampleur des risques en lien avec les changements climatiques qui sont en cours, c'est sûr que l'une des priorités, nous, qu'on met de l'avant, c'est de développer des politiques publiques très structurantes qui tendent à réduire les risques à l'ensemble de... à l'échelle de l'ensemble de la province. Et, en fait, je vais donner un exemple qui s'est concrétisé. Suite aux inondations de 2017 et 2019, le gouvernement du Québec a décidé de revoir sa cartographie des zones inondables et de revoir la réglementation associée. Alors, il y a même eu un travail collaboratif avec les acteurs municipaux.

Alors, ça, c'est le type de politique publique qui permet de mettre à jour les risques en lien avec la météo, le climat et les changements climatiques, de l'insérer dans la législation de façon à ce qu'on cesse le plus possible de construire dans des zones à risque qui vont être de plus en plus problématiques dans le temps. Donc, on peut faire la même chose pour un paquet d'autres sujets en lien avec les infrastructures, conserver des écosystèmes naturels pour s'assurer que les écosystèmes et la biodiversité sera capable de faire face à cette transition climatique là qui va être très importante pour la faune et la flore du Québec. Il faut repenser, par exemple, à notre façon de gérer la forêt au Québec, de façon à ce qu'on puisse planter une panoplie d'espèces différentes, donc, diversifier les espèces pour la rendre moins vulnérable aux feux de forêt, même si les conditions climatiques ont tendance à favoriser l'occurrence de feux de forêt.

Donc, on peut réussir à contrecarrer les changements climatiques qui sont en cours grâce à des stratégies de plantation d'arbres, d'aménagement du territoire, de réaménagement des communautés côtières, de façon à ce qu'ils ne développent plus leur activité économique principale à moins de 500 mètres des zones côtières, mais plutôt à l'intérieur des terres où les risques sont beaucoup moins grands. Donc, il y a de tout... tout ce type de stratégies d'adaptation qui pourraient être davantage mises de l'avant. Naturellement, pour faire ça, bien, il faut parfois travailler avec des études de cas qui se font concrètement dans des municipalités, ou sur des bassins versants, ou avec des initiatives comme le corridor appalachien qui permet de favoriser le déplacement des espèces du Nord des États-Unis jusqu'au jusqu'au... jusqu'au jusqu'au Sud du Québec, et etc.

Donc il y a toute une panoplie d'activités qui permettent déjà d'avancer en adaptation, qui pourraient en faire davantage pour réduire les risques.

Mme Grondin : Est ce que vous pensez qu'actuellement...

La Présidente (Mme Nichols) : ...

Mme Grondin : C'est fini?

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, je m'excuse...

Mme Grondin : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : ...je m'excuse. Nous allons passer au second bloc, avec l'opposition officielle, pour une durée de 9 min 54 s. La parole est... Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce...

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci pour votre présentation. Je n'ai pas eu la chance de... Je sais maintenant, c'est sur le Greffier, mais je n'ai pas eu la chance. Donc, je vais y aller comme ça, en ayant écouté et pris des notes. La collègue, elle a parlé... elle a posé la question sur les incontournables en matière d'adaptation. Mais on comprend, selon les graphes puis tout ce qui a été présenté, qu'atténuer... atténuer et s'adapter, les deux font partie la lutte aux changements climatiques. Mais on comprend qu'au niveau des coûts des investissements, l'atténuation...

Mme McGraw : ...c'est plus porteur, c'est plus payant, c'est plus efficace. Donc, quels sont les incontournables en matière d'atténuation et de prévention?

M. Bourque (Alain) : Là, juste pour comprendre, parce que dans notre domaine, il y a un gros défi de terminologie parfois. Donc, atténuation, vous voulez-dire réduction des émissions de gaz...

Mme McGraw : Prévention. Réduction. Bien, réduction... il y a plein d'enjeux. Donc, quelles seraient les priorités, en ordre prioritaire, pour prévenir les pires conséquences des changements climatiques? Et juste, parenthèse, je pense que le ministre, il a parlé de 2.5°C, mais on comprend que l'Accord de Paris, c'était 1.5 °C, que c'était bien en dessous de 2°C et si possible 1.5°C. Mais on comprend que le secrétaire général vient d'annoncer avec les scientifiques que le 1.5°C global, on comprend que pour le Québec, ça va être pire que ça, on a déjà effectivement dépassé, donc, on revient à l'atténuation des pires conséquences. Quelles sont les priorités pour atténuer les pires conséquences des changements climatiques?

M. Bourque (Alain) : Bon, là, juste pour une question de clarification, présentement, les scientifiques ne font pas de prévisions fermes sur ce qui va se passer, ce que les scientifiques font, c'est les scénarios que vous avez vus tout à l'heure. Ça veut dire que les solutions peuvent être... la réponse peut être 1.5°C, presque 1.5°C. On atteint l'Accord de Paris dans le scénario le plus optimiste, ou on s'en va vers le scénario un peu plus pessimiste. Donc, les scientifiques ne se prononcent pas sur lequel de ces scénarios-là va être... en fait, les scientifiques ont plutôt espoir que l'Accord de Paris va être respecté et qu'on va être sous 2°C. Donc, c'est ça qui est important.

Donc, la réduction des émissions de gaz à effet de serre reste tout à fait importante et déterminante, parce que même si on ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre, à un moment donné, il y a des limites à l'adaptation. On ne pourra pas s'adapter à 4°C mondial. Les changements vont être trop importants. Donc, oui, il faut un équilibre entre la réduction et l'adaptation. C'est le message le plus important de la science. La réduction des émissions de gaz à effet de serre nous permet d'éviter les scénarios un peu plus catastrophiques, si je peux me permettre le mot que je n'aime pas utiliser, là, parce que ce n'est pas tout à fait scientifique, mais donc, la réduction des émissions de gaz à effet de serre nous évite des 3°C ou des 4°C. L'adaptation nous permet d'apprendre à vivre avec le restant, donc ça demeure gérable. Ce n'est pas des changements trop importants.

Et là, c'est sûr que toutes les initiatives comme le Code national du bâtiment du Québec, il doit être mis à jour pour intégrer les changements climatiques là-dedans, l'aménagement du territoire pour éviter les zones à risque, ce sont des enjeux qui sont prioritaires. La bonne gestion des événements météorologiques extrêmes et non pas devenir bons à répondre aux urgences, devenir bon à les éviter, les urgences. Donc, ça veut dire par exemple, repenser l'aménagement de nos forêts de façon à ce qu'elles soient moins à risque de passer au feu à cause de conditions climatiques qui sont... qui sont de plus en plus problématiques à tenter de travailler sur les économies d'eau sur le sud du Québec. On a vu encore une fois au cours de l'été dernier, une chance qu'on a eu un début d'été assez mouillé parce que ça aurait été quoi vers les mois d'août, septembre, octobre, où on commence à de plus en plus puiser de l'eau dans les sources souterraines? Alors, tout ça est en lien avec l'impact assez concret de la météo, du climat et des changements climatiques qui se produit parfois de façon très évidente, parfois de façon assez subtile.

Mme McGraw : Merci. Donc, juste pour revenir à l'Accord de Paris, puis vous avez très bien corrigé, c'est vraiment le secrétaire général, qui n'est pas un scientifique de l'ONU, qui a dit effectivement, que le 1.5°C c'est effectivement dépassé, mais il faut mettre les meilleurs efforts, les moyens, les ressources. Donc, au niveau des moyens et ressources, la mise à jour économique aujourd'hui, qui effectivement, ça prend le surplus du Fonds vert, du FEC, et on le met pour effectivement, contrer le déficit caquiste. Comment est-ce que vous réagissez à cette décision du gouvernement?

M. Bourque (Alain) : Bien, vous savez... vous savez, moi, je suis un scientifique. On est là pour aviser, pour donner des informations scientifiques pour aider les décideurs à prendre des décisions. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut investir en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre en matière d'adaptation aux changements climatiques. Alors, ceci étant dit, je veux dire, moi-même, même si je suis scientifique du climat, je reconnais que, je veux dire, les décideurs peuvent prendre des décisions pour une multitude de raisons. Naturellement, ce n'est pas ce que la science des changements climatiques dit. La science des changements climatiques dit qu'il faut investir le plus possible à la fois sur la réduction et à la fois sur l'adaptation.

Mme McGraw : Mais je pense que la question du ministre, qui était très pertinente, pourcentage, adaptation, atténuation, si je comprends bien, vous avez dit, vous avez bien dit : À un moment donné, on ne peut plus s'adapter, à un certain moment, on est au-delà de l'adaptation. Donc, encore une fois, on revient à la prévention qui est... qui est plus payant. Au niveau de la réputation du Québec. On est...

Mme McGraw : ...perçu comme chef de file. On a apposé le Québec, tous les gouvernements confondus. Il y a un consensus. On a mis en place, le Québec, des politiques publiques structurantes, le SPEDE, l'hydroélectricité, ça, ça fait consensus. Quel message enverrait... parce qu'on parle de cibles comme un signal stratégique. Quel message cela enverrait si le Québec recule sur ses cibles à l'international?

M. Bourque (Alain) : Bien, naturellement, ce n'est pas une question très, très scientifique, tout ça, mais...

Mme McGraw : Non, mais vous êtes participant à la COP.

M. Bourque (Alain) : Oui, c'est ça.

Mme McGraw : Donc, j'aimerais avoir votre...

• (18 h 20) •

M. Bourque (Alain) : Oui. Bien, en fait, peut-être que ce que ça illustrait, c'est qu'effectivement tout à l'heure, on parlait des scénarios mitoyens, là, qui seraient le plus probable. Bien, ces scénarios-là ont été établis à la lumière des promesses que les gouvernements ont faites. Donc, c'est clair qu'à partir du moment où les gens ajustent leurs promesses, bien, à quelque part, il va falloir ajuster les scénarios. C'est assez évident, là, je pense. Donc, ce que ça fait...

Mme McGraw : Est-ce que vous pensez que le Québec demeurerait... par exemple, le coprésident du BOGA, Beyond Oil & Gas, est-ce que le Québec... est-ce qu'il garderait cette réputation de chef de file en matière de changements climatiques, avec un recul?

M. Bourque (Alain) : Je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus. Je n'en ai aucune idée, pour être franc.

Mme McGraw : Est-ce que vous avez... Bien, je pense que ma collègue a une question. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter avant que je passe la parole à ma collègue de Mille-Îles?

M. Bourque (Alain) : Bien, la seule chose que je voudrais rajouter, c'est que c'est bien triste que je ne me suis pas rendu à mes deux autres slides qui manquaient dans ma présentation parce que je présentais notamment le coût de l'inaction, donc pour montrer qu'en 2024, hein, 9,2 milliards de dommages au Canada en pertes assurables qui ont été réalisées. Les chutes du produit intérieur brut canadien et québécois qui peuvent se produire à l'horizon de 2055 sont quand même assez substantielles. Donc, je veux juste rappeler à tout le monde que les conséquences des changements climatiques sont environnementales, sont sociales, sont aussi économiques, et donc je vous invite à regarder certaines des slides et des références qui ont été incluses dans la présentation qu'on a préparée.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, Mme la députée des Mille-Îles.

Mme Dufour : Oui, merci beaucoup. M. Bourque, ce n'est pas la première fois qu'on se voit. Juste... je veux juste clarifie quelque chose. J'ai déjà pas mal la réponse, mais pour que tous ceux qui nous écoutent l'entendent. Quand on parle d'un... le scénario du pire, mondial, à 4 degrés d'augmentation d'ici 2100, 4 degrés non pas 4 %, au Québec, là, ça représenterait quoi, un 4 degrés?

M. Bourque (Alain) : Alors, à la blague, je dirais, vous pouvez aller sur le site Web d'Ouranos et aller cliquer sur votre petite ville favorite pour avoir des scénarios assez précis. Mais, dans les faits, des ordres de grandeur, ça donne à peu près des changements de 6 à 8 degrés Celsius de plus pour l'extrême sud du Québec et fois trois, donc à peu près 9 à 12 degrés Celsius de changements climatiques. Ça, c'est à l'horizon 2100. C'est quand même assez loin, là, mais c'est... donc c'est ça. Mais le plus inquiétant avec les scénarios les plus pessimistes, c'est qu'on n'aurait toujours pas atteint la carboneutralité à l'horizon 2100, et donc ça, ça veut dire que ça se poursuivrait dans le siècle qui suivrait, là. Ça, ça serait vraiment problématique.

Mme Dufour : Puis, en terminant, 12 degrés de plus dans le Nord, ça représenterait l'équivalent de vivre dans quelle ville?

M. Bourque (Alain) : Bien, c'est intéressant ce que vous dites...

Mme Dufour : Le Texas?

M. Bourque (Alain) : Non, non, non. Non, parce que les hivers sont très, très, très froids dans le Grand Nord. Donc, si vous ajoutez 12 degrés à la moyenne, ça resterait encore sous zéro, mais ce serait probablement un hiver de, je ne sais pas, moi, Chibougamau ou peut-être le Lac-Saint-Jean.

Mme Dufour : Oui, mais l'été?

M. Bourque (Alain) : Bien, l'été, l'été sur le sud du Québec... En fait, moi, pour être franc, là, le risque d'avoir un 40 degrés Celsius à Montréal, il est imminent, là. Un bon jour, Montréal va vivre une canicule comme il y a eu en Europe en 2003, avec plusieurs jours consécutifs, avec des 37, 38, 40 degrés Celsius. C'est imminent, là. Ça va arriver, là, c'est clair.

Mme Dufour : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Je cède la parole au député de Taschereau.

M. Grandmont : Oui. Merci, M. Bourque, pour votre présentation. Hâte de voir votre présentation, dont les slides qu'il manquait, là, sur les coûts d'inaction, j'avais des questions là-dessus.

Ma première question rapide : Est-ce que oui ou non vous endossez, approuvez le mémoire qui a été présenté par le Comité consultatif sur les changements climatiques?

M. Bourque (Alain) : Bien oui, effectivement, je suis membre du comité consultatif et, oui, c'était un super travail collectif des différents membres du comité consultatif, dont on est bien fiers...

M. Bourque (Alain) : ...on est bien fiers. D'ailleurs, pendant la COP, j'ai eu l'occasion de rencontrer des membres des comités consultatifs, le Haut conseil pour le climat en France, en Angleterre, le UK Climate. Et donc on pense aussi échanger entre différents comités parce qu'on pense que les comités de genre là jouent un rôle extrêmement intéressant pour l'interface entre la science et les politiques publiques.

M. Grandmont : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Deuxième question, on a parlé avec... Vous avez parlé avec M. le ministre, là, d'adaptation du ratio d'investissement qu'on devait mettre soit dans l'adaptation ou dans la lutte à la réduction aux changements climatiques. Est-ce qu'on... est-ce qu'il y a des calculs qui sont faits sur les coûts de l'adaptation selon différents scénarios pour le Québec à 1,5, 2,5, 3,5 degrés, par exemple?

M. Bourque (Alain) : Bien, c'est tellement... l'adaptation et les impacts des changements climatiques ont tellement de... de ramifications dans tous les secteurs économiques, primaire, secondaire, tertiaire, etc., que c'est assez difficile d'avoir des évaluations de coûts complètes. La plus complète qu'il y a, c'est celle réalisée par l'Institut climatique du Canada, pour laquelle d'ailleurs, dans une des slides manquantes, il y a pas mal de chiffres. Et en gros, ce qu'on dit, c'est qu'investir... chaque 1 $ investi dans une bonne solution d'adaptation permet de sauver et de même générer des revenus jusqu'à la hauteur de 13 $ à 15 $. Donc, investir en adaptation, c'est extrêmement intéressant.

Ceci étant dit, l'étude dit aussi que d'investir en réduction des émissions de gaz à effet de serre, c'est aussi extrêmement payant, surtout parce qu'on évite les scénarios les plus catastrophiques, qui, eux, vont être inévitablement extrêmement coûteux. Il y avait une étude qui avait été faite par M. Stern, Lord Stern, il y a à peu près 15 ans, qui avait regroupé une... une équipe d'économistes, de 30 économistes pendant trois ans, et il avait fait une... une étude exhaustive pour l'ensemble de la planète. Et la conclusion, c'était qu'il fallait en gros atteindre des objectifs similaires à l'Accord de Paris. Alors, à cette époque-là, il n'y avait pas l'accord de Paris, donc il fallait réduire les émissions de gaz à effet de serre pour reprendre le contrôle du climat et s'adapter à la portion résiduelle. Et c'était là cette stratégie-là qui était le meilleur coût-bénéfice.

M. Grandmont : Merci. Je vous pose une dernière question. Le ministre plaide pour une cible réaliste. Qu'est-ce qu'une cible de réduction réaliste selon vous?

M. Bourque (Alain) : Pour moi, une cible de... réaliste, c'est une cible établie par la science.

M. Grandmont : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Bourque, toujours passionnant de vous entendre. J'aimerais poser une question sur les coûts de l'inaction. Vous parlez de l'inaction, mais qu'en est-il des coûts des actions mitigées? Parce qu'évidemment, dire : L'inaction c'est une chose, mais qu'en est-il de ralentir les actions déjà déjà prévues pour investir davantage dans l'adaptation? Est-ce que... est-ce que c'est une bonne stratégie, essentiellement, de réduire les actions, de ralentir? Est-ce que ça, ça se calcule? Est-ce qu'il y a un point de bascule? J'ai de multiples questions là-dessus.

M. Bourque (Alain) : Il y a déjà eu des études à l'international pour tenter de déterminer s'il y avait un équilibre à avoir entre réduction et adaptation. Mais ça n'a jamais été... Ça a demeuré un débat extrêmement théorique, souvent parce que les chiffres ne sont pas disponibles, parce que les contextes sont tellement différents d'une région à l'autre et parce qu'au final la vraie réponse, c'est encore une fois : il ne faut pas s'imaginer qu'on a une somme finie pour lutter contre les changements climatiques, mais qu'il faut plutôt intégrer la lutte aux changements climatiques dans le fonctionnement normal des choses.

Je vous donne un exemple, le vieillissement de la population. On n'a pas créé de fonds pour le vieillissement de la population pour ensuite demander de financer un hôpital dans tel coin du Québec parce que le vieillissement de la population sévissait de façon plus importante dans un endroit que dans un autre endroit. On a plutôt dit au ministère de la Santé : Bien, faites la job, livrer des hôpitaux là où il faut, etc. Et donc on sort de cette notion qu'on a... qu'on a une somme finie.

Ceci étant dit, je reconnais qu'il y a un fait qu'il y a un financement, qui est une super opportunité pour le Québec pour créer du changement. Donc, il faut utiliser ces financements-là de façon stratégique pour s'assurer que les missions des ministères...

M. Bourque (Alain) : ...les missions des ministères soient ajustées pour qu'à l'avenir on intègre systématiquement les changements climatiques dans les façons de faire. Donc, moi, c'est ça, mon message.

M. Arseneau : Mais vous avez justement trois... trois messages clés, là, dans votre présentation. Le dernier, c'est : Le Québec est bien positionné, outillé pour atteindre la carboneutralité rapidement. Pour vous, c'est quoi, rapidement?

• (18 h 30) •

M. Bourque (Alain) : Bien, rapidement, c'est assez... la communauté scientifique le dit quand même assez bien, c'est... Dans le rapport du GIEC, c'était 2050 pour les pays développés et notamment pour les régions du monde qui ont, par exemple, beaucoup d'hydroélectricité, etc. L'agence d'énergie internationale avait ajusté son chiffre pour dire 2045 parce que, malheureusement, au cours des dernières années, le monde n'a pas fait ce qu'il fallait faire pour tenter d'atteindre la carboneutralité et donc ça a fait en sorte qu'on a eu tendance à vouloir rapprocher l'atteinte de la carboneutralité à 2045. Puis donc, clairement, ça me semble assez évident que le Québec fait partie des régions du monde qui sont à la fois plus développées que la majorité de la planète et qui ont davantage de ressources à sa disposition pour pouvoir atteindre cette carboneutralité-là plus rapidement.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Bourque, pour votre contribution à nos travaux.

Et, compte tenu de l'heure, chers collègues, la commission ajourne ses travaux au mercredi 26 novembre 2025, à 8 h 30, où nous allons nous réunir pour une séance de travail. Merci, M. Bourque.

(Fin de la séance à 18 h 31)


 
 

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