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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le mercredi 18 novembre 1970 - Vol. 10 N° 35

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 38 - Loi concernant l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Bill 38 — Loi concernant l'industrie de la construction

Séance du mercredi 18 novembre 1970

(Dix heures et trente-neuf minutes)

M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! Je déclare la séance ouverte.

M. LEVESQUE M. le Président, avec la permission et le consentement des autres membres de la commission, puis-je suggérer le remplacement des noms de MM. Laporte et Springate par ceux de MM. Gérard D. Lévesque et Paul Lafrance?

M. PAUL: Dans la même veine, M. le Président, puis-je demander le remplacement de M. Croisetière par M. Tremblay de Chicoutimi? Sans reconnaissance aucune.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un botté de placement.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas nécessairement un bon placement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président ne doit pas avoir d'opinion.

M. LACROIX: II a une bonne moyenne, mais il en manque...

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que je puis faire une autre demande concernant M. Cournoyer? A la dernière séance, on a accepté, de bonne grâce, qu'il puisse participer aux délibérations de la commission.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement de l'Union Nationale accepte que son collègue parle...

M. PAUL: D'ailleurs, c'est tellement enrichissant pour vous.

M. DEMERS: Cela ne nous appauvrit pas.

M. LEVESQUE: Je dois donc présumer que ma demande est agréée.

M. DEMERS: Présumez.

M. BURNS: J'accepte, vu la faiblesse du gouvernement.

M. LEVESQUE: Toujours gentil.

M. LE PRESIDENT: A quelle délicatesse doit-on s'attendre de la part du Ralliement créditiste?

Parité salariale

M. BURNS: M. le Président, avant qu'on donne la parole à d'autres parties, étant donné que nous n'avons pas souvent la chance de poser des questions au ministre, il y en a une qui concerne cette commission que j'aimerais bien lui poser actuellement. C'est relativement à son interview au programme "Le fond des choses", du moins quant à la façon dont cela a été rapporté dans la Presse du 14 novembre.

Personnellement, j'ai eu l'impression que le ministre avait pris position contre la parité salariale à ce moment, et je cite l'extrait de la Presse: "Je suis plus préoccupé à assurer du travail à tout le monde qu'à donner de gros salaires par convention collective à des gens qui seront peut-être privés d'emploi par cette augmentation". C'était précédé d'un texte qui disait — sans qu'on cite les paroles du ministre — :"Sauf sa durée, le ministre a cependant indiqué qu'il est peu probable qu'il accorde la parité salariale demandée par la CSN."

Remarquez, M. Laberge, ce n'est pas moi; je cite la Presse; je sais que la FTQ est également intéressée à avoir la parité salariale.

Maintenant, je me pose sérieusement des questions là-dessus. J'aimerais bien que le ministre nous dise de quoi il s'agit exactement parce qu'il nous reste au moins une partie à entendre, c'est-à-dire la FTQ. C'est à se demander si le problème n'est pas du tout cuit actuellement et s'il ne faudrait pas dire à la FTQ: Laissez faire, le problème est décidé, quoique vous veniez nous dire ici, cela va être réglé par le cabinet des ministres de telle et telle façon. Est-ce que le ministre pourrait nous donner ses commentaires là-dessus?

M. COURNOYER: Disons que je peux d'abord vous inviter à regarder "le Fond des choses", dimanche après-midi.

M. BURNS: Est-ce le dimanche qui vient? M. COURNOYER: C'est dimanche prochain.

M. DEMERS: Vous n'avez pas encore fait l'émission de "Monsieur est au courant".

M. LABERGE: Avant la messe!

M. COURNOYER: Bien, c'est-à-dire qu'effectivement la Presse...

M. DEMERS: C'est la Presse qui a préparé l'émission?

M. COURNOYER: Non. C'est un journaliste de la Presse qui m'interrogeait au "Fond des choses" pour un programme de dimanche prochain.

M. DEMERS: Ah bon!

M. COURNOYER: Et, j'ai écouté de nouveau le programme hier en fonction de l'article de la Presse. Je ne discute pas de la validité des commentaires que M. Vennat a faits. Je n'aime pas commencer à dire: J'ai été mal cité. Ce n'est pas mon intention, mais je pense qu'étant donné qu'il s'agit d'un enregistrement et que ce que j'ai dit est là, ce n'est pas une question d'interprétation, je peux vous inviter à regarder l'émission et découvrir là que l'interrogation que se pose le ministre aujourd'hui est sur les effets de la parité salariale. Si on déduit que j'ai décidé de ne pas accorder la parité salariale, c'est une déduction. Remarquez que, quant aux effets de la parité salariale, pour moi, l'une des préoccupations que j'ai et que j'ai énoncée, c'est de savoir si cela aura comme effet de causer du chômage, ou de donner le bon salaire à des gens et de rester dans la cour. Si une personne interprète cette interrogation comme étant une décision de ne pas donner la parité salariale, alors que la commission parlementaire est encore en session, et qu'il y a encore une partie à entendre sur ce problème particulier, cela reste une déduction. Mais, je ne peux pas du tout nier, m'interroger sur le point particulier qui est indiqué dans le rapport de la Presse. Mais, la décision n'est pas prise.

M. BURNS: Je prends la parole du ministre là-dessus. Il n'y a aucune espèce de doute. S'il nous dit qu'il ne s'est pas prononcé pour ou contre la parité salariale, cela me satisfait. Mais je pense qu'il fallait faire cette mise au point là au départ pour que les parties sachent bien que nous ne sommes pas actuellement engagés dans des séances inutiles parce que tout le problème serait réglé au préalable.

M. COURNOYER: D'accord!

M. BURNS: Je voulais me rassurer à ce sujet.

M. COURNOYER: A l'écoute de l'interview vous allez découvrir que ce n'est pas si clair que ça.

M. BURNS: Si je comprends bien, le ministre n'a pas pris position pour ou contre la parité salariale et le problème est encore clairement sur la table.

M. COURNOYER: Très clairement sur la table, au complet. Les positions du ministère ou du ministre seront incluses là-dedans lors de la présentation du décret lui-même. Je me propose de faire les déclarations sur le principe de la parité salariale et sur la façon de la réaliser. Mais jusqu'à un certain point, ce ne sont pas des déductions. Je ne suis pas mal cité, mais on tire une conclusion.

M. LE PRESIDENT: Je comprends que le député de Maisonneuve est satisfait de la disparité verbale du ministre.

M. BURNS: Cela me satisfait quant à la déclaration du ministre. Je ne suis pas satisfait encore du résultat. J'ai hâte de voir avant. Là, je pourrai vous dire si je suis satisfait ou non.

M. DEMERS: II est difficile de satisfaire...

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai pris connaissance, moi, de l'article du journal auquel on a fait allusion et des renseignements qu'a bien voulu nous donner le témoin (ministre du Travail). Est-ce qu'on peut en conclure en principe que le gouvernement n'est pas contre la parité salariale, indépendamment des dispositions qu'il aura à prendre, qu'il va prendre seul, puisqu'à toutes fins utiles, c'est lui qui va prendre les décisions à la lumière de nos brillantes observations — je le veux bien, je doute fort qu'il en tienne compte du reste — mais est-ce qu'on peut dire en principe que le ministre n'est pas contre la parité salariale?

M. COURNOYER: Vous parlez du ministre ou du gouvernement?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle du gouvernement, parce que le ministre c'est le gouvernement.

M. COURNOYER: Ah oui, bon!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En espèce, c'est l'occurrence, il siège à cette commission du Travail, ce n'est quand même pas le ministre de la Voirie qui va régler ça.

M. COURNOYER: Je serais très mal vu de dire que je suis pour la parité salariale ou contre la parité salariale, étant donné que les auditions de cette commission ne sont pas encore terminées. Je serais aussi mal vu dans un sens que dans l'autre. Si je m'interroge sur la parité salariale quant à ses effets, c'est un privilège que j'ai et que vous avez sans doute M. Tremblay. Doit-on dire M. Tremblay en commission parlementaire ou le député de Chicoutimi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On dit M. le député.

M. COURNOYER: M. le député.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. DEMERS: On en a encore pour longtemps?

M. COURNOYER: Apparemment c'est pour longtemps.

Je ne peux pas dire et je répète que je ne peux pas — je me place pas dans une mauvaise situation — déclarer quelle est ma politique salariale tant et aussi longtemps que je n'aurai pas entendu toutes les parties. C'est vrai dans les deux sens.

M. DEMERS: II ne vous en reste qu'une à entendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le ministre, on peut conclure qu'à la suite des auditions de la commission — quand nous aurons entendu, tout à l'heure, les représentants de la FTQ — vous aurez une idée suffisante qui nous permettra d'entendre de vous une opinion sur cette question importante de la parité salariale puisque, de toute façon, c'est vous, c'est-à-dire le gouvernement dont vous faites partie qui prendra la décision.

M. COURNOYER: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons donc de fortes raisons de croire que vous êtes en principe pour la parité salariale.

M. COURNOYER: Vous avez de fortes raisons de croire que je suis en principe pour la parité salariale.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Merci. J'en prends acte.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Pour accepter avec d'autant plus de plaisir ce rétablissement des faits si, effectivement, le ministre s'était prononcé contre la parité salariale, il aurait fallu mettre sa déclaration en parallèle avec la déclaration de l'ancien ministre du Travail qui, le 8 juillet, à l'Assemblée nationale, se prononçait pour le principe de la parité salariale. Cela aurait été un changement de direction difficilement compréhensible dans un si court espace de temps de la part du gouvernement.

M. DEMERS: La parité veut dire un changement de gouvernement?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pour enchaîner avec la question du député de Bourget, le ministre du Travail endosse la déclaration qui avait été faite antérieurement par son prédécesseur sur la parité salariale. Ce ministre avait, en somme, admis que le gouvernement acceptait le principe de la parité salariale, parce qu'à ce moment-là tout était cuit. Est-ce que le ministre veut rebrasser les oeufs pour...

M. COURNOYER: Non, je ne rebrasse absolument rien. Etant donné qu'on a entendu cinq ou six parties, j'étudie présentement les effets de la parité salariale. C'est normal que je le fasse. Mais il y a encore une partie à entendre et je déclarerai la politique du gouvernement lorsque le gouvernement aura pris une décision sur cette politique, suite aux suggestions que j'aurai faites au gouvernement. Je ferai ces suggestions au gouvernement à l'intérieur des délais qui sont inscrits dans le bill 38 et c'est dans les 30 jours qui suivent la fin des auditions de cette commission, lorsque le président ou la commission aura décidé que les auditions sont terminées. J'ai 30 jours pour passer un décret, donc 30 jours pour suggérer au gouvernement les positions que le ministère du Travail et moi-même comme ministre nous entendons prendre. Quant à tous les problèmes qui sont inscrits à l'ordre du jour, ils ont maintenant été discutés par six parties, et l'un de ces problèmes comporte une décision sur la parité salariale.

M. DEMERS: Vous avez 30 jours pour vous questionner.

M. COURNOYER: II me reste encore moins de 30 jours pour me questionner.

M. DEMERS: Oui, parce que, la veille...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que le député de Chicoutimi a terminé?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en ai terminé pour l'instant parce que j'ai compris que le ministre était en principe pour la parité salariale, comme il l'a dit dans une intervention antérieure.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Sur le même sujet?

M. BURNS: Sur le même sujet, justement, relativement aux 30 jours, je reviens encore une fois à cette émission, à cette avant-première, "le Fond des choses". J'ai cru comprendre également que le ministre avait l'intention de terminer les travaux de la commission sur ce problème-là, ce matin. Je me réfère, encore une fois... Le ministre a déclaré qu'à l'issue des travaux de la commission parlementaire du Travail qui doivent normalement se terminer la semaine prochaine, donc cette semaine...

M. COURNOYER: Normalement.

M. BURNS: Est-ce que je dois comprendre que c'est ce matin que le ministre a décidé de terminer les travaux, ou bien si la FTQ, par exemple, n'a pas terminé l'exposé de son problème devant nous, nous aurons d'autres séances?

M. COURNOYER: On a clairement indiqué au cours de la même interview que c'était la commission parlementaire et les parties qui décidaient quand terminer les séances. Je m'attendais normalement, étant donné qu'il ne reste qu'une partie à entendre, que les travaux finissent cette semaine. Mais si les parties ont quelque chose à dire jusqu'à la semaine prochaine, même jusqu'à l'année prochaine, ce n'est pas moi qui vais les empêcher de parler. Je ne suis qu'un invité de cette commission, même un témoin de cette commission.

M. PAUL: Vous n'avez pas dit péremptoirement cette semaine?

M. COURNOYER: Pas du tout.

M. BURNS: C'est un autre point que je voulais préciser, M. le Président, pour que la FTQ ne se sente pas obligée de terminer ce matin.

M. COURNOYER: Mais je tiens à vous dire que le ministre du Travail aimerait bien passer le décret avant Noël, compte tenu des délais qui ont déjà eu cours. Comme la commission parlementaire ne s'est pas réunie au cours des quinze derniers jours, il est clair que, pour moi, comme ministre du Travail, j'entendrais, avec la permission de la commission, étant donné que c'est elle-même qui décide quand terminer ses travaux, passer mon décret avant Noël.

M. RUSSELL: Que ce soit un voeu ou un désir, ce serait sûrement un cadeau de Noël.

M. COURNOYER: Ce n'est pas nécessairement un cadeau de Noël. C'est une décision que je dois prendre une fois pour toutes. Cela fait assez longtemps que ça dure. C'est tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voulez procéder plus rapidement que vous ne l'avez fait dans le cas du document dont vous avez retardé l'application et dont vous nous avez parlé l'autre semaine?

M. COURNOYER: Je veux procéder le plus rapidement possible, dans les circonstances, compte tenu des auditions que vous faites. Si vous en faites jusqu'après Noël, vous en ferez jusqu'après Noël. Ce n'est pas...

M. DEMERS: Est-ce qu'on pourrait commencer par...

M. LE PRESIDENT: Ces clarifications étant faites, je crois qu'il serait opportun d'inviter la FTQ, ou la dernière partie à l'audition et non la moindre évidemment, à nous faire ses représentations.

M. DEMERS: Cela n'éclaircit pas beaucoup, mais...

M. LABERGE: M. le Président, si je comprends bien, ce n'est pas tout à fait inutile que nous fassions notre représentation.

M. LE PRESIDENT: Ah! non, c'est même très utile.

M. DEMERS: Tout dépend de la vôtre.

M. LABERGE: J'ai dit: Pas tout à fait. Si vous le permettez, M. le Président, nous allons commencer par André Desjardins qui est le directeur du Conseil provincial des métiers de la construction.

Métiers de la construction

M. DESJARDINS: M. le Président, MM. les députés, la FTQ va essayer de représenter les travailleurs de la construction sur le côté pratique. Comme les parties patronales et la partie syndicale CSN ont déjà essayé de définir les mots "coefficient économique" et comme deux économistes de chaque côté ont donné leurs idées, cela nous fait penser un peu à deux avocats — un qui est du côté de la couronne et l'autre qui est pour l'accusé — toujours les mêmes capacités, par contre pas payés par le même côté. Ce sont deux cotés qui disent la même chose, mais qui ne s'entendent pas.

Nous, pour essayer d'expliquer la parité salariale, nous allons essayer de vous donner, comme je vous l'ai dit, le côté pratique. Et nous essayons aussi de nous garder dans la ligne de l'unifamilial parce qu'il nous a semblé que la partie patronale a essayé de garder l'exposé de Me Lefebvre en ce qui concerne la parité salariale, du côté du consommateur. Nous pourrions parler des grosses constructions qu'il y a eues à travers la province: ce fait pourrait vouloir dire que la parité salariale a déjà été appliquée dans ce genre de chantiers. Il y a une chose cependant, qui a été oubliée par tout le monde, c'est la productivité. Dans toute augmentation de salaires, le danger pour l'économie d'un pays est le suivant: Est-ce que la productivité a augmenté?

La productivité veut dire beaucoup de choses: des nouveaux matériaux, l'outillage, et les travailleurs. Auparavant, lorsqu'on disait que 37.5 p. c. de la pondération était nécessaire pour bâtir un bungalow quant au coût de la main-d'oeuvre et que parfois à la campagne, était de 40 p. c. — ce qu'on appelle la campagne, c'est en dehors de Montréal — est-ce que c'est toujours la même chose?

Pour vous donner une idée, je suis encore allé, lundi dernier, passer la journée complète sur des chantiers de bungalows. Alors, laissez-moi vous dire franchement que ce que je vais vous expliquer ce matin, ce n'est pas quelque chose que j'ai vu il y a dix ans, mais que j'ai vécu lundi dernier.

Je vais commencer, si vous me donnez le temps, de bâtir un bungalow entre nous et vous

expliquer si oui ou non la parité salariale s'applique partout dans la province.

Auparavant, lorsque vous dites 40 p. c. du prix coûtant pour la main-d'oeuvre, cela veut dire, pour un bungalow de $12,000, environ $4,800 pour la main-d'oeuvre. $4,800 pour la main-d'oeuvre à $4 en moyenne, en province, cela donne environ 1,200 heures. Est-ce que, maintenant, pour bâtir un bungalow, cela prend 1,200 heures?

Auparavant, pour bâtir les formes, planche par planche, cela prenait environ trois jours. Maintenant, c'est tout fait par panneaux. Combien cela prend-il de temps pour bâtir les formes d'une maison? Laissez-moi vous dire que cela prend environ deux heures et demie à trois heures pour bâtir les formes d'une maison, et qu'avant cela prenait trois jours, à deux hommes et un contremaître. Et ce ne sont pas des menuisiers qu'ils utilisent; ils utilisent leurs journaliers. C'est cela que ça prend pour faire les formes.

Si vous prenez les côtés de la maison, le cadrage, en cinq heures, vous bâtissez maintenant le cadrage d'une maison. Auparavant, cela prenait environ sept ou huit hommes. Maintenant, deux hommes le font en cinq heures. Auparavant, vous aviez les divisions à tous les seize pouces, des entrecloisons, ainsi de suite. Maintenant, cela n'existe même plus. Parlons du chauffage à l'eau chaude. J'ai rencontré le travailleur qui entrait dans sa maison, il avait déchargé son matériel, j'ai dit: "Combien d'ouvrage vas-tu faire aujourd'hui? Combien vas-tu faire de bungalows? " II était 10 h 50, son matériel était entré, il m'a répondu: Aujourd'hui, à 4 heures et demie, j'en aurai fini un et demi.

La brique, c'est maintenant fait de revêtement d'aluminium. Deux travailleurs font un bungalow complet. Quand vous pensez qu'auparavant, cela exigeait, en main-d'oeuvre, premièrement, des manoeuvres, des journaliers, des échafaudages; voilà toute la main-d'oeuvre que cela prenait pour bâtir un bungalow auparavant; maintenant, deux hommes finissent le dehors en une journée.

Si vous allez au-dedans, vous aviez le plâtre auparavant. Il fallait poser la latte métallique, le "rough", et revenir au blanc; cela prenait de la main-d'oeuvre à l'extérieur, du mortier, et ainsi de suite. Maintenant, en une journée, ils finissent complètement les murs d'une maison.

Si vous prenez les planchers, planche par planche, on faisait un plancher de bois franc, et cela prenait trois à quatre jours.

Maintenant, en une journée, vous finissez la parqueterie, qui est posée comme du prélart. Si vous prenez la finition d'une maison, à l'intérieur il n'y a même plus de quart de rond, il y a les plinthes, et, dans la cuisine, tout est préfabriqué. Si vous demandez combien de temps cela vous prend, vous avez à le dire: II s'agit seulement de clouer les divisions et le matériel préfabriqué dans les usines.

Prenez la salle de bain; c'était auparavant de la tuile avec du ciment et ainsi de suite. Maintenant, toute la tuile se pose comme du prélart. Auparavant, lorsque vous parliez de plomberie, on voyait arriver un camion, et on en avait au moins pour deux jours à faire la plomberie. Maintenant, en dedans de six heures, vous faites la plomberie complète d'un bungalow. Pendant que l'apprenti entre seul le matériel — parce que, maintenant c'est tout du tuyau de plastique et le bain est en tôle — le plombier continue son travail et, en moins de six heures, le bungalow est fait au complet.

Auparavant, cela coûtait $4,800, qui allaient dans l'économie d'un pays, d'une région, pour autant que le travailleur de la construction est reconnu comme celui qui dépense de l'argent; ce n'est pas celui qui en a en banque. Il est tellement habitué à courir des risques qu'aussitôt qu'il a de l'argent, et au cas où cela ne durerait pas, il en profite immédiatement. S'il y avait $4,800, lorsqu'un bungalow se bâtissait dans une région qui allaient dans l'économie de la région, il n'y en a maintenant que $3,000, même si la construction et les taux ont augmenté.

Prenez, par exemple, le deuxième sous-alinéa du document sessionnel 72 indique, comme les patrons le disent: Nous serons prêts à payer lorsque le bill 49 sera mis en application et que les permis seront donnés. Si vous prenez les permis qui seront donnés à l'échelle provinciale, cela reflétera juste ce que le travailleur québécois a comme expérience. Depuis dix ans, le gouvernement, les patrons et les syndicats ont établi des centres d'apprentissage et nos gars sont recyclés. Enfin, ils sont capables de faire leur travail comme n'importe où ailleurs et même beaucoup plus.

J'ai entendu Me Lefebvre dire qu'en Ontario il y a deux fois et demie plus de construction qu'au Québec.

Or, je côtoie quotidiennement des entrepreneurs de l'Ontario. La main-d'oeuvre québécoise est deux fois plus expérimentée que la main-d'oeuvre de tout le Canada et des Etats-Unis. Soyez-en assurés. En plus, c'est que s'il y a plus d'ouvrage en Ontario, les taux sont plus élevés qu'ici. Ce n'est certainement pas le fait de hausser les salaires demain matin qui empêchera la construction de monter. Je vous le disais, il y avait des bungalows qui se vendaient $12,500. Aujourd'hui, regardez la Presse ou le Montréal-Matin d'hier, il y a encore des bungalows à $11,800, $11,900 et $12,000. Cela veut dire: Qui est-ce qui a absorbé les 11 p.c. de taxes? Qui a absorbé la valeur des terrains qui a augmenté? Qui a absorbé le coût des matériaux qui a augmenté? Seulement le travailleur par rapport à la main-d'oeuvre qui ne se fait plus présentement. Il y a des métiers qui sont appelés à disparaître complètement. Lorsque le

projet de loi 49 sera en vigueur — les patrons attendent ce moment pour donner la parité salariale — laissez-moi vous préciser ce que je voudrai dire lorsque je demanderai si oui ou non le menuisier de formes ou de "rough" est capable de faire de la finition. Alors la seule qualité que vous devrez demander à un menuisier de former sera: Est-ce qu'il est capable de faire de la finition? Est-ce qu'il est capable de lire un instrument comme la boussole? La seule finition qu'il lui reste à faire, c'est dans la cuisine et il lui restera à savoir où est le nord ou le sud ou l'est ou l'ouest pour clouer sa fameuse armoire! C'est la seule affaire dont il aura besoin parce que, de nos jours, la finition n'existe presque plus.

Deuxièmement, il reste certainement aussi une autre capacité que les patrons devront vérifier. De nos jours, si vous avez un peu de cheveux gris et que vous voulez travailler à des bungalows, automatiquement les patrons ne vous embauchent plus parce que le travail se fait toujours à la course. Il est impensable que des travailleurs soient poussés à l'extrême pour pouvoir économiser parfois une heure ou deux heures. Lorsque vous parlez du projet de loi 49, il restera à savoir si oui ou non la jeunesse du travailleur, le jus qu'il a dans le corps, est sorti. Après cela on pourra dire si oui ou non le travailleur a la compétence nécessaire pour aller travailler et avoir la parité salariale, un jour ou l'autre, tout travailleur de la province est descendu dans le décret de Montréal. Lorsqu'il avait de l'ouvrage, il est venu travailler et il faisait vivre sa famille en demeurant en province. Le gars, il a son pays natal, sa ville natale dans ce bout-là. Le gars, il a la capacité. Soyez assurés de cela. Il est toujours venu travailler une fois ou l'autre à Montréal et, lorsqu'il retourne en province, c'est là qu'on met en doute sa compétence. Nous croyons fermement que, si demain matin vous donnez la parité salariale aux travailleurs en province, vous n'aurez qu'à faire un acte de contrition. Vous aurez dit : Au moins, nous reconnaissons que la compétence des travailleurs en province est la même. Auparavant, vous suiviez des cours de briqueteurs, par exemple. Aujourd'hui, le bri-queteur est appelé à disparaître. La compétence d'auparavant n'est presque plus nécessaire du côté unifamilial, c'est seulement la course qui compte dans la construction des bungalows. Alors, la raison pour laquelle la FTQ demande la parité salariale, c'est que présentement pour la construction des bungalows, peu importe où vous voudrez — même si à Montréal les travailleurs gagnent plus cher qu'en province, ils gagnent moins cher parce que le nombre d'heures est diminué d'au moins 50 p.c. .

Pour l'économie d'un pays c'est dangereux de donner une grosse augmentation si la productivité a baissé. Mais la productivité, dans le domaine de la construction, a pris l'ascenseur tandis que la courbe des salaires prend l'escalier de service. Et nous croyons que ce serait seulement reconnaître l'efficacité du travailleur. Le consommateur, à aucun moment, ne sera privé du montant que nous disons, parce que le consommateur c'est "Joe Bleau" comme tout le monde l'appelle. Par contre le consommateur, c'est aussi le travailleur de la construction qui va aider à revaloriser la région où il travaille parce qu'il va activer l'épicier, le vendeur de télévision ou le vendeur d'autos, et ainsi de suite.

Nous avons du chômage dans la construction actuellement. Et le plus gros du chômage, on sait qu'il n'est pas dans la construction. Mais c'est certainement la productivité qui a augmenté, qui a triplé. Auparavant, il n'en était pas ainsi. Lorsqu'on vous dit 40 p. c, ce sont des chiffres qui sont sortis il y a dix ans. Mais aujourd'hui, soyez assurés que ces 40 p. c. ne s'appliquent pas du tout, cela doit aller jusqu'à 20 p. c. de plus dans la construction d'un bungalow.

Si la parité salariale ne mérite pas d'être reconnue en province présentement, jamais elle ne méritera de l'être, parce que la compétence, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, est reconnue. Maintenant il doit certainement y avoir possibilité, pour ceux qui travaillent en province, d'avoir un salaire équitable. Et j'entendais aussi ce que disait Me Lefebvre concernant nos offres monétaires. Les offres monétaires de $0.75 en vertu du décret de Montréal n'ont jamais été acceptées par les parties syndicales. On dit qu'on va arrêter le cheval. Un cheval est parti au galop pour que l'autre puisse le rejoindre; mais ne pensez pas que vous pouvez arrêter un cheval pendant deux conventions collectives de suite. Cela veut dire que, si demain vous ne donnez pas la parité salariale, les gars du décret de Montréal n'attendront certainement pas une autre convention collective — cela veut dire six ans — pour qu'on leur donne leur rattrapage.

Présentement vous avez des offres patronales sur la sécurité sociale. Quand vous dites que la dernière convention a été faite en 1966 et que l'offre patronale est de $0.05 sans sécurité sociale, le pourcentage de vacances qui était de 7 p. c. monte à 8 p. c. Quand cela fait quatre ans et demi que nous ne l'avons pas eu, cela veut dire que dans sept ans et demi nous aurons eu 1 p. c. de vacances, nous ne serons certainement pas prêts à accepter d'attendre encore trois ans, à accepter que le cheval qui est supposé être parti au galop se retienne continuellement. Parce que lorsque vous parlez du reste du Canada — j'ai des chiffres ici qui peuvent vous le dire — nous sommes en retard sur Toronto, en retard sur Vancouver, et Ottawa, et nous serons beaucoup plus en retard dans trois ans. On ne peut certainement pas se permettre d'attendre pendant six ans que vous décidiez si oui ou non, on aura la parité salariale. Si ce n'est pas fait aujourd'hui, sachez

que dans trois ans, vous allez avoir une autre grosse épine sur le dos, parce que vous ne pouvez pas laisser 65 p. c. des travailleurs de la construction qui travaillent à Montréal et tous les travailleurs de la province de Québec, endormis pendant six ans. C'est impensable.

Vous devez certainement faire le gros saut immédiatement. Si auparavant il y a eu des conditions de travail qui laissaient à désirer, ce sont les parties patronales à ce moment-là qui auraient dû au moins prendre plus leurs responsabilités et donner des conditions convenables. Par législation maintenant vous allez imposer des conditions de travail.

On voit le patron qui essaie, par tous les moyens possibles, par la législation, de se dérober à toutes ces anciennes conventions collectives ou ces anciens décrets qu'il y avait pour en faire un provincial.

Les droits acquis sont présentement laissés de côté. Les primes sont toutes laissées de côté. La partie patronale dit : Nous voulons uniformiser. Nous voyons, par exemple — c'est la première fois que je vois ça — dans une négociation, la partie patronale faire des offres. Elle veut que, dans certains cas, nous reculions de dix, quinze ans et vingt ans. Prenons les outils, par exemple. Prenons le service. Les patrons disent qu'ils veulent absolument augmenter, pour le consommateur, le nombre d'heures à temps simple. Vous savez très bien que si un tuyau doit couler, ce n'est pas nécessairement à sept ou huit heures du soir qu'il va couler; cela peut être aussi bien à quatre heures du matin.

Cela veut dire que, demain matin, vous admettez que des travailleurs oeuvrent à temps simple jour et nuit. Le service est ce qui nous recule d'environ vingt ans, lorsqu'on dit que ça coûte cher, si le gars est obligé parfois de payer temps double. Moi-même j'ai un duplex. Je me suis acheté ça en 1963. Depuis ce temps-là, aucune réparation n'a été nécessaire. Demain matin, ça peut me coûter $100 de réparation advenant le cas où je suis obligé de payer temps double ou temps et demi. On ne peut avoir tous les services qu'un bungalow ou un duplex comprend tels que l'eau ou l'électricité, etc... c'est une singerie. En effet une bâtisse est bonne pour environ une quinzaine d'années.

Si demain matin, pour le service, vous donnez des conditions de travail différentes de celles qui existaient auparavant, cela veut dire que vous empêchez le cheval de galoper, et qu'en plus, vous lui mettez des bâtons dans les roues. Vous réduisez le salaire qu'il avait auparavant. C'est cela qui est impensable. Vous devez certainement savoir aussi que, sans sécurité sociale, un fonds de pension dans sept ans et demi, cela veut dire que, trois ans plus tard, la convention collective deviendra en vigueur. Cela veut dire que, dans sept ans et demi, le gars aura eu $0.05 l'heure. C'est impensable que, de nos jours, on essaie de réduire les pensions de 65 ans à 60 ans, que le patronat ne prenne pas ses responsabilités plus que ça. Il est impensable que, demain matin, même si, à certains endroits, il n'y en a pas d'établi, que là au moins, où il y en a d'établi, il ne reconnaisse que, pour avoir un fonds de pension raisonnable, il doit mettre, plus que $0.05 l'heure dans la sécurité sociale.

Tout ceci nous amène à dire que, même dans les parties patronales, le plus gros ennui qu'on avait concernait les employés sur les routes. Pourquoi avions-nous des routes? C'est que le gouvernement est le seul entrepreneur. Si le gouvernement, demain matin, avait dit: Ne vous inquiétez pas; on va les payer les gars... On a ambitionné sur les travailleurs depuis les dix dernières années, les vingt dernières années, en leur offrant un salaire abominable. Vous pouvez être sûrs que l'objection à la table patronale aurait été amoindrie de beaucoup. Si demain matin, le ministère des routes dit: Enlève l'opposition des grands constructeurs de routes, comme on appelle les constructeurs ou les entrepreneurs, pour une fois vous êtes sûrs que la convention collective va certainement être améliorée parce que l'opposition qu'on avait auparavant va certainement être diminuée.

Lorsqu'on dit que l'on joue au grand-père, lorsqu'ils envoient un gars travailler en dehors de la ville, ils offrent $6 par jour de pension. Où allons-nous avec $6 par jour? Vous savez très bien que c'est impensable. Lorsqu'on dit qu'on veut avoir des heures hors de l'ordinaire par rapport aux travaux qu'ils font, étant donné qu'ils n'en font pas l'hiver, par contre, dans leur juridiction de travail, ils insèrent des travaux qui se font à l'année longue et, entre autres, pour ces mêmes travaux-là, il manque une exception.

Lorsqu'on parle d'échangeurs, ici, ce qui a été fait à Québec, je n'ai certainement pas besoin de vous dire que ces travaux sont faits à longueur d'année. Alors, pourquoi donner des différences d'heures aux gars des routes quand on sait vraiment que ces gars-là sont exploités depuis nombre d'années? A la dernière assemblée des travailleurs, les gars ont dit qu'ils ne gagnaient presque rien. Ils travaillent à environ 50 milles de chez eux, pour environ $2.50 l'heure; pour avoir un salaire qui était un peu équitable, il fallait qu'ils fassent 60 heures par semaine parce que c'est impensable que le groupe puisse travailler sans devoir payer pension en dehors de la ville, et ainsi de suite.

Prenez, par exemple, les échangeurs qui ont été faits à Québec. Lorsque le gars travaille à un niveau élevé, son salaire est celui qui se donne sur les routes; il a le salaire minimum. Lorsqu'il travaille sur le plancher des vaches, il a le salaire du décret. Est-ce pensable d'établir des taux semblables? On sait très bien que le même travailleur de la construction, de temps en temps, va conduire un bulldozer sur l'accotement des routes et là son salaire descend d'au moins $2 l'heure. Et qu'est-ce qu'on doit faire?

On a essayé tous les moyens possibles, et nous ne croyons pas que ce sont seulement les entrepreneurs qui font cela... Ils ont certainement une opposition quelconque d'un certain ministère. Et si ce ministère, demain matin, "met ses culottes", — en bon canadien-français — vous pourrez être sûrs et certains que les travailleurs de la construction vont arrêter de se plaindre et que le côté social du travailleur va être beaucoup amélioré contrairement à ce que nous remarquons présentement.

En même temps, je voudrais vous dire que lorsqu'est venu le bill 290, lorsque la définition du mot "construction" a été donnée, personne ne s'est aperçu, — je ne crois pas que cela ait été oublié, ou ait été fait volontairement — que le mot "machinerie" n'a pas été défini. Maintenant qu'est-ce que l'on voit? Cela a ouvert la porte à beaucoup de gens qui font de la machinerie mais qui n'en installaient pas auparavant. Ces gars-là maintenant essaient, par tous les moyens possibles, de se sauver du décret des salaires qui sont donnés et d'emmener les travailleurs des usines travailler dans la construction. Comme si nous n'avions pas assez de chômage. Maintenant le chômage va aller deux fois plus vite dans la construction.

Nous demandons, ici, que la commission parlementaire étudie sérieusement le mot "machinerie" pour qu'il soit inclus dans la définition du mot "construction". Car, aujourd'hui, lorsque les quatre murs sont bâtis, tout est fait à base de machinerie. Alors, que reste-t-il aux travailleurs? Pourquoi ont-ils été au centre d'apprentissage apprendre le métier de "millwright" durant quatre ans si, aujourd'hui, ils ne peuvent plus le pratiquer ou si, pour pratiquer leur métier, ils sont obligés de s'en aller vers les usines, à un salaire moindre? Mais même s'ils voulaient y aller, il n'y a pas de porte ouverte pour eux. Alors, nous voyons d'un mauvais oeil que le mot "machinerie" ne soit pas avancé et ne soit pas introduit dans la définition du mot "construction".

En ce qui concerne les contremaîtres, un contremaître, dans la construction, c'est le gars qui, aujourd'hui, est contremaître et qui, le lendemain, est travailleur. Si demain matin vous l'excluez de la convention collective, ou du décret, cela veut dire que ce gars-là est pris à la gorge par son patron et son patron peut lui dire : Ecoute, si tu ne veux pas faire telle et telle chose comme je te l'ai dit tout à l'heure — les formes sont faites par les journaliers — si tu ne veux pas respecter les ordres que je vais te donner, automatiquement, demain matin, tu ne seras pas capable de travailler parce que tu ne seras plus sur le marché du travail.

Alors, si vous voulez que le contremaître soit couvert par la sécurité sociale, par l'assurance-santé-salaire, etc., il y a une seule manière, c'est qu'il le soit comme il l'a toujours été par le décret et par les conventions collectives, auparavant.

Et ceci termine un peu le rapport de la FTQ du côté général. M. Louis Laberge va maintenant vous faire un rapport, ensuite notre économiste, et nous aurons aussi un rapport à faire sur la sécurité sociale par M. Dulude.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des questions à poser maintenant?

Merci M. Desjardins de ce témoignage de la base, je crois que le député de Chicoutimi a des questions à poser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desjardins, j'ai écouté votre exposé avec grand intérêt. Je voudrais vous poser une question concernant quelque chose qui m'a frappé dans ce que vous avez dit. C'est le problème de la transformation des métiers dans l'industrie de la construction, particulièrement dans le cas des maisons unifamiliales, comme celles dont vous avez parlé.

Est-ce que, dans vos centrales syndicales, votre centrale la FTQ, il s'est fait du travail dans le sens de la transformation ou le recyclage des travailleurs en vue de l'utilisation des nouvelles techniques qui changent radicalement le type de métier de construction auquel nous étions habitués?

M. DESJARDINS: Nous travaillons très fort sur le recyclage. Nous avons des cours de recyclage dans les centres de formation professionnelle, tels qu'on les appelle maintenant. Par contre le travailleur, même s'il se recycle dans tous les métiers, c'est la même chose: il y a un surplus de main-d'oeuvre. Même si le travailleur se recycle, il est obligé de dire qu'il n'y a pas de travail parce que, dans aucun métier il n'y a de travail à temps plein. Malgré le recyclage, comme je vous l'ai dit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant si j'ai bien compris votre exposé, M. Desjardins, je pense que vous avez parlé des relations entre travail, salaire et productivité. Vous en concluez que la partie, prenons le cas de la construction d'une maison unifamiliale, un bungalow, la partie qui représente la somme d'argent gagnée par le travailleur tend à diminuer de plus en plus en raison du rythme de construction actuel?

M. DESJARDINS: Certainement, et beaucoup en plus de cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qui provoque, selon vous, un danger évidemment accru de chômage?

M. DESJARDINS: C'est cela!

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que cela se manifeste dans toutes les régions où votre centrale est représentée?

M. DESJARDINS: Dans toutes les régions, il y a un chômage accru justement à cause des nouveaux matériaux, l'outillage, etc... Prenez le Château Champlain, par exemple, prenez les deux ministères, celui de Québec et celui de Montréal. Combien voyez-vous de briques? Cela vous donne tout de suite une idée de la main-d'oeuvre utilisée en moins. Les divisions, c'est la même chose. C'est tout préfabriqué. Un locataire quand il loue, on lui met les divisions qu'il veut. Quand il faut les changer, généralement c'est sur le commercial, c'est dans l'espace de temps que tout se fait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez parlé d'autre part du problème des définitions des mots, soit les mots "construction" et "machinerie". Pourriez-vous expliciter un peu, ce que vous entendez, enfin, les difficultés que vous voyez dans la définition du mot "construction" et du mot "machinerie"?

M. DESJARDINS: Auparavant, lorsqu'il n'y avait pas de bill 290, nous installions toute la machinerie qui allait avec la construction. Cela veut dire que, demain matin, une industrie qui voulait s'installer à tel et tel endroit, lorsqu'on partait, elle était prête à fonctionner. Maintenant, par la définition du mot "construction", dans le bill 290, nous installons, ce qu'on appelle les murs, le cadrage de la construction. Après l'installation est faite par d'autres employés à salaire moindre, parce qu'ils disent qu'ils ne sont pas sur la juridiction du décret. Lorsqu'on parle de Quérion, par exemple, qui s'est installé à St-Jérome, c'était de la grosse machinerie. Pendant que les travailleurs bâtissent en dedans, ils installent en même temps la machinerie — parce que les deux se font conjointement — un est au salaire du décret et l'autre est au salaire de l'usine où l'on va travailler plus tard.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que cela veut dire dans votre esprit qu'il faudrait inclure le mot "machinerie" dans ce décret?

M. DESJARDINS: La seule chose que cela a faite, c'est que cela a ouvert la porte à d'autres parties patronales qui sont venues ici par tous les moyens, et qui continuent aussi, parce que nous avons des rencontres. Vous avez, par exemple, la Compagnie des biscuits Viau qui est là, qui voit du danger, qui essaie par tous les moyens de dire: Plus tard on va installer notre machinerie.

Ce n'est pas l'intention des parties d'être là lorsqu'il y a quelque chose de défectueux dans une machinerie; on ne l'était pas auparavant. Mais ce que nous voulons, c'est faire installer la machinerie comme cela se faisait auparavant. Mais, comme c'est là, la porte nous est complètement fermée.

Vous avez Pentagon, à Asbestos, où ils sont en train de faire la bâtisse. Ils disent très clairement: Lorsqu'arrivera la machinerie à installer — vous parlez de la grosse machinerie, parfois, ce sont des usines à papier et ainsi de suite — on aura besoin de trois ou quatre cents ouvriers. Et que ce soit pour la tuyauterie, l'électricité ou n'importe quoi, aucun des gars de la construction demain matin, ne travaillera à ce genre de travail qu'ils ont toujours fait auparavant et pour lequel ils sont allés à l'école pendant nombre d'années. Et demain matin, ils feront un "cheap labor" pourrait-on dire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desjardins, j'ai à vous poser deux autres questions qui seront les dernières. Vous avez parlé du problème des entrepreneurs qui construisent les routes et vous avez laissé entendre que le gouvernement, en somme, devrait assumer une part plus importante du coût de construction des routes afin de favoriser les travailleurs. C'est bien cela que vous avez dit?

M. DESJARDINS: Oui, et je dis plus que cela. Lorsque le gouvernement négocie, par l'entremise de la fonction publique, les professeurs, dans toute la province, ont un taux de salaire. Si le gouvernement reconnaît cela, pourquoi dans le contrat qu'il fait, ne reconnaît-il pas aussi que la parité salariale devrait exister, au lieu d'attendre un nombre X d'années, avant d'établir cela. Si, auparavant, vous faisiez cela sur le salaire, sur le juste salaire, disons que ces ouvriers-là ont été "cochonnés" pendant dix ou vingt ans, il est à peu près temps que quelqu'un se réveille et leur donne leurs droits.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La dernière question, M. Desjardins, que je veux vous poser me paraît ressortir de l'exposé que vous avez fait. Il semble qu'un des points d'accrochage, une des pierres d'achoppement majeures de ce conflit, c'est qu'on a réuni par la loi 290 des gens qui ne peuvent pas vraiment cohabiter en raison de la diversité des métiers qu'ils représentent.

M. DESNARDINS: C'est cela. Il y a continuellement de l'objection. Si les gars avaient des salaires, comme on vous l'a dit... Demain matin, prenez le salaire du gars des routes ou du gars en province, il est bas. Si vous prenez les augmentations, le pourcentage est effrayant pour rejoindre Montréal. Mais c'est tout aussi effrayant, le même pourcentage existe pour le travailleur qui n'en avait pas auparavant par exemple. Il ne faut pas penser seulement au coût. C'est le coût que représente par exemple le fait que le travailleur était exploité auparavant. Le même pourcentage existe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, est-ce qu'on peut en conclure, M. Desjardins, que vous

allez nous suggérer de suggérer au ministre du Travail de revoir très sérieusement le projet de loi, enfin la loi 290, en ce qui concerne les parties qui ont été réunies par cette loi 290?

M. DESJARDINS: De ce côté-là, on sait très bien que plus tard il va y avoir quelque chose de fait dans ce sens, comme nous l'avait dit votre prédécesseur du ministère du Travail, M. Laporte. Il avait tellement dit que les parties allaient se rencontrer et donner leur opinion sur ce sujet! J'espère qu'à ce moment-là la FTQ pourra avoir l'avantage de dire si oui ou non on pourra discuter de ce problème-là et alors on va vous amener de bonnes recommandations. Prenez, par exemple, le domaine de la chambre et de la pension. Dans toute la province, auparavant, vous aviez $7. Maintenant le côté patronal, après quatre ans et demi, offre $0.50 d'augmentation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense, M. Desjardins, que vous n'avez pas saisi exactement la question.

M. DESJARDINS: Oui, je saisis votre question, mais je ne voudrais pas y répondre et je vais vous dire pourquoi. C'est très simple. Je sais qu'il va y avoir une rencontre plus tard en ce qui concerne les amendements au bill 290 et je voudrais dire qu'à ce moment-là, on va discuter du problème. La seule chose qu'on dit, c'est que le côté patronal est très lourd. Ils sont cinq. Parlons par exemple, d'endroit pour manger, pour le travailleur. Le gars qui bâtit un bungalow dit: Cela n'a pas de bon sens. Mais, le gars qui bâtit un moulin à papier dit: Cela a du bon sens. Mais ils ne veulent pas l'insérer dans la convention collective, par rapport au genre de travaux qu'ils installent.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desjardins, je m'excuse d'insister là-dessus. Je comprends que vous ne vouliez pas aborder ce sujet-là tout de suite, peut-être M. Laberge pourra-t-il le faire.

Mais comme nous aurons à exprimer des opinions à l'intention du ministre du Travail, il est important pour nous de savoir exactement sur quel terrain vous vous situez, parce qu'il ne s'agit pas simplement de régler le problème que pose l'application de la Loi 38, il faut encore prévenir les conflits éventuels qui pourraient surgir après l'expiration du décret qu'édictera le gouvernement. Enfin, ce décret pourra être tel qu'après trois ans, soit à l'expiration, on se retrouve exactement dans la même jungle.

M. DESJARDINS: Vous admettrez qu'avant on négociait entre une partie patronale et une partie syndicale ou deux parties syndicales, et on en venait à une entente. Maintenant, il n'y a aucune possibilité. Nous nous réveillons ici, ce matin, et nous savons très bien qu'on va nous imposer des conditions qui déplairont à tout le monde. Mais, par contre, qui y gagnera dans cela? C'est le patronat, parce qu'il est à y insérer des conditions de travail impensables.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pense — M. Desjardins le comprendra aussi — il ne peut pas présumer des intentions du gouvernement non plus que présumer des intentions du patronat. Nous, ici, à la commission parlementaire, nous voulons savoir exactement sur quel terrain se situent les parties qui sont représentées et qui tombent en somme sous le coup de la loi 38. Pour l'instant, il faut régler le problème de l'application de la loi 38 afin de voir ensuite de quelle façon il sera possible d'améliorer ce domaine des relations patronales-ouvrières par des amendements à la loi 290. C'est donc dans ce sens que nous aurons à faire des observations au ministre dans l'intérêt des parties, soit celles que vous représentez et les autres que nous avons entendues. J'en ai fini, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Desjardins, vous avez parlé tout à l'heure en référence avec la parité des employés de la construction de Montréal et vous disiez, entre autres choses — du moins c'est ce que j'ai cru comprendre — que le fait que la parité salariale ne soit pas accordée était préjudiciable même aux employés de la construction de Montréal. Voulez-vous préciser davantage à ce sujet?

M. DESJARDINS: Premièrement, nous savons très bien que l'offre patronale de $0.75 l'heure n'a pas été acceptée par aucune partie syndicale. On le parend parce qu'on veut absolument que la parité salariale devienne un fait, pour qu'après cela, dans trois ans, avec le même cheval qui était censé être au galop, on parle et on négocie pour tout le monde. Mais on ne peut certainement pas imposer encore des conditions de travail au ralenti, pourrait-on dire, pour qu'après cela, dans trois ans, cela soit encore au ralenti si la parité salariale n'est pas appliquée en province. Cela n'a pas de bon sens; dans trois ans, vous vous réveillerez avec le même problème.

Un jour ou l'autre, il faudra avoir cette parité. Il reste donc une chose. Par exemple, prenez les gros chantiers dans toute la province. Je pourrais vous en montrer. Il y a des députés ici... Dans la Gaspésie, vous avez New Richmond, vous avez Chandler, vous avez Matane, où des usines de papier ont été construites à la faveur de la parité salariale.

Dans la région d'Alma, Price Brother a obtenu la parité salariale. Vous avez Portage-du-Fort, dans la région de Hull: encore la parité salariale. Vous avez en Abitibi, l'usine de Lac

Quévillon: toujours la parité salariale. Ici, à Québec, au chantier de la raffinerie d'huile, les gars ont le salaire de Montréal. Dans un rayon d'un demi-mille ou d'un quart de mille, vous avez des gars qui ont deux salaires. Il faudra un jour penser que c'est important de régler ce problème. Si un gars après avoir fini son travail demain matin à la Golden Eagle, va s'engager à un autre chantier, il peut voir diminuer son salaire peut-être de $1.50, peut-être de $2 l'heure. Et cela se fait continuellement.

Le gars aura la même compétence. Lorsqu'on parle de compétence, prenez l'industrie du gaz naturel, par exemple, à Montréal. C'est fait par des journaliers du gaz, et vous dites que rien dans le décret ne dit que cela prend un plombier pour faire le travail. On engage des journaliers et on épargne $1 l'heure. C'est une industrie dangereuse. Vous le savez très bien, cela a déjà sauté et cela va encore sauter. Pourquoi? Hier, je voyais une installation de gaz, le régulateur, et ainsi de suite, tout y est fait par des journaliers. Ne prenez pas cela pour une farce, j'en ai encore vu lundi. Même si la parité salariale existe, par tous les moyens possibles, on essaie d'enlever la prétendue compétence qu'on exige pour donner la parité salariale, et lorsque le gars a la compétence, on le retire et on donne la tâche à un autre pour économiser $1 l'heure.

M. BURNS: En somme, votre argument, quant à Montréal, serait que — si je le comprends bien — les parties patronales offriraient des augmentations générales moindres en prévision du coût augmenté que comporterait éventuellement la parité salariale.

M. DESJARDINS: Je vais vous dire une chose. Vous avez déjà négocié. Tout le monde sait ce que c'est que de négocier. Me Cournoyer le sait aussi. Quand vous dites que la première offre, c'est $0.75 et qu'elle a été imposée, je n'ai jamais vu une partie patronale mettre tout son gâteau sur la table. Cela veut dire qu'à la place de donner $1.20, voilà quatre ans et demi, ils vont donner $0.75. Ils épargnent environ $0.50 l'heure, à 65 p. c. de tous les travailleurs. Alors, dans la construction demain matin, de ces $0.45 qu'ils ont épargnés il reste 35 p. c. à mettre en province. Qu'ils le mettent beaucoup plus que ça pour que ce problème-là se termine.

En plus de cela, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cela ne coûte pas plus cher au consommateur parce qu'hier, cela prenait 1,200 heures pour construire un bungalow alors qu'aujourd'hui cela en prend 500 ou 600. Cela ne coûte pas plus cher. C'est le contraire, et le bungalow n'a pas baissé par exemple. Il n'a pas baissé. Je me rappelle une chose, moi. Cela ne fait pas très longtemps. Quand j'ai négocié en 1966, on a négocié une convention collective qui disait: $0.25 l'heure le 1er avril. Par contre le décret, pour d'autres raisons, n'est pas entré en vigueur avant six mois. Le gars de service était justement de ceux qui n'étaient pas régis par la convention collective, le consommateur, le patron, comme ils vous l'ont dit tout à l'heure, il veut lui épargner de l'argent. Le consommateur lui, il fait pitié. Il faut aider ce gars-là. Par contre, nous avons été voir des gars de service. Nous avons dit: Avez-vous eu vos $0.25? Ils disent non. Mais c'était écrit dans les journaux que les gars de la construction avaient eu $0.25 au moyen de la convention collective. Mais les gars ont été avertis. On ne les a pas, mais on charge, à partir du 1er avril, $0.50 de plus l'heure, par exemple, pour le fameux consommateur qu'ils veulent sauver; le travailleur ne les avait même pas ces $0.25. Cela veut dire que même s'il les avait eus, ils prennent 100 p. c. de profit. Si au moins, ils avaient marché à 20 p. c! cela aurait fait $0.35 l'heure qui auraient servi au consommateur. Mais le travailleur n'avait même pas les $0.25 et ils chargaient $0.50 au gars de service qui demande des conditions spéciales. Des conditions spéciales, qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'eux vont quand même charger le temps et demi. Vous ne pouvez pas me faire croire ça.

La seule chose qu'il y a, c'est qu'ils essaient par tous les moyens, d'imposer. Et la définition du mot "service", quelle est-elle? Où allons-nous? Pour le gars, ça va toujours être du service continuel; s'il parle, le gars va être remercié. La seule manière, c'est de mettre un taux uniforme pour tout le monde.

M. BURNS: Maintenant, ce dernier point que vous soulevez me fait penser à une autre question. Je n'ai pas décelé dans votre argumentation de réclamation de rétroactivité. Est-ce que vous voulez dire que c'est un phénomène oublié?

M. DESJARDINS: Non. Ce n'est pas un phénomène oublié. On connaît la partie patronale. On sait que c'est parler dans le vent.

M. BURNS: Sauf qu'actuellement, vous parlez à la commission parlementaire, peut-être le ministre, éventuellement, tiendra-t-il compte de vos arguments et fera-t-il les suggestions en conséquence.

M. DESJARDINS: On se contenterait de la parité salariale immédiatement, le plus vite possible. C'est encore...

UNE VOIX: C'est une suggestion.

M. BURNS: Vous accepteriez de faire la concession de la rétroactivité pour obtenir la parité salariale?

M. DESJARDINS: Certainement.

M. LE PRESIDENT: La négociation avance;

je constate... Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le député de Shefford d'abord.

M. RUSSELL: Oui, M. Desjardins, vous avez dit que vous aviez visité la semaine dernière, ou dernièrement, des chantiers.

M. DESJARDINS: Toute la journée lundi.

M. RUSSELL: Est-ce que ça c'est fait dans la région de Montréal aux chantiers de maisons unifamiliales?

M. LE PRESIDENT: Un instant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela prendrait quelqu'un pour le service...

M. DEMERS: Est-ce que ça va être l'entretien ou la construction?

M. LABERGE: L'entretien.

M. BURNS: On sait que ça va prendre un expert.

M. LE PRESIDENT: Quand M. Desjardins a dit tout à l'heure que ça allait sauter, vous parliez du gaz naturel. Cela a sauté.

M. DESJARDINS: C'est ça. C'était dans la région de Brossard, des ouvriers de Saint-Hyacinthe, et non pas de Montréal travaillaient-là, en dehors du décret de Montréal.

M. RUSSELL: C'est le centre de construction que vous avez visité, parce que vous avez dit que les formes pour les solages avec des panneaux se construisaient en cinq heures.

M. DESJARDINS: C'est ça.

M. RUSSELL: L'utilisation des panneaux pour la construction date de combien d'années?

M. DESJARDINS: Cela doit faire sept ou huit ans.

UNE VOIX: Quinze ans.

M. RUSSELL: Quinze ans oui... L'installation de panneaux en cinq heures, est-ce avec des panneaux préfabriqués, remontés à ces chantiers qui se construisent en série, ou est-ce que ça prend le même temps pour faire des formes pour un bungalow dans une région où il y aurait seulement une construction de bungalow?

M. DESJARDINS: C'est le même entrepreneur qui garde ses panneaux, qui les utilise quand vient le temps de la construction.

M. RUSSELL: Cela dépend, si vous construi- sez en série des bâtisses de la même grandeur, et si vous construisez une bâtisse, il y a des dimensions un peu différentes.

M. DESJARDINS: Quand vous avez des dimensions différentes, vous mettez plus de panneaux. Les mêmes panneaux sont utilisés partout, indépendamment de la grandeur du bungalow.

M. RUSSELL: Et vous maintenez toujours que cela prend cinq heures pour faire des formes.

M. DESJARDINS: Certainement.

M. RUSSELL: Je cherche de l'information, on fait faire de la construction chez nous et il y a des entrepreneurs qui ambitionnent certainement, parce que cela prend beaucoup plus que cinq heures.

M. LABERGE: Nous sommes prêts à les recycler!

M. RUSSELL: Je prends note des remarques. Deuxièmement, M. Desjardins, vous parliez de machinerie — et je voudrais bien préciser pour l'information de la commission — qui s'installe à l'intérieur d'une usine, lorsqu'un manufacturier va acheter de la machinerie installée. Et ces gens-là sont les mêmes qui travaillent pour le manufacturier de machinerie et qui viennent l'installer dans l'usine. Ces gens sont eux-mêmes sous l'emprise d'une convention collective. Ce sont des conditions de travail.

M. DESJARDINS: Pas nécessairement. M. RUSSELL: C'est souvent le cas.

M. DESJARDINS: Dans certains cas, cela se peut.

M. RUSSELL: Est-ce que ce n'est pas dans la majorité des cas.

M. DESJARDINS: Je vais vous donner un exemple. A la dernière installation que nous avons faite, le compresseur venait d'Allemagne. Qu'est-ce qu'ils ont là-bas comme convention? Je ne le sais pas.

M. RUSSELL: II est vrai que le compresseur vient d'Allemagne, mais je connais aussi trois industries actuellement qui sont à installer de la machinerie qui vient d'Allemagne et les gens venus l'installer, sont des spécialistes d'Allemagne, qui sont venus pour en faire l'installation et la mettre en marche. Trois que je connais actuellement et je peux les nommer.

M. DESJARDINS: J'ai travaillé sur un com-

presseur qui valait des millions. Il est arrivé un gars d'Allemagne qui nous disait comment l'installer, comment il voulait l'installer. Nous étions capables de l'installer, nous avions déjà fait ce travail. Ce n'est pas plus difficile que la machinerie vienne de l'Allemagne ou de n'importe où. Après ça, il l'a mis en marche, et ce sont les travailleurs...

C'est comme lorsque l'Expo a été construite. Je m'en rappelle très bien. Les Russes voulaient absolument venir construire leur fameux pavillon. Ce n'est pas parce que nous n'étions pas capables, mais parce qu'ils voulaient épargner de l'argent. Ils ne paient presque rien là-bas. Les Chinois sont venus aussi, vous savez ça.

M. RUSSELL: Disons que nous ne négocions pas pour les Chinois actuellement.

M. DESJARDINS: Mais c'est un fait ce que je vous dis là.

M. RUSSELL: Je comprends que c'est un fait. Vous avez tenté de clarifier. Il y a d'autres exemples que je voudrais faire ressortir ici. Je pense que c'est important pour l'information de la commission.

M. MARCHAND: Est-ce que cela veut dire que nous sommes mieux payés au Québec que dans ces endroits-là?

M. DESJARDINS: Bien, ils sont tellement nombreux là-bas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'ils ont la parité salariale?

M. DESJARDINS: Ils ont du riz salarial. C'est du riz, en Chine.

M. RUSSELL: Vous voulez peut-être parler aussi des...

M. MARCHAND: Donc, nous sommes mieux au Québec?

M. DESJARDINS: Non, du tout.

M. RUSSELL: ... installations d'ascenseurs. Parce que là, il y a 50 p. c. qui sont faits en usine et 50 p. c. qui sont faits sur la construction. Il peut y avoir un peu de...

M. DESJARDINS: Je veux parler de la machinerie. Prenez, par exemple, une machine à papier. Cela prend environ — comme je vous l'ai dit tout à l'heure — 300 hommes pour installer une machine à papier et environ six mois. Le fabricant fait cela par morceaux, le matériel envoyé sur le chantier, on l'installe. Il y a des plans, tout le monde est capable de lire cela. Nos ouvriers l'installent, ils l'ont toujours fait. Pourquoi demain matin, n'auraient-ils plus la capacité de le faire? Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas la capacité, c'est parce que celui de l'usine essaie d'envoyer ses gars à moins cher, en bas du décret.

M. RUSSELL: II y a des différences assez importantes dont il faut tenir compte. Lorsque ces équipements sont vendus avec une garantie, c'est celui qui fournit la garantie qui doit s'occuper de la main-d'oeuvre, qui doit en faire l'installation pour s'assurer de sa garantie. Sans cela, il ne s'en tiendra pas responsable si c'est l'acheteur qui en fait sa propre installation.

M. DESJARDINS: Si l'installation est faite suivant les normes requises par le fabricant, je ne vois aucun problème. C'est cela que nous faisons tout le temps. Ce n'est pas d'aujourd'hui. Avant le projet de loi 290, nous le faisions. Je ne sais pas pourquoi demain matin arriverait la fameuse garantie. Cela fait longtemps que j'entends cette histoire de garantie. Mais, par contre, si le gars s'en va travailler dans une autre province, eux, ils ne sont pas capables de l'installer et la garantie s'applique quand même. Tandis qu'ici, dans le Québec, ils vont l'installer et ils disent que sans cela la garantie ne s'applique pas. Pourquoi? La même machinerie. Donnez-moi une raison, si ce n'est pas sur le taux qu'ils essaient d'épargner. Ailleurs, cela se fait.

M. RUSSELL: Pas nécessairement, je suis d'accord avec vous. S'il y a un contrat, il y est spécifié, que cela va être installé et que vous avez un surveillant qui est responsable, d'accord.

M. DESJARDINS: On n'a jamais eu d'inconvénient à ce qu'un surveillant soit sur place pour voir à ce que la machinerie...

M. RUSSELL: II est bien normal pour un manufacturier d'installer de la machinerie, de l'équipement à ces conditions. Il envoie des employés qui, eux, ont un contrat de travail et ils travaillent en accord avec cette convention collective. C'est bien normal.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je voudrais poser une question à M. Desjardins sur le fait que le nombre d'heures diminue considérablement dans l'élaboration des maisons familiales. Il maintenait tout à l'heure que la productivité avait pris l'ascenseur tandis que les salaires avaient pris l'escalier de service. Il y a donc quelqu'un qui a profité de cette situation. Je voudrais savoir qui il identifierait en particulier?

M. DESJARDINS: Premièrement, au cours des cinq dernières années, vous avez les 11 p. c.

de taxe. Le prix du bungalow n'a pas monté. Qui est-ce qui suit tout ça? C'est l'ouvrier de la construction. Les matériaux coûtent plus cher qu'il y a cinq ans, c'est entendu. Les 11 p.c. de taxe sont là. Le prix des terrains a augmenté. C'est entendu. Vous avez encore des bungalows à $12,000 en quantité.

M. RUSSELL: M. le Président, je pense bien que, pour l'information de la commission, le bungalow dont on parle, qui se vend encore à $12,500 ou $12,900, c'est le bungalow que vous achetiez $9,800 ou à $9,900 il y a cinq, six ou huit ans. Il faut être raisonnable, soyons raisonnable. Qualité pour qualité essayons...

M. DESJARDINS: Les matériaux ont changé. Ils ont la même valeur.

M. RUSSELL: II y a une certaine modification sur les matériaux. Il y a différents matériaux qui sont utilisés...

UNE VOIX: C'est vous qui les bâtissez, les hangars. C'est toi qui les bâtis, les hangars.

M. LE PRESIDENT: Si on veut éviter les polémiques, il faut s'en tenir strictement aux questions...

M. RUSSELL: C'est simplement pour tenter de s'informer exactement de la situation. Il ne faut pas laisser croire qu'aujourd'hui, un bungalow qui se vend $12,800 est le même que celui qui se vendait il y a cinq ou six ans à $12,800. Ce serait une mauvaise information que l'on fournirait à la commission.

M. DESJARDINS: N'êtes-vous pas d'accord qu'auparavant ça prenait 1,200 heures pour bâtir un bungalow, et qu'aujourd'hui cela demande la moitié moins de temps?

M. RUSSELL: Est-ce que M. Desjardins pourrait expliquer pourquoi cela demande la moitié moins de temps?

M. DESJARDINS: Premièrement, les matériaux ont changé. Prenez, par exemple, comme je vous ai dit tout à l'heure, le plancher de bois franc. Autrefois on le posait morceau par morceau. Aujourd'hui on pose ça comme du prélart, c'est de la parqueterie. Combien de temps pensez-vous que cela prend? Je demandais au gars qui posait le prélart dans la cuisine combien de temps cela prenait. Il disait que c'était plus long de nettoyer son plancher que d'installer son prélart.

M. RUSSELL: D'accord, mais est-ce que vous pourriez donner la différence du coût de la planche qui se vendait avec le panneau?

M. DESJARDINS: Auparavant, vous installiez, par exemple, un plancher de 3/4 de pouce.

Aujourd'hui il a 1/2 de pouce d'épaisseur. Le coût de la planche a monté mais ils ont diminué l'épaisseur aussi.

M. RUSSELL: Mais c'est une modification des matériaux.

M. DESJARDINS: Une modification. Mais le coût reste le même, ils le vendent encore au même prix que les 3/4. Le patron, s'il trouve le même matériau d'un demi-pouce d'épaisseur, c'est celui-là qu'il installe maintenant. Je ne dis pas que le matériau n'a pas augmenté. Mais, il a changé de qualité.

M. MARCHAND: Donc, pour garder le même taux, il a fallu diminuer la qualité.

M. DESJARDINS: L'épaisseur, c'est certain!

M. MARCHAND: C'est assez logique. Maintenant, la maison de $12,500 d'il y a dix ans, s'est vendu il y a six ans $15,500 et aujourd'hui elle est à $17,500, pour celui qui veut donner la même qualité. Vous avez le même entrepreneur qui bâtit, par exemple, dans Laval, la région que je connais, qui vendait une maison $12,500 il y a deux ans et cinq ans après il la vendait $15,500. Et, aujourd'hui, la même maison il la vend entre $17,500 et $18,500.

M. DESJARDINS: Mais avec les nouveaux...

M. MARCHAND: Ce n'est pas la maison qui se vend à $12,500 aujourd'hui. En plus de ça, vous avez parlé des armoires préfabriquées qui se posent comme ça. Je pense qu'il y a douze ans — j'en ai un bungalow de douze ans moi aussi — ils sont arrivés avec les armoires préfabriquées, mais le gars qui n'a pas la compétence pour poser ça, je pense qu'il va les poser tout de travers et après ça j'aurai besoin de services pour ajuster mes portes.

M. DESJARDINS: Les portes sont posées. Je ne crois pas qu'il y aura besoin de beaucoup de services après.

M. MARCHAND: Elle va être toute de travers si le gars n'a pas de compétence.

M. DESJARDINS: S'il s'agit de la mettre au niveau, si c'est de cela qu'il s'agit quand vous parlez de compétence, si un menuisier n'est pas capable de mettre au niveau une armoire...

M. MARCHAND: La compétence comprend tout, je pense.

M. DESJARDINS: Cela comprend tout, certainement.

M. LE PRESIDENT: Bon, la parole est toujours au député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je demanderais à M. Desjardins de faire un parallèle entre la hausse du coût des matériaux, toutes proportions gardées, en revenant, disons, à une dizaine d'années en arrière et la hausse du coût des salaires. Est-ce que la hausse du coût des salaires n'a pas été plus que proportionnelle par rapport à la hausse du coût des matériaux?

M. DESJARDINS: Je n'ai pas cela. Je ne pourrais pas vous répondre, je n'ai pas cela du tout.

M. LATULIPPE: M. Desjardins, comment expliquez-vous le fait que depuis 1954, selon le bureau fédéral de la statistique, la tendance des profits tend continuellement à la baisse dans le secteur de la construction?

M. DESJARDINS: Les profits sont à la baisse, c'est peut-être parce qu'il y a trop de...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous attendre un instant? Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous pourriez demander, M. le Président, au député de Frontenac de parler un peu plus fort afin que nous l'entendions et le comprenions?

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous parler un peu plus fort?

M. LATULIPPE: D'accord. Je demandais à M. Desjardins d'expliquer un peu comment cela se faisait que, depuis 1954, selon le bureau fédéral de la statistique, il y avait une baisse constante dans le pourcentage de la rentabilité dans le domaine de la construction.

M. DESJARDINS: C'est peut-être le nombre de constructeurs qui surgit de partout. Cela est un des gros problèmes. Alors ce qui arrive, c'est qu'en ayant un nombre effrayant de constructeurs, les gars, pour avoir le travail, coupent les prix. S'ils coupent le prix pour avoir le travail, leur profit sera moins gros. Cela n'est la responsabilité de personne. Je pourrais vous nommer un constructeur, je ne vous le nommerai pas. Lorsqu'il y a tel constructeur si quelqu'un prend une soumission de ce constructeur-là, vous pouvez être sûrs qu'aussitôt que le travail est fini, le gars, il est en banqueroute. Parce qu'il l'a pris trop bas pour l'avoir.

M. LATULIPPE: Donc, c'est parce qu'il y a une concurrence effrénée, qu'actuellement...

M. DESJARDINS: C'est cela, tout le monde pourrait se constituer constructeur.

M. LATULIPPE: Est-ce que cela veut dire que vous seriez favorables à ce qu'il y ait des limitations justement à ce que les constructeurs...

M. DESJARDINS: II devrait certainement y avoir des normes, mais le bill 51 est censé y voir. Certainement, c'est un gros problème.

M. LE PRESIDENT: Monsieur...

M. L'HEUREUX: Alors, moi je représente les routes, on a fait quelques allusions aux routes, alors je voudrais préciser certains points.

Premièrement, on a parlé de chambre et pension. On a dit qu'il était impensable à ce moment-ci qu'on paie ou qu'on offre $6 par jour pour les frais de chambre et pension. J'aimerais simplement mentionner à M. Desjardins qu'une simple vérification auprès de ses syndiqués — c'est-à-dire les personnes qui ont été "cochonnées" avant mais qui avaient choisi de ne jamais se syndiquer jusqu'au bill 282 et au bill 38 — va lui permettre de constater qu'il y a des chantiers de routes qui se font dans des coins où la Transcanadienne passe actuellement, comme Sainte-Anne-de-la-Pocatière, où les frais de pension — de bonne pension — sont de $20 à $25 par semaine. Alors, nous en offrons $30 ici.

M. DESJARDINS: Je voudrais demander à M. L'Heureux si ça fait longtemps qu'il n'a pas été coucher quelque part.

M. L'HEUREUX: Si je peux continuer, j'aimerais faire remarquer à M. Desjardins que ce sont des endroits où je demeure moi-même quand je vais dans les chantiers. Je peux l'emmener là et il va très bien manger.

M. DESJARDINS: C'est une bonne manière de faire un "show".

M. L'HEUREUX: La seconde chose, il a parlé des travaux d'hiver. Je n'ai pas au juste saisi le point qu'il voulait souligner. Si le point qu'il voulait souligner est celui que nous travaillons autant l'hiver que l'été, c'est faux. On n'a simplement qu'à vérifier les listes d'assurance-chômage et on va constater qu'au moins 50 p. c. de la main-d'oeuvre est renvoyée au mois de décembre.

Si le point qu'il a voulu souligner c'est qu'on demandait les mêmes heures pour l'hiver que pour l'été, à ce moment-là, je dois lui dire que, pour la période d'hiver, on serait bien consentant à ce que les heures de la semaine soient réduites.

Le troisième point qu'il a souligné, c'est l'article "contremaîtres". Encore là, si nous reférons à nos représentations, au journal des Débats du 3 novembre, il va s'apercevoir que notre offre comprend, c'est-à-dire que nous avons reconnu dans notre offre, que la source probable même justifiable de nos contremaîtres est à travers les syndiqués, c'est-à-dire nos opérateurs à l'heure. Ce n'est pas parce que le type est un opérateur qu'il doive rester opérateur le reste de sa vie. On a reconnu dans nos

offres qu'il y avait une catégorie de contremaf-tres, c'est-à-dire celle de contremaîtres salariés. A ce moment-là, afin de permettre au contremaître de rentrer dans son unité de négociation, au moment où nous n'aurions pas besoin de ce type-là, où nous nous serions aperçus qu'il n'était pas compétent, ou qu'il n'aimait pas cela lui-même, on a prévu ce genre de contremaître salarié qui serait couvert par la convention.

Ce à quoi on s'oppose, c'est qu'on syndique nos cadres dans la même unité de négociation que les employés qu'ils dirigent.

Lors de la dernière session de la commission parlementaire, M. Meloche de la FTQ a mentionné — d'ailleurs ce point a été répété plusieurs fois — qu'une des raisons pour lesquelles il demandait un second opérateur pour les pelles, était à cause de la sécurité. On a même ridiculisé celui qui vous parle parce qu'on semblait prendre à la légère les affirmations de M. Meloche. En fait, notre principe est que des normes de sécurité ne se négocient pas par le nombre d'opérateurs, elles s'imposent par une législation.

M. Meloche a aussi mentionné qu'à chaque année il perdait de 10 à 15 opérateurs de pelles et il a bien spécifié "pelles", j'ai le journal des Débats ici. Alors, simplement pour vérifier, nous avons communiqué avec la Commission des accidents de travail et nous avons obtenu les statistiques suivantes. A la Commission, c'est un M. Conrad Lebrun, commissaire, qui nous a donné les informations...

M. DESJARDINS: Une information, s'il vous plaît...

M. L'HEUREUX: On dit entre autres...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît, M. L'Heureux...

M. DESJARDINS: Est-ce que c'est un rapport des constructeurs de routes que vous avez demandé ou un rapport de la FTQ?

M. PAUL: C'est ça, oui!

M. LE PRESIDENT: Nous avons demandé un rapport à la FTQ. Si je comprends M. L'Heureux, en fait, pour rectifier certaines affirmations de M. Meloche... Alors, je me demande si c'est pertinent.

M. DESJARDINS: S'il les a oubliées dans son rapport, ce n'est pas notre faute.

M. LE PRESIDENT: Comme on a été assez large jusqu'à maintenant, je ne permettrai pas plus loin que l'affaire des pelles...

M. BURNS: Avant d'aller plus loin, il y a quand même une remarque que je voudrais faire, c'est que tout le monde s'est entendu sur une formule de procéder et c'était justement de produire des mémoires à date fixe pour qu'il n'y ait pas des possibilités de répliques ou de contre-répliques et de suppliques et de tout ce que vous voulez... Alors, si c'est cela qu'on veut, actuellement, j'ai l'impression que c'est la FTQ qui doit nous vendre son mémoire ou nous expliquer ses raisons...

M. LE PRESIDENT: Un instant, le député de Maskinongé...

M. PAUL: La décision devrait être prise par la commission même si vous dirigez très bien les délibérations et que vous demandiez le vote des membres de la commission à savoir s'ils sont pour que M. L'Heureux continue dans le sens de ses remarques ou si le point soulevé par mon collègue le député de Maisonneuve, ainsi que par M. Desjardins, est acceptable.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question qui doive faire l'objet d'un vote. Il s'agit, je crois, d'une décision qui nous appartient et je crois bien que vous avez été assez large, au moins dans mon optique, quant à laisser quelqu'un finir sa phrase, ou enfin, terminer très brièvement un exposé. M. le Président, je crois que c'est à vous de prendre une décision.

M. LE PRESIDENT: Si on se situait, à ce moment-ci, devant un tribunal d'arbitrage qui aurait à trancher définitivement la question, je pense que l'opinion émise par le député de Maskinongé pourrait être pertinente. Cependant, je n'ai pas l'impression que la commission elle-même soit appelée à trancher la question, cela revient quand même au conseil des ministres.

Conséquemment, pour autant que vous n'irez pas plus loin que l'affaire des pelles, nous sommes prêts à entendre ce que vous avez à dire. Toutefois, il ne faudrait pas en prendre une habitude. Je pense que c'est vrai que chacune des parties a le droit de s'exprimer, chacune a le droit à des répliques, cependant, nous n'en sortirions plus, s'il fallait entendre les répliques de chacun.

M. L'HEUREUX: M. le Président, les remarques que je veux faire seront moins longues que celles qu'on a faites à son sujet.

Le point sur lequel j'insiste c'est que, la dernière fois, on a traité de tueurs, et on a même accusé de brosser du dos de la main une quizaine de morts... Je pensais que le point était assez important pour le rectifier.

La Commission des accidents de travail mentionne que, dans la classe 21 des constructeurs de routes, en 1966, il y a eu 50 accidents mortels et, en 1970, le chiffre est de 13. On a mentionné, la dernière fois, que dans le seul chapitre des pelles, il y en avait près de 10 à 15.

On a été plus loin, on a demandé de nous donner une liste des différentes mortalités. Maintenant, la Commission des accidents de travail est en train de déménager. On n'a pas pu relever tous les dossiers, mais on nous en a donné six.

Alors le premier, c'est un bélier mécanique qui a été renversé; le second, c'est un dynamiteur; le troisième, c'est un opérateur de pelle mécanique, mais il a été tué en retournant chez lui, le soir; le quatrième, c'est un opérateur de bélier mécanique, et les deux derniers, ce sont des journaliers. Nous n'avons pas de notes sur les sept derniers. Cela pourrait être facilement fait. C'est le seul point que je voulais souligner.

M. DESJARDINS: Je peux peut-être apporter une suggestion. C'est peut-être l'échangeur Turcot, il en est mort pas mal d'un coup sec.

M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas qu'on sorte toutes les statistiques ici. Je suis certain que ceux qui sont appelés à travailler sur les documents, qui détermineront les conditions de travail dans la construction, sont très bien informés sur ce sujet. M. Lefebvre.

M. LEFEBVRE: Alors, la question s'adresse à M. Desjardins. Vous avez affirmé tantôt, M. Desjardins, que le pourcentage de main-d'oeuvre dans le coût de construction était passé selon vous, de 40 p. c. à 20 p. c. Est-ce que vous pourriez nous citer votre source de statistiques ou de quelle façon vous arrivez à ce chiffre?

M. DESJARDINS: Je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est le côté pratique. Comme j'ai travaillé souvent sur l'unifamilial moi-même, j'ai été revoir comment cela se bâtissait, et je vois que la quantité de main-d'oeuvre s'est réduite considérablement. Là où on voyait quatre gars, on en voit maintenant deux. Ce sont seulement les statistiques. Je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est le côté pratique que j'ai dit.

M. LEFEBVRE: Est-ce que vous avez suivi, pour établir vos chiffres, le construction entière d'un ouvrage.

M. DESJARDINS: Je suis allé dans les bungalows qui étaient en construction. En certains endroits, comme je vous l'ai dit, ils étaient à faire les formes. A d'autres places, ils étaient à faire les murs; à d'autres, ils étaient à faire la finition. Je suis allé dans différents chantiers.

M. LEFEBVRE: Je ne doute pas que vous puissiez vous-même conclure à l'oeil. Mais, je veux dire: Est-ce que vous avez des chiffres précis? Exemple: Combien d'heures pour les électriciens, combien d'heures pour les menuisiers, combien d'heures pour les manoeuvres, combien d'heures pour les plâtriers,' combien d'heures pour les finisseurs de ciment, combien d'heures pour les poseurs de mosaïque, etc? Est-ce que vous avez des chiffres précis là-dessus?

M. DESJARDINS: Non, je n'en ai pas.

M. LEFEBVRE: Est-ce qu'on peut conclure que le chiffre de 20 p. c. que vous nous donnez est un chiffre calculé au pifomètre?

M. DESJARDINS: Pifomètre, chronomètre, je ne sais pas.

M.LEFEBVRE: Le pifomètre, pour votre information, c'est quand on calcule cela "sur la gueule". Vous avez également mentionné — et je m'en rapporte à votre connaissance de la construction, tout particulièrement du bungalow — que l'emploi du contreplaqué dans la construction des formes ou du solage de béton datait de sept ans. Est-ce qu'il ne serait pas plus exact de dire que ça date de 17 ans?

M. DESJARDINS: Je ne dirais pas 17 ans parce que j'ai travaillé beaucoup il y a quinze ans et, dans ce temps-là, il n'y en avait pas.

M. LEFEBVRE: Si je vous affirmais que moi, je suis possesseur d'une maison unifamilia-le bâtie en 1953 et dont le solage a été fait en préfabriqué. Est-ce que vous pourriez me contredire?

M. DESJARDINS: Peut-être qu'auparavant il y en a eu mais disons que ce n'était pas général dans ce temps-là.

M. LEFEBVRE: C'était un projet de 100 maisons à ce moment-là. Est-ce que ça pourrait être un peu plus général que vous voulez le laissez entendre?

M. DESJARDINS: Cela se peut.

M. LEFEBVRE: Bon. Vous avez également affirmé que, pour construire le carré d'une maison, cela prenait aujourd'hui deux hommes à cinq heures.

M. DESJARDINS: C'est cela.

M. LEFEBVRE: Ce qui veut dire dix heures d'ouvrage. Ce qui veut dire que, pour faire le carré d'une maison, cela coûterait, au salaire actuel des menuisiers, $4.64 plus $0.30, environ $50. Est-ce que votre centrale syndicale serait prête à faire des offres fermes sur ces prix-là?

M. DESJARDINS: Combien est-ce que ça coûte, des offres fermes...

M. LEFEBVRE: Des offres fermes pour construire des bungalows à $50 pour faire le

carré de la maison. Parce que j'ai des entrepreneurs très intéressés.

M. DESJARDINS: Nous sommes contre les "jobs" à la pièce, premièrement.

M. LEFEBVRE: Non, non. Vous affirmez que ça prend dix heures d'ouvrage, donc ça coûte $50. Moi je vous demande: Est-ce que vous avez une offre ferme là-dessus?

M. DESJARDINS: Je n'affirme pas, j'ai constaté de vue.

UNE VOIX: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant. M. le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je craindrais que le débat, que les discussions qui se poursuivent actuellement entraînent des débats acrimonieux. Mais il faut quand même retenir — j'espère que M. Laberge viendra à la rescousse de M. Desjardins — des échanges qui ont eu lieu entre M. Desjardins et M. Lefebvre, que les affirmations de M. Desjardins jusqu'à présent se trouvent sinon détruites, du moins largement contredites et affaiblies. Alors, est-ce que M. Desjardins ou M. Laberge, sera en mesure de nous fournir des documents établissant ce qu'il nous a dit tout à l'heure? M. Desjardins, je ne prends pas parti pour l'un ou l'autre des témoins.

Mais il reste que j'ai écouté avec une grande attention l'exposé que vous nous avez fait tout à l'heure qui était impressionnant prima facie, mais qui est maintenant contredit par un spécialiste de la question, M. Lefebvre, alors est-ce que vous avez...

UNE VOIX: Un spécialiste!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faut considérer M. Lefebvre comme un entrepreneur responsable et capable...

M. LABERGE: Non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de donner au nom de l'organisme qu'il représente des renseignements statistiques. Est-ce que vous avez les mêmes renseignements statistiques? C'est tout ce que je veux savoir.

M. DESJARDINS: Je vous ai dit dans mon rapport, que je suis allé voir moi-même, et que j'ai rencontré des ouvriers le matin même qui étaient en train de faire le cadrage d'une maison. J'ai demandé à ces hommes combien cela leur prenait de temps pour faire cela. C'est eux-mêmes qui m'ont répondu. Je ne suis pas allé à un seul endroit. Je n'ai pas pris seulement ces ouvriers-là. J'ai fait cinq ou six maisons, ensuite j'ai évalué le temps que cela prenait; ils disaient tous la même chose. Ce ne sont pas des chiffres que j'ai par écrit. Certainement pas. Mais ce sont des faits. C'est le côté pratique, par exemple.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, devant une commission parlementaire, alors que les députés qui sont ici ne sont pas des spécialistes de la construction, est-ce que vous ne pensez pas qu'un groupe qui vient témoigner devrait nous apporter des renseignements très précis et non pas nous donner des témoignages qui proviennent d'une cueillette faite comme ça, au hasard, en visitant des chantiers de construction? Parce que nous, nous aurons à nous prononcer et à dire au gouvernement: Ecoutez, il faut améliorer le sort des ouvriers de la construction. Mais pour cela, il nous faut évidemment des données statistiques très sûres.

Or, M. Lefebvre apporte des données statistiques, et est-ce que votre centrale est capable d'en apporter?

M. DESJARDINS: Certainement.

M. LE PRESIDENT: Ce que j'ai compris, lorsque M. Desjardins s'est présenté devant nous, c'est qu'il n'avait pas la prétention d'utiliser la méthode des statistiques. Il nous a dit qu'il présenterait un témoignage d'expérience. Alors que M. Lefebvre a utilisé une méthode strictement statistique. Or, M. Desjardins à mon avis met en doute cette méthode, cependant, il n'utilise pas la méthode statistique.

M. LEFEBVRE: M. le Président...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous comprendrez avec moi que les membres de la commission ici ne peuvent pas déménager sur un chantier ce matin et aller vérifier sur place la véracité des propos — dont je ne doute pas, je ne mets pas M. Desjardins en cause — qu'a tenus M. Desjardins.

Or, ce que nous nous attendons à avoir, ici, ce sont des témoignages d'experts. Et nous devrons nous baser sur des données statistiques. Et le ministre du Travail, qui a l'habitude des négociations, devra aussi se baser, avec ses collaborateurs du ministère, sur des données statistiques, afin que cela soit assez probant, et afin que cela nous incite à faire des recommandations au gouvernement en vue de favoriser les travailleurs dont M. Desjardins défend avec beaucoup d'ardeur — et à raison — la cause.

M. LE PRESIDENT: M. Desjardins n'a pas eu cette prétention de nous apporter des données statistiques. Maintenant, je pense bien que la FTQ le fera probablement par d'autres représentants.

M. DESJARDINS: Ecoutez, premièrement,

je suis allé voir des travailleurs. Ce ne sont pas des machines que je suis allé voir. C'est le témoignage des travailleurs que je rapporte ici, aujourd'hui. Ils ne m'ont pas donné tout cela par écrit. Ils n'ont pas de secrétaires. Je répète ce que j'ai constaté moi-même, et je vous l'ai dit très clairement, au commencement.

M. LE PRESIDENT: Votre intention n'est pas de contrer les arguments de M. Lefebvre par des statistiques. Cela répond à votre question, je pense, M. Tremblay.

M. LEFEBVRE: M. le Président, quand même je voudrais soulever un point.

M. LE PRESIDENT: Le représentant du comté de Maisonneuve.

M. BURNS: II ne faudrait pas non plus, selon l'expression chère à notre collègue de Rouyn-Noranda, prendre des vessies pour des lanternes. Nous sommes en face de deux types de statistiques, que l'on appelle cela statistiques ou non, ce sont des vérifications concrètes. Un type de statistiques vient du côté patronal, de la part de Me Lefebvre, et un autre type vient du côté syndical. Me Lefebvre ne prétendra sûrement pas qu'il n'a pas lui non plus basé ses statistiques sur des informations concrètes venant d'employeurs, comme M. Desjardins l'a fait venant de certains travailleurs. Alors, je ne pense pas que cela infirme ou que cela diminue la force des affirmations de M. Desjardins, surtout avec les précautions qu'il a prises en nous disant que c'étaient des vérifications concrètes qui avaient été prises sur des chantiers.

M. LE PRESIDENT: Vous voulez dire que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Maisonneuve admettra que, pour les membres de la commission, nous sommes en présence de deux types de témoins.

Même si l'un et l'autre procèdent à partir de données concrètes pour le travail de la commission, il faut quand même avoir des documents. J'ai demandé justement à M. Laberge et à M. Desjardins s'ils sont en mesure d'apporter des arguments statistiques, des choses vérifiées et non pas des dires, recueillis à droite et à gauche parmi des gens dont je ne mets pas en doute du tout la compétence?

M. LE PRESIDENT: Avant de continuer, je voudrais permettre à M. Laberge de prendre la parole pour nous apporter peut-être des éclaircissements sur la situation.

M. LABERGE: Juste un mot, M. le Président. Me Lefebvre est très habile, je le reconnais, mais André Desjardins n'a jamais dit que cela prenait cinq heures pour faire un carré de maison ou même un solage. Il a dit que cela prenait cinq heures à deux hommes pour faire les formes d'un solage. Il y a quand même une différence. Me Lefebvre très habilement dit: Vous êtes prêts à prendre des contrats à $50 pour faire des solages, je vous engage. Très habile, très habile.

M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, M. le Président, excusez M. le ministre, il est clair que les sortes de discussion qui peuvent avoir cours entre les parties, ce sont des discussions que j'aime bien entendre. Mais les statistiques qui ont été énoncées, de part et d'autre, sont contredites par les documents qui ont été déposés en Chambre. Les chicanes entre les gens ici, cela peut faire du bien à du monde mais, pour autant que je suis concerné, je lirai très certainement les minutes de ces assemblées. Ce qui me concerne plus, c'est la valeur des documents qui ont été soumis par les parties à cette commission parlementaire et qui décrivaient, à tête reposée et sans flamme, les opinions des parties sur le problème. J'ai ici un document de la FTQ qui est assez considérable. M. Desjardins n'a certainement pas redit tout ce qui était écrit dans ce document. J'ai des documents identiques qui viennent de chacune des associations patronales et j'en ai un qui vient de la Confédération des syndicats nationaux. J'en ai d'autres aussi. Je pense que ce genre de discussion pour moi ne peut que jeter de l'huile sur le feu. Je ne peux pas facilement changer le jugement que je pourrai porter à même les documents qui sont devant vous et que vous pourriez porter vous-mêmes, à même les documents. Mettre des témoins en contradiction avec eux-mêmes n'avancera à rien la commission et certainement pas moi.

M. LE PRESIDENT: C'est l'impression que je commençais à avoir que la tentative de M. Lefebvre, qui est légitime en soi, c'était de mettre en doute la crédibilité de M. Desjardins en ce qui a trait aux statistiques. Alors, si c'est ça, je pense que vous pouvez toujours poser quelques questions. Cependant, je ne crois que ça modifie, de beaucoup, la preuve qui est devant nous dans les textes mêmes qui ont été déposés. C'est un échange qui serait de nature à influencer grandement un juge. Seulement, ici, la commission parlementaire n'est saisie que des informations qu'on a déjà et je pense que c'est suffisant.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je m'en reporte à votre sens de l'équité. Si vous vous souvenez, j'ai présenté mon mémoire en deuxième place, et il a été permis, notamment à la FTQ et à M. Laberge de questionner mes sources de renseignements qui vous ont été communiquées. Quand on parle de statistiques, je parle de 37.5 venant du bureau fédéral de la statistique, statistiques également employées par la province de Québec.

Quand on arrive aujourd'hui et que, nommément, on dit: Me Lefebvre a dit ceci et cela la dernière fois, je me sens drôlement attaqué.

M. LE PRESIDENT: Nous sommes pris avec nos décisions larges, antérieures.

M. LEFEBVRE: Et lorsqu'on cite, à l'encon-tre des 37.5 p. c, le chiffre de 20 p. c. devant cette commission, je pense que j'aurais le droit de demander d'où viennent ces statistiques. Je vous avais affirmé antérieurement que le coût de construction avait augmenté, et on vient nous dire: En fait, le coût n'a pas augmenté, on a diminué la main-d'oeuvre pour changer cela pour des matériaux ou des nouvelles techniques, il me semble que j'ai le droit de poser des questions. Par exemple, je voudrais demander au représentant, M. Desjardins, si, aujourd'hui, il affirme que le coût d'une maison n'a pas varié.

En ce sens que, en 1960, la maison que vous payiez $12,500, vous pourriez avoir, aujourd'hui, une maison d'une même superficie et d'une égale qualité pour le même prix?

M. DESJARDINS: Je dis que ce qui a été augmenté, ce sont les terrains, les matériaux, le profit. Par contre si l'ouvrier gagnait avant $3 et aujourd'hui $4, avec le nombre d'heures qui est réduit pour construire la maison, le coût de la main-d'oeuvre n'a pas augmenté. Je parle du coût de la main-d'oeuvre, par rapport à tous les produits qui sont...

M.LEFEBVRE: Moi, je veux bien que le président, M. Laberge, intervienne et dise que les profits des employeurs ont augmenté, mais je cite son témoin antérieur, qui a dit que les profits des entrepreneurs diminuaient. Je ne veux pas mettre quelqu'un en contradiction avec lui-même, mais, à la même séance, devant la même commission, le même matin, il faut quand même être constant.

M. LABERGE: Vous êtes comme les médecins spécialistes.

M. LEFEBVRE: Il y a également des affirmations qui ont été faites et qui sont préjudiciables aux employeurs que je représente, et je ne pense pas dépasser mon mandat en posant certaines questions. Lorsque vous avez affirmé, M. Desjardins, que les maisons d'aujourd'hui n'étaient bonnes que pour 15 ans...

M. DESJARDINS: Vous dites 15 ans, Ce n'est pas ça que j'ai dit du tout. J'ai dit qu'elles n'avaient pas besoin de service avant 15 ans. Si vous voulez des clauses de service spécial, pour payer la main-d'oeuvre moins cher d'après les heures, c'est la seule chose que j'ai affirmée. Je n'ai pas dit qu'elles duraient seulement 15 ans. Au contraire, vous n'avez pas besoin de service dans une maison avant 15 ans. C'est ça que j'ai dit.

M. LEFEBVRE: Je retire ma question. Je comprends que vous constatez que les maisons sont bonnes pour 15 ans. Merci. Je voudrais simplement, avec la permission du président, amener une partie de témoignage — ce ne sera pas sous forme de question — que, de fait, M. Desjardins a quand même raison lorsqu'il dit que, pour compenser les augmentations de salaire, il faut que les employeurs trouvent des méthodes nouvelles pour absorber en totalité ou en partie, l'augmentation des coûts. Cela, nous l'avons prôné.

De fait, nous trouvons, aujourd'hui, des maisons complètement préfabriquées et qu'on assemble sur place. Dans ceci, je rejoins peut-être la question que se posait M. Cournoyer, notre ministre, lorsqu'il disait: Est-ce que le coût de la main-d'oeuvre n'entrafnera pas du chômage? Il faut quand même concevoir que si on augmente le coût de la main-d'oeuvre, l'employeur, pour compenser, va diminuer le coût de la main-d'oeuvre en diminuant le nombre d'heures par des techniques nouvelles et que ceci amène inévitablement du chômage.

Voici l'autre question. Vous avez dit, M. Desjardins, qu'il y avait présentement trop d'ouvriers dans la construction. Que va-t-on faire de ces ouvriers-là?

M. LABERGE: II n'y a pas trop d'ouvriers, il y a trop de chômage.

M. DESJARDINS: Par les 100,000 emplois de M. Bourassa. Premièrement, on a trouvé une solution. S'il se fait beaucoup plus de construction, c'est certain qu'il va y avoir moins de chômage. Présentement, avec toutes les méthodes, vous admettrez... Prenez par exemple les briqueteurs; de nos jours, on en a besoin beaucoup moins qu'auparavant. C'est reconnu. Il y a beaucoup de métiers comme ça. Si vous prenez, par exemple, le plombier; le chauffage à eau chaude n'existe presque plus, c'est le chauffage à air chaud. Il y a tous ces problèmes-là et cela va en s'accentuant tout le temps.

M. LEFEBVRE: Par la diminution du nombre d'heures que les ouvriers travaillent normalement, c'est-à-dire par le chômage total ou partiel de certains, il est évident que cela amène des pertes de revenu chez les travailleurs de la construction. Vous êtes d'accord avec ça?

M. DESJARDINS: Le chômage...

M. LEFEBVRE: Est-ce que les demandes salariales que vous faites présentement sont en fonction de ce chômage?

M. LABERGE: On répondra à ça tout à l'heure.

M. DESJARDINS: Je vais vous dire que ce n'est pas la parité salariale qui va empêcher le chômage. Vous avez en Ontario et partout dans les neuf autres provinces, de nombreuses constructions et le salaire est beaucoup plus haut qu'au Québec. Si vous pensez que le chômage est dû à la parité salariale, je n'y crois pas.

M. LEFEBVRE: M. Desjardins, la question que j'ai posée est celle-ci : Est-ce que le taux de salaire de la construction, qui est quand même plus élevé que le taux de l'industrie manufacturière, est en fonction des pertes de temps que subissent les ouvriers?

M. DESJARDINS: Etes-vous capable de me répondre pourquoi vous avez dit qu'en Ontario il y a deux fois et demie plus d'ouvrage, quand le salaire est beaucoup plus élevé qu'à Montréal et que la compétence y est moindre qu'au Québec? Répondez à cette question et je répondrai à la vôtre.

M. COURNOYER: J'aimerais poser une question à M. Desjardins, là-dessus en particulier. Est-ce qu'en Ontario, lorsque les salaires, que vous dites plus élevés qu'au Québec, sont décrétés ou acceptés entre une union et un employeur, ça reçoit application universelle dans toute la province d'Ontario?

M. DESJARDINS: Je veux vous dire une chose, c'est qu'à aucun endroit, en Amérique du Nord, il n'y a des décrets.

M. COURNOYER: Ce n'est qu'ici qu'il y en a.

M. DESJARDINS: Seulement ici.

M. COURNOYER: Ici, une augmentation de salaire — on discute quand même pour discuter — a un effet immédiat sur l'économie. Par contre, en Ontario, lorsque vous négociez une convention collective avec une grosse entreprise de construction, qui fait normalement de gros projets de construction, n'est-il pas vrai de dire que, selon toute possibilité, d'un côté de la rue, vous avez un "union job" et que, de l'autre côté de la rue, vous êtes soumis à la loi du salaire minimum en Ontario?

M. DESJARDINS: Si vous prenez par exemple le local 46 de Toronto — je vais vous parler de plombiers, étant donné que mon expérience est de ce côté-là — il a des conventions collectives avec tous les genres de construction possibles.

Si vous me dites qu'à un endroit ils ont moins cher qu'en face, peut-être. Mais je suppose que presque toutes les personnes sont syndiquées.

M. COURNOYER: M. Desjardins, pour reve- nir au noeud du débat, il s'agit d'une question de parité salariale.

M. DESJARDINS: C'est ça.

M. COURNOYER : Vous m'avez donné un exemple tantôt de travaux faits qui n'ont pas augmenté le coût de la construction.

M. DESJARDINS: C'est ça.

M. COURNOYER: Là-dessus, je pense que, malgré toute la réticence que l'on peut avoir dans la salle, vous avez raison. Le coût de la construction comme tel ou le "man power content" ou la main-d'oeuvre n'a certainement pas augmenté parce qu'il a été paré immédiatement par l'introduction de nouveaux matériaux de construction ou de nouvelles méthodes de construction, ce qui fait que les augmentations de la main-d'oeuvre n'ont pas eu des effets directs sur ce genre d'opération.

Cependant, vous allez à Brossard pour faire votre enquête. La parité salariale avec Montréal et Brossard existe déjà si je me souviens bien.

M. DESJARDINS: Oui.

M. COURNOYER: C'est dans le même territoire de décret. Ce qui m'importe de discuter avec vous et d'entendre vos représentations, c'est l'effet de la même décision de payer les mêmes salaires, par exemple, à Rimouski. Est-ce qu'à Rimouski on construit des maisons de la même manière que l'on construit des maisons dans la région immédiate de Montréal?

M. DESJARDINS: Vous avez dit que les matériaux que l'on utilisait étaient les matériaux qui ont diminué la main-d'oeuvre. Les mêmes matériaux sont en vente partout.

M. COURNOYER: Matériaux et méthodes de construction. Parce que la méthode de construction par formes préfabriquées ou panneaux tout à fait complétés dans une entreprise qui ne fait que des panneaux — je ne ferai de publicité à personne, mais il y en a qui ne font que des panneaux — est-ce que cela se fait également dans d'autres régions? S'il est vrai, par exemple, que l'on prend cinq heures à deux hommes pour construire les formes d'un solage — pas le solage, je comprends la réaction — s'il est vrai que l'on prend cinq heures, à Montréal, dans un chantier de 25 ou de 30 maisons parce que nous avons des formes préfabriquées, est-il vrai également que, dans d'autres régions du Québec — là où on voudrait introduire la parité salariale — que les mêmes méthodes de construction peuvent recevoir application et ne pas avoir d'effet — même si je donnais la parité salariale à tout le monde dans la province de Québec — en créant des chômeurs additionnels parce que le coût comme tel serait augmenté vu

que l'on n'a pas les mêmes méthodes, que l'on n'a pas les dispositions ou les moyens d'en faire les mêmes méthodes? Je pose la question.

M. LABERGE: M. le Président.

M. COURNOYER: Je le sais que c'est comme ça.

M. LABERGE: M. le Président, j'ai bien l'intention, dès que l'on me permettra de faire une présentation, de parler justement de ce problème-là. Je pense que le ministre du Travail va admettre que ce n'est pas une réponse qui se donne par un oui ou par un non. C'est quand même un peu plus compliqué que cela. On ne prétendra certainement pas qu'une augmentation de salaire de $1.25 voudra dire qu'il n'y aura pas d'augmentation du tout dans le coût. Ce n'est pas ça du tout. On n'essaiera même pas de vous convaincre de cela. Nous avons l'intention d'essayer de donner une réponse complète à cette question-là.

M. COURNOYER: D'accord, je ne voulais pas mettre en doute le témoignage de M. Desjardins. Je voudrais strictement rappeler aux membres de la commission qu'à Brossard, c'est dans le décret de Montréal. Que la parité salariale y existe déjà et que les conséquences des salaires de Montréal se sont déjà fait sentir sur les méthodes de construction et sur le genre de matériaux.

M. LABERGE: C'est ça. Comme cela peut se faire ailleurs.

M. COURNOYER: Oui, mais quand on arrive dans le reste de la province, vous comprenez que je m'interroge sur l'effet immédiat, non pas sur l'effet dans dix ans. Je n'ai pas de problème dans dix ans. Il est possible que des développements considérables viennent justement motiver un changement de méthodes de construction. Avec cela je ne me querelle pas. Immédiatement, prenez la parité salariale, quels effets cela a-t-il? Vous avez dû l'étudier. C'est seulement cela que je veux savoir.

M. DESJARDINS: Je vais répondre à cette question. Prenez Rimouski, par exemple, cela coûtait auparavant $3,000 de temps pour bâtir un bungalow. Je dis que présentement ça ne coûte plus $3,000. C'est cela que j'affirme. Si vous dites que les matériaux de Montréal sont nouveaux, et dans la province ne le sont pas, je dis qu'ils sont en vente partout dans la province. La marqueterie doit certainement être en vente partout ailleurs. Je ne dis pas que cela ne montera pas le coût de la main-d'oeuvre présentement. Mais, par exemple, est-ce que ça va coûter plus cher qu'auparavant? Si avant ça coûtait $3,000 pour bâtir un bungalow, maintenant, même si les salaires ont augmenté, cela en coûte moins cher que $3,000 parce que le nombre d'heures est moins grand qu'auparavant.

M. COURNOYER: Mais est-ce que vous admettez seulement une chose en passant, que j'ai moins de salariés qui travaillent à un projet de construction?

M. DESJARDINS: C'est sûr. L'automation, vous n'empêcherez jamais cela. C'est partout.

M. COURNOYER: D'accord, mais disons que la question que je me suis posée et sur laquelle M. Burns m'a interrogé au début de l'assemblée, c'est cette question: Est-ce que je peux me permettre de créer de nouveaux chômeurs immédiatement? En donnant des choses comme cela. Je suis bien prêt à donner la parité salariale, cela ne me fait pas un pli sur la différence. Seulement ce qui arrive, par exemple, c'est que je ne veux pas créer des chômeurs. C'est tout ce que je cherche.

M. DESJARDINS: Je demanderais si le gouvernement fédéral, quand il a mis la taxe de 11 p. c, a pensé tellement au chômage?

M. COURNOYER: Non, il en a créé à ce moment-là, je le déplore.

M. DESJARDINS: Les 11 p. c, ils sont faits sur le dos du travailleur, toujours, c'est cela. Peut-être que si les 11 p. c. n'existaient pas, on ne s'attarderait pas autant peut-être, pour demander la parité salariale.

M. LE PRESIDENT: M. Gagnon.

M. GAGNON: On a demandé des chiffres en ce qui concerne le facteur domiciliaire que certains croient être la base fondamentale de l'industrie de la construction tandis qu'elle représente une partie infime. Dans le sens où l'urbanisation va se continuer, cela va continuer à diminuer la relation domiciliaire et les grosses habitations. De toute façon, moi, je ne trouve pas qu'on a menti lorsqu'on me dit par exemple que les profits baissent et que, de l'autre côté, on a la même situation.

C'est qu'il y a des phénomènes nouveaux. Mais avant de passer aux phénomènes nouveaux, mettons-nous d'accord; c'est ceci, c'est cela, ce sont des recherches. A l'heure actuelle, vous avez dans la construction domiciliaire en répartition, 13 p. c. pour la main-d'oeuvre, 49 p. c. pour le financement qui coûte très cher et l'achat du terrain qui coûte aussi très cher. Alors, si vous voulez jouer aux statistiques, on peut prouver très facilement que l'augmentation dans les prix ne vient pas nécessairement de la main-d'oeuvre mais au contraire des deux autres phénomènes.

Maintenant, on a parlé ici de parité salariale.

Moi je crois qu'ici, au point de vue de la province, on trame légèrement en arrière. Par exemple, on prend les projets d'habitations dans l'Ontario et organisés par l'"Ontario Housing Corporation".

Il y a, à l'heure actuelle et cela dans la plupart des cas au prix de l'union, 42,000 unités de logement, soit à l'exécution ou en projet. Maintenant on a les chiffres ici indiquant que l'unité de logement à la Petite Bourgogne, une seule unité de logement a coûté $40,000 — chiffre moyen par unité de logement — dans le projet Jamestown dans la région de Toronto, $20,000 — c'est ça que cela a coûté. Si vous voulez des statistiques, je me suis armé et j'en ai dans ma serviette et je vous les fournirai.

Maintenant, je crois que le phénomène qu'on a oublié, c'est la question du marché. Moi, je peux comprendre que les entrepreneurs font moins de profit et qu'on est plus malmené. C'est parce qu'on oublié une chose très importante. C'est que, de nos jours, le logement devient un facteur social. De quelle façon a-t-il été réglé à Toronto et dans la région métropolitaine? C'est par le logement subventionné. Il n'y a pas d'autre façon de régler le problème. Autrement, vous allez nous demander de construire des tentes pour les citoyens parce que les chiffres de la construction, d'un bout à l'autre de la province et dans les meilleures conditions possibles, sont d'en arriver avec un loyer de $125 par mois tandis qu'à Montréal, je regarde votre proportion de salariés qui gagnent en bas de $3,500. Il est impossible, dans ces conditions, de régler le problème sans qu'on ait une approche sociale. Et je dis que, si on peut le régler à Toronto, c'est bien simple: c'est que le gouvernement, la "Ontario Housing Corporation" est beaucoup en avance sur nous. Or, à un moment donné, eux, ils décident de donner une subvention à un type qui paie actuellement $60 dans un vieux taudis mais qui a besoin pour lui et sa famille d'un logement de $110 ou de $120. Bien, le gouvernement paie la différence. Et, laissez-moi vous dire que cela ça coûte meilleur marché que la Petite Bourgogne. Calculez votre affaire pour la Petite Bourgogne à $40,000 l'unité, vous pourrez donner une subvention pour 75 ans à venir. Mois, je dois vous dire ici: Chicanez-vous tant que vous voudrez, à moins qu'on commence à regarder le logement comme un facteur social, on n'y avancera pas. C'est aussi bête à l'heure actuelle de demander de régler cela de l'ancienne façon que de demander aux chômeurs de marcher dans la rue parce qu'ils ne paient pas assez cher de taxes.

C'est aussi bête que cela. Alors, voilà un facteur nouveau et vous devriez étudier ce phénomène sérieux qu'on a dans le Montréal métropolitain: environ cinq cents unités de logement en projet. Même M. Drapeau en promet 5,000 pour d'ici 1974 et ça ne sera pas suffisant pour remplacer les logements qui vont tomber de vieillesse. Je crois qu'à moins de débouchés, avec une approche un peu plus progressive, on court des risques de se chicaner longtemps, sans avancer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les propos de M. Gagnon sont fort intéressants, mais justement cette approche sociale a toujours été celle du gouvernement, particulièrement celui qui a précédé le gouvernement actuel. L'approche sociale dont parle M. Gagnon, nous pouvons vraiment l'atteindre que si nous avons des données statistiques. Si, tout à l'heure, je suis intervenu parce qu'on donnait des chiffres de part et d'autre, ce n'était pas pour donner raison à l'une ou à l'autre des parties, mais bien pour savoir quelle était la base exacte de la discussion. Le ministre nous a dit, tout à l'heure, que nous avions toutes les données statistiques dans les documents que nous avons, et lorsqu'on interroge les témoins, on se rend compte qu'il est assez difficile quelquefois de concilier les statistiques que nous trouvons consignées dans des documents officiels.

Pour nous, qui aurons à prendre des responsabilités, celles en particulier de conseiller le gouvernement et de lui dire dans quel sens il doit infléchir sa politique. Il est important que nous ayons une idée exacte du problème et que nous entendions les parties sur tous les sujets qu'elles veulent bien examiner devant nous et que nous ayons la liberté de leur poser des questions, ce qui ne met en doute d'aucune façon leur crédibilité.

M. GAGNON: Est-ce que je pourrais vous indiquer que vous pourrez vous procurer ce mémoire-ci? Il n'a pas été fait par une organisation qui est trop révolutionnaire et pas plus que syndicale, c'est un mémoire qui a été présenté au gouvernement provincial, préparé par les Domaines Concordia Ltée, qui sont en train d'établir... Le mémoire est bourré de chiffres. Je crois que je vais m'empresser de vous en faire parvenir un dans le plus bref délai possible.

M. DEMERS: Nous l'avons ici, M. Gagnon...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, M. le Président...

M. GAGNON: Vous l'avez...

M. DEMERS: ... parce que l'an dernier ç'a été présenté à la commission d'habitation.

M. GAGNON: A ce moment-là, d'où vient ce dire qu'on n'a pas de chiffres, si vous l'avez déjà?

M. DEMERS: Ce n'est pas moi qui ai mis en doute et qui, en plus, ai demandé des chiffres. Nous les avons. Et des statistiques, on peut vous

en descendre au camion ici. Cela ne réglera pas le problème qui est pertinent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais revenir à la question impertinente du témoin. La question n'est pas de savoir si nous avons, ou si nous n'avons pas les chiffres, mais la question est de faire la réconciliation des documents officiels que nous avons.

Or, en entendant les parties, nous nous rendons bien compte qu'elles ne s'entendent pas et ce sont les raisons pour lesquelles j'ai demandé tout à l'heure qu'on nous dise exactement quelle était la valeur des chiffres avancés par M. Desjardins et la valeur de ceux avancés par M. Lefebvre. Alors, veuillez croire, M. Gagnon, que si nous avons besoin de renseignements, nous puiserons à votre source inépuisable et nous serons fort heureux.

M. GAGNON: M. Desjardins n'en a pas avancé. Ce n'est pas la mienne, mais elle est à votre disposition.

M. LE PRESIDENT: Je crois qu'il y a réconciliation sur les chiffres.

Il n'y a pas d'autres questions. Donc, j'inviterai le représentant de la FTQ, M. Laberge, à nous faire les représentations appropriées.

M. LABERGE: Merci, M. le Président.

Fédération des Travailleurs du Québec

M. LABERGE: M. le Président, MM. les membres de la commission, MM. les témoins de la commission, je n'ai pas l'intention, évidemment, de vous lire le document. Vous l'avez déjà lu. J'attirerais votre attention, toutefois, sur la lettre qui précède le document, et, ensuite, sur le fait que l'ex-ministre du Travail nous avait demandé surtout des renseignements.

Nous les avons préparés dans les pages jaunes, afin que vous puissiez retrouver ces points plus facilement. Cela a été un peu étrange, ce qui s'est passé devant cette commission depuis le début de ces travaux. On a eu, je pense, deux sortes de représentations. La première sorte est une liste de compagnies, de corporations qui voulaient se faire exclure du décret. Et, de l'autre côté, on a eu des représentations sur la parité salariale. Et on n'a presque pas touché aux autres points, sauf à la question de l'ancienneté peut-être.

Pour nous, la parité salariale est quelque chose de crucial. Il y a aussi d'autres points aussi importants que la question de la parité salariale. M. Lefebvre, entre autres, disait: Pour permettre à certains de rejoindre les autres, il faudrait qu'un groupe demeure immobile. Et je pense que M. Desjardins a essayé de vous faire comprendre qu'on ne peut quand même pas demander aux travailleurs de la construction de toute la grande région de Montréal de demeurer immobiles pendant des années pour attendre que les autres les rejoignent. Cela n'a quand même pas d'allure.

En fait, il y a deux ans, les travailleurs de la construction de Montréal gagnaient plus que ceux de Toronto. Et aujourd'hui, ils sont en deça de ceux de Toronto. Je pense que la différence, — cela varie d'un métier à l'autre — est pour les charpentiers-menuisiers, de $0.86 l'heure de moins. Pour les plombiers, elle est de $0.87 l'heure de moins.

Vous allez comprendre qu'il y a quelque chose qui doit être fait dans ce domaine. Quand on regarde les mémoires présentés par les associations patronales — et là je pense qu'on peut puiser énormément d'informations — si les parties se contredisent, les parties patronales se contredisent entre elles aussi. Entre autres, la Fédération des constructeurs d'habitations, je pense que c'est comme cela que ça se nomme, a essayé de nous décrire que la parité salariale voudrait dire une augmentation de 30 p. c. dans les coûts d'habitation, alors que la Corporation des maîtres électriciens, sur le tableau 3.5, précise que l'augmentation des coûts de la construction varie entre 3 p. c. et 11 p. c. C'est très différent de 30 p. c. Moi, je ne veux pas entrer dans les détails, vous avez déjà ces informations-là, et nous n'avons pas voulu essayer de vous présenter, nous aussi, une série de chiffres pour vous convaincre qu'une augmentation de salaire aussi tangible, aussi appréciable que celle qui est nécessitée dans plusieurs coins, n'amènerait aucune différence dans les coûts. Il est bien évident que ça va avoir une certaine influence.

Par contre, si on regarde encore une fois ce qui se passe dans la grande région de Montréal, où le coût de la construction est le plus bas à travers le pays et le deuxième plus bas à travers la province, je pense que les membres de la commission devraient aussi quelque peu s'interroger sur l'efficacité des entrepreneurs, sur la marge des profits, sur l'exploitation honteuse qui a été faite sur les terrains. Et je tiens à dire que là-dessus aucun gouvernement n'a encore rien fait, la spéculation continue de plus belle. Le gouvernement n'a pas encore une politique d'habitation et lorsqu'on dit — et là ce sont des arguments qu'on entendait en 1914 et même avant — qu'une augmentation de salaire voudrait dire une augmentation de chômage, moi, ça me renverse qu'en 1970 on soit encore obligé de discuter de ce facteur-là, quand, au contraire, on a vu dans toutes les grandes villes dynamiques où il y a eu énormément de progrès, que les salaires ont été plus élevés. Et laissez-moi ne vous donner qu'une couple d'exemples: la Côte-Nord, Sept-Iles, Baie-Comeau, Hauterive et tout cela comparativement à Gaspé où tout le monde se creuse la tête pour essayer de trouver des solutions pour sortir la péninsule du marasme. Et cela, ce n'est quand même pas parce qu'ils gagnent trop, les gars de

Gaspé. Et pourtant il n'y a pas eu de progrès économique à Gaspé, tandis qu'il y en a eu à Sept-Iles, à Baie-Comeau et à Hauterive, alors que les salaires ont été beaucoup plus élevés.

L'augmentation causée par la parité salariale, quel va en être l'effet immédiat? Est-ce que cela va vouloir dire: plus de chômage. Je pense qu'on ne devrait pas brandir trop cet épouvantail. S'il y a du chômage, c'est pour beaucoup d'autres raisons que le taux de salaire. Evidemment, le taux de la productivité.

M. DEMERS: Je m'excuse, est-ce que M. Laberge me permettrait une question?

M. LABERGE: Certainement.

M. DEMERS: A Gaspé, mettez des salaires au maximum: pas d'ouvrage. Est-ce que vous ne trouvez pas que dans votre assertion il y a quelque chose qui ne va pas? Au nord, beaucoup de salaires et beaucoup d'ouvrage: je suis d'accord. Mais à Gaspé, il n'y a pas de travail. Quand bien même vous donneriez des salaires, ce n'est pas cela qui augmentera le travail.

M. LABERGE: Je suis parfaitement d'accord.

M. DEMERS: Est-ce que cela ne sent pas un peu le sophisme, ce que vous dites?

M. LABERGE: Si vous me permettez, M. le député, je n'ai pas essayé de vous convaincre que, s'il y avait des salaires plus élevés, cela créerait des emplois. J'ai essayé de faire la part des choses, si vous permettez, parce que toute l'argumentation de toutes les associations patronales, y compris de leur économiste, a été que s'il y avait une augmentation de salaire, cela voudrait dire plus de chômage. Je regarde le document présenté par le CDE: le Centre des dirigeants d'entreprises. Ce document nous ressort ces mêmes arguments qu'on avait il y a cinquante ans: Venez vous installer au Québec, les gars sont travailleurs, ils ont de bas salaires, ce sont de bons charroyeurs d'eau obéissants.

Si nous sommes obligés de bâtir notre économie là-dessus, vous allez comprendre, vous allez admettre, je pense, que c'est une économie de bouts de chandelle. Encore une fois, regardez les chiffres — quand on voit des différences dans les salaires, comme cela existe au Québec dans l'industrie de la construction, des différences allant aussi haut parfois que $1.75— $1.77 l'heure, et que le coût de la construction par unité est plus élevé que dans la région métropolitaine (où les salaires sont plus élevés) je pense que vous devez vous poser d'autres sortes de questions que l'effet qu'aura une augmentation de salaire. Quelle est l'efficacité des entrepreneurs? Quelle est la spéculation éhontée que nous avons sur les terrains? Quelles sont les méthodes de produire des entrepreneurs?

Les méthodes acceptées par les entrepreneurs de Brossard, par exemple — étant donné que nous avons parlé de Brossard — peuvent facilement être importées à Rimouski ou à Chicoutimi ou ailleurs. Il est évident que si vous construisez des maisons en série, vous aurez une économie additionnelle, dont l'entrepreneur qui construira des maisons une à une, par exemple, ne pourrait pas bénéficier. C'est évident. Et c'est pour cela que nous n'essayons pas de vous convaincre qu'une augmentation de salaire de cette échelle ne voudrait pas dire une augmentation quelconque dans les coûts de la construction. H est évident qu'à certains endroits, il y aura une augmentation.

Maintenant, je vous pose la question: Le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, depuis quelques années, dépensent des millions et des millions pour faire disparaître justement les disparités régionales. On a eu commissions d'étude sur commissions d'étude. On a eu encore une fois des millions engloutis pour faire disparaître les disparités régionales. La question que vous devez vous poser: Est-ce qu'il en coûtera plus cher, par la suite, de continuer les travaux en vue de faire disparaître ces disparités régionales que de donner la parité salariale dans l'industrie de la construction?

On a fait état, et on va nous faire pleurer quelque peu, sur les petits entrepreneurs de la construction, qui, eux, seraient mal pris s'il y avait la parité salariale.

Je pense qu'au cours des années il a été démontré, sans l'ombre d'un doute, que dans plusieurs genres d'industries, les industries du genre familial, alors que ces industries ne survivaient dans certains cas que parce que, justement, elles payaient à leurs travailleurs des salaires qui étaient loin d'être des salaires décents et où, dans certains cas, on a réussi à syndiquer les travailleurs, à signer des conventions collectives, dans la plupart des cas, ces entreprises se sont modernisées, ont modernisé leur équipement, ont changé leurs méthodes d'administration et sont devenues des industries florissantes. Il est évident qu'il y en a quelques-unes qui ont disparu. Il est évident que certains entrepreneurs pourraient disparaître. Je pense que cela ne devrait pas vous arrêter puisque, rien qu'à Montréal, chaque année, il disparaît 8,000 entrepreneurs en construction.

Il y a une chose que nous avons oubliée — excusez-moi, mais ça brûle, j'essayais de m'endurer, parce que, paraissant aussi souvent devant vous, messieurs, on est mieux de se préparer à brûler pour plus longtemps.

M. DEMERS: C'est de l'eau-delà, vous.

M. LABERGE: C'est ça. Si la seule référence que nous avons, ce sont ceux qui ont passé ici, eh bien! nous allons chez le diable.

UNE VOIX: H vaudrait mieux avoir un billet d'aller et retour.

M. LABERGE: Dans trop de cas malheureusement, les petits entrepreneurs sont ceux qui ne respectent aucunement les normes de sécurité dans les chantiers. C'est parmi ceux-là qu'il arrive le plus d'accidents. Encore une fois, il en disparaît 8,000 par année dans la région de Montréal. Qu'un entrepreneur disparaisse ne veut pas nécessairement dire que vous avez des gars en chômage parce que s'il avait fallu que, chaque fois qu'un entrepreneur disparaissait il y ait eu des travailleurs de la construction en chômage, il n'y aurait plus personne qui travaillerait. Beaucoup ont disparu; 8,000 par année, reculez de trois ans, cela vous en fait 24,000. Cela peut vous donner une petite idée. Il reste qu'il y a des maisons qui devront être construites. Il y a des usines qui devront être construites et il y a des routes qui devront être construites. Je vais essayer de parler le moins possible des routes parce qu'on ne nous reconnaît pas le droit de parler de justice sociale, mais il reste que, lorsque vous construisez un pont et que vous avez des gars, parfois le même gars, qui reçoivent des taux différents suivant le bout du pont sur lequel il travaille ou des approches, cela je pense que c'est quelque chose d'absolument inacceptable. Nous venons de vivre des événements assez tragiques. Il y a des injustices sociales qui doivent être corrigées. Il y a des injustices sociales qui seront corrigées et cela va coûter quelque chose. Une des injustices sociales, c'est quand même la disparité salariale. Quand vous avez des gars dans le même chantier, ou d'un côté de la rue et de l'autre, qui gagnent $1.25, $1.50, $1.75 de moins de l'heure, je pense que vous allez comprendre que cela n'est pas fait pour assainir le climat. Ce n'est certainement pas fait pour assainir les rapports entre les travailleurs eux-mêmes et entre les travailleurs et les patrons. Me Lefebvre nous a donné un tas de chiffres mais en relisant l'autre jour le journal des Débats, je me suis rendu compte qu'il y a un des chiffres qu'il était censé donner — et que moi, pour ma part, je n'ai pas eu, peut-être l'avez-vous reçu? — A ce moment-là, c'est le député Burns qui avait posé la question sur la marge des profits. Est-ce qu'il y avait entente, est-ce que c'était quelque chose qui pouvait se comparer? A ce moment-là, M. Lefebvre nous a informés qu'il y avait justement des entrepreneurs de la construction d'habitations qui étaient en congrès à Montréal, qu'il s'enquerrait et qu'il nous donnerait des informations. Nous ne les avons pas eues encore. Je vous avais posé une question lors de la dernière séance de la commission parlementaire au sujet de contrats qui avaient été donnés pour le pont Papineau. Je remarque que ce matin nous n'avons pas cette information.

Je pense que c'est une information qui aurait pu être utile à tout le monde et certainement aux parties les plus intéressées.

Evidemment, je me sens un peu bousculé par le temps, parce que le ministre nous a fait part de son intention de sortir le décret avant Noël, si possible. Vous êtes déjà en session. Apparemment vous avez des discussions très intelligentes et très importantes et la commission n'a pas le temps de siéger plus souvent ou plus longtemps. Nous ne voulons certainement pas être accusés de retarder le décret, nous allons terminer dans quelques minutes. Je ne voudrais pas quand même passer sous silence la question cruciale des droits acquis.

Vous allez admettre que les gars de la construction ont accepté pas mal d'eau dans leur vin depuis quelques mois. Vous n'êtes pas complètement à blâmer pour cette situation, vous ne l'avez certainement pas recherchée, parce que les parties ne se sont pas entendues — d'ailleurs nous l'avions prédit — c'était impossible. Nous sommes maintenant devant vous, et vous allez être obligés de prendre une décision arbitraire, basée bien sûr sur de l'information que nous vous avons donnée, mais quand même, une décision qui sera arbitraire et qui ne satisfera personne et je pense que vous vous attendez à être critiqués par à peu près toutes les parties, une fois que vous aurez pris une décision.

Vous allez admettre que ce n'est quand même pas une situation des plus drôles et il faudrait qu'un jour les parties puissent régler leurs propres problèmes. Les travailleurs de la construction ont dû mettre beaucoup d'eau dans leur vin, et à un tel point qu'il ne reste maintenant presque plus de vin. Et la question des droits acquis, encore une fois, c'est quelque chose de vital, de crucial, pour la paix dans les chantiers. Je m'explique: $0.75 l'heure d'augmentation pour un décret de trois ans n'est pas quelque chose de renversant dans l'industrie de la construction, alors qu'on voit qu'à Toronto, tout dernièrement, on a signé pour $1.50 ou à peu près ça. Les gars l'ont accepté...

M. LE PRESIDENT: Pour trois ans?

M. LABERGE: Oui, oui. Une loi, a été adoptée forçant les gars à retourner au travail. Ils n'ont même pas menacé, comme certains autres groupes du Québec, de retourner au travail mais de mal faire leur travail — le travail a été bien fait — il n'y a pas eu d'accrochage dans les chantiers, sauf une couple d'exceptions. Les gars savent qu'actuellement une décision va être prise leur faisant avaler un tas de choses, mais si, en plus de tout ça, vous faites disparaître des droits qui ont été chèrement acquis dans bien des cas, des droits qui ont été acquis par une négociation longue et ardue et parfois même par des disputes plus ou moins violentes, faire disparaître en ce moment les droits acquis, équivaudrait en quelque sorte à un défi lancé aux gars de la construction. Les gars de la construction ne sont pas heureux, il est bien évident que pour eux aussi la question primordiale c'est le chômage. Il est bien évident

qu'une augmentation de salaire ne veut pas nécessairement dire une augmentation des travaux dans l'industrie de la construction, mais ce que le gouvernement pourrait fort bien faire, par exemple, serait justement de se donner une politique d'habitation.

Ce serait justement de faire des pressions pour que la surtaxe de 11 p.c. sur les matériaux de construction saute. Cela aiderait certainement à diminuer le chômage dans l'industrie de la construction. Il faudrait légiférer pour que la spéculation éhontée sur les terrains arrête et que le domaine public s'accapare de ces terrains-là pour encourager justement la construction d'habitations — non pas les loyers modiques parce que cela c'est un peu de la foutaise — mais on peut dire d'habitations à loyer subventionné.

Ce sont des choses qui devraient être faites si on s'inquiète du chômage non seulement dans l'industrie de la construction et ailleurs. Le vieux proverbe dit: Quand l'industrie de la construction va, tout va. C'est un peu vrai et cela s'est vu à maintes reprises.

Actuellement, l'industrie de la construction souffre d'un marasme assez sérieux. Vous avez remarqué que j'ai fait attention à ma prononciation en disant le mot.

Je termine sur la question de la parité salariale en vous référant quand même à plusieurs groupes du haut Québec qui ont déjà la parité salariale: Par exemple, les fonctionnaires — je ne dirai pas les députés, il va de soi. Là, vous voyez encore une chose épouvantable alors que vous avez des fonctionnaires du ministère de la Voirie qui travaillent avec des employés de l'association de M. L'Heureux — des constructeurs de routes — et qui n'ont pas d'heures spéciales, qui ont des heures régulières comme tous les autres et qui ont des salaires comme tous les autres fonctionnaires. Ils travaillent à côté des autres gens. L'affaire a l'air de marcher.

Vous avez tous les employés d'hôpitaux. Vous avez tous les enseignants. Vous avez tous les employés des industries qui font affaires à travers le Québec comme par exemple, Québec Air, Air Canada, le CN, le CP et toutes ces entreprises-là. La parité salariale est une chose qui est déjà reconnue de fait. J'attire votre attention sur le document sessionnel numéro 72. Le document sessionnel —je pense que la commission n'a même pas le droit de changer cela parce que c'est une loi, cela fait partie de la loi — dit que, vu qu'il est reconnu de fait, que pour certains métiers dans les grands chantiers, la parité existe... J'attire votre attention là-dessus puisque déjà on est assuré que, pour une partie des travailleurs de la construction, il y aura parité salariale et que vous n'avez qu'à décider la même chose pour une autre partie qui est loin d'être la majorité. C'est loin d'être la majorité qui sera affectée par la parité salariale; en fait, on a donné des chiffres de 65 p. c. et de 35 p. c.

Je pense que vous devez prendre toutes ces choses-là en considération.

Encore une fois, ce que vous avez à décider dans le fond, c'est si l'augmentation des coûts nous coûtera plus cher au Québec que le fait de ne pas accorder la parité salariale, de continuer dans le climat malsain dans lequel nous nous débrouillons aussi bien que possible dans l'industrie de la construction, depuis plusieurs années.

La dernière question — et cela est rattaché évidemment à la question des droits acquis — est la question des contremaîtres. Dans les chantiers — dans les petits chantiers, évidemment, c'est plus facile — mais dans les chantiers de taille moyenne, le contremaître se doit de faire partie intégrante de l'équipe. On sait — et on voit cela à chaque jour — qu'un gars peut être contremaître pour une semaine, un mois, deux mois, trois mois, et il revient travailler avec ses outils. Avec l'établissement de la sécurité d'emploi, le rapport du juge Gold et tout cela, où le contramaïtre va-t-il se situer s'il ne fait pas partie intégrante de l'équipe? Comment va-t-il pouvoir se faire accepter par ses compagnons dans les chantiers si, à un moment donné, il en est séparé pour un mois, deux mois, trois mois?

Demandez aux contremaîtres ce qu'ils en pensent et les gars vont vous assurer qu'ils veulent faire partie de l'équipe; ils veulent faire partie du décret, être couverts par la convention collective, couverts par le décret, il veulent faire partie de leur syndicat. C'est logique.

Les compagnies ont tout le loisir voulu pour nommer autre chose qu'un contremaître. On ne les force pas à nommer des contremaîtres. Elles peuvent nommer un surintendant et peuvent le payer ce qu'ils veulent; elles peuvent le payer à la semaine; elles peuvent le rémunérer au mois ou à l'année, cela les regarde. Le surintendant ne fait pas partie de l'unité de négociation, mais le contremaître en fait partie depuis toujours, du moins dans certains métiers, et certainement dans la région métropolitaine — et je pense aussi dans d'autres régions — le contremaître a toujours fait partie de son syndicat, il faisait partie de l'équipe. Encore une fois, je vous fais remarquer que le degré de productivité dans la région métropolitaine a été plus élevé que n'importe où ailleurs au Québec. Donc, le fait que le contremaître ait été membre du syndicat n'a pas empêché les gars de travailler et de produire.

Je vous remercie de votre attention. J'aurais voulu en dire un peu plus. Encore une fois, nous sommes tous un peu bousculés par les événements, pressés par le temps. Si vous avez maintenant des questions, c'est avec plaisir que j'essaierai d'y répondre.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laberge, de votre brièveté et de votre célérité. J'invite le député de Saint-Maurice à vous poser des questions.

M. DEMERS: Est-ce que, M. Laberge, vous êtes d'avis, avant que le décret ne soit imposé — parce que, d'après vous, on s'achemine vers un décret — qu'il faille demander au ministre de rencontrer comme médiateurs les différentes parties ou bien qu'on aille au décret immédiatement?

M. LABERGE: J'ai l'impression que c'est un peu ce que le ou les ministres ont été obligés de faire depuis plusieurs semaines et plusieurs mois. Evidemment, nous sommes toujours à la disposition du ministre et de ses représentants. S'ils ont besoin de renseignements additionnels, mon petit doigt me dit qu'ils ont déjà pas mal de renseignements.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une autre question?

M. DEMERS: Etes-vous d'avis que le bill 290 doit être modifié, ou changé, est-ce que vous pourriez nous faire une suggestion?

M. LABERGE: II doit certainement être modifié et changé. Si vous le permettez, vu que nous avons convenu de ne pas en parler ce matin, parce que ça pourrait prolonger les débats, mes collègues de la CSN et nous, de la FTQ, avons décidé de retarder de parler des amendements nécessaires au bill 290 et de garder nos opinions pour un peu plus tard. Justement pour hâter les travaux de cette commission.

LE PRESIDENT: Merci de votre collaboration, M. Laberge. Est-ce qu'il y a d'autres question? M. le député de Dorchester.

M. GUAY: Je voudrais vous demander, M. Laberge, si les contremaîtres sont nécessaires dans les chantiers de construction, ou si, tout simplement, le nom pourrait être changé pour celui de surintendant?

M. LABERGE: Encore une fois, les employeurs peuvent faire à peu près ce qu'ils veulent. Dans beaucoup de chantiers, il n'y a même pas de contremaîtres. Il y a ce qu'on appelle des "pushers", ou des choses semblables. Disons que, depuis quelques années surtout, les employeurs choisissent de préférence des "pushers" que des contremaîtres. De gros gars avec de gros bras, justement pour hâter les travaux. Ce n'est que dans certains chantiers qu'il y a des contremaîtres. Mais encore une fois, les employeurs peuvent en faire des surintendants, s'ils le désirent.

M. DEMERS: M. Laberge, voyez-vous toutes les clauses paraphées, incluses dans le décret, ou bien si elles doivent être renégociées? Comment est-ce que cela va marcher?

M. LABERGE: Les clauses sur lesquelles il y a eu entente, nous espérons qu'au moins, vous allez daigner nous accorder celles-là.

M. DEMERS: Mais, elles vont faire partie du décret?

M. LABERGE: Evidemment!

M. DEMERS: Bon, vous ne voulez pas les renégocier, tout est complet d'après vous?

M. LABERGE: On voudrait bien tout négocier, surtout les deux augmentations prévues pour les deux prochaines années, mais il y a un bill qui porte le numéro 38.

LE PRESIDENT: II mêle un peu...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand vous dites: Vous allez faire cela, vous entendez évidemment le gouvernement. Parce que la commission parlementaire, au terme de la loi 38, n'a pas autre chose à faire que de vous écouter, comme nous l'avons fait, avez beaucoup de plaisir et d'attention, et ensuite, si le ministre veut bien se soumettre à nos questions à une séance ultérieure, nous lui ferons nos représentations. Mais, à toutes fins utiles, c'est le gouvernement, et lui seul, qui prendra les décisions bonnes ou mauvaises.

M. LABERGE: Nous en sommes bien conscients et nous saurons où diriger nos remarques.

LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Laberge vous avez mentionné, entre autres, que le problème des droits acquis, je prends l'épithète que vous avez vous-même utilisée, était vital.

Est-ce que c'est un problème vital pour certains endroits en particulier ou si c'est généralisé à travers la province ou bien s'il y a des distinctions à faire d'une localité ou d'une région à l'autre. Est-ce que vous pourriez simplement élaborer un peu là-dessus?

M. LABERGE: Cela demande évidemment une réponse fort complexe puisque cela varie d'un endroit à l'autre. Disons que le fort de l'argumentation, qui a été apportée par certaines des associations patronales, c'est que les offres déjà faites, les augmentations déjà convenues, ont satisfait en quelque sorte à certains des droits acquis. Et cela, c'est peut-être vrai encore une fois pour les travailleurs qui avaient du rattrapage à faire. Mais ce n'est pas vrai pour ceux qui étaient déjà en haut, encore une fois, dans la vaste région métropolitaine. Parce que eux avaient déjà le salaire et ils avaient, en plus, ces droits acquis. Ils n'ont reçu aucune compensation.

Pour essayer de répondre d'une façon générale à votre question, je suis convaincu qu'il y a

des droits acquis, même dans des régions du Québec, qui peuvent être sacrés pour ces gars-là parce qu'ils les ont gagnés de dure lutte. Mais il est bien évident que c'est encore beaucoup plus important et beaucoup plus crucial pour les gars de la vaste région métropolitaine de Montréal.

M. BURNS: Si je comprends bien, votre clause de droits acquis, même si elle est d'aspect général, couvrirait peut-être des points différents d'une région à l'autre.

M. LABERGE: Evidemment. Maintenant, dans certains cas, il y a certains droits acquis qui ont sauté parce qu'ils ont été remplacés par autre chose. Cela va bien, mais il y a des choses qui n'existent pas ailleurs et qui existent, entre autres, pour certains métiers et, les faire disparaître, c'est quelque chose de dangereux.

M. BURNS: D'accord.

M. DEMERS: M. Laberge, y aurait-il possibilité que, avant que le décret soit établi et pour en assurer l'efficacité et une paix relative, les parties intéressées fassent leurs recommandations au ministre dans ce qu'elles voudraient voir dans le décret, peut-être les négocier entre elles?

M. LABERGE: J'ai quelque peu l'impression que c'est ce que nous avons essayé de faire.

M. DEMERS: Je comprends mais est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de cerner le problème davantage, que vous ayez une rencontre avec...

M. LABERGE: On les rencontre chaque fois qu'on peut, je vais pouvoir vous assurer de cela.

M. DEMERS: Bon.

M. BURNS: Ma question à moi ne s'adresse pas maintenant à M. Laberge, c'est plutôt au leader parlementaire et au ministre et c'est un peu dans le ton de ce que le député de Chicoutimi disait tout à l'heure. Est-ce que vous prévoyez une autre séance — parce que, m'a-ton dit, on devait ajourner vers 13 heures— de cette commission afin qu'on puisse, du moins quant aux membres de cette commission, faire valoir certains points de vue ou quoi que ce soit relativement au problème, ou du moins pour en discuter entre nous?

Si je me réfère aux travaux de cette commission, depuis le début, on s'est surtout employé à être informé, à tenter d'obtenir tous les éléments du problème. Je pense bien que le gouvernement aimerait que les membres de cette commission, même si leurs décisions ne lient pas le gouvernement, leur disent ce qu'ils pensent du problème, entre autres. J'aimerais personnellement être un de ceux qui donneraient leur opinion là-dessus.

M. LEVESQUE: II est une heure cinq. J'ai cru comprendre, d'après ce que M. Laberge a mentionné tout à l'heure, qu'il terminait, et, si j'ai bien compris, que cela terminerait les auditions publiques. Quant au gouvernement, il n'a pas d'objection à ce que la commission elle-même — les membres de la commission — se réunisse à une prochaine séance, afin que les membres de la commission puissent formuler les remarques qu'ils ont à faire au ministre.

Ceci pourrait avoir lieu, si on a pas d'objection, demain matin, à dix heures trente, sauf...

M. BURNS: II y a un problème...

M. LEVESQUE: ... sauf qu'il y a la commission des bills privés.

M. BURNS: Dont je fais partie d'ailleurs.

M. LEVESQUE: Justement, je veux savoir si les membres font partie de la commission des bills privés et si cela les empêche de participer à une réunion demain.

M. BURNS: Moi, cela m'empêcherait, je fais partie de la commission.

M. LEVESQUE: Dans ce cas...

M. BURNS: Vous savez, à sept, M. le leader parlementaire, nous sommes obligés de nous multiplier un peu.

M. LEVESQUE: Oui, je comprends qu'à sept on doive le faire.

M. COURNOYER: Je n'ai aucune forme d'objection — un instant, M. Laberge, et ensuite vous pourrez y aller — à ce que propose le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Maisonneuve.

M. CHARRON: II va falloir qu'il s'y habitue.

M. COURNOYER: Le député de Saint-Jacques a maintenant parlé.

Je n'ai aucune forme d'objection à cela. Toutefois, du point de vue strictement technique, et pour les besoins du délai de trente jours, à compter duquel j'ai l'obligation de passer un décret, — je ne connais pas la technique du parlementarisme — si on pouvait dire aujourd'hui que les auditions sont terminées conformément au bill 38, vis-à-vis de l'engagement qu'on pourrait avoir, dans l'élaboration de votre pensée, ou d'une discussion avec la commission parlementaire, je n'ai pas objection.

Mais si ce doit être retardé à la semaine prochaine, on retarde davantage les délais de trente jours. Je n'ai pas objection à avoir une discussion ou à recevoir tous les commentaires que l'Opposition ou le gouvernement peuvent faire...

M. BURNS: Sauf erreur, M. le Président, le délai de trente jours est un délai maximum...

M. COURNOYER: C'est cela.

M. BURNS: Que vous n'avez pas besoin d'attendre comme tel...

M. COURNOYER: Oui, mais...

M. BURNS: Si votre préoccupation est de mettre en vigueur les nouvelles conditions de travail pour une date fixe, ce qui semble être votre préoccupation...

M. COURNOYER: Oui, mais ma préoccupation...

M. BURNS: II n'y a rien qui empêche la commission de siéger le plus rapidement possible.

Ce serait peut-être difficile vendredi matin, mais peut-être la semaine prochaine, une des matinées la semaine prochaine, s'il n'y a pas d'autres commissions.

M. COURNOYER: II ne faut pas oublier que, dans ce délai de trente jours qui a été prévu, il reste une chose très certaine. Il ne faut pas que je présume des décisions du gouvernement. Il y a un problème de publication. J'ai dix jours que je dois me donner comme délai.

M. BURNS: Vous savez, moi, cela me vexerait comme membre de cette commission-ci qu'on me dise: On va commencer à mettre tout l'appareil et le mécanisme en branle. Et qu'on me dise: Quand même, pour vous satisfaire, la commission va siéger. J'ai l'impression, un peu comme M. Laberge l'avait ce matin au début, à la suite de votre déclaration que vous avez heureusement rectifiée, qu'on était ici pour des raisons absolument futiles. Si le processus ou le mécanisme est déjà en marche...

M. COURNOYER: A ce moment-là, M. le député de Maisonneuve, si vous voulez prendre la responsabilité de ne pas passer de décret avant Noël, c'est votre privilège.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre va un peu loin. La loi 38 est là. Ce n'est pas nous qui l'avons passée. C'est le Parlement qui a passé la loi à la demande du gouvernement et je me suis désolidarisé à ce moment-là parce que les techniques du gouvernement étaient mauvaises. Il a été prévu dans la loi — c'est une disposition formelle de la loi — que la commission se réunirait et que nous entendrions les parties et que la commission ferait ensuite rapport. Or, avant de faire rapport — nous n'avons pas à juger de la situation dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement — nous voulons bien entendre le ministre et tous autres témoins utiles, s'il y a lieu, pour connaître exactement quelle sera l'attitude du gouvernement en face des représentations qui nous ont été faites par les différentes parties. C'est pourquoi j'estime qu'il est nécessaire d'avoir une autre réunion. Notre intention n'est pas du tout de retarder le décret. Si le travail est amorcé — et j'en suis convaincu, connaissant votre efficacité, M. le ministre — il sera très facile de nous en tenir à l'échéance qui est fixée par la loi. Alors, je ne voudrais pas du tout qu'aucun des membres de la commission soit privé de son droit de faire au ministre des représentations à la suite des auditions que nous avons eues.

M. COURNOYER: Je n'ai aucune objection, M. le député de Chicoutimi, à ce que la commission fasse des représentations. Vous les ferez, mais pour autant que moi, je suis concerné, la déclaration que j'ai faite dimanche, c'est à la condition que les auditions soient terminées cette semaine. Je peux passer un décret avant Noël à condition que les auditions de la commission soient terminées cette semaine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela revient à dire...

M. DEMERS: On peut le passer avant le Jour de l'An.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais cela revient à ceci et rejoint la question qu'a posée M. Burns au début des auditions, c'est que la déclaration que vous avez faite et qui sera publiée, enfin, qui passera sur les ondes, nous a en quelque façon paralysés, nous a imposé une barrière et a limité à l'avance le temps que nous aurions pu consacrer à ces auditions.

A toutes fins utiles, c'est à ça que ça revient.

M. COURNOYER: Ce n'était certainement pas mon intention et ce n'est pas à ça que ça revient. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez. Je ne suis même pas membre de la commission, je suis un invité et un témoin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes quand même le ministre.

M. BURNS: M. le Président, le ministre vient de nous dire : Si vous voulez prendre la responsabilité, de...

M. COURNOYER: C'est une conséquence réelle, M. Burns. J'ai trente jours et j'ai dix jours pour publier un décret. Je dois l'envoyer...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'éditeur officiel du Québec.

M. COURNOYER: ... à l'éditeur officiel du Québec.

M. LESSARD: Ce n'est pas nous qui avons fait la loi.

M. COURNOYER: Je vous dis que si je suis obligé de faire un décret — normalement il n'a pas besoin d'être précipité, ce décret — la conséquence directe, l'effet, c'est qu'il est retardé. Si nous avons une réunion de la commission la semaine prochaine — nous pouvons avoir des réunions de la commission quand vous voulez, vous avez un mandat précis par le bill 38, — je le reconnais d'emblée, mais tant et aussi longtemps que les auditions de la commission durent, le délai de trente jours ne commence pas de compter. Et je ne peux pas présumer de ce que vous allez me dire comme commentaires.

M. BURNS: M. le Président, dès maintenant, est-ce qu'on ne pourrait pas dire avec le gouvernement que, dès la semaine prochaine, il y aurait une réunion de cette commission, soit mardi, ou soit mercredi, ou jeudi.

M. LEVESQUE: Mardi, n'avez-vous pas le même problème avec la commission des bills privés?

M. BURNS: Est-ce que la commission des bills privés siège mardi?

M. LEVESQUE: Mardi et jeudi.

M. BURNS: Alors mercredi matin, M. le ministre. Est-ce que cette date empêcherait votre mise en vigueur à la date que vous vous êtes fixée des conditions de travail?

M. COURNOYER: C'est une autre suggestion, mais pour ma part...

M. LEVESQUE: J'aurai peut-être encore des objections.

M. DEMERS: On pourrait toujours vous envoyer en haut.

M. BURNS: En ce qui concerne la régie interne de mon parti, M. Demers, on va s'en occuper.

M. DEMERS: Cela vous concerne.

M. BURNS: En tout cas, laissez-moi ça je vais m'en occuper de cette partie-là.

M. LEVESQUE: II y a deux périodes où je crois que vous seriez libres, soit vendredi matin à 9 heures...

M. BURNS: Cette semaine?

M. LEVESQUE: ... parce qu'à dix heures trente, il y a la Chambre qui siège. Il y aurait une période de neuf heures à dix heures trente. Il y aurait également mercredi prochain, où nous pourrions avoir les mêmes heures que nous avons eues aujourd'hui.

M. BURNS: Ce que j'aimerais savoir de la part du ministre, est si mercredi prochain, nous siégions, comme ce matin, de dix heures trente à une heure? Est-ce que ça empêcherait votre programmation d'avoir de la suite, ou de se réaliser?

M. COURNOYER: C'est une audition de la même commission qui est conforme au bill 38 et cela veut dire que les délais commencent à compter, à ce moment-là.

M. BURNS: A compter de mercredi.

M. COURNOYER: Je pourrais avoir décidé déjà. Mais comme je n'ai pas décidé, je dois vous écouter, je ne peux pas présumer de ce que vous allez me dire.

M. BURNS: Mais vous ne répondez pas à ma question. Je vous demande si, mercredi prochain, nous siégeons et que si nous mettons fin aux auditions mercredi prochain, est-ce que votre délai est encore respectable?

M. COURNOYER: Ce que j'essaie de dire, M. le député de Maisonneuve, c'est que si pour commencer mes travaux, les décisions sur tous et chacun des articles, j'attends la semaine prochaine — décemment je dois le faire parce que je ne peux pas présumer ce que vous allez me dire — je ne commencerai donc mes travaux qu'après la réunion que vous aurez tenue et qui ne peut pas avoir une limite aujourd'hui, parce que je ne sais pas ce que les membres de la commission peuvent me dire.

M. BURNS: Ce qui vous donne le 25 novembre de la semaine prochaine. Votre délai de 30 jours, à la rigueur, tomberait exactement pour Noël. Ce serait un beau cadeau de Noël pour les travailleurs que de leur donner la parité de salaire.

M. COURNOYER: En fait, M. le député, je vous dis que ce n'est plus 30 jours, c'est 20 jours. Parce que je suis obligé de publier le décret dix jours avant l'expiration des 30 jours. C'est 20 jours que j'ai. Les fonctionnaires sont quand même des gens intelligents. Ils ne peuvent pas présumer, eux non plus, de la validité du genre de représentation que vous allez faire.

M. LE PRESIDENT: Si les difficultés de se retrouver un jour continuent, je vais suggérer samedi. Je ne suis pas obligé de faire divorcer tout le monde.

M. LABERGE: Cela nous arrive de travailler le samedi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous aussi...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saint-Jacques voulait ajouter quelque chose.

M. CHARRON: Non, c'est réglé.

M. LE PRESIDENT: Nous comprenons les difficultés que les parties peuvent avoir à ne pas s'entendre.

M. BURNS: Remarquez que nous étions prêts à siéger les deux dernières semaines, M. le Président. Il n'y a personne qui a dit, je pense, au sein de cette commission-ci, que l'on ne pouvait pas siéger.

M. LE PRESIDENT: II reste vendredi et samedi.

M. LESSARD: On nous a fait venir à la commission pour siéger pendant deux heures de temps. Si on avait siégé plus souvent, on ne serait peut-être pas pris avec un délai aussi limité.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge.

M. LABERGE: Je pense que les membres de la commission vont reconnaître que je n'ai pas abusé du temps. J'aurais besoin quand même de cinq autres minutes pour discuter d'un problème, encore une fois, très important, extrêmement important et c'est tout le régime de sécurité sociale. Nous avons un expert chez nous qui voudrait vous en entretenir pendant quelques brèves minutes. Avant de vous le passer, j'aurais deux remarques additionnelles.

Premièrement, sur la question des exemptions qui ont été demandées par l'aciérie. Le ministre du Travail est très au courant de ça. Je n'ai pas besoin de vous dire que nous nous opposons avec véhémence à ce que l'Hydro-Qué-bec soit exclue pour les autres travaux. C'est déjà contenu dans le bill 290. C'étaient les travaux en cours et pas autre chose.

Nous nous opposons aussi à des exclusions qui ont été demandées.

Dernière remarque, le premier ministre déclarait vendredi ou samedi que, cet hiver, il y aurait environ 3,000 travailleurs, constructeurs de routes, qui font 60 heures par semaine. Si on réduisait leur semaine de travail à 40 heures, on vient de trouver 1,000 à 1,200 emplois "d'une seule claque".

Je vous présente donc l'expert de la FTQ, M. Dulude qui va, pendant quelques brèves minutes, vous parler du régime de sécurité sociale.

M. LE PRESIDENT: M. Dulude.

M. DULUDE: M. le Président, je me sens vraiment mal venu dans le contexte. Trois minutes.

M. LE PRESIDENT: M. Dulude veut-il s'identifier au complet?

M. DULUDE: Yves Dulude, je suis au service des recherches de la Fédération des travailleurs du Québec.

Sécurité sociale

M. DULUDE: Voici ce qu'on ma demandé de faire, en gros: regarder ce qui existait présentement dans les sept groupes, au point de vue de l'assurance-vie, surtout assurance-vie et assurance-invalidité, et de faire une proposition sur ce que pourrait être à l'avenir un régime qui serait le plus adapté au besoin des travailleurs, et qui serait coordonné avec les bénéfices qui sont donnés par l'intermédiaire des régimes gouvernementaux actuels. Comme par exemple la Régie des rentes du Québec et la Commission des accidents du travail. Alors, vous avez le document en main. Je n'ai pas l'intention de passer à travers, mais je voudrais simplement souligner quelques points importants à mon avis. Si on additionne les bénéfices qui sont donnés en vertu de la Commission des accidents du travail, par exemple, à l'occasion de décès, assurance-vie, si quelqu'un décède par suite d'un accident du travail et qu'il est éligible à recevoir les prestations en vertu du Régime de rentes du Québec qui varient selon le nombre d'enfants, selon les responsabilités familiales, de même que les prestations venant de la Commission des accidents du travail, on remarque par exemple qu'un individu qui gagne environ $6,000, qui décède à la suite d'un accident de travail, la veuve pourrait recevoir $5,000, c'est-à-dire $4,992. De même — vous avez le tableau dans le texte — si la veuve a cinq enfants, elle peut recevoir $5,571, et cela, seulement en vertu des régimes gouvernementaux, seulement en vertu de la CAT et du Régime de rentes du Québec. De plus, pour un individu qui aurait six enfants, par exemple, et qui décède à la suite d'un accident du travail, les régimes gouvernementaux lui reconnaissent une rente de $6,150, c'est-à-dire une rente supérieure à ce que l'individu gagnait auparavant. Mais toujours à condition que l'individu décède à la suite d'un accident du travail.

Notre proposition est d'établir un régime qui compense ce que la Commission des accidents du travail donne, même quand l'individu décède d'une autre façon. A notre avis, il n'y a aucune raison, par exemple, pour laquelle un individu qui décède à la suite d'un accident d'auto ou d'une maladie, telle que le cancer, n'a pas les mêmes besoins qu'à la suite du décès d'un accident de travail. On reconnaît déjà des montants assez substantiels, par exemple, lorsqu'un employé décède à la suite d'un accident de travail.

Or, je le répète, vous avez les tableaux, je n'insiste pas, mais notre proposition est d'éta-

blir un régime assez simple qui compléterait les bénéfices de la Commission des accidents du travail lorsque l'employé décède d'une autre façon, en fin de compte d'assurer... C'est un peu cruel, la façon dont ça fonctionne actuellement. Si l'individu a la chance de décéder à la suite d'un accident de travail, la veuve est protégée. S'il n'a pas la chance, il n'a rien. Il a seulement la Régie des rentes du Québec, et on constate, par exemple, que dans les régimes négociés actuellement, les montants d'assurance-vie sont très bas et les montants d'assurance-vie s'ajoutent même si l'employé décède à la suite d'un accident de travail; ils devraient compléter, au lieu de s'ajouter.

En ce qui concerne l'assurance-vie, bon je m'arrête là. C'est le même problème concernant l'invalidité, par exemple. Un individu qui devient invalide à la suite d'un accident de travail, pourrait théoriquement avoir droit, s'il répond aux critères d'invalidité de la Régie des rentes du Québec et de la Commission des accidents du travail, à $6,300 par année, s'il a six enfants. Alors, déjà, en vertu de la Régie des rentes du Québec et de la CAT, on reconnaît, à notre avis, une très bonne protection lorsque l'employé décède d'une certaine façon, c'est-à-dire d'un accident de travail, ou qu'il devient invalide.

Alors, le but de nos propositions, c'est de faire en sorte que, lorsque l'individu, quelle que soit la raison pour laquelle il décède, ou devient invalide, ait droit au moins aux mêmes bénéfices qui sont reconnus par l'Etat dans ces deux programmes.

Je m'arrête là et je pense qu'il est important de constater les résultats additionnés de la Régie des rentes et de la Commission des accidents du travail en cas de décès et d'invalidité et je vous avoue que, pour notre part, on les considère comme adéquats et au moins, on devrait s'orienter de façon à les obtenir dans toutes les autres circonstances.

M. LE PRESIDENT: Alors, je remercie M. Dulude et je considère qu'il a une philosophie très optimiste quand il considère la mort comme une chance. Je ne crois pas qu'il y ait de questions. Alors, nous ajournons donc à demain...

M. LEVESQUE: M. le Président, après con- sultation, je crois que l'heure qui conviendrait aux membres de la commission, maintenant que les auditions publiques sont terminées, serait 4 heures demain après-midi, après les ordres du jour dans la même salle.

M. LE PRESIDENT: Seuls les membres de la commission?

M. LEVESQUE: Oui.

UNE VOIX: On ne peut pas être ici à ce moment-là?

M. LEVESQUE: Bien, je crois que vous avez eu l'occasion de vous exprimer, les auditions étant terminées.

M. BURNS: Si je comprends bien, il n'y a pas de problème, les auditions sont publiques.

M. LE PRESIDENT: Alors, les auditions...

M. LEVESQUE: II n'y a pas d'objection de principe...

M. LE PRESIDENT: Les auditions sont publiques mais seuls les membres de la commission, je pense, à ce moment-là ont droit de parole.

M. BURNS: M. le Président, seulement une remarque. J'ai accepté, au nom de mon parti, qu'on siège demain après-midi à 4 heures. Je ne voudrais pas que ce soit considéré comme un précédent. J'espère que les commissions parlementaires, en principe, ne devraient pas siéger pendant que la Chambre siège, mais...

M. LE PRESIDENT: Vos remarques sont assignées.

M. BURNS: C'était parce que le ministre nous avait fait valoir jusqu'à quel point c'était urgent que nous acceptions.

M. LE PRESIDENT: Dans l'intérêt public, je considère que toutes les parties ont accepté de se réunir demain à 4 heures. Ajournement jusqu'à demain.

(Fin de la séance 13 h 24)

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