Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente du Travail et de la
Main-d'Oeuvre
Bill 38 Loi concernant l'industrie de la
construction
Séance du mercredi 18 novembre 1970
(Dix heures et trente-neuf minutes)
M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de
la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! Je déclare la séance
ouverte.
M. LEVESQUE M. le Président, avec la permission et le
consentement des autres membres de la commission, puis-je suggérer le
remplacement des noms de MM. Laporte et Springate par ceux de MM. Gérard
D. Lévesque et Paul Lafrance?
M. PAUL: Dans la même veine, M. le Président, puis-je
demander le remplacement de M. Croisetière par M. Tremblay de
Chicoutimi? Sans reconnaissance aucune.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un botté de placement.
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas nécessairement un bon
placement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président ne doit pas avoir
d'opinion.
M. LACROIX: II a une bonne moyenne, mais il en manque...
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que je puis faire une autre
demande concernant M. Cournoyer? A la dernière séance, on a
accepté, de bonne grâce, qu'il puisse participer aux
délibérations de la commission.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement de l'Union Nationale accepte
que son collègue parle...
M. PAUL: D'ailleurs, c'est tellement enrichissant pour vous.
M. DEMERS: Cela ne nous appauvrit pas.
M. LEVESQUE: Je dois donc présumer que ma demande est
agréée.
M. DEMERS: Présumez.
M. BURNS: J'accepte, vu la faiblesse du gouvernement.
M. LEVESQUE: Toujours gentil.
M. LE PRESIDENT: A quelle délicatesse doit-on s'attendre de la
part du Ralliement créditiste?
Parité salariale
M. BURNS: M. le Président, avant qu'on donne la parole à
d'autres parties, étant donné que nous n'avons pas souvent la
chance de poser des questions au ministre, il y en a une qui concerne cette
commission que j'aimerais bien lui poser actuellement. C'est relativement
à son interview au programme "Le fond des choses", du moins quant
à la façon dont cela a été rapporté dans la
Presse du 14 novembre.
Personnellement, j'ai eu l'impression que le ministre avait pris
position contre la parité salariale à ce moment, et je cite
l'extrait de la Presse: "Je suis plus préoccupé à assurer
du travail à tout le monde qu'à donner de gros salaires par
convention collective à des gens qui seront peut-être
privés d'emploi par cette augmentation". C'était
précédé d'un texte qui disait sans qu'on cite les
paroles du ministre :"Sauf sa durée, le ministre a cependant
indiqué qu'il est peu probable qu'il accorde la parité salariale
demandée par la CSN."
Remarquez, M. Laberge, ce n'est pas moi; je cite la Presse; je sais que
la FTQ est également intéressée à avoir la
parité salariale.
Maintenant, je me pose sérieusement des questions
là-dessus. J'aimerais bien que le ministre nous dise de quoi il s'agit
exactement parce qu'il nous reste au moins une partie à entendre,
c'est-à-dire la FTQ. C'est à se demander si le problème
n'est pas du tout cuit actuellement et s'il ne faudrait pas dire à la
FTQ: Laissez faire, le problème est décidé, quoique vous
veniez nous dire ici, cela va être réglé par le cabinet des
ministres de telle et telle façon. Est-ce que le ministre pourrait nous
donner ses commentaires là-dessus?
M. COURNOYER: Disons que je peux d'abord vous inviter à regarder
"le Fond des choses", dimanche après-midi.
M. BURNS: Est-ce le dimanche qui vient? M. COURNOYER: C'est dimanche
prochain.
M. DEMERS: Vous n'avez pas encore fait l'émission de "Monsieur
est au courant".
M. LABERGE: Avant la messe!
M. COURNOYER: Bien, c'est-à-dire qu'effectivement la
Presse...
M. DEMERS: C'est la Presse qui a préparé
l'émission?
M. COURNOYER: Non. C'est un journaliste de la Presse qui m'interrogeait
au "Fond des choses" pour un programme de dimanche prochain.
M. DEMERS: Ah bon!
M. COURNOYER: Et, j'ai écouté de nouveau le programme hier
en fonction de l'article de la Presse. Je ne discute pas de la validité
des commentaires que M. Vennat a faits. Je n'aime pas commencer à dire:
J'ai été mal cité. Ce n'est pas mon intention, mais je
pense qu'étant donné qu'il s'agit d'un enregistrement et que ce
que j'ai dit est là, ce n'est pas une question d'interprétation,
je peux vous inviter à regarder l'émission et découvrir
là que l'interrogation que se pose le ministre aujourd'hui est sur les
effets de la parité salariale. Si on déduit que j'ai
décidé de ne pas accorder la parité salariale, c'est une
déduction. Remarquez que, quant aux effets de la parité
salariale, pour moi, l'une des préoccupations que j'ai et que j'ai
énoncée, c'est de savoir si cela aura comme effet de causer du
chômage, ou de donner le bon salaire à des gens et de rester dans
la cour. Si une personne interprète cette interrogation comme
étant une décision de ne pas donner la parité salariale,
alors que la commission parlementaire est encore en session, et qu'il y a
encore une partie à entendre sur ce problème particulier, cela
reste une déduction. Mais, je ne peux pas du tout nier, m'interroger sur
le point particulier qui est indiqué dans le rapport de la Presse. Mais,
la décision n'est pas prise.
M. BURNS: Je prends la parole du ministre là-dessus. Il n'y a
aucune espèce de doute. S'il nous dit qu'il ne s'est pas prononcé
pour ou contre la parité salariale, cela me satisfait. Mais je pense
qu'il fallait faire cette mise au point là au départ pour que les
parties sachent bien que nous ne sommes pas actuellement engagés dans
des séances inutiles parce que tout le problème serait
réglé au préalable.
M. COURNOYER: D'accord!
M. BURNS: Je voulais me rassurer à ce sujet.
M. COURNOYER: A l'écoute de l'interview vous allez
découvrir que ce n'est pas si clair que ça.
M. BURNS: Si je comprends bien, le ministre n'a pas pris position pour
ou contre la parité salariale et le problème est encore
clairement sur la table.
M. COURNOYER: Très clairement sur la table, au complet. Les
positions du ministère ou du ministre seront incluses là-dedans
lors de la présentation du décret lui-même. Je me propose
de faire les déclarations sur le principe de la parité salariale
et sur la façon de la réaliser. Mais jusqu'à un certain
point, ce ne sont pas des déductions. Je ne suis pas mal cité,
mais on tire une conclusion.
M. LE PRESIDENT: Je comprends que le député de Maisonneuve
est satisfait de la disparité verbale du ministre.
M. BURNS: Cela me satisfait quant à la déclaration du
ministre. Je ne suis pas satisfait encore du résultat. J'ai hâte
de voir avant. Là, je pourrai vous dire si je suis satisfait ou non.
M. DEMERS: II est difficile de satisfaire...
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai pris connaissance,
moi, de l'article du journal auquel on a fait allusion et des renseignements
qu'a bien voulu nous donner le témoin (ministre du Travail). Est-ce
qu'on peut en conclure en principe que le gouvernement n'est pas contre la
parité salariale, indépendamment des dispositions qu'il aura
à prendre, qu'il va prendre seul, puisqu'à toutes fins utiles,
c'est lui qui va prendre les décisions à la lumière de nos
brillantes observations je le veux bien, je doute fort qu'il en tienne
compte du reste mais est-ce qu'on peut dire en principe que le ministre
n'est pas contre la parité salariale?
M. COURNOYER: Vous parlez du ministre ou du gouvernement?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle du gouvernement, parce que le
ministre c'est le gouvernement.
M. COURNOYER: Ah oui, bon!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En espèce, c'est l'occurrence, il
siège à cette commission du Travail, ce n'est quand même
pas le ministre de la Voirie qui va régler ça.
M. COURNOYER: Je serais très mal vu de dire que je suis pour la
parité salariale ou contre la parité salariale, étant
donné que les auditions de cette commission ne sont pas encore
terminées. Je serais aussi mal vu dans un sens que dans l'autre. Si je
m'interroge sur la parité salariale quant à ses effets, c'est un
privilège que j'ai et que vous avez sans doute M. Tremblay. Doit-on dire
M. Tremblay en commission parlementaire ou le député de
Chicoutimi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On dit M. le député.
M. COURNOYER: M. le député.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. DEMERS: On en a encore pour longtemps?
M. COURNOYER: Apparemment c'est pour longtemps.
Je ne peux pas dire et je répète que je ne peux pas
je me place pas dans une mauvaise situation déclarer quelle est
ma politique salariale tant et aussi longtemps que je n'aurai pas entendu
toutes les parties. C'est vrai dans les deux sens.
M. DEMERS: II ne vous en reste qu'une à entendre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le ministre, on peut conclure
qu'à la suite des auditions de la commission quand nous aurons
entendu, tout à l'heure, les représentants de la FTQ vous
aurez une idée suffisante qui nous permettra d'entendre de vous une
opinion sur cette question importante de la parité salariale puisque, de
toute façon, c'est vous, c'est-à-dire le gouvernement dont vous
faites partie qui prendra la décision.
M. COURNOYER: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons donc de fortes raisons de croire
que vous êtes en principe pour la parité salariale.
M. COURNOYER: Vous avez de fortes raisons de croire que je suis en
principe pour la parité salariale.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Merci. J'en prends acte.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Pour accepter avec d'autant plus de plaisir ce
rétablissement des faits si, effectivement, le ministre s'était
prononcé contre la parité salariale, il aurait fallu mettre sa
déclaration en parallèle avec la déclaration de l'ancien
ministre du Travail qui, le 8 juillet, à l'Assemblée nationale,
se prononçait pour le principe de la parité salariale. Cela
aurait été un changement de direction difficilement
compréhensible dans un si court espace de temps de la part du
gouvernement.
M. DEMERS: La parité veut dire un changement de gouvernement?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pour enchaîner
avec la question du député de Bourget, le ministre du Travail
endosse la déclaration qui avait été faite
antérieurement par son prédécesseur sur la parité
salariale. Ce ministre avait, en somme, admis que le gouvernement acceptait le
principe de la parité salariale, parce qu'à ce moment-là
tout était cuit. Est-ce que le ministre veut rebrasser les oeufs
pour...
M. COURNOYER: Non, je ne rebrasse absolument rien. Etant donné
qu'on a entendu cinq ou six parties, j'étudie présentement les
effets de la parité salariale. C'est normal que je le fasse. Mais il y a
encore une partie à entendre et je déclarerai la politique du
gouvernement lorsque le gouvernement aura pris une décision sur cette
politique, suite aux suggestions que j'aurai faites au gouvernement. Je ferai
ces suggestions au gouvernement à l'intérieur des délais
qui sont inscrits dans le bill 38 et c'est dans les 30 jours qui suivent la fin
des auditions de cette commission, lorsque le président ou la commission
aura décidé que les auditions sont terminées. J'ai 30
jours pour passer un décret, donc 30 jours pour suggérer au
gouvernement les positions que le ministère du Travail et moi-même
comme ministre nous entendons prendre. Quant à tous les problèmes
qui sont inscrits à l'ordre du jour, ils ont maintenant
été discutés par six parties, et l'un de ces
problèmes comporte une décision sur la parité
salariale.
M. DEMERS: Vous avez 30 jours pour vous questionner.
M. COURNOYER: II me reste encore moins de 30 jours pour me
questionner.
M. DEMERS: Oui, parce que, la veille...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que le député de
Chicoutimi a terminé?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en ai terminé pour l'instant parce
que j'ai compris que le ministre était en principe pour la parité
salariale, comme il l'a dit dans une intervention antérieure.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Sur le même sujet?
M. BURNS: Sur le même sujet, justement, relativement aux 30 jours,
je reviens encore une fois à cette émission, à cette
avant-première, "le Fond des choses". J'ai cru comprendre
également que le ministre avait l'intention de terminer les travaux de
la commission sur ce problème-là, ce matin. Je me
réfère, encore une fois... Le ministre a déclaré
qu'à l'issue des travaux de la commission parlementaire du Travail qui
doivent normalement se terminer la semaine prochaine, donc cette semaine...
M. COURNOYER: Normalement.
M. BURNS: Est-ce que je dois comprendre que c'est ce matin que le
ministre a décidé de terminer les travaux, ou bien si la FTQ, par
exemple, n'a pas terminé l'exposé de son problème devant
nous, nous aurons d'autres séances?
M. COURNOYER: On a clairement indiqué au cours de la même
interview que c'était la commission parlementaire et les parties qui
décidaient quand terminer les séances. Je m'attendais
normalement, étant donné qu'il ne reste qu'une partie à
entendre, que les travaux finissent cette semaine. Mais si les parties ont
quelque chose à dire jusqu'à la semaine prochaine, même
jusqu'à l'année prochaine, ce n'est pas moi qui vais les
empêcher de parler. Je ne suis qu'un invité de cette commission,
même un témoin de cette commission.
M. PAUL: Vous n'avez pas dit péremptoirement cette semaine?
M. COURNOYER: Pas du tout.
M. BURNS: C'est un autre point que je voulais préciser, M. le
Président, pour que la FTQ ne se sente pas obligée de terminer ce
matin.
M. COURNOYER: Mais je tiens à vous dire que le ministre du
Travail aimerait bien passer le décret avant Noël, compte tenu des
délais qui ont déjà eu cours. Comme la commission
parlementaire ne s'est pas réunie au cours des quinze derniers jours, il
est clair que, pour moi, comme ministre du Travail, j'entendrais, avec la
permission de la commission, étant donné que c'est
elle-même qui décide quand terminer ses travaux, passer mon
décret avant Noël.
M. RUSSELL: Que ce soit un voeu ou un désir, ce serait
sûrement un cadeau de Noël.
M. COURNOYER: Ce n'est pas nécessairement un cadeau de Noël.
C'est une décision que je dois prendre une fois pour toutes. Cela fait
assez longtemps que ça dure. C'est tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voulez procéder plus rapidement
que vous ne l'avez fait dans le cas du document dont vous avez retardé
l'application et dont vous nous avez parlé l'autre semaine?
M. COURNOYER: Je veux procéder le plus rapidement possible, dans
les circonstances, compte tenu des auditions que vous faites. Si vous en faites
jusqu'après Noël, vous en ferez jusqu'après Noël. Ce
n'est pas...
M. DEMERS: Est-ce qu'on pourrait commencer par...
M. LE PRESIDENT: Ces clarifications étant faites, je crois qu'il
serait opportun d'inviter la FTQ, ou la dernière partie à
l'audition et non la moindre évidemment, à nous faire ses
représentations.
M. DEMERS: Cela n'éclaircit pas beaucoup, mais...
M. LABERGE: M. le Président, si je comprends bien, ce n'est pas
tout à fait inutile que nous fassions notre représentation.
M. LE PRESIDENT: Ah! non, c'est même très utile.
M. DEMERS: Tout dépend de la vôtre.
M. LABERGE: J'ai dit: Pas tout à fait. Si vous le permettez, M.
le Président, nous allons commencer par André Desjardins qui est
le directeur du Conseil provincial des métiers de la construction.
Métiers de la construction
M. DESJARDINS: M. le Président, MM. les députés, la
FTQ va essayer de représenter les travailleurs de la construction sur le
côté pratique. Comme les parties patronales et la partie syndicale
CSN ont déjà essayé de définir les mots
"coefficient économique" et comme deux économistes de chaque
côté ont donné leurs idées, cela nous fait penser un
peu à deux avocats un qui est du côté de la couronne
et l'autre qui est pour l'accusé toujours les mêmes
capacités, par contre pas payés par le même
côté. Ce sont deux cotés qui disent la même chose,
mais qui ne s'entendent pas.
Nous, pour essayer d'expliquer la parité salariale, nous allons
essayer de vous donner, comme je vous l'ai dit, le côté pratique.
Et nous essayons aussi de nous garder dans la ligne de l'unifamilial parce
qu'il nous a semblé que la partie patronale a essayé de garder
l'exposé de Me Lefebvre en ce qui concerne la parité salariale,
du côté du consommateur. Nous pourrions parler des grosses
constructions qu'il y a eues à travers la province: ce fait pourrait
vouloir dire que la parité salariale a déjà
été appliquée dans ce genre de chantiers. Il y a une chose
cependant, qui a été oubliée par tout le monde, c'est la
productivité. Dans toute augmentation de salaires, le danger pour
l'économie d'un pays est le suivant: Est-ce que la productivité a
augmenté?
La productivité veut dire beaucoup de choses: des nouveaux
matériaux, l'outillage, et les travailleurs. Auparavant, lorsqu'on
disait que 37.5 p. c. de la pondération était nécessaire
pour bâtir un bungalow quant au coût de la main-d'oeuvre et que
parfois à la campagne, était de 40 p. c. ce qu'on appelle
la campagne, c'est en dehors de Montréal est-ce que c'est
toujours la même chose?
Pour vous donner une idée, je suis encore allé, lundi
dernier, passer la journée complète sur des chantiers de
bungalows. Alors, laissez-moi vous dire franchement que ce que je vais vous
expliquer ce matin, ce n'est pas quelque chose que j'ai vu il y a dix ans, mais
que j'ai vécu lundi dernier.
Je vais commencer, si vous me donnez le temps, de bâtir un
bungalow entre nous et vous
expliquer si oui ou non la parité salariale s'applique partout
dans la province.
Auparavant, lorsque vous dites 40 p. c. du prix coûtant pour la
main-d'oeuvre, cela veut dire, pour un bungalow de $12,000, environ $4,800 pour
la main-d'oeuvre. $4,800 pour la main-d'oeuvre à $4 en moyenne, en
province, cela donne environ 1,200 heures. Est-ce que, maintenant, pour
bâtir un bungalow, cela prend 1,200 heures?
Auparavant, pour bâtir les formes, planche par planche, cela
prenait environ trois jours. Maintenant, c'est tout fait par panneaux. Combien
cela prend-il de temps pour bâtir les formes d'une maison? Laissez-moi
vous dire que cela prend environ deux heures et demie à trois heures
pour bâtir les formes d'une maison, et qu'avant cela prenait trois jours,
à deux hommes et un contremaître. Et ce ne sont pas des menuisiers
qu'ils utilisent; ils utilisent leurs journaliers. C'est cela que ça
prend pour faire les formes.
Si vous prenez les côtés de la maison, le cadrage, en cinq
heures, vous bâtissez maintenant le cadrage d'une maison. Auparavant,
cela prenait environ sept ou huit hommes. Maintenant, deux hommes le font en
cinq heures. Auparavant, vous aviez les divisions à tous les seize
pouces, des entrecloisons, ainsi de suite. Maintenant, cela n'existe même
plus. Parlons du chauffage à l'eau chaude. J'ai rencontré le
travailleur qui entrait dans sa maison, il avait déchargé son
matériel, j'ai dit: "Combien d'ouvrage vas-tu faire aujourd'hui? Combien
vas-tu faire de bungalows? " II était 10 h 50, son matériel
était entré, il m'a répondu: Aujourd'hui, à 4
heures et demie, j'en aurai fini un et demi.
La brique, c'est maintenant fait de revêtement d'aluminium. Deux
travailleurs font un bungalow complet. Quand vous pensez qu'auparavant, cela
exigeait, en main-d'oeuvre, premièrement, des manoeuvres, des
journaliers, des échafaudages; voilà toute la main-d'oeuvre que
cela prenait pour bâtir un bungalow auparavant; maintenant, deux hommes
finissent le dehors en une journée.
Si vous allez au-dedans, vous aviez le plâtre auparavant. Il
fallait poser la latte métallique, le "rough", et revenir au blanc; cela
prenait de la main-d'oeuvre à l'extérieur, du mortier, et ainsi
de suite. Maintenant, en une journée, ils finissent complètement
les murs d'une maison.
Si vous prenez les planchers, planche par planche, on faisait un
plancher de bois franc, et cela prenait trois à quatre jours.
Maintenant, en une journée, vous finissez la parqueterie, qui est
posée comme du prélart. Si vous prenez la finition d'une maison,
à l'intérieur il n'y a même plus de quart de rond, il y a
les plinthes, et, dans la cuisine, tout est préfabriqué. Si vous
demandez combien de temps cela vous prend, vous avez à le dire: II
s'agit seulement de clouer les divisions et le matériel
préfabriqué dans les usines.
Prenez la salle de bain; c'était auparavant de la tuile avec du
ciment et ainsi de suite. Maintenant, toute la tuile se pose comme du
prélart. Auparavant, lorsque vous parliez de plomberie, on voyait
arriver un camion, et on en avait au moins pour deux jours à faire la
plomberie. Maintenant, en dedans de six heures, vous faites la plomberie
complète d'un bungalow. Pendant que l'apprenti entre seul le
matériel parce que, maintenant c'est tout du tuyau de plastique
et le bain est en tôle le plombier continue son travail et, en
moins de six heures, le bungalow est fait au complet.
Auparavant, cela coûtait $4,800, qui allaient dans
l'économie d'un pays, d'une région, pour autant que le
travailleur de la construction est reconnu comme celui qui dépense de
l'argent; ce n'est pas celui qui en a en banque. Il est tellement
habitué à courir des risques qu'aussitôt qu'il a de
l'argent, et au cas où cela ne durerait pas, il en profite
immédiatement. S'il y avait $4,800, lorsqu'un bungalow se
bâtissait dans une région qui allaient dans l'économie de
la région, il n'y en a maintenant que $3,000, même si la
construction et les taux ont augmenté.
Prenez, par exemple, le deuxième sous-alinéa du document
sessionnel 72 indique, comme les patrons le disent: Nous serons prêts
à payer lorsque le bill 49 sera mis en application et que les permis
seront donnés. Si vous prenez les permis qui seront donnés
à l'échelle provinciale, cela reflétera juste ce que le
travailleur québécois a comme expérience. Depuis dix ans,
le gouvernement, les patrons et les syndicats ont établi des centres
d'apprentissage et nos gars sont recyclés. Enfin, ils sont capables de
faire leur travail comme n'importe où ailleurs et même beaucoup
plus.
J'ai entendu Me Lefebvre dire qu'en Ontario il y a deux fois et demie
plus de construction qu'au Québec.
Or, je côtoie quotidiennement des entrepreneurs de l'Ontario. La
main-d'oeuvre québécoise est deux fois plus
expérimentée que la main-d'oeuvre de tout le Canada et des
Etats-Unis. Soyez-en assurés. En plus, c'est que s'il y a plus d'ouvrage
en Ontario, les taux sont plus élevés qu'ici. Ce n'est
certainement pas le fait de hausser les salaires demain matin qui
empêchera la construction de monter. Je vous le disais, il y avait des
bungalows qui se vendaient $12,500. Aujourd'hui, regardez la Presse ou le
Montréal-Matin d'hier, il y a encore des bungalows à $11,800,
$11,900 et $12,000. Cela veut dire: Qui est-ce qui a absorbé les 11 p.c.
de taxes? Qui a absorbé la valeur des terrains qui a augmenté?
Qui a absorbé le coût des matériaux qui a augmenté?
Seulement le travailleur par rapport à la main-d'oeuvre qui ne se fait
plus présentement. Il y a des métiers qui sont appelés
à disparaître complètement. Lorsque le
projet de loi 49 sera en vigueur les patrons attendent ce moment
pour donner la parité salariale laissez-moi vous préciser
ce que je voudrai dire lorsque je demanderai si oui ou non le menuisier de
formes ou de "rough" est capable de faire de la finition. Alors la seule
qualité que vous devrez demander à un menuisier de former sera:
Est-ce qu'il est capable de faire de la finition? Est-ce qu'il est capable de
lire un instrument comme la boussole? La seule finition qu'il lui reste
à faire, c'est dans la cuisine et il lui restera à savoir
où est le nord ou le sud ou l'est ou l'ouest pour clouer sa fameuse
armoire! C'est la seule affaire dont il aura besoin parce que, de nos jours, la
finition n'existe presque plus.
Deuxièmement, il reste certainement aussi une autre
capacité que les patrons devront vérifier. De nos jours, si vous
avez un peu de cheveux gris et que vous voulez travailler à des
bungalows, automatiquement les patrons ne vous embauchent plus parce que le
travail se fait toujours à la course. Il est impensable que des
travailleurs soient poussés à l'extrême pour pouvoir
économiser parfois une heure ou deux heures. Lorsque vous parlez du
projet de loi 49, il restera à savoir si oui ou non la jeunesse du
travailleur, le jus qu'il a dans le corps, est sorti. Après cela on
pourra dire si oui ou non le travailleur a la compétence
nécessaire pour aller travailler et avoir la parité salariale, un
jour ou l'autre, tout travailleur de la province est descendu dans le
décret de Montréal. Lorsqu'il avait de l'ouvrage, il est venu
travailler et il faisait vivre sa famille en demeurant en province. Le gars, il
a son pays natal, sa ville natale dans ce bout-là. Le gars, il a la
capacité. Soyez assurés de cela. Il est toujours venu travailler
une fois ou l'autre à Montréal et, lorsqu'il retourne en
province, c'est là qu'on met en doute sa compétence. Nous croyons
fermement que, si demain matin vous donnez la parité salariale aux
travailleurs en province, vous n'aurez qu'à faire un acte de contrition.
Vous aurez dit : Au moins, nous reconnaissons que la compétence des
travailleurs en province est la même. Auparavant, vous suiviez des cours
de briqueteurs, par exemple. Aujourd'hui, le bri-queteur est appelé
à disparaître. La compétence d'auparavant n'est presque
plus nécessaire du côté unifamilial, c'est seulement la
course qui compte dans la construction des bungalows. Alors, la raison pour
laquelle la FTQ demande la parité salariale, c'est que
présentement pour la construction des bungalows, peu importe où
vous voudrez même si à Montréal les travailleurs
gagnent plus cher qu'en province, ils gagnent moins cher parce que le nombre
d'heures est diminué d'au moins 50 p.c. .
Pour l'économie d'un pays c'est dangereux de donner une grosse
augmentation si la productivité a baissé. Mais la
productivité, dans le domaine de la construction, a pris l'ascenseur
tandis que la courbe des salaires prend l'escalier de service. Et nous croyons
que ce serait seulement reconnaître l'efficacité du travailleur.
Le consommateur, à aucun moment, ne sera privé du montant que
nous disons, parce que le consommateur c'est "Joe Bleau" comme tout le monde
l'appelle. Par contre le consommateur, c'est aussi le travailleur de la
construction qui va aider à revaloriser la région où il
travaille parce qu'il va activer l'épicier, le vendeur de
télévision ou le vendeur d'autos, et ainsi de suite.
Nous avons du chômage dans la construction actuellement. Et le
plus gros du chômage, on sait qu'il n'est pas dans la construction. Mais
c'est certainement la productivité qui a augmenté, qui a
triplé. Auparavant, il n'en était pas ainsi. Lorsqu'on vous dit
40 p. c, ce sont des chiffres qui sont sortis il y a dix ans. Mais aujourd'hui,
soyez assurés que ces 40 p. c. ne s'appliquent pas du tout, cela doit
aller jusqu'à 20 p. c. de plus dans la construction d'un bungalow.
Si la parité salariale ne mérite pas d'être reconnue
en province présentement, jamais elle ne méritera de
l'être, parce que la compétence, comme je vous l'ai dit tout
à l'heure, est reconnue. Maintenant il doit certainement y avoir
possibilité, pour ceux qui travaillent en province, d'avoir un salaire
équitable. Et j'entendais aussi ce que disait Me Lefebvre concernant nos
offres monétaires. Les offres monétaires de $0.75 en vertu du
décret de Montréal n'ont jamais été
acceptées par les parties syndicales. On dit qu'on va arrêter le
cheval. Un cheval est parti au galop pour que l'autre puisse le rejoindre; mais
ne pensez pas que vous pouvez arrêter un cheval pendant deux conventions
collectives de suite. Cela veut dire que, si demain vous ne donnez pas la
parité salariale, les gars du décret de Montréal
n'attendront certainement pas une autre convention collective cela veut
dire six ans pour qu'on leur donne leur rattrapage.
Présentement vous avez des offres patronales sur la
sécurité sociale. Quand vous dites que la dernière
convention a été faite en 1966 et que l'offre patronale est de
$0.05 sans sécurité sociale, le pourcentage de vacances qui
était de 7 p. c. monte à 8 p. c. Quand cela fait quatre ans et
demi que nous ne l'avons pas eu, cela veut dire que dans sept ans et demi nous
aurons eu 1 p. c. de vacances, nous ne serons certainement pas prêts
à accepter d'attendre encore trois ans, à accepter que le cheval
qui est supposé être parti au galop se retienne continuellement.
Parce que lorsque vous parlez du reste du Canada j'ai des chiffres ici
qui peuvent vous le dire nous sommes en retard sur Toronto, en retard
sur Vancouver, et Ottawa, et nous serons beaucoup plus en retard dans trois
ans. On ne peut certainement pas se permettre d'attendre pendant six ans que
vous décidiez si oui ou non, on aura la parité salariale. Si ce
n'est pas fait aujourd'hui, sachez
que dans trois ans, vous allez avoir une autre grosse épine sur
le dos, parce que vous ne pouvez pas laisser 65 p. c. des travailleurs de la
construction qui travaillent à Montréal et tous les travailleurs
de la province de Québec, endormis pendant six ans. C'est
impensable.
Vous devez certainement faire le gros saut immédiatement. Si
auparavant il y a eu des conditions de travail qui laissaient à
désirer, ce sont les parties patronales à ce moment-là qui
auraient dû au moins prendre plus leurs responsabilités et donner
des conditions convenables. Par législation maintenant vous allez
imposer des conditions de travail.
On voit le patron qui essaie, par tous les moyens possibles, par la
législation, de se dérober à toutes ces anciennes
conventions collectives ou ces anciens décrets qu'il y avait pour en
faire un provincial.
Les droits acquis sont présentement laissés de
côté. Les primes sont toutes laissées de côté.
La partie patronale dit : Nous voulons uniformiser. Nous voyons, par exemple
c'est la première fois que je vois ça dans une
négociation, la partie patronale faire des offres. Elle veut que, dans
certains cas, nous reculions de dix, quinze ans et vingt ans. Prenons les
outils, par exemple. Prenons le service. Les patrons disent qu'ils veulent
absolument augmenter, pour le consommateur, le nombre d'heures à temps
simple. Vous savez très bien que si un tuyau doit couler, ce n'est pas
nécessairement à sept ou huit heures du soir qu'il va couler;
cela peut être aussi bien à quatre heures du matin.
Cela veut dire que, demain matin, vous admettez que des travailleurs
oeuvrent à temps simple jour et nuit. Le service est ce qui nous recule
d'environ vingt ans, lorsqu'on dit que ça coûte cher, si le gars
est obligé parfois de payer temps double. Moi-même j'ai un duplex.
Je me suis acheté ça en 1963. Depuis ce temps-là, aucune
réparation n'a été nécessaire. Demain matin,
ça peut me coûter $100 de réparation advenant le cas
où je suis obligé de payer temps double ou temps et demi. On ne
peut avoir tous les services qu'un bungalow ou un duplex comprend tels que
l'eau ou l'électricité, etc... c'est une singerie. En effet une
bâtisse est bonne pour environ une quinzaine d'années.
Si demain matin, pour le service, vous donnez des conditions de travail
différentes de celles qui existaient auparavant, cela veut dire que vous
empêchez le cheval de galoper, et qu'en plus, vous lui mettez des
bâtons dans les roues. Vous réduisez le salaire qu'il avait
auparavant. C'est cela qui est impensable. Vous devez certainement savoir aussi
que, sans sécurité sociale, un fonds de pension dans sept ans et
demi, cela veut dire que, trois ans plus tard, la convention collective
deviendra en vigueur. Cela veut dire que, dans sept ans et demi, le gars aura
eu $0.05 l'heure. C'est impensable que, de nos jours, on essaie de
réduire les pensions de 65 ans à 60 ans, que le patronat ne
prenne pas ses responsabilités plus que ça. Il est impensable
que, demain matin, même si, à certains endroits, il n'y en a pas
d'établi, que là au moins, où il y en a d'établi,
il ne reconnaisse que, pour avoir un fonds de pension raisonnable, il doit
mettre, plus que $0.05 l'heure dans la sécurité sociale.
Tout ceci nous amène à dire que, même dans les
parties patronales, le plus gros ennui qu'on avait concernait les
employés sur les routes. Pourquoi avions-nous des routes? C'est que le
gouvernement est le seul entrepreneur. Si le gouvernement, demain matin, avait
dit: Ne vous inquiétez pas; on va les payer les gars... On a
ambitionné sur les travailleurs depuis les dix dernières
années, les vingt dernières années, en leur offrant un
salaire abominable. Vous pouvez être sûrs que l'objection à
la table patronale aurait été amoindrie de beaucoup. Si demain
matin, le ministère des routes dit: Enlève l'opposition des
grands constructeurs de routes, comme on appelle les constructeurs ou les
entrepreneurs, pour une fois vous êtes sûrs que la convention
collective va certainement être améliorée parce que
l'opposition qu'on avait auparavant va certainement être
diminuée.
Lorsqu'on dit que l'on joue au grand-père, lorsqu'ils envoient un
gars travailler en dehors de la ville, ils offrent $6 par jour de pension.
Où allons-nous avec $6 par jour? Vous savez très bien que c'est
impensable. Lorsqu'on dit qu'on veut avoir des heures hors de l'ordinaire par
rapport aux travaux qu'ils font, étant donné qu'ils n'en font pas
l'hiver, par contre, dans leur juridiction de travail, ils insèrent des
travaux qui se font à l'année longue et, entre autres, pour ces
mêmes travaux-là, il manque une exception.
Lorsqu'on parle d'échangeurs, ici, ce qui a été
fait à Québec, je n'ai certainement pas besoin de vous dire que
ces travaux sont faits à longueur d'année. Alors, pourquoi donner
des différences d'heures aux gars des routes quand on sait vraiment que
ces gars-là sont exploités depuis nombre d'années? A la
dernière assemblée des travailleurs, les gars ont dit qu'ils ne
gagnaient presque rien. Ils travaillent à environ 50 milles de chez eux,
pour environ $2.50 l'heure; pour avoir un salaire qui était un peu
équitable, il fallait qu'ils fassent 60 heures par semaine parce que
c'est impensable que le groupe puisse travailler sans devoir payer pension en
dehors de la ville, et ainsi de suite.
Prenez, par exemple, les échangeurs qui ont été
faits à Québec. Lorsque le gars travaille à un niveau
élevé, son salaire est celui qui se donne sur les routes; il a le
salaire minimum. Lorsqu'il travaille sur le plancher des vaches, il a le
salaire du décret. Est-ce pensable d'établir des taux semblables?
On sait très bien que le même travailleur de la construction, de
temps en temps, va conduire un bulldozer sur l'accotement des routes et
là son salaire descend d'au moins $2 l'heure. Et qu'est-ce qu'on doit
faire?
On a essayé tous les moyens possibles, et nous ne croyons pas que
ce sont seulement les entrepreneurs qui font cela... Ils ont certainement une
opposition quelconque d'un certain ministère. Et si ce ministère,
demain matin, "met ses culottes", en bon canadien-français
vous pourrez être sûrs et certains que les travailleurs de la
construction vont arrêter de se plaindre et que le côté
social du travailleur va être beaucoup amélioré
contrairement à ce que nous remarquons présentement.
En même temps, je voudrais vous dire que lorsqu'est venu le bill
290, lorsque la définition du mot "construction" a été
donnée, personne ne s'est aperçu, je ne crois pas que cela
ait été oublié, ou ait été fait
volontairement que le mot "machinerie" n'a pas été
défini. Maintenant qu'est-ce que l'on voit? Cela a ouvert la porte
à beaucoup de gens qui font de la machinerie mais qui n'en installaient
pas auparavant. Ces gars-là maintenant essaient, par tous les moyens
possibles, de se sauver du décret des salaires qui sont donnés et
d'emmener les travailleurs des usines travailler dans la construction. Comme si
nous n'avions pas assez de chômage. Maintenant le chômage va aller
deux fois plus vite dans la construction.
Nous demandons, ici, que la commission parlementaire étudie
sérieusement le mot "machinerie" pour qu'il soit inclus dans la
définition du mot "construction". Car, aujourd'hui, lorsque les quatre
murs sont bâtis, tout est fait à base de machinerie. Alors, que
reste-t-il aux travailleurs? Pourquoi ont-ils été au centre
d'apprentissage apprendre le métier de "millwright" durant quatre ans
si, aujourd'hui, ils ne peuvent plus le pratiquer ou si, pour pratiquer leur
métier, ils sont obligés de s'en aller vers les usines, à
un salaire moindre? Mais même s'ils voulaient y aller, il n'y a pas de
porte ouverte pour eux. Alors, nous voyons d'un mauvais oeil que le mot
"machinerie" ne soit pas avancé et ne soit pas introduit dans la
définition du mot "construction".
En ce qui concerne les contremaîtres, un contremaître, dans
la construction, c'est le gars qui, aujourd'hui, est contremaître et qui,
le lendemain, est travailleur. Si demain matin vous l'excluez de la convention
collective, ou du décret, cela veut dire que ce gars-là est pris
à la gorge par son patron et son patron peut lui dire : Ecoute, si tu ne
veux pas faire telle et telle chose comme je te l'ai dit tout à l'heure
les formes sont faites par les journaliers si tu ne veux pas
respecter les ordres que je vais te donner, automatiquement, demain matin, tu
ne seras pas capable de travailler parce que tu ne seras plus sur le
marché du travail.
Alors, si vous voulez que le contremaître soit couvert par la
sécurité sociale, par l'assurance-santé-salaire, etc., il
y a une seule manière, c'est qu'il le soit comme il l'a toujours
été par le décret et par les conventions collectives,
auparavant.
Et ceci termine un peu le rapport de la FTQ du côté
général. M. Louis Laberge va maintenant vous faire un rapport,
ensuite notre économiste, et nous aurons aussi un rapport à faire
sur la sécurité sociale par M. Dulude.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des questions à poser
maintenant?
Merci M. Desjardins de ce témoignage de la base, je crois que le
député de Chicoutimi a des questions à poser.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desjardins, j'ai écouté votre
exposé avec grand intérêt. Je voudrais vous poser une
question concernant quelque chose qui m'a frappé dans ce que vous avez
dit. C'est le problème de la transformation des métiers dans
l'industrie de la construction, particulièrement dans le cas des maisons
unifamiliales, comme celles dont vous avez parlé.
Est-ce que, dans vos centrales syndicales, votre centrale la FTQ, il
s'est fait du travail dans le sens de la transformation ou le recyclage des
travailleurs en vue de l'utilisation des nouvelles techniques qui changent
radicalement le type de métier de construction auquel nous étions
habitués?
M. DESJARDINS: Nous travaillons très fort sur le recyclage. Nous
avons des cours de recyclage dans les centres de formation professionnelle,
tels qu'on les appelle maintenant. Par contre le travailleur, même s'il
se recycle dans tous les métiers, c'est la même chose: il y a un
surplus de main-d'oeuvre. Même si le travailleur se recycle, il est
obligé de dire qu'il n'y a pas de travail parce que, dans aucun
métier il n'y a de travail à temps plein. Malgré le
recyclage, comme je vous l'ai dit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant si j'ai bien compris votre
exposé, M. Desjardins, je pense que vous avez parlé des relations
entre travail, salaire et productivité. Vous en concluez que la partie,
prenons le cas de la construction d'une maison unifamiliale, un bungalow, la
partie qui représente la somme d'argent gagnée par le travailleur
tend à diminuer de plus en plus en raison du rythme de construction
actuel?
M. DESJARDINS: Certainement, et beaucoup en plus de cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qui provoque, selon vous, un danger
évidemment accru de chômage?
M. DESJARDINS: C'est cela!
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que cela se manifeste dans toutes les
régions où votre centrale est représentée?
M. DESJARDINS: Dans toutes les régions, il y a un chômage
accru justement à cause des nouveaux matériaux, l'outillage,
etc... Prenez le Château Champlain, par exemple, prenez les deux
ministères, celui de Québec et celui de Montréal. Combien
voyez-vous de briques? Cela vous donne tout de suite une idée de la
main-d'oeuvre utilisée en moins. Les divisions, c'est la même
chose. C'est tout préfabriqué. Un locataire quand il loue, on lui
met les divisions qu'il veut. Quand il faut les changer,
généralement c'est sur le commercial, c'est dans l'espace de
temps que tout se fait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez parlé d'autre part du
problème des définitions des mots, soit les mots "construction"
et "machinerie". Pourriez-vous expliciter un peu, ce que vous entendez, enfin,
les difficultés que vous voyez dans la définition du mot
"construction" et du mot "machinerie"?
M. DESJARDINS: Auparavant, lorsqu'il n'y avait pas de bill 290, nous
installions toute la machinerie qui allait avec la construction. Cela veut dire
que, demain matin, une industrie qui voulait s'installer à tel et tel
endroit, lorsqu'on partait, elle était prête à fonctionner.
Maintenant, par la définition du mot "construction", dans le bill 290,
nous installons, ce qu'on appelle les murs, le cadrage de la construction.
Après l'installation est faite par d'autres employés à
salaire moindre, parce qu'ils disent qu'ils ne sont pas sur la juridiction du
décret. Lorsqu'on parle de Quérion, par exemple, qui s'est
installé à St-Jérome, c'était de la grosse
machinerie. Pendant que les travailleurs bâtissent en dedans, ils
installent en même temps la machinerie parce que les deux se font
conjointement un est au salaire du décret et l'autre est au
salaire de l'usine où l'on va travailler plus tard.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que cela veut dire dans votre esprit
qu'il faudrait inclure le mot "machinerie" dans ce décret?
M. DESJARDINS: La seule chose que cela a faite, c'est que cela a ouvert
la porte à d'autres parties patronales qui sont venues ici par tous les
moyens, et qui continuent aussi, parce que nous avons des rencontres. Vous
avez, par exemple, la Compagnie des biscuits Viau qui est là, qui voit
du danger, qui essaie par tous les moyens de dire: Plus tard on va installer
notre machinerie.
Ce n'est pas l'intention des parties d'être là lorsqu'il y
a quelque chose de défectueux dans une machinerie; on ne l'était
pas auparavant. Mais ce que nous voulons, c'est faire installer la machinerie
comme cela se faisait auparavant. Mais, comme c'est là, la porte nous
est complètement fermée.
Vous avez Pentagon, à Asbestos, où ils sont en train de
faire la bâtisse. Ils disent très clairement: Lorsqu'arrivera la
machinerie à installer vous parlez de la grosse machinerie,
parfois, ce sont des usines à papier et ainsi de suite on aura
besoin de trois ou quatre cents ouvriers. Et que ce soit pour la tuyauterie,
l'électricité ou n'importe quoi, aucun des gars de la
construction demain matin, ne travaillera à ce genre de travail qu'ils
ont toujours fait auparavant et pour lequel ils sont allés à
l'école pendant nombre d'années. Et demain matin, ils feront un
"cheap labor" pourrait-on dire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desjardins, j'ai à vous poser deux
autres questions qui seront les dernières. Vous avez parlé du
problème des entrepreneurs qui construisent les routes et vous avez
laissé entendre que le gouvernement, en somme, devrait assumer une part
plus importante du coût de construction des routes afin de favoriser les
travailleurs. C'est bien cela que vous avez dit?
M. DESJARDINS: Oui, et je dis plus que cela. Lorsque le gouvernement
négocie, par l'entremise de la fonction publique, les professeurs, dans
toute la province, ont un taux de salaire. Si le gouvernement reconnaît
cela, pourquoi dans le contrat qu'il fait, ne reconnaît-il pas aussi que
la parité salariale devrait exister, au lieu d'attendre un nombre X
d'années, avant d'établir cela. Si, auparavant, vous faisiez cela
sur le salaire, sur le juste salaire, disons que ces ouvriers-là ont
été "cochonnés" pendant dix ou vingt ans, il est à
peu près temps que quelqu'un se réveille et leur donne leurs
droits.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La dernière question, M. Desjardins,
que je veux vous poser me paraît ressortir de l'exposé que vous
avez fait. Il semble qu'un des points d'accrochage, une des pierres
d'achoppement majeures de ce conflit, c'est qu'on a réuni par la loi 290
des gens qui ne peuvent pas vraiment cohabiter en raison de la diversité
des métiers qu'ils représentent.
M. DESNARDINS: C'est cela. Il y a continuellement de l'objection. Si les
gars avaient des salaires, comme on vous l'a dit... Demain matin, prenez le
salaire du gars des routes ou du gars en province, il est bas. Si vous prenez
les augmentations, le pourcentage est effrayant pour rejoindre Montréal.
Mais c'est tout aussi effrayant, le même pourcentage existe pour le
travailleur qui n'en avait pas auparavant par exemple. Il ne faut pas penser
seulement au coût. C'est le coût que représente par exemple
le fait que le travailleur était exploité auparavant. Le
même pourcentage existe.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, est-ce qu'on peut en conclure, M.
Desjardins, que vous
allez nous suggérer de suggérer au ministre du Travail de
revoir très sérieusement le projet de loi, enfin la loi 290, en
ce qui concerne les parties qui ont été réunies par cette
loi 290?
M. DESJARDINS: De ce côté-là, on sait très
bien que plus tard il va y avoir quelque chose de fait dans ce sens, comme nous
l'avait dit votre prédécesseur du ministère du Travail, M.
Laporte. Il avait tellement dit que les parties allaient se rencontrer et
donner leur opinion sur ce sujet! J'espère qu'à ce
moment-là la FTQ pourra avoir l'avantage de dire si oui ou non on pourra
discuter de ce problème-là et alors on va vous amener de bonnes
recommandations. Prenez, par exemple, le domaine de la chambre et de la
pension. Dans toute la province, auparavant, vous aviez $7. Maintenant le
côté patronal, après quatre ans et demi, offre $0.50
d'augmentation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense, M. Desjardins, que vous n'avez pas
saisi exactement la question.
M. DESJARDINS: Oui, je saisis votre question, mais je ne voudrais pas y
répondre et je vais vous dire pourquoi. C'est très simple. Je
sais qu'il va y avoir une rencontre plus tard en ce qui concerne les
amendements au bill 290 et je voudrais dire qu'à ce moment-là, on
va discuter du problème. La seule chose qu'on dit, c'est que le
côté patronal est très lourd. Ils sont cinq. Parlons par
exemple, d'endroit pour manger, pour le travailleur. Le gars qui bâtit un
bungalow dit: Cela n'a pas de bon sens. Mais, le gars qui bâtit un moulin
à papier dit: Cela a du bon sens. Mais ils ne veulent pas
l'insérer dans la convention collective, par rapport au genre de travaux
qu'ils installent.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desjardins, je m'excuse d'insister
là-dessus. Je comprends que vous ne vouliez pas aborder ce
sujet-là tout de suite, peut-être M. Laberge pourra-t-il le
faire.
Mais comme nous aurons à exprimer des opinions à
l'intention du ministre du Travail, il est important pour nous de savoir
exactement sur quel terrain vous vous situez, parce qu'il ne s'agit pas
simplement de régler le problème que pose l'application de la Loi
38, il faut encore prévenir les conflits éventuels qui pourraient
surgir après l'expiration du décret qu'édictera le
gouvernement. Enfin, ce décret pourra être tel qu'après
trois ans, soit à l'expiration, on se retrouve exactement dans la
même jungle.
M. DESJARDINS: Vous admettrez qu'avant on négociait entre une
partie patronale et une partie syndicale ou deux parties syndicales, et on en
venait à une entente. Maintenant, il n'y a aucune possibilité.
Nous nous réveillons ici, ce matin, et nous savons très bien
qu'on va nous imposer des conditions qui déplairont à tout le
monde. Mais, par contre, qui y gagnera dans cela? C'est le patronat, parce
qu'il est à y insérer des conditions de travail impensables.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pense M.
Desjardins le comprendra aussi il ne peut pas présumer des
intentions du gouvernement non plus que présumer des intentions du
patronat. Nous, ici, à la commission parlementaire, nous voulons savoir
exactement sur quel terrain se situent les parties qui sont
représentées et qui tombent en somme sous le coup de la loi 38.
Pour l'instant, il faut régler le problème de l'application de la
loi 38 afin de voir ensuite de quelle façon il sera possible
d'améliorer ce domaine des relations patronales-ouvrières par des
amendements à la loi 290. C'est donc dans ce sens que nous aurons
à faire des observations au ministre dans l'intérêt des
parties, soit celles que vous représentez et les autres que nous avons
entendues. J'en ai fini, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Desjardins, vous avez parlé tout à l'heure en
référence avec la parité des employés de la
construction de Montréal et vous disiez, entre autres choses du
moins c'est ce que j'ai cru comprendre que le fait que la parité
salariale ne soit pas accordée était préjudiciable
même aux employés de la construction de Montréal.
Voulez-vous préciser davantage à ce sujet?
M. DESJARDINS: Premièrement, nous savons très bien que
l'offre patronale de $0.75 l'heure n'a pas été acceptée
par aucune partie syndicale. On le parend parce qu'on veut absolument que la
parité salariale devienne un fait, pour qu'après cela, dans trois
ans, avec le même cheval qui était censé être au
galop, on parle et on négocie pour tout le monde. Mais on ne peut
certainement pas imposer encore des conditions de travail au ralenti,
pourrait-on dire, pour qu'après cela, dans trois ans, cela soit encore
au ralenti si la parité salariale n'est pas appliquée en
province. Cela n'a pas de bon sens; dans trois ans, vous vous
réveillerez avec le même problème.
Un jour ou l'autre, il faudra avoir cette parité. Il reste donc
une chose. Par exemple, prenez les gros chantiers dans toute la province. Je
pourrais vous en montrer. Il y a des députés ici... Dans la
Gaspésie, vous avez New Richmond, vous avez Chandler, vous avez Matane,
où des usines de papier ont été construites à la
faveur de la parité salariale.
Dans la région d'Alma, Price Brother a obtenu la parité
salariale. Vous avez Portage-du-Fort, dans la région de Hull: encore la
parité salariale. Vous avez en Abitibi, l'usine de Lac
Quévillon: toujours la parité salariale. Ici, à
Québec, au chantier de la raffinerie d'huile, les gars ont le salaire de
Montréal. Dans un rayon d'un demi-mille ou d'un quart de mille, vous
avez des gars qui ont deux salaires. Il faudra un jour penser que c'est
important de régler ce problème. Si un gars après avoir
fini son travail demain matin à la Golden Eagle, va s'engager à
un autre chantier, il peut voir diminuer son salaire peut-être de $1.50,
peut-être de $2 l'heure. Et cela se fait continuellement.
Le gars aura la même compétence. Lorsqu'on parle de
compétence, prenez l'industrie du gaz naturel, par exemple, à
Montréal. C'est fait par des journaliers du gaz, et vous dites que rien
dans le décret ne dit que cela prend un plombier pour faire le travail.
On engage des journaliers et on épargne $1 l'heure. C'est une industrie
dangereuse. Vous le savez très bien, cela a déjà
sauté et cela va encore sauter. Pourquoi? Hier, je voyais une
installation de gaz, le régulateur, et ainsi de suite, tout y est fait
par des journaliers. Ne prenez pas cela pour une farce, j'en ai encore vu
lundi. Même si la parité salariale existe, par tous les moyens
possibles, on essaie d'enlever la prétendue compétence qu'on
exige pour donner la parité salariale, et lorsque le gars a la
compétence, on le retire et on donne la tâche à un autre
pour économiser $1 l'heure.
M. BURNS: En somme, votre argument, quant à Montréal,
serait que si je le comprends bien les parties patronales
offriraient des augmentations générales moindres en
prévision du coût augmenté que comporterait
éventuellement la parité salariale.
M. DESJARDINS: Je vais vous dire une chose. Vous avez déjà
négocié. Tout le monde sait ce que c'est que de négocier.
Me Cournoyer le sait aussi. Quand vous dites que la première offre,
c'est $0.75 et qu'elle a été imposée, je n'ai jamais vu
une partie patronale mettre tout son gâteau sur la table. Cela veut dire
qu'à la place de donner $1.20, voilà quatre ans et demi, ils vont
donner $0.75. Ils épargnent environ $0.50 l'heure, à 65 p. c. de
tous les travailleurs. Alors, dans la construction demain matin, de ces $0.45
qu'ils ont épargnés il reste 35 p. c. à mettre en
province. Qu'ils le mettent beaucoup plus que ça pour que ce
problème-là se termine.
En plus de cela, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cela ne
coûte pas plus cher au consommateur parce qu'hier, cela prenait 1,200
heures pour construire un bungalow alors qu'aujourd'hui cela en prend 500 ou
600. Cela ne coûte pas plus cher. C'est le contraire, et le bungalow n'a
pas baissé par exemple. Il n'a pas baissé. Je me rappelle une
chose, moi. Cela ne fait pas très longtemps. Quand j'ai
négocié en 1966, on a négocié une convention
collective qui disait: $0.25 l'heure le 1er avril. Par contre le décret,
pour d'autres raisons, n'est pas entré en vigueur avant six mois. Le
gars de service était justement de ceux qui n'étaient pas
régis par la convention collective, le consommateur, le patron, comme
ils vous l'ont dit tout à l'heure, il veut lui épargner de
l'argent. Le consommateur lui, il fait pitié. Il faut aider ce
gars-là. Par contre, nous avons été voir des gars de
service. Nous avons dit: Avez-vous eu vos $0.25? Ils disent non. Mais
c'était écrit dans les journaux que les gars de la construction
avaient eu $0.25 au moyen de la convention collective. Mais les gars ont
été avertis. On ne les a pas, mais on charge, à partir du
1er avril, $0.50 de plus l'heure, par exemple, pour le fameux consommateur
qu'ils veulent sauver; le travailleur ne les avait même pas ces $0.25.
Cela veut dire que même s'il les avait eus, ils prennent 100 p. c. de
profit. Si au moins, ils avaient marché à 20 p. c! cela aurait
fait $0.35 l'heure qui auraient servi au consommateur. Mais le travailleur
n'avait même pas les $0.25 et ils chargaient $0.50 au gars de service qui
demande des conditions spéciales. Des conditions spéciales,
qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'eux vont quand même charger
le temps et demi. Vous ne pouvez pas me faire croire ça.
La seule chose qu'il y a, c'est qu'ils essaient par tous les moyens,
d'imposer. Et la définition du mot "service", quelle est-elle? Où
allons-nous? Pour le gars, ça va toujours être du service
continuel; s'il parle, le gars va être remercié. La seule
manière, c'est de mettre un taux uniforme pour tout le monde.
M. BURNS: Maintenant, ce dernier point que vous soulevez me fait penser
à une autre question. Je n'ai pas décelé dans votre
argumentation de réclamation de rétroactivité. Est-ce que
vous voulez dire que c'est un phénomène oublié?
M. DESJARDINS: Non. Ce n'est pas un phénomène
oublié. On connaît la partie patronale. On sait que c'est parler
dans le vent.
M. BURNS: Sauf qu'actuellement, vous parlez à la commission
parlementaire, peut-être le ministre, éventuellement, tiendra-t-il
compte de vos arguments et fera-t-il les suggestions en conséquence.
M. DESJARDINS: On se contenterait de la parité salariale
immédiatement, le plus vite possible. C'est encore...
UNE VOIX: C'est une suggestion.
M. BURNS: Vous accepteriez de faire la concession de la
rétroactivité pour obtenir la parité salariale?
M. DESJARDINS: Certainement.
M. LE PRESIDENT: La négociation avance;
je constate... Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le
député de Shefford d'abord.
M. RUSSELL: Oui, M. Desjardins, vous avez dit que vous aviez
visité la semaine dernière, ou dernièrement, des
chantiers.
M. DESJARDINS: Toute la journée lundi.
M. RUSSELL: Est-ce que ça c'est fait dans la région de
Montréal aux chantiers de maisons unifamiliales?
M. LE PRESIDENT: Un instant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela prendrait quelqu'un pour le
service...
M. DEMERS: Est-ce que ça va être l'entretien ou la
construction?
M. LABERGE: L'entretien.
M. BURNS: On sait que ça va prendre un expert.
M. LE PRESIDENT: Quand M. Desjardins a dit tout à l'heure que
ça allait sauter, vous parliez du gaz naturel. Cela a sauté.
M. DESJARDINS: C'est ça. C'était dans la région de
Brossard, des ouvriers de Saint-Hyacinthe, et non pas de Montréal
travaillaient-là, en dehors du décret de Montréal.
M. RUSSELL: C'est le centre de construction que vous avez visité,
parce que vous avez dit que les formes pour les solages avec des panneaux se
construisaient en cinq heures.
M. DESJARDINS: C'est ça.
M. RUSSELL: L'utilisation des panneaux pour la construction date de
combien d'années?
M. DESJARDINS: Cela doit faire sept ou huit ans.
UNE VOIX: Quinze ans.
M. RUSSELL: Quinze ans oui... L'installation de panneaux en cinq heures,
est-ce avec des panneaux préfabriqués, remontés à
ces chantiers qui se construisent en série, ou est-ce que ça
prend le même temps pour faire des formes pour un bungalow dans une
région où il y aurait seulement une construction de bungalow?
M. DESJARDINS: C'est le même entrepreneur qui garde ses panneaux,
qui les utilise quand vient le temps de la construction.
M. RUSSELL: Cela dépend, si vous construi- sez en série
des bâtisses de la même grandeur, et si vous construisez une
bâtisse, il y a des dimensions un peu différentes.
M. DESJARDINS: Quand vous avez des dimensions différentes, vous
mettez plus de panneaux. Les mêmes panneaux sont utilisés partout,
indépendamment de la grandeur du bungalow.
M. RUSSELL: Et vous maintenez toujours que cela prend cinq heures pour
faire des formes.
M. DESJARDINS: Certainement.
M. RUSSELL: Je cherche de l'information, on fait faire de la
construction chez nous et il y a des entrepreneurs qui ambitionnent
certainement, parce que cela prend beaucoup plus que cinq heures.
M. LABERGE: Nous sommes prêts à les recycler!
M. RUSSELL: Je prends note des remarques. Deuxièmement, M.
Desjardins, vous parliez de machinerie et je voudrais bien
préciser pour l'information de la commission qui s'installe
à l'intérieur d'une usine, lorsqu'un manufacturier va acheter de
la machinerie installée. Et ces gens-là sont les mêmes qui
travaillent pour le manufacturier de machinerie et qui viennent l'installer
dans l'usine. Ces gens sont eux-mêmes sous l'emprise d'une convention
collective. Ce sont des conditions de travail.
M. DESJARDINS: Pas nécessairement. M. RUSSELL: C'est souvent le
cas.
M. DESJARDINS: Dans certains cas, cela se peut.
M. RUSSELL: Est-ce que ce n'est pas dans la majorité des cas.
M. DESJARDINS: Je vais vous donner un exemple. A la dernière
installation que nous avons faite, le compresseur venait d'Allemagne. Qu'est-ce
qu'ils ont là-bas comme convention? Je ne le sais pas.
M. RUSSELL: II est vrai que le compresseur vient d'Allemagne, mais je
connais aussi trois industries actuellement qui sont à installer de la
machinerie qui vient d'Allemagne et les gens venus l'installer, sont des
spécialistes d'Allemagne, qui sont venus pour en faire l'installation et
la mettre en marche. Trois que je connais actuellement et je peux les
nommer.
M. DESJARDINS: J'ai travaillé sur un com-
presseur qui valait des millions. Il est arrivé un gars
d'Allemagne qui nous disait comment l'installer, comment il voulait
l'installer. Nous étions capables de l'installer, nous avions
déjà fait ce travail. Ce n'est pas plus difficile que la
machinerie vienne de l'Allemagne ou de n'importe où. Après
ça, il l'a mis en marche, et ce sont les travailleurs...
C'est comme lorsque l'Expo a été construite. Je m'en
rappelle très bien. Les Russes voulaient absolument venir construire
leur fameux pavillon. Ce n'est pas parce que nous n'étions pas capables,
mais parce qu'ils voulaient épargner de l'argent. Ils ne paient presque
rien là-bas. Les Chinois sont venus aussi, vous savez ça.
M. RUSSELL: Disons que nous ne négocions pas pour les Chinois
actuellement.
M. DESJARDINS: Mais c'est un fait ce que je vous dis là.
M. RUSSELL: Je comprends que c'est un fait. Vous avez tenté de
clarifier. Il y a d'autres exemples que je voudrais faire ressortir ici. Je
pense que c'est important pour l'information de la commission.
M. MARCHAND: Est-ce que cela veut dire que nous sommes mieux
payés au Québec que dans ces endroits-là?
M. DESJARDINS: Bien, ils sont tellement nombreux là-bas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'ils ont la parité
salariale?
M. DESJARDINS: Ils ont du riz salarial. C'est du riz, en Chine.
M. RUSSELL: Vous voulez peut-être parler aussi des...
M. MARCHAND: Donc, nous sommes mieux au Québec?
M. DESJARDINS: Non, du tout.
M. RUSSELL: ... installations d'ascenseurs. Parce que là, il y a
50 p. c. qui sont faits en usine et 50 p. c. qui sont faits sur la
construction. Il peut y avoir un peu de...
M. DESJARDINS: Je veux parler de la machinerie. Prenez, par exemple, une
machine à papier. Cela prend environ comme je vous l'ai dit tout
à l'heure 300 hommes pour installer une machine à papier
et environ six mois. Le fabricant fait cela par morceaux, le matériel
envoyé sur le chantier, on l'installe. Il y a des plans, tout le monde
est capable de lire cela. Nos ouvriers l'installent, ils l'ont toujours fait.
Pourquoi demain matin, n'auraient-ils plus la capacité de le faire? Ce
n'est pas parce qu'ils n'ont pas la capacité, c'est parce que celui de
l'usine essaie d'envoyer ses gars à moins cher, en bas du
décret.
M. RUSSELL: II y a des différences assez importantes dont il faut
tenir compte. Lorsque ces équipements sont vendus avec une garantie,
c'est celui qui fournit la garantie qui doit s'occuper de la main-d'oeuvre, qui
doit en faire l'installation pour s'assurer de sa garantie. Sans cela, il ne
s'en tiendra pas responsable si c'est l'acheteur qui en fait sa propre
installation.
M. DESJARDINS: Si l'installation est faite suivant les normes requises
par le fabricant, je ne vois aucun problème. C'est cela que nous faisons
tout le temps. Ce n'est pas d'aujourd'hui. Avant le projet de loi 290, nous le
faisions. Je ne sais pas pourquoi demain matin arriverait la fameuse garantie.
Cela fait longtemps que j'entends cette histoire de garantie. Mais, par contre,
si le gars s'en va travailler dans une autre province, eux, ils ne sont pas
capables de l'installer et la garantie s'applique quand même. Tandis
qu'ici, dans le Québec, ils vont l'installer et ils disent que sans cela
la garantie ne s'applique pas. Pourquoi? La même machinerie. Donnez-moi
une raison, si ce n'est pas sur le taux qu'ils essaient d'épargner.
Ailleurs, cela se fait.
M. RUSSELL: Pas nécessairement, je suis d'accord avec vous. S'il
y a un contrat, il y est spécifié, que cela va être
installé et que vous avez un surveillant qui est responsable,
d'accord.
M. DESJARDINS: On n'a jamais eu d'inconvénient à ce qu'un
surveillant soit sur place pour voir à ce que la machinerie...
M. RUSSELL: II est bien normal pour un manufacturier d'installer de la
machinerie, de l'équipement à ces conditions. Il envoie des
employés qui, eux, ont un contrat de travail et ils travaillent en
accord avec cette convention collective. C'est bien normal.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Frontenac.
M. LATULIPPE: Je voudrais poser une question à M. Desjardins sur
le fait que le nombre d'heures diminue considérablement dans
l'élaboration des maisons familiales. Il maintenait tout à
l'heure que la productivité avait pris l'ascenseur tandis que les
salaires avaient pris l'escalier de service. Il y a donc quelqu'un qui a
profité de cette situation. Je voudrais savoir qui il identifierait en
particulier?
M. DESJARDINS: Premièrement, au cours des cinq dernières
années, vous avez les 11 p. c.
de taxe. Le prix du bungalow n'a pas monté. Qui est-ce qui suit
tout ça? C'est l'ouvrier de la construction. Les matériaux
coûtent plus cher qu'il y a cinq ans, c'est entendu. Les 11 p.c. de taxe
sont là. Le prix des terrains a augmenté. C'est entendu. Vous
avez encore des bungalows à $12,000 en quantité.
M. RUSSELL: M. le Président, je pense bien que, pour
l'information de la commission, le bungalow dont on parle, qui se vend encore
à $12,500 ou $12,900, c'est le bungalow que vous achetiez $9,800 ou
à $9,900 il y a cinq, six ou huit ans. Il faut être raisonnable,
soyons raisonnable. Qualité pour qualité essayons...
M. DESJARDINS: Les matériaux ont changé. Ils ont la
même valeur.
M. RUSSELL: II y a une certaine modification sur les matériaux.
Il y a différents matériaux qui sont utilisés...
UNE VOIX: C'est vous qui les bâtissez, les hangars. C'est toi qui
les bâtis, les hangars.
M. LE PRESIDENT: Si on veut éviter les polémiques, il faut
s'en tenir strictement aux questions...
M. RUSSELL: C'est simplement pour tenter de s'informer exactement de la
situation. Il ne faut pas laisser croire qu'aujourd'hui, un bungalow qui se
vend $12,800 est le même que celui qui se vendait il y a cinq ou six ans
à $12,800. Ce serait une mauvaise information que l'on fournirait
à la commission.
M. DESJARDINS: N'êtes-vous pas d'accord qu'auparavant ça
prenait 1,200 heures pour bâtir un bungalow, et qu'aujourd'hui cela
demande la moitié moins de temps?
M. RUSSELL: Est-ce que M. Desjardins pourrait expliquer pourquoi cela
demande la moitié moins de temps?
M. DESJARDINS: Premièrement, les matériaux ont
changé. Prenez, par exemple, comme je vous ai dit tout à l'heure,
le plancher de bois franc. Autrefois on le posait morceau par morceau.
Aujourd'hui on pose ça comme du prélart, c'est de la parqueterie.
Combien de temps pensez-vous que cela prend? Je demandais au gars qui posait le
prélart dans la cuisine combien de temps cela prenait. Il disait que
c'était plus long de nettoyer son plancher que d'installer son
prélart.
M. RUSSELL: D'accord, mais est-ce que vous pourriez donner la
différence du coût de la planche qui se vendait avec le
panneau?
M. DESJARDINS: Auparavant, vous installiez, par exemple, un plancher de
3/4 de pouce.
Aujourd'hui il a 1/2 de pouce d'épaisseur. Le coût de la
planche a monté mais ils ont diminué l'épaisseur
aussi.
M. RUSSELL: Mais c'est une modification des matériaux.
M. DESJARDINS: Une modification. Mais le coût reste le même,
ils le vendent encore au même prix que les 3/4. Le patron, s'il trouve le
même matériau d'un demi-pouce d'épaisseur, c'est
celui-là qu'il installe maintenant. Je ne dis pas que le matériau
n'a pas augmenté. Mais, il a changé de qualité.
M. MARCHAND: Donc, pour garder le même taux, il a fallu diminuer
la qualité.
M. DESJARDINS: L'épaisseur, c'est certain!
M. MARCHAND: C'est assez logique. Maintenant, la maison de $12,500 d'il
y a dix ans, s'est vendu il y a six ans $15,500 et aujourd'hui elle est
à $17,500, pour celui qui veut donner la même qualité. Vous
avez le même entrepreneur qui bâtit, par exemple, dans Laval, la
région que je connais, qui vendait une maison $12,500 il y a deux ans et
cinq ans après il la vendait $15,500. Et, aujourd'hui, la même
maison il la vend entre $17,500 et $18,500.
M. DESJARDINS: Mais avec les nouveaux...
M. MARCHAND: Ce n'est pas la maison qui se vend à $12,500
aujourd'hui. En plus de ça, vous avez parlé des armoires
préfabriquées qui se posent comme ça. Je pense qu'il y a
douze ans j'en ai un bungalow de douze ans moi aussi ils sont
arrivés avec les armoires préfabriquées, mais le gars qui
n'a pas la compétence pour poser ça, je pense qu'il va les poser
tout de travers et après ça j'aurai besoin de services pour
ajuster mes portes.
M. DESJARDINS: Les portes sont posées. Je ne crois pas qu'il y
aura besoin de beaucoup de services après.
M. MARCHAND: Elle va être toute de travers si le gars n'a pas de
compétence.
M. DESJARDINS: S'il s'agit de la mettre au niveau, si c'est de cela
qu'il s'agit quand vous parlez de compétence, si un menuisier n'est pas
capable de mettre au niveau une armoire...
M. MARCHAND: La compétence comprend tout, je pense.
M. DESJARDINS: Cela comprend tout, certainement.
M. LE PRESIDENT: Bon, la parole est toujours au député de
Frontenac.
M. LATULIPPE: Je demanderais à M. Desjardins de faire un
parallèle entre la hausse du coût des matériaux, toutes
proportions gardées, en revenant, disons, à une dizaine
d'années en arrière et la hausse du coût des salaires.
Est-ce que la hausse du coût des salaires n'a pas été plus
que proportionnelle par rapport à la hausse du coût des
matériaux?
M. DESJARDINS: Je n'ai pas cela. Je ne pourrais pas vous
répondre, je n'ai pas cela du tout.
M. LATULIPPE: M. Desjardins, comment expliquez-vous le fait que depuis
1954, selon le bureau fédéral de la statistique, la tendance des
profits tend continuellement à la baisse dans le secteur de la
construction?
M. DESJARDINS: Les profits sont à la baisse, c'est
peut-être parce qu'il y a trop de...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous attendre un instant? Le
député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous pourriez demander, M. le
Président, au député de Frontenac de parler un peu plus
fort afin que nous l'entendions et le comprenions?
M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous parler un peu plus fort?
M. LATULIPPE: D'accord. Je demandais à M. Desjardins d'expliquer
un peu comment cela se faisait que, depuis 1954, selon le bureau
fédéral de la statistique, il y avait une baisse constante dans
le pourcentage de la rentabilité dans le domaine de la construction.
M. DESJARDINS: C'est peut-être le nombre de constructeurs qui
surgit de partout. Cela est un des gros problèmes. Alors ce qui arrive,
c'est qu'en ayant un nombre effrayant de constructeurs, les gars, pour avoir le
travail, coupent les prix. S'ils coupent le prix pour avoir le travail, leur
profit sera moins gros. Cela n'est la responsabilité de personne. Je
pourrais vous nommer un constructeur, je ne vous le nommerai pas. Lorsqu'il y a
tel constructeur si quelqu'un prend une soumission de ce
constructeur-là, vous pouvez être sûrs qu'aussitôt que
le travail est fini, le gars, il est en banqueroute. Parce qu'il l'a pris trop
bas pour l'avoir.
M. LATULIPPE: Donc, c'est parce qu'il y a une concurrence
effrénée, qu'actuellement...
M. DESJARDINS: C'est cela, tout le monde pourrait se constituer
constructeur.
M. LATULIPPE: Est-ce que cela veut dire que vous seriez favorables
à ce qu'il y ait des limitations justement à ce que les
constructeurs...
M. DESJARDINS: II devrait certainement y avoir des normes, mais le bill
51 est censé y voir. Certainement, c'est un gros problème.
M. LE PRESIDENT: Monsieur...
M. L'HEUREUX: Alors, moi je représente les routes, on a fait
quelques allusions aux routes, alors je voudrais préciser certains
points.
Premièrement, on a parlé de chambre et pension. On a dit
qu'il était impensable à ce moment-ci qu'on paie ou qu'on offre
$6 par jour pour les frais de chambre et pension. J'aimerais simplement
mentionner à M. Desjardins qu'une simple vérification
auprès de ses syndiqués c'est-à-dire les personnes
qui ont été "cochonnées" avant mais qui avaient choisi de
ne jamais se syndiquer jusqu'au bill 282 et au bill 38 va lui permettre
de constater qu'il y a des chantiers de routes qui se font dans des coins
où la Transcanadienne passe actuellement, comme
Sainte-Anne-de-la-Pocatière, où les frais de pension de
bonne pension sont de $20 à $25 par semaine. Alors, nous en
offrons $30 ici.
M. DESJARDINS: Je voudrais demander à M. L'Heureux si ça
fait longtemps qu'il n'a pas été coucher quelque part.
M. L'HEUREUX: Si je peux continuer, j'aimerais faire remarquer à
M. Desjardins que ce sont des endroits où je demeure moi-même
quand je vais dans les chantiers. Je peux l'emmener là et il va
très bien manger.
M. DESJARDINS: C'est une bonne manière de faire un "show".
M. L'HEUREUX: La seconde chose, il a parlé des travaux d'hiver.
Je n'ai pas au juste saisi le point qu'il voulait souligner. Si le point qu'il
voulait souligner est celui que nous travaillons autant l'hiver que
l'été, c'est faux. On n'a simplement qu'à vérifier
les listes d'assurance-chômage et on va constater qu'au moins 50 p. c. de
la main-d'oeuvre est renvoyée au mois de décembre.
Si le point qu'il a voulu souligner c'est qu'on demandait les
mêmes heures pour l'hiver que pour l'été, à ce
moment-là, je dois lui dire que, pour la période d'hiver, on
serait bien consentant à ce que les heures de la semaine soient
réduites.
Le troisième point qu'il a souligné, c'est l'article
"contremaîtres". Encore là, si nous reférons à nos
représentations, au journal des Débats du 3 novembre, il va
s'apercevoir que notre offre comprend, c'est-à-dire que nous avons
reconnu dans notre offre, que la source probable même justifiable de nos
contremaîtres est à travers les syndiqués,
c'est-à-dire nos opérateurs à l'heure. Ce n'est pas parce
que le type est un opérateur qu'il doive rester opérateur le
reste de sa vie. On a reconnu dans nos
offres qu'il y avait une catégorie de contremaf-tres,
c'est-à-dire celle de contremaîtres salariés. A ce
moment-là, afin de permettre au contremaître de rentrer dans son
unité de négociation, au moment où nous n'aurions pas
besoin de ce type-là, où nous nous serions aperçus qu'il
n'était pas compétent, ou qu'il n'aimait pas cela lui-même,
on a prévu ce genre de contremaître salarié qui serait
couvert par la convention.
Ce à quoi on s'oppose, c'est qu'on syndique nos cadres dans la
même unité de négociation que les employés qu'ils
dirigent.
Lors de la dernière session de la commission parlementaire, M.
Meloche de la FTQ a mentionné d'ailleurs ce point a
été répété plusieurs fois qu'une des
raisons pour lesquelles il demandait un second opérateur pour les
pelles, était à cause de la sécurité. On a
même ridiculisé celui qui vous parle parce qu'on semblait prendre
à la légère les affirmations de M. Meloche. En fait, notre
principe est que des normes de sécurité ne se négocient
pas par le nombre d'opérateurs, elles s'imposent par une
législation.
M. Meloche a aussi mentionné qu'à chaque année il
perdait de 10 à 15 opérateurs de pelles et il a bien
spécifié "pelles", j'ai le journal des Débats ici. Alors,
simplement pour vérifier, nous avons communiqué avec la
Commission des accidents de travail et nous avons obtenu les statistiques
suivantes. A la Commission, c'est un M. Conrad Lebrun, commissaire, qui nous a
donné les informations...
M. DESJARDINS: Une information, s'il vous plaît...
M. L'HEUREUX: On dit entre autres...
M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît, M. L'Heureux...
M. DESJARDINS: Est-ce que c'est un rapport des constructeurs de routes
que vous avez demandé ou un rapport de la FTQ?
M. PAUL: C'est ça, oui!
M. LE PRESIDENT: Nous avons demandé un rapport à la FTQ.
Si je comprends M. L'Heureux, en fait, pour rectifier certaines affirmations de
M. Meloche... Alors, je me demande si c'est pertinent.
M. DESJARDINS: S'il les a oubliées dans son rapport, ce n'est pas
notre faute.
M. LE PRESIDENT: Comme on a été assez large jusqu'à
maintenant, je ne permettrai pas plus loin que l'affaire des pelles...
M. BURNS: Avant d'aller plus loin, il y a quand même une remarque
que je voudrais faire, c'est que tout le monde s'est entendu sur une formule de
procéder et c'était justement de produire des mémoires
à date fixe pour qu'il n'y ait pas des possibilités de
répliques ou de contre-répliques et de suppliques et de tout ce
que vous voulez... Alors, si c'est cela qu'on veut, actuellement, j'ai
l'impression que c'est la FTQ qui doit nous vendre son mémoire ou nous
expliquer ses raisons...
M. LE PRESIDENT: Un instant, le député de
Maskinongé...
M. PAUL: La décision devrait être prise par la commission
même si vous dirigez très bien les délibérations et
que vous demandiez le vote des membres de la commission à savoir s'ils
sont pour que M. L'Heureux continue dans le sens de ses remarques ou si le
point soulevé par mon collègue le député de
Maisonneuve, ainsi que par M. Desjardins, est acceptable.
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne crois pas qu'il s'agisse
d'une question qui doive faire l'objet d'un vote. Il s'agit, je crois, d'une
décision qui nous appartient et je crois bien que vous avez
été assez large, au moins dans mon optique, quant à
laisser quelqu'un finir sa phrase, ou enfin, terminer très
brièvement un exposé. M. le Président, je crois que c'est
à vous de prendre une décision.
M. LE PRESIDENT: Si on se situait, à ce moment-ci, devant un
tribunal d'arbitrage qui aurait à trancher définitivement la
question, je pense que l'opinion émise par le député de
Maskinongé pourrait être pertinente. Cependant, je n'ai pas
l'impression que la commission elle-même soit appelée à
trancher la question, cela revient quand même au conseil des
ministres.
Conséquemment, pour autant que vous n'irez pas plus loin que
l'affaire des pelles, nous sommes prêts à entendre ce que vous
avez à dire. Toutefois, il ne faudrait pas en prendre une habitude. Je
pense que c'est vrai que chacune des parties a le droit de s'exprimer, chacune
a le droit à des répliques, cependant, nous n'en sortirions plus,
s'il fallait entendre les répliques de chacun.
M. L'HEUREUX: M. le Président, les remarques que je veux faire
seront moins longues que celles qu'on a faites à son sujet.
Le point sur lequel j'insiste c'est que, la dernière fois, on a
traité de tueurs, et on a même accusé de brosser du dos de
la main une quizaine de morts... Je pensais que le point était assez
important pour le rectifier.
La Commission des accidents de travail mentionne que, dans la classe 21
des constructeurs de routes, en 1966, il y a eu 50 accidents mortels et, en
1970, le chiffre est de 13. On a mentionné, la dernière fois, que
dans le seul chapitre des pelles, il y en avait près de 10 à
15.
On a été plus loin, on a demandé de nous donner une
liste des différentes mortalités. Maintenant, la Commission des
accidents de travail est en train de déménager. On n'a pas pu
relever tous les dossiers, mais on nous en a donné six.
Alors le premier, c'est un bélier mécanique qui a
été renversé; le second, c'est un dynamiteur; le
troisième, c'est un opérateur de pelle mécanique, mais il
a été tué en retournant chez lui, le soir; le
quatrième, c'est un opérateur de bélier mécanique,
et les deux derniers, ce sont des journaliers. Nous n'avons pas de notes sur
les sept derniers. Cela pourrait être facilement fait. C'est le seul
point que je voulais souligner.
M. DESJARDINS: Je peux peut-être apporter une suggestion. C'est
peut-être l'échangeur Turcot, il en est mort pas mal d'un coup
sec.
M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas qu'on sorte toutes les statistiques
ici. Je suis certain que ceux qui sont appelés à travailler sur
les documents, qui détermineront les conditions de travail dans la
construction, sont très bien informés sur ce sujet. M.
Lefebvre.
M. LEFEBVRE: Alors, la question s'adresse à M. Desjardins. Vous
avez affirmé tantôt, M. Desjardins, que le pourcentage de
main-d'oeuvre dans le coût de construction était passé
selon vous, de 40 p. c. à 20 p. c. Est-ce que vous pourriez nous citer
votre source de statistiques ou de quelle façon vous arrivez à ce
chiffre?
M. DESJARDINS: Je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est le
côté pratique. Comme j'ai travaillé souvent sur
l'unifamilial moi-même, j'ai été revoir comment cela se
bâtissait, et je vois que la quantité de main-d'oeuvre s'est
réduite considérablement. Là où on voyait quatre
gars, on en voit maintenant deux. Ce sont seulement les statistiques. Je vous
l'ai dit tout à l'heure, c'est le côté pratique que j'ai
dit.
M. LEFEBVRE: Est-ce que vous avez suivi, pour établir vos
chiffres, le construction entière d'un ouvrage.
M. DESJARDINS: Je suis allé dans les bungalows qui étaient
en construction. En certains endroits, comme je vous l'ai dit, ils
étaient à faire les formes. A d'autres places, ils étaient
à faire les murs; à d'autres, ils étaient à faire
la finition. Je suis allé dans différents chantiers.
M. LEFEBVRE: Je ne doute pas que vous puissiez vous-même conclure
à l'oeil. Mais, je veux dire: Est-ce que vous avez des chiffres
précis? Exemple: Combien d'heures pour les électriciens, combien
d'heures pour les menuisiers, combien d'heures pour les manoeuvres, combien
d'heures pour les plâtriers,' combien d'heures pour les finisseurs de
ciment, combien d'heures pour les poseurs de mosaïque, etc? Est-ce que
vous avez des chiffres précis là-dessus?
M. DESJARDINS: Non, je n'en ai pas.
M. LEFEBVRE: Est-ce qu'on peut conclure que le chiffre de 20 p. c. que
vous nous donnez est un chiffre calculé au pifomètre?
M. DESJARDINS: Pifomètre, chronomètre, je ne sais pas.
M.LEFEBVRE: Le pifomètre, pour votre information, c'est quand on
calcule cela "sur la gueule". Vous avez également mentionné
et je m'en rapporte à votre connaissance de la construction, tout
particulièrement du bungalow que l'emploi du contreplaqué
dans la construction des formes ou du solage de béton datait de sept
ans. Est-ce qu'il ne serait pas plus exact de dire que ça date de 17
ans?
M. DESJARDINS: Je ne dirais pas 17 ans parce que j'ai travaillé
beaucoup il y a quinze ans et, dans ce temps-là, il n'y en avait
pas.
M. LEFEBVRE: Si je vous affirmais que moi, je suis possesseur d'une
maison unifamilia-le bâtie en 1953 et dont le solage a été
fait en préfabriqué. Est-ce que vous pourriez me contredire?
M. DESJARDINS: Peut-être qu'auparavant il y en a eu mais disons
que ce n'était pas général dans ce temps-là.
M. LEFEBVRE: C'était un projet de 100 maisons à ce
moment-là. Est-ce que ça pourrait être un peu plus
général que vous voulez le laissez entendre?
M. DESJARDINS: Cela se peut.
M. LEFEBVRE: Bon. Vous avez également affirmé que, pour
construire le carré d'une maison, cela prenait aujourd'hui deux hommes
à cinq heures.
M. DESJARDINS: C'est cela.
M. LEFEBVRE: Ce qui veut dire dix heures d'ouvrage. Ce qui veut dire
que, pour faire le carré d'une maison, cela coûterait, au salaire
actuel des menuisiers, $4.64 plus $0.30, environ $50. Est-ce que votre centrale
syndicale serait prête à faire des offres fermes sur ces
prix-là?
M. DESJARDINS: Combien est-ce que ça coûte, des offres
fermes...
M. LEFEBVRE: Des offres fermes pour construire des bungalows à
$50 pour faire le
carré de la maison. Parce que j'ai des entrepreneurs très
intéressés.
M. DESJARDINS: Nous sommes contre les "jobs" à la pièce,
premièrement.
M. LEFEBVRE: Non, non. Vous affirmez que ça prend dix heures
d'ouvrage, donc ça coûte $50. Moi je vous demande: Est-ce que vous
avez une offre ferme là-dessus?
M. DESJARDINS: Je n'affirme pas, j'ai constaté de vue.
UNE VOIX: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Un instant. M. le député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je craindrais que le débat, que les
discussions qui se poursuivent actuellement entraînent des débats
acrimonieux. Mais il faut quand même retenir j'espère que
M. Laberge viendra à la rescousse de M. Desjardins des
échanges qui ont eu lieu entre M. Desjardins et M. Lefebvre, que les
affirmations de M. Desjardins jusqu'à présent se trouvent sinon
détruites, du moins largement contredites et affaiblies. Alors, est-ce
que M. Desjardins ou M. Laberge, sera en mesure de nous fournir des documents
établissant ce qu'il nous a dit tout à l'heure? M. Desjardins, je
ne prends pas parti pour l'un ou l'autre des témoins.
Mais il reste que j'ai écouté avec une grande attention
l'exposé que vous nous avez fait tout à l'heure qui était
impressionnant prima facie, mais qui est maintenant contredit par un
spécialiste de la question, M. Lefebvre, alors est-ce que vous
avez...
UNE VOIX: Un spécialiste!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faut considérer M. Lefebvre comme un
entrepreneur responsable et capable...
M. LABERGE: Non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de donner au nom de l'organisme qu'il
représente des renseignements statistiques. Est-ce que vous avez les
mêmes renseignements statistiques? C'est tout ce que je veux savoir.
M. DESJARDINS: Je vous ai dit dans mon rapport, que je suis allé
voir moi-même, et que j'ai rencontré des ouvriers le matin
même qui étaient en train de faire le cadrage d'une maison. J'ai
demandé à ces hommes combien cela leur prenait de temps pour
faire cela. C'est eux-mêmes qui m'ont répondu. Je ne suis pas
allé à un seul endroit. Je n'ai pas pris seulement ces
ouvriers-là. J'ai fait cinq ou six maisons, ensuite j'ai
évalué le temps que cela prenait; ils disaient tous la même
chose. Ce ne sont pas des chiffres que j'ai par écrit. Certainement pas.
Mais ce sont des faits. C'est le côté pratique, par exemple.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, devant une commission
parlementaire, alors que les députés qui sont ici ne sont pas des
spécialistes de la construction, est-ce que vous ne pensez pas qu'un
groupe qui vient témoigner devrait nous apporter des renseignements
très précis et non pas nous donner des témoignages qui
proviennent d'une cueillette faite comme ça, au hasard, en visitant des
chantiers de construction? Parce que nous, nous aurons à nous prononcer
et à dire au gouvernement: Ecoutez, il faut améliorer le sort des
ouvriers de la construction. Mais pour cela, il nous faut évidemment des
données statistiques très sûres.
Or, M. Lefebvre apporte des données statistiques, et est-ce que
votre centrale est capable d'en apporter?
M. DESJARDINS: Certainement.
M. LE PRESIDENT: Ce que j'ai compris, lorsque M. Desjardins s'est
présenté devant nous, c'est qu'il n'avait pas la
prétention d'utiliser la méthode des statistiques. Il nous a dit
qu'il présenterait un témoignage d'expérience. Alors que
M. Lefebvre a utilisé une méthode strictement statistique. Or, M.
Desjardins à mon avis met en doute cette méthode, cependant, il
n'utilise pas la méthode statistique.
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous comprendrez avec
moi que les membres de la commission ici ne peuvent pas déménager
sur un chantier ce matin et aller vérifier sur place la
véracité des propos dont je ne doute pas, je ne mets pas
M. Desjardins en cause qu'a tenus M. Desjardins.
Or, ce que nous nous attendons à avoir, ici, ce sont des
témoignages d'experts. Et nous devrons nous baser sur des données
statistiques. Et le ministre du Travail, qui a l'habitude des
négociations, devra aussi se baser, avec ses collaborateurs du
ministère, sur des données statistiques, afin que cela soit assez
probant, et afin que cela nous incite à faire des recommandations au
gouvernement en vue de favoriser les travailleurs dont M. Desjardins
défend avec beaucoup d'ardeur et à raison la
cause.
M. LE PRESIDENT: M. Desjardins n'a pas eu cette prétention de
nous apporter des données statistiques. Maintenant, je pense bien que la
FTQ le fera probablement par d'autres représentants.
M. DESJARDINS: Ecoutez, premièrement,
je suis allé voir des travailleurs. Ce ne sont pas des machines
que je suis allé voir. C'est le témoignage des travailleurs que
je rapporte ici, aujourd'hui. Ils ne m'ont pas donné tout cela par
écrit. Ils n'ont pas de secrétaires. Je répète ce
que j'ai constaté moi-même, et je vous l'ai dit très
clairement, au commencement.
M. LE PRESIDENT: Votre intention n'est pas de contrer les arguments de
M. Lefebvre par des statistiques. Cela répond à votre question,
je pense, M. Tremblay.
M. LEFEBVRE: M. le Président, quand même je voudrais
soulever un point.
M. LE PRESIDENT: Le représentant du comté de
Maisonneuve.
M. BURNS: II ne faudrait pas non plus, selon l'expression chère
à notre collègue de Rouyn-Noranda, prendre des vessies pour des
lanternes. Nous sommes en face de deux types de statistiques, que l'on appelle
cela statistiques ou non, ce sont des vérifications concrètes. Un
type de statistiques vient du côté patronal, de la part de Me
Lefebvre, et un autre type vient du côté syndical. Me Lefebvre ne
prétendra sûrement pas qu'il n'a pas lui non plus basé ses
statistiques sur des informations concrètes venant d'employeurs, comme
M. Desjardins l'a fait venant de certains travailleurs. Alors, je ne pense pas
que cela infirme ou que cela diminue la force des affirmations de M.
Desjardins, surtout avec les précautions qu'il a prises en nous disant
que c'étaient des vérifications concrètes qui avaient
été prises sur des chantiers.
M. LE PRESIDENT: Vous voulez dire que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Maisonneuve
admettra que, pour les membres de la commission, nous sommes en présence
de deux types de témoins.
Même si l'un et l'autre procèdent à partir de
données concrètes pour le travail de la commission, il faut quand
même avoir des documents. J'ai demandé justement à M.
Laberge et à M. Desjardins s'ils sont en mesure d'apporter des arguments
statistiques, des choses vérifiées et non pas des dires,
recueillis à droite et à gauche parmi des gens dont je ne mets
pas en doute du tout la compétence?
M. LE PRESIDENT: Avant de continuer, je voudrais permettre à M.
Laberge de prendre la parole pour nous apporter peut-être des
éclaircissements sur la situation.
M. LABERGE: Juste un mot, M. le Président. Me Lefebvre est
très habile, je le reconnais, mais André Desjardins n'a jamais
dit que cela prenait cinq heures pour faire un carré de maison ou
même un solage. Il a dit que cela prenait cinq heures à deux
hommes pour faire les formes d'un solage. Il y a quand même une
différence. Me Lefebvre très habilement dit: Vous êtes
prêts à prendre des contrats à $50 pour faire des solages,
je vous engage. Très habile, très habile.
M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, M. le Président, excusez M.
le ministre, il est clair que les sortes de discussion qui peuvent avoir cours
entre les parties, ce sont des discussions que j'aime bien entendre. Mais les
statistiques qui ont été énoncées, de part et
d'autre, sont contredites par les documents qui ont été
déposés en Chambre. Les chicanes entre les gens ici, cela peut
faire du bien à du monde mais, pour autant que je suis concerné,
je lirai très certainement les minutes de ces assemblées. Ce qui
me concerne plus, c'est la valeur des documents qui ont été
soumis par les parties à cette commission parlementaire et qui
décrivaient, à tête reposée et sans flamme, les
opinions des parties sur le problème. J'ai ici un document de la FTQ qui
est assez considérable. M. Desjardins n'a certainement pas redit tout ce
qui était écrit dans ce document. J'ai des documents identiques
qui viennent de chacune des associations patronales et j'en ai un qui vient de
la Confédération des syndicats nationaux. J'en ai d'autres aussi.
Je pense que ce genre de discussion pour moi ne peut que jeter de l'huile sur
le feu. Je ne peux pas facilement changer le jugement que je pourrai porter
à même les documents qui sont devant vous et que vous pourriez
porter vous-mêmes, à même les documents. Mettre des
témoins en contradiction avec eux-mêmes n'avancera à rien
la commission et certainement pas moi.
M. LE PRESIDENT: C'est l'impression que je commençais à
avoir que la tentative de M. Lefebvre, qui est légitime en soi,
c'était de mettre en doute la crédibilité de M. Desjardins
en ce qui a trait aux statistiques. Alors, si c'est ça, je pense que
vous pouvez toujours poser quelques questions. Cependant, je ne crois que
ça modifie, de beaucoup, la preuve qui est devant nous dans les textes
mêmes qui ont été déposés. C'est un
échange qui serait de nature à influencer grandement un juge.
Seulement, ici, la commission parlementaire n'est saisie que des informations
qu'on a déjà et je pense que c'est suffisant.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je m'en reporte à votre sens
de l'équité. Si vous vous souvenez, j'ai présenté
mon mémoire en deuxième place, et il a été permis,
notamment à la FTQ et à M. Laberge de questionner mes sources de
renseignements qui vous ont été communiquées. Quand on
parle de statistiques, je parle de 37.5 venant du bureau fédéral
de la statistique, statistiques également employées par la
province de Québec.
Quand on arrive aujourd'hui et que, nommément, on dit: Me
Lefebvre a dit ceci et cela la dernière fois, je me sens drôlement
attaqué.
M. LE PRESIDENT: Nous sommes pris avec nos décisions larges,
antérieures.
M. LEFEBVRE: Et lorsqu'on cite, à l'encon-tre des 37.5 p. c, le
chiffre de 20 p. c. devant cette commission, je pense que j'aurais le droit de
demander d'où viennent ces statistiques. Je vous avais affirmé
antérieurement que le coût de construction avait augmenté,
et on vient nous dire: En fait, le coût n'a pas augmenté, on a
diminué la main-d'oeuvre pour changer cela pour des matériaux ou
des nouvelles techniques, il me semble que j'ai le droit de poser des
questions. Par exemple, je voudrais demander au représentant, M.
Desjardins, si, aujourd'hui, il affirme que le coût d'une maison n'a pas
varié.
En ce sens que, en 1960, la maison que vous payiez $12,500, vous
pourriez avoir, aujourd'hui, une maison d'une même superficie et d'une
égale qualité pour le même prix?
M. DESJARDINS: Je dis que ce qui a été augmenté, ce
sont les terrains, les matériaux, le profit. Par contre si l'ouvrier
gagnait avant $3 et aujourd'hui $4, avec le nombre d'heures qui est
réduit pour construire la maison, le coût de la main-d'oeuvre n'a
pas augmenté. Je parle du coût de la main-d'oeuvre, par rapport
à tous les produits qui sont...
M.LEFEBVRE: Moi, je veux bien que le président, M. Laberge,
intervienne et dise que les profits des employeurs ont augmenté, mais je
cite son témoin antérieur, qui a dit que les profits des
entrepreneurs diminuaient. Je ne veux pas mettre quelqu'un en contradiction
avec lui-même, mais, à la même séance, devant la
même commission, le même matin, il faut quand même être
constant.
M. LABERGE: Vous êtes comme les médecins
spécialistes.
M. LEFEBVRE: Il y a également des affirmations qui ont
été faites et qui sont préjudiciables aux employeurs que
je représente, et je ne pense pas dépasser mon mandat en posant
certaines questions. Lorsque vous avez affirmé, M. Desjardins, que les
maisons d'aujourd'hui n'étaient bonnes que pour 15 ans...
M. DESJARDINS: Vous dites 15 ans, Ce n'est pas ça que j'ai dit du
tout. J'ai dit qu'elles n'avaient pas besoin de service avant 15 ans. Si vous
voulez des clauses de service spécial, pour payer la main-d'oeuvre moins
cher d'après les heures, c'est la seule chose que j'ai affirmée.
Je n'ai pas dit qu'elles duraient seulement 15 ans. Au contraire, vous n'avez
pas besoin de service dans une maison avant 15 ans. C'est ça que j'ai
dit.
M. LEFEBVRE: Je retire ma question. Je comprends que vous constatez que
les maisons sont bonnes pour 15 ans. Merci. Je voudrais simplement, avec la
permission du président, amener une partie de témoignage
ce ne sera pas sous forme de question que, de fait, M. Desjardins a
quand même raison lorsqu'il dit que, pour compenser les augmentations de
salaire, il faut que les employeurs trouvent des méthodes nouvelles pour
absorber en totalité ou en partie, l'augmentation des coûts. Cela,
nous l'avons prôné.
De fait, nous trouvons, aujourd'hui, des maisons complètement
préfabriquées et qu'on assemble sur place. Dans ceci, je rejoins
peut-être la question que se posait M. Cournoyer, notre ministre,
lorsqu'il disait: Est-ce que le coût de la main-d'oeuvre n'entrafnera pas
du chômage? Il faut quand même concevoir que si on augmente le
coût de la main-d'oeuvre, l'employeur, pour compenser, va diminuer le
coût de la main-d'oeuvre en diminuant le nombre d'heures par des
techniques nouvelles et que ceci amène inévitablement du
chômage.
Voici l'autre question. Vous avez dit, M. Desjardins, qu'il y avait
présentement trop d'ouvriers dans la construction. Que va-t-on faire de
ces ouvriers-là?
M. LABERGE: II n'y a pas trop d'ouvriers, il y a trop de
chômage.
M. DESJARDINS: Par les 100,000 emplois de M. Bourassa.
Premièrement, on a trouvé une solution. S'il se fait beaucoup
plus de construction, c'est certain qu'il va y avoir moins de chômage.
Présentement, avec toutes les méthodes, vous admettrez... Prenez
par exemple les briqueteurs; de nos jours, on en a besoin beaucoup moins
qu'auparavant. C'est reconnu. Il y a beaucoup de métiers comme
ça. Si vous prenez, par exemple, le plombier; le chauffage à eau
chaude n'existe presque plus, c'est le chauffage à air chaud. Il y a
tous ces problèmes-là et cela va en s'accentuant tout le
temps.
M. LEFEBVRE: Par la diminution du nombre d'heures que les ouvriers
travaillent normalement, c'est-à-dire par le chômage total ou
partiel de certains, il est évident que cela amène des pertes de
revenu chez les travailleurs de la construction. Vous êtes d'accord avec
ça?
M. DESJARDINS: Le chômage...
M. LEFEBVRE: Est-ce que les demandes salariales que vous faites
présentement sont en fonction de ce chômage?
M. LABERGE: On répondra à ça tout à
l'heure.
M. DESJARDINS: Je vais vous dire que ce n'est pas la parité
salariale qui va empêcher le chômage. Vous avez en Ontario et
partout dans les neuf autres provinces, de nombreuses constructions et le
salaire est beaucoup plus haut qu'au Québec. Si vous pensez que le
chômage est dû à la parité salariale, je n'y crois
pas.
M. LEFEBVRE: M. Desjardins, la question que j'ai posée est
celle-ci : Est-ce que le taux de salaire de la construction, qui est quand
même plus élevé que le taux de l'industrie
manufacturière, est en fonction des pertes de temps que subissent les
ouvriers?
M. DESJARDINS: Etes-vous capable de me répondre pourquoi vous
avez dit qu'en Ontario il y a deux fois et demie plus d'ouvrage, quand le
salaire est beaucoup plus élevé qu'à Montréal et
que la compétence y est moindre qu'au Québec? Répondez
à cette question et je répondrai à la vôtre.
M. COURNOYER: J'aimerais poser une question à M. Desjardins,
là-dessus en particulier. Est-ce qu'en Ontario, lorsque les salaires,
que vous dites plus élevés qu'au Québec, sont
décrétés ou acceptés entre une union et un
employeur, ça reçoit application universelle dans toute la
province d'Ontario?
M. DESJARDINS: Je veux vous dire une chose, c'est qu'à aucun
endroit, en Amérique du Nord, il n'y a des décrets.
M. COURNOYER: Ce n'est qu'ici qu'il y en a.
M. DESJARDINS: Seulement ici.
M. COURNOYER: Ici, une augmentation de salaire on discute quand
même pour discuter a un effet immédiat sur
l'économie. Par contre, en Ontario, lorsque vous négociez une
convention collective avec une grosse entreprise de construction, qui fait
normalement de gros projets de construction, n'est-il pas vrai de dire que,
selon toute possibilité, d'un côté de la rue, vous avez un
"union job" et que, de l'autre côté de la rue, vous êtes
soumis à la loi du salaire minimum en Ontario?
M. DESJARDINS: Si vous prenez par exemple le local 46 de Toronto
je vais vous parler de plombiers, étant donné que mon
expérience est de ce côté-là il a des
conventions collectives avec tous les genres de construction possibles.
Si vous me dites qu'à un endroit ils ont moins cher qu'en face,
peut-être. Mais je suppose que presque toutes les personnes sont
syndiquées.
M. COURNOYER: M. Desjardins, pour reve- nir au noeud du débat, il
s'agit d'une question de parité salariale.
M. DESJARDINS: C'est ça.
M. COURNOYER : Vous m'avez donné un exemple tantôt de
travaux faits qui n'ont pas augmenté le coût de la
construction.
M. DESJARDINS: C'est ça.
M. COURNOYER: Là-dessus, je pense que, malgré toute la
réticence que l'on peut avoir dans la salle, vous avez raison. Le
coût de la construction comme tel ou le "man power content" ou la
main-d'oeuvre n'a certainement pas augmenté parce qu'il a
été paré immédiatement par l'introduction de
nouveaux matériaux de construction ou de nouvelles méthodes de
construction, ce qui fait que les augmentations de la main-d'oeuvre n'ont pas
eu des effets directs sur ce genre d'opération.
Cependant, vous allez à Brossard pour faire votre enquête.
La parité salariale avec Montréal et Brossard existe
déjà si je me souviens bien.
M. DESJARDINS: Oui.
M. COURNOYER: C'est dans le même territoire de décret. Ce
qui m'importe de discuter avec vous et d'entendre vos représentations,
c'est l'effet de la même décision de payer les mêmes
salaires, par exemple, à Rimouski. Est-ce qu'à Rimouski on
construit des maisons de la même manière que l'on construit des
maisons dans la région immédiate de Montréal?
M. DESJARDINS: Vous avez dit que les matériaux que l'on utilisait
étaient les matériaux qui ont diminué la main-d'oeuvre.
Les mêmes matériaux sont en vente partout.
M. COURNOYER: Matériaux et méthodes de construction. Parce
que la méthode de construction par formes préfabriquées ou
panneaux tout à fait complétés dans une entreprise qui ne
fait que des panneaux je ne ferai de publicité à personne,
mais il y en a qui ne font que des panneaux est-ce que cela se fait
également dans d'autres régions? S'il est vrai, par exemple, que
l'on prend cinq heures à deux hommes pour construire les formes d'un
solage pas le solage, je comprends la réaction s'il est
vrai que l'on prend cinq heures, à Montréal, dans un chantier de
25 ou de 30 maisons parce que nous avons des formes
préfabriquées, est-il vrai également que, dans d'autres
régions du Québec là où on voudrait
introduire la parité salariale que les mêmes
méthodes de construction peuvent recevoir application et ne pas avoir
d'effet même si je donnais la parité salariale à
tout le monde dans la province de Québec en créant des
chômeurs additionnels parce que le coût comme tel serait
augmenté vu
que l'on n'a pas les mêmes méthodes, que l'on n'a pas les
dispositions ou les moyens d'en faire les mêmes méthodes? Je pose
la question.
M. LABERGE: M. le Président.
M. COURNOYER: Je le sais que c'est comme ça.
M. LABERGE: M. le Président, j'ai bien l'intention, dès
que l'on me permettra de faire une présentation, de parler justement de
ce problème-là. Je pense que le ministre du Travail va admettre
que ce n'est pas une réponse qui se donne par un oui ou par un non.
C'est quand même un peu plus compliqué que cela. On ne
prétendra certainement pas qu'une augmentation de salaire de $1.25
voudra dire qu'il n'y aura pas d'augmentation du tout dans le coût. Ce
n'est pas ça du tout. On n'essaiera même pas de vous convaincre de
cela. Nous avons l'intention d'essayer de donner une réponse
complète à cette question-là.
M. COURNOYER: D'accord, je ne voulais pas mettre en doute le
témoignage de M. Desjardins. Je voudrais strictement rappeler aux
membres de la commission qu'à Brossard, c'est dans le décret de
Montréal. Que la parité salariale y existe déjà et
que les conséquences des salaires de Montréal se sont
déjà fait sentir sur les méthodes de construction et sur
le genre de matériaux.
M. LABERGE: C'est ça. Comme cela peut se faire ailleurs.
M. COURNOYER: Oui, mais quand on arrive dans le reste de la province,
vous comprenez que je m'interroge sur l'effet immédiat, non pas sur
l'effet dans dix ans. Je n'ai pas de problème dans dix ans. Il est
possible que des développements considérables viennent justement
motiver un changement de méthodes de construction. Avec cela je ne me
querelle pas. Immédiatement, prenez la parité salariale, quels
effets cela a-t-il? Vous avez dû l'étudier. C'est seulement cela
que je veux savoir.
M. DESJARDINS: Je vais répondre à cette question. Prenez
Rimouski, par exemple, cela coûtait auparavant $3,000 de temps pour
bâtir un bungalow. Je dis que présentement ça ne
coûte plus $3,000. C'est cela que j'affirme. Si vous dites que les
matériaux de Montréal sont nouveaux, et dans la province ne le
sont pas, je dis qu'ils sont en vente partout dans la province. La marqueterie
doit certainement être en vente partout ailleurs. Je ne dis pas que cela
ne montera pas le coût de la main-d'oeuvre présentement. Mais, par
exemple, est-ce que ça va coûter plus cher qu'auparavant? Si avant
ça coûtait $3,000 pour bâtir un bungalow, maintenant,
même si les salaires ont augmenté, cela en coûte moins cher
que $3,000 parce que le nombre d'heures est moins grand qu'auparavant.
M. COURNOYER: Mais est-ce que vous admettez seulement une chose en
passant, que j'ai moins de salariés qui travaillent à un projet
de construction?
M. DESJARDINS: C'est sûr. L'automation, vous n'empêcherez
jamais cela. C'est partout.
M. COURNOYER: D'accord, mais disons que la question que je me suis
posée et sur laquelle M. Burns m'a interrogé au début de
l'assemblée, c'est cette question: Est-ce que je peux me permettre de
créer de nouveaux chômeurs immédiatement? En donnant des
choses comme cela. Je suis bien prêt à donner la parité
salariale, cela ne me fait pas un pli sur la différence. Seulement ce
qui arrive, par exemple, c'est que je ne veux pas créer des
chômeurs. C'est tout ce que je cherche.
M. DESJARDINS: Je demanderais si le gouvernement fédéral,
quand il a mis la taxe de 11 p. c, a pensé tellement au
chômage?
M. COURNOYER: Non, il en a créé à ce
moment-là, je le déplore.
M. DESJARDINS: Les 11 p. c, ils sont faits sur le dos du travailleur,
toujours, c'est cela. Peut-être que si les 11 p. c. n'existaient pas, on
ne s'attarderait pas autant peut-être, pour demander la parité
salariale.
M. LE PRESIDENT: M. Gagnon.
M. GAGNON: On a demandé des chiffres en ce qui concerne le
facteur domiciliaire que certains croient être la base fondamentale de
l'industrie de la construction tandis qu'elle représente une partie
infime. Dans le sens où l'urbanisation va se continuer, cela va
continuer à diminuer la relation domiciliaire et les grosses
habitations. De toute façon, moi, je ne trouve pas qu'on a menti
lorsqu'on me dit par exemple que les profits baissent et que, de l'autre
côté, on a la même situation.
C'est qu'il y a des phénomènes nouveaux. Mais avant de
passer aux phénomènes nouveaux, mettons-nous d'accord; c'est
ceci, c'est cela, ce sont des recherches. A l'heure actuelle, vous avez dans la
construction domiciliaire en répartition, 13 p. c. pour la
main-d'oeuvre, 49 p. c. pour le financement qui coûte très cher et
l'achat du terrain qui coûte aussi très cher. Alors, si vous
voulez jouer aux statistiques, on peut prouver très facilement que
l'augmentation dans les prix ne vient pas nécessairement de la
main-d'oeuvre mais au contraire des deux autres phénomènes.
Maintenant, on a parlé ici de parité salariale.
Moi je crois qu'ici, au point de vue de la province, on trame
légèrement en arrière. Par exemple, on prend les projets
d'habitations dans l'Ontario et organisés par l'"Ontario Housing
Corporation".
Il y a, à l'heure actuelle et cela dans la plupart des cas au
prix de l'union, 42,000 unités de logement, soit à
l'exécution ou en projet. Maintenant on a les chiffres ici indiquant que
l'unité de logement à la Petite Bourgogne, une seule unité
de logement a coûté $40,000 chiffre moyen par unité
de logement dans le projet Jamestown dans la région de Toronto,
$20,000 c'est ça que cela a coûté. Si vous voulez
des statistiques, je me suis armé et j'en ai dans ma serviette et je
vous les fournirai.
Maintenant, je crois que le phénomène qu'on a
oublié, c'est la question du marché. Moi, je peux comprendre que
les entrepreneurs font moins de profit et qu'on est plus malmené. C'est
parce qu'on oublié une chose très importante. C'est que, de nos
jours, le logement devient un facteur social. De quelle façon a-t-il
été réglé à Toronto et dans la région
métropolitaine? C'est par le logement subventionné. Il n'y a pas
d'autre façon de régler le problème. Autrement, vous allez
nous demander de construire des tentes pour les citoyens parce que les chiffres
de la construction, d'un bout à l'autre de la province et dans les
meilleures conditions possibles, sont d'en arriver avec un loyer de $125 par
mois tandis qu'à Montréal, je regarde votre proportion de
salariés qui gagnent en bas de $3,500. Il est impossible, dans ces
conditions, de régler le problème sans qu'on ait une approche
sociale. Et je dis que, si on peut le régler à Toronto, c'est
bien simple: c'est que le gouvernement, la "Ontario Housing Corporation" est
beaucoup en avance sur nous. Or, à un moment donné, eux, ils
décident de donner une subvention à un type qui paie actuellement
$60 dans un vieux taudis mais qui a besoin pour lui et sa famille d'un logement
de $110 ou de $120. Bien, le gouvernement paie la différence. Et,
laissez-moi vous dire que cela ça coûte meilleur marché que
la Petite Bourgogne. Calculez votre affaire pour la Petite Bourgogne à
$40,000 l'unité, vous pourrez donner une subvention pour 75 ans à
venir. Mois, je dois vous dire ici: Chicanez-vous tant que vous voudrez,
à moins qu'on commence à regarder le logement comme un facteur
social, on n'y avancera pas. C'est aussi bête à l'heure actuelle
de demander de régler cela de l'ancienne façon que de demander
aux chômeurs de marcher dans la rue parce qu'ils ne paient pas assez cher
de taxes.
C'est aussi bête que cela. Alors, voilà un facteur nouveau
et vous devriez étudier ce phénomène sérieux qu'on
a dans le Montréal métropolitain: environ cinq cents
unités de logement en projet. Même M. Drapeau en promet 5,000 pour
d'ici 1974 et ça ne sera pas suffisant pour remplacer les logements qui
vont tomber de vieillesse. Je crois qu'à moins de
débouchés, avec une approche un peu plus progressive, on court
des risques de se chicaner longtemps, sans avancer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les propos de M. Gagnon sont fort
intéressants, mais justement cette approche sociale a toujours
été celle du gouvernement, particulièrement celui qui a
précédé le gouvernement actuel. L'approche sociale dont
parle M. Gagnon, nous pouvons vraiment l'atteindre que si nous avons des
données statistiques. Si, tout à l'heure, je suis intervenu parce
qu'on donnait des chiffres de part et d'autre, ce n'était pas pour
donner raison à l'une ou à l'autre des parties, mais bien pour
savoir quelle était la base exacte de la discussion. Le ministre nous a
dit, tout à l'heure, que nous avions toutes les données
statistiques dans les documents que nous avons, et lorsqu'on interroge les
témoins, on se rend compte qu'il est assez difficile quelquefois de
concilier les statistiques que nous trouvons consignées dans des
documents officiels.
Pour nous, qui aurons à prendre des responsabilités,
celles en particulier de conseiller le gouvernement et de lui dire dans quel
sens il doit infléchir sa politique. Il est important que nous ayons une
idée exacte du problème et que nous entendions les parties sur
tous les sujets qu'elles veulent bien examiner devant nous et que nous ayons la
liberté de leur poser des questions, ce qui ne met en doute d'aucune
façon leur crédibilité.
M. GAGNON: Est-ce que je pourrais vous indiquer que vous pourrez vous
procurer ce mémoire-ci? Il n'a pas été fait par une
organisation qui est trop révolutionnaire et pas plus que syndicale,
c'est un mémoire qui a été présenté au
gouvernement provincial, préparé par les Domaines Concordia
Ltée, qui sont en train d'établir... Le mémoire est
bourré de chiffres. Je crois que je vais m'empresser de vous en faire
parvenir un dans le plus bref délai possible.
M. DEMERS: Nous l'avons ici, M. Gagnon...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, M. le
Président...
M. GAGNON: Vous l'avez...
M. DEMERS: ... parce que l'an dernier ç'a été
présenté à la commission d'habitation.
M. GAGNON: A ce moment-là, d'où vient ce dire qu'on n'a
pas de chiffres, si vous l'avez déjà?
M. DEMERS: Ce n'est pas moi qui ai mis en doute et qui, en plus, ai
demandé des chiffres. Nous les avons. Et des statistiques, on peut
vous
en descendre au camion ici. Cela ne réglera pas le
problème qui est pertinent.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais revenir
à la question impertinente du témoin. La question n'est pas de
savoir si nous avons, ou si nous n'avons pas les chiffres, mais la question est
de faire la réconciliation des documents officiels que nous avons.
Or, en entendant les parties, nous nous rendons bien compte qu'elles ne
s'entendent pas et ce sont les raisons pour lesquelles j'ai demandé tout
à l'heure qu'on nous dise exactement quelle était la valeur des
chiffres avancés par M. Desjardins et la valeur de ceux avancés
par M. Lefebvre. Alors, veuillez croire, M. Gagnon, que si nous avons besoin de
renseignements, nous puiserons à votre source inépuisable et nous
serons fort heureux.
M. GAGNON: M. Desjardins n'en a pas avancé. Ce n'est pas la
mienne, mais elle est à votre disposition.
M. LE PRESIDENT: Je crois qu'il y a réconciliation sur les
chiffres.
Il n'y a pas d'autres questions. Donc, j'inviterai le
représentant de la FTQ, M. Laberge, à nous faire les
représentations appropriées.
M. LABERGE: Merci, M. le Président.
Fédération des Travailleurs du
Québec
M. LABERGE: M. le Président, MM. les membres de la commission,
MM. les témoins de la commission, je n'ai pas l'intention,
évidemment, de vous lire le document. Vous l'avez déjà lu.
J'attirerais votre attention, toutefois, sur la lettre qui
précède le document, et, ensuite, sur le fait que l'ex-ministre
du Travail nous avait demandé surtout des renseignements.
Nous les avons préparés dans les pages jaunes, afin que
vous puissiez retrouver ces points plus facilement. Cela a été un
peu étrange, ce qui s'est passé devant cette commission depuis le
début de ces travaux. On a eu, je pense, deux sortes de
représentations. La première sorte est une liste de compagnies,
de corporations qui voulaient se faire exclure du décret. Et, de l'autre
côté, on a eu des représentations sur la parité
salariale. Et on n'a presque pas touché aux autres points, sauf à
la question de l'ancienneté peut-être.
Pour nous, la parité salariale est quelque chose de crucial. Il y
a aussi d'autres points aussi importants que la question de la parité
salariale. M. Lefebvre, entre autres, disait: Pour permettre à certains
de rejoindre les autres, il faudrait qu'un groupe demeure immobile. Et je pense
que M. Desjardins a essayé de vous faire comprendre qu'on ne peut quand
même pas demander aux travailleurs de la construction de toute la grande
région de Montréal de demeurer immobiles pendant des
années pour attendre que les autres les rejoignent. Cela n'a quand
même pas d'allure.
En fait, il y a deux ans, les travailleurs de la construction de
Montréal gagnaient plus que ceux de Toronto. Et aujourd'hui, ils sont en
deça de ceux de Toronto. Je pense que la différence, cela
varie d'un métier à l'autre est pour les
charpentiers-menuisiers, de $0.86 l'heure de moins. Pour les plombiers, elle
est de $0.87 l'heure de moins.
Vous allez comprendre qu'il y a quelque chose qui doit être fait
dans ce domaine. Quand on regarde les mémoires présentés
par les associations patronales et là je pense qu'on peut puiser
énormément d'informations si les parties se contredisent,
les parties patronales se contredisent entre elles aussi. Entre autres, la
Fédération des constructeurs d'habitations, je pense que c'est
comme cela que ça se nomme, a essayé de nous décrire que
la parité salariale voudrait dire une augmentation de 30 p. c. dans les
coûts d'habitation, alors que la Corporation des maîtres
électriciens, sur le tableau 3.5, précise que l'augmentation des
coûts de la construction varie entre 3 p. c. et 11 p. c. C'est
très différent de 30 p. c. Moi, je ne veux pas entrer dans les
détails, vous avez déjà ces informations-là, et
nous n'avons pas voulu essayer de vous présenter, nous aussi, une
série de chiffres pour vous convaincre qu'une augmentation de salaire
aussi tangible, aussi appréciable que celle qui est
nécessitée dans plusieurs coins, n'amènerait aucune
différence dans les coûts. Il est bien évident que
ça va avoir une certaine influence.
Par contre, si on regarde encore une fois ce qui se passe dans la grande
région de Montréal, où le coût de la construction
est le plus bas à travers le pays et le deuxième plus bas
à travers la province, je pense que les membres de la commission
devraient aussi quelque peu s'interroger sur l'efficacité des
entrepreneurs, sur la marge des profits, sur l'exploitation honteuse qui a
été faite sur les terrains. Et je tiens à dire que
là-dessus aucun gouvernement n'a encore rien fait, la spéculation
continue de plus belle. Le gouvernement n'a pas encore une politique
d'habitation et lorsqu'on dit et là ce sont des arguments qu'on
entendait en 1914 et même avant qu'une augmentation de salaire
voudrait dire une augmentation de chômage, moi, ça me renverse
qu'en 1970 on soit encore obligé de discuter de ce facteur-là,
quand, au contraire, on a vu dans toutes les grandes villes dynamiques
où il y a eu énormément de progrès, que les
salaires ont été plus élevés. Et laissez-moi ne
vous donner qu'une couple d'exemples: la Côte-Nord, Sept-Iles,
Baie-Comeau, Hauterive et tout cela comparativement à Gaspé
où tout le monde se creuse la tête pour essayer de trouver des
solutions pour sortir la péninsule du marasme. Et cela, ce n'est quand
même pas parce qu'ils gagnent trop, les gars de
Gaspé. Et pourtant il n'y a pas eu de progrès
économique à Gaspé, tandis qu'il y en a eu à
Sept-Iles, à Baie-Comeau et à Hauterive, alors que les salaires
ont été beaucoup plus élevés.
L'augmentation causée par la parité salariale, quel va en
être l'effet immédiat? Est-ce que cela va vouloir dire: plus de
chômage. Je pense qu'on ne devrait pas brandir trop cet
épouvantail. S'il y a du chômage, c'est pour beaucoup d'autres
raisons que le taux de salaire. Evidemment, le taux de la
productivité.
M. DEMERS: Je m'excuse, est-ce que M. Laberge me permettrait une
question?
M. LABERGE: Certainement.
M. DEMERS: A Gaspé, mettez des salaires au maximum: pas
d'ouvrage. Est-ce que vous ne trouvez pas que dans votre assertion il y a
quelque chose qui ne va pas? Au nord, beaucoup de salaires et beaucoup
d'ouvrage: je suis d'accord. Mais à Gaspé, il n'y a pas de
travail. Quand bien même vous donneriez des salaires, ce n'est pas cela
qui augmentera le travail.
M. LABERGE: Je suis parfaitement d'accord.
M. DEMERS: Est-ce que cela ne sent pas un peu le sophisme, ce que vous
dites?
M. LABERGE: Si vous me permettez, M. le député, je n'ai
pas essayé de vous convaincre que, s'il y avait des salaires plus
élevés, cela créerait des emplois. J'ai essayé de
faire la part des choses, si vous permettez, parce que toute l'argumentation de
toutes les associations patronales, y compris de leur économiste, a
été que s'il y avait une augmentation de salaire, cela voudrait
dire plus de chômage. Je regarde le document présenté par
le CDE: le Centre des dirigeants d'entreprises. Ce document nous ressort ces
mêmes arguments qu'on avait il y a cinquante ans: Venez vous installer au
Québec, les gars sont travailleurs, ils ont de bas salaires, ce sont de
bons charroyeurs d'eau obéissants.
Si nous sommes obligés de bâtir notre économie
là-dessus, vous allez comprendre, vous allez admettre, je pense, que
c'est une économie de bouts de chandelle. Encore une fois, regardez les
chiffres quand on voit des différences dans les salaires, comme
cela existe au Québec dans l'industrie de la construction, des
différences allant aussi haut parfois que $1.75 $1.77 l'heure, et
que le coût de la construction par unité est plus
élevé que dans la région métropolitaine (où
les salaires sont plus élevés) je pense que vous devez vous poser
d'autres sortes de questions que l'effet qu'aura une augmentation de salaire.
Quelle est l'efficacité des entrepreneurs? Quelle est la
spéculation éhontée que nous avons sur les terrains?
Quelles sont les méthodes de produire des entrepreneurs?
Les méthodes acceptées par les entrepreneurs de Brossard,
par exemple étant donné que nous avons parlé de
Brossard peuvent facilement être importées à
Rimouski ou à Chicoutimi ou ailleurs. Il est évident que si vous
construisez des maisons en série, vous aurez une économie
additionnelle, dont l'entrepreneur qui construira des maisons une à une,
par exemple, ne pourrait pas bénéficier. C'est évident. Et
c'est pour cela que nous n'essayons pas de vous convaincre qu'une augmentation
de salaire de cette échelle ne voudrait pas dire une augmentation
quelconque dans les coûts de la construction. H est évident
qu'à certains endroits, il y aura une augmentation.
Maintenant, je vous pose la question: Le gouvernement provincial et le
gouvernement fédéral, depuis quelques années,
dépensent des millions et des millions pour faire disparaître
justement les disparités régionales. On a eu commissions
d'étude sur commissions d'étude. On a eu encore une fois des
millions engloutis pour faire disparaître les disparités
régionales. La question que vous devez vous poser: Est-ce qu'il en
coûtera plus cher, par la suite, de continuer les travaux en vue de faire
disparaître ces disparités régionales que de donner la
parité salariale dans l'industrie de la construction?
On a fait état, et on va nous faire pleurer quelque peu, sur les
petits entrepreneurs de la construction, qui, eux, seraient mal pris s'il y
avait la parité salariale.
Je pense qu'au cours des années il a été
démontré, sans l'ombre d'un doute, que dans plusieurs genres
d'industries, les industries du genre familial, alors que ces industries ne
survivaient dans certains cas que parce que, justement, elles payaient à
leurs travailleurs des salaires qui étaient loin d'être des
salaires décents et où, dans certains cas, on a réussi
à syndiquer les travailleurs, à signer des conventions
collectives, dans la plupart des cas, ces entreprises se sont
modernisées, ont modernisé leur équipement, ont
changé leurs méthodes d'administration et sont devenues des
industries florissantes. Il est évident qu'il y en a quelques-unes qui
ont disparu. Il est évident que certains entrepreneurs pourraient
disparaître. Je pense que cela ne devrait pas vous arrêter puisque,
rien qu'à Montréal, chaque année, il disparaît 8,000
entrepreneurs en construction.
Il y a une chose que nous avons oubliée excusez-moi, mais
ça brûle, j'essayais de m'endurer, parce que, paraissant aussi
souvent devant vous, messieurs, on est mieux de se préparer à
brûler pour plus longtemps.
M. DEMERS: C'est de l'eau-delà, vous.
M. LABERGE: C'est ça. Si la seule référence que
nous avons, ce sont ceux qui ont passé ici, eh bien! nous allons chez le
diable.
UNE VOIX: H vaudrait mieux avoir un billet d'aller et retour.
M. LABERGE: Dans trop de cas malheureusement, les petits entrepreneurs
sont ceux qui ne respectent aucunement les normes de sécurité
dans les chantiers. C'est parmi ceux-là qu'il arrive le plus
d'accidents. Encore une fois, il en disparaît 8,000 par année dans
la région de Montréal. Qu'un entrepreneur disparaisse ne veut pas
nécessairement dire que vous avez des gars en chômage parce que
s'il avait fallu que, chaque fois qu'un entrepreneur disparaissait il y ait eu
des travailleurs de la construction en chômage, il n'y aurait plus
personne qui travaillerait. Beaucoup ont disparu; 8,000 par année,
reculez de trois ans, cela vous en fait 24,000. Cela peut vous donner une
petite idée. Il reste qu'il y a des maisons qui devront être
construites. Il y a des usines qui devront être construites et il y a des
routes qui devront être construites. Je vais essayer de parler le moins
possible des routes parce qu'on ne nous reconnaît pas le droit de parler
de justice sociale, mais il reste que, lorsque vous construisez un pont et que
vous avez des gars, parfois le même gars, qui reçoivent des taux
différents suivant le bout du pont sur lequel il travaille ou des
approches, cela je pense que c'est quelque chose d'absolument inacceptable.
Nous venons de vivre des événements assez tragiques. Il y a des
injustices sociales qui doivent être corrigées. Il y a des
injustices sociales qui seront corrigées et cela va coûter quelque
chose. Une des injustices sociales, c'est quand même la disparité
salariale. Quand vous avez des gars dans le même chantier, ou d'un
côté de la rue et de l'autre, qui gagnent $1.25, $1.50, $1.75 de
moins de l'heure, je pense que vous allez comprendre que cela n'est pas fait
pour assainir le climat. Ce n'est certainement pas fait pour assainir les
rapports entre les travailleurs eux-mêmes et entre les travailleurs et
les patrons. Me Lefebvre nous a donné un tas de chiffres mais en
relisant l'autre jour le journal des Débats, je me suis rendu compte
qu'il y a un des chiffres qu'il était censé donner et que
moi, pour ma part, je n'ai pas eu, peut-être l'avez-vous reçu?
A ce moment-là, c'est le député Burns qui avait
posé la question sur la marge des profits. Est-ce qu'il y avait entente,
est-ce que c'était quelque chose qui pouvait se comparer? A ce
moment-là, M. Lefebvre nous a informés qu'il y avait justement
des entrepreneurs de la construction d'habitations qui étaient en
congrès à Montréal, qu'il s'enquerrait et qu'il nous
donnerait des informations. Nous ne les avons pas eues encore. Je vous avais
posé une question lors de la dernière séance de la
commission parlementaire au sujet de contrats qui avaient été
donnés pour le pont Papineau. Je remarque que ce matin nous n'avons pas
cette information.
Je pense que c'est une information qui aurait pu être utile
à tout le monde et certainement aux parties les plus
intéressées.
Evidemment, je me sens un peu bousculé par le temps, parce que le
ministre nous a fait part de son intention de sortir le décret avant
Noël, si possible. Vous êtes déjà en session.
Apparemment vous avez des discussions très intelligentes et très
importantes et la commission n'a pas le temps de siéger plus souvent ou
plus longtemps. Nous ne voulons certainement pas être accusés de
retarder le décret, nous allons terminer dans quelques minutes. Je ne
voudrais pas quand même passer sous silence la question cruciale des
droits acquis.
Vous allez admettre que les gars de la construction ont accepté
pas mal d'eau dans leur vin depuis quelques mois. Vous n'êtes pas
complètement à blâmer pour cette situation, vous ne l'avez
certainement pas recherchée, parce que les parties ne se sont pas
entendues d'ailleurs nous l'avions prédit c'était
impossible. Nous sommes maintenant devant vous, et vous allez être
obligés de prendre une décision arbitraire, basée bien
sûr sur de l'information que nous vous avons donnée, mais quand
même, une décision qui sera arbitraire et qui ne satisfera
personne et je pense que vous vous attendez à être
critiqués par à peu près toutes les parties, une fois que
vous aurez pris une décision.
Vous allez admettre que ce n'est quand même pas une situation des
plus drôles et il faudrait qu'un jour les parties puissent régler
leurs propres problèmes. Les travailleurs de la construction ont
dû mettre beaucoup d'eau dans leur vin, et à un tel point qu'il ne
reste maintenant presque plus de vin. Et la question des droits acquis, encore
une fois, c'est quelque chose de vital, de crucial, pour la paix dans les
chantiers. Je m'explique: $0.75 l'heure d'augmentation pour un décret de
trois ans n'est pas quelque chose de renversant dans l'industrie de la
construction, alors qu'on voit qu'à Toronto, tout dernièrement,
on a signé pour $1.50 ou à peu près ça. Les gars
l'ont accepté...
M. LE PRESIDENT: Pour trois ans?
M. LABERGE: Oui, oui. Une loi, a été adoptée
forçant les gars à retourner au travail. Ils n'ont même pas
menacé, comme certains autres groupes du Québec, de retourner au
travail mais de mal faire leur travail le travail a été
bien fait il n'y a pas eu d'accrochage dans les chantiers, sauf une
couple d'exceptions. Les gars savent qu'actuellement une décision va
être prise leur faisant avaler un tas de choses, mais si, en plus de tout
ça, vous faites disparaître des droits qui ont été
chèrement acquis dans bien des cas, des droits qui ont été
acquis par une négociation longue et ardue et parfois même par des
disputes plus ou moins violentes, faire disparaître en ce moment les
droits acquis, équivaudrait en quelque sorte à un défi
lancé aux gars de la construction. Les gars de la construction ne sont
pas heureux, il est bien évident que pour eux aussi la question
primordiale c'est le chômage. Il est bien évident
qu'une augmentation de salaire ne veut pas nécessairement dire
une augmentation des travaux dans l'industrie de la construction, mais ce que
le gouvernement pourrait fort bien faire, par exemple, serait justement de se
donner une politique d'habitation.
Ce serait justement de faire des pressions pour que la surtaxe de 11
p.c. sur les matériaux de construction saute. Cela aiderait certainement
à diminuer le chômage dans l'industrie de la construction. Il
faudrait légiférer pour que la spéculation
éhontée sur les terrains arrête et que le domaine public
s'accapare de ces terrains-là pour encourager justement la construction
d'habitations non pas les loyers modiques parce que cela c'est un peu de
la foutaise mais on peut dire d'habitations à loyer
subventionné.
Ce sont des choses qui devraient être faites si on
s'inquiète du chômage non seulement dans l'industrie de la
construction et ailleurs. Le vieux proverbe dit: Quand l'industrie de la
construction va, tout va. C'est un peu vrai et cela s'est vu à maintes
reprises.
Actuellement, l'industrie de la construction souffre d'un marasme assez
sérieux. Vous avez remarqué que j'ai fait attention à ma
prononciation en disant le mot.
Je termine sur la question de la parité salariale en vous
référant quand même à plusieurs groupes du haut
Québec qui ont déjà la parité salariale: Par
exemple, les fonctionnaires je ne dirai pas les députés,
il va de soi. Là, vous voyez encore une chose épouvantable alors
que vous avez des fonctionnaires du ministère de la Voirie qui
travaillent avec des employés de l'association de M. L'Heureux
des constructeurs de routes et qui n'ont pas d'heures spéciales,
qui ont des heures régulières comme tous les autres et qui ont
des salaires comme tous les autres fonctionnaires. Ils travaillent à
côté des autres gens. L'affaire a l'air de marcher.
Vous avez tous les employés d'hôpitaux. Vous avez tous les
enseignants. Vous avez tous les employés des industries qui font
affaires à travers le Québec comme par exemple, Québec
Air, Air Canada, le CN, le CP et toutes ces entreprises-là. La
parité salariale est une chose qui est déjà reconnue de
fait. J'attire votre attention sur le document sessionnel numéro 72. Le
document sessionnel je pense que la commission n'a même pas le
droit de changer cela parce que c'est une loi, cela fait partie de la loi
dit que, vu qu'il est reconnu de fait, que pour certains métiers
dans les grands chantiers, la parité existe... J'attire votre attention
là-dessus puisque déjà on est assuré que, pour une
partie des travailleurs de la construction, il y aura parité salariale
et que vous n'avez qu'à décider la même chose pour une
autre partie qui est loin d'être la majorité. C'est loin
d'être la majorité qui sera affectée par la parité
salariale; en fait, on a donné des chiffres de 65 p. c. et de 35 p.
c.
Je pense que vous devez prendre toutes ces choses-là en
considération.
Encore une fois, ce que vous avez à décider dans le fond,
c'est si l'augmentation des coûts nous coûtera plus cher au
Québec que le fait de ne pas accorder la parité salariale, de
continuer dans le climat malsain dans lequel nous nous débrouillons
aussi bien que possible dans l'industrie de la construction, depuis plusieurs
années.
La dernière question et cela est rattaché
évidemment à la question des droits acquis est la question
des contremaîtres. Dans les chantiers dans les petits chantiers,
évidemment, c'est plus facile mais dans les chantiers de taille
moyenne, le contremaître se doit de faire partie intégrante de
l'équipe. On sait et on voit cela à chaque jour
qu'un gars peut être contremaître pour une semaine, un mois, deux
mois, trois mois, et il revient travailler avec ses outils. Avec
l'établissement de la sécurité d'emploi, le rapport du
juge Gold et tout cela, où le contramaïtre va-t-il se situer s'il
ne fait pas partie intégrante de l'équipe? Comment va-t-il
pouvoir se faire accepter par ses compagnons dans les chantiers si, à un
moment donné, il en est séparé pour un mois, deux mois,
trois mois?
Demandez aux contremaîtres ce qu'ils en pensent et les gars vont
vous assurer qu'ils veulent faire partie de l'équipe; ils veulent faire
partie du décret, être couverts par la convention collective,
couverts par le décret, il veulent faire partie de leur syndicat. C'est
logique.
Les compagnies ont tout le loisir voulu pour nommer autre chose qu'un
contremaître. On ne les force pas à nommer des
contremaîtres. Elles peuvent nommer un surintendant et peuvent le payer
ce qu'ils veulent; elles peuvent le payer à la semaine; elles peuvent le
rémunérer au mois ou à l'année, cela les regarde.
Le surintendant ne fait pas partie de l'unité de négociation,
mais le contremaître en fait partie depuis toujours, du moins dans
certains métiers, et certainement dans la région
métropolitaine et je pense aussi dans d'autres régions
le contremaître a toujours fait partie de son syndicat, il faisait
partie de l'équipe. Encore une fois, je vous fais remarquer que le
degré de productivité dans la région métropolitaine
a été plus élevé que n'importe où ailleurs
au Québec. Donc, le fait que le contremaître ait été
membre du syndicat n'a pas empêché les gars de travailler et de
produire.
Je vous remercie de votre attention. J'aurais voulu en dire un peu plus.
Encore une fois, nous sommes tous un peu bousculés par les
événements, pressés par le temps. Si vous avez maintenant
des questions, c'est avec plaisir que j'essaierai d'y répondre.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laberge, de votre brièveté et
de votre célérité. J'invite le député de
Saint-Maurice à vous poser des questions.
M. DEMERS: Est-ce que, M. Laberge, vous êtes d'avis, avant que le
décret ne soit imposé parce que, d'après vous, on
s'achemine vers un décret qu'il faille demander au ministre de
rencontrer comme médiateurs les différentes parties ou bien qu'on
aille au décret immédiatement?
M. LABERGE: J'ai l'impression que c'est un peu ce que le ou les
ministres ont été obligés de faire depuis plusieurs
semaines et plusieurs mois. Evidemment, nous sommes toujours à la
disposition du ministre et de ses représentants. S'ils ont besoin de
renseignements additionnels, mon petit doigt me dit qu'ils ont
déjà pas mal de renseignements.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une autre question?
M. DEMERS: Etes-vous d'avis que le bill 290 doit être
modifié, ou changé, est-ce que vous pourriez nous faire une
suggestion?
M. LABERGE: II doit certainement être modifié et
changé. Si vous le permettez, vu que nous avons convenu de ne pas en
parler ce matin, parce que ça pourrait prolonger les débats, mes
collègues de la CSN et nous, de la FTQ, avons décidé de
retarder de parler des amendements nécessaires au bill 290 et de garder
nos opinions pour un peu plus tard. Justement pour hâter les travaux de
cette commission.
LE PRESIDENT: Merci de votre collaboration, M. Laberge. Est-ce qu'il y a
d'autres question? M. le député de Dorchester.
M. GUAY: Je voudrais vous demander, M. Laberge, si les
contremaîtres sont nécessaires dans les chantiers de construction,
ou si, tout simplement, le nom pourrait être changé pour celui de
surintendant?
M. LABERGE: Encore une fois, les employeurs peuvent faire à peu
près ce qu'ils veulent. Dans beaucoup de chantiers, il n'y a même
pas de contremaîtres. Il y a ce qu'on appelle des "pushers", ou des
choses semblables. Disons que, depuis quelques années surtout, les
employeurs choisissent de préférence des "pushers" que des
contremaîtres. De gros gars avec de gros bras, justement pour hâter
les travaux. Ce n'est que dans certains chantiers qu'il y a des
contremaîtres. Mais encore une fois, les employeurs peuvent en faire des
surintendants, s'ils le désirent.
M. DEMERS: M. Laberge, voyez-vous toutes les clauses paraphées,
incluses dans le décret, ou bien si elles doivent être
renégociées? Comment est-ce que cela va marcher?
M. LABERGE: Les clauses sur lesquelles il y a eu entente, nous
espérons qu'au moins, vous allez daigner nous accorder
celles-là.
M. DEMERS: Mais, elles vont faire partie du décret?
M. LABERGE: Evidemment!
M. DEMERS: Bon, vous ne voulez pas les renégocier, tout est
complet d'après vous?
M. LABERGE: On voudrait bien tout négocier, surtout les deux
augmentations prévues pour les deux prochaines années, mais il y
a un bill qui porte le numéro 38.
LE PRESIDENT: II mêle un peu...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand vous dites: Vous allez faire cela, vous
entendez évidemment le gouvernement. Parce que la commission
parlementaire, au terme de la loi 38, n'a pas autre chose à faire que de
vous écouter, comme nous l'avons fait, avez beaucoup de plaisir et
d'attention, et ensuite, si le ministre veut bien se soumettre à nos
questions à une séance ultérieure, nous lui ferons nos
représentations. Mais, à toutes fins utiles, c'est le
gouvernement, et lui seul, qui prendra les décisions bonnes ou
mauvaises.
M. LABERGE: Nous en sommes bien conscients et nous saurons où
diriger nos remarques.
LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Laberge vous avez mentionné, entre autres, que le
problème des droits acquis, je prends l'épithète que vous
avez vous-même utilisée, était vital.
Est-ce que c'est un problème vital pour certains endroits en
particulier ou si c'est généralisé à travers la
province ou bien s'il y a des distinctions à faire d'une localité
ou d'une région à l'autre. Est-ce que vous pourriez simplement
élaborer un peu là-dessus?
M. LABERGE: Cela demande évidemment une réponse fort
complexe puisque cela varie d'un endroit à l'autre. Disons que le fort
de l'argumentation, qui a été apportée par certaines des
associations patronales, c'est que les offres déjà faites, les
augmentations déjà convenues, ont satisfait en quelque sorte
à certains des droits acquis. Et cela, c'est peut-être vrai encore
une fois pour les travailleurs qui avaient du rattrapage à faire. Mais
ce n'est pas vrai pour ceux qui étaient déjà en haut,
encore une fois, dans la vaste région métropolitaine. Parce que
eux avaient déjà le salaire et ils avaient, en plus, ces droits
acquis. Ils n'ont reçu aucune compensation.
Pour essayer de répondre d'une façon
générale à votre question, je suis convaincu qu'il y a
des droits acquis, même dans des régions du Québec,
qui peuvent être sacrés pour ces gars-là parce qu'ils les
ont gagnés de dure lutte. Mais il est bien évident que c'est
encore beaucoup plus important et beaucoup plus crucial pour les gars de la
vaste région métropolitaine de Montréal.
M. BURNS: Si je comprends bien, votre clause de droits acquis,
même si elle est d'aspect général, couvrirait
peut-être des points différents d'une région à
l'autre.
M. LABERGE: Evidemment. Maintenant, dans certains cas, il y a certains
droits acquis qui ont sauté parce qu'ils ont été
remplacés par autre chose. Cela va bien, mais il y a des choses qui
n'existent pas ailleurs et qui existent, entre autres, pour certains
métiers et, les faire disparaître, c'est quelque chose de
dangereux.
M. BURNS: D'accord.
M. DEMERS: M. Laberge, y aurait-il possibilité que, avant que le
décret soit établi et pour en assurer l'efficacité et une
paix relative, les parties intéressées fassent leurs
recommandations au ministre dans ce qu'elles voudraient voir dans le
décret, peut-être les négocier entre elles?
M. LABERGE: J'ai quelque peu l'impression que c'est ce que nous avons
essayé de faire.
M. DEMERS: Je comprends mais est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de cerner
le problème davantage, que vous ayez une rencontre avec...
M. LABERGE: On les rencontre chaque fois qu'on peut, je vais pouvoir
vous assurer de cela.
M. DEMERS: Bon.
M. BURNS: Ma question à moi ne s'adresse pas maintenant à
M. Laberge, c'est plutôt au leader parlementaire et au ministre et c'est
un peu dans le ton de ce que le député de Chicoutimi disait tout
à l'heure. Est-ce que vous prévoyez une autre séance
parce que, m'a-ton dit, on devait ajourner vers 13 heures de cette
commission afin qu'on puisse, du moins quant aux membres de cette commission,
faire valoir certains points de vue ou quoi que ce soit relativement au
problème, ou du moins pour en discuter entre nous?
Si je me réfère aux travaux de cette commission, depuis le
début, on s'est surtout employé à être
informé, à tenter d'obtenir tous les éléments du
problème. Je pense bien que le gouvernement aimerait que les membres de
cette commission, même si leurs décisions ne lient pas le
gouvernement, leur disent ce qu'ils pensent du problème, entre autres.
J'aimerais personnellement être un de ceux qui donneraient leur opinion
là-dessus.
M. LEVESQUE: II est une heure cinq. J'ai cru comprendre, d'après
ce que M. Laberge a mentionné tout à l'heure, qu'il terminait,
et, si j'ai bien compris, que cela terminerait les auditions publiques. Quant
au gouvernement, il n'a pas d'objection à ce que la commission
elle-même les membres de la commission se réunisse
à une prochaine séance, afin que les membres de la commission
puissent formuler les remarques qu'ils ont à faire au ministre.
Ceci pourrait avoir lieu, si on a pas d'objection, demain matin,
à dix heures trente, sauf...
M. BURNS: II y a un problème...
M. LEVESQUE: ... sauf qu'il y a la commission des bills
privés.
M. BURNS: Dont je fais partie d'ailleurs.
M. LEVESQUE: Justement, je veux savoir si les membres font partie de la
commission des bills privés et si cela les empêche de participer
à une réunion demain.
M. BURNS: Moi, cela m'empêcherait, je fais partie de la
commission.
M. LEVESQUE: Dans ce cas...
M. BURNS: Vous savez, à sept, M. le leader parlementaire, nous
sommes obligés de nous multiplier un peu.
M. LEVESQUE: Oui, je comprends qu'à sept on doive le faire.
M. COURNOYER: Je n'ai aucune forme d'objection un instant, M.
Laberge, et ensuite vous pourrez y aller à ce que propose le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Maisonneuve.
M. CHARRON: II va falloir qu'il s'y habitue.
M. COURNOYER: Le député de Saint-Jacques a maintenant
parlé.
Je n'ai aucune forme d'objection à cela. Toutefois, du point de
vue strictement technique, et pour les besoins du délai de trente jours,
à compter duquel j'ai l'obligation de passer un décret, je
ne connais pas la technique du parlementarisme si on pouvait dire
aujourd'hui que les auditions sont terminées conformément au bill
38, vis-à-vis de l'engagement qu'on pourrait avoir, dans
l'élaboration de votre pensée, ou d'une discussion avec la
commission parlementaire, je n'ai pas objection.
Mais si ce doit être retardé à la semaine prochaine,
on retarde davantage les délais de trente jours. Je n'ai pas objection
à avoir une discussion ou à recevoir tous les commentaires que
l'Opposition ou le gouvernement peuvent faire...
M. BURNS: Sauf erreur, M. le Président, le délai de trente
jours est un délai maximum...
M. COURNOYER: C'est cela.
M. BURNS: Que vous n'avez pas besoin d'attendre comme tel...
M. COURNOYER: Oui, mais...
M. BURNS: Si votre préoccupation est de mettre en vigueur les
nouvelles conditions de travail pour une date fixe, ce qui semble être
votre préoccupation...
M. COURNOYER: Oui, mais ma préoccupation...
M. BURNS: II n'y a rien qui empêche la commission de siéger
le plus rapidement possible.
Ce serait peut-être difficile vendredi matin, mais peut-être
la semaine prochaine, une des matinées la semaine prochaine, s'il n'y a
pas d'autres commissions.
M. COURNOYER: II ne faut pas oublier que, dans ce délai de trente
jours qui a été prévu, il reste une chose très
certaine. Il ne faut pas que je présume des décisions du
gouvernement. Il y a un problème de publication. J'ai dix jours que je
dois me donner comme délai.
M. BURNS: Vous savez, moi, cela me vexerait comme membre de cette
commission-ci qu'on me dise: On va commencer à mettre tout l'appareil et
le mécanisme en branle. Et qu'on me dise: Quand même, pour vous
satisfaire, la commission va siéger. J'ai l'impression, un peu comme M.
Laberge l'avait ce matin au début, à la suite de votre
déclaration que vous avez heureusement rectifiée, qu'on
était ici pour des raisons absolument futiles. Si le processus ou le
mécanisme est déjà en marche...
M. COURNOYER: A ce moment-là, M. le député de
Maisonneuve, si vous voulez prendre la responsabilité de ne pas passer
de décret avant Noël, c'est votre privilège.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre va un peu loin. La loi 38 est
là. Ce n'est pas nous qui l'avons passée. C'est le Parlement qui
a passé la loi à la demande du gouvernement et je me suis
désolidarisé à ce moment-là parce que les
techniques du gouvernement étaient mauvaises. Il a été
prévu dans la loi c'est une disposition formelle de la loi
que la commission se réunirait et que nous entendrions les parties et
que la commission ferait ensuite rapport. Or, avant de faire rapport
nous n'avons pas à juger de la situation dans laquelle se trouve
actuellement le gouvernement nous voulons bien entendre le ministre et
tous autres témoins utiles, s'il y a lieu, pour connaître
exactement quelle sera l'attitude du gouvernement en face des
représentations qui nous ont été faites par les
différentes parties. C'est pourquoi j'estime qu'il est nécessaire
d'avoir une autre réunion. Notre intention n'est pas du tout de retarder
le décret. Si le travail est amorcé et j'en suis
convaincu, connaissant votre efficacité, M. le ministre il sera
très facile de nous en tenir à l'échéance qui est
fixée par la loi. Alors, je ne voudrais pas du tout qu'aucun des membres
de la commission soit privé de son droit de faire au ministre des
représentations à la suite des auditions que nous avons eues.
M. COURNOYER: Je n'ai aucune objection, M. le député de
Chicoutimi, à ce que la commission fasse des représentations.
Vous les ferez, mais pour autant que moi, je suis concerné, la
déclaration que j'ai faite dimanche, c'est à la condition que les
auditions soient terminées cette semaine. Je peux passer un
décret avant Noël à condition que les auditions de la
commission soient terminées cette semaine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela revient à dire...
M. DEMERS: On peut le passer avant le Jour de l'An.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais cela revient à ceci et rejoint la
question qu'a posée M. Burns au début des auditions, c'est que la
déclaration que vous avez faite et qui sera publiée, enfin, qui
passera sur les ondes, nous a en quelque façon paralysés, nous a
imposé une barrière et a limité à l'avance le temps
que nous aurions pu consacrer à ces auditions.
A toutes fins utiles, c'est à ça que ça
revient.
M. COURNOYER: Ce n'était certainement pas mon intention et ce
n'est pas à ça que ça revient. Vous êtes libres de
faire ce que vous voulez. Je ne suis même pas membre de la commission, je
suis un invité et un témoin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes quand même le
ministre.
M. BURNS: M. le Président, le ministre vient de nous dire : Si
vous voulez prendre la responsabilité, de...
M. COURNOYER: C'est une conséquence réelle, M. Burns. J'ai
trente jours et j'ai dix jours pour publier un décret. Je dois
l'envoyer...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'éditeur officiel du
Québec.
M. COURNOYER: ... à l'éditeur officiel du
Québec.
M. LESSARD: Ce n'est pas nous qui avons fait la loi.
M. COURNOYER: Je vous dis que si je suis obligé de faire un
décret normalement il n'a pas besoin d'être
précipité, ce décret la conséquence directe,
l'effet, c'est qu'il est retardé. Si nous avons une réunion de la
commission la semaine prochaine nous pouvons avoir des réunions
de la commission quand vous voulez, vous avez un mandat précis par le
bill 38, je le reconnais d'emblée, mais tant et aussi longtemps
que les auditions de la commission durent, le délai de trente jours ne
commence pas de compter. Et je ne peux pas présumer de ce que vous allez
me dire comme commentaires.
M. BURNS: M. le Président, dès maintenant, est-ce qu'on ne
pourrait pas dire avec le gouvernement que, dès la semaine prochaine, il
y aurait une réunion de cette commission, soit mardi, ou soit mercredi,
ou jeudi.
M. LEVESQUE: Mardi, n'avez-vous pas le même problème avec
la commission des bills privés?
M. BURNS: Est-ce que la commission des bills privés siège
mardi?
M. LEVESQUE: Mardi et jeudi.
M. BURNS: Alors mercredi matin, M. le ministre. Est-ce que cette date
empêcherait votre mise en vigueur à la date que vous vous
êtes fixée des conditions de travail?
M. COURNOYER: C'est une autre suggestion, mais pour ma part...
M. LEVESQUE: J'aurai peut-être encore des objections.
M. DEMERS: On pourrait toujours vous envoyer en haut.
M. BURNS: En ce qui concerne la régie interne de mon parti, M.
Demers, on va s'en occuper.
M. DEMERS: Cela vous concerne.
M. BURNS: En tout cas, laissez-moi ça je vais m'en occuper de
cette partie-là.
M. LEVESQUE: II y a deux périodes où je crois que vous
seriez libres, soit vendredi matin à 9 heures...
M. BURNS: Cette semaine?
M. LEVESQUE: ... parce qu'à dix heures trente, il y a la Chambre
qui siège. Il y aurait une période de neuf heures à dix
heures trente. Il y aurait également mercredi prochain, où nous
pourrions avoir les mêmes heures que nous avons eues aujourd'hui.
M. BURNS: Ce que j'aimerais savoir de la part du ministre, est si
mercredi prochain, nous siégions, comme ce matin, de dix heures trente
à une heure? Est-ce que ça empêcherait votre programmation
d'avoir de la suite, ou de se réaliser?
M. COURNOYER: C'est une audition de la même commission qui est
conforme au bill 38 et cela veut dire que les délais commencent à
compter, à ce moment-là.
M. BURNS: A compter de mercredi.
M. COURNOYER: Je pourrais avoir décidé déjà.
Mais comme je n'ai pas décidé, je dois vous écouter, je ne
peux pas présumer de ce que vous allez me dire.
M. BURNS: Mais vous ne répondez pas à ma question. Je vous
demande si, mercredi prochain, nous siégeons et que si nous mettons fin
aux auditions mercredi prochain, est-ce que votre délai est encore
respectable?
M. COURNOYER: Ce que j'essaie de dire, M. le député de
Maisonneuve, c'est que si pour commencer mes travaux, les décisions sur
tous et chacun des articles, j'attends la semaine prochaine
décemment je dois le faire parce que je ne peux pas présumer ce
que vous allez me dire je ne commencerai donc mes travaux
qu'après la réunion que vous aurez tenue et qui ne peut pas avoir
une limite aujourd'hui, parce que je ne sais pas ce que les membres de la
commission peuvent me dire.
M. BURNS: Ce qui vous donne le 25 novembre de la semaine prochaine.
Votre délai de 30 jours, à la rigueur, tomberait exactement pour
Noël. Ce serait un beau cadeau de Noël pour les travailleurs que de
leur donner la parité de salaire.
M. COURNOYER: En fait, M. le député, je vous dis que ce
n'est plus 30 jours, c'est 20 jours. Parce que je suis obligé de publier
le décret dix jours avant l'expiration des 30 jours. C'est 20 jours que
j'ai. Les fonctionnaires sont quand même des gens intelligents. Ils ne
peuvent pas présumer, eux non plus, de la validité du genre de
représentation que vous allez faire.
M. LE PRESIDENT: Si les difficultés de se retrouver un jour
continuent, je vais suggérer samedi. Je ne suis pas obligé de
faire divorcer tout le monde.
M. LABERGE: Cela nous arrive de travailler le samedi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous aussi...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saint-Jacques
voulait ajouter quelque chose.
M. CHARRON: Non, c'est réglé.
M. LE PRESIDENT: Nous comprenons les difficultés que les parties
peuvent avoir à ne pas s'entendre.
M. BURNS: Remarquez que nous étions prêts à
siéger les deux dernières semaines, M. le Président. Il
n'y a personne qui a dit, je pense, au sein de cette commission-ci, que l'on ne
pouvait pas siéger.
M. LE PRESIDENT: II reste vendredi et samedi.
M. LESSARD: On nous a fait venir à la commission pour
siéger pendant deux heures de temps. Si on avait siégé
plus souvent, on ne serait peut-être pas pris avec un délai aussi
limité.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. LABERGE: Je pense que les membres de la commission vont
reconnaître que je n'ai pas abusé du temps. J'aurais besoin quand
même de cinq autres minutes pour discuter d'un problème, encore
une fois, très important, extrêmement important et c'est tout le
régime de sécurité sociale. Nous avons un expert chez nous
qui voudrait vous en entretenir pendant quelques brèves minutes. Avant
de vous le passer, j'aurais deux remarques additionnelles.
Premièrement, sur la question des exemptions qui ont
été demandées par l'aciérie. Le ministre du Travail
est très au courant de ça. Je n'ai pas besoin de vous dire que
nous nous opposons avec véhémence à ce que
l'Hydro-Qué-bec soit exclue pour les autres travaux. C'est
déjà contenu dans le bill 290. C'étaient les travaux en
cours et pas autre chose.
Nous nous opposons aussi à des exclusions qui ont
été demandées.
Dernière remarque, le premier ministre déclarait vendredi
ou samedi que, cet hiver, il y aurait environ 3,000 travailleurs, constructeurs
de routes, qui font 60 heures par semaine. Si on réduisait leur semaine
de travail à 40 heures, on vient de trouver 1,000 à 1,200 emplois
"d'une seule claque".
Je vous présente donc l'expert de la FTQ, M. Dulude qui va,
pendant quelques brèves minutes, vous parler du régime de
sécurité sociale.
M. LE PRESIDENT: M. Dulude.
M. DULUDE: M. le Président, je me sens vraiment mal venu dans le
contexte. Trois minutes.
M. LE PRESIDENT: M. Dulude veut-il s'identifier au complet?
M. DULUDE: Yves Dulude, je suis au service des recherches de la
Fédération des travailleurs du Québec.
Sécurité sociale
M. DULUDE: Voici ce qu'on ma demandé de faire, en gros: regarder
ce qui existait présentement dans les sept groupes, au point de vue de
l'assurance-vie, surtout assurance-vie et assurance-invalidité, et de
faire une proposition sur ce que pourrait être à l'avenir un
régime qui serait le plus adapté au besoin des travailleurs, et
qui serait coordonné avec les bénéfices qui sont
donnés par l'intermédiaire des régimes gouvernementaux
actuels. Comme par exemple la Régie des rentes du Québec et la
Commission des accidents du travail. Alors, vous avez le document en main. Je
n'ai pas l'intention de passer à travers, mais je voudrais simplement
souligner quelques points importants à mon avis. Si on additionne les
bénéfices qui sont donnés en vertu de la Commission des
accidents du travail, par exemple, à l'occasion de décès,
assurance-vie, si quelqu'un décède par suite d'un accident du
travail et qu'il est éligible à recevoir les prestations en vertu
du Régime de rentes du Québec qui varient selon le nombre
d'enfants, selon les responsabilités familiales, de même que les
prestations venant de la Commission des accidents du travail, on remarque par
exemple qu'un individu qui gagne environ $6,000, qui décède
à la suite d'un accident de travail, la veuve pourrait recevoir $5,000,
c'est-à-dire $4,992. De même vous avez le tableau dans le
texte si la veuve a cinq enfants, elle peut recevoir $5,571, et cela,
seulement en vertu des régimes gouvernementaux, seulement en vertu de la
CAT et du Régime de rentes du Québec. De plus, pour un individu
qui aurait six enfants, par exemple, et qui décède à la
suite d'un accident du travail, les régimes gouvernementaux lui
reconnaissent une rente de $6,150, c'est-à-dire une rente
supérieure à ce que l'individu gagnait auparavant. Mais toujours
à condition que l'individu décède à la suite d'un
accident du travail.
Notre proposition est d'établir un régime qui compense ce
que la Commission des accidents du travail donne, même quand l'individu
décède d'une autre façon. A notre avis, il n'y a aucune
raison, par exemple, pour laquelle un individu qui décède
à la suite d'un accident d'auto ou d'une maladie, telle que le cancer,
n'a pas les mêmes besoins qu'à la suite du décès
d'un accident de travail. On reconnaît déjà des montants
assez substantiels, par exemple, lorsqu'un employé décède
à la suite d'un accident de travail.
Or, je le répète, vous avez les tableaux, je n'insiste
pas, mais notre proposition est d'éta-
blir un régime assez simple qui compléterait les
bénéfices de la Commission des accidents du travail lorsque
l'employé décède d'une autre façon, en fin de
compte d'assurer... C'est un peu cruel, la façon dont ça
fonctionne actuellement. Si l'individu a la chance de décéder
à la suite d'un accident de travail, la veuve est
protégée. S'il n'a pas la chance, il n'a rien. Il a seulement la
Régie des rentes du Québec, et on constate, par exemple, que dans
les régimes négociés actuellement, les montants
d'assurance-vie sont très bas et les montants d'assurance-vie s'ajoutent
même si l'employé décède à la suite d'un
accident de travail; ils devraient compléter, au lieu de s'ajouter.
En ce qui concerne l'assurance-vie, bon je m'arrête là.
C'est le même problème concernant l'invalidité, par
exemple. Un individu qui devient invalide à la suite d'un accident de
travail, pourrait théoriquement avoir droit, s'il répond aux
critères d'invalidité de la Régie des rentes du
Québec et de la Commission des accidents du travail, à $6,300 par
année, s'il a six enfants. Alors, déjà, en vertu de la
Régie des rentes du Québec et de la CAT, on reconnaît,
à notre avis, une très bonne protection lorsque l'employé
décède d'une certaine façon, c'est-à-dire d'un
accident de travail, ou qu'il devient invalide.
Alors, le but de nos propositions, c'est de faire en sorte que, lorsque
l'individu, quelle que soit la raison pour laquelle il décède, ou
devient invalide, ait droit au moins aux mêmes bénéfices
qui sont reconnus par l'Etat dans ces deux programmes.
Je m'arrête là et je pense qu'il est important de constater
les résultats additionnés de la Régie des rentes et de la
Commission des accidents du travail en cas de décès et
d'invalidité et je vous avoue que, pour notre part, on les
considère comme adéquats et au moins, on devrait s'orienter de
façon à les obtenir dans toutes les autres circonstances.
M. LE PRESIDENT: Alors, je remercie M. Dulude et je considère
qu'il a une philosophie très optimiste quand il considère la mort
comme une chance. Je ne crois pas qu'il y ait de questions. Alors, nous
ajournons donc à demain...
M. LEVESQUE: M. le Président, après con- sultation, je
crois que l'heure qui conviendrait aux membres de la commission, maintenant que
les auditions publiques sont terminées, serait 4 heures demain
après-midi, après les ordres du jour dans la même
salle.
M. LE PRESIDENT: Seuls les membres de la commission?
M. LEVESQUE: Oui.
UNE VOIX: On ne peut pas être ici à ce
moment-là?
M. LEVESQUE: Bien, je crois que vous avez eu l'occasion de vous
exprimer, les auditions étant terminées.
M. BURNS: Si je comprends bien, il n'y a pas de problème, les
auditions sont publiques.
M. LE PRESIDENT: Alors, les auditions...
M. LEVESQUE: II n'y a pas d'objection de principe...
M. LE PRESIDENT: Les auditions sont publiques mais seuls les membres de
la commission, je pense, à ce moment-là ont droit de parole.
M. BURNS: M. le Président, seulement une remarque. J'ai
accepté, au nom de mon parti, qu'on siège demain
après-midi à 4 heures. Je ne voudrais pas que ce soit
considéré comme un précédent. J'espère que
les commissions parlementaires, en principe, ne devraient pas siéger
pendant que la Chambre siège, mais...
M. LE PRESIDENT: Vos remarques sont assignées.
M. BURNS: C'était parce que le ministre nous avait fait valoir
jusqu'à quel point c'était urgent que nous acceptions.
M. LE PRESIDENT: Dans l'intérêt public, je considère
que toutes les parties ont accepté de se réunir demain à 4
heures. Ajournement jusqu'à demain.
(Fin de la séance 13 h 24)