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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le jeudi 19 novembre 1970 - Vol. 10 N° 36

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 38 - Loi concernant l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Bill 38 — Loi concernant l'industrie de la construction

Séance du jeudi 19 novembre 1970

(Seize heures neuf)

M. BOSSE: (président de la commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! Je déclare la séance ouverte. Nous avons le quorum. Le but de cette séance est de permettre aux membres de la commission d'exprimer leurs remarques au ministre en ce qui regarde les auditions que nous avons eues préalablement. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Avant d'exprimer des remarques, j'aurais bien aimé que le ministre nous explique — à compter d'aujourd'hui, parce qu'il semble que les travaux de cette commission quant aux reliquats du bill 38 se termineront aujourd'hui — quelle sera la méthode suivie par le cabinet pour arriver à un décret qui déplairait le moins possible aux parties.

Parce que, comme tout le monde l'a mentionné au cours des auditions, il semble évident — et même le ministre en est conscient — qu'on ne pourra pas satisfaire complètement tout le monde. Mais, j'imagine, qu'il y a tout de même, de la part du ministre, certaines précautions qui seront prises. Est-ce que cela fonctionnera par l'entremise de recommandations du ministère au cabinet des ministres? Ou, est-ce que le cabinet des ministres lui-même va, tabula rasa, étudier le problème?

Principaux points

M. COURNOYER: De façon très spécifique, et sans vouloir dévoiler ce qui se passera au conseil des ministres — parce que je ne sais pas ce qui se passera au conseil des ministres et je n'ai pas peur de dire comment je procéderai — mon intention c'est d'abord de prendre les cinq ou six points qui ont été déclarés comme majeurs, grande catégorie de points, et soumettre la position du ministère et la position que je recommande au conseil des ministres de prendre sur ces grands points majeurs.

Par exemple, je pense qu'il a été question, lors des auditions de la commission, depuis le début — je n'ai pas assisté au même titre depuis le début — de l'ancienneté, de la parité salariale, des heures de travail et des droits acquis. Hier, M. Laberge a répété quelle était, en fait, l'essence des cinq points majeurs de divergence. Il y en a plusieurs autres, mais, effectivement, pour éviter que le cabinet des ministres ait un gros document qui comporte des références sur à peu près tout, j'ai pensé qu'il serait préférable de demander au conseil des ministres de se prononcer sur ces cinq points, quitte à passer le décret après coup, une fois que j'aurai reçu du conseil des ministres des indications quant à la position du gouvernement sur ces cinq points. L'autre élément de ma procédure, qui comporte que nous évitions autant que possible de faire des erreurs — il est possible que nous fassions des erreurs, nous sommes tous humains — j'avais l'intention, et j'ai encore l'intention, compte tenu des délais que j'ai, de consulter toutes et chacune des parties sur les intentions que j'ai de proposer au gouvernement le décret au complet, c'est-à-dire les parties qui restent.

M. BURNS: Un dernier filtrage.

M. COURNOYER: Un dernier filtrage pour éviter que des situations comme celles qu'on a peut-être connues lors du bill 38 où, à un endroit donné, on dit que l'augmentation de salaire donne $0.30 de plus qu'à Ottawa. On m'a rapporté que c'est effectivement ce qui est arrivé. Je n'ai pas d'objection à cela, mais c'est effectivement ce qui est arrivé. Mais nous n'avions pas projeté cela. Ce n'est pas cela que nous avions prévu de faire. Pour donner une chance aux parties qui vont vivre, elles, avec ce décret qui sera passé ou imposé, ce qui me semble raisonnable, c'est de dire aux parties: Voici, mes intentions sont fermes là-dessus. Maintenant, vous allez me dire effectivement s'il y a moyen de corriger ou de discuter davantage pour que le décret soit un peu plus satisfaisant qu'à première vue, et cela, avant de le proposer formellement au conseil des ministres. C'est une dernière tentative de trouver la meilleure solution possible même si je serai obligé, dans l'élaboration de décret, de trancher dans le vif sur certains points majeurs. Cela, je le sais.

M. BURNS: Concernant ce point-là, sans dévoiler de secret du cabinet ni quoi que ce soit, le ministre peut peut-être nous dire quelle part les recommandations des conciliateurs prendront dans tout cela. Je clarifie ma question en disant: Est-ce que vous allez en tenir compte et, si oui, est-ce que ce sera un minimum? Est-ce que ce sera un point de départ ou un maximum? Est-ce qu'il y a déjà une prise de position à l'égard de ces recommandations, principalement de la dernière concernant la parité?

M. COURNOYER: Non. Je ne peux pas dire qu'il y a une position de prise, soit par moi, soit par les autorités du ministère quant aux recommandations faites ou quant au document de travail qui a été appelé comme tel par M. Laporte à plusieurs reprises et qui avait été soumis...

M. BURNS: Que les conciliateurs appelaient leurs recommandations cependant.

M. COURNOYER: Enfin. Les recommandations des conciliateurs, celles qu'ils ont faites cette fois-là et celles qu'ils auront faites depuis. Ces personnes-là ont été les premières au courant du problème, elles l'ont vécu depuis le mois de janvier. Il est juste, je pense, que ces personnes participent à l'élaboration des termes que le décret devrait comporter. Ce n'est que normal.

On a déjà travaillé longtemps là-dessus. Je peux vous dire qu'il y a peut-être des choses sur lesquelles eux-mêmes ont changé d'opinion. Je ne voudrais pas leur en donner la responsabilité. Je ne veux pas dire que c'est eux qui ont changé d'opinion. Le ministre tiendra compte des recommandations que ces gens-là sont prêts à lui faire aujourd'hui. C'est normal qu'il en soit ainsi.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il serait possible d'énumérer ces cinq points majeurs, dont vous avez fait mention M. Burns?

M. BURNS: Parité, droits acquis, ancienneté,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Contremaîtres.

M. BURNS: Contremaîtres et champ d'application. Sauf erreur, je pense que c'est ça.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: C'est la question que je voulais poser. Je ne suis pas chanceux aujourd'hui. J'aurais aimé la poser mais elle a été posée par vous.

M. BURNS: Vous exercez votre magnétisme. Parité salariale

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas sa journée. Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais poser quelques questions au ministre, avec votre permission — et la sienne, bien entendu. Est-ce que le ministre a quelque chose à ajouter en ce qui concerne le problème, qui a été au centre de toutes les discussions pendant les auditions, celui de la parité salariale?

M. COURNOYER: A ce moment-ci, je n'en ai pas plus à ajouter que ce que j'ai déclaré hier. Je m'interroge sur les effets d'une parité salariale immédiate à court terme ou à long terme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous maintenez toutefois ce que vous avez dit hier en début d'audition, qu'il y a de grandes chances que le ministre reconnaisse le principe de la parité salariale?

M. COURNOYER: II y a de grandes chances que le ministre reconnaisse le principe de la parité salariale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que le ministre pourrait me dire s'il a l'intention de reprendre l'examen des clauses paraphées ou s'il faut considérer cette partie du dossier comme close?

M. COURNOYER: Le texte du bill 38 ne me donne le choix que de reproduire intégralement le document 70 — c'est comme ça que j'ai compris le texte du bill 38, — Le document 70, c'étaient les clauses paraphées. On me dit que le décret que je dois passer doit contenir le document 70, je n'ai pas le privilège...

M. LE PRESIDENT: Cette question a été posée hier...

M. COURNOYER: Je n'avais peut-être pas répondu à ce moment-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est parce que nous voulons avoir toutes les précisions pour être sûrs que le décret répondra aux exigences des parties que nous avons entendues, sans toutefois, évidemment, exiger du ministre qu'il nous dise quelles sont les intentions précises du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais tout simplement éviter des répétitions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais bis repetita placent, M. le Président.

UNE VOIX: Les répétitions plaisent, pour ceux qui ne connaissent pas le latin.

M. DEMERS: M. Laberge n'est pas là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais savoir aussi, de la part du ministre, comment il envisage la rédaction pratique de ce décret, l'établissement de normes salariales etc., compte tenu du problème que posera la renégociation des conventions collectives touchant les 250,000 employés du gouvernement, des secteurs publics et parapublics?

M. COURNOYER: Pourriez-vous préciser votre question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien, je crois que vous aurez à tenir compte, n'est-ce pas, des conventions collectives à négocier plus tard dans les domaines des employés du gouvernement, des secteurs publics et parapublics. Il y a quand même là 250,000 personnes. Il y a des

critères de base qui ont servi à l'établissement des normes des conventions collectives. De quelle façon envisagez-vous de concilier ces deux exigences? D'une part, celle auquelle vous aurez à répondre dans la rédaction du décret et, d'autre part, les précédents que cela pourra créer lorsqu'on aura à négocier à nouveau avec les employés du gouvernement.

M. COURNOYER: Je suis, jusqu'à nouvel ordre, le ministre du Travail...

M. DEMERS: Avez-vous d'autres ordres?

M. COURNOYER: On ne le sait jamais. Je dois subir un jour une élection pour devenir membre de cette sorte d'assemblée.

M. DEMERS: II n'y a pas de problème. Vous êtes spécialiste dans les élections partielles.

M. COURNOYER: Non, mais apparemment, je dois...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Messieurs, à l'ordre!

M. COURNOYER: Je suis ministre du Travail et il y a aussi un ministre de la Fonction publique qui fait partie d'un cabinet auquel je suis maintenant attaché. Il est sûr que les propositions du ministre du Travail seront sans doute remises en question quant à leurs effets sur la politique du même gouvernement dans ses propres négociations avec ses propres salariés ou ceux qui dépendent de lui, ou émargent au budget de la province.

J'ai l'intention d'en tenir compte comme tel. Quant aux précédents que cela peut créer, je rappelle que je ne suis pas seul. Il y a aussi le ministre de la Fonction publique qui aura certainement ses opinions à énoncer au moment où le cabinet étudiera les projets que je lui proposerai.

Droits acquis

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle est votre attitude, M. le ministre, au sujet des droits acquis?

M. COURNOYER: Disons que mon attitude au sujet des droits acquis, à ce moment-ci du moins, ressemble à mon attitude sur la parité salariale.

M. DEMERS: En principe?

M. COURNOYER: Non, si vous retournez en arrière, vous vous souviendrez que les droits acquis ont été des points extrêmement importants...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avant le 29 avril?

M. COURNOYER: Avant le 29 avril. Ce furent des points importants de la politique gouvernementale qui disait parité salariale et une certaine politique aussi en matière de droits acquis. Or, si je suis lié dans les formes par des éléments de la politique antérieure, il est possible que je me considère en même temps lié par d'autres éléments de la même politique générale antérieure.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une réponse de Normand mais enfin, nous en tenons compte et...

M. COURNOYER: De Normand sur une glace fine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais d'un Cournoyer qui patine avec une jambe cassée.

UNE VOIX: Sans malice.

M. COURNOYER: Disons que la politique de l'époque était d'examiner chacun des droits acquis — dans le milieu enseignant en particulier —. C'était d'examiner chacun d'entre eux et de voir si, effectivement, nous n'avions pas réglé le problème par une convention générale.

M. BURNS: C'est justement la question que je voulais rapprocher de celle du député de Chicoutimi. Est-ce que vous avez, actuellement, un état ou un inventaire de ces droits acquis que les centrales veulent protéger?

M. COURNOYER: On me fait part qu'effectivement, dès le point de départ ou avant que ne se termine la période de conciliation, avant le bill 38, l'une des demandes des conciliateurs était d'obtenir de chacune des parties, surtout les parties syndicales, les droits acquis qu'elles voulaient voir protégés, ou qui étaient affectés en fait par la convention collective qui venait d'être signée en partie ou du moins paraphée.

Comme il me reste à prendre des décisions sur un certain nombre de clauses, un certain nombre de clauses qui ont peut-être une incidence directe sur les droits acquis qu'on a voulu protéger, il est possible qu'en réglant la clause, je règle le droit acquis.

A un certain moment, la requête est faite de conserver un certain nombre d'heures de travail, tel que stipulé dans le document que la FTQ nous a soumis. Vous avez une brique de droits acquis à peu près épaisse comme celle-là; donc, au moins, du côté de la FTQ j'ai la liste des droits acquis. On nous dit que j'ai la même chose du côté de la CSN, du côté syndical. Il est sûr qu'il y a un certain nombre de ces droits acquis qui ne tiennent pas compte, ou qui tiennent compte, plutôt, du fait que nous ne nous sommes pas entendus sur un certain nombre de clauses. Une fois la clause réglée, il

est possible que le droit en question... Je parle spécifiquement de ce que j'ai dit hier en passant des heures de travail dans une certaine industrie. Si la clause des heures de travail n'est pas réglée et que le gouvernement doive la régler, si je dis que c'est de 8 heures à 5 heures et qu'on me demande de protéger de 8 heures à 5 heures parmi les droits acquis, il est clair que ce droit acquis est tout simplement protégé par le fait que c'est la règle générale.

Quant à l'examen des droits acquis, comme tel, j'ai l'intention d'examiner tous et chacun des droits acquis en fonction des décisions que nous aurons prises sur les clauses en suspens. S'il y a une incompatibilité entre les deux, je devrai considérer le maintien de ce système.

Il y a d'autres droits acquis qui, à cause du fait que les décisions n'ont pas été prises, par exemple, par les parties elles-mêmes et que le gouvernement doit maintenant décider aux lieu et place des parties, quant à ces autres droits acquis, comme la sécurité sociale, il est possible qu'aujourd'hui je porte un jugement de valeur sur l'un des droits acquis dont il a été question, hier, quant à la sécurité sociale de Montréal qui est à $0.15 l'heure avec un système d'assurance-maladie, d'assurance-traitement, d'assurance-vie, de pension, etc. Il est possible que je stipule dans le décret, ou que je demande au gouvernement de stipuler qu'au lieu de conserver le système de Montréal, il étende le système de Montréal au reste de la province. A ce moment-là je n'ai plus à protéger le droit acquis dont il est question, c'est-à-dire de cette différence entre les deux.

M. BURNS: Si vous me le permettez, M. le ministre, évidemment je sais que, dans bien des cas, vous ne pouvez pas nous donner des réponses très précises, en ce sens que vous allez nous dire que vous y pensez, que vous l'examinez, que vous y songez, à bon droit d'ailleurs. Toutefois, est-ce que le ministre reconnaît le principe que, dans des négociations qui se répètent d'année en année, une négociation part toujours au minimum quant au travailleur, au résultat de la négociation précédente? Je parle de principe je ne parle pas de...

M. COURNOYER: Toujours de ce principe de...

M. BURNS: ... il y a des choses d'ailleurs — je le souligne — qui ont souvent été reconnues par des sentences arbitrales. Le ministre est au courant — et je pense que le président de la commission est sûrement très au courant — de ces nombreuses sentences arbitrales qui ont reconnu le principe que, lorsqu'une nouvelle négociation commence, le point de départ quant aux bénéfices accordés aux travailleurs est toujours le résultat de la convention collective précédente. Est-ce que le ministre reconnaît ce principe-là?

M. COURNOYER: Non.

M. BURNS: Vous ne le reconnaissez pas?

M. COURNOYER: Non.

M. BURNS: C'est-à-dire que les sentences arbitrales... Non, non, écoutez, ne sortez pas l'affaire du contexte.

M. COURNOYER: Je ne sors pas du contexte. Si je pars avec les droits acquis en disant: Voici, ils sont acquis, point final, à la ligne. Les circonstances étant ce qu'elles étaient auparavant, il y a des droits acquis. Maintenant, je change les circonstances. Je ne vois pas pourquoi je garderais nécessairement le droit qui a été acquis dans d'autres circonstances. Cela, je l'ai répété quand je négociais au nom de l'autre gouvernement à savoir, effectivement, que je ne peux pas me permettre de dire, en principe, que les droits acquis restent acquis. Il est clair que lorsque je prenais, par exemple, les congés de maternité, quand les salaires étaient à $2,000 pour une institutrice — je retourne à l'enseignement — je me suis posé de nouveau la question si, effectivement, le congé de maternité est encore valable lorsque les salaires des institutrices ont atteint un niveau normal comparativement aux autres salaires dans la province.

Quand on avait des salaires de $2,000 en Gaspésie, il est possible que, dans ces circonstances, pour garder les institutrices, on leur donnait un congé de maternité payé. Mais quand, effectivement, le salaire de l'institutrice de la Gaspésie est passé à un taux d'égalité, en fonction de la parité, toujours, à celui du salaire d'une institutrice de Montréal, je ne peux pas me permettre de dire, en vertu de la parité, que, maintenant, l'institutrice de la Gaspésie qui a atteint un salaire satisfaisant, identique à celui de Montréal, n'a pas changé de circonstances de travail. Là, c'est un jugement de valeur que je porte, probablement à tort, pour certains, mais effectivement je le porte sur les circonstances qui ont entouré la création du droit et, si ces circonstances ont changé, je dis: II n'y a plus lieu de protéger un droit, Autrement, pour moi, c'est la stagnation.

M. BURNS: Alors, si je comprends bien, le ministre nous dit qu'il prendra chacun des droits acquis...

M. COURNOYER: C'est-à-dire que je pars avec le fait qu'ils existent.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Et je dis: Si les circonstances sont identiques, je ne vois pas pourquoi je ne maintiendrais pas certains droits.

M. BURNS: D'accord.

M. COURNOYER: Mais si les circonstances qui ont permis de les créer ont changé, je ne vois pas pourquoi je les maintiendrais.

M. BURNS: D'accord. C'est-à-dire je ne suis pas d'accord avec votre position, mais je la comprends.

M. DEMERS: Vous êtes d'accord sans l'être.

M. BURNS: Nous n'avons pas souvent, d'ailleurs, été d'accord, le ministre et moi, à d'autres tables.

Si je comprends bien, le ministre prétend que, quant aux droits acquis, il devrait prendre cet inventaire que les deux centrales vont lui donner, les examiner point par point et poser des jugements de valeur sur chacun.

M. COURNOYER: Par rapport aux décisions que le gouvernement doit prendre sur le reste des clauses en suspens.

M. BURNS: D'accord. Le ministre — qui fait appel à son expérience de négociateur — n'est-il pas un peu inquiet du fait que ces clauses de droit acquis font habituellement leur apparition lorsqu'il y a des droits acquis sur lesquels globalement on ne peut pas mettre le doigt? Et c'est justement pour protéger ces droits acquis que ces clauses font leur apparition entre les parties, lorsque de nouvelles relations contractuelles s'établissent?

M. CADIEUX: Mais, est-ce que vous voulez que tous les droits acquis globalement soient approuvés?

M. BURNS: Bien, c'est la demande des centrales et je la trouve...

M. CADIEUX: Je pense...

M. BURNS: Si vous voulez, je peux vous donner mon commentaire là-dessus tout de suite.

M. COURNOYER : Portons un jugement de valeur, M. le député de Maisonneuve, sur une clause en particulier. Il est clair que, dans le domaine de la construction en particulier, il y a certaines unions, particulièrement de type international, qui ont négocié des clauses de sécurité syndicale avec atelier fermé. Ce que je peux — maintenant que le bill 290 est en vigueur — me permettre de dire au nom des droits acquis: Je continue la clause d'atelier fermé que vous avez obtenue à la suite de dures négociations avec vos patrons.

M. BURNS: M. le ministre, permettez-moi de dire que vous faites un sophisme et vous savez fort bien que...

M. COURNOYER: Je sais fort bien que...

M. BURNS: Je sais fort bien, moi aussi...

M. COURNOYER: ... que je ne fais pas de sophisme.

M. BURNS: Je sais fort bien, moi aussi, que vous ne pouvez pas, dans une convention collective, mettre quelque chose qui soit contraire à une loi d'ordre public existante comme le bill 290. Et ce n'est évidemment pas ce à quoi je me référais.

M. COURNOYER: Les droits acquis dont il est question, il y en a justement des clauses de même type. Elles sont incompatibles avec le bill 290.

M. BURNS: Si elles sont incompatibles avec le bill 290, M. le ministre, vous savez fort bien que ces droits acquis ne seront pas protégés parce que c'est illégal de faire, entre les parties, des dispositions qui sont exorbitantes d'une disposition d'ordre public. Ce n'est évidemment pas à celles-là que je me réfère. Je vous parle des autres qui, elles, ne seraient pas illégales et qui ne contreviendraient pas au bill 290.

M. COURNOYER: Qui ne contreviendraient pas davantage au nouveau décret que nous passons.

M. BURNS: Si, dans ce décret, vous protégez globalement les droits acquis, il est évident que...

M. COURNOYER: A la condition que ces droits acquis ne soient pas incompatibles avec ce que nous passons comme décret.

M. BURNS: Bien, oui.

M. COURNOYER: J'ai un jugement de valeur et je vous dis dans quelle idée je les regarde...

M. BURNS: Est-ce que le ministre serait prêt à dire, en commençant ce paragraphe, "à moins qu'il soit contredit par ce...

M. COURNOYER: M. le député de Maisonneuve, vous savez fort bien que je ne suis pas prêt à dire cela. C'est une clause générale de droits acquis à moins qu'elle ne soit incompatible avec le texte suivant.

UNE VOIX: Voyons donc!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre ne peut évidemment pas accepter cela pour les raisons qu'il a expliquées...

M. COURNOYER: J'ai expliqué les raisons pour lesquelles...

M. BURNS: Alors, le ministre, en toute

sécurité, pourrait dire que la liste, l'inventaire des droits acquis est exhaustif. En toute sécurité, vous vous sentirez à l'aise de dire que la liste qui vous est donnée est exhaustive.

M. COURNOYER: C'est eux qui l'ont préparée.

M. BURNS: C'est eux qui l'ont préparée. Mais eux-mêmes, je pense, vous diront qu'ils peuvent en échapper dans cela.

M. COURNOYER: Bien...

M. BURNS: Et cela visera des personnes de régions qui déjà sont habituées à des conditions qui, par un acte administratif du gouvernement, les mettront de côté.

M. CADIEUX: Le ministre a dit tantôt que, dans certaines régions, il peut exister des situations qui ont changé depuis ce temps-là et que les droits acquis peuvent changer à cause de la nouvelle convention et de ce qui va être inclus dans le décret.

M. BURNS: Tout ce que je sais, c'est que les travailleurs vont s'apercevoir qu'il y a quelque chose de changé à partir du moment où il y avait un droit et qu'ils ne l'ont plus après.

M. CADIEUX: Depuis ce temps-là, il y a eu des changements de salaire, il y a eu bien des choses qui sont intervenues.

M. BURNS: Cela arrive à tous les renouvellements de conventions.

M. CADIEUX: Au début, on pouvait leur donner ces droits-là, mais depuis, ils n'en ont plus besoin à cause des changements qui sont intervenus depuis lors.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je crois que le député de Saint-Maurice veut parler sur le même sujet.

M. DEMERS: Lorsque vous allez enregistrer votre décret, ou plutôt avant d'y mettre la dernière main, est-ce que vous allez rencontrer les parties?

M. COURNOYER: C'est dans le plan que j'ai élaboré tantôt... faire critiquer le sujet par les parties.

M. CADIEUX: On répond toujours à vos questions avant que vous ne les posiez.

M. COURNOYER: La question m'a été posée formellement par le député de Maisonneuve sur ce que j'entendais faire, et la procédure comportait que chacune des parties verrait le projet...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous l'avais posée antérieurement.

M. COURNOYER: ... avant qu'il soit proposé au conseil des ministres. Cela ne veut pas dire que, lorsqu'il va sortir du conseil des ministres, il va être identique. Je ne prends pas de responsabilité pour le conseil des ministres à ce moment-là. Je prends des responsabilités vis-à-vis des parties que je me propose de rencontrer.

M. DEMERS: Est-ce que votre décret va définir ce que sont la construction et l'entretien?

Champ d'application

M. COURNOYER: C'est un des problèmes en litige sur le champ d'application du décret. Je n'ai pas encore répondu à celle-là et je n'ai pas l'intention d'y répondre aujourd'hui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas aujourd'hui, M. le ministre, mais il reste qu'il appert des auditions qui se sont tenues que cela a quand même été un point d'accrochage. J'imagine que vous allez vous interroger là-dessus et que vous allez en tenir compte.

M. COURNOYER: Beaucoup.

M. DEMERS: Mais je me demande si vous allez en traiter dans le décret.

M. COURNOYER: A condition que le texte de la loi 290 me permette d'en traiter dans le décret, parce qu'il y a une question d'interprétation sur le champ d'application de la loi elle-même. Est-ce que l'entretien est contenu dans la construction? Si l'entretien est contenu dans la construction, je n'ai pas le privilège, comme ministre, de passer à côté du bill 290. Je dois m'arranger pour être dans le cadre du bill 290.

M. DEMERS: Comme cela, vous avez une bonne idée de ce qui va se passer.

M. COURNOYER: J'ai eu des réactions. Tout le monde a eu des réactions devant la même commission parlementaire de la part de plusieurs entreprises qui font elles-mêmes leur entretien. Les commissions scolaires ont fait des protestations. La Communauté urbaine de Montréal et les autres communautés urbaines en ont fait. Certaines grosses industries ont fait des représentations. A partir du moment où ces gens-là ont fait des représentations, je dois me poser la question à savoir si leurs représentations étaient ou visaient des amendements au bill 290 pour qu'il soit clairement exprimé dans le bill 290 que cela ne touche pas l'entretien fait par les employés de ces compagnies ou de

ces institutions, ou encore s'il s'agissait d'une possibilité pour le ministre de proposer au gouvernement que l'entretien soit exclu du décret parce que cela devenait une prérogative des parties et du ministre de stipuler qu'il y est ou qu'il n'y est pas. Si à l'étude — mes conseillers sont là — si mes conseillers juridiques me disent que l'entretien est compris dans le bill 290, c'est bien sûr qu'effectivement je n'ai pas le privilège de dire que les parties n'ont pas négocié de bonne foi selon ce qui est inscrit dans le bill 290 et dans le champ d'application.

M. LAURIN: Vous savez bien que dans l'entretien et la construction, il y a beaucoup de zones grises qui sont sujettes à interprétation, qu'il peut y avoir beaucoup d'industries qui peuvent faire passer pour entretien ce qui en fait est construction et seulement un décret pourrait permettre d'interpréter...

M. COURNOYER: Je conçois très bien qu'il faille être très clair à savoir si c'est inclus ou si cela n'est pas inclus et à savoir ce qui est inclus et ce qui n'est pas inclus. Je conçois fort bien cela, vu l'état des représentations faites devant cette commission.

M. BURNS: Est-ce qu'on doit comprendre que vous n'avez pas encore demandé ou, si vous l'avez demandé, vous n'avez pas encore obtenu d'opinion de vos conseillers juridiques concernant le champ d'application ou la couverture offerte par le bill 290.

M. COURNOYER: Disons que je sais qu'il y a des discussions fort prolongées qui ont eu cours entre les parties immédiatement intéressées dans le bill 290 et des gens qui n'étaient pas intéressés dans le bill 290, mais qui faisaient des protestations. Je sais qu'à un moment donné on m'a fait rapport — et c'est au moment où je suis devenu ministre — on m'a dit qu'il y avait eu des discussions et que, de toute façon, il fallait que le ministère tranche. Quant à savoir si nous tranchons conformément au bill 290, je peux vous assurer que nous devrons être conformes au bill 290, à moins que nous ne le modifiions. Or, je n'ai pas l'intention de présenter quelque modification que ce soit, lors de cette session-ci, ou d'ici à Noël. Je suis donc tenu de passer un décret, lorsque vous aurez terminé vos auditions, qui sera conforme à ce qui est inscrit dans le bill 290.

C'est sans doute demandé. J'ai une réunion avec les officiers de mon ministère, demain, pour discuter justement et, au point de départ, avant de discuter du reste, il faut quand même savoir à qui ça s'applique. A ce moment-là, les premières discussions que j'aurai demain matin avec les gens seront justement à l'effet de savoir si nous appliquerons le décret.

M. DEMERS: Si votre décret est conforme au bill 290, bien conforme, il va certainement y avoir des atténuations, mais étant donné que le bill 290 a été la cause de tellement de litiges, votre décret ne pourra pas établir une coexistence plus facile que le bill 290.

M. COURNOYER: Non, mais il est clair que, lors de la prochaine session, une fois que nous aurons fait ensemble l'examen — je veux dire les sept parties, moi-même, l'officier de mon ministère, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre — il y aura des amendements proposés à la Législature pour que se prennent des décisions, pour éviter que ne se répètent les deux échecs que nous venons de subir.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, le député de Chicoutimi, le député de Maisonneuve et, par la suite, le député de Frontenac qui, depuis quelque temps déjà, attend son tour.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la lumière de ce que vient de dire le ministre, on se rend compte qu'il y a quand même un fait qui est la loi 290. Il y a d'autre part les recommandations des conciliateurs. Le ministre ne peut pas nous dire précisément dans quelle mesure la loi 290 pourrait l'empêcher d'inclure dans le décret telle ou telle disposition. On peut en conclure, en somme, que le ministre a un champ de manoeuvre très restreint et qu'il devra trancher dans le vif, quitte, par la suite, non à cette session, comme il vient de le dire, à apporter des amendements majeurs à la loi 290. En effet, j'imagine que les dispositions du décret qu'il s'apprête à faire édicter par le gouvernement ne satisferont pas les parties. Mais est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance que, devant la levée de boucliers qui ne manquera pas de se faire, il va procéder celeriter à la préparation des amendements essentiels à l'amélioration de la loi 290?

M. COURNOYER: Disons que j'ai demandé, je demande par lettre aujourd'hui au Conseil consultatif de la main-d'oeuvre et du travail d'examiner le bill 290 et de l'étudier en fonction des problèmes que nous venons de vivre, pour éviter que ces problèmes ne se répètent en 1973. J'aurai sans doute des recommandations de la part du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

A partir de ces recommandations, les parties les plus immédiatement impliquées qui ne sont pas nécessairement au Conseil consultatif du travail et de la main d'oeuvre, seront invitées à faire leurs commentaires sur le document ou les réactions du conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, quant à ce que nous devrions faire pour éviter, justement, que ça se reproduise en 1973. Il ne faudrait pas oublier que le ministre a aussi des opinions sur le sujet. Pardon!

M. DEMERS: On s'en doutait.

M. COURNOYER: Vous êtes placé pour vous en douter. Effectivement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un ancien ministre de notre gouvernement. Nous avons des assurances qu'il va être progressif.

M. DEMERS: Pourtant, vous êtes en pays de connaissance.

M. COURNOYER: Ayant des opinions sur le sujet, je me proposais strictement au point de vue des procédures et je suis ouvert à n'importe quelle suggestion... Là, je dois en discuter, bien sûr, avec M.Lévesque, mais mon intention actuellement, c'est qu'après avoir procédé à ces consultations, nous préparions, au ministère, un projet d'amendement au bill 290 et, une fois ce projet d'amendement déposé en Chambre, que nous donnions par le truchement de la commission parlementaire du Travail et de la Main-d'Oeuvre, la possibilité à ceux qui ont des commentaires à faire de l'autre côté de la barricade de venir dire à la commission parlementaire ce qu'ils pensent des amendements au bill 290, ce que ça provoque chez eux et les problèmes qu'ils peuvent avoir face aux amendements nouveaux, nous dire, effectivement, les observations qu'ils sont en droit de faire à la commission parlementaire du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. BURNS: Je dirai tout de suite au ministre, quant à la méthode que nous l'appuierons sûrement sur cette façon de fonctionner. Maintenant, revenons au bill 290 et. son champ d'application, c'est là-dessus que j'avais une dernière question, avant de laisser la parole au député de Frontenac. Disons, dans le cas de doute relativement à l'opinion juridique que vous recevrez sans doute, quant au champ d'application, quant à la couverture que donne le bill 290: Est-ce que le ministre est d'accord que dans le cas de doute le décret devrait couvrir le plus possible ou bien est-ce que c'est l'opinion du ministre qu'il doit être timide et couvrir le moins possible?

M. COURNOYER: C'est très compromettant comme...

M. BURNS: Pas du tout, si c'est le mot "timide" qui vous inquiète, on va le retirer. Mais, c'est quand même ça. Si votre opinion est que c'est possible que ça couvre cela, mais c'est aussi possible que non...

M. COURNOYER: Disons, qu'en ce moment-ci, il serait odieux de ma part de vous donner le résultat de ce que les officiers du ministère du Travail ont fait.

M. BURNS: Je demande l'opinion du ministre.

M. COURNOYER: Ah! l'opinion du ministre doit être une opinion qui est fondée quand même sur ce que d'autres ont fait avant lui; et sur ce que d'autres ont fait avant lui, il y a peut-être eu des ententes entre les parties, et dont le premier ministre n'est pas au courant, particulièrement sur les champs d'application. Il y a eu des discussions. Si, à un moment donné, les parties, devant l'impossibilité de s'entendre, non seulement entre elles mais avec les autres secteurs de l'industrie, syndiqués comme patronaux... Il arrive qu'un champ d'application sur l'entretien... vous savez, M. le député de Maisonneuve, que l'entretien comporte beaucoup de choses...

M. BURNS: Je n'ai pas à vous convaincre que c'est un point névralgique.

M. COURNOYER: C'est névralgique non seulement pour l'industrie de la construction, mais c'est névralgique pour d'autres syndicats aussi.

M. BURNS: Absolument. La question à ce moment-là...

M. COURNOYER: D'ailleurs, effectivement, c'est ce que j'essaie de vous dire.

Il est possible que, vu l'impossibilité de s'entendre, les conciliateurs du gouvernement ou les officiers du gouvernement aient trouvé une formule qui satisfaisait les parties à ce moment-là et qu'ils aient des idées là-dessus. Je ne peux pas présumer de ces idées-là, je ne peux pas présumer non plus de mon accord ou de mon désaccord avec ces idées. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'actuellement, je n'ai pas d'opinion arrêtée là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: M. le ministre, vous avez sougliné tout à l'heure, que vous reconnaissiez le principe de la parité salariale dans le domaine du secteur de la construction. Est-ce à dire également qu'étant donné qu'on la reconnaît dans ce secteur, le ministère va également prendre comme politique pour l'avenir de l'appliquer à tous les autres secteurs de l'industrie et, après cela, peut-être entre industries?

M. COURNOYER: Disons que vous voudriez que je conclue immédiatement à la parité salariale. J'ai dit que je reconnaissais le principe de la parité salariale, c'est vrai. Quant à savoir ses effets sur l'économie ou sur le chômage, je m'interroge toujours, à court, à long et à moyen terme. Je peux bien reconnaître un principe et dire qu'on n'est pas capable de l'appliquer, c'est possible. Quant il s'est agi pour l'autre gouvernement de déterminer sa politique salariale, il est clair que l'autre gouvernement avait une

politique salariale de parité pour ses employés.

Nous avons réalisé cette politique salariale, c'est maintenant fait. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Mais on peut dire que le gouvernement ou l'organisme gouvernemental que je représentais à l'époque et le gouvernement de l'époque — et je n'ai pas changé d'idée là-dessus, ce sont des grands principes — avait établi comme politique salariale, une parité. Mais si nous avons établi, comme gouvernement, une parité, cela ne veut pas dire qu'on puisse la réaliser du jour au lendemain.

Quand le bill 25, de renommée mémoire a été adopté, on avait, bien sûr, introduit dans ce bill 25 une grille des salaires qui devaient être payés aux enseignants au Québec. Cette grille était universelle d'application et vous aviez un autre article, en dessous, qui donnait un maximum d'augmentation possible pour rejoindre les taux de l'échelle. On établissait en même temps un mécanisme nouveau de négociations et à la fin, c'est-à-dire en 1971, on peut dire que, dans le domaine public et parapublic, la parité salariale a été réalisée. Au moment de l'introduction du principe, il est sûr que, tout en étant, en principe, d'accord avec la parité salariale, il y a eu des disparités et il y en a encore dans le domaine public. Il y en a encore, pas tellement aujourd'hui, mais il y en a encore.

Comment allons-nous nous y prendre dans l'industrie de la construction pour appliquer le principe? Cela, c'est une autre chanson. Et est-ce que ce principe qui pourrait recevoir théoriquement, à cause des circonstances qui l'entourent... Je pense qu'il a été établi devant cette commission à plusieurs reprises et je ne peux pas le contester, moi personnellement, que la parité salariale existe déjà, dans plusieurs gros chantiers de construction. Cela fait partie de la déclaration, d'ailleurs, du document 72. Elle existe. Cela peut être un droit acquis, qu'elle continue d'exister telle quelle, sur les gros chantiers de construction. Mais — et c'est là le gros du problème pour moi — si je crée du chômage par la parité salariale, rapidement, je me mets dans une situation impossible parce que je ne suis pas le ministre du chômage quoi qu'en disent ceux qui m'ont battu à Saint-Jacques. Il est sûr que c'est quand même l'application d'un principe. La parité salariale existant déjà dans les gros chantiers de construction, il est possible que, par une décision, je rende la disparité salariale, ce que je ne veux pas.

Cela existait avant, non pas parce que c'est un droit acquis, mais parce que, consciemment, non pas parce que j'aurais honte, mais je trouverais que je le fais exprès.

M. BURNS: Vous devriez avoir honte aussi à ce moment-là.

M. COURNOYER: Oui! M. BURNS: Oui!

M. COURNOYER: Si je faisais cela? Oui, je trouverais que je fais exprès.

M. LAURIN: Le droit au travail, c'est un droit de l'homme.

M. BURNS: M. le ministre, très brièvement, j'aimerais vous donner la position de mon parti sur les points en litige, ou, du moins, les principaux points. Peut-être par les questions que nous avons posées tantôt, il est devenu évident quelle était notre position sur certains points de sorte que je serai très bref sur chacun. Quant au champ d'application, je me pose des questions et je me rends compte que le ministre également s'en pose, à bon droit. Il faudra se souvenir qu'il y a un très grand nombre d'entreprises, surtout dans les services publics, qui ont déjà des relations contractuelles qui existent. J'ai moi-même eu la possibilité de constater les difficultés que posaient certains décrets dans les unités de négociations où déjà ces relations contractuelles existent; il m'est difficile de vous donner une position précise n'ayant pas en main tous les faits, cependant, je pense que même l'existence d'unités de négociations déjà accréditées et de relations contractuelles ne doit pas priver les gens de l'industrie de la construction de couvrir le plus de gens possible.

Je serais porté, si c'est possible, à définir véritablement ce qu'est l'entretien fait par des employés permanents d'entreprises déjà existantes. Je serais porté à accepter cette exclusion parce que, déjà, si le décret venait couvrir des gens qui sont liés à leurs employeurs par des relations contractuelles, c'est-à-dire une convention collective précise et une accréditation, je pense que cela risque de créer beaucoup plus de problèmes aux gens immédiatement visés que les avantages que cela peut donner aux employés de la construction. Alors, grosso modo, c'est notre position sur ce point-là.

M. COURNOYER: Si je comprends bien, il s'agirait de définir l'entretien par les employés permanents et l'exclure.

M. BURNS: Exactement! Le définir et l'exclure.

M. COURNOYER: ... le définir et l'exclure. Par les employés permanents.

Sauf qu'il ne faudrait pas léser, justement les gens de l'industrie de la construction. Je conçois et j'admets que c'est un problème très difficile et d'ailleurs il y a des procureurs qui sont venus devant nous à la commission qui l'ont mentionné. Mais je pense qu'un effort spécial devrait être fait pour que les gens de l'industrie de la construction et les autres personnes, les autres syndicats visés, les autres employeurs visés, sachent exactement où se trace cette ligne-là. Ce sont souvent des quantités, la qualité des travaux qui déterminent si

c'est de l'entretien ou de la construction mais en tout cas...

M. CADIEUX: Ce n'est certainement pas facile parce que l'on est venu en contradiction...

M. COURNOYER: J'admets que ce n'est pas facile.

M. CADIEUX: On ne peut pas dire: Vous blâmez un côté plus que l'autre d'après ce que nous avons entendu, trancher...

M. COURNOYER: A ce titre-là, je vous donne l'exemple du fameux décret du camionnage qui, à cause du fait qu'il couvrait les véhicules loués, venait couvrir des gens qui étaient déjà représentés dans une unité de négociations et qui ne se sentaient pas du tout protégés par le décret du camionnage. Heureusement, il y a eu une correction apportée à cela au dernier décret. Dans l'exemple, M. Burns, on parle bien d'entretien.

Prenez le camionnage, dans l'industrie de la construction. J'ai toujours eu des problèmes avec le camionnage dans l'industrie de la construction parce qu'il y a, justement, deux décrets qui s'appliquent au camionnage. Celui de la construction, quand les employés sont dans les chantiers de construction; c'est rare qu'ils restent dans les chantiers de construction, sauf quand ils conduisent les camions tout terrain. Et quand ils sortent des chantiers de construction, sur la voie publique, ils sont sous le décret du camionnage. Puis, pendant qu'ils sont dans les chantiers de construction, ils sont sous le décret de la construction. Cela dépend de ce qu'ils transportent. Allez donc contrôler le nombre d'heures de travail qu'un employé fait là-dedans. D'un côté on vous dit que vous n'avez pas juridiction, cela relève de la construction; et, quand on arrive pour les poursuivre en vertu de la juridiction de la construction, on dit que cela relève du camionnage.

Le nombre d'heures. En fin de compte le gars fait 60, 75 heures par semaine. Cela n'a pas tellement d'importance, parce qu'il en a toujours fait seulement 40, sous le décret de la construction, et seulement 40, sous le décret du camionnage.

Disons que c'est un problème d'application ou de champ d'application. J'ai l'impression que, là-dessus en particulier, je dois m'arrêter — même pour le camionnage — pour éviter que, par le truchement d'un décret, on rende possible l'application de ce décret-là à cause des conflits de juridiction qu'on retrouve régulièrement devant les cours ou devant les tribunaux.

M. BURNS: C'est un peu pour cela, M. le ministre, que je recommandais tantôt qu'on laisse les parties, qui ont déjà des relations contractuelles, s'arranger d'elles-mêmes, dans ce sens-là.

Je soulève un autre point qui est relié aussi au champ d'application: le problème des contremaîtres. Certains employeurs sont venus devant nous, à la commission, et nous ont dit, de façon un peu sophistiquée, que si le décret devait couvrir les contremaîtres, cela voulait dire qu'on couvrirait tout le monde, jusqu'au président de la compagnie, y compris les cadres supérieurs.

M. CADIEUX: Et cela va...

M. BURNS: Personnellement, je trouve que c'est un peu faire du sophisme que de parler comme cela. Je pense que ce que les parties syndicales veulent couvrir, dans ce décret-là, ce sont les contremaîtres et pour des raisons bien précises qui ont été élaborées de façon plus éloquente que je ne pourrais le faire. Mais, en deux mots, la raison, c'est la mobilité de ces gens-là. C'est-à-dire le contremaître qui est une journée contremaître — peut-être que j'exagère en disant une journée — peut-être un mois ou deux mois contremaître et qui, à cause de mouvement de main-d'oeuvre, est obligé de retourner dans le groupe syndical plus large. C'est déjà en vigueur dans plusieurs endroits de sorte que consacrer ce fait-là ne créerait pas de précédent énorme. On va me dire que, dans les accréditations accordées, en vertu du code du travail, cela n'existe pas, sauf que c'est un milieu assez spécial — le ministre en conviendra — que le domaine de la construction.

Et il y a un autre domaine — je le cite à titre d'exemple — où cela se fait effectivement. C'est un autre domaine un peu spécial, le groupe des débardeurs. Vous avez ce qu'ils appellent les "walking boss" ou les contremaîtres du premier échelon et disons, plus élevés que l'échelon "pusher", comme disait M. Laberge, hier, qui sont couverts.

Toujours pour cette même raison — ce va-et-vient de l'unité syndicale à ce poste de contremaître — sur ce point-là, nous recommandons qu'il soit inclus dans le champ d'application du décret.

Quant aux droits acquis, je pense que le ministre a compris ma position tantôt.

M. COURNOYER: II y aurait lieu de la répéter.

M. BURNS: L'argument de base à l'appui de cela, c'est que, lorsque de nouvelles relations contractuelles collectives s'établissent entre des parties et qu'il y a déjà une situation existante de conditions de travail, de bénéfices marginaux, de tout ce que vous pouvez imaginer dans ce domaine-là, je trouve qu'il est imprudent de ne pas couvrir des droits qui peut-être peuvent échapper justement à cet inventaire que les centrales peuvent vous donner.

Je me souviens que, déjà dans le passé, on a vu des endroits où, par inadvertance, on ou-

bliait, au début d'une convention collective — c'est-à-dire au début des relations contractuelles — de mettre, par exemple, la période de repos. Il y a certains employeurs qui en profitent, à ce moment-là, pour annuler cette chose-là. Et ce n'est sûrement pas favorable à l'établissement d'une paix industrielle. Et je pense que c'est cela que tout le monde veut là-dedans, surtout dans la construction.

Pour cela, je pense que les droits acquis, même ceux qu'on ne pourrait pas prévoir, devraient être prévus et protégés par une clause très large, du moins pour cette première convention collective ou ce premier décret. Et par la suite, l'expérience des parties pourrait, lors d'une prochaine négociation, voir s'il y a lieu de maintenir certains droits acquis puisqu'ils auront eu la chance de l'expérimenter, d'en expérimenter les avantages et les désavantages.

Ancienneté

M. BURNS: Quant à l'ancienneté elle-même, je pense que, malgré qu'on soit dans le domaine de la construction et surtout à cause du problème du manque de sécurité d'emploi, on doit avoir une clause d'ancienneté protégeant les salariés visés. Certains vont nous dire: Le règlement concernant la sécurité d'emploi et les régions, les sous-régions, etc., est déjà un élément. D'accord, c'est un élément.

Mais, à l'intérieur de ces régions et de ces sous-régions, il n'y a pas d'autres critères objectifs que l'ancienneté qui peuvent protéger la sécurité d'emploi. Je souligne un précédent qui existe déjà, M. le ministre, et que le ministre connaît sûrement puisqu'il a agi comme arbitre à ces endroits. A Manicouagan, il y a, dans les chantiers, un système d'ancienneté qui a été négocié, qui est en vigueur depuis 1963, sauf erreur Cet élément ou ce critère objectif vient faciliter des relations qui souvent sont, en soi, difficiles dans le domaine de la construction, c'est-à-dire: Qui partira le premier?

Tout cela, je pense, est aussi relié au phénomène de la sécurité syndicale ou de la sécurité de la représentation syndicale.

M. COITEUX: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député de Maisonneuve? Est-ce que la clause d'ancienneté, à l'Hydro-Québec, est reliée directement aux questions du cas de rappel, par exemple?

M. BURNS: Oui.

M. COITEUX: Alors, est-ce que le député...

M. BURNS: A moins que cela n'ait été changé. Remarquez que j'ai négocié cela...

M. COITEUX: Est-ce que le député est au courant qu'il y avait tout de même une clause en vertu de laquelle le droit de rappel ou la clause d'ancienneté devenait invalide à la fin de certaines périodes...

M. BURNS: C'est possible. Ce sont des modalités à ce moment-là.

M. COITEUX: Je comprends, mais parce qu'on a actuellement un lot de gens qui viennent nous voir et disent: Nous avions notre clause d'ancienneté et, après un certain nombre de mois, elle n'est plus valide.

M. BURNS: Là, M. Coiteux, il me serait difficile de vous dire ce qui se passe actuellement parce que...

M. COURNOYER: II y a toujours d'autres mises à pied...

M. BURNS: ... parce qu'il y a eu d'autres négociations.

M. COURNOYER: ... comme cela, à la suite d'une mise à pied qui a duré six mois...

M. BURNS: Cela arrive, dans les clauses d'ancienneté.

M. COURNOYER: ... on a négocié comme cela. Je pense que l'Hydro-Québec, c'était un an. Au bout d'un an, si l'employé n'a pas été rappelé, il perd son ancienneté. C'est la perte de l'ancienneté.

M. BURNS: En somme, ce sont des modalités de mise en application de la clause d'ancienneté ou de l'exercice du droit d'ancienneté, mais en fait, je voulais vous parler du principe...

M. COURNOYER: Est-ce que vous êtes conscient, M. le député de Maisonneuve, que le projet Manicouagan-Outardes était un projet à long terme impliquant un employeur, ou deux ou trois entrepreneurs, qui avaient des projets à long terme. Prenez, le percement du tunnel de dérivation...

M. BURNS: Je suis conscient de ce fait, M. le ministre, mais j'y vois une certaine analogie avec le problème de la construction en ce sens que vous aviez, dans le projet Manicouagan-Outardes, plusieurs projets en soit, si vous parlez de Manic-2 et de Manic-5, Outardes-4, etc. Ces projets finissaient selon des échéances différentes. Manic-2, par exemple, s'est terminé avant Manic-5, et vous avez peut-être eu des employés de la construction de Manic-2 qui ont pu être transférés à Manic-5 et aussi à Outardes. C'est pour cela que j'y vois une certaine analogie.

Je ne vous citerai pas des cas d'usines qui ne s'appliqueraient sûrement pas aux cas de la construction. C'est dans ce sens que je vous les citais comme un précédent en vous disant que

ce n'est sûrement pas impossible, puisqu'ils ont réussi à vivre avec un système comme celui-là, ce n'est sûrement pas impossible, puisqu'ils ont réussi à vivre avec un système comme celui-là. Evidemment, en mettant des modalités qui s'appliquent aux cas particuliers de l'industrie de la construction...

M. COURNOYER: Ou aux cas particuliers avec telle entreprise de construction, parce que, si vous prenez l'Hydro-Québec, c'est devenu une entreprise de construction à partir du moment où ont été commencés des travaux de barrage, et on employait de cinq à six mille personnes. Il est sûr que, lorsque vous avez cinq à six mille personnes qui travaillent pour vous et que le projet s'arrête quelque peu au mois de janvier ou février — je pense que la période d'arrêt était la fin décembre, pour les Fêtes, et on reprenait vers les mois de février ou mars — il y a une très courte période d'arrêt et les personnes sont réinvitées, parce qu'il y a un déplacement considérable dans la plupart des cas. Elles sont réinvitées, suivant une liste d'ancienneté, à continuer un projet qui dure très longtemps.

Mais, sur un projet de trois mois, vous savez qu'on est rendu dans l'ancienneté d'heures. Cela pose un problème. Le fait que nous sommes dans une négociation par secteurs nous fait parfois oublier les individus dans ce sens-là.

C'est-à-dire qu'une règle peut être fort plausible dans un cas de six mille employés ou de trois cent employés ou d'un projet à plus ou moins long terme, comme par exemple la construction de la Place Bonaventure qui dure un an ou deux ans. Là-dessus, je serais peut-être d'accord avec vous pour penser que l'installation de la tuyauterie totale de la Place Bonaventure comportera un emploi suffisamment long pour me permettre d'appliquer certaines clauses d'ancienneté, ou une clause d'ancienneté d'un type semblable à celle de l'Hydro-Québec.

Mais pour un projet de trois mois, ou de deux mois ou la construction d'une résidence — d'après les descriptions qu'on m'en a faites hier, je vous jure que cela ne prend pas de temps — on fait un solage en cinq heures, à deux heures...

M. BURNS: Sauf, M. le ministre, que vous êtes conscient, assurément, que les projets de construction grands ou petits, fonctionnent toujours dans un espèce de système d'entonnoir qui commence très large et, tout d'un coup, cela devient tout petit. Cela ne finit pas carrément, du moins très rarement.

M. COURNOYER: M. le député de Maisonneuve, le projet ne finit pas carrément. Mais les corps de métiers disparaissent abruptement.

M. BURNS: Oui. Mais ce corps de métiers-là, à l'intérieur, se réduit lentement. C'est ce qui arrive.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Je pense qu'il n'y a rien de plus frustrant pour un travailleur, surtout un travailleur âgé, que de voir un salarié qui vient d'être embauché juste la veille, continuer de travailler, alors qu'à lui, selon l'expression, on lui donne son "bleu". Alors, il n'y a rien de plus frustrant que cela.

M. COURNOYER: Je ne doute pas de la frustration qu'il peut y avoir dans la construction.

M. BURNS: Si on pense à corriger des malaises — je n'essaierai pas de vous convaincre qu'il n'y a pas de malaise.

M. COURNOYER: Oui, mais admettons, M. le député de Maisonneuve, qu'une grande partie du malaise du travailleur de la construction, c'est la sécurité d'emploi. Or, il y a une tentative de faite actuellement pour assurer au travailleur de la construction une certaine forme de sécurité d'emploi particulière à l'industrie de la construction. Ce règlement de la sécurité d'emploi — j'ai dû "retarder son retardement". Est-ce cela qu'on dit, M. le ministre des Affaires culturelles, l'ancien?

M. LE PRESIDENT: Sa mise en veilleuse.

M. COURNOYER: En fait, non, pas sa mise en veilleuse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'on diffère sa mise en application.

M. COURNOYER: Qu'on diffère sa mise en application jusqu'au 1er janvier. Le 1er janvier, ce règlement sera en vigueur. Il faut quand même voir l'expérience de ce règlement, l'inclusion des centres de main-d'oeuvre du Québec pour assurer un emploi à ceux qui, suivant une certaine définition, sont des employés permanents, sont des employés réguliers ou sont des réservistes. A la minute que nous réglementons l'indroduction de nouvelles personnes dans l'industrie par le truchement des réservistes, il est clair que ce que nous faisons là, c'est de protéger ceux qui gagnent leur vie dans l'industrie de la construction, leur donner une certaine sécurité d'emploi lorsqu'une période de chômage sera terminée, c'est vous, les permanents, les réguliers qui êtes employés les premiers. Je pense que le règlement, si on le lit, il y a peut-être des choses qui manquent et j'attends les observations des parties. Je vous avais avisés l'autre jour que je les consulterais d'urgence, mais j'attends les observations écrites des parties pour la semaine prochaine. Or, ce règlement

peut encore être amendé et amélioré. Et je ne néglige pas du tout les amendements qu'on peut apporter au règlement pour le rendre plus conforme à son but premier: assurer une sécurité d'emploi au vrai travailleur de la construction. A partir du moment où les parties ont une sécurité d'emploi pour les travailleurs, sont convenus d'une sécurité d'emploi pour les travailleurs, que les centres de main-d'oeuvre du Québec contrôlent, j'espère, d'une façon objective, l'emploi des travailleurs dans l'industrie de la construction en donnant une importance accrue à celui qui travaille un certain nombre d'heures dans l'industrie de la construction, qui a travaillé, qui est un gars de la construction, j'ai l'impression que, du moins, on doit tenter de vivre avec ce règlement un court laps de temps. Ce règlement est nouveau dans l'industrie de la construction. C'est très nouveau. On a menacé de ne pas le mettre en application. Vous savez que j'aurais des difficultés, à partir du moment où je le mets en application. C'est un secret de Polichinelle. J'espère que les parties vont bien l'accueillir. Sinon, je serai obligé à ce moment-là d'invoquer le bill 38.

M. BURNS: En tout cas, le point que je voulais souligner, c'est que, malgré l'existence de ce règlement-là, je ne crois pas que ça rende désuète l'application de l'ancienneté, non nécessaire d'ailleurs. Cela ne la rend pas nécessaire.

M. COURNOYER: Là-dessus, vous êtes au courant que les opinions diffèrent sensiblement partout.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: L'opinion du Parti québécois, je la reçois avec toute la bonne volonté...

M. BURNS: Un dernier point, quant à la parité, M. le ministre, le Parti québécois est d'accord sur l'objectif de la parité. Nous considérons que c'est un objectif social désirable, et nous ne voyons pas pourquoi les gens seraient pénalisés, pécuniairement parlant dans leur salaire à cause de leur lieu de résidence ou de leur lieu de travail !

D'ailleurs les parties ont fait valoir devant nous, à plusieurs reprises, malgré les hauts cris de certains, que la parité existait effectivement dans, selon ce qu'on a cité, je pense 65 p. c. des cas, m'a-t-on dit, en tout cas. C'est ce que j'ai cru comprendre des diverses affirmations venant tant de la FTQ que de certaines parties patronales. Il faudrait revérifier...

M. COURNOYER: Ce sont 65 p. c. des chantiers de type industriel.

M. BURNS: C'est peut-être ça et j'ai mal compris. De toute façon, il ne faut pas se leurrer, dans les cas où ça existe, ce sont des cas où les syndicats ont une force économique suffisante pour pouvoir dire à un employeur : Si tu veux avoir tel genre de plombiers à tel endroit, il n'y en a qu'à Montréal, actuellement. Et je pense qu'on a cité le cas des raffineries. Si, lorsque le syndicat est capable d'utiliser sa force économique, on la donne cette parité, je ne vois pas pourquoi on ne la donnerait pas par l'entremise du gouvernement lorsque vous avez une chose comme le bill 38 qui empêche les salariés d'exercer cette même force économique à travers toute la province de Québec.

M. LE PRESIDENT (Cadieux): Je pense qu'on m'a nommé président parce qu'on ne voulait pas que je donne mon point de vue.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que le président veut quitter son siège?

M. LE PRESIDENT (Cadieux): C'est une question pour m'éclairer également. Tout à l'heure, le ministre a dit: Et s'il fallait que ceci augmente sensiblement le chômage dans certaines régions, iriez-vous jusque là encore, au risque d'augmenter le chômage?

M. BURNS: J'y viens, si vous me le permettez. Je parlais tout simplement du principe; j'ai compris deux phrases du ministre, tout à l'heure, au cours des questions que le député de Chicoutimi et moi-même lui avons posées, qu'il était d'accord en principe — et il l'a répété après coup —...

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: ... sur la parité. Mais il a posé une réserve. Et je pense que vous avez dit: La parité immédiate me fait me poser des questions. Justement sur l'incidence que cela peut avoir sur le chômage. Or, c'est un secret de Polichinelle que même les syndicats là-dedans ne s'attendent pas à avoir la parité immédiate, ni même rétroactive d'après ce qu'on a vu hier. J'ai même entendu certains représentants syndicaux parler de termes de trois ans et même de quatre ans pour la mise en application de l'ancienneté. Je suggérerais, à ce niveau-là, au ministre, d'étudier fortement la possibilité de mettre en application cette parité sur une base de trois ou quatre ans. Personnellement, je ne vois pas pourquoi ça dépasserait trois ans, parce que si le décret doit être en vigueur trois ans... Mais, dans tous les cas, à la rigueur quatre ans, en mettant en vigueur cette parité de façon progressive et en mettant les plus grosses tranches dans les années à venir et non pas dans la première année. Ce qui est difficile — du moins j'ai compris ça des entrepreneurs, ou des associations patronales qui nous ont fait valoir des arguments contre la parité — c'est de prévoir, au cours de l'année qui vient, combien

on devra charger pour tel et tel travail, ce qu'on fera, etc. Si on donne une sécurité aux employés, ils s'y attendent quand même — il ne faut pas se leurrer non plus à cet endroit-là — ils s'attendent à un certain réajustement, à un certain rattrapage.

M. COURNOYER: Ils l'ont déjà offert.

M. BURNS: Ils l'ont déjà offert partiellement. Je pense que l'argument d'hier de la part de M. Desjardins est assez important; si à tous les contrats, ou à toutes les renégociations futures, les travailleurs de Montréal sont obligés de marquer le pas, jusqu'à un certain point, en prévision d'un rattrapage sur tout le monde, à l'extérieur de Montréal, je pense que c'est injuste pour les gens de Montréal aussi. C'est aussi injuste pour les gens qui, à quelques milles de Montréal, dans la région des Laurentides, travaillent et font un boulot de la même qualité souvent et du même calibre que ceux de Montréal à $1 de moins l'heure, alors que vous pouvez vous rendre par l'autoroute en vingt minutes d'une place à l'autre.

M. COURNOYER: D'ailleurs nous venons de dire que les taux de Sainte-Scholastique seraient ceux de Montréal.

M. BURNS: Déjà vous marquez des points dans le bon sens.

M. COURNOYER: Oui mais...

M. BURNS: ... et quant au principe, le tout est d'examiner le principe à la lumière des modalités de négociations, c'est-à-dire la durée et la possibilité de mettre cette parité en vigueur sans que ça fasse mal à trop de gens.

Ici, je ne tenterai pas de prétendre que cela n'écartera pas du marché certains petits entrepreneurs, c'est possible. Mais de là à savoir si c'est la parité qui va le faire ou bien l'exode normal, ou l'apparition et la disparition successives normales de certains petits entrepreneurs — on parlait de 8,000 hier, par année...

M. COURNOYER: M. le député de Maisonneuve, ce ne sont pas les entrepreneurs qui m'effraient, parce qu'effectivement, quand on regarde la situation, on a dit hier qu'il y en avait 8,000 à Montréal qui entrent et qui disparaissent; ce n'est donc pas ça. C'est le produit qu'ils vendent. Parce qu'un entrepreneur que je connais — cela fait assez longtemps que je suis dans l'industrie de la construction pour avoir saisi cette dimension — un entrepreneur comme tel, entre vous et moi, n'a pas de problème. D'abord il sait ce que ça coûte.

M. BURNS: C'est pour ça que je dis que...

M. COURNOYER: L'augmentation de salaire, c'est le client qui la paie.

M. BURNS: C'est exactement pourquoi je vous dis que la grosse tranche de la mise en vigueur de la parité doit être dans les deux dernières années.

M. COURNOYER: Oui. Mais, à ce moment-là, est-ce que vous êtes conscients — je vous pose la question en toute sincérité — est-ce que nous sommes conscients que, dans certains endroits, les grosses entreprises qui ont décidé de construire à un endroit donné, y sont invitées pour des raisons économiques, et qu'elles vont construire au bord de la mine? Quel que soit l'endroit où ils vont, ce sont les matériaux qu'ils viennent chercher. Si cela demande à construire une ville là, ils vont la construire. C'est décidé pour des considérations totalement différentes.

Mais en ce qui concerne un individu qui veut s'acheter une maison et le taux de construction — indépendemment de tout ce qui a pu être dit hier — je pense que les raisonnements étaient parfaits, je n'ai pas de problème, dans ce sens qu'effectivement je peux constater par mon expérience qui est assez courte, mais qui existe quand même, que le coût de la main-d'oeuvre n'a pas eu une incidence tellement marquée sur l'augmentation des coûts des résidences privées. Parce qu'il a été compensé, presque immédiatement, ou à plus ou moins brève échéance par des changements de méthode de construction ou par l'utilisation de matériaux qui coûtaient moins cher, qui étaient préfabriqués.

On peut regarder, par exemple, que dans plusieurs chantiers, il est bien évident que ça prend cinq heures pour monter les coffrages d'un solage. Ils sont tous préfabriqués. Les poutrelles des maisons arrivent toutes sur un camion assemblées en boutique. On n'a qu'à les installer comme telles avec une grue mécanique qui les prend et le menuisier les installe. Il travaille bien moins longtemps sur le chantier, il scie bien moins longtemps aussi et il cloue bien moins longtemps au chantier. Cela, c'est dans des régions où il y a des chantiers où la préfabrication ou les méthodes de construction peuvent être utilisées d'une façon nouvelle. Mais si je m'écarte de ces chantiers, si je m'en vais dans des endroits où il n'y a pas de tels chantiers, où je ne peux pas utiliser des coffrages à plusieurs reprises, j'utilise des coffrages, je les fabrique sur le terrain et le menuisier qui est là ne fait pas ça en cinq heures, même s'ils sont deux ou quatre. Ils font ça normalement, comme ça se faisait avant.

Pour les matériaux de construction, bien sûr, il y a encore — comme on dit de la marqueterie ou de la parqueterie à la verge — c'est bien vrai. Ce sont des matériaux de construction. Mais la méthode de construction n'a pas changé dans ces petits endroits.

Je n'ai pas de problème pour les grandes routes. La sorte d'équipement qu'on y met compense largement très souvent l'augmentation des coûts de la main-d'oeuvre. Si je prends un bulldozer B-9, là où je prenais un bulldozer B-6 avant, il est bien sûr, qu'avec mon B-9 je fais plus de travail; et parce que j'ai une plus grosse route à construire, je vais prendre un B-9 plutôt qu'un B-6. Un B-9 me coûte plus cher à l'achat, mais sur l'immobilisation et sur l'utilisation que j'en fais, la main-d'oeuvre me coûte moins cher. Même si, à sa face, au taux horaire, la main-d'oeuvre me coûte plus cher, en ce qui concerne le nombre d'heures-hommes qui entrent dans le contenu de l'ouvrage en question, il est sûr que je réduis ce nombre d'heures-hommes, probablement d'une façon proportionnelle et parfois plus que proportionnelle à ce que l'augmentation de salaire me donne, ce sont des pièces d'équipement qui peuvent servir dans de gros chantiers. Je ne transporterai pas une pièce d'équipement B-9 pour aller construire un petit solage en Gaspésie.

Je vais probablement prendre ce que j'ai dans la région. Même si j'augmentais le taux de salaire du monsieur, il va continuer à obtenir le même salaire. Je ne peux pas m'empêcher de constater comme vous que 65 p. c. de la main-d'oeuvre a la parité de salaire. Elle est à Montréal, c'est celle-là qu'on veut rejoindre. Il y a 65 p. c. de la main-d'oeuvre de la construction qui est à Montréal; il y a pas de problème pour 65 p. c.

M. BURNS: Quant au reste qui va ailleurs qu'à Montréal...

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Quant au reste qui...

M. COURNOYER: Lorsque cette main-d'oeuvre montréalaise va à l'extérieur, c'est ordinairement pour y travailler dans des conditions techniques précises. Quand on construit, à Chandler ou à New Richmond, un moulin à papier, ou qu'on en construit un à Quebec North Shore ou à Baie-Comeau, c'est sûr que les gars qui partent de Montréal pour aller installer quelque chose qui est intimement lié à leur métier régulier ne sont peut-être pas plus compétents que les gens de Baie-Comeau mais ils ont de l'expérience. Quand je les envoie de Montréal à Baie-Comeau, je ne pourrais pas les envoyer à Baie-Comeau et je ne pourrais pas me permettre de payer à des gens de Baie-Comeau, dans un chantier comme celui-là, un salaire inférieur à des gens de Montréal qui y travaillent.

Là-dessus, on en convient, il y a des projets de construction de type industriel qui n'ont causé de problèmes à personne. Jusqu'ici, il y a rien, et je continuerais à donner la parité salariale pour ce genre de projet. Mais c'est sur les autres projets, sur les autres petites constructions que cela peut avoir un effet direct. C'est là que j'ai le droit de m'interroger.

M. BURNS: Vous avez le droit de vous interroger, M. le ministre. Si je comprends bien, votre problème se situe surtout au niveau de la construction domiciliaire.

M. COURNOYER: Sur la construction domiciliaire...

M. BURNS: La construction domiciliaire. M. COURNOYER: La petite construction.

M. BURNS: Là justement, je pense qu'hier vous avez eu une suggestion de la part de M. Laberge et qui mérite d'être retenue. C'est le rôle du gouvernement de pallier et cela entrerait parfaitement dans le cadre de ce que le premier ministre nous a dit hier, son grand projet...

M. COURNOYER: Son grand projet.

M. BURNS: ... et son grand programme pour faire face au chômage. Vous pourriez utiliser cette occasion-là pour que le gouvernement investisse. La suggestion de M. Laberge mérite à mon avis, d'être examinée très sérieusement, lorsqu'il parle non pas de construction de maisons à loyer modique mais de construction de logements subventionnés. Je pense que cela mérite que vous vous y arrêtiez.

Et cela serait justement un des moyens que vous auriez d'installer la parité salariale en évitant le danger que cela comporte, dans certaines régions, d'augmenter le taux de chômage.

Quant à l'autre suggestion que M. Laberge vous a faites hier, je vous demande de la retenir aussi. C'était de penser à une législation, à très bref délai, pour empêcher la spéculation sur les terrains. Et je pense que cela pourrait être un autre moyen.

M. COURNOYER: Malheureusement, j'ai à passer un décret d'ici...

M. BURNS: Vous avez un décret à passer d'ici la fin de l'année. Je suis entièrement d'accord avec vous mais, si vous attendez encore un autre trois ans, M. le ministre, on va être pris avec le même problème dans trois ans.

Si vous dites pour ce décret-ci, on est bien d'accord en principe sur la parité mais il y a des problèmes non réglés et je pense que c'est un échéancier que vous devez vous fixer.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: L'autre point...

M. LAURIN: En somme le principe sous-

jacent à tout cela, c'est que les servitudes inhérentes aux petites constructions ou aux constructions qui sont moins capables de se moderniser rapidement, ne devraient pas être mises uniquement sur le dos des travailleurs. Il faudrait quand même que les sacrifices que cela comporte soient répartis équitablement entre les entrepreneurs et les travailleurs.

M. COURNOYER: Oui, disons que là-dessus on pourrait y aller...

M. BURNS: C'est justement.

M. COURNOYER: ... il y a un nombre de faillites des entreprises de construction effarant régulièrement chaque année. Qu'est-ce qui est la cause de la faillite, c'est probablement l'incompétence des entrepreneurs. Il est entendu qu'il y a eu un bill qui a été déposé, il y a déjà un certain temps, par le gouvernement antérieur, qui s'appelle le bill 51 concernant la qualification des entrepreneurs. Il n'est pas disparu, il reviendra très certainement à la session de janvier ou février. Parce qu'il fait partie du tour d'horizon dans l'industrie de la construction. Nous qualifions maintenant les salariés sur une base universelle au Québec, faite par le truchement du règlement qui fait suite à la sentence du juge Gold et des amendements que j'y ai apportés ou que le gouvernement y a apportés la semaine dernière. Nous qualifions la main-d'oeuvre et il va de soi que nous qualifions les employeurs aussi.

Nous y arrivons. Cela, c'est du côté des employeurs. A partir du moment où on dit qu'il faudrait peut-être qu'il y ait un partage entre les deux, il ne faut pas oublier que, sans vouloir disputer ou discuter à quiconque le droit de négocier les meilleurs taux de salaires possibles, les taux de salaires de la construction sont très élevés. Il ne faut pas oublier non plus qu'ils ont toujours été aussi élevés qu'ils le sont comparativement à ceux des gens qui gagnent leur vie dans l'industrie, et vous en êtes parfaitement au courant, mon cher M. le député de Maisonneuve. Les salaires sont plus élevés que les autres parce qu'ils n'offrent pas de sécurité d'emploi. Or, si, par une législation, j'accorde une sécurité d'emploi aux gens, je vise à leur assurer quand même un salaire décent. Si le salaire décent est fixé au taux de salaire montréalais, — c'est bien beau de parler de parité et de parité — ce qui est plus important que de parler, c'est le salaire décent. Le salaire décent, si, à un moment donné, on le fixe au taux de Montréal, eh bien, c'est cela, le salaire décent.

Il ne faut pas penser, par exemple, que parce que Montréal part en peur, au galop, comme on disait hier, c'est un privilège que d'aller au galop. Il va falloir à un moment donné que ces gens s'arrêtent pour penser qu'il y a d'autres industries à côté de l'industrie de la construction...

M. LAURIN: Ils ont dit qu'ils avaient ralenti leur galop pour trois ans...

M. COURNOYER: Ils avaient ralenti, mais pour que le reste de la province dans l'industrie de la construction les rejoigne. A un moment donné, il va peut-être falloir leur demander que le reste de l'industrie au Québec les rejoigne aussi, s'ils ont la même sécurité d'emploi qu'un autre qui travaille dans l'industrie ordinaire. Je n'ai pas d'objection à ce qu'ils aient d'excellents salaires, mais, à un moment donné, il y a des proportions à garder entre les différentes industries.

M. BURNS: M. le ministre, vu que vous me prenez à témoin pour une affirmation que vous faites, étant donné que vous justifiez uniquement les taux de salaire plus élevés dans la construction que dans l'industrie par le fait de l'absence de la sécurité de l'emploi, je vous en ajoute une autre qui est très évidente, c'est l'absence aussi d'un très grand nombre de bénéfices marginaux qui existent dans l'industrie et qui n'existent pas dans l'industrie de la construction.

M. COURNOYER: Lesquels?

M. BURNS: Les congés de maladie...

M. COURNOYER: II y en a à Montréal, chéri... Excusez!

UNE VOIX: C'est un langage peu parlementaire...

M. COURNOYER: C'est un langage peu parlementaire quand je dis "chéri", faites attention!

UNE VOIX: Je lui demande de retirer son "chéri".

M. COURNOYER: Je retire mon "chéri".

M. BURNS: Si c'est singulier, je n'ai pas d'objection.

M. COURNOYER: Une des questions qui a été posée, hier, par M. Desjardins, c'est: Qu'est-ce que vous allez faire du plan de sécurité sociale qui existe à Montréal? A même ce plan de sécurité sociale qui existe à Montréal, on a des congés de maladie, et on a des indemnités hebdomadaires de traitement comme on en a ailleurs.

M. BURNS: Sauf qu'elles ne sont pas données de la même façon que dans l'industrie. Ce ne sont pas des choses données à titre gratuit, dans le sens que les travailleurs y collaborent. Il y a évidemment une partie qui est donnée aussi par les employeurs, je suis d'accord.

M. COURNOYER: Cela pourrait être gratuit, je n'ai qu'à dire: Vous ne payez plus demain matin et je coupe $0.05 sur l'augmentation de salaire, puis vous l'avez.

M. BURNS: C'est cela! Vous venez là d'installer des vrais bénéfices marginaux. C'est cela qui fait la différence.

M. LE PRESIDENT: Vous n'avez pas d'autres questions?

M. BURNS: J'aimerais tout simplement terminer sur un point, vu que mon collègue de Chicoutimi a des choses à dire là-dessus. Le dernier point que je voulais mentionner, c'est qu'on a fait état à plusieurs reprises de l'absence de qualification ou de l'inégalité dans la compétence. J'espère que le ministre ne retiendra pas cet argument-là. Je pense qu'il ne faut pas, dans ce cas-ci, que le retard de la mise en application du bill 49 puisse être préjudiciable aux travailleurs.

M. COURNOYER: Le bill 49 est justement, à cause de la forme de règlement que le gouvernement a adopté la semaine dernière, à être mis en vigueur. Je ne sais pas si vous vous souvenez, la semaine dernière, du programme...

M. BURNS: Du programme...

M. COURNOYER: Mais il va être mis en vigueur le premier janvier.

M. BURNS: Tant mieux, mais sauf qu'il n'est pas en vigueur, de sorte que depuis tout le temps que ce bill 49 a été adopté, on n'a rien fait pour concrétiser cette situation, c'est-à-dire pour uniformiser la compétence.

M. COURNOYER: D'accord! On a fait des tentatives, mais elles n'ont pas marché.

M. BURNS: Je suis d'accord moi aussi, mais je dis qu'il ne faut pas que ce soient les travailleurs qui fassent les frais de cela.

M. COURNOYER: Non, mais ils ne le feront pas non plus.

M. BURNS: C'est pour cela que je dis que l'argument ne devrait pas être retenu. De toute façon, c'était le dernier point que je voulais mentionner sur la parité.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, M. le ministre, les observations que j'ai à faire seront relativement brèves, je l'espère, parce que vous vous rendez bien compte que — et je tiens d'autant plus à le rappeler — que je ne suis pas l'arbitre du débat. C'est le gouvernement qui est habilité, à exercer le pouvoir, par la loi, de statuer sur les termes du décret à être édicté.

Nous avons, au cours des auditions, afin de connaître le point de vue de la formation politique dont nous sommes membres, entendu les diverses parties... un ensemble de représentations d'ordre technique sur lesquelles je ne veux pas insister et que mon collègue de Maisonneuve a évoqué tout à l'heure, à savoir les droits acquis, les questions d'ancienneté, de rattrapage, etc. Il a évoqué des aspects d'un ordre plus technique encore. Je crois que, dans l'ensemble, les députés qui se sont exprimés à tour de rôle étaient d'accord que le gouvernement tienne compte des exigences des travailleurs à cet égard.

Le sujet qui a davantage attiré l'attention de la commission, au cours des auditions assez longues auxquelles nous avons assisté, était le problème de la parité salariale. Evidemment, le ministre nous a déclaré qu'il était en principe en faveur de la parité salariale. Nous le sommes également mais, comme lui, et comme tous les gens qui ont une certaine inquiétude d'ordre socio-économique, nous nous interrogeons évidemment sur les effets éventuels que cette parité salariale pourrait avoir sur l'ensemble de l'économie. Le ministre parlait tout à l'heure de chômage, il faut penser aussi au coût des habitations, par exemple, et à une série de conséquences qui pourraient découler de la parité salariale.

Je représente une région où ce problème, si l'on appliquait la parité salariale dans l'immédiat, deviendrait certainement assez aigu et mettrait peut-être en péril des entreprises qui sont essentielles au maintien de l'économie régionale.

La parité salariale, c'est un objectif à atteindre dans le plus bref délai, à condition, naturellement, que ne soit pas chambardée pour autant l'économie générale du Québec. Le ministre en est bien conscient ayant travaillé avec un gouvernement qui a, au cours des quatre dernières années, adopté des lois extrêmement progressives dans le domaine du travail, travail que le ministre continuera d'ailleurs, inspiré qu'il a été des bons principes qui le guidaient.

Loi des relations de travail

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'en suis au fait, puisque ce sont des données factuelles. Je voudrais toutefois attirer l'attention du ministre sur ce problème particulier de la loi 290. Le ministre a à régler le problème pratique du décret, d'accord. Le délai qui lui est imparti est maintenant assez bref, puisqu'il nous a dit qu'il devait le faire avant Noël. Il nous a assuré qu'il consulterait à nouveau les partis. C'est à ce moment-là que pourront être réglés les questions qu'a invo-

quées le député de Maisonneuve, tous les détails techniques sur lesquels nous nous entendons en principe, même si je n'entre pas dans l'examen approfondi de chacun de ces aspects, n'ayant pas compétence d'ailleurs pour le faire.

Mais, en terminant, j'insiste, monsieur le Président, sur ceci: que le gouvernement doit, au plus tôt, revoir la loi 290. Le ministre — je ne lui mettrai pas dans la bouche des paroles qu'il a déjà prononcées devant moi — sait très bien que le mariage qui a été conclu par le truchement de la loi 290 est un mariage non pas seulement morganatique, mais un mariage forcé. Je compte donc sur lui pour qu'il rebénisse cette union et fasse disparaître les causes qui ont provoqué le conflit qui, lui, a provoqué à son tour la loi 38. Le ministre est pris avec cette loi. Et les membres de la commission parlementaire n'ont pas beaucoup de moyens; ils n'ont que des suggestions, que des voeux à exprimer.

Ces voeux sont très généraux. Je m'exprimerai de la façon suivante: Nous voudrions que ce décret concilie aussi, en même temps que les intérêts des travailleurs, les intérêts de l'économie du Québec, et que ce décret ne provoque pas, dans l'avenir — soit dans trois ans — un autre conflit de même nature.

Je voudrais également que le ministre, lorsqu'il réexaminera la question avec les parties en cause, s'interroge sur le problème de la déconcentration dans le domaine des métiers de la construction. Les parties, qui se sont exprimées devant nous, nous ont un peu effrayé parce que, parlant de la parité salariale, de la compétence, de la classification des travailleurs, nous pouvions conclure de leurs propos que l'on s'intéressait davantage à la région de Montréal qu'aux autres régions du Québec.

Or, vous savez que les métiers de la construction existent ailleurs et qu'ils font partie de l'économie des diverses régions, particulièrement de la nôtre — mon collèque, le député de Jonquière le sait. Nous comptons donc — et nous devons nous contenter de ce voeu, — que le ministre saura réconcilier les points de vue très différents — ceux qui ont été exprimés au cours des auditions — en mettant de l'avant l'intérêt des travailleurs, sans pour autant compromettre l'économie en imposant aux employeurs des conditions de travail qui mettent en péril leurs entreprises.

Alors, M. le ministre, au nom des membres de l'Union Nationale, je voudrais vous remercier et vous dire que nous vous faisons confiance parce que nous ne croyons pas que vous ayez encore été — je ne dirais pas corrompu, M. le Président, cela ne serait pas parlementaire — mais que vous n'ayez pas encore subi de mauvaises influences du fait, non pas de votre changement d'allégeance, mais des services que vous avez bien voulu rendre à l'autre gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait d'autres experts qui voudraient se prononcer sur le mariage du bill 290. Peut-être que le député de Chicoutimi...

UNE VOIX: Frontenac.

M. LE PRESIDENT: Frontenac.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LATULIPPE: J'aimerais, au nom de notre groupe, intervenir un peu et souligner que nous sommes aussi d'accord avec le principe de la parité. J'aimerais rappeler que nous sommes également d'accord avec les divers points discutés ici, en particulier par le député de Maisonneuve et le député de Chicoutimi, surtout en ce qui regarde les contremaîtres, les champs d'application, l'ancienneté, les droits acquis.

Mais en ce qui a trait à la parité salariale, bien qu'étant d'accord avec le principe, il en ressort qu'à un moment donné il faudra remonter aux causes. Si nous sommes rendus aujourd'hui à parler de parité, c'est justement parce qu'il y a des disparités sur le plan économique et surtout sur le plan régional.

Tout à l'heure, on a parlé de subventionner ces diverses disparités. C'est peut-être un moyen, un palliatif temporaire, mais il faudra réellement faire des efforts très considérables en vue de faire travailler tous les divers ministères du gouvernement pour qu'ils apportent une contribution constructive dans ce domaine. Parce que je conçois mal que le gouvernement puisse, par une législation, régler définitivement la parité des salaires.

Il faut donc, à mon sens, que le gouvernement, dans l'ensemble de ses efforts, et avec l'appui des grosses entreprises et spécialement l'appui des grands centres, se donne une formule qui respecte la capacité de payer du consommateur. Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres opinions à exprimer? Si le ministre veut tirer des conclusions, on pourra ajourner cette commission sine die.

Entrée en vigueur du décret

M. BURNS: J'aurais une question, M. le Président. C'est un renseignement que j'aimerais avoir. Quand le ministre — et en disant quand, je veux dire, quelle date — prévoit-il l'entrée en vigueur du décret?

M. COURNOYER: A moins de difficultés de dernière heure, ce serait normalement le 18 décembre, ou le 19 décembre. Dans la Gazette officielle, il entre en vigueur à compter du jour où il est publié.

M. BURNS: Avant Noël.

M. COURNOYER: Normalement, si je peux commencer à travailler...

M. BURNS: La campagne électorale n'est pas commencée; de toute façon même si elle était commencée, la dernière fois vous m'avez occupé pendant... excusez.

UNE VOIX: On ajourne pour huit heures?

M. COURNOYER: Non. Pas ajourné sine die. Il faut maintenant pour se conformer à la loi...

M. HARVEY (Jonquière): Vous nous enverrez Lévesque pour que...

M. COURNOYER: ... que le président fasse rapport à l'Assemblée que les auditions sont terminées et ainsi les délais commencent à courir.

M. HARVEY (Jonquière): II s'agit de ne pas...

M. COURNOYER: Je tiens à vous remercier et à remercier toutes les parties au nom de mon prédécesseur qui, malheureusement, est décédé et à remercier tout le monde pour l'intérêt que l'on a apporté à ce problème. Je tiens à remercier, en particulier, les parties pour la collaboration qu'elles nous ont donnée. Je pense qu'il y a lieu de le souligner, à l'instar, ou au contraire d'autres qui se sont présentées devant nous. Elles ont effectivement débattu leurs positions avec toute la bonne volonté et la bonne foi qu'on est en droit de s'attendre d'elles et nous devrons, nous, de notre côté... Nous avons, je pense, comme commission parlementaire, je peux le dire, regardé ça avec toute la lucidité et le calme que le débat nous oblige d'avoir devant un si gros conflit. Ce n'est pas le premier conflit que nous avons au Québec, il y en aura d'autres. Tout ce que je peux espérer, c'est que nous n'ayons pas, à une autre reprise, à intervenir encore comme gouvernement, ou comme Parlement, dans des règlements de conflits privés.

Il est clair que je comprends, je conçois que les premiers pas de cette législation ont été douloureux.

Il est clair également que nous devons tous et chacun d'entre nous, examiner cette loi, non pas pour la détruire, bénéfique qu'elle a voulu être à tout le monde, mais pour y apporter les améliorations qui vont nous permettre à tous d'éviter d'avoir à reprendre une décision aux lieu et place des parties, les premières intéressées dans le problème. Je tiens à dire que l'adoption de ce décret par le gouvernement n'est pas facile. Très probable- ment, toutes les parties auront à redire des positions que le gouvernement prendra sur le décret. Je veux vous assurer que pour autant que mon ministère est concerné et que pour autant que le gouvernement est concerné, c'est en toute justice et en considération des obligations du représentant du gouvernement vis-à-vis de tout le peuple, que nous devons maintenant prendre une décision sur les différents points qui séparaient les parties auparavant.

Nous ne somme pas partie, mais nous savons cependant que, dans l'industrie de la construction en particulier, il y a les consommateurs qui sont là et que nous représentons tous, il y a aussi le fait que, comme acheteur de construction, le gouvernement est immédiatement impliqué. Je pense qu'il est clair que, dans le domaine de la voirie, c'est le gouvernement qui achète totalement des travaux de voirie. Je suis sûr qu'il est possible que les gens accusent le gouvernement d'avoir été partie et juge en même temps. C'est là, je pense, un rôle fort odieux au gouvernement, et je ne peux pas m'empêcher de dire qu'au nom de la population et au nom du fait que le gouvernement est un acheteur de construction, c'est vrai qu'il est partie, mais le gouvernement est unique; il n'y en a pas deux. Comme tel, il ne peut pas avec ses obligations normales d'arbitre dissocier facilement ses obligations d'acheteur, de représentant des consommateurs. Le mieux que nous pouvons faire, c'est de tenter, en toute justice, de concilier ces deux rôles dans le meilleur intérêt des travailleurs et de ceux qui militent ou qui vivent dans l'industrie de la construction.

Je vous remercie.

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais ajouter un dernier mot pour ma part. Les propos sereins et objectifs du ministre, ainsi que sa compétence qui nous est connue, je suis heureux de le dire, contribuent à dissiper chez moi une impression malheureuse que j'ai eue au cours des audiences, que la balance penchait peut-être d'une façon marquée d'un côté.

Et je suis content de cette déclaration-là qui nous laisse entendre qu'un décret, le décret auquel nous devons nous attendre, sera marqué au coin de la justice.

M. LE PRESIDENT (Cadieux): Messieurs, je vous remercie infiniment. Je crois que rarement une commission a fait un si beau travail et aussi sérieusement, parce que les travaux qui nous ont été présentés, l'ont été par des experts. Je crois que les questions qui ont été posées ont été très appréciées de tout le monde. Merci.

(Fin de la séance: 17 h 47)

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