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Commission permanente du Travail et de la
Main-d'Oeuvre
Sujet: Sécurité d'emploi dans
l'industrie de la construction
Séance du mercredi 24 mars 1971
(Seize heures onze minutes)
M. HARVEY (Chauveau) (président de la commission permanente du
Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs!
Envoi de télégrammes
M. BERTRAND: M. le Président, vous avez déclaré la
séance ouverte. Dès le départ, je voudrais reprendre les
propos que nous venons de tenir en Chambre relativement à des
télégrammes qui nous ont été adressés entre
autres du Syndicat régional de la construction (CSN) signé par M.
Marcel Gendron, représentant syndical et plusieurs autres
adressés aux députés et aux ministres, au syndicat
régional pour la construction, section de Saint-Jean, M. Oscar Raymond,
2425 Des Saules, Saint-Hyacinthe. Ces télégrammes, je ne les
lirai pas, parce que le langage qu'on utilise à l'endroit des
députés est un langage indigne.
Dans un de ces télégrammes, on dit ceci: "Demande aux
députés d'être présents". Il y en a qui sont
présents. Je tiens à dire que ceux qui ne sont pas
présents, c'est que les travaux de notre Assemblée se poursuivent
quand même en haut, dans la grande salle, alors que nous siégeons
ici à la commission du Travail.
Je tiens tout simplement à rétablir ces faits, dès
l'ouverture. Quant aux menaces, dans certains cas, de chantage, ou d'autre
nature, qui sont faites par ceux qui nous adressent ces
télégrammes, je dois dire, quant à moi, et je pense parler
également passablement au nom des députés, que cela nous
laisse totalement froids et que nous allons exercer notre devoir de
députés en écoutant les représentants syndicaux de
la CSN, de la FTQ et les représentants également de la partie
patronale.
Demande de collaboration
M. LE PRESIDENT: Cela dit, je voudrais vous réitérer la
plus cordiale bienvenue, messieurs. Evidemment, la convocation de cette
commission parlementaire du Travail et de la Main-d'Oeuvre, aux conditions que
vous connaissez, mérite, je pense, de la part de tous une collaboration,
surtout au moment de votre participation au débat.
Nous voudrions, si ce n'est pas trop vous demander, espérer qu'il
y ait une collaboration silencieuse de la majorité, puisque nous
voudrions également permettre l'audition et aussi la lecture de toutes
les délibérations de la réunion. Ainsi donc, votre
collaboration étant souhaitée et, je pense, déjà
acquise, à tout seigneur tout honneur, je vais permettre au ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, l'honorable Jean Cournoyer, de faire
l'exposé d'ouverture. M. Cournoyer.
M. LABERGE: M. le Président, vous nous dites que nous sommes au
courant de la juridiction de la commission parlementaire. Malheureusement, je
dois admettre que nous n'avons reçu aucune convocation. Nous avons vu
dans les journaux que la commission parlementaire siégerait. Nous nous
sommes rendus, bien sûr, parce que cela nous intéresse, mais je ne
sais pas si le ministre va couvrir cela dans son allocution d'ouverture: les
travaux de la commission, sur quoi la commission va se pencher. Enfin, je pense
que nous devrions savoir cela dès le début. Permettez-moi, en
même temps, M. le Président, d'offrir au ministre du Travail, nos
plus sincères condoléances pour la perte de son père. Nous
savons comment il doit être difficile pour lui d'être ici
aujourd'hui et nous le remercions de sa présence.
M. LE PRESIDENT: Pour cette raison et pour plusieurs autres, M. le
Président, une motion a été présentée en
Chambre hier après-midi, permettant à la fois de siéger
à l'Assemblée nationale et également de convoquer cette
commission parlementaire. Or, le ministre pourra amplifier, je pense, sur ce
que vous espérez avoir comme réponse.
M. le ministre Cournoyer.
L'arrêté en conseil no 4119
M. COURNOYER: La commission parlementaire, M. le Président,
et je réponds immédiatement ici à la
dernière remarque que le chef de l'Opposition faisait, lors de l'annonce
que je faisais moi-même a été convoquée pour
étudier principalement l'arrêté en conseil no 4119, ses
implications et le fait que cet arrêté en conseil ait
été contesté ou que tout le monde ne s'entende pas
tellement sur ce que nous ne devons pas faire de cet arrêté en
conseil no 4119. Cet arrêté en conseil no 4119 s'intitule
arrêté décrétant la sécurité d'emploi
dans l'industrie de la construction.
D'autre part, le chef de l'Opposition, M. Bertrand, a demandé ou
s'est réservé le droit d'étudier les questions incidentes
au conflit de la construction, ce sur quoi je suis entièrement d'accord,
pourvu, cependant, que nous épuisions dans la mesure du possible
l'arrêté en conseil 4119 dans toutes ses implications tel que vu,
non pas par le ministre du Travail, mais par les parties elles-mêmes face
à une commission parlementaire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. GUAY: A la suite des propos tenus par le
député de Missisquoi, j'allais dire que je faisais miens
les propos qu'il a tenus au tout début, c'est-à-dire à
l'ouverture de la commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.
M. BERTRAND: M. le Président, comme vient de le dire le ministre
quand il a indiqué en Chambre qu'il voulait faire examiner le
problème de l'arrêté ministériel 4119 concernant la
sécurité d'emploi, je lui ai dit qu'il fallait se réserver
le droit d'élargir le mandat de la commission et, en particulier, du
problème qui a été soumis au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre au sujet d'un vote ou d'un sondage,
problème qui a fait l'objet, d'ailleurs, d'un rapport de ce conseil,
rapport qui a été distribué à tous les
députés. A ce sujet, je voulais me réserver le droit,
quant à moi et les autres députés également,
d'interroger les représentants syndicaux et patronaux sur la position
qu'ils ont prise lors de l'examen de ce problème par le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Bien entendu, si après
avoir examiné le problème de la sécurité d'emploi
et le problème du vote ou du sondage, peu importe, il y avait d'autres
problèmes, à ce moment-là, suivant les demandes qui
pourraient être faites par les représentants syndicaux ou
patronaux, nous pourrions élargir également le mandat de la
commission.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. BERTRAND: M. Pepin.
M. LE PRESIDENT: Pardon, M. Pepin.
M. PEPIN: Il ne faudrait pas qu'il y ait trop de confusion de ce
côté-là...
M. LE PRESIDENT: C'est...
M. PEPIN: ... surtout dans la construction.
M. PEPIN: M. le Président, je voudrais moi aussi offrir au
ministre du Travail mes sincères condoléances dans le deuil qui
l'a frappé. Je comprends qu'il peut être difficile pour lui
d'être présent aujourd'hui après une telle
épreuve.
Comme le chef de l'Opposition vient de l'indiquer, quant à nous,
nous croyons qu'il y a un problème très grave et très
sérieux qui devrait être examiné en priorité. C'est
l'ensemble du problème du décret.
Parce que je soutiens humblement que cela remet en cause
l'Assemblée nationale comme telle, et la commission parlementaire aura
à se prononcer. Je me permets ici non pas de relever les propos du chef
de l'Opposition, au point de départ, et du député qui a
dit qu'il était d'accord avec le chef de l'Opposition. Je me permets
uniquement de dire que, même si je ne suis pas au courant du texte des
télégrammes que vous avez reçus, j'ai l'impression que
vous pouvez apprécier la situation dans laquelle un bon nombre de
travailleurs du bâtiment sont placés à l'heure
actuelle.
Sachant que, le 17 décembre dernier, il y avait tel genre
d'augmentations de salaires, que, le 2 janvier, ces augmentations
étaient diminuées et que tout le projet, à l'heure
actuelle, est de rediminuer encore dans d'autres catégories les
augmentations de salaires qui ont été
décrétées, à ce moment-là, vous comprendrez
que nous voudrions vous demander de placer en priorité toute la
question...
Entrée massive d'ouvriers
DES VOIX: On rentre, les "boys"... Nous sommes
écoeurés!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
UNE VOIX: La CSN, on ne veut rien savoir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BOSSE: A titre de membres de cette commission, nous pouvons
difficilement tolérer une situation qui ressemble fort à de
l'intimidation. Comme membre de l'Assemblée nationale, ici, je n'accepte
pas cette façon de procéder. En conséquence, je vous
demanderais de prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que
personne dans cette assemblée ne se sente menacé ou
intimidé par qui que ce soit.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais d'abord rappeler à ces nouveaux
arrivants, comme à tous ceux qui étaient ici il y a quelques
minutes, que la commission parlementaire se propose d'entendre les parties dans
le litige actuellement en cours. Nous avons espéré et
souhaité à ce moment-là, vous n'y étiez pas,
ou, si vous y étiez, c'était peut-être dans un corridor
que les discussions et l'exposition des problèmes soient faites
dans la plus grande sérénité, dans la plus grande
démocratie également.
Vous avez chacun des porte-parole, soit de vos unités
d'employeurs, soit de vos unités de représentation syndicale. Ils
sont ici. Je pense que, de votre part, ce serait justement un excellent geste
de solidarité que de faire confiance à ceux qui sont
mandatés pour vous représenter.
Je pense, comme président, qu'on ne pourra tolérer que
plusieurs personnes qui sont ici depuis longtemps et qui ont trouvé un
siège soient actuellement brimées, ni tolérer autant de
personnes qui Viennent causer de la perturbation, soit en étant debout,
soit en hurlant.
Au départ, je souhaite que cela se passe dans la plus grande
sérénité et également dans la plus complète
démocratie. Je sais que nous avons
seulement à nous attendre de votre part que vous êtes des
adultes. C'est pour ça d'ailleurs que nous vous posons la question. Nous
espérons une réponse affirmative. Auriez-vous l'obligeance, s'il
vous plaît, de nous permettre des débats sereins? C'est dans cette
atmosphère que nous devons régler les problèmes pour
lequels tous sont sensibilisés de part et d'autre.
M. LABERGE: Le confrère Desjardins aurait deux ou trois mots
à vous dire. Qu'on lui donne donc l'occasion de les dire.
M. LE PRESIDENT: Si les membres de la commission parlementaire n'ont pas
d'objection, je serai d'accord. Si quelqu'un s'y oppose, je pense que c'est
ça la démocratie. A ce moment-là on prendra la
décision qu'il faut prendre.
M. PICARD (Olier): Est-ce que vous pouvez vous assurer, M. le
Président, qu'ils sont en mesure de parler?
M. LE PRESIDENT: Nous n'avons rien ici pour les tests d'haleine, si vous
voulez la réponse, mais, de toute façon, on demande ici si on
permet à quelqu'un d'être un porte-parole quelconque du groupe qui
vient nous voir. Est-ce que vous avez objection?
M. BOSSE: Pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à
ce que le confrère Desjardins parle à son tour mais,
préalablement, qu'il fasse retirer de cette salle ces gens qui sont
entrés d'une façon massive et se sont emparés de
l'enceinte malgré l'interdiction des constables qui étaient
à la porte.
M. COURNOYER: Un instant!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre s'il vous plaît! Je donne la parole au
député de Missis-quoi.
M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que vous pourriez demander
à M. Laberge le président de la FTQ, d'obtenir de la
coopération. M. Laberge vient souvent devant cette commission et il y
expose le point de vue de la FTQ. Je crois qu'il va admettre avec nous que
cette démarche est un peu inhabituelle et qu'elle est, dans un certain
sens, déplorable. Nous sommes à peine au début des travaux
de cette commission. Je crois qu'il y aurait lieu d'abord que vous, comme
représentant de la FTQ, que M. Pepin, représentant de la CSN et
les autres parties exposent leur point de vue sur les problèmes qui sont
soumis à la commission.
Ce n'est certainement pas et je pense que vos collègues
vont l'admettre avec cette méthode, quelle qu'elle soit, ou avec
celles que d'autres ont utilisées d'une autre manière, sous forme
de télégrammes, que nous allons obtenir un climat favorable dans
cette salle.
Je vous le demande au nom de l'ordre, M. Laberge, veillez à ce
que vos gens vous laissent parler au nom de la FTQ.
M. LABERGE: M. le Président, si vous me permettez, il est bien
évident que cette démonstration n'est pas quelque chose
d'habituel, surtout pas pour la FTQ. Je pense que nous avons
démontré, au cours des deux ou trois dernières
années, que nous avions une patience d'ange. Nous nous faisons accuser
de toutes sortes de choses, nous assistons à toutes les
assemblées convoquées par le ministère; la CSN les
boycotte, c'est son droit, mais elle nous accuse par la suite d'être de
concert avec le gouvernement, les employeurs et tout ça.
Pas plus tard que ce matin, certains gars de la CSN m'ont
bousculé, ici, dans l'ascenseur, parce qu'ils venaient de poser des
"stickers" partout. Je pense, M. le Président, que je dois vous dire que
cette démonstration ne se veut pas un manque de respect vis-à-vis
de la commission parlementaire, mais c'est tout simplement pour vous dire qu'il
n'y a pas qu'une partie dans l'industrie de la construction qui peut crier. Il
y en a d'autres aussi, et c'est vrai qu'on commence à être pas mal
écoeurés de se faire accuser et de se faire bousculer.
Je m'excuse auprès de la commission de cette
démonstration, ça s'est adonné que c'était ici,
mais nous n'avons rien occupé encore, c'est la première
démonstration du genre parce qu'à un moment donné, les
gars en avaient soupé.
UNE VOIX: C'est vrai.
Ajournement
M. LABERGE: Et j'espère, M. le Président, que vous allez
comprendre ça. Maintenant, si vous voulez une... M. le Président,
est-ce que je pourrais vous faire une suggestion?
M. LE PRESIDENT: Certainement, monsieur.
M. LABERGE: Je vous suggérerais je n'oserais pas aller
trop loin d'ajourner les travaux de la commission, pour le moment.
M. LE PRESIDENT: Voici, j'allais...
M. BERTRAND: M. Laberge, j'allais justement je vous le dis
honnêtement demander si cette manifestation ne doit pas, à
votre demande à vous, à la suite de la nôtre, auprès
de vos gens, cesser immédiatement. Si cette manifestation dis-je, ne
doit pas cesser immédiatement, je demanderais au président de
lever la séance. Nous ne sommes pas habitués, ici, à
travailler dans le désordre, malgré les divergences d'opinions
qui peuvent exister entre deux parties et malgré les divergences
d'opinions qui peuvent exister entre les gens à la table ici et ceux qui
sont de l'autre côté.
M. le Président, je vous demande de lever l'assemblée.
M. LE PRESIDENT: La séance est levée et remise à
une date ultérieure.
(Fin de la séance 16 h 30)