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Projet de loi no 126
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires sur le projet de
loi no 126, Loi sur les normes du travail.
Les membres de la commission sont M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M.
Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix)
remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Pagé (Portneuf)
remplacé par M. Forget (Saint-Laurent); M. Roy (Beauce-Sud), M.
Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette
(Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).
Aujourd'hui, nous entendons les organismes suivants: Le Conseil
consultatif de l'immigration, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec, Roger Bédard et associés, et l'Association des
manufacturiers canadiens. J'inviterais le Conseil consultatif de l'immigration
à s'approcher pour nous présenter son mémoire.
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au
ministre si c'est son intention d'entendre tous les mémoires. J'ai eu
quelques appels téléphoniques; certains groupes avaient cru
comprendre qu'ils ne seraient pas entendus et il désiraient se faire
entendre. Je veux juste m'assu-rer que, compte tenu que c'est quand même
un nombre restreint de mémoires, tous vont être entendus.
M. Johnson: Je voudrais d'abord m'excuser du retard que j'ai mis
ce matin. Je pense que le député de Johnson sait que ce n'est pas
dans mes habitudes. J'étais au Conseil des ministres, ce matin. En
principe, oui, mais... Un nombre restreint, il faut s'entendre. Il y en a quand
même 25, ce qui, en principe, n'est pas beaucoup. Il y en a
déjà eu plus que cela sur la loi 101.
Mme Lavoie-Roux: Plus de 200.
M. Johnson: En principe, on les entend tous sauf qu'il va
falloir, d'une façon ou d'une autre, qu'on essaie de trouver un moyen de
se discipliner au niveau du temps si on ne veut pas que cette commission dure
un mois avec 26 mémoires. A priori, oui, tous ceux qui ont
déposé un mémoire dans le délai,
c'est-à-dire avant le 1er mars, pourront être entendus. C'est mon
intention de faire en sorte que nous entendions tous ceux qui ont
déposé un mémoire dans les délais.
M. Bellemare: M. le Président, si vous me le permettez,
j'appuie la proposition que fait Mme le député de L'Acadie au
ministre. Nous sommes déjà très avancés; il y en a
une douzaine au moins qui ont été entendus. Il y a la CSN et
d'autres qui ont été entendus. Avec la journée
d'aujourd'hui, il va en passer encore quatre ou cinq. Alors, cela
déboule dans un temps raisonnable. Je ne pense pas qu'il y ait aucune
objection. D'ailleurs, c'est bien fructueux pour la compréhension de
chacun des différents groupes qui vient.
M. Johnson: Pourrais-je suggérer que, aujourd'hui, compte
tenu du fait qu'on ne siège pas ce soir, on aurait, ce matin le Conseil
consultatif de l'immigration, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, Roger
J. Bédard, de Bédard et Associés, et l'Association des
manufacturiers canadiens. Dans le cas du deuxième et du
troisième, c'est-à-dire le Syndicat des fonctionnaires et Roger
J. Bédard, ce sont des mémoires qui ont une page et demie. Je
présume qu'une discussion assez brève devrait nous permettre de
faire le tour de la question qu'on veut soulever. Le Conseil consultatif de
l'immigration et l'Association des manufacturiers canadiens ont quand
même des mémoires d'une certaine importance. Je
suggéreraispeut-être qu'on procède d'abord avec le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux et Roger J. Bédard en se disant en
principe, à moins qu'on me dise le contraire, que cela peut se faire
rapidement et, ensuite, le Conseil consultatif de l'immigration, quitte
à empiéter sur l'heure habituelle, 12 h 30, et, cet
après-midi, entendre l'Association des manufacturiers canadiens et clore
la liste pour la journée. Mais il faudrait évidemment que j'aie
l'assurance... Je vois M. Harguindeguy, du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux, qui est là. Si je comprends bien, cinq minutes pour votre
exposé, cela ira?
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Oui.
M. Johnson: D'accord. M. Roger J. Bédard est-il
là?
Une Voix: II n'est pas arrivé.
M. Johnson: II n'est pas arrivé. Oui?
Mme Lavoie-Roux: J'aurais préféré que vous
passiez les immigrants. J'ai la grippe. Je vais être obligée de
quitter dans un moment et je tenais beaucoup à entendre les
immigrants.
M. Johnson: Bon! D'accord. Je m'étais rendu compte de
cela. D'accord dans ce cas. Le Conseil consultatif de l'immigration.
Mme Lavoie-Roux: Je n'allongerai pas le débat.
Le Président (M. Marcoux): Je demanderais au Conseil
consultatif de l'immigration de nous
présenter son mémoire. D'abord, présentez-vous,
madame, et présentez votre collègue.
Conseil consultatif de l'immigration
Mme Fournaris (Irène): Je m'appelle Irène
Fournaris. Je suis immigrante et...
Une Voix: Irène...?
Mme Fournaris: Fournaris. Et il y a Mme Sheila McLeod Arnopoulos.
Nous sommes les deux membres du Conseil consultatif de l'immigration.
Une Voix: ... prendre une décision.
Le Président (M. Marcoux): Voudriez-vous
répéter le deuxième nom?
Mme Fournaris: Sheila McLeod Arnopoulos.
Le Président (M. Marcoux): Nos règles, de
façon normale, sont que vous avez une vingtaine de minutes pour
présenter votre mémoire et, ensuite, une quarantaine de minutes
pour les échanges avec les députés.
Mme Fournaris: Avant de commencer, je pourrais peut-être
dire que nous, comme Conseil consultatif de l'immigration, nous sommes
occupés, non du travail comme tel, mais seulement des immigrants, parce
qu'on pense qu'ils ont des problèmes particuliers.
Au tout début, nous voudrions expliquer pourquoi le Conseil
consultatif de l'immigration présente un mémoire à la
commission parlementaire au sujet du projet de loi 126 sur les normes de
travail. Au Québec, il y a un grand nombre d'immigrants qui ne sont pas
syndiqués et qui ne reçoivent que le salaire minimum. En tant que
travailleurs, ils ne sont protégés que par les lois sur les
conditions minimales de travail comme le projet qui est présentement
à l'étude.
Les chiffres démontrent que 60% de la main-d'oeuvre au
Québec, environ 1 800 000 travailleurs, n'est pas organisée et
tombe, par conséquent, sous la juridiction de la loi sur les conditions
minimales de travail. De ces travailleurs, environ 300 000 sont employés
par les industries à bas salaire telles que le textile, le
vêtement, l'hôtellerie, la restauration et les services d'entretien
et de conciergerie. On y paie le salaire minimum et parfois moins. Des
études du ministère québécois du Travail et de la
Main-d'Oeuvre démontrent que 75% de la main-d'oeuvre recevant le salaire
minimum est constituée de femmes. Quoique nous n'ayons pas de chiffres
précis à cet égard, nous savons qu'un nombre
considérable d'entre elles sont immigrantes.
Beaucoup parmi ces immigrants ne parlent ni français ni anglais.
Ils ont peu de scolarité et de formation. Par conséquent, ces
personnes se trouvent confinées à des genres de travail peu
rémunérateur et n'offrant aucune occasion d'améliorer leur
sort. Il est important de souligner que ces gens ne connaissent pas leurs
droits en tant que travailleurs. Naturellement, certains d'entre eux savent que
la loi leur garantit un salaire minimum, du temps supplémentaire
après une semaine de travail de 45 heures et deux semaines de vacances
payées, cela sous l'empire de la loi actuelle. Mais ils ne savent pas
comment présenter leurs griefs à la Commission du salaire minimum
si leurs employeurs sont dans l'illégalité. Même ceux qui
sont au courant des procédures à suivre hésitent souvent
à se plaindre par crainte d'être congédiés ou
d'être déportés par le ministère
fédéral de l'Emploi et de l'Immigration. Par conséquent,
ils se soumettent volontairement à des conditions de travail
illégales.
Le Conseil consultatif de l'immigration croit qu'il est important de
noter qu'au Québec, comme dans les autres provinces, certains groupes
d'immigrants sont relégués à des types d'emplois auxquels
les Québécois et les Canadiens de naissance ne tiennent plus. Ils
ne veulent pas accomplir les tâches dures ou peu prestigieuses au bas de
l'échelle du marché du travail. Ces emplois sont
abandonnés aux nouveaux venus, sans éducation et sans formation
là, il fallait peut-être ajouter que, même s'ils ont
la formation et l'éducation, ils n'ont pas l'expérience
canadienne; alors, ils tombent dans le même groupe qui ne peuvent
faire autrement que les accepter.
Les immigrants sont disposés à prendre ces emplois sans se
plaindre. Cependant, en retour, nous croyons que le gouvernement devrait
s'assurer que ces immigrants reçoivent vraiment la protection à
laquelle ils ont droit. Ceci veut dire que la Loi sur les normes du travail
doit être suffisamment rigoureuse pour empêcher les employeurs
d'exploiter les immigrants.
A part les immigrants reçus, il y a deux autres groupes
d'étrangers qui sont victimes d'exploitation. Il y a ceux qui
travaillent ici illégalement et ceux qui ont obtenu un permis de travail
temporaire qui bénéficient de permis ministériel? On
estime que le nombre de travailleurs illégaux au Québec se situe
entre 60 000 et 100 000 personnes. Eliminer l'exploitation de ces
catégories de travailleurs est extrêmement difficile et requerrait
certains changements dans les politiques officielles, qui dépassent le
cadre des normes du travail proposées par le projet de loi 126.
Cependant, dans nos recommandations, nous mettrons de l'avant certaines mesures
que la Commission des normes du travail et le ministère de l'Immigration
du Québec pourraient appliquer afin de mettre fin à certains
abus.
Ceci n'implique ni une approbation ni une désapprobation des
politiques des ministères concernés. Ce sur quoi nous insistons
est le droit de tout travailleur, quelle que soit sa situation juridique,
à la protection de la loi sur les normes minimales du travail.
L'application de la loi. Le premier point que nous voulons soulever dans
notre mémoire con-
cerne l'application de la loi. La législation actuelle, la Loi du
salaire minimum, n'est pas appliquée d'une façon uniforme ou
vigoureuse. Malheureusement, le projet de loi qui est à l'étude
actuellement n'offre pas assez de garantie d'amélioration à cet
égard.
Quels sont les faits? Au cours de 1976, la Commission du salaire minimum
découvrait 2195 employeurs refusant de payer des sommes totalisant $1
825 474 à 10 779 employés qui y avaient droit selon les
ordonnances émises en vertu de la Loi du salaire minimum. La commission
arrivait à ces chiffres par deux moyens différents, grâce
à 7900 enquêtes indépendantes menées par des
inspecteurs à son service et aussi grâce aux 3100 plaintes
adressées par des employés lésés.
Nous avons expliqué plus tôt pourquoi les travailleurs
hésitaient à s'adresser à la commission. Mais le
système d'inspection, lui non plus, n'est pas adéquat pour
déceler les abus. Des études indépendantes sur le
fonctionnement de la commission indiquent que seulement une faible proportion
des infractions sont détectées d'une manière ou d'une
autre.
Il y a à Montréal environ 55 000 établissements non
syndiqués qui se trouvent sous la juridiction de la loi sur les
conditions minimales de travail. Pour les surveiller, il n'y a que 135
inspecteurs et un total de 400 personnes à l'emploi de la Commission du
salaire minimum.
La raison principale pour laquelle il y a si peu d'inspecteurs est
l'insuffisance du budget de la commission. Le budget actuel est d'environ $12
millions. Or, selon les membres de la commission, un total de 500 inspecteurs
nécessiterait un budget de $35 millions.
La Commission du salaire minimum ne prélève des employeurs
qu'un dixième pour cent des salaires payés, alors qu'elle est
autorisée à prélever un pour cent. La loi à
l'étude maintient ce genre de disposition.
Cependant, nous proposons qu'on prélève le maximum permis
afin de pouvoir quadrupler le nombre d'inspecteurs et améliorer les
services de la nouvelle commission des normes du travail. D'autres raisons
militent en faveur d'une augmentation du budget et du personnel de la
commission. Cet organisme est maintenant responsable de l'application des
règlements qui traitent des congés de maternité. Ceci
contribue à augmenter de façon considérable la charge des
inspecteurs. En outre, selon le projet de loi no 126, la commission devra
assumer l'obligation de rembourser, en tout ou en partie, les salaires perdus
à la suite d'une faillite. Par elles-mêmes, ces deux nouvelles
dispositions entraîneront des dépenses supplémentaires et
exigeront plus de personnel.
Les amendes. L'inspection doit et peut être
améliorée. Néanmoins, nous croyons que les inspections ne
seront jamais suffisantes à elles seules pour assurer le respect de la
loi. Mais un moyen d'y arriver est d'imposer des amendes prohibitives à
ceux qui ne se conforment pas aux dispositions de la loi. Les taux d'amendes en
vigueur actuellement constituent presque une in- citation pour les employeurs
à commettre des infractions. Si, par hasard, ils sont trouvés
coupables d'avoir enfreint les ordonnances sur les salaires ou le temps
supplémentaire, ils sont susceptibles d'une amende qui n'est que de $10.
En outre, le salaire réclamé par un employé
lésé ne peut couvrir une période de plus de six mois.
Selon le projet de loi no 126, les recouvrements de salaires pourront
s'étendre sur une période d'un an, et des amendes de $200
à $500 peuvent s'appliquer à la première infraction, et de
$500 à $3000 à la seconde si elle se produit à un
intervalle de moins de deux ans de la première. Nous croyons que ces
articles de la loi devront être renforcés pour être vraiment
efficaces.
Premièrement, les employeurs doivent être tenus civilement
responsables de toute la période de la durée de l'infraction.
Ainsi, s'ils n'ont pas payé le salaire minimum et le temps
supplémentaire requis durant deux ans, ils devront être tenus de
rembourser le montant total avec intérêts à leurs
employés.
Deuxièmement, il devrait y avoir autant d'infractions que
d'employés qui n'ont pas reçu le minimum auquel ils avaient
droit; à l'heure actuelle, la notion d'infraction porte sur l'ensemble
des employés lésés à un certain moment.
Naturellement, les amendes devront être imposables en
conséquence.
Troisièmement, les amendes prévues pour la seconde
infraction ne devraient pas être limitées à un intervalle
de deux ans.
Quatrièmement, les amendes prévues pour la seconde
infraction devront se situer entre $1000 et $5000 au lieu de $500 à
$3000 comme dans le projet de loi.
Finalement, l'article 132 accorde un délai d'un an après
l'infraction pour toute poursuite pénale. Nous croyons que ce
délai doit être porté à deux ans.
Selon nous, seul un système d'amendes appliqué
rigoureusement peut forcer les employeurs à respecter la loi. Ainsi, il
serait alors possible pour 500 inspecteurs d'exercer une surveillance efficace.
Autrement, ils ne suffiront jamais à la tâche.
La publicité. En plus d'un système d'inspection
amélioré et des amendes plus sévères, nous croyons
que les noms d'employeurs coupables d'infractions aux termes de la loi
devraient être révélés au public. Actuellement, les
seuls connus sont ceux qui ont été poursuivis devant les
tribunaux, mais ils ne constituent que le tiers de ceux ayant commis des
infractions. La commission ne publie pas le nom de ceux qui se sont reconnus
coupables et qui ont volontairement accepté de rembourser leurs
employés.
La participation des immigrants dans la Commission des normes de travail
et au ministère de l'Immigration. Après la question de
l'application de la loi, nous aimerions soulever celle de la participation des
différents groupes d'immigrants à l'élaboration de
certaines politiques gouvernementales. Nous suggérons que des
représentants de diverses communautés ethniques fassent
partie
du personnel de la Commission des normes du travail et du
ministère de l'Immigration.
La Commission des normes du travail. L'article 8 du projet de loi no 126
propose la nomination de sept commissaires. La loi devrait prévoir que
l'un d'entre eux fasse partie du milieu immigrant et ait une bonne connaissance
des secteurs industriels à bas salaires. En outre, nous croyons que la
commission devrait avoir parmi son personnel un chef de service
spécialement affecté aux problèmes particuliers que
rencontrent les immigrants en milieu de travail pour ce qui a trait aux normes
minimales de rémunération. Un certain pourcentage des inspecteurs
au service de la commission devraient également être d'origine
immigrante. Ces suggestions devraient faire partie de la loi elle-même et
non pas laissées à la discrétion de la commission.
Le ministère de l'Immigration. Le ministère de
l'Immigration devrait s'impliquer davantage dans les problèmes des
immigrants au travail. Il l'est déjà dans une certaine mesure
grâce à un ombudsman pour les travailleurs immigrants qu'il
nommait récemment. Mais, comme complément à ce geste, nous
croyons que le ministère devrait aussi créer un service
spécial qui s'occuperait de façon générale des
problèmes touchant les travailleurs immigrants dans les industries et
les services à bas salaires. (10 h 30)
Cette section se composerait surtout d'immigrants au fait des questions
du travail. Ils devraient être des fonctionnaires à temps plein
intégrés au ministère. Mais, afin de se tenir au courant
de l'évolution du milieu, ils devraient pouvoir effectuer des recherches
et des études parmi les communautés immigrantes. Ce service de
travail immigrant aurait des contacts étroits avec la Commission des
normes du travail, le ministère québécois du Travail et de
la Main-d'Oeuvre, la Commission provinciale des droits de la personne, le
ministère fédéral de l'Emploi et de l'Immigration, ainsi
qu'avec le mouvement ouvrier. De cette façon on en arriverait à
une meilleure coordination des politiques visant la population immigrante.
Les aides domestiques avec permis de travail. Un groupe de travailleurs
auquel ce service pourrait s'intéresser dès maintenant est celui
des aides domestiques étrangers venus au Québec grâce
à des permis de travail temporaires accordés par les
autorités fédérales. Ces travailleurs ne peuvent changer
d'emploi sans le consentement du ministère fédéral de
l'Emploi et de l'Immigration et ne peuvent modifier leur état pour
devenir des immigrants reçus. Grâce au projet de loi no 126, le
gouvernement se montre très progressiste en incluant les domestiques
résidents, des femmes surtout, parmi les travailleurs
protégés. A l'heure actuelle, il n'y a que Ile-du-Prince-Edouard
qui le fait. La loi actuellement en vigueur au Québec exclut les aides
domestiques. Cette situation est malheureuse pour les étrangères
venues au Canada avec des permis de travail temporaires car beaucoup d'entre
elles sont exploitées par des familles québécoises.
Le ministère fédéral de l'Emploi et de
l'Immigration exige que ces travailleuses soient
rémunérées au taux de $75 pour une semaine de 45 heures,
mais les autorités fédérales ne font rien pour que ces
exigences soient respectées. Conséquemment, les travailleuses
étrangères reçoivent $50 ou $60 pour une semaine de 60
heures ou de 70 heures sans jour de congé. Ces faits sont parvenus
à l'attention de l'Association du personnel domestique de
Montréal qui est en contact constant avec les travailleurs
étrangers. Ce problème a également été
soulevé dans une étude faite par Sheila McLeod Arnopoulos sur les
problèmes des femmes immigrantes sur le marché du travail. Ce
rapport a été publié par le Conseil consultatif canadien
de la situation de la femme à Ottawa.
Maintenant que les aides domestiques résidentes tombent sous la
juridiction de la loi, la Commission des normes du travail et le
ministère de l'Immigration peuvent intervenir pour que ces femmes
étrangères soient traitées équitablement par leurs
employeurs québécois. Cependant, à moins de mesures
spécialement destinées à cette fin, l'exploitation
continuera.
Nous proposons que tous les aides domestiques étrangers avec
permis de travail soient requis de s'inscrire auprès du ministère
de l'Immigration du Québec, à la section spécialement
affectée aux problèmes des immigrants sur le marché du
travail. Ces travailleurs feraient rapport régulièrement sur
leurs conditions de travail et de rémunération et ces
informations seraient partagées avec la Commission des normes du
travail. Le service du ministère étant composé en grande
partie d'immigrants, les travailleurs et travailleuses étrangers seront
mieux disposés à se confier et à discuter de leurs
problèmes. La Commission des normes du travail serait informée en
cas d'irrégularités ou de présumées infractions et
elle pourrait immédiatement procéder à des
enquêtes.
Si un employeur était trouvé coupable d'une infraction,
l'aide domestique souhaiterait probablement travailler au sein d'une autre
famille. Or, dans une telle éventualité, le ministère
fédéral s'engage à lui trouver un autre emploi, mais il
n'est pas toujours en mesure de le faire, malgré la forte demande pour
ce genre de travailleurs. Sans emploi et sans permis de travail qui
l'accompagne, ces aides domestiques n'ont pas droit de résidence au pays
et s'exposent à être déportés. Pour éviter ce
problème, le service spécial du ministère
québécois pourrait facilement collaborer avec le ministère
fédéral pour trouver un nouvel emploi.
Autres étrangers avec permis de travail. Plusieurs autres
catégories de travailleurs étrangers ont aussi besoin de
protection. La plupart des étrangers qui sont au Canada grâce
à un permis de travail temporaire hésitent à se plaindre
par crainte de perdre leur emploi, ce qui annulerait leur permis et les
forcerait à retourner immédiatement dans leur pays d'origine.
Nous proposons donc que tout étranger qui perd son emploi après
avoir formulé une plainte contre son employeur puisse obtenir
automatiquement un nouvel emploi et un nouveau permis de travail. Ceci
nécessiterait un accord avec les autorités
fédérales.
Pour faciliter les procédures, nous suggérons que le
service du travail aux immigrants au ministère de l'Immigration agisse
comme intermédiaire entre ces travailleurs et les autorités
fédérales. Si les travailleurs étrangers ont des plaintes
à formuler, ils pourront le faire auprès du service du travail
aux immigrants qui agirait alors comme coordonnateur. Ceci, cependant,
exigerait que tous les travailleurs étrangers et non seulement les aides
domestiques s'inscrivent au ministère.
Les travailleurs illégaux. Les travailleurs illégaux sont
extrêmement difficiles à protéger. Il s'agit surtout
d'étrangers qui viennent au Canada comme touristes et qui, durant leur
séjour, acceptent des emplois peu rémunérés. Ce
sont généralement des personnes de pays pauvres pour qui les
sommes minimes qu'elles peuvent gagner ici constituent un rempart contre la
misère qui démoralise leur famille. Or, lorsque ces personnes
sont découvertes et déportées par les autorités
fédérales, elles doivent partir souvent sans avoir touché
les sommes qui leur sont dues par leur employeur canadien.
Nous proposons que tout étranger faisant l'objet d'un ordre de
déportation soit interviewé par le service du travail aux
immigrants. Si on constate que cette personne a reçu moins que le
salaire légal, la Commission des normes du travail devrait être
appelée à faire enquête, ceci avant même que l'ordre
de déportation soit exécuté. Encore une fois, il serait
nécessaire d'agir de concert avec les autorités
fédérales.
L'affichage des normes exigibles selon la loi. Nous sommes d'avis que le
projet de loi no 126 devrait exiger que tous les établissements non
syndiqués prévoient l'affichage des principales normes minimales
de travail. La commission devrait faire préparer en plusieurs langues
des affiches expliquant les principaux points de la loi qui la gouverne et,
surtout, la façon dont les travailleurs étrangers peuvent
procéder pour obtenir justice en cas d'infractions commises par leurs
patrons. Evidemment, des amendes seraient exigibles de la part de ceux qui
refuseraient l'affichage.
Autres questions. Certaines dispositions du projet de loi à
l'étude sont beaucoup moins généreuses que ce que d'autres
provinces canadiennes peuvent offrir. Ainsi, le temps supplémentaire
n'est payable qu'après 44 heures de travail dans une semaine, alors
qu'il devrait être payable au-delà d'une journée de travail
de huit heures. Le nombre de congés statutaires prévu est le plus
bas au Canada. Le projet de loi 126 n'en prévoit que trois alors que les
autres provinces en prévoient de cinq à neuf. Le salaire minimum
ne devrait pas être plus bas dans le cas de ceux qui reçoivent des
pourboires.
C'est à peu près tout.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: Merci, madame. D'abord, deux commentaires
généraux. Votre mémoire est évidemment axé
sur les personnes auxquelles vous vous intéressez par définition
parce que vous êtes du Conseil consultatif de l'immigration. Cependant,
il y a une sorte de tendance à vouloir, dans votre mémoire,
conférer une espèce de statut particulier à l'immigrant,
par exemple, en disant qu'il devrait y avoir des gens des milieux ethniques au
niveau de la commission. On parle de mise sur pied de services
spécifiquement destinés à ces personnes au sein de la
commission et du ministère de l'Immigration où je sais, dans le
cas du ministère de l'Immigration, qu'il y a d'énormes efforts
qui sont faits. Bien que je sois conscient et que je sois de ceux qui pensent
qu'il est extrêmement important que le Québec soit le plus
accueillant possible et le plus juste possible à l'égard des
immigrants, je pense qu'il ne faut pas non plus les cantonner dans une sorte de
ghetto légal qui fait qu'ils ne sont pas traités comme des
citoyens comme les autres. C'est un peu, si vous voulez, comme tout le
problème de la condition féminine où on fera de la
discrimination inversée comme cela se fait dans certains Etats. C'est
peut-être nécessaire, et dans le cas des immigrants, cela l'est
peut-être, mais de façon générale, je trouve que
votre mémoire va peut-être un peu plus loin que je ne le
souhaiterais quant à cela, au niveau de l'optique en tout cas.
Deuxièmement, vous soulevez le problème de fond que
l'immense majorité des personnes qui sont payées au salaire
minimum sont des femmes et que dans dès industries comme celles du
vêtement, par exemple, du textile, de l'aide domestique, etc., ce sont
dans bien des cas des gens qui sont des immigrants reçus. Je pense que
c'est très juste comme remarque. Vous dites: Mais dans le fond, les gens
ne peuvent pas se plaindre ou ont peur de se plaindre, ou n'ont pas de
protection, etc. La loi 126 amène justement des précisions dans
ce domaine. D'une part, on protège l'emploi. Le député de
L'Acadie a déjà soulevé le problème que cela peut
poser dans le cas des domestiques, cependant, les aberrations auxquelles cela
pourrait mener, mais le principe général, au niveau industriel et
commercial, est de protéger l'emploi. Deuxièmement, on
prévoit des sanctions qui sont quand même très
sévères. Troisièmement, on prévoit la
possibilité pour la commission d'indemniser elle-même
directement.
Je pense qu'il faudra, à un moment donné, qu'on vive dans
une société où ce ne sont pas 500 inspecteurs qui font
respecter la loi. C'est le fait que l'ensemble des entreprises, de façon
générale, la respectent, et que les travailleurs
québécois se sentent suffisamment protégés,
effectivement, pour exercer leurs droits et faire appel aux services d'une
commission. Je pense que la normalité dans une société,
c'est cela, ce n'est pas une armée de 500 inspecteurs. La
normalité, ce sont des lois qui sont respectées par l'ensemble
des citoyens, y compris les citoyens corporatifs, si on me passe l'expression.
Je pense que la loi contient des dispositions dans ce sens.
Ceci dit, je pense que vous avez également raison de souligner
que, nettement, en termes de personnel, actuellement, c'est insuffisant,
à la Commission du salaire minimum. C'est évidem-
ment l'intention du gouvernement d'augmenter le nombre d'inspecteurs,
mais je ne pense pas qu'il faille pour autant s'imaginer qu'il faudra le
quintupler ou le quadrupler à très court terme à cause des
autres dispositions dans la loi qui la rendent profondément
différente de la Loi du salaire minimum.
Au sujet des autres questions, en ce qui concerne les permis de travail,
etc., vous n'êtes pas sans savoir que le ministère de
l'Immigration fait des efforts de ce côté. Je ne suis pas
sûr que c'est cette loi qui devrait s'occuper de ces questions.
L'affichage des normes exigibles selon la loi, je pense que c'est une
excellente suggestion. Ce n'est pas mentionné dans la loi, mais nous
nous penchons depuis quelque temps sur des textes pour rendre obligatoire
l'affichage des dispositions par secteur ou, enfin, on va trouver les formules,
mais je pense que c'est une excellente suggestion. Pardon?
M. Bellemare: Chez les domestiques, ce sera difficile.
M. Johnson: On regarde en pratique. Il ne faudrait pas non plus
en arriver à des aberrations.
M. Bellemare: Oui, dans chaque maison...
M. Johnson: II y a autre chose que vous soulevez et, puisque le
leader de l'Union Nationale vient de parler, je pense qu'il est normal, quand
les droits des citoyens, des droits aussi fondamentaux que les conditions de
travail auxquelles ils ont droit sont impliqués, qu'il faille faire des
efforts considérables de publicité de ce
côté-là. Je sais que le leader de l'Union Nationale et
certains de ses députés s'élèvent contre la
publicité que le gouvernement a faite de façon
générale.
M. Bellemare: Oui, celle qui est partisane.
M. Johnson: Mais je pense que, de façon
générale, quand on parle des conditions de travail, il faudra
qu'il y ait un effort d'information. En ce qui concerne spécifiquement
la clientèle que vous touchez, les immigrants, il y a des réseaux
il y a les COFI, les bureaux d'accueil, les bureaux du Québec
dans les aéroports, etc. qui pourraient être des sources
privilégiées d'une information spécifique pour les
immigrants dans ce cas-là. De ce côté-là,
effectivement, nous demanderons à la commission de faire des efforts,
une fois que la loi sera adoptée. J'espère qu'on n'aura l'accord
du leader de l'Union Nationale pour le faire.
M. Bellemare: ... raisonner.
M. Johnson: C'est ce que j'avais à soulever au sujet de
votre mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires?
Mme Fournaris: Oui. Je vais commencer par ceci. On a
mentionné l'histoire de ghettos. Cela n'est pas en ignorant une
situation qu'elle va s'améliorer. Mais les ghettos existent
présentement et c'est une réalité. Il y a des gens qui ne
parlent pas la langue. Personnellement, je viens du milieu le plus immigrant
travailleur. Dans la vie quotidienne, on voit cela; alors, on ne peut pas
l'ignorer. Tant que l'immigrant ne sera pas autonome, ne saura pas la langue,
il y aura ces problèmes-là. On ne dit pas qu'on divise les
travailleurs pour les protéger un peu d'une façon
différente, parce que c'est une réalité. Il y a des gens
qui ont vécu toute une vie ici et qui ne parlent pas la langue; ils
ignorent la loi et ils ignorent des choses tout à fait fondamentales.
C'est incroyable. C'est comme cela et on n'améliore pas cette situation
à seulement dire que c'est leur faute s'ils n'apprennent pas la langue.
Il y a toujours un autre côté.
C'est pour cela qu'on propose qu'il y ait une protection. C'est la
même chose pour les permis de travail. Là, on doit avoir quelque
chose dans la pratique; je parle de mon expérience des contrats .
Il y a des travailleurs qui viennent ici des musiciens pour travailler
dans des clubs, et tout genre de travail pour une certaine
période de temps, même très courte. Il est arrivé
plusieurs fois que les employeurs de ces gens-là ne respectaient pas
leur signature dans les contrats. On les renvoie sans les payer. La personne
qui est dans une situation comme celle-là, doit aller en cour et
attendre les procédures de la cour avant d'être payée et
s'en aller, parce qu'elle est venue ici uniquement pour ce travail. Mais, en
attendant trois mois, elle ne peut même pas se permettre une chambre pour
demeurer ici et attendre la décision de la cour pour être
finalement payée. Alors, on doit prévoir dans ces cas-là
une procédure plus rapide. (10 h 45)
C'est la même chose pour les illégaux qui sont
déportés. On nous dit que ce sont des personnes non existantes.
Ce sont des choses qui sont assez... Dans des cas de déportation, on dit
que... On ne demande pas que cette personne... Il y a des employeurs qui
dénoncent eux-mêmes leurs employés comme étant
illégaux seulement pour garder un mois de salaire ou quelques semaines
de salaire. Il y a des cas qui sont vrais.
Alors, cette personne a quand même travaillé, elle a droit
à son salaire, même si elle est illégale. C'est une autre
affaire; c'est une question humanitaire, si vous voulez. Ce n'est pas le fait
qu'elle soit illégale qui permet à l'employeur d'avoir une
main-d'oeuvre gratuite, à ce moment, puisque la personne est
considérée non existante. Quant au nombre d'inspecteurs, c'est le
cas, on n'a pas assez d'inspections. Si les employeurs avaient peur un peu de
la loi... Maintenant, il y a des arguments. On a dit à nos travailleurs,
et on a eu des cas déjà: Vas-y, fais tout ce que tu veux, j'ai un
très fort comptable, les livres sont très bien tenus. Cela ne me
fait pas peur.
Pour un gouvernement, un bon comptable qui dit qu'il peut passer
à travers toutes les lois, c'est sérieux.
M. Johnson: M. le Président, juste une dernière
chose au sujet des travailleurs immigrants avec permis, ou enfin des
travailleurs qu'on appelle illégaux, ceux qui n'ont pas de permis. Si la
loi disait, par exemple, que constitue une infraction pour un employeur
d'utiliser les services de quelqu'un qui n'a pas de permis de travail, quant
à vous, est-ce que cela réglerait des problèmes? En
pratique, l'effet concret serait d'empêcher ou de dissuader les
employeurs d'utiliser les services d'immigrants illégaux.
Mme Fournaris: Oui, une bonne partie.
M. Johnson: Une bonne partie. Cela ne donne pas plus de travail
à ces immigrants, mais, au moins, en pratique, cela diminuerait leur
présence.
Mme Fournaris: Nous ne sommes pas pour les illégaux, mais
une fois qu'ils ont travaillé, ils ont absolument droit à leur
salaire.
M. Johnson: D'accord, je prends bonne note.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vous remercie
de votre mémoire. Je pense qu'il est important que les travailleurs
immigrants aient une voix ici, à cette commission parlementaire, parce
que c'est vraiment, parmi le groupe de travailleurs, peut-être ceux qui
sont pas nécessairement le plus souvent, mais très souvent
exploités, peut-être même le plus souvent
exploités.
Quand vous dites, à la page 3, au troisième paragraphe,
où vous parlez de l'exploitation de certaines catégories de
travailleurs, des travailleurs illégaux, etc., qu'il faudrait qu'il y
ait des politiques officielles qui dépassent le cadre des normes de
travail proposées par le projet de loi no 126, qu'est-ce que vous avez
en tête?
Je sais, par exemple, que dans la loi 77 on s'est penché sur ce
problème, mais sans vraiment non plus le cerner. J'ai deux questions. La
première est: Quelle est votre position en tant que Conseil consultatif
de l'immigration sur les travailleurs saisonniers, les travailleurs temporaires
immigrants?
Deuxièmement, quelles sont ces mesures concrètes dont vous
parlez à la page 3, que vous voudriez voir mettre de l'avant dans des
politiques officielles?
Mme Fournaris: Pour la position officielle, nous ne l'avons pas
encore, parce que nous sommes relativement nouveaux et que c'est le premier
sujet de travail que nous avons touché. Nous sommes là seulement
depuis le mois de décembre, alors, nous n'avons pas encore...
Mme Lavoie-Roux: Mais avant que vous soyez là, il y avait
quelqu'un avant vous. Y avait-il une politique du Conseil consultatif de
l'immigration là-dessus?
Mme Fournaris: Non. C'est cette année que le conseil
consultatif va s'occuper des travailleurs. L'année passée,
c'était plutôt pour les réfugiés.
Mme Lavoie-Roux: Alors, il n'y a aucune politique au Conseil
consultatif de l'immigration sur la situation des travailleurs saisonniers ou
temporaires.
Mme Fournaris: Non. A ma connaissance, au moins. Les mesures que
nous visons, c'est justement cela: prévoir un service où les
travailleurs pourront se plaindre, finalement, et avoir ce service que nous
proposons.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous verriez cela
intégré dans la loi 126 ou comme un service relié au
ministère de l'Immigration?
Mme Fournaris: Cela touche les deux. On a vu cela plutôt
dans le ministère de l'Immigration, mais, vu que c'est pour les
problèmes que les travailleurs immigrants ont sur le marché du
travail, on dit que cela prend une étroite collaboration des deux.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous le verriez davantage du
côté de l'Immigration.
Mme Fournaris: Oui, c'est comme cela qu'on l'a vu étant
immigrant.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Parce que je suis quand même sensible
à une remarque du ministre tout à l'heure. Je pense qu'il y a des
besoins définitifs de protéger les immigrants, mais je pense
qu'il ne faut pas, non plus, toujours tendre à les marginaliser et
j'espère qu'un jour, normalement, la relève pour leur protection
pourra se faire, soit par un immigrant ou soit par un autochtone, pour qu'ils
ne soient pas toujours obligés de recourir aux autres parce qu'à
ce moment la responsabilité ne sera jamais assumée par les
autres. Je pense que c'est peut-être un danger. Il reste que, dans la
pratique, vous avez peut-être raison de faire ce type de recommandation.
Maintenant, en ce qui concerne les aides domestiques, est-ce que vous trouvez
qu'elles sont suffisamment protégées par ce qui est prévu
dans le projet de loi no 126?
Mme Fournaris: Non. Leur salaire n'est pas un salaire avec lequel
on peut vivre finalement.
Mme Lavoie-Roux: Quelles sont vos suggestions ou vos
recommandations sur ce point?
Mme Fournaris: II n'y a pas ici de suggestions...
Mme Lavoie-Roux: Non.
Mme Fournaris: ... parce qu'on a expliqué qu'on n'a pas
touché les détails de leur travail, mais, finalement, je pense
que tout le monde aurait droit à un minimum.
Mme McLeod Arnopoulos (Sheila): II s'agit de personnes qui
travaillent 30 heures par semaine, par exemple. On a touché seulement
cette question qui est traitée dans la loi à cause du fait que
cela touche beaucoup de domestiques qui sont ici sur les permis de travail et
eux, ils travaillent surtout plus de 30 heures par semaine et comme cela ils
sont protégés par la loi. Mais on est d'accord avec l'Association
des aides domestiques qui voudrait que tous les domestiques soient
protégés par la loi, pas seulement les personnes qui travaillent
à la maison plus de 30 heures et qui demeurent là. On voudrait
que toute la catégorie soit couverte par la loi.
Mme Lavoie-Roux: A la page 12, en bas, vous dites: "Nous
proposons que tout étranger qui perd son emploi après avoir
formulé une plainte contre son employeur puisse automatiquement obtenir
un nouvel emploi et un nouveau permis de travail." Je pense bien que c'est
souhaitable pour tout le monde, mais je ne sais pas si c'est possible pour
quelque travailleur que ce soit. L'employeur peut être condamné
à payer une amende, etc., mais qu'il y ait cette protection automatique,
est-ce que cela vous semble une recommandation possible, enfin,
réalisable?
Mme Fournaris: Dans le cas des domestiques, oui, parce qu'il y a
toujours une demande. Avec le taux de chômage qu'on a maintenant, je ne
dis pas que cela serait possible dans tous les emplois. Aussi, dans la
pratique, il n'y a pas beaucoup de personnes qui sont ici sur permis de travail
à d'autres emplois où il y a déjà un grand taux de
chômage. C'est presque seulement pour les domestiqués.
Mme Lavoie-Roux: C'est à peu près juste pour les
domestiques.
Mme Fournaris: Ce qui se fait maintenant, ils ont un permis de
travail pour un employeur. S'ils veulent changer, il faut changer les deux:
avoir un autre permis de travail et trouver un autre employeur. Là,
c'est compliqué parce qu'ils sont très...
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est parce qu'ici vous l'avez mis en
relation justement avec les autres travailleurs et non pas
nécessairement avec les travailleurs domestiques. Il y a plusieurs
autres catégories de travailleurs qui ont besoin de protection. Les
domestiques mis à part, cela semblait s'appliquer aux autres
travailleurs.
Mme Fournaris: Pour les travailleurs saisonniers, c'est la
même chose. S'ils ont besoin d'une certaine main-d'oeuvre en masse, c'est
toujours plus ou moins facile d'aller à la ferme d'à
côté si on a des problèmes avec notre employeur, mais ce
n'est pas dans tous les métiers que cela se fait. D'ailleurs,
j'espère qu'on ne donne pas aussi facilement les permis de travail dans
les secteurs où il y a déjà un grand chômage
ici.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, une dernière remarque.
Evidemment, je suis d'accord sur vos remarques sur le fonctionnement de la
Commission du salaire minimum. Je talonne souvent le ministre du Travail
là-dessus, au moins depuis qu'on a le congé de maternité
sur la table, et il nous annonce que cela se remodèle, que cela se
renouvelle. Mais aux dernières questions que j'ai posées, je
pense que c'était au mois de février, quand on a fait un
rajustement pour inclure d'autres travailleurs qui pouvaient profiter du
congé de maternité, je pense qu'il n'y avait pas encore
concrètement de personnel qui avait été ajouté.
Est-ce que la situation est encore la même?
M. Johnson: Non, effectivement.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de personnel qui a
été ajouté?
M. Johnson: Non, pas au moment où on se parle.
Mme Lavoie-Roux: Le problème demeure entier.
M. Johnson: Dans la mesure où la loi n'est pas encore
adoptée, cela donne encore du temps.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais vos congés de maternité,
ceux-là sont...
M. Johnson: Cela fait 30 ans que la Loi du salaire minimum
existe, je pense que cela peut attendre encore six mois pour être capable
de l'organiser adéquatement.
Mme Lavoie-Roux: On va attendre encore six mois, cela fait un an
que je le demande. Merci, M. le Président.
M. Johnson: II va falloir avoir des budgets d'abord, donc
procéder à des prélèvements, et procéder
à des prélèvements c'est en vertu de la nouvelle loi.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je vous félicite très
sincèrement, Mme Fournaris, de représenter ce matin le Conseil
consultatif de l'immigration sur le projet de loi no 126.
Mais vous me permettrez d'attirer votre attention sur cette phrase qui
me semble un peu discriminatoire: "Cette situation est malheureuse
pour les étrangères venues au Canada avec des permis de
travail temporaires, car beaucoup d'entre elles sont exploitées par des
familles québécoises. ' Je trouve que cette formulation est une
note de discrédit parce que c'est public, ce document. Si c'était
reproduit dans d'autres pays, cela voudrait dire que dans la province de
Québec, les Québécois, les familles
québécoises font une exploitation de nos arrivants. Je pense que
ce n'est pas le sens que vous vouliez y apporter, mais vu que c'est dans un
document public, je proteste avec véhémence contre cette attitude
de dire que les immigrants sont exploités par nos familles
québécoises. Je ne pense pas que ce soit exact. Il peut arriver
des exceptions, mais les exceptions, je l'espère, sont couvertes
maintenant par la loi. Dans un document public comme celui que vous nous
soumettez ce matin, que les étrangères sont exploitées par
des familles québécoises, c'est malheureux que ce soit
écrit de même. C'est malheureux que ce soit dans un document
public et je proteste avec véhémence contre cette attitude que
vous manifestez au nom du Conseil consultatif de l'immigration.
L'autre chose je vais vous donner la chance de répondre
dans quelques minutes c'est la publicité dont a parlé le
ministre disant que si l'Union Nationale fait des reproches au gouvernement sur
certains sujets de publicité qui sont avant-gardistes, M y a aussi, je
pense d'autres choses qui, en temps et lieu, pourront être
démontrées à la population avec des faits à
l'appui. Mais je ne suis pas contre la publicité, contre le fait de
renseigner tous les employeurs. J'ai dit au ministre, tout à l'heure,
que je voyais mal d'afficher dans une famille la liste des obligations de la
nouvelle loi, mais je ne verrais pas mal l'attitude du gouvernement de faire
imprimer la loi 126 et de l'envoyer à tous les employeurs, les petits
comme les grands. En vertu de la Loi des accidents du travail, vous avez toute
la liste complète de tous les employeurs à qui on pourrait
envoyer ce fascicule des nouvelles normes, des nouveaux procédés,
des nouvelles lois qui les avantageraient énormément, à
part l'affichage raisonnable dans certaines industries. Je pense que ce serait
bon de penser à l'envoyer à tous les employeurs de la province.
(11 heures)
Madame, il y a une autre chose sur les pénalités. Je
trouve que vous êtes avant-gardiste parce qu'il y a des gens qui sont
beaucoup moins pénalisés pour des contraventions aux lois. Par
exemple, dans le domaine des véhicules automobiles, les
pénalités sont moindres que dans l'application de la Loi du
salaire minimum. Je comprends que la peur est le commencement de la sagesse,
mais ce n'est pas tout le monde qui a peur. Les pénalités qui
sont là sont certainement plus élevées que celles qui
existaient dans le cas du salaire minimum. Je suis persuadé que, s'il y
avait une aggravation, il y aura de nouveaux et nombreux inspecteurs,
nommés pour l'application de cette loi, à part les 500 qui sont
là; cela justifiera le ministre de nous dire qu'il a dû, à
cause de ces normes du travail, engager 500 employés de plus qui devront
être attachés à un service spécial de l'inspection
et de la coordination de la loi.
J'attends votre réponse sur le premier point et sur le
deuxième aussi.
Mme Fournaris: On est au Québec, je pense. Les familles
qui ont ces domestiques sont des familles québécoises même
si elles sont d'origine ethnique. C'est le gouvernement qui nous dit toujours
que tout le monde qui habite le Québec, ce sont des
Québécois et j'espère que c'est bien ce qu'il veut dire.
Si cela se fait, pourquoi avoir peur de le dire?
M. Bellemare: Est-ce qu'il se fait une exploitation,
d'après vous, par les familles québécoises? Pour certains
cas, peut-être. La généralité des immigrants
est-elle exploitée, d'après vous, dans nos familles?
Mme Fournaris: Dans le cas des domestiques, c'est incroyable.
Demain, vous allez entendre plus de détails sur cela et vous en serez
persuadé, je ne parle pas au nom d'autres organismes, finalement. Si on
est dans le milieu...
M. Bellemare: II y a une chose, Mme Fournaris. Autrefois, les
domestiques n'étaient pas couverts et peut-être qu'il y a eu de
l'exagération mais, maintenant que la loi sera spécifique sur le
nombre d'heures pour le service d'une domestique dans une famille, il faut
qu'elle reste là et qu'elle y soit au moins 30 heures par semaine. La
loi doit être assez précise pour ne pas qu'il y ait de
l'exploitation de ce côté-là. Il n'y avait pas de loi avant
cela; les domestiques et les agriculteurs n'étaient pas couverts.
Maintenant, ils le sont, ils vont l'être. Croyez-vous sincèrement
que des familles québécoises ont exploité des
immigrantes?
Mme Fournaris: Oui. J'espère que dans la nouvelle loi ce
sera assez clair pour qu'elles soient finalement protégées.
M. Bellemare: D'accord. C'est pour cela que je vous dis que je ne
vois pas pourquoi, dans un document public qui va peut-être faire le tour
du monde, on dit que les domestiques sont exploités dans nos familles
québécoises.
Mme Fournaris: Les servantes sont exploitées partout. Ici,
on parle présentement de ce pays-ci.
M. Bellemare: Je n'aime pas cela parce que cela nous fait de la
mauvaise publicité quant à nos familles
québécoises.
Mme Fournaris: Non.
M. Bellemare: On pouvait peut-être le penser, mais
l'écrire, je n'en suis pas. Maintenant que la loi y pourvoit c'est un
argument qui n'aurait pas dû paraître là. C'est mon
impression.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je me serais abstenu de parler mais, compte tenu
des dernières interventions, je voudrais dire que la
vérité a sa place. Si vous le pensez, à la suite de
certaines recherches en particulier...
M. Bellemare: Ils n'en ont pas fait.
M. Chevrette: ... si vous vous appuyez sur certaines recherches,
tenant compte qu'il y a eu passablement de travail de fait par votre compagne,
il ne faut pas avoir peur. Si on fait des comparaisons, même si cela
sortait du Québec, les gens vont comparer le salaire d'une domestique au
Québec par rapport à une domestique ailleurs. Les immigrants qui
quittent leur pays parce qu'ils sont égorgés et qu'ils
recherchent une sécurité peuvent quand même comparer. Cela
ne veut pas dire pour autant, parce qu'on est plus haut, qu'il n'y a pas
d'exploitation, une non-application de la loi. Je suis entièrement
d'accord avec votre affirmation.
M. Bellemare: Est-ce que la même affirmation s'appliquerait
à Toronto?
M. Chevrette: Je pense qu'au niveau d'une présentation de
mémoires, avant l'étude ou l'adoption d'une loi article par
article, lorsque les gens ont à s'exprimer de la façon qu'ils le
font, et en me basant sur des faits personnels que je connais aussi, 60 heures,
ce n'est pas rare. Ce que madame dit, c'est tout à fait vrai. C'est
beaucoup plus fréquent qu'on peut le croire. Faut-il le cacher parce que
ces choses-là sont vraies et pourraient nous donner un mauvais nom? Je
pense que c'est le contraire. C'est aux gens mêmes qui sont
impliqués à le dire pour forcer l'appareil gouvernemental
à adopter une loi qui fasse en sorte de corriger des situations
malheureuses. Je vous félicite de ce côté-là.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauharnois.
M. La vigne: M. le Président, c'était pour appuyer
un peu ce que vient de dire le député de Joliette-Montcalm. Je
pense que ce que madame écrit, elle l'a écrit avant que la loi
soit adoptée. C'est sûr que le député de Johnson a
l'air de dire qu'avec la venue de la nouvelle loi 126, ce sont des situations
qu'on ne retrouvera peut-être plus ou peut-être plus autant. Mais
au moment où l'étude a été faite, la loi
n'était pas encore adoptée. Je pense que ce n'est peut-être
pas dans tous les cas qu'on trouve que les familles québécoises
exploitent des immigrants comme travailleurs domestiques, mais sans avoir fait
une étude particulière, à titre personnel, sur la
situation, je suis sûr que les gens qui ont écrit ce document sont
des gens sérieux qui vivent dans ces milieux-là. S'ils l'ont
écrit c'est probablement parce qu'il y a une certaine part de
vérité.
M. Bellemare: Je suis convaincu que ce matin vous ne seriez pas
fier de voir cela dans votre mémoire.
M. Lavigne: Evidemment, c'est...
M. Bellemare: On n'a pas besoin de cela quand la loi est
déjà présentée et qu'elle va être...
M. Lavigne: Ce n'est pas, M. le député de Johnson,
une fleur de plus à notre chapeau, bien sûr, de voir dans un
document ce qui est écrit là. Est-ce que, parce que cela nous
déplaît, on n'accepterait pas que cela soit écrit?
M. Bellemare: Pas avec la loi qui s'en vient.
M. Lavigne: On l'a écrit avant la venue de la loi. C'est
là mon argumentation.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je voudrais revenir sur une
question qui a été soulevée dans le mémoire au
sujet des travailleurs illégaux. J'ai été un peu surpris
de la réponse que madame a faite au ministre lorsqu'il a
suggéré l'inscription d'une disposition nouvelle qui rendrait
passible l'employeur d'une amende lorsqu'il emploie des immigrants qui sont
illégalement au pays. Je suis surpris parce que je n'ai pas l'impression
que cela va nécessairement régler le problème qui a
été soulevé. Au contraire, cela peut peut-être le
rendre plus difficile. Est-ce que, dans le fond, les possibilités de
chantage parce que c'est de cela qu'il s'agit d'un employeur
vis-à-vis d'un immigrant qui se trouve illégalement au pays... Le
nombre de ces phénomènes va peut-être s'accroître,
d'ailleurs, plus les règlements en immigration seront
sévères, malheureusement. Est-ce qu'il ne devrait pas
plutôt y avoir une disposition qui obligerait la nouvelle commission
à considérer comme confidentielles les réclamations faites
par les immigrants illégaux relativement à l'application de la
Loi sur les normes de travail, de manière que les renseignements qu'ils
fournissent à ce moment-là à la commission ne puissent
être utilisés dans des procédures visant à faire
appliquer la Loi de l'immigration?
N'est-ce pas là le véritable remède? Parce que
faire imposer une amende à l'employeur est une pénalité
bien faible par rapport à la pénalité qui attend
possiblement le travailleur irrégulier qui risque d'être
expulsé, ce qui est, présumons-le, une chose qu'il ne veut pas.
Il risque bien de se contenter de ne pas être payé du tout ou
d'être payé à un taux très inférieur au
salaire minimum s'il sait que dès qu'il va porter plainte à la
commission cela devient un fait public et que les inspecteurs de l'immigration
peuvent se servir de sa réclamation comme d'une preuve de sa
présence au pays. Est-ce que vous iriez aussi loin que de
suggérer l'adoption d'une telle clause qui rendrait absolument
confidentielles et non utilisables pour
les fins de l'application de la loi sur l'immigration les
réclamations présentées à la commission?
Mme Fournaris: La confidentialité est quelque chose qu'on
espère toujours avoir suffisamment, la protection de la
confidentialité, la même pour tous les travailleurs, parce que,
dans la pratique, ce n'est pas toujours confidentiel. Si on pense aux
comités paritaires, par exemple, il y a des cas où l'employeur
connaît toujours d'avance le jour de l'inspection et là il
commence à nettoyer ses toilettes. Tout est propre et tout est bien dans
la manufacture. Nous n'avons jamais pensé ou nous n'avons jamais
espéré pouvoir aller si loin, mais ce serait vraiment
souhaitable.
M. Forget: Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, Mme Fournaris
et votre collègue, pour la présentation de votre mémoire.
J'inviterais maintenant le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec en la personne de M. Jean-Louis Harguindeguy à venir nous
présenter son mémoire, le numéro 8. M. Harguindeguy,
voulez-vous présenter votre collègue?
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Harguindeguy: C'est Pierre Chassé, le
vice-président de l'exécutif, avec également deux autres
vice-présidents, Roland Saint-Jean et Marcel Lemieux.
Nous allons sûrement exaucer le voeu des membres de la commission
en étant extrêmement brefs. On va strictement résumer. Je
pense que la principale revendication qui est quand même fondamentale,
même si on n'est peut-être pas longtemps on a
déjà été plus longtemps à la commission
parlementaire c'est que la Loi sur les normes du travail s'applique de
façon intégrale également au gouvernement en tant
qu'employeur. C'est depuis les récentes lois, en fait, un des seuls
projets de loi dont le gouvernement n'a pas statué l'application sur
lui-même. A cause des dispositions nouvelles, particulièrement le
recours auprès des commissaires-enquêteurs prévu au Code du
travail sur les déplacements qui peuvent être faits d'une personne
qui est enceinte, un congé de maternité, pour nous, c'est
également une nécessité puisqu'on représente quand
même près de 15 000 membres féminins qui travaillent pour
le gouvernement puisqu'il y a près de 52% de la main-d'oeuvre
syndiquée qui est de sexe féminin. Il est important pour nous
qu'une telle disposition s'applique également de façon
intégrale aux employés du gouvernement. On peut être
porté à croire que déjà, les dispositions actuelles
de 13, 14, 15 dans le cas des activités syndicales ne s'appliquent pas
au gouvernement. Cependant, dans les faits, il s'avère que nous devons
aussi malheureusement faire appel à ces commissaires-enquêteurs
puisque, effectivement, il y a des contraintes qui s'exercent sur nos
représentants syndicaux; il y a des déplacements et il y a
même eu des congédiements. Donc, dans le cas de maternité,
il peut aussi s'avérer utile qu'une telle disposition s'applique.
Egalement, au gouvernement, il existe quand même près de
3000 employés qui ne sont assujettis à aucune convention
collective, ceux qui justement en vertu des dispositions du Code du travail
sont considérés comme n'étant pas des salariés,
mais des employés confidentiels qui se retrouvent actuellement sans
aucun recours, si ce n'est dans le cas de congédiement
éventuellement auprès de la nouvelle Commission de la fonction
publique. Il y a quand même des normes minimales qui devraient
également être appliquées à ces employés
comme à certaines catégories d'employés occasionnels pour
lesquels même à l'heure actuelle, dans les présentes
négociations, le gouvernement n'accepte pas de réglementer un
maximum d'heures de travail. Il y a des employés pour lesquels le
gouvernement ne propose aucune limite d'heures de travail sur une base
hebdomadaire. Ils sont disponibles sept jours par semaine. Je pense que, pour
ces employés qui sont des occasionnels à l'emploi du gouvernement
pour des périodes plus ou moins longues variant de trois à six
mois, il est quand même important qu'il y ait des conditions
minimales.
C'est peut-être essentiellement nos principales revendications.
C'est sûr que l'ensemble des dispositions ne s'appliquerait pas puisqu'il
y a quand même des conventions collectives qui sont
négociées dans le secteur public, sauf qu'il y a quand même
des minima qui, pour nous, seraient également nécessaires. A
preuve, on peut vous donner comme exemple encore récent on en a
discuté encore hier le refus du gouvernement de transmettre
à ses propres employés les chèques de paie sous enveloppe
scellée. C'est donné à la vue de tout le monde. Le refus
aussi d'accepter comme principe la définition de conjoint que vous avez
déjà prévue dans le projet de loi 126. Il nous semble
quand même qu'il y a des situations comme cela qui sont également
identiques pour les employés du gouvernement. C'est pourquoi nous
revendiquons que le projet de loi 126 sur les normes de travail soit
également applicable aux employés de l'Etat du Québec.
C'est à peu près en bref, ce que... (11 h 15)
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: Je vous remercie, M. Harguindeguy. Vous allez
bien?
M. Harguindeguy: Assez bien. Cela pourrait aller mieux, mais cela
coûterait plus cher, semble-t-il.
M. Johnson: Bon!
M. Harguindeguy: On négocie cet après-midi.
Parfois, on se rencontre au moins.
M. Johnson: C'est cela. On va essayer d'être très
bref parce qu'on sait que vous êtes bien occupé de ce temps-ci.
D'abord, une de vos reven-
dications essentielles, ce n'est pas tellement que les fonctionnaires,
qui sont syndiqués et couverts par les accréditations, ont besoin
de cela, parce que, en gros, de façon générale, les
conventions collectives même en général, dans la
société prévoient des conditions qui sont
supérieures à celles qui sont établies ici. Le
problème, c'est celui des employés non syndiqués ou non
syndicables, à toutes fins utiles, de la fonction publique. J'avoue que
vous soulevez là un problème important et intéressant.
Maintenant, je m'interroge sur l'opportunité de régler cela dans
le cadre de la loi des conditions minimales par opposition à des
modifications, par exemple, à la Loi de la fonction publique.
M. Harguindeguy: On connaît le résultat.
M. Johnson: Enfin, disons que vous avez peut-être une
opinion à ce sujet.
M. Harguindeguy: On connaît les résultats de nos
revendications sur le projet de loi 50. On n'a pas frappé dans le
mille.
M. Johnson: Bon!
M. Harguindeguy: Alors, on essaie quand même ici aussi
parce que, éventuellement, même si les employés
occasionnels ne sont pas couverts par la Loi de la fonction publique, qui sont
nommés par un écrit du ministre, mais qui ne sont pas des
fonctionnaires au sens légal du terme, il y a aussi une partie
importante des employés que vous semblez peut-être oublier: les
employés féminins. Le recours prévu à l'article 114
du projet de loi ne pourrait pas être exercé si la loi ne
s'applique pas aux employés féminins de l'Etat parce que, dans la
convention collective, on ne peut sûrement pas prévoir un recours
à un commissaire-enquêteur du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Cela n'est pas possible. Donc, il faut que la loi y
pourvoie.
M. Johnson: D'accord.
M. Harguindeguy: II y a au moins cette partie-là.
M. Johnson: L'autre question que vous soulevez maintenant. A
l'article 64, qui touche l'exercice des congés, des jours
fériés, c'est peut-être une question de formulation, mais
je trouve que la formulation de la loi est plus généreuse que ce
que vous semblez souhaiter.
M. Harguindeguy: Je ne pense pas.
M. Johnson: C'est peut-être une question
d'interprétation. Dans le fond, notre formulation prévoit que le
salarié qui est absent avec autorisation bénéficie quand
même du congé, tandis que votre formulation suggérait que
le salarié soit obligé d'avoir travaillé la veille et le
lendemain. Je pense qu'on se comprend bien sur l'objectif. C'est peut-
être une question d'interprétation des textes, mais...
M. Harguindeguy: En tout cas, l'objectif, c'est que le
congé férié soit payé, alors que selon le texte tel
que rédigé, nous prétendons qu'il aura l'effet contraire.
Il y aura très rarement des personnes qui vont être payées
pour leurs jours fériés.
M. Johnson: Enfin, disons que je tiens bonne note de votre
remarque sauf que, dans le fond, je pense qu'on vise tous les deux le
même objectif. C'est une question de rédaction.
M. Harguindeguy: D'accord.
M. Johnson: J'espère. L'autre question que vous soulevez,
c'est évidemment la cotisation de l'Etat en tant qu'employeur pour
contribuer au fonds. Le raisonnement du gouvernement là-dessus on
aura l'occasion d'y revenir... D'ailleurs, votre revendication est identique
à celle du Conseil du patronat à ce sujet. On dit: Dans le fond,
l'Etat ne devrait-il pas, lui aussi, et ses organismes être soumis
à la perception du dixième ou du cinquième ou du 1% de la
masse salariale, selon le cas? Le raisonnement qu'on a fait derrière
cela, c'est que tout ce qui est dans le secteur concurrentiel de la part de
l'Etat exemples: Société des alcools, les
sociétés d'Etat à vocation commerciale, que ce soit
SIDBEC, les filiales de la SGF tout ce qui oeuvre dans le secteur
commercial est soumis au prélèvement à cause des
conditions de la concurrentialité. Tout ce qui n'est pas soumis à
la concurrence, tout ce qui, finalement, est un monopole d'Etat ou un service
de l'Etat, à partir du principe que c'est payé à
même les fonds publics et que les salariés ainsi que les
entreprises, pour une part, qui ne sont pas énormes quand même,
ont contribué au financement de ces choses-là par la taxation
foncière ou la taxation directe sur les revenus, on ne voit pas pourquoi
ils repaieraient une seconde fois, à toutes fins utiles.
M. Harguindeguy: C'est ce qu'on demande également. On
prétend que le gouvernement ne devrait pas être assujetti au
prélèvement, selon le paragraphe h) de l'article 29 ou à
notre sixième paragraphe. Comme les commissions scolaires qui ne paient
pas, le gouvernement ne devrait pas non plus payer.
M. Johnson: Je m'excuse. Je suis peut-être passé
par-dessus le mot "pas"... Je pense qu'on se comprend très bien à
ce sujet.
M. Harguindeguy: Parce que, habituellement, on n'est pas trop
d'accord avec ces...
M. Johnson: II demeure quand même, cependant, que les
sociétés à vocation commerciale, dans notre optique,
doivent être taxées.
M. Harguindeguy: D'accord. M. Johnson: D'accord.
M. Harguindeguy: On n'est pas toujours sur la même longueur
d'onde que le Conseil du patronat.
M. Johnson: O.K.
M. Harguindeguy: Ce n'est pas dans nos habitudes.
M. Johnson: C'est tout ce que j'avais. Je vous remercie, M.
Harguindeguy.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais demander à
M. Harguindeguy de préciser la première remarque qu'il a faite
selon laquelle le projet de loi 126 ne serait pas destiné à
s'appliquer aux employés de l'Etat, aux fonctionnaires provinciaux du
Québec. En vertu de quelle disposition précise? Je ne sais pas si
on le lit de la même façon.
M. Harguindeguy: C'est en vertu je ne suis pas juriste
des règles d'interprétation. Dès le moment qu'une
loi ne prévoit pas l'application de la loi au gouvernement, la loi ne
s'applique pas. Si on veut que la loi s'applique, il faut nécessairement
que le gouvernement le précise dans la loi.
M. Forget: C'est en vertu, non pas de ce qui est
mentionné, mais de ce qui...
M. Harguindeguy: C'est peut-être un oubli. M. Forget:
En effet, je pense que...
Le Président (M. Marcoux): Les règles
d'interprétation.
M. Forget:... c'est une remarque qui est tout à fait
appropriée et je me demande, en effet, pourquoi le ministre ne l'accepte
pas. Il me semble que, s'il y a un exemple à donner, c'est bien par le
gouvernement dans la rémunération de ses employés. C'est
une suggestion qui devrait être acceptée d'office par le ministre,
sans autre hésitation. Je pense que c'est un très bon point que
vous avez mentionné, M. Harguindeguy, et on va certainement
l'utiliser...
M. Johnson: Dans le débat.
M. Forget: ... dans le débat article par article et au
niveau de la deuxième lecture. Etant donné le caractère du
mémoire, je n'ai pas d'autre question à poser.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, vous dites que certaines
précisions devraient être apportées à l'article 64
du projet de loi, traitant des jours fériés. Est-ce que vous avez
pensé que, si le jour férié du 24 juin, par exemple,
était un mardi ou un mercredi, il soit reporté à la fin de
la semaine?
M. Harguindeguy: II y a la Loi sur la fête nationale qui
prévoit, spécifiquement pour cette journée. Pour les
autres, c'est l'article actuel qui s'applique, l'article 59 qui permet au
gouvernement, par règlement, d'établir d'autres congés
fériés.
M. Bellemare: Est-ce que vous me dites que, dans la Loi sur la
fête nationale, cette journée peut être reportée un
samedi, si c'est un mercredi ou un jeudi?
M. Harguindeguy: II me semble qu'il est prévu que, si un
employé doit travailler, cette journée peut être
reportée, sauf qu'il faut que l'employé ait congé.
M. Johnson: La veille ou le lendemain. Dans la Loi sur la
fête nationale, il faut absolument que ce soit la veille ou le lendemain;
cela ne peut pas être reporté à une semaine plus tard.
M. Bellemare: Dans la même semaine, si le congé
férié arrive en plein milieu de la semaine, qu'il soit
reporté à la fin de semaine.
M. Johnson: Non. C'est toujours la veille ou le lendemain. En
d'autres termes...
M. Bellemare: S'il travaille.
M. Johnson: C'est cela. En d'autres termes, prenons un exemple,
si la fête nationale est un dimanche, le congé sera le lundi; si
c'est un samedi, il sera un vendredi. Si c'est un mercredi, Noël, c'est
Noël, c'est le mercredi; la fête nationale, c'est la fête
nationale et c'est le mercredi.
M. Bellemare: C'était pour éclairer ma lanterne
parce que j'avais de la misère à saisir ce point sur les trois
jours fériés, pour tous ceux qui vont pouvoir
bénéficier des trois jours fériés, Noël, le
jour de l'An et le 24 juin.
Merci, M. Harguindeguy. Je vous souhaite bonne chance avec le
gouvernement dans vos négociations. D'ailleurs, vous avez l'air d'avoir
changé d'hurneur.
M. Harguindeguy: Je suis toujours optimiste, mais cela ne change
pas les problèmes de place.
M. Bellemare: Je vous ai déjà vu plus aguerri que
cela.
M. Harguindeguy: Cela dépend des projets de loi. Il y a
des choses qui s'en viennent et il y a des places pour cela, aussi.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, M. Harguindeguy et ses
collègues. J'inviterais maintenant le troisième groupe que nous
rencontrons ce matin, M. Roger Bédard & Associés. Est-ce que
M. Bédard est arrivé? Comme M. Bédard n'est pas
arrivé, j'inviterais l'Association des manufacturiers canadiens, le no
15-M.
M. Bellemare: Vous n'aviez pas dit qu'on entendrait 9-M avant, ce
matin?
Le Président (M. Marcoux): Oui, mais il n'est pas
là.
M. Johnson: II n'est pas là, M. Bédard. Le
Président (M. Marcoux): M. Massé.
Association des manufacturiers canadiens
M. Massé (Maurice-A): J'ai changé de fauteuil.
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous présenter
vos collègues. Selon nos règles, vous avez une vingtaine de
minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, ce sera la
période d'échanges avec les députés.
M. Massé: Merci, M. le Président. Ici, Maurice
Massé, directeur de l'Association des manufacturiers canadiens, division
du Québec. A mon extrême droite, Me Suzanne Thibodeau, puis Me Roy
Heenan, Me Alain Bilodeau, M. Jean Bleau, M. Georges Lachance et M. Guy
Hurtubise.
L'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec,
est le porte-parole de 1650 membres dont 75% représentent la petite et
moyenne entreprises. Si nous représentons des entreprises de toutes
dimensions, nos services sont surtout requis par les petites et moyennes
entreprises qui ne peuvent s'assurer les services d'experts pour les aider dans
les différentes sphères de leurs activités. Nous avons pu
constater, cependant, que c'est au chapitre de l'interprétation des lois
et règlements qui les régissent qu'elles éprouvent le plus
de difficultés. Ainsi, notre mémoire visera à faire
ressortir dans le projet de loi les éléments qui sont
susceptibles de causer des difficultés d'interprétation et
d'entraîner, de ce fait, des problèmes dont les employeurs se
dispenseraient volontiers.
Les employeurs du secteur manufacturier s'élèvent
également contre les dispositions du projet de loi qui viennent en
conflit avec les pratiques de gestion qu'ils ont rodées avec le temps,
souvent par essais et erreurs, de concert avec leurs salariés,
représentés ou non par un syndicat. Enfin, il nous semble qu'une
étude approfondie des coûts résultant de l'application des
normes nouvelles et des règlements les appuyant devrait être faite
pour que nous n'ayons pas, après coup, à regretter des mesures
qu'au nom de la sacro-sainte théorie des droits acquis, il nous sera
impossible d'abolir. Si vous me permettez, je demanderais à Me Roy
Heenan de continuer à lire le mémoire.
M. Heenan (Roy): II y a deux aspects que l'association trouve
très positifs dans le projet de loi. D'abord, nous reconnaissons que
c'est la responsabilité d'un gouvernement de fixer les normes minimales
de travail. Dans ce contexte, nous sommes donc d'accord avec la démarche
entreprise. En deuxième lieu, nous reconnaissons également qu'il
est important que toutes les normes de travail se trouvent dans une même
loi car cela cause des complications pour l'employeur d'être toujours
obligé de parcourir le fouillis d'une série de lois. Dans ces
deux aspects, nous appuyons le projet tel que présenté. Il faut
cependant que les termes de la loi soient clairs et sans
ambiguïté.
Le problème qui se pose surtout pour l'employeur, ce sont les
taux de salaire minimum. Cela a toujours un impact direct sur les
négociations collectives. La majorité, je dirais, de nos membres
sont syndiqués et sont assujettis au Code du travail. Il y a un impact
énorme des normes minimales sur ces négociations. Il ne faut pas
oublier ce point. Toutes les normes de travail, prises une à une,
peuvent difficilement faire l'objet de contestation. Cependant, elles ont
toutes pour effet d'entraîner une hausse des coûts de production.
Il y a donc lieu de se demander si, dans le contexte actuel, le Québec a
les moyens d'aller aussi loin, aussi vite. Le Québec est dans une
position concurrentielle précaire. Il ne faudrait pas que le bien qu'on
veut faire cause un tort plus grand. Il vaut sûrement mieux un travail
comportant des normes sujettes à amélioration que des normes
idéales sans un travail pour les faire s'appliquer.
Ici, comme je le dis, le coût est affecté surtout au niveau
des négociations, car ceci forme la base, le tremplin à partir
duquel les négociations vont continuer. Chaque fois que vous mettez
quelque chose dans une norme minimale, cela a un effet direct sur les
négociations et sur les conventions collectives. Cela peut
représenter des coûts considérables. (11 h 30)
Deuxième aspect. Quand on a augmenté le taux du salaire
minimum, une des raisons qui furent invoquées pour justifier un taux si
élevé, c'était que les autres bénéfices
étaient moindres dans le Québec qu'ailleurs. Maintenant, avec la
loi, je pense qu'on va amener les autres bénéfices au même
niveau ou dans la moyenne des autres régions, ce qui va faire que le
total de compensation va rester plus haut ici.
Le projet de loi, par ailleurs, a le défaut de prévoir que
les normes seront fixées par règlement, c'est-à-dire sans
passer par l'analyse que permettent les débats de l'Assemblée
nationale et l'étude en commission parlementaire. Ainsi donc, par
règlement et non pas par la Loi sur les normes du travail, le salaire
minimum va être fixé, les congés payés vont
être fixés, les congés de maternité et les autres
normes telles que primes,
indemnités, allocations diverses, etc. Tout cela n'est pas
assujetti à la loi, mais va être fait par
réglementation.
La fixation de normes, de même que l'établissement des
modalités de mise en application par voie de règlements sont un
moindre mal lorsque leur publication précède de deux mois la date
à laquelle ils prennent effet. La loi y pourvoit en son article 32.
Cependant, nos mandants ne peuvent voir le bien-fondé des articles 36 et
37 qui donnent au gouvernement le pouvoir de passer outre aux dispositions de
l'article 32. Nous croyons que les articles 36 et 37 constituent une
échappatoire beaucoup trop facile et qui sera utilisée à
outrance pour pallier les carences des bureaucrates et pour étouffer
dans l'oeuf les revendications des employeurs. Nous ne pouvons imaginer une
situation tellement urgente qu'elle justifierait le changement, sans
préavis de deux mois, d'une norme. C'est quand même une norme et
c'est très important pour les manufacturiers qu'ils soient avisés
au moins deux mois avant pour savoir à quoi s'en tenir. Sinon, on peut
aller à rencontre de la loi en ignorant le changement.
Le pouvoir d'imposition de la commission est exorbitant en regard des
fonctions qu'elle assume. Cette liberté que le projet laisse à la
commission de fixer elle-même le taux de cotisation qu'elle
prélèvera des employeurs du secteur privé ne constitue
sûrement pas une incitation à la rentabilité. La loi de
Parkinson n'est pas une création récente.
Il faut penser ici que, sous l'ancienne Commission du salaire minimum,
la commission avait quand même plusieurs pouvoirs: celui de fixer le taux
du salaire minimum, celui de fixer des vacances, celui de fixer des
congés rémunérés, celui de fixer des congés
de maternité et autres conditions de travail. Tout cela relevait de la
Commission du salaire minimum. Tout cela disparaît maintenant. La
commission n'a pas ces pouvoirs. Cela passe au gouvernement, mais quand
même, on a une anomalie du fait qu'on laisse la commission privée
de tous les pouvoirs qui justifient effectivement son existence, à un
moment donné. A ce moment, on se demande quelle est la fonction de la
commission. Est-ce que cela justifie l'imposition d'un
prélèvement de 1% de la masse salariale qui est quand même
un montant imposant, sans les pouvoirs qui justifiaient autrefois ce
prélèvement?
On passe maintenant à quelques commentaires sur quelques articles
spécifiques. Je demanderais à Me Thibodeau de commencer.
Mme Thibodeau (Suzanne): Alors, le premier article qui a retenu
l'attention de l'association, c'est l'article 32 du projet de loi.
L'association considère qu'il est d'importance capitale que les
règlements visés à l'article 31 ne prennent effet qu'au
moins 60 jours après leur publication dans la Gazette officielle. Les
employeurs pourront ainsi identifier les mesures proposées, les
analyser, formuler des objections ou encore simplement émettre des
suggestions pour en faciliter la mise en application.
Comme le disait M. Heenan tout à l'heure, il y a effectivement
énormément de règlements qui, en vertu de la loi, seront
adoptés pour finalement réglementer les différentes normes
de travail. On sait qu'il est souvent difficile par voie de règlements
ou dans toute loi de prendre en considération toutes les
réalités pratiques de l'entreprise et tout cela. D'où
l'importance effectivement d'un débat public sur le contenu des
règlements.
Les articles devraient être biffés. A ce sujet, Me Heenan a
déjà fait des commentaires sur les raisons qui justifient la
position de l'association.
L'article 39 prévoit que le gouvernement fixe par
règlement le salaire minimum. Le salaire minimum n'est finalement autre
chose qu'une norme et devrait donc être fixé dans la loi. Tout
changement au salaire minimum pourrait donc faire l'objet d'un débat
public. Nous croyons que le salaire minimum a une telle importance sur le plan
social aussi bien qu'économique qu'il mérite l'attention que nous
voulons lui porter. Au pis aller, nous pourrions accepter qu'il soit
fixé par règlement, à condition toutefois qu'un
délai semblable à celui paraissant à l'article 32 soit
accordé pour la formulation de commentaires et/ou d'objections.
Comme on le disait tout à l'heure, le niveau ou le taux du
salaire minimum a une importance capitale en ce qu'il représente un
plancher comme point de départ dans les négociations. On sait
également que le salaire minimum crée un coût d'impact sur
différentes autres normes, par exemple, les vacances, les congés,
etc., d'où l'importance d'un débat public sur la question du
salaire minimum et les conséquences qu'il peut avoir dans l'entreprise
au point de vue économique.
En ce qui concerne l'article 45, les mentions qui doivent paraître
sur le bulletin de paie sont beaucoup trop nombreuses et ne tiennent pas compte
de situations particulières. Ainsi, dans de très nombreuses
entreprises du secteur manufacturier, un salarié peut occuper
jusqu'à cinq ou six emplois différents au cours d'une même
semaine. Il faudrait à tout le moins permettre un peu plus de souplesse
dans ces cas particuliers. Effectivement, si on regarde le texte du projet de
loi actuel, il a ajouté beaucoup de mentions sur les chèques de
paie qui étaient inexistantes dans l'état actuel de la Loi du
salaire minimum et de l'ordonnance no 14.
Les conséquences de cela effectivement, surtout, comme on le dit,
dans des cas très fréquents d'ailleurs où on a, dans une
même semaine ou deux semaines de période de paie, plusieurs
transferts temporaires, on aboutit finalement avec un bulletin de paie
interminable. Vous pourriez apprécier effectivement les coûts que
cela peut représenter pour l'employeur et finalement une perte de temps
productif pour remplir celui-ci. Je pense que le but du bulletin de paie est
d'informer le salarié, lui permettre de calculer le montant qui lui est
dû. Plusieurs des mentions exigées actuellement sont inutiles
à cette fin. Je soumets le fait que de toute façon, s'il y a un
problème qui se pose particulièrement, l'employeur doit tenir un
registre de travail qui contient toute l'information
pertinente. En cas de problème, il peut toujours s'y
référer. Nous suggérons qu'il y aurait lieu de simplifier
les exigences actuelles.
M. Heenan: J'aimerais ajouter un commentaire, messieurs, sur
l'article 51. Ce n'est pas le fait que la semaine normale de travail soit
réduite de 45 heures à 44 heures qui nous dérange, mais
l'impact que cela peut avoir sur certaines conventions collectives. Le
problème je vais le soulever plus tard est que dans
l'ancienne loi, il y avait une disposition, à l'article 25, qui
prévoyait qu'il y avait possibilité, à moins que ce ne
soit expressément interdit par ordonnance, d'utiliser les clauses de
louage de travail qui sont valides et licites, nonobstant les dispositions des
articles 23 et 24, dans la mesure où elles prévoient pour le
salarié une rémunération en monnaie courante plus
élevée ou des compensations ou avantages plus étendus que
ceux fixés par l'ordonnance. Cela permettait la liberté, en
négociation, de faire des choses qui n'étaient pas
nécessairement identiques à la loi; elles permettaient une
certaine souplesse.
On remarque que cette disposition ne se retrouve pas dans la loi
actuelle. Le problème qu'on a est qu'il y a tellement de
négociations, il y a tellement de pressions des syndicats pour avoir un
système un peu différent, pour tenir compte des conditions de
travail dans l'industrie en général qu'on peut se retrouver avec
des situations qui sont peut-être plus avantageuses que la loi, mais on
est pris avec les deux: avec la convention et avec la loi qui sont
contradictoires. Je pense que c'est un point très important; par
exemple, cette question des 44 heures de travail, M. le ministre.
Comme vous le savez, dans l'industrie chimique, il y a bien une pression
qui se fait pour un horaire de 12 heures par jour. Et c'est le syndicat. Je
sais qu'à Contrecoeur les métallos en font la demande à
Stelco; ils veulent un horaire de douze heures par jour. Pour faire cet
horaire, le système normal est de quatre jours de douze heures dans une
semaine et trois jours de douze heures la semaine suivante, ce qui donne trois
jours de congé et quatre jours de congé dans chaque semaine. Mais
si on regarde la loi et la façon dont cela est fait, je ne pense pas
qu'on pourra avoir cela dans une convention collective sans être
obligés de payer le temps supplémentaire tel que prévu
dans cet article, pour la première semaine. C'est la sorte de choses qui
causent énormément de difficultés pratiques car on est
assujetti à des pressions de négociation. On veut faire, et
normalement on fait mieux que les normes qui sont prévues là.
Mais, à moins qu'il y ait une possibilité d'avoir une certaine
flexibilité dans les négociations, on va se trouver toujours en
contradiction avec les dispositions de la loi. C'est un point assez important
dont il faut tenir compte. Je vous suggérerais de regarder la
formulation de l'article 25 de l'ancienne loi qui permet cette sorte
d'avantages négociés qui, dans l'ensemble, sont meilleurs
malgré qu'une ou deux des dispositions peuvent venir à rencontre
d'une ou deux des dispositions de la loi actuelle.
A ce sujet, la remise du temps supplémentaire c'est
l'article 54 en congés payés est une formule largement
étendue et qui a pour effet de satisfaire les salariés en
même temps qu'elle contribue à réduire les frais
d'exploitation. De très nombreuses conventions collectives le permettent
d'ailleurs lorsqu'il y a entente entre les employeurs et les salariés.
Les salariés sont souvent heureux de pouvoir, pour des motifs
personnels, s'échanger du temps de travail. C'est ainsi qu'un
salarié peut travailler seize heures, à sa demande, dans une
journée, pour permettre à un compagnon d'être
libéré. En d'autres mots, on demande un peu plus de
flexibilité, étant donné que cela va avoir un impact
direct sur les négociations. D'un autre côté, par le Code
du travail, le gouvernement encourage les négociations collectives et
individuelles mais, si on veut trop normaliser, la difficulté va
être sentie à la table de négociations et dans les
frustrations qui seront causées par la loi. Je demanderais à Me
Bilodeau de continuer.
M. Bilodeau (Alain): M. le Président, nous avons
également des commentaires à faire, entre autres sur l'article
56, lequel prévoit qu'un salarié est réputé
être au travail lorsqu'il est à la disposition de son employeur.
Il nous semble que cet article comporterait certaines ambiguïtés
dans le sens suivant: Nous avons pensé au cas des infirmières,
par exemple, qui demeurent chez elles ou l'employé qui, de par sa
fonction, doit demeurer chez lui, être en disponibilité, pour une
fin de semaine; il serait réputé être au travail. Si c'est
le cas, nous pensons que l'article doit nécessairement être
modifié pour tenir compte de cette réalité. En fait, M. le
ministre, nous faisons référence à toutes les personnes
qui sont appelées communément en "stand by". Il y aurait
probablement lieu, à ce moment-ci, d'ajuster l'article 56 en
conséquence.
Si vous me le permettez, je ferai un court commentaire sur l'article 58,
bien que non indiqué dans le mémoire. Il est court: "Un
salarié est réputé être au travail durant la pause
café." Nous suggérons qu'on devrait peut-être ajouter au
début ou à la fin de l'article: "...aux fins du calcul du temps
supplémentaire". J'imagine que c'était probablement l'intention
du législateur de faire référence aux fins de calcul du
temps supplémentaire seulement dans cet article, mais, comme ce n'est
pas indiqué, on pense que cela peut effectivement créer une
ambiguïté assez évidente puisque le titre de la section est:
La durée du travail. Alors, si le salarié est
réputé être au travail durant la pause café, il me
semble que si c'était uniquement comme cela il y aurait un argument
possible comme quoi, dorénavant, tout le monde serait obligé de
payer la pause café. Dans certains cas, Dieu sait que cela
représenterait des coûts qui, je ne pense pas, aient
été prévus par le législateur. Ce serait facile de
corriger cela en ajoutant: "Aux fins du calcul du temps supplémentaire,
un salarié est réputé...". Ou, encore, aux fins de
l'article 57, ce qui a peut-être été le cas; c'est ce qu'on
veut peut-être faire ressortir de la loi, aux fins de l'article 57,
"le salarié est réputé être au travail durant
la pause café."
Maintenant, relativement à l'article 59, qui est le premier
article concernant les jours fériés. Nous croyons que le nombre
de jours fériés et chômés constitue effectivement
une norme dont il nous semble inapproprié de laisser la
détermination à d'autres instances que le législateur ou
l'Assemblée nationale. Nous soumettons que la loi, plutôt que des
éventuels règlements, devrait être claire sur ces
questions, à savoir quels sont les jours fériés. (11 h
45)
II nous semble que, finalement, la détermination des jours
fériés correspond à certaines habitudes sociales des gens,
des travailleurs, des citoyens du Québec, et ne devrait être
déterminée par personne d'autre que comme cela s'applique
à tout le monde et à l'ensemble de la population
l'Assemblée nationale elle-même. Cependant, évidemment,
l'article, tel qu'il est rédigé actuellement en son paragraphe
c), a nécessairement ou aurait, s'il était adopté comme
tel, pour effet d'ajouter des jours fériés et payés
à des salariés visés par des conventions collectives
déjà généreuses sur ce point. Dans ce dernier cas,
il y aurait lieu de prévoir un moratoire pour que les salariés et
leurs employeurs puissent ajuster leur convention collective en
conséquence.
En d'autres termes, peut-être que la question devrait se poser de
la façon suivante: Est-ce que c'est le nombre de jours
fériés qui importe au législateur, au gouvernement, ou
est-ce le jour, la qualification du jour comme tel?
Mon collègue faisait des remarques tout à l'heure
concernant l'ancienne loi. Je pense que c'est pertinent. Dans l'ancienne loi,
étant donné qu'on avait la possibilité d'accorder des
conditions de travail au moins équivalentes à celles qui
étaient prévues dans la loi, il n'était pas
nécessaire que ce soit le jour qui est fixé par... dans le temps,
c'était la commission, maintenant, ce sera le gouvernement. Il peut
arriver, c'est une réalité dans notre entreprise et, je pense,
dans bien d'autres genres d'entreprises que l'entreprise manufacturière,
que les salariés bien souvent les syndicats le demandent; ce sont
des demandes qu'on a quotidiennement à la table de négociation
demandent d'avoir telle journée dans l'année. Pour vous
donner un exemple, il y en a qui veulent avoir le Rosh Ha-Shanah. Cela pourrait
être une autre journée. Il y en a qui veulent avoir des
journées supplémentaires durant le temps des Fêtes, quitte
à éliminer certaines autres journées durant
l'année.
C'est bien évident, M. le Président, que si on avait la
nomenclature obligatoire éventuelle d'un certain nombre de jours, cela
ne coïnciderait pas nécessairement avec ce qu'attendent vraiment
les salairiés et, finalement, les entreprises et les syndicats
également. Peut-être y aurait-il lieu à ce moment-ci de
réfléchir à ce sujet. Si c'est le nombre de congés,
c'est facilement adaptable. D'ailleurs, il y a peut-être une certaine
antithèse, jusqu'à un certain point, entre le Code du travail,
qui permet justement aux parties, les compagnies et les syndicats, de
négocier des choses qui sont en fonction des besoins des parties, et les
besoins qui ne sont pas nécessairement toujours les mêmes d'une
entreprise à l'autre. D'autre part, la présente
législation imposerait des choses et ferait en sorte qu'on se
ramasserait avec des revendications minimales et un nombre de jours
fériés qui serait astronomique. Il y a actuellement des
conventions collectives qui prévoient évidemment un grand nombre
de jours fériés qui sont adaptés justement aux besoins des
employeurs. Je fais cette remarque dans ce sens.
Egalement, sur cette question, on parlait tout à l'heure du
problème du jour avant ou du jour après. Si la loi prévoit
qu'un jour férié tombe sur une journée non juridique, que
le congé doit être pris le lundi et que la convention collective
parce qu'il y a bien des conventions collectives dans ce cas
prévoit spécifiquement, dans ce cas-là, que ce serait le
vendredi, il y a un danger réel qu'on soit pris avec les deux, qu'on
nous réclame l'exécution de l'obligation contractée en
vertu de la convention et l'exécution de l'obligation évidemment
imposée par le législateur en vertu de la loi. Cela peut
être un problème évident aussi.
Maintenant, M. le ministre, à l'article 61, l'indemnité
pour un congé doit être égale au salaire que perd le
salarié du fait qu'un jour férié prévu à
l'article 59 est un jour chômé. Ne faudrait-il pas parler de
salaire régulier afin d'éviter le paiement de primes qui sont
établies et payées pour compenser les événements
inhérents à l'exécution du travail dans les circonstances
données? Je vous donne un exemple: la prime de quart qui est
accordée bien souvent par convention pour compenser le fait qu'un
individu ait à travailler le soir ou la nuit. Telle que
rédigée, la législation comprendrait ceci, alors qu'il n'y
a pas lieu puisque l'individu ne travaille pas cette journée-là
et qu'il ne se dérange évidemment pas le soir ou la nuit,
d'accorder cette prime. Si on parlait du salaire régulier plutôt
que du salaire perdu, ce serait peut-être une précision plus
réaliste à apporter. Nous vous le soumettons.
A l'article 64, j'ai certains commentaires qui n'entrent
évidemment pas dans la ligne de pensée de mon
prédécesseur, M. Harguindeguy, qui a parlé tout à
l'heure sur cet article. Il nous semble que cet article est relativement ambigu
à deux égards.
Nous demandons ici: Faut-il verser l'équivalent d'un jour de
salaire à un salarié qui reçoit déjà une
compensation pour un tel jour en vertu d'un régime d'assurance-salaire.
L'emploi des mots "ou à une indemnité" à l'article 64 pose
un problème sérieux parce que cela amène évidemment
la possibilité bien claire d'une double compensation qui n'est pas
justifiée. Si l'individu se trouve déjà sous un
régime où il reçoit des prestations d'assurance-salaire,
je ne vois pas pourquoi son salaire serait payé en plus. C'est une
première question.
Une deuxième question qui nous apparaît également
extrêmement importante et à propos de laquelle nous avons souvent
des problèmes en
négociation, ce sont les mots "ou sans une raison valable"
à l'avant-dernière ligne de l'article: "sans l'autorisation de
l'employeur ou sans une raison valable, la veille ou le lendemain de ce jour".
Je suis évidemment en désaccord, avec respect, avec l'opinion de
M. Harguindeguy qui disait, tout à l'heure, que peu de gens vont
être payés dans ce cas. Etant donné que c'est une norme, il
nous semble que la norme devrait prévoir le principe seulement que
l'individu doit travailler la veille et le lendemain de la fête, mais on
ajoute les mots "ou sans une raison valable". On peut convenir que le but d'un
article comme celui-là au moins, quand on négocie des
conventions collectives, c'est comme cela qu'on le voit c'est
d'empêcher ou de contrôler, jusqu'à un certain point, la
tentation bien humaine de prendre une grande fin de semaine. L'invididu n'a
qu'à appeler l'employeur et à lui dire: Je suis malade. Cela ne
se contrôle pas. La seule forme de contrôle qui est retenue par
l'employeur sur l'absentéisme dans ce cas-là dans
plusieurs cas, c'est un problème réel c'est l'obligation
de travailler la veille. Alors, l'individu qui a cette obligation-là a
tendance à venir travailler et à faire sa journée de
travail pour avoir le paiement de son congé. Mais, si on indique
simplement "ou sans une raison valable... On essaie d'éviter cela autant
que possible dans les conventions collectives et, effectivement, on trouve
d'autres formules. Par exemple, un individu qui serait malade une semaine avant
ou une semaine après, cela pourrait se comprendre parce qu'il n'y a pas
de danger que l'individu prenne la chance de se déclarer malade pendant
une semaine pour avoir le paiement de son congé. Cela ne serait pas
payant pour lui. Le simple fait d'ajouter "ou sans une raison valable"
enlève toute forme de contrôle sur l'absentéisme. C'est
dans ce sens, M. le Président, que je fais ces remarques. Je repasse la
parole à mon collègue.
M. Johnson: Je m'excuse, M. Heenan. Est-ce que vous pourriez
accélérer le tempo sur le reste des articles, s'il vous
plaît?
M. Heenan: On va certainement essayer de le faire, M. le
ministre. Je vais sauter quelques articles. On essaie de répondre
à quelques-unes de vos questions à l'avance. C'est pour cette
raison que cela prend du temps.
Concernant la question des congés annuels payés, il y a
deux ou trois questions que vous devriez regarder. A l'article 65, vous avez
changé la formule qui existait il y a cinq ans, mais il y a bien des
compagnies qui ont changé avec l'ancienne loi et qui ont une
année de référence qui est peut-être
différente du 1er mai au 30 avril qui existait il y a cinq ans.
Maintenant, quand vous employez le mot "intéressées", s'il y a un
syndicat, il n'y a pas de problème. Mais, s'il n'y a pas de syndicat,
quelles sont les parties intéressées qui négocient cela?
Vous pouvez trouver toute une série de compagnies qui vont être
prises, car il n'y a pas de partie intéressée avec laquelle elles
pourraient s'entendre à ce sujet, à moins que ce ne soit des
ententes individuelles. A ce moment-là, il faut le prévoir.
A l'article 72, vous dites qu'il est interdit à l'employeur de
remplacer le congé visé dans les articles 66, 67 et 68 par une
indemnité compensatrice. Cela est très bien quand il s'agit des
deux semaines. Mais vous ajoutez une troisième semaine. Dans bien des
endroits, c'est permis comme dans la loi actuelle de monnayer la
troisième semaine à la demande de l'employé. Assez
souvent, un employé veut avoir plus de semaines de congé
l'année suivante et moins cette année. Cela serait impossible
dans le cadre actuel. Cela enlève toute négociation possible
à ce sujet.
Le troisième point, c'est que l'article 73 est assez important.
Un salarié peut, en raison de la maladie ou à l'occasion d'un
congé sans paie, continuer d'être un salarié même
s'il ne justifie d'aucun jour de travail au cours d'une période de
référence. Le projet de loi prévoit qu'un tel
salarié aurait quand même droit à son congé annuel
et à une compensation au moins égale à l'équivalent
de deux ou trois semaines de salaire selon le cas. Une compensation
établie au pourcentage des gains nous semble seule devoir se justifier.
C'est là le système actuel. On peut avoir des employés qui
sont malades toute une année et qui vont recevoir quand même deux
ou trois semaines de paie en même temps qu'ils reçoivent leur
chèque pour maladie, un en vertu de l'assurance prévue par la
convention collective et l'autre en vertu de cela. Si c'est 4% ou 6% des gains,
c'est le système qu'on connaît.
L'article 78 est un article assez important. Dans cet article, M. le
Président, on ignore la pratique en vigueur dans de nombreux
établissements, et confirmée dans de nombreuses conventions
collectives, à l'effet que les salariés qui ne travaillent pas
dans des équipes rotatives ne prennent qu'une demi-heure sans paie pour
leur repas. C'est monnaie courante. Il y a bien des syndicats qui veulent que
les employés soient au travail le moins de temps possible. Ils
négocient avec l'employeur le fait que les employés ne prennent
qu'une demi-heure payée ou non payée. Votre loi défendra
toute période de repos d'une demi-heure sans paie. Cela se
négocie couramment, bien des syndicats ne veulent pas que les
employés soient en dehors de chez eux pendant 9 heures, ils veulent que
ce soit seulement huit heures et demie et demandent qu'il y ait une
période de repos, de repas d'une demi-heure, sans paie.
Je pense qu'ici, on ne tient pas compte des réalités en
négociation collective. C'est un point extrêmement important que
je vous demanderais de regarder. Même dans le cas des opérations
continues, il y a trois équipes de huit heures. L'employé reste
au travail pendant ces huit heures et c'est normal de trouver, dans une
convention collective, un article accordant un temps approprié
sans temps défini pour le repas, un temps alloué pour
celui-ci. Je pense à des mécaniciens de machines fixes qui
mangent tout en regardant leur machine. Ils n'ont pas de travail manuel
à faire, ils regardent, ils mangent là. De la
façon dont la loi est rédigée, ce sera
illégal. A ce moment-là, on sera obligé soit de donner une
demi-heure supplémentaire de paie, garder l'employé huit heures
et demie ou accorder une heure sans paie pour le repas. Cela ne tient pas
compte de la réalité conventionnelle.
A l'article 80... je pense que je ne ferai pas la lecture de l'article
80, pour faire plaisir au ministre.
M. Bisaillon: C'est très bon, l'article 80. Vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Heenan: A l'article 81, si on reconnaît que le
salarié qui justifie de douze mois de service continu a droit à
un préavis de deux semaines avant d'être licencié, il me
semble qu'il sera utile de prévoir qu'un salarié doit justifier
d'une durée de service minimale de trois mois, comme période de
probation, pour que l'employeur soit obligé de lui donner un
préavis d'une semaine. Une chose qui est extrêmement importante:
le mot "licenciement" a déjà apporté beaucoup de
difficultés en droit de travail. Ce même mot, comme vous le savez,
se trouve dans la loi...
M. Johnson: ...
M. Heenan: C'est cela. La Cour supérieure a défendu
le règlement, récemment, à cause de cela. Il ne faut pas
que cela s'applique à des mises à pied.
M. Johnson: C'est vous qui l'aviez contesté, M. Heenan? Il
me semble que oui.
M. Heenan: C'est bien cela. Vous voyez qu'on le connaît
bien.
M. Johnson: Vous connaissez bien ce problème.
M. Heenan: Je le connais très bien, c'est pour cela qu'on
insiste.
Dans l'article 82, vous introduisez un autre concept. En droit du
travail, quand vous introduisez un autre concept, c'est difficile. On est tous
habitués à congédier pour cause; c'est le terme usuel, si
vous voulez. Ici, vous introduisez le concept de faute grave, qu'il faut payer
à moins d'une faute grave. Normalement, on dirait qu'il faut payer
à moins qu'il soit congédié pour cause. Le
problème, c'est que cela va tout simplement donner lieu à
beaucoup de litiges pour savoir si "faute grave" et "cause", c'est la
même chose ou si c'est quelque chose de différent. Je pense qu'on
devrait en rester au langage que tout le monde connaît, qui a quand
même une certaine jurisprudence qui a établi ce qu'est "cause" et
ce qui n'est pas "cause". Je vous suggère cela.
J'ai deux autres commentaires assez courts à apporter, mais qui
sont quand même importants. Nous voulons encore insister, aux articles 91
et 92, sur le fait que l'ordre public s'applique seulement à
quelques-uns et que vous laissez aux parties qui négocient avec les
syndicats en vertu du Code du travail le droit de faire d'autres ententes et
que vous prévoyez un article comme l'article 25 dans l'ancienne loi. (12
heures)
L'autre commentaire est le suivant. Aux articles 94 et 96, vous importez
dans cet acte le concept de l'article 36 du Code du travail. Vous savez la
difficulté que l'article 36 a causée à tout le monde dans
le droit du travail. L'aliénation ou concession totale, d'après
le juge Geoffroy dans la décision d'Ambulance Godin, c'est une
hypothèse sur un immeuble. Maintenant, si oui, n'importe qui qui
achète un immeuble peut se retrouver avec une action, en vertu de ces
choses, de personnes qu'il ignorait. Il achète l'immeuble, mais il y
avait des employés qui travaillaient là autrefois qui
n'étaient pas payés, et il y a une réclamation qui suit.
C'est un concept qui peut causer énormément de tort car le
Tribunal du travail a décidé qu'il s'agit d'une hypothèque
sur un immeuble. Ce concept de passer le contrat individuel de travail pourrait
causer énormément de tort. Pensez-y, n'importe qui qui
achète des immeubles, il ne sait pas dans quoi il s'embarque avec tout
cela. Je vous rappelle l'usine de Soma, qui est désaffectée, que
personne ne veut acheter, depuis dix ans qu'elle est là; c'est une
excellente usine, mais personne ne veut l'acheter, pour ne pas acheter tous les
problèmes qui existaient là autrefois.
Depuis cinq ans, personne ne peut vendre cet édifice à
Saint-Bruno car personne ne veut l'acheter. Maintenant, je pense, pour
terminer-Une Voix: Est-ce que je peux faire une correction...
M. Johnson: Je pense que Bélanger-Tappan l'a
acheté.
M. Heenan: Exactement, Bélanger-Tappan l'a acheté.
Je m'excuse, mais cela a pris, je pense...
M. Johnson: Cela a pris un bon bout de temps.
M. Heenan: Cela a pris un bon bout de temps et on a essayé
d'intéresser deux autres personnes.
M. Johnson: Cela a pris une grève dans la Beauce.
Une Voix: A Montmagny.
M. Johnson: A Montmagny, pardon.
M. Bilodeau: Maintenant, M. le Président, trois
commentaires additionnels pour terminer. Un sur l'article 100, enfin, vous avez
sûrement eu des commentaires sur celui-là. C'est probablement une
erreur de rédaction, mais cela dit: "Tout règlement d'une
réclamation entre un employeur et un salarié qui comporte une
réduction du montant réclamé est nul." C'est bien
évident que la facture de cet article peut laisser entendre qu'un
salarié
ne pourrait pas, dans le cas où il aurait, par erreur,
exagéré sa réclamation originale, corriger telle
réclamation; enfin, je pense qu'on s'entend là-dessus. Il
faudrait plutôt formuler que les deux parties ne peuvent s'entendre sur
un règlement qui représenterait un montant moindre que ce que
prévoit la loi. Sans cela, il n'y aurait pas de règlement
possible si on ne pouvait pas régler pour moindre que le montant qui est
réclamé. Par définition, cela ne serait pas un
règlement.
Maintenant, sur l'article 108, nous croyons qu'il faudrait circonscrire
le pouvoir de l'inspecteur aux "autres documents pertinents" plutôt
qu'aux "autres documents". Enfin, M. le ministre, très
brièvement, sur l'article 114d, je voudrais faire le commentaire
suivant. On dit qu'il est interdit de déplacer une salariée pour
la raison qu'elle est enceinte. Ceci nous mettrait en conflit avec l'ordonnance
qui existe actuellement comme vous le savez, qui confère à la
salariée la possibilité de demander elle-même d'être
déplacée dans les cas où son travail pourrait comporter
des dangers. L'article 114d tel qu'il est rédigé actuellement
constitue une prohibition stricte. Il faudrait le corriger peut-être.
M. Johnson: Si vous pensez qu'il y a un conflit entre une loi et
un règlement, attendez que la loi de la santé et
sécurité arrive. On va être aux prises avec trois conflits.
On va les concilier à un moment donné.
M. Bilodeau: En effet, il y aura cela. Je voulais le mentionner
également, il y aura ce troisième élément
additionnel. Evidemment, il va falloir qu'il y ait une corrélation entre
les dispositions pour nous éviter de se placer dans des drôles de
situations. Je vous remercie.
M. Massé: M. le Président, en conclusion, on
pourrait constater par la teneur de notre mémoire que notre association
est loin de s'élever contre l'essentiel du projet de loi. Nous nous
sommes plutôt arrêtés, dans le peu de temps qui nous
était départi, compte tenu de notre structure, à soulever
des points d'ordre pratique. Nos membres sont d'accord pour suivre
l'évolution du milieu, mais ils sont très sensibles à tout
ce qui peut compromettre un tant soit peu la rentabilité de leurs
entreprises. C'est heureux pour toute la population du Québec qu'il en
soit ainsi. Leur analyse des mécanismes mis en place par les lois et les
règlements s'inspire des expériences qu'ils vivent et qui sont le
lot de leur quotidien. Par notre mémoire, nous avons voulu faire valoir
que la loi, si elle était adoptée telle que présentement
rédigée, entraînerait des difficultés énormes
pour l'entreprise et surtout pour la petite entreprise. Nous de notre
association, croyons beaucoup que les PME au Québec ont besoin d'appui.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, si je comprends bien, en
principe, nous ajournons à 12 h 30. Est-ce que les députés
de l'Opposition auraient objection à ce que nous continuions
jusqu'à 12 h 45, 13 heures pour pouvoir libérer l'association,
ensuite pour ne pas les obliger à revenir à 16 heures? D'accord,
cela vous irait? Deuxièmement, dans un geste qu'il ne faudrait pas
considérer comme un précédent, je n'ai pas d'objection
à ce que le député de Saint-Laurent adresse les premiers
commentaires, compte tenu du fait que je lui ai déjà
expliqué que je dois m'absenter pour à peu près dix
minutes; je devrai revenir et ensuite on reprendra l'ensemble. Je peux laisser
au député de Saint-Laurent le soin de commencer.
M. Bellemare: Si vous devez vous absenter, je crois qu'il serait
préférable d'ajourner à 16 heures parce que cela va
être un peu trop long que de faire cela à la sauvette dans ce
mémoire qui est très bien fait.
M. Johnson: On a quand même presque une heure pour passer
à travers tout cela, ce qui est considérable. On a pris à
peu près 20 minutes même pour des mémoires aussi
importants.
M. Bellemare: II ne faudrait pas non plus...
M. Johnson: L'alternative, à ce moment, c'est que je me
livre immédiatement à mes commentaires, mes réflexions et
mes questions.
M. Bellemare: J'aimerais mieux que vous soyez là...
M. Johnson: Je me fierai sur mon collègue de
Sainte-Marie...
M. Bellemare:... pour entendre nos réflexions.
M. Johnson: Oui, mais je relis les bleus de la commission. Je
pense que M. le député de Johnson, cela va faire son affaire
d'entendre cela. Je relis les bleus de la commission à l'occasion.
J'entends même les rubans magnétoscopiques de temps en temps. Il
me fait toujours plaisir d'avoir les commentaires du député de
Johnson.
M. Bellemare: Moi aussi, je...
M. Johnson: Compte tenu de la difficulté que cela semble
poser pour le leader de l'Union Nationale, je vais peut-être
procéder immédiatement à quelques commentaires.
D'abord, je pense qu'un des problèmes... D'abord, je dois vous
rassurer, M. le Président... Vous êtes le président, je
pense, de la section québécoise?
M. Massé: Directeur.
M. Johnson: Le directeur de la section québécoise.
Je dois vous assurer qu'effectivement, ce gouvernement, comme il a eu
l'occasion de le redire lors du sommet économique, croit
égale-
ment à l'importance de la PME dans notre économie et dans
notre société. C'est pour cela d'ailleurs qu'on tient des
commissions parlementaires pour entendre les parties, y compris la PME,
là-dessus.
D'abord, la qualité de votre mémoire ne fait aucun doute.
Il y a évidemment des questions d'opinions là-dedans sur
lesquelles on risque de ne pas être d'accord, mais il y a, je pense, des
problèmes très pratiques et très concrets que vous
soulevez, qui ont déjà été soulevés ou
d'autres qui sont nouveaux à nos yeux, sur lesquels nous nous
pencherons.
De façon générale, je pense que le coeur de votre
argumentation je me réfère surtout à la partie de
l'exposé faite par M. Heenan c'est la difficulté de
concilier des normes qui sont dites d'ordre public avec ce qui est librement
négocié, que ce soit sur les horaires de travail, sur la
possibilité de reporter les congés fériés, sur la
notion du temps supplémentaire, etc. Je pense que nous sommes bien
sensibles à ce type de préoccupations que vous avez. Maintenant,
il s'agit d'autre part, dans certains secteurs parce que peut-être
que le monde syndical n'a pas fait ou n'a pas été capable de
faire son travail d'imposer vraiment des choses à l'ensemble des
entreprises, comme, par exemple, tout ce qui a trait aux congés de
maternité. On sait que dans certains cas, il y a des syndicats qui ont
eu besoin du développement des quatre, cinq dernières
années sur la condition féminine pour commencer à aller
chercher des choses qui touchent le congé de maternité. Il y a
des conventions collectives qui vont beaucoup plus loin que l'ordonnance
actuelle de la Commission du salaire minimum. Il y en a qui sont vraiment en
deçà de cette ordonnance. C'est ce type de préoccupation
qui nous a amenés à dire que les conditions minimales devaient
être d'ordre public.
Maintenant, les problèmes concrets que vous soulevez et le type
de formulation sur lequel on travaille, c'est cela: Est-ce qu'il n'y a pas une
série de ces normes qui pourraient trouver leur équivalence ou
leur reconnaissance dans le seul fait qu'elles sont négociées
librement, ce qui permettrait, dans beaucoup des industries que vous
représentez, de régler un tas de problèmes, non seulement
pour vous autres, mais également pour les associations de
salariés? Par exemple, l'affaire du temps supplémentaire 4-3,
douze heures par quart? Les articles 51 et 52 peuvent être
interprétés comme vous l'avez dit, mais je pense qu'ils peuvent
également être interprétés autrement. Chose
certaine, ce n'est pas clair, si on n'a pas l'air de s'entendre a priori sur
les articles 51 et 52. Mais l'objectif, c'est quand même de permettre
cette souplesse et on verra à refaire les formulations, si
nécessaire.
L'autre aspect je me permettrai une parenthèse
là-dessus c'est que vous avez soulevé le fait que sur vos
quelque 1600 membres, M. le directeur général, vous en aviez 75%
qui étaient dans les PME et, par la suite, j'ai entendu M. Heenan nous
dire que la majorité de vos membres étaient syndiqués. Je
ne sais pas où vous recrutez vos membres de la PME, mais les
statistiques que je connais, c'est qu'il y a 20% de syndicalisation dans le
secteur privé au Québec et que 85% des entreprises ont moins de
20 employés. Je pense qu'elles se classent dans le PPME,
c'est-à-dire les petites petites moyennes entreprises. J'essaie de
concilier vos effectifs et ce que M. Heenan dit. Je me demande si vous
représentez effectivement du monde où il y a beaucoup de
syndicats. A ce moment, si c'est le cas, je ne suis pas sûr que ce sont
des PME. Enfin, c'est une parenthèse à laquelle vous serez
appelés sans doute à fournir une...
M. Massé: Restons au texte, si vous voulez.
M. Johnson: Pardon?
M. Massé: Restons au texte.
M. Johnson: Oui, absolument. M. Heenan n'avait peut-être
pas un mandat spécifique sur cette phrase, d'accord.
Rapidement, au sujet de toute la question des articles 32, 36 et 37, sur
la publication, on a eu un long débat avec une autre association qui
vous a précédés la semaine dernière. Je ne le
reprendrai pas ici. La question de l'article 39 de la loi, à savoir que
le salaire minimum devrait être dans la loi, c'est également une
demande de la CSN.
Je présume que les raisons doivent être différentes,
cependant, et que les formulations que vous recherchez seraient sans doute un
peu différentes. La CSN voudrait voir le salaire minimum imposé
par la loi à $4.25 et indexé au Consumer's Price Index, pour
utiliser l'expression que vous connaissez. Je ne pense pas que ce soit votre
objectif.
Je pense, d'autre part, que le gouvernement doit être capable de
prendre ses responsabilités dans des choses comme le salaire minimum. On
peut toujours me citer l'exemple américain. Le Congrès
américain, après un débat qui a duré un an, a fini
par arrêter dans la loi une gradation du salaire minimum sur une base de
trois ans. Cela ne tient pas nécessairement compte, à mon avis,
de ce qui peut être une conjoncture très précise. Quand on
regarde le prix des aliments qui a augmenté récemment, quand on
regarde l'inflation, quand on regarde une série d'autres conditions dans
notre société, il peut s'avérer important que le
gouvernement prenne ses responsabilités et décide de modifier le
salaire minimum à la hausse, bien entendu.
Ceci dit, je pense que le gouvernement doit s'astreindre à une
procédure qui l'oblige à être confronté avec des
opinions divergentes; cela s'appelle, à notre avis, la
prépublication et la possibilité, dans le cadre de la
période des questions en Chambre, pour le gouvernement d'être
obligé de se justifier, sans compter les réponses qu'il doit
donner aux multiples conférences de presse auxquelles vous participez,
avec le Conseil du patronat, les chambres de commerce, etc. La dernière
fois qu'on a eu ce débat au Québec, je pense que cela a
occupé pas mal de place dans
les journaux et dans les media et qu'il y a un vrai débat qui
s'est fait. Ultimement, le gouvernement a pris ses responsabilités, par
exemple, et je pense qu'il s'agit de vivre dans une société
où le monde porte ses culottes. Je pense que porter ses culottes au
gouvernement, c'est statuer sur le salaire minimum et être capable de le
justifier économiquement, politiquement et socialement.
M. Forget: Est-ce une remarque sexiste?
M. Johnson: Absolument pas. Je pense que la mode féminine
me permet de dire que ce n'est pas une remarque sexiste.
L'article 45, maintenant, la question du talon des chèques de
paie. Je comprends que vous ne voulez pas rentrer dans la relance de
l'industrie des pâtes et papiers par des talons un peu longs sur les
chèques de paie. Je comprends très bien le problème que
vous y voyez. Le problème, c'est que je ne vois pas de solution
concrète à cela. J'aimerais peut-être, en cours de route,
vous entendre là-dessus. Comment peut-on simplifier le talon? D'autre
part, si je comprends bien, les ordonnances actuelles de la Commission du
salaire minimum prévoient une série d'exigences qui sont à
peu près celles qu'on retrouve dans la loi.
L'article 54, à lire avec les articles 51 et 52, je l'ai
évoqué tout à l'heure, c'est toute cette question du temps
supplémentaire des conventions collectives.
L'article 56. Je pense que soulever le problème, c'est fort
pertinent sur cette question de la disponibilité est-ce au
travail, est-ce à domicile ou autrement? pour les fins de la
computation du temps supplémentaire, etc. Soulever le problème,
c'est pertinent à nos travaux.
L'article 59. Je dois vous dire d'abord, sur les jours
fériés et chômés, que le gouvernement entend
effectivement conserver ce pouvoir réglementaire pour une raison,
essentiellement. Si on doit se diriger vers ce qui est la moyenne canadienne
dans ce domaine, il va falloir qu'on en ajoute beaucoup. Je pense qu'en ajouter
beaucoup au niveau de la loi immédiatement pourrait représenter
une contrainte considérable sur les entreprises. Il faut envisager cela
progressivement.
Deuxièmement, vous demandiez ce n'est pas Me Thibodeau,
c'est Me...
M. Bilodeau: Me Bilodeau.
M. Johnson: ... Bilodeau si c'est le nombre de jours qui
est important ou si c'est le jour sur lequel cela tombe. Je pense que cela peut
être un peu des deux. D'abord, le nombre de jours, au bout de la ligne,
cela m'apparaît pertinent et l'on s'inspire, pour cela, entre autres de
la codification des conventions collectives qui est faite pour voir, en gros,
ce qui se fait à gauche et à droite. D'ailleurs, le professeur
Hébert, de l'Université de Montréal, a rendu une
communication qui me paraît extrêmement intéressante et qui
confirme l'essentiel des travaux effectués par les fonctionnaires du
ministère sur les clauses qu'on retrouve dans l'ensemble des conventions
collectives. D'une façon générale, cela colle, sauf sur
deux ou trois sujets. Cela colle de façon générale
à ce qu'on retrouve dans les moyennes des conventions collectives. (12 h
15)
Le jour lui-même est important. Choisir entre le premier lundi de
septembre, qui est le moment où tout le monde peut se dire qu'il peut
aller à Plattsburg une longue fin de semaine, et le 1er mai qui est
revendiqué par le monde syndical et des éléments pour qui
la Fête des travailleurs, par opposition à la Fête du
travail, est plus importante, c'est un choix à faire dans une
société. Cela a une signification, ne serait-elle que symbolique,
mais cela a une "mosus" de signification sociologique. Je pense qu'on pourrait
difficilement dire aux gens qu'ils ne peuvent plus avoir la Fête du
travail. Le choix entre le lundi de la Fête du travail qui,
indépendamment de l'appellation qu'on lui donne, est une longue fin de
semaine, quelque part au mois de septembre, qui est l'annonce de la
rentrée, cela a une signification concrète dans notre
société. Le 1er mai deviendra peut-être également,
un jour, important dans ce sens, mais je pense que ce sont des choix qui
peuvent être posés dans une société, sans charrier,
non plus, sur ces choses-là.
L'article 61, dans le fond, vise à couvrir la perte réelle
encourue, et dans ce sens-là, cela répond également aux
considérations de l'article 64 sur les régimes
d'assurance-salaire. S'il y a des problèmes de formulation, on y
reverra, on I'étudiera. Il s'agit de faire en sorte que la perte
réelle encourue par le salarié soit comblée; que ce soit
par un régime d'assurance-salaire, que ce soit par l'employeur
lui-même, que cela tienne compte ou pas des primes, cela dépend de
la situation du travailleur. Si le travailleur est un travailleur qui travaille
toujours sur un quart de soir et que, par définition, il a une prime de
soir, je pense que la perte réelle encourue à cause d'un
congé, c'est la perte réelle à cause du fait qu'il n'a pas
travaillé le soir ce jour-là, donc avec la prime. Par contre,
s'il peut être, à l'occasion, assigné au soir, cela devient
une autre chose. Je pense qu'on verra à essayer de raffiner cela.
A l'article 73, vous soulevez encore une fois d'une façon
pertinente la question de l'étalement pour la période de
référence, pour les fins du congé.
J'aimerais, peut-être un peu plus tard, quand je serai revenu de
mon absence très courte, que vous reveniez sur des exemples, dans
l'article 78, concrètement, encore une fois, que vous m'expliquiez cela
pour que je le comprenne. Je sais que cela pose des difficultés. J'ai
rencontré, lors du congrès de l'Ecole des relations industrielles
de l'Université de Montréal, un représentant d'une
compagnie qui a de nombreux employés, qui est conventionnée
depuis bien des années. Il me parlait de l'évaluation en argent,
de ce que coûterait une disposition comme celle-là. J'ai
trouvé cela assez frappant. J'aimerais que vous me donniez des
exemples.
A l'article 80, je suis heureux de voir que vous considérez qu'on
doit ajouter le jour du mariage des salariés. Je pense que c'est assez
unanime et je trouve cela bien intéressant. Je pense que cela va vouloir
dire qu'au Québec, il va y avoir beaucoup de mariages, maintenant, les
lundis et vendredis. On n'a pas consulté l'Eglise ni le protonotaire de
la Cour supérieure pour voir s'ils étaient capables d'absorber
cela le lundi et le vendredi, mais c'est sans doute une excellente chose.
L'article 81. Je vous ferai remarquer que le Code civil, à
l'article 1668, n'impose pas en ce moment le type de conditions que vous
voudriez y voir et que la nécessité d'avoir, par exemple,
dites-vous, mais vraiment comme exemple, trois mois de service minimum continu,
le Code civil n'exige même pas cela. Je pense qu'à partir du
moment où le préavis de deux semaines présuppose... Le
préavis est en fonction du nombre de mois et à partir d'une
année, etc.; je pense qu'on n'a pas à être moins
sévère que le Code civil.
C'est à peu près ce que j'avais à souligner de
façon générale à la suite de vos commentaires. Il y
a d'autres éléments. On en a pris note ici. Les
représentants de la commission et du ministère sont bien
affairés avec leur crayon et leur papier. On a d'ailleurs analysé
votre mémoire et je pourrai peut-être vous apporter quelques
réponses un peu plus tard sur certaines choses. Je vous remercie,
messieurs. Si vous me le permettez, je vais m'absenter pendant dix minutes.
Le Président (M. Marcoux): Vos commentaires,
maintenant.
M. Forget: Tout d'abord...
M. Heenan: Nous retenons nos commentaires jusqu'au retour du
ministre.
Le Président (M. Marcoux): D'accord. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Premièrement, je
voudrais féliciter les auteurs d'un mémoire qui est très
détaillé et qui porte sur un très grand nombre d'articles
d'une manière spécifique. Ce sera très utile au moment
où la commission se penchera sur l'étude article par article des
dispositions du projet de loi 126. Mais si on veut s'en tenir à certains
points plus généraux, vous avez mentionné, au sujet des
articles 91 et 92, un problème d'intérêt
général au sujet duquel le ministre a d'ailleurs fait quelques
commentaires, laissant entendre qu'il n'était pas fermé à
la notion de restreindre le caractère d'ordre public à seulement
certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail. Dans le même
esprit, je me demande si vous avez réfléchi aux dispositions qui,
selon vous, devraient rester d'ordre public, donc, de façon un peu
individuelle, aux dispositions qui pourraient être modifiées par
des ententes.
Relativement au deuxième aspect, vous mentionnez suffisamment de
points précis au sujet desquels, par des ententes ou des conventions
collectives, il serait possible de déroger. Tout en prévoyant des
dispositions équivalentes, il serait possible de déroger aux
dispositions de la Loi sur les normes du travail. Mais cela laisse quoi, comme
dispositions qui, à votre avis, devraient être d'ordre public?
M. Bilodeau: M. le député de Saint-Laurent, nous
sommes d'avis que les éléments suivants, à savoir le
salaire minimum, les vacances, les jours fériés et la question
des congés de maternité, qui est déjà effectivement
l'objet d'une ordonnance, sont des choses qui pourraient être d'ordre
public. Quant au reste, c'est surtout sur les autres matières que les
commentaires de Me Heenan ont porté, à savoir ce qu'on appelle
"autres normes" actuellement et qui peuvent comprendre des choses comme des
primes, des uniformes, des questions d'hygiène. Ce sont des questions
qui sont applicables d'une façon différente, parfois fort
dissemblables, d'une entreprise à une autre. Ce ne sont pas des choses
de nature telle qu'elles puissent, à notre avis, faire l'objet d'une loi
d'ordre public parce que cela imposerait des changements bien souvent inutiles
dans certaines entreprises où l'équivalent peut exister ou
quelque chose qui colle mieux à cette réalité.
Il nous semble que, dans le cadre d'une loi qui porte sur les normes,
cela devrait être des normes générales ou universelles,
applicables à l'ensemble de la population. Les quatre
éléments que j'ai mentionnés nous semblent être ceux
qui devraient être d'ordre public, à l'exclusion des autres.
M. Heenan: Si je peux ajouter quelque chose d'autre à ce
sujet, évidemment, le taux de salaire minimum est d'ordre public. Il n'y
a pas de problème à ce sujet. Pour les vacances, la
quantité des vacances, il n'y a pas de problème. Mais il y a une
modalité dans toutes et chacune de ces sections. Si tout est d'ordre
public, cela veut dire que, dans les négociations, il y a des
dispositions qui viennent à l'encontre de dispositions continuelles dans
des conventions collectives. Si toutes les modalités sont
également d'ordre public, on se trouve à ne pas pouvoir
négocier. Evidemment, le syndicat, parfois, dans des endroits où
il a de meilleurs bénéfices, veut d'autres modalités.
M. Forget: Dans les circonstances où il serait possible de
prévoir des modalités différentes ou des normes
différentes, mais équivalentes, est-ce que vous prévoyez
que cela serait possible seulement à la faveur de négociations
collectives, c'est-à-dire essentiellement de faire les exceptions
seulement lorsqu'il y a un syndicat qui peut représenter ses membres et
à qui on peut normalement, j'imagine, faire confiance pour aller
chercher au moins l'équivalent, ou si cela s'étendrait à
d'autres circonstances, par exemple, à des ententes individuelles?
M. Heenan: Mais cela ne cause pas de problème à
l'heure actuelle, M. le député. La façon dont cela se
passe à l'heure actuelle, c'est la
suivante: Une compagnie qui n'a pas de syndicat est obligée de
prouver que ses conditions, données généralement à
tout le monde, sont meilleures que celles qui existent ici. Il faut qu'elle
prouve que ce qu'elle fait est mieux que ce qui se trouve dans la loi. En
d'autres mots, si elle a une politique il y a bien des compagnies assez
grandes qui ne sont pas syndiquées et qui ont quand même une
obligation d'offrir tous les bénéfices que sont la pension, etc..
Maintenant, il faut que ce qu'elle accorde, par exception, mais de façon
régulière à tous les employés, soit mieux que ce
qui se trouve dans la loi. On a eu ce débat concernant les vacances
à plusieurs reprises pour prouver que le régime de vacances, de
congés annuels, pour une compagnie, est mieux que ce qui se trouve dans
l'ordonnance no 3 à l'heure actuelle. Cela ne cause pas de
complications. Donc, je prévois cela, pas seulement pour celles qui sont
syndiquées, mais également pour des compagies qui ont des
politiques parfois plus généreuses mais qui, sous un aspect ou
deux, ne sont pas exactement les mêmes que les modalités
prévues dans l'ordonnance no 3, par exemple.
M. Bilodeau: M. le député, si vous me le permettez,
j'aimerais également compléter la réponse que je vous
donnais tout à l'heure concernant la deuxième partie de votre
question. C'est bien sûr que les commentaires relativement à ce
que nous considérons comme devant faire partie de l'ordre public sont
faits sous la réserve des remarques qu'on a faites quant aux
congés fériés et aux vacances dans l'optique qu'a le
législateur de ce qu'est l'ordre public. Par exemple, quand on parlait
des congés fériés, il était question du nombre de
congés. Il est bien évident que si le législateur
désirait qu'il y ait, supposons, six congés fériés
à plus ou moins long terme dans le temps, il nous semble, en tout cas,
préférable qu'il s'agisse plutôt du nombre de ces
congés, bien qu'il puisse arriver que la plupart d'entre eux soient, de
toute façon, des congés respectés par tout le monde, comme
Noël et le Jour de l'An, mais, quant au reste, qu'il y ait une
possibilité de fluctuer. C'est dans ce sens-là que l'ancienne loi
nous permettait, même si c'était d'ordre public également,
une certaine fluctuation sur des choses qui étaient d'ordre public mais
nous permettait aussi de les adapter à l'entreprise.
Quant aux vacances, c'est la même chose. La durée des
vacances, à savoir trois semaines après dix ans, cela ne serait
pas contestable si c'était une disposition et ce serait d'ordre public.
Par contre, la possibilité de monnayer la troisième pour
rencontrer les voeux non seulement des compagnies, mais plus souvent des
employés, ce devrait aussi être quelque chose de négociable
ou qui pourrait être convenu avec les salariés. C'est sous
réserve de ces remarques.
Pour reprendre la deuxième partie de votre question, il y a tous
ces éléments qui ne devraient pas être d'ordre public et
qui pourraient être modifiés par convention collective. Quant
à cette partie des normes dites publiques qui pourrait nous laisser un
minimum de fluctuations à l'instar de la loi précédente,
on pourrait l'adapter à notre entreprise quant à sa forme, mais
non quant au fond.
M. Forget: Vous avez dit également, dans le dernier
élément de votre réponse: qui pourrait être
modifié par convention collective. Si je comprends bien, cela pourrait
aussi, dans votre esprit, être modifié par des ententes
individuelles ou par la décision de l'employeur.
M. Bilodeau: Quand je dis par convention collective, je pense,
évidemment, aux entreprises qui sont syndiquées. Dans d'autres
cas, cela pourrait faire l'objet d'ententes entre employés et employeurs
qui sont des parties contractantes au même titre que les autres, sauf
qu'ils ont des contrats personnels, mais cela pourrait être fait. Il y a
des exemples où on peut penser à certains individus dans certains
types d'entreprises particulières qui s'entendent avec leurs employeurs
pour organiser ou agencer leur période de vacances à tel moment.
Il y a des employeurs qui accordent des conditions de travail qui ne sont pas
similaires à celles qui existent dans les conventions collectives, mais
qui sont supérieures à la loi, bien qu'ils ne soient pas
syndiqués. Ils ont cette marge de manoeuvre de choisir ce qui leur
convient le mieux et c'est une méthode qui est appréciée
de tout le monde.
M. Forget: Selon vous, l'obligation de faire la preuve devant la
Commission des normes du travail de cette équivalence ne pose pas de
problème particulier. Il s'agit toujours d'une preuve
d'équivalence monétaire, j'imagine.
M. Heenan: L'équivalence monétaire. Je pense que le
terme actuel implique des équivalences ou des bénéfices
plus avantageux. Cela n'a pas causé tellement de problèmes,
surtout si on peut démontrer que, par exemple, pour les vacances
annuelles, l'entente est mieux que ce qui était proposé.
M. Forget: II y a un autre point, M. le Président, sur
lequel vous n'avez pas fait de représentations et je dois dire que cela
m'a causé une certaine surprise. Il y a dans l'article 86 qui permet au
gouvernement de faire des règlements des dispositions assez
exceptionnelles où on dit que non seulement le gouvernement a le pouvoir
de faire des règlements, mais qu'il a également le pouvoir
d'exclure par ces règlements l'application, en tout ou en partie, de la
loi à certains organismes sans donner aucune autre spécification
à savoir s'il s'agit d'organismes publics ou privés et sans
même mentionner de critères. Dans le fond, il a le pouvoir
d'abroger la loi par un arrêté en conseil vis-à-vis de tel
ou tel organisme non spécifié. Il a également la
possibilité de décréter des règlements qui
introduiraient des normes de travail minimales je ne sais pas ce que
veut dire minimales dans ce cas-là des normes de travail
différentes pour des catégories différentes de
tavail leurs.
Je me demande si vous vous êtes penchés un peu sur ce
pouvoir réglementaire et si un tel pouvoir très large
détenu par le gouvernement d'abroger la loi en quelque sorte, de
décréter que ce qui est minimum à un endroit ne l'est pas
à tel endroit, est approprié et résout, quant à
vous, des problèmes pratiques importants. (12 h 30)
M. Heenan: Je pense que vous avez soulevé un excellent
point. Dans les commentaires généraux, on s'attaquait à ce
pouvoir de réglementation, peut-être pas spécifiquement
vis-à-vis de l'article 86, mais certainement de l'article 87. On a
passé des commentaires, mais les commentaires généraux
étaient que, pour nous, nous aimerions que, si c'est une loi des normes
du travail, que les normes du travail se trouvent dans la loi et pas dans ses
pouvoirs de réglementation.
Une des choses qui nous déplaisent le plus dans la loi, ce sont
les articles 36 et 37. Même si on accepte, et on n'aime pas l'idée
que ce soit par règlement, qu'au moins on ait deux mois de
préavis pour faire des représentations, pour apporter tes aspects
pratiques. Des fois, c'est l'aspect pratique de l'application qui nous touche.
On a fait des commentaires généraux contre cela. Evidemment,
toute possibilité de réglementer spécifiquement cause plus
de problèmes dans ce sens. C'est vrai que, malheureusement, on n'a pas
eu le temps, c'était le temps qui nous manquait pour faire une chose
longue, mais certainement, surtout l'article 87, on n'a pas discuté
spécifiquement sur cela. Mais tous ces pouvoirs étaient autrefois
de la commission, et à la commission siégeait l'employeur comme
les syndicats pour discuter de ces modalités, de ces pouvoirs face au
gouvernement. C'est pour cela qu'on suggère que cela se fasse par loi,
qu'il y ait une modalité pour qu'on puisse avoir notre mot à
dire.
M. Forget: Pour poursuivre dans la même veine, vous
admettez tout de même que s'il y avait dans la loi plutôt que dans
des règlements la détermination du salaire minimum et du taux de
salaire minimum et des autres conditions de travail, il pourrait malgré
tout y avoir un article 86 qui dirait que même si tout ce qui est
marqué dans la loi est vrai, le gouvernement, par règlement, a le
pouvoir d'exempter qui il veut, par catégorie d'entreprise ou non, par
catégorie de travailleurs ou non. Je me demandais si vous croyiez que ce
pouvoir est un pouvoir approprié dans une loi qui prétend
établir des conditions minimales pour tout le monde, qui, enfin c'est
mon opinion, devraient être les mêmes effectivement pour tout le
monde, de manière à ne pas causer, soit entre les travailleurs ou
entre les entreprises, de la discrimination relativement à l'application
de règlements soi-disant minimums et universels.
M. Bilodeau: C'est bien sûr M. le ministre,
qu'effectivement nous aurions dû...
M. Chevrette: M. le député.
M. Bilodeau: M. le député, je m'excuse.
M. Forget: Pas de projection.
M. Chevrette: Ne soyez pas jaloux.
M. Bilodeau: Je reprends. C'est un lapsus, M. le
député de Joliette. M. le député de Saint-Laurent,
c'est très vrai que nous aurions dû, il n'y a pas de doute,
utiliser l'article 86 comme un argument additionnel pour appuyer nos remarques
concernant les fameux articles 36 et 37 et aussi pour y apporter des
commentaires, si ce sont des choses encore moins importantes, sans diminuer,
qui ont fait déjà l'objet de commentaires. Il va de soi que ce
pouvoir nous semblerait exorbitant évidemment puisqu'il s'agit d'une
chose aussi importante que d'exclure un groupe de personnes de l'application
d'une loi et, en plus, de fixer les normes de travail. C'est bien
évident, M. le député, que nous sommes totalement de votre
avis sur cette question, d'autant plus qu'évidemment si c'était
laissé comme tel, ceci pourrait se faire d'une façon
unilatérale, c'est-à-dire en ayant l'option ou le choix
même cela va aussi loin que cela, 37 de publier ou de ne
pas publier la norme en question ou les normes en question. Je ne peux pas
trouver la justification en dessous de cela.
Mais, lorsqu'il s'agit, c'est bien évident, de viser un groupe de
personnes au Québec qui vont être exclues de l'application d'une
loi générale pour se voir imposer d'autres normes, c'est bien
évident que notre opinion, c'est aussi important pour nous d'être
consultés aujourd'hui sur l'ensemble de la loi, aussi important que nous
considérerions d'être entendus sur la détermination des
normes applicables à un autre groupe de travailleurs. A cet effet, c'est
un oubli malheureux, mais nous aurions dû utiliser cet argument. A tout
événement, nous sommes d'avis, comme vous l'avez
mentionné, qu'il s'agirait d'un pouvoir exorbitant et que le
législateur devrait en tenir compte. Nous espérons que vous en
ferez les remarques en temps opportun.
M. Heenan: J'aimerais apporter deux autres choses. Le
problème avec une telle disposition, c'est que des fois, étant
donné que ce pouvoir est là, on ne pense pas assez aux
définitions dans la loi. Par exemple, dans la loi, à l'heure
actuelle, la définition du mot "cadres" n'est pas suffisante. Par cela,
on ne sait pas qui est couvert. Est-ce que cela va être tout? En anglais
c'est traduit "executive officers". Est-ce que tous les autres vont être
assujettis ou pas? Il y a bien des dispositions qui ne s'appliquent pas. Donc,
ce pouvoir de réglementation que vous avez soulevé nous cause des
problèmes car les termes ne sont pas définis dans une loi, je
suppose sachant que cela peut toujours s'arranger par réglementation par
la suite.
Mon deuxième commentaire, c'est que moi j'aime toujours les lois
où le gouvernement, où les fonctionnaires sont eux-mêmes
assujettis comme les entreprises. A ce moment, les problèmes pratiques
sont pensés beaucoup plus à fond que quand il y a une exception
pour le gouvernement et que c'est seulement les autres qui sont
affectés. En principe, c'est mieux quand les fonctionnaires sont
assujettis.
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, je suis entièrement
de l'avis qui est contenu dans votre mémoire quant à
l'application des articles 36 et 37. Je vois cela d'un mauvais oeil qu'on
puisse, en vertu de l'article 32, établir un règlement de la
commission sans publication préalable, surtout qu'on est, en vertu de
l'article 37, exempté des sanctions qui rendraient invalide ce
règlement. Je pense que le gouvernement devrait être très
attentif à ces deux articles qui sont répétés dans
plusieurs autres mémoires. On attire l'attention du gouvernement pour
dire dans plusieurs autres mémoires que les articles 36 et 37 ne sont
pas "up to date", ne sont pas selon les us et coutumes qu'on puisse aujourd'hui
endurer dans une loi telle que celle-là. On pourrait approuver un
règlement sans publication préalable, s'il y a urgence de la
situation ou intérêt public. Ce sont les deux normes qui sont
appelées, d'après l'article 36, à être
invoquées pour que ce soit valide en vertu de l'article 37.
Sur cela, je vous donne entièrement raison et j'attire
l'attention du gouvernement sur cette faille. Cela veut peut-être couvrir
certaines choses d'intérêt public qui arrivent dans l'application
de la loi. Mais, je ne vois pas pourquoi on dispense dans une loi de la
publication préalable, s'il y a urgence et intérêt public;
on impose une approbation immédiate sans que le règlement soit
invalide.
Je dis au gouvernement que cela devrait être regardé. Un
autre point qui est bien important et je n'ai entendu aucun commentaire de
votre association, c'est la Loi sur la faillite qu'on impose en vertu de
l'article 123.
Il y a là, dans la Loi sur la faillite, trois causes qui sont, je
pense, bien définies: lorsqu'une ordonnance de séquestre est
rendue contre lui, contre l'employeur; deuxièmement, lorsqu'il y a une
cession au sens de ladite loi, quand il s'agit d'une corporation, et,
troisièmement, lorsqu'une ordonnance de liquidation est rendue contre
elle en vertu de la loi concernant la liquidation, en vertu de la loi
fédérale.
Je me réfère à l'article 29f qui dit:
"déterminer la nature des créances qui donnent droit aux
prestations qu'elle peut verser à un salarié à la suite de
la faillite d'un employeur, les conditions d'admissibilité de ces
prestations, leur montant et les modalités de leur versement au
salarié". J'aimerais bien vous entendre sur ce point-là
particulier.
M. Bilodeau: Effectivement, M. Bellemare, nous avons omis de
faire des commentaires sur cette question. Il y a évidemment des
éléments qui nous paraissent insuffisants, c'est bien clair.
D'abord, comment se situera la commission elle-même eu égard
à ces choses-là?
M. Bellemare: Première réponse: Comment va se
situer la commission vis-à-vis de la faillite?
M. Bilodeau: C'est une question. M. Bellemare: C'est
cela?
M. Bilodeau: Oui, je pose la question. Je ne le retrouve pas dans
la loi. Actuellement, cela mérite...
M. Bellemare: Je voudrais que cela soit bien inscrit au journal
des Débats parce que c'est important, votre première
réponse. Et votre deuxième?
M Bilodeau: Maintenant...
M. Bisaillon: C'est ce que vous vouliez lui entendre dire.
M. Bilodeau: D'autre part, il y a d'autres questions qui
pourraient être soulevées.
M. Bellemare: Je ne voulais pas le lui dire, mais la
première réponse, il me l'a enlevée de la bouche. C'est
mieux que ce soit lui qui le dise; si c'est moi qui le dis, je vais avoir
l'odieux de l'affaire. Si c'est lui...
M. Bilodeau: Je ne répéterai peut-être pas ce
que souhaite M. le député de Johnson, mais cela devient une
question, au bout de la ligne, à savoir: Qui va absorber la note, qui va
payer, de qui la commission va-t-elle retirer son argent, quel genre de
créancier, en d'autres termes, va-t-on trouver et à
l'égard de qui? C'est une question à laquelle on ne répond
pas dans la loi.
M. Bellemare: D'après vous, est-ce la commission ou le
gouvernement qui va payer? Dans la loi sur les normes du travail, on dit: "La
commission peut, à même ses fonds, et de la manière
prévue par un règlement adopté en vertu du paragraphe
f)..."
M. Bilodeau: Ce sera l'employeur de toute façon.
Actuellement, les fonds...
M. Bellemare: A l'article 29f), on dit: "déterminer la
nature des créances qui donnent droit aux prestations qu'elle peut
verser à un salarié à la suite de la faillite d'un
employeur, les conditions d'admissibilité à ces prestations, leur
montant et les modalités de leur versement au salarié;..
M. Bilodeau: Actuellement, M. le député, on ne peut
faire autrement que de voir cela pour nous. C'est nous, finalement, qui allons
payer jusqu'à un certain point parce que les fonds de la commission,
c'est nous qui les payons d'une façon exclusive dans le moment. Il y a
un prélèvement, et c'est un problème additionnel pour
nous.
M. Bellemare: Oui, je comprends, le prélèvement de
1%; vous n'en avez pas parlé non plus de ce 1%...
M. Bilodeau: On pourrait...
M. Bellemare: ... qui est peut-être prévu dans la
loi comme objectif suprême.
M. Bilodeau: Effectivement, c'est un objectif suprême parce
qu'il dépasse d'au moins vingt fois les besoins actuels...
M. Bellemare: Oui.
M. Bilodeau:... dans les circonstances actuelles de l'exercice
des pouvoirs de la commission qui sont diminués en vertu de la loi 126
parce que le gouvernement en absorbe la majeure partie. Il y a eu une
adéquation évidente entre ça, à savoir la
façon de se financer, et, d'un autre côté, enlever des
pouvoirs. Cela nous paraît évident aussi. Ce sont des questions
qu'on aurait pu soulever.
M. Bellemare: Je vais en revenir à la Loi sur la faillite.
Répétez-moi donc vos deux objections.
M. Bilodeau: Les questions essentielles que nous nous posons sont
celles-ci. Finalement, il y en a une: Comment la commission se situe-t-elle eu
égard à cette affaire-là, à savoir de quelle
façon paie-t-elle, comment fait-elle pour se rembourser, quelle sorte de
créancier est-ce et, au bout de la ligne, qui se trouve à payer,
quels sont ces fonds? Ce sont les questions. Et, là, évidemment,
ce n'est pas la loi qui nous répond!
M. Bellemare: Sur le chapitre VI, la faillite, il est bien
entendu que "la commission peut non pas doit, vous avez dû
remarquer cela à même ses fonds, et de la manière
prévue par un règlement... Je viens ce vous le lire, d'accord.
"Ou d'un règlement". Cela ne vous a pas frappés! J'aimerais bien
vous entendre sur cela.
M. Heenan: M. le député, je pense que la question
que vous posez est excellente. Cela nous a frappés.
M. Bellemare: J'aimerais que vous nous le disiez! A force de vous
"tortiller", je vais finir par le savoir.
M. Heenan: Nous pourrions certainement en parler. Mais notre
association essaie plutôt de se pencher sur ceux qui sont toujours en vie
et non pas sur ceux qui sont en faillite. Effectivement, cependant, le point
que vous faites ressortir est très important. La question d'où
vient cet argent, ce n'est pas prévu, par exemple, que la commission va
devenir...
M. Bellemare: Ne me faites pas de longs discours; j'ai compris
cela en vous voyant, parce que je vous connais un peu. Je vous ai eu comme
conciliateur dans certains dossiers et on ne s'est pas toujours entendu, mais
cela passe.
M. Heenan: Nous nous sommes entendus.
M. Bellemare: Non, non. Mais quand je vois: "... ou d'un
règlement", que je vois les articles 36 et 37, je me demande si ce
règlement va être urgent et d'intérêt public, sans
publication, et s'il ne sera pas invalide. Est-ce qu'il n'y a pas une certaine
concordance entre...
M. Bilodeau: Eu égard aux deux derniers problèmes
qui ont été soulevés par vous et par M. le
député de Saint-Laurent, c'est très évident que
nous nous sommes peut-être trop attachés à faire des
commentaires généraux qui sont nécessairement applicables
à ces cas particuliers. Ici, évidemment, nous aurions
peut-être dû en faire sur chacun des éléments
particuliers. C'est bien sûr que les caractères
généraux continuent de s'appliquer. Quand on parlait de
règlements tout à l'heure, ce sont les règlements qui sont
soumis aux mêmes dispositions qu'on critiquait tout à l'heure.
C'est bien évident que cela s'applique d'emblée, M. le
député.
M. Bellemare: J'avais pensé que ce qui vous ferait le plus
mal serait d'en parler. Là, je n'entends rien! Je suis obligé de
me servir de mon esprit "légal", entre guillemets, pour vous demander ce
que vous ressentez à la promulgation des articles 123 et 124.
M. Heenan: Mais, certainement, M. le député. La
question de la réglementation, toute la réglementation, et le
point que vous avez soulevé sur les articles 36 et 37 sont tout à
fait à point. Cela représente un point de vue. (12 h 45)
M. Bellemare: J'admets cela...
M. Heenan: D'accord.
M. Bellemare: ... et j'admets que plusieurs autres associations
ont fait les mêmes revendications.
M. Heenan: D'accord.
M. Bellemare: Cela, c'est pour dire au ministre: Prenez
garde!
M. Heenan: D'accord.
M. Bellemare: II y a plusieurs mémoires qu'on entend et
ils sont tous contre l'application des articles 36 et 37. Quand je vois le
règlement qui est contenu à l'article 123, je me demande, mon
cher monsieur, si, à un moment donné, on n'invoquera pas
l'urgence et l'intérêt public pour le rendre valide. Je me demande
cela.
M. Heenan: II n'y a pas de doute que cela peut se faire.
M. Bellemare: Oui, et, à ce moment-là, vous n'aurez
plus rien à dire. Ce matin, c'est moi qui vous force le bras pour que
vous nous en parliez!
M. Heenan: Je vais vous en parler. L'article 123 prévoit
effectivement que la commission peut dédommager et peut passer le
règlement.
M. Bellemare: Peut ou, par règlement...
M. Heenan: Ou, par règlement, décider comment
dédommager. Notre intérêt à nous, c'est: Qui va
payer cela? Evidemment, la réponse est: L'imposition jusqu'à 1%.
A ce moment-là, le 1% peut être atteint. Donc, il y a une carence
évidente dans la loi qui ne prévoit pas que la commission devra
devenir une créancière privilégiée dans la
faillite, etc. Certainement. Notre point de vue sur le règlement est que
cela ne devrait pas passer par les articles 36 et 37.
M. Bellemare: Vous avez passé deux heures à nous
parler de toutes sortes d'arguments qui étaient futiles pour moi, parce
que la loi générale va s'appliquer. C'est certain. Mais
là, par exemple, cela vous fait mal et vous n'en dites pas un maudit
mot.
M. Heenan: Mais on parle du coût pour l'Association des
manufacturiers...
M. Bellemare: C'est là, en somme, le nouveau dans la loi,
la faillite que vous allez être obligés d'assumer.
M. Heenan: Mais l'association...
M. Bellemare: L'avis de tous les salariés, les anciens
salariés... Et on n'entend pas un maudit mot de vous ce matin. Vous avez
l'air de vouloir encenser le gouvernement: C'est une bonne réforme,
d'accord. On a entendu cela dans tous les autres mémoires.
M. Johnson: Vous n'aimez pas cela, n'est-ce pas?
M. Bellemare: Comment! C'est pour cela Minute! Qu'ils en parlent,
par exemple! C'est surtout... Bonjour!
M. Johnson: Bonjour!
M. Bellemare: Je vous salue. Je ne savais pas que vous
étiez revenu.
M. Heenan: M. le ministre, je pense que... M. Bellemare:
Non, pas le ministre, le député.
M. Heenan: M. le ministre, bienvenue. M. le député,
je vais répondre à votre question. Cela fait trois fois et je ne
le répéterai pas. Nos commentaires les plus vigoureux
peut-être sont contre les articles 36 et 37 qui sont la base de cela.
M. Bellemare: A la base. M. Heenan: D'accord.
M. Bellemare: Tous les autres mémoires l'ont dit, mais la
faillite...
M. Heenan: C'est la base de cela, mais la faillite...
M. Bellemare:... qui est un droit nouveau dans le droit du
travail qui n'existait pas et qui existe aujourd'hui...
M. Heenan: D'accord.
M. Bellemare: ... c'est une très bonne chose, magnifique,
mais quand on regarde d'un peu plus près la bonne chose, on se dit: La
commission peut par règlement. Ah! Ah! Cela va être quoi, leur
règlement? Et on n'en a pas dit un mot, pas un mot!
M. Heenan: M. le député...
M. Bellemare: Ils se sont laissés:..
M. Heenan: ... l'Association des manufacturiers canadiens
représente quand même les employés qui sont vivants, mais
pas ceux qui sont en faillite. C'est peut-être pour cela qu'on a
commenté les effets de cela qui...
M. Bellemare: Ah! Cela est bonnet blanc, blanc bonnet. Ah!
M. Bilodeau: D'autre part...
M. Bellemare: Vous les représentez quand cela va bien,
quand cela paie, mais vous ne les représentez pas quand cela ne paie
plus.
M. Bilodeau: M. le député de Johnson, c'est
sûrement notre esprit de synthèse qui, probablement, nous a
poussés un petit peu loin. Les commentaires que nous avons faits, comme
vous le disiez, pendant deux heures à la commission, en pratique et
juridiquement parlant, couvraient nécessairement ces problèmes.
Bien sûr, on ne les a pas abordés un par un. On a peut-être
raison d'en avoir abordé certains. On a peut-être tort d'en avoir
négligé certains autres, eu égard à leur aspect
spécifique. Mais c'est bien clair que je ne pense pas que cela soit
futile d'avoir passé le temps, la majorité du temps à
passer des commentaires...
M. Bellemare: On a compris.
M. Bilodeau: ... applicables à des articles qui visent
nécessairement les parties les plus importantes de la loi.
Attribuons...
M. Bellemare: Seulement, M. le... maître...
M. Bilodeau: ... cela plutôt à notre esprit de
synthèse.
M. Bellemare: Me Bilodeau, supposons, par exemple, que, dans le
règlement qui va être... Allons au pire: En vertu des articles 36
et 37, on les met en application sans publication parce que cela est
d'intérêt public. C'est clair. On porte le un dixième pour
cent à neuf dixièmes pour cent pour payer la faillite.
Qu'allez-vous répondre? C'est là que cela doit vous faire
mal.
M. Heenan: Mais on a commenté cela, M. le
député.
M. Bellemare: Vous avez commenté cela.
M. Heenan: Mais cela n'est pas en vertu de l'article 123. Notre
premier commentaire à ce sujet, c'était ce pouvoir d'imposition,
d'impôt. Cela devient effectivement un impôt. On a commenté
cela longuement. Le coût de la commission et le droit de la commission,
on s'oppose entièrement à cela.
M. Bellemare: Je vous ai entendu, mais bien faiblement.
M. Heenan: Je m'excuse. Je suis même allé, M. le
député...
M. Bellemare: Non, je...
M. Heenan: Je suis même allé jusqu'à demander
quelle était l'utilité de la commission et à dire que,
peut-être, cela devrait être le gouvernement qui...
M. Bellemare: Si on disait plutôt: "la commission doit,
à même ses fonds, de la même manière prévue
par un règlement adopté en vertu de l'article 29f,
dédommager un salarié, de façon partielle ou totale, de la
perte du salaire ou d'un autre avantage pécuniaire résultant de
la présente loi ou d'un règlement voilà et
qu'il a encouru comme conséquence de la faillite d'un employeur". Le mot
"peut" ne devrait-il pas être remplacé par le mot "doit" en ce qui
a trait à la commission?
M. Heenan: A ce moment-là, le coût pour nous, pour
l'association, va certainement être plus élevé, si la
commission "doit" au lieu de "peut".
M. Bellemare: Oui, mais admettez donc, M. Heenan...
M. Heenan: Le problème pour nous, c'est une question de
coût.
M. Bellemare: ... pour une fois, que vous n'avez pas
parlé. C'est clair?
M. Heenan: On n'a pas parlé de cela. C'est vrai.
M. Bellemare: C'est cela. C'est important pour nous autres.
M. Heenan: On a parlé de... D'accord. M. Bisaillon:
M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bellemare: Est-ce que j'ai fini? Une Voix: Oui.
M. Bellemare: Est-ce que j'ai terminé mon temps? L'horloge
n'est pas correcte.
M. Johnson: Vous l'avez bien assassiné.
M. Bellemare: Non, je le connais, je sais ce qu'il vaut.
M. Johnson: Je parlais de votre temps.
M. Bellemare: Je pensais que vous parliez de M. Heenan.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, quelques commentaires
rapides et une question à M. Heenan. J'ai noté, tout au long de
votre représentation, un certain nombre de choses sur lesquelles je
trouvais que l'argument présenté pouvait être valable. Ce
qui m'a étonné, c'est que sur plusieurs articles, vous êtes
revenu en disant que tel que la loi était rédigée
actuellement, vous avez expliqué la non-application à cause des
négociations ou des conventions collectives, en tenant pour acquis qu'il
pourrait y avoir dans la loi une clause indiquant que des conventions
collectives ou des négociations peuvent aller au-delà ou
aménager le minimum requis par la loi. Votre argumentation ne s'applique
plus pour le reste. Ce projet de loi, je le percevais comme s'appliquant, au
départ, à ceux qui n'étaient pas représentés
par des organisations syndicales. Vous avez justifié beaucoup de vos
objections par l'existence des négociations, donc des associations
syndicales. Il me semble qu'il y a une certaine contradiction
là-dedans.
Par ailleurs, s'il y avait dans la loi cet article qui permettait des
aménagements du contenu de la loi au moment de la négociation, ne
voyez-vous pas aussi le danger qu'on assiste à la naissance d'une foule
de syndicats de boutique qui se créeraient peut-être seulement
pour essayer de contrer la loi? Selon vous, est-ce que cela ne pourrait pas
être un danger? Vous pourrez me répondre globalement.
Ma dernière intervention n'est pas une question, c'est
plutôt un commentaire. J'ai été surpris de voir qu'il n'y
avait rien dans votre mémoire qui visait à recommander au
gouvernement que le temps supplémentaire soit facultatif. Je m'attendais
à vous voir revenir, après la grève de United Aircraft
pour dire: J'ai pensé à ce problème,
maintenant je suis prêt à recommander que le temps
supplémentaire soit facultatif.
M. Bellemare: II pourrait ajouter les fonctionnaires de l'Etat,
aussi.
M. Heenan: Pour répondre à cette dernière
question, vous vous souviendrez sans doute qu'au cours de cette fameuse
grève, le temps supplémentaire était facultatif. Cela a
été donné bien avant cela, je ne pense pas que ce soit
là le problème. Pour revenir à vos deux premières
questions, quand vous imposez une loi ou des normes, cela a deux effets.
Evidemment, cela couvre les personnes qui ne sont pas syndiquées, c'est
le but. Par contre, cela a un effet énorme sur les conventions
collectives. Pourquoi favorise-t-on les conventions collectives? Pour permettre
à des personnes de faire des ententes particulières,
négocier chez elles, les employés avec leurs employeurs, en
connaissance de tous les aspects. Le problème avec une loi de normes,
c'est qu'elle affecte la convention de deux façons, surtout si les
normes sont élevées.
D'abord, c'est un tremplin pour les demandes et, donc, cela a un effet,
pas que le minimum ne soit pas déjà en application dans la grande
majorité des compagnies qui sont syndiquées, mais cela donne une
autre poussée à la négociation. On renforce les syndicats
par le Code du travail pour qu'ils puissent négocier, mais on leur donne
un tremplin plus élevé et cela a un effet.
M. Bisaillon: Oui, mais vous êtes d'accord qu'actuellement,
dans l'ensemble des conventions collectives, ces normes minimales sont
déjà dépassées par l'ensemble des conventions
collectives.
M. Heenan: Pas dans toutes... M. Bisaillon: Dans
l'ensemble.
M. Heenan: ... et, évidemment, je ne connais pas les
règlements. Cela dépend énormément de ce qui se
trouve dans les règlements. Il y a l'autre aspect. C'est qu'on peut
très bien écrire des conditions qui sont en
général, moins que ce qu'on trouve dans des conventins
collectives, mais qui viennent à l'encontre dans un ou deux
détails. Le problème, c'est que ce n'est pas un problème
qu'on peut régler tout simplement par l'article 25 de l'ancienne loi. Il
y a bien des cas où les deux s'ajoutent l'un à l'autre et cela a
un impact énorme sur la convention collective et sur les
coûts.
M. Bisaillon: Je pourrais vous donner deux exemples, seulement,
de cas où cela pourrait s'ajouter à la convention collective.
M. Heenan: II y en a en vacances, en congés statutaires,
mais je vous décris mon expérience. Justement, Me Bilodeau a
donné l'exemple d'un congé tombant un dimanche. Par le
décret, c'était reporté au lundi et par la convention, au
vendredi; le syndicat réclamait les deux. Ils avaient droit aux deux.
C'était tout simplement la rédaction de l'un ou de l'autre. Le
syndicat avait choisi un jour et la loi en prévoyait un autre. Cela
s'ajoute. Chaque fois qu'il y a une carence entre la loi et les dispositions de
la convention collective, c'est un ajout qui se fait. Par exemple, c'est
là le problème des heures supplémentaires et des
coûts supplémentaires. Chaque fois que vous prévoyez
quelque chose ici, par exemple, que la pause-café est
présumée être temps de travail, quelle demande le syndicat
fera-t-il? Cela veut dire que nonobstant notre convention collective, ces
pauses sont maintenant payées. Si on a, par exemple, une demi-heure non
payée dans la convention collective pour le repas, avec la formulation
qui se trouve dans la loi, on risque que le syndicat nous dise: Maintenant, en
vertu de la convention collective, ce n'est pas payé, mais en vertu de
la loi, il est payé. Il faut que ce soit payé, on est aux prises
avec les deux. A ce moment...
M. Bisaillon: II y a les conditions minimales. Vous êtes
pris dans l'exemple que vous me donnez à appliquer à une
convention collective une condition minimale qui n'était pas
prévue dans la convention collective. Mais c'est marginal.
M. Heenan: Exactement. M. Bellemare: C'est 23 et 24.
M. Bisaillon: Je pensais que vous m'auriez parlé des
effets de cet article, sur l'ensemble de ceux qui ne sont pas syndiqués,
qui n'ont pas de pause-café.
M. Heenan: Mais le problème, c'est qu'encore, même
s'ils ne sont pas syndiqués, il y a pour toutes les compagnies des
programmes de base, car les bénéfices sont donnés dans une
forme de convention collective quand ils sont syndiqués, mais ils
existent quand même quand ils ne sont pas syndiqués.
D'ailleurs, sur l'ordonnance no 3, par exemple, les modalités de
cela, il y a bien des compagnies assez grandes qui ont des
bénéfices qui dépassent énormément
l'ordonnance no 3, qui étaient affectées par l'ordonnance no 3.
Je vais vous donner un exemple. Des compagnies prévoyaient que,
dès l'engagement de quelqu'un, dans la même première
année, on donnait deux semaines de vacances. C'était mieux que
l'ordonnance qui prévoyait que, pour y avoir droit, il fallait passer
une période d'une année et entrer dans l'autre année de
calendrier. Il y a bien des compagnies qui étaient beaucoup plus
généreuses que cela et qui donnaient deux semaines. Si vous
étiez engagés le 1er mai, on vous donnait deux semaines de
vacances durant l'été. Maintenant, quel était l'effet de
l'ordonnance? L'employé le prenait et, à la fin de son emploi, il
réclamait toujours les deux semaines. L'attitude de la Commission du
salaire minimum, c'est que si vous avez donné cela, vous l'avez
donné gratuitement, mais vous
êtes obligés aussi de donner ce que la loi prévoit.
C'était la sorte de problèmes qu'on voyait beaucoup.
Effectivement, ce ne sont pas toutes les compagnies qui ont un plan de vacances
identique et les détails que vous mettez dans l'ordonnance no 3 ont
causé beaucoup de problèmes, pas aux personnes qui étaient
en bas des normes, mais à celles qui étaient en haut et qui
n'avaient pas exactement les mêmes modalités. On trouvait que
l'année de référence n'était pas exactement la
même que celle de la compagnie et on était parfois obligé
de payer deux fois.
Le même problème se pose, par exemple, pour les
employés qui sont à commission, les vendeurs à commission.
Est-ce qu'ils sont couverts ou non par cette affaire? Il y a des personnes qui
gagnent $35 000, $40 000 en vendant des ordinateurs, mais entièrement
à commission. Quand ils vendent, ils reçoivent la commission.
Quand prennent-ils leurs vacances? Ils peuvent les prendre en n'importe quel
temps. Est-ce qu'on est obligé, à ce moment, de payer trois
semaines ou deux semaines de paie? Est-ce qu'il va falloir qu'on élimine
ce système de vendeurs à commission?
M. Johnson: Ils sont exclus.
M. Heenan: Ils sont exclus.
Les agents d'immeubles sont exclus, mais je pense, M. le ministre,
à moins que je me trompe... (13 heures)
M. Johnson: A l'article 76. Les articles 65 à 75 ne
s'appliquent pas aux personnes suivantes: conjoint de l'employeur,
étudiant-employé, vendeur au sens b) de l'article 1 de la Loi du
courtage immobilier entièrement rémunéré à
commission...
M. Heenan: D'accord.
M. Johnson: ... vendeur au sens de 12, la Loi des valeurs
mobilières...
M. Heenan: D'accord.
M. Johnson: ... salarié surnuméraire pendant la
période du stagiaire dans le cadre du programme de formation.
M. Heenan: Vous voyez, les seuls qui sont exclus là, c'est
le courtage immobilier et les valeurs mobilières. Il y a bien des
personnes, dans l'industrie manufacturière, qui vendent des ordinateurs
à commission...
M. Bellemare: II y a les cultivateurs.
M. Heenan: ... qui vendent deux ou trois ordinateurs pendant leur
année. Ces gens reçoivent des salaires assez
élevés, mais ils réclament quand même des vacances
payées de deux ou trois semaines. C'est un problème assez grave.
Il y a bien des compagnies manufacturières qui vendent presque
entièrement par commission. Elles ont des vendeurs à
commission.
M. Bisaillon: Si une compagnie peut se permettre de payer $40 000
de commission, elle devrait pouvoir se permettre cela ne doit pas la
mettre à terre de payer deux semaines de vacances.
M. Heenan: Cela implique un autre système,
entièrement. Le problème est que cela implique un autre
système. Ce que ces gens sont obligés de faire, c'est de ne pas
payer à commission, mais de payer sur une base de salaire et de refaire
leur système. Les "direct sellers", par exemple, sont toujours
assujettis à ce problème. C'est la sorte de problèmes
pratiques qui nous frappent.
M. Bilodeau: M. le député, j'aimerais faire une
remarque.
M. Bellemare: M. le Président, j'ai seulement une question
à vous poser. J'ai eu la permission du président. Je pense qu'il
m'a fait signe, oui. Le "standby" que vous invoquez dans l'article 56,
voudriez-vous nous l'expliquer bien sommairement, le "standby' des
infirmières?
M. Bilodeau: Nous avons donné cet exemple particulier
parce que cela en est un qui nous est venu à l'esprit. Peut-être
que M. Massé en a d'autres.
M. Bellemare: C'est peut-être l'exemple le plus frappant
dans les négociations.
M. Bilodeau: Ce sont tous ces gens qui sont tenus, à cause
de leur fonction, de ne pas être présents immédiatement sur
les lieux de travail, mais qui demeurent en "standby", qui demeurent "on call",
sur appel.
M. Johnson: En disponibilité.
M. Bilodeau: En disponibilité. J'ai employé cette
expression parce que c'est l'expression couramment utilisée.
M. Bellemare: Qu'est-ce que vous trouvez d'ambigu dans cela?
M. Bilodeau: Ces gens-là ne travaillent pas. Les
conditions de travail de ces gens-là ne sont pas... Vous allez
être rémunérés, par exemple, pour une période
de 10 heures pleines, de 12 heures pleines, par exemple, si vous êtes
chez vous à attendre qu'on vous appelle. Il y a des périodes de
temps où la personne doit être requise, doit être en
disponibilité pour travailler. A ce moment-là, pour les fins du
salaire, elle n'est pas entièrement rémunérée pour
le total des heures. C'est cet esprit-là que nous avons.
M. Bellemare: Vous voulez dire que cette ambiguïté
devrait tenir compte de cette réalité. Est-ce ce que vous voulez
dire?
M. Bilodeau: En effet, ce sont des cas où cela devrait
être exclu.
M. Bellemare: Bon, c'est ça.
M. Bilodeau: C'est ce que je veux dire. Maintenant, j'ai un
commentaire sur la première partie de votre question à Me Heenan,
M. le député. Il semble y avoir confusion à ce sujet. Il
ne faut pas minimiser l'importance de s'appuyer sur un grand nombre de
conventions collectives lorsqu'on vous présente nos arguments. On a
à peu près 25% c'est vrai de ce qu'on pourrait
appeler la grande entreprise qui a des employés très
majoritairement syndiqués qui représentent 75% des
salariés que nous représentons dans notre association. Il y a
cela, et c'est carrément gros et important. Ces gens-là sont
couverts par des contrats. Ensuite, de l'autre fraction qui reste des PME, il y
a une partie, comme le mentionnait M. le ministre tout à l'heure, qui
est syndiquée elle aussi. Ce n'est pas un argument négligeable
que de s'appuyer sur ces arguments, parce que c'est une réalité
plus grande que celle qui n'est pas syndiquée en termes de nombre
d'employés couverts. Je voulais faire la précision pour qu'il n'y
ait pas de confusion.
Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des questions
à poser, M. le ministre?
M. Johnson: Je pense que, étant donné que j'ai
dû m'absenter un peu plus longtemps que prévu, y a-t-il des
commentaires à ajouter aux questions que j'avais posées,
brièvement?
M. Heenan: M. le ministre, vous avez surtout posé une
question qui nous touche beaucoup, la question de l'article 78. C'est la
question de la période de repas. La façon dont c'est
prévu, on ne pourra pas avoir les deux dispositions qui sont
peut-être majoritaires dans la convention collective. La demi-heure de
lunch, de repas non payée, ou dans des opérations continues un
temps qu'on pourra allouer pour le repas, où l'employé est
présent au travail seulement durant huit heures, il a un temps, mais pas
un temps défini comme une heure ou une demi-heure. Il est payé
pour huit heures, mais il n'a pas une période où il peut
s'absenter de sa machine. C'est surtout le cas de personnes qui sont aux
machines, qui n'ont rien à faire sauf de surveiller les machines. Ces
gens peuvent prendre leur repas, ils l'apportent avec eux, ils peuvent faire
n'importe quoi, mais on ne leur donne pas spécifiquement une demi-heure
pour s'absenter de leur travail. C'est une chose. L'autre chose est que, de
plus en plus, les syndicats ne veulent pas que les employés soient
absents de chez eux, de leur foyer, durant neuf heures. Ils veulent que ce
temps soit réduit le plus possible. Surtout si l'entreprise est loin et
que l'employé n'a pas un endroit ou un restaurant où aller, il va
manger à la cafétéria, il demande, il
préfère que l'employé ait une demi-heure non payée
pour le repas, mais qu'il soit à l'ouvrage durant huit heures, plus la
demi-heure, afin qu'il retourne chez lui plus tôt. Donc, c'est
très important qu'on ait cette flexibilité. A l'heure actuelle,
c'est discrétionnaire pour un enquêteur. Mais c'est effectivement
accordé, il n'y a pas de problème. De la façon dont c'est
rédigé à l'heure actuelle, ce sera défendu et il y
aura une chicane énorme sur l'aspect pratique de votre texte.
M. Bilodeau: Sur cette question, M. le ministre, l'option
peut-être que vous pourriez nous donner ce qui a
précédé à la pensée d'accorder ce genre
d'option de 30 minutes payées ou d'une heure non payée
parce que cela se trouve finalement à être l'un ou l'autre
il faut être réaliste. Dans un très grand nombre de
cas, il est bien évident qu'à cause de l'impact financier que
cela aura, cela va forcer l'employeur à donner la période d'une
heure non payée au salarié, donc, forçant les gens
à rester une demi-heure de plus sur les lieux de travail. Cela le force
à faire cela. Il n'a pas le choix parce qu'il n'est pas capable de
rencontrer l'autre option à cause des coûts. Il y a cet
élément.
M. Johnson: Je pense que la difficulté que vous soulevez
est réelle. La réponse à la première partie de
votre question, au fond, je prends l'exemple des employés dans le
commerce, les vendeurs dans les magasins, des choses comme celles-là. On
sait que ces personnes qui sont souvent au salaire minimum, qui ont très
peu de protection, sont appelées à devoir manger un sandwich en
même temps qu'elles travaillent, à toutes fins utiles, parce qu'il
n'y a pas d'autre commis préposé dans ce magasin, etc. Ce qu'on
dit, l'objectif qui était visé, c'est de dire: L'employeur va
accorder une demi-heure qu'il va payer. Il va payer l'employé pour huit
heures et demie s'il l'oblige à manger un sandwich et qu'il n'est pas
capable de prendre un temps raisonnable pour se reposer ou, encore, il va lui
donner un congé d'une heure et il va fermer le magasin à toutes
fins utiles.
Les difficultés que vous soulevez, évidemment, on y pense
et vous n'êtes pas les premiers à les soulever. Même si on
visait un secteur où cela nous apparaissait normal d'introduire des
dispositions comme celles-là pour la protection d'un groupe de
travailleurs, il est bien clair que ce que vous soulevez, c'est qu'ultimement,
dans certaines entreprises et c'est là votre argument majeur
le coût de la demi-heure payée, vous n'aurez pas les moyens
de l'assumer. L'entreprise n'aura pas les moyens de la payer. Donc, ce qu'il va
faire, c'est de dire: Je vous donne une heure. Donc, il va obliger les gens,
pour faire une production de huit heures par jour, à passer neuf heures
sur les lieux de travail. Je ne crois pas que les citoyens veuillent cela non
plus, à moins que les gens ne soient tous tombés en amour avec
leur travail, ce qui est souhaitable, mais on n'en est pas rendu là. On
y pense, on tient bien compte de vos remarques.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie... Oui?
M. Bilodeau: J'avais simplement un commentaire à faire. Le
ministre nous avait invité...
M. Johnson: Oui.
M. Bilodeau: ... à en faire sur ses propres remarques. Je
prenais note je ne sais pas si c'est une indication de l'intention du
législateur à la deuxième lecture de ses
commentaires quant à l'article 59. Il nous parlait de l'introduction
progressive de certaines mesures, ce qui est au moins un élément
peut-être encourageant. On espère que ce sera au même rythme
que l'évolution de notre contexte économique à nous.
Maintenant, quant au choix et quant à la question du choix, M. le
ministre, vous mentionnez qu'il faut à un moment donné faire un
choix entre telle journée ou telle autre journée. C'est là
que nos commentaires divergeaient un petit peu de l'opinion du gouvernement
à cet égard. Il nous semblait que, dans le cas de certaines
fêtes, si vous décidiez d'instaurer le 1er mai, par exemple, c'est
bien clair que la réalité est telle qu'un très grand
nombre d'employés aimeraient mieux, et ils le demandent effectivement,
avoir une autre date que celle-là. Si c'était une question de
nombre de jours, comme je le soulignais à la commission tout à
l'heure, cela ne poserait pas de problème. Cela nous obligerait à
respecter la loi en termes de nombre, mais, d'un autre côté, cela
nous permettrait également de répondre aux voeux des
employés ou au caractère propre à notre entreprise. Ce
choix, à un certain niveau, selon le nombre de jours de congé et
de ces jours précis, je ne vois pas d'objection à ce que,
socialement, il soit exercé par les parties qui sont les plus
impliquées. Ce sont mes remarques sur cet article.
Quant à l'article 81, M. le ministre, je vous soumets bien
respectueusement que, nonobstant le Code civil, il n'existe telle chose nulle
part au Canada que l'obligation de payer une semaine de salaire ou de donner
une semaine d'avis à un individu qui vient d'être engagé la
veille pour une journée ou pour deux jours... Si l'on doit faire une loi
concernant les normes de travail, il me semble que c'est le forum
approprié pour vous représenter que, finalement, ceci devrait
être précisé. Vous conviendrez avec moi que l'article 16.68
du Code civil, auquel vous faites référence, est là depuis
des années et cela fait des années qu'on l'applique plus ou moins
bien. Personne ne l'applique de la même façon et les tribunaux ne
l'interprètent pas de la même façon, suivant le genre de
fonctions. J'apprécierais beaucoup que le législateur, parce
qu'il a l'occasion d'éclairer cette disposition ce n'est pas
l'article 16.68 comme tel, mais c'est quelque chose qui lui ressemble quant au
contenu pour une fois, ait des guides plus certains que l'article 16.68
et que cela se conforme à une réalité et, qu'il ne soit
pas exagéré de demander, par exemple, que cela se situe à
trois mois. C'est le cas, je pense, de la majorité des provinces
canadiennes, que se situe à trois mois l'emploi de l'individu avant
d'avoir l'obligation de lui donner une semaine d'avis. Cela ne nous
paraît pas exagéré.
M. Bellemare: Pas un...
M. Bilodeau: Ce sont les remarques que je voulais faire sur
l'article 81. J'espère qu'on en tiendra compte.
M. Johnson: Très bien.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie les
représentants de l'Association des manufacturiers canadiens...
M. Johnson: M. le Président, avant que les
représentants nous quittent, je voudrais les remercier encore une fois
de la qualité et des détails très précis dans
lesquels ils sont entrés. Je pense qu'ils nous ont
éclairés beaucoup. Je voudrais vous dire que je ne suis pas
responsable des commentaires de l'Opposition de façon
générale.
M. Bellemare: Vous ne les avez pas entendus non plus.
M. Johnson: J'en ai assez entendu pour me dire que, si tout le
reste était sur le même ton, cela ne rendrait peut-être pas
justice au mémoire qui nous a été présenté,
mais c'est peut-être une question d'opinion.
M. Bellemare: On verra cela.
M. Johnson: Je voudrais vous remercier, messieurs et Mme
Thibodeau, de vous être déplacés.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie
également, au nom de tous les membres de la commission.
Je voudrais vérifier une dernière fois si M. Roger
Bédard est ici. Comme le secrétariat des commissions a
essayé de le rejoindre ce matin, qu'on n'a pas réussi et qu'il
n'est pas ici, nous devons ajourner les travaux de cette commission sine
die.
Fin de la séance à 13 h 13