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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 27 mars 1979 - Vol. 21 N° 22

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 126 - Loi sur les normes du travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 126

(Dix heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre se réunit pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126, Loi sur les normes du travail.

Les membres de la commission sont M. Bellernare, (Johnson), remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Bisaillon (Sainte-Marie), remplacé par M. Paquette (Rosemont), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Springate (Westmount).

M. Gendron: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Un instant.

M. Gendron: ... à la place de M. Gravel, il faudrait inscrire M. François Gendron (Abitibi-Ouest).

Le Président (M. Marcoux): M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest).

Aujourd'hui nous entendrons les mémoires suivants...

M. Goulet: M. le Président, je demande le consentement de la commission pour que, dès que M. Bellemare sera de retour cet après-midi, il puisse reprendre son siège.

Le Président (M. Marcoux): De toute façon, cet après-midi, ce sera la nouvelle liste. Aujourd'hui, nous entendrons les organismes suivants: La Société nationale de l'Est du Québec, la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques et la Fédération des femmes du Québec.

J'inviterais d'abord la Société nationale de l'Est du Québec à venir nous présenter son mémoire. Pendant que la société nationale s'approche, je vais exposer nos règles du jeu habituelles. Nous consacrons environ une heure par mémoire, soit une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire et une quarantaine de minutes pour les échanges avec les députés. Le responsable du groupe, M. Otis...

M. Otis: Oui.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, avant que nos invités se présentent, compte tenu du fait que nous avons cinq mémoires inscrits ce matin, que nous pourrons siéger — nous avons d'abord commencé avec une demi-heure de retard — jusqu'à midi trente et ensuite, si cela va bien, à 15 heures, plus probablement 15 h 30 jusqu'à 18 heures...

Le Président (M. Marcoux): Cela fait quatre heures et demie pour cinq mémoires.

M. Johnson: Quatre heures et demie pour cinq mémoires, ce qui fait donc moins qu'une heure par mémoire. On pourrait peut-être inviter la Société nationale l'Est du Québec, comme la Chambre de commerce, qui est le prochain intervenant à nous faire, si c'est possible, un sommaire de leur mémoire plutôt qu'une lecture entière du mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Egalement, certaines personnes m'ont prié de vous demander, autant que possible, de ne pas fumer; sinon, nous ne pourrons pas respirer au bout d'un certain temps.

Si vous voulez nous présenter vos collègues.

Société nationale de l'Est du Québec

M. Otis (Claude): A ma gauche, Mme Cécile Vignola, à ma droite, M. Ghislain Jean et puis, à l'autre bout, M. Perreault.

Le Président (M. Marcoux): Perreault.

M. Otis: M. Armand Perreault.

Le Président (M. Marcoux): Allez-y, vous pouvez y aller.

M. Otis: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, la Société nationale de l'Est du Québec, autrefois connue sous le nom de Société Saint-Jean-Baptiste de Rimouski, compte quelque 33 700 membres regroupés entre 64 unités paroissiales. Cette société recoupe cinq comtés, à savoir: Matane, Matapédia, Rimouski, Rivière-du-Loup et Témiscouata. Toutes les actions, les interventions et prises de position de la Société nationale de l'Est du Québec sont faites en vertu de l'objectif fondamental qui est le suivant: la promotion de la nation québécoise sur les plans social, culturel, économique et politique.

La démarche que nous faisons aujourd'hui n'est pas la première du genre. Chaque fois que nous avons été invités et que nous avons pu le faire, nous n'avons pas hésité à prêter notre voix à ceux que nous représentons.

Aujourd'hui, M. le Président, nous venons donner notre avis concernant le projet de loi sur

les conditions minimales de travail. Issue d'une région déjà défavorisée à bien des égards, la Société nationale de l'Est du Québec compte pour la majorité de ses membres les éléments les plus démunis de la population gaspésienne, petits salariés, travailleurs âgés, etc., ce qui fait que la quantité de gens que nous représentons, leur situation économique passablement pénible légitime hautement notre intervention et notre présence ici. C'est pourquoi, même si nous nous réjouissons dans l'ensemble sur le projet de loi no 126, nous nous pensons bien placés pour y suggérer quelques correctifs.

M. le Président, je cède la parole à M. Ghislain Jean, à qui le conseil d'administration de l'ASNEQ a confié le mandat de former une équipe de rédaction. C'est son mémoire que nous vous présentons à votre bienveillante attention.

M. Jean (Ghislain): M. le Président, en matière de conditions de travail, la Société nationale a constaté déjà depuis longtemps qu'il est impossible d'obtenir des progrès valables et durables en ne comptant que sur la bonne volonté des citoyens, de telle sorte qu'il devient de plus en plus évident que l'action individuelle ou de groupe ne peut donner de résultats satisfaisants à moins que l'Etat n'assume sa responsabilité particulière en matière de travail. C'est pourquoi le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui veut, d'une part, réaffirmer l'urgente nécessité de légiférer en matière de normes de travail. L'argumentation la plus importante pour nous, c'est que nous représentons 35 000 membres dont une grande majorité est formée de travailleurs, de petits salariés non couverts par des accréditations syndicales et trop souvent victimes d'une absence de lois qui leur garantiraient un minimum décent. Nous voulons aussi, dans ce mémoire, démontrer un certain nombre de principes qui paraissent fondamentaux dans la discussion d'une problématique du travail, analyser certains énoncés du projet de loi et soumettre quelques suggestions afin d'effectuer un redressement devenu urgent. (10 h 30)

Analysé dans une perspective d'ensemble, le projet de loi no 126 constitue une mesure sociale importante et souhaitée, pensons-nous, parce qu'il corrigera des situations d'injustice qui frappent les plus défavorisés des travailleurs, c'est-à-dire les travailleurs non syndiqués et ils sont nombreux au Québec. Nous devons constater que ce n'est pas par hasard que les travailleurs les plus démunis et les plus défavorisés sont justement ces travailleurs non syndiqués.

Nous avons voulu dans notre analyse du projet de loi poser un peu comme postulat qu'il fallait d'abord songer à prendre les dispositions nécessaires pour assurer la pénétration du syndicalisme dans ces milieux de travail. Nous voulons profiter de la circonstance pour faire remarquer aux autorités gouvernementales que c'est en facilitant la pénétration du syndicalisme dans ces milieux de travail qu'on trouvera, à toutes fins utiles, la solution globale des problèmes que se propose de résoudre à la pièce le projet de loi no 126. Nous sommes profondément convaincus que, si le respect des droits fondamentaux des travailleurs non syndiqués se trouvait assuré par une convention collective au sens du Code du travail, si la promotion des intérêts de ces travailleurs était garantie par une organisation syndicale représentative des travailleurs, la loi 126 et ses dispositions ne seraient peut-être pas nécessaires.

Bien sûr, en attendant une refonte du Code du travail qui viendra concrétiser ce libre accès au syndicalisme pour tous les travailleurs, nous souhaitons les meilleures normes minimales de travail. Les considérations qui vont suivre voudraient reprendre un peu différents passages du projet de loi no 126 en regard desquels nous allons formuler, sans trop nous attacher au texte, un certain nombre de représentations.

Quant au champ d'application, il nous est apparu que la loi 126 ne s'appliquait pas aux travailleurs à temps partiel, c'est-à-dire aux travailleurs qui font 30 heures et moins. Tout le monde connaît des lacunes graves, en considération des abus qui sont parfois condamnables, qu'on a parfois à vivre. Qui ne connaît pas de ces employeurs qui se spécialisent dans l'engagement de travailleurs à temps partiel et qui décrètent les conditions de travail qu'ils veulent bien.

Au niveau de la Commission des normes du travail, il y a l'article 8, qui stipule que les membres de la Commission des normes du travail, au nombre de sept, sont nommés par le gouvernement après consultation des milieux les plus représentatifs des salariés et des employeurs.

Au préalable, nous osons croire que cette consultation sera véritablement une consultation et que les résultats seront considérés autrement que comme une vague indication des choix à faire. Nous voudrions que les membres de la commission soient choisis non pas en reconnaissance des services rendus au gouvernement, mais bien en fonction de leur compétence et de leurs qualités d'administrateur. A défaut de quoi, la nomination des membres de la commission serait une occasion de patronage qu'il faudrait dénoncer.

Dès l'adoption de ce projet de loi, la Commission des normes du travail verra à ce que les règlements visés par l'article 29 soient promulgués. Nous voudrions insister pour que la promulgation de ces règlements respecte l'esprit et la lettre des paragraphes d) à h) de l'article 29, sans quoi l'économie générale de la loi 126 serait galvaudée. Quant aux normes de travail, particulièrement relativement à la question salariale, nous formulons une modification à l'article 48, où nous suggérons de modifier le libellé de l'article afin d'obliger l'employeur à effectuer une retenue demandée par le salarié lorsque cette retenue concerne une adhésion à un plan privé d'épargne-retraire. On sait qu'il s'agit là d'une forme d'épargne qui est de plus en plus populaire et qui est aussi de plus en plus accessible aux travailleurs.

Concernant les jours fériés, chômés et payés, nous voudrions un élargissement de l'article 59 afin que soient considérés comme fériés et chô-

mes les jours suivants, en plus du 24 juin, de Noël et du Jour de l'an, le Vendredi saint, le lundi de Pâques, la Fête des travailleurs, c'est-à-dire le 1er mai, la Fête du travail et la Fête de l'Action de grâces.

Quant aux congés annuels payés, nous voyons, dans le projet de loi 126, une nette amélioration, dans le sens que, dorénavant, les travailleurs auront effectivement droit à des vacances et non pas nécessairement droit à 4% du salaire gagné. Dorénavant, il sera interdit à l'employeur de remplacer le congé annuel par une indemnité compensatrice, et l'indemnité afférente au congé annuel sera le plus élevé des montants suivants, c'est-à-dire le salaire correspondant à deux semaines normales de travail ou 4% du salaire brut de l'année pour le salarié qui a droit à deux semaines de vacances; pour celui qui a droit à trois semaines de vacances, il recevra soit le salaire correspondant à trois semaines normales de travail, soit 6% du salaire brut de l'année de référence.

Cependant — c'est là une représentation que nous jugeons importante — nous trouvons vraiment disproportionné qu'il faille attendre d'avoir dix ans de service pour mériter trois semaines de vacances comme le stipule l'article 68. Nous trouvons indécent qu'un salarié ne puisse connaître la période de son congé annuel avant deux semaines. Nous pensons qu'il y a là un élargissement souhaité et souhaitable, qu'on signifie à l'employé dans une période qui soit plus longue que deux semaines la date de son congé.

Comme la loi 126 est une mise à jour aussi des normes minimales de travail et une adaptation de ces normes à la société contemporaine, nous suggérons que l'article 68 soit amendé afin de permettre trois semaines de congé annuel à l'employé qui a cinq ans de service continu. L'article 71 devrait être modifié — j'en ai fait allusion il y a un instant — dans le sens que le salarié puisse connaître la période de ses vacances au moins six semaines à l'avance.

Quant aux repos et aux congés divers, M. le Président, nous souhaitons aussi un élargissement des dispositions de la loi. Si on réfléchit un instant aux implications personnelles évidentes et au contexte social qui entoure les événements à incidence sociale, décès, mariage, il est incontestable que l'article 79 ne constitue même pas une norme minimale de travail et qu'il doit être reformulé afin de le rendre compatible à la réalité vécue par le travailleur. Dans ce sens-là, nous suggérons ceci. Pour le décès du conjoint, nous réclamons la possibilité de s'absenter du travail pendant trois jours, sans réduction de salaire, auxquels on peut ajouter une absence de trois autres jours avec réduction de salaire. Pour le mariage d'un enfant, la naissance ou l'adoption d'un enfant, nous réclamons une journée sans réduction de salaire à laquelle peut s'ajouter dans le cas du mariage d'un enfant, une journée sans rémunération. Dans le cas de la naissance ou l'adoption d'un enfant, deux journées sans rémunération.

Concernant le préavis pour le licenciement, notre position est claire. En cas de licenciement, il doit toujours y avoir un préavis, quelles que soient les raisons, et nous concevons qu'il peut y avoir des raisons pour des licenciements.

Le projet de loi 126 stipule aussi qu'un certain nombre de règlements seront établis par le gouvernement. Nos considérations vis-à-vis de ces règlements se sont arrêtées au congé de maternité. Substantiellement, nous voulons dire devant vous, M. le Président, que la maternité est un acte éminement social et qu'effectivement elle ne doit pas être vue comme un événement fortuit punissable soit de congédiement ou de perte de travail. Nous voulons inviter les autorités à poursuivre de l'avant le mouvement qui semble amorcé. Actuellement, le contexte peut se résumer un petit peu dans les perspectives suivantes: congé de maternité de 18 semaines, 15 semaines d'assurance-chômage, les trois autres semaines étant couvertes — si on veut — par une allocation de maternité de $240. Nous voulons inviter les autorités gouvernementales à poursuivre le travail dans ce sens-là parce que ces dispositions ne peuvent pas être considérées comme assurant un véritable congé de maternité, quoique nous constatons effectivement qu'il s'agit d'un pas valable et tout à fait intéressant. Donc, il y a encore du travail à faire à ce niveau-là.

Quant au recours, M. le Président, c'est une disposition qui nous apparaît importante. Il est bien dit dans la loi que l'employeur ne peut pas congédier, suspendre ou déplacer un salarié qui fait appliquer les dispositions de la loi. Nous en convenons facilement. Il faudrait toutefois être bien au fait que les représailles peuvent s'exercer sous des formes moins évidentes, mais de façon tout aussi réelle et pernicieuse. Nous pensons ici à certaines formes de harcèlement physique ou moral, certaines formes de pression ou de chantage contre lesquelles le salarié ne pourrait pas réagir, faute de dispositions incidentes. Notre perception du projet de loi 126 ne nous permet pas de dire que ces formes de répression morale pourraient être contrées par l'une ou l'autre des dispositions de la loi.

Quant aux infractions et aux peines prévues dans la loi comme telle, M. le Président, nous pensons qu'il faut renforcer considérablement les dispositions qui sont là. En parcourant le mémoire, on peut constater que nous qualifions d'amendes "à l'eau de rose" les amendes qui sont prévues comme telles dans le projet de loi. Il faut bien le dire: ce sont des amendes "à l'eau de rose'' qui ne peuvent pas dissuader les employeurs à la conscience lâche, chez qui l'attrait de profits vite faits prime de beaucoup sur le respect des normes minimales de travail.

Nous demandons au gouvernement de majorer substantiellement les montants des amendes prévues afin que la gestion et l'application de la loi 126 ne soient pas un chasse-croisé dont les frais seraient finalement assumés par les petits salariés. Un réajustement dans ce sens s'impose si nous ne voulons pas nous retrouver en face d'une loi dont

les dispositions resteraient lettre morte parce que non appliquées.

En conclusion — et vous constatez, M. le Président, que c'est un peu à vol d'oiseau, cet aperçu rapide — nous voudrions rappeler que le travail non seulement n'est pas un privilège, comme on l'a trop longtemps perçu, mais un droit fondamental pour chaque individu dans la société. Les lois du travail, imprégnées de ce principe, doivent respecter les ressources humaines que sont les travailleurs.

Si la Société nationale de l'Est du Québec a tenu à participer au débat sur le projet de loi no 126, c'est qu'elle est convaincue, que les travailleurs québécois en général et ses membres en particulier ont des droits à faire valoir et des besoins à satisfaire: le droit d'être protégés contre l'exploitation, le droit de travailler dans de bonnes conditions d'hygiène, de sécurité et de santé, le droit à un congé de maternité rémunéré pour les travailleuses, le droit à l'intégration de l'éducation permanente dans le travail, c'est-à-dire amélioration des qualifications techniques, congés à des fins éducatives, etc., le droit de collaborer au développement économique et social et le droit de participer à l'enrichissement collectif.

En terminant, M. le Président, nous voudrions féliciter le gouvernement pour le geste concret que constitue le projet de loi no 126 dans le sens de l'amélioration des conditions de travail de 1 500 000 travailleurs et, par voie de conséquence, nous pensons que le projet de loi no 126 est susceptible d'assurer une forme de progrès social auquel nous souscrivons d'emblée. Voilà donc, résumé assez rapidement, le contenu de notre mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole au ministre, je proposerais aux membres de la commission de remplacer le député de Portneuf, M. Pagé, par le député de L'Acadie, Mme Thérèse Lavoie-Roux.

Des Voix: C'est un plaisir.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement? Je ne voulais pas semer le trouble par cette recommandation. M. le ministre. Elle semble revenir en forme; elle était grippée la semaine passée.

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'ai eu des bonnes recommandations. J'avais un bon médecin.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez un bon médecin. M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Il m'a donné congé.

M. Johnson: Messieurs et madame, je vous remercie de votre mémoire. D'abord, je remarque avec intérêt et avec plaisir que c'est le seul des mémoires qui nous provient d'une société nationale. C'est sans doute, comme vous le souligniez d'ailleurs avec insistance à deux reprises, que vous représentez quand même 35 000 personnes dans le Bas-Saint-Laurent, ce qui fait de vous sûrement un groupement qui ne doit pas être loin de l'importance du Centre des dirigeants d'entreprises ou de la Chambre de commerce dans votre région. D'abord, il y a quelques-unes des remarques que vous nous faites, par exemple, au sujet des congés, lundi de Pâques, Vendredi saint, Action de grâces, etc. On essaie de tenir compte quand seraient ces jours si on devait procéder à plus de jours de congé. Une des contraintes qu'on a, avec la loi 126, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer, c'est en même temps d'imposer à l'ensemble des entreprises au Québec et simultanément une série de conditions qui ont évidemment des conséquences financières d'importance, si on les prend globablement. (10 h 45)

Je suis d'accord avec vous, on va progressivement sans doute se diriger dans le cadre des conditions minimales vers un nombre de jours de congé payés beaucoup plus important que les quatre qu'on y retrouve en incluant la fête nationale du 24 juin. C'est une question d'étalement dans le temps. Sur d'autres questions, par exemple, je retiens bien votre suggestion au sujet de l'avis pour les vacances. C'est la première fois qu'il nous est souligné dans un mémoire. C'est vrai que savoir deux semaines d'avance la date de ses vacances, c'est peut-être un petit peu ennuyeux. Il faudrait peut-être s'organiser pour que ce soit autrement. Je pense qu'on peut tenir compte de ce type de remarque.

Sur une question qui rn'apparaît beaucoup plus fondamentale à vos yeux, mais je ne pense pas qu'on puisse y répondre de façon positive en ce moment, vous suggérez que l'employeur soit obligé d'effectuer une retenue, si le salarié le demande et que cela concerne un plan d'épargne-retraite ou tout autre plan d'épargne personnel.

Ce type de contrainte, cela n'existe pour le moment nulle part ailleurs que dans le cadre des dispositions d'assurance-chômage, des dispositions de l'impôt, évidemment, la retenue à la source, c'est-à-dire, tout ce qui est relié finalement à ce qui est imposable ou à ce qui est public. D'accord, régime de rentes, assurance-maladie, etc. Votre suggestion ne manque pas d'intérêt, sauf que, concrètement, si ces plans étaient des plans publics ou, par exemple, une augmentation de participation à la Régie des rentes, je ne verrais pas d'objection. Mais vous parlez vraiment d'imposer aux employeurs une obligation à l'égard d'une retenue, et il y a tellement de plans différents, il y a tellement de sources différentes, il y a tellement de critères différents, que je vois cela non pas comme un empêchement majeur, mais une difficulté considérable que d'imposer cette obligation aux employeurs.

De façon générale, au-delà de ces questions que vous avez soulevées, je reviens sur une chose qui est centrale dans tout cela et, après cela, je vais vous poser une question. D'abord, c'est le libre accès au syndicalisme. C'est bien clair que cette loi ne prétend pas remplacer la valeur de ce

qu'est la syndicalisation comme mode d'obtention de conditions adéquates pour les travailleurs. Je dois vous dire que, parallèlement, le gouvernement continue ses travaux et ses études dans le but d'aboutir à des choses très précises dans un avenir prochain.

Ma dernière question touchera les amendes. Je vous ai trouvés très sévères sur les amendes "à l'eau de rose". La Loi de la Commission du salaire minimum prévoit des amendes de l'ordre de $20, $25 et $10 je pense, pour des infractions. Nous passons de $200 à $3000 puis vous trouvez que c'est "de l'eau de rose"! Je trouvais qu'on avait fait un pas en avant assez important en décuplant, et même plus, les amendes. Il me semble que de $200 à $3000 c'est quand même ce qu'on retrouve à peu près dans la plupart des lois statutaires récentes comme type d'amendes.

L'autre chose, c'est pour vous dire que c'est vrai qu'il y a peut-être des pressions morales, etc., ou une coercition morale voire physique, dites-vous, qu'un employeur peut exercer sur un salarié parce qu'il s'est plaint. Mais, qu'est-ce que vous voulez, la loi ne remplacera jamais la nature humaine. Je voudrais bien que par la loi on précise que les employeurs sont dorénavant des êtres vertueux. Mais ce n'est pas possible de faire cela par une loi, parce que les employeurs sont des êtres humains aussi.

Je pense que, par contre, l'ensemble de la protection qui est accordée dans la loi sur l'emploi, c'est déjà considérable. Cela va être avec des amendes importantes, même si vous ne les jugez pas importantes, on peut peut-être revoir cela, on se trompe peut-être. Cela va être vraiment des incitations considérables pour que les employeurs respectent la loi, en tout cas, plus que cela ne l'est actuellement.

Oui, je vous en prie.

M. Jean: M. le Président, M. le ministre, je ferais quelques commentaires, suite aux remarques, concernant d'abord les recours. Je ne parle pas pour l'instant d'un mandat, mais des possibilités pour le travailleur d'assurer la pleine application des dispositions de la loi à sa condition comme telle. Dans la loi, on interdit la question de congédiement, enfin des représailles facilement constatables. Ce sur quoi nous nous sommes interrogés, c'est la forme de représailles qui peut être exercée d'une façon un peu plus subtile. Nous n'avons pas vu dans la loi de ces dispositions, cet esprit — sans que ce soit nécessairement la lettre — qui interdirait à toutes fins utiles, les représailles de l'employeur, à l'endroit de travailleurs qui ferait appliquer à sa condition personnelle, des dispositions de la loi.

Quant à nous, nous avons compris qu'il y avait là éventuellement un vide. Nous sommes foncièrement conscients, comme vous le dites, M. le ministre, qu'à ce niveau, nous sommes, ce qu'on peut appeler, le niveau humain, et ce n'est pas toujours facilement contrôlable.

Quant aux amendes, vous aurez compris, M. le ministre, qu'il s'agissait dans notre esprit des amendes en vertu de la première infraction. Ce n'est pas dit malheureusement comme tel dans notre mémoire, mais il s'agit des amendes relatives aux premières infractions.

Quant à l'obligation pour un employeur de relever à la source les cotisations aux fins d'un régime d'épargne retraite, c'est sûr qu'il s'agit là, éventuellement, d'une disposition ou d'une obligation administrative supplémentaire pour un employeur, compte tenu du fait que ces plans d'épargne-retraite sont devenus aujourd'hui un phénomène social et économique très répandu, à peu près toutes les institutions financières offrant des plans d'épargne-retraite. De plus en plus, le travailleur dirige ses économies vers cette modalité, à savoir le plan d'épargne-retraite. Pour un travailleur, cela peut être en soi incitatif à une certaine forme d'économie si la cotisation est perçue à la source même par l'employeur, tout en étant conscient, évidemment, qu'il s'agit d'une démarche administrative supplémentaire de la part de l'employeur.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord remercier la société nationale pour son mémoire. Je pense que c'est un mémoire pondéré qui montre vraiment un souci d'améliorer le projet de loi. Si vous avez suivi les débats ou au moins les reportages des journaux, je pense que vous pouvez peut-être être déjà rassurés à savoir que le projet de loi lui-même ne rencontre pas d'opposition très forte. C'est vraiment sur certaines modalités que les gens se posent des questions. Vous faites des recommandations qui, je pense, sont de la même nature que celles qu'un certain nombre d'autres organismes ont faites, par exemple, quant à ce qui touche une plus grande libéralité en regard des jours fériés accordés, des trois semaines de vacances après 5 ans plutôt que 10 ans; vous avez également des remarques sur le congé de maternité auxquelles je souscris totalement. J'espère que d'ici la fin des audiences le ministre va être convaincu que c'était vraiment un tout petit premier pas que d'introduire par une ordonnance de la Loi du salaire minimum, un congé de maternité qui laisse de côté un grand nombre de personnes.

Il est surtout très intéressant de voir — je me permets cet aparté — le ministre de la Fonction publique qui, avec grand déploiement — comme le gouvernement sait le faire — nous dit qu'il va encourager le travail à temps partiel pour les femmes parce que cela répond à un besoin des femmes. Pourtant, on a fait un grand débat pour que les femmes qui travaillent à temps partiel soient incluses dans l'ordonnance qui prévoit l'application du congé de maternité. Je pense qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire de ce côté-là.

M. Johnson: Elles le sont.

Mme Lavoie-Roux: Les femmes qui travaillent à temps partiel? Elles le sont?

M. Johnson: En vertu de l'ordonnance, elles le sont.

Mme La voie-Roux: Elles le sont. Est-ce qu'elles l'étaient la première fois?

M. Johnson: Peut-être que dans un des avant-projets elles ne l'ont pas été, ou peut-être quelqu'un a-t-il évoqué cela, mais elles sont couvertes par l'ordonnance.

Mme La voie-Roux: Elles le sont, tant mieux. Je retire ce que j'ai dit. Cela montre un peu plus de cohérence.

M. Johnson: Vous voyez, quand vous nous montrez les choses sereinement, on réagit tout de suite.

Mme Lavoie-Roux: Oui, il n'y a aucun doute ià-dessus.

M. Johnson: Vous devriez être critique des relations de travail pour votre parti, je pense que cela irait bien plus vite.

Mme Lavoie-Roux: Je ne prends pas nécessairement cela...

M. Chevrette: Vous avez une grande qualité; au moins, vous retirez ce que vous dites quand ce n'est pas vrai. Il y en a qui vous remplacent parfois et qui ne retirent rien.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas quelque chose qui n'était pas vrai, ce que je disais...

M. Chevrette: C'est de même qu'on vous aime.

Mme Lavoie-Roux: ... c'était quelque chose d'inexact. Je pense qu'il faut faire la différence entre les deux. A mon point de vue, il y en a une parce que l'une provient de l'ignorance, tandis que l'autre provient d'un désir de fausser la vérité!

M. Chevrette: Ni l'un ni l'autre n'est flatteur!

Mme Lavoie-Roux: L'ignorance peut être excusable en certaines circonstances. Il faut l'admettre.

M. Chevrette: Cela dépend. Pas l'ignorance crasse.

Mme Lavoie-Roux: Mais, à tout événement, je voulais vous poser une question au sujet de l'article 82 où vous dites que, dans aucun cas, il ne devrait y avoir absence de préavis dans un cas de congédiement. Ne trouvez-vous pas qu'il peut y avoir des circonstances où, pour l'intérêt public, on puisse agir — je pense que cela doit être des circonstances tout à fait exceptionnelles — sans un préavis? J'ai connu des circonstances comme cela dans le secteur public, où il y avait des fraudes graves et où, justement, il fallait agir immédiatement et non pas donner un préavis. Quelle serait la durée de ce préavis dans des circonstances exceptionnelles, selon vous?

M. Jean: Nous n'avons aucune espèce de considération à faire autour de la durée comme telle du préavis. C'est plus une question de principe que de modalité d'application pratique. A la lumière de l'analyse que nous avons faite du texte de loi et de l'ensemble des dispositions confrontés avec le milieu de travail tel que nous le percevons, nous disons qu'un licenciement est toujours quelque chose de très important dans la vie d'un travailleur, au-delà des raisons qui peuvent motiver ou pas le licenciement. Sans, encore une fois, parler de longueur de préavis, nous voudrions poser le principe qu'il ne se fait pas de licenciement sans préavis. Cela nous apparaît un principe applicable à peu près à toutes les situations possibles et imaginables. Notre point de départ est toujours l'importance que constitue en soi un licenciement pour un travailleur qui, du jour au lendemain, d'une heure à l'autre, se trouve sans emploi.

Mme Lavoie-Roux: Mais ne pensez-vous pas que, même dans un cas de congédiement sans préavis, supposément à causes de circonstances graves, il y a quand même un droit de recours? C'est l'employeur qui devrait prouver, à ce moment-là, que c'est vraiment pour une raison grave qu'on a procédé de cette façon. Dans ce sens-là, l'employé se trouve quand même protégé. Ce que je crains, c'est qu'il n'y ait peut-être des circonstances — c'est absolument exceptionnel, je me souviens d'une — où il faudrait agir de cette façon. Ce sera au gouvernement de décider, mais je me dis qu'une rigidité absolue n'est peut-être pas dans le meilleur intérêt du public. (11 heures)

Quant aux autres recommandations que vous faites sur le plus grand nombre de congés fériés et sur d'autres mesures qui seraient un peu plus libérales, j'aimerais que le ministre se rappelle qu'il a dit que, quand on lui parle de bonne foi — je ne sais pas quels sont les termes qu'il a utilisés — il est prêt à écouter. Il a dit tout à l'heure que ce serait un étalement dans le temps, qu'il fallait être un peu plus généreux, qu'il fallait commencer peut-être seulement avec le Jour de l'An, le jour de Noël et la fête nationale, mais peut-être que les paiements pourraient être un peu plus rétrécis et que, dès le départ, on pourrait être un peu plus large. Si on compare le nombre de jours accordés ici ou qu'on prévoit accorder ici aux tableaux qui nous ont été présentés dans un grand nombre d'autres provinces, cela semble vraiment un minimum. Je suis un peu déçue que le ministre ait laissé entendre, en dépit de toutes les recommandations qui ont été faites dans ce sens par de nombreux organismes — il y en a qui sont peut-être allés trop largement, je suis d'accord — mais la plupart ont quand même été modérés dans ces observations

et il ne semble pas — en tout cas, d'après ce qu'il nous a dit tout à l'heure — vouloir jouer beaucoup là-dessus. Je n'ai pas d'autre question et je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Je tiens également à féliciter au nom de l'Union Nationale les membres de la Société nationale pour la préparation et la présentation de ce mémoire. Vous parlez de 35 000 membres dans votre région, des membres que vous défendez. Y a-t-il des agriculteurs, des travailleurs agricoles ou des employés agricoles — je ne sais pas comment vous les appelez — parmi ces membres-là?

M. Otis: II y en a d'à peu près toutes les catégories de travailleurs, de commerces, de petites industries agricoles.

M. Goulet: Oui, mais des travailleurs de la ferme, il peut y en avoir combien, à peu près, chez vous, parmi les 35 000 membres? A peu près? Je veux dire 2000, 8000, 500? Avez-vous des chiffres?

M. Otis: C'est très minoritaire. Je penserais même que c'est en bas de 500.

M. Goulet: En bas de 500?

M. Otis: Oui.

M. Goulet: C'est parce qu'il y a un...

M. Chevrette: II ne semble pas...

M. Goulet: Non, pas du tout. Il y a un organisme qui défend les agriculteurs qui est venu nous dire la semaine dernière... Les membres qui représentaient cet organisme sont venus nous dire que les travailleurs agricoles, en grande partie, ne devraient pas être soumis à la loi 126. Etes-vous d'accord avec ce principe? Cela a surpris un peu tout le monde ici. On veut savoir si vous êtes d'accord avec cela.

M. Jean: Lors du processus d'élaboration du mémoire, la question s'est posée. Il faut que je vous dise que la perception que nous avions ne nous permettait pas de faire le départage entre le nombre de nos membres à qui les dispositions de la loi pourraient s'appliquer et ceux à qui les dispositions de la loi ne s'appliqueraient pas. Je vois, par exemple, à l'article 3 paragraphe a): "Un salarié employé à l'exploitation d'une ferme mise en valeur pour une personne physique..." De telle sorte qu'à la suite de l'évaluation que nous avons faite, nous n'avons pas cru bon de faire des représentations spécifiques à l'endroit de ces travailleurs pour la raison que nos membres qui pourraient éventuellement être couverts par cette disposition sont très minoritaires. Je dois vous avouer comme cela que nous n'avons pas comme telle de position de principe sur cette question. Nous ne pouvons pas vous dire comme société que nous sommes d'accord ou que nous ne sommes pas d'accord. Il nous est difficile de mesurer toutes les implications parce que nous percevons peut-être que l'application rigoureuse de la loi 126 au travailleur employé à l'exploitation d'une ferme pourrait éventuellement provoquer certaines difficultés en termes d'administration des fermes. Mais nos cogitations ne vont pas plus loin que cela. Elles sont très floues, je dois vous le dire, M. le député.

M. Goulet: Vous êtes en principe favorable à ce qu'ils soient protégés, vous croyez qu'ils devraient être protégés. Un travailleur, qu'il soit sur la ferme ou ailleurs, devrait être protégé.

M. Jean: Oui, en vertu... M. Goulet: D'accord.

M. Jean:... même des principes que nous posons en conclusion de notre mémoire, à savoir que le travail est un droit et toute législation de travail doit s'inspirer de ce principe qui respecte les travailleurs.

M. Goulet: D'accord. Vous dites à un moment donné dans votre mémoire — je ne me souviens pas à quelle page — que si on pouvait faciliter la pénétration du syndicalisme, ce serait la solution. Avec tout ce qui s'est pagsé, tous les chambardements, avez-vous d'autres suggestions concrètes à savoir qu'on pourrait davantage faciliter le syndicalisme au Québec, ou ne trouvez-vous pas qu'à l'heure où on se parle, je pense qu'on a assez de facilité... En tout cas, peut-être pas, mais avec les nouvelles mesures qui ont été apportées, c'est plus facile que c'était. Mais là, vous dites: "Faciliter la pénétration du syndicalisme, ce serait la solution." Mais que proposez-vous pour faciliter la pénétration du syndicalisme?

M. Jean: Cette recommandation concerne particulièrement les petites entreprises de cinq ou de dix travailleurs. Ce sont habituellement des entreprises où le personnel n'est pas syndiqué. Il y aura, éventuellement — nous le disons expressément dans notre mémoire — des modifications au Code du travail qui pourraient faciliter davantage. Maintenant, il faut dire ici que nous considérons que tous les grands intervenants socio-économiques ont des responsabilités dans ce sens-là. Parmi les intervenants socio-économiques, nous incluons évidemment le gouvernement, l'appareil gouvernemental; nous incluons le patronat et aussi des centrales syndicales. Une analyse très poussée de la situation pourrait démontrer des conclusions peut-être un peu difficiles à ce niveau-là: des travailleurs qui sont laissés pour compte pour différentes raisons et qui, éventuellement, ne bénéficieront pas des profits d'une véritable représentation syndicale. Le problème, c'est que ces gens-là sont souvent sans voix et laissés pour compte.

Quant aux modalités, quant à une façon de les articuler, nous n'avons pas poussé nos investigations à ce niveau-là.

M. Goulet: Or, je me permets de vous souligner bien humblement qu'au niveau des amendes encore plus sévères, personnellement je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous dites dans le mémoire. Je pense que, avec les amendements qui vont être apportés, cela va être assez sévère. Egalement, j'aimerais que M. le ministre puisse peut-être réagir — cela m'a étonné qu'il ne réagisse pas — lorsque vous mettez en doute la nomination des membres de la commission. Vous semblez souligner cela et le mettre en doute. Je ne comprends pas que personne n'ait réagi à ce sujet.

Une dernière question. Lorsque vous parlez de préavis de licenciement, vous ne donnez pas de nombre de jours ou d'heures. D'après vous, qu'est-ce qu'un préavis raisonnable? Est-ce une semaine? Est-ce 24 heures, 48 heures? C'est combien de temps?

M. Jean: Je me vois dans l'obligation de formuler un peu la même réponse que celle que j'ai formulée précédemment. Nous n'avons pas fait d'investigation pour connaître la longueur d'un préavis. Nous voulons d'abord poser le principe et surtout nous voulons commander une discussion autour de ce principe, quitte à ce que, dans la pratique, on articule des délais possibles.

M. Goulet: Mais un délai raisonnable pour vous, est-ce une semaine ou un mois? Qu'est-ce qu'un délai raisonnable pour un père de famille qui doit être licencié le vendredi soir, par exemple?

M. Jean: Cela serait bien suggestif si je répondais à votre question.

M. Goulet: Bien, parce que quand on propose quelque chose, j'aimerais savoir... A un moment donné, il faut amorcer une discussion.

M. Jean: Oui, mais le problème que nous avons voulu poser, c'est le problème du principe comme tel.

M. Goulet: D'accord. Vous ne voulez pas...

M. Jean: Lorsque le débat aura été fait autour du principe, cela sera possible d'accoler des longueurs de délais possibles.

M. Goulet: M. le Président, en terminant, si vous me le permettez. J'ai pris connaissance des trois objectifs de votre société. Quant au troisième, j'aimerais savoir si vous êtes intervenu sur le projet de loi 116 et, sinon, j'aurais aimé que vous interveniez pour défendre le troisième principe de votre société. Voilà, M. le Président, les propos et commentaires que j'avais sur ce mémoire.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je ne sais pas si le ministre veut répondre à la question du député de Bellechasse, mais je dois simplement dire que, dans le bon vieux temps de l'Union Nationale, je ne pense pas que beaucoup de partisans de l'Union Nationale se seraient présentés pour réclamer qu'on ne choisisse pas les membres d'organismes publics parmi les partisans du gouvernement parce que, dans le temps, ce n'était que cela.

M. Goulet: M. le Président, il nous parle de choses archaïques. Cela fait 20 et 25 ans.

M. Paquette: Non, mais je...

M. Goulet: Parlez donc de ce qui se passe depuis deux ans.

M. Paquette: Non, mais simplement je veux...

M. Goulet: C'est à vous qu'il s'est adressé, au gouvernement, pas à l'Union Nationale.

M. Paquette: M. le Président, je ne veux pas entreprendre un débat là-dessus.

M. Goulet: C'est vous qui entreprenez le débat.

M. Paquette: C'est vous qui avez lancé la question. Je voudrais simplement dire que...

M. Goulet: Je vous ai demandé si cela prenait la carte de membre du Parti québécois pour être membre de la commission.

M. Johnson: Mais non, mais non. M. Goulet: C'est lui dire oui ou non.

M. Paquette: Justement, M. le Président, ce que je veux tout simplement affirmer, c'est que dans toutes les réunions des militants et dans tous les congrès, on se rappelle mutuellement la nécessité de ne pas nommer aux organismes publics des personnes sur la base de leur adhésion partisane. Alors, cela ne m'a pas du tout surpris...

M. Goulet: C'est parfait.

M. Paquette: ... qu'une société nationale vienne nous dire la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Une chance qu'on a des résolutions dans ce sens-là.

M. Goulet: ... résolutions.

Mme Lavoie-Roux: S'il fallait qu'il n'y ait pas de résolution du programme.

M. Paquette: La question que j'allais poser aux membres de la Société nationale de l'Est du Québec concerne le principe de l'accès à la syndicalisation. Je pense qu'on partage les mêmes idées à ce sujet. Quand on voit le projet de loi 126,

il s'agit vraiment d'une espèce de convention collective minimale qu'aucun syndicat, même un syndicat de boutique, n'accepterait. C'est vraiment un plancher minimum qui va assurer l'essentiel aux travailleurs qui ne sont pas syndiqués. Donc, vous favorisez l'accès à la syndicalisation.

Il y a une question que je me pose: Jusqu'à quel point, selon vous, devrait-on aller au niveau de ce plancher? Devrait-on le fixer vraiment au minimum ou un peu plus haut? Est-ce que le fixer plus haut, selon vous, nuirait à l'accès au syndicalisme dans le sens que les gens diraient: Comme on a l'essentiel par la loi, on ne se donnera pas d'outil démocratique pour nous représenter et on n'aura pas besoin de négocier avec l'employeur, tout cela nous sera garanti par la loi? Quelle est votre réaction face à une telle opinion?

M. Jean: Nous pensons, en fait, que le projet de loi no 126 — pour traduire un peu le sentiment que j'éprouve — ne serait pas nécessaire s'il y avait syndicalisation partout. Je ne sais pas si cela répond à votre question mais c'est le concept que nous avons à l'origine. Au-delà des difficultés, évidemment, que cela peut représenter et au-delà du rôle ou de la fonction des différents intervenants socio-économiques, comme vous le dites, le projet de loi no 126 nous apparaît être l'équivalent d'une convention collective qui pourrait, éventuellement, être négociée.

Nous nous sommes interrogés. Pourquoi un projet de loi no 126? C'est parce qu'il y a des travailleurs qui sont laissés peut-être sans protection.

M. Paquette: Est-ce que vous pensez qu'en en mettant trop dans le projet de loi no 126, cela pourrait nuire à la syndicalisation, dans le sens que les travailleurs pourraient être amenés à se reposer sur la loi plutôt qu'à négocier par eux-mêmes leurs conditions de travail?

M. Jean: Nous ne le pensons pas. Nous ne pensons sérieusement pas qu'une loi 126 qui stipulerait des dispositions très larges pourrait, d'une façon ou d'une autre, provoquer cette espèce de mouvement que vous décrivez, à savoir que les gens renonceraient à la syndicalisation pour plutôt s'appuyer sur la loi 126. Parce que le projet de loi no 126 nous apparaît toujours comme étant la solution qui vient combler le malaise. Il y a malaise parce qu'il n'y a pas syndicalisation généralisée. Mais, honnêtement, nous ne le pensons pas.

M. Paquette: D'ailleurs, je ne voulais pas laisser entendre que vos propositions rendaient le projet de loi no 126 tellement large. Je pense que même dans votre esprit, c'est vraiment le minimum que vous proposez. Je tiens à vous dire mon accord sur certaines des dispositions que vous proposez.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Un seul point qui touche le point de vue du député de Bellechasse. Quand vous parlez sur le principe même de l'avis de licenciement, selon des secteurs, je prends l'exemple des jeunes qui travaillent au cassage du tabac, qui seraient couverts par tout le projet de loi no 116. S'il y avait avis obligatoire...

M. Goulet: No 126.

M. Chevrette: No 126. Je sais qu'il aime tellement que je lui parle de la loi 116 que c'est rendu une phobie pour moi; quand je le vois devant moi, j'ai sans cesse des souvenirs de la loi 116.

M. Goulet: Vous la regrettez, hein?

M. Chevrette: Non, c'est vous autres qui allez la regretter. Vous parliez d'archaïsme tantôt; votre parti va devenir archaïque avec votre position sur la loi 116.

M. Goulet: Vos principes changent avec les lois.

M. Chevrette: M. Jean, ne craignez-vous pas que le principe de l'avis dans certains secteurs de travail ne devienne quelque chose d'emmerdant même pour les gens qui y travaillent? Parce qu'on ne peut pas prévoir... On peut dire: S'il fait beau, je peux travailler jusqu'à 20 heures le soir et peut-être qu'au lieu de finir vendredi, je vais finir mercredi midi, dans le cassage du tabac par exemple.

On va prendre d'autres exemples. Mme le député de L'Acadie parlait de situations graves. Il y a un feu, l'usine est détruite. Qu'est-ce qui arrive? Il n'y a pas eu d'avis de licenciement mais, le lendemain matin, il n'y a pas de travail. Il y a peut-être une série de faits, au niveau de certains secteurs de travail et au niveau de certaines situations, qui feraient que le principe même que vous mettez de l'avant serait inapplicable. Auriez-vous des suggestions à faire quant à l'application d'un tel principe? (11 h 15)

M. Jean: Nous comprenons qu'il y a effectivement licenciement lorsque l'employeur va signifier à un travailleur que, pour différentes raisons, il n'est plus admis à poursuivre son travail dans l'usine ou la petite entreprise. Nous ne comprenons pas qu'il s'agisse de licenciement lorsqu'il y a fermeture du lieu de travail comme tel. J'essayais d'imaginer des situations concrètes au fur et à mesure que je vous entendais intervenir. Si le travail prend fin dans un contexte donné, évidemment il ne s'agit pas à ce moment de licenciement. Si le travail est prévu pour se terminer, par exemple, vendredi à 10 heures, à ce moment on ne peut pas dire qu'il y a licenciement. Dans notre esprit, il y a licenciement lorsqu'un travailleur donné ne peut plus fournir son travail à l'entreprise donnée.

M. Chevrette: C'est parce que je voyais des difficultés. Au Québec, il y a certains décrets qui

prévoient, par exemple, un avis de licenciement de deux jours. Si la loi des conditions minimales prime, par exemple, quant aux délais minimums à respecter... Prenons, par exemple, le décret de la construction; si ma mémoire est fidèle, c'est 48 heures. Ce n'est pas nécessairement la fermeture du chantier. Dans votre réponse, vous dites, par exemple: Si le chantier ferme. Il peut y avoir dix journaliers et on en a besoin de six à compter de la semaine prochaine. C'est une diminution du travail. Ce n'était pas nécessairement la fermeture du chantier. Qu'est-ce qui arriverait si on met cela d'une façon standard et qu'on l'applique? Je comprends votre principe. Je ne suis pas en désaccord sur le fond, mais au niveau de la définition même peut-être de ce que c'est cette possibilité de licenciement, peut-être qu'il y a lieu de bâtir quelque chose qui tiendrait compte du principe même. Il faudrait prévoir, en tout cas, des exceptions, des circonstances qui feraient que l'employeur ne serait pas mal pris, non plus, avec des poursuites dues uniquement à une situation que tout le monde admet dans les faits.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Société nationale de l'Est du Québec de nous avoir présenté son mémoire. A la prochaine.

J'inviterais maintenant la Chambre de commerce de la province de Québec à venir nous présenter son mémoire.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Morin (Pierre): Mon nom est Pierre Morin; je suis directeur général des affaires publiques de la chambre. Notre délégation est dirigée ce matin par Mme Jocelyne Michaud, membre de notre conseil d'administration. Je lui cède la parole.

Mme Michaud (Jocelyne): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les députés, je voudrais souligner particulièrement que le conseil d'administration s'est longuement penché sur le paramètre de présentation du mémoire que vous allez entendre ce matin. Il est très rare que les administrateurs de la chambre ont la chance de se prononcer avant que la chambre présente des mémoires et celui-ci nous tenait particulièrement à coeur. C'est pourquoi je voudrais souligner qu'à peu près 28 représentants des chambres de commerce régionales ou de comté ont eu à se pencher sur les interventions que nous faisons sur le projet de loi no 126. Je cède maintenant la parole à M. Morin. Merci.

M. Morin (Pierre): M. le Président, je propose de résumer mon mémoire à peu près en dix minutes. Cependant, avant de ce faire, il y a une directive que nous aimerions obtenir de la présidence concernant la présentation de mémoires en général. Cette demande de directive nous vient parce qu'on a constaté au cours des derniers mois que plusieurs organismes rendent leurs mémoires publics longtemps avant de rencontrer la commis- sion lorsque le mémoire est dirigé vers une commission parlementaire. C'est une question qui, pour nous, est assez délicate puisque nous avons toujours réservé notre première intervention pour le législateur à qui est dirigé notre mémoire ou notre intervention.

Dans le contexte, je dois vous avouer que cela nous chicote un peu du simple fait que l'on voit régulièrement à trois ou quatre reprises des gens qui se proposent de venir intervenir devant vous et on retrouve leur position, on en fait état déjà depuis des mois avant même qu'arrive le moment où cela doit se présenter ou s'est présenté devant le législateur, il me semble pas y avoir eu de questions soulevées à cet effet, et on a cru opportun de soulever la question de façon à pouvoir avoir quel comportement la commission ou les commissions s'attendent de ceux qui viennent les rencontrer.

M. Johnson: Si vous me permettez, la question soulevée par M. Morin, est une question qui a tout de même été soulevée par un de ses collègues de la Chambre de commerce récemment, à l'occasion de la rencontre de Montebello. C'est de savoir si, oui ou non, on doit reconnaître qu'il y a une sorte de privilège au Parlement d'entendre en premier un mémoire. Concrètement, je sais que la Chambre de commerce, en vertu d'une espèce d'éthique qu'elle a toujours respecté, n'a jamais fait de conférence de presse sur un mémoire qu'elle allait présenter avant de présenter le mémoire devant les parlementaires, alors que d'autres groupes, de façon plus ou moins systématique, nous font parvenir leur mémoire dans les délais prescrits dans l'avis, et, la veille ou l'avant-veille de leur comparution devant cette commission, convoquent une conférence de presse pour révéler le contenu de leur mémoire pour la presse écrite, parlée ou vue. Je pense que c'est une question opportune.

Je ne m'attends pas nécessairement, M. le Président, que vous donniez une directive dans un sens ou dans l'autre aujourd'hui. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il vous appartiendrait de donner une directive dans ce sens. Je pense que, à la suite de la question soulevée par la Chambre de commerce, la présidence de l'Assemblée nationale devrait sans doute être saisie de cette question. Dans quelle mesure est-ce que, par courtoisie à l'égard du Parlement, les groupements ne devraient pas réserver la primauté de leur mémoire, effectivement, aux membres des commissions parlementaires?

Le Président (M. Marcoux): Comme la question m'était adressée, même si le ministre considère qu'il appartient peut-être à la présidence de l'Assemblée nationale de le spécifier, je pense que la question nous est posée actuellement dans le cadre du règlement de l'Assemblée nationale actuel. Je pense que, dans le cadre du règlement de l'Assemblée nationale, il est clair et net que chaque groupe qui fait des mémoires est propriétaire de son mémoire. Il n'y a aucune règle qui

régit l'utilisation des mémoires à être présentés aux commissions parlementaires avant qu'ils soient présentés. Il y a des règles qui régissent la façon dont l'Assemblée nationale doit utiliser ces mémoires, les rendre publics ou ne pas les rendre publics, ou les discuter ou ne pas les discuter, mais chaque organisme a complète liberté quant à un code de déontologie ou d'éthique. Je pense que ce sont des questions sur lesquelles les députés ou les organismes peuvent se pencher dans l'avenir pour arriver à définir certaines règles, s'il y a lieu, mais, dans le cadre actuel, je pense qu'il y a une réponse claire et nette, c'est que chaque groupe est libre de rendre public son mémoire avant de le présenter à la commission parlementaire.

M. Morin (Pierre): Je vous remercie, M. le Président.

Pour ce qui est de notre mémoire, je demanderais qu'il puisse être consigné au journal des Débats. De toute façon, cela me permettra peut-être de mieux le résumer. Je crois que cela relève de vos règlements.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour que le mémoire de la Chambre de commerce de la province de Québec soit versé en annexe au journal des Débats? Ce sera fait. (Voir annexe).

M. Morin (Pierre): II y a essentiellement deux parties à notre mémoire. La première touche le fond, c'est-à-dire l'opportunité même des mesures que propose le projet de loi no 126. Disons-le de suite, c'est qu'à quelques exceptions près, ce sont moins les propositions contenues dans le projet de loi que l'opportunité de les concrétiser qui nous cause les plus grands problèmes.

En 1979, il est inconcevable que qui que ce soit puisse s'opposer à cinq jours de congés chômés statutaires annuellement et à deux semaines de vacances aussi annuelles. Nous ne sommes pas de ceux qui pouvons nous opposer à cela. Le fait que nous ne nous y opposions pas ne change rien à notre situation globale. Cette situation globale est exposée dans les quelques pages suivantes où on constate qu'à même les études faites pour le compte du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre le salaire horaire au Québec est traditionnellement moins élevé que celui de nos voisins de l'Ontario; lorsqu'on y ajoute le facteur productivité, ici dans le sens global du mot "productivité", on verra qu'il s'agit surtout d'une question de taille d'entreprise, la productivité de l'Ontario dans les mêmes secteurs, avec ceux, dans ces secteurs, qui nous font concurrence, est de l'ordre de 150% de celle du Québec. Ce qui fait qu'en définitive nos coûts horaires de main-d'oeuvre se transposent comme étant, même si le salaire horaire est moindre, plus élevés. D'accord? C'est simplement cette première démonstration que nous voudrions faire.

La deuxième, c'est que jusqu'à maintenant on a pu constater, au cours des dernières années, dans les secteurs mous entre autres, notre incapacité de faire face à la concurrence étrangère non seulement sur les marchés extérieurs, mais pis encore, sur nos propres marchés. Il nous a donc fallu recourir à des mesures artificielles, à des barrières tarifaires, à des quotas d'importation, des quotas de production, et à des offices de mise en marché. Ce que nous allons tenter de démontrer, ce matin, en clair aux législateurs, c'est que les mesures contenues dans le projet de loi no 126 comportent un coût qui n'est pas nécessairement outrancier, mais qui est néanmoins réel et qui vient s'ajouter à une situation déjà défavorable de compétitivité de nos produits. En définitive, ce coût peut se traduire par une plus grande vulnérabilité de nos produits et services sur nos marchés et, malheureusement, ce sont les travailleurs qui en feront les frais en venant s'ajouter au rang des chômeurs.

Il n'est pas question ici de lever un épouvantai!, c'est simplement qu'il y a des coûts réels qu'impose la loi; le ministre l'a reconnu tantôt lui-même en dialoguant avec nos prédécesseurs. Or, toujours dans cette première partie, mais vers la fin de cette première partie du mémoire, nous avons cité une autre étude aussi réalisée pour le compte du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre intitulée "Les incidences d'une hausse du salaire minimum dans les secteurs à bas salaire sur l'emploi en général", étude réalisée par M. Baril, qui démontre qu'il y a une tendance générale, de la part des employeurs, surtout dans la petite et moyenne entreprise, de compenser les coûts qui leur sont imposés, soit par une hausse du salaire minimum ou de conditions minimales de travail, en réduisant leur coût de main-d'oeuvre. Cette compensation se traduit souvent pour le travailleur ou pour l'ensemble des travailleurs par du sous-emploi ou du chômage.

Il serait peut-être intéressant de vous ramener à la page 7 de ce mémoire et de voir trois principaux secteurs qu'on propose de couvrir dans le projet de loi. Une première citation vient de l'étude de M. Baril. Selon Brozen, les secteurs non assujettis — ici, on parle du travail domestique — constituaient une valve de sûreté. Les personnes qui, à cause de l'augmentation du salaire minimum, ne pouvaient trouver d'emploi dans les secteurs assujettis se dirigeaient alors vers les secteurs non assujettis. Le fait d'inclure les travailleurs domestiques dans l'ordonnance du salaire minimum ferait disparaître cette valve de sécurité. D'après un modèle élaboré par Peter Matilla — toujours cité dans l'étude de M. Baril — on peut s'attendre que la demande de bonnes, "household maid", de travailleurs domestiques, soit réduite des pourcentages respectifs suivants: pour chaque intervalle de $0.20 suivant $1. Alors, 12% à $1.20; 21%, 32%, 46% et 58% à $2 l'heure. C'est-à-dire qu'entre l'intervalle de $1 du salaire minimum jusqu'à $2, on part d'une réduction d'emploi qui est de 12% à $1.20 allant jusqu'à 58% à $2. (11 h 30)

Pour nous, il s'agissait aussi de démontrer l'effet sur l'emploi de l'inclusion des travailleurs domestiques dans le projet de loi 126, particulièrement dans la conjoncture actuelle de chômage élevé.

Pour ce qui est du commerce, maintenant, ici aussi les données recueillies par l'étude de M. Baril font état de phénomènes pertinents, En 1958, dans l'Etat de New York, par suite d'une hausse de salaire minimum, 72% des établissements déclarent avoir réduit les heures de travail; 17,2% ont procédé soit à des mises à pied ou au non-remplacement de ceux qui ont quitté. Au Québec, ce phénomène prend une ampleur particulière du fait du grand nombre de petits commerces. Peut-être simplement pour vous illustrer de façon un peu plus vivante ce qui se produit, la plupart d'entre nous tous, à un moment donné, une ou deux fois dans la semaine, appelons chez l'épicier du coin et demandons la livraison d'une commande, qui est livrée gratuitement. Or, un des phénomènes, justement, qui se produit en réglementant ce secteur du travail, un des premiers secteurs où les commerçants ont commencé à couper a été précisément dans les services soi-disant gratuits, services gratuits qui étaient fournis par des employés, c'est-à-dire la livraison.

Pour ce qui est du secteur manufacturier, encore ici on sait que la situation, surtout dans les PME, est quelquefois aiguë. L'examen des structures actuelles des salaires, de la productivité, de la valeur ajoutée par établissement nous l'a démontré d'ailleurs un peu plus avant dans l'étude de comparaisons.

Il y a un phénomène aussi de substitution et vous l'avez, encore là, soit constaté ou vécu. C'est dans une petite entreprise où, à un certain stade, on peut se permettre d'engager quelqu'un pour nettoyer, pour faire le balayage des planchers et ces choses-là. Or, au fur et à mesure qu'on a vu le salaire minimum lui-même augmenter, d'une part, mais aussi les conditions commencer à devenir un peu plus serrées, on voit l'élimination de ces fonctions-là dans l'entreprise. Elles sont assumées par des gens qui sont déjà à l'emploi de l'entreprise. On demande aux divers postes de travail de procéder eux-mêmes au nettoyage de leur équipement plutôt que d'embaucher des gens pour le faire.

Cette première section qui portait surtout sur l'opportunité était destinée à faire saisir l'effet défavorable potentiel sur l'emploi des hausses du salaire minimum. Le projet de loi 126, répétons-le, ne propose pas, en soi, de telles hausses, mais plutôt une série de dispositions introduisant une rigidité dans le marché du travail qui se traduit par des coûts directs pour l'entreprise. Celle-ci sera portée à utiliser les mêmes mécanismes de réduction des coûts que s'il s'agissait d'une hausse du salaire minimum.

Un autre élément qui doit être ajouté est que — on se réfère toujours à l'étude de M. Baril — il faut constater qu'avant les années 1970 nous étions en pleine période d'expansion économique, mais que depuis les cinq dernières années, à tout le moins, depuis 1973 particulièrement, notre économie n'a pas du tout les performances qu'elle a connues au cours des années soixante et jusqu'en 1973.

La deuxième partie de notre mémoire touche les particularités, les mécanismes, entre autres, où véritablement la chambre veut enregistrer des oppositions qui s'inscrivent surtout dans le fardeau administratif et bureaucratique qu'impose la loi. Nous nous référons ici particulièrement à l'article 29, paragraphes d), e) et g), à l'article 38i), l'article 45, de l'article 58, de l'article 70, de l'article 72, de l'article 83 et des articles 92, 93 et 94, pour ne citer que les plus importants. Je vais vous dispenser de la lecture non pas des articles, mais de chacune de nos oppositions à ces articles, sauf peut-être pour l'article 29d), e) et g) qui rend obligatoire un système d'enregistrement ou registre très détaillé pour tout employeur professionnel, oblige ce dernier ou une catégorie de ceux-ci à lui transmettre un rapport écrit périodique et oblige l'employeur professionnel à donner un avis écrit dans les dix jours suivant le début de l'exploitation de l'entreprise. Etant donné la définition d'employeur professionnel, ceci vise celui qui embauche une aide domestique, celui qui embauche habituellement la même personne pour le déneigement et l'entretien de sa propriété, même si c'est pour moins de 30 heures par semaine. On peut facilement imaginer le monstre administratif à mettre en place, car ce n'est pas tout d'adopter une loi; il faut aussi prévoir les personnes et les sommes nécessaires à son application. Pourtant, les dispositions du chapitre V sur les recours, c'est-à-dire les articles 97 à 122, nous apparaissent suffisantes pour l'application de la loi.

Enfin, M. le Président, pour en venir à une conclusion, il faut rappeler que l'objet de notre mémoire sur le projet de loi sur les normes du travail était d'en démontrer l'inopportunité et le fardeau administratif imposé à l'entreprise. La chambre croit avoir fait cette démonstration et espère que le législateur en tiendra compte. Cependant, en conclusion, la chambre veut mettre en garde les membres de cette commission et tous les membres de l'Assemblée nationale contre un danger pressant qui les guette. Ce danger, pire encore que tout ce que nous avons évoqué, serait d'adopter ce projet ou un autre semblable et, ensuite, d'oublier de consacrer tous les efforts nécessaires à son application. Cela s'est malheureusement produit trop souvent par le passé.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez d'abord de revenir sur la première question que M. Morin avait posée au sujet des mémoires et de l'opportunité de les rendre publics avant la commission. Loin de moi l'intention de vous dire que cela ne vous regardait pas, M. le Président, je voudrais seulement bien préciser cela. C'était seulement que la question que posait la Chambre

de commerce était une question plus large qui s'applique finalement — et c'est dans ce cadre que la question m'avait été posée — à toutes les commissions et à tous les mémoires. Je pense que vous avez justement dit que notre règlement ne prévoyait rien de spécifique quant à cela. Je pense que vous avez rigoureusement raison. D'autre part, effectivement, le mémoire appartient à celui qui l'a fait. Je pense que la question que posait M. Morin et que pose la Chambre de commerce pour l'ensemble des mémoires est en termes d'éthique ou de tradition. De la même façon que le règlement n'interdit pas à un ministre de déposer un projet de loi sur la place publique avant de le déposer devant le Parlement, il y a une certaine tradition et une certaine éthique qui veulent qu'un projet de loi soit d'abord et avant tout connu par l'Assemblée avant d'aller sur la place publique. Je ne pense pas qu'un mémoire soit assimilable à un projet de loi, quand même, mais je pense que la question que soulevait M. Morin était posée en termes très généraux.

Le Président (M. Marcoux): Le débat est lancé.

M. Johnson: Oui, éventuellement.

M. Morin, il y a deux choses dans votre mémoire, comme vous le dites: d'une part, l'analyse que vous faites des contraintes économiques ou des autres types de contraintes qu'à votre avis la loi 126 peut imposer à l'entreprise en termes de coûts et, deuxièmement, une série de dispositions que vous reprenez une à une, mais que nous avons vues attentivement au ministère et dont nous avons fait l'analyse. Au sujet de la première partie, dans le fond, c'est tout cela, le problème de la loi 126 et de n'importe quelle loi sur les conditions minimales. D'une part, c'est la nécessité que le gouvernement, celui-ci ou, je pense, un autre, pourrait ressentir de légiférer de telle sorte qu'il n'y ait pas de négociation en deça d'un minimum de conditions, compte tenu de la situation d'extrême faiblesse pour revendiquer leurs droits que les travailleurs peuvent connaître dans certains secteurs. D'autre part, il y a les contraintes économiques qu'on sait que cela impose. C'est pour cela que cette loi se veut, d'une certaine façon, progressive.

La plupart des Labour Standards Acts du Canada prévoient des pouvoirs réglementaires. Historiquement, ils se sont développés par, ou bien une série d'amendements à la loi où l'application progressive de normes additionnelles par voie de réglementation qui est peut-être de plus en plus contraignante sur l'entreprise ou qui donnait de plus en plus de droits aux travailleurs. On a essayé de trouver une solution en tenant compte du facteur des coûts et qu'au bout de la ligne il ne fallait pas que cela soit — comme disent les anglophones — "encountered producted". L'étude Fortin, l'étude Baril et d'autres mettent en garde les gouvernements contre les transferts technologiques qui peuvent amener une diminution de l'emploi à cause d'une hausse des coûts reliés à la main-d'oeuvre dans le cadre de lois comme celle-là. On est conscient de cela, sauf que, si on prend la logique interne de ces études et de ces préoccupations que vous faites vôtres du côté de la Chambre de commerce et qu'une partie du patronat fait siennes, à un moment donné, on se dit: Bon, on va arrêter de légiférer et on va laisser la loi du marché jouer. C'est toujours de chercher et c'est probablement le rôle d'un Parlement et des hommes et des femmes qui sont élus en politique, de trancher ces débats en sachant qu'ils ne satisferont jamais tout le monde ou qu'ils risquent de ne pas satisfaire tout le monde.

Je pense cependant que vous avez soulevé une dimension réelle et qui peut expliquer la timidité apparente de certaines de ces dispositions, l'aspect progressif qu'on veut introduire dans certaines mesures en conservant un pouvoir réglementaire, qui est le fait qu'on est conscient qu'on ne peut pas imposer du jour au lendemain une série de contraintes additionnelles à un large secteur de notre économie qui est la "PME", entre guillemets. Par contre, on veut aussi que, dans ce secteur, tant et aussi longtemps que la syndicali-sation ne sera pas plus accessible par voie de la négociation multipatronale ou autrement, il y ait quand même un minimum de progrès dans les conditions de travail des travailleurs qui sont là.

Sur certaines choses spécifiques, vous avez cru bon, M. Morin, de souligner les dispositions de la loi 29 et suivantes, entre autres, qui touchent le registre. D'abord, la loi dit bien que la commission peut exiger que des employeurs professionnels ou des catégories d'employeurs professionnels tiennent de tels registres. Loin de moi de penser à ce que l'on exige de tous les foyers qui utilisent des services domestiques ou des gardiennes qui ne sont pas loin d'être employées à temps plein ou à temps partiel prolongé qu'ils tiennent un registre comme un employeur professionnel au sens des autres employeurs professionnels.

A cet égard, en plus du "peut", il y a le fait qu'à mon avis je ne suis pas sûr que celui qui utilise les services d'un travailleur domestique soit couvert pour autant à moins que le pouvoir réglementaire ne spécifie effectivement qu'il est couvert à cet effet, quant à la tenue des registres.

Sur d'autres remarques — enfin, je laisserai les autres membres de la commission poser des questions, s'ils en ont — j'avais quelques autres remarques rapides sur, par exemple, la question du certificat de travail, alors qu'il s'agit simplement d'une attestation d'expérience et rien d'autre. Le problème concret qu'on essaie de résoudre, c'est le genre de problème suivant, et j'ai eu l'occasion de recevoir du courrier à mon bureau, à quelques reprises — je ne dirais pas fréquemment, mais à l'occasion, par exemple, des gens qui ont quitté un emploi, qui ne sont pas syndiqués et qui sont dans les conditions où ils ont quitté l'emploi parce qu'ils ne s'entendaient pas avec l'employeur, où il y a un conflit de personnalité ou quelque chose comme cela. Ils sont à la recherche d'un autre emploi et demandent à l'employeur de chez qui ils sont partis une attestation qu'ils ont

déjà oeuvré dans tel type d'entreprise, dans tel type de fonction. L'employeur la refuse ou encore décide de leur donner une attestation d'emploi, mais avec des commentaires qui sont a priori extrêmement défavorables: "Oui, effectivement, M. Untel est parti de chez nous dans des conditions... Je considérais qu'il était paresseux, etc." Essayez donc de vous trouver un emploi avec une lettre comme celle-là. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que l'employeur soit contraint, à la demande d'un salarié, de lui fournir une simple attestation qui évoque l'emploi qu'il a occupé, la période pour laquelle il l'a employé, point. Maintenant, le deuxième employeur chez qui ce travailleur se rendrait, rien ne l'empêche de faire un coup de téléphone, s'il veut se renseigner sur cette personne. On ne dit pas qu'on interdit à tout employeur de formuler des commentaires sur une personne, mais on dit que le salarié peut exiger une attestation qui est limitée à ce que je viens de décrire. Je pense que c'est un droit qui devrait être strict. C'est dans ce sens qu'on parle d'un certificat.

M. Morin (Pierre): Mais elle est déjà fournie. M. Johnson: Pardon?

M. Morin (Pierre): Cette attestation est déjà... Il y a déjà obligation de la fournir pour l'assurance-chômage.

M. Johnson: Oui, mais sauf que c'est la baliser au sens d'exiger que cette attestation ne contienne rien d'autre que les dispositions qu'on y décrit, c'est-à-dire le nom de l'employé, la période pour laquelle il a exercé un travail et la nature du travail qu'il exerçait, point, sans que l'autre puisse te dire: je t'ai donné ton certificat, mais en même temps, j'ai ajouté cinq, six phrases absolument désagréables sur ton compte. C'est un peu dificile de chercher un emploi après cela. (11 h 45)

Vous parlez de l'article 94 dont les conséquences, à votre avis, seraient de faire augmenter le nombre de faillites. On présume ici que vous vous référez à la solidarité qui est prévue à l'article 94. La solidarité qui est prévue à cet article ne prévoit pas la protection ou un moyen de défense pour l'acheteur, quant au créancier, et qui découlerait de l'application de la loi sur les normes. Le problème est cependant réel. Les articles qui se basent en partie sur les principes retenus à l'article 1569 et suivants du Code civil pourraient cependant résoudre le problème. L'acquéreur devrait, avant d'acheter, obtenir du vendeur un affidavit quant aux créances; le vendeur demeurerait alors seul responsable quant aux créances non inscrites dans l'affidavit. C'est probablement le type de solution. Vous n'avez pas été le seul d'ailleurs à soulever ce type de problème. On en prend bonne note.

Vous parlez de la solidarité avec le sous-traitant qui est excessive en équité, à l'article 93. Cela fait 40 ans que cela existe en vertu de l'article 73 de la loi, par exemple. Evidemment, comme je présume que vous direz, comme d'autres l'ont dit ici avant vous: Ecoutez, vous venez d'ouvrir la loi, permettez-nous de passer des commentaires sur l'ensemble des articles.

M. Morin (Pierre): Deux maux ne font pas un bien.

M. Johnson: Voilà! La question qu'il faudrait se poser: Est-ce que cela a vraiment posé des problèmes dans le passé?

M. Morin (Pierre): Cela a été vérifié.

M. Johnson: Pardon? Oui. Bien, si cela a vraiment posé des problèmes, concrètement, dans le passé. Le choix de la demi-heure rémunérée ou non rémunérée, cela, on doit étudier, cela fait une contrainte bien spécifique. On nous a soulevé ici, tant du côté patronal que du côté de représentants de travailleurs ou de gens qui y étaient sensibles, le fait que probablement qu'il y a bien des travailleurs pour qui ce n'est pas une aspiration de rester sur les lieux de travail neuf heures par jour; peut-être qu'ils ont hâte de s'en aller après huit heures. Je n'ai pas de difficulté à concevoir que c'est vrai, sûrement, pour beaucoup de gens, à l'exception de l'Assemblée nationale — c'est bien connu — où nous sommes tous en amour avec l'institution et nous tenons à y rester plus de huit heures par jour. Mais je pense qu'en général les gens ont peut-être le goût de partir de leur travail au bout d'un certain temps. Il est bien évident qu'on regarde ces articles...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce notre prochain contrat de travail, M. le ministre?

M. Forget: Est-ce que vous exprimez la solidarité ministérielle, quand vous dites cela?

M. Johnson: On regarde les dispositions de l'article 78 étant conscients, cependant, du fait qu'on veut quand même permettre — parce qu'on en connaît des expériences, surtout dans ces industries où la main-d'oeuvre est assez mobile, où il y a une haute main-d'oeuvre féminine, immigrante, etc.; je parle entre autres du secteur du textile et du vêtement où on sait que les conditions, au niveau du repas, ne sont pas particulièrement brillantes. Essentiellement, c'est ce que j'avais à dire sur certains détails; il y en a beaucoup d'autres, mais je croyais utile de souligner ceux-là.

Le dernier, à l'article 29g, au sujet du registre, qui est une autre dimension que vous avez soulignée au-delà de la question des aides domestiques, c'est l'obligation nouvelle qui ressort d'un désir d'un comité interministériel de créer un fichier central. Il s'agit de dire à l'entreprise: Dans les dix jours de votre exploitation, vous allez nous donner un avis qu'effectivement vous faites l'exploitation d'une industrie. L'idée, c'est d'essayer d'avoir un fichier central quelque part; la Commission des accidents du travail le fait main-

tenant et veut assortir de cette obligation les employeurs. Je pense qu'il est normal que la Commission du salaire minimum le fasse. Entre vous et moi, ce n'est pas la fin du monde.

Maintenant, utilement, ce qu'il faudrait voir, c'est qu'une série de ces fichiers et de ces avis puisse être centralisée, de telle sorte que les entreprises ne soient pas prises pour envoyer... quelqu'un me soulignait récemment que quelqu'un qui ouvre un restaurant où il y a un permis d'alcool ou un bar voit passer au moins douze fonctionnaires différents dans son commerce au moment de l'établissement de ce lieu.

M. Forget: Sans compter la municipalité.

M. Johnson: Sans compter la municipalité. Je ne pense pas qu'on mette fin à cela rapidement et qu'on ait l'espèce d'inspecteur polyvalent dans le gouvernement. D'ailleurs, il faudrait le payer bien cher et cela créerait un transfert au niveau des emplois et cela réduirait le nombre d'emplois. Je pense qu'au moins, au niveau des formulaires, il y a un effort qu'on fait de ce côté. Entre autres, à la Commission des accidents du travail, au service d'inspection du ministère du Travail, à l'Office de la construction, on a déjà réussi à fusionner quelques formulaires et on va continuer dans ce sens.

Le gouvernement fédéral a décidé de mettre sur pied, il y a un an ou deux, un comité qui voyait à l'analyse et au processing de la diminution de ce qu'on appelle le "red tape". C'est extraordinaire, il a mis sur pied un comité pour diminuer le nombre de comités par lesquels il faut passer pour obtenir des autorisations. C'est probablement un bon signe de ce que sont les aberrations bureaucratiques. De notre côté, on essaie concrètement de fusionner certains types de questionnaires de certains organismes qui ont des préoccupations connexes.

Je pense que c'est un problème général qui n'est pas relié à la loi 126, encore une fois, et c'est peut-être une bonne occasion de le souligner. Je vous remercie.

M. Morin (Pierre): Là-dessus, M. le Président, je pourrais peut-être enchaîner à l'intervention du ministre. Je ne voudrais pas priver l'Opposition du tout de son intervention, mais c'est parce qu'il y a plusieurs notes que j'ai fraîches à la mémoire et je voudrais pouvoir les prendre... En commençant par le 29g, précisément, justement, n'y aurait-il pas possibilité dans la loi, dans le projet, de le modifier de façon qu'il soit dit que l'intention est d'avoir un registre, que le registre soit fait par la Commission des normes minimales, qu'il soit fait par la Commission des accidents du travail. Autrement dit, ce qui semble être important ici, c'est d'avoir quelque part un registre. Mais là, déjà il y a une rigidité d'inscrite dans la loi, c'est que cela devient le registre des normes minimales. C'est un peu ce genre d'ouverture qu'on voudrait voir dans la loi de façon à réduire si possible, dès le départ, le fardeau bureaucratique, surtout dans la mesure où le ministre vient de nous informer qu'il y a d'autres registres qui, soit sont déjà en marche ou veulent s'installer avec sensiblement les mêmes données.

C'est sur ce point où, en tout cas, on pourrait peut-être enregistrer cette suggestion. Maintenant, cela m'a surpris un tout petit peu qu'on n'ait pas invoqué le 18.4, on en a invoqué seulement la dernière partie, la question de la demi-heure rémunérée au déjeuner ou l'heure non rémunérée. Je pense que la première partie du paragraphe illustrait bien ce qu'on a tenté de venir dire au législateur, ce matin. Il s'agit là de la question des pauses-café. On a présumé d'une pause-café dans l'appareil public et parapublic de quinze minutes et, sur une masse salariale de $5 milliards, cela représente une dépense de $175 millions. Ce n'est pas beaucoup quinze minutes par jour, mais c'est considéré comme du temps travaillé. C'est peut-être le point fondamental qu'on essayait de démontrer sur la question d'opportunité. C'est que la pause-café, cela fait partie de nos moeurs. Cependant, il y a bien des façons de la prendre. Souvent, c'est notre cas chez nous, par exemple, il n'y a pas de pause-café reconnue. L'entreprise fournit le café aux employés, ils vont le chercher, le ramènent à leur bureau, prennent un café tout en travaillant. Si quelqu'un prend cinq minutes, personne ne s'y oppose. Ici, on instaure la pause-café comme étant considérée du temps travaillé et c'est simplement cela qu'on voudrait démontrer comme rigidité s'installant dans le système.

C'est le principal point, tout comme si on prend, par exemple, deux semaines de vacances, les congés chômés et payés. Déjà on est bien conscient qu'on en a moins prévu dans la loi que n'en ont les provinces voisines. Ce qui est un fait, elles en ont plus. Déjà, au Québec, il y en a plus dans la grande majorité des cas. On instaure ici une base, on ne peut plus revenir, il n'y a plus de revenez-y et c'est à partir de cela qu'on commence à bâtir la pyramide.

Deux semaines de vacances, actuellement, cela représente 4%. La personne n'est pas obligée de prendre ses vacances. On instaure l'obligation, c'est déjà, à toutes fins utiles, quelque chose qui existe, mais le travailleur a un choix, il a le choix de prendre des vacances ou il a le choix de prendre la prime ou l'indemnité de vacances. Et souvent, il peut s'entendre avec son employeur pour ce qui lui convient le mieux. Mais là, ici, on instaure une notion de rigidité, c'est-à-dire que c'est deux semaines annuellement et il y a obligation de prendre des vacances, plus d'indemnité. Or, ce qui va se produire, ce n'est pas nécessairement le travailleur qui va y regagner. Face à cela, l'entreprise va avoir une réaction normale, c'est qu'elle va tenter de faire en sorte que tout le monde prenne ses vacances en même temps, là où c'est le plus lent dans le cycle annuel pour l'entreprise. On place l'entreprise face à des choix comme ceux-là.

C'est un peu cela la démonstration qu'on a voulu venir faire ce matin au législateur, c'est que, sans s'opposer aux mesures elles-mêmes, la plu-

part existe déjà, en introduisant la rigidité de la législation comme base, cela provoque des réactions et on est en train d'asseoir une base où le gagnant n'est pas celui nécessairement que l'on vise, sans aller aussi loin que des mesures, comme disait le ministre "counterproductive", c'est à long terme qu'on va voir se déceler le fait que ce n'est peut-être pas précisément le travailleur que l'on tente de protéger, que l'on veut protéger, ce sur quoi on est parfaitement d'accord, qui est le gagnant de l'opération.

Souvent, il n'y en aura pas de gagnant de l'opération.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président, deux mots d'abord sur la question de la publicité donnée au mémoire avant la présentation en commission parlementaire, puisqu'il semble bien que le président ne m'interrompra pas sur le sujet, même si la question lui était destinée. Etant donné qu'il s'agit d'une question en dehors de nos règlements, il me permettra d'y aller de mes réflexions, très brèves d'ailleurs, sur le sujet.

Je pense qu'essentiellement, la question qui vous était adressée ne relève pas des règlements ni de la procédure parlementaire. Mais, dans le fond, c'est essentiellement de la politesse que des groupes peuvent vouloir témoigner vis-à-vis de l'Assemblée nationale ou de leur conception, si on veut, de ce que constitue la politesse ou le savoir-vivre dans une question comme celle-là. Il est bien évident qu'on ne peut réglementer ni légiférer la politesse pas plus que la sympathie, l'amitié ou d'autres qualités d'âme comme celles-là, on peut tout simplement la reconnaître au passage, quand elle se manifeste. Mais, il est bien évident aussi que si tous les groupes qui sont mus à faire des représentations devant les commissions parlementaires prennent l'habitude de faire des conférences de presse, à un moment donné, l'Assemblée nationale va se poser la question sur l'utilité des commissions parlementaires. C'est l'enfance même de l'art.

Il est évident aussi que la pratique de certains risques de devenir l'habitude de tous puisque, dans des pratiques comme celles-là, on en vient ordinairement à adopter comme pratique générale le plus petit commun des dénominateurs, si on y trouve un certain avantage. Bien sûr que si des groupes trouvent un avantage à faire des conférences de presse, ils risquent d'être imités tôt ou tard par tous les autres groupes qui veulent également impressionner l'opinion publique.

Quant à moi, je pense que c'est peut-être finalement une question qui relève aussi de nos règlements, parce que cela fait quand même quelques années qu'on a l'habitude des commissions parlementaires, je ne suis pas sûr que tous les groupes qui y viennent régulièrement — d'ailleurs, c'est devenu presque une occupation traditionnelle et professionnelle de différentes associations — on revoit et on finit par reconnaître tout le monde, tous les porte-parole, il ne reste pas sûr que ce soit entièrement satisfaisant, justement parce qu'on a voulu combiner la publicité et le caractère très ouvert des commissions parlementaires avec une notion de la commission parlementaire qui est typique et propre au parlementarisme tel qu'on le vit à l'Assemblée nationale et qui fait que les commissions parlementaires ne sont pas des vraies commissions parlementaires, mais sont des audiences publiques du ministre, en compagnie des membres de l'Opposition. C'est bien différent. (12 heures)

Dans la plupart des Parlements, les commissions parlementaires sont, en quelque sorte — je m'excuse, M. le Président — presque virtuellement présidées par le ministre responsable du projet de loi, mais cela constitue véritablement un effort des parlementaires pour clarifier ou débroussailler un sujet avant même que le gouvernement, souvent, se soit compromis dans une politique et dans une orientation. Je ne suis pas surpris qu'on éprouve un peu d'impatience devant le mécanisme des commissions parlementaires parce que, quand on y arrive, finalement, les jeux sont déjà faits.

Cela m'amène aux commentaires que vous formulez dans votre mémoire. J'ai un peu l'impression que la conclusion à laquelle vous arrivez est largement dictée par le fait que vous réalisez fort bien que le ministre n'est pas pour retirer son projet de loi et que, par conséquent, votre rôle est peut-être d'alerter l'opinion publique et le gouvernement lui-même à propos des dangers possibles d'une loi qui s'en vient de toute façon. Dans cette mesure, on peut comprendre votre conclusion qui, dans le fond, est presque un conseil de désespoir, en disant: On est dans une situation économique telle qu'on ne peut pas se payer une amélioration des conditions minimales de travail, sachant fort bien que le gouvernement va aller de l'avant, de toute manière; il ne peut pas se désengager de ses engagements publics sur le sujet, mais, au moins, en serez-vous quittes avec votre conscience d'avoir averti tout le monde qu'il y a des dangers et que peut-être la meilleure part de la sagesse serait d'être conscient des dangers.

C'est dans ce sens que j'interprète votre conclusion qui, dans le fond, est assez négative en disant que, sur le plan des sentiments, on aimerait beaucoup pouvoir donner de meilleures conditions de travail à tout le monde, mais, de façon réaliste, ce n'est pas opportun; donc, il vaudrait mieux ne pas légiférer là-dessus.

Je pense qu'il y a une deuxième partie de votre mémoire qui est beaucoup plus pertinente à la discussion du projet, c'est lorsque vous suggérez des modifications comme telles. Je pense qu'on en tient compte et cette deuxième partie sera très utile lorsqu'on en viendra à l'étude article par article du projet de loi. D'ailleurs, un certain nombre des points que vous mentionnez — je ne le dis pas pour diminuer votre contribution — confirment des arguments qui ont déjà été avancés vis-à-vis du caractère peut-être un peu "sweeping", un peu général de certaines dispositions.

D'ailleurs, le ministre a montré qu'il était sensible à cette argumentation.

Je reviens à la position théorique, l'espèce de message ou de cri d'alarme que vous lancez en disant: Ecoutez, il y a des conséquences économiques à tout cela; peut-être vaudrait-il mieux en être conscient. Je me demande si, au niveau de la philosophie qui inspire cette loi, il n'y a pas, dans le fond, un débat qui mériterait d'être soulevé auprès des différents groupes qui viennent parce qu'il y a des groupes syndicaux aussi qui viennent et je suis sûr que la philosophie derrière le projet les ennuie autant qu'elle peut vous ennuyer. Il me semble que le projet de loi qui est devant nous donne une articulation à une philosophie selon laquelle ce qu'on devrait viser, c'est une espèce de minimum souhaitable, c'est-à-dire une espèce de convention collective pour les travailleurs qui n'en ont pas, par opposition à une autre philosophie qui serait, si je comprends bien, plutôt celle que vous défendriez et peut-être celle que défendraient des groupes syndicaux aussi. Enfin, je le dis parce qu'ils sont présents ici et ils auront peut-être l'occasion de réagir également à cette notion-là, c'est-à-dire que ce n'est pas un minimum souhaitable qu'il faut définir dans une loi sur les normes minimales de travail, c'est un minimum indispensable. Je m'excuse auprès de nos collègues du Parti québécois d'utiliser ce vocabulaire, cette distinction entre l'indispensable et le souhaitable, mais je pense qu'elle est bien appropriée à ce cas-ci.

M. Johnson: 50% en tout cas.

M. Forget: Autrement dit, il ne s'agit pas de donner une convention collective à ceux qui n'en ont pas, c'est une espèce de minimum, de convention collective minimale, mais il s'agit de prévenir ce qu'on appelle, dans un langage assez émotif sur lequel les interprétations varient, l'exploitation. On veut empêcher l'exploitation. Par exemple, lorsque vous parlez de la pause-café. C'est assez difficile, dans une notion, de prévenir ou de lutter contre l'exploitation en disant: Celui qui n'a pas sa pause-café de 15 minutes le matin et l'après-midi est exploité. Je pense qu'on n'en est pas rendu là, ce serait assez difficile à prouver que c'est cela la définition de l'exploitation.

Par contre, si on adopte une notion que cette loi doit définir une espèce de convention collective minimale, oui, dans le fond, pourquoi pas? Ce sont des clauses que l'on retrouve dans des conventions collectives et si le législateur veut parodier une convention collective, c'est logique d'inclure cela. Est-ce que ce n'est pas ce concept de définir d'une façon assez rigoureuse un minimum qui est beaucoup plus strict dans le sens de prévenir l'exploitation, de défendre, de protéger le travailleur qui est dans une situation d'inégalité au point de vue de sa capacité de négocier des conditions de travail, de le défendre d'exploitation, de tout ce qu'on pourrait considérer, dans une société, à un moment donné, comme étant carrément de l'exploitation, mais de laisser au marché et, bien sûr au syndicalisme le soin de définir les conventions collectives qui vont inévitablement se situer en haut de cela? Si on adopte cette philosophie, une grande partie des dispositions qu'on a dans la loi, le projet de loi actuel ne serait-il pas considérablement modifié? Est-ce que je me fais des illusions quand je me dis que cela correspondrait un peu à votre préoccupation d'appliquer le standard, le critère à savoir si cela est de l'exploitation ou si ce sont simplement des choses souhaitables? Est-ce indispensable, pour empêcher l'exploitation, ou si c'est simplement un régime de travail souhaitable? Je vais vous laisser répondre là-dessus, parce que je place peut-être dans votre bouche ou dans votre esprit des mots qui n'y sont pas.

Mme Michaud: M. Forget, je vous remercie d'abord de commenter notre mémoire et je voudrais vous dire qu'il y a peut-être certaines expressions que vous avez utilisées, comme les mots "désespoir" et "ennui" qui ne caractérisent pas ce que nous avons voulu exprimer ici. Je ne serais pas là si le mémoire était vraiment fondamentalement contre le projet de loi. Nous avons essayé d'apporter des éléments qui pourraient améliorer le projet de loi et plusieurs membres de cette commission savent bien que notre position a été de tenter d'améliorer le projet de loi. Nous ne demandons pas qu'il soit retiré. Ce que nous avons voulu éviter, c'est la rigidité qui pourrait rendre l'application du projet de loi difficile. Dans ce sens, notre mémoire est plutôt un mémoire positif. Ce que nous avons voulu, c'est plutôt apporter des éléments qui nous paraissaient pouvoir être transformés dans la dicussion sur le projet de loi. Dans ce sens, nous ne sommes ni désespérés ni ennuyés par le projet de loi. Au contraire, nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de nous prononcer sur le projet de loi et je pense qu'au nom de la chambre, en tout cas, il n'était pas question de venir ici et d'avoir une opposition formellement contre le projet. De toute façon, le texte de notre mémoire, pour ceux qui l'ont lu de la première à la dernière page, vous démontre que ce sont des éléments positifs que nous avons tenté d'apporter et des motifs de réflexion pour l'avancement, finalement, de la loi qui est à adopter. Marcel, est-ce que tu as quelque chose à ajouter?

M. Morin (Pierre): J'aimerais ajouter...

M. Forget: Si vous me le permettez, là-dessus, juste avant, c'est qu'il y a à la page 8, malgré tout, après sept pages de démonstration que les coûts de main-d'oeuvre sont effectivement préoccupants et qu'ils semblent plus élevés au Québec pour un très grand nombre de secteurs industriels, vous concluez — en deux lignes d'ailleurs — en disant que, pour les raisons évoquées, le projet de loi 126 sur les normes du travail est inopportun. Inopportun, dans mon dictionnaire, cela veut dire qu'il serait préférable qu'il n'eût pas été présenté. La nuance entre dire cela et dire qu'il ne devrait pas

être présenté, ne devrait pas exister, est très mince.

M. Johnson: II y a une dimension temporelle dans le mot inopportun. Dans le Robert, en tout cas. Peut-être pas dans le Forget, mais dans le...

M. Forget: Le raisonnement ne donne pas de date où cela deviendra opportun, alors, évidemment, c'est peut-être opportun aux calendes grecques.

M. Chevrette: II dit: de forte croissance économique. Donc, il se situe dans une période de forte croissance économique comme étant opportun et inopportun dans cette conjoncture économique. C'est cela que j'ai lu et je suis moins brillant que vous!

M. Morin (Pierre): Peut-être, M. le Président, pour bien situer nos intentions...

Le Président (M. Marcoux): M. Morin.

M. Johnson: ... puisqu'on nous en fait le procès...

M. Morin (Pierre): ... ce que nous avons tenté de mesurer, c'est si actuellement l'économie du Québec, sa performance potentielle, est de l'ordre de 4,5% à 5% de croissance nette par année, si c'est le potentiel de l'économie du Québec actuellement. Or, la performance, elle, est de l'ordre de 2,5% à 3,5%. Nous sommes en-deçà de notre potentiel et nous prévoyons l'être encore pour les deux prochaines années. Il est fort probable qu'en 1980, si les mesures qu'on entrevoit et que pourrait peut-être aider M. Parizeau ce soir pour la relancer nous amenaient plus près de notre potentiel, à ce moment-là, l'opportunité du projet de loi serait tout à fait positive. C'est purement temporel. On le situe dans le cadre des performances actuelles de l'économie du Québec.

M. Forget: Vous conviendrez que le projet de loi est présenté à cette session...

M. Morin (Pierre): II est présenté en première lecture encore. Je vous avoue qu'il pourrait être étiré dans son adoption, ce qui nous ferait plaisir, mais il n'est pas question de remettre en cause le fond même du projet de loi.

M. le Président, le député de Saint-Laurent a évoqué un autre point et d'autres mots qu'on pourrait qualifier de faisant partie d'un contentieux; c'est la notion d'exploitation. Effectivement, on vise dans le projet de loi à réduire ce qu'on pourrait considérer l'exploitation particulièrement dans ce cas-ci — de l'homme par l'homme dans le milieu du travail. Cependant, cette notion est encore très floue. On voit les entreprises réagir à leur environnement. Dans la mesure où le voisin, à cause d'une situation financière et d'une performance un peu meilleures, transmet de meilleures conditions pour conserver, garder ses travailleurs et leur donner, leur faire partager le fruit de sa réussite, on voit immédiatement les concurrents tenter de faire la même chose pour eux-mêmes, conserver leur force de travail, pour eux-mêmes conserver l'expérience qui s'est bâtie à l'intérieur de l'entreprise. C'est ainsi généralement que les conditions de travail ont progressé. L'exploitation, il en existe. Il y en a. On n'est pas là pour le nier. Mais, quand même, il faudrait bien la situer dans un cadre où, si véritablement il s'agit d'exploitation dans le sens négatif du mot, c'est l'exception à la règle. Cette exception, on veut bien que des mesures soient prises pour la faire disparaître et là, on commence à légiférer aussi dans la vertu.

M. Forget: Vous dites cela. Est-ce que cela signifie que, dans le fond, vos remarques relatives à la pause-café — c'est un exemple qui, je pense, est assez utile pour fixer les idées — les objections que vous avez formulées vis-à-vis de cela ne sont pas des objections de principe, mais des objections basées strictement sur le coût? Autrement dit, vous n'avez aucune objection à ce que l'Etat, par l'entremise d'une législation sur les normes minimales de travail, parodie, sans intention péjorative, mais imite une convention collective, plutôt que de s'attacher strictement à des termes indispensables pour éviter des injustices inacceptables, qu'on y mette un peu plus que cela, qu'on essaie d'imiter un peu l'effet d'une convention collective. Cela vous semble-t-il raisonnable en principe?

M. Morin (Pierre): Pour revenir à l'exemple de la pause-café, ce que nous disons, c'est que, généralement, la pause-café est passée dans nos moeurs; dans l'entreprise, c'est déjà quelque chose d'acquis. Mais la forme que prend la pause-café n'est pas nécessairement celle qui est convenue dans le projet de loi. Celle qui est convenue dans le projet de loi dit bel et bien que la pause-café... Elle ne dit pas que la pause-café doit avoir lieu; elle ne dit même pas qu'elle doit avoir lieu; elle ne va pas jusque là. Cependant, ce qu'elle dit, c'est que s'il y a pause-café, c'est du temps considéré comme étant du temps travaillé. D'accord? (12 h 15)

M. Forget: Oui.

M. Morin (Pierre): Autrement dit, cela fait partie des heures de travail, des huit heures par jour, s'il y a pause-café. Alors, ce que nous disons, c'est que cela introduit, à l'intérieur de l'entreprise, une rigidité simplement parce qu'on la définit de cette façon, cela introduit de la rigidité qui impose à l'entreprise des coûts qui n'ont pas nécessairement besoin d'être là. L'entreprise peut quand même avoir une pause-café qui comportera certains coûts, mais beaucoup moindres que ceux qui sont prévus, par exemple, le fait de fournir le café aux travailleurs. Je cite l'exemple que nous vivons chez nous: le café nous est fourni parce que l'employeur a calculé que cela coûtait moins cher de nous donner le café et qu'on peut en prendre à longueur de journée — cela n'est peut-être pas bon pour la santé, mais on peut en prendre à

longueur de journée — plutôt que d'avoir une pause-café rigide de quinze minutes le matin ou l'après-midi.

Mme Michaud: Le ministre a d'ailleurs appliqué cette tactique-là ce matin. Tout le monde a pris son café.

M. Morin (Pierre): Ici, en commission...

M. Paquette: Je suis obligé de vous dire qu'on nous a sûrement exploités.

M. Morin (Pierre):... plutôt que de s'occuper... Mme Michaud: ... travailler.

M. Morin (Pierre): Plutôt que de sortir pour le prendre. Voyez-vous, c'est là une forme de rigidité et c'est cela qu'on voulait souligner dans le projet de loi. C'est qu'il introduit des rigidités qui occasionnent des coûts qui ne sont pas obligatoires, qui ne sont même pas nécessaires et encore moins souhaitables pour l'entreprise.

M. Forget: Oui, j'ai l'impression que — mais c'est votre droit — vous évitez un peu de répondre directement à ma question, mais vous avez évidemment le droit de refuser de répondre. C'est comme les ministres quand on leur pose des questions. Il reste que votre réponse crée autant de questions dans mon esprit qu'elle n'apporte de réponses. Votre démonstration est, en fait, sur les coûts. On s'attend que vous vous opposiez à la pause-café à cause des coûts de la pause-café et non pas à cause de la rigidité des structures ou de l'imposition elle-même. Cela est plutôt philosophique comme... N'est-ce pas? Non?

M. Morin (Pierre): Non, c'est à la rigidité que nous nous opposons et non pas à la notion de pause-café.

M. Forget: Bon!

M. Morin (Pierre): On voudrait être bien clair.

M. Forget: Maintenant, un dernier aspect. Vous notez, et je reviens sur l'expression, "l'inopportunité de cette loi". Or, cette loi se distingue par son extrême souplesse, l'extrême souplesse qu'elle accorde au gouvernement de promulguer pratiquement tout ce qui est essentiel à son application, au fur et à mesure des besoins. Je suis sûr que le ministre avait à l'esprit la possibilité qu'on lui fasse une objection comme celle que vous lui avez faite et qu'il a rédigé une loi lui donnant un extrême degré de flexibilité lui permettant de dire: Ecoutez! Peut-être qu'effectivement c'est inopportun cette année, mais cela sera peut-être opportun l'an prochain et, avec le pouvoir réglementaire, on pourra le faire l'an prochain. Dans le fond, il semble que vous vous rencontrez parfaitement, mais vous ne l'avouez pas, parce que le ministre, jugeant que c'est opportun, en restera le seul juge et il pourra différer l'adoption de la plupart des mesures, sauf les mesures minimales.

Je prends, par exemple, la question des congés. Il y en a trois. Est-ce que c'est le fait que les trois congés soient donnés et consacrés dans la loi tout de suite, est-ce que c'est exorbitant? Pour le reste, on s'en remet au pouvoir réglementaire du ministre. Est-ce que c'est à cela que vous en avez ou est-ce que vous suggéreriez qu'il y ait des délais précisés dans la loi? Parce qu'il n'est pas facile de tirer des conclusions en disant que ce n'est pas opportun dans le moment. C'est quand même dans le moment qu'on étudie le projet de loi; alors, il faut finalement conclure. Etes-vous pour ou êtes-vous contre?

M. Morin (Pierre): On est effectivement en faveur des dispositions de la loi. Ce qui nous chicote vraiment — c'est peut-être là véritablement le fond philosophique auquel faisait allusion le député de Saint-Laurent tantôt — c'est que le gouvernement, son prédécesseur et ses prédécesseurs, sont tous intervenus à un moment ou l'autre dans ce qu'on pourrait appeler les conditions minimales de travail. Tous ont voulu intervenir ou sont effectivement intervenus à un degré ou à un autre au niveau du salaire, et s'en réclament toujours comme étant un de leurs accomplissements. Ce qui nous fait souvent perdre de vue que ces accomplissements, ces actes posés, ont eu des effets négatifs et, souvent, pour le gain immédiat d'avoir fait voter telle ou telle loi ou majorer le salaire minimum, on oublie de mentionner la contrepartie qui se traduit au Québec, depuis quelques années, par des pertes d'emplois et des rigidités dans le marché du travail, qui ne sont pas à l'avantage effectivement de l'ensemble de la population. Ceux qui ont touché des majorations en sont bien heureux, mais il y a eu des conséquences et des conséquences négatives.

C'est souvent en rappelant les conséquences négatives que l'on voudrait introduire une certaine prudence à s'impliquer dans le domaine même des normes minimales de travail. Au fur et à mesure qu'on y introduit de la rigidité, au fur et à mesure, cela introduit de nouvelles conséquences souvent aussi défavorables que pouvaient être favorables les mesures elles-mêmes pour un secteur. .

Enfin — c'est là notre véritable conclusion qui se retrouve à la dernière page — c'est bien beau d'adopter une loi comme celle-là, mais, si on regarde l'expérience qu'on a vécue avec la Loi du salaire minimum, il n'y avait pas là les moyens pour appliquer la loi. A ce moment-là, ce genre de loi ne donne rien, c'est un écran de fumée.

M. Forget: Quel jugement portez-vous sur les mesures qui sont contenues dans le projet de loi relativement à sa mise en application, c'est-à-dire non seulement les amendes, mais également d'autres mécanismes tels que, par exemple, le pouvoir, la protection qu'on donne à celui qui loge une plainte d'être protégé de la même façon que le

syndiqué contre le renvoi pour cause d'activités syndicales? Quel jugement portez-vous globalement? Vous semblez suggérer qu'il y ait un budget considérable qui devrait être consacré à l'inspection.

M. Morin (Pierre): Oui.

M. Forget: Or, ces mesures sont des mesures alternatives, dans le fond, à l'inspection.

M. Morin (Pierre): En fait, on n'a pas d'opposition à ces mesures qui assimilent la protection du plaignant, le respect de son anonymat, mais cela demandera quand même beaucoup plus de ressources et aussi beaucoup plus de volonté au niveau des inspections et de l'opération qu'on pourrait appeler carrément police, c'est-à-dire veiller au respect des mesures qui sont contenues dans la loi.

M. Forget: Vous suggérez l'augmentation du service d'inspection.

M. Morin (Pierre): Non. Que ce soit le service d'inspection, pas nécessairement. Il y aurait peut-être lieu d'habiliter un certain nombre d'organismes, qui déjà sont voués à la défense des travailleurs syndiqués ou autres, de pouvoir formuler, de pouvoir eux-mêmes veiller à l'inspection, de pouvoir formuler des plaintes — comment pourrais-je dire cela? — un peu avec un pouvoir délégué. Pas besoin nécessairement d'avoir tellement plus de fonctionnaires, mais qu'il se fasse plus d'inspections.

M. Forget: C'est intéressant. Comme Chambre de commerce de la province de Québec, seriez-vous en faveur que les syndicats se voient octroyer un rôle dans la mise en application de la loi?

M. Morin (Pierre): Si c'est un syndicat qui peut le faire dans un secteur donné, aucune objection. Ce qu'on suggère, c'est que, là où il y a des organismes habilités ou déjà voués à la défense des travailleurs...

M. Forget: Ce sont des syndicats que vous avez à l'esprit.

M. Morin (Pierre): Non, il y a les syndicats qui l'ont par leur constitution même, mais il y a les comités paritaires, il y a aussi, je pense, des organismes volontaires, les ACEF, enfin, il y a toute une série de groupes, en plus des syndicats, qui pourraient être habilités à formuler des plaintes lorsqu'ils les reçoivent.

M. Forget: Bon. M. le Président, je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: En fait, il reste cinq minutes, je n'aurai pas le temps d'entrer sur le fond du sujet, mais je pense qu'on l'a suffisamment traité. En somme, vous êtes d'accord sur les principes généraux du projet de loi. Vous l'avez dit. Mais vous trouvez inopportun de les concrétiser à ce moment-ci. Je ne pense pas me tromper en disant cela. Vous amenez un argument, à la page 9, qui pose toujours un certain nombre de questions parce qu'évidemment, à la suite de cette position, on est dans le court terme, on est dans des questions conjoncturelles. Vous nous dites: Dans une conjoncture de haute croissance économique, cela nous apparaîtrait raisonnable. On passe d'une période de haute conjoncture à une période de basse conjoncture actuellement. On va probablement connaître une période de haute conjoncture bientôt, suivie d'une période de basse conjoncture, cela fluctue, cela oscille. Est-ce qu'il va y avoir un moment où cela va devenir opportun de passer une telle loi? On peut se poser la question.

M. Morin (Pierre): Oui, il y a un moment opportun et peut-être que le meilleur indicateur que l'on pourrait prendre au Québec serait l'indice du chômage. Si on réussissait à réduire — prenons simplement un chiffre — le chômage au Québec à 8%, déjà cela indiquerait qu'il y a, lorsqu'on considère que 5% est le plein emploi à peu près, de l'élasticité dans le marché du travail et la mesure pourrait passer sans contribuer indûment au chômage. Mais lorsqu'on prévoit 11,75% cette année, on est loin encore de cet objectif.

M. Paquette: Maintenant, vous supposez que la réaction des employeurs, par exemple, à une mesure comme les pauses-café ou la demi-heure payée du dîner, va se traduire en termes de réduction de personnel et de réduction d'heures. Est-ce que cela ne pourrait pas être l'inverse aussi dans certains cas?

M. Morin (Pierre): Vous voulez dire que l'augmentation des coûts produirait, plutôt qu'une réduction, la création d'emplois?

M. Paquette: Dans le sens que ce n'est pas une création qui serait évidemment liée au dynamisme de l'économie, parce que je pense que le problème que vous soulignez à la page 4, il est là. Vous dites: Les salaires payés au Québec dans la plupart des activités sont moins élevés qu'en Ontario et pourtant ils ont une productivité plus faible à cause de la faible taille des entreprises. Je pense que le problème est là, il est en termes de structures industrielles mais, malgré tout, est-ce que l'employeur ne pourrait pas dire: Je vais avoir besoin de plus d'employés, je vais avoir besoin de plus de temps puisqu'on me réduit le nombre d'heures de travail? Evidemment, avec des coûts additionnels pour l'entreprise, je l'admets volontiers.

M. Morin (Pierre): C'est justement, c'est là l'équation.

M. Paquette: Vous, vous pensez qu'ils vont réduire plutôt leurs activités.

M. Morin (Pierre): C'est qu'ils vont trouver des moyens de façon que les coûts imposés par la loi n'augmentent pas le coût actuel. Si, par exemple, dans l'entreprise, il y a 45% des coûts qui sont des coûts de main-d'oeuvre, on va tenter de conserver, avec les dispositions de la loi, l'enveloppe budgétaire pour les coûts à la main-d'oeuvre à environ 45% et on va prendre des mesures de façon à réduire ailleurs les coûts qui sont imposés par la loi. Même le gouvernement du Québec n'est pas exempt de ce même calcul.

M. Forget:... unilatéralement, s'il le veut, on le verra ce soir.

M. Johnson: On verra.

M. Paquette: Une dernière question, très brièvement, simplement sur le plan de l'information, vous avez évalué l'augmentation de coût de la pause-café. C'était en supposant qu'aucune entreprise, actuellement, ne donnait de pause-café payée?

M. Morin (Pierre): Non.

M. Paquette: Non? C'est sur quelle hypothèse?

M. Morin (Pierre): L'évaluation qui est ici est purement dans le secteur public, où existe déjà la pause-café. On voulait simplement démontrer au législateur que, sur une masse budgétaire de $5 milliards payée en salaires, la pause-café telle que prévue dans la loi coûte $175 millions.

M. Paquette: Les $5 milliards s'adressent à quoi?

M. Morin (Pierre): Ils s'adressent aux salaires payés aux employés de la fonction publique et parapublique.

M. Paquette: Bon.

M. Morin (Pierre): C'est purement une hypothèse. On dit: $5 milliards de masse salariale, 32 1/2 heures par semaine de travail, la pause-café coûte $175 millions à l'employeur.

M. Paquette: Vous n'avez pas évalué la proportion des entreprises où ce système de pause-café existe déjà, donc où les coûts sont déjà assumés par les employeurs?

M. Morin (Pierre): Non, parce qu'ils le sont déjà en ce cas-ci. Ce qu'on voulait, c'est inviter le législateur à se demander si ces $175 millions sont bien utilisés. C'est là la question. C'est le cas de plusieurs hôpitaux, même dans le comté de Maisonneuve.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Chambre de commerce de Québec de nous avoir présenté son mémoire.

Mme Michaud: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, nous avons été très heureux de vous présenter notre mémoire et nous espérons que vous tiendrez compte des quelques remarques que nous avons pu vous faire. En tout cas, au nom du conseil d'administration et au nom de la permanence de la chambre, je vous remercie.

M. Johnson: Dans la mesure du souhaitable, comme le dit le député...

Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses travaux sine die, mais elle les reprendra probablement vers 15 h 30.

Fin de la séance à 12 h 31

Reprise de la séance à 15 h 35

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi 126, Loi sur les normes du travail.

Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).

J'inviterais maintenant l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec à s'approcher afin de nous présenter son mémoire. Vous connaissez nos règlements. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous résumer votre mémoire et nous le présenter. Suivront ensuite les échanges avec les députés.

Me Morin, ou le président.

Association des manufacturiers de bois de sciage

M. Perron (Jean): Jean Perron.

Le Président (M. Marcoux): M. Jean Perron, si vous voulez nous présenter vos collègues.

M. Perron (Jean): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir, comme président de l'association, de présenter les représentants de l'association aujourd'hui, soit: M. Léonce Girard, vice-président; M. Napoléon Létourneau, directeur général; M. Jacques Morin, directeur du service des relations de travail de l'association; M. Claude Saillant, du service des relations de travail de l'association, ainsi que des industriels qui sont membres de notre comité de travail, soit M. Jean-Yves Gonthier, M. Yvon Savard, M. Raymond Thibeault et M. Guy Gauthier.

M. le ministre, ce matin, demandait de résumer les mémoires autant que possible. Je voudrais quand même faire remarquer au ministre qu'il est impossible pour l'association de résumer son mémoire parce que tout ce qui est dit à l'intérieur est très important. Par contre, je vais vous rassurer en vous disant qu'en un peu moins de 20 minutes on devrait vous en faire lecture.

C'est une occasion un peu particulière pour nous de voir qu'il y a peut-être plus de "parlemen-teux" que de parlementaires ici cet après-midi, mais notre forte délégation vous montre l'intérêt que nous portons à cette loi.

L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec désire remercier les membres de la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre de lui avoir permis de se faire entendre devant cette commission afin d'exprimer à celle-ci son point de vue sur le projet de loi 126 intitulé Loi sur les normes du travail.

Fondée en 1953, l'association regroupe au-delà de 150 industriels représentant 80% de la production totale de sciage de la province de Québec. Longtemps artisanale, l'industrie québécoise du sciage a connu, vers la fin des années soixante, une évolution technologique qui la situe aujourd'hui à la fine pointe de la technologie. Une étude réalisée en 1975 par le ministère fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration la considérait, dans le monde entier, parmi celles qui s'étaient le plus transformées pour suivre l'évolution.

D'ailleurs, nombreux sont les visiteurs étrangers de l'Europe, des Etats-Unis, de l'Afrique, qui viennent constater cette évolution dans les usines québécoises de sciage. Ce haut degré de technologie que l'industrie québécoise du sciage a atteint n'est pas le fait pur et simple de l'arrivée sur le marché de nouveaux équipements et de nouvelles machineries. Ces équipements et machineries n'auraient jamais été installés dans les usines si les industriels québécois de sciage n'avaient réinvesti la majeure partie de leurs profits dans de nouvelles installations. En 1978, par exemple, on estime que les investissements de l'industrie québécoise du sciage ont atteint les $50 millions.

Pour cette même année, la production des usines de sciage a atteint le chiffre de 3 200 000 000 de p.m.p. de bois de sciage et de 3 500 000 tonnes anhydres de copeaux. Il faut mentionner que cette production considérable, à peu près de 82%, est concentrée dans 44 usines. Ces chiffres sont révéla- teurs de l'ampleur des installations, mais également de la complexité des problèmes que rencontrent des administrateurs, que ce soit dans le domaine des opérations forestières, de la production en usine, des relations patronales-ouvrières, de la mise en marché, etc.

La valeur totale des expéditions de l'industrie québécoise du sciage s'élevait, en 1978, à près de $900 millions. Soixante-dix pour cent de la production de bois d'oeuvre étaient expédiés hors du Québec, dont 40% aux Etats-Unis, sur des marchés qu'elle a dû développer et pénétrer.

Elle verse annuellement à l'industrie du camionnage plus de $153 millions et au-delà de $28 millions aux compagnies de chemin de fer. Elle emploie près de 20 000 travailleurs dans ses opérations forestières et ses usines et paie des salaires qui dépassent $225 millions.

L'industrie québécoise du sciage est actuellement confrontée à de nouvelles lois dans le domaine du travail à savoir la loi 45, le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail, des maladies industrielles telles que le bruit ainsi que diverses autres lois, plus particulièrement celle que nous discutons devant cette commission parlementaire, le projet de loi sur les normes du travail.

Ce nouveau défi dans les relations de travail saura-t-il rendre l'industrie québécoise du sciage plus stable et plus concurrentielle? Nous l'espérons et souhaitons que le législateur adopte des lois ouvrières qui permettront à l'industrie québécoise du sciage de stabiliser son industrie et de jouer son rôle concurrentiel sur les marchés internationaux.

L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec est également membre du Conseil du patronat du Québec et l'association endosse et souscrit entièrement au contenu du mémoire de cet organisme qui sera présenté à cette commission.

M. le Président et messieurs les membres de la commission parlementaire, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec vous présente ses commentaires concernant le projet de loi no 126 intitulé Loi sur les normes du travail.

Bien que l'article 141 du projet de loi énonce comme disposition transitoire que les ordonnances adoptées par la Commission du salaire minimum qui peuvent faire l'objet d'un règlement en vertu des articles 86 et 87, continuent d'être en vigueur jusqu'à leur abrogation, leur modification ou leur remplacement par un règlement adopté en vertu desdits articles, l'association tient à souligner à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre la nature particulière du travail des salariés oeuvrant dans les opérations forestières et les scieries.

Le projet de loi le reconnaît dans la rédaction des articles 86 et 87 en donnant au gouvernement le pouvoir de réglementer d'une façon spéciale les salariés du secteur des opérations forestières et des scieries. Nonobstant cette reconnaissance, et pour plus de certitude, nous croyons utile de vous mentionner que le secteur des opérations forestiè-

res et des scieries est régi par les ordonnances 9 et 10 de la Loi du salaire minimum.

Nous comprenons que ces ordonnances ont, aux fins de la présente loi, la même valeur et le même effet qu'un règlement adopté en vertu de la présente loi, conformément à l'article 141 du projet de loi.

La lecture de l'article 90 du projet de loi permet aux parties intéressées de formuler une objection au règlement du gouvernement qui sera adopté en vertu du chapitre IV, de la section 8, mais, malheureusement, les articles 36 et 37 peuvent rendre inopérant ce droit fondamental, cesdits articles devant être abolis.

Nous recommandons à cette commission qu'advenant une modification ou un remplacement des ordonnances 9 et 10 par un règlement adopté conformément aux articles 86 et 87, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec puisse être consultée afin de faire connaître ses commentaires et recommandations, et cela, indépendamment des articles 36 et 37 du projet de loi. Nous osons croire qu'il n'est pas de l'intention du gouvernement d'abroger les ordonnances 9 et 10.

Article 1h: Salarié: La notion de "salarié" telle que définie dans le projet de loi, élargit la définition apparaissant au Code du travail de l'article 1m. Plusieurs industriels dans le domaine des opérations forestières ont à leur emploi des camionneurs et des propriétaires de machineries forestières.

Nous sommes d'opinion que les artisans travaillant dans le secteur de notre industrie devraient être exclus de la notion de "salarié" apparaissant au projet de loi sur les normes du travail.

Article 1j: La notion de "service continu", telle que rédigée, inclurait, à notre avis, les cas où l'employé n'est pas à l'emploi de l'employeur, mais en étant à son service.

Par exemple, si un employé a été mis à pied, ou, encore, n'est pas à l'emploi de l'employeur à cause d'un accident, cet employé accumulerait de l'ancienneté ou du service continu chez l'employeur et aurait droit aux congés prévus aux articles 66, 67 et 68 basés sur la définition de "service continu".

Les conventions collectives des industriels de sciage et de leurs employés excluent dans la notion de "service continu" les cas de mises à pied ou d'accidents de travail. Cette définition de "service continu" nous apparaît générale et il y aurait lieu de la restreindre en excluant les cas d'accidents ou de mises à pied.

Article 29h: Nous comprenons mal le pouvoir de la commission de taxer les employeurs sous forme de réglementation. Nous sommes d'avis que cette taxation représente un montant significatif et qu'il n'appartient pas à l'industrie de financer cette commission.

Nous recommandons également que le taux que les employeurs paient actuellement, conformément à la Loi du salaire minimum, ne soit pas majoré, car il représente un pourcentage déjà élevé.

(15 h 45)

Article 42: Certains salariés reçoivent actuellement leur salaire à intervalle régulier et sur une base mensuelle. Nous proposons de modifier l'article 42 en ajoutant: "à moins d'entente entre les parties".

Article 43: L'association ne voit aucune utilité pour le salarié de recevoir son salaire sous enveloppe scellée, occasionnant par le fait même une augmentation de dépenses pour l'employeur. Nous sommes d'avis que le salarié peut recevoir son salaire en main propre sans qu'on ajoute "sous enveloppe scellée". Nous recommandons d'enlever les mots "sous enveloppe scellée".

Article 45c: II arrive fréquemment, dans notre secteur industriel, que des salariés soient affectés à des tâches différentes au cours de la même journée ou durant la semaine normale de travail. Tel que rédigé, cet article occasionnerait une modification majeure dans le bulletin de paie et, par voie de conséquence, une augmentation de frais administratifs pour l'employeur. Le bulletin de paie de nos industriels est actuellement assez volumineux et l'acceptation de l'article 45c engendrerait maintes complications techniques au service de compatibilité des industriels.

Nous recommandons que l'article 45c du projet de loi soit rayé, étant donné que l'article 29b prévoit que la commission peut, par règlement, vérifier le travail effectué par l'employé.

Article 51: Nous informons la commission que plusieurs employés, notamment les employés non régis par les ordonnances 9 et 10, ou toute autre ordonnance fixant les heures de travail, ont une semaine normale de travail de 45 heures.

Nous recommandons que le chiffre 45 soit maintenu au lieu de 44 tel que prévu au projet de loi et que les heures établies aux ordonnances 9 et 10 ne soient pas modifiées.

Article 59: Puisque le projet de loi no 126 sera présenté à l'Assemblée nationale du Québec, il serait tout à fait normal que les normes prévues dans ce projet de loi soient également adoptées par l'Assemblée nationale.

Article 61 : Plusieurs employés du secteur des activités forestières sont payés à forfait ou au rendement et leur salaire peut varier de jour en jour. L'indemnité égale au salaire prévue à l'article 51 devra être basée sur un taux horaire de base de l'industrie en excluant tout avantage prévu ou accordé par l'employeur et, plus particulièrement, les bonis accordés à certains employés, ou une entente négociée entre les parties qui ne devra pas être inférieure aux salaires journaliers minimaux.

Article 62: La dernière phrase de cet article impose une obligation et un choix qui se lisent comme suit: "Dans ce cas, le congé doit être pris dans les trois semaines précédant ou suivant ce jour".

Nous suggérons d'enlever le terme "précédant" et d'ajouter à la fin de cet article "à moins d'entente entre l'employé et l'employeur".

Article 64: Nous vous signalons que les conventions collectives des industriels de sciage et de leurs employés, ainsi que celles du gouvernement du Québec et de ses employés, prévoient que pour avoir droit ou bénéficier d'un jour férié visé à l'article 59, un employé doit être présent à son travail le jour ouvrable qui précède immédiatement et celui qui suit immédiatement le jour férié, à moins que pour l'un ou l'autre de ces jours il ne soit en permis d'absence autorisé. Le mot "ou" à la dernière ligne devrait être remplacé par "et".

Un salarié devrait également être à l'emploi de l'employeur 30 jours précédant immédiatement la fête, tel que prévu dans la majorité des conventions collectives de notre secteur, pour avoir droit au congé.

Article 68: Plusieurs salariés à l'emploi de nos industriels ont droit à un congé annuel d'une durée minimale de trois semaines et demandent souvent à l'employeur de prendre uniquement deux semaines de congé annuel afin de bénéficier d'une semaine supplémentaire au cours de leur année de référence. Nous suggérons d'ajouter à cet article: "à moins d'entente entre l'employé et l'employeur pour la troisième semaine de congé annuel".

Article 73: Le contenu de l'article 73 accorde aux salariés une indemnité afférente au congé annuel et nous ne pouvons croire que le législateur a la même interprétation que celle que nous y avons décelée.

L'article 73 permettrait, à notre avis, à un salarié bénéficiant de plusieurs années de service continu tel que défini à l'article 1j de n'avoir complété au cours d'une même année que quelques jours ou quelques mois d'emploi chez un employeur pour bénéficier d'une indemnité égale au plus élevé des montants suivants: soit le salaire correspondant à trois semaines normales de travail du salarié, soit un montant égal à 6% du salaire brut du salarié durant l'année de référence. Il va de soi que l'indemnité d'un salaire correspondant à trois semaines normales de travail du salarié devrait nettement être plus élevée à montant égal à 6% du salaire brut dans les cas où un salarié aurait complété dix ans de service continu. Nous recommandons de modifier l'article 73 aux fins d'accorder une indemnité afférente au congé annuel sur la base unique du pourcentage du salaire brut, tel que prévu dans la majorité des conventions collectives, au lieu d'une indemnité égale au plus élevé des montants prévus à l'article 73.

L'indemnité afférente au congé annuel doit tenir compte du reliquat de l'année précédente et il ne semble pas, malheureusement, que cet article le prévoie.

Article 79: L'association s'interroge sur la définition et le sens qu'elle doit donner aux termes "à l'occasion" prévus à cet article. L'association recommande que l'absence autorisée, sans réduction de salaire, prévue à l'article 79, soit accordée pour la journée des funérailles à la condition que cette journée soit une journée ouvrable.

Aux fins de concordance avec notre recommandation, l'absence autorisée de trois autres journées, prévue à l'article 79, cela devrait être des journées qui précèdent ou qui suivent immédiatement — il faut changer ici le mot "décès" pour ajouter "la journée des funérailles". C'est une erreur.

L'article 81. Nous recommandons d'exclure les employés travaillant aux exploitations forestières d'une façon saisonnière ainsi que les employés occasionnels et ceux qui n'ont pas complété leur période de probation chez l'employeur.

Messieurs de la commission, M. le Président, nous réitérons nos remerciements à cette commission pour avoir entendu l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec et souhaitons que le législateur tienne compte de nos recommandations.

Le Président (M. Marcoux): Merci. M. le ministre.

M. Johnson: Merci, messieurs. Merci de votre excellent mémoire. En effet, vous avez réussi à passer à travers en moins de 20 minutes. D'abord, pour ce qui concerne la consultation, je peux vous assurer qu'il y en aura, c'est pour cela qu'il y a les articles 36, 37 et autres dans la loi, 32, dis-je, 36 et 37. Il y en aura éventuellement dans le cadre du remplacement des ordonnances qui affectent votre secteur.

Dans le cas de l'article 42 où il s'agit du versement, c'est pourtant ce qui est prévu en ce moment dans l'ordonnance no 10: 16 jours. A 45c sur le bulletin, l'ordonnance no 10 prévoit également un bulletin comme celui qui est décrit dans la loi. A 61, il s'agit de l'indemnité; il s'agit en fait de viser la perte réelle qui a été subie à l'occasion d'un congé. J'aurais une question: Pourquoi demandez-vous qu'on enlève le terme "précédent" et ajouter à la fin "à moins d'entente entre l'employé et l'employeur" à l'article 62? J'aimerais que vous puissiez répondre à cette question.

Finalement, je voudrais vous dire qu'en ce qui a trait aux problèmes reliés à votre secteur industriel, dans le cas des licenciements, nous avons été saisi de problèmes analogues par l'industrie des pâtes et papiers, qui recoupe, à certains égards, une partie de vos activités, quand on parle de coupage de bois, et nous avons tenu compte de certaines des remarques dont certaines qui sont analogues dans votre cas. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons en tenir compte de façon définitive au niveau des amendements apportés après la deuxième lecture.

Je terminerais en vous posant la question concernant l'article 62. Deuxièmement, je vous demanderais combien il y a de salariés, en gros, dans vos entreprises, qui sont impliqués, troisièmement, quel est le taux de syndicalisation dans votre secteur industriel, de façon générale, et, quatrièmement, dans quelle mesure vous avez des conventions collectives qui vous couvrent et qui impliquent des normes supérieures à celles qu'on retrouve dans le projet de loi 126.

M. Morin (Jacques): Dans un premier temps, je vais répondre seulement à la première question et je laisserai mes collègues répondre aux autres questions. Si on veut ajouter à l'article 62 et si on demande également de rayer les précédents, il nous semble difficile de prévoir trois semaines à l'avance la journée où le salarié va travailler et qui sera fériée.

M. Johnson: Vous venez de dire que, compte tenu de la mobilité de votre main-d'oeuvre dans ce secteur, vous n'êtes pas sûr...

M. Morin (Jacques): On ne sait pas trois semaines d'avance...

M. Johnson: ... qui va travailler avec vous. Mais c'est au maximum, ça peut se faire avant. On dit: "Si un salarié doit travailler l'un des jours indiqués à l'article 59 — l'article 59, c'est le 1er janvier, le 25 décembre ou les autres jours fixés par règlement — l'employeur, en plus de verser aux salariés occupés ce jour férié le salaire correspondant au travail effectué, doit lui verser une indemnité égale à son salaire pour une journée normale de travail ou lui accorder un congé compensatoire d'une journée. Dans ce cas, le congé doit être pris dans les trois semaines précédant ou suivant ce jour."

Vous ne trouvez pas qu'il y a assez de flexibilité là-dedans?

M. Thibeault (Raymond): J'aimerais ici ajouter quelque chose, si vous permettez, M. le Président.

M. Johnson: Si vous voulez vous identifier quand vous prenez la parole, pour les fins du journal des Débats.

M. Thibeault: Raymond Thibeault. C'est seulement où il y a un congé et qu'on ne sait pas si le travail doit être effectué cette journée ou non. Dans notre industrie, il arrive très souvent qu'il y a un bris et on doit faire entrer des travailleurs lors d'une journée de congé si le bris s'est effectué la journée précédente. A ce moment-là, évidemment, en donnant le congé avant, même s'il est exigé, on ne sait pas s'il aura à travailler cette journée-là. C'est là qu'on trouve confus de dire qu'il faut donner le congé à l'employé avant la période du congé.

Si, la veille de Noël ou les deux jours précédents, on ne sait qu'il va falloir travailler la journée de Noël, c'est difficile de lui donner trois semaines à l'avance le congé. C'est dans ces cas-là. Lorsque c'est connu, il n'y a pas de problème.

M. Johnson: Par contre, vous pouvez le donner dans les trois semaines qui suivent.

M. Thibeault: Sûrement. C'est ce qu'on recommande d'ailleurs dans notre mémoire, que soit enlevé le mot "ou" et qu'on laisse "dans les trois semaines suivant le congé seulement."

M. Johnson: Mais le "ou" est quand même alternatif. Il permet de régler ce problème dans d'autres secteurs, comme c'est une loi d'application générale. Dans votre secteur, il n'y a rien qui empêche que le droit de gérance s'exerce et qu'effectivement, le congé soit accordé dans les trois semaines subséquentes. En laissant le texte comme cela, cela ne vous ennuie pas, à proprement dit.

M. Thibeault: Non, en autant qu'il n'est pas exigé à un moment donné.

M. Létourneau (Napoléon): Napoléon Létour-neau. Pour répondre aux autres questions, le nombre de salariés dans l'industrie québécoise du sciage, disons que c'est un chiffre qui est assez aléatoire parce que c'est saisonnier dans certains secteurs. Il faut dire que cela se situe entre 18 000 et 20 000, jusqu'à un sommet, dans les plus fortes périodes, de 22 000 à 23 000.

M. Johnson: Réparti dans combien d'entreprises?

M. Létourneau: II y a environ 500 entreprises de sciage dans la province de Québec. Mais ici, il faut faire une distinction qui est reconnue par le ministère des Terres et Forêts. Il y a ce qu'on appelle les industries de sciage commerciales et les industries de sciage qu'on dit de service, des usines de service.

Les usines de service qui sont les plus petites ont comme contrainte qu'elles n'ont pas le droit d'acheter du bois, ni d'en vendre, tandis qu'une scierie commerciale a le droit d'effectuer des transactions sur les divers marchés, tant au Canada qu'à l'extérieur.

C'est une distinction fondamentale. On compte, dans la province de Québec, environ 175 usines dites commerciales, qui ont un permis d'usine commerciale contre 325 usines dites de service. Généralement, les usines de service desservent un marché très local, un village donné, pour la construction. Ce sont de très petites unités. Généralement, elles ont des productions annuelles inférieures à 500 000 p.m.p. C'est très faible par rapport aux usines dites commerciales qui ont un seuil débutant vers 5 millions de p.m.p. de production annuelle.

M. Johnson: p.m.p., c'est...?

M. Létourneau: Pied mesure de planche.

M. Johnson: Et la syndicalisation, dans votre secteur?

M. Létourneau: Si on compte l'ensemble de tous les salariés, le taux de syndicalisation peut se situer à 30%, à la fois usines de service et usines commerciales. Maintenant, si on se limite uniquement aux usines commerciales, c'est-à-dire celles qui ont des productions supérieures à 5 millions de p.m.p., ce taux de syndicalisation dépasse 60%.

M. Johnson: Et ma dernière question: Est-ce que, à votre avis, la loi 126 défonce bien des choses de ces conventions collectives?

M. Létourneau: Globalement, les industries de sciage sont régies par les ordonnances 9 et 10, lesquelles ordonnances prévoient des semaines de travail et autres aménagements que la loi 126, actuellement, nous apparaît modifier. Et dans cette optique, nous demandons que, si éventuellement — et vous nous le confirmiez il y a quelques instants, M. le ministre — les ordonnances 9 et 10 pouvaient être modifiées, nous serions consultés. Comme, présentement, nous sommes régis, nous voyons, dans ce projet de loi, certains articles qui pourraient apporter des modifications.

M. Johnson: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Messieurs, je voudrais vous remercier pour la présentation de votre mémoire qui reflète très bien les problèmes que vous êtes susceptibles d'affronter dans votre industrie. (16 heures)

Plusieurs des arguments ou des points que vous évoquez ont déjà été cités ici par l'Association des industries forestières qui a sensiblement les mêmes préoccupations que vous à l'égard du projet de loi 126.

Je ne voudrais pas reprendre les représentations bien particulières et bien spécifiques que vous apportez sur les notions de services continus, de bulletin de paie, de semaine de travail, de congés, etc. Je dois dire que la commission parlementaire prend acte de vos recommandations, de vos demandes. C'est après l'étude du projet de loi en deuxième lecture que le gouvernement aura l'occasion de présenter des amendements ou des modifications et d'en tenir compte. Ou encore l'Opposition pourra le faire au moment de l'étude du projet de loi, article par article, en commission parlementaire.

Vous avez répondu à une question du ministre qui était celle que je voulais vous poser sur le nombre d'employés syndiqués. J'aimerais savoir le nombre d'employés, dans votre industrie, qui travaillent à forfait par rapport au nombre d'employés qui travaillent selon un taux horaire. Je sais que vous avez plusieurs travailleurs... par exemple, les bûcherons vont travailler à la corde et non à l'heure. J'aimerais savoir quel est le pourcentage pour les deux, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, quel sera l'impact du projet de loi 126 et des modifications éventuelles aux ordonnances 9 et 10 sur le sujet.

M. Perron (Jean): Pour ce qui est du pourcentage des travailleurs à forfait, je pense qu'il faut faire une distinction entre les usines et la forêt. Pour la majorité, dans la presque totalité des usines, c'est du travail horaire, tandis qu'en forêt je dirais que c'est à peu près la situation opposée, c'est surtout du travail à forfait.

M. Pagé: Quel est le nombre de travailleurs en forêt?

M. Perron (Jean): On peut parler de 95%. M. Pagé: D'accord.

M. Perron (Jean): 90% à 95% travaillent à forfait en forêt.

M. Pagé: Je donne l'exemple d'une usine qui a cinquante employés, en incluant l'administration, etc. Combien a-t-elle d'employés généralement en forêt? Une dizaine?

M. Perron (Jean): Je dirais que cela s'équivaut, c'est à peu près 50%-50% le nombre de travailleurs en usine et en forêt. C'est à peu près moitié-moitié.

M. Pagé: C'est donc dire qu'environ 95% des employés évoluant dans votre industrie seraient payés à forfait?

M. Perron (Jean): Non, c'est à peu près 50%?

M. Pagé: C'est-à-dire 45%.

M. Perron (Jean): C'est cela, oui.

M. Pagé: D'accord. Les impacts du projet de loi 126 sur ces travailleurs-là, ce serait quoi pour vous?

M. Létourneau: Cela nous apparaît fondamental que ces travailleurs à forfait soient exclus de la définition de "salarié". C'est une recommandation que nous formulons. Nous n'aimerions pas voir ces travailleurs à forfait ou encore les artisans considérés comme des salariés.

M. Pagé: Je présume que c'est surtout en raison du caractère saisonnier de leur occupation?

M. Morin (Jacques): Pas uniquement cela, il faut ajouter à la notion forfaitaire les camionneurs qui sont également payés à forfait, conformément aux tarifs de la Commission des transport. Il est sûr qu'on prévoit des tarifs horaires et des tarifs à forfait. Dans l'esprit de la commission, les tarifs à forfait sont supérieurs aux tarifs horaires. C'est déjà prévu par la commission. C'est la raison pour laquelle on demande également d'exclure de la définition de "salarié" les camionneurs qui sont rémunérés en majorité d'une façon forfaitaire.

M. Pagé: C'est la même chose pour ceux...

M. Perron (Jean): Si vous le permettez, on aimerait détailler un peu cela. On aimerait également avoir les commentaires du ministre à la suite

de cela. Pour nous, ce qui apparaît fondamental dans la notion d'employé, c'est ce qu'on entend par salarié. L'article 1h en fait mention. On a soulevé le point tout à l'heure. On va peut-être vous donner quelques détails ici. M. Thibeault va expliquer cela.

M. Thibeault: Si vous le permettez, M. le Président, dans le mémoire de l'association, un des points essentiels est la définition du mot "salarié". A notre avis, il y a un élargissement considérable du mot "salarié" dans le nouveau projet de loi comparativement au Code du travail, par exemple. Justement, le député de Portneuf touchait tantôt au forfait. Dans cette partie du forfait, il y a également les entrepreneurs qui comptent pour une partie assez importante de cette industrie.

Par exemple, dans le projet, à l'article 1h ii), on dit que cela inclut également ceux qui possèdent ou qui s'obligent à fournir de l'équipement. Quand on parle de l'équipement, à ce moment, pour définir notre point de vue, je me servirai de l'exemple des camionneurs artisans. Le camionneur artisan achète de l'équipement. Il a fait un choix, à ce moment, de ne plus être le salarié normal. Il a fait le choix de devenir un entrepreneur. A ce moment, il investit, il devient entrepreneur. A notre avis, cela ne devrait pas être considéré dans la notion de salarié, parce que celui-ci a fait le choix lui-même, librement. Si on veut lui conserver sa liberté, nous croyons qu'il doit être considéré en dehors des salariés régis par ce projet de loi.

M. Pagé: Vous faites allusion aux camionneurs. Combien...

M. Thibeault: Je prenais les camionneurs comme exemple.

M. Pagé: D'accord. Ceux qui ont à sortir le bois avec les "skidders", qu'on appelle, est-ce qu'en général, ces équipements appartiennent aux scieries ou à des entrepreneurs aussi?

M. Thibeault: II y a les deux façons qui existent actuellement. Les deux façons sont assez communes. Maintenant, ce ne sont peut-être pas tellement ceux-là qu'on veut toucher, parce que ceux-là, normalement, et en plusieurs parties, sont régis par des conventions collectives, tandis que le camionneur artisan ou d'autres, comme l'entrepreneur, ne le sont pas mais ils sont régis par d'autres organismes. Par exemple, la Commission des transports régit les taux de transport. C'est prévu. Les congés sont prévus dans cela, etc. Toutes les autres conditions de travail sont également incluses. C'est pour cela qu'on croit devoir exclure tout ce qui touche les artisans ou les entrepreneurs.

M. Perron (Jean): Est-ce que le ministre pourrait commenter là-dessus, nous donner son interprétation du "salarié" et nous assurer que, naturellement, les gens qui ont décidé d'être des entrepreneurs demeureront des entrepreneurs? Je pense bien que le but aussi, c'est d'encourager les individus à obtenir un intérêt de propriété dans l'équipement. Ils ont leur propre façon de calculer leurs heures de travail. Ils ne sont pas des salariés pour nous, dans notre industrie. Est-ce que le ministre peut commenter?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Johnson: D'abord, l'ordonnance no 9 couvre déjà certains employés, pour ne pas employer le mot "salariés" à forfait. Si on prend par exemple ceux qui sont affectés à la coupe du bois ou payés à la pièce, ils ont droit, par jour de travail établi pour chaque mois civil, à un taux moyen de $34.35 par jour; les salariés engagés à forfait, les cuisiniers, les aides cuisiniers, les garde-feu, à $29.60; les gardiens, à $27.25, et les autres salariés, à $3.27 l'heure, enfin, ce qui est l'ordonnance du salaire minimum. Le problème que vous posez, concrètement, c'est celui des camionneurs artisans, entre autres, où il s'agit de concilier au niveau des définitions qu'on retrouve dans cette loi, dans le Code du travail, également les intentions du gouvernement, de couvrir ceux qui sont finalement totalement dépendants. Ce n'est peut-être pas votre industrie qu'on avait en tête en couvrant cela. C'était peut-être beaucoup plus, par exemple, ceux qui ont un dépanneur, un nombre de salariés considérable, un nombre de personnes qui, en vertu du Code du travail, ne sont pas considérées comme des salariés et, en vertu de la Loi du salaire minimum, ne le sont pas non plus, mais qui, en fait, sont dans un lien tel de dépendance à l'égard du promoteur ou du propriétaire de l'entreprise originale qu'à toutes fins utiles ce sont des salariés, sauf qu'ils ne sont couverts par rien.

Dans le cas de la Commission des accidents du travail, maintenant, on les couvre — c'est ce qu'on appelle des artisans de façon générale — et dans le cas du salaire minimum, il s'agit de recouper ces personnes. Maintenant, le problème que vous soulevez dans le cas des camionneurs et dans le cas des "jobbeurs", pour utiliser l'expression de votre industrie, on va regarder comment, concrètement, on peut essayer de circonscrire cela. Encore une fois, celui qui est dans un lien total de dépendance, je pense, il faut s'arranger pour qu'il ait l'équivalent au moins des conditions de celui qui est un salarié proprement dit. Ceci dit, il ne s'agit pas de mettre fin au camionnage artisan non plus. D'ailleurs, je pense que bien malvenu celui qui voudrait tenter cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Portneuf, allez!

M. Pagé: Ma question s'adresserait au ministre. Les représentants qui sont devant nous ont manifesté leur inquiétude à l'égard d'une modification éventuelle aux ordonnances 9 et 10 en vertu du projet de loi no 126, sans que ceux-ci

puissent être consultés. Vous avez répondu que ces gens-là seraient consultés à l'égard d'un projet de modification à l'ordonnance. Est-ce à dire que cela pourrait aller jusqu'au dépôt du projet de modification en commission parlementaire pour que cela puisse être débattu ici?

M. Johnson: Non.

M. Pagé: Comment se fera la consultation?

M. Johnson: Cela va se faire à partir du processus normal qui est prévu dans ce projet de loi comme dans bien d'autres, qui est la prépublication avec une période de 60 jours pour l'audition des parties et la possibilité pour la commission de faire enquête, d'entendre les mémoires, etc.

M. Pagé: Mais pas de commission parlementaire comme telle?

M. Johnson: Non, je pense que la réforme parlementaire de nos institutions ne devrait pas se faire par accident. Cela devrait être un geste voulu par le législateur et le gouvernement.

M. Pagé: D'accord. Merci, M. le Président, quant à moi. Merci, messieurs.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Ma question concerne le "service continu", à la page 4. Vous dites qu'il faudrait restreindre en excluant le cas des accidents et des mises à pied. La mise à pied pourrait s'expliquer si vous apparentez ça à la perte d'ancienneté. Mais comment pouvez-vous le justifier en parlant d'accidents? Quelle est votre argumentation?

M. Morin (Jacques): Entendons-nous! Lorsqu'on veut exclure de la notion de "service continu" les cas d'accidents ou de mises à pied, on veut les exclure pour les fins d'indemnité, mais on ne les exclut pas pour fins d'ancienneté. En d'autres mots, une journée de travail, dans notre industrie, on est d'accord qu'elle inclut les cas d'accidents et également les mises à pied, mais, par contre, lorsqu'on verse une indemnité sur le salaire brut — peut-être que ce n'était pas précis — ça fait référence à l'article 73, autrement dit.

M. Chevrette: D'accord, merci!

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Joliette-Montcalm. Y a-t-il d'autres questions? Je remercie donc l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec au nom de tous les membres de la commission pour avoir présenté ce mémoire.

M. Perron (Jean): Merci!

Le Président (M. Boucher): J'inviterais maintenant la Centrale des syndicats démocratiques, représentée par M. Réal Labelle.

M. Dalpé.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Dalpé (Paul-Emile): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord vous présenter M. Labelle, qui est le secrétaire de la Centrale des syndicats démocratiques, et M. Jean-Noël Godin, qui est le président de la Fédération nationale du vêtement.

Comme le mémoire est assez court, vous me permettrez de vous le lire.

De toute évidence, destiné à mieux protéger les travailleurs non syndiqués, le projet de loi no 126 contient à la fois des précisions sur certaines règles de relations entre employeurs et salariés et des omissions graves qui lui enlèvent, du même coup, presque tous ses mérites.

En effet, l'insistance que met le projet à circonscrire de façon détaillée certaines de ses prescriptions ne réussit pas à masquer les absences de référence à des situations que l'ancienne Commission du salaire minimum ne cherchait pas à détecter et que la nouvelle n'a pas plus le mandat de surveiller.

C'est pourquoi la CSD, tout en voulant attirer l'attention du législateur sur certaines particularités du projet, entend, dès le départ, et avec toute l'emphase requise, souligner qu'on vient de manquer une excellente occasion d'ajouter un deuxième chapitre au Code du travail en rendant plus accessible la syndicalisation et en refusant de s'attaquer à une situation maintes fois dénoncée, source d'évasion de toutes sortes, caractérisée par le travail à domicile.

Ces deux sujets feront l'objet de notre présentation avant que nous parcourions les différents articles du projet de loi.

Syndicalisme de quartier. Dans une recherche à l'échelle du monde, où les gouvernements, pressés par l'évolution et les circonstances, accumulent les déclarations de droits, que ce soient celles des hommes, des femmes ou des enfants, il est étrange que, dans l'élaboration d'un Code du travail et dans sa révision, comme le projet de loi no 126 en est une occasion, elle ne soit pas utilisée pour inscrire dans un tel code un droit aussi fondamental que celui du droit au travail. Il apparaît donc à la CSD que ce droit devrait figurer au premier titre et que toutes les autres mesures contenues dans le code n'ont, à toutes fins utiles comme objectif que de le situer au fur et à mesure des circonstances propres à son exercice et à la reconnaissance de sa valeur.

C'est pourquoi le projet de loi des normes sur le travail devrait, à notre avis, devenir le chapitre II du Code du travail. En fait, les différentes dispositions étendent aux non-syndiqués des conditions de travail que les travailleurs syndiqués, à force de luttes souvent longues et pénibles, ont fini par inscrire de façon routinière dans leurs conventions collectives de travail.

Si donc on a manifesté de la sollicitude envers les non-syndiqués et que cette marque d'attention provient d'une nécessité bien sentie de leur garantir, par voie de législation, un minimum de conditions, il nous échappe complètement de ne pas retrouver, dans ces mêmes attentions, la possibilité pour ces travailleurs d'accéder, autrement que par la voie traditionnelle de l'organisation syndicale, à la mise sur pied de structures organisation-nelles qui leur soient propres, légitimées et en mesure de leur procurer et de défendre des droits et leurs corollaires. C'est pourquoi la CSD, depuis sa fondation en 1972 et particulièrement en mai 1975, à l'occasion de la publication de son premier manifeste, en se référant à la multitude de laissés pour compte, propose le syndicalisme de quartier.

Cette proposition vise en fait à mettre à la portée véritable de tous les travailleurs qui la souhaitent une formule d'organisation syndicale que ne peut actuellement satisfaire le présent code. De fait, si, de part et d'autre, on parle depuis longtemps de négociations sectorielles, d'accréditations multiples, la formule de syndicalisme de quartier veut situer de façon bien géographique la magnitude de l'opération et prévenir en fait qu'on refuse d'examiner le problème sous prétexte que la répartition des non-syndiqués est trop disséminée sur le territoire et, par conséquent, ne peut se traduire dans une réalité syndicale.

Nous croyons donc qu'en lui donnant une dimension géographique bien circonscrite que, pour les besoins de la cause, nous appelons syndicalisme de quartier, on peut arriver à rendre accessible la syndicalisation à ceux que les difficultés de nombre, particulièrement, empêchent d'être servis.

L'insistance que nous mettons à faire ressortir cette carence du projet de loi tient au fait que la surveillance de l'application des normes va être confiée à la commission des normes alors qu'en fait, on aurait pu penser que les centrales syndicales pouvaient être chargées de cette mission et favoriser ainsi l'appétit du syndicalisme chez ceux que vise la loi.

La reconnaissance faite par la loi du droit à l'autodéfense en vertu d'articles éprouvés du Code du travail doit être assortie du droit d'être représenté dans l'entreprise et devant l'arbitrage par une centrale syndicale de son choix, s'il s'agit évidemment d'un salarié non syndiqué.

La loi doit reconnaître aussi qu'une partie des cotisations actuellement versées à la Commission du salaire minimum et qui provient des salariés doit être versée aux centrales syndicales dans le but de défrayer le coût afférent à cette dépense ou à cette représentation, selon des barèmes à être étudiés.

Cette nouvelle forme de syndicalisme obligerait le mouvement syndical à quitter ses grands édifices et sa bureaucratie pour se rapprocher, par exemple, des travailleurs sans défense et à l'emploi de milliers de boutiques commerciales disséminées sur le territoire québécois, en ouvrant des bureaux proches de ces lieux de travail et en se rendant quotidiennement plus disponible, en ac- cueillant les travailleurs et en leur accordant le soutien et les moyens de défense nécessaires pour qu'ils assument leur propre libération.

Nous croyons que le syndicalisme de quartier serait un mécanisme intéressant pour augmenter la syndicalisation en présentant les syndicats non plus comme des gobe-sous ou des machines-à-grève, mais comme de véritables redresseurs de torts. Ainsi, les travailleurs, au lieu d'adhérer à un syndicat dans un moment de crise, ce qui crée, dès le départ, des tensions qui conduisent à des affrontements, apprendraient à bien connaître le mouvement syndical par des aspects positifs.

Le travail à domicile: Les gouvernements se complaisent à répéter qu'ils doivent souvent protéger les citoyens contre eux-mêmes. Or, s'il existe une protection à appliquer, c'est bien dans le cas de ce qu'on appelle le travail à domicile. Il ne faut pas être grand clerc pour concevoir toutes les possibilités d'évasion, tant pour le producteur que pour le salarié, que représente cette forme de travail. En effet, pour des pitances que ceux qui les reçoivent appellent souvent de l'argent de poche, du travail s'accomplit dans les maisons privées, les sous-sols de résidences, avec ou sans équipement fourni par les distributeurs, et constitue, pour l'un et l'autre, une insertion dans l'économie où tout échappe à quelque surveillance que ce soit. La conséquence la plus évidente est la perte d'emplois rémunérés et personne jusqu'ici ne s'est soucié de ce grave problème.

Il apparaît à la CSD qu'un des premiers rôles de la commission des normes est de mettre un terme à ces pratiques en protégeant à la fois les travailleurs visés et l'économie en général. Quant au projet de loi, nous avons tenté, non de façon exhaustive, mais de façon exemplaire, de toucher certains articles qui nous apparaissent déficients ou qui mérite d'être précisés. Je pense que je ne pourrais épargner à la commission de les passer un à un. Vous pourrez, au fur et à mesure, poser les questions qui vous semblent les plus appropriées.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Dalpé. M. le ministre.

M. Johnson: Merci, M. Dalpé. Il y a deux choses donc qui font partie de votre introduction au-delà des remarques spécifiques que vous avez dans votre mémoire sur certains articles pour lesquels on aura quelques commentaires ou quelques questions. D'abord, ce que vous appelez le syndicalisme de quartier, que vous reliez à l'accession à la syndicalisation, vous avez eu l'occasion, comme participant au sommet économique de Montebello, de faire valoir ce point de vue, ainsi que vos collègues de la FTQ en particulier. Tout cela pose la question de la notion d'accréditation multipatronale qui est le régime le plus connu en dehors du Québec, puisqu'il n'existe pas ici. Le gouvernement poursuit ses travaux dans ce domaine comme dans quelques autres pour simplifier la syndicalisation parce qu'aucune loi ne réussira à remplacer, je pense, ce que des travail-

leurs peuvent se donner comme pouvoir de revendication et de conclusion d'une convention collective.

Deuxièmement, sur le travail à domicile, je vous avoue que l'interdiction du travail à domicile serait quelque chose, dans certaines régions que je connais, qui ressemblerait à une révolution sociale. Il y a des régions du Québec où c'est extrêmement important au niveau du revenu d'appoint pour certaines familles que le travail à domicile. Vous évoquiez cependant le fait que ce travail pose deux types de problèmes. D'une part, il y a la concurrence déloyale que cela pose pour certains syndicats qui oeuvrent dans certains secteurs, par exemple, le gant de cuir où la CSD est présente. Nous en sommes conscients. Deuxièmement, vous alléguez que le travail à domicile, avec à peu près la totale absence de contrôle qu'il y a dessus au moment où on se parle, est l'occasion pour certains types d'entreprises d'exploiter une main-d'oeuvre en la sous-payant et en ne respectant pas les dispositions du salaire minimum. On est conscient de cela également. C'est pour cela que cette loi ne veut pas exclure le travail à domicile du champ d'application. Cependant, elle permettra à la Commission du salaire minimum ou à la commission des normes d'effectuer un travail qui n'a pu être accompli en vertu de l'ancienne loi, c'est-à-dire d'obtenir des précisions des employeurs qui utilisent de tels services et de faire en sorte que les dispositions de la loi soient respectées. La protection dont pourront s'assurer les travailleurs qui font du travail à domicile sera celle de la garantie d'emploi quand même, même s'ils se sont plaints du non-respect de la loi par leur employeur, sans compter les pénalités passablement sévères qu'on y prévoit.

Sur les questions spécifiques maintenant, la question de fond que vous posez est que les centrales syndicales devraient pouvoir surveiller l'application des normes et représenter les salariés. C'est une chose qu'on a entendue à quelques reprises essentiellement de la part du monde syndical et du professeur Robak, entre autres, de l'Université de Montréal. J'avoue que dans l'économie du Code du travail comme on le connaît, cela m'apparaît paradoxal de permettre à des mouvements syndicaux qui sont très difficiles à circonscrire en vertu de nos lois, cela m'apparaît difficile de leur permettre de représenter des salariés qui ne sont pas couverts par leur unité d'accréditation, et je m'explique. Qu'est-ce qui va faire que dans telle industrie, dans tel village, dans telle ville ou dans tel quartier, ce sont les gens de la CSD, de la FTQ, de la CSN, de la CEQ ou encore d'une association bona fide qui regroupe on ne sait qui, qui n'est sujette à aucune obligation en vertu de la loi, qui vont se mettre à se mêler de la vie de ces salariés et de l'entreprise qu'elle touche? Je pense qu'il faut effectivement que nos lois soient modifiées pour permettre un meilleur accès à la syndicalisation. Je ne suis pas sûr qu'il faille se lancer dans toutes les directions en même temps et permettre à n'importe qui, en dehors de définir ce qu'est une centrale syndicale, de repré- senter n'importe quel travailleur, à cause des dangers normaux. Pas plus que je ne considère qu'on devrait permettre aux gens qui font de la sollicitation pour vendre des revues d'entrer n'importe où.

C'est le problème de contrôle que ça pose. D'autre part, cela me semble aller carrément à rencontre de l'économie du Code du travail qui reconnaît qu'un syndicat, c'est une association accréditée qui a suivi certaines dispositions prévues dans nos lois.

La définition du salaire, ce qu'on spécifie dans le projet de loi 126, c'est qu'aucun avantage précuniaire ne doit entrer dans le calcul du salaire minimum, article 40. De plus, le salaire doit être payé en espèces, par chèque ou par virement bancaire, article 41. On veut savoir quels travailleurs le gouvernement considérera les plus représentatifs pour les fins de nomination des commissaires. Je pense que les centrales entrent sûrement là-dedans et il y a d'autres groupements dans notre société qui ne sont pas nécessairement des centrales syndicales.

L'article 38, où on parle du mode de versement du salaire et de l'étalement des heures, par contre, il semble y avoir une ambiguïté soulevée par d'autres avant vous, à savoir qu'en vertu de l'article 52, un syndicat peut prévoir, par convention collective, un étalement différent et sans permission de la commission. Il y a peut-être une ambiguïté dans la rédaction de l'article 52 et ça peut peut-être porter à interpréter ça au contraire. Pour ce qui est des cas de l'article 38, on suppose que la commission évaluera le consensus des employés avant d'accorder une autorisation comme celle-là.

L'article 45: on demande d'ajouter à cet article que le bulletin de paie devrait être certifié comme répondant à toutes les exigences de la loi. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que cela ajouterait au texte de loi, si vous pouviez prendre note de ça.

L'article 71, l'établissement de la période de congé annuel qui se fait après consultation du salarié, ce que vous nous demandez d'y ajouter, le droit donné au salarié, à l'article 71, c'est celui de connaître la période de ses vacances et non pas d'en décider. Il faut ajouter que la consultation n'accorderait effectivement rien de plus au salarié, le choix des vacances demeurant ultérieurement un pouvoir résiduaire de gérance de l'employeur en l'absence de syndicat et en l'absence de balises dans une convention collective.

Ajouter le jour du mariage, ma foi, je suis bien d'accord. Je pense bien qu'on va prévoir que dans le cas de la ou du salarié, il faudrait peut-être qu'il ait congé le jour de son mariage. Le seul problème comme je vous disais, que j'y voyais, c'est qu'on va avoir beaucoup de mariages le vendredi et le lundi avec ça. Il faudrait peut-être consulter l'ensemble des officiers d'Etat civil, c'est-à-dire les prêtres ou pasteurs et les protonotaires de la Cour supérieure pour savoir s'ils s'attendent à beaucoup de mariage le vendredi et le lundi. Je pense que c'est une excellente recommandation, c'est difficile d'être contre ça.

Ajouter, à l'article 87, au paragraphe a), "et la charge de travail", il ne s'agit pas d'une norme habituellement reconnue. D'autre part, c'est évidemment une question, comme vous le savez, pour avoir des salariés qui travaillent beaucoup dans le secteur du bois ouvré, qui est assez difficile à évaluer et on sait que l'expertise dans ce secteur est réservée à quelques personnes dans bien des cas.

Finalement, vous dites que l'article 146 est inacceptable et devrait être biffé. J'aimerais vous entendre brièvement sur ces dispositions de l'article 146 que vous jugez totalement inacceptables, en vertu de votre mémoire.

Le Président (M. Boucher): M. Dalpé. (16 h 30)

M. Dalpé: Pour rester à l'article 146 que nous établissons, de façon catégorique, comme étant inacceptable, je pense que cela mérite d'être expliqué. Nous ne voyons pas comment la loi des normes qui va, à toutes fins utiles, installer un minimum de conditions, puisse prévoir qu'une convention collective en vigueur au moment de sa sanction, ou un décret de convention collective qui prévoit moins que les normes, puissent demeurer avec moins que les normes pendant la durée ou jusqu'à son expiration. Cela nous apparaît absolument incompatible avec l'esprit de la loi qui veut donner un minimum à tout le monde. On aura donc un minimum pour ceux qui sont soumis à la loi mais un autre minimum, décidé soit par convention ou décret, pour d'autres personnes. Cela nous apparaît absolument...

M. Johnson: C'est jusqu'à leur expiration, il faut qu'on se comprenne bien.

M. Dalpé: Oui. Je donne l'exemple d'un décret qui serait sanctionné trois jours avant la loi et qui aurait une durée de trois ans; pendant trois ans, vous aurez des assujettis à un décret qui auront des conditions moindres que les normes du travail. Je pense que c'est absolument inacceptable.

M. Johnson: Ma réaction serait peut-être de dire que, comme on sait qu'il y a une convention collective ou un décret qui est issu, par définition, d'une convention collective en vertu de la loi de l'extension, il aurait peut-être fallu que le syndicat y pense. Je comprends que ce n'est pas une réponse. Ce n'est pas une réponse valable.

Une autre chose, c'est qu'il y a une autre notion qui veut, de la même façon qu'on veut protéger la libre négociation, c'est une chose à laquelle votre centrale, comme les autres centrales au Québec, tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, protéger la liberté de négocier. Il y a des conséquences à venir modifier, en cours de route, un décret ou une convention collective. On l'a déjà fait, remarquez, dans le cas de certains décrets. Il y a des décrets que, unilatéralement, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, le ministre peut modifier. Mais on est toujours un peu hésitant à jouer sur les droits acquis, ce qui est libre- ment consenti dans le cadre d'une négociation où il y a peut-être eu un échange dans les deux sens. Mais enfin, je veux bien prendre note de votre hésitation là-dessus.

M. Dalpé: Sur le même sujet, M. Godin aimerait ajouter un mot, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. Godin.

M. Godin (Jean-Noël): Je pense que cela va un peu plus loin, M. le ministre, parce que même si les unions veulent donner une extension aux conventions qu'elles négocient, le ministre a toujours le pouvoir de dire non. Et il arrive parfois que des centrales syndicales obtiennent des augmentations plus grosses les unes que les autres, ou des conditions supérieures les unes aux autres, et que le ministre donne l'extension au minimum, et non pas au maximum. J'ai des cas récents qui sont arrivés et je pense que vous vous les rappelez.

A ce moment-là, c'est vraiment un préjudice. Il y a un autre angle qu'il faut aussi regarder, qui est extrêmement important. Vous avez plusieurs décrets qui prévoient, à l'heure actuelle, qu'en cas de modification de l'ordonnance du salaire minimum, automatiquement, cela s'applique dans certains décrets. Mais je pense que là, ce serait aussi de nature à ouvrir un débat légal qui pourrait être pas mal long et difficile à résoudre, en tout cas, certainement pas avant le renouvellement de la convention-extension juridique.

Par exemple, dans certains décrets que j'ai à la mémoire, on se réfère uniquement aux salaires. On ne se réfère pas directement ou implicitement à toutes les autres conditions de travail que le code peut amener de nouveau, qui n'existaient pas dans la Loi du salaire minimum. Je pense que cela serait de nature, en face de certains décrets, à créer vraiment des complications juridiques. Mais, en plus de cela, avec l'expérience que j'ai dans ces industries, soit de manoeuvrer avec des décrets ou soit, dans le temps que cela a existé, de manoeuvrer avec les ordonnances — il y en a encore quelques-unes, mais beaucoup moins qu'avant — ce sont des lois spéciales qui ne devraient pas être, à mon avis, en bas de la loi générale. Si les travailleurs se sont groupés, surtout pour les décrets — je ne parle pas des ordonnances, parce que c'est une autre chose — c'est pour obtenir quelque chose de supérieur au minimum de la loi. Sans quoi, pourquoi se syndiquer? Ils n'ont plus de raison de le faire, si c'est en bas.

Je ne vois pas pourquoi la loi générale ne donnerait pas, indépendamment des décrets — si vous voulez extraire les ordonnances de cela, c'est une autre chose — où c'est une loi absolument spéciale, où le pouvoir du ministre est absolument discrétionnaire là-dedans, je ne vois pas pourquoi au moins la loi ne nous garantirait pas qu'au moins, lorsqu'il va y avoir une extension juridique, par des jeux politiques ou par de l'affaiblissement syndical, ou en ne faisant pas sa job, on n'est pas

capable d'obtenir ce qu'on pourrait obtenir d'une industrie... Là, les parties sont prises par une décision du ministre et il n'y a rien à y faire, vous le savez.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Godin.

M. Godin (Jean-Noël): Si vous me permettez, en dehors, ce qui est quand même dans la loi des décrets à extension juridique, je signale au ministre que la seule référence qu'il fait, c'est pour modifier, faire certaines concordances au sujet de l'administration de décrets à un moment donné; c'est la seule chose que vous modifiez dans le projet de loi. Je ne le sais pas. Je prends l'occasion pour demander au ministre s'il a l'intention, éventuellement, ou si cela viendra dans le parachèvement du projet de loi sur les normes du travail, de modifier aussi cette loi des décrets pour l'extension des conventions collectives parce que vous savez comme moi qu'elle est vraiment désuète à plusieurs points de vue. Je vous écoutais, ce matin, parler des amendes. Quand on parle de récidives, par exemple, deux ou trois fois pour la même offense, dans les industries, les amendes sont de $25 et de $50. Les gens sont rendus qu'ils ne se rendent même pas en cour et plaident coupables. Comprenez-vous? Cela coûte meilleur marché.

De ce côté-là, il y aurait quelque chose à faire. Il y a aussi d'autres choses plus importantes que cela, mais c'est un point de vue. Je me demande si vous avez quelque chose qui s'en vient dans cette loi ou si vous avez quelque chose sur la planche qui, éventuellement, va compléter le code ou si cela va rester comme c'est là.

M. Johnson: On a beaucoup de pain sur la planche dans le cas des décrets. Il y a même un décret du pain qu'on étudie en ce moment, qui existe d'ailleurs. Je pense que cette loi n'avait pas comme objectif, d'une part, de remplacer la Loi des décrets. Deuxièmement, elle la modifie strictement sous forme de parenthèses pour les fins de l'administration. Des modifications plus profondes à la Loi des décrets surviendront au moment où on étudiera, le cas échéant, l'accréditation multipatronale, étant donné qu'on touche finalement à un univers qui est assez semblable. Dans la mesure où on définit l'accréditation rnultipatronale comme étant l'accès à la syndicalisation dans un secteur industriel donné et une région donnée, où les conditions des salariés comme des entreprises sont analogues, dans le fond, on trouve là presque la définition même de ce qu'était, à l'origine, dans l'esprit de la Loi des décrets des années trente, la notion d'extension de conventions collectives par décret. Je pense qu'on assistera probablement, dans le cadre d'une étude sur l'accréditation multipatronale, à une sorte de recoupement de ces deux lois, parce que, de fait, cela recoupe les mêmes réalités.

M. Godin (Jean-Noël): Vous parlez, M. le ministre, de l'accréditation multipatronale, vous voulez entendre en même temps l'accréditation multisyndicale, j'imagine, à l'intérieur de la même centrale. Je ne parle pas... Peut-être aussi que d'autres...

M. Johnson: Oui, mais pas multisyndicale au sens que c'est entendu par une autre centrale syndicale.

M. Godin (Jean-Noël): Non, c'est cela, c'est ma question.

M. Johnson: C'est quand même assez différent. Mais, a priori, quand on parle de multipatronale, on parle de la possibilité pour un syndicat, toujours dans le contexte nord-américain du monopole de représentation, de représenter l'ensemble des travailleurs d'un secteur industriel donné dans une région donnée. C'est de cela qu'on parle. Le plurisyndicalisme qui est évoqué, entre autres, par la CSN, mais qui implique un chambardement assez profond de la notion de ce qu'est le syndicalisme chez nous, c'est un débat qui va sans doute se faire dans ce contexte-là, mais je pense qu'on peut parler de multipatronale sans parler de pluralité syndicale. On peut le faire en même temps, mais on peut très bien en discuter séparément.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Godin. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais être assez bref. Je me limiterai à remercier M. Dalpé et ses amis de la CSD, ses collaborateurs, pour le mémoire qu'ils nous ont présenté. Je suis persuadé que plusieurs des remarques que vous avez formulées aujourd'hui seront retenues par le ministre. De toute façon, on verra cela au moment de l'étude du projet de loi article par article.

Je me limiterai cependant à vous dire que, quant à moi, je conviens que les commentaires que vous nous formulez sur le travail à domicile sont, dans une certaine mesure, assez justifiés, je pense. Il y a certainement une faille à ce niveau-là, mais vous conviendrez avec moi qu'il serait illusoire qu'un gouvernement veuille interdire ou procéder par voie réglementaire, de façon à limiter ou à interdire le travail qui peut se faire à domicile, parce que, tout au moins, ce serait particulièrement difficile à appliquer ou à contrôler. J'ai à évoluer dans un comté où il se fait passablement de ce genre de travail à domicile, que ce soit au niveau du cuir, au niveau notamment des raquettes, etc., et je conviens que, dans plusieurs cas, les gens qui ont à évoluer dans ces secteurs-là, chez eux, dans leur sous-sol ou autrement, dans plusieurs cas, ne gagnent pas le salaire minimum, si on calcule le nombre d'heures qui sont consacrées pour la réalisation de ce travail. Mais ils l'ont quand même voulu, c'est quand même eux qui le décident. Ce sont eux qui jugent opportun de se consacrer à ce genre de travail. Je vois difficilement un gouvernement interdire demain matin... Et encore là, même s'il le faisait, je me demande

en quoi il pourrait le contrôler et combien de batteries d'inspecteurs et de vérificateurs il faudrait... De toute façon, ce serait, selon moi, purement illusoire.

Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire. Je vous invite à suivre de près le débat en deuxième lecture, et notamment l'étude du projet de loi article par article. On peut espérer tout au moins qu'il y ait des amendements. Merci.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, je vous remercie. M. Dalpé? M. Godin voudrait ajouter... Allez-y!

M. Godin (Jean-Noël): Vous me permettrez de revenir à la question du travail à domicile. Je vois, selon les opinions, qu'on semble dire que ce n'est pas couvert par la loi et que ce n'est pas possible de le couvrir. Qu'est-ce qui arrive quand c'est une carence? Quelle va être notre porte de sortie pour arriver à régler ce problème quand...

M. Johnson: M. Godin, si vous permettez, c'est couvert par la loi.

M. Pagé: Oui, mais il faut qu'on porte une plainte.

M. Godin (Jean-Noël): II faut que...

M. Johnson: Effectivement, il n'y a rien... En vertu de la loi 126, la Commission des normes du travail sera habilitée à enquêter, à procéder au dépôt de plaintes, à procéder au traitement d'une façon ou d'une autre des plaintes qui sont faites par les salariés à domicile, parce qu'ils sont couverts en vertu de la loi.

M. Godin (Jean-Noël): Oui, c'est la question que je voulais poser. Je comprends, comme vous le dites, qu'on ne peut pas couvrir le salaire minimum. On ne va certainement pas arriver dans une maison privée ou dans une cave et déterminer combien de temps l'employé a travaillé à telle ou telle activité. Comment va-t-on surveiller cela? C'est ce que je me demande. Est-ce que la commission — c'est ce que je veux savoir — va pouvoir établir un certain mécanisme, comme cela existe dans certains décrets? Il y a des décrets où cela est prohibé. Evidemment, il n'y a pas de problème, mais il y a d'autres décrets où il y a un certain mécanisme qui sert effectivement à conrô-ler le travail à domicile, parce qu'on sait très bien qu'on ne peut pas contrôler le travail à domicile de la même manière et dans la même forme qu'on peut le faire à l'usine, ce n'est pas possible.

Est-ce que la commission va être habilitée, elle, prochainement, quand elle sera formée et que la loi sera adoptée, à discuter ou à rencontrer les organismes intéressés pour établir des mécanismes de surveillance, parce que, comme vous l'avez dit tout à l'heure, M. le ministre, la loi — à l'heure actuelle, c'est vraiment une concurrence déloyale pour certaines industries... Je comprends qu'on ne pourra jamais éviter, comme vous l'avez dit, ou prohiber partout le travail à domicile, comme cela a été mentionné aussi par un autre. Sur une loi générale, je peux comprendre que c'est assez difficile de le prohiber de façon générale. On peut lui donner des modes, mais on ne peut pas le prohiber tout d'un coup et dire que c'est fini pour tout le monde, sans exception. Je peux comprendre cela. Il y a d'ailleurs certains secteurs où cela cause plus ou moins de préjudice, mais il y en a d'autres où c'est en train de faire disparaître des industries.

Pour votre information, Consumer Globe, à Montréal, est en train de fermer aussi. C'en est un autre secteur où vraiment on a des problèmes majeurs. Constamment, on voit les usines qui diminuent et qui ferment à cause du travail à domicile parce qu'il n'y a plus de crainte d'avoir un décret là-dessus. Alors, on y va. On commence à se réinstaller tranquillement à domicile et les employés diminuent. Les usines ferment et les employés diminuent. Est-ce qu'on va être capable prochainement grâce à la loi de discuter d'une formule pour contrôler cela et l'arrêter, si c'est possible?

M. Johnson: Je pense que les pouvoirs habilitants sont dans la loi. Je ne nierai pas le fait que c'est extrêmement difficile de faire l'évaluation du salaire horaire dans le travail à domicile, mais ce n'est pas impossible. Il s'agira peut-être de faire quelques cas d'espèces dans certains types d'entreprises, d'une part, et, deuxièmement, il faut bien comprendre qu'il va y avoir une espèce de mécanisme, je pense, d'autorégulation des employeurs, d'une certaine façon, dans la mesure où ils savent très bien que si un salarié décide de faire un travail qui est équivalent à moins d'un taux horaire qui est celui du salaire minimum, il a la capacité aussi d'aller se plaindre. Les sanctions à l'égard de la plainte peuvent être extrêmement sévères pour l'employeur.

M. Dalpé: M. le Président, si vous me permettez.

M. Johnson: Oui, M. Dalpé.

M. Dalpé: M. le ministre a demandé ce que nous voulions au juste comme correction à l'article 45. Je pense que l'article 45 donne une énumération passablement longue d'exigences que doit contenir le bulletin de paie. Nous demandons que ce bulletin soit certifié comme répondant à toutes les exigences de la loi. (16 h 45)

Nous tenons pour acquis que le fait de certifier que le bulletin est conforme à la loi, "prima facie" — vous me permettrez l'expression anglaise — cela n'aide pas à celui qui dit que c'est conforme à la loi, parce qu'il sait qu'il a commis quelque chose. Il y a une infraction dans son affaire, possiblement. S'il est soumis à une enquête ou à une inspection, etc., "prima facie", il a lui-même déclaré que tout ça, c'était conforme à la loi. Or, s'il y a une fraude quelque part, son certi-

ficat comme quoi c'était tout conforme à la loi, cela devrait avoir une certaine signification. Est-ce qu'on me suit?

M. Johnson: Oui. Je ne suis pas sûr que sur le plan juridique... Je pense qu'on se comprend bien sur l'objectif.

M. Dalpé: C'est ça que ça voulait expliquer.

M. Johnson: Je pense que ça demeure une affaire technique, d'accord.

M. Dalpé: D'accord? M. Johnson: Oui.

M. Dalpé: Vous me permettrez de revenir sur deux articles que vous avez probablement oubliés parce qu'ils ne sont pas tellement importants, l'article 39, où nous demandions que le salaire minimum soit en relation constante avec le salaire moyen payé au Québec. Je pense que vous l'avez seulement oublié.

M. Johnson: ... pas important.

M. Dalpé: Pas important? On demande qu'il se situe à 70% du salaire moyen. Je comprends tous les tollés que ça soulèvera, etc.. mais c'est quand même constant chez nous, comme opinion. Nous l'avons émise devant le comité Castonguay chargé de réviser le fonctionnement du salaire minimum, les ordonnances, etc. et, pour nous, il nous apparaît que la fixation du salaire minimum repose sur des critères totalement arbitraires. Or, dans le but d'enlever cet arbitraire, nous tentons de lui trouver un critère qui est connu et qui s'appelle le salaire moyen. Proportionnellement au salaire moyen, nous disons que le salaire minimum devrait être fixé à tel niveau du salaire moyen. Cela enlève l'arbitraire. C'est pourquoi nous l'avons répété ici à l'occasion de cette pièce de législation.

M. Johnson: Je trouve votre suggestion intéressante. Evidemment, les seules données les plus récentes qu'on a ici, à portée de la main — il y en a peut-être d'autres ailleurs, parce qu'on n'avait peut-être pas prévu spécifiquement cette question — sont celles de 1974, où le salaire manufacturier moyen au Québec, en Ontario et au Canada, dans le cas du Québec, c'était à $3.79, dans le cas de l'Ontario, à $4.46 et dans le cas de la moyenne canadienne, à $4.29. 70% de ça en 1974, je ne sais pas ce que cela aurait donné, compte tenu de l'inflation et tout ça, on me dit qu'à l'oeil, ce serait sûrement au-delà de $4, si on parlait en termes de dollars 1979.

C'est un critère... D'ailleurs, ça ressemble un peu aux critères que se sont fixés les députés de l'Assemblée nationale qui se donnent comme augmentation annuelle le salaire moyen industriel au Canada, mais dans la mesure où ça n'excède pas 6%. Il y a un maximum de 6%, de toute façon, pour l'augmentation du salaire des députés, même si le salaire industriel moyen devait être plus élevé que ça.

Evidemment, c'est toute la question de principe, à savoir si, oui ou non, on va indexer le salaire minimum à quelque formule que ce soit. Les opinions sont variables. Il y en a qui voudraient qu'on le fixe aujourd'hui à $4.25 et qu'il soit indexé à l'indice des prix à la consommation. Il y a des désavantages à ça aussi, pas seulement sur le plan interne, sur le plan externe. Evidemment, tout le problème de la concurrence que vous connaissez, etc. Je sais que la CSD est particulièrement sensible à ce secteur parce qu'elle a connu quelques fermetures d'usines et des installations au Nouveau-Brunswick dans un secteur qu'elle a déjà représenté, à cause du salaire minimum.

Je ne dis pas qu'on retient votre suggestion; on prend note de votre suggestion, M. Dalpé.

M. Dalpé: Elle nous apparaissait passablement importante parce que, pour nous — je parle en tant que syndicaliste — elle fait remonter à la surface ce qu'on appelle notre prospérité et la prospérité relative des uns semble être bâtie sur l'indigence d'un grand nombre.

Je ne crois pas que, comme syndicalistes, nous puissions entretenir un système comme celui-là. Il n'y a pas de doute que la formule que nous soumettons aurait comme avantage quand même de situer tout le monde quelque part par rapport à quelque chose, donc, par rapport à une prospérité. C'est ce que nous cherchons à faire comprendre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Dalpé. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie la CSD d'être venue nous présenter son rapport. Merci bien.

M. Johnson: Merci, MM. Dalpé, Labelle et Godin.

Fédération des femmes du Québec

Le Président (M. Boucher): J'appellerais maintenant la Fédération des femmes du Québec, représentée par Mme Sheila Finestone. C'est le mémoire no 16.

M. Johnson: Mme Finestone, avant de vous identifier et de demander à vos collègues de s'identifier, je dois vous remercier d'être parmi nous cet après-midi. Je sais que vous travaillez fort aujourd'hui, parce que vous devez être présentes à deux commissions parlementaires. Est-ce que vous êtes passées à la commission sur la loi 107?

Mme Finestone (Sheila): Tant mieux, je crois que oui. On est en train de passer.

M. Johnson: Vous êtes en train de passer? Mme Finestone: Espérons.

M. Johnson: Je pense que c'est la commission sur la Justice, dans le cas du droit de la famille.

Mme Finestone: Exactement.

M. Johnson: On vous remercie beaucoup. On sait que vous essayez de vous partager de bien des façons pour faire valoir vos points de vue.

Mme Finestone: Les femmes sont habituées, monsieur. Je vous remercie quand même.

Le Président (M. Boucher): Mme Finestone, compte tenu de l'heure et compte tenu de la longueur du mémoire, est-ce qu'il y aurait possibilité de le résumer?

Mme Finestone: Oui.

Le Président (M. Boucher): On devra probablement demander aux membres de la commission s'il y a lieu de prolonger après six heures. Est-ce que les membres sont d'accord pour prolonger après six heures?

M. Johnson: Oui, quelques minutes.

Mme Finestone: Quant à nous, ce n'est pas nécessaire, je ne crois pas. J'espère que non.

Le Président (M. Boucher): D'accord, allez-y madame.

Mme Finestone: Merci. Bonjour, M. le ministre et MM. les membres de la commission. Je vous présente les membres de la délégation de la Fédération des femmes du Québec. Marie-Claire Boucher, qui a été chargée du groupe de travail, qui a étudié la loi, Lise Chevrier-Doucet, chargée de la communication, les deux vice-présidentes, et Nicole Boily, notre coordonnatrice.

La fédération, organisme fondé en 1966, regroupe en cinq comtés régionaux 38 associations affiliées qui représentent une force d'à peu près 100 000 femmes; elle se réjouit du dépôt du projet de loi 126 sur les normes minimales du travail.

En effet, la fédération réclamait, avec insistance et depuis longtemps, une loi sur les conditions minimales d'emploi. Déjà en 1968, dans notre programme, on a manifesté notre inquiétude et notre intérêt sur le rôle de la femme dans notre mémoire sur la parité de salaire entre la main-d'oeuvre féminine et la main-d'oeuvre masculine. On trouve qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui ont changé depuis ce mémoire-là.

A notre congrès de mai 1977, l'assemblée générale de la fédération a adopté la résolution suivante au ministre du Travail: "II est recommandé que le gouvernement amende la Loi du salaire minimum par la promulgation d'une loi-cadre sur les conditions minimales d'emploi." Nous considérons que cette loi est nécessaire pour protéger les travailleurs les plus démunis et les plus exposés aux injustices. En effet, les salariés rémunérés au salaire minimum sont, pour la très grande majorité, non syndiqués et 75% d'entre eux sont des femmes.

Même si le projet de loi 126 présente une amélioration de certaines conditions de travail, nous ne pouvons nous estimer entièrement satisfaites, M. le ministre. Voilà pourquoi la fédération, à l'occasion de la commission parlementaire, désire présenter ses observations, remarques et recommandations sur le projet de loi, car la Fédération des femmes du Québec constate qu'il n'y a pas de changements fondamentaux qui ont été apportés à la Loi du salaire minimum. Nous voudrions profiter de l'occasion pour réaffirmer quelques-uns des principes, suggestions et demandes qui justifient notre présence ici en tant qu'organisme féminin et féministe.

Tout d'abord, il nous apparaît important d'établir le principe fondamental du droit au travail pour les femmes et du droit à un travail fait dans des conditions décentes. Ce droit au travail découle de la nécessité pour la femme, comme pour toute autre personne, de gagner sa vie. Si on observe la situation actuelle, on se rendra compte que, d'une part, un très grand nombre de femmes sont seules, célibataires, veuves, divorcées ou chefs de famille et que, d'autre part, on trouve beaucoup de couples qui sont économiquement faibles et le salaire des conjoints est nécessaire pour qu'ils vivent au-dessus du seuil de pauvreté. Les femmes ne travaillent pas pour des frivolités, mais elles ont aussi à faire face à l'inflation et à l'augmentation du coût de la vie.

Le droit au travail inclut le droit à l'indépendance économique pour les femmes. La société actuelle doit promouvoir une politique de droit à l'indépendance économique de tous les adultes, ce qui implique une politique globale qui inclut les femmes. Comme deuxième grand principe, nous considérons qu'on doit reconnaître l'égalité des chances et appliquer intégralement ce principe qui se retrouve dans la Charte des droits et libertés de la personne. Le principe de salaire égal pour un travail équivalent. Je pense que, jusqu'à ce moment-ci, ce ne serait une surprise pour personne si je soulignais le fait qu'il existe une discrimination flagrante dont sont victimes les femmes, qu'il existe un écart entre l'énoncé de principe et l'application de cette égalité voulue par la charte. Cette discrimination fait des femmes sur le marché du travail des travailleuses de seconde zone. Il n'y a qu'à voir les chiffres pour avoir une vérification des faits. Ainsi, 75% des salariés à taux minimum sont des femmes. La Fédération des femmes du Québec croit que ces chiffres parlent d'eux-mêmes et démontrent la raison de notre intérêt profond face à cette loi.

Comme troisième principe, nous sommes persuadées qu'un régime de normes minimales du travail doit avoir une portée universelle et couvrir tous les travailleurs. Les lois, décrets, ordonnances et règlements qui couvriront certaines catégories de travailleurs, ne doivent, en aucun cas, comporter des normes inférieures à celles prévues dans la présente loi. Ces trois principes, M. le

ministre, droit au travail, droit à un traitement égal et portée universelle de la loi, sont d'autant plus importants à respecter, si on considère le rythme accru d'entrée des femmes sur le marché du travail et particulièrement celui des femmes mariées. On doit éviter de garder à l'esprit d'anciens stéréotypes. On doit donc briser la tendance généralisée à la discrimination même inconsciente. Nous incitons très fortement le législateur à tenir compte des principes énoncés dans l'établissement des lois sur le travail. De plus, la fédération suggère fortement la mise sur pied d'un bureau de la main-d'oeuvre féminine qui serait à la fois chien de garde des intérêts des femmes et qui, d'autre part, favoriserait la promotion d'une politique féminine sur le marché du travail. Dans notre mémoire, la fédération a examiné, c'est vrai, tous les aspects de la loi, mais, cet après-midi, nous voudrions particulièrement vous entretenir des sujets prioritaires pour la fédération et compte tenu de l'heure... (17 heures)

La fédération trouve un peu étonnant que, dans le projet de loi, on accorde à la commission, au chapitre 3 et dans la huitième partie du chapitre 4, un pouvoir qui, pour nous, est un pouvoir accordé par les électeurs au législateur. Nous sommes d'opinion que vous avez délégué trop de pouvoir discrétionnaire à la commission et aux fonctionnaires, responsabilité qui doit être exercée par le législateur.

Aussi un autre sujet prioritaire pour la fédération et que nous considérons devoir être intégré à la loi, c'est la représentativité féminine à la commission, la maternité qui est à la base du renouvellement de la société, la qualité de la vie reflétée par la durée normale de la journée de travail et les congés de maladie, la reconnaissance officielle du travail à temps partiel et l'assouplissement des horaires avec toutes ses conséquences.

Je passe la parole à mes collègues qui aborderont ces sujets, commençant avec Nicole Boily, suivie de Lise Chevrier-Doucet et Marie-Claire Boucher.

M. Johnson: Est-ce que vous pourriez vous identifier, en commençant chaque fois, s'il vous plaît?

Mme Boily (Nicole): Nicole Boily. Le premier thème que je voudrais aborder est celui du champ d'application. La Fédération des femmes du Québec est vraiment contre toute exclusion qui tenterait de soustraire à la Loi des normes minimales de travail tout travailleur ou travailleuse qui, la plupart du temps, se situe dans les zones les plus démunies, ceux qui se trouvent au bas de l'échelle. On trouve donc parmi ceux-là les travailleurs domestiques. On sait fort bien qu'il y a une partie de ces travailleurs qui ont été inclus dans la loi et on peut se demander pourquoi on en exclut.

Je pense qu'à partir de ces données, nous considérons que tous les travailleurs domestiques devraient être inclus dans la loi, de même que les travailleurs agricoles. Là encore, les travailleurs agricoles des grandes exploitations et un très grand nombre de travailleurs peuvent être inclus dans la loi, mais on touche ceux qui sont les plus démunis, ceux qui sont dans les petites exploitations où il y a un petit nombre de travailleurs salariés.

Ce sont, à ce moment-là, les salariés qui échappent à toute syndicalisation, où la syndicali-sation est vraiment très difficile à obtenir, tout au moins pour le moment. Donc, c'est vraiment dans la zone des plus démunis, ceux à qui s'adresse prioritairement une loi comme celle-là qui, finalement, en sont exclus.

Aussi, je voudrais, à cette occasion, mentionner le cas des femmes collaboratrices de leur mari qui, sans être exclues nommément du champ d'application, se voient quand même privées de nombreux avantages à l'intérieur de certains articles de la loi. Si on pense que cette situation de la femme collaboratrice du mari doit être vue dans son entier et qu'on la perçoive d'une façon différente, à travers le Code civil — je pense qu'en haut ces sujets sont abordés, aussi — je pense qu'au niveau du monde du travail, au niveau du ministère du Travail et dans le cadre des normes minimales de travail, ces femmes doivent être reconnues. Je pense qu'il faut vraiment revoir cette situation et tenir compte, dans les normes minimales de travail, de la femme collaboratrice de son mari.

Cela, c'est pour les champs d'application. Dans le domaine de la commission, on a un certain nombre de remarques à faire à ce sujet. Comme on vous l'a dit tout à l'heure, au niveau de la formation des membres de la commission, il nous paraît très important qu'il y ait une représentation féminine. Il serait possible de prendre en considération cette recommandation, pour qu'il puisse y avoir une représentation au prorata de la population active féminine et que ces travailleuses puissent être représentées au niveau de la commission. Et on pourrait se demander...

M. Johnson: 75% dans le cas de la Commission des normes.

Mme Boily: Dans le cas des normes minimales de travail, oui, cela va très fort.

Mme Finestone: On a pensé 60%-40%, monsieur. Cela va?

Mme Boily: En voyant ces représentations féminines, on peut — tout à l'heure vous parliez du sommet économique — se demander combien de femmes étaient présentes au sommet économique et quelle était la représentation féminine au sommet économique. Tout de suite, on voit que cela se répercute vraiment à de nombreux endroits.

Pour ce qui est des pouvoirs de la commission, on a aussi dit tout à l'heure qu'on considérait que c'étaient des pouvoirs qui étaient extrêmement larges. Nous considérons que le législateur doit donner un cadre beaucoup plus précis et que la place qui est faite aux règlements, la possibilité

pour les membres de la commission de passer des règlements est beaucoup trop large et que cela devrait relever aussi du législateur. Il doit mettre davantage à établir ce cadre, car on peut y voir des dangers de pression et qu'il y ait ces changements, au niveau des réglementations, au gré des pressions.

D'autre part aussi, il peut y avoir, à certains moments donnés, un danger de l'arbitraire qui puisse s'installer dans cette réglementation.

Toujours au niveau de la commission, il nous apparaît important qu'il y ait des modifications qui soient apportées au niveau de la diffusion de l'information parce que je pense qu'au niveau de la commission parlementaire ici, il y a toujours l'espèce d'incertitude que l'on a. On a vu que lorsqu'on a présenté les dates de cette commission, cela a paru dans la Gazette officielle et c'est quinze jours après qu'on l'apprend par les media d'information.

Si l'on songe aussi à l'ordonnance sur le congé de maternité, au projet d'ordonnance qui est paru en juillet et qui paraît en douce, je pense que vraiment, si on veut la participation des citoyens et si on veut qu'ils puissent faire valoir leurs droits, il nous apparaît très important qu'au niveau de la diffusion de l'information, on procède d'une autre façon, que ce soit davantage rendu public.

Par ailleurs, il nous apparaîtrait important, même si ce n'est pas dans les pouvoirs de la commission, il y a un autre aspect. On sait les conditions de travail au niveau de la commission, c'est-à-dire qu'on puisse mettre entre les mains de la commission tous les instruments possibles pour rendre cette commission efficace. Vous l'avez vous-même répété assez souvent, M. le ministre, toujours ce nombre de gardes-chasse par rapport aux inspecteurs de la commission, je pense que c'est une réalité et que, au-delà des blagues, il faut vraiment qu'il y ait des conditions de travail pour rendre cette commission efficace.

Un dernier point qui ne se rattache pas nécessairement comme tel à la commission, mais qui nous apparaît important, c'est la possibilité pour les plaignants de déposer des plaintes à la fois d'eux-mêmes mais aussi par des tiers, que des organismes puissent déposer des plaintes et aider de simples individus à pouvoir se défendre. On sait jusqu'à quel point il est parfois difficile pour un individu de ne pas se sentir menacé et d'aller jusqu'à faire le dépôt des plaintes. Alors, il nous apparaîtrait important qu'il y ait cette possibilité pour un tiers, pour un organisme, pour un groupe d'appuyer un individu dans le dépôt de sa plainte.

Mme Finestone: Vous continuez avec la maternité?

Mme Boily: Oui. Je voudrais aborder un point qui nous est vraiment très cher et pour lequel nous avons beaucoup milité et beaucoup travaillé, c'est celui de la maternité. Si nous considérons insuffisant le congé de maternité dans son contenu, tel qu'il existe maintenant — nous avons d'ailleurs signifié ses déficiences à plusieurs reprises, nous voulons aussi signifier que nous considérons anormal que l'ordonnance no 17 n'ait pas été intégrée à la loi, alors qu'effectivement, plusieurs ordonnances se trouvent intégrées dans cette loi. A défaut d'une loi spécifique sur la maternité et les congés parentaux, il nous apparaît fort important que toute cette réglementation sur le congé de maternité, toute l'ordonnance, puisse se trouver intégralement dans le projet de loi.

Nous réitérons aussi des demandes qui sont fondamentales et qui n'apparaissent pas aux congés de maternité, c'est-à-dire l'application universelle à toutes les travailleuses de ce congé, de même qu'un congé de paternité, un congé parental, et aussi cette sécurité d'emploi qui est absolument essentielle pour la travailleuse. On voit actuellement que, dans l'application du congé de maternité, beaucoup de plaintes se sont manifestées et qu'il y a beaucoup de problèmes qui se posent, et particulièrement dans le cas de femmes enceintes qui ont été congédiées ou qui ont été mises à pied parce qu'elles étaient enceintes, parce que, justement, dans la loi actuelle, cet élément ne se retrouve pas.

En résumé, pour nous, il est essentiel que l'on trouve à l'intérieur du projet de loi l'ordonnance, tout au moins, le minimum que nous avons réussi à obtenir, c'est-à-dire l'ordonnance no 17.

Mme Chevrier-Doucet (Lise): Lise Chevrier-Doucet. Si on parle un peu de la qualité d'exercice des conditions de travail, nous voulons apporter des précisions sur les sujets suivants. Sur la durée du travail et le calcul du temps supplémentaire, nous pensons qu'aux fins du calcul des heures supplémentaires, la règle de calcul doit être fixée de façon quotidienne. La journée normale de travail doit être établie à huit heures de travail et la semaine normale de travail devrait être établie à 40 heures. La FTQ n'accepte pas que la durée normale de travail puisse être différente selon les catégories de salariés qu'on retrouve à l'article 53. Tous les travailleurs, quelle que soit la valeur de leur travail et de leurs relations avec l'employeur, femme collaboratrice de son mari, comme le disait Nicole, doivent avoir droit aux mêmes avantages.

Par conséquent, tout travail exécuté en plus de la journée de travail entraîne une majoration de 50% du salaire horaire effectif. Nous pensons aussi que la base sur laquelle doit être établie le salaire minimum doit n'être exclusivement que temporaire, afin de mettre fin à cet esclavagisme qui permet l'exploitation éhontée d'une main-d'oeuvre soumise au stress des cadences trop rapides de travail au rendement.

En ce qui concerne la distribution du temps supplémentaire dans une entreprise, le travail en surtemps devrait être proposé aux salariés par ordre d'ancienneté. Ceux-ci doivent avoir la pleine liberté de refuser ou de l'accepter. En aucun temps, le temps supplémentaire ne doit être obligatoire. Puisqu'on parle du principe de l'ancienneté, nous aimerions que ce principe soit reconnu. Nous avons parlé de la répartition du

temps supplémentaire. Il nous apparaît aussi essentiel de le faire reconnaître dans le cas de l'application des articles suivants: dans le cas de préavis écrit avant un licenciement et sur le rétablissement d'une mise de rappel au travail, en cas de mises à pied multiples. Nous signalons que ce principe est implicitement reconnu au niveau de l'établissement du crédit du congé annuel. On reconnaît quand même un certain nombre d'années de service pour effectuer et accorder ce congé. (17 h 15)

Pour les demandes spécifiques concernant le préavis de licenciement, nous soutenons notre demande à l'article 81: "Sauf dans le cas d'un contrat à durée déterminée, tout salarié a droit à un préavis écrit avant son licenciement. La durée de ce préavis est de huit semaines si le salarié justifie chez le même employeur dix ans ou plus de service continu; quatre semaines si le salarié justifie chez le même employeur entre cinq et dix ans de service continu; deux semaines si le salarié justifie chez le même employeur entre un et cinq ans de service continu; une semaine si le salarié justifie chez le même employeur moins de douze mois de service continu."

En ce qui concerne les vacances, nous considérons qu'après cinq ans de service continu dans une même entreprise, un salarié devrait avoir droit à trois semaines de congé annuel; après dix ans, quatre semaines.

Un des objectifs fondamentaux que devrait poursuivre le législateur, c'est la protection du revenu du salarié face à la maladie. Pour protéger le revenu des salariés qui sont victimes de ces maladies, nous proposons l'établissement d'une banque de congés de maladie annuels. Cette banque protégera le salarié pour une maladie à court terme. Cependant, pour l'établissement d'une mesure sociale plus juste, on doit quand même penser à de grosses maladies qui sont de plus en plus fréquentes; nous devons envisager l'établissement et la mise sur pied d'un régime d'assurance-salaire obligatoire pour toutes les entreprises québécoises. Le manque à gagner pour les salariés du salaire minimum peut se révéler, à long terme, très dramatique. Cela doit être un des objectifs fondamentaux poursuivis par le législateur.

Je passe maintenant la parole à Marie-Claire Boucher.

Mme Boucher (Marie-Claire): II y a de mauvaises langues qui ont dit...

M. Johnson: C'est Mme Boucher, je pense?

Mme Boucher: C'est cela. Marie-Claire Boucher.

Il y a des mauvaises langues qui ont dit que le projet de loi 126 ne reconnaissait pas le travail à temps partiel. Pourtant, la Fédération des femmes du Québec a noté avec ravissement !a reconnaissance quasi explicite du principe du travail à temps partiel par le biais de l'article 145 qui dit qu'un commissaire de la Commission du salaire minimum peut être nommé à temps partiel. A ce moment-là, il peut même bénéficier d'un régime de retraite sur la base du traitement qu'il recevrait s'il travaillait à temps plein. Tous les hommes sont égaux devant la loi, mais certains sont un peu plus égaux que d'autres. Ne doutant pas de la générosité et de la logique du législateur, la Fédération des femmes du Québec espère que ces revendications à l'égard du temps partiel seront entendues d'une oreille sympathique.

Pourquoi nous intéressons-nous au temps partiel? Pour deux raisons. La première, c'est que, lors du congrès que nous avons tenu en 1977, dont le thème était "Le travail à temps partiel: piège ou option", nous avons reçu un mandat clair et précis de vous transmettre ceci: Au ministère du Travail provincial, il est recommandé que le gouvernement amende la Loi du salaire minimum par la promulgation d'une loi-cadre sur les conditions minimales d'emploi, loi qui devra accorder à tous les travailleurs à temps partiel et temporaires les mêmes avantages que ceux auxquels ont droit les employés à temps plein — on n'en demande pas autant que les commissaires à temps partiel — et ceci au prorata des heures travaillées, c'est-à-dire existence et cumul des bénéfices sociaux, congés de maladie, vacances annuelles, jours fériés, assurances diverses, régime de pension, droit d'ancienneté, congés de maternité et de paternité et que soient prévus des mécanismes d'application fermes et efficaces, adoptés à la majorité.

La deuxième raison, c'est que nous sommes en faveur d'une utilisation rationnelle et efficace au maximum des ressources humaines. Nous pensons que le cycle de vie active des femmes diffère du cycle de vie active des hommes et que les femmes peuvent avoir, à certains moments de leur vie, besoin de travailler à temps plein, et à temps partiel, et à temps plein. Refuser à une partie de la population d'utiliser ses ressources intellectuelles, ses connaissances, son expertise, lui refuser de rendre à la société ce qu'elle en a reçu, parce que la société a contribué à la formation de cette femme, c'est une aberration, d'une part.

D'autre part, nous sommes également convaincues que, si les travailleurs ont des droits, ils ont également des devoirs et, parmi ces devoirs, il y a l'obligation de donner une productivité maximale de façon à favoriser la croissance.

Si on considère la durée du travail à temps plein, en prenant comme base une journée de huit heures et une semaine de 40 heures il y aurait sûrement lieu de nettoyer un peu le fouillis de la terminologie, parce que le travail à temps partiel, tel que défini par le Bureau international du travail de Genève, est un travail effectué de façon régulière et volontaire pendant une durée sensiblement plus courte que la durée normale. Par conséquent, ce serait un travail effectué pendant moins de huit heures par jour ou moins de 40 heures par semaine.

J'insiste sur l'aspect de régularité et l'aspect volontaire du travail à temps partiel. Cela n'est pas

du travail occasionnel, ce n'est pas du travail saisonnier, ce n'est pas du travail temporaire, encore que le travail temporaire, on va y revenir tantôt. C'est effectué de façon volontaire en ce sens que ce n'est pas une réduction momentanée du travail, comme on a pour le "work sharing" où on réduit, pour tous les employés d'une entreprise qui choisit avec l'accord du syndicat de le faire, et le temps de travail et le salaire de tous ses employés, plutôt que d'en mettre quelques-uns à pied; généralement, ça ne dure pas très longtemps. Cette forme de réduction du travail, qui n'est certainement pas la forme de réduction qui est demandée par les syndicats, occasionne une perte de revenu qui est compensée, au Canada, par l'assurance-chômage Cela est le "work sharing".

Cet aspect volontaire, cette réduction du travail ou cette moindre durée du travail, qui est quand même régulier, n'est pas le fait du choix libre et enthousiaste des employés; c'est un signe de solidarité de la part d'employés qui vont y perdre pour permettre à certains de leurs collègues de ne pas tout perdre.

La question qu'on peut se poser ici est: Qu'est-ce qui est le mieux: avoir beaucoup de gens qui travaillent à temps plein et beaucoup de chômeurs ou un peu moins de gens qui travaillent à temps plein et un peu moins de chômeurs? L'alternative qu'il y aurait au "work sharing" serait plutôt le "job sharing", qui est le partage par deux personnes à temps partiel d'un emploi à temps plein pour une personne. C'est tellement susceptible d'offrir une réponse intéressante, dans une période de chômage, que l'Organisation internationale du travail trouve qu'en effet le travail à temps partiel pourrait être une mesure intéressante pour pallier le chômage ou enfin le réduire. Il y a certains syndicats, particulièrement avant-gar-distes, en Europe qui, en 1976, demandaient que l'on coupe, par exemple, le travail en temps supplémentaire et que l'on engage plutôt des employés à temps partiel.

Je reviens au travail à temps partiel proprement dit. Nous demandons le prorata; mais pourquoi demandons-nous le prorata? La productivité des employés à temps partiel, d'après le résultat de certaines études qui ont été faites aux Etats-Unis, est supérieure à la productivité des employés à temps plein. Je n'entrerai pas ici dans les détails qui peuvent expliquer pourquoi la productivité de l'employé à temps partiel est supérieure, mais c'est un fait.

Pourtant, les employés à temps partiel qui donnent une productivité plus grande sont finalement défavorisés sur le plan du salaire, parce qu'ils n'ont qu'une rémunération purement pécuniaire et n'ont pas d'avantages sociaux. Or, les avantages sociaux représentent une partie importante de la rémunération. En 1975, une étude de la chambre de commerce évaluait que les avantages sociaux représentaient 35,4% de la masse salariale. Dans l'étude qui avait été faite, selon les entreprises interrogées, ça s'échelonnait de 24% à 42,6%.

De toute façon, sur une base moyenne, cela représentait $3984 par an, par employé. En 1976, Thome Riddell & Associates a fait une enquête semblable au Canada et, chez-nous, les avantages sociaux représentaient 31% de la masse salariale de l'entreprise et cela s'échelonnait entre 21% et 38%; évalué en dollars pour un employé par année, cela équivalait à $3849. Un employé à temps partiel qui a une productivité supérieure à un employé à temps plein reçoit quand même $3849 de moins par année; nous estimons que cela n'est pas juste. Par conséquent, nous demandons et nous espérons fortement que le gouvernement et la commission verront à accorder aux travailleurs à temps partiel et aux travailleurs temporaires, qui sont lésés actuellement, le prorata pour tous les avantages sociaux insuffisants, ceux qui sont prévus dans la loi, au prorata des heures travaillées.

Maintenant la question du travail temporaire n'est pas abordée dans le projet de loi et c'est pourtant une situation où l'on remarque beaucoup d'exploitation et qui cause énormément de problèmes. Le travail temporaire, les employés doivent obligatoirement — les salariés — recourir aux services d'une agence spécialisée dans le placement et le recrutement. L'agence a des clients qui la paient et c'est l'agence qui paie les employés, les salariés. Les salariés ont un contrat avec une agence de placement et ce contrat peut être ou ne pas être renouvelé, à échéance. Mais on rencontre souvent des cas où les employés ont leur contrat renouvelé automatiquement, les employés travaillent dans une entreprise cinq ans, dix ans, ce ne sont pas les employés de l'employeur, enfin de l'entreprise, ce sont des employés de l'agence, ils n'ont pas d'avantages sociaux, ils n'ont aucune sécurité d'emploi. Aujourd'hui pour demain, l'agence peut refuser de renouveler le contrat; si l'agence n'aime pas la face de l'employé, elle peut également le mettre dehors, il n'a absolument aucune protection.

Sur le plan, par exemple, de la responsabilité, on a un problème: qui a autorité sur le travailleur à temps partiel? L'agence qui paie le travailleur ou l'entreprise chez qui ce travailleur exerce ses fonctions? Par conséquent, il y a également des problèmes au niveau de la reconnaissance de la compétence, au niveau des dossiers et c'est pourquoi nous avons également reçu mandat, au congrès de 1977, de demander une réglementation, dans le but d'éliminer les pratiques abusives dans les agences de placement temporaire et permanent. "Il est recommandé que la Fédération des femmes du Québec demande aux instances fédérale et provinciale, de qui dépend l'émission de chartes, de réglementer le mode d'opération des agences de recrutement et de placement d'employés à temps partiel et temporaire de façon à obliger ces agences à respecter les exigences suivantes: la solvabilité de ces agences, leur responsabilité totale d'employeur face aux infractions commises par les clients ou les employés, la reconnaissance de la classification de l'employé et le respect de sa qualification professionnelle, le

maintien d'une assurance pour protéger les travailleurs de l'agence, la tenue et la conservation d'un dossier des employés." Ce fut également adopté à la majorité.

J'aurais eu encore quelque chose à dire, mais... est-ce que vous me permettez? Nous avons également reçu le mandat de recommander le réaménagement des horaires de travail au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec. "Il est recommandé de réaménager les horaires de travail pour tous les travailleurs, la réduction générale des heures de travail ou flexibilité des horaires, afin de permettre le recyclage et le perfectionnement, la créativité culturelle, la participation communautaire, les loisirs, les sports, le dynamisme familial." Adopté à la majorité.

Nous avons proposé un amendement ou plutôt un nouvel article pour remplacer 38m parce que sur la question de l'étalement, il y avait ambiguïté. Pensiez-vous assouplissement ou pen-siez-vous étalement? Etalement nous paraissait dangereux parce que cela pouvait vouloir dire qu'un employé pouvait travailler trois heures une journée, douze heures une autre journée et cela n'était, certainement pas, avons-nous pensé, le but visé par la commission ou le gouvernement. (17 h 30)

D'autre part, en proposant un assouplissement, cela englobe et le travail à temps partiel, permanent, et toutes ses formes, le travail bilocali-sé, le travail renouvelé, le travail jumelé, le travail couplé et aussi les horaires de travail variables. Nous espérons que vous prendrez bonne note de ces recommandations.

Le Président (M. Marcoux): On vous remercie beaucoup, mesdames. Je vais d'abord donner la parole, avec le consentement de la commission, au député de L'Acadie, qui doit nous quitter. Allez-y, madame.

Mme La voie-Roux: Allez-y, M. le ministre.

M. Johnson: Moi, cela risque d'être un peu plus long. Il y a beaucoup de choses, ça risque de prendre au moins dix minutes ou un quart d'heure. Je comprends vos engagements.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

M. Johnson: Si vous voulez y aller, ça me fera plaisir; je comprends vos engagements.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que j'ai un rendez-vous à 17 h 30. Je voudrais d'abord remercier la Fédération des femmes du Québec pour la qualité de son mémoire et des nombreux points qu'elle a soulevés. Je pense que, dans leurs réflexions, les gens sont souvent portés à dire: Vous venez défendre les femmes. Mais, si on réfléchissait plus longuement, particulièrement sur les dernières suggestions que vous avez faites, c'est l'amélioration de la qualité du travail pour tout le monde, non pas seulement pour les femmes, que vous êtes venues revendiquer ici.

Evidemment, sur la question du congé de maternité que vous avez développée pendant quelques instants, vous savez que je suis fort d'accord avec vous pour trouver qu'on a eu un congé de maternité un peu maigre. Vous n'êtes pas les premières à poser la question: Pourquoi ceci n'a-t-il pas été intégré dans la loi touchant les normes de travail? Je ne sais pas si le ministre pourrait nous donner la raison pour laquelle cela n'a pas été intégré. Est-ce que c'est parce qu'on a des visées plus grandes dans un avenir prochain qui, justement, corrigeraient des lacunes qui existent déjà dans cette ordonnance de la Commission du salaire minimum quant aux personnes couvertes et quand à la portée universelle du congé de maternité ou s'il y a aussi une raison technique. Est-ce que je peux vous demander cela?

M. Johnson: Je pense que vous avez mis le doigt dessus. J'ai toujours dit que je considérais que l'ordonnance no 17, c'étaient vraiment des conditions minimales. Loin de moi de considérer que cette ordonnance, malgré tout, est une de celles qui offrent les "meilleures conditions" de toutes les provinces canadiennes, c'est très loin d'être un idéal. Quant à moi, c'est strictement un minimum. Je pense que l'ensemble de la question du congé de maternité et l'ensemble de la législation qui touche à la fois les droits au niveau du travail de celle qui est au travail à l'extérieur de la maison, sa rémunération, qui financera, je pense qu'un des meilleurs mémoires que j'aie vus à ce sujet — je crois que la fédération le connaît, parce qu'elle en a repris des extraits — c'est le mémoire de M. Hurtubise, de la Commission des droits de la personne qui, à mes yeux, représente sans doute la vision globale la mieux articulée. Quant à moi, l'avenir est dans ce sens. Ce n'est pas dans le sens d'intégrer une ordonnance no 17 de la Commission du salaire minimum dans une loi, parce que je pense qu'on risquerait tous, "politiquement", que ce soit nous ou les partis d'opposition, de considérer que la loi est là et que les gens peuvent bien vivre avec un bon bout de temps.

Tant que ce sera une ordonnance, on considérera que ce sont des conditions minimales et on aura des groupements comme la Fédération des femmes du Québec et quelques autres qui réclameront une loi sur le congé de maternité et qui réclameront qu'on aille au-deçà de ce qui s'appelle les conditions minimales. Il faut dire que, dans le gouvernement, il n'y a pas seulement une réflexion, mais des études et des objectifs précis qui sont visés dans ce sens. Je pense que les solutions, à moyen terme — quand je dis à moyen terme, je ne parle pas des trois mois ou des six mois qui viennent, mais probablement d'ici une année ou deux — on devrait assister à des déblocages plus importants en ce qui a trait à la condition féminine. C'est la raison essentielle pour laquelle on ne l'a pas incluse dans la loi.

Mme Lavoie-Roux: A ce moment-ci, je réalise, M. le Président, que je fais un peu dévier la discussion, mais je pense que le problème du congé de maternité est un problème auquel la

Fédération des femmes du Québec s'est intéressée depuis longtemps et c'est peut-être pour cela que je me permets de poser des questions.

Je vois que, dans votre vision pour l'avenir, il y a un projet de loi portant vraiment sur les congés de maternité qui pourrait être intéressant, dans un temps X. Là, c'est vous qui déterminerez quels seront ces délais. Mais il reste qu'on a laissé, à l'extérieur du congé de maternité, un nombre quand même important de femmes. Est-ce qu'on peut prévoir qu'au moins, sans aller dans un projet de loi — par exemple les travailleuses agricoles, les...

M. Johnson: Dans la mesure... Non, l'ordonnance n'exclut que celles qui font partie, par exemple dans le cas des travailleuses agricoles, d'une ferme familiale. Je comprends que la Fédération des femmes du Québec aimerait voir, comme le disait Mme Boily, une extension du champ d'application. Je vous avoue que, de ce côté, je n'ai pas poussé ma réflexion très longtemps, mais ça me heurte un peu comme notion, de la même façon que je ne considérais pas que le mari, dont la femme administre le budget familial — comme ça peut exister dans certaines familles — devrait avoir des recours devant une commission gouvernementale, s'il n'est pas content de l'administration que sa femme fait des biens et des revenus familiaux. Il y a quelque chose qui me heurte un peu — il faudra peut-être que la Fédération des femmes m'en reparle ou m'écrive à ce sujet — dans cette idée que des conjoints, dans une société normale et dans une évolution normale, ont besoin, l'un envers l'autre, d'une protection de la loi, au-delà évidemment de ce qui est étudié dans le cadre du droit de la famille, dans le cas, par exemple, de la séparation, dans le cas du pouvoir sur les enfants, etc., de la puissance qu'on a appelée paternelle longtemps, mais qui est une puissance conjointe en vertu de notre droit. Je suis un peu hésitant, devant la relation qui existe entre deux conjoints qui sont dans une entreprise, à considérer qu'ils sont autre chose que des partenaires à certains égards, de la même façon que je considère qu'en général, ils sont des partenaires dans l'existence pour bien des choses. J'avoue que, jusqu'à maintenant, je ne me suis pas penché là-dessus comme étant une priorité; peut-être me convaincrez-vous de ça, mais...

Mme Boily: II faudrait peut-être dissocier ce qui est la vie personnelle des gens et leur vie sur le marché du travail; c'est un monde du travail et, si la femme travaille à une entreprise familiale, à ce moment-là, elle devrait être considérée comme une salariée, donc comme une travailleuse. Cela n'influence pas sur sa vie personnelle, je pense qu'on a trop souvent d'ailleurs, dans ces questions, mêlé la vie privée. C'est comme quand on soulève l'objection: La maternité, c'est une affaire personnelle. Il y a un point de vue personnel, mais il y a aussi un point de vue collectif. Alors, dans le cas de la femme qui travaille dans l'entreprise de son mari, je pense qu'elle doit être considérée comme une salariée. C'est ce point de vue, finalement, qu'on veut défendre.

Mme Lavoie-Roux: C'est dans ce sens-là que vous considérez vos remarques sur la femme collaboratrice que vous avez faites au début?

Mme Boily: C'est ça. On a parlé du congé de maternité, mais on a aussi parlé des exclusions, dans certains articles en particulier, pour la durée du travail — on les exclut nommément — dans le cas des congés annuels, on les exclut aussi. Il y a plusieurs endroits où cette personne est exclue des normes minimales, même si elle n'est pas exclue au niveau du champ d'application comme tel.

Mme Lavoie-Roux: Mais ces conditions minimales que vous réclamez pour la femme collaboratrice dans l'entreprise, s'il s'agissait d'une entreprise sous forme d'une compagnie qui serait incorporée ou non, à ce moment, est-ce que vous maintiendriez le même point de vue, quant aux conditions minimales pour la femme?

Mme Boily: Je pense que ça peut aussi varier selon le statut que la femme veut avoir dans l'entreprise. Tout ça est lié. Je faisais appel tout à l'heure à d'autres aspects, dans le cas de la femme collaboratrice du mari; ce n'est pas aussi simple, il y a quand même plusieurs dimensions, c'est qu'actuellement, par exemple, la femme collaboratrice de son mari, même si elle voulait avoir le statut de salariée, ne peut pas l'avoir. Il y a aussi, à d'autres niveaux et à d'autres instances où il faut changer les choses. Mais si c'est dans le cas où la femme collaboratrice de son mari qui participe à une entreprise familiale et a un statut de salariée...

Mme Finestone: Veux-tu reprendre la question du congé de maternité?

Mme Boily: Oui. L'importance pour nous, aussi, que cela puisse être intégré à la loi, c'est que vous dites bien que vous avez la volonté d'aller plus loin, mais on a tellement vécu le temporaire comme du permanent, qu'à ce niveau, on peut tout au moins être inquiètes et qu'au moins le minimum que l'on a — ce minimum qui nous laisse insatisfaites, c'est certain — se retrouve dans la loi pour quand même nous protéger, protéger les femmes de façon plus adéquate.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous trouvez que, dans le fond, cela n'exclurait pas, de toute façon, la possibilité d'évoluer vers un projet de loi autonome.

Mme Finestone: Pas du tout, les amendements sont toujours possibles.

Mme Boily: De toute façon, la demande de l'affiliation, c'était en vue d'aller vers une loi de la maternité où à ce moment, ce serait beaucoup plus globalisant, où toute la question de congé de

paternité et de congé parental serait incluse. Mais il faut vivre avec ce que l'on a et on veut profiter au maximum de ce que l'on a, ce qui n'exclut nullement des possibilités de changement dans l'avenir. Une loi, cela s'amende.

Mme Lavoie-Roux: II y a une question précise que je voudrais vous poser, puisque vous faites allusion au congé de paternité et au congé parental. Ici, on a toujours parlé du congé de maternité, mais jamais personne n'a parlé... on l'a toujours vu dans un tas de rapports, mais personne en a jamais discuté. Je voudrais vous poser une question précise. Dans l'hypothèse où les ressources de l'Etat feraient qu'on se limite au congé de maternité et que cela peut être la raison pour laquelle on n'a pas inclus le congé de paternité ou le congé parental... Je sais pourquoi vous incluez le congé de paternité. C'est une question de principe au départ, c'est une question d'égalité de conjoints, de partage.

Mais dans l'hypothèse où financièrement, l'Etat ne peut répondre qu'au congé de maternité, est-ce que vous préféreriez que le congé de paternité ou parental soit inclus plutôt que d'augmenter, par exemple, les prestations du congé de maternité?

Mme Boily: D'abord...

Mme Lavoie-Roux: C'est un choix difficile à faire, je comprends.

Mme Boily: Oui. Il y a plusieurs choses là-dedans. Je dirais qu'actuellement, pour ce que cela coûte à l'Etat, cela ne coûte pas très cher à l'Etat. Le congé n'est pas payé, alors, le congé de paternité pourrait fort bien être accordé si on pense à une question de gros sous. A ce moment, ce n'est pas, au niveau de l'Etat lui-même qu'il y a cette difficulté...

Mme Lavoie-Roux: Pour eux, c'est une question de principe?

Mme Boily: Je pense que fondamentalement, bien sûr, qu'il y a une question de gros sous au niveau... et de problèmes qui peuvent se situer au niveau de l'employeur, des entreprises. Mais fondamentalement, je dirais qu'on est encore marqué par un certain nombre de stéréotypes et qu'on ne considère pas encore cela comme important. On a bien dit pendant longtemps que le congé de maternité finalement, ce n'était pas si important que cela. Il n'y convenait pas avant qu'on réussisse à avoir le congé de maternité. Il y a toute une question de mentalité en plus d'une question de gros sous. Il y a toute une question de mentalité qui est derrière, de sorte que cela joue aussi au niveau du congé de paternité. Mais si on se reporte à la société actuelle, au partage que l'on retrouve actuellement et à la nécessité de la vie actuelle où souvent les deux conjoints, les deux parents travaillent, bien, à ce moment, on arrive aussi à un changement où on devra se rallier à cette position: se diriger vers la nécessité d'un congé de paternité. (17 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également souligner la recommandation que vous avez faite, à savoir la possibilité de recours par le truchement d'un tiers ou d'un organisme quelconque. Cela n'existe pas présentement nulle part, n'est-ce pas? Cela me semble une suggestion intéressante, surtout dans les cas qui nous préoccupent ou vis-à-vis de la population qui nous préoccupe. On sait fort bien, par exemple, que les immigrantes, les personnes en service domestique, les personnes à plus bas salaire sont souvent des personnes qui vont être... J'avais souligné cela l'an dernier, au moment du congé de maternité, comment cela serait appliqué. Cela me semble une suggestion intéressante. Je ne sais pas si le ministre...

M. Johnson: Dans la mesure où la loi prévoit l'anonymat, rien n'exclut qu'un groupement décide de faire une dénonciation à la commission, d'une part. Deuxièmement, à partir du moment où l'anonymat est garanti, non seulement la commission a-t-elle le devoir d'enquêter en préservant l'anonymat du plaignant ou de celui qui fait l'objet de l'irrespect des dispositions de la loi ou d'une ordonnance, mais la commission peut elle-même intenter des poursuites tout en conservant l'anonymat. En pratique, même si la loi ne dit pas qu'on reconnaît, par exemple, à des groupements comme le vôtre ou à des centrales syndicales le droit de faire valoir les droits d'un travailleur, elle prévoit, par la méthode de l'anonymat, que la commission ait toujours ce pouvoir et la commission peut en être saisi par n'importe qui, finalement, compte tenu du principe de l'anonymat.

Ce qu'on veut éviter et ce qu'on ne veut pas inclure dans la loi, c'est de conférer un droit spécifique à des associations difficiles à déterminer. Même un syndicat, c'est quelque chose qu'il est difficile à définir dans nos lois. C'est très mal défini ce que c'est. Une centrale syndicale, cela n'existe pas au sens du Code du travail et Dieu sait que c'est présent dans le décor. Les quatre centrales syndicales, on les connaît, mais cela n'existe pas si on regarde notre droit du travail. Ce sont des associations bona fide, comme on dit. Maintenant, il existe un tas d'autres groupements. La FFQ est évidemment une importante organisation, mais il y en a peut-être qui revendiquent d'être représentatives, comme la fédération, et qui ne le sont peut-être pas ou sont des groupes plutôt marginaux ou, même à la rigueur, on pourrait imaginer un groupement féministe dominé par des hommes, comme il y a des syndicats de boutique. Je suis sûr qu'on est très loin de cela dans le cas de la Fédération des femmes du Québec et de la plupart des autres groupes qu'on a entendus.

Le problème pour nous, c'était de ne pas faire en sorte que, dans la loi, on soit appelé à définir ces organismes-là, mais, par contre, en pratique, leur permettre la dénonciation, sans cependant leur permettre le droit d'aller ester en justice,

comme on le dit dans le Code civil, sans leur donner le droit d'intenter des poursuites, mais de faire en sorte que la commission, encore une fois sous le couvert de l'anonymat, puisse le faire.

Mme Boily: Oui, justement, ce que nous demandons c'est qu'officiellement un groupe puisse représenter un individu, parce que c'est cela la difficulté finalement des gens, de ces individus qui sont mal pris et qui ont peur. Je pense que, finalement, même si la loi permet actuellement qu'un tiers, anonymement, dépose une plainte — je pense que cela existe déjà dans la loi — ce qui est important, ce qui nous apparaît encore plus important, c'est qu'un groupe puisse représenter officiellement, puisse piloter une plainte et que l'individu, à ce moment-là, seul et isolé, puisse se sentir appuyé et que, s'il y a des représailles, il puisse quand même avoir un certain contrôle dessus.

M. Johnson: Je vais peut-être répondre très brièvement à cela pour permettre à madame de s'en aller à son rendez-vous pour lequel elle est déjà en retard...

Mme Lavoie-Roux: ... peut-être partie.

M. Johnson: ... peut-être en n'y mettant pas beaucoup de nuance. Le danger, dans ce que vous décrivez, bien que je comprenne quel pourrait être l'intérêt légitime et manifeste d'un groupement comme le vôtre ou comme une centrale syndicale, c'est de fournir à des groupes indéfinissables en vertu de nos lois, juridiquement, un pouvoir qui pourrait déborder le cadre de la loi. Cela pourrait être utilisé, par exemple, pour "des fins purement politiques". Cela pourrait, théoriquement, être utilisé pour des fins de maraudage syndical. Cela pourrait être utilisé pour toutes sortes d'autres fins que l'application de la loi. Je ne veux pas présumer que cela devrait l'être de façon systématique, mais ce n'est pas pour rien qu'on a, depuis 1964, une histoire très précise, dans le Code du travail, de ce que sont les pouvoirs d'une association qui veut fonder une association de salariés. C'est également pour protéger les salariés contre n'importe quel vendeur de savon, ou de revues, ou de loteries, ou, carrément, des groupes d'exploiteurs.

Dieu sait que ça n'a pas empêché que, dans certains secteurs, on retrouve des groupes qui exploitent les travailleurs au nom des droits des travailleurs. Je ne prétends pas que c'est le cas de la Fédération des femmes, mais je dis seulement que le danger dans une loi de conférer à qui que ce soit un droit d'ester en justice au nom d'un tiers, c'est une chose qui est d'ordre public et, à partir du moment où on a de la difficulté à circonscrire quels sont ces groupements, je pense qu'il faut être extrêmement prudent et ça, pour les fins de la protection du citoyen lui-même.

Mme Lavoie-Roux: On ne peut peut-être pas prendre plus de temps, mais ça vaudrait peut-être la peine que, sur cette suggestion que vous avez, vous réfléchissiez davantage pour voir de quelle façon ça pourrait être articulé. Je reconnais les difficultés que le ministre apporte, mais il me semble qu'on est toujours dans une espèce de cul-de-sac avec cette question de contestation ou de recours que des personnes démunies peuvent faire valoir. C'est vrai que la centrale syndicale en soi n'est pas une personne, mais il reste que, dans les syndicats, on va voir son délégué syndical et là, c'est clair. Les gens savent qu'ils peuvent s'adresser à quelqu'un. Tandis que, dans ces cas, il reste que, somme toute... Même dans le cas des individus qui sont à l'intérieur d'un syndicat, s'ils n'avaient pas leur syndicat pour faire les représentations, je doute qu'un aussi gros pourcentage de griefs ou de questions de relations de travail se poserait.

Entre-temps, tout ce qu'on peut faire, nous, comme Opposition, c'est de voir à ce que le nombre de gardes-chasse soit augmenté et je peux vous assurer — le ministre vous le dira — que je le poursuis pour le nombre de gardes-chasse, mais, aux dernières nouvelles, il n'a pas augmenté.

M. Johnson: Une fois par mois.

Mme Lavoie-Roux: Chaque fois que j'en ai l'occasion. Sur la question du travail domestique, je suis d'accord avec vous, j'ai eu l'occasion de l'exprimer. Je voudrais vous demander si vous vous êtes penchées un peu sur le problème du travail à domicile. Il a été soulevé par le groupe qui vous a précédé, la CSD. Vous savez que ça touche un grand nombre de femmes, particulièrement dans le domaine de la couture. C'est très difficile — je l'admets avec le ministre — de circonscrire une façon de solutionner ce problème. Comme groupe, y avez-vous réfléchi vous-mêmes et avez-vous des suggestions à faire?

Mme Boucher: Malheureusement, nous ne nous sommes pas arrêtées à cette question. Tout ce que nous avons...

M. Johnson: C'est le seul problème que vous n'avez pas évoqué dans votre mémoire.

Mme Boucher: Nous avons constaté, mais nous ne l'avons pas écrit dans le mémoire, que certaines lois du travail au Canada en font mention, mais on n'a pas approfondi la question.

Mme Boily: J'ajouterais que c'est relié aussi au travail au rendement et c'est vraiment un point sur lequel on n'a pas de solution définitive, c'est évident. Mais c'est un sujet qui nous apparaît extrêmement important et je pense que les deux sont reliés. Le problème pourrait se régler plus facilement dans le cas du rendement quand ça se fait dans les fabriques, dans les manufactures, mais, quant au travail à domicile, c'est certainement plus difficile, parce qu'il nous apparaît que c'est le lieu par excellence d'exploitation. Si on n'a

pas de solutions à apporter, on a quand même des exemples et on vit avec les femmes qui subissent cette situation. Il nous apparaît important que ce soit un domaine sur lequel le législateur se penche, ainsi que le ministère du Travail, parce que ce sont certainement des lieux d'exploitation et, en particulier, ça touche certainement davantage les femmes.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous avez touché tout à l'heure à la question des personnes qui travaillent pour une agence ou qui, enfin, par le truchement d'une agence, ont de l'emploi. Pourriez-vous me dire — je l'ignore, pour ma part — s'il y a une certaine législation ou des règlements qui réglementent ces agences qui, en somme, peuvent naître du jour au lendemain, disparaître du jour au lendemain? C'est vraiment la réalité des choses.

Mme Boucher: Oui, la seule réglementation que je connaisse personnellement au sujet de ces agences, c'est le résultat d'une entente avec la commission des droits et libertés de la personne parce qu'il y avait une discrimination au niveau du recrutement dans certaines agences. Mais, pour la réglementation en regard des employés temporaires, je ne pense pas...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que le ministre devrait examiner cette question parce que, justement, ces agences de placement existent au moins pour un cas, qui est celui du travail domestique. Avec l'avènement des conditions miminales de travail, si on n'examine pas de plus près le fonctionnement des agences de placement, je pense qu'on pourrait trouver là un moyen de contourner même le personnel domestique qui serait protégé, parce que, là, les exigences vont être plus grandes à l'égard de ceux-là, et ce serait facile pour les agences de placement justement de contourner même les conditions minimales de travail qui pourraient être éventuellement adoptées.

Mme Finestone: Si je peux ajouter quelque chose, ce n'est pas seulement au niveau du salaire minimum que cette question nous pose des problèmes...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je le réalise.

Mme Finestone: ... parce que la discrimination ouverte est couverte envers les personnes ou les minorités visibles, cela se fait au niveau de ces agences et il y a un tas de questions sur lesquelles on devrait se pencher et réglementer leur rôle et leur responsabilité.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

Mme Finestone: On vous remercie. Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le ministre.

M. Johnson: Bon rendez-vous Mmes Finestone, Boily, Doucet et Boucher. D'abord, je dois vous dire que votre mémoire est extrêmement bien fait. On sent qu'il y a là plus qu'une improvisation rapide. J'ai l'impression que vous y avez passé quelques heures en groupe d'étude. Il y a une étude article par article du projet de loi qui, je pense, est plus que méritoire, elle est assez remarquable.

On va retenir certaines des suggestions que vous faites. Je n'entrerai pas dans le détail de tout cela ce soir, puisque le temps presse. Vous aurez d'ailleurs l'occasion de le voir au moment du dépôt de l'étude article par article. Je veux simplement soulever certains des grands thèmes.

Mme Finestone, vous avez insisté sur cette question du pouvoir réglementaire. Je fais quand même une distinction entre les pouvoirs d'une commission, ceux du législateur et ceux du gouvernement. Il ne faut pas oublier qu'on dit que le lieutenant-gouverneur en conseil doit approuver les modifications et, en ce sens-là, dans notre système parlementaire, les ministres sont responsables devant l'Assemblée nationale.

Je comprends que ce n'est pas comme si c'était une commission parlementaire qui étudiait cela et que c'était adopté sous forme de loi. A ce rythme, je pense que ça n'avancerait pas vite, surtout quand je regarde l'Opposition, on n'aurait pas le temps de passer grand-chose dans une année.

Mme Boily disait à un moment donné: l'ordonnance 17 — le congé de maternité — vous pourriez la mettre dans la loi, une loi peut s'amender. Cela prend beaucoup de travail, madame, pour amender une loi, parce que les heures ouvrables sont relativement nombreuses, mais, avec la quantité de projets de loi qu'on a, c'est toujours ça. Je peux vous dire qu'au ministère, cette loi est la 14e que je dépose et que je pilote devant le Parlement. Je peux vous dire que, parmi ces quatorze lois, il y en a eu quatre que des ministres du Travail successifs ont remises depuis 1948, parce qu'ils n'avaient pas le temps de les faire voter. On a fini par essayer de donner un coup de barre et en voter quelques-unes cette année pour souffler sur la poussière de nos lois. C'est un des inconvénients évidemment dans nore processus et dans notre système de gouvernement, c'est que le processus législatif est très laborieux et le gouvernement a parfois tendance à vouloir se garder un peu de pouvoirs réglementaires pour faire évoluer les choses plus rapidement.

Deuxièmement, je pense que c'est Mme Dou-cet qui a évoqué les congés de maternité assez longuement, ou Mme Boily, je m'excuse. Encore une fois, on est dans le cadre des conditions minimales, je pense qu'on a touché passablement les perspectives, sans entrer dans le délai, mais du fait que c'est présent et que c'est parmi nos préoccupations.

La durée quotidienne du travail, c'est Mme Doucet qui a évoqué cela. La question du travail au rendement, la question de l'ancienneté, le temps supplémentaire obligatoire, le licenciement, etc., cette réflexion, encore une fois, est intéres-

sante, mais elle se situe... On va pouvoir en retenir certains éléments mais, encore une fois, de façon très circonscrite, parce que ça déborde de beaucoup le cadre des conditions minimales. C'est toute la question de la qualité de vie au travail et, encore une fois, je pense que, dans notre société, l'instrument privilégié pour faire évoluer cela demeure la syndicalisation. Maintenant, il reste au législateur à donner des moyens aux salariés de se syndiquer pour le faire. Il y a beaucoup de difficultés techniques qui sont soulevées par certaines de vos remarques, entre autres sur la notion d'ancienneté dans les licenciements. (18 heures)

Déjà, dans le secteur conventionné, à partir du moment où on met ensemble les groupes les plus importants à l'intérieur d'une entreprise et à l'intérieur d'un syndicat, qu'on met dans tout cela, qu'on saupoudre cela du droit de gérance, de la conjoncture de l'entreprise, selon qu'on a affaire à des entreprises qui ont des cycles réguliers ou irréguliers sur le plan de la production, etc., toute la question des préavis de licenciement, de tenir compte de l'ancienneté, même au niveau des conventions collectives librement négociées, cela pose des problèmes. De la même façon que ce que Mme Boucher a soulevé dans un exposé que j'ai trouvé extrêmement intéressant sur toute la question du temps partiel et des distinctions qu'il faut faire entre les occasionnels, les temporaires, le temps partiel, la place du temps partiel dans notre société et le fait, finalement, qu'on sait que cela affecte finalement une main-d'oeuvre féminine. Je ferais une parenthèse ici pour dire que le bureau de la main-d'oeuvre féminine dont vous parlez est, en ce moment, au stade final; le concours est terminé, les entrevues sont faites et le choix de la responsable au bureau du sous-ministre, le bureau de la main-d'oeuvre féminine, sera arrêté d'ici quelque temps. C'est effectivement en cours. Sur toute cette question du temps partiel, je voudrais simplement vous rassurer; peut-être que le texte n'est pas clair, peut-être que le texte n'entre pas dans les modalités d'application, mais cette loi reconnaît le travailleur à temps partiel en plus de l'article 145, pour les commissaires, mais reconnaît que les travailleurs à temps partiel sont couverts par cette loi. Cela devient...

Mme Finestone: Pouvez-vous préciser?

M. Johnson: Oui. Par exemple, dans le cas des jours fériés, à partir du moment où on établit un prorata, à partir des vacances, par exemple — pas des jours fériés — il s'agit simplement d'appliquer le prorata pour les fins des vacances. Dans le cas des jours fériés, c'est 10 jours simplement d'embauche. Il est possible qu'on touche la question des jours fériés parce qu'il y a des remarques assez pertinentes qui ont été soulevées par le secteur du commerce au détail, mais ne sont pas exclus de cet ensemble de dispositions les travailleurs à temps partiel; bien au contraire, ils sont couverts. Il reste une question de modalités d'application. Peut-être que la loi n'est pas claire. On va revoir cela à la lumière de ce que vous nous avez dit et, encore une fois, il faut tenir compte de toute cette notion du prorata à partir du moment où on a affaire à du temps partiel, évidemment. Je n'inclus pas là-dedans, cependant, toute la question des avantages sociaux dont vous avez parlé, parce que cela ne fait pas l'objet de la loi, encore une fois. Ce n'est pas l'objet de la loi que de régir les "bénéfices marginaux" dans les avantages sociaux qu'on retrouve dans les conventions collectives, etc., sauf ceux qui sont spécifiquement prévus, comme les congés, etc. Toute la question des avantages sociaux des régimes de pension, etc. ce n'est pas inclus dans la loi parce que cela ne fait pas partie de son champ d'application. Mais si cela l'était, cela n'empêcherait pas que cela s'applique aux travailleurs à temps partiel. C'est notre volonté de faire en sorte que cela s'applique, effectivement, aux travailleurs à temps partiel.

Vous avez soulevé, Mme Boucher, toute la question du "time sharing" ou du "job" ou "work sharing" selon le cas. J'ai eu l'occasion, récemment, de m'entretenir de ces questions avec le ministre fédéral du Travail et celui de l'Emploi et de l'Immigration. Cela pose des problèmes. Vous en avez soulevé vous-même. Il y a un syndicat au Québec qui a fait un bout de chemin assez extraordinaire dans ce domaine-là, c'est le syndicat des électriciens qui, depuis cinq ans, a réussi à faire prendre conscience aux quelque 4000 membres qu'il a qu'il serait peut-être important, compte tenu de la conjoncture économique dans laquelle on vit maintenant, qu'effectivement, on puisse faire en sorte de limiter les heures supplémentaires pour répartir la quantité de travail, donc de revenus, auprès des travailleurs dans un secteur donné. C'est à ma connaissance le premier effort concerté dans ce sens-là, la première demande spécifique, et j'ai l'impression qu'ils vont en discuter pendant les négociations du décret de la construction. Il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de femmes dans la construction. Il y en a quelques-unes, remarquez. Le congé de maternité s'applique dans la construction, mais pas le reste des conditions minimales. En ce sens, c'est assez global comme problème ce que vous soulevez; je pense qu'il faut, à ce niveau-là, encore une fois, laisser la société commencer à faire ses pas par la libre négociation. Je pense qu'il y a des choses qui débloquent, mais cela va prendre concrètement une expertise plutôt que d'essayer d'imposer d'office par l'Etat, par une espèce d'omniscience d'un ministère, ces choses-là. Je pense que déjà le fait de le débattre, de voir des syndicats en discuter, de voir des syndicats le revendiquer dans le cadre de conventions collectives, c'est un signe que cette question progresse dans le sens de la qualité de vie au travail, entre autres.

Or, c'était l'essentiel de mes remarques sur l'ensemble des dispositions très spécifiques. Je pense, étant donné le temps qu'il nous reste, que je voudrais laisser à mes collègues l'occasion de dire quelques mots, s'ils veulent le faire avant qu'on ajourne. J'aurai l'occasion d'y revenir en troisième lecture. Si vous voulez déléguer quelqu'un pour regarder cela en cours de route...

Mme Finestone: Peut-être qu'on pourrait vous voir dans une entrevue privée à votre bureau pour poursuivre certains points.

M. Johnson: Oui, mais je ne peux pas vous le promettre pour ce qui a trait à la troisième lecture, vous n'êtes pas seules.

Mme Finestone: Je sais, cela fait longtemps...

Mme Boily: M. le ministre, si vous permettez, je voudrais tout simplement appuyer beaucoup sur la question du temps partiel et de la nécessité de le retrouver dans la loi, parce que vous savez fort bien que, même si vous considérez que ces travailleurs sont protégés par la loi, combien y échappent quand on se retrouve dans le quotidien et dans la relation de travail employeur-employé. Je pense qu'il serait absolument essentiel que cela se retrouve de quelque façon pour que les gens soient vraiment protégés, parce qu'il y a énormément de gens qui ne feront pas de plainte, qui ne font pas de plainte actuellement, parce que jamais on a fait une reconnaissance officielle des travailleurs à temps partiel comme des travailleurs à part entière.

Il y a une étude sur les caractéristiques socio-économiques des travailleurs au salaire minimum ou autour du salaire minimum qui a été faite par le ministère des Affaires sociales et on dit bien, selon les chiffres qui datent déjà et qui doivent être augmentés, qu'il y en a 55,1%. Des gens qui sont régis par cette loi des normes minimales de travail, les gens à temps partiel sont très nombreux. Je n'ai aucune statistique, mais tout simplement par les relations qu'on peut avoir avec des gens qui travaillent à temps partiel, je dirais qu'il y en a un nombre extrêmement important qui ne peuvent pas bénéficier des avantages qui se trouvent dans la Loi du salaire minimum actuelle ou dans la future loi sur les normes minimales.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, mesdames, de nous avoir présenté le mémoire de la Fédération des femmes du Québec.

Maintenant que nous avons complété le mandat que nous avait confié l'Assemblée nationale, je demanderais au rapporteur de cette commission de faire rapport à l'Assemblée nationale que la commission du travail et de la main-d'oeuvre a complété l'audition des mémoires concernant le projet de loi 126, Loi sur les normes du travail.

Ceci fait, la commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 08)

ANNEXE

Mémoire de la Chambre de commerce de la province de Québec

sur le projet de loi 126, Loi sur les normes du travail

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre du Travail et de la Main d'Oeuvre,

Messieurs les membres de la Commission,

(1)

Nous voici encore, une fois de plus, à discuter un projet de loi animé d'un esprit de justice et de principes généreux et de partage de notre richesse collective alors que l'essentiel de nos efforts devraient se concentrer sur une autre priorité, celle de combler les plus de 250,000 emplois dont le Québec a un urgent besoin.

(2)

Ce n'est donc pas avec un enthousiasme délirant que la Chambre de Commerce de la province de Québec, fédération de plus de 36,000 femmes et hommes d'affaires adhérant aux quelque 200 chambres de commerce locales actives au Québec et bénéficiant de l'appui direct de près de 2,500 entreprises, aborde aujourd'hui l'opportunité et le contenu du projet de loi 126 sur les normes de travail.

(3)

Disons-le de suite, à quelques exceptions près, ce sont moins les propositions contenues dans le projet de loi que l'opportunité de les concrétiser qui nous cause les plus grands problèmes.

(4)

Qui donc en effet, en 1979, peut oser s'opposer à cinq jours de congé statutaires et à deux semaines de vacances par année? Pas nous.

(5)

Mais le fait que nous ne nous y opposions pas ne change rien à notre situation globale. Quelle est-elle cette situation? Historiquement, par choix, par déterminisme ou simplement par accident, le Québec s'est construit une structure industrielle essentiellement axée sur les biens de consommation. Une telle structure comporte un certain nombre de caractéristiques propres que sont la faible densité

capitalistique, la haute densité de la main-d'oeuvre et la plus grande vulnérabilité aux cycles de basse conjoncture et à la concurrence.

(6)

Or, nous avons pu constater au cours des dernières années, particulièrement dans les soi-disant secteurs mous, notre incapacité de faire face à la concurrence étrangère non seulement sur les marchés extérieurs, mais, pis encore, sur nos propres marchés. Il nous a donc fallu recourir à des mesures artificielles: barrières tarifaires, quotas d'importation, quotas de production et offices de mise en marché.

(7)

En clair, ce que nous tentons de communiquer au législateur aujourd'hui, c'est que les mesures contenues dans le projet de loi 126 comportent un coût, pas nécessairement outrancier, mais néanmoins réel qui vient s'ajouter à une situation déjà défavorable de compétitivité de nos produits. En définitive, ce coût se traduira par une plus grande vulnérabilité de nos produits et services sur nos marchés et ce sont des travailleurs qui en feront les frais en venant s'ajouter aux rangs des chômeurs.

(8)

II ne s'agit pas d'une vision apocalyptique. Il ne s'agit pas de faire peur. Au contraire, nous tentons simplement d'introduire un sain réalisme dans le processus de décision gouvernementale sur lequel l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer.

(9)

A ces fins d'ailleurs, permettez-nous de faire appel à une étude préparée en 1975 pour le Groupe de travail sur la politique de salaire et des conditions minima de travail. Cette recherche était sous la direction de M. Jean Baril, économiste à la direction générale de la recherche au ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre, et s'intitule "Les incidences d'une hausse du salaire minimum dans les secteurs à bas salaires et sur l'emploi en général".

(10)

Traditionnellement, nous sommes portés à croire qu'au Québec les bas salaires ne se retrouvent que dans les secteurs traditionnels. Le tableau suivant, tiré d'une autre étude* du MTMO et publiée en avril 1977 sous la direction de MM. Jean-Marie Goyette et Robert Lachapelle, est particulièrement éloquent. * "Etude comparative de l'évolution du marché du travail"

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Sources: Statistique Canada, "Industries manufacturières du Canada: niveaux national et provincial ", Ibid, tableau 31 et compilations spéciales Direction Générale de la Recherche.

(13)

Revenons maintenant à l'impact du projet de loi, analysé dans le contexte de l'étude de M. Baril.

(13.1) Le travail domestique "Selon1 Brozen, les secteurs non assujettis constituaient une valve de sûreté: les personnes qui, à cause de l'augmentation du salaire minimum, ne pouvaient trouver d'emploi dans les secteurs assujettis, se dirigeaient alors dans les secteurs non assujettis. Le fait d'inclure les travailleurs domestiques dans l'ordonnance du salaire minimum ferait disparaître cette valve de sécurité." "D'après2 le modèle élaboré par (Peter Matilla), on peut s'attendre à ce que la demande de bonnes (household maids) soit réduite des pourcentages respectifs suivants: pour chaque intervalle de $0.20 suivant $1.00: 12% (à $1.20 l'heure); 21%, 32%, 46% et 58% (à $2.00 l'heure)."

Pour la Chambre, il s'agit de démontrer l'effet sur l'emploi de l'inclusion des travailleurs domestiques dans le projet de loi 126, particulièrement dans la conjoncture actuelle de chômage élevé.

(13.2) Le Commerce

Ici aussi, les données recueillies par l'étude de M. Baril font état de phénomènes pertinents.

En 1958, dans l'Etat de New York, suite à une hausse du salaire minimum, 72% des établissements déclarent avoir réduit les heures de travail. Un autre 17.2% ont procédé soit à des mises à pied ou au non remplacement de ceux qui ont quitté.

Au Québec, ce phénomène prend une ampleur particulière du fait du grand nombre de petits commerces.

(13.3) Le secteur manufacturier

Le phénomène dans le secteur de la fabrication est semblable, sinon plus aigu encore que celui du commerce. L'examen des structures actuelles des salaires, de la productivité et de la valeur ajoutée par établissement nous l'a démontré plus haut.

(1) Les incidences d'une hausse du salaire minimum dans les secteurs à bas salaires et sur l'emploi en général — p. 42

(2) Idem.

(13.4) Conclusions à cette section

Ce chapitre était surtout destiné à faire saisir l'effet défavorable potentiel sur l'emploi des hausses du salaire minimum. Le projet de loi 126 ne propose pas, en soi, de telles hausses, mais plutôt une série de dispositions introduisant une rigidité dans le marché du travail qui se traduisent par des coûts directs à l'entreprise. Elle sera portée à utiliser les mêmes mécanismes de réduction des coûts que s'il s'agissait d'une hausse de salaire minimum.

Un autre élément doit être ajouté à cette discussion. Nous référant encore ici à l'étude de M. Baril, on note que celui-ci fait état qu'avant les années 70, les hausses de salaire minimum avaient moins d'effets négatifs du fait qu'ils se produisaient dans une période de forte croissance économique.1

Nous en concluons donc, pour les raisons invoquées, que le projet de loi 126 sur les normes de travail est inopportun.

(14)

En début du présent mémoire, la Chambre indiquait ne pas s'opposer en soi aux mesures ou normes de travail proposées par le projet de loi. Dans une conjoncture de haute croissance économique, elles nous apparaîtraient raisonnables. Il n'en va cependant pas de même pour les mécanismes d'application prévus par le projet de loi 126.

(15)

Ceci est particulièrement vrai de l'article 29 aux paragraphes d), e) et g), de l'article 38i), de l'article 45, de l'article 58, de l'article 70, l'article 72, l'article 83 et des articles 92, 93 et 94, pour ne citer que les plus importants.

(16)

L'ensemble de ces articles impose aux entreprises un poids et un coût administratif trop lourds et totalement incompatibles avec la volonté gouvernementale souventes fois exprimée de "dédouaner l'entreprise du fardeau administratif gouvernemental."

(17)

Notre position à ce fardeau administratif additionnel ne saurait être assez forte.

(18)

Revoyons un peu la teneur de ces articles.

(18.1)

L'article 29d), e) et g) rend obligatoire un système d'enregistrement ou registre très détaillé pour tout employeur professionnel, oblige ce dernier ou une catégorie de ceux-ci à lui transmettre un rapport écrit périodique et oblige l'employeur professionnel à donner un avis écrit dans les 10 jours suivant l'exploitation d'une entreprise.

Etant donné la définition d'employeur professionnel, ceci vise celui qui embauche une aide domestique, celui qui embauche habituellement la même personne pour le déneigement et l'entretien de sa propriété, même si c'est pour moins de trente heures par semaine. L'on peut facilement imaginer le monstre administratif à mettre en place car ce n'est pas tout d'adopter une loi, il faut aussi prévoir les personnes et les sommes nécessaires à son application. Pourtant, les dispositions du chapitre V sur les recours (art. 97 à 122) nous apparaissent suffisantes pour l'application de la loi.

(18.2)L'article 38i) place l'entreprise carrément à la merci d'opérations de chantage qui pourraient être menées par ou pour la Commission, surtout dans la partie de l'article qui déclare "et ce, malgré toute loi à ce contraire, une opposition ou renonciation expresse ou implicite du salarié et sans être tenue de justifier d'une cession de créance du salarié;"

(18.3)L'article 45 témoigne ici encore de l'incompréhension soit du gouvernement, soit des rédacteurs du projet de loi, de la réalité de l'entreprise québécoise, particulièrement de celle des milliers d'entreprises artisanales.

(1) Idem. "Par ailleurs, les différentes enquêtes ont montré que les effets négatifs d'une hausse du salaire minimum sont généralement faibles pour deux raisons principalement: les hausses du salaire minimum ont rarement été fortes et elles ont généralement pris place au cours de périodes d'expansion économique. Néanmoins les mesures de compensation et d'ajustement de la part des entreprises sont proportionnelles à l'augmentation des coûts salariaux surtout dans le cas des établissements de moyenne taille; en d'autres termes, les entreprises répondent au modèle classique dans une bonne mesure. Ce qui s'avère déterminant, c'est la possibilité pour l'entreprise de reporter ou non l'augmentation de coût au consommateur."

(18.4) L'article 58 institutionnalise la pause café sans parler de sa durée et sans indiquer qui détermine à quel moment elle est prise. Dans la fonction publique du Québec, par exemple, où la semaine consiste en 32,5 heures, une pause café quotidienne et rémunérée de 15 minutes constitue une perte de 3,5% de productivité. Sur une masse salariale de $5 milliards, cela représente $175 millions. D'ailleurs, le même problème se pose à l'article 78: qui détermine le choix entre la demi-heure rémunérée et l'heure non rémunérée? Le salarié ou l'employeur?

(18.5)Les articles 70 et 72 enlèvent toute latitude tant pour le salarié que pour l'employeur d'en venir à des ententes particulières. Voici donc deux scénarios possibles en réaction à ces dispositions: a) l'entreprise qui oeuvre dans un domaine où existent de fortes fluctuations cycliques déterminera que le congé annuel se prend au moment où ses activités sont à leur plus bas; b) l'entreprise décrète que tous les salariés prennent le congé annuel au même moment, limitant ainsi les possibilités d'emploi de surnuméraires et d'étudiants l'été.

Dans chacun des deux cas, les salariés et la population sont-ils mieux servis par les dispositions actuelles de la loi?

(18.6)A l'article 83, il n'est même pas possible à l'employeur d'indiquer s'il s'agit d'une mise à pied, d'un départ volontaire ou d'un congédiement. Et, il s'agit d'un deuxième certificat puisqu'il y en a déjà un de requis par l'assurance-chômage.

(18.7)L'article 92 limite le droit des parties à contracter. Ceci est particulièrement sérieux du fait que l'article 85 prévoit toute une série d'autres normes qui seront éventuellement établies par règlement.

(18.8) L'article 93 va beaucoup trop loin. Le seul fait qu'un sous-traitant, lui-même employeur professionnel, déroge à ses obligations sous la loi fait porter la responsabilité à un autre. C'est excessif en équité et en simple justice. Par ailleurs, quel pouvoir est donné au principal employeur pour s'assurer qu'un sous-entrepreneur, un sous-traitant ou encore un intermédiaire respecte la loi?

(18.9)La principale conséquence de l'article 94 sera de faire augmenter le nombre de faillites et des ventes en justice afin de se soustraire aux dispositions de la loi.

(18.10) Nous croyons avoir clairement souligné les coûts excessifs de l'application de la loi dans sa version actuelle.

(19)

Monsieur le Président, l'objet de notre mémoire sur le projet de loi sur les normes de travail était d'en démontrer l'inopportunité et le fardeau administratif excessif imposé à l'entreprise. La Chambre croit avoir fait cette démonstration et espère que le législateur en tiendra compte. Cependant, en conclusion, la Chambre veut mettre en garde les membres de cette Commission et tous les membres de l'Assemblée nationale contre un danger pressant qui les guette. Ce danger, pire encore que tout ce que nous avons évoqué, serait d'adopter ce projet ou un autre semblable et ensuite d'oublier d'y consacrer tous les efforts nécessaires à son application. Cela s'est malheureusement trop souvent produit par le passé.

C'est même pire que simplement conserver les dispositions actuellement en vigueur car, au lieu de simplement soulever l'opposition de groupes, tel le nôtre, cela détruit la crédibilité de l'Assemblée nationale et du gouvernement.

LA CHAMBRE DE COMMERCE DE LA PROVINCE DE QUÉBEC

Québec, ce 15 février 1979

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