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Projet de loi no 126
(Dix heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du travail et de la main-d'oeuvre se réunit pour
poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126,
Loi sur les normes du travail.
Les membres de la commission sont M. Bellernare, (Johnson),
remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Bisaillon (Sainte-Marie),
remplacé par M. Paquette (Rosemont), M. Chevrette (Joliette-Montcalm),
M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux
(Charlevoix), remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Pagé
(Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Samson
(Rouyn-Noranda) et M. Springate (Westmount).
M. Gendron: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Un instant.
M. Gendron: ... à la place de M. Gravel, il faudrait
inscrire M. François Gendron (Abitibi-Ouest).
Le Président (M. Marcoux): M. Gravel (Limoilou)
remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest).
Aujourd'hui nous entendrons les mémoires suivants...
M. Goulet: M. le Président, je demande le consentement de
la commission pour que, dès que M. Bellemare sera de retour cet
après-midi, il puisse reprendre son siège.
Le Président (M. Marcoux): De toute façon, cet
après-midi, ce sera la nouvelle liste. Aujourd'hui, nous entendrons les
organismes suivants: La Société nationale de l'Est du
Québec, la Chambre de commerce de la province de Québec,
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, la
Centrale des syndicats démocratiques et la Fédération des
femmes du Québec.
J'inviterais d'abord la Société nationale de l'Est du
Québec à venir nous présenter son mémoire. Pendant
que la société nationale s'approche, je vais exposer nos
règles du jeu habituelles. Nous consacrons environ une heure par
mémoire, soit une vingtaine de minutes pour la présentation du
mémoire et une quarantaine de minutes pour les échanges avec les
députés. Le responsable du groupe, M. Otis...
M. Otis: Oui.
Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez...
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, avant que
nos invités se présentent, compte tenu du fait que nous avons
cinq mémoires inscrits ce matin, que nous pourrons siéger
nous avons d'abord commencé avec une demi-heure de retard
jusqu'à midi trente et ensuite, si cela va bien, à 15 heures,
plus probablement 15 h 30 jusqu'à 18 heures...
Le Président (M. Marcoux): Cela fait quatre heures et
demie pour cinq mémoires.
M. Johnson: Quatre heures et demie pour cinq mémoires, ce
qui fait donc moins qu'une heure par mémoire. On pourrait
peut-être inviter la Société nationale l'Est du
Québec, comme la Chambre de commerce, qui est le prochain intervenant
à nous faire, si c'est possible, un sommaire de leur mémoire
plutôt qu'une lecture entière du mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Egalement, certaines personnes
m'ont prié de vous demander, autant que possible, de ne pas fumer;
sinon, nous ne pourrons pas respirer au bout d'un certain temps.
Si vous voulez nous présenter vos collègues.
Société nationale de l'Est du
Québec
M. Otis (Claude): A ma gauche, Mme Cécile Vignola,
à ma droite, M. Ghislain Jean et puis, à l'autre bout, M.
Perreault.
Le Président (M. Marcoux): Perreault.
M. Otis: M. Armand Perreault.
Le Président (M. Marcoux): Allez-y, vous pouvez y
aller.
M. Otis: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, la Société nationale de l'Est du
Québec, autrefois connue sous le nom de Société
Saint-Jean-Baptiste de Rimouski, compte quelque 33 700 membres regroupés
entre 64 unités paroissiales. Cette société recoupe cinq
comtés, à savoir: Matane, Matapédia, Rimouski,
Rivière-du-Loup et Témiscouata. Toutes les actions, les
interventions et prises de position de la Société nationale de
l'Est du Québec sont faites en vertu de l'objectif fondamental qui est
le suivant: la promotion de la nation québécoise sur les plans
social, culturel, économique et politique.
La démarche que nous faisons aujourd'hui n'est pas la
première du genre. Chaque fois que nous avons été
invités et que nous avons pu le faire, nous n'avons pas
hésité à prêter notre voix à ceux que nous
représentons.
Aujourd'hui, M. le Président, nous venons donner notre avis
concernant le projet de loi sur
les conditions minimales de travail. Issue d'une région
déjà défavorisée à bien des égards,
la Société nationale de l'Est du Québec compte pour la
majorité de ses membres les éléments les plus
démunis de la population gaspésienne, petits salariés,
travailleurs âgés, etc., ce qui fait que la quantité de
gens que nous représentons, leur situation économique
passablement pénible légitime hautement notre intervention et
notre présence ici. C'est pourquoi, même si nous nous
réjouissons dans l'ensemble sur le projet de loi no 126, nous nous
pensons bien placés pour y suggérer quelques correctifs.
M. le Président, je cède la parole à M. Ghislain
Jean, à qui le conseil d'administration de l'ASNEQ a confié le
mandat de former une équipe de rédaction. C'est son
mémoire que nous vous présentons à votre bienveillante
attention.
M. Jean (Ghislain): M. le Président, en matière de
conditions de travail, la Société nationale a constaté
déjà depuis longtemps qu'il est impossible d'obtenir des
progrès valables et durables en ne comptant que sur la bonne
volonté des citoyens, de telle sorte qu'il devient de plus en plus
évident que l'action individuelle ou de groupe ne peut donner de
résultats satisfaisants à moins que l'Etat n'assume sa
responsabilité particulière en matière de travail. C'est
pourquoi le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui veut,
d'une part, réaffirmer l'urgente nécessité de
légiférer en matière de normes de travail. L'argumentation
la plus importante pour nous, c'est que nous représentons 35 000 membres
dont une grande majorité est formée de travailleurs, de petits
salariés non couverts par des accréditations syndicales et trop
souvent victimes d'une absence de lois qui leur garantiraient un minimum
décent. Nous voulons aussi, dans ce mémoire, démontrer un
certain nombre de principes qui paraissent fondamentaux dans la discussion
d'une problématique du travail, analyser certains énoncés
du projet de loi et soumettre quelques suggestions afin d'effectuer un
redressement devenu urgent. (10 h 30)
Analysé dans une perspective d'ensemble, le projet de loi no 126
constitue une mesure sociale importante et souhaitée, pensons-nous,
parce qu'il corrigera des situations d'injustice qui frappent les plus
défavorisés des travailleurs, c'est-à-dire les
travailleurs non syndiqués et ils sont nombreux au Québec. Nous
devons constater que ce n'est pas par hasard que les travailleurs les plus
démunis et les plus défavorisés sont justement ces
travailleurs non syndiqués.
Nous avons voulu dans notre analyse du projet de loi poser un peu comme
postulat qu'il fallait d'abord songer à prendre les dispositions
nécessaires pour assurer la pénétration du syndicalisme
dans ces milieux de travail. Nous voulons profiter de la circonstance pour
faire remarquer aux autorités gouvernementales que c'est en facilitant
la pénétration du syndicalisme dans ces milieux de travail qu'on
trouvera, à toutes fins utiles, la solution globale des problèmes
que se propose de résoudre à la pièce le projet de loi no
126. Nous sommes profondément convaincus que, si le respect des droits
fondamentaux des travailleurs non syndiqués se trouvait assuré
par une convention collective au sens du Code du travail, si la promotion des
intérêts de ces travailleurs était garantie par une
organisation syndicale représentative des travailleurs, la loi 126 et
ses dispositions ne seraient peut-être pas nécessaires.
Bien sûr, en attendant une refonte du Code du travail qui viendra
concrétiser ce libre accès au syndicalisme pour tous les
travailleurs, nous souhaitons les meilleures normes minimales de travail. Les
considérations qui vont suivre voudraient reprendre un peu
différents passages du projet de loi no 126 en regard desquels nous
allons formuler, sans trop nous attacher au texte, un certain nombre de
représentations.
Quant au champ d'application, il nous est apparu que la loi 126 ne
s'appliquait pas aux travailleurs à temps partiel, c'est-à-dire
aux travailleurs qui font 30 heures et moins. Tout le monde connaît des
lacunes graves, en considération des abus qui sont parfois condamnables,
qu'on a parfois à vivre. Qui ne connaît pas de ces employeurs qui
se spécialisent dans l'engagement de travailleurs à temps partiel
et qui décrètent les conditions de travail qu'ils veulent
bien.
Au niveau de la Commission des normes du travail, il y a l'article 8,
qui stipule que les membres de la Commission des normes du travail, au nombre
de sept, sont nommés par le gouvernement après consultation des
milieux les plus représentatifs des salariés et des
employeurs.
Au préalable, nous osons croire que cette consultation sera
véritablement une consultation et que les résultats seront
considérés autrement que comme une vague indication des choix
à faire. Nous voudrions que les membres de la commission soient choisis
non pas en reconnaissance des services rendus au gouvernement, mais bien en
fonction de leur compétence et de leurs qualités
d'administrateur. A défaut de quoi, la nomination des membres de la
commission serait une occasion de patronage qu'il faudrait dénoncer.
Dès l'adoption de ce projet de loi, la Commission des normes du
travail verra à ce que les règlements visés par l'article
29 soient promulgués. Nous voudrions insister pour que la promulgation
de ces règlements respecte l'esprit et la lettre des paragraphes d)
à h) de l'article 29, sans quoi l'économie générale
de la loi 126 serait galvaudée. Quant aux normes de travail,
particulièrement relativement à la question salariale, nous
formulons une modification à l'article 48, où nous
suggérons de modifier le libellé de l'article afin d'obliger
l'employeur à effectuer une retenue demandée par le
salarié lorsque cette retenue concerne une adhésion à un
plan privé d'épargne-retraire. On sait qu'il s'agit là
d'une forme d'épargne qui est de plus en plus populaire et qui est aussi
de plus en plus accessible aux travailleurs.
Concernant les jours fériés, chômés et
payés, nous voudrions un élargissement de l'article 59 afin que
soient considérés comme fériés et chô-
mes les jours suivants, en plus du 24 juin, de Noël et du Jour de
l'an, le Vendredi saint, le lundi de Pâques, la Fête des
travailleurs, c'est-à-dire le 1er mai, la Fête du travail et la
Fête de l'Action de grâces.
Quant aux congés annuels payés, nous voyons, dans le
projet de loi 126, une nette amélioration, dans le sens que,
dorénavant, les travailleurs auront effectivement droit à des
vacances et non pas nécessairement droit à 4% du salaire
gagné. Dorénavant, il sera interdit à l'employeur de
remplacer le congé annuel par une indemnité compensatrice, et
l'indemnité afférente au congé annuel sera le plus
élevé des montants suivants, c'est-à-dire le salaire
correspondant à deux semaines normales de travail ou 4% du salaire brut
de l'année pour le salarié qui a droit à deux semaines de
vacances; pour celui qui a droit à trois semaines de vacances, il
recevra soit le salaire correspondant à trois semaines normales de
travail, soit 6% du salaire brut de l'année de
référence.
Cependant c'est là une représentation que nous
jugeons importante nous trouvons vraiment disproportionné qu'il
faille attendre d'avoir dix ans de service pour mériter trois semaines
de vacances comme le stipule l'article 68. Nous trouvons indécent qu'un
salarié ne puisse connaître la période de son congé
annuel avant deux semaines. Nous pensons qu'il y a là un
élargissement souhaité et souhaitable, qu'on signifie à
l'employé dans une période qui soit plus longue que deux semaines
la date de son congé.
Comme la loi 126 est une mise à jour aussi des normes minimales
de travail et une adaptation de ces normes à la société
contemporaine, nous suggérons que l'article 68 soit amendé afin
de permettre trois semaines de congé annuel à l'employé
qui a cinq ans de service continu. L'article 71 devrait être
modifié j'en ai fait allusion il y a un instant dans le
sens que le salarié puisse connaître la période de ses
vacances au moins six semaines à l'avance.
Quant aux repos et aux congés divers, M. le Président,
nous souhaitons aussi un élargissement des dispositions de la loi. Si on
réfléchit un instant aux implications personnelles
évidentes et au contexte social qui entoure les événements
à incidence sociale, décès, mariage, il est incontestable
que l'article 79 ne constitue même pas une norme minimale de travail et
qu'il doit être reformulé afin de le rendre compatible à la
réalité vécue par le travailleur. Dans ce sens-là,
nous suggérons ceci. Pour le décès du conjoint, nous
réclamons la possibilité de s'absenter du travail pendant trois
jours, sans réduction de salaire, auxquels on peut ajouter une absence
de trois autres jours avec réduction de salaire. Pour le mariage d'un
enfant, la naissance ou l'adoption d'un enfant, nous réclamons une
journée sans réduction de salaire à laquelle peut
s'ajouter dans le cas du mariage d'un enfant, une journée sans
rémunération. Dans le cas de la naissance ou l'adoption d'un
enfant, deux journées sans rémunération.
Concernant le préavis pour le licenciement, notre position est
claire. En cas de licenciement, il doit toujours y avoir un préavis,
quelles que soient les raisons, et nous concevons qu'il peut y avoir des
raisons pour des licenciements.
Le projet de loi 126 stipule aussi qu'un certain nombre de
règlements seront établis par le gouvernement. Nos
considérations vis-à-vis de ces règlements se sont
arrêtées au congé de maternité. Substantiellement,
nous voulons dire devant vous, M. le Président, que la maternité
est un acte éminement social et qu'effectivement elle ne doit pas
être vue comme un événement fortuit punissable soit de
congédiement ou de perte de travail. Nous voulons inviter les
autorités à poursuivre de l'avant le mouvement qui semble
amorcé. Actuellement, le contexte peut se résumer un petit peu
dans les perspectives suivantes: congé de maternité de 18
semaines, 15 semaines d'assurance-chômage, les trois autres semaines
étant couvertes si on veut par une allocation de
maternité de $240. Nous voulons inviter les autorités
gouvernementales à poursuivre le travail dans ce sens-là parce
que ces dispositions ne peuvent pas être considérées comme
assurant un véritable congé de maternité, quoique nous
constatons effectivement qu'il s'agit d'un pas valable et tout à fait
intéressant. Donc, il y a encore du travail à faire à ce
niveau-là.
Quant au recours, M. le Président, c'est une disposition qui nous
apparaît importante. Il est bien dit dans la loi que l'employeur ne peut
pas congédier, suspendre ou déplacer un salarié qui fait
appliquer les dispositions de la loi. Nous en convenons facilement. Il faudrait
toutefois être bien au fait que les représailles peuvent s'exercer
sous des formes moins évidentes, mais de façon tout aussi
réelle et pernicieuse. Nous pensons ici à certaines formes de
harcèlement physique ou moral, certaines formes de pression ou de
chantage contre lesquelles le salarié ne pourrait pas réagir,
faute de dispositions incidentes. Notre perception du projet de loi 126 ne nous
permet pas de dire que ces formes de répression morale pourraient
être contrées par l'une ou l'autre des dispositions de la loi.
Quant aux infractions et aux peines prévues dans la loi comme
telle, M. le Président, nous pensons qu'il faut renforcer
considérablement les dispositions qui sont là. En parcourant le
mémoire, on peut constater que nous qualifions d'amendes "à l'eau
de rose" les amendes qui sont prévues comme telles dans le projet de
loi. Il faut bien le dire: ce sont des amendes "à l'eau de rose'' qui ne
peuvent pas dissuader les employeurs à la conscience lâche, chez
qui l'attrait de profits vite faits prime de beaucoup sur le respect des normes
minimales de travail.
Nous demandons au gouvernement de majorer substantiellement les montants
des amendes prévues afin que la gestion et l'application de la loi 126
ne soient pas un chasse-croisé dont les frais seraient finalement
assumés par les petits salariés. Un réajustement dans ce
sens s'impose si nous ne voulons pas nous retrouver en face d'une loi dont
les dispositions resteraient lettre morte parce que non
appliquées.
En conclusion et vous constatez, M. le Président, que
c'est un peu à vol d'oiseau, cet aperçu rapide nous
voudrions rappeler que le travail non seulement n'est pas un privilège,
comme on l'a trop longtemps perçu, mais un droit fondamental pour chaque
individu dans la société. Les lois du travail,
imprégnées de ce principe, doivent respecter les ressources
humaines que sont les travailleurs.
Si la Société nationale de l'Est du Québec a tenu
à participer au débat sur le projet de loi no 126, c'est qu'elle
est convaincue, que les travailleurs québécois en
général et ses membres en particulier ont des droits à
faire valoir et des besoins à satisfaire: le droit d'être
protégés contre l'exploitation, le droit de travailler dans de
bonnes conditions d'hygiène, de sécurité et de
santé, le droit à un congé de maternité
rémunéré pour les travailleuses, le droit à
l'intégration de l'éducation permanente dans le travail,
c'est-à-dire amélioration des qualifications techniques,
congés à des fins éducatives, etc., le droit de collaborer
au développement économique et social et le droit de participer
à l'enrichissement collectif.
En terminant, M. le Président, nous voudrions féliciter le
gouvernement pour le geste concret que constitue le projet de loi no 126 dans
le sens de l'amélioration des conditions de travail de 1 500 000
travailleurs et, par voie de conséquence, nous pensons que le projet de
loi no 126 est susceptible d'assurer une forme de progrès social auquel
nous souscrivons d'emblée. Voilà donc, résumé assez
rapidement, le contenu de notre mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole
au ministre, je proposerais aux membres de la commission de remplacer le
député de Portneuf, M. Pagé, par le député
de L'Acadie, Mme Thérèse Lavoie-Roux.
Des Voix: C'est un plaisir.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement?
Je ne voulais pas semer le trouble par cette recommandation. M. le ministre.
Elle semble revenir en forme; elle était grippée la semaine
passée.
Mme Lavoie-Roux: Oui, j'ai eu des bonnes recommandations. J'avais
un bon médecin.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez un bon
médecin. M. le ministre.
Mme Lavoie-Roux: Il m'a donné congé.
M. Johnson: Messieurs et madame, je vous remercie de votre
mémoire. D'abord, je remarque avec intérêt et avec plaisir
que c'est le seul des mémoires qui nous provient d'une
société nationale. C'est sans doute, comme vous le souligniez
d'ailleurs avec insistance à deux reprises, que vous représentez
quand même 35 000 personnes dans le Bas-Saint-Laurent, ce qui fait de
vous sûrement un groupement qui ne doit pas être loin de
l'importance du Centre des dirigeants d'entreprises ou de la Chambre de
commerce dans votre région. D'abord, il y a quelques-unes des remarques
que vous nous faites, par exemple, au sujet des congés, lundi de
Pâques, Vendredi saint, Action de grâces, etc. On essaie de tenir
compte quand seraient ces jours si on devait procéder à plus de
jours de congé. Une des contraintes qu'on a, avec la loi 126, comme j'ai
eu l'occasion de l'expliquer, c'est en même temps d'imposer à
l'ensemble des entreprises au Québec et simultanément une
série de conditions qui ont évidemment des conséquences
financières d'importance, si on les prend globablement. (10 h 45)
Je suis d'accord avec vous, on va progressivement sans doute se diriger
dans le cadre des conditions minimales vers un nombre de jours de congé
payés beaucoup plus important que les quatre qu'on y retrouve en
incluant la fête nationale du 24 juin. C'est une question
d'étalement dans le temps. Sur d'autres questions, par exemple, je
retiens bien votre suggestion au sujet de l'avis pour les vacances. C'est la
première fois qu'il nous est souligné dans un mémoire.
C'est vrai que savoir deux semaines d'avance la date de ses vacances, c'est
peut-être un petit peu ennuyeux. Il faudrait peut-être s'organiser
pour que ce soit autrement. Je pense qu'on peut tenir compte de ce type de
remarque.
Sur une question qui rn'apparaît beaucoup plus fondamentale
à vos yeux, mais je ne pense pas qu'on puisse y répondre de
façon positive en ce moment, vous suggérez que l'employeur soit
obligé d'effectuer une retenue, si le salarié le demande et que
cela concerne un plan d'épargne-retraite ou tout autre plan
d'épargne personnel.
Ce type de contrainte, cela n'existe pour le moment nulle part ailleurs
que dans le cadre des dispositions d'assurance-chômage, des dispositions
de l'impôt, évidemment, la retenue à la source,
c'est-à-dire, tout ce qui est relié finalement à ce qui
est imposable ou à ce qui est public. D'accord, régime de rentes,
assurance-maladie, etc. Votre suggestion ne manque pas d'intérêt,
sauf que, concrètement, si ces plans étaient des plans publics
ou, par exemple, une augmentation de participation à la Régie des
rentes, je ne verrais pas d'objection. Mais vous parlez vraiment d'imposer aux
employeurs une obligation à l'égard d'une retenue, et il y a
tellement de plans différents, il y a tellement de sources
différentes, il y a tellement de critères différents, que
je vois cela non pas comme un empêchement majeur, mais une
difficulté considérable que d'imposer cette obligation aux
employeurs.
De façon générale, au-delà de ces questions
que vous avez soulevées, je reviens sur une chose qui est centrale dans
tout cela et, après cela, je vais vous poser une question. D'abord,
c'est le libre accès au syndicalisme. C'est bien clair que cette loi ne
prétend pas remplacer la valeur de ce
qu'est la syndicalisation comme mode d'obtention de conditions
adéquates pour les travailleurs. Je dois vous dire que,
parallèlement, le gouvernement continue ses travaux et ses études
dans le but d'aboutir à des choses très précises dans un
avenir prochain.
Ma dernière question touchera les amendes. Je vous ai
trouvés très sévères sur les amendes "à
l'eau de rose". La Loi de la Commission du salaire minimum prévoit des
amendes de l'ordre de $20, $25 et $10 je pense, pour des infractions. Nous
passons de $200 à $3000 puis vous trouvez que c'est "de l'eau de rose"!
Je trouvais qu'on avait fait un pas en avant assez important en
décuplant, et même plus, les amendes. Il me semble que de $200
à $3000 c'est quand même ce qu'on retrouve à peu
près dans la plupart des lois statutaires récentes comme type
d'amendes.
L'autre chose, c'est pour vous dire que c'est vrai qu'il y a
peut-être des pressions morales, etc., ou une coercition morale voire
physique, dites-vous, qu'un employeur peut exercer sur un salarié parce
qu'il s'est plaint. Mais, qu'est-ce que vous voulez, la loi ne remplacera
jamais la nature humaine. Je voudrais bien que par la loi on précise que
les employeurs sont dorénavant des êtres vertueux. Mais ce n'est
pas possible de faire cela par une loi, parce que les employeurs sont des
êtres humains aussi.
Je pense que, par contre, l'ensemble de la protection qui est
accordée dans la loi sur l'emploi, c'est déjà
considérable. Cela va être avec des amendes importantes,
même si vous ne les jugez pas importantes, on peut peut-être revoir
cela, on se trompe peut-être. Cela va être vraiment des incitations
considérables pour que les employeurs respectent la loi, en tout cas,
plus que cela ne l'est actuellement.
Oui, je vous en prie.
M. Jean: M. le Président, M. le ministre, je ferais
quelques commentaires, suite aux remarques, concernant d'abord les recours. Je
ne parle pas pour l'instant d'un mandat, mais des possibilités pour le
travailleur d'assurer la pleine application des dispositions de la loi à
sa condition comme telle. Dans la loi, on interdit la question de
congédiement, enfin des représailles facilement constatables. Ce
sur quoi nous nous sommes interrogés, c'est la forme de
représailles qui peut être exercée d'une façon un
peu plus subtile. Nous n'avons pas vu dans la loi de ces dispositions, cet
esprit sans que ce soit nécessairement la lettre qui
interdirait à toutes fins utiles, les représailles de
l'employeur, à l'endroit de travailleurs qui ferait appliquer à
sa condition personnelle, des dispositions de la loi.
Quant à nous, nous avons compris qu'il y avait là
éventuellement un vide. Nous sommes foncièrement conscients,
comme vous le dites, M. le ministre, qu'à ce niveau, nous sommes, ce
qu'on peut appeler, le niveau humain, et ce n'est pas toujours facilement
contrôlable.
Quant aux amendes, vous aurez compris, M. le ministre, qu'il s'agissait
dans notre esprit des amendes en vertu de la première infraction. Ce
n'est pas dit malheureusement comme tel dans notre mémoire, mais il
s'agit des amendes relatives aux premières infractions.
Quant à l'obligation pour un employeur de relever à la
source les cotisations aux fins d'un régime d'épargne retraite,
c'est sûr qu'il s'agit là, éventuellement, d'une
disposition ou d'une obligation administrative supplémentaire pour un
employeur, compte tenu du fait que ces plans d'épargne-retraite sont
devenus aujourd'hui un phénomène social et économique
très répandu, à peu près toutes les institutions
financières offrant des plans d'épargne-retraite. De plus en
plus, le travailleur dirige ses économies vers cette modalité,
à savoir le plan d'épargne-retraite. Pour un travailleur, cela
peut être en soi incitatif à une certaine forme d'économie
si la cotisation est perçue à la source même par
l'employeur, tout en étant conscient, évidemment, qu'il s'agit
d'une démarche administrative supplémentaire de la part de
l'employeur.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord remercier la
société nationale pour son mémoire. Je pense que c'est un
mémoire pondéré qui montre vraiment un souci
d'améliorer le projet de loi. Si vous avez suivi les débats ou au
moins les reportages des journaux, je pense que vous pouvez peut-être
être déjà rassurés à savoir que le projet de
loi lui-même ne rencontre pas d'opposition très forte. C'est
vraiment sur certaines modalités que les gens se posent des questions.
Vous faites des recommandations qui, je pense, sont de la même nature que
celles qu'un certain nombre d'autres organismes ont faites, par exemple, quant
à ce qui touche une plus grande libéralité en regard des
jours fériés accordés, des trois semaines de vacances
après 5 ans plutôt que 10 ans; vous avez également des
remarques sur le congé de maternité auxquelles je souscris
totalement. J'espère que d'ici la fin des audiences le ministre va
être convaincu que c'était vraiment un tout petit premier pas que
d'introduire par une ordonnance de la Loi du salaire minimum, un congé
de maternité qui laisse de côté un grand nombre de
personnes.
Il est surtout très intéressant de voir je me
permets cet aparté le ministre de la Fonction publique qui, avec
grand déploiement comme le gouvernement sait le faire nous
dit qu'il va encourager le travail à temps partiel pour les femmes parce
que cela répond à un besoin des femmes. Pourtant, on a fait un
grand débat pour que les femmes qui travaillent à temps partiel
soient incluses dans l'ordonnance qui prévoit l'application du
congé de maternité. Je pense qu'il y a encore beaucoup de chemin
à faire de ce côté-là.
M. Johnson: Elles le sont.
Mme Lavoie-Roux: Les femmes qui travaillent à temps
partiel? Elles le sont?
M. Johnson: En vertu de l'ordonnance, elles le sont.
Mme La voie-Roux: Elles le sont. Est-ce qu'elles l'étaient
la première fois?
M. Johnson: Peut-être que dans un des avant-projets elles
ne l'ont pas été, ou peut-être quelqu'un a-t-il
évoqué cela, mais elles sont couvertes par l'ordonnance.
Mme La voie-Roux: Elles le sont, tant mieux. Je retire ce que
j'ai dit. Cela montre un peu plus de cohérence.
M. Johnson: Vous voyez, quand vous nous montrez les choses
sereinement, on réagit tout de suite.
Mme Lavoie-Roux: Oui, il n'y a aucun doute ià-dessus.
M. Johnson: Vous devriez être critique des relations de
travail pour votre parti, je pense que cela irait bien plus vite.
Mme Lavoie-Roux: Je ne prends pas nécessairement
cela...
M. Chevrette: Vous avez une grande qualité; au moins, vous
retirez ce que vous dites quand ce n'est pas vrai. Il y en a qui vous
remplacent parfois et qui ne retirent rien.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas quelque chose qui
n'était pas vrai, ce que je disais...
M. Chevrette: C'est de même qu'on vous aime.
Mme Lavoie-Roux: ... c'était quelque chose d'inexact. Je
pense qu'il faut faire la différence entre les deux. A mon point de vue,
il y en a une parce que l'une provient de l'ignorance, tandis que l'autre
provient d'un désir de fausser la vérité!
M. Chevrette: Ni l'un ni l'autre n'est flatteur!
Mme Lavoie-Roux: L'ignorance peut être excusable en
certaines circonstances. Il faut l'admettre.
M. Chevrette: Cela dépend. Pas l'ignorance crasse.
Mme Lavoie-Roux: Mais, à tout événement, je
voulais vous poser une question au sujet de l'article 82 où vous dites
que, dans aucun cas, il ne devrait y avoir absence de préavis dans un
cas de congédiement. Ne trouvez-vous pas qu'il peut y avoir des
circonstances où, pour l'intérêt public, on puisse agir
je pense que cela doit être des circonstances tout à fait
exceptionnelles sans un préavis? J'ai connu des circonstances
comme cela dans le secteur public, où il y avait des fraudes graves et
où, justement, il fallait agir immédiatement et non pas donner un
préavis. Quelle serait la durée de ce préavis dans des
circonstances exceptionnelles, selon vous?
M. Jean: Nous n'avons aucune espèce de
considération à faire autour de la durée comme telle du
préavis. C'est plus une question de principe que de modalité
d'application pratique. A la lumière de l'analyse que nous avons faite
du texte de loi et de l'ensemble des dispositions confrontés avec le
milieu de travail tel que nous le percevons, nous disons qu'un licenciement est
toujours quelque chose de très important dans la vie d'un travailleur,
au-delà des raisons qui peuvent motiver ou pas le licenciement. Sans,
encore une fois, parler de longueur de préavis, nous voudrions poser le
principe qu'il ne se fait pas de licenciement sans préavis. Cela nous
apparaît un principe applicable à peu près à toutes
les situations possibles et imaginables. Notre point de départ est
toujours l'importance que constitue en soi un licenciement pour un travailleur
qui, du jour au lendemain, d'une heure à l'autre, se trouve sans
emploi.
Mme Lavoie-Roux: Mais ne pensez-vous pas que, même dans un
cas de congédiement sans préavis, supposément à
causes de circonstances graves, il y a quand même un droit de recours?
C'est l'employeur qui devrait prouver, à ce moment-là, que c'est
vraiment pour une raison grave qu'on a procédé de cette
façon. Dans ce sens-là, l'employé se trouve quand
même protégé. Ce que je crains, c'est qu'il n'y ait
peut-être des circonstances c'est absolument exceptionnel, je me
souviens d'une où il faudrait agir de cette façon. Ce sera
au gouvernement de décider, mais je me dis qu'une rigidité
absolue n'est peut-être pas dans le meilleur intérêt du
public. (11 heures)
Quant aux autres recommandations que vous faites sur le plus grand
nombre de congés fériés et sur d'autres mesures qui
seraient un peu plus libérales, j'aimerais que le ministre se rappelle
qu'il a dit que, quand on lui parle de bonne foi je ne sais pas quels
sont les termes qu'il a utilisés il est prêt à
écouter. Il a dit tout à l'heure que ce serait un
étalement dans le temps, qu'il fallait être un peu plus
généreux, qu'il fallait commencer peut-être seulement avec
le Jour de l'An, le jour de Noël et la fête nationale, mais
peut-être que les paiements pourraient être un peu plus
rétrécis et que, dès le départ, on pourrait
être un peu plus large. Si on compare le nombre de jours accordés
ici ou qu'on prévoit accorder ici aux tableaux qui nous ont
été présentés dans un grand nombre d'autres
provinces, cela semble vraiment un minimum. Je suis un peu déçue
que le ministre ait laissé entendre, en dépit de toutes les
recommandations qui ont été faites dans ce sens par de nombreux
organismes il y en a qui sont peut-être allés trop
largement, je suis d'accord mais la plupart ont quand même
été modérés dans ces observations
et il ne semble pas en tout cas, d'après ce qu'il nous a
dit tout à l'heure vouloir jouer beaucoup là-dessus. Je
n'ai pas d'autre question et je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Je tiens
également à féliciter au nom de l'Union Nationale les
membres de la Société nationale pour la préparation et la
présentation de ce mémoire. Vous parlez de 35 000 membres dans
votre région, des membres que vous défendez. Y a-t-il des
agriculteurs, des travailleurs agricoles ou des employés agricoles
je ne sais pas comment vous les appelez parmi ces
membres-là?
M. Otis: II y en a d'à peu près toutes les
catégories de travailleurs, de commerces, de petites industries
agricoles.
M. Goulet: Oui, mais des travailleurs de la ferme, il peut y en
avoir combien, à peu près, chez vous, parmi les 35 000 membres? A
peu près? Je veux dire 2000, 8000, 500? Avez-vous des chiffres?
M. Otis: C'est très minoritaire. Je penserais même
que c'est en bas de 500.
M. Goulet: En bas de 500?
M. Otis: Oui.
M. Goulet: C'est parce qu'il y a un...
M. Chevrette: II ne semble pas...
M. Goulet: Non, pas du tout. Il y a un organisme qui
défend les agriculteurs qui est venu nous dire la semaine
dernière... Les membres qui représentaient cet organisme sont
venus nous dire que les travailleurs agricoles, en grande partie, ne devraient
pas être soumis à la loi 126. Etes-vous d'accord avec ce principe?
Cela a surpris un peu tout le monde ici. On veut savoir si vous êtes
d'accord avec cela.
M. Jean: Lors du processus d'élaboration du
mémoire, la question s'est posée. Il faut que je vous dise que la
perception que nous avions ne nous permettait pas de faire le départage
entre le nombre de nos membres à qui les dispositions de la loi
pourraient s'appliquer et ceux à qui les dispositions de la loi ne
s'appliqueraient pas. Je vois, par exemple, à l'article 3 paragraphe a):
"Un salarié employé à l'exploitation d'une ferme mise en
valeur pour une personne physique..." De telle sorte qu'à la suite de
l'évaluation que nous avons faite, nous n'avons pas cru bon de faire des
représentations spécifiques à l'endroit de ces
travailleurs pour la raison que nos membres qui pourraient
éventuellement être couverts par cette disposition sont
très minoritaires. Je dois vous avouer comme cela que nous n'avons pas
comme telle de position de principe sur cette question. Nous ne pouvons pas
vous dire comme société que nous sommes d'accord ou que nous ne
sommes pas d'accord. Il nous est difficile de mesurer toutes les implications
parce que nous percevons peut-être que l'application rigoureuse de la loi
126 au travailleur employé à l'exploitation d'une ferme pourrait
éventuellement provoquer certaines difficultés en termes
d'administration des fermes. Mais nos cogitations ne vont pas plus loin que
cela. Elles sont très floues, je dois vous le dire, M. le
député.
M. Goulet: Vous êtes en principe favorable à ce
qu'ils soient protégés, vous croyez qu'ils devraient être
protégés. Un travailleur, qu'il soit sur la ferme ou ailleurs,
devrait être protégé.
M. Jean: Oui, en vertu... M. Goulet: D'accord.
M. Jean:... même des principes que nous posons en
conclusion de notre mémoire, à savoir que le travail est un droit
et toute législation de travail doit s'inspirer de ce principe qui
respecte les travailleurs.
M. Goulet: D'accord. Vous dites à un moment donné
dans votre mémoire je ne me souviens pas à quelle page
que si on pouvait faciliter la pénétration du
syndicalisme, ce serait la solution. Avec tout ce qui s'est pagsé, tous
les chambardements, avez-vous d'autres suggestions concrètes à
savoir qu'on pourrait davantage faciliter le syndicalisme au Québec, ou
ne trouvez-vous pas qu'à l'heure où on se parle, je pense qu'on a
assez de facilité... En tout cas, peut-être pas, mais avec les
nouvelles mesures qui ont été apportées, c'est plus facile
que c'était. Mais là, vous dites: "Faciliter la
pénétration du syndicalisme, ce serait la solution." Mais que
proposez-vous pour faciliter la pénétration du syndicalisme?
M. Jean: Cette recommandation concerne particulièrement
les petites entreprises de cinq ou de dix travailleurs. Ce sont habituellement
des entreprises où le personnel n'est pas syndiqué. Il y aura,
éventuellement nous le disons expressément dans notre
mémoire des modifications au Code du travail qui pourraient
faciliter davantage. Maintenant, il faut dire ici que nous considérons
que tous les grands intervenants socio-économiques ont des
responsabilités dans ce sens-là. Parmi les intervenants
socio-économiques, nous incluons évidemment le gouvernement,
l'appareil gouvernemental; nous incluons le patronat et aussi des centrales
syndicales. Une analyse très poussée de la situation pourrait
démontrer des conclusions peut-être un peu difficiles à ce
niveau-là: des travailleurs qui sont laissés pour compte pour
différentes raisons et qui, éventuellement, ne
bénéficieront pas des profits d'une véritable
représentation syndicale. Le problème, c'est que ces
gens-là sont souvent sans voix et laissés pour compte.
Quant aux modalités, quant à une façon de les
articuler, nous n'avons pas poussé nos investigations à ce
niveau-là.
M. Goulet: Or, je me permets de vous souligner bien humblement
qu'au niveau des amendes encore plus sévères, personnellement je
ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous dites dans le
mémoire. Je pense que, avec les amendements qui vont être
apportés, cela va être assez sévère. Egalement,
j'aimerais que M. le ministre puisse peut-être réagir cela
m'a étonné qu'il ne réagisse pas lorsque vous
mettez en doute la nomination des membres de la commission. Vous semblez
souligner cela et le mettre en doute. Je ne comprends pas que personne n'ait
réagi à ce sujet.
Une dernière question. Lorsque vous parlez de préavis de
licenciement, vous ne donnez pas de nombre de jours ou d'heures. D'après
vous, qu'est-ce qu'un préavis raisonnable? Est-ce une semaine? Est-ce 24
heures, 48 heures? C'est combien de temps?
M. Jean: Je me vois dans l'obligation de formuler un peu la
même réponse que celle que j'ai formulée
précédemment. Nous n'avons pas fait d'investigation pour
connaître la longueur d'un préavis. Nous voulons d'abord poser le
principe et surtout nous voulons commander une discussion autour de ce
principe, quitte à ce que, dans la pratique, on articule des
délais possibles.
M. Goulet: Mais un délai raisonnable pour vous, est-ce une
semaine ou un mois? Qu'est-ce qu'un délai raisonnable pour un
père de famille qui doit être licencié le vendredi soir,
par exemple?
M. Jean: Cela serait bien suggestif si je répondais
à votre question.
M. Goulet: Bien, parce que quand on propose quelque chose,
j'aimerais savoir... A un moment donné, il faut amorcer une
discussion.
M. Jean: Oui, mais le problème que nous avons voulu poser,
c'est le problème du principe comme tel.
M. Goulet: D'accord. Vous ne voulez pas...
M. Jean: Lorsque le débat aura été fait
autour du principe, cela sera possible d'accoler des longueurs de délais
possibles.
M. Goulet: M. le Président, en terminant, si vous me le
permettez. J'ai pris connaissance des trois objectifs de votre
société. Quant au troisième, j'aimerais savoir si vous
êtes intervenu sur le projet de loi 116 et, sinon, j'aurais aimé
que vous interveniez pour défendre le troisième principe de votre
société. Voilà, M. le Président, les propos et
commentaires que j'avais sur ce mémoire.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je ne sais pas si le
ministre veut répondre à la question du député de
Bellechasse, mais je dois simplement dire que, dans le bon vieux temps de
l'Union Nationale, je ne pense pas que beaucoup de partisans de l'Union
Nationale se seraient présentés pour réclamer qu'on ne
choisisse pas les membres d'organismes publics parmi les partisans du
gouvernement parce que, dans le temps, ce n'était que cela.
M. Goulet: M. le Président, il nous parle de choses
archaïques. Cela fait 20 et 25 ans.
M. Paquette: Non, mais je...
M. Goulet: Parlez donc de ce qui se passe depuis deux ans.
M. Paquette: Non, mais simplement je veux...
M. Goulet: C'est à vous qu'il s'est adressé, au
gouvernement, pas à l'Union Nationale.
M. Paquette: M. le Président, je ne veux pas entreprendre
un débat là-dessus.
M. Goulet: C'est vous qui entreprenez le débat.
M. Paquette: C'est vous qui avez lancé la question. Je
voudrais simplement dire que...
M. Goulet: Je vous ai demandé si cela prenait la carte de
membre du Parti québécois pour être membre de la
commission.
M. Johnson: Mais non, mais non. M. Goulet: C'est lui dire
oui ou non.
M. Paquette: Justement, M. le Président, ce que je veux
tout simplement affirmer, c'est que dans toutes les réunions des
militants et dans tous les congrès, on se rappelle mutuellement la
nécessité de ne pas nommer aux organismes publics des personnes
sur la base de leur adhésion partisane. Alors, cela ne m'a pas du tout
surpris...
M. Goulet: C'est parfait.
M. Paquette: ... qu'une société nationale vienne
nous dire la même chose.
Mme Lavoie-Roux: Une chance qu'on a des résolutions dans
ce sens-là.
M. Goulet: ... résolutions.
Mme Lavoie-Roux: S'il fallait qu'il n'y ait pas de
résolution du programme.
M. Paquette: La question que j'allais poser aux membres de la
Société nationale de l'Est du Québec concerne le principe
de l'accès à la syndicalisation. Je pense qu'on partage les
mêmes idées à ce sujet. Quand on voit le projet de loi
126,
il s'agit vraiment d'une espèce de convention collective minimale
qu'aucun syndicat, même un syndicat de boutique, n'accepterait. C'est
vraiment un plancher minimum qui va assurer l'essentiel aux travailleurs qui ne
sont pas syndiqués. Donc, vous favorisez l'accès à la
syndicalisation.
Il y a une question que je me pose: Jusqu'à quel point, selon
vous, devrait-on aller au niveau de ce plancher? Devrait-on le fixer vraiment
au minimum ou un peu plus haut? Est-ce que le fixer plus haut, selon vous,
nuirait à l'accès au syndicalisme dans le sens que les gens
diraient: Comme on a l'essentiel par la loi, on ne se donnera pas d'outil
démocratique pour nous représenter et on n'aura pas besoin de
négocier avec l'employeur, tout cela nous sera garanti par la loi?
Quelle est votre réaction face à une telle opinion?
M. Jean: Nous pensons, en fait, que le projet de loi no 126
pour traduire un peu le sentiment que j'éprouve ne serait
pas nécessaire s'il y avait syndicalisation partout. Je ne sais pas si
cela répond à votre question mais c'est le concept que nous avons
à l'origine. Au-delà des difficultés, évidemment,
que cela peut représenter et au-delà du rôle ou de la
fonction des différents intervenants socio-économiques, comme
vous le dites, le projet de loi no 126 nous apparaît être
l'équivalent d'une convention collective qui pourrait,
éventuellement, être négociée.
Nous nous sommes interrogés. Pourquoi un projet de loi no 126?
C'est parce qu'il y a des travailleurs qui sont laissés peut-être
sans protection.
M. Paquette: Est-ce que vous pensez qu'en en mettant trop dans le
projet de loi no 126, cela pourrait nuire à la syndicalisation, dans le
sens que les travailleurs pourraient être amenés à se
reposer sur la loi plutôt qu'à négocier par eux-mêmes
leurs conditions de travail?
M. Jean: Nous ne le pensons pas. Nous ne pensons
sérieusement pas qu'une loi 126 qui stipulerait des dispositions
très larges pourrait, d'une façon ou d'une autre, provoquer cette
espèce de mouvement que vous décrivez, à savoir que les
gens renonceraient à la syndicalisation pour plutôt s'appuyer sur
la loi 126. Parce que le projet de loi no 126 nous apparaît toujours
comme étant la solution qui vient combler le malaise. Il y a malaise
parce qu'il n'y a pas syndicalisation généralisée. Mais,
honnêtement, nous ne le pensons pas.
M. Paquette: D'ailleurs, je ne voulais pas laisser entendre que
vos propositions rendaient le projet de loi no 126 tellement large. Je pense
que même dans votre esprit, c'est vraiment le minimum que vous proposez.
Je tiens à vous dire mon accord sur certaines des dispositions que vous
proposez.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Un seul point qui touche le point de vue du
député de Bellechasse. Quand vous parlez sur le principe
même de l'avis de licenciement, selon des secteurs, je prends l'exemple
des jeunes qui travaillent au cassage du tabac, qui seraient couverts par tout
le projet de loi no 116. S'il y avait avis obligatoire...
M. Goulet: No 126.
M. Chevrette: No 126. Je sais qu'il aime tellement que je lui
parle de la loi 116 que c'est rendu une phobie pour moi; quand je le vois
devant moi, j'ai sans cesse des souvenirs de la loi 116.
M. Goulet: Vous la regrettez, hein?
M. Chevrette: Non, c'est vous autres qui allez la regretter. Vous
parliez d'archaïsme tantôt; votre parti va devenir archaïque
avec votre position sur la loi 116.
M. Goulet: Vos principes changent avec les lois.
M. Chevrette: M. Jean, ne craignez-vous pas que le principe de
l'avis dans certains secteurs de travail ne devienne quelque chose d'emmerdant
même pour les gens qui y travaillent? Parce qu'on ne peut pas
prévoir... On peut dire: S'il fait beau, je peux travailler
jusqu'à 20 heures le soir et peut-être qu'au lieu de finir
vendredi, je vais finir mercredi midi, dans le cassage du tabac par
exemple.
On va prendre d'autres exemples. Mme le député de L'Acadie
parlait de situations graves. Il y a un feu, l'usine est détruite.
Qu'est-ce qui arrive? Il n'y a pas eu d'avis de licenciement mais, le lendemain
matin, il n'y a pas de travail. Il y a peut-être une série de
faits, au niveau de certains secteurs de travail et au niveau de certaines
situations, qui feraient que le principe même que vous mettez de l'avant
serait inapplicable. Auriez-vous des suggestions à faire quant à
l'application d'un tel principe? (11 h 15)
M. Jean: Nous comprenons qu'il y a effectivement licenciement
lorsque l'employeur va signifier à un travailleur que, pour
différentes raisons, il n'est plus admis à poursuivre son travail
dans l'usine ou la petite entreprise. Nous ne comprenons pas qu'il s'agisse de
licenciement lorsqu'il y a fermeture du lieu de travail comme tel. J'essayais
d'imaginer des situations concrètes au fur et à mesure que je
vous entendais intervenir. Si le travail prend fin dans un contexte
donné, évidemment il ne s'agit pas à ce moment de
licenciement. Si le travail est prévu pour se terminer, par exemple,
vendredi à 10 heures, à ce moment on ne peut pas dire qu'il y a
licenciement. Dans notre esprit, il y a licenciement lorsqu'un travailleur
donné ne peut plus fournir son travail à l'entreprise
donnée.
M. Chevrette: C'est parce que je voyais des difficultés.
Au Québec, il y a certains décrets qui
prévoient, par exemple, un avis de licenciement de deux jours. Si
la loi des conditions minimales prime, par exemple, quant aux délais
minimums à respecter... Prenons, par exemple, le décret de la
construction; si ma mémoire est fidèle, c'est 48 heures. Ce n'est
pas nécessairement la fermeture du chantier. Dans votre réponse,
vous dites, par exemple: Si le chantier ferme. Il peut y avoir dix journaliers
et on en a besoin de six à compter de la semaine prochaine. C'est une
diminution du travail. Ce n'était pas nécessairement la fermeture
du chantier. Qu'est-ce qui arriverait si on met cela d'une façon
standard et qu'on l'applique? Je comprends votre principe. Je ne suis pas en
désaccord sur le fond, mais au niveau de la définition même
peut-être de ce que c'est cette possibilité de licenciement,
peut-être qu'il y a lieu de bâtir quelque chose qui tiendrait
compte du principe même. Il faudrait prévoir, en tout cas, des
exceptions, des circonstances qui feraient que l'employeur ne serait pas mal
pris, non plus, avec des poursuites dues uniquement à une situation que
tout le monde admet dans les faits.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie la
Société nationale de l'Est du Québec de nous avoir
présenté son mémoire. A la prochaine.
J'inviterais maintenant la Chambre de commerce de la province de
Québec à venir nous présenter son mémoire.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Morin (Pierre): Mon nom est Pierre Morin; je suis directeur
général des affaires publiques de la chambre. Notre
délégation est dirigée ce matin par Mme Jocelyne Michaud,
membre de notre conseil d'administration. Je lui cède la parole.
Mme Michaud (Jocelyne): M. le Président, M. le ministre,
madame et messieurs les députés, je voudrais souligner
particulièrement que le conseil d'administration s'est longuement
penché sur le paramètre de présentation du mémoire
que vous allez entendre ce matin. Il est très rare que les
administrateurs de la chambre ont la chance de se prononcer avant que la
chambre présente des mémoires et celui-ci nous tenait
particulièrement à coeur. C'est pourquoi je voudrais souligner
qu'à peu près 28 représentants des chambres de commerce
régionales ou de comté ont eu à se pencher sur les
interventions que nous faisons sur le projet de loi no 126. Je cède
maintenant la parole à M. Morin. Merci.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je propose de
résumer mon mémoire à peu près en dix minutes.
Cependant, avant de ce faire, il y a une directive que nous aimerions obtenir
de la présidence concernant la présentation de mémoires en
général. Cette demande de directive nous vient parce qu'on a
constaté au cours des derniers mois que plusieurs organismes rendent
leurs mémoires publics longtemps avant de rencontrer la commis- sion
lorsque le mémoire est dirigé vers une commission parlementaire.
C'est une question qui, pour nous, est assez délicate puisque nous avons
toujours réservé notre première intervention pour le
législateur à qui est dirigé notre mémoire ou notre
intervention.
Dans le contexte, je dois vous avouer que cela nous chicote un peu du
simple fait que l'on voit régulièrement à trois ou quatre
reprises des gens qui se proposent de venir intervenir devant vous et on
retrouve leur position, on en fait état déjà depuis des
mois avant même qu'arrive le moment où cela doit se
présenter ou s'est présenté devant le législateur,
il me semble pas y avoir eu de questions soulevées à cet effet,
et on a cru opportun de soulever la question de façon à pouvoir
avoir quel comportement la commission ou les commissions s'attendent de ceux
qui viennent les rencontrer.
M. Johnson: Si vous me permettez, la question soulevée par
M. Morin, est une question qui a tout de même été
soulevée par un de ses collègues de la Chambre de commerce
récemment, à l'occasion de la rencontre de Montebello. C'est de
savoir si, oui ou non, on doit reconnaître qu'il y a une sorte de
privilège au Parlement d'entendre en premier un mémoire.
Concrètement, je sais que la Chambre de commerce, en vertu d'une
espèce d'éthique qu'elle a toujours respecté, n'a jamais
fait de conférence de presse sur un mémoire qu'elle allait
présenter avant de présenter le mémoire devant les
parlementaires, alors que d'autres groupes, de façon plus ou moins
systématique, nous font parvenir leur mémoire dans les
délais prescrits dans l'avis, et, la veille ou l'avant-veille de leur
comparution devant cette commission, convoquent une conférence de presse
pour révéler le contenu de leur mémoire pour la presse
écrite, parlée ou vue. Je pense que c'est une question
opportune.
Je ne m'attends pas nécessairement, M. le Président, que
vous donniez une directive dans un sens ou dans l'autre aujourd'hui.
D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il vous appartiendrait de donner une
directive dans ce sens. Je pense que, à la suite de la question
soulevée par la Chambre de commerce, la présidence de
l'Assemblée nationale devrait sans doute être saisie de cette
question. Dans quelle mesure est-ce que, par courtoisie à l'égard
du Parlement, les groupements ne devraient pas réserver la
primauté de leur mémoire, effectivement, aux membres des
commissions parlementaires?
Le Président (M. Marcoux): Comme la question
m'était adressée, même si le ministre considère
qu'il appartient peut-être à la présidence de
l'Assemblée nationale de le spécifier, je pense que la question
nous est posée actuellement dans le cadre du règlement de
l'Assemblée nationale actuel. Je pense que, dans le cadre du
règlement de l'Assemblée nationale, il est clair et net que
chaque groupe qui fait des mémoires est propriétaire de son
mémoire. Il n'y a aucune règle qui
régit l'utilisation des mémoires à être
présentés aux commissions parlementaires avant qu'ils soient
présentés. Il y a des règles qui régissent la
façon dont l'Assemblée nationale doit utiliser ces
mémoires, les rendre publics ou ne pas les rendre publics, ou les
discuter ou ne pas les discuter, mais chaque organisme a complète
liberté quant à un code de déontologie ou
d'éthique. Je pense que ce sont des questions sur lesquelles les
députés ou les organismes peuvent se pencher dans l'avenir pour
arriver à définir certaines règles, s'il y a lieu, mais,
dans le cadre actuel, je pense qu'il y a une réponse claire et nette,
c'est que chaque groupe est libre de rendre public son mémoire avant de
le présenter à la commission parlementaire.
M. Morin (Pierre): Je vous remercie, M. le Président.
Pour ce qui est de notre mémoire, je demanderais qu'il puisse
être consigné au journal des Débats. De toute façon,
cela me permettra peut-être de mieux le résumer. Je crois que cela
relève de vos règlements.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la
commission sont d'accord pour que le mémoire de la Chambre de commerce
de la province de Québec soit versé en annexe au journal des
Débats? Ce sera fait. (Voir annexe).
M. Morin (Pierre): II y a essentiellement deux parties à
notre mémoire. La première touche le fond, c'est-à-dire
l'opportunité même des mesures que propose le projet de loi no
126. Disons-le de suite, c'est qu'à quelques exceptions près, ce
sont moins les propositions contenues dans le projet de loi que
l'opportunité de les concrétiser qui nous cause les plus grands
problèmes.
En 1979, il est inconcevable que qui que ce soit puisse s'opposer
à cinq jours de congés chômés statutaires
annuellement et à deux semaines de vacances aussi annuelles. Nous ne
sommes pas de ceux qui pouvons nous opposer à cela. Le fait que nous ne
nous y opposions pas ne change rien à notre situation globale. Cette
situation globale est exposée dans les quelques pages suivantes
où on constate qu'à même les études faites pour le
compte du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre le salaire horaire
au Québec est traditionnellement moins élevé que celui de
nos voisins de l'Ontario; lorsqu'on y ajoute le facteur productivité,
ici dans le sens global du mot "productivité", on verra qu'il s'agit
surtout d'une question de taille d'entreprise, la productivité de
l'Ontario dans les mêmes secteurs, avec ceux, dans ces secteurs, qui nous
font concurrence, est de l'ordre de 150% de celle du Québec. Ce qui fait
qu'en définitive nos coûts horaires de main-d'oeuvre se
transposent comme étant, même si le salaire horaire est moindre,
plus élevés. D'accord? C'est simplement cette première
démonstration que nous voudrions faire.
La deuxième, c'est que jusqu'à maintenant on a pu
constater, au cours des dernières années, dans les secteurs mous
entre autres, notre incapacité de faire face à la concurrence
étrangère non seulement sur les marchés extérieurs,
mais pis encore, sur nos propres marchés. Il nous a donc fallu recourir
à des mesures artificielles, à des barrières tarifaires,
à des quotas d'importation, des quotas de production, et à des
offices de mise en marché. Ce que nous allons tenter de
démontrer, ce matin, en clair aux législateurs, c'est que les
mesures contenues dans le projet de loi no 126 comportent un coût qui
n'est pas nécessairement outrancier, mais qui est néanmoins
réel et qui vient s'ajouter à une situation déjà
défavorable de compétitivité de nos produits. En
définitive, ce coût peut se traduire par une plus grande
vulnérabilité de nos produits et services sur nos marchés
et, malheureusement, ce sont les travailleurs qui en feront les frais en venant
s'ajouter au rang des chômeurs.
Il n'est pas question ici de lever un épouvantai!, c'est
simplement qu'il y a des coûts réels qu'impose la loi; le ministre
l'a reconnu tantôt lui-même en dialoguant avec nos
prédécesseurs. Or, toujours dans cette première partie,
mais vers la fin de cette première partie du mémoire, nous avons
cité une autre étude aussi réalisée pour le compte
du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre intitulée "Les
incidences d'une hausse du salaire minimum dans les secteurs à bas
salaire sur l'emploi en général", étude
réalisée par M. Baril, qui démontre qu'il y a une tendance
générale, de la part des employeurs, surtout dans la petite et
moyenne entreprise, de compenser les coûts qui leur sont imposés,
soit par une hausse du salaire minimum ou de conditions minimales de travail,
en réduisant leur coût de main-d'oeuvre. Cette compensation se
traduit souvent pour le travailleur ou pour l'ensemble des travailleurs par du
sous-emploi ou du chômage.
Il serait peut-être intéressant de vous ramener à la
page 7 de ce mémoire et de voir trois principaux secteurs qu'on propose
de couvrir dans le projet de loi. Une première citation vient de
l'étude de M. Baril. Selon Brozen, les secteurs non assujettis
ici, on parle du travail domestique constituaient une valve de
sûreté. Les personnes qui, à cause de l'augmentation du
salaire minimum, ne pouvaient trouver d'emploi dans les secteurs assujettis se
dirigeaient alors vers les secteurs non assujettis. Le fait d'inclure les
travailleurs domestiques dans l'ordonnance du salaire minimum ferait
disparaître cette valve de sécurité. D'après un
modèle élaboré par Peter Matilla toujours
cité dans l'étude de M. Baril on peut s'attendre que la
demande de bonnes, "household maid", de travailleurs domestiques, soit
réduite des pourcentages respectifs suivants: pour chaque intervalle de
$0.20 suivant $1. Alors, 12% à $1.20; 21%, 32%, 46% et 58% à $2
l'heure. C'est-à-dire qu'entre l'intervalle de $1 du salaire minimum
jusqu'à $2, on part d'une réduction d'emploi qui est de 12%
à $1.20 allant jusqu'à 58% à $2. (11 h 30)
Pour nous, il s'agissait aussi de démontrer l'effet sur l'emploi
de l'inclusion des travailleurs domestiques dans le projet de loi 126,
particulièrement dans la conjoncture actuelle de chômage
élevé.
Pour ce qui est du commerce, maintenant, ici aussi les données
recueillies par l'étude de M. Baril font état de
phénomènes pertinents, En 1958, dans l'Etat de New York, par
suite d'une hausse de salaire minimum, 72% des établissements
déclarent avoir réduit les heures de travail; 17,2% ont
procédé soit à des mises à pied ou au
non-remplacement de ceux qui ont quitté. Au Québec, ce
phénomène prend une ampleur particulière du fait du grand
nombre de petits commerces. Peut-être simplement pour vous illustrer de
façon un peu plus vivante ce qui se produit, la plupart d'entre nous
tous, à un moment donné, une ou deux fois dans la semaine,
appelons chez l'épicier du coin et demandons la livraison d'une
commande, qui est livrée gratuitement. Or, un des
phénomènes, justement, qui se produit en réglementant ce
secteur du travail, un des premiers secteurs où les commerçants
ont commencé à couper a été
précisément dans les services soi-disant gratuits, services
gratuits qui étaient fournis par des employés,
c'est-à-dire la livraison.
Pour ce qui est du secteur manufacturier, encore ici on sait que la
situation, surtout dans les PME, est quelquefois aiguë. L'examen des
structures actuelles des salaires, de la productivité, de la valeur
ajoutée par établissement nous l'a démontré
d'ailleurs un peu plus avant dans l'étude de comparaisons.
Il y a un phénomène aussi de substitution et vous l'avez,
encore là, soit constaté ou vécu. C'est dans une petite
entreprise où, à un certain stade, on peut se permettre d'engager
quelqu'un pour nettoyer, pour faire le balayage des planchers et ces
choses-là. Or, au fur et à mesure qu'on a vu le salaire minimum
lui-même augmenter, d'une part, mais aussi les conditions commencer
à devenir un peu plus serrées, on voit l'élimination de
ces fonctions-là dans l'entreprise. Elles sont assumées par des
gens qui sont déjà à l'emploi de l'entreprise. On demande
aux divers postes de travail de procéder eux-mêmes au nettoyage de
leur équipement plutôt que d'embaucher des gens pour le faire.
Cette première section qui portait surtout sur
l'opportunité était destinée à faire saisir l'effet
défavorable potentiel sur l'emploi des hausses du salaire minimum. Le
projet de loi 126, répétons-le, ne propose pas, en soi, de telles
hausses, mais plutôt une série de dispositions introduisant une
rigidité dans le marché du travail qui se traduit par des
coûts directs pour l'entreprise. Celle-ci sera portée à
utiliser les mêmes mécanismes de réduction des coûts
que s'il s'agissait d'une hausse du salaire minimum.
Un autre élément qui doit être ajouté est que
on se réfère toujours à l'étude de M. Baril
il faut constater qu'avant les années 1970 nous étions en
pleine période d'expansion économique, mais que depuis les cinq
dernières années, à tout le moins, depuis 1973
particulièrement, notre économie n'a pas du tout les performances
qu'elle a connues au cours des années soixante et jusqu'en 1973.
La deuxième partie de notre mémoire touche les
particularités, les mécanismes, entre autres, où
véritablement la chambre veut enregistrer des oppositions qui
s'inscrivent surtout dans le fardeau administratif et bureaucratique qu'impose
la loi. Nous nous référons ici particulièrement à
l'article 29, paragraphes d), e) et g), à l'article 38i), l'article 45,
de l'article 58, de l'article 70, de l'article 72, de l'article 83 et des
articles 92, 93 et 94, pour ne citer que les plus importants. Je vais vous
dispenser de la lecture non pas des articles, mais de chacune de nos
oppositions à ces articles, sauf peut-être pour l'article 29d), e)
et g) qui rend obligatoire un système d'enregistrement ou registre
très détaillé pour tout employeur professionnel, oblige ce
dernier ou une catégorie de ceux-ci à lui transmettre un rapport
écrit périodique et oblige l'employeur professionnel à
donner un avis écrit dans les dix jours suivant le début de
l'exploitation de l'entreprise. Etant donné la définition
d'employeur professionnel, ceci vise celui qui embauche une aide domestique,
celui qui embauche habituellement la même personne pour le
déneigement et l'entretien de sa propriété, même si
c'est pour moins de 30 heures par semaine. On peut facilement imaginer le
monstre administratif à mettre en place, car ce n'est pas tout d'adopter
une loi; il faut aussi prévoir les personnes et les sommes
nécessaires à son application. Pourtant, les dispositions du
chapitre V sur les recours, c'est-à-dire les articles 97 à 122,
nous apparaissent suffisantes pour l'application de la loi.
Enfin, M. le Président, pour en venir à une conclusion, il
faut rappeler que l'objet de notre mémoire sur le projet de loi sur les
normes du travail était d'en démontrer l'inopportunité et
le fardeau administratif imposé à l'entreprise. La chambre croit
avoir fait cette démonstration et espère que le
législateur en tiendra compte. Cependant, en conclusion, la chambre veut
mettre en garde les membres de cette commission et tous les membres de
l'Assemblée nationale contre un danger pressant qui les guette. Ce
danger, pire encore que tout ce que nous avons évoqué, serait
d'adopter ce projet ou un autre semblable et, ensuite, d'oublier de consacrer
tous les efforts nécessaires à son application. Cela s'est
malheureusement produit trop souvent par le passé.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez d'abord de
revenir sur la première question que M. Morin avait posée au
sujet des mémoires et de l'opportunité de les rendre publics
avant la commission. Loin de moi l'intention de vous dire que cela ne vous
regardait pas, M. le Président, je voudrais seulement bien
préciser cela. C'était seulement que la question que posait la
Chambre
de commerce était une question plus large qui s'applique
finalement et c'est dans ce cadre que la question m'avait
été posée à toutes les commissions et
à tous les mémoires. Je pense que vous avez justement dit que
notre règlement ne prévoyait rien de spécifique quant
à cela. Je pense que vous avez rigoureusement raison. D'autre part,
effectivement, le mémoire appartient à celui qui l'a fait. Je
pense que la question que posait M. Morin et que pose la Chambre de commerce
pour l'ensemble des mémoires est en termes d'éthique ou de
tradition. De la même façon que le règlement n'interdit pas
à un ministre de déposer un projet de loi sur la place publique
avant de le déposer devant le Parlement, il y a une certaine tradition
et une certaine éthique qui veulent qu'un projet de loi soit d'abord et
avant tout connu par l'Assemblée avant d'aller sur la place publique. Je
ne pense pas qu'un mémoire soit assimilable à un projet de loi,
quand même, mais je pense que la question que soulevait M. Morin
était posée en termes très généraux.
Le Président (M. Marcoux): Le débat est
lancé.
M. Johnson: Oui, éventuellement.
M. Morin, il y a deux choses dans votre mémoire, comme vous le
dites: d'une part, l'analyse que vous faites des contraintes économiques
ou des autres types de contraintes qu'à votre avis la loi 126 peut
imposer à l'entreprise en termes de coûts et, deuxièmement,
une série de dispositions que vous reprenez une à une, mais que
nous avons vues attentivement au ministère et dont nous avons fait
l'analyse. Au sujet de la première partie, dans le fond, c'est tout
cela, le problème de la loi 126 et de n'importe quelle loi sur les
conditions minimales. D'une part, c'est la nécessité que le
gouvernement, celui-ci ou, je pense, un autre, pourrait ressentir de
légiférer de telle sorte qu'il n'y ait pas de négociation
en deça d'un minimum de conditions, compte tenu de la situation
d'extrême faiblesse pour revendiquer leurs droits que les travailleurs
peuvent connaître dans certains secteurs. D'autre part, il y a les
contraintes économiques qu'on sait que cela impose. C'est pour cela que
cette loi se veut, d'une certaine façon, progressive.
La plupart des Labour Standards Acts du Canada prévoient des
pouvoirs réglementaires. Historiquement, ils se sont
développés par, ou bien une série d'amendements à
la loi où l'application progressive de normes additionnelles par voie de
réglementation qui est peut-être de plus en plus contraignante sur
l'entreprise ou qui donnait de plus en plus de droits aux travailleurs. On a
essayé de trouver une solution en tenant compte du facteur des
coûts et qu'au bout de la ligne il ne fallait pas que cela soit
comme disent les anglophones "encountered producted". L'étude
Fortin, l'étude Baril et d'autres mettent en garde les gouvernements
contre les transferts technologiques qui peuvent amener une diminution de
l'emploi à cause d'une hausse des coûts reliés à la
main-d'oeuvre dans le cadre de lois comme celle-là. On est conscient de
cela, sauf que, si on prend la logique interne de ces études et de ces
préoccupations que vous faites vôtres du côté de la
Chambre de commerce et qu'une partie du patronat fait siennes, à un
moment donné, on se dit: Bon, on va arrêter de
légiférer et on va laisser la loi du marché jouer. C'est
toujours de chercher et c'est probablement le rôle d'un Parlement et des
hommes et des femmes qui sont élus en politique, de trancher ces
débats en sachant qu'ils ne satisferont jamais tout le monde ou qu'ils
risquent de ne pas satisfaire tout le monde.
Je pense cependant que vous avez soulevé une dimension
réelle et qui peut expliquer la timidité apparente de certaines
de ces dispositions, l'aspect progressif qu'on veut introduire dans certaines
mesures en conservant un pouvoir réglementaire, qui est le fait qu'on
est conscient qu'on ne peut pas imposer du jour au lendemain une série
de contraintes additionnelles à un large secteur de notre
économie qui est la "PME", entre guillemets. Par contre, on veut aussi
que, dans ce secteur, tant et aussi longtemps que la syndicali-sation ne sera
pas plus accessible par voie de la négociation multipatronale ou
autrement, il y ait quand même un minimum de progrès dans les
conditions de travail des travailleurs qui sont là.
Sur certaines choses spécifiques, vous avez cru bon, M. Morin, de
souligner les dispositions de la loi 29 et suivantes, entre autres, qui
touchent le registre. D'abord, la loi dit bien que la commission peut exiger
que des employeurs professionnels ou des catégories d'employeurs
professionnels tiennent de tels registres. Loin de moi de penser à ce
que l'on exige de tous les foyers qui utilisent des services domestiques ou des
gardiennes qui ne sont pas loin d'être employées à temps
plein ou à temps partiel prolongé qu'ils tiennent un registre
comme un employeur professionnel au sens des autres employeurs
professionnels.
A cet égard, en plus du "peut", il y a le fait qu'à mon
avis je ne suis pas sûr que celui qui utilise les services d'un
travailleur domestique soit couvert pour autant à moins que le pouvoir
réglementaire ne spécifie effectivement qu'il est couvert
à cet effet, quant à la tenue des registres.
Sur d'autres remarques enfin, je laisserai les autres membres de
la commission poser des questions, s'ils en ont j'avais quelques autres
remarques rapides sur, par exemple, la question du certificat de travail, alors
qu'il s'agit simplement d'une attestation d'expérience et rien d'autre.
Le problème concret qu'on essaie de résoudre, c'est le genre de
problème suivant, et j'ai eu l'occasion de recevoir du courrier à
mon bureau, à quelques reprises je ne dirais pas
fréquemment, mais à l'occasion, par exemple, des gens qui ont
quitté un emploi, qui ne sont pas syndiqués et qui sont dans les
conditions où ils ont quitté l'emploi parce qu'ils ne
s'entendaient pas avec l'employeur, où il y a un conflit de
personnalité ou quelque chose comme cela. Ils sont à la recherche
d'un autre emploi et demandent à l'employeur de chez qui ils sont partis
une attestation qu'ils ont
déjà oeuvré dans tel type d'entreprise, dans tel
type de fonction. L'employeur la refuse ou encore décide de leur donner
une attestation d'emploi, mais avec des commentaires qui sont a priori
extrêmement défavorables: "Oui, effectivement, M. Untel est parti
de chez nous dans des conditions... Je considérais qu'il était
paresseux, etc." Essayez donc de vous trouver un emploi avec une lettre comme
celle-là. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que l'employeur soit contraint,
à la demande d'un salarié, de lui fournir une simple attestation
qui évoque l'emploi qu'il a occupé, la période pour
laquelle il l'a employé, point. Maintenant, le deuxième employeur
chez qui ce travailleur se rendrait, rien ne l'empêche de faire un coup
de téléphone, s'il veut se renseigner sur cette personne. On ne
dit pas qu'on interdit à tout employeur de formuler des commentaires sur
une personne, mais on dit que le salarié peut exiger une attestation qui
est limitée à ce que je viens de décrire. Je pense que
c'est un droit qui devrait être strict. C'est dans ce sens qu'on parle
d'un certificat.
M. Morin (Pierre): Mais elle est déjà fournie.
M. Johnson: Pardon?
M. Morin (Pierre): Cette attestation est déjà... Il
y a déjà obligation de la fournir pour
l'assurance-chômage.
M. Johnson: Oui, mais sauf que c'est la baliser au sens d'exiger
que cette attestation ne contienne rien d'autre que les dispositions qu'on y
décrit, c'est-à-dire le nom de l'employé, la
période pour laquelle il a exercé un travail et la nature du
travail qu'il exerçait, point, sans que l'autre puisse te dire: je t'ai
donné ton certificat, mais en même temps, j'ai ajouté cinq,
six phrases absolument désagréables sur ton compte. C'est un peu
dificile de chercher un emploi après cela. (11 h 45)
Vous parlez de l'article 94 dont les conséquences, à votre
avis, seraient de faire augmenter le nombre de faillites. On présume ici
que vous vous référez à la solidarité qui est
prévue à l'article 94. La solidarité qui est prévue
à cet article ne prévoit pas la protection ou un moyen de
défense pour l'acheteur, quant au créancier, et qui
découlerait de l'application de la loi sur les normes. Le
problème est cependant réel. Les articles qui se basent en partie
sur les principes retenus à l'article 1569 et suivants du Code civil
pourraient cependant résoudre le problème. L'acquéreur
devrait, avant d'acheter, obtenir du vendeur un affidavit quant aux
créances; le vendeur demeurerait alors seul responsable quant aux
créances non inscrites dans l'affidavit. C'est probablement le type de
solution. Vous n'avez pas été le seul d'ailleurs à
soulever ce type de problème. On en prend bonne note.
Vous parlez de la solidarité avec le sous-traitant qui est
excessive en équité, à l'article 93. Cela fait 40 ans que
cela existe en vertu de l'article 73 de la loi, par exemple. Evidemment, comme
je présume que vous direz, comme d'autres l'ont dit ici avant vous:
Ecoutez, vous venez d'ouvrir la loi, permettez-nous de passer des commentaires
sur l'ensemble des articles.
M. Morin (Pierre): Deux maux ne font pas un bien.
M. Johnson: Voilà! La question qu'il faudrait se poser:
Est-ce que cela a vraiment posé des problèmes dans le
passé?
M. Morin (Pierre): Cela a été
vérifié.
M. Johnson: Pardon? Oui. Bien, si cela a vraiment posé des
problèmes, concrètement, dans le passé. Le choix de la
demi-heure rémunérée ou non
rémunérée, cela, on doit étudier, cela fait une
contrainte bien spécifique. On nous a soulevé ici, tant du
côté patronal que du côté de représentants de
travailleurs ou de gens qui y étaient sensibles, le fait que
probablement qu'il y a bien des travailleurs pour qui ce n'est pas une
aspiration de rester sur les lieux de travail neuf heures par jour;
peut-être qu'ils ont hâte de s'en aller après huit heures.
Je n'ai pas de difficulté à concevoir que c'est vrai,
sûrement, pour beaucoup de gens, à l'exception de
l'Assemblée nationale c'est bien connu où nous
sommes tous en amour avec l'institution et nous tenons à y rester plus
de huit heures par jour. Mais je pense qu'en général les gens ont
peut-être le goût de partir de leur travail au bout d'un certain
temps. Il est bien évident qu'on regarde ces articles...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce notre prochain contrat de travail, M. le
ministre?
M. Forget: Est-ce que vous exprimez la solidarité
ministérielle, quand vous dites cela?
M. Johnson: On regarde les dispositions de l'article 78
étant conscients, cependant, du fait qu'on veut quand même
permettre parce qu'on en connaît des expériences, surtout
dans ces industries où la main-d'oeuvre est assez mobile, où il y
a une haute main-d'oeuvre féminine, immigrante, etc.; je parle entre
autres du secteur du textile et du vêtement où on sait que les
conditions, au niveau du repas, ne sont pas particulièrement brillantes.
Essentiellement, c'est ce que j'avais à dire sur certains
détails; il y en a beaucoup d'autres, mais je croyais utile de souligner
ceux-là.
Le dernier, à l'article 29g, au sujet du registre, qui est une
autre dimension que vous avez soulignée au-delà de la question
des aides domestiques, c'est l'obligation nouvelle qui ressort d'un
désir d'un comité interministériel de créer un
fichier central. Il s'agit de dire à l'entreprise: Dans les dix jours de
votre exploitation, vous allez nous donner un avis qu'effectivement vous faites
l'exploitation d'une industrie. L'idée, c'est d'essayer d'avoir un
fichier central quelque part; la Commission des accidents du travail le fait
main-
tenant et veut assortir de cette obligation les employeurs. Je pense
qu'il est normal que la Commission du salaire minimum le fasse. Entre vous et
moi, ce n'est pas la fin du monde.
Maintenant, utilement, ce qu'il faudrait voir, c'est qu'une série
de ces fichiers et de ces avis puisse être centralisée, de telle
sorte que les entreprises ne soient pas prises pour envoyer... quelqu'un me
soulignait récemment que quelqu'un qui ouvre un restaurant où il
y a un permis d'alcool ou un bar voit passer au moins douze fonctionnaires
différents dans son commerce au moment de l'établissement de ce
lieu.
M. Forget: Sans compter la municipalité.
M. Johnson: Sans compter la municipalité. Je ne pense pas
qu'on mette fin à cela rapidement et qu'on ait l'espèce
d'inspecteur polyvalent dans le gouvernement. D'ailleurs, il faudrait le payer
bien cher et cela créerait un transfert au niveau des emplois et cela
réduirait le nombre d'emplois. Je pense qu'au moins, au niveau des
formulaires, il y a un effort qu'on fait de ce côté. Entre autres,
à la Commission des accidents du travail, au service d'inspection du
ministère du Travail, à l'Office de la construction, on a
déjà réussi à fusionner quelques formulaires et on
va continuer dans ce sens.
Le gouvernement fédéral a décidé de mettre
sur pied, il y a un an ou deux, un comité qui voyait à l'analyse
et au processing de la diminution de ce qu'on appelle le "red tape". C'est
extraordinaire, il a mis sur pied un comité pour diminuer le nombre de
comités par lesquels il faut passer pour obtenir des autorisations.
C'est probablement un bon signe de ce que sont les aberrations bureaucratiques.
De notre côté, on essaie concrètement de fusionner certains
types de questionnaires de certains organismes qui ont des
préoccupations connexes.
Je pense que c'est un problème général qui n'est
pas relié à la loi 126, encore une fois, et c'est peut-être
une bonne occasion de le souligner. Je vous remercie.
M. Morin (Pierre): Là-dessus, M. le Président, je
pourrais peut-être enchaîner à l'intervention du ministre.
Je ne voudrais pas priver l'Opposition du tout de son intervention, mais c'est
parce qu'il y a plusieurs notes que j'ai fraîches à la
mémoire et je voudrais pouvoir les prendre... En commençant par
le 29g, précisément, justement, n'y aurait-il pas
possibilité dans la loi, dans le projet, de le modifier de façon
qu'il soit dit que l'intention est d'avoir un registre, que le registre soit
fait par la Commission des normes minimales, qu'il soit fait par la Commission
des accidents du travail. Autrement dit, ce qui semble être important
ici, c'est d'avoir quelque part un registre. Mais là, déjà
il y a une rigidité d'inscrite dans la loi, c'est que cela devient le
registre des normes minimales. C'est un peu ce genre d'ouverture qu'on voudrait
voir dans la loi de façon à réduire si possible,
dès le départ, le fardeau bureaucratique, surtout dans la mesure
où le ministre vient de nous informer qu'il y a d'autres registres qui,
soit sont déjà en marche ou veulent s'installer avec sensiblement
les mêmes données.
C'est sur ce point où, en tout cas, on pourrait peut-être
enregistrer cette suggestion. Maintenant, cela m'a surpris un tout petit peu
qu'on n'ait pas invoqué le 18.4, on en a invoqué seulement la
dernière partie, la question de la demi-heure
rémunérée au déjeuner ou l'heure non
rémunérée. Je pense que la première partie du
paragraphe illustrait bien ce qu'on a tenté de venir dire au
législateur, ce matin. Il s'agit là de la question des
pauses-café. On a présumé d'une pause-café dans
l'appareil public et parapublic de quinze minutes et, sur une masse salariale
de $5 milliards, cela représente une dépense de $175 millions. Ce
n'est pas beaucoup quinze minutes par jour, mais c'est considéré
comme du temps travaillé. C'est peut-être le point fondamental
qu'on essayait de démontrer sur la question d'opportunité. C'est
que la pause-café, cela fait partie de nos moeurs. Cependant, il y a
bien des façons de la prendre. Souvent, c'est notre cas chez nous, par
exemple, il n'y a pas de pause-café reconnue. L'entreprise fournit le
café aux employés, ils vont le chercher, le ramènent
à leur bureau, prennent un café tout en travaillant. Si quelqu'un
prend cinq minutes, personne ne s'y oppose. Ici, on instaure la
pause-café comme étant considérée du temps
travaillé et c'est simplement cela qu'on voudrait démontrer comme
rigidité s'installant dans le système.
C'est le principal point, tout comme si on prend, par exemple, deux
semaines de vacances, les congés chômés et payés.
Déjà on est bien conscient qu'on en a moins prévu dans la
loi que n'en ont les provinces voisines. Ce qui est un fait, elles en ont plus.
Déjà, au Québec, il y en a plus dans la grande
majorité des cas. On instaure ici une base, on ne peut plus revenir, il
n'y a plus de revenez-y et c'est à partir de cela qu'on commence
à bâtir la pyramide.
Deux semaines de vacances, actuellement, cela représente 4%. La
personne n'est pas obligée de prendre ses vacances. On instaure
l'obligation, c'est déjà, à toutes fins utiles, quelque
chose qui existe, mais le travailleur a un choix, il a le choix de prendre des
vacances ou il a le choix de prendre la prime ou l'indemnité de
vacances. Et souvent, il peut s'entendre avec son employeur pour ce qui lui
convient le mieux. Mais là, ici, on instaure une notion de
rigidité, c'est-à-dire que c'est deux semaines annuellement et il
y a obligation de prendre des vacances, plus d'indemnité. Or, ce qui va
se produire, ce n'est pas nécessairement le travailleur qui va y
regagner. Face à cela, l'entreprise va avoir une réaction
normale, c'est qu'elle va tenter de faire en sorte que tout le monde prenne ses
vacances en même temps, là où c'est le plus lent dans le
cycle annuel pour l'entreprise. On place l'entreprise face à des choix
comme ceux-là.
C'est un peu cela la démonstration qu'on a voulu venir faire ce
matin au législateur, c'est que, sans s'opposer aux mesures
elles-mêmes, la plu-
part existe déjà, en introduisant la rigidité de la
législation comme base, cela provoque des réactions et on est en
train d'asseoir une base où le gagnant n'est pas celui
nécessairement que l'on vise, sans aller aussi loin que des mesures,
comme disait le ministre "counterproductive", c'est à long terme qu'on
va voir se déceler le fait que ce n'est peut-être pas
précisément le travailleur que l'on tente de protéger, que
l'on veut protéger, ce sur quoi on est parfaitement d'accord, qui est le
gagnant de l'opération.
Souvent, il n'y en aura pas de gagnant de l'opération.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président, deux mots d'abord sur
la question de la publicité donnée au mémoire avant la
présentation en commission parlementaire, puisqu'il semble bien que le
président ne m'interrompra pas sur le sujet, même si la question
lui était destinée. Etant donné qu'il s'agit d'une
question en dehors de nos règlements, il me permettra d'y aller de mes
réflexions, très brèves d'ailleurs, sur le sujet.
Je pense qu'essentiellement, la question qui vous était
adressée ne relève pas des règlements ni de la
procédure parlementaire. Mais, dans le fond, c'est essentiellement de la
politesse que des groupes peuvent vouloir témoigner vis-à-vis de
l'Assemblée nationale ou de leur conception, si on veut, de ce que
constitue la politesse ou le savoir-vivre dans une question comme
celle-là. Il est bien évident qu'on ne peut réglementer ni
légiférer la politesse pas plus que la sympathie, l'amitié
ou d'autres qualités d'âme comme celles-là, on peut tout
simplement la reconnaître au passage, quand elle se manifeste. Mais, il
est bien évident aussi que si tous les groupes qui sont mus à
faire des représentations devant les commissions parlementaires prennent
l'habitude de faire des conférences de presse, à un moment
donné, l'Assemblée nationale va se poser la question sur
l'utilité des commissions parlementaires. C'est l'enfance même de
l'art.
Il est évident aussi que la pratique de certains risques de
devenir l'habitude de tous puisque, dans des pratiques comme celles-là,
on en vient ordinairement à adopter comme pratique
générale le plus petit commun des dénominateurs, si on y
trouve un certain avantage. Bien sûr que si des groupes trouvent un
avantage à faire des conférences de presse, ils risquent
d'être imités tôt ou tard par tous les autres groupes qui
veulent également impressionner l'opinion publique.
Quant à moi, je pense que c'est peut-être finalement une
question qui relève aussi de nos règlements, parce que cela fait
quand même quelques années qu'on a l'habitude des commissions
parlementaires, je ne suis pas sûr que tous les groupes qui y viennent
régulièrement d'ailleurs, c'est devenu presque une
occupation traditionnelle et professionnelle de différentes associations
on revoit et on finit par reconnaître tout le monde, tous les
porte-parole, il ne reste pas sûr que ce soit entièrement
satisfaisant, justement parce qu'on a voulu combiner la publicité et le
caractère très ouvert des commissions parlementaires avec une
notion de la commission parlementaire qui est typique et propre au
parlementarisme tel qu'on le vit à l'Assemblée nationale et qui
fait que les commissions parlementaires ne sont pas des vraies commissions
parlementaires, mais sont des audiences publiques du ministre, en compagnie des
membres de l'Opposition. C'est bien différent. (12 heures)
Dans la plupart des Parlements, les commissions parlementaires sont, en
quelque sorte je m'excuse, M. le Président presque
virtuellement présidées par le ministre responsable du projet de
loi, mais cela constitue véritablement un effort des parlementaires pour
clarifier ou débroussailler un sujet avant même que le
gouvernement, souvent, se soit compromis dans une politique et dans une
orientation. Je ne suis pas surpris qu'on éprouve un peu d'impatience
devant le mécanisme des commissions parlementaires parce que, quand on y
arrive, finalement, les jeux sont déjà faits.
Cela m'amène aux commentaires que vous formulez dans votre
mémoire. J'ai un peu l'impression que la conclusion à laquelle
vous arrivez est largement dictée par le fait que vous réalisez
fort bien que le ministre n'est pas pour retirer son projet de loi et que, par
conséquent, votre rôle est peut-être d'alerter l'opinion
publique et le gouvernement lui-même à propos des dangers
possibles d'une loi qui s'en vient de toute façon. Dans cette mesure, on
peut comprendre votre conclusion qui, dans le fond, est presque un conseil de
désespoir, en disant: On est dans une situation économique telle
qu'on ne peut pas se payer une amélioration des conditions minimales de
travail, sachant fort bien que le gouvernement va aller de l'avant, de toute
manière; il ne peut pas se désengager de ses engagements publics
sur le sujet, mais, au moins, en serez-vous quittes avec votre conscience
d'avoir averti tout le monde qu'il y a des dangers et que peut-être la
meilleure part de la sagesse serait d'être conscient des dangers.
C'est dans ce sens que j'interprète votre conclusion qui, dans le
fond, est assez négative en disant que, sur le plan des sentiments, on
aimerait beaucoup pouvoir donner de meilleures conditions de travail à
tout le monde, mais, de façon réaliste, ce n'est pas opportun;
donc, il vaudrait mieux ne pas légiférer là-dessus.
Je pense qu'il y a une deuxième partie de votre mémoire
qui est beaucoup plus pertinente à la discussion du projet, c'est
lorsque vous suggérez des modifications comme telles. Je pense qu'on en
tient compte et cette deuxième partie sera très utile lorsqu'on
en viendra à l'étude article par article du projet de loi.
D'ailleurs, un certain nombre des points que vous mentionnez je ne le
dis pas pour diminuer votre contribution confirment des arguments qui
ont déjà été avancés vis-à-vis du
caractère peut-être un peu "sweeping", un peu
général de certaines dispositions.
D'ailleurs, le ministre a montré qu'il était sensible
à cette argumentation.
Je reviens à la position théorique, l'espèce de
message ou de cri d'alarme que vous lancez en disant: Ecoutez, il y a des
conséquences économiques à tout cela; peut-être
vaudrait-il mieux en être conscient. Je me demande si, au niveau de la
philosophie qui inspire cette loi, il n'y a pas, dans le fond, un débat
qui mériterait d'être soulevé auprès des
différents groupes qui viennent parce qu'il y a des groupes syndicaux
aussi qui viennent et je suis sûr que la philosophie derrière le
projet les ennuie autant qu'elle peut vous ennuyer. Il me semble que le projet
de loi qui est devant nous donne une articulation à une philosophie
selon laquelle ce qu'on devrait viser, c'est une espèce de minimum
souhaitable, c'est-à-dire une espèce de convention collective
pour les travailleurs qui n'en ont pas, par opposition à une autre
philosophie qui serait, si je comprends bien, plutôt celle que vous
défendriez et peut-être celle que défendraient des groupes
syndicaux aussi. Enfin, je le dis parce qu'ils sont présents ici et ils
auront peut-être l'occasion de réagir également à
cette notion-là, c'est-à-dire que ce n'est pas un minimum
souhaitable qu'il faut définir dans une loi sur les normes minimales de
travail, c'est un minimum indispensable. Je m'excuse auprès de nos
collègues du Parti québécois d'utiliser ce vocabulaire,
cette distinction entre l'indispensable et le souhaitable, mais je pense
qu'elle est bien appropriée à ce cas-ci.
M. Johnson: 50% en tout cas.
M. Forget: Autrement dit, il ne s'agit pas de donner une
convention collective à ceux qui n'en ont pas, c'est une espèce
de minimum, de convention collective minimale, mais il s'agit de
prévenir ce qu'on appelle, dans un langage assez émotif sur
lequel les interprétations varient, l'exploitation. On veut
empêcher l'exploitation. Par exemple, lorsque vous parlez de la
pause-café. C'est assez difficile, dans une notion, de prévenir
ou de lutter contre l'exploitation en disant: Celui qui n'a pas sa
pause-café de 15 minutes le matin et l'après-midi est
exploité. Je pense qu'on n'en est pas rendu là, ce serait assez
difficile à prouver que c'est cela la définition de
l'exploitation.
Par contre, si on adopte une notion que cette loi doit définir
une espèce de convention collective minimale, oui, dans le fond,
pourquoi pas? Ce sont des clauses que l'on retrouve dans des conventions
collectives et si le législateur veut parodier une convention
collective, c'est logique d'inclure cela. Est-ce que ce n'est pas ce concept de
définir d'une façon assez rigoureuse un minimum qui est beaucoup
plus strict dans le sens de prévenir l'exploitation, de défendre,
de protéger le travailleur qui est dans une situation
d'inégalité au point de vue de sa capacité de
négocier des conditions de travail, de le défendre
d'exploitation, de tout ce qu'on pourrait considérer, dans une
société, à un moment donné, comme étant
carrément de l'exploitation, mais de laisser au marché et, bien
sûr au syndicalisme le soin de définir les conventions collectives
qui vont inévitablement se situer en haut de cela? Si on adopte cette
philosophie, une grande partie des dispositions qu'on a dans la loi, le projet
de loi actuel ne serait-il pas considérablement modifié? Est-ce
que je me fais des illusions quand je me dis que cela correspondrait un peu
à votre préoccupation d'appliquer le standard, le critère
à savoir si cela est de l'exploitation ou si ce sont simplement des
choses souhaitables? Est-ce indispensable, pour empêcher l'exploitation,
ou si c'est simplement un régime de travail souhaitable? Je vais vous
laisser répondre là-dessus, parce que je place peut-être
dans votre bouche ou dans votre esprit des mots qui n'y sont pas.
Mme Michaud: M. Forget, je vous remercie d'abord de commenter
notre mémoire et je voudrais vous dire qu'il y a peut-être
certaines expressions que vous avez utilisées, comme les mots
"désespoir" et "ennui" qui ne caractérisent pas ce que nous avons
voulu exprimer ici. Je ne serais pas là si le mémoire
était vraiment fondamentalement contre le projet de loi. Nous avons
essayé d'apporter des éléments qui pourraient
améliorer le projet de loi et plusieurs membres de cette commission
savent bien que notre position a été de tenter d'améliorer
le projet de loi. Nous ne demandons pas qu'il soit retiré. Ce que nous
avons voulu éviter, c'est la rigidité qui pourrait rendre
l'application du projet de loi difficile. Dans ce sens, notre mémoire
est plutôt un mémoire positif. Ce que nous avons voulu, c'est
plutôt apporter des éléments qui nous paraissaient pouvoir
être transformés dans la dicussion sur le projet de loi. Dans ce
sens, nous ne sommes ni désespérés ni ennuyés par
le projet de loi. Au contraire, nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de
nous prononcer sur le projet de loi et je pense qu'au nom de la chambre, en
tout cas, il n'était pas question de venir ici et d'avoir une opposition
formellement contre le projet. De toute façon, le texte de notre
mémoire, pour ceux qui l'ont lu de la première à la
dernière page, vous démontre que ce sont des
éléments positifs que nous avons tenté d'apporter et des
motifs de réflexion pour l'avancement, finalement, de la loi qui est
à adopter. Marcel, est-ce que tu as quelque chose à ajouter?
M. Morin (Pierre): J'aimerais ajouter...
M. Forget: Si vous me le permettez, là-dessus, juste
avant, c'est qu'il y a à la page 8, malgré tout, après
sept pages de démonstration que les coûts de main-d'oeuvre sont
effectivement préoccupants et qu'ils semblent plus élevés
au Québec pour un très grand nombre de secteurs industriels, vous
concluez en deux lignes d'ailleurs en disant que, pour les
raisons évoquées, le projet de loi 126 sur les normes du travail
est inopportun. Inopportun, dans mon dictionnaire, cela veut dire qu'il serait
préférable qu'il n'eût pas été
présenté. La nuance entre dire cela et dire qu'il ne devrait
pas
être présenté, ne devrait pas exister, est
très mince.
M. Johnson: II y a une dimension temporelle dans le mot
inopportun. Dans le Robert, en tout cas. Peut-être pas dans le Forget,
mais dans le...
M. Forget: Le raisonnement ne donne pas de date où cela
deviendra opportun, alors, évidemment, c'est peut-être opportun
aux calendes grecques.
M. Chevrette: II dit: de forte croissance économique.
Donc, il se situe dans une période de forte croissance économique
comme étant opportun et inopportun dans cette conjoncture
économique. C'est cela que j'ai lu et je suis moins brillant que
vous!
M. Morin (Pierre): Peut-être, M. le Président, pour
bien situer nos intentions...
Le Président (M. Marcoux): M. Morin.
M. Johnson: ... puisqu'on nous en fait le procès...
M. Morin (Pierre): ... ce que nous avons tenté de mesurer,
c'est si actuellement l'économie du Québec, sa performance
potentielle, est de l'ordre de 4,5% à 5% de croissance nette par
année, si c'est le potentiel de l'économie du Québec
actuellement. Or, la performance, elle, est de l'ordre de 2,5% à 3,5%.
Nous sommes en-deçà de notre potentiel et nous prévoyons
l'être encore pour les deux prochaines années. Il est fort
probable qu'en 1980, si les mesures qu'on entrevoit et que pourrait
peut-être aider M. Parizeau ce soir pour la relancer nous amenaient plus
près de notre potentiel, à ce moment-là,
l'opportunité du projet de loi serait tout à fait positive. C'est
purement temporel. On le situe dans le cadre des performances actuelles de
l'économie du Québec.
M. Forget: Vous conviendrez que le projet de loi est
présenté à cette session...
M. Morin (Pierre): II est présenté en
première lecture encore. Je vous avoue qu'il pourrait être
étiré dans son adoption, ce qui nous ferait plaisir, mais il
n'est pas question de remettre en cause le fond même du projet de
loi.
M. le Président, le député de Saint-Laurent a
évoqué un autre point et d'autres mots qu'on pourrait qualifier
de faisant partie d'un contentieux; c'est la notion d'exploitation.
Effectivement, on vise dans le projet de loi à réduire ce qu'on
pourrait considérer l'exploitation particulièrement dans ce
cas-ci de l'homme par l'homme dans le milieu du travail. Cependant,
cette notion est encore très floue. On voit les entreprises
réagir à leur environnement. Dans la mesure où le voisin,
à cause d'une situation financière et d'une performance un peu
meilleures, transmet de meilleures conditions pour conserver, garder ses
travailleurs et leur donner, leur faire partager le fruit de sa
réussite, on voit immédiatement les concurrents tenter de faire
la même chose pour eux-mêmes, conserver leur force de travail, pour
eux-mêmes conserver l'expérience qui s'est bâtie à
l'intérieur de l'entreprise. C'est ainsi généralement que
les conditions de travail ont progressé. L'exploitation, il en existe.
Il y en a. On n'est pas là pour le nier. Mais, quand même, il
faudrait bien la situer dans un cadre où, si véritablement il
s'agit d'exploitation dans le sens négatif du mot, c'est l'exception
à la règle. Cette exception, on veut bien que des mesures soient
prises pour la faire disparaître et là, on commence à
légiférer aussi dans la vertu.
M. Forget: Vous dites cela. Est-ce que cela signifie que, dans le
fond, vos remarques relatives à la pause-café c'est un
exemple qui, je pense, est assez utile pour fixer les idées les
objections que vous avez formulées vis-à-vis de cela ne sont pas
des objections de principe, mais des objections basées strictement sur
le coût? Autrement dit, vous n'avez aucune objection à ce que
l'Etat, par l'entremise d'une législation sur les normes minimales de
travail, parodie, sans intention péjorative, mais imite une convention
collective, plutôt que de s'attacher strictement à des termes
indispensables pour éviter des injustices inacceptables, qu'on y mette
un peu plus que cela, qu'on essaie d'imiter un peu l'effet d'une convention
collective. Cela vous semble-t-il raisonnable en principe?
M. Morin (Pierre): Pour revenir à l'exemple de la
pause-café, ce que nous disons, c'est que, généralement,
la pause-café est passée dans nos moeurs; dans l'entreprise,
c'est déjà quelque chose d'acquis. Mais la forme que prend la
pause-café n'est pas nécessairement celle qui est convenue dans
le projet de loi. Celle qui est convenue dans le projet de loi dit bel et bien
que la pause-café... Elle ne dit pas que la pause-café doit avoir
lieu; elle ne dit même pas qu'elle doit avoir lieu; elle ne va pas jusque
là. Cependant, ce qu'elle dit, c'est que s'il y a pause-café,
c'est du temps considéré comme étant du temps
travaillé. D'accord? (12 h 15)
M. Forget: Oui.
M. Morin (Pierre): Autrement dit, cela fait partie des heures de
travail, des huit heures par jour, s'il y a pause-café. Alors, ce que
nous disons, c'est que cela introduit, à l'intérieur de
l'entreprise, une rigidité simplement parce qu'on la définit de
cette façon, cela introduit de la rigidité qui impose à
l'entreprise des coûts qui n'ont pas nécessairement besoin
d'être là. L'entreprise peut quand même avoir une
pause-café qui comportera certains coûts, mais beaucoup moindres
que ceux qui sont prévus, par exemple, le fait de fournir le café
aux travailleurs. Je cite l'exemple que nous vivons chez nous: le café
nous est fourni parce que l'employeur a calculé que cela coûtait
moins cher de nous donner le café et qu'on peut en prendre à
longueur de journée cela n'est peut-être pas bon pour la
santé, mais on peut en prendre à
longueur de journée plutôt que d'avoir une
pause-café rigide de quinze minutes le matin ou l'après-midi.
Mme Michaud: Le ministre a d'ailleurs appliqué cette
tactique-là ce matin. Tout le monde a pris son café.
M. Morin (Pierre): Ici, en commission...
M. Paquette: Je suis obligé de vous dire qu'on nous a
sûrement exploités.
M. Morin (Pierre):... plutôt que de s'occuper... Mme
Michaud: ... travailler.
M. Morin (Pierre): Plutôt que de sortir pour le prendre.
Voyez-vous, c'est là une forme de rigidité et c'est cela qu'on
voulait souligner dans le projet de loi. C'est qu'il introduit des
rigidités qui occasionnent des coûts qui ne sont pas obligatoires,
qui ne sont même pas nécessaires et encore moins souhaitables pour
l'entreprise.
M. Forget: Oui, j'ai l'impression que mais c'est votre
droit vous évitez un peu de répondre directement à
ma question, mais vous avez évidemment le droit de refuser de
répondre. C'est comme les ministres quand on leur pose des questions. Il
reste que votre réponse crée autant de questions dans mon esprit
qu'elle n'apporte de réponses. Votre démonstration est, en fait,
sur les coûts. On s'attend que vous vous opposiez à la
pause-café à cause des coûts de la pause-café et non
pas à cause de la rigidité des structures ou de l'imposition
elle-même. Cela est plutôt philosophique comme... N'est-ce pas?
Non?
M. Morin (Pierre): Non, c'est à la rigidité que
nous nous opposons et non pas à la notion de pause-café.
M. Forget: Bon!
M. Morin (Pierre): On voudrait être bien clair.
M. Forget: Maintenant, un dernier aspect. Vous notez, et je
reviens sur l'expression, "l'inopportunité de cette loi". Or, cette loi
se distingue par son extrême souplesse, l'extrême souplesse qu'elle
accorde au gouvernement de promulguer pratiquement tout ce qui est essentiel
à son application, au fur et à mesure des besoins. Je suis
sûr que le ministre avait à l'esprit la possibilité qu'on
lui fasse une objection comme celle que vous lui avez faite et qu'il a
rédigé une loi lui donnant un extrême degré de
flexibilité lui permettant de dire: Ecoutez! Peut-être
qu'effectivement c'est inopportun cette année, mais cela sera
peut-être opportun l'an prochain et, avec le pouvoir
réglementaire, on pourra le faire l'an prochain. Dans le fond, il semble
que vous vous rencontrez parfaitement, mais vous ne l'avouez pas, parce que le
ministre, jugeant que c'est opportun, en restera le seul juge et il pourra
différer l'adoption de la plupart des mesures, sauf les mesures
minimales.
Je prends, par exemple, la question des congés. Il y en a trois.
Est-ce que c'est le fait que les trois congés soient donnés et
consacrés dans la loi tout de suite, est-ce que c'est exorbitant? Pour
le reste, on s'en remet au pouvoir réglementaire du ministre. Est-ce que
c'est à cela que vous en avez ou est-ce que vous suggéreriez
qu'il y ait des délais précisés dans la loi? Parce qu'il
n'est pas facile de tirer des conclusions en disant que ce n'est pas opportun
dans le moment. C'est quand même dans le moment qu'on étudie le
projet de loi; alors, il faut finalement conclure. Etes-vous pour ou
êtes-vous contre?
M. Morin (Pierre): On est effectivement en faveur des
dispositions de la loi. Ce qui nous chicote vraiment c'est
peut-être là véritablement le fond philosophique auquel
faisait allusion le député de Saint-Laurent tantôt
c'est que le gouvernement, son prédécesseur et ses
prédécesseurs, sont tous intervenus à un moment ou l'autre
dans ce qu'on pourrait appeler les conditions minimales de travail. Tous ont
voulu intervenir ou sont effectivement intervenus à un degré ou
à un autre au niveau du salaire, et s'en réclament toujours comme
étant un de leurs accomplissements. Ce qui nous fait souvent perdre de
vue que ces accomplissements, ces actes posés, ont eu des effets
négatifs et, souvent, pour le gain immédiat d'avoir fait voter
telle ou telle loi ou majorer le salaire minimum, on oublie de mentionner la
contrepartie qui se traduit au Québec, depuis quelques années,
par des pertes d'emplois et des rigidités dans le marché du
travail, qui ne sont pas à l'avantage effectivement de l'ensemble de la
population. Ceux qui ont touché des majorations en sont bien heureux,
mais il y a eu des conséquences et des conséquences
négatives.
C'est souvent en rappelant les conséquences négatives que
l'on voudrait introduire une certaine prudence à s'impliquer dans le
domaine même des normes minimales de travail. Au fur et à mesure
qu'on y introduit de la rigidité, au fur et à mesure, cela
introduit de nouvelles conséquences souvent aussi défavorables
que pouvaient être favorables les mesures elles-mêmes pour un
secteur. .
Enfin c'est là notre véritable conclusion qui se
retrouve à la dernière page c'est bien beau d'adopter une
loi comme celle-là, mais, si on regarde l'expérience qu'on a
vécue avec la Loi du salaire minimum, il n'y avait pas là les
moyens pour appliquer la loi. A ce moment-là, ce genre de loi ne donne
rien, c'est un écran de fumée.
M. Forget: Quel jugement portez-vous sur les mesures qui sont
contenues dans le projet de loi relativement à sa mise en application,
c'est-à-dire non seulement les amendes, mais également d'autres
mécanismes tels que, par exemple, le pouvoir, la protection qu'on donne
à celui qui loge une plainte d'être protégé de la
même façon que le
syndiqué contre le renvoi pour cause d'activités
syndicales? Quel jugement portez-vous globalement? Vous semblez suggérer
qu'il y ait un budget considérable qui devrait être
consacré à l'inspection.
M. Morin (Pierre): Oui.
M. Forget: Or, ces mesures sont des mesures alternatives, dans le
fond, à l'inspection.
M. Morin (Pierre): En fait, on n'a pas d'opposition à ces
mesures qui assimilent la protection du plaignant, le respect de son anonymat,
mais cela demandera quand même beaucoup plus de ressources et aussi
beaucoup plus de volonté au niveau des inspections et de
l'opération qu'on pourrait appeler carrément police,
c'est-à-dire veiller au respect des mesures qui sont contenues dans la
loi.
M. Forget: Vous suggérez l'augmentation du service
d'inspection.
M. Morin (Pierre): Non. Que ce soit le service d'inspection, pas
nécessairement. Il y aurait peut-être lieu d'habiliter un certain
nombre d'organismes, qui déjà sont voués à la
défense des travailleurs syndiqués ou autres, de pouvoir
formuler, de pouvoir eux-mêmes veiller à l'inspection, de pouvoir
formuler des plaintes comment pourrais-je dire cela? un peu avec
un pouvoir délégué. Pas besoin nécessairement
d'avoir tellement plus de fonctionnaires, mais qu'il se fasse plus
d'inspections.
M. Forget: C'est intéressant. Comme Chambre de commerce de
la province de Québec, seriez-vous en faveur que les syndicats se voient
octroyer un rôle dans la mise en application de la loi?
M. Morin (Pierre): Si c'est un syndicat qui peut le faire dans un
secteur donné, aucune objection. Ce qu'on suggère, c'est que,
là où il y a des organismes habilités ou
déjà voués à la défense des
travailleurs...
M. Forget: Ce sont des syndicats que vous avez à
l'esprit.
M. Morin (Pierre): Non, il y a les syndicats qui l'ont par leur
constitution même, mais il y a les comités paritaires, il y a
aussi, je pense, des organismes volontaires, les ACEF, enfin, il y a toute une
série de groupes, en plus des syndicats, qui pourraient être
habilités à formuler des plaintes lorsqu'ils les
reçoivent.
M. Forget: Bon. M. le Président, je vous remercie
beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: En fait, il reste cinq minutes, je n'aurai pas le
temps d'entrer sur le fond du sujet, mais je pense qu'on l'a suffisamment
traité. En somme, vous êtes d'accord sur les principes
généraux du projet de loi. Vous l'avez dit. Mais vous trouvez
inopportun de les concrétiser à ce moment-ci. Je ne pense pas me
tromper en disant cela. Vous amenez un argument, à la page 9, qui pose
toujours un certain nombre de questions parce qu'évidemment, à la
suite de cette position, on est dans le court terme, on est dans des questions
conjoncturelles. Vous nous dites: Dans une conjoncture de haute croissance
économique, cela nous apparaîtrait raisonnable. On passe d'une
période de haute conjoncture à une période de basse
conjoncture actuellement. On va probablement connaître une période
de haute conjoncture bientôt, suivie d'une période de basse
conjoncture, cela fluctue, cela oscille. Est-ce qu'il va y avoir un moment
où cela va devenir opportun de passer une telle loi? On peut se poser la
question.
M. Morin (Pierre): Oui, il y a un moment opportun et
peut-être que le meilleur indicateur que l'on pourrait prendre au
Québec serait l'indice du chômage. Si on réussissait
à réduire prenons simplement un chiffre le
chômage au Québec à 8%, déjà cela indiquerait
qu'il y a, lorsqu'on considère que 5% est le plein emploi à peu
près, de l'élasticité dans le marché du travail et
la mesure pourrait passer sans contribuer indûment au chômage. Mais
lorsqu'on prévoit 11,75% cette année, on est loin encore de cet
objectif.
M. Paquette: Maintenant, vous supposez que la réaction des
employeurs, par exemple, à une mesure comme les pauses-café ou la
demi-heure payée du dîner, va se traduire en termes de
réduction de personnel et de réduction d'heures. Est-ce que cela
ne pourrait pas être l'inverse aussi dans certains cas?
M. Morin (Pierre): Vous voulez dire que l'augmentation des
coûts produirait, plutôt qu'une réduction, la
création d'emplois?
M. Paquette: Dans le sens que ce n'est pas une création
qui serait évidemment liée au dynamisme de l'économie,
parce que je pense que le problème que vous soulignez à la page
4, il est là. Vous dites: Les salaires payés au Québec
dans la plupart des activités sont moins élevés qu'en
Ontario et pourtant ils ont une productivité plus faible à cause
de la faible taille des entreprises. Je pense que le problème est
là, il est en termes de structures industrielles mais, malgré
tout, est-ce que l'employeur ne pourrait pas dire: Je vais avoir besoin de plus
d'employés, je vais avoir besoin de plus de temps puisqu'on me
réduit le nombre d'heures de travail? Evidemment, avec des coûts
additionnels pour l'entreprise, je l'admets volontiers.
M. Morin (Pierre): C'est justement, c'est là
l'équation.
M. Paquette: Vous, vous pensez qu'ils vont réduire
plutôt leurs activités.
M. Morin (Pierre): C'est qu'ils vont trouver des moyens de
façon que les coûts imposés par la loi n'augmentent pas le
coût actuel. Si, par exemple, dans l'entreprise, il y a 45% des
coûts qui sont des coûts de main-d'oeuvre, on va tenter de
conserver, avec les dispositions de la loi, l'enveloppe budgétaire pour
les coûts à la main-d'oeuvre à environ 45% et on va prendre
des mesures de façon à réduire ailleurs les coûts
qui sont imposés par la loi. Même le gouvernement du Québec
n'est pas exempt de ce même calcul.
M. Forget:... unilatéralement, s'il le veut, on le verra
ce soir.
M. Johnson: On verra.
M. Paquette: Une dernière question, très
brièvement, simplement sur le plan de l'information, vous avez
évalué l'augmentation de coût de la pause-café.
C'était en supposant qu'aucune entreprise, actuellement, ne donnait de
pause-café payée?
M. Morin (Pierre): Non.
M. Paquette: Non? C'est sur quelle hypothèse?
M. Morin (Pierre): L'évaluation qui est ici est purement
dans le secteur public, où existe déjà la
pause-café. On voulait simplement démontrer au législateur
que, sur une masse budgétaire de $5 milliards payée en salaires,
la pause-café telle que prévue dans la loi coûte $175
millions.
M. Paquette: Les $5 milliards s'adressent à quoi?
M. Morin (Pierre): Ils s'adressent aux salaires payés aux
employés de la fonction publique et parapublique.
M. Paquette: Bon.
M. Morin (Pierre): C'est purement une hypothèse. On dit:
$5 milliards de masse salariale, 32 1/2 heures par semaine de travail, la
pause-café coûte $175 millions à l'employeur.
M. Paquette: Vous n'avez pas évalué la proportion
des entreprises où ce système de pause-café existe
déjà, donc où les coûts sont déjà
assumés par les employeurs?
M. Morin (Pierre): Non, parce qu'ils le sont déjà
en ce cas-ci. Ce qu'on voulait, c'est inviter le législateur à se
demander si ces $175 millions sont bien utilisés. C'est là la
question. C'est le cas de plusieurs hôpitaux, même dans le
comté de Maisonneuve.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Chambre de
commerce de Québec de nous avoir présenté son
mémoire.
Mme Michaud: M. le Président, M. le ministre, messieurs
les membres de la commission, nous avons été très heureux
de vous présenter notre mémoire et nous espérons que vous
tiendrez compte des quelques remarques que nous avons pu vous faire. En tout
cas, au nom du conseil d'administration et au nom de la permanence de la
chambre, je vous remercie.
M. Johnson: Dans la mesure du souhaitable, comme le dit le
député...
Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses
travaux sine die, mais elle les reprendra probablement vers 15 h 30.
Fin de la séance à 12 h 31
Reprise de la séance à 15 h 35
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi 126, Loi sur les normes du travail.
Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie) remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup); M.
Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M.
Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M.
Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M.
Springate (Westmount).
J'inviterais maintenant l'Association des manufacturiers de bois de
sciage du Québec à s'approcher afin de nous présenter son
mémoire. Vous connaissez nos règlements. Vous avez une vingtaine
de minutes pour nous résumer votre mémoire et nous le
présenter. Suivront ensuite les échanges avec les
députés.
Me Morin, ou le président.
Association des manufacturiers de bois de
sciage
M. Perron (Jean): Jean Perron.
Le Président (M. Marcoux): M. Jean Perron, si vous voulez
nous présenter vos collègues.
M. Perron (Jean): Merci, M. le Président. M. le ministre,
MM. les membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir, comme
président de l'association, de présenter les représentants
de l'association aujourd'hui, soit: M. Léonce Girard,
vice-président; M. Napoléon Létourneau, directeur
général; M. Jacques Morin, directeur du service des relations de
travail de l'association; M. Claude Saillant, du service des relations de
travail de l'association, ainsi que des industriels qui sont membres de notre
comité de travail, soit M. Jean-Yves Gonthier, M. Yvon Savard, M.
Raymond Thibeault et M. Guy Gauthier.
M. le ministre, ce matin, demandait de résumer les
mémoires autant que possible. Je voudrais quand même faire
remarquer au ministre qu'il est impossible pour l'association de résumer
son mémoire parce que tout ce qui est dit à l'intérieur
est très important. Par contre, je vais vous rassurer en vous disant
qu'en un peu moins de 20 minutes on devrait vous en faire lecture.
C'est une occasion un peu particulière pour nous de voir qu'il y
a peut-être plus de "parlemen-teux" que de parlementaires ici cet
après-midi, mais notre forte délégation vous montre
l'intérêt que nous portons à cette loi.
L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec
désire remercier les membres de la commission parlementaire du travail
et de la main-d'oeuvre de lui avoir permis de se faire entendre devant cette
commission afin d'exprimer à celle-ci son point de vue sur le projet de
loi 126 intitulé Loi sur les normes du travail.
Fondée en 1953, l'association regroupe au-delà de 150
industriels représentant 80% de la production totale de sciage de la
province de Québec. Longtemps artisanale, l'industrie
québécoise du sciage a connu, vers la fin des années
soixante, une évolution technologique qui la situe aujourd'hui à
la fine pointe de la technologie. Une étude réalisée en
1975 par le ministère fédéral de la Main-d'Oeuvre et de
l'Immigration la considérait, dans le monde entier, parmi celles qui
s'étaient le plus transformées pour suivre
l'évolution.
D'ailleurs, nombreux sont les visiteurs étrangers de l'Europe,
des Etats-Unis, de l'Afrique, qui viennent constater cette évolution
dans les usines québécoises de sciage. Ce haut degré de
technologie que l'industrie québécoise du sciage a atteint n'est
pas le fait pur et simple de l'arrivée sur le marché de nouveaux
équipements et de nouvelles machineries. Ces équipements et
machineries n'auraient jamais été installés dans les
usines si les industriels québécois de sciage n'avaient
réinvesti la majeure partie de leurs profits dans de nouvelles
installations. En 1978, par exemple, on estime que les investissements de
l'industrie québécoise du sciage ont atteint les $50
millions.
Pour cette même année, la production des usines de sciage a
atteint le chiffre de 3 200 000 000 de p.m.p. de bois de sciage et de 3 500 000
tonnes anhydres de copeaux. Il faut mentionner que cette production
considérable, à peu près de 82%, est concentrée
dans 44 usines. Ces chiffres sont révéla- teurs de l'ampleur des
installations, mais également de la complexité des
problèmes que rencontrent des administrateurs, que ce soit dans le
domaine des opérations forestières, de la production en usine,
des relations patronales-ouvrières, de la mise en marché,
etc.
La valeur totale des expéditions de l'industrie
québécoise du sciage s'élevait, en 1978, à
près de $900 millions. Soixante-dix pour cent de la production de bois
d'oeuvre étaient expédiés hors du Québec, dont 40%
aux Etats-Unis, sur des marchés qu'elle a dû développer et
pénétrer.
Elle verse annuellement à l'industrie du camionnage plus de $153
millions et au-delà de $28 millions aux compagnies de chemin de fer.
Elle emploie près de 20 000 travailleurs dans ses opérations
forestières et ses usines et paie des salaires qui dépassent $225
millions.
L'industrie québécoise du sciage est actuellement
confrontée à de nouvelles lois dans le domaine du travail
à savoir la loi 45, le projet de loi sur la santé et la
sécurité au travail, des maladies industrielles telles que le
bruit ainsi que diverses autres lois, plus particulièrement celle que
nous discutons devant cette commission parlementaire, le projet de loi sur les
normes du travail.
Ce nouveau défi dans les relations de travail saura-t-il rendre
l'industrie québécoise du sciage plus stable et plus
concurrentielle? Nous l'espérons et souhaitons que le législateur
adopte des lois ouvrières qui permettront à l'industrie
québécoise du sciage de stabiliser son industrie et de jouer son
rôle concurrentiel sur les marchés internationaux.
L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec est
également membre du Conseil du patronat du Québec et
l'association endosse et souscrit entièrement au contenu du
mémoire de cet organisme qui sera présenté à cette
commission.
M. le Président et messieurs les membres de la commission
parlementaire, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec vous présente ses commentaires concernant le projet de loi
no 126 intitulé Loi sur les normes du travail.
Bien que l'article 141 du projet de loi énonce comme disposition
transitoire que les ordonnances adoptées par la Commission du salaire
minimum qui peuvent faire l'objet d'un règlement en vertu des articles
86 et 87, continuent d'être en vigueur jusqu'à leur abrogation,
leur modification ou leur remplacement par un règlement adopté en
vertu desdits articles, l'association tient à souligner à la
commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre la nature
particulière du travail des salariés oeuvrant dans les
opérations forestières et les scieries.
Le projet de loi le reconnaît dans la rédaction des
articles 86 et 87 en donnant au gouvernement le pouvoir de réglementer
d'une façon spéciale les salariés du secteur des
opérations forestières et des scieries. Nonobstant cette
reconnaissance, et pour plus de certitude, nous croyons utile de vous
mentionner que le secteur des opérations forestiè-
res et des scieries est régi par les ordonnances 9 et 10 de la
Loi du salaire minimum.
Nous comprenons que ces ordonnances ont, aux fins de la présente
loi, la même valeur et le même effet qu'un règlement
adopté en vertu de la présente loi, conformément à
l'article 141 du projet de loi.
La lecture de l'article 90 du projet de loi permet aux parties
intéressées de formuler une objection au règlement du
gouvernement qui sera adopté en vertu du chapitre IV, de la section 8,
mais, malheureusement, les articles 36 et 37 peuvent rendre inopérant ce
droit fondamental, cesdits articles devant être abolis.
Nous recommandons à cette commission qu'advenant une modification
ou un remplacement des ordonnances 9 et 10 par un règlement
adopté conformément aux articles 86 et 87, l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec puisse être
consultée afin de faire connaître ses commentaires et
recommandations, et cela, indépendamment des articles 36 et 37 du projet
de loi. Nous osons croire qu'il n'est pas de l'intention du gouvernement
d'abroger les ordonnances 9 et 10.
Article 1h: Salarié: La notion de "salarié" telle que
définie dans le projet de loi, élargit la définition
apparaissant au Code du travail de l'article 1m. Plusieurs industriels dans le
domaine des opérations forestières ont à leur emploi des
camionneurs et des propriétaires de machineries forestières.
Nous sommes d'opinion que les artisans travaillant dans le secteur de
notre industrie devraient être exclus de la notion de "salarié"
apparaissant au projet de loi sur les normes du travail.
Article 1j: La notion de "service continu", telle que
rédigée, inclurait, à notre avis, les cas où
l'employé n'est pas à l'emploi de l'employeur, mais en
étant à son service.
Par exemple, si un employé a été mis à pied,
ou, encore, n'est pas à l'emploi de l'employeur à cause d'un
accident, cet employé accumulerait de l'ancienneté ou du service
continu chez l'employeur et aurait droit aux congés prévus aux
articles 66, 67 et 68 basés sur la définition de "service
continu".
Les conventions collectives des industriels de sciage et de leurs
employés excluent dans la notion de "service continu" les cas de mises
à pied ou d'accidents de travail. Cette définition de "service
continu" nous apparaît générale et il y aurait lieu de la
restreindre en excluant les cas d'accidents ou de mises à pied.
Article 29h: Nous comprenons mal le pouvoir de la commission de taxer
les employeurs sous forme de réglementation. Nous sommes d'avis que
cette taxation représente un montant significatif et qu'il n'appartient
pas à l'industrie de financer cette commission.
Nous recommandons également que le taux que les employeurs paient
actuellement, conformément à la Loi du salaire minimum, ne soit
pas majoré, car il représente un pourcentage déjà
élevé.
(15 h 45)
Article 42: Certains salariés reçoivent actuellement leur
salaire à intervalle régulier et sur une base mensuelle. Nous
proposons de modifier l'article 42 en ajoutant: "à moins d'entente entre
les parties".
Article 43: L'association ne voit aucune utilité pour le
salarié de recevoir son salaire sous enveloppe scellée,
occasionnant par le fait même une augmentation de dépenses pour
l'employeur. Nous sommes d'avis que le salarié peut recevoir son salaire
en main propre sans qu'on ajoute "sous enveloppe scellée". Nous
recommandons d'enlever les mots "sous enveloppe scellée".
Article 45c: II arrive fréquemment, dans notre secteur
industriel, que des salariés soient affectés à des
tâches différentes au cours de la même journée ou
durant la semaine normale de travail. Tel que rédigé, cet article
occasionnerait une modification majeure dans le bulletin de paie et, par voie
de conséquence, une augmentation de frais administratifs pour
l'employeur. Le bulletin de paie de nos industriels est actuellement assez
volumineux et l'acceptation de l'article 45c engendrerait maintes complications
techniques au service de compatibilité des industriels.
Nous recommandons que l'article 45c du projet de loi soit rayé,
étant donné que l'article 29b prévoit que la commission
peut, par règlement, vérifier le travail effectué par
l'employé.
Article 51: Nous informons la commission que plusieurs employés,
notamment les employés non régis par les ordonnances 9 et 10, ou
toute autre ordonnance fixant les heures de travail, ont une semaine normale de
travail de 45 heures.
Nous recommandons que le chiffre 45 soit maintenu au lieu de 44 tel que
prévu au projet de loi et que les heures établies aux ordonnances
9 et 10 ne soient pas modifiées.
Article 59: Puisque le projet de loi no 126 sera présenté
à l'Assemblée nationale du Québec, il serait tout à
fait normal que les normes prévues dans ce projet de loi soient
également adoptées par l'Assemblée nationale.
Article 61 : Plusieurs employés du secteur des activités
forestières sont payés à forfait ou au rendement et leur
salaire peut varier de jour en jour. L'indemnité égale au salaire
prévue à l'article 51 devra être basée sur un taux
horaire de base de l'industrie en excluant tout avantage prévu ou
accordé par l'employeur et, plus particulièrement, les bonis
accordés à certains employés, ou une entente
négociée entre les parties qui ne devra pas être
inférieure aux salaires journaliers minimaux.
Article 62: La dernière phrase de cet article impose une
obligation et un choix qui se lisent comme suit: "Dans ce cas, le congé
doit être pris dans les trois semaines précédant ou suivant
ce jour".
Nous suggérons d'enlever le terme "précédant" et
d'ajouter à la fin de cet article "à moins d'entente entre
l'employé et l'employeur".
Article 64: Nous vous signalons que les conventions collectives des
industriels de sciage et de leurs employés, ainsi que celles du
gouvernement du Québec et de ses employés, prévoient que
pour avoir droit ou bénéficier d'un jour férié
visé à l'article 59, un employé doit être
présent à son travail le jour ouvrable qui précède
immédiatement et celui qui suit immédiatement le jour
férié, à moins que pour l'un ou l'autre de ces jours il ne
soit en permis d'absence autorisé. Le mot "ou" à la
dernière ligne devrait être remplacé par "et".
Un salarié devrait également être à l'emploi
de l'employeur 30 jours précédant immédiatement la
fête, tel que prévu dans la majorité des conventions
collectives de notre secteur, pour avoir droit au congé.
Article 68: Plusieurs salariés à l'emploi de nos
industriels ont droit à un congé annuel d'une durée
minimale de trois semaines et demandent souvent à l'employeur de prendre
uniquement deux semaines de congé annuel afin de
bénéficier d'une semaine supplémentaire au cours de leur
année de référence. Nous suggérons d'ajouter
à cet article: "à moins d'entente entre l'employé et
l'employeur pour la troisième semaine de congé annuel".
Article 73: Le contenu de l'article 73 accorde aux salariés une
indemnité afférente au congé annuel et nous ne pouvons
croire que le législateur a la même interprétation que
celle que nous y avons décelée.
L'article 73 permettrait, à notre avis, à un
salarié bénéficiant de plusieurs années de service
continu tel que défini à l'article 1j de n'avoir
complété au cours d'une même année que quelques
jours ou quelques mois d'emploi chez un employeur pour bénéficier
d'une indemnité égale au plus élevé des montants
suivants: soit le salaire correspondant à trois semaines normales de
travail du salarié, soit un montant égal à 6% du salaire
brut du salarié durant l'année de référence. Il va
de soi que l'indemnité d'un salaire correspondant à trois
semaines normales de travail du salarié devrait nettement être
plus élevée à montant égal à 6% du salaire
brut dans les cas où un salarié aurait complété dix
ans de service continu. Nous recommandons de modifier l'article 73 aux fins
d'accorder une indemnité afférente au congé annuel sur la
base unique du pourcentage du salaire brut, tel que prévu dans la
majorité des conventions collectives, au lieu d'une indemnité
égale au plus élevé des montants prévus à
l'article 73.
L'indemnité afférente au congé annuel doit tenir
compte du reliquat de l'année précédente et il ne semble
pas, malheureusement, que cet article le prévoie.
Article 79: L'association s'interroge sur la définition et le
sens qu'elle doit donner aux termes "à l'occasion" prévus
à cet article. L'association recommande que l'absence autorisée,
sans réduction de salaire, prévue à l'article 79, soit
accordée pour la journée des funérailles à la
condition que cette journée soit une journée ouvrable.
Aux fins de concordance avec notre recommandation, l'absence
autorisée de trois autres journées, prévue à
l'article 79, cela devrait être des journées qui
précèdent ou qui suivent immédiatement il faut
changer ici le mot "décès" pour ajouter "la journée des
funérailles". C'est une erreur.
L'article 81. Nous recommandons d'exclure les employés
travaillant aux exploitations forestières d'une façon
saisonnière ainsi que les employés occasionnels et ceux qui n'ont
pas complété leur période de probation chez
l'employeur.
Messieurs de la commission, M. le Président, nous
réitérons nos remerciements à cette commission pour avoir
entendu l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec et
souhaitons que le législateur tienne compte de nos recommandations.
Le Président (M. Marcoux): Merci. M. le ministre.
M. Johnson: Merci, messieurs. Merci de votre excellent
mémoire. En effet, vous avez réussi à passer à
travers en moins de 20 minutes. D'abord, pour ce qui concerne la consultation,
je peux vous assurer qu'il y en aura, c'est pour cela qu'il y a les articles
36, 37 et autres dans la loi, 32, dis-je, 36 et 37. Il y en aura
éventuellement dans le cadre du remplacement des ordonnances qui
affectent votre secteur.
Dans le cas de l'article 42 où il s'agit du versement, c'est
pourtant ce qui est prévu en ce moment dans l'ordonnance no 10: 16
jours. A 45c sur le bulletin, l'ordonnance no 10 prévoit
également un bulletin comme celui qui est décrit dans la loi. A
61, il s'agit de l'indemnité; il s'agit en fait de viser la perte
réelle qui a été subie à l'occasion d'un
congé. J'aurais une question: Pourquoi demandez-vous qu'on enlève
le terme "précédent" et ajouter à la fin "à moins
d'entente entre l'employé et l'employeur" à l'article 62?
J'aimerais que vous puissiez répondre à cette question.
Finalement, je voudrais vous dire qu'en ce qui a trait aux
problèmes reliés à votre secteur industriel, dans le cas
des licenciements, nous avons été saisi de problèmes
analogues par l'industrie des pâtes et papiers, qui recoupe, à
certains égards, une partie de vos activités, quand on parle de
coupage de bois, et nous avons tenu compte de certaines des remarques dont
certaines qui sont analogues dans votre cas. Nous verrons dans quelle mesure
nous pouvons en tenir compte de façon définitive au niveau des
amendements apportés après la deuxième lecture.
Je terminerais en vous posant la question concernant l'article 62.
Deuxièmement, je vous demanderais combien il y a de salariés, en
gros, dans vos entreprises, qui sont impliqués, troisièmement,
quel est le taux de syndicalisation dans votre secteur industriel, de
façon générale, et, quatrièmement, dans quelle
mesure vous avez des conventions collectives qui vous couvrent et qui
impliquent des normes supérieures à celles qu'on retrouve dans le
projet de loi 126.
M. Morin (Jacques): Dans un premier temps, je vais
répondre seulement à la première question et je laisserai
mes collègues répondre aux autres questions. Si on veut ajouter
à l'article 62 et si on demande également de rayer les
précédents, il nous semble difficile de prévoir trois
semaines à l'avance la journée où le salarié va
travailler et qui sera fériée.
M. Johnson: Vous venez de dire que, compte tenu de la
mobilité de votre main-d'oeuvre dans ce secteur, vous n'êtes pas
sûr...
M. Morin (Jacques): On ne sait pas trois semaines d'avance...
M. Johnson: ... qui va travailler avec vous. Mais c'est au
maximum, ça peut se faire avant. On dit: "Si un salarié doit
travailler l'un des jours indiqués à l'article 59
l'article 59, c'est le 1er janvier, le 25 décembre ou les autres jours
fixés par règlement l'employeur, en plus de verser aux
salariés occupés ce jour férié le salaire
correspondant au travail effectué, doit lui verser une indemnité
égale à son salaire pour une journée normale de travail ou
lui accorder un congé compensatoire d'une journée. Dans ce cas,
le congé doit être pris dans les trois semaines
précédant ou suivant ce jour."
Vous ne trouvez pas qu'il y a assez de flexibilité
là-dedans?
M. Thibeault (Raymond): J'aimerais ici ajouter quelque chose, si
vous permettez, M. le Président.
M. Johnson: Si vous voulez vous identifier quand vous prenez la
parole, pour les fins du journal des Débats.
M. Thibeault: Raymond Thibeault. C'est seulement où il y a
un congé et qu'on ne sait pas si le travail doit être
effectué cette journée ou non. Dans notre industrie, il arrive
très souvent qu'il y a un bris et on doit faire entrer des travailleurs
lors d'une journée de congé si le bris s'est effectué la
journée précédente. A ce moment-là,
évidemment, en donnant le congé avant, même s'il est
exigé, on ne sait pas s'il aura à travailler cette
journée-là. C'est là qu'on trouve confus de dire qu'il
faut donner le congé à l'employé avant la période
du congé.
Si, la veille de Noël ou les deux jours précédents,
on ne sait qu'il va falloir travailler la journée de Noël, c'est
difficile de lui donner trois semaines à l'avance le congé. C'est
dans ces cas-là. Lorsque c'est connu, il n'y a pas de
problème.
M. Johnson: Par contre, vous pouvez le donner dans les trois
semaines qui suivent.
M. Thibeault: Sûrement. C'est ce qu'on recommande
d'ailleurs dans notre mémoire, que soit enlevé le mot "ou" et
qu'on laisse "dans les trois semaines suivant le congé seulement."
M. Johnson: Mais le "ou" est quand même alternatif. Il
permet de régler ce problème dans d'autres secteurs, comme c'est
une loi d'application générale. Dans votre secteur, il n'y a rien
qui empêche que le droit de gérance s'exerce et qu'effectivement,
le congé soit accordé dans les trois semaines
subséquentes. En laissant le texte comme cela, cela ne vous ennuie pas,
à proprement dit.
M. Thibeault: Non, en autant qu'il n'est pas exigé
à un moment donné.
M. Létourneau (Napoléon): Napoléon
Létour-neau. Pour répondre aux autres questions, le nombre de
salariés dans l'industrie québécoise du sciage, disons que
c'est un chiffre qui est assez aléatoire parce que c'est saisonnier dans
certains secteurs. Il faut dire que cela se situe entre 18 000 et 20 000,
jusqu'à un sommet, dans les plus fortes périodes, de 22 000
à 23 000.
M. Johnson: Réparti dans combien d'entreprises?
M. Létourneau: II y a environ 500 entreprises de sciage
dans la province de Québec. Mais ici, il faut faire une distinction qui
est reconnue par le ministère des Terres et Forêts. Il y a ce
qu'on appelle les industries de sciage commerciales et les industries de sciage
qu'on dit de service, des usines de service.
Les usines de service qui sont les plus petites ont comme contrainte
qu'elles n'ont pas le droit d'acheter du bois, ni d'en vendre, tandis qu'une
scierie commerciale a le droit d'effectuer des transactions sur les divers
marchés, tant au Canada qu'à l'extérieur.
C'est une distinction fondamentale. On compte, dans la province de
Québec, environ 175 usines dites commerciales, qui ont un permis d'usine
commerciale contre 325 usines dites de service. Généralement, les
usines de service desservent un marché très local, un village
donné, pour la construction. Ce sont de très petites
unités. Généralement, elles ont des productions annuelles
inférieures à 500 000 p.m.p. C'est très faible par rapport
aux usines dites commerciales qui ont un seuil débutant vers 5 millions
de p.m.p. de production annuelle.
M. Johnson: p.m.p., c'est...?
M. Létourneau: Pied mesure de planche.
M. Johnson: Et la syndicalisation, dans votre secteur?
M. Létourneau: Si on compte l'ensemble de tous les
salariés, le taux de syndicalisation peut se situer à 30%,
à la fois usines de service et usines commerciales. Maintenant, si on se
limite uniquement aux usines commerciales, c'est-à-dire celles qui ont
des productions supérieures à 5 millions de p.m.p., ce taux de
syndicalisation dépasse 60%.
M. Johnson: Et ma dernière question: Est-ce que, à
votre avis, la loi 126 défonce bien des choses de ces conventions
collectives?
M. Létourneau: Globalement, les industries de sciage sont
régies par les ordonnances 9 et 10, lesquelles ordonnances
prévoient des semaines de travail et autres aménagements que la
loi 126, actuellement, nous apparaît modifier. Et dans cette optique,
nous demandons que, si éventuellement et vous nous le confirmiez
il y a quelques instants, M. le ministre les ordonnances 9 et 10
pouvaient être modifiées, nous serions consultés. Comme,
présentement, nous sommes régis, nous voyons, dans ce projet de
loi, certains articles qui pourraient apporter des modifications.
M. Johnson: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Messieurs, je
voudrais vous remercier pour la présentation de votre mémoire qui
reflète très bien les problèmes que vous êtes
susceptibles d'affronter dans votre industrie. (16 heures)
Plusieurs des arguments ou des points que vous évoquez ont
déjà été cités ici par l'Association des
industries forestières qui a sensiblement les mêmes
préoccupations que vous à l'égard du projet de loi
126.
Je ne voudrais pas reprendre les représentations bien
particulières et bien spécifiques que vous apportez sur les
notions de services continus, de bulletin de paie, de semaine de travail, de
congés, etc. Je dois dire que la commission parlementaire prend acte de
vos recommandations, de vos demandes. C'est après l'étude du
projet de loi en deuxième lecture que le gouvernement aura l'occasion de
présenter des amendements ou des modifications et d'en tenir compte. Ou
encore l'Opposition pourra le faire au moment de l'étude du projet de
loi, article par article, en commission parlementaire.
Vous avez répondu à une question du ministre qui
était celle que je voulais vous poser sur le nombre d'employés
syndiqués. J'aimerais savoir le nombre d'employés, dans votre
industrie, qui travaillent à forfait par rapport au nombre
d'employés qui travaillent selon un taux horaire. Je sais que vous avez
plusieurs travailleurs... par exemple, les bûcherons vont travailler
à la corde et non à l'heure. J'aimerais savoir quel est le
pourcentage pour les deux, dans un premier temps, et, dans un deuxième
temps, quel sera l'impact du projet de loi 126 et des modifications
éventuelles aux ordonnances 9 et 10 sur le sujet.
M. Perron (Jean): Pour ce qui est du pourcentage des travailleurs
à forfait, je pense qu'il faut faire une distinction entre les usines et
la forêt. Pour la majorité, dans la presque totalité des
usines, c'est du travail horaire, tandis qu'en forêt je dirais que c'est
à peu près la situation opposée, c'est surtout du travail
à forfait.
M. Pagé: Quel est le nombre de travailleurs en
forêt?
M. Perron (Jean): On peut parler de 95%. M. Pagé:
D'accord.
M. Perron (Jean): 90% à 95% travaillent à forfait
en forêt.
M. Pagé: Je donne l'exemple d'une usine qui a cinquante
employés, en incluant l'administration, etc. Combien a-t-elle
d'employés généralement en forêt? Une dizaine?
M. Perron (Jean): Je dirais que cela s'équivaut, c'est
à peu près 50%-50% le nombre de travailleurs en usine et en
forêt. C'est à peu près moitié-moitié.
M. Pagé: C'est donc dire qu'environ 95% des
employés évoluant dans votre industrie seraient payés
à forfait?
M. Perron (Jean): Non, c'est à peu près 50%?
M. Pagé: C'est-à-dire 45%.
M. Perron (Jean): C'est cela, oui.
M. Pagé: D'accord. Les impacts du projet de loi 126 sur
ces travailleurs-là, ce serait quoi pour vous?
M. Létourneau: Cela nous apparaît fondamental que
ces travailleurs à forfait soient exclus de la définition de
"salarié". C'est une recommandation que nous formulons. Nous n'aimerions
pas voir ces travailleurs à forfait ou encore les artisans
considérés comme des salariés.
M. Pagé: Je présume que c'est surtout en raison du
caractère saisonnier de leur occupation?
M. Morin (Jacques): Pas uniquement cela, il faut ajouter à
la notion forfaitaire les camionneurs qui sont également payés
à forfait, conformément aux tarifs de la Commission des
transport. Il est sûr qu'on prévoit des tarifs horaires et des
tarifs à forfait. Dans l'esprit de la commission, les tarifs à
forfait sont supérieurs aux tarifs horaires. C'est déjà
prévu par la commission. C'est la raison pour laquelle on demande
également d'exclure de la définition de "salarié" les
camionneurs qui sont rémunérés en majorité d'une
façon forfaitaire.
M. Pagé: C'est la même chose pour ceux...
M. Perron (Jean): Si vous le permettez, on aimerait
détailler un peu cela. On aimerait également avoir les
commentaires du ministre à la suite
de cela. Pour nous, ce qui apparaît fondamental dans la notion
d'employé, c'est ce qu'on entend par salarié. L'article 1h en
fait mention. On a soulevé le point tout à l'heure. On va
peut-être vous donner quelques détails ici. M. Thibeault va
expliquer cela.
M. Thibeault: Si vous le permettez, M. le Président, dans
le mémoire de l'association, un des points essentiels est la
définition du mot "salarié". A notre avis, il y a un
élargissement considérable du mot "salarié" dans le
nouveau projet de loi comparativement au Code du travail, par exemple.
Justement, le député de Portneuf touchait tantôt au
forfait. Dans cette partie du forfait, il y a également les
entrepreneurs qui comptent pour une partie assez importante de cette
industrie.
Par exemple, dans le projet, à l'article 1h ii), on dit que cela
inclut également ceux qui possèdent ou qui s'obligent à
fournir de l'équipement. Quand on parle de l'équipement, à
ce moment, pour définir notre point de vue, je me servirai de l'exemple
des camionneurs artisans. Le camionneur artisan achète de
l'équipement. Il a fait un choix, à ce moment, de ne plus
être le salarié normal. Il a fait le choix de devenir un
entrepreneur. A ce moment, il investit, il devient entrepreneur. A notre avis,
cela ne devrait pas être considéré dans la notion de
salarié, parce que celui-ci a fait le choix lui-même, librement.
Si on veut lui conserver sa liberté, nous croyons qu'il doit être
considéré en dehors des salariés régis par ce
projet de loi.
M. Pagé: Vous faites allusion aux camionneurs.
Combien...
M. Thibeault: Je prenais les camionneurs comme exemple.
M. Pagé: D'accord. Ceux qui ont à sortir le bois
avec les "skidders", qu'on appelle, est-ce qu'en général, ces
équipements appartiennent aux scieries ou à des entrepreneurs
aussi?
M. Thibeault: II y a les deux façons qui existent
actuellement. Les deux façons sont assez communes. Maintenant, ce ne
sont peut-être pas tellement ceux-là qu'on veut toucher, parce que
ceux-là, normalement, et en plusieurs parties, sont régis par des
conventions collectives, tandis que le camionneur artisan ou d'autres, comme
l'entrepreneur, ne le sont pas mais ils sont régis par d'autres
organismes. Par exemple, la Commission des transports régit les taux de
transport. C'est prévu. Les congés sont prévus dans cela,
etc. Toutes les autres conditions de travail sont également incluses.
C'est pour cela qu'on croit devoir exclure tout ce qui touche les artisans ou
les entrepreneurs.
M. Perron (Jean): Est-ce que le ministre pourrait commenter
là-dessus, nous donner son interprétation du "salarié" et
nous assurer que, naturellement, les gens qui ont décidé
d'être des entrepreneurs demeureront des entrepreneurs? Je pense bien que
le but aussi, c'est d'encourager les individus à obtenir un
intérêt de propriété dans l'équipement. Ils
ont leur propre façon de calculer leurs heures de travail. Ils ne sont
pas des salariés pour nous, dans notre industrie. Est-ce que le ministre
peut commenter?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Johnson: D'abord, l'ordonnance no 9 couvre déjà
certains employés, pour ne pas employer le mot "salariés"
à forfait. Si on prend par exemple ceux qui sont affectés
à la coupe du bois ou payés à la pièce, ils ont
droit, par jour de travail établi pour chaque mois civil, à un
taux moyen de $34.35 par jour; les salariés engagés à
forfait, les cuisiniers, les aides cuisiniers, les garde-feu, à $29.60;
les gardiens, à $27.25, et les autres salariés, à $3.27
l'heure, enfin, ce qui est l'ordonnance du salaire minimum. Le problème
que vous posez, concrètement, c'est celui des camionneurs artisans,
entre autres, où il s'agit de concilier au niveau des définitions
qu'on retrouve dans cette loi, dans le Code du travail, également les
intentions du gouvernement, de couvrir ceux qui sont finalement totalement
dépendants. Ce n'est peut-être pas votre industrie qu'on avait en
tête en couvrant cela. C'était peut-être beaucoup plus, par
exemple, ceux qui ont un dépanneur, un nombre de salariés
considérable, un nombre de personnes qui, en vertu du Code du travail,
ne sont pas considérées comme des salariés et, en vertu de
la Loi du salaire minimum, ne le sont pas non plus, mais qui, en fait, sont
dans un lien tel de dépendance à l'égard du promoteur ou
du propriétaire de l'entreprise originale qu'à toutes fins utiles
ce sont des salariés, sauf qu'ils ne sont couverts par rien.
Dans le cas de la Commission des accidents du travail, maintenant, on
les couvre c'est ce qu'on appelle des artisans de façon
générale et dans le cas du salaire minimum, il s'agit de
recouper ces personnes. Maintenant, le problème que vous soulevez dans
le cas des camionneurs et dans le cas des "jobbeurs", pour utiliser
l'expression de votre industrie, on va regarder comment, concrètement,
on peut essayer de circonscrire cela. Encore une fois, celui qui est dans un
lien total de dépendance, je pense, il faut s'arranger pour qu'il ait
l'équivalent au moins des conditions de celui qui est un salarié
proprement dit. Ceci dit, il ne s'agit pas de mettre fin au camionnage artisan
non plus. D'ailleurs, je pense que bien malvenu celui qui voudrait tenter
cela.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Portneuf, allez!
M. Pagé: Ma question s'adresserait au ministre. Les
représentants qui sont devant nous ont manifesté leur
inquiétude à l'égard d'une modification éventuelle
aux ordonnances 9 et 10 en vertu du projet de loi no 126, sans que ceux-ci
puissent être consultés. Vous avez répondu que ces
gens-là seraient consultés à l'égard d'un projet de
modification à l'ordonnance. Est-ce à dire que cela pourrait
aller jusqu'au dépôt du projet de modification en commission
parlementaire pour que cela puisse être débattu ici?
M. Johnson: Non.
M. Pagé: Comment se fera la consultation?
M. Johnson: Cela va se faire à partir du processus normal
qui est prévu dans ce projet de loi comme dans bien d'autres, qui est la
prépublication avec une période de 60 jours pour l'audition des
parties et la possibilité pour la commission de faire enquête,
d'entendre les mémoires, etc.
M. Pagé: Mais pas de commission parlementaire comme
telle?
M. Johnson: Non, je pense que la réforme parlementaire de
nos institutions ne devrait pas se faire par accident. Cela devrait être
un geste voulu par le législateur et le gouvernement.
M. Pagé: D'accord. Merci, M. le Président, quant
à moi. Merci, messieurs.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Ma question concerne le "service continu", à
la page 4. Vous dites qu'il faudrait restreindre en excluant le cas des
accidents et des mises à pied. La mise à pied pourrait
s'expliquer si vous apparentez ça à la perte d'ancienneté.
Mais comment pouvez-vous le justifier en parlant d'accidents? Quelle est votre
argumentation?
M. Morin (Jacques): Entendons-nous! Lorsqu'on veut exclure de la
notion de "service continu" les cas d'accidents ou de mises à pied, on
veut les exclure pour les fins d'indemnité, mais on ne les exclut pas
pour fins d'ancienneté. En d'autres mots, une journée de travail,
dans notre industrie, on est d'accord qu'elle inclut les cas d'accidents et
également les mises à pied, mais, par contre, lorsqu'on verse une
indemnité sur le salaire brut peut-être que ce
n'était pas précis ça fait référence
à l'article 73, autrement dit.
M. Chevrette: D'accord, merci!
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Joliette-Montcalm. Y a-t-il d'autres questions? Je
remercie donc l'Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec au nom de tous les membres de la commission pour avoir
présenté ce mémoire.
M. Perron (Jean): Merci!
Le Président (M. Boucher): J'inviterais maintenant la
Centrale des syndicats démocratiques, représentée par M.
Réal Labelle.
M. Dalpé.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Dalpé (Paul-Emile): M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord vous
présenter M. Labelle, qui est le secrétaire de la Centrale des
syndicats démocratiques, et M. Jean-Noël Godin, qui est le
président de la Fédération nationale du
vêtement.
Comme le mémoire est assez court, vous me permettrez de vous le
lire.
De toute évidence, destiné à mieux protéger
les travailleurs non syndiqués, le projet de loi no 126 contient
à la fois des précisions sur certaines règles de relations
entre employeurs et salariés et des omissions graves qui lui
enlèvent, du même coup, presque tous ses mérites.
En effet, l'insistance que met le projet à circonscrire de
façon détaillée certaines de ses prescriptions ne
réussit pas à masquer les absences de référence
à des situations que l'ancienne Commission du salaire minimum ne
cherchait pas à détecter et que la nouvelle n'a pas plus le
mandat de surveiller.
C'est pourquoi la CSD, tout en voulant attirer l'attention du
législateur sur certaines particularités du projet, entend,
dès le départ, et avec toute l'emphase requise, souligner qu'on
vient de manquer une excellente occasion d'ajouter un deuxième chapitre
au Code du travail en rendant plus accessible la syndicalisation et en refusant
de s'attaquer à une situation maintes fois dénoncée,
source d'évasion de toutes sortes, caractérisée par le
travail à domicile.
Ces deux sujets feront l'objet de notre présentation avant que
nous parcourions les différents articles du projet de loi.
Syndicalisme de quartier. Dans une recherche à l'échelle
du monde, où les gouvernements, pressés par l'évolution et
les circonstances, accumulent les déclarations de droits, que ce soient
celles des hommes, des femmes ou des enfants, il est étrange que, dans
l'élaboration d'un Code du travail et dans sa révision, comme le
projet de loi no 126 en est une occasion, elle ne soit pas utilisée pour
inscrire dans un tel code un droit aussi fondamental que celui du droit au
travail. Il apparaît donc à la CSD que ce droit devrait figurer au
premier titre et que toutes les autres mesures contenues dans le code n'ont,
à toutes fins utiles comme objectif que de le situer au fur et à
mesure des circonstances propres à son exercice et à la
reconnaissance de sa valeur.
C'est pourquoi le projet de loi des normes sur le travail devrait,
à notre avis, devenir le chapitre II du Code du travail. En fait, les
différentes dispositions étendent aux non-syndiqués des
conditions de travail que les travailleurs syndiqués, à force de
luttes souvent longues et pénibles, ont fini par inscrire de
façon routinière dans leurs conventions collectives de
travail.
Si donc on a manifesté de la sollicitude envers les
non-syndiqués et que cette marque d'attention provient d'une
nécessité bien sentie de leur garantir, par voie de
législation, un minimum de conditions, il nous échappe
complètement de ne pas retrouver, dans ces mêmes attentions, la
possibilité pour ces travailleurs d'accéder, autrement que par la
voie traditionnelle de l'organisation syndicale, à la mise sur pied de
structures organisation-nelles qui leur soient propres,
légitimées et en mesure de leur procurer et de défendre
des droits et leurs corollaires. C'est pourquoi la CSD, depuis sa fondation en
1972 et particulièrement en mai 1975, à l'occasion de la
publication de son premier manifeste, en se référant à la
multitude de laissés pour compte, propose le syndicalisme de
quartier.
Cette proposition vise en fait à mettre à la portée
véritable de tous les travailleurs qui la souhaitent une formule
d'organisation syndicale que ne peut actuellement satisfaire le présent
code. De fait, si, de part et d'autre, on parle depuis longtemps de
négociations sectorielles, d'accréditations multiples, la formule
de syndicalisme de quartier veut situer de façon bien
géographique la magnitude de l'opération et prévenir en
fait qu'on refuse d'examiner le problème sous prétexte que la
répartition des non-syndiqués est trop disséminée
sur le territoire et, par conséquent, ne peut se traduire dans une
réalité syndicale.
Nous croyons donc qu'en lui donnant une dimension géographique
bien circonscrite que, pour les besoins de la cause, nous appelons syndicalisme
de quartier, on peut arriver à rendre accessible la syndicalisation
à ceux que les difficultés de nombre, particulièrement,
empêchent d'être servis.
L'insistance que nous mettons à faire ressortir cette carence du
projet de loi tient au fait que la surveillance de l'application des normes va
être confiée à la commission des normes alors qu'en fait,
on aurait pu penser que les centrales syndicales pouvaient être
chargées de cette mission et favoriser ainsi l'appétit du
syndicalisme chez ceux que vise la loi.
La reconnaissance faite par la loi du droit à
l'autodéfense en vertu d'articles éprouvés du Code du
travail doit être assortie du droit d'être représenté
dans l'entreprise et devant l'arbitrage par une centrale syndicale de son
choix, s'il s'agit évidemment d'un salarié non
syndiqué.
La loi doit reconnaître aussi qu'une partie des cotisations
actuellement versées à la Commission du salaire minimum et qui
provient des salariés doit être versée aux centrales
syndicales dans le but de défrayer le coût afférent
à cette dépense ou à cette représentation, selon
des barèmes à être étudiés.
Cette nouvelle forme de syndicalisme obligerait le mouvement syndical
à quitter ses grands édifices et sa bureaucratie pour se
rapprocher, par exemple, des travailleurs sans défense et à
l'emploi de milliers de boutiques commerciales disséminées sur le
territoire québécois, en ouvrant des bureaux proches de ces lieux
de travail et en se rendant quotidiennement plus disponible, en ac- cueillant
les travailleurs et en leur accordant le soutien et les moyens de
défense nécessaires pour qu'ils assument leur propre
libération.
Nous croyons que le syndicalisme de quartier serait un mécanisme
intéressant pour augmenter la syndicalisation en présentant les
syndicats non plus comme des gobe-sous ou des machines-à-grève,
mais comme de véritables redresseurs de torts. Ainsi, les travailleurs,
au lieu d'adhérer à un syndicat dans un moment de crise, ce qui
crée, dès le départ, des tensions qui conduisent à
des affrontements, apprendraient à bien connaître le mouvement
syndical par des aspects positifs.
Le travail à domicile: Les gouvernements se complaisent à
répéter qu'ils doivent souvent protéger les citoyens
contre eux-mêmes. Or, s'il existe une protection à appliquer,
c'est bien dans le cas de ce qu'on appelle le travail à domicile. Il ne
faut pas être grand clerc pour concevoir toutes les possibilités
d'évasion, tant pour le producteur que pour le salarié, que
représente cette forme de travail. En effet, pour des pitances que ceux
qui les reçoivent appellent souvent de l'argent de poche, du travail
s'accomplit dans les maisons privées, les sous-sols de
résidences, avec ou sans équipement fourni par les distributeurs,
et constitue, pour l'un et l'autre, une insertion dans l'économie
où tout échappe à quelque surveillance que ce soit. La
conséquence la plus évidente est la perte d'emplois
rémunérés et personne jusqu'ici ne s'est soucié de
ce grave problème.
Il apparaît à la CSD qu'un des premiers rôles de la
commission des normes est de mettre un terme à ces pratiques en
protégeant à la fois les travailleurs visés et
l'économie en général. Quant au projet de loi, nous avons
tenté, non de façon exhaustive, mais de façon exemplaire,
de toucher certains articles qui nous apparaissent déficients ou qui
mérite d'être précisés. Je pense que je ne pourrais
épargner à la commission de les passer un à un. Vous
pourrez, au fur et à mesure, poser les questions qui vous semblent les
plus appropriées.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M.
Dalpé. M. le ministre.
M. Johnson: Merci, M. Dalpé. Il y a deux choses donc qui
font partie de votre introduction au-delà des remarques
spécifiques que vous avez dans votre mémoire sur certains
articles pour lesquels on aura quelques commentaires ou quelques questions.
D'abord, ce que vous appelez le syndicalisme de quartier, que vous reliez
à l'accession à la syndicalisation, vous avez eu l'occasion,
comme participant au sommet économique de Montebello, de faire valoir ce
point de vue, ainsi que vos collègues de la FTQ en particulier. Tout
cela pose la question de la notion d'accréditation multipatronale qui
est le régime le plus connu en dehors du Québec, puisqu'il
n'existe pas ici. Le gouvernement poursuit ses travaux dans ce domaine comme
dans quelques autres pour simplifier la syndicalisation parce qu'aucune loi ne
réussira à remplacer, je pense, ce que des travail-
leurs peuvent se donner comme pouvoir de revendication et de conclusion
d'une convention collective.
Deuxièmement, sur le travail à domicile, je vous avoue que
l'interdiction du travail à domicile serait quelque chose, dans
certaines régions que je connais, qui ressemblerait à une
révolution sociale. Il y a des régions du Québec où
c'est extrêmement important au niveau du revenu d'appoint pour certaines
familles que le travail à domicile. Vous évoquiez cependant le
fait que ce travail pose deux types de problèmes. D'une part, il y a la
concurrence déloyale que cela pose pour certains syndicats qui oeuvrent
dans certains secteurs, par exemple, le gant de cuir où la CSD est
présente. Nous en sommes conscients. Deuxièmement, vous
alléguez que le travail à domicile, avec à peu près
la totale absence de contrôle qu'il y a dessus au moment où on se
parle, est l'occasion pour certains types d'entreprises d'exploiter une
main-d'oeuvre en la sous-payant et en ne respectant pas les dispositions du
salaire minimum. On est conscient de cela également. C'est pour cela que
cette loi ne veut pas exclure le travail à domicile du champ
d'application. Cependant, elle permettra à la Commission du salaire
minimum ou à la commission des normes d'effectuer un travail qui n'a pu
être accompli en vertu de l'ancienne loi, c'est-à-dire d'obtenir
des précisions des employeurs qui utilisent de tels services et de faire
en sorte que les dispositions de la loi soient respectées. La protection
dont pourront s'assurer les travailleurs qui font du travail à domicile
sera celle de la garantie d'emploi quand même, même s'ils se sont
plaints du non-respect de la loi par leur employeur, sans compter les
pénalités passablement sévères qu'on y
prévoit.
Sur les questions spécifiques maintenant, la question de fond que
vous posez est que les centrales syndicales devraient pouvoir surveiller
l'application des normes et représenter les salariés. C'est une
chose qu'on a entendue à quelques reprises essentiellement de la part du
monde syndical et du professeur Robak, entre autres, de l'Université de
Montréal. J'avoue que dans l'économie du Code du travail comme on
le connaît, cela m'apparaît paradoxal de permettre à des
mouvements syndicaux qui sont très difficiles à circonscrire en
vertu de nos lois, cela m'apparaît difficile de leur permettre de
représenter des salariés qui ne sont pas couverts par leur
unité d'accréditation, et je m'explique. Qu'est-ce qui va faire
que dans telle industrie, dans tel village, dans telle ville ou dans tel
quartier, ce sont les gens de la CSD, de la FTQ, de la CSN, de la CEQ ou encore
d'une association bona fide qui regroupe on ne sait qui, qui n'est sujette
à aucune obligation en vertu de la loi, qui vont se mettre à se
mêler de la vie de ces salariés et de l'entreprise qu'elle touche?
Je pense qu'il faut effectivement que nos lois soient modifiées pour
permettre un meilleur accès à la syndicalisation. Je ne suis pas
sûr qu'il faille se lancer dans toutes les directions en même temps
et permettre à n'importe qui, en dehors de définir ce qu'est une
centrale syndicale, de repré- senter n'importe quel travailleur,
à cause des dangers normaux. Pas plus que je ne considère qu'on
devrait permettre aux gens qui font de la sollicitation pour vendre des revues
d'entrer n'importe où.
C'est le problème de contrôle que ça pose. D'autre
part, cela me semble aller carrément à rencontre de
l'économie du Code du travail qui reconnaît qu'un syndicat, c'est
une association accréditée qui a suivi certaines dispositions
prévues dans nos lois.
La définition du salaire, ce qu'on spécifie dans le projet
de loi 126, c'est qu'aucun avantage précuniaire ne doit entrer dans le
calcul du salaire minimum, article 40. De plus, le salaire doit être
payé en espèces, par chèque ou par virement bancaire,
article 41. On veut savoir quels travailleurs le gouvernement
considérera les plus représentatifs pour les fins de nomination
des commissaires. Je pense que les centrales entrent sûrement
là-dedans et il y a d'autres groupements dans notre
société qui ne sont pas nécessairement des centrales
syndicales.
L'article 38, où on parle du mode de versement du salaire et de
l'étalement des heures, par contre, il semble y avoir une
ambiguïté soulevée par d'autres avant vous, à savoir
qu'en vertu de l'article 52, un syndicat peut prévoir, par convention
collective, un étalement différent et sans permission de la
commission. Il y a peut-être une ambiguïté dans la
rédaction de l'article 52 et ça peut peut-être porter
à interpréter ça au contraire. Pour ce qui est des cas de
l'article 38, on suppose que la commission évaluera le consensus des
employés avant d'accorder une autorisation comme celle-là.
L'article 45: on demande d'ajouter à cet article que le bulletin
de paie devrait être certifié comme répondant à
toutes les exigences de la loi. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que
cela ajouterait au texte de loi, si vous pouviez prendre note de ça.
L'article 71, l'établissement de la période de
congé annuel qui se fait après consultation du salarié, ce
que vous nous demandez d'y ajouter, le droit donné au salarié,
à l'article 71, c'est celui de connaître la période de ses
vacances et non pas d'en décider. Il faut ajouter que la consultation
n'accorderait effectivement rien de plus au salarié, le choix des
vacances demeurant ultérieurement un pouvoir résiduaire de
gérance de l'employeur en l'absence de syndicat et en l'absence de
balises dans une convention collective.
Ajouter le jour du mariage, ma foi, je suis bien d'accord. Je pense bien
qu'on va prévoir que dans le cas de la ou du salarié, il faudrait
peut-être qu'il ait congé le jour de son mariage. Le seul
problème comme je vous disais, que j'y voyais, c'est qu'on va avoir
beaucoup de mariages le vendredi et le lundi avec ça. Il faudrait
peut-être consulter l'ensemble des officiers d'Etat civil,
c'est-à-dire les prêtres ou pasteurs et les protonotaires de la
Cour supérieure pour savoir s'ils s'attendent à beaucoup de
mariage le vendredi et le lundi. Je pense que c'est une excellente
recommandation, c'est difficile d'être contre ça.
Ajouter, à l'article 87, au paragraphe a), "et la charge de
travail", il ne s'agit pas d'une norme habituellement reconnue. D'autre part,
c'est évidemment une question, comme vous le savez, pour avoir des
salariés qui travaillent beaucoup dans le secteur du bois ouvré,
qui est assez difficile à évaluer et on sait que l'expertise dans
ce secteur est réservée à quelques personnes dans bien des
cas.
Finalement, vous dites que l'article 146 est inacceptable et devrait
être biffé. J'aimerais vous entendre brièvement sur ces
dispositions de l'article 146 que vous jugez totalement inacceptables, en vertu
de votre mémoire.
Le Président (M. Boucher): M. Dalpé. (16 h 30)
M. Dalpé: Pour rester à l'article 146 que nous
établissons, de façon catégorique, comme étant
inacceptable, je pense que cela mérite d'être expliqué.
Nous ne voyons pas comment la loi des normes qui va, à toutes fins
utiles, installer un minimum de conditions, puisse prévoir qu'une
convention collective en vigueur au moment de sa sanction, ou un décret
de convention collective qui prévoit moins que les normes, puissent
demeurer avec moins que les normes pendant la durée ou jusqu'à
son expiration. Cela nous apparaît absolument incompatible avec l'esprit
de la loi qui veut donner un minimum à tout le monde. On aura donc un
minimum pour ceux qui sont soumis à la loi mais un autre minimum,
décidé soit par convention ou décret, pour d'autres
personnes. Cela nous apparaît absolument...
M. Johnson: C'est jusqu'à leur expiration, il faut qu'on
se comprenne bien.
M. Dalpé: Oui. Je donne l'exemple d'un décret qui
serait sanctionné trois jours avant la loi et qui aurait une
durée de trois ans; pendant trois ans, vous aurez des assujettis
à un décret qui auront des conditions moindres que les normes du
travail. Je pense que c'est absolument inacceptable.
M. Johnson: Ma réaction serait peut-être de dire
que, comme on sait qu'il y a une convention collective ou un décret qui
est issu, par définition, d'une convention collective en vertu de la loi
de l'extension, il aurait peut-être fallu que le syndicat y pense. Je
comprends que ce n'est pas une réponse. Ce n'est pas une réponse
valable.
Une autre chose, c'est qu'il y a une autre notion qui veut, de la
même façon qu'on veut protéger la libre négociation,
c'est une chose à laquelle votre centrale, comme les autres centrales au
Québec, tiennent comme à la prunelle de leurs yeux,
protéger la liberté de négocier. Il y a des
conséquences à venir modifier, en cours de route, un
décret ou une convention collective. On l'a déjà fait,
remarquez, dans le cas de certains décrets. Il y a des décrets
que, unilatéralement, en vertu des pouvoirs qui lui sont
conférés par la loi, le ministre peut modifier. Mais on est
toujours un peu hésitant à jouer sur les droits acquis, ce qui
est libre- ment consenti dans le cadre d'une négociation où il y
a peut-être eu un échange dans les deux sens. Mais enfin, je veux
bien prendre note de votre hésitation là-dessus.
M. Dalpé: Sur le même sujet, M. Godin aimerait
ajouter un mot, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. Godin.
M. Godin (Jean-Noël): Je pense que cela va un peu plus loin,
M. le ministre, parce que même si les unions veulent donner une extension
aux conventions qu'elles négocient, le ministre a toujours le pouvoir de
dire non. Et il arrive parfois que des centrales syndicales obtiennent des
augmentations plus grosses les unes que les autres, ou des conditions
supérieures les unes aux autres, et que le ministre donne l'extension au
minimum, et non pas au maximum. J'ai des cas récents qui sont
arrivés et je pense que vous vous les rappelez.
A ce moment-là, c'est vraiment un préjudice. Il y a un
autre angle qu'il faut aussi regarder, qui est extrêmement important.
Vous avez plusieurs décrets qui prévoient, à l'heure
actuelle, qu'en cas de modification de l'ordonnance du salaire minimum,
automatiquement, cela s'applique dans certains décrets. Mais je pense
que là, ce serait aussi de nature à ouvrir un débat
légal qui pourrait être pas mal long et difficile à
résoudre, en tout cas, certainement pas avant le renouvellement de la
convention-extension juridique.
Par exemple, dans certains décrets que j'ai à la
mémoire, on se réfère uniquement aux salaires. On ne se
réfère pas directement ou implicitement à toutes les
autres conditions de travail que le code peut amener de nouveau, qui
n'existaient pas dans la Loi du salaire minimum. Je pense que cela serait de
nature, en face de certains décrets, à créer vraiment des
complications juridiques. Mais, en plus de cela, avec l'expérience que
j'ai dans ces industries, soit de manoeuvrer avec des décrets ou soit,
dans le temps que cela a existé, de manoeuvrer avec les ordonnances
il y en a encore quelques-unes, mais beaucoup moins qu'avant ce
sont des lois spéciales qui ne devraient pas être, à mon
avis, en bas de la loi générale. Si les travailleurs se sont
groupés, surtout pour les décrets je ne parle pas des
ordonnances, parce que c'est une autre chose c'est pour obtenir quelque
chose de supérieur au minimum de la loi. Sans quoi, pourquoi se
syndiquer? Ils n'ont plus de raison de le faire, si c'est en bas.
Je ne vois pas pourquoi la loi générale ne donnerait pas,
indépendamment des décrets si vous voulez extraire les
ordonnances de cela, c'est une autre chose où c'est une loi
absolument spéciale, où le pouvoir du ministre est absolument
discrétionnaire là-dedans, je ne vois pas pourquoi au moins la
loi ne nous garantirait pas qu'au moins, lorsqu'il va y avoir une extension
juridique, par des jeux politiques ou par de l'affaiblissement syndical, ou en
ne faisant pas sa job, on n'est pas
capable d'obtenir ce qu'on pourrait obtenir d'une industrie...
Là, les parties sont prises par une décision du ministre et il
n'y a rien à y faire, vous le savez.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Godin.
M. Godin (Jean-Noël): Si vous me permettez, en dehors, ce
qui est quand même dans la loi des décrets à extension
juridique, je signale au ministre que la seule référence qu'il
fait, c'est pour modifier, faire certaines concordances au sujet de
l'administration de décrets à un moment donné; c'est la
seule chose que vous modifiez dans le projet de loi. Je ne le sais pas. Je
prends l'occasion pour demander au ministre s'il a l'intention,
éventuellement, ou si cela viendra dans le parachèvement du
projet de loi sur les normes du travail, de modifier aussi cette loi des
décrets pour l'extension des conventions collectives parce que vous
savez comme moi qu'elle est vraiment désuète à plusieurs
points de vue. Je vous écoutais, ce matin, parler des amendes. Quand on
parle de récidives, par exemple, deux ou trois fois pour la même
offense, dans les industries, les amendes sont de $25 et de $50. Les gens sont
rendus qu'ils ne se rendent même pas en cour et plaident coupables.
Comprenez-vous? Cela coûte meilleur marché.
De ce côté-là, il y aurait quelque chose à
faire. Il y a aussi d'autres choses plus importantes que cela, mais c'est un
point de vue. Je me demande si vous avez quelque chose qui s'en vient dans
cette loi ou si vous avez quelque chose sur la planche qui,
éventuellement, va compléter le code ou si cela va rester comme
c'est là.
M. Johnson: On a beaucoup de pain sur la planche dans le cas des
décrets. Il y a même un décret du pain qu'on étudie
en ce moment, qui existe d'ailleurs. Je pense que cette loi n'avait pas comme
objectif, d'une part, de remplacer la Loi des décrets.
Deuxièmement, elle la modifie strictement sous forme de
parenthèses pour les fins de l'administration. Des modifications plus
profondes à la Loi des décrets surviendront au moment où
on étudiera, le cas échéant, l'accréditation
multipatronale, étant donné qu'on touche finalement à un
univers qui est assez semblable. Dans la mesure où on définit
l'accréditation rnultipatronale comme étant l'accès
à la syndicalisation dans un secteur industriel donné et une
région donnée, où les conditions des salariés comme
des entreprises sont analogues, dans le fond, on trouve là presque la
définition même de ce qu'était, à l'origine, dans
l'esprit de la Loi des décrets des années trente, la notion
d'extension de conventions collectives par décret. Je pense qu'on
assistera probablement, dans le cadre d'une étude sur
l'accréditation multipatronale, à une sorte de recoupement de ces
deux lois, parce que, de fait, cela recoupe les mêmes
réalités.
M. Godin (Jean-Noël): Vous parlez, M. le ministre, de
l'accréditation multipatronale, vous voulez entendre en même temps
l'accréditation multisyndicale, j'imagine, à l'intérieur
de la même centrale. Je ne parle pas... Peut-être aussi que
d'autres...
M. Johnson: Oui, mais pas multisyndicale au sens que c'est
entendu par une autre centrale syndicale.
M. Godin (Jean-Noël): Non, c'est cela, c'est ma
question.
M. Johnson: C'est quand même assez différent. Mais,
a priori, quand on parle de multipatronale, on parle de la possibilité
pour un syndicat, toujours dans le contexte nord-américain du monopole
de représentation, de représenter l'ensemble des travailleurs
d'un secteur industriel donné dans une région donnée.
C'est de cela qu'on parle. Le plurisyndicalisme qui est évoqué,
entre autres, par la CSN, mais qui implique un chambardement assez profond de
la notion de ce qu'est le syndicalisme chez nous, c'est un débat qui va
sans doute se faire dans ce contexte-là, mais je pense qu'on peut parler
de multipatronale sans parler de pluralité syndicale. On peut le faire
en même temps, mais on peut très bien en discuter
séparément.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Godin. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais être assez
bref. Je me limiterai à remercier M. Dalpé et ses amis de la CSD,
ses collaborateurs, pour le mémoire qu'ils nous ont
présenté. Je suis persuadé que plusieurs des remarques que
vous avez formulées aujourd'hui seront retenues par le ministre. De
toute façon, on verra cela au moment de l'étude du projet de loi
article par article.
Je me limiterai cependant à vous dire que, quant à moi, je
conviens que les commentaires que vous nous formulez sur le travail à
domicile sont, dans une certaine mesure, assez justifiés, je pense. Il y
a certainement une faille à ce niveau-là, mais vous conviendrez
avec moi qu'il serait illusoire qu'un gouvernement veuille interdire ou
procéder par voie réglementaire, de façon à limiter
ou à interdire le travail qui peut se faire à domicile, parce
que, tout au moins, ce serait particulièrement difficile à
appliquer ou à contrôler. J'ai à évoluer dans un
comté où il se fait passablement de ce genre de travail à
domicile, que ce soit au niveau du cuir, au niveau notamment des raquettes,
etc., et je conviens que, dans plusieurs cas, les gens qui ont à
évoluer dans ces secteurs-là, chez eux, dans leur sous-sol ou
autrement, dans plusieurs cas, ne gagnent pas le salaire minimum, si on calcule
le nombre d'heures qui sont consacrées pour la réalisation de ce
travail. Mais ils l'ont quand même voulu, c'est quand même eux qui
le décident. Ce sont eux qui jugent opportun de se consacrer à ce
genre de travail. Je vois difficilement un gouvernement interdire demain
matin... Et encore là, même s'il le faisait, je me demande
en quoi il pourrait le contrôler et combien de batteries
d'inspecteurs et de vérificateurs il faudrait... De toute façon,
ce serait, selon moi, purement illusoire.
Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire. Je vous invite
à suivre de près le débat en deuxième lecture, et
notamment l'étude du projet de loi article par article. On peut
espérer tout au moins qu'il y ait des amendements. Merci.
Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la
commission, je vous remercie. M. Dalpé? M. Godin voudrait ajouter...
Allez-y!
M. Godin (Jean-Noël): Vous me permettrez de revenir à
la question du travail à domicile. Je vois, selon les opinions, qu'on
semble dire que ce n'est pas couvert par la loi et que ce n'est pas possible de
le couvrir. Qu'est-ce qui arrive quand c'est une carence? Quelle va être
notre porte de sortie pour arriver à régler ce problème
quand...
M. Johnson: M. Godin, si vous permettez, c'est couvert par la
loi.
M. Pagé: Oui, mais il faut qu'on porte une plainte.
M. Godin (Jean-Noël): II faut que...
M. Johnson: Effectivement, il n'y a rien... En vertu de la loi
126, la Commission des normes du travail sera habilitée à
enquêter, à procéder au dépôt de plaintes,
à procéder au traitement d'une façon ou d'une autre des
plaintes qui sont faites par les salariés à domicile, parce
qu'ils sont couverts en vertu de la loi.
M. Godin (Jean-Noël): Oui, c'est la question que je voulais
poser. Je comprends, comme vous le dites, qu'on ne peut pas couvrir le salaire
minimum. On ne va certainement pas arriver dans une maison privée ou
dans une cave et déterminer combien de temps l'employé a
travaillé à telle ou telle activité. Comment va-t-on
surveiller cela? C'est ce que je me demande. Est-ce que la commission
c'est ce que je veux savoir va pouvoir établir un certain
mécanisme, comme cela existe dans certains décrets? Il y a des
décrets où cela est prohibé. Evidemment, il n'y a pas de
problème, mais il y a d'autres décrets où il y a un
certain mécanisme qui sert effectivement à conrô-ler le
travail à domicile, parce qu'on sait très bien qu'on ne peut pas
contrôler le travail à domicile de la même manière et
dans la même forme qu'on peut le faire à l'usine, ce n'est pas
possible.
Est-ce que la commission va être habilitée, elle,
prochainement, quand elle sera formée et que la loi sera adoptée,
à discuter ou à rencontrer les organismes
intéressés pour établir des mécanismes de
surveillance, parce que, comme vous l'avez dit tout à l'heure, M. le
ministre, la loi à l'heure actuelle, c'est vraiment une
concurrence déloyale pour certaines industries... Je comprends qu'on ne
pourra jamais éviter, comme vous l'avez dit, ou prohiber partout le
travail à domicile, comme cela a été mentionné
aussi par un autre. Sur une loi générale, je peux comprendre que
c'est assez difficile de le prohiber de façon générale. On
peut lui donner des modes, mais on ne peut pas le prohiber tout d'un coup et
dire que c'est fini pour tout le monde, sans exception. Je peux comprendre
cela. Il y a d'ailleurs certains secteurs où cela cause plus ou moins de
préjudice, mais il y en a d'autres où c'est en train de faire
disparaître des industries.
Pour votre information, Consumer Globe, à Montréal, est en
train de fermer aussi. C'en est un autre secteur où vraiment on a des
problèmes majeurs. Constamment, on voit les usines qui diminuent et qui
ferment à cause du travail à domicile parce qu'il n'y a plus de
crainte d'avoir un décret là-dessus. Alors, on y va. On commence
à se réinstaller tranquillement à domicile et les
employés diminuent. Les usines ferment et les employés diminuent.
Est-ce qu'on va être capable prochainement grâce à la loi de
discuter d'une formule pour contrôler cela et l'arrêter, si c'est
possible?
M. Johnson: Je pense que les pouvoirs habilitants sont dans la
loi. Je ne nierai pas le fait que c'est extrêmement difficile de faire
l'évaluation du salaire horaire dans le travail à domicile, mais
ce n'est pas impossible. Il s'agira peut-être de faire quelques cas
d'espèces dans certains types d'entreprises, d'une part, et,
deuxièmement, il faut bien comprendre qu'il va y avoir une espèce
de mécanisme, je pense, d'autorégulation des employeurs, d'une
certaine façon, dans la mesure où ils savent très bien que
si un salarié décide de faire un travail qui est
équivalent à moins d'un taux horaire qui est celui du salaire
minimum, il a la capacité aussi d'aller se plaindre. Les sanctions
à l'égard de la plainte peuvent être extrêmement
sévères pour l'employeur.
M. Dalpé: M. le Président, si vous me
permettez.
M. Johnson: Oui, M. Dalpé.
M. Dalpé: M. le ministre a demandé ce que nous
voulions au juste comme correction à l'article 45. Je pense que
l'article 45 donne une énumération passablement longue
d'exigences que doit contenir le bulletin de paie. Nous demandons que ce
bulletin soit certifié comme répondant à toutes les
exigences de la loi. (16 h 45)
Nous tenons pour acquis que le fait de certifier que le bulletin est
conforme à la loi, "prima facie" vous me permettrez l'expression
anglaise cela n'aide pas à celui qui dit que c'est conforme
à la loi, parce qu'il sait qu'il a commis quelque chose. Il y a une
infraction dans son affaire, possiblement. S'il est soumis à une
enquête ou à une inspection, etc., "prima facie", il a
lui-même déclaré que tout ça, c'était
conforme à la loi. Or, s'il y a une fraude quelque part, son certi-
ficat comme quoi c'était tout conforme à la loi, cela
devrait avoir une certaine signification. Est-ce qu'on me suit?
M. Johnson: Oui. Je ne suis pas sûr que sur le plan
juridique... Je pense qu'on se comprend bien sur l'objectif.
M. Dalpé: C'est ça que ça voulait
expliquer.
M. Johnson: Je pense que ça demeure une affaire technique,
d'accord.
M. Dalpé: D'accord? M. Johnson: Oui.
M. Dalpé: Vous me permettrez de revenir sur deux articles
que vous avez probablement oubliés parce qu'ils ne sont pas tellement
importants, l'article 39, où nous demandions que le salaire minimum soit
en relation constante avec le salaire moyen payé au Québec. Je
pense que vous l'avez seulement oublié.
M. Johnson: ... pas important.
M. Dalpé: Pas important? On demande qu'il se situe
à 70% du salaire moyen. Je comprends tous les tollés que
ça soulèvera, etc.. mais c'est quand même constant chez
nous, comme opinion. Nous l'avons émise devant le comité
Castonguay chargé de réviser le fonctionnement du salaire
minimum, les ordonnances, etc. et, pour nous, il nous apparaît que la
fixation du salaire minimum repose sur des critères totalement
arbitraires. Or, dans le but d'enlever cet arbitraire, nous tentons de lui
trouver un critère qui est connu et qui s'appelle le salaire moyen.
Proportionnellement au salaire moyen, nous disons que le salaire minimum
devrait être fixé à tel niveau du salaire moyen. Cela
enlève l'arbitraire. C'est pourquoi nous l'avons
répété ici à l'occasion de cette pièce de
législation.
M. Johnson: Je trouve votre suggestion intéressante.
Evidemment, les seules données les plus récentes qu'on a ici,
à portée de la main il y en a peut-être d'autres
ailleurs, parce qu'on n'avait peut-être pas prévu
spécifiquement cette question sont celles de 1974, où le
salaire manufacturier moyen au Québec, en Ontario et au Canada, dans le
cas du Québec, c'était à $3.79, dans le cas de l'Ontario,
à $4.46 et dans le cas de la moyenne canadienne, à $4.29. 70% de
ça en 1974, je ne sais pas ce que cela aurait donné, compte tenu
de l'inflation et tout ça, on me dit qu'à l'oeil, ce serait
sûrement au-delà de $4, si on parlait en termes de dollars
1979.
C'est un critère... D'ailleurs, ça ressemble un peu aux
critères que se sont fixés les députés de
l'Assemblée nationale qui se donnent comme augmentation annuelle le
salaire moyen industriel au Canada, mais dans la mesure où ça
n'excède pas 6%. Il y a un maximum de 6%, de toute façon, pour
l'augmentation du salaire des députés, même si le salaire
industriel moyen devait être plus élevé que ça.
Evidemment, c'est toute la question de principe, à savoir si, oui
ou non, on va indexer le salaire minimum à quelque formule que ce soit.
Les opinions sont variables. Il y en a qui voudraient qu'on le fixe aujourd'hui
à $4.25 et qu'il soit indexé à l'indice des prix à
la consommation. Il y a des désavantages à ça aussi, pas
seulement sur le plan interne, sur le plan externe. Evidemment, tout le
problème de la concurrence que vous connaissez, etc. Je sais que la CSD
est particulièrement sensible à ce secteur parce qu'elle a connu
quelques fermetures d'usines et des installations au Nouveau-Brunswick dans un
secteur qu'elle a déjà représenté, à cause
du salaire minimum.
Je ne dis pas qu'on retient votre suggestion; on prend note de votre
suggestion, M. Dalpé.
M. Dalpé: Elle nous apparaissait passablement importante
parce que, pour nous je parle en tant que syndicaliste elle fait
remonter à la surface ce qu'on appelle notre prospérité et
la prospérité relative des uns semble être bâtie sur
l'indigence d'un grand nombre.
Je ne crois pas que, comme syndicalistes, nous puissions entretenir un
système comme celui-là. Il n'y a pas de doute que la formule que
nous soumettons aurait comme avantage quand même de situer tout le monde
quelque part par rapport à quelque chose, donc, par rapport à une
prospérité. C'est ce que nous cherchons à faire
comprendre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Dalpé. Au nom
de tous les membres de la commission, je remercie la CSD d'être venue
nous présenter son rapport. Merci bien.
M. Johnson: Merci, MM. Dalpé, Labelle et Godin.
Fédération des femmes du
Québec
Le Président (M. Boucher): J'appellerais maintenant la
Fédération des femmes du Québec, représentée
par Mme Sheila Finestone. C'est le mémoire no 16.
M. Johnson: Mme Finestone, avant de vous identifier et de
demander à vos collègues de s'identifier, je dois vous remercier
d'être parmi nous cet après-midi. Je sais que vous travaillez fort
aujourd'hui, parce que vous devez être présentes à deux
commissions parlementaires. Est-ce que vous êtes passées à
la commission sur la loi 107?
Mme Finestone (Sheila): Tant mieux, je crois que oui. On est en
train de passer.
M. Johnson: Vous êtes en train de passer? Mme Finestone:
Espérons.
M. Johnson: Je pense que c'est la commission sur la Justice, dans
le cas du droit de la famille.
Mme Finestone: Exactement.
M. Johnson: On vous remercie beaucoup. On sait que vous essayez
de vous partager de bien des façons pour faire valoir vos points de
vue.
Mme Finestone: Les femmes sont habituées, monsieur. Je
vous remercie quand même.
Le Président (M. Boucher): Mme Finestone, compte tenu de
l'heure et compte tenu de la longueur du mémoire, est-ce qu'il y aurait
possibilité de le résumer?
Mme Finestone: Oui.
Le Président (M. Boucher): On devra probablement demander
aux membres de la commission s'il y a lieu de prolonger après six
heures. Est-ce que les membres sont d'accord pour prolonger après six
heures?
M. Johnson: Oui, quelques minutes.
Mme Finestone: Quant à nous, ce n'est pas
nécessaire, je ne crois pas. J'espère que non.
Le Président (M. Boucher): D'accord, allez-y madame.
Mme Finestone: Merci. Bonjour, M. le ministre et MM. les membres
de la commission. Je vous présente les membres de la
délégation de la Fédération des femmes du
Québec. Marie-Claire Boucher, qui a été chargée du
groupe de travail, qui a étudié la loi, Lise Chevrier-Doucet,
chargée de la communication, les deux vice-présidentes, et Nicole
Boily, notre coordonnatrice.
La fédération, organisme fondé en 1966, regroupe en
cinq comtés régionaux 38 associations affiliées qui
représentent une force d'à peu près 100 000 femmes; elle
se réjouit du dépôt du projet de loi 126 sur les normes
minimales du travail.
En effet, la fédération réclamait, avec insistance
et depuis longtemps, une loi sur les conditions minimales d'emploi.
Déjà en 1968, dans notre programme, on a manifesté notre
inquiétude et notre intérêt sur le rôle de la femme
dans notre mémoire sur la parité de salaire entre la
main-d'oeuvre féminine et la main-d'oeuvre masculine. On trouve qu'il
n'y a pas beaucoup de choses qui ont changé depuis ce
mémoire-là.
A notre congrès de mai 1977, l'assemblée
générale de la fédération a adopté la
résolution suivante au ministre du Travail: "II est recommandé
que le gouvernement amende la Loi du salaire minimum par la promulgation d'une
loi-cadre sur les conditions minimales d'emploi." Nous considérons que
cette loi est nécessaire pour protéger les travailleurs les plus
démunis et les plus exposés aux injustices. En effet, les
salariés rémunérés au salaire minimum sont, pour la
très grande majorité, non syndiqués et 75% d'entre eux
sont des femmes.
Même si le projet de loi 126 présente une
amélioration de certaines conditions de travail, nous ne pouvons nous
estimer entièrement satisfaites, M. le ministre. Voilà pourquoi
la fédération, à l'occasion de la commission
parlementaire, désire présenter ses observations, remarques et
recommandations sur le projet de loi, car la Fédération des
femmes du Québec constate qu'il n'y a pas de changements fondamentaux
qui ont été apportés à la Loi du salaire minimum.
Nous voudrions profiter de l'occasion pour réaffirmer quelques-uns des
principes, suggestions et demandes qui justifient notre présence ici en
tant qu'organisme féminin et féministe.
Tout d'abord, il nous apparaît important d'établir le
principe fondamental du droit au travail pour les femmes et du droit à
un travail fait dans des conditions décentes. Ce droit au travail
découle de la nécessité pour la femme, comme pour toute
autre personne, de gagner sa vie. Si on observe la situation actuelle, on se
rendra compte que, d'une part, un très grand nombre de femmes sont
seules, célibataires, veuves, divorcées ou chefs de famille et
que, d'autre part, on trouve beaucoup de couples qui sont économiquement
faibles et le salaire des conjoints est nécessaire pour qu'ils vivent
au-dessus du seuil de pauvreté. Les femmes ne travaillent pas pour des
frivolités, mais elles ont aussi à faire face à
l'inflation et à l'augmentation du coût de la vie.
Le droit au travail inclut le droit à l'indépendance
économique pour les femmes. La société actuelle doit
promouvoir une politique de droit à l'indépendance
économique de tous les adultes, ce qui implique une politique globale
qui inclut les femmes. Comme deuxième grand principe, nous
considérons qu'on doit reconnaître l'égalité des
chances et appliquer intégralement ce principe qui se retrouve dans la
Charte des droits et libertés de la personne. Le principe de salaire
égal pour un travail équivalent. Je pense que, jusqu'à ce
moment-ci, ce ne serait une surprise pour personne si je soulignais le fait
qu'il existe une discrimination flagrante dont sont victimes les femmes, qu'il
existe un écart entre l'énoncé de principe et
l'application de cette égalité voulue par la charte. Cette
discrimination fait des femmes sur le marché du travail des
travailleuses de seconde zone. Il n'y a qu'à voir les chiffres pour
avoir une vérification des faits. Ainsi, 75% des salariés
à taux minimum sont des femmes. La Fédération des femmes
du Québec croit que ces chiffres parlent d'eux-mêmes et
démontrent la raison de notre intérêt profond face à
cette loi.
Comme troisième principe, nous sommes persuadées qu'un
régime de normes minimales du travail doit avoir une portée
universelle et couvrir tous les travailleurs. Les lois, décrets,
ordonnances et règlements qui couvriront certaines catégories de
travailleurs, ne doivent, en aucun cas, comporter des normes inférieures
à celles prévues dans la présente loi. Ces trois
principes, M. le
ministre, droit au travail, droit à un traitement égal et
portée universelle de la loi, sont d'autant plus importants à
respecter, si on considère le rythme accru d'entrée des femmes
sur le marché du travail et particulièrement celui des femmes
mariées. On doit éviter de garder à l'esprit d'anciens
stéréotypes. On doit donc briser la tendance
généralisée à la discrimination même
inconsciente. Nous incitons très fortement le législateur
à tenir compte des principes énoncés dans
l'établissement des lois sur le travail. De plus, la
fédération suggère fortement la mise sur pied d'un bureau
de la main-d'oeuvre féminine qui serait à la fois chien de garde
des intérêts des femmes et qui, d'autre part, favoriserait la
promotion d'une politique féminine sur le marché du travail. Dans
notre mémoire, la fédération a examiné, c'est vrai,
tous les aspects de la loi, mais, cet après-midi, nous voudrions
particulièrement vous entretenir des sujets prioritaires pour la
fédération et compte tenu de l'heure... (17 heures)
La fédération trouve un peu étonnant que, dans le
projet de loi, on accorde à la commission, au chapitre 3 et dans la
huitième partie du chapitre 4, un pouvoir qui, pour nous, est un pouvoir
accordé par les électeurs au législateur. Nous sommes
d'opinion que vous avez délégué trop de pouvoir
discrétionnaire à la commission et aux fonctionnaires,
responsabilité qui doit être exercée par le
législateur.
Aussi un autre sujet prioritaire pour la fédération et que
nous considérons devoir être intégré à la
loi, c'est la représentativité féminine à la
commission, la maternité qui est à la base du renouvellement de
la société, la qualité de la vie reflétée
par la durée normale de la journée de travail et les
congés de maladie, la reconnaissance officielle du travail à
temps partiel et l'assouplissement des horaires avec toutes ses
conséquences.
Je passe la parole à mes collègues qui aborderont ces
sujets, commençant avec Nicole Boily, suivie de Lise Chevrier-Doucet et
Marie-Claire Boucher.
M. Johnson: Est-ce que vous pourriez vous identifier, en
commençant chaque fois, s'il vous plaît?
Mme Boily (Nicole): Nicole Boily. Le premier thème que je
voudrais aborder est celui du champ d'application. La Fédération
des femmes du Québec est vraiment contre toute exclusion qui tenterait
de soustraire à la Loi des normes minimales de travail tout travailleur
ou travailleuse qui, la plupart du temps, se situe dans les zones les plus
démunies, ceux qui se trouvent au bas de l'échelle. On trouve
donc parmi ceux-là les travailleurs domestiques. On sait fort bien qu'il
y a une partie de ces travailleurs qui ont été inclus dans la loi
et on peut se demander pourquoi on en exclut.
Je pense qu'à partir de ces données, nous
considérons que tous les travailleurs domestiques devraient être
inclus dans la loi, de même que les travailleurs agricoles. Là
encore, les travailleurs agricoles des grandes exploitations et un très
grand nombre de travailleurs peuvent être inclus dans la loi, mais on
touche ceux qui sont les plus démunis, ceux qui sont dans les petites
exploitations où il y a un petit nombre de travailleurs
salariés.
Ce sont, à ce moment-là, les salariés qui
échappent à toute syndicalisation, où la syndicali-sation
est vraiment très difficile à obtenir, tout au moins pour le
moment. Donc, c'est vraiment dans la zone des plus démunis, ceux
à qui s'adresse prioritairement une loi comme celle-là qui,
finalement, en sont exclus.
Aussi, je voudrais, à cette occasion, mentionner le cas des
femmes collaboratrices de leur mari qui, sans être exclues
nommément du champ d'application, se voient quand même
privées de nombreux avantages à l'intérieur de certains
articles de la loi. Si on pense que cette situation de la femme collaboratrice
du mari doit être vue dans son entier et qu'on la perçoive d'une
façon différente, à travers le Code civil je pense
qu'en haut ces sujets sont abordés, aussi je pense qu'au niveau
du monde du travail, au niveau du ministère du Travail et dans le cadre
des normes minimales de travail, ces femmes doivent être reconnues. Je
pense qu'il faut vraiment revoir cette situation et tenir compte, dans les
normes minimales de travail, de la femme collaboratrice de son mari.
Cela, c'est pour les champs d'application. Dans le domaine de la
commission, on a un certain nombre de remarques à faire à ce
sujet. Comme on vous l'a dit tout à l'heure, au niveau de la formation
des membres de la commission, il nous paraît très important qu'il
y ait une représentation féminine. Il serait possible de prendre
en considération cette recommandation, pour qu'il puisse y avoir une
représentation au prorata de la population active féminine et que
ces travailleuses puissent être représentées au niveau de
la commission. Et on pourrait se demander...
M. Johnson: 75% dans le cas de la Commission des normes.
Mme Boily: Dans le cas des normes minimales de travail, oui, cela
va très fort.
Mme Finestone: On a pensé 60%-40%, monsieur. Cela va?
Mme Boily: En voyant ces représentations féminines,
on peut tout à l'heure vous parliez du sommet économique
se demander combien de femmes étaient présentes au sommet
économique et quelle était la représentation
féminine au sommet économique. Tout de suite, on voit que cela se
répercute vraiment à de nombreux endroits.
Pour ce qui est des pouvoirs de la commission, on a aussi dit tout
à l'heure qu'on considérait que c'étaient des pouvoirs qui
étaient extrêmement larges. Nous considérons que le
législateur doit donner un cadre beaucoup plus précis et que la
place qui est faite aux règlements, la possibilité
pour les membres de la commission de passer des règlements est
beaucoup trop large et que cela devrait relever aussi du législateur. Il
doit mettre davantage à établir ce cadre, car on peut y voir des
dangers de pression et qu'il y ait ces changements, au niveau des
réglementations, au gré des pressions.
D'autre part aussi, il peut y avoir, à certains moments
donnés, un danger de l'arbitraire qui puisse s'installer dans cette
réglementation.
Toujours au niveau de la commission, il nous apparaît important
qu'il y ait des modifications qui soient apportées au niveau de la
diffusion de l'information parce que je pense qu'au niveau de la commission
parlementaire ici, il y a toujours l'espèce d'incertitude que l'on a. On
a vu que lorsqu'on a présenté les dates de cette commission, cela
a paru dans la Gazette officielle et c'est quinze jours après qu'on
l'apprend par les media d'information.
Si l'on songe aussi à l'ordonnance sur le congé de
maternité, au projet d'ordonnance qui est paru en juillet et qui
paraît en douce, je pense que vraiment, si on veut la participation des
citoyens et si on veut qu'ils puissent faire valoir leurs droits, il nous
apparaît très important qu'au niveau de la diffusion de
l'information, on procède d'une autre façon, que ce soit
davantage rendu public.
Par ailleurs, il nous apparaîtrait important, même si ce
n'est pas dans les pouvoirs de la commission, il y a un autre aspect. On sait
les conditions de travail au niveau de la commission, c'est-à-dire qu'on
puisse mettre entre les mains de la commission tous les instruments possibles
pour rendre cette commission efficace. Vous l'avez vous-même
répété assez souvent, M. le ministre, toujours ce nombre
de gardes-chasse par rapport aux inspecteurs de la commission, je pense que
c'est une réalité et que, au-delà des blagues, il faut
vraiment qu'il y ait des conditions de travail pour rendre cette commission
efficace.
Un dernier point qui ne se rattache pas nécessairement comme tel
à la commission, mais qui nous apparaît important, c'est la
possibilité pour les plaignants de déposer des plaintes à
la fois d'eux-mêmes mais aussi par des tiers, que des organismes puissent
déposer des plaintes et aider de simples individus à pouvoir se
défendre. On sait jusqu'à quel point il est parfois difficile
pour un individu de ne pas se sentir menacé et d'aller jusqu'à
faire le dépôt des plaintes. Alors, il nous apparaîtrait
important qu'il y ait cette possibilité pour un tiers, pour un
organisme, pour un groupe d'appuyer un individu dans le dépôt de
sa plainte.
Mme Finestone: Vous continuez avec la maternité?
Mme Boily: Oui. Je voudrais aborder un point qui nous est
vraiment très cher et pour lequel nous avons beaucoup milité et
beaucoup travaillé, c'est celui de la maternité. Si nous
considérons insuffisant le congé de maternité dans son
contenu, tel qu'il existe maintenant nous avons d'ailleurs
signifié ses déficiences à plusieurs reprises, nous
voulons aussi signifier que nous considérons anormal que l'ordonnance no
17 n'ait pas été intégrée à la loi, alors
qu'effectivement, plusieurs ordonnances se trouvent intégrées
dans cette loi. A défaut d'une loi spécifique sur la
maternité et les congés parentaux, il nous apparaît fort
important que toute cette réglementation sur le congé de
maternité, toute l'ordonnance, puisse se trouver intégralement
dans le projet de loi.
Nous réitérons aussi des demandes qui sont fondamentales
et qui n'apparaissent pas aux congés de maternité,
c'est-à-dire l'application universelle à toutes les travailleuses
de ce congé, de même qu'un congé de paternité, un
congé parental, et aussi cette sécurité d'emploi qui est
absolument essentielle pour la travailleuse. On voit actuellement que, dans
l'application du congé de maternité, beaucoup de plaintes se sont
manifestées et qu'il y a beaucoup de problèmes qui se posent, et
particulièrement dans le cas de femmes enceintes qui ont
été congédiées ou qui ont été mises
à pied parce qu'elles étaient enceintes, parce que, justement,
dans la loi actuelle, cet élément ne se retrouve pas.
En résumé, pour nous, il est essentiel que l'on trouve
à l'intérieur du projet de loi l'ordonnance, tout au moins, le
minimum que nous avons réussi à obtenir, c'est-à-dire
l'ordonnance no 17.
Mme Chevrier-Doucet (Lise): Lise Chevrier-Doucet. Si on parle un
peu de la qualité d'exercice des conditions de travail, nous voulons
apporter des précisions sur les sujets suivants. Sur la durée du
travail et le calcul du temps supplémentaire, nous pensons qu'aux fins
du calcul des heures supplémentaires, la règle de calcul doit
être fixée de façon quotidienne. La journée normale
de travail doit être établie à huit heures de travail et la
semaine normale de travail devrait être établie à 40
heures. La FTQ n'accepte pas que la durée normale de travail puisse
être différente selon les catégories de salariés
qu'on retrouve à l'article 53. Tous les travailleurs, quelle que soit la
valeur de leur travail et de leurs relations avec l'employeur, femme
collaboratrice de son mari, comme le disait Nicole, doivent avoir droit aux
mêmes avantages.
Par conséquent, tout travail exécuté en plus de la
journée de travail entraîne une majoration de 50% du salaire
horaire effectif. Nous pensons aussi que la base sur laquelle doit être
établie le salaire minimum doit n'être exclusivement que
temporaire, afin de mettre fin à cet esclavagisme qui permet
l'exploitation éhontée d'une main-d'oeuvre soumise au stress des
cadences trop rapides de travail au rendement.
En ce qui concerne la distribution du temps supplémentaire dans
une entreprise, le travail en surtemps devrait être proposé aux
salariés par ordre d'ancienneté. Ceux-ci doivent avoir la pleine
liberté de refuser ou de l'accepter. En aucun temps, le temps
supplémentaire ne doit être obligatoire. Puisqu'on parle du
principe de l'ancienneté, nous aimerions que ce principe soit reconnu.
Nous avons parlé de la répartition du
temps supplémentaire. Il nous apparaît aussi essentiel de
le faire reconnaître dans le cas de l'application des articles suivants:
dans le cas de préavis écrit avant un licenciement et sur le
rétablissement d'une mise de rappel au travail, en cas de mises à
pied multiples. Nous signalons que ce principe est implicitement reconnu au
niveau de l'établissement du crédit du congé annuel. On
reconnaît quand même un certain nombre d'années de service
pour effectuer et accorder ce congé. (17 h 15)
Pour les demandes spécifiques concernant le préavis de
licenciement, nous soutenons notre demande à l'article 81: "Sauf dans le
cas d'un contrat à durée déterminée, tout
salarié a droit à un préavis écrit avant son
licenciement. La durée de ce préavis est de huit semaines si le
salarié justifie chez le même employeur dix ans ou plus de service
continu; quatre semaines si le salarié justifie chez le même
employeur entre cinq et dix ans de service continu; deux semaines si le
salarié justifie chez le même employeur entre un et cinq ans de
service continu; une semaine si le salarié justifie chez le même
employeur moins de douze mois de service continu."
En ce qui concerne les vacances, nous considérons qu'après
cinq ans de service continu dans une même entreprise, un salarié
devrait avoir droit à trois semaines de congé annuel;
après dix ans, quatre semaines.
Un des objectifs fondamentaux que devrait poursuivre le
législateur, c'est la protection du revenu du salarié face
à la maladie. Pour protéger le revenu des salariés qui
sont victimes de ces maladies, nous proposons l'établissement d'une
banque de congés de maladie annuels. Cette banque protégera le
salarié pour une maladie à court terme. Cependant, pour
l'établissement d'une mesure sociale plus juste, on doit quand
même penser à de grosses maladies qui sont de plus en plus
fréquentes; nous devons envisager l'établissement et la mise sur
pied d'un régime d'assurance-salaire obligatoire pour toutes les
entreprises québécoises. Le manque à gagner pour les
salariés du salaire minimum peut se révéler, à long
terme, très dramatique. Cela doit être un des objectifs
fondamentaux poursuivis par le législateur.
Je passe maintenant la parole à Marie-Claire Boucher.
Mme Boucher (Marie-Claire): II y a de mauvaises langues qui ont
dit...
M. Johnson: C'est Mme Boucher, je pense?
Mme Boucher: C'est cela. Marie-Claire Boucher.
Il y a des mauvaises langues qui ont dit que le projet de loi 126 ne
reconnaissait pas le travail à temps partiel. Pourtant, la
Fédération des femmes du Québec a noté avec
ravissement !a reconnaissance quasi explicite du principe du travail à
temps partiel par le biais de l'article 145 qui dit qu'un commissaire de la
Commission du salaire minimum peut être nommé à temps
partiel. A ce moment-là, il peut même bénéficier
d'un régime de retraite sur la base du traitement qu'il recevrait s'il
travaillait à temps plein. Tous les hommes sont égaux devant la
loi, mais certains sont un peu plus égaux que d'autres. Ne doutant pas
de la générosité et de la logique du législateur,
la Fédération des femmes du Québec espère que ces
revendications à l'égard du temps partiel seront entendues d'une
oreille sympathique.
Pourquoi nous intéressons-nous au temps partiel? Pour deux
raisons. La première, c'est que, lors du congrès que nous avons
tenu en 1977, dont le thème était "Le travail à temps
partiel: piège ou option", nous avons reçu un mandat clair et
précis de vous transmettre ceci: Au ministère du Travail
provincial, il est recommandé que le gouvernement amende la Loi du
salaire minimum par la promulgation d'une loi-cadre sur les conditions
minimales d'emploi, loi qui devra accorder à tous les travailleurs
à temps partiel et temporaires les mêmes avantages que ceux
auxquels ont droit les employés à temps plein on n'en
demande pas autant que les commissaires à temps partiel et ceci
au prorata des heures travaillées, c'est-à-dire existence et
cumul des bénéfices sociaux, congés de maladie, vacances
annuelles, jours fériés, assurances diverses, régime de
pension, droit d'ancienneté, congés de maternité et de
paternité et que soient prévus des mécanismes
d'application fermes et efficaces, adoptés à la
majorité.
La deuxième raison, c'est que nous sommes en faveur d'une
utilisation rationnelle et efficace au maximum des ressources humaines. Nous
pensons que le cycle de vie active des femmes diffère du cycle de vie
active des hommes et que les femmes peuvent avoir, à certains moments de
leur vie, besoin de travailler à temps plein, et à temps partiel,
et à temps plein. Refuser à une partie de la population
d'utiliser ses ressources intellectuelles, ses connaissances, son expertise,
lui refuser de rendre à la société ce qu'elle en a
reçu, parce que la société a contribué à la
formation de cette femme, c'est une aberration, d'une part.
D'autre part, nous sommes également convaincues que, si les
travailleurs ont des droits, ils ont également des devoirs et, parmi ces
devoirs, il y a l'obligation de donner une productivité maximale de
façon à favoriser la croissance.
Si on considère la durée du travail à temps plein,
en prenant comme base une journée de huit heures et une semaine de 40
heures il y aurait sûrement lieu de nettoyer un peu le fouillis de la
terminologie, parce que le travail à temps partiel, tel que
défini par le Bureau international du travail de Genève, est un
travail effectué de façon régulière et volontaire
pendant une durée sensiblement plus courte que la durée normale.
Par conséquent, ce serait un travail effectué pendant moins de
huit heures par jour ou moins de 40 heures par semaine.
J'insiste sur l'aspect de régularité et l'aspect
volontaire du travail à temps partiel. Cela n'est pas
du travail occasionnel, ce n'est pas du travail saisonnier, ce n'est pas
du travail temporaire, encore que le travail temporaire, on va y revenir
tantôt. C'est effectué de façon volontaire en ce sens que
ce n'est pas une réduction momentanée du travail, comme on a pour
le "work sharing" où on réduit, pour tous les employés
d'une entreprise qui choisit avec l'accord du syndicat de le faire, et le temps
de travail et le salaire de tous ses employés, plutôt que d'en
mettre quelques-uns à pied; généralement, ça ne
dure pas très longtemps. Cette forme de réduction du travail, qui
n'est certainement pas la forme de réduction qui est demandée par
les syndicats, occasionne une perte de revenu qui est compensée, au
Canada, par l'assurance-chômage Cela est le "work sharing".
Cet aspect volontaire, cette réduction du travail ou cette
moindre durée du travail, qui est quand même régulier,
n'est pas le fait du choix libre et enthousiaste des employés; c'est un
signe de solidarité de la part d'employés qui vont y perdre pour
permettre à certains de leurs collègues de ne pas tout
perdre.
La question qu'on peut se poser ici est: Qu'est-ce qui est le mieux:
avoir beaucoup de gens qui travaillent à temps plein et beaucoup de
chômeurs ou un peu moins de gens qui travaillent à temps plein et
un peu moins de chômeurs? L'alternative qu'il y aurait au "work sharing"
serait plutôt le "job sharing", qui est le partage par deux personnes
à temps partiel d'un emploi à temps plein pour une personne.
C'est tellement susceptible d'offrir une réponse intéressante,
dans une période de chômage, que l'Organisation internationale du
travail trouve qu'en effet le travail à temps partiel pourrait
être une mesure intéressante pour pallier le chômage ou
enfin le réduire. Il y a certains syndicats, particulièrement
avant-gar-distes, en Europe qui, en 1976, demandaient que l'on coupe, par
exemple, le travail en temps supplémentaire et que l'on engage
plutôt des employés à temps partiel.
Je reviens au travail à temps partiel proprement dit. Nous
demandons le prorata; mais pourquoi demandons-nous le prorata? La
productivité des employés à temps partiel, d'après
le résultat de certaines études qui ont été faites
aux Etats-Unis, est supérieure à la productivité des
employés à temps plein. Je n'entrerai pas ici dans les
détails qui peuvent expliquer pourquoi la productivité de
l'employé à temps partiel est supérieure, mais c'est un
fait.
Pourtant, les employés à temps partiel qui donnent une
productivité plus grande sont finalement défavorisés sur
le plan du salaire, parce qu'ils n'ont qu'une rémunération
purement pécuniaire et n'ont pas d'avantages sociaux. Or, les avantages
sociaux représentent une partie importante de la
rémunération. En 1975, une étude de la chambre de commerce
évaluait que les avantages sociaux représentaient 35,4% de la
masse salariale. Dans l'étude qui avait été faite, selon
les entreprises interrogées, ça s'échelonnait de 24%
à 42,6%.
De toute façon, sur une base moyenne, cela représentait
$3984 par an, par employé. En 1976, Thome Riddell & Associates a
fait une enquête semblable au Canada et, chez-nous, les avantages sociaux
représentaient 31% de la masse salariale de l'entreprise et cela
s'échelonnait entre 21% et 38%; évalué en dollars pour un
employé par année, cela équivalait à $3849. Un
employé à temps partiel qui a une productivité
supérieure à un employé à temps plein reçoit
quand même $3849 de moins par année; nous estimons que cela n'est
pas juste. Par conséquent, nous demandons et nous espérons
fortement que le gouvernement et la commission verront à accorder aux
travailleurs à temps partiel et aux travailleurs temporaires, qui sont
lésés actuellement, le prorata pour tous les avantages sociaux
insuffisants, ceux qui sont prévus dans la loi, au prorata des heures
travaillées.
Maintenant la question du travail temporaire n'est pas abordée
dans le projet de loi et c'est pourtant une situation où l'on remarque
beaucoup d'exploitation et qui cause énormément de
problèmes. Le travail temporaire, les employés doivent
obligatoirement les salariés recourir aux services d'une
agence spécialisée dans le placement et le recrutement. L'agence
a des clients qui la paient et c'est l'agence qui paie les employés, les
salariés. Les salariés ont un contrat avec une agence de
placement et ce contrat peut être ou ne pas être renouvelé,
à échéance. Mais on rencontre souvent des cas où
les employés ont leur contrat renouvelé automatiquement, les
employés travaillent dans une entreprise cinq ans, dix ans, ce ne sont
pas les employés de l'employeur, enfin de l'entreprise, ce sont des
employés de l'agence, ils n'ont pas d'avantages sociaux, ils n'ont
aucune sécurité d'emploi. Aujourd'hui pour demain, l'agence peut
refuser de renouveler le contrat; si l'agence n'aime pas la face de
l'employé, elle peut également le mettre dehors, il n'a
absolument aucune protection.
Sur le plan, par exemple, de la responsabilité, on a un
problème: qui a autorité sur le travailleur à temps
partiel? L'agence qui paie le travailleur ou l'entreprise chez qui ce
travailleur exerce ses fonctions? Par conséquent, il y a
également des problèmes au niveau de la reconnaissance de la
compétence, au niveau des dossiers et c'est pourquoi nous avons
également reçu mandat, au congrès de 1977, de demander une
réglementation, dans le but d'éliminer les pratiques abusives
dans les agences de placement temporaire et permanent. "Il est
recommandé que la Fédération des femmes du Québec
demande aux instances fédérale et provinciale, de qui
dépend l'émission de chartes, de réglementer le mode
d'opération des agences de recrutement et de placement d'employés
à temps partiel et temporaire de façon à obliger ces
agences à respecter les exigences suivantes: la solvabilité de
ces agences, leur responsabilité totale d'employeur face aux infractions
commises par les clients ou les employés, la reconnaissance de la
classification de l'employé et le respect de sa qualification
professionnelle, le
maintien d'une assurance pour protéger les travailleurs de
l'agence, la tenue et la conservation d'un dossier des employés." Ce fut
également adopté à la majorité.
J'aurais eu encore quelque chose à dire, mais... est-ce que vous
me permettez? Nous avons également reçu le mandat de recommander
le réaménagement des horaires de travail au ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec. "Il est recommandé de
réaménager les horaires de travail pour tous les travailleurs, la
réduction générale des heures de travail ou
flexibilité des horaires, afin de permettre le recyclage et le
perfectionnement, la créativité culturelle, la participation
communautaire, les loisirs, les sports, le dynamisme familial." Adopté
à la majorité.
Nous avons proposé un amendement ou plutôt un nouvel
article pour remplacer 38m parce que sur la question de l'étalement, il
y avait ambiguïté. Pensiez-vous assouplissement ou pen-siez-vous
étalement? Etalement nous paraissait dangereux parce que cela pouvait
vouloir dire qu'un employé pouvait travailler trois heures une
journée, douze heures une autre journée et cela n'était,
certainement pas, avons-nous pensé, le but visé par la commission
ou le gouvernement. (17 h 30)
D'autre part, en proposant un assouplissement, cela englobe et le
travail à temps partiel, permanent, et toutes ses formes, le travail
bilocali-sé, le travail renouvelé, le travail jumelé, le
travail couplé et aussi les horaires de travail variables. Nous
espérons que vous prendrez bonne note de ces recommandations.
Le Président (M. Marcoux): On vous remercie beaucoup,
mesdames. Je vais d'abord donner la parole, avec le consentement de la
commission, au député de L'Acadie, qui doit nous quitter.
Allez-y, madame.
Mme La voie-Roux: Allez-y, M. le ministre.
M. Johnson: Moi, cela risque d'être un peu plus long. Il y
a beaucoup de choses, ça risque de prendre au moins dix minutes ou un
quart d'heure. Je comprends vos engagements.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
M. Johnson: Si vous voulez y aller, ça me fera plaisir; je
comprends vos engagements.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que j'ai un rendez-vous à 17
h 30. Je voudrais d'abord remercier la Fédération des femmes du
Québec pour la qualité de son mémoire et des nombreux
points qu'elle a soulevés. Je pense que, dans leurs réflexions,
les gens sont souvent portés à dire: Vous venez défendre
les femmes. Mais, si on réfléchissait plus longuement,
particulièrement sur les dernières suggestions que vous avez
faites, c'est l'amélioration de la qualité du travail pour tout
le monde, non pas seulement pour les femmes, que vous êtes venues
revendiquer ici.
Evidemment, sur la question du congé de maternité que vous
avez développée pendant quelques instants, vous savez que je suis
fort d'accord avec vous pour trouver qu'on a eu un congé de
maternité un peu maigre. Vous n'êtes pas les premières
à poser la question: Pourquoi ceci n'a-t-il pas été
intégré dans la loi touchant les normes de travail? Je ne sais
pas si le ministre pourrait nous donner la raison pour laquelle cela n'a pas
été intégré. Est-ce que c'est parce qu'on a des
visées plus grandes dans un avenir prochain qui, justement,
corrigeraient des lacunes qui existent déjà dans cette ordonnance
de la Commission du salaire minimum quant aux personnes couvertes et quand
à la portée universelle du congé de maternité ou
s'il y a aussi une raison technique. Est-ce que je peux vous demander cela?
M. Johnson: Je pense que vous avez mis le doigt dessus. J'ai
toujours dit que je considérais que l'ordonnance no 17, c'étaient
vraiment des conditions minimales. Loin de moi de considérer que cette
ordonnance, malgré tout, est une de celles qui offrent les "meilleures
conditions" de toutes les provinces canadiennes, c'est très loin
d'être un idéal. Quant à moi, c'est strictement un minimum.
Je pense que l'ensemble de la question du congé de maternité et
l'ensemble de la législation qui touche à la fois les droits au
niveau du travail de celle qui est au travail à l'extérieur de la
maison, sa rémunération, qui financera, je pense qu'un des
meilleurs mémoires que j'aie vus à ce sujet je crois que
la fédération le connaît, parce qu'elle en a repris des
extraits c'est le mémoire de M. Hurtubise, de la Commission des
droits de la personne qui, à mes yeux, représente sans doute la
vision globale la mieux articulée. Quant à moi, l'avenir est dans
ce sens. Ce n'est pas dans le sens d'intégrer une ordonnance no 17 de la
Commission du salaire minimum dans une loi, parce que je pense qu'on risquerait
tous, "politiquement", que ce soit nous ou les partis d'opposition, de
considérer que la loi est là et que les gens peuvent bien vivre
avec un bon bout de temps.
Tant que ce sera une ordonnance, on considérera que ce sont des
conditions minimales et on aura des groupements comme la
Fédération des femmes du Québec et quelques autres qui
réclameront une loi sur le congé de maternité et qui
réclameront qu'on aille au-deçà de ce qui s'appelle les
conditions minimales. Il faut dire que, dans le gouvernement, il n'y a pas
seulement une réflexion, mais des études et des objectifs
précis qui sont visés dans ce sens. Je pense que les solutions,
à moyen terme quand je dis à moyen terme, je ne parle pas
des trois mois ou des six mois qui viennent, mais probablement d'ici une
année ou deux on devrait assister à des déblocages
plus importants en ce qui a trait à la condition féminine. C'est
la raison essentielle pour laquelle on ne l'a pas incluse dans la loi.
Mme Lavoie-Roux: A ce moment-ci, je réalise, M. le
Président, que je fais un peu dévier la discussion, mais je pense
que le problème du congé de maternité est un
problème auquel la
Fédération des femmes du Québec s'est
intéressée depuis longtemps et c'est peut-être pour cela
que je me permets de poser des questions.
Je vois que, dans votre vision pour l'avenir, il y a un projet de loi
portant vraiment sur les congés de maternité qui pourrait
être intéressant, dans un temps X. Là, c'est vous qui
déterminerez quels seront ces délais. Mais il reste qu'on a
laissé, à l'extérieur du congé de maternité,
un nombre quand même important de femmes. Est-ce qu'on peut
prévoir qu'au moins, sans aller dans un projet de loi par exemple
les travailleuses agricoles, les...
M. Johnson: Dans la mesure... Non, l'ordonnance n'exclut que
celles qui font partie, par exemple dans le cas des travailleuses agricoles,
d'une ferme familiale. Je comprends que la Fédération des femmes
du Québec aimerait voir, comme le disait Mme Boily, une extension du
champ d'application. Je vous avoue que, de ce côté, je n'ai pas
poussé ma réflexion très longtemps, mais ça me
heurte un peu comme notion, de la même façon que je ne
considérais pas que le mari, dont la femme administre le budget familial
comme ça peut exister dans certaines familles devrait
avoir des recours devant une commission gouvernementale, s'il n'est pas content
de l'administration que sa femme fait des biens et des revenus familiaux. Il y
a quelque chose qui me heurte un peu il faudra peut-être que la
Fédération des femmes m'en reparle ou m'écrive à ce
sujet dans cette idée que des conjoints, dans une
société normale et dans une évolution normale, ont besoin,
l'un envers l'autre, d'une protection de la loi, au-delà
évidemment de ce qui est étudié dans le cadre du droit de
la famille, dans le cas, par exemple, de la séparation, dans le cas du
pouvoir sur les enfants, etc., de la puissance qu'on a appelée
paternelle longtemps, mais qui est une puissance conjointe en vertu de notre
droit. Je suis un peu hésitant, devant la relation qui existe entre deux
conjoints qui sont dans une entreprise, à considérer qu'ils sont
autre chose que des partenaires à certains égards, de la
même façon que je considère qu'en général,
ils sont des partenaires dans l'existence pour bien des choses. J'avoue que,
jusqu'à maintenant, je ne me suis pas penché là-dessus
comme étant une priorité; peut-être me convaincrez-vous de
ça, mais...
Mme Boily: II faudrait peut-être dissocier ce qui est la
vie personnelle des gens et leur vie sur le marché du travail; c'est un
monde du travail et, si la femme travaille à une entreprise familiale,
à ce moment-là, elle devrait être considérée
comme une salariée, donc comme une travailleuse. Cela n'influence pas
sur sa vie personnelle, je pense qu'on a trop souvent d'ailleurs, dans ces
questions, mêlé la vie privée. C'est comme quand on
soulève l'objection: La maternité, c'est une affaire personnelle.
Il y a un point de vue personnel, mais il y a aussi un point de vue collectif.
Alors, dans le cas de la femme qui travaille dans l'entreprise de son mari, je
pense qu'elle doit être considérée comme une
salariée. C'est ce point de vue, finalement, qu'on veut
défendre.
Mme Lavoie-Roux: C'est dans ce sens-là que vous
considérez vos remarques sur la femme collaboratrice que vous avez
faites au début?
Mme Boily: C'est ça. On a parlé du congé de
maternité, mais on a aussi parlé des exclusions, dans certains
articles en particulier, pour la durée du travail on les exclut
nommément dans le cas des congés annuels, on les exclut
aussi. Il y a plusieurs endroits où cette personne est exclue des normes
minimales, même si elle n'est pas exclue au niveau du champ d'application
comme tel.
Mme Lavoie-Roux: Mais ces conditions minimales que vous
réclamez pour la femme collaboratrice dans l'entreprise, s'il s'agissait
d'une entreprise sous forme d'une compagnie qui serait incorporée ou
non, à ce moment, est-ce que vous maintiendriez le même point de
vue, quant aux conditions minimales pour la femme?
Mme Boily: Je pense que ça peut aussi varier selon le
statut que la femme veut avoir dans l'entreprise. Tout ça est
lié. Je faisais appel tout à l'heure à d'autres aspects,
dans le cas de la femme collaboratrice du mari; ce n'est pas aussi simple, il y
a quand même plusieurs dimensions, c'est qu'actuellement, par exemple, la
femme collaboratrice de son mari, même si elle voulait avoir le statut de
salariée, ne peut pas l'avoir. Il y a aussi, à d'autres niveaux
et à d'autres instances où il faut changer les choses. Mais si
c'est dans le cas où la femme collaboratrice de son mari qui participe
à une entreprise familiale et a un statut de salariée...
Mme Finestone: Veux-tu reprendre la question du congé de
maternité?
Mme Boily: Oui. L'importance pour nous, aussi, que cela puisse
être intégré à la loi, c'est que vous dites bien que
vous avez la volonté d'aller plus loin, mais on a tellement vécu
le temporaire comme du permanent, qu'à ce niveau, on peut tout au moins
être inquiètes et qu'au moins le minimum que l'on a ce
minimum qui nous laisse insatisfaites, c'est certain se retrouve dans la
loi pour quand même nous protéger, protéger les femmes de
façon plus adéquate.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous trouvez que, dans le fond, cela
n'exclurait pas, de toute façon, la possibilité d'évoluer
vers un projet de loi autonome.
Mme Finestone: Pas du tout, les amendements sont toujours
possibles.
Mme Boily: De toute façon, la demande de l'affiliation,
c'était en vue d'aller vers une loi de la maternité où
à ce moment, ce serait beaucoup plus globalisant, où toute la
question de congé de
paternité et de congé parental serait incluse. Mais il
faut vivre avec ce que l'on a et on veut profiter au maximum de ce que l'on a,
ce qui n'exclut nullement des possibilités de changement dans l'avenir.
Une loi, cela s'amende.
Mme Lavoie-Roux: II y a une question précise que je
voudrais vous poser, puisque vous faites allusion au congé de
paternité et au congé parental. Ici, on a toujours parlé
du congé de maternité, mais jamais personne n'a parlé...
on l'a toujours vu dans un tas de rapports, mais personne en a jamais
discuté. Je voudrais vous poser une question précise. Dans
l'hypothèse où les ressources de l'Etat feraient qu'on se limite
au congé de maternité et que cela peut être la raison pour
laquelle on n'a pas inclus le congé de paternité ou le
congé parental... Je sais pourquoi vous incluez le congé de
paternité. C'est une question de principe au départ, c'est une
question d'égalité de conjoints, de partage.
Mais dans l'hypothèse où financièrement, l'Etat ne
peut répondre qu'au congé de maternité, est-ce que vous
préféreriez que le congé de paternité ou parental
soit inclus plutôt que d'augmenter, par exemple, les prestations du
congé de maternité?
Mme Boily: D'abord...
Mme Lavoie-Roux: C'est un choix difficile à faire, je
comprends.
Mme Boily: Oui. Il y a plusieurs choses là-dedans. Je
dirais qu'actuellement, pour ce que cela coûte à l'Etat, cela ne
coûte pas très cher à l'Etat. Le congé n'est pas
payé, alors, le congé de paternité pourrait fort bien
être accordé si on pense à une question de gros sous. A ce
moment, ce n'est pas, au niveau de l'Etat lui-même qu'il y a cette
difficulté...
Mme Lavoie-Roux: Pour eux, c'est une question de principe?
Mme Boily: Je pense que fondamentalement, bien sûr, qu'il y
a une question de gros sous au niveau... et de problèmes qui peuvent se
situer au niveau de l'employeur, des entreprises. Mais fondamentalement, je
dirais qu'on est encore marqué par un certain nombre de
stéréotypes et qu'on ne considère pas encore cela comme
important. On a bien dit pendant longtemps que le congé de
maternité finalement, ce n'était pas si important que cela. Il
n'y convenait pas avant qu'on réussisse à avoir le congé
de maternité. Il y a toute une question de mentalité en plus
d'une question de gros sous. Il y a toute une question de mentalité qui
est derrière, de sorte que cela joue aussi au niveau du congé de
paternité. Mais si on se reporte à la société
actuelle, au partage que l'on retrouve actuellement et à la
nécessité de la vie actuelle où souvent les deux
conjoints, les deux parents travaillent, bien, à ce moment, on arrive
aussi à un changement où on devra se rallier à cette
position: se diriger vers la nécessité d'un congé de
paternité. (17 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également souligner la
recommandation que vous avez faite, à savoir la possibilité de
recours par le truchement d'un tiers ou d'un organisme quelconque. Cela
n'existe pas présentement nulle part, n'est-ce pas? Cela me semble une
suggestion intéressante, surtout dans les cas qui nous
préoccupent ou vis-à-vis de la population qui nous
préoccupe. On sait fort bien, par exemple, que les immigrantes, les
personnes en service domestique, les personnes à plus bas salaire sont
souvent des personnes qui vont être... J'avais souligné cela l'an
dernier, au moment du congé de maternité, comment cela serait
appliqué. Cela me semble une suggestion intéressante. Je ne sais
pas si le ministre...
M. Johnson: Dans la mesure où la loi prévoit
l'anonymat, rien n'exclut qu'un groupement décide de faire une
dénonciation à la commission, d'une part. Deuxièmement,
à partir du moment où l'anonymat est garanti, non seulement la
commission a-t-elle le devoir d'enquêter en préservant l'anonymat
du plaignant ou de celui qui fait l'objet de l'irrespect des dispositions de la
loi ou d'une ordonnance, mais la commission peut elle-même intenter des
poursuites tout en conservant l'anonymat. En pratique, même si la loi ne
dit pas qu'on reconnaît, par exemple, à des groupements comme le
vôtre ou à des centrales syndicales le droit de faire valoir les
droits d'un travailleur, elle prévoit, par la méthode de
l'anonymat, que la commission ait toujours ce pouvoir et la commission peut en
être saisi par n'importe qui, finalement, compte tenu du principe de
l'anonymat.
Ce qu'on veut éviter et ce qu'on ne veut pas inclure dans la loi,
c'est de conférer un droit spécifique à des associations
difficiles à déterminer. Même un syndicat, c'est quelque
chose qu'il est difficile à définir dans nos lois. C'est
très mal défini ce que c'est. Une centrale syndicale, cela
n'existe pas au sens du Code du travail et Dieu sait que c'est présent
dans le décor. Les quatre centrales syndicales, on les connaît,
mais cela n'existe pas si on regarde notre droit du travail. Ce sont des
associations bona fide, comme on dit. Maintenant, il existe un tas d'autres
groupements. La FFQ est évidemment une importante organisation, mais il
y en a peut-être qui revendiquent d'être représentatives,
comme la fédération, et qui ne le sont peut-être pas ou
sont des groupes plutôt marginaux ou, même à la rigueur, on
pourrait imaginer un groupement féministe dominé par des hommes,
comme il y a des syndicats de boutique. Je suis sûr qu'on est très
loin de cela dans le cas de la Fédération des femmes du
Québec et de la plupart des autres groupes qu'on a entendus.
Le problème pour nous, c'était de ne pas faire en sorte
que, dans la loi, on soit appelé à définir ces
organismes-là, mais, par contre, en pratique, leur permettre la
dénonciation, sans cependant leur permettre le droit d'aller ester en
justice,
comme on le dit dans le Code civil, sans leur donner le droit d'intenter
des poursuites, mais de faire en sorte que la commission, encore une fois sous
le couvert de l'anonymat, puisse le faire.
Mme Boily: Oui, justement, ce que nous demandons c'est
qu'officiellement un groupe puisse représenter un individu, parce que
c'est cela la difficulté finalement des gens, de ces individus qui sont
mal pris et qui ont peur. Je pense que, finalement, même si la loi permet
actuellement qu'un tiers, anonymement, dépose une plainte je
pense que cela existe déjà dans la loi ce qui est
important, ce qui nous apparaît encore plus important, c'est qu'un groupe
puisse représenter officiellement, puisse piloter une plainte et que
l'individu, à ce moment-là, seul et isolé, puisse se
sentir appuyé et que, s'il y a des représailles, il puisse quand
même avoir un certain contrôle dessus.
M. Johnson: Je vais peut-être répondre très
brièvement à cela pour permettre à madame de s'en aller
à son rendez-vous pour lequel elle est déjà en
retard...
Mme Lavoie-Roux: ... peut-être partie.
M. Johnson: ... peut-être en n'y mettant pas beaucoup de
nuance. Le danger, dans ce que vous décrivez, bien que je comprenne quel
pourrait être l'intérêt légitime et manifeste d'un
groupement comme le vôtre ou comme une centrale syndicale, c'est de
fournir à des groupes indéfinissables en vertu de nos lois,
juridiquement, un pouvoir qui pourrait déborder le cadre de la loi. Cela
pourrait être utilisé, par exemple, pour "des fins purement
politiques". Cela pourrait, théoriquement, être utilisé
pour des fins de maraudage syndical. Cela pourrait être utilisé
pour toutes sortes d'autres fins que l'application de la loi. Je ne veux pas
présumer que cela devrait l'être de façon
systématique, mais ce n'est pas pour rien qu'on a, depuis 1964, une
histoire très précise, dans le Code du travail, de ce que sont
les pouvoirs d'une association qui veut fonder une association de
salariés. C'est également pour protéger les
salariés contre n'importe quel vendeur de savon, ou de revues, ou de
loteries, ou, carrément, des groupes d'exploiteurs.
Dieu sait que ça n'a pas empêché que, dans certains
secteurs, on retrouve des groupes qui exploitent les travailleurs au nom des
droits des travailleurs. Je ne prétends pas que c'est le cas de la
Fédération des femmes, mais je dis seulement que le danger dans
une loi de conférer à qui que ce soit un droit d'ester en justice
au nom d'un tiers, c'est une chose qui est d'ordre public et, à partir
du moment où on a de la difficulté à circonscrire quels
sont ces groupements, je pense qu'il faut être extrêmement prudent
et ça, pour les fins de la protection du citoyen lui-même.
Mme Lavoie-Roux: On ne peut peut-être pas prendre plus de
temps, mais ça vaudrait peut-être la peine que, sur cette
suggestion que vous avez, vous réfléchissiez davantage pour voir
de quelle façon ça pourrait être articulé. Je
reconnais les difficultés que le ministre apporte, mais il me semble
qu'on est toujours dans une espèce de cul-de-sac avec cette question de
contestation ou de recours que des personnes démunies peuvent faire
valoir. C'est vrai que la centrale syndicale en soi n'est pas une personne,
mais il reste que, dans les syndicats, on va voir son
délégué syndical et là, c'est clair. Les gens
savent qu'ils peuvent s'adresser à quelqu'un. Tandis que, dans ces cas,
il reste que, somme toute... Même dans le cas des individus qui sont
à l'intérieur d'un syndicat, s'ils n'avaient pas leur syndicat
pour faire les représentations, je doute qu'un aussi gros pourcentage de
griefs ou de questions de relations de travail se poserait.
Entre-temps, tout ce qu'on peut faire, nous, comme Opposition, c'est de
voir à ce que le nombre de gardes-chasse soit augmenté et je peux
vous assurer le ministre vous le dira que je le poursuis pour le
nombre de gardes-chasse, mais, aux dernières nouvelles, il n'a pas
augmenté.
M. Johnson: Une fois par mois.
Mme Lavoie-Roux: Chaque fois que j'en ai l'occasion. Sur la
question du travail domestique, je suis d'accord avec vous, j'ai eu l'occasion
de l'exprimer. Je voudrais vous demander si vous vous êtes
penchées un peu sur le problème du travail à domicile. Il
a été soulevé par le groupe qui vous a
précédé, la CSD. Vous savez que ça touche un grand
nombre de femmes, particulièrement dans le domaine de la couture. C'est
très difficile je l'admets avec le ministre de
circonscrire une façon de solutionner ce problème. Comme groupe,
y avez-vous réfléchi vous-mêmes et avez-vous des
suggestions à faire?
Mme Boucher: Malheureusement, nous ne nous sommes pas
arrêtées à cette question. Tout ce que nous avons...
M. Johnson: C'est le seul problème que vous n'avez pas
évoqué dans votre mémoire.
Mme Boucher: Nous avons constaté, mais nous ne l'avons pas
écrit dans le mémoire, que certaines lois du travail au Canada en
font mention, mais on n'a pas approfondi la question.
Mme Boily: J'ajouterais que c'est relié aussi au travail
au rendement et c'est vraiment un point sur lequel on n'a pas de solution
définitive, c'est évident. Mais c'est un sujet qui nous
apparaît extrêmement important et je pense que les deux sont
reliés. Le problème pourrait se régler plus facilement
dans le cas du rendement quand ça se fait dans les fabriques, dans les
manufactures, mais, quant au travail à domicile, c'est certainement plus
difficile, parce qu'il nous apparaît que c'est le lieu par excellence
d'exploitation. Si on n'a
pas de solutions à apporter, on a quand même des exemples
et on vit avec les femmes qui subissent cette situation. Il nous apparaît
important que ce soit un domaine sur lequel le législateur se penche,
ainsi que le ministère du Travail, parce que ce sont certainement des
lieux d'exploitation et, en particulier, ça touche certainement
davantage les femmes.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous avez
touché tout à l'heure à la question des personnes qui
travaillent pour une agence ou qui, enfin, par le truchement d'une agence, ont
de l'emploi. Pourriez-vous me dire je l'ignore, pour ma part s'il
y a une certaine législation ou des règlements qui
réglementent ces agences qui, en somme, peuvent naître du jour au
lendemain, disparaître du jour au lendemain? C'est vraiment la
réalité des choses.
Mme Boucher: Oui, la seule réglementation que je connaisse
personnellement au sujet de ces agences, c'est le résultat d'une entente
avec la commission des droits et libertés de la personne parce qu'il y
avait une discrimination au niveau du recrutement dans certaines agences. Mais,
pour la réglementation en regard des employés temporaires, je ne
pense pas...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que le ministre devrait examiner cette
question parce que, justement, ces agences de placement existent au moins pour
un cas, qui est celui du travail domestique. Avec l'avènement des
conditions miminales de travail, si on n'examine pas de plus près le
fonctionnement des agences de placement, je pense qu'on pourrait trouver
là un moyen de contourner même le personnel domestique qui serait
protégé, parce que, là, les exigences vont être plus
grandes à l'égard de ceux-là, et ce serait facile pour les
agences de placement justement de contourner même les conditions
minimales de travail qui pourraient être éventuellement
adoptées.
Mme Finestone: Si je peux ajouter quelque chose, ce n'est pas
seulement au niveau du salaire minimum que cette question nous pose des
problèmes...
Mme Lavoie-Roux: Oui, je le réalise.
Mme Finestone: ... parce que la discrimination ouverte est
couverte envers les personnes ou les minorités visibles, cela se fait au
niveau de ces agences et il y a un tas de questions sur lesquelles on devrait
se pencher et réglementer leur rôle et leur
responsabilité.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
Mme Finestone: On vous remercie. Mme Lavoie-Roux: Merci,
M. le ministre.
M. Johnson: Bon rendez-vous Mmes Finestone, Boily, Doucet et
Boucher. D'abord, je dois vous dire que votre mémoire est
extrêmement bien fait. On sent qu'il y a là plus qu'une
improvisation rapide. J'ai l'impression que vous y avez passé quelques
heures en groupe d'étude. Il y a une étude article par article du
projet de loi qui, je pense, est plus que méritoire, elle est assez
remarquable.
On va retenir certaines des suggestions que vous faites. Je n'entrerai
pas dans le détail de tout cela ce soir, puisque le temps presse. Vous
aurez d'ailleurs l'occasion de le voir au moment du dépôt de
l'étude article par article. Je veux simplement soulever certains des
grands thèmes.
Mme Finestone, vous avez insisté sur cette question du pouvoir
réglementaire. Je fais quand même une distinction entre les
pouvoirs d'une commission, ceux du législateur et ceux du gouvernement.
Il ne faut pas oublier qu'on dit que le lieutenant-gouverneur en conseil doit
approuver les modifications et, en ce sens-là, dans notre système
parlementaire, les ministres sont responsables devant l'Assemblée
nationale.
Je comprends que ce n'est pas comme si c'était une commission
parlementaire qui étudiait cela et que c'était adopté sous
forme de loi. A ce rythme, je pense que ça n'avancerait pas vite,
surtout quand je regarde l'Opposition, on n'aurait pas le temps de passer
grand-chose dans une année.
Mme Boily disait à un moment donné: l'ordonnance 17
le congé de maternité vous pourriez la mettre dans
la loi, une loi peut s'amender. Cela prend beaucoup de travail, madame, pour
amender une loi, parce que les heures ouvrables sont relativement nombreuses,
mais, avec la quantité de projets de loi qu'on a, c'est toujours
ça. Je peux vous dire qu'au ministère, cette loi est la 14e que
je dépose et que je pilote devant le Parlement. Je peux vous dire que,
parmi ces quatorze lois, il y en a eu quatre que des ministres du Travail
successifs ont remises depuis 1948, parce qu'ils n'avaient pas le temps de les
faire voter. On a fini par essayer de donner un coup de barre et en voter
quelques-unes cette année pour souffler sur la poussière de nos
lois. C'est un des inconvénients évidemment dans nore processus
et dans notre système de gouvernement, c'est que le processus
législatif est très laborieux et le gouvernement a parfois
tendance à vouloir se garder un peu de pouvoirs réglementaires
pour faire évoluer les choses plus rapidement.
Deuxièmement, je pense que c'est Mme Dou-cet qui a
évoqué les congés de maternité assez longuement, ou
Mme Boily, je m'excuse. Encore une fois, on est dans le cadre des conditions
minimales, je pense qu'on a touché passablement les perspectives, sans
entrer dans le délai, mais du fait que c'est présent et que c'est
parmi nos préoccupations.
La durée quotidienne du travail, c'est Mme Doucet qui a
évoqué cela. La question du travail au rendement, la question de
l'ancienneté, le temps supplémentaire obligatoire, le
licenciement, etc., cette réflexion, encore une fois, est
intéres-
sante, mais elle se situe... On va pouvoir en retenir certains
éléments mais, encore une fois, de façon très
circonscrite, parce que ça déborde de beaucoup le cadre des
conditions minimales. C'est toute la question de la qualité de vie au
travail et, encore une fois, je pense que, dans notre société,
l'instrument privilégié pour faire évoluer cela demeure la
syndicalisation. Maintenant, il reste au législateur à donner des
moyens aux salariés de se syndiquer pour le faire. Il y a beaucoup de
difficultés techniques qui sont soulevées par certaines de vos
remarques, entre autres sur la notion d'ancienneté dans les
licenciements. (18 heures)
Déjà, dans le secteur conventionné, à partir
du moment où on met ensemble les groupes les plus importants à
l'intérieur d'une entreprise et à l'intérieur d'un
syndicat, qu'on met dans tout cela, qu'on saupoudre cela du droit de
gérance, de la conjoncture de l'entreprise, selon qu'on a affaire
à des entreprises qui ont des cycles réguliers ou
irréguliers sur le plan de la production, etc., toute la question des
préavis de licenciement, de tenir compte de l'ancienneté,
même au niveau des conventions collectives librement
négociées, cela pose des problèmes. De la même
façon que ce que Mme Boucher a soulevé dans un exposé que
j'ai trouvé extrêmement intéressant sur toute la question
du temps partiel et des distinctions qu'il faut faire entre les occasionnels,
les temporaires, le temps partiel, la place du temps partiel dans notre
société et le fait, finalement, qu'on sait que cela affecte
finalement une main-d'oeuvre féminine. Je ferais une parenthèse
ici pour dire que le bureau de la main-d'oeuvre féminine dont vous
parlez est, en ce moment, au stade final; le concours est terminé, les
entrevues sont faites et le choix de la responsable au bureau du sous-ministre,
le bureau de la main-d'oeuvre féminine, sera arrêté d'ici
quelque temps. C'est effectivement en cours. Sur toute cette question du temps
partiel, je voudrais simplement vous rassurer; peut-être que le texte
n'est pas clair, peut-être que le texte n'entre pas dans les
modalités d'application, mais cette loi reconnaît le travailleur
à temps partiel en plus de l'article 145, pour les commissaires, mais
reconnaît que les travailleurs à temps partiel sont couverts par
cette loi. Cela devient...
Mme Finestone: Pouvez-vous préciser?
M. Johnson: Oui. Par exemple, dans le cas des jours
fériés, à partir du moment où on établit un
prorata, à partir des vacances, par exemple pas des jours
fériés il s'agit simplement d'appliquer le prorata pour
les fins des vacances. Dans le cas des jours fériés, c'est 10
jours simplement d'embauche. Il est possible qu'on touche la question des jours
fériés parce qu'il y a des remarques assez pertinentes qui ont
été soulevées par le secteur du commerce au détail,
mais ne sont pas exclus de cet ensemble de dispositions les travailleurs
à temps partiel; bien au contraire, ils sont couverts. Il reste une
question de modalités d'application. Peut-être que la loi n'est
pas claire. On va revoir cela à la lumière de ce que vous nous
avez dit et, encore une fois, il faut tenir compte de toute cette notion du
prorata à partir du moment où on a affaire à du temps
partiel, évidemment. Je n'inclus pas là-dedans, cependant, toute
la question des avantages sociaux dont vous avez parlé, parce que cela
ne fait pas l'objet de la loi, encore une fois. Ce n'est pas l'objet de la loi
que de régir les "bénéfices marginaux" dans les avantages
sociaux qu'on retrouve dans les conventions collectives, etc., sauf ceux qui
sont spécifiquement prévus, comme les congés, etc. Toute
la question des avantages sociaux des régimes de pension, etc. ce n'est
pas inclus dans la loi parce que cela ne fait pas partie de son champ
d'application. Mais si cela l'était, cela n'empêcherait pas que
cela s'applique aux travailleurs à temps partiel. C'est notre
volonté de faire en sorte que cela s'applique, effectivement, aux
travailleurs à temps partiel.
Vous avez soulevé, Mme Boucher, toute la question du "time
sharing" ou du "job" ou "work sharing" selon le cas. J'ai eu l'occasion,
récemment, de m'entretenir de ces questions avec le ministre
fédéral du Travail et celui de l'Emploi et de l'Immigration. Cela
pose des problèmes. Vous en avez soulevé vous-même. Il y a
un syndicat au Québec qui a fait un bout de chemin assez extraordinaire
dans ce domaine-là, c'est le syndicat des électriciens qui,
depuis cinq ans, a réussi à faire prendre conscience aux quelque
4000 membres qu'il a qu'il serait peut-être important, compte tenu de la
conjoncture économique dans laquelle on vit maintenant,
qu'effectivement, on puisse faire en sorte de limiter les heures
supplémentaires pour répartir la quantité de travail, donc
de revenus, auprès des travailleurs dans un secteur donné. C'est
à ma connaissance le premier effort concerté dans ce
sens-là, la première demande spécifique, et j'ai
l'impression qu'ils vont en discuter pendant les négociations du
décret de la construction. Il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de
femmes dans la construction. Il y en a quelques-unes, remarquez. Le
congé de maternité s'applique dans la construction, mais pas le
reste des conditions minimales. En ce sens, c'est assez global comme
problème ce que vous soulevez; je pense qu'il faut, à ce
niveau-là, encore une fois, laisser la société commencer
à faire ses pas par la libre négociation. Je pense qu'il y a des
choses qui débloquent, mais cela va prendre concrètement une
expertise plutôt que d'essayer d'imposer d'office par l'Etat, par une
espèce d'omniscience d'un ministère, ces choses-là. Je
pense que déjà le fait de le débattre, de voir des
syndicats en discuter, de voir des syndicats le revendiquer dans le cadre de
conventions collectives, c'est un signe que cette question progresse dans le
sens de la qualité de vie au travail, entre autres.
Or, c'était l'essentiel de mes remarques sur l'ensemble des
dispositions très spécifiques. Je pense, étant
donné le temps qu'il nous reste, que je voudrais laisser à mes
collègues l'occasion de dire quelques mots, s'ils veulent le faire avant
qu'on ajourne. J'aurai l'occasion d'y revenir en troisième lecture. Si
vous voulez déléguer quelqu'un pour regarder cela en cours de
route...
Mme Finestone: Peut-être qu'on pourrait vous voir dans une
entrevue privée à votre bureau pour poursuivre certains
points.
M. Johnson: Oui, mais je ne peux pas vous le promettre pour ce
qui a trait à la troisième lecture, vous n'êtes pas
seules.
Mme Finestone: Je sais, cela fait longtemps...
Mme Boily: M. le ministre, si vous permettez, je voudrais tout
simplement appuyer beaucoup sur la question du temps partiel et de la
nécessité de le retrouver dans la loi, parce que vous savez fort
bien que, même si vous considérez que ces travailleurs sont
protégés par la loi, combien y échappent quand on se
retrouve dans le quotidien et dans la relation de travail
employeur-employé. Je pense qu'il serait absolument essentiel que cela
se retrouve de quelque façon pour que les gens soient vraiment
protégés, parce qu'il y a énormément de gens qui ne
feront pas de plainte, qui ne font pas de plainte actuellement, parce que
jamais on a fait une reconnaissance officielle des travailleurs à temps
partiel comme des travailleurs à part entière.
Il y a une étude sur les caractéristiques
socio-économiques des travailleurs au salaire minimum ou autour du
salaire minimum qui a été faite par le ministère des
Affaires sociales et on dit bien, selon les chiffres qui datent
déjà et qui doivent être augmentés, qu'il y en a
55,1%. Des gens qui sont régis par cette loi des normes minimales de
travail, les gens à temps partiel sont très nombreux. Je n'ai
aucune statistique, mais tout simplement par les relations qu'on peut avoir
avec des gens qui travaillent à temps partiel, je dirais qu'il y en a un
nombre extrêmement important qui ne peuvent pas bénéficier
des avantages qui se trouvent dans la Loi du salaire minimum actuelle ou dans
la future loi sur les normes minimales.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup,
mesdames, de nous avoir présenté le mémoire de la
Fédération des femmes du Québec.
Maintenant que nous avons complété le mandat que nous
avait confié l'Assemblée nationale, je demanderais au rapporteur
de cette commission de faire rapport à l'Assemblée nationale que
la commission du travail et de la main-d'oeuvre a complété
l'audition des mémoires concernant le projet de loi 126, Loi sur les
normes du travail.
Ceci fait, la commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 08)
ANNEXE
Mémoire de la Chambre de commerce de la
province de Québec
sur le projet de loi 126, Loi sur les normes du
travail
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre du Travail et de la Main d'Oeuvre,
Messieurs les membres de la Commission,
(1)
Nous voici encore, une fois de plus, à discuter un projet de loi
animé d'un esprit de justice et de principes généreux et
de partage de notre richesse collective alors que l'essentiel de nos efforts
devraient se concentrer sur une autre priorité, celle de combler les
plus de 250,000 emplois dont le Québec a un urgent besoin.
(2)
Ce n'est donc pas avec un enthousiasme délirant que la Chambre de
Commerce de la province de Québec, fédération de plus de
36,000 femmes et hommes d'affaires adhérant aux quelque 200 chambres de
commerce locales actives au Québec et bénéficiant de
l'appui direct de près de 2,500 entreprises, aborde aujourd'hui
l'opportunité et le contenu du projet de loi 126 sur les normes de
travail.
(3)
Disons-le de suite, à quelques exceptions près, ce sont
moins les propositions contenues dans le projet de loi que l'opportunité
de les concrétiser qui nous cause les plus grands problèmes.
(4)
Qui donc en effet, en 1979, peut oser s'opposer à cinq jours de
congé statutaires et à deux semaines de vacances par
année? Pas nous.
(5)
Mais le fait que nous ne nous y opposions pas ne change rien à
notre situation globale. Quelle est-elle cette situation? Historiquement, par
choix, par déterminisme ou simplement par accident, le Québec
s'est construit une structure industrielle essentiellement axée sur les
biens de consommation. Une telle structure comporte un certain nombre de
caractéristiques propres que sont la faible densité
capitalistique, la haute densité de la main-d'oeuvre et la plus
grande vulnérabilité aux cycles de basse conjoncture et à
la concurrence.
(6)
Or, nous avons pu constater au cours des dernières années,
particulièrement dans les soi-disant secteurs mous, notre
incapacité de faire face à la concurrence étrangère
non seulement sur les marchés extérieurs, mais, pis encore, sur
nos propres marchés. Il nous a donc fallu recourir à des mesures
artificielles: barrières tarifaires, quotas d'importation, quotas de
production et offices de mise en marché.
(7)
En clair, ce que nous tentons de communiquer au législateur
aujourd'hui, c'est que les mesures contenues dans le projet de loi 126
comportent un coût, pas nécessairement outrancier, mais
néanmoins réel qui vient s'ajouter à une situation
déjà défavorable de compétitivité de nos
produits. En définitive, ce coût se traduira par une plus grande
vulnérabilité de nos produits et services sur nos marchés
et ce sont des travailleurs qui en feront les frais en venant s'ajouter aux
rangs des chômeurs.
(8)
II ne s'agit pas d'une vision apocalyptique. Il ne s'agit pas de faire
peur. Au contraire, nous tentons simplement d'introduire un sain
réalisme dans le processus de décision gouvernementale sur lequel
l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer.
(9)
A ces fins d'ailleurs, permettez-nous de faire appel à une
étude préparée en 1975 pour le Groupe de travail sur la
politique de salaire et des conditions minima de travail. Cette recherche
était sous la direction de M. Jean Baril, économiste à la
direction générale de la recherche au ministère du Travail
et de la Main-d'oeuvre, et s'intitule "Les incidences d'une hausse du salaire
minimum dans les secteurs à bas salaires et sur l'emploi en
général".
(10)
Traditionnellement, nous sommes portés à croire qu'au
Québec les bas salaires ne se retrouvent que dans les secteurs
traditionnels. Le tableau suivant, tiré d'une autre étude* du
MTMO et publiée en avril 1977 sous la direction de MM. Jean-Marie
Goyette et Robert Lachapelle, est particulièrement éloquent. *
"Etude comparative de l'évolution du marché du travail"
Référer à la version PDF page B-1136
Référer à la version PDF page B-1137
Référer à la version PDF page B-1138
Sources: Statistique Canada, "Industries manufacturières du
Canada: niveaux national et provincial ", Ibid, tableau 31 et compilations
spéciales Direction Générale de la Recherche.
(13)
Revenons maintenant à l'impact du projet de loi, analysé
dans le contexte de l'étude de M. Baril.
(13.1) Le travail domestique "Selon1 Brozen, les secteurs non
assujettis constituaient une valve de sûreté: les personnes qui,
à cause de l'augmentation du salaire minimum, ne pouvaient trouver
d'emploi dans les secteurs assujettis, se dirigeaient alors dans les secteurs
non assujettis. Le fait d'inclure les travailleurs domestiques dans
l'ordonnance du salaire minimum ferait disparaître cette valve de
sécurité." "D'après2 le modèle
élaboré par (Peter Matilla), on peut s'attendre à ce que
la demande de bonnes (household maids) soit réduite des pourcentages
respectifs suivants: pour chaque intervalle de $0.20 suivant $1.00: 12%
(à $1.20 l'heure); 21%, 32%, 46% et 58% (à $2.00 l'heure)."
Pour la Chambre, il s'agit de démontrer l'effet sur l'emploi de
l'inclusion des travailleurs domestiques dans le projet de loi 126,
particulièrement dans la conjoncture actuelle de chômage
élevé.
(13.2) Le Commerce
Ici aussi, les données recueillies par l'étude de M. Baril
font état de phénomènes pertinents.
En 1958, dans l'Etat de New York, suite à une hausse du salaire
minimum, 72% des établissements déclarent avoir réduit les
heures de travail. Un autre 17.2% ont procédé soit à des
mises à pied ou au non remplacement de ceux qui ont quitté.
Au Québec, ce phénomène prend une ampleur
particulière du fait du grand nombre de petits commerces.
(13.3) Le secteur manufacturier
Le phénomène dans le secteur de la fabrication est
semblable, sinon plus aigu encore que celui du commerce. L'examen des
structures actuelles des salaires, de la productivité et de la valeur
ajoutée par établissement nous l'a démontré plus
haut.
(1) Les incidences d'une hausse du salaire minimum dans les secteurs
à bas salaires et sur l'emploi en général p. 42
(2) Idem.
(13.4) Conclusions à cette section
Ce chapitre était surtout destiné à faire saisir
l'effet défavorable potentiel sur l'emploi des hausses du salaire
minimum. Le projet de loi 126 ne propose pas, en soi, de telles hausses, mais
plutôt une série de dispositions introduisant une rigidité
dans le marché du travail qui se traduisent par des coûts directs
à l'entreprise. Elle sera portée à utiliser les
mêmes mécanismes de réduction des coûts que s'il
s'agissait d'une hausse de salaire minimum.
Un autre élément doit être ajouté à
cette discussion. Nous référant encore ici à
l'étude de M. Baril, on note que celui-ci fait état qu'avant les
années 70, les hausses de salaire minimum avaient moins d'effets
négatifs du fait qu'ils se produisaient dans une période de forte
croissance économique.1
Nous en concluons donc, pour les raisons invoquées, que le projet
de loi 126 sur les normes de travail est inopportun.
(14)
En début du présent mémoire, la Chambre indiquait
ne pas s'opposer en soi aux mesures ou normes de travail proposées par
le projet de loi. Dans une conjoncture de haute croissance économique,
elles nous apparaîtraient raisonnables. Il n'en va cependant pas de
même pour les mécanismes d'application prévus par le projet
de loi 126.
(15)
Ceci est particulièrement vrai de l'article 29 aux paragraphes
d), e) et g), de l'article 38i), de l'article 45, de l'article 58, de l'article
70, l'article 72, l'article 83 et des articles 92, 93 et 94, pour ne citer que
les plus importants.
(16)
L'ensemble de ces articles impose aux entreprises un poids et un
coût administratif trop lourds et totalement incompatibles avec la
volonté gouvernementale souventes fois exprimée de
"dédouaner l'entreprise du fardeau administratif gouvernemental."
(17)
Notre position à ce fardeau administratif additionnel ne saurait
être assez forte.
(18)
Revoyons un peu la teneur de ces articles.
(18.1)
L'article 29d), e) et g) rend obligatoire un système
d'enregistrement ou registre très détaillé pour tout
employeur professionnel, oblige ce dernier ou une catégorie de ceux-ci
à lui transmettre un rapport écrit périodique et oblige
l'employeur professionnel à donner un avis écrit dans les 10
jours suivant l'exploitation d'une entreprise.
Etant donné la définition d'employeur professionnel, ceci
vise celui qui embauche une aide domestique, celui qui embauche habituellement
la même personne pour le déneigement et l'entretien de sa
propriété, même si c'est pour moins de trente heures par
semaine. L'on peut facilement imaginer le monstre administratif à mettre
en place car ce n'est pas tout d'adopter une loi, il faut aussi prévoir
les personnes et les sommes nécessaires à son application.
Pourtant, les dispositions du chapitre V sur les recours (art. 97 à 122)
nous apparaissent suffisantes pour l'application de la loi.
(18.2)L'article 38i) place l'entreprise carrément à la
merci d'opérations de chantage qui pourraient être menées
par ou pour la Commission, surtout dans la partie de l'article qui
déclare "et ce, malgré toute loi à ce contraire, une
opposition ou renonciation expresse ou implicite du salarié et sans
être tenue de justifier d'une cession de créance du
salarié;"
(18.3)L'article 45 témoigne ici encore de
l'incompréhension soit du gouvernement, soit des rédacteurs du
projet de loi, de la réalité de l'entreprise
québécoise, particulièrement de celle des milliers
d'entreprises artisanales.
(1) Idem. "Par ailleurs, les différentes enquêtes ont
montré que les effets négatifs d'une hausse du salaire minimum
sont généralement faibles pour deux raisons principalement: les
hausses du salaire minimum ont rarement été fortes et elles ont
généralement pris place au cours de périodes d'expansion
économique. Néanmoins les mesures de compensation et d'ajustement
de la part des entreprises sont proportionnelles à l'augmentation des
coûts salariaux surtout dans le cas des établissements de moyenne
taille; en d'autres termes, les entreprises répondent au modèle
classique dans une bonne mesure. Ce qui s'avère déterminant,
c'est la possibilité pour l'entreprise de reporter ou non l'augmentation
de coût au consommateur."
(18.4) L'article 58 institutionnalise la pause café sans parler
de sa durée et sans indiquer qui détermine à quel moment
elle est prise. Dans la fonction publique du Québec, par exemple,
où la semaine consiste en 32,5 heures, une pause café quotidienne
et rémunérée de 15 minutes constitue une perte de 3,5% de
productivité. Sur une masse salariale de $5 milliards, cela
représente $175 millions. D'ailleurs, le même problème se
pose à l'article 78: qui détermine le choix entre la demi-heure
rémunérée et l'heure non rémunérée?
Le salarié ou l'employeur?
(18.5)Les articles 70 et 72 enlèvent toute latitude tant pour le
salarié que pour l'employeur d'en venir à des ententes
particulières. Voici donc deux scénarios possibles en
réaction à ces dispositions: a) l'entreprise qui oeuvre dans un
domaine où existent de fortes fluctuations cycliques déterminera
que le congé annuel se prend au moment où ses activités
sont à leur plus bas; b) l'entreprise décrète que tous les
salariés prennent le congé annuel au même moment, limitant
ainsi les possibilités d'emploi de surnuméraires et
d'étudiants l'été.
Dans chacun des deux cas, les salariés et la population sont-ils
mieux servis par les dispositions actuelles de la loi?
(18.6)A l'article 83, il n'est même pas possible à
l'employeur d'indiquer s'il s'agit d'une mise à pied, d'un départ
volontaire ou d'un congédiement. Et, il s'agit d'un deuxième
certificat puisqu'il y en a déjà un de requis par
l'assurance-chômage.
(18.7)L'article 92 limite le droit des parties à contracter. Ceci
est particulièrement sérieux du fait que l'article 85
prévoit toute une série d'autres normes qui seront
éventuellement établies par règlement.
(18.8) L'article 93 va beaucoup trop loin. Le seul fait qu'un
sous-traitant, lui-même employeur professionnel, déroge à
ses obligations sous la loi fait porter la responsabilité à un
autre. C'est excessif en équité et en simple justice. Par
ailleurs, quel pouvoir est donné au principal employeur pour s'assurer
qu'un sous-entrepreneur, un sous-traitant ou encore un intermédiaire
respecte la loi?
(18.9)La principale conséquence de l'article 94 sera de faire
augmenter le nombre de faillites et des ventes en justice afin de se soustraire
aux dispositions de la loi.
(18.10) Nous croyons avoir clairement souligné les coûts
excessifs de l'application de la loi dans sa version actuelle.
(19)
Monsieur le Président, l'objet de notre mémoire sur le
projet de loi sur les normes de travail était d'en démontrer
l'inopportunité et le fardeau administratif excessif imposé
à l'entreprise. La Chambre croit avoir fait cette démonstration
et espère que le législateur en tiendra compte. Cependant, en
conclusion, la Chambre veut mettre en garde les membres de cette Commission et
tous les membres de l'Assemblée nationale contre un danger pressant qui
les guette. Ce danger, pire encore que tout ce que nous avons
évoqué, serait d'adopter ce projet ou un autre semblable et
ensuite d'oublier d'y consacrer tous les efforts nécessaires à
son application. Cela s'est malheureusement trop souvent produit par le
passé.
C'est même pire que simplement conserver les dispositions
actuellement en vigueur car, au lieu de simplement soulever l'opposition de
groupes, tel le nôtre, cela détruit la crédibilité
de l'Assemblée nationale et du gouvernement.
LA CHAMBRE DE COMMERCE DE LA PROVINCE DE QUÉBEC
Québec, ce 15 février 1979