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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 4 septembre 1979 - Vol. 21 N° 179

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Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour entendre les mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité au travail.

Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), remplacé par M. Marois (Laporte); M. Gravel (Limoilou), remplacé par M. Jolivet (Laviolette); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix)...

M. Pagé: Remplacé, M. le Président, pour aujourd'hui, par M. Jean-Claude Rivest, député de Jean-Talon.

Le Président (M. Marcoux): M. Rivest (Jean-Talon). M. Pagé (Portneuf). M. Vaillancourt (Jonquière) n'est plus membre de la commission...

Les intervenants sont: M. Vaillancourt (Jonquière), remplacé par... Pas de remplaçant? M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette)... M. Laplante (Bourassa), remplacé par M. Lazure (Chambly); M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Springate (Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Il faudrait que la commission désigne un rapporteur de ses travaux. Avez-vous une proposition à faire?

M. Lazure: M. Jolivet?

Le Président (M. Marcoux): Le député de Laviolette est proposé comme rapporteur des travaux de la commission. C'est accepté? Accepté.

Pour les mots d'ouverture, M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, je serai très bref ce matin, pour deux raisons. La première, c'est que je devrai bientôt quitter cette enceinte pour me rendre présider un colloque dont j'avais accepté de présider l'ouverture il y a déjà plusieurs mois, ce qui m'empêche d'être présent au cours de toute la matinée. Cependant, on aura l'occasion de me revoir à cette commission, mais — et sans jeu de mots — à droite de mon collègue, le ministre d'Etat au développement social, qui, pour les fins de cette loi, dirigera les travaux de la commission, étant donné que le projet de loi no 17, comme on le sait, a été, en collaboration avec mon collègue des Affaires sociales et moi-même, dirigé par le ministre d'Etat au développement social.

Je vous souhaite donc, M. le Président, à ce retour au lendemain de la fête du travail, ainsi qu'à tous ceux qui sont des intervenants ici, ce matin, qui sont nombreux, où il y a des visages que la plupart de mes collègues vont reconnaître... En tout cas, moi, il y en a beaucoup que je reconnais dans le monde syndical et dans le monde patronal... Je veux souhaiter à ceux qui sont ici de pouvoir tranquillement, sereinement, faire connaître leur point de vue, étant convaincu qu'ils seront accueillis avec ouverture d'esprit.

M. le Président, bonne chance pour vos travaux ainsi qu'à mon collègue.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre d'Etat au développement social.

M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président et chers collègues membres de cette commission, mesdames, messieurs, je pense bien qu'avec l'ouverture des travaux de la présente commission parlementaire, je crois qu'on peut dire vraiment qu'on aborde une nouvelle étape clé dans ce qu'on peut aussi, je crois, de façon légitime appeler la longue marche vers l'adoption, enfin au Québec, d'une loi-cadre portant sur la santé et la sécurité au travail. Je ne vous cacherai pas que c'est avec une grande confiance, une grande fierté et aussi avec une grande ouverture d'esprit que j'aborde les travaux de cette commission parlementaire. Je sais, puisque j'ai eu l'occasion de le vivre personnellement avec mes collègues, qu'il arrive encore que ce soit possible pour des hommes et des femmes politiques d'être capables de s'élever au-dessus de ce qu'on peut appeler ces formes de petite partisa-nerie politique — j'ai eu l'occasion de le vivre lors des travaux portant notamment sur les projets de loi sur la protection de la jeunesse, sur le recours collectif, sur le supplément au revenu de travail — donc d'être capables de s'élever au-dessus de ces formes de petite partisanerie politique et d'y mettre, chacun d'entre nous, le meilleur de nous — même tout en ayant, bien sûr, à l'occasion — c'est normal et légitime — des divergences de vues pour faire ensemble cet effort, je crois, très attendu des citoyens de bonifier au maximum un projet de loi.

Le gouvernement du Québec — je crois qu'on le sait — attache une grande importance à ce projet de loi et cette importance très grande est légitime d'autant plus que, d'une part, il faut tenir compte de l'ampleur réelle des problèmes de santé et de sécurité qui sont vécus par les hommes et les femmes au travail au Québec,

compte tenu également qu'il s'agit d'une réforme attendue, nécessaire et demandée depuis tellement d'années au Québec. Dans cette perspective, vous pouvez compter — et je peux assurer les membres de cette commission parlementaire et tous les groupes, les citoyens et les citoyennes qui viendront témoigner devant nous — sur moi pour favoriser autant que faire se peut le meilleur climat de travail possible tout au long des travaux de cette commission parlementaire.

J'ai dit, en guise d'introduction, que c'était une étape clé de cette longue marche vers l'adoption, enfin au Québec, d'une loi-cadre. En fait, on me permettra de rappeler que le gouvernement du Québec, en particulier à l'occasion du premier sommet économique, avait pris un double engagement, c'est-à-dire d'une part — je crois qu'un consensus se dégageait là-dessus de tous les agents qui y participaient — de faire cette réforme et, deuxièmement, de la faire le plus possible en consultation avec les agents concernés.

Les travaux de cette commission aujourd'hui arrivent après deux ans de travail, d'étude, de recherche et de consultation. De la consultation pour le livre blanc, je me permets de rappeler qu'il y a eu... et ça aussi, c'est un engagenent qui avait été pris suite à des recommandations faites en ce sens-là à l'occasion du premier sommet économique, suite, donc, à plusieurs rencontres, de consultations et d'échanges autour de cette table qui s'appelle le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Après parution du livre blanc, encore là, s'est engagée une très large et très vaste opération sur le chemin de consultations qui ont été faites avec la collaboration de plusieurs de mes collègues. En fait, on aurait pu rencontrer tout près de 42 organismes. Nous avons reçu à ce moment-là tout près d'une soixantaine de mémoires, d'opinions écrites, de documents. Nous avons eu l'occasion de visiter, de se rendre dans à peu près toutes et chacune des régions du Québec pour voir le concret, parce que l'on peut lire les choses, mais quand on peut voir les choses, ça donne souvent une perception beaucoup plus éclairante de la réalité. On aura pu visiter tout près de 70 entreprises, usines, établissements, et rencontrer les gens de la direction et, dans les cas où il y en avait, des représentants syndicaux, et aussi les hommes et les femmes qui y travaillaient.

On aura pu, aussi, à travers cette opération de consultation, dans la foulée de la publication du livre blanc, participer à tout près de 25 rencontres, la plupart du temps publiques, avec les groupes les plus divers. Toute cette étape de consultation extrêmement large nous aura permis d'apporter, suite à la publication du livre blanc, dans la préparation du projet de loi qui est présentement devant nous, des ajustements, des clarifications et, aussi, il faut bien le dire, des additions.

Nous avons essayé, tout au long de ces travaux, de regarder le Québec tel qu'il est et d'essayer, au fond, de faire la meilleure lecture possible de la réalité québécoise: d'abord, des faits de cette réalité, des situations, dans certains cas — je crois qu'il faut l'admettre — dégradées et, dans certains cas, plus que dégradées; d'autre part aussi — c'est l'aspect positif de la lecture de la réalité québécoise — des points d'appui qui étaient déjà là dans le concret de la vie québécoise, des points d'appui à partir desquels il était possible de mettre au point une réforme et, donc, de la fonder sur les éléments positifs qui commençaient déjà, à travers le Québec, à percer dans le paysage.

Bien sûr, on aura aussi regardé ailleurs. On aura eu l'occasion de rencontrer des représentants du gouvernement de la Saskatchewan qui ont, eux aussi, fait leur réforme dans ce domaine depuis maintenant cinq ans. J'ai eu l'occasion aussi de rencontrer des porte-parole gouvernementaux de l'Ontario; des équipes se sont rendues sur place aux Etats-Unis. On aura même poussé, certains membres de notre équipe, des pointes en Europe pour regarder de près les expériences vécues dans bon nombre de pays et notamment la Suède et la Grande-Bretagne. Mais, au fond, tout ça pour essayer quand même, fondamentalement, de concevoir une réforme qui soit la plus québécoise possible, la plus collée à notre réalité.

Parmi les faits qu'on a pu constater dont bon nombre ont été relatés — c'était une première en ce sens que c'était peut-être la première fois que c'était ramassé de cette façon dans le livre blanc — il y a un côté qui, forcément — je pense qu'il faut le dire tel que c'est — n'est pas particulièrement rose et qui, dans certains cas, est dramatique et même tragique. On me permettra simplement de rappeler quelques-uns de ces faits. Pour la dernière année, les données les plus récentes que nous ayons en main, soit pour l'année 1978, il y aura eu 308 000 accidents rapportés, c'est-à-dire tout près de 35 accidents à l'heure au Québec, sept jours par semaine, jour et nuit, soit six fois plus de victimes du travail que de victimes de la route. Il y aura eu pour cette dernière année 1978 plus de 200 hommes et femmes au travail qui sont décédés. (10 h 30)

Pour les années 1975 et 1976 ensemble, c'est 525 hommes et femmes qui sont décédés. Il y aura eu 2 800 000 jours ouvrables de perdus; on sait qu'il y a tout près de 120 000 hommes et femmes au travail qui sont exposés à la surdité dans tout près de 4000 établissements. On sait aussi qu'il y a tout près de 70 000 travailleurs qui sont en contact avec des substances qui peuvent provoquer des maladies pulmonaires. On sait aussi que l'état de la recherche, au Québec, est à la fois émietté et faible, tant et si bien qu'on ne dispose pas vraiment, aujourd'hui, d'un profil de l'état de santé des travailleurs et travailleuses, en tout cas d'un profil d'état de santé qui soit plus précis que celui dont on disposait pour les années 1938-1939.

Tout ça, pour l'année 1976, nous aura amenés à ce qu'on appelle des coûts économiques directs — c'est-à-dire l'essentiel des coûts et des sommes versées à des fins d'indemnisation, incluant les frais et les coûts d'administration de l'indemnisation — de $400 millions; ça, c'était

pour l'année 1976. Si on ajoute à ça ce qu'on appelle les coûts économiques indirects, c'est-à-dire les journées de travail perdues, les coûts des réparations, les frais de maladie, de santé, l'effet sur la production, ça aura représenté, pour cette année-là, tout près de $1 600 000 000 de coûts économiques indirects; tant et si bien que l'addition de l'ensemble des coûts économiques directs et indirects, pour l'année 1976, aura été d'environ $2 milliards. Les chiffres sont conservateurs, puisque le multiplicateur utilisé pour établir et déterminer les coûts économiques indirects est un multiplicateur conservateur.

Si on regarde ces chiffres et qu'on les confronte avec la réalité de l'année 1978, on constate que les coûts directs, les coûts d'indemnisation pour l'année 1978, auront atteint presque $500 millions; alors que les coûts économiques directs et indirects découlant des accidents et des maladies de travail étaient, en 1976, d'environ $2 milliards, ces coûts, en 1978, totalisaient — encore là sur la base de chiffres conservateurs — $2 500 000 000. Cela, c'est l'aspect économique. Mais, il y a derrière cela une chose qui est encore beaucoup plus fondamentale et c'est la réalité humaine des hommes et des femmes qui vivent ces problèmes.

Comme le disait le premier ministre, M. Lévesque, le 8 mars dernier, "l'économie qui prétendrait encore faire passer l'homme après les machines serait vouée à l'échec". On a aussi regardé notre propre maison à nous, la maison gouvernementale administrative, publique, pour voir quel était, là aussi, l'état de la situation. Il existe 7 lois, 20 règlements, 6 coins d'administration publique qui interviennent d'une façon ou d'une autre, 4 services d'inspection, ce qui donne, là aussi, un état d'émiettement, une mauvaise concertation de l'ensemble des textes, des pouvoirs, des droits, des ressources humaines et financières et aussi, bien sûr — je ne m'étends pas là-dessus, on aura sûrement l'occasion d'y revenir — un état de sanctions qui — en tout cas, je vais le dire comme je le pense — ressemblent beaucoup plus à une farce qu'à autre chose dans certains cas.

Aussi, quand on regarde et qu'on scrute à la loupe ces fameux textes de 7 lois, 20 règlements, on constate une chose, c'est que ceux et celles qui sont quand même les premiers concernés — après tout, on parle de la santé et de la sécurité des hommes et des femmes qui sont au travail — ont été pour l'essentiel ignorés. On aura réussi en quelque sorte dans ces textes de loi, dans les règlements aussi, d'ailleurs, le tour de force d'à peu près ne jamais mentionner simplement le mot travailleurs, les hommes et les femmes qui sont au travail, comme si on avait pensé par une certaine philosophie des choses que ces problèmes pouvaient trouver une solution en laissant de côté ceux et celles qui sont les premiers concernés.

Il me semble aussi ressortir de l'ensemble de l'analyse de la situation des textes de loi et des règlements une vieille conception que nous rejetons comme gouvernement, c'est cette vieille conception fataliste du travail, comme si le travail, cela ne pouvait pas être autrement que forcément, par une espèce de fatalité, presque nécessairement et obligatoirement dangereux, à peu près dans le genre: Et puis, il n'y a rien à faire.

Effectivement, en toute honnêteté, on doit admettre que dans certains cas, il y a eu des efforts, ce;qui prouve qu'il est possible de changer des choses. Pour l'essentiel, cette conception demeure là, latente, comme une espèce de fil conducteur qu'on retrouve aussi bien dans l'analyse des faits et des textes que dans l'analyse de la réalité. De, telle sorte qu'il ressort de cela qu'un accent important a été mis sur ce qu'on appelle une apprcjche curative, une approche qui vise à réparer. Bien sûr, il faut un régime d'indemnisation. Il faudra même améliorer ce régime. Cela va de soi. Bien sûr aussi, il faut de l'information, il faut de la formation. La prévention ne peut pas se limiter qu'à cela. En d'autres termes, même sur le plan d'une approche de ce qu'on appelle au sens large d'un concept de santé dans le domaine du travail, à notre point de vue, il est plus que temps maintenant aussi — il faut, encore une fois, des services curatifs — de développer, ce qu'on appelle dans le domaine de la santé, une approche épidémiologique, c'est-à-dire une approche qui, essentiellement, vise à dépister les problèmes et à essayer de corriger ces problèmes à la source, de telle sorte j— je tiens à le redire à nouveau — qu'à notre point de vue, vraiment le seul objectif valable pour une société qui se prétend civilisée — c'eét ce à quoi nous pensons quand nous parlons de mettre l'accent sur la prévention — ce ne peut pas être autre chose que de faire tout ce qui est humainement possible pour viser à éliminer à la source même les causes d'accidents et de maladies.

On place très haut le défi, c'est vrai, mais on croit que n'est possible, à certaines conditions, d'ouvrir au moins cette perspective pour essayer d'y arriver. On n'arrivera pas demain matin, certainement pas en deux jours, ni en deux mois, à obtenir dans la réalité ce que le célèbre architecte Le Corbusier appelait les "usines vertes". On croit qu'il faut, encore une fois, viser à éliminer à la source les pauses mêmes d'accidents et de maladies. C'est vraiment le sens profond que nous donnons l'expression "prévention", de telle sorte que la prévention doit comprendre la mise au point, l'utilisation d'équipements de sécurité, de moyens de protection individuelle et que ce ne soit pas n'importe quoi, n'importe quelle sorte.

Il est certain qu'on y aura encore besoin, pour un bon bout de temps, d'utiliser ces équipements qui, dans certains cas, cependant, doivent être considérés comme purement des palliatifs en attendant qu'on réussisse ensemble à éliminer, à la source, 'les causes mêmes d'accidents et de maladies. Il est bien certain... Je pense au casque protecteur, bar exemple, sur les chantiers de construction. Il s'agit là d'un moyen d'équipement de sécurité qui devrait être utilisé encore pour un joyeux bout de temps. Cela, c'est bien certain. Mais, encore là, quand on songe à cette question

des équipements et des moyens de protection individuelle, une fois qu'on a essayé ensemble que ce soient des moyens valables, que ce ne soit pas n'importe quoi, n'importe comment— le projet de loi cerne, entre autres, cette question — il ne faut pas perdre de vue l'objectif fondamental.

Deuxièmement, bien sûr, la notion de prévention ne peut pas inclure... Il va falloir probablement qu'on fasse ensemble un effort encore beaucoup plus considérable — et le projet de loi le prévoit — dans le domaine de la formation et de l'information. Mais tout ça, ce n'est pas suffisant; quand on parle de prévention, comme on l'évoque, d'ailleurs, à l'article 48 et, en particulier, au paragraphe 3 de l'article 48, à notre point de vue, des programmes de prévention doivent aussi inclure et prévoir des programmes d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites par les règlements concernant l'aménagement des lieux de travail, concernant l'organisation du travail, concernant l'équipement, le matériel, concernant les contaminants, les matières dangereuses, les procédés d'utilisation, pour mentionner certains des aspects qui, encore une fois, sont collés, si je peux m'exprimer ainsi, à l'environnement même du travail.

Pour atteindre cet objectif, il y a plusieurs approches possibles. Là, pour nous, se dégage un des principes clés de la réforme qui est proposée. Je crois que c'est un peu ce qui ressort de l'économie générale, en tout cas, de la lecture qu'on veut faire, comme je l'ai évoqué, à la fois, de la réalité et des textes de loi et règlements dont on dispose, qui sont là présentement. On a pu penser, pendant un certain temps, qu'on pouvait régler ces problèmes, au fond, en laissant de côté ceux et celles qui sont, encore une fois, les premiers concernés et que les employeurs seuls pouvaient réussir à régler tous les problèmes.

C'est une approche, et nous pensons que les résultats aujourd'hui sont là pour nous amener tous ensemble à nous interroger sérieusement sur une approche qui viserait à donner l'essentiel de tous les outils, tous les moyens placés dans une seule direction. Il y a une autre approche, qui, elle va à l'autre extrême et qui laisse entendre qu'on pourrait arriver à régler ces problèmes en transférant l'essentiel de tous les pouvoirs, tous les moyens, tous les droits uniquement aux syndicats. Nous, on pense que la solution n'est pas plus à ce pôle extrême qu'à l'autre que j'ai évoqué en premier lieu. Ou encore, l'autre aussi, qui viserait à croire que l'Etat seul, un peu comme Dieu le Père, qui est à Québec, intervenant seul, pourrait, lui aussi réussir à régler les problèmes que j'ai évoqués au début de cet exposé.

Nous croyons qu'on pourra y arriver par un effort et uniquement par un effort concerté de l'ensemble des agents, ce qui suppose forcément que nous allons avoir à prendre appui sur les hommes et les femmes qui sont au travail, dans les cas où ils sont organisés, où ils se sont donné des syndicats, sur ces syndicats, sur leurs représentants démocratiques. Egalement aussi, forcément, sur les employeurs et en faisant en sorte aussi que l'Etat, que le gouvernement assume pleinement ses responsabilités. De là émerge ce concept clé qui déjà d'ailleurs se développe de plus en plus dans la réalité québécoise, ce concept clé de la parité, mais cette parité qui, à notre point de vue, devra être inscrite dans les faits d'en bas jusqu'en haut, jusqu'au plus haut sommet de l'entreprise, de l'établissement, en passant par les secteurs économiques, industriels jusqu'au plus haut sommet sur le plan national, c'est-à-dire jusqu'au niveau de la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail, ce qui implique aussi que ceux qui seront associés pleinement disposent de pouvoirs qui ne soient pas uniquement ou exclusivement des pouvoirs consultatifs, mais également qu'ils disposent quant à un certain nombre de questions qui les concernent directement, de pouvoirs décisionnels. (10 h 45)

Je ne vous cacherai pas que je suis particulièrement satisfait de constater, après avoir pris connaissance des mémoires que nous avons reçus, que dans la très grande majorité, cet objectif, cette approche, ce principe clé semble retenu je parle de la très grande majorité des groupes, des citoyens et des citoyennes qui nous ont fait parvenir des mémoires — quitte à discuter — encore une fois, on est très ouvert là-dessus — de toutes et chacune des modalités concernant la transposition dans le concret et dans la réalité à la fois de cet objectif, de ce principe et de cette approche clé.

Cela suppose aussi, à notre point de vue, qu'on reconnaisse des droits nouveaux et aussi des pouvoirs, qui n'ont pas été négociés dans certains cas où cela aurait pu l'être entre des parties, aux hommes et aux femmes qui sont au travail, à leurs représentants syndicaux, dans les cas où ils sont organisés en syndicat. Je suis aussi — je ne vous le cacherai pas — très heureux de constater qu'il y a — cela me semble, en tout cas, ressortir des mémoires — une acceptation à tout le moins du principe de la reconnaissance d'un de ces droits qui est le droit de refus. Encore une fois, je suis prêt, les membres de cette commission sont prêts à regarder toute suggestion, toute recommandation concernant l'articulation concrète de ce droit et les modalités.

Je suis aussi heureux de constater qu'il ressort une reconnaissance sur l'idée au moins de la nécessité de sortir du fouillis législatif et réglementaire pour en arriver à avoir une loi-cadre. Il semble aussi ressortir un consensus sur la nécessité de procéder à un regroupement des services émiettés, des services d'inspection et, aussi, c'est évoqué, cette idée d'assurer une plus grande régionalisation et même une présence plus permanente des services d'inspection dans les différentes régions du Québec. Et je peux vous indiquer tout de suite que le gouvernement du Québec a l'intention, tout au long des discussions et des travaux qui vont se poursuivre sur le projet de loi 17 d'ici son adoption qu'on espère voir arriver avant Noël, d'utiliser au maximum les instruments législatifs que nous avons déjà en

main comme gouvernement pour, autant que faire se peut, amorcer dans les plus brefs délais déjà ce regroupement des services d'inspection et cette régionalisation des services d'inspection.

Il me semble aussi ressortir une acceptation du principe du regroupement des pouvoirs en un lieu, notamment ce lieu qui est proposé par le projet de loi, la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail. Je suis aussi heureux de constater que même quelques employeurs, à tout le moins un parmi ceux qui nous ont fait parvenir des mémoires, acceptent l'idée et reconnaissent le bien-fondé en tout cas de cette idée que les hommes et les femmes qui sont au travail, qu'ils soient organisés en syndicats ou pas, aient le droit, eux aussi, d'avoir une espèce de permanence de représentation de leurs intérêts. Au fond, cette idée se traduit dans le projet de loi par les représentants à la prévention. Au fond, c'est pour qu'ils aient, eux aussi et elles aussi, une permanence de libération pour être capables de s'occuper de leurs intérêts comme c'est le cas aussi pour l'employeur. Et c'est normal. Je pense que personne ne le conteste. C'est pour qu'ils aient aussi cette reconnaissance-là. Je crois qu'il y a, si ma mémoire est bonne, au moins un représentant du monde patronal, en tout cas parmi ceux qui viendront témoigner parmi nous, qui reconnaît cette idée-là.

Je crois aussi qu'il est important de souligner qu'il semble ressortir des mémoires que j'ai vus jusqu'ici, l'acceptation au moins de l'idée générale qu'on reconnaisse un rôle, une direction des services oubliés de santé accrochés à ce qu'on appelle dans le jargon les CH-DSC, les départements de santé communautaire des centres hospitaliers, et ça, à cause simplement, d'abord, de la nécessité de développer une approche épidémtologique.

Encore une fois, les membres de cette commission et moi en particulier je suis prêt à regarder tout suggestion, toute recommandation susceptible de bonifier, de clarifier ou, même, le cas échéant, d'articuler autrement certaines des choses qui sont proposées, que ce soit concernant le droit de refus, que ce soit concernant les construction, pour mentionner un certain nombre de points de repère du projet de loi.

Je crois que je dois redire en toute honnêteté, cependant, que pour nous, l'objectif d'éliminer à la source les causes mêmes d'accidents et de maladies, le principe clé, cette approche, la nécessité de faire en sorte que, ensemble, les agents puissent intervenir, cette idée de la parité, que cet objectif et ce principe, quant à nous, ne sont pas négociables. Pour le reste, quant aux modalités, encore une fois, nous sommes plus que très ouverts. On aura l'occasion aussi de scruter à la loupe, ensemble, tout au long des travaux de cette commission, certaines réactions qui ont été rendues publiques, certaines affirmations qui paraissent dans des mémoires ou qui ont été faites sur la place publique depuis le dépôt du projet de loi ou relativement au livre blanc.

On aura l'occasion de regarder si dans certains cas, parce qu'un texte de loi, forcément, c'est du jargon juridique et ça peut prêter à une mauvaise lecture ou ne pas nécessairement refléter, dans l'nterprétation, l'intention du législateur, il y a des ambiguïtés, et, au fur et à mesure qu'on va nous les! souligner, nous les signaler, on n'hésitera pas à retenir les recommandations en conséquence.

Evidemment, on aura à regarder certaines réactions de certains groupes, les uns disant: vous allez beaucoup trop loin, cela n'a pas de bon sens; les autres disant: vous n'allez pas assez loin, cela n'a pas de sens, il y a même certains reculs, c'est épouvantable. On aura l'occasion de regarder au mérite ce sur quoi des affirmations ou des réactions comme celles-là sont basées.

Je voudrais dire tout de suite, sans m'étendre plus longuement, qu'en ce qui concerne une affirmation qui! a été faite, je crois qu'il faut faire attention au mot, ça vaut pour tout le monde, ça vaut pour moi aussi, le premier, M. le Président, je ne crois pas que je puisse accepter une expression qui a (!té utilisée, savoir que ce que propose le projet do loi concernant les services de santé vise la nationalisation des services de santé des entreprises]

Dans le dictionnaire Larousse, le dictionnaire Littré, il y en a en abondance, le mot "nationalisation" a son sens très précis; je pense qu'il faut le prendre comme tel pour ce qu'il est.

Notre objectif, fondamentalement, c'est simplement de faire en sorte d'assurer, premièrement, une normalisation des services de santé; on aura l'occasion de revenir là-dessus plus en détail; deuxièmement, d'assurer en même temps l'indépendance, l'autonomie normale de ces professionnels du monde de la santé; troisièmement, de rebâtir et de redonner — il n'y a pas une équation automatique en ce sens-là, ça ne remet pas nécessairement en cause la compétence même, le cas échéant des gens qui peuvent être concernés ou impliqués. On est obligé de dire les choses comme on les entend et comme on les a vues — cette confiance à l'égard de ces professionnels dui domaine de la santé, cette confiance qui, très squvent, n'existe pas dans l'esprit des travailleurs, des travailleuses, dans la mesure où il s'agit d'hommes et de femmes qui sont salariés d'entreprises.

Il faut rebâtir cette confiance. Je pense qu'il y a là une chose qu'on peut comprendre et à laquelle il est possible de travailler comme perspective. Aussi, notre objectif additionnel, dans le domaine des services de santé, est non pas de sortir les médecins ou les professionnels de la santé des entreprises, mais d'assurer, au contraire, que tous ceux et toutes celles qui présentement ne bénéficient pas de services de santé qui n'existent pas dans les entreprises puissent enfin en avoir.

On aurai aussi à regarder... Mais je crois que c'est un peu excessif, ça m'arrive moi-même parfois d'être un peu excessif dans mes propos, c'est normal. Les Anglais ont une expression, ils disent, quand on veut "make your point"; ça peut arriver, mais je crois qu'il y a certaines expressions ou certaines affirmations qu'il faudra regar-

der très attentivement. Quand on dit, par exemple, que nous enlevons les droits de gérance de l'entreprise ou encore, à l'opposé, quand on dit que les syndicats ne sont pas impliqués, je pense qu'il y a là des choses à regarder d'assez près. Je dois aussi dire tout de suite que, parallèlement, nous poursuivons, au gouvernement, nos travaux en vue de mettre au point une réforme du régime ou des modes actuels d'indemnisation, ce qui, quand ce sera prêt, devra normalement venir à la suite de la présente réforme à laquelle nous travaillons ensemble.

Je ne vous cacherai pas non plus que je suis très fier de l'introduction, dans le projet de loi — ce qui est peut-être une espèce de première, je ne sais pas, mais je crois que oui, nord-américaine — du principe de ce qu'on appelle le retrait préventif, encore là toujours dans la perspective de faire en sorte de s'assurer de ne pas être pris pour essayer de réparer des choses qui, dans certains cas, sur le plan humain, ne se réparent pas. Et la première application de ce principe du retrait préventif, que propose ce projet de loi, concerne la femme enceinte au travail. Pour une première fois, quand on introduit non seulement des principes nouveaux, mais l'application de ces principes, pour une fois qu'on commencerait par les femmes, ça va nous changer de certaines de nos habitudes plus traditionnelles qui étaient plutôt de commencer généralement par les hommes.

Egalement, je pense qu'il est fondamental de ne pas perdre de vue, par une loi-cadre comme celle-là, qu'il est important d'y arriver, pour assurer une protection légale de base aux hommes et aux femmes qui sont au travail. Cela n'exclut pas du tout et préserve en ce sens — le projet de loi est très clair là-dessus — ce qui pourrait déjà être acquis en plus par certains des groupes d'hommes et de femmes au travail. Cela est comme une espèce de plancher de base par-dessus lequel il reste possible aux parties de construire et d'ajouter. En ce sens, le projet de loi laisse la porte ouverte à des ententes entre parties pour ajouter, aller au-delà; mais il ne faut pas perdre de vue non plus, dans cette perspective, qu'il y a encore 65% des hommes et des femmes au travail qui ne sont pas syndiqués. Une politique de développement social, je crois, doit comporter l'ambition légitime de créer les conditions qui permettront que soient reconnues la valeur et la dignité fondamentale de l'être humain, sous tous les aspects de son existence et dans tous les lieux de son activité. Une telle reconnaissance, de façon privilégiée, doit être garantie là où la majorité des citoyens et des citoyennes passent une grande partie de leur vie, c'est-à-dire au travail.

Une réforme de ce genre, faite à leur façon, a été menée à bon port, à bon terme, dans bon nombre d'autres provinces canadiennes, dans bon nombre de pays étrangers. Si on regarde sur la base des expériences vécues par ceux qui ont déjà accumulé de l'ancienneté, que ce soit la Saskatchewan, par exemple, qui a fait sa réforme qui est là depuis maintenant cinq ans, que ce soit l'Alle- magne, où la réforme est là depuis aussi cinq ans, après une certaine période d'années, quatre ou cinq ans, on constate aujourd'hui qu'il leur aura été possible de réduire dans certains cas de façon plus que substantielle le nombre d'accidents et de maladies au travail. (11 heures)

Je crois qu'en travaillant ensemble et en visant cet objectif on peut non seulement relever ce défit, mais peut-être faire quelque chose au point de nous étonner nous autres mêmes de ce qu'on est capable de faire quand on s'en donne la peine, quand on se donne les moyens, quand on y met le maximum de maturité, de sens des responsabilités et de bonne foi, quand on s'y met vraiment. En ce sens, c'est vrai que c'est un gros défi et c'est vrai qu'on mise sur la responsabilité, sur l'implication des agents concernés, sur la maturité, mais aussi sur l'action. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, moi aussi, souhaiter la plus amicale des bienvenues à tous ceux qui, ce matin, le lendemain de la fête des travailleurs, sont avec nous ici au parlement pour venir échanger, venir dialoguer avec les représentants élus de l'Assemblée, les représentants de l'équipe ministérielle, les représentants de l'Opposition, à cette commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre qui est chargée d'étudier un projet de loi que je considère, quant à moi, comme étant très important, comme constituant une des lois majeures que nous aurons à étudier durant la prochaine session.

M. le Président, au Québec, en 1978, environ 200 travailleurs et travailleuses sont décédés à la suite de ce qu'on a considéré être des accidents ou des maladies reliés à leur travail. Au cours de cette même année, plus de 308 000 accidents du travail ont été rapportés à la Commission des accidents du travail. La commission a de plus ouvert 6500 nouveaux dossiers relatifs à des maladies reliées au travail. Les conséquences sociales d'un tel état de fait sont faciles à saisir et à comprendre. Sur le plan économique, les chiffres publiés par le gouvernement font état de déboursés en frais d'indemnisation de la part de la Commission des accidents du travail qui sont de l'ordre d'un demi-milliard de dollars pour l'année 1978. Bien entendu, ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts indirects qui découlent des décès, maladies et accidents du travail lesquels, selon certains, sont supérieurs au coûts directs eux-mêmes.

Ces quelques statistiques rapportées plus haut et citées par le gouvernement justifient une action énergique à court terme de la part du gouvernement. Il y a unanimité sur ce sujet. Tout programme d'action suppose, cependant, qu'on

identifie clairement les objectifs que l'on veut atteindre et que l'on se donne des priorités compte tenu de l'accessibilité et de la disponibilité des ressources que l'on veut bien investir dans un domaine donné. Jusqu'ici, ni dans son livre blanc, ni ailleurs, le gouvernement ne nous a fait part de quelque étude comparative que ce soit sur la situation qui prévaut au Québec par rapport à celle qui prévaut dans les autres provinces au Canada ou dans certains autres pays. De la même façon, il ne nous livre pas les analyses qu'il a dû faire en ce qui concerne les causes principales des décès, des accidents et des maladies, de même qu'il ne semble pas s'être soucié de comparer les statistiques provenant des différents secteurs industriels.

Cette absence de recherches plus poussées de la part du gouvernement est quand même lourde de conséquences. Elle explique probablement le fait que la réforme qu'on nous propose aujourd'hui en soit une de structures d'abord et avant tout. Elle explique certainement le fait qu'à l'intérieur de cette réforme on ne puisse déceler que très peu d'actions prioritaires concrètes qui devront être entreprises et qui sont directement reliées à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Le ministre a fait état tout à l'heure du cadre juridique dans lequel nous avons à vivre et à évoluer présentement. Six entités administratives distinctes se partagent des compétences en matière de santé et de sécurité au travail présentement. Il s'agit du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Main-d'Oeuvre, du ministère des Richesses naturelles, de la Commission des accidents du travail, des Services de protection de l'environnement et de l'Office de la construction du Québec. Ces entités administratives administrent 7 lois et 20 règlements relatifs à la santé et à la sécurité. Malgré ceci, il appert que 15,3% des travailleurs ne sont pas encore protégés par la législation en matière d'indemnisation ou de réadaptation.

Il est assez facile de comprendre que la législation sur la santé et la sécurité se soit, dans le passé, développée de façon un peu éparse. On légiférait pour régler des problèmes particuliers au fur et à mesure que le Québec se développait. Tous en conviennent, il est maintenant temps de regrouper tous les éléments législatifs et réglementaires reliés à la santé et à la sécurité au travail.

Compte tenu des remarques qui précèdent, on ne peut qu'être d'accord avec le principe d'une réforme en matière de santé et de sécurité au travail. L'importance de la question nous fait regretter que les études préliminaires, cependant rendues publiques par le gouvernement, soient à ce point superficielles et limitées qu'elles ne puissent véritablement guider notre action pour que cette réforme améliore rapidement et dans les plus brefs délais les conditions de santé et de sécurité des hommes et des femmes qui sont au travail au Québec.

En ce qui concerne l'objectif de la réforme, le livre blanc nous a appris quel était l'objectif de la réforme proposée par le gouvernement, de même que les moyens qu'il propose pour réaliser cet objectif. L'objectif de la réforme, c'est l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles. C'est cela, l'objectif. Pour atteindre ce [but, le gouvernement veut proposer une politique d'ensemble des priorités et des étapes face aux problèmes les plus graves et les plus urgents, compte tenu des ressources disponibles à court terme.

Le livre blanc nous apprend, de plus, que l'approche retenue par le gouvernement, pour ce faire, est fondée sur la participation des travailleurs et des employeurs. Cette approche, le gouvernement; la voit en deux volets: Le premier volet consiste en l'établissement par le gouvernement de conditions qui vont permettre une réelle prise en charge de ses responsabilités par le milieu de travail lui-même. Le deuxième volet concerne l'élaboration d'un cadre législatif unifié et plus accessible aux employeurs et aux travailleurs.

Nous devons ici appuyer l'objectif de la réforme gouvernementale, de même que les moyens qu'entend prendre le gouvernement pour la réaliser, et l'approche qu'il a bien voulu retenir pour ce faire. C'est d'ailleurs en fonction de ces mêmes principes qui étaient énoncés dans le livre blanc que nous apprécierons et que je me propose d'appréciér dans les quelques minutes qui vont suivre le projet de loi 17 sur la santé et la sécurité au travail.

Dès la lecture des notes explicatives contenues au projet de loi 17, on ne peut s'empêcher d'éprouver une certaine déception face aux objectifs que se donne le gouvernement. Le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail faisait état d'un programme global dont le but ultime était l'élimination des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le projet de loi nous apprend maintenant que le gouvernement vise à établir des mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

On nous promettait un programme de santé et de sécurité au travail, on nous propose aujourd'hui des mécanismes de participation.

Voyons donc si, à tout le moins, l'encadrement prévu pour cette participation est susceptible de noub conduire un jour vers l'adoption de programmes valables en matière de santé et de sécurité au travail. Une première constatation ne manque pas de surprendre: On remarque, en effet, que le projet de loi a établi un cloisonnement pratiquement étanche entre les domaines de la prévention et le domaine de la santé et de la sécurité au travail. D'une part, c'est à l'employeur qu'on s'en remet, principalement en ce qui concerne les initiatives de prévention. Indépendamment des dispositions relatives aux fonctions des comités de santé et de sécurité prévues à l'article 63, il appert, en effet, aux articles 40 et 48, que l'employeur est responsable de l'aspect sécurité en ce qui concerne les équipements et aménagements de ses établissements, de même qu'en ce qui a trait à la tenue générale de ces derniers. De la même façon, l'employeur demeure responsable de l'organisation du travail, de même que de

l'utilisation des méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur ou de la travailleuse.

D'autre part, c'est au réseau public que sont confiées l'organisation et la dispensation des services de santé sur les lieux de travail. C'est ici le département de santé communautaire, qui doit, entre autres choses, fournir le personnel professionnel et technique requis pour la mise sur pied et le fonctionnement des programmes spécifiques de santé et évaluer lesdits programmes. L'article 96 va jusqu'à défendre à un employeur de mettre en application, même à ses frais, un programme de santé additionnel à celui prévu par le département de santé communautaire, et ce, sans obtenir l'assentiment préalable des travailleurs. Cette approche, à caractère dichotomique, est d'autant plus surprenante que les spécialistes de la question sont unanimes à reconnaître la nécessité de concevoir dans un tout intégré les programmes de santé et toutes ces questions relatives à la surveillance et à l'amélioration du milieu. De fait, l'approche gouvernementale est condamnée par ceux à qui on veut à l'avenir confier la responsabilité de la santé au travail, comme elle l'est par les professionnels de la santé qui, jusqu'à ce jour, ont oeuvré dans ce secteur et qui considèrent aujourd'hui être cavalièrement laissés pour compte.

En effet, ce sont les centres hospitaliers publics et leur département de santé communautaire qui écrivent dans leur mémoire, et je me permets de citer: D'entrée de jeu, nous croyons que la faiblesse fondamentale de ce projet de loi, sous l'angle de la préoccupation commune de nos deux associations, réside dans le fait qu'il n'apporte pas suffisamment de garantie pour que la jonction nécessaire des deux premiers objectifs se réalise pleinement au niveau de chacune des entreprises. Premier objectif: Soit de prévenir l'apparition des problèmes de santé. Deuxième objectif: Soit celui d'assurer la surveillance et la promotion de l'état de santé des travailleurs.

De son côté, l'Association ^e médecine industrielle du Québec prétend que — je cite encore — le caractère multidisciplinaire de l'exercice bien compris de la médecine du travail est indissociable des activités d'hygiène industrielle, de toxicologie, d'épidémiologie et de toute autre activité reliée au maintien et au développement de conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs. C'est, selon l'organisme, une des plus graves lacunes du projet de loi, que d'ignorer cet aspect fondamental sans lequel la médecine du travail est vidée de tout son sens.

Le ministre d'Etat au développement social pourra toujours nous répondre qu'il a prévu la création de la Commission de la santé et de la sécurité au travail dans le but d'opérer cette synthèse entre les éléments des programmes de prévention et de santé. Si c'était la réponse du ministre, nous devrons lui dire que nous ne pouvons nous en satisfaire. Certes, nous ne sommes pas sans savoir que la commission pourra réglementer l'aménagement des lieux de travail. l'organisation du travail, l'équipement, le matériel, les agents de contamination, les matières dangereuses, les procédés d'utilisation et que, de plus, elle pourra modifier un programme donné de prévention ou encore exiger d'un employeur qu'il change le sien. La commission élabore et rédige aussi les programmes-cadres de santé au travail. Il va de soi, cependant, que la coordination de tous ces programmes au niveau de la commission ne pourra se faire qu'en fonction de critères généraux et applicables à de grands ensembles.

Il nous apparaît évident que le pouvoir réglementaire de la commission s'exercera par la promulgation de normes minimales à respecter. Dans un tel contexte, on risque fort de voir les organismes de prévention et de santé se développer dans les entreprises, non plus en fonction d'un objectif d'élimination des causes d'accidents ou de maladies reliés au travail, mais en fonction du souci de pouvoir satisfaire à cette norme qu'on peut percevoir comme étant une norme éventuellement minimale.

Si cela devait être le cas, il devient évident que la réforme que l'on veut mettre de l'avant ne poursuit déjà plus les objectifs d'excellence en matière de santé et de sécurité, mais que l'on se contentera d'assurer une protection minimale aux travailleurs.

Pour éviter qu'il en soit ainsi, nous soumettons respectueusement que le ministre devrait modifier l'approche retenue dans le projet de loi sur cet aspect. Les corrections à apporter doivent prévoir une structure de coordination qui permet l'intégration complète des préoccupations de prévention et celles de la surveillance et de la promotion de l'état de santé des travailleurs au niveau même de chacun des établissements visés par le projet de loi.

Une deuxième constatation générale mérite d'être faite, eu égard à l'objectif de la réforme. La lecture du projet de loi nous fait croire que les aspects purement médicaux de la question santé et sécurité au travail dominent tous les autres. Si l'intention du législateur n'est pas de médicaliser ainsi le problème, comment se fait-il que le projet de loi accorde autant d'importance à ces questions du choix du médecin responsable des services de santé, de son autorité sur le personnel professionnel et technique qui collabore au programme de santé dans un établissement, de son autorité sur le contenu du programme de santé spécifique de chacun des établissements et de son droit de participer aux réunions des comités de santé et de sécurité alors que, par ailleurs, le projet de loi ne fait même pas allusion au domaine de l'hygiène industrielle?

Pourtant, il y a ici aussi unanimité chez les spécialistes à savoir qu'un programme efficace de santé au travail ne peut se concevoir sans l'hygiène industrielle, laquelle doit précéder l'établissement du programme de santé puisqu'elle constitue l'outil qui permet d'évaluer et de contrôler la qualité du milieu de travail.

L'Association pour l'hygiène industrielle au Québec dit à ce sujet, et je cite: "La pathologie professionnelle relève d'une question d'environ-

nement et la base de la prévention est donc de contrôler ledit environnement. Ce projet de loi décrit une approche basée sur la surveillance de la santé, tandis que la surveillance du milieu est présentée de façon fragmentaire. Dans notre esprit, il ne fait pas de doute que la médecine du travail soit une composante importante d'un programme de santé et de sécurité, et le projet de loi en traite avec raison. Ce projet de loi pèche cependant gravement par omission en négligeant de préciser, comme on l'a fait pour la santé, la nature des moyens envisagés pour agir sur le milieu même du travail qui permettraient d'envisager plus rapidement des correctifs à la source même du mal."

Forts de ce qui précède, nous nous permettons de recommander au ministre responsable d'apporter des modifications à son projet de loi. Le ministre se doit de prévoir, avec précision, le rôle, la responsabilité et l'encadrement de ces autres agents indispensables à toute politique de santé au travail et qui oeuvrent dans les domaines de la surveillance environnementale et de la prévention.

Le livre blanc nous disait, en matière de priorité d'intervention, que — je cite le livre blanc — "le gouvernement entend proposer en même temps qu'une politique d'ensemble des priorités et des étapes qui permettront de faire face d'abord aux problèmes les plus graves et les plus urgents, tout en tenant compte des ressources disponibles à court terme". (11 h 15)

L'exégèse qu'on a faite du projet de loi no 17 ne nous a malheureusement pas permis de retrouver quelque élément que ce soit de ces énoncés de principe contenus au livre blanc. La gamme des sujets sur lesquels on prévoit un pouvoir de réglementation est impressionnante. Toutefois, il ne suffit pas de confier à un organisme un pouvoir quasi illimité de réglementation pour prétendre ensuite s'être donné une politique d'ensemble sur le sujet. Même si le projet de loi no 17 porte principalement sur l'encadrement juridique à venir en matière de santé et de sécurité, nous croyons qu'il y aurait eu avantage à ce que ce cadre soit conçu en fonction d'impératifs à rencontrer à la suite de l'élaboration d'une politique d'ensemble. De fait, une structure doit être bâtie en fonction des objectifs à atteindre et non pas être mise en place avec le mandat de se donner par la suite ces objectifs. Une véritable politique d'ensemble devrait comporter une identification passablement détaillée des problèmes à régler de même que des objectifs à atteindre. Une telle politique doit de plus établir clairement les champs de responsabilité des différents intervenants de même que prévoir les moyens qui seront mis à la disposition de ces derniers pour les aider à rencontrer les objectifs fixés. Enfin, cette politique doit prévoir la façon dont on s'acquittera de la fonction de contrôle inhérente à toute opération. Ni le livre blanc ni le projet de loi ne répondent complètement à ces interrogations.

De l'absence d'identification des problèmes découlent le caractère trop général de l'objectif à atteindre et l'absence de priorités d'intervention. De l'absence d'identification des problèmes découlent des choix fort discutables au niveau de l'encadrement juridique du régime proposé et une absence totale d'indication quant au personnel et aux installations matérielles qui seront requis pour supporter professionnellement et techniquement la réforme qu'on nous propose. En ce qui concerne cette structure proposée, c'est à bon droit que les auteurs du projet de loi ont rapatrié, sous une même autorité, la quasi-totalité des éléments du cadre législatif applicable au domaine de la santé et de la sécurité au travail. Il est à se demander, cependant, si ce rapatriement viendra faciliter les choses aux utilisateurs du système. Qui sont dans le régime proposé et au niveau de l'entreprise les intervenants directs en matière de santé au travail si ce n'est l'employeur, le comité paritaire, le réseau public de distribution des services de la Commission de la santé et de la sécurité au travail? Cette seule réponse à la question que l'on vient de poser se passe de commentaires quant aux conséquences qui résulteront de cet état de fait en ce qui concerne le dynamisme du système à venir, la promptitude de ces interventions et la qualité de ces actions.

Au cours des minutes qui vont suivre, on va tenter de s'attarder et d'énoncer brièvement, pour qu'on puisse éventuellement en discuter lors de ces auditions — on aura près de 60 intervenants — nous tenterons, dis-je, de vous faire part de quelques commentaires et de quelques considérations sur quelques-unes des principales propositions retenues dans le projet de loi. Il est bien évident que le fait de se prononcer en faveur de certains principes qui peuvent y être contenus ne signifie pas que nous sommes d'accord avec le libellé utilisé dans le projet de loi. La souscription de la part d'un parlementaire ou d'un parti politique à un principe énoncé dans un projet de loi — et cela, je pense qu'on le voit très fréquemment — n'implique pas pour autant que celui qui énonce une telle acceptation est tout à fait d'accord avec le texte précis et exact dudit projet. C'est ainsi qu'à l'occasion de l'étude du projet de loi, article par article, soit après l'étude en deuxième lecture, on pourra faire part au ministre, aux membres de la commission parlementaire et aux intervenants de nos préoccupations à ce niveau.

En ce qui concerne le champ d'application, la loi à venir sera d'application universelle pour l'employeur, le maître d'oeuvre, le fournisseur, le propriétaire et le travailleur de même que pour l'employeur professionnel. Nous souscrivons à cette approche, étant bien compris qu'elle n'élimine en rien ja possibilité de prévoir des régimes particuliers chaque fois que les circonstances peuvent le justifier. Nous remarquons que la loi liera le gouvernement, ses ministères et les organismes qui en sont mandataires. Nous souscrivons à cette apprpche et nous ignorons toujours pourquoi — et on se pose toujours la question — le gouvernement a refusé d'agir de la même façon à l'occasion de la Loi sur les conditions minimales de travail où il s'est somme toute exclu, comme gouvernement, de l'application de cette loi.

En ce qui concerne les droits et les obligations des travailleurs, les principes sous-jacents aux dispositions contenues à la section 1 du chapitre 3 relatives aux droits généraux des travailleurs, au droit de refus, au droit de retrait de même en ce qui concerne les obligations des travailleurs, doivent être retenus. Le droit de refus constitue, à notre avis, un droit fondamental de l'homme et nous savons que la jurisprudence du travail en a reconnu l'exercice, même si la loi n'en faisait pas expressément mention. L'exercice de ce droit de refus pose cependant des problèmes particuliers en ce sens qu'il dépend de l'application personnelle du travailleur face à une situation donnée. Ce qui peut être dangereux pour un travailleur ne l'est pas nécessairement pour un autre compte tenu d'un ensemble de facteurs dont on pourra discuter au cours de cette commission. Il est normal qu'il en soit ainsi et loin de nous l'idée de suggérer, on ne veut pas suggérer que l'exercice de ce droit ne se fonde que sur l'appréciation objective que l'on pourrait faire de l'état de salubrité ou de sécurité des lieux de travail où ce droit sera exercé. Ce droit doit appartenir au travailleur.

Etant donné ce qui précède et les conséquences économiques qui découlent de l'exercice du droit de refus, il devrait être loisible à l'employeur de remplacer le travailleur qui l'exerce par un autre qui n'aurait pas d'objection à faire le travail après avoir été dûment informé que ce qu'on lui demande de faire a déjà fait l'objet d'un refus.

Le processus prévu au projet de loi pour disposer des mésententes relatives à l'exercice du droit de refus nous apparaît comme étant incomplet et lourd. Incomplet, en ce sens que la première étape à prévoir devrait mettre en présence le travailleur et le supérieur immédiat. C'est à ce niveau-là qu'on a le plus de chances de voir le problème être réglé rapidement. Il nous semble enfin qu'il ne soit pas indispensable de prévoir quatre paliers d'intervention pour disposer définitivement de tel litige. Il faut en effet s'assurer que le délai de six heures prévu pour l'intervention de l'inspecteur ne se superpose pas à des délais trop longs qui seraient préalablement requis pour franchir des étapes préliminaires.

Nous devons ajouter ici ne pas comprendre le fardeau de la preuve que l'on veut imposer aux employeurs. A notre avis, la règle de la prépondérance de la preuve est indiquée dans cette matière. Enfin, et pour ne pas faire preuve d'angé-lisme, il nous apparaît indispensable — parce que c'est quand même un élément à l'égard duquel plusieurs des intervenants et la population en général ont des réserves à exprimer, peut-être pas des réserves, mais des craintes en ce qui concerne son utilisation — de prévoir l'octroi de dommages dans les cas où la preuve révélerait, au-delà de tout doute raisonnable, que c'est sans cause que l'on s'est prévalu du droit de refus ou encore que l'exercice de ce droit de refus s'est fait pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la santé et la sécurité du travailleur et que cela a été fait strictement et uniquement de mauvaise foi.

En ce qui concerne les droits et obligations des employeurs, nos commentaires ici dépasseront le cadre des dispositions prévues à la section 2 du projet de loi no 17. Nos prises de position n'auront pour mobile que la non-détérioration des conditions de santé et de sécurité au travail et l'amélioration de ces conditions dans les plus brefs délais possible.

On l'a dit précédemment, nous considérons qu'il est indispensable que le cadre juridique à venir permette qu'il y ait unité d'action en ce qui concerne la planification, l'organisation et le contrôle de toutes ces activités reliées au problème de la santé et de la sécurité au travail que requièrent les programmes de prévention, de surveillance et de promotion de la santé.

Pour des raisons pratiques, le droit à l'initiative dans l'action en ce domaine doit demeurer au niveau de l'entreprise. Il serait irresponsable de retirer aux travailleurs qui oeuvrent dans plusieurs organisations, la protection à laquelle ils ont droit en vertu de programmes de santé et de sécurité éprouvés et efficaces, parce qu'il y en a.

Les statistiques contenues dans certains mémoires produits à la commission parlementaire font état de réalisations en matière de santé et de sécurité dans certains secteurs à risques élevés, qui sont la preuve tangible que les objectifs les plus audacieux peuvent quand même être envisagés. Plutôt que de démanteler les organisations qui, par le passé, ont assumé leurs responsabilités — parce qu'il y en a là aussi — il semblerait plus judicieux de s'attaquer aux carences majeures du système actuel et de le faire évoluer en fonction d'objectifs à redéfinir.

Les principales carences du système actuel ne résident pas dans le fait que les entreprises embauchent des médecins, elles ne résident pas dans le fait que les entreprises se soient unilatéralement donné des programmes de santé et elles ne résident pas dans le fait qu'aucune commission provinciale ne se soit prononcée sur l'identification des moyens et équipements de protection individuels qui sont les mieux adaptés pour répondre aux besoins des travailleurs de chacune des entreprises ou, encore, des catégories de certains secteurs d'entreprises du Québec.

En intervenant à ces niveaux, on fera des heureux, certes, mais on fera aussi des mécontents. Chose certaine, nous hésitons à croire qu'il y ait beaucoup de changements à l'ordre de grandeur des statistiques relatives aux décès, aux maladies et aux accidents.

La première action concrète à poser, c'est de procéder à une identification rigoureuse des problèmes par secteurs industriels et par établissements à l'intérieur de ces secteurs. A partir de cette évaluation de la situation, il faudra déterminer des secteurs prioritaires d'intervention et se donner des objectifs et des échéances pour la réalisation desdits objectifs.

Ces objectifs doivent porter de façon bien précise sur la diminution du nombre de décès, maladies et accidents. Dans un domaine aussi important que celui de la santé et de la sécurité de

la travailleuse et du travailleur, nous ne pouvons accepter que l'on fasse table rase de tout ce qui existe présentement et qu'on substitue à des régimes précis, dont certains ont été générateurs de réussites incontestables, une vague réforme de structures assaisonnée de voeux pieux à l'occasion.

Il est capital que les travailleurs puissent intervenir au centre nerveux même de toute politique de santé et de sécurité au travail. Il est loin d'être certain cependant qu'il en résultera de meilleures conditions pour eux si on se dote d'un système qui à la base brime toute initiative patronale. Il n'est pas superflu de rapporter ici ce que le mouvement syndical de Suède disait par la voix de l'expert médical de la Confédération des syndicats suédois, soit M. Eric Bolinder dans un texte intitulé "Le médecin d'entreprise: L'homme des travailleurs ou de l'administration?" C'est un texte qui a été reproduit dans Current Sweden, no 56 de janvier 1975, publié par l'Institut Suédois qui disait ceci: "Si la médecine du travail devait trouver son implantation en dehors de l'entreprise, comme une partie, par exemple, des services de santé offerts par la communauté, elle se transformerait en une fonction de contrôle, ce qui impliquerait un risque d'autant plus grand qu'elle soit considérée comme un élément entier économique."

En terminant sur cette question, il est important de dire un mot sur le choix du médecin qui oeuvre dans le champ de la santé et de la sécurité au travail. Ce professionnel est d'abord une personne ressource à l'emploi d'une organisation et nous ne pouvons voir en vertu de quel principe nous pourrions exiger que son choix soit fait par un autre que l'employeur. Dans certaines de ses activités, le médecin est appelé à donner des avis qui sont déterminants quant aux droits des travailleurs. C'est le cas en matière de contrôle d'absentéisme, de détermination d'incapacité, par exemple, par rapport à certains programmes d'assurance collective ou d'avantages collectifs.

Pour ce type d'expertise, le médecin se trouve réellement en conflit d'intérêts, et la loi devrait prévoir le droit pour un travailleur de contester l'avis du médecin de l'entreprise. Le travailleur devrait pouvoir s'adresser, dans ces cas, à un médecin du département de santé communautaire, lequel devrait être habilité à se prononcer en dernière instance dès qu'il est sollicité par ce travailleur. La santé et la sécurité dont on parle sont celles des travailleurs et des travailleuses. Le régime proposé doit donc permettre à ces derniers de pouvoir intervenir dans ce domaine où ils sont particulièrement touchés parce que ce sont eux qui sont touchés par ces programmes, ces lois, ce projet et ce dont on discute aujourd'hui.

Il nous apparaît que la création d'un organisme paritaire est indiquée pour assurer la participation des travailleurs à la détermination des objectifs du système de santé et sécurité au travail. Leur participation à ce niveau permettra, de plus, aux travailleurs, de contribuer à la détermination de priorités d'intervention en matière de santé et de sécurité au travail et d'être aussi parfaitement informés de l'évolution des programmes et de leur adéquation à la réalisation des objectifs fixés.

Les travailleurs et les travailleuses du Québec ont aussi besoin d'être protégés dans leur milieu de travail en ce qui concerne la conception et l'administration des programmes de santé et de sécurité. Les travailleurs syndiqués sont ici privilégiés en ce qu'ils ont, de par l'appareil syndical, l'instrument légitime par excellence pour travailler à la promotion de leurs intérêts. La santé et la sécurité sont du domaine des choses négociables en vertu de notre droit du travail. Il est pensable et souhaitable — on l'espère quant à nous — qu'il soit possible d'envisager, à court terme, une plus grande préoccupation de la part du milieu syndical en négociation. Dans ce secteur, la constitution de comités paritaires devrait être laissée à la discrétion des parties et les comités paritaires auront ici le mandat prévu pour eux, après entente entre elles.

De façon supplétive, le législateur doit favoriser — c'est une obligation qu'il a — l'implication des travailleurs non syndiqués et faire en sorte qu'ils ne soient pas de simples spectateurs au cours de la réforme qui s'annonce. Nous croyons que les idées mises de l'avant dans le projet gouvernemental en ce qui concerne les comités paritaires pourraient être ici utilisées avec profit. De tels comités paritaires pourraient être requis en vertu d'une ordonnance de l'organisme paritaire toutes les fois où un secteur industriel donné, une partie de secteur ou une entreprise en particulier ont été identifiés comme présentant un taux trop élevé d'accidents ou de maladies reliés au travail.

Il est bien entendu que ces comités paritaires ne devraient avoir qu'un rôle consultatif sauf s'il y avait entente à l'effet contraire entre les intéressés.

Ajoutons enfin que la création d'un agent de prévention ne nous paraît pas un prérequis. Comme on le lit dans le mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec, les six millions d'inspecteurs, c'est bien joli mais, dans la pratique, ça ne fait pas trop sérieux.

En ce qui concerne la commission de santé et de sécurité au travail, nous ne pouvons qu'appuyer la création d'un organisme devant chapeauter l'ensemble des questions de santé et de sécurité au travail. Au niveau de l'étude article par article du projet de loi, nous tenterons d'obtenir, du ministre ou des ministres qui sont intéressés par ledit projet de loi, plus d'explications quant à l'utilisation possible du pouvoir réglementaire de cette commission parce qu'on a quand même constaté que le pouvoir réglementaire de la commission, M; le ministre, cela s'échelonnait sur quatre pages dans le projet de loi et vous comprendrez que, pour un législateur qui ne peut participer à l'élaboration ou au résultat d'un tel pouvoir réglementaire, cela implique des réserves assez sérieuses.

Au niveau de l'étude article par article, nous tenterons d'obtenir du ministre plus d'explications quant à ce pouvoir et dans le projet de loi no 17, on parle aussi très peu — c'est un commentaire

qu'on voulait porter à votre attention — de l'indemnisation et on ne semble pas savoir quoi faire ou encore de qui faire relever le service de l'inspection. Dans le but d'aider le ministre dans ses réflexions sur ces sujets, nous aimerions lui dire ici que nous croyons que la fonction de l'indemnisation doit servir d'input aux activités de prévention et qu'il faudra que la commission agisse en conséquence. (11 h 30)

Quant à la fonction de l'inspection, nous croyons qu'un élément en particulier milite en faveur de son intégration à la commission. Cet élément, d'après nous, consiste en ce fait que l'inspection bien comprise doit poursuivre des objectifs de prévention et qu'il nous semble que la poursuite de tels objectifs pourrait se faire plus naturellement sous l'égide de la commission.

Quant aux coûts du système, nous réservons à plus tard nos commentaires sur le sujet; qu'il nous suffise ici de dire que les estimations prévues au livre blanc ne nous semblent pas réalistes. On a sous-évalué l'incidence de certains facteurs, comme la fréquence des réunions, les congés, etc. et on a omis d'évaluer certains éléments comme les coûts reliés aux travaux administratifs des comités paritaires, les coûts de certaines libérations, etc. Ajoutons à ceci qu'il est évidemment impossible d'attacher un prix à ces différents éléments, nous en convenons, ils nous sont actuellement inconnus, parce que découlants du pouvoir de réglementation de la commission qui viendra, une fois que la loi sera adoptée.

En conclusion, M. le Président, le livre blanc nous a fait espérer une politique précise, visant à l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles. Pour atteindre un tel objectif, il aurait fallu que le gouvernement nous propose un programme agissant sur le milieu de travail et non une simple réforme de structures.

Le gouvernement nous avait dit, dans son livre blanc, qu'il définirait les priorités et les étapes face aux problèmes les plus graves et les plus urgents. Bien malin celui qui pourrait trouver, dans le projet de loi no 17, la moindre priorité, si ce n'est celle de rejeter du revers de la main, sans aucun discernement selon nous, tout ce qui a été fait dans le passé, conjointement ou unilatéralement, par les travailleurs et les employeurs dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

Le gouvernement nous a aussi dit que l'approche retenue était fondée sur la participation des travailleurs et des employeurs. A ce sujet, disons que, dans un premier temps, rares sont les projets de loi qui ont à ce point divisé employeurs et travailleurs; bien plus, le monde du travail lui-même est déchiré par ce projet de loi. Dans un tel contexte, est-il réaliste de croire que le régime proposé serait générateur de fruits, si jamais le gouvernement décidait de l'instaurer, tel qu'il nous le présente aujourd'hui.

D'autre part, nous mettons sérieusement en doute la volonté du gouvernement de voir le milieu se prendre en charge en matières de santé et de sécurité. Sous plusieurs aspects, le projet de loi apparaît même comme venant limiter les droits des travailleurs et des employeurs. Aux travailleurs, il impose un système d'arbitrage avec décisions exécutoires de la part de la commission. Par ailleurs, nous croyons que ce projet de loi — c'est une des craintes que nous voulons formuler — pourra éventuellement décourager les initiatives patronales et diminuer les responsabilités des employeurs, sans compter qu'il exige d'eux qu'ils financent une réforme dont on ignore complètement les coûts actuellement.

La formation politique que je représente, le Parti libéral du Québec, va donc, M. le Président, donner son appui au principe du projet de loi no 17, lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture, parce qu'il considère que l'avènement d'une politique d'ensemble sur la santé et la sécurité au travail ne peut plus attendre. Nous avisons cependant le ministre que nous ne laisserons pas le gouvernement reporter subrepticement le problème aux calendes grecques et se contenter de modifier ici les structures.

En troisième lecture, nous exigerons de mon collègue, le ministre responsable, qu'il corrige son projet de loi et qu'il prévoie, premièrement, des priorités d'interventions concrètes et déterminées en fonction des besoins du milieu. Deuxièmement, des indications précises quant aux sommes devant être affectées à la formation du personnel et au développement des installations matérielles nécessaires à la recherche dans ce domaine. M. le Président, j'ai l'intention, quant à moi, de revenir fréquemment sur cet aspect de la prévention et de tout ce qui pourrait être fait pour corriger le mal à sa source même. Nous exigerons, troisièmement, un encadrement qui permette l'amélioration des conditions de santé et de sécurité du travailleur, sans risquer de compromettre ses droits acquis en ce domaine. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président, j'aimerais, à mon tour, faire quelques remarques au début des travaux de cette commission parlementaire, qui revêt une importance tout à fait particulière. On sait qu'on se situe maintenant à une des étapes de toute cette démarche, de ce long processus que le gouvernement s'est fixé depuis 1976 et qui était déjà quelque peu amorcé sous l'ancienne administration, de reformuler, en quelque sorte, l'ensemble des lois affectant le secteur de la santé et de la sécurité au travail.

Le ministre a fait état, tout à l'heure — à juste titre — du nombre d'accidents, du nombre de maladies industrielles, globalement, des coûts que ça peut impliquer. Je pense que ça suffit largement à nous démontrer l'importance de ce secteur et l'importance d'une intervention pour coordonner l'ensemble de l'approche gouvernementale par rapport à ça, qui est un peu éparpillée sous les

six ou sept chapeaux d'administration qui touchent à cette administration et également dans la vingtaine de règlements qui s'y rattachent.

Je pense donc que tout le monde convient de la nécessité d'une loi-cadre pour reformuler plus clairement, avec des objectifs plus précis, mieux adaptés peut-être à un Québec moderne, dans l'ère de l'industrialisation dans laquelle nous sommes actuellement et je pense que, dans cette optique, tout le monde y souscrit. Il s'agit maintenant de discuter des moyens d'application de ces objectifs que poursuit le gouvernement.

Je pense qu'au point de départ le bât blesse quelque peu puisqu'il semble que ce soit plus difficile lorsqu'il s'agit sur le plan concret d'arriver à des ententes, à des compromis ou à un juste milieu qui soit en même temps le reflet d'une société moderne, auxquelles ont à faire face les entreprises oeuvrant dans les différents domaines de l'économie. Donc, le cheminement est passablement long du côté du gouvernement. Je sais qu'il est également passablement long du côté des entreprises, comme il l'est également du côté des travailleurs et des syndiqués, puisque cette préoccupation qui est la nôtre aujourd'hui à la commission parlementaire est en quelque sorte l'aboutissement de plusieurs années de travail de part et d'autre, de réflexion, de tentatives d'ajustement, et que tout cela nous indique que le domaine n'est pas simple en soi, qu'on s'attaque à un problème qui est passablement complexe, un problème dont l'ampleur est parfois beaucoup plus grande que les solutions qui peuvent se présenter à l'esprit du législateur.

Le cheminement que le législateur de son côté a suivi, jusqu'à maintenant, depuis 1976, a été passablement actif à partir des consultations nombreuses que le gouvernement a effectuées dans tout le Québec, dans le milieu du travail, pour arriver à la parution en fin de compte de son livre sur la santé et la sécurité au travail qui, même si on peut en discuter longuement, on peut argumenter longuement en faveur ou contre certains de ses principes ou certaines de ses modalités d'application, certaines de ses suggestions, n'en constitue pas moins une base intéressante de discussion tout au moins pour amorcer peut-être une solution globale plus satisfaisante que ce qui existe actuellement.

Evidemment, on doit souligner un autre problème qui est assez important aussi dans la situation. Le législateur même si, par définition, est un personnage permanent, la personne qui incarne ce rôle est passagère et quelquefois assez éphémère, de sorte que même si l'ensemble de son travail pour produire un te! document ou une telle approche peut être tout à fait intéressant, logique et prometteur, à moyen terme, cela peut causer certains problèmes, parce que les gouvernements changent, les gouvernements se remplacent et, souventefois, on aborde le problème d'une autre façon, on arrive avec une autre philosophie, on remet sur la table tout le problème, on recommence, et ainsi de suite.

Ainsi, dans les faits, souvent, pour les entreprises comme pour les travailleurs, comme pour les syndiqués, comme pour ceux qui ont à vivre avec ces situations, on a l'impression plus souvent qu'autrement d'assister à un piétinement plutôt qu'à l'évolution d'une situation. Je pense que c'est inhérent à la situation telle qu'on la vit actuellement, au fait que le législateur, lui, étant permanent et que la personne qui incarne ce rôle est passagère, il apporte ses idées pour les modifier, il consulte, on assiste au phénomène de lenteur qu'on doit reconnaftre dans ce domaine. Je n'en fais pas une accusation à qui que ce soit, mais il faut être réaliste dans la situation.

Le ministre a mentionné qu'on doit regarder en tant que gouvernement, d'abord, sa propre maison. Je pense qu'à ce sujet c'est tout à fait louable de vouloir atteindre un tel objectif avec une attitude comme celle-là, parce qu'il est important qu'en tout ce qui concerne les lois du travail, l'application des lois du travail et le fonctionnement de la Commission des accidents du travail, ainsi de suite, le gouvernement chez lui soit au moins conscient de ses responsabilités, qu'il corrige ce qu'il peut corriger chez lui facilement pour créer ce climat de confiance nécessaire qu'il recherche dans la consultation présente aussi. Le fait que le ministre ait souligné cet aspect est tout à fait positif.

De plus, le ministre nous a parlé de regarder sa propre maison sur le plan de la structure, sur le plan de l'organisation, sur le plan législatif, donc, sur le plan plus technique en soulignant également qu'il faudrait avoir la préoccupation d'aller plus loin, d'aller rejoindre le travailleur en fin de compte qui doit vivre à l'intérieur des champs d'application de ces lois ou cette philosophie que le gouvernement veut mettre de l'avant.

Dans ce sens, j'aimerais faire part au ministre d'une expérience qu'on vient de vivre récemment dans le domaine de l'amiante et que je voudrais souligner à l'attention des membres de la commission et du ministre, pour bien faire prendre conscience de nos responsabilités dans ce secteur, de nos devoirs en ce qui concerne la prise en charge de notre propre maison, justement, pour s'assurer que toute la démarche que le ministre met en marche actuellement porte vraiment les résultats qu'il souhaite dans les objectifs qu'il poursuit. On se rappellera dans quel contexte la loi 52 sur l'amiante a été créée.

Le ministre ne sera pas surpris de me voir revenir avec cette question. J'ai eu l'occasion d'y revenir souventefois à l'Assemblée nationale. Je le cite simplement comme exemple des préoccupations qu'on idoit avoir maintenant. En 1976, lorsque le Parti québécois a formé le gouvernement, on avait souligné, que dans une question de quelques mois, on pourrait régler le cas des travailleurs atteints d'amiantose, qui était dans une loi ni chair ni poisson où à peu près personne né se retrouvait, où il y avait certains préjudices qui étaient créés. On se rappellera, d'ailleurs, dans quel contexte la loi avait été adoptée en 1975 aussi

où on a fait cela davantage à l'intérieur d'un conflit de travail pour régler une situation urgente dans la région de Thetford. Par contre, on a à vivre maintenant avec cette loi.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement en 1976 avait indiqué son intention de corriger dans les prochains mois cette loi pour qu'il y ait une certaine sécurité du côté des travailleurs atteints d'amiantose. Par la suite, on n'a entendu parler de rien, sauf que les gens qui étaient atteints d'amiantose à un degré suffisant pour être également reconnus par la Régie des rentes du Québec comme étant invalides et recevant une pension se sont vu par la suite couper cette pension de leur fonds d'indemnisation des victimes d'amiantose. Après maintes démarches, maintes pressions, le gouvernement a fini par comprendre et par corriger cette chose de sorte que cette situation a été corrigée. Je décris simplement ce qui s'est passé dans ce secteur.

Un autre fait également dans ce sens, c'est que même actuellement, au moment où on se parle, plusieurs personnes sont encore atteintes d'amiantose à 15%, 20% ou 25% dans certains cas, et j'ai les dossiers. On leur a enlevé leur permis de travail et, pourtant, elles sont encore sur le marché du travail et se demandent ce qui va leur arriver, alors que leurs confrères, qui ont été expulsés du marché du travail et obligés de recourir à la loi 52, sont souvent atteints d'amiantose à un degré moindre. Donc, c'est la situation qu'on vit actuellement. Un certain nombre de travailleurs qui, au moment où on cherche à trouver des solutions pour améliorer l'ensemble de la maison, des entrepreneurs, de tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, vivent avec une loi qui est en vigueur et qu'à toutes fins utiles on ne respecte pas, puisqu'un bon nombre d'entre eux sont encore aux prises avec une non-application d'une loi existante.

Qui plus est, certains ont même passé des examens médicaux depuis un an et sont sans réponse. J'ai encore les dossiers. La Commission des accidents du travail depuis un an est muette à ce sujet et, comme on dit chez nous, on ne déclasse plus personne. Est-ce que les gens ne sont plus malades à partir de telle date? Qu'est-ce qui s'est passé exactement dans le dossier? Je souligne ces faits de façon particulière à l'attention du ministre, puisqu'ils dénotent quand même une situation importante. Je pense qu'en approchant tout le domaine de la santé et de la sécurité on doit avoir chez nous, dans le gouvernement, une attitude responsable face aux lois déjà existantes de sorte qu'on puisse créer ce climat de confiance par rapport aux lois qu'on veut changer.

La dernière perte dans ce domaine, c'est qu'on a assisté tout dernièrement — vous savez que l'amiantose est une maladie non régressive—à une guérison tout à fait particulière de plusieurs cas au même moment, alors qu'un certain nombre de travailleurs de l'amiante sont venus me rencontrer avec une lettre circulaire leur annonçant que leur dossier médical était maintenant vierge. Ces gens avaient été reclassés par un nouveau comité médical formé de trois médecins et, maintenant, ils n'étaient plus considérés comme atteints d'amiantose et, en vertu d'une nouvelle disposition de la loi adoptée en 1978, ils pouvaient, s'ils le désiraient, redemander un permis de travail et retourner sur le marché du travail. Qui plus est, non seulement on s'est arrêté là, mais on a même poussé la situation jusqu'au point d'envoyer à quelqu'un, M. Thomas Lapierre — j'ai tout son dossier ici — son permis de travail, sans même que la personne ne le demande, alors qu'il continue d'être considéré comme victime d'amiantose, bénéficiant de la loi 52 chez lui. C'est la situation à laquelle on assiste actuellement dans la maison du ministre, à laquelle il faisait allusion tout à l'heure. J'attire son attention sur ce fait, parce que c'est quand même important, l'attitude qu'on veut avoir, les gestes qu'on pose et ce qu'on fait dans sa propre maison lorsqu'on veut amener un correctif sur un plan beaucoup plus large.

Pour bien situer cette démarche, je me permettrai simplement de lire la lettre que je viens de faire parvenir à M. Robert Sauvé, qui est président de la Commission des accidents du travail, à ce sujet, en date du 17 août, et je cite: "Depuis l'entrée en vigueur de la loi 52, soit en 1975, nous avons assisté à plusieurs péripéties dans le champ d'application de cette législation. Or, j'ai été informé que récemment, soit en date du 11 juillet 1979, le secrétaire général de votre commission faisait parvenir aux personnes originellement déclarées victimes d'amiantose ou de silicose une lettre circulaire — dans un dossier médical, cela fait tout à fait particulier, cela montre la considération pour la personne humaine, pour son cas individuel — les avisant qu'elles n'étaient plus atteintes de cette maladie industrielle que l'on a pourtant identifiée comme étant non régressive. C'est donc dire qu'un comité d'experts médicaux a déjà posé un diagnostic clair dans le cas de ces individus et que, maintenant, un autre comité médical, formé des médecins Gilles Jodoin, Gaston Ostiguy et Raymond Bégin, vient de décréter que le diagnostic originel était erroné dans le cas de toutes ces personnes et qu'elles ne présentent maintenant plus aucune trace de pneumoconioses, qu'il s'agisse d'amiantose ou de silicose. (11 h 45) ' Ce fait mériterait sûrement d'être signalé dans les annales médicales puisqu'il s'agit d'une grande première dans ce champ d'activités, soit la disparition de toute trace de maladies industrielles non régressives dans le cas de plusieurs personnes au même moment. La médecine serait donc en pleine révolution et la science médicale, d'après ce que l'on peut constater, serait en train de faire des bonds assez prestigieux, allant même jusqu'à effacer d'un seul coup toute trace de maladies non régressives, sinon chez les personnes physiques atteintes, tout au moins dans leur dossier. "De plus, comme par hasard, trois ans après l'adoption de la loi 75, est apparue la directive 1.70 de la Commission des accidents du travail à l'effet

que, si certaines modifications devaient être apportées éventuellement, comme c'est le cas actuellement, à un dossier médical, l'individu concerné pourrait continuer à recevoir ses indemnités conséquentes au diagnostic initial dans son cas. Mais, lorsque l'on regarde l'ensemble de cette démarche, ce qu'il est intéressant de constater, c'est que, dans un tel cas, la personne, si elle le désire, peut demander d'obtenir un nouveau certificat de travail qui lui avait été enlevé en vertu d'un diagnostic antérieur." Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure: Avant même qu'on le demande, on commence à envoyer les permis de travail actuellement.

On va encore plus loin, M. le Président, et, pour cela, je me réfère à la lettre de la personne elle-même, qui peut maintenant décider, dans un tel cas, de revenir au travail ou de continuer à recevoir les indemnités qui lui ont été jusqu'alors versées. "On assiste donc à la situation suivante, à savoir que, sous le chapeau d'une même loi qui a expulsé du marché du travail un travailleur atteint d'une maladie industrielle, on constate que la personne elle-même peut maintenant décider de son retour éventuel. De plus, chose encore plus curieuse, j'ai même en main le cas d'un individu déclassé à qui on a originellement enlevé son permis de travail et à qui, maintenant, on le retourne sans même qu'il en ait fait la demande. C'est donc dire qu'il semblerait que la commission aille au devant des désirs que pourraient lui signifier ces personnes présentement en bonne voie de guérison, du moins d'après le dossier médical de la commission. "Devant ces faits, M. le président, je me permets avec insistance de vous demander d'effectuer une vérification sur les démarches que fait actuellement votre commission relativement aux travailleurs de l'amiante et de me fournir, si possible, à l'intention des personnes concernées, une explication sur cette découverte des trois médecins à l'effet que, collectivement, plusieurs personnes reconnues atteintes d'amiantose viennent d'être décrétées non atteintes et possiblement en mesure de reprendre le travail. M. le président, de façon encore plus directe, puis-je vous demander sous quelle initiative et dans quel but précis a été mis sur pied le comité spécial des trois médecins dont les noms sont mentionnés plus haut et qui, par hasard, en touchant les dossiers des victimes d'amiantose, sembleraient capables d'effectuer un miracle que, jusqu'ici, la science médicale s'était avérée inapte à réaliser? "Je vous remercie, M. le président, de l'attention que vous porterez à cette demande et vous comprendrez aisément toute l'importance que j'y attache et que j'y attacherai au cours des prochaines semaines.

Yvon Brochu, député de Richmond."

M. le Président, j'ai pris le temps de la commission pour signaler ce fait, pour le fait lui-même, d'accord — il y aurait eu d'autres tribunes pour le faire évidemment, — mais aussi pour régler ces problèmes. Il reste que, dans le cadre des travaux de la présente commission parlementaire, si l'on veut que la discussion qui s'amorce soit sérieuse et porte des fruits, il faut démontrer, je pense, de part et d'autre, une attitude qui cherche à régler les problèmes, mais qui démontre également la volonté, tout au moins, d'appliquer normalement des lois déjà existantes.

Le ministre a parlé tout à l'heure du danger des travailleurs en milieu de travail, pour les accidents et les maladies. J'en suis, mais il ne faudrait pas qu'une fois que ce travailleur est sorti de son milieu parce qu'il est atteint d'une maladie ou d'un accident il retombe dans ce qu'on pourrait appeler les dangers de la structure ou de la non-application par le gouvernement de ses propres lois. Je pense que c'est ce qu'il faut souligner et c'est dans ce sens-là que j'apporte les exemples que j'apporte maintenant. Ce n'est pas pour porter des accusations contre qui que ce soit, ni contre le ministre, ni contre le président de la Commission des accidents du travail, ni contre quelques fonctionnaires, mais pour souligner qu'il existe une réalité, peut-être à quelques autres exemplaires aussi, qui n'est pas acceptable; c'est ce qu'on peut appeler une injustice criante dans le présent cas. Il ne s'agit pas de modifier une loi, mais de respecter tout au moins celles qui existent. Partant de là, lorsqu'on a cette préoccupation que le ministre a indiquée tout à l'heure de vouloir corriger ce qu'on a à corriger chez nous, c'est un exemple patent. Si le ministre s'attelle à cette tâche, je pense que, par rapport à la commission parlementaire et par rapport à nos travaux, par rapport aux gens qui vont venir et qui, eux aussi, auront des situations particulières à décrire à l'intention des membres de la commission, ce sera une garantie, à ce moment-là, que le législateur a peut-être vraiment cette préoccupation d'arriver à corriger, non pas au point de vue, de la philosophie, mais au point de vue des faits et de la réalité, des situations comme celles-là qui doivent et qui peuvent être corrigées.

M. le Président, je sais que le domaine est fort complexe. Je sais que déjà, on a pu voir par les différentes réactions des groupes concernés par le monde du travail plus spécifiquement de la santé et de la sécurité des attitudes diamétralement opposées même dans certains cas. Je souhaite que l'exercice auquel on va se livrer lors de cette commission parlementaire soit fructueux dans le sens qu'on puisse arriver à un juste milieu. Ce sera difficile. Ce sera peut-être impossible même. On le verra au cours du débat. Mais au point de départ, ce qu'on doit constater, c'est qu'il existe quand même des positions extrêmes d'un côté à l'autre. J'espère que l'attitude qu'on voudra bien démontrer, nous aussi, en faisant maison propre chez nous, on |a retrouvera aussi chez les gens qui viendront à la commission parlementaire en voulant non pas seulement tirer la couverture de son côté, mais, essayer de trouver un juste milieu de vie pour appliquer des mesures qui, au niveau des principes, sont souhaitables et désirables.

M. le Président, j'aurai d'autres commentaires à faire. Je me limite pour le moment, mais ce que je souhaite, c'est que les travaux de la commission

parlementaire soient vraiment efficaces et que d'abord tous nos participants puissent en tirer profit. Je sais que l'intérêt est marqué puisque les mémoires sont au-delà de 60 maintenant, je crois, et les travaux promettent d'être vraiment intéressants. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): D'autres députés désirent-ils prendre la parole?

M. Marois: M. le Président... Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Marois: ... très rapidement. Je voudrais d'abord noter — et j'en suis très heureux — comme je l'ai indiqué dans mon intervention, ce matin, que j'ai bien l'intention personnellement de faire tout ce qui est humainement possible pour que, compte tenu du problème qu'on a à traiter ici, si c'est quelque chose qui touche, si ce mot a un sens, parfois on l'utilise souvent à toutes sortes de sauces, mais fondamentales, je pense qu'on est dans le domaine des questions qui sont extrêmement importantes... j'ai bien indiqué que j'avais l'intention de faire tout ce qui était humainement possible pour que le climat de travail de cette commission soit le plus positif possible, le plus serein possible, ce qui n'exclut pas des divergences de vues et des points de vue différents — je crois que c'est normal — et aussi que chacune des interventions qui seront faites à partir de cet après-midi puissent être entendues le plus pleinement possible au mérite. Je suis très heureux de l'attitude que j'ai cru déceler chez les différents intervenants de ce matin.

Je voudrais très rapidement... J'ai pris bonne note de l'intervention du député de Richmond. C'est vrai qu'on propose, je crois que cela s'impose de donner l'exemple comme gouvernement, comme administration publique de mettre de l'ordre dans notre propre maison. J'ai pris bonne note des commentaires, des remarques et même de la lettre, de l'exemple qu'a cité le député de Richmond. Je vais certainement transmettre ces commentaires et les cas concrets qui ont été évoqués à l'intention de mon collègue, le ministre du Travail responsable de l'administration de la loi 52 et de la Loi des accidents du travail et demander aussi qu'on procède à des vérifications pour qu'en cours de route, le cas échéant, on puisse en causer plus longuement, mais en étant sûrs qu'on a en main l'essentiel des données requises pour être capables de fournir les renseignements pertinents. J'aimerais ajouter que depuis plus d'un an maintenant, on l'admettra, il s'est fait un effort plus que remarquable, substantiel, concret, dans l'application d'une loi du côté de la Commission des accidents du travail du Québec pour se rendre d'abord le plus possible parmi le monde, par l'opération de régionalisation et même à commencer par l'opération d'ouverture de bureaux locaux dans certains coins du Québec pour faire en sorte aussi de diminuer — il y a encore un gros effort à faire, je pense que ces gens-là en sont plus que très conscients et déjà il y a des signes concrets de leur volonté d'agir — de réduire au maximum le formalisme pour faire en sorte que les gens soient traités — c'est une chose élémentaire de l'administration publique, en tout cas, cela devrait l'être — de la façon la plus humaine et la plus juste possible. Je rappelle, parce que le député de Portneuf l'a évoqué aussi, ce que j'ai eu l'occasion de dire, qu'en ce qui concerne l'indemnisation — j'avais déjà eu l'occasion d'ailleurs de l'évoquer à l'occasion de la période des questions à l'Assemblée nationale — nous poursuivons présentement nos travaux — ce serait une étape additionnelle qui viendrait à la suite du projet de loi 17 — au gouvernement en vue d'une révision qui pourrait être une révision importante — on verra — en tout cas l'examen, l'étude approfondie pour aller vers une réforme, une révision en profondeur du ou des régimes d'indemnisation actuels des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. Donc, on aura l'occasion de revenir là-dessus.

Toujours dans la perspective aussi du nettoyage de la maison, je suis heureux que le député de Portneuf ait noté — et je crois que cela s'imposait — que le gouvernement lui-même et le gouvernement dans ses prolongements public et parapublic tombe sous la coupe de cette nouvelle loi. Il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas et il n'y a pas de raison que, par exemple, les services d'inspection, sur la demande des hommes et des femmes qui sont au travail, ne puissent pas intervenir quand il s'agit du gouvernement dans l'une ou l'autre de ses composantes. Je ne vois pas pourquoi.

Donc, très rapidement, je voudrais aussi conclure, mais on aura l'occasion cet après-midi de revenir sur une chose qu'a touchée avec justesse, je crois, quant au fond, le député de Portneuf. C'est cette idée que, si on veut vraiment viser à éliminer à la source les causes mêmes d'accidents et de maladies, il y a et il doit y avoir dans un concept de santé à la fois une dimension de surveillance médicale, de surveillance de santé, de dépistage, une approche épidémiologique qui n'exclut pas le curatif, mais il doit aussi y avoir, et ça doit inclure, ce concept de santé, une programmation de surveillance de l'environnement même du travail. Tout le problème des hygiénistes industriels est évoqué. Je crois que le projet de loi tel que rédigé inclut cette notion dans le concept même de santé à l'article 93.

S'il devait s'avérer qu'il y a des ambiguïtés et qu'il y a des clarifications qui s'imposent, je suis plus qu'ouvert pour regarder ça et on aura l'occasion d'aborder cette question dès cet après-midi avec, en particulier, le premier mémoire, celui de l'Association des hôpitaux de la province de Québec et de l'Association des directeurs de départements de santé communautaire. Là-dessus, M. le Président, c'étaient les quelques commentaires que j'avais à faire au départ.

Une Voix: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Comme c'est une loi-cadre, je ne sais pas si on pourrait s'entendre avant d'aller dîner sur un cadre pour nos discussions pour l'audition des mémoires.

M. Jolivet: Une première chose, M. le Président, sur les mémoires qui sont arrivés et les organismes qui ont été convoqués. Il y a 64 organismes qui ont été convoqués jusqu'à maintenant. Sur les 64, il y a déjà 60 mémoires qui sont arrivés. Il y en a un qui vient tout juste de nous parvenir, celui de la Confédération des syndicats nationaux. Quant aux trois autres qui ne sont pas encore arrivés, l'un vient du Conseil central à Montréal, l'autre la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois de la CSN-Construction; par télégramme Celanese Canada dit qu'elle va faire parvenir son mémoire.

Il y a en plus trois autres organismes, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec dont le mémoire vient de nous parvenir mais qui n'est pas dans la liste des organismes convoqués, ainsi que la Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et des produits chimiques Inc. de la CSN et, finalement, par téléphone, les policiers de Montréal ont fait mention qu'ils seraient intéressés à être entendus.

Donc, vis-à-vis de cela, on pourrait, à partir d'aujourd'hui, clore la liste de tous ceux — parce qu'il y a eu un délai accordé, d'ailleurs, à l'ensemble des gens qui voulaient être entendus — qui voulaient être entendus en disant à ceux qui n'ont pas fait parvenir leur mémoire de le faire parvenir le plus rapidement possible et on essaierait d'inclure dans l'ordre prévu jusqu'au 20 septembre prochain l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, la Fédération des mines et les policiers de Montréal. On pourrait, à partir d'aujourd'hui, dire que, même si on a donné un délai quant à la réception des mémoires, on clôt ici puisque ça fera 67 mémoires possibles.

Le Président (M. Marcoux): Si je comprends bien, vous faites motion pour ajouter trois mémoires, dont l'avis n'est pas entré dans les délais et qui n'étaient pas encore parvenus, à la liste des mémoires que la commission aimerait entendre?

M. Jolivet: C'est ça et on pourra...

Le Président (M. Marcoux): En plus des quatre que vous avez indiqués, dont la copie du mémoire n'est pas encore parvenue, mais qui s'étaient déjà enregistrés ou qui avaient fait connaître leur volonté de présenter un mémoire.

M. Pagé: Je voulais formuler une question, M. le Président. Est-ce que le député de Laviolette ou encore le ministre d'Etat au développement social peut nous confirmer que ni eux personnellement, ni aucun membre du cabinet du ministre, ni aucun membre du secrétariat des commissions n'ont eu des représentations à savoir que d'autres groupes voulaient présenter des mémoires?

M. Jolivet: Ce sont les seuls qu'on connaît jusqu'à maintenant. Cela provient justement du service. (12 heures)

M. Pagé: De toute façon, advenant le cas où, au 18 ou 19 ou 20 septembre, on a entendu 67 groupes et qu'un groupe désire se faire entendre, la commission peut toujours décider de son propre chef d'entendre un groupe désireux d'intervenir. A ce moment-là, pas de problème.

Le Président (M. Marcoux): La motion du député de Laviolette est adoptée?

M. Pagé: Une autre, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Quant aux rapports, on sait très bien que les gens veulent se faire entendre, et il y a des rapports volumineux dans certains cas; c'est peut-être un voeu plus qu'une résolution, je demanderais aux organismes de faire un résumé de leur mémoire, selon les convenances. Si jamais ils veulent le lire, ils sont libres de le lire, mais, d'un autre côté, en faisant un résumé, on pourrait accepter, comme commission, que les mémoires soient consignés au journal des Débats, de façon à leur permettre qu'ils soient inclus et connus.

Le Président (M. Marcoux): C'est préférable de juger au fur et à mesure...

M. Jolivet: C'est un voeu, j'ai bien dit.

Le Président (M. Marcoux):... qu'on abordera les travaux. Est-ce que les membres de la commission désirent s'entendre...

M. Pagé: M. le Président, là-dessus, je tiens à dire que lé tout doit être laissé à la discrétion du groupe qui intervient.

M. Jolivet: C'est ça.

M. Pagé: Si un groupe veut lire son mémoire, c'est son droit. Pour plusieurs membres de la commission, si on veut véritablement avoir un débat qui soit utile, qui soit de fond, on se devra d'entendre les groupes, non pas un résumé d'une page sur un document déposé de 60 ou 70 pages. On prendra le temps qu'il faut, quitte à diminuer les procédures parlementaires ou les batailles entre parlementaires, mais on tentera d'entendre le plus grand nombre de gens possible et leur permettre le plus de latitude.

M. Marois: M. le Président, comme l'a indiqué le député de Laviolette, c'est un voeu qui est formulé, l'idée étant, au fond, que les parlementaires ont, je présume, déjà pris connaissance des mémoires. Dans la mesure où ça semble souhaitable à l'organisme, bien sûr, l'initiative lui revient, de résumer son mémoire. Mais cela a toujours l'avantage de laisser beaucoup plus de temps à

une période d'échanges, de discussions, de questions pour être certain que chacun et chacune d'entre nous, on a bien saisi certains aspects qui sont inscrits dans l'un ou l'autre des mémoires.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la commission désirent s'entendre sur le temps qu'ils veulent consacrer à chaque organisme, comme il arrive fréquemment qu'on le fasse lorsqu'on entend des mémoires? C'est une façon de faciliter le travail de tous les membres de la commission...

M. Pagé: Là-dessus, moi, je...

M. Brochu: Est-ce qu'il n'y a pas eu une espèce de...

Le Président (M. Marcoux): Justement, je voudrais...

M. Pagé: II y a eu des discussions...

M. Brochu: II y a eu certaines discussions, en principe... Il n'y a pas eu entente. Je pense que c'est difficile, M. le Président, d'arriver à une entente définitive, parce qu'un mémoire peut prendre plus de temps que l'autre.

Le Président (M. Marcoux): II y a toujours un ordre de grandeur qui nous guide; ce n'est jamais ou c'est rarement impératif, mais ça peut quand même faciliter le travail de la commission. S'il n'y a pas entente, il n'y a pas entente.

M. Pagé: M. le Président, on s'est rencontré à l'initiative de parlementaires et on ne s'est pas entendu sur des temps limites pour chacun des partis ou du temps qu'on consacrerait à poser des questions. Je pense qu'on devrait partir comme ça aujourd'hui et, demain matin, on pourra faire le point, compte tenu de l'expérience qu'on aura vécue aujourd'hui et du nombre d'intervenants qu'on s'était proposé d'entendre aujourd'hui, selon le déroulement des trois séances d'aujourd'hui.

Le Président (M. Marcoux): Comme il n'y a pas de motion présentée, on procédera organisme par organisme. Je vais faire la lecture des organismes dans l'ordre que nous les entendrons à la reprise des travaux à 14 heures, en indiquant le nom de l'organisme et le numéro du mémoire. D'abord, Association des hôpitaux de la province de Québec et Association des directeurs des départements de santé communautaire, 28-M, Association de médecine industrielle du Québec, 35-M, Association pour l'hygiène industrielle, 31-M, Département de santé communautaire, 38-M...

Une Voix: M. le Président, le deuxième intervenant est...

Le Président (M. Marcoux): 33-M. Département de santé communautaire, 38-M, Collectif socialisme-santé, 45-M, Unité de recherche sur l'abus des drogues et de l'alcool, 36-M, Clinique de médecine occupationnelle de Montréal, 25-M, Association professionnelle des optométristes du Québec, 54-M, et Société des conseillers en sécurité industrielle, 2-M.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

Suspension de la séance à 12 h 5

Reprise de la séance à 14 h 23

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre mesdames et messieurs!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre poursuit ses travaux, c'est-à-dire l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

J'inviterais l'Association des hôpitaux de la province de Québec et l'Association des directeurs de départements de santé communautaire à nous présenter son mémoire. M. Jean-Claude Tremblay, si vous voulez nous présenter vos collègues pour les fins du journal des Débats.

Association des hôpitaux et Association

des directeurs de départements

de santé communautaire

M. Pleau: Je suis Paul Pleau.

Le Président (M. Marcoux): Vous parlez au nom des directeurs, je crois?

M. Pleau: Les gens, à ma gauche, représentent l'Association des directeurs de départements de santé communautaire: le Dr Roger Cadieux, Jean-Paul Fortin et le Dr Marcel Dumont. A ma droite, représentant de l'Association des hôpitaux de la province de Québec: M. Jean-Claude Tremblay; M. Gaston Pellan; M. Normand Choinière; M. Raymond Paquin et M. Louis-Marie Lavoie, représentant l'association. Je suis Paul Pleau, président de l'Association des hôpitaux.

Avant de faire la lecture du mémoire sur le projet de loi sur la santé et la sécurité du travail, j'aimerais, avec votre permission, à la suite de la lecture de ce mémoire, étant donné le temps que nous avons eu pour rédiger le mémoire et pour une meilleure compréhension des quelques recommandations que nous faisons, donner un éclaircissement sur ce que nous entendons par la santé et les principales caractéristiques de la santé publique. M. le Président, avec votre permission, à la suite de la lecture du mémoire, nous prendrions quelques minutes seulement pour expliciter ce que nous entendons par la santé publique et les caractéristiques de la santé publique.

Le Président (M. Marcoux): Oui, ça va; tout ce qui est de nature à éclairer le débat.

M. Pleau: L'Association des hôpitaux de la province de Québec est heureuse de présenter à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre, conjointement avec l'Association des directeurs de départements de santé communautaire, un mémoire concernant le projet de loi no 17, intitulé Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les objectifs que poursuivent nos deux associations sont multiples. L'Association des hôpitaux de la province de Québec regroupe plus de 200 centres hospitaliers du Québec dans le but de faire valoir leurs points de vue et leurs opinions et aussi dans le but de les appuyer dans l'exercice des responsabilités importantes qui leur sont confiées par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est-à-dire de dispenser des services de santé de qualité à près de 6 millions de Québécois.

Parmi ses membres, elle compte des centres hospitaliers de toutes vocations, dont, notamment, les 32 centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire. Ces derniers forment un véritable réseau articulé et cohérent qui dessert l'ensemble de la population du Québec et couvre ainsi toute l'étendue de son territoire. Il dispense des services de santé aux divers strates de la population: les nouveau-nés, la population scolaire, les personnes âgées, les femmes enceintes, les travailleurs et nombreux autres groupes. La vocation de santé communautaire exige une adaptation des services aux besoins de la population et intègre l'approche préventive à l'approche curative. Ces établissements particuliers se coordonnent aussi aux nivaux régional et provincial. Leurs activités se mènent, de plus, en complémentarité et en association avec les autres établissements du système public et privé de distribution de services de santé.

L'Association des directeurs de départements de santé communautaire est une association professionnelle regroupant l'ensemble des chefs des départements de santé communautaire qui ont la responsabilité d'assurer la direction administrative et professionnelle de ces départements. Elle vise à apporter un support professionnel et technique à ses membres, à maintenir et à étendre leur niveau de compétence et à favoriser l'échange des expériences et réalisations professionnelles. Sous cet angle, elle contribue à renforcer la coordination des diverses composantes du réseau des centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire.

Les deux associations, considérant que d'autres porteront à l'attention de cette commission parlementaire de multiples points de vue, ont décidé délibérément de faire porter leur intervention sur leur préoccupation commune et prioritaire: la promotion de la santé publique.

Le projet de loi sur la santé et la sécurité du travail révèle notamment la poursuite de trois objectifs fondamentaux auxquels nous soucri-vons. Ces objectifs sont conformes à l'approche utilisée en matière de programmation de la santé publique et pour nous la santé du travailleur fait partie intégrante d'une approche globale de santé publique pour une collectivité. Tout d'abord, le projet de loi vise à prévenir l'apparition des problèmes de santé chez les travailleurs par l'identification et l'élimination des facteurs de risques. Il cherche ensuite à assurer la surveillance et la promotion de l'état de santé des travailleurs. Ce projet de loi se préoccupe enfin du rétablissement de ceux dont l'état de santé aurait été affecté par les facteurs de risques associés à leur travail. Pour atteindre ce troisième et dernier objectif, le projet de loi se réfère notamment aux services de santé curatifs existants et dont l'accessibilité est assurée à toute la population par diverses lois dont la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur l'assurance-maladie. D'entrée de jeu, nous croyons que la faiblesse fondamentale de ce projet de loi, sous l'angle de la préoccupation commune de nos deux associations, réside dans le fait qu'il n'apporte pas suffisamment de garanties pour que la jonction nécessaire des deux premiers objectifs se réalise pleinement au niveau de chacune des entreprises.

Les dispositions de l'article 48 qui prévoient que le programme de prévention préparé par l'employeur doit tenir compte du programme de santé, de même que les responsabilités de coordination confiées à la commission de la santé et de la sécurité du travail qu'elle exercera par son pouvoir de réglementation sur le contenu minimum des programmes de prévention et par son pouvoir d'élaborer et de rédiger des programmes-cadres de santé au travail nous semblent insuffisantes. Nous prévoyons, de plus, que la coordination qu'exercera la commission à l'égard de ces deux programmes demeurera de caractère général, le niveau où elle se situe ne pouvant qu'y conduire. (14 h 30)

Tel que nous le signalions plus haut, une coordination très poussée des deux objectifs est nécessaire au niveau de chaque entreprise. De façon spécifique, le programme de prévention qui vise à attaquer les causes devra être intimement lié au programme de santé qui contrôle les effets de l'environnement de la loi, les garanties sont minimes en ce sens que le programme, élaboré pour éliminer à la source les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs, portera sur les bonnes causes, c'est-à-dire sur celles susceptibles de provoquer les effets qu'on veut éliminer. Il en résultera possiblement, d'une part, d'importants investissements en matière d'élimination des facteurs de risques sans nécessairement éviter la détérioration de l'état de santé des travailleurs. De même, des investissements tout aussi importants pourront être conti-nuellement mis de l'avant pour rétablir ou surveiller l'état de santé des travailleurs.

L'expérience a trop souvent démontré en santé publique que si des mécanismes assurant la complémentarité sont pris pour acquis, l'effet en est l'isolement des intervenants. Ceci conduit au développement parallèle des fonctions et à la

création de sous-systèmes de plus en plus inarticulés situés sur des longueurs d'onde différentes. L'expérience malheureuse que nous avons vécue en matière de pollution de nos rivières devrait nous servir de leçon dans le domaine. Le parallèle est intéressant puisqu'on a réalisé depuis quelque temps déjà qu'on ne peut penser, par des actions générales et en s'attaquant à des phénomènes d'ensemble, à des résultats pratiques à court terme en matière de pollution.

L'impératif de protéger la santé de chaque travailleur, dès aujourd'hui, commande cette action décentralisée et coordonnée dans chaque milieu de travail, selon ses caractéristiques spécifiques. Notre principale recommandation porte donc sur la nécessité d'établir une approche coordonnée des programmes de prévention et des programmes de santé au niveau de chaque entreprise, tel que proposé ci-après.

En vertu de l'approche que nous préconisons et sur laquelle nous avons fourni des détails antérieurement, nous croyons que la commission de la santé et de la sécurité du travail doit agir selon un modèle de décentralisation. C'est d'ailleurs là un objectif souvent exprimé par le gouvernement. La décentralisation constitue une voie qui permet d'assurer la flexibilité nécessaire à une adaptation aux réalités des différents milieux.

Il nous semble opportun que des mécanismes formels de consultation soient établis entre certains intervenants comme les centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire et la commission.

La composition de la commission prévue à l'article 106, bien qu'elle se fonde sur la participation des associations syndicales et des associations d'employeurs, ne l'assure pas, de ce fait, d'une représentation de toutes les expertises et de tous ceux avec qui elle aura à coopérer.

Des mécanismes de consultation devront être mis sur pied, notamment en regard de l'élaboration de normes telles que prévues, par exemple, à l'article 185. De tels mécanismes de consultation nous semblent tout aussi nécessaires quand il s'agira de définir d'autres normes comme celles relatives aux programmes de prévention et quand il s'agira, pour la commission, d'élaborer les programmes-cadres de santé au travail.

De façon spécifique, nous croyons que les centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire, par la voie de leurs représentants, devront être consultés quant au contenu obligatoire des contrats de services intervenant entre eux et les médecins responsables. Ils devront aussi, de la même façon, être impliqués en tant que partie dans la détermination du contrat-type devant intervenir entre la commission et les centres hospitaliers, aux fins de la mise en application d'un programme-cadre. Dans ce dernier cas, il nous apparaît pertinent que le ministre des Affaires sociales y soit impliqué.

Le contexte de décentralisation et de collaboration doit aussi marquer les liens qui s'établiront entre le commission et les centres hospitaliers en matière d'allocation des budgets et de finance- ment des contrats intervenus. A cette fin, il nous apparaît important de souligner la nécessité d'établir des mécanismes de consultation du même type que ceux auxquels nous faisions plus haut référence en regard de la réglementation qui devra compléter l'article 84 du projet de loi.

En termes généraux, les pouvoirs de réglementation de la commission demeurent pour nous une inquiétude très sérieuse, en particulier, eu égard aux pouvoirs discrétionnaires prévus par divers paragraphes de l'article 185 et, notamment, les paragraphes 35 et 36.

Compte tenu de ce qui précède, nous estimons de première importance que les responsabilités de coordination globale soient maintenues au niveau de la commission, telles que définies généralement à l'article 129. Cette coordination est nécessaire au niveau de la programmation, tant de la prévention que des services de santé, afin que soit assurée une qualité minimale de services pour les travailleurs.

Au même effet, il nous apparaît aussi nécessaire que des priorités provinciales d'action soient définies et entreprises par la commission, comme il apparaît au paragraphe 13 de l'article 129. De même, la position centrale de la commission nous permettra-t-elle de colliger et de traiter l'informa-tin pertinente à sa planification, à l'établissement de ses priorités et des besoins en recherche de même niveau. Il faut aussi bien spécifier que ces différentes activités de la commission doivent porter sur des questions de strict intérêt provincial et que les autres organismes et intervenants prévus par la loi devraient pouvoir exercer leurs responsabilités propres au niveau du territoire et de l'entreprise. Sans limiter ou réorienter fondamentalement les fonctions du comité de santé et de sécurité telles qu'elles apparaissent à l'article 63 du projet de loi, il nous semble important de faire en sorte que le comité soit fortement impliqué tant dans l'élaboration du programme de prévention dans son ensemble que dans le programme de santé. Les raisons qui nous conduisent à une telle conclusion sont de deux ordres. Il nous semble qu'une telle approche est susceptible, d'une part, de favoriser un climat d'échange et de compréhension des vues des trois parties intéressées et aussi, d'autre part, de contribuer à assurer ces liens absolument nécessaires entre les deux programmes. Dans cette perspective, il devrait être spécifié que le programme de prévention et que le programme de santé sont élaborés, le premier par l'employeur et l'autre par le département de santé communautaire du centre hospitalier en collaboration avec le comité et dans le cadre d'une consultation obligatoire réciproque tant de l'employeur que du centre hospitalier.

Cette responsabilité d'élaboration du programme de santé par le département de santé communautaire du centre hospitalier commanderait une révision des articles 93 et 95 de la section III. Il nous semble aussi important d'attirer l'attention sur une extension, souhaitable à notre avis, de la nature du programme de santé et de celle du programme de prévention. En premier lieu, nous

tenons à souligner qu'un programme de prévention doit être accompagné et associé, dirions-nous, à un programme de contrôle environnemental continu au sein de l'entreprise. Il apparaît clair dans le texte du projet de loi que la compétence technique en matière de programmes de santé est disponible au sein de l'entreprise et dans le comité par la voie du centre hospitalier et de son représentant, le médecin responsable. Cependant, le projet de loi n'assure pas la présence de l'autre élément technique que constitue la fonction d'hygiène industrielle ni au comité ni à l'employeur. L'hygiène industrielle est à la base de la surveillance environnementale constante des milieux de travail. A cet égard, nous estimons que les centres hospitaliers devraient avoir un mandat de rendre disponible cette compétence technique, laquelle s'additionnerait à sa compétence médicale.

Ce réservoir de compétences, localisé aux centres hospitaliers, aurait l'avantage de n'être pas lié aux intérêts ni des employeurs, ni des employés. Le mandat à être confié aux centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire en regard de la fonction d'hygiène industrielle a aussi le mérite d'être complémentaire et même de supporter le mandat qui leur est déjà confié en matière de programmes de santé.

Dans un même ordre d'idées, il nous semble tout aussi important d'associer étroitement, dans le cadre des programmes de santé, un programme de surveillance épidémiologique. Ce programme permettrait aussi de suivre collectivement l'évolution de l'état de santé des travailleurs d'une entreprise donnée, compte tenu des facteurs de risque affectant globalement cette population de travailleurs. Enfin, il nous apparaît plus juste d'identifier les deux programmes prévus dans le projet de loi de la façon suivante: le programme de santé devrait être qualifié de programme de surveillance médicale et épidémiologique; le programme de prévention devrait être qualifié de programme de surveillance environnementale et de prévention.

Afin de réaliser le mandat de surveillance médicale que lui confie le projet de loi 17 dans le cadre du programme de santé, il nous semble important que soient introduits certaines clarifications, certaines précisions et certains changements. En premier lieu, nous croyons que le projet de loi devrait préciser nommément que le rôle du centre hospitalier ayant un département de santé communautaire est de fournir à l'entreprise les services de santé découlant du programme de santé. Pour ce faire, il nous semble nécessaire que le personnel médical, paramédical et de support oeuvrant dans l'entreprise pour les fins du programme de santé soit sous l'autorité du centre hospitalier au sein de la structure de son département de santé communautaire.

Dans le cas du médecin responsable, celui-ci doit agir sous l'autorité du chef du département de santé communautaire dans le cadre du contrat de services qui le lie au centre hospitalier ayant un département de santé communautaire. Il doit être clairement indiqué que le médecin responsable doit être membre du Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier et agréé par ce dernier aux fins de la médecine du travail.

Il nous apparaît tout aussi nécessaire de demander que le médecin responsable soit choisi et nommé par le centre hospitalier en conformité avec les dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Nous croyons que l'article 252 du projet de loi 17 devrait être modifié de façon que le comité d'examen des titres du Conseil des médecins et dentistes d'un centre hospitalier ayant un département de santé communautaire consulte obligatoirement le chef du département de santé communautaire à l'occasion de l'étude des candidatures des médecins désirant oeuvrer dans le domaine de la médecine du travail. Une telle façon de procéder aurait l'avantage d'éliminer toute ambiguïté. Nous croyons cependant atteindre les objectifs mis de l'avant par le projet de loi en suggérant que le comité de santé et de sécurité puisse s'opposer à ce choix, à cette nomination et au maintien de cette nomination sur la seule base du comportement du médecin et de son observance des règlements. Une telle procédure de choix et de nomination du médecin responsable ne justifierait plus l'existence de l'article 89 du projet de loi.

Les modifications que nous avons proposées exigeraient, de plus, une reformulation complète des sections IV et V, nommément dans la perspective d'une fusion de ces deux sections sous le vocable de Rôle du CH-DSC et de son département de santé communautaire. Le personnel paramédical et de support, aux fins du programme de santé appliqué dans l'entreprise, devrait faire partie du personnel du département de santé communautaire du centre hospitalier.

Afin de réaliser son mandat de surveillance épidémiologique, le projet de loi 17 devrait confier au centre hospitalier la responsabilité de s'assurer de la concertation des autres établissements de santé et cabinets de médecins appelés à fournir d'autres services de santé aux travailleurs de l'entreprise. Il est en effet d'importance capitale que les informations découlant de la fourniture de tels services soient accessibles et disponibles au département de santé communautaire du centre hospitalier dans la perspective de la surveillance épidémiologique autant que pour la surveillance environnementale. Il nous apparaît, en conséquence, nécessaire que de tels services rendus aux travailleurs de l'entreprise ne puissent être fournis par des établissements au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou par des cabinets privés de médecins que si de tels établissements ou cabinets privés sont liés con-tractuellement avec le centre hospitalier ayant un département de santé communautaire.

L'article 86 du projet de loi devrait donc être révisé en ce sens.

De par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les centres hospitaliers doivent offrir à la population des services de santé d'une manière continue et de façon personnalisée,

compte tenu de leurs ressources propres. Bien que l'on reconnaisse le droit accordé à chaque travailleur dans un centre hospitalier à des conditions de travail adéquates et sécuritaires et, comme corollaire, la possibilité qu'il puisse refuser de travailler si son intégrité physique, sa santé ou sa sécurité sont menacées, nous estimons que la vocation propre des centres hospitaliers fait en sorte que le refus de travailler d'un employé ne doit pas porter préjudice à ou mettre en péril la vie, la santé ou la sécurité des malades.

A cet effet, nous recommandons qu'il soit prévu, à l'article 12, une condition supplémentaire à l'exercice du droit de refus d'un travailleur, à savoir que ce droit ne puisse être exercé s'il en résulte que la vie, la santé ou la sécurité d'un ou de plusieurs bénéficiaires puissent être compromises. Nous vous soulignons que cette disposition est incluse dans le projet de loi no 70 adopté par la Législature de l'Ontario en décembre 1978.

Compte tenu du rôle confié aux centres hospitaliers en matière de santé à la population, du rôle exercé par les 32 centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire, du rôle spécifique qui leur est donné par ce projet de loi, nos deux associations estiment indispensable que les centres hospitaliers du Québec, par leur association, participent au conseil d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il semblerait anormal que les centres hospitaliers du Québec, par la voie de leur représentant, soient absents d'un groupe qui vise un même objectif: la promotion de la santé publique et de la santé au travail. (14 h 45)

En conclusion, l'Association des hôpitaux de la province de Québec et l'Association des directeurs de départements de santé communautaire ont voulu sensibiliser, par ce mémoire conjoint, la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre à diverses questions.

En premier lieu, nous avons insisté tout particulièrement sur la nécessité que soient coordonnés, au niveau local, les programmes de surveillance environnementale et de prévention aux programmes de surveillance médicale et épidémiologique, ces programmes étant élargis par rapport aux dispositions actuelles du projet de loi.

Nous avons souligné, en conséquence, l'importance d'une approche décentralisée et consultative de la part de la Commission de la santé et de la sécurité au travail. De même, nous avons exprimé nos vues sur la nécessité d'une approche tout autant coordonnée au niveau provincial. Nous avons aussi exprimé le voeu que soient révisées en profondeur les sections III, IV et V du projet de loi no 17, afin que les responsabilités des divers intervenants soient clarifiées. En ce sens, nous avons élaboré les conditions nécessaires à la réalisation effective et à l'opérationnalisation du mandat de surveillance médicale et épidémiologique à être confié au département de santé communautaire du centre hospitalier.

Nous avons aussi recommandé que soit confié au centre hospitalier, ayant un département de santé communautaire, un mandat en matière d'hygiène industrielle.

Enfin, nous avons attiré l'attention sur une disposition particulière quant à l'application du droit de refus en milieu hospitalier et quant à la participation de l'Association des hôpitaux de la province de Québec au conseil d'administration de la commission.

L'ensemble de ces observations est d'ailleurs repris en annexe au présent document par la voie de recommandations générales et particulières.

L'Association des hôpitaux de la province de Québec et l'Association des directeurs de départements de santé communautaire expriment enfin le désir que cette loi puisse permettre, en fonction des responsabilités réciproques de ceux qu'elles représentent, une meilleure protection de la santé et de la sécurité publique.

Recommandations: L'Association des hôpitaux de la province de Québec et l'Association des directeurs de départements de santé communautaire recommandent:

Que soit établie une approche coordonnée des programmes de santé et des programmes de prévention, au niveau de chaque entreprise;

Que des mécanismes formels de consultation soient établis entre les divers intervenants et la Commission de la santé et de la sécurité du travail, notamment en ce qui touche à l'élaboration des normes relatives aux programmes de prévention et aux programmes-cadres de santé au travail;

Que les attributions de la commission en matière de détermination des contenus obligatoires des contrats de services entre les centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire et les médecins responsables, en matière d'élaboration des contrats types entre les centres hospitaliers et la commission et enfin, en matière d'allocation des budgets de financement aux centres hospitaliers soient exercées en fonction des structures formelles de consultation entre la commission, le ministère des Affaires sociales et les centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire, via leurs représentants;

Que le programme de prévention et le programme de santé soient élaborés, le premier par l'employeur et le second, par le département de santé communautaire du centre hospitalier, en collaboration avec le comité de santé et de sécurité et dans le cadre d'un programme de consultation obligatoire entre l'employeur et le centre hospitalier et qu'en conséquence soient révisés les articles 93 et 95 du projet de loi.

Que le mandat de développer et de rendre disponible aux divers intervenants des ressources spécialisées en hygiène industrielle soit confié aux centres hospitaliers par son département de santé communautaire.

Que les programmes de santé destinés aux travailleurs soient qualifiés de programmes de surveillance médicale et épidémiologique et que le programme de prévention devienne le programme de surveillance de l'environnement et de prévention.

Que le personnel médical, paramédical et de support oeuvrant dans chaque entreprise soit sous l'autorité du centre hospitalier ayant un département de santé communautaire au sein de la structure de son département de santé communautaire et de façon particulière, que le personnel paramédical et de support soit employé du centre hospitalier.

Que le médecin responsable des services de santé de l'entreprise soit membre du Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier et soit agréé aux fins de la médecine du travail. Qu'il exerce ses fonctions et agisse dans le cadre du département de santé communautaire. Qu'il soit, de plus, choisi et nommé à titre de médecin responsable dans une entreprise par le centre hospitalier et que le comité de santé et de sécurité puisse s'opposer à ce choix sur la seule base du comportement du médecin et de son observance des règlements.

Que le comité d'examen des titres du centre hospitalier consulte obligatoirement le chef du département de santé communautaire lors de l'étude des candidatures des médecins désirant oeuvrer dans le domaine de la médecine du travail et qu'une modification de concordance soit apportée à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Que les sections IV et V du chapitre VIII soient reformulées dans la perspective d'une fusion des deux sections sous l'appellation du "Rôle du centre hospitalier ayant un département de santé communautaire et de son département de santé communautaire".

Que le centre hospitalier ayant un département de santé communautaire ait la responsabilité de s'assurer de la concertation des autres établissements de santé et des cabinets de médecine de son territoire appelés à fournir des services aux travailleurs dans le cadre du projet de loi.

Que les autres établissements de santé et les cabinets de médecins, pour qu'ils puissent offrir des services dans le cadre du programme de santé de l'entreprise, soient liés contractuellement avec le centre hospitalier ayant un département de santé communautaire et qu'en conséquence, l'article 86 soit modifié.

Que compte tenu du rôle général confié aux centres hospitaliers en matière de services de santé à la population, du rôle exercé par les 32 centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire et du mandat spécifique qui leur est confié par ce projet de loi, ces derniers participent par la voix de l'Association des hôpitaux de la province de Québec au conseil d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

L'Association des hôpitaux de la province de Québec et les directeurs de départements de santé communautaire recommandent: Que la définition de la notion de maladie professionnelle, telle que prévue à l'article 1, ne se réfère pas à la Loi sur les accidents du travail, mais soit définie ultérieurement par la commission par voie réglementaire. Qu'un alinéa additionnel soit ajouté à l'article 1 du projet de loi, afin d'introduire la notion d'autres agents agresseurs, lequel compléterait les alinéas 19 et 21.

Que le certificat médical prévu à l'article 32 attestant des dangers physiques pour l'enfant à naître ou pour la femme enceinte soit rédigé obligatoirement par le médecin responsable de l'entreprise.

Qu'un rapport annuel soit transmis à la commission avec copie au centre hospitalier ayant un département de santé communautaire et au comité de la santé et de la sécurité sur l'implantation du programme de prévention dans chaque entreprise.

Que le droit de refus de travailler accordé à un travailleur, conformément à l'article 11, comporte une restriction afin que l'exercice de ce droit ne puisse compromettre la vie, la santé et la sécurité d'un ou de plusieurs bénéficiaires; que certains droits, conférés actuellement aux chefs de départements de santé communauraire à titre de médecins hygiénistes, soient maintenus par une disposition au sein du projet de loi. Ces derniers devraient, notamment, avoir droit d'accès aux entreprises, aux lieux de travail et à toute information essentielle à l'exercice des responsabilités confiées au centre hospitalier ayant un département de santé communautaire par cette loi.

Je vous remercie. Je demanderais au Dr Fortin de faire sa présentation.

M. Fortin (Jean-Paul): M. le Président, j'ai pensé important de préciser dès le départ ce qu'est la santé de groupe. D'abord, parce que c'est un élément qui est utilisé beaucoup et aussi parce qu'il est souvent galvaudé dans plusieurs milieux. La santé publique, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire tout simplement qu'il y a des éléments là-dedans qui sont interreliés, qui sont fondamentaux et qui représentent la fonction même de ce que font les départements de santé communautaire, entre autres. Il y a la dimension... Quel est le problème qui existe? Où sont les problèmes? Quels sont les causes et les facteurs qui amènent ces problèmes? Toute la question de la source dont on parle est un des éléments fondamentaux au niveau de la santé publique. A partir de là, on a une vision beaucoup plus globale des problèmes. Cela nous permet plus facilement d'établir des priorités. Ce n'est pas seulement une approche pour éteindre les feux, mais c'est aussi une approche pour être capable de planifier et de programmer.

Le deuxième élément est celui de la programmation justement. Qu'est-ce que de la programmation? C'est d'abord de savoir où on va, où on veut aller! et comment on veut se rendre là. Le troisième élément de la santé publique est aussi fondamental, c'est celui de la coordination. Il est extrêmement important que les différentes composantes d'un système soient coordonnées si on veut réussir à aller à l'endroit où on veut aller.

Associée à la coordination, il y a la dimension participation.

Participation: Pour nous autres, là-dedans est incluse la; dimension de la prise en charge par l'individu de ses problèmes et de ses responsabili-

tés. On croit qu'il est extrêmement important que les gens participent à la dimension santé. La dimension santé, ce n'est pas uniquement la responsabilité des médecins ou des gens de la santé, mais c'est aussi la responsabilité des gens qui sont impliqués par cela.

Le quatrième point est celui de l'évaluation, qui est un élément fondamental. Il est extrêmement important de savoir ce qu'on fait, ce que cela donne, si cela vaut quelque chose, si cela vaut la peine de continuer ou si on est mieux de changer. Ce sont quatre éléments qui sont fondamentaux. En arrière de ces quatre éléments, toute la toile de fond qui anime et qui motive les départements de santé communautaire et les agents de santé publique, c'est la dimension de la prévention, tout ce qu'on appelle éliminer à la source les problèmes

Un des points importants au niveau de la santé publique dans ce qu'on dit ici, c'est celui-ci: Au niveau des CH qui ont des départements de santé communautaire, cela représente un réseau. Un élément finalement sur lequel je voudrais insister, c'est la dimension dont on parle à l'occasion, celle de l'approche globale. C'est important qu'on précise tout de suite quelle est l'approche globale et pourquoi on a des recommandations telles celles qu'on a ici.

Au niveau de l'approche globale, il faut se souvenir qu'il y a deux éléments majeurs. Il y a la cause; il y a l'effet. La cause des maladies et la cause des problèmes dans les milieux de santé viennent du milieu même, de la dimension environnementale. Or, il est extrêmement important de connaître le milieu, d'avoir la dimension de surveillance environnementale dont on a déjà parlé.

L'autre élément, au niveau de la cause, quand on veut avoir une action, une approche globale, c'est: Qu'est-ce qu'on fait à ces niveaux, au niveau de la source même? Associé à ça, il y a la dimension de l'effet. L'effet, c'est: Qu'est-ce que ça fait sur la santé des gens? La connaissance de la santé, quand on parle de surveillance médicale, de surveillance épidémiologique, si on regarde l'effet des problèmes, et, à ce niveau-là, il y a différents types d'intervention qui sont possibles, qui sont nécessaires.

Mais, pour nous, ce qui est fondamental à travers tout ça, c'est qu'entre la cause et l'effet, il doit y avoir un lien extrêmement important et c'est là-dessus qu'est basée notre première recommandation. Où pourrait se faire ce lien? Pour travailler au niveau de l'effet, il faut avoir beaucoup d'information sur la cause, et la cause, si vous voulez bien travailler, si vous voulez savoir sur quelle cause travailler, c'est extrêmement important de savoir quel est son effet. C'est l'élément sur lequel on voudrait insister beaucoup et, pour ça, vous avez vu à travers les recommandations qu'il est important qu'on puisse avoir la possibilité de bien faire notre travail et, pour faire le travail comme il faut, ça nous prend des informations sur la surveillance environnementale et ça prend aussi la possibilité d'entrer dans les entreprises, d'avoir les informations dont on a besoin et de faire les études nécessaires. Dans le projet de loi, ce n'était pas évident pour tout le monde.

La question du pouvoir ou des droits au niveau des départements de santé communautaire, qui est la recommandation 18 est, à cet égard, extrêmement fondamentale si vous voulez que le travail soit bien fait.

M. Marois: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: Je voudrais tout d'abord remercier infiniment les porte-parole de l'Association des hôpitaux de la province de Québec et de l'Association des directeurs de départements de santé communautaire de leur mémoire.

Je pense qu'il s'agit là d'un mémoire qui est particulièrement intéressant à plusieurs égards. Bien sûr, étant donné le temps qui est mis à notre disposition, je n'aurai certainement pas le temps de souligner tous les aspects qui me semblent particulièrement intéressants, mais je voudrais signaler au moins deux éléments. D'une part, votre mémoire vient confirmer, selon votre point de vue, un des éléments clés de l'approche qui est proposée. Cela recoupe certaines des recommandations que vous formulez. D'autre part, le mémoire et certaines des recommandations et la discussion qu'on va pouvoir avoir maintenant, peut-être — c'est l'autre dimension aussi intéressante de votre mémoire — vont nous permettre de nous rendre à l'évidence qu'il peut y avoir certaines ambiguïtés dans le texte même du projet de loi et qu'il y a peut-être lieu d'y apporter des clarifications, des ajustements si ça devait s'imposer à la lumière des discussions qu'on va maintenant avoir.

Je voudrais m'arrêter à un certain nombre des recommandations. Je sais que certains de mes collègues veulent intervenir sur d'autres recommandations.

La première qui rejoint probablement le coeur, la clé du point de vue que vous faites valoir, tourne autour du concept de santé dans le domaine du travail et, au fond, vos recommandations 1 et 5 se recoupent ou se complètent dans ce sens-là. (15 heures)

D'une part, la première; vous voulez viser à assurer une meilleure coordination entre ce que vous appelez les programmes de prévention et les programmes de santé au niveau de chaque entreprise et, d'autre part, à la recommandation 5, vous nous suggérez comme principal mécanisme de coordination de confier au CH-DSC par les départements de santé communautaire le mandat de développer et de rendre disponibles aux divers intervenants les ressources spécialisées en hygiène industrielle.

Le projet de loi, dans sa formulation actuelle — et c'est un peu les premiers commentaires que je voudrais faire, j'aurais par la suite une série de questions si vous me permettez de les débouler en ligne et de vous laisser par la suite intervenir à la

fois sur les commentaires et les questions — en tout cas, il me semblait à première vue que le projet de loi dans sa formulation actuelle n'empêche pas les CH-DSC d'offrir les services que vous évoquez, notamment ce que vous évoquez à la recommandation 5, c'est-à-dire rendre disponibles aux divers intervenants des ressources spécialisées en hygiène industrielle. L'article 98 du projet de loi prévoit effectivement que le médecin responsable signale aux différents intervenants toute déficience — c'est le texte — dans les conditions de santé, de sécurité et de salubrité susceptibles de nécessiter une mesure de prévention.

On suppose donc, forcément, que le groupe en question, le CH-DSC, dispose de ressources qui lui permettent de connaître ces déficiences. De plus, il y a le paragraphe 3 de l'article 100 qui donne l'autorité au chef du DSC de fournir le personnel professionnel et technique requis pour la mise sur pied et le fonctionnement des programmes de santé. Le CH-DSC peut donc dans cette perspective fournir le personnel requis pour détecter les déficiences dans les conditions de salubrité des établissements. Peut-être que tout tient à une espèce d'ambiguïté autour de l'article 93. C'est vrai que l'article 93, tel qu'il est libellé, ne reproduit pas ce qui apparaissait dans le livre blanc à la page 240, c'est-à-dire ce que nous appelions la définition des éléments que doit comporter un programme de santé, mais je dois vous dire qu'à notre point de vue nous sommes fondamentalement d'accord avec vous, et en tout cas c'est la façon dont nous concevons le concept de santé dans le domaine qui nous concerne, dont on parle, et qui doit forcément inclure à la fois cette double dimension aussi bien de surveillance de l'environnement que de surveillance médicale. Les deux ne peuvent pas faire autrement, si on veut vraiment atteindre l'objectif qu'on se donne de s'attaquer aux causes, que d'être intimement liés l'un par rapport à l'autre.

Il est certain que si on détecte, par exemple, des problèmes de plomb dans le sang dans une entreprise, il y a forcément aussi à rechercher les causes si on veut encore là aller à la source, ce qui veut dire le problème du plomb comme tel dans rétablissement ou l'industrie concernée. Il y a donc un joint. Il est certain à notre point de vue qu'il y a un joint entre les deux. Peut-être que-Peut-être... Je formule une hypothèse. En tout cas, on va certainement le regarder de très près si les articles que j'ai mentionnés, à votre point de vue, peuvent maintenir cette ambiguïté et s'il y a lieu, peut-être y aurait-il lieu de revoir la formulation de l'article 93 pour s'assurer que le concept de santé tel qu'il est défini inclut bien l'ensemble de ces différentes dimensions qui se complètent. On est entièrement d'accord avec vous. En plus, il y a l'intérêt réel que suscite votre recommandation. Elle vient confirmer une approche qu'on propose dans le projet de loi qui est celle de rattacher aux réseaux publics les professionnels de la santé, et vous suggérez d'inclure nommément les hygiénistes industriels dans ce réseau. A ce point de vue, il y a là des choses qui m'apparaissent à la fois extrêmement importantes et en même temps extrêmement intéressantes.

Concernant la recommandation 5, il y a une question qui me vient à l'esprit. Je voudrais savoir si le mandat dans votre esprit, tel qu'il est libellé dans votre recommandation... Est-ce que le mandat que vpus voulez voir confier au CH-DSC par la recommandation 5, est-ce que cela signifie à votre point de vue que le CH-DSC et les services de santé au niveau des établissements doivent avoir une double fonction, c'est-à-dire de surveillance médicale et épidémiologique et de surveillance de l'environnement comme semble l'indiquer, en tout cas, le texte à la page 12 de votre mémoire?

Si votre réponse était oui à cette question, d'après vous, quel rôle seraient appelés à jouer les employeurs dans le domaine de l'hygiène industrielle, si, comme vous le dites à la page 12 toujours, le réservoir de compétences en hygiène industrielle — je pense que c'est à peu près votre texte — ne doit être lié aux intérêts ni des travailleurs, ni des employeurs? En d'autres termes, c'est l'idée de l'indépendance des intervenants professionnels. Troisièmement, toujours là-dessus, est-ce qu'il est absolument nécessaire que le réservoir de compétences en hygiène industrielle soit confié aux centres hospitaliers plutôt que, par exemple, à une direction régionale de la commission québécoise de la santé et de la sécurité au travail? C'est ma première série de questions.

Deuxièmement, sur votre recommandation 6, je me pose simplement la question: Telle qu'elle est formulée, est-ce qu'il ne semble pas y avoir une contradiction? Est-ce que cela ne semble pas contredire, tel que c'est formulé, l'approche selon laquelle la surveillance environnementale fait partie ou doit faire partie d'un programme de santé?

Concernant la recommandation 7, que le personnel médical et paramédical, de support et le reste soit sous l'autorité du CH-DSC et le reste, il me semble que c'est certainement l'intention de l'article 84 du projet de loi et de l'article 100, paragraphe 3. Je peux vous dire tout de suite que, si cela paraît nécessaire — et on va regarder votre recommandation à la loupe — cela sera précisé en conséquence. L'article 90 est peut-être un peu plus ambigu à ce sujet, mais je voulais tout de suite vous indiquer que je suis plus qu'ouvert pour regarder cela le cas échéant. Si les références aux articles 84 et 100, paragraphe 3, ne vous semblaient pas suffisamment claires, peut-être qu'il y a lieu de préciser et on va le regarder de très près.

Je voudrais, très rapidement, regarder les recommandations 14, 17 et 18, parce que c'est toujours pour l'essentiel relié au problème de fond que vous ' avez évoqué tout au long de votre mémoire. J'aimerais avoir des explications supplémentaires sur votre recommandation 14. Je ne suis pas certain de saisir nécessairement toute la portée de la recommandation et la question que je me pose est: Est-ce qu'il y a lieu vraiment d'apporter des modifications au texte pour atteindre les objectifs qui sont sous-jacents? Je n'ai pas d'objection du tout et je compte bien le faire, parce qu'on a regardé le texte très attentivement. J'ai

bien l'intention d'ailleurs de demander aux conseillers juridiques de regarder attentivement ces bouts de texte et cette recommandation, mais si vous aviez quelques commentaires ou explications supplémentaires, je l'apprécierais.

En ce qui concerne la recommandation 17 sur le droit de refus dans les hôpitaux, cela revient, si ma mémoire est bonne, dans d'autres mémoires d'ailleurs, où dans certains cas on nous propose de retenir l'approche ontarienne. Au fond, ce que vous nous proposez, pour un bout, vous en prenez un petit bout, c'est l'approche ontarienne qui procède par exclusion plutôt qu'une approche plus large, à première vue, balisée par une notion dans certains cas d'inhabituel, dans d'autres cas c'est d'imminent. Nous avons retenu l'approche qui exclut le cas d'habituel et inhérent à la fonction comme telle. Vous proposez plutôt l'approche ontarienne. Vous savez que, dans la loi de l'Ontario, on précise les établissements où cette limitation au droit de refus s'applique. Est-ce que vous proposez que ces précisions de votre point de vue quant à l'articulation du droit de refus soient apportées aussi dans la loi? Est-ce ce que vous proposez? Est-ce qu'il faudra également préciser les départements à l'intérieur des établissements, où la limitation en question s'appliquera? Quelle est votre opinion très précise là-dessus?

Je peux vous dire une chose tout de suite, un commentaire très rapide, en terminant, sur votre recommandation 18; elle me paraît plus que pertinente et soyez assurés qu'elle va être regardée avec beaucoup d'attention, parce que je suis plutôt — sans me figer définitivement — spontanément d'accord avec vous qu'il y a lieu d'ajuster quelque chose dans le sens de ce que vous évoquez.

Voilà, M. le Président, mes commentaires et questions. Je m'excuse de vous avoir déboulé ça.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez commenter ou répondre aux propos du ministre?

M. Pleau: Vous me permettrez de glisser à gauche ou à droite, suivant l'expert. Sur la question d'hygiène industriellle, c'est-à-dire le paragraphe 5 — on peut les prendre par recommandation, si ça vous va — je demanderais au Dr Cadieux ou au Dr Fortin de répondre à cette question.

M. Fortin: Au niveau de l'hygiène industrielle, il est important de réaliser au départ qu'il y a dans ses fonctions trois composantes fondamentales. La première, c'est une analyse descriptive de la situation, celle qui nous permet de savoir s'il y a un problème; la deuxième est de préciser en détail le problème, c'est ce qu'on appelle l'évaluation. La troisième, c'est la dimension de contrôle du problème à la source.

Il est extrêmement important, pour nous, de préciser que lorsqu'on demande d'être impliqués au niveau de la surveillance environnementale et d'avoir les outils pour le faire, on ne touche pas le volet de contrôle du problème à la source. Le contrôle comme tel, la mécanique ou l'ingénierie qui est impliqué là-dedans ou les propositions concrètes sur les améliorations au niveau de la machinerie, qui fait aussi, jusqu'à un certain point, partie du rôle d'hygiéniste industriel, cet aspect est relié davantage à la préoccupation de l'employeur que de la nôtre. C'est pour ça que je disais au début qu'il y a des liens extrêmement importants entre la cause et l'effet, mais il y a aussi, quand on parle de la surveillance environnementale, à dissocier les différentes fonctions de l'hygiéniste industriel. Il y a une partie de ces fonctions qui sont fondamentales et il y en a une autre partie qui est moins importante et c'est celle que je viens de vous décrire.

Dans notre 5ième recommandation, où on dit que les mandats de développer et de rendre disponibles aux divers intervenants, ce sont des ressources spécialisées. On n'a pas demandé à avoir le monopole ou le réservoir complet de tous les hygiénistes industriels. Je crois qu'il devrait y en avoir ailleurs aussi. Je sais que les inspecteurs vont probablement avoir besoin d'hygiénistes industriels pour travailler. Ce n'est pas une demande de monopole de la profession d'hygiène industrielle ou de gens qui travaillent dans le domaine de l'hygiène industrielle, mais c'est la possibilité et le besoin d'avoir une bonne partie de cette expertise.

Maintenant, la dimension régionale dont vous avez parlé à ce moment-là, dans notre esprit, il est absolument important de garder cette dimension et elle peut se faire de différentes façons. Quand on en a discuté, on voyait très facilement qu'un DSC ou qu'un CH-DSC puisse avoir un hygiéniste industriel et que l'expertise de ce personnage puisse être utilisée par un autre DSC qui lui est voisin, qui a le même type de problèmes et à ce moment-là, il y aurait, en pratique, un pool de réservoirs d'expertises en hygiène industrielle qui serait utilisable sur une base régionale.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires à ajouter?

M. Marois: Si je comprends bien là-dessus, parce que c'étaient mes premières questions sur un certain nombre de vos recommandations, les textes... — quoiqu'on y reviendra tantôt en examinant d'autres recommandations — mais le concept santé, tel qu'il ressort de la formulation du texte actuellement, si je comprends, ça ne vous paraît pas, tel que vous lisez le texte présentement, inclure cette dimension...

M. Fortin: Dans le projet de loi...

M. Marois:... de la surveillance environnementale.

M. Fortin: Au niveau du projet de loi...

M. Marois: Alors que dans notre esprit, c'est très clair que le concept santé doit inclure cette dimension et qu'en conséquence, les ressources re-

quises, notamment les ressources en hygiène industrielle doivent être mises à la disposition de ceux qui en auront besoin.

M. Fortin: Dans le projet de loi, pour nous, ce n'était pas évident, d'autant plus que dans tous les projets de loi précédents, il y avait justement la définition d'un programme de santé et cela a été enlevé. A partir du moment où cela a été enlevé, on a peut-être été biaisé dans notre interprétation, on s'est dit, pourquoi est-ce qu'ils l'ont enlevé? Cet élément était là il a été enlevé, donc, est-ce que ce qui en découle est enlevé aussi? (15 h 15)

C'est pour ça que l'article 93, pour nous, n'était nettement pas évident. S'il l'était ailleurs, il ne l'est pas maintenant.

M. Marois: C'est noté.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il d'autres commentaires que vous voulez ajouter?

M. Pleau: A la recommandation 7, encore là c'est peut-être encore un peu la même réponse. Pour nous, il ne nous a pas semblé évident, dans le projet de loi, qu'il y ait un lien formel entre le département de santé communautaire et ceux qui s'occupent de la santé au niveau des entreprises. On l'a mis là peut-être également avec l'idée de dire que le département de santé communautaire est peut-être finalement un élément relativement neutre par rapport à tout ce qui pourrait se produire dans le système. Ce serait peut-être une façon de permettre de régler les problèmes de santé en clarifiant la recommandation no 7. En tout cas, nous, elle ne nous est pas apparue évidente; si c'est évident, si c'est comme ça, c'est sûr qu'on se retrouve dans un contexte complètement différent.

Il faut quand même dire que, quand on parle de départements de santé communautaire, on parle d'un élément qui s'inscrit dans tout le réseau de la santé. Or, il y a divers intervenants qui, actuellement, pour toutes sortes de raisons, ne se trouvent pas nécessairement dans tout le territoire. Présentement, il y a des départements de santé communautaire qui en sont à l'élaboration de programmes, à la surveillance, mais ils sont aussi dans l'action. Je pense bien que, dès qu'il y aura des intervenants à d'autres niveaux, le département de santé communautaire aura assez à faire et sortira de l'exécution. Mais, pour un premier temps, dans des secteurs où ça n'existe pas, où il n'y a pas d'intervenants, je pense que le département de santé communautaire serait un organisme privilégié, partout, dans toute entreprise qui comprend plus de dix travailleurs, un agent important qui permettrait que la machine se mette en marche et donne une expertise importante sur tout ce qui s'appelle promotion de la santé et surtout sur la question de la prévention.

Là, on recoupe aussi notre préoccupation qu'on a au no 5, parce que c'est sûr qu'il faut examiner l'éventail qu'on a des entreprises, mais ce n'est pas tout le monde qui peut se doter d'un équipement ou d'experts et, là, la santé communautaire, comme elle le fait actuellement dans d'autres secteurs, et elle le fait, je pense, avec un certain succès... On peut parler de périnatalité, on peut parler de tout ce qui touche la maternité. Je pense qu'il s'est fait des choses importantes et elles se sont faites grâce au département de santé communautaire.

Or, dans ce projet de loi no 17, on pense que le département de santé communautaire... S'il y a des liens suffisamment formels entre ceux qui ont à s'occuper de la santé des gens, je pense que ce serait important que ce soit clair dans le texte de loi. On a mis le no 7, mais on ne veut pas que le no 7 y soit pour le restant de nos jours. C'est peut-être une mesure transitoire que, finalement, on souhaiterait là.

Le Président (M. Marcoux): Dr Fortin.

M. Fortin: En fait, la chose fondamentale, c'est le besoin de trouver un mécanisme de coordination; ça, c'est une modalité qui pourrait le permettre. Maintenant, il faut garder une certaine souplesse selon les contextes et les milieux dans lesquels ça devra se faire, mais la dimension coordination devra être à la base de toute modalité de fonctionnement; c'est ça qui est important.

M. Marois: Sur les questions que je formulais, particulièrement sur la recommandation no 14 et la recommandation no 17, avez-vous des réponses aux questions posées.

M. Pleau: Pour la question no 14, je vais laisser ça aux experts.

M. Fortin: La question no 14 était surtout reliée à la définition actuelle au niveau de la Commission des accidents du travail, une définition de maladie professionnelle qui dépend beaucoup — c'est dû au contexte qui est un contexte de réparation — de ce besoin de préciser au maximum la relation de cause à effet, entre un problème et une personne à compenser.

Pour nous, dans une approche de prévention, l'approche globale et l'approche épidémiologique, il est important de pouvoir considérer, comme problème de santé, les particularités qui n'ont peut-être pas nécessairement été acceptées par tous les spécialistes de tous les secteurs pour un problème donné.

Il y a des choses qui sont évidentes. On peut parler d'un problème bien pratique. La cigarette, par exemple, M. Marois, à partir d'une foule d'études épidémiologiques, a été démontrée comme étant un problème particulier qui crée beaucoup de problèmes et qui est un gros risque pour la santé. Maintenant, je ne peux pas vous dire à vous en tant qu'Individu: Vous allez avoir ce problème à tel âge. Mais on sait que le problème existe et on sait qu'il doit y avoir une action en ce sens et c'est l'optique de la prévention et de la santé publique. Ici, on voudrait que la dimension maladie profes-

sionnelle puisse être orientée un peu de cette façon, autrement, vous ne pourrez jamais poursuivre quelqu'un ou en tout cas, il sera extrêmement difficile — un député, ce matin, l'a soulevé — de considérer dans le domaine de la prévention des définitions qui sont uniquement reliées à des relations extrêmement claires et nettes de cause à effet entre ce problème et ce qui est arrivé. La surdité peut être un exemple. La surdité existe. On sait que quand il y a beaucoup de bruit, cela cause des problèmes. Mais le gars qui va à la discothèque tous les jeudis ou tous les mercredis en soirée, que ferez-vous avec cela? Est-ce qu'on va pouvoir s'en sortir?

M. Marois: Vous conviendrez que dans le cas du bruit en milieu industriel et dans la fréquentation des discothèques le samedi soir, le dimanche soir y inclus le vendredi soir, mais quand pour les cinq autres journées on vit dans une entreprise qui ne respecte pas la norme de 90 décibels, il y a certaines chances qu'après un certain nombre de périodes d'exposition...

M. Fortin: J'ai pris un problème facile, mais la définition de la maladie, je crois, doit tenir compte non pas uniquement du volet, du lien qu'il y a entre cela et la réparation si on veut avoir des actions dans le milieu.

M. Pleau: Cela semble être un peu hors contexte par rapport à notre introduction qui disait que notre intervention serait strictement la promotion de la santé publique. On l'a mis là, parce qu'il nous apparaissait en fait important qu'on souligne quand même au législateur que le milieu hospitalier tel qu'il est conçu présentement présente quand même sur certains aspects certains dangers. C'est bien clair que quelqu'un qui travaille dans un hôpital pour malades contagieux, il y en a encore, c'est un risque inhérent à la fonction. C'était strictement pour soulever cela. Il est possible que par règlement, comme vous l'avez dit, cela pourrait être simplement ajusté et il faut le considérer comme nous l'avons fait, une recommandation comme étant un peu hors contexte par rapport à l'ensemble de notre document.

M. Marois: Je ne veux pas allonger la discussion, parce que je sais qu'on va revenir là-dessus en cours de route. Je ne voudrais pas abuser non plus du temps, je sais que les autres membres de la commission veulent vous poser des questions. C'est vrai que l'approche ontarienne a procédé par exclusions. Ce que vous nous proposez dans le cas des hôpitaux. Encore là, ce n'est pas sans poser d'autres sous-questions que je vous ai évoquées et auxquelles, comme vous vous en rendez compte, ce n'est pas facile de répondre, parce que j'attends toujours les réponses.

Il n'en reste pas moins que même dans les cas où on exclut, selon l'approche, par exemple, ontarienne, j'exclus les policiers, les pompiers et toute une série de groupes, la jurisprudence au Québec est formelle sur le fait que même dans les cas d'exclusion, même par une loi, cela n'enlèvera jamais aux hommes et aux femmes qui travaillent le droit de refus, c'est-à-dire, ce droit de refus qui est du domaine du droit naturel. Il y a le célèbre jugement rendu dans le Nord-Ouest au cours des années soixante où le juge disait textuellement, si ma mémoire est bonne, je le cite de mémoire: II n'y a aucune loi au monde qui ne pourra... et le reste.

Même si la convention collective ne le reconnaissait pas, même si à l'époque il n'y avait aucune espèce même de commencement de bout de loi ou de bout de règlement qui commençait à ouvrir cette perspective du droit de refus, le tribunal en était venu à la conclusion que le travailleur en question avait été fondé d'exercer ce droit dans la mesure où c'était du domaine du droit strictement naturel de l'humain. Le problème n'est pas simple, mais j'avoue que cela mérite d'être regardé.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez d'autres commentaires? M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, il est déjà 15 h 25. D'abord, je voudrais remercier les représentants de l'Association des hôpitaux et les représentants de l'Association des directeurs de départements de santé communautaire de leur apport, aujourd'hui, à la commission. Vous avez mis en relief un élément important de la discussion.

Ce que vous avez exposé dans votre mémoire et les questions-réponses que vous avez échangées avec le ministre, c'est l'élément d'une meilleure coordination entre les programmes de santé et les programmes de prévention comme tels, chose qu'on a eu l'occasion de mettre en relief, nous aussi, ce matin. Les réserves que vous exprimiez dans votre mémoire, nous les avons formulées ce matin au ministre. Je ne suis pas convaincu, quant à moi, que l'interprétation que donne le ministre à l'article 93 peut répondre à l'inquiétude que nous avons soulevée.

Il nous apparaît, quant à nous, que le département de santé communautaire aura évidemment une large part du gâteau dans l'application des programmes de santé comme tels. Par contre, pour ce qui est de la prévention, à la suite des questions-réponses que vous avez eues avec le ministe, vous nous dites que, somme toute, les hygiénistes industriels pourraient être sous la juridiction des départements de santé communautaire. Vous demandez une part additionnelle du gâteau. Il m'apparaît que c'est tout à fait légitime. Je pense qu'on veut davantage de pouvoirs, on veut davantage intervenir dans des secteurs où des pouvoirs nous sont conférés. Vous dites jusqu'à une certaine limite. C'est cela que je voudrais que vous repreniez et, si possible, en donnant même un exemple.

Vous dites: Sous l'aspect de l'hygiène industrielle, il faudra, à l'occasion, avoir des services de génie. Il faudra peut-être, à l'occasion, avoir une expertise chimique ou mécanique ou autre. A ce

moment, il y a quand même plusieurs éléments qui interviennent. Il y a le DSC lui-même, sa juridiction. Quelle est la limite de cette juridiction? Il y a la place de l'employeur ou encore d'associations d'employeurs, d'associations sectorielles avec l'expertise qu'elles peuvent fournir face à un problème donné ou à un problème X dans tel type d'entreprises. J'aimerais, si c'était possible, que vous repreniez un peu cet élément pour qu'on puisse, somme toute, voir quelle est la démarcation souhaitable dans les circonstances pour qu'on puisse l'éclaircir, parce que c'est un des problèmes de fond et c'est un des problèmes que plusieurs organismes qui auront à se faire entendre ici reprennent, c'est-à-dire la démarcation qui est difficile à saisir entre ces deux aspects.

Le ministre nous répond que l'article 93 tel que libellé, dans l'esprit du gouvernement, dans l'esprit du législateur, de la majorité qui a rédigé le projet de loi, couvre cela. Si on reprend ensemble l'article 93; "le médecin responsable doit élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, un programme de santé spécifique à l'établissement et voir à sa mise en application." Je pense que c'est tout à fait justifié. C'est, entre autres, ce que nous, de l'Opposition officielle, avons demandé, que le programme de santé soit ramené sur une base davantage spécifique à l'entreprise ou à certaines catégories d'entreprises, plutôt que d'adopter des normes minimales et de se limiter à cela. Le gouvernement nous répond que cela couvre l'aspect de la prévention et tout ce que cela peut impliquer. Nous n'en sommes pas convaincus parce que à l'article 93 — ce qui saute aux yeux — on fait référence immédiatement à un médecin et, dans l'argument que vous invoquiez tout à l'heure, vous faisiez allusion, à juste titre, à des spécialistes qui ne sont pas nécessairement des médecins. Est-ce que ce serait possible de préciser cela quitte à donner un exemple bien spécifique que vous pouvez trouver dans une entreprise?

M. Fortin: Je ne sais pas si je dois répéter ce que j'ai dit tantôt ou bien essayer de le redire d'une façon différente. Les programmes de santé, c'est la définition de "prévention" à laquelle il faut faire attention. Ce qu'on dit chez nous de la prévention, pour ce qui est du programme de santé, c'est le besoin de connaissances, entre autres, sur le volet environnemental. Pour faire les programmes de santé, pour faire notre action dans le domaine de la prévention, il est extrêmement important de connaître quels sont les problèmes d'un milieu. Les problèmes d'un milieu, ce sont les problèmes d'environnement essentiellement. On a besoin de cette information. Cette information peut être utile à d'autres aussi, à ceux qui ont à intervenir directement dans la réparation ou l'amélioration du milieu de travail comme tel, qui vont avoir la responsabilité de faire cette réparation, cette amélioration du milieu. La connaissance que pourrait apporter un expert comme l'hygiéniste industriel peut être utile à différents partenaires. (15 h 30)

On dit: Pour pouvoir établir le lien essentiel entre la cause et l'effet, ça nous prend cette expertise et ça nous la prend de façon tellement marquée qu'on doit travailler ensemble. C'est dans cet ordre qu'on demande qu'il y ait chez nous la possibilité d'avoir ce type d'expertise. Ce n'est pas une demande de monopole. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres qui en ont besoin et qu'il n'y en a pas d'autres qui vont pouvoir l'utiliser ou qui devraient l'avoir. Je pense qu'il y en a d'autres aussi qui devraient avoir cette expertise.

M. Pagé: D'accord. J'en conviens. C'est absolument nécessaire si on veut vraiment avoir une solution de cause à effet face à un problème donné. Mais cet hygiéniste industriel, ce spécialiste qui sera en mesure de contribuer avec le département de santé communautaire, le comité paritaire local et tout pour dire: Ecoutez, le problème, c'est un problème X, il sera sous la juridiction de qui? De l'employeur?

M. Fortin: L'hygiéniste industriel? En tout cas, pour nos fonctions à nous, je pense qu'il est important qu'il soit sous notre juridiction.

M. Pagé: Sous votre juridiction.

M. Fortin: C'est possible maintenant qu'il y ait, cela dépend des besoins, dans des secteurs plus éloignés ou selon les besoins... La dimension de régionalisation est une dimension importante. Est-ce qu'on peut avoir un contexte régional qui fournisse ces gens? Nous, on croit que le domaine de la régionalisation est extrêmement important et on croit pouvoir l'offrir en ayant cet expert chez nous, en ayant la dimension régionale et son utilité qui pouvait être pratiquée au niveau des différents départements de santé communautaire dans la région.

Si vous demandez: Est-ce que c'est possible, est-ce que c'est imaginable que, dans certaines circonstances, vous soyez capables de travailler avec un hygiéniste industriel qui ferait partie d'une organisation régionale? On est obligé de vous dire oui, il y a moyen de le faire.

Si vous me demandez: Quelle est la meilleure solution pour vous? Je vais vous dire: Je pense que c'est tellement important, cette relation, on va devoir travailler tellement proche que j'aimerais mieux, dans le fond, qu'il soit dans le bureau à côté.

M. Pagé: D'accord. Les départements de santé communautaire ont joué un rôle qui est très utile et je tiens à vous rendre hommage ici. Depuis plusieurs années, vous avez contribué à améliorer la santé publique dans plusieurs régions du Québec. Vous avez pris connaissance du projet de loi. Vous êtes à même de saisir toutes les implications que ça peut comporter en termes de responsabilités chez vous. Cela pourrait prendre combien de temps à se concrétiser, tout ça? On se rappellera que vous avez quand même eu une expérience avec l'intégration, chez vous, des unités sanitaires,

qui jouaient un rôle peut-être modeste, mais quand même leur rôle dans les entreprises et tout ça. A la lumière de cette expérience, pouvez-vous évaluer le temps qu'il faudra pour vraiment être en mesure d'offrir un service adéquat, compte tenu des obligations auxquelles vous serez astreints par le projet de loi no 17, s'il est adopté tel quel? Et on peut présumer qu'il sera adopté avant les Fêtes.

M. Fortin: Evidemment, votre question est conditionnelle à ce que la commission ou le projet de loi va nous demander de faire.

Ce qu'on peut vous dire, c'est qu'actuellement les départements de santé communautaire sont tous engagés dans la voie de la santé au travail. Ils ont tous du monde qui travaille là-dedans. Il y a déjà des démarches qui sont faites pour mieux connaître les entreprises, le type de problèmes auxquels on a à faire face là-dedans. Il y a déjà des démarches de faites. Il y a aussi déjà des démarches de faites au niveau de certains problèmes spécifiques d'entreprises. C'est un processus qui est engendré, qui est déjà commencé, qui est en cours et qui est d'autant plus facilité pour nous que ça entre carrément dans l'approche qu'on utilise pour tous les autres programmes qu'on fait depuis cinq ans. La réponse va dépendre des questions spécifiques que vous pourriez me poser. Quand allez-vous réussir à établir la problématique de Dominion Textile? Cela, c'est un problème pratique.

Si vous voulez savoir quand on sera prêt à commencer et quand on sera prêt à faire notre travail, je peux vous dire qu'on l'a déjà commencé; c'est en marche et on n'a qu'à le continuer et à l'intensifier.

M. Pagé: Concernant la recommandation 17, bien spécifique, qui est un peu hors contexte, mais sur laquelle vous avez insisté, je dois reprendre essentiellement... Je m'étais préparé pour reprendre ce dont vous a fait part, en fait, le ministre. Il m'apparaît, moi, que c'est un droit qui est tellement fondamental qu'on ne peut, par une loi comme celle qu'on va adopter éventuellement, en arriver à la conclusion à laquelle vous arrivez — la recommandation 17 — à savoir que le droit de refus de travailler accordé à un travailleur, conformément à l'article 11, comporte une restriction afin que l'exercice de ce droit ne puisse compromettre la vie, la santé ou la sécurité d'un ou de plusieurs bénéficiaires.

De notre côté, on a la même opinion là-dessus que le ministre et, pour une fois, on s'entend, au moins, pour ça. C'est un droit qui est tellement...

M. Marois: II y a toujours ça de pris.

M. Pagé: II y a toujours ça de pris. C'est un droit tellement fondamental. C'est un réflexe tout à fait naturel. Je ne pense pas que le législateur, même s'il était unanime sur une question pourrait intervenir et ce ne serait, somme toute, pas concluant de légiférer, en tout cas, tout au moins avec ce libellé avec les restrictions que cela peut impliquer.

C'était là l'essentiel des questions que j'avais à vous poser. Plusieurs des commentaires qu'on voulait formuler ont été repris par le ministre. Messieurs je vous remercie beaucoup de la teneur de votre mémoire. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Je me limiterai simplement à une brève question compte tenu des éléments de discussion qui ont déjà eu cours. A la page 12 de votre mémoire, vous dites ceci: "Dans un même ordre d'idées, il nous semble tout 3ussi important d'associer étroitement dans le cadre des programmes de santé un programme de surveillance épidémiologique. Ce programme permettrait aussi de suivre collectivement l'évolution de l'état de santé des travailleurs d'une entreprise donnée, compte tenu des facteurs de risques affectant globalement cette population de travailleurs." Cela rejoint un peu les préoccupations qui ont été mentionnées. J'aimerais savoir de quelle façon, sur le plan opérationnel, cette approche peut s'effectuer de la part de vos organismes? Cela implique-t-il au point de départ l'intrusion dans le domaine de l'analyse de tâches, des situations de toutes les entreprises dans une région donnée localement? Est-ce dans ce sens-là que vous voyez une approche globale et complète de l'ensemble des entreprises oeuvrant sur votre territoire?

M. Pleau: Les départements de santé communautaire — il faut bien les situer — c'est une bibite assez particulière au Québec. Cela couvre un territoire très précis. C'est très délimité au point de vue géographique. C'est une première remarque qui est bien importante. L'obligation qu'ont les départements de connaître leur territoire et leur population à partir de l'enfant comme de l'adulte, de la personne âgée, des travailleurs, des usines, ce travail s'est fait dans la plupart des départements qui sont à l'action, quand même, depuis cinq ou six ans. Ils ont déjà une bonne collecte de données sur le plan départemental. On n'avait pas d'action, tel que prévu dans le projet de loi no 17 sauf exception, mais il y a dans la région qu'on connaît le mieux, celle de Québec, un travail d'analyse de ce qui existe dans notre territoire, dans le territoire d'un département, celui de l'Enfant-Jésus où le Dr Fortin oeuvre ou celui où j'oeuvre, Saint-Sacrement, c'est déjà connu. Je peux vous dire quelles sont les entreprises, quel genre d'entreprises, combien de personnes là-dedans et quels sont même un certain nombre de facteurs de risques dans la ville de Québec actuellement. C'est déjà connu sauf que quand on s'occupe de cela, il y a un élément bien important à mon point de vue et c'est celui qui est prévu dans la location des ressources. Il est bien clair qu'il faut y aller à la petite cuillère parce qu'on travaille sur des populations qui varient habituellement entre 150 000 et 200 000

personnes sauf deux ou trois départements qui sont un peu plus petits, mais les populations urbaines — je parle même de la région de Montréal — dépassent, atteignent dans certains cas 300 000 personnes. La connaissance de la population et des entreprises qui y oeuvrent est extrêmement importante. C'est de la plus haute importance. Je dirais que dans beaucoup de départements de santé communautaire, ce travail de collecte de données, de connaissance du milieu, est déjà fait.

M. Brochu: ... pratique, efficacité à court terme, seriez-vous prêt à fonctionner beaucoup plus rapidement et beaucoup plus efficacement qu'un organisme qu'on devrait créer régionalement ou qu'on devrait alimenter d'une façon nouvelle dans d'autres responsabilités, advenant le cas où on décide de confier cela à d'autres organismes régionaux, par exemple? C'est ce qu'on doit comprendre de vos propos, à condition évidemment — vous parlez des budgets — de prolonger...

M. Pleau: De par la nature des choses, on est un organisme à dimension régionale ou sous-régionale, mais régionale quand même d'une façon importante, au moins sous-régionale. On est un organisme à dimension sous-régionale actuellement.

M. Brochu: D'accord. Merci.

Le Président (M. Marcoux): J'ai dans l'ordre le ministre des Affaires sociales, Mme le député de L'Acadie et j'aperçois le député de Pointe-Claire qui désirerait poser une question. Comme il n'est pas membre de la commission, je demanderais s'il y a consentement pour que le député de Pointe-Claire puisse faire partie de nos travaux.

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Marcoux): Oui? Alors, M. le ministre des Affaires sociales.

Une Voix: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette...

M. Lazure: M. le Président, je veux...

Le Président (M. Marcoux):... soyez prudent. J'aurai à faire la même intervention tantôt parce que vous n'êtes pas membre de la commission.

M. Lazure: Et en plus, il n'est pas sage.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez été remplacé parce qu'on nous avait informés que vous étiez dans un état lamentable.

M. Lazure: Que la fin de semaine n'était pas finie.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez eu des problèmes de sécurité au travail et...

M. Chevrette: Non, non. C'était une sécurité routière.

Le Président (M. Marcoux): C'est cela. C'était la sécurité au travail, je présume. Tantôt, on fera la même opération, si vous le voulez bien.

M. Chevrette: C'est démodé, l'histoire du gars qui a un accrochage et qui ne se rend pas au travail.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que votre dossier va être divulgué?

M. Chevrette: Cela existait il y a quelques années; on s'est départi de cela le 6 novembre.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je vais, moi aussi, remercier et féliciter l'Association des hôpitaux et le groupe des directeurs de département de santé communautaire pour la qualité de leur mémoire.

J'ai quelques questions assorties de quelques commentaires. D'abord, un commentaire pour faire suite aux remarques qui ont été échangées tantôt. La préparation du département de santé communautaire à la mise en application de la future loi est commencée depuis quelques années, de façon modeste, de façon quand même progressive et, comme le Dr Fortin le disait tantôt, il y a, dans chaque département de santé communautaire, quelques personnes qui ont pour tâche de s'occuper exclusivement de santé et de sécurité au travail. Nous avons bien l'intention, au ministère des Affaires sociales, de continuer indépendamment de la contribution et du concours de la future commission. Pour nous, cela fait partie — au même titre que la santé des écoliers — des obligations de notre ministère vis-à-vis de la santé du public.

Je vais m'arrêter à ce qui constitue peut-être le fondement de votre intervention, le souhait que vous formulez de voir une meilleure coordination entre les programmes de santé et les programmes de prévention. Je ne peux qu'endosser les commentaires de mon collègue. Il est bien évident qu'à l'article 93, quand on parle d'un programme de santé spécifique à l'établissement, cela inclut tous les aspects de prévention, et peut-être y aurait-il avantage que ce soit précisé. On ne peut pas concevoir un' programme de santé, en milieu de travail, efficace pour les travailleurs sans tenir compte du milieu. Si je me reporte à mes souvenirs psychiatriques — ma collègue de L'Acadie va aussi se reporter à ses souvenirs — on parlait de thérapie par le milieu — l'expression anglaise, le "milieu therapy" - et je pense qu'il serait illusoire de prétendre améliorer la santé des travailleurs sans exercer une action énergique sur le milieu de tra-

vail. Dans ce sens, on partage entièrement vos suggestions, on les endosse.

Je voudrais, de façon plus précise, avoir vos réactions sur une technique qui existe dans certains pays européens, en France notamment, par laquelle on demande aux médecins du travail de passer un pourcentage de son temps sur le lieu de travail, dans le milieu; en France, je pense que cela va jusqu'au tiers du temps. Le médecin qui travaille à temps complet dans une entreprise doit passer jusqu'au tiers de son temps, non pas à examiner des travailleurs, mais à examiner le milieu, et cela existe dans plusieurs pays.

Je me demande si vous aviez en tête, par exemple, ce genre de techniques qui peuvent être utiles pour bien marquer l'importance que le législateur ou le médecin du travail accorderait à l'influence du milieu.

Une deuxième question en rapport avec cela, à la recommandation 12, vous proposez que les autres établissements de santé et les cabinets de médecin, pour qu'ils puissent offrir des services dans le cadre du programme de santé de l'entreprise, soient liés contractuellement avec le DSC, etc. Est-ce qu'on doit comprendre, à ce moment-là, que les médecins en cabinet, ou le médecin de famille si vous voulez, serait non seulement appelé à exercer une action clinique auprès du travailleur, de la travailleuse pour un examen en cours d'emploi ou un examen préembauche, mais que ce médecin ou ce cabinet de médecin aurait aussi à jouer le deuxième rôle dont on parlait tantôt, c'est-à-dire la surveillance de l'environnement, du milieu?

Si c'était cela, j'y verrais certains inconvénients. Je pense qu'il serait plutôt souhaitable que le cabinet de médecin puisse intervenir, par voie de contrat, avec le département de santé communautaire, mais dans une action qui serait située plus au niveau clinique qu'au niveau du milieu de l'environnement.

Finalement, ma troisième remarque touche la recommandation no 14 où vous souhaitez qu'on introduise la notion d'autres agents agresseurs. Là aussi, je me réfère à certaines autres lois où on parle nommément d'agents agresseurs à composantes psychosociales, composantes psychologiques, composantes sociales. Encore une fois, bien entendu, dans l'esprit de tous ceux qui ont travaillé à ce projet de loi, il est bien sûr qu'i ne s'agit pas seulement d'agents agresseurs physiques, matériels, mais qu'il puisse s'agir aussi d'agents agresseurs psychologiques ou sociaux ou environnementaux, si vous voulez.

Je serais curieux de voir ce que vous aviez en tête lorsque vous nous suggériez d'ajouter d'autres agents agresseurs.

M. Pleau: A la première question du médecin en milieu de travail, je pense qu'on peut répondre oui; il reste que vous êtes certainement plus au courant que nous. En fait, qu'il y ait un lien direct entre le médecin et le milieu de travail, dans le cadre d'un projet de loi comme celui-là, c'est bien clair, cela nous paraît assez évident. Ce que vous avez en tête, je vous retourne la balle, il est possible que cela fasse l'objet de négociations avec les divers groupes au cours des prochains mois, parce que c'est faire fonctionner quand même un médecin d'une façon différente; alors, cela peut faire l'objet de discussions ou de négociations.

Mais, sur le plan strictement de l'application de la loi, il semble assez évident que le médecin et le milieu de travail doivent être assez étroitement reliés. Peut-être que le Dr Fortin ou le Dr Cadieux aurait un commentaire à ajouter là-dessus.

M. Fortin: Je pense qu'il est important, à ce niveau-ci, de réaliser qu'il y a différents niveaux d'intervention. Le médecin responsable, c'est une entité et, dans la loi, on parle d'autres médecins que le médecin responsable. Pour ce qui est du médecin responsable, c'est fondamental qu'il connaisse le milieu de travail, qu'il vive dans le milieu de travail jusqu'à un certain point et qu'il sache exactement ce que c'est. Quand vous dites que, dans certains pays européens, les médecins vont visiter les entreprises régulièrement, pour ces médecins, c'est fondamental qu'ils le fassent. Ils doivent connaître le milieu, les conditions de travail, quelle est exactement la problématique, et les gens qui sont là-dedans, qu'est-ce qu'ils vivent? Il n'y a pas seulement la théorie, il y a l'élément pratique qui est extrêmement important.

On dit cela du médecin responsable. Pour ce qui est des autres médecins dont on parle, je pense qu'à ce moment-là il y a quand même des possibilités, selon les types d'intervention possibles. Plus le médecin va être impliqué dans le domaine d'une entreprise ou plus la problématique de son patient va être complexe, plus il devrait être impliqué au niveau de l'entreprise. Si c'est un médecin qui a comme patient, je ne sais pas quel genre d'exemple je pourrais donner, mais quelqu'un qui vit dans un milieu qui est relativement sain, un milieu très simple, une petite entreprise privée, il n'y a à peu près pas de problème, à ce moment-là; exiger qu'il aille visiter une fois par semaine l'entreprise du gars, c'est peut-être aller un peu loin.

Il y a une certaine souplesse à garder, mais il est important de conserver dans l'idée que plus tu es impliqué en fonction du milieu de travail, plus tu as de chances de faire un travail adéquat. Plus tu vas avoir un problème qui est complexe dans le domaine de la santé au travail, plus il est important que tu sois impliqué dans le milieu de travail. C'est peut-être le genre de réponses que j'aurais tendance à vous faire. Mais ce n'est pas nécessairement catégorique pour tout le monde; dès que tu vas avoir un patient qui va travailler quelque part, c'est 40% de la population, tu vas être obligé de faire le tour de toutes les entreprises. Cela dépend de la sorte de patient, de la sorte de travail qu'ils font et quelle est la responsabilité de ce médecin par rapport à ça.

M. Lazure: M. le Président, la recommandation 12, de façon plus précise, dans votre esprit, est-ce que les cabinets de médecins — je reviens à ma question — interviendraient autant au niveau

du programme de santé proprement dit qu'au niveau de la surveillance du milieu? Surveillance médicale seulement ou surveillance médicale et surveillance du milieu?

M. Pleau: Je pense bien qu'il y a quand même un cadre général à la recommandation no 12. L'objectif ultime de la recommandation no 12 est la promotion de la santé, alors, c'est d'utiliser au maximum les ressources qu'on a sur le territoire. Les 32 départements ne sont pas organisés de la même façon, on ne peut pas envisager toutes les possibilités du fonctionnement dans l'application d'une telle loi, mais il ne faut quand même pas négliger une ressource que nous aurions. Je pense que si, demain matin, on a à fonctionner... Pour un secteur que je suis allé visiter il n'y a pas tellement longtemps, la baie James. Havre-Saint-Pierre, ou Blanc-Sablon, l'approche qu'on peut faire du fonctionnement ou de ce qu'il faut faire pour l'application d'une telle loi est assez différente de celle qu'on peut avoir à Montréal.

Alors, la recommandation no 12, sur un plan général, était d'utiliser au maximum l'ensemble des ressources qu'on a sur un territoire de département de santé communautaire.

Y a-t-il des commentaires de la part du Dr Cadieux ou du Dr Fortin?

M. Fortin: Non. M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Vous nous disiez, tout à l'heure, que vous aviez commencé à examiner les entreprises dans les différentes régions desservies par les départements de santé communautaire. Est-ce que vous auriez une statistique quelconque, à savoir quel est le pourcentage des entreprises qui, par régions données, ont été étudiées? Existe-t-il des chiffres ou si vous dites simplement, comme le disait le ministre des Affaires sociales: La santé des travailleurs, c'est devenu maintenant une préoccupation des départements de santé communautaire? Je m'excuse de mon ignorance, mais y a-t-il des choses officielles qui existent? Je ne les connais, pas, mais j'aimerais bien les connaître, parce que je pense que ça pourrait nous être utile ultérieurement.

M. Pleau: Je pense que, d'un département de santé communautaire à l'autre, c'est assez différent; du travail d'ordre pratique, c'est beaucoup plus dans la collecte de données et dans la collecte d'un certain nombre de facteurs, d'agents agresseurs ou de certaines études qui ont été faites sur un plan global. Sauf exception, dans les cas bien précis, c'est là qu'on recoupe l'article 18. C'est bien important parce que le chef du département de santé communautaire, c'est un médecin hygiéniste: Alors, quand on dit que ce bonhomme avait le droit d'accès à l'intérieur d'une entreprise, de temps en temps, je pense qu'il a eu accès à l'entreprise par le biais de l'application de cette loi. Ce sont des cas particuliers que j'ai en mémoire, mais, de façon générale, de dire quelle est la situation globale à travers les 32 départements, je ne pourrais pas vous donner de réponse. Je pourrais peut-être passer le micro au Dr Fortin ou au Dr Cadieux, qui sont des chefs de département, qui vivent les problèmes quotidiens du fonctionnement de départements.

M. Fortin: En fait, ça varie d'un département à l'autre; c'est souvent en fonction des besoins. Il y a certaine secteurs où on a besoin d'actions beaucoup! plus précises dans un domaine donné, pour unei entreprise donnée, qui demande énormément ({l'énergie et, en fonction des ressources disponibles, on est obligé de mettre des priorités dans ce secteur. Mais je peux dire que, en général, au moins au niveau de la meilleure connaissance du type d'entreprise qui est là et d'un travail de débroussaillage du type de problème qu'on peut rencontrer dans ces entreprises, ce travail a été fait ou est en train d'être complété dans la majorité des DSC.

Ce sont des résultats qui sont quand même sommaires; on ne pourra pas arriver avec des statistiques demain matin, si vous voulez savoir combien il y a de travailleurs affectés au bruit pour tel département de santé communautaire et dans quel secteur; on n'est pas encore rendu là. Cela demande beaucoup de travail et surtout une coordination dans le travail et c'est en train de se développer.

Mme Lavoie-Roux: Je vais prendre un cas très concret; prenez votre département de santé communautaire qui aurait été le plus intéressé à ce domaine de la santé au travail, qui aurait consacré une part importante de ses activités à ce domaine. Aurait-il réussi à faire l'analyse de 60%, 75% ou 80%? Je ne vous demande pas un chiffre que vous puissiez me garantir de façon formelle, mais au moins, est-ce que vous pouvez m'assurer, en me donnant au moins un ordre de grandeur, que dans telle région on a pu évaluer les besoins de toutes les entreprises de dix employés et plus, tel que le prévoit la loi, vu que, finalement, une entreprise avec dix employés et plus pourrait demander un comité paritaire, etc. C'est pour savoir... Je sens que les départements de santé communautaire sont intéressés. Mais entre cela et venir à l'application d'une loi qui demanderait, disons, d'ici cinq mois ou d'ici six mois, un travail d'envergure pour les départements de santé communautaire, dans quelle mesure seriez-vous capables de vous en acquitter quand même d'une façon satisfaisante même avec un délai, disons, d'un an, parce qu'il serait possible qu'il y ait un délai avant que la loi soit mise en vigueur, etc? En fait, il y a deux questions! dans le commentaire que je viens de faire.

M. Cadieux (Roger): Depuis quelques années, les départements de santé communautaire avaient déjà ce mandat, mais, au point de vue des res-

sources, je pense que ce n'était pas tellement développé. Il y avait une ou deux ressources. L'infrastructure est dans le département. Il y a des agents de recherche qui sont en place depuis quelques années, qui sont en train d'identifier les problèmes de chacun des départements, de beaucoup de départements de santé communautaire, quoique émettre une statistique précise, ce serait difficile. Je peux vous dire que, chez nous, on a pénétré à peu près dans l'ensemble des entreprises du territoire et qu'on y est allé sur deux volets, soit le volet de se renseigner, de connaître les populations à risque et aussi on y est allé à l'occasion de problèmes très spécifiques. Mais les ressoures allouées n'étaient quand même pas très nombreuses encore.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce serait correct de déduire de ce que vous venez de répondre que, pour vraiment passer à l'action sur une grande échelle et vraiment couvrir, cela prendrait des ressources supplémentaires importantes pour les départements de santé communautaire?

M. Cadieux: Dans ce domaine, je pense que oui et même le livre blanc prévoyait certaines ressources en normes par tant d'employés, en fonction des facteurs de risque, oui. Je pense qu'il va falloir augmenter les ressources.

Mme Lavoie-Roux: Deuxième question: Vous avez parlé tout à l'heure de cette collaboration avec le spécialiste en hygiène industrielle. On a un peu discuté à savoir s'il devrait être inclus dans votre équipe, etc. La question précise que je voudrais vous poser est la suivante: Qu'il soit intégré ou non à votre équipe ou qu'il fasse partie d'une structure régionale, vous avez besoin de lui évidemment pour acquérir la connaissance du milieu. Mais, une fois que vous avez obtenu ces données que cette personne-ressource peut vous procurer, croyez-vous qu'il est de votre initiative ou de votre responsabilité d'entreprendre les recherches supplémentaires ou complémentaires qui devraient être faites pour tenter de solutionner un problème ou si ceci devrait relever d'autres ressources ou d'autres instances?

M. Cadieux: Vous voulez dire pour la réalisation du programme.

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire une fois que vous avez les données d'un problème, que ces données vous ont été fournies par l'hygiéniste ou le spécialiste en hygiène industrielle et que ceci nécessite de la recherche ultérieure pour appliquer les bons remèdes, par exemple, pour faire des études plus complètes, est-ce que ces études ou cette recherche devraient être sous la responsabilité du DSC ou rester la responsabilité de la commission, par exemple?

M. Fortin: Cela dépend du type de recherche dont vous parlez. Pour ce qui est de la recherche de la relation de cause à effet, si on veut, ou de la relation entre ce qui se passe dans l'environnement et ce qui se passe au niveau de la santé des gens, à ce niveau c'est extrêmement important qu'elle soit faite. Maintenant, vous avez de la recherche strictement fondamentale qui peut être faite à des niveaux, comme on dit, supérieurs, soit universitaire ou au niveau de commissions, si vous voulez, mais surtout au niveau des universités. A ce moment, ce n'est pas le genre de recherche dans lequel on aurait tendance à se lancer beaucoup parce que cela demande des gens superspécialisés, cela demande beaucoup d'argent, cela demande un protocole qui exige énormément de temps. Notre recherche serait beaucoup plus pra-tico-pratique à partir des problèmes pour être capable réellement de pouvoir analyser les données qu'on a et de faire des liens entre les différents types de données qu'on peut avoir pour déterminer jusqu'à quel point le problème est relié à une cause ou non ou jusqu'à quel point une cause produit un problème ou non. C'est une recherche qui est de dimension moins universitaire, mais il y a une dimension extrêmement importante qui doit être faite. Je ne sais pas si cela répond à votre question. (16 heures)

Mme Lavoie-Roux: Oui. Evidemment, je pense que ce sont toutes des zones grises. J'ai l'impression que les départements de santé communautaire sont à réfléchir là-dessus, se sont déjà impliqués au point de vue du traval, mais il reste encore beaucoup de limites à définir quant aux responsabilités respectives de chacun. Enfin, c'est un commentaire que je fais. Ce n'est peut-être pas le vôtre.

M. Fortin: J'aimerais pouvoir continuer là-dessus. La dimension recherche, tout dépend de la définition qu'on lui donne.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Fortin: Quand on dit que dans la fonction santé publique, on doit connaître les besoins,,il y a une dimension recherche là-dedans qui est fondamentale. On doit essayer de savoir quels sont les problèmes, à quel endroit, quelle est la distribution des problèmes, quels sont les facteurs qui peuvent provoquer ces problèmes. Pour moi, c'est une dimension recherche. Je ne sais pas si, dans votre esprit, c'est le même type de recherche dont on parle.

Mme Lavoie-Roux: Vous, c'est au point de vue de l'application finalement que vous essaieriez de trouver des solutions?

M. Fortin: C'est de faire des liens globaux entre des données d'un côté et des données de l'autre pour voir s'il y a des relations entre cela et quels sont les éléments qui expliquent les liens qu'il peut y avoir entre ces deux. C'est le type de recherche qu'on doit faire et qu'on est habitué de faire au niveau des autres programmes aussi comme au niveau de la santé au travail.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, parce que le temps passe.

Le Président (M. Marcoux): Sur la même question, il y a un monsieur qui voulait ajouter quelque chose. Voulez-vous vous identifier pour le journal des Débats, s'il vous plaît?

M. Pellan (Gaston): Gaston Pellan. Madame donne l'impression que c'est un peu flou dans notre esprit. Il y a sûrement des points flous pour tout le monde dans le projet de loi, puisqu'on ne connaît pas les règlements. Les règlements auraient vraiment donné plus de précision.

Pour répondre à madame, je donne un exemple pratique: Si un hygiéniste découvre qu'une machine dans une industrie fait trop de bruit, il va déceler le problème, mais ce n'est pas le département de santé communautaire qui va réparer la machine. On va faire la recherche, mais on ne deviendra pas un ingénieur industriel pour commencer à analyser le fonctionnement d'une pièce d'équipement en vue de faire une suggestion. A ce moment, vous tombez dans un élément recherche qui va relever d'un autre organisme...

Mme Lavoie-Roux: Oui, de l'ingénierie ou de d'autres...

M. Pellan: ... mais le département de santé communautaire va se rendre jusqu'à la découverte de la cause, du problème, de l'effet, mais après cela, il va mettre en branle d'autres organismes. On ne fera pas de mécanique.

Mme Lavoie-Roux: Celui qui aurait juridiction sur les correctifs à apporter à ce moment, serait?

M. Pellan: L'employeur et la commission, éventuellement.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une dernière question. Ce matin, le ministre a fait beaucoup état de l'article 32, retrait préventif de la travailleuse enceinte. Evidemment, on sait que cela fait un peu partie de la stratégie du gouvernement de bien traiter les femmes de ce temps-ci. Je voudrais vous demander ceci: Vous autres qui avez tant... Pardon?

M. Chevrette: Vous devriez au moins vous en réjouir!

Mme Lavoie-Roux: On reviendra là-dessus! Si vous voulez vous placer de l'autre côté, je vous questionnerai.

M. Chevrette: Cela vous attriste...

Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de l'expérience que les départements de santé communautaire ont eue, particulièrement auprès des femmes enceintes, des soins prénataux, etc., est-ce que l'article tel qu'il est rédigé — je parlerai même de tout le sous-chapitre 3 — est-ce que vous croyez vraiment que c'est suffisant pour protéger des dangers que peuvent encourir les femmes enceintes dans un environnement qui n'est pas adéquat? Est-ce qu'au niveau des connaissances qu'on a vis-à-vis le développement de la grossesse, la progression de la grossesse, ceci est suffisant pour vraiment protéger la femme enceinte ou est-ce que cela n'est pas vraiment trop vague? Enfin, est-ce que vous croyez qu'avec les connaissances que nous avons actuellement, ceci est suffisant pour protéger les femmes enceintes, qu'à un moment donné, elles disent: Ma santé est menacée, je veux avoir un autre emploi. Je pense particulièrement à tous les facteurs de l'environnement, peut-être plus qu'aux efforts physiques qu'une femme pourrait être appelée à faire. Est-ce qu'au niveau des connaissances que nous avons actuellement on peut assurer que la femme enceinte, dans son milieu de travail, est vraiment protégée?

M. Fortin: J'ai l'impression que c'est un article qui... On dit que la femme enceinte qui travaille dans un établissement et qui fournit à l'employeur un certificat médical attestant que les conditions de son travail comportent des dangers... La question que vous posez, c'est: Est-ce qu'on a assez d'information pour savoir si ça comporte des dangers ou non? Là-dessus, je vais vous dire: Cela dépend qui va signer le papier. C'est un peut ce qui touchait la recommandation dont on a parlé, ce qui n'enlève pas la nécessité d'avoir un dialogue entre le médecin traitant comme tel et le médecin de l'entreprise. Je pense que c'est fondamental, quand elle a un certificat médical, elle peut demander que ce soit changé. La façon dont vous posez la question, j'ai l'impression que vous me demandez si cela n'est pas suffisant, devrait-on dire: toutes les femmes enceintes devraient arrêter de travailler ou devraient demander de faire autre chose? Est-ce que la question que vous posez va jusque-là?

Mme Lavoie-Roux: Vous avez quand même des connaissances, j'imagine, sur les dangers de l'environnement qui ne sont pas nécessairement reliés à l'effort physique, mais qui sont reliés aux conditions de pollution, au gaz toxique, au produit de contamination, etc., il y a un tas de facteurs qui interviennent sur la grossesse d'une femme. Cela peut peut-être venir jusqu'à ce point, à savoir que dans certaines industries, quand une femme est enceinte, elle doit être mise en congé. Est-ce que vous avez assez de connaissances là-dessus pour pouvoir di;re: Vraiment, cela est suffisant pour protéger la femme enceinte?

M. Fortin: Je pense que l'article le permettrait, à la rigueur. C'est le certificat médical qui atteste si les conditions de son travail comportent des dangers. Les conditions, ça veut dire quoi? Cela peut être fair qu'elle respire dans son milieu de travail. Cela peut être très large comme définition. Tout est fonction des connaissances qu'on a; et je ne sais pas! comment on peut aller plus loin que ce qu'on sait. J'ai un peu de misère à comprendre...

M. Pleau: L'élément important de cette clause, pour moi, de la façon qu'elle est rédigée, c'est d'affecter la personne à des tâches autres que celles qu'elle faisait, parce que, très souvent, les conventions collectives couvrent la travailleuse enceinte. Mais, déplacer pour des tâches différentes, c'est peut-être moins fréquent dans bien des conventions collectives.

Or, là, on dit très clairement que s'il y a des risques, on peut la déplacer. Cette partie, en tout cas, m'apparaît assez importante quant au contenu du projet de loi lui-même. Parce que, relativement à la travailleuse enceinte, vous avez les normes de travail minimales où ça va apparaître. Dans notre secteur, des clauses existent depuis peut-être une dizaine d'années relativement à la femme enceinte, mais d'être affectée à des tâches autres, ça, c'est assez nouveau, s'il y a risques, par rapport à ce qu'elle fait. C'est la recherche par l'employeur de trouver un job à une femme qui ne veut pas quitter nécessairement son travail parce qu'elle est enceinte. Cela m'apparaît important.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous admettez qu'il y a de la place pour de la recherche supplémentaire dans ce domaine, à savoir quels sont les risques véritables et à quel moment ils peuvent affecter la femme enceinte.

M. Pleau: Les conditions qui prévalaient... Evidemment, je ne peux pas poser en expert pour tout ce qui existe de conventions, moi. Habituellement, en termes de mois, il y a un nombre de mois déterminé où la femme doit nécessairement quitter son travail. Elle peut quitter en tout temps s'il y a danger. Là, on ajoute d'autres éléments pour la femme enceinte. Ce sont des éléments nouveaux, quant à moi.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Lavigne): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. J'aimerais entendre vos commentaires sur les articles 7 et 8, parce que je suis très craintif à savoir que vous cherchez trop de pouvoir dans le domaine... sous le contrôle du personnel qui est impliqué dans l'hygiène industrielle.

Par exemple, nous avons maintenant des employeurs de ces personnes qui sont soit des syndicats ou des employeurs. Mais, à l'article 7, vous voulez contrôler tous les gens qui sont dans ce milieu présentement.

Deuxièmement, vous voulez même contrôler les médecins qui sont employés dans ce milieu, à l'article 8, vous demandez le contrôle sur le choix d'un médecin dans ce milieu, au lieu de le laisser aux syndicats ou aux employeurs.

Pouvez-vous me donner des explications quant à ce contrôle qui, à mon avis, est pas mal fort?

M. Pleau: En fait, nous disons que les recommandations 7 et 8... Prenons la recommandation 7, parce qu'elle recoupe la recommandation 8. A la recommandation 7, par rapport avec tout ce qui s'est dit et tout ce qui est discuté, on reprend un peu l'argument qu'on a soulevé au début. Le département de santé communautaire peut être un élément de solution au problème que pourraient poser le personnel médical et le personnel paramédical en vue de l'adoption de ce projet de loi. Cela ne veut pas dire que c'est la seule solution. C'est une solution parmi d'autres. Encore là — je l'ai dit — d'après moi, la recommandation 7 est une mesure transitoire. On la verrait plus dans un thème de mesures transitoires au fur et à mesure que les gens auraient réussi à mettre en place les mécanismes qu'il faut pour s'organiser, je pense qu'on peut sortir assez facilement. Prenons l'exemple des CLSC. Il est censé y en avoir quelque 200 dans le territoire. Il y en a 80. C'est sûr que cela pourrait être un agent intervenant. Il y a peut-être bien d'autres gens aussi qui peuvent être agents intervenants. Ce que nous disons, c'est de faire en sorte que la recommandation 7 soit une recommandation qui puisse aider ou faciliter l'application de l'éventuelle loi.

M. Shaw: Vous dites ici que le personnel médical ou paramédical de chaque entreprise devrait être sous l'autorité de votre groupe. Pour quelle raison? Si cela fonctionne bien comme chez General Motors par exemple, leur entreprise est bien meilleure que la vôtre. Il n'est pas question de... Vous êtes des débutants dans ce domaine et ils sont des experts depuis une vingtaine d'années. Je trouve incroyable que vous ayez besoin d'avoir l'autorité sur ces gens.

M. Pleau: II faut tenir compte d'un ensemble de facteurs. Vous donnez l'exemple de General Motors, mais il faudrait peut-être que vous considériez l'ensemble des entreprises que l'on a au Québec, elles ne sont pas toutes des General Motors. Il existe plusieurs entreprises où il n'y a pas de médecin. Si General Motors est suffisamment avancée et évoluée en termes d'organisation de santé au travail, tant mieux, parce que le département de santé communautaire où se trouve la GM, ira probablement les voir. On peut parler également d'une notion de contrat de services et d'autres éléments. C'est de faire en sorte que les gens puissent profiter de leur expertise. Si GM a une expertise telle... Je connais d'autres entreprises qui, sur le plan de la santé, on aurait à apprendre d'elles et j'espère que les départements où elles oeuvrent vont apprendre. La question de l'autorité en soi, c'est de recouper l'ensemble du portrait. Quand on dit qu'on applique la loi, c'est pour dix travailleurs et plus. Pour nous, on dit: Le cheminement du département de santé communautaire, ce serait peut-être une façon élégante d'introduire ce projet de loi à travers la province, par le biais des 32 départements. Quand on dit: Ils devront être sous notre autorité, c'est tout simplement de vivre dans un encadrement que beaucoup de gens connaissent actuellement. Un médecin qui entre dans un hôpital sait ce qu'il doit faire. Il sait qu'il doit s'encadrer, qu'il doit respecter un certain nombre

de choses. C'est ce qu'on propose aux recommandations 7 et 8. C'est de s'embarquer finalement dans une structure ou dans quelque chose que les gens connaissent, et particulièrement le personnel médical. Si, pour un certain temps on doit agir de cette façon, afin de réaliser le projet de loi pour l'ensemble, ce sera fait, mais on ne tient pas à ce que ces gens-là soient sous l'autorité pour les dix prochaines années... Ce n'est pas cela. Ce que nous voulons finalement, c'est de permettre que ce projet de loi puisse s'appliquer plus facilement pour l'ensemble des entreprises et d'utiliser une expertise qu'on a déjà en partie dans certains secteurs donnés ou dans certains programmes.

M. Shaw: Mais combien en avez-vous qui oeuvrent présentement? Prenons la ville de Québec. Si cette loi est en vigueur demain, cela va-t-il impliquer des coûts incroyables pour chercher les gens dont vous avez besoin pour soigner toutes ces entreprises ou est-ce meilleur pour le gouvernement d'exiger que chaque compagnie ait un plan, puis qu'elle cherche l'expertise elle-même pour que le coût de cette mise en place ou mise en vigueur de ce projet de loi ne soit pas assumé par les contribuables. (16 h 15)

M. Pleau: En fait, c'est ce qu'on recommande, dans le fond, d'utiliser au maximum les ressources qui existent présentement dans le réseau et de faire la distinction entre le préventif et le curatif; on n'ira pas soigner, par le biais du département de santé communautaire, l'ensemble de tous les travailleurs, ce n'est pas le cas.

M. Shaw: Deuxièmement, à l'article 8, vous suggérez d'avoir le droit de nommer un médecin responsable, et il serait tout simplement refusé s'il était démontré qu'il est incapable. Pensez-vous qu'il est plus juste de laisser le choix aux employeurs, puis vous avez seulement le droit de refuser d'accepter quelqu'un ainsi si vous pouvez démontrer qu'il n'est pas capable? Je vois qu'on sourit, et je vois aussi qu'il y a une crainte, parmi tous les médecins, qu'on commence à créer un autre empire du pouvoir dans les DSC, et vous le savez très bien. Quand vous avez de telles interventions, on le voit, vos collègues dans la pratique de médecine commencent à réagir. Ils sont craintifs des pouvoirs gouvernementaux et vous êtes un bras du gouvernement.

Chaque fois que vous demandez le contrôle, vous cherchez des craintes parmi vos collègues dans la médecine.

M. Pleau: Les médecins, à mon point de vue, ne devraient pas être opposés à cela parce que, dans le fond, la mécanique qu'on propose en est une où c'est fondamentalement des médecins.

M. Shaw: Oui, d'accord, mais les médecins qui...

M. Pleau: S'ils s'opposent à cela, c'est pour d'autres raisons, pas pour celle-là.

M. Shaw: J'ai entendu, il y a quelques...

M. Pleau: Vous dites qu'on est un bras du gouvernement, je ne le crois pas, on est un bras d'un hôpital qui a une dimension très particulière qui s'appelle le département de santé communautaire; on n'est pas un bras du gouvernement. On a travaillé à des programmes que le gouvernement a mis de l'avant, et demain il y en aura d'autres, parce que les programmes ont une dimension provinciale. Cette fois-ci, à l'intérieur de cette loi, on voit intervenir le département de santé communautaire parce qu'il a six ans d'expérience. On a dit: Voici un élément, une ressource qui permettra probablement l'application raisonnable sur le plan de la prévention de la santé des travailleurs. On a utilisé le département de santé communautaire, on l'a privilégié, on aurait pu faire autre chose.

M. Shaw: D'accord, mais tous les médecins sont intéressés à la santé du public; c'est à la base de leur enseignement. Pourquoi pensez-vous que ceux qui sont dans la médecine préventive sont les seuls qui sont indiqués? C'est pour cela que je vous ai seulement demandé si vous étiez prêt à accepter qu'un employeur puisse chercher un médecin, et seuls ceux que vous pouvez démontrer inacceptables, pour une raison ou une autre, pourraient être mis de côté.

M. Cadieux: Je voudrais souligner— c'est sûr que ça peut être une modalité — les avantages positifs de regrouper des médecins au niveau d'un hôpital, pour l'évaluation de la compétence; c'est sûr qu'il y a des mécanismes établis dans les hôpitaux, par exemple, les comités d'accréditation; les confrères peuvent établir des critères de compétence. Il y a tout le problème du perfectionnement, aussi, au niveau des médecins. Si on regroupe dans un territoire donné des gens qui ont des préoccupations identiques, c'est sûr que la compétence va s'améliorer; on est bien habitué dans les hôpitaux.

M. Shaw: Vous avez l'Ordre des médecins, c'est sa responsabilité de surveiller la compétence des gens oeuvrant dans n'importe quel domaine. Pourquoi essayez-vous de prendre ce pouvoir pour vous plutôt que de le laisser entre les mains de ceux qui en sont déjà responsables? C'est l'Ordre des médecins, c'est sa responsabilité de surveiller la compétence des médecins. Pourquoi cherchez-vous à avoir cette responsabilité?

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous vous identifier, pour le journal des Débats?

M. Choinière (Normand): Mon nom est Normand Choinière. Dans un premier temps — je vais aussi commenter les observations que vous avez faites — je vais de nouveau aborder la question que vous avez soulevée tout à l'heure, à savoir qu'il vous apparaissait que les hôpitaux voulaient exercer une autorité sur le personnel paramédical et de soutien ou sur le personnel médical comme

tel, comme cela apparaît à notre recommandation 7.

J'aimerais aussi — pour l'ensemble des gens de la commission, il serait bon d'attirer l'attention là-dessus — qu'on place cette recommandation dans le contexte des recommandations 11 et 12, où notre volonté ne repose pas fondamentalement sur la volonté d'exercer une autorité, mais bien plutôt de s'assurer d'une coordination qui est essentielle au niveau de la surveillance épidémio-logique, comme on l'a expliqué tout à l'heure.

La recommandation 11 dit qu'on devrait donner la responsabilité aux CH-DSC de s'assurer de la concertation des autres établissements de santé et des cabinets de médecins. Ce qu'on veut, c'est que ce soit coordonné. Qui va faire la job concrètement? Cela peut être, comme M. Pleau le signalait tout à l'heure — ça peut le faciliter dans un premier temps — les CH-DSC, mais il y a d'autres moyens qui sont possibles; on en cite à notre recommandation 12: "Que les autres établissements de santé et les cabinets de médecins, pour qu'ils puissent offrir des services dans le cadre du programme de santé de l'entreprise, soient liés contractuellement avec le CH-DSC". Le lien contractuel qu'il y a là, ce n'est pas un lien qui procède d'une volonté d'exercice d'autorité, mais d'une volonté de s'assurer que les choses sont coordonnées et concertées. C'est la raison fondamentale.

Sur les critères de choix des médecins — il peut y en avoir de plusieurs ordres — notamment les critères rattachés à la compétence du médecin; jusqu'à un certain point, ni l'employeur, ni l'employé n'a de connaissances scientifiques pour évaluer la compétence du médecin qui pourrait devenir le médecin de son entreprise. C'est un peu comme vous, quand vous vous rendez dans un hôpital pour vous faire opérer, vous n'avez pas la compétence pour évaluer la compétence du chirurgien. Mais dans le processus de sélection des chirurgiens dans un hôpital, les médecins qui veulent exercer la chirurgie dans un hôpital doivent s'adresser au centre hospitalier. Leur compétence est évaluée au départ par un comité d'admission, auquel d'ailleurs on réfère à l'intérieur et où on demande une modification de concordance avec le chapitre 48. On s'adresse donc à un groupe de médecins, un comité de médecins qui évalue la compétence du médecin à pratiquer une opération à l'intérieur du bloc opératoire de l'hôpital.

C'est un peu le même processus qui est mis de l'avant. On voudrait pouvoir, par une mécanique, s'assurer de la compétence, de la capacité du médecin d'offrir le genre de services qu'il va être appelé à offrir à l'intérieur d'une entreprise. C'est le seul point; les autres éléments, comme on le souligne là, au niveau de son comportement, de son observance des règlements, des choses que des gens qui ne sont pas médecins sont capables d'évoluer, ces choses demeurent au niveau du comité paritaire auquel on fait référence dans le projet de loi. C'est là la véritable portée de la chose. Je pense à l'exemple du chirurgien; vous ne voudriez pas que le médecin qui vous opère soit choisi par quelqu'un d'autre que celui qui est capable de déterminer sa compétence. Peut-être que la même chose peut se passer au niveau de la médecine du travail.

M. Shaw: Cela, c'est un exemple, parfait. Qui a choisi ce chirurgien? Il a besoin d'être accepté par ses pairs, par l'Ordre des médecins, pour établir qu'il a l'entraînement pour être chirurgien. C'est aussi la même chose pour un homme qui va être médecin du travail dans une entreprise. Je trouve très dangereux de donner un autre pouvoir à un niveau qui n'est pas demandé. Les médecins sont libres de choisir leur lieu de travail, soit dans l'entreprise privée ou les centres hospitaliers; ils peuvent le choisir eux-mêmes. Mais le contrôle de la compétence et les paramètres de leur poste dans cette entreprise ne doivent être contrôlés par les centres hospitaliers, parce qu'il n'y en a pas partout et que ce n'est pas de leur compétence. C'est l'Ordre des médecins qui a cette responsabilité et vous essayez, maintenant, de la lui enlever pour la prendre. Pour quelle raison? Je ne le sais pas.

Le Président (M. Marcoux): Oui, monsieur, voulez-vous vous identifier s'il vous plaît?

M. Pellan: Gaston Pellan. Il faut comprendre que le phénomène qu'on discute n'est pas nouveau; on utilise déjà des spécialistes dans différents programmes: gynécologues, pédiatres, psychiatres, dentistes, cardiologues qui travaillent à l'intérieur de nos programmes et dont on coordonne les activités. Ce n'est pas un phénomène récent, ce n'est pas quelque chose de nouveau quand on dit qu'on devrait coordonner les soins des médecins qui vont oeuvrer dans le domaine de la santé au travail. Dans le processus du département de santé communautaire, vous avez la prise en charge de la femme enceinte, la prise en charge du bébé, la santé scolaire, les handicapés, les malades mentaux et il y a cette partie santé du travail qui fait que, lorsqu'on prend globalement un individu, cette partie qui relève de sa participation huit heures par jour, normalement, dans un milieu de travail, devrait relever d'un autre organisme. Je ne comprends pas comment il se fait que vous souleviez, tout d'un coup, que cette prise d'autorité... Je ne sais pas si vous avez déjà eu des médecins sous votre autorité, ce serait un phénomène nouveau, on vit avec des médecins, on peut dire qu'on coordonne des activités médicales, mais de dire qu'on a autorité sur l'organisation médicale, ce serait peut-être aller trop loin.

Il reste que, chez tous les individus, les spécialistes qu'on a déjà dans nos programmes, la corporation est là, les différents groupes, les associations qui les représentent sont là et on réussit à coordonner les activités des individus dans nos programmes. Alors, pourquoi, tout à coup, crier au meurtre que c'est une prise d'autorité des hôpitaux sur la cause médicale? C'est aller peut-être un peu trop loin.

M. Shaw: Peut-être peut-on ajoute/ le fait que, dans presque tous les hôpitaux, le département de santé communautaire fonctionne séparément, avec un petit contact avec le conseil des médecins et dentistes. Je connais seulement le mien, qui est au Lakeshore General Hospital — je le connais très bien — je ne connais pas les autres, mais c'est un phénomène qui m'est connu. On trouve maintenant que le département de santé communautaire est séparé, d'après l'organigramme de la loi 65, il est attaché à l'hôpital, mais il fonctionne séparément. C'est pour ça qu'il y aurait crainte que cet organisme ne réponde pas du tout aux attentes des hôpitaux, mais qu'il soit un petit phénomène de la loi 65 qui, de plus en plus, menace la libre pratique de la médecine. C'est pour ça que je pose ces questions. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf et, ensuite, M. le député de Rosemont.

M. Pagé: Une brève question à M. Pleau. Vous avez parlé, tout à l'heure, en réponse à des questions posées par ma collègue de L'Acadie, du rôle supplétif et complémentaire que seraient appelés à jouer les départements de santé communautaire. Je me permets de vous citer une réponse que vous avez donnée à une question qui était formulée par le député de L'Acadie: "On n'ira pas soigner l'ensemble des travailleurs". Je dois vous dire que ça m'a frappé un peu; je ne voudrais pas vous citer hors contexte, mais pourriez-vous reprendre sur ces deux éléments? Entre autres, sur le rôle supplétif et complémentaire que seront appelés à jouer, lorsque la loi sera adoptée, les départements de santé communautaire.

M. Pleau: On a une recommandation où on dit: II faut faire intervenir les autres établissements, parce que, dans le fond, là où le département de santé communautaire a vraiment une action importante à jouer vis-à-vis des travailleurs, ce n'est pas dans la partie que j'appellerais curative. Or, les gens ont dans la tête qu'un département de santé communautaire, ça soigne le monde. Ce n'est pas vrai, ça ne soigne pas le monde; c'est d'abord et avant tout un organisme de prévention, c'est fondamentalement axé vers la prévention et si on ne remplit pas ce rôle, on ne remplit pas notre rôle; c'est ça qu'il faut se mettre dans la tête. (16 h 30)

C'est sûr que de temps en temps il faut intervenir comme acteur pour une raison fort simple. On a parlé de la GM tantôt. Combien de garages la GM a-t-elle établis? Pouvez-vous nous dire aujourd'hui combien il y a de services de santé dans les garages de la province de Québec? Je pense qu'on peut les compter sur les doigts des deux mains, pas beaucoup plus. Que vient faire la loi? Quand les gens voient une loi comme celle-là, nous autres... je pense que la santé communautaire... c'est peut-être notre rôle d'être un agent intervenant important dès le départ, faire en sorte que les choses marchent. Cela ne veut pas dire qu'on va intervenir et qu'on va remplacer tous les méde- cins. Au contraire, je pense que de plus en plus de médecins devront s'intéresser à la médecine du travail. Vous avez soulevé tantôt un point intéressant en disant: Les départements de santé communautaire font bande à part. Ce n'est pas le département de santé communautaire qui a fait bande à part dans un hôpital. Ce sont les autres départements qui ont fait bande à part.

Aujourd'hui, on se retrouve avec un département qui commence à apprendre à avoir un peu de gueule, qui commence à avoir du nerf et qui commence à exister dans le milieu. On a cinq ou six ans. On n'a pas une tradition de 150 ans. Cinq à six ans de santé communautaire, de prévention. La prévention par rapport au curatif, regardez les statistiques du Canada, ce n'est même pas... C'est une fraction de 1%. Cela ne va pas beaucoup au-delà de cela. Ce n'est pas du monde qu'on veut. C'est du monde qui va devoir agir en tenant compte de la facette prévention et promotion de la santé. On a parlé d'hygiène industrielle tantôt. C'est la même chose. C'est de faire en sorte qu'il y ait des gens qui s'intéressent à cette question. Regardez le nombre de "spares" dans une région comme Québec où on n'a pas beaucoup d'industries lourdes. Vous allez les compter sur les doigts de la main encore là, les hygiénistes industriels. Il n'y en a presque pas. Il n'y en a que quelques-uns. C'est à former. Pour les médecins de médecine du travail, c'est la même chose; ils sont à former. Je pense, qu'à l'intérieur des hôpitaux, le département de santé communautaire est un bon organisme qui permettra d'arriver à quelque chose avec cette loi.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, contrairement au député de Pointe-Claire, je suis très sensible à l'aspect sur lequel vous avez insisté, celui de la coordination et je pense que, si on regarde l'ensemble des organismes dans notre société, ce sont certainement les départements de santé communautaire qui sont probablement les plus compétents et les moins impliqués par des considérations économiques aussi dans la question, les plus impartiaux.

Vous proposez qu'on établisse une approche coordonnée des programmes de santé, des programmes de prévention au niveau de chaque entreprise. Je pense que tout le monde reconnaît que cela s'impose. Là où je me pose des questions, c'est sur les mécanismes de rapprochement que vous proposez. Il y en a un qui me frappe, c'est l'intégration aux DSC de spécialistes en hygiène industrielle qui travailleraient, si je comprends bien, à la fois au programme de santé et au programme de prévention.

C'est sur le programme de prévention que j'aimerais vous poser des questions. Je lis l'article 48. On mentionne ce que doit contenir un programme de prévention. Il y a deux des points qui relèvent, où peut intervenir le comité de santé et de sécurité de l'entreprise, ce sont l'identification des moyens

et équipements de protection et les programmes de formation et d'information. Dans les six autres points, le programme de prévention est la responsabilité de l'employeur ayant un contrôle indirect au niveau de la commission. Vous n'avez pas l'impression que c'est un organisme qui est extrêmement loin. Est-ce que la commission va pouvoir vraiment s'assurer de la qualité des programmes de prévention si ceux-ci sont essentiellement de la responsabilité de l'employeur? Est-ce que votre approche ne va pas dans le sens de dire: II faudrait coordonner les ressources sur le plan local pour qu'il y ait une meilleure jonction. Autrement dit, est-ce que le DSC ne devrait pas participer, est-ce que la loi ne devrait pas lui donner la responsabilité au moins de participer à l'élaboration du programme de prévention?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a un commentaire?

M. Choinière: Là-dessus, on a une recommandation particulière où on dit qu'il doit y avoir une consultation réciproque dans la préparation du programme de prévention par l'employeur et le centre hospitalier ayant un département de santé communautaire, et la même chose de l'autre côté. C'est un des moyens de coordination qu'on met de l'avant. Il y en a un autre aussi qui nous permet de faire un certain "follow up", un certain suivi de la chose, au niveau de la recommandation no 16. On mentionne aussi dans la loi, je pense, qu'il doit y avoir un rapport annuel de soumis à la commission en regard de l'implantation du programme de prévention. On demande aussi que le rapport soit soumis au département de santé communautaire, au CH-DSC, non pas pour assurer une autorité de ce côté, mais pour savoir ce qui se passe, pour voir si les choses ont été réalisées tel que cela avait été promis à un moment donné. Ce n'est pas pour exercer une autorité.

M. Paquette: A ce moment, cela pourrait permettre, si je comprends bien votre pensée, au DSC de faire ses propres recommandations à la commission dans le cas où — cela peut arriver — il y aurait divergence d'opinions ou d'objectifs même entre le programme de santé et le programme de prévention.

M. Choinière: Oui, aussi pour contribuer au dialogue avec l'employeur quand il y a révision du programme de prévention, comme je le soulignais tout à l'heure, où on demande que ce soit une consultation obligatoire et réciproque. On peut faire une boucle à ce moment.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, en terminant très rapidement, je voudrais remercier infiniment les deux groupes qui viennent de nous présenter un mémoire. Bien sûr, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit. Il y a des choses qui, encore une fois, nous apparaissent plus qu'intéressantes dans votre mémoire. Il y a certainement des choses qu'on va regarder de très près. Il y a des recommandations que vous formulez qui m'apparaissent plus que pertinentes et susceptibles de clarifier les choses. Je voudrais aussi vous remercier en même temps de vos réponses précises, de votre patience également. Je pense qu'il y aura eu une partie pédagogique dans les discussions assez longues qu'on aura eues ensemble. Cela aura permis de clarifier certains concepts qui ne sont pas nécessairement des choses faciles quand on ne joue pas avec cela tous les jours. Cela a permis de clarifier ces concepts, en même temps aussi de clarifier de façon très concrète le rôle et les possibilités d'action des départements de santé communautaire. Je pense que c'est plus que très utile. En terminant, merci infiniment.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission.

J'inviterais maintenant l'Association de médecine industrielle du Québec à venir nous présenter son mémoire. M. Jean-Paul Couture, si vous voulez nous présenter vos collègues.

Association de médecine industrielle du Québec

M. Couture (Jean-Paul): M. le Président, madame et messieurs de la commission, il me fait plaisir de vous présenter mes collègues qui vont participer à la présentation de notre mémoire. A ma gauche, le Dr Cassidy des Industries canadiennes, Canadian Industries et Alcan; il est aussi assistant-physicien au Montreal General Hospital à Montréal; le Dr Jacques Laflamme, qui est vice-président de notre association et qui est directeur de la Clinique de médecine industrielle de Québec; il fait également partie du département de santé communautaire de l'hôpital Saint-Sacrement; à mon extrême droite, le Dr Paquet, qui est directeur de l'hygiène et des services de santé à Hawker Siddeley, à Christie Brown et aux laboratoires Abbott; le Dr Michel Lesage, qui est directeur de la Clinique de médecine du travail de Montréal et conseiller en santé et sécurité au travail; il est secrétaire également de notre association. Le Dr Cassidy est le trésorier de notre association. C'est notre trésor.

M. le Président, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord vous présenter notre association en quelques mots — ce n'est pas inclus dans notre mémoire — avec votre permission.

Notre association est une association qui est vieille de plus de 50 ans et regroupe actuellement quelque 250 médecins impliqués dans la pratique de la médecine du travail au Québec.

Je ne sais pas si je vais faire rapport au président de l'assemblée ou aux DSC de la région, mais il y a certainement un agent agresseur dans cette salle, M. le Président, parce que je commence à perdre la voix.

Je pense que c'est la fumée...

Mme Lavoie-Roux: La fumée du ministre.

M. Couture (Jean-Paul): Déformation professionnelle...

M. Pagé: Est-ce que vous allez exercer votre droit de refus?

M. Couture (Jean-Paul): L'Association de médecine industrielle du Québec a accueilli avec d'autant plus de satisfaction l'annonce d'une politique québécoise en matière de santé et de sécurité au travail qu'elle la réclamait déjà depuis de nombreuses années.

Comme médecins et surtout comme médecins du travail, nous faisons volontiers nôtre l'idée émise par le premier ministre dans son message inaugural de 1977, que l'économie qui prétendrait encore faire passer l'homme après les machines serait vouée à l'échec.

Aussi avons-nous souscrit sans réserve à l'énoncé des principes et objectifs contenus dans le livre blanc et, plus particulièrement, au concept de prise en charge par le milieu du travail de ces problèmes de santé et de sécurité.

Les critiques que nous avons formulées à l'égard du livre blanc, dans le cadre de consultations que nous avons eues avec les responsables du ministère d'Etat au développement social, ne portaient nullement sur les objectifs, non plus que sur l'orientation fondamentale du document. Ces critiques visaient essentiellement à soustraire ou à modifier des propositions du livre blanc parce que, aux yeux de notre groupe, qui réunit tout de même la plus grande partie, la plus grande somme d'expérience pratique au Québec dans le domaine de la médecine au travail, ces propositions n'étaient pas de nature à faciliter ou à favoriser la réalisation effective des objectifs de santé et de sécurité au travail.

Nous avons participé à ces consultations, animés du souci d'y apporter la contribution la plus constructive possible, fondée sur de longues années d'expérience et d'observation dans l'exercice de notre profession, en milieu de travail, fondée aussi sur des échanges suivis d'expériences avec des collèges, des associations et des organismes du monde entier.

Dans le projet de loi no 17, tel que formulé, il n'a été tenu aucun compte des avis, observations et commentaires présentés par notre association et recueillis auprès de plus de 200 médecins qui sont le point d'appui de la médecine du travail au Québec.

L'important n'était pas, en soi, qu'on ait tenu compte ou non de notre point de vue, mais que les auteurs du projet de loi aient conçu une loi-cadre destinée à l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles en faisant purement et simplement abstraction de l'existence au Québec de centaines de professionnels de la santé, médecins et autres, qui exercent déjà leur activité en milieu de travail où ils sont responsables du bien-être physique, mental et social de près de 40% des travailleurs québécois.

En effet, en sa présente formulation, le projet de loi no 17 équivaut à rayer de la carte des médecins, des scientifiques, des infirmiers, des infirmières spécialisés, des techniciens de laboratoires, bref, l'ensemble des ressources humaines et aussi physiques réunies dans les entreprises ou les cabinets privés et qui forment le pivot de la médecine du travail organisée au Québec. Notre intervention a, d'abord et avant tout, pour but d'en faire prendre pleinement conscience au législateur et de lui demander de mesurer les limites pratiques de la portée d'une loi dépouillée, dès le départ, d'une partie des moyens essentiels d'atteindre ses objectifs.

Nous n'entendons nullement nous engager dans un débat d'ordre général sur l'orientation socio-économique du projet de loi ou sur les mérites respectifs de telle ou telle conception de la société. La controverse sur les droits et obligations des travailleurs et des employeurs ne nous intéresse, du point de vue professionnel, guère davantage. Les opinions que peuvent avoir, comme citoyens et contribuables, chacun de nos membres sur ces aspects du projet de loi sont une autre affaire. (16 h 45)

Ce qui nous intéresse, ce qui nous préoccupe au plus haut point, c'est le développement au Québec de la meilleure médecine du travail possible, dans les meilleures conditions possibles, en vue de promouvoir et de maintenir le plus haut degré possible de bien-être physique, mental et social de tous les travailleurs québécois, employés et employeurs, syndiqués ou non syndiqués, professionnels, artisans ou ouvriers. Pour nous, il n'y a pas dé médecine gouvernementale. Il n'y a pas de médecine patronale. Il n'y a pas de médecine syndicale. Nous ne favorisons pas plus le régime public que le régime privé, mais pensons que le meilleur régime en matière de santé et de sécurité au travail est celui qui met à profit ce que le secteur pubjic et le secteur privé ont de mieux à offrir. Certes, nous croyons qu'il est indispensable que l'exercice de la médecine du travail soit mis à l'abri autant qu'il est humainement possible des pressions susceptibles de la faire dévier de son seul objet, la santé des travailleurs, mais nous savons d'expérience qu'il est tout aussi injuste de faire une association automatique entre de telles pressions et l'entreprise privée, qu'il est illusoire de penser que les services publics et parapublics en sont exempts. C'est pourquoi, à cet égard, l'exclusion du médecin d'entreprise que proposent les;auteurs du projet de loi n'est pas une solution et n'offre aucune garantie d'impartialité et d'indépendance professionnelles, mais c'est là un point sur, lequel nous reviendrons.

Nous voulons d'abord vous parler de la médecine du travail. Avant tout, il convient, nous semble-t-il, de situer dans sa juste perspective le rôle de la médecine du travail et, plus concrètement encore, du médecin du travail dans la promotion de la santé au travail et dans la prestation de services professionnels en accord avec le droit des travailleurs de pouvoir bénéficier des

meilleurs services de santé préventifs tout autant que curatifs. L'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale de la santé sont convenus que le médecin du travail a pour but de promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions, de prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par leurs conditions de travail, de les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d'agents préjudiciables à leur santé, de placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme adapter le travail à l'homme et chaque homme à sa tâche. Tels sont in extenso, les buts assignés à la médecine du travail par l'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale de la santé. Cette définition suffit en soi à mettre en lumière le caractère multidisciplinaire de l'exercice bien compris de la médecine du travail qui est indissociable des activités d'hygiène industrielle, de taxicologie, d'épidémiologie, et de toute autre activité reliée au maintien et au développement des conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs. C'est une des plus grandes lacunes du projet de loi que d'ignorer cet aspect fondamental sans lequel la médecine du travail est vidée de tout son sens. C'est une erreur non moins grave de concevoir, comme le fait implicitement le projet de loi, une médecine du travail qui ne s'intéresse qu'aux agents chimiques et physiques préjudiciables à la santé des travailleurs, à l'exclusion des facteurs individuels de santé et de sa dimension psychosociale comme si on pouvait répartir en quarts de huit heures la condition physique et psychique d'un être humain. Du point de vue médical, il va de soi qu'un travailleur est d'abord et avant tout un être humain qui doit être traité comme tel en tenant compte, y compris en médecine du travail, de l'ensemble des facteurs physiologiques et psychologiques susceptibles d'avoir un incidence sur sa santé tant et si bien qu'un diagnostic médical qui prendrait en compte les seuls symptômes reliés à l'exercice d'un travail ne serait d'aucune valeur, d'où l'importance primordiale de maintenir en corollaire à la médecine dite collective ou sociale, une médecine individualisée, par opposition à la déshumanisation que le projet de loi propose d'ériger en système'

En effet, tout ce qui, dans le projet de loi, touche à la médecine du travail et, de façon générale, à l'organisation et à la prestation des services de santé procède d'une vision mécaniste où le droit à la santé est déshumanisé.

En quoi, en effet, la santé des travailleurs se trouverait-elle mieux assurée par l'interdiction de recourir aux meilleurs services de santé disponibles, de retenir les services des professionnels de la santé les plus compétents, médecins ou autres, indépendamment de leur appartenance aux réseaux public ou privé? En quoi la santé des travailleurs serait-elle mieux servie par un appareil bureaucratique n'ayant aucune prise directe sur le milieu de travail de ces mêmes travailleurs? De- puis quand l'absence d'une saine émulation, en l'occurrence celle des professionnels rattachés au secteur public et de professionnels rattachés au secteur privé et celle de cliniques de santé publiques et des cliniques de santé privées, d'entreprises ou d'inter-entreprises, favoriserait-elle une amélioration de la qualité des services et le développement de compétences? D'où vient qu'un médecin détaché du milieu du travail serait plus apte à veiller utilement au bien-être des travailleurs?

Voilà pourtant ce que proposent les auteurs du projet de loi, pour qui le médecin du travail est tantôt un fonctionnaire médecin ou apparenté, parachuté d'autorité dans une entreprise ou une industrie; tantôt il est candidat de la partie patronale ou un candidat de la partie syndicale désigné au hasard du rapport des forces avec le statut qui l'exclut de l'entreprise.

En pesant bien chacun de nos mots, nous affirmons, forts de la connaissance intime que nous avons du milieu du travail, de ses besoins, de ses problèmes en matière de santé, que les dispositions contenues dans le projet de loi relatives à la médecine du travail et aux services de santé conduisent à la négation du développement dynamique de la médecine du travail au Québec, parce que plus attachées à définir des attributions qu'à tenir compte des connaissances accessibles et des méthodes utilisables, plus attachées à réglementer des devoirs et à réduire la capacité d'initiatives qu'à favoriser l'éclosion de nouvelles compétences, le perfectionnement des techniques et l'amélioration des services.

Les auteurs du projet de loi ne font aucune distinction entre la santé au travail et la santé publique et confondent la fonction clinique et la fonction bio-statistique en privilégiant, consciemment ou inconsciemment, une médecine comptable. Le travailleur devient une donnée et le médecin un analyste des données. Bien sûr, ce ne sont pas là les définitions qui apparaissent au projet de loi, mais c'est la voie inéluctable vers laquelle conduisent les propositions qu'il contient avec, au bout du compte, la création d'une médecine de seconde classe, orientée vers les exigences de la paperasserie administrative.

Nous reconnaissons sans peine la complémentarité de la santé publique et de la santé au travail, tout comme nous reconnaissons la nécessité de réglementer l'exercice de la médecine au travail et la prestation des services de santé et d'instituer des normes minimales qui s'appliquent universellement. Nous ne contestons pas la pertinence des liens institutionnalisés avec les départements de santé communautaire et nous ne nions nullement l'ultime autorité de l'Etat qui, en dernière analyse, a la responsabilité de veiller à ce que soient réunies les conditions permettant que soient reconnues la valeur et la dignité fondamentale de l'être humain sur tous les aspects de son existence et dans tous les lieux de son activité, incluant les lieux de travail. Ce que nous contestons, c'est la valorisation de la médiocrité. Nous ne pouvons admettre qu'une législation limite arbitraire-

ment le développement des ressources et des moyens propres à favoriser le mieux-être physique, mental et social des travailleurs, pour l'unique raison que ce développement émane du secteur privé plutôt que public.

Nous trouvons tout aussi inadmissible et, à la limite, irresponsable que la médecine du travail soit mise en ballottage et ne soit pas d'abord fondée sur la capacité professionnelle de ses praticiens, sur les connaissances profondes du milieu, sur l'intégration à ce milieu et sur la pérenité des services. "La médecine du travail n'a de sens véritable que si les conditions de travail sont tout aussi bien connues que le travailleur lui-même", conclut un rapport de l'Inspection générale paru en France, en février 1971, aux termes d'une importante étude des problèmes de la médecine du travail qui recommande notamment que l'exercice de la médecine du travail en service d'entreprises soit considérée comme la seule forme clinique valable.

D'ailleurs, dans les pays occidentaux où la médecine du travail est implantée depuis de nombreuses années, l'intégration du médecin à l'entreprise est considérée comme l'élément le plus important pour l'exercice efficace de la médecine du travail, le second élément le plus important étant le temps passé dans l'entreprise, deux facteurs auxquels les auteurs du projet de loi n'ont porté aucune attention. Tout cela ne signifie pas qu'il est souhaitable de maintenir le statu quo et qu'il n'y a place pour aucune réforme; au contraire, il est grand temps que l'Etat légifère pour consacrer le droit pour tous les travailleurs à la santé en prenant bien soin cependant de s'assurer que l'instauration d'un système visant à protéger ceux qui ne le sont pas n'entraîne pas une diminution de la protection de ceux qui le sont déjà.

L'obligation de faire le minimum ne doit pas entraîner l'interdiction de faire le maximum. La mise sur pied de services de santé au travail, par le réseau public, dont le rendement et l'efficacité n'a pas été éprouvé ne dont pas entraîner l'élimination des services existants dans l'entreprise et dans le réseau privé qui ont fait la preuve de leur compétence et qui totalisent une expérience irremplaçable. Il ne s'ensuit pas que l'Etat ne doit pas se donner les pouvoirs de réglementation et de surveillance en matière de santé et de sécurité au travail et notablement en ce qui concerne la médecine du travail et les services de santé.

L'Etat doit veiller, par l'établissement de mécanismes appropriés, à ce que l'exercice de la médecine du travail soit lié à certaines normes, tant au point de vue de la formation et de la compétence que du point de vue des responsabilités et des obligations. Il en est de même pour les services de santé, dans les entreprises, dans les cabinets privés et dans le réseau public, qui devraient tous être soumis à des normes minimales, quantitatives et qualitatives.

En ce qui a trait à l'indépendance professionnelle, le médecin du travail dans une entreprise ou dans le service public, sans égard à l'existence d'un lien de subordination administrative à un em- ployeur, doit conserver toute son indépendance professionnelle. Il doit être à l'abri de toute pression ou ingérence susceptible, qu'elle soit le fait d'une entreprise, d'un syndicat, d'un organisme public ou parapublic, de compromettre cette indépendance professionnelle. Déjà, le médecin du travail, comme tout praticien, est soumis au code de déontologie et aux règlements de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Toutefois, pour tenir compte de la situation particulière dans laquelle se trouve souvent le médecin du travail, soit celle de salarié dépendant économiquement d'un tiers, les droits, obligations et responsabilités professionnelles du médecin du travail devraient faire l'objet d'un contrat type engageant le médecin et l'employeur.

L'élaboration de ce contrat type obligatoire pourrait être confiée à la Corporation professionnelle des médecins, conjointement avec la Commission de la santé et de la sécurité au travail. La corporation et la commission auraient pour mission de veiller au respect de ce contrat. Tout contrat additionnel intervenu entre un médecin et un employeur devrait, à notre avis, en outre être soumis à l'examen de la corporation et de la commission afin de vérifier qu'il ne contient aucune clause incompatible avec les dispositions du contrat type. Nous estimons que de cette façon, toutes les garanties se trouveraient réunies pour assurer l'indépendance professionnelle du médecin du travail. (17 heures)

De la même manière qu'il importe de garantir l'indépendance professionnelle, il y a lieu d'établir des normes d'admissibilité à l'exercice de la médecine du travail qui, sans faire partie des spécialités médicales au sens strict du terme, requiert tout de même des aptitudes particulières.

L'expérience démontre que l'efficacité de la médecine du travail est d'autant plus grande que le médecin responsable consacre toute son activité à cet exercice. Faute de pouvoir imposer de manière absolue de telles conditions au stade actuel de la médecine du travail au Québec, nous croyons néanmoins que des exigences minimales sont requises pour que les travailleurs aient droit à une médecine digne de ce nom.

Nous proposons donc que seuls soient admis à l'exercice de la médecine du travail les médecins qui, à partir d'une formation appropriée obtenue d'une institution reconnue ou d'une expérience avérée dans l'exercice de la médecine du travail, acceptent d'orienter leur pratique médicale vers la réalisation des objectifs de santé au travail, tels que définis par l'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale de la santé, et d'y consabrer l'essentiel de leur activité professionnelle.

Les médecins répondant à ces exigences devraient être agréés par la Corporation professionnelle qui émettrait un certificat à cette fin.

Tout médecin du travail reconnu par la commission de la santé et de la sécurité doit pouvoir exercer sqn activité dans l'ensemble du territoire québécois: auprès des entreprises ou des organismes publics et parapublics qui doivent, à leur tour,

pouvoir faire appel aux médecins du travail de leur choix, en fonction de leurs exigences et de leurs besoins.

Enfin, un médecin du travail devrait obligatoirement être membre d'un conseil de médecins et dentistes rattaché à un centre hospitalier et il lui serait loisible d'être membre associé de plusieurs conseils. Si le médecin est appelé à exercer son activité dans une région ou dans une entreprise relevant d'un département de santé communautaire autre que celui auquel il est attaché, il serait tenu de rendre compte de ses activités au département de santé communautaire directement concerné.

Quant aux cliniques de santé d'entreprises et interentreprises, elles devraient être agréées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, selon les normes minimales établies par celle-ci et s'appliquant indistinctement autant aux cliniques du réseau public que du réseau privé, étant entendu que les établissements disposant de ressources humaines et matérielles leur permettant d'offrir plus que ce que les normes prévoient doivent être libres de le faire.

Telles sont, rapidement esquissées, les conditions réalistes à partir desquelles nous souhaitons que se développe au Québec une médecine du travail compétente, efficace, indépendante et humaine.

Avec votre permission, M. le Président, lors des consultations préalables que nous avons eues avec les représentants du ministère des Affaires sociales avant la rédaction du livre blanc, nous avions proposé des recommandations, en septembre 1978, que nous avons étudiées à nouveau et révisées depuis. Je demanderais à notre secrétaire, le Dr Lesage, de bien vouloir vous les lire, avec votre permission.

M. Lesage (Michel): En septembre 1978, nous avions fait les recommandations suivantes: 1. Les structures proposées devront intégrer et non remplacer ce qui existe déjà au sein des services de santé des entreprises; 2. Cette action devra être progressive et donner priorité à l'éducation — c'est-à-dire formation-information — tant des professionnels de la santé impliqués que des dirigeants d'entreprises et des travailleurs eux-mêmes; c'est là la première et la meilleure forme de prévention; 3. La définition de la médecine du travail telle que reconnue par l'OMS doit être respectée; 4. On doit donner au niveau local la responsabilité d'établir et de mettre en marche les programmes de protection du travailleur, tout en s'assurant du respect des exigences minimales imposées; 5. On doit garantir aux professionnels de la santé leur autonomie et leur liberté professionnelle; leur rôle doit être clairement établi et décrit; leur contrat d'affiliation avec l'entreprise devrait être reconnu conforme à l'éthique et à la déontologie par leur corporation professionnelle; 6. Les programmes de protection ne doivent pas être limités à la simple application des programmes imposés par la loi. 7. Les DSC. les départements de santé communautaire sont responsables de l'hygiène publique. Ils doivent voir à ce que les programmes obligatoires soient appliqués. Ils doivent s'occuper de collecter les données pour la recherche et la surveillance épidémiologique nécessaire à la réévaluation des programmes-cadres. 8. Les médecinsdu travail devraient se regrouper dans les centres hospitaliers pour former un service de médecine du travail. 9. Le médecin d'entreprise doit être intégré à l'entreprise. 10. Le médecin-conseil est un médecin du travail oeuvrant dans l'entreprise. Il doit avoir les mêmes droits, privilèges et obligations qu'a tout médecin d'entreprise. 11. L'entreprise a la responsabilité de fournir des services de santé. De cette responsabilité découlent des obligations mais aussi des droits sans lesquels il est impossible d'assumer une telle responsabilité. 12. Il faut laisser aux entreprises qui le désirent le droit d'offrir des services de santé complémentaires à ceux qui seront rendus obligatoires pas la loi ou les règlements. 13. On devra toujours garder à l'esprit que. pour réaliser en totalité ou en partie le régime proposé, une condition essentielle et préalable est la collaboration réelle entre toutes les parties. Le livre blanc et la loi qui suivra devront donc proposer des structures qui incitent à cette collaboration et non pas des structures qui provoquent la division. 14. Il faut établir des critères et des mécanismes pour le choix et l'engagement du médecin d'entreprise afin de garantir que la décision sera basée sur l'évaluation des capacités professionnelles du médecin plutôt que sur son idéologie ou ses appartenances politiques. 15. Prendre les dispositions afin que les problèmes de santé et de sécurité de même que les services s'y rattachant ne soient pas sujets à négociation entre les parties syndicales et patronales. 16. La santé et la sécurité du travailleur doivent être l'unique préoccupation du rédacteur du livre blanc et du législateur. Cette préoccupation doit avoir priorité sur toute idéologie ou philosophie politique et non pas devenir l'instrument d'un système.

Voilà ce que nous recommandions en septembre 1978

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les membres et les porte-parole de l'Association de médecine industrielle du Québec d'avoir bien voulu préparer un mémoire et d'être venus en commission parlementaire nous faire connaître et faire valoir leur point de vue.

Effectivement, nous avions eu déjà dans tout le processus de consultations l'occasion de nous rencontrer pour examiner votre point de vue. Je me rends bien compte, comme vous vous êtes bien sûr rendu compte aussi à la lecture de nos

documents réciproques, le projet de loi, d'une part, votre mémoire, d'autre part, qu'il reste un certain nombre de points de divergence. Partant de là, cependant, il me paraissait, je pense, extrêmement important et c'est l'occasion qui vous est donnée et je ne vous cacherai pas que je pense que c'est extrêmement important et j'en suis heureux que vous puissiez, que vous ayez l'occasion de faire valoir pleinement à nouveau votre point de vue avant que définitivement on tire la ligne et que le débat soit le plus pleinement ouvert, d'ailleurs. Je pense qu'un sujet de cette importance mérite ce genre d'attitude. Je l'apprécie chez vous et je le signale en passant. J'ai lu, très attentivement, votre mémoire. Bien sûr, vous avez aujourd'hui ajouté les séries de propositions, mais enfin, cela ne change pas le fond du contenu de votre mémoire. Il s'agit d'un certain nombre d'articulations sous forme de propositions et de recommandations précises des positions et des lignes de fond de votre mémoire. Mes propos vont peut-être paraître étonnants, mais en essayant de lire très attentivement votre mémoire, il me semble ressortir de votre mémoire un grand nombre de points de convergence avec le projet de loi no 17, notamment, d'abord, bien sûr, ce que vous signalez vous-même à la page 6 de votre mémoire, c'est-à-dire, les points sur lesquels vous vous dites d'accord ou en accord avec le projet de loi, entre autres, la notion de complémentarité de santé publique et de santé au travail, la nécessité de réglementation quant à l'exercice de la médecine du travail, la prestation des services de santé, et le reste. Vous ajoutez la nécessité d'instituer des normes minimales qui s'appliqueraient de façon universelle, la pertinence des liens institutionnalisés avec les départements de santé communautaire, la responsabilité ultime de l'Etat et, là-dessus, je pense qu'il y a convergence profonde puisqu'on est parfaitement d'accord.

Encore une fois, en essayant d'être le plus correct possible, malgré des divergences de fond sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure, il y a un certain nombre de points qui, tout en semblant à première vue, à la première lecture de votre mémoire, s'opposer au projet de loi, quand on essaie vraiment de comprendre le mieux possible votre point de vue, correspondent, je crois, au moins à l'esprit du projet de loi 17. C'est vrai, notamment — je voudrais signaler un certain nombre de points — en ce qui concerne l'affirmation que vous faites dans votre mémoire qu'il faut utiliser au maximum les ressources existantes. Il n'est donc pas question, pas du tout, et cela ne la jamais été, ni dans notre intention d'aucune espèce de façon — là, je cite un bout de votre mémoire — "de rayer de la carte" les médecins, les scientifiques et le reste qui oeuvrent actuellement en médecine du travail, pour reprendre votre expression. Ce que vise le projet de loi, fondamentalement, c'est que les professionnels de la santé jouissent d'un statut indépendant qui permette que se développe vraiment à leur endroit la confiance. Cela nous paraît important, pour ne pas dire, sans abuser du mot, fondamental, que se développe à leur endroit la confiance aussi bien des travailleurs que des employeurs. Je l'ai évoqué ce matin en note d'ouverture.

Certains ont parlé d'une nationalisation des services de santé. Si on s'en tient strictement aux définitions des mots, dans l'un ou l'autre des dictionnaires, qu'on choisisse celui qu'on voudra, je pense qu'on pourrait parler de normalisation des choses, ce qui est quand même légèrement différent. Pour obtenir cette confiance, que les médecins soient intégrés à des centres hospitaliers, comme la grande majorité des médecins — on me dit, 97% — qui pratiquent actuellement au Québec, afin de bénéficier de toutes les ressources professionnelles et scientifiques de ces centres. Nous sommes également d'accord avec la conception de la médecine du travail qui est proposée par l'association, je dis bien la conception. Le livre blanc citait la même définition de l'Organisation internationale du travail et de l'OMS que vous reprenez dans votre mémoire. Si le projet de loi véhicule une impression contraire et qu'il y a des points précis qui peuvent être cernés là-dessus, je ne vous cacherai pas que je suis très ouvert pour regarder les éléments qui supposeraient des ajustements pour s'assurer que tout cela est le plus clair possible.

Je vous dirai également que nous sommes d'accord sur le fait que l'exercice de la médecine du travail exige la mise sur pied d'équipes multi-disciplinaires. On y a fait allusion un peu plus tôt dans le courant de la journée, dans le cours de nos travaux, quand on a parlé notamment de la mise à contribution des hygiénistes industriels et qu'on a dit qu'on doit tenir compte pour arriver à cela, non seulement des agents chimiques et physiques, mais également des facteurs individuels. Ici encore,, s'il est nécessaire, le projet de loi devrait être plus clair.

Nous sommes également d'accord sur le fait que la médecine du travail doit se faire le plus possible dans les établissements eux-mêmes. Il n'est pas du tout question, dans notre esprit, de sortir la rnédecine du travail des établissements eux-mêmes. Il n'est donc pas du tout question, dans notre esprit, non seulement "de rayer de la carte", pour reprendre l'expression, mais également d'éloigner des médecins des entreprises. Au contraire, ce que nous voulons, c'est qu'ils soient beaucoup plus nombreux à être présents en entreprise pour que vraiment les services dont on parle depuis ce matin puissent être donnés, mais puissent être donnés sur cette base fondamentale d'une confiance aussi bien des travailleurs que des employeurs. (17 h 15) ',

Nous sommes également d'accord, évidemment, pour faire en sorte que soit assurée la compétence professionnelle du médecin — c'est fondamental; je pense bien que là-dessus tout le monde s'entend — et que se développent rapidement des programmes de formation appropriés. C'est vrai qu'il va falloir faire un effort comme société dans; ce sens et mettre les ressources qui s'imposent. Il y a déjà eu des expériences, par le

passé, qui ont été menées dans le cadre d'espèces de "crash programs" de formation. Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas faire la même chose si ça s'imposait.

Nous sommes également d'accord avec votre association pour que soit garantie l'indépendance professionnelle du médecin, mais vraiment l'indépendance professionnelle, au sens complet de cette expression, et je suis heureux de constater que vous le reconnaissez — c'est à la page 8 de votre mémoire d'ailleurs — comme association, et je cite: "la situation particulière dans laquelle se trouve souvent le médecin du travail, soit celle de salarié dépendant économiquement d'un tiers".

Evidemment, ça vous amène à un certain nombre de conclusions qui ne sont pas tout à fait celles auxquelles nous, nous sommes arrivés. Mais ce constat, sur lequel on s'entend, fondamentalement, ne peut pas être balancé du revers de la main, comme si ça n'existait pas. Je pense que la lecture de la réalité nous oblige tous à admettre, comme vous le faites d'ailleurs, dans votre mémoire... Chacun peut en tirer ses conclusions et ses propositions d'ajustements ou de changements dans un sens ou dans l'autre, mais je pense qu'on doit tous admettre, et je suis heureux de constater que votre association le reconnaît aussi, qu'il y a là cette situation particulière qui tient au fait de dépendance économique d'un tiers, le lien salarial, économique avec l'entreprise, et vous proposez un certain nombre de moyens de protéger le médecin contre ce tiers.

On examinera à nouveau sûrement attentivement les moyens que vous proposez. Cela, vous pouvez en être pleinement assurés.

Ces points de convergence étant établis... je tenais à les signaler, parce que ça peut paraître peut-être étonnant à première vue quand on fait une première lecture rapide de votre mémoire, mais il ressort beaucoup plus de points de convergence qu'on peut le penser à première vue.

Au fond, il existe, fondamentalement, si on se parle franchement — je pense qu'on l'a toujours fait lors de nos rencontres; il n'y a pas de raison qu'on ne continue pas — deux points fondamentaux de divergence. Un, les médecins d'entreprises; deux, les cliniques privées, pour l'essentiel. Pour le reste, je pense que j'ai déjà fait état d'un certain nombre de choses et je ne veux pas abuser du temps de la commission.

Encore une fois, en ce qui concerne le problème de la médecine du travail, il y a, à notre point de vue, un effort colossal à faire — je pense que vous êtes d'accord avec ça — pour développer ou doubler, aller au-delà de l'approche uniquement et purement curative. Je ne dis pas que ça doit s'équilibrer, pas du tout, loin de là, mais pour développer de plus en plus cette approche qui vise à dépister les problèmes.

Il y a un lien entre ça et, par exemple, l'introduction dans la loi du retrait préventif qui va trouver sa première forme d'application en ce qui concerne les femmes enceintes. Si un médecin décèle que... Là, il s'agit du médecin personnel de cette travailleuse. Ce médecin peut déceler qu'à cause de son état les conditions de travail peuvent présenter des dangers pour la femme qui est enceinte ou pour l'enfant à naître; donc, il faut aussi assurer une présence beaucoup plus grande. D'ailleurs, à ce sujet-là, vous me permettrez de citer — on les avait cités, je pense qu'on en avait convenu ensemble dans le livre blanc — des chiffres que vous aviez eu l'amabilité de nous fournir; je me permets de le rappeler. Ils apparaissaient à la page 152 du livre blanc et ils donnent un peu l'état de ce qu'on appelle la médecine du travail ou la médecine d'entreprises, peu importe.

Selon ces chiffres, il y avait l'équivalent, à temps plein — si ma mémoire est bonne, c'étaient des chiffres basés sur 1976 — d'à peu près 152 médecins. Mais, il y avait, en fait, à peu près — je ne sais pas, là, il y avait des divergences de vues entre divers groupes — entre 75 et 85 médecins réellement à temps plein dans des entreprises.

Ces simples chiffres indiquent déjà l'état absolument incroyable et le rattrapage colossal qu'on a à faire non pas pour sortir des entreprises, les rayer de la carte, mais pour assurer la présence d'une médecine du travail dans le milieu proche des hommes et des femmes qui sont au travail ou pour assurer une médecine du travail qui n'est pas le lot exclusif des médecins, mais aussi de tout le personnel paramédical. Donc, nous croyons que, jusqu'à nouvel ordre, les propositions qu'on formule sont celles qui seront les seules susceptibles de permettre d'assurer véritablement cette autonomie, cette indépendance professionnelle, d'assurer par ailleurs aussi, en y mettant l'effort qu'il faut, une présence, mais une présence qui soit aussi, bien sûr, basée sur la plus grande compétence possible, mais en même temps une présence qui soit basée aussi sur la confiance.

En ce qui concerne les cliniques privées, je ne voudrais pas m'étendre longuement sur le sujet. J'attire quand même votre attention sur le paragraphe 2 de l'article 86. Vous savez que ce paragraphe permet, à certaines conditions évidemment — il y a une balise qui est là — au chef du département de santé communautaire d'accepter que des services soient fournis dans un cabinet privé à certaines conditions qui sont prévues au deuxième paragraphe. Il y a donc là cette porte qui est restée ouverte avec une balise — c'est vrai — extrêmement serrée. En toute honnêteté, je pense qu'il faut l'admettre, mais elle est là.

Egalement, je tiens à rappeler que, bien sûr, ce n'est pas dans le projet de loi comme tel, mais ce n'est pas interdit par le projet de loi. Ce que je veux dire, c'est ceci. Rien n'empêche et rien n'empêchera les entreprises, pas plus d'ailleurs que les travailleurs organisés, un syndicat ou une centrale syndicale, rien n'empêchera les entreprises et les autres agents de retenir à salaire, peu importe la forme économique que cela puisse prendre, les services à titre d'expert, à titre de conseil et sur une base permanente dans certains cas — on sait déjà que cela se fait indépendamment même de certains services comme tels strictement et même sur la base de leur fonctionnement actuel dans quelques cas isolés, c'est

vrai — de retenir les services de médecins à titre de médecins-conseils, et bien sûr aussi le projet de loi no 17 n'enlève pas à l'entreprise la responsabilité qu'elle a. On n'a pas la prétention de régler tous les problèmes en même temps. Il y a déjà suffisamment de morceaux substantiels sur lesquels comme société on pense qu'il faut faire un effort colossal. On ne peut pas tout régler en même temps, mais rien n'empêchera non plus et forcément... Cela relève du pouvoir normal de l'entreprise, par exemple, les contrôles sur les motifs d'absence où les entreprises très souvent mettent à contribution des médecins. Le projet de loi ne dévolue pas cette responsabilité aux médecins choisis par les parties pour développer cette approche de médecine du travail. Donc, cela relèverait de la responsabilité de l'entreprise. Encore une fois, rien n'empêche et rien dans le projet de loi n'interdit et n'empêchera les entreprises pas plus d'ailleurs que les autres agents de retenir les services, de disposer de services d'experts-conseils, de médecins et le reste.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques ou commentaires que je voulais faire à la suite de l'exposé des porte-parole de l'association. Peut-être aimeraient-ils réagir à certaines de mes remarques ou de mes commentaires. Je ne sais pas, incidemment, si vous avez des chiffres plus à jour que ceux qu'on avait de 1965, si cela a évolué de façon substancielle ou si...

M. Couture (Jean-Paul): Nous venons nous défendre des...

M. Marois: 80 à peu près, peu importe qu'on se chicane sur un cinq de plus ou cinq de moins, quand on regarde le nombre d'entreprises, d'établissements à travers le Québec, je pense qu'il y a là quelque chose d'assez frappant comme chiffre et il y a aussi — je pense que vous le signalez à votre façon et cela n'est pas... On a eu l'occasion d'en discuter déjà. Je vous l'ai souvent répété et redit parce que c'est ce que j'entendais. Je suis toujours bien obligé de dire les choses telles que je les entends. Le climat de confiance, il n'est pas là. Tu ne le sens pas. Il n'existe pas dans un grand nombre de cas et de témoignages qu'on entend d'hommes et de femmes au travail, et cela ne met pas automatiquement en cause comme teile la compétence des médecins.

Des mécanismes sont prévus, le cas échéant, s'il y a des médecins qui sont incompétents, qui se comportent d'une façon inacceptable, que ce soient des médecins ou d'autres professionnels, j'espère que les corporations et les groupes chargés d'assumer ces responsabilités, de nettoyer le paysage ou d'imposer des sanctions quand cela s'impose assument pleinement leurs responsabilités; ce n'est pas balancé, ce n'est pas exclu par la venue du projet de loi no 17.

Je m'excuse d'avoir pris peut-être un peu trop de temps.

Le Président (M. Marcoux): M. Couture, est-ce que vous avez des commentaires ou des remarques?

M. Couture (Jean-Paul): J'aimerais ajouter un commentaire sur ce que M. le ministre vient de dire à propos de la relation qu'on fait avec le tiers payant, ou l'employeur. En fait, nous avons inclus ce terme dans notre texte parce que c'est l'accusation qu'on a portée contre nous. Nous avons justement proposé un mécanisme de protection —je ne me sens pas obligé d'avoir un mécanisme de protection parce que je pense avoir gardé mon indépendance professionnelle malgré que je sois payé par un employeur — parce que vous en avez déjà parlé dans le livre blanc et parce qu'il en a été question un peu partout. A partir de là, nous avons dit: D'accord, nous allons offrir des mécanismes de protection complémentaires ou supplémentaires. C'est dans ce sens qu'on a inclus le terme dans notre mémoire.

M. Marois: Je comprends parfaitement bien, et ce n'est évidemment pas une proposition gratuite de votre part, j'en suis bien sûr. Si vous avez senti le besoin, vous aussi de votre côté, de faire ce constat de la situation particulière dans laquelle se trouve le médecin du travail, c'est-à-dire celle de dépendant économiquement d'un tiers, et de formuler une proposition qui vous semble être la voie possible pour régler ce problème et rétablir le climat de confiance... La simple chose que je voulais signaler au passage, c'est que j'étais heureux de constater le fait que vous notiez cette situation et que vous formuliez une proposition qu'on va garder, qui n'est pas particulièrement celle vers laquelle on est spontanément porté, après y avoir pensé et réfléchi à plusieurs reprises — comme pour tous les autres mémoires, d'ailleurs — on va regarder très attentivement les propositions.

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous vous identifier?

M. Lesage: Oui, Michel Lesage. C'est très "touchy", comme on pourrait dire, ce problème venant du tiers payant, que le tiers payant pourrait être n'importe qui, pourrait être l'Etat, la RAMQ, l'employeur, c'est un tiers payant. Ce pourquoi on soulève le point, c'est rattaché au point du médecin d'entreprise. Cela, c'est un des points de divergence que vous avez soulevés. C'est quand même un point extrêmement important parce que pour nous, dans notre idée, dans notre conception de la médecine du travail, celle-ci n'a de sens véritable — c'est ce qu'on dit à la page 7 — que si les conditions de travail sont aussi bien connues que le travailleur lui-même, et là on développe sur ce qu'on appelle l'intégration au milieu.

Nous; croyons que pour qu'il y ait vraiment intégration au milieu, il faut que le médecin soit dans le milieu et qu'il fasse partie du milieu. D'ailleurs, cela irait très bien avec le principe que vous avez énoncé dans le livre blanc, la prise en charge par le milieu. Nous, on ressent, avec la loi, que le médecin est sorti du milieu puisqu'il ne fait plus partie de la structure de l'entreprise, il ne fait plus partie de pe milieu, il n'est plus intégré au milieu. C'est là qu'on dit: Le médecin doit rester dans

l'entreprise, il doit pouvoir conserver ses relations avec la structure de l'entreprise, avec les différents départements, avec — d'accord — l'employeur et avec, aussi, les employés. C'est à ce niveau que ça accroche. Evidemment, s'il reste à l'intérieur de l'entreprise, vient le fait: Qui paie? Là, il va falloir songer: Est-ce que ce sera la RAMQ? Est-ce que ce sera le ministère des Affaires sociales? Est-ce que ce sera l'employeur? C'est une chose à discuter.

Le point important, c'est de laisser le médecin intégré à l'entreprise, laisser le médecin comme faisant partie du milieu de travail. A ce moment-là, on peut vraiment dire: II est aussi un des employés ou un des gars qui est pris dans le milieu de travail. A l'heure actuelle, on a l'impression... et c'est là qu'on dit qu'il est rayé de la carte, on le sort du milieu, on amène ce médecin, s'il le veut bien, au niveau d'un département de santé communautaire et on parachutera ces différents médecins dans différentes industries. C'est un point que je voulais soulever. (17 h 30)

Je pourrais peut-être en soulever un autre qui est passé un peu inaperçu, c'est le mode d'accréditation ou d'agrément des médecins en matière de médecine du travail. Nous trouvons qu'il serait peut-être un peu illogique que chaque DSC ait ses critères d'admissibilité pour un médecin. Tel département de santé communautaire de telle région accepterait tel médecin, mais, dans telle autre région où il y a plus de demandes, ils seraient plus sévères, ils n'accepteraient pas. Alors, un gars pourrait être accepté dans un et ne pas être accepté dans l'autre avec les mêmes qualifications. Nous trouvons aussi très difficile qu'un médecin soit jugé sur son idéologie ou en dehors de sa compétence, puisqu'on dit que ce que proposaient les DSC tantôt pour le médecin, c'est que la partie de son comportement ou la façon dont il a réagi au règlement, ce soit jugé par un comité paritaire.

Nous trouvons qu'il devrait y avoir un organisme et nous pensons que cet organisme serait beaucoup plus indépendant s'il n'y en avait qu'un seul au niveau de la province. Cet organisme devrait normalement être notre corporation professionnelle qui nous juge aptes ou non aptes non pas en donnant un certificat de spécialiste, mais, dans le cas actuel, en donnant un certain certificat de pratiquede la médecine du travail. A partir de là, ces médecins seraient aptes à travailler dans n'importe quelle région de la province. Cela aussi, c'est important, parce que certaines grandes industries sont disséminées à travers la province, dans différentes régions. Cela devient très difficile s'il faut être accepté par un DSC et reprendre les mêmes critères ou les critères d'un autre DSC pour être accepté. C'est peut-être un point qui est passé inaperçu, mais je trouve que le point de l'agrégation des médecins est très important.

M. Marois: Je prends note de vos commentaires sur ce dernier point. Il y a une chose qui m'étonne un peu, vous parlez de la présence dans ce milieu. Partant de la situation actuelle, la présence dans le milieu, à moins qu'on soit dans les nuages — vous voulez dire les lieux physiques, d'une part; être là un peu, beaucoup, passionnément — enfin, à notre point de vue, ce n'est pas assez passionnément, parce qu'il y a tout un paquet de coins dans le paysage québécois où il n'y en a pas du tout. Ce n'est certainement pas passionnément comme présence, pour l'instant. Il va falloir faire un effort comme société et là je ne blâme personne, sinon le fait que, comme société, on a une responsabilité à assumer et qu'on ne l'a pas assumée pleinement.

Vous semblez faire une équation comme automatique et nécessaire entre la présence dans le milieu et le lien économique ou la relation économique avec l'entreprise. D'autre part, une fois ce constat fait, vous dites que votre lecture du projet de loi 17 vous amène à dire qu'on raye de la carte, qu'on sort de l'entreprise, alors que notre intention est, bien au contraire, d'assurer une plus grande présence, plus de ressources médicales et paramédicales et d'autres professionnels. Encore une fois, on a évoqué le cas des hygiénistes industriels. On veut s'assurer non seulement qu'il y en ait un certain nombre, mais d'une présence réelle dans le milieu, physiquement sur place, de son intégration, notamment par la participation du médecin choisi au comité paritaire, de sa présence et à tout le moins des visites puisque dans certains cas, dans certaines régions, il peut s'agir d'un certain nombre de petites entreprises qui peuvent être très bien desservies par un seul médecin. Des entreprises d'une plus grande taille nécessitent certainement une présence beaucoup plus permanente.

Je ne vois pas en quoi il y a contradiction. Je pense que, sur l'objectif d'une présence dans le milieu, on est plus qu'entièrement d'accord, mais on ne voit pas une équation automatique entre cette présence dans le milieu et une relation économique directe avec l'entreprise. A moins que vous ne vouliez dire — là, je ne veux pas mal interpréter vos propos; c'est pour ça que je vous pose la question et je termine là-dessus — qu'il vous paraît extrêmement important que, par ce lien économique de relation avec l'entreprise, le médecin en question fasse partie des cadres de l'entreprise.

M. Couture (Jean-Paul): Si je peux commenter, je crois que ce que nous voulons dire, c'est que ce n'est pas une question économique, comme vous le dites si bien. Je pense que c'est l'importance, pour un médecin du travail, d'être près de l'endroit où se prennent les décisions de l'entreprise.

Voyons, jusqu'à maintenant, ce qui s'est fait en médecine du travail, les améliorations qui ont été apportées. Malgré le tableau noir du livre blanc, je pense qu'il y a eu de l'amélioration depuis 20 ou 30 ans; moi, ça fait quatorze ans que je suis en médecine du travail et je sais qu'il y a eu des améliorations depuis quatorze ans grâce à des médecins du travail, à des infirmières et des hygié-

nistes industriels, qui ont été capables d'influencer le niveau de prise de décisions dans l'entreprise, de sensibiliser un bureau d'administration, la haute direction ou les cadres d'une entreprise. Pour être accepté, au niveau des cadres, tel que ça fonctionne dans la province et dans le pays, il faut faire partie de la famille, il faut être là. Je pense qu'actuellement, avec le projet de loi, nous sortons le médecin, nous l'éloignons des cadres, du niveau de prise de décisions et nous le parachutons, nous le ballottons — appelez ça comme vous voudrez — et à ce moment, j'ai peur que le médecin ait très peu d'influence auprès du niveau de prise de décisions de l'entreprise. C'est ce que nous voulons dire.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf. Pardon, vous voulez compléter monsieur?

M. Paquet (Guy): Je voulais faire une remarque à propos de ce fameux climat de "non-confiance". J'ai peut-être les yeux complètement fermés, mais ça fait quand même 16 ans que je suis en médecine du travail, à temps plein, avec trois compagnies importantes et je n'ai absolument pas vu le climat de "non-confiance" dont M. le ministre parle; ça me donne l'impression, de mon côté, que vous n'écoutez que les critiqueux et il y aura toujours 10% de critiqueux. Mais, dans le milieu de travail où je suis, il y a un climat de confiance incroyable, que je vis depuis 16 ans. Je ne comprends rien à ce climat de "non-confiance", même j'ai fermé mon bureau privé pour arrêter les gars de l'usine de venir à mon bureau; ils viennent me voir à l'usine et, si on ouvrait les portes plus largement, on aurait le grand-père et le petit bébé en plus; alors, ce n'est pas un climat de "non-confiance". Je ne sais pas d'où ça vient, mais j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Marois: Très rapidement, je pense que je l'ai mentionné assez souvent; ça vient de dossiers très concrets — je pense que vous ne voulez certainement pas m'amener à mettre les cas sur la table — très précis d'un certain nombre d'entreprises.

M. Paquet (Guy): Je suis très au courant de ça, ce sont les critiqueux dont je parlais.

M. Marois: Alors, vous admettez donc qu'il y en a. Il suffit qu'il y en ait un, deux ou dix, ce sont déjà dix de trop, surtout quand on parle d'à peu près 85 permanents. En d'autres termes, on sait qu'il y en a et, que voulez-vous, on ne peut pas fermer les yeux là-dessus; vous le savez, vous l'admettez vous-même et les autres aussi l'admettent, les citoyens l'admettent. Ce n'est pas notre intention, comme vous le dites, d'écouter uniquement les critiqueux. D'ailleurs, si vous regardez les divers mémoires qui sont présentés à la commission parlementaire, aux yeux de certains la teneur, le ton de certains de ces mémoires pourrait être considéré comme provenant de critiqueux et, que je sache, ils n'endossent pas particulièrement le projet de loi no 17. Alors, on a écouté aussi d'autres points de vue en cours de route.

M. Paquet (Guy): II y aurait un autre point, si vous me le permettez. Vous avez parlé du nombre de médecins du travail à temps plein; c'est un fait qu'il n'y en a pas beaucoup. Je suis dans le milieu depuis longtemps, mais il faut dire que, vis-à-vis de mes confrères, j'était un gars bizarre de m'en aller dans ce domaine au début, j'étais vraiment un gars bizarre, mais on dirait qu'aujourd'hui ça veut se développer. Créer une situation pour le médecin, le faire engager par le DSC, le faire ratifier par le comité paritaire, le parachuter dans une autre industrie, une telle forme d'embauche ne grossira pas le nombre en attirant des médecins. Si les médecins, tels que je les connais, veulent se donner autant de problèmes que ça, ils vont se présenter pour se faire élire députés ou devenir ministres et être ballotés tous les quatre ans.

M. Marois: Ils vont découvrir que c'est toute une job!

M. Paquet (Guy): Je le sais, je l'avoue!

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais certainement être plus bref que le ministre. Le ministre a quand même pris tout près de 30 minutes.

Non, ce n'est pas la question, je vais vous dire ce qui s'est passé. Vous n'avez pas beaucoup d'expérience ici, vous. Vous savez, ce à quoi vous avez assisté aujourd'hui, messieurs qui comparaissez, le Dr Couture, le Dr Lesage et d'autres, c'est un vieuxi truc en politique. Quand un groupe comparaît, comme on dit en bon canadien et en bon québécois, pour faire plaisir à ces gens, quand un ministre est pour se faire planter par un mémoire, c'est ce qu'il fait, il essaie de trouver des points convergents, il les met en relief pendant une demi-heure. C'est ce qui s'est passé aujourd'hui. Je ne reviendrai pas là-dessus. Je pourrais revenir, si le député de Sainte-Marie voulait, on pourrait intervenir un peu plus longtemps sur cet aspect de; l'intervention du ministre, ce qui est de bonne guerre, ce qui est tout à fait justifié pour tenter, somme toute, de recouvrir un peu les représentations faites à juste titre par les gens qui interviennent.

J'avais l'intention d'aborder la question du climat deconfiance. Il en a été largement question, je crois, entre vous qui intervenez et le ministre. Quant à moi, il m'apparaît qu'elle est, jusque dans une certaine mesure, justifiée la préoccupation que nous avons au niveau du climat de, confiance. C'est juste qu'on a des représentations qui nous sont faites. On les qualifiera de ridicules, comme le docteur en a fait part tout à l'Heure. On les qualifiera d'expériences malheureuses, peu importe, mais il faut constater

qu'il y a un problème au niveau du climat de confiance. Le ministre en est conscient, mais j'aimerais qu'il soit conscient aussi que ce climat de confiance va au-delà des médecins qui sont dans la pratique privée. Cela va aussi au niveau des médecins de la Commission des accidents du travail, M. le ministre, et vous aurez tôt fait de constater, si vous échangez avec les députés membres de la majorité qui, comme nous, font du bureau de comté, qui rencontrent et qui ont à représenter des électeurs, qui ont à recevoir des représentations de ces derniers, que le climat de confiance n'est pas toujours des meilleurs à l'endroit des médecins de la Commission des accidents du travail qui ont à rendre des décisions eux aussi.

Je n'ai pas l'impression que les gens de Portneuf qui se plaignent des médecins de la Commission des accidents du travail, sont nécessairement toujours des critiqueux.

Je voulais aborder aussi la question des conditions d'indépendance du médecin. C'est un aspect important, parce que c'est un élément qui revient souvent. C'est un élément qui soulève des passions. C'est un élément qui est quand même assez grave, parce qu'il remet en cause un principe aussi fondamental que l'indépendance professionnelle, les engagements professionnels qu'un médecin a pris sur la foi de son serment. Vous avez bien répondu à la question que je voulais vous adresser, à savoir quelles étaient pour vous les conditions pour qu'il y ait une véritable indépendance du médecin. Encore là, c'est tout à fait subjectif. On pourrait revoir des déclarations qui ont été faites et s'interroger sur l'indépendance des médecins. C'est beau de lancer dans un débat que les médecins, parce qu'ils sont payés par une partie patronale qui est méchante capitaliste pour certains, ne sont pas indépendants. C'est beau de dire cela dans certains milieux. Mais on pourrait aussi se poser des questions sur les déclarations d'un ministre qui par surcroît est premier ministre et qui dit que dans un problème avec Asbestos Corporation, on va demander à nos fonctionnaires de faire en sorte que les normes soient appliquées d'une façon très rigoureuse, compte tenu des procédures que la compagnie a entreprises. Les lois sur la santé vont s'appliquer. Est-ce qu'on peut véritablement parler, à ce moment, d'indépendance professionnelle. Toute médaille a un revers, messieurs du gouvernement. Je tiens à vous le dire, M. le ministre, en toute déférence.

Mon intervention peut paraître plus ou moins sereine, mais à un moment donné, il y a des limites aux déclarations et aux beaux grands principes. Il y a toujours deux côtés à une médaille. Je vous invite à regarder, entre autres, sans prendre la défense de ces gens, un peu ce qui se passe dans le champ de la Commission des accidents du travail et à consulter vos députés. Vous faites vous aussi du bureau de comté. Je suis convaincu que vous avez régulièrement des représentations. Vous allez être d'accord avec moi sur la critique que je peux apporter à la déclaration que le premier ministre a faite à l'endroit d'Asbes-tos Corporation. (17 h 45)

Une question bien spécifique, parce qu'il sera bientôt 18 heures. Vous êtes à peu près 200 médecins qui pratiquez au Québec; vous nous dites que vous êtes en mesure de saisir toute la problématique du milieu; les intervenants qui ont comparu avant vous nous ont dit qu'ils avaient une juridiction territoriale limitée avec les départements de santé communautaire, qu'ils étaient en mesure de connaître le pouls, les besoins et la santé de leur collectivité. Si la loi est adoptée, — on peut présumer qu'elle le sera, parce que le gouvernement a la majorité, il n'y aura pas suffisamment de partielles pour qu'on le batte d'ici la fin de l'année, évidemment — on devra vivre avec elle. Le secteur médical, les communautés de santé, les médecins, peu importe par qui ils seront nommés, tout ce beau monde sera en relation avec les départements de santé communautaire. Comment cela a-t-il été jusqu'à maintenant? Jusqu'où cela peut-il être concluant? La relation que vous avez au sein des entreprises où vous travaillez, quelle est cette relation avec les départements de santé communautaire dans le moment, ce que vous avez vécu depuis quatre, cinq ou six ans?

M. Laflamme (Jacques): Je pourrais peut-être répondre à cette question. Je fais moi-même partie d'un département de santé communautaire, celui de l'hôpital Saint-Sacrement. Les relations sont très bonnes. Je suis directeur médical de SIDBEC-DOSCO. J'ai eu des relations avec les départements de santé communautaire. Cela a été très productif. Je suis directeur médical de Fer et titane. J'ai eu des relations avec le département de santé communautaire de Saint-Hyacinthe. Cela a été très positif.

M. Pagé: D'accord. J'en conviens que cela a certainement été positif.

M. Laflamme: Tout ce qu'on nous demande: Est-ce qu'on peut aller dans vos industries et dans vos réunions pour apprendre la médecine du travail?

M. Pagé: Ce que je vous ai demandé, monsieur, ce n'était pas ce qu'ils vous ont demandé...

M. Laflamme: Cela m'a été demandé encore...

M. Pagé: Je vous ai demandé comment était la relation. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Est-ce que les gens du département de santé communautaire sont dans les industries? Quels sont les relevés qui sont faits? Sur quoi les efforts portent-ils, sur l'aspect santé et l'aspect prévention et ces choses? C'était toute l'envergure de la question.

M. Laflamme: Les efforts jusqu'à maintenant sont l'identification des industries sur le territoire, ce n'est pas plus que cela. On a essayé de

retrouver les industries sur le territoire concerné, parce que les DSC sont limités par région. On a essayé d'identifier les industries sur le territoire. Le problème est rendu seulement là.

M. Pagé: A l'identification?

M. Laflamme: A l'identification des industries. On essaie d'établir les risques à l'intérieur de ces industries.

M. Pagé: Dans votre département de santé communautaire, depuis combien d'années le département a-t-il juridiction?

M. Laflamme: Depuis qu'on s'occupe de la médecine du travail, cela fait peut-être un an ou deux qu'on a commencé vraiment à se pencher sur la santé au travail; mais cela fait simplement un an que je suis là. On parle de la relation de celui qui paie avec le professionnalisme du médecin. L'hôpital Saint-Sacrement a été désigné pour s'occuper de la région 03, d'organiser un programme de santé pour les employés du gouvernement. Comme c'est le gouvernement qui nous paie, et que je suis là, je vais être singulièrement mal pris, parce que je vais être payé par le patron. Comment vais-je m'en sortir?

M. Pagé: Bonne question!

M. Laflamme: Vous demanderez à M. le ministre de m'apporter une solution.

M. Pagé: Je serais même prêt à donner deux minutes au ministre pour qu'il y réponde.

M. Marois: Continuez. A moins que je ne le fasse bénévolement.

M. Pagé: Attention! Il y a d'autres groupes qui vont revenir là-dessus. Je sais que...

M. Marois: C'est vrai que le bénévolat, ça continue encore à fonctionner dans la société, parfois...

M. Pagé: L'expérience est très limitée — j'en conclus, des commentaires que vous formulez...

M. Laflamme: Oui, très limitée.

M. Pagé:... l'expérience des départements de santé communautaire, tout au moins de celui dans lequel vous avez pu oeuvrer, et vous ne pouvez pas me dire s'il y a vraiment des recherches, des connaissances ou encore des recherches qui sont actuellement faites dans certains secteurs...

M. Laflamme: Oui, il y a une recherche qui se fait actuellement au département de santé communautaire par l'université sur les problèmes psychosociaux au niveau des employés du gouvernement. Actuellement, le projet est en marche.

M. Pagé: Est-ce qu'il y a d'autres projets de recherche?

M. Laflamme: II y en a peut-être d'autres. C'est le seul dont je sois au courant actuellement.

M. Pagé: D'accord.

M. Laflamme: C'est un projet de recherche qu'on a demandé, nous, quand on est entré au département de santé communautaire, parce qu'on a travaillé au niveau des différents ministères, parce qu'on a une clinique à Québec et on a vu que c'était un problème qui remontait toujours à la surface et on a demandé de faire une étude. Le projet a été accepté par...

M. Pagé: Cela réfère un peu à ce que vous signalez dans votre mémoire, lorsque vous formulez le voeu ou que vous exprimez l'avis que la médecine du travail doit être la plus individualisée possible, et c'est un élément important du débat. C'est surtout au chapitre de la prévention, des problèmes, de l'impact psychologique dans le comportement d'un travailleur qui peut éventuellement entraîner un accident, parce que l'agent agresseur n'est pas toujours un agent mécanique, un gaz ou des choses comme ça. Cela peut strictement être une erreur humaine due à des problèmes chez l'individu et ça, c'est un aspect qui devra être abordé ici, au cours des travaux de cette commission, entre autres. Je me proposais de l'aborder avec un intervenant de ce soir, mais, avec le temps très limité, je n'ajouterai rien là-dessus parce qu'il ne reste que quelques minutes et aussi, par déférence pour les autres groupes, je vais laisser la parole à mon collègue...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres... Oui? Vous pouvez commencer.

M. Paquet (Guy): Est-ce que je peux prendre deux minutes supplémentaires pour vous donner d'autres sons de cloche en relation avec les DSC.

Une Voix: S'il vous plaît!

M. Paquet (Guy): Avec un DSC, cela a été sensationnel. Les gars se sont dit: Lui, il connaît ça, cela fait longtemps qu'il est là-dedans, on le laisse faire; il n'y a pas de problème. Avec un autre DSC, on m'a demandé de fournir la liste des produits qu'on utilisait et tout ça. On a discuté un peu, on s'est rencontré. On leur a donné tout ce qu'ils demandaient. On s'est très bien entendu. Avec le troisième, la chicane a commencé. Ils m'ont passé un CLSC en-dessous de la table. Ils ont délégué des pouvoirs et là, cela a été une bataille juridique. La chicane n'est pas terminée.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, j'ai quelques mots à ajouter, parce que je vis dans un comté qui

est largement industrialisé et je ne vois pas pour quelle raison on pourrait s'en faire, parce que le projet de loi, de toute façon, n'empêche pas l'usine ou l'industrie de continuer à se payer un médecin pour ses propres expertises, pour ses propres analyses. Je n'ai rien vu dans le projet de loi qui irait à l'encontre de ça. C'est un service que l'usine peut se payer et ça, c'est tout à fait légitime si elle veut le faire.

A partir du moment où elle le fait — je pense que ça, c'est humain, qu'on soit avocat, médecin, dentiste, peu importe dans quelle profession on travaille — quand on est engagé par quelqu'un, qu'on est payé par quelqu'un, avec toute la meilleure volonté du monde, même si on est de très bonne foi, il n'en reste pas moins qu'on doit un certain respect à notre patron et qu'on doit lui rendre un certain service parce que c'est lui qui nous paie et, à partir de ce fait-là, vous êtes perçu par les 50, 100, 200, 300 ou 1000 employés ou travailleurs dans l'usine comme étant finalement un cadre faisant partie ou étant un peu le prolongement du bras droit du patron et, psychologiquement, pour les travailleurs de l'usine, vous êtes un peu le patron.

Même si vous diagnostiquez des cas de maladie industrielle, l'individu qui va se faire diagnostiquer par le médecin de l'usine voit toujours une ombre au tableau. Il n'est jamais à 100% sécurisé. Il y a sûrement des cas d'exception, bien sûr. Je ne mets pas tous les médecins d'usine dans le même bateau. Il y a sûrement des usines que vous connaissez où cela va très bien, où ce que je décris ici n'existe pas; mais pour avoir eu tellement de cas comme celui que je décris, à mon bureau de comté, je suis sûr... Moi-même, comme travailleur d'usine en tant que soudeur, j'ai eu aussi ce sentiment dans les usines où j'ai travaillé, ce sentiment que le médecin de l'usine était un peu le patron. Quand on sait que quand il faut intervenir ou faire des recommandations au conseil d'administration de la compagnie et que pour régler un problème, par exemple, de pollution dans l'usine ou de bruit dans l'usine, parce que cela pourrait amener des cas de surdité ou des cas de trouble pulmonaire, cela peut coûter jusqu'à des millions de dollars, quand arrive le médecin au conseil d'administration pour faire de telles propositions, pour dire au patron: Pour être bien sûr que vos employés vont être exempts de telle poussière, de tel bruit ou de telle lacune qu'on vit dans l'usine, il faudrait transformer une partie de l'usine, aménager tout un système nouveau d'aération, quand on est rendu à parler de millions, à un moment donné, le conseil d'administration va dire au médecin: On est fier que tu nous aies décortiqué le problème, mais on va prendre le dossier et on va le mettre encore une couple d'années sur la tablette parce qu'on n'est pas prêt à payer des sommes aussi exorbitantes pour régler le problème.

Le médecin étant l'employé du patron ne peut pas ou peut difficilement réagir. Est-ce que seulement ses convictions professionnelles peuvent le mettre en brouille avec son patron finalement? A toutes fins utiles, cela risque de rester là. Je connais des cas comme ceux-là. Quand on parle du phénomène de "non-confiance", c'est ce dont on parle finalement. Les employés dans l'usine, ils le sentent, ils le savent et c'est difficile quand ils ont été, je ne dirais pas trompés, parce qu'il y a d'autres médecins que le médecin de l'usine... Un travailleur est diagnostiqué par le médecin de l'usine qui dit blanc, il va voir le médecin de famille qui dit noir, c'est encore là un autre phénomène qui amène des doutes chez les travailleurs. Il y a tout un processus d'entraînement qui fait qu'on n'a plus de confiance, peut-être pas toujours avec des raisons valables, mais il y a eu des cas qui ont fait que finalement, la situation s'est détériorée. Je pense que le projet de loi 17 propose une solution à cette "non-confiance". Je répète ce que je disais au début: La compagnie pourra toujours quand même se payer un médecin dans son usine.

M. Paquet (Guy): II ne faut quand même pas oublier que c'est vrai que cela n'apparaît pas dans le projet de loi qu'elle ne peut pas se payer un médecin expert, mais si avec la nouvelle commission de la santé et de la sécurité du travail, à la fin de l'année, il est à $200 000 ou $300 000 de plus... Ce n'est pas dit dans la loi, mais cela empêche un peu de se payer un médecin expert, à ce moment-là. C'est un autre point de vue qu'il faut voir.

Ce que vous disiez, à savoir que le médecin ne peut pas faire dépenser le patron parce qu'il fait partie des cadres et ne veut pas lui faire dépenser des millions, on a des arguments pour cela, aussi. On n'a qu'à sortir nos dossiers de sourds qui ont été compensés, arriver chez le patron et dire: Ecoute un peu, tu ne veux pas le dépenser, mais combien cela t'a-t-il coûté pour la surdité, jusqu'à ce jour? Ce sont des choses qu'on fait, qu'on vit quotidiennement, aussi.

M. Laflamme:... qui existait avant la médecine du travail et il y avait quand même ce que vous avez en dernière limite, 85 médecins qui avaient été employés par des compagnies. Les compagnies ont quand même réalisé, à un moment donné, qu'il y avait un aspect santé et qu'il n'y avait pas de loi qui les encadrait. Essayez de prouver qu'un service de santé, dans une industrie, c'est rentable. Je vous garantis que vous aurez de la difficulté, et cela a quand même existé.

M. Couture (Jean-Paul): II peut toujours y avoir des cas d'exception dans tous les domaines, chez tous les professionnels, chez tous les ouvriers. Je peux engager un électricien qui va me faire un mauvais travail comme je peux avoir un mauvais médecin, à un moment donné. Quand on parle d'association, qu'on parle de règles de conduite de notre association et de nos membres, je vous réfère au code de déontologie qu'on a ajouté. Je pense qu'on a remis à tous les membres, ici, un code de déontologie de notre association. Cherchez dans ce code s'il n'y a pas toutes les protections pour le médecin quand il dit ce qu'il

pense devant n'importe qui, incluant le conseil d'administration des entreprises, mais ne mettez pas la responsabilité de toutes les "non-réalisations" dans le domaine industriel sur le dos du médecin, parce que c'est là qu'on parle de l'importance de l'intégration du médecin à l'entreprise parce que celui qui va régler le problème — je pense qu'un hygiéniste, un membre de DSC l'a dit cet après-midi — réellement préventif, c'est celui qui va corriger la situation qui cause des maladies ou des accidents du travail. Celui-là, c'est souvent un ingénieur en production, un ingénieur en fabrication, c'est peut-être un architecte.

Quand on parle d'intégration et quand nous parlons de multidisciplinarité au sein d'une entreprise, on dit qu'il faut être là, comme médecin, à ce niveau, et être capable de discuter autant avec l'ingénieur, l'architecte, l'ingénieur en construction, l'ingénieur en production ou n'importe qui dans l'entreprise. C'est pour cela que nous voyons une importance énorme d'être considérés comme des employés de l'entreprise, d'être consultés comme des employés de l'entreprise. Maintenant, si tous nos conseils ou tous nos avis ne sont pas réalisés, je suis bien prêt à prendre des responsabilités, mais ne me donnez pas les responsabilités d'un président d'entreprise, ou nommez-moi président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander un consentement, avant, pour que vous m'inscriviez à la place du député de Jonquière, étant donné que je n'étais pas arrivé au début.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement pour que...

M. Shaw: J'ai quelques questions à poser.

Le Président (M. Marcoux): Cela ne vous enlèvera pas votre droit de parole.

M. Chevrette: Oui, mais j'étais avant vous et je vous ai donné le consentement, pour que vous parliez tantôt, je vous demande le vôtre.

Le Président (M. Marcoux): Vous n'avez pas pu le donner, parce que vous n'étiez pas encore membre de la commission. Je demanderais aux membres de la commission s'il y a consentement pour que le député de Joliette-Montcalm soit inscrit comme membre de la commission en remplacement du député Vaillancourt (Jonquière)?

Une Voix: D'accord.

M. Chevrette: J'ai une question...

Une Voix: Je crois que le Dr Lesage a quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Marcoux): Vous voulez compléter avant que...

M. Lesage: Oui, très rapidement...

Le Président (M. Marcoux): Vous avez deviné la question?

M. Lesage: Non pas encore, mais...

M. Chevrette: Comme vous êtes parti, vous allez m'enlever le droit de parole.

M. Lesage: Je veux seulement dire un mot, à la suite de l'intervention faite par le député de...

Une Voix: Beauharnois.

M. Lesage: ... Beauharnois. On nous dit qu'il nous restera encore à faire des examens d'expertise. Je tiens à vous dire que la médecine du travail, ce n'est pas uniquement ça et qu'il y a des choses pas mal intéressantes dans la médecine du travail qui s'appellent la surveillance médicale de l'ensemble d'un groupe. On travaille à ce sujet depuis cinq ans, dix ans ou quinze ans et ça va disparaître, on va rester une espèce de pion inspecteur pour la compagnie face aux inspecteurs qui vont venir du côté gouvernemental, c'est ce que je voulais dire.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais m'adresser au médecin — je ne me souviens plus de son nom — qui a argumenté sur le climat de confiance. Il nous a dit que cela faisait 16 ans qu'il était aimé, adoré, tout le monde voulait lui amener même les bébés. Je voudrais qu'il me dise en quoi le projet de loi va lui enlever quoi que ce soit, en termes de; climat de confiance? En quoi le projet de loi que vous avez entre les mains enlève ou détériore la situation par rapport à votre cas bien précis.

M. Paquet (Guy): En rien. Absolument pas. M. Chevrette: Si cela ne vous enlève rien...

M. Paquet (Guy): Mais qu'on ne dise pas qu'on adopte cette loi parce qu'il n'y a pas un bon climat de confiance, qu'on change le système... Que je sois à travailler pour un DSC, le climat de confiance, c'est l'individu qui va le faire, je vais avoir encore à mettre un pied devant l'autre pour être accepté, que je vienne de n'importe où. Mais qu'on ne dise pas qu'on sera obligé de changer tout le système à cause des médecins du travail qui ont amené un climat de "non-confiance", c'est tout simplement ça... (18 heures)

M. Chevrette: En vertu de l'article 88 de ce projet de loi, il y a des gens qui ont à se prononcer, ils sont tout au moins consultés, s'il y a une mésentente, il y a un mécanisme prévu et, de la bouche même de votre porte-parole, on a

admis qu'il y a des cas d'exception, il y en a des exceptions dans l'industrie. Il y a de très bons employeurs et il y en a d'autres qui sont insouciants. Il y a d'excellents médecins et il y en a d'autres qui sont un peu moins "vargeux". C'est la même chose en politique. Partout. Mais, à partir de là, il faut mettre une norme minimale ou un mécanisme qui permette, en tout cas, dans le domaine de la santé on ne rit pas de ça, on ne joue pas avec ça. Je pense que l'article 88 permet tout au moins, au départ, de fournir un mécanisme qui ait ce minimum là où il n'y en a pas, pas pour vous, mais il y a des places. Vous parlez pour l'ensemble je suppose, à ce moment je dois vous dire que ce ne sont pas tous des gens comme vous; si ça va bien pour vous, tant mieux, la loi ne vous enlève rien, mais là où ça va mal, la loi leur donne quelque chose.

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous ajouter un commentaire à ceci? M. le député de Pointe-Claire.

M. Jolivet: Justement, M. le Président, peut-on s'entendre pour que ce soit la dernière intervention, de façon à pouvoir aller souper ensuite?

Le Président (M. Marcoux): C'est ça.

M. Shaw: Ma question est très importante, parce qu'on parle ici d'un projet de loi qui essaie de faire quelque chose, de régler les problèmes de la sécurité et de la santé au travail. L'année dernière, nous avons travaillé longtemps sur un projet de loi sur la jeunesse, qui, maintenant, est un problème parce qu'ils n'ont pas cru à l'actualité économique des ressources dont on a besoin en mettant en vigueur un projet de loi. Je veux vous poser la question.

Le ministre a dit qu'il y avait un manque d'expertise dans votre domaine, seulement 172 ou 200 environ; sa raison pour dire ça est que la demande n'est pas là. Si le revenu n'est pas rentable pour les médecins dans votre domaine, les jeunes médecins vont choisir une autre branche. Pensez-vous, avec ce projet de loi, avec les moyens que nous allons essayer de donner à la population, que vous allez avoir, dans les DSC, l'expertise adéquate, assez nombreuse pour faire valoir ces bons voeux que ce projet de loi formule?

M. Couture (Jean-Paul): Actuellement, avec ce qui existe dans la réalité québécoise, en médecine du travail et les experts en hygiène industrielle, les infirmières, qui sont aussi spécialisées dans la distribution des services dans les services de santé, il faut être assez réaliste pour voir aujourd'hui qu'il y en a à un seul endroit actuellement et il en existe dans les entreprises. Vous me demanderez si on va retrouver, dans les DSC, la même expertise? Elle n'existe pas actuellement, il faut être réaliste; il y a peut-être quelques individus qui sont allés faire des études spéciales, un an en hygiène publique à quelque part et qui prétendent, aujourd'hui, être des spécialistes en médecine du travail.

Je regrette, mais quant à nous, nous faisons une distinction entre l'hygiène publique et la médecine du travail. Nous croyons que la formation en médecine du travail est différente de celle en hygiène publique. Nous ne nions pas qu'une partie de la médecine du travail regarde l'hygiène publique, mais ce n'est qu'une partie; comme il y a une partie de la médecine du travail qui regarde la toxicologie; comme il y a une partie de la médecine du travail qui regarde d'autres domaines. Quant à l'ensemble de la médecine du travail, je ne pense pas qu'il y ait des experts en ce domaine actuellement en dehors des entreprises, dans la province de Québec.

M. Shaw: Vous dites dans votre mémoire que vous avez une couverture de 40% des ouvriers du Québec avec le nombre de personnes qui sont dans votre propre profession, maintenant. Par ce projet de loi, on espère que les 60% qui seront couverts vont avoir de quelque part l'expertise pour donner ces soins. Si on ferme le système privé qui est le seul qui peut adéquatement former des gens pour venir dans ce métier, est-ce qu'ils vont venir travailler avec les DSC ou est-ce qu'ils vont choisir quelque chose d'autre pour continuer leur pratique de la médecine?

Je sais que c'est une question qui demande une opinion, mais à mon point de vue, le problème dans l'industrie maintenant est que l'on n'a pas assez... on a besoin d'exiger plus d'éléments qui sont disponibles maintenant et avec des moyens de supporter ceux qui veulent aller dans ce domaine, pour avoir plus de monde pour faire le travail avant qu'on retire tous ceux qui sont maintenant dans ce domaine...

C'est, à mon avis, le plus grand problème de ce projet de loi; au lieu de réparer ou améliorer la situation, nous pouvons l'aggraver.

M. Cassidy (Lorne): La question de formation est très importante. Cela va prendre au moins un an avant que les programmes soient acceptables il y aura ce que l'on appelle des mini-programmes qui ne seront pas adéquats. Cela va prendre une période d'entraînement parce qu'on n'a pas assez de personnes qualifiées pour cas fonctions. Je demanderais au ministre, quant à la question de consultant, s'il veut garder les médecins pour ne pas que les compagnies les prennent comme consultants, ceux qui oeuvrent déjà dans l'industrie, il n'y aura pas beaucoup de médecins dans un an et demi ou deux ans, jusqu'à ce que la compagnie réalise qu'elle paie deux fois de sa poche un consultant qui n'a rien à faire ou rien à dire, s'il y a peut-être une chicane entre le DSC et lui.

Alors, tu es aussi bien de les laisser et d'aller avec le DSC si la loi est pour être adoptée comme telle. Sans cela, la compagnie va l'embaucher pour un an ou deux ans jusqu'à ce qu'elle réalise que cela lui coûte $40 000, $50 000 ou $60 000 pour absolument rien. Ce que font présentement

les DSC, ils essaient d'aller piger ces hommes-là, tout comme cela a été fait au NIOSH aux Etats-Unis, tout comme cela a été fait dans les autres pays. Il faut aller piger parmi ceux qui demeurent là. Si vous laissez le consultant, la compagnie va payer $5000 ou $10 000 de plus pour le garder jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle paie trop. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Couture.

M. Couture (Jean-Paul): Est-ce que j'aurais le droit de faire une dernière remarque?

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Couture (Jean-Paul): Ce serait simplement pour me libérer de mes frustrations.

Le Président (M. Marcoux): Cela nous fait plaisir de vous le permettre.

M. Couture (Jean-Paul): En une minute? Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Couture (Jean-Paul): J'entendais le député de Beauharnois tout à l'heure dire: Je suis un soudeur et j'ai le droit de parole. Bien, moi, je suis le fils d'un ouvrier et j'ai le droit de parole. Je commence à me poser une question. Je me demande même si je n'ai pas posé, comme Québécois, des gestes à mon propre détriment et, aujourd'hui, si je ne me suis pas dévalorisé parce que j'ai posé des gestes, parce qu'étant fils d'ouvrier, j'ai décidé de suivre un cours; après cela, un cours de médecine et après cela, je me suis spécialisé en médecine interne; cela a pris quatre ans. De mon propre gré, de mon propre choix, j'ai décidé de devenir médecin à salaire. Vous pouvez être sûr qu'à salaire, il y a quatorze ans, ce n'était pas gros comme médecin. C'était beaucoup moins que ce que je pouvais faire en pratique privée. J'ai décidé de m'en aller en médecine préventive. Pour votre renseignement, je suis allé voir le sous-ministre de la Santé, à ce moment, pour dire: Avez-vous une position pour moi en médecine préventive? Il n'y en avait pas. Je suis allé voir une entreprise et j'ai dit: Avez-vous une position pour moi en médecine préventive? Ils ont dit: Oui. Je leur ai demandé: Qu'est-ce que cela me prend? On m'a dit: D'abord, des connaissances. Envoie-nous ton curriculum vitae. Deuxièmement, on veut avoir un homme intègre. Troisièmement, on veut avoir un homme objectif. Si tu es capable de remplir ces conditions, on t'accepte en médecine du travail. Aujourd'hui, je pense que je suis devenu un très mauvais Québécois à cause de cela. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, en terminant, je voudrais, au nom de tous les membres de cette commission, remercier infiniment, encore une fois, l'Association de médecine industrielle, comme j'ai eu l'occasion de le faire au début de mon exposé. Le député de Portneuf a donné son interprétation de mes propos. Je n'en reste pas moins très profondément convaincu des propos que j'ai tenus tout au long de mon intervention. Je maintiens que le témoignage que vous apportez apporte un éclairage important aux travaux de cette commission. En ce sens, je tiens à vous remercier infiniment.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie l'Association de médecine industrielle du Québec de nous avoir présenté son mémoire. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension des travaux à 18 h 10

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

J'inviterais maintenant l'Association pour l'hygiène industrielle à venir nous présenter son mémoire. M. Raymond Moisan? Si vous voulez nous présenter vos collègues.

Association pour l'hygiène industrielle

M. Moisan (Raymond): M. le Président, M. le ministre...

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez approcher le micro et parler un peu plus fort...

M. Moisan: Oui.

Le Président (M. Marcoux): ... parce que j'ai eu certains commentaires à l'heure du souper disant qu'à la fois les députés et les intervenants parlaient trop faiblement.

M. Moisan: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je suis Raymond Moisan, président de l'Association pour l'hygiène industrielle au Québec, et mon travail est pour une firme de conseillers en hygiène industrielle et environnement. J'ai à ma gauche, ici, M. Marcel Laferrière, le secrétaire de notre association, ingénieur en hygiène industrielle aux Services de protection de l'environnement, et, à ma droite, Jacques Normandeau, coordonnateur en santé au travail dans un département de santé communautaire et qui était le responsable de la rédaction de notre mémoire sur le projet de loi no 17.

L'Association pour l'hygiène industrielle au Québec regroupe des gens de tous les milieux qui ont un intérêt direct ou indirect en hygiène

industrielle. Notre association a pour buts, entre autres, la promotion des connaissances relatives à l'hygiène industrielle par l'échange et la vulgarisation de l'information et l'étude des lois et toute autre action pertinente au domaine de l'hygiène industrielle.

On a parlé pas mal d'hygiène industrielle au cours de l'après-midi et même ce matin dans différentes interventions. On pourra peut-être passer en gros à travers notre mémoire, mais sans le lire au complet, pour ne pas trop abuser du temps, et peut-être insister sur les points qu'on veut faire ressortir en particulier dans notre mémoire. On pourrait peut-être, à ce moment-là, vous demander d'inscrire notre mémoire au journal des Débats, vu qu'on ne le lira pas au complet.

En tant qu'association, nous nous réjouissons de l'initiative prise par le gouvernement de proposer une législation globale dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Nous croyons qu'une telle mesure s'imposait depuis fort longtemps, afin de clarifier l'imbroglio qui existe au niveau des lois et des différentes juridictions dans ce secteur.

Pour ceux qui seraient intéressés, on a présenté, à la page 5 de notre texte, ici, une définition de l'hygiène industrielle, qui est un art et une science voués à la reconnaissance, à l'évaluation et au contrôle des contraintes du milieu qui peuvent causer une maladie professionnelle ou affecter la santé du travailleur ou causer un état d'inconfort significatif et même d'inefficacité chez le travailleur. Et on donne des détails des contraintes qu'on rencontre dans le milieu de travail qui sont d'ordre chimique, physique, ergonomique, etc.

On voudrait peut-être attirer l'attention sur les contrôles des multiples contraintes en hygiène industrielle qui nécessitent des choix d'un groupe de mesures dont, pour en nommer quelques-unes, la substitution d'un matériel toxique ou d'un procédé dangereux par un autre de moindre risque. On peut penser, par exemple, à la substitution de grenailles d'acier au lieu de sable ou de silice libre dans les opérations de nettoyage par jet abrasif. Le confinement d'un procédé ou l'isolement d'un travailleur. Pensons, par exemple, au bruit. Très souvent, il est impossible et économiquement impensable de réduire complètement le bruit en deçà de 90 décibels tout au moins, mais on peut isoler le travailleur de sorte que le travailleur n'est pas surexposé au bruit. L'humidification de certains procédés; par exemple, le forage par voie humide au lieu de voie sèche. La ventilation locale et générale, le bon entretien de l'équipement et des lieux de travail, la diminution des temps d'exposition au travail et, en dernier recours, la protection personnelle.

On voudrait mentionner aussi que la prévention se fait dès la conception des usines ou des établissements industriels et dans le choix des équipements de production. Il est évident que le domaine n'est pas réservé seulement à quelques personnes. Cela déborde largement le cadre de la seule surveillance de la qualité du milieu et nécessite des connaissances de plusieurs aspects, en étant facilement accessible.

Nous sommes d'accord avec les grands principes de la réforme, tels que la prise en charge par le milieu, l'instauration d'un cadre législatif unifié et l'accent sur la prévention. Nous avons constaté comme plusieurs que l'hygiène industrielle, bien que sous-entendue dans plusieurs articles, on n'en parle pas dans le projet de loi no 17. On sous-entend certaines actions de personnes évoluant en hygiène industrielle dans plusieurs articles dont les articles 40, 69, 136, 185, etc.

Cette lacune est d'autant plus évidente qu'une part importante du texte décrit très précisément une dimension de la santé au travail, l'organisation des services de santé, en passant sous silence la dimension complémentaire et indispensable de l'hygiène industrielle.

L'évaluation et le contrôle de la qualité du milieu de travail doivent précéder et compléter l'établissement de programmes de santé spécifiques, et il nous semble que l'accent aurait dû être mis sur cet aspect et sur les liens étroits existant entre l'hygiène industrielle et la médecine du travail.

Nous désirons que le législateur reconnaisse la place que l'hygiène industrielle doit occuper dans la structure proposée par la loi et l'importance des interventions sur le milieu de travail qui sont, en très grande partie, de la compétence et de la responsabilité de l'hygiène industrielle vis-à-vis des problèmes de santé et de salubrité.

Au niveau des définitions, nous croyons que les définitions de "contaminant", "matière dangereuse" et "rayonnement" sont trop restrictives et nous suggérons une définition de "agent agresseur" qui permettrait de tenir compte de certaines disciplines comme l'ergonomie et de problèmes associés comme les horaires de travail, cadence, rotation, posture, etc. On propose une définition de "agent agresseur", à la page 9 de notre mémoire.

La relation environnement-santé. La santé et l'environnement au travail sont étroitement liés. Cela a été dit plusieurs fois aujourd'hui. On peut tout simplement ajouter que nous croyons énormément qu'on doit agir sur le milieu, qu'il doit y avoir des liens très étroits entre les programmes de prévention et les programmes de santé en milieu de travail.

Programmes-cadres de surveillance de la qualité du milieu. Les pathologies professionnelles proviennent de la qualité du milieu, et le contrôle de l'émergence de ces dernières dépend de la qualité de la surveillance du milieu. Cette surveillance continue est la garantie de la salubrité du milieu et du bien-fondé des mesures préventives adoptées. Il arrive cependant que, malgré un contrôle strict de l'environnement, des individus développent des pathologies professionnelles. Celles-ci peuvent provenir de susceptibilités individuelles ou d'un effet toxique insoupçonné. Il est donc important d'avoir des programmes de surveillance de la santé appropriés aux toxiques ou agents agresseurs, et permettant de déceler les

atteintes précoces insoupçonnées. Cette mesure indispensable permet de dépister les travailleurs affectés là où l'hygiène industrielle aurait pu faillir, faute de données toxicologiques appropriées, le travailleur étant l'ultime moniteur.

Nous reconnaissons l'importance de la normalisation de la base de la surveillance médicale. Il nous apparaît cependant tout aussi important de définir les normes minimales de surveillance de la quaité du milieu, afin de s'assurer que les résultats des évaluations soient uniformes. Une telle mesure favorisera une surveillance minimale de la qualité du milieu et le contrôle de celle-ci. Le type de surveillance proposé dans le projet de loi nous semble socialement très coûteux et contraire au principe même de la prévention et de l'hygiène industrielle.

L'importance de l'hygiène industrielle dans la formation des intervenants. Ce qu'on dit, c'est que le travailleur, l'employeur, le comité de santé et de sécurité, le représentant de la prévention, le médecin, l'inspecteur, l'association sectorielle, tout le monde a besoin de formation en hygiène industrielle et d'information. Ce qu'on suggère, c'est que le gouvernement mette l'accent sur la formation de spécialistes, mais aussi sur la formation de tous les niveaux qui doivent intervenir dans le milieu de travail de l'employeur ou du travailleur, en passant par toutes les spécialités. Il faut aussi étendre la formation à tous les étudiants de tous les niveaux pour sensibiliser un peu tout le monde à reconnaître les risques, proposer des solutions et aider au contrôle de la qualité du milieu.

Enfin, on vous propose certaines recommandations qui sont — on en a mentionné une tout à l'heure — d'ajouter la définition "d'agent agresseur" et à plusieurs articles, comme à l'article 40, de modifier l'article pour ajouter "hygiène industrielle", utiliser les méthodes et les techniques en hygiène industrielle ou autres, visant à identifier, contrôler, éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur.

A l'article 48, 6e: Les modalités de mise en oeuvre de toutes les autres règles relatives à la santé et à la sécurité et l'hygiène industrielle, on suggère d'ajouter les mots, "hygiène industrielle" encore là.

Que les liens existant entre la qualité du milieu et la santé apparaissent clairement dans le texte, en modifiant certains articles, comme, par exemple, l'article 81, premier alinéa, qui pourra se lire: "Les programmes-cadres de santé au travail en fonction des agents agresseurs et de surveillance de la qualité du milieu du travail devant s'appliquer sur les territoires ou aux établissements ou catégories d'établissements qu'elle détermine."

Article 93: "Le médecin responsable doit élaborer, à partir des résultats de l'évaluation de la qualité du milieu, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, un programme de santé spécifique à l'établissement et aux agents agresseurs que l'on y retrouve et voir à sa mise en application."

Article 185, troisièmement: "Déterminer le contenu minimum obligatoire des programmes de prévention", on suggère d'ajouter: "et de surveillance de la qualité du milieu de travail, selon la catégorie à laquelle appartient un établissement ou un chantier de construction."

Que l'on reconnaisse l'importance de l'hygiène industrielle dans l'inspectorat. Ainsi, à l'article 21, que le terme "immédiatement" soit remplacé par "dans les plus courts délais possible", afin que l'expertise en hygiène industrielle soit effectuée lorsque c'est nécessaire.

De plus, les dispositions de l'article 136 font de l'hygiène industrielle une part importante des activités de l'inspecteur. Nous croyons que le gouvernement devra prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la polyvalence et la compétence de ses inspecteurs.

Que certaines ressources soient prévues en hygiène industrielle, en modifiant ainsi les articles suivants: article 60, qui pourrait se lire: "Le comité de santé et de sécurité pourra s'adjoindre toute personne dont les compétences seraient jugées nécessaires dans l'exécution de son mandat." (20 h 30)

L'article 109: "Le gouvernement nomme les observateurs spécialisés respectivement en santé, sécurité et hygiène industrielle auprès de la commission. Les observateurs participent aux réunions de la commission, mais sans droit de vote."

L'article 129, comportant l'ajout d'un seizième alinéa pouvant se lire: "Mettre sur pied un groupe-conseil afin d'assurer au comité de santé et de sécurité, aux représentants à la prévention, aux associations sectorielles et aux employeurs l'expertise nécessaire dans le domaine de l'hygiène industrielle, de la santé et de la sécurité au travail."

Qu'une banque de fiches toxicologiques soit mise sur pied et accessible aux intéressés. Dans cet esprit, nous proposons d'ajouter à la fin de l'article 55: "Le fournisseur devra faire parvenir à la commission (référence, article 129, premier alinéa) et au client (référence, article 40, huitième alinéa) une fiche toxicologique contenant toutes les données pertinentes au produit et à son utilisation, tel qu'établi par réglementation".

Article 129, recueillir des informations visées dans la présente loi et le règlement et tenir, et mettre à jour un répertoire toxicologique des produits utilisés dans les établissements. Que soit incluse la notion d'ergonomie par la modification suivante, à l'article 40, huitièmement: "communiquer aux travailleurs et, le cas échéant, au comité de santé et de sécurité, ainsi qu'à l'association accréditée et à la commission la liste des contaminants et matières dangereuses utilisés dans l'entreprise et de tout autre agent agresseur.

Que la Commission de la santé et de la sécurité du travail puisse statuer sur le choix des méthodes préventives afin que la meilleure technologie possible puisse être employée et éviter qu'elles ne se résument qu'à la protection personnelle en ajoutant à l'article 185: "établir les

priorités dans le choix des moyens de protection de la santé et de la sécurité".

En terminant, soyez assuré, M. le ministre, que nos recommandations sont faites dans un esprit de collaboration afin que cette nouvelle loi ait toutes les garanties de succès qu'elle est en droit d'attendre. L'Association pour l'hygiène industrielle au Québec vous offre, de plus, son entière collaboration dans l'élaboration de la réglementation touchant ses secteurs d'activité. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr, remercier les porte-parole de l'Association pour l'hygiène industrielle au Québec pour s'être donné la peine de travailler le projet de loi. Je pense que cela a été fait avec beaucoup de sérieux. Je pense qu'il s'agit là d'un mémoire qui contient — j'aurai l'occasion de revenir sur certains des éléments; je ne peux pas les reprendre tous ce soir — bon nombre de recommandations qui m'apparaissent très intéressantes. En tout cas, soyez assurés d'une chose au point de départ, c'est que toutes et chacune des recommandations de votre mémoire vont certainement être considérées et examinées très attentivement.

Ceci dit, je vous remercie aussi pour les commentaires qui vont dans le sens, je crois, de façon très claire, d'un appui non seulement à l'objectif fondamental qu'on vise en présentant ce projet de loi, mais également aussi à l'approche. Je pense que vous avez signalé en introduction que cela vous semblait être probablement l'approche, selon vos mots, à votre façon, qui était probablement la plus collée à la réalité québécoise, celle qui vise à prendre appui sur les parties qui sont concernées.

Je voudrais, si vous me permettez, vous soumettre simplement très rapidement quelques commentaires et quelques questions. J'apprécierais connaître vos réactions et vos réponses à ces commentaires et questions. D'une part, vous insistez dans votre mémoire sur les liens très étroits qui existent entre l'hygiène industrielle et la médecine du travail. Il se peut qu'il y ait des ambiguïtés. S'il y a des ambiguïtés, c'est notre travail de faire en sorte de les éclaircir, de les bannir, pour que le texte de loi soit le plus clair possible et ne se prête pas à quelque espèce d'interprétation qui fausserait l'intention du législateur, comme on dit dans le jargon. Ce que le projet de loi, quant à notre interprétation, ce lien entre l'hygiène industrielle et la médecine du travail, reprend sous le concept général de santé, effectivement, vous l'avez évoqué autour des articles, notamment, 93, 48 au troisième paragraphe, etc.

Je dois vous dire aussi — je pense qu'on a eu l'occasion de l'indiquer au cours de la journée — que non seulement nous reconnaissons, mais nous attachons une importance très grande à l'hygiène industrielle et aussi aux liens étroits qui doivent nécessairement exister ou qui devront, en tout cas — si on doit intensifier dans ce sens — exister entre, d'une part, la médecine du travail et l'hygiène industrielle, d'où le concept, de notre point de vue, plus global de santé qui englobe ces deux dimensions.

La première question que je voudrais vous poser est la suivante. Concernant ces liens entre les deux dimensions qui ont été, au fond, largement évoquées tout au long de nos discussions aujourd'hui, et que votre mémoire établit très bien, à mon point de vue, sur le plan technique, je voudrais savoir comment s'établissent présentement ces liens concrètement, et le type de problèmes qui sont rencontrés de votre point de vue? Ce serait la première question.

J'aimerais également savoir comment, d'après vous, pourraient être améliorés les liens en question et particulièrement, j'aimerais savoir si vous partagez les vues d'un certain nombre d'autres organismes qui proposent, comme le projet de loi le fait, d'ailleurs, d'intégrer au sein des services de santé des établissements et des CH-DSC, comme on dit dans le jargon, les fonctions de surveillance de l'environnement, ces dernières fonctions étant aussi l'apanage du comité paritaire d'établissements, de l'inspectorat et des associations sectorielles. Ce sont les deux premières questions.

Il y a un autre point, mais qui recoupe passablement ce dont on vient déjà de parler. Vous suggérez dans votre mémoire que le projet de loi devrait prévoir des programmes-cadres de surveillance de la qualité du milieu, au même titre que le projet de loi prévoit des programmes-cadres de santé au travail. Je pense que ça paraît à la page 17 de votre mémoire. Au fond, c'est le même problème qui revient ici, c'est-à-dire celui de connaître la portée qu'on donne à l'expression "programmes-cadres de santé" et, à notre point de vue à nous, dans son acception la plus large, les programmes-cadres de santé incluent les deux dimensions, c'est-à-dire la surveillance médicale et épidémiologique et aussi la surveillance environnementale.

Mais, ce que j'aimerais savoir, c'est connaître votre avis sur l'opportunité d'avoir ou bien deux programmes-cadres distincts portant sur l'une et l'autre dimensions invoquées ou un seul programme-cadre qui intégrerait, à la fois, les deux dimensions de la surveillance de la santé. J'ai cru comprendre, en lisant votre mémoire, en particulier toujours à la page 17, l'article 81, que vous étiez plutôt portés à favoriser cette dernière hypothèse et, à ma connaissance, c'est aussi cette approche qui a été retenue par les équipes NIOSH aux Etats-Unis. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

Vous recommandez également que le comité de santé et de sécurité puisse s'adjoindre toute personne dont les compétences seraient jugées nécessaires dans l'exécution de son mandat. Je pense que vous avez parfaitement raison. Si le texte est ambigu, n'est pas clair, et s'il ne ressort pas clairement qu'il a cette possibilité et ce pouvoir, vous pouvez être certains qu'on va accueillir très favorablement votre recommandation

au fond, non pas de remplacer l'article 60 comme tel, mais d'y apporter les amendements qui s'imposeraient, pour faire en sorte que ce pouvoir y soit. Cela, je puis vous l'indiquer tout de suite.

En terminant, il y a deux autres recommandations, parmi d'autres, mais sur lesquelles je tenais à intervenir, qui m'apparaissent également intéressantes. Ce sont les recommandations que vous faites concernant les articles 55 et 129. Une première qui vise à établir une sorte d'obligation aux fournisseurs de produire une fiche toxicologi-que et à la commission, d'autre part, de tenir un répertoire toxilologique.

Ces recommandations m'apparaissent très intéressantes. On va certainement les regarder de très près. Je me pose cependant — j'avoue que je réfléchis tout haut plutôt que d'autre chose et on va certainement le gratter — simplement la question de savoir quelle est notre marge de manoeuvre pour imposer une obligation comme celle-là aux fournisseurs dans le cadre constitutionnel actuel, dans la mesure où, certains fournisseurs sont de l'extérieur du Québec? C'est une question à regarder de très près, mais je pense que l'idée de fond est intéressante.

Voilà, M. le Président, mes commentaires et mes questions. Si les membres de l'association voulaient réagir à ces commentaires et nous donner des indications, s'ils le jugent pertinent.

M. Moisan: Je dois peut-être au départ vous dire que notre association regroupe des gens de bien des milieux différents et que c'est assez difficile de faire un consensus, d'exprimer une idée qui rencontre les idées de l'ensemble de nos membres. On compte à peu près 265 membres à l'AHIQ présentement. Nous avons des gens qui viennent du milieu industriel, des gens qui viennent directement du gouvernement, des DSC, des universités, des conseillers, des travailleurs. C'est assez difficile. Je pense en particulier à votre deuxième remarque, ou commentaire, ou question concernant l'opportunité de placer l'hygiène industrielle dans les CH-DSC. On a convenu à l'association de ne pas se prononcer en tant qu'association directement là-dessus. Ce qui nous intéresse, c'est que l'hygiène industrielle soit bien reconnue et qu'elle soit faite à un endroit ou un autre. En tant qu'association, c'est très difficile de se prononcer. En tant qu'individus, on pourrait vous émettre des opinions, mais en tant qu'association, ce qui nous intéresse, c'est qu'il se fasse de l'hygiène industrielle, qu'il y ait des spécialistes en hygiène industrielle et beaucoup d'autres personnes, même si elles ne sont pas des hygiénistes industriels peuvent faire du travail en hygiène industrielle, qu'il y en ait au gouvernement, qu'il y en ait dans l'entreprise privée, qu'il y en ait un peu partout. Pour améliorer les milieux de travail, c'est à peu près tout ce qu'on peut dire en tant qu'association en ce qui concerne les structures.

Pour revenir à la première question les liens actuels entre l'hygiène industrielle et la médecine au travail, actuellement ces liens se font dans l'entreprise. Dans une entreprise, par exemple, assez souvent les gens responsables de l'hygiène industrielle vont avoir des contacts constants avec le médecin d'entreprise. Ils vont discuter avec lui. Ils vont l'informer de ce qu'ils trouvent dans le milieu. De même, le médecin va informer les gens qui s'occupent d'hygiène industrielle de certaines anomalies qu'ils peuvent rencontrer chez les travailleurs, etc. Je pense que ce n'est pas systématisé, mais dans une grande entreprise où cela fonctionne bien, je pense que les échanges se font assez bien entre le médecin et les personnes qui font de l'hygiène industrielle et je peux peut-être demander à mes collègues, peut-être à Jacques ou Marcel, s'ils veulent ajouter quelque chose là-dessus. Ils sont dans un domaine différent du mien comme activité professionnelle.

M. Normandeau (Jacques): Pour reprendre entre autres le point numéro 2 concernant l'intégration de l'hygiène industrielle dans la structure, en fait, l'association comme telle, étant donné qu'elle favorise aussi la promotion sur une grande échelle, des principes de base de l'hygiène industrielle, c'est qu'on voit que l'hygiène industrielle doit être partout dans la structure aussi, et pour les mêmes raisons que M. Moisan a signalées. Du fait que l'association regroupe des gens de diverses provenances, on ne peut pas faire de consensus, sinon celui-ci: que l'hygiène industrielle où les bases, du moins, devraient être généralement répandues dans toutes les structures et aussi à tous les niveaux, autant du point de vue individuel auprès du travailleur que du point de vue d'experts, par exemple, à tous les niveaux.

Concernant la façon dont s'établit le lien actuel environnement-santé, je dois dire que, présentement, c'est laissé au bon vouloir des parties, des gens qui sont en cause. Parfois, cela va s'établir très bien, il va y avoir des entreprises, par exemple, qui vont faire le lien entre les deux, parfois, aussi, les programmes de santé, lorsqu'ils existent, vont être élaborés de façon tout à fait séparée d'un programme de salubrité ou d'environnement. Comment améliorer cela? Il y a eu plusieurs réunions. Evidemment, encore du fait de la provenance, on ne peut pas proposer de structure comme telle. La seule chose qu'on peut faire, c'est de voir à la promotion, à la généralisation, au moins, du domaine de l'hygiène industrielle, c'est-à-dire que cela puisse au moins faire partie de la formation même des médecins, que cela puisse faire partie de la formation des comités de santé et de sécurité, de la formation des associations et de la formation du travailleur. Je pense qu'on ne peut pas élaborer plus que cela là-dessus.

M. Marois: D'accord.

M. Moisan: En ce qui concerne les programmes cadres de surveillance du milieu, je pense que là-dessus, on peut se prononcer en tant qu'association et mentionner qu'on préférerait — comme vous avez conclu qu'on pensait, en lisant notre mémoire — avoir un seul programme de santé

incluant la surveillance de la qualité du milieu plutôt que d'avoir un programme de santé à part et un autre programme de surveillance du milieu séparément. On préférerait voir tout cela dans un même programme cadre de santé au travail.

M. Marois: La raison la plus fondamentale qui vous amène à conclure dans ce sens, à votre point de vue, c'est quoi?

M. Moisan: C'est pour qu'il y ait de meilleurs échanges entre le médecin de travail et la personne qui fait de l'hygiène industrielle, qu'on discute bien ensemble, que chacun puisse avoir son "input", que chaque partie puisse collaborer; on aimerait collaborer dans un programme global en tant que personnel d'hygiène industrielle. Je pense que ce sont les raisons qui nous motivent à opter pour un seul programme intégrant sur le contrôle du milieu.

M. Normandeau: Je peux peut-être compléter un peu là-dessus, en prenant un exemple bien concret. Sans présumer de la situation qui va se produire, comme telle, mais advenant le cas... Si on prend l'exemple d'une compagnie utilisant un toxique comme le plomb, évidemment, avec un cadre unifié de santé et de surveillance de l'environnement, on va prévoir, pour le toxique donné ou pour l'agent-agresseur donné, autant de mesures, que possible dépendant des conditions ou de l'historique des procédés utilisés; peut-être une plombémie aux six mois comme surveillance de la santé, et évidemment, aussi, une évaluation de la qualité du milieu à peu près aux mêmes intervalles.

Ce n'est pas seulement pour rapprocher les individus, c'est en fait, que des liens étroits existent entre ces deux choses: l'environnement et la santé. De ce fait, un programme-cadre de santé sans un programme-cadre d'environnement qui va avec, c'est détacher le problème de la cause, ou détacher la cause de l'effet.

M. Moisan: Concernant les autres remarques que vous avez faites, M. le ministre, nous sommes heureux que vous acceptiez d'étudier nos recommandations ou nos commentaires. Je pense qu'on n'a pas autre chose...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Moisan, je tiens, moi aussi, au nom de l'Opposition officielle, à vous remercier pour la présentation de votre mémoire. On l'a lu bien attentivement et on a pris connaissance des recommandations que vous formulez. A plusieurs égards, vous soulevez des questions qui seront certainement débattues par les parlementaires lors de l'étude du projet de loi après la deuxième lecture, au moment de l'analyse du projet article par article. Les commentaires que vous avez formulés à l'égard de certains articles en particulier, des modifications qui pourraient y être apportées, des ajouts aux définitions, etc., cela nous sera certainement utile et on vous remercie du travail auquel vous vous êtes astreint pour présenter le document.

Pas besoin de vous dire que vous avez pris connaissance de la déclaration qu'on a faite ce matin. Nous sommes d'avis que l'nygiène industrielle est l'un des éléments importants de toute action dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Le gouvernement se doit, selon nous, comme vous en faites part, de préciser davantage et d'officialiser, en lui donnant une place bien définie, ce qu'il entend faire de ce secteur important de l'action ou de toute démarche qui vise la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses du Québec.

Vous avez évoqué tout à l'heure, en réponse à une question du ministre, le fait que votre association ne s'était pas prononcée ou ne voulait pas, ou que vous ne sembliez pas avoir le mandat pour vous prononcer ou de donner votre opinion sur le fait que tout le secteur de l'hygiène industrielle soit placé sous la juridiction des départements de santé communautaire.

Il en a été abondamment question aujourd'hui. L'interprétation que donnent le ministre et le gouvernement à certains articles n'est pas la même que l'interprétation qu'on donne à ces mêmes articles. On a constaté, parmi les intervenants, qu'il y avait peut-être un peu de confusion sur l'interprétation qu'on donnait à ces termes et le moins qu'on puisse dire, c'est que le législateur se devait de reprendre le libellé au moins de l'article 93 et de ceux qui s'y rapportent. Selon les dispositions de l'article 93, advenant le cas où ces deux actions, la première, de santé et d'intervention pour l'application et le contrôle de l'application du programme de santé et l'autre volet qui est le volet du contrôle environnemental, seraient placées sous la même juridiction du département de santé communautaire, ça voudrait donc dire qu'une fois le projet de loi adopté vous qui êtes un hygiéniste industriel, vous auriez à travailler sous la juridiction d'un médecin. Je me demande si, personnellement tout au moins, vous souscrivez à ce principe.

M. Moisan: Même si le gouvernement plaçait ces responsabilités sous le contrôle des départements de santé communautaire, je pense qu'il devrait y avoir de la place pour les hygiénistes industriels en industrie et dans l'entreprise privée aussi, peut-être comme conseillers, parce que je doute, personnellement, que le gouvernement puisse avoir suffisamment de ressources pour faire tout le travail. Le contrôle peut se faire au niveau des départements de santé communautaire ou ailleurs, mais je pense qu'il va devoir y avoir dans l'entreprise des gens qui vont faire de l'hygiène industrielle, du côté des employeurs et des travailleurs.

Comme on le disait tout à l'heure, en tant qu'association, c'est bien difficile de se prononcer là-dessus. On peut simplement émettre des opinions personnelles. Comme on le disait précédem-

ment, on veut qu'il y ait de l'action en hygiène industrielle; que ce soit reconnu, qu'on apporte certaines précisions au texte de loi. Maintenant, au point de vue des structures, si j'émettais une opinion, ce serait une opinion personnelle et non pas en tant que président de l'Association pour l'hygiène industrelle.

M. Normandeau: Je voudrais ajouter un commentaire là-dessus. Premièrement, le nom de l'association, c'est l'Association pour l'hygiène industrielle au Québec. Je ne suis pas hygiéniste industriel. Mon champ d'action m'amène à travailler étroitement avec ce secteur de l'environnement ou de contrôle de l'environnement. Donc, ça ne concerne pas nécessairement ce qu'on peut appeler des hygiénistes industriels, mais ça concerne l'hygiène industrielle. En fait, ce qu'on veut peut-être dire c'est que l'hygiène industrielle peut être considérée comme la base de la prévention du fait de son rattachement à l'environnement.

La deuxième chose qu'on veut dire, étant donné qu'elle peut être considérée comme la base de la prévention, c'est qu'elle devrait être largement répandue, utilisée et connue comme telle. De ce fait, donc, on favorise la formation, sur une grande échelle, dans ce domaine, à tous les niveaux, de tous les individus qui peuvent être concernés.

M. Laferrière (Marcel): Si je puis faire un commentaire supplémentaire; en réalité, ce sur quoi on s'est arrêté, c'est qu'on a voulu dire que l'hygiène industrielle était nécessaire à tous les niveaux, que ce soit dans un DSC, que ce soit à la commission, que ce soit dans l'industrie même. On veut simplement que ce soit reconnu, que c'est nécessaire à tous les niveaux. On ne s'arrête pas sur le choix de la structure; en tant qu'association on ne se prononce pas là-dessus.

M. Moisan: On peut peut-être ajouter qu'on aimerait, en tant qu'association, que le gouvernement étudie très bien la place de l'hygiène industrielle, avec les avantages et les désavantages de retrouver ça dans une structure décentralisée ou centralisée pour offrir les meilleurs services possible aux travailleurs et à l'industrie. Je pense qu'on aimerait se limiter à ça, que ce soit très bien étudié, que le gouvernement forme des hygiénistes industriels, il n'y en a pas beaucoup, que le gouvernement...

M. Pagé: ... la formation et de l'information, entre autres la référence au ministère de l'Education, quant à nous, nous l'avons bien appréciée dans votre mémoire. Je conviens que, en tant qu'association, vous n'ayez pas à vous prononcer sur cet aspect de la question, de la structure et comment ça devrait se concrétiser, mais je remarque quand même que, dans vos commentaires, en votre nom personnel, vous semblez privilégier — vous pourrez me corriger si je me trompe — la possibilité que les actions, que l'initiative de l'action dans le secteur de la prévention, relativement à l'hygiène industrielle et le contrôle de l'environnement, demeurent quand même au sein de l'entreprise plutôt qu'au sein d'une structure qui sera sous la juridiction du département de santé communautaire? En tout cas, c'est ce que je semble percevoir et en conclure. Si je me trompe, vous pouvez me le dire, je vous en prie, je vous invite à le faire, mais c'est la perception que j'en ai.

M. Moisan: En fait, ce qu'on désire, c'est qu'on retrouve l'hygiène industrielle à tous les niveaux: dans l'entreprise; au gouvernement. Le gouvernement a grand besoin d'avoir des spécialistes en hygiène industrielle et pas seulement des spécialistes, mais beaucoup d'autres personnes qui y travaillent.

Si je vous ai laissé penser que personnellement je semblais privilégier que ce soit laissé à l'entreprise privée plutôt qu'au gouvernement, peut-être que l'interprétation de ce que j'ai dit peut être correcte, mais ce ne serait pas une opinion de l'Association pour l'hygiène industrielle comme telle; ça pourrait être l'opinion d'un individu.

M. Pagé: Je connais la délicatesse de votre position et je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président, j'aimerais vous remercier, M. Moisan, ainsi que vos collègues, pour l'intéressant document que vous avez mis à la disposition des membres de la commission parlementaire.

Lorsqu'on regarde les champs d'activités qui sont les vôtres, mais si vous êtes de disciplines passablement différentes en termes de profession, on se rend compte que, dans la foulée de l'aspect préventif qu'on veut donner à cette approche de la santé et sécurité au travail, vous apparaissez comme des interlocuteurs dont on doit sérieusement tenir compte, puisque vous occupez une place prépondérante, si on a cette préoccupation.

J'avais certaines préoccupations en ce qui concernait les liens que vous entrevoyez entre la médecine du travail et l'hygiène industrielle, mais je pense que vous y avez touché indirectement tout à l'heure. J'aimerais revenir sur cet aspect plus spécifique. Est-ce que vous pourriez nous décrire de quelle façon se fait l'intégration, sur le plan pratique, entre la médecine de travail et votre champ d'activité? Appelons-le ainsi pour les fins de la discussion. Votre champ d'activité qu'est l'hygiène industrielle, de quelle façon s'intègre-t-il actuellement? (21 heures)

M. Moisan: Cela se fait de plusieurs façons. Si on pense, par exemple, à la Commission des accidents du travail, un médecin avant de statuer sur une réclamation pour maladie professionnelle va souvent demander à la Direction de l'hygiène

industrielle de faire une enquête ou une expertise dans le milieu de travail pour porter un jugement final, pour faire une relation entre l'état de santé d'un travailleur et la qualité d'un milieu de travail; dans la structure gouvernementale, c'est un exemple. Dans l'entreprise, le médecin, très souvent, va demander à la personne qui fait de l'hygiène industrielle d'évaluer un milieu, que ce soit pour la poussière, le bruit, le solvant, un gaz, une radiation, n'importe quoi. La personne qui fait l'hygiène industrielle évalue le milieu et informe le médecin. Est-ce que ce milieu répond aux normes acceptables? Même si ce ne sont pas des normes officielles au Québec, comme telles, cela viendra avec la réglementation suivant la loi. Il y a des guides qui sont utilisés par tout le monde au gouvernement et partout dans l'entreprise. Les "threshold limit values" qui viennent des Etats-Unis. Le milieu est sain ou non s'il respecte les normes ou non. Cela permet encore au médecin de voir si l'état de santé d'un travailleur peut être affecté par son travail ou non, parce qu'il y a des exemples qui ont été donnés au cours de la journée. Une personne qui souffre de surdité peut prendre sa surdité ailleurs qu'à son milieu de travail, etc.

L'hygiéniste industriel, la personne qui fait l'hygiène industrielle étudie le milieu et informe le médecin. Sur demande du médecin ou de sa propre initiative, si elle voit une situation dangereuse ou pas nécessairement dangereuse, mais malsaine à laquelle un certain nombre de travailleurs sont exposés, elle peut informer le médecin et lui dire de porter une attention particulière à tel ou tel agent agresseur dans ses examens médicaux, et aussi comme dans l'exemple que Jacques donnait tout à l'heure, l'exposition au plomb. Il peut y avoir chez les travailleurs des prises de sang faites régulièrement et le milieu peut être évalué pour voir s'il est adéquat, si on respecte les normes dans le milieu de travail. Les joints se font comme cela, médecin et personne qui fait de l'hygiène industrielle. Voyez-vous, j'ai donné un exemple pour le gouvernement. J'ai donné quelques exemples dans l'entreprise. C'est à peu près comme cela que cela se passe actuellement, les relations. C'est soit le médecin qui demande l'information sur le milieu ou soit la personne qui s'occupe du milieu qui informe le médecin.

M. Brochu: Est-ce que c'est vous, par exemple, qui avez fait récemment les études qui ont eu cours sur les problèmes de surdité, les problèmes de bruits industriels? Il y a eu une étude. Est-ce que vous avez participé à ces recherches?

M. Moisan: Dans quel dossier?

M. Brochu: Je sais que cela s'est fait dans le dossier de l'amiante entre autres, dans les usines de la région de l'amiante. Cela s'est peut-être fait sur d'autres échelles, mais il en avait été question.

M. Moisan: On a un de nos membres de la région de l'amiante ici. Je pense que l'industrie de l'amiante...

M. Brochu: C'est simplement par curiosité. Ce n'est pas directement relié à nos travaux.

M. Moisan: II y a des études qui ont été faites par les services gouvernementaux dans l'industrie de l'amiante et les industries elles-mêmes font beaucoup d'études sur le milieu.

M. Brochu: Maintenant, en ce qui concerne la démarche des entreprises, ce qui m'amène à la deuxième partie de cette question, est-ce que vous remarquez de façon générale, dans les entreprises au Québec, une volonté d'aller un petit peu au-devant de la musique, si vous voulez, dans le domaine de la prévention, la santé et la sécurité au travail? Est-ce que vous sentez cette préoccupation ou si, de façon générale, vous êtes davantage appelés après qu'une situation se fut détériorée et qu'on veut apporter certains correctifs? Jusqu'à maintenant, dans l'expérience du vécu de votre association, est-ce que vous êtes en mesure de nous donner quelques indications dans ce sens? Le législateur aimerait connaître un peu l'attitude d'ensemble des entreprises dans ce domaine.

M. Moisan: Je pense qu'on...

M. Brochu: Autrement dit, de quelle façon, pour l'entreprise, on distingue le curatif et !e préventif? Est-ce qu'on a fait une nette démarcation jusqu'à maintenant ou si on est resté plus du côté du curatif ou si on a vraiment eu cette préoccupation du préventif?

M. Moisan: On pourrait donner beaucoup d'exemples de compagnies qui sont allées de l'avant, qui ont évalué leur milieu et qui ont agi sur le milieu en contrôlant beaucoup, soit la poussière, le bruit ou tout autre agent de contamination. Il y a d'autres entreprises qui ne vont pas de l'avant. Disons qu'en général la petite et la moyenne entreprise sont moins préoccupées par ces problèmes actuellement que la grande entreprise. Très souvent, dans la PME, les travailleurs ne sont pas syndiqués, sont plus ou moins bien organisés, plus ou moins bien informés des conditions de leur milieu. Souvent, dans les petites entreprises à propriétaire unique, où c'est la même personne qui fait tout, la production, la comptabilité, le financement, la vente, etc., la qualité du milieu de travail peut être moins dans ses préoccupations premières que dans d'autres entreprises plus grandes. Cela peut varier d'une entreprise à l'autre aussi. Je pense qu'en général on peut dire sans trop se tromper que la grande entreprise est mieux organisée pour faire face à la prévention des accidents ou des maladies que la petite et moyenne entreprise.

M. Brochu: Ils ont plus les moyens, au point de départ, et les structures. Je pense que c'est intéressant comme remarque.

M. Moisan: Mes collègues en voient beaucoup aussi par leurs travaux respectifs. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, Marcel.

M. Laferrière: C'est aussi selon le type de problème qui peut se présenter. Il y a toujours un côté économique face au type de problème. Si on parle de bruit, bien souvent, cela peut coûter cher. C'est peut-être en suspens en attendant de trouver une technologie moins dispensieuse. On préfère peut-être prendre d'autres moyens comme palliatifs, soit des équipements de protection personnelle. Il y a un problème économique aussi à ne pas oublier lorsqu'on parle de moyens de prévention, dans la petite entreprise surtout. Cela existe aussi dans la grande entreprise.

M. Brochu: Cela va. Maintenant, si vous permettez, j'aurais une autre question aussi. A la page 13 de votre mémoire, si je ne fais pas erreur, vous dites: Le type de surveillance proposé nous semble socialement très coûteux et contraire aux principes même de la prévention et de l'hygiène industrielle. J'aimerais peut-être avoir quelques explications supplémentaires sur cette affirmation que vous faites par rapport au projet de loi. Vous dites que cela va un peu à l'encontre de vos principes, des principes élémentaires de votre champ d'activités, de votre champ de préoccupations. De façon plus spécifique, qu'est-ce que cela veut dire exactement?

M. Normandeau: Normalement, la prévention passe d'abord par un contrôle de la qualité ou de la salubrité de l'environnement ou du milieu de travail. Ce qu'on peut rencontrer relativement fréquemment dans le milieu, c'est qu'on peut, soit mesurer la qualité du milieu du travail à partir d'appareils par des mesures physiques, par exemple, dans l'aire de concentration de produits, soit, après coup, mesurer la qualité du milieu de travail à partir d'une évaluation médicale par exemple de la santé d'un travailleur.

Quand on sait qu'il y a beaucoup de pathologies professionnelles qui ont un développement très lent, de type chronique — on peut prendre, par exemple, la silicose ou l'amiantose — à ce moment, lorsqu'on va dépister un problème chez l'individu, cela va être un peu coûteux de déterminer comme cela la qualité du milieu de travail puisque, en fin de compte, l'individu est maintenant atteint. Il est trop tard. Ce n'est plus de la prévention. Après une exposition de vingt ans, si on prend la cohorte d'individus qui ont été exposés, cela fait tout un déficit, un nombre grandissant d'individus qui vont développer la même pathologie. Donc, en fait, ce qu'on favorise, c'est premièrement établir une surveillance et un contrôle de l'environnement. Evidemment, le contrôle de l'environnement ou la surveillance ne sont pas toujours parfaits. A ce moment, on doit pallier aux imperfections en dernier recours en prenant l'être humain, l'homme comme moniteur. A ce moment, il s'agit de voir les atteintes précoces, alors que la maladie est encore réversible, que ce n'est pas irréversible. Donc, une surveillance qui serait basée principalement sur une surveillance de la santé serait une surveillance après coup seulement, si elle n'est pas doublée d'une politique d'environnement.

M. Brochu: Vous voudriez que dans le projet de loi no 17 cette préoccupation soit davantage évidente qu'elle ne l'est actuellement, par rapport à ce point-là, au niveau de la surveillance?

M. Normandeau: En fait, ce que nous aimerions, c'est qu'une emphase soit mise sur ce point, que les politiques de contrôle de la qualité et de la salubrité du milieu, de façon générale, précèdent toute autre mesure ou soient instaurées parallèlement, par exemple, à un certain contrôle médical, une surveillance médicale.

M. Brochu: Merci.

M. Jolivet: Une petite vite...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Une petite vite simplement, parce que vous avez fait mention, tout à l'heure, de différents milieux d'où vous venez. J'aimerais savoir, en termes de formation ce que c'est... C'est une question pour connaître un peu votre groupe, la formation en hygiène industrielle, qu'est-ce que c'est? Est-ce qu'il y en a actuellement au niveau du Québec?

M. Moisan: Oui, il y en a. Il y a des hygiénistes industriels ici au Québec, mais ils sont très peu nombreux. Il peut y en avoir une dizaine, une douzaine, une quinzaine, mais ils sont très peu nombreux, de ce qu'on appelle, en tout cas, des hygiénistes industriels, tels que définis par l'American Industrial Hygiene Association. Généralement, un hygiéniste industriel, c'est une personne qui a une scientifique de base, soit en génie, en chimie, en biologie et doublée au moins d'une année ou deux de spécialisation en hygiène industrielle comme telle, ce qui permet à l'hygiéniste industriel d'avoir des notions de médecine, des notions de sécurité, des notions de loi, de la façon de faire des enquêtes, des notions d'épidémiologie, etc.

Il y a un certain nombre de Québécois qui sont des hygiénistes industriels, tel qu'entendu par l'American Industrial Hygiene Association. Il y a plusieurs autres personnes qui font de l'hygiène industrielle, qui pourraient porter le titre d'hygiéniste industriel aussi, mais personne n'a jamais statué ici, au Québec, ce qu'était un hygiéniste industriel. Il y a de nombreuses personnes en industrie qui ont une formation de base en sciences ou en techniques, qui font de l'hygiène industrielle, qui ont suivi des cours soit de maîtrise ou des cours brefs de quelques semaines, quelques mois à l'occasion, qui sont documentées dans la littérature disponible, etc., et qui sont capables de faire de l'hygiène industrielle. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Dans notre association, on a des gens de tous les niveaux qui sont préoccupés par l'hygiène industrielle. On a de nos membres qui ne font pas directement de surveillance sur la qualité du

milieu, mais qui ont un intérêt à ce que ça se fasse.

M. Jolivet: II n'y a pas de formation directe au Québec? Cela provient de l'extérieur?

M. Moisan: Cela commence au Québec. Certaines universités offrent des cours. L'Université McGill, par exemple, commence un cours cet automne, santé occupationnelle, qui va déboucher sur un certificat en hygiène industrielle ou en santé occupationnelle. L'Université du Québec à Trois-Rivières donne un cours de maîtrise où on donne de plus en plus de notions d'hygiène industrielle, d'ergonomie, etc., aux étudiants qui s'inscrivent à cette maîtrise. L'Université Laval ici donne certains cours, je ne crois pas que ce soit de maîtrise, mais certains cours de formation en cours de travail, des cours par les soirs ou le jour. L'Université de Sherbrooke aussi, je pense, a commencé, Polytechnique aussi.

Il y a plusieurs universités qui se penchent sur ce genre de programme, même une association comme la nôtre a organisé un cours de ventilation industrielle qui s'adresse à nos membres, qui va avoir lieu la semaine prochaine. En tant qu'association, on veut participer à la formation. On a un autre projet qui consiste à donner un cours de base en hygiène industrielle, les techniques de base, qui pourrait avoir lieu le printemps prochain. Il y a des groupes autres que nous qui donnent des cours aussi un peu partout.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie les membres de l'Association d'hygiène industrielle de la présentation de leur mémoire.

J'inviterais maintenant les Départements de santé communautaire à venir nous présenter son mémoire. (21 h 15)

M. Raymond Roberge?

M. Roberge: Oui.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez nous présenter vos collègues et nous présenter votre mémoire.

Professionnels des DSC

M. Roberge: D'accord. Avant de commencer sur le contenu comme tel, je voudrais faire une petite précision et j'aimerais peut-être aussi que cette précision soit faite au journal en question. Il ne s'agit pas d'un groupe qui représente les départements de santé communautaire. Il s'agit plutôt d'un groupe de professionnels qui oeuvrent à l'intérieur des départements de santé communautaire.

De la même façon que ceux qui ont fait la présentation précédente, j'aimerais aussi, vu qu'il s'est dit beaucoup de choses durant la journée, simplement résumer ou aller tout de suite aux points qui nous apparaissent les plus importants, quitte à laisser tomber certains aspects qui ont déjà été abordés et pas mal discutés.

On ne voudrait pas que cela ait l'air du déjà vu, mais notre toile de fond ou notre premier élément portait sur la nécessité d'une plus grande articulation entre la surveillance de l'environnement ou la surveillance du milieu et les programmes de santé. L'accent qu'on met là-dessus est peut-être en bonne partie dû à une mauvaise compréhension du texte de loi. On ne veut pas revenir trop là-dessus, non plus. Pour nous, cette articulation est une condition essentielle si on veut atteindre l'objectif de départ et éliminer les risques à la source. C'est aussi une condition — c'est beaucoup là-dessus qu'on voudrait s'étendre — pour que les programmes de santé soient rentables.

Je pense que cela a été une journée où il y a eu beaucoup d'intervenants en santé, où on est souvent porté à prendre les choses un peu pour acquis, à considérer un peu l'intervention santé ou les programmes de santé comme étant quelque chose de nécessaire autour de quoi tout doit tourner et qui est pratiquement rentable en soi. On voudrait, par une meilleure articulation au niveau de la surveillance de l'environnement et la surveillance de la santé, trouver — et c'est ce qu'on va essayer de faire immédiatement — ou dégager en quoi cela peut être rentable, cette fameuse surveillance de la santé. Cela peut être rentable à deux niveaux et on va le traiter en deux niveaux assez distincts.

Parlons, d'abord, de la surveillance épidémiologique. Vraiment, si on parle de réforme qui veut apporter quelque chose de plus, c'est peut-être de cela qu'on doit parler d'abord, à notre sens, en ce qui nous concerne, en tout cas, du point de vue de la santé. Je ne veux pas mettre cela au-dessus de la prise en charge par le milieu ou d'autres aspects de la réforme. Pourquoi c'est important, cette surveillance épidémiologique qui fait le lien entre la santé du travailleur et le milieu dans lequel il travaille huit heures par jour, parfois plus? C'est pour nous donner une meilleure connaissance de la situation d'abord au niveau de l'ensemble du Québec. Cela a été souligné ce matin. Comment cela se fait-il qu'on se retrouve avec un projet de loi actuellement et une si faible connaissance de la situation actuelle au Québec? Il faut commencer par un bout à un moment donné et, si on commence par là, ce ne sera peut-être pas long qu'on va en avoir une meilleure connaissance. On va dépasser la connaissance superficielle de la situation de la santé des travailleurs au Québec.

C'est important aussi parce que c'est peut-être l'instrument de base si on veut faire de la recherche et même avant de faire la recherche, si on veut savoir vers quoi il faut orienter la recherche. C'est facile de faire de la recherche très poussée sur de petites choses parfois. C'est peut-être un bon instrument pour déterminer les priorités de recherche et ensuite articuler cette recherche. C'est un bon instrument aussi ou c'est peut-être l'instrument de base pour déterminer les priorités d'interventions comme telles au niveau provincial. Mais on introduit tout de suite une nuance, pas seulement au niveau provincial; à un

autre niveau un peu plus petit qui s'appelle le niveau régional et qui est annoncé aussi.

Je pense qu'on travaille chacun dans des départements de santé communautaire qui ne sont pas concentrés. On ne vient pas nécessairement de toutes les régions du Québec, mais quand même de régions assez diverses et assez diversifiées. On pense qu'il devra y avoir une étape où cette fonction de surveillance épidémiologique va trouver sa rentabilité aussi au niveau régional, en termes de détermination de priorités aussi au niveau régional.

Enfin, c'est aussi le moyen par excellence d'évaluation de ce que cela aura donné, par exemple, les premières années d'intervention en santé des travailleurs, tant pour ceux qui seront davantage axés sur la surveillance et l'amélioration du milieu que pour ceux qui travailleront davantage au niveau des programmes de santé comme tels.

Cela comporte aussi ses exigences. A ce niveau, la première est peut-être une action que je qualifierais de continue, très articulée — on semble assez d'accord — dans le sens où la surveillance de l'environnement qu'on veut articuler avec la santé, ou l'articulation qu'on veut entre les deux, exige une surveillance du milieu qui soit continue. Ce n'est pas — je passerai vite là-dessus — le type de surveillance que vont faire les services d'inspection, c'est du respect de normes, de conditions minimales le plus souvent. C'est autre chose, aussi, que ce que fera l'employeur avec les obligations qui lui sont données par la loi, c'est autre chose, aussi, que ce que fera le représentant à la prévention; c'est différent, mais cela ne veut pas dire que ce ne sera pas fait en collaboration, cela ne veut pas dire que l'expertise qui sera requise pour faire cette surveillance ne pourra être un excellent support pour orienter et supporter le travail de l'employeur quand il voudra remplir ses obligations, orienter aussi le travail du représentant à la prévention.

Un autre aspect qu'on est peut-être souvent porté à oublier, ou à considérer superficiellement, c'est que, ce dont on parle en termes de surveillance du milieu et ce dont on parlera tantôt en termes de rentabilité des programmes de santé comme tels, il ne faut pas oublier que cela nous amène — si on veut aller au bout de cela — à dépasser la stricte approche normative qu'on retrouve souvent dans des réformes d'ampleur, des réformes qui sentent le besoin de s'appuyer sur un appareil solide. Il devra y avoir de la place, aussi, si on parle de surveillance du milieu et de surveillance de la santé, pour un travail assez continu qui visera la réalisation d'objectifs très locaux dans une entreprises. On souhaite fortement que tout le monde des intervenants en santé et tout le travail de ceux qui seront amenés à supporter l'action du milieu — je pense que l'expression "supporter", on va l'employer souvent parce que c'est notre rôle comme intervenant de santé et intervenant de l'expertise en hygiène industrielle — devra se situer non pas dans un cadre de normes minimales, mais dans un cadre de qualité de vie et de salubrité presque maximale pour le travailleur, dans des conditions de réalisation, dans les possibilités de chacune des entreprises.

On pourrait peut-être développer, maintenant, la façon dont cela peut se concrétiser ou dans quoi va s'incarner cette fonction de surveillance du milieu. J'ai dit tantôt que c'est vraiment une expertise; si elle est implicite dans le projet de loi, on a senti le besoin de l'amener et on sent le besoin, tout de suite, de dire que c'est peut-être le genre de chose qui est tellement importante. Je pense que vous l'avez affirmé ce matin, l'objectif premier était d'éliminer les risques à la source. Si on veut vraiment atteindre cet objectif, pour nous, quant à la fonction surveillance du milieu — c'est peut-être là qu'on se différencie un peu d'autres interventions — le problème n'est pas, d'abord, de savoir où on va mettre l'hygiéniste industriel, on va peut-être le mettre dans le DSC, au niveau d'une structure régionale ou ailleurs, c'est d'abord un problème de définition de cette fonction de surveillance du milieu, de la même façon qu'on a senti le besoin, dans le projet de loi, de définir les programmes de santé, il faudrait définir tous les aspects de surveillance du milieu, quitte à définir un sous-programme ou un élément qui s'appelle surveillance du milieu. Pour nous, ce n'est vraiment pas, comme on a cru le comprendre aujourd'hui, à quelques reprises, à la limite, une fonction qui peut devenir un sous-élément des programmes de santé.

Le danger qu'on peut voir, à un moment donné, quand vous donnez la réponse: c'est implicite à l'article 93, par exemple, c'est que la tentation soit grande de dire: C'est un sous-élément des programmes de santé.

Si on part avec cette attitude, on risque fort de se retrouver, dans la pratique, avec l'hygiène industrielle qui est une des ressources premières et une des ressources fondamentales ou une des fonctions fondamentales qui doit être exercée comme devenant une sous-fonction des services de santé. Exactement dans le sens où M. Pagé a posé sa question tantôt, on risque fort d'aboutir à une dépendance de cette fonction par rapport à la fonction traditionnelle de dispensation de services de santé, ce qui serait, à notre sens, contraire à l'esprit qui était véhiculé jusqu'à maintenant par le projet de loi.

Comme les autres, il nous semble important que l'expertise en hygiène industrielle soit intégrée au niveau du réseau public, sur une base régionale. On ne pense pas nécessairement que le réseau public, sur une base régionale, veuille nécessairement dire le département de santé communautaire. Je peux aborder ce point brièvement tout de suite, on y reviendra tout à l'heure, parce qu'on veut aussi traiter de régionalisation. Quant à nous, l'hygiène industrielle est vraiment une fonction importante — pas tellement l'hygiène industrielle, ce seront souvent des hygiénistes industriels, comme les intervenants précédents l'ont dit, ça pourrait être d'autres gens qui ont de l'expertise, mais pas nécessairement un titre — qui ne

soit pas d'emblée reléguée au niveau d'une fonction à l'intérieur des programmes de santé, mais on verrait plutôt qu'elle soit intégrée au niveau régional, au niveau d'une structure décentralisée de la future commission. Parce que des hygiénistes industriels et des ressources en hygiène industrielle, il n'y en a pas un aussi grand nombre, il ne s'agirait pas de les éparpiller un peu partout.

Cette expertise en hygiène industrielle, aujourd'hui, on a mis l'importance sur le fait d'articuler santé et surveillance de l'environnement. Si cela avait été une journée sur la formation et l'information, on aurait peut-être insisté sur la nécessité d'articuler la formation et l'information avec la connaissance du milieu, cette ressource devra être utilisée à toutes les sauces. Cela devra être une expertise ou un support d'expertise assez central au niveau de la région, qui devra exercer une grande influence sur les programmes de santé, qui devra exercer une grande influence au niveau de la formation et de l'information, qui devra aussi être capable de parler aux gens de l'inspection, même si on est souvent porté à dire que l'inspection, c'est différent, c'est normatif, tout ça, mais ça va être une bonne source d'information. Ce sont peut-être ces gens-là qui vont mettre le doigt sur les problèmes, quelquefois.

C'est tellement une ressource qui va être projetée ou qui va être utilisée dans tous les sens ou à l'égard de toutes les fonctions qui sont appelées à être remplies à l'intérieur de cette réforme, qu'il nous semble que ce serait peut-être restrictif, d'aller la placer au niveau de l'entité qui est spécifiquement chargée des programmes de santé. On la verrait beaucoup plus au niveau régional, très accessible au département de santé communautaire, accessible aussi aux associations syndicales, patronales, aux associations sectorielles.

Essentiellement, sur la fonction épidémiologique, tout cet aspect, c'était pas mal les points qui nous semblaient les plus importants. J'irais maintenant à l'autre niveau. Qu'est-ce que c'est l'autre niveau où on veut réaliser des gains sur des programmes de santé? A partir de quand peut-on dire que ça vaut la peine qu'on investisse au niveau des programmes de santé des travailleurs? On a vu qu'il y avait des gains qui sont, peut-être pas nécessairement plus à long terme ou qui peuvent être productifs assez rapidement, mais à ce niveau, une surveillance épidémiologique articulée.

Il y a aussi tout un ensemble de gains beaucoup plus directs pour la santé et la qualité de vie des travailleurs qu'ils sont, à notre avis, en droit d'exiger. C'est facile de dire que c'est une réforme à long terme, il ne faut pas s'attendre à des résultats trop vite. (21 h 30)

On a parlé beaucoup, cet après-midi, de confiance à l'égard des services de santé. Le travailleur est peut-être en droit d'attendre une rentabilité, des gains un peu plus rapides que ça et c'est un peu de ces gains dont ou voudrait traiter rapidement. Un bel exemple de ce type de gains pour la santé du travailleur, on le situe au niveau des examens de préemploi, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes, mais je veux simplement l'amener comme illustration. C'est peut-être l'endroit privilégié pour éviter des futurs problèmes à la santé d'un travailleur qui va postuler un emploi, si les examens sont faits de façon spécifique en regard de la fonction qu'il va exercer et des capacités du travailleur. Donc ça veut dire que si on veut le faire de cette façon, ça nécessite vraiment que le médecin ait une connaissance assez poussée du milieu et assez poussée de la tâche qui sera accomplie et ça illustre aussi ce que je disais tantôt, c'est qu'il faudra aller au-delà de l'approche normative. Le travail du médecin ne devra pas se faire simplement en terme de normes à ne pas dépasser ou de travailleurs qui devront être suffisamment équipés pour affronter une norme qui est dépassée, mais aussi en fonction de situations beaucoup plus complexes et qui ne sont pas aussi facilement définissables par des normes. Je pense à des problèmes d'ergonomie, par exemple, où un travailleur en particulier pourrait très bien faire le travail, mais un autre à cause de conditions de taille, de poids, etc., ou de mouvement, ne pourra pas le faire. C'est vraiment l'illustration de l'examen de préemploi et ça incarne très bien qu'au niveau même très clinique — notre point de vue n'est pas du tout de dénigrer ou de dévaloriser tout le travail clinique du médecin dans l'entreprise — il va en avoir à faire et il y a des gains à faire à ce niveau; mais on dit à ce niveau, il faudra aller un peu au-delà de l'approche normative.

Un autre aspect ou un autre type de gain direct, il nous semble, auquel le travailleur a droit — c'est vraiment un droit fondamental et je pense qu'on ne doit pas parler de grands objectifs à long terme, si on ne veut pas s'engager plus immédiatement à respecter les droits fondamentaux des travailleurs — c'est le travailleur qui est déjà en position de travail à l'intérieur de l'usine et qui subit déjà des expositions à des agents agresseurs au travail, dans des situations difficiles ou même, à cause de sa condition physique personnelle qui n'est pas nécessairement altérée à cause du travail qu'il a, n'est pas ou n'est plus en mesure d'assumer un tel travail. Il faut qu'on fasse quelque chose pour ce gars, il faut prévoir les mécanismes pour le faire. Le projet de loi prévoit déjà le refus de travail. C'est un élément vraiment de base et une des grosses caractéristiques de ça, c'est que ça repose sur la volonté du travailleur de l'utiliser. C'est important; cela va exactement dans le sens de la prise en charge mais là, c'est la prise en charge par l'individu de son problème. Nous, on pense que ce mécanisme, si vertueux qu'il soit, doit être complété par autre chose qui s'appelle le retrait préventif, parce que le droit de refus — en tout cas on peut quasiment le poser en une petite équation — se prête très bien pour des situations qui peuvent porter atteinte à la santé ou à la sécurité du travailleur, mais il y a aussi — je pense que les départements de santé communautaire ont une bonne expérience de ce

côté, par exemple, au niveau de dépistages qui ont été faits ou de programmes de surveillance qui ont déjà été faits dans les industries, parce qu'il s'en est fait, il ne s'est pas seulement fait de la compilation dans les départements de santé communautaire jusqu'à maintenant — le fait que la plupart du temps, quand on fait des dépistages ou que des programmes de surveillance sont mis en branle, on ne trouve pas, d'un côté, les blancs et, de l'autre côté, les gris foncés, ou les noirs, ou les compensables. On ne trouve pas les gars en pleine santé d'un bord et on ne trouve pas les gars compensables de l'autre bord; on trouve souvent un paquet de monde entre les deux; les gars qui commencent à être atteints dans leur santé, soit au niveau de surdité, de pneumoconiose, d'intoxication.

Je pense que la prévention, si on n'est pas capable de lui trouver une application, on peut se poser des questions. Nous, on pense que le retrait préventif devrait être le mécanisme privilégié pour apporter une réponse à tous ces travailleurs qui commencent ou qui sont victimes d'altération précoce de leur santé, en d'autres termes, que s'ils continuent à être exposés au même agent agresseur, dans le même poste de travail, vont finalement être des beaux cas de compensation. Encore là, ça pose un petit problème au niveau des normes. Ça veut peut-être dire que les gens du service de santé ne fonctionneront pas seulement en fonction de normes de maladies professionnelles compensables, mais peut-être aussi en fonction de normes d'altération précoce qui sont utilisées ailleurs et qui sont déjà définies.

Un autre aspect aussi, c'est la susceptibilité individuelle du travailleur. Même si le travailleur n'est pas précocement atteint d'une maladie professionnelle, peut-être que sa condition physique à lui commence à être détériorée, même si cela n'a aucun rapport avec le travail. Mais si, à cause de sa condition physique ou de sa constitution ou de n'importe quoi, il s'expose à des conséquences sérieuses pour sa santé en exerçant tel travail, on doit aussi faire quelque chose et, encore là, le retrait préventif nous apparaît le mécanisme adapté. Il y a une chose qui est importante à préciser quand on parle de retrait préventif. On considère, nous autres, que le retrait préventif, c'est un mécanisme au même titre que le droit de refus. On considère que le retrait préventif, c'est un mécanisme qu'il faut utiliser si le travailleur décide de l'utiliser. On ne considère, pas, disons, qu'il appartient aux professionnels de la santé, au médecin, par exemple, qui est en poste dans l'entreprise de décider qu'un travailleur précocement atteint ou en voie d'être sérieusement atteint doit être retiré du travail. Ce n'est pas comme cela qu'on formule le retrait préventif.

On formule beaucoup plus le retrait préventif en termes d'obligations pour le médecin du service de santé. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que le médecin du service de santé, connaissant l'individu, connaissant le milieu, connaissant l'exposition, devra — et je pense que cela devrait faire l'objet de précision dans le projet de loi — être tenu d'informer personnellement le travailleur de son état de santé, des risques auxquels il s'expose et de lui tracer le tableau le plus objectif possible de cette situation. Cela ne s'arrête pas là. Il devra aussi supporter le travailleur dans ses démarches si le travailleur décide d'entreprendre des démarches du type du retrait préventif. On pense que, quand le médecin du service de santé ou le médecin qui oeuvre dans une entreprise en particulier s'astreint lui-même ou est astreint â des obligations de ce type, son travail clinique commence à être drôlement rentable pour le travailleur. On parlait de confiance tantôt. Je pense que c'et un élément susceptible drôlement de rehausser ou d'améliorer, en tout cas, le climat de confiance qui existe entre le professionnel de la santé et le travailleur.

On pense — c'est aussi un aspect peut-être non négligeable — que, si on ajoutait le retrait préventif comme mécanisme à côté du droit de refus, cela pourrait être aussi, à l'occasion, une bonne incitation pour améliorer les problèmes à la source. Je pense que c'est un bon moyen de rejoindre notre objectif de départ. Donc, si on veut résumer sur le retrait préventif, je pense qu'à la façon dont vous l'avez énoncé, ce matin, M. Marois, le principe est là dans le projet de loi. De la façon dont on le pose, il ne s'agit vraiment pas de dire: Commençons avec la femme enceinte et, par la suite, on l'etendra à d'autres. On pense que cela touche tellement à un droit fondamental et premier du travailleur, en tout cas, à notre avis, sur lequel les travailleurs sont en droit de demander des comptes qu'il faudrait dès maintenant l'inscrire. Je pense que, s'il y avait des choses à appliquer progressivement, ce ne serait peut-être pas celle-là. Il y en aurait peut-être bien d'autres. De fait, dans la pratique, en tout cas, si je voulais donner des cas particuliers, des exemples particuliers, ce serait facile de dire que l'utilisation du retrait préventif va peut-être éviter bien des utilisations du droit de refus qui sont peut-être un petit peu plus raides comme procédure.

Un autre aspect pour clore sur le retrait préventif, et le droit de refus aussi, c'est que ce sont des mécanismes qui sont là. Ce sont des droits de base. Mais qu'est-ce qui arrive après? Prenons peut-être plus particulièrement le retrait préventif. Je pense que la responsabilité de tout le cadre et de toutes les ressources qui vont agir dans cette réforme, ce n'est pas de faire un petit peu le ménage dans l'industrie, d'améliorer à la source et tout cela, mais il y aura des gens qui seront peut-être retirés du travail. Il y aura peut-être des gens à reclasser professionnellement. Il y aura peut-être des gens à réadapter physiquement. La réadaptation fera probablement l'objet d'un autre débat à un autre moment, mais ce serait peut-être important qu'à l'intérieur même de ce projet on prévoie un petit peu les mécanismes ou les issues ou comment est-ce qu'on va assumer les conséquences des mécanismes qu'on met en place.

Encore là, je pense rapidement au niveau régional, quand on pense à tout ce qu'il faudra

mettre en place pour assumer ces conséquences, on parle de réadaptation, de recyclage professionnel à l'intérieur de la même région, ce sont peut-être beaucoup de choses pour lesquelles le niveau régional aura beaucoup à faire. Ce genre de support ou de coup de main aux travailleurs devra peut-être se passer plus aux niveaux local et régional qu'au niveau central, par exemple.

J'aimerais peut-être maintenant revenir à ce qu'on disait au départ, c'était une question d'articulation, notre affaire. On a beaucoup insisté sur articulation, surveillance du milieu, surveillance de la santé. Si on recule un petit peu et qu'on essaie d'avoir une vue d'ensemble, je pense que cette articulation, il n'y a pas seulement les programmes de santé et les programmes de surveillance du milieu qui la méritent et pour lesquels c'est une condition importante. On pense qu'au niveau du projet de loi actuel, il y a peut-être une dispersion trop grande des responsabilités. J'en viens au fait. Il s'agit vraiment, dans l'optique d'une prise en charge efficace par le milieu du travail, de valoriser davantage le rôle du comité de santé et de sécurité au niveau de l'élaboration de l'ensemble des programmes. Je reviens sur une question que vous avez soulevée tantôt: Est-ce que cela prend plusieurs programmes? Ou bien, cela prend peut-être un gros programme d'ensemble? La réponse, à notre sens, est peut-être plus au niveau de gros programme d'ensemble à l'intérieur duquel il y a des responsabilités pour plusieurs types d'intervenants.

Le comité de santé et de sécurité, si on veut que ce soit vraiment l'instrument de concertation dans le milieu, même si c'est plus difficile, si on lui en donne un petit peu plus, il faut peut-être l'inciter ou forcer un petit peu la concertation si on veut qu'elle se fasse à un moment donné. Dans ce sens, on verrait vraiment que le comité de santé et de sécurité se voit définir des fonctions un petit peu plus précises au niveau de l'élaboration, de la coordination et de la transmission quasiment de l'ensemble des programmes, pas seulement pour la formation et l'information, mais aussi pour la prévention et les programmes de santé. Je pense que c'est un beau défi pour les ressources de santé. Si les ressources de santé sont assez capables de se définir comme des supports au milieu et assez capables de communiquer et de bâtir avec le milieu leurs programmes de santé, il n'y aura pas de problème à ce que le comité de santé et de sécurité le transmette à la commission et participe à l'élaboration de cela.

Ce n'est pas mauvais qu'il s'agisse de professionnels de la santé ou d'autres professionnels qui seront, par exemple, au niveau d'une structure régionale. Cette obligation de toujours s'en remettre ou de toujours passer par le comité de santé et de sécurité, peut peut-être éviter les chasses gardées à un moment donné, ou cela va rappeler à tous ces gens qu'ils sont au service du milieu du travail, et que dans les interventions ils doivent respecter, reconnaître, et au besoin, stimuler la prise en charge par le milieu.

Enfin, le dernier aspect qu'on désire toucher, c'est la nécessité pour la prochaine commission de s'adapter à la réalité des différentes régions du Québec quand il s'agit d'appliquer une réforme qui a autant d'ampleur et qui implique autant d'intervenants. Le Québec est aux points de vue géographique, démographique ou seulement dans la répartition de l'ensemble des travailleurs ou des industries — très différent d'un bout à l'autre. Nous autres, ce qu'on voit comme structure régionale, c'est une structure qui aura vraiment comme premier mandat de coordonner l'ensemble de ces éléments. Il va y avoir beaucoup de monde d'impliqué à un moment donné, que ce soit au niveau des programmes de santé, des départements de santé communautaire, de formation et information ou des ressources spécialisées en éducation seront probablement impliqués à un moment donné, d'inspection, et éventuellement, de réadaptation et de compensation ou d'indemnisation, cela va faire beaucoup de monde à coordonner. Cette structure régionale devrait avoir comme premier mandat de coordonner l'ensemble, d'articuler l'ensemble de ces fonctions, et aussi, quand il s'agit de déterminer des priorités ou de déterminer aussi des stratégies d'interventions dans une région donnée, c'est peut-être la structure qui devrait avoir le plus une vision d'ensemble ou une vision globale de la situation. (21 h 45)

C'est un aspect de la décentralistion. Il y a un autre aspect aussi qui va dans le sens de créer une dynamique régionale qui ne s'incarne pas nécessairement dans des structures administratives, mais qui, si je prends l'équivalent au niveau du monde de la santé, prend souvent l'allure d'une table de consultation, de concertation ou de choses comme celles-là. Ce sera important de trouver des moyens qui ne seront pas nécessairement les mêmes partout, pour que, en dehors de l'entreprise individuelle, au niveau d'une région un petit peu plus grande, il y ait vraiment une concertation ou, au moins, de la consultation avec les associations syndicales, patronales, sectorielles d'une région donnée et même, éventuellement, d'autres intervenants qui sont impliqués dans le développement industriel. Les nouvelles industries qui s'en viennent dans les régions où il y a un développement rapide, c'est important qu'elles soient associées à ce type de chose. Il ne nous appartient pas, en tout cas, de dresser la liste de tout ce monde, mais il serait important de penser, d'imaginer ou de laisser la porte ouverte pour qu'il se crée des dynamismes de ce type.

Si on veut conclure et qualifier un petit peu notre intervention, je pense que, quand on parle, nous, de régionalisation, d'articulation des fonctions, on devrait tout le temps utiliser le qualificatif de "allons-y avec souplesse". Il n'y a rien qui dise qu'il y a une bonne formule au Québec. C'est tellement différent d'un endroit à l'autre. Cela peut se formuler de façons tellement différentes. Il y a des grosses entreprises; il y a des petites entreprises. Il y a des syndiqués, des non-syndiqués. Des

comités de santé et sécurité, il n'y en aura pas nécessairement partout en commençant et je pense qu'il y a beaucoup de monde qui devra peut-être faire un petit peu plus que son strict mandat à un moment donné.

Un autre aspect drôlement important — je l'ai répété quelques fois — c'est que les professionnels — il en est passé un bon nombre aujourd'hui — sont là pour appuyer la prise en charge par le milieu. Les propositions qu'on a faites rapidement, dont on n'a pas développé la mécanique — et on ne pense pas non plus que c'est à nous de la développer dans le détail — on pense qu'elles vont dans ce sens, à savoir de vraiment affirmer le caractère de soutien de ces ressources professionnelles. En santé des travailleurs, je pense que c'est peut-être un autre aspect d'innovation, qu'il s'agisse de santé curative ou de santé publique, à un moment donné, cela ne pose peut-être pas les ressources, par exemple... Cela ne nous met peut-être pas d'emblée dans une position de services, mais souvent dans une position de définisseurs de problèmes à la place de la population. Là, ça va peut-être changer un petit peu.

Un autre aspect qui nous semblait bien important, c'est la prévention. Elle a été affirmée il y a un bon bout de temps et elle revient. Elle est revenue dans le livre blanc, ainsi que dans le projet de loi. Mais on voulait aussi faire un petit tour d'horizon et regarder comment elle sera vraiment efficace. Quand on parlait de retrait préventif, ça touchait beaucoup cet aspect.

J'ai fini le résumé d'ensemble. Avez-vous des questions et commentaires?

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord certainement remercier l'équipe qui vient de nous présenter un mémoire. Je pense qu'il s'agit d'un document — en tout cas, je vais le dire comme je le pense — vraiment remarquable, d'une très grande qualité. Je ne crois pas qu'il soit possible de mettre au point un document comme celui-là sans que ce soit profondément soutenu par une expérience concrète dans le milieu et une expertise, une connaissance de la réalité.

Je pense que l'ensemble du mémoire est drôlement bien articulé et vous pouvez être assurés, parce qu'il y a du jus dans votre document, comme on dit, qu'on va le scruter à la loupe. Je n'aurai certainement pas le temps, étant donné l'heure, de passer en revue bon nombre des points sur lesquels j'aurais aimé intervenir. Bon nombre de ces points auraient pu donner lieu, je crois, à des discussions passablement intéressantes nous permettant d'approfondir plusieurs de ces points.

J'indiquerais simplement ceci au point de départ, très rapidement, sur l'articulation, qui a été une des questions dont on a parlé tout au long de la journée, entre les deux dimensions fondamentales. Je pense que vous avez raison de soutenir cette idée qu'il va falloir y aller avec souplesse et qu'il va falloir certainement tenir compte d'une approche régionale si on veut être collé à une réalité qui est celle vécue par les gens.

L'articulation entre les deux dimensions, on a eu l'occasion d'en discuter. Il nous semblait, à première vue, que le projet de loi, notamment aux articles 93 et 48, était clair. Soyez assuré, comme j'ai eu l'occasion de le répéter déjà antérieurement que, si ce n'est pas clair, on apportera les amendements en conséquence pour s'assurer que chacune, vraiment chacune des deux dimensions fondamentales ressortent bien clairement du texte de loi. Ceci étant dit, j'aurais aussi voulu intervenir sur certaines remarques, certains commentaires que vous avez faits concernant la concertation des agents du milieu et notamment au niveau des comités paritaires de santé et de sécurité, vos propositions visant à favoriser une plus grande participation de ceux et de celles qui sont quand même les premiers concernés, c'est-à-dire les hommes et les femmes au travail. On va regarder très attentivement vos recommandations dans ce sens.

Je voudrais surtout, parce qu'il y a une chose qui m'a énormément frappé dans votre mémoire et je suis heureux d'ailleurs que vous ayez insisté là-dessus dans votre présentation aujourd'hui — je pense que vous êtes les seuls à ma connaissance qui ayez soulevé cette idée — c'est cette idée accrochée à deux droits fondamentaux, je crois, qui sont peut-être du domaine des principes si ce mot-là a encore un sens, le droit de refus et le retrait préventif. Je ne vous cacherai pas que... Bien sûr, j'ai lu très attentivement tout votre mémoire, mais j'ai relu à plusieurs reprises les pages 17 à 23 de votre mémoire. Le projet de loi, comme vous le savez — vous l'avez souligné d'ailleurs — reconnaît le principe... Pour l'instant, je mets de côté le droit de refus. Je pense que vous avez bien cerné encore là la notion, les raisons fondamentales pour lesquelles dans une perspective de prévention réelle, au-delà du "placotage", il faut que le droit de refus soit là.

Comme vous le savez, le projet de loi reconnaît le principe du retrait préventif et, dans une première transposition dans la réalité, propose de le reconnaître dans le cas de la femme enceinte. Vous savez également sans doute qu'en faisant cela, c'est une première nord-américaine. Cela n'existe pas à ma connaissance dans aucune autre province canadienne. Cela n'existe pas dans la législation, dans le Code du travail du Canada. Cela n'existe pas dans les législations des différents Etats américains ou même de la législation américaine fédérale. Ce n'est pas une raison pour ne pas le faire si on pense vraiment, en toute honnêteté, que cela répond à un besoin et qu'il y a moyen d'y arriver de façon responsable et que c'est susceptible de nous permettre d'atteindre l'objectif. Je ne vous cacherai pas non plus que je suis très sensible à ce que vous avez dit sur, au fond, l'élargissement de l'application du principe qu'on introduit dans la loi, du retrait préventif. Je suis très sensible à cela. Je vais certainement demander qu'on regarde cela de façon très serrée, très étroite. Je pense que vous faites dans votre

mémoire une excellente démonstration des raisons qui fondent et justifient la nécessité d'introduire ou d'élargir encore plus le retrait préventif.

Cela étant dit, cependant, vous n'êtes certainement pas sans savoir, compte tenu de vos propres expériences, que ce n'est pas simple à transposer dans la réalité. On a déjà passablement travaillé sur cette possibilité, ce qui n'était pas prévu d'ailleurs dans le livre blanc. C'est venu incidemment à l'occasion des consultations et c'est venu notamment de suggestions même pas de représentants syndicaux, mais d'hommes et de femmes au travail, l'idée même du retrait préventif. C'est à la suite de cela qu'on a commencé à fouiller pour finalement en venir à la conclusion que oui c'était fondé, que oui il y avait possibilité au moins en ce qui concerne le cas de la femme enceinte de pouvoir présenter une proposition qu'il soit possible de rendre opérationnelle dans le concret, mais en étant sûrs que ce ne sont pas seulement de faux espoirs qu'on entretient, mais qu'il est possible de les traduire dans le concret.

C'est le problème fondamental que pose le retrait préventif, l'élargissement du retrait préventif. Dans cette perspective, j'aurais simplement trois questions à vous poser. La première, c'est: Vous avez fait état de l'expérience et des expériences de dépistage des départements de santé communautaire.

J'aimerais que, concrètement, vous nous parliez — on en a parlé théoriquement tout au long de cette journée — quitte à l'illustrer de cas. J'en ai un en tête, il y en a un qui me vient à l'esprit, c'est un dossier qui est connu publiquement, c'est le fameux cas de la compagnie Métaux Ballast, de Laprairie, une entreprise flambant neuve où, au bout de six mois, il y avait un niveau d'intoxication au plomb absolument inacceptable et atteignant un pourcentage incroyable de travailleurs de cette entreprise. Voilà un beau cas où, évidemment, si une motion comme le retrait préventif avait existé, peut-être que le problème aurait pu être discerné et réglé beaucoup plus rapidement.

Sur la base de votre expérience, est-ce qu'à votre connaissance il survient souvent ce genre de cas problème où le retrait préventif pourrait être un élément de solution concret, visible et encore une fois, pour reprendre votre expression, rentable à court terme, parce qu'il y a une perspective de retombée favorable à moyen terme sur une période de quatre ou cinq ans, par exemple?

Deuxièmement — cela m'apparaît extrêmement important — est-ce que vous croyez que si on introduisait dans le projet de loi un élargissement du retrait préventif ou de l'application du retrait préventif, qu'en reconnaissant ce principe, cet élargissement dans la loi — quitte à trouver le jargon juridique pour le faire — il y aurait lieu, une fois cela fait, tout en étant souple, aussi, de garder, dans une certaine sagesse, la possibilité de le rendre applicable ou opérationnel par étapes, ou encore par secteurs, ou encore par type d'altérations, quitte à établir des priorités?

Voici au fond, ce que j'ai en tête, très concrètement. Bien sûr, on peut cerner et on connaît, je crois, les premiers signes précoces d'intoxication au plomb; c'est probablement vrai, également, du mercure; il y a un certain nombre de cas. Je crois que, par ailleurs, les premiers signes d'altération de santé en ce qui concerne d'autres agents agresseurs ne sont même pas connus encore ou, en tout cas, on n'en est qu'à la phase de balbutiement dans ce domaine. Alors, comment, concrètement, y a-t-il moyen d'articuler l'application d'un retrait préventif? Il ne faut pas que ce soit seulement de la poudre aux yeux ou des espèces de faux espoirs. On n'avait pas, et je n'ai pas, aujourd'hui, au moment où on se parle, de réponses suffisamment précises aux questions que je viens d'évoquer pour me dire... Il faut quand même être responsable de ce qu'on fait, tout en étant, encore une fois, très sensible à ce que vous évoquez. j'aimerais connaître votre avis et avoir une réponse, si vous en avez une, à ces deux questions. Je vais écouter cela très attentivement.

M. Roberge: J'émettrai un commentaire général. Sur la question d'exemples précis, on est un groupe de six qui remplissent diverses fonctions à l'intérieur des départements de santé communautaire; la mienne n'est pas tellement d'aller dans les industries, c'est plus au niveau de la recherche dans le département de santé communautaire, et je laisserai les exemples, soit au niveau de la surdité, du plomb, à ceux qui sont coordonnateurs ou médecins à l'intérieur des départements de santé communautaire.

J'émettrais un commentaire au niveau de la deuxième question. Si on élargissait vraiment le concept de retrait préventif, est-ce qu'il y aurait lieu de prévoir de l'appliquer par étapes, par secteurs industriels, par types d'altérations? Je pense que oui, forcément. On est bien d'accord, on ne peut pas faire autrement que dire oui. Il faudrait prévoir quelque chose dans ce sens. Il me semble que, à prime abord, c'est peut-être plus par type d'altérations. Si on parle de retrait préventif et si, comme je le disais tantôt, il faut aller au-delà des normes, qu'il s'agisse de normes de compensation ou d'inspection, cela ne veut pas dire que ça n'en prend pas pour le retrait préventif. Il ne s'agit pas de se ramasser non plus, demain matin, avec quelque chose d'assez vague et de laisser cela à la discrétion de chacun des professionnels du milieu (22 heures)

Une réforme inégale, c'est peut-être aussi bien de ne pas en faire. On est peut-être aussi bien d'avoir des standards un peu plus bas, mais qui soient appliqués un peu plus partout. Dans ce sens, il nous semble qu'il faudrait y aller par étapes de ce type. La femme enceinte, c'en est une. Il y aura des programmes-cadres ou des programmes d'ensemble qui viendront de la future commission. Je pense que, selon que ces programmes-cadres seront faits par secteur industriel ou par type d'altération... Pour nous, c'est un peu une inconnue à ce stade-ci; ce sera quoi exactement, les programmes-cadres? Si ce sont des programmes-cadres qui visent des agents agres-

seurs en particulier, je pense qu'à l'égard de cet agent agresseur et des altérations qu'il est susceptible de produire, par exemple, qu'il s'agisse du plomb, du monoxyde de carbone, de bruit, on pourra se poser la question agent agresseur par agent agresseur ou type d'altération par type d'altération: Est-ce qu'il existe des normes, est-ce qu'il est possible d'en développer, c'est quoi l'impact de l'application de cette norme?

Si on parle d'altération précoce au niveau de la surdité, on disait cet après-midi qu'il y avait 120 000 travailleurs très exposés au bruit; combien sont altérés précocement et qu'est-ce que ça suppose comme suite qu'on donne? Est-ce qu'on les retire, ces gars, ou si on les recycle? Cela prend de l'ampleur à un moment donné. Je me demande s'il ne faut pas adopter une approche par problème et je pense que c'est un peu convaincant, ce que vous dites. Si on y allait problème par problème, dans certains cas ce sera possible; dans d'autres cas, ce sera peut-être beaucoup plus difficile.

Si on avait à choisir, je pense que le choix serait peut-être beaucoup plus par type d'altération parce que les normes vont tourner autour de types d'altération plus que de secteurs industriels, forcément. Il y a peut-être des normes qui seront importables; il y en aura peut-être d'autres à inventer à cause du caractère original ou typiquement québécois de ce mécanisme.

Pour la question d'exemple comme tel ou d'un petit scénario autour d'un cas, je demanderais à ceux... Je m'excuse profondément, pas tellement auprès de vous autres, mais auprès du groupe; je ne les ai pas nommés tout à l'heure. C'est quand même pas mal important. Je vais commencer à ma gauche: le Dr Paul Lachance qui est en santé au travail depuis un bon petit bout de temps, Yves Morisset qui est coordinateur en santé au travail, Robert Bourbonnais coordinateur en santé au travail, Serge Marquis, médecin dans un département de santé communautaire, Jean-Pierre Vigneault, à l'extrême droite, qui est coordinateur en santé au travail aussi. Je demanderais à un de ceux-là d'aller plus loin avec un exemple concret.

M. Lachance (Paul): M. le ministre, je voudrais simplement ajouter ceci: Parmi certaines modalités pour rendre applicable le retrait préventif, on a parlé de différents secteurs, ou de le faire par étapes, mais il y a aussi par l'amplitude des problèmes que l'on rencontre. On a parlé un peu tout à l'heure d'intoxication au plomb où il y aurait le retrait préventif. On a parlé aussi de la surdité professionnelle à cause du grand nombre de travailleurs. C'est peut-être un secteur comme celui-là ou comme le secteur du monoxyde de carbone qu'on pourrait faire cette approche pour élargir justement le retrait préventif.

C'était pour ajouter à votre première question. Des exemples de retrait préventif, vous avez parlé du plomb, de Metal Ballast dans la région de Montréal. Ces mêmes exemples se répètent dans la région de Québec d'une façon quotidienne où, après des études faites par le service d'inspection du travail, le service de protection de l'environnement, la présence du DSC avec une répétition mensuelle d'examens de laboratoire de type plombémie, il persiste souvent, malgré certains changements de l'environnement, des quantités élevées de plomb dans le sang des travailleurs exposés.

Présentement, justement à cause d'une législation qui ne nous permet pas d'effectuer le retrait préventif, on continue à observer les individus qui quotidiennement sont intoxiqués, avec toute la bonne volonté de l'entourage, malgré les inspections, les expertises, les conseils, les rapports; c'est un exemple qui continue présentement.

On pourrait répéter la même chose pour les expositions au monoxyde de carbone, dans les garages souterrains, chez les individus qu'on connaît très bien comme étant — je ne veux pas entrer dans la pathologie — des cardiaques et des pulmonaires, et pour toutes sortes de raisons sociales et autres il nous est pratiquement impossible d'intervenir directement.

Est-ce que ça répond un peu à un ou deux exemples?

M. Morissette (Yves): Je pourrais peut-être ajouter des expériences de dépistage du département de santé communautaire. Je ne sais pas si vous voulez les traiter dans une perspective de retrait préventif, puisque c'est une notion qui n'existait pas jusqu'à maintenant et qui n'existe pas encore, et il est difficile de les traiter dans ce sens.

Mais je voudrais inclure une autre notion, en plus de ce que Raymond a avancé, celle de définir le retrait préventif en fonction des types d'altérations. Je voudrais aussi inclure la notion de priorité régionale et je voudrais donner un exemple d'une expérience de dépistage de notre département qui est typiquement régionale. C'est un cas bien particulier, il n'a pas fait de manchettes dans les journaux, c'est un problème de benzène dans les raffineries dans l'est de Montréal. On voulait mettre au point un protocole; on a travaillé en collaboration avec le centre régional de toxicologie pour mettre au point un protocole de dépistage ou d'exposition par les mesures biologiques des employés exposés au benzène dans les différentes raffineries. On ne savait pas si les employés étaient ou non exposés. En tout cas, on a pris un bon échantillonnage de gens qui étaient susceptibles, où on avait déjà dépisté des concentrations de benzène dans l'air, mais qui ne dépassaient pas les normes et on a dit: On va faire une évaluation biologique de ces travailleurs.

Chose surprenante, dans une des raffineries, des travailleurs étaient surexposés au benzène et la compagnie l'ignorait totalement. Par l'évaluation et l'identification des différents postes de travail de ces travailleurs, nous avons pu mettre le doigt sur les déficiences dans les différents procédés de raffinage et la compagnie a corrigé très rapidement cette déficience. C'est un cas. Vous avez parlé de Ballast Metal, on peut parler de

Canada Metal, de Petrofina, de Canadian Copper, etc.

M. Marois: Vous avez mentionné une raffinerie, sans mentionner le nom de l'entreprise. Y avait-il dans cette entreprise un service de médecine de l'entreprise?

M. Morissette: Oui et je dois signaler la très grande coopération qu'il y a eu entre le département de santé communautaire et le bureau de santé de rétablissement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président, parce qu'il est déjà dépassé dix heures.

M. Roberge, à plusieurs reprises, dans votre exposé — d'abord je tiens à vous remercier de la présentation de votre mémoire — vous dites: Les départements de santé communautaire, leur action est de soutenir, de stimuler, de définir les problèmes, de faire en sorte que les gens du milieu se prennent en charge, de favoriser la concertation de la part des agents du milieu, et nous ne sommes pas un dispensateur de services.

Ne croyez-vous pas que ça ne va pas dans le sens du libellé du projet de loi no 17, qui prévoit, entre autres, aux articles 100 et suivants — je ne fais que vous citer l'article 100 — "Le chef du département de santé communautaire est responsable de la mise en application des programmes-cadres de santé pour le territoire et les établissements visés dans le contrat intervenu entre le centre hospitalier et la commission. Il doit, notamment..." Là, on a toute la nomenclature de 1 à 10 des obligations auxquelles réfère le projet de loi no 17.

Pour moi, il m'apparaît que, dans sa conception même, il semble y avoir une divergence entre la position que vous adoptez — je conviens que vous êtes des représentants, vous oeuvrez, chacun d'entre vous, dans des départements de santé communautaire, vous ne représentez pas nécessairement chacun vos établissements — je perçois une position qui ne va pas dans le sens de ce qui est énoncé dans le projet de loi et j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce sera là la seule question que j'ai à formuler.

M. Roberge: Je pourrais peut-être commencer par un type de problème très caractéristique qui s'est posé pour les départements de santé communautaire dans leurs interventions jusqu'à maintenant, sans cadre précis, sans loi précise qui les encadrait à ce niveau.

Bien sûr, les milieux de travail, qu'il s'agisse d'endroits où il y avait des comités paritaires, souvent un petit peu formule maison, où directement de la part de l'employeur ou de travailleurs, on perçoit beaucoup les départements de santé communautaire comme des dispensateurs de service: Organisez-vous un programme de surveillance, organisez-vous un dépistage, et ils s'adressent à la bonne porte aussi. En fait, dans le projet de loi no 17, les départements de santé communautaire vont avoir la responsabilité de voir à l'exécution de programmes qui impliqueront des activités de surveillance médicale et des aspects bien cliniques. Mais où intervient l'aspect prise en charge et c'est mon exemple, c'est qu'on a souvent demandé au département de santé communautaire: Faites-nous de la surveillance. Faites-nous du dépistage. Mais, je pense que les départements de santé communautaire ont vite appris que du dépistage et de la surveillance, quand il n'y avait pas, au niveau du milieu du travail — là ce n'est pas de l'idéalisme, c'est très terre à terre et c'est bien pragmatique — une volonté d'y donner des suites — ce n'est pas tout d'identifier des problèmes, il faut être un petit peu prêt, des fois cela coûte des sous — une volonté de dire: D'accord, s'il y a des problèmes qui sont découverts on va s'équiper pour essayer d'y donner des suites, pour améliorer la situation, on s'apercevait qu'on dispensait des services de santé pour pas grand-chose des fois, et que les gens se faisaient faire un beau dépistage ou de beaux examens de surveillance sans que cela donne grand-chose.

Ces deux aspects sont intimement liés et sont forcément très liés. C'est le département de santé communautaire qui exécute, qui fait exécuter des programmes et qui dispense des services, mais c'est aussi le département de santé communautaire qui doit même, au besoin, être un stimulateur de la prise en charge par le milieu. Le pronostic, si on veut, d'une intervention qui peut être rentable, c'est vraiment où il y a au niveau du milieu de travail une certaine volonté et une certaine capacité de prise en charge et à notre sens, le comité de la santé et de la sécurité, si on lui donne des rôles qui vont un petit peu plus loin en termes d'élaboration et de coordination va pas mal dans ce sens. C'est à cet égard qu'on se définit, nous autres, beaucoup plus comme un soutien.

Le Président (M. Marcoux): Merci. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Vous qui travaillez, qui êtes quand même dans les milieux du travail, on pense et on en a parlé beaucoup depuis le début de dépistage de nouveaux problèmes, de nouveaux cas d'intoxication ou de risques d'accident. Maintenant, je suis convaincu qu'au moment où on se parle, dans plusieurs usines du Québec, on connaît des causes, on connaît des cas, on en connaît à la tonne, où on pourrait immédiatement intervenir sans gratter plus loin; il y en a qu'on connaît, qu'on vit à tous les jours. Je sais que dans le comté où je travaille, il y a plusieurs usines, il y a des problèmes qui existent dans ces usines et on les connaît depuis longtemps. Les gars vivent avec ces problèmes. Ils essaient de vivoter avec ces

problèmes, en espérant être le moins handicapés possible au bout de 15 ans, au bout de 20 ans. J'aimerais savoir dans quelle proportion on pourrait insister auprès de ces compagnies pour corriger, en mettant le doigt dessus, en leur disant ou en leur faisant un programme de correction, immédiatement, à partir des problèmes qu'on connaît déjà... Est-ce que cela représenterait, d'après vous autres, une bonne marge de problèmes déjà éliminés si on pouvait élimier tous ceux-là quitte, bien sûr, à poursuivre des travaux au niveau de recherches plus approfondies? Il y a quand même des choses qu'on ne connaît pas. Au niveau de la recherche, on va en découvrir d'autres. Mais dans ce qu'on connaît, il y a bien des jsines où on sait qu'il y en a beaucoup trop de décibels. Il y a des usines où on sait que du chlore, on en respire trop, du mercure, on en respire trop. De toute façon, on a chez nous des cas comme cela. Je ne veux pas nommer de compagnies, mais si vous connaissez un peu le comté de Beauharnois, vous devez savoir à peu près de quoi je parle. Je ne sais pas quel serait le pourcentage des problèmes réglés si on réglait ceux-là pour commencer.

M. Roberge: Je serais vraiment embêté de vous donner un pourcentage, mais je pense que l'exemple du cas est pas mal bon et cela correspond à beaucoup de situations que connaissent les départements de santé communautaire. Je pense — moi, en tout cas — cela me sert d'exemple pour dire qu'à un moment donné une bonne chose que les départements de santé communautaire peuvent faire avec les services de santé, c'est de ne pas s'en servir à outrance et pour rien. (22 h 30)

La fonction épidémiologique, et la surveillance épidémiologique, d'accord, mais cela existe, des situations où on connaît très bien la cause. On a une bonne vue d'ensemble de ce qu'est l'ampleur du problème dans une usine donnée. Il faut faire des choses pour la santé des individus qui sont là. Il y a peut-être une surveillance à faire parallèlement à l'amélioration du milieu. Dans un cas comme cela, je me dis: On passe les cordeaux à l'expertise en hygiène industrielle, qui est au niveau de la structure régionale. Nous autres, on joue un peu les seconds violons dans un cas comme cela. Les moyens et les pressions à exercer pour que cela se règle, je vois difficilement le département de santé communautaire comme tel... en tout cas, pas si on parle de pouvoirs légaux ou même coercitifs à l'égard du milieu, je pense beaucoup plus à des fonctions comme l'inspection, qui sont des fonctions que la commission assumera elle-même ou confiera à d'autres, cette dernière s'appuie vraiment sur des normes. Je pense à eux et je pense beaucoup à l'expertise en hygiène du milieu ou en hygiène industrielle ou en surveillance du milieu où, dans bien des cas comme cela, ce n'est peut-être pas toujours de forcer les gens. C'est peut-être seulement de les renseigner et de leur montrer ou de discuter avec eux et d'en arriver à la conclusion que c'est faisable d'améliorer le milieu. C'est peut-être l'expertise qui manque parfois. Je m'en tiendrai à cela. Si les gens veulent compléter...

M. Morissette: Je comprends peut-être mal la question. Je ne vois pas non plus la portée de la question. Je ne comprends pas le mécanisme par lequel on arriverait à corriger immédiatement les problèmes, mettre tous nos efforts pour corriger les problèmes existants actuellement. Je me dis: En fait, qu'est-ce que cela donnerait? Les procédés dans le milieu industriel, vous êtes au courant, changent constamment. Les matières, les produits utilisés changent. On pourrait corriger demain les situations actuelles, mais après-demain, il y en aurait d'autres nouvelles. Raymond a parlé de souplesse. Je pense qu'il faut s'adapter à ces différentes situations et suivre constamment le milieu. On parle de surveillance, de programme de surveillance de l'environnement et on insiste sur la motion de contenu. C'est justement pour que ces modifications ne nous échappent pas.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, de la présentation de votre mémoire. Oui, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, puisqu'on a encore quatre mémoires à entendre de gens qui sont ici présents, et que cela va assez bien, je demanderais qu'on puisse continuer le travail jusqu'à ce qu'on ait entendu les quatre mémoires qui sont là.

M. Pagé: Non, M. le Président, et je vais vous dire pourquoi d'ailleurs. Une commission parlementaire comme celle-ci est appelée à entendre des mémoires, à discuter et à échanger avec plus de soixante intervenants. J'ai eu, quant à moi, l'expérience de vivre plusieurs commissions parlementaires comme celle-ci, soit depuis 1976 ou encore durant mon premier mandat comme député.

Face à l'importance du sujet qui allait être discuté à compter d'aujourd'hui, 4 septembre, et même si ce n'était pas de mon devoir de le faire, j'ai quand même communiqué la semaine dernière, ou il y a une quinzaine de jours, avec les représentants de la majorité ministérielle pour leur soumettre mon opinion, à savoir qu'on ne pouvait, dans une journée de trois séances, de huit heures, procéder à l'audition de plus de deux mémoires par séance. C'est ainsi que je voulais mettre en garde M. le ministre d'Etat au développement social et ses collègues contre la mauvaise habitude que le Parlement a, ou le secrétariat des commissions, de convoquer des gens pour la première journée et de leur donner l'échéancier de travail pour la semaine pendant ou à la fin de la première journée, et faire en sorte que les groupes qui se déplacent ne puissent être entendus, et qu'on leur dise à 21 h 30 ou à 22 heures: On ne vous entend pas aujourd'hui. Trouvez-vous des chambres à Québec et revenez demain ou après-demain.

C'est dans cet esprit que j'ai demandé au ministre d'Etat au développement social de le rencontrer ou de rencontrer ses collègues pour entendre ce que je voulais soumettre, savoir que nous entendions deux mémoires par séance. Si on regarde les heures qui sont disponibles, le matin, nous commençons à 10 heures pour terminer vers 12 h 30 et reprenons vers 14 h 40 ou 15 heures pour finir vers 18 heures, et le soir, de 20 heures à 22 heures, selon notre règlement.

Il est tout à fait inapproprié et cela témoigne d'un manque d'expérience évident ou encore d'un manque d'organisation de convoquer neuf groupes la première journée, sept groupes la deuxième, dix groupes la troisième, sept groupes le mardi suivant, neuf groupes ici, huit groupes là et onze groupes. C'est tout à fait inacceptable quant à moi et, s'il faut que la commission, plutôt que d'avoir huit jours de séance, en ait dix, on prendra dix jours. Je ne crois pas, moi, dans les circonstances, qu'il soit, premièrement, dans l'esprit de notre règlement de siéger après 22 heures. J'ai moi-même proposé qu'on ait un arrangement qui fasse en sorte qu'on dise à chacun des intervenants: Venez tel jour, à telle heure. On n'a pas voulu y donner suite et on préfère, encore une fois, faire la maudite erreur qu'on fait souvent, convoquer des groupes et leur faire perdre leur temps. On ne siégera pas jusqu'à minuit et on ne commencera pas comme ça, parce qu'on va passer dix jours à siéger jusqu'à minuit et, demain matin, je ne connais pas vos ordres du jour mais, pour certains députés tels que moi, il nous faut répondre à du courrier, il faut faire des appels téléphoniques et il faut être ici à 10 heures. On va finir à 10 heures et moi, je ne donne pas mon consentement pour siéger jusqu'à minuit; ce n'est pas vrai!

M. Jolivet: M. le Président, sans avoir besoin du consentement du député de Portneuf, j'aimerais savoir, à cet effet, si le règlement sessionnel...

M. Pagé: Non, monsieur.

M. Jolivet: ... tel qu'il a été donné à l'intersession de janvier...

M. Pagé: Non, monsieur.

M. Jolivet: S'il n'est pas actuellement normal de siéger jusqu'à minuit...

M. Pagé: Non, monsieur.

M. Jolivet: ... avec le règlement intersession-nel? M. le Président...

M. Pagé: Non.

M. Brochu: C'est 22 heures quand même.

M. Jolivet: ... j'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

M. Pagé: C'est 22 heures.

Le Président (M. Marcoux): Disons qu'avant de connaître mon opinion, je voudrais savoir s'il y a des membres qui veulent m'éclairer à ce sujet.

Une Voix: Sur la question de 22 heures? M. Brochu: C'est dans le règlement.

M. Pagé: La session est ajournée depuis le 21 juin, M. le Président. On a une motion dite de fin de session qui prévoit un travail accéléré entre le 1er juin et l'ajournement de la session qui est établi soit au 21 ou au 22 juin et c'est le même règlement qui s'applique entre les 1er et 20, 21 décembre. A l'ajournement de la session, la partie du règlement qui s'applique, pour ce qu'on appelle la période dite de fin de session qui est intensive, qui permet à la Chambre de se réunir le matin, peu importe le journée, qui permet aux commissions parlementaires de se réunir jusqu'à minuit tous les soirs, ce règlement devient caduc dès la fin de la session, parce qu'à ce moment-là, M. le Président, ça voudrait donc dire qu'on a ou qu'on aurait à évoluer dans un règlement dit de fin de session à l'année. Voyons donc, ça n'a pas d'allure de soumettre ça, quoique je comprends que ça vienne du député de Laviolette. C'est un jeune député qui n'a pas trop d'expérience ici.

M. le Président, vous devriez statuer dans les plus brefs délais, reporter ça à demain et, en bon prince, je recommande encore une fois au ministre ce que j'ai déjà recommandé. Je suis prêt à me réunir avec lui demain matin à 9 h 30, qu'on dresse la programmation pour les sept ou huit prochains jours et qu'on dise à ces gens-là: Vous viendrez le 16 à 14 heures, et on va les entendre à 14 heures, mais non pas les convoquer à 14 heures pour leur dire, à 22 heures le soir: C'est regrettable, il nous faudrait un consentement unanime pour siéger jusqu'à minuit et, à ce moment-là, ce que vous faites, vous rejetez tout l'odieux sur l'Opposition. On ne commencera pas ce petit jeu la première journée, ce n'est pas vrai! Quoi que vous en pensiez...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le député de...

M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Vous vouliez parler?

M. Brochu: M. le Président, c'est simplement que je pense que la question de règlement sur laquelle vous voulez nous éclairer est tout à fait claire dans ce sens-là et j'abonde dans le sens des propos du député de Portneuf. La motion de fin de session ne vaut uniquement que pour la période qui se termine lors de l'ajournement de nos travaux parlementaires pour l'été. Donc, nous retombons maintenant dans le règlement régulier, ce qui veut dire que les commissions parlementaires doivent prendre fin à 22 heures, et on a déjà dépassé cette heure. Je pense que ça peut peut-être créer certains problèmes pour des groupes qui sont

venus aujourd'hui, mais pour la bonne marche du reste de nos travaux parlementaires, il serait peut-être bon qu'on s'entende sur une procédure peut-être un peu plus aérée, ce qui permettrait également de mieux entendre chacun des groupes, peut-être de mieux discuter avec eux, de recevoir vraiment leurs commentaires, quitte à étendre la commission d'une journée ou deux, s'il le faut. Je pense qu'un projet de loi de cette importance mériterait peut-être, étant donné l'intérêt que cela a suscité, qu'on réorganise surtout nos travaux en fonction de ça. Mais, sur la question de règlement, M. le Président, je pense que vous n'avez pas le choix.

Le Président (M. Marcoux): Comme j'avais cru sentir que ce problème s'en venait, j'avais également pris le temps de réfléchir à la question, mais je voulais quand même donner, comme c'est loisible, la possibilité aux membres de la commission de donner leur point de vue et il apparaît qu'au règlement sessionnel, à l'article 14 qui amende l'article 150 du règlement, les commissions parlementaires durant les intersessions doivent siéger aux heures de l'Assemblée nationale, d'autant plus que l'avis du leader de la Chambre lui-même, textuellement, à la fin de la session, indiquait que c'était aux heures normales de l'Assemblée nationale.

Ce que l'article 150, paragraphe 3, indique, c'est qu'aucune commission élue ne peut siéger après minuit, même lorsque l'Assemblée peut siéger après cette heure. Cela veut dire qu'elle peut siéger jusqu'à minuit, mais l'interprétation que j'en ai correspond à la vôtre, c'est qu'il faut un consentement des membres de la commission pour siéger après 22 heures.

M. Marois: M. le Président, avant que vous rendiez votre décision finale, qui ressort déjà bien clairement si elle n'est pas déjà rendue, si les membres ou les porte-parole officiels des différents partis de l'Opposition étaient d'accord pour que cette situation ne se reproduise plus, je suggérerais que demain matin, à 9 h 30, le député de Laviolette ou le député de Joliette-Montcalm puisse vous rencontrer pour qu'on regarde à nouveau l'hypothèse. Je voudrais quand même ippeler, et je pense que le député de Portneuf l'admettra en toute honnêteté... Nous avions tout de même soumis un projet de calendrier et de temps aussi, une espèce de banque de temps avec une certaine souplesse. Je pense qu'il faut, et c'est normal, que chacun des membres de la commission puisse s'exprimer librement, mais avec une hypothèse de banque de temps que nous avions soumise. Malheureusement, semble-t-il, cela n'a pas été possible d'en arriver à une entente, de telle sorte qu'on est face à la situation qu'on vit aujourd'hui. J'ose espérer qu'il sera possible demain matin d'en arriver à une entente pour que les groupes puissent être avisés — mais là, de façon définitive — des dates précises. Qu'on s'entende, cette fois-là cepandant, j'insiste — quitte à garder une certaine souplesse — je comprends parfaitement cela — sur une espèce de banque de temps réservée par groupe pour qu'on puisse rendre justice à chacun des groupes. Je pense qu'il est difficile pour les gens, et avec raison, de comprendre qu'ils sont convoqués et qu'ils ne puissent pas être entendus.

M. Pagé: M. le Président, j'aimerais exprimer ma satisfaction de voir que le ministre accepte la proposition que je lui ai formulée en bon prince, qu'on se réunisse à 9 h 30 avant les travaux de cette commission pour qu'on règle nos problèmes comme cela.

M. Marois: A condition que vous acceptiez...

M. Pagé: Mais, pour ce soir, on exerce notre droit de refus.

M. Marois: ... l'hypothèse que je vous avais soumise l'autre fois, cette fois-là, demain matin, d'avoir une banque de temps.

M. Pagé: On verra cela. On regardera cela demain.

M. Marois: Parfait.

M. Chevrette: M. le Président, pour être bien fixé, il y a des groupes qui ont sans doute des obligations ou des encadrements pour dire: C'est tel jour qu'il était prévu qu'on passe. On avait pris des engagements. Il faudrait tenir compte de cela, en termes de balise... Non, il n'y avait pas de problème de ce côté-là. Il ne faut pas se mettre à chambarder non plus parce qu'on a déjà fait prendre des engagements à des groupes.

M. Jolivet: II y a seulement une chose que je voudrais ajouter, M. le Président. Sur les cinq groupes qui restaient, il y a la Société des conseillers en sécurité industrielle, qui a demandé d'être remise en même temps que l'APAI, le 19 septembre prochain. Il en restait quatre ce soir: Collectif socialisme-santé, Unité de recherche sur l'abus des drogues et de l'alcool, Clinique de médecine occupationnelle de Montréal Inc., et Association professionnelle des optométristes du Québec. Il faudrait leur dire ce soir qu'ils seront convoqués à nouveau dans un délai qu'on fixera plus tard, parce qu'ils ne seront pas entendus demain matin. Ce ne sont pas eux qui ont été convoqués pour demain matin.

Le Président (M. Marcoux): La responsabilité d'aviser les gens à quel moment ils seront convoqués, si c'est demain matin ou une autre journée, relève du secrétariat des commissions.

La commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 22 h 29

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