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Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour entendre les mémoires concernant le projet de loi no
17, Loi sur la santé et la sécurité au travail.
Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson),
remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie),
remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Chevrette (Joliette-Montcalm),
remplacé par M. Marois (Laporte); M. Gravel (Limoilou), remplacé
par M. Jolivet (Laviolette); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M.
Mailloux (Charlevoix)...
M. Pagé: Remplacé, M. le Président, pour
aujourd'hui, par M. Jean-Claude Rivest, député de Jean-Talon.
Le Président (M. Marcoux): M. Rivest (Jean-Talon). M.
Pagé (Portneuf). M. Vaillancourt (Jonquière) n'est plus membre de
la commission...
Les intervenants sont: M. Vaillancourt (Jonquière),
remplacé par... Pas de remplaçant? M. Brochu (Richmond), M.
Forget (Saint-Laurent), remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M.
Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette)... M. Laplante (Bourassa),
remplacé par M. Lazure (Chambly); M. Lefebvre (Viau), M. Paquette
(Rosemont), remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Springate
(Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Il faudrait que la commission désigne un rapporteur de ses
travaux. Avez-vous une proposition à faire?
M. Lazure: M. Jolivet?
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Laviolette est proposé comme rapporteur des travaux de la commission.
C'est accepté? Accepté.
Pour les mots d'ouverture, M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson: M. le Président, je serai très bref ce
matin, pour deux raisons. La première, c'est que je devrai bientôt
quitter cette enceinte pour me rendre présider un colloque dont j'avais
accepté de présider l'ouverture il y a déjà
plusieurs mois, ce qui m'empêche d'être présent au cours de
toute la matinée. Cependant, on aura l'occasion de me revoir à
cette commission, mais et sans jeu de mots à droite de mon
collègue, le ministre d'Etat au développement social, qui, pour
les fins de cette loi, dirigera les travaux de la commission, étant
donné que le projet de loi no 17, comme on le sait, a été,
en collaboration avec mon collègue des Affaires sociales et
moi-même, dirigé par le ministre d'Etat au développement
social.
Je vous souhaite donc, M. le Président, à ce retour au
lendemain de la fête du travail, ainsi qu'à tous ceux qui sont des
intervenants ici, ce matin, qui sont nombreux, où il y a des visages que
la plupart de mes collègues vont reconnaître... En tout cas, moi,
il y en a beaucoup que je reconnais dans le monde syndical et dans le monde
patronal... Je veux souhaiter à ceux qui sont ici de pouvoir
tranquillement, sereinement, faire connaître leur point de vue,
étant convaincu qu'ils seront accueillis avec ouverture d'esprit.
M. le Président, bonne chance pour vos travaux ainsi qu'à
mon collègue.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre d'Etat au
développement social.
M. Pierre Marois
M. Marois: M. le Président et chers collègues
membres de cette commission, mesdames, messieurs, je pense bien qu'avec
l'ouverture des travaux de la présente commission parlementaire, je
crois qu'on peut dire vraiment qu'on aborde une nouvelle étape
clé dans ce qu'on peut aussi, je crois, de façon légitime
appeler la longue marche vers l'adoption, enfin au Québec, d'une
loi-cadre portant sur la santé et la sécurité au travail.
Je ne vous cacherai pas que c'est avec une grande confiance, une grande
fierté et aussi avec une grande ouverture d'esprit que j'aborde les
travaux de cette commission parlementaire. Je sais, puisque j'ai eu l'occasion
de le vivre personnellement avec mes collègues, qu'il arrive encore que
ce soit possible pour des hommes et des femmes politiques d'être capables
de s'élever au-dessus de ce qu'on peut appeler ces formes de petite
partisa-nerie politique j'ai eu l'occasion de le vivre lors des travaux
portant notamment sur les projets de loi sur la protection de la jeunesse, sur
le recours collectif, sur le supplément au revenu de travail donc
d'être capables de s'élever au-dessus de ces formes de petite
partisanerie politique et d'y mettre, chacun d'entre nous, le meilleur de nous
même tout en ayant, bien sûr, à l'occasion
c'est normal et légitime des divergences de vues pour faire
ensemble cet effort, je crois, très attendu des citoyens de bonifier au
maximum un projet de loi.
Le gouvernement du Québec je crois qu'on le sait
attache une grande importance à ce projet de loi et cette importance
très grande est légitime d'autant plus que, d'une part, il faut
tenir compte de l'ampleur réelle des problèmes de santé et
de sécurité qui sont vécus par les hommes et les femmes au
travail au Québec,
compte tenu également qu'il s'agit d'une réforme attendue,
nécessaire et demandée depuis tellement d'années au
Québec. Dans cette perspective, vous pouvez compter et je peux
assurer les membres de cette commission parlementaire et tous les groupes, les
citoyens et les citoyennes qui viendront témoigner devant nous
sur moi pour favoriser autant que faire se peut le meilleur climat de travail
possible tout au long des travaux de cette commission parlementaire.
J'ai dit, en guise d'introduction, que c'était une étape
clé de cette longue marche vers l'adoption, enfin au Québec,
d'une loi-cadre. En fait, on me permettra de rappeler que le gouvernement du
Québec, en particulier à l'occasion du premier sommet
économique, avait pris un double engagement, c'est-à-dire d'une
part je crois qu'un consensus se dégageait là-dessus de
tous les agents qui y participaient de faire cette réforme et,
deuxièmement, de la faire le plus possible en consultation avec les
agents concernés.
Les travaux de cette commission aujourd'hui arrivent après deux
ans de travail, d'étude, de recherche et de consultation. De la
consultation pour le livre blanc, je me permets de rappeler qu'il y a eu... et
ça aussi, c'est un engagenent qui avait été pris suite
à des recommandations faites en ce sens-là à l'occasion du
premier sommet économique, suite, donc, à plusieurs rencontres,
de consultations et d'échanges autour de cette table qui s'appelle le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
Après parution du livre blanc, encore là, s'est
engagée une très large et très vaste opération sur
le chemin de consultations qui ont été faites avec la
collaboration de plusieurs de mes collègues. En fait, on aurait pu
rencontrer tout près de 42 organismes. Nous avons reçu à
ce moment-là tout près d'une soixantaine de mémoires,
d'opinions écrites, de documents. Nous avons eu l'occasion de visiter,
de se rendre dans à peu près toutes et chacune des régions
du Québec pour voir le concret, parce que l'on peut lire les choses,
mais quand on peut voir les choses, ça donne souvent une perception
beaucoup plus éclairante de la réalité. On aura pu visiter
tout près de 70 entreprises, usines, établissements, et
rencontrer les gens de la direction et, dans les cas où il y en avait,
des représentants syndicaux, et aussi les hommes et les femmes qui y
travaillaient.
On aura pu, aussi, à travers cette opération de
consultation, dans la foulée de la publication du livre blanc,
participer à tout près de 25 rencontres, la plupart du temps
publiques, avec les groupes les plus divers. Toute cette étape de
consultation extrêmement large nous aura permis d'apporter, suite
à la publication du livre blanc, dans la préparation du projet de
loi qui est présentement devant nous, des ajustements, des
clarifications et, aussi, il faut bien le dire, des additions.
Nous avons essayé, tout au long de ces travaux, de regarder le
Québec tel qu'il est et d'essayer, au fond, de faire la meilleure
lecture possible de la réalité québécoise: d'abord,
des faits de cette réalité, des situations, dans certains cas
je crois qu'il faut l'admettre dégradées et, dans
certains cas, plus que dégradées; d'autre part aussi c'est
l'aspect positif de la lecture de la réalité
québécoise des points d'appui qui étaient
déjà là dans le concret de la vie
québécoise, des points d'appui à partir desquels il
était possible de mettre au point une réforme et, donc, de la
fonder sur les éléments positifs qui commençaient
déjà, à travers le Québec, à percer dans le
paysage.
Bien sûr, on aura aussi regardé ailleurs. On aura eu
l'occasion de rencontrer des représentants du gouvernement de la
Saskatchewan qui ont, eux aussi, fait leur réforme dans ce domaine
depuis maintenant cinq ans. J'ai eu l'occasion aussi de rencontrer des
porte-parole gouvernementaux de l'Ontario; des équipes se sont rendues
sur place aux Etats-Unis. On aura même poussé, certains membres de
notre équipe, des pointes en Europe pour regarder de près les
expériences vécues dans bon nombre de pays et notamment la
Suède et la Grande-Bretagne. Mais, au fond, tout ça pour essayer
quand même, fondamentalement, de concevoir une réforme qui soit la
plus québécoise possible, la plus collée à notre
réalité.
Parmi les faits qu'on a pu constater dont bon nombre ont
été relatés c'était une première en
ce sens que c'était peut-être la première fois que
c'était ramassé de cette façon dans le livre blanc
il y a un côté qui, forcément je pense qu'il faut le
dire tel que c'est n'est pas particulièrement rose et qui, dans
certains cas, est dramatique et même tragique. On me permettra simplement
de rappeler quelques-uns de ces faits. Pour la dernière année,
les données les plus récentes que nous ayons en main, soit pour
l'année 1978, il y aura eu 308 000 accidents rapportés,
c'est-à-dire tout près de 35 accidents à l'heure au
Québec, sept jours par semaine, jour et nuit, soit six fois plus de
victimes du travail que de victimes de la route. Il y aura eu pour cette
dernière année 1978 plus de 200 hommes et femmes au travail qui
sont décédés. (10 h 30)
Pour les années 1975 et 1976 ensemble, c'est 525 hommes et femmes
qui sont décédés. Il y aura eu 2 800 000 jours ouvrables
de perdus; on sait qu'il y a tout près de 120 000 hommes et femmes au
travail qui sont exposés à la surdité dans tout
près de 4000 établissements. On sait aussi qu'il y a tout
près de 70 000 travailleurs qui sont en contact avec des substances qui
peuvent provoquer des maladies pulmonaires. On sait aussi que l'état de
la recherche, au Québec, est à la fois émietté et
faible, tant et si bien qu'on ne dispose pas vraiment, aujourd'hui, d'un profil
de l'état de santé des travailleurs et travailleuses, en tout cas
d'un profil d'état de santé qui soit plus précis que celui
dont on disposait pour les années 1938-1939.
Tout ça, pour l'année 1976, nous aura amenés
à ce qu'on appelle des coûts économiques directs
c'est-à-dire l'essentiel des coûts et des sommes versées
à des fins d'indemnisation, incluant les frais et les coûts
d'administration de l'indemnisation de $400 millions; ça,
c'était
pour l'année 1976. Si on ajoute à ça ce qu'on
appelle les coûts économiques indirects, c'est-à-dire les
journées de travail perdues, les coûts des réparations, les
frais de maladie, de santé, l'effet sur la production, ça aura
représenté, pour cette année-là, tout près
de $1 600 000 000 de coûts économiques indirects; tant et si bien
que l'addition de l'ensemble des coûts économiques directs et
indirects, pour l'année 1976, aura été d'environ $2
milliards. Les chiffres sont conservateurs, puisque le multiplicateur
utilisé pour établir et déterminer les coûts
économiques indirects est un multiplicateur conservateur.
Si on regarde ces chiffres et qu'on les confronte avec la
réalité de l'année 1978, on constate que les coûts
directs, les coûts d'indemnisation pour l'année 1978, auront
atteint presque $500 millions; alors que les coûts économiques
directs et indirects découlant des accidents et des maladies de travail
étaient, en 1976, d'environ $2 milliards, ces coûts, en 1978,
totalisaient encore là sur la base de chiffres conservateurs
$2 500 000 000. Cela, c'est l'aspect économique. Mais, il y a
derrière cela une chose qui est encore beaucoup plus fondamentale et
c'est la réalité humaine des hommes et des femmes qui vivent ces
problèmes.
Comme le disait le premier ministre, M. Lévesque, le 8 mars
dernier, "l'économie qui prétendrait encore faire passer l'homme
après les machines serait vouée à l'échec". On a
aussi regardé notre propre maison à nous, la maison
gouvernementale administrative, publique, pour voir quel était,
là aussi, l'état de la situation. Il existe 7 lois, 20
règlements, 6 coins d'administration publique qui interviennent d'une
façon ou d'une autre, 4 services d'inspection, ce qui donne, là
aussi, un état d'émiettement, une mauvaise concertation de
l'ensemble des textes, des pouvoirs, des droits, des ressources humaines et
financières et aussi, bien sûr je ne m'étends pas
là-dessus, on aura sûrement l'occasion d'y revenir un
état de sanctions qui en tout cas, je vais le dire comme je le
pense ressemblent beaucoup plus à une farce qu'à autre
chose dans certains cas.
Aussi, quand on regarde et qu'on scrute à la loupe ces fameux
textes de 7 lois, 20 règlements, on constate une chose, c'est que ceux
et celles qui sont quand même les premiers concernés
après tout, on parle de la santé et de la sécurité
des hommes et des femmes qui sont au travail ont été pour
l'essentiel ignorés. On aura réussi en quelque sorte dans ces
textes de loi, dans les règlements aussi, d'ailleurs, le tour de force
d'à peu près ne jamais mentionner simplement le mot travailleurs,
les hommes et les femmes qui sont au travail, comme si on avait pensé
par une certaine philosophie des choses que ces problèmes pouvaient
trouver une solution en laissant de côté ceux et celles qui sont
les premiers concernés.
Il me semble aussi ressortir de l'ensemble de l'analyse de la situation
des textes de loi et des règlements une vieille conception que nous
rejetons comme gouvernement, c'est cette vieille conception fataliste du
travail, comme si le travail, cela ne pouvait pas être autrement que
forcément, par une espèce de fatalité, presque
nécessairement et obligatoirement dangereux, à peu près
dans le genre: Et puis, il n'y a rien à faire.
Effectivement, en toute honnêteté, on doit admettre que
dans certains cas, il y a eu des efforts, ce;qui prouve qu'il est possible de
changer des choses. Pour l'essentiel, cette conception demeure là,
latente, comme une espèce de fil conducteur qu'on retrouve aussi bien
dans l'analyse des faits et des textes que dans l'analyse de la
réalité. De, telle sorte qu'il ressort de cela qu'un accent
important a été mis sur ce qu'on appelle une apprcjche curative,
une approche qui vise à réparer. Bien sûr, il faut un
régime d'indemnisation. Il faudra même améliorer ce
régime. Cela va de soi. Bien sûr aussi, il faut de l'information,
il faut de la formation. La prévention ne peut pas se limiter
qu'à cela. En d'autres termes, même sur le plan d'une approche de
ce qu'on appelle au sens large d'un concept de santé dans le domaine du
travail, à notre point de vue, il est plus que temps maintenant aussi
il faut, encore une fois, des services curatifs de
développer, ce qu'on appelle dans le domaine de la santé, une
approche épidémiologique, c'est-à-dire une approche qui,
essentiellement, vise à dépister les problèmes et à
essayer de corriger ces problèmes à la source, de telle sorte
j je tiens à le redire à nouveau qu'à notre
point de vue, vraiment le seul objectif valable pour une société
qui se prétend civilisée c'eét ce à quoi
nous pensons quand nous parlons de mettre l'accent sur la prévention
ce ne peut pas être autre chose que de faire tout ce qui est
humainement possible pour viser à éliminer à la source
même les causes d'accidents et de maladies.
On place très haut le défi, c'est vrai, mais on croit que
n'est possible, à certaines conditions, d'ouvrir au moins cette
perspective pour essayer d'y arriver. On n'arrivera pas demain matin,
certainement pas en deux jours, ni en deux mois, à obtenir dans la
réalité ce que le célèbre architecte Le Corbusier
appelait les "usines vertes". On croit qu'il faut, encore une fois, viser
à éliminer à la source les pauses mêmes d'accidents
et de maladies. C'est vraiment le sens profond que nous donnons l'expression
"prévention", de telle sorte que la prévention doit comprendre la
mise au point, l'utilisation d'équipements de sécurité, de
moyens de protection individuelle et que ce ne soit pas n'importe quoi,
n'importe quelle sorte.
Il est certain qu'on y aura encore besoin, pour un bon bout de temps,
d'utiliser ces équipements qui, dans certains cas, cependant, doivent
être considérés comme purement des palliatifs en attendant
qu'on réussisse ensemble à éliminer, à la source,
'les causes mêmes d'accidents et de maladies. Il est bien certain... Je
pense au casque protecteur, bar exemple, sur les chantiers de construction. Il
s'agit là d'un moyen d'équipement de sécurité qui
devrait être utilisé encore pour un joyeux bout de temps. Cela,
c'est bien certain. Mais, encore là, quand on songe à cette
question
des équipements et des moyens de protection individuelle, une
fois qu'on a essayé ensemble que ce soient des moyens valables, que ce
ne soit pas n'importe quoi, n'importe comment le projet de loi cerne,
entre autres, cette question il ne faut pas perdre de vue l'objectif
fondamental.
Deuxièmement, bien sûr, la notion de prévention ne
peut pas inclure... Il va falloir probablement qu'on fasse ensemble un effort
encore beaucoup plus considérable et le projet de loi le
prévoit dans le domaine de la formation et de l'information. Mais
tout ça, ce n'est pas suffisant; quand on parle de prévention,
comme on l'évoque, d'ailleurs, à l'article 48 et, en particulier,
au paragraphe 3 de l'article 48, à notre point de vue, des programmes de
prévention doivent aussi inclure et prévoir des programmes
d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites par les
règlements concernant l'aménagement des lieux de travail,
concernant l'organisation du travail, concernant l'équipement, le
matériel, concernant les contaminants, les matières dangereuses,
les procédés d'utilisation, pour mentionner certains des aspects
qui, encore une fois, sont collés, si je peux m'exprimer ainsi, à
l'environnement même du travail.
Pour atteindre cet objectif, il y a plusieurs approches possibles.
Là, pour nous, se dégage un des principes clés de la
réforme qui est proposée. Je crois que c'est un peu ce qui
ressort de l'économie générale, en tout cas, de la lecture
qu'on veut faire, comme je l'ai évoqué, à la fois, de la
réalité et des textes de loi et règlements dont on
dispose, qui sont là présentement. On a pu penser, pendant un
certain temps, qu'on pouvait régler ces problèmes, au fond, en
laissant de côté ceux et celles qui sont, encore une fois, les
premiers concernés et que les employeurs seuls pouvaient réussir
à régler tous les problèmes.
C'est une approche, et nous pensons que les résultats aujourd'hui
sont là pour nous amener tous ensemble à nous interroger
sérieusement sur une approche qui viserait à donner l'essentiel
de tous les outils, tous les moyens placés dans une seule direction. Il
y a une autre approche, qui, elle va à l'autre extrême et qui
laisse entendre qu'on pourrait arriver à régler ces
problèmes en transférant l'essentiel de tous les pouvoirs, tous
les moyens, tous les droits uniquement aux syndicats. Nous, on pense que la
solution n'est pas plus à ce pôle extrême qu'à
l'autre que j'ai évoqué en premier lieu. Ou encore, l'autre
aussi, qui viserait à croire que l'Etat seul, un peu comme Dieu le
Père, qui est à Québec, intervenant seul, pourrait, lui
aussi réussir à régler les problèmes que j'ai
évoqués au début de cet exposé.
Nous croyons qu'on pourra y arriver par un effort et uniquement par un
effort concerté de l'ensemble des agents, ce qui suppose
forcément que nous allons avoir à prendre appui sur les hommes et
les femmes qui sont au travail, dans les cas où ils sont
organisés, où ils se sont donné des syndicats, sur ces
syndicats, sur leurs représentants démocratiques. Egalement
aussi, forcément, sur les employeurs et en faisant en sorte aussi que
l'Etat, que le gouvernement assume pleinement ses responsabilités. De
là émerge ce concept clé qui déjà d'ailleurs
se développe de plus en plus dans la réalité
québécoise, ce concept clé de la parité, mais cette
parité qui, à notre point de vue, devra être inscrite dans
les faits d'en bas jusqu'en haut, jusqu'au plus haut sommet de l'entreprise, de
l'établissement, en passant par les secteurs économiques,
industriels jusqu'au plus haut sommet sur le plan national, c'est-à-dire
jusqu'au niveau de la Commission québécoise de la santé et
de la sécurité du travail, ce qui implique aussi que ceux qui
seront associés pleinement disposent de pouvoirs qui ne soient pas
uniquement ou exclusivement des pouvoirs consultatifs, mais également
qu'ils disposent quant à un certain nombre de questions qui les
concernent directement, de pouvoirs décisionnels. (10 h 45)
Je ne vous cacherai pas que je suis particulièrement satisfait de
constater, après avoir pris connaissance des mémoires que nous
avons reçus, que dans la très grande majorité, cet
objectif, cette approche, ce principe clé semble retenu je parle de la
très grande majorité des groupes, des citoyens et des citoyennes
qui nous ont fait parvenir des mémoires quitte à discuter
encore une fois, on est très ouvert là-dessus de
toutes et chacune des modalités concernant la transposition dans le
concret et dans la réalité à la fois de cet objectif, de
ce principe et de cette approche clé.
Cela suppose aussi, à notre point de vue, qu'on reconnaisse des
droits nouveaux et aussi des pouvoirs, qui n'ont pas été
négociés dans certains cas où cela aurait pu l'être
entre des parties, aux hommes et aux femmes qui sont au travail, à leurs
représentants syndicaux, dans les cas où ils sont
organisés en syndicat. Je suis aussi je ne vous le cacherai pas
très heureux de constater qu'il y a cela me semble, en
tout cas, ressortir des mémoires une acceptation à tout le
moins du principe de la reconnaissance d'un de ces droits qui est le droit de
refus. Encore une fois, je suis prêt, les membres de cette commission
sont prêts à regarder toute suggestion, toute recommandation
concernant l'articulation concrète de ce droit et les
modalités.
Je suis aussi heureux de constater qu'il ressort une reconnaissance sur
l'idée au moins de la nécessité de sortir du fouillis
législatif et réglementaire pour en arriver à avoir une
loi-cadre. Il semble aussi ressortir un consensus sur la
nécessité de procéder à un regroupement des
services émiettés, des services d'inspection et, aussi, c'est
évoqué, cette idée d'assurer une plus grande
régionalisation et même une présence plus permanente des
services d'inspection dans les différentes régions du
Québec. Et je peux vous indiquer tout de suite que le gouvernement du
Québec a l'intention, tout au long des discussions et des travaux qui
vont se poursuivre sur le projet de loi 17 d'ici son adoption qu'on
espère voir arriver avant Noël, d'utiliser au maximum les
instruments législatifs que nous avons déjà en
main comme gouvernement pour, autant que faire se peut, amorcer dans les
plus brefs délais déjà ce regroupement des services
d'inspection et cette régionalisation des services d'inspection.
Il me semble aussi ressortir une acceptation du principe du regroupement
des pouvoirs en un lieu, notamment ce lieu qui est proposé par le projet
de loi, la Commission québécoise de la santé et de la
sécurité du travail. Je suis aussi heureux de constater que
même quelques employeurs, à tout le moins un parmi ceux qui nous
ont fait parvenir des mémoires, acceptent l'idée et reconnaissent
le bien-fondé en tout cas de cette idée que les hommes et les
femmes qui sont au travail, qu'ils soient organisés en syndicats ou pas,
aient le droit, eux aussi, d'avoir une espèce de permanence de
représentation de leurs intérêts. Au fond, cette
idée se traduit dans le projet de loi par les représentants
à la prévention. Au fond, c'est pour qu'ils aient, eux aussi et
elles aussi, une permanence de libération pour être capables de
s'occuper de leurs intérêts comme c'est le cas aussi pour
l'employeur. Et c'est normal. Je pense que personne ne le conteste. C'est pour
qu'ils aient aussi cette reconnaissance-là. Je crois qu'il y a, si ma
mémoire est bonne, au moins un représentant du monde patronal, en
tout cas parmi ceux qui viendront témoigner parmi nous, qui
reconnaît cette idée-là.
Je crois aussi qu'il est important de souligner qu'il semble ressortir
des mémoires que j'ai vus jusqu'ici, l'acceptation au moins de
l'idée générale qu'on reconnaisse un rôle, une
direction des services oubliés de santé accrochés à
ce qu'on appelle dans le jargon les CH-DSC, les départements de
santé communautaire des centres hospitaliers, et ça, à
cause simplement, d'abord, de la nécessité de développer
une approche épidémtologique.
Encore une fois, les membres de cette commission et moi en particulier
je suis prêt à regarder tout suggestion, toute recommandation
susceptible de bonifier, de clarifier ou, même, le cas
échéant, d'articuler autrement certaines des choses qui sont
proposées, que ce soit concernant le droit de refus, que ce soit
concernant les construction, pour mentionner un certain nombre de points de
repère du projet de loi.
Je crois que je dois redire en toute honnêteté, cependant,
que pour nous, l'objectif d'éliminer à la source les causes
mêmes d'accidents et de maladies, le principe clé, cette approche,
la nécessité de faire en sorte que, ensemble, les agents puissent
intervenir, cette idée de la parité, que cet objectif et ce
principe, quant à nous, ne sont pas négociables. Pour le reste,
quant aux modalités, encore une fois, nous sommes plus que très
ouverts. On aura l'occasion aussi de scruter à la loupe, ensemble, tout
au long des travaux de cette commission, certaines réactions qui ont
été rendues publiques, certaines affirmations qui paraissent dans
des mémoires ou qui ont été faites sur la place publique
depuis le dépôt du projet de loi ou relativement au livre
blanc.
On aura l'occasion de regarder si dans certains cas, parce qu'un texte
de loi, forcément, c'est du jargon juridique et ça peut
prêter à une mauvaise lecture ou ne pas nécessairement
refléter, dans l'nterprétation, l'intention du
législateur, il y a des ambiguïtés, et, au fur et à
mesure qu'on va nous les! souligner, nous les signaler, on n'hésitera
pas à retenir les recommandations en conséquence.
Evidemment, on aura à regarder certaines réactions de
certains groupes, les uns disant: vous allez beaucoup trop loin, cela n'a pas
de bon sens; les autres disant: vous n'allez pas assez loin, cela n'a pas de
sens, il y a même certains reculs, c'est épouvantable. On aura
l'occasion de regarder au mérite ce sur quoi des affirmations ou des
réactions comme celles-là sont basées.
Je voudrais dire tout de suite, sans m'étendre plus longuement,
qu'en ce qui concerne une affirmation qui! a été faite, je crois
qu'il faut faire attention au mot, ça vaut pour tout le monde, ça
vaut pour moi aussi, le premier, M. le Président, je ne crois pas que je
puisse accepter une expression qui a (!té utilisée, savoir que ce
que propose le projet do loi concernant les services de santé vise la
nationalisation des services de santé des entreprises]
Dans le dictionnaire Larousse, le dictionnaire Littré, il y en a
en abondance, le mot "nationalisation" a son sens très précis; je
pense qu'il faut le prendre comme tel pour ce qu'il est.
Notre objectif, fondamentalement, c'est simplement de faire en sorte
d'assurer, premièrement, une normalisation des services de santé;
on aura l'occasion de revenir là-dessus plus en détail;
deuxièmement, d'assurer en même temps l'indépendance,
l'autonomie normale de ces professionnels du monde de la santé;
troisièmement, de rebâtir et de redonner il n'y a pas une
équation automatique en ce sens-là, ça ne remet pas
nécessairement en cause la compétence même, le cas
échéant des gens qui peuvent être concernés ou
impliqués. On est obligé de dire les choses comme on les entend
et comme on les a vues cette confiance à l'égard de ces
professionnels dui domaine de la santé, cette confiance qui, très
squvent, n'existe pas dans l'esprit des travailleurs, des travailleuses, dans
la mesure où il s'agit d'hommes et de femmes qui sont salariés
d'entreprises.
Il faut rebâtir cette confiance. Je pense qu'il y a là une
chose qu'on peut comprendre et à laquelle il est possible de travailler
comme perspective. Aussi, notre objectif additionnel, dans le domaine des
services de santé, est non pas de sortir les médecins ou les
professionnels de la santé des entreprises, mais d'assurer, au
contraire, que tous ceux et toutes celles qui présentement ne
bénéficient pas de services de santé qui n'existent pas
dans les entreprises puissent enfin en avoir.
On aurai aussi à regarder... Mais je crois que c'est un peu
excessif, ça m'arrive moi-même parfois d'être un peu
excessif dans mes propos, c'est normal. Les Anglais ont une expression, ils
disent, quand on veut "make your point"; ça peut arriver, mais je crois
qu'il y a certaines expressions ou certaines affirmations qu'il faudra
regar-
der très attentivement. Quand on dit, par exemple, que nous
enlevons les droits de gérance de l'entreprise ou encore, à
l'opposé, quand on dit que les syndicats ne sont pas impliqués,
je pense qu'il y a là des choses à regarder d'assez près.
Je dois aussi dire tout de suite que, parallèlement, nous poursuivons,
au gouvernement, nos travaux en vue de mettre au point une réforme du
régime ou des modes actuels d'indemnisation, ce qui, quand ce sera
prêt, devra normalement venir à la suite de la présente
réforme à laquelle nous travaillons ensemble.
Je ne vous cacherai pas non plus que je suis très fier de
l'introduction, dans le projet de loi ce qui est peut-être une
espèce de première, je ne sais pas, mais je crois que oui,
nord-américaine du principe de ce qu'on appelle le retrait
préventif, encore là toujours dans la perspective de faire en
sorte de s'assurer de ne pas être pris pour essayer de réparer des
choses qui, dans certains cas, sur le plan humain, ne se réparent pas.
Et la première application de ce principe du retrait préventif,
que propose ce projet de loi, concerne la femme enceinte au travail. Pour une
première fois, quand on introduit non seulement des principes nouveaux,
mais l'application de ces principes, pour une fois qu'on commencerait par les
femmes, ça va nous changer de certaines de nos habitudes plus
traditionnelles qui étaient plutôt de commencer
généralement par les hommes.
Egalement, je pense qu'il est fondamental de ne pas perdre de vue, par
une loi-cadre comme celle-là, qu'il est important d'y arriver, pour
assurer une protection légale de base aux hommes et aux femmes qui sont
au travail. Cela n'exclut pas du tout et préserve en ce sens le
projet de loi est très clair là-dessus ce qui pourrait
déjà être acquis en plus par certains des groupes d'hommes
et de femmes au travail. Cela est comme une espèce de plancher de base
par-dessus lequel il reste possible aux parties de construire et d'ajouter. En
ce sens, le projet de loi laisse la porte ouverte à des ententes entre
parties pour ajouter, aller au-delà; mais il ne faut pas perdre de vue
non plus, dans cette perspective, qu'il y a encore 65% des hommes et des femmes
au travail qui ne sont pas syndiqués. Une politique de
développement social, je crois, doit comporter l'ambition
légitime de créer les conditions qui permettront que soient
reconnues la valeur et la dignité fondamentale de l'être humain,
sous tous les aspects de son existence et dans tous les lieux de son
activité. Une telle reconnaissance, de façon
privilégiée, doit être garantie là où la
majorité des citoyens et des citoyennes passent une grande partie de
leur vie, c'est-à-dire au travail.
Une réforme de ce genre, faite à leur façon, a
été menée à bon port, à bon terme, dans bon
nombre d'autres provinces canadiennes, dans bon nombre de pays
étrangers. Si on regarde sur la base des expériences
vécues par ceux qui ont déjà accumulé de
l'ancienneté, que ce soit la Saskatchewan, par exemple, qui a fait sa
réforme qui est là depuis maintenant cinq ans, que ce soit
l'Alle- magne, où la réforme est là depuis aussi cinq ans,
après une certaine période d'années, quatre ou cinq ans,
on constate aujourd'hui qu'il leur aura été possible de
réduire dans certains cas de façon plus que substantielle le
nombre d'accidents et de maladies au travail. (11 heures)
Je crois qu'en travaillant ensemble et en visant cet objectif on peut
non seulement relever ce défit, mais peut-être faire quelque chose
au point de nous étonner nous autres mêmes de ce qu'on est capable
de faire quand on s'en donne la peine, quand on se donne les moyens, quand on y
met le maximum de maturité, de sens des responsabilités et de
bonne foi, quand on s'y met vraiment. En ce sens, c'est vrai que c'est un gros
défi et c'est vrai qu'on mise sur la responsabilité, sur
l'implication des agents concernés, sur la maturité, mais aussi
sur l'action. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout
d'abord, moi aussi, souhaiter la plus amicale des bienvenues à tous ceux
qui, ce matin, le lendemain de la fête des travailleurs, sont avec nous
ici au parlement pour venir échanger, venir dialoguer avec les
représentants élus de l'Assemblée, les
représentants de l'équipe ministérielle, les
représentants de l'Opposition, à cette commission parlementaire
du travail et de la main-d'oeuvre qui est chargée d'étudier un
projet de loi que je considère, quant à moi, comme étant
très important, comme constituant une des lois majeures que nous aurons
à étudier durant la prochaine session.
M. le Président, au Québec, en 1978, environ 200
travailleurs et travailleuses sont décédés à la
suite de ce qu'on a considéré être des accidents ou des
maladies reliés à leur travail. Au cours de cette même
année, plus de 308 000 accidents du travail ont été
rapportés à la Commission des accidents du travail. La commission
a de plus ouvert 6500 nouveaux dossiers relatifs à des maladies
reliées au travail. Les conséquences sociales d'un tel
état de fait sont faciles à saisir et à comprendre. Sur le
plan économique, les chiffres publiés par le gouvernement font
état de déboursés en frais d'indemnisation de la part de
la Commission des accidents du travail qui sont de l'ordre d'un demi-milliard
de dollars pour l'année 1978. Bien entendu, ces chiffres ne tiennent pas
compte des coûts indirects qui découlent des décès,
maladies et accidents du travail lesquels, selon certains, sont
supérieurs au coûts directs eux-mêmes.
Ces quelques statistiques rapportées plus haut et citées
par le gouvernement justifient une action énergique à court terme
de la part du gouvernement. Il y a unanimité sur ce sujet. Tout
programme d'action suppose, cependant, qu'on
identifie clairement les objectifs que l'on veut atteindre et que l'on
se donne des priorités compte tenu de l'accessibilité et de la
disponibilité des ressources que l'on veut bien investir dans un domaine
donné. Jusqu'ici, ni dans son livre blanc, ni ailleurs, le gouvernement
ne nous a fait part de quelque étude comparative que ce soit sur la
situation qui prévaut au Québec par rapport à celle qui
prévaut dans les autres provinces au Canada ou dans certains autres
pays. De la même façon, il ne nous livre pas les analyses qu'il a
dû faire en ce qui concerne les causes principales des
décès, des accidents et des maladies, de même qu'il ne
semble pas s'être soucié de comparer les statistiques provenant
des différents secteurs industriels.
Cette absence de recherches plus poussées de la part du
gouvernement est quand même lourde de conséquences. Elle explique
probablement le fait que la réforme qu'on nous propose aujourd'hui en
soit une de structures d'abord et avant tout. Elle explique certainement le
fait qu'à l'intérieur de cette réforme on ne puisse
déceler que très peu d'actions prioritaires concrètes qui
devront être entreprises et qui sont directement reliées à
la santé et à la sécurité des travailleurs.
Le ministre a fait état tout à l'heure du cadre juridique
dans lequel nous avons à vivre et à évoluer
présentement. Six entités administratives distinctes se partagent
des compétences en matière de santé et de
sécurité au travail présentement. Il s'agit du
ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Main-d'Oeuvre, du
ministère des Richesses naturelles, de la Commission des accidents du
travail, des Services de protection de l'environnement et de l'Office de la
construction du Québec. Ces entités administratives administrent
7 lois et 20 règlements relatifs à la santé et à la
sécurité. Malgré ceci, il appert que 15,3% des
travailleurs ne sont pas encore protégés par la
législation en matière d'indemnisation ou de
réadaptation.
Il est assez facile de comprendre que la législation sur la
santé et la sécurité se soit, dans le passé,
développée de façon un peu éparse. On
légiférait pour régler des problèmes particuliers
au fur et à mesure que le Québec se développait. Tous en
conviennent, il est maintenant temps de regrouper tous les
éléments législatifs et réglementaires
reliés à la santé et à la sécurité au
travail.
Compte tenu des remarques qui précèdent, on ne peut
qu'être d'accord avec le principe d'une réforme en matière
de santé et de sécurité au travail. L'importance de la
question nous fait regretter que les études préliminaires,
cependant rendues publiques par le gouvernement, soient à ce point
superficielles et limitées qu'elles ne puissent véritablement
guider notre action pour que cette réforme améliore rapidement et
dans les plus brefs délais les conditions de santé et de
sécurité des hommes et des femmes qui sont au travail au
Québec.
En ce qui concerne l'objectif de la réforme, le livre blanc nous
a appris quel était l'objectif de la réforme proposée par
le gouvernement, de même que les moyens qu'il propose pour
réaliser cet objectif. L'objectif de la réforme, c'est
l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies
professionnelles. C'est cela, l'objectif. Pour atteindre ce [but, le
gouvernement veut proposer une politique d'ensemble des priorités et des
étapes face aux problèmes les plus graves et les plus urgents,
compte tenu des ressources disponibles à court terme.
Le livre blanc nous apprend, de plus, que l'approche retenue par le
gouvernement, pour ce faire, est fondée sur la participation des
travailleurs et des employeurs. Cette approche, le gouvernement; la voit en
deux volets: Le premier volet consiste en l'établissement par le
gouvernement de conditions qui vont permettre une réelle prise en charge
de ses responsabilités par le milieu de travail lui-même. Le
deuxième volet concerne l'élaboration d'un cadre
législatif unifié et plus accessible aux employeurs et aux
travailleurs.
Nous devons ici appuyer l'objectif de la réforme gouvernementale,
de même que les moyens qu'entend prendre le gouvernement pour la
réaliser, et l'approche qu'il a bien voulu retenir pour ce faire. C'est
d'ailleurs en fonction de ces mêmes principes qui étaient
énoncés dans le livre blanc que nous apprécierons et que
je me propose d'appréciér dans les quelques minutes qui vont
suivre le projet de loi 17 sur la santé et la sécurité au
travail.
Dès la lecture des notes explicatives contenues au projet de loi
17, on ne peut s'empêcher d'éprouver une certaine déception
face aux objectifs que se donne le gouvernement. Le livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail faisait état d'un
programme global dont le but ultime était l'élimination des
accidents du travail et des maladies professionnelles. Le projet de loi nous
apprend maintenant que le gouvernement vise à établir des
mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à
l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles.
On nous promettait un programme de santé et de
sécurité au travail, on nous propose aujourd'hui des
mécanismes de participation.
Voyons donc si, à tout le moins, l'encadrement prévu pour
cette participation est susceptible de noub conduire un jour vers l'adoption de
programmes valables en matière de santé et de
sécurité au travail. Une première constatation ne manque
pas de surprendre: On remarque, en effet, que le projet de loi a établi
un cloisonnement pratiquement étanche entre les domaines de la
prévention et le domaine de la santé et de la
sécurité au travail. D'une part, c'est à l'employeur qu'on
s'en remet, principalement en ce qui concerne les initiatives de
prévention. Indépendamment des dispositions relatives aux
fonctions des comités de santé et de sécurité
prévues à l'article 63, il appert, en effet, aux articles 40 et
48, que l'employeur est responsable de l'aspect sécurité en ce
qui concerne les équipements et aménagements de ses
établissements, de même qu'en ce qui a trait à la tenue
générale de ces derniers. De la même façon,
l'employeur demeure responsable de l'organisation du travail, de même que
de
l'utilisation des méthodes et techniques visant à
identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la
santé et la sécurité du travailleur ou de la
travailleuse.
D'autre part, c'est au réseau public que sont confiées
l'organisation et la dispensation des services de santé sur les lieux de
travail. C'est ici le département de santé communautaire, qui
doit, entre autres choses, fournir le personnel professionnel et technique
requis pour la mise sur pied et le fonctionnement des programmes
spécifiques de santé et évaluer lesdits programmes.
L'article 96 va jusqu'à défendre à un employeur de mettre
en application, même à ses frais, un programme de santé
additionnel à celui prévu par le département de
santé communautaire, et ce, sans obtenir l'assentiment préalable
des travailleurs. Cette approche, à caractère dichotomique, est
d'autant plus surprenante que les spécialistes de la question sont
unanimes à reconnaître la nécessité de concevoir
dans un tout intégré les programmes de santé et toutes ces
questions relatives à la surveillance et à l'amélioration
du milieu. De fait, l'approche gouvernementale est condamnée par ceux
à qui on veut à l'avenir confier la responsabilité de la
santé au travail, comme elle l'est par les professionnels de la
santé qui, jusqu'à ce jour, ont oeuvré dans ce secteur et
qui considèrent aujourd'hui être cavalièrement
laissés pour compte.
En effet, ce sont les centres hospitaliers publics et leur
département de santé communautaire qui écrivent dans leur
mémoire, et je me permets de citer: D'entrée de jeu, nous croyons
que la faiblesse fondamentale de ce projet de loi, sous l'angle de la
préoccupation commune de nos deux associations, réside dans le
fait qu'il n'apporte pas suffisamment de garantie pour que la jonction
nécessaire des deux premiers objectifs se réalise pleinement au
niveau de chacune des entreprises. Premier objectif: Soit de prévenir
l'apparition des problèmes de santé. Deuxième objectif:
Soit celui d'assurer la surveillance et la promotion de l'état de
santé des travailleurs.
De son côté, l'Association ^e médecine industrielle
du Québec prétend que je cite encore le
caractère multidisciplinaire de l'exercice bien compris de la
médecine du travail est indissociable des activités
d'hygiène industrielle, de toxicologie, d'épidémiologie et
de toute autre activité reliée au maintien et au
développement de conditions de travail qui respectent la santé,
la sécurité et l'intégrité physique des
travailleurs. C'est, selon l'organisme, une des plus graves lacunes du projet
de loi, que d'ignorer cet aspect fondamental sans lequel la médecine du
travail est vidée de tout son sens.
Le ministre d'Etat au développement social pourra toujours nous
répondre qu'il a prévu la création de la Commission de la
santé et de la sécurité au travail dans le but
d'opérer cette synthèse entre les éléments des
programmes de prévention et de santé. Si c'était la
réponse du ministre, nous devrons lui dire que nous ne pouvons nous en
satisfaire. Certes, nous ne sommes pas sans savoir que la commission pourra
réglementer l'aménagement des lieux de travail. l'organisation du
travail, l'équipement, le matériel, les agents de contamination,
les matières dangereuses, les procédés d'utilisation et
que, de plus, elle pourra modifier un programme donné de
prévention ou encore exiger d'un employeur qu'il change le sien. La
commission élabore et rédige aussi les programmes-cadres de
santé au travail. Il va de soi, cependant, que la coordination de tous
ces programmes au niveau de la commission ne pourra se faire qu'en fonction de
critères généraux et applicables à de grands
ensembles.
Il nous apparaît évident que le pouvoir
réglementaire de la commission s'exercera par la promulgation de normes
minimales à respecter. Dans un tel contexte, on risque fort de voir les
organismes de prévention et de santé se développer dans
les entreprises, non plus en fonction d'un objectif d'élimination des
causes d'accidents ou de maladies reliés au travail, mais en fonction du
souci de pouvoir satisfaire à cette norme qu'on peut percevoir comme
étant une norme éventuellement minimale.
Si cela devait être le cas, il devient évident que la
réforme que l'on veut mettre de l'avant ne poursuit déjà
plus les objectifs d'excellence en matière de santé et de
sécurité, mais que l'on se contentera d'assurer une protection
minimale aux travailleurs.
Pour éviter qu'il en soit ainsi, nous soumettons respectueusement
que le ministre devrait modifier l'approche retenue dans le projet de loi sur
cet aspect. Les corrections à apporter doivent prévoir une
structure de coordination qui permet l'intégration complète des
préoccupations de prévention et celles de la surveillance et de
la promotion de l'état de santé des travailleurs au niveau
même de chacun des établissements visés par le projet de
loi.
Une deuxième constatation générale mérite
d'être faite, eu égard à l'objectif de la réforme.
La lecture du projet de loi nous fait croire que les aspects purement
médicaux de la question santé et sécurité au
travail dominent tous les autres. Si l'intention du législateur n'est
pas de médicaliser ainsi le problème, comment se fait-il que le
projet de loi accorde autant d'importance à ces questions du choix du
médecin responsable des services de santé, de son autorité
sur le personnel professionnel et technique qui collabore au programme de
santé dans un établissement, de son autorité sur le
contenu du programme de santé spécifique de chacun des
établissements et de son droit de participer aux réunions des
comités de santé et de sécurité alors que, par
ailleurs, le projet de loi ne fait même pas allusion au domaine de
l'hygiène industrielle?
Pourtant, il y a ici aussi unanimité chez les spécialistes
à savoir qu'un programme efficace de santé au travail ne peut se
concevoir sans l'hygiène industrielle, laquelle doit
précéder l'établissement du programme de santé
puisqu'elle constitue l'outil qui permet d'évaluer et de contrôler
la qualité du milieu de travail.
L'Association pour l'hygiène industrielle au Québec dit
à ce sujet, et je cite: "La pathologie professionnelle relève
d'une question d'environ-
nement et la base de la prévention est donc de contrôler
ledit environnement. Ce projet de loi décrit une approche basée
sur la surveillance de la santé, tandis que la surveillance du milieu
est présentée de façon fragmentaire. Dans notre esprit, il
ne fait pas de doute que la médecine du travail soit une composante
importante d'un programme de santé et de sécurité, et le
projet de loi en traite avec raison. Ce projet de loi pèche cependant
gravement par omission en négligeant de préciser, comme on l'a
fait pour la santé, la nature des moyens envisagés pour agir sur
le milieu même du travail qui permettraient d'envisager plus rapidement
des correctifs à la source même du mal."
Forts de ce qui précède, nous nous permettons de
recommander au ministre responsable d'apporter des modifications à son
projet de loi. Le ministre se doit de prévoir, avec précision, le
rôle, la responsabilité et l'encadrement de ces autres agents
indispensables à toute politique de santé au travail et qui
oeuvrent dans les domaines de la surveillance environnementale et de la
prévention.
Le livre blanc nous disait, en matière de priorité
d'intervention, que je cite le livre blanc "le gouvernement
entend proposer en même temps qu'une politique d'ensemble des
priorités et des étapes qui permettront de faire face d'abord aux
problèmes les plus graves et les plus urgents, tout en tenant compte des
ressources disponibles à court terme". (11 h 15)
L'exégèse qu'on a faite du projet de loi no 17 ne nous a
malheureusement pas permis de retrouver quelque élément que ce
soit de ces énoncés de principe contenus au livre blanc. La gamme
des sujets sur lesquels on prévoit un pouvoir de réglementation
est impressionnante. Toutefois, il ne suffit pas de confier à un
organisme un pouvoir quasi illimité de réglementation pour
prétendre ensuite s'être donné une politique d'ensemble sur
le sujet. Même si le projet de loi no 17 porte principalement sur
l'encadrement juridique à venir en matière de santé et de
sécurité, nous croyons qu'il y aurait eu avantage à ce que
ce cadre soit conçu en fonction d'impératifs à rencontrer
à la suite de l'élaboration d'une politique d'ensemble. De fait,
une structure doit être bâtie en fonction des objectifs à
atteindre et non pas être mise en place avec le mandat de se donner par
la suite ces objectifs. Une véritable politique d'ensemble devrait
comporter une identification passablement détaillée des
problèmes à régler de même que des objectifs
à atteindre. Une telle politique doit de plus établir clairement
les champs de responsabilité des différents intervenants de
même que prévoir les moyens qui seront mis à la disposition
de ces derniers pour les aider à rencontrer les objectifs fixés.
Enfin, cette politique doit prévoir la façon dont on s'acquittera
de la fonction de contrôle inhérente à toute
opération. Ni le livre blanc ni le projet de loi ne répondent
complètement à ces interrogations.
De l'absence d'identification des problèmes découlent le
caractère trop général de l'objectif à atteindre et
l'absence de priorités d'intervention. De l'absence d'identification des
problèmes découlent des choix fort discutables au niveau de
l'encadrement juridique du régime proposé et une absence totale
d'indication quant au personnel et aux installations matérielles qui
seront requis pour supporter professionnellement et techniquement la
réforme qu'on nous propose. En ce qui concerne cette structure
proposée, c'est à bon droit que les auteurs du projet de loi ont
rapatrié, sous une même autorité, la quasi-totalité
des éléments du cadre législatif applicable au domaine de
la santé et de la sécurité au travail. Il est à se
demander, cependant, si ce rapatriement viendra faciliter les choses aux
utilisateurs du système. Qui sont dans le régime proposé
et au niveau de l'entreprise les intervenants directs en matière de
santé au travail si ce n'est l'employeur, le comité paritaire, le
réseau public de distribution des services de la Commission de la
santé et de la sécurité au travail? Cette seule
réponse à la question que l'on vient de poser se passe de
commentaires quant aux conséquences qui résulteront de cet
état de fait en ce qui concerne le dynamisme du système à
venir, la promptitude de ces interventions et la qualité de ces
actions.
Au cours des minutes qui vont suivre, on va tenter de s'attarder et
d'énoncer brièvement, pour qu'on puisse éventuellement en
discuter lors de ces auditions on aura près de 60 intervenants
nous tenterons, dis-je, de vous faire part de quelques commentaires et
de quelques considérations sur quelques-unes des principales
propositions retenues dans le projet de loi. Il est bien évident que le
fait de se prononcer en faveur de certains principes qui peuvent y être
contenus ne signifie pas que nous sommes d'accord avec le libellé
utilisé dans le projet de loi. La souscription de la part d'un
parlementaire ou d'un parti politique à un principe énoncé
dans un projet de loi et cela, je pense qu'on le voit très
fréquemment n'implique pas pour autant que celui qui
énonce une telle acceptation est tout à fait d'accord avec le
texte précis et exact dudit projet. C'est ainsi qu'à l'occasion
de l'étude du projet de loi, article par article, soit après
l'étude en deuxième lecture, on pourra faire part au ministre,
aux membres de la commission parlementaire et aux intervenants de nos
préoccupations à ce niveau.
En ce qui concerne le champ d'application, la loi à venir sera
d'application universelle pour l'employeur, le maître d'oeuvre, le
fournisseur, le propriétaire et le travailleur de même que pour
l'employeur professionnel. Nous souscrivons à cette approche,
étant bien compris qu'elle n'élimine en rien ja
possibilité de prévoir des régimes particuliers chaque
fois que les circonstances peuvent le justifier. Nous remarquons que la loi
liera le gouvernement, ses ministères et les organismes qui en sont
mandataires. Nous souscrivons à cette apprpche et nous ignorons toujours
pourquoi et on se pose toujours la question le gouvernement a
refusé d'agir de la même façon à l'occasion de la
Loi sur les conditions minimales de travail où il s'est somme toute
exclu, comme gouvernement, de l'application de cette loi.
En ce qui concerne les droits et les obligations des travailleurs, les
principes sous-jacents aux dispositions contenues à la section 1 du
chapitre 3 relatives aux droits généraux des travailleurs, au
droit de refus, au droit de retrait de même en ce qui concerne les
obligations des travailleurs, doivent être retenus. Le droit de refus
constitue, à notre avis, un droit fondamental de l'homme et nous savons
que la jurisprudence du travail en a reconnu l'exercice, même si la loi
n'en faisait pas expressément mention. L'exercice de ce droit de refus
pose cependant des problèmes particuliers en ce sens qu'il dépend
de l'application personnelle du travailleur face à une situation
donnée. Ce qui peut être dangereux pour un travailleur ne l'est
pas nécessairement pour un autre compte tenu d'un ensemble de facteurs
dont on pourra discuter au cours de cette commission. Il est normal qu'il en
soit ainsi et loin de nous l'idée de suggérer, on ne veut pas
suggérer que l'exercice de ce droit ne se fonde que sur
l'appréciation objective que l'on pourrait faire de l'état de
salubrité ou de sécurité des lieux de travail où ce
droit sera exercé. Ce droit doit appartenir au travailleur.
Etant donné ce qui précède et les
conséquences économiques qui découlent de l'exercice du
droit de refus, il devrait être loisible à l'employeur de
remplacer le travailleur qui l'exerce par un autre qui n'aurait pas d'objection
à faire le travail après avoir été dûment
informé que ce qu'on lui demande de faire a déjà fait
l'objet d'un refus.
Le processus prévu au projet de loi pour disposer des
mésententes relatives à l'exercice du droit de refus nous
apparaît comme étant incomplet et lourd. Incomplet, en ce sens que
la première étape à prévoir devrait mettre en
présence le travailleur et le supérieur immédiat. C'est
à ce niveau-là qu'on a le plus de chances de voir le
problème être réglé rapidement. Il nous semble enfin
qu'il ne soit pas indispensable de prévoir quatre paliers d'intervention
pour disposer définitivement de tel litige. Il faut en effet s'assurer
que le délai de six heures prévu pour l'intervention de
l'inspecteur ne se superpose pas à des délais trop longs qui
seraient préalablement requis pour franchir des étapes
préliminaires.
Nous devons ajouter ici ne pas comprendre le fardeau de la preuve que
l'on veut imposer aux employeurs. A notre avis, la règle de la
prépondérance de la preuve est indiquée dans cette
matière. Enfin, et pour ne pas faire preuve d'angé-lisme, il nous
apparaît indispensable parce que c'est quand même un
élément à l'égard duquel plusieurs des intervenants
et la population en général ont des réserves à
exprimer, peut-être pas des réserves, mais des craintes en ce qui
concerne son utilisation de prévoir l'octroi de dommages dans les
cas où la preuve révélerait, au-delà de tout doute
raisonnable, que c'est sans cause que l'on s'est prévalu du droit de
refus ou encore que l'exercice de ce droit de refus s'est fait pour des raisons
qui n'ont rien à voir avec la santé et la sécurité
du travailleur et que cela a été fait strictement et uniquement
de mauvaise foi.
En ce qui concerne les droits et obligations des employeurs, nos
commentaires ici dépasseront le cadre des dispositions prévues
à la section 2 du projet de loi no 17. Nos prises de position n'auront
pour mobile que la non-détérioration des conditions de
santé et de sécurité au travail et l'amélioration
de ces conditions dans les plus brefs délais possible.
On l'a dit précédemment, nous considérons qu'il est
indispensable que le cadre juridique à venir permette qu'il y ait
unité d'action en ce qui concerne la planification, l'organisation et le
contrôle de toutes ces activités reliées au problème
de la santé et de la sécurité au travail que
requièrent les programmes de prévention, de surveillance et de
promotion de la santé.
Pour des raisons pratiques, le droit à l'initiative dans l'action
en ce domaine doit demeurer au niveau de l'entreprise. Il serait irresponsable
de retirer aux travailleurs qui oeuvrent dans plusieurs organisations, la
protection à laquelle ils ont droit en vertu de programmes de
santé et de sécurité éprouvés et efficaces,
parce qu'il y en a.
Les statistiques contenues dans certains mémoires produits
à la commission parlementaire font état de réalisations en
matière de santé et de sécurité dans certains
secteurs à risques élevés, qui sont la preuve tangible que
les objectifs les plus audacieux peuvent quand même être
envisagés. Plutôt que de démanteler les organisations qui,
par le passé, ont assumé leurs responsabilités
parce qu'il y en a là aussi il semblerait plus judicieux de
s'attaquer aux carences majeures du système actuel et de le faire
évoluer en fonction d'objectifs à redéfinir.
Les principales carences du système actuel ne résident pas
dans le fait que les entreprises embauchent des médecins, elles ne
résident pas dans le fait que les entreprises se soient
unilatéralement donné des programmes de santé et elles ne
résident pas dans le fait qu'aucune commission provinciale ne se soit
prononcée sur l'identification des moyens et équipements de
protection individuels qui sont les mieux adaptés pour répondre
aux besoins des travailleurs de chacune des entreprises ou, encore, des
catégories de certains secteurs d'entreprises du Québec.
En intervenant à ces niveaux, on fera des heureux, certes, mais
on fera aussi des mécontents. Chose certaine, nous hésitons
à croire qu'il y ait beaucoup de changements à l'ordre de
grandeur des statistiques relatives aux décès, aux maladies et
aux accidents.
La première action concrète à poser, c'est de
procéder à une identification rigoureuse des problèmes par
secteurs industriels et par établissements à l'intérieur
de ces secteurs. A partir de cette évaluation de la situation, il faudra
déterminer des secteurs prioritaires d'intervention et se donner des
objectifs et des échéances pour la réalisation desdits
objectifs.
Ces objectifs doivent porter de façon bien précise sur la
diminution du nombre de décès, maladies et accidents. Dans un
domaine aussi important que celui de la santé et de la
sécurité de
la travailleuse et du travailleur, nous ne pouvons accepter que l'on
fasse table rase de tout ce qui existe présentement et qu'on substitue
à des régimes précis, dont certains ont été
générateurs de réussites incontestables, une vague
réforme de structures assaisonnée de voeux pieux à
l'occasion.
Il est capital que les travailleurs puissent intervenir au centre
nerveux même de toute politique de santé et de
sécurité au travail. Il est loin d'être certain cependant
qu'il en résultera de meilleures conditions pour eux si on se dote d'un
système qui à la base brime toute initiative patronale. Il n'est
pas superflu de rapporter ici ce que le mouvement syndical de Suède
disait par la voix de l'expert médical de la Confédération
des syndicats suédois, soit M. Eric Bolinder dans un texte
intitulé "Le médecin d'entreprise: L'homme des travailleurs ou de
l'administration?" C'est un texte qui a été reproduit dans
Current Sweden, no 56 de janvier 1975, publié par l'Institut
Suédois qui disait ceci: "Si la médecine du travail devait
trouver son implantation en dehors de l'entreprise, comme une partie, par
exemple, des services de santé offerts par la communauté, elle se
transformerait en une fonction de contrôle, ce qui impliquerait un risque
d'autant plus grand qu'elle soit considérée comme un
élément entier économique."
En terminant sur cette question, il est important de dire un mot sur le
choix du médecin qui oeuvre dans le champ de la santé et de la
sécurité au travail. Ce professionnel est d'abord une personne
ressource à l'emploi d'une organisation et nous ne pouvons voir en vertu
de quel principe nous pourrions exiger que son choix soit fait par un autre que
l'employeur. Dans certaines de ses activités, le médecin est
appelé à donner des avis qui sont déterminants quant aux
droits des travailleurs. C'est le cas en matière de contrôle
d'absentéisme, de détermination d'incapacité, par exemple,
par rapport à certains programmes d'assurance collective ou d'avantages
collectifs.
Pour ce type d'expertise, le médecin se trouve réellement
en conflit d'intérêts, et la loi devrait prévoir le droit
pour un travailleur de contester l'avis du médecin de l'entreprise. Le
travailleur devrait pouvoir s'adresser, dans ces cas, à un
médecin du département de santé communautaire, lequel
devrait être habilité à se prononcer en dernière
instance dès qu'il est sollicité par ce travailleur. La
santé et la sécurité dont on parle sont celles des
travailleurs et des travailleuses. Le régime proposé doit donc
permettre à ces derniers de pouvoir intervenir dans ce domaine où
ils sont particulièrement touchés parce que ce sont eux qui sont
touchés par ces programmes, ces lois, ce projet et ce dont on discute
aujourd'hui.
Il nous apparaît que la création d'un organisme paritaire
est indiquée pour assurer la participation des travailleurs à la
détermination des objectifs du système de santé et
sécurité au travail. Leur participation à ce niveau
permettra, de plus, aux travailleurs, de contribuer à la
détermination de priorités d'intervention en matière de
santé et de sécurité au travail et d'être aussi
parfaitement informés de l'évolution des programmes et de leur
adéquation à la réalisation des objectifs
fixés.
Les travailleurs et les travailleuses du Québec ont aussi besoin
d'être protégés dans leur milieu de travail en ce qui
concerne la conception et l'administration des programmes de santé et de
sécurité. Les travailleurs syndiqués sont ici
privilégiés en ce qu'ils ont, de par l'appareil syndical,
l'instrument légitime par excellence pour travailler à la
promotion de leurs intérêts. La santé et la
sécurité sont du domaine des choses négociables en vertu
de notre droit du travail. Il est pensable et souhaitable on
l'espère quant à nous qu'il soit possible d'envisager,
à court terme, une plus grande préoccupation de la part du milieu
syndical en négociation. Dans ce secteur, la constitution de
comités paritaires devrait être laissée à la
discrétion des parties et les comités paritaires auront ici le
mandat prévu pour eux, après entente entre elles.
De façon supplétive, le législateur doit favoriser
c'est une obligation qu'il a l'implication des travailleurs non
syndiqués et faire en sorte qu'ils ne soient pas de simples spectateurs
au cours de la réforme qui s'annonce. Nous croyons que les idées
mises de l'avant dans le projet gouvernemental en ce qui concerne les
comités paritaires pourraient être ici utilisées avec
profit. De tels comités paritaires pourraient être requis en vertu
d'une ordonnance de l'organisme paritaire toutes les fois où un secteur
industriel donné, une partie de secteur ou une entreprise en particulier
ont été identifiés comme présentant un taux trop
élevé d'accidents ou de maladies reliés au travail.
Il est bien entendu que ces comités paritaires ne devraient avoir
qu'un rôle consultatif sauf s'il y avait entente à l'effet
contraire entre les intéressés.
Ajoutons enfin que la création d'un agent de prévention ne
nous paraît pas un prérequis. Comme on le lit dans le
mémoire de la Fédération des travailleurs du
Québec, les six millions d'inspecteurs, c'est bien joli mais, dans la
pratique, ça ne fait pas trop sérieux.
En ce qui concerne la commission de santé et de
sécurité au travail, nous ne pouvons qu'appuyer la
création d'un organisme devant chapeauter l'ensemble des questions de
santé et de sécurité au travail. Au niveau de
l'étude article par article du projet de loi, nous tenterons d'obtenir,
du ministre ou des ministres qui sont intéressés par ledit projet
de loi, plus d'explications quant à l'utilisation possible du pouvoir
réglementaire de cette commission parce qu'on a quand même
constaté que le pouvoir réglementaire de la commission, M; le
ministre, cela s'échelonnait sur quatre pages dans le projet de loi et
vous comprendrez que, pour un législateur qui ne peut participer
à l'élaboration ou au résultat d'un tel pouvoir
réglementaire, cela implique des réserves assez
sérieuses.
Au niveau de l'étude article par article, nous tenterons
d'obtenir du ministre plus d'explications quant à ce pouvoir et dans le
projet de loi no 17, on parle aussi très peu c'est un
commentaire
qu'on voulait porter à votre attention de l'indemnisation
et on ne semble pas savoir quoi faire ou encore de qui faire relever le service
de l'inspection. Dans le but d'aider le ministre dans ses réflexions sur
ces sujets, nous aimerions lui dire ici que nous croyons que la fonction de
l'indemnisation doit servir d'input aux activités de prévention
et qu'il faudra que la commission agisse en conséquence. (11 h 30)
Quant à la fonction de l'inspection, nous croyons qu'un
élément en particulier milite en faveur de son intégration
à la commission. Cet élément, d'après nous,
consiste en ce fait que l'inspection bien comprise doit poursuivre des
objectifs de prévention et qu'il nous semble que la poursuite de tels
objectifs pourrait se faire plus naturellement sous l'égide de la
commission.
Quant aux coûts du système, nous réservons à
plus tard nos commentaires sur le sujet; qu'il nous suffise ici de dire que les
estimations prévues au livre blanc ne nous semblent pas
réalistes. On a sous-évalué l'incidence de certains
facteurs, comme la fréquence des réunions, les congés,
etc. et on a omis d'évaluer certains éléments comme les
coûts reliés aux travaux administratifs des comités
paritaires, les coûts de certaines libérations, etc. Ajoutons
à ceci qu'il est évidemment impossible d'attacher un prix
à ces différents éléments, nous en convenons, ils
nous sont actuellement inconnus, parce que découlants du pouvoir de
réglementation de la commission qui viendra, une fois que la loi sera
adoptée.
En conclusion, M. le Président, le livre blanc nous a fait
espérer une politique précise, visant à
l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies
professionnelles. Pour atteindre un tel objectif, il aurait fallu que le
gouvernement nous propose un programme agissant sur le milieu de travail et non
une simple réforme de structures.
Le gouvernement nous avait dit, dans son livre blanc, qu'il
définirait les priorités et les étapes face aux
problèmes les plus graves et les plus urgents. Bien malin celui qui
pourrait trouver, dans le projet de loi no 17, la moindre priorité, si
ce n'est celle de rejeter du revers de la main, sans aucun discernement selon
nous, tout ce qui a été fait dans le passé, conjointement
ou unilatéralement, par les travailleurs et les employeurs dans le
domaine de la santé et de la sécurité au travail.
Le gouvernement nous a aussi dit que l'approche retenue était
fondée sur la participation des travailleurs et des employeurs. A ce
sujet, disons que, dans un premier temps, rares sont les projets de loi qui ont
à ce point divisé employeurs et travailleurs; bien plus, le monde
du travail lui-même est déchiré par ce projet de loi. Dans
un tel contexte, est-il réaliste de croire que le régime
proposé serait générateur de fruits, si jamais le
gouvernement décidait de l'instaurer, tel qu'il nous le présente
aujourd'hui.
D'autre part, nous mettons sérieusement en doute la
volonté du gouvernement de voir le milieu se prendre en charge en
matières de santé et de sécurité. Sous plusieurs
aspects, le projet de loi apparaît même comme venant limiter les
droits des travailleurs et des employeurs. Aux travailleurs, il impose un
système d'arbitrage avec décisions exécutoires de la part
de la commission. Par ailleurs, nous croyons que ce projet de loi c'est
une des craintes que nous voulons formuler pourra éventuellement
décourager les initiatives patronales et diminuer les
responsabilités des employeurs, sans compter qu'il exige d'eux qu'ils
financent une réforme dont on ignore complètement les coûts
actuellement.
La formation politique que je représente, le Parti libéral
du Québec, va donc, M. le Président, donner son appui au principe
du projet de loi no 17, lors de l'étude du projet de loi en
deuxième lecture, parce qu'il considère que l'avènement
d'une politique d'ensemble sur la santé et la sécurité au
travail ne peut plus attendre. Nous avisons cependant le ministre que nous ne
laisserons pas le gouvernement reporter subrepticement le problème aux
calendes grecques et se contenter de modifier ici les structures.
En troisième lecture, nous exigerons de mon collègue, le
ministre responsable, qu'il corrige son projet de loi et qu'il prévoie,
premièrement, des priorités d'interventions concrètes et
déterminées en fonction des besoins du milieu.
Deuxièmement, des indications précises quant aux sommes devant
être affectées à la formation du personnel et au
développement des installations matérielles nécessaires
à la recherche dans ce domaine. M. le Président, j'ai
l'intention, quant à moi, de revenir fréquemment sur cet aspect
de la prévention et de tout ce qui pourrait être fait pour
corriger le mal à sa source même. Nous exigerons,
troisièmement, un encadrement qui permette l'amélioration des
conditions de santé et de sécurité du travailleur, sans
risquer de compromettre ses droits acquis en ce domaine. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président, j'aimerais, à
mon tour, faire quelques remarques au début des travaux de cette
commission parlementaire, qui revêt une importance tout à fait
particulière. On sait qu'on se situe maintenant à une des
étapes de toute cette démarche, de ce long processus que le
gouvernement s'est fixé depuis 1976 et qui était
déjà quelque peu amorcé sous l'ancienne administration, de
reformuler, en quelque sorte, l'ensemble des lois affectant le secteur de la
santé et de la sécurité au travail.
Le ministre a fait état, tout à l'heure à
juste titre du nombre d'accidents, du nombre de maladies industrielles,
globalement, des coûts que ça peut impliquer. Je pense que
ça suffit largement à nous démontrer l'importance de ce
secteur et l'importance d'une intervention pour coordonner l'ensemble de
l'approche gouvernementale par rapport à ça, qui est un peu
éparpillée sous les
six ou sept chapeaux d'administration qui touchent à cette
administration et également dans la vingtaine de règlements qui
s'y rattachent.
Je pense donc que tout le monde convient de la nécessité
d'une loi-cadre pour reformuler plus clairement, avec des objectifs plus
précis, mieux adaptés peut-être à un Québec
moderne, dans l'ère de l'industrialisation dans laquelle nous sommes
actuellement et je pense que, dans cette optique, tout le monde y souscrit. Il
s'agit maintenant de discuter des moyens d'application de ces objectifs que
poursuit le gouvernement.
Je pense qu'au point de départ le bât blesse quelque peu
puisqu'il semble que ce soit plus difficile lorsqu'il s'agit sur le plan
concret d'arriver à des ententes, à des compromis ou à un
juste milieu qui soit en même temps le reflet d'une société
moderne, auxquelles ont à faire face les entreprises oeuvrant dans les
différents domaines de l'économie. Donc, le cheminement est
passablement long du côté du gouvernement. Je sais qu'il est
également passablement long du côté des entreprises, comme
il l'est également du côté des travailleurs et des
syndiqués, puisque cette préoccupation qui est la nôtre
aujourd'hui à la commission parlementaire est en quelque sorte
l'aboutissement de plusieurs années de travail de part et d'autre, de
réflexion, de tentatives d'ajustement, et que tout cela nous indique que
le domaine n'est pas simple en soi, qu'on s'attaque à un problème
qui est passablement complexe, un problème dont l'ampleur est parfois
beaucoup plus grande que les solutions qui peuvent se présenter à
l'esprit du législateur.
Le cheminement que le législateur de son côté a
suivi, jusqu'à maintenant, depuis 1976, a été passablement
actif à partir des consultations nombreuses que le gouvernement a
effectuées dans tout le Québec, dans le milieu du travail, pour
arriver à la parution en fin de compte de son livre sur la santé
et la sécurité au travail qui, même si on peut en discuter
longuement, on peut argumenter longuement en faveur ou contre certains de ses
principes ou certaines de ses modalités d'application, certaines de ses
suggestions, n'en constitue pas moins une base intéressante de
discussion tout au moins pour amorcer peut-être une solution globale plus
satisfaisante que ce qui existe actuellement.
Evidemment, on doit souligner un autre problème qui est assez
important aussi dans la situation. Le législateur même si, par
définition, est un personnage permanent, la personne qui incarne ce
rôle est passagère et quelquefois assez
éphémère, de sorte que même si l'ensemble de son
travail pour produire un te! document ou une telle approche peut être
tout à fait intéressant, logique et prometteur, à moyen
terme, cela peut causer certains problèmes, parce que les gouvernements
changent, les gouvernements se remplacent et, souventefois, on aborde le
problème d'une autre façon, on arrive avec une autre philosophie,
on remet sur la table tout le problème, on recommence, et ainsi de
suite.
Ainsi, dans les faits, souvent, pour les entreprises comme pour les
travailleurs, comme pour les syndiqués, comme pour ceux qui ont à
vivre avec ces situations, on a l'impression plus souvent qu'autrement
d'assister à un piétinement plutôt qu'à
l'évolution d'une situation. Je pense que c'est inhérent à
la situation telle qu'on la vit actuellement, au fait que le
législateur, lui, étant permanent et que la personne qui incarne
ce rôle est passagère, il apporte ses idées pour les
modifier, il consulte, on assiste au phénomène de lenteur qu'on
doit reconnaftre dans ce domaine. Je n'en fais pas une accusation à qui
que ce soit, mais il faut être réaliste dans la situation.
Le ministre a mentionné qu'on doit regarder en tant que
gouvernement, d'abord, sa propre maison. Je pense qu'à ce sujet c'est
tout à fait louable de vouloir atteindre un tel objectif avec une
attitude comme celle-là, parce qu'il est important qu'en tout ce qui
concerne les lois du travail, l'application des lois du travail et le
fonctionnement de la Commission des accidents du travail, ainsi de suite, le
gouvernement chez lui soit au moins conscient de ses responsabilités,
qu'il corrige ce qu'il peut corriger chez lui facilement pour créer ce
climat de confiance nécessaire qu'il recherche dans la consultation
présente aussi. Le fait que le ministre ait souligné cet aspect
est tout à fait positif.
De plus, le ministre nous a parlé de regarder sa propre maison
sur le plan de la structure, sur le plan de l'organisation, sur le plan
législatif, donc, sur le plan plus technique en soulignant
également qu'il faudrait avoir la préoccupation d'aller plus
loin, d'aller rejoindre le travailleur en fin de compte qui doit vivre à
l'intérieur des champs d'application de ces lois ou cette philosophie
que le gouvernement veut mettre de l'avant.
Dans ce sens, j'aimerais faire part au ministre d'une expérience
qu'on vient de vivre récemment dans le domaine de l'amiante et que je
voudrais souligner à l'attention des membres de la commission et du
ministre, pour bien faire prendre conscience de nos responsabilités dans
ce secteur, de nos devoirs en ce qui concerne la prise en charge de notre
propre maison, justement, pour s'assurer que toute la démarche que le
ministre met en marche actuellement porte vraiment les résultats qu'il
souhaite dans les objectifs qu'il poursuit. On se rappellera dans quel contexte
la loi 52 sur l'amiante a été créée.
Le ministre ne sera pas surpris de me voir revenir avec cette question.
J'ai eu l'occasion d'y revenir souventefois à l'Assemblée
nationale. Je le cite simplement comme exemple des préoccupations qu'on
idoit avoir maintenant. En 1976, lorsque le Parti québécois a
formé le gouvernement, on avait souligné, que dans une question
de quelques mois, on pourrait régler le cas des travailleurs atteints
d'amiantose, qui était dans une loi ni chair ni poisson où
à peu près personne né se retrouvait, où il y avait
certains préjudices qui étaient créés. On se
rappellera, d'ailleurs, dans quel contexte la loi avait été
adoptée en 1975 aussi
où on a fait cela davantage à l'intérieur d'un
conflit de travail pour régler une situation urgente dans la
région de Thetford. Par contre, on a à vivre maintenant avec
cette loi.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement en 1976 avait indiqué son
intention de corriger dans les prochains mois cette loi pour qu'il y ait une
certaine sécurité du côté des travailleurs atteints
d'amiantose. Par la suite, on n'a entendu parler de rien, sauf que les gens qui
étaient atteints d'amiantose à un degré suffisant pour
être également reconnus par la Régie des rentes du
Québec comme étant invalides et recevant une pension se sont vu
par la suite couper cette pension de leur fonds d'indemnisation des victimes
d'amiantose. Après maintes démarches, maintes pressions, le
gouvernement a fini par comprendre et par corriger cette chose de sorte que
cette situation a été corrigée. Je décris
simplement ce qui s'est passé dans ce secteur.
Un autre fait également dans ce sens, c'est que même
actuellement, au moment où on se parle, plusieurs personnes sont encore
atteintes d'amiantose à 15%, 20% ou 25% dans certains cas, et j'ai les
dossiers. On leur a enlevé leur permis de travail et, pourtant, elles
sont encore sur le marché du travail et se demandent ce qui va leur
arriver, alors que leurs confrères, qui ont été
expulsés du marché du travail et obligés de recourir
à la loi 52, sont souvent atteints d'amiantose à un degré
moindre. Donc, c'est la situation qu'on vit actuellement. Un certain nombre de
travailleurs qui, au moment où on cherche à trouver des solutions
pour améliorer l'ensemble de la maison, des entrepreneurs, de tous ceux
qui oeuvrent dans le domaine de la santé et de la sécurité
au travail, vivent avec une loi qui est en vigueur et qu'à toutes fins
utiles on ne respecte pas, puisqu'un bon nombre d'entre eux sont encore aux
prises avec une non-application d'une loi existante.
Qui plus est, certains ont même passé des examens
médicaux depuis un an et sont sans réponse. J'ai encore les
dossiers. La Commission des accidents du travail depuis un an est muette
à ce sujet et, comme on dit chez nous, on ne déclasse plus
personne. Est-ce que les gens ne sont plus malades à partir de telle
date? Qu'est-ce qui s'est passé exactement dans le dossier? Je souligne
ces faits de façon particulière à l'attention du ministre,
puisqu'ils dénotent quand même une situation importante. Je pense
qu'en approchant tout le domaine de la santé et de la
sécurité on doit avoir chez nous, dans le gouvernement, une
attitude responsable face aux lois déjà existantes de sorte qu'on
puisse créer ce climat de confiance par rapport aux lois qu'on veut
changer.
La dernière perte dans ce domaine, c'est qu'on a assisté
tout dernièrement vous savez que l'amiantose est une maladie non
régressiveà une guérison tout à fait
particulière de plusieurs cas au même moment, alors qu'un certain
nombre de travailleurs de l'amiante sont venus me rencontrer avec une lettre
circulaire leur annonçant que leur dossier médical était
maintenant vierge. Ces gens avaient été reclassés par un
nouveau comité médical formé de trois médecins et,
maintenant, ils n'étaient plus considérés comme atteints
d'amiantose et, en vertu d'une nouvelle disposition de la loi adoptée en
1978, ils pouvaient, s'ils le désiraient, redemander un permis de
travail et retourner sur le marché du travail. Qui plus est, non
seulement on s'est arrêté là, mais on a même
poussé la situation jusqu'au point d'envoyer à quelqu'un, M.
Thomas Lapierre j'ai tout son dossier ici son permis de travail,
sans même que la personne ne le demande, alors qu'il continue
d'être considéré comme victime d'amiantose,
bénéficiant de la loi 52 chez lui. C'est la situation à
laquelle on assiste actuellement dans la maison du ministre, à laquelle
il faisait allusion tout à l'heure. J'attire son attention sur ce fait,
parce que c'est quand même important, l'attitude qu'on veut avoir, les
gestes qu'on pose et ce qu'on fait dans sa propre maison lorsqu'on veut amener
un correctif sur un plan beaucoup plus large.
Pour bien situer cette démarche, je me permettrai simplement de
lire la lettre que je viens de faire parvenir à M. Robert Sauvé,
qui est président de la Commission des accidents du travail, à ce
sujet, en date du 17 août, et je cite: "Depuis l'entrée en vigueur
de la loi 52, soit en 1975, nous avons assisté à plusieurs
péripéties dans le champ d'application de cette
législation. Or, j'ai été informé que
récemment, soit en date du 11 juillet 1979, le secrétaire
général de votre commission faisait parvenir aux personnes
originellement déclarées victimes d'amiantose ou de silicose une
lettre circulaire dans un dossier médical, cela fait tout
à fait particulier, cela montre la considération pour la personne
humaine, pour son cas individuel les avisant qu'elles n'étaient
plus atteintes de cette maladie industrielle que l'on a pourtant
identifiée comme étant non régressive. C'est donc dire
qu'un comité d'experts médicaux a déjà posé
un diagnostic clair dans le cas de ces individus et que, maintenant, un autre
comité médical, formé des médecins Gilles Jodoin,
Gaston Ostiguy et Raymond Bégin, vient de décréter que le
diagnostic originel était erroné dans le cas de toutes ces
personnes et qu'elles ne présentent maintenant plus aucune trace de
pneumoconioses, qu'il s'agisse d'amiantose ou de silicose. (11 h 45) ' Ce fait
mériterait sûrement d'être signalé dans les annales
médicales puisqu'il s'agit d'une grande première dans ce champ
d'activités, soit la disparition de toute trace de maladies
industrielles non régressives dans le cas de plusieurs personnes au
même moment. La médecine serait donc en pleine révolution
et la science médicale, d'après ce que l'on peut constater,
serait en train de faire des bonds assez prestigieux, allant même
jusqu'à effacer d'un seul coup toute trace de maladies non
régressives, sinon chez les personnes physiques atteintes, tout au moins
dans leur dossier. "De plus, comme par hasard, trois ans après
l'adoption de la loi 75, est apparue la directive 1.70 de la Commission des
accidents du travail à l'effet
que, si certaines modifications devaient être apportées
éventuellement, comme c'est le cas actuellement, à un dossier
médical, l'individu concerné pourrait continuer à recevoir
ses indemnités conséquentes au diagnostic initial dans son cas.
Mais, lorsque l'on regarde l'ensemble de cette démarche, ce qu'il est
intéressant de constater, c'est que, dans un tel cas, la personne, si
elle le désire, peut demander d'obtenir un nouveau certificat de travail
qui lui avait été enlevé en vertu d'un diagnostic
antérieur." Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure:
Avant même qu'on le demande, on commence à envoyer les permis de
travail actuellement.
On va encore plus loin, M. le Président, et, pour cela, je me
réfère à la lettre de la personne elle-même, qui
peut maintenant décider, dans un tel cas, de revenir au travail ou de
continuer à recevoir les indemnités qui lui ont été
jusqu'alors versées. "On assiste donc à la situation suivante,
à savoir que, sous le chapeau d'une même loi qui a expulsé
du marché du travail un travailleur atteint d'une maladie industrielle,
on constate que la personne elle-même peut maintenant décider de
son retour éventuel. De plus, chose encore plus curieuse, j'ai
même en main le cas d'un individu déclassé à qui on
a originellement enlevé son permis de travail et à qui,
maintenant, on le retourne sans même qu'il en ait fait la demande. C'est
donc dire qu'il semblerait que la commission aille au devant des désirs
que pourraient lui signifier ces personnes présentement en bonne voie de
guérison, du moins d'après le dossier médical de la
commission. "Devant ces faits, M. le président, je me permets avec
insistance de vous demander d'effectuer une vérification sur les
démarches que fait actuellement votre commission relativement aux
travailleurs de l'amiante et de me fournir, si possible, à l'intention
des personnes concernées, une explication sur cette découverte
des trois médecins à l'effet que, collectivement, plusieurs
personnes reconnues atteintes d'amiantose viennent d'être
décrétées non atteintes et possiblement en mesure de
reprendre le travail. M. le président, de façon encore plus
directe, puis-je vous demander sous quelle initiative et dans quel but
précis a été mis sur pied le comité spécial
des trois médecins dont les noms sont mentionnés plus haut et
qui, par hasard, en touchant les dossiers des victimes d'amiantose,
sembleraient capables d'effectuer un miracle que, jusqu'ici, la science
médicale s'était avérée inapte à
réaliser? "Je vous remercie, M. le président, de l'attention que
vous porterez à cette demande et vous comprendrez aisément toute
l'importance que j'y attache et que j'y attacherai au cours des prochaines
semaines.
Yvon Brochu, député de Richmond."
M. le Président, j'ai pris le temps de la commission pour
signaler ce fait, pour le fait lui-même, d'accord il y aurait eu
d'autres tribunes pour le faire évidemment, mais aussi pour
régler ces problèmes. Il reste que, dans le cadre des travaux de
la présente commission parlementaire, si l'on veut que la discussion qui
s'amorce soit sérieuse et porte des fruits, il faut démontrer, je
pense, de part et d'autre, une attitude qui cherche à régler les
problèmes, mais qui démontre également la volonté,
tout au moins, d'appliquer normalement des lois déjà
existantes.
Le ministre a parlé tout à l'heure du danger des
travailleurs en milieu de travail, pour les accidents et les maladies. J'en
suis, mais il ne faudrait pas qu'une fois que ce travailleur est sorti de son
milieu parce qu'il est atteint d'une maladie ou d'un accident il retombe dans
ce qu'on pourrait appeler les dangers de la structure ou de la non-application
par le gouvernement de ses propres lois. Je pense que c'est ce qu'il faut
souligner et c'est dans ce sens-là que j'apporte les exemples que
j'apporte maintenant. Ce n'est pas pour porter des accusations contre qui que
ce soit, ni contre le ministre, ni contre le président de la Commission
des accidents du travail, ni contre quelques fonctionnaires, mais pour
souligner qu'il existe une réalité, peut-être à
quelques autres exemplaires aussi, qui n'est pas acceptable; c'est ce qu'on
peut appeler une injustice criante dans le présent cas. Il ne s'agit pas
de modifier une loi, mais de respecter tout au moins celles qui existent.
Partant de là, lorsqu'on a cette préoccupation que le ministre a
indiquée tout à l'heure de vouloir corriger ce qu'on a à
corriger chez nous, c'est un exemple patent. Si le ministre s'attelle à
cette tâche, je pense que, par rapport à la commission
parlementaire et par rapport à nos travaux, par rapport aux gens qui
vont venir et qui, eux aussi, auront des situations particulières
à décrire à l'intention des membres de la commission, ce
sera une garantie, à ce moment-là, que le législateur a
peut-être vraiment cette préoccupation d'arriver à
corriger, non pas au point de vue, de la philosophie, mais au point de vue des
faits et de la réalité, des situations comme celles-là qui
doivent et qui peuvent être corrigées.
M. le Président, je sais que le domaine est fort complexe. Je
sais que déjà, on a pu voir par les différentes
réactions des groupes concernés par le monde du travail plus
spécifiquement de la santé et de la sécurité des
attitudes diamétralement opposées même dans certains cas.
Je souhaite que l'exercice auquel on va se livrer lors de cette commission
parlementaire soit fructueux dans le sens qu'on puisse arriver à un
juste milieu. Ce sera difficile. Ce sera peut-être impossible même.
On le verra au cours du débat. Mais au point de départ, ce qu'on
doit constater, c'est qu'il existe quand même des positions
extrêmes d'un côté à l'autre. J'espère que
l'attitude qu'on voudra bien démontrer, nous aussi, en faisant maison
propre chez nous, on |a retrouvera aussi chez les gens qui viendront à
la commission parlementaire en voulant non pas seulement tirer la couverture de
son côté, mais, essayer de trouver un juste milieu de vie pour
appliquer des mesures qui, au niveau des principes, sont souhaitables et
désirables.
M. le Président, j'aurai d'autres commentaires à faire. Je
me limite pour le moment, mais ce que je souhaite, c'est que les travaux de la
commission
parlementaire soient vraiment efficaces et que d'abord tous nos
participants puissent en tirer profit. Je sais que l'intérêt est
marqué puisque les mémoires sont au-delà de 60 maintenant,
je crois, et les travaux promettent d'être vraiment intéressants.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): D'autres députés
désirent-ils prendre la parole?
M. Marois: M. le Président... Le Président (M.
Marcoux): M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Marois: ... très rapidement. Je voudrais d'abord noter
et j'en suis très heureux comme je l'ai indiqué
dans mon intervention, ce matin, que j'ai bien l'intention personnellement de
faire tout ce qui est humainement possible pour que, compte tenu du
problème qu'on a à traiter ici, si c'est quelque chose qui
touche, si ce mot a un sens, parfois on l'utilise souvent à toutes
sortes de sauces, mais fondamentales, je pense qu'on est dans le domaine des
questions qui sont extrêmement importantes... j'ai bien indiqué
que j'avais l'intention de faire tout ce qui était humainement possible
pour que le climat de travail de cette commission soit le plus positif
possible, le plus serein possible, ce qui n'exclut pas des divergences de vues
et des points de vue différents je crois que c'est normal
et aussi que chacune des interventions qui seront faites à partir de cet
après-midi puissent être entendues le plus pleinement possible au
mérite. Je suis très heureux de l'attitude que j'ai cru
déceler chez les différents intervenants de ce matin.
Je voudrais très rapidement... J'ai pris bonne note de
l'intervention du député de Richmond. C'est vrai qu'on propose,
je crois que cela s'impose de donner l'exemple comme gouvernement, comme
administration publique de mettre de l'ordre dans notre propre maison. J'ai
pris bonne note des commentaires, des remarques et même de la lettre, de
l'exemple qu'a cité le député de Richmond. Je vais
certainement transmettre ces commentaires et les cas concrets qui ont
été évoqués à l'intention de mon
collègue, le ministre du Travail responsable de l'administration de la
loi 52 et de la Loi des accidents du travail et demander aussi qu'on
procède à des vérifications pour qu'en cours de route, le
cas échéant, on puisse en causer plus longuement, mais en
étant sûrs qu'on a en main l'essentiel des données requises
pour être capables de fournir les renseignements pertinents. J'aimerais
ajouter que depuis plus d'un an maintenant, on l'admettra, il s'est fait un
effort plus que remarquable, substantiel, concret, dans l'application d'une loi
du côté de la Commission des accidents du travail du Québec
pour se rendre d'abord le plus possible parmi le monde, par l'opération
de régionalisation et même à commencer par
l'opération d'ouverture de bureaux locaux dans certains coins du
Québec pour faire en sorte aussi de diminuer il y a encore un
gros effort à faire, je pense que ces gens-là en sont plus que
très conscients et déjà il y a des signes concrets de leur
volonté d'agir de réduire au maximum le formalisme pour
faire en sorte que les gens soient traités c'est une chose
élémentaire de l'administration publique, en tout cas, cela
devrait l'être de la façon la plus humaine et la plus juste
possible. Je rappelle, parce que le député de Portneuf l'a
évoqué aussi, ce que j'ai eu l'occasion de dire, qu'en ce qui
concerne l'indemnisation j'avais déjà eu l'occasion
d'ailleurs de l'évoquer à l'occasion de la période des
questions à l'Assemblée nationale nous poursuivons
présentement nos travaux ce serait une étape additionnelle
qui viendrait à la suite du projet de loi 17 au gouvernement en
vue d'une révision qui pourrait être une révision
importante on verra en tout cas l'examen, l'étude
approfondie pour aller vers une réforme, une révision en
profondeur du ou des régimes d'indemnisation actuels des victimes
d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. Donc, on aura
l'occasion de revenir là-dessus.
Toujours dans la perspective aussi du nettoyage de la maison, je suis
heureux que le député de Portneuf ait noté et je
crois que cela s'imposait que le gouvernement lui-même et le
gouvernement dans ses prolongements public et parapublic tombe sous la coupe de
cette nouvelle loi. Il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas et il n'y
a pas de raison que, par exemple, les services d'inspection, sur la demande des
hommes et des femmes qui sont au travail, ne puissent pas intervenir quand il
s'agit du gouvernement dans l'une ou l'autre de ses composantes. Je ne vois pas
pourquoi.
Donc, très rapidement, je voudrais aussi conclure, mais on aura
l'occasion cet après-midi de revenir sur une chose qu'a touchée
avec justesse, je crois, quant au fond, le député de Portneuf.
C'est cette idée que, si on veut vraiment viser à éliminer
à la source les causes mêmes d'accidents et de maladies, il y a et
il doit y avoir dans un concept de santé à la fois une dimension
de surveillance médicale, de surveillance de santé, de
dépistage, une approche épidémiologique qui n'exclut pas
le curatif, mais il doit aussi y avoir, et ça doit inclure, ce concept
de santé, une programmation de surveillance de l'environnement
même du travail. Tout le problème des hygiénistes
industriels est évoqué. Je crois que le projet de loi tel que
rédigé inclut cette notion dans le concept même de
santé à l'article 93.
S'il devait s'avérer qu'il y a des ambiguïtés et
qu'il y a des clarifications qui s'imposent, je suis plus qu'ouvert pour
regarder ça et on aura l'occasion d'aborder cette question dès
cet après-midi avec, en particulier, le premier mémoire, celui de
l'Association des hôpitaux de la province de Québec et de
l'Association des directeurs de départements de santé
communautaire. Là-dessus, M. le Président, c'étaient les
quelques commentaires que j'avais à faire au départ.
Une Voix: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Comme c'est une loi-cadre, je
ne sais pas si on pourrait s'entendre avant d'aller dîner sur un cadre
pour nos discussions pour l'audition des mémoires.
M. Jolivet: Une première chose, M. le Président,
sur les mémoires qui sont arrivés et les organismes qui ont
été convoqués. Il y a 64 organismes qui ont
été convoqués jusqu'à maintenant. Sur les 64, il y
a déjà 60 mémoires qui sont arrivés. Il y en a un
qui vient tout juste de nous parvenir, celui de la Confédération
des syndicats nationaux. Quant aux trois autres qui ne sont pas encore
arrivés, l'un vient du Conseil central à Montréal, l'autre
la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du
bois de la CSN-Construction; par télégramme Celanese Canada dit
qu'elle va faire parvenir son mémoire.
Il y a en plus trois autres organismes, l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec dont le mémoire vient de nous parvenir
mais qui n'est pas dans la liste des organismes convoqués, ainsi que la
Fédération des syndicats des mines, de la métallurgie et
des produits chimiques Inc. de la CSN et, finalement, par
téléphone, les policiers de Montréal ont fait mention
qu'ils seraient intéressés à être entendus.
Donc, vis-à-vis de cela, on pourrait, à partir
d'aujourd'hui, clore la liste de tous ceux parce qu'il y a eu un
délai accordé, d'ailleurs, à l'ensemble des gens qui
voulaient être entendus qui voulaient être entendus en
disant à ceux qui n'ont pas fait parvenir leur mémoire de le
faire parvenir le plus rapidement possible et on essaierait d'inclure dans
l'ordre prévu jusqu'au 20 septembre prochain l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec, la Fédération
des mines et les policiers de Montréal. On pourrait, à partir
d'aujourd'hui, dire que, même si on a donné un délai quant
à la réception des mémoires, on clôt ici puisque
ça fera 67 mémoires possibles.
Le Président (M. Marcoux): Si je comprends bien, vous
faites motion pour ajouter trois mémoires, dont l'avis n'est pas
entré dans les délais et qui n'étaient pas encore
parvenus, à la liste des mémoires que la commission aimerait
entendre?
M. Jolivet: C'est ça et on pourra...
Le Président (M. Marcoux): En plus des quatre que vous
avez indiqués, dont la copie du mémoire n'est pas encore
parvenue, mais qui s'étaient déjà enregistrés ou
qui avaient fait connaître leur volonté de présenter un
mémoire.
M. Pagé: Je voulais formuler une question, M. le
Président. Est-ce que le député de Laviolette ou encore le
ministre d'Etat au développement social peut nous confirmer que ni eux
personnellement, ni aucun membre du cabinet du ministre, ni aucun membre du
secrétariat des commissions n'ont eu des représentations à
savoir que d'autres groupes voulaient présenter des mémoires?
M. Jolivet: Ce sont les seuls qu'on connaît jusqu'à
maintenant. Cela provient justement du service. (12 heures)
M. Pagé: De toute façon, advenant le cas où,
au 18 ou 19 ou 20 septembre, on a entendu 67 groupes et qu'un groupe
désire se faire entendre, la commission peut toujours décider de
son propre chef d'entendre un groupe désireux d'intervenir. A ce
moment-là, pas de problème.
Le Président (M. Marcoux): La motion du
député de Laviolette est adoptée?
M. Pagé: Une autre, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Quant aux rapports, on sait très bien que les
gens veulent se faire entendre, et il y a des rapports volumineux dans certains
cas; c'est peut-être un voeu plus qu'une résolution, je
demanderais aux organismes de faire un résumé de leur
mémoire, selon les convenances. Si jamais ils veulent le lire, ils sont
libres de le lire, mais, d'un autre côté, en faisant un
résumé, on pourrait accepter, comme commission, que les
mémoires soient consignés au journal des Débats, de
façon à leur permettre qu'ils soient inclus et connus.
Le Président (M. Marcoux): C'est préférable
de juger au fur et à mesure...
M. Jolivet: C'est un voeu, j'ai bien dit.
Le Président (M. Marcoux):... qu'on abordera les travaux.
Est-ce que les membres de la commission désirent s'entendre...
M. Pagé: M. le Président, là-dessus, je
tiens à dire que lé tout doit être laissé à
la discrétion du groupe qui intervient.
M. Jolivet: C'est ça.
M. Pagé: Si un groupe veut lire son mémoire, c'est
son droit. Pour plusieurs membres de la commission, si on veut
véritablement avoir un débat qui soit utile, qui soit de fond, on
se devra d'entendre les groupes, non pas un résumé d'une page sur
un document déposé de 60 ou 70 pages. On prendra le temps qu'il
faut, quitte à diminuer les procédures parlementaires ou les
batailles entre parlementaires, mais on tentera d'entendre le plus grand nombre
de gens possible et leur permettre le plus de latitude.
M. Marois: M. le Président, comme l'a indiqué le
député de Laviolette, c'est un voeu qui est formulé,
l'idée étant, au fond, que les parlementaires ont, je
présume, déjà pris connaissance des mémoires. Dans
la mesure où ça semble souhaitable à l'organisme, bien
sûr, l'initiative lui revient, de résumer son mémoire. Mais
cela a toujours l'avantage de laisser beaucoup plus de temps à
une période d'échanges, de discussions, de questions pour
être certain que chacun et chacune d'entre nous, on a bien saisi certains
aspects qui sont inscrits dans l'un ou l'autre des mémoires.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la
commission désirent s'entendre sur le temps qu'ils veulent consacrer
à chaque organisme, comme il arrive fréquemment qu'on le fasse
lorsqu'on entend des mémoires? C'est une façon de faciliter le
travail de tous les membres de la commission...
M. Pagé: Là-dessus, moi, je...
M. Brochu: Est-ce qu'il n'y a pas eu une espèce de...
Le Président (M. Marcoux): Justement, je voudrais...
M. Pagé: II y a eu des discussions...
M. Brochu: II y a eu certaines discussions, en principe... Il n'y
a pas eu entente. Je pense que c'est difficile, M. le Président,
d'arriver à une entente définitive, parce qu'un mémoire
peut prendre plus de temps que l'autre.
Le Président (M. Marcoux): II y a toujours un ordre de
grandeur qui nous guide; ce n'est jamais ou c'est rarement impératif,
mais ça peut quand même faciliter le travail de la commission.
S'il n'y a pas entente, il n'y a pas entente.
M. Pagé: M. le Président, on s'est rencontré
à l'initiative de parlementaires et on ne s'est pas entendu sur des
temps limites pour chacun des partis ou du temps qu'on consacrerait à
poser des questions. Je pense qu'on devrait partir comme ça aujourd'hui
et, demain matin, on pourra faire le point, compte tenu de l'expérience
qu'on aura vécue aujourd'hui et du nombre d'intervenants qu'on
s'était proposé d'entendre aujourd'hui, selon le
déroulement des trois séances d'aujourd'hui.
Le Président (M. Marcoux): Comme il n'y a pas de motion
présentée, on procédera organisme par organisme. Je vais
faire la lecture des organismes dans l'ordre que nous les entendrons à
la reprise des travaux à 14 heures, en indiquant le nom de l'organisme
et le numéro du mémoire. D'abord, Association des hôpitaux
de la province de Québec et Association des directeurs des
départements de santé communautaire, 28-M, Association de
médecine industrielle du Québec, 35-M, Association pour
l'hygiène industrielle, 31-M, Département de santé
communautaire, 38-M...
Une Voix: M. le Président, le deuxième intervenant
est...
Le Président (M. Marcoux): 33-M. Département de
santé communautaire, 38-M, Collectif socialisme-santé, 45-M,
Unité de recherche sur l'abus des drogues et de l'alcool, 36-M, Clinique
de médecine occupationnelle de Montréal, 25-M, Association
professionnelle des optométristes du Québec, 54-M, et
Société des conseillers en sécurité industrielle,
2-M.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
Suspension de la séance à 12 h 5
Reprise de la séance à 14 h 23
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre mesdames et
messieurs!
La commission du travail et de la main-d'oeuvre poursuit ses travaux,
c'est-à-dire l'audition des mémoires concernant le projet de loi
no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.
J'inviterais l'Association des hôpitaux de la province de
Québec et l'Association des directeurs de départements de
santé communautaire à nous présenter son mémoire.
M. Jean-Claude Tremblay, si vous voulez nous présenter vos
collègues pour les fins du journal des Débats.
Association des hôpitaux et Association
des directeurs de départements
de santé communautaire
M. Pleau: Je suis Paul Pleau.
Le Président (M. Marcoux): Vous parlez au nom des
directeurs, je crois?
M. Pleau: Les gens, à ma gauche, représentent
l'Association des directeurs de départements de santé
communautaire: le Dr Roger Cadieux, Jean-Paul Fortin et le Dr Marcel Dumont. A
ma droite, représentant de l'Association des hôpitaux de la
province de Québec: M. Jean-Claude Tremblay; M. Gaston Pellan; M.
Normand Choinière; M. Raymond Paquin et M. Louis-Marie Lavoie,
représentant l'association. Je suis Paul Pleau, président de
l'Association des hôpitaux.
Avant de faire la lecture du mémoire sur le projet de loi sur la
santé et la sécurité du travail, j'aimerais, avec votre
permission, à la suite de la lecture de ce mémoire, étant
donné le temps que nous avons eu pour rédiger le mémoire
et pour une meilleure compréhension des quelques recommandations que
nous faisons, donner un éclaircissement sur ce que nous entendons par la
santé et les principales caractéristiques de la santé
publique. M. le Président, avec votre permission, à la suite de
la lecture du mémoire, nous prendrions quelques minutes seulement pour
expliciter ce que nous entendons par la santé publique et les
caractéristiques de la santé publique.
Le Président (M. Marcoux): Oui, ça va; tout ce qui
est de nature à éclairer le débat.
M. Pleau: L'Association des hôpitaux de la province de
Québec est heureuse de présenter à la commission
permanente du travail et de la main-d'oeuvre, conjointement avec l'Association
des directeurs de départements de santé communautaire, un
mémoire concernant le projet de loi no 17, intitulé Loi sur la
santé et la sécurité du travail.
Les objectifs que poursuivent nos deux associations sont multiples.
L'Association des hôpitaux de la province de Québec regroupe plus
de 200 centres hospitaliers du Québec dans le but de faire valoir leurs
points de vue et leurs opinions et aussi dans le but de les appuyer dans
l'exercice des responsabilités importantes qui leur sont confiées
par la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
c'est-à-dire de dispenser des services de santé de qualité
à près de 6 millions de Québécois.
Parmi ses membres, elle compte des centres hospitaliers de toutes
vocations, dont, notamment, les 32 centres hospitaliers ayant un
département de santé communautaire. Ces derniers forment un
véritable réseau articulé et cohérent qui dessert
l'ensemble de la population du Québec et couvre ainsi toute
l'étendue de son territoire. Il dispense des services de santé
aux divers strates de la population: les nouveau-nés, la population
scolaire, les personnes âgées, les femmes enceintes, les
travailleurs et nombreux autres groupes. La vocation de santé
communautaire exige une adaptation des services aux besoins de la population et
intègre l'approche préventive à l'approche curative. Ces
établissements particuliers se coordonnent aussi aux nivaux
régional et provincial. Leurs activités se mènent, de
plus, en complémentarité et en association avec les autres
établissements du système public et privé de distribution
de services de santé.
L'Association des directeurs de départements de santé
communautaire est une association professionnelle regroupant l'ensemble des
chefs des départements de santé communautaire qui ont la
responsabilité d'assurer la direction administrative et professionnelle
de ces départements. Elle vise à apporter un support
professionnel et technique à ses membres, à maintenir et à
étendre leur niveau de compétence et à favoriser
l'échange des expériences et réalisations
professionnelles. Sous cet angle, elle contribue à renforcer la
coordination des diverses composantes du réseau des centres hospitaliers
ayant un département de santé communautaire.
Les deux associations, considérant que d'autres porteront
à l'attention de cette commission parlementaire de multiples points de
vue, ont décidé délibérément de faire porter
leur intervention sur leur préoccupation commune et prioritaire: la
promotion de la santé publique.
Le projet de loi sur la santé et la sécurité du
travail révèle notamment la poursuite de trois objectifs
fondamentaux auxquels nous soucri-vons. Ces objectifs sont conformes à
l'approche utilisée en matière de programmation de la
santé publique et pour nous la santé du travailleur fait partie
intégrante d'une approche globale de santé publique pour une
collectivité. Tout d'abord, le projet de loi vise à
prévenir l'apparition des problèmes de santé chez les
travailleurs par l'identification et l'élimination des facteurs de
risques. Il cherche ensuite à assurer la surveillance et la promotion de
l'état de santé des travailleurs. Ce projet de loi se
préoccupe enfin du rétablissement de ceux dont l'état de
santé aurait été affecté par les facteurs de
risques associés à leur travail. Pour atteindre ce
troisième et dernier objectif, le projet de loi se réfère
notamment aux services de santé curatifs existants et dont
l'accessibilité est assurée à toute la population par
diverses lois dont la Loi sur les services de santé et les services
sociaux et la Loi sur l'assurance-maladie. D'entrée de jeu, nous croyons
que la faiblesse fondamentale de ce projet de loi, sous l'angle de la
préoccupation commune de nos deux associations, réside dans le
fait qu'il n'apporte pas suffisamment de garanties pour que la jonction
nécessaire des deux premiers objectifs se réalise pleinement au
niveau de chacune des entreprises.
Les dispositions de l'article 48 qui prévoient que le programme
de prévention préparé par l'employeur doit tenir compte du
programme de santé, de même que les responsabilités de
coordination confiées à la commission de la santé et de la
sécurité du travail qu'elle exercera par son pouvoir de
réglementation sur le contenu minimum des programmes de
prévention et par son pouvoir d'élaborer et de rédiger des
programmes-cadres de santé au travail nous semblent insuffisantes. Nous
prévoyons, de plus, que la coordination qu'exercera la commission
à l'égard de ces deux programmes demeurera de caractère
général, le niveau où elle se situe ne pouvant qu'y
conduire. (14 h 30)
Tel que nous le signalions plus haut, une coordination très
poussée des deux objectifs est nécessaire au niveau de chaque
entreprise. De façon spécifique, le programme de
prévention qui vise à attaquer les causes devra être
intimement lié au programme de santé qui contrôle les
effets de l'environnement de la loi, les garanties sont minimes en ce sens que
le programme, élaboré pour éliminer à la source les
dangers pour la santé, la sécurité et
l'intégrité physique des travailleurs, portera sur les bonnes
causes, c'est-à-dire sur celles susceptibles de provoquer les effets
qu'on veut éliminer. Il en résultera possiblement, d'une part,
d'importants investissements en matière d'élimination des
facteurs de risques sans nécessairement éviter la
détérioration de l'état de santé des travailleurs.
De même, des investissements tout aussi importants pourront être
conti-nuellement mis de l'avant pour rétablir ou surveiller
l'état de santé des travailleurs.
L'expérience a trop souvent démontré en
santé publique que si des mécanismes assurant la
complémentarité sont pris pour acquis, l'effet en est l'isolement
des intervenants. Ceci conduit au développement parallèle des
fonctions et à la
création de sous-systèmes de plus en plus
inarticulés situés sur des longueurs d'onde différentes.
L'expérience malheureuse que nous avons vécue en matière
de pollution de nos rivières devrait nous servir de leçon dans le
domaine. Le parallèle est intéressant puisqu'on a
réalisé depuis quelque temps déjà qu'on ne peut
penser, par des actions générales et en s'attaquant à des
phénomènes d'ensemble, à des résultats pratiques
à court terme en matière de pollution.
L'impératif de protéger la santé de chaque
travailleur, dès aujourd'hui, commande cette action
décentralisée et coordonnée dans chaque milieu de travail,
selon ses caractéristiques spécifiques. Notre principale
recommandation porte donc sur la nécessité d'établir une
approche coordonnée des programmes de prévention et des
programmes de santé au niveau de chaque entreprise, tel que
proposé ci-après.
En vertu de l'approche que nous préconisons et sur laquelle nous
avons fourni des détails antérieurement, nous croyons que la
commission de la santé et de la sécurité du travail doit
agir selon un modèle de décentralisation. C'est d'ailleurs
là un objectif souvent exprimé par le gouvernement. La
décentralisation constitue une voie qui permet d'assurer la
flexibilité nécessaire à une adaptation aux
réalités des différents milieux.
Il nous semble opportun que des mécanismes formels de
consultation soient établis entre certains intervenants comme les
centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire
et la commission.
La composition de la commission prévue à l'article 106,
bien qu'elle se fonde sur la participation des associations syndicales et des
associations d'employeurs, ne l'assure pas, de ce fait, d'une
représentation de toutes les expertises et de tous ceux avec qui elle
aura à coopérer.
Des mécanismes de consultation devront être mis sur pied,
notamment en regard de l'élaboration de normes telles que
prévues, par exemple, à l'article 185. De tels mécanismes
de consultation nous semblent tout aussi nécessaires quand il s'agira de
définir d'autres normes comme celles relatives aux programmes de
prévention et quand il s'agira, pour la commission, d'élaborer
les programmes-cadres de santé au travail.
De façon spécifique, nous croyons que les centres
hospitaliers ayant un département de santé communautaire, par la
voie de leurs représentants, devront être consultés quant
au contenu obligatoire des contrats de services intervenant entre eux et les
médecins responsables. Ils devront aussi, de la même façon,
être impliqués en tant que partie dans la détermination du
contrat-type devant intervenir entre la commission et les centres hospitaliers,
aux fins de la mise en application d'un programme-cadre. Dans ce dernier cas,
il nous apparaît pertinent que le ministre des Affaires sociales y soit
impliqué.
Le contexte de décentralisation et de collaboration doit aussi
marquer les liens qui s'établiront entre le commission et les centres
hospitaliers en matière d'allocation des budgets et de finance- ment des
contrats intervenus. A cette fin, il nous apparaît important de souligner
la nécessité d'établir des mécanismes de
consultation du même type que ceux auxquels nous faisions plus haut
référence en regard de la réglementation qui devra
compléter l'article 84 du projet de loi.
En termes généraux, les pouvoirs de réglementation
de la commission demeurent pour nous une inquiétude très
sérieuse, en particulier, eu égard aux pouvoirs
discrétionnaires prévus par divers paragraphes de l'article 185
et, notamment, les paragraphes 35 et 36.
Compte tenu de ce qui précède, nous estimons de
première importance que les responsabilités de coordination
globale soient maintenues au niveau de la commission, telles que
définies généralement à l'article 129. Cette
coordination est nécessaire au niveau de la programmation, tant de la
prévention que des services de santé, afin que soit
assurée une qualité minimale de services pour les
travailleurs.
Au même effet, il nous apparaît aussi nécessaire que
des priorités provinciales d'action soient définies et
entreprises par la commission, comme il apparaît au paragraphe 13 de
l'article 129. De même, la position centrale de la commission nous
permettra-t-elle de colliger et de traiter l'informa-tin pertinente à sa
planification, à l'établissement de ses priorités et des
besoins en recherche de même niveau. Il faut aussi bien spécifier
que ces différentes activités de la commission doivent porter sur
des questions de strict intérêt provincial et que les autres
organismes et intervenants prévus par la loi devraient pouvoir exercer
leurs responsabilités propres au niveau du territoire et de
l'entreprise. Sans limiter ou réorienter fondamentalement les fonctions
du comité de santé et de sécurité telles qu'elles
apparaissent à l'article 63 du projet de loi, il nous semble important
de faire en sorte que le comité soit fortement impliqué tant dans
l'élaboration du programme de prévention dans son ensemble que
dans le programme de santé. Les raisons qui nous conduisent à une
telle conclusion sont de deux ordres. Il nous semble qu'une telle approche est
susceptible, d'une part, de favoriser un climat d'échange et de
compréhension des vues des trois parties intéressées et
aussi, d'autre part, de contribuer à assurer ces liens absolument
nécessaires entre les deux programmes. Dans cette perspective, il
devrait être spécifié que le programme de prévention
et que le programme de santé sont élaborés, le premier par
l'employeur et l'autre par le département de santé communautaire
du centre hospitalier en collaboration avec le comité et dans le cadre
d'une consultation obligatoire réciproque tant de l'employeur que du
centre hospitalier.
Cette responsabilité d'élaboration du programme de
santé par le département de santé communautaire du centre
hospitalier commanderait une révision des articles 93 et 95 de la
section III. Il nous semble aussi important d'attirer l'attention sur une
extension, souhaitable à notre avis, de la nature du programme de
santé et de celle du programme de prévention. En premier lieu,
nous
tenons à souligner qu'un programme de prévention doit
être accompagné et associé, dirions-nous, à un
programme de contrôle environnemental continu au sein de l'entreprise. Il
apparaît clair dans le texte du projet de loi que la compétence
technique en matière de programmes de santé est disponible au
sein de l'entreprise et dans le comité par la voie du centre hospitalier
et de son représentant, le médecin responsable. Cependant, le
projet de loi n'assure pas la présence de l'autre élément
technique que constitue la fonction d'hygiène industrielle ni au
comité ni à l'employeur. L'hygiène industrielle est
à la base de la surveillance environnementale constante des milieux de
travail. A cet égard, nous estimons que les centres hospitaliers
devraient avoir un mandat de rendre disponible cette compétence
technique, laquelle s'additionnerait à sa compétence
médicale.
Ce réservoir de compétences, localisé aux centres
hospitaliers, aurait l'avantage de n'être pas lié aux
intérêts ni des employeurs, ni des employés. Le mandat
à être confié aux centres hospitaliers ayant un
département de santé communautaire en regard de la fonction
d'hygiène industrielle a aussi le mérite d'être
complémentaire et même de supporter le mandat qui leur est
déjà confié en matière de programmes de
santé.
Dans un même ordre d'idées, il nous semble tout aussi
important d'associer étroitement, dans le cadre des programmes de
santé, un programme de surveillance épidémiologique. Ce
programme permettrait aussi de suivre collectivement l'évolution de
l'état de santé des travailleurs d'une entreprise donnée,
compte tenu des facteurs de risque affectant globalement cette population de
travailleurs. Enfin, il nous apparaît plus juste d'identifier les deux
programmes prévus dans le projet de loi de la façon suivante: le
programme de santé devrait être qualifié de programme de
surveillance médicale et épidémiologique; le programme de
prévention devrait être qualifié de programme de
surveillance environnementale et de prévention.
Afin de réaliser le mandat de surveillance médicale que
lui confie le projet de loi 17 dans le cadre du programme de santé, il
nous semble important que soient introduits certaines clarifications, certaines
précisions et certains changements. En premier lieu, nous croyons que le
projet de loi devrait préciser nommément que le rôle du
centre hospitalier ayant un département de santé communautaire
est de fournir à l'entreprise les services de santé
découlant du programme de santé. Pour ce faire, il nous semble
nécessaire que le personnel médical, paramédical et de
support oeuvrant dans l'entreprise pour les fins du programme de santé
soit sous l'autorité du centre hospitalier au sein de la structure de
son département de santé communautaire.
Dans le cas du médecin responsable, celui-ci doit agir sous
l'autorité du chef du département de santé communautaire
dans le cadre du contrat de services qui le lie au centre hospitalier ayant un
département de santé communautaire. Il doit être clairement
indiqué que le médecin responsable doit être membre du
Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier et
agréé par ce dernier aux fins de la médecine du
travail.
Il nous apparaît tout aussi nécessaire de demander que le
médecin responsable soit choisi et nommé par le centre
hospitalier en conformité avec les dispositions de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. Nous croyons que l'article
252 du projet de loi 17 devrait être modifié de façon que
le comité d'examen des titres du Conseil des médecins et
dentistes d'un centre hospitalier ayant un département de santé
communautaire consulte obligatoirement le chef du département de
santé communautaire à l'occasion de l'étude des
candidatures des médecins désirant oeuvrer dans le domaine de la
médecine du travail. Une telle façon de procéder aurait
l'avantage d'éliminer toute ambiguïté. Nous croyons
cependant atteindre les objectifs mis de l'avant par le projet de loi en
suggérant que le comité de santé et de
sécurité puisse s'opposer à ce choix, à cette
nomination et au maintien de cette nomination sur la seule base du comportement
du médecin et de son observance des règlements. Une telle
procédure de choix et de nomination du médecin responsable ne
justifierait plus l'existence de l'article 89 du projet de loi.
Les modifications que nous avons proposées exigeraient, de plus,
une reformulation complète des sections IV et V, nommément dans
la perspective d'une fusion de ces deux sections sous le vocable de Rôle
du CH-DSC et de son département de santé communautaire. Le
personnel paramédical et de support, aux fins du programme de
santé appliqué dans l'entreprise, devrait faire partie du
personnel du département de santé communautaire du centre
hospitalier.
Afin de réaliser son mandat de surveillance
épidémiologique, le projet de loi 17 devrait confier au centre
hospitalier la responsabilité de s'assurer de la concertation des autres
établissements de santé et cabinets de médecins
appelés à fournir d'autres services de santé aux
travailleurs de l'entreprise. Il est en effet d'importance capitale que les
informations découlant de la fourniture de tels services soient
accessibles et disponibles au département de santé communautaire
du centre hospitalier dans la perspective de la surveillance
épidémiologique autant que pour la surveillance environnementale.
Il nous apparaît, en conséquence, nécessaire que de tels
services rendus aux travailleurs de l'entreprise ne puissent être fournis
par des établissements au sens de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux ou par des cabinets privés de
médecins que si de tels établissements ou cabinets privés
sont liés con-tractuellement avec le centre hospitalier ayant un
département de santé communautaire.
L'article 86 du projet de loi devrait donc être
révisé en ce sens.
De par la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
les centres hospitaliers doivent offrir à la population des services de
santé d'une manière continue et de façon
personnalisée,
compte tenu de leurs ressources propres. Bien que l'on reconnaisse le
droit accordé à chaque travailleur dans un centre hospitalier
à des conditions de travail adéquates et sécuritaires et,
comme corollaire, la possibilité qu'il puisse refuser de travailler si
son intégrité physique, sa santé ou sa
sécurité sont menacées, nous estimons que la vocation
propre des centres hospitaliers fait en sorte que le refus de travailler d'un
employé ne doit pas porter préjudice à ou mettre en
péril la vie, la santé ou la sécurité des
malades.
A cet effet, nous recommandons qu'il soit prévu, à
l'article 12, une condition supplémentaire à l'exercice du droit
de refus d'un travailleur, à savoir que ce droit ne puisse être
exercé s'il en résulte que la vie, la santé ou la
sécurité d'un ou de plusieurs bénéficiaires
puissent être compromises. Nous vous soulignons que cette disposition est
incluse dans le projet de loi no 70 adopté par la Législature de
l'Ontario en décembre 1978.
Compte tenu du rôle confié aux centres hospitaliers en
matière de santé à la population, du rôle
exercé par les 32 centres hospitaliers ayant un département de
santé communautaire, du rôle spécifique qui leur est
donné par ce projet de loi, nos deux associations estiment indispensable
que les centres hospitaliers du Québec, par leur association,
participent au conseil d'administration de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. Il semblerait anormal que les centres
hospitaliers du Québec, par la voie de leur représentant, soient
absents d'un groupe qui vise un même objectif: la promotion de la
santé publique et de la santé au travail. (14 h 45)
En conclusion, l'Association des hôpitaux de la province de
Québec et l'Association des directeurs de départements de
santé communautaire ont voulu sensibiliser, par ce mémoire
conjoint, la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre à
diverses questions.
En premier lieu, nous avons insisté tout particulièrement
sur la nécessité que soient coordonnés, au niveau local,
les programmes de surveillance environnementale et de prévention aux
programmes de surveillance médicale et épidémiologique,
ces programmes étant élargis par rapport aux dispositions
actuelles du projet de loi.
Nous avons souligné, en conséquence, l'importance d'une
approche décentralisée et consultative de la part de la
Commission de la santé et de la sécurité au travail. De
même, nous avons exprimé nos vues sur la nécessité
d'une approche tout autant coordonnée au niveau provincial. Nous avons
aussi exprimé le voeu que soient révisées en profondeur
les sections III, IV et V du projet de loi no 17, afin que les
responsabilités des divers intervenants soient clarifiées. En ce
sens, nous avons élaboré les conditions nécessaires
à la réalisation effective et à
l'opérationnalisation du mandat de surveillance médicale et
épidémiologique à être confié au
département de santé communautaire du centre hospitalier.
Nous avons aussi recommandé que soit confié au centre
hospitalier, ayant un département de santé communautaire, un
mandat en matière d'hygiène industrielle.
Enfin, nous avons attiré l'attention sur une disposition
particulière quant à l'application du droit de refus en milieu
hospitalier et quant à la participation de l'Association des
hôpitaux de la province de Québec au conseil d'administration de
la commission.
L'ensemble de ces observations est d'ailleurs repris en annexe au
présent document par la voie de recommandations générales
et particulières.
L'Association des hôpitaux de la province de Québec et
l'Association des directeurs de départements de santé
communautaire expriment enfin le désir que cette loi puisse permettre,
en fonction des responsabilités réciproques de ceux qu'elles
représentent, une meilleure protection de la santé et de la
sécurité publique.
Recommandations: L'Association des hôpitaux de la province de
Québec et l'Association des directeurs de départements de
santé communautaire recommandent:
Que soit établie une approche coordonnée des programmes de
santé et des programmes de prévention, au niveau de chaque
entreprise;
Que des mécanismes formels de consultation soient établis
entre les divers intervenants et la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, notamment en ce qui touche à
l'élaboration des normes relatives aux programmes de prévention
et aux programmes-cadres de santé au travail;
Que les attributions de la commission en matière de
détermination des contenus obligatoires des contrats de services entre
les centres hospitaliers ayant un département de santé
communautaire et les médecins responsables, en matière
d'élaboration des contrats types entre les centres hospitaliers et la
commission et enfin, en matière d'allocation des budgets de financement
aux centres hospitaliers soient exercées en fonction des structures
formelles de consultation entre la commission, le ministère des Affaires
sociales et les centres hospitaliers ayant un département de
santé communautaire, via leurs représentants;
Que le programme de prévention et le programme de santé
soient élaborés, le premier par l'employeur et le second, par le
département de santé communautaire du centre hospitalier, en
collaboration avec le comité de santé et de
sécurité et dans le cadre d'un programme de consultation
obligatoire entre l'employeur et le centre hospitalier et qu'en
conséquence soient révisés les articles 93 et 95 du projet
de loi.
Que le mandat de développer et de rendre disponible aux divers
intervenants des ressources spécialisées en hygiène
industrielle soit confié aux centres hospitaliers par son
département de santé communautaire.
Que les programmes de santé destinés aux travailleurs
soient qualifiés de programmes de surveillance médicale et
épidémiologique et que le programme de prévention devienne
le programme de surveillance de l'environnement et de prévention.
Que le personnel médical, paramédical et de support
oeuvrant dans chaque entreprise soit sous l'autorité du centre
hospitalier ayant un département de santé communautaire au sein
de la structure de son département de santé communautaire et de
façon particulière, que le personnel paramédical et de
support soit employé du centre hospitalier.
Que le médecin responsable des services de santé de
l'entreprise soit membre du Conseil des médecins et dentistes du centre
hospitalier et soit agréé aux fins de la médecine du
travail. Qu'il exerce ses fonctions et agisse dans le cadre du
département de santé communautaire. Qu'il soit, de plus, choisi
et nommé à titre de médecin responsable dans une
entreprise par le centre hospitalier et que le comité de santé et
de sécurité puisse s'opposer à ce choix sur la seule base
du comportement du médecin et de son observance des
règlements.
Que le comité d'examen des titres du centre hospitalier consulte
obligatoirement le chef du département de santé communautaire
lors de l'étude des candidatures des médecins désirant
oeuvrer dans le domaine de la médecine du travail et qu'une modification
de concordance soit apportée à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux.
Que les sections IV et V du chapitre VIII soient reformulées dans
la perspective d'une fusion des deux sections sous l'appellation du "Rôle
du centre hospitalier ayant un département de santé communautaire
et de son département de santé communautaire".
Que le centre hospitalier ayant un département de santé
communautaire ait la responsabilité de s'assurer de la concertation des
autres établissements de santé et des cabinets de médecine
de son territoire appelés à fournir des services aux travailleurs
dans le cadre du projet de loi.
Que les autres établissements de santé et les cabinets de
médecins, pour qu'ils puissent offrir des services dans le cadre du
programme de santé de l'entreprise, soient liés contractuellement
avec le centre hospitalier ayant un département de santé
communautaire et qu'en conséquence, l'article 86 soit
modifié.
Que compte tenu du rôle général confié aux
centres hospitaliers en matière de services de santé à la
population, du rôle exercé par les 32 centres hospitaliers ayant
un département de santé communautaire et du mandat
spécifique qui leur est confié par ce projet de loi, ces derniers
participent par la voix de l'Association des hôpitaux de la province de
Québec au conseil d'administration de la Commission de la santé
et de la sécurité au travail.
L'Association des hôpitaux de la province de Québec et les
directeurs de départements de santé communautaire recommandent:
Que la définition de la notion de maladie professionnelle, telle que
prévue à l'article 1, ne se réfère pas à la
Loi sur les accidents du travail, mais soit définie
ultérieurement par la commission par voie réglementaire. Qu'un
alinéa additionnel soit ajouté à l'article 1 du projet de
loi, afin d'introduire la notion d'autres agents agresseurs, lequel
compléterait les alinéas 19 et 21.
Que le certificat médical prévu à l'article 32
attestant des dangers physiques pour l'enfant à naître ou pour la
femme enceinte soit rédigé obligatoirement par le médecin
responsable de l'entreprise.
Qu'un rapport annuel soit transmis à la commission avec copie au
centre hospitalier ayant un département de santé communautaire et
au comité de la santé et de la sécurité sur
l'implantation du programme de prévention dans chaque entreprise.
Que le droit de refus de travailler accordé à un
travailleur, conformément à l'article 11, comporte une
restriction afin que l'exercice de ce droit ne puisse compromettre la vie, la
santé et la sécurité d'un ou de plusieurs
bénéficiaires; que certains droits, conférés
actuellement aux chefs de départements de santé communauraire
à titre de médecins hygiénistes, soient maintenus par une
disposition au sein du projet de loi. Ces derniers devraient, notamment, avoir
droit d'accès aux entreprises, aux lieux de travail et à toute
information essentielle à l'exercice des responsabilités
confiées au centre hospitalier ayant un département de
santé communautaire par cette loi.
Je vous remercie. Je demanderais au Dr Fortin de faire sa
présentation.
M. Fortin (Jean-Paul): M. le Président, j'ai pensé
important de préciser dès le départ ce qu'est la
santé de groupe. D'abord, parce que c'est un élément qui
est utilisé beaucoup et aussi parce qu'il est souvent galvaudé
dans plusieurs milieux. La santé publique, qu'est-ce que cela veut dire?
Cela veut dire tout simplement qu'il y a des éléments
là-dedans qui sont interreliés, qui sont fondamentaux et qui
représentent la fonction même de ce que font les
départements de santé communautaire, entre autres. Il y a la
dimension... Quel est le problème qui existe? Où sont les
problèmes? Quels sont les causes et les facteurs qui amènent ces
problèmes? Toute la question de la source dont on parle est un des
éléments fondamentaux au niveau de la santé publique. A
partir de là, on a une vision beaucoup plus globale des
problèmes. Cela nous permet plus facilement d'établir des
priorités. Ce n'est pas seulement une approche pour éteindre les
feux, mais c'est aussi une approche pour être capable de planifier et de
programmer.
Le deuxième élément est celui de la programmation
justement. Qu'est-ce que de la programmation? C'est d'abord de savoir où
on va, où on veut aller! et comment on veut se rendre là. Le
troisième élément de la santé publique est aussi
fondamental, c'est celui de la coordination. Il est extrêmement important
que les différentes composantes d'un système soient
coordonnées si on veut réussir à aller à l'endroit
où on veut aller.
Associée à la coordination, il y a la dimension
participation.
Participation: Pour nous autres, là-dedans est incluse la;
dimension de la prise en charge par l'individu de ses problèmes et de
ses responsabili-
tés. On croit qu'il est extrêmement important que les gens
participent à la dimension santé. La dimension santé, ce
n'est pas uniquement la responsabilité des médecins ou des gens
de la santé, mais c'est aussi la responsabilité des gens qui sont
impliqués par cela.
Le quatrième point est celui de l'évaluation, qui est un
élément fondamental. Il est extrêmement important de savoir
ce qu'on fait, ce que cela donne, si cela vaut quelque chose, si cela vaut la
peine de continuer ou si on est mieux de changer. Ce sont quatre
éléments qui sont fondamentaux. En arrière de ces quatre
éléments, toute la toile de fond qui anime et qui motive les
départements de santé communautaire et les agents de santé
publique, c'est la dimension de la prévention, tout ce qu'on appelle
éliminer à la source les problèmes
Un des points importants au niveau de la santé publique dans ce
qu'on dit ici, c'est celui-ci: Au niveau des CH qui ont des départements
de santé communautaire, cela représente un réseau. Un
élément finalement sur lequel je voudrais insister, c'est la
dimension dont on parle à l'occasion, celle de l'approche globale. C'est
important qu'on précise tout de suite quelle est l'approche globale et
pourquoi on a des recommandations telles celles qu'on a ici.
Au niveau de l'approche globale, il faut se souvenir qu'il y a deux
éléments majeurs. Il y a la cause; il y a l'effet. La cause des
maladies et la cause des problèmes dans les milieux de santé
viennent du milieu même, de la dimension environnementale. Or, il est
extrêmement important de connaître le milieu, d'avoir la dimension
de surveillance environnementale dont on a déjà parlé.
L'autre élément, au niveau de la cause, quand on veut
avoir une action, une approche globale, c'est: Qu'est-ce qu'on fait à
ces niveaux, au niveau de la source même? Associé à
ça, il y a la dimension de l'effet. L'effet, c'est: Qu'est-ce que
ça fait sur la santé des gens? La connaissance de la
santé, quand on parle de surveillance médicale, de surveillance
épidémiologique, si on regarde l'effet des problèmes, et,
à ce niveau-là, il y a différents types d'intervention qui
sont possibles, qui sont nécessaires.
Mais, pour nous, ce qui est fondamental à travers tout ça,
c'est qu'entre la cause et l'effet, il doit y avoir un lien extrêmement
important et c'est là-dessus qu'est basée notre première
recommandation. Où pourrait se faire ce lien? Pour travailler au niveau
de l'effet, il faut avoir beaucoup d'information sur la cause, et la cause, si
vous voulez bien travailler, si vous voulez savoir sur quelle cause travailler,
c'est extrêmement important de savoir quel est son effet. C'est
l'élément sur lequel on voudrait insister beaucoup et, pour
ça, vous avez vu à travers les recommandations qu'il est
important qu'on puisse avoir la possibilité de bien faire notre travail
et, pour faire le travail comme il faut, ça nous prend des informations
sur la surveillance environnementale et ça prend aussi la
possibilité d'entrer dans les entreprises, d'avoir les informations dont
on a besoin et de faire les études nécessaires. Dans le projet de
loi, ce n'était pas évident pour tout le monde.
La question du pouvoir ou des droits au niveau des départements
de santé communautaire, qui est la recommandation 18 est, à cet
égard, extrêmement fondamentale si vous voulez que le travail soit
bien fait.
M. Marois: M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: Je voudrais tout d'abord remercier infiniment les
porte-parole de l'Association des hôpitaux de la province de
Québec et de l'Association des directeurs de départements de
santé communautaire de leur mémoire.
Je pense qu'il s'agit là d'un mémoire qui est
particulièrement intéressant à plusieurs égards.
Bien sûr, étant donné le temps qui est mis à notre
disposition, je n'aurai certainement pas le temps de souligner tous les aspects
qui me semblent particulièrement intéressants, mais je voudrais
signaler au moins deux éléments. D'une part, votre mémoire
vient confirmer, selon votre point de vue, un des éléments
clés de l'approche qui est proposée. Cela recoupe certaines des
recommandations que vous formulez. D'autre part, le mémoire et certaines
des recommandations et la discussion qu'on va pouvoir avoir maintenant,
peut-être c'est l'autre dimension aussi intéressante de
votre mémoire vont nous permettre de nous rendre à
l'évidence qu'il peut y avoir certaines ambiguïtés dans le
texte même du projet de loi et qu'il y a peut-être lieu d'y
apporter des clarifications, des ajustements si ça devait s'imposer
à la lumière des discussions qu'on va maintenant avoir.
Je voudrais m'arrêter à un certain nombre des
recommandations. Je sais que certains de mes collègues veulent
intervenir sur d'autres recommandations.
La première qui rejoint probablement le coeur, la clé du
point de vue que vous faites valoir, tourne autour du concept de santé
dans le domaine du travail et, au fond, vos recommandations 1 et 5 se recoupent
ou se complètent dans ce sens-là. (15 heures)
D'une part, la première; vous voulez viser à assurer une
meilleure coordination entre ce que vous appelez les programmes de
prévention et les programmes de santé au niveau de chaque
entreprise et, d'autre part, à la recommandation 5, vous nous
suggérez comme principal mécanisme de coordination de confier au
CH-DSC par les départements de santé communautaire le mandat de
développer et de rendre disponibles aux divers intervenants les
ressources spécialisées en hygiène industrielle.
Le projet de loi, dans sa formulation actuelle et c'est un peu
les premiers commentaires que je voudrais faire, j'aurais par la suite une
série de questions si vous me permettez de les débouler en ligne
et de vous laisser par la suite intervenir à la
fois sur les commentaires et les questions en tout cas, il me
semblait à première vue que le projet de loi dans sa formulation
actuelle n'empêche pas les CH-DSC d'offrir les services que vous
évoquez, notamment ce que vous évoquez à la recommandation
5, c'est-à-dire rendre disponibles aux divers intervenants des
ressources spécialisées en hygiène industrielle. L'article
98 du projet de loi prévoit effectivement que le médecin
responsable signale aux différents intervenants toute déficience
c'est le texte dans les conditions de santé, de
sécurité et de salubrité susceptibles de nécessiter
une mesure de prévention.
On suppose donc, forcément, que le groupe en question, le CH-DSC,
dispose de ressources qui lui permettent de connaître ces
déficiences. De plus, il y a le paragraphe 3 de l'article 100 qui donne
l'autorité au chef du DSC de fournir le personnel professionnel et
technique requis pour la mise sur pied et le fonctionnement des programmes de
santé. Le CH-DSC peut donc dans cette perspective fournir le personnel
requis pour détecter les déficiences dans les conditions de
salubrité des établissements. Peut-être que tout tient
à une espèce d'ambiguïté autour de l'article 93.
C'est vrai que l'article 93, tel qu'il est libellé, ne reproduit pas ce
qui apparaissait dans le livre blanc à la page 240, c'est-à-dire
ce que nous appelions la définition des éléments que doit
comporter un programme de santé, mais je dois vous dire qu'à
notre point de vue nous sommes fondamentalement d'accord avec vous, et en tout
cas c'est la façon dont nous concevons le concept de santé dans
le domaine qui nous concerne, dont on parle, et qui doit forcément
inclure à la fois cette double dimension aussi bien de surveillance de
l'environnement que de surveillance médicale. Les deux ne peuvent pas
faire autrement, si on veut vraiment atteindre l'objectif qu'on se donne de
s'attaquer aux causes, que d'être intimement liés l'un par rapport
à l'autre.
Il est certain que si on détecte, par exemple, des
problèmes de plomb dans le sang dans une entreprise, il y a
forcément aussi à rechercher les causes si on veut encore
là aller à la source, ce qui veut dire le problème du
plomb comme tel dans rétablissement ou l'industrie concernée. Il
y a donc un joint. Il est certain à notre point de vue qu'il y a un
joint entre les deux. Peut-être que-Peut-être... Je formule une
hypothèse. En tout cas, on va certainement le regarder de très
près si les articles que j'ai mentionnés, à votre point de
vue, peuvent maintenir cette ambiguïté et s'il y a lieu,
peut-être y aurait-il lieu de revoir la formulation de l'article 93 pour
s'assurer que le concept de santé tel qu'il est défini inclut
bien l'ensemble de ces différentes dimensions qui se complètent.
On est entièrement d'accord avec vous. En plus, il y a
l'intérêt réel que suscite votre recommandation. Elle vient
confirmer une approche qu'on propose dans le projet de loi qui est celle de
rattacher aux réseaux publics les professionnels de la santé, et
vous suggérez d'inclure nommément les hygiénistes
industriels dans ce réseau. A ce point de vue, il y a là des
choses qui m'apparaissent à la fois extrêmement importantes et en
même temps extrêmement intéressantes.
Concernant la recommandation 5, il y a une question qui me vient
à l'esprit. Je voudrais savoir si le mandat dans votre esprit, tel qu'il
est libellé dans votre recommandation... Est-ce que le mandat que vpus
voulez voir confier au CH-DSC par la recommandation 5, est-ce que cela signifie
à votre point de vue que le CH-DSC et les services de santé au
niveau des établissements doivent avoir une double fonction,
c'est-à-dire de surveillance médicale et
épidémiologique et de surveillance de l'environnement comme
semble l'indiquer, en tout cas, le texte à la page 12 de votre
mémoire?
Si votre réponse était oui à cette question,
d'après vous, quel rôle seraient appelés à jouer les
employeurs dans le domaine de l'hygiène industrielle, si, comme vous le
dites à la page 12 toujours, le réservoir de compétences
en hygiène industrielle je pense que c'est à peu
près votre texte ne doit être lié aux
intérêts ni des travailleurs, ni des employeurs? En d'autres
termes, c'est l'idée de l'indépendance des intervenants
professionnels. Troisièmement, toujours là-dessus, est-ce qu'il
est absolument nécessaire que le réservoir de compétences
en hygiène industrielle soit confié aux centres hospitaliers
plutôt que, par exemple, à une direction régionale de la
commission québécoise de la santé et de la
sécurité au travail? C'est ma première série de
questions.
Deuxièmement, sur votre recommandation 6, je me pose simplement
la question: Telle qu'elle est formulée, est-ce qu'il ne semble pas y
avoir une contradiction? Est-ce que cela ne semble pas contredire, tel que
c'est formulé, l'approche selon laquelle la surveillance
environnementale fait partie ou doit faire partie d'un programme de
santé?
Concernant la recommandation 7, que le personnel médical et
paramédical, de support et le reste soit sous l'autorité du
CH-DSC et le reste, il me semble que c'est certainement l'intention de
l'article 84 du projet de loi et de l'article 100, paragraphe 3. Je peux vous
dire tout de suite que, si cela paraît nécessaire et on va
regarder votre recommandation à la loupe cela sera
précisé en conséquence. L'article 90 est peut-être
un peu plus ambigu à ce sujet, mais je voulais tout de suite vous
indiquer que je suis plus qu'ouvert pour regarder cela le cas
échéant. Si les références aux articles 84 et 100,
paragraphe 3, ne vous semblaient pas suffisamment claires, peut-être
qu'il y a lieu de préciser et on va le regarder de très
près.
Je voudrais, très rapidement, regarder les recommandations 14, 17
et 18, parce que c'est toujours pour l'essentiel relié au
problème de fond que vous ' avez évoqué tout au long de
votre mémoire. J'aimerais avoir des explications supplémentaires
sur votre recommandation 14. Je ne suis pas certain de saisir
nécessairement toute la portée de la recommandation et la
question que je me pose est: Est-ce qu'il y a lieu vraiment d'apporter des
modifications au texte pour atteindre les objectifs qui sont sous-jacents? Je
n'ai pas d'objection du tout et je compte bien le faire, parce qu'on a
regardé le texte très attentivement. J'ai
bien l'intention d'ailleurs de demander aux conseillers juridiques de
regarder attentivement ces bouts de texte et cette recommandation, mais si vous
aviez quelques commentaires ou explications supplémentaires, je
l'apprécierais.
En ce qui concerne la recommandation 17 sur le droit de refus dans les
hôpitaux, cela revient, si ma mémoire est bonne, dans d'autres
mémoires d'ailleurs, où dans certains cas on nous propose de
retenir l'approche ontarienne. Au fond, ce que vous nous proposez, pour un
bout, vous en prenez un petit bout, c'est l'approche ontarienne qui
procède par exclusion plutôt qu'une approche plus large, à
première vue, balisée par une notion dans certains cas
d'inhabituel, dans d'autres cas c'est d'imminent. Nous avons retenu l'approche
qui exclut le cas d'habituel et inhérent à la fonction comme
telle. Vous proposez plutôt l'approche ontarienne. Vous savez que, dans
la loi de l'Ontario, on précise les établissements où
cette limitation au droit de refus s'applique. Est-ce que vous proposez que ces
précisions de votre point de vue quant à l'articulation du droit
de refus soient apportées aussi dans la loi? Est-ce ce que vous
proposez? Est-ce qu'il faudra également préciser les
départements à l'intérieur des établissements,
où la limitation en question s'appliquera? Quelle est votre opinion
très précise là-dessus?
Je peux vous dire une chose tout de suite, un commentaire très
rapide, en terminant, sur votre recommandation 18; elle me paraît plus
que pertinente et soyez assurés qu'elle va être regardée
avec beaucoup d'attention, parce que je suis plutôt sans me figer
définitivement spontanément d'accord avec vous qu'il y a
lieu d'ajuster quelque chose dans le sens de ce que vous évoquez.
Voilà, M. le Président, mes commentaires et questions. Je
m'excuse de vous avoir déboulé ça.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez
commenter ou répondre aux propos du ministre?
M. Pleau: Vous me permettrez de glisser à gauche ou
à droite, suivant l'expert. Sur la question d'hygiène
industriellle, c'est-à-dire le paragraphe 5 on peut les prendre
par recommandation, si ça vous va je demanderais au Dr Cadieux ou
au Dr Fortin de répondre à cette question.
M. Fortin: Au niveau de l'hygiène industrielle, il est
important de réaliser au départ qu'il y a dans ses fonctions
trois composantes fondamentales. La première, c'est une analyse
descriptive de la situation, celle qui nous permet de savoir s'il y a un
problème; la deuxième est de préciser en détail le
problème, c'est ce qu'on appelle l'évaluation. La
troisième, c'est la dimension de contrôle du problème
à la source.
Il est extrêmement important, pour nous, de préciser que
lorsqu'on demande d'être impliqués au niveau de la surveillance
environnementale et d'avoir les outils pour le faire, on ne touche pas le volet
de contrôle du problème à la source. Le contrôle
comme tel, la mécanique ou l'ingénierie qui est impliqué
là-dedans ou les propositions concrètes sur les
améliorations au niveau de la machinerie, qui fait aussi, jusqu'à
un certain point, partie du rôle d'hygiéniste industriel, cet
aspect est relié davantage à la préoccupation de
l'employeur que de la nôtre. C'est pour ça que je disais au
début qu'il y a des liens extrêmement importants entre la cause et
l'effet, mais il y a aussi, quand on parle de la surveillance environnementale,
à dissocier les différentes fonctions de l'hygiéniste
industriel. Il y a une partie de ces fonctions qui sont fondamentales et il y
en a une autre partie qui est moins importante et c'est celle que je viens de
vous décrire.
Dans notre 5ième recommandation, où on dit que les mandats
de développer et de rendre disponibles aux divers intervenants, ce sont
des ressources spécialisées. On n'a pas demandé à
avoir le monopole ou le réservoir complet de tous les hygiénistes
industriels. Je crois qu'il devrait y en avoir ailleurs aussi. Je sais que les
inspecteurs vont probablement avoir besoin d'hygiénistes industriels
pour travailler. Ce n'est pas une demande de monopole de la profession
d'hygiène industrielle ou de gens qui travaillent dans le domaine de
l'hygiène industrielle, mais c'est la possibilité et le besoin
d'avoir une bonne partie de cette expertise.
Maintenant, la dimension régionale dont vous avez parlé
à ce moment-là, dans notre esprit, il est absolument important de
garder cette dimension et elle peut se faire de différentes
façons. Quand on en a discuté, on voyait très facilement
qu'un DSC ou qu'un CH-DSC puisse avoir un hygiéniste industriel et que
l'expertise de ce personnage puisse être utilisée par un autre DSC
qui lui est voisin, qui a le même type de problèmes et à ce
moment-là, il y aurait, en pratique, un pool de réservoirs
d'expertises en hygiène industrielle qui serait utilisable sur une base
régionale.
Est-ce que cela répond à votre question?
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires à ajouter?
M. Marois: Si je comprends bien là-dessus, parce que
c'étaient mes premières questions sur un certain nombre de vos
recommandations, les textes... quoiqu'on y reviendra tantôt en
examinant d'autres recommandations mais le concept santé, tel
qu'il ressort de la formulation du texte actuellement, si je comprends,
ça ne vous paraît pas, tel que vous lisez le texte
présentement, inclure cette dimension...
M. Fortin: Dans le projet de loi...
M. Marois:... de la surveillance environnementale.
M. Fortin: Au niveau du projet de loi...
M. Marois: Alors que dans notre esprit, c'est très clair
que le concept santé doit inclure cette dimension et qu'en
conséquence, les ressources re-
quises, notamment les ressources en hygiène industrielle doivent
être mises à la disposition de ceux qui en auront besoin.
M. Fortin: Dans le projet de loi, pour nous, ce n'était
pas évident, d'autant plus que dans tous les projets de loi
précédents, il y avait justement la définition d'un
programme de santé et cela a été enlevé. A partir
du moment où cela a été enlevé, on a
peut-être été biaisé dans notre
interprétation, on s'est dit, pourquoi est-ce qu'ils l'ont
enlevé? Cet élément était là il a
été enlevé, donc, est-ce que ce qui en découle est
enlevé aussi? (15 h 15)
C'est pour ça que l'article 93, pour nous, n'était
nettement pas évident. S'il l'était ailleurs, il ne l'est pas
maintenant.
M. Marois: C'est noté.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il d'autres commentaires
que vous voulez ajouter?
M. Pleau: A la recommandation 7, encore là c'est
peut-être encore un peu la même réponse. Pour nous, il ne
nous a pas semblé évident, dans le projet de loi, qu'il y ait un
lien formel entre le département de santé communautaire et ceux
qui s'occupent de la santé au niveau des entreprises. On l'a mis
là peut-être également avec l'idée de dire que le
département de santé communautaire est peut-être finalement
un élément relativement neutre par rapport à tout ce qui
pourrait se produire dans le système. Ce serait peut-être une
façon de permettre de régler les problèmes de santé
en clarifiant la recommandation no 7. En tout cas, nous, elle ne nous est pas
apparue évidente; si c'est évident, si c'est comme ça,
c'est sûr qu'on se retrouve dans un contexte complètement
différent.
Il faut quand même dire que, quand on parle de départements
de santé communautaire, on parle d'un élément qui
s'inscrit dans tout le réseau de la santé. Or, il y a divers
intervenants qui, actuellement, pour toutes sortes de raisons, ne se trouvent
pas nécessairement dans tout le territoire. Présentement, il y a
des départements de santé communautaire qui en sont à
l'élaboration de programmes, à la surveillance, mais ils sont
aussi dans l'action. Je pense bien que, dès qu'il y aura des
intervenants à d'autres niveaux, le département de santé
communautaire aura assez à faire et sortira de l'exécution. Mais,
pour un premier temps, dans des secteurs où ça n'existe pas,
où il n'y a pas d'intervenants, je pense que le département de
santé communautaire serait un organisme privilégié,
partout, dans toute entreprise qui comprend plus de dix travailleurs, un agent
important qui permettrait que la machine se mette en marche et donne une
expertise importante sur tout ce qui s'appelle promotion de la santé et
surtout sur la question de la prévention.
Là, on recoupe aussi notre préoccupation qu'on a au no 5,
parce que c'est sûr qu'il faut examiner l'éventail qu'on a des
entreprises, mais ce n'est pas tout le monde qui peut se doter d'un
équipement ou d'experts et, là, la santé communautaire,
comme elle le fait actuellement dans d'autres secteurs, et elle le fait, je
pense, avec un certain succès... On peut parler de
périnatalité, on peut parler de tout ce qui touche la
maternité. Je pense qu'il s'est fait des choses importantes et elles se
sont faites grâce au département de santé
communautaire.
Or, dans ce projet de loi no 17, on pense que le département de
santé communautaire... S'il y a des liens suffisamment formels entre
ceux qui ont à s'occuper de la santé des gens, je pense que ce
serait important que ce soit clair dans le texte de loi. On a mis le no 7, mais
on ne veut pas que le no 7 y soit pour le restant de nos jours. C'est
peut-être une mesure transitoire que, finalement, on souhaiterait
là.
Le Président (M. Marcoux): Dr Fortin.
M. Fortin: En fait, la chose fondamentale, c'est le besoin de
trouver un mécanisme de coordination; ça, c'est une
modalité qui pourrait le permettre. Maintenant, il faut garder une
certaine souplesse selon les contextes et les milieux dans lesquels ça
devra se faire, mais la dimension coordination devra être à la
base de toute modalité de fonctionnement; c'est ça qui est
important.
M. Marois: Sur les questions que je formulais,
particulièrement sur la recommandation no 14 et la recommandation no 17,
avez-vous des réponses aux questions posées.
M. Pleau: Pour la question no 14, je vais laisser ça aux
experts.
M. Fortin: La question no 14 était surtout reliée
à la définition actuelle au niveau de la Commission des accidents
du travail, une définition de maladie professionnelle qui dépend
beaucoup c'est dû au contexte qui est un contexte de
réparation de ce besoin de préciser au maximum la relation
de cause à effet, entre un problème et une personne à
compenser.
Pour nous, dans une approche de prévention, l'approche globale et
l'approche épidémiologique, il est important de pouvoir
considérer, comme problème de santé, les
particularités qui n'ont peut-être pas nécessairement
été acceptées par tous les spécialistes de tous les
secteurs pour un problème donné.
Il y a des choses qui sont évidentes. On peut parler d'un
problème bien pratique. La cigarette, par exemple, M. Marois, à
partir d'une foule d'études épidémiologiques, a
été démontrée comme étant un problème
particulier qui crée beaucoup de problèmes et qui est un gros
risque pour la santé. Maintenant, je ne peux pas vous dire à vous
en tant qu'Individu: Vous allez avoir ce problème à tel
âge. Mais on sait que le problème existe et on sait qu'il doit y
avoir une action en ce sens et c'est l'optique de la prévention et de la
santé publique. Ici, on voudrait que la dimension maladie profes-
sionnelle puisse être orientée un peu de cette
façon, autrement, vous ne pourrez jamais poursuivre quelqu'un ou en tout
cas, il sera extrêmement difficile un député, ce
matin, l'a soulevé de considérer dans le domaine de la
prévention des définitions qui sont uniquement reliées
à des relations extrêmement claires et nettes de cause à
effet entre ce problème et ce qui est arrivé. La surdité
peut être un exemple. La surdité existe. On sait que quand il y a
beaucoup de bruit, cela cause des problèmes. Mais le gars qui va
à la discothèque tous les jeudis ou tous les mercredis en
soirée, que ferez-vous avec cela? Est-ce qu'on va pouvoir s'en
sortir?
M. Marois: Vous conviendrez que dans le cas du bruit en milieu
industriel et dans la fréquentation des discothèques le samedi
soir, le dimanche soir y inclus le vendredi soir, mais quand pour les cinq
autres journées on vit dans une entreprise qui ne respecte pas la norme
de 90 décibels, il y a certaines chances qu'après un certain
nombre de périodes d'exposition...
M. Fortin: J'ai pris un problème facile, mais la
définition de la maladie, je crois, doit tenir compte non pas uniquement
du volet, du lien qu'il y a entre cela et la réparation si on veut avoir
des actions dans le milieu.
M. Pleau: Cela semble être un peu hors contexte par rapport
à notre introduction qui disait que notre intervention serait
strictement la promotion de la santé publique. On l'a mis là,
parce qu'il nous apparaissait en fait important qu'on souligne quand même
au législateur que le milieu hospitalier tel qu'il est conçu
présentement présente quand même sur certains aspects
certains dangers. C'est bien clair que quelqu'un qui travaille dans un
hôpital pour malades contagieux, il y en a encore, c'est un risque
inhérent à la fonction. C'était strictement pour soulever
cela. Il est possible que par règlement, comme vous l'avez dit, cela
pourrait être simplement ajusté et il faut le considérer
comme nous l'avons fait, une recommandation comme étant un peu hors
contexte par rapport à l'ensemble de notre document.
M. Marois: Je ne veux pas allonger la discussion, parce que je
sais qu'on va revenir là-dessus en cours de route. Je ne voudrais pas
abuser non plus du temps, je sais que les autres membres de la commission
veulent vous poser des questions. C'est vrai que l'approche ontarienne a
procédé par exclusions. Ce que vous nous proposez dans le cas des
hôpitaux. Encore là, ce n'est pas sans poser d'autres
sous-questions que je vous ai évoquées et auxquelles, comme vous
vous en rendez compte, ce n'est pas facile de répondre, parce que
j'attends toujours les réponses.
Il n'en reste pas moins que même dans les cas où on exclut,
selon l'approche, par exemple, ontarienne, j'exclus les policiers, les pompiers
et toute une série de groupes, la jurisprudence au Québec est
formelle sur le fait que même dans les cas d'exclusion, même par
une loi, cela n'enlèvera jamais aux hommes et aux femmes qui travaillent
le droit de refus, c'est-à-dire, ce droit de refus qui est du domaine du
droit naturel. Il y a le célèbre jugement rendu dans le
Nord-Ouest au cours des années soixante où le juge disait
textuellement, si ma mémoire est bonne, je le cite de mémoire: II
n'y a aucune loi au monde qui ne pourra... et le reste.
Même si la convention collective ne le reconnaissait pas,
même si à l'époque il n'y avait aucune espèce
même de commencement de bout de loi ou de bout de règlement qui
commençait à ouvrir cette perspective du droit de refus, le
tribunal en était venu à la conclusion que le travailleur en
question avait été fondé d'exercer ce droit dans la mesure
où c'était du domaine du droit strictement naturel de l'humain.
Le problème n'est pas simple, mais j'avoue que cela mérite
d'être regardé.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez d'autres
commentaires? M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, il est déjà 15 h 25. D'abord, je voudrais
remercier les représentants de l'Association des hôpitaux et les
représentants de l'Association des directeurs de départements de
santé communautaire de leur apport, aujourd'hui, à la commission.
Vous avez mis en relief un élément important de la
discussion.
Ce que vous avez exposé dans votre mémoire et les
questions-réponses que vous avez échangées avec le
ministre, c'est l'élément d'une meilleure coordination entre les
programmes de santé et les programmes de prévention comme tels,
chose qu'on a eu l'occasion de mettre en relief, nous aussi, ce matin. Les
réserves que vous exprimiez dans votre mémoire, nous les avons
formulées ce matin au ministre. Je ne suis pas convaincu, quant à
moi, que l'interprétation que donne le ministre à l'article 93
peut répondre à l'inquiétude que nous avons
soulevée.
Il nous apparaît, quant à nous, que le département
de santé communautaire aura évidemment une large part du
gâteau dans l'application des programmes de santé comme tels. Par
contre, pour ce qui est de la prévention, à la suite des
questions-réponses que vous avez eues avec le ministe, vous nous dites
que, somme toute, les hygiénistes industriels pourraient être sous
la juridiction des départements de santé communautaire. Vous
demandez une part additionnelle du gâteau. Il m'apparaît que c'est
tout à fait légitime. Je pense qu'on veut davantage de pouvoirs,
on veut davantage intervenir dans des secteurs où des pouvoirs nous sont
conférés. Vous dites jusqu'à une certaine limite. C'est
cela que je voudrais que vous repreniez et, si possible, en donnant même
un exemple.
Vous dites: Sous l'aspect de l'hygiène industrielle, il faudra,
à l'occasion, avoir des services de génie. Il faudra
peut-être, à l'occasion, avoir une expertise chimique ou
mécanique ou autre. A ce
moment, il y a quand même plusieurs éléments qui
interviennent. Il y a le DSC lui-même, sa juridiction. Quelle est la
limite de cette juridiction? Il y a la place de l'employeur ou encore
d'associations d'employeurs, d'associations sectorielles avec l'expertise
qu'elles peuvent fournir face à un problème donné ou
à un problème X dans tel type d'entreprises. J'aimerais, si
c'était possible, que vous repreniez un peu cet élément
pour qu'on puisse, somme toute, voir quelle est la démarcation
souhaitable dans les circonstances pour qu'on puisse l'éclaircir, parce
que c'est un des problèmes de fond et c'est un des problèmes que
plusieurs organismes qui auront à se faire entendre ici reprennent,
c'est-à-dire la démarcation qui est difficile à saisir
entre ces deux aspects.
Le ministre nous répond que l'article 93 tel que libellé,
dans l'esprit du gouvernement, dans l'esprit du législateur, de la
majorité qui a rédigé le projet de loi, couvre cela. Si on
reprend ensemble l'article 93; "le médecin responsable doit
élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de
santé et de sécurité, un programme de santé
spécifique à l'établissement et voir à sa mise en
application." Je pense que c'est tout à fait justifié. C'est,
entre autres, ce que nous, de l'Opposition officielle, avons demandé,
que le programme de santé soit ramené sur une base davantage
spécifique à l'entreprise ou à certaines catégories
d'entreprises, plutôt que d'adopter des normes minimales et de se limiter
à cela. Le gouvernement nous répond que cela couvre l'aspect de
la prévention et tout ce que cela peut impliquer. Nous n'en sommes pas
convaincus parce que à l'article 93 ce qui saute aux yeux
on fait référence immédiatement à un médecin
et, dans l'argument que vous invoquiez tout à l'heure, vous faisiez
allusion, à juste titre, à des spécialistes qui ne sont
pas nécessairement des médecins. Est-ce que ce serait possible de
préciser cela quitte à donner un exemple bien spécifique
que vous pouvez trouver dans une entreprise?
M. Fortin: Je ne sais pas si je dois répéter ce que
j'ai dit tantôt ou bien essayer de le redire d'une façon
différente. Les programmes de santé, c'est la définition
de "prévention" à laquelle il faut faire attention. Ce qu'on dit
chez nous de la prévention, pour ce qui est du programme de
santé, c'est le besoin de connaissances, entre autres, sur le volet
environnemental. Pour faire les programmes de santé, pour faire notre
action dans le domaine de la prévention, il est extrêmement
important de connaître quels sont les problèmes d'un milieu. Les
problèmes d'un milieu, ce sont les problèmes d'environnement
essentiellement. On a besoin de cette information. Cette information peut
être utile à d'autres aussi, à ceux qui ont à
intervenir directement dans la réparation ou l'amélioration du
milieu de travail comme tel, qui vont avoir la responsabilité de faire
cette réparation, cette amélioration du milieu. La connaissance
que pourrait apporter un expert comme l'hygiéniste industriel peut
être utile à différents partenaires. (15 h 30)
On dit: Pour pouvoir établir le lien essentiel entre la cause et
l'effet, ça nous prend cette expertise et ça nous la prend de
façon tellement marquée qu'on doit travailler ensemble. C'est
dans cet ordre qu'on demande qu'il y ait chez nous la possibilité
d'avoir ce type d'expertise. Ce n'est pas une demande de monopole. Cela ne veut
pas dire qu'il n'y en a pas d'autres qui en ont besoin et qu'il n'y en a pas
d'autres qui vont pouvoir l'utiliser ou qui devraient l'avoir. Je pense qu'il y
en a d'autres aussi qui devraient avoir cette expertise.
M. Pagé: D'accord. J'en conviens. C'est absolument
nécessaire si on veut vraiment avoir une solution de cause à
effet face à un problème donné. Mais cet hygiéniste
industriel, ce spécialiste qui sera en mesure de contribuer avec le
département de santé communautaire, le comité paritaire
local et tout pour dire: Ecoutez, le problème, c'est un problème
X, il sera sous la juridiction de qui? De l'employeur?
M. Fortin: L'hygiéniste industriel? En tout cas, pour nos
fonctions à nous, je pense qu'il est important qu'il soit sous notre
juridiction.
M. Pagé: Sous votre juridiction.
M. Fortin: C'est possible maintenant qu'il y ait, cela
dépend des besoins, dans des secteurs plus éloignés ou
selon les besoins... La dimension de régionalisation est une dimension
importante. Est-ce qu'on peut avoir un contexte régional qui fournisse
ces gens? Nous, on croit que le domaine de la régionalisation est
extrêmement important et on croit pouvoir l'offrir en ayant cet expert
chez nous, en ayant la dimension régionale et son utilité qui
pouvait être pratiquée au niveau des différents
départements de santé communautaire dans la région.
Si vous demandez: Est-ce que c'est possible, est-ce que c'est imaginable
que, dans certaines circonstances, vous soyez capables de travailler avec un
hygiéniste industriel qui ferait partie d'une organisation
régionale? On est obligé de vous dire oui, il y a moyen de le
faire.
Si vous me demandez: Quelle est la meilleure solution pour vous? Je vais
vous dire: Je pense que c'est tellement important, cette relation, on va devoir
travailler tellement proche que j'aimerais mieux, dans le fond, qu'il soit dans
le bureau à côté.
M. Pagé: D'accord. Les départements de santé
communautaire ont joué un rôle qui est très utile et je
tiens à vous rendre hommage ici. Depuis plusieurs années, vous
avez contribué à améliorer la santé publique dans
plusieurs régions du Québec. Vous avez pris connaissance du
projet de loi. Vous êtes à même de saisir toutes les
implications que ça peut comporter en termes de responsabilités
chez vous. Cela pourrait prendre combien de temps à se
concrétiser, tout ça? On se rappellera que vous avez quand
même eu une expérience avec l'intégration, chez vous, des
unités sanitaires,
qui jouaient un rôle peut-être modeste, mais quand
même leur rôle dans les entreprises et tout ça. A la
lumière de cette expérience, pouvez-vous évaluer le temps
qu'il faudra pour vraiment être en mesure d'offrir un service
adéquat, compte tenu des obligations auxquelles vous serez astreints par
le projet de loi no 17, s'il est adopté tel quel? Et on peut
présumer qu'il sera adopté avant les Fêtes.
M. Fortin: Evidemment, votre question est conditionnelle à
ce que la commission ou le projet de loi va nous demander de faire.
Ce qu'on peut vous dire, c'est qu'actuellement les départements
de santé communautaire sont tous engagés dans la voie de la
santé au travail. Ils ont tous du monde qui travaille là-dedans.
Il y a déjà des démarches qui sont faites pour mieux
connaître les entreprises, le type de problèmes auxquels on a
à faire face là-dedans. Il y a déjà des
démarches de faites. Il y a aussi déjà des
démarches de faites au niveau de certains problèmes
spécifiques d'entreprises. C'est un processus qui est engendré,
qui est déjà commencé, qui est en cours et qui est
d'autant plus facilité pour nous que ça entre carrément
dans l'approche qu'on utilise pour tous les autres programmes qu'on fait depuis
cinq ans. La réponse va dépendre des questions spécifiques
que vous pourriez me poser. Quand allez-vous réussir à
établir la problématique de Dominion Textile? Cela, c'est un
problème pratique.
Si vous voulez savoir quand on sera prêt à commencer et
quand on sera prêt à faire notre travail, je peux vous dire qu'on
l'a déjà commencé; c'est en marche et on n'a qu'à
le continuer et à l'intensifier.
M. Pagé: Concernant la recommandation 17, bien
spécifique, qui est un peu hors contexte, mais sur laquelle vous avez
insisté, je dois reprendre essentiellement... Je m'étais
préparé pour reprendre ce dont vous a fait part, en fait, le
ministre. Il m'apparaît, moi, que c'est un droit qui est tellement
fondamental qu'on ne peut, par une loi comme celle qu'on va adopter
éventuellement, en arriver à la conclusion à laquelle vous
arrivez la recommandation 17 à savoir que le droit de
refus de travailler accordé à un travailleur, conformément
à l'article 11, comporte une restriction afin que l'exercice de ce droit
ne puisse compromettre la vie, la santé ou la sécurité
d'un ou de plusieurs bénéficiaires.
De notre côté, on a la même opinion là-dessus
que le ministre et, pour une fois, on s'entend, au moins, pour ça. C'est
un droit qui est tellement...
M. Marois: II y a toujours ça de pris.
M. Pagé: II y a toujours ça de pris. C'est un droit
tellement fondamental. C'est un réflexe tout à fait naturel. Je
ne pense pas que le législateur, même s'il était unanime
sur une question pourrait intervenir et ce ne serait, somme toute, pas
concluant de légiférer, en tout cas, tout au moins avec ce
libellé avec les restrictions que cela peut impliquer.
C'était là l'essentiel des questions que j'avais à
vous poser. Plusieurs des commentaires qu'on voulait formuler ont
été repris par le ministre. Messieurs je vous remercie beaucoup
de la teneur de votre mémoire. Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Je me limiterai
simplement à une brève question compte tenu des
éléments de discussion qui ont déjà eu cours. A la
page 12 de votre mémoire, vous dites ceci: "Dans un même ordre
d'idées, il nous semble tout 3ussi important d'associer
étroitement dans le cadre des programmes de santé un programme de
surveillance épidémiologique. Ce programme permettrait aussi de
suivre collectivement l'évolution de l'état de santé des
travailleurs d'une entreprise donnée, compte tenu des facteurs de
risques affectant globalement cette population de travailleurs." Cela rejoint
un peu les préoccupations qui ont été mentionnées.
J'aimerais savoir de quelle façon, sur le plan opérationnel,
cette approche peut s'effectuer de la part de vos organismes? Cela
implique-t-il au point de départ l'intrusion dans le domaine de
l'analyse de tâches, des situations de toutes les entreprises dans une
région donnée localement? Est-ce dans ce sens-là que vous
voyez une approche globale et complète de l'ensemble des entreprises
oeuvrant sur votre territoire?
M. Pleau: Les départements de santé communautaire
il faut bien les situer c'est une bibite assez
particulière au Québec. Cela couvre un territoire très
précis. C'est très délimité au point de vue
géographique. C'est une première remarque qui est bien
importante. L'obligation qu'ont les départements de connaître leur
territoire et leur population à partir de l'enfant comme de l'adulte, de
la personne âgée, des travailleurs, des usines, ce travail s'est
fait dans la plupart des départements qui sont à l'action, quand
même, depuis cinq ou six ans. Ils ont déjà une bonne
collecte de données sur le plan départemental. On n'avait pas
d'action, tel que prévu dans le projet de loi no 17 sauf exception, mais
il y a dans la région qu'on connaît le mieux, celle de
Québec, un travail d'analyse de ce qui existe dans notre territoire,
dans le territoire d'un département, celui de l'Enfant-Jésus
où le Dr Fortin oeuvre ou celui où j'oeuvre, Saint-Sacrement,
c'est déjà connu. Je peux vous dire quelles sont les entreprises,
quel genre d'entreprises, combien de personnes là-dedans et quels sont
même un certain nombre de facteurs de risques dans la ville de
Québec actuellement. C'est déjà connu sauf que quand on
s'occupe de cela, il y a un élément bien important à mon
point de vue et c'est celui qui est prévu dans la location des
ressources. Il est bien clair qu'il faut y aller à la petite
cuillère parce qu'on travaille sur des populations qui varient
habituellement entre 150 000 et 200 000
personnes sauf deux ou trois départements qui sont un peu plus
petits, mais les populations urbaines je parle même de la
région de Montréal dépassent, atteignent dans
certains cas 300 000 personnes. La connaissance de la population et des
entreprises qui y oeuvrent est extrêmement importante. C'est de la plus
haute importance. Je dirais que dans beaucoup de départements de
santé communautaire, ce travail de collecte de données, de
connaissance du milieu, est déjà fait.
M. Brochu: ... pratique, efficacité à court terme,
seriez-vous prêt à fonctionner beaucoup plus rapidement et
beaucoup plus efficacement qu'un organisme qu'on devrait créer
régionalement ou qu'on devrait alimenter d'une façon nouvelle
dans d'autres responsabilités, advenant le cas où on
décide de confier cela à d'autres organismes régionaux,
par exemple? C'est ce qu'on doit comprendre de vos propos, à condition
évidemment vous parlez des budgets de prolonger...
M. Pleau: De par la nature des choses, on est un organisme
à dimension régionale ou sous-régionale, mais
régionale quand même d'une façon importante, au moins
sous-régionale. On est un organisme à dimension
sous-régionale actuellement.
M. Brochu: D'accord. Merci.
Le Président (M. Marcoux): J'ai dans l'ordre le ministre
des Affaires sociales, Mme le député de L'Acadie et
j'aperçois le député de Pointe-Claire qui
désirerait poser une question. Comme il n'est pas membre de la
commission, je demanderais s'il y a consentement pour que le
député de Pointe-Claire puisse faire partie de nos travaux.
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Marcoux): Oui? Alors, M. le ministre des
Affaires sociales.
Une Voix: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette...
M. Lazure: M. le Président, je veux...
Le Président (M. Marcoux):... soyez prudent. J'aurai
à faire la même intervention tantôt parce que vous
n'êtes pas membre de la commission.
M. Lazure: Et en plus, il n'est pas sage.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez été
remplacé parce qu'on nous avait informés que vous étiez
dans un état lamentable.
M. Lazure: Que la fin de semaine n'était pas finie.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez eu des
problèmes de sécurité au travail et...
M. Chevrette: Non, non. C'était une sécurité
routière.
Le Président (M. Marcoux): C'est cela. C'était la
sécurité au travail, je présume. Tantôt, on fera la
même opération, si vous le voulez bien.
M. Chevrette: C'est démodé, l'histoire du gars qui
a un accrochage et qui ne se rend pas au travail.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que votre dossier va
être divulgué?
M. Chevrette: Cela existait il y a quelques années; on
s'est départi de cela le 6 novembre.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je vais, moi aussi,
remercier et féliciter l'Association des hôpitaux et le groupe des
directeurs de département de santé communautaire pour la
qualité de leur mémoire.
J'ai quelques questions assorties de quelques commentaires. D'abord, un
commentaire pour faire suite aux remarques qui ont été
échangées tantôt. La préparation du
département de santé communautaire à la mise en
application de la future loi est commencée depuis quelques
années, de façon modeste, de façon quand même
progressive et, comme le Dr Fortin le disait tantôt, il y a, dans chaque
département de santé communautaire, quelques personnes qui ont
pour tâche de s'occuper exclusivement de santé et de
sécurité au travail. Nous avons bien l'intention, au
ministère des Affaires sociales, de continuer indépendamment de
la contribution et du concours de la future commission. Pour nous, cela fait
partie au même titre que la santé des écoliers
des obligations de notre ministère vis-à-vis de la
santé du public.
Je vais m'arrêter à ce qui constitue peut-être le
fondement de votre intervention, le souhait que vous formulez de voir une
meilleure coordination entre les programmes de santé et les programmes
de prévention. Je ne peux qu'endosser les commentaires de mon
collègue. Il est bien évident qu'à l'article 93, quand on
parle d'un programme de santé spécifique à
l'établissement, cela inclut tous les aspects de prévention, et
peut-être y aurait-il avantage que ce soit précisé. On ne
peut pas concevoir un' programme de santé, en milieu de travail,
efficace pour les travailleurs sans tenir compte du milieu. Si je me reporte
à mes souvenirs psychiatriques ma collègue de L'Acadie va
aussi se reporter à ses souvenirs on parlait de thérapie
par le milieu l'expression anglaise, le "milieu therapy" - et je pense
qu'il serait illusoire de prétendre améliorer la santé des
travailleurs sans exercer une action énergique sur le milieu de tra-
vail. Dans ce sens, on partage entièrement vos suggestions, on
les endosse.
Je voudrais, de façon plus précise, avoir vos
réactions sur une technique qui existe dans certains pays
européens, en France notamment, par laquelle on demande aux
médecins du travail de passer un pourcentage de son temps sur le lieu de
travail, dans le milieu; en France, je pense que cela va jusqu'au tiers du
temps. Le médecin qui travaille à temps complet dans une
entreprise doit passer jusqu'au tiers de son temps, non pas à examiner
des travailleurs, mais à examiner le milieu, et cela existe dans
plusieurs pays.
Je me demande si vous aviez en tête, par exemple, ce genre de
techniques qui peuvent être utiles pour bien marquer l'importance que le
législateur ou le médecin du travail accorderait à
l'influence du milieu.
Une deuxième question en rapport avec cela, à la
recommandation 12, vous proposez que les autres établissements de
santé et les cabinets de médecin, pour qu'ils puissent offrir des
services dans le cadre du programme de santé de l'entreprise, soient
liés contractuellement avec le DSC, etc. Est-ce qu'on doit comprendre,
à ce moment-là, que les médecins en cabinet, ou le
médecin de famille si vous voulez, serait non seulement appelé
à exercer une action clinique auprès du travailleur, de la
travailleuse pour un examen en cours d'emploi ou un examen préembauche,
mais que ce médecin ou ce cabinet de médecin aurait aussi
à jouer le deuxième rôle dont on parlait tantôt,
c'est-à-dire la surveillance de l'environnement, du milieu?
Si c'était cela, j'y verrais certains inconvénients. Je
pense qu'il serait plutôt souhaitable que le cabinet de médecin
puisse intervenir, par voie de contrat, avec le département de
santé communautaire, mais dans une action qui serait située plus
au niveau clinique qu'au niveau du milieu de l'environnement.
Finalement, ma troisième remarque touche la recommandation no 14
où vous souhaitez qu'on introduise la notion d'autres agents agresseurs.
Là aussi, je me réfère à certaines autres lois
où on parle nommément d'agents agresseurs à composantes
psychosociales, composantes psychologiques, composantes sociales. Encore une
fois, bien entendu, dans l'esprit de tous ceux qui ont travaillé
à ce projet de loi, il est bien sûr qu'i ne s'agit pas seulement
d'agents agresseurs physiques, matériels, mais qu'il puisse s'agir aussi
d'agents agresseurs psychologiques ou sociaux ou environnementaux, si vous
voulez.
Je serais curieux de voir ce que vous aviez en tête lorsque vous
nous suggériez d'ajouter d'autres agents agresseurs.
M. Pleau: A la première question du médecin en
milieu de travail, je pense qu'on peut répondre oui; il reste que vous
êtes certainement plus au courant que nous. En fait, qu'il y ait un lien
direct entre le médecin et le milieu de travail, dans le cadre d'un
projet de loi comme celui-là, c'est bien clair, cela nous paraît
assez évident. Ce que vous avez en tête, je vous retourne la
balle, il est possible que cela fasse l'objet de négociations avec les
divers groupes au cours des prochains mois, parce que c'est faire fonctionner
quand même un médecin d'une façon différente; alors,
cela peut faire l'objet de discussions ou de négociations.
Mais, sur le plan strictement de l'application de la loi, il semble
assez évident que le médecin et le milieu de travail doivent
être assez étroitement reliés. Peut-être que le Dr
Fortin ou le Dr Cadieux aurait un commentaire à ajouter
là-dessus.
M. Fortin: Je pense qu'il est important, à ce niveau-ci,
de réaliser qu'il y a différents niveaux d'intervention. Le
médecin responsable, c'est une entité et, dans la loi, on parle
d'autres médecins que le médecin responsable. Pour ce qui est du
médecin responsable, c'est fondamental qu'il connaisse le milieu de
travail, qu'il vive dans le milieu de travail jusqu'à un certain point
et qu'il sache exactement ce que c'est. Quand vous dites que, dans certains
pays européens, les médecins vont visiter les entreprises
régulièrement, pour ces médecins, c'est fondamental qu'ils
le fassent. Ils doivent connaître le milieu, les conditions de travail,
quelle est exactement la problématique, et les gens qui sont
là-dedans, qu'est-ce qu'ils vivent? Il n'y a pas seulement la
théorie, il y a l'élément pratique qui est
extrêmement important.
On dit cela du médecin responsable. Pour ce qui est des autres
médecins dont on parle, je pense qu'à ce moment-là il y a
quand même des possibilités, selon les types d'intervention
possibles. Plus le médecin va être impliqué dans le domaine
d'une entreprise ou plus la problématique de son patient va être
complexe, plus il devrait être impliqué au niveau de l'entreprise.
Si c'est un médecin qui a comme patient, je ne sais pas quel genre
d'exemple je pourrais donner, mais quelqu'un qui vit dans un milieu qui est
relativement sain, un milieu très simple, une petite entreprise
privée, il n'y a à peu près pas de problème,
à ce moment-là; exiger qu'il aille visiter une fois par semaine
l'entreprise du gars, c'est peut-être aller un peu loin.
Il y a une certaine souplesse à garder, mais il est important de
conserver dans l'idée que plus tu es impliqué en fonction du
milieu de travail, plus tu as de chances de faire un travail adéquat.
Plus tu vas avoir un problème qui est complexe dans le domaine de la
santé au travail, plus il est important que tu sois impliqué dans
le milieu de travail. C'est peut-être le genre de réponses que
j'aurais tendance à vous faire. Mais ce n'est pas nécessairement
catégorique pour tout le monde; dès que tu vas avoir un patient
qui va travailler quelque part, c'est 40% de la population, tu vas être
obligé de faire le tour de toutes les entreprises. Cela dépend de
la sorte de patient, de la sorte de travail qu'ils font et quelle est la
responsabilité de ce médecin par rapport à ça.
M. Lazure: M. le Président, la recommandation 12, de
façon plus précise, dans votre esprit, est-ce que les cabinets de
médecins je reviens à ma question interviendraient
autant au niveau
du programme de santé proprement dit qu'au niveau de la
surveillance du milieu? Surveillance médicale seulement ou surveillance
médicale et surveillance du milieu?
M. Pleau: Je pense bien qu'il y a quand même un cadre
général à la recommandation no 12. L'objectif ultime de la
recommandation no 12 est la promotion de la santé, alors, c'est
d'utiliser au maximum les ressources qu'on a sur le territoire. Les 32
départements ne sont pas organisés de la même façon,
on ne peut pas envisager toutes les possibilités du fonctionnement dans
l'application d'une telle loi, mais il ne faut quand même pas
négliger une ressource que nous aurions. Je pense que si, demain matin,
on a à fonctionner... Pour un secteur que je suis allé visiter il
n'y a pas tellement longtemps, la baie James. Havre-Saint-Pierre, ou
Blanc-Sablon, l'approche qu'on peut faire du fonctionnement ou de ce qu'il faut
faire pour l'application d'une telle loi est assez différente de celle
qu'on peut avoir à Montréal.
Alors, la recommandation no 12, sur un plan général,
était d'utiliser au maximum l'ensemble des ressources qu'on a sur un
territoire de département de santé communautaire.
Y a-t-il des commentaires de la part du Dr Cadieux ou du Dr Fortin?
M. Fortin: Non. M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Vous nous disiez,
tout à l'heure, que vous aviez commencé à examiner les
entreprises dans les différentes régions desservies par les
départements de santé communautaire. Est-ce que vous auriez une
statistique quelconque, à savoir quel est le pourcentage des entreprises
qui, par régions données, ont été
étudiées? Existe-t-il des chiffres ou si vous dites simplement,
comme le disait le ministre des Affaires sociales: La santé des
travailleurs, c'est devenu maintenant une préoccupation des
départements de santé communautaire? Je m'excuse de mon
ignorance, mais y a-t-il des choses officielles qui existent? Je ne les
connais, pas, mais j'aimerais bien les connaître, parce que je pense que
ça pourrait nous être utile ultérieurement.
M. Pleau: Je pense que, d'un département de santé
communautaire à l'autre, c'est assez différent; du travail
d'ordre pratique, c'est beaucoup plus dans la collecte de données et
dans la collecte d'un certain nombre de facteurs, d'agents agresseurs ou de
certaines études qui ont été faites sur un plan global.
Sauf exception, dans les cas bien précis, c'est là qu'on recoupe
l'article 18. C'est bien important parce que le chef du département de
santé communautaire, c'est un médecin hygiéniste: Alors,
quand on dit que ce bonhomme avait le droit d'accès à
l'intérieur d'une entreprise, de temps en temps, je pense qu'il a eu
accès à l'entreprise par le biais de l'application de cette loi.
Ce sont des cas particuliers que j'ai en mémoire, mais, de façon
générale, de dire quelle est la situation globale à
travers les 32 départements, je ne pourrais pas vous donner de
réponse. Je pourrais peut-être passer le micro au Dr Fortin ou au
Dr Cadieux, qui sont des chefs de département, qui vivent les
problèmes quotidiens du fonctionnement de départements.
M. Fortin: En fait, ça varie d'un département
à l'autre; c'est souvent en fonction des besoins. Il y a certaine
secteurs où on a besoin d'actions beaucoup! plus précises dans un
domaine donné, pour unei entreprise donnée, qui demande
énormément ({l'énergie et, en fonction des ressources
disponibles, on est obligé de mettre des priorités dans ce
secteur. Mais je peux dire que, en général, au moins au niveau de
la meilleure connaissance du type d'entreprise qui est là et d'un
travail de débroussaillage du type de problème qu'on peut
rencontrer dans ces entreprises, ce travail a été fait ou est en
train d'être complété dans la majorité des DSC.
Ce sont des résultats qui sont quand même sommaires; on ne
pourra pas arriver avec des statistiques demain matin, si vous voulez savoir
combien il y a de travailleurs affectés au bruit pour tel
département de santé communautaire et dans quel secteur; on n'est
pas encore rendu là. Cela demande beaucoup de travail et surtout une
coordination dans le travail et c'est en train de se développer.
Mme Lavoie-Roux: Je vais prendre un cas très concret;
prenez votre département de santé communautaire qui aurait
été le plus intéressé à ce domaine de la
santé au travail, qui aurait consacré une part importante de ses
activités à ce domaine. Aurait-il réussi à faire
l'analyse de 60%, 75% ou 80%? Je ne vous demande pas un chiffre que vous
puissiez me garantir de façon formelle, mais au moins, est-ce que vous
pouvez m'assurer, en me donnant au moins un ordre de grandeur, que dans telle
région on a pu évaluer les besoins de toutes les entreprises de
dix employés et plus, tel que le prévoit la loi, vu que,
finalement, une entreprise avec dix employés et plus pourrait demander
un comité paritaire, etc. C'est pour savoir... Je sens que les
départements de santé communautaire sont
intéressés. Mais entre cela et venir à l'application d'une
loi qui demanderait, disons, d'ici cinq mois ou d'ici six mois, un travail
d'envergure pour les départements de santé communautaire, dans
quelle mesure seriez-vous capables de vous en acquitter quand même d'une
façon satisfaisante même avec un délai, disons, d'un an,
parce qu'il serait possible qu'il y ait un délai avant que la loi soit
mise en vigueur, etc? En fait, il y a deux questions! dans le commentaire que
je viens de faire.
M. Cadieux (Roger): Depuis quelques années, les
départements de santé communautaire avaient déjà ce
mandat, mais, au point de vue des res-
sources, je pense que ce n'était pas tellement
développé. Il y avait une ou deux ressources. L'infrastructure
est dans le département. Il y a des agents de recherche qui sont en
place depuis quelques années, qui sont en train d'identifier les
problèmes de chacun des départements, de beaucoup de
départements de santé communautaire, quoique émettre une
statistique précise, ce serait difficile. Je peux vous dire que, chez
nous, on a pénétré à peu près dans
l'ensemble des entreprises du territoire et qu'on y est allé sur deux
volets, soit le volet de se renseigner, de connaître les populations
à risque et aussi on y est allé à l'occasion de
problèmes très spécifiques. Mais les ressoures
allouées n'étaient quand même pas très nombreuses
encore.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce serait correct de déduire
de ce que vous venez de répondre que, pour vraiment passer à
l'action sur une grande échelle et vraiment couvrir, cela prendrait des
ressources supplémentaires importantes pour les départements de
santé communautaire?
M. Cadieux: Dans ce domaine, je pense que oui et même le
livre blanc prévoyait certaines ressources en normes par tant
d'employés, en fonction des facteurs de risque, oui. Je pense qu'il va
falloir augmenter les ressources.
Mme Lavoie-Roux: Deuxième question: Vous avez parlé
tout à l'heure de cette collaboration avec le spécialiste en
hygiène industrielle. On a un peu discuté à savoir s'il
devrait être inclus dans votre équipe, etc. La question
précise que je voudrais vous poser est la suivante: Qu'il soit
intégré ou non à votre équipe ou qu'il fasse partie
d'une structure régionale, vous avez besoin de lui évidemment
pour acquérir la connaissance du milieu. Mais, une fois que vous avez
obtenu ces données que cette personne-ressource peut vous procurer,
croyez-vous qu'il est de votre initiative ou de votre responsabilité
d'entreprendre les recherches supplémentaires ou complémentaires
qui devraient être faites pour tenter de solutionner un problème
ou si ceci devrait relever d'autres ressources ou d'autres instances?
M. Cadieux: Vous voulez dire pour la réalisation du
programme.
Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire une fois que vous avez les
données d'un problème, que ces données vous ont
été fournies par l'hygiéniste ou le spécialiste en
hygiène industrielle et que ceci nécessite de la recherche
ultérieure pour appliquer les bons remèdes, par exemple, pour
faire des études plus complètes, est-ce que ces études ou
cette recherche devraient être sous la responsabilité du DSC ou
rester la responsabilité de la commission, par exemple?
M. Fortin: Cela dépend du type de recherche dont vous
parlez. Pour ce qui est de la recherche de la relation de cause à effet,
si on veut, ou de la relation entre ce qui se passe dans l'environnement et ce
qui se passe au niveau de la santé des gens, à ce niveau c'est
extrêmement important qu'elle soit faite. Maintenant, vous avez de la
recherche strictement fondamentale qui peut être faite à des
niveaux, comme on dit, supérieurs, soit universitaire ou au niveau de
commissions, si vous voulez, mais surtout au niveau des universités. A
ce moment, ce n'est pas le genre de recherche dans lequel on aurait tendance
à se lancer beaucoup parce que cela demande des gens
superspécialisés, cela demande beaucoup d'argent, cela demande un
protocole qui exige énormément de temps. Notre recherche serait
beaucoup plus pra-tico-pratique à partir des problèmes pour
être capable réellement de pouvoir analyser les données
qu'on a et de faire des liens entre les différents types de
données qu'on peut avoir pour déterminer jusqu'à quel
point le problème est relié à une cause ou non ou
jusqu'à quel point une cause produit un problème ou non. C'est
une recherche qui est de dimension moins universitaire, mais il y a une
dimension extrêmement importante qui doit être faite. Je ne sais
pas si cela répond à votre question. (16 heures)
Mme Lavoie-Roux: Oui. Evidemment, je pense que ce sont toutes des
zones grises. J'ai l'impression que les départements de santé
communautaire sont à réfléchir là-dessus, se sont
déjà impliqués au point de vue du traval, mais il reste
encore beaucoup de limites à définir quant aux
responsabilités respectives de chacun. Enfin, c'est un commentaire que
je fais. Ce n'est peut-être pas le vôtre.
M. Fortin: J'aimerais pouvoir continuer là-dessus. La
dimension recherche, tout dépend de la définition qu'on lui
donne.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Fortin: Quand on dit que dans la fonction santé
publique, on doit connaître les besoins,,il y a une dimension recherche
là-dedans qui est fondamentale. On doit essayer de savoir quels sont les
problèmes, à quel endroit, quelle est la distribution des
problèmes, quels sont les facteurs qui peuvent provoquer ces
problèmes. Pour moi, c'est une dimension recherche. Je ne sais pas si,
dans votre esprit, c'est le même type de recherche dont on parle.
Mme Lavoie-Roux: Vous, c'est au point de vue de l'application
finalement que vous essaieriez de trouver des solutions?
M. Fortin: C'est de faire des liens globaux entre des
données d'un côté et des données de l'autre pour
voir s'il y a des relations entre cela et quels sont les éléments
qui expliquent les liens qu'il peut y avoir entre ces deux. C'est le type de
recherche qu'on doit faire et qu'on est habitué de faire au niveau des
autres programmes aussi comme au niveau de la santé au travail.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, parce que le temps
passe.
Le Président (M. Marcoux): Sur la même question, il
y a un monsieur qui voulait ajouter quelque chose. Voulez-vous vous identifier
pour le journal des Débats, s'il vous plaît?
M. Pellan (Gaston): Gaston Pellan. Madame donne l'impression que
c'est un peu flou dans notre esprit. Il y a sûrement des points flous
pour tout le monde dans le projet de loi, puisqu'on ne connaît pas les
règlements. Les règlements auraient vraiment donné plus de
précision.
Pour répondre à madame, je donne un exemple pratique: Si
un hygiéniste découvre qu'une machine dans une industrie fait
trop de bruit, il va déceler le problème, mais ce n'est pas le
département de santé communautaire qui va réparer la
machine. On va faire la recherche, mais on ne deviendra pas un ingénieur
industriel pour commencer à analyser le fonctionnement d'une
pièce d'équipement en vue de faire une suggestion. A ce moment,
vous tombez dans un élément recherche qui va relever d'un autre
organisme...
Mme Lavoie-Roux: Oui, de l'ingénierie ou de
d'autres...
M. Pellan: ... mais le département de santé
communautaire va se rendre jusqu'à la découverte de la cause, du
problème, de l'effet, mais après cela, il va mettre en branle
d'autres organismes. On ne fera pas de mécanique.
Mme Lavoie-Roux: Celui qui aurait juridiction sur les correctifs
à apporter à ce moment, serait?
M. Pellan: L'employeur et la commission,
éventuellement.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Une dernière question. Ce
matin, le ministre a fait beaucoup état de l'article 32, retrait
préventif de la travailleuse enceinte. Evidemment, on sait que cela fait
un peu partie de la stratégie du gouvernement de bien traiter les femmes
de ce temps-ci. Je voudrais vous demander ceci: Vous autres qui avez tant...
Pardon?
M. Chevrette: Vous devriez au moins vous en réjouir!
Mme Lavoie-Roux: On reviendra là-dessus! Si vous voulez
vous placer de l'autre côté, je vous questionnerai.
M. Chevrette: Cela vous attriste...
Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de l'expérience que les
départements de santé communautaire ont eue,
particulièrement auprès des femmes enceintes, des soins
prénataux, etc., est-ce que l'article tel qu'il est rédigé
je parlerai même de tout le sous-chapitre 3 est-ce que vous
croyez vraiment que c'est suffisant pour protéger des dangers que
peuvent encourir les femmes enceintes dans un environnement qui n'est pas
adéquat? Est-ce qu'au niveau des connaissances qu'on a vis-à-vis
le développement de la grossesse, la progression de la grossesse, ceci
est suffisant pour vraiment protéger la femme enceinte ou est-ce que
cela n'est pas vraiment trop vague? Enfin, est-ce que vous croyez qu'avec les
connaissances que nous avons actuellement, ceci est suffisant pour
protéger les femmes enceintes, qu'à un moment donné, elles
disent: Ma santé est menacée, je veux avoir un autre emploi. Je
pense particulièrement à tous les facteurs de l'environnement,
peut-être plus qu'aux efforts physiques qu'une femme pourrait être
appelée à faire. Est-ce qu'au niveau des connaissances que nous
avons actuellement on peut assurer que la femme enceinte, dans son milieu de
travail, est vraiment protégée?
M. Fortin: J'ai l'impression que c'est un article qui... On dit
que la femme enceinte qui travaille dans un établissement et qui fournit
à l'employeur un certificat médical attestant que les conditions
de son travail comportent des dangers... La question que vous posez, c'est:
Est-ce qu'on a assez d'information pour savoir si ça comporte des
dangers ou non? Là-dessus, je vais vous dire: Cela dépend qui va
signer le papier. C'est un peut ce qui touchait la recommandation dont on a
parlé, ce qui n'enlève pas la nécessité d'avoir un
dialogue entre le médecin traitant comme tel et le médecin de
l'entreprise. Je pense que c'est fondamental, quand elle a un certificat
médical, elle peut demander que ce soit changé. La façon
dont vous posez la question, j'ai l'impression que vous me demandez si cela
n'est pas suffisant, devrait-on dire: toutes les femmes enceintes devraient
arrêter de travailler ou devraient demander de faire autre chose? Est-ce
que la question que vous posez va jusque-là?
Mme Lavoie-Roux: Vous avez quand même des connaissances,
j'imagine, sur les dangers de l'environnement qui ne sont pas
nécessairement reliés à l'effort physique, mais qui sont
reliés aux conditions de pollution, au gaz toxique, au produit de
contamination, etc., il y a un tas de facteurs qui interviennent sur la
grossesse d'une femme. Cela peut peut-être venir jusqu'à ce point,
à savoir que dans certaines industries, quand une femme est enceinte,
elle doit être mise en congé. Est-ce que vous avez assez de
connaissances là-dessus pour pouvoir di;re: Vraiment, cela est suffisant
pour protéger la femme enceinte?
M. Fortin: Je pense que l'article le permettrait, à la
rigueur. C'est le certificat médical qui atteste si les conditions de
son travail comportent des dangers. Les conditions, ça veut dire quoi?
Cela peut être fair qu'elle respire dans son milieu de travail. Cela peut
être très large comme définition. Tout est fonction des
connaissances qu'on a; et je ne sais pas! comment on peut aller plus loin que
ce qu'on sait. J'ai un peu de misère à comprendre...
M. Pleau: L'élément important de cette clause, pour
moi, de la façon qu'elle est rédigée, c'est d'affecter la
personne à des tâches autres que celles qu'elle faisait, parce
que, très souvent, les conventions collectives couvrent la travailleuse
enceinte. Mais, déplacer pour des tâches différentes, c'est
peut-être moins fréquent dans bien des conventions
collectives.
Or, là, on dit très clairement que s'il y a des risques,
on peut la déplacer. Cette partie, en tout cas, m'apparaît assez
importante quant au contenu du projet de loi lui-même. Parce que,
relativement à la travailleuse enceinte, vous avez les normes de travail
minimales où ça va apparaître. Dans notre secteur, des
clauses existent depuis peut-être une dizaine d'années
relativement à la femme enceinte, mais d'être affectée
à des tâches autres, ça, c'est assez nouveau, s'il y a
risques, par rapport à ce qu'elle fait. C'est la recherche par
l'employeur de trouver un job à une femme qui ne veut pas quitter
nécessairement son travail parce qu'elle est enceinte. Cela
m'apparaît important.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous admettez qu'il y a de la place pour de
la recherche supplémentaire dans ce domaine, à savoir quels sont
les risques véritables et à quel moment ils peuvent affecter la
femme enceinte.
M. Pleau: Les conditions qui prévalaient... Evidemment, je
ne peux pas poser en expert pour tout ce qui existe de conventions, moi.
Habituellement, en termes de mois, il y a un nombre de mois
déterminé où la femme doit nécessairement quitter
son travail. Elle peut quitter en tout temps s'il y a danger. Là, on
ajoute d'autres éléments pour la femme enceinte. Ce sont des
éléments nouveaux, quant à moi.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. J'aimerais entendre vos
commentaires sur les articles 7 et 8, parce que je suis très craintif
à savoir que vous cherchez trop de pouvoir dans le domaine... sous le
contrôle du personnel qui est impliqué dans l'hygiène
industrielle.
Par exemple, nous avons maintenant des employeurs de ces personnes qui
sont soit des syndicats ou des employeurs. Mais, à l'article 7, vous
voulez contrôler tous les gens qui sont dans ce milieu
présentement.
Deuxièmement, vous voulez même contrôler les
médecins qui sont employés dans ce milieu, à l'article 8,
vous demandez le contrôle sur le choix d'un médecin dans ce
milieu, au lieu de le laisser aux syndicats ou aux employeurs.
Pouvez-vous me donner des explications quant à ce contrôle
qui, à mon avis, est pas mal fort?
M. Pleau: En fait, nous disons que les recommandations 7 et 8...
Prenons la recommandation 7, parce qu'elle recoupe la recommandation 8. A la
recommandation 7, par rapport avec tout ce qui s'est dit et tout ce qui est
discuté, on reprend un peu l'argument qu'on a soulevé au
début. Le département de santé communautaire peut
être un élément de solution au problème que
pourraient poser le personnel médical et le personnel paramédical
en vue de l'adoption de ce projet de loi. Cela ne veut pas dire que c'est la
seule solution. C'est une solution parmi d'autres. Encore là je
l'ai dit d'après moi, la recommandation 7 est une mesure
transitoire. On la verrait plus dans un thème de mesures transitoires au
fur et à mesure que les gens auraient réussi à mettre en
place les mécanismes qu'il faut pour s'organiser, je pense qu'on peut
sortir assez facilement. Prenons l'exemple des CLSC. Il est censé y en
avoir quelque 200 dans le territoire. Il y en a 80. C'est sûr que cela
pourrait être un agent intervenant. Il y a peut-être bien d'autres
gens aussi qui peuvent être agents intervenants. Ce que nous disons,
c'est de faire en sorte que la recommandation 7 soit une recommandation qui
puisse aider ou faciliter l'application de l'éventuelle loi.
M. Shaw: Vous dites ici que le personnel médical ou
paramédical de chaque entreprise devrait être sous
l'autorité de votre groupe. Pour quelle raison? Si cela fonctionne bien
comme chez General Motors par exemple, leur entreprise est bien meilleure que
la vôtre. Il n'est pas question de... Vous êtes des
débutants dans ce domaine et ils sont des experts depuis une vingtaine
d'années. Je trouve incroyable que vous ayez besoin d'avoir
l'autorité sur ces gens.
M. Pleau: II faut tenir compte d'un ensemble de facteurs. Vous
donnez l'exemple de General Motors, mais il faudrait peut-être que vous
considériez l'ensemble des entreprises que l'on a au Québec,
elles ne sont pas toutes des General Motors. Il existe plusieurs entreprises
où il n'y a pas de médecin. Si General Motors est suffisamment
avancée et évoluée en termes d'organisation de
santé au travail, tant mieux, parce que le département de
santé communautaire où se trouve la GM, ira probablement les
voir. On peut parler également d'une notion de contrat de services et
d'autres éléments. C'est de faire en sorte que les gens puissent
profiter de leur expertise. Si GM a une expertise telle... Je connais d'autres
entreprises qui, sur le plan de la santé, on aurait à apprendre
d'elles et j'espère que les départements où elles oeuvrent
vont apprendre. La question de l'autorité en soi, c'est de recouper
l'ensemble du portrait. Quand on dit qu'on applique la loi, c'est pour dix
travailleurs et plus. Pour nous, on dit: Le cheminement du département
de santé communautaire, ce serait peut-être une façon
élégante d'introduire ce projet de loi à travers la
province, par le biais des 32 départements. Quand on dit: Ils devront
être sous notre autorité, c'est tout simplement de vivre dans un
encadrement que beaucoup de gens connaissent actuellement. Un médecin
qui entre dans un hôpital sait ce qu'il doit faire. Il sait qu'il doit
s'encadrer, qu'il doit respecter un certain nombre
de choses. C'est ce qu'on propose aux recommandations 7 et 8. C'est de
s'embarquer finalement dans une structure ou dans quelque chose que les gens
connaissent, et particulièrement le personnel médical. Si, pour
un certain temps on doit agir de cette façon, afin de réaliser le
projet de loi pour l'ensemble, ce sera fait, mais on ne tient pas à ce
que ces gens-là soient sous l'autorité pour les dix prochaines
années... Ce n'est pas cela. Ce que nous voulons finalement, c'est de
permettre que ce projet de loi puisse s'appliquer plus facilement pour
l'ensemble des entreprises et d'utiliser une expertise qu'on a
déjà en partie dans certains secteurs donnés ou dans
certains programmes.
M. Shaw: Mais combien en avez-vous qui oeuvrent
présentement? Prenons la ville de Québec. Si cette loi est en
vigueur demain, cela va-t-il impliquer des coûts incroyables pour
chercher les gens dont vous avez besoin pour soigner toutes ces entreprises ou
est-ce meilleur pour le gouvernement d'exiger que chaque compagnie ait un plan,
puis qu'elle cherche l'expertise elle-même pour que le coût de
cette mise en place ou mise en vigueur de ce projet de loi ne soit pas
assumé par les contribuables. (16 h 15)
M. Pleau: En fait, c'est ce qu'on recommande, dans le fond,
d'utiliser au maximum les ressources qui existent présentement dans le
réseau et de faire la distinction entre le préventif et le
curatif; on n'ira pas soigner, par le biais du département de
santé communautaire, l'ensemble de tous les travailleurs, ce n'est pas
le cas.
M. Shaw: Deuxièmement, à l'article 8, vous
suggérez d'avoir le droit de nommer un médecin responsable, et il
serait tout simplement refusé s'il était démontré
qu'il est incapable. Pensez-vous qu'il est plus juste de laisser le choix aux
employeurs, puis vous avez seulement le droit de refuser d'accepter quelqu'un
ainsi si vous pouvez démontrer qu'il n'est pas capable? Je vois qu'on
sourit, et je vois aussi qu'il y a une crainte, parmi tous les médecins,
qu'on commence à créer un autre empire du pouvoir dans les DSC,
et vous le savez très bien. Quand vous avez de telles interventions, on
le voit, vos collègues dans la pratique de médecine commencent
à réagir. Ils sont craintifs des pouvoirs gouvernementaux et vous
êtes un bras du gouvernement.
Chaque fois que vous demandez le contrôle, vous cherchez des
craintes parmi vos collègues dans la médecine.
M. Pleau: Les médecins, à mon point de vue, ne
devraient pas être opposés à cela parce que, dans le fond,
la mécanique qu'on propose en est une où c'est fondamentalement
des médecins.
M. Shaw: Oui, d'accord, mais les médecins qui...
M. Pleau: S'ils s'opposent à cela, c'est pour d'autres
raisons, pas pour celle-là.
M. Shaw: J'ai entendu, il y a quelques...
M. Pleau: Vous dites qu'on est un bras du gouvernement, je ne le
crois pas, on est un bras d'un hôpital qui a une dimension très
particulière qui s'appelle le département de santé
communautaire; on n'est pas un bras du gouvernement. On a travaillé
à des programmes que le gouvernement a mis de l'avant, et demain il y en
aura d'autres, parce que les programmes ont une dimension provinciale. Cette
fois-ci, à l'intérieur de cette loi, on voit intervenir le
département de santé communautaire parce qu'il a six ans
d'expérience. On a dit: Voici un élément, une ressource
qui permettra probablement l'application raisonnable sur le plan de la
prévention de la santé des travailleurs. On a utilisé le
département de santé communautaire, on l'a
privilégié, on aurait pu faire autre chose.
M. Shaw: D'accord, mais tous les médecins sont
intéressés à la santé du public; c'est à la
base de leur enseignement. Pourquoi pensez-vous que ceux qui sont dans la
médecine préventive sont les seuls qui sont indiqués?
C'est pour cela que je vous ai seulement demandé si vous étiez
prêt à accepter qu'un employeur puisse chercher un médecin,
et seuls ceux que vous pouvez démontrer inacceptables, pour une raison
ou une autre, pourraient être mis de côté.
M. Cadieux: Je voudrais souligner c'est sûr que
ça peut être une modalité les avantages positifs de
regrouper des médecins au niveau d'un hôpital, pour
l'évaluation de la compétence; c'est sûr qu'il y a des
mécanismes établis dans les hôpitaux, par exemple, les
comités d'accréditation; les confrères peuvent
établir des critères de compétence. Il y a tout le
problème du perfectionnement, aussi, au niveau des médecins. Si
on regroupe dans un territoire donné des gens qui ont des
préoccupations identiques, c'est sûr que la compétence va
s'améliorer; on est bien habitué dans les hôpitaux.
M. Shaw: Vous avez l'Ordre des médecins, c'est sa
responsabilité de surveiller la compétence des gens oeuvrant dans
n'importe quel domaine. Pourquoi essayez-vous de prendre ce pouvoir pour vous
plutôt que de le laisser entre les mains de ceux qui en sont
déjà responsables? C'est l'Ordre des médecins, c'est sa
responsabilité de surveiller la compétence des médecins.
Pourquoi cherchez-vous à avoir cette responsabilité?
Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous vous identifier,
pour le journal des Débats?
M. Choinière (Normand): Mon nom est Normand
Choinière. Dans un premier temps je vais aussi commenter les
observations que vous avez faites je vais de nouveau aborder la question
que vous avez soulevée tout à l'heure, à savoir qu'il vous
apparaissait que les hôpitaux voulaient exercer une autorité sur
le personnel paramédical et de soutien ou sur le personnel
médical comme
tel, comme cela apparaît à notre recommandation 7.
J'aimerais aussi pour l'ensemble des gens de la commission, il
serait bon d'attirer l'attention là-dessus qu'on place cette
recommandation dans le contexte des recommandations 11 et 12, où notre
volonté ne repose pas fondamentalement sur la volonté d'exercer
une autorité, mais bien plutôt de s'assurer d'une coordination qui
est essentielle au niveau de la surveillance épidémio-logique,
comme on l'a expliqué tout à l'heure.
La recommandation 11 dit qu'on devrait donner la responsabilité
aux CH-DSC de s'assurer de la concertation des autres établissements de
santé et des cabinets de médecins. Ce qu'on veut, c'est que ce
soit coordonné. Qui va faire la job concrètement? Cela peut
être, comme M. Pleau le signalait tout à l'heure ça
peut le faciliter dans un premier temps les CH-DSC, mais il y a d'autres
moyens qui sont possibles; on en cite à notre recommandation 12: "Que
les autres établissements de santé et les cabinets de
médecins, pour qu'ils puissent offrir des services dans le cadre du
programme de santé de l'entreprise, soient liés contractuellement
avec le CH-DSC". Le lien contractuel qu'il y a là, ce n'est pas un lien
qui procède d'une volonté d'exercice d'autorité, mais
d'une volonté de s'assurer que les choses sont coordonnées et
concertées. C'est la raison fondamentale.
Sur les critères de choix des médecins il peut y en
avoir de plusieurs ordres notamment les critères rattachés
à la compétence du médecin; jusqu'à un certain
point, ni l'employeur, ni l'employé n'a de connaissances scientifiques
pour évaluer la compétence du médecin qui pourrait devenir
le médecin de son entreprise. C'est un peu comme vous, quand vous vous
rendez dans un hôpital pour vous faire opérer, vous n'avez pas la
compétence pour évaluer la compétence du chirurgien. Mais
dans le processus de sélection des chirurgiens dans un hôpital,
les médecins qui veulent exercer la chirurgie dans un hôpital
doivent s'adresser au centre hospitalier. Leur compétence est
évaluée au départ par un comité d'admission, auquel
d'ailleurs on réfère à l'intérieur et où on
demande une modification de concordance avec le chapitre 48. On s'adresse donc
à un groupe de médecins, un comité de médecins qui
évalue la compétence du médecin à pratiquer une
opération à l'intérieur du bloc opératoire de
l'hôpital.
C'est un peu le même processus qui est mis de l'avant. On voudrait
pouvoir, par une mécanique, s'assurer de la compétence, de la
capacité du médecin d'offrir le genre de services qu'il va
être appelé à offrir à l'intérieur d'une
entreprise. C'est le seul point; les autres éléments, comme on le
souligne là, au niveau de son comportement, de son observance des
règlements, des choses que des gens qui ne sont pas médecins sont
capables d'évoluer, ces choses demeurent au niveau du comité
paritaire auquel on fait référence dans le projet de loi. C'est
là la véritable portée de la chose. Je pense à
l'exemple du chirurgien; vous ne voudriez pas que le médecin qui vous
opère soit choisi par quelqu'un d'autre que celui qui est capable de
déterminer sa compétence. Peut-être que la même chose
peut se passer au niveau de la médecine du travail.
M. Shaw: Cela, c'est un exemple, parfait. Qui a choisi ce
chirurgien? Il a besoin d'être accepté par ses pairs, par l'Ordre
des médecins, pour établir qu'il a l'entraînement pour
être chirurgien. C'est aussi la même chose pour un homme qui va
être médecin du travail dans une entreprise. Je trouve très
dangereux de donner un autre pouvoir à un niveau qui n'est pas
demandé. Les médecins sont libres de choisir leur lieu de
travail, soit dans l'entreprise privée ou les centres hospitaliers; ils
peuvent le choisir eux-mêmes. Mais le contrôle de la
compétence et les paramètres de leur poste dans cette entreprise
ne doivent être contrôlés par les centres hospitaliers,
parce qu'il n'y en a pas partout et que ce n'est pas de leur compétence.
C'est l'Ordre des médecins qui a cette responsabilité et vous
essayez, maintenant, de la lui enlever pour la prendre. Pour quelle raison? Je
ne le sais pas.
Le Président (M. Marcoux): Oui, monsieur, voulez-vous vous
identifier s'il vous plaît?
M. Pellan: Gaston Pellan. Il faut comprendre que le
phénomène qu'on discute n'est pas nouveau; on utilise
déjà des spécialistes dans différents programmes:
gynécologues, pédiatres, psychiatres, dentistes, cardiologues qui
travaillent à l'intérieur de nos programmes et dont on coordonne
les activités. Ce n'est pas un phénomène récent, ce
n'est pas quelque chose de nouveau quand on dit qu'on devrait coordonner les
soins des médecins qui vont oeuvrer dans le domaine de la santé
au travail. Dans le processus du département de santé
communautaire, vous avez la prise en charge de la femme enceinte, la prise en
charge du bébé, la santé scolaire, les handicapés,
les malades mentaux et il y a cette partie santé du travail qui fait
que, lorsqu'on prend globalement un individu, cette partie qui relève de
sa participation huit heures par jour, normalement, dans un milieu de travail,
devrait relever d'un autre organisme. Je ne comprends pas comment il se fait
que vous souleviez, tout d'un coup, que cette prise d'autorité... Je ne
sais pas si vous avez déjà eu des médecins sous votre
autorité, ce serait un phénomène nouveau, on vit avec des
médecins, on peut dire qu'on coordonne des activités
médicales, mais de dire qu'on a autorité sur l'organisation
médicale, ce serait peut-être aller trop loin.
Il reste que, chez tous les individus, les spécialistes qu'on a
déjà dans nos programmes, la corporation est là, les
différents groupes, les associations qui les représentent sont
là et on réussit à coordonner les activités des
individus dans nos programmes. Alors, pourquoi, tout à coup, crier au
meurtre que c'est une prise d'autorité des hôpitaux sur la cause
médicale? C'est aller peut-être un peu trop loin.
M. Shaw: Peut-être peut-on ajoute/ le fait que, dans
presque tous les hôpitaux, le département de santé
communautaire fonctionne séparément, avec un petit contact avec
le conseil des médecins et dentistes. Je connais seulement le mien, qui
est au Lakeshore General Hospital je le connais très bien
je ne connais pas les autres, mais c'est un phénomène qui m'est
connu. On trouve maintenant que le département de santé
communautaire est séparé, d'après l'organigramme de la loi
65, il est attaché à l'hôpital, mais il fonctionne
séparément. C'est pour ça qu'il y aurait crainte que cet
organisme ne réponde pas du tout aux attentes des hôpitaux, mais
qu'il soit un petit phénomène de la loi 65 qui, de plus en plus,
menace la libre pratique de la médecine. C'est pour ça que je
pose ces questions. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf et, ensuite, M. le député de Rosemont.
M. Pagé: Une brève question à M. Pleau. Vous
avez parlé, tout à l'heure, en réponse à des
questions posées par ma collègue de L'Acadie, du rôle
supplétif et complémentaire que seraient appelés à
jouer les départements de santé communautaire. Je me permets de
vous citer une réponse que vous avez donnée à une question
qui était formulée par le député de L'Acadie: "On
n'ira pas soigner l'ensemble des travailleurs". Je dois vous dire que ça
m'a frappé un peu; je ne voudrais pas vous citer hors contexte, mais
pourriez-vous reprendre sur ces deux éléments? Entre autres, sur
le rôle supplétif et complémentaire que seront
appelés à jouer, lorsque la loi sera adoptée, les
départements de santé communautaire.
M. Pleau: On a une recommandation où on dit: II faut faire
intervenir les autres établissements, parce que, dans le fond, là
où le département de santé communautaire a vraiment une
action importante à jouer vis-à-vis des travailleurs, ce n'est
pas dans la partie que j'appellerais curative. Or, les gens ont dans la
tête qu'un département de santé communautaire, ça
soigne le monde. Ce n'est pas vrai, ça ne soigne pas le monde; c'est
d'abord et avant tout un organisme de prévention, c'est fondamentalement
axé vers la prévention et si on ne remplit pas ce rôle, on
ne remplit pas notre rôle; c'est ça qu'il faut se mettre dans la
tête. (16 h 30)
C'est sûr que de temps en temps il faut intervenir comme acteur
pour une raison fort simple. On a parlé de la GM tantôt. Combien
de garages la GM a-t-elle établis? Pouvez-vous nous dire aujourd'hui
combien il y a de services de santé dans les garages de la province de
Québec? Je pense qu'on peut les compter sur les doigts des deux mains,
pas beaucoup plus. Que vient faire la loi? Quand les gens voient une loi comme
celle-là, nous autres... je pense que la santé communautaire...
c'est peut-être notre rôle d'être un agent intervenant
important dès le départ, faire en sorte que les choses marchent.
Cela ne veut pas dire qu'on va intervenir et qu'on va remplacer tous les
méde- cins. Au contraire, je pense que de plus en plus de
médecins devront s'intéresser à la médecine du
travail. Vous avez soulevé tantôt un point intéressant en
disant: Les départements de santé communautaire font bande
à part. Ce n'est pas le département de santé communautaire
qui a fait bande à part dans un hôpital. Ce sont les autres
départements qui ont fait bande à part.
Aujourd'hui, on se retrouve avec un département qui commence
à apprendre à avoir un peu de gueule, qui commence à avoir
du nerf et qui commence à exister dans le milieu. On a cinq ou six ans.
On n'a pas une tradition de 150 ans. Cinq à six ans de santé
communautaire, de prévention. La prévention par rapport au
curatif, regardez les statistiques du Canada, ce n'est même pas... C'est
une fraction de 1%. Cela ne va pas beaucoup au-delà de cela. Ce n'est
pas du monde qu'on veut. C'est du monde qui va devoir agir en tenant compte de
la facette prévention et promotion de la santé. On a parlé
d'hygiène industrielle tantôt. C'est la même chose. C'est de
faire en sorte qu'il y ait des gens qui s'intéressent à cette
question. Regardez le nombre de "spares" dans une région comme
Québec où on n'a pas beaucoup d'industries lourdes. Vous allez
les compter sur les doigts de la main encore là, les hygiénistes
industriels. Il n'y en a presque pas. Il n'y en a que quelques-uns. C'est
à former. Pour les médecins de médecine du travail, c'est
la même chose; ils sont à former. Je pense, qu'à
l'intérieur des hôpitaux, le département de santé
communautaire est un bon organisme qui permettra d'arriver à quelque
chose avec cette loi.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, contrairement au
député de Pointe-Claire, je suis très sensible à
l'aspect sur lequel vous avez insisté, celui de la coordination et je
pense que, si on regarde l'ensemble des organismes dans notre
société, ce sont certainement les départements de
santé communautaire qui sont probablement les plus compétents et
les moins impliqués par des considérations économiques
aussi dans la question, les plus impartiaux.
Vous proposez qu'on établisse une approche coordonnée des
programmes de santé, des programmes de prévention au niveau de
chaque entreprise. Je pense que tout le monde reconnaît que cela
s'impose. Là où je me pose des questions, c'est sur les
mécanismes de rapprochement que vous proposez. Il y en a un qui me
frappe, c'est l'intégration aux DSC de spécialistes en
hygiène industrielle qui travailleraient, si je comprends bien, à
la fois au programme de santé et au programme de prévention.
C'est sur le programme de prévention que j'aimerais vous poser
des questions. Je lis l'article 48. On mentionne ce que doit contenir un
programme de prévention. Il y a deux des points qui relèvent,
où peut intervenir le comité de santé et de
sécurité de l'entreprise, ce sont l'identification des moyens
et équipements de protection et les programmes de formation et
d'information. Dans les six autres points, le programme de prévention
est la responsabilité de l'employeur ayant un contrôle indirect au
niveau de la commission. Vous n'avez pas l'impression que c'est un organisme
qui est extrêmement loin. Est-ce que la commission va pouvoir vraiment
s'assurer de la qualité des programmes de prévention si ceux-ci
sont essentiellement de la responsabilité de l'employeur? Est-ce que
votre approche ne va pas dans le sens de dire: II faudrait coordonner les
ressources sur le plan local pour qu'il y ait une meilleure jonction. Autrement
dit, est-ce que le DSC ne devrait pas participer, est-ce que la loi ne devrait
pas lui donner la responsabilité au moins de participer à
l'élaboration du programme de prévention?
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a un
commentaire?
M. Choinière: Là-dessus, on a une recommandation
particulière où on dit qu'il doit y avoir une consultation
réciproque dans la préparation du programme de prévention
par l'employeur et le centre hospitalier ayant un département de
santé communautaire, et la même chose de l'autre
côté. C'est un des moyens de coordination qu'on met de l'avant. Il
y en a un autre aussi qui nous permet de faire un certain "follow up", un
certain suivi de la chose, au niveau de la recommandation no 16. On mentionne
aussi dans la loi, je pense, qu'il doit y avoir un rapport annuel de soumis
à la commission en regard de l'implantation du programme de
prévention. On demande aussi que le rapport soit soumis au
département de santé communautaire, au CH-DSC, non pas pour
assurer une autorité de ce côté, mais pour savoir ce qui se
passe, pour voir si les choses ont été réalisées
tel que cela avait été promis à un moment donné. Ce
n'est pas pour exercer une autorité.
M. Paquette: A ce moment, cela pourrait permettre, si je
comprends bien votre pensée, au DSC de faire ses propres recommandations
à la commission dans le cas où cela peut arriver il
y aurait divergence d'opinions ou d'objectifs même entre le programme de
santé et le programme de prévention.
M. Choinière: Oui, aussi pour contribuer au dialogue avec
l'employeur quand il y a révision du programme de prévention,
comme je le soulignais tout à l'heure, où on demande que ce soit
une consultation obligatoire et réciproque. On peut faire une boucle
à ce moment.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, en terminant très
rapidement, je voudrais remercier infiniment les deux groupes qui viennent de
nous présenter un mémoire. Bien sûr, je ne reviendrai pas
sur tout ce qui a été dit. Il y a des choses qui, encore une
fois, nous apparaissent plus qu'intéressantes dans votre mémoire.
Il y a certainement des choses qu'on va regarder de très près. Il
y a des recommandations que vous formulez qui m'apparaissent plus que
pertinentes et susceptibles de clarifier les choses. Je voudrais aussi vous
remercier en même temps de vos réponses précises, de votre
patience également. Je pense qu'il y aura eu une partie
pédagogique dans les discussions assez longues qu'on aura eues ensemble.
Cela aura permis de clarifier certains concepts qui ne sont pas
nécessairement des choses faciles quand on ne joue pas avec cela tous
les jours. Cela a permis de clarifier ces concepts, en même temps aussi
de clarifier de façon très concrète le rôle et les
possibilités d'action des départements de santé
communautaire. Je pense que c'est plus que très utile. En terminant,
merci infiniment.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous
les membres de la commission.
J'inviterais maintenant l'Association de médecine industrielle du
Québec à venir nous présenter son mémoire. M.
Jean-Paul Couture, si vous voulez nous présenter vos
collègues.
Association de médecine industrielle du
Québec
M. Couture (Jean-Paul): M. le Président, madame et
messieurs de la commission, il me fait plaisir de vous présenter mes
collègues qui vont participer à la présentation de notre
mémoire. A ma gauche, le Dr Cassidy des Industries canadiennes, Canadian
Industries et Alcan; il est aussi assistant-physicien au Montreal General
Hospital à Montréal; le Dr Jacques Laflamme, qui est
vice-président de notre association et qui est directeur de la Clinique
de médecine industrielle de Québec; il fait également
partie du département de santé communautaire de l'hôpital
Saint-Sacrement; à mon extrême droite, le Dr Paquet, qui est
directeur de l'hygiène et des services de santé à Hawker
Siddeley, à Christie Brown et aux laboratoires Abbott; le Dr Michel
Lesage, qui est directeur de la Clinique de médecine du travail de
Montréal et conseiller en santé et sécurité au
travail; il est secrétaire également de notre association. Le Dr
Cassidy est le trésorier de notre association. C'est notre
trésor.
M. le Président, MM. les membres de la commission, j'aimerais
d'abord vous présenter notre association en quelques mots ce
n'est pas inclus dans notre mémoire avec votre permission.
Notre association est une association qui est vieille de plus de 50 ans
et regroupe actuellement quelque 250 médecins impliqués dans la
pratique de la médecine du travail au Québec.
Je ne sais pas si je vais faire rapport au président de
l'assemblée ou aux DSC de la région, mais il y a certainement un
agent agresseur dans cette salle, M. le Président, parce que je commence
à perdre la voix.
Je pense que c'est la fumée...
Mme Lavoie-Roux: La fumée du ministre.
M. Couture (Jean-Paul): Déformation professionnelle...
M. Pagé: Est-ce que vous allez exercer votre droit de
refus?
M. Couture (Jean-Paul): L'Association de médecine
industrielle du Québec a accueilli avec d'autant plus de satisfaction
l'annonce d'une politique québécoise en matière de
santé et de sécurité au travail qu'elle la
réclamait déjà depuis de nombreuses années.
Comme médecins et surtout comme médecins du travail, nous
faisons volontiers nôtre l'idée émise par le premier
ministre dans son message inaugural de 1977, que l'économie qui
prétendrait encore faire passer l'homme après les machines serait
vouée à l'échec.
Aussi avons-nous souscrit sans réserve à
l'énoncé des principes et objectifs contenus dans le livre blanc
et, plus particulièrement, au concept de prise en charge par le milieu
du travail de ces problèmes de santé et de
sécurité.
Les critiques que nous avons formulées à l'égard du
livre blanc, dans le cadre de consultations que nous avons eues avec les
responsables du ministère d'Etat au développement social, ne
portaient nullement sur les objectifs, non plus que sur l'orientation
fondamentale du document. Ces critiques visaient essentiellement à
soustraire ou à modifier des propositions du livre blanc parce que, aux
yeux de notre groupe, qui réunit tout de même la plus grande
partie, la plus grande somme d'expérience pratique au Québec dans
le domaine de la médecine au travail, ces propositions n'étaient
pas de nature à faciliter ou à favoriser la réalisation
effective des objectifs de santé et de sécurité au
travail.
Nous avons participé à ces consultations, animés du
souci d'y apporter la contribution la plus constructive possible, fondée
sur de longues années d'expérience et d'observation dans
l'exercice de notre profession, en milieu de travail, fondée aussi sur
des échanges suivis d'expériences avec des collèges, des
associations et des organismes du monde entier.
Dans le projet de loi no 17, tel que formulé, il n'a
été tenu aucun compte des avis, observations et commentaires
présentés par notre association et recueillis auprès de
plus de 200 médecins qui sont le point d'appui de la médecine du
travail au Québec.
L'important n'était pas, en soi, qu'on ait tenu compte ou non de
notre point de vue, mais que les auteurs du projet de loi aient conçu
une loi-cadre destinée à l'élimination des causes
d'accidents du travail et des maladies professionnelles en faisant purement et
simplement abstraction de l'existence au Québec de centaines de
professionnels de la santé, médecins et autres, qui exercent
déjà leur activité en milieu de travail où ils sont
responsables du bien-être physique, mental et social de près de
40% des travailleurs québécois.
En effet, en sa présente formulation, le projet de loi no 17
équivaut à rayer de la carte des médecins, des
scientifiques, des infirmiers, des infirmières
spécialisés, des techniciens de laboratoires, bref, l'ensemble
des ressources humaines et aussi physiques réunies dans les entreprises
ou les cabinets privés et qui forment le pivot de la médecine du
travail organisée au Québec. Notre intervention a, d'abord et
avant tout, pour but d'en faire prendre pleinement conscience au
législateur et de lui demander de mesurer les limites pratiques de la
portée d'une loi dépouillée, dès le départ,
d'une partie des moyens essentiels d'atteindre ses objectifs.
Nous n'entendons nullement nous engager dans un débat d'ordre
général sur l'orientation socio-économique du projet de
loi ou sur les mérites respectifs de telle ou telle conception de la
société. La controverse sur les droits et obligations des
travailleurs et des employeurs ne nous intéresse, du point de vue
professionnel, guère davantage. Les opinions que peuvent avoir, comme
citoyens et contribuables, chacun de nos membres sur ces aspects du projet de
loi sont une autre affaire. (16 h 45)
Ce qui nous intéresse, ce qui nous préoccupe au plus haut
point, c'est le développement au Québec de la meilleure
médecine du travail possible, dans les meilleures conditions possibles,
en vue de promouvoir et de maintenir le plus haut degré possible de
bien-être physique, mental et social de tous les travailleurs
québécois, employés et employeurs, syndiqués ou non
syndiqués, professionnels, artisans ou ouvriers. Pour nous, il n'y a pas
dé médecine gouvernementale. Il n'y a pas de médecine
patronale. Il n'y a pas de médecine syndicale. Nous ne favorisons pas
plus le régime public que le régime privé, mais pensons
que le meilleur régime en matière de santé et de
sécurité au travail est celui qui met à profit ce que le
secteur pubjic et le secteur privé ont de mieux à offrir. Certes,
nous croyons qu'il est indispensable que l'exercice de la médecine du
travail soit mis à l'abri autant qu'il est humainement possible des
pressions susceptibles de la faire dévier de son seul objet, la
santé des travailleurs, mais nous savons d'expérience qu'il est
tout aussi injuste de faire une association automatique entre de telles
pressions et l'entreprise privée, qu'il est illusoire de penser que les
services publics et parapublics en sont exempts. C'est pourquoi, à cet
égard, l'exclusion du médecin d'entreprise que proposent
les;auteurs du projet de loi n'est pas une solution et n'offre aucune garantie
d'impartialité et d'indépendance professionnelles, mais c'est
là un point sur, lequel nous reviendrons.
Nous voulons d'abord vous parler de la médecine du travail. Avant
tout, il convient, nous semble-t-il, de situer dans sa juste perspective le
rôle de la médecine du travail et, plus concrètement
encore, du médecin du travail dans la promotion de la santé au
travail et dans la prestation de services professionnels en accord avec le
droit des travailleurs de pouvoir bénéficier des
meilleurs services de santé préventifs tout autant que
curatifs. L'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale
de la santé sont convenus que le médecin du travail a pour but de
promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être
physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions, de
prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci
par leurs conditions de travail, de les protéger dans leur emploi contre
les risques résultant de la présence d'agents
préjudiciables à leur santé, de placer et maintenir le
travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et
psychologiques, en somme adapter le travail à l'homme et chaque homme
à sa tâche. Tels sont in extenso, les buts assignés
à la médecine du travail par l'Organisation internationale du
travail et l'Organisation mondiale de la santé. Cette définition
suffit en soi à mettre en lumière le caractère
multidisciplinaire de l'exercice bien compris de la médecine du travail
qui est indissociable des activités d'hygiène industrielle, de
taxicologie, d'épidémiologie, et de toute autre activité
reliée au maintien et au développement des conditions de travail
qui respectent la santé, la sécurité et
l'intégrité physique des travailleurs. C'est une des plus grandes
lacunes du projet de loi que d'ignorer cet aspect fondamental sans lequel la
médecine du travail est vidée de tout son sens. C'est une erreur
non moins grave de concevoir, comme le fait implicitement le projet de loi, une
médecine du travail qui ne s'intéresse qu'aux agents chimiques et
physiques préjudiciables à la santé des travailleurs,
à l'exclusion des facteurs individuels de santé et de sa
dimension psychosociale comme si on pouvait répartir en quarts de huit
heures la condition physique et psychique d'un être humain. Du point de
vue médical, il va de soi qu'un travailleur est d'abord et avant tout un
être humain qui doit être traité comme tel en tenant compte,
y compris en médecine du travail, de l'ensemble des facteurs
physiologiques et psychologiques susceptibles d'avoir un incidence sur sa
santé tant et si bien qu'un diagnostic médical qui prendrait en
compte les seuls symptômes reliés à l'exercice d'un travail
ne serait d'aucune valeur, d'où l'importance primordiale de maintenir en
corollaire à la médecine dite collective ou sociale, une
médecine individualisée, par opposition à la
déshumanisation que le projet de loi propose d'ériger en
système'
En effet, tout ce qui, dans le projet de loi, touche à la
médecine du travail et, de façon générale, à
l'organisation et à la prestation des services de santé
procède d'une vision mécaniste où le droit à la
santé est déshumanisé.
En quoi, en effet, la santé des travailleurs se trouverait-elle
mieux assurée par l'interdiction de recourir aux meilleurs services de
santé disponibles, de retenir les services des professionnels de la
santé les plus compétents, médecins ou autres,
indépendamment de leur appartenance aux réseaux public ou
privé? En quoi la santé des travailleurs serait-elle mieux servie
par un appareil bureaucratique n'ayant aucune prise directe sur le milieu de
travail de ces mêmes travailleurs? De- puis quand l'absence d'une saine
émulation, en l'occurrence celle des professionnels rattachés au
secteur public et de professionnels rattachés au secteur privé et
celle de cliniques de santé publiques et des cliniques de santé
privées, d'entreprises ou d'inter-entreprises, favoriserait-elle une
amélioration de la qualité des services et le
développement de compétences? D'où vient qu'un
médecin détaché du milieu du travail serait plus apte
à veiller utilement au bien-être des travailleurs?
Voilà pourtant ce que proposent les auteurs du projet de loi,
pour qui le médecin du travail est tantôt un fonctionnaire
médecin ou apparenté, parachuté d'autorité dans une
entreprise ou une industrie; tantôt il est candidat de la partie
patronale ou un candidat de la partie syndicale désigné au hasard
du rapport des forces avec le statut qui l'exclut de l'entreprise.
En pesant bien chacun de nos mots, nous affirmons, forts de la
connaissance intime que nous avons du milieu du travail, de ses besoins, de ses
problèmes en matière de santé, que les dispositions
contenues dans le projet de loi relatives à la médecine du
travail et aux services de santé conduisent à la négation
du développement dynamique de la médecine du travail au
Québec, parce que plus attachées à définir des
attributions qu'à tenir compte des connaissances accessibles et des
méthodes utilisables, plus attachées à réglementer
des devoirs et à réduire la capacité d'initiatives
qu'à favoriser l'éclosion de nouvelles compétences, le
perfectionnement des techniques et l'amélioration des services.
Les auteurs du projet de loi ne font aucune distinction entre la
santé au travail et la santé publique et confondent la fonction
clinique et la fonction bio-statistique en privilégiant, consciemment ou
inconsciemment, une médecine comptable. Le travailleur devient une
donnée et le médecin un analyste des données. Bien
sûr, ce ne sont pas là les définitions qui apparaissent au
projet de loi, mais c'est la voie inéluctable vers laquelle conduisent
les propositions qu'il contient avec, au bout du compte, la création
d'une médecine de seconde classe, orientée vers les exigences de
la paperasserie administrative.
Nous reconnaissons sans peine la complémentarité de la
santé publique et de la santé au travail, tout comme nous
reconnaissons la nécessité de réglementer l'exercice de la
médecine au travail et la prestation des services de santé et
d'instituer des normes minimales qui s'appliquent universellement. Nous ne
contestons pas la pertinence des liens institutionnalisés avec les
départements de santé communautaire et nous ne nions nullement
l'ultime autorité de l'Etat qui, en dernière analyse, a la
responsabilité de veiller à ce que soient réunies les
conditions permettant que soient reconnues la valeur et la dignité
fondamentale de l'être humain sur tous les aspects de son existence et
dans tous les lieux de son activité, incluant les lieux de travail. Ce
que nous contestons, c'est la valorisation de la médiocrité. Nous
ne pouvons admettre qu'une législation limite arbitraire-
ment le développement des ressources et des moyens propres
à favoriser le mieux-être physique, mental et social des
travailleurs, pour l'unique raison que ce développement émane du
secteur privé plutôt que public.
Nous trouvons tout aussi inadmissible et, à la limite,
irresponsable que la médecine du travail soit mise en ballottage et ne
soit pas d'abord fondée sur la capacité professionnelle de ses
praticiens, sur les connaissances profondes du milieu, sur l'intégration
à ce milieu et sur la pérenité des services. "La
médecine du travail n'a de sens véritable que si les conditions
de travail sont tout aussi bien connues que le travailleur lui-même",
conclut un rapport de l'Inspection générale paru en France, en
février 1971, aux termes d'une importante étude des
problèmes de la médecine du travail qui recommande notamment que
l'exercice de la médecine du travail en service d'entreprises soit
considérée comme la seule forme clinique valable.
D'ailleurs, dans les pays occidentaux où la médecine du
travail est implantée depuis de nombreuses années,
l'intégration du médecin à l'entreprise est
considérée comme l'élément le plus important pour
l'exercice efficace de la médecine du travail, le second
élément le plus important étant le temps passé dans
l'entreprise, deux facteurs auxquels les auteurs du projet de loi n'ont
porté aucune attention. Tout cela ne signifie pas qu'il est souhaitable
de maintenir le statu quo et qu'il n'y a place pour aucune réforme; au
contraire, il est grand temps que l'Etat légifère pour consacrer
le droit pour tous les travailleurs à la santé en prenant bien
soin cependant de s'assurer que l'instauration d'un système visant
à protéger ceux qui ne le sont pas n'entraîne pas une
diminution de la protection de ceux qui le sont déjà.
L'obligation de faire le minimum ne doit pas entraîner
l'interdiction de faire le maximum. La mise sur pied de services de
santé au travail, par le réseau public, dont le rendement et
l'efficacité n'a pas été éprouvé ne dont pas
entraîner l'élimination des services existants dans l'entreprise
et dans le réseau privé qui ont fait la preuve de leur
compétence et qui totalisent une expérience irremplaçable.
Il ne s'ensuit pas que l'Etat ne doit pas se donner les pouvoirs de
réglementation et de surveillance en matière de santé et
de sécurité au travail et notablement en ce qui concerne la
médecine du travail et les services de santé.
L'Etat doit veiller, par l'établissement de mécanismes
appropriés, à ce que l'exercice de la médecine du travail
soit lié à certaines normes, tant au point de vue de la formation
et de la compétence que du point de vue des responsabilités et
des obligations. Il en est de même pour les services de santé,
dans les entreprises, dans les cabinets privés et dans le réseau
public, qui devraient tous être soumis à des normes minimales,
quantitatives et qualitatives.
En ce qui a trait à l'indépendance professionnelle, le
médecin du travail dans une entreprise ou dans le service public, sans
égard à l'existence d'un lien de subordination administrative
à un em- ployeur, doit conserver toute son indépendance
professionnelle. Il doit être à l'abri de toute pression ou
ingérence susceptible, qu'elle soit le fait d'une entreprise, d'un
syndicat, d'un organisme public ou parapublic, de compromettre cette
indépendance professionnelle. Déjà, le médecin du
travail, comme tout praticien, est soumis au code de déontologie et aux
règlements de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec. Toutefois, pour tenir compte de la situation particulière
dans laquelle se trouve souvent le médecin du travail, soit celle de
salarié dépendant économiquement d'un tiers, les droits,
obligations et responsabilités professionnelles du médecin du
travail devraient faire l'objet d'un contrat type engageant le médecin
et l'employeur.
L'élaboration de ce contrat type obligatoire pourrait être
confiée à la Corporation professionnelle des médecins,
conjointement avec la Commission de la santé et de la
sécurité au travail. La corporation et la commission auraient
pour mission de veiller au respect de ce contrat. Tout contrat additionnel
intervenu entre un médecin et un employeur devrait, à notre avis,
en outre être soumis à l'examen de la corporation et de la
commission afin de vérifier qu'il ne contient aucune clause incompatible
avec les dispositions du contrat type. Nous estimons que de cette façon,
toutes les garanties se trouveraient réunies pour assurer
l'indépendance professionnelle du médecin du travail. (17
heures)
De la même manière qu'il importe de garantir
l'indépendance professionnelle, il y a lieu d'établir des normes
d'admissibilité à l'exercice de la médecine du travail
qui, sans faire partie des spécialités médicales au sens
strict du terme, requiert tout de même des aptitudes
particulières.
L'expérience démontre que l'efficacité de la
médecine du travail est d'autant plus grande que le médecin
responsable consacre toute son activité à cet exercice. Faute de
pouvoir imposer de manière absolue de telles conditions au stade actuel
de la médecine du travail au Québec, nous croyons
néanmoins que des exigences minimales sont requises pour que les
travailleurs aient droit à une médecine digne de ce nom.
Nous proposons donc que seuls soient admis à l'exercice de la
médecine du travail les médecins qui, à partir d'une
formation appropriée obtenue d'une institution reconnue ou d'une
expérience avérée dans l'exercice de la médecine du
travail, acceptent d'orienter leur pratique médicale vers la
réalisation des objectifs de santé au travail, tels que
définis par l'Organisation internationale du travail et l'Organisation
mondiale de la santé, et d'y consabrer l'essentiel de leur
activité professionnelle.
Les médecins répondant à ces exigences devraient
être agréés par la Corporation professionnelle qui
émettrait un certificat à cette fin.
Tout médecin du travail reconnu par la commission de la
santé et de la sécurité doit pouvoir exercer sqn
activité dans l'ensemble du territoire québécois:
auprès des entreprises ou des organismes publics et parapublics qui
doivent, à leur tour,
pouvoir faire appel aux médecins du travail de leur choix, en
fonction de leurs exigences et de leurs besoins.
Enfin, un médecin du travail devrait obligatoirement être
membre d'un conseil de médecins et dentistes rattaché à un
centre hospitalier et il lui serait loisible d'être membre associé
de plusieurs conseils. Si le médecin est appelé à exercer
son activité dans une région ou dans une entreprise relevant d'un
département de santé communautaire autre que celui auquel il est
attaché, il serait tenu de rendre compte de ses activités au
département de santé communautaire directement
concerné.
Quant aux cliniques de santé d'entreprises et interentreprises,
elles devraient être agréées par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, selon les normes
minimales établies par celle-ci et s'appliquant indistinctement autant
aux cliniques du réseau public que du réseau privé,
étant entendu que les établissements disposant de ressources
humaines et matérielles leur permettant d'offrir plus que ce que les
normes prévoient doivent être libres de le faire.
Telles sont, rapidement esquissées, les conditions
réalistes à partir desquelles nous souhaitons que se
développe au Québec une médecine du travail
compétente, efficace, indépendante et humaine.
Avec votre permission, M. le Président, lors des consultations
préalables que nous avons eues avec les représentants du
ministère des Affaires sociales avant la rédaction du livre
blanc, nous avions proposé des recommandations, en septembre 1978, que
nous avons étudiées à nouveau et révisées
depuis. Je demanderais à notre secrétaire, le Dr Lesage, de bien
vouloir vous les lire, avec votre permission.
M. Lesage (Michel): En septembre 1978, nous avions fait les
recommandations suivantes: 1. Les structures proposées devront
intégrer et non remplacer ce qui existe déjà au sein des
services de santé des entreprises; 2. Cette action devra être
progressive et donner priorité à l'éducation
c'est-à-dire formation-information tant des professionnels de la
santé impliqués que des dirigeants d'entreprises et des
travailleurs eux-mêmes; c'est là la première et la
meilleure forme de prévention; 3. La définition de la
médecine du travail telle que reconnue par l'OMS doit être
respectée; 4. On doit donner au niveau local la responsabilité
d'établir et de mettre en marche les programmes de protection du
travailleur, tout en s'assurant du respect des exigences minimales
imposées; 5. On doit garantir aux professionnels de la santé leur
autonomie et leur liberté professionnelle; leur rôle doit
être clairement établi et décrit; leur contrat
d'affiliation avec l'entreprise devrait être reconnu conforme à
l'éthique et à la déontologie par leur corporation
professionnelle; 6. Les programmes de protection ne doivent pas être
limités à la simple application des programmes imposés par
la loi. 7. Les DSC. les départements de santé communautaire sont
responsables de l'hygiène publique. Ils doivent voir à ce que les
programmes obligatoires soient appliqués. Ils doivent s'occuper de
collecter les données pour la recherche et la surveillance
épidémiologique nécessaire à la
réévaluation des programmes-cadres. 8. Les médecinsdu
travail devraient se regrouper dans les centres hospitaliers pour former un
service de médecine du travail. 9. Le médecin d'entreprise doit
être intégré à l'entreprise. 10. Le
médecin-conseil est un médecin du travail oeuvrant dans
l'entreprise. Il doit avoir les mêmes droits, privilèges et
obligations qu'a tout médecin d'entreprise. 11. L'entreprise a la
responsabilité de fournir des services de santé. De cette
responsabilité découlent des obligations mais aussi des droits
sans lesquels il est impossible d'assumer une telle responsabilité. 12.
Il faut laisser aux entreprises qui le désirent le droit d'offrir des
services de santé complémentaires à ceux qui seront rendus
obligatoires pas la loi ou les règlements. 13. On devra toujours garder
à l'esprit que. pour réaliser en totalité ou en partie le
régime proposé, une condition essentielle et préalable est
la collaboration réelle entre toutes les parties. Le livre blanc et la
loi qui suivra devront donc proposer des structures qui incitent à cette
collaboration et non pas des structures qui provoquent la division. 14. Il faut
établir des critères et des mécanismes pour le choix et
l'engagement du médecin d'entreprise afin de garantir que la
décision sera basée sur l'évaluation des capacités
professionnelles du médecin plutôt que sur son idéologie ou
ses appartenances politiques. 15. Prendre les dispositions afin que les
problèmes de santé et de sécurité de même que
les services s'y rattachant ne soient pas sujets à négociation
entre les parties syndicales et patronales. 16. La santé et la
sécurité du travailleur doivent être l'unique
préoccupation du rédacteur du livre blanc et du
législateur. Cette préoccupation doit avoir priorité sur
toute idéologie ou philosophie politique et non pas devenir l'instrument
d'un système.
Voilà ce que nous recommandions en septembre 1978
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les membres et les porte-parole de l'Association de médecine
industrielle du Québec d'avoir bien voulu préparer un
mémoire et d'être venus en commission parlementaire nous faire
connaître et faire valoir leur point de vue.
Effectivement, nous avions eu déjà dans tout le processus
de consultations l'occasion de nous rencontrer pour examiner votre point de
vue. Je me rends bien compte, comme vous vous êtes bien sûr rendu
compte aussi à la lecture de nos
documents réciproques, le projet de loi, d'une part, votre
mémoire, d'autre part, qu'il reste un certain nombre de points de
divergence. Partant de là, cependant, il me paraissait, je pense,
extrêmement important et c'est l'occasion qui vous est donnée et
je ne vous cacherai pas que je pense que c'est extrêmement important et
j'en suis heureux que vous puissiez, que vous ayez l'occasion de faire valoir
pleinement à nouveau votre point de vue avant que définitivement
on tire la ligne et que le débat soit le plus pleinement ouvert,
d'ailleurs. Je pense qu'un sujet de cette importance mérite ce genre
d'attitude. Je l'apprécie chez vous et je le signale en passant. J'ai
lu, très attentivement, votre mémoire. Bien sûr, vous avez
aujourd'hui ajouté les séries de propositions, mais enfin, cela
ne change pas le fond du contenu de votre mémoire. Il s'agit d'un
certain nombre d'articulations sous forme de propositions et de recommandations
précises des positions et des lignes de fond de votre mémoire.
Mes propos vont peut-être paraître étonnants, mais en
essayant de lire très attentivement votre mémoire, il me semble
ressortir de votre mémoire un grand nombre de points de convergence avec
le projet de loi no 17, notamment, d'abord, bien sûr, ce que vous
signalez vous-même à la page 6 de votre mémoire,
c'est-à-dire, les points sur lesquels vous vous dites d'accord ou en
accord avec le projet de loi, entre autres, la notion de
complémentarité de santé publique et de santé au
travail, la nécessité de réglementation quant à
l'exercice de la médecine du travail, la prestation des services de
santé, et le reste. Vous ajoutez la nécessité d'instituer
des normes minimales qui s'appliqueraient de façon universelle, la
pertinence des liens institutionnalisés avec les départements de
santé communautaire, la responsabilité ultime de l'Etat et,
là-dessus, je pense qu'il y a convergence profonde puisqu'on est
parfaitement d'accord.
Encore une fois, en essayant d'être le plus correct possible,
malgré des divergences de fond sur lesquelles je reviendrai tout
à l'heure, il y a un certain nombre de points qui, tout en semblant
à première vue, à la première lecture de votre
mémoire, s'opposer au projet de loi, quand on essaie vraiment de
comprendre le mieux possible votre point de vue, correspondent, je crois, au
moins à l'esprit du projet de loi 17. C'est vrai, notamment je
voudrais signaler un certain nombre de points en ce qui concerne
l'affirmation que vous faites dans votre mémoire qu'il faut utiliser au
maximum les ressources existantes. Il n'est donc pas question, pas du tout, et
cela ne la jamais été, ni dans notre intention d'aucune
espèce de façon là, je cite un bout de votre
mémoire "de rayer de la carte" les médecins, les
scientifiques et le reste qui oeuvrent actuellement en médecine du
travail, pour reprendre votre expression. Ce que vise le projet de loi,
fondamentalement, c'est que les professionnels de la santé jouissent
d'un statut indépendant qui permette que se développe vraiment
à leur endroit la confiance. Cela nous paraît important, pour ne
pas dire, sans abuser du mot, fondamental, que se développe à
leur endroit la confiance aussi bien des travailleurs que des employeurs. Je
l'ai évoqué ce matin en note d'ouverture.
Certains ont parlé d'une nationalisation des services de
santé. Si on s'en tient strictement aux définitions des mots,
dans l'un ou l'autre des dictionnaires, qu'on choisisse celui qu'on voudra, je
pense qu'on pourrait parler de normalisation des choses, ce qui est quand
même légèrement différent. Pour obtenir cette
confiance, que les médecins soient intégrés à des
centres hospitaliers, comme la grande majorité des médecins
on me dit, 97% qui pratiquent actuellement au Québec, afin
de bénéficier de toutes les ressources professionnelles et
scientifiques de ces centres. Nous sommes également d'accord avec la
conception de la médecine du travail qui est proposée par
l'association, je dis bien la conception. Le livre blanc citait la même
définition de l'Organisation internationale du travail et de l'OMS que
vous reprenez dans votre mémoire. Si le projet de loi véhicule
une impression contraire et qu'il y a des points précis qui peuvent
être cernés là-dessus, je ne vous cacherai pas que je suis
très ouvert pour regarder les éléments qui supposeraient
des ajustements pour s'assurer que tout cela est le plus clair possible.
Je vous dirai également que nous sommes d'accord sur le fait que
l'exercice de la médecine du travail exige la mise sur pied
d'équipes multi-disciplinaires. On y a fait allusion un peu plus
tôt dans le courant de la journée, dans le cours de nos travaux,
quand on a parlé notamment de la mise à contribution des
hygiénistes industriels et qu'on a dit qu'on doit tenir compte pour
arriver à cela, non seulement des agents chimiques et physiques, mais
également des facteurs individuels. Ici encore,, s'il est
nécessaire, le projet de loi devrait être plus clair.
Nous sommes également d'accord sur le fait que la médecine
du travail doit se faire le plus possible dans les établissements
eux-mêmes. Il n'est pas du tout question, dans notre esprit, de sortir la
rnédecine du travail des établissements eux-mêmes. Il n'est
donc pas du tout question, dans notre esprit, non seulement "de rayer de la
carte", pour reprendre l'expression, mais également d'éloigner
des médecins des entreprises. Au contraire, ce que nous voulons, c'est
qu'ils soient beaucoup plus nombreux à être présents en
entreprise pour que vraiment les services dont on parle depuis ce matin
puissent être donnés, mais puissent être donnés sur
cette base fondamentale d'une confiance aussi bien des travailleurs que des
employeurs. (17 h 15) ',
Nous sommes également d'accord, évidemment, pour faire en
sorte que soit assurée la compétence professionnelle du
médecin c'est fondamental; je pense bien que là-dessus
tout le monde s'entend et que se développent rapidement des
programmes de formation appropriés. C'est vrai qu'il va falloir faire un
effort comme société dans; ce sens et mettre les ressources qui
s'imposent. Il y a déjà eu des expériences, par le
passé, qui ont été menées dans le cadre
d'espèces de "crash programs" de formation. Il n'y a pas de raison qu'on
ne puisse pas faire la même chose si ça s'imposait.
Nous sommes également d'accord avec votre association pour que
soit garantie l'indépendance professionnelle du médecin, mais
vraiment l'indépendance professionnelle, au sens complet de cette
expression, et je suis heureux de constater que vous le reconnaissez
c'est à la page 8 de votre mémoire d'ailleurs comme
association, et je cite: "la situation particulière dans laquelle se
trouve souvent le médecin du travail, soit celle de salarié
dépendant économiquement d'un tiers".
Evidemment, ça vous amène à un certain nombre de
conclusions qui ne sont pas tout à fait celles auxquelles nous, nous
sommes arrivés. Mais ce constat, sur lequel on s'entend,
fondamentalement, ne peut pas être balancé du revers de la main,
comme si ça n'existait pas. Je pense que la lecture de la
réalité nous oblige tous à admettre, comme vous le faites
d'ailleurs, dans votre mémoire... Chacun peut en tirer ses conclusions
et ses propositions d'ajustements ou de changements dans un sens ou dans
l'autre, mais je pense qu'on doit tous admettre, et je suis heureux de
constater que votre association le reconnaît aussi, qu'il y a là
cette situation particulière qui tient au fait de dépendance
économique d'un tiers, le lien salarial, économique avec
l'entreprise, et vous proposez un certain nombre de moyens de protéger
le médecin contre ce tiers.
On examinera à nouveau sûrement attentivement les moyens
que vous proposez. Cela, vous pouvez en être pleinement
assurés.
Ces points de convergence étant établis... je tenais
à les signaler, parce que ça peut paraître peut-être
étonnant à première vue quand on fait une première
lecture rapide de votre mémoire, mais il ressort beaucoup plus de points
de convergence qu'on peut le penser à première vue.
Au fond, il existe, fondamentalement, si on se parle franchement
je pense qu'on l'a toujours fait lors de nos rencontres; il n'y a pas de raison
qu'on ne continue pas deux points fondamentaux de divergence. Un, les
médecins d'entreprises; deux, les cliniques privées, pour
l'essentiel. Pour le reste, je pense que j'ai déjà fait
état d'un certain nombre de choses et je ne veux pas abuser du temps de
la commission.
Encore une fois, en ce qui concerne le problème de la
médecine du travail, il y a, à notre point de vue, un effort
colossal à faire je pense que vous êtes d'accord avec
ça pour développer ou doubler, aller au-delà de
l'approche uniquement et purement curative. Je ne dis pas que ça doit
s'équilibrer, pas du tout, loin de là, mais pour
développer de plus en plus cette approche qui vise à
dépister les problèmes.
Il y a un lien entre ça et, par exemple, l'introduction dans la
loi du retrait préventif qui va trouver sa première forme
d'application en ce qui concerne les femmes enceintes. Si un médecin
décèle que... Là, il s'agit du médecin personnel de
cette travailleuse. Ce médecin peut déceler qu'à cause de
son état les conditions de travail peuvent présenter des dangers
pour la femme qui est enceinte ou pour l'enfant à naître; donc, il
faut aussi assurer une présence beaucoup plus grande. D'ailleurs,
à ce sujet-là, vous me permettrez de citer on les avait
cités, je pense qu'on en avait convenu ensemble dans le livre blanc
des chiffres que vous aviez eu l'amabilité de nous fournir; je me
permets de le rappeler. Ils apparaissaient à la page 152 du livre blanc
et ils donnent un peu l'état de ce qu'on appelle la médecine du
travail ou la médecine d'entreprises, peu importe.
Selon ces chiffres, il y avait l'équivalent, à temps plein
si ma mémoire est bonne, c'étaient des chiffres
basés sur 1976 d'à peu près 152 médecins.
Mais, il y avait, en fait, à peu près je ne sais pas,
là, il y avait des divergences de vues entre divers groupes entre
75 et 85 médecins réellement à temps plein dans des
entreprises.
Ces simples chiffres indiquent déjà l'état
absolument incroyable et le rattrapage colossal qu'on a à faire non pas
pour sortir des entreprises, les rayer de la carte, mais pour assurer la
présence d'une médecine du travail dans le milieu proche des
hommes et des femmes qui sont au travail ou pour assurer une médecine du
travail qui n'est pas le lot exclusif des médecins, mais aussi de tout
le personnel paramédical. Donc, nous croyons que, jusqu'à nouvel
ordre, les propositions qu'on formule sont celles qui seront les seules
susceptibles de permettre d'assurer véritablement cette autonomie, cette
indépendance professionnelle, d'assurer par ailleurs aussi, en y mettant
l'effort qu'il faut, une présence, mais une présence qui soit
aussi, bien sûr, basée sur la plus grande compétence
possible, mais en même temps une présence qui soit basée
aussi sur la confiance.
En ce qui concerne les cliniques privées, je ne voudrais pas
m'étendre longuement sur le sujet. J'attire quand même votre
attention sur le paragraphe 2 de l'article 86. Vous savez que ce paragraphe
permet, à certaines conditions évidemment il y a une
balise qui est là au chef du département de santé
communautaire d'accepter que des services soient fournis dans un cabinet
privé à certaines conditions qui sont prévues au
deuxième paragraphe. Il y a donc là cette porte qui est
restée ouverte avec une balise c'est vrai
extrêmement serrée. En toute honnêteté, je pense
qu'il faut l'admettre, mais elle est là.
Egalement, je tiens à rappeler que, bien sûr, ce n'est pas
dans le projet de loi comme tel, mais ce n'est pas interdit par le projet de
loi. Ce que je veux dire, c'est ceci. Rien n'empêche et rien
n'empêchera les entreprises, pas plus d'ailleurs que les travailleurs
organisés, un syndicat ou une centrale syndicale, rien n'empêchera
les entreprises et les autres agents de retenir à salaire, peu importe
la forme économique que cela puisse prendre, les services à titre
d'expert, à titre de conseil et sur une base permanente dans certains
cas on sait déjà que cela se fait indépendamment
même de certains services comme tels strictement et même sur la
base de leur fonctionnement actuel dans quelques cas isolés, c'est
vrai de retenir les services de médecins à titre de
médecins-conseils, et bien sûr aussi le projet de loi no 17
n'enlève pas à l'entreprise la responsabilité qu'elle a.
On n'a pas la prétention de régler tous les problèmes en
même temps. Il y a déjà suffisamment de morceaux
substantiels sur lesquels comme société on pense qu'il faut faire
un effort colossal. On ne peut pas tout régler en même temps, mais
rien n'empêchera non plus et forcément... Cela relève du
pouvoir normal de l'entreprise, par exemple, les contrôles sur les motifs
d'absence où les entreprises très souvent mettent à
contribution des médecins. Le projet de loi ne dévolue pas cette
responsabilité aux médecins choisis par les parties pour
développer cette approche de médecine du travail. Donc, cela
relèverait de la responsabilité de l'entreprise. Encore une fois,
rien n'empêche et rien dans le projet de loi n'interdit et
n'empêchera les entreprises pas plus d'ailleurs que les autres agents de
retenir les services, de disposer de services d'experts-conseils, de
médecins et le reste.
Voilà, M. le Président, les quelques remarques ou
commentaires que je voulais faire à la suite de l'exposé des
porte-parole de l'association. Peut-être aimeraient-ils réagir
à certaines de mes remarques ou de mes commentaires. Je ne sais pas,
incidemment, si vous avez des chiffres plus à jour que ceux qu'on avait
de 1965, si cela a évolué de façon substancielle ou
si...
M. Couture (Jean-Paul): Nous venons nous défendre
des...
M. Marois: 80 à peu près, peu importe qu'on se
chicane sur un cinq de plus ou cinq de moins, quand on regarde le nombre
d'entreprises, d'établissements à travers le Québec, je
pense qu'il y a là quelque chose d'assez frappant comme chiffre et il y
a aussi je pense que vous le signalez à votre façon et
cela n'est pas... On a eu l'occasion d'en discuter déjà. Je vous
l'ai souvent répété et redit parce que c'est ce que
j'entendais. Je suis toujours bien obligé de dire les choses telles que
je les entends. Le climat de confiance, il n'est pas là. Tu ne le sens
pas. Il n'existe pas dans un grand nombre de cas et de témoignages qu'on
entend d'hommes et de femmes au travail, et cela ne met pas automatiquement en
cause comme teile la compétence des médecins.
Des mécanismes sont prévus, le cas échéant,
s'il y a des médecins qui sont incompétents, qui se comportent
d'une façon inacceptable, que ce soient des médecins ou d'autres
professionnels, j'espère que les corporations et les groupes
chargés d'assumer ces responsabilités, de nettoyer le paysage ou
d'imposer des sanctions quand cela s'impose assument pleinement leurs
responsabilités; ce n'est pas balancé, ce n'est pas exclu par la
venue du projet de loi no 17.
Je m'excuse d'avoir pris peut-être un peu trop de temps.
Le Président (M. Marcoux): M. Couture, est-ce que vous
avez des commentaires ou des remarques?
M. Couture (Jean-Paul): J'aimerais ajouter un commentaire sur ce
que M. le ministre vient de dire à propos de la relation qu'on fait avec
le tiers payant, ou l'employeur. En fait, nous avons inclus ce terme dans notre
texte parce que c'est l'accusation qu'on a portée contre nous. Nous
avons justement proposé un mécanisme de protection je ne me
sens pas obligé d'avoir un mécanisme de protection parce que je
pense avoir gardé mon indépendance professionnelle malgré
que je sois payé par un employeur parce que vous en avez
déjà parlé dans le livre blanc et parce qu'il en a
été question un peu partout. A partir de là, nous avons
dit: D'accord, nous allons offrir des mécanismes de protection
complémentaires ou supplémentaires. C'est dans ce sens qu'on a
inclus le terme dans notre mémoire.
M. Marois: Je comprends parfaitement bien, et ce n'est
évidemment pas une proposition gratuite de votre part, j'en suis bien
sûr. Si vous avez senti le besoin, vous aussi de votre côté,
de faire ce constat de la situation particulière dans laquelle se trouve
le médecin du travail, c'est-à-dire celle de dépendant
économiquement d'un tiers, et de formuler une proposition qui vous
semble être la voie possible pour régler ce problème et
rétablir le climat de confiance... La simple chose que je voulais
signaler au passage, c'est que j'étais heureux de constater le fait que
vous notiez cette situation et que vous formuliez une proposition qu'on va
garder, qui n'est pas particulièrement celle vers laquelle on est
spontanément porté, après y avoir pensé et
réfléchi à plusieurs reprises comme pour tous les
autres mémoires, d'ailleurs on va regarder très
attentivement les propositions.
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous vous
identifier?
M. Lesage: Oui, Michel Lesage. C'est très "touchy", comme
on pourrait dire, ce problème venant du tiers payant, que le tiers
payant pourrait être n'importe qui, pourrait être l'Etat, la RAMQ,
l'employeur, c'est un tiers payant. Ce pourquoi on soulève le point,
c'est rattaché au point du médecin d'entreprise. Cela, c'est un
des points de divergence que vous avez soulevés. C'est quand même
un point extrêmement important parce que pour nous, dans notre
idée, dans notre conception de la médecine du travail, celle-ci
n'a de sens véritable c'est ce qu'on dit à la page 7
que si les conditions de travail sont aussi bien connues que le
travailleur lui-même, et là on développe sur ce qu'on
appelle l'intégration au milieu.
Nous; croyons que pour qu'il y ait vraiment intégration au
milieu, il faut que le médecin soit dans le milieu et qu'il fasse partie
du milieu. D'ailleurs, cela irait très bien avec le principe que vous
avez énoncé dans le livre blanc, la prise en charge par le
milieu. Nous, on ressent, avec la loi, que le médecin est sorti du
milieu puisqu'il ne fait plus partie de la structure de l'entreprise, il ne
fait plus partie de pe milieu, il n'est plus intégré au milieu.
C'est là qu'on dit: Le médecin doit rester dans
l'entreprise, il doit pouvoir conserver ses relations avec la structure
de l'entreprise, avec les différents départements, avec
d'accord l'employeur et avec, aussi, les employés. C'est à
ce niveau que ça accroche. Evidemment, s'il reste à
l'intérieur de l'entreprise, vient le fait: Qui paie? Là, il va
falloir songer: Est-ce que ce sera la RAMQ? Est-ce que ce sera le
ministère des Affaires sociales? Est-ce que ce sera l'employeur? C'est
une chose à discuter.
Le point important, c'est de laisser le médecin
intégré à l'entreprise, laisser le médecin comme
faisant partie du milieu de travail. A ce moment-là, on peut vraiment
dire: II est aussi un des employés ou un des gars qui est pris dans le
milieu de travail. A l'heure actuelle, on a l'impression... et c'est là
qu'on dit qu'il est rayé de la carte, on le sort du milieu, on
amène ce médecin, s'il le veut bien, au niveau d'un
département de santé communautaire et on parachutera ces
différents médecins dans différentes industries. C'est un
point que je voulais soulever. (17 h 30)
Je pourrais peut-être en soulever un autre qui est passé un
peu inaperçu, c'est le mode d'accréditation ou d'agrément
des médecins en matière de médecine du travail. Nous
trouvons qu'il serait peut-être un peu illogique que chaque DSC ait ses
critères d'admissibilité pour un médecin. Tel
département de santé communautaire de telle région
accepterait tel médecin, mais, dans telle autre région où
il y a plus de demandes, ils seraient plus sévères, ils
n'accepteraient pas. Alors, un gars pourrait être accepté dans un
et ne pas être accepté dans l'autre avec les mêmes
qualifications. Nous trouvons aussi très difficile qu'un médecin
soit jugé sur son idéologie ou en dehors de sa compétence,
puisqu'on dit que ce que proposaient les DSC tantôt pour le
médecin, c'est que la partie de son comportement ou la façon dont
il a réagi au règlement, ce soit jugé par un comité
paritaire.
Nous trouvons qu'il devrait y avoir un organisme et nous pensons que cet
organisme serait beaucoup plus indépendant s'il n'y en avait qu'un seul
au niveau de la province. Cet organisme devrait normalement être notre
corporation professionnelle qui nous juge aptes ou non aptes non pas en donnant
un certificat de spécialiste, mais, dans le cas actuel, en donnant un
certain certificat de pratiquede la médecine du travail. A partir de
là, ces médecins seraient aptes à travailler dans
n'importe quelle région de la province. Cela aussi, c'est important,
parce que certaines grandes industries sont disséminées à
travers la province, dans différentes régions. Cela devient
très difficile s'il faut être accepté par un DSC et
reprendre les mêmes critères ou les critères d'un autre DSC
pour être accepté. C'est peut-être un point qui est
passé inaperçu, mais je trouve que le point de
l'agrégation des médecins est très important.
M. Marois: Je prends note de vos commentaires sur ce dernier
point. Il y a une chose qui m'étonne un peu, vous parlez de la
présence dans ce milieu. Partant de la situation actuelle, la
présence dans le milieu, à moins qu'on soit dans les nuages
vous voulez dire les lieux physiques, d'une part; être là
un peu, beaucoup, passionnément enfin, à notre point de
vue, ce n'est pas assez passionnément, parce qu'il y a tout un paquet de
coins dans le paysage québécois où il n'y en a pas du
tout. Ce n'est certainement pas passionnément comme présence,
pour l'instant. Il va falloir faire un effort comme société et
là je ne blâme personne, sinon le fait que, comme
société, on a une responsabilité à assumer et qu'on
ne l'a pas assumée pleinement.
Vous semblez faire une équation comme automatique et
nécessaire entre la présence dans le milieu et le lien
économique ou la relation économique avec l'entreprise. D'autre
part, une fois ce constat fait, vous dites que votre lecture du projet de loi
17 vous amène à dire qu'on raye de la carte, qu'on sort de
l'entreprise, alors que notre intention est, bien au contraire, d'assurer une
plus grande présence, plus de ressources médicales et
paramédicales et d'autres professionnels. Encore une fois, on a
évoqué le cas des hygiénistes industriels. On veut
s'assurer non seulement qu'il y en ait un certain nombre, mais d'une
présence réelle dans le milieu, physiquement sur place, de son
intégration, notamment par la participation du médecin choisi au
comité paritaire, de sa présence et à tout le moins des
visites puisque dans certains cas, dans certaines régions, il peut
s'agir d'un certain nombre de petites entreprises qui peuvent être
très bien desservies par un seul médecin. Des entreprises d'une
plus grande taille nécessitent certainement une présence beaucoup
plus permanente.
Je ne vois pas en quoi il y a contradiction. Je pense que, sur
l'objectif d'une présence dans le milieu, on est plus
qu'entièrement d'accord, mais on ne voit pas une équation
automatique entre cette présence dans le milieu et une relation
économique directe avec l'entreprise. A moins que vous ne vouliez dire
là, je ne veux pas mal interpréter vos propos; c'est pour
ça que je vous pose la question et je termine là-dessus
qu'il vous paraît extrêmement important que, par ce lien
économique de relation avec l'entreprise, le médecin en question
fasse partie des cadres de l'entreprise.
M. Couture (Jean-Paul): Si je peux commenter, je crois que ce que
nous voulons dire, c'est que ce n'est pas une question économique, comme
vous le dites si bien. Je pense que c'est l'importance, pour un médecin
du travail, d'être près de l'endroit où se prennent les
décisions de l'entreprise.
Voyons, jusqu'à maintenant, ce qui s'est fait en médecine
du travail, les améliorations qui ont été
apportées. Malgré le tableau noir du livre blanc, je pense qu'il
y a eu de l'amélioration depuis 20 ou 30 ans; moi, ça fait
quatorze ans que je suis en médecine du travail et je sais qu'il y a eu
des améliorations depuis quatorze ans grâce à des
médecins du travail, à des infirmières et des
hygié-
nistes industriels, qui ont été capables d'influencer le
niveau de prise de décisions dans l'entreprise, de sensibiliser un
bureau d'administration, la haute direction ou les cadres d'une entreprise.
Pour être accepté, au niveau des cadres, tel que ça
fonctionne dans la province et dans le pays, il faut faire partie de la
famille, il faut être là. Je pense qu'actuellement, avec le projet
de loi, nous sortons le médecin, nous l'éloignons des cadres, du
niveau de prise de décisions et nous le parachutons, nous le ballottons
appelez ça comme vous voudrez et à ce moment, j'ai
peur que le médecin ait très peu d'influence auprès du
niveau de prise de décisions de l'entreprise. C'est ce que nous voulons
dire.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf. Pardon, vous voulez compléter monsieur?
M. Paquet (Guy): Je voulais faire une remarque à propos de
ce fameux climat de "non-confiance". J'ai peut-être les yeux
complètement fermés, mais ça fait quand même 16 ans
que je suis en médecine du travail, à temps plein, avec trois
compagnies importantes et je n'ai absolument pas vu le climat de
"non-confiance" dont M. le ministre parle; ça me donne l'impression, de
mon côté, que vous n'écoutez que les critiqueux et il y
aura toujours 10% de critiqueux. Mais, dans le milieu de travail où je
suis, il y a un climat de confiance incroyable, que je vis depuis 16 ans. Je ne
comprends rien à ce climat de "non-confiance", même j'ai
fermé mon bureau privé pour arrêter les gars de l'usine de
venir à mon bureau; ils viennent me voir à l'usine et, si on
ouvrait les portes plus largement, on aurait le grand-père et le petit
bébé en plus; alors, ce n'est pas un climat de "non-confiance".
Je ne sais pas d'où ça vient, mais j'aimerais avoir vos
commentaires là-dessus.
M. Marois: Très rapidement, je pense que je l'ai
mentionné assez souvent; ça vient de dossiers très
concrets je pense que vous ne voulez certainement pas m'amener à
mettre les cas sur la table très précis d'un certain
nombre d'entreprises.
M. Paquet (Guy): Je suis très au courant de ça, ce
sont les critiqueux dont je parlais.
M. Marois: Alors, vous admettez donc qu'il y en a. Il suffit
qu'il y en ait un, deux ou dix, ce sont déjà dix de trop, surtout
quand on parle d'à peu près 85 permanents. En d'autres termes, on
sait qu'il y en a et, que voulez-vous, on ne peut pas fermer les yeux
là-dessus; vous le savez, vous l'admettez vous-même et les autres
aussi l'admettent, les citoyens l'admettent. Ce n'est pas notre intention,
comme vous le dites, d'écouter uniquement les critiqueux. D'ailleurs, si
vous regardez les divers mémoires qui sont présentés
à la commission parlementaire, aux yeux de certains la teneur, le ton de
certains de ces mémoires pourrait être considéré
comme provenant de critiqueux et, que je sache, ils n'endossent pas
particulièrement le projet de loi no 17. Alors, on a
écouté aussi d'autres points de vue en cours de route.
M. Paquet (Guy): II y aurait un autre point, si vous me le
permettez. Vous avez parlé du nombre de médecins du travail
à temps plein; c'est un fait qu'il n'y en a pas beaucoup. Je suis dans
le milieu depuis longtemps, mais il faut dire que, vis-à-vis de mes
confrères, j'était un gars bizarre de m'en aller dans ce domaine
au début, j'étais vraiment un gars bizarre, mais on dirait
qu'aujourd'hui ça veut se développer. Créer une situation
pour le médecin, le faire engager par le DSC, le faire ratifier par le
comité paritaire, le parachuter dans une autre industrie, une telle
forme d'embauche ne grossira pas le nombre en attirant des médecins. Si
les médecins, tels que je les connais, veulent se donner autant de
problèmes que ça, ils vont se présenter pour se faire
élire députés ou devenir ministres et être
ballotés tous les quatre ans.
M. Marois: Ils vont découvrir que c'est toute une job!
M. Paquet (Guy): Je le sais, je l'avoue!
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais certainement
être plus bref que le ministre. Le ministre a quand même pris tout
près de 30 minutes.
Non, ce n'est pas la question, je vais vous dire ce qui s'est
passé. Vous n'avez pas beaucoup d'expérience ici, vous. Vous
savez, ce à quoi vous avez assisté aujourd'hui, messieurs qui
comparaissez, le Dr Couture, le Dr Lesage et d'autres, c'est un vieuxi truc en
politique. Quand un groupe comparaît, comme on dit en bon canadien et en
bon québécois, pour faire plaisir à ces gens, quand un
ministre est pour se faire planter par un mémoire, c'est ce qu'il fait,
il essaie de trouver des points convergents, il les met en relief pendant une
demi-heure. C'est ce qui s'est passé aujourd'hui. Je ne reviendrai pas
là-dessus. Je pourrais revenir, si le député de
Sainte-Marie voulait, on pourrait intervenir un peu plus longtemps sur cet
aspect de; l'intervention du ministre, ce qui est de bonne guerre,
ce qui est tout à fait justifié pour tenter, somme toute, de
recouvrir un peu les représentations faites à juste titre par les
gens qui interviennent.
J'avais l'intention d'aborder la question du climat deconfiance. Il en a
été largement question, je crois, entre vous qui intervenez et le
ministre. Quant à moi, il m'apparaît qu'elle est, jusque dans une
certaine mesure, justifiée la préoccupation que nous avons au
niveau du climat de, confiance. C'est juste qu'on a des représentations
qui nous sont faites. On les qualifiera de ridicules, comme le docteur en a
fait part tout à l'Heure. On les qualifiera d'expériences
malheureuses, peu importe, mais il faut constater
qu'il y a un problème au niveau du climat de confiance. Le
ministre en est conscient, mais j'aimerais qu'il soit conscient aussi que ce
climat de confiance va au-delà des médecins qui sont dans la
pratique privée. Cela va aussi au niveau des médecins de la
Commission des accidents du travail, M. le ministre, et vous aurez tôt
fait de constater, si vous échangez avec les députés
membres de la majorité qui, comme nous, font du bureau de comté,
qui rencontrent et qui ont à représenter des électeurs,
qui ont à recevoir des représentations de ces derniers, que le
climat de confiance n'est pas toujours des meilleurs à l'endroit des
médecins de la Commission des accidents du travail qui ont à
rendre des décisions eux aussi.
Je n'ai pas l'impression que les gens de Portneuf qui se plaignent des
médecins de la Commission des accidents du travail, sont
nécessairement toujours des critiqueux.
Je voulais aborder aussi la question des conditions
d'indépendance du médecin. C'est un aspect important, parce que
c'est un élément qui revient souvent. C'est un
élément qui soulève des passions. C'est un
élément qui est quand même assez grave, parce qu'il remet
en cause un principe aussi fondamental que l'indépendance
professionnelle, les engagements professionnels qu'un médecin a pris sur
la foi de son serment. Vous avez bien répondu à la question que
je voulais vous adresser, à savoir quelles étaient pour vous les
conditions pour qu'il y ait une véritable indépendance du
médecin. Encore là, c'est tout à fait subjectif. On
pourrait revoir des déclarations qui ont été faites et
s'interroger sur l'indépendance des médecins. C'est beau de
lancer dans un débat que les médecins, parce qu'ils sont
payés par une partie patronale qui est méchante capitaliste pour
certains, ne sont pas indépendants. C'est beau de dire cela dans
certains milieux. Mais on pourrait aussi se poser des questions sur les
déclarations d'un ministre qui par surcroît est premier ministre
et qui dit que dans un problème avec Asbestos Corporation, on va
demander à nos fonctionnaires de faire en sorte que les normes soient
appliquées d'une façon très rigoureuse, compte tenu des
procédures que la compagnie a entreprises. Les lois sur la santé
vont s'appliquer. Est-ce qu'on peut véritablement parler, à ce
moment, d'indépendance professionnelle. Toute médaille a un
revers, messieurs du gouvernement. Je tiens à vous le dire, M. le
ministre, en toute déférence.
Mon intervention peut paraître plus ou moins sereine, mais
à un moment donné, il y a des limites aux déclarations et
aux beaux grands principes. Il y a toujours deux côtés à
une médaille. Je vous invite à regarder, entre autres, sans
prendre la défense de ces gens, un peu ce qui se passe dans le champ de
la Commission des accidents du travail et à consulter vos
députés. Vous faites vous aussi du bureau de comté. Je
suis convaincu que vous avez régulièrement des
représentations. Vous allez être d'accord avec moi sur la critique
que je peux apporter à la déclaration que le premier ministre a
faite à l'endroit d'Asbes-tos Corporation. (17 h 45)
Une question bien spécifique, parce qu'il sera bientôt 18
heures. Vous êtes à peu près 200 médecins qui
pratiquez au Québec; vous nous dites que vous êtes en mesure de
saisir toute la problématique du milieu; les intervenants qui ont
comparu avant vous nous ont dit qu'ils avaient une juridiction territoriale
limitée avec les départements de santé communautaire,
qu'ils étaient en mesure de connaître le pouls, les besoins et la
santé de leur collectivité. Si la loi est adoptée,
on peut présumer qu'elle le sera, parce que le gouvernement a la
majorité, il n'y aura pas suffisamment de partielles pour qu'on le batte
d'ici la fin de l'année, évidemment on devra vivre avec
elle. Le secteur médical, les communautés de santé, les
médecins, peu importe par qui ils seront nommés, tout ce beau
monde sera en relation avec les départements de santé
communautaire. Comment cela a-t-il été jusqu'à maintenant?
Jusqu'où cela peut-il être concluant? La relation que vous avez au
sein des entreprises où vous travaillez, quelle est cette relation avec
les départements de santé communautaire dans le moment, ce que
vous avez vécu depuis quatre, cinq ou six ans?
M. Laflamme (Jacques): Je pourrais peut-être
répondre à cette question. Je fais moi-même partie d'un
département de santé communautaire, celui de l'hôpital
Saint-Sacrement. Les relations sont très bonnes. Je suis directeur
médical de SIDBEC-DOSCO. J'ai eu des relations avec les
départements de santé communautaire. Cela a été
très productif. Je suis directeur médical de Fer et titane. J'ai
eu des relations avec le département de santé communautaire de
Saint-Hyacinthe. Cela a été très positif.
M. Pagé: D'accord. J'en conviens que cela a certainement
été positif.
M. Laflamme: Tout ce qu'on nous demande: Est-ce qu'on peut aller
dans vos industries et dans vos réunions pour apprendre la
médecine du travail?
M. Pagé: Ce que je vous ai demandé, monsieur, ce
n'était pas ce qu'ils vous ont demandé...
M. Laflamme: Cela m'a été demandé
encore...
M. Pagé: Je vous ai demandé comment était la
relation. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Est-ce que les gens
du département de santé communautaire sont dans les industries?
Quels sont les relevés qui sont faits? Sur quoi les efforts portent-ils,
sur l'aspect santé et l'aspect prévention et ces choses?
C'était toute l'envergure de la question.
M. Laflamme: Les efforts jusqu'à maintenant sont
l'identification des industries sur le territoire, ce n'est pas plus que cela.
On a essayé de
retrouver les industries sur le territoire concerné, parce que
les DSC sont limités par région. On a essayé d'identifier
les industries sur le territoire. Le problème est rendu seulement
là.
M. Pagé: A l'identification?
M. Laflamme: A l'identification des industries. On essaie
d'établir les risques à l'intérieur de ces industries.
M. Pagé: Dans votre département de santé
communautaire, depuis combien d'années le département a-t-il
juridiction?
M. Laflamme: Depuis qu'on s'occupe de la médecine du
travail, cela fait peut-être un an ou deux qu'on a commencé
vraiment à se pencher sur la santé au travail; mais cela fait
simplement un an que je suis là. On parle de la relation de celui qui
paie avec le professionnalisme du médecin. L'hôpital
Saint-Sacrement a été désigné pour s'occuper de la
région 03, d'organiser un programme de santé pour les
employés du gouvernement. Comme c'est le gouvernement qui nous paie, et
que je suis là, je vais être singulièrement mal pris, parce
que je vais être payé par le patron. Comment vais-je m'en
sortir?
M. Pagé: Bonne question!
M. Laflamme: Vous demanderez à M. le ministre de
m'apporter une solution.
M. Pagé: Je serais même prêt à donner
deux minutes au ministre pour qu'il y réponde.
M. Marois: Continuez. A moins que je ne le fasse
bénévolement.
M. Pagé: Attention! Il y a d'autres groupes qui vont
revenir là-dessus. Je sais que...
M. Marois: C'est vrai que le bénévolat, ça
continue encore à fonctionner dans la société,
parfois...
M. Pagé: L'expérience est très
limitée j'en conclus, des commentaires que vous formulez...
M. Laflamme: Oui, très limitée.
M. Pagé:... l'expérience des départements de
santé communautaire, tout au moins de celui dans lequel vous avez pu
oeuvrer, et vous ne pouvez pas me dire s'il y a vraiment des recherches, des
connaissances ou encore des recherches qui sont actuellement faites dans
certains secteurs...
M. Laflamme: Oui, il y a une recherche qui se fait actuellement
au département de santé communautaire par l'université sur
les problèmes psychosociaux au niveau des employés du
gouvernement. Actuellement, le projet est en marche.
M. Pagé: Est-ce qu'il y a d'autres projets de
recherche?
M. Laflamme: II y en a peut-être d'autres. C'est le seul
dont je sois au courant actuellement.
M. Pagé: D'accord.
M. Laflamme: C'est un projet de recherche qu'on a demandé,
nous, quand on est entré au département de santé
communautaire, parce qu'on a travaillé au niveau des différents
ministères, parce qu'on a une clinique à Québec et on a vu
que c'était un problème qui remontait toujours à la
surface et on a demandé de faire une étude. Le projet a
été accepté par...
M. Pagé: Cela réfère un peu à ce que
vous signalez dans votre mémoire, lorsque vous formulez le voeu ou que
vous exprimez l'avis que la médecine du travail doit être la plus
individualisée possible, et c'est un élément important du
débat. C'est surtout au chapitre de la prévention, des
problèmes, de l'impact psychologique dans le comportement d'un
travailleur qui peut éventuellement entraîner un accident, parce
que l'agent agresseur n'est pas toujours un agent mécanique, un gaz ou
des choses comme ça. Cela peut strictement être une erreur humaine
due à des problèmes chez l'individu et ça, c'est un aspect
qui devra être abordé ici, au cours des travaux de cette
commission, entre autres. Je me proposais de l'aborder avec un intervenant de
ce soir, mais, avec le temps très limité, je n'ajouterai rien
là-dessus parce qu'il ne reste que quelques minutes et aussi, par
déférence pour les autres groupes, je vais laisser la parole
à mon collègue...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres...
Oui? Vous pouvez commencer.
M. Paquet (Guy): Est-ce que je peux prendre deux minutes
supplémentaires pour vous donner d'autres sons de cloche en relation
avec les DSC.
Une Voix: S'il vous plaît!
M. Paquet (Guy): Avec un DSC, cela a été
sensationnel. Les gars se sont dit: Lui, il connaît ça, cela fait
longtemps qu'il est là-dedans, on le laisse faire; il n'y a pas de
problème. Avec un autre DSC, on m'a demandé de fournir la liste
des produits qu'on utilisait et tout ça. On a discuté un peu, on
s'est rencontré. On leur a donné tout ce qu'ils demandaient. On
s'est très bien entendu. Avec le troisième, la chicane a
commencé. Ils m'ont passé un CLSC en-dessous de la table. Ils ont
délégué des pouvoirs et là, cela a
été une bataille juridique. La chicane n'est pas
terminée.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, j'ai quelques mots à
ajouter, parce que je vis dans un comté qui
est largement industrialisé et je ne vois pas pour quelle raison
on pourrait s'en faire, parce que le projet de loi, de toute façon,
n'empêche pas l'usine ou l'industrie de continuer à se payer un
médecin pour ses propres expertises, pour ses propres analyses. Je n'ai
rien vu dans le projet de loi qui irait à l'encontre de ça. C'est
un service que l'usine peut se payer et ça, c'est tout à fait
légitime si elle veut le faire.
A partir du moment où elle le fait je pense que ça,
c'est humain, qu'on soit avocat, médecin, dentiste, peu importe dans
quelle profession on travaille quand on est engagé par quelqu'un,
qu'on est payé par quelqu'un, avec toute la meilleure volonté du
monde, même si on est de très bonne foi, il n'en reste pas moins
qu'on doit un certain respect à notre patron et qu'on doit lui rendre un
certain service parce que c'est lui qui nous paie et, à partir de ce
fait-là, vous êtes perçu par les 50, 100, 200, 300 ou 1000
employés ou travailleurs dans l'usine comme étant finalement un
cadre faisant partie ou étant un peu le prolongement du bras droit du
patron et, psychologiquement, pour les travailleurs de l'usine, vous êtes
un peu le patron.
Même si vous diagnostiquez des cas de maladie industrielle,
l'individu qui va se faire diagnostiquer par le médecin de l'usine voit
toujours une ombre au tableau. Il n'est jamais à 100%
sécurisé. Il y a sûrement des cas d'exception, bien
sûr. Je ne mets pas tous les médecins d'usine dans le même
bateau. Il y a sûrement des usines que vous connaissez où cela va
très bien, où ce que je décris ici n'existe pas; mais pour
avoir eu tellement de cas comme celui que je décris, à mon bureau
de comté, je suis sûr... Moi-même, comme travailleur d'usine
en tant que soudeur, j'ai eu aussi ce sentiment dans les usines où j'ai
travaillé, ce sentiment que le médecin de l'usine était un
peu le patron. Quand on sait que quand il faut intervenir ou faire des
recommandations au conseil d'administration de la compagnie et que pour
régler un problème, par exemple, de pollution dans l'usine ou de
bruit dans l'usine, parce que cela pourrait amener des cas de surdité ou
des cas de trouble pulmonaire, cela peut coûter jusqu'à des
millions de dollars, quand arrive le médecin au conseil d'administration
pour faire de telles propositions, pour dire au patron: Pour être bien
sûr que vos employés vont être exempts de telle
poussière, de tel bruit ou de telle lacune qu'on vit dans l'usine, il
faudrait transformer une partie de l'usine, aménager tout un
système nouveau d'aération, quand on est rendu à parler de
millions, à un moment donné, le conseil d'administration va dire
au médecin: On est fier que tu nous aies décortiqué le
problème, mais on va prendre le dossier et on va le mettre encore une
couple d'années sur la tablette parce qu'on n'est pas prêt
à payer des sommes aussi exorbitantes pour régler le
problème.
Le médecin étant l'employé du patron ne peut pas ou
peut difficilement réagir. Est-ce que seulement ses convictions
professionnelles peuvent le mettre en brouille avec son patron finalement? A
toutes fins utiles, cela risque de rester là. Je connais des cas comme
ceux-là. Quand on parle du phénomène de "non-confiance",
c'est ce dont on parle finalement. Les employés dans l'usine, ils le
sentent, ils le savent et c'est difficile quand ils ont été, je
ne dirais pas trompés, parce qu'il y a d'autres médecins que le
médecin de l'usine... Un travailleur est diagnostiqué par le
médecin de l'usine qui dit blanc, il va voir le médecin de
famille qui dit noir, c'est encore là un autre phénomène
qui amène des doutes chez les travailleurs. Il y a tout un processus
d'entraînement qui fait qu'on n'a plus de confiance, peut-être pas
toujours avec des raisons valables, mais il y a eu des cas qui ont fait que
finalement, la situation s'est détériorée. Je pense que le
projet de loi 17 propose une solution à cette "non-confiance". Je
répète ce que je disais au début: La compagnie pourra
toujours quand même se payer un médecin dans son usine.
M. Paquet (Guy): II ne faut quand même pas oublier que
c'est vrai que cela n'apparaît pas dans le projet de loi qu'elle ne peut
pas se payer un médecin expert, mais si avec la nouvelle commission de
la santé et de la sécurité du travail, à la fin de
l'année, il est à $200 000 ou $300 000 de plus... Ce n'est pas
dit dans la loi, mais cela empêche un peu de se payer un médecin
expert, à ce moment-là. C'est un autre point de vue qu'il faut
voir.
Ce que vous disiez, à savoir que le médecin ne peut pas
faire dépenser le patron parce qu'il fait partie des cadres et ne veut
pas lui faire dépenser des millions, on a des arguments pour cela,
aussi. On n'a qu'à sortir nos dossiers de sourds qui ont
été compensés, arriver chez le patron et dire: Ecoute un
peu, tu ne veux pas le dépenser, mais combien cela t'a-t-il
coûté pour la surdité, jusqu'à ce jour? Ce sont des
choses qu'on fait, qu'on vit quotidiennement, aussi.
M. Laflamme:... qui existait avant la médecine du travail
et il y avait quand même ce que vous avez en dernière limite, 85
médecins qui avaient été employés par des
compagnies. Les compagnies ont quand même réalisé, à
un moment donné, qu'il y avait un aspect santé et qu'il n'y avait
pas de loi qui les encadrait. Essayez de prouver qu'un service de santé,
dans une industrie, c'est rentable. Je vous garantis que vous aurez de la
difficulté, et cela a quand même existé.
M. Couture (Jean-Paul): II peut toujours y avoir des cas
d'exception dans tous les domaines, chez tous les professionnels, chez tous les
ouvriers. Je peux engager un électricien qui va me faire un mauvais
travail comme je peux avoir un mauvais médecin, à un moment
donné. Quand on parle d'association, qu'on parle de règles de
conduite de notre association et de nos membres, je vous réfère
au code de déontologie qu'on a ajouté. Je pense qu'on a remis
à tous les membres, ici, un code de déontologie de notre
association. Cherchez dans ce code s'il n'y a pas toutes les protections pour
le médecin quand il dit ce qu'il
pense devant n'importe qui, incluant le conseil d'administration des
entreprises, mais ne mettez pas la responsabilité de toutes les
"non-réalisations" dans le domaine industriel sur le dos du
médecin, parce que c'est là qu'on parle de l'importance de
l'intégration du médecin à l'entreprise parce que celui
qui va régler le problème je pense qu'un
hygiéniste, un membre de DSC l'a dit cet après-midi
réellement préventif, c'est celui qui va corriger la situation
qui cause des maladies ou des accidents du travail. Celui-là, c'est
souvent un ingénieur en production, un ingénieur en fabrication,
c'est peut-être un architecte.
Quand on parle d'intégration et quand nous parlons de
multidisciplinarité au sein d'une entreprise, on dit qu'il faut
être là, comme médecin, à ce niveau, et être
capable de discuter autant avec l'ingénieur, l'architecte,
l'ingénieur en construction, l'ingénieur en production ou
n'importe qui dans l'entreprise. C'est pour cela que nous voyons une importance
énorme d'être considérés comme des employés
de l'entreprise, d'être consultés comme des employés de
l'entreprise. Maintenant, si tous nos conseils ou tous nos avis ne sont pas
réalisés, je suis bien prêt à prendre des
responsabilités, mais ne me donnez pas les responsabilités d'un
président d'entreprise, ou nommez-moi président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander un
consentement, avant, pour que vous m'inscriviez à la place du
député de Jonquière, étant donné que je
n'étais pas arrivé au début.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement
pour que...
M. Shaw: J'ai quelques questions à poser.
Le Président (M. Marcoux): Cela ne vous enlèvera
pas votre droit de parole.
M. Chevrette: Oui, mais j'étais avant vous et je vous ai
donné le consentement, pour que vous parliez tantôt, je vous
demande le vôtre.
Le Président (M. Marcoux): Vous n'avez pas pu le donner,
parce que vous n'étiez pas encore membre de la commission. Je
demanderais aux membres de la commission s'il y a consentement pour que le
député de Joliette-Montcalm soit inscrit comme membre de la
commission en remplacement du député Vaillancourt
(Jonquière)?
Une Voix: D'accord.
M. Chevrette: J'ai une question...
Une Voix: Je crois que le Dr Lesage a quelque chose à
ajouter.
Le Président (M. Marcoux): Vous voulez compléter
avant que...
M. Lesage: Oui, très rapidement...
Le Président (M. Marcoux): Vous avez deviné la
question?
M. Lesage: Non pas encore, mais...
M. Chevrette: Comme vous êtes parti, vous allez m'enlever
le droit de parole.
M. Lesage: Je veux seulement dire un mot, à la suite de
l'intervention faite par le député de...
Une Voix: Beauharnois.
M. Lesage: ... Beauharnois. On nous dit qu'il nous restera encore
à faire des examens d'expertise. Je tiens à vous dire que la
médecine du travail, ce n'est pas uniquement ça et qu'il y a des
choses pas mal intéressantes dans la médecine du travail qui
s'appellent la surveillance médicale de l'ensemble d'un groupe. On
travaille à ce sujet depuis cinq ans, dix ans ou quinze ans et ça
va disparaître, on va rester une espèce de pion inspecteur pour la
compagnie face aux inspecteurs qui vont venir du côté
gouvernemental, c'est ce que je voulais dire.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais m'adresser au
médecin je ne me souviens plus de son nom qui a
argumenté sur le climat de confiance. Il nous a dit que cela faisait 16
ans qu'il était aimé, adoré, tout le monde voulait lui
amener même les bébés. Je voudrais qu'il me dise en quoi le
projet de loi va lui enlever quoi que ce soit, en termes de; climat de
confiance? En quoi le projet de loi que vous avez entre les mains enlève
ou détériore la situation par rapport à votre cas bien
précis.
M. Paquet (Guy): En rien. Absolument pas. M. Chevrette: Si cela
ne vous enlève rien...
M. Paquet (Guy): Mais qu'on ne dise pas qu'on adopte cette loi
parce qu'il n'y a pas un bon climat de confiance, qu'on change le
système... Que je sois à travailler pour un DSC, le climat de
confiance, c'est l'individu qui va le faire, je vais avoir encore à
mettre un pied devant l'autre pour être accepté, que je vienne de
n'importe où. Mais qu'on ne dise pas qu'on sera obligé de changer
tout le système à cause des médecins du travail qui ont
amené un climat de "non-confiance", c'est tout simplement ça...
(18 heures)
M. Chevrette: En vertu de l'article 88 de ce projet de loi, il y
a des gens qui ont à se prononcer, ils sont tout au moins
consultés, s'il y a une mésentente, il y a un mécanisme
prévu et, de la bouche même de votre porte-parole, on a
admis qu'il y a des cas d'exception, il y en a des exceptions dans
l'industrie. Il y a de très bons employeurs et il y en a d'autres qui
sont insouciants. Il y a d'excellents médecins et il y en a d'autres qui
sont un peu moins "vargeux". C'est la même chose en politique. Partout.
Mais, à partir de là, il faut mettre une norme minimale ou un
mécanisme qui permette, en tout cas, dans le domaine de la santé
on ne rit pas de ça, on ne joue pas avec ça. Je pense que
l'article 88 permet tout au moins, au départ, de fournir un
mécanisme qui ait ce minimum là où il n'y en a pas, pas
pour vous, mais il y a des places. Vous parlez pour l'ensemble je suppose,
à ce moment je dois vous dire que ce ne sont pas tous des gens comme
vous; si ça va bien pour vous, tant mieux, la loi ne vous enlève
rien, mais là où ça va mal, la loi leur donne quelque
chose.
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous ajouter un
commentaire à ceci? M. le député de Pointe-Claire.
M. Jolivet: Justement, M. le Président, peut-on s'entendre
pour que ce soit la dernière intervention, de façon à
pouvoir aller souper ensuite?
Le Président (M. Marcoux): C'est ça.
M. Shaw: Ma question est très importante, parce qu'on
parle ici d'un projet de loi qui essaie de faire quelque chose, de
régler les problèmes de la sécurité et de la
santé au travail. L'année dernière, nous avons
travaillé longtemps sur un projet de loi sur la jeunesse, qui,
maintenant, est un problème parce qu'ils n'ont pas cru à
l'actualité économique des ressources dont on a besoin en mettant
en vigueur un projet de loi. Je veux vous poser la question.
Le ministre a dit qu'il y avait un manque d'expertise dans votre
domaine, seulement 172 ou 200 environ; sa raison pour dire ça est que la
demande n'est pas là. Si le revenu n'est pas rentable pour les
médecins dans votre domaine, les jeunes médecins vont choisir une
autre branche. Pensez-vous, avec ce projet de loi, avec les moyens que nous
allons essayer de donner à la population, que vous allez avoir, dans les
DSC, l'expertise adéquate, assez nombreuse pour faire valoir ces bons
voeux que ce projet de loi formule?
M. Couture (Jean-Paul): Actuellement, avec ce qui existe dans la
réalité québécoise, en médecine du travail
et les experts en hygiène industrielle, les infirmières, qui sont
aussi spécialisées dans la distribution des services dans les
services de santé, il faut être assez réaliste pour voir
aujourd'hui qu'il y en a à un seul endroit actuellement et il en existe
dans les entreprises. Vous me demanderez si on va retrouver, dans les DSC, la
même expertise? Elle n'existe pas actuellement, il faut être
réaliste; il y a peut-être quelques individus qui sont
allés faire des études spéciales, un an en hygiène
publique à quelque part et qui prétendent, aujourd'hui,
être des spécialistes en médecine du travail.
Je regrette, mais quant à nous, nous faisons une distinction
entre l'hygiène publique et la médecine du travail. Nous croyons
que la formation en médecine du travail est différente de celle
en hygiène publique. Nous ne nions pas qu'une partie de la
médecine du travail regarde l'hygiène publique, mais ce n'est
qu'une partie; comme il y a une partie de la médecine du travail qui
regarde la toxicologie; comme il y a une partie de la médecine du
travail qui regarde d'autres domaines. Quant à l'ensemble de la
médecine du travail, je ne pense pas qu'il y ait des experts en ce
domaine actuellement en dehors des entreprises, dans la province de
Québec.
M. Shaw: Vous dites dans votre mémoire que vous avez une
couverture de 40% des ouvriers du Québec avec le nombre de personnes qui
sont dans votre propre profession, maintenant. Par ce projet de loi, on
espère que les 60% qui seront couverts vont avoir de quelque part
l'expertise pour donner ces soins. Si on ferme le système privé
qui est le seul qui peut adéquatement former des gens pour venir dans ce
métier, est-ce qu'ils vont venir travailler avec les DSC ou est-ce
qu'ils vont choisir quelque chose d'autre pour continuer leur pratique de la
médecine?
Je sais que c'est une question qui demande une opinion, mais à
mon point de vue, le problème dans l'industrie maintenant est que l'on
n'a pas assez... on a besoin d'exiger plus d'éléments qui sont
disponibles maintenant et avec des moyens de supporter ceux qui veulent aller
dans ce domaine, pour avoir plus de monde pour faire le travail avant qu'on
retire tous ceux qui sont maintenant dans ce domaine...
C'est, à mon avis, le plus grand problème de ce projet de
loi; au lieu de réparer ou améliorer la situation, nous pouvons
l'aggraver.
M. Cassidy (Lorne): La question de formation est très
importante. Cela va prendre au moins un an avant que les programmes soient
acceptables il y aura ce que l'on appelle des mini-programmes qui ne seront pas
adéquats. Cela va prendre une période d'entraînement parce
qu'on n'a pas assez de personnes qualifiées pour cas fonctions. Je
demanderais au ministre, quant à la question de consultant, s'il veut
garder les médecins pour ne pas que les compagnies les prennent comme
consultants, ceux qui oeuvrent déjà dans l'industrie, il n'y aura
pas beaucoup de médecins dans un an et demi ou deux ans, jusqu'à
ce que la compagnie réalise qu'elle paie deux fois de sa poche un
consultant qui n'a rien à faire ou rien à dire, s'il y a
peut-être une chicane entre le DSC et lui.
Alors, tu es aussi bien de les laisser et d'aller avec le DSC si la loi
est pour être adoptée comme telle. Sans cela, la compagnie va
l'embaucher pour un an ou deux ans jusqu'à ce qu'elle réalise que
cela lui coûte $40 000, $50 000 ou $60 000 pour absolument rien. Ce que
font présentement
les DSC, ils essaient d'aller piger ces hommes-là, tout comme
cela a été fait au NIOSH aux Etats-Unis, tout comme cela a
été fait dans les autres pays. Il faut aller piger parmi ceux qui
demeurent là. Si vous laissez le consultant, la compagnie va payer $5000
ou $10 000 de plus pour le garder jusqu'à ce qu'elle réalise
qu'elle paie trop. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Couture.
M. Couture (Jean-Paul): Est-ce que j'aurais le droit de faire une
dernière remarque?
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Couture (Jean-Paul): Ce serait simplement pour me
libérer de mes frustrations.
Le Président (M. Marcoux): Cela nous fait plaisir de vous
le permettre.
M. Couture (Jean-Paul): En une minute? Le Président (M.
Marcoux): Oui.
M. Couture (Jean-Paul): J'entendais le député de
Beauharnois tout à l'heure dire: Je suis un soudeur et j'ai le droit de
parole. Bien, moi, je suis le fils d'un ouvrier et j'ai le droit de parole. Je
commence à me poser une question. Je me demande même si je n'ai
pas posé, comme Québécois, des gestes à mon propre
détriment et, aujourd'hui, si je ne me suis pas dévalorisé
parce que j'ai posé des gestes, parce qu'étant fils d'ouvrier,
j'ai décidé de suivre un cours; après cela, un cours de
médecine et après cela, je me suis spécialisé en
médecine interne; cela a pris quatre ans. De mon propre gré, de
mon propre choix, j'ai décidé de devenir médecin à
salaire. Vous pouvez être sûr qu'à salaire, il y a quatorze
ans, ce n'était pas gros comme médecin. C'était beaucoup
moins que ce que je pouvais faire en pratique privée. J'ai
décidé de m'en aller en médecine préventive. Pour
votre renseignement, je suis allé voir le sous-ministre de la
Santé, à ce moment, pour dire: Avez-vous une position pour moi en
médecine préventive? Il n'y en avait pas. Je suis allé
voir une entreprise et j'ai dit: Avez-vous une position pour moi en
médecine préventive? Ils ont dit: Oui. Je leur ai demandé:
Qu'est-ce que cela me prend? On m'a dit: D'abord, des connaissances.
Envoie-nous ton curriculum vitae. Deuxièmement, on veut avoir un homme
intègre. Troisièmement, on veut avoir un homme objectif. Si tu es
capable de remplir ces conditions, on t'accepte en médecine du travail.
Aujourd'hui, je pense que je suis devenu un très mauvais
Québécois à cause de cela. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, en terminant, je voudrais, au
nom de tous les membres de cette commission, remercier infiniment, encore une
fois, l'Association de médecine industrielle, comme j'ai eu l'occasion
de le faire au début de mon exposé. Le député de
Portneuf a donné son interprétation de mes propos. Je n'en reste
pas moins très profondément convaincu des propos que j'ai tenus
tout au long de mon intervention. Je maintiens que le témoignage que
vous apportez apporte un éclairage important aux travaux de cette
commission. En ce sens, je tiens à vous remercier infiniment.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie l'Association de
médecine industrielle du Québec de nous avoir
présenté son mémoire. La commission suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures.
Suspension des travaux à 18 h 10
Reprise de la séance à 20 h 10
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du
travail.
J'inviterais maintenant l'Association pour l'hygiène industrielle
à venir nous présenter son mémoire. M. Raymond Moisan? Si
vous voulez nous présenter vos collègues.
Association pour l'hygiène industrielle
M. Moisan (Raymond): M. le Président, M. le
ministre...
Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez approcher le
micro et parler un peu plus fort...
M. Moisan: Oui.
Le Président (M. Marcoux): ... parce que j'ai eu certains
commentaires à l'heure du souper disant qu'à la fois les
députés et les intervenants parlaient trop faiblement.
M. Moisan: M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, je suis Raymond Moisan, président de
l'Association pour l'hygiène industrielle au Québec, et mon
travail est pour une firme de conseillers en hygiène industrielle et
environnement. J'ai à ma gauche, ici, M. Marcel Laferrière, le
secrétaire de notre association, ingénieur en hygiène
industrielle aux Services de protection de l'environnement, et, à ma
droite, Jacques Normandeau, coordonnateur en santé au travail dans un
département de santé communautaire et qui était le
responsable de la rédaction de notre mémoire sur le projet de loi
no 17.
L'Association pour l'hygiène industrielle au Québec
regroupe des gens de tous les milieux qui ont un intérêt direct ou
indirect en hygiène
industrielle. Notre association a pour buts, entre autres, la promotion
des connaissances relatives à l'hygiène industrielle par
l'échange et la vulgarisation de l'information et l'étude des
lois et toute autre action pertinente au domaine de l'hygiène
industrielle.
On a parlé pas mal d'hygiène industrielle au cours de
l'après-midi et même ce matin dans différentes
interventions. On pourra peut-être passer en gros à travers notre
mémoire, mais sans le lire au complet, pour ne pas trop abuser du temps,
et peut-être insister sur les points qu'on veut faire ressortir en
particulier dans notre mémoire. On pourrait peut-être, à ce
moment-là, vous demander d'inscrire notre mémoire au journal des
Débats, vu qu'on ne le lira pas au complet.
En tant qu'association, nous nous réjouissons de l'initiative
prise par le gouvernement de proposer une législation globale dans le
domaine de la santé et de la sécurité au travail. Nous
croyons qu'une telle mesure s'imposait depuis fort longtemps, afin de clarifier
l'imbroglio qui existe au niveau des lois et des différentes
juridictions dans ce secteur.
Pour ceux qui seraient intéressés, on a
présenté, à la page 5 de notre texte, ici, une
définition de l'hygiène industrielle, qui est un art et une
science voués à la reconnaissance, à l'évaluation
et au contrôle des contraintes du milieu qui peuvent causer une maladie
professionnelle ou affecter la santé du travailleur ou causer un
état d'inconfort significatif et même d'inefficacité chez
le travailleur. Et on donne des détails des contraintes qu'on rencontre
dans le milieu de travail qui sont d'ordre chimique, physique, ergonomique,
etc.
On voudrait peut-être attirer l'attention sur les contrôles
des multiples contraintes en hygiène industrielle qui nécessitent
des choix d'un groupe de mesures dont, pour en nommer quelques-unes, la
substitution d'un matériel toxique ou d'un procédé
dangereux par un autre de moindre risque. On peut penser, par exemple, à
la substitution de grenailles d'acier au lieu de sable ou de silice libre dans
les opérations de nettoyage par jet abrasif. Le confinement d'un
procédé ou l'isolement d'un travailleur. Pensons, par exemple, au
bruit. Très souvent, il est impossible et économiquement
impensable de réduire complètement le bruit en deçà
de 90 décibels tout au moins, mais on peut isoler le travailleur de
sorte que le travailleur n'est pas surexposé au bruit. L'humidification
de certains procédés; par exemple, le forage par voie humide au
lieu de voie sèche. La ventilation locale et générale, le
bon entretien de l'équipement et des lieux de travail, la diminution des
temps d'exposition au travail et, en dernier recours, la protection
personnelle.
On voudrait mentionner aussi que la prévention se fait dès
la conception des usines ou des établissements industriels et dans le
choix des équipements de production. Il est évident que le
domaine n'est pas réservé seulement à quelques personnes.
Cela déborde largement le cadre de la seule surveillance de la
qualité du milieu et nécessite des connaissances de plusieurs
aspects, en étant facilement accessible.
Nous sommes d'accord avec les grands principes de la réforme,
tels que la prise en charge par le milieu, l'instauration d'un cadre
législatif unifié et l'accent sur la prévention. Nous
avons constaté comme plusieurs que l'hygiène industrielle, bien
que sous-entendue dans plusieurs articles, on n'en parle pas dans le projet de
loi no 17. On sous-entend certaines actions de personnes évoluant en
hygiène industrielle dans plusieurs articles dont les articles 40, 69,
136, 185, etc.
Cette lacune est d'autant plus évidente qu'une part importante du
texte décrit très précisément une dimension de la
santé au travail, l'organisation des services de santé, en
passant sous silence la dimension complémentaire et indispensable de
l'hygiène industrielle.
L'évaluation et le contrôle de la qualité du milieu
de travail doivent précéder et compléter
l'établissement de programmes de santé spécifiques, et il
nous semble que l'accent aurait dû être mis sur cet aspect et sur
les liens étroits existant entre l'hygiène industrielle et la
médecine du travail.
Nous désirons que le législateur reconnaisse la place que
l'hygiène industrielle doit occuper dans la structure proposée
par la loi et l'importance des interventions sur le milieu de travail qui sont,
en très grande partie, de la compétence et de la
responsabilité de l'hygiène industrielle vis-à-vis des
problèmes de santé et de salubrité.
Au niveau des définitions, nous croyons que les
définitions de "contaminant", "matière dangereuse" et
"rayonnement" sont trop restrictives et nous suggérons une
définition de "agent agresseur" qui permettrait de tenir compte de
certaines disciplines comme l'ergonomie et de problèmes associés
comme les horaires de travail, cadence, rotation, posture, etc. On propose une
définition de "agent agresseur", à la page 9 de notre
mémoire.
La relation environnement-santé. La santé et
l'environnement au travail sont étroitement liés. Cela a
été dit plusieurs fois aujourd'hui. On peut tout simplement
ajouter que nous croyons énormément qu'on doit agir sur le
milieu, qu'il doit y avoir des liens très étroits entre les
programmes de prévention et les programmes de santé en milieu de
travail.
Programmes-cadres de surveillance de la qualité du milieu. Les
pathologies professionnelles proviennent de la qualité du milieu, et le
contrôle de l'émergence de ces dernières dépend de
la qualité de la surveillance du milieu. Cette surveillance continue est
la garantie de la salubrité du milieu et du bien-fondé des
mesures préventives adoptées. Il arrive cependant que,
malgré un contrôle strict de l'environnement, des individus
développent des pathologies professionnelles. Celles-ci peuvent provenir
de susceptibilités individuelles ou d'un effet toxique
insoupçonné. Il est donc important d'avoir des programmes de
surveillance de la santé appropriés aux toxiques ou agents
agresseurs, et permettant de déceler les
atteintes précoces insoupçonnées. Cette mesure
indispensable permet de dépister les travailleurs affectés
là où l'hygiène industrielle aurait pu faillir, faute de
données toxicologiques appropriées, le travailleur étant
l'ultime moniteur.
Nous reconnaissons l'importance de la normalisation de la base de la
surveillance médicale. Il nous apparaît cependant tout aussi
important de définir les normes minimales de surveillance de la
quaité du milieu, afin de s'assurer que les résultats des
évaluations soient uniformes. Une telle mesure favorisera une
surveillance minimale de la qualité du milieu et le contrôle de
celle-ci. Le type de surveillance proposé dans le projet de loi nous
semble socialement très coûteux et contraire au principe
même de la prévention et de l'hygiène industrielle.
L'importance de l'hygiène industrielle dans la formation des
intervenants. Ce qu'on dit, c'est que le travailleur, l'employeur, le
comité de santé et de sécurité, le
représentant de la prévention, le médecin, l'inspecteur,
l'association sectorielle, tout le monde a besoin de formation en
hygiène industrielle et d'information. Ce qu'on suggère, c'est
que le gouvernement mette l'accent sur la formation de spécialistes,
mais aussi sur la formation de tous les niveaux qui doivent intervenir dans le
milieu de travail de l'employeur ou du travailleur, en passant par toutes les
spécialités. Il faut aussi étendre la formation à
tous les étudiants de tous les niveaux pour sensibiliser un peu tout le
monde à reconnaître les risques, proposer des solutions et aider
au contrôle de la qualité du milieu.
Enfin, on vous propose certaines recommandations qui sont on en a
mentionné une tout à l'heure d'ajouter la
définition "d'agent agresseur" et à plusieurs articles, comme
à l'article 40, de modifier l'article pour ajouter "hygiène
industrielle", utiliser les méthodes et les techniques en hygiène
industrielle ou autres, visant à identifier, contrôler,
éliminer les risques pouvant affecter la santé et la
sécurité du travailleur.
A l'article 48, 6e: Les modalités de mise en oeuvre de toutes les
autres règles relatives à la santé et à la
sécurité et l'hygiène industrielle, on suggère
d'ajouter les mots, "hygiène industrielle" encore là.
Que les liens existant entre la qualité du milieu et la
santé apparaissent clairement dans le texte, en modifiant certains
articles, comme, par exemple, l'article 81, premier alinéa, qui pourra
se lire: "Les programmes-cadres de santé au travail en fonction des
agents agresseurs et de surveillance de la qualité du milieu du travail
devant s'appliquer sur les territoires ou aux établissements ou
catégories d'établissements qu'elle détermine."
Article 93: "Le médecin responsable doit élaborer,
à partir des résultats de l'évaluation de la
qualité du milieu, en consultation avec l'employeur et le comité
de santé et de sécurité, un programme de santé
spécifique à l'établissement et aux agents agresseurs que
l'on y retrouve et voir à sa mise en application."
Article 185, troisièmement: "Déterminer le contenu minimum
obligatoire des programmes de prévention", on suggère d'ajouter:
"et de surveillance de la qualité du milieu de travail, selon la
catégorie à laquelle appartient un établissement ou un
chantier de construction."
Que l'on reconnaisse l'importance de l'hygiène industrielle dans
l'inspectorat. Ainsi, à l'article 21, que le terme
"immédiatement" soit remplacé par "dans les plus courts
délais possible", afin que l'expertise en hygiène industrielle
soit effectuée lorsque c'est nécessaire.
De plus, les dispositions de l'article 136 font de l'hygiène
industrielle une part importante des activités de l'inspecteur. Nous
croyons que le gouvernement devra prendre toutes les mesures nécessaires
afin d'assurer la polyvalence et la compétence de ses inspecteurs.
Que certaines ressources soient prévues en hygiène
industrielle, en modifiant ainsi les articles suivants: article 60, qui
pourrait se lire: "Le comité de santé et de
sécurité pourra s'adjoindre toute personne dont les
compétences seraient jugées nécessaires dans
l'exécution de son mandat." (20 h 30)
L'article 109: "Le gouvernement nomme les observateurs
spécialisés respectivement en santé,
sécurité et hygiène industrielle auprès de la
commission. Les observateurs participent aux réunions de la commission,
mais sans droit de vote."
L'article 129, comportant l'ajout d'un seizième alinéa
pouvant se lire: "Mettre sur pied un groupe-conseil afin d'assurer au
comité de santé et de sécurité, aux
représentants à la prévention, aux associations
sectorielles et aux employeurs l'expertise nécessaire dans le domaine de
l'hygiène industrielle, de la santé et de la
sécurité au travail."
Qu'une banque de fiches toxicologiques soit mise sur pied et accessible
aux intéressés. Dans cet esprit, nous proposons d'ajouter
à la fin de l'article 55: "Le fournisseur devra faire parvenir à
la commission (référence, article 129, premier alinéa) et
au client (référence, article 40, huitième alinéa)
une fiche toxicologique contenant toutes les données pertinentes au
produit et à son utilisation, tel qu'établi par
réglementation".
Article 129, recueillir des informations visées dans la
présente loi et le règlement et tenir, et mettre à jour un
répertoire toxicologique des produits utilisés dans les
établissements. Que soit incluse la notion d'ergonomie par la
modification suivante, à l'article 40, huitièmement: "communiquer
aux travailleurs et, le cas échéant, au comité de
santé et de sécurité, ainsi qu'à l'association
accréditée et à la commission la liste des contaminants et
matières dangereuses utilisés dans l'entreprise et de tout autre
agent agresseur.
Que la Commission de la santé et de la sécurité du
travail puisse statuer sur le choix des méthodes préventives afin
que la meilleure technologie possible puisse être employée et
éviter qu'elles ne se résument qu'à la protection
personnelle en ajoutant à l'article 185: "établir les
priorités dans le choix des moyens de protection de la
santé et de la sécurité".
En terminant, soyez assuré, M. le ministre, que nos
recommandations sont faites dans un esprit de collaboration afin que cette
nouvelle loi ait toutes les garanties de succès qu'elle est en droit
d'attendre. L'Association pour l'hygiène industrielle au Québec
vous offre, de plus, son entière collaboration dans l'élaboration
de la réglementation touchant ses secteurs d'activité. Je vous
remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M.
le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier les porte-parole de l'Association pour l'hygiène industrielle
au Québec pour s'être donné la peine de travailler le
projet de loi. Je pense que cela a été fait avec beaucoup de
sérieux. Je pense qu'il s'agit là d'un mémoire qui
contient j'aurai l'occasion de revenir sur certains des
éléments; je ne peux pas les reprendre tous ce soir bon
nombre de recommandations qui m'apparaissent très intéressantes.
En tout cas, soyez assurés d'une chose au point de départ, c'est
que toutes et chacune des recommandations de votre mémoire vont
certainement être considérées et examinées
très attentivement.
Ceci dit, je vous remercie aussi pour les commentaires qui vont dans le
sens, je crois, de façon très claire, d'un appui non seulement
à l'objectif fondamental qu'on vise en présentant ce projet de
loi, mais également aussi à l'approche. Je pense que vous avez
signalé en introduction que cela vous semblait être probablement
l'approche, selon vos mots, à votre façon, qui était
probablement la plus collée à la réalité
québécoise, celle qui vise à prendre appui sur les parties
qui sont concernées.
Je voudrais, si vous me permettez, vous soumettre simplement très
rapidement quelques commentaires et quelques questions. J'apprécierais
connaître vos réactions et vos réponses à ces
commentaires et questions. D'une part, vous insistez dans votre mémoire
sur les liens très étroits qui existent entre l'hygiène
industrielle et la médecine du travail. Il se peut qu'il y ait des
ambiguïtés. S'il y a des ambiguïtés, c'est notre
travail de faire en sorte de les éclaircir, de les bannir, pour que le
texte de loi soit le plus clair possible et ne se prête pas à
quelque espèce d'interprétation qui fausserait l'intention du
législateur, comme on dit dans le jargon. Ce que le projet de loi, quant
à notre interprétation, ce lien entre l'hygiène
industrielle et la médecine du travail, reprend sous le concept
général de santé, effectivement, vous l'avez
évoqué autour des articles, notamment, 93, 48 au troisième
paragraphe, etc.
Je dois vous dire aussi je pense qu'on a eu l'occasion de
l'indiquer au cours de la journée que non seulement nous
reconnaissons, mais nous attachons une importance très grande à
l'hygiène industrielle et aussi aux liens étroits qui doivent
nécessairement exister ou qui devront, en tout cas si on doit
intensifier dans ce sens exister entre, d'une part, la médecine
du travail et l'hygiène industrielle, d'où le concept, de notre
point de vue, plus global de santé qui englobe ces deux dimensions.
La première question que je voudrais vous poser est la suivante.
Concernant ces liens entre les deux dimensions qui ont été, au
fond, largement évoquées tout au long de nos discussions
aujourd'hui, et que votre mémoire établit très bien,
à mon point de vue, sur le plan technique, je voudrais savoir comment
s'établissent présentement ces liens concrètement, et le
type de problèmes qui sont rencontrés de votre point de vue? Ce
serait la première question.
J'aimerais également savoir comment, d'après vous,
pourraient être améliorés les liens en question et
particulièrement, j'aimerais savoir si vous partagez les vues d'un
certain nombre d'autres organismes qui proposent, comme le projet de loi le
fait, d'ailleurs, d'intégrer au sein des services de santé des
établissements et des CH-DSC, comme on dit dans le jargon, les fonctions
de surveillance de l'environnement, ces dernières fonctions étant
aussi l'apanage du comité paritaire d'établissements, de
l'inspectorat et des associations sectorielles. Ce sont les deux
premières questions.
Il y a un autre point, mais qui recoupe passablement ce dont on vient
déjà de parler. Vous suggérez dans votre mémoire
que le projet de loi devrait prévoir des programmes-cadres de
surveillance de la qualité du milieu, au même titre que le projet
de loi prévoit des programmes-cadres de santé au travail. Je
pense que ça paraît à la page 17 de votre mémoire.
Au fond, c'est le même problème qui revient ici,
c'est-à-dire celui de connaître la portée qu'on donne
à l'expression "programmes-cadres de santé" et, à notre
point de vue à nous, dans son acception la plus large, les
programmes-cadres de santé incluent les deux dimensions,
c'est-à-dire la surveillance médicale et
épidémiologique et aussi la surveillance environnementale.
Mais, ce que j'aimerais savoir, c'est connaître votre avis sur
l'opportunité d'avoir ou bien deux programmes-cadres distincts portant
sur l'une et l'autre dimensions invoquées ou un seul programme-cadre qui
intégrerait, à la fois, les deux dimensions de la surveillance de
la santé. J'ai cru comprendre, en lisant votre mémoire, en
particulier toujours à la page 17, l'article 81, que vous étiez
plutôt portés à favoriser cette dernière
hypothèse et, à ma connaissance, c'est aussi cette approche qui a
été retenue par les équipes NIOSH aux Etats-Unis.
J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
Vous recommandez également que le comité de santé
et de sécurité puisse s'adjoindre toute personne dont les
compétences seraient jugées nécessaires dans
l'exécution de son mandat. Je pense que vous avez parfaitement raison.
Si le texte est ambigu, n'est pas clair, et s'il ne ressort pas clairement
qu'il a cette possibilité et ce pouvoir, vous pouvez être certains
qu'on va accueillir très favorablement votre recommandation
au fond, non pas de remplacer l'article 60 comme tel, mais d'y apporter
les amendements qui s'imposeraient, pour faire en sorte que ce pouvoir y soit.
Cela, je puis vous l'indiquer tout de suite.
En terminant, il y a deux autres recommandations, parmi d'autres, mais
sur lesquelles je tenais à intervenir, qui m'apparaissent
également intéressantes. Ce sont les recommandations que vous
faites concernant les articles 55 et 129. Une première qui vise à
établir une sorte d'obligation aux fournisseurs de produire une fiche
toxicologi-que et à la commission, d'autre part, de tenir un
répertoire toxilologique.
Ces recommandations m'apparaissent très intéressantes. On
va certainement les regarder de très près. Je me pose cependant
j'avoue que je réfléchis tout haut plutôt que
d'autre chose et on va certainement le gratter simplement la question de
savoir quelle est notre marge de manoeuvre pour imposer une obligation comme
celle-là aux fournisseurs dans le cadre constitutionnel actuel, dans la
mesure où, certains fournisseurs sont de l'extérieur du
Québec? C'est une question à regarder de très près,
mais je pense que l'idée de fond est intéressante.
Voilà, M. le Président, mes commentaires et mes questions.
Si les membres de l'association voulaient réagir à ces
commentaires et nous donner des indications, s'ils le jugent pertinent.
M. Moisan: Je dois peut-être au départ vous dire que
notre association regroupe des gens de bien des milieux différents et
que c'est assez difficile de faire un consensus, d'exprimer une idée qui
rencontre les idées de l'ensemble de nos membres. On compte à peu
près 265 membres à l'AHIQ présentement. Nous avons des
gens qui viennent du milieu industriel, des gens qui viennent directement du
gouvernement, des DSC, des universités, des conseillers, des
travailleurs. C'est assez difficile. Je pense en particulier à votre
deuxième remarque, ou commentaire, ou question concernant
l'opportunité de placer l'hygiène industrielle dans les CH-DSC.
On a convenu à l'association de ne pas se prononcer en tant
qu'association directement là-dessus. Ce qui nous intéresse,
c'est que l'hygiène industrielle soit bien reconnue et qu'elle soit
faite à un endroit ou un autre. En tant qu'association, c'est
très difficile de se prononcer. En tant qu'individus, on pourrait vous
émettre des opinions, mais en tant qu'association, ce qui nous
intéresse, c'est qu'il se fasse de l'hygiène industrielle, qu'il
y ait des spécialistes en hygiène industrielle et beaucoup
d'autres personnes, même si elles ne sont pas des hygiénistes
industriels peuvent faire du travail en hygiène industrielle, qu'il y en
ait au gouvernement, qu'il y en ait dans l'entreprise privée, qu'il y en
ait un peu partout. Pour améliorer les milieux de travail, c'est
à peu près tout ce qu'on peut dire en tant qu'association en ce
qui concerne les structures.
Pour revenir à la première question les liens actuels
entre l'hygiène industrielle et la médecine au travail,
actuellement ces liens se font dans l'entreprise. Dans une entreprise, par
exemple, assez souvent les gens responsables de l'hygiène industrielle
vont avoir des contacts constants avec le médecin d'entreprise. Ils vont
discuter avec lui. Ils vont l'informer de ce qu'ils trouvent dans le milieu. De
même, le médecin va informer les gens qui s'occupent
d'hygiène industrielle de certaines anomalies qu'ils peuvent rencontrer
chez les travailleurs, etc. Je pense que ce n'est pas
systématisé, mais dans une grande entreprise où cela
fonctionne bien, je pense que les échanges se font assez bien entre le
médecin et les personnes qui font de l'hygiène industrielle et je
peux peut-être demander à mes collègues, peut-être
à Jacques ou Marcel, s'ils veulent ajouter quelque chose
là-dessus. Ils sont dans un domaine différent du mien comme
activité professionnelle.
M. Normandeau (Jacques): Pour reprendre entre autres le point
numéro 2 concernant l'intégration de l'hygiène
industrielle dans la structure, en fait, l'association comme telle,
étant donné qu'elle favorise aussi la promotion sur une grande
échelle, des principes de base de l'hygiène industrielle, c'est
qu'on voit que l'hygiène industrielle doit être partout dans la
structure aussi, et pour les mêmes raisons que M. Moisan a
signalées. Du fait que l'association regroupe des gens de diverses
provenances, on ne peut pas faire de consensus, sinon celui-ci: que
l'hygiène industrielle où les bases, du moins, devraient
être généralement répandues dans toutes les
structures et aussi à tous les niveaux, autant du point de vue
individuel auprès du travailleur que du point de vue d'experts, par
exemple, à tous les niveaux.
Concernant la façon dont s'établit le lien actuel
environnement-santé, je dois dire que, présentement, c'est
laissé au bon vouloir des parties, des gens qui sont en cause. Parfois,
cela va s'établir très bien, il va y avoir des entreprises, par
exemple, qui vont faire le lien entre les deux, parfois, aussi, les programmes
de santé, lorsqu'ils existent, vont être élaborés de
façon tout à fait séparée d'un programme de
salubrité ou d'environnement. Comment améliorer cela? Il y a eu
plusieurs réunions. Evidemment, encore du fait de la provenance, on ne
peut pas proposer de structure comme telle. La seule chose qu'on peut faire,
c'est de voir à la promotion, à la généralisation,
au moins, du domaine de l'hygiène industrielle, c'est-à-dire que
cela puisse au moins faire partie de la formation même des
médecins, que cela puisse faire partie de la formation des
comités de santé et de sécurité, de la formation
des associations et de la formation du travailleur. Je pense qu'on ne peut pas
élaborer plus que cela là-dessus.
M. Marois: D'accord.
M. Moisan: En ce qui concerne les programmes cadres de
surveillance du milieu, je pense que là-dessus, on peut se prononcer en
tant qu'association et mentionner qu'on préférerait comme
vous avez conclu qu'on pensait, en lisant notre mémoire avoir un
seul programme de santé
incluant la surveillance de la qualité du milieu plutôt que
d'avoir un programme de santé à part et un autre programme de
surveillance du milieu séparément. On préférerait
voir tout cela dans un même programme cadre de santé au
travail.
M. Marois: La raison la plus fondamentale qui vous amène
à conclure dans ce sens, à votre point de vue, c'est quoi?
M. Moisan: C'est pour qu'il y ait de meilleurs échanges
entre le médecin de travail et la personne qui fait de l'hygiène
industrielle, qu'on discute bien ensemble, que chacun puisse avoir son "input",
que chaque partie puisse collaborer; on aimerait collaborer dans un programme
global en tant que personnel d'hygiène industrielle. Je pense que ce
sont les raisons qui nous motivent à opter pour un seul programme
intégrant sur le contrôle du milieu.
M. Normandeau: Je peux peut-être compléter un peu
là-dessus, en prenant un exemple bien concret. Sans présumer de
la situation qui va se produire, comme telle, mais advenant le cas... Si on
prend l'exemple d'une compagnie utilisant un toxique comme le plomb,
évidemment, avec un cadre unifié de santé et de
surveillance de l'environnement, on va prévoir, pour le toxique
donné ou pour l'agent-agresseur donné, autant de mesures, que
possible dépendant des conditions ou de l'historique des
procédés utilisés; peut-être une plombémie
aux six mois comme surveillance de la santé, et évidemment,
aussi, une évaluation de la qualité du milieu à peu
près aux mêmes intervalles.
Ce n'est pas seulement pour rapprocher les individus, c'est en fait, que
des liens étroits existent entre ces deux choses: l'environnement et la
santé. De ce fait, un programme-cadre de santé sans un
programme-cadre d'environnement qui va avec, c'est détacher le
problème de la cause, ou détacher la cause de l'effet.
M. Moisan: Concernant les autres remarques que vous avez faites,
M. le ministre, nous sommes heureux que vous acceptiez d'étudier nos
recommandations ou nos commentaires. Je pense qu'on n'a pas autre chose...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Moisan, je
tiens, moi aussi, au nom de l'Opposition officielle, à vous remercier
pour la présentation de votre mémoire. On l'a lu bien
attentivement et on a pris connaissance des recommandations que vous formulez.
A plusieurs égards, vous soulevez des questions qui seront certainement
débattues par les parlementaires lors de l'étude du projet de loi
après la deuxième lecture, au moment de l'analyse du projet
article par article. Les commentaires que vous avez formulés à
l'égard de certains articles en particulier, des modifications qui
pourraient y être apportées, des ajouts aux définitions,
etc., cela nous sera certainement utile et on vous remercie du travail auquel
vous vous êtes astreint pour présenter le document.
Pas besoin de vous dire que vous avez pris connaissance de la
déclaration qu'on a faite ce matin. Nous sommes d'avis que
l'nygiène industrielle est l'un des éléments importants de
toute action dans le domaine de la santé et de la sécurité
au travail. Le gouvernement se doit, selon nous, comme vous en faites part, de
préciser davantage et d'officialiser, en lui donnant une place bien
définie, ce qu'il entend faire de ce secteur important de l'action ou de
toute démarche qui vise la santé et la sécurité des
travailleurs et des travailleuses du Québec.
Vous avez évoqué tout à l'heure, en réponse
à une question du ministre, le fait que votre association ne
s'était pas prononcée ou ne voulait pas, ou que vous ne sembliez
pas avoir le mandat pour vous prononcer ou de donner votre opinion sur le fait
que tout le secteur de l'hygiène industrielle soit placé sous la
juridiction des départements de santé communautaire.
Il en a été abondamment question aujourd'hui.
L'interprétation que donnent le ministre et le gouvernement à
certains articles n'est pas la même que l'interprétation qu'on
donne à ces mêmes articles. On a constaté, parmi les
intervenants, qu'il y avait peut-être un peu de confusion sur
l'interprétation qu'on donnait à ces termes et le moins qu'on
puisse dire, c'est que le législateur se devait de reprendre le
libellé au moins de l'article 93 et de ceux qui s'y rapportent. Selon
les dispositions de l'article 93, advenant le cas où ces deux actions,
la première, de santé et d'intervention pour l'application et le
contrôle de l'application du programme de santé et l'autre volet
qui est le volet du contrôle environnemental, seraient placées
sous la même juridiction du département de santé
communautaire, ça voudrait donc dire qu'une fois le projet de loi
adopté vous qui êtes un hygiéniste industriel, vous auriez
à travailler sous la juridiction d'un médecin. Je me demande si,
personnellement tout au moins, vous souscrivez à ce principe.
M. Moisan: Même si le gouvernement plaçait ces
responsabilités sous le contrôle des départements de
santé communautaire, je pense qu'il devrait y avoir de la place pour les
hygiénistes industriels en industrie et dans l'entreprise privée
aussi, peut-être comme conseillers, parce que je doute, personnellement,
que le gouvernement puisse avoir suffisamment de ressources pour faire tout le
travail. Le contrôle peut se faire au niveau des départements de
santé communautaire ou ailleurs, mais je pense qu'il va devoir y avoir
dans l'entreprise des gens qui vont faire de l'hygiène industrielle, du
côté des employeurs et des travailleurs.
Comme on le disait tout à l'heure, en tant qu'association, c'est
bien difficile de se prononcer là-dessus. On peut simplement
émettre des opinions personnelles. Comme on le disait
précédem-
ment, on veut qu'il y ait de l'action en hygiène industrielle;
que ce soit reconnu, qu'on apporte certaines précisions au texte de loi.
Maintenant, au point de vue des structures, si j'émettais une opinion,
ce serait une opinion personnelle et non pas en tant que président de
l'Association pour l'hygiène industrelle.
M. Normandeau: Je voudrais ajouter un commentaire
là-dessus. Premièrement, le nom de l'association, c'est
l'Association pour l'hygiène industrielle au Québec. Je ne suis
pas hygiéniste industriel. Mon champ d'action m'amène à
travailler étroitement avec ce secteur de l'environnement ou de
contrôle de l'environnement. Donc, ça ne concerne pas
nécessairement ce qu'on peut appeler des hygiénistes industriels,
mais ça concerne l'hygiène industrielle. En fait, ce qu'on veut
peut-être dire c'est que l'hygiène industrielle peut être
considérée comme la base de la prévention du fait de son
rattachement à l'environnement.
La deuxième chose qu'on veut dire, étant donné
qu'elle peut être considérée comme la base de la
prévention, c'est qu'elle devrait être largement répandue,
utilisée et connue comme telle. De ce fait, donc, on favorise la
formation, sur une grande échelle, dans ce domaine, à tous les
niveaux, de tous les individus qui peuvent être concernés.
M. Laferrière (Marcel): Si je puis faire un commentaire
supplémentaire; en réalité, ce sur quoi on s'est
arrêté, c'est qu'on a voulu dire que l'hygiène industrielle
était nécessaire à tous les niveaux, que ce soit dans un
DSC, que ce soit à la commission, que ce soit dans l'industrie
même. On veut simplement que ce soit reconnu, que c'est nécessaire
à tous les niveaux. On ne s'arrête pas sur le choix de la
structure; en tant qu'association on ne se prononce pas là-dessus.
M. Moisan: On peut peut-être ajouter qu'on aimerait, en
tant qu'association, que le gouvernement étudie très bien la
place de l'hygiène industrielle, avec les avantages et les
désavantages de retrouver ça dans une structure
décentralisée ou centralisée pour offrir les meilleurs
services possible aux travailleurs et à l'industrie. Je pense qu'on
aimerait se limiter à ça, que ce soit très bien
étudié, que le gouvernement forme des hygiénistes
industriels, il n'y en a pas beaucoup, que le gouvernement...
M. Pagé: ... la formation et de l'information, entre
autres la référence au ministère de l'Education, quant
à nous, nous l'avons bien appréciée dans votre
mémoire. Je conviens que, en tant qu'association, vous n'ayez pas
à vous prononcer sur cet aspect de la question, de la structure et
comment ça devrait se concrétiser, mais je remarque quand
même que, dans vos commentaires, en votre nom personnel, vous semblez
privilégier vous pourrez me corriger si je me trompe la
possibilité que les actions, que l'initiative de l'action dans le
secteur de la prévention, relativement à l'hygiène
industrielle et le contrôle de l'environnement, demeurent quand
même au sein de l'entreprise plutôt qu'au sein d'une structure qui
sera sous la juridiction du département de santé communautaire?
En tout cas, c'est ce que je semble percevoir et en conclure. Si je me trompe,
vous pouvez me le dire, je vous en prie, je vous invite à le faire, mais
c'est la perception que j'en ai.
M. Moisan: En fait, ce qu'on désire, c'est qu'on retrouve
l'hygiène industrielle à tous les niveaux: dans l'entreprise; au
gouvernement. Le gouvernement a grand besoin d'avoir des spécialistes en
hygiène industrielle et pas seulement des spécialistes, mais
beaucoup d'autres personnes qui y travaillent.
Si je vous ai laissé penser que personnellement je semblais
privilégier que ce soit laissé à l'entreprise
privée plutôt qu'au gouvernement, peut-être que
l'interprétation de ce que j'ai dit peut être correcte, mais ce ne
serait pas une opinion de l'Association pour l'hygiène industrielle
comme telle; ça pourrait être l'opinion d'un individu.
M. Pagé: Je connais la délicatesse de votre
position et je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président, j'aimerais vous
remercier, M. Moisan, ainsi que vos collègues, pour l'intéressant
document que vous avez mis à la disposition des membres de la commission
parlementaire.
Lorsqu'on regarde les champs d'activités qui sont les
vôtres, mais si vous êtes de disciplines passablement
différentes en termes de profession, on se rend compte que, dans la
foulée de l'aspect préventif qu'on veut donner à cette
approche de la santé et sécurité au travail, vous
apparaissez comme des interlocuteurs dont on doit sérieusement tenir
compte, puisque vous occupez une place prépondérante, si on a
cette préoccupation.
J'avais certaines préoccupations en ce qui concernait les liens
que vous entrevoyez entre la médecine du travail et l'hygiène
industrielle, mais je pense que vous y avez touché indirectement tout
à l'heure. J'aimerais revenir sur cet aspect plus spécifique.
Est-ce que vous pourriez nous décrire de quelle façon se fait
l'intégration, sur le plan pratique, entre la médecine de travail
et votre champ d'activité? Appelons-le ainsi pour les fins de la
discussion. Votre champ d'activité qu'est l'hygiène industrielle,
de quelle façon s'intègre-t-il actuellement? (21 heures)
M. Moisan: Cela se fait de plusieurs façons. Si on pense,
par exemple, à la Commission des accidents du travail, un médecin
avant de statuer sur une réclamation pour maladie professionnelle va
souvent demander à la Direction de l'hygiène
industrielle de faire une enquête ou une expertise dans le milieu
de travail pour porter un jugement final, pour faire une relation entre
l'état de santé d'un travailleur et la qualité d'un milieu
de travail; dans la structure gouvernementale, c'est un exemple. Dans
l'entreprise, le médecin, très souvent, va demander à la
personne qui fait de l'hygiène industrielle d'évaluer un milieu,
que ce soit pour la poussière, le bruit, le solvant, un gaz, une
radiation, n'importe quoi. La personne qui fait l'hygiène industrielle
évalue le milieu et informe le médecin. Est-ce que ce milieu
répond aux normes acceptables? Même si ce ne sont pas des normes
officielles au Québec, comme telles, cela viendra avec la
réglementation suivant la loi. Il y a des guides qui sont
utilisés par tout le monde au gouvernement et partout dans l'entreprise.
Les "threshold limit values" qui viennent des Etats-Unis. Le milieu est sain ou
non s'il respecte les normes ou non. Cela permet encore au médecin de
voir si l'état de santé d'un travailleur peut être
affecté par son travail ou non, parce qu'il y a des exemples qui ont
été donnés au cours de la journée. Une personne qui
souffre de surdité peut prendre sa surdité ailleurs qu'à
son milieu de travail, etc.
L'hygiéniste industriel, la personne qui fait l'hygiène
industrielle étudie le milieu et informe le médecin. Sur demande
du médecin ou de sa propre initiative, si elle voit une situation
dangereuse ou pas nécessairement dangereuse, mais malsaine à
laquelle un certain nombre de travailleurs sont exposés, elle peut
informer le médecin et lui dire de porter une attention
particulière à tel ou tel agent agresseur dans ses examens
médicaux, et aussi comme dans l'exemple que Jacques donnait tout
à l'heure, l'exposition au plomb. Il peut y avoir chez les travailleurs
des prises de sang faites régulièrement et le milieu peut
être évalué pour voir s'il est adéquat, si on
respecte les normes dans le milieu de travail. Les joints se font comme cela,
médecin et personne qui fait de l'hygiène industrielle.
Voyez-vous, j'ai donné un exemple pour le gouvernement. J'ai
donné quelques exemples dans l'entreprise. C'est à peu
près comme cela que cela se passe actuellement, les relations. C'est
soit le médecin qui demande l'information sur le milieu ou soit la
personne qui s'occupe du milieu qui informe le médecin.
M. Brochu: Est-ce que c'est vous, par exemple, qui avez fait
récemment les études qui ont eu cours sur les problèmes de
surdité, les problèmes de bruits industriels? Il y a eu une
étude. Est-ce que vous avez participé à ces
recherches?
M. Moisan: Dans quel dossier?
M. Brochu: Je sais que cela s'est fait dans le dossier de
l'amiante entre autres, dans les usines de la région de l'amiante. Cela
s'est peut-être fait sur d'autres échelles, mais il en avait
été question.
M. Moisan: On a un de nos membres de la région de
l'amiante ici. Je pense que l'industrie de l'amiante...
M. Brochu: C'est simplement par curiosité. Ce n'est pas
directement relié à nos travaux.
M. Moisan: II y a des études qui ont été
faites par les services gouvernementaux dans l'industrie de l'amiante et les
industries elles-mêmes font beaucoup d'études sur le milieu.
M. Brochu: Maintenant, en ce qui concerne la démarche des
entreprises, ce qui m'amène à la deuxième partie de cette
question, est-ce que vous remarquez de façon générale,
dans les entreprises au Québec, une volonté d'aller un petit peu
au-devant de la musique, si vous voulez, dans le domaine de la
prévention, la santé et la sécurité au travail?
Est-ce que vous sentez cette préoccupation ou si, de façon
générale, vous êtes davantage appelés après
qu'une situation se fut détériorée et qu'on veut apporter
certains correctifs? Jusqu'à maintenant, dans l'expérience du
vécu de votre association, est-ce que vous êtes en mesure de nous
donner quelques indications dans ce sens? Le législateur aimerait
connaître un peu l'attitude d'ensemble des entreprises dans ce
domaine.
M. Moisan: Je pense qu'on...
M. Brochu: Autrement dit, de quelle façon, pour
l'entreprise, on distingue le curatif et !e préventif? Est-ce qu'on a
fait une nette démarcation jusqu'à maintenant ou si on est
resté plus du côté du curatif ou si on a vraiment eu cette
préoccupation du préventif?
M. Moisan: On pourrait donner beaucoup d'exemples de compagnies
qui sont allées de l'avant, qui ont évalué leur milieu et
qui ont agi sur le milieu en contrôlant beaucoup, soit la
poussière, le bruit ou tout autre agent de contamination. Il y a
d'autres entreprises qui ne vont pas de l'avant. Disons qu'en
général la petite et la moyenne entreprise sont moins
préoccupées par ces problèmes actuellement que la grande
entreprise. Très souvent, dans la PME, les travailleurs ne sont pas
syndiqués, sont plus ou moins bien organisés, plus ou moins bien
informés des conditions de leur milieu. Souvent, dans les petites
entreprises à propriétaire unique, où c'est la même
personne qui fait tout, la production, la comptabilité, le financement,
la vente, etc., la qualité du milieu de travail peut être moins
dans ses préoccupations premières que dans d'autres entreprises
plus grandes. Cela peut varier d'une entreprise à l'autre aussi. Je
pense qu'en général on peut dire sans trop se tromper que la
grande entreprise est mieux organisée pour faire face à la
prévention des accidents ou des maladies que la petite et moyenne
entreprise.
M. Brochu: Ils ont plus les moyens, au point de départ, et
les structures. Je pense que c'est intéressant comme remarque.
M. Moisan: Mes collègues en voient beaucoup aussi par
leurs travaux respectifs. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose,
Marcel.
M. Laferrière: C'est aussi selon le type de
problème qui peut se présenter. Il y a toujours un
côté économique face au type de problème. Si on
parle de bruit, bien souvent, cela peut coûter cher. C'est
peut-être en suspens en attendant de trouver une technologie moins
dispensieuse. On préfère peut-être prendre d'autres moyens
comme palliatifs, soit des équipements de protection personnelle. Il y a
un problème économique aussi à ne pas oublier lorsqu'on
parle de moyens de prévention, dans la petite entreprise surtout. Cela
existe aussi dans la grande entreprise.
M. Brochu: Cela va. Maintenant, si vous permettez, j'aurais une
autre question aussi. A la page 13 de votre mémoire, si je ne fais pas
erreur, vous dites: Le type de surveillance proposé nous semble
socialement très coûteux et contraire aux principes même de
la prévention et de l'hygiène industrielle. J'aimerais
peut-être avoir quelques explications supplémentaires sur cette
affirmation que vous faites par rapport au projet de loi. Vous dites que cela
va un peu à l'encontre de vos principes, des principes
élémentaires de votre champ d'activités, de votre champ de
préoccupations. De façon plus spécifique, qu'est-ce que
cela veut dire exactement?
M. Normandeau: Normalement, la prévention passe d'abord
par un contrôle de la qualité ou de la salubrité de
l'environnement ou du milieu de travail. Ce qu'on peut rencontrer relativement
fréquemment dans le milieu, c'est qu'on peut, soit mesurer la
qualité du milieu du travail à partir d'appareils par des mesures
physiques, par exemple, dans l'aire de concentration de produits, soit,
après coup, mesurer la qualité du milieu de travail à
partir d'une évaluation médicale par exemple de la santé
d'un travailleur.
Quand on sait qu'il y a beaucoup de pathologies professionnelles qui ont
un développement très lent, de type chronique on peut
prendre, par exemple, la silicose ou l'amiantose à ce moment,
lorsqu'on va dépister un problème chez l'individu, cela va
être un peu coûteux de déterminer comme cela la
qualité du milieu de travail puisque, en fin de compte, l'individu est
maintenant atteint. Il est trop tard. Ce n'est plus de la prévention.
Après une exposition de vingt ans, si on prend la cohorte d'individus
qui ont été exposés, cela fait tout un déficit, un
nombre grandissant d'individus qui vont développer la même
pathologie. Donc, en fait, ce qu'on favorise, c'est premièrement
établir une surveillance et un contrôle de l'environnement.
Evidemment, le contrôle de l'environnement ou la surveillance ne sont pas
toujours parfaits. A ce moment, on doit pallier aux imperfections en dernier
recours en prenant l'être humain, l'homme comme moniteur. A ce moment, il
s'agit de voir les atteintes précoces, alors que la maladie est encore
réversible, que ce n'est pas irréversible. Donc, une surveillance
qui serait basée principalement sur une surveillance de la santé
serait une surveillance après coup seulement, si elle n'est pas
doublée d'une politique d'environnement.
M. Brochu: Vous voudriez que dans le projet de loi no 17 cette
préoccupation soit davantage évidente qu'elle ne l'est
actuellement, par rapport à ce point-là, au niveau de la
surveillance?
M. Normandeau: En fait, ce que nous aimerions, c'est qu'une
emphase soit mise sur ce point, que les politiques de contrôle de la
qualité et de la salubrité du milieu, de façon
générale, précèdent toute autre mesure ou soient
instaurées parallèlement, par exemple, à un certain
contrôle médical, une surveillance médicale.
M. Brochu: Merci.
M. Jolivet: Une petite vite...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Une petite vite simplement, parce que vous avez fait
mention, tout à l'heure, de différents milieux d'où vous
venez. J'aimerais savoir, en termes de formation ce que c'est... C'est une
question pour connaître un peu votre groupe, la formation en
hygiène industrielle, qu'est-ce que c'est? Est-ce qu'il y en a
actuellement au niveau du Québec?
M. Moisan: Oui, il y en a. Il y a des hygiénistes
industriels ici au Québec, mais ils sont très peu nombreux. Il
peut y en avoir une dizaine, une douzaine, une quinzaine, mais ils sont
très peu nombreux, de ce qu'on appelle, en tout cas, des
hygiénistes industriels, tels que définis par l'American
Industrial Hygiene Association. Généralement, un
hygiéniste industriel, c'est une personne qui a une scientifique de
base, soit en génie, en chimie, en biologie et doublée au moins
d'une année ou deux de spécialisation en hygiène
industrielle comme telle, ce qui permet à l'hygiéniste industriel
d'avoir des notions de médecine, des notions de sécurité,
des notions de loi, de la façon de faire des enquêtes, des notions
d'épidémiologie, etc.
Il y a un certain nombre de Québécois qui sont des
hygiénistes industriels, tel qu'entendu par l'American Industrial
Hygiene Association. Il y a plusieurs autres personnes qui font de
l'hygiène industrielle, qui pourraient porter le titre
d'hygiéniste industriel aussi, mais personne n'a jamais statué
ici, au Québec, ce qu'était un hygiéniste industriel. Il y
a de nombreuses personnes en industrie qui ont une formation de base en
sciences ou en techniques, qui font de l'hygiène industrielle, qui ont
suivi des cours soit de maîtrise ou des cours brefs de quelques semaines,
quelques mois à l'occasion, qui sont documentées dans la
littérature disponible, etc., et qui sont capables de faire de
l'hygiène industrielle. Je ne sais pas si ça répond
à votre question.
Dans notre association, on a des gens de tous les niveaux qui sont
préoccupés par l'hygiène industrielle. On a de nos membres
qui ne font pas directement de surveillance sur la qualité du
milieu, mais qui ont un intérêt à ce que ça
se fasse.
M. Jolivet: II n'y a pas de formation directe au Québec?
Cela provient de l'extérieur?
M. Moisan: Cela commence au Québec. Certaines
universités offrent des cours. L'Université McGill, par exemple,
commence un cours cet automne, santé occupationnelle, qui va
déboucher sur un certificat en hygiène industrielle ou en
santé occupationnelle. L'Université du Québec à
Trois-Rivières donne un cours de maîtrise où on donne de
plus en plus de notions d'hygiène industrielle, d'ergonomie, etc., aux
étudiants qui s'inscrivent à cette maîtrise.
L'Université Laval ici donne certains cours, je ne crois pas que ce soit
de maîtrise, mais certains cours de formation en cours de travail, des
cours par les soirs ou le jour. L'Université de Sherbrooke aussi, je
pense, a commencé, Polytechnique aussi.
Il y a plusieurs universités qui se penchent sur ce genre de
programme, même une association comme la nôtre a organisé un
cours de ventilation industrielle qui s'adresse à nos membres, qui va
avoir lieu la semaine prochaine. En tant qu'association, on veut participer
à la formation. On a un autre projet qui consiste à donner un
cours de base en hygiène industrielle, les techniques de base, qui
pourrait avoir lieu le printemps prochain. Il y a des groupes autres que nous
qui donnent des cours aussi un peu partout.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie les membres de
l'Association d'hygiène industrielle de la présentation de leur
mémoire.
J'inviterais maintenant les Départements de santé
communautaire à venir nous présenter son mémoire. (21 h
15)
M. Raymond Roberge?
M. Roberge: Oui.
Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez nous
présenter vos collègues et nous présenter votre
mémoire.
Professionnels des DSC
M. Roberge: D'accord. Avant de commencer sur le contenu comme
tel, je voudrais faire une petite précision et j'aimerais
peut-être aussi que cette précision soit faite au journal en
question. Il ne s'agit pas d'un groupe qui représente les
départements de santé communautaire. Il s'agit plutôt d'un
groupe de professionnels qui oeuvrent à l'intérieur des
départements de santé communautaire.
De la même façon que ceux qui ont fait la
présentation précédente, j'aimerais aussi, vu qu'il s'est
dit beaucoup de choses durant la journée, simplement résumer ou
aller tout de suite aux points qui nous apparaissent les plus importants,
quitte à laisser tomber certains aspects qui ont déjà
été abordés et pas mal discutés.
On ne voudrait pas que cela ait l'air du déjà vu, mais
notre toile de fond ou notre premier élément portait sur la
nécessité d'une plus grande articulation entre la surveillance de
l'environnement ou la surveillance du milieu et les programmes de santé.
L'accent qu'on met là-dessus est peut-être en bonne partie
dû à une mauvaise compréhension du texte de loi. On ne veut
pas revenir trop là-dessus, non plus. Pour nous, cette articulation est
une condition essentielle si on veut atteindre l'objectif de départ et
éliminer les risques à la source. C'est aussi une condition
c'est beaucoup là-dessus qu'on voudrait s'étendre
pour que les programmes de santé soient rentables.
Je pense que cela a été une journée où il y
a eu beaucoup d'intervenants en santé, où on est souvent
porté à prendre les choses un peu pour acquis, à
considérer un peu l'intervention santé ou les programmes de
santé comme étant quelque chose de nécessaire autour de
quoi tout doit tourner et qui est pratiquement rentable en soi. On voudrait,
par une meilleure articulation au niveau de la surveillance de l'environnement
et la surveillance de la santé, trouver et c'est ce qu'on va
essayer de faire immédiatement ou dégager en quoi cela
peut être rentable, cette fameuse surveillance de la santé. Cela
peut être rentable à deux niveaux et on va le traiter en deux
niveaux assez distincts.
Parlons, d'abord, de la surveillance épidémiologique.
Vraiment, si on parle de réforme qui veut apporter quelque chose de
plus, c'est peut-être de cela qu'on doit parler d'abord, à notre
sens, en ce qui nous concerne, en tout cas, du point de vue de la santé.
Je ne veux pas mettre cela au-dessus de la prise en charge par le milieu ou
d'autres aspects de la réforme. Pourquoi c'est important, cette
surveillance épidémiologique qui fait le lien entre la
santé du travailleur et le milieu dans lequel il travaille huit heures
par jour, parfois plus? C'est pour nous donner une meilleure connaissance de la
situation d'abord au niveau de l'ensemble du Québec. Cela a
été souligné ce matin. Comment cela se fait-il qu'on se
retrouve avec un projet de loi actuellement et une si faible connaissance de la
situation actuelle au Québec? Il faut commencer par un bout à un
moment donné et, si on commence par là, ce ne sera
peut-être pas long qu'on va en avoir une meilleure connaissance. On va
dépasser la connaissance superficielle de la situation de la
santé des travailleurs au Québec.
C'est important aussi parce que c'est peut-être l'instrument de
base si on veut faire de la recherche et même avant de faire la
recherche, si on veut savoir vers quoi il faut orienter la recherche. C'est
facile de faire de la recherche très poussée sur de petites
choses parfois. C'est peut-être un bon instrument pour déterminer
les priorités de recherche et ensuite articuler cette recherche. C'est
un bon instrument aussi ou c'est peut-être l'instrument de base pour
déterminer les priorités d'interventions comme telles au niveau
provincial. Mais on introduit tout de suite une nuance, pas seulement au niveau
provincial; à un
autre niveau un peu plus petit qui s'appelle le niveau régional
et qui est annoncé aussi.
Je pense qu'on travaille chacun dans des départements de
santé communautaire qui ne sont pas concentrés. On ne vient pas
nécessairement de toutes les régions du Québec, mais quand
même de régions assez diverses et assez diversifiées. On
pense qu'il devra y avoir une étape où cette fonction de
surveillance épidémiologique va trouver sa rentabilité
aussi au niveau régional, en termes de détermination de
priorités aussi au niveau régional.
Enfin, c'est aussi le moyen par excellence d'évaluation de ce que
cela aura donné, par exemple, les premières années
d'intervention en santé des travailleurs, tant pour ceux qui seront
davantage axés sur la surveillance et l'amélioration du milieu
que pour ceux qui travailleront davantage au niveau des programmes de
santé comme tels.
Cela comporte aussi ses exigences. A ce niveau, la première est
peut-être une action que je qualifierais de continue, très
articulée on semble assez d'accord dans le sens où
la surveillance de l'environnement qu'on veut articuler avec la santé,
ou l'articulation qu'on veut entre les deux, exige une surveillance du milieu
qui soit continue. Ce n'est pas je passerai vite là-dessus
le type de surveillance que vont faire les services d'inspection, c'est du
respect de normes, de conditions minimales le plus souvent. C'est autre chose,
aussi, que ce que fera l'employeur avec les obligations qui lui sont
données par la loi, c'est autre chose, aussi, que ce que fera le
représentant à la prévention; c'est différent, mais
cela ne veut pas dire que ce ne sera pas fait en collaboration, cela ne veut
pas dire que l'expertise qui sera requise pour faire cette surveillance ne
pourra être un excellent support pour orienter et supporter le travail de
l'employeur quand il voudra remplir ses obligations, orienter aussi le travail
du représentant à la prévention.
Un autre aspect qu'on est peut-être souvent porté à
oublier, ou à considérer superficiellement, c'est que, ce dont on
parle en termes de surveillance du milieu et ce dont on parlera tantôt en
termes de rentabilité des programmes de santé comme tels, il ne
faut pas oublier que cela nous amène si on veut aller au bout de
cela à dépasser la stricte approche normative qu'on
retrouve souvent dans des réformes d'ampleur, des réformes qui
sentent le besoin de s'appuyer sur un appareil solide. Il devra y avoir de la
place, aussi, si on parle de surveillance du milieu et de surveillance de la
santé, pour un travail assez continu qui visera la réalisation
d'objectifs très locaux dans une entreprises. On souhaite fortement que
tout le monde des intervenants en santé et tout le travail de ceux qui
seront amenés à supporter l'action du milieu je pense que
l'expression "supporter", on va l'employer souvent parce que c'est notre
rôle comme intervenant de santé et intervenant de l'expertise en
hygiène industrielle devra se situer non pas dans un cadre de
normes minimales, mais dans un cadre de qualité de vie et de
salubrité presque maximale pour le travailleur, dans des conditions de
réalisation, dans les possibilités de chacune des
entreprises.
On pourrait peut-être développer, maintenant, la
façon dont cela peut se concrétiser ou dans quoi va s'incarner
cette fonction de surveillance du milieu. J'ai dit tantôt que c'est
vraiment une expertise; si elle est implicite dans le projet de loi, on a senti
le besoin de l'amener et on sent le besoin, tout de suite, de dire que c'est
peut-être le genre de chose qui est tellement importante. Je pense que
vous l'avez affirmé ce matin, l'objectif premier était
d'éliminer les risques à la source. Si on veut vraiment atteindre
cet objectif, pour nous, quant à la fonction surveillance du milieu
c'est peut-être là qu'on se différencie un peu
d'autres interventions le problème n'est pas, d'abord, de savoir
où on va mettre l'hygiéniste industriel, on va peut-être le
mettre dans le DSC, au niveau d'une structure régionale ou ailleurs,
c'est d'abord un problème de définition de cette fonction de
surveillance du milieu, de la même façon qu'on a senti le besoin,
dans le projet de loi, de définir les programmes de santé, il
faudrait définir tous les aspects de surveillance du milieu, quitte
à définir un sous-programme ou un élément qui
s'appelle surveillance du milieu. Pour nous, ce n'est vraiment pas, comme on a
cru le comprendre aujourd'hui, à quelques reprises, à la limite,
une fonction qui peut devenir un sous-élément des programmes de
santé.
Le danger qu'on peut voir, à un moment donné, quand vous
donnez la réponse: c'est implicite à l'article 93, par exemple,
c'est que la tentation soit grande de dire: C'est un sous-élément
des programmes de santé.
Si on part avec cette attitude, on risque fort de se retrouver, dans la
pratique, avec l'hygiène industrielle qui est une des ressources
premières et une des ressources fondamentales ou une des fonctions
fondamentales qui doit être exercée comme devenant une
sous-fonction des services de santé. Exactement dans le sens où
M. Pagé a posé sa question tantôt, on risque fort d'aboutir
à une dépendance de cette fonction par rapport à la
fonction traditionnelle de dispensation de services de santé, ce qui
serait, à notre sens, contraire à l'esprit qui était
véhiculé jusqu'à maintenant par le projet de loi.
Comme les autres, il nous semble important que l'expertise en
hygiène industrielle soit intégrée au niveau du
réseau public, sur une base régionale. On ne pense pas
nécessairement que le réseau public, sur une base
régionale, veuille nécessairement dire le département de
santé communautaire. Je peux aborder ce point brièvement tout de
suite, on y reviendra tout à l'heure, parce qu'on veut aussi traiter de
régionalisation. Quant à nous, l'hygiène industrielle est
vraiment une fonction importante pas tellement l'hygiène
industrielle, ce seront souvent des hygiénistes industriels, comme les
intervenants précédents l'ont dit, ça pourrait être
d'autres gens qui ont de l'expertise, mais pas nécessairement un titre
qui ne
soit pas d'emblée reléguée au niveau d'une fonction
à l'intérieur des programmes de santé, mais on verrait
plutôt qu'elle soit intégrée au niveau régional, au
niveau d'une structure décentralisée de la future commission.
Parce que des hygiénistes industriels et des ressources en
hygiène industrielle, il n'y en a pas un aussi grand nombre, il ne
s'agirait pas de les éparpiller un peu partout.
Cette expertise en hygiène industrielle, aujourd'hui, on a mis
l'importance sur le fait d'articuler santé et surveillance de
l'environnement. Si cela avait été une journée sur la
formation et l'information, on aurait peut-être insisté sur la
nécessité d'articuler la formation et l'information avec la
connaissance du milieu, cette ressource devra être utilisée
à toutes les sauces. Cela devra être une expertise ou un support
d'expertise assez central au niveau de la région, qui devra exercer une
grande influence sur les programmes de santé, qui devra exercer une
grande influence au niveau de la formation et de l'information, qui devra aussi
être capable de parler aux gens de l'inspection, même si on est
souvent porté à dire que l'inspection, c'est différent,
c'est normatif, tout ça, mais ça va être une bonne source
d'information. Ce sont peut-être ces gens-là qui vont mettre le
doigt sur les problèmes, quelquefois.
C'est tellement une ressource qui va être projetée ou qui
va être utilisée dans tous les sens ou à l'égard de
toutes les fonctions qui sont appelées à être remplies
à l'intérieur de cette réforme, qu'il nous semble que ce
serait peut-être restrictif, d'aller la placer au niveau de
l'entité qui est spécifiquement chargée des programmes de
santé. On la verrait beaucoup plus au niveau régional,
très accessible au département de santé communautaire,
accessible aussi aux associations syndicales, patronales, aux associations
sectorielles.
Essentiellement, sur la fonction épidémiologique, tout cet
aspect, c'était pas mal les points qui nous semblaient les plus
importants. J'irais maintenant à l'autre niveau. Qu'est-ce que c'est
l'autre niveau où on veut réaliser des gains sur des programmes
de santé? A partir de quand peut-on dire que ça vaut la peine
qu'on investisse au niveau des programmes de santé des travailleurs? On
a vu qu'il y avait des gains qui sont, peut-être pas
nécessairement plus à long terme ou qui peuvent être
productifs assez rapidement, mais à ce niveau, une surveillance
épidémiologique articulée.
Il y a aussi tout un ensemble de gains beaucoup plus directs pour la
santé et la qualité de vie des travailleurs qu'ils sont, à
notre avis, en droit d'exiger. C'est facile de dire que c'est une
réforme à long terme, il ne faut pas s'attendre à des
résultats trop vite. (21 h 30)
On a parlé beaucoup, cet après-midi, de confiance à
l'égard des services de santé. Le travailleur est peut-être
en droit d'attendre une rentabilité, des gains un peu plus rapides que
ça et c'est un peu de ces gains dont ou voudrait traiter rapidement. Un
bel exemple de ce type de gains pour la santé du travailleur, on le
situe au niveau des examens de préemploi, je pense qu'il n'y a pas
beaucoup de problèmes, mais je veux simplement l'amener comme
illustration. C'est peut-être l'endroit privilégié pour
éviter des futurs problèmes à la santé d'un
travailleur qui va postuler un emploi, si les examens sont faits de
façon spécifique en regard de la fonction qu'il va exercer et des
capacités du travailleur. Donc ça veut dire que si on veut le
faire de cette façon, ça nécessite vraiment que le
médecin ait une connaissance assez poussée du milieu et assez
poussée de la tâche qui sera accomplie et ça illustre aussi
ce que je disais tantôt, c'est qu'il faudra aller au-delà de
l'approche normative. Le travail du médecin ne devra pas se faire
simplement en terme de normes à ne pas dépasser ou de
travailleurs qui devront être suffisamment équipés pour
affronter une norme qui est dépassée, mais aussi en fonction de
situations beaucoup plus complexes et qui ne sont pas aussi facilement
définissables par des normes. Je pense à des problèmes
d'ergonomie, par exemple, où un travailleur en particulier pourrait
très bien faire le travail, mais un autre à cause de conditions
de taille, de poids, etc., ou de mouvement, ne pourra pas le faire. C'est
vraiment l'illustration de l'examen de préemploi et ça incarne
très bien qu'au niveau même très clinique notre
point de vue n'est pas du tout de dénigrer ou de dévaloriser tout
le travail clinique du médecin dans l'entreprise il va en avoir
à faire et il y a des gains à faire à ce niveau; mais on
dit à ce niveau, il faudra aller un peu au-delà de l'approche
normative.
Un autre aspect ou un autre type de gain direct, il nous semble, auquel
le travailleur a droit c'est vraiment un droit fondamental et je pense
qu'on ne doit pas parler de grands objectifs à long terme, si on ne veut
pas s'engager plus immédiatement à respecter les droits
fondamentaux des travailleurs c'est le travailleur qui est
déjà en position de travail à l'intérieur de
l'usine et qui subit déjà des expositions à des agents
agresseurs au travail, dans des situations difficiles ou même, à
cause de sa condition physique personnelle qui n'est pas nécessairement
altérée à cause du travail qu'il a, n'est pas ou n'est
plus en mesure d'assumer un tel travail. Il faut qu'on fasse quelque chose pour
ce gars, il faut prévoir les mécanismes pour le faire. Le projet
de loi prévoit déjà le refus de travail. C'est un
élément vraiment de base et une des grosses
caractéristiques de ça, c'est que ça repose sur la
volonté du travailleur de l'utiliser. C'est important; cela va
exactement dans le sens de la prise en charge mais là, c'est la prise en
charge par l'individu de son problème. Nous, on pense que ce
mécanisme, si vertueux qu'il soit, doit être
complété par autre chose qui s'appelle le retrait
préventif, parce que le droit de refus en tout cas on peut
quasiment le poser en une petite équation se prête
très bien pour des situations qui peuvent porter atteinte à la
santé ou à la sécurité du travailleur, mais il y a
aussi je pense que les départements de santé communautaire
ont une bonne expérience de ce
côté, par exemple, au niveau de dépistages qui ont
été faits ou de programmes de surveillance qui ont
déjà été faits dans les industries, parce qu'il
s'en est fait, il ne s'est pas seulement fait de la compilation dans les
départements de santé communautaire jusqu'à maintenant
le fait que la plupart du temps, quand on fait des dépistages ou
que des programmes de surveillance sont mis en branle, on ne trouve pas, d'un
côté, les blancs et, de l'autre côté, les gris
foncés, ou les noirs, ou les compensables. On ne trouve pas les gars en
pleine santé d'un bord et on ne trouve pas les gars compensables de
l'autre bord; on trouve souvent un paquet de monde entre les deux; les gars qui
commencent à être atteints dans leur santé, soit au niveau
de surdité, de pneumoconiose, d'intoxication.
Je pense que la prévention, si on n'est pas capable de lui
trouver une application, on peut se poser des questions. Nous, on pense que le
retrait préventif devrait être le mécanisme
privilégié pour apporter une réponse à tous ces
travailleurs qui commencent ou qui sont victimes d'altération
précoce de leur santé, en d'autres termes, que s'ils continuent
à être exposés au même agent agresseur, dans le
même poste de travail, vont finalement être des beaux cas de
compensation. Encore là, ça pose un petit problème au
niveau des normes. Ça veut peut-être dire que les gens du service
de santé ne fonctionneront pas seulement en fonction de normes de
maladies professionnelles compensables, mais peut-être aussi en fonction
de normes d'altération précoce qui sont utilisées ailleurs
et qui sont déjà définies.
Un autre aspect aussi, c'est la susceptibilité individuelle du
travailleur. Même si le travailleur n'est pas précocement atteint
d'une maladie professionnelle, peut-être que sa condition physique
à lui commence à être détériorée,
même si cela n'a aucun rapport avec le travail. Mais si, à cause
de sa condition physique ou de sa constitution ou de n'importe quoi, il
s'expose à des conséquences sérieuses pour sa santé
en exerçant tel travail, on doit aussi faire quelque chose et, encore
là, le retrait préventif nous apparaît le mécanisme
adapté. Il y a une chose qui est importante à préciser
quand on parle de retrait préventif. On considère, nous autres,
que le retrait préventif, c'est un mécanisme au même titre
que le droit de refus. On considère que le retrait préventif,
c'est un mécanisme qu'il faut utiliser si le travailleur décide
de l'utiliser. On ne considère, pas, disons, qu'il appartient aux
professionnels de la santé, au médecin, par exemple, qui est en
poste dans l'entreprise de décider qu'un travailleur précocement
atteint ou en voie d'être sérieusement atteint doit être
retiré du travail. Ce n'est pas comme cela qu'on formule le retrait
préventif.
On formule beaucoup plus le retrait préventif en termes
d'obligations pour le médecin du service de santé. Qu'est-ce que
cela veut dire? Cela veut dire que le médecin du service de
santé, connaissant l'individu, connaissant le milieu, connaissant
l'exposition, devra et je pense que cela devrait faire l'objet de
précision dans le projet de loi être tenu d'informer
personnellement le travailleur de son état de santé, des risques
auxquels il s'expose et de lui tracer le tableau le plus objectif possible de
cette situation. Cela ne s'arrête pas là. Il devra aussi supporter
le travailleur dans ses démarches si le travailleur décide
d'entreprendre des démarches du type du retrait préventif. On
pense que, quand le médecin du service de santé ou le
médecin qui oeuvre dans une entreprise en particulier s'astreint
lui-même ou est astreint â des obligations de ce type, son travail
clinique commence à être drôlement rentable pour le
travailleur. On parlait de confiance tantôt. Je pense que c'et un
élément susceptible drôlement de rehausser ou
d'améliorer, en tout cas, le climat de confiance qui existe entre le
professionnel de la santé et le travailleur.
On pense c'est aussi un aspect peut-être non
négligeable que, si on ajoutait le retrait préventif comme
mécanisme à côté du droit de refus, cela pourrait
être aussi, à l'occasion, une bonne incitation pour
améliorer les problèmes à la source. Je pense que c'est un
bon moyen de rejoindre notre objectif de départ. Donc, si on veut
résumer sur le retrait préventif, je pense qu'à la
façon dont vous l'avez énoncé, ce matin, M. Marois, le
principe est là dans le projet de loi. De la façon dont on le
pose, il ne s'agit vraiment pas de dire: Commençons avec la femme
enceinte et, par la suite, on l'etendra à d'autres. On pense que cela
touche tellement à un droit fondamental et premier du travailleur, en
tout cas, à notre avis, sur lequel les travailleurs sont en droit de
demander des comptes qu'il faudrait dès maintenant l'inscrire. Je pense
que, s'il y avait des choses à appliquer progressivement, ce ne serait
peut-être pas celle-là. Il y en aurait peut-être bien
d'autres. De fait, dans la pratique, en tout cas, si je voulais donner des cas
particuliers, des exemples particuliers, ce serait facile de dire que
l'utilisation du retrait préventif va peut-être éviter bien
des utilisations du droit de refus qui sont peut-être un petit peu plus
raides comme procédure.
Un autre aspect pour clore sur le retrait préventif, et le droit
de refus aussi, c'est que ce sont des mécanismes qui sont là. Ce
sont des droits de base. Mais qu'est-ce qui arrive après? Prenons
peut-être plus particulièrement le retrait préventif. Je
pense que la responsabilité de tout le cadre et de toutes les ressources
qui vont agir dans cette réforme, ce n'est pas de faire un petit peu le
ménage dans l'industrie, d'améliorer à la source et tout
cela, mais il y aura des gens qui seront peut-être retirés du
travail. Il y aura peut-être des gens à reclasser
professionnellement. Il y aura peut-être des gens à
réadapter physiquement. La réadaptation fera probablement l'objet
d'un autre débat à un autre moment, mais ce serait
peut-être important qu'à l'intérieur même de ce
projet on prévoie un petit peu les mécanismes ou les issues ou
comment est-ce qu'on va assumer les conséquences des mécanismes
qu'on met en place.
Encore là, je pense rapidement au niveau régional, quand
on pense à tout ce qu'il faudra
mettre en place pour assumer ces conséquences, on parle de
réadaptation, de recyclage professionnel à l'intérieur de
la même région, ce sont peut-être beaucoup de choses pour
lesquelles le niveau régional aura beaucoup à faire. Ce genre de
support ou de coup de main aux travailleurs devra peut-être se passer
plus aux niveaux local et régional qu'au niveau central, par
exemple.
J'aimerais peut-être maintenant revenir à ce qu'on disait
au départ, c'était une question d'articulation, notre affaire. On
a beaucoup insisté sur articulation, surveillance du milieu,
surveillance de la santé. Si on recule un petit peu et qu'on essaie
d'avoir une vue d'ensemble, je pense que cette articulation, il n'y a pas
seulement les programmes de santé et les programmes de surveillance du
milieu qui la méritent et pour lesquels c'est une condition importante.
On pense qu'au niveau du projet de loi actuel, il y a peut-être une
dispersion trop grande des responsabilités. J'en viens au fait. Il
s'agit vraiment, dans l'optique d'une prise en charge efficace par le milieu du
travail, de valoriser davantage le rôle du comité de santé
et de sécurité au niveau de l'élaboration de l'ensemble
des programmes. Je reviens sur une question que vous avez soulevée
tantôt: Est-ce que cela prend plusieurs programmes? Ou bien, cela prend
peut-être un gros programme d'ensemble? La réponse, à notre
sens, est peut-être plus au niveau de gros programme d'ensemble à
l'intérieur duquel il y a des responsabilités pour plusieurs
types d'intervenants.
Le comité de santé et de sécurité, si on
veut que ce soit vraiment l'instrument de concertation dans le milieu,
même si c'est plus difficile, si on lui en donne un petit peu plus, il
faut peut-être l'inciter ou forcer un petit peu la concertation si on
veut qu'elle se fasse à un moment donné. Dans ce sens, on verrait
vraiment que le comité de santé et de sécurité se
voit définir des fonctions un petit peu plus précises au niveau
de l'élaboration, de la coordination et de la transmission quasiment de
l'ensemble des programmes, pas seulement pour la formation et l'information,
mais aussi pour la prévention et les programmes de santé. Je
pense que c'est un beau défi pour les ressources de santé. Si les
ressources de santé sont assez capables de se définir comme des
supports au milieu et assez capables de communiquer et de bâtir avec le
milieu leurs programmes de santé, il n'y aura pas de problème
à ce que le comité de santé et de sécurité
le transmette à la commission et participe à l'élaboration
de cela.
Ce n'est pas mauvais qu'il s'agisse de professionnels de la santé
ou d'autres professionnels qui seront, par exemple, au niveau d'une structure
régionale. Cette obligation de toujours s'en remettre ou de toujours
passer par le comité de santé et de sécurité, peut
peut-être éviter les chasses gardées à un moment
donné, ou cela va rappeler à tous ces gens qu'ils sont au service
du milieu du travail, et que dans les interventions ils doivent respecter,
reconnaître, et au besoin, stimuler la prise en charge par le milieu.
Enfin, le dernier aspect qu'on désire toucher, c'est la
nécessité pour la prochaine commission de s'adapter à la
réalité des différentes régions du Québec
quand il s'agit d'appliquer une réforme qui a autant d'ampleur et qui
implique autant d'intervenants. Le Québec est aux points de vue
géographique, démographique ou seulement dans la
répartition de l'ensemble des travailleurs ou des industries
très différent d'un bout à l'autre. Nous autres, ce qu'on
voit comme structure régionale, c'est une structure qui aura vraiment
comme premier mandat de coordonner l'ensemble de ces éléments. Il
va y avoir beaucoup de monde d'impliqué à un moment donné,
que ce soit au niveau des programmes de santé, des départements
de santé communautaire, de formation et information ou des ressources
spécialisées en éducation seront probablement
impliqués à un moment donné, d'inspection, et
éventuellement, de réadaptation et de compensation ou
d'indemnisation, cela va faire beaucoup de monde à coordonner. Cette
structure régionale devrait avoir comme premier mandat de coordonner
l'ensemble, d'articuler l'ensemble de ces fonctions, et aussi, quand il s'agit
de déterminer des priorités ou de déterminer aussi des
stratégies d'interventions dans une région donnée, c'est
peut-être la structure qui devrait avoir le plus une vision d'ensemble ou
une vision globale de la situation. (21 h 45)
C'est un aspect de la décentralistion. Il y a un autre aspect
aussi qui va dans le sens de créer une dynamique régionale qui ne
s'incarne pas nécessairement dans des structures administratives, mais
qui, si je prends l'équivalent au niveau du monde de la santé,
prend souvent l'allure d'une table de consultation, de concertation ou de
choses comme celles-là. Ce sera important de trouver des moyens qui ne
seront pas nécessairement les mêmes partout, pour que, en dehors
de l'entreprise individuelle, au niveau d'une région un petit peu plus
grande, il y ait vraiment une concertation ou, au moins, de la consultation
avec les associations syndicales, patronales, sectorielles d'une région
donnée et même, éventuellement, d'autres intervenants qui
sont impliqués dans le développement industriel. Les nouvelles
industries qui s'en viennent dans les régions où il y a un
développement rapide, c'est important qu'elles soient associées
à ce type de chose. Il ne nous appartient pas, en tout cas, de dresser
la liste de tout ce monde, mais il serait important de penser, d'imaginer ou de
laisser la porte ouverte pour qu'il se crée des dynamismes de ce
type.
Si on veut conclure et qualifier un petit peu notre intervention, je
pense que, quand on parle, nous, de régionalisation, d'articulation des
fonctions, on devrait tout le temps utiliser le qualificatif de "allons-y avec
souplesse". Il n'y a rien qui dise qu'il y a une bonne formule au
Québec. C'est tellement différent d'un endroit à l'autre.
Cela peut se formuler de façons tellement différentes. Il y a des
grosses entreprises; il y a des petites entreprises. Il y a des
syndiqués, des non-syndiqués. Des
comités de santé et sécurité, il n'y en aura
pas nécessairement partout en commençant et je pense qu'il y a
beaucoup de monde qui devra peut-être faire un petit peu plus que son
strict mandat à un moment donné.
Un autre aspect drôlement important je l'ai
répété quelques fois c'est que les professionnels
il en est passé un bon nombre aujourd'hui sont là
pour appuyer la prise en charge par le milieu. Les propositions qu'on a faites
rapidement, dont on n'a pas développé la mécanique
et on ne pense pas non plus que c'est à nous de la développer
dans le détail on pense qu'elles vont dans ce sens, à
savoir de vraiment affirmer le caractère de soutien de ces ressources
professionnelles. En santé des travailleurs, je pense que c'est
peut-être un autre aspect d'innovation, qu'il s'agisse de santé
curative ou de santé publique, à un moment donné, cela ne
pose peut-être pas les ressources, par exemple... Cela ne nous met
peut-être pas d'emblée dans une position de services, mais souvent
dans une position de définisseurs de problèmes à la place
de la population. Là, ça va peut-être changer un petit
peu.
Un autre aspect qui nous semblait bien important, c'est la
prévention. Elle a été affirmée il y a un bon bout
de temps et elle revient. Elle est revenue dans le livre blanc, ainsi que dans
le projet de loi. Mais on voulait aussi faire un petit tour d'horizon et
regarder comment elle sera vraiment efficace. Quand on parlait de retrait
préventif, ça touchait beaucoup cet aspect.
J'ai fini le résumé d'ensemble. Avez-vous des questions et
commentaires?
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord
certainement remercier l'équipe qui vient de nous présenter un
mémoire. Je pense qu'il s'agit d'un document en tout cas, je vais
le dire comme je le pense vraiment remarquable, d'une très grande
qualité. Je ne crois pas qu'il soit possible de mettre au point un
document comme celui-là sans que ce soit profondément soutenu par
une expérience concrète dans le milieu et une expertise, une
connaissance de la réalité.
Je pense que l'ensemble du mémoire est drôlement bien
articulé et vous pouvez être assurés, parce qu'il y a du
jus dans votre document, comme on dit, qu'on va le scruter à la loupe.
Je n'aurai certainement pas le temps, étant donné l'heure, de
passer en revue bon nombre des points sur lesquels j'aurais aimé
intervenir. Bon nombre de ces points auraient pu donner lieu, je crois,
à des discussions passablement intéressantes nous permettant
d'approfondir plusieurs de ces points.
J'indiquerais simplement ceci au point de départ, très
rapidement, sur l'articulation, qui a été une des questions dont
on a parlé tout au long de la journée, entre les deux dimensions
fondamentales. Je pense que vous avez raison de soutenir cette idée
qu'il va falloir y aller avec souplesse et qu'il va falloir certainement tenir
compte d'une approche régionale si on veut être collé
à une réalité qui est celle vécue par les gens.
L'articulation entre les deux dimensions, on a eu l'occasion d'en
discuter. Il nous semblait, à première vue, que le projet de loi,
notamment aux articles 93 et 48, était clair. Soyez assuré, comme
j'ai eu l'occasion de le répéter déjà
antérieurement que, si ce n'est pas clair, on apportera les amendements
en conséquence pour s'assurer que chacune, vraiment chacune des deux
dimensions fondamentales ressortent bien clairement du texte de loi. Ceci
étant dit, j'aurais aussi voulu intervenir sur certaines remarques,
certains commentaires que vous avez faits concernant la concertation des agents
du milieu et notamment au niveau des comités paritaires de santé
et de sécurité, vos propositions visant à favoriser une
plus grande participation de ceux et de celles qui sont quand même les
premiers concernés, c'est-à-dire les hommes et les femmes au
travail. On va regarder très attentivement vos recommandations dans ce
sens.
Je voudrais surtout, parce qu'il y a une chose qui m'a
énormément frappé dans votre mémoire et je suis
heureux d'ailleurs que vous ayez insisté là-dessus dans votre
présentation aujourd'hui je pense que vous êtes les seuls
à ma connaissance qui ayez soulevé cette idée c'est
cette idée accrochée à deux droits fondamentaux, je crois,
qui sont peut-être du domaine des principes si ce mot-là a encore
un sens, le droit de refus et le retrait préventif. Je ne vous cacherai
pas que... Bien sûr, j'ai lu très attentivement tout votre
mémoire, mais j'ai relu à plusieurs reprises les pages 17
à 23 de votre mémoire. Le projet de loi, comme vous le savez
vous l'avez souligné d'ailleurs reconnaît le
principe... Pour l'instant, je mets de côté le droit de refus. Je
pense que vous avez bien cerné encore là la notion, les raisons
fondamentales pour lesquelles dans une perspective de prévention
réelle, au-delà du "placotage", il faut que le droit de refus
soit là.
Comme vous le savez, le projet de loi reconnaît le principe du
retrait préventif et, dans une première transposition dans la
réalité, propose de le reconnaître dans le cas de la femme
enceinte. Vous savez également sans doute qu'en faisant cela, c'est une
première nord-américaine. Cela n'existe pas à ma
connaissance dans aucune autre province canadienne. Cela n'existe pas dans la
législation, dans le Code du travail du Canada. Cela n'existe pas dans
les législations des différents Etats américains ou
même de la législation américaine fédérale.
Ce n'est pas une raison pour ne pas le faire si on pense vraiment, en toute
honnêteté, que cela répond à un besoin et qu'il y a
moyen d'y arriver de façon responsable et que c'est susceptible de nous
permettre d'atteindre l'objectif. Je ne vous cacherai pas non plus que je suis
très sensible à ce que vous avez dit sur, au fond,
l'élargissement de l'application du principe qu'on introduit dans la
loi, du retrait préventif. Je suis très sensible à cela.
Je vais certainement demander qu'on regarde cela de façon très
serrée, très étroite. Je pense que vous faites dans
votre
mémoire une excellente démonstration des raisons qui
fondent et justifient la nécessité d'introduire ou
d'élargir encore plus le retrait préventif.
Cela étant dit, cependant, vous n'êtes certainement pas
sans savoir, compte tenu de vos propres expériences, que ce n'est pas
simple à transposer dans la réalité. On a
déjà passablement travaillé sur cette possibilité,
ce qui n'était pas prévu d'ailleurs dans le livre blanc. C'est
venu incidemment à l'occasion des consultations et c'est venu notamment
de suggestions même pas de représentants syndicaux, mais d'hommes
et de femmes au travail, l'idée même du retrait préventif.
C'est à la suite de cela qu'on a commencé à fouiller pour
finalement en venir à la conclusion que oui c'était fondé,
que oui il y avait possibilité au moins en ce qui concerne le cas de la
femme enceinte de pouvoir présenter une proposition qu'il soit possible
de rendre opérationnelle dans le concret, mais en étant
sûrs que ce ne sont pas seulement de faux espoirs qu'on entretient, mais
qu'il est possible de les traduire dans le concret.
C'est le problème fondamental que pose le retrait
préventif, l'élargissement du retrait préventif. Dans
cette perspective, j'aurais simplement trois questions à vous poser. La
première, c'est: Vous avez fait état de l'expérience et
des expériences de dépistage des départements de
santé communautaire.
J'aimerais que, concrètement, vous nous parliez on en a
parlé théoriquement tout au long de cette journée
quitte à l'illustrer de cas. J'en ai un en tête, il y en a un qui
me vient à l'esprit, c'est un dossier qui est connu publiquement, c'est
le fameux cas de la compagnie Métaux Ballast, de Laprairie, une
entreprise flambant neuve où, au bout de six mois, il y avait un niveau
d'intoxication au plomb absolument inacceptable et atteignant un pourcentage
incroyable de travailleurs de cette entreprise. Voilà un beau cas
où, évidemment, si une motion comme le retrait préventif
avait existé, peut-être que le problème aurait pu
être discerné et réglé beaucoup plus rapidement.
Sur la base de votre expérience, est-ce qu'à votre
connaissance il survient souvent ce genre de cas problème où le
retrait préventif pourrait être un élément de
solution concret, visible et encore une fois, pour reprendre votre expression,
rentable à court terme, parce qu'il y a une perspective de
retombée favorable à moyen terme sur une période de quatre
ou cinq ans, par exemple?
Deuxièmement cela m'apparaît extrêmement
important est-ce que vous croyez que si on introduisait dans le projet
de loi un élargissement du retrait préventif ou de l'application
du retrait préventif, qu'en reconnaissant ce principe, cet
élargissement dans la loi quitte à trouver le jargon
juridique pour le faire il y aurait lieu, une fois cela fait, tout en
étant souple, aussi, de garder, dans une certaine sagesse, la
possibilité de le rendre applicable ou opérationnel par
étapes, ou encore par secteurs, ou encore par type d'altérations,
quitte à établir des priorités?
Voici au fond, ce que j'ai en tête, très
concrètement. Bien sûr, on peut cerner et on connaît, je
crois, les premiers signes précoces d'intoxication au plomb; c'est
probablement vrai, également, du mercure; il y a un certain nombre de
cas. Je crois que, par ailleurs, les premiers signes d'altération de
santé en ce qui concerne d'autres agents agresseurs ne sont même
pas connus encore ou, en tout cas, on n'en est qu'à la phase de
balbutiement dans ce domaine. Alors, comment, concrètement, y a-t-il
moyen d'articuler l'application d'un retrait préventif? Il ne faut pas
que ce soit seulement de la poudre aux yeux ou des espèces de faux
espoirs. On n'avait pas, et je n'ai pas, aujourd'hui, au moment où on se
parle, de réponses suffisamment précises aux questions que je
viens d'évoquer pour me dire... Il faut quand même être
responsable de ce qu'on fait, tout en étant, encore une fois,
très sensible à ce que vous évoquez. j'aimerais
connaître votre avis et avoir une réponse, si vous en avez une,
à ces deux questions. Je vais écouter cela très
attentivement.
M. Roberge: J'émettrai un commentaire
général. Sur la question d'exemples précis, on est un
groupe de six qui remplissent diverses fonctions à l'intérieur
des départements de santé communautaire; la mienne n'est pas
tellement d'aller dans les industries, c'est plus au niveau de la recherche
dans le département de santé communautaire, et je laisserai les
exemples, soit au niveau de la surdité, du plomb, à ceux qui sont
coordonnateurs ou médecins à l'intérieur des
départements de santé communautaire.
J'émettrais un commentaire au niveau de la deuxième
question. Si on élargissait vraiment le concept de retrait
préventif, est-ce qu'il y aurait lieu de prévoir de l'appliquer
par étapes, par secteurs industriels, par types d'altérations? Je
pense que oui, forcément. On est bien d'accord, on ne peut pas faire
autrement que dire oui. Il faudrait prévoir quelque chose dans ce sens.
Il me semble que, à prime abord, c'est peut-être plus par type
d'altérations. Si on parle de retrait préventif et si, comme je
le disais tantôt, il faut aller au-delà des normes, qu'il s'agisse
de normes de compensation ou d'inspection, cela ne veut pas dire que ça
n'en prend pas pour le retrait préventif. Il ne s'agit pas de se
ramasser non plus, demain matin, avec quelque chose d'assez vague et de laisser
cela à la discrétion de chacun des professionnels du milieu (22
heures)
Une réforme inégale, c'est peut-être aussi bien de
ne pas en faire. On est peut-être aussi bien d'avoir des standards un peu
plus bas, mais qui soient appliqués un peu plus partout. Dans ce sens,
il nous semble qu'il faudrait y aller par étapes de ce type. La femme
enceinte, c'en est une. Il y aura des programmes-cadres ou des programmes
d'ensemble qui viendront de la future commission. Je pense que, selon que ces
programmes-cadres seront faits par secteur industriel ou par type
d'altération... Pour nous, c'est un peu une inconnue à ce
stade-ci; ce sera quoi exactement, les programmes-cadres? Si ce sont des
programmes-cadres qui visent des agents agres-
seurs en particulier, je pense qu'à l'égard de cet agent
agresseur et des altérations qu'il est susceptible de produire, par
exemple, qu'il s'agisse du plomb, du monoxyde de carbone, de bruit, on pourra
se poser la question agent agresseur par agent agresseur ou type
d'altération par type d'altération: Est-ce qu'il existe des
normes, est-ce qu'il est possible d'en développer, c'est quoi l'impact
de l'application de cette norme?
Si on parle d'altération précoce au niveau de la
surdité, on disait cet après-midi qu'il y avait 120 000
travailleurs très exposés au bruit; combien sont
altérés précocement et qu'est-ce que ça suppose
comme suite qu'on donne? Est-ce qu'on les retire, ces gars, ou si on les
recycle? Cela prend de l'ampleur à un moment donné. Je me demande
s'il ne faut pas adopter une approche par problème et je pense que c'est
un peu convaincant, ce que vous dites. Si on y allait problème par
problème, dans certains cas ce sera possible; dans d'autres cas, ce sera
peut-être beaucoup plus difficile.
Si on avait à choisir, je pense que le choix serait
peut-être beaucoup plus par type d'altération parce que les normes
vont tourner autour de types d'altération plus que de secteurs
industriels, forcément. Il y a peut-être des normes qui seront
importables; il y en aura peut-être d'autres à inventer à
cause du caractère original ou typiquement québécois de ce
mécanisme.
Pour la question d'exemple comme tel ou d'un petit scénario
autour d'un cas, je demanderais à ceux... Je m'excuse
profondément, pas tellement auprès de vous autres, mais
auprès du groupe; je ne les ai pas nommés tout à l'heure.
C'est quand même pas mal important. Je vais commencer à ma gauche:
le Dr Paul Lachance qui est en santé au travail depuis un bon petit bout
de temps, Yves Morisset qui est coordinateur en santé au travail, Robert
Bourbonnais coordinateur en santé au travail, Serge Marquis,
médecin dans un département de santé communautaire,
Jean-Pierre Vigneault, à l'extrême droite, qui est coordinateur en
santé au travail aussi. Je demanderais à un de ceux-là
d'aller plus loin avec un exemple concret.
M. Lachance (Paul): M. le ministre, je voudrais simplement
ajouter ceci: Parmi certaines modalités pour rendre applicable le
retrait préventif, on a parlé de différents secteurs, ou
de le faire par étapes, mais il y a aussi par l'amplitude des
problèmes que l'on rencontre. On a parlé un peu tout à
l'heure d'intoxication au plomb où il y aurait le retrait
préventif. On a parlé aussi de la surdité professionnelle
à cause du grand nombre de travailleurs. C'est peut-être un
secteur comme celui-là ou comme le secteur du monoxyde de carbone qu'on
pourrait faire cette approche pour élargir justement le retrait
préventif.
C'était pour ajouter à votre première question. Des
exemples de retrait préventif, vous avez parlé du plomb, de Metal
Ballast dans la région de Montréal. Ces mêmes exemples se
répètent dans la région de Québec d'une
façon quotidienne où, après des études faites par
le service d'inspection du travail, le service de protection de
l'environnement, la présence du DSC avec une répétition
mensuelle d'examens de laboratoire de type plombémie, il persiste
souvent, malgré certains changements de l'environnement, des
quantités élevées de plomb dans le sang des travailleurs
exposés.
Présentement, justement à cause d'une législation
qui ne nous permet pas d'effectuer le retrait préventif, on continue
à observer les individus qui quotidiennement sont intoxiqués,
avec toute la bonne volonté de l'entourage, malgré les
inspections, les expertises, les conseils, les rapports; c'est un exemple qui
continue présentement.
On pourrait répéter la même chose pour les
expositions au monoxyde de carbone, dans les garages souterrains, chez les
individus qu'on connaît très bien comme étant je ne
veux pas entrer dans la pathologie des cardiaques et des pulmonaires, et
pour toutes sortes de raisons sociales et autres il nous est pratiquement
impossible d'intervenir directement.
Est-ce que ça répond un peu à un ou deux
exemples?
M. Morissette (Yves): Je pourrais peut-être ajouter des
expériences de dépistage du département de santé
communautaire. Je ne sais pas si vous voulez les traiter dans une perspective
de retrait préventif, puisque c'est une notion qui n'existait pas
jusqu'à maintenant et qui n'existe pas encore, et il est difficile de
les traiter dans ce sens.
Mais je voudrais inclure une autre notion, en plus de ce que Raymond a
avancé, celle de définir le retrait préventif en fonction
des types d'altérations. Je voudrais aussi inclure la notion de
priorité régionale et je voudrais donner un exemple d'une
expérience de dépistage de notre département qui est
typiquement régionale. C'est un cas bien particulier, il n'a pas fait de
manchettes dans les journaux, c'est un problème de benzène dans
les raffineries dans l'est de Montréal. On voulait mettre au point un
protocole; on a travaillé en collaboration avec le centre
régional de toxicologie pour mettre au point un protocole de
dépistage ou d'exposition par les mesures biologiques des
employés exposés au benzène dans les différentes
raffineries. On ne savait pas si les employés étaient ou non
exposés. En tout cas, on a pris un bon échantillonnage de gens
qui étaient susceptibles, où on avait déjà
dépisté des concentrations de benzène dans l'air, mais qui
ne dépassaient pas les normes et on a dit: On va faire une
évaluation biologique de ces travailleurs.
Chose surprenante, dans une des raffineries, des travailleurs
étaient surexposés au benzène et la compagnie l'ignorait
totalement. Par l'évaluation et l'identification des différents
postes de travail de ces travailleurs, nous avons pu mettre le doigt sur les
déficiences dans les différents procédés de
raffinage et la compagnie a corrigé très rapidement cette
déficience. C'est un cas. Vous avez parlé de Ballast Metal, on
peut parler de
Canada Metal, de Petrofina, de Canadian Copper, etc.
M. Marois: Vous avez mentionné une raffinerie, sans
mentionner le nom de l'entreprise. Y avait-il dans cette entreprise un service
de médecine de l'entreprise?
M. Morissette: Oui et je dois signaler la très grande
coopération qu'il y a eu entre le département de santé
communautaire et le bureau de santé de rétablissement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président, parce qu'il est déjà dépassé dix
heures.
M. Roberge, à plusieurs reprises, dans votre exposé
d'abord je tiens à vous remercier de la présentation de votre
mémoire vous dites: Les départements de santé
communautaire, leur action est de soutenir, de stimuler, de définir les
problèmes, de faire en sorte que les gens du milieu se prennent en
charge, de favoriser la concertation de la part des agents du milieu, et nous
ne sommes pas un dispensateur de services.
Ne croyez-vous pas que ça ne va pas dans le sens du
libellé du projet de loi no 17, qui prévoit, entre autres, aux
articles 100 et suivants je ne fais que vous citer l'article 100
"Le chef du département de santé communautaire est responsable de
la mise en application des programmes-cadres de santé pour le territoire
et les établissements visés dans le contrat intervenu entre le
centre hospitalier et la commission. Il doit, notamment..." Là, on a
toute la nomenclature de 1 à 10 des obligations auxquelles
réfère le projet de loi no 17.
Pour moi, il m'apparaît que, dans sa conception même, il
semble y avoir une divergence entre la position que vous adoptez je
conviens que vous êtes des représentants, vous oeuvrez, chacun
d'entre vous, dans des départements de santé communautaire, vous
ne représentez pas nécessairement chacun vos
établissements je perçois une position qui ne va pas dans
le sens de ce qui est énoncé dans le projet de loi et j'aimerais
vous entendre là-dessus. Ce sera là la seule question que j'ai
à formuler.
M. Roberge: Je pourrais peut-être commencer par un type de
problème très caractéristique qui s'est posé pour
les départements de santé communautaire dans leurs interventions
jusqu'à maintenant, sans cadre précis, sans loi précise
qui les encadrait à ce niveau.
Bien sûr, les milieux de travail, qu'il s'agisse d'endroits
où il y avait des comités paritaires, souvent un petit peu
formule maison, où directement de la part de l'employeur ou de
travailleurs, on perçoit beaucoup les départements de
santé communautaire comme des dispensateurs de service: Organisez-vous
un programme de surveillance, organisez-vous un dépistage, et ils
s'adressent à la bonne porte aussi. En fait, dans le projet de loi no
17, les départements de santé communautaire vont avoir la
responsabilité de voir à l'exécution de programmes qui
impliqueront des activités de surveillance médicale et des
aspects bien cliniques. Mais où intervient l'aspect prise en charge et
c'est mon exemple, c'est qu'on a souvent demandé au département
de santé communautaire: Faites-nous de la surveillance. Faites-nous du
dépistage. Mais, je pense que les départements de santé
communautaire ont vite appris que du dépistage et de la surveillance,
quand il n'y avait pas, au niveau du milieu du travail là ce
n'est pas de l'idéalisme, c'est très terre à terre et
c'est bien pragmatique une volonté d'y donner des suites
ce n'est pas tout d'identifier des problèmes, il faut être un
petit peu prêt, des fois cela coûte des sous une
volonté de dire: D'accord, s'il y a des problèmes qui sont
découverts on va s'équiper pour essayer d'y donner des suites,
pour améliorer la situation, on s'apercevait qu'on dispensait des
services de santé pour pas grand-chose des fois, et que les gens se
faisaient faire un beau dépistage ou de beaux examens de surveillance
sans que cela donne grand-chose.
Ces deux aspects sont intimement liés et sont forcément
très liés. C'est le département de santé
communautaire qui exécute, qui fait exécuter des programmes et
qui dispense des services, mais c'est aussi le département de
santé communautaire qui doit même, au besoin, être un
stimulateur de la prise en charge par le milieu. Le pronostic, si on veut,
d'une intervention qui peut être rentable, c'est vraiment où il y
a au niveau du milieu de travail une certaine volonté et une certaine
capacité de prise en charge et à notre sens, le comité de
la santé et de la sécurité, si on lui donne des
rôles qui vont un petit peu plus loin en termes d'élaboration et
de coordination va pas mal dans ce sens. C'est à cet égard qu'on
se définit, nous autres, beaucoup plus comme un soutien.
Le Président (M. Marcoux): Merci. M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Vous qui travaillez, qui êtes quand même
dans les milieux du travail, on pense et on en a parlé beaucoup depuis
le début de dépistage de nouveaux problèmes, de nouveaux
cas d'intoxication ou de risques d'accident. Maintenant, je suis convaincu
qu'au moment où on se parle, dans plusieurs usines du Québec, on
connaît des causes, on connaît des cas, on en connaît
à la tonne, où on pourrait immédiatement intervenir sans
gratter plus loin; il y en a qu'on connaît, qu'on vit à tous les
jours. Je sais que dans le comté où je travaille, il y a
plusieurs usines, il y a des problèmes qui existent dans ces usines et
on les connaît depuis longtemps. Les gars vivent avec ces
problèmes. Ils essaient de vivoter avec ces
problèmes, en espérant être le moins
handicapés possible au bout de 15 ans, au bout de 20 ans. J'aimerais
savoir dans quelle proportion on pourrait insister auprès de ces
compagnies pour corriger, en mettant le doigt dessus, en leur disant ou en leur
faisant un programme de correction, immédiatement, à partir des
problèmes qu'on connaît déjà... Est-ce que cela
représenterait, d'après vous autres, une bonne marge de
problèmes déjà éliminés si on pouvait
élimier tous ceux-là quitte, bien sûr, à poursuivre
des travaux au niveau de recherches plus approfondies? Il y a quand même
des choses qu'on ne connaît pas. Au niveau de la recherche, on va en
découvrir d'autres. Mais dans ce qu'on connaît, il y a bien des
jsines où on sait qu'il y en a beaucoup trop de décibels. Il y a
des usines où on sait que du chlore, on en respire trop, du mercure, on
en respire trop. De toute façon, on a chez nous des cas comme cela. Je
ne veux pas nommer de compagnies, mais si vous connaissez un peu le
comté de Beauharnois, vous devez savoir à peu près de quoi
je parle. Je ne sais pas quel serait le pourcentage des problèmes
réglés si on réglait ceux-là pour commencer.
M. Roberge: Je serais vraiment embêté de vous donner
un pourcentage, mais je pense que l'exemple du cas est pas mal bon et cela
correspond à beaucoup de situations que connaissent les
départements de santé communautaire. Je pense moi, en tout
cas cela me sert d'exemple pour dire qu'à un moment donné
une bonne chose que les départements de santé communautaire
peuvent faire avec les services de santé, c'est de ne pas s'en servir
à outrance et pour rien. (22 h 30)
La fonction épidémiologique, et la surveillance
épidémiologique, d'accord, mais cela existe, des situations
où on connaît très bien la cause. On a une bonne vue
d'ensemble de ce qu'est l'ampleur du problème dans une usine
donnée. Il faut faire des choses pour la santé des individus qui
sont là. Il y a peut-être une surveillance à faire
parallèlement à l'amélioration du milieu. Dans un cas
comme cela, je me dis: On passe les cordeaux à l'expertise en
hygiène industrielle, qui est au niveau de la structure
régionale. Nous autres, on joue un peu les seconds violons dans un cas
comme cela. Les moyens et les pressions à exercer pour que cela se
règle, je vois difficilement le département de santé
communautaire comme tel... en tout cas, pas si on parle de pouvoirs
légaux ou même coercitifs à l'égard du milieu, je
pense beaucoup plus à des fonctions comme l'inspection, qui sont des
fonctions que la commission assumera elle-même ou confiera à
d'autres, cette dernière s'appuie vraiment sur des normes. Je pense
à eux et je pense beaucoup à l'expertise en hygiène du
milieu ou en hygiène industrielle ou en surveillance du milieu
où, dans bien des cas comme cela, ce n'est peut-être pas toujours
de forcer les gens. C'est peut-être seulement de les renseigner et de
leur montrer ou de discuter avec eux et d'en arriver à la conclusion que
c'est faisable d'améliorer le milieu. C'est peut-être l'expertise
qui manque parfois. Je m'en tiendrai à cela. Si les gens veulent
compléter...
M. Morissette: Je comprends peut-être mal la question. Je
ne vois pas non plus la portée de la question. Je ne comprends pas le
mécanisme par lequel on arriverait à corriger
immédiatement les problèmes, mettre tous nos efforts pour
corriger les problèmes existants actuellement. Je me dis: En fait,
qu'est-ce que cela donnerait? Les procédés dans le milieu
industriel, vous êtes au courant, changent constamment. Les
matières, les produits utilisés changent. On pourrait corriger
demain les situations actuelles, mais après-demain, il y en aurait
d'autres nouvelles. Raymond a parlé de souplesse. Je pense qu'il faut
s'adapter à ces différentes situations et suivre constamment le
milieu. On parle de surveillance, de programme de surveillance de
l'environnement et on insiste sur la motion de contenu. C'est justement pour
que ces modifications ne nous échappent pas.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de
tous les membres de la commission, de la présentation de votre
mémoire. Oui, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, puisqu'on a encore quatre
mémoires à entendre de gens qui sont ici présents, et que
cela va assez bien, je demanderais qu'on puisse continuer le travail
jusqu'à ce qu'on ait entendu les quatre mémoires qui sont
là.
M. Pagé: Non, M. le Président, et je vais vous dire
pourquoi d'ailleurs. Une commission parlementaire comme celle-ci est
appelée à entendre des mémoires, à discuter et
à échanger avec plus de soixante intervenants. J'ai eu, quant
à moi, l'expérience de vivre plusieurs commissions parlementaires
comme celle-ci, soit depuis 1976 ou encore durant mon premier mandat comme
député.
Face à l'importance du sujet qui allait être discuté
à compter d'aujourd'hui, 4 septembre, et même si ce n'était
pas de mon devoir de le faire, j'ai quand même communiqué la
semaine dernière, ou il y a une quinzaine de jours, avec les
représentants de la majorité ministérielle pour leur
soumettre mon opinion, à savoir qu'on ne pouvait, dans une
journée de trois séances, de huit heures, procéder
à l'audition de plus de deux mémoires par séance. C'est
ainsi que je voulais mettre en garde M. le ministre d'Etat au
développement social et ses collègues contre la mauvaise habitude
que le Parlement a, ou le secrétariat des commissions, de convoquer des
gens pour la première journée et de leur donner
l'échéancier de travail pour la semaine pendant ou à la
fin de la première journée, et faire en sorte que les groupes qui
se déplacent ne puissent être entendus, et qu'on leur dise
à 21 h 30 ou à 22 heures: On ne vous entend pas aujourd'hui.
Trouvez-vous des chambres à Québec et revenez demain ou
après-demain.
C'est dans cet esprit que j'ai demandé au ministre d'Etat au
développement social de le rencontrer ou de rencontrer ses
collègues pour entendre ce que je voulais soumettre, savoir que nous
entendions deux mémoires par séance. Si on regarde les heures qui
sont disponibles, le matin, nous commençons à 10 heures pour
terminer vers 12 h 30 et reprenons vers 14 h 40 ou 15 heures pour finir vers 18
heures, et le soir, de 20 heures à 22 heures, selon notre
règlement.
Il est tout à fait inapproprié et cela témoigne
d'un manque d'expérience évident ou encore d'un manque
d'organisation de convoquer neuf groupes la première journée,
sept groupes la deuxième, dix groupes la troisième, sept groupes
le mardi suivant, neuf groupes ici, huit groupes là et onze groupes.
C'est tout à fait inacceptable quant à moi et, s'il faut que la
commission, plutôt que d'avoir huit jours de séance, en ait dix,
on prendra dix jours. Je ne crois pas, moi, dans les circonstances, qu'il soit,
premièrement, dans l'esprit de notre règlement de siéger
après 22 heures. J'ai moi-même proposé qu'on ait un
arrangement qui fasse en sorte qu'on dise à chacun des intervenants:
Venez tel jour, à telle heure. On n'a pas voulu y donner suite et on
préfère, encore une fois, faire la maudite erreur qu'on fait
souvent, convoquer des groupes et leur faire perdre leur temps. On ne
siégera pas jusqu'à minuit et on ne commencera pas comme
ça, parce qu'on va passer dix jours à siéger
jusqu'à minuit et, demain matin, je ne connais pas vos ordres du jour
mais, pour certains députés tels que moi, il nous faut
répondre à du courrier, il faut faire des appels
téléphoniques et il faut être ici à 10 heures. On va
finir à 10 heures et moi, je ne donne pas mon consentement pour
siéger jusqu'à minuit; ce n'est pas vrai!
M. Jolivet: M. le Président, sans avoir besoin du
consentement du député de Portneuf, j'aimerais savoir, à
cet effet, si le règlement sessionnel...
M. Pagé: Non, monsieur.
M. Jolivet: ... tel qu'il a été donné
à l'intersession de janvier...
M. Pagé: Non, monsieur.
M. Jolivet: S'il n'est pas actuellement normal de siéger
jusqu'à minuit...
M. Pagé: Non, monsieur.
M. Jolivet: ... avec le règlement intersession-nel? M. le
Président...
M. Pagé: Non.
M. Brochu: C'est 22 heures quand même.
M. Jolivet: ... j'aimerais connaître votre opinion
là-dessus.
M. Pagé: C'est 22 heures.
Le Président (M. Marcoux): Disons qu'avant de
connaître mon opinion, je voudrais savoir s'il y a des membres qui
veulent m'éclairer à ce sujet.
Une Voix: Sur la question de 22 heures? M. Brochu: C'est
dans le règlement.
M. Pagé: La session est ajournée depuis le 21 juin,
M. le Président. On a une motion dite de fin de session qui
prévoit un travail accéléré entre le 1er juin et
l'ajournement de la session qui est établi soit au 21 ou au 22 juin et
c'est le même règlement qui s'applique entre les 1er et 20, 21
décembre. A l'ajournement de la session, la partie du règlement
qui s'applique, pour ce qu'on appelle la période dite de fin de session
qui est intensive, qui permet à la Chambre de se réunir le matin,
peu importe le journée, qui permet aux commissions parlementaires de se
réunir jusqu'à minuit tous les soirs, ce règlement devient
caduc dès la fin de la session, parce qu'à ce moment-là,
M. le Président, ça voudrait donc dire qu'on a ou qu'on aurait
à évoluer dans un règlement dit de fin de session à
l'année. Voyons donc, ça n'a pas d'allure de soumettre ça,
quoique je comprends que ça vienne du député de
Laviolette. C'est un jeune député qui n'a pas trop
d'expérience ici.
M. le Président, vous devriez statuer dans les plus brefs
délais, reporter ça à demain et, en bon prince, je
recommande encore une fois au ministre ce que j'ai déjà
recommandé. Je suis prêt à me réunir avec lui demain
matin à 9 h 30, qu'on dresse la programmation pour les sept ou huit
prochains jours et qu'on dise à ces gens-là: Vous viendrez le 16
à 14 heures, et on va les entendre à 14 heures, mais non pas les
convoquer à 14 heures pour leur dire, à 22 heures le soir: C'est
regrettable, il nous faudrait un consentement unanime pour siéger
jusqu'à minuit et, à ce moment-là, ce que vous faites,
vous rejetez tout l'odieux sur l'Opposition. On ne commencera pas ce petit jeu
la première journée, ce n'est pas vrai! Quoi que vous en
pensiez...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le
député de...
M. Brochu: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Vous vouliez parler?
M. Brochu: M. le Président, c'est simplement que je pense
que la question de règlement sur laquelle vous voulez nous
éclairer est tout à fait claire dans ce sens-là et
j'abonde dans le sens des propos du député de Portneuf. La motion
de fin de session ne vaut uniquement que pour la période qui se termine
lors de l'ajournement de nos travaux parlementaires pour l'été.
Donc, nous retombons maintenant dans le règlement régulier, ce
qui veut dire que les commissions parlementaires doivent prendre fin à
22 heures, et on a déjà dépassé cette heure. Je
pense que ça peut peut-être créer certains problèmes
pour des groupes qui sont
venus aujourd'hui, mais pour la bonne marche du reste de nos travaux
parlementaires, il serait peut-être bon qu'on s'entende sur une
procédure peut-être un peu plus aérée, ce qui
permettrait également de mieux entendre chacun des groupes,
peut-être de mieux discuter avec eux, de recevoir vraiment leurs
commentaires, quitte à étendre la commission d'une journée
ou deux, s'il le faut. Je pense qu'un projet de loi de cette importance
mériterait peut-être, étant donné
l'intérêt que cela a suscité, qu'on réorganise
surtout nos travaux en fonction de ça. Mais, sur la question de
règlement, M. le Président, je pense que vous n'avez pas le
choix.
Le Président (M. Marcoux): Comme j'avais cru sentir que ce
problème s'en venait, j'avais également pris le temps de
réfléchir à la question, mais je voulais quand même
donner, comme c'est loisible, la possibilité aux membres de la
commission de donner leur point de vue et il apparaît qu'au
règlement sessionnel, à l'article 14 qui amende l'article 150 du
règlement, les commissions parlementaires durant les intersessions
doivent siéger aux heures de l'Assemblée nationale, d'autant plus
que l'avis du leader de la Chambre lui-même, textuellement, à la
fin de la session, indiquait que c'était aux heures normales de
l'Assemblée nationale.
Ce que l'article 150, paragraphe 3, indique, c'est qu'aucune commission
élue ne peut siéger après minuit, même lorsque
l'Assemblée peut siéger après cette heure. Cela veut dire
qu'elle peut siéger jusqu'à minuit, mais l'interprétation
que j'en ai correspond à la vôtre, c'est qu'il faut un
consentement des membres de la commission pour siéger après 22
heures.
M. Marois: M. le Président, avant que vous rendiez votre
décision finale, qui ressort déjà bien clairement si elle
n'est pas déjà rendue, si les membres ou les porte-parole
officiels des différents partis de l'Opposition étaient d'accord
pour que cette situation ne se reproduise plus, je suggérerais que
demain matin, à 9 h 30, le député de Laviolette ou le
député de Joliette-Montcalm puisse vous rencontrer pour qu'on
regarde à nouveau l'hypothèse. Je voudrais quand même
ippeler, et je pense que le député de Portneuf l'admettra en
toute honnêteté... Nous avions tout de même soumis un projet
de calendrier et de temps aussi, une espèce de banque de temps avec une
certaine souplesse. Je pense qu'il faut, et c'est normal, que chacun des
membres de la commission puisse s'exprimer librement, mais avec une
hypothèse de banque de temps que nous avions soumise. Malheureusement,
semble-t-il, cela n'a pas été possible d'en arriver à une
entente, de telle sorte qu'on est face à la situation qu'on vit
aujourd'hui. J'ose espérer qu'il sera possible demain matin d'en arriver
à une entente pour que les groupes puissent être avisés
mais là, de façon définitive des dates
précises. Qu'on s'entende, cette fois-là cepandant, j'insiste
quitte à garder une certaine souplesse je comprends
parfaitement cela sur une espèce de banque de temps
réservée par groupe pour qu'on puisse rendre justice à
chacun des groupes. Je pense qu'il est difficile pour les gens, et avec raison,
de comprendre qu'ils sont convoqués et qu'ils ne puissent pas être
entendus.
M. Pagé: M. le Président, j'aimerais exprimer ma
satisfaction de voir que le ministre accepte la proposition que je lui ai
formulée en bon prince, qu'on se réunisse à 9 h 30 avant
les travaux de cette commission pour qu'on règle nos problèmes
comme cela.
M. Marois: A condition que vous acceptiez...
M. Pagé: Mais, pour ce soir, on exerce notre droit de
refus.
M. Marois: ... l'hypothèse que je vous avais soumise
l'autre fois, cette fois-là, demain matin, d'avoir une banque de
temps.
M. Pagé: On verra cela. On regardera cela demain.
M. Marois: Parfait.
M. Chevrette: M. le Président, pour être bien
fixé, il y a des groupes qui ont sans doute des obligations ou des
encadrements pour dire: C'est tel jour qu'il était prévu qu'on
passe. On avait pris des engagements. Il faudrait tenir compte de cela, en
termes de balise... Non, il n'y avait pas de problème de ce
côté-là. Il ne faut pas se mettre à chambarder non
plus parce qu'on a déjà fait prendre des engagements à des
groupes.
M. Jolivet: II y a seulement une chose que je voudrais ajouter,
M. le Président. Sur les cinq groupes qui restaient, il y a la
Société des conseillers en sécurité industrielle,
qui a demandé d'être remise en même temps que l'APAI, le 19
septembre prochain. Il en restait quatre ce soir: Collectif
socialisme-santé, Unité de recherche sur l'abus des drogues et de
l'alcool, Clinique de médecine occupationnelle de Montréal Inc.,
et Association professionnelle des optométristes du Québec. Il
faudrait leur dire ce soir qu'ils seront convoqués à nouveau dans
un délai qu'on fixera plus tard, parce qu'ils ne seront pas entendus
demain matin. Ce ne sont pas eux qui ont été convoqués
pour demain matin.
Le Président (M. Marcoux): La responsabilité
d'aviser les gens à quel moment ils seront convoqués, si c'est
demain matin ou une autre journée, relève du secrétariat
des commissions.
La commission ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 22 h 29