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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mercredi 12 septembre 1979 - Vol. 21 N° 179

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm)...

M. Chevrette: Présent.

Le Président (M. Marcoux): ... M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf); M. Vaillancourt (Jonquière), remplacé par M. Perron (Duplessis); M. Brochu (Richmond); M. Forget (Saint-Laurent), remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont); M. Springate (Westmount) remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Samson (Rouyn-Noranda).

Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires du Conseil du patronat, de la Fédération des travailleurs du Québec, de l'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec Ltée et de l'équipe Santé au travail du CLSC centre-sud.

En ce qui concerne l'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec Ltée, elle a fait parvenir au secrétaire des commissions la lettre suivante: "J'accuse réception de votre télégramme du 31 août dernier nous informant que la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre entendra le mémoire de notre association concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail, mercredi, le 12 septembre prochain. "L'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec Ltée, comme le mentionne notre mémoire, appuie en totalité le mémoire présenté par le Conseil du patronat du Québec dont elle est membre et nous avons suggéré un système d'inspection à intervalles réguliers dans les petits établissements. "M. Michel Thibodeau, président du comité de relations ouvrières dans notre association, fera partie de la délégation du Conseil du patronat du Québec dont le mémoire sera entendu par la commission à 10 heures, mercredi, le 12 septembre. Il pourra répondre aux questions des membres de la commission relativement à la recommandation contenue dans notre mémoire. "Veuillez donc considérer notre mémoire comme dépôt devant la commission ou plutôt regroupé avec celui du Conseil du patronat du Québec ".

Je demanderais aux membres s'ils acceptent que nous versions intégralement au journal des Débats le mémoire...

M. Marois: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux):... de l'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec Ltée. Il y a consentement. Ce sera donc fait. (Voir annexes)

Conseil du patronat du Québec

J'invite maintenant le conseil du patronat du Québec et M. Ghislain Dufour, un habitué de nos travaux à l'Assemblée nationale, à nous présenter son mémoire.

M. Bellemare: Est-ce qu'on pourrait savoir les noms de ceux qui l'accompagnent, s'il vous plaît?

M. Dufour (Ghislain): Oui. Le Président (M. Marcoux): II va faire cela.

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter, d'abord, les collègues qui m'accompagnent. A ma droite, M. Pierre Duguay, qui est agent de relations de travail au Conseil du patronat.

M. Bellemare: Je m'excuse...

M. Duguay (Pierre): Pierre Duguay.

M. Dufour: M. Pierre Duguay, agent des relations de travail, Conseil du patronat; Mme Marie Mandeville, conseiller juridique à General Motors du Canada Ltée; à ma gauche, M. Serge Jacques, qui est vice-président des relations industrielles chez Ciments du Saint-Laurent; M. Michel Thibodeau, qui est directeur des relations de travail à l'Association provinciale des marchands d'automobiles, et M. Armand Lussier, qui est directeur de la fabrication chez DuPont du Canada Ltée.

M. Bellemare: J'espère, M. le Président, que s'il y a des applaudissements dans la salle, vous les laisserez faire, comme hier; vous aurez autant de largeur de vues que cela.

Le Président (M. Marcoux): Je tiendrai compte de vos remarques, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Vous n'avez pas eu beaucoup d'autorité hier.

M. Dufour: M. le Président, madame et messieurs les députés, compte tenu de l'entente qui a été faite entre les différents partis pour déposer, en annexe au journal des Débats, notre mémoire et le mémoire de l'Association provinciale, je vais

tout simplement tenter de résumer en 20 ou 25 minutes ce mémoire.

Représentant les employeurs d'au moins 80% de la main-d'oeuvre du Québec, le Conseil du patronat, après des mois d'analyse et de consultations, peut affirmer avec assurance que l'ensemble des entreprises privées du Québec, grandes ou petites, souscrivent pleinement aux objectifs poursuivis par le projet de loi no 17, soit une réduction des accidents du travail et des maladies professionnelles.

De la même façon, par ailleurs, nous pouvons affirmer avec la même assurance qu'elle porte un jugement sévère sur plusieurs moyens que suggère le projet de loi pour réaliser ses objectifs. Le mémoire que nous avons déposé au secrétariat des commissions parlementaires le 17 août dernier résume les raisons principales qui justifient ce jugement sévère. Je me contenterai, dans le cadre de ce témoignage, de faire une présentation succincte, oubliant de souligner nos nombreux points d'accord avec le projet de loi, points qu'on retrouve aux pages 11 et 12 de notre mémoire. Ceux-ci ne nous paraissent pas devoir constituer la préoccupation majeure des membres de cette commission.

Nous reprochons d'abord au projet de loi no 17 de proposer une loi-cadre. A notre avis, les règlements doivent servir à déterminer les règles d'application d'une loi, et non pas à lui donner son contenu.

Dans le projet actuel, il n'y a pas moins d'une cinquantaine d'articles majeurs dont le contenu sera défini par les règlements. C'est ce que nous appelons une loi-cadre et nous rejetons cette sorte de loi pour deux raisons. Premièrement, le pouvoir législatif délègue ainsi son autorité propre au pouvoir exécutif, ce qui est une faute contre la division des pouvoirs nécessaire à la vie démocratique et, deuxièmement, le contenu de la loi étant défini par règlement, nous ne pouvons pas prévoir quelle sera la portée réelle de la loi que l'on voudrait maintenant nous faire accepter — voir notre mémoire aux pages 5 et 6. A ce propos, nous soulignons en particulier le caractère tout à fait exceptionnel de l'article 185 qui attribue à la commission des pouvoirs de réglementation manifestement trop vagues et trop étendus. (10 h 15)

Sur les droits de gérance. La responsabilité ultime d'aménager une entreprise de façon sécuritaire et d'organiser le travail en y incluant des programmes de prévention des accidents revient à la direction de cette entreprise puisque, par sa nature même, une telle responsabilité est partie intégrante de l'idée générale de gestion. Cela justifie, à nos yeux, que la loi fasse porter à l'entreprise le prix de la médecine du travail, le prix de la prévention des accidents et le prix des accidents, mais on ne peut pas accepter cette dernière proposition sans accepter la première.

Ce que nous reprochons au projet de loi, ce n'est pas de faire porter par l'entreprise le prix de la sécurité et de la santé au travail, mais c'est de vouloir lui faire porter ce prix tout en lui enlevant le pouvoir de décider elle-même des moyens d'assurer la santé et la sécurité dans ses établissements, conformément à des normes générales clairement définies.

Toutes nos propositions sont des applications de ces principes. Nous ne rejetons pas l'idée qu'il y ait des normes fixées par la loi, des inspections, des contrôles assurés par l'Etat. Nous ne rejetons pas non plus l'idée que les coûts de la santé au travail soient intégrés aux frais d'opération d'une entreprise, mais nous croyons que les responsabilités administratives et financières que les entreprises assument dans ce contexte présupposent qu'elles possèdent les pouvoirs de gérance pour trouver pour elles-mêmes les moyens les plus économiques d'atteindre les objectifs fixés.

Le projet de loi no 17 est à cet égard inconséquent, puisqu'il fait porter la responsabilité financière de la santé au travail par les entreprises, mais qu'il enlève à la direction des entreprises des pouvoirs de décision essentiels à ce sujet.

Dans notre mémoire, nous soulignons en particulier les points suivants, points au sujet desquels le projet de loi attribue un pouvoir de décision à des individus ou à des organismes qui ne portent pas la responsabilité financière de leurs décisions.

Premièrement, le refus de travailler. La décision de refuser de travailler peut être basée sur une perception purement subjective du danger, selon le projet de loi actuel. Le personnel compétent de la direction d'une entreprise doit normalement pouvoir opposer à ce jugement une évaluation différente. Dans un tel cas, la direction de l'entreprise doit pouvoir faire appel à un autre travailleur après avoir fait les vérifications nécessaires. Autrement, nous enlevons au personnel compétent de l'entreprise le droit de formuler un jugement tout à fait professionnel.

Notons que l'évaluation objective du danger fait souvent appel à des connaissances scientifiques sur la résistance des matériaux, les propriétés des produits chimiques, les lois physiques, etc. Signalons que nos propositions sur le refus de travailler n'enlèvent en rien aux travailleurs le droit et le devoir de se protéger. Elles empêchent seulement que ce droit ne conduise à des abus et ne soit utilisé comme un prétexte pour atteindre d'autres fins que celle de la protection même du travailleur. Ces propositions fondamentales se retrouvent aux pages 12 à 15 de notre mémoire.

Sur le comité de sécurité. Un comité paritaire de sécurité ayant un pouvoir autonome de décision, quant à nous, c'est une deuxième structure de gestion dans une entreprise. Les décisions impliquant des questions de sécurité touchent à tous les aspects de la vie d'une entreprise depuis le choix et le design des équipements jusqu'à l'architecture et à l'aménagement des locaux, en passant par le choix des procédés industriels. Un tel comité paritaire est inacceptable.

Un comité consultatif serait acceptable, mais il n'est pas sûr qu'il doive être imposé partout par la loi, surtout pas dans les entreprises de dix employés, comme le propose le projet de loi no

17. Les parlementaires devraient, d'ailleurs, prendre en sérieuse considération la recommandation contenue au mémoire de l'Association provinciale des marchands d'automobiles et faire agir de façon plus structurée et plus efficace que cela ne l'est actuellement le régime d'inspection dans tous les établissements où n'existerait pas un comité de santé et de sécurité.

Revenant à la question du pouvoir décisionnel des comités, disons que les parties intéressées, patronales et syndicales, à la question de la sécurité peuvent décider entre elles de la répartition de certains pouvoirs. Cela est affaire de négociation, d'adaptation à des situations particulières et d'évolution sociale.

Ce que le projet de loi no 17 propose sera inefficace, nuisible dans la plupart des cas, utilisé malheureusement à d'autres fins. Nos objections à ce sujet, comme elles sont fondamentales, sont reprises dans notre mémoire aux pages 15 à 18.

Le représentant à la prévention. Ce représentant à la prévention, quand il sera nommé par un syndicat militant, sera l'équivalent, dans l'entreprise, du délégué de chantier d'autrefois, dans la construction, délégué de chantier dont la commission Cliche a montré les abus. Les entreprises ne veulent pas de ce genre de pouvoirs parallèles et l'expérience vécue est, ici, le témoin le plus important.

La médecine du travail. Le médecin d'entreprise, c'est un chef de service, c'est un membre de la direction, c'est un conseiller nécessaire de l'entreprise pour toutes ses décisions concernant la santé et la sécurité, c'est-à-dire, comme nous avons dit, concernant à peu près tous les aspects de la vie d'une entreprise.

Qu'un chef de service puisse être imposé à une entreprise, par une autorité extérieure, c'est introduire l'idée d'une direction bicéphale, conduisant à l'irresponsabilité et à l'inefficacité. Que le médecin du travail, en plus d'être choisi par un comité, relève administrativement du réseau public des services de santé, cela montre encore davantage que toute l'organisation de la santé et de la prévention dans l'entreprise échappe tout à fait à la direction de cette entreprise, qui en fera quand même les frais.

Notre mémoire consacre les pages 21 à 29 à cette question. Nous acceptons l'obligation faite aux entreprises d'offrir des programmes de santé à leurs employés. Nous considérons également comme valable l'idée que les entreprises qui, à cause de leur âge ou de leur taille, n'ont pas leur propre service de santé, puissent s'adresser au réseau public. Mais cela doit être une décision libre de leur part, comme elles doivent être libres de s'adresser, si elles le désirent, aux cabinets privés.

Que le réseau public de santé, à mesure qu'il s'adaptera aux conditions du milieu de travail — ce qui est loin d'être fait — offre des services de suppléance dans les entreprises mal organisées, cela a du sens; mais que l'on veuille faire table rase de ce qui existe, que l'on imposé a toutes les entreprises l'autorité administrative de DSC ou de

CLSC qui ne s'y connaissent guère, que l'on construise une seule grande mécanique fonctionnarisée, nécessairement lourde, inefficace, c'est chercher volontairement l'impasse.

Par les temps qui courent, le gouvernement pourrait réfléchir aux conséquences des moyens de pression des syndicats de la fonction publique, quand ces moyens de pression mettront du sable dans les rouages administratifs d'un réseau centralisé de services de santé et de sécurité au travail. Les gouvernements ont été sages de promulguer des lois antimonopoles, mais la même sagesse nous conduit à condamner les monopoles que veulent se construire aujourd'hui les gouvernements.

Notre opinion sur le chapitre du projet de loi 17 portant sur la médecine du travail est donc fondée sur des considérations tout à fait fondamentales et nous espérons que la révision de ce projet par la commission parlementaire nous ramènera à une perception plus réaliste des besoins réels de la société dans laquelle nous vivons. Nous avons à ce sujet d'ailleurs fait une proposition très intégrée qui remet en cause certaines des structures administratives actuelles des organisations de santé dans les entreprises. Nous sommes prêts à rediscuter toute cette question et, dans ce sens-là, le Conseil du patronat appuie officiellement une proposition que vous retrouvez dans le mémoire de la FTQ — la FTQ débattra son mémoire après nous — recommandation qui est contenue à l'article 151 où on demande, compte tenu de la difficulté de ce problème, de réunir en table ronde, en parallèle à la tenue des travaux de cette commission, les principaux intervenants dans le domaine de la santé au travail, qu'il s'agisse des centrales syndicales, du monde patronal, des DSC. On a l'impression qu'une telle table ronde, telle que suggérée par la FTQ, pourrait peut-être permettre de réaliser certains consensus tout au moins autour de certains problèmes de fond.

Autre question, le parallélisme. Un autre point de vue qui concerne cette fois non plus la vie interne des entreprises, mais les activités externes dont le but est en théorie de contribuer à la prévention des accidents. Nous reprochons au projet de loi no 17 une autre incohérence. D'une part, les subventions aux associations de prévention sont assumées par les employeurs, mais ces associations ne sont pas sous le contrôle des employeurs, puisqu'elles sont paritaires. D'autre part, il y aurait des activités de prévention sur le contrôle exclusif des syndicats et ces activités seraient quand même appuyées par les fonds patronaux.

Si les associations de prévention doivent être paritaires, c'est-à-dire dirigées par un conseil représentant également les employeurs et les syndicats, le financement de ces associations, quant à nous, devrait être assumé également par les employeurs et les syndicats. C'est une condition essentielle à leur bon fonctionnement. Autrement, l'une des parties est toujours en demande sans avoir à considérer le prix de ses demandes. C'est une situation conflictuelle par sa nature même.

Sous réserve de leur mode de financement, nous sommes d'accord avec la création volontaire d'associations paritaires de prévention. Dans notre esprit, cependant, les associations patronales de prévention existantes — c'est le cas de l'Association de prévention des accidents industriels — devraient continuer d'être subventionnées à certaines conditions énumérées dans notre mémoire et pourraient accomplir, notamment, bon nombre des tâches que le projet de loi voudrait confier par l'article 129 à la commission.

Nous rappelons que nous n'avons rien contre la mise sur pied d'associations syndicales de prévention des accidents. Nous sommes d'accord pour que les syndicats se dotent de services de formation pour leurs membres, mais nous n'admettons pas que ces associations et ces activités syndicales soient subventionnées à même les fonds patronaux. Si les entreprises doivent payer des activités de formation, elles doivent aussi contrôler ces activités. C'est une règle élémentaire que l'on ne peut pas transgresser sans aboutir à des abus et à une mauvaise allocation des ressources.

Enfin, notre mémoire critique le mode de financement de la réforme proposée par le projet de loi 17 pour deux raisons: premièrement, parce que, alors que l'autorité et les moyens de contrôle sont attribués soit à l'Etat lui-même, soit aux syndicats, soit à des comités paritaires, les coûts de la réforme proposée seraient supportés à peu près exclusivement par les entreprises. Deuxièmement, la réforme est proposée sans que l'on ait analysé de façon sérieuse ce qu'elle coûtera.

Il est inadmissible, en démocratie, même selon les règles les plus élémentaires d'une saine gestion, que les organismes puissent dépenser sans être comptables de toutes leurs dépenses vis-à-vis de ceux qui paient. Or, toute la réforme proposée a pour effet de faire porter les frais aux entreprises, d'une part, et d'attribuer les pouvoirs de décision à n'importe qui, à condition que ce ne soit pas les entreprises, d'autre part. On a même parfois le sentiment que les auteurs du projet ont dû faire preuve de beaucoup d'imagination pour réussir à inventer autant d'intervenants en évitant toujours la direction des entreprises: comités paritaires, DSC, CLSC, commissions, ministères, syndicats, inspecteurs de l'Etat, représentants syndicaux et j'en passe. Le comble est atteint lorsque des activités subventionnées par les entreprises sont sous l'autorité exclusive des syndicats, en même temps que l'on attribue à un comité paritaire des pouvoirs de décision sur la vie interne de l'entreprise.

Il semble qu'il y a deux préjugés à l'origine de cette conception: premièrement, la direction des entreprises est incompétente; deuxièmement, les entreprises sont une source intarissable de financement. Nous croyons que ces fondements sont mauvais et que toute réforme construite sur de tels fondements conduira à un échec, à savoir à une mauvaise allocation des ressources, à des dépenses inutiles et incontrôlées, à des activités détournées de leurs fins propres, en un mot, à l'inefficacité.

Non seulement on annonce aux entreprises qu'elles auront à assumer des tas de dépenses décidées par d'autres, mais encore nulle analyse n'a été faite pour préciser à quel niveau s'élèveront ces dépenses. Le libre blanc d'octobre 1978 était fort incomplet à propos du coût des réformes proposées et les auteurs du livre blanc devaient continuer leurs recherches. Qu'en est-il de ces recherches aujourd'hui? La commission parlementaire ne peut pas, nous semble-t-il, analyser sérieusement le projet de loi no 17 sans connaître les résultats de telles recherches. (10 h 30)

Une analyse sommaire des sources de dépenses nous montre que la réforme proposée sera extrêmement coûteuse. Faute de disposer d'analyses officielles faites par les auteurs mêmes du projet de réforme, nous avons au moins fait une analyse de ce qui est déjà connu. Cela donne une sorte de nomenclature des sources de dépenses et une certaine évaluation de leur importance. Cette description est contenue dans l'annexe à ce document que nous avons déposé ce matin à la commission parlementaire. Nous croyons que ce document prouve que les entreprises ont raison de s'inquiéter des effets financiers de la réforme proposée par le projet de loi no 17.

Voilà, M. le Président, les problèmes majeurs d'orientation que notre mémoire présente à l'intention de cette commission.

Par ailleurs, analysant le projet de loi no 17 article par article, notre mémoire propose des sujets plus particuliers à l'attention de cette commission. Il serait, bien sûr, trop long de les reprendre ici. Permettez-moi d'en souligner simplement quelques-uns qui sont revenus peut-être, mais de façon moins fréquente.

D'abord, l'article 32, sur le congé de maternité qui, quant à nous, devrait être rédigé de façon à concorder avec l'article 9 de l'ordonnance no 17 de la Commission du salaire minimum, ordonnance qui traite exactement du même sujet.

Article 33, l'indemnité pour la travailleuse enceinte, dans le cas où elle doit changer de fonction, est probablement une bonne idée, mais une telle idée relève de la politique sociale et doit être supportée par les fonds publics.

Article 58, le nombre de membres d'un comité de santé et de sécurité et la procédure de nomination devraient être prévus par la loi, et pour ce qui est de la nomination des représentants des travailleurs, l'article 147 de la Charte de la langue française devrait servir de modèle, cet article ayant l'avantage de prévoir les divers cas qui peuvent se présenter selon qu'il y a ou qu'il n'y a pas un ou plusieurs syndicats.

Article 73, qui parle des associations d'employeurs et des associations syndicales d'un secteur. Il faudra sûrement préciser qu'il s'agit d'associations représentatives de ces mêmes secteurs.

Article 106: à cause de l'importance des questions qui touchent la pratique médicale, la commission devrait, quant à nous, avoir un conseil d'administration élargi qui ferait place à deux médecins nommés par leur corporation professionnelle.

Article 149: à notre avis, l'inspection nécessaire à l'application des normes de santé et de sécurité au travail, comme de toutes les autres normes du travail, devrait être unifiée — dans ce sens, nous sommes d'accord — et confiée à l'autorité du ministère du Travail. Nous acceptons une exception en faveur du secteur minier, puisque le système d'inspection existant déjà au ministère des Richesses naturelles semble à tout le moins être satisfaisant, mais en aucun cas nous ne pourrions considérer comme valable que l'inspection soit sous l'autorité de la nouvelle commission.

Article 238. Contrairement à ce que propose l'article 238, nous tenons fermement à ce que l'article 111 de la Loi des accidents du travail soit maintenu, puisque c'est la seule disposition actuelle qui permet à des employeurs de discuter certains problèmes particuliers avec la commission.

Finalement, l'article 287 laisse au gouvernement le soin de désigner le ministre responsable de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Pour notre part, nous croyons que cette partie des lois du travail doit être sous l'autorité du ministère du Travail et de la main-d'oeuvre et que l'article 287 doit être clair à ce sujet.

En conclusion, M. le Président, nous remercions tous les membres de cette commission parlementaire de la bonne attention qu'ils voudront bien apporter à nos divers commentaires. Ceux-ci, d'ailleurs, ne sont pas complets — nous avons dû déposer ce matin seulement notre analyse des coûts — étant donné le court délai qui nous a été donné pour l'étude, en pleine saison estivale, de cet important projet de loi, et ayant voulu, quant à nous, M. le ministre, vraiment respecter la date limite de dépôt du 17 août.

Nous remercions de façon plus particulière le ministre responsable, d'une part, d'avoir déposé ce projet de loi à l'Assemblée nationale, parce que le monde patronal aussi demandait un tel projet de loi depuis quelques années. Nous le remercions d'avoir soumis, comme il l'avait toujours indiqué, le même projet de loi à cette commission parlementaire et nous souhaitons vivement que nos représentations, ainsi que celles nombreuses de nos associations et entreprises membres, retiendront son attention et celle de ses principaux conseillers afin d'en arriver, croyons-nous, à une nouvelle rédaction du projet de loi. J'insiste pour dire "nouvelle rédaction", et non pas retrait du projet de loi. On a eu de très mauvaises interprétations, dans certains cas, à ce sujet, et nous parlons bien de nouvelle rédaction. Nous voulons simplement l'exprimer en partant d'un autre exemple qui est le projet de loi sur les handicapés que le ministre Lazure avait déposé, dans un premier temps, avec la loi 38. Suite à des commissions parlementaires, une série d'interventions, nous avons eu ce projet de loi neuf qui a été réécrit, présenté à nouveau et qui, finalement, semble avoir fait l'accord de toutes les parties.

Pourquoi n'en demandons-nous pas le retrait? Pour une raison très simple, nous vous affirmons à nouveau notre accord avec les objectifs poursui- vis. Les moyens suggérés pour les réaliser, cependant, font l'objet de trop d'objections sérieuses de la part des milieux patronaux pour croire que quelques amendements apportés ici ou là sauront les satisfaire.

S'il est exact, comme nous le croyons, que ce projet de loi a pour objectif final d'améliorer la santé et la sécurité des milliers d'hommes et de femmes au travail — ce avec quoi nous sommes totalement d'accord — il doit au moins tendre à s'associer les entreprises dans la réalisation de cet objectif. Tel ne semble pas actuellement être le cas et ce serait une erreur magistrale que de croire que la prévention des accidents du travail ne peut être qu'une affaire de législation et/ou de réglementation.

Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, M. Dufour. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, remercier le Conseil du patronat du Québec, ses porte-parole, et, en même temps, profiter de l'occasion pour remercier l'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec Ltée qui a versé au dossier ce matin son mémoire. Je comprends que, le cas échéant, s'il y avait quelques aspects particuliers de ce mémoire-là qui devaient être mis en relief, on pourra en profiter en même temps.

Je tiens à souligner, au point de départ, que le Conseil du patronat du Québec a effectivement été un de ces groupes qui, conformément d'ailleurs à nos engagements réciproques — c'est vrai pour d'autres groupes, certains qui ont déjà témoigné, d'autres qui vont témoigner, notamment, cet après-midi — ont accompagné depuis le tout début, depuis, au fond, la tenue en quelque sorte du premier grand sommet socio-économique, conformément au consensus qui était ressorti à ce moment-là, tous les travaux, toutes les étapes, y compris les premiers travaux visant à la mise au point d'un projet de livre blanc. Je tiens à le signaler parce que je crois qu'il y a là une attitude très fondamentalement positive qui n'exclut pas que chacun ait droit à ses propositions, à son point de vue.

Je pense que ce long processus qui aura pris quand même plus de deux ans, finalement, aura permis à chacun, en cours de route, de peut-être mieux percevoir le point de vue de l'autre aussi. On voit d'ailleurs — et je tiens à le signaler à ce moment-ci — dans les divers mémoires qu'il y a eu des ajustements de certains perceptions, de certaines positions en cours de route. Je crois que, quel que soit le résultat final, c'est déjà une pierre d'assise fondamentale si on veut pouvoir— ce qui est la philosophie fondamentale du gouvernement dans ce domaine-là — y arriver en faisant, autant que faire se peut, un travail concerté qui implique l'ensemble des agents socio-économiques impliqués.

Bien sûr, j'ai pris bonne note non seulement de l'accord de principe sur les objectifs, mais également des accords très précis sur un certain

nombre de points, qui apparaissent aux pages 11 et 12 de votre mémoire.

On me permettra cependant, un peu comme vous l'avez fait, M. Dufour, de formuler un certain nombre de commentaires-questions, un peu pour amorcer la discussion autour d'un certain nombre de points particuliers. Je sais que certains de mes collègues vont revenir sur d'autres points en cours de route. Le premier: Vous vous dites déçu de constater... Je pense que ça revient dans votre mémoire, c'est revenu aussi dans votre discours public. On a eu l'occasion, depuis le dépôt du projet de loi, de se parler par l'intermédiaire des media. Vous avez formulé une certaine déception au bilan de tout ça, de la démarche de consultation, notamment sur le fait qu'à votre point de vue certaines des recommandations que vous aviez formulées n'aient pas été retenues et qu'à votre point de vue, sur certains points, il y aurait un recul — chacun a ses perceptions des reculs; pour d'autres, ce sont des reculs perçus d'une autre façon — notamment en ce qui concerne le représentant à la prévention, en ce qui concerne les cliniques médicales privées, en ce qui concerne la qualification du mot danger. On aura l'occasion sûrement, de faire un échange de vues là-dessus ce matin.

Je voudrais dire tout de suite que cela a été, conformément à l'engagement qu'on avait pris, un long travail, extrêmement sérieux, de tous ceux qui sont intervenus, de consultations, d'échange de points de vue. Il revient forcément, au bout de la ligne, c'est notre responsabilité comme gouvernement, à la lumière des commentaires, des remarques, des opinions et à la lecture que nous faisons nous-même de la réalité, de tirer la ligne et de formuler des propositions très concrètes.

Cela prend la forme, à un moment donné, quand le train entre en gare, d'un projet de loi. Je crois que c'est le processus normal d'une consultation. Je ne sais pas s'il y a là une espèce de première, je crois qu'il y a eu rarement de projets de loi qui auront donné lieu — je parle de projets de loi au sens très large, je remonte jusqu'au livre blanc — à tant de consultations, d'échanges de point de vue, de rencontres, de mémoires qui nous ont été soumis même avant la commission parlementaire, notamment les mémoires sur le livre blanc.

Bien sûr, on a senti aussi, dans des cas exceptionnels, des excès, ce que j'appelle des excès aux extrêmes sur certains points, que ce soit de gauche ou de droite, peu importe. Finalement, ça se recoupe et ça tombe presque dans le même sac. Il s'agit de voir ce que, comme société, dans l'état actuel des choses, il nous est possible, de façon réaliste, de se donner comme instrument qui soit vraiment un instrument réel d'un changement qui s'impose, face à une réalité qui, je crois, de l'aveu de tout le monde — je n'ai jamais entendu qui que ce soit contester les chiffres — devenait absolument inacceptable.

Au moment où on a rédigé le livre blanc, on parlait de coût économique direct et indirect et j'ai toujours dit, sur la base des chiffres conservateurs que j'avais en main, de presque $2 milliards, $1 900 000 000 — on est rendu, à l'année 1978, à $2 500 000 000, chiffre conservateur, c'est la stricte réalité économique — des coûts économiques directs et indirects pour l'essentiel, sinon pour ne pas dire le tout, assumé par les entreprises. Sans compter, ce qui est encore plus fondamental, pour reprendre l'expression du premier ministre, une économie qui prétendrait faire passer les machines avant les hommes, j'ajouterais, je ne sais pas où elle s'en va, mais je sais qu'elle y v vite, joyeusement. Et ce n'est pas acceptable.

Je pense que sur cette base et sur l'ensemble des faits, on est tous d'accord sur la nécessité d'aboutir à une loi et aboutir dans les plus brefs délais. J'ai déjà indiqué l'intention du gouvernement, autant que faire se peut — et autant que faire se peut, à notre point de vue, c'est possible, à condition qu'il y ait un minimum de bonne volonté — d'aboutir à l'adoption d'une loi avant Noël. Donc, c'était un premier commentaire général.

Deuxièmement, vous évoquez le fait qu'il s'agit d'une loi-cadre difficile à évaluer quant à la portée de certains de ses éléments, certaines de ses dimensions, certains de ses coûts aussi, dites-vous, et au soutien de ça, notamment, mais non exclusivement, vous évoquez le pouvoir réglementaire. Quand on regarde de très près, on aura sûrement l'occasion d'en discuter plus longuement en commission parlementaire au moment où on étudiera le projet de loi article par article ou en débat de deuxième lecture, quand on regarde le pouvoir réglementaire, je voudrais rappeler qu'à partir du moment où on introduit un projet d'une loi-cadre qui vient, à toutes fins utiles, remplacer sept lois, vingt règlements, comme perspective, il est évident, si vous regardez l'ensemble des pouvoirs réglementaires — on pourra les relever — que bon nombre de ces pouvoirs réglementaires ne sont que les pouvoirs réglementaires qui, pour l'essentiel étaient dans l'une ou l'autre des sept lois existantes. (10 h 45)

Pourquoi faut-il maintenir ces pouvoirs réglementaires? Pour ne pas se trouver dans la situation où les règlements qui existent n'existent plus; il faut qu'ils soient là. Bien sûr s'ajoutent des pouvoirs réglementaires additionnels concernant des éléments nouveaux, qu'il s'agisse des associations sectorielles, des comités paritaires, des représentants à la prévention ou de la commission comme telle.

Il y a autre chose, je pense qu'on ne peut pas avoir le gâteau et le manger en même temps; c'est un vieux principe qui colle tellement, de façon têtue à la réalité. On a convenu, sur la base d'une demande — vous vous en souviendrez je crois bien — qui est revenue tout au long de la discussion — je me demande même si ça n'avait pas été évoqué à La Malbaie — et là-dessus, il y avait un consensus des parties, si ma mémoire est bonne, dans le genre: Y aurait-il moyen que les parties soient directement impliquées au niveau même de l'élaboration des nouveaux projets de règlements? C'est ce que propose le projet de loi, dans son

économie générale et dans un certain nombre d'articles très précis du projet. Cela est collé à un des principes avec lequel, je crois, vous êtes d'accord, qui est cette idée que les parties soient directement impliquées, le paritarisme si on veut ou la participation des parties syndicales et patronales.

A ce moment, si on veut impliquer les parties à l'élaboration même de ces nouveaux règlements, à leur acceptation, à leur mise en oeuvre, ça nous oblige forcément à ne pas se mettre dans la position où on cuit le gâteau d'avance, pour simplement permettre aux parties de l'assaisonner un peu, beaucoup, passionnément, mais, enfin, être dans la situation de ne pouvoir que l'assaisonner. Il y a la prépublication qui est prévue, puisque de nouveaux règlements impliquant des normes, impliquant des ajustements, impliquant les priorités, par où va-t-on commencer? On a formulé des hypothèses dans le livre blanc, mais ça présuppose que la commission est mise en place, que les parties sont là et que les parties participent à l'élaboration de ces choses et, le cas échéant, formulent leurs recommandations au gouvernement, qui sera appelé à trancher, s'il y a lieu. Voilà donc le deuxième commentaire que je voulais faire.

Vous évoquez la question de la dilution des droits de gérance. Là-dessus, je voudrais vous soumettre les commentaires suivants et j'aimerais avoir votre réaction. Bien sûr, on ne vit plus au début de l'ère industrielle, les années ont passé, les choses ont changé, la société a évolué. On est une société qui, pendant des années et à un rythme extrêmement rapide, a fait beaucoup de rattrapage dans ce sens et, au fond, concrètement, quand vous vous élevez contre notamment ce que vous appelez "la dilution des droits de gérance", vous l'accrochez aux pouvoirs décisionnels des comités paritaires.

Vous me permettrez de rappeler que, selon l'article pertinent du projet de loi, les pouvoirs décisionnels portent, pour l'instant, sur trois points précis: le choix du médecin; la question du choix des équipements individuels de protection et les programmes de formation, c'est à l'article 53. Je me demande comment vraiment on peut partir de là pour dire: C'est la dilution des droits de gérance. Je crois que si on le recoupe avec l'article 48, notamment le paragraphe 3 de l'article 48, vous savez fort bien que, au contraire, les demandes qui nous sont formulées, dans un autre sens, vont beaucoup plus loin quant à l'élargissement — cela a même été évoqué hier par mes collègues de l'Opposition officielle — quant à la nécessité de regarder les propositions contenues au projet de loi, quant aux pouvoirs décisionnels des comités paritaires et de regarder si, au contraire, il ne faut pas élargir davantage la porte et la portée.

Concernant certains droits de gérance, si vous voulez absolument tenir à cette expression-là, quand il s'agit de choses — je reviens à ce qui est pour l'instant dans le projet de loi — comme les équipements, les médecins, la formation qui au fond touchent directement ceux et celles qui sont les premiers concernés, les hommes et les femmes au travail, peut-on encore prétendre en 1979 que de tels droits peuvent être exercés sans au moins qu'ils soient partagés un peu avec d'autres? Il y a plus de cent ans de révolution industrielle gérée par le patronat qui précédent le constat qu'on fait. Je parle toujours du domaine spécifique de la santé et de la sécurité au travail. Tout le monde admet que personne n'a contesté les chiffres. Ils sont là, ils sont brutaux. Il y a là une situation qui, dans certains cas, est dramatique, mais dans d'autres cas, tragique. N'est-il pas temps, dans cette perspective-là, d'essayer des moyens qui apparaissent, me semble-t-il, nécessaires et appropriés à l'évolution d'une société plus moderne et en particulier dans le domaine du travail?

Vous savez, j'ai souvent dit cela et je le pense toujours: Quand on lit les sept lois, les vingt règlements qui existaient et qu'entend pour l'essentiel, remplacer la loi-cadre, non seulement il y a là-dedans une conception fataliste dans le genre: Ce sera toujours comme ça et il n'y a pas grand-chose à faire et on va tout régler cela uniquement par des moyens de protection individuelle. Mais quand on lit ces règlements qui sont accrochés à ces textes de loi, on voit qu'on a presque réussi le tour de force d'à peu près ne jamais mentionner même le mot travailleur, à quelques rares exceptions, comme si on pensait qu'on va régler ces problèmes-là en l'absence de ceux et de celles et des représentants de ceux et de celles qui sont les premiers concernés. Je pense que les faits nous sautent au visage aujourd'hui pour dire que cela ne peut pas être l'exclusivité uniquement d'un monde patronal, pas plus que qui que ce soit, je pense, ne peut — il y en a peut-être dans quelque coin; hélas, cela arrive — croire deux secondes: Prenons tout le paquet maintenant et passons cela au monde syndical et tout sera réglé. Ce n'est pas vrai, parce que, maintenant, si on veut aller vraiment dans le sens d'une ouverture sûre sans se prendre pour d'autres et sans s'imaginer que cela va se faire comme par miracle, ce n'est pas vrai, vers une ouverture qui puisse permettre réellement d'impliquer les parties jusqu'à une participation à un pouvoir décisionnel sur certains éléments qui les concernent directement, réflexion faite, en regardant cela, ne vous semble-t-il pas que c'est une perspective qui aujourd'hui devrait être quelque chose qui pourrait commencer à être acceptable dans une société comme la nôtre?

Je m'excuse d'avoir pris un peu de temps là-dessus, mais cela me semble être une question extrêmement importante. Le gouvernement, je ne vous le cacherai pas, va avoir à trancher. Les demandes qui nous sont faites d'un côté vont, vous le savez, dans le sens de plus. Je vous le rappelle et je pense que mes collègues me corrigeront sûrement si je traduis mal les discussions qu'on a eues depuis quelques jours. Mes collègues aussi de l'Opposition commencent à se poser sérieusement la question. Je laisserai au député de Portneuf le soin d'intervenir là-dessus. Je ne vous cacherai pas que je me la pose très

sérieusement aussi. Je suis loin d'être porté à en réduire la portée. Par ailleurs, d'autres, notamment vous autres, disent: Non, il faut que cela reste consultatif. On va avoir à trancher. A ce point de vue là, tout ce que vous pourrez ajouter ce matin, je pense, pourrait éclairer de façon importante les membres de cette commission.

Très rapidement — je vais essayer d'accélérer davantage pour ne pas abuser — je voudrais, en fait, intervenir sur trois points avant de terminer. Quant au financement des associations syndicales, je sais qu'une partie du monde patronal avait contesté l'article de la loi de la CAT sur lequel la Commission des accidents du travail pensait pouvoir baser une juridiction lui permettant d'octroyer un soutien financier pour la formation des organismes syndicaux. Cela a été contesté devant les tribunaux -par la partie patronale.

Le projet de loi vient mettre un terme à cette discussion juridique, puisque à notre point de vue, il est tout à fait normal que des sommes soient mises à la disposition des associations accréditées, d'ailleurs, pas seulement syndicales, si vous avez lu le texte — je pense que c'est plus large que cela — pour permettre aux parties de disposer d'un certain nombre de ressources financières de base pour leur permettre de développer des programmes de formation de leurs membres, ce qui n'exclut absolument pas — on l'a encore dit hier — qu'il y ait des programmes-cadres qui s'appliquent à l'échelle nationale, dans les secteurs, et qui relèvent de l'ensemble de ces niveaux nationaux ou sectoriels qui sont, eux, paritaires.

Je me demande si vous ne conviendrez pas — en tout cas, je le soumets à votre réflexion — qu'il semble peut-être un peu abusif de dire que l'argent qui est versé, bien sûr, il vient du monde patronal, mais qu'une fois rendu là, cela doit être considéré uniquement comme de l'argent patronal. Où nous mène une logique comme celle-là? C'est une mutuelle, c'est vrai. Analogiquement, où cela nous mènerait-il, si on élargissait un principe comme celui-là sur le plan de l'ensemble des fonds publics? Ce qui vient de l'impôt des compagnies devrait aller dans tel coin. Ce qui vient de l'ensemble et qui serait la masse majeure de la fiscalité et provient des citoyens, cela devrait uniquement retourner aux citoyens, et ce qui vient de telle ou telle région devrait retourner dans telle ou telle région. Enfin, cela me semble un peu court.

Par ailleurs, je dois vous dire une chose. Je suis très ouvert à une suggestion que vous formulez dans votre mémoire, qui était dans le livre blanc et qui n'a pas été reprise dans le projet de loi. Soyez assuré qu'on va la regarder de très près. On avait dit, dans le projet de loi, que les services d'inspection allaient continuer à être financés par le gouvernement, par les fonds publics. On avait aussi dit que — la formule était nuancée — si nécessaire, on pourrait même envisager la possibilité qu'une partie des fonds publics vienne soutenir l'effort de formation et d'information. En d'autres termes, qu'on puisse y contribuer sur le plan des budgets. Cela n'apparaît pas dans le projet de loi et je ne vous cacherai pas que je suis très ouvert pour regarder très attentivement une recommandation comme celle-là qui apparaissait, d'ailleurs, dans le livre blanc.

Un point additionnel, c'est le droit de refus. Vous nous proposez de qualifier le mot "danger" en y ajoutant la qualification "immédiat et grave". On en a longuement discuté avec des groupes syndicaux et des groupes patronaux.

Je voudrais savoir: 1) Pourquoi vous nous proposez de le qualifier. 2) Vous n'êtes pas sans savoir que la jurisprudence actuelle ne le qualifie pas. Vous connaissez sûrement fort bien le décret de la construction, à l'article 26.02, qui ne le qualifie pas. Vous connaissez très bien, je présume, l'arrêté en conseil 37.87, l'article 2.2.2d qui ne le qualifiait pas, mais là c'est une espèce de droit de refus introduit par la négative, à l'envers, et on sait le résultat que cela a eu. A toutes fins utiles, cela n'a pas été appliqué et pour cause: en plus, il n'y avait aucune espèce de protection.

Enfin, quand même, cela a été là, d'ailleurs, la première espèce d'ouverte; cela ne le qualifiait pas. Pourquoi faudrait-il maintenant le qualifier? Nous ne le qualifions pas dans le projet de loi. Nous avons simplement essayé de le cerner. Au lieu de dire: tel et tel type, tel groupe et telle fonction sont exclus de l'application du droit de refus, on a essayé de le cerner par la notion de danger qui est accrochée de façon inhérente à une tâche, à une fonction.

Le cas classique que j'évoque si souvent est le pompier et le policier de la brigade criminelle. Est-ce parce que vous craignez les abus? Hier, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec est venue témoigner devant nous pour nous dire que sur la base de l'article 26.02 du décret de la construction, il n'y avait eu que très peu de cas d'exercice du droit de refus, qu'à leur connaissance il n'y avait aucun cas d'abus. (11 heures)

L'Institut canadien du textile, qui est venu devant nous, nous a dit, parce qu'il a des usines qui fonctionnent aussi en Ontario — il vit avec le droit de refus depuis 1976, si ma mémoire est bonne — qu'à sa connaissance, il n'y avait pas eu de cas d'abus. Pourquoi faudrait-il maintenant restreindre la portée? Deuxième élément, à partir du moment où on introduit la notion de "grave et immédiat", je ne sais pas si vous faites référence à la loi suédoise, mais si vous y faites référence, la question que je vous poserais, c'est: Est-ce que vous êtes prêts à acheter le texte intégral de la loi suédoise? Vous savez que la loi suédoise introduit le droit de refus à être mis en marche par un représentant syndical.

En terminant, M. le Président — je pense que j'ai déjà abusé du temps, on y reviendra — je tiens à dire à nouveau qu'honnêtement, dans votre résumé— je l'ai écouté, ce matin, le plus attentivement possible — je ne sais pas si vous reprenez une expression que vous avez utilisée déjà, en ce qui concerne les services de santé, à savoir qu'on nationalisait les services de santé d'entreprises. Vous savez fort bien qu'il existe déjà... que 97%

des médecins présentement sont payés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y a là une question qui n'est quand même pas un détail, qui est fondamentale. Vous dites que la médecine du travail fait partie intégrante de la gestion des entreprises. Si c'est exact, ce que vous dites, en étant très franc avec vous autres, je pense que vous venez de me donner l'argument ultime, la raison essentielle pour laquelle il faudrait peut-être que ça change. Aussi, je pense qu'il y a peut-être une confusion entre la notion de médecin traitant d'un homme, d'une femme, de n'importe quel citoyen, ça vaut pour les travailleurs, et la notion de médecine du travail qui, elle, doit développer une approche, comme on dit dans le jargon, épidémiologique, qui vise à éliminer à la source, à déceler les problèmes. Je pense qu'il faut distinguer fondamentalement gestion et santé dans une perspective de santé publique.

En terminant, je vous laisserai sur deux questions additionnelles. Vous proposez l'unification des services d'inspection. Vous nous proposez cependant de les rattacher au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. L'Association des marchands d'automobiles, dans son mémoire, nous propose, et je cite: "Cependant, il y aurait lieu de songer, pour la Commission de la santé et de la sécurité, à employer les mêmes inspecteurs que la Commission des accidents du travail et le ministère du Travail, qui voit à l'application du règlement sur les établissements industriels et commerciaux". Je comprends donc plutôt que, dans leur cas à eux, ils proposent, dans le cas de ces groupes d'inspecteurs, le rattachement à la commission. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Dernier élément, le projet de loi introduit le principe... Quand je dis le principe je parle du principe au sens juridique de nos débats de deuxième lecture... Quand on dit un débat de deuxième lecture, le principe... parce que c'est vrai que c'est la plus élémentaire décence que d'y arriver, le retrait préventif avec, comme première "opérationnalisation", la femme enceinte. Des groupes, et mêmes des associations patronales avec lesquelles on en a discuté, si j'ai bien compris, sous réserve de relire très attentivement le journal des Débats, à une question posée répondaient plutôt: On est plutôt porté à vous dire oui, essayez donc de travailler sur une perspective comme celle-là. Qu'est-ce que vous pensez de la possibilité d'élargir l'application du principe du retrait préventif à l'ensemble des hommes et des femmes qui sont au travail, en sachant fort bien que tout ne peut pas être fait en même temps, etc., et que ça va devoir être étudié, mûri?

Sur cette dernière question, M. le Président, pour ne pas me faire taxer de verbo-moteur, je vais arrêter.

M. Pagé: Est-ce qu'on peut remercier le ministre pour l'audition de son mémoire? 35 minutes. Ce n'est pas mal. Ce n'est pas si pire.

Le Président (M. Marcoux): M. Dufour?

Mme Lavoie-Roux: ... du progrès. M. Chevrette: ... intéressant...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

Mme Lavoie-Roux: Vous croyez réellement ce que vous dites?

Le Président (M. Marcoux): M. Dufour?

M. Dufour: II y a énormément de matière dans ce que vient de nous livrer le ministre. Je voudrais d'abord, pour situer les différents commentaires qu'on fera au niveau des questions plus particulières qu'il a posées, revenir à ce qu'il appelle la lecture de la réalité, parce que tout ce projet de loi, finalement, s'inspire d'une lecture de la réalité qui peut être différente telle que vue par le ministre ou vue par nous. Je vais parler quand même un peu de statistiques, vous nous faites presque un reproche de ne jamais en parler, on va en parler un peu, pour dire tout simplement qu'il faut vraiment faire attention à l'utilisation des statistiques.

Une fois qu'on a dit cela, bien sûr, on dira toujours nous aussi: Les accidents de travail sont trop nombreux et il faut vraiment tendre à les réduire le plus possible; je pense qu'on s'entend tous là-dessus. Quand on utilise certaines statistiques pour noircir un peu la situation, peut-être, ou pour justifier certains des moyens suggérés dans un projet de loi, là cela nous apparaît, au départ, un peu discutable. Je pense qu'on va tous être d'accord, incluant le ministre, pour dire que les données qu'on a dans ce domaine nous viennent toutes de la même source, de la Commission des accidents du travail, et ce sont des statistiques tout à fait incomplètes, et surtout sans aucun point de comparaison avec l'extérieur. On ne peut pas se situer par rapport à quiconque. Surtout, elles sont contradictoires d'une année à l'autre. Je vous donne simplement un exemple. La Commission des accidents du travail a produit, au mois d'octobre 1978, des données pour l'année 1977 où on nous disait: II y a eu 157 877 accidents avec perte de temps. Trois mois plus tard, rapport annuel de la Commission des accidents du travail pour la même année, c'était baissé à 137 000. C'est quand même 10% en faveur des employeurs, et on peut imaginer que le chiffre de 308 000 dont on parle sera aussi sujet à interrogation de la même façon.

Tout cela pour dire que le chiffre de 308 000, pris tout seul, ne veut rien dire. Si on fait d'autres genres de statistiques, on va réaliser, par exemple, que de 1974 à 1977, en référant toujours à ce document sur lequel tout le monde s'appuie, qu'il y a vraiment une baisse du nombre des accidents du travail déclarés, si on tient compte de la progression du nombre des travailleurs. De 1974 à 1977, par 100 travailleurs, cela a baissé de 13,8% à 12,7%. Quand on additionne les maladies profes-

sionnelles aux accidents de travail, de 1974 à 1977, cela a aussi baissé de 14% à 13%. Une autre statistique qui n'intervient jamais dans le débat et qui est drôlement importante, c'est la question de la gravité des accidents. Le même tableau indique que pour la même période, le nombre de jours moyens perdus — donc, la question de la gravité — est passé de 19,8% en 1974, à 15,9% en 1977. Cela aussi, on devrait le dire lorsqu'on discute de statistiques dans le domaine des accidents du travail, et cela motiverait peut-être les employeurs, à un moment donné, d'avoir ce genre de vision des choses.

Vous avez aussi parlé de comparaison avec des sommes d'argent. On nous permettra d'interroger, quant à nous, l'indicateur, croissance des dépenses des budgets de la CAT, pour porter un jugement quant à l'intérêt que portent les entreprises à la santé et à la sécurité. Lorsqu'on utilise l'indicateur dépenses, il faudrait regarder ce qui affecte le budget de la CAT, et là on peut inscrire toute une série de facteurs qui interviennent dans ce domaine. Cela change constamment, l'interprétation des règlements, les changements de règlements, M. le ministre, les normes nouvelles. On sait très bien qu'au Québec, par exemple, on a le plus haut plafond de salaires admissibles, la Saskatchewan vient de nous rejoindre, mais on a toujours eu le plus haut plafond de salaires admissibles, le paiement des cinq premiers jours et aussi, il faut se le dire, toute cette conception qu'on a, nous du côté patronal, que c'est presque de façon automatique, le bénéfice du doute à l'avantage du travailleur. Là, on pourrait poser tout le problème, par exemple, des maux de dos.

Donc, c'est toute une série de facteurs qui n'ont jamais vraiment été étudiés par la CAT et qui permet au directeur général pour la région de Montréal de la CAT, lorsqu'il dépose son propre rapport annuel... Là, je cite Gilles Provost du journal Le Devoir: "Ce sont là des facteurs — ceux que je viens d'énumérer — qui contribuent à augmenter le nombre des réclamations, même si la situation objective est moins grave qu'avant."

M. le ministre, vous disiez à un journaliste de la Gazette samedi que "Même le Conseil du patronat n'interrogeait pas vos chiffres". Vous l'avez un peu rappelé tantôt. On n'a pas l'intention d'embarquer dans un débat de statistiques parce que vraiment personne n'a les outils pour faire une analyse concrète de la situation qui prévaut actuellement. Quant à nous, lorsqu'on en parle, il faut être vraiment prudent et les situer dans une perspective un peu plus globale.

Deuxième commentaire, en me référant toujours à cette question d'image ou à cette question de lecture de la réalité et de cette non-évolution que les employeurs québécois présenteraient vis-à-vis de certains éléments du projet de loi. Cette comparaison que vous faites constamment pour justifier certains contenus avec l'Ontario, avec la Saskatchewan, je voudrais simplement rappeler rapidement, pour les fins de cette commission et les fins de nos propres interventions, ce qui existe en Saskatchewan et en Ontario. Quand vous pre- nez le problème de la santé en Saskatchewan, c'est au niveau de rétablissement, ce n'est pas au niveau communautaire ou au niveau public comme on le prévoit ici. Au niveau des comités paritaires, le pouvoir décisionnel, si vous vous référez à l'article 24.4c, le seul pouvoir décisionnel qui est donné aux comités paritaires, c'est très limité. Le refus de travail: quand on dit que le refus de travail n'est pas qualifié en Saskatchewan, regardez l'article 18.3 où vous avez...

M. Marois: M. Dufour, vous conviendrez quand même avec moi que j'ai parlé de l'Ontario, quant à la qualification...

M. Dufour: Pardon?

M. Marois: J'ai parlé de l'Ontario, quant à la qualification du danger dans la loi.

M. Dufour: Non, mais comme tableau de fond général...

M. Marois: Oui, d'accord.

M. Dufour: Vous n'avez pas, autrement dit, dans ces législations-là... Prenons l'Ontario qui a un système de santé, dans le domaine du travail, identique à celui du Québec actuellement. Ils n'ont pas jugé bon de faire le transfert qu'on entend faire dans le projet de loi 17. Les comités paritaires, d'abord ce n'est pas dix employés, c'est 20. Vous ne trouvez aucun pouvoir décisionnel dans le comité paritaire Ontarien. Le refus de travailler en Ontario est accompagné de la possibilité de remplacement du travailleur qui exerce son droit de refuser de travailler.

Le représentant à la prévention. Vous regardez les pouvoirs accordés au représentant à la prévention en Ontario et ce que vous donnez au Québec, c'est très différent et il n'y a pas de retrait préventif, il n'y a pas de subvention patronale au syndicat, il y a beaucoup moins de pouvoirs à la commission, etc.

Tout ça pour dire que, finalement, notre mémoire se situe à peu près en conformité avec ce qui existe déjà au plan canadien, notamment en comparaison avec l'Ontario. Et quand on accepte, par exemple, le principe du comité paritaire — que d'autres groupes ne semblent pas accepter — on accepte la réalité ontariènne. Quand on accepte le refus de travailler — parce qu'effectivement on l'accepte — on accepte la réalitéontarienne, maison demande de cadrer, comme on l'a fait dans la loi ontarienne.

Alors, c'est en s'inspirant finalement de ces deux grandes lois canadiennes que nous faisons un certain nombre de propositions sur lesquelles vous êtes revenus au niveau de certaines questions plus précises.

Evidemment vous en avez mentionné plusieurs, la première — je vais aller très rapidement, quitte à les reprendre — la loi-cadre. C'est bien sûr que lorsque vous dites que vous êtes obligé d'unifier peut-être six ou sept lois, plus toutes leurs

réglementations, il ne s'agit pas de changer les normes qui existent et on n'y tient pas nous non plus. C'est une partie du pouvoir réglementaire. Mais toute l'autre partie du pouvoir réglementaire de la CAT, c'est tout à fait nouveau.

Prenons simplement le comité paritaire. On vous fait une suggestion de ne quand même pas laisser au pouvoir réglementaire le soin de décider du nombre de travailleurs qu'il y aura dans un comité. C'est une suggestion très concrète. On vous demande de prévoir la procédure de nomination des travailleurs aux comités paritaires à partir de la loi 147. On l'a vécue et ça se passe bien. Pourquoi ne reprendrait-on pas carrément ce qui existe déjà, que le législateur ne l'affirmerait pas plutôt que de laisser ça au pouvoir décisionnel purement et simplement? (11 h 15)

J'aimerais qu'on prenne les points un par un, parce que finalement il y en a plusieurs. Mais sur une suggestion aussi concrète que celle-là, qu'est-ce qui peut faire hésiter le législateur? Pourquoi donner ça au pouvoir réglementaire?

M. Marois: Sur les comités paritaires et le nombre, si je comprends bien votre point de vue, vous voudriez que dans la loi, on spécifie le nombre. Bon. Je vais regarder à nouveau la loi ontarienne, vous dites que vous avez basé bon nombre de choses sur la loi ontarienne. J'ai souvent dit que j'ai regardé la loi ontarienne, la loi de la Saskatchewan, j'ai rencontré ces gens, on a rencontré les gens de la Suède, on a rencontré les Américains, on a rencontré les gens de l'Allemagne, les gens de l'Angleterre, bon nombre d'autres coins aussi. J'ai aussi souvent dit qu'on a essayé de concevoir le projet non pas à partir d'une copie de quoi que ce soit, mais en essayant de faire la meilleure lecture de la réalité québécoise.

Vous avez au Québec, ce qui est la réalité industrielle du Québec, quelque chose qui est passablement différent, les morceaux sont ajustés aux réalités socio-économiques de la Saskatchewan, il y a des distinctions et des différences entre la loi de la Saskatchewan et celle de l'Ontario, parce que leurs réalités sociales et économiques sont différentes. Je pense que c'est légitime.

Au Québec, par exemple, vous avez beaucoup plus, toute proportion gardée, de petites et de moyennes entreprises qu'en Ontario. Vous avez aussi des entreprises de très grande taille. Vous préférez que le législateur décrète, dans la loi... est-ce que vous admettez qu'il va falloir faire des nuances? Ce qu'on proposait, simplement comme approche, c'est que les parties concernées, toujours selon la même philosophie, par la réglementation et les recommandations qui nous seront faites par les parties concernées, leurs porte-parole et leurs représentants siégeant à la commission, comme administrateurs de cette commission, nous fassent des recommandations.

Ce que vous semblez nous dire, c'est: Non, mettez-le dans la loi. Mais est-ce que vous admettez qu'il va falloir faire des nuances selon la taille des entreprises et, par ailleurs, si ma mémoire est bonne, je peux me tromper, est-ce que la loi 101 ne laissait pas une certaine souplesse là-dessus, permettant de s'ajuster à des réalités qui varient forcément d'une région à l'autre, de certains secteurs industriels à d'autres secteurs industriels, du secteur service et le reste? C'est ce qu'on dit.

M. Dufour: C'est bien sûr que vous allez être obligés de préciser dans la loi, vous pouvez partir de deux pour une entreprise qui a une vingtaine d'employés, parce que dans notre concept, ça devrait être vingt et non pas dix et si vous arrivez à 2000 travailleurs, vous aurez douze, mais que ce soit identifié dans la loi, surtout la procédure de nomination. C'est un exemple, M. le ministre, de possibilité de clarifier immédiatement dans la loi. Tout ce problème qui est relié aux comités paritaires, la désignation, où on dit: La commission déterminera, désignera des associations syndicales, des associations d'employeurs représentatives, à partir de quoi? Est-ce que ce seront des termes tout à fait différents de ceux qu'on connaît dans le Code du travail?

Ecoutez, on a relevé 55 pouvoirs réglementaires, d'autres en ont relevé 80, il y en a toute une série là-dedans qui pourraient être précisés vraiment. Au moment où on parle justement, au niveau du développement économique, de bâtir le Québec, de déréglementation, je pense qu'on a vraiment le projet de loi qui pourrait permettre de clarifier le plus possible ce qu'on peut dans la loi. Je reconnais le pouvoir réglementaire, ce n'est pas possible de tout prévoir dans la loi. Tout ce qui peut être prévu dans la loi, aux fins d'une analyse et de voir où on s'en va, on devrait le mettre dans la loi. Donc, c'est un peu la réaction vis-à-vis de la loi-cadre.

La dilution des droits de gérance. Evidemment, il n'y a rien à ajouter à ce que l'on a déjà dit là-dessus et dans notre mémoire et dans le résumé de ce matin. Dès que vous faites intervenir, dans la gestion de l'entreprise, des gens qui n'ont pas de responsabilité juridique ou de responsabilité économique, à ce moment-là, vous diluez le pouvoir de gérance. Vous parlez des comités paritaires, c'est bien évident qu'il y a là une dilution des pouvoirs de gérance.

Quand vous dites, par exemple, que c'est le comité paritaire qui décidera des équipements, qui décidera des moyens de protection individuels. A ce moment, vous venez de contredire votre article 40 qui, carrément, dit: C'est la responsabilité de l'entreprise de s'organiser pour assurer la santé et la sécurité au travail. Dans ce sens, nous ne pouvons pas accepter qu'on donne des pouvoirs à quelqu'un d'autre, tout en faisant porter toujours sur l'entreprise la responsabilité juridique et financière du programme.

Vous avez oublié le médecin, vous vous êtes attardé surtout au comité paritaire, mais c'est la même chose pour le médecin. Lorsque tout notre programme de santé relève d'une instance qui n'est plus sous la coordination administrative de l'entreprise, vous venez tout simplement de diluer le pouvoir patronal. D'ailleurs, c'est un peu sur-

prenant que vous ayez cette réaction, parce que je voudrais vous rappeler un paragraphe du livre blanc où vous dites, sur la question des pouvoirs de gérance: "Les employeurs ont l'obligation de s'assurer de l'existence d'un programme de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans leur établissement." Par voie de conséquence, ils ont le droit de prendre les mesures appropriées pour qu'un tel programme soit appliqué.

M. Marois: Est-ce que ce n'est pas exactement l'article 48, paragraphe 3?

M. Dufour: Oui, mais par voie de conséquence, vous devriez nous laisser les façons, les moyens de prendre les outils appropriés, alors qu'effectivement vous ne le faites pas. Surtout au niveau du comité paritaire et au moins si, au niveau du comité paritaire, ça se réglait dans l'entreprise, mais ça ne se réglera pas dans l'entreprise, parce que quand on ne s'entend pas, qu'est-ce qui arrive; c'est la commission qui va trancher. Alors, ce n'est même plus un problème de relations employeur-syndicat ou relations employeur-travailleur, c'est une intervention de l'Etat qui va venir régler, dans au moins trois cas, ces problèmes. Ce n'est plus une dilution par voie syndicale ou de cogestion par les travailleurs, c'est une dilution par une prise en main par l'Etat d'un certain nombre de problèmes sur lesquels l'entreprise a pleine responsabilité actuellement.

M. Marois: M. Dufour, vous dites: Par l'Etat; est-ce que vous ne trouvez pas que c'est un peu excessif? Parce que la commission sera administrée sur une base paritaire par les représentants des employeurs et les porte-parole syndicaux.

M. Dufour: Mais la commission relève de qui, sur le plan politique?

M. Marois: Bien sûr, mais elle a des pouvoirs décisionnels qui sont prévus dans la loi. Vous nous dites, par ailleurs, dans la même envolée, qu'on lui donne trop de pouvoirs.

M. Dufour: Non, mais sur un plan de dépendance, la Commission de la santé et de la sécurité du travail relèvera d'un ministre, non identifié pour l'instant; elle devra faire ses rapports, elle devra proposer à ce ministre, pour les fins du Conseil des ministres, l'acceptation de ses règlements. Donc, elle est politiquement un organisme engagé vis-à-vis d'un ministre. Alors, c'est cette commission qui va vraiment régler les problèmes pour les syndicats et les travailleurs, il n'y aura pas d'entente sur bon nombre de problèmes; au moins s'il y avait une instance à l'intérieur de l'entreprise, mais ça dépasse l'entreprise et c'est une instance, appelons-la "parapolitique", si l'on veut, qui réglera le problème.

Sur le financement, il y a deux problèmes, je pense bien que vous avez bien compris la distinction que l'on fait entre les coûts; vous l'avez très peu mentionné. Nous, nous continuons notre demande que le ministre d'Etat, responsable de ce projet de loi, rende publics les coûts de la réforme, il doit y avoir des études additionnelles qui ont été faites depuis la publication du livre blanc. C'est un problème très particulier qui nous crée certains problèmes quant à l'acceptation globale du projet de loi.

Du côté des subventions syndicales, vous faites une comparaison entre les prélèvements d'impôt des employeurs ou des travailleurs qui seraient affectés à différents programmes. Non, la comparaison, je pense, ne tient pas; les députés sont élus, que je sache, pour faire des dépenses et doivent même venir en commission parlementaire pour faire accepter leurs crédits. Ce n'est pas du tout de ça dont on parle ici; ce que l'on dit, c'est que ça conduira finalement nulle part, parce que, vous pouvez le constater, au niveau des programmes de prévention, vous pouvez avoir des idéologies totalement différentes quant à l'approche d'un programme de prévention.

Ce qui se passerait tout simplement, c'est que l'employeur subventionnerait de son argent des activités de prévention qui pourraient aller carrément à l'encontre de sa propre idéologie. Nous ne disons pas non à ce type d'activités là. Je pense que vous y avez donné vous-même ouverture en disant: Le livre blanc prévoyait déjà des subventions possibles de l'Etat pour des fins de recherche, des fins de prévention. On ne le retrouve pas dans le projet de loi. On vous demande de revoir vraiment cette question-là et vous semblez d'accord.

M. Marois: J'ai dit que j'étais prêt à regarder cela de très près.

M. Dufour: C'était ce que vous vouliez dire bien plus que cela.

Quant à la nationalisation et à cette question de la médecine du travail, on ne se chicanera pas sur les termes. Nous avons utilisé le mot "nationalisation" entre guillemets à deux occasions. Si vous préférez parler d'étatisation, on est entièrement d'accord.

M. Marois: Toujours entre guillemets.

M. Dufour: Non, dans son sens très générique et vous comprenez ce que je veux dire. Toute prise en charge par l'Etat d'un service qui est déjà dispensé par le réseau privé s'appelle ou la nationalisation au sens générique ou l'étatisation. Je n'ose pas utiliser le mot "socialisation", parce que là cela a une connotation idéologique, mais je vous propose "étatisation".

Sur le droit de refus, je vais demander à Mme Mandeville de préciser pourquoi on demande de le qualifier et pourquoi on exprime certaines craintes vis-à-vis du risque d'abus.

Mme Mandeville (Marie): Tout d'abord, le droit de refus dans les autres lois, je pense, est quand même beaucoup plus spécifique que ce

que nous avons dans ce projet de loi ci. Une des raisons pour lesquelles on demandait d'ajouter les mots "grave et imminent", c'est parce que justement on voulait éviter tous les cas où ce ne serait pas vraiment sérieux. Par exemple, si on prend le mot "imminent" pour le cas d'une maladie qu'on qualifie d'industrielle qui se développe au cours des années, le bruit, ce serait un cas où, objectivement, un travailleur pourrait penser qu'il a un problème. Il pourrait arrêter de travailler alors qu'il n'y a aucun danger sur le moment présent qu'il arrive quelque chose. Par contre, avec les autres mécanismes prévus dans la loi, l'inspecteur, le représentant à la prévention, le comité font déjà des surveillances à ce niveau-là. C'est déjà supervisé par le médecin. Ces cas-là sont couverts. Qu'il fasse des suggestions, qu'il aille voir les comités de santé et de sécurité, c'est parfait, mais, par exemple, qu'il arrête pour cette raison-là, je ne pense pas que ce soit raisonnable.

M. Dufour: Je peux peut-être ajouter là-dessus qu'il ne faut quand même pas avoir peur des mots, quand on demande de qualifier "imminent et grave", le mot "imminent" qui réfère à santé et le mot "grave" qui réfère à "sécurité". Le mot "imminent" se retrouve en Alberta. Il se retrouve en Colombie-Britannique. Il se retrouve au fédéral. Il se retrouvait aussi dans le livre blanc et même dans la loi de la Saskatchewan. Lorsqu'il est question de l'officier médical qui peut demander que l'on refuse d'exécuter un travail, les deux critères qu'on mentionne dans cette loi-là, sont "imminent et grave".

Je pense que ce qui est important dans notre demande, c'est de référer à la jurisprudence. Quand ce n'est pas qualifié, il y a quelqu'un qui à un moment donné doit apprécier si l'exercice justement a été fait de bonne foi ou de mauvaise foi. Cette recherche sur la jurisprudence a été faite au Canada et on pourra déposer auprès de M. Amyot un excellent travail qui a été fait et qui a analysé tous ces cas-là au Canada. On retrouve cela dans un rapport du ministère du Travail de la Colombie-Britannique. Les auteurs du rapport disent: Quelles sont les questions qui sont généralement posées pour être capable de juger si le travailleur était de bonne foi ou de mauvaise foi? Il y a toujours quatre critères qui reviennent invariablement, nonobstant les contenus de la loi. Les critères m'apparaissent importants. (11 h 30)

Premièrement, y a-t-il honnêtement danger? Deuxièmement, ce danger a-t-il été communiqué à son supérieur immédiat? Cela n'existe pas dans notre projet de loi 17. On avise le supérieur immédiat, mais, immédiatement, on fait entrer en ligne de compte d'autres intervenants. La troisième question qui se pose est: L'identification de la cause du danger est-elle raisonnable dans les circonstances? De façon automatique, le quatrième point est: Le danger était-il suffisamment grave — on utilise le mot "serious" — pour justifier l'arrêt?

Si d'autres législations et la jurisprudence établissent un certain nombre de critères, pourquoi ne pas dès le départ les mettre dans notre loi, de façon à éviter, justement, certains affrontements que l'absence de définitions pourrait poser comme problème?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez complété vos commentaires ou vos remarques?

Mme Mandeville: Juste un commentaire encore sur le même sujet. J'ai entendu dernièrement qu'en Ontario il y avait une cause en arbitrage sur l'explication des mots "motif raisonnable de croire". La question est de savoir si le motif raisonnable de croire est relatif à l'individu ou relatif — comme on le dit en droit — à la notion d'homme raisonnable, de bon père de famille donc, évaluée à la grandeur de la population ou seulement à la personne. Je pense que c'est le problème.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, M. Dufour, je tiens à vous remercier tout d'abord de la présentation de votre mémoire. On l'a lu attentivement. On en a pris connaissance. Je l'apprécie en ce qu'il est direct. Vous dites ce que vous pensez. C'est important. Je respecte davantage les gens qui viennent nous dire ce qu'ils pensent, même si on n'est pas toujours d'accord. On aura l'occasion d'en reparler aujourd'hui, d'ailleurs, de cet élément-là.

J'ai pris connaissance de l'échange que vous avez eu avec le ministre. Dans une certaine mesure, cela a été intéressant pour moi parce que le ministre a cité ou a fait référence à des positions que nous avons adoptées ou à des déclarations que nous avons faites.

Je voudrais être bref, mais vous me permettrez de formuler quelques commentaires avant d'en arriver à certaines questions. On a un dossier de santé et de sécurité du travail. On a des milliers d'accidents au Québec par année. Cela implique des coûts directs et indirects énormes que personne ne conteste mais qu'on peut toujours discuter parce que les chiffres demeurent toujours discutables. Mais il y a quand même un problème qui existe, celui de la santé et de la sécurité. Comme je l'ai déjà dit — je me permets de le dire à nouveau — on ne peut se soustraire à l'obligation que nous avons comme législateurs, peu importe le côté de la Chambre où nous siégeons, non seulement de nous en préoccuper, mais d'agir en fonction d'objectifs à atteindre.

On a eu un livre blanc. On a un projet de loi qui établit des mécanismes nouveaux. On a un projet de loi qui est certainement de droit nouveau, en ce qu'il attribue des pouvoirs, en ce qu'il donne des pouvoirs à des organismes qui n'étaient pas directement impliqués dans le débat santé-sécurité avant. On a des organismes qui ont

des pouvoirs. On a des groupes qui ont moins de pouvoirs.

Le fond de tout ce débat, c'est de savoir... Ce qui en témoigne le plus exactement, ce sont les questions, les échanges et les demandes d'interprétation à l'égard de certains articles auxquels on assiste depuis le début de la commission.

On a un problème. On se doit d'avoir des intervenants. Il reste maintenant à savoir qui fera quoi en santé. C'est là que la position que nous avons adoptée et la position du gouvernement peuvent être distinctes à plusieurs égards. C'est là aussi que les approches entre les intervenants et l'approche des parlementaires ou encore du gouvernement peuvent diverger.

Vous mettez beaucoup l'accent sur la question des comités paritaires, des comités de santé et de sécurité à l'intérieur de l'entreprise. Cela a fait l'objet de plusieurs discussions ici. Nous soutenions, au début, lorsque nous avons fait notre déclaration, et nous le soutenons toujours, que jusque dans une certaine mesure ces comités de santé et de sécurité seront tout à fait inutiles selon nous. Nous allions même jusqu'à suggérer que les comités de santé et de sécurité puissent exister seulement lorsque cela aura été demandé par la partie syndicale dans une entreprise.

Cette déclaration, cet énoncé, avec ce que reprend le ministre, aujourd'hui, en disant: "hier, le député de Portneuf, et à d'autres occasions, l'Opposition officielle, a demandé que ces comités de santé et de sécurité aient davantage de pouvoirs", sans vouloir mal l'interpréter, j'ai compris de ses paroles, tout à l'heure, qu'il semblait s'interroger là-dessus et qu'il semblait pencher en faveur d'un élargissement des pouvoirs donnés aux comités de santé et de sécurité. Ce qui peut laisser croire, dans l'esprit de certains, que la position que nous adoptons est, jusque dans une certaine mesure, ambiguë. Notre position, c'est celle-ci, et ce sera là le sens de ma question: C'est bien de dire que les travailleurs devront participer. C'est bien de dire que les travailleurs et l'entreprise devront, conjointement et solidairement, se prendre en charge pour agir dans le domaine de la santé et de la sécurité, mais je n'ai pas la conviction, moi, que c'est ce qui est prévu et ce à quoi on peut s'attendre concrètement lorsque le projet de loi no 17 sera appliqué.

J'ai bien apprécié, entre autres, les commentaires des représentants de la CSN hier, lorsqu'ils ont exprimé des réserves sur les résultats des fameux comités paritaires. Vous savez, ce n'est quand même pas du droit nouveau. Il y en a déjà eu et on peut dire que, jusque dans une certaine mesure, les comités paritaires qui ont existé au Québec, cela a été, souventefois, des comités de placotage, parce que le niveau décisionnel n'appartenait pas aux comités comme tels.

Nous, on se dit: L'approche qu'on y donne, c'est que le gouvernement doit agir et que la loi doit prévoir une action dans les secteurs prioritaires comme tels, plutôt que de donner à une commission la responsabilité d'adopter un programme normatif, un programme de santé qui s'appliquera à toute l'entreprise. La crainte qu'on a, c'est que ce soit un programme minimal et que ça aille en bas de ce qui existe déjà dans certaines entreprises. La négociation, dans tout ça, selon moi, est importante. On a eu des résultats positifs dans certains secteurs d'industries, dans certaines catégories d'entreprises à la suite de la négociation entre les parties, au niveau même de l'entreprise, où les travailleurs pouvaient négocier à ce niveau-là, immédiatement, non pas au sein d'une commission où ils auront des représentants, mais au sein de l'entreprise. Ils ont négocié et ils sont allés en avant dans le domaine de la santé et de la sécurité.

Nous soutenons que l'action dans ce domaine doit être laissée aux parties et c'est véritablement ça, de la participation. C'est dans ce sens-là que nous disions, au début: Quant à avoir des comités de santé et de sécurité où ce sera du "placoting" et du "parling", on est aussi bien de ne pas en avoir. Qu'on donne de véritables pouvoirs à ces comités dans les entreprises et qu'on laisse le plus de responsabilités possible aux responsables de la négociation, partie syndicale et partie patronale.

La faiblesse de cette argumentation, j'en conviens, c'est qu'on a au Québec 30% seulement ou à peu près — les chiffres peuvent varier — de travailleurs qui sont syndiqués. La grande question que je vais me faire poser, c'est: qu'est-ce qu'il arrivera dans les secteurs où les employés ne sont pas syndiqués et où il faut agir? Parce qu'il y a des secteurs où les travailleurs ne sont pas syndiqués et il faut agir.

C'est là le sens de ma question. Seriez-vous prêts, entre autres, accepteriez-vous que soit substitué, dans le cas où ce n'est pas syndiqué — parce qu'on ne peut pas présumer que dans des délais très brefs, ce sera 80%, 75%, 70% des travailleurs au Québec qui seront syndiqués, et il y a tout le problème de la grosseur de l'entreprise, des catégories d'entreprises et aussi des problèmes de santé dans chacune de ces entreprises — accepteriez-vous que le secteur public — parce que c'est le secteur public qui est dans ça... Le projet de loi, ou on a peut-être dit, dans le livre blanc: On favorisera la participation des groupes employeurs-travailleurs. Mais c'est le secteur public qui pourrait éventuellement se substituer à tout ça. Les médecins, au cas de mésentente — on peut présumer que, dans certains cas, il y aura mésentente — seront nommés par le département de santé communautaire. Ce n'est pas la participation des parties, ça. Ce n'est pas la décision des parties. C'est un réseau parallèle qui va décider.

Les appels, dans les deux cas spécifiques prévus aux articles 63 et 64, lorsqu'il y aura mésentente au comité de santé et de sécurité, au comité paritaire, où vont-ils aller? Ils vont aller à la Commission de la santé et de la sécurité, la grosse commission qui chapeaute. On peut dire que, dans cette commission, il n'y a pas de problèmes. Il y aura des représentants des travailleurs et des représentants des employeurs.

Mais, en cas de mésentente — parce qu'on peut présumer qu'il y en aura peut-être, à un

moment donné, à ce niveau aussi — qui va décider? C'est le directeur général nommé par le gouvernement. Je ne suis pas convaincu que c'est ce qu'on peut qualifier de participation et de prise en charge par les parties du contenu et des actions à faire pour bonifier les programmes de santé des entreprises.

Est-ce que vous accepteriez le principe voulant que dans les entreprises, dans les secteurs d'industrie où les travailleurs ne sont pas syndiqués, où on peut présumer qu'il n'y aura, malheureusement, peut-être pas d'action énergique dans ce sens dans des délais quand même assez brefs, on substitue à la négociation des parties une intervention comme celle qui est prévue au projet de loi no 17?

M. Dufour: Je voudrais, au départ, situer notre position au sujet du comité de sécurité. Je rappelle que nous ne nous battrons pas pour qu'il y ait des comités de sécurité dans l'entreprise. C'est une proposition qui nous est faite dans le livre blanc et on en accepte le principe comme un des moyens pour réaliser certains des objectifs.

Il faut faire — je pense que le député de Portneuf a parfaitement raison de le faire — la distinction entre le secteur syndiqué et le secteur non syndiqué. Cela rejoint d'ailleurs une des préoccupations du ministre lorsqu'il parlait tantôt de certaines clauses, dans le secteur de la construction, ou dans certaines entreprises qui, de façon négociée, parfois, ont donné des pouvoirs décisionnels à un comité paritaire. Là, de toute façon, les parties le voulaient.

Notre position est la suivante. Nous acceptons — et on le dit dans le texte — la création volontaire de comités paritaires de sécurité dans l'entreprise, bien que nous doutions de l'efficacité d'une formule unique de comité pour répondre à la variété presque illimitée des situations concrètes qui prévalent dans les entreprises. Votre question est la suivante: Est-ce que, dans l'entreprise syndiquée, il ne devrait pas y avoir d'imposition, et que ce serait automatique dans l'entreprise non syndiquée? Non. Je pense que nous acceptons le principe du volontariat à la base de la création d'un comité paritaire, mais même là, cela pose un problème majeur chez les non-syndiqués parce qu'il vous faut — et je pense que c'est présent dans votre préoccupation — faire la distinction entre les petites et les grandes entreprises. Même l'imposer dans les petites entreprises — surtout si on reste au nombre de dix employés, actuellement, ce sont des entreprises... C'est dans ce sens qu'on a demandé à l'Association provinciale des marchands d'automobiles de se joindre à nous, parce qu'au lieu de les imposer, on aimerait mieux faire jouer le système d'inspection, un système efficace, au lieu de mettre sur pied d'autres structures; il y en a déjà assez dans l'entreprise. La réponse à votre préoccupation serait peut-être davantage pour nous une restructuration des services d'inspection que la création, presque de façon automatique, de comité paritaire.

Pour exprimer ce problème de façon très précise dans les PME — parce qu'on ne peut pas les oublier, c'est 80% des entreprises québécoises — en relation avec ce problème du comité paritaire, je vais demander à M. Thibodeau de préciser ce problème particulier.

M. Thibodeau (Michel): M. le Président, je crois que le point de vue présenté normalement par le Conseil du patronat est toujours un point de vue qui semble être perçu par tous les gens, les journaux ou les media comme un ensemble qui est très homogène. On entend très rarement le facteur de la petite entreprise comme étant important, sinon, encore une fois, selon des grands titres. Lorsqu'il s'agit d'opération pour le petit entrepreneur, vous ne pouvez pas l'entendre tellement souvent, d'abord parce qu'il est petit entrepreneur et qu'il n'a pas le temps, et ensuite, parce que ce serait extrêmement prétentieux pour qui que ce soit de dire qu'il représente tous les petits entrepreneurs, qu'il peut représenter tous les problèmes. De là l'aspect de la multiplicité des problèmes qui peuvent se présenter.

Dans le cas de notre association qui est un secteur facilement indentifiable, parce que tout le monde conduit une automobile et tout le monde a la chance d'avoir des problèmes avec son automobile, ou des solutions, selon que vous êtes positif ou non, je crois qu'il faut faire extrêmement attention lorsqu'on fait face à un secteur identifiable comme celui-là, de le classer exactement comme une grande société, alors qu'il n'en est absolument pas une dans aucun de ces petits membres. (11 h 45)

Je prends en considération, par exemple, le pouvoir décisionnel du comité. Si vous avez un commerce où il y a quinze employés, lequel commerce peut être divisé en deux ou trois secteurs qui rendent des services complètement différents à la clientèle — donc, le but de l'entreprise, c'est de rendre des services dans des secteurs différents — il y aurait un problème extrêmement sérieux à avoir les 40% de la main-d'oeuvre impliqués dans la prise de décisions en ce qui concerne l'équipement, par exemple. Je crois qu'il est important pour la petite entreprise que le danger soit défini, un peu mieux cerné du moins, que l'obligation de former un comité soit considérée, pour les petites entreprises, comme pratiquement un comité qui ne fonctionnerait pas, comme c'est le cas dans la CAT, par exemple. Des comités sont formés, mais ne fonctionnent absolument pas dans la plupart des petites entreprises, bien que des inspecteurs soient présents, viennent constater que des réunions se tiennent, mais ce sont des réunions qu'on peut qualifier de fantoches, soit parce que les employés n'ont pas l'intérêt ou la compétence qu'il faut, ou bien que réellement les problèmes ne sont pas présents dans les plus petites entreprises.

Je crois aussi que, dans un secteur comme le nôtre, où la syndicalisation n'est pas complète, c'est-à-dire que certains de nos membres sont

syndiqués et d'autres ne le sont pas, les buts qui pourraient être obtenus par un comité semblable dans les cas de conflits, par exemple, pourraient complètement dépasser les objectifs de la loi 17. Nous sommes entièrement d'accord pour diminuer les accidents, mais il ne faut pas non plus donner des outils à des petites entreprises qui sont complètement hors de proportion avec les employeurs concernés.

Maintenant, pour donner une réponse à M. le ministre, vous avez mentionné que si on allait dans un système d'inspection, tel qu'on le suggère dans notre mémoire, on prétend que ce système d'inspection devrait relever du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. C'est bien indiqué à la dernière page.

M. Dufour: M. Pagé, je pourrais demander à M. Lussier aussi de réagir.

M. Lussier (Armand): M. le Président, d'abord j'aimerais établir que la sécurité, c'est l'affaire de tous et chacun. C'est un proverbe qu'il est très important de garder en mémoire. Tous et chacun doivent être impliqués dans leur propre sécurité, dans la sécurité de leurs confrères, mais, par contre, la responsabilité pour la sécurité demeure au patron. Vous ne pouvez pas déléguer la sécurité. Vous ne pouvez pas déléguer 10% de vos responsabilités en sécurité. Vous êtes soit responsable ou non responsable. Vous ne pouvez pas négocier la sécurité. Chacun, dans l'entreprise, doit être responsable de tous les employés au-dessous de lui, en partant du grand patron. La sécurité dans l'entreprise doit être considérée au même niveau que les coûts, que la qualité, que la productivité, que les relations. Tout cela doit être considéré au même niveau. C'est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas déléguer la responsabilité de la sécurité ailleurs qu'au patron. Par contre, la participation est importante, mais le pouvoir décisionnel demeure toujours au patron. On peut faire participer tous les employés, c'est d'ailleurs ce qui se produit dans la majorité des industries où les employés vont participer à des comités, faire des suggestions, écrire les règlements de sécurité, initier des recommandations pour l'équipement, mais, par contre, c'est le patron qui doit décider en dernier lieu ce qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait, car c'est lui et lui seul qui est responsable de la sécurité de ses employés. C'est pour cette raison que nous ne sommes pas contre les objectifs qui ont été énoncés dans le projet de loi 17, mais que nous sommes un peu abasourdis de la façon qu'on veut s'y prendre pour obtenir ces objectifs.

Il faudrait, après avoir établi les objectifs, que le législateur établisse qui est responsable. Ou il faudrait que le gouvernement donne l'appui au responsable et, en dernier ressort, exiger des résultats. C'est ce qu'on n'a jamais fait, c'est ce qu'on ne fait pas et c'est ce que la nouvelle loi ne fait pas non plus. On espère que par la nouvelle approche, par la base, les accidents vont diminuer. Je doute fort que vous réussisiez, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Vous avez parlé des coûts et je m'étais réservé quelques commentaires dont je voulais vous faire part et des questions que je voulais vous poser et en même temps, les porter à l'attention du ministre. D'ailleurs, vous m'ouvrez la porte à une question dans ce sens, M. Dufour, lorsque vous dites: Nous soutenons que cette structure, en termes d'application, devrait s'appliquer partout, mais les comités et tous les mécanismes de structure devraient s'appliquer et être opérants dans les entreprises où il y a 20 employés.

C'est un élément important, non seulement à la petite entreprise, mais eu égard aussi aux objectifs qu'on veut atteindre avec ce projet de loi. Le commentaire, je le formulerai au ministre, ne croyez-vous pas qu'il aurait été préférable de ne pas faire état du nombre d'employés? Je m'explique. Lorsque nous soutenons que l'action se doit d'être dans des secteurs prioritaires, on en arrive, par le fait même, à la distinction des catégories d'entreprises et pas nécessairement basée sur le volume des employés au sein d'une entreprise.

Essentiellement, ce que je veux dire, c'est ceci, il y a des grosses entreprises au Québec où il y a des problèmes, il y a de grosses industries au Québec où il y a eu des efforts particuliers qui ont été déployés par la négociation, entre autres. Là-dessus, je me permets de ne pas être nécessairement d'accord avec M. Lussier, parce que pour moi, ça demeure négociable, entre parenthèses. Les syndiqués en demandent lors de l'échéance de la convention et c'est le rapport de forces qui se produit. S'ils ne sont pas satisfaits des offres, suite aux demandes formulées eu égard à la sécurité, ils vont en grève. Après une grève, ils règlent la convention collective, ils rentrent et pendant le cours de la vie de la convention, lorsque les comités pourraient fonctionner et en demander davantage ou faire des suggestions si ceux-ci constataient que ce n'était pas suivi, à l'échéance de la convention suivante, ils en demanderaient encore davantage. C'est là la libre négociation des parties. Je pense que, fondamentalement, vous n'êtes pas contre ça.

Il y a de petites entreprises où il y a des problèmes et où il faudrait agir et se dépêcher, et il y a de petites entreprises, où il n'y a pas nécessairement de problèmes. Mais l'application d'un programme-cadre de santé qui sera, somme toute, un programme minimal dans toutes les entreprises risque d'avoir des répercussions, risque d'être un coup de marteau pour tuer une mouche dans les petites entreprises et remettre en cause la survie de cette petite entreprise. La norme de dix employés, de vingt employés qu'on généralise comme ça, ça me fait peur un peu. Le ministre a parlé de la grosse caisse populaire, c'est évident qu'il n'y a pas fondamentalement de problèmes de santé et de sécurité, nécessairement. Il y a peut-être des problèmes de nature psycho-sociale qui engendrent des problèmes de santé, mais c'est un autre aspect et on aura peut-être l'occasion d'en parler dans un autre débat.

Prenez l'exemple dans le secteur de l'automobile, on a des gens de ce milieu qui ont joint leur mémoire au vôtre ce matin, vous allez avoir des normes qui vont s'appliquer aux garages, toutes les réparations de véhicules automobiles. Il y a peut-être des garages de mécanique générale de 15, 20, 25, 30, 50 employés qui seront soumis à cette norme et même s'il n'y a pas trop de problèmes jusque dans une certaine mesure, les programmes de santé vont s'appliquer. Il y a peut-être à côté de ça, un garage qui ne fera peut-être pas de mécanique, mais qui fera du "sandblast", comme on dit en bon canadien, où il y a quand même des poussières qui peuvent être dommageables à l'employé et parce qu'il a 4, 5, 2 ou 3 employés, il ne sera peut-être pas soumis à la norme.

Il y a peut-être des grosses entreprises qui ont des actions bien particulières, qui ont investi beaucoup, qui ont déployé des efforts en collaboration avec les employés, qui les ont sensibilisées à des problèmes de solvants, mais il y a un paquet de petites entreprises, qu'on prenne le secteur du cuir, pour la fabrication de souliers, il y a des solvants qui se promènent dans ça, qui peuvent être dommageables pour la santé et la sécurité, qui ne seront peut-être pas nécessairement touchés quand, par surcroît, les normes viendront d'une commission qui aura quand même une certaine responsabilité au chapitre des impacts économiques.

Alors je me dis, on ne peut pas se figer dans une norme de dix ou de vingt employés, on se devrait — c'est là le sens de la suggestion qu'on a formulée — d'intervenir dans les secteurs prioritaires, là où il y a des problèmes — ça prend une bonne détection, par exemple — et il ne faudrait pas que la juridiction élargie de la commission, en allant jusqu'aux entreprises de dix employés, manque son coup parce que le danger c'est que la norme devienne minimale et que l'action soit diluée à la fin du compte.

Comment pouvez-vous justifier une proposition de juridiction de 20 employés?

M. Dufour: Nous avons fait notre proposition en regard des lois existantes au Canada, celles avec lesquelles on est le plus en contact parce qu'il ne faut pas oublier que les entreprises aiment bien fonctionner à peu près selon les mêmes modes de gestion au Québec qu'en Ontario et ailleurs. On a retenu, dans tout ce qui s'appelle droit de refus de travailler et comité paritaire, la norme ontarienne qui est une norme qui a été drôlement débattue avec les employeurs ontariens et finalement c'est une norme qui a fait un certain consensus. C'est d'ailleurs pour ça qu'on refuse le nombre de dix parce que je pense qu'une partie de la réponse à la question que vous posez se retrouve quand même dans la loi et se trouvait un peu dans le livre blanc. Le livre blanc disait que l'on établirait un certain profil des secteurs où il y aurait possibilité d'utiliser l'article 56 pour mettre sur pied des comités de sécurité.

Il y a aussi le deuxième paragraphe de l'article 57 qui est une partie de réponse à votre préoc- cupation. On y dit que "lorsqu'elle le juge opportun, la commission pourra exiger des comités de sécurité..." lorsque vous avez trois ou quatre employés, mais qui peut avoir le genre de problème que vous soulevez. Mais, entre privilégier les comités paritaires dans ces cas et privilégier le service d'inspection, notre option est claire; on privilégie le service d'inspection. C'est beaucoup plus là que le gouvernement ou la commission devrait agir en mettant sur pied des structures, mais les 20 sont vraiment la norme qui, pour nous, est la plus acceptable dans le contexte des comparaisons industrielles au Canada.

M. Pagé: M. le Président, si vous permettez. M. Dufour, vous ne craignez pas qu'en prévilé-giant le service d'inspection, on mette somme toute de côté une partie de l'obligation que tout le monde a dans ce débat de se concentrer sur la prévention?

M. Dufour: Je pense que l'employeur, qu'il ait deux employés ou qu'il en ait 200, est responsable de la santé et de la sécurité au travail; il doit prendre les moyens pour réaliser cette santé et cette sécurité. Nous demandons une certaine flexibilité au niveau des moyens. Ce que l'Etat doit faire, c'est fixer des objectifs et vérifier si vraiment ces objectifs, de par ces normes, sont réalisés. Le comité de sécurité est un outil entre autres, on n'en veut pas partout; ce serait inefficace. On dit 20, mais il reste que le service d'inspection bien structuré devrait donner une priorité à ces entreprises, parce qu'il y a des petites entreprises où il y a quatre ou cinq travailleurs et où le champ de travail — je suis parfaitement d'accord avec vous — peut être tout à fait dangereux. Mais si on donne une trop large ouverture au deuxième paragraphe de l'article 57, on peut se prévaloir de cette ouverture pour permettre l'établissement de comités paritaires dans des entreprises qui comptent quatre ou cinq employés. A un moment donné si, au niveau de la commission, on décide que c'est l'opération prévention et qu'on dit: On descend jusqu'à l'entreprise qui a quatre ou cinq employés; quant à nous ce serait inapplicable et inefficace.

M. Pagé: Dernière question sur les services d'inspection. Vous demandez que ceux-ci soient sous la juridiction du ministère du Travail.

M. Dufour: Oui, sous réserve...

M. Pagé: La très grande majorité des intervenants jusqu'à maintenant s'est montrée favorable à la concentration des services d'inspection sous la juridiction de la commission.

M. Dufour: Je ne pense pas que ce soient des intervenants patronaux.

M. Pagé: Non. (12 heures)

M. Dufour: II y a eu certaines suggestions d'autres groupes. Je pense que tout le monde fait ses propres propositions là-dessus. Nous sommes d'accord et nous l'avons mentionné que l'inspection telle que faite actuellement, en partant de six ou sept ministères, n'est plus viable et qu'il faut vraiment structurer cela dans une seule boîte, sous réserve. On appuie, je l'ai mentionné, le secteur minier qui actuellement fonctionne bien. Pourquoi disons-nous ministère du Travail et non pas Commission de la santé et de la sécurité? A cause même de la mission que se donnera la commission. Sa première mission, c'est une mission de prévention; sa deuxième, une mission de réparation. Il y en a une troisième qu'elle devrait avoir et qu'on ne retrouve pas d'ailleurs dans le projet de loi, mais qui faisait l'objet d'une recommandation très ferme du fameux rapport Riverin, qui est toute la réadaptation. C'est absent du projet de loi. Cela nous préoccupe aussi, parce qu'on aime mieux réadapter les gars que de payer des montants à vie pour des incapacités permanentes, à vie.

La fonction contrôle n'est pas du même type de fonction. La prévention, la réparation et la réadaptation, c'est un tout. Le contrôle, c'est un autre élément. N'oubliez pas que, dans la proposition qui nous est faite, la commission sera administrée paritairement par les parties syndicale, patronale. Elle sera partie à l'établissement des normes. Dans une structure comme celle-là, comment peut-on demander aux gens qui préparent leurs propres règlements, leurs propres normes, qui se policent eux-mêmes, parce que finalement, l'inspection c'est un système de contrôle, c'est un système de police... On assiste toujours dans ces phénomènes-là à une distinction très nette entre le pouvoir — j'utilise d'autres termes, mais en termes d'images — exécutif et finalement, jusqu'à un certain point, le pouvoir judiciaire. On est dans cet ordre de préoccupations ici.

Il y a aussi toute cette question du monstre qu'on est en train de mettre sur pied avec les articles 129 et 185 au niveau des normes, au niveau de l'organisation de la santé du travail et au niveau justement de la préoccupation que vous aviez de la prévention même dans les PME. Si vous ajoutez à cela tout le problème de l'inspection, vous faites encore une boîte absolument fantastique qui, par définition, sera inefficace. Cela tient de l'ordre des distinctions entre le rôle prévention, réparation, réadaptation, rôle de police, si on veut, et l'ordre de la préoccupation d'un organisme qui à un moment donné ne sera plus administrable.

M. Pagé: Je ne peux pas... Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai quelques commentaires et une couple de questions. Tout d'abord, à la lecture même du mémoire le plus volumineux, je suis un peu surpris de l'argumen- tation du Conseil du patronat pour ce qui regarde l'article 193 où vous dites que là où il y a une unité syndicale, cela devrait obligatoirement suivre le processus normal de la procédure de grief au lieu de la plainte au commissaire en chef. Je vous avoue que cela me surprend. Je ne peux pas adhérer à une telle recommandation, parce que cela pourrait avoir pour effet de minimiser, de diminuer même les chances d'en arriver à avoir des sentences passablement valables. Je vais m'expliquer.

Prenons une petite unité syndicale de 25, 30 ou 40 employés qui paie des cotisations syndicales assez élevées. On sait ce que cela coûte un arbitrage. Dieu sait que les conventions collectives dans le domaine industriel sont en retard là-dessus par rapport au public. Par exemple, si on prend le secteur de l'éducation, l'arbitrage est aux frais de l'Etat, mais, dans le domaine privé, pour l'arbitrage, chaque partie paie ses dépenses à part égale, c'est-à-dire ne paie même pas à part égale, la partie syndicale paie les frais de son avocat, la partie patronale paie les frais de son avocat et la dépense pour le président du tribunal est payée à part égale.

Ce serait, à toutes fins utiles, pousser les leaders syndicaux à ne pas recommander certains griefs. Cela se voit même pour l'application d'un contrat collectif. Si on ajoutait au Tribunal du travail la dimension sécurité-santé, on viendrait d'enlever des chances au travailleur lui-même de pouvoir se faire défendre adéquatement, d'avoir une défense pleine et entière, comme c'est admis en droit.

Donc, je ne peux sûrement pas adhérer à une telle recommandation. Je pense que la formule de l'article 193, tel que rédigé, permet les deux, ce qui a pour effet d'assurer au travailleur dont la vie peut être en danger d'avoir une défense pleine et entière, d'avoir vraiment à un niveau ou à un autre la chance d'être représenté adéquatement.

Donc, si par hasard, cette résolution était étudiée, vous voyez tout de suite de quel bord je me rangerais. Je voudrais être aussi direct que vous, M. Dufour. Il y a une deuxième chose qui va dans la même ligne que celle que je viens de donner. Cela va s'inscrire dans le même sens. Donc, vous pourrez argumenter suite à mes propos.

Un peu plus loin, dans votre mémoire, vous parlez du fardeau de la preuve. Vous semblez vouloir — c'est peut-être ambigu — laisser au travailleur le fardeau de la preuve. Je vous avoue qu'encore là, alors qu'on n'a pas reconnu dans la loi le refus collectif — c'est un refus individuel qu'on a — on laisse au défavorisé, à celui dont la vie peut être en danger, qui court des risques immédiats, dont les moyens financiers sont extrêmement restreints, surtout si vous prenez une usine où il n'y a pas de syndicat, qui est démuni sur le plan technique, financier, qui a les risques les plus près de lui, le fardeau de la preuve.

Dans un même souffle, vous nous reprochez de donner aux représentants de la sécurité certains pouvoirs décisionnels que je ne retrouve pas

dans le projet de loi, cependant, mais vous l'affirmez dans votre mémoire. Vous ne voudriez pratiquement pas que les salariés aient un bonhomme qui se prépare, qui devienne un peu plus compétent sur le plan technique, sur le plan de la connaissance de la cause des dangers. Même il y a une charge émotive dans votre mémoire concernant le représentant de la sécurité. Vous ne voulez pas qu'il s'embarque trop, qu'il se spécialise pour représenter adéquatement ses confrères. Vous dites dans un second souffle: Le fardeau de la preuve devrait lui incomber. Egalement, il faudrait que, là où il y a un syndicat, ce soit la procédure d'arbitrage, de sorte que vous diminuez complètement la portée du droit individuel de refus de travailler au simple salarié. J'aimerais vous entendre, parce que c'est la lecture que j'en fais et je ne crois pas me tromper en faisant cette lecture de votre mémoire.

M. Dufour: Non, vous ne vous trompez pas. D'ailleurs, je pense que, pour avoir vécu vous-même une certaine commission, M. Chevrette...

M. Chevrette: C'est une deuxième chose dont je voulais vous parler.

M. Dufour: Nous n'aimerions pas rentrer, justement, avec vous dans le débat sur le représentant à la prévention. Sur l'article 193, finalement, toute l'argumentation que vous nous donnez pour que le travailleur puisse aller directement au commissaire général défait toute la prévision de l'article 193, parce que je peux prendre des arguments et les invoquer à l'inverse.

La raison pour laquelle on opte dans ce sens, c'est qu'on ne pense pas comme groupe qu'un projet de loi doive quand même débâtir tout ce qui s'est fait entre les parties au niveau de la négociation et de la convention collective. On le dit très bien à la fin de notre mémoire. C'est la règle des parties et, autant que possible, on va toujours privilégier la négociation d'une convention collective à des interventions de l'Etat.

S'il y a une convention collective, c'est un outil que les travailleurs se sont donné. Comme il y a déjà une procédure que l'on connaît dans ce cas-là, parce qu'elle a été vraiment négociée entre les parties. On sait où ça va nous mener au niveau du système d'arbitrage. On préfère, et de beaucoup, une règle convenue, négociée entre les parties, qu'une règle qui relève du commissaire général du travail. Je pense que, du côté des entreprises, on préfère cheminer dans ce qu'on a convenu avec notre propre syndicat que de cheminer avec les procédures du commissaire général du travail.

M. Chevrette: Est-ce que vous reconnaissez les dangers d'une non-représentation adéquate pour le simple salarié dans des petites unités?

M. Dufour: Ecoutez, c'est possible que le danger existe, mais vous êtes obligé de fonctionner à partir d'un schéma général. Et que je sache, et du côté syndical et du côté patronal — je pense que je peux l'affirmer — on privilégie la convention collective à l'intervention de l'Etat. Là, c'est un choix, la procédure qu'on s'est donnée et la procédure du service du droit à l'accréditation du commissaire général ou des commissaires généraux. C'est possible. Il y aura toujours des cas comme celui-là.

Quand vous dites: II y a peut-être possibilité aussi d'être en meilleure situation de voir ses intérêts vraiment défendus au niveau du commissaire général, je ne suis pas sûr. Je pense qu'il y a encore des arbitres qui sont excellents dans le domaine des relations patronales — syndicales.

Sur la question du fardeau de la preuve, je ne pense pas que vous deviez sortir cet élément particulier de l'ensemble des propositions que l'on fait sur le refus de travailler. Je l'ai mentionné au tout début. On reprend, à peu près intégralement, la proposition ontarienne qui incorpore, et vous le savez, la possibilité de remplacement du travailleur à deux conditions: si le travailleur a été avisé que quelqu'un d'autre a exercé son droit de refus, et si, deuxièmement, il accepte de faire le travail.

Donc, on encadre le droit de refus de travailler. On demande qu'il soit qualifié d'imminent, qu'il soit qualifié de grave. On demande cette possibilité de remplacement. C'est bien sûr que la question du fardeau de la preuve, si le refus, comme tel, était davantage encadré, on pourrait en rediscuter. Mais, actuellement, en l'absence de toute référence à des critères, on ne parle que de risque à la santé, risque à la sécurité. D'aucune façon on le qualifie. Impossibilité de remplacer le travailleur. L'appréciation sera totalement subjective, dans le contexte du projet de loi actuel. Dans notre proposition intégrée, nous demandons que le fardeau de la preuve, dans une approche subjective, soit donné au travailleur. Comment voulez-vous qu'un employeur puisse, objectivement, accepter un fardeau de preuve sur des facteurs émotifs — vous en avez parlé — venant de la part du travailleur? Il ne faut pas sortir ce fardeau de la preuve de l'ensemble de notre proposition, mais si elle était davantage cernée, je pense qu'on serait carrément prêt à rediscuter du fardeau de la preuve.

M. Chevrette: Je voudrais revenir sur deux points. A partir de l'exemple donné par Mme Benjamin, si j'ai bien compris...

Mme Mandeville: Mandeville.

M. Chevrette: ... Mandeville, excusez. Vous m'avez presque ébranlé au début, dans la présentation de votre mémoire, sur la définition du "danger imminent", mais, avec l'exemple apporté par Mme Mandeville, là, je suis devenu en parfait accord avec le projet de loi no 17. Parce que ça me prouvait, hors de tout doute, que si on donnait un droit individuel au lieu d'un recours collectif, il fallait donner le maximum de chance au salarié. Par l'exemple que donnait Mme Mandeville, ça prouvait, hors de tout doute, que sur des maladies

qui n'étaient pas trop imminentes, mais qui pouvaient être novices pendant 20 ans pour la vie d'un travailleur... Après dix, quinze ans, la surdité, ça ne vient pas le premier six mois, ça; c'est vrai. Mais, après quinze ans, par exemple, l'individu n'est plus capable de se replacer dans l'industrie, il n'est plus capable de travailler là et vous savez tout ce qui s'ensuit. Ce qui prouve qu'il faut donner, à mon sens, le maximum de chance, dans un cas de refus individuel, à l'individu, sinon, tu n'en fais pas, de loi; sinon, tu n'en adoptes pas, de loi. (12 h 15)

Qu'est-ce que ça donnerait d'adopter une loi en définissant le mot "imminence" comme immédiat à un tel point que toutes les maladies industrielles ne seraient plus couvertes? La surdité, l'amiantose, la silicose et tout le tralala, ce ne serait pas grave, ce n'est pas aujourd'hui que c'est dangereux, ce sera dans 20 ans. Donc, n'arrête pas, mon "gorlot", et continue à travailler, ce n'est pas grave, dans 20 ans on s'occupera de toi sous forme d'indemnités, alors que tous les groupes qui ont témoigné ici jusqu'à maintenant l'ont fait en fonction de l'élimination du danger à la source.

Si un travailleur oeuvre près d'une machine qui fait un bruit infernal et que vous n'avez même pas, temporairement, des cache-oreilles à lui fournir, je pense que ce n'est pas imminent, selon l'exemple donné par Mme Mandeville, alors que cela peut avoir des répercussions et des conséquences très graves.

Deuxièmement, je voudrais revenir aussi sur "devrait obligatoirement passer par la procédure des griefs". Vous savez très bien qu'une foule d'employeurs, lors de négociations d'une convention collective avec un syndicat plus ou moins en argent, fait le troc des griefs en suspens. Là, vous dites: On a 30 griefs, cela n'a pas été plaidé à cause de remises, justement parce que des syndiqués regardaient leur budget et que cela n'avait pas d'allure. Vous pensez qu'on devrait accepter de troquer, comme c'est la coutume, l'avalanche des griefs sur la sécurité sous prétexte que les syndicats n'ont pas d'argent? C'est quoi la sécurité et santé, à ce moment-là? Cela ne deviendrait même plus sérieux, comme législateurs, de tolérer une telle formule. Ce serait vraiment donner raison à ceux qui disent, à ce moment-là, que la loi 17, c'est deux pas en arrière, comme le disait la CSN dans un de ses préambules. On ne veut pas que ce soit deux pas en arrière, on veut que le droit individuel, ce soit un bond en avant. Et vous nous demandez, à toutes fins utiles, dans votre mémoire, d'aller exactement dans le sens que la CSN décrivait dans son mémoire, sa compréhension de la loi 17, compréhension que nous ne partageons pas, bien sûr, comme législateurs.

Je trouve, là-dessus, que c'est vraiment aller très loin, tout en vous déclarant, d'autre part, en parfait accord avec les objectifs du projet de loi — c'est ce que vous dites — mais sur les points essentiels de divergence d'opinions avec nous, vous allez absolument annihiler complètement l'effet du droit de refus individuel pour le travail- leur. C'est votre point de vue et je trouve fantastique la franchise que vous affichez; j'aime ça ainsi, au moins, on sait de quel bois vous vous chauffez et je pense que c'est important qu'on vous dise, aussi, de quel bois on se chauffe.

Je terminerai par une autre question, concernant le représentant à la prévention. Vous dites que ce représentant, à toutes fins utiles, a des pouvoirs décisionnels. J'aimerais que vous me citiez les passages de la loi qui vous font dire que le représentant à la sécurité a des pouvoirs décisionnels.

Deuxièmement, d'autre part, au sujet de ce même représentant, vous reconnaissez que plusieurs employeurs ont déjà reconnu l'existence dans les conventions collectives du représentant à la sécurité. C'est le cas, par exemple, des mines. Des employeurs dans le domaine minier nous ont dit: On s'arrange bien avec ce bonhomme, bien souvent, cela nous a servi, cela nous a été utile. Il y a la construction, on dit: C'est peut-être un peu fatigant, mais on s'en accommode, il y avait une certaine réticence, c'est vrai. Il y a également le domaine du textile qui a reconnu que ce n'était pas si encombrant que cela d'avoir un représentant à la sécurité et qu'au contraire, ils pouvaient discuter, dans certains cas, avec un gars qui connaissait cela, au lieu d'arriver avec un profane non initié, cela leur servait.

Je suis un peu surpris de la charge que vous faites contre le représentant à la sécurité. Je voudrais vous poser carrément la question: Ne croyez-vous pas indispensable, dans un régime de relations de travail moderne, que le salarié soit représenté par quelqu'un aussi bien spécialisé que celui de l'employeur qui, lui, a les moyens de se payer le luxe d'avoir un représentant à la sécurité vraiment préparé, connaissant les données techniques et tout? Vous ne croyez pas que dans un système moderne de relations de travail, les salariés ont également le droit d'avoir un représentant de même calibre. Enfin, je voudrais vous demander, vu que vous calquez la loi de l'Ontario, si elle ne reconnaît pas le représentant à la sécurité.

M. Dufour: Bon! Sur la question de 293, je pense qu'on n'a pas à reprendre l'argumentation, c'est une question de choix entre la philosophie des négociations de conventions collectives et la référence à une instance, quelle qu'elle soit, pour régler les problèmes en dehors des parties. Je n'ai rien à ajouter là-dessus, c'est une question de conception purement et simplement.

Vous êtes revenu sur la question "imminent et grave" et le refus individuel par rapport au refus collectif. Nous avons soutenu la position du gouvernement là-dessus, disant que cela aurait été grave justement si on avait retenu les propositions syndicales voulant que ce soit un droit collectif. Je pense que c'est une excellente orientation que ce soit un refus individuel.

On a fait la distinction — elle n'est peut-être pas toujours assez bien faite — entre le contenu de l'article 11 et les mots "santé et sécurité". Nous appliquons vraiment le mot "imminent" à santé et

le mot "grave" à danger, à la sécurité comme telle. Il est bien sûr qu'il y a des situations d'exposition au plomb, il y a des problèmes de surdité possibles, mais c'est la vie de l'entreprise finalement. Il n'y a pas de travail ou à peu près qui représente un risque zéro. Ce que l'on fait comme distinction, c'est la différence entre "imminent" et "latent" et là, il incombe au travailleur de vraiment s'embarquer dans le programme de prévention et de s'embarquer au niveau du superviseur pour faire réaliser les problèmes qu'il rencontre au niveau travail. Mais si, devant quelque situation de latence d'un problème, il utilise son droit de refus de travailler, là, on a un drôle de problème sur les bras, parce que c'est une évaluation vraiment subjective.

Je vous cite simplement les notes explicatives du texte fédéral sur cette question-là, où il est dit: Danger imminent sera interprété littéralement comme un danger susceptible d'arriver sans délai... parce que là, c'est d'arrêter la production finalement. Pour cette raison, il ne couvrira pas les situations de travail qui peuvent avoir un effet latent ou à long terme sur la santé du travailleur, parce que le problème qui est posé, c'est d'un ordre de moyen tout à fait différent. Mais il est bien sûr qu'il pourra y avoir un risque latent, mais il n'est pas imminent aux fins du refus du travail.

Sur le représentant à la prévention, je vous corrige si vous avez dit que l'on disait que le représentant à la prévention, tel que suggéré dans la loi 17, avait des pouvoirs décisionnels. Je ne pense pas qu'on ait dit ça; de toute façon ce n'est pas dit dans notre mémoire, ce n'est pas dit dans notre résumé de ce matin, donc, on ne voit pas ça. D'accord? Alors je pense que c'est clair là-dessus.

Quand vous nous référez...

M. Chevrette: II n'a pas de pouvoir décisionnel...

M. Dufour: Pardon? Il n'a pas de pouvoir décisionnel...

M. Chevrette: Je vous l'ai fait affirmer — je vais vous dire pourquoi — vous semblez en avoir tellement peur et il ne décide rien, c'est pourquoi ça me surprenait.

M. Dufour: Non. Il faut toujours savoir le fin fond de la pensée, je vous réponds: Non, nous ne voyons pas le pouvoir décisionnel.

Quand vous parlez du textile ou des mines d'amiante, des mines de métaux, bon nombre d'entreprises qui sont même venues plaider: conseiller en prévention, il faut quand même faire une distinction aussi. C'est le conseiller en prévention qui a été négocié et non pas le conseiller en prévention qui a été imposé encore là par une réglementation ou une législation. Et dans notre mémoire nous nous disons totalement d'accord avec un représentant à la prévention. Là où les parties en ont décidé ainsi dans la convention collective, on a établi quelles sont les règles du jeu et les fonctions de cet individu. On n'a aucune objection au principe du représentant à la prévention. On ne veut pas se le faire imposer purement et simplement par la loi et nous nous reférons à un certaine expérience connue ici au Québec, où on ne fait pas la distinction entre des activités. On n'a pas fait un cas d'espèce, des distinctions entre des problèmes de santé, de sécurité au travail et des problèmes de relations de travail. Notre crainte, c'est que ce poste soit utilisé, malheureusement, pour l'employeur et les travailleurs, pour une certaine politisation des relations de travail.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, quand j'écoute les intervenants de la partie patronale, avec leur mémoire, je sursaute un peu et voudrais vous dire pourquoi. Finalement, la loi 17, au moment où on se parle, n'existe pas encore; j'espère qu'elle existera, par contre. On a dit que le patron — M. Lussier le disait — se devait d'avoir comme devoir, comme responsabilité la santé et la sécurité, de voir aux décisions, que c'était important que ça revienne au patron. Tout ça, ce champ d'application, cette responsabilité patronale face à la santé et sécurité au travail, j'ai l'impression que vous l'avez toujours eu. L'ayant, on regarde les résultats qui nous viennent de la CAT, je regarde les résultats que j'ai vus dans le comté de Beauharnois depuis quelques années; en 1975, 2 décès, 8 crises cardiaques, à la CIL, en 1976, un four qui explose à Chromasco 3 morts, 5 blessés, en 1975, explosion à Zinc 2 morts, 2 blessés, en juin 1975, explosion à Goodyear, 1 mort, les travailleurs de la Asten Hill se plaignent de maladie d'amiantose et tout dernièrement, cet hiver, le 9 janvier 1979, ce n'est pas loin, explosion à Union Carbide, 5 morts. C'est tout récent, je viens de le vivre, comme député, comme représentant du comté de Beauharnois à l'Assemblée nationale.

Etant moi-même travailleur d'usine, un soudeur, je ne peux pas être insensible devant ces chiffres. Pourtant, la partie patronale a cette responsabilité, elle est supposée développer les moyens nécessaires pour éviter ça, elle est supposée être de bonne foi. Quand on regarde les résultats comme ça, qu'on est placé devant une situation comme celle que je viens de vous décrire, on se dit, il faut faire quelque chose, on ne peut pas laisser les choses aller telles qu'elles vont actuellement.

Pourtant, non seulement, à mon avis, je ne veux pas vous accuser de maux que vous n'avez pas, mais il y a même des patrons qui ont été de mauvaise foi, parce que dans plusieurs cas, on avait identifié des problèmes à l'usine, entre autres, causés par l'environnement. J'ai eu un cas comme ça chez nous pour ne pas en citer d'autres. L'usine envoyait à l'extérieur, par ses cheminées, des vapeurs ou des fumées inacceptables pour les normes de l'environnement. Ils ont décidé de récupérer ces fumées à l'intérieur et de les faire respirer par les gars. C'était une chose invraisemblable. Ils ont été obligés, à la suite des

plaintes des gars, de modifier leurs plans et d'arriver avec des systèmes de ventilation, et il y a eu amélioration.

Je sais qu'à la CIL, il y a des allergies, il y a des brûlures, des vomissements et des maladies de la peau, on le sait. Les travailleurs vivent là-dedans quotidiennement, ce sont des troubles identifiés depuis longtemps par les patrons. Je me dis que tant et aussi longtemps qu'on n'arrivera pas avec une loi qui va avoir un minimum de dents, obligeant non pas la recherche pour aller chercher des maladies inconnues, mais seulement essayer de régler rapidement les cas connus, les cas qu'on sait qui existent... Tous les jours, les travailleurs les vivent. Le gars qui vomit parce que l'odeur dans l'usine lui est à un tel point réfrac-taire qu'il en vomit, qu'il a des maladies de la peau, ce sont des choses connues, vécues quotidiennement. Il me semble que le patron, s'il était responsable, investirait de l'argent, ferait faire les expertises nécessaires et apporterait des correctifs à ces problèmes.

Je pense qu'il est essentiel qu'on adopte la loi, de façon qu'on puisse intervenir autrement que laisser les patrons vivre la situation telle qu'elle existe présentement. Il y a eu des ordonnances envoyées à certaines compagnies parce qu'il y avait eu des problèmes identifiés. (12 h 30)

On en a fait des problèmes juridiques qui ont traîné des années. Il y en a un qui s'est réglé; il y avait des ordonnances depuis une dizaine d'années, finalement ça s'est réglé après trois ou quatre procès et ils ont dû payer; la somme n'était pas tellement élevée, mais quand même ils ont payé une dizaine de mille dollars. C'était au niveau du mercure, on disait qu'il n'y avait pas d'émanation de mercure et qu'il n'y avait pas de mercure rejeté dans les eaux de la région, mais finalement il y a eu des ordonnances des SPE et on est venu à bout de faire la preuve que, depuis dix ans, on polluait l'environnement et on polluait l'intérieur de l'usine. On se bat juridiquement, même si consciencieusement on le sait que, dans l'usine, il y a des choses qui ne vont pas, mais tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas capable, légalement, de le leur faire admettre et de le leur faire payer, on conserve le statu quo.

Quand on me parle des patrons qui ont toujours eu le devoir, la responsabilité, les pouvoirs de décision, je veux bien vous l'accorder, mais avec les résultats qu'on constate on se sent, comme législateurs, poussés au pied du mur et obligés de produire la loi 17. Ce sont les quelques remarques que je voulais faire, M. le Président.

M. Dufour: C'est une réaction...

M. Lavigne: Peut-être de gars d'usine, soudeur de métier.

M. Dufour: Oui. En tout cas, ce que je comprends de votre intervention, c'est qu'on ne serait pas d'accord avec le projet de loi. Je pense qu'on l'a exprimé, on diffère au niveau de certains moyens. Mais on peut exprimer certains griefs vis-à-vis des employeurs, c'est évident, il y en aura toujours nonobstant la loi 17, des cas du genre de ceux que vous avez décrits. On a un grief, nous aussi, qui est en partie réglé par le projet de loi no 17, qui est justement l'unification des systèmes d'inspection. Vous avez, dans l'entreprise, un gars qui nous vient de l'environnement, un gars qui vient pour l'application de la Loi des établissements industriels et commerciaux, un gars qui nous vient du ministère des Affaires sociales, etc., avec des règlements, mais très souvent contradictoires. Je pourrais vous en citer des cas, notamment dans le domaine des salaisons. Alors, on peut aussi retourner le grief du côté gouvernemental et se mettre d'accord au moins sur une chose, c'est qu'au niveau des normes et des normes plus sévères, nous sommes parfaitement d'accord, nous sommes d'accord aussi avec un système d'inspection qui, une fois unifié, sera plus opérationnel qu'il ne l'est aujourd'hui. Je pense que, sur ce cheminement, il n'y a aucun problème. Ce qu'on redoute, c'est qu'il ne faut quand même pas trop balancer, de façon que ça ne devienne plus opérationnel pour l'entreprise, que, se sentant encarcané au niveau de la gestion, il lui faudra toujours sa motivation et qu'elle ne l'ait plus parce que justement on lui impose des contraintes de l'extérieur qu'elle n'acceptera pas. Parce que la motivation pour l'employeur, vous avez la sécurité au travail, c'est aussi important que la motivation du travailleur.

Je veux tout simplement dire que, là, vous posez des problèmes de normes, des problèmes d'inspection et c'est un des points que l'on appuie à l'intérieur du projet de loi no 17.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: La première question que je voudrais poser concerne justement l'inspectorat.

Alors que le projet de loi propose que les parties à la base, par la formation de comités paritaires où il y a des pouvoirs décisionnels et, dans d'autres cas, des pouvoirs de recommandation consultatifs, on demande de régler à la base les problèmes, les causes d'accidents. On se base, bien entendu, sur une chose que l'on demande aux parties, c'est un minimun de bonne foi; alors que partout ailleurs où il y a eu des réformes du genre de celles que nous voulons apporter avec la question de la santé et de la sécurité du travail, on a réussi à baisser de façon substantielle les accidents du travail.

J'ai cru comprendre — je veux bien saisir cette portée — que vous proposez qu'au lieu de ça, on instaure un système d'inspectorat et qu'on fasse porter le fardeau d'une décision, à l'intérieur d'une usine, sur les épaules d'une personne qui s'appelle l'inspecteur. En tenant compte de ce qu'on disait tout à l'heure, que l'inspectorat sera sous une même gouverne, la question que je me pose est: Est-ce que ce n'est pas anormal de faire porter ces décisions sur les épaules d'une person-

ne plutôt que sur le dialogue qui doit exister entre les employés et les employeurs?

Ce qui me laissait un peu perplexe tout à l'heure, c'est la réaction de M. Lussier qui disait que, quant à lui, si les pouvoirs qu'on veut enlever en termes de droit de gérance à l'employeur n'existent pas, on risque de ne pas réussir la réforme. J'aimerais bien entendre vos réactions vis-à-vis de cela, si j'ai bien compris ce que vous avez dit.

M. Lussier: Je vais répondre à votre intervention, M. Jolivet, ainsi qu'au député de Beauharnois en même temps. Des accidents, il va toujours y en avoir. Il y en aura toujours, il y en a toujours eu. Ce qu'on veut, on veut les réduire et on est pleinement d'accord pour enlever les causes d'accidents. Je crois que c'est le principe de toute chose.

Par contre, peut-être que je me suis mal exprimé. Ce que j'ai dit et je le répète, c'est que la façon que le gouvernement veut prendre pour atteindre des objectifs qu'on a n'est pas nécessairement le moyen qui va apporter des résultats concrets. Tout ce qu'on dit, c'est que c'est au gouvernement d'établir des objectifs, d'attribuer les responsabilités à celui qui est responsable et de lui demander des comptes après. S'il n'est pas un bon employeur, vous avez le droit de lui cogner sur les doigts actuellement, mais vous ne le faites pas. Ce n'est pas la loi 17 qui va le faire. C'est bien simple, la sécurité au travail, c'est un état d'esprit, c'est une façon de penser, c'est une façon d'agir avec la participation de tous les employeurs. Il n'y a aucune loi, aucun gouvernement et ce n'est pas la loi 17 qui va empêcher tous les accidents dans les usines, aux chantiers ou ailleurs. C'est en fournissant les moyens de remédier aux causes d'accidents à la base qu'on va les réduire et en changeant la mentalité des employeurs autant que des employés. Je suis bien d'accord avec vous, mais ce ne sont pas les moyens que vous préconisez dans le projet de loi 17 qui vont obtenir ces fins-là.

M. Jolivet: En quoi le système d'inspectorat unique va-t-il régler le problème? Répondez-moi à cela. Je pense que c'est cela, la question. Vous dites que c'est par l'inspectorat qu'on va diminuer les causes d'accidents.

M. Lussier: Une fois que le gouvernement aura établi ses normes, ses exigences pour tous et chacun, du travailleur autant que de l'employeur, tous tant que nous sommes, autant vous que moi, nous sommes humains et tôt ou tard, nous voulons prendre un court chemin, nous voulons arrondir les coins. C'est là que l'inspectorat, le contrôle va agir et remettre chacun, autant l'employeur que l'employé ou les employés, dans le droit chemin.

M. Jolivet: Tout à l'heure, M. Dufour faisait mention des inspecteurs provenant de l'environnement, de la loi des établissements, etc. On en est conscient. D'ailleurs, l'unification du service d'inspectorat, c'est pour éviter que l'employeur ne se serve de deux rapports totalement différents pour ne rien faire. J'ai vécu cela au niveau de l'enseignement chez moi. Dans des écoles d'enseignement professionnel au niveau de ce qu'on appelle le secondaire professionnel court, on avait des choses totalement aberrantes, mais le ministère de l'Education qui n'était pas soumis à la loi et qui le sera maintenant disait: On n'a pas les moyens de payer cela; donc, on ne fait pas les réparations nécessaires. On a vécu ces systèmes où l'employeur utlisait des choses prévues par la loi provenant de deux milieux différents. Mais en quoi un système unifié d'inspectorat où le fardeau serait porté par l'inspecteur va-t-il régler les causes d'accidents? Je n'ai pas eu de réponse encore à cela, je pense.

M. Dufour: Dans toute cette question de la santé et de la sécurité, il y a deux problèmes. Il y a le problème administratif comme tel, les structures qu'on met sur pied, et il y a le problème de l'application des normes gouvernementales, si on s'entend sur le fait que les normes généralement viennent de l'Etat.

J'ai personnellement siégé au comité interministériel sur la santé et la sécurité avant celui de M. Marois. Il a siégé durant un an et demi, deux ans. La difficulté qu'on a toujours rencontrée, ce n'était pas l'aspect administratif comme tel; c'étaient les différences, mais tout à fait fondamentales souvent, dans les contenus de réglementations d'un ministère à l'autre.

Je mentionnais tantôt un cas aussi typique que celui des salaisons, et j'ajoute à la difficulté gouvernementale que vous avez les différentes instances qui agissent au niveau de la CUM à Montréal, par exemple, et des municipalités, si vous regardez ce problème dans l'unification des normes et de l'inspectorat.

C'est bien évident que si vous avez un inspecteur qui vous arrive, M. Jolivet, en disant: C'est cela que tu dois faire, et que l'autre arrive et dit: Non, ce n'est pas cela que tu dois faire, bien, immédiatement, vous avez un problème, et on le vit constamment. Nous ne disons pas que le problème de la sécurité et de la santé va se régler par l'inspectorat. C'est bien évident que c'est à la base, et je pense que M. Lussier s'évertue à le dire depuis le début. Mais on dit dans tout ce cheminement: l'inspectorat est drôlement important.

Le Président (M. Marcoux): C'est terminé?

M. Jolivet: Non. En fait, disons que je comprends ce que vous dites, c'est qu'au niveau de l'inspectorat, l'unification apportée va aider à régler bon nombre de problèmes, mais cela n'empêchera pas la mise sur pied de comités paritaires qui, eux, selon la façon dont vous les voyez, diffèrent de la façon dont on les voit. On parle de pouvoirs décisionnels et vous parlez de poids consultatif. On parle d'obligations par la loi, dans certains cas, tandis que vous parlez de négociations de ces comités. Donc, on s'entend sur cela.

La deuxième, c'est la question de la médecine du travail. Partout où j'ai eu l'occasion d'aller, dans les tournées que j'ai faites sur la question du livre blanc sur la santé et la sécurité du travail, c'est une des choses qui nous revenaient quand on rencontrait la partie patronale.

Bien entendu, je ne reviendrai pas sur la nationalisation, l'étatisation ou des choses semblables. Nous parlons de normalisation, en tenant compte qu'à l'intérieur du Québec, la grande majorité des médecins — on parle de près de 97% — est rémunérée par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et que le contrôle de la qualité et de la fréquence des examens médicaux est réglementé non pas dans les entreprises, mais par ce que vous proposez dans votre rapport — le gros rapport dont on peut parler, pour le résumer, à la page 22 — par des groupes de médecins qui sont réunis dans des départements hospitaliers ou au sein d'une corporation professionnelle et qui permet à tout individu, selon la loi actuelle des services sociaux, de pouvoir choisir le médecin de son choix qui va lui dispenser, bien entendu, tous les services de santé nécessaires.

Vous donnez une conception des services de santé, dans votre rapport, qui semble, au niveau de la place que doit tenir le médecin d'entreprise, le rendre responsable de la qualité du produit manufacturé, par son influence au niveau de ce qu'on appelle la qualité de la main-d'oeuvre qui va fabriquer ce produit, alors que vous donnez comme rôle au médecin des choses comme le contrôle des absences ou, au niveau des objectifs poursuivis par le médecin de compagnie, quelque chose comme la réforme proposée, tout comme l'Organisation mondiale de la santé amène des lois dans d'autres pays qui ne vont vraiment pas dans la ligne de pensée que nous avons.

Chaque fois qu'on y faisait mention, on disait que le médecin — une des argumentations que j'ai apportées, c'est cela — de compagnie avait perdu une certaine crédibilité auprès des employés. On dit: C'est le médecin de la compagnie, cela. De la même façon, dans bien des cas, l'employeur — on le rencontrait au niveau des conventions collectives — quand il demande un certificat médical, on se dit: II est allé voir son médecin à lui, l'employé, de telle sorte que l'employeur disait: Oui, mais il est facile aujourd'hui d'avoir un certificat médical.

Quand on regarde ces deux opposés entre l'employeur et l'employé, entre la façon dont doit être, quant à nous, visée l'hypothèse présentée par la réforme, c'est celle non pas d'hypothéquer la santé du travailleur pour le produit qu'il doit fabriquer, mais faire en sorte qu'il soit vraiment à l'intérieur du service, protégé des fois contre lui-même, dans certains cas, au niveau de la préembauche, en sachant très bien que l'emploi qu'il va occuper, à cause de ses antécédents, pourrait lui occasionner certains problèmes.

Le projet de loi ne vient, en aucune façon, empêcher l'entreprise d'engager à ses propres frais pour les besoins qu'elle a, que ce soit pour le renouvellement des conventions collectives et les accidents au niveau du travail ou l'absence d'un employé, il est sûr et certain qu'on ne vient pas empêcher l'employeur d'engager, à son propre compte, un médecin-conseil, qui va le conseiller quant à ça. En tout cas, je ne vois pas, dans le projet de loi, si vous l'avez vu comme ça, un empêchement à ça.

Une autre question qui est revenue l'autre jour, c'est parce qu'il y aura un comité paritaire qui aura le choix du médecin et s'il n'y a pas entente, de la façon dont c'est prévu par la loi, sur la nomination du médecin. Il y a des gens qui ont dit que — j'aimerais connaître votre réaction vis-à-vis de ça — parce qu'il y a un comité paritaire qui va avoir à choisir un médecin, on va avoir une baisse de qualité au niveau des médecins qui voudront agir à l'intérieur des compagnies. J'aimerais savoir votre réaction vis-à-vis de ça, parce que si c'est réel, c'est parce que les gens n'ont peut-être pas compris que les médecins ne seront pas agréés par les employés, ni par les employeurs. Ils seront agréés, comme le prévoit la loi actuelle, par le conseil des médecins et dentistes, à l'intérieur des centres hospitaliers. J'aimerais avoir votre réaction vis-à-vis de ça.

M. Dufour: M. le Président, si vous permettez, je vais passer très vite sur la question de la crédibilité des médecins qui revient constamment dans ce débat, parce que s'il fallait partir d'un critère comme celui-là pour justifier la réforme, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'autres groupes qui pourraient avoir des problèmes lorsqu'on parle de crédibilité.

Quand vous dites: II y aura possibilité d'engager un médecin de l'extérieur, c'est vrai. Mais, si ma mémoire est bonne, vous savez qu'à l'article 96, cette possibilité pour l'entreprise d'embaucher un médecin additionnel est sujette à l'accord du comité paritaire. Immédiatement, c'est une...

M. Marois: Programme de santé additionnel, non pas l'embauche d'un médecin par une entreprise, indépendamment du médecin...

M. Dufour: Oui, mais un programme de... M. Marois: Non, mais la nuance est de taille.

M. Dufour: ... santé additionnel, dans le cadre où on le défend, nous, ça suppose le médecin et le paramédical. Autrement, comment allez-vous administrer votre programme?

Notre position, je pense qu'on peut la rappeler très brièvement, c'est que nous sommes d'accord avec l'orientation de base du projet de loi no 17, selon laquelle toutes les entreprises doivent donner à leurs travailleurs certains programmes de santé. On est totalement d'accord sur cet objectif.

Ce que l'on dit, c'est que pour réaliser cet objectif, il doit y avoir une double possibilité. Les entreprises qui sont déjà structurées — Dieu sait s'il y en a qui sont bien structurées — devraient pouvoir continuer à offrir ces services, considérant le fait que les DSC, les CLSC, actuellement,

ne sont pas prêts à prendre vraiment ne serait-ce que la commande des services qui sont déjà organisés, déjà structurés, et on dit que faire table rase de ça, c'est vraiment s'embarquer dans l'impasse. Mais nous sommes d'accord aussi pour que vous imposiez, à l'entreprise qui ne se donne pas ce service de santé, d'aller dans le réseau des DSC et des CLSC.

C'est une liberté de choix, tout au moins au début de la réforme. Au lieu de faire table rase de ce qui existe actuellement, prenez des grandes entreprises, je vais en citer une à tout hasard, l'Hy-dro-Québec qui est structurée au niveau corporatif et qui, demain, doit se lancer dans un programme de régionalisation, au niveau des DSC, au niveau des CLSC, on vient de changer complètement sa structure administrative. Pour offrir ces services à des entreprises qui sont déjà organisées, vous allez être obligés de priver de services, probablement, les PME qui, justement, en ont aujourd'hui besoin. Il faut bien se comprendre, sur le programme et les exigences, on est totalement d'accord. Encore là, c'est sur le moyen ou la façon de le réaliser.

On justifie cela aussi sur le plan des principes en disant que selon, notamment, toujours l'article 40, vous nous donnez toujours la pleine responsabilité juridique des accidents du travail. Notamment au niveau des examens de préembauche, on peut passer une commande au DSC ou au CLSC en établissant ses critères, mais, aujourd'hui, si notre médecin d'entreprise a fait une erreur et que, compte tenu de l'erreur, le travailleur lui-même en commet une qui engage un tiers, on assumait la responsabilité. Dans le nouveau contexte, si l'erreur est faite au niveau du DSC ou de CLSC, vous nous enlevez la responsabilité ou si vous nous la conservez? C'est cela, le fond du problème.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, en terminant, sans revenir sur le débat de statistiques du début de nos discussions, je pense que tout le monde admettra — on l'a évoqué, d'ailleurs dans le livre blanc, j'ai eu l'occasion de le dire publiquement à plusieurs reprises — que sur la base des données et des chiffres connus, c'est vrai que les outils statistiques dont on dispose sont imparfaits, mais quand il y a — ce sont des faits qui sont là — plus de 200 hommes et femmes au travail qui décèdent par année, on a beau essayer de faire des comparaisons avec qui on voudra, quelque province, quelque pays que ce soit, il n'en reste pas moins que c'est un état de fait.

Nous maintenons que comme société responsable — et je pense que vous êtes d'accord, fondamentalement, avec cela — ce n'est pas possible de laisser aller les choses comme cela. C'est vrai qu'il y a des entreprises, en toute honnêteté, qui ont fait des choses remarquables, mais pourquoi les autres ne l'ont-ils pas fait? Si cela avait été fait, on ne serait peut-être pas dans la situation actuelle. Encore une fois, je ne suis pas de ceux qui sont prêts à jeter le blâme d'une façon unilatérale, sans nuance, et le reste, mais les faits sont là. La preuve est aussi faite que dans quelques cas d'entreprises qui manipulent des produits extrêmement dangereux — je pense qu'on pourra en avoir des témoins pas tellement loin de nous, mais présents dans la salle aujourd'hui — et qui produisent un produit fini qui est un produit dangereux, la preuve a été faite qu'en mettant à contribution les parties — que je sache, je pense à un cas particulier, il existe quand même un comité conjoint dans une entreprise en question à laquelle je pense — qu'il y avait moyen d'éliminer, autant que faire se pouvait, à la source, les causes mêmes d'accidents et de maladies. Les écarts et les chiffres sont brutalement frappants sur ce plan.

D'autre part, il y a une chose qui est incontestable sur le plan des statistiques, et nous-mêmes disions dans le livre blanc, et on l'évoque d'ailleurs dans le projet de loi puisqu'on entend donner des pouvoirs en conséquence pour constituer des banques de données et se donner quelque chose qui soit beaucoup plus raffiné, beaucoup plus complet sur le plan d'un état plus scientifiquement évalué de la situation. Ce sont les coûts économiques directs, ces chiffres-là sont là. Ce que ça coûte annuellement d'indemnisations, ça augmente et c'est là, et les experts sont unanimes à dire que, pour connaître les coûts économiques indirects, on applique un multiplicateur qui peut varier de quatre à sept. Les experts consultés m'ont dit: "Dans le cas du Québec, pour un certain nombre de raisons... Je ne suis pas pour commencer à établir des séries économiques ou statistiques sur la table, le multiplicateur que je devais utiliser c'était six; j'ai utilisé le multiplicateur le plus conservateur, quatre, pour arriver aux chiffres qui excèdent $2 milliards, qui nous collent vers les $2,5 milliards. Une société qui est rendue, qui a les moyens annuellement de se payer des choses comme celles-là, alors que d'autres ont fait la preuve que même ça pouvait avoir un caractère de rentabilité sur le strict plan économique, il n'y a pas de raison que comme société, on ne fasse pas l'effort maintenant normal de déplacer ça vers, au fond, la chose la plus fondamentale. C'est le coût humain qui est derrière ça. Et je pense qu'on admettra tous ça.

Partant de là, je regrette que peut-être par manque de temps ou peut-être parce que la question a été oubliée, je pense qu'il aurait été intéressant que les membres de la commission parlementaire reçoivent votre éclairage, votre perception et la réponse à la question que je vous posais quant à la demande qui nous a été formulée. Dans les cas où il est possible sur une base scientifique, et c'est vrai dans certains cas — je pense au plomb, je pense au mercure, par exemple — il est possible de déceler de façon scientifique les premiers signes avant-coureurs, les signes précoces d'une maladie possible, que pensez-vous de l'hypothèse, parce qu'il y a des cas où à cause de certains types d'altération, scientifiquement ce n'est pas suffisamment avancé pour qu'on soit capable de mettre le doigt dessus — même si on a

les premiers signes avant-coureurs — ce que vous pensez de l'hypothèse de l'élargissement du retrait préventif. Je pense que cela aurait pu éclairer les membres.

En terminant, je voudrais, M. le Président, remercier infiniment en notre nom à tous, le Conseil du patronat. Je voudrais vous remercier aussi de votre franchise et je pense qu'on peut retenir que vous partagez l'objectif fondamental, vous partagez aussi, je crois, les principes au moins quant à l'approche malgré des divergences de vues sur les modalités, les façons, les moyens d'y arriver ou les façons d'opérationnaliser un certain nombre d'instruments et de moyens proposés. Je pense que cela nous permet tous ensemble et on le voit quant à la teneur, le sérieux, le climat d'ailleurs des discussions de cette commission parlementaire depuis le début, qu'il est vrai que c'est possible, si on se met ensemble — en ayant des divergences de vues, on le sait ça, il y en aura toujours — de franchir une étape qui pourrait être pour reprendre l'expression du juge Beaudry, un saut en avant et d'y arriver à condition de le faire ensemble et qu'il y ait un minimum de bonne foi et de sens des responsabilités, qui est partagé par la majorité des citoyens individuels et des citoyens corporatifs, je l'espère.

Egalement, en terminant, je voudrais vous redire ce que j'ai dit en tout début d'exposé. J'ai même indiqué des choses très précises, des recommandations très spécifiques au moment où je procédais à l'examen du projet de loi, un peu comme un examen article par article. Il y a des choses qu'on va regarder très attentivement parmi les recommandations que vous faites.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des membres de la commission, de la présentation de votre mémoire, M. Dufour, au nom du Conseil du patronat. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Fin de la séance à 12 h 56

Reprise de la séance à 15 h 20

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre poursuit l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

J'inviterais maintenant la Fédération des travailleurs du Québec à nous présenter son mémoire. M. Laberge, bienvenue, je vous demanderais de nous présenter vos collègues et de nous présenter votre mémoire. Vous nous connaissez, vous pouvez rester assis.

Fédération des travailleurs du Québec

M. Laberge (Louis): Enfin, il n'y a pas une grosse différence!

Si vous permettez, je vais commencer par vous présenter ceux qui sont à la table, en avant. Malheureusement, il n'y avait pas assez de place à la table pour tous les membres du comité. Il faut dire qu'à la FTQ, tout le domaine de la santé et de la sécurité est un domaine d'une importance capitale. En fait, nous allons vous le dire tantôt, nous représentons la vaste majorité des travailleurs syndiqués qui sont les plus directement intéressés par ce projet de loi. C'est pour ça qu'on a un gros comité, qui a tenu de nombreuses séances, malheureusement ils ne sont pas tous à la première table.

Enfin, je vais commencer: à ma gauche nous avons Serge Trudel, — fais juste lever la couette, Serge — qui est du Syndicat des métallos; Marcel Laplante, du Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente plusieurs membres des hôpitaux, du secteur public, les municipalités, la ville de Montréal, — on aura l'occasion d'y revenir tantôt — qui reproche au gouvernement, comme entreprise publique, de vouloir diriger un employeur qui est une autre entreprise publique; Michel Grant, qui est l'adjoint au bureau de la FTQ; Jean Gérin-Lajoie, Mines et métallurgie — les métallos comme on les appelle chez nous — ; Roger Laramée, Syndicat canadien de la fonction publique; Emile Boudreault, qui est le responsable, à la FTQ, de tout le domaine de la santé et de la sécurité. A ma droite, à côté des journalistes... Je ne vous présenterai pas les journalistes, parce que je pense que vous les connaissez...

Le Président (M. Marcoux): Je voulais leur demander s'ils voulaient laisser la place aux membres de votre comité.

M. Laberge:... à ma droite, les membres de la CSN! On peut se fier à leurs comptes rendus quand même! Maurice Pouliot, le secrétaire du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction; Richard Mercier, de l'Union des employés de commerces; Guy Dumoulin, qui est président dudit Conseil provincial du Québec des métiers de la construction; Normand Labrie, qui est du secteur de l'automobile et président du Comité santé et sécurité, et Robert Dean, vice-président de la FTQ, aussi secteurs de l'automobile et de l'aéronautique.

Comme vous le voyez, on a plusieurs secteurs, tout le tour, en arrière et en haut. Ce sont des gens qui sont venus, parce qu'ils sont des plus intéressés à ce qui se passe devant la commission parlementaire. Ce sont des gens qui ont participé à des colloques, à des congrès, à des assemblées d'étude, à des consultations. Cela fait des années qu'à la FTQ nous nous préoccupons de ce problème-là. C'est pour cela qu'ils sont ici. Pour nous, cela revêt un intérêt capital.

Sans plus de préambule, je vais demander à Emile Boudreault, le responsable, de vous lire non pas le mémoire qu'on vous a envoyé et qui contient plusieurs pages...

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie.

M. Laberge (Louis): Nous avons cru que cela vous ferait plaisir qu'on vous annonce qu'on ne lira pas le mémoire que vous avez d'ailleurs lu vous-mêmes, j'en suis convaincu.

Nous avons préparé un résumé que nous avons voulu faire le plus court possible mais qui, malheureusement, est de 32 pages parce qu'on ne pouvait pas le résumer davantage. C'est l'essentiel de nos revendications. Emile Boudreault va lire le résumé et, au fur et à mesure, avec la permission du président, je ferai certains commentaires, surtout à la lumière de certaines représentations qui vous ont été faites depuis le début de vos travaux.

Sans plus de préambule...

Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole à M. Boudreault, je demanderai aux membres, comme on le fait habituellement, s'ils sont d'accord pour verser intégralement le mémoire au journal des Débats.

M. Marois: Consentement, M. le Président. (Voir annexe)

Le Président (M. Marcoux): Allez-y, M. Boudreault, et si cela vous prend plus d'une demi-heure, on piquera du temps sur celui du ministre.

M. Laberge (Louis): Cela prend soin de notre première demande, parce que c'était une demande qu'on faisait.

M. Boudreault (Emile): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, la FTQ n'a pas l'intention de lire en entier le mémoire qu'elle a soumis à la date indiquée — parce qu'on pensait que c'était vrai — dans la Gazette officielle pour le dépôt des mémoires. La FTQ demande cependant que ce mémoire, y compris les annexes, soit reçu et étudié par votre commission et qu'il soit publié intégralement dans le journal des Débats de même que les présentes notes.

Dans le but de laisser plus de temps pour les échanges avec les membres de votre commission, nous avons préféré vous présenter un exposé beaucoup plus court de nos positions sur le projet de loi à l'étude. De plus, comme nous l'avons dit au dernier paragraphe de notre mémoire et suite à la consultation qui a été faite depuis, nous nous permettrons de réviser quelque peu notre position sur l'un des points discutés dans notre mémoire. Nous insisterons sur certains points qui sont res-sortis davantage des travaux de votre commission jusqu'à maitenant que j'ai suivie avec beaucoup d'attention et nous aborderons un sujet qui a pris une très grande importance encore ce matin ainsi qu'au cours des premières auditions devant votre commission et dont nous n'avions pas traité dans notre mémoire sur le présent projet de loi, parce que nous avions cru devoir le faire à l'occasion de la présentation, par le gouvernement, d'une révision en profondeur de la Loi des accidents du travail, qu'on nous a promise dans le livre blanc pour un avenir prochain. Nous voulons parler évidemment de la question très importante du retrait préventif.

Dans les cinq premiers paragraphes de notre mémoire, nous établissons la représentativité de la FTQ comme un intervenant sur le projet de loi no 17. La FTQ est au Québec le porte-parole politique officiel de plus de 350 000 travailleurs syndiqués. L'affiliation à la FTQ — je ne dirais pas contrairement, mais différemment à d'autres centrales — se fait sur une base volontaire. C'est donc par choix que les associations syndicales représentant plus de 300 000 travailleurs ont donné mandat à la FTQ de les représenter et de payer chaque mois.

La FTQ est fortement majoritaire dans les secteurs qui sont les plus directement visés par le projet de loi sur la santé et la sécurité du travail: mines et métallurgie; pâtes et papier; forêt; vêtement; construction, production et distribution de l'électricité; arts graphiques; automobile; aéronautique; alimentation et consommation courante; commerce; secteur municipal; hôtellerie et restauration; secteur des communications, y compris les télécommunications; spectacle et radiodiffusion; transport (air, mer, terre); fonctionnaires fédéraux; facteurs et postiers, tous les secteurs où la FTQ est fortement majoritaire.

M. Laberge (Louis): Fortement majoritaire. Dans certains secteurs évidemment, nous sommes la seule centrale syndicale à y représenter les travailleurs syndiqués.

M. Boudreault: En ce qui concerne notre mémoire, aux paragraphes 6 et 7, nous réaffirmons notre intérêt pour toutes les questions reliées à la santé psychique: stress, santé mentale, satisfaction au travail, etc. Cependant, à cause du massacre qui se perpétue au Québec chez les travailleurs dits industriels et qui est illustré par quelques statistiques dont on n'a pas abusé, qui sont citées au chapitre VII, c'est surtout sur cet aspect que la FTQ fera porter ses revendications et ses commentaires sur le projet de loi.

Aux paragraphes 9 à 13, nous traçons un bref historique de notre centrale et de la constance de ses préoccupations pour les questions ayant trait à l'hygiène et à la sécurité du travail depuis sa fondation. Nous avons tenu, dans ces paragraphes, à faire état du caractère démocratique de nos prises de position en la matière. En effet, les positions que nous prenons sur ce projet de loi no 17 dans le présent mémoire ne sont pas le fruit d'une génération spontanée — on n'a pas pensé à ça hier soir, nous autres — à la suite de la publication du projet de loi, mais sont toutes basées sur des positions démocratiquement adoptées par les délégués dûment élus à nos congrès et colloques sur le sujet et, notamment, le colloque du 25 janvier 1975 à Montréal — il y en avait eu d'autres avant — le congrès de décembre 1975 à Québec où on a consacré une journée et demie à parler du sujet; le colloque des 17 et 18 mars 1977 à Québec et le colloque des 20 et 21 novembre 1978 à Québec, à la suite de la publication du livre blanc. (15 h 30)

Tous ces congrès et colloques ont été précédés de consultations intensives dans les régions et

dans les secteurs industriels. Un relevé de nos revendications officielles en matière de santé et de sécurité du travail à partir de janvier 1975 jusqu'à novembre 1978 a circulé à plusieurs milliers d'exemplaires parmi nos affiliés et dans le public en général. Une copie de ce document est annexée au mémoire présenté à votre commission. Ce n'est pas simplement pour faire un mémoire plus épais. C'est pour que tous puissent se rendre compte que les revendications qu'on présente dans notre mémoire sont basées sur des positions démocratiquement adoptées par les délégués dûment accrédités de notre centrale.

Sur la philosophie générale du projet, dans les paragraphes 14 à 20 de notre mémoire, la FTQ exprime sa satisfaction du fait qu'enfin un projet de loi unifié sur la santé et la sécurité du travail ait été présenté et que les différents intervenants, dont la FTQ, aient l'occasion de s'exprimer sur ce projet de loi devant la commission parlementaire. Nous réclamons une telle unification et une telle amélioration des lois depuis de nombreuses années et il nous fait plaisir de souligner que le présent gouvernement est le premier à présenter un projet de loi dans ce sens.

Après avoir souligné notre accord de principe, nous soulignons que ce projet de loi peut et doit être amélioré avant son adoption définitive. Mais nous nous opposons catégoriquement à ce qu'il soit retiré, comme le suggéraient des déclarations publiques récentes, malgré les dénégations qui sont plus récentes un peu, du Conseil du patronat et de certains autres organismes. Un retrait voudrait dire d'autres délais et les travailleurs ont déjà attendu trop longtemps pour qu'on accepte un autre délai.

M. Laberge (Louis): Si vous me permettez, là-dessus, nous avons été fort heureux d'entendre que la CSN réclamait maintenant des amendements profonds au projet de loi, mais ne réclamait plus son retrait. Enfin, c'est ce qui en est ressorti dans les journaux. Je n'étais pas présent lors de la présentation de son mémoire, je ne sais si c'est cela qui ressort de votre entendement, mais c'est ce qui est paru dans les journaux. Ce matin, j'étais présent et, apparemment, le Conseil du patronat est même d'accord sur le titre du projet de loi. C'est une amélioration sensible et nous pouvons, en toute quiétude, poursuivre la présentation du résumé de notre mémoire.

M. Boudreault: Dans ce chapitre de notre mémoire, nous faisons une brève récapitulation de la situation intolérable qui existe actuellement au niveau des lois et des règlements en matière de santé et de sécurité au travail.

M. le Président, si on avait voulu venir avec des cas d'accidents du travail, on aurait pu venir avec 500 cas, sauf que nous, on parle de prévention des accidents, on parle de prévention des maladies industrielles. On viendra avec des cas précis d'accidents du travail au moment où on discutera de la révision de la Loi sur les accidents du travail. Des cas précis d'accidents du travail, on aurait pu faire pleurer des mères, aussi, et on en aurait amené; on en a plusieurs.

En matière de santé du travail, nous soulignons l'absence d'une juridiction précise et l'insuffisance scandaleuse des services de protection de l'environnement du travail qui ne comptent, au grand total, que 28 personnes pour l'ensemble du Québec. Nous, on a préféré vous dire d'abord les points sur lesquels on était d'accord, les points que, s'ils nous avaient été présentés par morceaux, on aurait acceptés. On n'est pas pour être contre parce que c'est présenté dans un projet de loi global.

Les paragraphes 21 à 29 de notre mémoire énumèrent les points du projet de loi sur lesquels nous sommes d'accord, compte tenu, évidemment, de certaines réserves exprimées par la suite. Nous sommes d'accord sur le principe même du projet de loi: "le droit pour le travailleur à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique".

Cependant, aux paragraphes 46 à 53, nous précisons nos vues sur des thèmes et nous demandons qu'on introduise dans la loi des définitions des mots "santé" et "intégrité physique". Nous proposons notamment, au paragraphe 48, qu'on utilise partout dans la loi le terme "hygiène du travail", lequel est reconnu internationalement comme comprenant non seulement l'aspect médical, mais aussi tout l'aspect de la salubrité des lieux du travail et non seulement l'intégrité de la machine humaine pour des fins de production, mais aussi l'intégrité du travailleur dans l'ensemble de ses fonctions physiques et mentales pour pouvoir jouir pleinement de sa vie, par lui-même, avec sa famille et dans la société.

En ce qui concerne ces termes, la FTQ propose donc au paragraphe 53 qu'on introduise dans la loi une définition de "santé (hygiène) du travail" et de "l'intégrité physique" qui correspondrait aux définitions de l'Organisation internationale du travail et de l'American Industrial Hygiene Association que nous avons citées aux paragraphes 49 et 50 de notre mémoire.

Autre point sur lequel nous sommes d'accord: nous sommes d'accord sur le fait que la loi s'applique à tous les employeurs, y compris le gouvernement, ses ministres et les organismes qui en sont mandataires. Il serait peut-être bon de dire ici que la ville de Montréal, qui est venue jouer au patron ici devant votre commission, s'est opposée pendant longtemps à ce que la Loi des établissements industriels et commerciaux s'applique à la ville de Montréal et s'est opposée pendant longtemps à ce que les inspecteurs du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre aient juridiction dans son domaine parce que ce n'était pas un établissement industriel et commercial. On est heureux de voir que dans la loi, tout le monde va être couvert, y compris des organismes publics et des organismes du gouvernement.

Nous sommes d'accord aussi, avec évidemment certaines modifications d'ordre mineur, sur les dispositions du projet de loi ayant trait au retrait préventif de la travailleuse enceinte. On

aura d'autres remarques à faire là-dessus tout à l'heure.

Nous sommes d'accord aussi sur le principe de regrouper dans une seule loi et de remplacer par celle-ci toutes les lois et parties de loi ayant trait à la santé et à la sécurité du travail. Ceci répond à une revendication que nous avons exprimée depuis de nombreuses années et je pense qu'on n'était pas les seuls à exprimer cela.

Nous sommes d'accord aussi que l'administration de cette nouvelle loi ainsi unifiée soit confiée à un seul organisme de chapeautage, soit la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ceci, aussi, répond à l'une de nos plus anciennes revendications.

Nous sommes d'accord aussi que cet organisme se voit confier l'autorité sur la prévention aussi bien que sur la réparation. Cela nous semble logique qu'un organisme qui paie pour les pots cassés s'organise pour qu'il y en ait moins de pots cassés.

Nous sommes d'accord aussi, que tous les services d'inspection soient unifiés, qu'ils relèvent d'une même autorité. Sauf que le projet de loi n'est pas clair, à savoir qui sera cette autorité. Nous revendiquons donc aux paragraphes 41 et 43 de notre mémoire que le projet de loi soit modifié pour désigner clairement et spécifiquement la Commission de la santé et de la sécurité du travail comme étant l'organisme de qui relèvent les services d'inspection prévus au chapitre 10.

Je voudrais simplement dire que ceux qui définissent l'inspection comme étant strictement un service de police sont, soit malhonnêtes, intéressés, ou ignorants. Parce qu'il y a beaucoup plus que ça dans un service d'inspection, il y a toute la patente de définir les normes, tout ça. Pour un organisme de prévention, c'est important que l'organisme qui définit les normes relève de l'organisme intéressé à la prévention.

M. Laberge (Louis): Là-dessus, si vous permettez, parce que nous trouvons que c'est tellement important, encore une fois, le rôle de l'inspecteur, s'il agit comme police, ça va passer à côté du principe du projet de loi. L'inspecteur est aussi là comme formateur, informé, il est censé se rendre à la demande des comités paritaires, il est censé les informer, il va être là bien souvent comme arbitre pour essayer de trancher les disputes, particulièrement dans le droit de refus. Il est partie intégrante du fonctionnement de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Cela ne peut faire autrement que de relever du même organisme qui aura la responsabilité de voir à l'application de la loi 17 sur la santé et la sécurité, sur la prévention. M. Dufour disait ce matin, la santé et la sécurité au travail, c'est un état d'esprit. Nous sommes d'accord avec lui sur ce point. Un état d'esprit, ça ne se fabrique pas, mais on vient à bout d'instituer un état d'esprit par la sensibilisation, par l'information. Les inspecteurs auront un rôle capital à jouer dans tout ce domaine.

Il faut que les inspecteurs qui vont jouer une partie tellement importante dans tout le rouage qui est prévu dans la loi 17 relèvent de la même autorité qui aura à déterminer les normes minimales, les programmes minimaux de santé et de prévention, les programmes de formation, les programmes d'information, les programmes de sensibilisation.

Autrement, nous retrouverions un peu de fouillis qu'on connaît aujourd'hui où les inspecteurs se pilent sur les orteils les uns les autres. Si ça relève de deux autorités différentes, il est possible qu'un inspecteur relevant d'une autre autorité puisse aller sur les lieux pour inspecter, sans tenir compte des autres rôles que la loi prévoit pour les inspecteurs. Pour nous, ça revêt une importance capitale que l'inspection relève du même organisme.

Une fois que nous avons dit ceci — et nous y reviendrons un peu plus tard dans notre mémoire — nous croyons que, pour l'industrie de la construction, qui est vraiment une industrie particulière, il y a des lois particulières qui reconnaissent les associations, il y a des lois particulières pour le régime de négociation, enfin c'est quand même une industrie un peu particulière. Nous reviendrons sur ce point qui a trait à l'inspection, mais pour vraiment toutes les industries, à part la construction, nous croyons qu'il est d'une importance capitale que l'inspection relève de l'organisme qui va chapeauter tout ça.

M. Boudreault: M. le Président, dans l'optique d'une loi axée sur la participation, — ça, c'est à partir du livre blanc jusqu'au projet de loi — nous sommes d'accord, bien sûr, que la Commission de la santé et de la sécurité au travail soit représentative des parties. Notre définition des parties, ce sont les bénéficiaires, les payeurs et le gouvernement, c'est-à-dire les trois grands agents sociaux. L'ensemble des travailleurs, par leurs organisations syndicales; les payeurs, le patronat, par les représentants des associations patronales représentatives — ça, il va falloir se demander ce que c'est — et le gouvernement.

Cela aussi, M. le Président, répond à une des revendications de longue date non seulement de la FTQ, mais de l'ensemble du mouvement syndical, sauf qu'à la FTQ on n'a pas changé d'idée, on pense encore que c'est vrai.

Mais le rôle de la commission, tel qu'envisagé par le projet de loi, va être tellement important et ses pouvoirs tellement étendus qu'il faut absolument que cette commission soit vraiment représentative des parties. Or, les parties syndicale et patronale ne sont pas monolithiques pour l'ensemble du territoire du Québec — je pense qu'on en a quand même un exemple par les différents mémoires qui sont présentés — et les intérêts ne sont pas les mêmes d'un secteur économique à un autre. Nous soumettons donc que la commission doit être représentative non seulement d'une conception de l'esprit de ce que peuvent être les agents sociaux, patronal et syndical dans l'ensemble du Québec, mais de ce qu'ils sont en réalité dans chacun des grands secteurs économiques.

Pour les raisons exposées aux paragraphes 31 à 35 de notre mémoire, nous proposons donc la composition suivante pour la future commission: les secteurs économiques, agriculture, forêt, chasse et pêche, un représentant pour chacune des parties ou pour chacun des agents sociaux; mines, un représentant aussi pour chacune des parties; industries manufacturières, parce qu'il y a 17 sous-secteurs identifiés dans le grand secteur des industries manufacturières, trois représentants pour chacune des parties; construction, un représentant pour chacune des parties; transport, communications et autres services publics, un représentant pour chacune des parties; le commerce, un représentant pour chacune des parties; les finances, les assurances, les immeubles, les services socio-culturels, commerciaux et personnels, deux représentants pour chacune des parties; l'administration publique, un représentant pour chacune des parties; les secteurs de juridiction fédérale dont on parlera plus loin, un représentant pour chacune des parties. (15 h 45)

Cette division des "secteurs économiques" est tirée d'une classification de Statistique Canada proposée dans un tableau abondamment utilisé dans le livre blanc, notamment à la page 87. Nous avons modifié quelque peu ce tableau et nous avons effectué des regroupements afin qu'il corresponde mieux ou le mieux possible à notre conception de la réalité québécoise en matière de santé et de sécurité au travail.

Une telle composition ne serait pas trop onéreuse, ces commissaires n'étant pas permanents, d'après l'esprit du projet de loi, et elle présenterait, outre sa représentativité, de nombreux avantages dont celui de la communication nécessaire entre chacun des secteurs et l'administration de la commission et celui aussi de la possibilité de "la formation de comités ad hoc pour l'étude de problèmes particuliers à tel ou tel secteur économique, le cas échéant". En outre, cela éliminerait la nécessité, pour les associations syndicales et patronales, de fournir une liste de candidats — c'est toujours un peu odieux de présenter une liste — aux postes de commissaires, étant donné qu'il serait plus facile d'établir la représentativité patronale et syndicale dans chacun de ces secteurs. D'ailleurs, c'est bien connu que la FTQ a toujours refusé de fournir une liste lorsqu'elle est invitée à désigner quelqu'un pour occuper un poste. Nous nommons la personne que nous croyons la mieux qualifiée. Nous avons bien l'intention de nous en tenir à cette pratique. De plus, nous tenons à réitérer notre revendication pour le droit de retirer son mandat à une personne que nous aurions désignée à tel ou tel poste. Dans le cas d'un commissaire, il faut que les parties, notamment la FTQ, conservent ce droit. La FTQ pourra l'exercer à l'expiration des mandats, soit en reconduisant la personne qui occupe l'un de ces postes, soit en la remplaçant par une autre personne de notre choix.

M. Laberge (Louis): Si vous me permettez une note là-dessus, en fait, on ne pourra pas nous accuser d'user d'un langage abusif. Quand nous disons dans le résumé: Nous avons bien l'intention de continuer la pratique, il faut vous dire que nous avons toujours refusé et que nous avons la ferme détermination de continuer de refuser à soumettre des listes de noms. Si nous sommes pour être des représentants quelque part, nous voulons avoir le droit de suggérer au gouvernement qui nous voulons comme représentant. Le gouvernement a le droit, la responsabilité, bien sûr, de le nommer ou de le refuser. Nous reconnaissons que le gouvernement a le droit de refuser notre suggestion. A ce moment-là, il expliquera pourquoi il refuse et nous déciderons si, oui ou non, nous voulons suggérer quelqu'un d'autre ou se passer d'être représentés à cet organisme. Pour nous, cela revêt une importance capitale. Je tiens à vous dire qu'à la FTQ nous avons déjà eu à combler un vide à l'ancien Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pendant plusieurs mois, parce que le gouvernement du temps avait refusé de nommer le représentant qui avait été suggéré par la FTQ. Nous tenons mordicus à cela. Si nous sommes pour être représentés quelque part, ce sera quelqu'un qui sera choisi et nommé par nous. De la même façon, nous reconnaissons à tout le monde qui veut être représenté quelque part le droit de choisir et de nommer son représentant, que cela vienne des autres associations syndicales, que cela vienne des associations patronales ou que cela vienne du gouvernement. Le gouvernement a certainement le droit de décider qui sera responsable de telle chose. Nous croyons que nous avons aussi ce droit.

L'autre point d'une importance capitale pour nous, c'est qu'on ne veut pas de sénat dans le domaine de la santé et de la sécurité. On veut que personne ne soit nommé à vie là-dedans. Nous voulons des gens qui sont intéressés au domaine de la santé et de la sécurité et particulièrement de la prévention. Nous voulons avoir le droit de nommer et nous voulons avoir le droit de retirer les gens qui nous représenteront. Encore une fois bien sûr, ce ne sont pas nous qui les nommons, nous reconnaissons que c'est le gouvernement, c'est sa responsabilité.

Si le gouvernement — cela peut arriver — n'est pas d'accord avec la personne qu'on aura choisie, il expliquera pourquoi il refuse le choix de la FTQ et, comme je l'ai dit tantôt, la FTQ décidera si, oui ou non, elle est d'accord avec les explications fournies, si elle doit suggérer quelqu'un d'autre ou, tout simplement, se passer du privilège d'être représentée. Pourrais-je vous dire tout de suite que de se passer du privilège ou du droit d'être représenté à quelque part, on trouve cela extrêmement sérieux. Nous voulons être représentés partout où nous avons l'occasion d'être représentés, mais, encore une fois, nous voulons être représentés par des gens qui sont vraiment représentatifs.

Il y a déjà eu des nominations de faites ici au Québec par des gouvernements précédents qui avaient nommé comme représentants du mouve-

ment syndical que nous représentons, la FTQ, des gens dans certains domaines et des gens que nous ne voyons jamais dans aucune de nos rencontres, dans aucune de nos assemblées et qui étaient actifs partout, sauf au Québec. C'est une pratique que, dans le temps, nous avions subie et nous sommes maintenant bien placés pour vous dire que nous ne l'accepterons pas. Si le gouvernement reconnaît qu'il est important que les travailleurs soient représentés dans ces organismes par leurs associations syndicales, nous voulons nous garder le droit de choisir qui va nous représenter, le droit de les enlever.

Encore une fois, on ne veut pas de sénateur là-dessus. On veut des gens qui vont faire la "job" et, s'ils ne font pas la "job", on veut les débarquer et les remplacer par d'autres. On a vu cela trop souvent, malheureusement. Le mouvement syndical n'est pas à l'abri de cela, pas plus que n'importe quel organisme. Une fois que quelqu'un est nommé à vie, disons que son zèle a tendance à diminuer quelque peu. On n'a pas tous des gens aussi courageux pour relever le défi d'être nommé sénateur. Cela prend un certain courage pour aller s'installer dans un fauteuil à vie. On ne veut pas ce genre de choses. Là-dessus, nous n'insisterons jamais trop. Je ne dis pas cela pour déprécier le sénat. La position du mouvement syndical là-dessus est très connue. Nous croyons que le sénat ne devrait pas exister, mais cela n'a rien à voir avec cela, sauf que nous autres, on n'a pas changé d'idée là-dessus non plus.

M. Boudreault: En ce qui concerne le comité administratif qui est proposé par le projet de loi à l'article 119, la FTQ ne propose pas qu'il soit élargi — ce sont des gens à plein temps. L'article 119 propose un représentant pour chacune des parties — on est d'accord — et on voit dans le rôle principal de la personne désignée par chacune des parties non pas un rôle d'un autre agent d'indemnisation, mais le rôle d'obtenir toutes les explications pertinentes à chacun des dossiers à être soumis au conseil d'administration, de les résumer, de les digérer de façon qu'ils puissent être assimilés rapidement dans toute leur implication par les membres du conseil d'administration. Cependant, la FTQ croit qu'on devrait faire sauter l'obligation pour l'une ou l'autre des parties de choisir le membre permanent du comité administratif parmi ses représentants au sein du conseil. Il est fort possible que les représentants des parties désirent agir ainsi, mais, théoriquement, il est possible aussi qu'ils désirent, à un moment donné, choisir quelqu'un de l'extérieur du conseil d'administration et si les représentants des parties en décident ainsi, ils devraient pouvoir le faire.

M. Laberge (Louis): En fait, on n'insiste pas pour qu'ils viennent d'en dehors, mais cela se pourrait qu'on puisse vouloir le faire. Cela se pourrait que le Conseil du patronat puisse décider de la même chose ou les autres centrales syndicales. Il me semble qu'on pourrait, qu'on devrait pouvoir le faire. Quant à l'augmentation du nom- bre de membres à la commission — je m'excuse, je n'ai pas traité de cela tantôt — c'est extrêmement important. D'ailleurs, le ministre responsable, le parrain du projet de loi se rappellera que lors des innombrables rencontres consultatives que nous avons eues, nous avons déjà soulevé ce point afin que, et du côté patronal et du côté syndical, cette commission soit vraiment représentative de tous les secteurs les plus importants. On ne peut pas avoir tout le monde à la commission, évidemment, mais au moins les secteurs les plus importants. La nomenclature que nous vous avons faite, nous la croyons quand même assez bien aérée, qui donnerait une représentation vraiment très bonne, aérée, élargie de tous les milieux les plus directement intéressés à ce projet de loi.

M. Boudreault: M. le Président, en ce qui concerne le ministre chargé de l'application de la loi, tout le monde, jusqu'à présent, a déploré le fait que le projet de loi ne désignait pas le ministre. La FTQ plonge, comme c'est son habitude. Nous sommes d'accord, et nous l'exprimons au paragraphe 26, qu'un seul ministre sera chargé de l'application de la loi. Cependant, nous ne pouvons pas concevoir qu'une loi sur la santé et la sécurité du travail n'indique pas spécifiquement quel ministre sera responsable. Dans nos revendications, on parlait, en 1975, d'une espèce de comité ministériel. On croit que c'est maintenant un fait accompli par la création du ministère d'Etat au développement social et, pour les raisons énoncées aux paragraphes 36 à 39 de notre mémoire, la FTQ prend donc officiellement position et propose que le projet de loi soit modifié et désigne spécifiquement le ministre d'Etat au développement social comme étant le ministre chargé de l'application de la loi.

M. Laberge (Louis): Pourrais-je vous suggérer, M. le Président, que nous ne faisons pas ça pour nous rendre agréables au ministre, parrain du projet de loi, ni pour nous rendre désagréables au ministre du Travail, avec qui nous avons constamment des relations. On ne voudrait pas que le ministre du Travail devienne ombrageux parce qu'on fait cette recommandation. Si nous avons décidé de la faire, c'est que nous croyons qu'elle est inévitable. Tous ceux qui ont siégé à tous les comités consultatifs, tant au niveau gouvernemental, qu'au niveau des centrales syndicales et du patronat, savent tout le problème que nous avons eu pour amener les huit ministères qui avaient des choses à dire dans le domaine de la santé et de la sécurité, de l'environnement, de la prévention, des maladies professionnelles à s'entendre pour qu'il y ait finalement un projet de loi unifié dans les circonstances.

Nous croyons, nous, que ce serait une erreur de nommer n'importe lequel de ces huit ministres comme étant le responsable, parce que les autres pourraient prendre — nous le croyons, probablement avec une certaine raison — ombrage à cette nomination. Mais le ministre qui est censé avoir la responsabilité de coordonner tout ça et qui a accouché de ce projet de loi, donc, il a réussi jus-

qu'à un certain point, lui, est au-dessus des particularités de chacun des huit ministères impliqués. Ce que nous recherchons, c'est simple. Ce n'est pas de favoriser une nomination plutôt qu'une autre, mais c'est d'avoir, comme ministre responsable, quelqu'un qui est déjà bien placé pour aller voir chacun des huit ministères en vue de la bonne application et de la bonne marche de la loi. Encore une fois, le projet de loi a beau être pas mal correct, du moins dans ses principes, dans son idéologie, s'il fallait que les sept ou huit ministères commencent à tirer à hue et à dia, je n'ai pas besoin de vous dire que l'application de la loi deviendrait extrêmement difficile. C'est pourquoi nous avons décidé de prendre cette responsabilité de suggérer qui devrait être le ministre responsable, en ayant tout pris en considération, comme je viens de vous l'expliquer, et en souhaitant que tout le monde reconnaîtra le bien-fondé des remarques que nous avons faites sur la question non pas pour faire plaisir à qui que ce soit, non pas pour déplaire à qui que ce soit, mais tout simplement pour que la loi, une fois adoptée, soit vraiment mise en application.

M. Boudreault: M. le Président, après avoir dit toutes les choses avec lesquelles on était d'accord, vous nous permettrez de dire les choses avec lesquelles on n'est pas autant d'accord, à commencer par les droits des travailleurs.

Aux paragraphes 56 et 57 de notre mémoire, nous soulignons que la rédaction concernant les mesures auxquelles le travailleur a notamment droit, en vertu de l'article 9, diffère de la rédaction concernant les mesures auxquelles l'employeur aurait droit, en vertu de l'article 39 du projet de loi. (16 heures)

Par ailleurs, la FTQ soutient, au paragraphe 58, que ces articles 9 et 39 devraient faire l'objet d'une nouvelle rédaction. En effet, certains droits généraux peuvent s'appliquer à chaque travailleur et à chaque employeur en particulier. Mais d'autres, comme celui de participer à l'élaboration des normes, des programmes et des priorités en recherche des programmes et moyens de prévention sont des droits qui doivent être exercés collectivement par l'entremise des associations représentatives, c'est-à-dire des agents sociaux, et "pour lesquels on voit mal que chacun des 125 000 employeurs et chacun des deux millions de travailleurs du Québec puisse les exercer individuellement." Dans notre mémoire, on dit six millions d'inspecteurs; c'est sympathique, mais ce n'est pas tout à fait réaliste.

La FTQ souligne, aux paragraphes 60 à 64, l'absolue nécessité, dans un projet de loi qui se veut axé sur la participation, de définir les agents sociaux qui doivent être, au Québec, les "associations syndicales les plus représentatives " et les "associations d'employeurs les plus représentatives". Dans tel ou tel secteur en particulier, ce sera relativement facile. Mais dans l'ensemble du Québec, on risque de s'acheminer vers des difficultés sérieuses en l'absence d'une définition précise.

Les définir seulement par règlement de la commission et seulement pour les fins du fonctionnement des associations sectorielles, tel qu'il est mentionné à l'article 73, ce n'est pas suffisant. "La FTQ soumet donc que le gouvernement doit établir dans la loi elle-même les critères qui devront guider le gouvernement et la commission, le cas échéant, dans la détermination du statut de représentativité d'une association syndicale ou d'une association d'employeurs pour les fins de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, tant au niveau de l'ensemble du Québec qu'au niveau de tel ou tel secteur en particulier."

Il y a des associations syndicales et des associations patronales qui poussent, au Québec, comme des champignons. A un moment donné, il va falloir décider qui est l'agent social, à moins qu'on n'y croie pas. Il faudra trouver qui est l'interlocuteur valable. Ce qu'on demande, c'est que dans la loi ce soit défini. C'est défini dans d'autres pays; je ne vois pas pourquoi, au Québec, on ne pourrait pas le faire.

En ce qui concerne le droit de refus, je voudrais d'abord traiter des fonctions exceptées. Dans notre mémoire, nous traitons de ce sujet aux paragraphes 67 à 71. L'article 12 du projet de loi stipule que l'exercice du droit de refus "n'est possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées." La FTQ considère que cet article, indépendamment des bonnes intentions, est totalement inacceptable. Elle soumet que "son adoption ouvrirait la voie à toutes sortes de difficultés et à toutes sortes d'abus ". La FTQ propose qu'on définisse dans la loi, comme cela s'est fait en Ontario, même si on n'est pas d'accord avec la définition de l'Ontario, "les fonctions et les circonstances dans lesquelles le droit de refus ne doit pas être exercé par un travailleur." Il serait facile de le faire pour tous les secteurs, sauf peut-être pour le secteur de la construction. Vous savez, si vous avez lu notre mémoire, qu'on propose une procédure beaucoup plus souple dans le secteur de la construction.

M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous me le permettez, là-dessus, c'est un des points vitaux pour la FTQ. Il n'y a pas beaucoup d'emplois, parmi les membres que nous représentons, qui ne comportent pas certains dangers inhérents à la fonction; il y en a, mais il n'y en a pas beaucoup. Pour nous, que ce soit un mineur, que ce soit un travailleur dans les usines de pétrochimie, que ce soit un col bleu de la ville de Montréal qui, soit dit en passant, arrive bon deuxième parmi les champions des accidents industriels, si on compare le nombre d'accidents rapportés par rapport au nombre d'employés que la ville de Montréal a — d'ailleurs, je lui ai trouvé un certain culot d'être venue présenter son mémoire; j'aurai l'occasion d'en reparler un peu plus longtemps tantôt — il n'y a pas beaucoup de travailleurs que nous représentons dont les fonctions ne comportent pas un danger inhérent.

II est bien évident qu'un pompier qui va aller combattre un incendie, il y a des dangers inhérents à la fonction. Il est bien évident que ce que nous recherchons, ce n'est pas qu'un pompier refuse d'aller combattre un incendie parce que cela comporte un danger, c'est bien sûr. Tout de même, il y a des choses qu'un pompier devrait avoir le droit de refuser: de monter sur un toit au dix-huitième étage, alors que l'incendie fait déjà rage depuis une heure, et d'embarquer sur le toit, cela n'est pas sensé parce que le toit peut s'effrondrer comme cela arrive et des pompiers tombent dans le trou et meurent parce qu'il y a eu là une négligence — le mot n'est pas trop fort — criminelle de la part des autorités. A ce moment-là, même un pompier devrait avoir le droit de refuser de prendre de tels risques, mais il est bien évident qu'un pompier ne peut pas refuser d'aller combattre un incendie, parce que du fait qu'il y a du feu, il y a un incendie. C'est un peu comme un travailleur de la construction, dès qu'il arrive sur un chantier il y a des dangers. S'il grimpe en haut, il y a des dangers, s'il reste en bas, il y a des dangers que quelqu'un lui échappe quelque chose sur la tête. Enfin, un chantier de construction, c'est toujours dangereux. Une mine, c'est toujours dangereux. Une industrie pétrochimique, c'est toujours dangereux.

Par exemple, quand des compagnies comme Monsato se rendent coupables de telles négligences, qu'il arrive des explosions, trois ou quatre fois de suite, avec des morts et des gens mutilés, ce n'est pas parce qu'il y a des dangers inhérents à la fonction d'un travailleur d'une usine de pétrochimie que ce travailleur-là ne devrait jamais avoir le droit de refuser un travail dangereux.

Je pense que vous comprenez le sens de notre intervention. On ne veut pas non plus éliminer — enfin si on pouvait les éliminer — toutes les "jobs" dangereuses. Quelqu'un me disait l'autre jour que s'il fallait mettre en application la petite loi sur l'aménagement que nous avons, on fermerait probablement 75% ou 80% des usines au Québec. Il est bien sûr que les travailleurs ne peuvent pas se payer le luxe de voir fermer 75% ou 80% de leurs usines. On n'est pas là pour les beaux yeux du patron et on n'est pas là pour user notre vieux linge, on est là pour gagner notre vie, sauf qu'il y a des choses qui deviennent inacceptables. Il est bien évident que pour un mineur dans l'amiante ou, encore une fois, un travailleur d'une usine de pétrochimie, ce n'est pas parce que, jusqu'à aujourd'hui, on ignorait la nocivité de certains produits que le travailleur devrait être obligé de continuer à faire ce travail-là, une fois qu'on apprend qu'il est en train de se faire empoisonner. Quand on parle de danger inhérent et habituel — enfin, je pense que c'est ce que l'on dit — "normalement et habituellement inhérent aux fonctions", encore une fois ce n'est pas parce qu'il y a des travailleurs qui se font empoisonner depuis quinze ans, qu'on vient de se réveiller et de se rendre compte du danger qu'ils courent, qu'ils devraient avoir le droit de refuser. Cela est d'une extrême importance.

Si vous laissez cela dans le projet de loi, c'est la porte ouverte à tous les abus. On n'ose même pas vous suggérer la façon de l'écrire, on est prêt à participer, par exemple, à des discussions là-dessus, avec tous ceux qui sont concernés. On ne veut pas non plus obtenir carte blanche pour pouvoir tout fermer quand cela nous chante. Ce n'est pas là notre point. Il n'y a que les démagogues qui parlent de choses semblables. Il y a des usines, ça prend des travailleurs. On sait qu'il y a des fonctions plus dangereuses que d'autres, nous en sommes fort conscients. Même si le projet de loi dit que le but du projet de loi est d'enlever le danger à la source, nous y concourons pleinement, on sait fort bien que dans certains cas ça va nous prendre un peu plus d'études, un peu plus de connaissances pour éliminer certains dangers à la source. Et malgré toutes les connaissances, il est possible même que dans certaines fonctions, on ne réussira jamais à éliminer complètement tous les dangers à la source. Il s'agit, au moins, de prendre les meilleures mesures nécessaires pour protéger le mieux possible les travailleurs qui occupent ces fonctions. Mais, encore une fois, c'est d'une importance capitale, et notre société n'a pas tendance, malheureusement, à évaluer de façon juste les dangers inhérents à certaines fonctions.

Je puis vous dire, et je voudrais bien que personne ne prenne cela de façon autre que celle que je l'entends, par exemple, qu'on croit qu'il y a des dangers épouvantables à être policier. Il y a pourtant énormément plus de dangers à être pompier, à être mineur, à être travailleur de la construction, à être travailleur dans une usine de pétrochimie. Vous n'avez qu'à regarder les statistiques. Il y a beaucoup plus de ces travailleurs-là qui meurent au devoir qu'il n'y a de policiers. Evidemment ça passe inaperçu parce qu'on ne leur fait jamais de funérailles civiques, mais ça ne change pas les faits. Pour nous, c'est capital. Les dangers, habituellement, normalement inhérents aux fonctions ne peuvent pas être exclus du revers de la main. Nous insistons sur ce point.

M. Boudreault: M. le Président, on touche un point qui a été, à notre avis, peut-être pas le point crucial, mais c'est le point qui a attiré le plus de publicité, c'est le point du droit collectif. Dans notre mémoire, nous traitons de ce sujet aux paragraphes 72 à 75. A ce sujet, il faut bien vous avouer qu'après que ce droit nous eut été promis spécifiquement par vous, M. le ministre, devant plus de 600 délégués lors de notre colloque des 17 et 18 mars 1977, l'absence du droit collectif dans le projet de loi est une pilule passablement difficile à avaler.

Lors de la rédaction de notre mémoire, dans la période qui a précédé le 17 août, notre comité de santé et de sécurité du travail avait cru pouvoir se prévaloir d'une autorisation, à notre colloque de novembre 1978, de négocier les modalités du droit du refus collectif pour accepter un compromis offert publiquement, à au moins deux reprises, par le ministre d'Etat au développement social sur

le sujet, soit l'exercice du droit collectif à une deuxième étape, c'est-à-dire enclenché par une action individuelle et ensuite l'intervention du syndicat. Or, sur ce point précis, les réactions qui nous sont parvenues de toutes les régions de la province, des secteurs industriels aussi, sont unanimes: les membres des syndicats affiliés à notre centrale ont accordé foi à la promesse que le ministre avait faite à leurs délégués au mois de mars 1977, à savoir que le droit de refus pouvant être exercé par les représentants attitrés de l'association accréditée serait introduit dans la prochaine législation.

Nous devons donc, sur ce point seulement — c'est le seul point — retirer le compromis que nous avions à faire dans notre mémoire et insister pour que les représentants attitrés à cette fin par les travailleurs puissent décréter l'arrêt d'une opération ou empêcher qu'un travail s'accomplisse s'ils jugent que ce travail constitue un danger pour la sécurité ou la santé du travailleur ou d'autres personnes.

Nous sommes toujours disposés à négocier les modalités de l'exercice de ce droit collectif dont nous entendons, à la FTQ, faire usage de façon responsable. Certaines propositions contenues dans notre mémoire constituent une base valable de négociation. Il faut qu'enfin au Québec, on reconnaisse que l'agent social que constitue le syndicalisme a un rôle de premier plan à jouer dans l'établissement de conditions de travail qui respectent la santé et la sécurité du travailleur.

M. Laberge (Louis): Si vous permettez, M. le Président, là-dessus, je veux dire qu'à un moment donné, la position du comité a été quelque peu critiquée, un peu malmenée même par du monde chez nous. Cela prouve deux choses: d'abord, cela prouve que les gens de chez nous ont le droit de s'exprimer et, deuxièmement, cela prouve qu'il y a vraiment de la consultation. C'est vraiment décidé par la majorité des gens qu'on représente. Dans un mémoire de 82 pages, avec un tas de suggestions, de demandes, d'exigences d'amendements, de recommandations, que nous soyons obligés de changer quelque peu notre tir — je souhaite la bienvenue au ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre — sur la question du droit de refus collectif, ça ne nous scandalise pas. Il y en a qui se scandalisent parce qu'ils font une recommandation et ils disent: On a été battus par l'assemblée. Si tu prends un vote, si les gars et les filles ont le droit de voter pour, ils ont le droit de voter contre. Cela ne me scandalise pas du tout. Sauf que notre "job", c'est de la faire du mieux qu'on peut et ensuite, on soumet ça aux membres et les membres décident. Dans le cas du droit de refus collectif, je reconnais qu'on a peut-être laissé tomber un peu trop vite cette revendication essentielle, en laquelle semblait croire le ministre au développement social. Je dois dire que sa brillante intervention lors de notre colloque m'a quelque peu placé dans une situation désavantageuse vis-à-vis des délégués qui retenaient davantage les propos du ministre que les nôtres. Ceci, pour vous dire qu'on est revenu sur notre position originale.

(16 h 15)

Très sérieusement, on sait fort bien que le droit du refus collectif doit être traité d'une façon un peu différente, que le droit du ou des travailleurs qui sont là, ce sont eux qui sont en danger; c'est bien évident. D'ailleurs, je vais laisser lire le prochain paragraphe, pour vous parler du droit du ou des travailleurs qui enclenche le mécanisme dont vous avez parlé, selon votre expression même. Mais le droit du refus collectif existe ailleurs. Vous allez peut-être me dire qu'on n'est peut-être pas rendu à une maturité telle qui nous permettrait... Permettez-moi, là-dessus, de vous dire que je crois, au contraire, que nous faisons des pas de géant dans ce domaine et qu'il n'y a pas tellement plus de danger d'abus avec le droit collectif que le droit individuel ou le droit d'un groupe de travailleurs, pourvu qu'ils enclenchent le mécanisme.

De toute façon, il y a des recours. Dernièrement, le mouvement syndical a subi des retombées de gestes qu'avait posés le mouvement syndical; ça coûte cher, ça nous porte à être de plus en plus prudents vis-à-vis des gestes posés. Je ne dis pas ça pour récriminer, c'est un fait, il nous faut faire attention. Plus nous aurons des droits reconnus dans des lois, plus il y aura de facilité pour les dirigeants syndicaux de demander aux travailleurs de respecter ces lois, de peur de perdre des droits que nous voulons et qui sont reconnus dans des lois. En d'autres mots — d'ailleurs vous vous rappellerez le débat sur le projet de loi 45; le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre va certainement se rappeler les nombreux colloques auxquels nous avons eu l'occasion de participer ensemble — si on donne, dans la loi, des droits qui protègent les travailleurs, il est bien évident que les travailleurs sont certainement portés à faire beaucoup plus attention, de peur de perdre ces droits. Dans le temps, la seule différence qui existait entre une grève légale et une grève illégale, c'est qu'on avait plus de chance de gagner une grève illégale, parce que l'employeur n'avait pas le temps de se préparer; c'est aussi bête que ça. On n'avait aucun droit qui nous était reconnu dans une grève légale; aujourd'hui, on en a un peu plus — pas assez, on aura l'occasion d'y revenir — et qu'on aime ça ou qu'on aime pas ça, tous les prophètes de malheur doivent aujourd'hui se rendre compte que le projet de loi no 45 a finalement été adopté et a certainement réussi à assainir, jusqu'à un certain point, le climat qui existait alors dans les lignes de piquetage. Il y a encore des accrochages, probablement ne réussira-t-on jamais à éviter tout ça, mais je peux quand même vous énumérer un tas de grèves qui, aujourd'hui, se sont faites quasiment dans la gaieté, si on peut parler de gaieté pour des travailleurs qui sont en grève pendant huit mois, ils subissent des sacrifices énormes, mais, au moins, ils ne se sentent pas obligés de faire des mauvais coups pour protéger leur "job", parce qu'il y a une loi qui va un peu plus loin pour

les protéger lorsqu'ils sont en grève; c'est d'une importance capitale. Le droit collectif, ça va un peu dans le même sens.

Je ne suis pas du tout d'accord qu'on n'a pas atteint le degré de maturité, au Québec, pour traiter de façon civilisée de ce droit. De toute façon, nous avons été portés à revenir sur cette demande, parce que c'est unanime de tous les coins du Québec, ça nous est venu qu'il fallait continuer à revendiquer le droit collectif et je suis d'accord avec tous ces gens qui nous ont reproché de l'avoir laissé tomber un peu trop vite.

M. le ministre, tantôt je suis convaincu que vous allez nous dire que vous n'avez pas changé d'idée et que, ce que vous nous aviez dit lors de notre colloque, vous y croyez toujours.

M. Boudreault: M. le Président, je suis content que le président...

M. Laberge (Louis): Je pense que le président m'avait prié de demander aux gens de ne pas faire trop de démonstrations. Je sais que c'est spontané, mais il y en a qui peuvent penser que vous avez un certain préjudice.

Le Président (M. Marcoux): M. Boudreault.

M. Boudreault: M. le Président, je suis content que le président de la FTQ ait fait un remaniement ministériel tout à l'heure. Qu'il ait fait la fusion de deux ministères, c'est de nature à rassurer certaines sections du mouvement syndical qui croient qu'il y a seulement le ministère des Affaires sociales qui s'y connaît en santé du travail. Cela devrait être réglé.

Pour ce qui concerne les autres modalités du droit de refus, on ne les a pas mentionnées dans ce résumé de 32 pages de notre mémoire, mais la FTQ propose, au paragraphe 75 de son mémoire, toute une série de modifications aux articles pertinents du projet de loi pour que le droit de refus ne soit pas seulement théorique, mais qu'il constitue une véritable protection pour le travailleur et un instrument pour le fonctionnement de cette loi-là.

Nous proposons, notamment à l'article 31, le statu quo ante. C'est extrêmement important. Cela a été soulevé, je crois, à quelques reprises après coup par certaines organisations, c'est-à-dire qu'aucune mesure disciplinaire pouvant être envisagée par l'employeur ne puisse être imposée tant et aussi longtemps que la mauvaise foi du travailleur n'aura pas été prouvée par la procédure ordinaire.

M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous le permettez là-dessus, voici un autre point d'une importance capitale. J'écoutais, ce matin, le Conseil du patronat qui — je ne le critique pas, je ne le blâme pas; il se doit de questionner, il n'y a pas de problème — croyait qu'il pourrait y avoir des abus épouvantables. Le Conseil du patronat a quand même d'autres recours, enfin les patrons ont quand même d'autres recours vis-à-vis des travail- leurs qui abuseraient de ce droit, même s'il était reconnu encore de façon un peu plus claire dans la loi.

Ce que je veux essayer de vous exprimer, c'est ce qui se passe en pratique. Par exemple, dans l'industrie de la construction actuellement, le code de sécurité va beaucoup plus loin que le projet de loi 17 sur le droit de refus. Quand il y en a qui disent: C'est un net recul, sur papier, c'est vrai, sauf qu'en pratique il n'y a pas de travailleurs de la construction qui osent refuser d'accomplir une tâche dangereuse, parce qu'ils se font "maudire" dehors assez raide que cela n'en est même pas drôle. Vous avez des exemples à la pochetée avec ce qui se passe à la Société d'énergie de la baie James. Il y a toujours des avions en attente pour embarquer les gars qui osent revendiquer le respect du code de sécurité. C'est l'Oiseau bleu" et c'est "back" à ta base. Et, le pire, il est sur la liste noire et ne peut plus y retourner. Nous avons donné des exemples au député Chevrette, au député Vaillancourt, ainsi qu'à d'autres. Enfin, on est un peu tous impuissants dans l'affaire. Apparemment, la Société d'énergie de la baie James est au-dessus de toutes les lois du Québec, mais il reste que c'est un fait. A moins que la loi 17 ne soit très claire là-dessus, ce sera encore une belle disposition sur pied. Quand même, pour éviter que n'importe qui, n'importe quand, pour n'importe quoi, refuse de travailler, ce que l'on suggère dans la série d'amendements que nous proposons, c'est que, dès qu'un travailleur trouve qu'il devrait refuser de faire une "job" parce qu'elle est dangereuse, il fasse venir son représentant syndical. Que ce soit le membre du comité ou son représentant syndical, cela a peu d'importance. Si le représentant syndical est d'accord avec lui, en d'autres mots qu'il y a mésentente même au niveau du comité paritaire, tant et aussi longtemps que la question n'aura pas été tranchée par l'inspecteur d'abord et, s'il y a appel, par la commission, ce travailleur-là ne pourrait pas être accusé d'avoir refusé de mauvaise foi d'accomplir un travail. Si on n'a pas cela dans la loi, ce sera encore une belle disposition théorique.

Evidemment, en Ontario, on a ajouté au mot "danger", le mot "immédiat". "Danger immédiat", M. Dufour est revenu là-dessus, ce matin. Quand nous le rencontrons en privé, évidemment, nous avons des discussions beaucoup plus intéressantes que quand nous nous rencontrons publiquement. Nous tenons à peu près toujours le même langage, nous.

De toute façon "danger immédiat" ne peut pas s'appliquer dans le cas de tous les travailleurs qui travaillent avec des produits qui peuvent mettre leur vie en danger. Cela peut peut-être s'appliquer quelquefois dans le cas d'un accident du travail ou d'une situation d'accident du travail. Dans le cas d'une maladie professionnelle, ce n'est jamais un danger immédiat. C'est un empoisonnement graduel. Les mineurs de l'amiante, c'est au bout de quinze ou vingt ans qu'on a découvert qu'ils étaient devenus des amiantosés. Est-ce qu'on peut dire que c'est immédiat? Quand

le gars commence, ce n'est jamais immédiat. N'empêche qu'en Ontario, ils ont cette disposition et cela aide énormément.

Ce que nous vous suggérons — j'espère que le gouvernement va prendre cela en bonne considération — c'est le droit de refuser de travailler, même si nous ne voulons jamais nous servir de cela pour abuser de la situation. Soit dit en passant là-dessus, nous prenons cela fort au sérieux. Jamais nous ne laisserons des syndicats chez nous abuser de cette loi sans les critiquer vertement, publiquement parce qu'on ne veut pas mettre en danger ce qu'on peut obtenir dans la loi pour tous les autres travailleurs. C'est trop important. On n'a pas le droit de jouer avec la vie et la santé des travailleurs. Pour que cette partie de la loi veuille vraiment dire quelque chose, il faut que le travailleur se sente supporté et il faut qu'il se sente à l'abri des récriminations qui peuvent lui tomber sur la tête parce qu'il aurait refusé.

M. Dufour, ce matin, vous disait: La patronat devrait avoir le droit de remplacer un travailleur qui refuse par un autre, pourvu qu'on l'avise qu'un tel travailleur a refusé. Imaginez-vous que l'autre gars arrive, fait la "job" et n'a pas d'accident. Tout de suite, il y aura une présomption de mauvaise foi contre le travailleur qui, lui, a refusé parce que l'autre gars a été assez chanceux de s'en tirer sans qu'il lui arrive d'accident. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de danger. Cela veut dire qu'il s'en est tiré sans accident. Il a été chanceux, mais cela arrive trop souvent sur tous les chantiers du Québec, dans nos mines, dans nos usines de pétrochimie. Même le gouvernement a parlé du massacre. A la FTQ, nous parlons du massacre depuis des années. On ne peut plus prendre ce genre de risque.

Tout en voulant nous assurer qu'il n'y a pas des arrêts frivoles, si le représentant syndical, qui, lui, sera mieux formé généralement parlant que le travailleur parce qu'on a l'intention de lui donner des cours sur la santé et la sécurité, sur l'application de la loi et sur tout le reste, est d'accord avec le travailleur que l'occupation présente un danger et qu'il est d'accord avec le travailleur pour qu'il refuse, le travailleur ne devrait pas pouvoir être condamné pour avoir refusé. Evidemment, une fois que la commission a tranché la question, si le travailleur continuait de refuser, à ce moment, nous sommes d'accord pour que ce qui est prévu dans le projet de loi 17 soit mis en application et qu'ultimement parlant un arbitre puisse décider que le travailleur a continué de refuser de mauvaise foi. Mais, tant et aussi longtemps que la commission n'aurait pas tranché, le travailleur devrait être à l'épreuve des poursuites du patronat. C'est ce que nous voulons dire par le statu quo ante.

M. Boudreault: M. le Président, je voudrais passer au chapitre du projet de loi qui traite des obligations du travailleur. Malgré qu'on reconnaît qu'il y a une nette amélioration à partir du livre blanc, la FTQ prétend que, dans sa rédaction actuelle, l'article 38 du projet de loi propose aux travailleurs des obligations qui sont tatillonnes et des obligations qui sont soit du ressort de l'employeur, soit du ressort de la collectivité syndicale. Au chapitre 79 de notre mémoire, nous proposons une nouvelle formulation pour cet article 38.

En ce qui concerne les obligations générales de l'employeur, au paragraphe 81, nous soumettons que le temps consacré par le travailleur pour les examens périodiques ou de dépistage doit être considéré comme du temps travaillé. Ce n'est pas suffisant de dire que cela va être rémunéré. Au paragraphe 82, nous soumettons que c'est l'employeur et non pas le fournisseur qui doit avoir l'obligation de fournir un matériel sécuritaire et d'assurer son maintien en bon état. C'est l'employeur qui est responsable dans son établissement. (16 h 30)

Au paragraphe 83, nous proposons que soit inscrite dans la loi l'obligation de nommer, au comité de santé et de sécurité, des représentants investis de pouvoirs décisionnels et de mettre, à la disposition des membres représentant les travailleurs sur les comités de santé et de sécurité, les locaux et le personnel clérical nécessaire à l'accomplissement de leur fonction. On y croit ou on n'y croit pas, à la participation, et ça, c'est la condition essentielle de la participation. C'est une des conditions essentielles.

Au paragraphe 84 de notre mémoire, nous soumettons qu'il faut amender l'article 41, de façon que le registre, qui doit être tenu par l'employeur, soit mis à la disposition de l'inspecteur et aussi des membres du comité de santé et de sécurité.

Au paragraphe 85, nous soumettons que la loi doit établir clairement le droit de la commission de refuser des plans et devis — actuellement, c'est simplement de les remettre — soumis par l'employeur et d'exiger qu'ils soient corrigés en fonction des barèmes établis.

En ce qui concerne l'obligation créée à l'employeur d'établir un programme de prévention, la FTQ est heureuse de voir une telle disposition dans le projet de loi et elle est particulièrement heureuse que le projet de loi spécifie, à l'article 48, qu'un programme de prévention a pour objectif d'éliminer, à la source même, les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

Au paragraphe 88 de notre mémoire, nous nous opposons à ce que les programmes de formation des travailleurs — ça, d'après nous, c'est extrêmement important — en matière de santé et de sécurité soient la responsabilité de l'employeur, sauf en ce qui a trait à l'information et à l'entraînement nécessaires pour qu'il puisse accomplir son travail de façon sécuritaire. A ce sujet, M. le Président, nous voulons vous soumettre quelque chose qui n'apparaissait pas dans notre mémoire. C'est le problème particulier posé par les travailleurs immigrants.

Nous désirons insister ici sur un point que nous considérons d'une importance primordiale, à un point tel que nous avons tenu en 1979 — on

a marqué 1978 ici, mais c'est au mois d'avril 1979 — un colloque de deux jours sur le sujet des travailleurs immigrants. Il s'agit là du problème particulier posé par la présence, sur les lieux de travail, d'un nombre de plus en plus important — le Québec, je pense, doit être félicité à ce sujet — de travailleurs immigrants.

Nous croyons que le gouvernement, dans la ligne de ses énoncés de politique concernant les travailleurs immigrants, doit introduire, dans le présent projet de loi, des dispositions particulières les concernant et nous soumettons qu'il serait primordial, dans ce deuxième alinéa de l'article 48 où il est question d'information, de formation et d'entraînement du travailleur, quant à la façon sécuritaire d'accomplir un travail, qu'on introduise des dispositions obligeant l'employeur à déployer des efforts particuliers dans le cas des travailleurs immigrants qui, souvent, se voient confier un travail avec lequel ils n'ont jamais eu l'occasion de se familiariser et qui, par la force des circonstances, font face, pour un certain temps, du moins, à des problèmes de communication avec leur entourage.

L'obligation à cet effet doit être imposée à l'employeur; que l'employeur puisse compter sur l'appui et l'expertise de la commission, nous sommes complètement d'accord, mais c'est sur l'employeur que doit reposer la responsabilité spécifique.

M. Laberge (Louis): M. le Président, je ne pense pas avoir tellement besoin d'insister sur le chapitre concernant les travailleurs immigrants. Je pense que tous les membres de la commission savent pas mal ce qui se passe dans trop d'entreprises malheureusement, alors qu'on brandit toujours devant le Néo-Québécois la menace de lui retirer son permis de séjour, de le retourner. Le travailleur immigrant, en plus d'avoir, très souvent, des difficultés de compréhension par rapport à la langue, a toujours cette menace qui lui pend au bout du nez. Cela, c'est d'une importance capitale et, pour un gouvernement qui est soucieux du bien-être de toute la population, c'est un domaine qu'il ne peut négliger.

Quant au programme de prévention, nous sommes prêts à collaborer avec le mouvement patronal. En fait, tout au long de notre mémoire, vous allez retrouver que nous appuyons le projet de loi no 17 dans la formation de comités paritaires, dans les associations sectorielles, dans la commission paritaire, dans tout ça. Sauf qu'au point de vue de la formation de nos représentants syndicaux, nous insistons pour que ce soit les centrales syndicales qui aient cette responsabilité.

L'employeur doit pouvoir informer le travailleur de la façon dont il doit essayer d'accomplir ses fonctions de la manière la plus sécuritaire possible, bien sûr, les détails techniques, la formation technique. La formation sur la santé et la sécurité, la sensibilisation des travailleurs, nous insistons, cela doit relever des centrales syndicales. Chez nous, nous avons déjà commencé, nous avons un responsable à la réparation des acci- dents du travail depuis 1965, nous avons maintenant, à la FTQ, deux responsables à plein temps, depuis déjà quelques années, et sur tout le domaine de la santé et de la sécurité. Plusieurs syndicats, chez nous, ont des responsables à plein temps dans ce domaine, le Syndicat des métallos, le Syndicat canadien de la fonction publique, dans la construction, l'automobile; enfin, quand on commence à les nommer, l'odieux c'est qu'on en oublie toujours trop. Il y a énormément de gens, chez nous, qui se préoccupent de ce domaine.

La Commission des accidents du travail peut vous dire qu'on a bénéficié, autant que la commission nous l'a permis, du programme nous permettant de former des "formateurs" à la FTQ, pour sensibiliser non seulement des représentants syndicaux, mais des travailleurs. Des milliers de travailleurs ont déjà suivi des cours dans les syndicats affiliés à la FTQ; nous avons la farouche détermination de continuer, nous voulons que vous sachiez que nous croyons que cela nous revient de plein droit.

M. Boudreault: Malgré l'AECQ, malgré la requête en injonction. On doit dire qu'on est reconnaissant à la nouvelle politique de la Commission des accidents du travail, qui finance la formation en santé et en sécurité dans le domaine de la formation de "formateurs", surtout, dans le domaine de la santé et de la sécurité.

M. le Président, en ce qui concerne — cela aussi, c'est un ajout à notre mémoire — les travailleurs handicapés, récemment, il y avait un symposium sur le sujet où un ministre s'est exprimé, où le président de la Commission des accidents du travail s'est exprimé. On pense que la loi devrait faire la jonction avec la loi 9 sur les travailleurs handicapés. En matière de santé et de sécurité au travail, des obligations particulières devraient incomber aux employeurs. Il y a une commission là-dessus, il y a des ressources pour cette catégorie de travailleurs avec, bien sûr, la possibilité d'une assistance technique ou financière de la part de la commission qui a été formée à cet effet. Il n'est pas question de vouloir catégoriser les travailleurs handicapés; bien au contraire, la FTQ prétend qu'une formation et un entraînement adéquats, avec certaines dispositions, le cas échéant, qui pourraient être prises, auraient plutôt pour effet d'ouvrir aux travailleurs handicapés certaines tâches qui, autrement, leur seraient fermées.

En ce qui concerne les accidents — c'est une des dispositions du projet de loi no 17 — nous sommes heureux de l'introduction d'un tel article 51 dans un projet de loi; cela n'existait aucunement avant, sauf dans le règlement 3787; dans la loi, cela n'existait pas. La seule objection que nous avons formulée dans notre mémoire au niveau de l'exception de l'interdiction de déplacer des choses pour éviter des dégâts, des dommages matériels ou économiques importants, nous soumettons que ceci ne doit pas inclure un arrêt de production ou des activités, sans quoi une telle interdiction ne veut plus rien dire.

Une autre objection que nous pourrions formuler ici, c'est qu'on devrait introduire aussi le cas d'un accident qui aurait pu causer des blessures graves. Là-dessus, on pourrait vous raconter des choses qu'on a vécues au niveau des enquêtes du coroner ou des choses qui se sont passées deux fois, trois fois, et, la quatrième fois, quelqu'un est mort.

Enfin, le délai de 24 heures pour aviser l'inspecteur dans le cas d'un accident d'une telle gravité nous semble excessif. Dans le cas de l'avis écrit, c'est acceptable, mais pour l'avis expéditif, nous pensons que le projet de loi devrait reprendre la formulation de l'arrêté en conseil 3787 et que la communication devrait être faite par le moyen de communication le plus rapide.

M. Laberge (Louis): Là-dessus, M. le Prési-sent, si vous le permettez, encore une fois, s'il s'agit d'aggraver l'accident, bien sûr, il faut prendre les mesures nécessaires. Par exemple, le mât d'une grande grue touche à des fils de haute tension, il y a un accident qui peut être mortel, il est bien évident que tu ne laisses pas le mât de la grue après le fil au cas où d'autres se feraient électrocuter, évidemment. Mais, trop souvent, on a joué avec cela.

On a déjà vu, par exemple, un mât qui n'était pas apte à fonctionner; il y a eu un accident mortel et on a retrouvé le mât dans le fleuve. Avant qu'on fasse venir d'autres grues pour le sortir de l'eau, pourrais-je vous dire qu'il y avait assez de rouille au mât qu'il était difficile de déceler les fentes qu'il y avait dans le mât avant que l'accident n'arrive? C'est ce genre de chose qui est inacceptable. Encore une fois on comprend qu'il peut y avoir des circonstances où, encore une fois pour ne pas aggraver la situation, on se doit de déplacer des choses, mais c'est seulement dans ces cas-là qu'on devrait pouvoir le faire. Autrement, il faut que l'inspecteur puisse voir de visu les conditions exactes dans lesquelles l'accident s'est produit.

M. Boudreault: En ce qui concerne le fournisseur dont il est traité dans le projet de loi à partir des articles 52 et suivants, nous trouvons que l'esprit de l'article 53 est excellent, mais l'expression "sauf à des fins de recherche" risque de constituer une échappatoire dangereuse parce que des fins de recherche, ça peut se produire dans le processus de la production. Nous proposons certaines modifications pour parer à cette éventualité — vous les retrouvez dans notre mémoire — au paragraphe 91 de notre mémoire; nous insistons aussi sur la nécessité d'avoir dans la loi elle-même — cela est extrêmement important à notre avis — une définition plus explicite des termes comme "contaminant ou une matière dangereuse".

Le projet de loi prévoit que ce sera fait par règlement, mais il peut y avoir des contaminants et des matières dangereuses qui existent et s'il faut attendre que ce soit défini par règlement, il y a des gens qui vont s'empoisonner au travail.

Nous disons que ce n'est pas suffisant que cette définition ne soit qu'un pouvoir de régle- mentation de la commission, la définition générale doit être établie par le législateur. Un sujet qui n'est pas traité, ou très peu, dans le projet de loi, c'est l'étiquetage des produits. Nous avons de la difficulté à comprendre la sollicitude du législateur à l'article 55 pour les secrets de fabrication. Il y a des choses plus importantes que des secrets de fabrication, par exemple, la vie et la santé des travailleurs et aussi la vie et la santé des utilisateurs. De toute façon, les secrets de fabrication, à notre époque moderne, sont devenus des secrets de polichinelle.

Au paragraphe 96 de notre mémoire, nous proposons donc un amendement qui obligerait le fournisseur à indiquer sur l'étiquette de son produit, la composition de ce produit, au moins par ordre d'importance quantitative des ingrédients qu'il contient et s'il s'agit d'une matière dangereuse, à sa connaissance, la façon de l'utiliser, les dangers de son utilisation et les mesures à prendre en cas d'urgence.

M. Laberge (Louis): M. le Président, je pense bien qu'on n'a pas tellement besoin d'expliciter ce point. Vous savez tous, j'en suis convaincu, que notre médecine industrielle n'est pas tellement avancée, qu'on puisse par règlement déterminer tous les contaminants, tous les produits dangereux. Nous n'avons fait, à ce jour, qu'égratigner quelque peu la surface. D'après les statistiques — nous les avons eues du gouvernement, donc, vous devez les avoir, je suppose — il y a quelque 700 à 800 nouveaux produits qui, chaque année, nous arrivent sur le marché et qui servent à la production de biens et de choses. Ai-je besoin de vous dire que parmi les 700 ou 800 nouveaux produits qui nous arrivent, personne n'en connaît le danger? Tout le monde sait que deux portions tenues séparément ne présentent pas de danger et que, mélangées, elles présentent des dangers. D'ailleurs on a découvert ça quand, de façon très humanitaire, on a fabriqué la première bombe atomique qui a rendu énormément service évidemment. On est plus prolifique pour trouver les engins de destruction que les engins de protection. De toute façon, je pense que vous allez vous rendre à l'évidence, il ne faut pas que seuls les produits mentionnés dans un règlement soient déclarés contaminants. Il faut, quant à tous les produits dangereux, à tous les contaminants, que l'imposition de la responsabilité sur l'employeur soit là. Si lui, l'employeur, fait venir de nouveaux produits, c'est à lui de prendre les dispositions nécessaires pour savoir de quoi sont faits ces produits-là et de s'assurer que les travailleurs qui auront à les manipuler savent exactement de quoi il s'agit. (16 h 45)

M. Boudreault: M. le Président, au sujet des comités de santé et de sécurité sur les lieux de travail, dès le début de ce chapitre, dans notre mémoire, au paragraphe 97, la FTQ a tenu à réaffirmer sa position en faveur des comités conjoints de santé et de sécurité sur les lieux de travail. C'est là la position constante adoptée par les délégués à nos nombreux congrès et colloques

depuis au-delà de 25 ans. Je voudrais simplement vous dire qu'on n'a pas changé l'idée depuis un an et demi. Peut-être que, dans un an et demi, on changera d'idée, mais on n'a pas changé d'idée l'année passée là-dessus. C'est la position de tous les mouvements ouvriers dans tous les pays libres du monde, à notre connaissance.

Evidemment, il faut dire que notre approbation n'est pas inconditionnelle, parce qu'on considère que ces comités sont un instrument. Nous proposons certaines modifications aux modalités proposées par le projet de loi. Premièrement, il doit y avoir la possibilité d'un comité distinct pour chacune des unités de négociation. La loi ne doit pas unir arbitrairement ce que le Code du travail a séparé. Il doit y avoir la possibilité de plusieurs comités au sein d'une grande unité de négociation. Je veux dire qu'à la ville de Montréal, c'est sûr qu'on ne peut pas avoir seulement un comité là-dedans, comité d'usine, comité de secteur.

Les membres du comité représentant l'une ou l'autre des parties doivent pouvoir requérir l'expertise de l'extérieur selon les besoins; pas se faire imposer une expertise, mais pouvoir la requérir. L'obligation d'une réunion au moins tous les trois mois est nettement insuffisante. Peut-être que c'est bon à la caisse populaire Saint-Alphonse d'Youville — c'est un exemple qui a été soulevé — sauf que la loi doit prévoir une graduation selon les secteurs ou bien la loi doit prévoir que le comité se réunisse sur demande de l'une ou l'autre des parties. Le temps consacré par les représentants des travailleurs aux travaux et réunions de comité doit être considéré comme du temps travaillé à toutes fins que de droit. Ce n'est pas clair dans le projet de loi.

On doit laisser au comité la fonction de visiter les lieux de travail. On a été un peu surpris de voir que cette fonction avait été enlevée au comité ou, du moins, n'était pas mentionnée et que cela avait été donné exclusivement aux représentants à la prévention, dont on parlera tout à l'heure. Ce sont des conditions essentielles. Il y en a d'autres qui vont venir dont on traitera un peu plus tard au niveau des pouvoirs des comités.

Aux paragraphes 104 à 111 de notre mémoire, nous proposons certaines modifications aux fonctions du comité énumérées à l'article 63 du projet de loi, de façon à faire de ce comité un instrument efficace de prévention. Nous insistons, aux paragraphes 112 et 113, pour que les décisions du comité sur les sujets importants soient exécutoires. S'il y a litige, il appartient à la commission de trancher en fonction de la loi et en fonction des règlements. Autrement, nous serons toujours face à des conflits qui ne pourront se régler autrement que par l'affrontement. Dans ce domaine comme dans d'autres, c'est par un processus ordonné pour le règlement des désaccords qu'on pourra assumer un fonctionnement rationnel et efficace.

Au paragraphe 114, nous proposons une modification mineure visant à ce que tous les travailleurs soient bien informés de l'identité des membres du ou des comités de santé et de sécurité.

L'obligation de porter des moyens et équipements de protection individuelle. Le simple fait que le projet de loi, contrairement au livre blanc, soit tout à fait silencieux sur l'obligation pour le travailleur de porter des moyens et équipements de protection individuelle a pour effet de laisser cette décision à l'arbitraire de l'employeur, ne laissant au comité que la fonction de choisir ces équipements et ces moyens de protection individuelle. Dans le passé, les travailleurs ont eu trop souvent à subir les abus de ce pouvoir arbitraire de l'employeur, ce qui, dans bien des cas, a été la source d'un phénomène de rejet, parfois injustifié de leur part, envers les moyens et équipements de protection individuelle.

Au paragraphe 105 de notre mémoire, nous proposons la formule suivante: En ce qui a trait à l'obligation de porter des moyens et équipements de protection individuelle, s'il y a désaccord au sein du comité, c'est la position des membres du comité qui représentent les travailleurs qui prévaut, jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit émise par la commission en vertu de l'article 64.

M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous me permettez, là-dessus, quelqu'un de la délégation patronale disait ce matin: La santé, la prévention des accidents, c'est encore plus un état d'esprit que de la législation; nous sommes d'accord avec ça. C'est vrai que c'est un état d'esprit, c'est un état d'esprit qui va se créer par l'information ouverte, par la sensibilisation, par des droits clairement reconnus, par des représentants des travailleurs dûment nommés par eux pour les représenter aux différents niveaux, aux comités d'usines, d'entreprises, aux comités d'associations sectorielles, à la grande commission, partout.

On a malheureusement vu dans le passé certains cas. Dans un département d'hôpital, par exemple, quatre, cinq ou six travailleurs avaient affaire à travailler journalièrement avec des bactéries; on les obligeait à porter un certain équipement, mais on n'obligeait pas seulement les travailleurs directement concernés, on obligeait tout le département.

Evidemment, ce phénomène de rejet est quelque chose d'actualité; on a, si vous me permettez l'expression, un peu écoeuré les travailleurs; en d'autres mots, la première chose qu'on faisait: il fallait que tout le monde porte les bottines de sécurité. Ai-je besoin de vous rappeler que, dans les premiers temps, les souliers de sécurité n'étaient pas confortables? Je le sais, j'ai eu à en porter dans l'usine. Il y avait des gens qui n'avaient pas besoin de porter ces chaussures, mais on obligeait tout le monde. Ce phénomène de rejet est extrêmement important, si on parle de créer un nouvel état d'esprit sur la santé et la sécurité. Cela est d'une importance capitale. Souvent les représentants des travailleurs ne croient pas à la première suggestion qui est faite par un employeur pour se protéger de certains dangers; très souvent c'est parce que c'est la solution la plus économique. Par exemple, dans un département où il y a des gaz, on pense tout de suite à

leur acheter un masque à gaz, plutôt que d'améliorer le système de ventilation. Evidemment, ça coûte moins cher d'acheter des masques que de changer le système de ventilation. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont déjà eu l'occasion de travailler avec des masques toute la journée quand il fait 85° ou 90° dehors et que, dans un atelier de peinture, par exemple, il peut faire 125° ou 130°; être obligé de porter le masque, ai-je besoin de vous dire que j'ai déjà connu quelque chose de plus confortable?

Encore une fois, si on veut changer l'esprit — je pense que c'est un des buts du projet de loi no 17 — de tout le monde là-dessus, il faut que les travailleurs se sentent protégés, il faut que les travailleurs sachent que leurs représentants ont étudié le pour et le contre, regardé la situation, analysé ce que ça coûterait de faire disparaître le danger à la source, où c'est possible de le faire. Quand on en arrive à une recommandation de certains équipements, si leurs représentants sont d'accord, très bien. Mais, si leurs représentants sont en désaccord, l'employeur ne devrait pas pouvoir forcer ces travailleurs à porter ces équipements, tant et aussi longtemps que la commission n'en n'aura pas décidé.

Là on aura l'occasion de se présenter devant la commission, de faire valoir notre point de vue, les employeurs auront le même droit, le même privilège et, à un moment donné, quelqu'un va décider. On ne peut pas continuellement être en épreuve de force. D'ailleurs, il y en a qui disent que le projet de loi est un recul, que ça enlève des choses aux travailleurs, que les travailleurs devraient toujours avoir le droit, dans une épreuve de force, de protéger la vie et la santé des travailleurs. C'est trop important pour laisser ça aux seuls groupes qui sont assez bien organisés pour pouvoir faire ce genre d'épreuve de force. On a des groupes, je puis vous le dire, à la FTQ, on a des syndicats qui ont probablement fait le plus de grèves sur la question de la santé et de la sécurité. Je ne connais pas encore une grève où on ait obtenu tout ce qu'on pensait devoir obtenir au point de vue santé et sécurité. A un moment donné il y a des limites à une grève; il y a des gars qui ont fait des grèves de sept ou huit mois et finalement ils ont accepté des compromis.

Pourrais-je vous dire que ce n'est pas tout le monde, chez nous à la FTQ, qui est toujours dans une position de se rendre au bout dans une épreuve de force pour protéger la vie et la santé des travailleurs? Cela va quand même assez bien quand c'est à peu près tout le monde qui est affecté. Là, tout le monde se sent visé, mais quand c'est un ou deux travailleurs, surtout si le groupe vient de sortir d'une grève de quelques mois, ce n'est pas vrai qu'il sera prêt à ressortir en grève dans une épreuve de force pour protéger la vie et la santé d'un ou deux travailleurs. Ceux qui tiennent ce genre de langage, M. le Président, ce sont des gens qui n'ont pas encore assez vécu pour savoir vraiment ce qui se passe ou ceux qui font de la démagogie. Nous avons vécu ce genre de problème, nous le vivons continuellement. On n'a pas le droit de laisser à la seule épreuve de force la question de la vie, de la santé et de la sécurité des travailleurs. Autrement, il y a des travailleurs qui seraient quand même assez bien protégés, mais la grande majorité des travailleurs ne serait pas protégée du tout. Là, je n'ai pas encore parlé de tous les travailleurs qui ne sont pas syndiqués. Malheureusement, c'est encore la vaste majorité au Québec.

M. Boudreault: M. le Président, pour ce qui concerne le chapitre V du projet de loi qui traite du représentant à la prévention, la FTQ croit que c'est un grand pas, parce que c'est à la mode de parler de grand pas ou de grand saut, à partir du livre blanc.

M. Laberge (Louis): Saut.

M. Boudreault: Saut. La FTQ est particulièrement heureuse de cette innovation du projet de loi que le ministre a qualifié de quelque chose qui tentait de s'approcher du régime suédois. Nous commentons d'ailleurs longuement dans notre mémoire les paragraphes 116 à 124. Nous proposons quelques modifications qui nous apparaissent essentielles, c'est que le représentant à la prévention puisse être désigné par les membres représentant des travailleurs au conseil d'administration d'une association sectorielle ou, à défaut, par la commission pour s'occuper de plusieurs entreprises. C'est le représentant à la prévention multi-entreprises comme cela existe en Suède, sauf qu'en Suède, il représente tout le monde, il y a 94% des travailleurs syndiqués. Il nous semble que ce serait la réponse à beaucoup de questions que la commission s'est posées au sujet des 85% des entreprises québécoises qui comptent quinze travailleurs ou moins, comme c'est mentionné dans le livre blanc. Il nous semble que ce serait une réponse aux travailleurs non syndiqués.

Evidemment, on recommande aussi que ce représentant dans les entreprises syndiquées, structurées, soit nommé par ses pairs, c'est-à-dire que ce n'est pas une campagne électorale. Il faut qu'on aille chercher le meilleur, et les meilleures personnes pour être capables de choisir un gars comme cela, ce sont les gens qui s'occupent normalement de santé et de sécurité.

Pour ce qui concerne le temps que ce représentant doit consacrer à ses fonctions, à la sécurité, j'ai l'impression que le projet de loi ne peut pas laisser cela dans le vague et que s'il n'y a pas entente par négociation, quelqu'un doit trancher. On propose que le projet de loi établisse que c'est la commission qui tranche d'autorité.

Pour ce qui concerne les associations sectorielles, depuis le commencement des travaux de la commission, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les différentes expressions d'opinions qui ont été présentées. En tout cas, on n'a pas vu tellement de positions claires là-dessus.

Pour ce qui concerne la FTQ — notre position date du mois de décembre 1975 — la FTQ croit encore que des associations sectorielles de pré-

vention peuvent être des instruments précieux à l'usage des agents sociaux — on y croit ou on n'y croit pas — pour s'acquitter eux-mêmes, par un mécanisme de concertation librement accepté de part et d'autre — il me semble que c'est difficile d'aller plus loin que cela — de plusieurs des fonctions que le projet de loi confie à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. (17 heures)

C'est bien beau de dire qu'on lui confie trop de pouvoirs, mais il me semble que les parties elles-mêmes pourraient s'acquitter de certaines de ces fonctions. Cependant, nous sommes surpris que le projet de loi ne spécifie pas un des rôles essentiels de telle association sectorielle, celui de recueillir, d'analyser et de diffuser toutes les statistiques disponibles sur les accidents du travail et les maladies professionelles dans ce secteur en particulier, et celui de faire effectuer les recherches qu'elle pourrait juger utiles dans ce secteur.

En ce qui concerne les travailleurs du secteur de la construction, j'ai été très heureux de constater que l'AECQ avait compris que ce serait obligatoire, parce que c'est exactement ce que nous demandons, à la FTQ. Les travailleurs du secteur de la construction, pour leur part, désirent que telle association soit obligatoirement formée dans leur secteur. Pour nous, ce n'était pas clair, mais pour l'AECQ, cela a l'air que c'est comme cela qu'elle a compris cela.

M. Laberge (Louis): M. le Président, vous allez comprendre que les chantiers de construction ont une durée moyenne de cinq à six semaines, que des comités de santé et de sécurité sur ce genre de chantiers, c'est pas mal plus difficile. Pour qu'il y ait vraiment un programme de prévention, de santé, de sécurité, il faut que ce soit par le truchement d'une association sectorielle. Dans ce domaine, il ne devrait pas y avoir d'accord volontaire. S'il n'y a pas d'accord volontaire, cela devrait être imposé. Apparemment, il y aura accord volontaire. L'AECQ semble être d'accord et nous sommes d'accord. Cela fait au moins un point sur lequel nous sommes d'accord avec l'AECQ.

M. Boudreault: En ce qui concerne les associations syndicales et les associations d'employeurs dont il est traité assez brièvement dans le projet de loi, c'est au niveau des montants qui pourraient être disponibles au point de vue de la formation qu'on pense que cela devrait aller plus loin. On pense que cela devrait aller au point de reconnaître ces associations au niveau de leur rôle comme agents sociaux. A ce moment, à notre avis, il est impérieux que la loi définisse quels seront les interlocuteurs valables et représentatifs de la commission pour l'administration de la loi. Au Québec, depuis quelques années, ce que j'ai dit tout à l'heure, les associations syndicales poussent par génération spontanée comme des champignons. Il faut que la loi établisse au moins les critères sur lesquels la commission devra se guider pour reconnaître une association syndicale qui ne peut pas être la même chose qu'une association accréditée.

En ce qui concerne les services de santé au travail, j'aimerais souligner que j'ai été heureux d'entendre au moins deux associations, la Corporation des médecins, représentée par le Dr Augustin Roy, et le Conseil du patronat, dire spécifiquement qu'elles étaient d'accord avec notre suggestion à l'article 151 de notre mémoire, à savoir qu'on devrait avoir une table ronde sur ce sujet parallèlement ou pendant les travaux de la commission.

Le chapitre VIII du projet de loi sur les services de santé au travail est le seul que nous n'avons pas tenté d'analyser article par article, tout simplement parce que nous nous opposons à la philosophie de base qui a guidé sa rédaction et que, dans les circonstances, tenter de l'analyser en détail nous est apparu impossible. Il n'est pas question, dans un projet de loi qui se veut axé sur la participation des parties, que nous puissions accepter que ce soit le médecin ou n'importe quel autre professionnel qui soit établi comme étant le responsable des services de santé.

A notre avis, c'est une erreur de vouloir médicaliser la santé du travail. Nous voudrions bien spécifier que ce n'est pas minimiser l'importance de la médecine du travail de dire qu'il s'agit là d'un sujet beaucoup plus vaste, la santé au travail, qui doit mobiliser plusieurs disciplines, comme en font foi toutes les définitions qu'on peut retrouver, à commencer par celle de l'Organisation internationale du travail conjointement avec l'Organisation mondiale de la santé. Nous sommes d'accord avec un grand nombre des propositions du projet de loi à ce chapitre. Nous faisons état, d'ailleurs, de nos principaux accords aux paragraphes 137 et 138 de notre mémoire.

Il y en a d'autres qui nous apparaissent tout aussi acceptables. C'est sur la philosophie de base que nous ne pouvons pas être d'accord. Dans notre mémoire, aux paragraphes 129 à 150 inclusivement, nous nous sommes donc contentés de rappeler nos positions sur les questions de la santé du travail et de la médecine du travail sans tenter, comme nous venons de le dire, d'analyser chacun des articles de ce chapitre du projet de loi.

Au paragraphe 151, je viens de vous dire qu'on a proposé une table ronde. Le ministre d'Etat au développement social, qui est le parrain du projet de loi, peut parfaitement, au cours des travaux de votre commission, convoquer les représentants attitrés des principaux intervenants sur le sujet à une discussion en table ronde. Chacun ayant déjà exprimé ses positions, il serait peut-être possible d'en arriver à des consensus sur certains points, qu'ils soient ou non proposés dans le projet de loi.

A la suite d'une telle discussion, nous autres, on peut déjà voir des consensus qui pourraient se dessiner, à partir des choses qui se sont dites.

A la suite d'une telle discussion, il appartiendrait évidemment à la commission parlementaire de réétudier l'ensemble du sujet et, éventuellement, bien sûr, au gouvernement de prendre des

positions qu'il défendra devant le Parlement en deuxième et troisième lectures.

Une carence du projet de loi à notre avis, M. le Président, c'est que le gouvernement lui-même oblige un peu tout le monde et ne s'oblige pas lui-même spécifiquement. La FTQ propose que le gouvernement s'engage lui-même dans sa propre loi. Nous proposons d'introduire cette obligation au chapitre traitant de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, mais ces dispositions pourraient tout aussi bien être introduites ailleurs, peut-être même au tout début de la loi. Au paragraphe 153 de notre mémoire, nous proposons d'inscrire une formulation comme celle du Manitoba, mais toute autre formulation dans le même esprit répondrait à nos attentes.

M. le Président, nous traitons de la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans notre mémoire aux paragraphes 155 et 156, de même qu'aux paragraphes 220 à 225.

En ce qui concerne les pouvoirs de la commission qui ont scandalisé tellement de monde, étant donné la position très représentative que nous proposons pour le conseil d'administration de la commission au paragraphe 31 de notre mémoire, nous sommes d'accord avec les fonctions et les pouvoirs de réglementation très étendus qui sont confiés à cette commission par le projet de loi. Nous tenons à dire cependant que si la commission devait être moins représentative, nous aurions de sérieuses réserves, de sorte que nous pouvons dire que notre approbation, dans son aspect global, est conditionnelle à ce que notre proposition au paragraphe 31 soit acceptée à peu près intégralement. Il faut que ce soit représentatif. Sans ça...

En ce qui concerne le fonctionnement — c'est un point qui n'avait pas été soulevé dans notre mémoire — les dispositions ayant trait au quorum de la commission et au vote des membres de la commission nous semblent irréalistes dans le cadre d'une loi qui se veut axée sur la participation des parties.

Dans le cas des comités de santé et de sécurité sur les lieux de travail dans le projet de loi, ce sont les parties qui votent. C'est un vote. C'est du "block voting". Ce ne sont pas les individus. Dans le cas de la commission, des membres qui, en définitive, ne sont que l'expression de la participation des agents sociaux au fonctionnement de la commission, deviennent, d'après le projet de loi, des commissaires et on a l'expérience de ce que c'est, des gens qui deviennent commissaires. Ils se voient investis individuellement, par le jeu du quorum et du vote, de pouvoirs qui doivent appartenir aux parties qu'ils représentent.

Au CCTMO, comme vous le savez très bien, les décisions se prennent par consensus et, à partir de là, c'est le gouvernement qui décide s'il n'y a pas entente. Nous ne voulons pas préconiser nécessairement, pour la commission, la même formule consultative que celle qui prévaut au CCTMO. Il y a sûrement possibilité de trouver une formule autre que celle qui est proposée dans le projet de loi, une fois que des gens sont rendus à la commission, ils se représentent eux-mêmes et ne représentent plus les parties.

Nous tenons à préciser que nous ne parlons que des rôles de la commission en matière de prévention et de réparation des accidents du travail. A notre avis, c'est extrêmement important. Aucune des parties, à notre connaissance, n'a demandé la parité au niveau de l'administration de la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, ou encore de la Loi de l'assurance automobile. Il y aurait lieu, le cas échéant, de réexaminer sérieusement ces deux dernières fonctions qui ont été confiées par le gouvernement à la commission.

En ce qui concerne la formation, qui est un sujet extrêmement important dans notre optique, contrairement au livre blanc, le projet de loi n'insiste pas outre mesure sur ce sujet. Les pouvoirs sont confiés à la commission, mais ce ne sont que des pouvoirs, et non pas une obligation. Nos propositions sur le sujet sont très claires et elles ont été réaffirmées comme suit lors de notre colloque de novembre 1978: malgré que ce soit reproduit en annexe, nous avons pensé nécessaire et utile de redire cette partie à l'occasion de notre présentation devant cette commission. La position de notre colloque de novembre se lit comme suit: "Pour assurer une participation éclairée de la part de l'agent social que constitue le syndicalisme, il ne s'agit pas seulement de former des experts, mais surtout d'assurer des possibilités de formation à des représentants authentiques de la structure syndicale qui demeurent, dans l'exercice de leurs fonctions, responsables à la structure syndicale. "Pour pouvoir remplir efficacement son rôle auprès de ses membres dans le domaine de la formation en santé et sécurité au travail, le mouvement syndical a besoin de ressources financières à partir des fonds publics et il doit aussi avoir accès aux ressources, aux instruments et aux techniques de formation qui sont déjà disponibles dans notre société au niveau des écoles spécialisées, des départements de santé communautaire, des universités, ainsi de suite. "Un programme de formation en santé et sécurité au travail doit permettre au mouvement syndical l'accès à ces ressources et il doit aussi permettre à l'agent social qu'est le syndicalisme de financer un service décent de santé et de sécurité au travail qui puisse disposer d'un minimum d'expertise, de moyens d'information et de possibilités d'encadrement des programmes syndicaux de formation. "La FTQ ne s'oppose pas pour autant à la formation conjointe dans les domaines de nature technique, à la condition que le mouvement syndical participe à l'élaboration du contenu de tels programmes de formation et que les participants syndicaux à tels programmes puissent y prendre part de façon éclairée à partir de programmes de formation dispensés et contrôlés par le mouvement syndical. "Tout cela peut se faire en collaboration, par le moyen d'associations paritaires sectorielles ou autrement, mais à la condition qu'on reconnaisse

clairement et sans équivoque dans la législation le rôle irremplaçable, dans le domaine de la formation en santé et sécurité au travail, de l'agent social que constitue le syndicalisme."

Nous soumettons, M. le Président, que la Loi sur la santé et la sécurité du travail doit être plus explicite sur le sujet et qu'elle doit imposer à la commission des obligations dans ce domaine, et non pas seulement un pouvoir, de même que dans le domaine de la formation et du recyclage, le cas échéant — parce que cela pourrait être nécessaire aussi, et cela l'est très certainement — des professionnels de la santé, y compris les médecins, en matière d'hygiène et de sécurité du travail, et aussi de médecine du travail.

M. Laberge (Louis): Si vous le permettez, M. le Président, on en a parlé un peu tantôt, mais, encore une fois, nous revenons sur ce point parce qu'il revêt une importance capitale pour nous. En plus de la demande expresse que nous faisons que le projet de loi contienne une obligation vis-à-vis de la commission de faire faire de la formation, qu'il reconnaisse que les centrales syndicales doivent avoir la responsabilité de la formation de leurs représentants, il y a une autre chose qui nous chicote énormément. Le plus vite ce point sera éclairci, le mieux ce sera pour tout le monde. (17 h 15)

II y a déjà des universités qui ont mis sur pied des programmes de formation de techniciens en prévention, en sécurité et en santé. La durée de ces cours va de quatre ou cinq semaines à trois ans. Je pense bien ne pas avoir besoin d'insister davantage pour vous faire remarquer toute la drôlerie de ce programme. On ne peut pas, en quatre ou cinq semaines, former un technicien avec les mêmes connaissances, les mêmes compétences qu'en trois ans. Il y a un danger là-dedans. Tantôt, on va s'enfarger dans des diplômés techniciens qui, dans certains cas, n'auront vraiment pas reçu une formation qui devrait les faire reconnaître comme techniciens. Alors ça c'est un domaine, probablement que la commission serait l'organisme qui devrait au moins déterminer un certain minimum dans les programmes de formation, mais, encore une fois, nous insistons sur le rôle que le mouvement syndical devrait jouer pour la formation des représentants syndicaux

M. Boudreault: M. le Président, en ce qui concerne le projet de loi, le sujet de la réglementation a été discuté abondamment par des intervenants précédents. Le patronat a relevé 50 articles du projet de loi où il était question de règlements qui seraient essentiels. Nous en avons relevé 80. Je ne sais pas s'ils comptent moins vite que nous ou si c'est nous qui nous trompons, mais il y en a certainement plusieurs. On n'a pas l'intention d'insister tellement. Nous y croyons à la participation, et le plus tôt possible; on pense même que cela aurait dû se faire avant l'adoption du projet de loi. Il y a des gens qui travaillent à cela, on pense qu'on aurait dû impliquer les parties. Il y a certaines des parties et des instances paragouver-nementales qui attendent que le projet de loi soit accepté pour vraiment croire à la participation. Aussitôt que possible après l'adoption du projet de loi, il faudrait absolument faire intervenir les parties pour vraiment regarder les règlements qui sont essentiels. Il y a des règlements essentiels au fonctionnement même du projet de loi et il faudrait que cela se fasse le plus tôt possible et en participation, parce que nous y croyons et on croit que le gouvernement y croit aussi quand on lit le livre blanc et le projet de loi.

En ce qui concerne l'inspection, c'est un sujet "hot" pour dire le moins. En ce qui concerne la FTQ, nous réitérons notre position que les services d'inspection unifiés doivent relever de la Commission de la santé et de la sécurité au travail et on pense que ça devrait être dit d'une façon extrêmement claire dans la loi.

Evidemment, l'unification — et cela a été dit par le ministre à plusieurs reprises — ça ne doit pas exclure la spécialisation au niveau de certains secteurs, ni la possibilité qu'un secteur en particulier puisse relever d'un autre organisme s'il y a de bonnes raisons pour ce faire. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous discuterons du secteur de la construction.

Nous n'avons pas parlé dans notre mémoire du nombre d'inspecteurs. Nous tenons pour acquis que l'unification sous une même autorité évitera aux divers services de se marcher sur les pieds comme le soulignait le livre blanc et qu'ainsi les énergies disponibles seront mieux utilisées. Ce sera déjà un commencement. Nous avons dénoncé ce que nous avons qualifié d'insuffisance scandaleuse au niveau des services de la protection de l'environnement du travail, 28 pour tout le Québec, M. le Président, mais ça ne veut pas nécessairement dire que nous sommes satisfaits du nombre d'inspecteurs présentement en fonction et nous espérons que l'article 134 du projet de loi veut bien dire que le nombre d'inspecteurs, au grand total, sera vraiment en fonction de l'application de la présente loi dans toutes ses implications.

M. le Président, notre mémoire consacre 22 pages, 60 paragraphes au secteur particulier de la construction, qui est particulier à plusieurs égards, non seulement au niveau santé et sécurité au travail, mais au niveau du nombre de lois qui l'ont affecté — d'après plusieurs définitions dernièrement.

C'est un sujet qui nous préoccupe — on parle de santé et de sécurité au travail — au plus haut point, et avec raison. Les statistiques que nous avons citées au début de notre mémoire ainsi qu'au paragraphe 170 décrivent bien le massacre qui se perpétue dans ce secteur. Nous aurions pu en citer d'autres qui sont d'ailleurs bien connues. Nous n'avons pas l'intention, au cours de cette brève présentation, de tenter de résumer tout ce que nous avons dit dans notre mémoire sur le sujet.

Ce chapitre de notre mémoire, nous pensons qu'il mérite une lecture intégrale et attentive de la

part des membres de votre commission. Les remarques et propositions que nous y faisons viennent du milieu lui-même et elles sont le fruit d'une étude et d'un examen très sérieux de la situation. Nous nous contenterons de souligner un point — il y en a plusieurs autres — que nous jugeons essentiel, celui du délégué de chantier.

M. Laberge (Louis): Si vous permettez, M. le Président, avant de passer à cette question cruciale, je pense qu'il est à propos de parler du mémoire qu'a présenté la ville de Montréal, puisque nous parlons du secteur de la construction, qui est le secteur où on retrouve le plus d'accidents. En fait, tout le monde est d'accord pour dire que dans ce secteur, les travailleurs sont vraiment malmenés. La ville de Montréal se dit un des plus importants employeurs, c'est vrai. Par contre, nous avons des syndicats qui représentent ces travailleurs à la ville de Montréal qu'on peut qualifier parmi nos plus importants syndicats. Il y en a un, le Syndicat des cols blancs, qui est venu vous présenter un mémoire. Il s'est dit d'accord avec celui de la FTQ, mais a voulu préciser certains points. Le local 301 du Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente les quelque 8000 cols bleus, quelque 6000 permanents et 2000 autres, est d'accord aussi avec le mémoire de la FTQ et ne veut pas laisser passer sous silence la présentation qu'a faite la ville de Montréal.

La ville de Montréal a affirmé qu'elle a déjà des comités locaux de santé et de sécurité paritaires qui fonctionnent depuis de nombreuses années, sauf qu'elle a oublié de mentionner qu'à maintes reprises les inspecteurs du ministère du Travail, à la suite de plaintes formulées par le local 301, doivent régulièrement intervenir et la menacer pour que ces comités se réunissent. C'est une situation de fait.

Seulement pour vous donner deux ou trois chiffres, en 1978, n'oubliez pas que pour à peu près 6000 travailleurs permanents, il y a eu 4109 accidents du travail. Il y a eu 2755 accidents compensables. Il y a eu 1354 accidents qui ont nécessité certains soins, mais sans perte de temps. Quand la ville de Montréal dit que le gouvernement ne devrait pas se mêler de ça, qu'on a déjà des comités qui fonctionnent, c'est un peu comme dans la construction et c'est pour ça que j'ai voulu en parler à ce moment-ci. Si ça fonctionnait si bien que ça, ni l'un ni l'autre ne serait à la tête de la liste du championnat d'accidents graves et mortels. On n'insistera jamais trop là-dessus. Il faut que dans l'industrie de la construction, à la ville de Montréal à l'Hydro-Québec, dans les hôpitaux psychiatriquese. entre autres... On parlait tantôt des dangers inhérents aux fonctions. Ai-je besoin de vous dire que le responsable, dans un hôpital psychiatrique, qui a affaire à une aile où il y a des détenus assez costauds, est en danger constant, c'est bien évident. Sauf que lorsqu'un de ces malades a une crise particulière et qu'il est accompagné de onze, douze ou quinze autres, ai-je besoin de vous dire que le garde-malade qui est envoyé là-dedans pour essayer de rétablir l'ordre fait face à des dangers qui ne sont pas tout à fait normaux. C'est ce genre de choses dont on veut parler. C'est vraiment capital. La ville de Montréal a dit qu'elle n'avait pas d'argent pour défrayer les dépenses de tous ces comités, mais si elle économise sur les amendes qu'elle a dû payer, sur sa contribution à la Commission des accidents du travail par rapport au pourcentage élevé d'accidents, elle trouvera en masse de l'argent pour payer pour le temps perdu, si on peut appeler ça du temps perdu, le temps pris par les membres pour siéger au comités.

Encore une fois, nous croyons — nous n'avons jamais trouvé ça dans le budget de la ville — que la contribution de la ville a augmenté d'environ $4 millions en 1978, justement parce que le taux d'accidents est trop fréquent.

Pourrais-je vous dire que dans les $4 millions, il y a amplement d'argent pour payer tous les représentants qui vont siéger à tous les comités que va nécessiter l'application de la loi 17 à la ville de Montréal.

M. Boudreault: M. le Président, comme je l'ai annoncé tout à l'heure, je voudrais parler seulement de la question du délégué de chantier; il y a beaucoup d'autres points qui sont soulevés dans ce chapitre de notre mémoire, mais la raison pour laquelle on a choisi de vous parler seulement du délégué de chantier, c'est parce que, sans un délégué de chantier avec une marge de manoeuvre suffisante et jouissant des droits normaux qui sont reconnus, par exemple, au représentant à la prévention, au chapitre V du projet de loi, tout ce bel échafaudage, toutes ces belles intentions, toute cette sollicitude exprimée par le projet de loi à l'égard de la santé, de la sécurité et de la sauvegarde de l'intégrité physique du travailleur de la construction, tout ça va demeurer lettre morte.

Il faut que la loi réhabilite le délégué de chantier dans le secteur de la construction, pour qu'il puisse enfin jouir à part entière du statut de représentant attitré des travailleurs de la construction. Pour ça, il faut que cette loi sur la santé et la sécurité du travail abroge toutes les parties, toutes les sections, tous les paragraphes qui ont imposé une camisole de force au délégué de chantier. On ne reviendra pas sur la cause qui pouvait sembler être nécessaire dans ce temps, on n'est pas d'accord non plus là-dessus, mais il faut que ces choses changent. Cela limite tellement les fonctions et ça limite le droit du choix à un point tel que nous ne sommes pas sûrs qu'il ne s'agit pas là d'une violation des droits de la personne. Une limitation qui rend le délégué tellement vulnérable, quant à sa sécurité d'emploi, qu'il est devenu — l'expérience est là pour le prouver — impossible, à toutes fins utiles, de convaincre un travailleur de la construction d'accepter la responsabilité du poste de délégué de chantier et qui rend extrêmement difficile, sinon impossible à ceux qui ont l'héroïsme d'accepter un tel poste, de s'acquitter de leur fonction de façon efficace.

M. le Président, la FTQ construction a fait sa part: formation des délégués; code d'éthique, que nous reproduisons en annexe au mémoire.

On fait encore un autre pas dans la présentation de notre mémoire, au paragraphe 192, nous proposons même de faire des ententes avec tout organisme habilité à partir de l'Association des entrepreneurs en construction en descendant, à savoir de suspendre de ses fonctions, à demeure ou pour toute période appropriée, tout délégué de chantier qui se serait rendu coupable d'un abus grave dans l'exercice de ses fonctions. C'est difficile de faire plus, à part de se mettre à genoux et de prier, M. le Président.

Il est maintenant grand temps que le législateur fasse le nécessaire pour que dans la construction, comme dans tout autre secteur, le syndicalisme, comme agent social, puisse jouer efficacement son rôle dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. L'instrument essentiel dans ce secteur, encore plus, si c'est possible, que dans tout autre secteur, c'est le délégué de chantier.

M. Laberge (Louis): Si vous permettez, M. le Président. Pour nous, c'est là vraiment un des points vitaux de toute notre présentation. La loi 30, une loi d'exception qui a été adoptée il y a quelques années, présume de la culpabilité du délégué de chantier ou de tout travailleur s'il y a un arrêt ou un ralentissement de travail. Or, le projet de loi 17 préconise le droit du travailleur de refuser d'accomplir une fonction dangereuse. (17 h 30)

Comme vous voyez, il y a conflit entre la loi 17 et la loi 30. Evidemment, le gouvernement ne peut absolument pas convaincre qui que ce soit de son intention de faire appliquer la loi si la loi 30 reste dans les statuts. De plus, la loi 30 prévoit que les sept premiers travailleurs à un chantier dans un métier donné pourront s'élire un délégué de chantier. Les chantiers ont une durée de cinq à six semaines. Comment voulez-vous qu'on forme des délégués de chantiers conscients de leurs responsabilités syndicales, conscients du code de sécurité, conscients de l'application de la loi 17, si chaque fois qu'un nouveau chantier ouvre, sept travailleurs ont le droit de s'élire un nouveau membre? C'est une loi, c'est une camisole de force qui n'a pas de sens. Vraiment, on n'insistera jamais assez si le gouvernement...

Il y a des mesures transitoires. On en a déjà parlé au ministre. Il va falloir absolument que les autres lois soient abrogées ou soient amendées afin de permettre que le délégué de chantier dans la construction ait les mêmes pouvoirs que tout autre représentant syndical dans tous les autres endroits, dans toutes les autres usines, dans les mines, dans les bureaux, dans les banques, partout à travers le Québec. Pour qu'on puisse lui donner une formation syndicale, une formation sur la santé, la sécurité et la prévention, il va falloir que le syndicat ait, dans la construction, les mêmes pouvoirs que les syndicats ont dans les autres usines. Autrement, c'est de la foutaise.

M. le Président, on ne peut pas insister trop sur ce sujet-là. Pour nous, c'est vraiment une question vitale. Le gouvernement va voir à amender les lois nécessaires pour que le délégué de chantier comme tous les autres représentants syndicaux dans tous les autres domaines puisse jouer son rôle, ou on sera obligé de croire que le gouvernement n'est pas sérieux quand il dit que vraiment il veut donner un coup de barre sur la santé et la sécurité. Nous présumons que le gouvernement est sérieux. Les positions prises par la FTQ envers et contre vents et marées, oserais-je dire, étaient de supporter l'adoption de la loi 17 et nous sommes convaincus que le gouvernement ne peut pas laisser passer cet accroc majeur. La loi 17 ne voudrait rien dire dans le secteur de la construction si on n'avait pas les délégués de chantiers qui seraient revalorisés dans leur "job". Encore une fois, pour nous, cela revêt une importance capitale.

M. Boudreault: Je pense que c'est assez éloquent, M. le Président, quand l'Association des entrepreneurs en construction admet qu'il n'y a pas eu un seul refus de travail en trois ans dans toute l'industrie de la construction, même si les dispositions du code de sécurité et du décret permettaient qu'il y en ait. Il n'y a personne qui va me faire croire qu'il n'y en aurait pas eu de justifié. Ce n'est pas possible. La raison est simple, on vient de vous la donner, c'est parce que personne ne peut impunément, dans la construction, se prévaloir de n'importe quelle bonne disposition de la loi à l'heure actuelle. C'est aussi simple que cela.

M. Laberge (Louis): Le paragraphe suivant, M. le Président, le 65, traite d'un cas un peu particulier. Ce sont les inspecteurs qui sont employés par l'OCQ, l'OCQ qui est censé être un organisme où les parties sont représentées, c'est-à-dire l'association patronale représentative, les associations syndicales représentatives. Il y a des inspecteurs pour faire respecter le décret, faire respecter le code de sécurité.

Nous avons dit auparavant dans notre mémoire et dans le résumé que nous avons lu, que nous étions d'accord que toute l'inspection soit chapeautée par le grand organisme, c'est-à-dire la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Nous sommes toujours d'accord avec cela. Nous avons dit à ce paragraphe-là — nous en profitons pour le redire — que ceci ne devrait pas empêcher la commission de pouvoir déléguer son pouvoir d'inspection dans ce cas-là à l'Office de la construction, parce qu'autrement, cela veut dire un chambardement épouvantable, cela veut dire des travailleurs qui sont issus de la construction dans la vaste majorité des cas, qui ont des fonctions, qui ont suivi des cours, qui sont déjà bien préparés pour accomplir le travail.

On a eu à se plaindre, bien sûr, du manque de respect vis-à-vis du Code de sécurité. Ce n'est pas, loin de là, nécessairement à cause des inspecteurs, mais parce que les délégués de chantier n'ont aucun pouvoir, pour commencer, et, deuxièmement, parce que les entrepreneurs dans le domaine de la construction voient à leur affaire et les menaces ne prennent pas beaucoup de temps à suivre. D'ailleurs, vous avez vu cela dans les

journaux tout dernièrement. Certains entrepreneurs prenaient des 2x4 pour chasser les inspecteurs. Ils ne se fient pas seulement aux injonctions. Ils prennent des 2x4 pour le faire.

Encore une fois, pour nous, c'est capital. Ce sont des gens qui sont syndiqués, évidemment, qui font partie d'un syndicat — cela s'adonne que c'est chez nous, mais cela aurait pu être ailleurs — qui ont une convention collective, des gens qui sont bien préparés pour accomplir la besogne. Nous n'aurions évidemment pas pris la position que le service d'inspection dans la construction devrait leur être confié si cela ne relevait pas de la commission. Les deux peuvent être faits. Ce sont des gens spécialisés. Tout le monde reconnaît que l'industrie de la construction, c'est spécialisé, c'est vraiment différent des autres. C'est pourquoi nous croyons que cette demande revêt aussi une très grande importance aux yeux de la FTQ, que l'OCQ doit être mandaté par la commission pour faire agir ses inspecteurs dans le domaine de la santé, de la sécurité et de la prévention.

M. Boudreault: M. le Président, on a été extrêmement heureux d'entendre une autre centrale syndicale qui était d'accord avec notre proposition au paragraphe 66; ce sont des choses qui arrivent après coup, mais on est quand même heureux de les noter. En ce qui concerne la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction, on pense que, dans l'esprit d'une loi pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, une des qualifications professionnelles d'un entrepreneur en construction doit être de pouvoir protéger la santé et la sécurité de ses travailleurs.

Pour les raisons que nous avons exposées aux paragraphes 212 à 214 de notre mémoire, nous proposons qu'on introduise dans les dispositions transitoires les modifications utiles pour qu'un entrepreneur en construction, incompétent ou peu scrupuleux — la plupart du temps, c'est la même chose — en matière de santé et de sécurité au travail, se fasse révoquer son permis par points de démérite ou autrement, à demeure ou pour une période déterminée, en vertu de modifications appropriées à la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction. Nous proposons aussi que la composition de la régie soit modifiée — là, c'est un peu pesant du côté des employeurs — afin d'être plus représentative des travailleurs de la construction.

En ce qui concerne les recours, vous pouvez voir notre position au paragraphe 226 du mémoire. En ce qui concerne les infractions, aux paragraphes 228 et 229 de notre mémoire, nous répétons une proposition que nous avons déjà faite à plusieurs reprises, à savoir que des poursuites pour violation d'une loi ou d'un règlement concernant la santé et la sécurité du travail soient jugées par un banc spécial du Tribunal du travail, composé de juges possédant une bonne connaissance du milieu. Il y en a. Il y a moyen de constituer un banc comme cela. Le gouvernement peut faire appel à des experts qui sont déjà dans la magistrature, notamment le juge Beaudry. C'est possible.

Nous insistons aussi pour que les poursuites pour violation de la loi et des règlements sur la santé et la sécurité du travail soient décidées par l'organisme chargé de l'administration de cette loi, et non pas par le ministère de la Justice, ce qui, dans le passé, a causé des délais et des frustrations inacceptables non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les services d'inspection. Nous sommes conscients qu'à l'article 204 de la loi, il est dit que des poursuites peuvent être intentées par n'importe qui, sauf qu'on n'est pas sûr si ce "n'importe qui" n'aura pas à passer par le ministre de la Justice.

Nous voulons, dans le cas de l'administration de cette loi, un régime à peu près semblable à celui qui existe au niveau des pouvoirs de poursuite de la Régie de l'assurance-maladie qui, elle, intente ses propres poursuites. Ce n'est pas le seul organisme gouvernemental qui peut lui-même décider d'intenter des poursuites, au lieu que cela remonte tranquillement jusqu'au ministre de la Justice et que cela redescende encore plus tranquillement jusqu'à l'instance qui veut prendre des poursuites.

M. Laberge (Louis): M. le Président, cela aussi, c'est très important. Nous avons vu des inspecteurs absolument dégoûtés de la situation, parce que ça prenait des mois avant de nommer des procureurs de la couronne dans certaines affaires et ça traînait tellement longtemps que quand l'affaire arrivait devant le tribunal, comment faites-vous pour retrouver des témoins pour dire que telle chose s'est passée en quelque part, six mois, huit mois, douze mois, quinze mois après que ça s'est passé? Dans bien des cas, l'entrepreneur a eu le temps de faire faillite trois fois et de repartir sous trois noms différents. La plupart du temps, les travailleurs sont tous partis. Cela n'a absolument aucun sens.

Il faut que la commission, de qui relève la responsabilité de l'application de la loi, puisse entreprendre ces poursuites pour deux ou trois raisons. D'abord, on ne veut pas que la commission n'agisse que comme police. On veut que la commission agisse aussi comme "formateur", comme sensibilisateur et, dans bien des cas, quasiment comme un conciliateur. Pour jouer ce rôle, c'est elle qui va avoir les dossiers, la fréquence des accidents, la violation des règlements de sécurité et de santé, le manque de prévention dont peuvent se rendre coupables certains entrepreneurs et elle pourra plus efficacement décider si, dans tel cas, une poursuite s'impose. Dans d'autres cas, c'est peut-être une approche pour sensibiliser l'entrepreneur, mais, de toute façon, ça pourrait se faire beaucoup plus rapidement. Le pire qui puisse arriver là-dedans, c'est que le ministère de la Justice, qui, nous dit-on, est déjà assez préoccupé par d'autres genres de poursuites, n'ait pas cette responsabilité additionnelle.

On ne chiale pas trop.

M. Boudreault: M. le Président, l'adoption du présent projet de loi serait une excellente occasion pour le gouvernement, de redonner aux travailleurs accidentés et aux victimes de maladies professionnelles un droit qu'ils détenaient depuis plus de 40 ans et qui leur a été enlevé, celui d'être représentés par un autre travailleur membre de leur syndicat ou par un représentant syndical.

On nous avait promis de la tolérance, M. le Président, et on pourrait fournir des lettres selon lesquelles on nous avait promis de la tolérance. Sauf que, maintenant, on peut fournir des décisions de la Commission des Affaires sociales qui, spécifiquement, sacrent dehors des représentants syndicaux. Cela appartient aux avocats.

Dans le dernier projet de loi no 114, cela y était. On m'informe que c'était une recommandation unanime du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Cela a sauté — il dit que je suis en train de faire sa "job" — à la dernière minute. Nous, avec tout le respect qu'on doit au Barreau, on a pensé qu'il y avait eu une petite influence là-dedans. Apparemment, il se cherche des clients de ce temps-là.

M. Laberge (Louis): M. le Président, on ne fera pas de farces là-dessus, c'est trop important. Il faut absolument que la promesse qui nous a été faite, réitérée à maintes reprises par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et par les autres, soit mise en application. Au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, cela n'arrive pas tellement souvent que le patronat et le mouvement syndical soient d'accord. Pour cette fois, on était vraiment d'accord. (17 h 45)

Cela n'a aucun sens que le projet de loi qui nous a été soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, sur lequel nous avons donné notre approbation, du moins sur ce point, arrive en troisième lecture et que la petite phrase saute sous l'influence du Barreau. Là, on se réveille Gros-Jean comme devant et on est obligé d'avoir des avocats pour représenter nos travailleurs accidentés devant la commission d'audition des affaires sociales. Cela n'a pas de sens. Je ne veux pas critiquer si la Loi du Barreau exige que ceux qui vont devant la Commission des affaires sociales doivent être représentés par un avocat. Si c'est cela, qu'on l'enlève de la Commission des affaires sociales. Avant cela, il y avait des commissions d'appel et ce n'était pas aux affaires sociales. On insiste là-dessus et on n'insistera jamais trop pour reprendre le droit qu'on avait d'aller représenter les travailleurs accidentés devant les commissions d'appel.

M. Boudreault: Le champ d'application de la loi, M. le Président, je vous réfère aux articles pertinents au paragraphe 232 de notre mémoire. En ce qui concerne les travailleurs oeuvrant dans les secteurs de juridiction fédérale, ce serait le seul ministère qui ne ferait pas d'entente avec le fédéral par les temps qui courent. Pour les raisons qu'on énonce aux paragraphes 233 à 236 de notre mémoire, nous proposons que le Québec revendique, quelles que soient les circonstances que l'avenir nous réserve, que tous les travailleurs oeuvrant au Québec soient couverts par la loi québécoise en matière de santé et de sécurité au travail. Je vous souligne, M. le Président, qu'ils sont déjà couverts par la Loi des accidents du travail dans tous les cas, dans toutes les provinces.

D'ici à ce que ce principe soit pleinement accepté, nous insistons fortement pour que le Québec prenne l'initiative de réclamer la négociation d'une entente fédérale-provinciale, comme cela se fait pour d'autres ministères, pour la coordination et l'administration par le Québec des lois et règlements sur la santé et la sécurité au travail. C'est possible, cela se fait ailleurs, cela devrait se faire dans ce domaine aussi.

M. Laberge (Louis): Pour l'information de la commission, nous avons réuni les représentants de ces gens. En fait, la plupart sont membres de syndicats affiliés chez nous et c'est à leur demande que cela fait partie de notre mémoire. Ils veulent être couverts par la loi des accidents du travail et ils pourraient, croyons-nous, assez facilement être couverts par la loi 17.

M. Boudreault: M. le Président, nous, à la FTQ, n'avions pas tellement l'intention de parler de la Loi des accidents du travail à l'occasion du présent débat, mais, étant donné que tout le monde et son petit cousin en ont parlé jusqu'à présent à cette commission parlementaire, on pense qu'on devrait quand même dire quelques mots à ce sujet. Nous comprenons qu'un projet de loi s'en vient, cela a été promis dans le livre blanc à la page 178. Il faut vous dire que les lois récentes, la loi 5 et la loi 114, ont apporté certaines améliorations qui étaient nécessaires, par le fait même, mais aussi — et on pourrait vous donner la liste — nous ont fait perdre certains droits acquis.

Par ailleurs, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi qui, pour tout ce qu'on sait, est en préparation — parce que la participation viendra après le projet de loi — on aura certainement un grand nombre de représentations à faire, sur plusieurs aspects. Mais on voudrait traiter d'un aspect dont il a été question, qui a défrayé la chronique la semaine dernière, suite à des représentations qui ont été faites par certains intervenants, y compris des membres de la commission et suite à des déclarations par le ministre d'Etat au développement social, le sujet du retrait préventif. Nous avons été surpris d'entendre de la bouche du ministre, lors du dépôt du projet de loi et aussi en commission parlementaire, que les dispositions portant sur le retrait préventif de la travailleuse enceinte constituaient l'introduction dans la loi du principe du retrait préventif. Nous ne sommes pas d'accord du tout. Il s'agit là tout au plus du strict minimum de décence qui doit incomber à toute société civilisée et qui vise à protéger la génération future.

C'est presque gênant, comme l'avait dit le premier ministre M. Lévesque, au sujet d'un autre projet de loi, d'avoir à légiférer à cet effet au Québec et ça indique bien le point d'où la société québécoise doit partir en matière de santé et de sécurité au travail lorsqu'il faut légiférer pour protéger des enfants qui sont sur le point de naître.

M. le Président, le retrait préventif c'est le retrait d'un travailleur qui, s'il reste dans son environnement actuel de travail, va certainement ou probablement empirer son état. Il y a toute une série de cas et c'est raisonner faussement aussi que de prétendre vouloir introduire ce principe graduellement dans des secteurs prioritaires.

Un travailleur dont la formation professionnelle est la soudure et qui est déclaré médicalement inapte à continuer à souder doit pouvoir profiter d'un retrait préventif, même s'il ne travaille pas dans un secteur dit prioritaire. La même chose pour un travailleur dont il est prouvé, médicalement, après une certaine période — parce que ça ne peut pas se prouver avant — qu'il est susceptible au bruit, même si le niveau de bruit dans son usine ne dépasse pas les normes réglementaires et même si son usine n'est pas dans un secteur prioritaire.

Nous n'avons pas à faire de procès d'intention aux intervenants qui ont réclamé le retrait préventif dans leurs représentations devant votre commission. Si on se mettait à faire des procès d'intention, on pourrait aller loin. Nous constatons que jusqu'à maintenant, il s'agit d'associations professionnelles et d'une association d'employeurs en particulier.

Dans chacun des cas, il s'agirait de ce qui ressemble beaucoup à un retrait préventif imposé. On imposerait à un travailleur qu'un diagnostic médical classifierait comme étant inapte à tel ou tel travail d'accepter un autre travail dans une même entreprise — il y a une limite au nombre de gardiens de barrières qu'on peut mettre dans une entreprise — ou, à la limite, d'aller grossir les rangs des chômeurs sur le marché du travail.

A la limite, ce serait le régime du permis médical de travail. Pour la silicose, ensuite pour le bruit, ensuite pour le monoxyde de carbone et ensuite, pourquoi pas — parce que les travailleurs pourraient s'habituer graduellement — pour l'arsi-ne et pour le mercure. Pendant qu'on est sur le sujet des accidents, on pourrait même ressusciter le vieux cheval mort, la bonne vieille théorie des "accident prone workers". Pour ce qui est de la possibilité des transferts dans la même entreprise quand il y a de la place, on réclamerait ce qu'on a vu dans d'autres projets de loi, à savoir que les dispositions de la loi aient préséance sur les dispositions de la convention collective.

Je ne veux pas faire d'ironie, M. le Président, c'est exactement la situation et c'est vers là qu'on pourrait se diriger, si ce n'est pas discuté d'une façon objective. Nous soulignons que le droit au retrait préventif existe déjà dans la Loi des accidents du travail, dans les dispositions traitant de la réadaptation, pour peu que l'interprétation qu'en a donnée publiquement le président de la commission soit la bonne. Sauf que nous aimerions que ces dispositions soient clarifiées pour que tout le monde puisse les comprendre comme lui et sauf aussi que nous aimerions qu'il existe à la commission un véritable service de réadaptation et non seulement un mauvais service de placement.

Nous sommes opposés à ce qu'un travailleur soit obligé de se faire mourir à gagner sa vie. C'est simple. Nous croyons que, lorsqu'il est informé de son état et des dangers qu'il y a pour lui de continuer à travailler dans tel ou tel environnement, un travailleur doit pouvoir quitter cet environnement de travail. Nous croyons que la continuation de son revenu de même que les droits acquis doivent lui être assurés.

Nous ne croyons pas, par ailleurs, que l'environnement de travail auquel il a été soumis ou encore sa susceptibilité personnelle doivent lui octroyer des droits additionnels qu'il ne possède pas par sa convention collective, sauf par entente mutuelle.

M. le Président, on ne corrige pas une injustice en en créant une autre. Il n'appartient pas à un travailleur individuel, en refusant une promotion ou en se faisant remplacer par un travailleur handicapé, de payer une dette qui incombe à l'ensemble de la société en cédant sa place à un travailleur handicapé ou susceptible à certains produits.

Nous ne croyons pas, par ailleurs, que la société québécoise puisse se payer le luxe de faire de tous les travailleurs plus ou moins handicapés ou encore sensibles à certains environnements de travail, des assistés sociaux pour le reste de leur existence, de luxe ou autrement. Il serait inconcevable, pour ne pas dire carrément ridicule que le même gouvernement adopte une loi pour favoriser la réinsertion au travail des personnes handicapées et que, l'année suivante, il légifère pour créer une autre catégorie de personnes handicapées vivant au crochet de la société. Une allocation sociale, d'où qu'elle vienne et quelle que soit sa générosité, restera toujours une allocation sociale. Les travailleurs veulent autre chose que cela, ils veulent leur dignité comme travailleurs.

Nous nous opposerons surtout à ce que la possibilité de retrait préventif puisse être utilisée par la société québécoise en général, par une loi, et par certains employeurs en particulier comme ils aimeraient bien cela le faire, malheureusement, comme une excuse pour se soustraire à l'obligation de faire tout ce qui est humainement et techniquement possible pour faire disparaître à la source les agresseurs en milieu de travail.

C'est pourquoi nous soumettons que cette question de retrait préventif ne doit pas être le fruit de l'improvisation. Elle doit être discutée en relation très étroite avec toute la question de la réadaptation et, à ce sujet, nous avons un très grand nombre de choses à dire. Il n'existe pas à l'heure actuelle des dispositions dans la Loi des accidents du travail qui établissent clairement le droit à la réadaptation, avec tous mes respects au président de la commission. C'est inscrit que la

commission "peut". Il n'existe pas un véritable programme et un véritable service de réadaptation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. (18 heures)

Lorsqu'on dit à un travailleur accidenté: Trouve-toi un "job", n'importe quel et on va te payer de l'ART — parce qu'on parle par sigle à la commission, allocation de réinsertion au travail — ce n'est pas de la réadaptation médicale, sociale et professionnelle qui peut correspondre à la définition du BIT. On croira peut-être que c'est une caricature? C'est malheureusement la triste réalité dans plusieurs cas dont nous avons les dossiers.

Tout n'est pas mauvais, nous reconnaissons qu'il y a eu amélioration. Il y a du travail de fait, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous soumettons qu'on ne peut pas sérieusement parler de retrait préventif, à moins de parler en même temps d'un régime efficace de réadaptation médicale, sociale et professionnelle comprenant le maintien des droits acquis et le maintien du revenu.

Nous n'avons pas l'intention d'exposer ici toutes nos positions sur le sujet, mais nous le ferons le cas échéant et nous espérons le plus tôt possible, à l'occasion de la présentation du projet de loi sur la révision en profondeur, page 178 du livre blanc, de la Loi des accidents du travail.

Il est donc urgent que le gouvernement, et cette fois en consultation — parce que là le projet de loi sur la consultation va être adopté— avec les parties procède à cette révision en profondeur de la Loi des accidents du travail qui doit être le complément naturel d'une loi sur la santé et la sécurité du travail. Prévenir les accidents et les maladies professionnelles, c'est là notre but premier, c'est là le but déclaré du projet de loi no 17. Mais, comme il va malheureusement continuer à y avoir des victimes, le moins qu'une société civilisée puisse faire, c'est de leur assurer la plus grande injustice possible au niveau de la réparation, y compris de la réadaptation, et au niveau de l'indemnisation.

M. le Président, il reste seulement les dispositions transitoires. Bien sûr, on ne peut pas traiter des dispositions transitoires parce qu'on ne sait pas exactement ce qui se retrouvera dans le projet de loi qui va éventuellement être soumis au Parlement. A ce moment-là, tout ce qu'on demande, c'est que quand on saura exactement à quoi s'en tenir... On tient pour acquis qu'on négocie, à l'heure actuelle. Il y a plusieurs négociateurs, on tient pour acquis que c'est encore un document de travail et qu'il y aura éventuellement quelque chose qui sera soumis au Parlement. On aimerait être capable de parler, parce que je souligne qu'un organisme s'est présenté devant vous et vous a soumis qu'une disposition importante de la Loi des établissements industriels et commerciaux venait juste de sauter par les dispositions transitoires, c'est la disposition qui a trait au droit du chef de département de santé communautaire de faire de l'inspection. Cela a sauté juste comme ça, par inadvertance, c'est parti.

C'est dangereux, des dispositions transitoires, ce n'est pas la première fois qu'on perd des cho- ses à partir des dispositions transitoires, et, ette fois, on aimerait bien ne pas perdre des choses juste par un petit article de dispositions transitoires. Merci.

M. Laberge (Louis): M. le Président, ceci termine la présentation du résumé du mémoire de la FTQ; heureusement qu'on a décidé de vous présenter un résumé. Je pense que tous les membres de la commission ont pu se rendre compte que pour nous c'est un sujet très sérieux. J'ai été très heureux d'apprendre par la voie des media d'information que les partis d'Opposition s'étaient déjà déclarés favorables au principe de l'adoption d'une loi, j'en suis fort heureux. Le domaine de la santé, la sécurité et la prévention des accidents et des maladies professionnelles est un domaine beaucoup trop important pour qu'on fasse de la politicaillerie là-dessus. Je félicite les partis d'Opposition d'avoir pris position clairement en faveur du principe de l'adoption. Cela ne veut pas dire que vous pouvez être d'accord avec le gouvernement sur certaines choses, évidemment, comme nous, nous ne sommes pas entièrement d'accord avec toutes les suggestions faites, mais, encore une fois, je suis très heureux de voir qu'il y a unanimité, au moins entre nous, ici, sur le fait que le projet de loi unifiant tout le domaine de la santé, la sécurité et la prévention doit être adopté. Pour nous, c'est urgent parce que chaque délai veut dire que d'autres travailleurs sont empoisonnés, d'autres travailleurs sont mutilés, d'autres travailleurs sont tués. On n'a pas le droit, là-dessus, de faire de la partisanerie syndicale, de la partisanerie politique ou de la partisanerie patronale ou de la partisanerie tout court. C'est un domaine qui revêt tellement d'importance.

Il faut dire qu'à la FTQ, les travailleurs espèrent énormément de ce projet de loi, des travaux de votre commission, des mémoires qui y sont présentés. Encore une fois, chez nous, tout le monde est déterminé à prendre tous les moyens nécessaires pour qu'une loi qui va vraiment nous protéger dans l'avenir soit adoptée. Encore une fois, au dernier colloque de la FTQ, 739 délégués dûment accrédités par leur syndicat sont venus passer deux jours pour remettre à jour les positions qu'on avait prises là-dessus, sans compter tous les observateurs. Hier soir, aujourd'hui, vous avez vu le nombre de représentants qui sont venus. Chez nous, c'est d'une importance capitale.

Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé. J'espère que vous ne trouverez pas qu'on en a abusé, mais c'est un sujet qui nous tient tellement à coeur. Bien sûr, nous sommes tout disposés à répondre à toutes les questions que vous pouvez vouloir formuler.

M. Marois: M. le Président, je demanderais le consentement de la commission pour qu'on puisse — je comprends qu'on doit ajourner à 18 heures et qu'il n'est pas tout à fait 18 heures — le cas échéant, déborder légèrement de quelques minutes pour un simple commentaire d'ordre général et, en même temps, de remerciement à

l'égard des membres de la Fédération des travailleurs du Québec. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Lavoie-Roux: Je vous ai dit que j'accordais mon consentement pour quelques minutes, parce que j'ai d'autres obligations après.

M. Marois: Je vais être très bref, Mme le député de L'Acadie.

Le Président (M. Marcoux): Ajustez vos montres.

M. Marois: Non, honnêtement, je vais essayer d'être le plus bref possible. Je pense que je me fais le porte-parole de tous les membres de cette commission — je dis bien de "tous" les membres de cette commission — pour remercier les porte-parole de la Fédération des travailleurs du Québec. Compte tenu de l'importance du dossier, compte tenu de l'ampleur des recommandations que vous formulez, je pense que la commission, si vous étiez d'accord, acceptera volontiers — parce que je sais que mes collègues, de tous bords et de tous côtés de la Chambre, qui se trouvent ici ont bon nombre de questions, de commentaires et qu'on voudrait pousser beaucoup plus loin, plus à fond, la réflexion à partir de votre présentation — qu'on puisse poursuivre les travaux avec vous mardi matin prochain, si c'était possible.

Ceci dit, je voudrais tout d'abord — et je tiens à le dire très sincèrement — signaler l'apport non seulement important, considérable, mais extrêmement positif de la FTQ à la réforme du régime actuel, si on peut appeler cela un régime actuel, ou des quelques emmanchures de bouts de lois qui semblaient donner un régime; mais on sait le constat et le résultat.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire chez vous à un colloque, notamment — vous m'avez, d'ailleurs, rappelé un bout du colloque; vous me permettrez d'y revenir et vous ne serez sûrement pas étonnés que je revienne sur ce petit bout-là en passant. Je pense que vous avez accompagné, bien avant le dépôt du livre blanc, comme d'autres groupes — quand ils sont venus devant nous, je leur ai dit et à ceux qui viendront, je dirai exactement la même chose — tout ce qui s'est fait à ce jour avec une très grande franchise et une bonne foi qui n'est pas, comme je le dis souvent, mais je le pense, une bonne foi "guenille" et une bonne foi à genoux, mais une bonne foi debout, qui — c'est ce que vous avez fait et c'est ce que vous continuez de faire — vous a quand même permis, tout au long, de faire valoir vos points de vue, vos revendications que vous estimez tout à fait légitimes.

Vous avez sûrement noté — vous le relevez, d'ailleurs, avec beaucoup d'honnêteté et sachez qu'on l'apprécie — que déjà bon nombre de recommandations que vous avez pu faire, notamment vous, la FTQ, en cours de route, du livre blanc au projet de loi, ont déjà été intégrées dans le projet de loi. Vous n'étiez pas le seul groupe, mais, notamment, vous êtes parmi ceux qui ont eu la gentillesse de me permettre à l'occasion non seulement d'un colloque en octobre 1977, mais d'un autre aussi, en novembre 1978 et de rencontres avec bon nombre de groupes — notamment, je me souviens d'une rencontre à Drummondville avec plusieurs centaines de représentants et de représentantes syndicaux des Travailleurs unis de l'automobile — d'avoir l'occasion de discuter et de participer au moins à des bouts de vos travaux. Je sais à quel point vous l'avez fait, tout au long, avec beaucoup de sérieux.

Sachez qu'on apprécie aussi l'appui que vous avez apporté tout au long à cette démarche. Je pense que c'est le journaliste Gilles Provost qui avait trouvé, ce matin, en tout cas, dans le Devoir, une formule qui m'apparaît intéressante. C'était entre guillemets. Il disait: "La FTQ va venir de tous les coins du Québec..." et on a vu que c'était vrai. Donc, il ne s'était pas trompé jusque là. Il a dit aussi: "... pour souligner avec éclat — et là, c'était entre guillemets — son appui ferme, mais insatisfait". Je pense qu'il mettait le doigt sur ce qui, encore une fois, est votre position de fond, de l'accompagner avec toute la bonne foi qu'il faut, la fermeté qu'il faut, parce qu'il est vrai que cela urge, maintenant, qu'il est temps qu'on aboutisse. Cela ne peut pas traîner indéfiniment.

Voilà pour mon commentaire très général. Si on me permet un tout petit commentaire particulier, on ne s'étonnera pas que je relève ce petit point. Lors du colloque, vous me faites dire un petit bout, un tout petit bout de phrase. Je sais bien que vous ne m'en tiendrez pas rancune. Dans votre mémoire, vous interprétez, bien sûr, — et c'est légitime — des propos que j'ai tenus au colloque de 1977, où si ma mémoire est bonne, j'ai évoqué le droit individuel et collectif. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, mes propos avaient été enregistrés et avaient même été, si ma mémoire est bonne, également reproduits dans un des documents de travail en cours de route...

M. Laberge (Louis): On a la bobine.

M. Marois: Vous avez toujours la bobine? Gardez-la, d'ailleurs, ne la perdez pas. Je pense que vous conviendrez qu'à ce moment-là — c'est essentiellement l'expression que j'ai utilisée: individuel et collectif — je n'ai jamais évoqué pour autant que la conception que je me faisais à l'époque de la dimension collective du refus correspondait à ce qu'on appelle le refus collectif à la suédoise enclenché par le représentant syndical. J'ai eu l'occasion de m'expliquer plus longuement, d'ailleurs, à un colloque — vous avez peut-être une bobine sur celui-là aussi, vous la sortirez — en 1978. Vous l'avez peut-être perdue, celle-là. Il y a eu aussi la rencontre, à Drummondville, où j'ai eu l'occasion de m'expliquer beaucoup plus longuement là-dessus.

On aura l'occasion, de toute manière, d'y revenir, mais je pense que vous conviendrez que j'avais cependant évoqué en cours de route, après des discussions, notamment avec vous, cette idée d'élargir ce qui était dans le livre blanc, l'hypo-

thèse, uniquement, d'un seul refus accroché à un individu unique, de l'élargir, dis-je, à un groupe, une collectivité d'hommes et de femmes au travail qui vivent en même temps le même problème, que ce soit traité comme un seul et même événement. C'est à cette occasion, d'ailleurs, que j'ai commencé à m'ouvrir à cette idée qui me semblait valable et fondée, de reconnaître le droit à l'accompagnement syndical par le biais de la reconnaissance, en tout cas pour un minimum de bases légales, d'un représentant à la prévention syndicale, pour faire en sorte que ce droit soit respecté.

Ceci dit, j'espère que vous ne me ferez pas grief du tout de faire cette petite mise au point. Cela n'enlève absolument pas le droit tout à fait légitime et démocratique que vous avez de faire valoir devant nous votre point de vue sur la nécessité, à votre avis, d'introduire un droit collectif, au sens strict, à la suédoise — oui, j'aboutis, madame — et notre rôle à nous d'être le plus attentif possible.

On aura l'occasion, dès mardi prochain, d'examiner et de discuter beaucoup plus longuement, chacun des membres de cette commission avec vous, toute une série de recommandations que vous formulez. On aura certainement beaucoup de questions à poser pour essayer d'aller le plus possible au fond du baril, dans la mesure où cela peut se faire, pour essayer de bonifier le projet de loi. Encore une fois, merci infiniment, sachez qu'on apprécie beaucoup l'attitude que vous avez eue jusqu'à maintenant et que vous maintenez tout au long de ces discussions, et en particulier encore aujourd'hui pour cette première rencontre avec vous qu'on poursuivra mardi, soit le débat sur le projet de loi no 17.

Merci infiniment.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce sera vraiment seulement trois minutes, peut-être deux. Je veux me joindre au ministre pour remercier et féliciter la FTQ pour son mémoire positif. Je voudrais seulement ajouter, tel que l'a indiqué M. Laberge, le président de la FTQ, que tout le débat autour du projet de loi 17 ne se fait pas dans un esprit de partisanerie et que le problème fonda- mental qui est en discussion, les objectifs que chacun cherche à atteindre, peut-être pas par les mêmes moyens, demeurent notre préoccupation principale. Vous verrez, si vous suivez l'étude du projet de loi article par article, que ce que nous tenterons de faire, à titre d'Opposition officielle, sera de donner plus de rigueur au projet là où il semble qu'il en manque beaucoup, où les imprécisions laissent des portes trop ouvertes. Nous attendons mardi matin pour vous poser des questions, même sur des points où nous ne sommes pas d'accord, où nous voudrons avoir plus d'explications de votre part. (18 h 15)

Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre participation aux travaux de cet après-midi...

M. Laberge (Louis): M. le Président, vous nous convoquez pour le 18, à quelle heure?

Le Président (M. Marcoux): A 10 heures. M. Laberge (Louis): A 10 heures.

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas trop tôt pour...

M. Laberge (Louis): Sans autre avis, j'attends tout le monde ici le 18 à 10 heures. Cela bouscule un peu notre horaire, mais vous pouvez être sûr qu'on va bousculer n'importe quoi pour y être.

Le Président (M. Marcoux): Comme le temps que vous avez pris a bousculé d'autres personnes, j'inviterais l'équipe Santé au travail du CLSC centre-sud, représentée par M. Pierre Lauzon, à venir nous rencontrer ici, à l'avant — parce que ce groupe, ce sera la troisième fois qu'il viendra — s'il accepte bien de venir nous rencontrer. Je voudrais qu'il vienne à l'avant pour que nous puissions prendre les accommodements pour éviter qu'il ne revienne une quatrième fois.

La commission ajourne ses travaux à mardi prochain, 10 heures.

Fin de la séance à 18 h 16

ANNEXE A

Conseil du Patronat du Québec Mémoire à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre sur

Le projet de loi no 17 "Loi sur la santé et la sécurité au travail"

INTRODUCTION Le Livre blanc

1.00- En octobre 1978, lors de la publication du Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, le Conseil du Patronat déclarait souscrire aux grands objectifs de ce Livre blanc.

Dans le mémoire que nous adressions alors au ministre d'Etat au Développement social, nous écrivions textuellement: "Le C.P.Q. considère que les fondements logiques de la réforme projetée sont généralement sains et les objectifs poursuivis tout à fait valables et acceptables, notamment ceux qui visent: — une réorganisation fondée sur la prise en charge de la santé et de la sécurité au travail prioritairement par les employeurs et les travailleurs (à condition que l'on tienne vraiment compte de leurs droits et obligations); — une meilleure définition des droits et responsabilités des travailleurs, des employeurs et de l'Etat; — une réorganisation davantage volontaire que coercitive, et exprimée notamment dans le comité paritaire et les associations sectorielles paritaires de santé et de sécurité au travail; — une réorganisation axée sur la formation, l'information et la recherche; — la structuration d'un cadre juridique permettant l'unification et la clarification des normes de façon plus cohérente; — l'accent, au niveau de la Commission de la santé et de la sécurité au travail, sur la prévention plutôt que sur la réparation des accidents du travail." 1.01 - Cependant, tout en exprimant notre accord sur les principes et les fondements logiques de la réforme envisagée, a) nous indiquions alors notre désaccord avec plusieurs des moyens proposés pour atteindre les objectifs de la réforme; b) nous disions refuser cette dilution excessive de la responsabilité de l'employeur à l'égard de la santé au travail et de la prévention des accidents du travail qu'exprimait le Livre blanc; c) nous faisions un certain nombre de propositions propres, d'une part, à confirmer l'entreprise dans son rôle de responsable véritable et ultime de la planification et de l'organisation de la santé et de la sécurité au travail, et, d'autre part, à s'assurer que la réforme envisagée n'imposerait pas à l'entreprise des contraintes qui lui seraient inacceptables.

Le projet de loi No 17

2.00 - C'est à partir de cette toile de fond qu'il nous incombe aujourd'hui de commenter le projet de loi No 17.

Signalons immédiatement que nous sommes toujours d'accord avec les objectifs généraux poursuivis par ce projet de loi, soit une réduction des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il va sans dire que tous les employeurs québécois appuient pleinement de tels objectifs.

Toutefois, les moyens que suggère le projet de loi pour réaliser ces objectifs nous apparaissent souvent inadéquats, discutables et même irrecevable pour ces mêmes employeurs.

Le présent document expose nos commentaires sur les différents moyens proposés par le projet de loi No 17. Il se divise en trois parties: 1) Commentaires généraux sur le projet de loi No 17; 2) Commentaires particuliers sur certaines sections du projet de loi; 3) Une brève analyse, chapitre par chapitre, du projet de loi lui-même.

SECTION I

Commentaires généraux Une déception

Une première réaction que nous avons vis-à-vis du projet de loi en est une de désillusion.

A la suite de la publication en octobre dernier du Livre blanc, nous avons, ainsi que de nombreuses associations patronales et plusieurs entreprises, multiplié les consultations auprès de nos mandats et présenté au ministre responsable quantité de suggestions visant à rendre la réforme envisagée beaucoup plus réaliste, beaucoup plus soucieuse du respect des droits et responsabilités des entreprises, sans pour autant compromettre la santé et la sécurité au travail de nos travailleurs.

Or, force nous est de constater, avec le dépôt du projet de loi No 17, que presque rien des suggestions ou recommandations émanant des milieux patronaux n'a été retenu. La consultation, tout au moins auprès des milieux patronaux, n'aurait été qu'un trompe-l'oeil: toutes les dispositions, ou à peu près, qui apparaissaient au Livre blanc et qui ont fait l'objet de critiques patronales, se retrouvent sous une forme ou sous une autre dans le projet de loi, sans les modifications importantes espérées.

Mais il y a plus: le projet de loi No 17 va même très souvent plus loin que ne le laissait présager le Livre blanc. A titre d'exemple, signalons simplement la question de l'organisation des services de santé. Alors que le Livre blanc accordait une préférence d'embauche à un médecin qui oeuvrait déjà auprès d'une entreprise, ou encore n'excluait pas le recours de l'entreprise aux cliniques médicales privées, le projet de loi est maintenant muet sur le premier point et interdit à toutes fins utiles le recours aux cliniques privées. Dans la même veine, alors que le Livre blanc cernait au moins tant bien que mal la notion de "danger" pour justifier un arrêt de travail de la part d'un travailleur, le projet de loi n'identifie même plus de paramètres généraux à la définition du mot "danger".

Et que dire de cette proposition, nouvelle par rapport au Livre blanc, de créer, à l'intérieur de l'entreprise, un poste de "représentant à la prévention"?

Loi-cadre difficile à évaluer

Les employeurs n'ont donc pas l'impression d'avoir été "entendus" par le Législateur (et ses conseillers), tout au cours de la longue période de gestation qui a conduit au dépôt du projet de loi No 17.

Comme premiers responsables de la santé et de la sécurité au travail, les employeurs québécois, à qui d'ailleurs le projet de loi fait bien comprendre qu'ils continueront à être les seuls à assumer toutes les responsabilités juridiques et économiques en ce domaine, se seraient attendus à ce que l'on prenne en plus grande considération leurs points de vue.

Ils se seraient attendus également à ce que, après une si longue période de gestation, la loi établisse plus clairement les règles du jeu, sans référer constamment au pouvoir de réglementation.

Tel n'est malheureusement pas le cas. Le projet de loi compte pas moins d'une cinquantaine d'articles d'importance qui réfèrent au pouvoir de réglementation, dont l'article 185 qui donne à la nouvelle Commission de la santé et de la sécurité au travail des pouvoirs absolument extraordinaires sur les entreprises.

Face à une telle possibilité d'intervention réglementaire, il devient alors très difficile d'apprécier à sa juste valeur le projet de loi. Ainsi, et à titre d'exemple toujours, l'article 149 du projet de loi laisse en suspens l'importante question de la dépendance administrative des services d'inspection. Pourtant, le Législateur sait toute l'importance que les milieux patronaux attachent à cette question: pourquoi ne pas avoir permis à cette Commission parlementaire de discuter d'un choix politique sûrement déjà fait par ailleurs, plutôt que de laisser le gouvernement décider seul?

La dilution des droits de gérance

Si les employeurs ne savent pas toujours ce qui les attend avec ce projet de loi, compte tenu de son caractère de loi-cadre, une orientation fondamentale ne peut leur échapper cependant: il s'agit de cette dilution des droits de gérance en matière de prévention des accidents du travail, que prônait déjà le Livre blanc et que confirme le projet de loi.

La responsabilité ultime de la santé au travail et de la prévention des accidents revient, répétons-le, à l'employeur, en collaboration avec ses employés. C'est lui qui a la responsabilité de planifier, d'organiser et de faire fonctionner son entreprise de façon sécuritaire. Le comité paritaire, l'association de prévention, la médecine du travail, la formation et la recherche, sont des activités de soutien et non des objectifs en soi. Or, dans le projet de loi, l'accent est toujours sur la mise en place de ces moyens plutôt que sur l'obligation pour l'employeur d'assumer cette responsabilité.

On en arrive ainsi à une dilution de la responsabilité patronale qui ne pourra conduire qu'à de sérieuses déceptions. Ce n'est pas en diluant les droits de gérance au sein d'un comité paritaire, quelles qu'en soient la composition et la forme, ou encore en rattachant administrativement la médecine du

travail à un D.S.C. ou à un C.L.S.C. plutôt qu'à l'entreprise, que le Législateur aura fait oeuvre utile: c'est en rendant quelqu'un (dans ce cas-ci, l'entreprise) vraiment responsable, que l'on assure sa motivation et son engagement.

C'est pour cette raison, d'ailleurs fondamentale, qu'il nous faudra rejeter le rôle décisionnel accordé au comité de sécurité, de même que l'organisation suggérée des services de santé dans l'entreprise qui s'est déjà donnée des services en ce domaine, ou qui entend s'en donner.

Le parallélisme

C'est au nom de cette même responsabilité patronale qu'il nous faudra rejeter le sens et le contenu de l'article 79 du projet de loi qui permettrait à la Commission d'accorder annuellement, à une association syndicale, à même les fonds patronaux, une subvention pour la formation et l'information de ses membres dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail.

Nous n'avons rien contre la mise sur pied d'associations syndicales de prévention des accidents du travail. De même, nous croyons que les associations syndicales devraient se doter de services de formation et d'information de leurs membres dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail.

Dans les deux cas cependant, il appartient à ces associations d'en défrayer les coûts, et non pas aux entreprises. Autrement, nous entrerions dans un système de parallélisme qui serait tout à fait dangereux pour la prévention des accidents. Et selon quelle logique pourrait-on demander aux employeurs de financer eux-mêmes des activités syndicales de prévention, qui s'inspirent souvent d'une idéologie tout à fait contraire à celle qui inspire l'entreprise?

Le financement

Le C.P.Q. tient d'ailleurs à souligner que le législateur, dans son projet de loi, prend pour acquis que les entreprises constituent des sources intarissables de financement. Tel n'est cependant pas le cas. Mais cela lui importe peu, semble-t-il. Car en plus de demander aux employeurs de financer les activités syndicales de prévention, c'est aux employeurs seuls qu'il demande de financer les programmes d'implantation et de fonctionnement des mécanismes sectoriels paritaires de prévention. C'est encore aux entreprises, selon le projet de loi No 17, qu'il incomberait de défrayer les coûts additionnels engendrés par la réorganisation des services de santé. Pourtant, s'il est normal que les entreprises défraient les coûts inhérents aux services de santé qui sont de leur responsabilité propre, pourquoi seraient-elles appelées à défrayer les coûts inhérents à des programmes de santé qui dépassent largement le cadre de l'entreprise?

Et que dire des coûts additionnels en prévention (formation - information - recherche) que devront assumer les entreprises lorsque de telles activités de prévention se situent à l'extérieur de l'entreprise?

Tout le Livre blanc, dont s'inspire presque textuellement le projet de loi No 17, véhiculait une idée maîtresse: la prise en charge par les intéressés eux-mêmes, travailleurs et employeurs, de la santé et de la sécurité au travail.

En fait, à l'analyse du projet de loi, il y a lieu de se demander si la seule véritable "prise en charge" par les employeurs dans le nouveau régime envisagé, ne serait pas le financement de la réforme!

Pourtant, le Livre blanc ouvrait au moins certaines avenues différentes. Ainsi, à l'égard des programmes de formation, d'information et de recherche de la Commission, ses auteurs écrivaient, à la page 274: "L'Etat pourra cependant participer, à l'occasion, au financement de ces programmes, en versant un budget spécial à la Commission pour lui permettre d'assumer plus rapidement et plus complètement certaines responsabilités dans ce domaine. Cette contribution de l'Etat se justifie par le fait que la prévention constitue, à bien des égards, un service public dont les bénéfices peuvent profiter à l'ensemble du monde du travail et même de la société. De plus, cette fonction de prévention poursuit en bonne partie des objectifs à long terme. C'est pourquoi un financement public peut compléter utilement les efforts déjà consentis par la Commission à ce chapitre." On ne retrouve pas une telle disposition dans le projet de loi. Le C.P.Q. ne demande nullement que quiconque d'autre que l'entreprise finance les activités internes de l'entreprise dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. C'est là sa responsabilité.

Pourquoi financerait-elle seule cependant les programmes de santé qui dépassent largement le cadre de l'entreprise? Pourquoi les associations syndicales ne seraient-elles pas appelées à financer à 50% les associations sectorielles paritaires de prévention?

SECTION II Commentaires particuliers

Ainsi que nous l'avons déjà noté, le projet de loi no 17 reprend, pour l'essentiel, les orientations contenues au Livre blanc. A ces orientations déjà connues, s'ajoutent quelques éléments nouveaux qui, de façon générale, constituent autant de contraintes additionnelles pour les entreprises.

Aussi, avant de procéder à une brève analyse, article par article, du projet de loi, voulons-nous rappeler à nouveau nos positions de principe sur plusieurs points précis du projet de loi, positions que nous avons déjà établies au moment de l'analyse du Livre blanc, mais qui n'ont pas semblé retenir l'attention du législateur.

Points d'accord majeurs

Rappelons, en premier lieu, notre accord général avec les orientations suivantes de la loi: — la création d'une Commission de la santé et de la sécurité au travail responsable de la prévention, de la réparation et de la réadaptation (mais non de l'inspection); — l'unification du systèmed'inspection en matière de santé et de sécurité au travail, sous la responsabilité du ministère du Travail, sous réserve de la dissidence du secteur minier; — le principe du droit individuel pour le travailleur de cesser un travail qu'il juge "de bonne foi" être un travail dangereux, selon des modalités précises à être établies; — le principe du comité paritaire d'entreprise, comme un moyen de prévention là où la fréquence et la quantité des accidents le justifient; — la coordination de la recherche en santé et en sécurité au travail, sous la responsabilité de la Commission de la santé et de la sécurité au travail ; — la création d'un Conseil d'administration paritaire responsable de la Commission de la santé et de la sécurité au travail ; — l'assujettissement de l'Etat, lorsqu'il agit comme employeur, aux mêmes normes que les autres employeurs; — l'obligation pour le travailleur de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé et sa sécurité; — le droit des employeurs de participer individuellement et collectivement à l'élaboration des normes, règlements et programmes de recherche sur la santé et la sécurité au travail.

Le droit de refuser d'exécuter un travail

Nonobstant ces accords majeurs avec l'esprit, sinon la lettre du projet de loi, nous retenons au moins six questions fondamentales qui sont au coeur de la réforme et qui préoccupent les entreprises.

C'est le cas d'abord de la reconnaissance par le Législateur d'un nouveau droit individuel, celui du refus d'exécuter un travail dangereux.

Nous reconnaissons en principe ce droit, exprimé à l'article 11 du projet de loi, et qui permettra dorénavant à un travailleur de "refuser d'exécuter un travail" s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique."

Malgré cet accord de principe, nous ne pouvons toutefois souscrire au texte du projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé. D'aucune façon en effet, le mot "danger" n'est défini. "Un danger", quel qu'il soit, et selon la seule appréciation du travailleur, pourra être dorénavant prétexte à tout refus de travailler et à un boycottage complet des activités normales d'une entreprise.

A cet égard, le Livre blanc était au moins plus explicite, lorsqu'il parlait de "danger imminent".

Nous demandons donc: a) Que le "danger, soit qualifié d'immédiat et de grave, afin d'éviter que l'exercice de ce droit ne devienne une source constante de problèmes pour l'entreprise; b) Qu'à l'instar de la législation ontarienne, un employeur puisse en tout temps remplacer un travailleur qui exerce son droit au refus de travailler par un autre travailleur si: 1) ce dernier est avisé du fait qu'un autre travailleur a exercé son droit de refuser de travailler et, 2) s'il est consentant à effectuer le travail; c) Sous réserve de nos commentaires à l'article 27, que là où existe une convention collective dans laquelle est déjà prévu l'exercice de ce droit, les modalités prévues d'application de ce droit dans la convention collective aient préséance sur la loi; d) Que le projet de loi prévoie les situations où l'exercice du droit de refuser de travailler pourrait mettre en danger la santé, la sécurité et l'intégrité physique des autres travailleurs, des clients ou du public en général, ainsi que les modalités de solution de telles situations; e) De plus, en raison du fait que l'exercice du droit de refuser de travailler constitue en fait une décision subjective du travailleur, décision qui repose uniquement sur son appréciation personnelle, nous estimons qu'il est injuste de faire porter à l'employeur le fardeau de la preuve. En effet, quels que soient les arguments d'ordre factuel qu'un employeur puisse

apporter à l'effet que la situation ne comportait aucun danger réel, le travailleur pourra toujours faire valoir qu'il y a au contraire un danger pour lui. Par conséquent, nous croyons que le fardeau de la preuve devrait incomber plutôt au travailleur qui refuse de travailler, quitte à ce que les faits mis en preuve objectivement lors de l'enquête établissent ou non le bien-fondé d'un tel refus; f) Que le projet de loi prévoie l'arrêt de la rémunération d'un travailleur qui a exercé son droit de refuser de travailler, lorsque l'inspecteur rend une décision qui ne lui est pas favorable, et que le travailleur fait appel de cette décision et refuse toujours de travailler.

Nous savons gré ici au Législateur de ne pas avoir cédé aux demandes syndicales voulant que ce droit de refuser un travail soit un droit collectif et non pas un droit individuel. Nous savons déjà que, même en référant au droit individuel, il y aura toujours dans l'entreprise des personnes qui sauront tirer facilement avantage de la notion de "danger" pour toutes sortes de raisons, comme moyen de pression sur l'entreprise. Mais c'est là un demi-mal. S'il fallait cependant que le Législateur cède aux demandes syndicales voulant que ce droit de refuser le travail soit un droit collectif, nous ferions face à une situation grave pour l'entreprise, puisque nous sommes convaincus que l'exercice éventuel de ce droit pourrait conduire à tous les abus possibles.

Le comité de sécurité

Nous acceptons, en principe, la création volontaire de comités paritaires de sécurité dans l'entreprise, bien que nous doutions de l'efficacité d'une formule unique de comités pour répondre à la variété presque illimitée des situations concrètes qui prévalent dans les entreprises. Cette dernière réalité d'ailleurs devrait amener le Législateur à accepter, comme mécanisme substitut à un comité paritaire du genre de celui prévu à l'article 56, tout autre mécanisme, formel ou informel qui, de l'avis des travailleurs et de l'employeur, peut répondre adéquatement à des situations particulières.

Nos réserves et objections sur le comité paritaire de sécurité, une fois reconnu le principe, n'en sont pas moins importantes. a) Nous avons toujours dit que le chiffre de dix travailleurs, comme minimum requis pour déclencher le processus de mise sur pied d'un comité paritaire, était trop bas. La législation actuelle (arrêté en conseil 3787) fixe à vingt le nombre minimum de travailleurs requis pour engager le mécanisme de création d'un tel comité: le projet de loi No 17 devrait s'en tenir à cette disposition; b) En vertu des articles 56 et 57 du projet de loi, c'est la Commission qui déterminera, par règlement, les catégories d'établissements où pourront être formés des comités de santé et de sécurité.

Nous aurions aimé connaître, au moment de la discussion du projet de loi, le contenu de ce règlement. Autant en effet ce règlement pourra être souple, autant il pourra être exigeant. Le fait que nous ne connaissions pas là-dessus les intentions du Législateur (sous réserve de celles exprimées dans le Livre blanc) nous oblige à lui demander d'être bien conscient que la prolifération de comités paritaires dans l'entreprise, en plus d'être d'une efficacité douteuse, représentera des coûts importants pour les entreprises, notamment pour les PME.

Il y a lieu de noter également que le projet de loi parle de "comité de santé et de sécurité" au sein de "tout établissement groupant plus de dix travailleurs". Cette orientation ne semble pas réaliste. On ne compte plus par exemple les entreprises à établissements multiples (magasins, banques, garages, fleuristes, etc.. etc.). Selon la rédaction actuelle de la loi, chacun des établissements pourrait être appelé à bâtir son propre comité de sécurité, dès qu'il compterait plus de dix employés, s'il appartient à une catégorie identifiée par règlement. Cette orientation doit être revue; c) Nous nous opposons fermement à ce que le comité paritaire de sécurité détienne quelque pouvoir de décision que ce soit, de par la loi. Si les comités paritaires se voient donner des pouvoirs de décision, ce ne devra être que par décision de l'employeur.

Agir autrement, et confier des pouvoirs de décision à un comité paritaire qui par ailleurs n'aurait aucune responsabilité morale, juridique ou financière, ce serait introduire dans l'entreprise une structure d'autorité parallèle, concurrente de l'administration, et source automatique de conflits.

Le C.P.Q. s'oppose donc carrément aux pouvoirs de décision qu'accorde actuellement le projet de loi au comité paritaire. Le rôle de ce comité doit en être un de consultation, d'analyse, d'étude, de recommandation. Mais comme responsable ultime des objectifs économiques et sociaux de l'entreprise, aucun employeur n'acceptera de partager cette responsabilité avec une structure, celle d'un comité, qui n'a aucun statut juridique, aucun pouvoir sur ses mandants, en somme avec une structure qui discutera toujours de droits, jamais de responsabilités.

Le représentant à la prévention

Le projet de loi No 17 propose que, dans le cas où il existe un comité de santé et de sécurité dans un établissement, les travailleurs choisissent parmi leurs représentants au comité une ou des personnes pour exercer les fonctions de représentant à la prévention. Le Livre blanc était muet sur cette question.

Ces fonctions sont décrites à l'article 69, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles en couvrent grand: elles constituent, à peu de choses près, l'équivalent de la description de tâches d'un directeur de la sécurité dans une grande entreprise, mais ne s'accompagnent d'aucune responsabilité!

Le C.P.Q. rejette complètement l'idée de la création, par voie législative, de ce poste de représentant à la prévention.

A nouveau, faut-il le répéter, c'est l'entreprise qui est responsable, tant au plan juridique qu'économique, de la santé et de la sécurité au travail: c'est là un devoir précis auquel nul employeur ne saurait se soustraire sans encourir des sanctions sérieuses. C'est donc à l'employeur qu'il incombe d'assumer les fonctions de prévention qui sont décrites à l'article 69, en collaboration avec ses travailleurs.

Le gouvernement lui-même partage déjà avec l'employeur une partie des fonctions qu'il voudrait, par l'article 69, transférer à un ou des travailleurs. L'identification, par exemple, de situations qui peuvent être sources de danger pour les travailleurs à l'intérieur de l'entreprise, ou encore, l'inspection des lieux de travail, ne sont-elles pas déjà des fonctions dont se réclament les autorités gouvernementales?

Ce qu'il faut éviter, dans le domaine de la prévention des accidents du travail, c'est de confondre "activités" de prévention et "activités" propres aux relations patronales-syndicales. Nous craignons que l'imposition par le Législateur d'un poste de représentant à la prévention ne conduise à une "politisation" des activités de prévention, ce qui ne peut être avantageux ni pour les employeurs, ni pour les travailleurs. Le secteur de la construction a d'ailleurs déjà péniblement vécu ce genre d'expérience. (Voir à ce sujet le chapitre IV du Rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction). Soulignons finalement les coûts pour l'entreprise, notamment pour les PME, de la création d'un tel poste dans l'entreprise.

Nous ne rejetons pas le principe d'un tel poste à l'intérieur de l'entreprise. Il existe d'ailleurs déjà dans bon nombre d'entreprises. Mais sa création doit être le fait de la décision de l'employeur, ou d'une entente entre les parties, et non pas un acte d'autorité du Législateur.

Les associations de prévention

Le projet de loi No 17 prévoit la création d'associations sectorielles paritaires de santé et de sécurité au travail. Sous réserve de leur mode de financement, nous sommes d'accord avec cette disposition, la création de telles associations sectorielles n'étant pas obligatoire. Elles peuvent, en de nombreux cas, répondre aux désirs et aux besoins exprimés par les travailleurs et les employeurs.

Cette orientation nouvelle exige cependant que soit bien précisé le rôle qui serait dévolu aux associations patronales de prévention existantes qui, pour une raison ou pour une autre, ne deviendraient pas des associations mixtes (patronales-syndicales) de prévention.

Nous croyons pour notre part que les associations patronales de prévention existantes devraient continuer d'être subventionnées si une de leurs activités majeures, après l'adoption de la loi, était de promouvoir, là où c'est possible, la création d'associations paritaires de prévention. Elles pourraient également accomplir bon nombre des tâches que le projet de loi confie, par l'article 129, à la Commission. Et nous préférons voir ces tâches accomplies par ces associations plutôt que par la Commission.

Rappelons de nouveau, à ce chapitre des associations de prévention, ce que nous avons signalé plus haut: les employeurs ne sauraient accepter que leurs cotisations à la Commission de la santé et de la sécurité au travail servent à financer des activités parallèles de prévention, comme le prévoit l'article 79 du projet de loi.

La médecine du travail

Parmi les objections les plus sérieuses que formule la C.P.Q. à l'égard du projet de loi No 17, il y a l'organisation envisagée de la médecine et des services de santé au travail. De façon plus précise, le C.P.Q. s'objecte formellement: a) Au choix du médecin d'entreprise par le comité paritaire de santé et de sécurité; b) Au fait que, du point de vue administratif, le médecin d'entreprise relève non plus de l'entreprise, mais du D.S.C. ou du C.L.S.C; c) A l'impossibilité pour l'entreprise de recourir, si elle le désire, aux services de santé de cliniques privées; d) A la non-priorité d'embauchage du médecin actuellement en fonction dans une entreprise advenant que le gouvernement donne suite à son projet de réforme;

e) En somme, à la "nationalisation" pure et simple des services de santé de l'entreprise, que sous-entend la réforme projetée.

Plusieurs raisons ont déjà été longuement invoquées par les milieux patronaux pour justifier leur position dans ce dossier de la médecine du travail.

Ces raisons tiennent essentiellement au fait que la gestion de la santé au travail fait partie intégrante de la gestion des entreprises et met en cause: — leur responsabilité concernant la santé personnelle des travailleurs; — leur responsabilité concernant la qualité des services ou des produits offerts au public (par exemple, les normes de santé pour les chauffeurs d'autobus, les infirmiers, les pompiers, etc.); — leur responsabilité concernant les normes de qualité de services ou de produits que l'entreprise se fixe elle-même (par exemple, les normes de santé pour les camionneurs de longue distance, pour les travailleurs de l'industrie chimique, pétrolière, etc..)

Chaque entreprise planifie donc son action propre pour s'assurer qu'elle assume pleinement ses responsabilités, ce qui implique qu'elle doit contrôler la qualité et la fréquence des examens médicaux.

Pour réaliser les objectifs de l'entreprise, le médecin-conseil de l'entreprise doit donc pouvoir: — choisir ses examens médicaux; — administrer ses examens médicaux; — étudier les dossiers médicaux des employés; — avoir pleine juridiction sur les employés de son service.

Nous admettons cependant que cette partie de la gestion des entreprises touche tous les travailleurs d'une entreprise et nous reconnaissons que ces derniers puissent désirer avoir leur mot à dire.

Le projet de loi No 17 suggère une double solution à ce problème; 1 - la "nationalisation" des services assurant la santé personnelle des travailleurs, en n'autorisant que le recours au réseau public des services de santé: 2- la possibilité pour l'employeur d'embaucher un médecin-conseil et du personnel médical pour la réalisation de programmes de santé additionnels, s'il obtient l'accord de son comité de santé et de sécurité (art. 96).

Le C.P.Q. rejette cette solution à cause: 1) de son coût; 2) de l'exigence posée par l'article 96; 3) des frictions possibles entre les médecins-conseils et les services de santé "nationalisés" advenant l'accord prévu à l'article 96; 4) de l'indépendance administrative des services de santé au travail à l'égard des entreprises; 5) et, enfin, parce que l'entreprise ne pourrait plus, dans le contexte envisagé, assumer pleinement ses responsabilités dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

Dans le cadre suggéré par le projet de loi, qui conseillera l'entreprise lors du renouvellement de la convention collective lorsque seront discutées les clauses de santé et de sécurité au travail, ou à l'occasion d'un accident de travail?

Qui la conseillera relativement aux absences d'un employé? Qui sera son expert-conseil lors d'un arrêt de travail? Qui conseillera l'employeur sur le retour au travail d'un employé? Qui agira pour l'entreprise dans les cas de grève dans les services publics de santé? Comment s'effectueront les relations entre les médecins du travail et les hygiénistes industriels?

On peut encore formuler toute une série d'objections, toutes plus valables les unes que les autres. Mentionnons les suivantes: — La formation du personnel d'un service de santé d'une entreprise exige un très long apprentissage axé sur la médecine préventive beaucoup plus que curative. Le personnel médical doit connaître l'entreprise, les postes de travail, les produits, les conditions de travail, à tel point que, dans l'entreprise internationale, cette formation n'est souvent donnée qu'à un niveau international. Comment les entreprises seront-elles assurées de la qualité des services médicaux dans le cadre qui leur est suggéré? — Un accident ou un incident survient. Qui en prendra la responsabilité s'il est prouvé que l'erreur est imputable à un centre médical public ayant, par exemple, accepté trop tôt le retour au travail d'un employé? — L'accident peut être un accident de travail au sens strict du terme, mais il peut impliquer aussi des pertes matérielles pour l'entreprise, impliquer des tiers comme le public en général... Qui défraiera la note, qu'il s'agisse d'entreprises privées ou parapubliques, comme l'Hydro-Québec? — Plusieurs entreprises possèdent des établissements situés dans diverses régions du Québec. Dans ces entreprises, les décisions concernant le programme de santé et de sécurité sont généralement prises au niveau corporatif, ou même à l'extérieur du Québec. Comment les D.S.C. ou les C.L.S.C. pourront-ils, chacun dans leur région, coordonner les programmes de recherche et les programmes de santé et de sécurité ainsi élaborés? Comment les directives sectorielles, provinciales, nationales ou internationales pourront-elles être appliquées uniformément dans diverses régions? Comment seront coordonnées les prises de décision des comités paritaires à ce sujet? Etc..

N'est-ce pas là la fin de la recherche médicale dans les entreprises?

Face à tous ces problèmes pratiques, une question majeure se pose donc: "Pourquoi le Législateur tient-il tant à chambarder ainsi l'organisation des services de santé dans des entreprises qui ont assumé leurs responsabilités en ce domaine et mis sur pied des services qui valent bien ce que pourra offrir le réseau public des services de santé?

Les seuls arguments invoqués en réponse à cette question ont été de deux ordres: — la crédibilité des médecins d'entreprise est sérieusement mise en doute; — les médecins d'entreprise sont en conflit d'intérêt Ces arguments ne résistent pas à l'analyse.

a) La crédibilité des médecins d'entreprise

Les seules personnes capables de juger de la compétence d'un médecin du travail sont des médecins ou la Corporation professionnelle des médecins.

Or, à notre connaissance, aucun médecin d'entreprise n'a été condamné par la

Corporation professionnelle des médecins pour incompétence dans la pratique privée de la médecine du travail.

Dire que la crédibilité des médecins d'entreprise est mauvaise, c'est condamner les médecins d'entreprise sans procès. Seule la Corporation professionnelle des médecins est habilitée à prouver cette incompétence, et il n'appartient pas à des fonctionnaires ou à des syndicalistes de se substituer à la Corporation. Nous ne leur reconnaissons d'ailleurs aucune compétence en ce domaine.

b) Le conflit d'intérêt des médecins d'entreprise

Le médecin d'entreprise a pour tâche de conseiller l'entreprise au sujet de la santé et de la sécurité au travail. Il a pour tâche de conseiller l'entreprise au même titre que plusieurs autres professionnels, qu'il s'agisse du contrôleur, du conseiller en ressources humaines, de l'avocat, du conseiller en administration, de l'ingénieur, de l'architecte... Ces professionnels sont-ils en conflit d'intérêt parce qu'ils travaillent pour une entreprise? Un professionnel, même médecin, est-il en conflit d'intérêt "professionnel" parce qu'il travaille pour le gouvernement ou pour un syndicat?

L'Etat est conscient de ces problèmes concernant les professionnels. C'est pourquoi il agit ordinairement de deux façons pour protéger le public: par la création des corporations professionnelles et par la réglementation.

Or, concernant les services de santé au travail, il est exact de dire que l'Etat n'a que très peu réglementé. Nous suggérons donc qu'au lieu de "nationaliser" les services de santé au travail, l'Etat s'acquitte de l'une de ses tâches primordiales: établir une réglementation des services de santé au travail, et en assurer la pertinence et le contrôle, sans pour autant enlever à l'entreprise ses moyens d'assurer la santé et la sécurité au travail de ses travailleurs, conformément à ses responsabilités.

D'où notre proposition globale à l'égard de l'organisation des services de santé en milieu de travail:

A- Nous reconnaissons le bien-fondé des principales dispositions du projet de loi No 17 au sujet des programmes et services de santé qui doivent être offerts aux travailleurs tant au plan local que régional;

B- Nous acceptons que ces services puissent être dispensés par le réseau public de santé lorsque l'entreprise opte elle-même pour qu'il en soit ainsi, sous réserve cependant qu'il lui soit permis de s'organiser elle-même (ou en groupe) pour offrir ces services (à l'intérieur de ses établissements ou en cliniques privées); dans ce dernier cas, il ne saurait être question alors pour l'entreprise d'être assujettie administrativement (autrement que pour le contrôle général des normes gouvernementales) à tout D.S.C. ou C.L.S.C;

C- Nous accepterions par ailleurs que le gouvernement réglemente davantage les services de santé au travail là où ils sont déjà organisés ou pourront l'être. Cette réglementation pourrait s'inspirer des paramètres suivants: — rendre autonome le service médical de l'entreprise, en le rattachant directement au plus haut niveau de direction, tout en s'assurant de l'indépendance professionnelle du médecin par le biais de sa Corporation; — le médecin est choisi et rémunéré par l'entreprise, mais il doit être membre du Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier de la région; — le contrat d'embauchage du médecin doit être accepté par l'Ordre professionnel ou par la Commission de la santé et de la sécurité au travail; — des normes et des programmes de santé seront rendus obligatoires dans les entreprises; — l'entreprise sera tenue de remettre des rapports et des dossiers quant à l'observance de ces normes; — le D.S.C. assume le rôle administratif suivant à l'égard des entreprises; • il voit à ce que les programmes cadres soient exécutés; • il fait de la "surveillance" épidémiologique dans l'entreprise. — des subventions pourront être mises à la disposition de petites et moyennes entreprises qui ne peuvent se doter d'un service de santé au travail. On favorisera ainsi la création de cliniques inter-entreprises.

Les coûts

Le livre blanc d'octobre 1978 avançait quelques données sur le coût éventuel de la réforme envisagée.

Malheureusement, ces données étaient partielles et les auteurs du Livre blanc devaient continuer leur recherche pour mieux cerner les coûts d'ensemble de leur projet.

Qu'en est-il aujourd'hui de ces recherches, de ces études?

N'y aurait-il pas lieu pour le ministre responsable de déposer à la Commission parlementaire une évaluation, la plus réaliste possible, des coûts de réalisation de ce projet de loi, de même que l'échéancier prévu?

On comprendra qu'il est difficile pour un organisme comme le nôtre de faire une telle évaluation des coûts. Bien sûr, nous avons certaines indications de ce qu'il en coûtera, et déjà nous sommes en mesure d'affirmer que les petites et moyennes entreprises trouveront les coûts de la réforme très élevés, à juste titre. Mais trop de sujets seront déterminés par réglementation pour que nous puissions évaluer le coût total de cette nouvelle loi.

Il appartient donc au ministre responsable "d'ouvrir le livre des coûts estimés de la réforme", d'en discuter ouvertement, de déposer en Commission parlementaire toute la réglementation susceptible de donner lieu à des dépenses pour l'entreprise.

La commission de la santé et de la sécurité au travail

Nous avons déjà indiqué notre accord au sujet de la création d'une Commission de la santé et de la sécurité au travail, ainsi qu'avec la composition de son Conseil d'administration, encore que seuls les travailleurs syndiqués y soient représentés.

Notre réserve fondamentale à l'égard de cette Commission tient au mandat absolument extraordinaire qu'on entend lui confier.

Les articles 129 et 185 du projet de loi font de cette Commission un organisme omniprésent dans la vie quotidienne des entreprises. Nous ferons plus loin quelques suggestions pour en réduire l'importance (voir article 185). Mais nous souhaitons vivement que le Législateur revoie encore, une à une et à la loupe cette fois, toutes et chacune des fonctions que l'on veut attribuer à cette Commission. Celles-ci seraient moins onéreuses et plus productives si elles étaient assumées par d'autres organismes, dont les entreprises elles-mêmes, évitant ainsi de faire de cette Commission un monstre administratif qui, en raison de sa lourdeur, coûtera des sommes fabuleuses aux entreprises, lesquelles en assument tous les coûts.

SECTION III

Commentaires particuliers sur certains articles du projet de loi No 17

Chapitres I et II — Définitions et champ d'application

Art 1, 4 Biffer les mots "ou de loisirs".

Art 1, 14 Biffer les mots "ou de loisirs".

Art 1, 16 "Moyen de transport". Ce paragraphe doit être amendé pour préciser que cette expression ne comprend pas le transport de l'employé de son domicile à son lieu de travail. Art 1, 23 Compte tenu des observations faites dans la section I, biffer la définition de "représentant à la prévention". Art 1, 24 Au lieu d'utiliser le mot "travailleur" dans la loi, on devrait utiliser l'expression "salarié", par mesure de concordance avec les autres lois du travail. Art 7 Voir nos commentaires à l'article 27.

Chapitre III — Droits et obligations

Art 9, 1 Biffer les mots "et la supervision".

Art 9, 3 Si le mot "participation" est entendu dans un sens large de participation collective des travailleurs, et non d'une participation individuelle de chaque travailleur, c'est d'accord.

Il faudrait donc clarifier le texte.

Droit de refus

Art 11 II faut qualifier le mot "danger". Pour notre part, nous suggérons "danger immédiat et grave". Voir également notre commentaire sur l'exercice de ce droit, si un tel exercice risque de mettre en péril la santé ou la sécurité d'autres personnes.

Art 12 Supprimer les mots "normalement et habituellement".

Art 13 On doit ajouter à cet article l'obligation pour le travailleur de donner les raisons de son refus de travailler.

Art 14 Cet article devrait se lire comme suit: "Dès qu'il en est avisé, le supérieur immédiat ou, le cas échéant, l'employeur ou son agent procède à l'examen de la situation et apporte des mesures correctives s'il y a lieu".

Art 15 et 16 Ces articles devraient se lire comme suit:

Art 15, 1 "Dans les cas où il existe un comité de santé et de sécurité, si, après l'examen de la situation, le travailleur refuse toujours d'exécuter son travail, malgré les corrections qui peuvent avoir été apportées, le travailleur, l'employeur ou son représentant peut requérir l'intervention du comité pour examiner à nouveau la situation".

Art 15, 2 "S'il n'y a pas de comité de sécurité, le travailleur, l'employeur ou son représentant peut requérir l'intervention du représentant de l'association accréditée ou, s'il n'y en a pas ou s'il n'est pas disponible, de tout autre travailleur compétent en la matière désigné par celui qui refuse d'exécuter son travail".

Art 16 "L'employeur doit permettre au représentant de l'association accréditée ou au travailleur désigné en vertu de l'article 15, 2 de participer, sans perte de salaire, à l'examen de la situation".

Art 19 Cet article doit être biffé pour être remplacé par un article qui dirait: "En tout temps, un employeur a le droit de remplacer un travailleur qui exerce son droit au refus de travailler par un autre travailleur si 1) ce dernier est avisé du fait qu'un autre travailleur a exercé son droit de refuser de travailler, ainsi que des motifs de ce refus; 2) il est consentant à effectuer le travail". La loi ontarienne est ainsi rédigée: "Pending the investigation and decision of the inspector, no worker shall be assigned to use or operate the equipment, machine, device or thing or to work in the work place or the part thereof which is being investigated unless the worker to be so assigned has been advised of the refusal by another worker and the reason therefor".

Art 21, 2e paragraphe

Art 21, 2e par. Biffer, en raison de la nouvelle rédaction de l'article 19.

Art 22 Cet article devrait se lire comme suit: "La décision de l'inspecteur est exécutoire, sous réserve de l'article 147".

Art 23 II faudrait qualifier le mot "jours", de "jours ouvrables".

Art 26 Cet article doit se lire ainsi, compte tenu du nouvel article 19: "Aussi longtemps que le travailleur exerce son droit de refus et jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit rendue par l'inspecteur, le travailleur ne doit subir aucune diminution de salaire et n'être privé d'aucun des avantages sociaux liés à son emploi".

Art 27 Ajouter après cet article, les mots: "sous réserve de la non-application dans ce cas précis des dispositions de l'article 7".

Art 28 Nous demandons que cet article se lise comme suit: "Dans tous les cas, l'inspecteur doit être présent sur les lieux au plus six heures après que son intervention a été requise".

Art 30 Biffer cet article.

Si cet article était appliqué, certaines entreprises seraient incapables d'en assumer les coûts. On peut prévoir en effet que certains "refus" ne seront pas justifiés, et qu'il faudra attendre, dans certains cas, tout le cheminement de la procédure d'appel avant de clarifier la situation. Dans les grandes entreprises, l'application de cet article pourrait représenter des sommes considérables, que les entreprises ne pourraient récupérer du travailleur "fautif".

Il serait possible à des travailleurs d'utiliser cet article pour "embêter" un employeur: on pourrait constamment pointer des fonctions-clés de travail, et invoquer le droit de refus de travailler, obligeant l'employeur à rémunérer les autres travailleurs affectés par l'arrêt de travail. On voit vers quel genre de situation une telle hypothèse pourrait conduire.

Art 31 Le deuxième paragraphe de cet article devrait se lire ainsi: "Dans les dix jours d'une décision finale ou de la connaissance de faits nouveaux, l'employeur peut imposer des mesures disciplinaires si le refus a été exercé pour des motifs non raisonnables".

La travailleuse enceinte

Art 32 et 33 a) Ces articles devraient être rédigés de la même façon que l'article 9 de l'ordonnance No 17, 1978 (congés de maternité), découlant de la loi du salaire minimum, afin d'éviter les contradictions. Ainsi, l'ordonnance No 17 parle d'un délai de 8 jours

pour effectuer la mutation demandée, alors que l'article 33 du projet de loi No 17 prévoit que l'affectation demandée doit être effectuée sans délai. b) II y a lieu d'ajouter un paragraphe à cet article autorisant l'employeur à soumettre à l'appréciation de son propre médecin le certificat médical qui lui est soumis par la salariée enceinte. c) Nous ne nous opposons pas, en principe, au deuxième paragraphe de l'article 33 qui prévoit une indemnité pour une travailleuse enceinte dans le cas où celle-ci ne peut être mutée à d'autres fonctions. Le paiement d'une telle indemnité n'incombe cependant pas aux employeurs. La rémunération des congés de maternité, quel que soit le contexte qui prévaut au moment où est pris le congé de maternité, relève d'une politique sociale globale et doit donc être à la charge des fonds publics, si le Législateur opte pour une telle politique de rémunération. d) Compte tenu du paragraphe précédent, les articles 32 à 37 du projet de loi No 17 devraient donc être rayés. Et s'il y a lieu de prévoir une rémunération quelconque à l'occasion d'un congé-maternité, les modalités de cette rémunération devraient être précisées, ou à l'ordonnance No 17, ou à la loi No 126 sur les normes du travail, ou par un arrêté en conseil.

Obligations du travailleur

Art 38 Ajouter, à l'article 38, les paragraphes 7 et 8 suivants:

Art 38,1 Ajouter, à la fin de cet article, les mots "et l'observer".

Art 38,5 Réécrire cet article pour qu'il se lise comme suit: "Participer à l'identification et tendre à éliminer..." Art 38,7 "Utiliser les moyens et les équipements de protection individuels et collectifs, mis à sa disposition conformément à l'article 40." Art 38,8 "Utiliser un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse conformément aux règlements."

Droits généraux de l'employeur

Art 39 a) Ajouter au début de cet article un texte qui apparaissait au Livre blanc, à la page 201: "L'employeur a droit à l'organisation et à l'aménagement des lieux de travail en tant que propriétaire et gestionnaire de son entreprise". b) La première ligne du deuxième paragraphe de l'article 39 devrait se lire: "L'employeur a notamment le droit..." c) Ajouter à cet article: "De prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé, la sécurité et l'intégrité physique des salariés et de ses clients.

De faire subir des examens médicaux à ses employés par un médecin de son choix".

Obligations générales de l'employeur

Art 40,5 Cet article devrait se lire comme suit: "S'assurer que les méthodes et techniques soient sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur". (Le mot "organisation du travail" est utilisé ici dans un sens beaucoup trop large).

Art 40,6 Ajouter le mot "reconnues" après les méthodes et techniques.

Art 40,8 Supprimer les mots "ainsi que l'association accréditée", et ajouter "tel que prescrit par règlement". Art 40,12 Remplacer le mot "choisis" par "suggérés", et ajouter après "de sécurité", les mots "et approuvés par l'employeur". Rayer les mots: "Conformément au paragraphe 1 de l'article 63".

Le programme de prévention

Art 47 Remplacer les mots "compte tenu des responsabilités du", par "après consultation du". Art 48 a) Biffer les mots "l'organisation du travail", au paragraphe 3; b) Biffer les mots "de surveillance", au quatrième paragraphe. c) Modifier le deuxième alinéa du paragraphe 6, pour qu'il se lise comme suit: "Les éléments visés dans les paragraphes 1 et 2 sont déterminés par l'employeur, après consultation du comité de santé et de sécurité".

Art 50 Cet article devrait se lire: "L'employeur informe le travailleur du programme de prévention qui lui est applicable. Il en informe de même le comité de santé et de sécurité".

Les fournisseurs

Art 52 à 55 II y a lieu d'abord de faire les concordances exactes avec les autres lois et règlements qui traitent des mêmes sujets. C'est le cas notamment de l'article 350 d) de la loi sur la protection du consommateur et des autres lois sur l'étiquetage. Il ne devrait pas y avoir deux lois ou deux règlements qui traitent du même sujet.

Quant à l'article 52, il est susceptible, en pratique, d'entraver complètement les activités normales de production d'une entreprise. Telle n'est sûrement pas l'intention du Législateur et cet article devrait être précisé.

Nous vous référons d'ailleurs à ce sujet au mémoire soumis par la section québécoise de l'Association des manufacturiers canadiens.

Chapitre IV — Les comités de santé et de sécurité

Art 56 a) Le nombre de dix travailleurs est trop bas. L'arrêté en conseil 3787 établit ce nombre de travailleurs à vingt et nous croyons que telle devrait être la norme retenue à la loi No 17. Si d'ailleurs la Commission le juge opportun, elle pourra toujours, en vertu du deuxième paragraphe de l'article 57, exiger la constitution d'un comité de santé et de sécurité, quel que soit le nombre de travailleurs dans rétablissement. b) Les entreprises à établissements multiples (commerces de détail — banques — garages — etc..) devront-elles, en vertu de cet article, prévoir l'éventuelle composition, dans chacun de leurs établissements, d'un comité de sécurité? Si tel est le cas, on voit d'ici les coûts que cela pourrait représenter pour certains types d'entreprises. Le Législateur devrait préciser clairement la possibilité de regrouper des établissements pour fins d'application de la loi, là où les programmes de prévention (de même que l'organisation des services de santé) seront décidés au niveau corporatif.

Art 57 Dans plusieurs entreprises groupant des centaines de travailleurs, il est possible qu'il existe une association accréditée ne représentant que quelques travailleurs. L'association accréditée ne serait pas alors représentative de l'ensemble des travailleurs.

Il faut donc prévoir que l'association accréditée, pour transmettre un tel avis à l'employeur, devra représenter au moins 50% des travailleurs d'un établissement.

Art 58 Le nombre de membres d'un comité, de même que les modalités de la désignation des représentants des travailleurs devraient être prévus à la loi.

Au sujet des modalités de la désignation des représentants des travailleurs, nous suggérons la formule retenue à l'article 147 de la Charte de la langue française pour la composition du comité de francisation: — S'il n'y a dans l'entreprise qu'une seule association de salariés représentant la majorité des travailleurs, celle-ci désigne les représentants des travailleurs; — S'il y a dans l'entreprise plusieurs associations de salariés qui, ensemble, représentent la majorité des travailleurs, ces associations peuvent, par entente, désigner les représentants des travailleurs; — S'il n'y a pas entente, ou dans les autres cas, ces représentants sont élus par l'ensemble des travailleurs de l'entreprise, suivant des modalités déterminées par la direction de l'entreprise.

Art 59 Comme nous ne reconnaissons pas un pouvoir autonome de décision au comité de sécurité, nous demandons de biffer cet article. Art 63 Pour la même raison, nous demandons: a) de remplacer le mot "choisir" par le mot "suggérer" dans le premier paragraphe; b) de remplacer le mot "établir" par le mot "suggérer" dans le deuxième paragraphe; c) d'enlever les mots "l'organisation du travail" dans le paragraphe 3; d) de biffer le paragraphe 5; e) de réécrire le paragraphe 7 pour qu'il se lise comme suit: "de faire des recommandations à l'employeur concernant les techniques d'hygiène industrielle, l'entretien préventif et les normes d'hygiène et de sécurité spécifiques à l'établissement". f) il y a lieu de restreindre la portée actuelle, trop large, du paragraphe 8 qui permettrait de tenir des enquêtes sur tous les accidents ou risques d'accidents. Le texte du paragraphe 8 devrait se lire: "être informés des accidents compensables, et si le comité le juge nécessaire, une enquête sera effectuée par deux membres du comité qui soumettront les recommandations appropriées à l'employeur." g) de remplacer le mot "plaintes" par "suggestions" dans le paragraphe 9. h) de biffer le paragraphe 12.

Art 64 Biffer cet article qui n'est justifié que par le pouvoir de décision accordé au comité de santé et de sécurité.

Chapitre V — Le représentant à la prévention

Art 67 à 72 inclus Nous avons déjà indiqué, à la section II, nos raisons pour biffer cet article.

Chapitre VI — Les associations sectorielles

Art 73 Après "associations d'employeurs" ajouter "représentative(s) des employeurs d'un sec- teur" et après "associations syndicales", ajouter "représentative(s) des travailleurs d'un secteur".

Art 74 Les associations patronales du secteur de la construction commenteront cet article.

Chapitre VII — Les associations syndicales et les associations d'employeurs

Art 79 et 80 Pour les raisons mentionnées à la section II, nous nous opposons à ce que la Commission accorde, à des associations syndicales, des subventions puisées à même les fonds patronaux, quelles que soient les raisons invoquées pour justifier ces subventions.

Chapitre VIII — Les services de santé au travail

Art 81 à 101 Nous avons déjà établi fermement, dans la section II, notre position à l'égard de l'organisation des services de santé au travail. Essentiellement, nous rejetons l'orientation de base du projet de loi qui a pour effet de soumettre dorénavant le médecin d'entreprise à l'autorité, non plus de l'entreprise, mais du D.S.C. ou des C.L.S.C. Nous avons indiqué nos motifs à la base de cette position et suggéré plusieurs éléments de réforme de l'organisation actuelle. C'est en tenant compte de cette position fondamentale que nous commentons ci-après les articles 81 à 101.

Art 83 La rédaction de cet article devrait prévoir deux situations: celle où l'entreprise elle- même applique les programmes de santé, et celle où les services de santé sont assumés par le D.S.C. ou le C.L.S.C. Nous suggérons le texte suivant: "La Commission conclut, avec chaque centre hospitalier où existe un département de santé communautaire, un contrat aux termes duquel le centre hospitalier s'engage: a) à fournir l'information requise et à voir à ce que les entreprises appliquent les programmes cadres de santé et de sécurité au travail lorsqu'elles assument elles-mêmes l'organisation de ces services, dans l'entreprise ou en cliniques privées; b) à fournir, dans les autres cas, les services nécessaires à la mise en application du programme cadre de sécurité au travail.

Ce contrat est pour un territoire déterminé ou pour les établissements qui y sont identifiés."

Art 85 Prévoir également le cas où, selon le paragraphe a) de la rédaction que nous suggérons de l'article 83, le médecin responsable des services de santé dans un établissement est rémunéré directement par l'employeur.

Art 86 Ajouter que les services de santé peuvent également être fournis dans une clinique privée, si tel est le choix de l'employeur, et rayer le deuxième paragraphe. Ce deuxième paragraphe est en effet nettement discriminatoire: il y aurait en effet la "bonne" médecine, celle dispensée dans le réseau public des services de santé, et l'autre... celle dispensée en clinique privée. Le Législateur peut-il, en toute équité, justifier un tel choix?

Art 88 Cet article doit être complètement modifié pour se lire comme suit: "Le médecin responsable est choisi par l'employeur à partir d'une liste de médecins agréés aux fins de la médecine du travail par le centre hospitalier."

Art 89 Rayer cet article.

Art 94 Cet article doit être réécrit pour tenir compte des modifications suggérées à l'article 83.

Art 96 Rayer le premier paragraphe et conserver le deuxième.

Encore une fois, l'article 96 donne un pouvoir de décision au comité de sécurité. Il est de plus difficilement acceptable pour une entreprise de devoir obtenir l'accord des travailleurs pour mettre en application des programmes additionnels de santé.

Art 97, 98 Ces trois articles doivent être réécrits pour tenir compte des modifications suggérées à et 100 l'article 83.

Art 98 Pourquoi "toute déficience" mentionnée à cet article serait-elle signalée à l'association accréditée et au comité de sécurité?

Art 106 Sans en faire une suggestion ferme, nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu de revoir le nombre de membres du Conseil d'administration, afin d'y ajouter deux membres qui seraient deux médecins nommés par la Corporation professionnelle des médecins. Compte tenu du contenu de cette loi et de la réglementation éventuelle au plan médical, il faut s'assurer, d'une façon ou d'une autre, que les responsabilités qu'assumera la Commission en ce domaine seront assumés convenablement, ce qui suppose de la part de certains de ses membres des connaissances médicales approfondies.

Chapitre X — Inspection

Art 135 Remplacer les mots "à toute heure" par "pendant les heures normales d'ouverture", à moins de produire un mandat l'autorisant à ce faire.

Au deuxième paragraphe, après le mot "dossiers", ajouter "prévus par cette loi, sauf les dossiers médicaux". Art 136,3 II est nécessaire d'ajouter à ce paragraphe les trois éléments suivants: a) L'employeur doit être informé des méthodes d'analyse utilisées; b) On doit lui remettre 50% des échantillons prélevés, lorsque possible; c) On doit lui remettre une copie du rapport d'analyse. Art 142 et 146 Remplacer le mot "alors" par les mots "sur-le-champ".

Art 143 Nous demandons de rayer cet article. Il est impensable par exemple que, pour des raisons tout à fait hors du contrôle de l'employeur, celui-ci soit obligé de rémunérer ses travailleurs durant une suspension de travaux ou une fermeture, d'autant plus qu'une telle fermeture pourrait être décrétée pour une période indéfinie.

Art 144 Si aucune personne ne peut être admise sur un lieu de travail fermé, comment l'employeur pourra-t-il remédier à la situation?

Art 147 Cet article devrait se lire: "un ordre ou une décision d'un inspecteur est exécutoire tant qu'il n'y a pas d'appel devant la Commission, sous réserve du pouvoir de la Commission de maintenir la décision de l'inspecteur jusqu'à ce qu'elle ait rendu sa décision."

Art 149 Nous avons toujours préconisé que l'unification de l'inspection des normes de travail, incluant le secteur de la construction, se fasse sous l'autorité du ministère du Travail, sous réserve de l'inspection actuellement faite par le ministère des Richesses naturelles, laquelle devrait demeurer, compte tenu de l'argumentation faite à ce sujet par le secteur minier, sous la bonne gouverne de ce ministère.

En aucun temps cependant nous n'accepterions, pour des raisons de principe, que l'inspection relève de la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

Chapitre XI — Les chantiers de construction

Nous sommes satisfaits de ce que le projet de loi consacre une section aux problèmes particuliers de l'industrie de la construction.

Compte tenu cependant de la complexité des questions propres à ce domaine et de l'expertise considérable des associations patronales de ce secteur, membres du C.P.Q., celles-ci feront leur propre analyse des articles 150 à 184.

Rappelons que tous les principes que nous avons déjà discutés dans le cadre général de la loi valent également pour le secteur de la construction, qu'il s'agisse du refus de travailler, des fonctions du comité de chantier, des subventions aux associations syndicales, etc..

Chapitre XII — Règlements

Art 185 Nous avons déjà souligné les pouvoirs très étendus de réglementation accordés à la

Commission de la santé et de la sécurité au travail et nous avons également demandé que ces pouvoirs soient revus afin d'éviter que la Commission ne devienne un monstre administratif, par définition inefficace.

Commentaires additionnels: a) rayer le paragraphe 10; b) aux paragraphes 14et 15, ajouter "minima" après "équipements" et "mesures de sécurité"; c) le paragraphe 19 devrait se lire: "Déterminer les cas ou circonstances dans lesquels un employeur doit faire subir des examens médicaux, de même que le contenu minimum de ces examens et la fréquence minimum de ces examens;

d) les fonctions de la Commission prévues aux paragraphes 22,23,25 et 33 devraient être transférées au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui en assume déjà la responsabilité; e) au paragraphe 12, ajouter l'article 79; f) au paragraphe 18, éliminer les mots "et la capacité physique".

Art 186 Cet article devrait s'appliquer également dans les cas d'amendements aux règlements.

Dans les cas où il faut, par règlement, lister quels sont les contaminants ou les matières dangereuses, un avis à l'effet que la Commission entreprend une telle démarche devrait être publié dans la Gazette officielle. Voir à ce sujet l'article 22 de la loi ontarienne.

Chapitre XIII — Recours

Art 193 Lorsqu'il existe une convention collective, le travailleur ou son association accréditée devrait obligatoirement avoir recours à la procédure de règlement de griefs plutôt que de porter plainte auprès du commissaire général du travail.

Chapitre XIV — Infractions

Art 197 Ajouter à la fin des premier et deuxième paragraphes: "ou d'un groupement visé à l'article 60 du Code de procédure civile".

Art 198 Ajouter "sciemment" après les mots "quiconque pose".

Art 202 Remplacer te mot "travailleur" dans cet article par le mot "personne". L'esprit de cet article concorderait ainsi avec l'esprit qui appuie le contenu de l'article 124. Art 203 Ajouter les mots "sciemment" après»"de cette corporation qui,".

Art 204 Les mots "tout intéressé" devraient être clairement précisés.

Art 205 Remplacer les mots "l'expédition par la poste", par "la signification par un huissier ".

Chapitre XV — Financement

Nous avons déjà commenté, dans la section II, le financement de la loi No 17 et des règlements. Chapitre XVI — Dispositions transitoires

Art 238 Nous nous opposons à ce que cet article abroge l'article 111 de la Loi des accidents du travail, car c'est la seule disposition qui permet à des employeurs de discuter de certains problèmes particuliers avec les autorités de la CAT.

Art 280 Selon cet article, un comité de santé et de sécurité constitué en vertu d'une convention collective deviendrait, dès la sanction de la loi No 17, un comité de santé et de sécurité au sens de la loi No 17, donc avec tous les pouvoirs de décision que celle-ci prévoit. Une telle disposition nous oblige à affirmer plus fermement encore nos objections au pouvoir autonome de décision du comité paritaire de santé et de sécurité. En effet, si les parties patronale et syndicale, par le processus de la libre négociation de la convention collective, n'ont pas convenu de donner des pouvoirs de décision à ce comité, est-il justifiable que le Législateur intervienne dans ce processus de la libre négociation et impose lui-même, d'en haut, ses diktats? Une telle intervention saperait les fondements mêmes de la négociation collective entre partenaires responsables.

Art 286 L'article 286 prévoit-il, en pratique, la création d'un nouveau ministère de l'Inspectorat?

Pour notre part, nous réaffirmons que la mise sur pied de nouvelles structures gouvernementales ne serait pas justifiée et que le ministère du Travail est déjà en partie structuré pour se charger de l'application générale des dispositions de l'article 149.

Art 287 Le ministre désigné pour l'application de cette loi devrait être le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre.

CONCLUSION

En conclusion, nous remercions tous les membres de cette Commission parlementaire de la bonne attention qu'ils voudront bien apporter à nos divers commentaires. Ceux-ci d'ailleurs ne sont pas complets, étant donné le court délai qui nous a été accordé pour l'étude, en pleine saison estivale, de cet important projet de loi.

Nous remercions de façon plus particulière le ministre responsable d'avoir soumis, comme il l'avait toujours indiqué, le projet de loi 17 à cette Commission parlementaire. Et nous souhaitons vivement que nos représentations, ainsi que celles, nombreuses, de nos associations et entreprises membres, retiendront son attention et celle de ses principaux conseillers afin d'en arriver, croyons-nous, à une nouvelle rédaction de ce projet de loi.

Nous disons bien "nouvelle rédaction" et non "retrait" du projet de loi. Nous affirmons à nouveau en effet notre accord avec les objectifs poursuivis. Les moyens suggérés pour les réaliser

cependant font l'objet de trop d'objections sérieuses de la part des milieux patronaux, pour croire que quelques amendements apportés ici ou là sauront les satisfaire.

Or, s'il est exact, comme nous le croyons, que ce projet de loi a pour objectif final d'améliorer la santé et la sécurité de milliers d'hommes et de femmes au travail, ce avec quoi nous sommes totalement d'accord, il doit au moins tendre à s'associer les entreprises dans la réalisation de cet objectif.

Tel ne semble pas être actuellement le cas, et ce serait une erreur magistrale que de croire que la prévention des accidents du travail ne peut être qu'une affaire de législation et de réglementation.

C.P.Q. Août 1979

ANNEXE B

Mémoire présenté par

L'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec Limitée.

Relativement au projet de loi numéro 17 sur la santé et la sécurité du travail Québec, 17 août 1979.

L'Association Provinciale des Marchands d'Automibiles du Québec Limitée réunit onze (11) associations régionales de marchands d'automobiles regroupant plus de huit cent vingt-cinq (825) membres, tous des marchands d'automobiles possédant une franchise dûment reconnue des grands manufacturiers d'automobiles.

Le nombre moyen de salariés de chaque établissement s'établit à trente (30); ce qui signifie que plusieurs de nos membres se situeront autour de la limite de dix (10) travailleurs à laquelle réfère le projet de loi, à l'article 56.

Comme nous l'avions fait lors d'un projet de refonte du règlement concernant les établissements industriels et commerciaux (ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre), et lorsque le gouvernement d'alors avait l'intention de mettre en place un règlement sur la qualité du milieu de travail (ministère de l'environnement), nous désirons réitérer nos craintes de voir une seule loi et des règlements uniformes s'appliquer à des établissements d'envergures tout à fait différentes.

Les mécanismes d'administration, notamment le service d'inspection, les comités de sécurité, les recours à des médecins ne peuvent d'aucune façon être comparables dans des établissements de plusieurs centaines de travailleurs et dans ceux de moins de dix (10) ou vingt (20) travailleurs.

Cette réserve d'ordre général étant faite, nous ajoutons que l'Association Provinciale des Marchands d'Automobiles du Québec appuie fortement toutes les recommandations et commentaires du mémoire du Conseil du Patronat du Québec. Il va sans dire que les concessionnaires franchisés considèrent que les fondements de la réforme en matière de santé et de sécurité au travail sont logiques. Forts du travail bien structuré et hautement étoffé du Conseil du Patronat du Québec, nous voudrions toutefois demander à la commission parlementaire de considérer les points suivants:

Chapitre IV

Ce chapitre qui traite des comités de santé et de sécurité prévoit la formation possible d'un tel comité dans les établissements groupant plus de dix (10) travailleurs.

Advenant que le processus de mise sur pied d'un comité paritaire d'entreprise soit déclenché chez l'un ou l'autre de nos membres, nous prétendons que la représentation exigée de travailleurs sera bien au-delà des besoins réels de nos entreprises.

Le mémoire du C.P.Q. fait une juste mais trop courte mention des problèmes que le comité et/ou le représentant-travailleur à la prévention pourront causer à la PME. Il nous semble injuste que nos membres aient à défrayer individuellement les coûts de l'opération de ces comités dont la représentation en main d'oeuvre pourrait atteindre 40%. La duplication des efforts chez chacun y sera fréquente et inutile. D'autres entreprises, ayant des centaines de travailleurs, se verront imposer des comités, sinon moindre en nombre, du moins moindre en représentation proportionnelle.

Compte tenu des réalités de la compétition commerciale que nos membres vivent quotidiennement, les modalités d'application de la loi favoriseront fortement les opérations des artisans (stations-services, ateliers de débosselage, etc..) qui sont, pour nos membres, les plus nombreux compétiteurs.

Tel que mentionné plus haut, plusieurs de nos membres, à cause du petit nombre de travailleurs qu'ils embauchent, ne pourront logiquement mettre en marche un comité de santé et de sécurité.

Cependant, comme tous les travailleurs profiteront des effets de cette loi, tous les employeurs devraient s'y conformer. En effet, des centaines de petits ateliers au Québec ne disposent d'aucun ou de

très peu d'équipement approprié pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, et les comités paritaires de santé et de sécurité prévus au projet de loi n'existeront pas.

Nous recommandons que cette absence de comité de santé et de sécurité soit compensée par un autre mécanisme de surveillance dont nous traiterons plus loin au chapitre X.

Ajoutons que, tenant bien compte des buts louables visés, nous croyons que la Commission, si le texte de loi demeure inchangé, peut trop facilement imposer la création d'un comité de santé et de sécurité dans une entreprise très petite. A l'article 57, les critères d'imposition ne sont pas suffisamment définis. Nous croyons que ceci conduira à la création de comités fantoches dont l'essentiel des activités consistera à rédiger des compte-rendus d'assemblées inutiles.

Chapitre X

L'A.P.M.A. recommande que des inspecteurs soient disponibles en assez grand nombre pour assurer une surveillance à tous les trois (3) mois de tous les établissements où n'existe pas un comité de santé et de sécurité. Sinon, nous proposons que les modalités d'application de la loi soient proportionnelles aux capacités d'exercice de contrôle du service d'inspection.

Cependant il y aurait lieu de songer pour la Commission de santé et de sécurité au travail à employer les mêmes inspecteurs que la CAT. et le Ministère du travail qui voient à l'application du règlement sur les établissements industriels et commerciaux.

En effet, il nous semblerait superflu qu'un nouveau groupe d'inspecteurs travaillant dans un domaine de même nature ajoute aux difficultés actuelles d'opération des commerces de nos membres.

Voici donc les principales remarques que nous avions à formuler concernant ce projet de loi auquel, répétons-le, nous donnons notre accord à la condition que les mécanismes nécessaires soient mis en place pour que tous les travailleurs en profitent sans, pour autant, pénaliser les employeurs désireux d'opérer dans un système de juste concurrence.

L'Association Provinciale des

Marchands d'Automobiles du

Québec Limitée.,

ANNEXE C

Mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec présenté à la

Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

concernant le projet de loi no. 17 "Loi sur la santé et la sécurité du travail"

Messieurs les ministres,

Messieurs les députés,

Membres de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre 1. Pour les membres de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre, on pourrait prendre pour acquit que la Fédération des travailleurs du Québec n'a pas besoin de présentation. Nous croyons cependant qu'il n'est pas inutile de rappeler, à l'occasion de la présentation du présent mémoire, que la F.T.Q. est, au Québec, le porte-parole "politique" officiel de plus de 350,000 travailleurs syndiqués (dont environ 20% oeuvrent dans des secteurs de juridiction fédérale). 2. Tous ces travailleurs syndiqués ne sont pas cotisants à notre centrale puisque, contrairement aux autres centrales syndicales au Québec, l'affiliation à la F.T.Q. se fait sur une base volontaire, c'est-à-dire, que chaque section locale de chacun de nos syndicats affiliés décide volontairement de s'affilier à notre centrale et peut décider chaque mois, volontairement, de nous retirer son affiliation. 3. Dans ces circonstances, nous sommes heureux de pouvoir vous dire qu'il y a quelques mois, nous avons dépassé le cap des 300,000 travailleurs syndiqués membres de sections locales qui ont volontairement décidé de s'affilier à notre centrale et d'en faire, par le fait de cette affiliation, leur porte-parole officiel sur le plan politique. 4. Nous croyons que le rappel de cette réalité de la F.T.Q., que certains sont trop souvent portés à oublier, est suffisant pour établir, sans l'ombre d'un doute, la représentativité de la F.T.Q. comme porte-parole des travailleurs québécois sur le plan politique — dans un contexte où les lois du travail rendent virtuellement impossible l'accès à la syndicalisation pour près des deux-tiers des travailleurs — et pour établir ses lettres de créance pour s'exprimer devant votre commission sur le sujet à l'étude.

5. Cette représentativité de la F.T.Q., pour ce qui est du sujet à l'étude par votre commission, est encore accentuée du fait que notre centrale regroupe majoritairement les travailleurs syndiqués dans les secteurs qu'on qualifie d'"industriels", tant-dans le secteur privé que dans le secteur para-public: mines; métallurgie; pâtes et papier; forêt; vêtement; construction; production et distribution de l'électricité; arts graphiques; automobile; aéronautique; en un mot, l'ensemble du grand secteur de l'industrie manufacturière. La F.T.Q. est aussi majoritaire chez les travailleurs syndiqués des secteurs de l'alimentation et de la consommation courante; du commerce; du secteur municipal; du secteur de l'hôtellerie et de la restauration; du secteur des communications, y compris télé-communications, spectacles et radio-diffusion; du secteur du transport (air — mer — terre); ainsi que chez les fonctionnaires fédéraux, les facteurs et les postiers. 6. Bien sûr, nous représentons aussi, dans ces secteurs, et dans d'autres secteurs, un nombre très important de professionnels et de cols blancs, et nous ne nous désintéressons pas, loin de là, de toutes les questions reliées à la santé psychique des travailleurs: stress, santé mentale; satisfaction au travail; etc. lesquelles, d'ailleurs, intéressent aussi au plus haut point les travailleurs dits "industriels". 7. Mais, on comprendra facilement que dans un pays et à une époque où des travailleurs meurent encore victimes d'inhalation de vapeurs d'arsine; où des milliers de travailleurs sont diminués physiquement par la silicose et l'amiantose; où des travailleurs meurent de cancers ou d'autres maladies causés par leur exposition à des produits chimiques ou à des matières toxiques; où des centaines de nouveaux produits chimiques sont introduits chaque année dans les processus de fabrication et de transformation; où, en 1978 seulement, 308,159 demandes d'indemnisation ont été acceptées par la Commission des accidents du travail, dont 167,859 portant sur des accidents entraînant des pertes de temps, comparativement à 137,277 pour l'année 1977; où des milliers de travailleurs deviennent sourds à un degré plus ou moins avancé à cause de leur exposition au bruit des machines; où, en trois ans seulement, de 1975 à 1977 inclusivement, on avait à déplorer 693 décès dûs à des accidents du travail, dont 147 dans le seul secteur du bâtiment et des travaux publics — et cette enumeration n'est pas exhaustive, loin de là — on comprendra qu'une société qui se prétend civilisée, tout en ne négligeant pas les questions reliées à la santé psychique, doit diriger en priorité ses efforts vers les mesures correctives susceptibles de faire cesser ou, au moins, de réduire dans toute la mesure du possible, un tel massacre de ses travailleurs. Et on comprendra que c'est surtout sur cet aspect de l'immense problème qui confronte la société québécoise que la F.T.Q. fera porter ses revendications et ses commentaires sur le projet de loi. 8. Cette représentativité de la F.T.Q., elle tient enfin du caractère démocratique de toutes ses prises de position sur le sujet de la santé et de la sécurité du travail. Ces prises de position sont véritablement l'expression de la volonté "de la base" pour utiliser une expression à la mode, mais dont la réalité est vécue à la F.T.Q. depuis sa fondation. 9. Née en 1957 d'une fusion de la Fédération du travail du Québec et de la Fédération des unions industrielles du Québec, la F.T.Q. a continué depuis sa fondation à se préoccuper des questions ayant trait à l'hygiène et à la sécurité du travail, comme en témoignent les nombreuses résolutions adoptées sur le sujet, les nombreux mémoires présentés aux gouvernements qui se sont succédés, à la Commission des accidents du travail et aux commissions d'enquête ou d'étude qui ont été formées pour se pencher sur le problème, notamment le mémoire historique — dont un grand nombre de passages sont encore d'une actualité frappante — présenté par la F.T.Q. en juillet 1966 au Comité interministériel de la sécurité publique et de la sécurité des travailleurs, comité formé par le gouvernement d'alors mais dont les conclusions sont restées à peu près lettre morte. 10. Plus récemment, la F.T.Q. a regroupé et actualisé ses revendications en matière d'hygiène et de sécurité du travail. Ce processus a débuté à l'occasion d'un colloque tenu en janvier 1975 regroupant plus de 300 représentants de nos syndicats affiliés. Par la suite, un travail intensif de consultation produisait un document de travail qui retint pendant plus d'une journée l'attention des délégués à notre congrès biennal de décembre 1975, qui l'adoptèrent après y avoir apporté les modifications qu'ils jugèrent à propos d'y apporter. Le document ainsi produit, lequel représente les positions exprimées par plus de 900 travailleurs démocratiquement élus comme délégués de leurs sections locales, s'intitule "LE CONTROLE DES TRAVAILLEURS SUR LEUR SANTE". Ce document a été distribué à plus de 15,000 exemplaires, non seulement à l'intérieur de la F.T.Q. mais dans tous les secteurs de la société, y compris évidemment, aux représentants du gouvernement et dans les services gouvernementaux intéressés. 11. Plus tard, environ quatre mois après l'accession au pouvoir du présent gouvernement, nous avons tenu un colloque regroupant plus de 600 délégués démocratiquement élus, à deux pas du parlement, où nous avons crié notre désir de participation ainsi que nos principales revendications. Lors de ce colloque, les délégués ont entendu le premier ministre ainsi que deux ministres leur promettre une action rapide et spectaculaire de la part du nouveau gouvernement. "L'économie qui prétendrait encore faire passer l'homme après les machines, serait vouée à l'échec" avait dit, le 8 mars, le premier ministre René Lévesque dans le discours inaugural de la session. Et les promesses des ministres étaient à l'avenant devant les quelque 600 délégués à notre colloque des 17 et 18 mars 1977. 12. Enfin, nous avons eu la publication du Livre blanc sur la santé et la sécurité du travail le 19 octobre 1978. Dès sa réception, nous avons procédé à une consultation intensive dans toutes les régions du Québec et dans tous les secteurs d'activité dans lesquels oeuvrent nos affiliés, consultation

qui fut suivie par un colloque regroupant 739 délégués, encore une fois démocratiquement élus par chacune de leurs sections locales. Au cours de ce colloque, nous avons, pendant deux jours, étudié le Livre blanc et les réactions recueillies à son sujet au cours de notre consultation, et nous avons élaboré des prises de position qui, elles aussi, ont été publiées et distribuées à plusieurs milliers d'exemplaires. 13. Toutes ces prises de position émanant du processus démocratique qui est inhérent à notre mode de fonctionnement, nous les avons maintenant regroupées dans un document intitulé "RELEVE DES REVENDICATIONS OFFICIELLES DE LA FEDERATION DES TRAVAILLEURS DU QUEBEC EN MATIERE DE SANTE ET DE SECURITE AU TRAVAIL". Ce document est annexé au présent mémoire. Il est de consultation facile, puisque nos revendications y ont été regroupées par têtes de chapitres, avec table des matières. On ne se surprendra pas, nous en sommes convaincus, étant donné ce qui précède, que dans nos représentations sur un projet de loi sur la santé et la sécurité du travail, nous nous inspirions très fortement des prises de position officielles qui sont contenues dans ce document.

Notre position sur la philosophie générale du projet de loi No. 17

14. Dès le début du présent chapitre, la F.T.Q. désire exprimer sa satisfaction de pouvoir présenter son point de vue devant une Commission parlementaire sur un projet de loi portant sur la santé et la sécurité du travail, lequel a enfin été déposé par un gouvernement du Québec après avoir été réclamé à hauts cris depuis de nombreuses années par notre Fédération. 15. Il nous fait plaisir de souligner que, face à une situation désastreuse que nous avons dénoncée depuis plusieurs années et à plusieurs gouvernements qui se sont succédé, le présent gouvernement a été le premier au Québec à déclarer que la santé et la sécurité des travailleurs constituait pour lui une priorité, à nous promettre une loi et une réglementation qui se situerait à l'avant-garde de tout ce qui existe au Canada dans ce domaine, et enfin à avoir le courage — le terme n'est pas trop fort dans le contexte québécois — de déposer un projet de loi qui, bien qu'il ne réponde pas à tous nos espoirs et à toutes nos revendications, constitue quand même, par plusieurs de ses aspects, un outil important pour l'amélioration de l'environnement du travail, pour la reconnaissance légale du droit de toute personne qui travaille "à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique", et qui introduit comme principe fondamental — même si, à notre avis, c'est encore de façon bien timide et bien imparfaite — le droit pour les travailleurs, par eux-mêmes et par le moyen de leurs associations syndicales, de participer aux mécanismes et autres mesures susceptibles de leur assurer les meilleures conditions possibles d'hygiène et de sécurité du travail. 16. Bien sûr, ce projet de loi peut et doit être amélioré avant son adoption définitive. Nous vous soulignerons sans aucun ménagement ses aspects qui ne répondent pas à nos revendications et à nos espoirs. Mais, nous tenons à souligner dès le début de nos remarques au sujet de ce projet de loi, que nous sommes heureux qu'il ait enfin été déposé à l'Assemblée Nationale et qu'il fasse maintenant l'objet de discussions publiques, et que, compte tenu des améliorations qui doivent y être apportées, nous nous objecterons catégoriquement à ce qu'il soit retiré, comme semblent vouloir le revendiquer le Conseil du patronat du Québec et certains autres intervenants. Les travailleurs québécois ont attendu et réclamé une telle législation depuis trop longtemps pour qu'on retarde son adoption. Un retrait pourrait vouloir dire un autre délai, d'un an sinon plus, et tout délai additionnel pour une législation qui nous avait été promise — vous vous en souviendrez — pour la fin de 1977, serait totalement inacceptable. 17. Nous avons un urgent besoin de modifications et d'améliorations au cadre législatif qui régit les questions de santé et de sécurité du travail, cadre législatif dont le Livre blanc a constaté avec justesse le "manque de coordination" et l'insuffisance. En fait, la F.T.Q. a dénoncé depuis plusieurs années ce qu'elle n'hésitait pas à qualifier de "fouillis" dans le domaine des lois, des règlements et, par voie de conséquence, dans celui des juridictions, en matière de santé et de sécurité du travail. 18. Nous avons aussi un urgent besoin d'un cadre législatif qui permette de refaire et de coordonner l'ensemble de la réglementation en santé et sécurité du travail. En sécurité du travail, il existe des lacunes graves et un urgent besoin de coordination, mais les règlements existants, bien qu'encore imparfaits, ont tout de même évolué avec les époques et à un rythme relativement acceptable. Mais en santé du travail, la situation frise la tragédie et, pour reprendre une expression du Livre blanc: "... sauf pour de très rares exceptions (...), les règlements qui concernent la santé des travailleurs et la salubrité des lieux de travail sont anciens et désuets". 19. Nous allons beaucoup plus loin. Nous affirmons qu'en matière de réglementation en santé du travail, la désuétude des règlements qui existent et dont, pour la plupart, on ne sait même pas s'ils sont encore applicables puisqu'ils ont été adoptés en vertu de lois qui sont disparues des Statuts, les lacunes importantes — pour dire le moins — de ces règlements et le morcellement et la juxtaposition des juridictions dans l'application de ces règlements, font que les travailleurs ont le sentiment qu'il n'existe aucune réglementation qui puisse être appliquée efficacement et que, malgré que tout le monde veut donner l'impression de s'en occuper, personne ne possède vraiment la juridiction pour faire appliquer même les règlements désuets dont parle le Livre blanc. 20. Si nous ajoutons à cette situation, qui par elle-même est déjà tragique, l'insuffisance scandaleuse des services de protection de l'environnement du travail — le Livre blanc fait état d'un grand total de 28 personnes oeuvrant dans ce service pour l'ensemble du Québec — insuffisance que les

travailleurs ressentent douloureusement puisqu'il faut attendre jusqu'à six mois pour obtenir une inspection de l'environnement ou une analyse de produits soupçonnés être dangereux, on comprend plus facilement que des situations comme celles de la Canadian Copper Refiners, de Canada Metal, de Ballast Metal, de Monsanto, d'Atlas Asbestos, d'Asbestonos — pour ne nommer que celles-là, car la liste pourrait être allongée presqu'indéfiniment — puissent se présenter et se perpétuer impunément au Québec.

Les points du projet de loi avec lesquels nous sommes d'accord 21. Le projet de loi établit le droit pour le travailleur à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. NOUS SOMMES D'ACCORD. 22. Le projet de loi "lie le gouvernement, ses ministres et les organismes qui en sont mandataires" (Article 4). Jusqu'à présent, la situation est extrêmement confuse et des difficultés sans nombre sont éprouvées par les membres de nos syndicats affiliés dans les secteurs public et para-public. Cette nouvelle disposition clarifie la situation. NOUS SOMMES D'ACCORD. 23. Le projet de loi No. 17 propose de regrouper dans une seule loi et de remplacer par celle-ci toutes les lois ou parties de lois ayant trait à la santé et à la sécurité du travail. Ceci répond à une revendication que nous avons exprimée depuis de nombreuses années, notamment dans notre mémoire du 21 juillet 1966 au Comité interministériel de la sécurité publique et de la sécurité des travailleurs. Compte tenu des remarques que nous aurons à faire sur le contenu de cette loi, NOUS SOMMES D'ACCORD. 24. Le projet de loi No. 17 propose de confier à un seul organisme de chapeautage, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, l'administration de cette nouvelle loi ainsi unifiée, lui conférant par là même, autorité sur la prévention aussi bien que sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ceci répond à une revendication que nous avons fait valoir à de nombreuses reprises auprès des gouvernements qui se sont succédé au Québec ainsi qu'auprès des organismes qui en dépendaient, notamment la Commission des accidents du travail. NOUS SOMMES D'ACCORD. 25. Une de ces conditions que nous avions posées dans nos revendications pour qu'un seul organisme de chapeautage se voit ainsi confier l'autorité sur la prévention aussi bien que sur la réparation, c'était que cet organisme soit vraiment représentatif des parties: les bénéficiaires: l'ensemble des travailleurs par leurs organisations syndicales; les payeurs: le patronat par les représentants des associations patronales représentatives; et le gouvernement. Le projet de loi No. 17 propose que la Commission de la santé et de la sécurité du travail soit composée de onze membres dont cinq choisis par les associations syndicales les plus représentatives; cinq choisis par les associations d'employeurs les plus représentatives; et un président-directeur général désigné par le gouvernement. Une personne désignée par les représentants des travailleurs et une personne désignée par les représentants des employeurs siégeraient avec le président-directeur général au comité administratif. Nous aurons des représentations à faire sur le mode de nomination, sur le nombre des représentants des parties, sur les critères qui devraient guider leur choix et sur certaines formulations de cette section du projet de loi. Mais, sur le principe, ceci répond à une revendication exprimée depuis longtemps et à de nombreuses reprises par la F.T.Q. Donc, compte tenu des réserves que nous avons faites précédemment, NOUS SOMMES D'ACCORD. 26. Le projet de loi No. 17 propose qu'un seul ministre soit chargé de l'application de la loi. Il ne précise pas de quel ministre il s'agira et nous nous prononcerons sur ce point. Mais, sur le principe, comme les dispositions à ce sujet répondent elles aussi à l'une de nos revendications, NOUS SOMMES D'ACCORD. 27. Le projet de loi No. 17 propose que tous les services d'inspection soient unifiés. Cela aussi répond à une revendication de la F.T.Q. NOUS SOMMES D'ACCORD. 28. Le projet de loi No. 17 propose que les services d'inspection ainsi unifiés "relèvent du membre du conseil exécutif ou de l'organisme que peut désigner le gouvernement". Le contexte du Chapitre X — INSPECTION, et notamment le libellé des Articles 147 et 148, de même que le contexte de tout le projet de loi dans son ensemble, semblent indiquer que les services d'inspection relèveront, en dernière analyse, de "l'organisme que peut désigner le gouvernement" et que cet organisme ne peut être que la Commission de la santé et de la sécurité du travail institué en vertu des Articles 102 et suivants. Nous ne connaissons pas les raisons qui ont motivé cette gymnastique incompréhensible dans la rédaction du projet de loi. Mais, si l'intention du gouvernement est bien de confier l'autorité sur les services d'inspection à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, et à la condition que les articles pertinents du projet de loi soient reformulés de façon à ce qu'il soit bien clair que c'est la Commission qui détiendra l'autorité sur les services d'inspection, NOUS SOMMES D'ACCORD. 29. Le projet de loi No. 17 propose des dispositions ayant trait au "retrait préventif de la travailleuse enceinte" (Article 32). La formulation de ces articles constitue une amélioration sur la formulation du Livre blanc. Compte tenu de modifications d'ordre mineur que nous proposerons à certains de ces articles, NOUS SOMMES D'ACCORD. 30. Au paragraphe 25, nous avons exprimé notre accord de principe, avec quelques réserves, sur la composition de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Voici ces réserves:

31. Le nombre de "cinq membres" qui seraient nommés par le gouvernement "à partir des listes fournies par les associations syndicales les plus représentatives" n'est pas assez élevé. Une Commission avec des fonctions aussi étendues doit être vraiment représentative, tant du côté syndical que du côté patronal, des grands secteurs économiques. Le Livre blanc a proposé, à la page 87, un tableau tiré de Statistique Canada qui fait état de onze secteurs économiques, d'importance inégale. Nous proposons des regroupements et la nomination de représentants des parties comme suit: 32. Ces commissaires n'étant pas permanents, le coût n'en serait pas prohibitif et le nombre n'en serait pas trop élevé pour empêcher la Commission d'être fonctionnelle. Une telle composition permettrait, en outre, la formation de comités "ad hoc " pour l'étude de problèmes particuliers à tel ou tel secteur économique, le cas échéant. 33. Une telle composition aurait, par ailleurs, l'avantage de rendre inutile la présentation de listes par les associations les plus représentatives. En effet, dans l'ensemble du Québec, quelles sont "les associations syndicales les plus représentatives"? Est-ce que ce sera déterminé arbitrairement par le gouvernement? Alors que dans tel ou tel secteur économique, il est facile de déterminer laquelle des associations syndicales est "la plus représentative" et la "liste" fournie par cette association au gouvernement pourrait se limiter au nombre de représentants à désigner par cette association syndicale pour ce secteur économique en particulier. 34. Pour ce qui est du comité administratif dont il est question à l'Article 119 du projet de loi, nous ne demandons pas qu'il soit élargi, mais nous nous objectons à ce que la personne désignée "par les représentants des travailleurs au sein du conseil d'administration" soit obligatoirement choisie "parmi ces représentants". En effet, le choix d'une personne parmi les représentants d'une partie, qu'il s'agisse de la partie syndicale ou de la partie patronale, pourrait débalancer le conseil d'administration et pourrait de plus poser un certain nombre de difficultés, alors que si les représentants des parties ont la latitude de choisir la personne qu'ils veulent désigner au comité administratif, soit au sein de leurs propres rangs avec droit de remplacement au Conseil, soit à l'extérieur de leurs rangs, cela rendrait le processus beaucoup plus logique et facile. 35. En effet, un des principaux rôles de la personne désignée au comité administratif par chacune des parties serait sans doute de s'assurer que chacun des membres du conseil d'administration de la partie qu'il représente obtienne toutes les explications pertinentes à chacun des dossiers à être soumis au conseil d'administration en les résumant, si nécessaire, de façon à ce qu'ils puissent être assimilés rapidement dans toutes leurs implications. Il est fort possible que pour s'acquitter d'un tel rôle, les représentants de l'une ou de l'autre des parties préfèrent une personne de l'extérieur en qui ils auraient confiance et sur laquelle ils pourraient s'entendre.

Le ministre chargé de l'application de la loi 36. Il est indispensable que la population du Québec en général, et les travailleurs en particulier, connaissent avant l'adoption de la loi quel ministre sera chargé de son application. En effet, cette loi sera forcément appliquée dans tel ou tel esprit, selon la vocation naturelle de tel ou tel ministère, et il serait impensable, par exemple, qu'une telle loi soit appliquée par le ministre de l'Industrie et du Commerce comme le disait facétieusement le Conseil central des Syndicats nationaux de Montréal. 37. Dans nos documents qui ont précédé l'accession au pouvoir du présent gouvernement, notamment dans notre mémoire de juillet 1966 et dans notre document de congrès de 1975, nous avons préconisé que le ministre chargé de l'application d'une loi unifiée sur la santé et la sécurité du travail soit le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Cependant, nous n'avions pas osé espérer, à cette époque, qu'une telle loi pourrait couvrir aussi tout le domaine de la santé du travail ainsi que les domaines de la formation, de l'information, de la recherche, de la réglementation des produits utilisés dans les processus de production et de transformation, etc. 38. En l'absence d'un ministère mandaté pour effectuer une coordination entre tous les ministères impliqués dans l'application d'une loi unifiée en santé et sécurité du travail, nous avions revendiqué, à notre congrès de décembre 1975: "que soit établi et maintenu en permanence un Comité interministériel dont le rôle serait d'élaborer et d'adapter aux conditions nouvelles ou changeantes les modes de collaboration et d'action des divers ministères impliqués dans les domaines de la réparation, de la réadaption et de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, le tout par l'entremise de l'organisme de chapeautage que constituerait la Commission des accidents du travail". 39. Or, l'un des premiers gestes du présent gouvernement après son accession au pouvoir fut précisément d'établir un ministère dont la vocation pourrait naturellement comprendre celle "d'élaborer et d'adapter aux conditions nouvelles ou changeantes les modes de collaboration et d'action des divers ministères impliqués" dans l'application de toutes les particularités de la nouvelle loi et d'établir les comités interministériels nécessaires à l'élaboration et à l'adaptation des modes de collaboration et d'action des divers ministères impliqués. Il s'agit du Ministère d'Etat au Développement social dont le ministre actuel est effectivement le parrain du présent projet de loi. 40. La F.T.Q. prend donc officiellement position et propose que le projet de loi soit modifié et désigne spécifiquement le ministre d'Etat au Développement social comme étant "le ministre chargé de l'application de la présente loi".

Les services d'inspection 41. La position de la F.T.Q. telle que réaffirmée lors de notre colloque de novembre 1978, est: "que l'inspection doit aussi faire partie de l'ensemble des mesures à être chapeautées sous l'autorité de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, organisme représentatif des parties directement intéressées". 42. La position de la F.T.Q. n'a pas changé depuis novembre 1978. Le rôle d'un service d'inspection digne de ce nom est considérablement plus large que celui des inspections "conseil" et des inspections "policières". En effet, des fonctions techniques telles que l'élaboration des règlements et normes, l'approbation des plans et la surveillance nécessaire pour assurer leur respect, et une foule d'autres fonctions reliées directement à la vocation "prévention", confiée à un organisme comme la Commission de la santé et de la sécurité du travail, doivent relever normalement du service d'inspection et il serait impensable, dans les circonstances, qu'un instrument aussi essentiel de fonctionnement ne relève pas de l'organisme mandaté par le gouvernement pour l'administration d'une loi sur la santé et la sécurité du travail. 43. Compte tenu de ce qui précède et de nos remarques au paragraphe 28, nous proposons donc que le projet de loi No. 17 soit modifié pour désigner clairement et spécifiquement la Commission de la santé et de la sécurité du travail comme étant l'organisme de qui relèvent les services d'inspection prévus au Chapitre X dudit projet de loi.

Le retrait préventif de la travailleuse enceinte 44. L'Article 37 du projet de loi prévoit que "la travailleuse qui exerce les droits que lui attribuent les Articles 32 et 33 conserve tous les droits et privilèges rattachés au poste régulier qu'elle occupait avant son affectation à d'autres tâches". Or, si une affectation à une tâche "ne comportant pas de tels dangers" s'avérait impossible ou si, d'après les termes de l'article 33, elle "n'est pas effectuée sans délai", la travailleuse "peut cesser de travailler (...) jusqu'à la date à compter de laquelle elle a droit à un congé de maternité". L'Article 37 ne prévoit pas la protection de ses droits dans le cas où elle exerce ainsi son droit de cesser de travailler. 45. La F.T.Q. propose que soient ajoutés à l'Article 37 les mots suivants: "ou avant l'exercice de son droit de cesser de travailler".

Les droits du travailleur

a) Un droit fondamental 46. L'Article 8 du projet de loi établit que "le travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique". Nous avons exprimé notre accord à ce principe fondamental (paragraphe 21). 47. Cependant, nulle part dans le projet de loi, on ne propose une définition de la "santé" et nulle part on n'explique ce en quoi consiste T'intégrité physique". Le travailleur n'est pas seulement une machine dont il est important qu'on puisse sauvegarder "l'intégrité physique" pour qu'il puisse continuer à fonctionner au travail. C'est aussi et surtout une personne humaine qui a besoin de préserver, dans toute la mesure du possible, l'ensemble de ses fonctions physiques et mentales pour pouvoir jouir pleinement de sa vie, par lui-même, avec sa famille et dans la société. Pour ne donner qu'un exemple, les effets de bruit et des vibrations sur la vie sociale de l'individu qui y est exposé pendant ses heures de travail sont bien connus et scientifiquement prouvés. Et, on pourrait donner bien d'autres exemples des effets des agresseurs industriels sur la vie sociale de l'individu. 48. Dans la plupart des pays francophones au monde, on utilise plutôt le terme "hygiène du travail" que le terme "santé au travail" pour définir ce qu'on recherche comme normes de bien-être du travailleur. Nonobstant nos mauvaises habitudes en continent nord-américain, il y aurait peut-être lieu, partout dans la loi où le terme "santé au travail" est utilisé, d'adopter le terme "hygiène du travail" qui, à notre avis, rend beaucoup mieux l'idée de ce qui devrait être visé par une loi sur la santé (l'hygiène) du travail. Ceci faciliterait d'ailleurs une approche beaucoup plus rationnelle au niveau du Chapitre VIII du projet de loi, comme nous le verrons tout à l'heure. 49. Au terme de la définition qu'en donne l'"American Industrial Hygiene Association", il faut entendre par hygiène industrielle: "La science et l'art d'identifier, d'apprécier et de prévenir les facteurs et les contraintes propres au travail ou qui en résultent et qui sont susceptibles d'entraîner la maladie, l'altération de la santé ou du bien-être, une gêne marquée ou un déficit fonctionnel grave parmi les travailleurs ou les membres de la collectivité". 50. Par ailleurs, un comité mixte de l'Organisation internationale du Travail et de l'Organisation mondiale de la Santé a établi, dès sa première session en 1950, une définition fort large de la médecine du travail. Cette définition n'a pas été modifiée depuis. Elle se lit comme suit: "La médecine du travail a pour but de promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; de prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de leur travail; de les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d'agents préjudiciables à leur santé; de placer et de maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme, d'adapter le travail à l'homme et chaque homme à sa tâche". 51. L'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail commente, après avoir cité cette définition de l'O.I.T. — O.M.S.: "Une telle définition recouvre manifestement un champ très vaste. De fait, elle appelle le concours de connaissances spécialisées ressortissant à des disciplines diverses — médecine sciences techniques, chimie, toxicologie, physiologie, statistique, etc. — ce qui rend indispensable un travail d'équipe conduit dans un climat d'étroite collaboration par les représentants des différentes disciplines". 52. Nous reviendrons sur ces définitions et sur ce commentaire lorsque nous discuterons le chapitre VIII du projet de loi intitulé "Les services de santé au travail". Notre propos, pour le moment, se situe au niveau du droit pour le travailleur à un environnement de travail qui soit non seulement sécuritaire, mais qui soit salubre dans toute l'acceptation du terme et qui soit, par conséquent, respectueux de son intégrité physique et mentale dans toute sa plénitude. 53. C'est pourquoi la F.T.Q. propose que, dès le début du chapitre traitant des droits et obligations du travailleur, dans la section traitant des "droits généraux", le gouvernement introduise une définition de ce qu'il entend par les termes "santé" et "intégrité physique". Et nous ne pouvons suggérer une meilleure façon d'établir une telle définition que par l'introduction des termes mêmes de la définition du comité O.I.T. — O.M.S., en y incorporant les passages pertinents de la définition de l'hygiène industrielle de l'American Industrial Hygiene Association.

b) Les droits généraux 54. Le présent article 9 du projet de loi établit une liste de trois groupes de mesures auxquelles le travailleur a "notamment" droit. La F.T.Q. est d'avis que toute énumération, particulièrement dans une loi, a tendance à être interprétée comme étant limitative, et elle soumet que le préambule de cet article devrait se lire:

"Sans limiter la généralité de l'article 8, le travailleur a notamment droit.". 55. La F.T.Q. note que la rédaction des mesures auxquelles le travailleur a "notamment droit" diffère d'une façon très importante de la rédaction des mesures auxquelles l'employeur aurait droit en vertu de l'article 9 du projet de loi. En effet: 56. Alors que l'employeur a droit "à des services de formation, d'information et de conseil en matière de santé et de sécurité du travail" de façon générale, le travailleur, lui, n'a que le droit "d'être informé sur les dangers reliés à son travail et à son milieu de travail et de recevoir la formation, l'entraînement et la supervision appropriés", le terme "approprié" s'appliquant évidemment ici à son travail et à son milieu de travail. 57. Alors que l'employeur a le droit, "conformément à la présente loi", de participer à l'élaboration des normes et règlements et des priorités en matière de recherches, le projet de loi reconnaît au travailleur à peu près les mêmes droits mais, dans son cas, c'est "conformément à la présente loi et aux règlements", de sorte que lors de l'adoption de la loi, on ne saurait pas si le travailleur jouit vraiment de ces droits: il lui faudrait attendre qu'on veuille bien les lui accorder par règlement au lieu de réclamer et même d'exiger que des règlements soient adoptés pour concrétiser des droits qui lui seraient clairement reconnus dans la loi. 58. La F.T.Q. soumet que, tant pour ce qui est de cet Article 9 que pour ce qui est de l'Article 39 du projet de loi, une nouvelle rédaction est nécessaire. En effet, il y a certains droits généraux qui peuvent s'appliquer à chaque travailleur et à chaque employeur en particulier, et ces droits sont facilement identifiables. Mais, il y a certains droits comme, par exemple, ceux de participer à l'élaboration des normes, des programmes et des priorités en recherche, des programmes et moyens de prévention, pour lesquels on voit mal que chacun des quelque 120,000 employeurs et chacun des quelque 2,000,000 de travailleurs au Québec puissent exercer individuellement, et un projet de loi qui se veut sérieux peut se passer de voeux pieux de ce genre. Les 6,000,000 d'inspecteurs, c'est bien joli mais, dans la pratique, cela ne fait pas sérieux. 59. Certains droits doivent s'exercer collectivement par l'entremise des associations représentatives des travailleurs et des mécanismes qu'ils mettront sur pied, conjointement avec l'employeur ou autrement. La même chose s'applique du côté des employeurs. 60. Il existe une lacune grave au niveau des définitions dans un projet de loi rédigé à la suite d'un Livre blanc qui se disait écrit sous le signe de la participation: c'est l'absence de définitions pour les agents sociaux que sont les associations syndicales et les associations patronales. De sorte que lorsqu'on retrouve ces termes dans le projet de loi, notamment au Chapitre VII, on ne sait pas ce qu'ils veulent dire. 61. Il faut de toute nécessité, pour l'administration et le fonctionnement efficace d'une loi qui se veut basée sur la participation des deux parties présentes en milieux de travail, que le gouvernement, dans cette loi, définisse clairement quels seront les interlocuteurs valables à chacun des niveaux de cette administration et de ce fonctionnement. Au niveau d'une usine, ou d'un endroit de travail en particulier, on peut toujours parler de l'employeur au singulier, et de l'association accréditée, bien que même là, cela peut créer certaines difficultés comme nous le verrons lorsque nous discuterons du fonctionnement des comités de santé et de sécurité. 62. Mais quelles sont, au Québec, les "associations syndicales les plus représentatives" et les "associations d'employeurs les plus représentatives"? Dans quelle loi le gouvernement peut-il trouver les critères lui permettant de décréter que telle association syndicale est ou n'est pas "représentative", ou que telle association d'employeurs est ou n'est pas "représentative"? Dans tel ou tel secteur, quelle est l'association syndicale qui est "représentative" et quelle est l'association d'employeurs qui est "représentative"? Et à partir de quels critères cette "représentativité" sera-t-elle déterminée? 63. Edicter que la commission peut faire des règlements pour "déterminer ce qui constitue une association syndicale ou une association d'employeurs aux fins de l'Article 73" (Article 185 — 12° alinéa) est loin d'être satisfaisant dans une loi dont toute l'économie doit être basée sur la participation des agents sociaux, puisque les termes "association syndicale" et "association d'employeurs" devraient être utilisés un peu partout dans cette loi, comme nous le voyons bien à l'étude des Articles 9 et 39. 64. La F.T.Q. soumet donc que le gouvernement doit établir, dans la loi elle-même, les critères qui devront guider le gouvernement et la Commission, le cas échéant, dans la détermination du statut de "représentativité" d'une association syndicale ou d'une association d'employeurs pour les fins de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, tant au niveau de l'ensemble du Québec qu'au niveau de tel ou tel secteur en particulier. Il est théoriquement possible que telle association syndicale ou telle association d'employeurs qui pourrait être "représentative" au niveau d'un secteur économique ne soit plus "représentative" au niveau de l'ensemble du Québec, sauf peut-être pour certaines fonctions très précises. Et nous soumettons que, pour l'élaboration de ces critères qui, nous le répétons, doivent être introduits dans la loi elle-même, il doit y avoir une consultation intensive des parties directement intéressées. 65. Avant de terminer la discussion sur l'article 9 du projet de loi, nous voulons exprimer notre accord sur le principe énoncé au premier alinéa de cet article 9 qui répond à l'une des revendications de longue date de la F.T.Q. Cependant, le libellé de cet alinéa devrait être modifié et nous proposons la formulation suivante:

"d'être informé sur les dangers reliés à son travail, de la composition des produits qu'il peut être appelé à utiliser dans le cours de son travail ou qui peuvent être utilisés ou présents à proximité de son endroit de travail; de recevoir une formation et un entraînement adéquats quant à la façon d'exécuter son travail de façon sécuritaire pour lui-même et pour toute personne qui pourrait se trouver dans son entourage, et de bénéficier du degré de supervision approprié aux circonstances;"

c) Le droit de refus 66. Le principe établi dans la section traitant du "droit de refus" répond partiellement à nos revendications et nous nous empressons de reconnaître que la formulation de ce droit dans le projet de loi est une nette amélioration sur ce que nous avait laissé entrevoir le Livre blanc sur le sujet. Cependant, la F.T.Q. insiste fortement pour que les modifications suivantes soient apportées à cette section du projet de loi: 67. L'article 12 est totalement inacceptable et son adoption ouvrirait la voie à toutes sortes de difficultés et à toutes sortes d'abus. L'intention est très certainement acceptable. C'est la formulation qui est mauvaise. 68. Si c'est l'intention du gouvernement que le droit de refus ne puisse pas s'exercer pour certaines fonctions qui, de par leur nature même ou, en certains cas, en raison de certaines circonstances, comportent des risques qui leur sont "inhérents", alors qu'il définisse dans la loi de quelles fonctions il s'agit et dans quelles circonstances. 69. En Ontario, on a défini dans la loi les fonctions et les circonstances dans lesquelles le droit de refus ne doit pas être exercé par un travailleur. En Saskatchewan, un travailleur "may refuse to do any particular act or series of acts at work which he (le travailleur) has reasonable grounds to believe are unusually dangerous to his health or safety or the health and safety of any other person". Au Manitoba, la situation est différente et c'est l'employeur, son agent ou un "supervisor, foreman, chargehand or similar person" qui a la responsabilité de s'assurer qu'un travailleur n'accomplira pas un travail "that is unusually dangerous to the safety or health of a worker". Une particularité intéressante dans la loi du Manitoba est que si un représentant de l'employeur investi de cette responsabilité est trouvé coupable d'une violation de cet article, il peut, en plus d'encourir les pénalités prévues pour violation de la loi, être suspendu de ses fonctions de supervision pour une période de six mois à compter de la date de sa condamnation. 70. Nous n'avons évidemment pas, au Québec, à imiter exactement ce qui se fait dans d'autres provinces canadiennes. Les circonstances sont différentes d'une province à l'autre et le contexte de la loi elle-même est différent. Il nous semble cependant que la formule de l'Ontario, dans le cas précis visé par l'article 12 du projet de loi québécois, serait la formule la plus appropriée, c'est-à-dire une définition précise des fonctions et des circonstances dans lesquelles le droit de refus ne pourrait pas être invoqué par un travailleur. 71. On nous dira peut-être que la formulation proposée par le gouvernement est sensiblement celle qui existe dans la loi suédoise. Nous répondrons qu'en Suède, c'est le droit collectif intégral qui est reconnu, c'est-à-dire le droit pour le délégué attitré à la sécurité de faire cesser le travail s'il constate une situation dangereuse, que la décision du délégué à la sécurité vaut jusqu'à l'intervention de l'inspection du travail, et enfin, qu'aucune représaille de quelque nature que ce soit ne peut être exercée contre le délégué à la sécurité même s'il fait une erreur. Qu'on nous accorde dans la loi le même degré de droit collectif et nous serons disposés à faire quelques compromis sur le libellé de certains de ses articles. 72. Ceci nous amène à parler de l'absence complète du droit collectif dans la section du projet de loi qui traite du "Droit de refus". Il faut bien vous avouer qu'après que ce droit nous eut été promis spécifiquement par le ministre d'Etat au Développement social devant plus de 600 délégués lors de notre colloque des 17 et 18 mars 1977, l'absence du droit collectif dans le projet de loi est une pilule passablement difficile à avaler. 73. Lors du colloque de novembre 1978, les délégués ont adopté la position suivante concernant le droit de refus: "La F.T.Q. réitère sa revendication pour que la prochaine législation reconnaisse le droit individuel et le droit collectif de refuser ou de cesser tout travail jugé dangereux ou nuisible à la santé. Par l'expression "droit collectif", la F.T.Q. entend préciser qu'elle envisage le droit exercé par un représentant ou des représentants dûment attitrés à cette fin par les travailleurs. La F.T.Q. est prête à négocier les modalités d'exercice de ce droit mais elle insistera pour que ces modalités comportent l'immunité la plus complète pour le représentant attitré des travailleurs et qu'elles comportent aussi la protection du revenu et autres avantages aux travailleurs qui seraient touchés par un tel arrêt de travail ou d'une opération par suite de l'exercice d'un tel droit si on ne peut pas leur confier d'autre travail acceptable en attendant que la situation soit corrigée ou qu'elle soit jugée non dangereuse." 74. Le ministre d'Etat au Développement social a déclaré à plusieurs reprises depuis la publication du Livre blanc que le gouvernement ne pouvait pas, dans le contexte actuel, accorder le droit collectif

réclamé par les centrales syndicales et qu'il fallait absolument que le processus de l'exercice du droit de refus soit "enclenché" par le travailleur individuellement ou par tout groupe de travailleurs exposés aux mêmes risques. Cette déclaration, il l'avait faite avant la publication du Livre blanc au comité du Conseil consultatif du Travail et de la Main-d'Oeuvre chargé de donner son avis sur les projets du Livre blanc, et il l'a répétée à quelques reprises après la publication du Livre blanc, notamment au cours de l'émission "Forum" à Radio-Canada en date du 8 décembre 1978. 75. Sans trahir les positions démocratiquement prises par les délégués à nos congrès et colloques sur le sujet, la F.T.Q. est disposée à accepter ce genre de compromis, et elle propose la formulation suivante: 11. Aucun changement. 12. Nouvelle rédaction pour tenir compte de nos remarques aux paragraphes 67 à 69 inclusivement. 13. Ajouter la phrase suivante: "Le travailleur a aussi le droit de requérir immédiatement l'assistance de son délégué ou représentant syndical le plus rapproché ou de tout autre travailleur de son choix jusqu'à ce que le processus décrit aux Articles 14 et suivants ait été enclenché." 14. Aucun changement. 15. Aucun changement. 16. Dans les cas où il existe un comité de santé et de sécurité, si, après l'examen de la situation, le travailleur refuse toujours d'exécuter son travail, qu'il y ait eu ou non des corrections apportées, le travailleur ou son représentant, le représentant à la prévention, l'employeur ou son représentant peut requérir l'intervention du comité pour examiner à nouveau la situation. 17. Aucun changement. 18. Ajouter deux paragraphes comme suit: "S'il y a désaccord entre les deux membres délégués par le comité ou, en l'absence d'un comité, entre l'employeur ou son agent et le représentant de l'association accréditée ou tout autre travailleur désigné en vertu de l'Article 14 par celui qui refuse d'exécuter son travail, l'opinion du membre du comité qui représente les travailleurs ou, le cas échéant, de tout autre représentant du travailleur en vertu de l'Article 14 prévaut jusqu'à l'intervention et décision de la part de l'inspecteur.

L'employeur ne peut pas invoquer la mauvaise foi d'un travailleur ayant exercé son droit de refus lorsque cette décision du travailleur est appuyée par le membre du comité qui représente les travailleurs ou par toute autre personne qui assiste le travailleur en vertu de l'alinéa précédent, et ce, jusqu'au moment de la décision de l'inspecteur et pour toute la période qui précède telle décision. Il ne peut non plus, pour la même période, invoquer la mauvaise foi de toute personne qui assiste le travailleur en vertu des articles 13 et 14. 19. Aucun changement. 20. Nouvelle rédaction du préambule comme suit: "Le travailleur ou son représentant, l'employeur ou son représentant, peut requérir l'intervention d'un inspecteur:" 21. Aucun changement. 22. Aucun changement. 23. Aucun changement. 24. Aucun changement. 25. Aucun changement. 26. Aussi longtemps que le travailleur exerce son droit de refus et jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit rendue par l'inspecteur, l'employeur ne peut, sous réserve de l'article 19 et du deuxième alinéa de l'article 21, faire exécuter le travail par un autre travailleur, par une autre personne à son emploi, ou par une personne qui travaille habituellement hors de l'établissement, et le travailleur ne doit subir aucune diminution de salaire et n'être privé d'aucun des avantages liés à son emploi. 27. L'employeur peut exiger que le travailleur qui a exercé son droit de refus demeure disponible sur les lieux de travail et l'affecter temporairement à une autre tâche qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir. 28. Biffer le deuxième alinéa. 29. Aucun changement. 30. Lorsque l'exercice du droit de refus a pour résultat de priver de travail d'autres travailleurs de l'entreprise, l'employeur est tenu de rémunérer ces autres travailleurs à leur taux de salaire régulier pour toute la durée de l'arrêt de travail et ces travailleurs doivent n'être privés d'aucun des avantages liés à leur emploi. L'employeur peut cependant affecter ces travailleurs à d'autres tâches que ceux-ci sont raisonnablement en mesure d'accomplir ou exiger qu'ils demeurent disponibles sur les lieux de travail pendant toute la période ainsi rémunérée.

31. L'employeur ne peut, jusqu'à une décision finale, imposer au travailleur un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire pour le motif que ce travailleur a de bonne foi exercé ses fonctions en vertu des articles 14 et 18.

Compte tenu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 18, si un employeur, suite à telle décision finale, désire contester la bonne foi d'un travailleur ou de son représentant, il doit le faire dans les dix jours ouvrables mais il ne peut imposer quelque mesure disciplinaire que ce soit tant qu'il n'a pas établi la preuve de mauvaise foi en vertu des articles 189 et suivants.

Obligations du travailleur 76. Le principe accepté, dans toutes les législations sur la santé et la sécurité du travail, est que c'est sur l'employeur que repose en premier lieu la responsabilité de "prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur". Ce principe est d'ailleurs posé à l'Article 40 du projet de loi No. 17, dont nous venons de citer une partie du préambule. 77. Il importe donc, qu'en imposant des obligations au travailleur, une législation sur la santé et la sécurité du travail évite de le faire de telle façon que l'employeur puisse y trouver prétexte pour se dérober à sa responsabilité en la matière. 78. Nous soumettons que la rédaction actuelle de l'Article 38 est de cette nature, qu'elle impose des obligations tatillonnes et des obligations qui sont du ressort, soit de l'employeur, soit de la collectivité syndicale. 79. La F.T.Q. propose la formulation suivante pour l'Article 38: "38. Le travailleur doit: 1° se comporter de façon à minimiser les risques à sa santé, à sa sécurité et à son intégrité physique; 2° se comporter de façon à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l'intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité des lieux de travail; 3° se soumettre aux examens de santé exigés pour l'application de la présente loi et des règlements; 4° collaborer avec le comité de santé et de sécurité et, le cas échéant, avec le comité de chantier ainsi qu'avec toute personne chargée de l'application de la présente loi et des règlements".

Droits généraux de l'employeur 80. Nous supposons que les employeurs, par leurs associations représentatives, feront valoir leurs propres revendications concernant les "droits généraux". A la F.T.Q., nous espérons qu'ils revendiqueront, entre autres choses, le droit d'être informés de la composition des produits qui leur sont fournis et qu'ils utilisent dans les processus de fabrication et de transformation puisque, de leur propre admission, ils sont le plus souvent ignorants de la composition des produits livrés sous une marque de commerce quelconque et que leurs employés sont obligés de manipuler pendant les heures de travail.

Obligations générales de l'employeur 81. Le projet de loi impose au travailleur l'obligation de "se soumettre aux examens de santé exigés pour l'application de la présente loi et des règlements". A cette obligation doit correspondre une obligation spécifique à l'employeur: celle de libérer le travailleur sans perte de salaires ou autres avantages le temps nécessaire pour tels examens lorsqu'ils doivent avoir lieu en cours d'emploi. Le 2° paragraphe de l'Article 40 n'est pas clair à ce sujet et nous suggérons la formulation suivante: "2° faire subir l'examen médical de préambauche et les examens périodiques ou de dépistage prescrits par la présente loi et les règlements. Pour les examens de contrôle et de dépistage en cours d'emploi, le temps consacré par le travailleur à tels examens est considéré comme temps travaillé à toutes fins que de droit." 82. Ce n'est pas le fournisseur qui doit "prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur". C'est l'employeur. La F.T.Q. propose que le 4° alinéa de l'Article 40 soit rédigé comme suit: "4° fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état;" 83. Les travailleurs savent par expérience qu'il y a plusieurs conditions pour qu'un comité de santé et de sécurité puisse fonctionner efficacement. L'une de ces conditions est que les représentants de l'employeur au sein de ce comité soient investis de l'autorité nécessaire pour faire appliquer des mesures correctives lorsque nécessaire, au moins lorsque la situation justifie une action immédiate. Nous discuterons de ce sujet plus en détail lorsque nous aborderons le sujet des comités de santé et de sécurité au Chapitre IV du projet de loi. Pour le moment, la F.T.Q. propose d'ajouter un nouvel alinéa 14° à l'Article 40:

"14° s'assurer que les membres qu'il nomme au comité de santé et de sécurité soient investis de pouvoirs décisionnels sur les questions de santé et de sécurité qui justifient l'application immédiate de mesures correctives;"

Le 14° alinéa deviendrait 15° et le 15° deviendrait 16°, et pour cet alinéa, la F.T.Q. propose la formulation suivante: "16° mettre à la disposition des membres représentant les travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité des équipements, les locaux et le personnel clérical nécessaire à l'accomplissement de leurs fonctions." 84. Article 41 — La F.T.Q. propose d'ajouter la phrase suivante: "Ce registre doit, sur demande, être mis à la disposition de l'inspecteur ou des membres du comité de santé et de sécurité." 85. L'Article 43 du projet de loi impose l'obligation à l'employeur ou au propriétaire de transmettre à la Commission des plans et devis d'architecte ou d'ingénieur attestant de leur conformité aux règlements. Cependant, il y a une lacune importante, tant au niveau de cet Article 43 qu'au niveau du 22° alinéa de l'Article 185, en ce sens que le projet de loi n'accorde pas spécifiquement à la Commission le pouvoir de refuser ces plans et devis, d'exiger les corrections qu'elle pourrait juger nécessaires en vertu des normes de construction, d'aménagement, d'entretien et de démolition qu'elle a elle-même prescrites en vertu dudit 22° alinéa de l'Article 185. Il nous semble essentiel que cette lacune soit corrigée. Il nous semblerait utile aussi que le terme "propriétaire", lequel revient à plusieurs reprises dans le projet de loi, soit l'objet d'une définition à l'Article 1.

Le programme de prévention 86. La F.T.Q. est heureuse de l'obligation faite à l'employeur dans le projet de loi de "faire en sorte qu'un programme de prévention (...) soit mis en application" et elle est particulièrement heureuse que le projet de loi spécifie, à l'Article 48, qu'un programme de prévention "a pour objectif d'éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs". C'était là une lacune du Livre blanc que nous avions soulignée. Dans l'état actuel des choses, et compte tenu, notamment, du degré de syndicalisation des travailleurs, il faut que l'article qui impose cette obligation à l'employeur ne soit pas dilué et indique clairement que cette responsabilité est bien la sienne. Les modes de collaboration avec les travailleurs que la loi pourra édicter de façon plus ou moins obligatoire viendront par la suite, en temps et lieu. C'est pourquoi la F.T.Q. propose que l'Article 47 soit formulé comme suit: "47. L'employeur doit faire en sorte qu'un programme de prévention propre à chaque établissement sur lequel il a autorité soit mis en application conformément à la présente loi." 87. La F.T.Q. désire souligner ces passages du Livre blanc, aux pages 205 et 206, dans lequel il est dit que: "Les employeurs ont l'obligation de s'assurer de l'existence d'un programme de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans leurs établissements. Par voie de conséquence, ils ont le droit de prendre les mesures appropriées pour qu'un tel programme soit appliqué." et "L'employeur doit permettre aux travailleurs d'exercer leurs droits dans le domaine de la prévention des accidents et porter une attention sérieuse à toute démarche de leur part visant à améliorer les conditions de santé et de sécurité au travail."

Nous présumons que, dans cette dernière citation du Livre blanc, le rédacteur a involontairement omis, après le mot "accidents", les mots "et des maladies professionnelles", et nous revendiquerons, bien sûr, que la loi soit beaucoup plus spécifique quant à I'attention sérieuse" que l'employeur doit porter à toute démarche de la part des travailleurs visant à améliorer les conditions de santé et de sécurité du travail, mais nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous aborderons la discussion sur les sections pertinentes du projet de loi. 88. Compte tenu de ce que nous avons dit au paragraphe 85, nous contestons qu'il soit de la responsabilité de l'employeur, quelles que soient les autres dispositions de la loi, d'élaborer et d'offrir "des programmes de formation et d'information des travailleurs en matière de santé et de sécurité", sauf pour ce qui a trait au droit du travailleur tel que défini au 1° alinéa de l'article 9 dont nous avons traité au paragraphe 65 du présent mémoire. La F.T.Q. propose donc une nouvelle formulation pour le 2° alinéa de l'article 48 comme suit: "2° des programmes de formation, d'information et d'entraînement des travailleurs correspondant aux droits qui leur sont reconnus par la présente loi, notamment au 1° alinéa de l'article 9;"

Accidents 89. La F.T.Q. propose la formulation suivante pour le deuxième paragraphe de l'article 51 :

"L'employeurdoit s'assurer que personne, sauf si la permission en a été donnée par l'inspecteur, ne déplace quoi que ce soit sur les lieux de l'accident ou n'altère de quelque façon que ce soit les lieux de l'accident, sauf si cela s'avère nécessaire pour: 1° porter secours à une personne; 2° prévenir un autre accident ou des blessures; 3° éviter des dégats ou dommages matériels ou économiques important.

L'expression "dommages matériels ou économiques" n'inclut pas un arrêt de la production ou des opérations impliquées.

Si des choses doivent être déplacées ou les lieux altérés de quelque façon que ce soit avant la fin de l'enquête, l'employeur doit s'efforcer de faire prendre des photographies des lieux dans tous les détails susceptibles d'être utiles pour fins de l'enquête."

Les fournisseurs 90. L'expression "Sauf à des fins de recherche..." au début de l'article 53 risque de constituer un échappatoire à certains employeurs peu scrupuleux. On peut toujours, dans un processus de fabrication ou de transformation, en prétextant des fins de recherche, "fabriquer, installer ou utiliser un produit, un procédé, un équipement, un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse". La F.T.Q. soumet qu'il y aurait deux façons de régler ce problème: 1. en éliminant purement et simplement les mots "sauf à des fins de recherche"; ou encore 2. en formulant le début de l'article de la façon suivante: "Sauf à des fins de recherche dans des laboratoires affectés exclusivement à ces fins ou, par exception, sur les lieux ordinaires du travail après avoir demandé et obtenu la permission explicite de la Commission et aux conditions qu'elle détermine..." 91. La F.T.Q. croit, par ailleurs, que cette section du projet de loi illustre bien la nécessité d'avoir dans la loi elle-même une définition plus explicite de termes comme "contaminant" et "matière dangereuse". Nous soumettons que la fonction attribuée à la Commission à l'alinéa 27° de l'article 185 appartient au législateur. La Commission doit avoir le pouvoir d'établir par règlement ou autrement, à partir de la définition contenue dans la loi, si tel ou tel produit est en réalité reconnu par elle comme étant un contaminant ou une matière dangereuse. Par exemple, dans la définition de "contaminant" proposée au 11° alinéa de l'article 1, le projet de loi donne une liste d'agresseurs et termine par les mots: "déclaré contaminant par règlement" de sorte que chacun des éléments de cette liste, susceptibles d'affecter la santé physique ou mentale d'un travailleur, pourrait être considéré comme n'étant pas un "contaminant" tant et aussi longtemps qu'un règlement ne l'aurait pas "déclaré contaminant". Nous reviendrons plus tard sur certaines définitions proposées à l'article 1, notamment sur celles qui font l'objet du présent paragraphe. Mais nous tenions à souligner immédiatement les difficultés que risque de causer, dans la pratique, l'absence d'une définition claire et explicite dans la loi même, des termes "contaminant" et "matière dangereuse".

L'étiquetage des produits 92. Article 55— Nous avons de la difficulté à comprendre une telle sollicitude des rédacteurs du projet de loi pour les secrets de fabrication. Il existe des choses plus importantes que "les secrets de fabrication" de certains produits: par exemple, la vie et la santé des travailleurs qui seront appelés à les utiliser ainsi que la vie et la santé des autres utilisateurs. D'ailleurs, à notre époque, et compte tenu de l'existence de nombreux laboratoires et instruments d'analyse très perfectionnés, les "secrets de fabrication sont nettement devenus des "secrets de polichinelle" pour peu que des chimistes qualifiés ou autres professionnels se donnent la peine de faire les analyses nécessaires. 93. Là n'est pas le problème. Le problème, c'est que certains produits sont vendus sous une marque de commerce quelconque et que même l'employeur (et à plus forte raison, le travailleur) ne peut en connaître le contenu à moins de faire faire à ses frais des analyses parfois longues et coûteuses. 94. Le gouvernement québécois a déjà légiféré pour obliger tous les fabricants de denrées alimentaires à indiquer sur l'étiquette du produit, par ordre d'importance quantitative, tous les éléments qui entrent dans la fabrication de cette denrée. Cette obligation s'applique aussi aux fabricants hors du Québec, sous peine de ne pas pouvoir mettre leurs produits sur le marché québécois. De sorte qu'un travailleur peut, le matin au déjeuner, connaître tous les ingrédients qui sont contenus dans la marmelade qu'il mange avec ses "toast" et ensuite se rendre à son travail et inhaler pendant huit heures des émanations de produits dont même son employeur ne connaît pas la composition. 95. Et c'est une bien piètre consolation de lire dans un projet de loi sur la santé et la sécurité du travail, que s'il s'agit d'une "matière dangereuse", le fournisseur devra l'indiquer sur l'étiquette et en donner la composition. Qui est-ce qui va déterminer s'il s'agit d'une "matière dangereuse" lorsqu'on sait que par le phénomène de synergie, deux produits connus comme étant inoffensifs lorsque séparés peuvent donner naissance à un nouveau produit devenu toxique du fait du mélange des deux? Et tant que le règlement ne spécifie pas, ou tant que le fabricant n'a pas lui-même reconnu, qu'il s'agit d'une

substance dangereuse, le fournisseur ne serait pas tenu d'indiquer sa composition sur l'étiquette, d'après la formulation actuelle de l'article 55. 96. La F.T.Q. propose donc la formulation suivante pour ce qui est de l'article 55: "55. Un fournisseur doit voir à ce que tout produit destiné à être utilisé dans les processus de production, de fabrication ou de transformation, ainsi que tout produit auquel des travailleurs sont susceptibles d'être exposés de quelque manière que ce soit, soit étiqueté conformément aux règlements; en l'absence de règlement, l'étiquette doit indiquer la composition du produit au moins par ordre d'importance quantitative des ingrédients qu'il contient et, s'il s'agit d'une matière dangereuse, la façon de l'utiliser, les dangers de son utilisation et les mesures à prendre en cas d'urgence."

Les comités de santé et de sécurité 97. Dès le début de la discussion de cet important chapitre du projet de loi, la F.T.Q. désire réaffirmer sa position en faveur des comités conjoints de santé et de sécurité sur les lieux du travail. Il s'agit là d'une revendication de longue date de l'ensemble du mouvement ouvrier québécois. A la F.T.Q., notre position n'a pas changé. Nous croyons encore que de tels comités, s'ils peuvent compter sur un appui technique adéquat et à certaines autres conditions, seront des instruments indispensables pour la promotion de conditions améliorées d'hygiène et de sécurité du travail.

Cela, nous le savons par expérience car si, il faut bien le dire, il existe un grand nombre d'endroits où ces comités conjoints ne fonctionnent pas adéquatement ou même, au pire, sont "récupérés" par l'employeur, il existe d'autre part, un nombre très important d'endroits où nos syndicats affiliés prennent les mesures nécessaires pour qu'ils fonctionnent, et n'ont qu'à se féliciter des résultats. 98. A ce sujet, il est intéressant de noter l'expérience du C.L.S.C. Centre-ville. Dans son bulletin de juin 1979, cet organisme fait un court bilan d'une expérience de deux ans à partir de zéro en prévention-santé en milieu de travail. Il s'agit, dans ce cas précis, surtout de travailleurs du commerce et de cols blancs. Nous citons ici un passage de ce rapport: "Si on se fie à notre expérience, la première solution en vue de l'amélioration graduelle des risques à la santé consiste à mettre en place des mécanismes paritaires de surveillance de la santé par le biais de comités de santé d'entreprises. Cela nous apparaît comme la seule solution valable. Cette formule permet de redonner à l'ensemble du milieu de travail un moyen adapté d'agir sur les véritables causes de la détérioration de la santé. En favorisant la participation des deux partenaires, nous pouvons entrevoir une réduction fort significative des résistances et des difficultés d'implantation reliées à la mise en place de mécanismes et de programmes axés sur la prévention des maladies occupationnelles".

Quand on sait la réputation de radicalisme (pour dire le moins) qu'on attribue aux C.L.S.C. (à tort dans certains cas, à raison dans d'autres) ce témoignage basé sur une expérience de deux ans, et en santé seulement, est fort éloquent. 99. Notre approbation n'est pas inconditionnelle cependant, et les modifications que nous proposons à certains articles de ce Chapitre IV du projet de loi sont l'expression de positions prises sur le sujet, basées sur leur propre expérience, par les délégués à nos congrès et colloques. 100. Article 58— Dans tous les cas où la même association accréditée ne représente pas tous les travailleurs d'un établissement, il ne doit pas être laissé à la discrétion de la Commission d'unir par la force ce que le Service du droit d'association a séparé. S'il y a entente entre les diverses unités de négociation, tant mieux. Sinon, chacune des unités de négociation accréditées doit avoir le droit d'exiger la constitution de son propre comité de santé et de sécurité. Bien plus, dans le cas de grandes unités de négociation, l'association accréditée doit avoir le droit d'exiger la constitution de comités de santé et de sécurité au niveau de chaque département, usine ou secteur à l'intérieur de l'entreprise, la Commission pouvant intervenir s'il n'y a pas entente, par convention collective ou autrement, pour délimiter les bornes de l'"unité de fonctionnement" appropriée en matière de santé et de sécurité de chacun des comités à l'intérieur de l'entreprise.

La possibilité d'un comité "de chapeautage" doit aussi être prévue. Mais les intérêts et les priorités, même en matière de santé et de sécurité du travail peuvent différer d'une unité de négociation à une autre et d'un département, d'une usine ou d'un secteur à un autre. C'est pourquoi ces dispositions sont essentielles au fonctionnement de tels comités de santé et de sécurité.

Pour ce qui est des établissements où il n'existe pas d'association accréditée, la F.T.Q. n'a aucune confiance qu'un comité conjoint de santé et de sécurité puisse fonctionner efficacement, mais le moins que le projet de loi pourrait décréter, c'est qu'aucune personne représentant l'employeur dans ses relations avec les salariés au sens du Code du travail ne puisse agir comme représentant des travailleurs au sein de tel comité.

Enfin, il est essentiel pour le fonctionnement efficace de tout comité conjoint de santé et de sécurité que les membres nommés par l'employeur pour agir au sein de tels comités soient investis de pouvoirs de décision.

101. Article 60 — Nous contestons que ce doive être le médecin (ou tout autre professionnel) qui soit "responsable des services de santé dans l'établissement", et nous élaborerons sur ce sujet lors de la discussion du Chapitre VIII. Un médecin du travail, un hygiéniste industriel, une infirmière spécialisée en santé et sécurité du travail, un ingénieur, un architecte ou tout autre professionnel ou technicien spécialisé devraient, dans le cours normal des choses, être invités lorsque nécessaire, à participer aux réunions du comité. Le minimum de liberté qu'on peut laisser à un tel comité, c'est de pouvoir décider quel professionnel, travailleur de la santé ou technicien il a besoin de consulter au cours de la discussion des sujets à l'ordre du jour de telle ou telle réunion. Nous proposons la formulation suivante pour cet Article 60: "60. Les membres du comité représentant les travailleurs, de même que ceux représentant l'employeur peuvent requérir la présence de toute personne ressource de leur choix à toute réunion du comité ainsi que pour toute visite des lieux de travail". 102. Article 61 — L'obligation d'une réunion du comité "au moins tous les trois mois" est un recul sur les dispositions du règlement concernant les établissements industriels et commerciaux (A.C. 3787). Le petit bout de phrase "sous réserve des règlements" n'est pas assez spécifique ni assez rassurant. Dans certains secteurs, une fois tous les trois mois peut être suffisant. Dans d'autres, c'est nettement insuffisant. Il faut que la loi établisse une graduation selon les secteurs, ou encore, qu'elle prévoie que le comité doit se réunir sur demande de l'une ou de l'autre des parties. 103. Article 62 — C'est très bien de prévoir que "les représentants de travailleurs participent, sans perte de salaire, aux réunions et travaux du comité". Cela vaut pour les réunions régulières. Mais si le comité — qui est conjoint — en décide autrement, si les circonstances l'exigent pour l'un ou pour plusieurs des membres du comité, (comme ce serait possible, par exemple, dans le cas de l'Article 17) si un membre du comité ne travaille pas aux mêmes heures que la majorité des autres membres, et que dans l'une ou l'autre de ces circonstances, un membre doit participer aux réunions ou aux travaux du comité en dehors de ses heures régulières de travail, la loi doit prévoir que ce travailleur doit être rémunéré au taux applicable en vertu de la convention collective, et en l'absence d'une convention collective, à un taux non inférieur à une fois et demie son taux régulier de salaire.

Pour plusieurs raisons (crédits de vacances, de pension, etc.), il serait préférable que cet Article 62 soit modifié comme suit, ce qui correspondrait d'ailleurs à la formulation du Livre blanc (page 213): "62. Le temps consacré par les représentants des travailleurs aux réunions et travaux du comité est considéré comme du temps travaillé à toutes fins que de droit". 104. Article 63 — L'énumération des fonctions du comité de santé et de sécurité dans le projet de loi ne va pas aussi loin que ce qui était proposé dans le Livre blanc. Nous reconnaissons que certaines de ces fonctions sont confiées au "représentant à la prévention" dont nous discuterons tout à l'heure les fonctions et les droits. Cependant, nous croyons qu'une fonction essentielle doit être conservée au niveau du comité de santé et de sécurité, même si elle peut être exercée aussi par le représentant à la prévention. Il s'agit de la fonction suivante: — exercer par toute méthode appropriée, y compris la visite des lieux de travail, une surveillance préventive en milieu de travail: (Livre blanc, p. 212)

Pour ce qui est des autres fonctions du comité de santé et de sécurité énumérées à l'article 63, nous désirons les commenter comme suit: 105. 1° alinéa: L'obligation de porter des moyens et équipements de protection individuels ainsi que leur choix est un point névralgique. La F.T.Q. est d'accord que le "choix" de ces moyens et équipements de protection individuels doit être fait par le comité de santé et de sécurité, avec décision exécutoire par la commission s'il y a désaccord sur le sujet au niveau des membres du comité, comme il est prévu à l'article 64. Mais, pour ce qui est de l'obligation" de les porter (qui, simplement du fait qu'il n'en est aucunement question serait prérogative exclusive de l'employeur) nous ne sommes pas du tout d'accord. Il y a eu trop d'abus dans le passé à ce sujet, abus qui, il faut bien le dire, ont été trop souvent à la source d'un "phénomène de rejet" parfois injustifié de la part des travailleurs. La F.T.Q. propose donc la formulation suivante pour ce premier alinéa de l'article 63: "1° de déterminer les tâches et les endroits où il est obligatoire de porter des moyens et équipements de protection individuels et de choisir les moyens de protection individuels appropriés qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux travailleurs et aux besoins de rétablissement. En ce qui a trait à l'obligation de porter des moyens et équipements de protection individuels, s'il y a désaccord au sein du comité, c'est la position des membres du comité qui représentent les travailleurs qui prévaut jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit émise par la commission en vertu de l'article 64. 106. 2° alinéa: Nous ne sommes pas d'accord, pour les raisons que nous avons énoncées aux paragraphes 85 et 87. Nous proposons la formulation suivante: "2° de participer avec l'employeur à l'élaboration du programme de formation, d'information et d'entraînement que celui-ci est tenu de mettre en application en vertu du deuxième alinéa de l'article 48, et de prendre les dispositions pour que tel programme soit effectivement mis en application en tout temps utile:" 107. 3° alinéa: La formulation de cet alinéa est telle que si le comité de santé et de sécurité faisait défaut de "faire des recommandations à l'employeur" celui-ci pourrait se croire justifié de se dérober à

des obligations qui lui sont imposées par la loi et les règlements. Nous proposons la formulation suivante pour le début de cet alinéa; "3° de collaborer avec l'employeur relativement..." 108. 5° alinéa: Comme nous l'avons dit précédemment, nous ne sommes pas d'accord à ce que ce soit le médecin qui soit "responsable des services de santé de rétablissement". Nous rediscuterons de ce sujet plus tard. Il est sûr que des fonctions précises devraient être attribuées au comité de santé et de sécurité relativement au programme de prévention en santé et au régime de médecine du travail. Nous croyons qu'il est préférable de déterminer les fonctions pertinentes du comité sur ces sujets lorsque nous en discuterons, quitte à recommander à ce moment-là que la nomenclature en soit faite au présent Article 63. 109. 8° alinéa: Cet alinéa dilue quelque peu ce qui avait été prévu dans le Livre blanc comme devant être l'une des fonctions importantes du comité. Nous proposons que ce 8° alinéa soit reformulé comme suit: "8° d'enquêter aussi rapidement que possible sur les événements qui ont causé un accident grave ou mortel, de recevoir copie des avis de tous les autres accidents et d'enquêter sur les événements qui ont causé ou qui auraient été susceptibles de causer un accident du travail ou une maladie professionnelle, et soumettre les recommandations appropriées à l'employeur ou à la commission. 110. La F.T.Q. propose un quatorzième alinéa comme suit: "14° d'accomplir toute autre tâche que l'employeur et les travailleurs ou leur syndicat lui confient en vertu des dispositions de toute convention collective ou par entente mutuelle (Voir Livre blanc, p. 213)." 111. La F.T.Q. est d'accord avec la formulation des 4°, 6°, 7°, 9°, 10°, 11°, 12° et 13° alinéas de cet Article 63 portant sur les fonctions du comité de santé et de sécurité, quitte à suggérer d'autres fonctions, le cas échéant. 112. Article 64 — II doit y avoir décision exécutoire de la part de la commission en cas de désaccord au sein du comité relativement aux décisions que celui-ci doit prendre, non seulement pour ce qui a trait aux paragraphes 1° et 2° de l'article 63, mais aussi des paragraphes 3°, 4°, 6° et 7° (du moins pour ce qui a trait aux mesures prescrites par la loi ou les règlements) parce que chacune de ces fonctions correspondent à des obligations précises imposées à l'employeur par la loi ou les règlements et que le comité est l'instrument des parties chargé de voir à ce que l'employeur s'acquitte de ses obligations pour ce qui est de son établissement. Pour le reste, la Commission doit aussi pouvoir intervenir par décision exécutoire si les fonctions correspondent à une entente mutuelle précise entre l'employeur et les travailleurs, selon les termes d'une convention collective ou de toute autre entente ou engagement écrit. Par ailleurs, la loi doit aussi intervenir pour forcer l'employeur à fournir aux membres du comité les renseignements dont il est question aux 8° et 9° paragraphes ou s'assurer qu'ils les reçoivent d'une autre source, et en temps utile. 113. En cas de litige, il ne serait pas très utile à la Commission d'avoir à décider entre des recommandations écrites par les représentants des travailleurs et une réponse trop laconique de la part de l'employeur (du genre: "non"). Nous proposons donc une nouvelle rédaction pour l'article 64, comme suit: "64. En cas de désaccord au sein du comité relativement aux décisions que celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes 1°, 2°, 3°, 4°, 6° et 7°, les représentants des travailleurs adressent par écrit leurs recommandations à l'employeur qui est tenu d'y répondre par écrit en expliquant les raisons de son refus total ou partiel.

Si le litige persiste, il peut être soumis par l'une ou l'autre des parties à la Commission, dont la décision est exécutoire.

L'employeur est aussi tenu de fournir aux membres du comité les renseignements dont il est question aux paragraphes 8° et 9° ou de s'assurer qu'ils les reçoivent d'autres sources et en temps utile." 114. Article 65 — Nous proposons la rédaction suivante: 65. L'employeur doit afficher dans l'établissement, dans autant d'endroits qu'il est raisonnablement nécessaire pour l'information des travailleurs et qui leur sont facilement accessibles, les noms des membres du comité de santé et de sécurité. 115. Article 66 - Cet article serait mieux à sa place avec les modifications appropriées, au Chapitre XIII — RECOURS, avant l'Article 189, puisque cette défense doit s'appliquer dans le cas de tous les travailleurs qui exercent un droit ou une fonction lui résultant de la loi, et non seulement dans le cas des membres du comité qui représentent les travailleurs.

Le représentant à la prévention 116. Article 67 - II nous semblerait beaucoup plus logique que ce soient les membres qui représentent les travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité, ou encore les représentants attitrés de l'association accréditée, qui choisissent le "représentant à la prévention". Dans les cas où il n'existe ni de comité, ni d'association accréditée, nous sommes d'accord que le représentant à la sécurité soit désigné par "les travailleurs".

117. Article 68 - Lorsqu'il s'agit d'établissement groupant dix travailleurs ou moins — et nous soumettons que cette norme de dix travailleurs est beaucoup trop basse — et que, de surcroît, il n'existe pas d'association accréditée (et même, dans certains cas, en dépit de l'existence d'une association accréditée), il y a de forts risques qu'un "représentant à la sécurité", désigné (?) par un groupe aussi restreint de travailleurs devienne une "couverture" pour un employeur peu scrupuleux. 118. En Suède, on nomme carrément ces gens-là des "délégués à la sécurité". Dans ce pays, on n'a pas été traumatisé par le Rapport Cliche! Mais même dans un pays où plus de 90% des travailleurs sont syndiqués, on a éprouvé le besoin d'"encadrer" le délégué "local" à la sécurité qui doit être désigné "sur tous les lieux de travail comptant au moins cinq salariés" avec la possibilité, "si les conditions l'exigent" qu'un délégué à la sécurité soit obligatoirement désigné "sur les lieux de moins de cinq salariés". 119. Au sujet de cet "encadrement" dont nous venons de parler, il n'est pas sans intérêt de citer ici un passage d'une brochure explicative de la loi sur la sécurité du travail (1973), brochure qui est distribuée, en Suède, à tous les travailleurs. Au Québec, on en est encore rendus à quémander et même à payer des copies de lois et des règlements que nous utilisons dans nos sessions de formation!) "Délégués régionaux à la sécurité

Un des grands principes des activités de sécurité réside dans la coopération, sur les lieux du travail, de la maîtrise et du délégué. Mais, il n'y aura pas partout des délégués à la sécurité, même à l'avenir. On a estimé qu'il était précieux de faire bénéficier les lieux de travail dépourvus de délégué d'une assistance spéciale.

Dans cette perspective, on aménage un système de délégués régionaux à la sécurité (regionala syddsombud). Le délégué régional à la sécurité est désigné par le syndicat des salariés afin d'étendre ses activités, le cas échéant, à plusieurs lieux de travail. L'autorisation de désigner un délégué régional est donnée par l'inspection du travail (yrkesinspektionen). L'employeur ne peut pas mettre obstacle à une telle organisation et les frais de l'activité des délégués régionaux sont couverts par une cotisation spéciale dite de sécurité du travail (arbetarskyddsavgift). Le fait d'avoir désigné pour un lieu de travail, un délégué régional, n'empêche pas qu'on nomme également des délégués provenant de ce lieu de travail lui-même." 120. Evidemment, il s'agit de la Suède. Donc, d'un pays qui, d'après des déclarations récentes du ministre d'Etat au Développement social, serait considérablement en avance sur le Québec en matière de santé et de sécurité du travail, à tel point, par exemple, que le gouvernement québécois ne se sent pas capable d'accorder ici les pouvoirs qui sont détenus en Suède par le délégué à la sécurité, dont celui de décider lui-même du temps qu'il doit consacrer à ses fonctions et de faire cesser un travail qu'il juge dangereux ou nuisible à la santé. 121. Mais la F.T.Q. croit que la formule des "délégués régionaux à la sécurité" en vigueur en Suède, pourrait facilement être adaptée au Québec, dans le contexte même de la loi sur la santé et la sécurité du travail, si on accordait à l'association sectorielle, ou à la Commission en l'absence d'une association sectorielle, le pouvoir de désigner le "représentant à la prévention" qui exercerait ses fonctions dans plusieurs lieux de travail et qui, le cas échéant, serait un appui précieux pour le "représentant à la prévention" dans un lieu de travail regroupant un nombre restreint de travailleurs. Evidemment, dans le cas d'une nomination par une association sectorielle, le vote des membres du conseil d'administration représentant les associations syndicales serait prépondérant, et dans le cas d'une nomination par la Commission, le même principe s'appliquerait.

Il nous semble que ce serait là une disposition essentielle dans un pays où près de 75% des travailleurs "industriels" n'ont pratiquement pas accès à la syndicalisation, et où environ 85% des quelque 125,000 établissements ne regroupent chacun que 15 travailleurs ou moins. 122. Article 69 — Le seul paragraphe que nous contestons à cet article est le 6° qui désigne d'office le "représentant à la prévention" pour accompagner l'inspecteur à l'occasion des visites d'inspection. Il est fort possible que les membres représentant les travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité ou encore les dirigeants de l'association accréditée désirent désigner une autre personne pour accompagner l'inspecteur. Que le "représentant à la sécurité" doive aussi accompagner l'inspecteur lors de ses visites, nous n'y avons aucune objection, au contraire. 123. Article 71 — Heureux pays que la Suède où un délégué attitré à la sécurité, formé à cette fin, peut décider lui-même du temps qu'il doit consacrer à l'exercice de ses fonctions! Enfin! ce sera fixé, dit le projet de loi, "par règlement", du moins pour ce qui est du "temps minimum". De sorte que nous ne saurons pas tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas vu cet arrêté-en-conseil (et ça risque de prendre du temps... il y aura tant de secteurs à étudier) combien de temps un "représentant à la prévention" pourra consacrer pour s'acquitter des fonctions que lui attribue la loi à l'article 69! Il nous semble que le moins qu'on pourrait faire pour le moment, ce serait de décréter, dans la loi, qu'en cas de mésentente au niveau du comité paritaire ou entre le représentant à la prévention et son employeur sur le temps qu'il doit consacrer à l'exercice de ses fonctions, ce soit la Commission qui tranche le différend d'autorité. 124. Article 72 — Compte tenu de nos remarques au paragraphe 115, la dernière phrase de cet article serait inutile ici et il faudrait la biffer.

Les associations sectorielles 125. Compte tenu de nos remarques aux paragraphes 61, 62, 63 et 64 au sujet de la définition des termes "association d'employeurs" et "association syndicale", la F.T.Q. est d'avis que les dispositions sur les associations sectorielles sont suffisantes dans l'état actuel des choses et qu'elles sont sages. La F.T.Q. croit encore que de tels organismes peuvent être des instruments précieux à l'usage des agents sociaux pour s'acquitter eux-mêmes, par un mécanisme de concertation librement accepté de part et d'autre, de plusieurs des fonctions que le projet de loi confie à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. La F.T.Q. est donc d'accord sur la plupart des articles à ce chapitre. Cependant, elle doit exprimer quelques réserves comme suit: 126. Article 74 — Les travailleurs de la construction désirent s'assurer que l'association sectorielle de prévention dans le secteur de la construction sera obligatoirement formée, et qu'il n'y aura aucun conflit d'interprétation entre les termes de l'article 73 et ceux de l'article 74. La F.T.Q. est d'accord avec eux, et elle propose la formulation suivante pour l'article 74: "74. Nonobstant les dispositions de l'article 73, les associations représentatives, au sens de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, et l'Association des entrepreneurs en construction du Québec doivent conclure une entente constituant l'association sectorielle paritaire de la construction.

En l'absence d'une telle entente, la Commission en établit les termes et elle détermine la composition de l'association sectorielle paritaire de la construction et, pour ce qui concerne les membres syndicaux au conseil d'administration, elle les attribue au pro-rata de la représentativité de chacune des associations représentatives." 127. Article 76 — Nous sommes quelque peu surpris que dans les objets d'une association sectorielle, le projet de loi n'inclut pas spécifiquement un rôle d'information qui nous semblerait essentiel: celui de recueillir, d'analyser et de diffuser toutes les statistiques disponibles concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles dans ce secteur en particulier et celui de faire effectuer les recherches qu'elle pourrait juger utiles. Evidemment, il y a le 12° paragraphe qui précise qu'une telle association sectorielle peut aussi "accomplir tous les autres gestes et poser tous les autres actes nécessaires à la réalisation de ses objectifs", mais, comme c'est précisément ce de quoi nous parlons ici, des "objectifs", il nous semble que celui que nous venons de souligner doit être inscrit dans la loi.

Les associations syndicales et les associations d'employeurs 128. Nous vous référons encore une fois à nos remarques aux paragraphes 61, 62, 63, et 64, et nous répétons qu'il est impérieux que la loi elle-même définisse quels seront les interlocuteurs valables et "représentatifs" de la Commission pour l'administration de la loi. Dans le cas du secteur de la construction, les associations représentatives sont définies par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Mais dans les autres secteurs, et pour l'ensemble du Québec, on est dans le vague.

Les services de santé du travail 129. Pour la F.T.Q., un régime de santé du travail est l'équivalent d'un programme de prévention tel que défini au premier alinéa de l'article 48, c'est-à-dire un programme qui a pour objectif "d'éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs". Un tel programme est et doit être la responsabilité de l'employeur et il doit être établi et appliqué avec la participation des travailleurs et des organismes que les travailleurs ont choisis pour la défense de leurs droits: les syndicats. 130. Il n'est donc pas question que nous puissions accepter que ce soit le médecin ou tout autre professionnel qui soit établi comme étant le "responsable" du service de santé. D'ailleurs, nous sommes convaincus que les médecins eux-mêmes, ceux qui ont le moindrement d'expérience en médecine du travail et qui sont de bonne foi, ne tiennent pas tellement à ce que ce soit eux qui soient responsables des régimes de santé du travail dans l'entreprise. 131. Le projet de loi indique une intention de "médicaliser" la santé du travail. C'est peut-être significatif que dans le cadre d'un projet de loi sur la santé et la sécurité "du" travail, le chapitre sur la santé des travailleurs soit intitulé "Les services de santé "au" travail. On n'aurait pas pu commettre une telle ambiguïté si le projet de loi utilisait le terme "hygiène du travail". 132. A notre avis, c'est une erreur de médicaliser la santé du travail en établissant le médecin comme étant à peu près le seul responsable. Ce n'est pas de minimiser l'importance de la médecine du travail que de dire qu'il s'agit là d'un sujet beaucoup plus vaste et qui doit mobiliser plusieurs autres disciplines qui auront à jouer un rôle important, même indispensable, dans la mise en place et le fonctionnement de programmes bien compris d'hygiène et de sécurité du travail, tant sur le plan de l'entreprise qu'au niveau régional et dans l'ensemble du Québec.

133. Tout en reconnaissant l'importance primordiale d'un régime de médecine du travail dans un programme global d'hygiène et de sécurité du travail (et on ne peut pas séparer la sécurité de l'hygiène, dans un tel programme), la F.T.Q. propose que la législation établisse clairement la différence entre un régime d'hygiène et de sécurité du travail axé sur la participation des parties et une action multidisciplinaire au niveau de l'entreprise pour l'élimination des conditions pouvant constituer une menace à la santé et à la sécurité des travailleurs et un régime de médecine du travail qui est une composante extrêmement importante, mais seulement l'une des composantes, d'un régime bien compris d'hygiène et de sécurité du travail. 134. Le médecin n'est pas, de par sa profession, le professionnel le plus qualifié pour être "responsable" d'un régime d'hygiène et de sécurité du travail. En hygiène du travail, ce serait peut-être l'hygiéniste industriel. En sécurité du travail, ce serait peut-être l'ingénieur. En normes de construction des bâtisses, ce seraient l'ingénieur et l'architecte. Et nous pourrions allonger la liste. En fait, aucun professionnel ne possède à lui seul la formation pour prendre la responsabilité du régime d'hygiène du travail. 135. Nous n'avons aucun mérite à énoncer un tel principe et nous n'avons pas la prétention d'innover. C'est un principe qu'on retrouve dans toutes les publications sur le sujet publiées par de nombreux organismes, y compris l'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale de la Santé. Il a été énoncé de façon magistrale dans une allocution du ministre de l'Emploi et du Travail de Belgique lors de l'inauguration d'une campagne nationale "Santé et hygiène dans l'Entreprise" au mois de septembre 1973. Nous prenons la liberté de citer un passage de cette allocution parce qu'elle exprime bien nos sentiments sur le sujet: "La présente campagne concernant la santé et l'hygiène dans l'entreprise est à placer sous le signe d'actions dynamiques des employeurs, des travailleurs, des médecins du travail et des cadres des entreprises pour assurer à chaque individu une meilleure qualité de vie au travail.

Les objectifs à atteindre en matière d'humanisation du travail, vocable qui regroupe la sécurité, l'hygiène et la médecine du travail, doivent être fixés de manière intégrée. Les aspects économiques, techniques, médicaux, sociaux et humains de ces objectifs s'interpénètrent.

Les spécialistes de ces différentes disciplines doivent retenir l'homme comme dénominateur commun de toutes leurs actions et concevoir dorénavant une approche multidisciplinaire dans la manière d'élaborer, de réaliser et de finaliser leurs programmes.

Cette approche multidisciplinaire impose un changement profond des mentalités et des habitudes. Elle implique, entre autres, un inventaire des risques et des insuffisances relevés dans l'entreprise, l'organisation d'opérations de dépistage des risques, la création et la formation d'équipes d'intervention pour procéder aux mesures, examiner les situations déficientes et leur trouver des solutions.

Elle vise à établir un dialogue avec le travailleur et tend à remédier à ses difficultés d'expression et d'adaptation, notamment quand il s'agit de travailleurs migrants.

Elle ne concerne pas seulement les responsables de la sécurité et de l'hygiène mais aussi les services d'études, d'analyse et d'organisation du travail, de planning, d'acquisition de matériel, de construction de bâtiments.

Cette nouvelle approche doit être imprégnée de la volonté de concertation des chefs d'entreprise, des médecins du travail, des délégués des travailleurs, en un mot, de tous ceux qui, au niveau de leur action, interviennent dans la formation du climat psychologique et social de l'entreprise.

L'élaboration du plan annuel de sécurité et d'hygiène est l'occasion d'éprouver les bonnes volontés pour atteindre des objectifs combien nombreux: amélioration du milieu de travail: aération, température, éclairage — captation des nuisances à leur source — atténuation des risques causés par les agents physiques — état des installations sanitaires — division et organisation du travail: travail à la chaîne, parcellement du travail, etc. 136. Un régime d'hygiène et de sécurité du travail "est donc à placer sous le signe d'actions dynamiques des employeurs, des travailleurs, des médecins du travail et des cadres des entreprises pour assurer à chaque individu une meilleure qualité de vie au travail" et il doit faire appel à des spécialistes de différentes disciplines qui "doivent retenir l'homme comme dénominateur commun et concevoir dorénavant une approche multidisciplinaire". Mais tout cela ne se fera pas par génération spontanée. Il appartient donc au gouvernement de fixer clairement les règles du jeu par législation. 137. La F.T.Q. est par ailleurs d'accord avec un grand nombre des propositions du projet de loi. En appelant les choses par leur nom, c'est-à-dire en appelant un régime de médecine du travail "un régime de médecine du travail", la F.T.Q. se réjouit d'un certain nombre de propositions qui répondent assez bien à ses revendications, notamment: — le fait que le médecin du travail ne sera plus rémunéré directement par l'entreprise mais "par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, selon le mode du salariat ou de la vacation" (article 85); — le fait qu'un médecin du travail doit être "agréé aux fins de la médecine du travail" (article 87);

— le fait, très important à notre avis, c'est que tout le régime de la médecine du travail sera obligatoirement relié à l'ensemble du réseau public de santé par l'intermédiaire des départements de santé communautaire. ainsi qu'un grand nombre d'autres propositions avec lesquelles nous sommes d'accord en principe, mais sur lesquelles nous avons quelques réserves au niveau de la formulation. 138. La F.T.Q. est heureuse de constater que les rédacteurs du projet de loi n'ont pas retenu l'une des propositions du Livre blanc à l'effet que la pratique de la médecine du travail puisse s'intégrer à un cabinet privé. En fait, nous proposons que, sauf dans des endroits relativement peu populeux où le nombre de travailleurs ne pourrait justifier l'utilisation à plein temps d'un médecin du travail, toute clinique de médecine du travail, pour être agréée comme telle, devrait se consacrer exclusivement à la médecine du travail. Cette condition devrait évidemment s'appliquer aux cliniques privées, dans l'établissement ou ailleurs, mais elle devrait aussi s'appliquer aux services de médecine du travail fournis dans un Centre hospitalier, dans ou à proximité (préférablement à proximité que "dans") d'un centre local de services communautaires (C.L.S.C.) et aussi aux cliniques publiques de médecine du travail qui pourraient et devraient être mises sur pied par la Commission, au moins dans les grands centres, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales et ses départements de santé communautaire. 139. Le projet de loi passe à peu près sous silence le sujet de la formation et du recyclage nécessaire des médecins qui peuvent être intéressés en médecine du travail. Quoi qu'en dise la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour justifier sa revendication à l'effet que tout omnipraticien devrait pouvoir s'occuper de la médecine du travail dans son cabinet privé, ce qui se fait actuellement au Québec dans le domaine du recyclage des médecins en médecine du travail est nettement insuffisant. 140. La situation décrite dans le Livre blanc à la page 152 indique pourtant un besoin criant: D'après une enquête conduite par la Corporation professionnelle des médecins, il y avait en 1978, pour tout le Québec, 417 omnipraticiens et 138 spécialistes qui signalaient une "participation quelconque" à la médecine du travail dont seulement 79 omnipraticiens et 31 spécialistes déclaraient consacrer "la majeure partie de leur temps" à cette activité. Quant à l'association de médecine industrielle du Québec, elle regroupait, en 1976, 225 médecins dont 75 seulement pratiquaient la médecine du travail à plein temps. Et les choses n'ont probablement pas tellement évolué depuis 1976. 141. Ce n'est pas faire injure aux médecins que de dire qu'un médecin omnipraticien, pour pouvoir se consacrer à la médecine du travail, a besoin de se recycler. Ceux qui en font le savent très bien. Le problème, c'est que dans la plupart des cas, ils ont dû se recycler "sur le tas". Dans des pays comme les pays Scandinaves, la France, la Belgique, etc., un médecin qui désire se diriger en médecine du travail doit obligatoirement se recycler, et cette obligation est acceptée de très bonne grâce par les médecins parce qu'ils savent très bien qu'elle est nécessaire. 142. La loi doit donc établir clairement les modalités générales d'un programme de formation et de recyclage en médecine du travail. Tous les détails ne peuvent être incorporés dans la loi, mais la loi doit au moins dire qu'il existera un tel programme; qui sera responsable de son application; à quelles conditions un professionnel pourra adhérer à un tel programme; sur combien d'années devra s'étendre le programme de recyclage, le cas échéant, etc. 143. Pour ce qui est du choix du médecin du travail, il est intéressant de rappeler que la F.T.Q. n'a pas revendiqué que ce choix soit fait avec la participation des travailleurs avant que la proposition soit énoncée dans le Livre blanc. A notre congrès de décembre 1975, les délégués ont, bien sûr, pris position contre les "docteurs de compagnie" et ils ont recommandé aux syndicats affiliés "de refuser systématiquement que leurs membres se soumettent au contrôle médical des services de médecine d'entreprise à moins que ceux-ci soient parfaitement intégrés au réseau public de santé". 144. Suite à la publication du Livre blanc qui proposait la nomination du médecin du travail par le comité conjoint de santé et de sécurité, avec décision finale par la Commission s'il n'y avait pas entente au niveau du comité, les délégués à notre colloque de novembre 1978 ont revendiqué que "le choix du médecin doit appartenir aux travailleurs". 145. Mais les délégués ont adopté cette position avec réticences. En effet, les délégués n'ont revendiqué ce droit que "pour ce qui est des établissements dont l'importance justifie les services d'un médecin du travail à plein temps", tout en reconnaissant que "il va se poser des problèmes particuliers pour le choix du médecin ou des médecins dans les cliniques mutti-entreprises de médecine du travail qui, nous l'espérons, vont s'établir rapidement dans tout le territoire du Québec". 146. Nous rappelons qu'au Québec, près de 85% des quelque 125,000 établissements regroupent chacun 15 travailleurs ou moins. Si on parle de 100 travailleurs ou moins, on parle alors d'un nombre encore plus élevé d'entreprises. Et le Livre blanc nous révèle (ce que nous savions déjà) que même dans la "grosse entreprise (200 à 499 employés)" l'existence d'un service de santé (médecine) est aléatoire, et que lorsqu'il existe, il comprend généralement une infirmière ou un médecin, le plus souvent à temps partiel ou à contrat, pour (...) les soins d'urgence, le contrôle des absences ou les certificats médicaux! 147. Il est fort possible que lorsque nous parlons du choix du médecin du travail, nous ne parlons de la possibilité de ce choix que pour la très grande entreprise où il existe en permanence un service structuré de médecine du travail. Et il est fort possible que nous soyions amenés, par la force des circonstances, à parler du choix de la "clinique de médecine du travail" si nous ne voulons pas laisser pour compte un nombre important d'entreprises et de travailleurs québécois et si nous voulons assurer

à tous les travailleurs du Québec un service adéquat de médecine du travail comme partie intégrante d'un régime global d'hygiène et de sécurité du travail. 148. Une des revendications de la F.T.Q. est totalement ignorée dans le projet de loi. Ce n'est pas la seule, mais dans ce cas précis, nous tenons à la réitérer, non seulement par acquit de conscience, mais parce que nous croyons qu'il s'agit d'une condition fondamentale, indispensable à la pratique d'une véritable médecine du travail. Il s'agit de l'une des positions adoptées par les délégués lors de notre colloque de novembre 1978 sur le sujet de la médecine du travail: "La FTQ insiste pour que la pratique de la médecine du travail comporte obligatoirement un nombre fixe d'heures par semaine, à déterminer en consultation avec les parties directement intéressées, pour la visite des usines où sont employés des travailleurs couverts par le régime de médecine du travail dans l'entreprise ou dans le groupe d'entreprises, afin de bien se rendre compte des conditions susceptibles d'affecter la santé des travailleurs couverts par le régime. C'est là une condition indispensable à la pratique d'une vraie médecine du travail et un argument additionnel en faveur d'un régime de salariat dûment négocié et mutuellement satisfaisant pour les médecins du travail. C'est aussi un argument additionnel pour la pratique exclusive de la médecine du travail pour les médecins qui s'engageront dans cette discipline. 149. Nous n'avons pas tenté d'analyser dans tous leurs détails chacune des propositions du projet de loi au chapitre de la santé du travail. Nous avons préféré nous en tenir à des considérations d'ordre général. Nous ne doutons pas que d'autres mémoires seront soumis à votre Commission traitant du même sujet, particulièrement de la part du patronat et des corporations ou fédérations professionnelles qui ont dénoncé et qui dénonceront probablement dans leurs mémoires ce qu'ils ont qualifié publiquement de tentative de "socialisation" de la médecine du travail. (Incidemment, si on prend le terme "socialisation" dans son sens étymologique — socialiser: rendre social — un bon nombre de travailleurs seraient parfaitement d'accord avec un peu plus de "socialisation" de la médecine du travail!) 150. Quoi qu'il en soit, il ne faudrait pas que le débat soit clos. Il ne faudrait pas non plus que cette partie importante du projet de loi soit adoptée à la vapeur, et il ne faudrait pas surtout que, dans un projet de loi qui se veut axé sur la participation, le gouvernement règle ce problème d'autorité sans avoir donné l'occasion d'un dialogue entre les parties les plus directement intéressées. Jusqu'ici, elles ont été consultées, elles se sont exprimées sur le sujet. Mais, elles l'ont fait séparément. Il serait sans doute intéressant et possiblement fructueux de les amener à une même table de discussion. 151. La F.T.Q. propose donc que le ministre d'Etat au Développement social convoque, au cours des travaux de votre Commission parlementaire, les représentants attitrés des principaux intervenants sur le sujet de la santé du travail à une discussion en "table ronde". Chacun ayant exprimé ses positions et toutes ces positions étant "sur la table", il serait peut-être possible d'en venir à des consensus sur certains points, qu'ils soient ou non déjà proposés dans le projet de loi. A la suite d'une telle discussion, il appartiendrait évidemment à la Commission parlementaire de réétudier l'ensemble du sujet et, éventuellement, au gouvernement à prendre les positions qu'il défendra devant le Parlement en deuxième et troisième lectures. Nous espérons que cette proposition recevra l'assentiment de votre Commission, du gouvernement ainsi que des parties directement intéressées et qu'elle aidera à dénouer ce problème qui, il faut bien de reconnaître — et nous croyons qu'on s'en rendra compte par le contenu des interventions devant votre Commission — est l'un des points les plus controversés et les plus cruciaux du projet de loi.

La commission de la santé et de la sécurité du travail 152. La F.T.Q. croit qu'il serait utile dès le début de ce chapitre du projet de loi, possiblement à l'article 102, dès l'énoncé de la proposition portant sur l'institution de la commission, d'énoncer clairement et spécifiquement que cette Commission est l'organisme chargé par le gouvernement de l'administration de la loi et de spécifier tout aussi clairement qu'il s'agit de l'organisme qui est spécifiquement chargé de s'acquitter des obligations du gouvernement en matière d'hygiène et de sécurité du travail, obligations qu'on ne retrouve nulle part, clairement énoncées, dans le projet de loi. 153. La F.T.Q. soumet qu'une formulation comme celle qui apparaît à la loi du Manitoba "Workplace Safety and Health Act" serait probablement la plus appropriée. Elle est simple, et elle dit exactement ce à quoi le gouvernement s'oblige en adoptant une telle loi: "General objects and purposes. The objects and purposes of this Act are; a) to secure workers and self-employed persons from risks to their safety, health and welfare arising out of, or in connection with, activities in their workplaces; and b) to protect other persons from risks to their safety and health arising out of, or in connection with, activities in workplaces." 154. A la suite d'un tel énoncé général des obligations que le gouvernement lui-même s'impose par sa propre loi, il serait sans doute utile, aussi, de préfacer l'article 129 qui traite des fonctions de la Commission, d'un équivalent acceptable à Sa Majesté la Langue française de l'expression anglaise qui apparaît dans la loi du Manitoba: "Without limiting the generality of..." l'article 102, ce qui pourrait éviter à l'avenir des incidents comme celui des procédures légales intentées par l'Association des

entrepreneurs en construction du Québec contre la Commission des accidents du travail du Québec pour tenter de l'empêcher de fournir quelques miettes aux associations syndicales pour la formation des responsables syndicaux en hygiène et sécurité du travail. 155. Dans l'énoncé des fonctions dont la Commission doit "notamment" s'acquitter, il y aurait sans doute lieu de mentionner spécifiquement le rôle important qu'elle doit jouer dans le domaine de la formation en général — au moins au niveau du financement et de l'appui technique — et notamment dans le domaine de la formation et du recyclage, le cas échéant, des "professionnels de la santé", y compris les médecins, en matière d'hygiène et de sécurité du travail et de médecine du travail. 156. Pour ce qui est du reste de ce chapitre, ainsi que du pouvoir de réglementation prévu à l'article 185, nous présumons que votre Commission et le gouvernement, selon la considération qu'ils voudront bien accorder à nos représentations et à celles des autres intervenants, pourront y apporter les modifications nécessaires et nous éviterons pour le moment d'entrer dans les détails. Disons cependant que, compte tenu de toutes les remarques contenues dans le présent mémoire, nous sommes généralement d'accord avec les termes de ce Chapitre IX et du Chapitre XII du projet de loi.

L'inspection 157. La F.T.Q. réitère, dès le début de la discussion du présent chapitre du projet de loi, la position énoncée aux paragraphes 41, 42 et 43 du présent mémoire à l'effet que les services d'inspection unifiés doivent relever de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. 158. L'unification des services d'inspection ne doit cependant pas exclure la spécialisation au niveau de certains secteurs. Elle ne doit pas exclure non plus la possibilité qu'un secteur en particulier puisse relever d'un autre organisme. Nous pensons ici, en particulier aux inspecteurs qui sont présentement au service de l'Office de la construction du Québec. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous discuterons la section VI (L'inspection) du Chapitre XI (Dispositions particulières relatives aux chantiers de construction). 159. Pour ce qui est des autres dispositions de ce chapitre du projet de loi et compte tenu des remarques contenues dans le présent mémoire, la F.T.Q. est généralement d'accord.

Dispositions particulières relatives aux chantiers de construction 160. Le Livre blanc intitule "Le cas particulier de l'industrie de la construction" la section de moins de trois pages qui traite des particularités des relations de travail dans ce secteur en rapport avec le sujet traité dans le Chapitre 6 de ce Livre blanc intitulé "LA PARTICIPATION DES TRAVAILLEURS ET DES EMPLOYEURS ". 161. Que l'industrie de la construction présente un "cas particulier", personne ne songerait à le nier. Aucun secteur au Québec ne possède sa propre loi des relations de travail, son propre office, son propre régime de négociations "sectorielles", son propre "agent patronal" unifié, etc., etc. 162. Sauf que cette "particularité" n'a pas toujours joué en faveur des travailleurs: - dans les autres secteurs, une association syndicale qui fait la preuve qu'elle regroupe une majorité des travailleurs d'une unité donnée, détient le monopole de représentation. - Pas dans la construction. - dans les autres secteurs, on laisse à la démocratie syndicale le soin de désigner les dirigeants et les délégués syndicaux, sans fouiller dans leur passé. - Pas dans la construction. - dans les autres secteurs, l'agent négociateur choisi par les travailleurs peut négocier avec l'employeur les conditions dans lesquelles s'exerceront les fonctions des délégués syndicaux. - Pas dans la construction: c'est décrété par la loi, et "toute clause d'une convention collective ou d'un décret relative à la fonction de délégué de chantier est réputée non écrite". - Dans les autres secteurs, l'agent accrédité représentant les travailleurs peut négocier le temps qu'un délégué syndical pourra consacrer à l'administration de la convention collective. - Pas dans la construction: "Le temps alloué pour les activités syndicales du délégué fait l'objet d'une entente entre l'employeur et ce dernier, (...) mais ne peut excéder trois heures par jour ouvrable". Si, par exception, il doit y connsacrer plus de temps qu'il a négocié, c'est lui-même, et non son syndicat, qui doit "justifier cette prolongation d'absence auprès de son employeur". - Dans les autres secteurs, il y a parfois du maraudage syndical, et tous le déplorent, du moins officiellement. - Dans la construction, le maraudage syndical est encouragé, institutionnalisé et même encadré par la loi.

Et on pourrait allonger la liste des "particularités" dans l'industrie de la construction qui ne jouent pas nécessairement en faveur des travailleurs et dont ceux-ci se passeraient bien volontiers. 163. On dit souvent qu'un peuple a les lois qu'il mérite. C'est peut-être un peu vrai pour ce qui est du secteur de la construction. Sauf que les "péchés" qui peuvent avoir été commis dans ce secteur, il est bien connu qu'ils ne sont pas uniquement le fait des travailleurs et de leurs représentants. Ils sont aussi le fait d'un grand nombre d'employeurs et non des moindres.

L'enquête sénatoriale de Robert Kennedy aux Etats-Unis sur l'industrie du camionnage a démontré que, s'il y avait certaines situations réprouvables du côté syndical, il y avait, par ailleurs, un

banditisme épouvantable, bien installé, du côté des employeurs. Et le sénateur Kennedy n'a pas été tendre à leur sujet dans son rapport.

Si l'enquête présidée par le regretté juge Robert Cliche a bel et bien démontré qu'il y avait certaines situations déplorables du côté syndical, elle a aussi laissé voir qu'il existait chez certains entrepreneurs de la construction une situation auprès de laquelle le "racketeering" à la petite semaine, qui pouvait être pratiqué du côté syndical, serait probablement apparu comme de la "petite bière" si on avait vraiment pu découvrir tous les détails au sujet du banditisme patronal.

Le problème, c'est que dans les deux cas (et dans d'autres cas semblables) ce sont les travailleurs et leurs syndicats qui ont écopé. Les employeurs, eux, s'en sont bien tirés et continuent de s'en bien tirer. 164. Donc, nous l'avons eue la loi. Nous en avons même eu plusieurs. D'abord la Loi 30, en 1975, amendant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction. Certains diront que cette loi était nécessaire, et qu'elle contient d'excellentes dispositions. C'est peut-être vrai pour certains de ses aspects. C'est contestable pour d'autres. Mais notre propos ici n'est pas de discuter à savoir si cette loi était, oui ou non, une bonne loi, adaptée aux circonstances, au moment de son adoption. C'était en 1975. Nous sommes en 1979. Personne ne contestera que depuis 1975 il s'est accompli considérablement de travail pour "épurer", là où c'était nécessaire, le syndicalisme dans le secteur de la construction.

Quelles que soient les raisons qui ont pu justifier le gouvernement d'alors de mettre le syndicalisme de la construction dans une camisole de force, ces raisons n'existent plus. Il est temps qu'on redonne au syndicalisme de la construction son statut de syndicalisme libre. Autrement, il est illusoire de parler de "participation". Nous reviendrons plus tard sur le sujet avec des propositions précises. 165. Ensuite, nous avons eu la loi 29 qui imposait des tutelles dans certains secteurs de la construction. De l'avis des tuteurs eux-mêmes, ces tutelles ont été à peu près inutiles. Le vrai nettoyage, celui qui devait être fait, il a été fait par les militants de la construction eux-mêmes, à l'intérieur de leurs propres structures et par leurs propres moyens. 166. Puis, nous avons eu la Loi 47 qui est venue enlever aux parties, les employeurs et les associations représentatives des travailleurs de la construction, tout contrôle sur l'Office de la construction du Québec qui pourtant avait été fondée comme un organisme paritaire pour s'occuper de toutes les questions à portée sociale dans le secteur de la construction. Cette loi 47 fut, à notre avis, un sérieux accroc à la démocratie. L'antithèse de la "participation". 167. Enfin, sous le gouvernement actuel, nous avons eu la Loi 110 au mois de février 1979, que nous avons dénoncée à l'époque mais sans succès. Cette loi, entre autres dispositions plus ou moins inacceptables, concrétise ce qu'avait si bien commencé la Loi 47 et consacre la main-mise du ministère du Travail et de la Mam-d'Oeuvre sur l'Office de la construction du Québec, lui permettant ainsi d'imposer ses diktats aux parties directement intéressées: les employeurs qui paient, et les travailleurs qui sont sensés être les bénéficiaires. Et pourtant, ça avait commencé comme un organisme paritaire. Ce fut un beau rêve! 168. Une autre des "particularités" du secteur de la construction se situe justement dans le domaine qui fait l'objet du projet de loi à l'étude par votre Commission: le domaine de la santé et de la sécurité du travail. Et c'est surtout en fonction du rôle de participation qui doit être joué par le syndicalisme de la construction dans ce domaine en particulier, que nous avons l'intention de revendiquer qu'on le libère de la camisole de force imposée surtout par la Loi 30 pour qu'il puisse, dans ce secteur comme dans tous les autres, participer à titre d'agent social à part entière. 169. La liste des "particularités" du secteur de la construction en matière de santé et de sécurité du travail pourrait s'allonger presque indéfiniment. Pour ce qui est de la santé du travail, c'est une conception inconnue. L'Office de la construction, qui a reçu le mandat d'assurer le respect des dispositions relatives à la sécurité des travailleurs, ne détient aucun mandat en matière de santé du travail. Même le code de sécurité pour les travaux de construction ne contient de dispositions concernant la qualité de l'air et de l'hygiène que pour les travaux souterrains et pour les travaux dans l'air comprimé. Et pourtant, qui osera prétendre qu'il n'existe pas de problème de santé dans le secteur de la construction? 170. Pour ce qui est des statistiques d'accidents, y compris les morts accidentelles, elles ont été publiées "ad nauseam". Le livre blanc en fait abondamment état pour qui veut le consulter. D'ailleurs, ce même Livre blanc commence la section sur "le cas particulier de l'industrie de la construction" par la phrase suivante: "Le secteur de la construction est un des secteurs où le taux d'accidents du travail est le plus élevé."

Rappelons ici une statistique tristement éloquente que nous avons citée au début du présent mémoire:en trois ans seulement, de 1975 à 1977 inclusivement, 693 décès dûs à des accidents du travail pour l'ensemble du Québec, dont 147 dans le seul secteur de la construction. 171. Pendant la construction du campus de l'Université du Québec à Montréal, en plein centre-ville, sous les fenêtres des bureaux de la F.T.Q., deux travailleurs de la construction sont morts accidentellement et trois autres travailleurs ont été très gravement blessés sans que "l'association syndi-

cale représentative" en soit même avisée. Sans compter les autres accidents, qui ne sont même pas rapportés à l'O.C.Q., combien d'autres morts de la construction que nous ne retrouvons que dans les statistiques lorsqu'elles sont publiées? Et qu'on nous parle pas du rôle d'information que devraient jouer les délégués de chantier. Avec les dispositions actuelles de la loi, et surtout dans une période de récession dans l'industrie de la construction, c'est très malsain pour la sécurité de son emploi que d'être un délégué de chantier actif sur quelque chantier de construction que ce soit, même pour le compte d'une société aussi "honorable" que la société d'Etat qui a nom Hydro-Québec ou sa société de construction, la Société d'énergie de !a Baie James.

Certains travailleurs de la construction qui avaient choisi d'ignorer cette réalité de la vie dans la construction se sont rapidement retrouvés sur "l'oiseau bleu". Les autres ont compris. De sorte qu'il est extrêmement difficile, sinon presque impossible, de trouver des travailleurs de la construction qui acceptent la responsabilité de la surveillance du décret comme délégués de chantier, l'héroïsme a quand même des limites, et dans la construction comme ailleurs, même au risque de sa santé et de sa sécurité. 172. Beaucoup d'autres "particularités" existent qui rendent la "participation" syndicale difficile, sinon presqu'impossible dans les circonstances actuelles, en matière de santé et de sécurité du travail dans le secteur de la construction. Par exemple, en 1978: — 17 135 entreprises avaient 5 travailleurs ou moins — 1709 entreprises avaient de 6 à 10 travailleurs — 897 entreprises avaient de 11 à 25 travailleurs — 282 entreprises avaient de 26 à 50 travailleurs — 131 entreprises avaient de 51 à 100 travailleurs — 44 entreprises avaient de 101 à 200 travailleurs — 18 entreprises avaient plus de 200 travailleurs

Le nombre total d'entreprises étant établi à 20 218, environ 17 200 entreprises regroupent les 3/4 des travailleurs de l'industrie de la construction.

Notre analyse du chapitre XI du projet de loi 173. Mais trêve de statistiques. Au moment de commencer l'analyse du chapitre XI du projet de loi qui traite des dispositions particulières relatives aux chantiers de construction, la F.T.Q. tient à dire qu'elle est "particulièrement" heureuse du fait qu'enfin un projet de loi est présenté par un gouvernement québécois qui, dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail, régira aussi les employeurs et les travailleurs de la construction, et qu'à l'intérieur de ce projet de loi, on retrouve des dispositions particulières s'appliquant spécifiquement à ce secteur. Ces dispositions doivent cependant être considérablement améliorées si on veut atteindre les objectifs déclarés de la loi dans ce secteur en particulier. 174. Dans les conclusions de notre colloque de novembre 1978, nous disons: "On ne réussira pas à améliorer la situation en matière de sécurité (et de santé) au travail dans le secteur de la construction à moins d'écouter sérieusement les représentants attitrés des associations représentatives des travailleurs de la construction". A la F.T.Q., c'est exactement ce que nous avons fait. Les remarques et suggestions qui vont suivre sont le résultat de ces consultations. Elles émanent, par ailleurs, de consultations qui se déroulent depuis plusieurs mois au sein même de l'association syndicale la plus représentative des travailleurs de la construction: Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ).

Section I — Définitions 175. Article 150 2° paragraphe: Le libellé de la définition du délégué de chantier est excellente. C'est au niveau du "sens" qui est donné à ce terme au chapitre VI A de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction que nous éprouvons des difficultés. Nous reviendrons sur le sujet lorsque nous discuterons de la section V du présent chapitre "Le délégué de chantier". 4° paragraphe: Lorsque les auteurs du projet de loi proposent, comme définition du terme "travailleurs de la construction" de se référer au "sens" de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, nous présumons qu'ils réfèrent à la définition du terme "salarié" qui est le terme utilisé dans ladite loi. Sauf que c'est quelque peu ambigu puisque cette loi définit aussi le terme "salarié permanent". De quel "sens" au juste veut-on parler dans la définition proposée ici? C'était compréhensible pour le terme "délégué de chantier" puisque c'est tout l'ensemble du chapitre VI A qui donne son "sens" à ce terme. Pour le terme "travailleur de la construction", ce n'est pas le cas puisque la définition existe et qu'elle est claire. Nous proposons qu'on répète ici la définition du terme "salarié" et celle de "salarié permanent" en y ajoutant les travailleurs non rémunérés et les travailleurs du verre plat: "4° "travailleur de la construction": tout apprenti, manoeuvre ou ouvrier non spécialisé, ouvrier qualifié ou compagnon, artisan, commis ou employé qui travaille individuellement, en équipe ou en société, tout salarié qui fait habituellement des travaux d'entretien

de bâtiment ou d'ouvrages de génie civil dans le secteur de la construction, et tout salarié qui travaille à la production dans un établissement dans le secteur de la construction, y compris un étudiant en stage ou toute autre personne qui travaille sans rémunération, et y compris aussi les travailleurs oeuvrant dans le domaine de la pose et du montage du verre plat". 3° paragraphe: Les remarques qui précèdent s'appliquent aussi au terme "employeur professionnel" et nous proposons qu'on répète la définition qui apparaît dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction en inversant la dernière partie de cette définition comme suit: "3° "employeur professionnel": un employeur dont l'activité principale est d'effectuer des travaux de construction et qui emploie habituellement des salariés pour un genre de travail qui fait l'objet d'une convention collective ou, à défaut, d'un décret".

Section II — Le maître d'oeuvre et l'employeur professionnel 176. Article 151 — A cet article, de même que dans le titre de cette section, on doit établir bien clairement que les dispositions particulières du présent chapitre obligent tous les employeurs dans le secteur de la construction, et non pas seulement les employeurs professionnels. Nous proposons donc que le titre se lise: "Le maître d'oeuvre, l'employeur professionnel et l'employeur". Nous proposons ensuite la formulation suivante pour l'article 151: "151. Le maître d'oeuvre, l'employeur professionnel et tout autre employeur dans l'industrie de la construction doivent respecter toutes les obligations faites à l'employeur par la présente loi et les règlements, sauf lorsque ces obligations sont modifiées par les dispositions particulières du présent chapitre, et notamment, prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur de la construction". 177. Article 153 — L'application du présent article et de ceux qui suivent provoquera sans doute, et nous l'espérons, l'élaboration d'un programme de prévention "type" qui sera, le cas échéant, adapté aux circonstances. Il est donc d'autant plus important que toutes les parties directement intéressées soient impliquées dans toute telle élaboration. De plus, de quels "employeurs professionnels" s'agit-il? De ceux qui oeuvreront éventuellement sur le chantier et de ceux-là seulement? Il nous semble que c'est irréaliste. Lorsqu'ils se présentent sur un chantier de construction, les employeurs professionnels et les autres employeurs, s'il y a lieu, doivent savoir qu'il existe certaines règles à observer en matière de santé et de sécurité du travail. Ces règles doivent être établies à l'avance et ces employeurs doivent avoir l'obligation de s'y conformer. Nous proposons donc la formulation suivante pour cet article: "153. Lorsqu'il est prévu qu'un chantier de construction doit occuper simultanément au moins dix travailleurs de la construction, à un moment donné des travaux, le maître d'oeuvre doit, avant le début des travaux, faire en sorte que soit élaboré un programme de prévention. Cette élaboration doit être faite conjointement avec l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et l'association syndicale représentative reconnue majoritaire dans le secteur de la construction". 178. Article 154 — Si un tel programme de prévention ne devait contenir que "tout élément prescrit par règlement", il ne serait pas nécessaire d'impliquer les parties de son élaboration. N'importe quel commis ou n'importe quelle secrétaire pourrait le rédiger. Nous proposons donc la formulation suivante pour cet article: "154. Le programme de prévention a pour objet d'éliminer les sources mêmes de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs de la construction. Il doit contenir au moins tout élément prescrit par règlement et tout autre élément que des circonstances particulières peuvent rendre nécessaire pour le rendre conforme à l'objectif énoncé au premier alinéa du règlement spécifique à cet effet". 179. Article 158 — On ne retrouve nulle part, ni dans le présent projet de loi, ni dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, une définition du terme "entreprise de construction". Dans l'article précédent (157) on utilise le terme "employeur professionnel". Il faudrait qu'il y ait concordance entre tous les articles du présent chapitre. De plus, il est théoriquement possible que le programme général de prévention d'un employeur professionnel soit supérieur à celui élaboré pour un chantier de construction en particulier. Est-ce que cela créerait une "incompatibilité"? Nous proposons la formulation suivante pour cet article: "158. Dans les cas où un employeur professionnel a lui-même ébaloré un programme de prévention, il doit en remettre une copie au maître d'oeuvre avant le début de ses travaux sur le chantier. Tel programme de prévention d'un employeur professionnel doit être au moins l'équivalent de celui élaboré au niveau du maître d'oeuvre. Dans le cas contraire, c'est le programme de prévention du maître d'oeuvre qui a préséance sur celui de l'employeur professionnel".

Section III — Le droit de refus 180. Article 160 — Nous comprenons que dans la construction, il existe des travaux qui sont dangereux de par leur nature même. Par ailleurs, il existe des moyens et équipements de protection,

individuels et collectifs, qu'un employeur peut et doit fournir ou installer. En certains pays, par exemple, on n'aurait par le droit, comme au Québec, de laisser des travailleurs (de la construction ou autres) travailler en hauteur sans installer un filet ou sans les pourvoir de tout autre moyen efficace de protection pour éciter une chute mortelle. Il est difficile, au niveau du présent article s'appliquant "en particulier" aux travailleurs de la construction, d'exiger comme nous l'avons fait pour les autres travailleurs, qu'on définisse clairement dans la loi les travaux qui pourraient justifier de tempérer ou d'abolir le droit de refus. Mais, il est quand même possible de faire beaucoup mieux, pour la protection du travailleurs, que ce qui est proposé à cet article 160. Nous proposons donc la formulation suivante: "160. L'exercice du droit visé dans l'article 159 n'est possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées.

Le fait que, par pratique établie ou autrement, un risque aurait été, dans le passé, considéré comme "normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées", n'implique pas nécessairement qu'il s'agit d'un risque visé par le premier alinéa du présent article, et chaque situation doit être examinée au mérite en ayant recours, le cas échéant, aux autres dispositions de la présente section.

Le fait que l'employeur ne fournit pas ou n'installe pas les moyens adéquats de protection, individuels ou collectifs, justifie l'exercice du droit de refus visé dans l'article 159. 181. Article 161 — Nous proposons ici le même ajout que nous avons proposé à l'article 13, en l'adaptant pour ce qui est du travailleur de la construction (paragraphe 75 du présent mémoire) comme suit: "161. Aucun changement au premier alinéa. Deuxième alinéa:

Le travailleur de la construction a aussi le droit de requérir immédiatement l'assistance du délégué de chantier ou du représentant syndical le plus rapproché ou de tout autre travailleur de son choix jusqu'à ce que le processus décrit aux articles 162 et suivants ait été enclenché". 182. Article 165 — Nous ne comprenons pas que les auteurs du projet de loi aient fait "sauter" l'article 18 dans le cas du travailleur de la construction.

Nous soumettons que cet article 18 aussi doit s'appliquer en faisant les changements nécessaires, et pas seulement les articles 20 à 31.

Nous ajoutons que les modifications que nous avons proposées audit article 18 et aux articles 20 à 31 au paragraphe 75 du présent mémoire s'appliquent aussi pour ce qui concerne les travailleurs de la construction, en faisant les changements nécessaires.

Section IV — Le comité de chantier 183. Il doit être prévu au niveau de cette section que l'association représentative qui représente majoritairement les travailleurs de la construction à l'emploi d'un employeur professionnel puisse exiger la constitution d'un comité "d'entreprise" et le droit de désigner un délégué à la sécurité (ou plusieurs délégués à la sécurité selon les critères établis dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, ou par entente mutuelle) ayant juridiction sur plusieurs chantiers de construction où oeuvre tel employeur professionnel dans une même région. 184. Article 170 - Nous sommes d'accord à ce que l'article 62 s'applique aussi aux travailleurs de la construction. Cependant, notre accord est conditionné par les remarques que nous avons faites et par la modification que nous avons proposée au paragraphe 103 du présent mémoire. Quant à l'Article 66, nous avons proposé qu'il soit éliminé et reporté, avec modifications, au Chapitre XIII — RECOURS.

Section V — Le délégué de chantier 185. Nous touchons ici au point crucial. Sans un délégué de chantier avec une marge de manoeuvre suffisante et jouissant des droits normaux qui sont reconnus, par exemple, au représentant à la prévention au Chapitre V du présent projet de loi pour ce qui est des autres travailleurs, tout ce bel échafaudage, toutes ces belles intentions, toute cette sollicitude exprimés par le présent projet de loi à l'égard de la santé, de la sécurité et de la sauvegarde de l'intégrité physique du travailleur de la construction, demeureront lettre morte. 186. C'est une farce monumentale que d'espérer, par exemple, qu'un délégué de chantier, élu au scrutin secret par les sept premiers travailleurs qui sont employés sur un chantier de construction, pourra agir efficacement comme délégué de chantier, surtout pour les fins de la santé et de la sécurité du travail. L'expérience a d'ailleurs démontré que très peu de "syndicats" ou "union" dans la construction ont accepté de se prêter à une telle comédie. Lorsqu'on peut obtenir les services d'un travailleur de la construction qualifié qui accepte les "risques inhérents" au poste de délégué de chantier, et lorsque la "balance du pouvoir" est favorable, on l'impose par d'autres moyens.

187. Il faut que le délégué de chantier puisse être désigné par l'association représentative majoritaire sur un chantier de construction, quel que soit le nombre de travailleurs qui y sont employés. Si un nombre suffisant de membres d'une association minoritaire sont aussi présents sur le chantier, celle-ci doit aussi avoir le droit de nommer un délégué de chantier.

Un tel délégué de chantier, désigné par l'association représentative, doit jouir de la préférence d'emploi s'il y a du travail à exécuter dans son métier, son emploi ou sa spécialité. 188. Il faut aussi que les associations représentatives, si elles le jugent à propos puissent nommer un délégué de chantier avec "juridiction" sur plusieurs chantiers dans une même région. Un tel délégué "multi-chantiers" serait désigné selon des critères à établir. Un bon moyen de nommer un tel délégué "multi-chantiers" (ou "représentant à la prévention") et de le rémunérer serait sans aucun doute par le biais de l'association sectorielle dans le secteur de la construction. 189. Et il faut surtout que le délégué syndical à la sécurité, qu'on le nomme "délégué de chantier", "représentant à la prévention", "délégué à la sécurité auprès de l'employeur professionnel" ou par toute autre appellation, désigné, nous le répétons, par l'une ou l'autre des associations représentatives, ou par leurs représentants dûment attitrés à cette fin au niveau de l'association sectorielle, soit réhabilité une fois pour toutes et qu'il puisse enfin jouir à part entière du statut de représentant attitré des travailleurs de la construction. 190. Il faut donc que dans le cadre du Chapitre XVI du projet de loi, "DISPOSITIONS TRANSITOIRES", on ajoute les dispositions nécessaires pour modifier ou abroger tous les articles, toutes les sections et tous les paragraphes de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction qui ont imposé une camisole de force au délégué de chantier, qui lui rend impossible de s'acquitter de ses fonctions normales, qui en limite le choix à un point tel que nous ne sommes pas sûrs qu'il ne s'agit pas d'une violation des droits de la personne et qui le rendent tellement vulnérable quant à sa sécurité d'emploi qu'il est devenu à peu près impossible, à toute fin pratique, à une association représentative, de convaincre un travailleur de la construction d'accepter la responsabilité du poste de délégué de chantier, et qu'il est devenu extrêmement difficile sinon impossible à ceux qui ont l'héroisme d'accepter un tel poste de s'acquitter de leurs fonctions de façon efficace. 191. Depuis quelques années, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (mieux connu dans le public comme la FTQ-construction) a déployé des efforts considérables et des sommes importantes pour la formation de travailleurs de la construction qui pourraient éventuellement agir comme délégué de chantier ou, à d'autres niveaux, comme représentants syndicaux à la santé et à la sécurité du travail. En fait, c'est la FTQ-construction qui, dans le secteur de la construction, a le plus fait appel (et considérablement plus) aux subventions consenties par la Commission des accidents du travail du Québec à des fins de formation de responsables syndicaux en prévention des accidents et des maladies professionnelles. Le tableau que nous annexons au présent mémoire est éloquent à ce sujet. 192. De plus, la FTQ-construction a adopté démocratiquement un code d'éthique des délégués de chantier, code qu'elle met scrupuleusement en vigueur et dont copie est annexée au présent mémoire. La FTQ-construction est disposée à négocier des ententes, avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail, avec l'Association des entrepreneurs en construction du Québec ou avec tout autre organisme habilité à le faire, à l'effet que tout abus grave de la part d'un délégué de chantier dans l'exercice de ses fonctions pourrait entraîner la suspension, à demeure ou pour toute période appropriée, du droit de tel travailleur de la construction d'exercer les fonctions de délégué de chantier avec, il va sans dire, un droit d'appel raisonnable. 193. Donc, il est plus que temps, nous le répétons, de réhabiliter le délégué de chantier et le sortir de l'état d'impuissance auquel la loi l'a réduit à cause de quelques erreurs ou même de pratiques malhonnêtes de la part d'une infime minorité, et lui redonner sa dignité de représentant des travailleurs. C'est là la condition essentielle pour des relations de travail normales, et surtout pour le fonctionnement efficace d'une loi sur la santé et la sécurité du travail. 194. Article 174 — Au niveau de cet article, il faut précisément faire disparaître cette "particularité" qui est "collée" aux travailleurs de la consfruction. Partout ailleurs, le temps consacré à ses fonctions par un délégué syndical est négocié par les représentants attitrés de l'association syndicale. Nous proposons la formulation suivante pour le premier alinéa de cet article: "174. Le temps que le délégué de chantier consacre aux activités décrites à l'article 171 est fixé par entente entre le représentant attitré de son syndicat et l'employeur. Si le délégué de chantier représente des travailleurs de plusieurs métiers, l'entente est conclue par l'association représentative. Deuxième alinéa: aucun changement." 195. Article 175 — Nous vous référons aux remarques que nous avons exprimées au sujet de la dernière phrase de l'article 72 au paragraphe 124 du présent mémoire.

Section VI — L'inspection 196. Article 180 — Théoriquement — et c'est fort possible que cela puisse se produire dans la pratique — un travailleur, un délégué de chantier ou un autre représentant d'une association représentative peut avoir de bonnes raisons de croire que des travaux doivent être arrêtés, et il est possible qu'il ne

puisse pas réussir à convaincre l'inspecteur de ses vues. Nous proposons donc que cet article 180 soit rédigé comme suit: "180. Si un travailleur, un employeur ou son représentant, un délégué de chantier ou tout autre représentant attitré d'une association représentative n'est pas d'accord avec une décision ou avec l'absence d'une décision de la part de l'inspecteur en vertu des dispositions des articles 177, 178 et 179, il peut faire appel à la Commission et celle-ci peut réviser ou révoquer l'ordre d'un inspecteur ou donner à sa place l'ordre que l'inspecteur aurait dû donner, compte tenu des circonstances."

Le cas "particulier" des inspecteurs de l'O.C.Q. 197. Contrairement à tous les autres secteurs industriels, la construction est régie par un organisme unique, en l'occurrence, l'O.C.Q. qui possède des pouvoirs dans des champs d'action étendus: veille à l'application de la convention collective ou décret, à l'administration des avantages sociaux des travailleurs, à l'établissement et à la poursuite d'une politique de main-d'oeuvre, et à l'observance des règlements de sécurité du travail. 198. Lorsqu'elle fut fondée, l'O.C.Q. avait un caractère paritaire. Par quelques législations successives, le gouvernement lui a totalement enlevé son caractère unique d'organisme vraiment représentatif des employeurs et des associations représentatives du secteur de la construction pour administrer les affaires de la construction. Nous nous sommes opposés à ces mesures qui constituaient une négation du principe même d'une "participation" bien comprise. Nous déplorons que le caractère paritaire ait été enlevé à l'O.C.Q., et nous pressons le gouvernement d'adopter, dans les meilleurs délais, les mesures législatives et d'appliquer les mesures administratives nécessaires pour redonner cet organisme aux parties. 199. Avant le mois de juillet 1972, la surveillance des règles de sécurité dans la construction relevait du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Après cette date un code de sécurité spécifique à la construction fut promulgué et sa mise en application (et son inspection) confiées à la commission de l'industrie de la construction (C.I.C.), organisme remplaçant les comités régionaux. Trois ans plus tard, en juin 1975, le nouvel Office de la construction, issu de la fusion de la C.I.C. et du Comité des avantages sociaux de l'industrie de la construction (S.A.I.C.) se voyait octroyer des pouvoirs étendus en matière de sécurité du travail. L'étendue des mandats de l'O.C.Q. lui confère une position exceptionnelle qui lui a permis d'acquérir un "know-how" dans l'industrie de la construction. Ses inspecteurs, pour la plupart issus du milieu, ont accumulé une solide expérience de vie et de travail dans cette industrie. 200. Depuis 1975 à venir jusqu'à l'été dernier, les moniteurs de l'O.C.Q. ont collaboré à la mise sur pied et à la diffusion d'un cours de sensibilisation à la sécurité (cours d'une durée de 24 heures). Plusieurs milliers de travailleurs ont suivi ce cours. Depuis juillet 1978, dans le cadre d'une série d'ententes avec divers organismes et ministères québécois, les moniteurs de l'O.C.Q. ont formé au-delà de 800 instructeurs en sécurité, recrutés chez les travailleurs et chez les employeurs. A leur tour, ces instructeurs ont dispensé le cours de sensibilisation dans leur milieu. En moins d'un an, plus de 30,000 personnes, des salariés, des employeurs et des cadres ont suivi ce cours. C'est là un succès dont sont fiers les moniteurs de l'O.C.Q. En parallèle, ils poursuivaient la mise au point de ce cours de perfectionnement destiné aux inspecteurs de chantier. 201. Ces efforts auprès des partenaires de l'industrie de la construction, et surtout leur participation active aux côtés des personnes qui oeuvrent dans le mandat de la sécurité à l'O.C.Q. méritaient, croyons-nous, d'être mentionnés dans la discussion d'une loi qui se veut axée sur la participation, même s'ils n'ont pas donné tous les résultats espérés pour plusieurs raisons, dont la principale est sans aucun doute l'impuissance imposée par la loi aux délégués de chantier. Dans la très grande majorité des cas, l'inspecteur de l'O.C.Q. est incapable, sur un chantier, de trouver un interlocuteur valable de la partie syndicale pour les questions portant sur la sécurité du travail. 202. Une des tâches importantes de l'inspecteur de chantier au service de l'O.C.Q. est de veiller à ce que les règles et normes de sécurité soient respectées. Il n'a pas cependant pour seul rôle celui de policier. Il a une importante mission éducative. Il informe et conseille. Il ordonne, quand il le faut, que des correctifs appropriés soient apportés lorsque se présentent des situations dangereuses pour la sécurité et la santé des travailleurs. 203. La F.T.Q. croit que si l'inspection de la sécurité dans la construction était confiée à un autre service, et qu'on ne laissait aux inspecteurs de l'O.C.Q. que la surveillance des autres dispositions du décret, plusieurs situations très ambiguës risqueraient de se produire. Il ne faut pas perdre de vue que l'inspecteur des chantiers de l'O.C.Q. lorsqu'il se présente sur un chantier, fait une inspection globale, à la fois du décret, de la sécurité et de la qualification des travailleurs. Il serait beau de voir un inspecteur qui n'inspecterait que le décret sans avoir le pouvoir d'agir aussi en sécurité lorsqu'il constate une situation dangereuse qui justifie une intervention immédiate comme, par exemple, la conduite d'une pièce de machinerie lourde par un opérateur qui ne posséderait pas les qualifications requises. 204. Le rapport de la commission Cliche, dont la F.T.Q. a critiqué plusieurs des recommandations, en contient par ailleurs un grand nombre avec lesquelles nous étions, et nous l'avons dit à l'époque, totalement d'accord. L'une d'elles, la recommandation 87, prouve bien que les membres de la

Commission Cliche s'étaient parfaitement rendu compte de la situation en matière de sécurité du travail dans la construction. Elle établit un programme que les artisans de l'O.C.Q. sont fiers de pouvoir dire qu'il est résolument en pleine voie de réalisation. Nous citons ici cette recommandation 87: "Que la surveillance de l'application du Code de sécurité pour la construction relève exclusivement de l'Office de la construction. Les inspecteurs de chantiers devront non seulement constater les infractions sur les chantiers mais insister sur l'importance primordiale de la prévention des accidents du travail. Ces inspecteurs, compte tenu de leur formation, doivent également jouer le rôle de conseillers auprès des associations syndicales et des employeurs aux chantiers de construction. L'inspecteur de chantiers doit être considéré beaucoup plus comme un agent préoccupé avant tout de la prévention des accidents du travail que comme un policier chargé de constater des infractions.

La centralisation des services d'inspection à l'Office de la construction aura l'avantage d'éviter les dédoublements et les conflits de compétence de la législation et les conflits de compétence de la législation actuelle et de permettre l'élaboration d'une politique globale de prévention et de sécurité dans l'intérêt de tous." 205. Ajoutons à cela que les inspecteurs de chantiers et leurs collègues oeuvrant en sécurité du tFa-vail au service de l'O.C.Q. ont déjà leur propre régime portant sur des éléments importants tels: plan de carrière; avantages sociaux intégrés; droits syndicaux; etc. Les incorporer purement et simplement à la fonction publique créerait un bouleversement extrêmement traumatisant et totalement inutile. 206. Pour toutes ces raisons, la F.T.Q. insiste pour que la loi sur la santé et la sécurité du travail spécifie clairement que l'Office de la construction du Québec doit jouer son rôle en matière de surveillance des conditions de santé et de sécurité du travail dans l'industrie de la construction selon les dispositions de la loi. EVIDEMMENT, LA F.T.Q. INSISTE EN MEME TEMPS POUR QUE, EN CE QUI REGARDE LA SANTE ET LA SECURITE DU TRAVAIL, CE ROLE DE L'O.C.Q. RELEVE DE LA LOI SUR LA SANTE ET LA SECURITE DU TRAVAIL ET DE L'AUTORITE DE LA COMMISSION DE LA SANTE ET DE LA SECURiTE DU TRAVAIL. Il est parfaitement possible de faire les deux: le chapeautage de tous les services d'inspection sous une même autorité, et la délégation de la fonction d'inspection à un organisme qui pourrait accomplir la tâche avec compétence pour peu qu'on lui en donne l'autorité et les moyens. L'association sectorielle de la construction pourrait être mise à contribution dans ce processus, selon des modalités à définir. Ce que nous proposons, en fait, c'est qu'on améliore ce qui existe déjà sans chambarder une structure qui, il faut bien le dire, n'existe pas encore dans d'autres secteurs. 207. L'article 32 A de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction ne devrait donc pas être abrogé mais modifié, et l'article 246 du présent projet de loi devrait être modifié en conséquence.

Le droit d'accompagner l'inspecteur 208. Le droit pour un représentant attitré des travailleurs d'accompagner l'inspecteur peut prêter à confusion dans le secteur de la construction s'il est régi uniquement par les dispositions générales de la loi. En effet, qu'est-ce qu'une "visite de l'inspecteur" si, par exemple, le règlement décrète que "un ou plusieurs inspecteurs doivent être présents en permanence" sur un chantier de construction? 209. Ce que la F.T.Q. réclame, pour le moment, ce n'est pas qu'un responsable syndical permanent puisse accompagner l'inspecteur dans tous ses déplacements. Mais lorsqu'une plainte est formulée, il faut que l'auteur de la plainte ait le droit, clairement établi dans la loi, d'accompagner l'inspecteur lorsque celui-ci vient enquêter sur cette plainte. Et la proposition formulée au 6° paragraphe de l'article 171 du projet de loi à l'effet que le délégué de chantier puisse accompagner l'inspecteur "lorsque ce dernier le requiert" peut être acceptable lorsqu'il s'agit d'inspections de routine, mais ne l'est certainement plus lorsqu'il s'agit d'inspections à la suite d'une plainte. 210. La F.T.Q. demande donc l'introduction de dispositions "particulières" dans le cadre du chapitre VI — L'INSPECTION, comme suit: — Lorsqu'un inspecteur est saisi d'une demande d'inspection ou d'une plainte formulée par un travailleur, délégué de chantier, représentant d'un syndicat, d'une union ou d'une association représentative, il doit procéder à l'enquête dans les meilleurs délais. — Lors de sa visite du chantier suite à une telle plainte, l'inspecteur doit être accompagné du délégué de chantier, du représentant du syndicat, de l'union ou de l'association représentative. Si la plainte ou la demande d'inspection a été faite par un travailleur, celui-ci a aussi le droit d'accompagner l'inspecteur s'il en fait la demande. — Avant de quitter le chantier, l'inspecteur doit remettre au plaignant copie écrite de sa décision, des principaux points qui l'ont motivée et de ses recommandations, le cas échéant. Une copie du rapport de telle inspection doit, dans tous les cas, être adressée dans les trois jours à l'union ou syndicat concerné et à l'association représentative.

Section VII — Les chantiers de construction de grande importance 211. La F.T.Q. soumet que l'association sectorielle paritaire de la construction doit être impliquée dans tout le processus décrit à cette section VII du chapitre XI concernant les chantiers de construction de grande importance.

La qualification professionnelle des entrepreneurs de construction 212. L'une des qualifications professionnelles essentielles de tout entrepreneur de construction devrait être sa volonté et sa compétence à assurer les conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs à son emploi. 213. Les travailleurs de la construction soumettent, avec raison, que l'entrepreneur qui a un taux de fréquence et de gravité qui démontrent une gestion inefficace et meurtrière de ses opérations, ou encore qui est convaincu répétitivement de violations des lois et des règlements en matière de santé et de sécurité du travail ("habitual offender") doit être éliminé de l'industrie de la construction. Nous sommes totalement d'accord. Certains entrepreneurs de la construction ne sont pas du tout impressionnés par l'augmentation des cotisations au niveau de leur classe, et les cotisations spéciales dites "de démérite" n'ont pas semblé les impressionner outre mesure. Dans les deux cas, on retrouve habituellement ces frais additionnels cachés quelque part dans les devis des soumissions qu'ils présentent pour leurs travaux. Et il risque d'y avoir des "gentlemen agreements" qui faussent les règles du jeu au niveau de la compétition. La perspective de perdre la licence serait probablement un argument beaucoup plus convainquant auprès d'un entrepreneur en construction incompétent ou un peu scrupuleux. 214. La F.T.Q. propose donc que dans le cadre du chapitre XVI— "DISPOSITIONS TRANSITOIRES ", on introduise les modifications utiles pour qu'un entrepreneur en construction incompétent ou peu scrupuleux en matière de santé et de sécurité du travail voie sa licence révoquée, à demeure ou pour une période déterminée, par un système de points de démérite — un peu comme pour les conducteurs de véhicules-moteur — et ce, en vertu des modifications qu'il sera nécessaire d'apporter aux endroits appropriés à la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction (1975, chapitre 63). Il serait indispensable aussi que la composition de la Régie des entreprises de construction du Québec soit modifiée pour être beaucoup plus représentative des travailleurs de la construction. D'ailleurs, même sans les modifications que nous proposons ici, la composition de cette régie devrait être modifiée. Sans vouloir porter un jugement quelconque sur la probité des membres actuels de cette régie, nous trouvons que six représentants des employeurs au sein d'une régie de neuf membres, c'est un peu "chargé" du côté des employeurs.

Accidents 215. En plus des dispositions de l'article 51, il devrait y avoir des dispositions additionnelles sur le sujet pour ce qui a trait au secteur de la construction. Nous proposons ce qui suit: "Lorsqu'un accident survenu sur un chantier de construction a causé des blessures graves ou un décès, l'employeur doit se conformer aux dispositions de l'article 51 et il doit en plus: a) aviser sans délai le délégué de chantier, l'union, le syndicat ou l'association représentative; b) doit donner libre accès au chantier au représentant syndical dès qu'il se présente afin qu'il mène son enquête."

La médecine du travail 216. La pratique de la médecine du travail risque de comporter des problèmes particuliers pour ce qui est des travailleurs de la construction. Si, comme nous l'espérons, le ministre d'Etat au Développement social accepte de consulter les parties sur le sujet au cours de l'étude du projet de loi en commission parlementaire, on devrait inviter à cette table ronde des représentants attitrés des associations représentatives et des employeurs professionnels.

Recours 217. Les travailleurs de la construction désirent qu'il y ait une étape préliminaire avant d'en appeler au Commissaire général du travail dans le cas où un travailleur de la construction prétendrait qu'il a été injustement discipliné par son employeur en raison de l'exercice d'un droit ou d'une fonction lui résultant de la loi ou de toute entente écrite, convention collective ou décret.

Dans la construction, on voudrait que le cas soit d'abord soumis à un représentant désigné à cette fin par l'association représentative et à un représentant de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec qui, ensemble, tenteraient de régler le problème après avoir entendu les parties. 218. De plus, pour des raisons évidentes étant donné les particularités de ce secteur, les travailleurs de la construction désirent que la plainte puisse être validement portée par un représentant attitré de l'union, du syndicat ou de l'association représentative, et non pas seulement par le travailleur, et que le délai imparti par le Code du travail soit prolongé à trente (30) jours pour ce qui est du secteur de la construction. 219. Il nous semble qu'il serait facile d'introduire telles dispositions dans le cadre du chapitre XI — DISPOSITIONS PARTICULIERES RELATIVES AUX CHANTIERS DE CONSTRUCTION.

Chapitre XII — Règlements 220. Article 185 — Compte tenu des remarques que nous avons formulées lors de la discussion du chapitre IX du projet de loi, notamment aux paragraphes 155 et 156 du présent mémoire, la F.T.Q. est généralement d'accord avec les dispositions de cet article, sauf peut-être que, nonobstant les dispositions du 36° paragraphe de cet article 185 à l'effet que la commission peut, par règlement, "généralement prescrire toute autre mesure utile à la mise en application de la présente loi", il serait important de préciser spécifiquement que la commission peut faire des règlements pour imposer, lorsque les circonstances le justifient, l'installation d'appareils de "monitoring" continu des agresseurs dans une usine, un département ou tout autre lieu de travail. Ces instruments existent, et ils sont connus.

Si on les avait utilisés de la façon prescrite à la Canadian Copper Refiners, deux travailleurs seraient encore vivants. On n'a qu'à relire les recommandations du Comité Beaudry pour se convaincre de leur utilité. Et ces recommandations peuvent se transposer "mutatis mutandis" pour un grand nombre d'autres agresseurs et non seulement pour la poussière d'amiante. 221. Article 186 — Etant donné la composition très représentative que nous proposons pour le conseil d'administration de la commission de la santé et de la sécurité du travail, nous soumettons qu'à la condition que notre proposition telle que formulée au Chapitre 31 du présent mémoire soit acceptée, le délai de soixante (60) jours d'avis avant qu'un règlement soit soumis pour approbation au gouvernement devrait être réduit à trente (30) jours. 222. Nous avons fait un relevé du nombre de fois, dans le projet de loi, où il est mentionné que l'application des dispositions de la loi est sujette à des règlements à venir. NOUS EN AVONS RELEVE QUATRE-VINGT (80). Pour un grand nombre, ces règlements vont être essentiels au fonctionnement de cette nouvelle loi, et les règlements actuels, même s'ils demeurent applicables pour leurs parties qui n'entrent pas en conflit avec la nouvelle loi, seront nettement insuffisants pour assurer une application adéquate et harmonieuse de cette nouvelle loi. 223. Peut-être que le gouvernement est déjà à l'oeuvre dans l'élaboration de ces règlements essentiels. Si tel est le cas, il ne le fait certainement pas dans un esprit "de participation" (il n'y est d'ailleurs pas obligé puisqu'il n'a pas encore adopté sa propre loi à cet effet...), puisque, pour notre part, nous n'en sommes même pas au courant. 224. Cette question est importante. Nous savons que dans d'autres provinces canadiennes, notamment en Ontario, en Alberta et à Terre-Neuve, on a dû attendre pendant des mois (au-delà d'un an dans un cas particulier) pour que les règlements essentiels soient adoptés, retardant d'autant l'application d'une loi que les travailleurs attendaient déjà depuis plusieurs années. 225. Nonobstant ce que nous avons dit au paragraphe 223, nous savons pertinemment qu'un certain travail a déjà été fait par des fonctionnaires oeuvrant dans des comités interministériels ou autres sur la préparation des règlements. La participation des parties à l'élaboration de cette réglementation laissait à désirer, nous le répétons. Mais à partir du travail accompli, et qui est sans doute très valable, il est urgent, dès l'adoption de la loi, que le gouvernement mette sur pied les comités représentatifs nécessaires pour finaliser dans les meilleurs délais les règlements qui sont absolument nécessaires, voire même essentiels, pour l'application des dispositions les plus urgentes de cette nouvelle loi.

Chapitre XIII — Recours 226. La F.T.Q. soumet que c'est ici, dès le début de ce chapitre, que doit s'inscrire la défense édictée aux articles 66 et 72, à l'effet que l'employeur ne peut imposer à un travailleur un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire en raison de l'exercice par ce travailleur d'un droit ou d'une fonction lui résultant de la présente loi et des règlements et de toute convention collective ou entente ou engagement écrit concernant la santé et la sécurité du travail. 227. Pour ce qui est des autres dispositions de ce chapitre du projet de loi, et compte tenu des remarques contenues dans le présent mémoire, la F.T.Q. est d'accord, sauf pour un détail mineur qui a sans doute échappé aux rédacteurs du projet de loi au niveau de l'article 192 pour lequel la F.T.Q. propose la formulation suivante: "192. La décision du Commissaire doit être rendue par écrit dans les soixante (60) jours de l'audition, et elle doit être motivée."

Chapitre XIV — Infractions 228. La F.T.Q. réitère ici une revendication de longue date, exprimée notamment pour ce qui a trait au secteur de la construction, mais qui doit s'appliquer aussi à tous les autres secteurs, à l'effet que les poursuites pour violation de la loi et des règlements sur la santé et !a sécurité du travail doivent être décidées par l'organisme chargé de l'administration de cette loi et de ces règlements, et non pas par le Ministère de la Justice, ce qui a causé, dans le passé, des délais et des frustrations inacceptables, non seulement pour les travailleurs mais aussi pour les organismes chargés de l'administration des lois et des règlements, et que les causes soient entendues par des juges ayant une expérience et une bonne compréhension des conditions du milieu.

229. Nous avons demandé, et nous réitérons cette demande, que telles causes soient confiées à un banc établi à cette fin au niveau du Tribunal du travail. Il existe déjà, au Tribunal du travail, au moins un juge qui a acquis une expérience considérable dans le domaine ainsi qu'une profonde connaissance du milieu par son passé comme membre d'une firme d'avocats qui se consacrait, exclusivement ou à peu près, au droit du travail, et par sa participation récente à titre de président à l'étude des conditions de santé dans un secteur industriel extrêmement important pour le Québec: l'amiante. Il s'agit, tout le monde l'aura reconnu, du juge René Beaudry. Sans présumer de ses intentions relativement à un tel "banc spécial", nous sommes convaincus que le juge René Beaudry accepterait très volontiers, pour le moins, de conseiller le gouvernement sur le choix des juges devant faire partie d'un tel banc spécial au niveau du Tribunal du travail.

Chapitre XVI — Dispositions transitoires 230. Nous savons d'ores et déjà que nous sommes en profond désaccord avec certaines des dispositions transitoires proposées dans le projet de loi. A la F.T.Q., nous sommes à faire une étude fouillée de toutes ces mesures transitoires qui pourraient être nécessaires, le cas échéant. Etant donné que le présent mémoire doit être déposé au plus tard le 17 août, nous n'avons pas pu terminer cette étude à temps pour en communiquer les résultats à votre Commission dans le cadre du présent mémoire. Nous espérons pouvoir le faire au cours des auditions en commission parlementaire, mais déjà, le contenu du présent mémoire peut indiquer certaines de ces mesures transitoires avec lesquelles nous ne sommes définitivement pas d'accord.

Droit de représentation d'un travailleur accidenté auprès de la Commission des affaires sociales 231. L'adoption du présent projet de loi serait une excellente occasion pour redonner aux travailleurs accidentés un droit qu'ils détenaient depuis plus de 40 ans et qui leur a été enlevé d'un seul trait de plume par le législateur: celui d'être représentés, à l'occasion d'appels permis par la Loi des accidents du travail, par un compagnon de travail, un dirigeant de leur syndicat ou encore par un permanent syndical. Malgré les promesses de "tolérance" de la part du ministre d'Etat au Développement social et du président de la Commission des accidents du travail, la majestueuse Commission des Affaires sociales s'en tient inflexiblement à la loi du Barreau et n'accorde qu'à des avocats le droit de représenter un accidenté lors de la présentation d'un appel à cet organisme quasi-judiciaire. On nous avait promis et repromis un amendement à la Loi du Barreau à cet effet lors des derniers amendements à la Loi des accidents du travail. C'était même écrit dans le projet de loi. Au dernier moment, ce petit bout de phrase a "sauté". Par inadvertance, probablement. Il serait temps de réparer cet oubli.

Le champ d'application de la loi — Chapitre II 232. Nous proposons les modifications suivantes au Chapitre II — "CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI":

Article 5 — Biffer les mots "où se trouvent des travailleurs", dans la quatrième ligne. Article 6— Biffer les mots "où se trouvent des travailleurs", dans la troisième ligne. Article 7 — Biffer les mots "en vigueur" à la fin de cet article.

(Ces mots sont inutiles et ils rendent le texte ambigu.)

Les travailleurs oeuvrant dans les secteurs de juridiction fédérale 233. Il est intéressant de noter, et nous le soulignons à votre Commission, que la Loi de la Saskatchewan "Occupational Health and Safety Act" contient une disposition spécifique concernant les travailleurs oeuvrant dans les secteurs de juridiction fédérale. Il s'agit de l'Article 36 de cette loi: "36. Act binds Crown. The Crown in right of Saskatchewan and the Crown in right of Canada insofar as it may submit to the operations of this Act, are bound by the provisions of this Act." 234. Nous savons, par ailleurs, que plusieurs provinces, y compris le Québec, ont conclu des ententes avec les autorités fédérales pour l'administration et la surveillance, dans leurs territoires respectifs, de certaines fonctions administratives dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. 235. Nous croyons que le Québec doit revendiquer, quelles que soient les circonstances que l'avenir nous réserve, que tous les travailleurs oeuvrant au Québec soient couverts par la loi québécoise, et que tous les employeurs au Québec, y compris le gouvernement fédéral et ses agences ainsi que tout autre employeur dans un secteur sous juridiction fédérale, y soit soumis. Il ne s'agirait pas là d'un précédent puisque c'est ce qui existe présentement pour ce qui est des lois sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans la logique des choses, le même principe devrait s'appliquer aussi dans le domaine de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il s'agirait simplement de l'application pratique du vieux principe qu'exprime l'expression: "The law of the land...".

236. Dans l'intervalle, et dans l'état actuel des choses, la F.T.Q. insiste fortement pour que le Québec prenne l'initiative de réclamer la négociation d'une entente fédérale-provinciale (on en négocie dans un grand nombre d'autres domaines, même actuellement) pour la coordination et l'administration par les provinces, notamment par le Québec, des lois et règlements sur la santé et la sécurité du travail.

Conclusions 237. Le projet de loi a été déposé le 20 juin. Nous devons déposer ce mémoire le 17 août. Il faut bien dire que le temps des vacances n'a pas été particulièrement propice à une consultation intensive auprès de nos affiliés. Nous ne nous en plaignons pas. Nous attendions ce projet de loi depuis si longtemps! Heureusement pour nous, nos positions étaient arrêtées depuis longtemps grâce aux nombreux congrès et colloques que nous avons tenus sur le sujet. Nous avons cependant l'intention de tenir des réunions d'information dans toutes les régions du Québec et au niveau de chacun des secteurs industriels jusqu'au moment où nous serons convoqués en audition devant votre Commission parlementaire, et même après. Si des points qui nous auraient échappé sont portés à notre attention au cours de ces sessions d'information, nous solliciterons la permission d'en faire part à votre Commission lors des auditions.

Le tout respectueusement soumis, La Fédération des travailleurs du Québec Montréal, ce 17 août 1979

(ANNEXE "A")

(ANNEXE "B")

Code d'éthique des délégués de chantier et des délégués auprès de l'employeur 1. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur doit assurer la responsabilité du respect intégral des travailleurs sur les chantiers de construction. Il exercera cette responsabilité dans l'application du décret de la construction, dans le respect du règlement du Code de sécurité ainsi que dans l'établissement de bonnes conditions de vie sur les chantiers. 2. Pour être éligible à la fonction de délégué de chantier ou de délégué auprès de l'employeur, le ou les candidats devront établir qu'ils oeuvrent dans l'industrie depuis au moins deux ans, qu'ils ont suivi des cours de formation syndicale et de sécurité auprès d'une association syndicale ou de tout autre organisme dûment reconnu par l'union de leur métier ou de leur occupation. 3. Dans l'exercice de sa fonction, le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur ne doit pas quitter son chantier, sauf dans des circonstances exceptionnelles, et dans ce cas, il en avertit son contremaître ou son agent d'affaires. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur retournera à l'exercice de son métier ou de son occupation dès qu'il aura satisfait à la ou les démarches que lui commande sa fonction de délégué. 4. Le délégué de chantier ou le délégué de l'employeur doit se montrer digne de la fonction qu'il assume en tant que représentant de son union et de porte-parole de ses confrères de travail sur le chantier. Dans ses interventions auprès de son employeur ou de son représentant, il doit se comporter de façon responsable, polie et réfléchie. En aucun cas, il ne doit intervenir dans la fonction des autres délégués sur le chantier, à moins que son intervention ne soit requise par le caractère collectif ou commun du problème ou de la situation qui exige son intervention. Dans ce cas, il doit préalablement obtenir l'accord de son agent d'affaires. 5. Pour assumer adéquatement sa fonction, le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur doit se conformer aux règlements internes de son union; il doit connaître le décret de la construction et le Code de sécurité et avoir une connaissance exacte des règlements et des particularités sur le chantier où il exerce sa fonction. Il doit être à la disponibilité des travailleurs qu'il a le mandat de représenter et il se doit de répondre rapidement à leurs besoins. 6. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur ne tolère aucune boisson alcoolique ni aucune drogue sur son chantier, pas plus qu'il ne tolère, pour des fins de sécurité, la présence de ses membres en état d'ébriété ou sous l'effet des drogues sur le chantier. 7. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur ne doit pas chercher à tirer davantage de sa fonction auprès de son employeur ou de son représentant, ni des travailleurs dont il a le mandat de représenter. Il ne doit donc pas accepter des faveurs personnelles, ni des privilèges ou traitements spéciaux. Si un employeur ou son représentant lui propose des pots-de-vin ou d'autres faveurs personnelles, le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur doit le signaler à son union. Il ne peut donc pas être concessionnaire de restaurants ou de cantine ou entretenir tout autre forme de commerce auprès des travailleurs de son chantier. Il se gardera de poser des gestes réprouvables, telle la vente de billets de loterie illégale sur le chantier. 8. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur doit se garder d'intervenir dans les normes de production sur le chantier, lesquelles relèvent exclusivement de l'employeur. 9. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur étant nommé par son agent d'affaires, doit donc se conformer aux directives de celui-ci. 10. Le délégué de chantier ou le délégué auprès de l'employeur qui ne se conforme pas aux règlements ci-haut édictés sera sujet à des mesures disciplinaires de la part de son agent d'affaires ou de son union.

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