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Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du
travail. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M.
Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm)...
M. Chevrette: Présent.
Le Président (M. Marcoux): ... M. Gravel (Limoilou)
remplacé par M. Marois (Laporte); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf); M.
Vaillancourt (Jonquière), remplacé par M. Perron (Duplessis); M.
Brochu (Richmond); M. Forget (Saint-Laurent), remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M.
Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont); M. Springate
(Westmount) remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires du Conseil du patronat,
de la Fédération des travailleurs du Québec, de
l'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec
Ltée et de l'équipe Santé au travail du CLSC
centre-sud.
En ce qui concerne l'Association provinciale des marchands d'automobiles
du Québec Ltée, elle a fait parvenir au secrétaire des
commissions la lettre suivante: "J'accuse réception de votre
télégramme du 31 août dernier nous informant que la
commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre entendra le
mémoire de notre association concernant le projet de loi no 17, Loi sur
la santé et la sécurité du travail, mercredi, le 12
septembre prochain. "L'Association provinciale des marchands d'automobiles du
Québec Ltée, comme le mentionne notre mémoire, appuie en
totalité le mémoire présenté par le Conseil du
patronat du Québec dont elle est membre et nous avons
suggéré un système d'inspection à intervalles
réguliers dans les petits établissements. "M. Michel Thibodeau,
président du comité de relations ouvrières dans notre
association, fera partie de la délégation du Conseil du patronat
du Québec dont le mémoire sera entendu par la commission à
10 heures, mercredi, le 12 septembre. Il pourra répondre aux questions
des membres de la commission relativement à la recommandation contenue
dans notre mémoire. "Veuillez donc considérer notre
mémoire comme dépôt devant la commission ou plutôt
regroupé avec celui du Conseil du patronat du Québec ".
Je demanderais aux membres s'ils acceptent que nous versions
intégralement au journal des Débats le mémoire...
M. Marois: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux):... de l'Association provinciale
des marchands d'automobiles du Québec Ltée. Il y a consentement.
Ce sera donc fait. (Voir annexes)
Conseil du patronat du Québec
J'invite maintenant le conseil du patronat du Québec et M.
Ghislain Dufour, un habitué de nos travaux à l'Assemblée
nationale, à nous présenter son mémoire.
M. Bellemare: Est-ce qu'on pourrait savoir les noms de ceux qui
l'accompagnent, s'il vous plaît?
M. Dufour (Ghislain): Oui. Le Président (M. Marcoux):
II va faire cela.
M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais vous
présenter, d'abord, les collègues qui m'accompagnent. A ma
droite, M. Pierre Duguay, qui est agent de relations de travail au Conseil du
patronat.
M. Bellemare: Je m'excuse...
M. Duguay (Pierre): Pierre Duguay.
M. Dufour: M. Pierre Duguay, agent des relations de travail,
Conseil du patronat; Mme Marie Mandeville, conseiller juridique à
General Motors du Canada Ltée; à ma gauche, M. Serge Jacques, qui
est vice-président des relations industrielles chez Ciments du
Saint-Laurent; M. Michel Thibodeau, qui est directeur des relations de travail
à l'Association provinciale des marchands d'automobiles, et M. Armand
Lussier, qui est directeur de la fabrication chez DuPont du Canada
Ltée.
M. Bellemare: J'espère, M. le Président, que s'il y
a des applaudissements dans la salle, vous les laisserez faire, comme hier;
vous aurez autant de largeur de vues que cela.
Le Président (M. Marcoux): Je tiendrai compte de vos
remarques, M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Vous n'avez pas eu beaucoup d'autorité
hier.
M. Dufour: M. le Président, madame et messieurs les
députés, compte tenu de l'entente qui a été faite
entre les différents partis pour déposer, en annexe au journal
des Débats, notre mémoire et le mémoire de l'Association
provinciale, je vais
tout simplement tenter de résumer en 20 ou 25 minutes ce
mémoire.
Représentant les employeurs d'au moins 80% de la main-d'oeuvre du
Québec, le Conseil du patronat, après des mois d'analyse et de
consultations, peut affirmer avec assurance que l'ensemble des entreprises
privées du Québec, grandes ou petites, souscrivent pleinement aux
objectifs poursuivis par le projet de loi no 17, soit une réduction des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
De la même façon, par ailleurs, nous pouvons affirmer avec
la même assurance qu'elle porte un jugement sévère sur
plusieurs moyens que suggère le projet de loi pour réaliser ses
objectifs. Le mémoire que nous avons déposé au
secrétariat des commissions parlementaires le 17 août dernier
résume les raisons principales qui justifient ce jugement
sévère. Je me contenterai, dans le cadre de ce témoignage,
de faire une présentation succincte, oubliant de souligner nos nombreux
points d'accord avec le projet de loi, points qu'on retrouve aux pages 11 et 12
de notre mémoire. Ceux-ci ne nous paraissent pas devoir constituer la
préoccupation majeure des membres de cette commission.
Nous reprochons d'abord au projet de loi no 17 de proposer une
loi-cadre. A notre avis, les règlements doivent servir à
déterminer les règles d'application d'une loi, et non pas
à lui donner son contenu.
Dans le projet actuel, il n'y a pas moins d'une cinquantaine d'articles
majeurs dont le contenu sera défini par les règlements. C'est ce
que nous appelons une loi-cadre et nous rejetons cette sorte de loi pour deux
raisons. Premièrement, le pouvoir législatif
délègue ainsi son autorité propre au pouvoir
exécutif, ce qui est une faute contre la division des pouvoirs
nécessaire à la vie démocratique et, deuxièmement,
le contenu de la loi étant défini par règlement, nous ne
pouvons pas prévoir quelle sera la portée réelle de la loi
que l'on voudrait maintenant nous faire accepter voir notre
mémoire aux pages 5 et 6. A ce propos, nous soulignons en particulier le
caractère tout à fait exceptionnel de l'article 185 qui attribue
à la commission des pouvoirs de réglementation manifestement trop
vagues et trop étendus. (10 h 15)
Sur les droits de gérance. La responsabilité ultime
d'aménager une entreprise de façon sécuritaire et
d'organiser le travail en y incluant des programmes de prévention des
accidents revient à la direction de cette entreprise puisque, par sa
nature même, une telle responsabilité est partie intégrante
de l'idée générale de gestion. Cela justifie, à nos
yeux, que la loi fasse porter à l'entreprise le prix de la
médecine du travail, le prix de la prévention des accidents et le
prix des accidents, mais on ne peut pas accepter cette dernière
proposition sans accepter la première.
Ce que nous reprochons au projet de loi, ce n'est pas de faire porter
par l'entreprise le prix de la sécurité et de la santé au
travail, mais c'est de vouloir lui faire porter ce prix tout en lui enlevant le
pouvoir de décider elle-même des moyens d'assurer la santé
et la sécurité dans ses établissements,
conformément à des normes générales clairement
définies.
Toutes nos propositions sont des applications de ces principes. Nous ne
rejetons pas l'idée qu'il y ait des normes fixées par la loi, des
inspections, des contrôles assurés par l'Etat. Nous ne rejetons
pas non plus l'idée que les coûts de la santé au travail
soient intégrés aux frais d'opération d'une entreprise,
mais nous croyons que les responsabilités administratives et
financières que les entreprises assument dans ce contexte
présupposent qu'elles possèdent les pouvoirs de gérance
pour trouver pour elles-mêmes les moyens les plus économiques
d'atteindre les objectifs fixés.
Le projet de loi no 17 est à cet égard
inconséquent, puisqu'il fait porter la responsabilité
financière de la santé au travail par les entreprises, mais qu'il
enlève à la direction des entreprises des pouvoirs de
décision essentiels à ce sujet.
Dans notre mémoire, nous soulignons en particulier les points
suivants, points au sujet desquels le projet de loi attribue un pouvoir de
décision à des individus ou à des organismes qui ne
portent pas la responsabilité financière de leurs
décisions.
Premièrement, le refus de travailler. La décision de
refuser de travailler peut être basée sur une perception purement
subjective du danger, selon le projet de loi actuel. Le personnel
compétent de la direction d'une entreprise doit normalement pouvoir
opposer à ce jugement une évaluation différente. Dans un
tel cas, la direction de l'entreprise doit pouvoir faire appel à un
autre travailleur après avoir fait les vérifications
nécessaires. Autrement, nous enlevons au personnel compétent de
l'entreprise le droit de formuler un jugement tout à fait
professionnel.
Notons que l'évaluation objective du danger fait souvent appel
à des connaissances scientifiques sur la résistance des
matériaux, les propriétés des produits chimiques, les lois
physiques, etc. Signalons que nos propositions sur le refus de travailler
n'enlèvent en rien aux travailleurs le droit et le devoir de se
protéger. Elles empêchent seulement que ce droit ne conduise
à des abus et ne soit utilisé comme un prétexte pour
atteindre d'autres fins que celle de la protection même du travailleur.
Ces propositions fondamentales se retrouvent aux pages 12 à 15 de notre
mémoire.
Sur le comité de sécurité. Un comité
paritaire de sécurité ayant un pouvoir autonome de
décision, quant à nous, c'est une deuxième structure de
gestion dans une entreprise. Les décisions impliquant des questions de
sécurité touchent à tous les aspects de la vie d'une
entreprise depuis le choix et le design des équipements jusqu'à
l'architecture et à l'aménagement des locaux, en passant par le
choix des procédés industriels. Un tel comité paritaire
est inacceptable.
Un comité consultatif serait acceptable, mais il n'est pas
sûr qu'il doive être imposé partout par la loi, surtout pas
dans les entreprises de dix employés, comme le propose le projet de loi
no
17. Les parlementaires devraient, d'ailleurs, prendre en sérieuse
considération la recommandation contenue au mémoire de
l'Association provinciale des marchands d'automobiles et faire agir de
façon plus structurée et plus efficace que cela ne l'est
actuellement le régime d'inspection dans tous les établissements
où n'existerait pas un comité de santé et de
sécurité.
Revenant à la question du pouvoir décisionnel des
comités, disons que les parties intéressées, patronales et
syndicales, à la question de la sécurité peuvent
décider entre elles de la répartition de certains pouvoirs. Cela
est affaire de négociation, d'adaptation à des situations
particulières et d'évolution sociale.
Ce que le projet de loi no 17 propose sera inefficace, nuisible dans la
plupart des cas, utilisé malheureusement à d'autres fins. Nos
objections à ce sujet, comme elles sont fondamentales, sont reprises
dans notre mémoire aux pages 15 à 18.
Le représentant à la prévention. Ce
représentant à la prévention, quand il sera nommé
par un syndicat militant, sera l'équivalent, dans l'entreprise, du
délégué de chantier d'autrefois, dans la construction,
délégué de chantier dont la commission Cliche a
montré les abus. Les entreprises ne veulent pas de ce genre de pouvoirs
parallèles et l'expérience vécue est, ici, le
témoin le plus important.
La médecine du travail. Le médecin d'entreprise, c'est un
chef de service, c'est un membre de la direction, c'est un conseiller
nécessaire de l'entreprise pour toutes ses décisions concernant
la santé et la sécurité, c'est-à-dire, comme nous
avons dit, concernant à peu près tous les aspects de la vie d'une
entreprise.
Qu'un chef de service puisse être imposé à une
entreprise, par une autorité extérieure, c'est introduire
l'idée d'une direction bicéphale, conduisant à
l'irresponsabilité et à l'inefficacité. Que le
médecin du travail, en plus d'être choisi par un comité,
relève administrativement du réseau public des services de
santé, cela montre encore davantage que toute l'organisation de la
santé et de la prévention dans l'entreprise échappe tout
à fait à la direction de cette entreprise, qui en fera quand
même les frais.
Notre mémoire consacre les pages 21 à 29 à cette
question. Nous acceptons l'obligation faite aux entreprises d'offrir des
programmes de santé à leurs employés. Nous
considérons également comme valable l'idée que les
entreprises qui, à cause de leur âge ou de leur taille, n'ont pas
leur propre service de santé, puissent s'adresser au réseau
public. Mais cela doit être une décision libre de leur part, comme
elles doivent être libres de s'adresser, si elles le désirent, aux
cabinets privés.
Que le réseau public de santé, à mesure qu'il
s'adaptera aux conditions du milieu de travail ce qui est loin
d'être fait offre des services de suppléance dans les
entreprises mal organisées, cela a du sens; mais que l'on veuille faire
table rase de ce qui existe, que l'on imposé a toutes les entreprises
l'autorité administrative de DSC ou de
CLSC qui ne s'y connaissent guère, que l'on construise une seule
grande mécanique fonctionnarisée, nécessairement lourde,
inefficace, c'est chercher volontairement l'impasse.
Par les temps qui courent, le gouvernement pourrait
réfléchir aux conséquences des moyens de pression des
syndicats de la fonction publique, quand ces moyens de pression mettront du
sable dans les rouages administratifs d'un réseau centralisé de
services de santé et de sécurité au travail. Les
gouvernements ont été sages de promulguer des lois antimonopoles,
mais la même sagesse nous conduit à condamner les monopoles que
veulent se construire aujourd'hui les gouvernements.
Notre opinion sur le chapitre du projet de loi 17 portant sur la
médecine du travail est donc fondée sur des considérations
tout à fait fondamentales et nous espérons que la révision
de ce projet par la commission parlementaire nous ramènera à une
perception plus réaliste des besoins réels de la
société dans laquelle nous vivons. Nous avons à ce sujet
d'ailleurs fait une proposition très intégrée qui remet en
cause certaines des structures administratives actuelles des organisations de
santé dans les entreprises. Nous sommes prêts à rediscuter
toute cette question et, dans ce sens-là, le Conseil du patronat appuie
officiellement une proposition que vous retrouvez dans le mémoire de la
FTQ la FTQ débattra son mémoire après nous
recommandation qui est contenue à l'article 151 où on demande,
compte tenu de la difficulté de ce problème, de réunir en
table ronde, en parallèle à la tenue des travaux de cette
commission, les principaux intervenants dans le domaine de la santé au
travail, qu'il s'agisse des centrales syndicales, du monde patronal, des DSC.
On a l'impression qu'une telle table ronde, telle que suggérée
par la FTQ, pourrait peut-être permettre de réaliser certains
consensus tout au moins autour de certains problèmes de fond.
Autre question, le parallélisme. Un autre point de vue qui
concerne cette fois non plus la vie interne des entreprises, mais les
activités externes dont le but est en théorie de contribuer
à la prévention des accidents. Nous reprochons au projet de loi
no 17 une autre incohérence. D'une part, les subventions aux
associations de prévention sont assumées par les employeurs, mais
ces associations ne sont pas sous le contrôle des employeurs,
puisqu'elles sont paritaires. D'autre part, il y aurait des activités de
prévention sur le contrôle exclusif des syndicats et ces
activités seraient quand même appuyées par les fonds
patronaux.
Si les associations de prévention doivent être paritaires,
c'est-à-dire dirigées par un conseil représentant
également les employeurs et les syndicats, le financement de ces
associations, quant à nous, devrait être assumé
également par les employeurs et les syndicats. C'est une condition
essentielle à leur bon fonctionnement. Autrement, l'une des parties est
toujours en demande sans avoir à considérer le prix de ses
demandes. C'est une situation conflictuelle par sa nature même.
Sous réserve de leur mode de financement, nous sommes d'accord
avec la création volontaire d'associations paritaires de
prévention. Dans notre esprit, cependant, les associations patronales de
prévention existantes c'est le cas de l'Association de
prévention des accidents industriels devraient continuer
d'être subventionnées à certaines conditions
énumérées dans notre mémoire et pourraient
accomplir, notamment, bon nombre des tâches que le projet de loi voudrait
confier par l'article 129 à la commission.
Nous rappelons que nous n'avons rien contre la mise sur pied
d'associations syndicales de prévention des accidents. Nous sommes
d'accord pour que les syndicats se dotent de services de formation pour leurs
membres, mais nous n'admettons pas que ces associations et ces activités
syndicales soient subventionnées à même les fonds
patronaux. Si les entreprises doivent payer des activités de formation,
elles doivent aussi contrôler ces activités. C'est une
règle élémentaire que l'on ne peut pas transgresser sans
aboutir à des abus et à une mauvaise allocation des
ressources.
Enfin, notre mémoire critique le mode de financement de la
réforme proposée par le projet de loi 17 pour deux raisons:
premièrement, parce que, alors que l'autorité et les moyens de
contrôle sont attribués soit à l'Etat lui-même, soit
aux syndicats, soit à des comités paritaires, les coûts de
la réforme proposée seraient supportés à peu
près exclusivement par les entreprises. Deuxièmement, la
réforme est proposée sans que l'on ait analysé de
façon sérieuse ce qu'elle coûtera.
Il est inadmissible, en démocratie, même selon les
règles les plus élémentaires d'une saine gestion, que les
organismes puissent dépenser sans être comptables de toutes leurs
dépenses vis-à-vis de ceux qui paient. Or, toute la
réforme proposée a pour effet de faire porter les frais aux
entreprises, d'une part, et d'attribuer les pouvoirs de décision
à n'importe qui, à condition que ce ne soit pas les entreprises,
d'autre part. On a même parfois le sentiment que les auteurs du projet
ont dû faire preuve de beaucoup d'imagination pour réussir
à inventer autant d'intervenants en évitant toujours la direction
des entreprises: comités paritaires, DSC, CLSC, commissions,
ministères, syndicats, inspecteurs de l'Etat, représentants
syndicaux et j'en passe. Le comble est atteint lorsque des activités
subventionnées par les entreprises sont sous l'autorité exclusive
des syndicats, en même temps que l'on attribue à un comité
paritaire des pouvoirs de décision sur la vie interne de
l'entreprise.
Il semble qu'il y a deux préjugés à l'origine de
cette conception: premièrement, la direction des entreprises est
incompétente; deuxièmement, les entreprises sont une source
intarissable de financement. Nous croyons que ces fondements sont mauvais et
que toute réforme construite sur de tels fondements conduira à un
échec, à savoir à une mauvaise allocation des ressources,
à des dépenses inutiles et incontrôlées, à
des activités détournées de leurs fins propres, en un mot,
à l'inefficacité.
Non seulement on annonce aux entreprises qu'elles auront à
assumer des tas de dépenses décidées par d'autres, mais
encore nulle analyse n'a été faite pour préciser à
quel niveau s'élèveront ces dépenses. Le libre blanc
d'octobre 1978 était fort incomplet à propos du coût des
réformes proposées et les auteurs du livre blanc devaient
continuer leurs recherches. Qu'en est-il de ces recherches aujourd'hui? La
commission parlementaire ne peut pas, nous semble-t-il, analyser
sérieusement le projet de loi no 17 sans connaître les
résultats de telles recherches. (10 h 30)
Une analyse sommaire des sources de dépenses nous montre que la
réforme proposée sera extrêmement coûteuse. Faute de
disposer d'analyses officielles faites par les auteurs mêmes du projet de
réforme, nous avons au moins fait une analyse de ce qui est
déjà connu. Cela donne une sorte de nomenclature des sources de
dépenses et une certaine évaluation de leur importance. Cette
description est contenue dans l'annexe à ce document que nous avons
déposé ce matin à la commission parlementaire. Nous
croyons que ce document prouve que les entreprises ont raison de
s'inquiéter des effets financiers de la réforme proposée
par le projet de loi no 17.
Voilà, M. le Président, les problèmes majeurs
d'orientation que notre mémoire présente à l'intention de
cette commission.
Par ailleurs, analysant le projet de loi no 17 article par article,
notre mémoire propose des sujets plus particuliers à l'attention
de cette commission. Il serait, bien sûr, trop long de les reprendre ici.
Permettez-moi d'en souligner simplement quelques-uns qui sont revenus
peut-être, mais de façon moins fréquente.
D'abord, l'article 32, sur le congé de maternité qui,
quant à nous, devrait être rédigé de façon
à concorder avec l'article 9 de l'ordonnance no 17 de la Commission du
salaire minimum, ordonnance qui traite exactement du même sujet.
Article 33, l'indemnité pour la travailleuse enceinte, dans le
cas où elle doit changer de fonction, est probablement une bonne
idée, mais une telle idée relève de la politique sociale
et doit être supportée par les fonds publics.
Article 58, le nombre de membres d'un comité de santé et
de sécurité et la procédure de nomination devraient
être prévus par la loi, et pour ce qui est de la nomination des
représentants des travailleurs, l'article 147 de la Charte de la langue
française devrait servir de modèle, cet article ayant l'avantage
de prévoir les divers cas qui peuvent se présenter selon qu'il y
a ou qu'il n'y a pas un ou plusieurs syndicats.
Article 73, qui parle des associations d'employeurs et des associations
syndicales d'un secteur. Il faudra sûrement préciser qu'il s'agit
d'associations représentatives de ces mêmes secteurs.
Article 106: à cause de l'importance des questions qui touchent
la pratique médicale, la commission devrait, quant à nous, avoir
un conseil d'administration élargi qui ferait place à deux
médecins nommés par leur corporation professionnelle.
Article 149: à notre avis, l'inspection nécessaire
à l'application des normes de santé et de sécurité
au travail, comme de toutes les autres normes du travail, devrait être
unifiée dans ce sens, nous sommes d'accord et
confiée à l'autorité du ministère du Travail. Nous
acceptons une exception en faveur du secteur minier, puisque le système
d'inspection existant déjà au ministère des Richesses
naturelles semble à tout le moins être satisfaisant, mais en aucun
cas nous ne pourrions considérer comme valable que l'inspection soit
sous l'autorité de la nouvelle commission.
Article 238. Contrairement à ce que propose l'article 238, nous
tenons fermement à ce que l'article 111 de la Loi des accidents du
travail soit maintenu, puisque c'est la seule disposition actuelle qui permet
à des employeurs de discuter certains problèmes particuliers avec
la commission.
Finalement, l'article 287 laisse au gouvernement le soin de
désigner le ministre responsable de l'application de la Loi sur la
santé et la sécurité au travail. Pour notre part, nous
croyons que cette partie des lois du travail doit être sous
l'autorité du ministère du Travail et de la main-d'oeuvre et que
l'article 287 doit être clair à ce sujet.
En conclusion, M. le Président, nous remercions tous les membres
de cette commission parlementaire de la bonne attention qu'ils voudront bien
apporter à nos divers commentaires. Ceux-ci, d'ailleurs, ne sont pas
complets nous avons dû déposer ce matin seulement notre
analyse des coûts étant donné le court délai
qui nous a été donné pour l'étude, en pleine saison
estivale, de cet important projet de loi, et ayant voulu, quant à nous,
M. le ministre, vraiment respecter la date limite de dépôt du 17
août.
Nous remercions de façon plus particulière le ministre
responsable, d'une part, d'avoir déposé ce projet de loi à
l'Assemblée nationale, parce que le monde patronal aussi demandait un
tel projet de loi depuis quelques années. Nous le remercions d'avoir
soumis, comme il l'avait toujours indiqué, le même projet de loi
à cette commission parlementaire et nous souhaitons vivement que nos
représentations, ainsi que celles nombreuses de nos associations et
entreprises membres, retiendront son attention et celle de ses principaux
conseillers afin d'en arriver, croyons-nous, à une nouvelle
rédaction du projet de loi. J'insiste pour dire "nouvelle
rédaction", et non pas retrait du projet de loi. On a eu de très
mauvaises interprétations, dans certains cas, à ce sujet, et nous
parlons bien de nouvelle rédaction. Nous voulons simplement l'exprimer
en partant d'un autre exemple qui est le projet de loi sur les
handicapés que le ministre Lazure avait déposé, dans un
premier temps, avec la loi 38. Suite à des commissions parlementaires,
une série d'interventions, nous avons eu ce projet de loi neuf qui a
été réécrit, présenté à
nouveau et qui, finalement, semble avoir fait l'accord de toutes les
parties.
Pourquoi n'en demandons-nous pas le retrait? Pour une raison très
simple, nous vous affirmons à nouveau notre accord avec les objectifs
poursui- vis. Les moyens suggérés pour les réaliser,
cependant, font l'objet de trop d'objections sérieuses de la part des
milieux patronaux pour croire que quelques amendements apportés ici ou
là sauront les satisfaire.
S'il est exact, comme nous le croyons, que ce projet de loi a pour
objectif final d'améliorer la santé et la sécurité
des milliers d'hommes et de femmes au travail ce avec quoi nous sommes
totalement d'accord il doit au moins tendre à s'associer les
entreprises dans la réalisation de cet objectif. Tel ne semble pas
actuellement être le cas et ce serait une erreur magistrale que de croire
que la prévention des accidents du travail ne peut être qu'une
affaire de législation et/ou de réglementation.
Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, M. Dufour. M.
le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, tout d'abord,
remercier le Conseil du patronat du Québec, ses porte-parole, et, en
même temps, profiter de l'occasion pour remercier l'Association
provinciale des marchands d'automobiles du Québec Ltée qui a
versé au dossier ce matin son mémoire. Je comprends que, le cas
échéant, s'il y avait quelques aspects particuliers de ce
mémoire-là qui devaient être mis en relief, on pourra en
profiter en même temps.
Je tiens à souligner, au point de départ, que le Conseil
du patronat du Québec a effectivement été un de ces
groupes qui, conformément d'ailleurs à nos engagements
réciproques c'est vrai pour d'autres groupes, certains qui ont
déjà témoigné, d'autres qui vont témoigner,
notamment, cet après-midi ont accompagné depuis le tout
début, depuis, au fond, la tenue en quelque sorte du premier grand
sommet socio-économique, conformément au consensus qui
était ressorti à ce moment-là, tous les travaux, toutes
les étapes, y compris les premiers travaux visant à la mise au
point d'un projet de livre blanc. Je tiens à le signaler parce que je
crois qu'il y a là une attitude très fondamentalement positive
qui n'exclut pas que chacun ait droit à ses propositions, à son
point de vue.
Je pense que ce long processus qui aura pris quand même plus de
deux ans, finalement, aura permis à chacun, en cours de route, de
peut-être mieux percevoir le point de vue de l'autre aussi. On voit
d'ailleurs et je tiens à le signaler à ce moment-ci
dans les divers mémoires qu'il y a eu des ajustements de certains
perceptions, de certaines positions en cours de route. Je crois que, quel que
soit le résultat final, c'est déjà une pierre d'assise
fondamentale si on veut pouvoir ce qui est la philosophie fondamentale du
gouvernement dans ce domaine-là y arriver en faisant, autant que
faire se peut, un travail concerté qui implique l'ensemble des agents
socio-économiques impliqués.
Bien sûr, j'ai pris bonne note non seulement de l'accord de
principe sur les objectifs, mais également des accords très
précis sur un certain
nombre de points, qui apparaissent aux pages 11 et 12 de votre
mémoire.
On me permettra cependant, un peu comme vous l'avez fait, M. Dufour, de
formuler un certain nombre de commentaires-questions, un peu pour amorcer la
discussion autour d'un certain nombre de points particuliers. Je sais que
certains de mes collègues vont revenir sur d'autres points en cours de
route. Le premier: Vous vous dites déçu de constater... Je pense
que ça revient dans votre mémoire, c'est revenu aussi dans votre
discours public. On a eu l'occasion, depuis le dépôt du projet de
loi, de se parler par l'intermédiaire des media. Vous avez
formulé une certaine déception au bilan de tout ça, de la
démarche de consultation, notamment sur le fait qu'à votre point
de vue certaines des recommandations que vous aviez formulées n'aient
pas été retenues et qu'à votre point de vue, sur certains
points, il y aurait un recul chacun a ses perceptions des reculs; pour
d'autres, ce sont des reculs perçus d'une autre façon
notamment en ce qui concerne le représentant à la
prévention, en ce qui concerne les cliniques médicales
privées, en ce qui concerne la qualification du mot danger. On aura
l'occasion sûrement, de faire un échange de vues là-dessus
ce matin.
Je voudrais dire tout de suite que cela a été,
conformément à l'engagement qu'on avait pris, un long travail,
extrêmement sérieux, de tous ceux qui sont intervenus, de
consultations, d'échange de points de vue. Il revient forcément,
au bout de la ligne, c'est notre responsabilité comme gouvernement,
à la lumière des commentaires, des remarques, des opinions et
à la lecture que nous faisons nous-même de la
réalité, de tirer la ligne et de formuler des propositions
très concrètes.
Cela prend la forme, à un moment donné, quand le train
entre en gare, d'un projet de loi. Je crois que c'est le processus normal d'une
consultation. Je ne sais pas s'il y a là une espèce de
première, je crois qu'il y a eu rarement de projets de loi qui auront
donné lieu je parle de projets de loi au sens très large,
je remonte jusqu'au livre blanc à tant de consultations,
d'échanges de point de vue, de rencontres, de mémoires qui nous
ont été soumis même avant la commission parlementaire,
notamment les mémoires sur le livre blanc.
Bien sûr, on a senti aussi, dans des cas exceptionnels, des
excès, ce que j'appelle des excès aux extrêmes sur certains
points, que ce soit de gauche ou de droite, peu importe. Finalement, ça
se recoupe et ça tombe presque dans le même sac. Il s'agit de voir
ce que, comme société, dans l'état actuel des choses, il
nous est possible, de façon réaliste, de se donner comme
instrument qui soit vraiment un instrument réel d'un changement qui
s'impose, face à une réalité qui, je crois, de l'aveu de
tout le monde je n'ai jamais entendu qui que ce soit contester les
chiffres devenait absolument inacceptable.
Au moment où on a rédigé le livre blanc, on parlait
de coût économique direct et indirect et j'ai toujours dit, sur la
base des chiffres conservateurs que j'avais en main, de presque $2 milliards,
$1 900 000 000 on est rendu, à l'année 1978, à $2
500 000 000, chiffre conservateur, c'est la stricte réalité
économique des coûts économiques directs et
indirects pour l'essentiel, sinon pour ne pas dire le tout, assumé par
les entreprises. Sans compter, ce qui est encore plus fondamental, pour
reprendre l'expression du premier ministre, une économie qui
prétendrait faire passer les machines avant les hommes, j'ajouterais, je
ne sais pas où elle s'en va, mais je sais qu'elle y v vite, joyeusement.
Et ce n'est pas acceptable.
Je pense que sur cette base et sur l'ensemble des faits, on est tous
d'accord sur la nécessité d'aboutir à une loi et aboutir
dans les plus brefs délais. J'ai déjà indiqué
l'intention du gouvernement, autant que faire se peut et autant que
faire se peut, à notre point de vue, c'est possible, à condition
qu'il y ait un minimum de bonne volonté d'aboutir à
l'adoption d'une loi avant Noël. Donc, c'était un premier
commentaire général.
Deuxièmement, vous évoquez le fait qu'il s'agit d'une
loi-cadre difficile à évaluer quant à la portée de
certains de ses éléments, certaines de ses dimensions, certains
de ses coûts aussi, dites-vous, et au soutien de ça, notamment,
mais non exclusivement, vous évoquez le pouvoir réglementaire.
Quand on regarde de très près, on aura sûrement l'occasion
d'en discuter plus longuement en commission parlementaire au moment où
on étudiera le projet de loi article par article ou en débat de
deuxième lecture, quand on regarde le pouvoir réglementaire, je
voudrais rappeler qu'à partir du moment où on introduit un projet
d'une loi-cadre qui vient, à toutes fins utiles, remplacer sept lois,
vingt règlements, comme perspective, il est évident, si vous
regardez l'ensemble des pouvoirs réglementaires on pourra les
relever que bon nombre de ces pouvoirs réglementaires ne sont que
les pouvoirs réglementaires qui, pour l'essentiel étaient dans
l'une ou l'autre des sept lois existantes. (10 h 45)
Pourquoi faut-il maintenir ces pouvoirs réglementaires? Pour ne
pas se trouver dans la situation où les règlements qui existent
n'existent plus; il faut qu'ils soient là. Bien sûr s'ajoutent des
pouvoirs réglementaires additionnels concernant des
éléments nouveaux, qu'il s'agisse des associations sectorielles,
des comités paritaires, des représentants à la
prévention ou de la commission comme telle.
Il y a autre chose, je pense qu'on ne peut pas avoir le gâteau et
le manger en même temps; c'est un vieux principe qui colle tellement, de
façon têtue à la réalité. On a convenu, sur
la base d'une demande vous vous en souviendrez je crois bien qui
est revenue tout au long de la discussion je me demande même si
ça n'avait pas été évoqué à La
Malbaie et là-dessus, il y avait un consensus des parties, si ma
mémoire est bonne, dans le genre: Y aurait-il moyen que les parties
soient directement impliquées au niveau même de
l'élaboration des nouveaux projets de règlements? C'est ce que
propose le projet de loi, dans son
économie générale et dans un certain nombre
d'articles très précis du projet. Cela est collé à
un des principes avec lequel, je crois, vous êtes d'accord, qui est cette
idée que les parties soient directement impliquées, le
paritarisme si on veut ou la participation des parties syndicales et
patronales.
A ce moment, si on veut impliquer les parties à
l'élaboration même de ces nouveaux règlements, à
leur acceptation, à leur mise en oeuvre, ça nous oblige
forcément à ne pas se mettre dans la position où on cuit
le gâteau d'avance, pour simplement permettre aux parties de
l'assaisonner un peu, beaucoup, passionnément, mais, enfin, être
dans la situation de ne pouvoir que l'assaisonner. Il y a la
prépublication qui est prévue, puisque de nouveaux
règlements impliquant des normes, impliquant des ajustements, impliquant
les priorités, par où va-t-on commencer? On a formulé des
hypothèses dans le livre blanc, mais ça présuppose que la
commission est mise en place, que les parties sont là et que les parties
participent à l'élaboration de ces choses et, le cas
échéant, formulent leurs recommandations au gouvernement, qui
sera appelé à trancher, s'il y a lieu. Voilà donc le
deuxième commentaire que je voulais faire.
Vous évoquez la question de la dilution des droits de
gérance. Là-dessus, je voudrais vous soumettre les commentaires
suivants et j'aimerais avoir votre réaction. Bien sûr, on ne vit
plus au début de l'ère industrielle, les années ont
passé, les choses ont changé, la société a
évolué. On est une société qui, pendant des
années et à un rythme extrêmement rapide, a fait beaucoup
de rattrapage dans ce sens et, au fond, concrètement, quand vous vous
élevez contre notamment ce que vous appelez "la dilution des droits de
gérance", vous l'accrochez aux pouvoirs décisionnels des
comités paritaires.
Vous me permettrez de rappeler que, selon l'article pertinent du projet
de loi, les pouvoirs décisionnels portent, pour l'instant, sur trois
points précis: le choix du médecin; la question du choix des
équipements individuels de protection et les programmes de formation,
c'est à l'article 53. Je me demande comment vraiment on peut partir de
là pour dire: C'est la dilution des droits de gérance. Je crois
que si on le recoupe avec l'article 48, notamment le paragraphe 3 de l'article
48, vous savez fort bien que, au contraire, les demandes qui nous sont
formulées, dans un autre sens, vont beaucoup plus loin quant à
l'élargissement cela a même été
évoqué hier par mes collègues de l'Opposition officielle
quant à la nécessité de regarder les propositions
contenues au projet de loi, quant aux pouvoirs décisionnels des
comités paritaires et de regarder si, au contraire, il ne faut pas
élargir davantage la porte et la portée.
Concernant certains droits de gérance, si vous voulez absolument
tenir à cette expression-là, quand il s'agit de choses je
reviens à ce qui est pour l'instant dans le projet de loi comme
les équipements, les médecins, la formation qui au fond touchent
directement ceux et celles qui sont les premiers concernés, les hommes
et les femmes au travail, peut-on encore prétendre en 1979 que de tels
droits peuvent être exercés sans au moins qu'ils soient
partagés un peu avec d'autres? Il y a plus de cent ans de
révolution industrielle gérée par le patronat qui
précédent le constat qu'on fait. Je parle toujours du domaine
spécifique de la santé et de la sécurité au
travail. Tout le monde admet que personne n'a contesté les chiffres. Ils
sont là, ils sont brutaux. Il y a là une situation qui, dans
certains cas, est dramatique, mais dans d'autres cas, tragique. N'est-il pas
temps, dans cette perspective-là, d'essayer des moyens qui apparaissent,
me semble-t-il, nécessaires et appropriés à
l'évolution d'une société plus moderne et en particulier
dans le domaine du travail?
Vous savez, j'ai souvent dit cela et je le pense toujours: Quand on lit
les sept lois, les vingt règlements qui existaient et qu'entend pour
l'essentiel, remplacer la loi-cadre, non seulement il y a là-dedans une
conception fataliste dans le genre: Ce sera toujours comme ça et il n'y
a pas grand-chose à faire et on va tout régler cela uniquement
par des moyens de protection individuelle. Mais quand on lit ces
règlements qui sont accrochés à ces textes de loi, on voit
qu'on a presque réussi le tour de force d'à peu près ne
jamais mentionner même le mot travailleur, à quelques rares
exceptions, comme si on pensait qu'on va régler ces
problèmes-là en l'absence de ceux et de celles et des
représentants de ceux et de celles qui sont les premiers
concernés. Je pense que les faits nous sautent au visage aujourd'hui
pour dire que cela ne peut pas être l'exclusivité uniquement d'un
monde patronal, pas plus que qui que ce soit, je pense, ne peut il y en
a peut-être dans quelque coin; hélas, cela arrive croire
deux secondes: Prenons tout le paquet maintenant et passons cela au monde
syndical et tout sera réglé. Ce n'est pas vrai, parce que,
maintenant, si on veut aller vraiment dans le sens d'une ouverture sûre
sans se prendre pour d'autres et sans s'imaginer que cela va se faire comme par
miracle, ce n'est pas vrai, vers une ouverture qui puisse permettre
réellement d'impliquer les parties jusqu'à une participation
à un pouvoir décisionnel sur certains éléments qui
les concernent directement, réflexion faite, en regardant cela, ne vous
semble-t-il pas que c'est une perspective qui aujourd'hui devrait être
quelque chose qui pourrait commencer à être acceptable dans une
société comme la nôtre?
Je m'excuse d'avoir pris un peu de temps là-dessus, mais cela me
semble être une question extrêmement importante. Le gouvernement,
je ne vous le cacherai pas, va avoir à trancher. Les demandes qui nous
sont faites d'un côté vont, vous le savez, dans le sens de plus.
Je vous le rappelle et je pense que mes collègues me corrigeront
sûrement si je traduis mal les discussions qu'on a eues depuis quelques
jours. Mes collègues aussi de l'Opposition commencent à se poser
sérieusement la question. Je laisserai au député de
Portneuf le soin d'intervenir là-dessus. Je ne vous cacherai pas que je
me la pose très
sérieusement aussi. Je suis loin d'être porté
à en réduire la portée. Par ailleurs, d'autres, notamment
vous autres, disent: Non, il faut que cela reste consultatif. On va avoir
à trancher. A ce point de vue là, tout ce que vous pourrez
ajouter ce matin, je pense, pourrait éclairer de façon importante
les membres de cette commission.
Très rapidement je vais essayer d'accélérer
davantage pour ne pas abuser je voudrais, en fait, intervenir sur trois
points avant de terminer. Quant au financement des associations syndicales, je
sais qu'une partie du monde patronal avait contesté l'article de la loi
de la CAT sur lequel la Commission des accidents du travail pensait pouvoir
baser une juridiction lui permettant d'octroyer un soutien financier pour la
formation des organismes syndicaux. Cela a été contesté
devant les tribunaux -par la partie patronale.
Le projet de loi vient mettre un terme à cette discussion
juridique, puisque à notre point de vue, il est tout à fait
normal que des sommes soient mises à la disposition des associations
accréditées, d'ailleurs, pas seulement syndicales, si vous avez
lu le texte je pense que c'est plus large que cela pour permettre
aux parties de disposer d'un certain nombre de ressources financières de
base pour leur permettre de développer des programmes de formation de
leurs membres, ce qui n'exclut absolument pas on l'a encore dit hier
qu'il y ait des programmes-cadres qui s'appliquent à
l'échelle nationale, dans les secteurs, et qui relèvent de
l'ensemble de ces niveaux nationaux ou sectoriels qui sont, eux,
paritaires.
Je me demande si vous ne conviendrez pas en tout cas, je le
soumets à votre réflexion qu'il semble peut-être un
peu abusif de dire que l'argent qui est versé, bien sûr, il vient
du monde patronal, mais qu'une fois rendu là, cela doit être
considéré uniquement comme de l'argent patronal. Où nous
mène une logique comme celle-là? C'est une mutuelle, c'est vrai.
Analogiquement, où cela nous mènerait-il, si on
élargissait un principe comme celui-là sur le plan de l'ensemble
des fonds publics? Ce qui vient de l'impôt des compagnies devrait aller
dans tel coin. Ce qui vient de l'ensemble et qui serait la masse majeure de la
fiscalité et provient des citoyens, cela devrait uniquement retourner
aux citoyens, et ce qui vient de telle ou telle région devrait retourner
dans telle ou telle région. Enfin, cela me semble un peu court.
Par ailleurs, je dois vous dire une chose. Je suis très ouvert
à une suggestion que vous formulez dans votre mémoire, qui
était dans le livre blanc et qui n'a pas été reprise dans
le projet de loi. Soyez assuré qu'on va la regarder de très
près. On avait dit, dans le projet de loi, que les services d'inspection
allaient continuer à être financés par le gouvernement, par
les fonds publics. On avait aussi dit que la formule était
nuancée si nécessaire, on pourrait même envisager la
possibilité qu'une partie des fonds publics vienne soutenir l'effort de
formation et d'information. En d'autres termes, qu'on puisse y contribuer sur
le plan des budgets. Cela n'apparaît pas dans le projet de loi et je ne
vous cacherai pas que je suis très ouvert pour regarder très
attentivement une recommandation comme celle-là qui apparaissait,
d'ailleurs, dans le livre blanc.
Un point additionnel, c'est le droit de refus. Vous nous proposez de
qualifier le mot "danger" en y ajoutant la qualification "immédiat et
grave". On en a longuement discuté avec des groupes syndicaux et des
groupes patronaux.
Je voudrais savoir: 1) Pourquoi vous nous proposez de le qualifier. 2)
Vous n'êtes pas sans savoir que la jurisprudence actuelle ne le qualifie
pas. Vous connaissez sûrement fort bien le décret de la
construction, à l'article 26.02, qui ne le qualifie pas. Vous connaissez
très bien, je présume, l'arrêté en conseil 37.87,
l'article 2.2.2d qui ne le qualifiait pas, mais là c'est une
espèce de droit de refus introduit par la négative, à
l'envers, et on sait le résultat que cela a eu. A toutes fins utiles,
cela n'a pas été appliqué et pour cause: en plus, il n'y
avait aucune espèce de protection.
Enfin, quand même, cela a été là, d'ailleurs,
la première espèce d'ouverte; cela ne le qualifiait pas. Pourquoi
faudrait-il maintenant le qualifier? Nous ne le qualifions pas dans le projet
de loi. Nous avons simplement essayé de le cerner. Au lieu de dire: tel
et tel type, tel groupe et telle fonction sont exclus de l'application du droit
de refus, on a essayé de le cerner par la notion de danger qui est
accrochée de façon inhérente à une tâche,
à une fonction.
Le cas classique que j'évoque si souvent est le pompier et le
policier de la brigade criminelle. Est-ce parce que vous craignez les abus?
Hier, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec est
venue témoigner devant nous pour nous dire que sur la base de l'article
26.02 du décret de la construction, il n'y avait eu que très peu
de cas d'exercice du droit de refus, qu'à leur connaissance il n'y avait
aucun cas d'abus. (11 heures)
L'Institut canadien du textile, qui est venu devant nous, nous a dit,
parce qu'il a des usines qui fonctionnent aussi en Ontario il vit avec
le droit de refus depuis 1976, si ma mémoire est bonne
qu'à sa connaissance, il n'y avait pas eu de cas d'abus. Pourquoi
faudrait-il maintenant restreindre la portée? Deuxième
élément, à partir du moment où on introduit la
notion de "grave et immédiat", je ne sais pas si vous faites
référence à la loi suédoise, mais si vous y faites
référence, la question que je vous poserais, c'est: Est-ce que
vous êtes prêts à acheter le texte intégral de la loi
suédoise? Vous savez que la loi suédoise introduit le droit de
refus à être mis en marche par un représentant
syndical.
En terminant, M. le Président je pense que j'ai
déjà abusé du temps, on y reviendra je tiens
à dire à nouveau qu'honnêtement, dans votre
résumé je l'ai écouté, ce matin, le plus
attentivement possible je ne sais pas si vous reprenez une expression
que vous avez utilisée déjà, en ce qui concerne les
services de santé, à savoir qu'on nationalisait les services de
santé d'entreprises. Vous savez fort bien qu'il existe
déjà... que 97%
des médecins présentement sont payés par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y a là une
question qui n'est quand même pas un détail, qui est fondamentale.
Vous dites que la médecine du travail fait partie intégrante de
la gestion des entreprises. Si c'est exact, ce que vous dites, en étant
très franc avec vous autres, je pense que vous venez de me donner
l'argument ultime, la raison essentielle pour laquelle il faudrait
peut-être que ça change. Aussi, je pense qu'il y a peut-être
une confusion entre la notion de médecin traitant d'un homme, d'une
femme, de n'importe quel citoyen, ça vaut pour les travailleurs, et la
notion de médecine du travail qui, elle, doit développer une
approche, comme on dit dans le jargon, épidémiologique, qui vise
à éliminer à la source, à déceler les
problèmes. Je pense qu'il faut distinguer fondamentalement gestion et
santé dans une perspective de santé publique.
En terminant, je vous laisserai sur deux questions additionnelles. Vous
proposez l'unification des services d'inspection. Vous nous proposez cependant
de les rattacher au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
L'Association des marchands d'automobiles, dans son mémoire, nous
propose, et je cite: "Cependant, il y aurait lieu de songer, pour la Commission
de la santé et de la sécurité, à employer les
mêmes inspecteurs que la Commission des accidents du travail et le
ministère du Travail, qui voit à l'application du
règlement sur les établissements industriels et commerciaux". Je
comprends donc plutôt que, dans leur cas à eux, ils proposent,
dans le cas de ces groupes d'inspecteurs, le rattachement à la
commission. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Dernier élément, le projet de loi introduit le principe...
Quand je dis le principe je parle du principe au sens juridique de nos
débats de deuxième lecture... Quand on dit un débat de
deuxième lecture, le principe... parce que c'est vrai que c'est la plus
élémentaire décence que d'y arriver, le retrait
préventif avec, comme première "opérationnalisation", la
femme enceinte. Des groupes, et mêmes des associations patronales avec
lesquelles on en a discuté, si j'ai bien compris, sous réserve de
relire très attentivement le journal des Débats, à une
question posée répondaient plutôt: On est plutôt
porté à vous dire oui, essayez donc de travailler sur une
perspective comme celle-là. Qu'est-ce que vous pensez de la
possibilité d'élargir l'application du principe du retrait
préventif à l'ensemble des hommes et des femmes qui sont au
travail, en sachant fort bien que tout ne peut pas être fait en
même temps, etc., et que ça va devoir être
étudié, mûri?
Sur cette dernière question, M. le Président, pour ne pas
me faire taxer de verbo-moteur, je vais arrêter.
M. Pagé: Est-ce qu'on peut remercier le ministre pour
l'audition de son mémoire? 35 minutes. Ce n'est pas mal. Ce n'est pas si
pire.
Le Président (M. Marcoux): M. Dufour?
Mme Lavoie-Roux: ... du progrès. M. Chevrette: ...
intéressant...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
Mme Lavoie-Roux: Vous croyez réellement ce que vous
dites?
Le Président (M. Marcoux): M. Dufour?
M. Dufour: II y a énormément de matière dans
ce que vient de nous livrer le ministre. Je voudrais d'abord, pour situer les
différents commentaires qu'on fera au niveau des questions plus
particulières qu'il a posées, revenir à ce qu'il appelle
la lecture de la réalité, parce que tout ce projet de loi,
finalement, s'inspire d'une lecture de la réalité qui peut
être différente telle que vue par le ministre ou vue par nous. Je
vais parler quand même un peu de statistiques, vous nous faites presque
un reproche de ne jamais en parler, on va en parler un peu, pour dire tout
simplement qu'il faut vraiment faire attention à l'utilisation des
statistiques.
Une fois qu'on a dit cela, bien sûr, on dira toujours nous aussi:
Les accidents de travail sont trop nombreux et il faut vraiment tendre à
les réduire le plus possible; je pense qu'on s'entend tous
là-dessus. Quand on utilise certaines statistiques pour noircir un peu
la situation, peut-être, ou pour justifier certains des moyens
suggérés dans un projet de loi, là cela nous
apparaît, au départ, un peu discutable. Je pense qu'on va tous
être d'accord, incluant le ministre, pour dire que les données
qu'on a dans ce domaine nous viennent toutes de la même source, de la
Commission des accidents du travail, et ce sont des statistiques tout à
fait incomplètes, et surtout sans aucun point de comparaison avec
l'extérieur. On ne peut pas se situer par rapport à quiconque.
Surtout, elles sont contradictoires d'une année à l'autre. Je
vous donne simplement un exemple. La Commission des accidents du travail a
produit, au mois d'octobre 1978, des données pour l'année 1977
où on nous disait: II y a eu 157 877 accidents avec perte de temps.
Trois mois plus tard, rapport annuel de la Commission des accidents du travail
pour la même année, c'était baissé à 137 000.
C'est quand même 10% en faveur des employeurs, et on peut imaginer que le
chiffre de 308 000 dont on parle sera aussi sujet à interrogation de la
même façon.
Tout cela pour dire que le chiffre de 308 000, pris tout seul, ne veut
rien dire. Si on fait d'autres genres de statistiques, on va réaliser,
par exemple, que de 1974 à 1977, en référant toujours
à ce document sur lequel tout le monde s'appuie, qu'il y a vraiment une
baisse du nombre des accidents du travail déclarés, si on tient
compte de la progression du nombre des travailleurs. De 1974 à 1977, par
100 travailleurs, cela a baissé de 13,8% à 12,7%. Quand on
additionne les maladies profes-
sionnelles aux accidents de travail, de 1974 à 1977, cela a aussi
baissé de 14% à 13%. Une autre statistique qui n'intervient
jamais dans le débat et qui est drôlement importante, c'est la
question de la gravité des accidents. Le même tableau indique que
pour la même période, le nombre de jours moyens perdus
donc, la question de la gravité est passé de 19,8% en
1974, à 15,9% en 1977. Cela aussi, on devrait le dire lorsqu'on discute
de statistiques dans le domaine des accidents du travail, et cela motiverait
peut-être les employeurs, à un moment donné, d'avoir ce
genre de vision des choses.
Vous avez aussi parlé de comparaison avec des sommes d'argent. On
nous permettra d'interroger, quant à nous, l'indicateur, croissance des
dépenses des budgets de la CAT, pour porter un jugement quant à
l'intérêt que portent les entreprises à la santé et
à la sécurité. Lorsqu'on utilise l'indicateur
dépenses, il faudrait regarder ce qui affecte le budget de la CAT, et
là on peut inscrire toute une série de facteurs qui interviennent
dans ce domaine. Cela change constamment, l'interprétation des
règlements, les changements de règlements, M. le ministre, les
normes nouvelles. On sait très bien qu'au Québec, par exemple, on
a le plus haut plafond de salaires admissibles, la Saskatchewan vient de nous
rejoindre, mais on a toujours eu le plus haut plafond de salaires admissibles,
le paiement des cinq premiers jours et aussi, il faut se le dire, toute cette
conception qu'on a, nous du côté patronal, que c'est presque de
façon automatique, le bénéfice du doute à
l'avantage du travailleur. Là, on pourrait poser tout le
problème, par exemple, des maux de dos.
Donc, c'est toute une série de facteurs qui n'ont jamais vraiment
été étudiés par la CAT et qui permet au directeur
général pour la région de Montréal de la CAT,
lorsqu'il dépose son propre rapport annuel... Là, je cite Gilles
Provost du journal Le Devoir: "Ce sont là des facteurs ceux que
je viens d'énumérer qui contribuent à augmenter le
nombre des réclamations, même si la situation objective est moins
grave qu'avant."
M. le ministre, vous disiez à un journaliste de la Gazette samedi
que "Même le Conseil du patronat n'interrogeait pas vos chiffres". Vous
l'avez un peu rappelé tantôt. On n'a pas l'intention d'embarquer
dans un débat de statistiques parce que vraiment personne n'a les outils
pour faire une analyse concrète de la situation qui prévaut
actuellement. Quant à nous, lorsqu'on en parle, il faut être
vraiment prudent et les situer dans une perspective un peu plus globale.
Deuxième commentaire, en me référant toujours
à cette question d'image ou à cette question de lecture de la
réalité et de cette non-évolution que les employeurs
québécois présenteraient vis-à-vis de certains
éléments du projet de loi. Cette comparaison que vous faites
constamment pour justifier certains contenus avec l'Ontario, avec la
Saskatchewan, je voudrais simplement rappeler rapidement, pour les fins de
cette commission et les fins de nos propres interventions, ce qui existe en
Saskatchewan et en Ontario. Quand vous pre- nez le problème de la
santé en Saskatchewan, c'est au niveau de rétablissement, ce
n'est pas au niveau communautaire ou au niveau public comme on le
prévoit ici. Au niveau des comités paritaires, le pouvoir
décisionnel, si vous vous référez à l'article
24.4c, le seul pouvoir décisionnel qui est donné aux
comités paritaires, c'est très limité. Le refus de
travail: quand on dit que le refus de travail n'est pas qualifié en
Saskatchewan, regardez l'article 18.3 où vous avez...
M. Marois: M. Dufour, vous conviendrez quand même avec moi
que j'ai parlé de l'Ontario, quant à la qualification...
M. Dufour: Pardon?
M. Marois: J'ai parlé de l'Ontario, quant à la
qualification du danger dans la loi.
M. Dufour: Non, mais comme tableau de fond
général...
M. Marois: Oui, d'accord.
M. Dufour: Vous n'avez pas, autrement dit, dans ces
législations-là... Prenons l'Ontario qui a un système de
santé, dans le domaine du travail, identique à celui du
Québec actuellement. Ils n'ont pas jugé bon de faire le transfert
qu'on entend faire dans le projet de loi 17. Les comités paritaires,
d'abord ce n'est pas dix employés, c'est 20. Vous ne trouvez aucun
pouvoir décisionnel dans le comité paritaire Ontarien. Le refus
de travailler en Ontario est accompagné de la possibilité de
remplacement du travailleur qui exerce son droit de refuser de travailler.
Le représentant à la prévention. Vous regardez les
pouvoirs accordés au représentant à la prévention
en Ontario et ce que vous donnez au Québec, c'est très
différent et il n'y a pas de retrait préventif, il n'y a pas de
subvention patronale au syndicat, il y a beaucoup moins de pouvoirs à la
commission, etc.
Tout ça pour dire que, finalement, notre mémoire se situe
à peu près en conformité avec ce qui existe
déjà au plan canadien, notamment en comparaison avec l'Ontario.
Et quand on accepte, par exemple, le principe du comité paritaire
que d'autres groupes ne semblent pas accepter on accepte la
réalité ontariènne. Quand on accepte le refus de
travailler parce qu'effectivement on l'accepte on accepte la
réalitéontarienne, maison demande de cadrer, comme on l'a fait
dans la loi ontarienne.
Alors, c'est en s'inspirant finalement de ces deux grandes lois
canadiennes que nous faisons un certain nombre de propositions sur lesquelles
vous êtes revenus au niveau de certaines questions plus
précises.
Evidemment vous en avez mentionné plusieurs, la première
je vais aller très rapidement, quitte à les reprendre
la loi-cadre. C'est bien sûr que lorsque vous dites que vous
êtes obligé d'unifier peut-être six ou sept lois, plus
toutes leurs
réglementations, il ne s'agit pas de changer les normes qui
existent et on n'y tient pas nous non plus. C'est une partie du pouvoir
réglementaire. Mais toute l'autre partie du pouvoir réglementaire
de la CAT, c'est tout à fait nouveau.
Prenons simplement le comité paritaire. On vous fait une
suggestion de ne quand même pas laisser au pouvoir réglementaire
le soin de décider du nombre de travailleurs qu'il y aura dans un
comité. C'est une suggestion très concrète. On vous
demande de prévoir la procédure de nomination des travailleurs
aux comités paritaires à partir de la loi 147. On l'a
vécue et ça se passe bien. Pourquoi ne reprendrait-on pas
carrément ce qui existe déjà, que le législateur ne
l'affirmerait pas plutôt que de laisser ça au pouvoir
décisionnel purement et simplement? (11 h 15)
J'aimerais qu'on prenne les points un par un, parce que finalement il y
en a plusieurs. Mais sur une suggestion aussi concrète que
celle-là, qu'est-ce qui peut faire hésiter le législateur?
Pourquoi donner ça au pouvoir réglementaire?
M. Marois: Sur les comités paritaires et le nombre, si je
comprends bien votre point de vue, vous voudriez que dans la loi, on
spécifie le nombre. Bon. Je vais regarder à nouveau la loi
ontarienne, vous dites que vous avez basé bon nombre de choses sur la
loi ontarienne. J'ai souvent dit que j'ai regardé la loi ontarienne, la
loi de la Saskatchewan, j'ai rencontré ces gens, on a rencontré
les gens de la Suède, on a rencontré les Américains, on a
rencontré les gens de l'Allemagne, les gens de l'Angleterre, bon nombre
d'autres coins aussi. J'ai aussi souvent dit qu'on a essayé de concevoir
le projet non pas à partir d'une copie de quoi que ce soit, mais en
essayant de faire la meilleure lecture de la réalité
québécoise.
Vous avez au Québec, ce qui est la réalité
industrielle du Québec, quelque chose qui est passablement
différent, les morceaux sont ajustés aux réalités
socio-économiques de la Saskatchewan, il y a des distinctions et des
différences entre la loi de la Saskatchewan et celle de l'Ontario, parce
que leurs réalités sociales et économiques sont
différentes. Je pense que c'est légitime.
Au Québec, par exemple, vous avez beaucoup plus, toute proportion
gardée, de petites et de moyennes entreprises qu'en Ontario. Vous avez
aussi des entreprises de très grande taille. Vous préférez
que le législateur décrète, dans la loi... est-ce que vous
admettez qu'il va falloir faire des nuances? Ce qu'on proposait, simplement
comme approche, c'est que les parties concernées, toujours selon la
même philosophie, par la réglementation et les recommandations qui
nous seront faites par les parties concernées, leurs porte-parole et
leurs représentants siégeant à la commission, comme
administrateurs de cette commission, nous fassent des recommandations.
Ce que vous semblez nous dire, c'est: Non, mettez-le dans la loi. Mais
est-ce que vous admettez qu'il va falloir faire des nuances selon la taille des
entreprises et, par ailleurs, si ma mémoire est bonne, je peux me
tromper, est-ce que la loi 101 ne laissait pas une certaine souplesse
là-dessus, permettant de s'ajuster à des réalités
qui varient forcément d'une région à l'autre, de certains
secteurs industriels à d'autres secteurs industriels, du secteur service
et le reste? C'est ce qu'on dit.
M. Dufour: C'est bien sûr que vous allez être
obligés de préciser dans la loi, vous pouvez partir de deux pour
une entreprise qui a une vingtaine d'employés, parce que dans notre
concept, ça devrait être vingt et non pas dix et si vous arrivez
à 2000 travailleurs, vous aurez douze, mais que ce soit identifié
dans la loi, surtout la procédure de nomination. C'est un exemple, M. le
ministre, de possibilité de clarifier immédiatement dans la loi.
Tout ce problème qui est relié aux comités paritaires, la
désignation, où on dit: La commission déterminera,
désignera des associations syndicales, des associations d'employeurs
représentatives, à partir de quoi? Est-ce que ce seront des
termes tout à fait différents de ceux qu'on connaît dans le
Code du travail?
Ecoutez, on a relevé 55 pouvoirs réglementaires, d'autres
en ont relevé 80, il y en a toute une série là-dedans qui
pourraient être précisés vraiment. Au moment où on
parle justement, au niveau du développement économique, de
bâtir le Québec, de déréglementation, je pense qu'on
a vraiment le projet de loi qui pourrait permettre de clarifier le plus
possible ce qu'on peut dans la loi. Je reconnais le pouvoir
réglementaire, ce n'est pas possible de tout prévoir dans la loi.
Tout ce qui peut être prévu dans la loi, aux fins d'une analyse et
de voir où on s'en va, on devrait le mettre dans la loi. Donc, c'est un
peu la réaction vis-à-vis de la loi-cadre.
La dilution des droits de gérance. Evidemment, il n'y a rien
à ajouter à ce que l'on a déjà dit là-dessus
et dans notre mémoire et dans le résumé de ce matin.
Dès que vous faites intervenir, dans la gestion de l'entreprise, des
gens qui n'ont pas de responsabilité juridique ou de
responsabilité économique, à ce moment-là, vous
diluez le pouvoir de gérance. Vous parlez des comités paritaires,
c'est bien évident qu'il y a là une dilution des pouvoirs de
gérance.
Quand vous dites, par exemple, que c'est le comité paritaire qui
décidera des équipements, qui décidera des moyens de
protection individuels. A ce moment, vous venez de contredire votre article 40
qui, carrément, dit: C'est la responsabilité de l'entreprise de
s'organiser pour assurer la santé et la sécurité au
travail. Dans ce sens, nous ne pouvons pas accepter qu'on donne des pouvoirs
à quelqu'un d'autre, tout en faisant porter toujours sur l'entreprise la
responsabilité juridique et financière du programme.
Vous avez oublié le médecin, vous vous êtes
attardé surtout au comité paritaire, mais c'est la même
chose pour le médecin. Lorsque tout notre programme de santé
relève d'une instance qui n'est plus sous la coordination administrative
de l'entreprise, vous venez tout simplement de diluer le pouvoir patronal.
D'ailleurs, c'est un peu sur-
prenant que vous ayez cette réaction, parce que je voudrais vous
rappeler un paragraphe du livre blanc où vous dites, sur la question des
pouvoirs de gérance: "Les employeurs ont l'obligation de s'assurer de
l'existence d'un programme de prévention des accidents du travail et des
maladies professionnelles dans leur établissement." Par voie de
conséquence, ils ont le droit de prendre les mesures appropriées
pour qu'un tel programme soit appliqué.
M. Marois: Est-ce que ce n'est pas exactement l'article 48,
paragraphe 3?
M. Dufour: Oui, mais par voie de conséquence, vous devriez
nous laisser les façons, les moyens de prendre les outils
appropriés, alors qu'effectivement vous ne le faites pas. Surtout au
niveau du comité paritaire et au moins si, au niveau du comité
paritaire, ça se réglait dans l'entreprise, mais ça ne se
réglera pas dans l'entreprise, parce que quand on ne s'entend pas,
qu'est-ce qui arrive; c'est la commission qui va trancher. Alors, ce n'est
même plus un problème de relations employeur-syndicat ou relations
employeur-travailleur, c'est une intervention de l'Etat qui va venir
régler, dans au moins trois cas, ces problèmes. Ce n'est plus une
dilution par voie syndicale ou de cogestion par les travailleurs, c'est une
dilution par une prise en main par l'Etat d'un certain nombre de
problèmes sur lesquels l'entreprise a pleine responsabilité
actuellement.
M. Marois: M. Dufour, vous dites: Par l'Etat; est-ce que vous ne
trouvez pas que c'est un peu excessif? Parce que la commission sera
administrée sur une base paritaire par les représentants des
employeurs et les porte-parole syndicaux.
M. Dufour: Mais la commission relève de qui, sur le plan
politique?
M. Marois: Bien sûr, mais elle a des pouvoirs
décisionnels qui sont prévus dans la loi. Vous nous dites, par
ailleurs, dans la même envolée, qu'on lui donne trop de
pouvoirs.
M. Dufour: Non, mais sur un plan de dépendance, la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
relèvera d'un ministre, non identifié pour l'instant; elle devra
faire ses rapports, elle devra proposer à ce ministre, pour les fins du
Conseil des ministres, l'acceptation de ses règlements. Donc, elle est
politiquement un organisme engagé vis-à-vis d'un ministre. Alors,
c'est cette commission qui va vraiment régler les problèmes pour
les syndicats et les travailleurs, il n'y aura pas d'entente sur bon nombre de
problèmes; au moins s'il y avait une instance à
l'intérieur de l'entreprise, mais ça dépasse l'entreprise
et c'est une instance, appelons-la "parapolitique", si l'on veut, qui
réglera le problème.
Sur le financement, il y a deux problèmes, je pense bien que vous
avez bien compris la distinction que l'on fait entre les coûts; vous
l'avez très peu mentionné. Nous, nous continuons notre demande
que le ministre d'Etat, responsable de ce projet de loi, rende publics les
coûts de la réforme, il doit y avoir des études
additionnelles qui ont été faites depuis la publication du livre
blanc. C'est un problème très particulier qui nous crée
certains problèmes quant à l'acceptation globale du projet de
loi.
Du côté des subventions syndicales, vous faites une
comparaison entre les prélèvements d'impôt des employeurs
ou des travailleurs qui seraient affectés à différents
programmes. Non, la comparaison, je pense, ne tient pas; les
députés sont élus, que je sache, pour faire des
dépenses et doivent même venir en commission parlementaire pour
faire accepter leurs crédits. Ce n'est pas du tout de ça dont on
parle ici; ce que l'on dit, c'est que ça conduira finalement nulle part,
parce que, vous pouvez le constater, au niveau des programmes de
prévention, vous pouvez avoir des idéologies totalement
différentes quant à l'approche d'un programme de
prévention.
Ce qui se passerait tout simplement, c'est que l'employeur
subventionnerait de son argent des activités de prévention qui
pourraient aller carrément à l'encontre de sa propre
idéologie. Nous ne disons pas non à ce type d'activités
là. Je pense que vous y avez donné vous-même ouverture en
disant: Le livre blanc prévoyait déjà des subventions
possibles de l'Etat pour des fins de recherche, des fins de prévention.
On ne le retrouve pas dans le projet de loi. On vous demande de revoir vraiment
cette question-là et vous semblez d'accord.
M. Marois: J'ai dit que j'étais prêt à
regarder cela de très près.
M. Dufour: C'était ce que vous vouliez dire bien plus que
cela.
Quant à la nationalisation et à cette question de la
médecine du travail, on ne se chicanera pas sur les termes. Nous avons
utilisé le mot "nationalisation" entre guillemets à deux
occasions. Si vous préférez parler d'étatisation, on est
entièrement d'accord.
M. Marois: Toujours entre guillemets.
M. Dufour: Non, dans son sens très générique
et vous comprenez ce que je veux dire. Toute prise en charge par l'Etat d'un
service qui est déjà dispensé par le réseau
privé s'appelle ou la nationalisation au sens générique ou
l'étatisation. Je n'ose pas utiliser le mot "socialisation", parce que
là cela a une connotation idéologique, mais je vous propose
"étatisation".
Sur le droit de refus, je vais demander à Mme Mandeville de
préciser pourquoi on demande de le qualifier et pourquoi on exprime
certaines craintes vis-à-vis du risque d'abus.
Mme Mandeville (Marie): Tout d'abord, le droit de refus dans les
autres lois, je pense, est quand même beaucoup plus spécifique que
ce
que nous avons dans ce projet de loi ci. Une des raisons pour lesquelles
on demandait d'ajouter les mots "grave et imminent", c'est parce que justement
on voulait éviter tous les cas où ce ne serait pas vraiment
sérieux. Par exemple, si on prend le mot "imminent" pour le cas d'une
maladie qu'on qualifie d'industrielle qui se développe au cours des
années, le bruit, ce serait un cas où, objectivement, un
travailleur pourrait penser qu'il a un problème. Il pourrait
arrêter de travailler alors qu'il n'y a aucun danger sur le moment
présent qu'il arrive quelque chose. Par contre, avec les autres
mécanismes prévus dans la loi, l'inspecteur, le
représentant à la prévention, le comité font
déjà des surveillances à ce niveau-là. C'est
déjà supervisé par le médecin. Ces cas-là
sont couverts. Qu'il fasse des suggestions, qu'il aille voir les comités
de santé et de sécurité, c'est parfait, mais, par exemple,
qu'il arrête pour cette raison-là, je ne pense pas que ce soit
raisonnable.
M. Dufour: Je peux peut-être ajouter là-dessus qu'il
ne faut quand même pas avoir peur des mots, quand on demande de qualifier
"imminent et grave", le mot "imminent" qui réfère à
santé et le mot "grave" qui réfère à
"sécurité". Le mot "imminent" se retrouve en Alberta. Il se
retrouve en Colombie-Britannique. Il se retrouve au fédéral. Il
se retrouvait aussi dans le livre blanc et même dans la loi de la
Saskatchewan. Lorsqu'il est question de l'officier médical qui peut
demander que l'on refuse d'exécuter un travail, les deux critères
qu'on mentionne dans cette loi-là, sont "imminent et grave".
Je pense que ce qui est important dans notre demande, c'est de
référer à la jurisprudence. Quand ce n'est pas
qualifié, il y a quelqu'un qui à un moment donné doit
apprécier si l'exercice justement a été fait de bonne foi
ou de mauvaise foi. Cette recherche sur la jurisprudence a été
faite au Canada et on pourra déposer auprès de M. Amyot un
excellent travail qui a été fait et qui a analysé tous ces
cas-là au Canada. On retrouve cela dans un rapport du ministère
du Travail de la Colombie-Britannique. Les auteurs du rapport disent: Quelles
sont les questions qui sont généralement posées pour
être capable de juger si le travailleur était de bonne foi ou de
mauvaise foi? Il y a toujours quatre critères qui reviennent
invariablement, nonobstant les contenus de la loi. Les critères
m'apparaissent importants. (11 h 30)
Premièrement, y a-t-il honnêtement danger?
Deuxièmement, ce danger a-t-il été communiqué
à son supérieur immédiat? Cela n'existe pas dans notre
projet de loi 17. On avise le supérieur immédiat, mais,
immédiatement, on fait entrer en ligne de compte d'autres intervenants.
La troisième question qui se pose est: L'identification de la cause du
danger est-elle raisonnable dans les circonstances? De façon
automatique, le quatrième point est: Le danger était-il
suffisamment grave on utilise le mot "serious" pour justifier
l'arrêt?
Si d'autres législations et la jurisprudence établissent
un certain nombre de critères, pourquoi ne pas dès le
départ les mettre dans notre loi, de façon à
éviter, justement, certains affrontements que l'absence de
définitions pourrait poser comme problème?
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez
complété vos commentaires ou vos remarques?
Mme Mandeville: Juste un commentaire encore sur le même
sujet. J'ai entendu dernièrement qu'en Ontario il y avait une cause en
arbitrage sur l'explication des mots "motif raisonnable de croire". La question
est de savoir si le motif raisonnable de croire est relatif à l'individu
ou relatif comme on le dit en droit à la notion d'homme
raisonnable, de bon père de famille donc, évaluée à
la grandeur de la population ou seulement à la personne. Je pense que
c'est le problème.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Madame, messieurs,
M. Dufour, je tiens à vous remercier tout d'abord de la
présentation de votre mémoire. On l'a lu attentivement. On en a
pris connaissance. Je l'apprécie en ce qu'il est direct. Vous dites ce
que vous pensez. C'est important. Je respecte davantage les gens qui viennent
nous dire ce qu'ils pensent, même si on n'est pas toujours d'accord. On
aura l'occasion d'en reparler aujourd'hui, d'ailleurs, de cet
élément-là.
J'ai pris connaissance de l'échange que vous avez eu avec le
ministre. Dans une certaine mesure, cela a été intéressant
pour moi parce que le ministre a cité ou a fait référence
à des positions que nous avons adoptées ou à des
déclarations que nous avons faites.
Je voudrais être bref, mais vous me permettrez de formuler
quelques commentaires avant d'en arriver à certaines questions. On a un
dossier de santé et de sécurité du travail. On a des
milliers d'accidents au Québec par année. Cela implique des
coûts directs et indirects énormes que personne ne conteste mais
qu'on peut toujours discuter parce que les chiffres demeurent toujours
discutables. Mais il y a quand même un problème qui existe, celui
de la santé et de la sécurité. Comme je l'ai
déjà dit je me permets de le dire à nouveau
on ne peut se soustraire à l'obligation que nous avons comme
législateurs, peu importe le côté de la Chambre où
nous siégeons, non seulement de nous en préoccuper, mais d'agir
en fonction d'objectifs à atteindre.
On a eu un livre blanc. On a un projet de loi qui établit des
mécanismes nouveaux. On a un projet de loi qui est certainement de droit
nouveau, en ce qu'il attribue des pouvoirs, en ce qu'il donne des pouvoirs
à des organismes qui n'étaient pas directement impliqués
dans le débat santé-sécurité avant. On a des
organismes qui ont
des pouvoirs. On a des groupes qui ont moins de pouvoirs.
Le fond de tout ce débat, c'est de savoir... Ce qui en
témoigne le plus exactement, ce sont les questions, les échanges
et les demandes d'interprétation à l'égard de certains
articles auxquels on assiste depuis le début de la commission.
On a un problème. On se doit d'avoir des intervenants. Il reste
maintenant à savoir qui fera quoi en santé. C'est là que
la position que nous avons adoptée et la position du gouvernement
peuvent être distinctes à plusieurs égards. C'est là
aussi que les approches entre les intervenants et l'approche des parlementaires
ou encore du gouvernement peuvent diverger.
Vous mettez beaucoup l'accent sur la question des comités
paritaires, des comités de santé et de sécurité
à l'intérieur de l'entreprise. Cela a fait l'objet de plusieurs
discussions ici. Nous soutenions, au début, lorsque nous avons fait
notre déclaration, et nous le soutenons toujours, que jusque dans une
certaine mesure ces comités de santé et de sécurité
seront tout à fait inutiles selon nous. Nous allions même
jusqu'à suggérer que les comités de santé et de
sécurité puissent exister seulement lorsque cela aura
été demandé par la partie syndicale dans une
entreprise.
Cette déclaration, cet énoncé, avec ce que reprend
le ministre, aujourd'hui, en disant: "hier, le député de
Portneuf, et à d'autres occasions, l'Opposition officielle, a
demandé que ces comités de santé et de
sécurité aient davantage de pouvoirs", sans vouloir mal
l'interpréter, j'ai compris de ses paroles, tout à l'heure, qu'il
semblait s'interroger là-dessus et qu'il semblait pencher en faveur d'un
élargissement des pouvoirs donnés aux comités de
santé et de sécurité. Ce qui peut laisser croire, dans
l'esprit de certains, que la position que nous adoptons est, jusque dans une
certaine mesure, ambiguë. Notre position, c'est celle-ci, et ce sera
là le sens de ma question: C'est bien de dire que les travailleurs
devront participer. C'est bien de dire que les travailleurs et l'entreprise
devront, conjointement et solidairement, se prendre en charge pour agir dans le
domaine de la santé et de la sécurité, mais je n'ai pas la
conviction, moi, que c'est ce qui est prévu et ce à quoi on peut
s'attendre concrètement lorsque le projet de loi no 17 sera
appliqué.
J'ai bien apprécié, entre autres, les commentaires des
représentants de la CSN hier, lorsqu'ils ont exprimé des
réserves sur les résultats des fameux comités paritaires.
Vous savez, ce n'est quand même pas du droit nouveau. Il y en a
déjà eu et on peut dire que, jusque dans une certaine mesure, les
comités paritaires qui ont existé au Québec, cela a
été, souventefois, des comités de placotage, parce que le
niveau décisionnel n'appartenait pas aux comités comme tels.
Nous, on se dit: L'approche qu'on y donne, c'est que le gouvernement
doit agir et que la loi doit prévoir une action dans les secteurs
prioritaires comme tels, plutôt que de donner à une commission la
responsabilité d'adopter un programme normatif, un programme de
santé qui s'appliquera à toute l'entreprise. La crainte qu'on a,
c'est que ce soit un programme minimal et que ça aille en bas de ce qui
existe déjà dans certaines entreprises. La négociation,
dans tout ça, selon moi, est importante. On a eu des résultats
positifs dans certains secteurs d'industries, dans certaines catégories
d'entreprises à la suite de la négociation entre les parties, au
niveau même de l'entreprise, où les travailleurs pouvaient
négocier à ce niveau-là, immédiatement, non pas au
sein d'une commission où ils auront des représentants, mais au
sein de l'entreprise. Ils ont négocié et ils sont allés en
avant dans le domaine de la santé et de la sécurité.
Nous soutenons que l'action dans ce domaine doit être
laissée aux parties et c'est véritablement ça, de la
participation. C'est dans ce sens-là que nous disions, au début:
Quant à avoir des comités de santé et de
sécurité où ce sera du "placoting" et du "parling", on est
aussi bien de ne pas en avoir. Qu'on donne de véritables pouvoirs
à ces comités dans les entreprises et qu'on laisse le plus de
responsabilités possible aux responsables de la négociation,
partie syndicale et partie patronale.
La faiblesse de cette argumentation, j'en conviens, c'est qu'on a au
Québec 30% seulement ou à peu près les chiffres
peuvent varier de travailleurs qui sont syndiqués. La grande
question que je vais me faire poser, c'est: qu'est-ce qu'il arrivera dans les
secteurs où les employés ne sont pas syndiqués et
où il faut agir? Parce qu'il y a des secteurs où les travailleurs
ne sont pas syndiqués et il faut agir.
C'est là le sens de ma question. Seriez-vous prêts, entre
autres, accepteriez-vous que soit substitué, dans le cas où ce
n'est pas syndiqué parce qu'on ne peut pas présumer que
dans des délais très brefs, ce sera 80%, 75%, 70% des
travailleurs au Québec qui seront syndiqués, et il y a tout le
problème de la grosseur de l'entreprise, des catégories
d'entreprises et aussi des problèmes de santé dans chacune de ces
entreprises accepteriez-vous que le secteur public parce que
c'est le secteur public qui est dans ça... Le projet de loi, ou on a
peut-être dit, dans le livre blanc: On favorisera la participation des
groupes employeurs-travailleurs. Mais c'est le secteur public qui pourrait
éventuellement se substituer à tout ça. Les
médecins, au cas de mésentente on peut présumer
que, dans certains cas, il y aura mésentente seront nommés
par le département de santé communautaire. Ce n'est pas la
participation des parties, ça. Ce n'est pas la décision des
parties. C'est un réseau parallèle qui va décider.
Les appels, dans les deux cas spécifiques prévus aux
articles 63 et 64, lorsqu'il y aura mésentente au comité de
santé et de sécurité, au comité paritaire,
où vont-ils aller? Ils vont aller à la Commission de la
santé et de la sécurité, la grosse commission qui
chapeaute. On peut dire que, dans cette commission, il n'y a pas de
problèmes. Il y aura des représentants des travailleurs et des
représentants des employeurs.
Mais, en cas de mésentente parce qu'on peut
présumer qu'il y en aura peut-être, à un
moment donné, à ce niveau aussi qui va
décider? C'est le directeur général nommé par le
gouvernement. Je ne suis pas convaincu que c'est ce qu'on peut qualifier de
participation et de prise en charge par les parties du contenu et des actions
à faire pour bonifier les programmes de santé des
entreprises.
Est-ce que vous accepteriez le principe voulant que dans les
entreprises, dans les secteurs d'industrie où les travailleurs ne sont
pas syndiqués, où on peut présumer qu'il n'y aura,
malheureusement, peut-être pas d'action énergique dans ce sens
dans des délais quand même assez brefs, on substitue à la
négociation des parties une intervention comme celle qui est
prévue au projet de loi no 17?
M. Dufour: Je voudrais, au départ, situer notre position
au sujet du comité de sécurité. Je rappelle que nous ne
nous battrons pas pour qu'il y ait des comités de sécurité
dans l'entreprise. C'est une proposition qui nous est faite dans le livre blanc
et on en accepte le principe comme un des moyens pour réaliser certains
des objectifs.
Il faut faire je pense que le député de Portneuf a
parfaitement raison de le faire la distinction entre le secteur
syndiqué et le secteur non syndiqué. Cela rejoint d'ailleurs une
des préoccupations du ministre lorsqu'il parlait tantôt de
certaines clauses, dans le secteur de la construction, ou dans certaines
entreprises qui, de façon négociée, parfois, ont
donné des pouvoirs décisionnels à un comité
paritaire. Là, de toute façon, les parties le voulaient.
Notre position est la suivante. Nous acceptons et on le dit dans
le texte la création volontaire de comités paritaires de
sécurité dans l'entreprise, bien que nous doutions de
l'efficacité d'une formule unique de comité pour répondre
à la variété presque illimitée des situations
concrètes qui prévalent dans les entreprises. Votre question est
la suivante: Est-ce que, dans l'entreprise syndiquée, il ne devrait pas
y avoir d'imposition, et que ce serait automatique dans l'entreprise non
syndiquée? Non. Je pense que nous acceptons le principe du volontariat
à la base de la création d'un comité paritaire, mais
même là, cela pose un problème majeur chez les
non-syndiqués parce qu'il vous faut et je pense que c'est
présent dans votre préoccupation faire la distinction
entre les petites et les grandes entreprises. Même l'imposer dans les
petites entreprises surtout si on reste au nombre de dix
employés, actuellement, ce sont des entreprises... C'est dans ce sens
qu'on a demandé à l'Association provinciale des marchands
d'automobiles de se joindre à nous, parce qu'au lieu de les imposer, on
aimerait mieux faire jouer le système d'inspection, un système
efficace, au lieu de mettre sur pied d'autres structures; il y en a
déjà assez dans l'entreprise. La réponse à votre
préoccupation serait peut-être davantage pour nous une
restructuration des services d'inspection que la création, presque de
façon automatique, de comité paritaire.
Pour exprimer ce problème de façon très
précise dans les PME parce qu'on ne peut pas les oublier, c'est
80% des entreprises québécoises en relation avec ce
problème du comité paritaire, je vais demander à M.
Thibodeau de préciser ce problème particulier.
M. Thibodeau (Michel): M. le Président, je crois que le
point de vue présenté normalement par le Conseil du patronat est
toujours un point de vue qui semble être perçu par tous les gens,
les journaux ou les media comme un ensemble qui est très
homogène. On entend très rarement le facteur de la petite
entreprise comme étant important, sinon, encore une fois, selon des
grands titres. Lorsqu'il s'agit d'opération pour le petit entrepreneur,
vous ne pouvez pas l'entendre tellement souvent, d'abord parce qu'il est petit
entrepreneur et qu'il n'a pas le temps, et ensuite, parce que ce serait
extrêmement prétentieux pour qui que ce soit de dire qu'il
représente tous les petits entrepreneurs, qu'il peut représenter
tous les problèmes. De là l'aspect de la multiplicité des
problèmes qui peuvent se présenter.
Dans le cas de notre association qui est un secteur facilement
indentifiable, parce que tout le monde conduit une automobile et tout le monde
a la chance d'avoir des problèmes avec son automobile, ou des solutions,
selon que vous êtes positif ou non, je crois qu'il faut faire
extrêmement attention lorsqu'on fait face à un secteur
identifiable comme celui-là, de le classer exactement comme une grande
société, alors qu'il n'en est absolument pas une dans aucun de
ces petits membres. (11 h 45)
Je prends en considération, par exemple, le pouvoir
décisionnel du comité. Si vous avez un commerce où il y a
quinze employés, lequel commerce peut être divisé en deux
ou trois secteurs qui rendent des services complètement
différents à la clientèle donc, le but de
l'entreprise, c'est de rendre des services dans des secteurs différents
il y aurait un problème extrêmement sérieux à
avoir les 40% de la main-d'oeuvre impliqués dans la prise de
décisions en ce qui concerne l'équipement, par exemple. Je crois
qu'il est important pour la petite entreprise que le danger soit défini,
un peu mieux cerné du moins, que l'obligation de former un comité
soit considérée, pour les petites entreprises, comme pratiquement
un comité qui ne fonctionnerait pas, comme c'est le cas dans la CAT, par
exemple. Des comités sont formés, mais ne fonctionnent absolument
pas dans la plupart des petites entreprises, bien que des inspecteurs soient
présents, viennent constater que des réunions se tiennent, mais
ce sont des réunions qu'on peut qualifier de fantoches, soit parce que
les employés n'ont pas l'intérêt ou la compétence
qu'il faut, ou bien que réellement les problèmes ne sont pas
présents dans les plus petites entreprises.
Je crois aussi que, dans un secteur comme le nôtre, où la
syndicalisation n'est pas complète, c'est-à-dire que certains de
nos membres sont
syndiqués et d'autres ne le sont pas, les buts qui pourraient
être obtenus par un comité semblable dans les cas de conflits, par
exemple, pourraient complètement dépasser les objectifs de la loi
17. Nous sommes entièrement d'accord pour diminuer les accidents, mais
il ne faut pas non plus donner des outils à des petites entreprises qui
sont complètement hors de proportion avec les employeurs
concernés.
Maintenant, pour donner une réponse à M. le ministre, vous
avez mentionné que si on allait dans un système d'inspection, tel
qu'on le suggère dans notre mémoire, on prétend que ce
système d'inspection devrait relever du ministère du Travail et
de la Main-d'Oeuvre. C'est bien indiqué à la dernière
page.
M. Dufour: M. Pagé, je pourrais demander à M.
Lussier aussi de réagir.
M. Lussier (Armand): M. le Président, d'abord j'aimerais
établir que la sécurité, c'est l'affaire de tous et
chacun. C'est un proverbe qu'il est très important de garder en
mémoire. Tous et chacun doivent être impliqués dans leur
propre sécurité, dans la sécurité de leurs
confrères, mais, par contre, la responsabilité pour la
sécurité demeure au patron. Vous ne pouvez pas
déléguer la sécurité. Vous ne pouvez pas
déléguer 10% de vos responsabilités en
sécurité. Vous êtes soit responsable ou non responsable.
Vous ne pouvez pas négocier la sécurité. Chacun, dans
l'entreprise, doit être responsable de tous les employés
au-dessous de lui, en partant du grand patron. La sécurité dans
l'entreprise doit être considérée au même niveau que
les coûts, que la qualité, que la productivité, que les
relations. Tout cela doit être considéré au même
niveau. C'est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas déléguer
la responsabilité de la sécurité ailleurs qu'au patron.
Par contre, la participation est importante, mais le pouvoir décisionnel
demeure toujours au patron. On peut faire participer tous les employés,
c'est d'ailleurs ce qui se produit dans la majorité des industries
où les employés vont participer à des comités,
faire des suggestions, écrire les règlements de
sécurité, initier des recommandations pour l'équipement,
mais, par contre, c'est le patron qui doit décider en dernier lieu ce
qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait, car c'est lui
et lui seul qui est responsable de la sécurité de ses
employés. C'est pour cette raison que nous ne sommes pas contre les
objectifs qui ont été énoncés dans le projet de loi
17, mais que nous sommes un peu abasourdis de la façon qu'on veut s'y
prendre pour obtenir ces objectifs.
Il faudrait, après avoir établi les objectifs, que le
législateur établisse qui est responsable. Ou il faudrait que le
gouvernement donne l'appui au responsable et, en dernier ressort, exiger des
résultats. C'est ce qu'on n'a jamais fait, c'est ce qu'on ne fait pas et
c'est ce que la nouvelle loi ne fait pas non plus. On espère que par la
nouvelle approche, par la base, les accidents vont diminuer. Je doute fort que
vous réussisiez, messieurs.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Vous avez parlé des coûts et je
m'étais réservé quelques commentaires dont je voulais vous
faire part et des questions que je voulais vous poser et en même temps,
les porter à l'attention du ministre. D'ailleurs, vous m'ouvrez la porte
à une question dans ce sens, M. Dufour, lorsque vous dites: Nous
soutenons que cette structure, en termes d'application, devrait s'appliquer
partout, mais les comités et tous les mécanismes de structure
devraient s'appliquer et être opérants dans les entreprises
où il y a 20 employés.
C'est un élément important, non seulement à la
petite entreprise, mais eu égard aussi aux objectifs qu'on veut
atteindre avec ce projet de loi. Le commentaire, je le formulerai au ministre,
ne croyez-vous pas qu'il aurait été préférable de
ne pas faire état du nombre d'employés? Je m'explique. Lorsque
nous soutenons que l'action se doit d'être dans des secteurs
prioritaires, on en arrive, par le fait même, à la distinction des
catégories d'entreprises et pas nécessairement basée sur
le volume des employés au sein d'une entreprise.
Essentiellement, ce que je veux dire, c'est ceci, il y a des grosses
entreprises au Québec où il y a des problèmes, il y a de
grosses industries au Québec où il y a eu des efforts
particuliers qui ont été déployés par la
négociation, entre autres. Là-dessus, je me permets de ne pas
être nécessairement d'accord avec M. Lussier, parce que pour moi,
ça demeure négociable, entre parenthèses. Les
syndiqués en demandent lors de l'échéance de la convention
et c'est le rapport de forces qui se produit. S'ils ne sont pas satisfaits des
offres, suite aux demandes formulées eu égard à la
sécurité, ils vont en grève. Après une
grève, ils règlent la convention collective, ils rentrent et
pendant le cours de la vie de la convention, lorsque les comités
pourraient fonctionner et en demander davantage ou faire des suggestions si
ceux-ci constataient que ce n'était pas suivi, à
l'échéance de la convention suivante, ils en demanderaient encore
davantage. C'est là la libre négociation des parties. Je pense
que, fondamentalement, vous n'êtes pas contre ça.
Il y a de petites entreprises où il y a des problèmes et
où il faudrait agir et se dépêcher, et il y a de petites
entreprises, où il n'y a pas nécessairement de problèmes.
Mais l'application d'un programme-cadre de santé qui sera, somme toute,
un programme minimal dans toutes les entreprises risque d'avoir des
répercussions, risque d'être un coup de marteau pour tuer une
mouche dans les petites entreprises et remettre en cause la survie de cette
petite entreprise. La norme de dix employés, de vingt employés
qu'on généralise comme ça, ça me fait peur un peu.
Le ministre a parlé de la grosse caisse populaire, c'est évident
qu'il n'y a pas fondamentalement de problèmes de santé et de
sécurité, nécessairement. Il y a peut-être des
problèmes de nature psycho-sociale qui engendrent des problèmes
de santé, mais c'est un autre aspect et on aura peut-être
l'occasion d'en parler dans un autre débat.
Prenez l'exemple dans le secteur de l'automobile, on a des gens de ce
milieu qui ont joint leur mémoire au vôtre ce matin, vous allez
avoir des normes qui vont s'appliquer aux garages, toutes les
réparations de véhicules automobiles. Il y a peut-être des
garages de mécanique générale de 15, 20, 25, 30, 50
employés qui seront soumis à cette norme et même s'il n'y a
pas trop de problèmes jusque dans une certaine mesure, les programmes de
santé vont s'appliquer. Il y a peut-être à
côté de ça, un garage qui ne fera peut-être pas de
mécanique, mais qui fera du "sandblast", comme on dit en bon canadien,
où il y a quand même des poussières qui peuvent être
dommageables à l'employé et parce qu'il a 4, 5, 2 ou 3
employés, il ne sera peut-être pas soumis à la norme.
Il y a peut-être des grosses entreprises qui ont des actions bien
particulières, qui ont investi beaucoup, qui ont déployé
des efforts en collaboration avec les employés, qui les ont
sensibilisées à des problèmes de solvants, mais il y a un
paquet de petites entreprises, qu'on prenne le secteur du cuir, pour la
fabrication de souliers, il y a des solvants qui se promènent dans
ça, qui peuvent être dommageables pour la santé et la
sécurité, qui ne seront peut-être pas nécessairement
touchés quand, par surcroît, les normes viendront d'une commission
qui aura quand même une certaine responsabilité au chapitre des
impacts économiques.
Alors je me dis, on ne peut pas se figer dans une norme de dix ou de
vingt employés, on se devrait c'est là le sens de la
suggestion qu'on a formulée d'intervenir dans les secteurs
prioritaires, là où il y a des problèmes ça
prend une bonne détection, par exemple et il ne faudrait pas que
la juridiction élargie de la commission, en allant jusqu'aux entreprises
de dix employés, manque son coup parce que le danger c'est que la norme
devienne minimale et que l'action soit diluée à la fin du
compte.
Comment pouvez-vous justifier une proposition de juridiction de 20
employés?
M. Dufour: Nous avons fait notre proposition en regard des lois
existantes au Canada, celles avec lesquelles on est le plus en contact parce
qu'il ne faut pas oublier que les entreprises aiment bien fonctionner à
peu près selon les mêmes modes de gestion au Québec qu'en
Ontario et ailleurs. On a retenu, dans tout ce qui s'appelle droit de refus de
travailler et comité paritaire, la norme ontarienne qui est une norme
qui a été drôlement débattue avec les employeurs
ontariens et finalement c'est une norme qui a fait un certain consensus. C'est
d'ailleurs pour ça qu'on refuse le nombre de dix parce que je pense
qu'une partie de la réponse à la question que vous posez se
retrouve quand même dans la loi et se trouvait un peu dans le livre
blanc. Le livre blanc disait que l'on établirait un certain profil des
secteurs où il y aurait possibilité d'utiliser l'article 56 pour
mettre sur pied des comités de sécurité.
Il y a aussi le deuxième paragraphe de l'article 57 qui est une
partie de réponse à votre préoc- cupation. On y dit que
"lorsqu'elle le juge opportun, la commission pourra exiger des comités
de sécurité..." lorsque vous avez trois ou quatre
employés, mais qui peut avoir le genre de problème que vous
soulevez. Mais, entre privilégier les comités paritaires dans ces
cas et privilégier le service d'inspection, notre option est claire; on
privilégie le service d'inspection. C'est beaucoup plus là que le
gouvernement ou la commission devrait agir en mettant sur pied des structures,
mais les 20 sont vraiment la norme qui, pour nous, est la plus acceptable dans
le contexte des comparaisons industrielles au Canada.
M. Pagé: M. le Président, si vous permettez. M.
Dufour, vous ne craignez pas qu'en prévilé-giant le service
d'inspection, on mette somme toute de côté une partie de
l'obligation que tout le monde a dans ce débat de se concentrer sur la
prévention?
M. Dufour: Je pense que l'employeur, qu'il ait deux
employés ou qu'il en ait 200, est responsable de la santé et de
la sécurité au travail; il doit prendre les moyens pour
réaliser cette santé et cette sécurité. Nous
demandons une certaine flexibilité au niveau des moyens. Ce que l'Etat
doit faire, c'est fixer des objectifs et vérifier si vraiment ces
objectifs, de par ces normes, sont réalisés. Le comité de
sécurité est un outil entre autres, on n'en veut pas partout; ce
serait inefficace. On dit 20, mais il reste que le service d'inspection bien
structuré devrait donner une priorité à ces entreprises,
parce qu'il y a des petites entreprises où il y a quatre ou cinq
travailleurs et où le champ de travail je suis parfaitement
d'accord avec vous peut être tout à fait dangereux. Mais si
on donne une trop large ouverture au deuxième paragraphe de l'article
57, on peut se prévaloir de cette ouverture pour permettre
l'établissement de comités paritaires dans des entreprises qui
comptent quatre ou cinq employés. A un moment donné si, au niveau
de la commission, on décide que c'est l'opération
prévention et qu'on dit: On descend jusqu'à l'entreprise qui a
quatre ou cinq employés; quant à nous ce serait inapplicable et
inefficace.
M. Pagé: Dernière question sur les services
d'inspection. Vous demandez que ceux-ci soient sous la juridiction du
ministère du Travail.
M. Dufour: Oui, sous réserve...
M. Pagé: La très grande majorité des
intervenants jusqu'à maintenant s'est montrée favorable à
la concentration des services d'inspection sous la juridiction de la
commission.
M. Dufour: Je ne pense pas que ce soient des intervenants
patronaux.
M. Pagé: Non. (12 heures)
M. Dufour: II y a eu certaines suggestions d'autres groupes. Je
pense que tout le monde fait ses propres propositions là-dessus. Nous
sommes d'accord et nous l'avons mentionné que l'inspection telle que
faite actuellement, en partant de six ou sept ministères, n'est plus
viable et qu'il faut vraiment structurer cela dans une seule boîte, sous
réserve. On appuie, je l'ai mentionné, le secteur minier qui
actuellement fonctionne bien. Pourquoi disons-nous ministère du Travail
et non pas Commission de la santé et de la sécurité? A
cause même de la mission que se donnera la commission. Sa première
mission, c'est une mission de prévention; sa deuxième, une
mission de réparation. Il y en a une troisième qu'elle devrait
avoir et qu'on ne retrouve pas d'ailleurs dans le projet de loi, mais qui
faisait l'objet d'une recommandation très ferme du fameux rapport
Riverin, qui est toute la réadaptation. C'est absent du projet de loi.
Cela nous préoccupe aussi, parce qu'on aime mieux réadapter les
gars que de payer des montants à vie pour des incapacités
permanentes, à vie.
La fonction contrôle n'est pas du même type de fonction. La
prévention, la réparation et la réadaptation, c'est un
tout. Le contrôle, c'est un autre élément. N'oubliez pas
que, dans la proposition qui nous est faite, la commission sera
administrée paritairement par les parties syndicale, patronale. Elle
sera partie à l'établissement des normes. Dans une structure
comme celle-là, comment peut-on demander aux gens qui préparent
leurs propres règlements, leurs propres normes, qui se policent
eux-mêmes, parce que finalement, l'inspection c'est un système de
contrôle, c'est un système de police... On assiste toujours dans
ces phénomènes-là à une distinction très
nette entre le pouvoir j'utilise d'autres termes, mais en termes
d'images exécutif et finalement, jusqu'à un certain point,
le pouvoir judiciaire. On est dans cet ordre de préoccupations ici.
Il y a aussi toute cette question du monstre qu'on est en train de
mettre sur pied avec les articles 129 et 185 au niveau des normes, au niveau de
l'organisation de la santé du travail et au niveau justement de la
préoccupation que vous aviez de la prévention même dans les
PME. Si vous ajoutez à cela tout le problème de l'inspection,
vous faites encore une boîte absolument fantastique qui, par
définition, sera inefficace. Cela tient de l'ordre des distinctions
entre le rôle prévention, réparation, réadaptation,
rôle de police, si on veut, et l'ordre de la préoccupation d'un
organisme qui à un moment donné ne sera plus administrable.
M. Pagé: Je ne peux pas... Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, j'ai quelques commentaires
et une couple de questions. Tout d'abord, à la lecture même du
mémoire le plus volumineux, je suis un peu surpris de l'argumen- tation
du Conseil du patronat pour ce qui regarde l'article 193 où vous dites
que là où il y a une unité syndicale, cela devrait
obligatoirement suivre le processus normal de la procédure de grief au
lieu de la plainte au commissaire en chef. Je vous avoue que cela me surprend.
Je ne peux pas adhérer à une telle recommandation, parce que cela
pourrait avoir pour effet de minimiser, de diminuer même les chances d'en
arriver à avoir des sentences passablement valables. Je vais
m'expliquer.
Prenons une petite unité syndicale de 25, 30 ou 40
employés qui paie des cotisations syndicales assez
élevées. On sait ce que cela coûte un arbitrage. Dieu sait
que les conventions collectives dans le domaine industriel sont en retard
là-dessus par rapport au public. Par exemple, si on prend le secteur de
l'éducation, l'arbitrage est aux frais de l'Etat, mais, dans le domaine
privé, pour l'arbitrage, chaque partie paie ses dépenses à
part égale, c'est-à-dire ne paie même pas à part
égale, la partie syndicale paie les frais de son avocat, la partie
patronale paie les frais de son avocat et la dépense pour le
président du tribunal est payée à part égale.
Ce serait, à toutes fins utiles, pousser les leaders syndicaux
à ne pas recommander certains griefs. Cela se voit même pour
l'application d'un contrat collectif. Si on ajoutait au Tribunal du travail la
dimension sécurité-santé, on viendrait d'enlever des
chances au travailleur lui-même de pouvoir se faire défendre
adéquatement, d'avoir une défense pleine et entière, comme
c'est admis en droit.
Donc, je ne peux sûrement pas adhérer à une telle
recommandation. Je pense que la formule de l'article 193, tel que
rédigé, permet les deux, ce qui a pour effet d'assurer au
travailleur dont la vie peut être en danger d'avoir une défense
pleine et entière, d'avoir vraiment à un niveau ou à un
autre la chance d'être représenté adéquatement.
Donc, si par hasard, cette résolution était
étudiée, vous voyez tout de suite de quel bord je me rangerais.
Je voudrais être aussi direct que vous, M. Dufour. Il y a une
deuxième chose qui va dans la même ligne que celle que je viens de
donner. Cela va s'inscrire dans le même sens. Donc, vous pourrez
argumenter suite à mes propos.
Un peu plus loin, dans votre mémoire, vous parlez du fardeau de
la preuve. Vous semblez vouloir c'est peut-être ambigu
laisser au travailleur le fardeau de la preuve. Je vous avoue qu'encore
là, alors qu'on n'a pas reconnu dans la loi le refus collectif
c'est un refus individuel qu'on a on laisse au défavorisé,
à celui dont la vie peut être en danger, qui court des risques
immédiats, dont les moyens financiers sont extrêmement restreints,
surtout si vous prenez une usine où il n'y a pas de syndicat, qui est
démuni sur le plan technique, financier, qui a les risques les plus
près de lui, le fardeau de la preuve.
Dans un même souffle, vous nous reprochez de donner aux
représentants de la sécurité certains pouvoirs
décisionnels que je ne retrouve pas
dans le projet de loi, cependant, mais vous l'affirmez dans votre
mémoire. Vous ne voudriez pratiquement pas que les salariés aient
un bonhomme qui se prépare, qui devienne un peu plus compétent
sur le plan technique, sur le plan de la connaissance de la cause des dangers.
Même il y a une charge émotive dans votre mémoire
concernant le représentant de la sécurité. Vous ne voulez
pas qu'il s'embarque trop, qu'il se spécialise pour représenter
adéquatement ses confrères. Vous dites dans un second souffle: Le
fardeau de la preuve devrait lui incomber. Egalement, il faudrait que,
là où il y a un syndicat, ce soit la procédure
d'arbitrage, de sorte que vous diminuez complètement la portée du
droit individuel de refus de travailler au simple salarié. J'aimerais
vous entendre, parce que c'est la lecture que j'en fais et je ne crois pas me
tromper en faisant cette lecture de votre mémoire.
M. Dufour: Non, vous ne vous trompez pas. D'ailleurs, je pense
que, pour avoir vécu vous-même une certaine commission, M.
Chevrette...
M. Chevrette: C'est une deuxième chose dont je voulais
vous parler.
M. Dufour: Nous n'aimerions pas rentrer, justement, avec vous
dans le débat sur le représentant à la prévention.
Sur l'article 193, finalement, toute l'argumentation que vous nous donnez pour
que le travailleur puisse aller directement au commissaire
général défait toute la prévision de l'article 193,
parce que je peux prendre des arguments et les invoquer à l'inverse.
La raison pour laquelle on opte dans ce sens, c'est qu'on ne pense pas
comme groupe qu'un projet de loi doive quand même débâtir
tout ce qui s'est fait entre les parties au niveau de la négociation et
de la convention collective. On le dit très bien à la fin de
notre mémoire. C'est la règle des parties et, autant que
possible, on va toujours privilégier la négociation d'une
convention collective à des interventions de l'Etat.
S'il y a une convention collective, c'est un outil que les travailleurs
se sont donné. Comme il y a déjà une procédure que
l'on connaît dans ce cas-là, parce qu'elle a été
vraiment négociée entre les parties. On sait où ça
va nous mener au niveau du système d'arbitrage. On
préfère, et de beaucoup, une règle convenue,
négociée entre les parties, qu'une règle qui relève
du commissaire général du travail. Je pense que, du
côté des entreprises, on préfère cheminer dans ce
qu'on a convenu avec notre propre syndicat que de cheminer avec les
procédures du commissaire général du travail.
M. Chevrette: Est-ce que vous reconnaissez les dangers d'une
non-représentation adéquate pour le simple salarié dans
des petites unités?
M. Dufour: Ecoutez, c'est possible que le danger existe, mais
vous êtes obligé de fonctionner à partir d'un schéma
général. Et que je sache, et du côté syndical et du
côté patronal je pense que je peux l'affirmer on
privilégie la convention collective à l'intervention de l'Etat.
Là, c'est un choix, la procédure qu'on s'est donnée et la
procédure du service du droit à l'accréditation du
commissaire général ou des commissaires généraux.
C'est possible. Il y aura toujours des cas comme celui-là.
Quand vous dites: II y a peut-être possibilité aussi
d'être en meilleure situation de voir ses intérêts vraiment
défendus au niveau du commissaire général, je ne suis pas
sûr. Je pense qu'il y a encore des arbitres qui sont excellents dans le
domaine des relations patronales syndicales.
Sur la question du fardeau de la preuve, je ne pense pas que vous deviez
sortir cet élément particulier de l'ensemble des propositions que
l'on fait sur le refus de travailler. Je l'ai mentionné au tout
début. On reprend, à peu près intégralement, la
proposition ontarienne qui incorpore, et vous le savez, la possibilité
de remplacement du travailleur à deux conditions: si le travailleur a
été avisé que quelqu'un d'autre a exercé son droit
de refus, et si, deuxièmement, il accepte de faire le travail.
Donc, on encadre le droit de refus de travailler. On demande qu'il soit
qualifié d'imminent, qu'il soit qualifié de grave. On demande
cette possibilité de remplacement. C'est bien sûr que la question
du fardeau de la preuve, si le refus, comme tel, était davantage
encadré, on pourrait en rediscuter. Mais, actuellement, en l'absence de
toute référence à des critères, on ne parle que de
risque à la santé, risque à la sécurité.
D'aucune façon on le qualifie. Impossibilité de remplacer le
travailleur. L'appréciation sera totalement subjective, dans le contexte
du projet de loi actuel. Dans notre proposition intégrée, nous
demandons que le fardeau de la preuve, dans une approche subjective, soit
donné au travailleur. Comment voulez-vous qu'un employeur puisse,
objectivement, accepter un fardeau de preuve sur des facteurs émotifs
vous en avez parlé venant de la part du travailleur? Il ne
faut pas sortir ce fardeau de la preuve de l'ensemble de notre proposition,
mais si elle était davantage cernée, je pense qu'on serait
carrément prêt à rediscuter du fardeau de la preuve.
M. Chevrette: Je voudrais revenir sur deux points. A partir de
l'exemple donné par Mme Benjamin, si j'ai bien compris...
Mme Mandeville: Mandeville.
M. Chevrette: ... Mandeville, excusez. Vous m'avez presque
ébranlé au début, dans la présentation de votre
mémoire, sur la définition du "danger imminent", mais, avec
l'exemple apporté par Mme Mandeville, là, je suis devenu en
parfait accord avec le projet de loi no 17. Parce que ça me prouvait,
hors de tout doute, que si on donnait un droit individuel au lieu d'un recours
collectif, il fallait donner le maximum de chance au salarié. Par
l'exemple que donnait Mme Mandeville, ça prouvait, hors de tout doute,
que sur des maladies
qui n'étaient pas trop imminentes, mais qui pouvaient être
novices pendant 20 ans pour la vie d'un travailleur... Après dix, quinze
ans, la surdité, ça ne vient pas le premier six mois, ça;
c'est vrai. Mais, après quinze ans, par exemple, l'individu n'est plus
capable de se replacer dans l'industrie, il n'est plus capable de travailler
là et vous savez tout ce qui s'ensuit. Ce qui prouve qu'il faut donner,
à mon sens, le maximum de chance, dans un cas de refus individuel,
à l'individu, sinon, tu n'en fais pas, de loi; sinon, tu n'en adoptes
pas, de loi. (12 h 15)
Qu'est-ce que ça donnerait d'adopter une loi en
définissant le mot "imminence" comme immédiat à un tel
point que toutes les maladies industrielles ne seraient plus couvertes? La
surdité, l'amiantose, la silicose et tout le tralala, ce ne serait pas
grave, ce n'est pas aujourd'hui que c'est dangereux, ce sera dans 20 ans. Donc,
n'arrête pas, mon "gorlot", et continue à travailler, ce n'est pas
grave, dans 20 ans on s'occupera de toi sous forme d'indemnités, alors
que tous les groupes qui ont témoigné ici jusqu'à
maintenant l'ont fait en fonction de l'élimination du danger à la
source.
Si un travailleur oeuvre près d'une machine qui fait un bruit
infernal et que vous n'avez même pas, temporairement, des cache-oreilles
à lui fournir, je pense que ce n'est pas imminent, selon l'exemple
donné par Mme Mandeville, alors que cela peut avoir des
répercussions et des conséquences très graves.
Deuxièmement, je voudrais revenir aussi sur "devrait
obligatoirement passer par la procédure des griefs". Vous savez
très bien qu'une foule d'employeurs, lors de négociations d'une
convention collective avec un syndicat plus ou moins en argent, fait le troc
des griefs en suspens. Là, vous dites: On a 30 griefs, cela n'a pas
été plaidé à cause de remises, justement parce que
des syndiqués regardaient leur budget et que cela n'avait pas d'allure.
Vous pensez qu'on devrait accepter de troquer, comme c'est la coutume,
l'avalanche des griefs sur la sécurité sous prétexte que
les syndicats n'ont pas d'argent? C'est quoi la sécurité et
santé, à ce moment-là? Cela ne deviendrait même plus
sérieux, comme législateurs, de tolérer une telle formule.
Ce serait vraiment donner raison à ceux qui disent, à ce
moment-là, que la loi 17, c'est deux pas en arrière, comme le
disait la CSN dans un de ses préambules. On ne veut pas que ce soit deux
pas en arrière, on veut que le droit individuel, ce soit un bond en
avant. Et vous nous demandez, à toutes fins utiles, dans votre
mémoire, d'aller exactement dans le sens que la CSN décrivait
dans son mémoire, sa compréhension de la loi 17,
compréhension que nous ne partageons pas, bien sûr, comme
législateurs.
Je trouve, là-dessus, que c'est vraiment aller très loin,
tout en vous déclarant, d'autre part, en parfait accord avec les
objectifs du projet de loi c'est ce que vous dites mais sur les
points essentiels de divergence d'opinions avec nous, vous allez absolument
annihiler complètement l'effet du droit de refus individuel pour le
travail- leur. C'est votre point de vue et je trouve fantastique la franchise
que vous affichez; j'aime ça ainsi, au moins, on sait de quel bois vous
vous chauffez et je pense que c'est important qu'on vous dise, aussi, de quel
bois on se chauffe.
Je terminerai par une autre question, concernant le représentant
à la prévention. Vous dites que ce représentant, à
toutes fins utiles, a des pouvoirs décisionnels. J'aimerais que vous me
citiez les passages de la loi qui vous font dire que le représentant
à la sécurité a des pouvoirs décisionnels.
Deuxièmement, d'autre part, au sujet de ce même
représentant, vous reconnaissez que plusieurs employeurs ont
déjà reconnu l'existence dans les conventions collectives du
représentant à la sécurité. C'est le cas, par
exemple, des mines. Des employeurs dans le domaine minier nous ont dit: On
s'arrange bien avec ce bonhomme, bien souvent, cela nous a servi, cela nous a
été utile. Il y a la construction, on dit: C'est peut-être
un peu fatigant, mais on s'en accommode, il y avait une certaine
réticence, c'est vrai. Il y a également le domaine du textile qui
a reconnu que ce n'était pas si encombrant que cela d'avoir un
représentant à la sécurité et qu'au contraire, ils
pouvaient discuter, dans certains cas, avec un gars qui connaissait cela, au
lieu d'arriver avec un profane non initié, cela leur servait.
Je suis un peu surpris de la charge que vous faites contre le
représentant à la sécurité. Je voudrais vous poser
carrément la question: Ne croyez-vous pas indispensable, dans un
régime de relations de travail moderne, que le salarié soit
représenté par quelqu'un aussi bien spécialisé que
celui de l'employeur qui, lui, a les moyens de se payer le luxe d'avoir un
représentant à la sécurité vraiment
préparé, connaissant les données techniques et tout? Vous
ne croyez pas que dans un système moderne de relations de travail, les
salariés ont également le droit d'avoir un représentant de
même calibre. Enfin, je voudrais vous demander, vu que vous calquez la
loi de l'Ontario, si elle ne reconnaît pas le représentant
à la sécurité.
M. Dufour: Bon! Sur la question de 293, je pense qu'on n'a pas
à reprendre l'argumentation, c'est une question de choix entre la
philosophie des négociations de conventions collectives et la
référence à une instance, quelle qu'elle soit, pour
régler les problèmes en dehors des parties. Je n'ai rien à
ajouter là-dessus, c'est une question de conception purement et
simplement.
Vous êtes revenu sur la question "imminent et grave" et le refus
individuel par rapport au refus collectif. Nous avons soutenu la position du
gouvernement là-dessus, disant que cela aurait été grave
justement si on avait retenu les propositions syndicales voulant que ce soit un
droit collectif. Je pense que c'est une excellente orientation que ce soit un
refus individuel.
On a fait la distinction elle n'est peut-être pas toujours
assez bien faite entre le contenu de l'article 11 et les mots
"santé et sécurité". Nous appliquons vraiment le mot
"imminent" à santé et
le mot "grave" à danger, à la sécurité comme
telle. Il est bien sûr qu'il y a des situations d'exposition au plomb, il
y a des problèmes de surdité possibles, mais c'est la vie de
l'entreprise finalement. Il n'y a pas de travail ou à peu près
qui représente un risque zéro. Ce que l'on fait comme
distinction, c'est la différence entre "imminent" et "latent" et
là, il incombe au travailleur de vraiment s'embarquer dans le programme
de prévention et de s'embarquer au niveau du superviseur pour faire
réaliser les problèmes qu'il rencontre au niveau travail. Mais
si, devant quelque situation de latence d'un problème, il utilise son
droit de refus de travailler, là, on a un drôle de problème
sur les bras, parce que c'est une évaluation vraiment subjective.
Je vous cite simplement les notes explicatives du texte
fédéral sur cette question-là, où il est dit:
Danger imminent sera interprété littéralement comme un
danger susceptible d'arriver sans délai... parce que là, c'est
d'arrêter la production finalement. Pour cette raison, il ne couvrira pas
les situations de travail qui peuvent avoir un effet latent ou à long
terme sur la santé du travailleur, parce que le problème qui est
posé, c'est d'un ordre de moyen tout à fait différent.
Mais il est bien sûr qu'il pourra y avoir un risque latent, mais il n'est
pas imminent aux fins du refus du travail.
Sur le représentant à la prévention, je vous
corrige si vous avez dit que l'on disait que le représentant à la
prévention, tel que suggéré dans la loi 17, avait des
pouvoirs décisionnels. Je ne pense pas qu'on ait dit ça; de toute
façon ce n'est pas dit dans notre mémoire, ce n'est pas dit dans
notre résumé de ce matin, donc, on ne voit pas ça.
D'accord? Alors je pense que c'est clair là-dessus.
Quand vous nous référez...
M. Chevrette: II n'a pas de pouvoir décisionnel...
M. Dufour: Pardon? Il n'a pas de pouvoir
décisionnel...
M. Chevrette: Je vous l'ai fait affirmer je vais vous dire
pourquoi vous semblez en avoir tellement peur et il ne décide
rien, c'est pourquoi ça me surprenait.
M. Dufour: Non. Il faut toujours savoir le fin fond de la
pensée, je vous réponds: Non, nous ne voyons pas le pouvoir
décisionnel.
Quand vous parlez du textile ou des mines d'amiante, des mines de
métaux, bon nombre d'entreprises qui sont même venues plaider:
conseiller en prévention, il faut quand même faire une distinction
aussi. C'est le conseiller en prévention qui a été
négocié et non pas le conseiller en prévention qui a
été imposé encore là par une réglementation
ou une législation. Et dans notre mémoire nous nous disons
totalement d'accord avec un représentant à la prévention.
Là où les parties en ont décidé ainsi dans la
convention collective, on a établi quelles sont les règles du jeu
et les fonctions de cet individu. On n'a aucune objection au principe du
représentant à la prévention. On ne veut pas se le faire
imposer purement et simplement par la loi et nous nous reférons à
un certaine expérience connue ici au Québec, où on ne fait
pas la distinction entre des activités. On n'a pas fait un cas
d'espèce, des distinctions entre des problèmes de santé,
de sécurité au travail et des problèmes de relations de
travail. Notre crainte, c'est que ce poste soit utilisé,
malheureusement, pour l'employeur et les travailleurs, pour une certaine
politisation des relations de travail.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, quand j'écoute les
intervenants de la partie patronale, avec leur mémoire, je sursaute un
peu et voudrais vous dire pourquoi. Finalement, la loi 17, au moment où
on se parle, n'existe pas encore; j'espère qu'elle existera, par contre.
On a dit que le patron M. Lussier le disait se devait d'avoir
comme devoir, comme responsabilité la santé et la
sécurité, de voir aux décisions, que c'était
important que ça revienne au patron. Tout ça, ce champ
d'application, cette responsabilité patronale face à la
santé et sécurité au travail, j'ai l'impression que vous
l'avez toujours eu. L'ayant, on regarde les résultats qui nous viennent
de la CAT, je regarde les résultats que j'ai vus dans le comté de
Beauharnois depuis quelques années; en 1975, 2 décès, 8
crises cardiaques, à la CIL, en 1976, un four qui explose à
Chromasco 3 morts, 5 blessés, en 1975, explosion à Zinc 2 morts,
2 blessés, en juin 1975, explosion à Goodyear, 1 mort, les
travailleurs de la Asten Hill se plaignent de maladie d'amiantose et tout
dernièrement, cet hiver, le 9 janvier 1979, ce n'est pas loin, explosion
à Union Carbide, 5 morts. C'est tout récent, je viens de le
vivre, comme député, comme représentant du comté de
Beauharnois à l'Assemblée nationale.
Etant moi-même travailleur d'usine, un soudeur, je ne peux pas
être insensible devant ces chiffres. Pourtant, la partie patronale a
cette responsabilité, elle est supposée développer les
moyens nécessaires pour éviter ça, elle est
supposée être de bonne foi. Quand on regarde les résultats
comme ça, qu'on est placé devant une situation comme celle que je
viens de vous décrire, on se dit, il faut faire quelque chose, on ne
peut pas laisser les choses aller telles qu'elles vont actuellement.
Pourtant, non seulement, à mon avis, je ne veux pas vous accuser
de maux que vous n'avez pas, mais il y a même des patrons qui ont
été de mauvaise foi, parce que dans plusieurs cas, on avait
identifié des problèmes à l'usine, entre autres,
causés par l'environnement. J'ai eu un cas comme ça chez nous
pour ne pas en citer d'autres. L'usine envoyait à l'extérieur,
par ses cheminées, des vapeurs ou des fumées inacceptables pour
les normes de l'environnement. Ils ont décidé de
récupérer ces fumées à l'intérieur et de les
faire respirer par les gars. C'était une chose invraisemblable. Ils ont
été obligés, à la suite des
plaintes des gars, de modifier leurs plans et d'arriver avec des
systèmes de ventilation, et il y a eu amélioration.
Je sais qu'à la CIL, il y a des allergies, il y a des
brûlures, des vomissements et des maladies de la peau, on le sait. Les
travailleurs vivent là-dedans quotidiennement, ce sont des troubles
identifiés depuis longtemps par les patrons. Je me dis que tant et aussi
longtemps qu'on n'arrivera pas avec une loi qui va avoir un minimum de dents,
obligeant non pas la recherche pour aller chercher des maladies inconnues, mais
seulement essayer de régler rapidement les cas connus, les cas qu'on
sait qui existent... Tous les jours, les travailleurs les vivent. Le gars qui
vomit parce que l'odeur dans l'usine lui est à un tel point
réfrac-taire qu'il en vomit, qu'il a des maladies de la peau, ce sont
des choses connues, vécues quotidiennement. Il me semble que le patron,
s'il était responsable, investirait de l'argent, ferait faire les
expertises nécessaires et apporterait des correctifs à ces
problèmes.
Je pense qu'il est essentiel qu'on adopte la loi, de façon qu'on
puisse intervenir autrement que laisser les patrons vivre la situation telle
qu'elle existe présentement. Il y a eu des ordonnances envoyées
à certaines compagnies parce qu'il y avait eu des problèmes
identifiés. (12 h 30)
On en a fait des problèmes juridiques qui ont traîné
des années. Il y en a un qui s'est réglé; il y avait des
ordonnances depuis une dizaine d'années, finalement ça s'est
réglé après trois ou quatre procès et ils ont
dû payer; la somme n'était pas tellement élevée,
mais quand même ils ont payé une dizaine de mille dollars.
C'était au niveau du mercure, on disait qu'il n'y avait pas
d'émanation de mercure et qu'il n'y avait pas de mercure rejeté
dans les eaux de la région, mais finalement il y a eu des ordonnances
des SPE et on est venu à bout de faire la preuve que, depuis dix ans, on
polluait l'environnement et on polluait l'intérieur de l'usine. On se
bat juridiquement, même si consciencieusement on le sait que, dans
l'usine, il y a des choses qui ne vont pas, mais tant et aussi longtemps qu'on
ne sera pas capable, légalement, de le leur faire admettre et de le leur
faire payer, on conserve le statu quo.
Quand on me parle des patrons qui ont toujours eu le devoir, la
responsabilité, les pouvoirs de décision, je veux bien vous
l'accorder, mais avec les résultats qu'on constate on se sent, comme
législateurs, poussés au pied du mur et obligés de
produire la loi 17. Ce sont les quelques remarques que je voulais faire, M. le
Président.
M. Dufour: C'est une réaction...
M. Lavigne: Peut-être de gars d'usine, soudeur de
métier.
M. Dufour: Oui. En tout cas, ce que je comprends de votre
intervention, c'est qu'on ne serait pas d'accord avec le projet de loi. Je
pense qu'on l'a exprimé, on diffère au niveau de certains moyens.
Mais on peut exprimer certains griefs vis-à-vis des employeurs, c'est
évident, il y en aura toujours nonobstant la loi 17, des cas du genre de
ceux que vous avez décrits. On a un grief, nous aussi, qui est en partie
réglé par le projet de loi no 17, qui est justement l'unification
des systèmes d'inspection. Vous avez, dans l'entreprise, un gars qui
nous vient de l'environnement, un gars qui vient pour l'application de la Loi
des établissements industriels et commerciaux, un gars qui nous vient du
ministère des Affaires sociales, etc., avec des règlements, mais
très souvent contradictoires. Je pourrais vous en citer des cas,
notamment dans le domaine des salaisons. Alors, on peut aussi retourner le
grief du côté gouvernemental et se mettre d'accord au moins sur
une chose, c'est qu'au niveau des normes et des normes plus
sévères, nous sommes parfaitement d'accord, nous sommes d'accord
aussi avec un système d'inspection qui, une fois unifié, sera
plus opérationnel qu'il ne l'est aujourd'hui. Je pense que, sur ce
cheminement, il n'y a aucun problème. Ce qu'on redoute, c'est qu'il ne
faut quand même pas trop balancer, de façon que ça ne
devienne plus opérationnel pour l'entreprise, que, se sentant
encarcané au niveau de la gestion, il lui faudra toujours sa motivation
et qu'elle ne l'ait plus parce que justement on lui impose des contraintes de
l'extérieur qu'elle n'acceptera pas. Parce que la motivation pour
l'employeur, vous avez la sécurité au travail, c'est aussi
important que la motivation du travailleur.
Je veux tout simplement dire que, là, vous posez des
problèmes de normes, des problèmes d'inspection et c'est un des
points que l'on appuie à l'intérieur du projet de loi no 17.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: La première question que je voudrais poser
concerne justement l'inspectorat.
Alors que le projet de loi propose que les parties à la base, par
la formation de comités paritaires où il y a des pouvoirs
décisionnels et, dans d'autres cas, des pouvoirs de recommandation
consultatifs, on demande de régler à la base les
problèmes, les causes d'accidents. On se base, bien entendu, sur une
chose que l'on demande aux parties, c'est un minimun de bonne foi; alors que
partout ailleurs où il y a eu des réformes du genre de celles que
nous voulons apporter avec la question de la santé et de la
sécurité du travail, on a réussi à baisser de
façon substantielle les accidents du travail.
J'ai cru comprendre je veux bien saisir cette portée
que vous proposez qu'au lieu de ça, on instaure un système
d'inspectorat et qu'on fasse porter le fardeau d'une décision, à
l'intérieur d'une usine, sur les épaules d'une personne qui
s'appelle l'inspecteur. En tenant compte de ce qu'on disait tout à
l'heure, que l'inspectorat sera sous une même gouverne, la question que
je me pose est: Est-ce que ce n'est pas anormal de faire porter ces
décisions sur les épaules d'une person-
ne plutôt que sur le dialogue qui doit exister entre les
employés et les employeurs?
Ce qui me laissait un peu perplexe tout à l'heure, c'est la
réaction de M. Lussier qui disait que, quant à lui, si les
pouvoirs qu'on veut enlever en termes de droit de gérance à
l'employeur n'existent pas, on risque de ne pas réussir la
réforme. J'aimerais bien entendre vos réactions vis-à-vis
de cela, si j'ai bien compris ce que vous avez dit.
M. Lussier: Je vais répondre à votre intervention,
M. Jolivet, ainsi qu'au député de Beauharnois en même
temps. Des accidents, il va toujours y en avoir. Il y en aura toujours, il y en
a toujours eu. Ce qu'on veut, on veut les réduire et on est pleinement
d'accord pour enlever les causes d'accidents. Je crois que c'est le principe de
toute chose.
Par contre, peut-être que je me suis mal exprimé. Ce que
j'ai dit et je le répète, c'est que la façon que le
gouvernement veut prendre pour atteindre des objectifs qu'on a n'est pas
nécessairement le moyen qui va apporter des résultats concrets.
Tout ce qu'on dit, c'est que c'est au gouvernement d'établir des
objectifs, d'attribuer les responsabilités à celui qui est
responsable et de lui demander des comptes après. S'il n'est pas un bon
employeur, vous avez le droit de lui cogner sur les doigts actuellement, mais
vous ne le faites pas. Ce n'est pas la loi 17 qui va le faire. C'est bien
simple, la sécurité au travail, c'est un état d'esprit,
c'est une façon de penser, c'est une façon d'agir avec la
participation de tous les employeurs. Il n'y a aucune loi, aucun gouvernement
et ce n'est pas la loi 17 qui va empêcher tous les accidents dans les
usines, aux chantiers ou ailleurs. C'est en fournissant les moyens de
remédier aux causes d'accidents à la base qu'on va les
réduire et en changeant la mentalité des employeurs autant que
des employés. Je suis bien d'accord avec vous, mais ce ne sont pas les
moyens que vous préconisez dans le projet de loi 17 qui vont obtenir ces
fins-là.
M. Jolivet: En quoi le système d'inspectorat unique
va-t-il régler le problème? Répondez-moi à cela. Je
pense que c'est cela, la question. Vous dites que c'est par l'inspectorat qu'on
va diminuer les causes d'accidents.
M. Lussier: Une fois que le gouvernement aura établi ses
normes, ses exigences pour tous et chacun, du travailleur autant que de
l'employeur, tous tant que nous sommes, autant vous que moi, nous sommes
humains et tôt ou tard, nous voulons prendre un court chemin, nous
voulons arrondir les coins. C'est là que l'inspectorat, le
contrôle va agir et remettre chacun, autant l'employeur que
l'employé ou les employés, dans le droit chemin.
M. Jolivet: Tout à l'heure, M. Dufour faisait mention des
inspecteurs provenant de l'environnement, de la loi des établissements,
etc. On en est conscient. D'ailleurs, l'unification du service d'inspectorat,
c'est pour éviter que l'employeur ne se serve de deux rapports
totalement différents pour ne rien faire. J'ai vécu cela au
niveau de l'enseignement chez moi. Dans des écoles d'enseignement
professionnel au niveau de ce qu'on appelle le secondaire professionnel court,
on avait des choses totalement aberrantes, mais le ministère de
l'Education qui n'était pas soumis à la loi et qui le sera
maintenant disait: On n'a pas les moyens de payer cela; donc, on ne fait pas
les réparations nécessaires. On a vécu ces systèmes
où l'employeur utlisait des choses prévues par la loi provenant
de deux milieux différents. Mais en quoi un système unifié
d'inspectorat où le fardeau serait porté par l'inspecteur va-t-il
régler les causes d'accidents? Je n'ai pas eu de réponse encore
à cela, je pense.
M. Dufour: Dans toute cette question de la santé et de la
sécurité, il y a deux problèmes. Il y a le problème
administratif comme tel, les structures qu'on met sur pied, et il y a le
problème de l'application des normes gouvernementales, si on s'entend
sur le fait que les normes généralement viennent de l'Etat.
J'ai personnellement siégé au comité
interministériel sur la santé et la sécurité avant
celui de M. Marois. Il a siégé durant un an et demi, deux ans. La
difficulté qu'on a toujours rencontrée, ce n'était pas
l'aspect administratif comme tel; c'étaient les différences, mais
tout à fait fondamentales souvent, dans les contenus de
réglementations d'un ministère à l'autre.
Je mentionnais tantôt un cas aussi typique que celui des
salaisons, et j'ajoute à la difficulté gouvernementale que vous
avez les différentes instances qui agissent au niveau de la CUM à
Montréal, par exemple, et des municipalités, si vous regardez ce
problème dans l'unification des normes et de l'inspectorat.
C'est bien évident que si vous avez un inspecteur qui vous
arrive, M. Jolivet, en disant: C'est cela que tu dois faire, et que l'autre
arrive et dit: Non, ce n'est pas cela que tu dois faire, bien,
immédiatement, vous avez un problème, et on le vit constamment.
Nous ne disons pas que le problème de la sécurité et de la
santé va se régler par l'inspectorat. C'est bien évident
que c'est à la base, et je pense que M. Lussier s'évertue
à le dire depuis le début. Mais on dit dans tout ce cheminement:
l'inspectorat est drôlement important.
Le Président (M. Marcoux): C'est terminé?
M. Jolivet: Non. En fait, disons que je comprends ce que vous
dites, c'est qu'au niveau de l'inspectorat, l'unification apportée va
aider à régler bon nombre de problèmes, mais cela
n'empêchera pas la mise sur pied de comités paritaires qui, eux,
selon la façon dont vous les voyez, diffèrent de la façon
dont on les voit. On parle de pouvoirs décisionnels et vous parlez de
poids consultatif. On parle d'obligations par la loi, dans certains cas, tandis
que vous parlez de négociations de ces comités. Donc, on s'entend
sur cela.
La deuxième, c'est la question de la médecine du travail.
Partout où j'ai eu l'occasion d'aller, dans les tournées que j'ai
faites sur la question du livre blanc sur la santé et la
sécurité du travail, c'est une des choses qui nous revenaient
quand on rencontrait la partie patronale.
Bien entendu, je ne reviendrai pas sur la nationalisation,
l'étatisation ou des choses semblables. Nous parlons de normalisation,
en tenant compte qu'à l'intérieur du Québec, la grande
majorité des médecins on parle de près de 97%
est rémunérée par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, et que le contrôle de la
qualité et de la fréquence des examens médicaux est
réglementé non pas dans les entreprises, mais par ce que vous
proposez dans votre rapport le gros rapport dont on peut parler, pour le
résumer, à la page 22 par des groupes de médecins
qui sont réunis dans des départements hospitaliers ou au sein
d'une corporation professionnelle et qui permet à tout individu, selon
la loi actuelle des services sociaux, de pouvoir choisir le médecin de
son choix qui va lui dispenser, bien entendu, tous les services de santé
nécessaires.
Vous donnez une conception des services de santé, dans votre
rapport, qui semble, au niveau de la place que doit tenir le médecin
d'entreprise, le rendre responsable de la qualité du produit
manufacturé, par son influence au niveau de ce qu'on appelle la
qualité de la main-d'oeuvre qui va fabriquer ce produit, alors que vous
donnez comme rôle au médecin des choses comme le contrôle
des absences ou, au niveau des objectifs poursuivis par le médecin de
compagnie, quelque chose comme la réforme proposée, tout comme
l'Organisation mondiale de la santé amène des lois dans d'autres
pays qui ne vont vraiment pas dans la ligne de pensée que nous
avons.
Chaque fois qu'on y faisait mention, on disait que le médecin
une des argumentations que j'ai apportées, c'est cela de
compagnie avait perdu une certaine crédibilité auprès des
employés. On dit: C'est le médecin de la compagnie, cela. De la
même façon, dans bien des cas, l'employeur on le
rencontrait au niveau des conventions collectives quand il demande un
certificat médical, on se dit: II est allé voir son
médecin à lui, l'employé, de telle sorte que l'employeur
disait: Oui, mais il est facile aujourd'hui d'avoir un certificat
médical.
Quand on regarde ces deux opposés entre l'employeur et
l'employé, entre la façon dont doit être, quant à
nous, visée l'hypothèse présentée par la
réforme, c'est celle non pas d'hypothéquer la santé du
travailleur pour le produit qu'il doit fabriquer, mais faire en sorte qu'il
soit vraiment à l'intérieur du service, protégé des
fois contre lui-même, dans certains cas, au niveau de la
préembauche, en sachant très bien que l'emploi qu'il va occuper,
à cause de ses antécédents, pourrait lui occasionner
certains problèmes.
Le projet de loi ne vient, en aucune façon, empêcher
l'entreprise d'engager à ses propres frais pour les besoins qu'elle a,
que ce soit pour le renouvellement des conventions collectives et les accidents
au niveau du travail ou l'absence d'un employé, il est sûr et
certain qu'on ne vient pas empêcher l'employeur d'engager, à son
propre compte, un médecin-conseil, qui va le conseiller quant à
ça. En tout cas, je ne vois pas, dans le projet de loi, si vous l'avez
vu comme ça, un empêchement à ça.
Une autre question qui est revenue l'autre jour, c'est parce qu'il y
aura un comité paritaire qui aura le choix du médecin et s'il n'y
a pas entente, de la façon dont c'est prévu par la loi, sur la
nomination du médecin. Il y a des gens qui ont dit que j'aimerais
connaître votre réaction vis-à-vis de ça
parce qu'il y a un comité paritaire qui va avoir à choisir un
médecin, on va avoir une baisse de qualité au niveau des
médecins qui voudront agir à l'intérieur des compagnies.
J'aimerais savoir votre réaction vis-à-vis de ça, parce
que si c'est réel, c'est parce que les gens n'ont peut-être pas
compris que les médecins ne seront pas agréés par les
employés, ni par les employeurs. Ils seront agréés, comme
le prévoit la loi actuelle, par le conseil des médecins et
dentistes, à l'intérieur des centres hospitaliers. J'aimerais
avoir votre réaction vis-à-vis de ça.
M. Dufour: M. le Président, si vous permettez, je vais
passer très vite sur la question de la crédibilité des
médecins qui revient constamment dans ce débat, parce que s'il
fallait partir d'un critère comme celui-là pour justifier la
réforme, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'autres groupes qui
pourraient avoir des problèmes lorsqu'on parle de
crédibilité.
Quand vous dites: II y aura possibilité d'engager un
médecin de l'extérieur, c'est vrai. Mais, si ma mémoire
est bonne, vous savez qu'à l'article 96, cette possibilité pour
l'entreprise d'embaucher un médecin additionnel est sujette à
l'accord du comité paritaire. Immédiatement, c'est une...
M. Marois: Programme de santé additionnel, non pas
l'embauche d'un médecin par une entreprise, indépendamment du
médecin...
M. Dufour: Oui, mais un programme de... M. Marois: Non,
mais la nuance est de taille.
M. Dufour: ... santé additionnel, dans le cadre où
on le défend, nous, ça suppose le médecin et le
paramédical. Autrement, comment allez-vous administrer votre
programme?
Notre position, je pense qu'on peut la rappeler très
brièvement, c'est que nous sommes d'accord avec l'orientation de base du
projet de loi no 17, selon laquelle toutes les entreprises doivent donner
à leurs travailleurs certains programmes de santé. On est
totalement d'accord sur cet objectif.
Ce que l'on dit, c'est que pour réaliser cet objectif, il doit y
avoir une double possibilité. Les entreprises qui sont
déjà structurées Dieu sait s'il y en a qui sont
bien structurées devraient pouvoir continuer à offrir ces
services, considérant le fait que les DSC, les CLSC, actuellement,
ne sont pas prêts à prendre vraiment ne serait-ce que la
commande des services qui sont déjà organisés,
déjà structurés, et on dit que faire table rase de
ça, c'est vraiment s'embarquer dans l'impasse. Mais nous sommes d'accord
aussi pour que vous imposiez, à l'entreprise qui ne se donne pas ce
service de santé, d'aller dans le réseau des DSC et des CLSC.
C'est une liberté de choix, tout au moins au début de la
réforme. Au lieu de faire table rase de ce qui existe actuellement,
prenez des grandes entreprises, je vais en citer une à tout hasard,
l'Hy-dro-Québec qui est structurée au niveau corporatif et qui,
demain, doit se lancer dans un programme de régionalisation, au niveau
des DSC, au niveau des CLSC, on vient de changer complètement sa
structure administrative. Pour offrir ces services à des entreprises qui
sont déjà organisées, vous allez être obligés
de priver de services, probablement, les PME qui, justement, en ont aujourd'hui
besoin. Il faut bien se comprendre, sur le programme et les exigences, on est
totalement d'accord. Encore là, c'est sur le moyen ou la façon de
le réaliser.
On justifie cela aussi sur le plan des principes en disant que selon,
notamment, toujours l'article 40, vous nous donnez toujours la pleine
responsabilité juridique des accidents du travail. Notamment au niveau
des examens de préembauche, on peut passer une commande au DSC ou au
CLSC en établissant ses critères, mais, aujourd'hui, si notre
médecin d'entreprise a fait une erreur et que, compte tenu de l'erreur,
le travailleur lui-même en commet une qui engage un tiers, on assumait la
responsabilité. Dans le nouveau contexte, si l'erreur est faite au
niveau du DSC ou de CLSC, vous nous enlevez la responsabilité ou si vous
nous la conservez? C'est cela, le fond du problème.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, en terminant, sans revenir sur
le débat de statistiques du début de nos discussions, je pense
que tout le monde admettra on l'a évoqué, d'ailleurs dans
le livre blanc, j'ai eu l'occasion de le dire publiquement à plusieurs
reprises que sur la base des données et des chiffres connus,
c'est vrai que les outils statistiques dont on dispose sont imparfaits, mais
quand il y a ce sont des faits qui sont là plus de 200
hommes et femmes au travail qui décèdent par année, on a
beau essayer de faire des comparaisons avec qui on voudra, quelque province,
quelque pays que ce soit, il n'en reste pas moins que c'est un état de
fait.
Nous maintenons que comme société responsable et je
pense que vous êtes d'accord, fondamentalement, avec cela ce n'est
pas possible de laisser aller les choses comme cela. C'est vrai qu'il y a des
entreprises, en toute honnêteté, qui ont fait des choses
remarquables, mais pourquoi les autres ne l'ont-ils pas fait? Si cela avait
été fait, on ne serait peut-être pas dans la situation
actuelle. Encore une fois, je ne suis pas de ceux qui sont prêts à
jeter le blâme d'une façon unilatérale, sans nuance, et le
reste, mais les faits sont là. La preuve est aussi faite que dans
quelques cas d'entreprises qui manipulent des produits extrêmement
dangereux je pense qu'on pourra en avoir des témoins pas
tellement loin de nous, mais présents dans la salle aujourd'hui
et qui produisent un produit fini qui est un produit dangereux, la preuve a
été faite qu'en mettant à contribution les parties
que je sache, je pense à un cas particulier, il existe quand même
un comité conjoint dans une entreprise en question à laquelle je
pense qu'il y avait moyen d'éliminer, autant que faire se
pouvait, à la source, les causes mêmes d'accidents et de maladies.
Les écarts et les chiffres sont brutalement frappants sur ce plan.
D'autre part, il y a une chose qui est incontestable sur le plan des
statistiques, et nous-mêmes disions dans le livre blanc, et on
l'évoque d'ailleurs dans le projet de loi puisqu'on entend donner des
pouvoirs en conséquence pour constituer des banques de données et
se donner quelque chose qui soit beaucoup plus raffiné, beaucoup plus
complet sur le plan d'un état plus scientifiquement évalué
de la situation. Ce sont les coûts économiques directs, ces
chiffres-là sont là. Ce que ça coûte annuellement
d'indemnisations, ça augmente et c'est là, et les experts sont
unanimes à dire que, pour connaître les coûts
économiques indirects, on applique un multiplicateur qui peut varier de
quatre à sept. Les experts consultés m'ont dit: "Dans le cas du
Québec, pour un certain nombre de raisons... Je ne suis pas pour
commencer à établir des séries économiques ou
statistiques sur la table, le multiplicateur que je devais utiliser
c'était six; j'ai utilisé le multiplicateur le plus conservateur,
quatre, pour arriver aux chiffres qui excèdent $2 milliards, qui nous
collent vers les $2,5 milliards. Une société qui est rendue, qui
a les moyens annuellement de se payer des choses comme celles-là, alors
que d'autres ont fait la preuve que même ça pouvait avoir un
caractère de rentabilité sur le strict plan économique, il
n'y a pas de raison que comme société, on ne fasse pas l'effort
maintenant normal de déplacer ça vers, au fond, la chose la plus
fondamentale. C'est le coût humain qui est derrière ça. Et
je pense qu'on admettra tous ça.
Partant de là, je regrette que peut-être par manque de
temps ou peut-être parce que la question a été
oubliée, je pense qu'il aurait été intéressant que
les membres de la commission parlementaire reçoivent votre
éclairage, votre perception et la réponse à la question
que je vous posais quant à la demande qui nous a été
formulée. Dans les cas où il est possible sur une base
scientifique, et c'est vrai dans certains cas je pense au plomb, je
pense au mercure, par exemple il est possible de déceler de
façon scientifique les premiers signes avant-coureurs, les signes
précoces d'une maladie possible, que pensez-vous de l'hypothèse,
parce qu'il y a des cas où à cause de certains types
d'altération, scientifiquement ce n'est pas suffisamment avancé
pour qu'on soit capable de mettre le doigt dessus même si on a
les premiers signes avant-coureurs ce que vous pensez de
l'hypothèse de l'élargissement du retrait préventif. Je
pense que cela aurait pu éclairer les membres.
En terminant, je voudrais, M. le Président, remercier infiniment
en notre nom à tous, le Conseil du patronat. Je voudrais vous remercier
aussi de votre franchise et je pense qu'on peut retenir que vous partagez
l'objectif fondamental, vous partagez aussi, je crois, les principes au moins
quant à l'approche malgré des divergences de vues sur les
modalités, les façons, les moyens d'y arriver ou les
façons d'opérationnaliser un certain nombre d'instruments et de
moyens proposés. Je pense que cela nous permet tous ensemble et on le
voit quant à la teneur, le sérieux, le climat d'ailleurs des
discussions de cette commission parlementaire depuis le début, qu'il est
vrai que c'est possible, si on se met ensemble en ayant des divergences
de vues, on le sait ça, il y en aura toujours de franchir une
étape qui pourrait être pour reprendre l'expression du juge
Beaudry, un saut en avant et d'y arriver à condition de le faire
ensemble et qu'il y ait un minimum de bonne foi et de sens des
responsabilités, qui est partagé par la majorité des
citoyens individuels et des citoyens corporatifs, je l'espère.
Egalement, en terminant, je voudrais vous redire ce que j'ai dit en tout
début d'exposé. J'ai même indiqué des choses
très précises, des recommandations très spécifiques
au moment où je procédais à l'examen du projet de loi, un
peu comme un examen article par article. Il y a des choses qu'on va regarder
très attentivement parmi les recommandations que vous faites.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des
membres de la commission, de la présentation de votre mémoire, M.
Dufour, au nom du Conseil du patronat. La commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures.
Fin de la séance à 12 h 56
Reprise de la séance à 15 h 20
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre poursuit
l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la
santé et la sécurité du travail.
J'inviterais maintenant la Fédération des travailleurs du
Québec à nous présenter son mémoire. M. Laberge,
bienvenue, je vous demanderais de nous présenter vos collègues et
de nous présenter votre mémoire. Vous nous connaissez, vous
pouvez rester assis.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Laberge (Louis): Enfin, il n'y a pas une grosse
différence!
Si vous permettez, je vais commencer par vous présenter ceux qui
sont à la table, en avant. Malheureusement, il n'y avait pas assez de
place à la table pour tous les membres du comité. Il faut dire
qu'à la FTQ, tout le domaine de la santé et de la
sécurité est un domaine d'une importance capitale. En fait, nous
allons vous le dire tantôt, nous représentons la vaste
majorité des travailleurs syndiqués qui sont les plus directement
intéressés par ce projet de loi. C'est pour ça qu'on a un
gros comité, qui a tenu de nombreuses séances, malheureusement
ils ne sont pas tous à la première table.
Enfin, je vais commencer: à ma gauche nous avons Serge Trudel,
fais juste lever la couette, Serge qui est du Syndicat des
métallos; Marcel Laplante, du Syndicat canadien de la fonction publique,
qui représente plusieurs membres des hôpitaux, du secteur public,
les municipalités, la ville de Montréal, on aura
l'occasion d'y revenir tantôt qui reproche au gouvernement, comme
entreprise publique, de vouloir diriger un employeur qui est une autre
entreprise publique; Michel Grant, qui est l'adjoint au bureau de la FTQ; Jean
Gérin-Lajoie, Mines et métallurgie les métallos
comme on les appelle chez nous ; Roger Laramée, Syndicat canadien
de la fonction publique; Emile Boudreault, qui est le responsable, à la
FTQ, de tout le domaine de la santé et de la sécurité. A
ma droite, à côté des journalistes... Je ne vous
présenterai pas les journalistes, parce que je pense que vous les
connaissez...
Le Président (M. Marcoux): Je voulais leur demander s'ils
voulaient laisser la place aux membres de votre comité.
M. Laberge:... à ma droite, les membres de la CSN! On peut
se fier à leurs comptes rendus quand même! Maurice Pouliot, le
secrétaire du Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction; Richard Mercier, de l'Union des employés de commerces;
Guy Dumoulin, qui est président dudit Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction; Normand Labrie, qui est du
secteur de l'automobile et président du Comité santé et
sécurité, et Robert Dean, vice-président de la FTQ, aussi
secteurs de l'automobile et de l'aéronautique.
Comme vous le voyez, on a plusieurs secteurs, tout le tour, en
arrière et en haut. Ce sont des gens qui sont venus, parce qu'ils sont
des plus intéressés à ce qui se passe devant la commission
parlementaire. Ce sont des gens qui ont participé à des
colloques, à des congrès, à des assemblées
d'étude, à des consultations. Cela fait des années
qu'à la FTQ nous nous préoccupons de ce
problème-là. C'est pour cela qu'ils sont ici. Pour nous, cela
revêt un intérêt capital.
Sans plus de préambule, je vais demander à Emile
Boudreault, le responsable, de vous lire non pas le mémoire qu'on vous a
envoyé et qui contient plusieurs pages...
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie.
M. Laberge (Louis): Nous avons cru que cela vous ferait plaisir
qu'on vous annonce qu'on ne lira pas le mémoire que vous avez d'ailleurs
lu vous-mêmes, j'en suis convaincu.
Nous avons préparé un résumé que nous avons
voulu faire le plus court possible mais qui, malheureusement, est de 32 pages
parce qu'on ne pouvait pas le résumer davantage. C'est l'essentiel de
nos revendications. Emile Boudreault va lire le résumé et, au fur
et à mesure, avec la permission du président, je ferai certains
commentaires, surtout à la lumière de certaines
représentations qui vous ont été faites depuis le
début de vos travaux.
Sans plus de préambule...
Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole
à M. Boudreault, je demanderai aux membres, comme on le fait
habituellement, s'ils sont d'accord pour verser intégralement le
mémoire au journal des Débats.
M. Marois: Consentement, M. le Président. (Voir
annexe)
Le Président (M. Marcoux): Allez-y, M. Boudreault, et si
cela vous prend plus d'une demi-heure, on piquera du temps sur celui du
ministre.
M. Laberge (Louis): Cela prend soin de notre première
demande, parce que c'était une demande qu'on faisait.
M. Boudreault (Emile): M. le Président, M. le ministre,
MM. les membres de la commission, la FTQ n'a pas l'intention de lire en entier
le mémoire qu'elle a soumis à la date indiquée
parce qu'on pensait que c'était vrai dans la Gazette officielle
pour le dépôt des mémoires. La FTQ demande cependant que ce
mémoire, y compris les annexes, soit reçu et étudié
par votre commission et qu'il soit publié intégralement dans le
journal des Débats de même que les présentes notes.
Dans le but de laisser plus de temps pour les échanges avec les
membres de votre commission, nous avons préféré vous
présenter un exposé beaucoup plus court de nos positions sur le
projet de loi à l'étude. De plus, comme nous l'avons dit au
dernier paragraphe de notre mémoire et suite à la consultation
qui a été faite depuis, nous nous permettrons de réviser
quelque peu notre position sur l'un des points discutés dans notre
mémoire. Nous insisterons sur certains points qui sont res-sortis
davantage des travaux de votre commission jusqu'à maitenant que j'ai
suivie avec beaucoup d'attention et nous aborderons un sujet qui a pris une
très grande importance encore ce matin ainsi qu'au cours des
premières auditions devant votre commission et dont nous n'avions pas
traité dans notre mémoire sur le présent projet de loi,
parce que nous avions cru devoir le faire à l'occasion de la
présentation, par le gouvernement, d'une révision en profondeur
de la Loi des accidents du travail, qu'on nous a promise dans le livre blanc
pour un avenir prochain. Nous voulons parler évidemment de la question
très importante du retrait préventif.
Dans les cinq premiers paragraphes de notre mémoire, nous
établissons la représentativité de la FTQ comme un
intervenant sur le projet de loi no 17. La FTQ est au Québec le
porte-parole politique officiel de plus de 350 000 travailleurs
syndiqués. L'affiliation à la FTQ je ne dirais pas
contrairement, mais différemment à d'autres centrales se
fait sur une base volontaire. C'est donc par choix que les associations
syndicales représentant plus de 300 000 travailleurs ont donné
mandat à la FTQ de les représenter et de payer chaque mois.
La FTQ est fortement majoritaire dans les secteurs qui sont les plus
directement visés par le projet de loi sur la santé et la
sécurité du travail: mines et métallurgie; pâtes et
papier; forêt; vêtement; construction, production et distribution
de l'électricité; arts graphiques; automobile;
aéronautique; alimentation et consommation courante; commerce; secteur
municipal; hôtellerie et restauration; secteur des communications, y
compris les télécommunications; spectacle et radiodiffusion;
transport (air, mer, terre); fonctionnaires fédéraux; facteurs et
postiers, tous les secteurs où la FTQ est fortement majoritaire.
M. Laberge (Louis): Fortement majoritaire. Dans certains secteurs
évidemment, nous sommes la seule centrale syndicale à y
représenter les travailleurs syndiqués.
M. Boudreault: En ce qui concerne notre mémoire, aux
paragraphes 6 et 7, nous réaffirmons notre intérêt pour
toutes les questions reliées à la santé psychique: stress,
santé mentale, satisfaction au travail, etc. Cependant, à cause
du massacre qui se perpétue au Québec chez les travailleurs dits
industriels et qui est illustré par quelques statistiques dont on n'a
pas abusé, qui sont citées au chapitre VII, c'est surtout sur cet
aspect que la FTQ fera porter ses revendications et ses commentaires sur le
projet de loi.
Aux paragraphes 9 à 13, nous traçons un bref historique de
notre centrale et de la constance de ses préoccupations pour les
questions ayant trait à l'hygiène et à la
sécurité du travail depuis sa fondation. Nous avons tenu, dans
ces paragraphes, à faire état du caractère
démocratique de nos prises de position en la matière. En effet,
les positions que nous prenons sur ce projet de loi no 17 dans le
présent mémoire ne sont pas le fruit d'une
génération spontanée on n'a pas pensé
à ça hier soir, nous autres à la suite de la
publication du projet de loi, mais sont toutes basées sur des positions
démocratiquement adoptées par les délégués
dûment élus à nos congrès et colloques sur le sujet
et, notamment, le colloque du 25 janvier 1975 à Montréal
il y en avait eu d'autres avant le congrès de décembre
1975 à Québec où on a consacré une journée
et demie à parler du sujet; le colloque des 17 et 18 mars 1977 à
Québec et le colloque des 20 et 21 novembre 1978 à Québec,
à la suite de la publication du livre blanc. (15 h 30)
Tous ces congrès et colloques ont été
précédés de consultations intensives dans les
régions et
dans les secteurs industriels. Un relevé de nos revendications
officielles en matière de santé et de sécurité du
travail à partir de janvier 1975 jusqu'à novembre 1978 a
circulé à plusieurs milliers d'exemplaires parmi nos
affiliés et dans le public en général. Une copie de ce
document est annexée au mémoire présenté à
votre commission. Ce n'est pas simplement pour faire un mémoire plus
épais. C'est pour que tous puissent se rendre compte que les
revendications qu'on présente dans notre mémoire sont
basées sur des positions démocratiquement adoptées par les
délégués dûment accrédités de notre
centrale.
Sur la philosophie générale du projet, dans les
paragraphes 14 à 20 de notre mémoire, la FTQ exprime sa
satisfaction du fait qu'enfin un projet de loi unifié sur la
santé et la sécurité du travail ait été
présenté et que les différents intervenants, dont la FTQ,
aient l'occasion de s'exprimer sur ce projet de loi devant la commission
parlementaire. Nous réclamons une telle unification et une telle
amélioration des lois depuis de nombreuses années et il nous fait
plaisir de souligner que le présent gouvernement est le premier à
présenter un projet de loi dans ce sens.
Après avoir souligné notre accord de principe, nous
soulignons que ce projet de loi peut et doit être amélioré
avant son adoption définitive. Mais nous nous opposons
catégoriquement à ce qu'il soit retiré, comme le
suggéraient des déclarations publiques récentes,
malgré les dénégations qui sont plus récentes un
peu, du Conseil du patronat et de certains autres organismes. Un retrait
voudrait dire d'autres délais et les travailleurs ont déjà
attendu trop longtemps pour qu'on accepte un autre délai.
M. Laberge (Louis): Si vous me permettez, là-dessus, nous
avons été fort heureux d'entendre que la CSN réclamait
maintenant des amendements profonds au projet de loi, mais ne réclamait
plus son retrait. Enfin, c'est ce qui en est ressorti dans les journaux. Je
n'étais pas présent lors de la présentation de son
mémoire, je ne sais si c'est cela qui ressort de votre entendement, mais
c'est ce qui est paru dans les journaux. Ce matin, j'étais
présent et, apparemment, le Conseil du patronat est même d'accord
sur le titre du projet de loi. C'est une amélioration sensible et nous
pouvons, en toute quiétude, poursuivre la présentation du
résumé de notre mémoire.
M. Boudreault: Dans ce chapitre de notre mémoire, nous
faisons une brève récapitulation de la situation
intolérable qui existe actuellement au niveau des lois et des
règlements en matière de santé et de
sécurité au travail.
M. le Président, si on avait voulu venir avec des cas d'accidents
du travail, on aurait pu venir avec 500 cas, sauf que nous, on parle de
prévention des accidents, on parle de prévention des maladies
industrielles. On viendra avec des cas précis d'accidents du travail au
moment où on discutera de la révision de la Loi sur les accidents
du travail. Des cas précis d'accidents du travail, on aurait pu faire
pleurer des mères, aussi, et on en aurait amené; on en a
plusieurs.
En matière de santé du travail, nous soulignons l'absence
d'une juridiction précise et l'insuffisance scandaleuse des services de
protection de l'environnement du travail qui ne comptent, au grand total, que
28 personnes pour l'ensemble du Québec. Nous, on a
préféré vous dire d'abord les points sur lesquels on
était d'accord, les points que, s'ils nous avaient été
présentés par morceaux, on aurait acceptés. On n'est pas
pour être contre parce que c'est présenté dans un projet de
loi global.
Les paragraphes 21 à 29 de notre mémoire
énumèrent les points du projet de loi sur lesquels nous sommes
d'accord, compte tenu, évidemment, de certaines réserves
exprimées par la suite. Nous sommes d'accord sur le principe même
du projet de loi: "le droit pour le travailleur à des conditions de
travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique".
Cependant, aux paragraphes 46 à 53, nous précisons nos
vues sur des thèmes et nous demandons qu'on introduise dans la loi des
définitions des mots "santé" et "intégrité
physique". Nous proposons notamment, au paragraphe 48, qu'on utilise partout
dans la loi le terme "hygiène du travail", lequel est reconnu
internationalement comme comprenant non seulement l'aspect médical, mais
aussi tout l'aspect de la salubrité des lieux du travail et non
seulement l'intégrité de la machine humaine pour des fins de
production, mais aussi l'intégrité du travailleur dans l'ensemble
de ses fonctions physiques et mentales pour pouvoir jouir pleinement de sa vie,
par lui-même, avec sa famille et dans la société.
En ce qui concerne ces termes, la FTQ propose donc au paragraphe 53
qu'on introduise dans la loi une définition de "santé
(hygiène) du travail" et de "l'intégrité physique" qui
correspondrait aux définitions de l'Organisation internationale du
travail et de l'American Industrial Hygiene Association que nous avons
citées aux paragraphes 49 et 50 de notre mémoire.
Autre point sur lequel nous sommes d'accord: nous sommes d'accord sur le
fait que la loi s'applique à tous les employeurs, y compris le
gouvernement, ses ministres et les organismes qui en sont mandataires. Il
serait peut-être bon de dire ici que la ville de Montréal, qui est
venue jouer au patron ici devant votre commission, s'est opposée pendant
longtemps à ce que la Loi des établissements industriels et
commerciaux s'applique à la ville de Montréal et s'est
opposée pendant longtemps à ce que les inspecteurs du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre aient juridiction dans son
domaine parce que ce n'était pas un établissement industriel et
commercial. On est heureux de voir que dans la loi, tout le monde va être
couvert, y compris des organismes publics et des organismes du
gouvernement.
Nous sommes d'accord aussi, avec évidemment certaines
modifications d'ordre mineur, sur les dispositions du projet de loi ayant trait
au retrait préventif de la travailleuse enceinte. On
aura d'autres remarques à faire là-dessus tout à
l'heure.
Nous sommes d'accord aussi sur le principe de regrouper dans une seule
loi et de remplacer par celle-ci toutes les lois et parties de loi ayant trait
à la santé et à la sécurité du travail. Ceci
répond à une revendication que nous avons exprimée depuis
de nombreuses années et je pense qu'on n'était pas les seuls
à exprimer cela.
Nous sommes d'accord aussi que l'administration de cette nouvelle loi
ainsi unifiée soit confiée à un seul organisme de
chapeautage, soit la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Ceci, aussi, répond à l'une de
nos plus anciennes revendications.
Nous sommes d'accord aussi que cet organisme se voit confier
l'autorité sur la prévention aussi bien que sur la
réparation. Cela nous semble logique qu'un organisme qui paie pour les
pots cassés s'organise pour qu'il y en ait moins de pots
cassés.
Nous sommes d'accord aussi, que tous les services d'inspection soient
unifiés, qu'ils relèvent d'une même autorité. Sauf
que le projet de loi n'est pas clair, à savoir qui sera cette
autorité. Nous revendiquons donc aux paragraphes 41 et 43 de notre
mémoire que le projet de loi soit modifié pour désigner
clairement et spécifiquement la Commission de la santé et de la
sécurité du travail comme étant l'organisme de qui
relèvent les services d'inspection prévus au chapitre 10.
Je voudrais simplement dire que ceux qui définissent l'inspection
comme étant strictement un service de police sont, soit
malhonnêtes, intéressés, ou ignorants. Parce qu'il y a
beaucoup plus que ça dans un service d'inspection, il y a toute la
patente de définir les normes, tout ça. Pour un organisme de
prévention, c'est important que l'organisme qui définit les
normes relève de l'organisme intéressé à la
prévention.
M. Laberge (Louis): Là-dessus, si vous permettez, parce
que nous trouvons que c'est tellement important, encore une fois, le rôle
de l'inspecteur, s'il agit comme police, ça va passer à
côté du principe du projet de loi. L'inspecteur est aussi
là comme formateur, informé, il est censé se rendre
à la demande des comités paritaires, il est censé les
informer, il va être là bien souvent comme arbitre pour essayer de
trancher les disputes, particulièrement dans le droit de refus. Il est
partie intégrante du fonctionnement de la prévention des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
Cela ne peut faire autrement que de relever du même organisme qui
aura la responsabilité de voir à l'application de la loi 17 sur
la santé et la sécurité, sur la prévention. M.
Dufour disait ce matin, la santé et la sécurité au
travail, c'est un état d'esprit. Nous sommes d'accord avec lui sur ce
point. Un état d'esprit, ça ne se fabrique pas, mais on vient
à bout d'instituer un état d'esprit par la sensibilisation, par
l'information. Les inspecteurs auront un rôle capital à jouer dans
tout ce domaine.
Il faut que les inspecteurs qui vont jouer une partie tellement
importante dans tout le rouage qui est prévu dans la loi 17
relèvent de la même autorité qui aura à
déterminer les normes minimales, les programmes minimaux de santé
et de prévention, les programmes de formation, les programmes
d'information, les programmes de sensibilisation.
Autrement, nous retrouverions un peu de fouillis qu'on connaît
aujourd'hui où les inspecteurs se pilent sur les orteils les uns les
autres. Si ça relève de deux autorités différentes,
il est possible qu'un inspecteur relevant d'une autre autorité puisse
aller sur les lieux pour inspecter, sans tenir compte des autres rôles
que la loi prévoit pour les inspecteurs. Pour nous, ça
revêt une importance capitale que l'inspection relève du
même organisme.
Une fois que nous avons dit ceci et nous y reviendrons un peu
plus tard dans notre mémoire nous croyons que, pour l'industrie
de la construction, qui est vraiment une industrie particulière, il y a
des lois particulières qui reconnaissent les associations, il y a des
lois particulières pour le régime de négociation, enfin
c'est quand même une industrie un peu particulière. Nous
reviendrons sur ce point qui a trait à l'inspection, mais pour vraiment
toutes les industries, à part la construction, nous croyons qu'il est
d'une importance capitale que l'inspection relève de l'organisme qui va
chapeauter tout ça.
M. Boudreault: M. le Président, dans l'optique d'une loi
axée sur la participation, ça, c'est à partir du
livre blanc jusqu'au projet de loi nous sommes d'accord, bien sûr,
que la Commission de la santé et de la sécurité au travail
soit représentative des parties. Notre définition des parties, ce
sont les bénéficiaires, les payeurs et le gouvernement,
c'est-à-dire les trois grands agents sociaux. L'ensemble des
travailleurs, par leurs organisations syndicales; les payeurs, le patronat, par
les représentants des associations patronales représentatives
ça, il va falloir se demander ce que c'est et le
gouvernement.
Cela aussi, M. le Président, répond à une des
revendications de longue date non seulement de la FTQ, mais de l'ensemble du
mouvement syndical, sauf qu'à la FTQ on n'a pas changé
d'idée, on pense encore que c'est vrai.
Mais le rôle de la commission, tel qu'envisagé par le
projet de loi, va être tellement important et ses pouvoirs tellement
étendus qu'il faut absolument que cette commission soit vraiment
représentative des parties. Or, les parties syndicale et patronale ne
sont pas monolithiques pour l'ensemble du territoire du Québec je
pense qu'on en a quand même un exemple par les différents
mémoires qui sont présentés et les
intérêts ne sont pas les mêmes d'un secteur
économique à un autre. Nous soumettons donc que la commission
doit être représentative non seulement d'une conception de
l'esprit de ce que peuvent être les agents sociaux, patronal et syndical
dans l'ensemble du Québec, mais de ce qu'ils sont en
réalité dans chacun des grands secteurs économiques.
Pour les raisons exposées aux paragraphes 31 à 35 de notre
mémoire, nous proposons donc la composition suivante pour la future
commission: les secteurs économiques, agriculture, forêt, chasse
et pêche, un représentant pour chacune des parties ou pour chacun
des agents sociaux; mines, un représentant aussi pour chacune des
parties; industries manufacturières, parce qu'il y a 17 sous-secteurs
identifiés dans le grand secteur des industries manufacturières,
trois représentants pour chacune des parties; construction, un
représentant pour chacune des parties; transport, communications et
autres services publics, un représentant pour chacune des parties; le
commerce, un représentant pour chacune des parties; les finances, les
assurances, les immeubles, les services socio-culturels, commerciaux et
personnels, deux représentants pour chacune des parties;
l'administration publique, un représentant pour chacune des parties; les
secteurs de juridiction fédérale dont on parlera plus loin, un
représentant pour chacune des parties. (15 h 45)
Cette division des "secteurs économiques" est tirée d'une
classification de Statistique Canada proposée dans un tableau
abondamment utilisé dans le livre blanc, notamment à la page 87.
Nous avons modifié quelque peu ce tableau et nous avons effectué
des regroupements afin qu'il corresponde mieux ou le mieux possible à
notre conception de la réalité québécoise en
matière de santé et de sécurité au travail.
Une telle composition ne serait pas trop onéreuse, ces
commissaires n'étant pas permanents, d'après l'esprit du projet
de loi, et elle présenterait, outre sa représentativité,
de nombreux avantages dont celui de la communication nécessaire entre
chacun des secteurs et l'administration de la commission et celui aussi de la
possibilité de "la formation de comités ad hoc pour
l'étude de problèmes particuliers à tel ou tel secteur
économique, le cas échéant". En outre, cela
éliminerait la nécessité, pour les associations syndicales
et patronales, de fournir une liste de candidats c'est toujours un peu
odieux de présenter une liste aux postes de commissaires,
étant donné qu'il serait plus facile d'établir la
représentativité patronale et syndicale dans chacun de ces
secteurs. D'ailleurs, c'est bien connu que la FTQ a toujours refusé de
fournir une liste lorsqu'elle est invitée à désigner
quelqu'un pour occuper un poste. Nous nommons la personne que nous croyons la
mieux qualifiée. Nous avons bien l'intention de nous en tenir à
cette pratique. De plus, nous tenons à réitérer notre
revendication pour le droit de retirer son mandat à une personne que
nous aurions désignée à tel ou tel poste. Dans le cas d'un
commissaire, il faut que les parties, notamment la FTQ, conservent ce droit. La
FTQ pourra l'exercer à l'expiration des mandats, soit en reconduisant la
personne qui occupe l'un de ces postes, soit en la remplaçant par une
autre personne de notre choix.
M. Laberge (Louis): Si vous me permettez une note
là-dessus, en fait, on ne pourra pas nous accuser d'user d'un langage
abusif. Quand nous disons dans le résumé: Nous avons bien
l'intention de continuer la pratique, il faut vous dire que nous avons toujours
refusé et que nous avons la ferme détermination de continuer de
refuser à soumettre des listes de noms. Si nous sommes pour être
des représentants quelque part, nous voulons avoir le droit de
suggérer au gouvernement qui nous voulons comme représentant. Le
gouvernement a le droit, la responsabilité, bien sûr, de le nommer
ou de le refuser. Nous reconnaissons que le gouvernement a le droit de refuser
notre suggestion. A ce moment-là, il expliquera pourquoi il refuse et
nous déciderons si, oui ou non, nous voulons suggérer quelqu'un
d'autre ou se passer d'être représentés à cet
organisme. Pour nous, cela revêt une importance capitale. Je tiens
à vous dire qu'à la FTQ nous avons déjà eu à
combler un vide à l'ancien Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre pendant plusieurs mois, parce que le gouvernement du temps avait
refusé de nommer le représentant qui avait été
suggéré par la FTQ. Nous tenons mordicus à cela. Si nous
sommes pour être représentés quelque part, ce sera
quelqu'un qui sera choisi et nommé par nous. De la même
façon, nous reconnaissons à tout le monde qui veut être
représenté quelque part le droit de choisir et de nommer son
représentant, que cela vienne des autres associations syndicales, que
cela vienne des associations patronales ou que cela vienne du gouvernement. Le
gouvernement a certainement le droit de décider qui sera responsable de
telle chose. Nous croyons que nous avons aussi ce droit.
L'autre point d'une importance capitale pour nous, c'est qu'on ne veut
pas de sénat dans le domaine de la santé et de la
sécurité. On veut que personne ne soit nommé à vie
là-dedans. Nous voulons des gens qui sont intéressés au
domaine de la santé et de la sécurité et
particulièrement de la prévention. Nous voulons avoir le droit de
nommer et nous voulons avoir le droit de retirer les gens qui nous
représenteront. Encore une fois bien sûr, ce ne sont pas nous qui
les nommons, nous reconnaissons que c'est le gouvernement, c'est sa
responsabilité.
Si le gouvernement cela peut arriver n'est pas d'accord
avec la personne qu'on aura choisie, il expliquera pourquoi il refuse le choix
de la FTQ et, comme je l'ai dit tantôt, la FTQ décidera si, oui ou
non, elle est d'accord avec les explications fournies, si elle doit
suggérer quelqu'un d'autre ou, tout simplement, se passer du
privilège d'être représentée. Pourrais-je vous dire
tout de suite que de se passer du privilège ou du droit d'être
représenté à quelque part, on trouve cela
extrêmement sérieux. Nous voulons être
représentés partout où nous avons l'occasion d'être
représentés, mais, encore une fois, nous voulons être
représentés par des gens qui sont vraiment
représentatifs.
Il y a déjà eu des nominations de faites ici au
Québec par des gouvernements précédents qui avaient
nommé comme représentants du mouve-
ment syndical que nous représentons, la FTQ, des gens dans
certains domaines et des gens que nous ne voyons jamais dans aucune de nos
rencontres, dans aucune de nos assemblées et qui étaient actifs
partout, sauf au Québec. C'est une pratique que, dans le temps, nous
avions subie et nous sommes maintenant bien placés pour vous dire que
nous ne l'accepterons pas. Si le gouvernement reconnaît qu'il est
important que les travailleurs soient représentés dans ces
organismes par leurs associations syndicales, nous voulons nous garder le droit
de choisir qui va nous représenter, le droit de les enlever.
Encore une fois, on ne veut pas de sénateur là-dessus. On
veut des gens qui vont faire la "job" et, s'ils ne font pas la "job", on veut
les débarquer et les remplacer par d'autres. On a vu cela trop souvent,
malheureusement. Le mouvement syndical n'est pas à l'abri de cela, pas
plus que n'importe quel organisme. Une fois que quelqu'un est nommé
à vie, disons que son zèle a tendance à diminuer quelque
peu. On n'a pas tous des gens aussi courageux pour relever le défi
d'être nommé sénateur. Cela prend un certain courage pour
aller s'installer dans un fauteuil à vie. On ne veut pas ce genre de
choses. Là-dessus, nous n'insisterons jamais trop. Je ne dis pas cela
pour déprécier le sénat. La position du mouvement syndical
là-dessus est très connue. Nous croyons que le sénat ne
devrait pas exister, mais cela n'a rien à voir avec cela, sauf que nous
autres, on n'a pas changé d'idée là-dessus non plus.
M. Boudreault: En ce qui concerne le comité administratif
qui est proposé par le projet de loi à l'article 119, la FTQ ne
propose pas qu'il soit élargi ce sont des gens à plein
temps. L'article 119 propose un représentant pour chacune des parties
on est d'accord et on voit dans le rôle principal de la
personne désignée par chacune des parties non pas un rôle
d'un autre agent d'indemnisation, mais le rôle d'obtenir toutes les
explications pertinentes à chacun des dossiers à être
soumis au conseil d'administration, de les résumer, de les
digérer de façon qu'ils puissent être assimilés
rapidement dans toute leur implication par les membres du conseil
d'administration. Cependant, la FTQ croit qu'on devrait faire sauter
l'obligation pour l'une ou l'autre des parties de choisir le membre permanent
du comité administratif parmi ses représentants au sein du
conseil. Il est fort possible que les représentants des parties
désirent agir ainsi, mais, théoriquement, il est possible aussi
qu'ils désirent, à un moment donné, choisir quelqu'un de
l'extérieur du conseil d'administration et si les représentants
des parties en décident ainsi, ils devraient pouvoir le faire.
M. Laberge (Louis): En fait, on n'insiste pas pour qu'ils
viennent d'en dehors, mais cela se pourrait qu'on puisse vouloir le faire. Cela
se pourrait que le Conseil du patronat puisse décider de la même
chose ou les autres centrales syndicales. Il me semble qu'on pourrait, qu'on
devrait pouvoir le faire. Quant à l'augmentation du nom- bre de membres
à la commission je m'excuse, je n'ai pas traité de cela
tantôt c'est extrêmement important. D'ailleurs, le ministre
responsable, le parrain du projet de loi se rappellera que lors des
innombrables rencontres consultatives que nous avons eues, nous avons
déjà soulevé ce point afin que, et du côté
patronal et du côté syndical, cette commission soit vraiment
représentative de tous les secteurs les plus importants. On ne peut pas
avoir tout le monde à la commission, évidemment, mais au moins
les secteurs les plus importants. La nomenclature que nous vous avons faite,
nous la croyons quand même assez bien aérée, qui donnerait
une représentation vraiment très bonne, aérée,
élargie de tous les milieux les plus directement
intéressés à ce projet de loi.
M. Boudreault: M. le Président, en ce qui concerne le
ministre chargé de l'application de la loi, tout le monde,
jusqu'à présent, a déploré le fait que le projet de
loi ne désignait pas le ministre. La FTQ plonge, comme c'est son
habitude. Nous sommes d'accord, et nous l'exprimons au paragraphe 26, qu'un
seul ministre sera chargé de l'application de la loi. Cependant, nous ne
pouvons pas concevoir qu'une loi sur la santé et la
sécurité du travail n'indique pas spécifiquement quel
ministre sera responsable. Dans nos revendications, on parlait, en 1975, d'une
espèce de comité ministériel. On croit que c'est
maintenant un fait accompli par la création du ministère d'Etat
au développement social et, pour les raisons énoncées aux
paragraphes 36 à 39 de notre mémoire, la FTQ prend donc
officiellement position et propose que le projet de loi soit modifié et
désigne spécifiquement le ministre d'Etat au développement
social comme étant le ministre chargé de l'application de la
loi.
M. Laberge (Louis): Pourrais-je vous suggérer, M. le
Président, que nous ne faisons pas ça pour nous rendre
agréables au ministre, parrain du projet de loi, ni pour nous rendre
désagréables au ministre du Travail, avec qui nous avons
constamment des relations. On ne voudrait pas que le ministre du Travail
devienne ombrageux parce qu'on fait cette recommandation. Si nous avons
décidé de la faire, c'est que nous croyons qu'elle est
inévitable. Tous ceux qui ont siégé à tous les
comités consultatifs, tant au niveau gouvernemental, qu'au niveau des
centrales syndicales et du patronat, savent tout le problème que nous
avons eu pour amener les huit ministères qui avaient des choses à
dire dans le domaine de la santé et de la sécurité, de
l'environnement, de la prévention, des maladies professionnelles
à s'entendre pour qu'il y ait finalement un projet de loi unifié
dans les circonstances.
Nous croyons, nous, que ce serait une erreur de nommer n'importe lequel
de ces huit ministres comme étant le responsable, parce que les autres
pourraient prendre nous le croyons, probablement avec une certaine
raison ombrage à cette nomination. Mais le ministre qui est
censé avoir la responsabilité de coordonner tout ça et qui
a accouché de ce projet de loi, donc, il a réussi jus-
qu'à un certain point, lui, est au-dessus des
particularités de chacun des huit ministères impliqués. Ce
que nous recherchons, c'est simple. Ce n'est pas de favoriser une nomination
plutôt qu'une autre, mais c'est d'avoir, comme ministre responsable,
quelqu'un qui est déjà bien placé pour aller voir chacun
des huit ministères en vue de la bonne application et de la bonne marche
de la loi. Encore une fois, le projet de loi a beau être pas mal correct,
du moins dans ses principes, dans son idéologie, s'il fallait que les
sept ou huit ministères commencent à tirer à hue et
à dia, je n'ai pas besoin de vous dire que l'application de la loi
deviendrait extrêmement difficile. C'est pourquoi nous avons
décidé de prendre cette responsabilité de suggérer
qui devrait être le ministre responsable, en ayant tout pris en
considération, comme je viens de vous l'expliquer, et en souhaitant que
tout le monde reconnaîtra le bien-fondé des remarques que nous
avons faites sur la question non pas pour faire plaisir à qui que ce
soit, non pas pour déplaire à qui que ce soit, mais tout
simplement pour que la loi, une fois adoptée, soit vraiment mise en
application.
M. Boudreault: M. le Président, après avoir dit
toutes les choses avec lesquelles on était d'accord, vous nous
permettrez de dire les choses avec lesquelles on n'est pas autant d'accord,
à commencer par les droits des travailleurs.
Aux paragraphes 56 et 57 de notre mémoire, nous soulignons que la
rédaction concernant les mesures auxquelles le travailleur a notamment
droit, en vertu de l'article 9, diffère de la rédaction
concernant les mesures auxquelles l'employeur aurait droit, en vertu de
l'article 39 du projet de loi. (16 heures)
Par ailleurs, la FTQ soutient, au paragraphe 58, que ces articles 9 et
39 devraient faire l'objet d'une nouvelle rédaction. En effet, certains
droits généraux peuvent s'appliquer à chaque travailleur
et à chaque employeur en particulier. Mais d'autres, comme celui de
participer à l'élaboration des normes, des programmes et des
priorités en recherche des programmes et moyens de prévention
sont des droits qui doivent être exercés collectivement par
l'entremise des associations représentatives, c'est-à-dire des
agents sociaux, et "pour lesquels on voit mal que chacun des 125 000 employeurs
et chacun des deux millions de travailleurs du Québec puisse les exercer
individuellement." Dans notre mémoire, on dit six millions
d'inspecteurs; c'est sympathique, mais ce n'est pas tout à fait
réaliste.
La FTQ souligne, aux paragraphes 60 à 64, l'absolue
nécessité, dans un projet de loi qui se veut axé sur la
participation, de définir les agents sociaux qui doivent être, au
Québec, les "associations syndicales les plus représentatives "
et les "associations d'employeurs les plus représentatives". Dans tel ou
tel secteur en particulier, ce sera relativement facile. Mais dans l'ensemble
du Québec, on risque de s'acheminer vers des difficultés
sérieuses en l'absence d'une définition précise.
Les définir seulement par règlement de la commission et
seulement pour les fins du fonctionnement des associations sectorielles, tel
qu'il est mentionné à l'article 73, ce n'est pas suffisant. "La
FTQ soumet donc que le gouvernement doit établir dans la loi
elle-même les critères qui devront guider le gouvernement et la
commission, le cas échéant, dans la détermination du
statut de représentativité d'une association syndicale ou d'une
association d'employeurs pour les fins de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, tant au niveau de l'ensemble du
Québec qu'au niveau de tel ou tel secteur en particulier."
Il y a des associations syndicales et des associations patronales qui
poussent, au Québec, comme des champignons. A un moment donné, il
va falloir décider qui est l'agent social, à moins qu'on n'y
croie pas. Il faudra trouver qui est l'interlocuteur valable. Ce qu'on demande,
c'est que dans la loi ce soit défini. C'est défini dans d'autres
pays; je ne vois pas pourquoi, au Québec, on ne pourrait pas le
faire.
En ce qui concerne le droit de refus, je voudrais d'abord traiter des
fonctions exceptées. Dans notre mémoire, nous traitons de ce
sujet aux paragraphes 67 à 71. L'article 12 du projet de loi stipule que
l'exercice du droit de refus "n'est possible que si l'exécution du
travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement
inhérent aux fonctions exercées." La FTQ considère que cet
article, indépendamment des bonnes intentions, est totalement
inacceptable. Elle soumet que "son adoption ouvrirait la voie à toutes
sortes de difficultés et à toutes sortes d'abus ". La FTQ propose
qu'on définisse dans la loi, comme cela s'est fait en Ontario,
même si on n'est pas d'accord avec la définition de l'Ontario,
"les fonctions et les circonstances dans lesquelles le droit de refus ne doit
pas être exercé par un travailleur." Il serait facile de le faire
pour tous les secteurs, sauf peut-être pour le secteur de la
construction. Vous savez, si vous avez lu notre mémoire, qu'on propose
une procédure beaucoup plus souple dans le secteur de la
construction.
M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous me le
permettez, là-dessus, c'est un des points vitaux pour la FTQ. Il n'y a
pas beaucoup d'emplois, parmi les membres que nous représentons, qui ne
comportent pas certains dangers inhérents à la fonction; il y en
a, mais il n'y en a pas beaucoup. Pour nous, que ce soit un mineur, que ce soit
un travailleur dans les usines de pétrochimie, que ce soit un col bleu
de la ville de Montréal qui, soit dit en passant, arrive bon
deuxième parmi les champions des accidents industriels, si on compare le
nombre d'accidents rapportés par rapport au nombre d'employés que
la ville de Montréal a d'ailleurs, je lui ai trouvé un
certain culot d'être venue présenter son mémoire; j'aurai
l'occasion d'en reparler un peu plus longtemps tantôt il n'y a pas
beaucoup de travailleurs que nous représentons dont les fonctions ne
comportent pas un danger inhérent.
II est bien évident qu'un pompier qui va aller combattre un
incendie, il y a des dangers inhérents à la fonction. Il est bien
évident que ce que nous recherchons, ce n'est pas qu'un pompier refuse
d'aller combattre un incendie parce que cela comporte un danger, c'est bien
sûr. Tout de même, il y a des choses qu'un pompier devrait avoir le
droit de refuser: de monter sur un toit au dix-huitième étage,
alors que l'incendie fait déjà rage depuis une heure, et
d'embarquer sur le toit, cela n'est pas sensé parce que le toit peut
s'effrondrer comme cela arrive et des pompiers tombent dans le trou et meurent
parce qu'il y a eu là une négligence le mot n'est pas trop
fort criminelle de la part des autorités. A ce moment-là,
même un pompier devrait avoir le droit de refuser de prendre de tels
risques, mais il est bien évident qu'un pompier ne peut pas refuser
d'aller combattre un incendie, parce que du fait qu'il y a du feu, il y a un
incendie. C'est un peu comme un travailleur de la construction, dès
qu'il arrive sur un chantier il y a des dangers. S'il grimpe en haut, il y a
des dangers, s'il reste en bas, il y a des dangers que quelqu'un lui
échappe quelque chose sur la tête. Enfin, un chantier de
construction, c'est toujours dangereux. Une mine, c'est toujours dangereux. Une
industrie pétrochimique, c'est toujours dangereux.
Par exemple, quand des compagnies comme Monsato se rendent coupables de
telles négligences, qu'il arrive des explosions, trois ou quatre fois de
suite, avec des morts et des gens mutilés, ce n'est pas parce qu'il y a
des dangers inhérents à la fonction d'un travailleur d'une usine
de pétrochimie que ce travailleur-là ne devrait jamais avoir le
droit de refuser un travail dangereux.
Je pense que vous comprenez le sens de notre intervention. On ne veut
pas non plus éliminer enfin si on pouvait les éliminer
toutes les "jobs" dangereuses. Quelqu'un me disait l'autre jour que s'il
fallait mettre en application la petite loi sur l'aménagement que nous
avons, on fermerait probablement 75% ou 80% des usines au Québec. Il est
bien sûr que les travailleurs ne peuvent pas se payer le luxe de voir
fermer 75% ou 80% de leurs usines. On n'est pas là pour les beaux yeux
du patron et on n'est pas là pour user notre vieux linge, on est
là pour gagner notre vie, sauf qu'il y a des choses qui deviennent
inacceptables. Il est bien évident que pour un mineur dans l'amiante ou,
encore une fois, un travailleur d'une usine de pétrochimie, ce n'est pas
parce que, jusqu'à aujourd'hui, on ignorait la nocivité de
certains produits que le travailleur devrait être obligé de
continuer à faire ce travail-là, une fois qu'on apprend qu'il est
en train de se faire empoisonner. Quand on parle de danger inhérent et
habituel enfin, je pense que c'est ce que l'on dit "normalement
et habituellement inhérent aux fonctions", encore une fois ce n'est pas
parce qu'il y a des travailleurs qui se font empoisonner depuis quinze ans,
qu'on vient de se réveiller et de se rendre compte du danger qu'ils
courent, qu'ils devraient avoir le droit de refuser. Cela est d'une
extrême importance.
Si vous laissez cela dans le projet de loi, c'est la porte ouverte
à tous les abus. On n'ose même pas vous suggérer la
façon de l'écrire, on est prêt à participer, par
exemple, à des discussions là-dessus, avec tous ceux qui sont
concernés. On ne veut pas non plus obtenir carte blanche pour pouvoir
tout fermer quand cela nous chante. Ce n'est pas là notre point. Il n'y
a que les démagogues qui parlent de choses semblables. Il y a des
usines, ça prend des travailleurs. On sait qu'il y a des fonctions plus
dangereuses que d'autres, nous en sommes fort conscients. Même si le
projet de loi dit que le but du projet de loi est d'enlever le danger à
la source, nous y concourons pleinement, on sait fort bien que dans certains
cas ça va nous prendre un peu plus d'études, un peu plus de
connaissances pour éliminer certains dangers à la source. Et
malgré toutes les connaissances, il est possible même que dans
certaines fonctions, on ne réussira jamais à éliminer
complètement tous les dangers à la source. Il s'agit, au moins,
de prendre les meilleures mesures nécessaires pour protéger le
mieux possible les travailleurs qui occupent ces fonctions. Mais, encore une
fois, c'est d'une importance capitale, et notre société n'a pas
tendance, malheureusement, à évaluer de façon juste les
dangers inhérents à certaines fonctions.
Je puis vous dire, et je voudrais bien que personne ne prenne cela de
façon autre que celle que je l'entends, par exemple, qu'on croit qu'il y
a des dangers épouvantables à être policier. Il y a
pourtant énormément plus de dangers à être pompier,
à être mineur, à être travailleur de la construction,
à être travailleur dans une usine de pétrochimie. Vous
n'avez qu'à regarder les statistiques. Il y a beaucoup plus de ces
travailleurs-là qui meurent au devoir qu'il n'y a de policiers.
Evidemment ça passe inaperçu parce qu'on ne leur fait jamais de
funérailles civiques, mais ça ne change pas les faits. Pour nous,
c'est capital. Les dangers, habituellement, normalement inhérents aux
fonctions ne peuvent pas être exclus du revers de la main. Nous insistons
sur ce point.
M. Boudreault: M. le Président, on touche un point qui a
été, à notre avis, peut-être pas le point crucial,
mais c'est le point qui a attiré le plus de publicité, c'est le
point du droit collectif. Dans notre mémoire, nous traitons de ce sujet
aux paragraphes 72 à 75. A ce sujet, il faut bien vous avouer
qu'après que ce droit nous eut été promis
spécifiquement par vous, M. le ministre, devant plus de 600
délégués lors de notre colloque des 17 et 18 mars 1977,
l'absence du droit collectif dans le projet de loi est une pilule passablement
difficile à avaler.
Lors de la rédaction de notre mémoire, dans la
période qui a précédé le 17 août, notre
comité de santé et de sécurité du travail avait cru
pouvoir se prévaloir d'une autorisation, à notre colloque de
novembre 1978, de négocier les modalités du droit du refus
collectif pour accepter un compromis offert publiquement, à au moins
deux reprises, par le ministre d'Etat au développement social sur
le sujet, soit l'exercice du droit collectif à une
deuxième étape, c'est-à-dire enclenché par une
action individuelle et ensuite l'intervention du syndicat. Or, sur ce point
précis, les réactions qui nous sont parvenues de toutes les
régions de la province, des secteurs industriels aussi, sont unanimes:
les membres des syndicats affiliés à notre centrale ont
accordé foi à la promesse que le ministre avait faite à
leurs délégués au mois de mars 1977, à savoir que
le droit de refus pouvant être exercé par les représentants
attitrés de l'association accréditée serait introduit dans
la prochaine législation.
Nous devons donc, sur ce point seulement c'est le seul point
retirer le compromis que nous avions à faire dans notre
mémoire et insister pour que les représentants attitrés
à cette fin par les travailleurs puissent décréter
l'arrêt d'une opération ou empêcher qu'un travail
s'accomplisse s'ils jugent que ce travail constitue un danger pour la
sécurité ou la santé du travailleur ou d'autres
personnes.
Nous sommes toujours disposés à négocier les
modalités de l'exercice de ce droit collectif dont nous entendons,
à la FTQ, faire usage de façon responsable. Certaines
propositions contenues dans notre mémoire constituent une base valable
de négociation. Il faut qu'enfin au Québec, on reconnaisse que
l'agent social que constitue le syndicalisme a un rôle de premier plan
à jouer dans l'établissement de conditions de travail qui
respectent la santé et la sécurité du travailleur.
M. Laberge (Louis): Si vous permettez, M. le Président,
là-dessus, je veux dire qu'à un moment donné, la position
du comité a été quelque peu critiquée, un peu
malmenée même par du monde chez nous. Cela prouve deux choses:
d'abord, cela prouve que les gens de chez nous ont le droit de s'exprimer et,
deuxièmement, cela prouve qu'il y a vraiment de la consultation. C'est
vraiment décidé par la majorité des gens qu'on
représente. Dans un mémoire de 82 pages, avec un tas de
suggestions, de demandes, d'exigences d'amendements, de recommandations, que
nous soyons obligés de changer quelque peu notre tir je souhaite
la bienvenue au ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre sur la
question du droit de refus collectif, ça ne nous scandalise pas. Il y en
a qui se scandalisent parce qu'ils font une recommandation et ils disent: On a
été battus par l'assemblée. Si tu prends un vote, si les
gars et les filles ont le droit de voter pour, ils ont le droit de voter
contre. Cela ne me scandalise pas du tout. Sauf que notre "job", c'est de la
faire du mieux qu'on peut et ensuite, on soumet ça aux membres et les
membres décident. Dans le cas du droit de refus collectif, je reconnais
qu'on a peut-être laissé tomber un peu trop vite cette
revendication essentielle, en laquelle semblait croire le ministre au
développement social. Je dois dire que sa brillante intervention lors de
notre colloque m'a quelque peu placé dans une situation
désavantageuse vis-à-vis des délégués qui
retenaient davantage les propos du ministre que les nôtres. Ceci, pour
vous dire qu'on est revenu sur notre position originale.
(16 h 15)
Très sérieusement, on sait fort bien que le droit du refus
collectif doit être traité d'une façon un peu
différente, que le droit du ou des travailleurs qui sont là, ce
sont eux qui sont en danger; c'est bien évident. D'ailleurs, je vais
laisser lire le prochain paragraphe, pour vous parler du droit du ou des
travailleurs qui enclenche le mécanisme dont vous avez parlé,
selon votre expression même. Mais le droit du refus collectif existe
ailleurs. Vous allez peut-être me dire qu'on n'est peut-être pas
rendu à une maturité telle qui nous permettrait... Permettez-moi,
là-dessus, de vous dire que je crois, au contraire, que nous faisons des
pas de géant dans ce domaine et qu'il n'y a pas tellement plus de danger
d'abus avec le droit collectif que le droit individuel ou le droit d'un groupe
de travailleurs, pourvu qu'ils enclenchent le mécanisme.
De toute façon, il y a des recours. Dernièrement, le
mouvement syndical a subi des retombées de gestes qu'avait posés
le mouvement syndical; ça coûte cher, ça nous porte
à être de plus en plus prudents vis-à-vis des gestes
posés. Je ne dis pas ça pour récriminer, c'est un fait, il
nous faut faire attention. Plus nous aurons des droits reconnus dans des lois,
plus il y aura de facilité pour les dirigeants syndicaux de demander aux
travailleurs de respecter ces lois, de peur de perdre des droits que nous
voulons et qui sont reconnus dans des lois. En d'autres mots d'ailleurs
vous vous rappellerez le débat sur le projet de loi 45; le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre va certainement se rappeler les nombreux
colloques auxquels nous avons eu l'occasion de participer ensemble si on
donne, dans la loi, des droits qui protègent les travailleurs, il est
bien évident que les travailleurs sont certainement portés
à faire beaucoup plus attention, de peur de perdre ces droits. Dans le
temps, la seule différence qui existait entre une grève
légale et une grève illégale, c'est qu'on avait plus de
chance de gagner une grève illégale, parce que l'employeur
n'avait pas le temps de se préparer; c'est aussi bête que
ça. On n'avait aucun droit qui nous était reconnu dans une
grève légale; aujourd'hui, on en a un peu plus pas assez,
on aura l'occasion d'y revenir et qu'on aime ça ou qu'on aime pas
ça, tous les prophètes de malheur doivent aujourd'hui se rendre
compte que le projet de loi no 45 a finalement été adopté
et a certainement réussi à assainir, jusqu'à un certain
point, le climat qui existait alors dans les lignes de piquetage. Il y a encore
des accrochages, probablement ne réussira-t-on jamais à
éviter tout ça, mais je peux quand même vous
énumérer un tas de grèves qui, aujourd'hui, se sont faites
quasiment dans la gaieté, si on peut parler de gaieté pour des
travailleurs qui sont en grève pendant huit mois, ils subissent des
sacrifices énormes, mais, au moins, ils ne se sentent pas obligés
de faire des mauvais coups pour protéger leur "job", parce qu'il y a une
loi qui va un peu plus loin pour
les protéger lorsqu'ils sont en grève; c'est d'une
importance capitale. Le droit collectif, ça va un peu dans le même
sens.
Je ne suis pas du tout d'accord qu'on n'a pas atteint le degré de
maturité, au Québec, pour traiter de façon
civilisée de ce droit. De toute façon, nous avons
été portés à revenir sur cette demande, parce que
c'est unanime de tous les coins du Québec, ça nous est venu qu'il
fallait continuer à revendiquer le droit collectif et je suis d'accord
avec tous ces gens qui nous ont reproché de l'avoir laissé tomber
un peu trop vite.
M. le ministre, tantôt je suis convaincu que vous allez nous dire
que vous n'avez pas changé d'idée et que, ce que vous nous aviez
dit lors de notre colloque, vous y croyez toujours.
M. Boudreault: M. le Président, je suis content que le
président...
M. Laberge (Louis): Je pense que le président m'avait
prié de demander aux gens de ne pas faire trop de démonstrations.
Je sais que c'est spontané, mais il y en a qui peuvent penser que vous
avez un certain préjudice.
Le Président (M. Marcoux): M. Boudreault.
M. Boudreault: M. le Président, je suis content que le
président de la FTQ ait fait un remaniement ministériel tout
à l'heure. Qu'il ait fait la fusion de deux ministères, c'est de
nature à rassurer certaines sections du mouvement syndical qui croient
qu'il y a seulement le ministère des Affaires sociales qui s'y
connaît en santé du travail. Cela devrait être
réglé.
Pour ce qui concerne les autres modalités du droit de refus, on
ne les a pas mentionnées dans ce résumé de 32 pages de
notre mémoire, mais la FTQ propose, au paragraphe 75 de son
mémoire, toute une série de modifications aux articles pertinents
du projet de loi pour que le droit de refus ne soit pas seulement
théorique, mais qu'il constitue une véritable protection pour le
travailleur et un instrument pour le fonctionnement de cette loi-là.
Nous proposons, notamment à l'article 31, le statu quo ante.
C'est extrêmement important. Cela a été soulevé, je
crois, à quelques reprises après coup par certaines
organisations, c'est-à-dire qu'aucune mesure disciplinaire pouvant
être envisagée par l'employeur ne puisse être imposée
tant et aussi longtemps que la mauvaise foi du travailleur n'aura pas
été prouvée par la procédure ordinaire.
M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous le permettez
là-dessus, voici un autre point d'une importance capitale.
J'écoutais, ce matin, le Conseil du patronat qui je ne le
critique pas, je ne le blâme pas; il se doit de questionner, il n'y a pas
de problème croyait qu'il pourrait y avoir des abus
épouvantables. Le Conseil du patronat a quand même d'autres
recours, enfin les patrons ont quand même d'autres recours
vis-à-vis des travail- leurs qui abuseraient de ce droit, même
s'il était reconnu encore de façon un peu plus claire dans la
loi.
Ce que je veux essayer de vous exprimer, c'est ce qui se passe en
pratique. Par exemple, dans l'industrie de la construction actuellement, le
code de sécurité va beaucoup plus loin que le projet de loi 17
sur le droit de refus. Quand il y en a qui disent: C'est un net recul, sur
papier, c'est vrai, sauf qu'en pratique il n'y a pas de travailleurs de la
construction qui osent refuser d'accomplir une tâche dangereuse, parce
qu'ils se font "maudire" dehors assez raide que cela n'en est même pas
drôle. Vous avez des exemples à la pochetée avec ce qui se
passe à la Société d'énergie de la baie James. Il y
a toujours des avions en attente pour embarquer les gars qui osent revendiquer
le respect du code de sécurité. C'est l'Oiseau bleu" et c'est
"back" à ta base. Et, le pire, il est sur la liste noire et ne peut plus
y retourner. Nous avons donné des exemples au député
Chevrette, au député Vaillancourt, ainsi qu'à d'autres.
Enfin, on est un peu tous impuissants dans l'affaire. Apparemment, la
Société d'énergie de la baie James est au-dessus de toutes
les lois du Québec, mais il reste que c'est un fait. A moins que la loi
17 ne soit très claire là-dessus, ce sera encore une belle
disposition sur pied. Quand même, pour éviter que n'importe qui,
n'importe quand, pour n'importe quoi, refuse de travailler, ce que l'on
suggère dans la série d'amendements que nous proposons, c'est
que, dès qu'un travailleur trouve qu'il devrait refuser de faire une
"job" parce qu'elle est dangereuse, il fasse venir son représentant
syndical. Que ce soit le membre du comité ou son représentant
syndical, cela a peu d'importance. Si le représentant syndical est
d'accord avec lui, en d'autres mots qu'il y a mésentente même au
niveau du comité paritaire, tant et aussi longtemps que la question
n'aura pas été tranchée par l'inspecteur d'abord et, s'il
y a appel, par la commission, ce travailleur-là ne pourrait pas
être accusé d'avoir refusé de mauvaise foi d'accomplir un
travail. Si on n'a pas cela dans la loi, ce sera encore une belle disposition
théorique.
Evidemment, en Ontario, on a ajouté au mot "danger", le mot
"immédiat". "Danger immédiat", M. Dufour est revenu
là-dessus, ce matin. Quand nous le rencontrons en privé,
évidemment, nous avons des discussions beaucoup plus
intéressantes que quand nous nous rencontrons publiquement. Nous tenons
à peu près toujours le même langage, nous.
De toute façon "danger immédiat" ne peut pas s'appliquer
dans le cas de tous les travailleurs qui travaillent avec des produits qui
peuvent mettre leur vie en danger. Cela peut peut-être s'appliquer
quelquefois dans le cas d'un accident du travail ou d'une situation d'accident
du travail. Dans le cas d'une maladie professionnelle, ce n'est jamais un
danger immédiat. C'est un empoisonnement graduel. Les mineurs de
l'amiante, c'est au bout de quinze ou vingt ans qu'on a découvert qu'ils
étaient devenus des amiantosés. Est-ce qu'on peut dire que c'est
immédiat? Quand
le gars commence, ce n'est jamais immédiat. N'empêche qu'en
Ontario, ils ont cette disposition et cela aide énormément.
Ce que nous vous suggérons j'espère que le
gouvernement va prendre cela en bonne considération c'est le
droit de refuser de travailler, même si nous ne voulons jamais nous
servir de cela pour abuser de la situation. Soit dit en passant
là-dessus, nous prenons cela fort au sérieux. Jamais nous ne
laisserons des syndicats chez nous abuser de cette loi sans les critiquer
vertement, publiquement parce qu'on ne veut pas mettre en danger ce qu'on peut
obtenir dans la loi pour tous les autres travailleurs. C'est trop important. On
n'a pas le droit de jouer avec la vie et la santé des travailleurs. Pour
que cette partie de la loi veuille vraiment dire quelque chose, il faut que le
travailleur se sente supporté et il faut qu'il se sente à l'abri
des récriminations qui peuvent lui tomber sur la tête parce qu'il
aurait refusé.
M. Dufour, ce matin, vous disait: La patronat devrait avoir le droit de
remplacer un travailleur qui refuse par un autre, pourvu qu'on l'avise qu'un
tel travailleur a refusé. Imaginez-vous que l'autre gars arrive, fait la
"job" et n'a pas d'accident. Tout de suite, il y aura une présomption de
mauvaise foi contre le travailleur qui, lui, a refusé parce que l'autre
gars a été assez chanceux de s'en tirer sans qu'il lui arrive
d'accident. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de danger. Cela veut dire
qu'il s'en est tiré sans accident. Il a été chanceux, mais
cela arrive trop souvent sur tous les chantiers du Québec, dans nos
mines, dans nos usines de pétrochimie. Même le gouvernement a
parlé du massacre. A la FTQ, nous parlons du massacre depuis des
années. On ne peut plus prendre ce genre de risque.
Tout en voulant nous assurer qu'il n'y a pas des arrêts frivoles,
si le représentant syndical, qui, lui, sera mieux formé
généralement parlant que le travailleur parce qu'on a l'intention
de lui donner des cours sur la santé et la sécurité, sur
l'application de la loi et sur tout le reste, est d'accord avec le travailleur
que l'occupation présente un danger et qu'il est d'accord avec le
travailleur pour qu'il refuse, le travailleur ne devrait pas pouvoir être
condamné pour avoir refusé. Evidemment, une fois que la
commission a tranché la question, si le travailleur continuait de
refuser, à ce moment, nous sommes d'accord pour que ce qui est
prévu dans le projet de loi 17 soit mis en application et qu'ultimement
parlant un arbitre puisse décider que le travailleur a continué
de refuser de mauvaise foi. Mais, tant et aussi longtemps que la commission
n'aurait pas tranché, le travailleur devrait être à
l'épreuve des poursuites du patronat. C'est ce que nous voulons dire par
le statu quo ante.
M. Boudreault: M. le Président, je voudrais passer au
chapitre du projet de loi qui traite des obligations du travailleur.
Malgré qu'on reconnaît qu'il y a une nette amélioration
à partir du livre blanc, la FTQ prétend que, dans sa
rédaction actuelle, l'article 38 du projet de loi propose aux
travailleurs des obligations qui sont tatillonnes et des obligations qui sont
soit du ressort de l'employeur, soit du ressort de la collectivité
syndicale. Au chapitre 79 de notre mémoire, nous proposons une nouvelle
formulation pour cet article 38.
En ce qui concerne les obligations générales de
l'employeur, au paragraphe 81, nous soumettons que le temps consacré par
le travailleur pour les examens périodiques ou de dépistage doit
être considéré comme du temps travaillé. Ce n'est
pas suffisant de dire que cela va être rémunéré. Au
paragraphe 82, nous soumettons que c'est l'employeur et non pas le fournisseur
qui doit avoir l'obligation de fournir un matériel sécuritaire et
d'assurer son maintien en bon état. C'est l'employeur qui est
responsable dans son établissement. (16 h 30)
Au paragraphe 83, nous proposons que soit inscrite dans la loi
l'obligation de nommer, au comité de santé et de
sécurité, des représentants investis de pouvoirs
décisionnels et de mettre, à la disposition des membres
représentant les travailleurs sur les comités de santé et
de sécurité, les locaux et le personnel clérical
nécessaire à l'accomplissement de leur fonction. On y croit ou on
n'y croit pas, à la participation, et ça, c'est la condition
essentielle de la participation. C'est une des conditions essentielles.
Au paragraphe 84 de notre mémoire, nous soumettons qu'il faut
amender l'article 41, de façon que le registre, qui doit être tenu
par l'employeur, soit mis à la disposition de l'inspecteur et aussi des
membres du comité de santé et de sécurité.
Au paragraphe 85, nous soumettons que la loi doit établir
clairement le droit de la commission de refuser des plans et devis
actuellement, c'est simplement de les remettre soumis par l'employeur et
d'exiger qu'ils soient corrigés en fonction des barèmes
établis.
En ce qui concerne l'obligation créée à l'employeur
d'établir un programme de prévention, la FTQ est heureuse de voir
une telle disposition dans le projet de loi et elle est particulièrement
heureuse que le projet de loi spécifie, à l'article 48, qu'un
programme de prévention a pour objectif d'éliminer, à la
source même, les dangers pour la santé, la sécurité
et l'intégrité physique des travailleurs.
Au paragraphe 88 de notre mémoire, nous nous opposons à ce
que les programmes de formation des travailleurs ça,
d'après nous, c'est extrêmement important en matière
de santé et de sécurité soient la responsabilité de
l'employeur, sauf en ce qui a trait à l'information et à
l'entraînement nécessaires pour qu'il puisse accomplir son travail
de façon sécuritaire. A ce sujet, M. le Président, nous
voulons vous soumettre quelque chose qui n'apparaissait pas dans notre
mémoire. C'est le problème particulier posé par les
travailleurs immigrants.
Nous désirons insister ici sur un point que nous
considérons d'une importance primordiale, à un point tel que nous
avons tenu en 1979 on
a marqué 1978 ici, mais c'est au mois d'avril 1979 un
colloque de deux jours sur le sujet des travailleurs immigrants. Il s'agit
là du problème particulier posé par la présence,
sur les lieux de travail, d'un nombre de plus en plus important le
Québec, je pense, doit être félicité à ce
sujet de travailleurs immigrants.
Nous croyons que le gouvernement, dans la ligne de ses
énoncés de politique concernant les travailleurs immigrants, doit
introduire, dans le présent projet de loi, des dispositions
particulières les concernant et nous soumettons qu'il serait primordial,
dans ce deuxième alinéa de l'article 48 où il est question
d'information, de formation et d'entraînement du travailleur, quant
à la façon sécuritaire d'accomplir un travail, qu'on
introduise des dispositions obligeant l'employeur à déployer des
efforts particuliers dans le cas des travailleurs immigrants qui, souvent, se
voient confier un travail avec lequel ils n'ont jamais eu l'occasion de se
familiariser et qui, par la force des circonstances, font face, pour un certain
temps, du moins, à des problèmes de communication avec leur
entourage.
L'obligation à cet effet doit être imposée à
l'employeur; que l'employeur puisse compter sur l'appui et l'expertise de la
commission, nous sommes complètement d'accord, mais c'est sur
l'employeur que doit reposer la responsabilité spécifique.
M. Laberge (Louis): M. le Président, je ne pense pas avoir
tellement besoin d'insister sur le chapitre concernant les travailleurs
immigrants. Je pense que tous les membres de la commission savent pas mal ce
qui se passe dans trop d'entreprises malheureusement, alors qu'on brandit
toujours devant le Néo-Québécois la menace de lui retirer
son permis de séjour, de le retourner. Le travailleur immigrant, en plus
d'avoir, très souvent, des difficultés de compréhension
par rapport à la langue, a toujours cette menace qui lui pend au bout du
nez. Cela, c'est d'une importance capitale et, pour un gouvernement qui est
soucieux du bien-être de toute la population, c'est un domaine qu'il ne
peut négliger.
Quant au programme de prévention, nous sommes prêts
à collaborer avec le mouvement patronal. En fait, tout au long de notre
mémoire, vous allez retrouver que nous appuyons le projet de loi no 17
dans la formation de comités paritaires, dans les associations
sectorielles, dans la commission paritaire, dans tout ça. Sauf qu'au
point de vue de la formation de nos représentants syndicaux, nous
insistons pour que ce soit les centrales syndicales qui aient cette
responsabilité.
L'employeur doit pouvoir informer le travailleur de la façon dont
il doit essayer d'accomplir ses fonctions de la manière la plus
sécuritaire possible, bien sûr, les détails techniques, la
formation technique. La formation sur la santé et la
sécurité, la sensibilisation des travailleurs, nous insistons,
cela doit relever des centrales syndicales. Chez nous, nous avons
déjà commencé, nous avons un responsable à la
réparation des acci- dents du travail depuis 1965, nous avons
maintenant, à la FTQ, deux responsables à plein temps, depuis
déjà quelques années, et sur tout le domaine de la
santé et de la sécurité. Plusieurs syndicats, chez nous,
ont des responsables à plein temps dans ce domaine, le Syndicat des
métallos, le Syndicat canadien de la fonction publique, dans la
construction, l'automobile; enfin, quand on commence à les nommer,
l'odieux c'est qu'on en oublie toujours trop. Il y a énormément
de gens, chez nous, qui se préoccupent de ce domaine.
La Commission des accidents du travail peut vous dire qu'on a
bénéficié, autant que la commission nous l'a permis, du
programme nous permettant de former des "formateurs" à la FTQ, pour
sensibiliser non seulement des représentants syndicaux, mais des
travailleurs. Des milliers de travailleurs ont déjà suivi des
cours dans les syndicats affiliés à la FTQ; nous avons la
farouche détermination de continuer, nous voulons que vous sachiez que
nous croyons que cela nous revient de plein droit.
M. Boudreault: Malgré l'AECQ, malgré la
requête en injonction. On doit dire qu'on est reconnaissant à la
nouvelle politique de la Commission des accidents du travail, qui finance la
formation en santé et en sécurité dans le domaine de la
formation de "formateurs", surtout, dans le domaine de la santé et de la
sécurité.
M. le Président, en ce qui concerne cela aussi, c'est un
ajout à notre mémoire les travailleurs handicapés,
récemment, il y avait un symposium sur le sujet où un ministre
s'est exprimé, où le président de la Commission des
accidents du travail s'est exprimé. On pense que la loi devrait faire la
jonction avec la loi 9 sur les travailleurs handicapés. En
matière de santé et de sécurité au travail, des
obligations particulières devraient incomber aux employeurs. Il y a une
commission là-dessus, il y a des ressources pour cette catégorie
de travailleurs avec, bien sûr, la possibilité d'une assistance
technique ou financière de la part de la commission qui a
été formée à cet effet. Il n'est pas question de
vouloir catégoriser les travailleurs handicapés; bien au
contraire, la FTQ prétend qu'une formation et un entraînement
adéquats, avec certaines dispositions, le cas échéant, qui
pourraient être prises, auraient plutôt pour effet d'ouvrir aux
travailleurs handicapés certaines tâches qui, autrement, leur
seraient fermées.
En ce qui concerne les accidents c'est une des dispositions du
projet de loi no 17 nous sommes heureux de l'introduction d'un tel
article 51 dans un projet de loi; cela n'existait aucunement avant, sauf dans
le règlement 3787; dans la loi, cela n'existait pas. La seule objection
que nous avons formulée dans notre mémoire au niveau de
l'exception de l'interdiction de déplacer des choses pour éviter
des dégâts, des dommages matériels ou économiques
importants, nous soumettons que ceci ne doit pas inclure un arrêt de
production ou des activités, sans quoi une telle interdiction ne veut
plus rien dire.
Une autre objection que nous pourrions formuler ici, c'est qu'on devrait
introduire aussi le cas d'un accident qui aurait pu causer des blessures
graves. Là-dessus, on pourrait vous raconter des choses qu'on a
vécues au niveau des enquêtes du coroner ou des choses qui se sont
passées deux fois, trois fois, et, la quatrième fois, quelqu'un
est mort.
Enfin, le délai de 24 heures pour aviser l'inspecteur dans le cas
d'un accident d'une telle gravité nous semble excessif. Dans le cas de
l'avis écrit, c'est acceptable, mais pour l'avis expéditif, nous
pensons que le projet de loi devrait reprendre la formulation de
l'arrêté en conseil 3787 et que la communication devrait
être faite par le moyen de communication le plus rapide.
M. Laberge (Louis): Là-dessus, M. le Prési-sent, si
vous le permettez, encore une fois, s'il s'agit d'aggraver l'accident, bien
sûr, il faut prendre les mesures nécessaires. Par exemple, le
mât d'une grande grue touche à des fils de haute tension, il y a
un accident qui peut être mortel, il est bien évident que tu ne
laisses pas le mât de la grue après le fil au cas où
d'autres se feraient électrocuter, évidemment. Mais, trop
souvent, on a joué avec cela.
On a déjà vu, par exemple, un mât qui n'était
pas apte à fonctionner; il y a eu un accident mortel et on a
retrouvé le mât dans le fleuve. Avant qu'on fasse venir d'autres
grues pour le sortir de l'eau, pourrais-je vous dire qu'il y avait assez de
rouille au mât qu'il était difficile de déceler les fentes
qu'il y avait dans le mât avant que l'accident n'arrive? C'est ce genre
de chose qui est inacceptable. Encore une fois on comprend qu'il peut y avoir
des circonstances où, encore une fois pour ne pas aggraver la situation,
on se doit de déplacer des choses, mais c'est seulement dans ces
cas-là qu'on devrait pouvoir le faire. Autrement, il faut que
l'inspecteur puisse voir de visu les conditions exactes dans lesquelles
l'accident s'est produit.
M. Boudreault: En ce qui concerne le fournisseur dont il est
traité dans le projet de loi à partir des articles 52 et
suivants, nous trouvons que l'esprit de l'article 53 est excellent, mais
l'expression "sauf à des fins de recherche" risque de constituer une
échappatoire dangereuse parce que des fins de recherche, ça peut
se produire dans le processus de la production. Nous proposons certaines
modifications pour parer à cette éventualité vous
les retrouvez dans notre mémoire au paragraphe 91 de notre
mémoire; nous insistons aussi sur la nécessité d'avoir
dans la loi elle-même cela est extrêmement important
à notre avis une définition plus explicite des termes
comme "contaminant ou une matière dangereuse".
Le projet de loi prévoit que ce sera fait par règlement,
mais il peut y avoir des contaminants et des matières dangereuses qui
existent et s'il faut attendre que ce soit défini par règlement,
il y a des gens qui vont s'empoisonner au travail.
Nous disons que ce n'est pas suffisant que cette définition ne
soit qu'un pouvoir de régle- mentation de la commission, la
définition générale doit être établie par le
législateur. Un sujet qui n'est pas traité, ou très peu,
dans le projet de loi, c'est l'étiquetage des produits. Nous avons de la
difficulté à comprendre la sollicitude du législateur
à l'article 55 pour les secrets de fabrication. Il y a des choses plus
importantes que des secrets de fabrication, par exemple, la vie et la
santé des travailleurs et aussi la vie et la santé des
utilisateurs. De toute façon, les secrets de fabrication, à notre
époque moderne, sont devenus des secrets de polichinelle.
Au paragraphe 96 de notre mémoire, nous proposons donc un
amendement qui obligerait le fournisseur à indiquer sur
l'étiquette de son produit, la composition de ce produit, au moins par
ordre d'importance quantitative des ingrédients qu'il contient et s'il
s'agit d'une matière dangereuse, à sa connaissance, la
façon de l'utiliser, les dangers de son utilisation et les mesures
à prendre en cas d'urgence.
M. Laberge (Louis): M. le Président, je pense bien qu'on
n'a pas tellement besoin d'expliciter ce point. Vous savez tous, j'en suis
convaincu, que notre médecine industrielle n'est pas tellement
avancée, qu'on puisse par règlement déterminer tous les
contaminants, tous les produits dangereux. Nous n'avons fait, à ce jour,
qu'égratigner quelque peu la surface. D'après les statistiques
nous les avons eues du gouvernement, donc, vous devez les avoir, je
suppose il y a quelque 700 à 800 nouveaux produits qui, chaque
année, nous arrivent sur le marché et qui servent à la
production de biens et de choses. Ai-je besoin de vous dire que parmi les 700
ou 800 nouveaux produits qui nous arrivent, personne n'en connaît le
danger? Tout le monde sait que deux portions tenues séparément ne
présentent pas de danger et que, mélangées, elles
présentent des dangers. D'ailleurs on a découvert ça
quand, de façon très humanitaire, on a fabriqué la
première bombe atomique qui a rendu énormément service
évidemment. On est plus prolifique pour trouver les engins de
destruction que les engins de protection. De toute façon, je pense que
vous allez vous rendre à l'évidence, il ne faut pas que seuls les
produits mentionnés dans un règlement soient
déclarés contaminants. Il faut, quant à tous les produits
dangereux, à tous les contaminants, que l'imposition de la
responsabilité sur l'employeur soit là. Si lui, l'employeur, fait
venir de nouveaux produits, c'est à lui de prendre les dispositions
nécessaires pour savoir de quoi sont faits ces produits-là et de
s'assurer que les travailleurs qui auront à les manipuler savent
exactement de quoi il s'agit. (16 h 45)
M. Boudreault: M. le Président, au sujet des
comités de santé et de sécurité sur les lieux de
travail, dès le début de ce chapitre, dans notre mémoire,
au paragraphe 97, la FTQ a tenu à réaffirmer sa position en
faveur des comités conjoints de santé et de
sécurité sur les lieux de travail. C'est là la position
constante adoptée par les délégués à nos
nombreux congrès et colloques
depuis au-delà de 25 ans. Je voudrais simplement vous dire qu'on
n'a pas changé l'idée depuis un an et demi. Peut-être que,
dans un an et demi, on changera d'idée, mais on n'a pas changé
d'idée l'année passée là-dessus. C'est la position
de tous les mouvements ouvriers dans tous les pays libres du monde, à
notre connaissance.
Evidemment, il faut dire que notre approbation n'est pas
inconditionnelle, parce qu'on considère que ces comités sont un
instrument. Nous proposons certaines modifications aux modalités
proposées par le projet de loi. Premièrement, il doit y avoir la
possibilité d'un comité distinct pour chacune des unités
de négociation. La loi ne doit pas unir arbitrairement ce que le Code du
travail a séparé. Il doit y avoir la possibilité de
plusieurs comités au sein d'une grande unité de
négociation. Je veux dire qu'à la ville de Montréal, c'est
sûr qu'on ne peut pas avoir seulement un comité là-dedans,
comité d'usine, comité de secteur.
Les membres du comité représentant l'une ou l'autre des
parties doivent pouvoir requérir l'expertise de l'extérieur selon
les besoins; pas se faire imposer une expertise, mais pouvoir la
requérir. L'obligation d'une réunion au moins tous les trois mois
est nettement insuffisante. Peut-être que c'est bon à la caisse
populaire Saint-Alphonse d'Youville c'est un exemple qui a
été soulevé sauf que la loi doit prévoir une
graduation selon les secteurs ou bien la loi doit prévoir que le
comité se réunisse sur demande de l'une ou l'autre des parties.
Le temps consacré par les représentants des travailleurs aux
travaux et réunions de comité doit être
considéré comme du temps travaillé à toutes fins
que de droit. Ce n'est pas clair dans le projet de loi.
On doit laisser au comité la fonction de visiter les lieux de
travail. On a été un peu surpris de voir que cette fonction avait
été enlevée au comité ou, du moins, n'était
pas mentionnée et que cela avait été donné
exclusivement aux représentants à la prévention, dont on
parlera tout à l'heure. Ce sont des conditions essentielles. Il y en a
d'autres qui vont venir dont on traitera un peu plus tard au niveau des
pouvoirs des comités.
Aux paragraphes 104 à 111 de notre mémoire, nous proposons
certaines modifications aux fonctions du comité
énumérées à l'article 63 du projet de loi, de
façon à faire de ce comité un instrument efficace de
prévention. Nous insistons, aux paragraphes 112 et 113, pour que les
décisions du comité sur les sujets importants soient
exécutoires. S'il y a litige, il appartient à la commission de
trancher en fonction de la loi et en fonction des règlements. Autrement,
nous serons toujours face à des conflits qui ne pourront se
régler autrement que par l'affrontement. Dans ce domaine comme dans
d'autres, c'est par un processus ordonné pour le règlement des
désaccords qu'on pourra assumer un fonctionnement rationnel et
efficace.
Au paragraphe 114, nous proposons une modification mineure visant
à ce que tous les travailleurs soient bien informés de
l'identité des membres du ou des comités de santé et de
sécurité.
L'obligation de porter des moyens et équipements de protection
individuelle. Le simple fait que le projet de loi, contrairement au livre
blanc, soit tout à fait silencieux sur l'obligation pour le travailleur
de porter des moyens et équipements de protection individuelle a pour
effet de laisser cette décision à l'arbitraire de l'employeur, ne
laissant au comité que la fonction de choisir ces équipements et
ces moyens de protection individuelle. Dans le passé, les travailleurs
ont eu trop souvent à subir les abus de ce pouvoir arbitraire de
l'employeur, ce qui, dans bien des cas, a été la source d'un
phénomène de rejet, parfois injustifié de leur part,
envers les moyens et équipements de protection individuelle.
Au paragraphe 105 de notre mémoire, nous proposons la formule
suivante: En ce qui a trait à l'obligation de porter des moyens et
équipements de protection individuelle, s'il y a désaccord au
sein du comité, c'est la position des membres du comité qui
représentent les travailleurs qui prévaut, jusqu'à ce
qu'une décision exécutoire soit émise par la commission en
vertu de l'article 64.
M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous me permettez,
là-dessus, quelqu'un de la délégation patronale disait ce
matin: La santé, la prévention des accidents, c'est encore plus
un état d'esprit que de la législation; nous sommes d'accord avec
ça. C'est vrai que c'est un état d'esprit, c'est un état
d'esprit qui va se créer par l'information ouverte, par la
sensibilisation, par des droits clairement reconnus, par des
représentants des travailleurs dûment nommés par eux pour
les représenter aux différents niveaux, aux comités
d'usines, d'entreprises, aux comités d'associations sectorielles,
à la grande commission, partout.
On a malheureusement vu dans le passé certains cas. Dans un
département d'hôpital, par exemple, quatre, cinq ou six
travailleurs avaient affaire à travailler journalièrement avec
des bactéries; on les obligeait à porter un certain
équipement, mais on n'obligeait pas seulement les travailleurs
directement concernés, on obligeait tout le département.
Evidemment, ce phénomène de rejet est quelque chose
d'actualité; on a, si vous me permettez l'expression, un peu
écoeuré les travailleurs; en d'autres mots, la première
chose qu'on faisait: il fallait que tout le monde porte les bottines de
sécurité. Ai-je besoin de vous rappeler que, dans les premiers
temps, les souliers de sécurité n'étaient pas
confortables? Je le sais, j'ai eu à en porter dans l'usine. Il y avait
des gens qui n'avaient pas besoin de porter ces chaussures, mais on obligeait
tout le monde. Ce phénomène de rejet est extrêmement
important, si on parle de créer un nouvel état d'esprit sur la
santé et la sécurité. Cela est d'une importance capitale.
Souvent les représentants des travailleurs ne croient pas à la
première suggestion qui est faite par un employeur pour se
protéger de certains dangers; très souvent c'est parce que c'est
la solution la plus économique. Par exemple, dans un département
où il y a des gaz, on pense tout de suite à
leur acheter un masque à gaz, plutôt que d'améliorer
le système de ventilation. Evidemment, ça coûte moins cher
d'acheter des masques que de changer le système de ventilation. Je ne
sais pas s'il y en a parmi vous qui ont déjà eu l'occasion de
travailler avec des masques toute la journée quand il fait 85° ou
90° dehors et que, dans un atelier de peinture, par exemple, il peut faire
125° ou 130°; être obligé de porter le masque, ai-je
besoin de vous dire que j'ai déjà connu quelque chose de plus
confortable?
Encore une fois, si on veut changer l'esprit je pense que c'est
un des buts du projet de loi no 17 de tout le monde là-dessus, il
faut que les travailleurs se sentent protégés, il faut que les
travailleurs sachent que leurs représentants ont étudié le
pour et le contre, regardé la situation, analysé ce que ça
coûterait de faire disparaître le danger à la source,
où c'est possible de le faire. Quand on en arrive à une
recommandation de certains équipements, si leurs représentants
sont d'accord, très bien. Mais, si leurs représentants sont en
désaccord, l'employeur ne devrait pas pouvoir forcer ces travailleurs
à porter ces équipements, tant et aussi longtemps que la
commission n'en n'aura pas décidé.
Là on aura l'occasion de se présenter devant la
commission, de faire valoir notre point de vue, les employeurs auront le
même droit, le même privilège et, à un moment
donné, quelqu'un va décider. On ne peut pas continuellement
être en épreuve de force. D'ailleurs, il y en a qui disent que le
projet de loi est un recul, que ça enlève des choses aux
travailleurs, que les travailleurs devraient toujours avoir le droit, dans une
épreuve de force, de protéger la vie et la santé des
travailleurs. C'est trop important pour laisser ça aux seuls groupes qui
sont assez bien organisés pour pouvoir faire ce genre d'épreuve
de force. On a des groupes, je puis vous le dire, à la FTQ, on a des
syndicats qui ont probablement fait le plus de grèves sur la question de
la santé et de la sécurité. Je ne connais pas encore une
grève où on ait obtenu tout ce qu'on pensait devoir obtenir au
point de vue santé et sécurité. A un moment donné
il y a des limites à une grève; il y a des gars qui ont fait des
grèves de sept ou huit mois et finalement ils ont accepté des
compromis.
Pourrais-je vous dire que ce n'est pas tout le monde, chez nous à
la FTQ, qui est toujours dans une position de se rendre au bout dans une
épreuve de force pour protéger la vie et la santé des
travailleurs? Cela va quand même assez bien quand c'est à peu
près tout le monde qui est affecté. Là, tout le monde se
sent visé, mais quand c'est un ou deux travailleurs, surtout si le
groupe vient de sortir d'une grève de quelques mois, ce n'est pas vrai
qu'il sera prêt à ressortir en grève dans une
épreuve de force pour protéger la vie et la santé d'un ou
deux travailleurs. Ceux qui tiennent ce genre de langage, M. le
Président, ce sont des gens qui n'ont pas encore assez vécu pour
savoir vraiment ce qui se passe ou ceux qui font de la démagogie. Nous
avons vécu ce genre de problème, nous le vivons continuellement.
On n'a pas le droit de laisser à la seule épreuve de force la
question de la vie, de la santé et de la sécurité des
travailleurs. Autrement, il y a des travailleurs qui seraient quand même
assez bien protégés, mais la grande majorité des
travailleurs ne serait pas protégée du tout. Là, je n'ai
pas encore parlé de tous les travailleurs qui ne sont pas
syndiqués. Malheureusement, c'est encore la vaste majorité au
Québec.
M. Boudreault: M. le Président, pour ce qui concerne le
chapitre V du projet de loi qui traite du représentant à la
prévention, la FTQ croit que c'est un grand pas, parce que c'est
à la mode de parler de grand pas ou de grand saut, à partir du
livre blanc.
M. Laberge (Louis): Saut.
M. Boudreault: Saut. La FTQ est particulièrement heureuse
de cette innovation du projet de loi que le ministre a qualifié de
quelque chose qui tentait de s'approcher du régime suédois. Nous
commentons d'ailleurs longuement dans notre mémoire les paragraphes 116
à 124. Nous proposons quelques modifications qui nous apparaissent
essentielles, c'est que le représentant à la prévention
puisse être désigné par les membres représentant des
travailleurs au conseil d'administration d'une association sectorielle ou,
à défaut, par la commission pour s'occuper de plusieurs
entreprises. C'est le représentant à la prévention
multi-entreprises comme cela existe en Suède, sauf qu'en Suède,
il représente tout le monde, il y a 94% des travailleurs
syndiqués. Il nous semble que ce serait la réponse à
beaucoup de questions que la commission s'est posées au sujet des 85%
des entreprises québécoises qui comptent quinze travailleurs ou
moins, comme c'est mentionné dans le livre blanc. Il nous semble que ce
serait une réponse aux travailleurs non syndiqués.
Evidemment, on recommande aussi que ce représentant dans les
entreprises syndiquées, structurées, soit nommé par ses
pairs, c'est-à-dire que ce n'est pas une campagne électorale. Il
faut qu'on aille chercher le meilleur, et les meilleures personnes pour
être capables de choisir un gars comme cela, ce sont les gens qui
s'occupent normalement de santé et de sécurité.
Pour ce qui concerne le temps que ce représentant doit consacrer
à ses fonctions, à la sécurité, j'ai l'impression
que le projet de loi ne peut pas laisser cela dans le vague et que s'il n'y a
pas entente par négociation, quelqu'un doit trancher. On propose que le
projet de loi établisse que c'est la commission qui tranche
d'autorité.
Pour ce qui concerne les associations sectorielles, depuis le
commencement des travaux de la commission, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention les différentes expressions d'opinions qui ont
été présentées. En tout cas, on n'a pas vu
tellement de positions claires là-dessus.
Pour ce qui concerne la FTQ notre position date du mois de
décembre 1975 la FTQ croit encore que des associations
sectorielles de pré-
vention peuvent être des instruments précieux à
l'usage des agents sociaux on y croit ou on n'y croit pas pour
s'acquitter eux-mêmes, par un mécanisme de concertation librement
accepté de part et d'autre il me semble que c'est difficile
d'aller plus loin que cela de plusieurs des fonctions que le projet de
loi confie à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. (17 heures)
C'est bien beau de dire qu'on lui confie trop de pouvoirs, mais il me
semble que les parties elles-mêmes pourraient s'acquitter de certaines de
ces fonctions. Cependant, nous sommes surpris que le projet de loi ne
spécifie pas un des rôles essentiels de telle association
sectorielle, celui de recueillir, d'analyser et de diffuser toutes les
statistiques disponibles sur les accidents du travail et les maladies
professionelles dans ce secteur en particulier, et celui de faire effectuer les
recherches qu'elle pourrait juger utiles dans ce secteur.
En ce qui concerne les travailleurs du secteur de la construction, j'ai
été très heureux de constater que l'AECQ avait compris que
ce serait obligatoire, parce que c'est exactement ce que nous demandons,
à la FTQ. Les travailleurs du secteur de la construction, pour leur
part, désirent que telle association soit obligatoirement formée
dans leur secteur. Pour nous, ce n'était pas clair, mais pour l'AECQ,
cela a l'air que c'est comme cela qu'elle a compris cela.
M. Laberge (Louis): M. le Président, vous allez comprendre
que les chantiers de construction ont une durée moyenne de cinq à
six semaines, que des comités de santé et de
sécurité sur ce genre de chantiers, c'est pas mal plus difficile.
Pour qu'il y ait vraiment un programme de prévention, de santé,
de sécurité, il faut que ce soit par le truchement d'une
association sectorielle. Dans ce domaine, il ne devrait pas y avoir d'accord
volontaire. S'il n'y a pas d'accord volontaire, cela devrait être
imposé. Apparemment, il y aura accord volontaire. L'AECQ semble
être d'accord et nous sommes d'accord. Cela fait au moins un point sur
lequel nous sommes d'accord avec l'AECQ.
M. Boudreault: En ce qui concerne les associations syndicales et
les associations d'employeurs dont il est traité assez brièvement
dans le projet de loi, c'est au niveau des montants qui pourraient être
disponibles au point de vue de la formation qu'on pense que cela devrait aller
plus loin. On pense que cela devrait aller au point de reconnaître ces
associations au niveau de leur rôle comme agents sociaux. A ce moment,
à notre avis, il est impérieux que la loi définisse quels
seront les interlocuteurs valables et représentatifs de la commission
pour l'administration de la loi. Au Québec, depuis quelques
années, ce que j'ai dit tout à l'heure, les associations
syndicales poussent par génération spontanée comme des
champignons. Il faut que la loi établisse au moins les critères
sur lesquels la commission devra se guider pour reconnaître une
association syndicale qui ne peut pas être la même chose qu'une
association accréditée.
En ce qui concerne les services de santé au travail, j'aimerais
souligner que j'ai été heureux d'entendre au moins deux
associations, la Corporation des médecins, représentée par
le Dr Augustin Roy, et le Conseil du patronat, dire spécifiquement
qu'elles étaient d'accord avec notre suggestion à l'article 151
de notre mémoire, à savoir qu'on devrait avoir une table ronde
sur ce sujet parallèlement ou pendant les travaux de la commission.
Le chapitre VIII du projet de loi sur les services de santé au
travail est le seul que nous n'avons pas tenté d'analyser article par
article, tout simplement parce que nous nous opposons à la philosophie
de base qui a guidé sa rédaction et que, dans les circonstances,
tenter de l'analyser en détail nous est apparu impossible. Il n'est pas
question, dans un projet de loi qui se veut axé sur la participation des
parties, que nous puissions accepter que ce soit le médecin ou n'importe
quel autre professionnel qui soit établi comme étant le
responsable des services de santé.
A notre avis, c'est une erreur de vouloir médicaliser la
santé du travail. Nous voudrions bien spécifier que ce n'est pas
minimiser l'importance de la médecine du travail de dire qu'il s'agit
là d'un sujet beaucoup plus vaste, la santé au travail, qui doit
mobiliser plusieurs disciplines, comme en font foi toutes les
définitions qu'on peut retrouver, à commencer par celle de
l'Organisation internationale du travail conjointement avec l'Organisation
mondiale de la santé. Nous sommes d'accord avec un grand nombre des
propositions du projet de loi à ce chapitre. Nous faisons état,
d'ailleurs, de nos principaux accords aux paragraphes 137 et 138 de notre
mémoire.
Il y en a d'autres qui nous apparaissent tout aussi acceptables. C'est
sur la philosophie de base que nous ne pouvons pas être d'accord. Dans
notre mémoire, aux paragraphes 129 à 150 inclusivement, nous nous
sommes donc contentés de rappeler nos positions sur les questions de la
santé du travail et de la médecine du travail sans tenter, comme
nous venons de le dire, d'analyser chacun des articles de ce chapitre du projet
de loi.
Au paragraphe 151, je viens de vous dire qu'on a proposé une
table ronde. Le ministre d'Etat au développement social, qui est le
parrain du projet de loi, peut parfaitement, au cours des travaux de votre
commission, convoquer les représentants attitrés des principaux
intervenants sur le sujet à une discussion en table ronde. Chacun ayant
déjà exprimé ses positions, il serait peut-être
possible d'en arriver à des consensus sur certains points, qu'ils soient
ou non proposés dans le projet de loi.
A la suite d'une telle discussion, nous autres, on peut
déjà voir des consensus qui pourraient se dessiner, à
partir des choses qui se sont dites.
A la suite d'une telle discussion, il appartiendrait évidemment
à la commission parlementaire de réétudier l'ensemble du
sujet et, éventuellement, bien sûr, au gouvernement de prendre
des
positions qu'il défendra devant le Parlement en deuxième
et troisième lectures.
Une carence du projet de loi à notre avis, M. le
Président, c'est que le gouvernement lui-même oblige un peu tout
le monde et ne s'oblige pas lui-même spécifiquement. La FTQ
propose que le gouvernement s'engage lui-même dans sa propre loi. Nous
proposons d'introduire cette obligation au chapitre traitant de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, mais ces
dispositions pourraient tout aussi bien être introduites ailleurs,
peut-être même au tout début de la loi. Au paragraphe 153 de
notre mémoire, nous proposons d'inscrire une formulation comme celle du
Manitoba, mais toute autre formulation dans le même esprit
répondrait à nos attentes.
M. le Président, nous traitons de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail dans notre
mémoire aux paragraphes 155 et 156, de même qu'aux paragraphes 220
à 225.
En ce qui concerne les pouvoirs de la commission qui ont
scandalisé tellement de monde, étant donné la position
très représentative que nous proposons pour le conseil
d'administration de la commission au paragraphe 31 de notre mémoire,
nous sommes d'accord avec les fonctions et les pouvoirs de
réglementation très étendus qui sont confiés
à cette commission par le projet de loi. Nous tenons à dire
cependant que si la commission devait être moins représentative,
nous aurions de sérieuses réserves, de sorte que nous pouvons
dire que notre approbation, dans son aspect global, est conditionnelle à
ce que notre proposition au paragraphe 31 soit acceptée à peu
près intégralement. Il faut que ce soit représentatif.
Sans ça...
En ce qui concerne le fonctionnement c'est un point qui n'avait
pas été soulevé dans notre mémoire les
dispositions ayant trait au quorum de la commission et au vote des membres de
la commission nous semblent irréalistes dans le cadre d'une loi qui se
veut axée sur la participation des parties.
Dans le cas des comités de santé et de
sécurité sur les lieux de travail dans le projet de loi, ce sont
les parties qui votent. C'est un vote. C'est du "block voting". Ce ne sont pas
les individus. Dans le cas de la commission, des membres qui, en
définitive, ne sont que l'expression de la participation des agents
sociaux au fonctionnement de la commission, deviennent, d'après le
projet de loi, des commissaires et on a l'expérience de ce que c'est,
des gens qui deviennent commissaires. Ils se voient investis individuellement,
par le jeu du quorum et du vote, de pouvoirs qui doivent appartenir aux parties
qu'ils représentent.
Au CCTMO, comme vous le savez très bien, les décisions se
prennent par consensus et, à partir de là, c'est le gouvernement
qui décide s'il n'y a pas entente. Nous ne voulons pas préconiser
nécessairement, pour la commission, la même formule consultative
que celle qui prévaut au CCTMO. Il y a sûrement possibilité
de trouver une formule autre que celle qui est proposée dans le projet
de loi, une fois que des gens sont rendus à la commission, ils se
représentent eux-mêmes et ne représentent plus les
parties.
Nous tenons à préciser que nous ne parlons que des
rôles de la commission en matière de prévention et de
réparation des accidents du travail. A notre avis, c'est
extrêmement important. Aucune des parties, à notre connaissance,
n'a demandé la parité au niveau de l'administration de la Loi de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, ou encore de la Loi de
l'assurance automobile. Il y aurait lieu, le cas échéant, de
réexaminer sérieusement ces deux dernières fonctions qui
ont été confiées par le gouvernement à la
commission.
En ce qui concerne la formation, qui est un sujet extrêmement
important dans notre optique, contrairement au livre blanc, le projet de loi
n'insiste pas outre mesure sur ce sujet. Les pouvoirs sont confiés
à la commission, mais ce ne sont que des pouvoirs, et non pas une
obligation. Nos propositions sur le sujet sont très claires et elles ont
été réaffirmées comme suit lors de notre colloque
de novembre 1978: malgré que ce soit reproduit en annexe, nous avons
pensé nécessaire et utile de redire cette partie à
l'occasion de notre présentation devant cette commission. La position de
notre colloque de novembre se lit comme suit: "Pour assurer une participation
éclairée de la part de l'agent social que constitue le
syndicalisme, il ne s'agit pas seulement de former des experts, mais surtout
d'assurer des possibilités de formation à des
représentants authentiques de la structure syndicale qui demeurent, dans
l'exercice de leurs fonctions, responsables à la structure syndicale.
"Pour pouvoir remplir efficacement son rôle auprès de ses membres
dans le domaine de la formation en santé et sécurité au
travail, le mouvement syndical a besoin de ressources financières
à partir des fonds publics et il doit aussi avoir accès aux
ressources, aux instruments et aux techniques de formation qui sont
déjà disponibles dans notre société au niveau des
écoles spécialisées, des départements de
santé communautaire, des universités, ainsi de suite. "Un
programme de formation en santé et sécurité au travail
doit permettre au mouvement syndical l'accès à ces ressources et
il doit aussi permettre à l'agent social qu'est le syndicalisme de
financer un service décent de santé et de sécurité
au travail qui puisse disposer d'un minimum d'expertise, de moyens
d'information et de possibilités d'encadrement des programmes syndicaux
de formation. "La FTQ ne s'oppose pas pour autant à la formation
conjointe dans les domaines de nature technique, à la condition que le
mouvement syndical participe à l'élaboration du contenu de tels
programmes de formation et que les participants syndicaux à tels
programmes puissent y prendre part de façon éclairée
à partir de programmes de formation dispensés et
contrôlés par le mouvement syndical. "Tout cela peut se faire en
collaboration, par le moyen d'associations paritaires sectorielles ou
autrement, mais à la condition qu'on reconnaisse
clairement et sans équivoque dans la législation le
rôle irremplaçable, dans le domaine de la formation en
santé et sécurité au travail, de l'agent social que
constitue le syndicalisme."
Nous soumettons, M. le Président, que la Loi sur la santé
et la sécurité du travail doit être plus explicite sur le
sujet et qu'elle doit imposer à la commission des obligations dans ce
domaine, et non pas seulement un pouvoir, de même que dans le domaine de
la formation et du recyclage, le cas échéant parce que
cela pourrait être nécessaire aussi, et cela l'est très
certainement des professionnels de la santé, y compris les
médecins, en matière d'hygiène et de
sécurité du travail, et aussi de médecine du travail.
M. Laberge (Louis): Si vous le permettez, M. le Président,
on en a parlé un peu tantôt, mais, encore une fois, nous revenons
sur ce point parce qu'il revêt une importance capitale pour nous. En plus
de la demande expresse que nous faisons que le projet de loi contienne une
obligation vis-à-vis de la commission de faire faire de la formation,
qu'il reconnaisse que les centrales syndicales doivent avoir la
responsabilité de la formation de leurs représentants, il y a une
autre chose qui nous chicote énormément. Le plus vite ce point
sera éclairci, le mieux ce sera pour tout le monde. (17 h 15)
II y a déjà des universités qui ont mis sur pied
des programmes de formation de techniciens en prévention, en
sécurité et en santé. La durée de ces cours va de
quatre ou cinq semaines à trois ans. Je pense bien ne pas avoir besoin
d'insister davantage pour vous faire remarquer toute la drôlerie de ce
programme. On ne peut pas, en quatre ou cinq semaines, former un technicien
avec les mêmes connaissances, les mêmes compétences qu'en
trois ans. Il y a un danger là-dedans. Tantôt, on va s'enfarger
dans des diplômés techniciens qui, dans certains cas, n'auront
vraiment pas reçu une formation qui devrait les faire reconnaître
comme techniciens. Alors ça c'est un domaine, probablement que la
commission serait l'organisme qui devrait au moins déterminer un certain
minimum dans les programmes de formation, mais, encore une fois, nous insistons
sur le rôle que le mouvement syndical devrait jouer pour la formation des
représentants syndicaux
M. Boudreault: M. le Président, en ce qui concerne le
projet de loi, le sujet de la réglementation a été
discuté abondamment par des intervenants précédents. Le
patronat a relevé 50 articles du projet de loi où il était
question de règlements qui seraient essentiels. Nous en avons
relevé 80. Je ne sais pas s'ils comptent moins vite que nous ou si c'est
nous qui nous trompons, mais il y en a certainement plusieurs. On n'a pas
l'intention d'insister tellement. Nous y croyons à la participation, et
le plus tôt possible; on pense même que cela aurait dû se
faire avant l'adoption du projet de loi. Il y a des gens qui travaillent
à cela, on pense qu'on aurait dû impliquer les parties. Il y a
certaines des parties et des instances paragouver-nementales qui attendent que
le projet de loi soit accepté pour vraiment croire à la
participation. Aussitôt que possible après l'adoption du projet de
loi, il faudrait absolument faire intervenir les parties pour vraiment regarder
les règlements qui sont essentiels. Il y a des règlements
essentiels au fonctionnement même du projet de loi et il faudrait que
cela se fasse le plus tôt possible et en participation, parce que nous y
croyons et on croit que le gouvernement y croit aussi quand on lit le livre
blanc et le projet de loi.
En ce qui concerne l'inspection, c'est un sujet "hot" pour dire le
moins. En ce qui concerne la FTQ, nous réitérons notre position
que les services d'inspection unifiés doivent relever de la Commission
de la santé et de la sécurité au travail et on pense que
ça devrait être dit d'une façon extrêmement claire
dans la loi.
Evidemment, l'unification et cela a été dit par le
ministre à plusieurs reprises ça ne doit pas exclure la
spécialisation au niveau de certains secteurs, ni la possibilité
qu'un secteur en particulier puisse relever d'un autre organisme s'il y a de
bonnes raisons pour ce faire. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous
discuterons du secteur de la construction.
Nous n'avons pas parlé dans notre mémoire du nombre
d'inspecteurs. Nous tenons pour acquis que l'unification sous une même
autorité évitera aux divers services de se marcher sur les pieds
comme le soulignait le livre blanc et qu'ainsi les énergies disponibles
seront mieux utilisées. Ce sera déjà un commencement. Nous
avons dénoncé ce que nous avons qualifié d'insuffisance
scandaleuse au niveau des services de la protection de l'environnement du
travail, 28 pour tout le Québec, M. le Président, mais ça
ne veut pas nécessairement dire que nous sommes satisfaits du nombre
d'inspecteurs présentement en fonction et nous espérons que
l'article 134 du projet de loi veut bien dire que le nombre d'inspecteurs, au
grand total, sera vraiment en fonction de l'application de la présente
loi dans toutes ses implications.
M. le Président, notre mémoire consacre 22 pages, 60
paragraphes au secteur particulier de la construction, qui est particulier
à plusieurs égards, non seulement au niveau santé et
sécurité au travail, mais au niveau du nombre de lois qui l'ont
affecté d'après plusieurs définitions
dernièrement.
C'est un sujet qui nous préoccupe on parle de santé
et de sécurité au travail au plus haut point, et avec
raison. Les statistiques que nous avons citées au début de notre
mémoire ainsi qu'au paragraphe 170 décrivent bien le massacre qui
se perpétue dans ce secteur. Nous aurions pu en citer d'autres qui sont
d'ailleurs bien connues. Nous n'avons pas l'intention, au cours de cette
brève présentation, de tenter de résumer tout ce que nous
avons dit dans notre mémoire sur le sujet.
Ce chapitre de notre mémoire, nous pensons qu'il mérite
une lecture intégrale et attentive de la
part des membres de votre commission. Les remarques et propositions que
nous y faisons viennent du milieu lui-même et elles sont le fruit d'une
étude et d'un examen très sérieux de la situation. Nous
nous contenterons de souligner un point il y en a plusieurs autres
que nous jugeons essentiel, celui du délégué de
chantier.
M. Laberge (Louis): Si vous permettez, M. le Président,
avant de passer à cette question cruciale, je pense qu'il est à
propos de parler du mémoire qu'a présenté la ville de
Montréal, puisque nous parlons du secteur de la construction, qui est le
secteur où on retrouve le plus d'accidents. En fait, tout le monde est
d'accord pour dire que dans ce secteur, les travailleurs sont vraiment
malmenés. La ville de Montréal se dit un des plus importants
employeurs, c'est vrai. Par contre, nous avons des syndicats qui
représentent ces travailleurs à la ville de Montréal qu'on
peut qualifier parmi nos plus importants syndicats. Il y en a un, le Syndicat
des cols blancs, qui est venu vous présenter un mémoire. Il s'est
dit d'accord avec celui de la FTQ, mais a voulu préciser certains
points. Le local 301 du Syndicat canadien de la fonction publique, qui
représente les quelque 8000 cols bleus, quelque 6000 permanents et 2000
autres, est d'accord aussi avec le mémoire de la FTQ et ne veut pas
laisser passer sous silence la présentation qu'a faite la ville de
Montréal.
La ville de Montréal a affirmé qu'elle a
déjà des comités locaux de santé et de
sécurité paritaires qui fonctionnent depuis de nombreuses
années, sauf qu'elle a oublié de mentionner qu'à maintes
reprises les inspecteurs du ministère du Travail, à la suite de
plaintes formulées par le local 301, doivent régulièrement
intervenir et la menacer pour que ces comités se réunissent.
C'est une situation de fait.
Seulement pour vous donner deux ou trois chiffres, en 1978, n'oubliez
pas que pour à peu près 6000 travailleurs permanents, il y a eu
4109 accidents du travail. Il y a eu 2755 accidents compensables. Il y a eu
1354 accidents qui ont nécessité certains soins, mais sans perte
de temps. Quand la ville de Montréal dit que le gouvernement ne devrait
pas se mêler de ça, qu'on a déjà des comités
qui fonctionnent, c'est un peu comme dans la construction et c'est pour
ça que j'ai voulu en parler à ce moment-ci. Si ça
fonctionnait si bien que ça, ni l'un ni l'autre ne serait à la
tête de la liste du championnat d'accidents graves et mortels. On
n'insistera jamais trop là-dessus. Il faut que dans l'industrie de la
construction, à la ville de Montréal à
l'Hydro-Québec, dans les hôpitaux psychiatriquese. entre autres...
On parlait tantôt des dangers inhérents aux fonctions. Ai-je
besoin de vous dire que le responsable, dans un hôpital psychiatrique,
qui a affaire à une aile où il y a des détenus assez
costauds, est en danger constant, c'est bien évident. Sauf que lorsqu'un
de ces malades a une crise particulière et qu'il est accompagné
de onze, douze ou quinze autres, ai-je besoin de vous dire que le garde-malade
qui est envoyé là-dedans pour essayer de rétablir l'ordre
fait face à des dangers qui ne sont pas tout à fait normaux.
C'est ce genre de choses dont on veut parler. C'est vraiment capital. La ville
de Montréal a dit qu'elle n'avait pas d'argent pour défrayer les
dépenses de tous ces comités, mais si elle économise sur
les amendes qu'elle a dû payer, sur sa contribution à la
Commission des accidents du travail par rapport au pourcentage
élevé d'accidents, elle trouvera en masse de l'argent pour payer
pour le temps perdu, si on peut appeler ça du temps perdu, le temps pris
par les membres pour siéger au comités.
Encore une fois, nous croyons nous n'avons jamais trouvé
ça dans le budget de la ville que la contribution de la ville a
augmenté d'environ $4 millions en 1978, justement parce que le taux
d'accidents est trop fréquent.
Pourrais-je vous dire que dans les $4 millions, il y a amplement
d'argent pour payer tous les représentants qui vont siéger
à tous les comités que va nécessiter l'application de la
loi 17 à la ville de Montréal.
M. Boudreault: M. le Président, comme je l'ai
annoncé tout à l'heure, je voudrais parler seulement de la
question du délégué de chantier; il y a beaucoup d'autres
points qui sont soulevés dans ce chapitre de notre mémoire, mais
la raison pour laquelle on a choisi de vous parler seulement du
délégué de chantier, c'est parce que, sans un
délégué de chantier avec une marge de manoeuvre suffisante
et jouissant des droits normaux qui sont reconnus, par exemple, au
représentant à la prévention, au chapitre V du projet de
loi, tout ce bel échafaudage, toutes ces belles intentions, toute cette
sollicitude exprimée par le projet de loi à l'égard de la
santé, de la sécurité et de la sauvegarde de
l'intégrité physique du travailleur de la construction, tout
ça va demeurer lettre morte.
Il faut que la loi réhabilite le délégué de
chantier dans le secteur de la construction, pour qu'il puisse enfin jouir
à part entière du statut de représentant attitré
des travailleurs de la construction. Pour ça, il faut que cette loi sur
la santé et la sécurité du travail abroge toutes les
parties, toutes les sections, tous les paragraphes qui ont imposé une
camisole de force au délégué de chantier. On ne reviendra
pas sur la cause qui pouvait sembler être nécessaire dans ce
temps, on n'est pas d'accord non plus là-dessus, mais il faut que ces
choses changent. Cela limite tellement les fonctions et ça limite le
droit du choix à un point tel que nous ne sommes pas sûrs qu'il ne
s'agit pas là d'une violation des droits de la personne. Une limitation
qui rend le délégué tellement vulnérable, quant
à sa sécurité d'emploi, qu'il est devenu
l'expérience est là pour le prouver impossible, à
toutes fins utiles, de convaincre un travailleur de la construction d'accepter
la responsabilité du poste de délégué de chantier
et qui rend extrêmement difficile, sinon impossible à ceux qui ont
l'héroïsme d'accepter un tel poste, de s'acquitter de leur fonction
de façon efficace.
M. le Président, la FTQ construction a fait sa part: formation
des délégués; code d'éthique, que nous reproduisons
en annexe au mémoire.
On fait encore un autre pas dans la présentation de notre
mémoire, au paragraphe 192, nous proposons même de faire des
ententes avec tout organisme habilité à partir de l'Association
des entrepreneurs en construction en descendant, à savoir de suspendre
de ses fonctions, à demeure ou pour toute période
appropriée, tout délégué de chantier qui se serait
rendu coupable d'un abus grave dans l'exercice de ses fonctions. C'est
difficile de faire plus, à part de se mettre à genoux et de
prier, M. le Président.
Il est maintenant grand temps que le législateur fasse le
nécessaire pour que dans la construction, comme dans tout autre secteur,
le syndicalisme, comme agent social, puisse jouer efficacement son rôle
dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail.
L'instrument essentiel dans ce secteur, encore plus, si c'est possible, que
dans tout autre secteur, c'est le délégué de chantier.
M. Laberge (Louis): Si vous permettez, M. le Président.
Pour nous, c'est là vraiment un des points vitaux de toute notre
présentation. La loi 30, une loi d'exception qui a été
adoptée il y a quelques années, présume de la
culpabilité du délégué de chantier ou de tout
travailleur s'il y a un arrêt ou un ralentissement de travail. Or, le
projet de loi 17 préconise le droit du travailleur de refuser
d'accomplir une fonction dangereuse. (17 h 30)
Comme vous voyez, il y a conflit entre la loi 17 et la loi 30.
Evidemment, le gouvernement ne peut absolument pas convaincre qui que ce soit
de son intention de faire appliquer la loi si la loi 30 reste dans les statuts.
De plus, la loi 30 prévoit que les sept premiers travailleurs à
un chantier dans un métier donné pourront s'élire un
délégué de chantier. Les chantiers ont une durée de
cinq à six semaines. Comment voulez-vous qu'on forme des
délégués de chantiers conscients de leurs
responsabilités syndicales, conscients du code de
sécurité, conscients de l'application de la loi 17, si chaque
fois qu'un nouveau chantier ouvre, sept travailleurs ont le droit de
s'élire un nouveau membre? C'est une loi, c'est une camisole de force
qui n'a pas de sens. Vraiment, on n'insistera jamais assez si le
gouvernement...
Il y a des mesures transitoires. On en a déjà parlé
au ministre. Il va falloir absolument que les autres lois soient
abrogées ou soient amendées afin de permettre que le
délégué de chantier dans la construction ait les
mêmes pouvoirs que tout autre représentant syndical dans tous les
autres endroits, dans toutes les autres usines, dans les mines, dans les
bureaux, dans les banques, partout à travers le Québec. Pour
qu'on puisse lui donner une formation syndicale, une formation sur la
santé, la sécurité et la prévention, il va falloir
que le syndicat ait, dans la construction, les mêmes pouvoirs que les
syndicats ont dans les autres usines. Autrement, c'est de la foutaise.
M. le Président, on ne peut pas insister trop sur ce
sujet-là. Pour nous, c'est vraiment une question vitale. Le gouvernement
va voir à amender les lois nécessaires pour que le
délégué de chantier comme tous les autres
représentants syndicaux dans tous les autres domaines puisse jouer son
rôle, ou on sera obligé de croire que le gouvernement n'est pas
sérieux quand il dit que vraiment il veut donner un coup de barre sur la
santé et la sécurité. Nous présumons que le
gouvernement est sérieux. Les positions prises par la FTQ envers et
contre vents et marées, oserais-je dire, étaient de supporter
l'adoption de la loi 17 et nous sommes convaincus que le gouvernement ne peut
pas laisser passer cet accroc majeur. La loi 17 ne voudrait rien dire dans le
secteur de la construction si on n'avait pas les délégués
de chantiers qui seraient revalorisés dans leur "job". Encore une fois,
pour nous, cela revêt une importance capitale.
M. Boudreault: Je pense que c'est assez éloquent, M. le
Président, quand l'Association des entrepreneurs en construction admet
qu'il n'y a pas eu un seul refus de travail en trois ans dans toute l'industrie
de la construction, même si les dispositions du code de
sécurité et du décret permettaient qu'il y en ait. Il n'y
a personne qui va me faire croire qu'il n'y en aurait pas eu de
justifié. Ce n'est pas possible. La raison est simple, on vient de vous
la donner, c'est parce que personne ne peut impunément, dans la
construction, se prévaloir de n'importe quelle bonne disposition de la
loi à l'heure actuelle. C'est aussi simple que cela.
M. Laberge (Louis): Le paragraphe suivant, M. le
Président, le 65, traite d'un cas un peu particulier. Ce sont les
inspecteurs qui sont employés par l'OCQ, l'OCQ qui est censé
être un organisme où les parties sont représentées,
c'est-à-dire l'association patronale représentative, les
associations syndicales représentatives. Il y a des inspecteurs pour
faire respecter le décret, faire respecter le code de
sécurité.
Nous avons dit auparavant dans notre mémoire et dans le
résumé que nous avons lu, que nous étions d'accord que
toute l'inspection soit chapeautée par le grand organisme,
c'est-à-dire la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Nous sommes toujours d'accord avec cela.
Nous avons dit à ce paragraphe-là nous en profitons pour
le redire que ceci ne devrait pas empêcher la commission de
pouvoir déléguer son pouvoir d'inspection dans ce cas-là
à l'Office de la construction, parce qu'autrement, cela veut dire un
chambardement épouvantable, cela veut dire des travailleurs qui sont
issus de la construction dans la vaste majorité des cas, qui ont des
fonctions, qui ont suivi des cours, qui sont déjà bien
préparés pour accomplir le travail.
On a eu à se plaindre, bien sûr, du manque de respect
vis-à-vis du Code de sécurité. Ce n'est pas, loin de
là, nécessairement à cause des inspecteurs, mais parce que
les délégués de chantier n'ont aucun pouvoir, pour
commencer, et, deuxièmement, parce que les entrepreneurs dans le domaine
de la construction voient à leur affaire et les menaces ne prennent pas
beaucoup de temps à suivre. D'ailleurs, vous avez vu cela dans les
journaux tout dernièrement. Certains entrepreneurs prenaient des
2x4 pour chasser les inspecteurs. Ils ne se fient pas seulement aux
injonctions. Ils prennent des 2x4 pour le faire.
Encore une fois, pour nous, c'est capital. Ce sont des gens qui sont
syndiqués, évidemment, qui font partie d'un syndicat cela
s'adonne que c'est chez nous, mais cela aurait pu être ailleurs
qui ont une convention collective, des gens qui sont bien
préparés pour accomplir la besogne. Nous n'aurions
évidemment pas pris la position que le service d'inspection dans la
construction devrait leur être confié si cela ne relevait pas de
la commission. Les deux peuvent être faits. Ce sont des gens
spécialisés. Tout le monde reconnaît que l'industrie de la
construction, c'est spécialisé, c'est vraiment différent
des autres. C'est pourquoi nous croyons que cette demande revêt aussi une
très grande importance aux yeux de la FTQ, que l'OCQ doit être
mandaté par la commission pour faire agir ses inspecteurs dans le
domaine de la santé, de la sécurité et de la
prévention.
M. Boudreault: M. le Président, on a été
extrêmement heureux d'entendre une autre centrale syndicale qui
était d'accord avec notre proposition au paragraphe 66; ce sont des
choses qui arrivent après coup, mais on est quand même heureux de
les noter. En ce qui concerne la qualification professionnelle des
entrepreneurs en construction, on pense que, dans l'esprit d'une loi pour
protéger la santé et la sécurité des travailleurs,
une des qualifications professionnelles d'un entrepreneur en construction doit
être de pouvoir protéger la santé et la
sécurité de ses travailleurs.
Pour les raisons que nous avons exposées aux paragraphes 212
à 214 de notre mémoire, nous proposons qu'on introduise dans les
dispositions transitoires les modifications utiles pour qu'un entrepreneur en
construction, incompétent ou peu scrupuleux la plupart du temps,
c'est la même chose en matière de santé et de
sécurité au travail, se fasse révoquer son permis par
points de démérite ou autrement, à demeure ou pour une
période déterminée, en vertu de modifications
appropriées à la Loi sur la qualification professionnelle des
entrepreneurs en construction. Nous proposons aussi que la composition de la
régie soit modifiée là, c'est un peu pesant du
côté des employeurs afin d'être plus
représentative des travailleurs de la construction.
En ce qui concerne les recours, vous pouvez voir notre position au
paragraphe 226 du mémoire. En ce qui concerne les infractions, aux
paragraphes 228 et 229 de notre mémoire, nous répétons une
proposition que nous avons déjà faite à plusieurs
reprises, à savoir que des poursuites pour violation d'une loi ou d'un
règlement concernant la santé et la sécurité du
travail soient jugées par un banc spécial du Tribunal du travail,
composé de juges possédant une bonne connaissance du milieu. Il y
en a. Il y a moyen de constituer un banc comme cela. Le gouvernement peut faire
appel à des experts qui sont déjà dans la magistrature,
notamment le juge Beaudry. C'est possible.
Nous insistons aussi pour que les poursuites pour violation de la loi et
des règlements sur la santé et la sécurité du
travail soient décidées par l'organisme chargé de
l'administration de cette loi, et non pas par le ministère de la
Justice, ce qui, dans le passé, a causé des délais et des
frustrations inacceptables non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour
les services d'inspection. Nous sommes conscients qu'à l'article 204 de
la loi, il est dit que des poursuites peuvent être intentées par
n'importe qui, sauf qu'on n'est pas sûr si ce "n'importe qui" n'aura pas
à passer par le ministre de la Justice.
Nous voulons, dans le cas de l'administration de cette loi, un
régime à peu près semblable à celui qui existe au
niveau des pouvoirs de poursuite de la Régie de l'assurance-maladie qui,
elle, intente ses propres poursuites. Ce n'est pas le seul organisme
gouvernemental qui peut lui-même décider d'intenter des
poursuites, au lieu que cela remonte tranquillement jusqu'au ministre de la
Justice et que cela redescende encore plus tranquillement jusqu'à
l'instance qui veut prendre des poursuites.
M. Laberge (Louis): M. le Président, cela aussi, c'est
très important. Nous avons vu des inspecteurs absolument
dégoûtés de la situation, parce que ça prenait des
mois avant de nommer des procureurs de la couronne dans certaines affaires et
ça traînait tellement longtemps que quand l'affaire arrivait
devant le tribunal, comment faites-vous pour retrouver des témoins pour
dire que telle chose s'est passée en quelque part, six mois, huit mois,
douze mois, quinze mois après que ça s'est passé? Dans
bien des cas, l'entrepreneur a eu le temps de faire faillite trois fois et de
repartir sous trois noms différents. La plupart du temps, les
travailleurs sont tous partis. Cela n'a absolument aucun sens.
Il faut que la commission, de qui relève la responsabilité
de l'application de la loi, puisse entreprendre ces poursuites pour deux ou
trois raisons. D'abord, on ne veut pas que la commission n'agisse que comme
police. On veut que la commission agisse aussi comme "formateur", comme
sensibilisateur et, dans bien des cas, quasiment comme un conciliateur. Pour
jouer ce rôle, c'est elle qui va avoir les dossiers, la fréquence
des accidents, la violation des règlements de sécurité et
de santé, le manque de prévention dont peuvent se rendre
coupables certains entrepreneurs et elle pourra plus efficacement
décider si, dans tel cas, une poursuite s'impose. Dans d'autres cas,
c'est peut-être une approche pour sensibiliser l'entrepreneur, mais, de
toute façon, ça pourrait se faire beaucoup plus rapidement. Le
pire qui puisse arriver là-dedans, c'est que le ministère de la
Justice, qui, nous dit-on, est déjà assez préoccupé
par d'autres genres de poursuites, n'ait pas cette responsabilité
additionnelle.
On ne chiale pas trop.
M. Boudreault: M. le Président, l'adoption du
présent projet de loi serait une excellente occasion pour le
gouvernement, de redonner aux travailleurs accidentés et aux victimes de
maladies professionnelles un droit qu'ils détenaient depuis plus de 40
ans et qui leur a été enlevé, celui d'être
représentés par un autre travailleur membre de leur syndicat ou
par un représentant syndical.
On nous avait promis de la tolérance, M. le Président, et
on pourrait fournir des lettres selon lesquelles on nous avait promis de la
tolérance. Sauf que, maintenant, on peut fournir des décisions de
la Commission des Affaires sociales qui, spécifiquement, sacrent dehors
des représentants syndicaux. Cela appartient aux avocats.
Dans le dernier projet de loi no 114, cela y était. On m'informe
que c'était une recommandation unanime du Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre. Cela a sauté il dit que je suis en train
de faire sa "job" à la dernière minute. Nous, avec tout le
respect qu'on doit au Barreau, on a pensé qu'il y avait eu une petite
influence là-dedans. Apparemment, il se cherche des clients de ce
temps-là.
M. Laberge (Louis): M. le Président, on ne fera pas de
farces là-dessus, c'est trop important. Il faut absolument que la
promesse qui nous a été faite, réitérée
à maintes reprises par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et
par les autres, soit mise en application. Au Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre, cela n'arrive pas tellement souvent que le patronat et le
mouvement syndical soient d'accord. Pour cette fois, on était vraiment
d'accord. (17 h 45)
Cela n'a aucun sens que le projet de loi qui nous a été
soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, sur lequel
nous avons donné notre approbation, du moins sur ce point, arrive en
troisième lecture et que la petite phrase saute sous l'influence du
Barreau. Là, on se réveille Gros-Jean comme devant et on est
obligé d'avoir des avocats pour représenter nos travailleurs
accidentés devant la commission d'audition des affaires sociales. Cela
n'a pas de sens. Je ne veux pas critiquer si la Loi du Barreau exige que ceux
qui vont devant la Commission des affaires sociales doivent être
représentés par un avocat. Si c'est cela, qu'on l'enlève
de la Commission des affaires sociales. Avant cela, il y avait des commissions
d'appel et ce n'était pas aux affaires sociales. On insiste
là-dessus et on n'insistera jamais trop pour reprendre le droit qu'on
avait d'aller représenter les travailleurs accidentés devant les
commissions d'appel.
M. Boudreault: Le champ d'application de la loi, M. le
Président, je vous réfère aux articles pertinents au
paragraphe 232 de notre mémoire. En ce qui concerne les travailleurs
oeuvrant dans les secteurs de juridiction fédérale, ce serait le
seul ministère qui ne ferait pas d'entente avec le fédéral
par les temps qui courent. Pour les raisons qu'on énonce aux paragraphes
233 à 236 de notre mémoire, nous proposons que le Québec
revendique, quelles que soient les circonstances que l'avenir nous
réserve, que tous les travailleurs oeuvrant au Québec soient
couverts par la loi québécoise en matière de santé
et de sécurité au travail. Je vous souligne, M. le
Président, qu'ils sont déjà couverts par la Loi des
accidents du travail dans tous les cas, dans toutes les provinces.
D'ici à ce que ce principe soit pleinement accepté, nous
insistons fortement pour que le Québec prenne l'initiative de
réclamer la négociation d'une entente
fédérale-provinciale, comme cela se fait pour d'autres
ministères, pour la coordination et l'administration par le
Québec des lois et règlements sur la santé et la
sécurité au travail. C'est possible, cela se fait ailleurs, cela
devrait se faire dans ce domaine aussi.
M. Laberge (Louis): Pour l'information de la commission, nous
avons réuni les représentants de ces gens. En fait, la plupart
sont membres de syndicats affiliés chez nous et c'est à leur
demande que cela fait partie de notre mémoire. Ils veulent être
couverts par la loi des accidents du travail et ils pourraient, croyons-nous,
assez facilement être couverts par la loi 17.
M. Boudreault: M. le Président, nous, à la FTQ,
n'avions pas tellement l'intention de parler de la Loi des accidents du travail
à l'occasion du présent débat, mais, étant
donné que tout le monde et son petit cousin en ont parlé
jusqu'à présent à cette commission parlementaire, on pense
qu'on devrait quand même dire quelques mots à ce sujet. Nous
comprenons qu'un projet de loi s'en vient, cela a été promis dans
le livre blanc à la page 178. Il faut vous dire que les lois
récentes, la loi 5 et la loi 114, ont apporté certaines
améliorations qui étaient nécessaires, par le fait
même, mais aussi et on pourrait vous donner la liste nous
ont fait perdre certains droits acquis.
Par ailleurs, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi
qui, pour tout ce qu'on sait, est en préparation parce que la
participation viendra après le projet de loi on aura certainement
un grand nombre de représentations à faire, sur plusieurs
aspects. Mais on voudrait traiter d'un aspect dont il a été
question, qui a défrayé la chronique la semaine dernière,
suite à des représentations qui ont été faites par
certains intervenants, y compris des membres de la commission et suite à
des déclarations par le ministre d'Etat au développement social,
le sujet du retrait préventif. Nous avons été surpris
d'entendre de la bouche du ministre, lors du dépôt du projet de
loi et aussi en commission parlementaire, que les dispositions portant sur le
retrait préventif de la travailleuse enceinte constituaient
l'introduction dans la loi du principe du retrait préventif. Nous ne
sommes pas d'accord du tout. Il s'agit là tout au plus du strict minimum
de décence qui doit incomber à toute société
civilisée et qui vise à protéger la
génération future.
C'est presque gênant, comme l'avait dit le premier ministre M.
Lévesque, au sujet d'un autre projet de loi, d'avoir à
légiférer à cet effet au Québec et ça
indique bien le point d'où la société
québécoise doit partir en matière de santé et de
sécurité au travail lorsqu'il faut légiférer pour
protéger des enfants qui sont sur le point de naître.
M. le Président, le retrait préventif c'est le retrait
d'un travailleur qui, s'il reste dans son environnement actuel de travail, va
certainement ou probablement empirer son état. Il y a toute une
série de cas et c'est raisonner faussement aussi que de prétendre
vouloir introduire ce principe graduellement dans des secteurs
prioritaires.
Un travailleur dont la formation professionnelle est la soudure et qui
est déclaré médicalement inapte à continuer
à souder doit pouvoir profiter d'un retrait préventif, même
s'il ne travaille pas dans un secteur dit prioritaire. La même chose pour
un travailleur dont il est prouvé, médicalement, après une
certaine période parce que ça ne peut pas se prouver avant
qu'il est susceptible au bruit, même si le niveau de bruit dans
son usine ne dépasse pas les normes réglementaires et même
si son usine n'est pas dans un secteur prioritaire.
Nous n'avons pas à faire de procès d'intention aux
intervenants qui ont réclamé le retrait préventif dans
leurs représentations devant votre commission. Si on se mettait à
faire des procès d'intention, on pourrait aller loin. Nous constatons
que jusqu'à maintenant, il s'agit d'associations professionnelles et
d'une association d'employeurs en particulier.
Dans chacun des cas, il s'agirait de ce qui ressemble beaucoup à
un retrait préventif imposé. On imposerait à un
travailleur qu'un diagnostic médical classifierait comme étant
inapte à tel ou tel travail d'accepter un autre travail dans une
même entreprise il y a une limite au nombre de gardiens de
barrières qu'on peut mettre dans une entreprise ou, à la
limite, d'aller grossir les rangs des chômeurs sur le marché du
travail.
A la limite, ce serait le régime du permis médical de
travail. Pour la silicose, ensuite pour le bruit, ensuite pour le monoxyde de
carbone et ensuite, pourquoi pas parce que les travailleurs pourraient
s'habituer graduellement pour l'arsi-ne et pour le mercure. Pendant
qu'on est sur le sujet des accidents, on pourrait même ressusciter le
vieux cheval mort, la bonne vieille théorie des "accident prone
workers". Pour ce qui est de la possibilité des transferts dans la
même entreprise quand il y a de la place, on réclamerait ce qu'on
a vu dans d'autres projets de loi, à savoir que les dispositions de la
loi aient préséance sur les dispositions de la convention
collective.
Je ne veux pas faire d'ironie, M. le Président, c'est exactement
la situation et c'est vers là qu'on pourrait se diriger, si ce n'est pas
discuté d'une façon objective. Nous soulignons que le droit au
retrait préventif existe déjà dans la Loi des accidents du
travail, dans les dispositions traitant de la réadaptation, pour peu que
l'interprétation qu'en a donnée publiquement le président
de la commission soit la bonne. Sauf que nous aimerions que ces dispositions
soient clarifiées pour que tout le monde puisse les comprendre comme lui
et sauf aussi que nous aimerions qu'il existe à la commission un
véritable service de réadaptation et non seulement un mauvais
service de placement.
Nous sommes opposés à ce qu'un travailleur soit
obligé de se faire mourir à gagner sa vie. C'est simple. Nous
croyons que, lorsqu'il est informé de son état et des dangers
qu'il y a pour lui de continuer à travailler dans tel ou tel
environnement, un travailleur doit pouvoir quitter cet environnement de
travail. Nous croyons que la continuation de son revenu de même que les
droits acquis doivent lui être assurés.
Nous ne croyons pas, par ailleurs, que l'environnement de travail auquel
il a été soumis ou encore sa susceptibilité personnelle
doivent lui octroyer des droits additionnels qu'il ne possède pas par sa
convention collective, sauf par entente mutuelle.
M. le Président, on ne corrige pas une injustice en en
créant une autre. Il n'appartient pas à un travailleur
individuel, en refusant une promotion ou en se faisant remplacer par un
travailleur handicapé, de payer une dette qui incombe à
l'ensemble de la société en cédant sa place à un
travailleur handicapé ou susceptible à certains produits.
Nous ne croyons pas, par ailleurs, que la société
québécoise puisse se payer le luxe de faire de tous les
travailleurs plus ou moins handicapés ou encore sensibles à
certains environnements de travail, des assistés sociaux pour le reste
de leur existence, de luxe ou autrement. Il serait inconcevable, pour ne pas
dire carrément ridicule que le même gouvernement adopte une loi
pour favoriser la réinsertion au travail des personnes
handicapées et que, l'année suivante, il légifère
pour créer une autre catégorie de personnes handicapées
vivant au crochet de la société. Une allocation sociale,
d'où qu'elle vienne et quelle que soit sa
générosité, restera toujours une allocation sociale. Les
travailleurs veulent autre chose que cela, ils veulent leur dignité
comme travailleurs.
Nous nous opposerons surtout à ce que la possibilité de
retrait préventif puisse être utilisée par la
société québécoise en général, par
une loi, et par certains employeurs en particulier comme ils aimeraient bien
cela le faire, malheureusement, comme une excuse pour se soustraire à
l'obligation de faire tout ce qui est humainement et techniquement possible
pour faire disparaître à la source les agresseurs en milieu de
travail.
C'est pourquoi nous soumettons que cette question de retrait
préventif ne doit pas être le fruit de l'improvisation. Elle doit
être discutée en relation très étroite avec toute la
question de la réadaptation et, à ce sujet, nous avons un
très grand nombre de choses à dire. Il n'existe pas à
l'heure actuelle des dispositions dans la Loi des accidents du travail qui
établissent clairement le droit à la réadaptation, avec
tous mes respects au président de la commission. C'est inscrit que
la
commission "peut". Il n'existe pas un véritable programme et un
véritable service de réadaptation des victimes d'accidents du
travail ou de maladies professionnelles. (18 heures)
Lorsqu'on dit à un travailleur accidenté: Trouve-toi un
"job", n'importe quel et on va te payer de l'ART parce qu'on parle par
sigle à la commission, allocation de réinsertion au travail
ce n'est pas de la réadaptation médicale, sociale et
professionnelle qui peut correspondre à la définition du BIT. On
croira peut-être que c'est une caricature? C'est malheureusement la
triste réalité dans plusieurs cas dont nous avons les
dossiers.
Tout n'est pas mauvais, nous reconnaissons qu'il y a eu
amélioration. Il y a du travail de fait, mais il reste encore beaucoup
de chemin à parcourir. Nous soumettons qu'on ne peut pas
sérieusement parler de retrait préventif, à moins de
parler en même temps d'un régime efficace de réadaptation
médicale, sociale et professionnelle comprenant le maintien des droits
acquis et le maintien du revenu.
Nous n'avons pas l'intention d'exposer ici toutes nos positions sur le
sujet, mais nous le ferons le cas échéant et nous espérons
le plus tôt possible, à l'occasion de la présentation du
projet de loi sur la révision en profondeur, page 178 du livre blanc, de
la Loi des accidents du travail.
Il est donc urgent que le gouvernement, et cette fois en consultation
parce que là le projet de loi sur la consultation va être
adopté avec les parties procède à cette
révision en profondeur de la Loi des accidents du travail qui doit
être le complément naturel d'une loi sur la santé et la
sécurité du travail. Prévenir les accidents et les
maladies professionnelles, c'est là notre but premier, c'est là
le but déclaré du projet de loi no 17. Mais, comme il va
malheureusement continuer à y avoir des victimes, le moins qu'une
société civilisée puisse faire, c'est de leur assurer la
plus grande injustice possible au niveau de la réparation, y compris de
la réadaptation, et au niveau de l'indemnisation.
M. le Président, il reste seulement les dispositions
transitoires. Bien sûr, on ne peut pas traiter des dispositions
transitoires parce qu'on ne sait pas exactement ce qui se retrouvera dans le
projet de loi qui va éventuellement être soumis au Parlement. A ce
moment-là, tout ce qu'on demande, c'est que quand on saura exactement
à quoi s'en tenir... On tient pour acquis qu'on négocie, à
l'heure actuelle. Il y a plusieurs négociateurs, on tient pour acquis
que c'est encore un document de travail et qu'il y aura éventuellement
quelque chose qui sera soumis au Parlement. On aimerait être capable de
parler, parce que je souligne qu'un organisme s'est présenté
devant vous et vous a soumis qu'une disposition importante de la Loi des
établissements industriels et commerciaux venait juste de sauter par les
dispositions transitoires, c'est la disposition qui a trait au droit du chef de
département de santé communautaire de faire de l'inspection. Cela
a sauté juste comme ça, par inadvertance, c'est parti.
C'est dangereux, des dispositions transitoires, ce n'est pas la
première fois qu'on perd des cho- ses à partir des dispositions
transitoires, et, ette fois, on aimerait bien ne pas perdre des choses juste
par un petit article de dispositions transitoires. Merci.
M. Laberge (Louis): M. le Président, ceci termine la
présentation du résumé du mémoire de la FTQ;
heureusement qu'on a décidé de vous présenter un
résumé. Je pense que tous les membres de la commission ont pu se
rendre compte que pour nous c'est un sujet très sérieux. J'ai
été très heureux d'apprendre par la voie des media
d'information que les partis d'Opposition s'étaient déjà
déclarés favorables au principe de l'adoption d'une loi, j'en
suis fort heureux. Le domaine de la santé, la sécurité et
la prévention des accidents et des maladies professionnelles est un
domaine beaucoup trop important pour qu'on fasse de la politicaillerie
là-dessus. Je félicite les partis d'Opposition d'avoir pris
position clairement en faveur du principe de l'adoption. Cela ne veut pas dire
que vous pouvez être d'accord avec le gouvernement sur certaines choses,
évidemment, comme nous, nous ne sommes pas entièrement d'accord
avec toutes les suggestions faites, mais, encore une fois, je suis très
heureux de voir qu'il y a unanimité, au moins entre nous, ici, sur le
fait que le projet de loi unifiant tout le domaine de la santé, la
sécurité et la prévention doit être adopté.
Pour nous, c'est urgent parce que chaque délai veut dire que d'autres
travailleurs sont empoisonnés, d'autres travailleurs sont
mutilés, d'autres travailleurs sont tués. On n'a pas le droit,
là-dessus, de faire de la partisanerie syndicale, de la partisanerie
politique ou de la partisanerie patronale ou de la partisanerie tout court.
C'est un domaine qui revêt tellement d'importance.
Il faut dire qu'à la FTQ, les travailleurs espèrent
énormément de ce projet de loi, des travaux de votre commission,
des mémoires qui y sont présentés. Encore une fois, chez
nous, tout le monde est déterminé à prendre tous les
moyens nécessaires pour qu'une loi qui va vraiment nous protéger
dans l'avenir soit adoptée. Encore une fois, au dernier colloque de la
FTQ, 739 délégués dûment accrédités
par leur syndicat sont venus passer deux jours pour remettre à jour les
positions qu'on avait prises là-dessus, sans compter tous les
observateurs. Hier soir, aujourd'hui, vous avez vu le nombre de
représentants qui sont venus. Chez nous, c'est d'une importance
capitale.
Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé.
J'espère que vous ne trouverez pas qu'on en a abusé, mais c'est
un sujet qui nous tient tellement à coeur. Bien sûr, nous sommes
tout disposés à répondre à toutes les questions que
vous pouvez vouloir formuler.
M. Marois: M. le Président, je demanderais le consentement
de la commission pour qu'on puisse je comprends qu'on doit ajourner
à 18 heures et qu'il n'est pas tout à fait 18 heures le
cas échéant, déborder légèrement de quelques
minutes pour un simple commentaire d'ordre général et, en
même temps, de remerciement à
l'égard des membres de la Fédération des
travailleurs du Québec. Est-ce qu'il y a consentement?
Mme Lavoie-Roux: Je vous ai dit que j'accordais mon consentement
pour quelques minutes, parce que j'ai d'autres obligations après.
M. Marois: Je vais être très bref, Mme le
député de L'Acadie.
Le Président (M. Marcoux): Ajustez vos montres.
M. Marois: Non, honnêtement, je vais essayer d'être
le plus bref possible. Je pense que je me fais le porte-parole de tous les
membres de cette commission je dis bien de "tous" les membres de cette
commission pour remercier les porte-parole de la
Fédération des travailleurs du Québec. Compte tenu de
l'importance du dossier, compte tenu de l'ampleur des recommandations que vous
formulez, je pense que la commission, si vous étiez d'accord, acceptera
volontiers parce que je sais que mes collègues, de tous bords et
de tous côtés de la Chambre, qui se trouvent ici ont bon nombre de
questions, de commentaires et qu'on voudrait pousser beaucoup plus loin, plus
à fond, la réflexion à partir de votre présentation
qu'on puisse poursuivre les travaux avec vous mardi matin prochain, si
c'était possible.
Ceci dit, je voudrais tout d'abord et je tiens à le dire
très sincèrement signaler l'apport non seulement
important, considérable, mais extrêmement positif de la FTQ
à la réforme du régime actuel, si on peut appeler cela un
régime actuel, ou des quelques emmanchures de bouts de lois qui
semblaient donner un régime; mais on sait le constat et le
résultat.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire chez vous à un
colloque, notamment vous m'avez, d'ailleurs, rappelé un bout du
colloque; vous me permettrez d'y revenir et vous ne serez sûrement pas
étonnés que je revienne sur ce petit bout-là en passant.
Je pense que vous avez accompagné, bien avant le dépôt du
livre blanc, comme d'autres groupes quand ils sont venus devant nous, je
leur ai dit et à ceux qui viendront, je dirai exactement la même
chose tout ce qui s'est fait à ce jour avec une très
grande franchise et une bonne foi qui n'est pas, comme je le dis souvent, mais
je le pense, une bonne foi "guenille" et une bonne foi à genoux, mais
une bonne foi debout, qui c'est ce que vous avez fait et c'est ce que
vous continuez de faire vous a quand même permis, tout au long, de
faire valoir vos points de vue, vos revendications que vous estimez tout
à fait légitimes.
Vous avez sûrement noté vous le relevez, d'ailleurs,
avec beaucoup d'honnêteté et sachez qu'on l'apprécie
que déjà bon nombre de recommandations que vous avez pu faire,
notamment vous, la FTQ, en cours de route, du livre blanc au projet de loi, ont
déjà été intégrées dans le projet de
loi. Vous n'étiez pas le seul groupe, mais, notamment, vous êtes
parmi ceux qui ont eu la gentillesse de me permettre à l'occasion non
seulement d'un colloque en octobre 1977, mais d'un autre aussi, en novembre
1978 et de rencontres avec bon nombre de groupes notamment, je me
souviens d'une rencontre à Drummondville avec plusieurs centaines de
représentants et de représentantes syndicaux des Travailleurs
unis de l'automobile d'avoir l'occasion de discuter et de participer au
moins à des bouts de vos travaux. Je sais à quel point vous
l'avez fait, tout au long, avec beaucoup de sérieux.
Sachez qu'on apprécie aussi l'appui que vous avez apporté
tout au long à cette démarche. Je pense que c'est le journaliste
Gilles Provost qui avait trouvé, ce matin, en tout cas, dans le Devoir,
une formule qui m'apparaît intéressante. C'était entre
guillemets. Il disait: "La FTQ va venir de tous les coins du Québec..."
et on a vu que c'était vrai. Donc, il ne s'était pas
trompé jusque là. Il a dit aussi: "... pour souligner avec
éclat et là, c'était entre guillemets son
appui ferme, mais insatisfait". Je pense qu'il mettait le doigt sur ce qui,
encore une fois, est votre position de fond, de l'accompagner avec toute la
bonne foi qu'il faut, la fermeté qu'il faut, parce qu'il est vrai que
cela urge, maintenant, qu'il est temps qu'on aboutisse. Cela ne peut pas
traîner indéfiniment.
Voilà pour mon commentaire très général. Si
on me permet un tout petit commentaire particulier, on ne s'étonnera pas
que je relève ce petit point. Lors du colloque, vous me faites dire un
petit bout, un tout petit bout de phrase. Je sais bien que vous ne m'en
tiendrez pas rancune. Dans votre mémoire, vous interprétez, bien
sûr, et c'est légitime des propos que j'ai tenus au
colloque de 1977, où si ma mémoire est bonne, j'ai
évoqué le droit individuel et collectif. D'ailleurs, si ma
mémoire est bonne, mes propos avaient été
enregistrés et avaient même été, si ma
mémoire est bonne, également reproduits dans un des documents de
travail en cours de route...
M. Laberge (Louis): On a la bobine.
M. Marois: Vous avez toujours la bobine? Gardez-la, d'ailleurs,
ne la perdez pas. Je pense que vous conviendrez qu'à ce moment-là
c'est essentiellement l'expression que j'ai utilisée: individuel
et collectif je n'ai jamais évoqué pour autant que la
conception que je me faisais à l'époque de la dimension
collective du refus correspondait à ce qu'on appelle le refus collectif
à la suédoise enclenché par le représentant
syndical. J'ai eu l'occasion de m'expliquer plus longuement, d'ailleurs,
à un colloque vous avez peut-être une bobine sur
celui-là aussi, vous la sortirez en 1978. Vous l'avez
peut-être perdue, celle-là. Il y a eu aussi la rencontre, à
Drummondville, où j'ai eu l'occasion de m'expliquer beaucoup plus
longuement là-dessus.
On aura l'occasion, de toute manière, d'y revenir, mais je pense
que vous conviendrez que j'avais cependant évoqué en cours de
route, après des discussions, notamment avec vous, cette idée
d'élargir ce qui était dans le livre blanc, l'hypo-
thèse, uniquement, d'un seul refus accroché à un
individu unique, de l'élargir, dis-je, à un groupe, une
collectivité d'hommes et de femmes au travail qui vivent en même
temps le même problème, que ce soit traité comme un seul et
même événement. C'est à cette occasion, d'ailleurs,
que j'ai commencé à m'ouvrir à cette idée qui me
semblait valable et fondée, de reconnaître le droit à
l'accompagnement syndical par le biais de la reconnaissance, en tout cas pour
un minimum de bases légales, d'un représentant à la
prévention syndicale, pour faire en sorte que ce droit soit
respecté.
Ceci dit, j'espère que vous ne me ferez pas grief du tout de
faire cette petite mise au point. Cela n'enlève absolument pas le droit
tout à fait légitime et démocratique que vous avez de
faire valoir devant nous votre point de vue sur la nécessité,
à votre avis, d'introduire un droit collectif, au sens strict, à
la suédoise oui, j'aboutis, madame et notre rôle
à nous d'être le plus attentif possible.
On aura l'occasion, dès mardi prochain, d'examiner et de discuter
beaucoup plus longuement, chacun des membres de cette commission avec vous,
toute une série de recommandations que vous formulez. On aura
certainement beaucoup de questions à poser pour essayer d'aller le plus
possible au fond du baril, dans la mesure où cela peut se faire, pour
essayer de bonifier le projet de loi. Encore une fois, merci infiniment, sachez
qu'on apprécie beaucoup l'attitude que vous avez eue jusqu'à
maintenant et que vous maintenez tout au long de ces discussions, et en
particulier encore aujourd'hui pour cette première rencontre avec vous
qu'on poursuivra mardi, soit le débat sur le projet de loi no 17.
Merci infiniment.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce sera vraiment
seulement trois minutes, peut-être deux. Je veux me joindre au ministre
pour remercier et féliciter la FTQ pour son mémoire positif. Je
voudrais seulement ajouter, tel que l'a indiqué M. Laberge, le
président de la FTQ, que tout le débat autour du projet de loi 17
ne se fait pas dans un esprit de partisanerie et que le problème fonda-
mental qui est en discussion, les objectifs que chacun cherche à
atteindre, peut-être pas par les mêmes moyens, demeurent notre
préoccupation principale. Vous verrez, si vous suivez l'étude du
projet de loi article par article, que ce que nous tenterons de faire, à
titre d'Opposition officielle, sera de donner plus de rigueur au projet
là où il semble qu'il en manque beaucoup, où les
imprécisions laissent des portes trop ouvertes. Nous attendons mardi
matin pour vous poser des questions, même sur des points où nous
ne sommes pas d'accord, où nous voudrons avoir plus d'explications de
votre part. (18 h 15)
Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre
participation aux travaux de cet après-midi...
M. Laberge (Louis): M. le Président, vous nous convoquez
pour le 18, à quelle heure?
Le Président (M. Marcoux): A 10 heures. M. Laberge
(Louis): A 10 heures.
Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas trop tôt
pour...
M. Laberge (Louis): Sans autre avis, j'attends tout le monde ici
le 18 à 10 heures. Cela bouscule un peu notre horaire, mais vous pouvez
être sûr qu'on va bousculer n'importe quoi pour y être.
Le Président (M. Marcoux): Comme le temps que vous avez
pris a bousculé d'autres personnes, j'inviterais l'équipe
Santé au travail du CLSC centre-sud, représentée par M.
Pierre Lauzon, à venir nous rencontrer ici, à l'avant
parce que ce groupe, ce sera la troisième fois qu'il viendra s'il
accepte bien de venir nous rencontrer. Je voudrais qu'il vienne à
l'avant pour que nous puissions prendre les accommodements pour éviter
qu'il ne revienne une quatrième fois.
La commission ajourne ses travaux à mardi prochain, 10
heures.
Fin de la séance à 18 h 16
ANNEXE A
Conseil du Patronat du Québec Mémoire
à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre
sur
Le projet de loi no 17 "Loi sur la santé et la
sécurité au travail"
INTRODUCTION Le Livre blanc
1.00- En octobre 1978, lors de la publication du Livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail, le Conseil du Patronat
déclarait souscrire aux grands objectifs de ce Livre blanc.
Dans le mémoire que nous adressions alors au ministre d'Etat au
Développement social, nous écrivions textuellement: "Le C.P.Q.
considère que les fondements logiques de la réforme
projetée sont généralement sains et les objectifs
poursuivis tout à fait valables et acceptables, notamment ceux qui
visent: une réorganisation fondée sur la prise en charge
de la santé et de la sécurité au travail prioritairement
par les employeurs et les travailleurs (à condition que l'on tienne
vraiment compte de leurs droits et obligations); une meilleure
définition des droits et responsabilités des travailleurs, des
employeurs et de l'Etat; une réorganisation davantage volontaire
que coercitive, et exprimée notamment dans le comité paritaire et
les associations sectorielles paritaires de santé et de
sécurité au travail; une réorganisation axée
sur la formation, l'information et la recherche; la structuration d'un
cadre juridique permettant l'unification et la clarification des normes de
façon plus cohérente; l'accent, au niveau de la Commission
de la santé et de la sécurité au travail, sur la
prévention plutôt que sur la réparation des accidents du
travail." 1.01 - Cependant, tout en exprimant notre accord sur les principes et
les fondements logiques de la réforme envisagée, a) nous
indiquions alors notre désaccord avec plusieurs des moyens
proposés pour atteindre les objectifs de la réforme; b) nous
disions refuser cette dilution excessive de la responsabilité de
l'employeur à l'égard de la santé au travail et de la
prévention des accidents du travail qu'exprimait le Livre blanc; c) nous
faisions un certain nombre de propositions propres, d'une part, à
confirmer l'entreprise dans son rôle de responsable véritable et
ultime de la planification et de l'organisation de la santé et de la
sécurité au travail, et, d'autre part, à s'assurer que la
réforme envisagée n'imposerait pas à l'entreprise des
contraintes qui lui seraient inacceptables.
Le projet de loi No 17
2.00 - C'est à partir de cette toile de fond qu'il nous incombe
aujourd'hui de commenter le projet de loi No 17.
Signalons immédiatement que nous sommes toujours d'accord avec
les objectifs généraux poursuivis par ce projet de loi, soit une
réduction des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il
va sans dire que tous les employeurs québécois appuient
pleinement de tels objectifs.
Toutefois, les moyens que suggère le projet de loi pour
réaliser ces objectifs nous apparaissent souvent inadéquats,
discutables et même irrecevable pour ces mêmes employeurs.
Le présent document expose nos commentaires sur les
différents moyens proposés par le projet de loi No 17. Il se
divise en trois parties: 1) Commentaires généraux sur le projet
de loi No 17; 2) Commentaires particuliers sur certaines sections du projet de
loi; 3) Une brève analyse, chapitre par chapitre, du projet de loi
lui-même.
SECTION I
Commentaires généraux Une
déception
Une première réaction que nous avons vis-à-vis du
projet de loi en est une de désillusion.
A la suite de la publication en octobre dernier du Livre blanc, nous
avons, ainsi que de nombreuses associations patronales et plusieurs
entreprises, multiplié les consultations auprès de nos mandats et
présenté au ministre responsable quantité de suggestions
visant à rendre la réforme envisagée beaucoup plus
réaliste, beaucoup plus soucieuse du respect des droits et
responsabilités des entreprises, sans pour autant compromettre la
santé et la sécurité au travail de nos travailleurs.
Or, force nous est de constater, avec le dépôt du projet de
loi No 17, que presque rien des suggestions ou recommandations émanant
des milieux patronaux n'a été retenu. La consultation, tout au
moins auprès des milieux patronaux, n'aurait été qu'un
trompe-l'oeil: toutes les dispositions, ou à peu près, qui
apparaissaient au Livre blanc et qui ont fait l'objet de critiques patronales,
se retrouvent sous une forme ou sous une autre dans le projet de loi, sans les
modifications importantes espérées.
Mais il y a plus: le projet de loi No 17 va même très
souvent plus loin que ne le laissait présager le Livre blanc. A titre
d'exemple, signalons simplement la question de l'organisation des services de
santé. Alors que le Livre blanc accordait une préférence
d'embauche à un médecin qui oeuvrait déjà
auprès d'une entreprise, ou encore n'excluait pas le recours de
l'entreprise aux cliniques médicales privées, le projet de loi
est maintenant muet sur le premier point et interdit à toutes fins
utiles le recours aux cliniques privées. Dans la même veine, alors
que le Livre blanc cernait au moins tant bien que mal la notion de "danger"
pour justifier un arrêt de travail de la part d'un travailleur, le projet
de loi n'identifie même plus de paramètres généraux
à la définition du mot "danger".
Et que dire de cette proposition, nouvelle par rapport au Livre blanc,
de créer, à l'intérieur de l'entreprise, un poste de
"représentant à la prévention"?
Loi-cadre difficile à évaluer
Les employeurs n'ont donc pas l'impression d'avoir été
"entendus" par le Législateur (et ses conseillers), tout au cours de la
longue période de gestation qui a conduit au dépôt du
projet de loi No 17.
Comme premiers responsables de la santé et de la
sécurité au travail, les employeurs québécois,
à qui d'ailleurs le projet de loi fait bien comprendre qu'ils
continueront à être les seuls à assumer toutes les
responsabilités juridiques et économiques en ce domaine, se
seraient attendus à ce que l'on prenne en plus grande
considération leurs points de vue.
Ils se seraient attendus également à ce que, après
une si longue période de gestation, la loi établisse plus
clairement les règles du jeu, sans référer constamment au
pouvoir de réglementation.
Tel n'est malheureusement pas le cas. Le projet de loi compte pas moins
d'une cinquantaine d'articles d'importance qui réfèrent au
pouvoir de réglementation, dont l'article 185 qui donne à la
nouvelle Commission de la santé et de la sécurité au
travail des pouvoirs absolument extraordinaires sur les entreprises.
Face à une telle possibilité d'intervention
réglementaire, il devient alors très difficile d'apprécier
à sa juste valeur le projet de loi. Ainsi, et à titre d'exemple
toujours, l'article 149 du projet de loi laisse en suspens l'importante
question de la dépendance administrative des services d'inspection.
Pourtant, le Législateur sait toute l'importance que les milieux
patronaux attachent à cette question: pourquoi ne pas avoir permis
à cette Commission parlementaire de discuter d'un choix politique
sûrement déjà fait par ailleurs, plutôt que de
laisser le gouvernement décider seul?
La dilution des droits de gérance
Si les employeurs ne savent pas toujours ce qui les attend avec ce
projet de loi, compte tenu de son caractère de loi-cadre, une
orientation fondamentale ne peut leur échapper cependant: il s'agit de
cette dilution des droits de gérance en matière de
prévention des accidents du travail, que prônait
déjà le Livre blanc et que confirme le projet de loi.
La responsabilité ultime de la santé au travail et de la
prévention des accidents revient, répétons-le, à
l'employeur, en collaboration avec ses employés. C'est lui qui a la
responsabilité de planifier, d'organiser et de faire fonctionner son
entreprise de façon sécuritaire. Le comité paritaire,
l'association de prévention, la médecine du travail, la formation
et la recherche, sont des activités de soutien et non des objectifs en
soi. Or, dans le projet de loi, l'accent est toujours sur la mise en place de
ces moyens plutôt que sur l'obligation pour l'employeur d'assumer cette
responsabilité.
On en arrive ainsi à une dilution de la responsabilité
patronale qui ne pourra conduire qu'à de sérieuses
déceptions. Ce n'est pas en diluant les droits de gérance au sein
d'un comité paritaire, quelles qu'en soient la composition et la forme,
ou encore en rattachant administrativement la médecine du
travail à un D.S.C. ou à un C.L.S.C. plutôt
qu'à l'entreprise, que le Législateur aura fait oeuvre utile:
c'est en rendant quelqu'un (dans ce cas-ci, l'entreprise) vraiment responsable,
que l'on assure sa motivation et son engagement.
C'est pour cette raison, d'ailleurs fondamentale, qu'il nous faudra
rejeter le rôle décisionnel accordé au comité de
sécurité, de même que l'organisation suggérée
des services de santé dans l'entreprise qui s'est déjà
donnée des services en ce domaine, ou qui entend s'en donner.
Le parallélisme
C'est au nom de cette même responsabilité patronale qu'il
nous faudra rejeter le sens et le contenu de l'article 79 du projet de loi qui
permettrait à la Commission d'accorder annuellement, à une
association syndicale, à même les fonds patronaux, une subvention
pour la formation et l'information de ses membres dans les domaines de la
santé et de la sécurité au travail.
Nous n'avons rien contre la mise sur pied d'associations syndicales de
prévention des accidents du travail. De même, nous croyons que les
associations syndicales devraient se doter de services de formation et
d'information de leurs membres dans les domaines de la santé et de la
sécurité au travail.
Dans les deux cas cependant, il appartient à ces associations
d'en défrayer les coûts, et non pas aux entreprises. Autrement,
nous entrerions dans un système de parallélisme qui serait tout
à fait dangereux pour la prévention des accidents. Et selon
quelle logique pourrait-on demander aux employeurs de financer eux-mêmes
des activités syndicales de prévention, qui s'inspirent souvent
d'une idéologie tout à fait contraire à celle qui inspire
l'entreprise?
Le financement
Le C.P.Q. tient d'ailleurs à souligner que le législateur,
dans son projet de loi, prend pour acquis que les entreprises constituent des
sources intarissables de financement. Tel n'est cependant pas le cas. Mais cela
lui importe peu, semble-t-il. Car en plus de demander aux employeurs de
financer les activités syndicales de prévention, c'est aux
employeurs seuls qu'il demande de financer les programmes d'implantation et de
fonctionnement des mécanismes sectoriels paritaires de
prévention. C'est encore aux entreprises, selon le projet de loi No 17,
qu'il incomberait de défrayer les coûts additionnels
engendrés par la réorganisation des services de santé.
Pourtant, s'il est normal que les entreprises défraient les coûts
inhérents aux services de santé qui sont de leur
responsabilité propre, pourquoi seraient-elles appelées à
défrayer les coûts inhérents à des programmes de
santé qui dépassent largement le cadre de l'entreprise?
Et que dire des coûts additionnels en prévention (formation
- information - recherche) que devront assumer les entreprises lorsque de
telles activités de prévention se situent à
l'extérieur de l'entreprise?
Tout le Livre blanc, dont s'inspire presque textuellement le projet de
loi No 17, véhiculait une idée maîtresse: la prise en
charge par les intéressés eux-mêmes, travailleurs et
employeurs, de la santé et de la sécurité au travail.
En fait, à l'analyse du projet de loi, il y a lieu de se demander
si la seule véritable "prise en charge" par les employeurs dans le
nouveau régime envisagé, ne serait pas le financement de la
réforme!
Pourtant, le Livre blanc ouvrait au moins certaines avenues
différentes. Ainsi, à l'égard des programmes de formation,
d'information et de recherche de la Commission, ses auteurs écrivaient,
à la page 274: "L'Etat pourra cependant participer, à l'occasion,
au financement de ces programmes, en versant un budget spécial à
la Commission pour lui permettre d'assumer plus rapidement et plus
complètement certaines responsabilités dans ce domaine. Cette
contribution de l'Etat se justifie par le fait que la prévention
constitue, à bien des égards, un service public dont les
bénéfices peuvent profiter à l'ensemble du monde du
travail et même de la société. De plus, cette fonction de
prévention poursuit en bonne partie des objectifs à long terme.
C'est pourquoi un financement public peut compléter utilement les
efforts déjà consentis par la Commission à ce chapitre."
On ne retrouve pas une telle disposition dans le projet de loi. Le C.P.Q. ne
demande nullement que quiconque d'autre que l'entreprise finance les
activités internes de l'entreprise dans le domaine de la santé et
de la sécurité au travail. C'est là sa
responsabilité.
Pourquoi financerait-elle seule cependant les programmes de santé
qui dépassent largement le cadre de l'entreprise? Pourquoi les
associations syndicales ne seraient-elles pas appelées à financer
à 50% les associations sectorielles paritaires de prévention?
SECTION II Commentaires particuliers
Ainsi que nous l'avons déjà noté, le projet de loi
no 17 reprend, pour l'essentiel, les orientations contenues au Livre blanc. A
ces orientations déjà connues, s'ajoutent quelques
éléments nouveaux qui, de façon générale,
constituent autant de contraintes additionnelles pour les entreprises.
Aussi, avant de procéder à une brève analyse,
article par article, du projet de loi, voulons-nous rappeler à nouveau
nos positions de principe sur plusieurs points précis du projet de loi,
positions que nous avons déjà établies au moment de
l'analyse du Livre blanc, mais qui n'ont pas semblé retenir l'attention
du législateur.
Points d'accord majeurs
Rappelons, en premier lieu, notre accord général avec les
orientations suivantes de la loi: la création d'une Commission de
la santé et de la sécurité au travail responsable de la
prévention, de la réparation et de la réadaptation (mais
non de l'inspection); l'unification du systèmed'inspection en
matière de santé et de sécurité au travail, sous la
responsabilité du ministère du Travail, sous réserve de la
dissidence du secteur minier; le principe du droit individuel pour le
travailleur de cesser un travail qu'il juge "de bonne foi" être un
travail dangereux, selon des modalités précises à
être établies; le principe du comité paritaire
d'entreprise, comme un moyen de prévention là où la
fréquence et la quantité des accidents le justifient; la
coordination de la recherche en santé et en sécurité au
travail, sous la responsabilité de la Commission de la santé et
de la sécurité au travail ; la création d'un
Conseil d'administration paritaire responsable de la Commission de la
santé et de la sécurité au travail ;
l'assujettissement de l'Etat, lorsqu'il agit comme employeur, aux mêmes
normes que les autres employeurs; l'obligation pour le travailleur de
prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé et
sa sécurité; le droit des employeurs de participer
individuellement et collectivement à l'élaboration des normes,
règlements et programmes de recherche sur la santé et la
sécurité au travail.
Le droit de refuser d'exécuter un
travail
Nonobstant ces accords majeurs avec l'esprit, sinon la lettre du projet
de loi, nous retenons au moins six questions fondamentales qui sont au coeur de
la réforme et qui préoccupent les entreprises.
C'est le cas d'abord de la reconnaissance par le Législateur d'un
nouveau droit individuel, celui du refus d'exécuter un travail
dangereux.
Nous reconnaissons en principe ce droit, exprimé à
l'article 11 du projet de loi, et qui permettra dorénavant à un
travailleur de "refuser d'exécuter un travail" s'il a des motifs
raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à
un danger pour sa santé, sa sécurité ou son
intégrité physique."
Malgré cet accord de principe, nous ne pouvons toutefois
souscrire au texte du projet de loi, tel qu'il est actuellement
rédigé. D'aucune façon en effet, le mot "danger" n'est
défini. "Un danger", quel qu'il soit, et selon la seule
appréciation du travailleur, pourra être dorénavant
prétexte à tout refus de travailler et à un boycottage
complet des activités normales d'une entreprise.
A cet égard, le Livre blanc était au moins plus explicite,
lorsqu'il parlait de "danger imminent".
Nous demandons donc: a) Que le "danger, soit qualifié
d'immédiat et de grave, afin d'éviter que l'exercice de ce droit
ne devienne une source constante de problèmes pour l'entreprise; b)
Qu'à l'instar de la législation ontarienne, un employeur puisse
en tout temps remplacer un travailleur qui exerce son droit au refus de
travailler par un autre travailleur si: 1) ce dernier est avisé du fait
qu'un autre travailleur a exercé son droit de refuser de travailler et,
2) s'il est consentant à effectuer le travail; c) Sous réserve de
nos commentaires à l'article 27, que là où existe une
convention collective dans laquelle est déjà prévu
l'exercice de ce droit, les modalités prévues d'application de ce
droit dans la convention collective aient préséance sur la loi;
d) Que le projet de loi prévoie les situations où l'exercice du
droit de refuser de travailler pourrait mettre en danger la santé, la
sécurité et l'intégrité physique des autres
travailleurs, des clients ou du public en général, ainsi que les
modalités de solution de telles situations; e) De plus, en raison du
fait que l'exercice du droit de refuser de travailler constitue en fait une
décision subjective du travailleur, décision qui repose
uniquement sur son appréciation personnelle, nous estimons qu'il est
injuste de faire porter à l'employeur le fardeau de la preuve. En effet,
quels que soient les arguments d'ordre factuel qu'un employeur puisse
apporter à l'effet que la situation ne comportait aucun danger
réel, le travailleur pourra toujours faire valoir qu'il y a au contraire
un danger pour lui. Par conséquent, nous croyons que le fardeau de la
preuve devrait incomber plutôt au travailleur qui refuse de travailler,
quitte à ce que les faits mis en preuve objectivement lors de
l'enquête établissent ou non le bien-fondé d'un tel refus;
f) Que le projet de loi prévoie l'arrêt de la
rémunération d'un travailleur qui a exercé son droit de
refuser de travailler, lorsque l'inspecteur rend une décision qui ne lui
est pas favorable, et que le travailleur fait appel de cette décision et
refuse toujours de travailler.
Nous savons gré ici au Législateur de ne pas avoir
cédé aux demandes syndicales voulant que ce droit de refuser un
travail soit un droit collectif et non pas un droit individuel. Nous savons
déjà que, même en référant au droit
individuel, il y aura toujours dans l'entreprise des personnes qui sauront
tirer facilement avantage de la notion de "danger" pour toutes sortes de
raisons, comme moyen de pression sur l'entreprise. Mais c'est là un
demi-mal. S'il fallait cependant que le Législateur cède aux
demandes syndicales voulant que ce droit de refuser le travail soit un droit
collectif, nous ferions face à une situation grave pour l'entreprise,
puisque nous sommes convaincus que l'exercice éventuel de ce droit
pourrait conduire à tous les abus possibles.
Le comité de sécurité
Nous acceptons, en principe, la création volontaire de
comités paritaires de sécurité dans l'entreprise, bien que
nous doutions de l'efficacité d'une formule unique de comités
pour répondre à la variété presque illimitée
des situations concrètes qui prévalent dans les entreprises.
Cette dernière réalité d'ailleurs devrait amener le
Législateur à accepter, comme mécanisme substitut à
un comité paritaire du genre de celui prévu à l'article
56, tout autre mécanisme, formel ou informel qui, de l'avis des
travailleurs et de l'employeur, peut répondre adéquatement
à des situations particulières.
Nos réserves et objections sur le comité paritaire de
sécurité, une fois reconnu le principe, n'en sont pas moins
importantes. a) Nous avons toujours dit que le chiffre de dix travailleurs,
comme minimum requis pour déclencher le processus de mise sur pied d'un
comité paritaire, était trop bas. La législation actuelle
(arrêté en conseil 3787) fixe à vingt le nombre minimum de
travailleurs requis pour engager le mécanisme de création d'un
tel comité: le projet de loi No 17 devrait s'en tenir à cette
disposition; b) En vertu des articles 56 et 57 du projet de loi, c'est la
Commission qui déterminera, par règlement, les catégories
d'établissements où pourront être formés des
comités de santé et de sécurité.
Nous aurions aimé connaître, au moment de la discussion du
projet de loi, le contenu de ce règlement. Autant en effet ce
règlement pourra être souple, autant il pourra être
exigeant. Le fait que nous ne connaissions pas là-dessus les intentions
du Législateur (sous réserve de celles exprimées dans le
Livre blanc) nous oblige à lui demander d'être bien conscient que
la prolifération de comités paritaires dans l'entreprise, en plus
d'être d'une efficacité douteuse, représentera des
coûts importants pour les entreprises, notamment pour les PME.
Il y a lieu de noter également que le projet de loi parle de
"comité de santé et de sécurité" au sein de "tout
établissement groupant plus de dix travailleurs". Cette orientation ne
semble pas réaliste. On ne compte plus par exemple les entreprises
à établissements multiples (magasins, banques, garages,
fleuristes, etc.. etc.). Selon la rédaction actuelle de la loi, chacun
des établissements pourrait être appelé à
bâtir son propre comité de sécurité, dès
qu'il compterait plus de dix employés, s'il appartient à une
catégorie identifiée par règlement. Cette orientation doit
être revue; c) Nous nous opposons fermement à ce que le
comité paritaire de sécurité détienne quelque
pouvoir de décision que ce soit, de par la loi. Si les comités
paritaires se voient donner des pouvoirs de décision, ce ne devra
être que par décision de l'employeur.
Agir autrement, et confier des pouvoirs de décision à un
comité paritaire qui par ailleurs n'aurait aucune responsabilité
morale, juridique ou financière, ce serait introduire dans l'entreprise
une structure d'autorité parallèle, concurrente de
l'administration, et source automatique de conflits.
Le C.P.Q. s'oppose donc carrément aux pouvoirs de décision
qu'accorde actuellement le projet de loi au comité paritaire. Le
rôle de ce comité doit en être un de consultation,
d'analyse, d'étude, de recommandation. Mais comme responsable ultime des
objectifs économiques et sociaux de l'entreprise, aucun employeur
n'acceptera de partager cette responsabilité avec une structure, celle
d'un comité, qui n'a aucun statut juridique, aucun pouvoir sur ses
mandants, en somme avec une structure qui discutera toujours de droits, jamais
de responsabilités.
Le représentant à la
prévention
Le projet de loi No 17 propose que, dans le cas où il existe un
comité de santé et de sécurité dans un
établissement, les travailleurs choisissent parmi leurs
représentants au comité une ou des personnes pour exercer les
fonctions de représentant à la prévention. Le Livre blanc
était muet sur cette question.
Ces fonctions sont décrites à l'article 69, et le moins
que l'on puisse dire, c'est qu'elles en couvrent grand: elles constituent,
à peu de choses près, l'équivalent de la description de
tâches d'un directeur de la sécurité dans une grande
entreprise, mais ne s'accompagnent d'aucune responsabilité!
Le C.P.Q. rejette complètement l'idée de la
création, par voie législative, de ce poste de
représentant à la prévention.
A nouveau, faut-il le répéter, c'est l'entreprise qui est
responsable, tant au plan juridique qu'économique, de la santé et
de la sécurité au travail: c'est là un devoir
précis auquel nul employeur ne saurait se soustraire sans encourir des
sanctions sérieuses. C'est donc à l'employeur qu'il incombe
d'assumer les fonctions de prévention qui sont décrites à
l'article 69, en collaboration avec ses travailleurs.
Le gouvernement lui-même partage déjà avec
l'employeur une partie des fonctions qu'il voudrait, par l'article 69,
transférer à un ou des travailleurs. L'identification, par
exemple, de situations qui peuvent être sources de danger pour les
travailleurs à l'intérieur de l'entreprise, ou encore,
l'inspection des lieux de travail, ne sont-elles pas déjà des
fonctions dont se réclament les autorités gouvernementales?
Ce qu'il faut éviter, dans le domaine de la prévention des
accidents du travail, c'est de confondre "activités" de
prévention et "activités" propres aux relations
patronales-syndicales. Nous craignons que l'imposition par le
Législateur d'un poste de représentant à la
prévention ne conduise à une "politisation" des activités
de prévention, ce qui ne peut être avantageux ni pour les
employeurs, ni pour les travailleurs. Le secteur de la construction a
d'ailleurs déjà péniblement vécu ce genre
d'expérience. (Voir à ce sujet le chapitre IV du Rapport de la
Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans
l'industrie de la construction). Soulignons finalement les coûts pour
l'entreprise, notamment pour les PME, de la création d'un tel poste dans
l'entreprise.
Nous ne rejetons pas le principe d'un tel poste à
l'intérieur de l'entreprise. Il existe d'ailleurs déjà
dans bon nombre d'entreprises. Mais sa création doit être le fait
de la décision de l'employeur, ou d'une entente entre les parties, et
non pas un acte d'autorité du Législateur.
Les associations de prévention
Le projet de loi No 17 prévoit la création d'associations
sectorielles paritaires de santé et de sécurité au
travail. Sous réserve de leur mode de financement, nous sommes d'accord
avec cette disposition, la création de telles associations sectorielles
n'étant pas obligatoire. Elles peuvent, en de nombreux cas,
répondre aux désirs et aux besoins exprimés par les
travailleurs et les employeurs.
Cette orientation nouvelle exige cependant que soit bien
précisé le rôle qui serait dévolu aux associations
patronales de prévention existantes qui, pour une raison ou pour une
autre, ne deviendraient pas des associations mixtes (patronales-syndicales) de
prévention.
Nous croyons pour notre part que les associations patronales de
prévention existantes devraient continuer d'être
subventionnées si une de leurs activités majeures, après
l'adoption de la loi, était de promouvoir, là où c'est
possible, la création d'associations paritaires de prévention.
Elles pourraient également accomplir bon nombre des tâches que le
projet de loi confie, par l'article 129, à la Commission. Et nous
préférons voir ces tâches accomplies par ces associations
plutôt que par la Commission.
Rappelons de nouveau, à ce chapitre des associations de
prévention, ce que nous avons signalé plus haut: les employeurs
ne sauraient accepter que leurs cotisations à la Commission de la
santé et de la sécurité au travail servent à
financer des activités parallèles de prévention, comme le
prévoit l'article 79 du projet de loi.
La médecine du travail
Parmi les objections les plus sérieuses que formule la C.P.Q.
à l'égard du projet de loi No 17, il y a l'organisation
envisagée de la médecine et des services de santé au
travail. De façon plus précise, le C.P.Q. s'objecte formellement:
a) Au choix du médecin d'entreprise par le comité paritaire de
santé et de sécurité; b) Au fait que, du point de vue
administratif, le médecin d'entreprise relève non plus de
l'entreprise, mais du D.S.C. ou du C.L.S.C; c) A l'impossibilité pour
l'entreprise de recourir, si elle le désire, aux services de
santé de cliniques privées; d) A la non-priorité
d'embauchage du médecin actuellement en fonction dans une entreprise
advenant que le gouvernement donne suite à son projet de
réforme;
e) En somme, à la "nationalisation" pure et simple des services
de santé de l'entreprise, que sous-entend la réforme
projetée.
Plusieurs raisons ont déjà été longuement
invoquées par les milieux patronaux pour justifier leur position dans ce
dossier de la médecine du travail.
Ces raisons tiennent essentiellement au fait que la gestion de la
santé au travail fait partie intégrante de la gestion des
entreprises et met en cause: leur responsabilité concernant la
santé personnelle des travailleurs; leur responsabilité
concernant la qualité des services ou des produits offerts au public
(par exemple, les normes de santé pour les chauffeurs d'autobus, les
infirmiers, les pompiers, etc.); leur responsabilité concernant
les normes de qualité de services ou de produits que l'entreprise se
fixe elle-même (par exemple, les normes de santé pour les
camionneurs de longue distance, pour les travailleurs de l'industrie chimique,
pétrolière, etc..)
Chaque entreprise planifie donc son action propre pour s'assurer qu'elle
assume pleinement ses responsabilités, ce qui implique qu'elle doit
contrôler la qualité et la fréquence des examens
médicaux.
Pour réaliser les objectifs de l'entreprise, le
médecin-conseil de l'entreprise doit donc pouvoir: choisir ses
examens médicaux; administrer ses examens médicaux;
étudier les dossiers médicaux des employés; avoir
pleine juridiction sur les employés de son service.
Nous admettons cependant que cette partie de la gestion des entreprises
touche tous les travailleurs d'une entreprise et nous reconnaissons que ces
derniers puissent désirer avoir leur mot à dire.
Le projet de loi No 17 suggère une double solution à ce
problème; 1 - la "nationalisation" des services assurant la santé
personnelle des travailleurs, en n'autorisant que le recours au réseau
public des services de santé: 2- la possibilité pour l'employeur
d'embaucher un médecin-conseil et du personnel médical pour la
réalisation de programmes de santé additionnels, s'il obtient
l'accord de son comité de santé et de sécurité
(art. 96).
Le C.P.Q. rejette cette solution à cause: 1) de son coût;
2) de l'exigence posée par l'article 96; 3) des frictions possibles
entre les médecins-conseils et les services de santé
"nationalisés" advenant l'accord prévu à l'article 96; 4)
de l'indépendance administrative des services de santé au travail
à l'égard des entreprises; 5) et, enfin, parce que l'entreprise
ne pourrait plus, dans le contexte envisagé, assumer pleinement ses
responsabilités dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail.
Dans le cadre suggéré par le projet de loi, qui
conseillera l'entreprise lors du renouvellement de la convention collective
lorsque seront discutées les clauses de santé et de
sécurité au travail, ou à l'occasion d'un accident de
travail?
Qui la conseillera relativement aux absences d'un employé? Qui
sera son expert-conseil lors d'un arrêt de travail? Qui conseillera
l'employeur sur le retour au travail d'un employé? Qui agira pour
l'entreprise dans les cas de grève dans les services publics de
santé? Comment s'effectueront les relations entre les médecins du
travail et les hygiénistes industriels?
On peut encore formuler toute une série d'objections, toutes plus
valables les unes que les autres. Mentionnons les suivantes: La
formation du personnel d'un service de santé d'une entreprise exige un
très long apprentissage axé sur la médecine
préventive beaucoup plus que curative. Le personnel médical doit
connaître l'entreprise, les postes de travail, les produits, les
conditions de travail, à tel point que, dans l'entreprise
internationale, cette formation n'est souvent donnée qu'à un
niveau international. Comment les entreprises seront-elles assurées de
la qualité des services médicaux dans le cadre qui leur est
suggéré? Un accident ou un incident survient. Qui en
prendra la responsabilité s'il est prouvé que l'erreur est
imputable à un centre médical public ayant, par exemple,
accepté trop tôt le retour au travail d'un employé?
L'accident peut être un accident de travail au sens strict du terme, mais
il peut impliquer aussi des pertes matérielles pour l'entreprise,
impliquer des tiers comme le public en général... Qui
défraiera la note, qu'il s'agisse d'entreprises privées ou
parapubliques, comme l'Hydro-Québec? Plusieurs entreprises
possèdent des établissements situés dans diverses
régions du Québec. Dans ces entreprises, les décisions
concernant le programme de santé et de sécurité sont
généralement prises au niveau corporatif, ou même à
l'extérieur du Québec. Comment les D.S.C. ou les C.L.S.C.
pourront-ils, chacun dans leur région, coordonner les programmes de
recherche et les programmes de santé et de sécurité ainsi
élaborés? Comment les directives sectorielles, provinciales,
nationales ou internationales pourront-elles être appliquées
uniformément dans diverses régions? Comment seront
coordonnées les prises de décision des comités paritaires
à ce sujet? Etc..
N'est-ce pas là la fin de la recherche médicale dans les
entreprises?
Face à tous ces problèmes pratiques, une question majeure
se pose donc: "Pourquoi le Législateur tient-il tant à chambarder
ainsi l'organisation des services de santé dans des entreprises qui ont
assumé leurs responsabilités en ce domaine et mis sur pied des
services qui valent bien ce que pourra offrir le réseau public des
services de santé?
Les seuls arguments invoqués en réponse à cette
question ont été de deux ordres: la
crédibilité des médecins d'entreprise est
sérieusement mise en doute; les médecins d'entreprise sont
en conflit d'intérêt Ces arguments ne résistent pas
à l'analyse.
a)
La crédibilité des
médecins d'entreprise
Les seules personnes capables de juger de la compétence d'un
médecin du travail sont des médecins ou la Corporation
professionnelle des médecins.
Or, à notre connaissance, aucun médecin d'entreprise n'a
été condamné par la
Corporation professionnelle des médecins pour incompétence
dans la pratique privée de la médecine du travail.
Dire que la crédibilité des médecins d'entreprise
est mauvaise, c'est condamner les médecins d'entreprise sans
procès. Seule la Corporation professionnelle des médecins est
habilitée à prouver cette incompétence, et il n'appartient
pas à des fonctionnaires ou à des syndicalistes de se substituer
à la Corporation. Nous ne leur reconnaissons d'ailleurs aucune
compétence en ce domaine.
b) Le conflit d'intérêt des
médecins d'entreprise
Le médecin d'entreprise a pour tâche de conseiller
l'entreprise au sujet de la santé et de la sécurité au
travail. Il a pour tâche de conseiller l'entreprise au même titre
que plusieurs autres professionnels, qu'il s'agisse du contrôleur, du
conseiller en ressources humaines, de l'avocat, du conseiller en
administration, de l'ingénieur, de l'architecte... Ces professionnels
sont-ils en conflit d'intérêt parce qu'ils travaillent pour une
entreprise? Un professionnel, même médecin, est-il en conflit
d'intérêt "professionnel" parce qu'il travaille pour le
gouvernement ou pour un syndicat?
L'Etat est conscient de ces problèmes concernant les
professionnels. C'est pourquoi il agit ordinairement de deux façons pour
protéger le public: par la création des corporations
professionnelles et par la réglementation.
Or, concernant les services de santé au travail, il est exact de
dire que l'Etat n'a que très peu réglementé. Nous
suggérons donc qu'au lieu de "nationaliser" les services de santé
au travail, l'Etat s'acquitte de l'une de ses tâches primordiales:
établir une réglementation des services de santé au
travail, et en assurer la pertinence et le contrôle, sans pour autant
enlever à l'entreprise ses moyens d'assurer la santé et la
sécurité au travail de ses travailleurs, conformément
à ses responsabilités.
D'où notre proposition globale à l'égard de
l'organisation des services de santé en milieu de travail:
A- Nous reconnaissons le bien-fondé des principales dispositions
du projet de loi No 17 au sujet des programmes et services de santé qui
doivent être offerts aux travailleurs tant au plan local que
régional;
B- Nous acceptons que ces services puissent être dispensés
par le réseau public de santé lorsque l'entreprise opte
elle-même pour qu'il en soit ainsi, sous réserve cependant qu'il
lui soit permis de s'organiser elle-même (ou en groupe) pour offrir ces
services (à l'intérieur de ses établissements ou en
cliniques privées); dans ce dernier cas, il ne saurait être
question alors pour l'entreprise d'être assujettie administrativement
(autrement que pour le contrôle général des normes
gouvernementales) à tout D.S.C. ou C.L.S.C;
C- Nous accepterions par ailleurs que le gouvernement réglemente
davantage les services de santé au travail là où ils sont
déjà organisés ou pourront l'être. Cette
réglementation pourrait s'inspirer des paramètres suivants:
rendre autonome le service médical de l'entreprise, en le
rattachant directement au plus haut niveau de direction, tout en s'assurant de
l'indépendance professionnelle du médecin par le biais de sa
Corporation; le médecin est choisi et
rémunéré par l'entreprise, mais il doit être membre
du Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier de la
région; le contrat d'embauchage du médecin doit être
accepté par l'Ordre professionnel ou par la Commission de la
santé et de la sécurité au travail; des normes et
des programmes de santé seront rendus obligatoires dans les entreprises;
l'entreprise sera tenue de remettre des rapports et des dossiers quant
à l'observance de ces normes; le D.S.C. assume le rôle
administratif suivant à l'égard des entreprises; il voit
à ce que les programmes cadres soient exécutés; il
fait de la "surveillance" épidémiologique dans l'entreprise.
des subventions pourront être mises à la disposition de
petites et moyennes entreprises qui ne peuvent se doter d'un service de
santé au travail. On favorisera ainsi la création de cliniques
inter-entreprises.
Les coûts
Le livre blanc d'octobre 1978 avançait quelques données
sur le coût éventuel de la réforme envisagée.
Malheureusement, ces données étaient partielles et les
auteurs du Livre blanc devaient continuer leur recherche pour mieux cerner les
coûts d'ensemble de leur projet.
Qu'en est-il aujourd'hui de ces recherches, de ces études?
N'y aurait-il pas lieu pour le ministre responsable de déposer
à la Commission parlementaire une évaluation, la plus
réaliste possible, des coûts de réalisation de ce projet de
loi, de même que l'échéancier prévu?
On comprendra qu'il est difficile pour un organisme comme le nôtre
de faire une telle évaluation des coûts. Bien sûr, nous
avons certaines indications de ce qu'il en coûtera, et déjà
nous sommes en mesure d'affirmer que les petites et moyennes entreprises
trouveront les coûts de la réforme très
élevés, à juste titre. Mais trop de sujets seront
déterminés par réglementation pour que nous puissions
évaluer le coût total de cette nouvelle loi.
Il appartient donc au ministre responsable "d'ouvrir le livre des
coûts estimés de la réforme", d'en discuter ouvertement, de
déposer en Commission parlementaire toute la réglementation
susceptible de donner lieu à des dépenses pour l'entreprise.
La commission de la santé et de la
sécurité au travail
Nous avons déjà indiqué notre accord au sujet de la
création d'une Commission de la santé et de la
sécurité au travail, ainsi qu'avec la composition de son Conseil
d'administration, encore que seuls les travailleurs syndiqués y soient
représentés.
Notre réserve fondamentale à l'égard de cette
Commission tient au mandat absolument extraordinaire qu'on entend lui
confier.
Les articles 129 et 185 du projet de loi font de cette Commission un
organisme omniprésent dans la vie quotidienne des entreprises. Nous
ferons plus loin quelques suggestions pour en réduire l'importance (voir
article 185). Mais nous souhaitons vivement que le Législateur revoie
encore, une à une et à la loupe cette fois, toutes et chacune des
fonctions que l'on veut attribuer à cette Commission. Celles-ci seraient
moins onéreuses et plus productives si elles étaient
assumées par d'autres organismes, dont les entreprises
elles-mêmes, évitant ainsi de faire de cette Commission un monstre
administratif qui, en raison de sa lourdeur, coûtera des sommes
fabuleuses aux entreprises, lesquelles en assument tous les coûts.
SECTION III
Commentaires particuliers sur certains articles du
projet de loi No 17
Chapitres I et II Définitions et champ
d'application
Art 1, 4 Biffer les mots "ou de loisirs".
Art 1, 14 Biffer les mots "ou de loisirs".
Art 1, 16 "Moyen de transport". Ce paragraphe doit être
amendé pour préciser que cette expression ne comprend pas le
transport de l'employé de son domicile à son lieu de travail. Art
1, 23 Compte tenu des observations faites dans la section I, biffer la
définition de "représentant à la prévention". Art
1, 24 Au lieu d'utiliser le mot "travailleur" dans la loi, on devrait utiliser
l'expression "salarié", par mesure de concordance avec les autres lois
du travail. Art 7 Voir nos commentaires à l'article 27.
Chapitre III Droits et obligations
Art 9, 1 Biffer les mots "et la supervision".
Art 9, 3 Si le mot "participation" est entendu dans un sens large de
participation collective des travailleurs, et non d'une participation
individuelle de chaque travailleur, c'est d'accord.
Il faudrait donc clarifier le texte.
Droit de refus
Art 11 II faut qualifier le mot "danger". Pour notre part, nous
suggérons "danger immédiat et grave". Voir également notre
commentaire sur l'exercice de ce droit, si un tel exercice risque de mettre en
péril la santé ou la sécurité d'autres
personnes.
Art 12 Supprimer les mots "normalement et habituellement".
Art 13 On doit ajouter à cet article l'obligation pour le
travailleur de donner les raisons de son refus de travailler.
Art 14 Cet article devrait se lire comme suit: "Dès qu'il en est
avisé, le supérieur immédiat ou, le cas
échéant, l'employeur ou son agent procède à
l'examen de la situation et apporte des mesures correctives s'il y a lieu".
Art 15 et 16 Ces articles devraient se lire comme suit:
Art 15, 1 "Dans les cas où il existe un comité de
santé et de sécurité, si, après l'examen de la
situation, le travailleur refuse toujours d'exécuter son travail,
malgré les corrections qui peuvent avoir été
apportées, le travailleur, l'employeur ou son représentant peut
requérir l'intervention du comité pour examiner à nouveau
la situation".
Art 15, 2 "S'il n'y a pas de comité de sécurité, le
travailleur, l'employeur ou son représentant peut requérir
l'intervention du représentant de l'association accréditée
ou, s'il n'y en a pas ou s'il n'est pas disponible, de tout autre travailleur
compétent en la matière désigné par celui qui
refuse d'exécuter son travail".
Art 16 "L'employeur doit permettre au représentant de
l'association accréditée ou au travailleur désigné
en vertu de l'article 15, 2 de participer, sans perte de salaire, à
l'examen de la situation".
Art 19 Cet article doit être biffé pour être
remplacé par un article qui dirait: "En tout temps, un employeur a le
droit de remplacer un travailleur qui exerce son droit au refus de travailler
par un autre travailleur si 1) ce dernier est avisé du fait qu'un autre
travailleur a exercé son droit de refuser de travailler, ainsi que des
motifs de ce refus; 2) il est consentant à effectuer le travail". La loi
ontarienne est ainsi rédigée: "Pending the investigation and
decision of the inspector, no worker shall be assigned to use or operate the
equipment, machine, device or thing or to work in the work place or the part
thereof which is being investigated unless the worker to be so assigned has
been advised of the refusal by another worker and the reason therefor".
Art 21, 2e paragraphe
Art 21, 2e par. Biffer, en raison de la nouvelle rédaction de
l'article 19.
Art 22 Cet article devrait se lire comme suit: "La décision de
l'inspecteur est exécutoire, sous réserve de l'article 147".
Art 23 II faudrait qualifier le mot "jours", de "jours ouvrables".
Art 26 Cet article doit se lire ainsi, compte tenu du nouvel article 19:
"Aussi longtemps que le travailleur exerce son droit de refus et jusqu'à
ce qu'une décision exécutoire soit rendue par l'inspecteur, le
travailleur ne doit subir aucune diminution de salaire et n'être
privé d'aucun des avantages sociaux liés à son
emploi".
Art 27 Ajouter après cet article, les mots: "sous réserve
de la non-application dans ce cas précis des dispositions de l'article
7".
Art 28 Nous demandons que cet article se lise comme suit: "Dans tous les
cas, l'inspecteur doit être présent sur les lieux au plus six
heures après que son intervention a été requise".
Art 30 Biffer cet article.
Si cet article était appliqué, certaines entreprises
seraient incapables d'en assumer les coûts. On peut prévoir en
effet que certains "refus" ne seront pas justifiés, et qu'il faudra
attendre, dans certains cas, tout le cheminement de la procédure d'appel
avant de clarifier la situation. Dans les grandes entreprises, l'application de
cet article pourrait représenter des sommes considérables, que
les entreprises ne pourraient récupérer du travailleur
"fautif".
Il serait possible à des travailleurs d'utiliser cet article pour
"embêter" un employeur: on pourrait constamment pointer des
fonctions-clés de travail, et invoquer le droit de refus de travailler,
obligeant l'employeur à rémunérer les autres travailleurs
affectés par l'arrêt de travail. On voit vers quel genre de
situation une telle hypothèse pourrait conduire.
Art 31 Le deuxième paragraphe de cet article devrait se lire
ainsi: "Dans les dix jours d'une décision finale ou de la connaissance
de faits nouveaux, l'employeur peut imposer des mesures disciplinaires si le
refus a été exercé pour des motifs non raisonnables".
La travailleuse enceinte
Art 32 et 33 a) Ces articles devraient être rédigés
de la même façon que l'article 9 de l'ordonnance No 17, 1978
(congés de maternité), découlant de la loi du salaire
minimum, afin d'éviter les contradictions. Ainsi, l'ordonnance No 17
parle d'un délai de 8 jours
pour effectuer la mutation demandée, alors que l'article 33 du
projet de loi No 17 prévoit que l'affectation demandée doit
être effectuée sans délai. b) II y a lieu d'ajouter un
paragraphe à cet article autorisant l'employeur à soumettre
à l'appréciation de son propre médecin le certificat
médical qui lui est soumis par la salariée enceinte. c) Nous ne
nous opposons pas, en principe, au deuxième paragraphe de l'article 33
qui prévoit une indemnité pour une travailleuse enceinte dans le
cas où celle-ci ne peut être mutée à d'autres
fonctions. Le paiement d'une telle indemnité n'incombe cependant pas aux
employeurs. La rémunération des congés de
maternité, quel que soit le contexte qui prévaut au moment
où est pris le congé de maternité, relève d'une
politique sociale globale et doit donc être à la charge des fonds
publics, si le Législateur opte pour une telle politique de
rémunération. d) Compte tenu du paragraphe
précédent, les articles 32 à 37 du projet de loi No 17
devraient donc être rayés. Et s'il y a lieu de prévoir une
rémunération quelconque à l'occasion d'un
congé-maternité, les modalités de cette
rémunération devraient être précisées, ou
à l'ordonnance No 17, ou à la loi No 126 sur les normes du
travail, ou par un arrêté en conseil.
Obligations du travailleur
Art 38 Ajouter, à l'article 38, les paragraphes 7 et 8
suivants:
Art 38,1 Ajouter, à la fin de cet article, les mots "et
l'observer".
Art 38,5 Réécrire cet article pour qu'il se lise comme
suit: "Participer à l'identification et tendre à
éliminer..." Art 38,7 "Utiliser les moyens et les équipements de
protection individuels et collectifs, mis à sa disposition
conformément à l'article 40." Art 38,8 "Utiliser un
matériel, un contaminant ou une matière dangereuse
conformément aux règlements."
Droits généraux de l'employeur
Art 39 a) Ajouter au début de cet article un texte qui
apparaissait au Livre blanc, à la page 201: "L'employeur a droit
à l'organisation et à l'aménagement des lieux de travail
en tant que propriétaire et gestionnaire de son entreprise". b) La
première ligne du deuxième paragraphe de l'article 39 devrait se
lire: "L'employeur a notamment le droit..." c) Ajouter à cet article:
"De prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé, la
sécurité et l'intégrité physique des
salariés et de ses clients.
De faire subir des examens médicaux à ses employés
par un médecin de son choix".
Obligations générales de
l'employeur
Art 40,5 Cet article devrait se lire comme suit: "S'assurer que les
méthodes et techniques soient sécuritaires et ne portent pas
atteinte à la santé du travailleur". (Le mot "organisation du
travail" est utilisé ici dans un sens beaucoup trop large).
Art 40,6 Ajouter le mot "reconnues" après les méthodes et
techniques.
Art 40,8 Supprimer les mots "ainsi que l'association
accréditée", et ajouter "tel que prescrit par règlement".
Art 40,12 Remplacer le mot "choisis" par "suggérés", et ajouter
après "de sécurité", les mots "et approuvés par
l'employeur". Rayer les mots: "Conformément au paragraphe 1 de l'article
63".
Le programme de prévention
Art 47 Remplacer les mots "compte tenu des responsabilités du",
par "après consultation du". Art 48 a) Biffer les mots "l'organisation
du travail", au paragraphe 3; b) Biffer les mots "de surveillance", au
quatrième paragraphe. c) Modifier le deuxième alinéa du
paragraphe 6, pour qu'il se lise comme suit: "Les éléments
visés dans les paragraphes 1 et 2 sont déterminés par
l'employeur, après consultation du comité de santé et de
sécurité".
Art 50 Cet article devrait se lire: "L'employeur informe le travailleur
du programme de prévention qui lui est applicable. Il en informe de
même le comité de santé et de sécurité".
Les fournisseurs
Art 52 à 55 II y a lieu d'abord de faire les concordances exactes
avec les autres lois et règlements qui traitent des mêmes sujets.
C'est le cas notamment de l'article 350 d) de la loi sur la protection du
consommateur et des autres lois sur l'étiquetage. Il ne devrait pas y
avoir deux lois ou deux règlements qui traitent du même sujet.
Quant à l'article 52, il est susceptible, en pratique, d'entraver
complètement les activités normales de production d'une
entreprise. Telle n'est sûrement pas l'intention du Législateur et
cet article devrait être précisé.
Nous vous référons d'ailleurs à ce sujet au
mémoire soumis par la section québécoise de l'Association
des manufacturiers canadiens.
Chapitre IV Les comités de santé
et de sécurité
Art 56 a) Le nombre de dix travailleurs est trop bas.
L'arrêté en conseil 3787 établit ce nombre de travailleurs
à vingt et nous croyons que telle devrait être la norme retenue
à la loi No 17. Si d'ailleurs la Commission le juge opportun, elle
pourra toujours, en vertu du deuxième paragraphe de l'article 57, exiger
la constitution d'un comité de santé et de
sécurité, quel que soit le nombre de travailleurs dans
rétablissement. b) Les entreprises à établissements
multiples (commerces de détail banques garages
etc..) devront-elles, en vertu de cet article, prévoir
l'éventuelle composition, dans chacun de leurs établissements,
d'un comité de sécurité? Si tel est le cas, on voit d'ici
les coûts que cela pourrait représenter pour certains types
d'entreprises. Le Législateur devrait préciser clairement la
possibilité de regrouper des établissements pour fins
d'application de la loi, là où les programmes de
prévention (de même que l'organisation des services de
santé) seront décidés au niveau corporatif.
Art 57 Dans plusieurs entreprises groupant des centaines de
travailleurs, il est possible qu'il existe une association
accréditée ne représentant que quelques travailleurs.
L'association accréditée ne serait pas alors
représentative de l'ensemble des travailleurs.
Il faut donc prévoir que l'association accréditée,
pour transmettre un tel avis à l'employeur, devra représenter au
moins 50% des travailleurs d'un établissement.
Art 58 Le nombre de membres d'un comité, de même que les
modalités de la désignation des représentants des
travailleurs devraient être prévus à la loi.
Au sujet des modalités de la désignation des
représentants des travailleurs, nous suggérons la formule retenue
à l'article 147 de la Charte de la langue française pour la
composition du comité de francisation: S'il n'y a dans
l'entreprise qu'une seule association de salariés représentant la
majorité des travailleurs, celle-ci désigne les
représentants des travailleurs; S'il y a dans l'entreprise
plusieurs associations de salariés qui, ensemble, représentent la
majorité des travailleurs, ces associations peuvent, par entente,
désigner les représentants des travailleurs; S'il n'y a
pas entente, ou dans les autres cas, ces représentants sont élus
par l'ensemble des travailleurs de l'entreprise, suivant des modalités
déterminées par la direction de l'entreprise.
Art 59 Comme nous ne reconnaissons pas un pouvoir autonome de
décision au comité de sécurité, nous demandons de
biffer cet article. Art 63 Pour la même raison, nous demandons: a) de
remplacer le mot "choisir" par le mot "suggérer" dans le premier
paragraphe; b) de remplacer le mot "établir" par le mot
"suggérer" dans le deuxième paragraphe; c) d'enlever les mots
"l'organisation du travail" dans le paragraphe 3; d) de biffer le paragraphe 5;
e) de réécrire le paragraphe 7 pour qu'il se lise comme suit: "de
faire des recommandations à l'employeur concernant les techniques
d'hygiène industrielle, l'entretien préventif et les normes
d'hygiène et de sécurité spécifiques à
l'établissement". f) il y a lieu de restreindre la portée
actuelle, trop large, du paragraphe 8 qui permettrait de tenir des
enquêtes sur tous les accidents ou risques d'accidents. Le texte du
paragraphe 8 devrait se lire: "être informés des accidents
compensables, et si le comité le juge nécessaire, une
enquête sera effectuée par deux membres du comité qui
soumettront les recommandations appropriées à l'employeur." g) de
remplacer le mot "plaintes" par "suggestions" dans le paragraphe 9. h) de
biffer le paragraphe 12.
Art 64 Biffer cet article qui n'est justifié que par le pouvoir
de décision accordé au comité de santé et de
sécurité.
Chapitre V Le représentant à la
prévention
Art 67 à 72 inclus Nous avons déjà indiqué,
à la section II, nos raisons pour biffer cet article.
Chapitre VI Les associations
sectorielles
Art 73 Après "associations d'employeurs" ajouter
"représentative(s) des employeurs d'un sec- teur" et après
"associations syndicales", ajouter "représentative(s) des travailleurs
d'un secteur".
Art 74 Les associations patronales du secteur de la construction
commenteront cet article.
Chapitre VII Les associations syndicales et les
associations d'employeurs
Art 79 et 80 Pour les raisons mentionnées à la section II,
nous nous opposons à ce que la Commission accorde, à des
associations syndicales, des subventions puisées à même les
fonds patronaux, quelles que soient les raisons invoquées pour justifier
ces subventions.
Chapitre VIII Les services de santé au
travail
Art 81 à 101 Nous avons déjà établi
fermement, dans la section II, notre position à l'égard de
l'organisation des services de santé au travail. Essentiellement, nous
rejetons l'orientation de base du projet de loi qui a pour effet de soumettre
dorénavant le médecin d'entreprise à l'autorité,
non plus de l'entreprise, mais du D.S.C. ou des C.L.S.C. Nous avons
indiqué nos motifs à la base de cette position et
suggéré plusieurs éléments de réforme de
l'organisation actuelle. C'est en tenant compte de cette position fondamentale
que nous commentons ci-après les articles 81 à 101.
Art 83 La rédaction de cet article devrait prévoir deux
situations: celle où l'entreprise elle- même applique les
programmes de santé, et celle où les services de santé
sont assumés par le D.S.C. ou le C.L.S.C. Nous suggérons le texte
suivant: "La Commission conclut, avec chaque centre hospitalier où
existe un département de santé communautaire, un contrat aux
termes duquel le centre hospitalier s'engage: a) à fournir l'information
requise et à voir à ce que les entreprises appliquent les
programmes cadres de santé et de sécurité au travail
lorsqu'elles assument elles-mêmes l'organisation de ces services, dans
l'entreprise ou en cliniques privées; b) à fournir, dans les
autres cas, les services nécessaires à la mise en application du
programme cadre de sécurité au travail.
Ce contrat est pour un territoire déterminé ou pour les
établissements qui y sont identifiés."
Art 85 Prévoir également le cas où, selon le
paragraphe a) de la rédaction que nous suggérons de l'article 83,
le médecin responsable des services de santé dans un
établissement est rémunéré directement par
l'employeur.
Art 86 Ajouter que les services de santé peuvent également
être fournis dans une clinique privée, si tel est le choix de
l'employeur, et rayer le deuxième paragraphe. Ce deuxième
paragraphe est en effet nettement discriminatoire: il y aurait en effet la
"bonne" médecine, celle dispensée dans le réseau public
des services de santé, et l'autre... celle dispensée en clinique
privée. Le Législateur peut-il, en toute équité,
justifier un tel choix?
Art 88 Cet article doit être complètement modifié
pour se lire comme suit: "Le médecin responsable est choisi par
l'employeur à partir d'une liste de médecins agréés
aux fins de la médecine du travail par le centre hospitalier."
Art 89 Rayer cet article.
Art 94 Cet article doit être réécrit pour tenir
compte des modifications suggérées à l'article 83.
Art 96 Rayer le premier paragraphe et conserver le deuxième.
Encore une fois, l'article 96 donne un pouvoir de décision au
comité de sécurité. Il est de plus difficilement
acceptable pour une entreprise de devoir obtenir l'accord des travailleurs pour
mettre en application des programmes additionnels de santé.
Art 97, 98 Ces trois articles doivent être réécrits
pour tenir compte des modifications suggérées à et 100
l'article 83.
Art 98 Pourquoi "toute déficience" mentionnée à cet
article serait-elle signalée à l'association
accréditée et au comité de sécurité?
Art 106 Sans en faire une suggestion ferme, nous nous demandons s'il n'y
aurait pas lieu de revoir le nombre de membres du Conseil d'administration,
afin d'y ajouter deux membres qui seraient deux médecins nommés
par la Corporation professionnelle des médecins. Compte tenu du contenu
de cette loi et de la réglementation éventuelle au plan
médical, il faut s'assurer, d'une façon ou d'une autre, que les
responsabilités qu'assumera la Commission en ce domaine seront
assumés convenablement, ce qui suppose de la part de certains de ses
membres des connaissances médicales approfondies.
Chapitre X Inspection
Art 135 Remplacer les mots "à toute heure" par "pendant les
heures normales d'ouverture", à moins de produire un mandat l'autorisant
à ce faire.
Au deuxième paragraphe, après le mot "dossiers", ajouter
"prévus par cette loi, sauf les dossiers médicaux". Art 136,3 II
est nécessaire d'ajouter à ce paragraphe les trois
éléments suivants: a) L'employeur doit être informé
des méthodes d'analyse utilisées; b) On doit lui remettre 50% des
échantillons prélevés, lorsque possible; c) On doit lui
remettre une copie du rapport d'analyse. Art 142 et 146 Remplacer le mot
"alors" par les mots "sur-le-champ".
Art 143 Nous demandons de rayer cet article. Il est impensable par
exemple que, pour des raisons tout à fait hors du contrôle de
l'employeur, celui-ci soit obligé de rémunérer ses
travailleurs durant une suspension de travaux ou une fermeture, d'autant plus
qu'une telle fermeture pourrait être décrétée pour
une période indéfinie.
Art 144 Si aucune personne ne peut être admise sur un lieu de
travail fermé, comment l'employeur pourra-t-il remédier à
la situation?
Art 147 Cet article devrait se lire: "un ordre ou une décision
d'un inspecteur est exécutoire tant qu'il n'y a pas d'appel devant la
Commission, sous réserve du pouvoir de la Commission de maintenir la
décision de l'inspecteur jusqu'à ce qu'elle ait rendu sa
décision."
Art 149 Nous avons toujours préconisé que l'unification de
l'inspection des normes de travail, incluant le secteur de la construction, se
fasse sous l'autorité du ministère du Travail, sous
réserve de l'inspection actuellement faite par le ministère des
Richesses naturelles, laquelle devrait demeurer, compte tenu de l'argumentation
faite à ce sujet par le secteur minier, sous la bonne gouverne de ce
ministère.
En aucun temps cependant nous n'accepterions, pour des raisons de
principe, que l'inspection relève de la Commission de la santé et
de la sécurité au travail.
Chapitre XI Les chantiers de
construction
Nous sommes satisfaits de ce que le projet de loi consacre une section
aux problèmes particuliers de l'industrie de la construction.
Compte tenu cependant de la complexité des questions propres
à ce domaine et de l'expertise considérable des associations
patronales de ce secteur, membres du C.P.Q., celles-ci feront leur propre
analyse des articles 150 à 184.
Rappelons que tous les principes que nous avons déjà
discutés dans le cadre général de la loi valent
également pour le secteur de la construction, qu'il s'agisse du refus de
travailler, des fonctions du comité de chantier, des subventions aux
associations syndicales, etc..
Chapitre XII Règlements
Art 185 Nous avons déjà souligné les pouvoirs
très étendus de réglementation accordés à
la
Commission de la santé et de la sécurité au travail
et nous avons également demandé que ces pouvoirs soient revus
afin d'éviter que la Commission ne devienne un monstre administratif,
par définition inefficace.
Commentaires additionnels: a) rayer le paragraphe 10; b) aux paragraphes
14et 15, ajouter "minima" après "équipements" et "mesures de
sécurité"; c) le paragraphe 19 devrait se lire:
"Déterminer les cas ou circonstances dans lesquels un employeur doit
faire subir des examens médicaux, de même que le contenu minimum
de ces examens et la fréquence minimum de ces examens;
d) les fonctions de la Commission prévues aux paragraphes
22,23,25 et 33 devraient être transférées au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui en assume
déjà la responsabilité; e) au paragraphe 12, ajouter
l'article 79; f) au paragraphe 18, éliminer les mots "et la
capacité physique".
Art 186 Cet article devrait s'appliquer également dans les cas
d'amendements aux règlements.
Dans les cas où il faut, par règlement, lister quels sont
les contaminants ou les matières dangereuses, un avis à l'effet
que la Commission entreprend une telle démarche devrait être
publié dans la Gazette officielle. Voir à ce sujet l'article 22
de la loi ontarienne.
Chapitre XIII Recours
Art 193 Lorsqu'il existe une convention collective, le travailleur ou
son association accréditée devrait obligatoirement avoir recours
à la procédure de règlement de griefs plutôt que de
porter plainte auprès du commissaire général du
travail.
Chapitre XIV Infractions
Art 197 Ajouter à la fin des premier et deuxième
paragraphes: "ou d'un groupement visé à l'article 60 du Code de
procédure civile".
Art 198 Ajouter "sciemment" après les mots "quiconque pose".
Art 202 Remplacer te mot "travailleur" dans cet article par le mot
"personne". L'esprit de cet article concorderait ainsi avec l'esprit qui appuie
le contenu de l'article 124. Art 203 Ajouter les mots "sciemment"
après»"de cette corporation qui,".
Art 204 Les mots "tout intéressé" devraient être
clairement précisés.
Art 205 Remplacer les mots "l'expédition par la poste", par "la
signification par un huissier ".
Chapitre XV Financement
Nous avons déjà commenté, dans la section II, le
financement de la loi No 17 et des règlements. Chapitre XVI
Dispositions transitoires
Art 238 Nous nous opposons à ce que cet article abroge l'article
111 de la Loi des accidents du travail, car c'est la seule disposition qui
permet à des employeurs de discuter de certains problèmes
particuliers avec les autorités de la CAT.
Art 280 Selon cet article, un comité de santé et de
sécurité constitué en vertu d'une convention collective
deviendrait, dès la sanction de la loi No 17, un comité de
santé et de sécurité au sens de la loi No 17, donc avec
tous les pouvoirs de décision que celle-ci prévoit. Une telle
disposition nous oblige à affirmer plus fermement encore nos objections
au pouvoir autonome de décision du comité paritaire de
santé et de sécurité. En effet, si les parties patronale
et syndicale, par le processus de la libre négociation de la convention
collective, n'ont pas convenu de donner des pouvoirs de décision
à ce comité, est-il justifiable que le Législateur
intervienne dans ce processus de la libre négociation et impose
lui-même, d'en haut, ses diktats? Une telle intervention saperait les
fondements mêmes de la négociation collective entre partenaires
responsables.
Art 286 L'article 286 prévoit-il, en pratique, la création
d'un nouveau ministère de l'Inspectorat?
Pour notre part, nous réaffirmons que la mise sur pied de
nouvelles structures gouvernementales ne serait pas justifiée et que le
ministère du Travail est déjà en partie structuré
pour se charger de l'application générale des dispositions de
l'article 149.
Art 287 Le ministre désigné pour l'application de cette
loi devrait être le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre.
CONCLUSION
En conclusion, nous remercions tous les membres de cette Commission
parlementaire de la bonne attention qu'ils voudront bien apporter à nos
divers commentaires. Ceux-ci d'ailleurs ne sont pas complets, étant
donné le court délai qui nous a été accordé
pour l'étude, en pleine saison estivale, de cet important projet de
loi.
Nous remercions de façon plus particulière le ministre
responsable d'avoir soumis, comme il l'avait toujours indiqué, le projet
de loi 17 à cette Commission parlementaire. Et nous souhaitons vivement
que nos représentations, ainsi que celles, nombreuses, de nos
associations et entreprises membres, retiendront son attention et celle de ses
principaux conseillers afin d'en arriver, croyons-nous, à une nouvelle
rédaction de ce projet de loi.
Nous disons bien "nouvelle rédaction" et non "retrait" du projet
de loi. Nous affirmons à nouveau en effet notre accord avec les
objectifs poursuivis. Les moyens suggérés pour les
réaliser
cependant font l'objet de trop d'objections sérieuses de la part
des milieux patronaux, pour croire que quelques amendements apportés ici
ou là sauront les satisfaire.
Or, s'il est exact, comme nous le croyons, que ce projet de loi a pour
objectif final d'améliorer la santé et la sécurité
de milliers d'hommes et de femmes au travail, ce avec quoi nous sommes
totalement d'accord, il doit au moins tendre à s'associer les
entreprises dans la réalisation de cet objectif.
Tel ne semble pas être actuellement le cas, et ce serait une
erreur magistrale que de croire que la prévention des accidents du
travail ne peut être qu'une affaire de législation et de
réglementation.
C.P.Q. Août 1979
ANNEXE B
Mémoire présenté par
L'Association provinciale des marchands d'automobiles
du Québec Limitée.
Relativement au projet de loi numéro 17 sur la
santé et la sécurité du travail Québec, 17
août 1979.
L'Association Provinciale des Marchands d'Automibiles du Québec
Limitée réunit onze (11) associations régionales de
marchands d'automobiles regroupant plus de huit cent vingt-cinq (825) membres,
tous des marchands d'automobiles possédant une franchise dûment
reconnue des grands manufacturiers d'automobiles.
Le nombre moyen de salariés de chaque établissement
s'établit à trente (30); ce qui signifie que plusieurs de nos
membres se situeront autour de la limite de dix (10) travailleurs à
laquelle réfère le projet de loi, à l'article 56.
Comme nous l'avions fait lors d'un projet de refonte du règlement
concernant les établissements industriels et commerciaux
(ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre), et lorsque le
gouvernement d'alors avait l'intention de mettre en place un règlement
sur la qualité du milieu de travail (ministère de
l'environnement), nous désirons réitérer nos craintes de
voir une seule loi et des règlements uniformes s'appliquer à des
établissements d'envergures tout à fait différentes.
Les mécanismes d'administration, notamment le service
d'inspection, les comités de sécurité, les recours
à des médecins ne peuvent d'aucune façon être
comparables dans des établissements de plusieurs centaines de
travailleurs et dans ceux de moins de dix (10) ou vingt (20) travailleurs.
Cette réserve d'ordre général étant faite,
nous ajoutons que l'Association Provinciale des Marchands d'Automobiles du
Québec appuie fortement toutes les recommandations et commentaires du
mémoire du Conseil du Patronat du Québec. Il va sans dire que les
concessionnaires franchisés considèrent que les fondements de la
réforme en matière de santé et de sécurité
au travail sont logiques. Forts du travail bien structuré et hautement
étoffé du Conseil du Patronat du Québec, nous voudrions
toutefois demander à la commission parlementaire de considérer
les points suivants:
Chapitre IV
Ce chapitre qui traite des comités de santé et de
sécurité prévoit la formation possible d'un tel
comité dans les établissements groupant plus de dix (10)
travailleurs.
Advenant que le processus de mise sur pied d'un comité paritaire
d'entreprise soit déclenché chez l'un ou l'autre de nos membres,
nous prétendons que la représentation exigée de
travailleurs sera bien au-delà des besoins réels de nos
entreprises.
Le mémoire du C.P.Q. fait une juste mais trop courte mention des
problèmes que le comité et/ou le représentant-travailleur
à la prévention pourront causer à la PME. Il nous semble
injuste que nos membres aient à défrayer individuellement les
coûts de l'opération de ces comités dont la
représentation en main d'oeuvre pourrait atteindre 40%. La duplication
des efforts chez chacun y sera fréquente et inutile. D'autres
entreprises, ayant des centaines de travailleurs, se verront imposer des
comités, sinon moindre en nombre, du moins moindre en
représentation proportionnelle.
Compte tenu des réalités de la compétition
commerciale que nos membres vivent quotidiennement, les modalités
d'application de la loi favoriseront fortement les opérations des
artisans (stations-services, ateliers de débosselage, etc..) qui sont,
pour nos membres, les plus nombreux compétiteurs.
Tel que mentionné plus haut, plusieurs de nos membres, à
cause du petit nombre de travailleurs qu'ils embauchent, ne pourront
logiquement mettre en marche un comité de santé et de
sécurité.
Cependant, comme tous les travailleurs profiteront des effets de cette
loi, tous les employeurs devraient s'y conformer. En effet, des centaines de
petits ateliers au Québec ne disposent d'aucun ou de
très peu d'équipement approprié pour
protéger la santé et la sécurité des travailleurs,
et les comités paritaires de santé et de sécurité
prévus au projet de loi n'existeront pas.
Nous recommandons que cette absence de comité de santé et
de sécurité soit compensée par un autre mécanisme
de surveillance dont nous traiterons plus loin au chapitre X.
Ajoutons que, tenant bien compte des buts louables visés, nous
croyons que la Commission, si le texte de loi demeure inchangé, peut
trop facilement imposer la création d'un comité de santé
et de sécurité dans une entreprise très petite. A
l'article 57, les critères d'imposition ne sont pas suffisamment
définis. Nous croyons que ceci conduira à la création de
comités fantoches dont l'essentiel des activités consistera
à rédiger des compte-rendus d'assemblées inutiles.
Chapitre X
L'A.P.M.A. recommande que des inspecteurs soient disponibles en assez
grand nombre pour assurer une surveillance à tous les trois (3) mois de
tous les établissements où n'existe pas un comité de
santé et de sécurité. Sinon, nous proposons que les
modalités d'application de la loi soient proportionnelles aux
capacités d'exercice de contrôle du service d'inspection.
Cependant il y aurait lieu de songer pour la Commission de santé
et de sécurité au travail à employer les mêmes
inspecteurs que la CAT. et le Ministère du travail qui voient à
l'application du règlement sur les établissements industriels et
commerciaux.
En effet, il nous semblerait superflu qu'un nouveau groupe d'inspecteurs
travaillant dans un domaine de même nature ajoute aux difficultés
actuelles d'opération des commerces de nos membres.
Voici donc les principales remarques que nous avions à formuler
concernant ce projet de loi auquel, répétons-le, nous donnons
notre accord à la condition que les mécanismes nécessaires
soient mis en place pour que tous les travailleurs en profitent sans, pour
autant, pénaliser les employeurs désireux d'opérer dans un
système de juste concurrence.
L'Association Provinciale des
Marchands d'Automobiles du
Québec Limitée.,
ANNEXE C
Mémoire de la Fédération des
travailleurs du Québec présenté à la
Commission permanente du travail et de la
main-d'oeuvre
concernant le projet de loi no. 17 "Loi sur la
santé et la sécurité du travail"
Messieurs les ministres,
Messieurs les députés,
Membres de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre 1.
Pour les membres de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre,
on pourrait prendre pour acquit que la Fédération des
travailleurs du Québec n'a pas besoin de présentation. Nous
croyons cependant qu'il n'est pas inutile de rappeler, à l'occasion de
la présentation du présent mémoire, que la F.T.Q. est, au
Québec, le porte-parole "politique" officiel de plus de 350,000
travailleurs syndiqués (dont environ 20% oeuvrent dans des secteurs de
juridiction fédérale). 2. Tous ces travailleurs syndiqués
ne sont pas cotisants à notre centrale puisque, contrairement aux autres
centrales syndicales au Québec, l'affiliation à la F.T.Q. se fait
sur une base volontaire, c'est-à-dire, que chaque section locale de
chacun de nos syndicats affiliés décide volontairement de
s'affilier à notre centrale et peut décider chaque mois,
volontairement, de nous retirer son affiliation. 3. Dans ces circonstances,
nous sommes heureux de pouvoir vous dire qu'il y a quelques mois, nous avons
dépassé le cap des 300,000 travailleurs syndiqués membres
de sections locales qui ont volontairement décidé de s'affilier
à notre centrale et d'en faire, par le fait de cette affiliation, leur
porte-parole officiel sur le plan politique. 4. Nous croyons que le rappel de
cette réalité de la F.T.Q., que certains sont trop souvent
portés à oublier, est suffisant pour établir, sans l'ombre
d'un doute, la représentativité de la F.T.Q. comme porte-parole
des travailleurs québécois sur le plan politique dans un
contexte où les lois du travail rendent virtuellement impossible
l'accès à la syndicalisation pour près des deux-tiers des
travailleurs et pour établir ses lettres de créance pour
s'exprimer devant votre commission sur le sujet à l'étude.
5. Cette représentativité de la F.T.Q., pour ce qui est du
sujet à l'étude par votre commission, est encore accentuée
du fait que notre centrale regroupe majoritairement les travailleurs
syndiqués dans les secteurs qu'on qualifie d'"industriels", tant-dans le
secteur privé que dans le secteur para-public: mines;
métallurgie; pâtes et papier; forêt; vêtement;
construction; production et distribution de l'électricité; arts
graphiques; automobile; aéronautique; en un mot, l'ensemble du grand
secteur de l'industrie manufacturière. La F.T.Q. est aussi majoritaire
chez les travailleurs syndiqués des secteurs de l'alimentation et de la
consommation courante; du commerce; du secteur municipal; du secteur de
l'hôtellerie et de la restauration; du secteur des communications, y
compris télé-communications, spectacles et radio-diffusion; du
secteur du transport (air mer terre); ainsi que chez les
fonctionnaires fédéraux, les facteurs et les postiers. 6. Bien
sûr, nous représentons aussi, dans ces secteurs, et dans d'autres
secteurs, un nombre très important de professionnels et de cols blancs,
et nous ne nous désintéressons pas, loin de là, de toutes
les questions reliées à la santé psychique des
travailleurs: stress, santé mentale; satisfaction au travail; etc.
lesquelles, d'ailleurs, intéressent aussi au plus haut point les
travailleurs dits "industriels". 7. Mais, on comprendra facilement que dans un
pays et à une époque où des travailleurs meurent encore
victimes d'inhalation de vapeurs d'arsine; où des milliers de
travailleurs sont diminués physiquement par la silicose et l'amiantose;
où des travailleurs meurent de cancers ou d'autres maladies
causés par leur exposition à des produits chimiques ou à
des matières toxiques; où des centaines de nouveaux produits
chimiques sont introduits chaque année dans les processus de fabrication
et de transformation; où, en 1978 seulement, 308,159 demandes
d'indemnisation ont été acceptées par la Commission des
accidents du travail, dont 167,859 portant sur des accidents entraînant
des pertes de temps, comparativement à 137,277 pour l'année 1977;
où des milliers de travailleurs deviennent sourds à un
degré plus ou moins avancé à cause de leur exposition au
bruit des machines; où, en trois ans seulement, de 1975 à 1977
inclusivement, on avait à déplorer 693 décès
dûs à des accidents du travail, dont 147 dans le seul secteur du
bâtiment et des travaux publics et cette enumeration n'est pas
exhaustive, loin de là on comprendra qu'une société
qui se prétend civilisée, tout en ne négligeant pas les
questions reliées à la santé psychique, doit diriger en
priorité ses efforts vers les mesures correctives susceptibles de faire
cesser ou, au moins, de réduire dans toute la mesure du possible, un tel
massacre de ses travailleurs. Et on comprendra que c'est surtout sur cet aspect
de l'immense problème qui confronte la société
québécoise que la F.T.Q. fera porter ses revendications et ses
commentaires sur le projet de loi. 8. Cette représentativité de
la F.T.Q., elle tient enfin du caractère démocratique de toutes
ses prises de position sur le sujet de la santé et de la
sécurité du travail. Ces prises de position sont
véritablement l'expression de la volonté "de la base" pour
utiliser une expression à la mode, mais dont la réalité
est vécue à la F.T.Q. depuis sa fondation. 9. Née en 1957
d'une fusion de la Fédération du travail du Québec et de
la Fédération des unions industrielles du Québec, la
F.T.Q. a continué depuis sa fondation à se préoccuper des
questions ayant trait à l'hygiène et à la
sécurité du travail, comme en témoignent les nombreuses
résolutions adoptées sur le sujet, les nombreux mémoires
présentés aux gouvernements qui se sont succédés,
à la Commission des accidents du travail et aux commissions
d'enquête ou d'étude qui ont été formées pour
se pencher sur le problème, notamment le mémoire historique
dont un grand nombre de passages sont encore d'une actualité
frappante présenté par la F.T.Q. en juillet 1966 au
Comité interministériel de la sécurité publique et
de la sécurité des travailleurs, comité formé par
le gouvernement d'alors mais dont les conclusions sont restées à
peu près lettre morte. 10. Plus récemment, la F.T.Q. a
regroupé et actualisé ses revendications en matière
d'hygiène et de sécurité du travail. Ce processus a
débuté à l'occasion d'un colloque tenu en janvier 1975
regroupant plus de 300 représentants de nos syndicats affiliés.
Par la suite, un travail intensif de consultation produisait un document de
travail qui retint pendant plus d'une journée l'attention des
délégués à notre congrès biennal de
décembre 1975, qui l'adoptèrent après y avoir
apporté les modifications qu'ils jugèrent à propos d'y
apporter. Le document ainsi produit, lequel représente les positions
exprimées par plus de 900 travailleurs démocratiquement
élus comme délégués de leurs sections locales,
s'intitule "LE CONTROLE DES TRAVAILLEURS SUR LEUR SANTE". Ce document a
été distribué à plus de 15,000 exemplaires, non
seulement à l'intérieur de la F.T.Q. mais dans tous les secteurs
de la société, y compris évidemment, aux
représentants du gouvernement et dans les services gouvernementaux
intéressés. 11. Plus tard, environ quatre mois après
l'accession au pouvoir du présent gouvernement, nous avons tenu un
colloque regroupant plus de 600 délégués
démocratiquement élus, à deux pas du parlement, où
nous avons crié notre désir de participation ainsi que nos
principales revendications. Lors de ce colloque, les
délégués ont entendu le premier ministre ainsi que deux
ministres leur promettre une action rapide et spectaculaire de la part du
nouveau gouvernement. "L'économie qui prétendrait encore faire
passer l'homme après les machines, serait vouée à
l'échec" avait dit, le 8 mars, le premier ministre René
Lévesque dans le discours inaugural de la session. Et les promesses des
ministres étaient à l'avenant devant les quelque 600
délégués à notre colloque des 17 et 18 mars 1977.
12. Enfin, nous avons eu la publication du Livre blanc sur la santé et
la sécurité du travail le 19 octobre 1978. Dès sa
réception, nous avons procédé à une consultation
intensive dans toutes les régions du Québec et dans tous les
secteurs d'activité dans lesquels oeuvrent nos affiliés,
consultation
qui fut suivie par un colloque regroupant 739
délégués, encore une fois démocratiquement
élus par chacune de leurs sections locales. Au cours de ce colloque,
nous avons, pendant deux jours, étudié le Livre blanc et les
réactions recueillies à son sujet au cours de notre consultation,
et nous avons élaboré des prises de position qui, elles aussi,
ont été publiées et distribuées à plusieurs
milliers d'exemplaires. 13. Toutes ces prises de position émanant du
processus démocratique qui est inhérent à notre mode de
fonctionnement, nous les avons maintenant regroupées dans un document
intitulé "RELEVE DES REVENDICATIONS OFFICIELLES DE LA FEDERATION DES
TRAVAILLEURS DU QUEBEC EN MATIERE DE SANTE ET DE SECURITE AU TRAVAIL". Ce
document est annexé au présent mémoire. Il est de
consultation facile, puisque nos revendications y ont été
regroupées par têtes de chapitres, avec table des matières.
On ne se surprendra pas, nous en sommes convaincus, étant donné
ce qui précède, que dans nos représentations sur un projet
de loi sur la santé et la sécurité du travail, nous nous
inspirions très fortement des prises de position officielles qui sont
contenues dans ce document.
Notre position sur la philosophie
générale du projet de loi No. 17
14. Dès le début du présent chapitre, la F.T.Q.
désire exprimer sa satisfaction de pouvoir présenter son point de
vue devant une Commission parlementaire sur un projet de loi portant sur la
santé et la sécurité du travail, lequel a enfin
été déposé par un gouvernement du Québec
après avoir été réclamé à hauts cris
depuis de nombreuses années par notre Fédération. 15. Il
nous fait plaisir de souligner que, face à une situation
désastreuse que nous avons dénoncée depuis plusieurs
années et à plusieurs gouvernements qui se sont
succédé, le présent gouvernement a été le
premier au Québec à déclarer que la santé et la
sécurité des travailleurs constituait pour lui une
priorité, à nous promettre une loi et une réglementation
qui se situerait à l'avant-garde de tout ce qui existe au Canada dans ce
domaine, et enfin à avoir le courage le terme n'est pas trop fort
dans le contexte québécois de déposer un projet de
loi qui, bien qu'il ne réponde pas à tous nos espoirs et à
toutes nos revendications, constitue quand même, par plusieurs de ses
aspects, un outil important pour l'amélioration de l'environnement du
travail, pour la reconnaissance légale du droit de toute personne qui
travaille "à des conditions de travail justes et raisonnables et qui
respectent sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique", et qui introduit comme principe fondamental
même si, à notre avis, c'est encore de façon bien
timide et bien imparfaite le droit pour les travailleurs, par
eux-mêmes et par le moyen de leurs associations syndicales, de participer
aux mécanismes et autres mesures susceptibles de leur assurer les
meilleures conditions possibles d'hygiène et de sécurité
du travail. 16. Bien sûr, ce projet de loi peut et doit être
amélioré avant son adoption définitive. Nous vous
soulignerons sans aucun ménagement ses aspects qui ne répondent
pas à nos revendications et à nos espoirs. Mais, nous tenons
à souligner dès le début de nos remarques au sujet de ce
projet de loi, que nous sommes heureux qu'il ait enfin été
déposé à l'Assemblée Nationale et qu'il fasse
maintenant l'objet de discussions publiques, et que, compte tenu des
améliorations qui doivent y être apportées, nous nous
objecterons catégoriquement à ce qu'il soit retiré, comme
semblent vouloir le revendiquer le Conseil du patronat du Québec et
certains autres intervenants. Les travailleurs québécois ont
attendu et réclamé une telle législation depuis trop
longtemps pour qu'on retarde son adoption. Un retrait pourrait vouloir dire un
autre délai, d'un an sinon plus, et tout délai additionnel pour
une législation qui nous avait été promise vous
vous en souviendrez pour la fin de 1977, serait totalement inacceptable.
17. Nous avons un urgent besoin de modifications et d'améliorations au
cadre législatif qui régit les questions de santé et de
sécurité du travail, cadre législatif dont le Livre blanc
a constaté avec justesse le "manque de coordination" et l'insuffisance.
En fait, la F.T.Q. a dénoncé depuis plusieurs années ce
qu'elle n'hésitait pas à qualifier de "fouillis" dans le domaine
des lois, des règlements et, par voie de conséquence, dans celui
des juridictions, en matière de santé et de
sécurité du travail. 18. Nous avons aussi un urgent besoin d'un
cadre législatif qui permette de refaire et de coordonner l'ensemble de
la réglementation en santé et sécurité du travail.
En sécurité du travail, il existe des lacunes graves et un urgent
besoin de coordination, mais les règlements existants, bien qu'encore
imparfaits, ont tout de même évolué avec les époques
et à un rythme relativement acceptable. Mais en santé du travail,
la situation frise la tragédie et, pour reprendre une expression du
Livre blanc: "... sauf pour de très rares exceptions (...), les
règlements qui concernent la santé des travailleurs et la
salubrité des lieux de travail sont anciens et désuets". 19. Nous
allons beaucoup plus loin. Nous affirmons qu'en matière de
réglementation en santé du travail, la désuétude
des règlements qui existent et dont, pour la plupart, on ne sait
même pas s'ils sont encore applicables puisqu'ils ont été
adoptés en vertu de lois qui sont disparues des Statuts, les lacunes
importantes pour dire le moins de ces règlements et le
morcellement et la juxtaposition des juridictions dans l'application de ces
règlements, font que les travailleurs ont le sentiment qu'il n'existe
aucune réglementation qui puisse être appliquée
efficacement et que, malgré que tout le monde veut donner l'impression
de s'en occuper, personne ne possède vraiment la juridiction pour faire
appliquer même les règlements désuets dont parle le Livre
blanc. 20. Si nous ajoutons à cette situation, qui par elle-même
est déjà tragique, l'insuffisance scandaleuse des services de
protection de l'environnement du travail le Livre blanc fait état
d'un grand total de 28 personnes oeuvrant dans ce service pour l'ensemble du
Québec insuffisance que les
travailleurs ressentent douloureusement puisqu'il faut attendre
jusqu'à six mois pour obtenir une inspection de l'environnement ou une
analyse de produits soupçonnés être dangereux, on comprend
plus facilement que des situations comme celles de la Canadian Copper Refiners,
de Canada Metal, de Ballast Metal, de Monsanto, d'Atlas Asbestos, d'Asbestonos
pour ne nommer que celles-là, car la liste pourrait être
allongée presqu'indéfiniment puissent se présenter
et se perpétuer impunément au Québec.
Les points du projet de loi avec lesquels nous sommes d'accord
21. Le projet de loi établit le droit pour le travailleur à des
conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité
et son intégrité physique. NOUS SOMMES D'ACCORD. 22. Le projet de
loi "lie le gouvernement, ses ministres et les organismes qui en sont
mandataires" (Article 4). Jusqu'à présent, la situation est
extrêmement confuse et des difficultés sans nombre sont
éprouvées par les membres de nos syndicats affiliés dans
les secteurs public et para-public. Cette nouvelle disposition clarifie la
situation. NOUS SOMMES D'ACCORD. 23. Le projet de loi No. 17 propose de
regrouper dans une seule loi et de remplacer par celle-ci toutes les lois ou
parties de lois ayant trait à la santé et à la
sécurité du travail. Ceci répond à une
revendication que nous avons exprimée depuis de nombreuses
années, notamment dans notre mémoire du 21 juillet 1966 au
Comité interministériel de la sécurité publique et
de la sécurité des travailleurs. Compte tenu des remarques que
nous aurons à faire sur le contenu de cette loi, NOUS SOMMES D'ACCORD.
24. Le projet de loi No. 17 propose de confier à un seul organisme de
chapeautage, la Commission de la santé et de la sécurité
du travail, l'administration de cette nouvelle loi ainsi unifiée, lui
conférant par là même, autorité sur la
prévention aussi bien que sur la réparation des accidents du
travail et des maladies professionnelles. Ceci répond à une
revendication que nous avons fait valoir à de nombreuses reprises
auprès des gouvernements qui se sont succédé au
Québec ainsi qu'auprès des organismes qui en dépendaient,
notamment la Commission des accidents du travail. NOUS SOMMES D'ACCORD. 25. Une
de ces conditions que nous avions posées dans nos revendications pour
qu'un seul organisme de chapeautage se voit ainsi confier l'autorité sur
la prévention aussi bien que sur la réparation, c'était
que cet organisme soit vraiment représentatif des parties: les
bénéficiaires: l'ensemble des travailleurs par leurs
organisations syndicales; les payeurs: le patronat par les représentants
des associations patronales représentatives; et le gouvernement. Le
projet de loi No. 17 propose que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail soit composée de onze membres dont
cinq choisis par les associations syndicales les plus représentatives;
cinq choisis par les associations d'employeurs les plus représentatives;
et un président-directeur général désigné
par le gouvernement. Une personne désignée par les
représentants des travailleurs et une personne désignée
par les représentants des employeurs siégeraient avec le
président-directeur général au comité
administratif. Nous aurons des représentations à faire sur le
mode de nomination, sur le nombre des représentants des parties, sur les
critères qui devraient guider leur choix et sur certaines formulations
de cette section du projet de loi. Mais, sur le principe, ceci répond
à une revendication exprimée depuis longtemps et à de
nombreuses reprises par la F.T.Q. Donc, compte tenu des réserves que
nous avons faites précédemment, NOUS SOMMES D'ACCORD. 26. Le
projet de loi No. 17 propose qu'un seul ministre soit chargé de
l'application de la loi. Il ne précise pas de quel ministre il s'agira
et nous nous prononcerons sur ce point. Mais, sur le principe, comme les
dispositions à ce sujet répondent elles aussi à l'une de
nos revendications, NOUS SOMMES D'ACCORD. 27. Le projet de loi No. 17 propose
que tous les services d'inspection soient unifiés. Cela aussi
répond à une revendication de la F.T.Q. NOUS SOMMES D'ACCORD. 28.
Le projet de loi No. 17 propose que les services d'inspection ainsi
unifiés "relèvent du membre du conseil exécutif ou de
l'organisme que peut désigner le gouvernement". Le contexte du Chapitre
X INSPECTION, et notamment le libellé des Articles 147 et 148, de
même que le contexte de tout le projet de loi dans son ensemble, semblent
indiquer que les services d'inspection relèveront, en dernière
analyse, de "l'organisme que peut désigner le gouvernement" et que cet
organisme ne peut être que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail institué en vertu des Articles 102 et
suivants. Nous ne connaissons pas les raisons qui ont motivé cette
gymnastique incompréhensible dans la rédaction du projet de loi.
Mais, si l'intention du gouvernement est bien de confier l'autorité sur
les services d'inspection à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, et à la condition que les articles
pertinents du projet de loi soient reformulés de façon à
ce qu'il soit bien clair que c'est la Commission qui détiendra
l'autorité sur les services d'inspection, NOUS SOMMES D'ACCORD. 29. Le
projet de loi No. 17 propose des dispositions ayant trait au "retrait
préventif de la travailleuse enceinte" (Article 32). La formulation de
ces articles constitue une amélioration sur la formulation du Livre
blanc. Compte tenu de modifications d'ordre mineur que nous proposerons
à certains de ces articles, NOUS SOMMES D'ACCORD. 30. Au paragraphe 25,
nous avons exprimé notre accord de principe, avec quelques
réserves, sur la composition de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail. Voici ces réserves:
31. Le nombre de "cinq membres" qui seraient nommés par le
gouvernement "à partir des listes fournies par les associations
syndicales les plus représentatives" n'est pas assez
élevé. Une Commission avec des fonctions aussi étendues
doit être vraiment représentative, tant du côté
syndical que du côté patronal, des grands secteurs
économiques. Le Livre blanc a proposé, à la page 87, un
tableau tiré de Statistique Canada qui fait état de onze secteurs
économiques, d'importance inégale. Nous proposons des
regroupements et la nomination de représentants des parties comme suit:
32. Ces commissaires n'étant pas permanents, le coût n'en serait
pas prohibitif et le nombre n'en serait pas trop élevé pour
empêcher la Commission d'être fonctionnelle. Une telle composition
permettrait, en outre, la formation de comités "ad hoc " pour
l'étude de problèmes particuliers à tel ou tel secteur
économique, le cas échéant. 33. Une telle composition
aurait, par ailleurs, l'avantage de rendre inutile la présentation de
listes par les associations les plus représentatives. En effet, dans
l'ensemble du Québec, quelles sont "les associations syndicales les plus
représentatives"? Est-ce que ce sera déterminé
arbitrairement par le gouvernement? Alors que dans tel ou tel secteur
économique, il est facile de déterminer laquelle des associations
syndicales est "la plus représentative" et la "liste" fournie par cette
association au gouvernement pourrait se limiter au nombre de
représentants à désigner par cette association syndicale
pour ce secteur économique en particulier. 34. Pour ce qui est du
comité administratif dont il est question à l'Article 119 du
projet de loi, nous ne demandons pas qu'il soit élargi, mais nous nous
objectons à ce que la personne désignée "par les
représentants des travailleurs au sein du conseil d'administration" soit
obligatoirement choisie "parmi ces représentants". En effet, le choix
d'une personne parmi les représentants d'une partie, qu'il s'agisse de
la partie syndicale ou de la partie patronale, pourrait débalancer le
conseil d'administration et pourrait de plus poser un certain nombre de
difficultés, alors que si les représentants des parties ont la
latitude de choisir la personne qu'ils veulent désigner au comité
administratif, soit au sein de leurs propres rangs avec droit de remplacement
au Conseil, soit à l'extérieur de leurs rangs, cela rendrait le
processus beaucoup plus logique et facile. 35. En effet, un des principaux
rôles de la personne désignée au comité
administratif par chacune des parties serait sans doute de s'assurer que chacun
des membres du conseil d'administration de la partie qu'il représente
obtienne toutes les explications pertinentes à chacun des dossiers
à être soumis au conseil d'administration en les résumant,
si nécessaire, de façon à ce qu'ils puissent être
assimilés rapidement dans toutes leurs implications. Il est fort
possible que pour s'acquitter d'un tel rôle, les représentants de
l'une ou de l'autre des parties préfèrent une personne de
l'extérieur en qui ils auraient confiance et sur laquelle ils pourraient
s'entendre.
Le ministre chargé de l'application de la loi 36. Il est
indispensable que la population du Québec en général, et
les travailleurs en particulier, connaissent avant l'adoption de la loi quel
ministre sera chargé de son application. En effet, cette loi sera
forcément appliquée dans tel ou tel esprit, selon la vocation
naturelle de tel ou tel ministère, et il serait impensable, par exemple,
qu'une telle loi soit appliquée par le ministre de l'Industrie et du
Commerce comme le disait facétieusement le Conseil central des Syndicats
nationaux de Montréal. 37. Dans nos documents qui ont
précédé l'accession au pouvoir du présent
gouvernement, notamment dans notre mémoire de juillet 1966 et dans notre
document de congrès de 1975, nous avons préconisé que le
ministre chargé de l'application d'une loi unifiée sur la
santé et la sécurité du travail soit le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre. Cependant, nous n'avions pas osé
espérer, à cette époque, qu'une telle loi pourrait couvrir
aussi tout le domaine de la santé du travail ainsi que les domaines de
la formation, de l'information, de la recherche, de la réglementation
des produits utilisés dans les processus de production et de
transformation, etc. 38. En l'absence d'un ministère mandaté pour
effectuer une coordination entre tous les ministères impliqués
dans l'application d'une loi unifiée en santé et
sécurité du travail, nous avions revendiqué, à
notre congrès de décembre 1975: "que soit établi et
maintenu en permanence un Comité interministériel dont le
rôle serait d'élaborer et d'adapter aux conditions nouvelles ou
changeantes les modes de collaboration et d'action des divers ministères
impliqués dans les domaines de la réparation, de la
réadaption et de la prévention des accidents du travail et des
maladies professionnelles, le tout par l'entremise de l'organisme de
chapeautage que constituerait la Commission des accidents du travail". 39. Or,
l'un des premiers gestes du présent gouvernement après son
accession au pouvoir fut précisément d'établir un
ministère dont la vocation pourrait naturellement comprendre celle
"d'élaborer et d'adapter aux conditions nouvelles ou changeantes les
modes de collaboration et d'action des divers ministères
impliqués" dans l'application de toutes les particularités de la
nouvelle loi et d'établir les comités interministériels
nécessaires à l'élaboration et à l'adaptation des
modes de collaboration et d'action des divers ministères
impliqués. Il s'agit du Ministère d'Etat au Développement
social dont le ministre actuel est effectivement le parrain du présent
projet de loi. 40. La F.T.Q. prend donc officiellement position et propose que
le projet de loi soit modifié et désigne spécifiquement le
ministre d'Etat au Développement social comme étant "le ministre
chargé de l'application de la présente loi".
Les services d'inspection 41. La position de la F.T.Q. telle que
réaffirmée lors de notre colloque de novembre 1978, est: "que
l'inspection doit aussi faire partie de l'ensemble des mesures à
être chapeautées sous l'autorité de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, organisme
représentatif des parties directement intéressées". 42. La
position de la F.T.Q. n'a pas changé depuis novembre 1978. Le rôle
d'un service d'inspection digne de ce nom est considérablement plus
large que celui des inspections "conseil" et des inspections
"policières". En effet, des fonctions techniques telles que
l'élaboration des règlements et normes, l'approbation des plans
et la surveillance nécessaire pour assurer leur respect, et une foule
d'autres fonctions reliées directement à la vocation
"prévention", confiée à un organisme comme la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, doivent relever
normalement du service d'inspection et il serait impensable, dans les
circonstances, qu'un instrument aussi essentiel de fonctionnement ne
relève pas de l'organisme mandaté par le gouvernement pour
l'administration d'une loi sur la santé et la sécurité du
travail. 43. Compte tenu de ce qui précède et de nos remarques au
paragraphe 28, nous proposons donc que le projet de loi No. 17 soit
modifié pour désigner clairement et spécifiquement la
Commission de la santé et de la sécurité du travail comme
étant l'organisme de qui relèvent les services d'inspection
prévus au Chapitre X dudit projet de loi.
Le retrait préventif de la travailleuse enceinte 44.
L'Article 37 du projet de loi prévoit que "la travailleuse qui exerce
les droits que lui attribuent les Articles 32 et 33 conserve tous les droits et
privilèges rattachés au poste régulier qu'elle occupait
avant son affectation à d'autres tâches". Or, si une affectation
à une tâche "ne comportant pas de tels dangers" s'avérait
impossible ou si, d'après les termes de l'article 33, elle "n'est pas
effectuée sans délai", la travailleuse "peut cesser de travailler
(...) jusqu'à la date à compter de laquelle elle a droit à
un congé de maternité". L'Article 37 ne prévoit pas la
protection de ses droits dans le cas où elle exerce ainsi son droit de
cesser de travailler. 45. La F.T.Q. propose que soient ajoutés à
l'Article 37 les mots suivants: "ou avant l'exercice de son droit de cesser de
travailler".
Les droits du travailleur
a)
Un droit fondamental 46. L'Article 8 du projet de loi
établit que "le travailleur a droit à des conditions de travail
qui respectent sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique". Nous avons exprimé notre accord
à ce principe fondamental (paragraphe 21). 47. Cependant, nulle part
dans le projet de loi, on ne propose une définition de la "santé"
et nulle part on n'explique ce en quoi consiste T'intégrité
physique". Le travailleur n'est pas seulement une machine dont il est important
qu'on puisse sauvegarder "l'intégrité physique" pour qu'il puisse
continuer à fonctionner au travail. C'est aussi et surtout une personne
humaine qui a besoin de préserver, dans toute la mesure du possible,
l'ensemble de ses fonctions physiques et mentales pour pouvoir jouir pleinement
de sa vie, par lui-même, avec sa famille et dans la
société. Pour ne donner qu'un exemple, les effets de bruit et des
vibrations sur la vie sociale de l'individu qui y est exposé pendant ses
heures de travail sont bien connus et scientifiquement prouvés. Et, on
pourrait donner bien d'autres exemples des effets des agresseurs industriels
sur la vie sociale de l'individu. 48. Dans la plupart des pays francophones au
monde, on utilise plutôt le terme "hygiène du travail" que le
terme "santé au travail" pour définir ce qu'on recherche comme
normes de bien-être du travailleur. Nonobstant nos mauvaises habitudes en
continent nord-américain, il y aurait peut-être lieu, partout dans
la loi où le terme "santé au travail" est utilisé,
d'adopter le terme "hygiène du travail" qui, à notre avis, rend
beaucoup mieux l'idée de ce qui devrait être visé par une
loi sur la santé (l'hygiène) du travail. Ceci faciliterait
d'ailleurs une approche beaucoup plus rationnelle au niveau du Chapitre VIII du
projet de loi, comme nous le verrons tout à l'heure. 49. Au terme de la
définition qu'en donne l'"American Industrial Hygiene Association", il
faut entendre par hygiène industrielle: "La science et l'art
d'identifier, d'apprécier et de prévenir les facteurs et les
contraintes propres au travail ou qui en résultent et qui sont
susceptibles d'entraîner la maladie, l'altération de la
santé ou du bien-être, une gêne marquée ou un
déficit fonctionnel grave parmi les travailleurs ou les membres de la
collectivité". 50. Par ailleurs, un comité mixte de
l'Organisation internationale du Travail et de l'Organisation mondiale de la
Santé a établi, dès sa première session en 1950,
une définition fort large de la médecine du travail. Cette
définition n'a pas été modifiée depuis. Elle se lit
comme suit: "La médecine du travail a pour but de promouvoir et de
maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et
social des travailleurs dans toutes les professions; de prévenir tout
dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de
leur travail; de les protéger dans leur emploi contre les risques
résultant de la présence d'agents préjudiciables à
leur santé; de placer et de maintenir le travailleur dans un emploi
convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme,
d'adapter le travail à l'homme et chaque homme à sa tâche".
51. L'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de
sécurité du travail commente, après avoir cité
cette définition de l'O.I.T. O.M.S.: "Une telle définition
recouvre manifestement un champ très vaste. De fait, elle appelle le
concours de connaissances spécialisées ressortissant à des
disciplines diverses médecine sciences techniques, chimie,
toxicologie, physiologie, statistique, etc. ce qui rend indispensable un
travail d'équipe conduit dans un climat d'étroite collaboration
par les représentants des différentes disciplines". 52. Nous
reviendrons sur ces définitions et sur ce commentaire lorsque nous
discuterons le chapitre VIII du projet de loi intitulé "Les services de
santé au travail". Notre propos, pour le moment, se situe au niveau du
droit pour le travailleur à un environnement de travail qui soit non
seulement sécuritaire, mais qui soit salubre dans toute l'acceptation du
terme et qui soit, par conséquent, respectueux de son
intégrité physique et mentale dans toute sa plénitude. 53.
C'est pourquoi la F.T.Q. propose que, dès le début du chapitre
traitant des droits et obligations du travailleur, dans la section traitant des
"droits généraux", le gouvernement introduise une
définition de ce qu'il entend par les termes "santé" et
"intégrité physique". Et nous ne pouvons suggérer une
meilleure façon d'établir une telle définition que par
l'introduction des termes mêmes de la définition du comité
O.I.T. O.M.S., en y incorporant les passages pertinents de la
définition de l'hygiène industrielle de l'American Industrial
Hygiene Association.
b)
Les droits généraux 54. Le présent
article 9 du projet de loi établit une liste de trois groupes de mesures
auxquelles le travailleur a "notamment" droit. La F.T.Q. est d'avis que toute
énumération, particulièrement dans une loi, a tendance
à être interprétée comme étant limitative, et
elle soumet que le préambule de cet article devrait se lire:
"Sans limiter la généralité de l'article 8, le
travailleur a notamment droit.". 55. La F.T.Q. note que la rédaction des
mesures auxquelles le travailleur a "notamment droit" diffère d'une
façon très importante de la rédaction des mesures
auxquelles l'employeur aurait droit en vertu de l'article 9 du projet de loi.
En effet: 56. Alors que l'employeur a droit "à des services de
formation, d'information et de conseil en matière de santé et de
sécurité du travail" de façon générale, le
travailleur, lui, n'a que le droit "d'être informé sur les dangers
reliés à son travail et à son milieu de travail et de
recevoir la formation, l'entraînement et la supervision
appropriés", le terme "approprié" s'appliquant évidemment
ici à son travail et à son milieu de travail. 57. Alors que
l'employeur a le droit, "conformément à la présente loi",
de participer à l'élaboration des normes et règlements et
des priorités en matière de recherches, le projet de loi
reconnaît au travailleur à peu près les mêmes droits
mais, dans son cas, c'est "conformément à la présente loi
et aux règlements", de sorte que lors de l'adoption de la loi, on ne
saurait pas si le travailleur jouit vraiment de ces droits: il lui faudrait
attendre qu'on veuille bien les lui accorder par règlement au lieu de
réclamer et même d'exiger que des règlements soient
adoptés pour concrétiser des droits qui lui seraient clairement
reconnus dans la loi. 58. La F.T.Q. soumet que, tant pour ce qui est de cet
Article 9 que pour ce qui est de l'Article 39 du projet de loi, une nouvelle
rédaction est nécessaire. En effet, il y a certains droits
généraux qui peuvent s'appliquer à chaque travailleur et
à chaque employeur en particulier, et ces droits sont facilement
identifiables. Mais, il y a certains droits comme, par exemple, ceux de
participer à l'élaboration des normes, des programmes et des
priorités en recherche, des programmes et moyens de prévention,
pour lesquels on voit mal que chacun des quelque 120,000 employeurs et chacun
des quelque 2,000,000 de travailleurs au Québec puissent exercer
individuellement, et un projet de loi qui se veut sérieux peut se passer
de voeux pieux de ce genre. Les 6,000,000 d'inspecteurs, c'est bien joli mais,
dans la pratique, cela ne fait pas sérieux. 59. Certains droits doivent
s'exercer collectivement par l'entremise des associations
représentatives des travailleurs et des mécanismes qu'ils
mettront sur pied, conjointement avec l'employeur ou autrement. La même
chose s'applique du côté des employeurs. 60. Il existe une lacune
grave au niveau des définitions dans un projet de loi
rédigé à la suite d'un Livre blanc qui se disait
écrit sous le signe de la participation: c'est l'absence de
définitions pour les agents sociaux que sont les associations syndicales
et les associations patronales. De sorte que lorsqu'on retrouve ces termes dans
le projet de loi, notamment au Chapitre VII, on ne sait pas ce qu'ils veulent
dire. 61. Il faut de toute nécessité, pour l'administration et le
fonctionnement efficace d'une loi qui se veut basée sur la participation
des deux parties présentes en milieux de travail, que le gouvernement,
dans cette loi, définisse clairement quels seront les interlocuteurs
valables à chacun des niveaux de cette administration et de ce
fonctionnement. Au niveau d'une usine, ou d'un endroit de travail en
particulier, on peut toujours parler de l'employeur au singulier, et de
l'association accréditée, bien que même là, cela
peut créer certaines difficultés comme nous le verrons lorsque
nous discuterons du fonctionnement des comités de santé et de
sécurité. 62. Mais quelles sont, au Québec, les
"associations syndicales les plus représentatives" et les "associations
d'employeurs les plus représentatives"? Dans quelle loi le gouvernement
peut-il trouver les critères lui permettant de décréter
que telle association syndicale est ou n'est pas "représentative", ou
que telle association d'employeurs est ou n'est pas "représentative"?
Dans tel ou tel secteur, quelle est l'association syndicale qui est
"représentative" et quelle est l'association d'employeurs qui est
"représentative"? Et à partir de quels critères cette
"représentativité" sera-t-elle déterminée? 63.
Edicter que la commission peut faire des règlements pour
"déterminer ce qui constitue une association syndicale ou une
association d'employeurs aux fins de l'Article 73" (Article 185 12°
alinéa) est loin d'être satisfaisant dans une loi dont toute
l'économie doit être basée sur la participation des agents
sociaux, puisque les termes "association syndicale" et "association
d'employeurs" devraient être utilisés un peu partout dans cette
loi, comme nous le voyons bien à l'étude des Articles 9 et 39.
64. La F.T.Q. soumet donc que le gouvernement doit établir, dans la loi
elle-même, les critères qui devront guider le gouvernement et la
Commission, le cas échéant, dans la détermination du
statut de "représentativité" d'une association syndicale ou d'une
association d'employeurs pour les fins de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, tant au niveau de l'ensemble du
Québec qu'au niveau de tel ou tel secteur en particulier. Il est
théoriquement possible que telle association syndicale ou telle
association d'employeurs qui pourrait être "représentative" au
niveau d'un secteur économique ne soit plus "représentative" au
niveau de l'ensemble du Québec, sauf peut-être pour certaines
fonctions très précises. Et nous soumettons que, pour
l'élaboration de ces critères qui, nous le
répétons, doivent être introduits dans la loi
elle-même, il doit y avoir une consultation intensive des parties
directement intéressées. 65. Avant de terminer la discussion sur
l'article 9 du projet de loi, nous voulons exprimer notre accord sur le
principe énoncé au premier alinéa de cet article 9 qui
répond à l'une des revendications de longue date de la F.T.Q.
Cependant, le libellé de cet alinéa devrait être
modifié et nous proposons la formulation suivante:
"d'être informé sur les dangers reliés à son
travail, de la composition des produits qu'il peut être appelé
à utiliser dans le cours de son travail ou qui peuvent être
utilisés ou présents à proximité de son endroit de
travail; de recevoir une formation et un entraînement adéquats
quant à la façon d'exécuter son travail de façon
sécuritaire pour lui-même et pour toute personne qui pourrait se
trouver dans son entourage, et de bénéficier du degré de
supervision approprié aux circonstances;"
c) Le droit de refus 66. Le principe établi dans la
section traitant du "droit de refus" répond partiellement à nos
revendications et nous nous empressons de reconnaître que la formulation
de ce droit dans le projet de loi est une nette amélioration sur ce que
nous avait laissé entrevoir le Livre blanc sur le sujet. Cependant, la
F.T.Q. insiste fortement pour que les modifications suivantes soient
apportées à cette section du projet de loi: 67. L'article 12 est
totalement inacceptable et son adoption ouvrirait la voie à toutes
sortes de difficultés et à toutes sortes d'abus. L'intention est
très certainement acceptable. C'est la formulation qui est mauvaise. 68.
Si c'est l'intention du gouvernement que le droit de refus ne puisse pas
s'exercer pour certaines fonctions qui, de par leur nature même ou, en
certains cas, en raison de certaines circonstances, comportent des risques qui
leur sont "inhérents", alors qu'il définisse dans la loi de
quelles fonctions il s'agit et dans quelles circonstances. 69. En Ontario, on a
défini dans la loi les fonctions et les circonstances dans lesquelles le
droit de refus ne doit pas être exercé par un travailleur. En
Saskatchewan, un travailleur "may refuse to do any particular act or series of
acts at work which he (le travailleur) has reasonable grounds to believe are
unusually dangerous to his health or safety or the health and safety of any
other person". Au Manitoba, la situation est différente et c'est
l'employeur, son agent ou un "supervisor, foreman, chargehand or similar
person" qui a la responsabilité de s'assurer qu'un travailleur
n'accomplira pas un travail "that is unusually dangerous to the safety or
health of a worker". Une particularité intéressante dans la loi
du Manitoba est que si un représentant de l'employeur investi de cette
responsabilité est trouvé coupable d'une violation de cet
article, il peut, en plus d'encourir les pénalités prévues
pour violation de la loi, être suspendu de ses fonctions de supervision
pour une période de six mois à compter de la date de sa
condamnation. 70. Nous n'avons évidemment pas, au Québec,
à imiter exactement ce qui se fait dans d'autres provinces canadiennes.
Les circonstances sont différentes d'une province à l'autre et le
contexte de la loi elle-même est différent. Il nous semble
cependant que la formule de l'Ontario, dans le cas précis visé
par l'article 12 du projet de loi québécois, serait la formule la
plus appropriée, c'est-à-dire une définition
précise des fonctions et des circonstances dans lesquelles le droit de
refus ne pourrait pas être invoqué par un travailleur. 71. On nous
dira peut-être que la formulation proposée par le gouvernement est
sensiblement celle qui existe dans la loi suédoise. Nous
répondrons qu'en Suède, c'est le droit collectif intégral
qui est reconnu, c'est-à-dire le droit pour le
délégué attitré à la sécurité
de faire cesser le travail s'il constate une situation dangereuse, que la
décision du délégué à la
sécurité vaut jusqu'à l'intervention de l'inspection du
travail, et enfin, qu'aucune représaille de quelque nature que ce soit
ne peut être exercée contre le délégué
à la sécurité même s'il fait une erreur. Qu'on nous
accorde dans la loi le même degré de droit collectif et nous
serons disposés à faire quelques compromis sur le libellé
de certains de ses articles. 72. Ceci nous amène à parler de
l'absence complète du droit collectif dans la section du projet de loi
qui traite du "Droit de refus". Il faut bien vous avouer qu'après que ce
droit nous eut été promis spécifiquement par le ministre
d'Etat au Développement social devant plus de 600
délégués lors de notre colloque des 17 et 18 mars 1977,
l'absence du droit collectif dans le projet de loi est une pilule passablement
difficile à avaler. 73. Lors du colloque de novembre 1978, les
délégués ont adopté la position suivante concernant
le droit de refus: "La F.T.Q. réitère sa revendication pour que
la prochaine législation reconnaisse le droit individuel et le droit
collectif de refuser ou de cesser tout travail jugé dangereux ou
nuisible à la santé. Par l'expression "droit collectif", la
F.T.Q. entend préciser qu'elle envisage le droit exercé par un
représentant ou des représentants dûment attitrés
à cette fin par les travailleurs. La F.T.Q. est prête à
négocier les modalités d'exercice de ce droit mais elle insistera
pour que ces modalités comportent l'immunité la plus
complète pour le représentant attitré des travailleurs et
qu'elles comportent aussi la protection du revenu et autres avantages aux
travailleurs qui seraient touchés par un tel arrêt de travail ou
d'une opération par suite de l'exercice d'un tel droit si on ne peut pas
leur confier d'autre travail acceptable en attendant que la situation soit
corrigée ou qu'elle soit jugée non dangereuse." 74. Le ministre
d'Etat au Développement social a déclaré à
plusieurs reprises depuis la publication du Livre blanc que le gouvernement ne
pouvait pas, dans le contexte actuel, accorder le droit collectif
réclamé par les centrales syndicales et qu'il fallait
absolument que le processus de l'exercice du droit de refus soit
"enclenché" par le travailleur individuellement ou par tout groupe de
travailleurs exposés aux mêmes risques. Cette déclaration,
il l'avait faite avant la publication du Livre blanc au comité du
Conseil consultatif du Travail et de la Main-d'Oeuvre chargé de donner
son avis sur les projets du Livre blanc, et il l'a répétée
à quelques reprises après la publication du Livre blanc,
notamment au cours de l'émission "Forum" à Radio-Canada en date
du 8 décembre 1978. 75. Sans trahir les positions
démocratiquement prises par les délégués à
nos congrès et colloques sur le sujet, la F.T.Q. est disposée
à accepter ce genre de compromis, et elle propose la formulation
suivante: 11. Aucun changement. 12. Nouvelle rédaction pour tenir compte
de nos remarques aux paragraphes 67 à 69 inclusivement. 13. Ajouter la
phrase suivante: "Le travailleur a aussi le droit de requérir
immédiatement l'assistance de son délégué ou
représentant syndical le plus rapproché ou de tout autre
travailleur de son choix jusqu'à ce que le processus décrit aux
Articles 14 et suivants ait été enclenché." 14. Aucun
changement. 15. Aucun changement. 16. Dans les cas où il existe un
comité de santé et de sécurité, si, après
l'examen de la situation, le travailleur refuse toujours d'exécuter son
travail, qu'il y ait eu ou non des corrections apportées, le travailleur
ou son représentant, le représentant à la
prévention, l'employeur ou son représentant peut requérir
l'intervention du comité pour examiner à nouveau la situation.
17. Aucun changement. 18. Ajouter deux paragraphes comme suit: "S'il y a
désaccord entre les deux membres délégués par le
comité ou, en l'absence d'un comité, entre l'employeur ou son
agent et le représentant de l'association accréditée ou
tout autre travailleur désigné en vertu de l'Article 14 par celui
qui refuse d'exécuter son travail, l'opinion du membre du comité
qui représente les travailleurs ou, le cas échéant, de
tout autre représentant du travailleur en vertu de l'Article 14
prévaut jusqu'à l'intervention et décision de la part de
l'inspecteur.
L'employeur ne peut pas invoquer la mauvaise foi d'un travailleur ayant
exercé son droit de refus lorsque cette décision du travailleur
est appuyée par le membre du comité qui représente les
travailleurs ou par toute autre personne qui assiste le travailleur en vertu de
l'alinéa précédent, et ce, jusqu'au moment de la
décision de l'inspecteur et pour toute la période qui
précède telle décision. Il ne peut non plus, pour la
même période, invoquer la mauvaise foi de toute personne qui
assiste le travailleur en vertu des articles 13 et 14. 19. Aucun changement.
20. Nouvelle rédaction du préambule comme suit: "Le travailleur
ou son représentant, l'employeur ou son représentant, peut
requérir l'intervention d'un inspecteur:" 21. Aucun changement. 22.
Aucun changement. 23. Aucun changement. 24. Aucun changement. 25. Aucun
changement. 26. Aussi longtemps que le travailleur exerce son droit de refus et
jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit rendue par
l'inspecteur, l'employeur ne peut, sous réserve de l'article 19 et du
deuxième alinéa de l'article 21, faire exécuter le travail
par un autre travailleur, par une autre personne à son emploi, ou par
une personne qui travaille habituellement hors de l'établissement, et le
travailleur ne doit subir aucune diminution de salaire et n'être
privé d'aucun des avantages liés à son emploi. 27.
L'employeur peut exiger que le travailleur qui a exercé son droit de
refus demeure disponible sur les lieux de travail et l'affecter temporairement
à une autre tâche qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir.
28. Biffer le deuxième alinéa. 29. Aucun changement. 30. Lorsque
l'exercice du droit de refus a pour résultat de priver de travail
d'autres travailleurs de l'entreprise, l'employeur est tenu de
rémunérer ces autres travailleurs à leur taux de salaire
régulier pour toute la durée de l'arrêt de travail et ces
travailleurs doivent n'être privés d'aucun des avantages
liés à leur emploi. L'employeur peut cependant affecter ces
travailleurs à d'autres tâches que ceux-ci sont raisonnablement en
mesure d'accomplir ou exiger qu'ils demeurent disponibles sur les lieux de
travail pendant toute la période ainsi
rémunérée.
31. L'employeur ne peut, jusqu'à une décision finale,
imposer au travailleur un congédiement, un déplacement ou une
mesure disciplinaire pour le motif que ce travailleur a de bonne foi
exercé ses fonctions en vertu des articles 14 et 18.
Compte tenu des dispositions du deuxième alinéa de
l'article 18, si un employeur, suite à telle décision finale,
désire contester la bonne foi d'un travailleur ou de son
représentant, il doit le faire dans les dix jours ouvrables mais il ne
peut imposer quelque mesure disciplinaire que ce soit tant qu'il n'a pas
établi la preuve de mauvaise foi en vertu des articles 189 et
suivants.
Obligations du travailleur 76. Le principe accepté, dans
toutes les législations sur la santé et la sécurité
du travail, est que c'est sur l'employeur que repose en premier lieu la
responsabilité de "prendre les mesures nécessaires pour
protéger la santé et assurer la sécurité et
l'intégrité physique du travailleur". Ce principe est d'ailleurs
posé à l'Article 40 du projet de loi No. 17, dont nous venons de
citer une partie du préambule. 77. Il importe donc, qu'en imposant des
obligations au travailleur, une législation sur la santé et la
sécurité du travail évite de le faire de telle
façon que l'employeur puisse y trouver prétexte pour se
dérober à sa responsabilité en la matière. 78. Nous
soumettons que la rédaction actuelle de l'Article 38 est de cette
nature, qu'elle impose des obligations tatillonnes et des obligations qui sont
du ressort, soit de l'employeur, soit de la collectivité syndicale. 79.
La F.T.Q. propose la formulation suivante pour l'Article 38: "38. Le
travailleur doit: 1° se comporter de façon à minimiser les
risques à sa santé, à sa sécurité et
à son intégrité physique; 2° se comporter de
façon à ne pas mettre en danger la santé, la
sécurité ou l'intégrité physique des autres
personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité
des lieux de travail; 3° se soumettre aux examens de santé
exigés pour l'application de la présente loi et des
règlements; 4° collaborer avec le comité de santé et
de sécurité et, le cas échéant, avec le
comité de chantier ainsi qu'avec toute personne chargée de
l'application de la présente loi et des règlements".
Droits généraux de l'employeur 80. Nous supposons
que les employeurs, par leurs associations représentatives, feront
valoir leurs propres revendications concernant les "droits
généraux". A la F.T.Q., nous espérons qu'ils
revendiqueront, entre autres choses, le droit d'être informés de
la composition des produits qui leur sont fournis et qu'ils utilisent dans les
processus de fabrication et de transformation puisque, de leur propre
admission, ils sont le plus souvent ignorants de la composition des produits
livrés sous une marque de commerce quelconque et que leurs
employés sont obligés de manipuler pendant les heures de
travail.
Obligations générales de l'employeur 81. Le projet
de loi impose au travailleur l'obligation de "se soumettre aux examens de
santé exigés pour l'application de la présente loi et des
règlements". A cette obligation doit correspondre une obligation
spécifique à l'employeur: celle de libérer le travailleur
sans perte de salaires ou autres avantages le temps nécessaire pour tels
examens lorsqu'ils doivent avoir lieu en cours d'emploi. Le 2° paragraphe
de l'Article 40 n'est pas clair à ce sujet et nous suggérons la
formulation suivante: "2° faire subir l'examen médical de
préambauche et les examens périodiques ou de dépistage
prescrits par la présente loi et les règlements. Pour les examens
de contrôle et de dépistage en cours d'emploi, le temps
consacré par le travailleur à tels examens est
considéré comme temps travaillé à toutes fins que
de droit." 82. Ce n'est pas le fournisseur qui doit "prendre les mesures
nécessaires pour protéger la santé et assurer la
sécurité et l'intégrité physique du travailleur".
C'est l'employeur. La F.T.Q. propose que le 4° alinéa de l'Article
40 soit rédigé comme suit: "4° fournir un matériel
sécuritaire et assurer son maintien en bon état;" 83. Les
travailleurs savent par expérience qu'il y a plusieurs conditions pour
qu'un comité de santé et de sécurité puisse
fonctionner efficacement. L'une de ces conditions est que les
représentants de l'employeur au sein de ce comité soient investis
de l'autorité nécessaire pour faire appliquer des mesures
correctives lorsque nécessaire, au moins lorsque la situation justifie
une action immédiate. Nous discuterons de ce sujet plus en détail
lorsque nous aborderons le sujet des comités de santé et de
sécurité au Chapitre IV du projet de loi. Pour le moment, la
F.T.Q. propose d'ajouter un nouvel alinéa 14° à l'Article
40:
"14° s'assurer que les membres qu'il nomme au comité de
santé et de sécurité soient investis de pouvoirs
décisionnels sur les questions de santé et de
sécurité qui justifient l'application immédiate de mesures
correctives;"
Le 14° alinéa deviendrait 15° et le 15° deviendrait
16°, et pour cet alinéa, la F.T.Q. propose la formulation suivante:
"16° mettre à la disposition des membres représentant les
travailleurs au sein du comité de santé et de
sécurité des équipements, les locaux et le personnel
clérical nécessaire à l'accomplissement de leurs
fonctions." 84. Article 41 La F.T.Q. propose d'ajouter la phrase
suivante: "Ce registre doit, sur demande, être mis à la
disposition de l'inspecteur ou des membres du comité de santé et
de sécurité." 85. L'Article 43 du projet de loi impose
l'obligation à l'employeur ou au propriétaire de transmettre
à la Commission des plans et devis d'architecte ou d'ingénieur
attestant de leur conformité aux règlements. Cependant, il y a
une lacune importante, tant au niveau de cet Article 43 qu'au niveau du 22°
alinéa de l'Article 185, en ce sens que le projet de loi n'accorde pas
spécifiquement à la Commission le pouvoir de refuser ces plans et
devis, d'exiger les corrections qu'elle pourrait juger nécessaires en
vertu des normes de construction, d'aménagement, d'entretien et de
démolition qu'elle a elle-même prescrites en vertu dudit 22°
alinéa de l'Article 185. Il nous semble essentiel que cette lacune soit
corrigée. Il nous semblerait utile aussi que le terme
"propriétaire", lequel revient à plusieurs reprises dans le
projet de loi, soit l'objet d'une définition à l'Article 1.
Le programme de prévention 86. La F.T.Q. est heureuse de
l'obligation faite à l'employeur dans le projet de loi de "faire en
sorte qu'un programme de prévention (...) soit mis en application" et
elle est particulièrement heureuse que le projet de loi spécifie,
à l'Article 48, qu'un programme de prévention "a pour objectif
d'éliminer à la source même les dangers pour la
santé, la sécurité et l'intégrité physique
des travailleurs". C'était là une lacune du Livre blanc que nous
avions soulignée. Dans l'état actuel des choses, et compte tenu,
notamment, du degré de syndicalisation des travailleurs, il faut que
l'article qui impose cette obligation à l'employeur ne soit pas
dilué et indique clairement que cette responsabilité est bien la
sienne. Les modes de collaboration avec les travailleurs que la loi pourra
édicter de façon plus ou moins obligatoire viendront par la
suite, en temps et lieu. C'est pourquoi la F.T.Q. propose que l'Article 47 soit
formulé comme suit: "47. L'employeur doit faire en sorte qu'un programme
de prévention propre à chaque établissement sur lequel il
a autorité soit mis en application conformément à la
présente loi." 87. La F.T.Q. désire souligner ces passages du
Livre blanc, aux pages 205 et 206, dans lequel il est dit que: "Les employeurs
ont l'obligation de s'assurer de l'existence d'un programme de
prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
dans leurs établissements. Par voie de conséquence, ils ont le
droit de prendre les mesures appropriées pour qu'un tel programme soit
appliqué." et "L'employeur doit permettre aux travailleurs d'exercer
leurs droits dans le domaine de la prévention des accidents et porter
une attention sérieuse à toute démarche de leur part
visant à améliorer les conditions de santé et de
sécurité au travail."
Nous présumons que, dans cette dernière citation du Livre
blanc, le rédacteur a involontairement omis, après le mot
"accidents", les mots "et des maladies professionnelles", et nous
revendiquerons, bien sûr, que la loi soit beaucoup plus spécifique
quant à I'attention sérieuse" que l'employeur doit porter
à toute démarche de la part des travailleurs visant à
améliorer les conditions de santé et de sécurité du
travail, mais nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous aborderons la
discussion sur les sections pertinentes du projet de loi. 88. Compte tenu de ce
que nous avons dit au paragraphe 85, nous contestons qu'il soit de la
responsabilité de l'employeur, quelles que soient les autres
dispositions de la loi, d'élaborer et d'offrir "des programmes de
formation et d'information des travailleurs en matière de santé
et de sécurité", sauf pour ce qui a trait au droit du travailleur
tel que défini au 1° alinéa de l'article 9 dont nous avons
traité au paragraphe 65 du présent mémoire. La F.T.Q.
propose donc une nouvelle formulation pour le 2° alinéa de l'article
48 comme suit: "2° des programmes de formation, d'information et
d'entraînement des travailleurs correspondant aux droits qui leur sont
reconnus par la présente loi, notamment au 1° alinéa de
l'article 9;"
Accidents 89. La F.T.Q. propose la formulation suivante pour le
deuxième paragraphe de l'article 51 :
"L'employeurdoit s'assurer que personne, sauf si la permission en a
été donnée par l'inspecteur, ne déplace quoi que ce
soit sur les lieux de l'accident ou n'altère de quelque façon que
ce soit les lieux de l'accident, sauf si cela s'avère nécessaire
pour: 1° porter secours à une personne; 2° prévenir un
autre accident ou des blessures; 3° éviter des dégats ou
dommages matériels ou économiques important.
L'expression "dommages matériels ou économiques" n'inclut
pas un arrêt de la production ou des opérations
impliquées.
Si des choses doivent être déplacées ou les lieux
altérés de quelque façon que ce soit avant la fin de
l'enquête, l'employeur doit s'efforcer de faire prendre des photographies
des lieux dans tous les détails susceptibles d'être utiles pour
fins de l'enquête."
Les fournisseurs 90. L'expression "Sauf à des fins de
recherche..." au début de l'article 53 risque de constituer un
échappatoire à certains employeurs peu scrupuleux. On peut
toujours, dans un processus de fabrication ou de transformation, en
prétextant des fins de recherche, "fabriquer, installer ou utiliser un
produit, un procédé, un équipement, un matériel, un
contaminant ou une matière dangereuse". La F.T.Q. soumet qu'il y aurait
deux façons de régler ce problème: 1. en éliminant
purement et simplement les mots "sauf à des fins de recherche"; ou
encore 2. en formulant le début de l'article de la façon
suivante: "Sauf à des fins de recherche dans des laboratoires
affectés exclusivement à ces fins ou, par exception, sur les
lieux ordinaires du travail après avoir demandé et obtenu la
permission explicite de la Commission et aux conditions qu'elle
détermine..." 91. La F.T.Q. croit, par ailleurs, que cette section du
projet de loi illustre bien la nécessité d'avoir dans la loi
elle-même une définition plus explicite de termes comme
"contaminant" et "matière dangereuse". Nous soumettons que la fonction
attribuée à la Commission à l'alinéa 27° de
l'article 185 appartient au législateur. La Commission doit avoir le
pouvoir d'établir par règlement ou autrement, à partir de
la définition contenue dans la loi, si tel ou tel produit est en
réalité reconnu par elle comme étant un contaminant ou une
matière dangereuse. Par exemple, dans la définition de
"contaminant" proposée au 11° alinéa de l'article 1, le
projet de loi donne une liste d'agresseurs et termine par les mots:
"déclaré contaminant par règlement" de sorte que chacun
des éléments de cette liste, susceptibles d'affecter la
santé physique ou mentale d'un travailleur, pourrait être
considéré comme n'étant pas un "contaminant" tant et aussi
longtemps qu'un règlement ne l'aurait pas "déclaré
contaminant". Nous reviendrons plus tard sur certaines définitions
proposées à l'article 1, notamment sur celles qui font l'objet du
présent paragraphe. Mais nous tenions à souligner
immédiatement les difficultés que risque de causer, dans la
pratique, l'absence d'une définition claire et explicite dans la loi
même, des termes "contaminant" et "matière dangereuse".
L'étiquetage des produits 92. Article 55 Nous avons
de la difficulté à comprendre une telle sollicitude des
rédacteurs du projet de loi pour les secrets de fabrication. Il existe
des choses plus importantes que "les secrets de fabrication" de certains
produits: par exemple, la vie et la santé des travailleurs qui seront
appelés à les utiliser ainsi que la vie et la santé des
autres utilisateurs. D'ailleurs, à notre époque, et compte tenu
de l'existence de nombreux laboratoires et instruments d'analyse très
perfectionnés, les "secrets de fabrication sont nettement devenus des
"secrets de polichinelle" pour peu que des chimistes qualifiés ou autres
professionnels se donnent la peine de faire les analyses nécessaires.
93. Là n'est pas le problème. Le problème, c'est que
certains produits sont vendus sous une marque de commerce quelconque et que
même l'employeur (et à plus forte raison, le travailleur) ne peut
en connaître le contenu à moins de faire faire à ses frais
des analyses parfois longues et coûteuses. 94. Le gouvernement
québécois a déjà légiféré pour
obliger tous les fabricants de denrées alimentaires à indiquer
sur l'étiquette du produit, par ordre d'importance quantitative, tous
les éléments qui entrent dans la fabrication de cette
denrée. Cette obligation s'applique aussi aux fabricants hors du
Québec, sous peine de ne pas pouvoir mettre leurs produits sur le
marché québécois. De sorte qu'un travailleur peut, le
matin au déjeuner, connaître tous les ingrédients qui sont
contenus dans la marmelade qu'il mange avec ses "toast" et ensuite se rendre
à son travail et inhaler pendant huit heures des émanations de
produits dont même son employeur ne connaît pas la composition. 95.
Et c'est une bien piètre consolation de lire dans un projet de loi sur
la santé et la sécurité du travail, que s'il s'agit d'une
"matière dangereuse", le fournisseur devra l'indiquer sur
l'étiquette et en donner la composition. Qui est-ce qui va
déterminer s'il s'agit d'une "matière dangereuse" lorsqu'on sait
que par le phénomène de synergie, deux produits connus comme
étant inoffensifs lorsque séparés peuvent donner naissance
à un nouveau produit devenu toxique du fait du mélange des deux?
Et tant que le règlement ne spécifie pas, ou tant que le
fabricant n'a pas lui-même reconnu, qu'il s'agit d'une
substance dangereuse, le fournisseur ne serait pas tenu d'indiquer sa
composition sur l'étiquette, d'après la formulation actuelle de
l'article 55. 96. La F.T.Q. propose donc la formulation suivante pour ce qui
est de l'article 55: "55. Un fournisseur doit voir à ce que tout produit
destiné à être utilisé dans les processus de
production, de fabrication ou de transformation, ainsi que tout produit auquel
des travailleurs sont susceptibles d'être exposés de quelque
manière que ce soit, soit étiqueté conformément aux
règlements; en l'absence de règlement, l'étiquette doit
indiquer la composition du produit au moins par ordre d'importance quantitative
des ingrédients qu'il contient et, s'il s'agit d'une matière
dangereuse, la façon de l'utiliser, les dangers de son utilisation et
les mesures à prendre en cas d'urgence."
Les comités de santé et de sécurité
97. Dès le début de la discussion de cet important chapitre du
projet de loi, la F.T.Q. désire réaffirmer sa position en faveur
des comités conjoints de santé et de sécurité sur
les lieux du travail. Il s'agit là d'une revendication de longue date de
l'ensemble du mouvement ouvrier québécois. A la F.T.Q., notre
position n'a pas changé. Nous croyons encore que de tels comités,
s'ils peuvent compter sur un appui technique adéquat et à
certaines autres conditions, seront des instruments indispensables pour la
promotion de conditions améliorées d'hygiène et de
sécurité du travail.
Cela, nous le savons par expérience car si, il faut bien le dire,
il existe un grand nombre d'endroits où ces comités conjoints ne
fonctionnent pas adéquatement ou même, au pire, sont
"récupérés" par l'employeur, il existe d'autre part, un
nombre très important d'endroits où nos syndicats affiliés
prennent les mesures nécessaires pour qu'ils fonctionnent, et n'ont
qu'à se féliciter des résultats. 98. A ce sujet, il est
intéressant de noter l'expérience du C.L.S.C. Centre-ville. Dans
son bulletin de juin 1979, cet organisme fait un court bilan d'une
expérience de deux ans à partir de zéro en
prévention-santé en milieu de travail. Il s'agit, dans ce cas
précis, surtout de travailleurs du commerce et de cols blancs. Nous
citons ici un passage de ce rapport: "Si on se fie à notre
expérience, la première solution en vue de l'amélioration
graduelle des risques à la santé consiste à mettre en
place des mécanismes paritaires de surveillance de la santé par
le biais de comités de santé d'entreprises. Cela nous
apparaît comme la seule solution valable. Cette formule permet de
redonner à l'ensemble du milieu de travail un moyen adapté d'agir
sur les véritables causes de la détérioration de la
santé. En favorisant la participation des deux partenaires, nous pouvons
entrevoir une réduction fort significative des résistances et des
difficultés d'implantation reliées à la mise en place de
mécanismes et de programmes axés sur la prévention des
maladies occupationnelles".
Quand on sait la réputation de radicalisme (pour dire le moins)
qu'on attribue aux C.L.S.C. (à tort dans certains cas, à raison
dans d'autres) ce témoignage basé sur une expérience de
deux ans, et en santé seulement, est fort éloquent. 99. Notre
approbation n'est pas inconditionnelle cependant, et les modifications que nous
proposons à certains articles de ce Chapitre IV du projet de loi sont
l'expression de positions prises sur le sujet, basées sur leur propre
expérience, par les délégués à nos
congrès et colloques. 100. Article 58 Dans tous les cas où
la même association accréditée ne représente pas
tous les travailleurs d'un établissement, il ne doit pas être
laissé à la discrétion de la Commission d'unir par la
force ce que le Service du droit d'association a séparé. S'il y a
entente entre les diverses unités de négociation, tant mieux.
Sinon, chacune des unités de négociation
accréditées doit avoir le droit d'exiger la constitution de son
propre comité de santé et de sécurité. Bien plus,
dans le cas de grandes unités de négociation, l'association
accréditée doit avoir le droit d'exiger la constitution de
comités de santé et de sécurité au niveau de chaque
département, usine ou secteur à l'intérieur de
l'entreprise, la Commission pouvant intervenir s'il n'y a pas entente, par
convention collective ou autrement, pour délimiter les bornes de
l'"unité de fonctionnement" appropriée en matière de
santé et de sécurité de chacun des comités à
l'intérieur de l'entreprise.
La possibilité d'un comité "de chapeautage" doit aussi
être prévue. Mais les intérêts et les
priorités, même en matière de santé et de
sécurité du travail peuvent différer d'une unité de
négociation à une autre et d'un département, d'une usine
ou d'un secteur à un autre. C'est pourquoi ces dispositions sont
essentielles au fonctionnement de tels comités de santé et de
sécurité.
Pour ce qui est des établissements où il n'existe pas
d'association accréditée, la F.T.Q. n'a aucune confiance qu'un
comité conjoint de santé et de sécurité puisse
fonctionner efficacement, mais le moins que le projet de loi pourrait
décréter, c'est qu'aucune personne représentant
l'employeur dans ses relations avec les salariés au sens du Code du
travail ne puisse agir comme représentant des travailleurs au sein de
tel comité.
Enfin, il est essentiel pour le fonctionnement efficace de tout
comité conjoint de santé et de sécurité que les
membres nommés par l'employeur pour agir au sein de tels comités
soient investis de pouvoirs de décision.
101. Article 60 Nous contestons que ce doive être le
médecin (ou tout autre professionnel) qui soit "responsable des services
de santé dans l'établissement", et nous élaborerons sur ce
sujet lors de la discussion du Chapitre VIII. Un médecin du travail, un
hygiéniste industriel, une infirmière spécialisée
en santé et sécurité du travail, un ingénieur, un
architecte ou tout autre professionnel ou technicien spécialisé
devraient, dans le cours normal des choses, être invités lorsque
nécessaire, à participer aux réunions du comité. Le
minimum de liberté qu'on peut laisser à un tel comité,
c'est de pouvoir décider quel professionnel, travailleur de la
santé ou technicien il a besoin de consulter au cours de la discussion
des sujets à l'ordre du jour de telle ou telle réunion. Nous
proposons la formulation suivante pour cet Article 60: "60. Les membres du
comité représentant les travailleurs, de même que ceux
représentant l'employeur peuvent requérir la présence de
toute personne ressource de leur choix à toute réunion du
comité ainsi que pour toute visite des lieux de travail". 102. Article
61 L'obligation d'une réunion du comité "au moins tous les
trois mois" est un recul sur les dispositions du règlement concernant
les établissements industriels et commerciaux (A.C. 3787). Le petit bout
de phrase "sous réserve des règlements" n'est pas assez
spécifique ni assez rassurant. Dans certains secteurs, une fois tous les
trois mois peut être suffisant. Dans d'autres, c'est nettement
insuffisant. Il faut que la loi établisse une graduation selon les
secteurs, ou encore, qu'elle prévoie que le comité doit se
réunir sur demande de l'une ou de l'autre des parties. 103. Article 62
C'est très bien de prévoir que "les représentants
de travailleurs participent, sans perte de salaire, aux réunions et
travaux du comité". Cela vaut pour les réunions
régulières. Mais si le comité qui est conjoint
en décide autrement, si les circonstances l'exigent pour l'un ou
pour plusieurs des membres du comité, (comme ce serait possible, par
exemple, dans le cas de l'Article 17) si un membre du comité ne
travaille pas aux mêmes heures que la majorité des autres membres,
et que dans l'une ou l'autre de ces circonstances, un membre doit participer
aux réunions ou aux travaux du comité en dehors de ses heures
régulières de travail, la loi doit prévoir que ce
travailleur doit être rémunéré au taux applicable en
vertu de la convention collective, et en l'absence d'une convention collective,
à un taux non inférieur à une fois et demie son taux
régulier de salaire.
Pour plusieurs raisons (crédits de vacances, de pension, etc.),
il serait préférable que cet Article 62 soit modifié comme
suit, ce qui correspondrait d'ailleurs à la formulation du Livre blanc
(page 213): "62. Le temps consacré par les représentants des
travailleurs aux réunions et travaux du comité est
considéré comme du temps travaillé à toutes fins
que de droit". 104. Article 63 L'énumération des fonctions
du comité de santé et de sécurité dans le projet de
loi ne va pas aussi loin que ce qui était proposé dans le Livre
blanc. Nous reconnaissons que certaines de ces fonctions sont confiées
au "représentant à la prévention" dont nous discuterons
tout à l'heure les fonctions et les droits. Cependant, nous croyons
qu'une fonction essentielle doit être conservée au niveau du
comité de santé et de sécurité, même si elle
peut être exercée aussi par le représentant à la
prévention. Il s'agit de la fonction suivante: exercer par toute
méthode appropriée, y compris la visite des lieux de travail, une
surveillance préventive en milieu de travail: (Livre blanc, p. 212)
Pour ce qui est des autres fonctions du comité de santé et
de sécurité énumérées à l'article 63,
nous désirons les commenter comme suit: 105. 1° alinéa:
L'obligation de porter des moyens et équipements de protection
individuels ainsi que leur choix est un point névralgique. La F.T.Q. est
d'accord que le "choix" de ces moyens et équipements de protection
individuels doit être fait par le comité de santé et de
sécurité, avec décision exécutoire par la
commission s'il y a désaccord sur le sujet au niveau des membres du
comité, comme il est prévu à l'article 64. Mais, pour ce
qui est de l'obligation" de les porter (qui, simplement du fait qu'il n'en est
aucunement question serait prérogative exclusive de l'employeur) nous ne
sommes pas du tout d'accord. Il y a eu trop d'abus dans le passé
à ce sujet, abus qui, il faut bien le dire, ont été trop
souvent à la source d'un "phénomène de rejet" parfois
injustifié de la part des travailleurs. La F.T.Q. propose donc la
formulation suivante pour ce premier alinéa de l'article 63: "1° de
déterminer les tâches et les endroits où il est obligatoire
de porter des moyens et équipements de protection individuels et de
choisir les moyens de protection individuels appropriés qui, tout en
étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux
travailleurs et aux besoins de rétablissement. En ce qui a trait
à l'obligation de porter des moyens et équipements de protection
individuels, s'il y a désaccord au sein du comité, c'est la
position des membres du comité qui représentent les travailleurs
qui prévaut jusqu'à ce qu'une décision exécutoire
soit émise par la commission en vertu de l'article 64. 106. 2°
alinéa: Nous ne sommes pas d'accord, pour les raisons que nous avons
énoncées aux paragraphes 85 et 87. Nous proposons la formulation
suivante: "2° de participer avec l'employeur à l'élaboration
du programme de formation, d'information et d'entraînement que celui-ci
est tenu de mettre en application en vertu du deuxième alinéa de
l'article 48, et de prendre les dispositions pour que tel programme soit
effectivement mis en application en tout temps utile:" 107. 3°
alinéa: La formulation de cet alinéa est telle que si le
comité de santé et de sécurité faisait
défaut de "faire des recommandations à l'employeur" celui-ci
pourrait se croire justifié de se dérober à
des obligations qui lui sont imposées par la loi et les
règlements. Nous proposons la formulation suivante pour le début
de cet alinéa; "3° de collaborer avec l'employeur relativement..."
108. 5° alinéa: Comme nous l'avons dit précédemment,
nous ne sommes pas d'accord à ce que ce soit le médecin qui soit
"responsable des services de santé de rétablissement". Nous
rediscuterons de ce sujet plus tard. Il est sûr que des fonctions
précises devraient être attribuées au comité de
santé et de sécurité relativement au programme de
prévention en santé et au régime de médecine du
travail. Nous croyons qu'il est préférable de déterminer
les fonctions pertinentes du comité sur ces sujets lorsque nous en
discuterons, quitte à recommander à ce moment-là que la
nomenclature en soit faite au présent Article 63. 109. 8°
alinéa: Cet alinéa dilue quelque peu ce qui avait
été prévu dans le Livre blanc comme devant être
l'une des fonctions importantes du comité. Nous proposons que ce 8°
alinéa soit reformulé comme suit: "8° d'enquêter aussi
rapidement que possible sur les événements qui ont causé
un accident grave ou mortel, de recevoir copie des avis de tous les autres
accidents et d'enquêter sur les événements qui ont
causé ou qui auraient été susceptibles de causer un
accident du travail ou une maladie professionnelle, et soumettre les
recommandations appropriées à l'employeur ou à la
commission. 110. La F.T.Q. propose un quatorzième alinéa comme
suit: "14° d'accomplir toute autre tâche que l'employeur et les
travailleurs ou leur syndicat lui confient en vertu des dispositions de toute
convention collective ou par entente mutuelle (Voir Livre blanc, p. 213)." 111.
La F.T.Q. est d'accord avec la formulation des 4°, 6°, 7°, 9°,
10°, 11°, 12° et 13° alinéas de cet Article 63 portant
sur les fonctions du comité de santé et de
sécurité, quitte à suggérer d'autres fonctions, le
cas échéant. 112. Article 64 II doit y avoir
décision exécutoire de la part de la commission en cas de
désaccord au sein du comité relativement aux décisions que
celui-ci doit prendre, non seulement pour ce qui a trait aux paragraphes 1°
et 2° de l'article 63, mais aussi des paragraphes 3°, 4°, 6° et
7° (du moins pour ce qui a trait aux mesures prescrites par la loi ou les
règlements) parce que chacune de ces fonctions correspondent à
des obligations précises imposées à l'employeur par la loi
ou les règlements et que le comité est l'instrument des parties
chargé de voir à ce que l'employeur s'acquitte de ses obligations
pour ce qui est de son établissement. Pour le reste, la Commission doit
aussi pouvoir intervenir par décision exécutoire si les fonctions
correspondent à une entente mutuelle précise entre l'employeur et
les travailleurs, selon les termes d'une convention collective ou de toute
autre entente ou engagement écrit. Par ailleurs, la loi doit aussi
intervenir pour forcer l'employeur à fournir aux membres du
comité les renseignements dont il est question aux 8° et 9°
paragraphes ou s'assurer qu'ils les reçoivent d'une autre source, et en
temps utile. 113. En cas de litige, il ne serait pas très utile à
la Commission d'avoir à décider entre des recommandations
écrites par les représentants des travailleurs et une
réponse trop laconique de la part de l'employeur (du genre: "non"). Nous
proposons donc une nouvelle rédaction pour l'article 64, comme suit:
"64. En cas de désaccord au sein du comité relativement aux
décisions que celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes
1°, 2°, 3°, 4°, 6° et 7°, les représentants des
travailleurs adressent par écrit leurs recommandations à
l'employeur qui est tenu d'y répondre par écrit en expliquant les
raisons de son refus total ou partiel.
Si le litige persiste, il peut être soumis par l'une ou l'autre
des parties à la Commission, dont la décision est
exécutoire.
L'employeur est aussi tenu de fournir aux membres du comité les
renseignements dont il est question aux paragraphes 8° et 9° ou de
s'assurer qu'ils les reçoivent d'autres sources et en temps utile." 114.
Article 65 Nous proposons la rédaction suivante: 65. L'employeur
doit afficher dans l'établissement, dans autant d'endroits qu'il est
raisonnablement nécessaire pour l'information des travailleurs et qui
leur sont facilement accessibles, les noms des membres du comité de
santé et de sécurité. 115. Article 66 - Cet article serait
mieux à sa place avec les modifications appropriées, au Chapitre
XIII RECOURS, avant l'Article 189, puisque cette défense doit
s'appliquer dans le cas de tous les travailleurs qui exercent un droit ou une
fonction lui résultant de la loi, et non seulement dans le cas des
membres du comité qui représentent les travailleurs.
Le représentant à la prévention 116. Article
67 - II nous semblerait beaucoup plus logique que ce soient les membres qui
représentent les travailleurs au sein du comité de santé
et de sécurité, ou encore les représentants
attitrés de l'association accréditée, qui choisissent le
"représentant à la prévention". Dans les cas où il
n'existe ni de comité, ni d'association accréditée, nous
sommes d'accord que le représentant à la sécurité
soit désigné par "les travailleurs".
117. Article 68 - Lorsqu'il s'agit d'établissement groupant dix
travailleurs ou moins et nous soumettons que cette norme de dix
travailleurs est beaucoup trop basse et que, de surcroît, il
n'existe pas d'association accréditée (et même, dans
certains cas, en dépit de l'existence d'une association
accréditée), il y a de forts risques qu'un "représentant
à la sécurité", désigné (?) par un groupe
aussi restreint de travailleurs devienne une "couverture" pour un employeur peu
scrupuleux. 118. En Suède, on nomme carrément ces gens-là
des "délégués à la sécurité". Dans ce
pays, on n'a pas été traumatisé par le Rapport Cliche!
Mais même dans un pays où plus de 90% des travailleurs sont
syndiqués, on a éprouvé le besoin d'"encadrer" le
délégué "local" à la sécurité qui
doit être désigné "sur tous les lieux de travail comptant
au moins cinq salariés" avec la possibilité, "si les conditions
l'exigent" qu'un délégué à la
sécurité soit obligatoirement désigné "sur les
lieux de moins de cinq salariés". 119. Au sujet de cet "encadrement"
dont nous venons de parler, il n'est pas sans intérêt de citer ici
un passage d'une brochure explicative de la loi sur la sécurité
du travail (1973), brochure qui est distribuée, en Suède,
à tous les travailleurs. Au Québec, on en est encore rendus
à quémander et même à payer des copies de lois et
des règlements que nous utilisons dans nos sessions de formation!)
"Délégués régionaux à la
sécurité
Un des grands principes des activités de sécurité
réside dans la coopération, sur les lieux du travail, de la
maîtrise et du délégué. Mais, il n'y aura pas
partout des délégués à la sécurité,
même à l'avenir. On a estimé qu'il était
précieux de faire bénéficier les lieux de travail
dépourvus de délégué d'une assistance
spéciale.
Dans cette perspective, on aménage un système de
délégués régionaux à la
sécurité (regionala syddsombud). Le délégué
régional à la sécurité est désigné
par le syndicat des salariés afin d'étendre ses activités,
le cas échéant, à plusieurs lieux de travail.
L'autorisation de désigner un délégué
régional est donnée par l'inspection du travail
(yrkesinspektionen). L'employeur ne peut pas mettre obstacle à une telle
organisation et les frais de l'activité des
délégués régionaux sont couverts par une cotisation
spéciale dite de sécurité du travail
(arbetarskyddsavgift). Le fait d'avoir désigné pour un lieu de
travail, un délégué régional, n'empêche pas
qu'on nomme également des délégués provenant de ce
lieu de travail lui-même." 120. Evidemment, il s'agit de la Suède.
Donc, d'un pays qui, d'après des déclarations récentes du
ministre d'Etat au Développement social, serait considérablement
en avance sur le Québec en matière de santé et de
sécurité du travail, à tel point, par exemple, que le
gouvernement québécois ne se sent pas capable d'accorder ici les
pouvoirs qui sont détenus en Suède par le
délégué à la sécurité, dont celui de
décider lui-même du temps qu'il doit consacrer à ses
fonctions et de faire cesser un travail qu'il juge dangereux ou nuisible
à la santé. 121. Mais la F.T.Q. croit que la formule des
"délégués régionaux à la
sécurité" en vigueur en Suède, pourrait facilement
être adaptée au Québec, dans le contexte même de la
loi sur la santé et la sécurité du travail, si on
accordait à l'association sectorielle, ou à la Commission en
l'absence d'une association sectorielle, le pouvoir de désigner le
"représentant à la prévention" qui exercerait ses
fonctions dans plusieurs lieux de travail et qui, le cas échéant,
serait un appui précieux pour le "représentant à la
prévention" dans un lieu de travail regroupant un nombre restreint de
travailleurs. Evidemment, dans le cas d'une nomination par une association
sectorielle, le vote des membres du conseil d'administration
représentant les associations syndicales serait
prépondérant, et dans le cas d'une nomination par la Commission,
le même principe s'appliquerait.
Il nous semble que ce serait là une disposition essentielle dans
un pays où près de 75% des travailleurs "industriels" n'ont
pratiquement pas accès à la syndicalisation, et où environ
85% des quelque 125,000 établissements ne regroupent chacun que 15
travailleurs ou moins. 122. Article 69 Le seul paragraphe que nous
contestons à cet article est le 6° qui désigne d'office le
"représentant à la prévention" pour accompagner
l'inspecteur à l'occasion des visites d'inspection. Il est fort possible
que les membres représentant les travailleurs au sein du comité
de santé et de sécurité ou encore les dirigeants de
l'association accréditée désirent désigner une
autre personne pour accompagner l'inspecteur. Que le "représentant
à la sécurité" doive aussi accompagner l'inspecteur lors
de ses visites, nous n'y avons aucune objection, au contraire. 123. Article 71
Heureux pays que la Suède où un
délégué attitré à la sécurité,
formé à cette fin, peut décider lui-même du temps
qu'il doit consacrer à l'exercice de ses fonctions! Enfin! ce sera
fixé, dit le projet de loi, "par règlement", du moins pour ce qui
est du "temps minimum". De sorte que nous ne saurons pas tant et aussi
longtemps que nous n'aurons pas vu cet arrêté-en-conseil (et
ça risque de prendre du temps... il y aura tant de secteurs à
étudier) combien de temps un "représentant à la
prévention" pourra consacrer pour s'acquitter des fonctions que lui
attribue la loi à l'article 69! Il nous semble que le moins qu'on
pourrait faire pour le moment, ce serait de décréter, dans la
loi, qu'en cas de mésentente au niveau du comité paritaire ou
entre le représentant à la prévention et son employeur sur
le temps qu'il doit consacrer à l'exercice de ses fonctions, ce soit la
Commission qui tranche le différend d'autorité. 124. Article 72
Compte tenu de nos remarques au paragraphe 115, la dernière
phrase de cet article serait inutile ici et il faudrait la biffer.
Les associations sectorielles 125. Compte tenu de nos remarques
aux paragraphes 61, 62, 63 et 64 au sujet de la définition des termes
"association d'employeurs" et "association syndicale", la F.T.Q. est d'avis que
les dispositions sur les associations sectorielles sont suffisantes dans
l'état actuel des choses et qu'elles sont sages. La F.T.Q. croit encore
que de tels organismes peuvent être des instruments précieux
à l'usage des agents sociaux pour s'acquitter eux-mêmes, par un
mécanisme de concertation librement accepté de part et d'autre,
de plusieurs des fonctions que le projet de loi confie à la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. La F.T.Q. est
donc d'accord sur la plupart des articles à ce chapitre. Cependant, elle
doit exprimer quelques réserves comme suit: 126. Article 74 Les
travailleurs de la construction désirent s'assurer que l'association
sectorielle de prévention dans le secteur de la construction sera
obligatoirement formée, et qu'il n'y aura aucun conflit
d'interprétation entre les termes de l'article 73 et ceux de l'article
74. La F.T.Q. est d'accord avec eux, et elle propose la formulation suivante
pour l'article 74: "74. Nonobstant les dispositions de l'article 73, les
associations représentatives, au sens de la loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, et l'Association des entrepreneurs
en construction du Québec doivent conclure une entente constituant
l'association sectorielle paritaire de la construction.
En l'absence d'une telle entente, la Commission en établit les
termes et elle détermine la composition de l'association sectorielle
paritaire de la construction et, pour ce qui concerne les membres syndicaux au
conseil d'administration, elle les attribue au pro-rata de la
représentativité de chacune des associations
représentatives." 127. Article 76 Nous sommes quelque peu surpris
que dans les objets d'une association sectorielle, le projet de loi n'inclut
pas spécifiquement un rôle d'information qui nous semblerait
essentiel: celui de recueillir, d'analyser et de diffuser toutes les
statistiques disponibles concernant les accidents du travail et les maladies
professionnelles dans ce secteur en particulier et celui de faire effectuer les
recherches qu'elle pourrait juger utiles. Evidemment, il y a le 12°
paragraphe qui précise qu'une telle association sectorielle peut aussi
"accomplir tous les autres gestes et poser tous les autres actes
nécessaires à la réalisation de ses objectifs", mais,
comme c'est précisément ce de quoi nous parlons ici, des
"objectifs", il nous semble que celui que nous venons de souligner doit
être inscrit dans la loi.
Les associations syndicales et les associations d'employeurs 128.
Nous vous référons encore une fois à nos remarques aux
paragraphes 61, 62, 63, et 64, et nous répétons qu'il est
impérieux que la loi elle-même définisse quels seront les
interlocuteurs valables et "représentatifs" de la Commission pour
l'administration de la loi. Dans le cas du secteur de la construction, les
associations représentatives sont définies par la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. Mais dans les autres
secteurs, et pour l'ensemble du Québec, on est dans le vague.
Les services de santé du travail 129. Pour la F.T.Q., un
régime de santé du travail est l'équivalent d'un programme
de prévention tel que défini au premier alinéa de
l'article 48, c'est-à-dire un programme qui a pour objectif
"d'éliminer à la source même les dangers pour la
santé, la sécurité et l'intégrité physique
des travailleurs". Un tel programme est et doit être la
responsabilité de l'employeur et il doit être établi et
appliqué avec la participation des travailleurs et des organismes que
les travailleurs ont choisis pour la défense de leurs droits: les
syndicats. 130. Il n'est donc pas question que nous puissions accepter que ce
soit le médecin ou tout autre professionnel qui soit établi comme
étant le "responsable" du service de santé. D'ailleurs, nous
sommes convaincus que les médecins eux-mêmes, ceux qui ont le
moindrement d'expérience en médecine du travail et qui sont de
bonne foi, ne tiennent pas tellement à ce que ce soit eux qui soient
responsables des régimes de santé du travail dans l'entreprise.
131. Le projet de loi indique une intention de "médicaliser" la
santé du travail. C'est peut-être significatif que dans le cadre
d'un projet de loi sur la santé et la sécurité "du"
travail, le chapitre sur la santé des travailleurs soit intitulé
"Les services de santé "au" travail. On n'aurait pas pu commettre une
telle ambiguïté si le projet de loi utilisait le terme
"hygiène du travail". 132. A notre avis, c'est une erreur de
médicaliser la santé du travail en établissant le
médecin comme étant à peu près le seul responsable.
Ce n'est pas de minimiser l'importance de la médecine du travail que de
dire qu'il s'agit là d'un sujet beaucoup plus vaste et qui doit
mobiliser plusieurs autres disciplines qui auront à jouer un rôle
important, même indispensable, dans la mise en place et le fonctionnement
de programmes bien compris d'hygiène et de sécurité du
travail, tant sur le plan de l'entreprise qu'au niveau régional et dans
l'ensemble du Québec.
133. Tout en reconnaissant l'importance primordiale d'un régime
de médecine du travail dans un programme global d'hygiène et de
sécurité du travail (et on ne peut pas séparer la
sécurité de l'hygiène, dans un tel programme), la F.T.Q.
propose que la législation établisse clairement la
différence entre un régime d'hygiène et de
sécurité du travail axé sur la participation des parties
et une action multidisciplinaire au niveau de l'entreprise pour
l'élimination des conditions pouvant constituer une menace à la
santé et à la sécurité des travailleurs et un
régime de médecine du travail qui est une composante
extrêmement importante, mais seulement l'une des composantes, d'un
régime bien compris d'hygiène et de sécurité du
travail. 134. Le médecin n'est pas, de par sa profession, le
professionnel le plus qualifié pour être "responsable" d'un
régime d'hygiène et de sécurité du travail. En
hygiène du travail, ce serait peut-être l'hygiéniste
industriel. En sécurité du travail, ce serait peut-être
l'ingénieur. En normes de construction des bâtisses, ce seraient
l'ingénieur et l'architecte. Et nous pourrions allonger la liste. En
fait, aucun professionnel ne possède à lui seul la formation pour
prendre la responsabilité du régime d'hygiène du travail.
135. Nous n'avons aucun mérite à énoncer un tel principe
et nous n'avons pas la prétention d'innover. C'est un principe qu'on
retrouve dans toutes les publications sur le sujet publiées par de
nombreux organismes, y compris l'Organisation internationale du travail et
l'Organisation mondiale de la Santé. Il a été
énoncé de façon magistrale dans une allocution du ministre
de l'Emploi et du Travail de Belgique lors de l'inauguration d'une campagne
nationale "Santé et hygiène dans l'Entreprise" au mois de
septembre 1973. Nous prenons la liberté de citer un passage de cette
allocution parce qu'elle exprime bien nos sentiments sur le sujet: "La
présente campagne concernant la santé et l'hygiène dans
l'entreprise est à placer sous le signe d'actions dynamiques des
employeurs, des travailleurs, des médecins du travail et des cadres des
entreprises pour assurer à chaque individu une meilleure qualité
de vie au travail.
Les objectifs à atteindre en matière d'humanisation du
travail, vocable qui regroupe la sécurité, l'hygiène et la
médecine du travail, doivent être fixés de manière
intégrée. Les aspects économiques, techniques,
médicaux, sociaux et humains de ces objectifs
s'interpénètrent.
Les spécialistes de ces différentes disciplines doivent
retenir l'homme comme dénominateur commun de toutes leurs actions et
concevoir dorénavant une approche multidisciplinaire dans la
manière d'élaborer, de réaliser et de finaliser leurs
programmes.
Cette approche multidisciplinaire impose un changement profond des
mentalités et des habitudes. Elle implique, entre autres, un inventaire
des risques et des insuffisances relevés dans l'entreprise,
l'organisation d'opérations de dépistage des risques, la
création et la formation d'équipes d'intervention pour
procéder aux mesures, examiner les situations déficientes et leur
trouver des solutions.
Elle vise à établir un dialogue avec le travailleur et
tend à remédier à ses difficultés d'expression et
d'adaptation, notamment quand il s'agit de travailleurs migrants.
Elle ne concerne pas seulement les responsables de la
sécurité et de l'hygiène mais aussi les services
d'études, d'analyse et d'organisation du travail, de planning,
d'acquisition de matériel, de construction de bâtiments.
Cette nouvelle approche doit être imprégnée de la
volonté de concertation des chefs d'entreprise, des médecins du
travail, des délégués des travailleurs, en un mot, de tous
ceux qui, au niveau de leur action, interviennent dans la formation du climat
psychologique et social de l'entreprise.
L'élaboration du plan annuel de sécurité et
d'hygiène est l'occasion d'éprouver les bonnes volontés
pour atteindre des objectifs combien nombreux: amélioration du milieu de
travail: aération, température, éclairage captation
des nuisances à leur source atténuation des risques
causés par les agents physiques état des installations
sanitaires division et organisation du travail: travail à la
chaîne, parcellement du travail, etc. 136. Un régime
d'hygiène et de sécurité du travail "est donc à
placer sous le signe d'actions dynamiques des employeurs, des travailleurs, des
médecins du travail et des cadres des entreprises pour assurer à
chaque individu une meilleure qualité de vie au travail" et il doit
faire appel à des spécialistes de différentes disciplines
qui "doivent retenir l'homme comme dénominateur commun et concevoir
dorénavant une approche multidisciplinaire". Mais tout cela ne se fera
pas par génération spontanée. Il appartient donc au
gouvernement de fixer clairement les règles du jeu par
législation. 137. La F.T.Q. est par ailleurs d'accord avec un grand
nombre des propositions du projet de loi. En appelant les choses par leur nom,
c'est-à-dire en appelant un régime de médecine du travail
"un régime de médecine du travail", la F.T.Q. se réjouit
d'un certain nombre de propositions qui répondent assez bien à
ses revendications, notamment: le fait que le médecin du travail
ne sera plus rémunéré directement par l'entreprise mais
"par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, selon le mode du
salariat ou de la vacation" (article 85); le fait qu'un médecin
du travail doit être "agréé aux fins de la médecine
du travail" (article 87);
le fait, très important à notre avis, c'est que
tout le régime de la médecine du travail sera obligatoirement
relié à l'ensemble du réseau public de santé par
l'intermédiaire des départements de santé communautaire.
ainsi qu'un grand nombre d'autres propositions avec lesquelles nous sommes
d'accord en principe, mais sur lesquelles nous avons quelques réserves
au niveau de la formulation. 138. La F.T.Q. est heureuse de constater que les
rédacteurs du projet de loi n'ont pas retenu l'une des propositions du
Livre blanc à l'effet que la pratique de la médecine du travail
puisse s'intégrer à un cabinet privé. En fait, nous
proposons que, sauf dans des endroits relativement peu populeux où le
nombre de travailleurs ne pourrait justifier l'utilisation à plein temps
d'un médecin du travail, toute clinique de médecine du travail,
pour être agréée comme telle, devrait se consacrer
exclusivement à la médecine du travail. Cette condition devrait
évidemment s'appliquer aux cliniques privées, dans
l'établissement ou ailleurs, mais elle devrait aussi s'appliquer aux
services de médecine du travail fournis dans un Centre hospitalier, dans
ou à proximité (préférablement à
proximité que "dans") d'un centre local de services communautaires
(C.L.S.C.) et aussi aux cliniques publiques de médecine du travail qui
pourraient et devraient être mises sur pied par la Commission, au moins
dans les grands centres, en collaboration avec le ministère des Affaires
sociales et ses départements de santé communautaire. 139. Le
projet de loi passe à peu près sous silence le sujet de la
formation et du recyclage nécessaire des médecins qui peuvent
être intéressés en médecine du travail. Quoi qu'en
dise la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec pour justifier sa revendication à l'effet que tout
omnipraticien devrait pouvoir s'occuper de la médecine du travail dans
son cabinet privé, ce qui se fait actuellement au Québec dans le
domaine du recyclage des médecins en médecine du travail est
nettement insuffisant. 140. La situation décrite dans le Livre blanc
à la page 152 indique pourtant un besoin criant: D'après une
enquête conduite par la Corporation professionnelle des médecins,
il y avait en 1978, pour tout le Québec, 417 omnipraticiens et 138
spécialistes qui signalaient une "participation quelconque" à la
médecine du travail dont seulement 79 omnipraticiens et 31
spécialistes déclaraient consacrer "la majeure partie de leur
temps" à cette activité. Quant à l'association de
médecine industrielle du Québec, elle regroupait, en 1976, 225
médecins dont 75 seulement pratiquaient la médecine du travail
à plein temps. Et les choses n'ont probablement pas tellement
évolué depuis 1976. 141. Ce n'est pas faire injure aux
médecins que de dire qu'un médecin omnipraticien, pour pouvoir se
consacrer à la médecine du travail, a besoin de se recycler. Ceux
qui en font le savent très bien. Le problème, c'est que dans la
plupart des cas, ils ont dû se recycler "sur le tas". Dans des pays comme
les pays Scandinaves, la France, la Belgique, etc., un médecin qui
désire se diriger en médecine du travail doit obligatoirement se
recycler, et cette obligation est acceptée de très bonne
grâce par les médecins parce qu'ils savent très bien
qu'elle est nécessaire. 142. La loi doit donc établir clairement
les modalités générales d'un programme de formation et de
recyclage en médecine du travail. Tous les détails ne peuvent
être incorporés dans la loi, mais la loi doit au moins dire qu'il
existera un tel programme; qui sera responsable de son application; à
quelles conditions un professionnel pourra adhérer à un tel
programme; sur combien d'années devra s'étendre le programme de
recyclage, le cas échéant, etc. 143. Pour ce qui est du choix du
médecin du travail, il est intéressant de rappeler que la F.T.Q.
n'a pas revendiqué que ce choix soit fait avec la participation des
travailleurs avant que la proposition soit énoncée dans le Livre
blanc. A notre congrès de décembre 1975, les
délégués ont, bien sûr, pris position contre les
"docteurs de compagnie" et ils ont recommandé aux syndicats
affiliés "de refuser systématiquement que leurs membres se
soumettent au contrôle médical des services de médecine
d'entreprise à moins que ceux-ci soient parfaitement
intégrés au réseau public de santé". 144. Suite
à la publication du Livre blanc qui proposait la nomination du
médecin du travail par le comité conjoint de santé et de
sécurité, avec décision finale par la Commission s'il n'y
avait pas entente au niveau du comité, les délégués
à notre colloque de novembre 1978 ont revendiqué que "le choix du
médecin doit appartenir aux travailleurs". 145. Mais les
délégués ont adopté cette position avec
réticences. En effet, les délégués n'ont
revendiqué ce droit que "pour ce qui est des établissements dont
l'importance justifie les services d'un médecin du travail à
plein temps", tout en reconnaissant que "il va se poser des problèmes
particuliers pour le choix du médecin ou des médecins dans les
cliniques mutti-entreprises de médecine du travail qui, nous
l'espérons, vont s'établir rapidement dans tout le territoire du
Québec". 146. Nous rappelons qu'au Québec, près de 85% des
quelque 125,000 établissements regroupent chacun 15 travailleurs ou
moins. Si on parle de 100 travailleurs ou moins, on parle alors d'un nombre
encore plus élevé d'entreprises. Et le Livre blanc nous
révèle (ce que nous savions déjà) que même
dans la "grosse entreprise (200 à 499 employés)" l'existence d'un
service de santé (médecine) est aléatoire, et que
lorsqu'il existe, il comprend généralement une infirmière
ou un médecin, le plus souvent à temps partiel ou à
contrat, pour (...) les soins d'urgence, le contrôle des absences ou les
certificats médicaux! 147. Il est fort possible que lorsque nous parlons
du choix du médecin du travail, nous ne parlons de la possibilité
de ce choix que pour la très grande entreprise où il existe en
permanence un service structuré de médecine du travail. Et il est
fort possible que nous soyions amenés, par la force des circonstances,
à parler du choix de la "clinique de médecine du travail" si nous
ne voulons pas laisser pour compte un nombre important d'entreprises et de
travailleurs québécois et si nous voulons assurer
à tous les travailleurs du Québec un service
adéquat de médecine du travail comme partie intégrante
d'un régime global d'hygiène et de sécurité du
travail. 148. Une des revendications de la F.T.Q. est totalement ignorée
dans le projet de loi. Ce n'est pas la seule, mais dans ce cas précis,
nous tenons à la réitérer, non seulement par acquit de
conscience, mais parce que nous croyons qu'il s'agit d'une condition
fondamentale, indispensable à la pratique d'une véritable
médecine du travail. Il s'agit de l'une des positions adoptées
par les délégués lors de notre colloque de novembre 1978
sur le sujet de la médecine du travail: "La FTQ insiste pour que la
pratique de la médecine du travail comporte obligatoirement un nombre
fixe d'heures par semaine, à déterminer en consultation avec les
parties directement intéressées, pour la visite des usines
où sont employés des travailleurs couverts par le régime
de médecine du travail dans l'entreprise ou dans le groupe
d'entreprises, afin de bien se rendre compte des conditions susceptibles
d'affecter la santé des travailleurs couverts par le régime.
C'est là une condition indispensable à la pratique d'une vraie
médecine du travail et un argument additionnel en faveur d'un
régime de salariat dûment négocié et mutuellement
satisfaisant pour les médecins du travail. C'est aussi un argument
additionnel pour la pratique exclusive de la médecine du travail pour
les médecins qui s'engageront dans cette discipline. 149. Nous n'avons
pas tenté d'analyser dans tous leurs détails chacune des
propositions du projet de loi au chapitre de la santé du travail. Nous
avons préféré nous en tenir à des
considérations d'ordre général. Nous ne doutons pas que
d'autres mémoires seront soumis à votre Commission traitant du
même sujet, particulièrement de la part du patronat et des
corporations ou fédérations professionnelles qui ont
dénoncé et qui dénonceront probablement dans leurs
mémoires ce qu'ils ont qualifié publiquement de tentative de
"socialisation" de la médecine du travail. (Incidemment, si on prend le
terme "socialisation" dans son sens étymologique socialiser:
rendre social un bon nombre de travailleurs seraient parfaitement
d'accord avec un peu plus de "socialisation" de la médecine du travail!)
150. Quoi qu'il en soit, il ne faudrait pas que le débat soit clos. Il
ne faudrait pas non plus que cette partie importante du projet de loi soit
adoptée à la vapeur, et il ne faudrait pas surtout que, dans un
projet de loi qui se veut axé sur la participation, le gouvernement
règle ce problème d'autorité sans avoir donné
l'occasion d'un dialogue entre les parties les plus directement
intéressées. Jusqu'ici, elles ont été
consultées, elles se sont exprimées sur le sujet. Mais, elles
l'ont fait séparément. Il serait sans doute intéressant et
possiblement fructueux de les amener à une même table de
discussion. 151. La F.T.Q. propose donc que le ministre d'Etat au
Développement social convoque, au cours des travaux de votre Commission
parlementaire, les représentants attitrés des principaux
intervenants sur le sujet de la santé du travail à une discussion
en "table ronde". Chacun ayant exprimé ses positions et toutes ces
positions étant "sur la table", il serait peut-être possible d'en
venir à des consensus sur certains points, qu'ils soient ou non
déjà proposés dans le projet de loi. A la suite d'une
telle discussion, il appartiendrait évidemment à la Commission
parlementaire de réétudier l'ensemble du sujet et,
éventuellement, au gouvernement à prendre les positions qu'il
défendra devant le Parlement en deuxième et troisième
lectures. Nous espérons que cette proposition recevra l'assentiment de
votre Commission, du gouvernement ainsi que des parties directement
intéressées et qu'elle aidera à dénouer ce
problème qui, il faut bien de reconnaître et nous croyons
qu'on s'en rendra compte par le contenu des interventions devant votre
Commission est l'un des points les plus controversés et les plus
cruciaux du projet de loi.
La commission de la santé et de la sécurité du
travail 152. La F.T.Q. croit qu'il serait utile dès le début
de ce chapitre du projet de loi, possiblement à l'article 102,
dès l'énoncé de la proposition portant sur l'institution
de la commission, d'énoncer clairement et spécifiquement que
cette Commission est l'organisme chargé par le gouvernement de
l'administration de la loi et de spécifier tout aussi clairement qu'il
s'agit de l'organisme qui est spécifiquement chargé de
s'acquitter des obligations du gouvernement en matière d'hygiène
et de sécurité du travail, obligations qu'on ne retrouve nulle
part, clairement énoncées, dans le projet de loi. 153. La F.T.Q.
soumet qu'une formulation comme celle qui apparaît à la loi du
Manitoba "Workplace Safety and Health Act" serait probablement la plus
appropriée. Elle est simple, et elle dit exactement ce à quoi le
gouvernement s'oblige en adoptant une telle loi: "General objects and purposes.
The objects and purposes of this Act are; a) to secure workers and
self-employed persons from risks to their safety, health and welfare arising
out of, or in connection with, activities in their workplaces; and b) to
protect other persons from risks to their safety and health arising out of, or
in connection with, activities in workplaces." 154. A la suite d'un tel
énoncé général des obligations que le gouvernement
lui-même s'impose par sa propre loi, il serait sans doute utile, aussi,
de préfacer l'article 129 qui traite des fonctions de la Commission,
d'un équivalent acceptable à Sa Majesté la Langue
française de l'expression anglaise qui apparaît dans la loi du
Manitoba: "Without limiting the generality of..." l'article 102, ce qui
pourrait éviter à l'avenir des incidents comme celui des
procédures légales intentées par l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec contre la Commission des
accidents du travail du Québec pour tenter de l'empêcher de
fournir quelques miettes aux associations syndicales pour la formation des
responsables syndicaux en hygiène et sécurité du travail.
155. Dans l'énoncé des fonctions dont la Commission doit
"notamment" s'acquitter, il y aurait sans doute lieu de mentionner
spécifiquement le rôle important qu'elle doit jouer dans le
domaine de la formation en général au moins au niveau du
financement et de l'appui technique et notamment dans le domaine de la
formation et du recyclage, le cas échéant, des "professionnels de
la santé", y compris les médecins, en matière
d'hygiène et de sécurité du travail et de médecine
du travail. 156. Pour ce qui est du reste de ce chapitre, ainsi que du pouvoir
de réglementation prévu à l'article 185, nous
présumons que votre Commission et le gouvernement, selon la
considération qu'ils voudront bien accorder à nos
représentations et à celles des autres intervenants, pourront y
apporter les modifications nécessaires et nous éviterons pour le
moment d'entrer dans les détails. Disons cependant que, compte tenu de
toutes les remarques contenues dans le présent mémoire, nous
sommes généralement d'accord avec les termes de ce Chapitre IX et
du Chapitre XII du projet de loi.
L'inspection 157. La F.T.Q. réitère, dès le
début de la discussion du présent chapitre du projet de loi, la
position énoncée aux paragraphes 41, 42 et 43 du présent
mémoire à l'effet que les services d'inspection unifiés
doivent relever de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. 158. L'unification des services d'inspection
ne doit cependant pas exclure la spécialisation au niveau de certains
secteurs. Elle ne doit pas exclure non plus la possibilité qu'un secteur
en particulier puisse relever d'un autre organisme. Nous pensons ici, en
particulier aux inspecteurs qui sont présentement au service de l'Office
de la construction du Québec. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous
discuterons la section VI (L'inspection) du Chapitre XI (Dispositions
particulières relatives aux chantiers de construction). 159. Pour ce qui
est des autres dispositions de ce chapitre du projet de loi et compte tenu des
remarques contenues dans le présent mémoire, la F.T.Q. est
généralement d'accord.
Dispositions particulières relatives aux chantiers de
construction 160. Le Livre blanc intitule "Le cas particulier de
l'industrie de la construction" la section de moins de trois pages qui traite
des particularités des relations de travail dans ce secteur en rapport
avec le sujet traité dans le Chapitre 6 de ce Livre blanc
intitulé "LA PARTICIPATION DES TRAVAILLEURS ET DES EMPLOYEURS ". 161.
Que l'industrie de la construction présente un "cas particulier",
personne ne songerait à le nier. Aucun secteur au Québec ne
possède sa propre loi des relations de travail, son propre office, son
propre régime de négociations "sectorielles", son propre "agent
patronal" unifié, etc., etc. 162. Sauf que cette "particularité"
n'a pas toujours joué en faveur des travailleurs: - dans les autres
secteurs, une association syndicale qui fait la preuve qu'elle regroupe une
majorité des travailleurs d'une unité donnée,
détient le monopole de représentation. - Pas dans la
construction. - dans les autres secteurs, on laisse à la
démocratie syndicale le soin de désigner les dirigeants et les
délégués syndicaux, sans fouiller dans leur passé.
- Pas dans la construction. - dans les autres secteurs, l'agent
négociateur choisi par les travailleurs peut négocier avec
l'employeur les conditions dans lesquelles s'exerceront les fonctions des
délégués syndicaux. - Pas dans la construction: c'est
décrété par la loi, et "toute clause d'une convention
collective ou d'un décret relative à la fonction de
délégué de chantier est réputée non
écrite". - Dans les autres secteurs, l'agent accrédité
représentant les travailleurs peut négocier le temps qu'un
délégué syndical pourra consacrer à
l'administration de la convention collective. - Pas dans la construction: "Le
temps alloué pour les activités syndicales du
délégué fait l'objet d'une entente entre l'employeur et ce
dernier, (...) mais ne peut excéder trois heures par jour ouvrable". Si,
par exception, il doit y connsacrer plus de temps qu'il a
négocié, c'est lui-même, et non son syndicat, qui doit
"justifier cette prolongation d'absence auprès de son employeur". - Dans
les autres secteurs, il y a parfois du maraudage syndical, et tous le
déplorent, du moins officiellement. - Dans la construction, le maraudage
syndical est encouragé, institutionnalisé et même
encadré par la loi.
Et on pourrait allonger la liste des "particularités" dans
l'industrie de la construction qui ne jouent pas nécessairement en
faveur des travailleurs et dont ceux-ci se passeraient bien volontiers. 163. On
dit souvent qu'un peuple a les lois qu'il mérite. C'est peut-être
un peu vrai pour ce qui est du secteur de la construction. Sauf que les
"péchés" qui peuvent avoir été commis dans ce
secteur, il est bien connu qu'ils ne sont pas uniquement le fait des
travailleurs et de leurs représentants. Ils sont aussi le fait d'un
grand nombre d'employeurs et non des moindres.
L'enquête sénatoriale de Robert Kennedy aux Etats-Unis sur
l'industrie du camionnage a démontré que, s'il y avait certaines
situations réprouvables du côté syndical, il y avait, par
ailleurs, un
banditisme épouvantable, bien installé, du
côté des employeurs. Et le sénateur Kennedy n'a pas
été tendre à leur sujet dans son rapport.
Si l'enquête présidée par le regretté juge
Robert Cliche a bel et bien démontré qu'il y avait certaines
situations déplorables du côté syndical, elle a aussi
laissé voir qu'il existait chez certains entrepreneurs de la
construction une situation auprès de laquelle le "racketeering" à
la petite semaine, qui pouvait être pratiqué du côté
syndical, serait probablement apparu comme de la "petite bière" si on
avait vraiment pu découvrir tous les détails au sujet du
banditisme patronal.
Le problème, c'est que dans les deux cas (et dans d'autres cas
semblables) ce sont les travailleurs et leurs syndicats qui ont
écopé. Les employeurs, eux, s'en sont bien tirés et
continuent de s'en bien tirer. 164. Donc, nous l'avons eue la loi. Nous en
avons même eu plusieurs. D'abord la Loi 30, en 1975, amendant la Loi sur
les relations de travail dans l'industrie de la construction. Certains diront
que cette loi était nécessaire, et qu'elle contient d'excellentes
dispositions. C'est peut-être vrai pour certains de ses aspects. C'est
contestable pour d'autres. Mais notre propos ici n'est pas de discuter à
savoir si cette loi était, oui ou non, une bonne loi, adaptée aux
circonstances, au moment de son adoption. C'était en 1975. Nous sommes
en 1979. Personne ne contestera que depuis 1975 il s'est accompli
considérablement de travail pour "épurer", là où
c'était nécessaire, le syndicalisme dans le secteur de la
construction.
Quelles que soient les raisons qui ont pu justifier le gouvernement
d'alors de mettre le syndicalisme de la construction dans une camisole de
force, ces raisons n'existent plus. Il est temps qu'on redonne au syndicalisme
de la construction son statut de syndicalisme libre. Autrement, il est
illusoire de parler de "participation". Nous reviendrons plus tard sur le sujet
avec des propositions précises. 165. Ensuite, nous avons eu la loi 29
qui imposait des tutelles dans certains secteurs de la construction. De l'avis
des tuteurs eux-mêmes, ces tutelles ont été à peu
près inutiles. Le vrai nettoyage, celui qui devait être fait, il a
été fait par les militants de la construction eux-mêmes,
à l'intérieur de leurs propres structures et par leurs propres
moyens. 166. Puis, nous avons eu la Loi 47 qui est venue enlever aux parties,
les employeurs et les associations représentatives des travailleurs de
la construction, tout contrôle sur l'Office de la construction du
Québec qui pourtant avait été fondée comme un
organisme paritaire pour s'occuper de toutes les questions à
portée sociale dans le secteur de la construction. Cette loi 47 fut,
à notre avis, un sérieux accroc à la démocratie.
L'antithèse de la "participation". 167. Enfin, sous le gouvernement
actuel, nous avons eu la Loi 110 au mois de février 1979, que nous avons
dénoncée à l'époque mais sans succès. Cette
loi, entre autres dispositions plus ou moins inacceptables, concrétise
ce qu'avait si bien commencé la Loi 47 et consacre la main-mise du
ministère du Travail et de la Mam-d'Oeuvre sur l'Office de la
construction du Québec, lui permettant ainsi d'imposer ses diktats aux
parties directement intéressées: les employeurs qui paient, et
les travailleurs qui sont sensés être les
bénéficiaires. Et pourtant, ça avait commencé comme
un organisme paritaire. Ce fut un beau rêve! 168. Une autre des
"particularités" du secteur de la construction se situe justement dans
le domaine qui fait l'objet du projet de loi à l'étude par votre
Commission: le domaine de la santé et de la sécurité du
travail. Et c'est surtout en fonction du rôle de participation qui doit
être joué par le syndicalisme de la construction dans ce domaine
en particulier, que nous avons l'intention de revendiquer qu'on le
libère de la camisole de force imposée surtout par la Loi 30 pour
qu'il puisse, dans ce secteur comme dans tous les autres, participer à
titre d'agent social à part entière. 169. La liste des
"particularités" du secteur de la construction en matière de
santé et de sécurité du travail pourrait s'allonger
presque indéfiniment. Pour ce qui est de la santé du travail,
c'est une conception inconnue. L'Office de la construction, qui a reçu
le mandat d'assurer le respect des dispositions relatives à la
sécurité des travailleurs, ne détient aucun mandat en
matière de santé du travail. Même le code de
sécurité pour les travaux de construction ne contient de
dispositions concernant la qualité de l'air et de l'hygiène que
pour les travaux souterrains et pour les travaux dans l'air comprimé. Et
pourtant, qui osera prétendre qu'il n'existe pas de problème de
santé dans le secteur de la construction? 170. Pour ce qui est des
statistiques d'accidents, y compris les morts accidentelles, elles ont
été publiées "ad nauseam". Le livre blanc en fait
abondamment état pour qui veut le consulter. D'ailleurs, ce même
Livre blanc commence la section sur "le cas particulier de l'industrie de la
construction" par la phrase suivante: "Le secteur de la construction est un des
secteurs où le taux d'accidents du travail est le plus
élevé."
Rappelons ici une statistique tristement éloquente que nous avons
citée au début du présent mémoire:en trois ans
seulement, de 1975 à 1977 inclusivement, 693 décès
dûs à des accidents du travail pour l'ensemble du Québec,
dont 147 dans le seul secteur de la construction. 171. Pendant la construction
du campus de l'Université du Québec à Montréal, en
plein centre-ville, sous les fenêtres des bureaux de la F.T.Q., deux
travailleurs de la construction sont morts accidentellement et trois autres
travailleurs ont été très gravement blessés sans
que "l'association syndi-
cale représentative" en soit même avisée. Sans
compter les autres accidents, qui ne sont même pas rapportés
à l'O.C.Q., combien d'autres morts de la construction que nous ne
retrouvons que dans les statistiques lorsqu'elles sont publiées? Et
qu'on nous parle pas du rôle d'information que devraient jouer les
délégués de chantier. Avec les dispositions actuelles de
la loi, et surtout dans une période de récession dans l'industrie
de la construction, c'est très malsain pour la sécurité de
son emploi que d'être un délégué de chantier actif
sur quelque chantier de construction que ce soit, même pour le compte
d'une société aussi "honorable" que la société
d'Etat qui a nom Hydro-Québec ou sa société de
construction, la Société d'énergie de !a Baie James.
Certains travailleurs de la construction qui avaient choisi d'ignorer
cette réalité de la vie dans la construction se sont rapidement
retrouvés sur "l'oiseau bleu". Les autres ont compris. De sorte qu'il
est extrêmement difficile, sinon presque impossible, de trouver des
travailleurs de la construction qui acceptent la responsabilité de la
surveillance du décret comme délégués de chantier,
l'héroïsme a quand même des limites, et dans la construction
comme ailleurs, même au risque de sa santé et de sa
sécurité. 172. Beaucoup d'autres "particularités" existent
qui rendent la "participation" syndicale difficile, sinon presqu'impossible
dans les circonstances actuelles, en matière de santé et de
sécurité du travail dans le secteur de la construction. Par
exemple, en 1978: 17 135 entreprises avaient 5 travailleurs ou moins
1709 entreprises avaient de 6 à 10 travailleurs 897
entreprises avaient de 11 à 25 travailleurs 282 entreprises
avaient de 26 à 50 travailleurs 131 entreprises avaient de 51
à 100 travailleurs 44 entreprises avaient de 101 à 200
travailleurs 18 entreprises avaient plus de 200 travailleurs
Le nombre total d'entreprises étant établi à 20
218, environ 17 200 entreprises regroupent les 3/4 des travailleurs de
l'industrie de la construction.
Notre analyse du chapitre XI du projet de loi 173. Mais
trêve de statistiques. Au moment de commencer l'analyse du chapitre XI du
projet de loi qui traite des dispositions particulières relatives aux
chantiers de construction, la F.T.Q. tient à dire qu'elle est
"particulièrement" heureuse du fait qu'enfin un projet de loi est
présenté par un gouvernement québécois qui, dans le
domaine de la santé et de la sécurité du travail,
régira aussi les employeurs et les travailleurs de la construction, et
qu'à l'intérieur de ce projet de loi, on retrouve des
dispositions particulières s'appliquant spécifiquement à
ce secteur. Ces dispositions doivent cependant être
considérablement améliorées si on veut atteindre les
objectifs déclarés de la loi dans ce secteur en particulier. 174.
Dans les conclusions de notre colloque de novembre 1978, nous disons: "On ne
réussira pas à améliorer la situation en matière de
sécurité (et de santé) au travail dans le secteur de la
construction à moins d'écouter sérieusement les
représentants attitrés des associations représentatives
des travailleurs de la construction". A la F.T.Q., c'est exactement ce que nous
avons fait. Les remarques et suggestions qui vont suivre sont le
résultat de ces consultations. Elles émanent, par ailleurs, de
consultations qui se déroulent depuis plusieurs mois au sein même
de l'association syndicale la plus représentative des travailleurs de la
construction: Le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction (FTQ).
Section I Définitions 175. Article 150 2°
paragraphe: Le libellé de la définition du
délégué de chantier est excellente. C'est au niveau du
"sens" qui est donné à ce terme au chapitre VI A de la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction que nous
éprouvons des difficultés. Nous reviendrons sur le sujet lorsque
nous discuterons de la section V du présent chapitre "Le
délégué de chantier". 4° paragraphe: Lorsque les
auteurs du projet de loi proposent, comme définition du terme
"travailleurs de la construction" de se référer au "sens" de la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, nous
présumons qu'ils réfèrent à la définition du
terme "salarié" qui est le terme utilisé dans ladite loi. Sauf
que c'est quelque peu ambigu puisque cette loi définit aussi le terme
"salarié permanent". De quel "sens" au juste veut-on parler dans la
définition proposée ici? C'était compréhensible
pour le terme "délégué de chantier" puisque c'est tout
l'ensemble du chapitre VI A qui donne son "sens" à ce terme. Pour le
terme "travailleur de la construction", ce n'est pas le cas puisque la
définition existe et qu'elle est claire. Nous proposons qu'on
répète ici la définition du terme "salarié" et
celle de "salarié permanent" en y ajoutant les travailleurs non
rémunérés et les travailleurs du verre plat: "4°
"travailleur de la construction": tout apprenti, manoeuvre ou ouvrier non
spécialisé, ouvrier qualifié ou compagnon, artisan, commis
ou employé qui travaille individuellement, en équipe ou en
société, tout salarié qui fait habituellement des travaux
d'entretien
de bâtiment ou d'ouvrages de génie civil dans le secteur de
la construction, et tout salarié qui travaille à la production
dans un établissement dans le secteur de la construction, y compris un
étudiant en stage ou toute autre personne qui travaille sans
rémunération, et y compris aussi les travailleurs oeuvrant dans
le domaine de la pose et du montage du verre plat". 3° paragraphe: Les
remarques qui précèdent s'appliquent aussi au terme "employeur
professionnel" et nous proposons qu'on répète la
définition qui apparaît dans la Loi sur les relations de travail
dans l'industrie de la construction en inversant la dernière partie de
cette définition comme suit: "3° "employeur professionnel": un
employeur dont l'activité principale est d'effectuer des travaux de
construction et qui emploie habituellement des salariés pour un genre de
travail qui fait l'objet d'une convention collective ou, à
défaut, d'un décret".
Section II Le maître d'oeuvre et l'employeur
professionnel 176. Article 151 A cet article, de même que dans
le titre de cette section, on doit établir bien clairement que les
dispositions particulières du présent chapitre obligent tous les
employeurs dans le secteur de la construction, et non pas seulement les
employeurs professionnels. Nous proposons donc que le titre se lise: "Le
maître d'oeuvre, l'employeur professionnel et l'employeur". Nous
proposons ensuite la formulation suivante pour l'article 151: "151. Le
maître d'oeuvre, l'employeur professionnel et tout autre employeur dans
l'industrie de la construction doivent respecter toutes les obligations faites
à l'employeur par la présente loi et les règlements, sauf
lorsque ces obligations sont modifiées par les dispositions
particulières du présent chapitre, et notamment, prendre les
mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la
sécurité et l'intégrité physique du travailleur de
la construction". 177. Article 153 L'application du présent
article et de ceux qui suivent provoquera sans doute, et nous
l'espérons, l'élaboration d'un programme de prévention
"type" qui sera, le cas échéant, adapté aux circonstances.
Il est donc d'autant plus important que toutes les parties directement
intéressées soient impliquées dans toute telle
élaboration. De plus, de quels "employeurs professionnels" s'agit-il? De
ceux qui oeuvreront éventuellement sur le chantier et de ceux-là
seulement? Il nous semble que c'est irréaliste. Lorsqu'ils se
présentent sur un chantier de construction, les employeurs
professionnels et les autres employeurs, s'il y a lieu, doivent savoir qu'il
existe certaines règles à observer en matière de
santé et de sécurité du travail. Ces règles doivent
être établies à l'avance et ces employeurs doivent avoir
l'obligation de s'y conformer. Nous proposons donc la formulation suivante pour
cet article: "153. Lorsqu'il est prévu qu'un chantier de construction
doit occuper simultanément au moins dix travailleurs de la construction,
à un moment donné des travaux, le maître d'oeuvre doit,
avant le début des travaux, faire en sorte que soit
élaboré un programme de prévention. Cette
élaboration doit être faite conjointement avec l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec et l'association syndicale
représentative reconnue majoritaire dans le secteur de la construction".
178. Article 154 Si un tel programme de prévention ne devait
contenir que "tout élément prescrit par règlement", il ne
serait pas nécessaire d'impliquer les parties de son élaboration.
N'importe quel commis ou n'importe quelle secrétaire pourrait le
rédiger. Nous proposons donc la formulation suivante pour cet article:
"154. Le programme de prévention a pour objet d'éliminer les
sources mêmes de danger pour la santé, la sécurité
et l'intégrité physique des travailleurs de la construction. Il
doit contenir au moins tout élément prescrit par règlement
et tout autre élément que des circonstances particulières
peuvent rendre nécessaire pour le rendre conforme à l'objectif
énoncé au premier alinéa du règlement
spécifique à cet effet". 179. Article 158 On ne retrouve
nulle part, ni dans le présent projet de loi, ni dans la Loi sur les
relations de travail dans l'industrie de la construction, une définition
du terme "entreprise de construction". Dans l'article précédent
(157) on utilise le terme "employeur professionnel". Il faudrait qu'il y ait
concordance entre tous les articles du présent chapitre. De plus, il est
théoriquement possible que le programme général de
prévention d'un employeur professionnel soit supérieur à
celui élaboré pour un chantier de construction en particulier.
Est-ce que cela créerait une "incompatibilité"? Nous proposons la
formulation suivante pour cet article: "158. Dans les cas où un
employeur professionnel a lui-même ébaloré un programme de
prévention, il doit en remettre une copie au maître d'oeuvre avant
le début de ses travaux sur le chantier. Tel programme de
prévention d'un employeur professionnel doit être au moins
l'équivalent de celui élaboré au niveau du maître
d'oeuvre. Dans le cas contraire, c'est le programme de prévention du
maître d'oeuvre qui a préséance sur celui de l'employeur
professionnel".
Section III Le droit de refus 180. Article 160 Nous
comprenons que dans la construction, il existe des travaux qui sont dangereux
de par leur nature même. Par ailleurs, il existe des moyens et
équipements de protection,
individuels et collectifs, qu'un employeur peut et doit fournir ou
installer. En certains pays, par exemple, on n'aurait par le droit, comme au
Québec, de laisser des travailleurs (de la construction ou autres)
travailler en hauteur sans installer un filet ou sans les pourvoir de tout
autre moyen efficace de protection pour éciter une chute mortelle. Il
est difficile, au niveau du présent article s'appliquant "en
particulier" aux travailleurs de la construction, d'exiger comme nous l'avons
fait pour les autres travailleurs, qu'on définisse clairement dans la
loi les travaux qui pourraient justifier de tempérer ou d'abolir le
droit de refus. Mais, il est quand même possible de faire beaucoup mieux,
pour la protection du travailleurs, que ce qui est proposé à cet
article 160. Nous proposons donc la formulation suivante: "160. L'exercice du
droit visé dans l'article 159 n'est possible que si l'exécution
du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement
inhérent aux fonctions exercées.
Le fait que, par pratique établie ou autrement, un risque aurait
été, dans le passé, considéré comme
"normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées",
n'implique pas nécessairement qu'il s'agit d'un risque visé par
le premier alinéa du présent article, et chaque situation doit
être examinée au mérite en ayant recours, le cas
échéant, aux autres dispositions de la présente
section.
Le fait que l'employeur ne fournit pas ou n'installe pas les moyens
adéquats de protection, individuels ou collectifs, justifie l'exercice
du droit de refus visé dans l'article 159. 181. Article 161 Nous
proposons ici le même ajout que nous avons proposé à
l'article 13, en l'adaptant pour ce qui est du travailleur de la construction
(paragraphe 75 du présent mémoire) comme suit: "161. Aucun
changement au premier alinéa. Deuxième alinéa:
Le travailleur de la construction a aussi le droit de requérir
immédiatement l'assistance du délégué de chantier
ou du représentant syndical le plus rapproché ou de tout autre
travailleur de son choix jusqu'à ce que le processus décrit aux
articles 162 et suivants ait été enclenché". 182. Article
165 Nous ne comprenons pas que les auteurs du projet de loi aient fait
"sauter" l'article 18 dans le cas du travailleur de la construction.
Nous soumettons que cet article 18 aussi doit s'appliquer en faisant les
changements nécessaires, et pas seulement les articles 20 à
31.
Nous ajoutons que les modifications que nous avons proposées
audit article 18 et aux articles 20 à 31 au paragraphe 75 du
présent mémoire s'appliquent aussi pour ce qui concerne les
travailleurs de la construction, en faisant les changements
nécessaires.
Section IV Le comité de chantier 183. Il doit
être prévu au niveau de cette section que l'association
représentative qui représente majoritairement les travailleurs de
la construction à l'emploi d'un employeur professionnel puisse exiger la
constitution d'un comité "d'entreprise" et le droit de désigner
un délégué à la sécurité (ou
plusieurs délégués à la sécurité
selon les critères établis dans la Loi sur les relations de
travail dans l'industrie de la construction, ou par entente mutuelle) ayant
juridiction sur plusieurs chantiers de construction où oeuvre tel
employeur professionnel dans une même région. 184. Article 170 -
Nous sommes d'accord à ce que l'article 62 s'applique aussi aux
travailleurs de la construction. Cependant, notre accord est conditionné
par les remarques que nous avons faites et par la modification que nous avons
proposée au paragraphe 103 du présent mémoire. Quant
à l'Article 66, nous avons proposé qu'il soit
éliminé et reporté, avec modifications, au Chapitre XIII
RECOURS.
Section V Le délégué de chantier 185.
Nous touchons ici au point crucial. Sans un délégué de
chantier avec une marge de manoeuvre suffisante et jouissant des droits normaux
qui sont reconnus, par exemple, au représentant à la
prévention au Chapitre V du présent projet de loi pour ce qui est
des autres travailleurs, tout ce bel échafaudage, toutes ces belles
intentions, toute cette sollicitude exprimés par le présent
projet de loi à l'égard de la santé, de la
sécurité et de la sauvegarde de l'intégrité
physique du travailleur de la construction, demeureront lettre morte. 186.
C'est une farce monumentale que d'espérer, par exemple, qu'un
délégué de chantier, élu au scrutin secret par les
sept premiers travailleurs qui sont employés sur un chantier de
construction, pourra agir efficacement comme délégué de
chantier, surtout pour les fins de la santé et de la
sécurité du travail. L'expérience a d'ailleurs
démontré que très peu de "syndicats" ou "union" dans la
construction ont accepté de se prêter à une telle
comédie. Lorsqu'on peut obtenir les services d'un travailleur de la
construction qualifié qui accepte les "risques inhérents" au
poste de délégué de chantier, et lorsque la "balance du
pouvoir" est favorable, on l'impose par d'autres moyens.
187. Il faut que le délégué de chantier puisse
être désigné par l'association représentative
majoritaire sur un chantier de construction, quel que soit le nombre de
travailleurs qui y sont employés. Si un nombre suffisant de membres
d'une association minoritaire sont aussi présents sur le chantier,
celle-ci doit aussi avoir le droit de nommer un délégué de
chantier.
Un tel délégué de chantier, désigné
par l'association représentative, doit jouir de la
préférence d'emploi s'il y a du travail à exécuter
dans son métier, son emploi ou sa spécialité. 188. Il faut
aussi que les associations représentatives, si elles le jugent à
propos puissent nommer un délégué de chantier avec
"juridiction" sur plusieurs chantiers dans une même région. Un tel
délégué "multi-chantiers" serait désigné
selon des critères à établir. Un bon moyen de nommer un
tel délégué "multi-chantiers" (ou "représentant
à la prévention") et de le rémunérer serait sans
aucun doute par le biais de l'association sectorielle dans le secteur de la
construction. 189. Et il faut surtout que le délégué
syndical à la sécurité, qu'on le nomme
"délégué de chantier", "représentant à la
prévention", "délégué à la
sécurité auprès de l'employeur professionnel" ou par toute
autre appellation, désigné, nous le répétons, par
l'une ou l'autre des associations représentatives, ou par leurs
représentants dûment attitrés à cette fin au niveau
de l'association sectorielle, soit réhabilité une fois pour
toutes et qu'il puisse enfin jouir à part entière du statut de
représentant attitré des travailleurs de la construction. 190. Il
faut donc que dans le cadre du Chapitre XVI du projet de loi, "DISPOSITIONS
TRANSITOIRES", on ajoute les dispositions nécessaires pour modifier ou
abroger tous les articles, toutes les sections et tous les paragraphes de la
Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction qui ont
imposé une camisole de force au délégué de
chantier, qui lui rend impossible de s'acquitter de ses fonctions normales, qui
en limite le choix à un point tel que nous ne sommes pas sûrs
qu'il ne s'agit pas d'une violation des droits de la personne et qui le rendent
tellement vulnérable quant à sa sécurité d'emploi
qu'il est devenu à peu près impossible, à toute fin
pratique, à une association représentative, de convaincre un
travailleur de la construction d'accepter la responsabilité du poste de
délégué de chantier, et qu'il est devenu extrêmement
difficile sinon impossible à ceux qui ont l'héroisme d'accepter
un tel poste de s'acquitter de leurs fonctions de façon efficace. 191.
Depuis quelques années, le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction (mieux connu dans le public comme la
FTQ-construction) a déployé des efforts considérables et
des sommes importantes pour la formation de travailleurs de la construction qui
pourraient éventuellement agir comme délégué de
chantier ou, à d'autres niveaux, comme représentants syndicaux
à la santé et à la sécurité du travail. En
fait, c'est la FTQ-construction qui, dans le secteur de la construction, a le
plus fait appel (et considérablement plus) aux subventions consenties
par la Commission des accidents du travail du Québec à des fins
de formation de responsables syndicaux en prévention des accidents et
des maladies professionnelles. Le tableau que nous annexons au présent
mémoire est éloquent à ce sujet. 192. De plus, la
FTQ-construction a adopté démocratiquement un code
d'éthique des délégués de chantier, code qu'elle
met scrupuleusement en vigueur et dont copie est annexée au
présent mémoire. La FTQ-construction est disposée à
négocier des ententes, avec la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, avec l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec ou avec tout autre organisme habilité
à le faire, à l'effet que tout abus grave de la part d'un
délégué de chantier dans l'exercice de ses fonctions
pourrait entraîner la suspension, à demeure ou pour toute
période appropriée, du droit de tel travailleur de la
construction d'exercer les fonctions de délégué de
chantier avec, il va sans dire, un droit d'appel raisonnable. 193. Donc, il est
plus que temps, nous le répétons, de réhabiliter le
délégué de chantier et le sortir de l'état
d'impuissance auquel la loi l'a réduit à cause de quelques
erreurs ou même de pratiques malhonnêtes de la part d'une infime
minorité, et lui redonner sa dignité de représentant des
travailleurs. C'est là la condition essentielle pour des relations de
travail normales, et surtout pour le fonctionnement efficace d'une loi sur la
santé et la sécurité du travail. 194. Article 174
Au niveau de cet article, il faut précisément faire
disparaître cette "particularité" qui est "collée" aux
travailleurs de la consfruction. Partout ailleurs, le temps consacré
à ses fonctions par un délégué syndical est
négocié par les représentants attitrés de
l'association syndicale. Nous proposons la formulation suivante pour le premier
alinéa de cet article: "174. Le temps que le
délégué de chantier consacre aux activités
décrites à l'article 171 est fixé par entente entre le
représentant attitré de son syndicat et l'employeur. Si le
délégué de chantier représente des travailleurs de
plusieurs métiers, l'entente est conclue par l'association
représentative. Deuxième alinéa: aucun changement." 195.
Article 175 Nous vous référons aux remarques que nous
avons exprimées au sujet de la dernière phrase de l'article 72 au
paragraphe 124 du présent mémoire.
Section VI L'inspection 196. Article 180
Théoriquement et c'est fort possible que cela puisse se produire
dans la pratique un travailleur, un délégué de
chantier ou un autre représentant d'une association
représentative peut avoir de bonnes raisons de croire que des travaux
doivent être arrêtés, et il est possible qu'il ne
puisse pas réussir à convaincre l'inspecteur de ses vues.
Nous proposons donc que cet article 180 soit rédigé comme suit:
"180. Si un travailleur, un employeur ou son représentant, un
délégué de chantier ou tout autre représentant
attitré d'une association représentative n'est pas d'accord avec
une décision ou avec l'absence d'une décision de la part de
l'inspecteur en vertu des dispositions des articles 177, 178 et 179, il peut
faire appel à la Commission et celle-ci peut réviser ou
révoquer l'ordre d'un inspecteur ou donner à sa place l'ordre que
l'inspecteur aurait dû donner, compte tenu des circonstances."
Le cas "particulier" des inspecteurs de l'O.C.Q. 197.
Contrairement à tous les autres secteurs industriels, la construction
est régie par un organisme unique, en l'occurrence, l'O.C.Q. qui
possède des pouvoirs dans des champs d'action étendus: veille
à l'application de la convention collective ou décret, à
l'administration des avantages sociaux des travailleurs, à
l'établissement et à la poursuite d'une politique de
main-d'oeuvre, et à l'observance des règlements de
sécurité du travail. 198. Lorsqu'elle fut fondée, l'O.C.Q.
avait un caractère paritaire. Par quelques législations
successives, le gouvernement lui a totalement enlevé son
caractère unique d'organisme vraiment représentatif des
employeurs et des associations représentatives du secteur de la
construction pour administrer les affaires de la construction. Nous nous sommes
opposés à ces mesures qui constituaient une négation du
principe même d'une "participation" bien comprise. Nous déplorons
que le caractère paritaire ait été enlevé à
l'O.C.Q., et nous pressons le gouvernement d'adopter, dans les meilleurs
délais, les mesures législatives et d'appliquer les mesures
administratives nécessaires pour redonner cet organisme aux parties.
199. Avant le mois de juillet 1972, la surveillance des règles de
sécurité dans la construction relevait du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre. Après cette date un code de
sécurité spécifique à la construction fut
promulgué et sa mise en application (et son inspection) confiées
à la commission de l'industrie de la construction (C.I.C.), organisme
remplaçant les comités régionaux. Trois ans plus tard, en
juin 1975, le nouvel Office de la construction, issu de la fusion de la C.I.C.
et du Comité des avantages sociaux de l'industrie de la construction
(S.A.I.C.) se voyait octroyer des pouvoirs étendus en matière de
sécurité du travail. L'étendue des mandats de l'O.C.Q. lui
confère une position exceptionnelle qui lui a permis d'acquérir
un "know-how" dans l'industrie de la construction. Ses inspecteurs, pour la
plupart issus du milieu, ont accumulé une solide expérience de
vie et de travail dans cette industrie. 200. Depuis 1975 à venir
jusqu'à l'été dernier, les moniteurs de l'O.C.Q. ont
collaboré à la mise sur pied et à la diffusion d'un cours
de sensibilisation à la sécurité (cours d'une durée
de 24 heures). Plusieurs milliers de travailleurs ont suivi ce cours. Depuis
juillet 1978, dans le cadre d'une série d'ententes avec divers
organismes et ministères québécois, les moniteurs de
l'O.C.Q. ont formé au-delà de 800 instructeurs en
sécurité, recrutés chez les travailleurs et chez les
employeurs. A leur tour, ces instructeurs ont dispensé le cours de
sensibilisation dans leur milieu. En moins d'un an, plus de 30,000 personnes,
des salariés, des employeurs et des cadres ont suivi ce cours. C'est
là un succès dont sont fiers les moniteurs de l'O.C.Q. En
parallèle, ils poursuivaient la mise au point de ce cours de
perfectionnement destiné aux inspecteurs de chantier. 201. Ces efforts
auprès des partenaires de l'industrie de la construction, et surtout
leur participation active aux côtés des personnes qui oeuvrent
dans le mandat de la sécurité à l'O.C.Q.
méritaient, croyons-nous, d'être mentionnés dans la
discussion d'une loi qui se veut axée sur la participation, même
s'ils n'ont pas donné tous les résultats espérés
pour plusieurs raisons, dont la principale est sans aucun doute l'impuissance
imposée par la loi aux délégués de chantier. Dans
la très grande majorité des cas, l'inspecteur de l'O.C.Q. est
incapable, sur un chantier, de trouver un interlocuteur valable de la partie
syndicale pour les questions portant sur la sécurité du travail.
202. Une des tâches importantes de l'inspecteur de chantier au service de
l'O.C.Q. est de veiller à ce que les règles et normes de
sécurité soient respectées. Il n'a pas cependant pour seul
rôle celui de policier. Il a une importante mission éducative. Il
informe et conseille. Il ordonne, quand il le faut, que des correctifs
appropriés soient apportés lorsque se présentent des
situations dangereuses pour la sécurité et la santé des
travailleurs. 203. La F.T.Q. croit que si l'inspection de la
sécurité dans la construction était confiée
à un autre service, et qu'on ne laissait aux inspecteurs de l'O.C.Q. que
la surveillance des autres dispositions du décret, plusieurs situations
très ambiguës risqueraient de se produire. Il ne faut pas perdre de
vue que l'inspecteur des chantiers de l'O.C.Q. lorsqu'il se présente sur
un chantier, fait une inspection globale, à la fois du décret, de
la sécurité et de la qualification des travailleurs. Il serait
beau de voir un inspecteur qui n'inspecterait que le décret sans avoir
le pouvoir d'agir aussi en sécurité lorsqu'il constate une
situation dangereuse qui justifie une intervention immédiate comme, par
exemple, la conduite d'une pièce de machinerie lourde par un
opérateur qui ne posséderait pas les qualifications requises.
204. Le rapport de la commission Cliche, dont la F.T.Q. a critiqué
plusieurs des recommandations, en contient par ailleurs un grand nombre avec
lesquelles nous étions, et nous l'avons dit à l'époque,
totalement d'accord. L'une d'elles, la recommandation 87, prouve bien que les
membres de la
Commission Cliche s'étaient parfaitement rendu compte de la
situation en matière de sécurité du travail dans la
construction. Elle établit un programme que les artisans de l'O.C.Q.
sont fiers de pouvoir dire qu'il est résolument en pleine voie de
réalisation. Nous citons ici cette recommandation 87: "Que la
surveillance de l'application du Code de sécurité pour la
construction relève exclusivement de l'Office de la construction. Les
inspecteurs de chantiers devront non seulement constater les infractions sur
les chantiers mais insister sur l'importance primordiale de la
prévention des accidents du travail. Ces inspecteurs, compte tenu de
leur formation, doivent également jouer le rôle de conseillers
auprès des associations syndicales et des employeurs aux chantiers de
construction. L'inspecteur de chantiers doit être considéré
beaucoup plus comme un agent préoccupé avant tout de la
prévention des accidents du travail que comme un policier chargé
de constater des infractions.
La centralisation des services d'inspection à l'Office de la
construction aura l'avantage d'éviter les dédoublements et les
conflits de compétence de la législation et les conflits de
compétence de la législation actuelle et de permettre
l'élaboration d'une politique globale de prévention et de
sécurité dans l'intérêt de tous." 205. Ajoutons
à cela que les inspecteurs de chantiers et leurs collègues
oeuvrant en sécurité du tFa-vail au service de l'O.C.Q. ont
déjà leur propre régime portant sur des
éléments importants tels: plan de carrière; avantages
sociaux intégrés; droits syndicaux; etc. Les incorporer purement
et simplement à la fonction publique créerait un bouleversement
extrêmement traumatisant et totalement inutile. 206. Pour toutes ces
raisons, la F.T.Q. insiste pour que la loi sur la santé et la
sécurité du travail spécifie clairement que l'Office de la
construction du Québec doit jouer son rôle en matière de
surveillance des conditions de santé et de sécurité du
travail dans l'industrie de la construction selon les dispositions de la loi.
EVIDEMMENT, LA F.T.Q. INSISTE EN MEME TEMPS POUR QUE, EN CE QUI REGARDE LA
SANTE ET LA SECURITE DU TRAVAIL, CE ROLE DE L'O.C.Q. RELEVE DE LA LOI SUR LA
SANTE ET LA SECURITE DU TRAVAIL ET DE L'AUTORITE DE LA COMMISSION DE LA SANTE
ET DE LA SECURiTE DU TRAVAIL. Il est parfaitement possible de faire les deux:
le chapeautage de tous les services d'inspection sous une même
autorité, et la délégation de la fonction d'inspection
à un organisme qui pourrait accomplir la tâche avec
compétence pour peu qu'on lui en donne l'autorité et les moyens.
L'association sectorielle de la construction pourrait être mise à
contribution dans ce processus, selon des modalités à
définir. Ce que nous proposons, en fait, c'est qu'on améliore ce
qui existe déjà sans chambarder une structure qui, il faut bien
le dire, n'existe pas encore dans d'autres secteurs. 207. L'article 32 A de la
Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction ne devrait
donc pas être abrogé mais modifié, et l'article 246 du
présent projet de loi devrait être modifié en
conséquence.
Le droit d'accompagner l'inspecteur 208. Le droit pour un
représentant attitré des travailleurs d'accompagner l'inspecteur
peut prêter à confusion dans le secteur de la construction s'il
est régi uniquement par les dispositions générales de la
loi. En effet, qu'est-ce qu'une "visite de l'inspecteur" si, par exemple, le
règlement décrète que "un ou plusieurs inspecteurs doivent
être présents en permanence" sur un chantier de construction? 209.
Ce que la F.T.Q. réclame, pour le moment, ce n'est pas qu'un responsable
syndical permanent puisse accompagner l'inspecteur dans tous ses
déplacements. Mais lorsqu'une plainte est formulée, il faut que
l'auteur de la plainte ait le droit, clairement établi dans la loi,
d'accompagner l'inspecteur lorsque celui-ci vient enquêter sur cette
plainte. Et la proposition formulée au 6° paragraphe de l'article
171 du projet de loi à l'effet que le délégué de
chantier puisse accompagner l'inspecteur "lorsque ce dernier le requiert" peut
être acceptable lorsqu'il s'agit d'inspections de routine, mais ne l'est
certainement plus lorsqu'il s'agit d'inspections à la suite d'une
plainte. 210. La F.T.Q. demande donc l'introduction de dispositions
"particulières" dans le cadre du chapitre VI L'INSPECTION, comme
suit: Lorsqu'un inspecteur est saisi d'une demande d'inspection ou d'une
plainte formulée par un travailleur, délégué de
chantier, représentant d'un syndicat, d'une union ou d'une association
représentative, il doit procéder à l'enquête dans
les meilleurs délais. Lors de sa visite du chantier suite
à une telle plainte, l'inspecteur doit être accompagné du
délégué de chantier, du représentant du syndicat,
de l'union ou de l'association représentative. Si la plainte ou la
demande d'inspection a été faite par un travailleur, celui-ci a
aussi le droit d'accompagner l'inspecteur s'il en fait la demande. Avant
de quitter le chantier, l'inspecteur doit remettre au plaignant copie
écrite de sa décision, des principaux points qui l'ont
motivée et de ses recommandations, le cas échéant. Une
copie du rapport de telle inspection doit, dans tous les cas, être
adressée dans les trois jours à l'union ou syndicat
concerné et à l'association représentative.
Section VII Les chantiers de construction de grande
importance 211. La F.T.Q. soumet que l'association sectorielle paritaire de
la construction doit être impliquée dans tout le processus
décrit à cette section VII du chapitre XI concernant les
chantiers de construction de grande importance.
La qualification professionnelle des entrepreneurs de
construction 212. L'une des qualifications professionnelles essentielles de
tout entrepreneur de construction devrait être sa volonté et sa
compétence à assurer les conditions de travail qui respectent la
santé, la sécurité et l'intégrité physique
des travailleurs à son emploi. 213. Les travailleurs de la construction
soumettent, avec raison, que l'entrepreneur qui a un taux de fréquence
et de gravité qui démontrent une gestion inefficace et
meurtrière de ses opérations, ou encore qui est convaincu
répétitivement de violations des lois et des règlements en
matière de santé et de sécurité du travail
("habitual offender") doit être éliminé de l'industrie de
la construction. Nous sommes totalement d'accord. Certains entrepreneurs de la
construction ne sont pas du tout impressionnés par l'augmentation des
cotisations au niveau de leur classe, et les cotisations spéciales dites
"de démérite" n'ont pas semblé les impressionner outre
mesure. Dans les deux cas, on retrouve habituellement ces frais additionnels
cachés quelque part dans les devis des soumissions qu'ils
présentent pour leurs travaux. Et il risque d'y avoir des "gentlemen
agreements" qui faussent les règles du jeu au niveau de la
compétition. La perspective de perdre la licence serait probablement un
argument beaucoup plus convainquant auprès d'un entrepreneur en
construction incompétent ou un peu scrupuleux. 214. La F.T.Q. propose
donc que dans le cadre du chapitre XVI "DISPOSITIONS TRANSITOIRES ", on
introduise les modifications utiles pour qu'un entrepreneur en construction
incompétent ou peu scrupuleux en matière de santé et de
sécurité du travail voie sa licence révoquée,
à demeure ou pour une période déterminée, par un
système de points de démérite un peu comme pour les
conducteurs de véhicules-moteur et ce, en vertu des modifications
qu'il sera nécessaire d'apporter aux endroits appropriés à
la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction
(1975, chapitre 63). Il serait indispensable aussi que la composition de la
Régie des entreprises de construction du Québec soit
modifiée pour être beaucoup plus représentative des
travailleurs de la construction. D'ailleurs, même sans les modifications
que nous proposons ici, la composition de cette régie devrait être
modifiée. Sans vouloir porter un jugement quelconque sur la
probité des membres actuels de cette régie, nous trouvons que six
représentants des employeurs au sein d'une régie de neuf membres,
c'est un peu "chargé" du côté des employeurs.
Accidents 215. En plus des dispositions de l'article 51, il
devrait y avoir des dispositions additionnelles sur le sujet pour ce qui a
trait au secteur de la construction. Nous proposons ce qui suit: "Lorsqu'un
accident survenu sur un chantier de construction a causé des blessures
graves ou un décès, l'employeur doit se conformer aux
dispositions de l'article 51 et il doit en plus: a) aviser sans délai le
délégué de chantier, l'union, le syndicat ou l'association
représentative; b) doit donner libre accès au chantier au
représentant syndical dès qu'il se présente afin qu'il
mène son enquête."
La médecine du travail 216. La pratique de la
médecine du travail risque de comporter des problèmes
particuliers pour ce qui est des travailleurs de la construction. Si, comme
nous l'espérons, le ministre d'Etat au Développement social
accepte de consulter les parties sur le sujet au cours de l'étude du
projet de loi en commission parlementaire, on devrait inviter à cette
table ronde des représentants attitrés des associations
représentatives et des employeurs professionnels.
Recours 217. Les travailleurs de la construction désirent
qu'il y ait une étape préliminaire avant d'en appeler au
Commissaire général du travail dans le cas où un
travailleur de la construction prétendrait qu'il a été
injustement discipliné par son employeur en raison de l'exercice d'un
droit ou d'une fonction lui résultant de la loi ou de toute entente
écrite, convention collective ou décret.
Dans la construction, on voudrait que le cas soit d'abord soumis
à un représentant désigné à cette fin par
l'association représentative et à un représentant de
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec qui, ensemble,
tenteraient de régler le problème après avoir entendu les
parties. 218. De plus, pour des raisons évidentes étant
donné les particularités de ce secteur, les travailleurs de la
construction désirent que la plainte puisse être validement
portée par un représentant attitré de l'union, du syndicat
ou de l'association représentative, et non pas seulement par le
travailleur, et que le délai imparti par le Code du travail soit
prolongé à trente (30) jours pour ce qui est du secteur de la
construction. 219. Il nous semble qu'il serait facile d'introduire telles
dispositions dans le cadre du chapitre XI DISPOSITIONS PARTICULIERES
RELATIVES AUX CHANTIERS DE CONSTRUCTION.
Chapitre XII Règlements 220. Article 185
Compte tenu des remarques que nous avons formulées lors de la discussion
du chapitre IX du projet de loi, notamment aux paragraphes 155 et 156 du
présent mémoire, la F.T.Q. est généralement
d'accord avec les dispositions de cet article, sauf peut-être que,
nonobstant les dispositions du 36° paragraphe de cet article 185 à
l'effet que la commission peut, par règlement,
"généralement prescrire toute autre mesure utile à la mise
en application de la présente loi", il serait important de
préciser spécifiquement que la commission peut faire des
règlements pour imposer, lorsque les circonstances le justifient,
l'installation d'appareils de "monitoring" continu des agresseurs dans une
usine, un département ou tout autre lieu de travail. Ces instruments
existent, et ils sont connus.
Si on les avait utilisés de la façon prescrite à la
Canadian Copper Refiners, deux travailleurs seraient encore vivants. On n'a
qu'à relire les recommandations du Comité Beaudry pour se
convaincre de leur utilité. Et ces recommandations peuvent se transposer
"mutatis mutandis" pour un grand nombre d'autres agresseurs et non seulement
pour la poussière d'amiante. 221. Article 186 Etant donné
la composition très représentative que nous proposons pour le
conseil d'administration de la commission de la santé et de la
sécurité du travail, nous soumettons qu'à la condition que
notre proposition telle que formulée au Chapitre 31 du présent
mémoire soit acceptée, le délai de soixante (60) jours
d'avis avant qu'un règlement soit soumis pour approbation au
gouvernement devrait être réduit à trente (30) jours. 222.
Nous avons fait un relevé du nombre de fois, dans le projet de loi,
où il est mentionné que l'application des dispositions de la loi
est sujette à des règlements à venir. NOUS EN AVONS RELEVE
QUATRE-VINGT (80). Pour un grand nombre, ces règlements vont être
essentiels au fonctionnement de cette nouvelle loi, et les règlements
actuels, même s'ils demeurent applicables pour leurs parties qui
n'entrent pas en conflit avec la nouvelle loi, seront nettement insuffisants
pour assurer une application adéquate et harmonieuse de cette nouvelle
loi. 223. Peut-être que le gouvernement est déjà à
l'oeuvre dans l'élaboration de ces règlements essentiels. Si tel
est le cas, il ne le fait certainement pas dans un esprit "de participation"
(il n'y est d'ailleurs pas obligé puisqu'il n'a pas encore adopté
sa propre loi à cet effet...), puisque, pour notre part, nous n'en
sommes même pas au courant. 224. Cette question est importante. Nous
savons que dans d'autres provinces canadiennes, notamment en Ontario, en
Alberta et à Terre-Neuve, on a dû attendre pendant des mois
(au-delà d'un an dans un cas particulier) pour que les règlements
essentiels soient adoptés, retardant d'autant l'application d'une loi
que les travailleurs attendaient déjà depuis plusieurs
années. 225. Nonobstant ce que nous avons dit au paragraphe 223, nous
savons pertinemment qu'un certain travail a déjà
été fait par des fonctionnaires oeuvrant dans des comités
interministériels ou autres sur la préparation des
règlements. La participation des parties à l'élaboration
de cette réglementation laissait à désirer, nous le
répétons. Mais à partir du travail accompli, et qui est
sans doute très valable, il est urgent, dès l'adoption de la loi,
que le gouvernement mette sur pied les comités représentatifs
nécessaires pour finaliser dans les meilleurs délais les
règlements qui sont absolument nécessaires, voire même
essentiels, pour l'application des dispositions les plus urgentes de cette
nouvelle loi.
Chapitre XIII Recours 226. La F.T.Q. soumet que c'est ici,
dès le début de ce chapitre, que doit s'inscrire la
défense édictée aux articles 66 et 72, à l'effet
que l'employeur ne peut imposer à un travailleur un congédiement,
un déplacement ou une mesure disciplinaire en raison de l'exercice par
ce travailleur d'un droit ou d'une fonction lui résultant de la
présente loi et des règlements et de toute convention collective
ou entente ou engagement écrit concernant la santé et la
sécurité du travail. 227. Pour ce qui est des autres dispositions
de ce chapitre du projet de loi, et compte tenu des remarques contenues dans le
présent mémoire, la F.T.Q. est d'accord, sauf pour un
détail mineur qui a sans doute échappé aux
rédacteurs du projet de loi au niveau de l'article 192 pour lequel la
F.T.Q. propose la formulation suivante: "192. La décision du Commissaire
doit être rendue par écrit dans les soixante (60) jours de
l'audition, et elle doit être motivée."
Chapitre XIV Infractions 228. La F.T.Q.
réitère ici une revendication de longue date, exprimée
notamment pour ce qui a trait au secteur de la construction, mais qui doit
s'appliquer aussi à tous les autres secteurs, à l'effet que les
poursuites pour violation de la loi et des règlements sur la
santé et !a sécurité du travail doivent être
décidées par l'organisme chargé de l'administration de
cette loi et de ces règlements, et non pas par le Ministère de la
Justice, ce qui a causé, dans le passé, des délais et des
frustrations inacceptables, non seulement pour les travailleurs mais aussi pour
les organismes chargés de l'administration des lois et des
règlements, et que les causes soient entendues par des juges ayant une
expérience et une bonne compréhension des conditions du
milieu.
229. Nous avons demandé, et nous réitérons cette
demande, que telles causes soient confiées à un banc
établi à cette fin au niveau du Tribunal du travail. Il existe
déjà, au Tribunal du travail, au moins un juge qui a acquis une
expérience considérable dans le domaine ainsi qu'une profonde
connaissance du milieu par son passé comme membre d'une firme d'avocats
qui se consacrait, exclusivement ou à peu près, au droit du
travail, et par sa participation récente à titre de
président à l'étude des conditions de santé dans un
secteur industriel extrêmement important pour le Québec:
l'amiante. Il s'agit, tout le monde l'aura reconnu, du juge René
Beaudry. Sans présumer de ses intentions relativement à un tel
"banc spécial", nous sommes convaincus que le juge René Beaudry
accepterait très volontiers, pour le moins, de conseiller le
gouvernement sur le choix des juges devant faire partie d'un tel banc
spécial au niveau du Tribunal du travail.
Chapitre XVI Dispositions transitoires 230. Nous savons
d'ores et déjà que nous sommes en profond désaccord avec
certaines des dispositions transitoires proposées dans le projet de loi.
A la F.T.Q., nous sommes à faire une étude fouillée de
toutes ces mesures transitoires qui pourraient être nécessaires,
le cas échéant. Etant donné que le présent
mémoire doit être déposé au plus tard le 17
août, nous n'avons pas pu terminer cette étude à temps pour
en communiquer les résultats à votre Commission dans le cadre du
présent mémoire. Nous espérons pouvoir le faire au cours
des auditions en commission parlementaire, mais déjà, le contenu
du présent mémoire peut indiquer certaines de ces mesures
transitoires avec lesquelles nous ne sommes définitivement pas
d'accord.
Droit de représentation d'un travailleur accidenté
auprès de la Commission des affaires sociales 231. L'adoption du
présent projet de loi serait une excellente occasion pour redonner aux
travailleurs accidentés un droit qu'ils détenaient depuis plus de
40 ans et qui leur a été enlevé d'un seul trait de plume
par le législateur: celui d'être représentés,
à l'occasion d'appels permis par la Loi des accidents du travail, par un
compagnon de travail, un dirigeant de leur syndicat ou encore par un permanent
syndical. Malgré les promesses de "tolérance" de la part du
ministre d'Etat au Développement social et du président de la
Commission des accidents du travail, la majestueuse Commission des Affaires
sociales s'en tient inflexiblement à la loi du Barreau et n'accorde
qu'à des avocats le droit de représenter un accidenté lors
de la présentation d'un appel à cet organisme quasi-judiciaire.
On nous avait promis et repromis un amendement à la Loi du Barreau
à cet effet lors des derniers amendements à la Loi des accidents
du travail. C'était même écrit dans le projet de loi. Au
dernier moment, ce petit bout de phrase a "sauté". Par inadvertance,
probablement. Il serait temps de réparer cet oubli.
Le champ d'application de la loi Chapitre II 232. Nous
proposons les modifications suivantes au Chapitre II "CHAMP
D'APPLICATION DE LA LOI":
Article 5 Biffer les mots "où se trouvent des
travailleurs", dans la quatrième ligne. Article 6 Biffer les mots
"où se trouvent des travailleurs", dans la troisième ligne.
Article 7 Biffer les mots "en vigueur" à la fin de cet
article.
(Ces mots sont inutiles et ils rendent le texte ambigu.)
Les travailleurs oeuvrant dans les secteurs de juridiction
fédérale 233. Il est intéressant de noter, et nous le
soulignons à votre Commission, que la Loi de la Saskatchewan
"Occupational Health and Safety Act" contient une disposition spécifique
concernant les travailleurs oeuvrant dans les secteurs de juridiction
fédérale. Il s'agit de l'Article 36 de cette loi: "36. Act binds
Crown. The Crown in right of Saskatchewan and the Crown in right of Canada
insofar as it may submit to the operations of this Act, are bound by the
provisions of this Act." 234. Nous savons, par ailleurs, que plusieurs
provinces, y compris le Québec, ont conclu des ententes avec les
autorités fédérales pour l'administration et la
surveillance, dans leurs territoires respectifs, de certaines fonctions
administratives dans le domaine de la santé et de la
sécurité du travail. 235. Nous croyons que le Québec doit
revendiquer, quelles que soient les circonstances que l'avenir nous
réserve, que tous les travailleurs oeuvrant au Québec soient
couverts par la loi québécoise, et que tous les employeurs au
Québec, y compris le gouvernement fédéral et ses agences
ainsi que tout autre employeur dans un secteur sous juridiction
fédérale, y soit soumis. Il ne s'agirait pas là d'un
précédent puisque c'est ce qui existe présentement pour ce
qui est des lois sur la réparation des accidents du travail et des
maladies professionnelles. Dans la logique des choses, le même principe
devrait s'appliquer aussi dans le domaine de la prévention des accidents
du travail et des maladies professionnelles. Il s'agirait simplement de
l'application pratique du vieux principe qu'exprime l'expression: "The law of
the land...".
236. Dans l'intervalle, et dans l'état actuel des choses, la
F.T.Q. insiste fortement pour que le Québec prenne l'initiative de
réclamer la négociation d'une entente
fédérale-provinciale (on en négocie dans un grand nombre
d'autres domaines, même actuellement) pour la coordination et
l'administration par les provinces, notamment par le Québec, des lois et
règlements sur la santé et la sécurité du
travail.
Conclusions 237. Le projet de loi a été
déposé le 20 juin. Nous devons déposer ce mémoire
le 17 août. Il faut bien dire que le temps des vacances n'a pas
été particulièrement propice à une consultation
intensive auprès de nos affiliés. Nous ne nous en plaignons pas.
Nous attendions ce projet de loi depuis si longtemps! Heureusement pour nous,
nos positions étaient arrêtées depuis longtemps grâce
aux nombreux congrès et colloques que nous avons tenus sur le sujet.
Nous avons cependant l'intention de tenir des réunions d'information
dans toutes les régions du Québec et au niveau de chacun des
secteurs industriels jusqu'au moment où nous serons convoqués en
audition devant votre Commission parlementaire, et même après. Si
des points qui nous auraient échappé sont portés à
notre attention au cours de ces sessions d'information, nous solliciterons la
permission d'en faire part à votre Commission lors des auditions.
Le tout respectueusement soumis, La Fédération des
travailleurs du Québec Montréal, ce 17 août 1979
(ANNEXE "A")
(ANNEXE "B")
Code d'éthique des délégués de chantier
et des délégués auprès de l'employeur 1. Le
délégué de chantier ou le délégué
auprès de l'employeur doit assurer la responsabilité du respect
intégral des travailleurs sur les chantiers de construction. Il exercera
cette responsabilité dans l'application du décret de la
construction, dans le respect du règlement du Code de
sécurité ainsi que dans l'établissement de bonnes
conditions de vie sur les chantiers. 2. Pour être éligible
à la fonction de délégué de chantier ou de
délégué auprès de l'employeur, le ou les candidats
devront établir qu'ils oeuvrent dans l'industrie depuis au moins deux
ans, qu'ils ont suivi des cours de formation syndicale et de
sécurité auprès d'une association syndicale ou de tout
autre organisme dûment reconnu par l'union de leur métier ou de
leur occupation. 3. Dans l'exercice de sa fonction, le
délégué de chantier ou le délégué
auprès de l'employeur ne doit pas quitter son chantier, sauf dans des
circonstances exceptionnelles, et dans ce cas, il en avertit son
contremaître ou son agent d'affaires. Le délégué de
chantier ou le délégué auprès de l'employeur
retournera à l'exercice de son métier ou de son occupation
dès qu'il aura satisfait à la ou les démarches que lui
commande sa fonction de délégué. 4. Le
délégué de chantier ou le délégué de
l'employeur doit se montrer digne de la fonction qu'il assume en tant que
représentant de son union et de porte-parole de ses confrères de
travail sur le chantier. Dans ses interventions auprès de son employeur
ou de son représentant, il doit se comporter de façon
responsable, polie et réfléchie. En aucun cas, il ne doit
intervenir dans la fonction des autres délégués sur le
chantier, à moins que son intervention ne soit requise par le
caractère collectif ou commun du problème ou de la situation qui
exige son intervention. Dans ce cas, il doit préalablement obtenir
l'accord de son agent d'affaires. 5. Pour assumer adéquatement sa
fonction, le délégué de chantier ou le
délégué auprès de l'employeur doit se conformer aux
règlements internes de son union; il doit connaître le
décret de la construction et le Code de sécurité et avoir
une connaissance exacte des règlements et des particularités sur
le chantier où il exerce sa fonction. Il doit être à la
disponibilité des travailleurs qu'il a le mandat de représenter
et il se doit de répondre rapidement à leurs besoins. 6. Le
délégué de chantier ou le délégué
auprès de l'employeur ne tolère aucune boisson alcoolique ni
aucune drogue sur son chantier, pas plus qu'il ne tolère, pour des fins
de sécurité, la présence de ses membres en état
d'ébriété ou sous l'effet des drogues sur le chantier. 7.
Le délégué de chantier ou le délégué
auprès de l'employeur ne doit pas chercher à tirer davantage de
sa fonction auprès de son employeur ou de son représentant, ni
des travailleurs dont il a le mandat de représenter. Il ne doit donc pas
accepter des faveurs personnelles, ni des privilèges ou traitements
spéciaux. Si un employeur ou son représentant lui propose des
pots-de-vin ou d'autres faveurs personnelles, le délégué
de chantier ou le délégué auprès de l'employeur
doit le signaler à son union. Il ne peut donc pas être
concessionnaire de restaurants ou de cantine ou entretenir tout autre forme de
commerce auprès des travailleurs de son chantier. Il se gardera de poser
des gestes réprouvables, telle la vente de billets de loterie
illégale sur le chantier. 8. Le délégué de chantier
ou le délégué auprès de l'employeur doit se garder
d'intervenir dans les normes de production sur le chantier, lesquelles
relèvent exclusivement de l'employeur. 9. Le
délégué de chantier ou le délégué
auprès de l'employeur étant nommé par son agent
d'affaires, doit donc se conformer aux directives de celui-ci. 10. Le
délégué de chantier ou le délégué
auprès de l'employeur qui ne se conforme pas aux règlements
ci-haut édictés sera sujet à des mesures disciplinaires de
la part de son agent d'affaires ou de son union.