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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 18 septembre 1979 - Vol. 21 N° 181

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Ouellette (Beauce-Nord); M. La-vigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf); M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke) remplacé par M. Alfred (Papineau); M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont); M. Springate (Westmount) remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Samson (Rouyn-Noranda).

Aujourd'hui, nous entendrons d'abord la continuation de la présentation du mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec; ensuite, la Chambre de commerce de la province de Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, le Regroupement écologique québécois, l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. et l'Association professionnelle des optométristes du Québec.

Le président de la FTQ a précédé mon invitation et s'est approché pour continuer la présentation de son mémoire. Nous en étions rendus aux commentaires et aux questions du ministre et je souhaite comme vous que cela dure un peu moins longtemps que la présentation du mémoire.

Fédération des travailleurs du Québec (suite)

M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous me permettiez 30 secondes, seulement pour faire une mise au point, nous avons présenté notre mémoire mercredi dernier. Si on se fie à la plupart des journaux, c'est quasiment comme si on n'avait pas été là, mais c'est bon de le redire parce qu'il y a des journalistes qui ont oublié de l'écrire. La FTQ, qui représente la vaste majorité des travailleurs dans tous les secteurs et qui est concernée de façon primordiale par le projet de loi 17, a eu l'occasion de présenter son mémoire aux membres de la commission et nous sommes ici ce matin pour répondre aux questions. Évidemment, on sera probablement obligé de s'acheter un journal pour annoncer cela à la publication, ne pouvant pas trop se fier aux journaux existants.

Le Président (M. Marcoux): Je ne sais pas si vous suivez la mauvaise tendance des députés qui ont souvent des commentaires négatifs.

M. Pagé: Les députés de la majorité.

Le Président (M. Marcoux): C'est souvent ce qui arrive. M. le député...

M. Pagé: ... oui...

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, bien sûr, je ne reviendrai pas sur les commentaires d'ordre général, très limités dans le temps, que je me suis permis de faire à la suite de l'exposé du mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec. Pour ouvrir la discussion, je me permettrais de soumettre un certain nombre de questions et de commentaires, questions auxquelles je suis certain que les membres de la délégation de la FTQ voudront bien réagir.

Ma première question concerne une des recommandations que vous formulez. Bien sûr, il y a toute une série de recommandations dans votre mémoire, encore une fois. On n'aura vraisemblablement pas le temps de reprendre toutes et chacune des recommandations en détail. Je tiens à vous redire que vous pouvez être assurés que chacune des recommandations sera examinée très attentivement.

Ceci étant dit, une de vos recommandations consiste à nous suggérer d'augmenter le nombre de personnes, de représentants siégeant à la commission. Également, vous avez aussi des recommandations quant au nombre de représentants des travailleurs et des employeurs, concernant particulièrement le conseil d'administration de la commission. Je me demande si ça ne recoupe pas aussi d'autres éléments. Enfin, vous me ferez part de vos commentaires.

Ne craignez-vous pas, quant au nombre que vous proposez — on ne discutera pas le détail du nombre — que, passé un certain cap, en tout cas, la question simplement d'efficacité du fonctionnement d'un conseil d'administration, qui risque de devenir terriblement élargi, puisse être entravé par l'ampleur... En d'autres termes, je serais porté à penser, en tout cas, je suis porté à craindre que le nombre que vous proposez, déjà, constituerait un conseil d'administration très large. N'avez-vous pas de crainte que ce nombre nous mène à une certaine inefficacité du conseil d'administration? Bien sûr, vous les évoquez dans votre mémoire, mais je pense qu'il serait intéressant que les membres de la commission entendent de façon peut-être encore plus détaillée, parce que vous nous avez présenté un résumé de votre mémoire, les motifs qui vous amènent à formuler cette proposition. "Deuxièmement, en ce qui concerne ce qui apparaît à la page 8 — c'est le point 11 de votre résumé; ça revient de façon beaucoup plus détaillée dans votre mémoire — vous dites, et je cite: "Nous tenons à réitérer notre revendication pour le droit de retirer son mandat à une personne que

nous aurions désignée à tel ou tel poste, notamment dans le cas d'un commissaire". Vous ajoutez: "Dans le cas d'un commissaire, il faut que les parties..." quand vous parlez de tel ou tel poste, j'aimerais savoir si — bien sûr, là, il s'agit de la commission comme telle à ce niveau — à votre avis, cela concerne aussi les représentants qui seraient désignés par les syndicats, dans les cas où il y en a, au comité paritaire dans l'entreprise.

Partant du principe que le droit de nommer entraîne le droit de dénommer, il semblait aux yeux de certains — c'était le cas de la CSN, quand elle s'est présentée devant nous — que ce n'était pas clair, et on disait: Si c'est vrai que le droit de nommer entraîne le droit de dénommer, mettez-le par écrit. La même chose valait aussi pour la nomination des représentants à la prévention qui sont nommés, selon le projet de loi — peut-être qu'il y a des ambiguïtés, peut-être que le texte n'est pas clair, mais l'intention est très claire — quand il y a un syndicat; ils sont choisis par le syndicat, selon les règlements et les procédures choisis par le syndicat. Encore là, le droit de nommer entraîne le droit de dénommer.

En ce qui concerne la commission, ce que vous évoquez plus particulièrement à la page 8, il me semble qu'il serait intéressant que vous commentiez de façon plus large les notes qui sont là parce que je ne suis pas certain que cela ressort très clairement, votre demande, votre revendication pour le droit de retirer son mandat à une personne que vous aviez désignée à tel ou tel poste. Dans le cas d'un commissaire, vous ajoutez: II faut que les parties, notamment la FTQ, conservent ce droit qu'elles pourraient exercer à l'expiration des mandats. En d'autres termes, est-ce que je comprends bien en disant qu'à votre point de vue, quant à l'exercice de ce droit de retirer le mandat concernant une personne dont vous auriez recommandé la nomination au gouvernement, vous vous voyez exercer ce droit non pas durant les mandats, mais à l'expiration des mandats, c'est-à-dire soit de recommander le renouvellement des mandats ou de recommander un autre nom pour remplacer cette personne? Je pense que c'est une question qui est extrêmement importante.

Je vous dirai en passant — et je ne suis certainement pas le seul — que j'ai pris bonne note de vos commentaires, soit les points 36 à 41, en ce qui concerne la responsabilité ministérielle, en ce qui concerne les services d'inspection groupés sous l'autorité de la commission; j'ai pris bonne note de vos commentaires à ce sujet.

En ce qui concerne le droit de refus — sans revenir sur les enregistrements du premier colloque, et sûrement, j'en suis certain, les enregistrements du deuxième colloque...

M. Laberge (Louis): On ne le retrouve pas, celui-là.

M. Marois: Vous ne le reconnaissez pas, j'ai gardé la bobine du deuxième.

Je pense qu'il serait intéressant de vous entendre commenter de façon un peu plus détaillée deux des demandes. Au fond, il y en a trois; pour le refus collectif entrepris par le représentant syndical, je pense qu'on a bien compris votre demande. Mais vous nous proposez d'éliminer le concept de risques normalement et habituellement inhérents aux fonctions exercées.

Au fond, si je comprends, vous nous proposez plutôt de retenir l'approche ontarienne. Je vous dirai très franchement — et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus — ce qui me gêne dans l'approche ontarienne, c'est que, comme vous le savez, l'approche ontarienne exclut nommément des gens. Par exemple, les pompiers, les policiers, des employés d'hôpitaux, des employés, comme ils disent dans leur jargon en Ontario, "de sanatorium", pour n'en mentionner que quelques groupes. Bien sûr, le fait d'exclure des groupes par une loi, ça ne leur enlèvera jamais le droit naturel de refus, mais ça va leur enlever, par exemple, joyeusement, la protection dans l'exercice de ce droit-là. Vous demandez particulièrement que la protection dans l'exercice du droit soit encore plus resserrée que ce qui est proposé dans l'actuel projet de loi 17.

Vous nous proposez d'imiter l'Ontario et d'exclure certaines fonctions. Comment nous suggérez-vous concrètement de faire ça? On va exclure les pompiers? En d'autres termes, je pense qu'il serait intéressant d'avoir votre point de vue très précis là-dessus.

Pour l'autre dimension, parce que c'est un peu parfois du jargon — pour ceux qui ont été mêlés aux relations du travail, c'est un jargon qu'on comprend — je pense qu'il serait intéressant que vous vous expliquiez de la façon la plus concrète possible. Je pense qu'on va tous admettre qu'il y a là quelque chose qui serait nouveau par rapport à l'état actuel des choses en matière de relations de travail, en tout cas par rapport à l'économie actuelle du Code du travail. Vous nous proposez d'établir la procédure du statu quo ante dans le cas des mesures disciplinaires. Bon! Je pense qu'il serait intéressant que vous expliquiez beaucoup plus largement aux membres de cette commission pourquoi vous proposez ça. Pourquoi ça vous paraît important.

À votre point de vue, est-ce que ça vient briser l'économie générale du Code du travail? Ce n'est pas le statu quo ante en matière de congédiement pour activités syndicales. C'est vrai, par ailleurs, me direz-vous, et je l'admettrai volontiers, que le projet de loi 17, tel qu'il est formulé, contient comme une espèce de commencement de statu quo ante puisqu'il n'est pas possible de prendre une mesure disciplinaire tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas eu une décision finale de rendue, à quelque étape que ce soit, en particulier une décision rendue par un inspecteur. Donc, vous pourriez fort bien soutenir — cela peut se défendre comme point de vue, en tout cas, ça mérite d'être regardé — l'idée que si vous l'accordez en partie, pourquoi ne pas aller au bout. Mais je pense que

c'est le fond qui est intéressant. Et je pense qu'il serait intéressant que vous puissiez expliquer aux membres de cette commission pourquoi vous proposez cela et en quoi c'est fondamental à votre point de vue.

Je pense que les membres de la commission ont également pris bonne note de vos commentaires sur l'accord de principe quant à un des outils retenus qui est la mise en place des comités paritaires. Il y a des commentaires qui reviennent, qui portent en particulier sur les points 116 à 124 et je vais y rattacher la question des délégués de chantier aussi; il semble y avoir ambiguïté. Si je lis bien attentivement votre mémoire, en particulier quant à l'interprétation de l'article 67 sur le mode de nomination du représentant à la prévention, je tiens à redire que ce qu'on propose — si le texte n'est pas clair, on va le clarifier, en particulier à la lumière des recommandations que vous, et que d'autres groupes, nous ont faites — notre intention est que le représentant à la prévention soit nommé de la même manière que les membres du comité paritaire qui représentent les travailleurs. S'il y a un syndicat, qu'il soit nommé par le syndicat, la jonction devant se faire en ce sens que le représentant étant un des représentants des travailleurs qui siégera sur le comité paritaire.

Vous proposez aussi cette idée de délégués régionaux à la sécurité. Je pense que vous êtes les seuls à nous avoir formulé cette recommandation, en tout cas, vous êtes les premiers dans ce sens parmi les groupes entendus. Je pense que là aussi, il serait intéressant que vous nous donniez plus de détails sur votre position concrète. En particulier, est-ce que vous faites intervenir dans l'analyse, la réalité qui vous amène à formuler une suggestion comme celle-là, de tout le domaine des non-syndiqués, est-ce que c'est une des raisons? Si oui, je pense qu'il serait intéressant que vous nous expliquiez concrètement, en prenant un secteur pour l'illustrer, purement à titre d'exemple, afin qu'on voie bien de quoi il s'agit.

Je tiens à dire tout de suite, évidemment vous le comprenez, que le projet de loi 17 ne prétend pas régler tous les problèmes de relations de travail, vous voulez nous assurer que les délégués de chantier, quand ils agissent comme représentants à la prévention dans le domaine de la sécurité, bénéficient des mêmes avantages, des mêmes droits, de la même protection que ceux qui agissent à ce titre dans les autres secteurs.

Je ne pense pas que je puisse vous dire qu'il soit possible, dans le cadre de la loi 17, certainement pas, de régler en même temps toute la fameuse loi des relations de travail dans le secteur de la construction. Je pense qu'il est légitime que vous demandiez que les délégués de chantier agissant comme représentants à la prévention bénéficient des mêmes droits, de la même protection que n'importe quel autre travailleur ou travailleuse qui ferait ce travail dans un autre secteur donné. Soyez assurés qu'on va regarder ça de très près. (10 h 30)

II y a d'autres recommandations qui sont aussi intéressantes dans le mémoire, mais puisque j'ai promis de ne pas abuser du temps et que j'ai déjà lancé sur la table toute une série de questions et de commentaires, je pense que je vais laisser les représentants de la FTQ nous fournir leurs remarques et réponses aux questions posées.

M. Laberge (Louis): M. le Président, je remercie le ministre pour ces questions; ce n'est pas par hasard qu'il a touché à peu près aux points les plus importants, je pense bien.

Je vais essayer de répondre le plus clairement possible à ces questions. D'abord, vous avez commencé par la suggestion que nous faisions d'augmenter le nombre de personnes sur la commission. La raison en est bien simple, c'est que si on veut une commission vraiment représentative des milieux les plus directement concernés, c'est la nomenclature que nous faisons dans le mémoire.

Si vous regardez cette nomenclature de près, les secteurs les plus importants seraient représentés sur la commission. Y a-t-il danger que l'efficacité de la commission en soit réduite? Nous croyons qu'au contraire ça pourra augmenter l'efficacité de la commission et je m'explique. Il est bien évident que normalement, quand vous avez une commission formée de 27 membres, ou 25 membres pour être exact — douze plus douze, plus le président — ça peut être un peu plus lourd qu'une commission de onze. Toutefois, nous croyons qu'au contraire ça pourrait augmenter l'efficacité de la commission, parce qu'il pourrait y avoir des comités ad hoc dans différents secteurs. Par exemple, on sait fort bien que le secteur des mines et métallurgie présente des problèmes particuliers à cette industrie et il pourrait y avoir des comités ad hoc de formés avec des représentants de ce secteur, tant du côté patronal que du côté syndical, et possiblement un des commissaires adjoints; ce comité ad hoc pourrait faire rapport à la grande commission. Même chose quand on parle du secteur de la construction; même chose quand on parle du secteur manufacturier. Au contraire, nous croyons que ça ajouterait à l'efficacité de la commission.

La commission pourrait se subdiviser en plusieurs comités ad hoc et ceux-ci pourraient pousser plus loin leurs études, les recommandations qu'ils ont à faire et qui seraient présentées à la commission siégeant dans son ensemble.

Pour le gouvernement ou pour ceux qui seront appelés à payer, ça ne veut pas dire énormément plus, puisque ces personnes ne seront pas à temps plein; enfin les douze viennent de leur milieu et continuent à oeuvrer dans leur milieu.

Nous croyons, au contraire, que cela augmenterait l'efficacité de la commission et que cela aurait pour premier résultat de permettre aux secteurs les plus importants de se sentir directement impliqués dans tous les travaux de la commission.

L'idée derrière le projet de loi no 17, c'est d'impliquer les parties. L'idée, c'est de donner aux parties les outils nécessaires pour qu'elles puissent mieux protéger leur vie, leur santé. Comme vous l'avez déjà dit et comme nous l'avons souvent répété aussi, c'est l'état d'esprit qu'il faut changer. C'est la mentalité. En ayant des personnes de tous les secteurs siégeant sur la commission, je pense que nous ferions un grand pas dans cette direction. Vous allez comprendre, j'en suis bien convaincu, que ce n'est pas par fantaisie qu'on vous a suggéré d'augmenter le nombre de membres sur la commission; bien au contraire, parce que nous sommes convaincus qu'en ayant des gens des principaux secteurs siégeant à la commission, cela pourrait augmenter l'efficacité.

Quant au droit de retirer les gens que nous nommons, évidemment, dans le mémoire, nous disons qu'à la fin de leur mandat, nous pourrions soit renommer les mêmes personnes, ou suggérer la nomination des mêmes personnes, ou en nommer d'autres. Nous croyons aussi que durant le mandat, bien sûr, par mesure vraiment exceptionnelle, on pourrait avoir le droit de les changer. Je m'explique. Nous suggérons la nomination d'un membre qui nous vient d'un secteur. Durant son mandat, ce représentant change de fonction, il n'est plus représentatif du milieu. Nous croyons qu'à ce moment, que son mandat soit expiré ou non, nous devrions avoir le droit de vous suggérer un remplaçant même si le mandat n'est pas expiré. Encore une fois, nous réalisons que ce serait pour des choses vraiment exceptionnelles et ce n'est pas une question de passer notre temps à les changer.

Quant aux membres qui siègent sur les comités, là, évidemment, il y a des méthodes d'élection dans chaque syndicat, il peut y avoir des détails différents, mais cela se ressemble, même si les mandats peuvent être différents. Il y a des délégués de départements, par exemple, dans certains syndicats, qui sont élus pour des périodes bien précises; dans d'autres, ils sont élus et ils demeurent en poste tant et aussi longtemps qu'une autre élection n'est pas tenue. Nous ne croyons pas devoir toucher à cela. Ce sont des représentants, des membres de ces différents syndicats et, selon nous, on peut laisser sans aucune inquiétude le soin aux syndicats de nommer leurs représentants de la façon qu'ils élisent normalement les membres des autres comités du syndicat.

Les fonctions acceptées. Évidemment, c'est un sujet délicat et nous pensons que la seule façon d'aborder ce problème, c'est de l'aborder de front, très franchement et très honnêtement. Il est bien évident qu'un pompier ne peut pas dire: II y a un incendie, c'est dangereux et je n'y vais pas. C'est bien évident, sauf que même pour un pompier, par exemple, qui combat un incendie — et cela fait partie de ses fonctions inhérentes de combattre les incendies — il y a des conditions qui sont différentes d'un incendie à l'autre. Par exemple, si un incendie fait déjà rage depuis une heure à quelque part et si le chef des pompiers veut envoyer les pompiers sur le toit pour combattre l'incendie, cela représente un danger qui n'est pas inhérent aux fonctions. C'est déjà arrivé — on le sait — sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, entre autres, où des pompiers sont allés sur le toit. Le toit s'est effondré et quatre pompiers sont morts d'un coup. Tout le monde sait qu'il meurt plus de pompiers en devoir qu'il meurt de policiers. Ce n'est pas une comparaison odieuse que je fais. C'est pour illustrer tout simplement une situation de fait. Il y a des dangers inhérents à la fonction de pompier, à la fonction de policier.

Il y a des dangers inhérents à plusieurs fonctions d'employés d'hôpitaux, par exemple. Il est bien évident que pour un employé qui travaille dans un laboratoire avec des bactéries, il y a un danger inhérent à ses fonctions, sauf qu'à un moment donné — je ne sais pas, moi — si le vase qui contient les bactéries est cassé ou si l'équipement qu'on donne au travailleur est percé ou des choses semblables, cela représente un danger additionnel. Les gardiens de patients, par exemple, dans les hôpitaux psychiatriques; il est bien évident que l'Etat ou la société ne peut pas se payer le luxe d'avoir un gardien par malade. Par contre, si, en temps régulier, en temps normal, usuel, un gardien pour dix ou douze patients, cela peut être suffisant, des situations particulières arrivent où, par exemple, un des malades fait une crise. Envoyer un garde-malade tout seul pour essayer de rétablir la situation, cela représente un danger qui n'est pas habituel. À ce moment-là, le travailleur concerné devrait avoir le droit d'exiger qu'on lui envoie de l'aide ou de refuser tout simplement d'y aller parce qu'il met sa vie en danger. Vous savez que c'est arrivé et vous savez qu'il y a déjà eu des travailleurs pris dans des circonstances semblables qui ont été traduits devant des comités de discipline parce qu'à un moment donné, pour essayer de se défaire des attaques, ils ont bousculé quelque peu certains malades.

Je pense que la seule façon de faire cela, c'est de regarder les fonctions une à une. Encore une fois, nous comprenons qu'il y a des fonctions où il y a des dangers. Un travailleur de la construction, il est bien évident que, quand il monte à 50 ou à 75 pieds, cela représente un danger, sauf qu'on n'est pas obligé de le faire monter à 75 pieds sans aucune protection. Il y a des ceintures. Il y a des équipements. Il y a un tas de choses. Il y a des garde-fous qui sont supposés le protéger. Vous vous souviendrez peut-être, M. le ministre, que, lorsque le ministre du Travail du temps, M. Couture était allé visiter un certain chantier, il avait mis la main sur un supposé garde-fou qui était là pour la sécurité des travailleurs et seulement en mettant la main dessus, le garde-fou était tombé en bas. Cela avait ouvert les yeux du ministre. Des affaires comme cela, il y en a en masse sur les chantiers. Encore une fois, il ne s'agit pas pour nous que le travailleur ait le droit de dire: Moi, je refuse de monter à 50 pieds, c'est dangereux. Non. Évidemment, cela fait partie de sa fonction de monter à 50 pieds, sauf qu'il y a des précautions à prendre pour s'assurer au moins, qu'autant que possible, sa

vie est protégée par les équipements, par les méthodes de prévention qu'on peut mettre à sa disposition. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on se réfère au principe de la loi ontarienne — non pas au contenu de la loi ontarienne — qui a voulu énumérer certains postes.

Comme je vous l'explique, en énumérant certains postes, on peut quand même essayer d'écrire quelque chose qui va permettre à ces travailleurs, lorsqu'il y a un danger qui est loin d'être commun à l'exercice de leurs fonctions qui, normalement, sont dangereuses, qui pourrait leur permettre quand même, dans certaines circonstances, de refuser de travailler. On ne veut pas qu'il y ait plusieurs fonctions qui soient complètement exclues du droit de refus. Cela n'a aucun sens. Par contre, on sait fort bien que le droit de refus d'un travailleur pour un poste dangereux ne peut pas, non plus, y aller, de façon générale, sans mentionner les cas particuliers.

À la page 12, vous parlez de statu quo ante. Évidemment, ça fait partie du droit de refus. Il y a le droit collectif. Je ne sais pas si vous avez besoin de renseignements additionnels à savoir ce qu'on veut dire par le droit collectif. Ce n'est pas d'arrêter une usine de 500 travailleurs parce qu'il y a un département ou une section quelque part où il pourrait y avoir du danger pour trois ou quatre. Ce n'est pas ça du tout. Les représentants du syndicat, normalement, devraient être mieux formés sur les dangers que représentent les opérations dans une entreprise, devraient être plus sensibilisés à la prévention. On a bien l'intention de former les représentants syndicaux partout, dans tous les domaines, dans tous les secteurs, pour qu'ils puissent vraiment se servir de ce nouvel outil que sera le projet de loi no 17. Nous espérons que ce seront de nouveaux outils à la disposition des travailleurs. Les bien former. Ils devraient normalement être mieux en mesure de juger d'une situation, mais le droit de l'individu demeure sacré pour nous. L'individu doit avoir le droit de refuser d'accomplir une tâche si, lui, croit que c'est vraiment dangereux pour lui.

Le statu quo ante, ce que ça veut dire, c'est tout simplement ceci. Cela veut dire que ce droit ne serait pas illusoire. Ce ne serait pas quelque chose sur papier, comme on a actuellement dans l'industrie de la construction, alors que le président de l'AECQ est venu vous dire qu'il n'y avait pas eu un arrêt de travail sur la santé et la sécurité dans l'industrie de la construction en 1978. Quand on regarde le nombre de morts et de blessés, il aurait dû y en avoir. Mais il n'y en a pas, tout simplement, parce que c'est un droit illusoire. À moins que le travailleur ait conscience que la loi le protège vraiment, c'est difficile pour un travailleur de décider d'arrêter de travailler.

Ce que nous suggérons, comme formule médiane, c'est que dès qu'un travailleur décide de refuser de travailler, il avise son représentant syndical. Cela peut être le préposé à la prévention, cela peut être un membre du comité. Son représentant syndical regarde la situation et s'il est d'accord avec le travailleur, pour la période qui s'étend à partir du refus du travailleur, de l'endossement de sa position par son représentant syndical, jusqu'au moment où, ultimement, la commission tranchera, ça, ce serait le statu quo. L'employeur ne pourrait plus revenir contre le travailleur pour cette période. Évidemment, à ce moment-là, les employeurs, le gouvernement et nous, tout le monde serait intéressé à ce que cette période soit la plus courte possible. On ne désire pas l'étirer à six mois. Que la période soit très courte, nous en sommes. Mais que le travailleur, qui exerce son droit d'après la loi, tant et aussi longtemps que la commission n'a pas tranché, l'employeur ne peut plus revenir contre lui pour cette période.

Évidemment, si le travailleur, dans son esprit, c'est toujours dangereux et s'il décide de continuer de refuser, il pourrait être sujet à des mesures disciplinaires et il y aurait le processus que vous suggérez dans le projet de loi no 17. Mais tant et aussi longtemps que la commission n'aurait pas tranché, ce que nous suggérons, c'est que le travailleur se sente en complète sécurité et ne puisse pas être accusé d'avoir refusé de travailler de mauvaise foi.

M. Marois: M. Laberge, je m'excuse, simplement pour qu'on comprenne bien ce que vous voulez dire. Dans le processus prévu par le projet de loi no 17 actuellement, première étape: discussion avec le contremaître; les parties s'entendent, c'est réglé. Deuxième étape: le comité paritaire. Troisième étape: le cas échéant, l'intervention de l'inspecteur qui aura une décision finale. (10 h 45)

Ce que prévoit le projet de loi, jusque-là, interdiction de prendre des mesures disciplinaires, et la décision de l'inspecteur devient exécutoire, en ce sens qu'elle doit être appliquée. On peut contester cette décision, le cas échéant, jusqu'à la commission; vous dites "jusqu'à". S'il devait y avoir contestation de la décision de l'inspecteur, si je comprends bien votre position, et que la commission était appelée à trancher, jusqu'à ce qu'elle tranche, ce serait pour cette période que s'appliquerait la protection complète que vous évoquez pour les travailleurs qui exercent ces droits.

Je comprends, en d'autres termes, ce que vous demandez, dans le cas où un employeur estime, après la décision de l'inspecteur, que le droit a été exercé de mauvaise foi. En fait, on a vu très peu de cas de ce genre; le cas qui m'a été rapporté, c'est un cas en Saskatchewan, sur une période de quatre ans, les tribunaux ont sanctionné. Je pense qu'on comprend très bien votre position en ce qui concerne "jusqu'à l'intervention de la commission". Dans le cas où, tel que c'est prévu présentement, un employeur, après la décision de l'inspecteur, estimerait qu'il est à même de faire une preuve de mauvaise foi — ce qui est une preuve pas facile à faire, il faut qu'elle soit étoffée, et, à ce moment-là, il y a des procédures prévues, cela peut aller jusque devant le Tribunal du travail, le cas échéant — est-ce que dans ce cas aussi

vous demandez l'application de la procédure de statu quo ante?

M. Laberge (Louis): Jusqu'à ce que la commission tranche.

M. Marois: C'est-à-dire, jusqu'à ce que la preuve ait été faite devant le Tribunal du travail, le cas échéant, d'une mauvaise foi, que le ou les travailleurs ou travailleuses bénéficient d'une protection complète.

M. Laberge (Louis): C'est en plein cela.

M. Marois: Est-ce que je comprends aussi que vous demandez le même genre de protection en ce qui concerne les représentants à la prévention dans l'exercice de leurs fonctions?

M. Laberge (Louis): C'est en plein cela. M. Marois: D'accord. Je m'excuse.

M. Laberge (Louis): L'autre question que vous nous aviez posée — enfin, il en reste deux — c'est la question des délégués de chantier. Encore une fois, nous sommes obligés de revenir là-dessus. Vous dites: On ne peut pas, de par le truchement du projet de loi no 17, changer un tas de choses qui existent et qui peuvent être mises en doute. Mais il reste que, si la loi 30 n'est pas changée, le projet de loi no 17, pour la construction, c'est de la foutaise, et je m'explique. La loi 30 prévoit que, dès qu'il y a sept travailleurs sur un chantier, ils ont le droit d'élire un délégué, n'importe qui. Ils peuvent élire n'importe qui qui n'aura jamais suivi de cours de formation en prévention, qui n'aura jamais rien suivi. C'est pourquoi, depuis quelque temps, on a énormément de difficultés à nommer des délégués de chantier. Si on veut que les comités paritaires fonctionnent dans les usines, il va falloir avoir des gens sensibilisés à la question, des gens bien formés, au courant des plus récentes techniques, et c'est la même chose dans la construction. On ne peut quand même pas espérer former au même niveau tous les travailleurs de la construction. Bien sûr, l'idéal serait que tous les travailleurs de la construction reçoivent un entraînement poussé sur les mesures de prévention sur la santé et la sécurité, évidemment, mais il ne faut quand même pas rêver en couleur.

Si on est pour avoir des délégués de chantier efficaces, il faudra qu'ils soient formés et bien formés. Nos syndicats ne peuvent quand même pas former tout le monde si la loi ne leur permet pas d'avoir des délégués qui seront délégués de chantier tant et aussi longtemps qu'ils n'abuseront pas de leurs fonctions. On a même suggéré, et c'est annexé à notre mémoire, un code d'éthique, une formule pour prendre soin de délégués de chantier au cas où ça arriverait et qu'il y aurait des abus. Mais il faut absolument que, dans la construction, on puisse former ces représentants qui seront des délégués de chantier au même titre que nous avons des délégués de département, des membres de comité paritaire, de par la loi 17; autrement, encore une fois, c'est de la foutaise.

On parle de représentants sectoriels. Dans l'industrie de la construction, nous n'avons pas le choix, je pense bien, et, apparemment, le président de l'AECQ était d'accord là-dessus, il doit y avoir une association sectorielle parce que vous n'avez pas la même situation dans les chantiers.

Quand on sait que la moyenne de la durée des chantiers, c'est entre cinq et six semaines, vous comprenez bien qu'il y a beaucoup de chantiers qui ne durent pas tellement longtemps, surtout qu'il y a beaucoup de chantiers où la présence d'un certain nombre de travailleurs d'un même métier sur un chantier qui ne dure qu'en moyenne cinq ou six semaines, ce n'est que pour quelques jours. Alors, essayer de former des comités paritaires et tout le tralala dans ces cas-là, c'est un peu utopique.

Mais l'association sectorielle pourrait se nommer des représentants des travailleurs qui auraient pour tâche d'aller dans les petits chantiers et remplacer sur ces chantiers-là les travailleurs qui seront nommés par les syndicats les plus représentatifs sur le chantier pour représenter les travailleurs et les aider dans la cause de la prévention.

M. Boudreault (Émile): M. le Président, avec votre permission, je voudrais faire juste une remarque générale qui s'applique à l'ensemble des questions auxquelles mon camarade Louis Laberge a répondu. Les principes énoncés dans le livre blanc et particulièrement à la page 194 où il est dit que le gouvernement québécois vise plutôt à créer un ensemble de conditions qui feront que le monde du travail — le titre en est Une Approche fondée sur la participation des travailleurs et des employeurs — sera en mesure d'assumer lui-même la responsabilité première des mesures de santé et de sécurité qui lui seront nécessaires, nous avons cru à ça et l'ensemble de nos... Même avant que ce soit écrit, parce que l'ensemble de nos documents, qui sont disponibles et qui ont été distribués, depuis 1975, sont bâtis par nos délégués en congrès et en colloque dans cet esprit-là. Dans l'esprit de lancer le défi à l'autre agent social, de voir si on peut avoir une participation pour établir des conditions saines et sécuritaires sur les lieux de travail. L'ensemble de nos revendications c'est ça, à partir de la formation de la commission. Si on veut vraiment... J'ai entendu des associations patronales et d'autres se scandaliser de l'ampleur des pouvoirs qui seront accordés par le projet de loi à cette commission et, dans le même souffle, parler de participation des travailleurs. C'est un peu comme celui qui disait: "Every man for himself", comme disait l'éléphant qui dansait avec le poulet. C'est une participation d'un employeur très puissant, dans un grand nombre de cas, qui voudrait avoir des travailleurs sans aucun outil d'expression ni aucun outil de défense de leurs droits.

La participation n'est pas possible, M. le Président, à moins d'avoir une espèce d'équilibre

des pouvoirs, une espèce de cadre législatif qui établit une espèce d'équilibre des pouvoirs. Ce n'est pas possible, au niveau d'une grande commission, avec autant de pouvoirs que ceux que celle-là va avoir, à moins que ce ne soit représentatif des secteurs.

Les secteurs ont été nommés d'une façon globale, mais chacun des secteurs qu'on a suggérés à la page 11 de notre mémoire regroupe aussi un très grand nombre d'autres secteurs. On s'en est tenus, dans notre proposition pour la formation de la future commission de la santé et sécurité au travail, à vraiment l'essentiel, à notre avis, d'une représentation normale des parties en milieu de travail, des agents sociaux en milieu de travail dans une commission qui va avoir un rôle à remplir dans le domaine de la prévention, un rôle très très important avec beaucoup beaucoup de pouvoirs. Mais le pouvoir, ce sera à qui finalement? Cela devrait être aux parties. Bien sûr qu'il y aura un président. Cela prend toujours quelqu'un qui représente le gouvernement pour décider éventuellement, mais ce seront les parties... Je ne peux pas comprendre que les parties qui parlent de participation s'effraient par la suite de l'ampleur des pouvoirs qui leur sont donnés.

On a vu une association patronale citer in extenso le paragraphe que je viens de lire et, ensuite, s'effrayer qu'on donne des pouvoirs à une commission où ils vont être eux-mêmes. Mais c'est quoi, ça? En ce qui concerne les délégués de chantier, M. Laberge a répondu à la question. Je voudrais tout simplement me scandaliser avec vous autres de l'indécence d'associations patronales dans le domaine de la construction qui osent citer le rapport de la commission Cliche. Ce serait peut-être important qu'elles relisent les paragraphes qui dénoncent le banditisme des employeurs de la construction et aussi, un autre paragraphe qui dénonce la collusion avec certains représentants du gouvernement dans ce temps-là. C'est aussi dans le rapport de la commission Cliche.

Je ne peux pas comprendre qu'une association patronale... D'ailleurs, quand un office, qui est chargé de la protection, de l'administration du décret, de s'assurer du respect du décret, est obligé de recourir à des injonctions pour faire respecter un ordre... C'est dans le dernier bulletin de l'Office de la construction. À la suite d'un ordre d'un inspecteur de l'Office de la construction pour une grue — c'est un cas — l'employeur a passé outre aux scellés, a fait sauter les scellés et a continué de se servir de la grue. Cela a pris une injonction en Cour supérieure pour l'arrêter. Ils ne trouvent pas que cela va assez vite. Depuis quelque temps, ils se servent de deux par quatre pour assommer les inspecteurs de l'Office de la construction.

Et ils ont l'indécence de référer au rapport Cliche, qui n'a pas poussé son enquête assez loin, parce qu'il en serait venu exactement aux mêmes conclusions. Ces employeurs ne perdent pas leur permis, M. le Président; ils continuent à construire. Ce que je voulais dire, en gros, c'est que toutes nos recommandations à votre commission sont basées sur le fait qu'on croit que la seule façon d'instaurer la participation des parties, c'est à partir de porte-parole des parties. Or, les porte-parole des parties, indépendamment du pourcentage de syndicalistes, dans quelque secteur que ce soit, ce ne sont pas les travailleurs non syndiqués; ce sont les travailleurs qui ont une voix. Cela prend une voix pour pouvoir participer.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Laberge, M. Boudreault, M. Lajoie, M. Pouliot, MM. de la Fédération des travailleurs du Québec, merci pour la présentation de votre mémoire. On a pris connaissance de votre document. On a pris connaissance, avec beaucoup d'attention aussi, du résumé de votre mémoire que M. Boudreault et M. Laberge nous ont exposé mercredi après-midi dernier. J'ai presque envie de vous dire, en boutade, que j'avais pensé, avant de vous entendre mercredi dernier, à ne pas vous poser de questions. Je vais vous dire pourquoi. Avant la présentation de votre mémoire, j'étais convaincu que c'était un oui inconditionnel de la part de la Fédération des travailleurs du Québec et particulièrement de son président, M. Laberge, à l'égard du projet de loi 17. Me référant en cela aux coupures de presse, aux commentaires dans les journaux, à la radio, à la télévision, j'avais l'impression que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes quant à la position de votre centrale à l'égard du projet de loi 17. Je m'étais dit — je continue ma boutade — J'ai presque envie de ne pas leur poser de questions, parce que ça me semble être l'amour le plus parfait entre la FTQ et le ministre et des amoureux, cela n'a jamais été dans mes habitudes de les déranger quand ils se bécotent. Lorsque j'ai lu votre mémoire...

M. Laberge (Louis): Votre discrétion vous honore. (11 heures)

M. Pagé: ... lorsque j'ai pris connaissance de votre résumé, je me suis aperçu que ça n'allait plus pour le mieux dans le meilleur des mondes et que les informations recueillies à partir de coupures de presse ou autrement n'étaient pas nécessairement fondées. D'ailleurs, vous-même, M. Laberge, vous en faites état ce matin en adressant des réserves qui peuvent être justifiées à l'égard de la presse.

Tout ça pour vous dire que c'est bien intéressant et l'échange que vous avez eu avec le ministre, les commentaires que vous avez ajoutés à la présentation de votre mémoire m'ont permis de constater que vous exprimez plusieurs réserves à l'égard du projet. Vous n'allez pas nécessairement dans le sens d'un oui inconditionnel, au contraire, je l'interprète comme étant un oui conditionnel à ce que certaines modifications soient apportées au projet de loi et c'est dans ce sens que, aujourd'hui, je suis bien heureux de vous poser ces questions.

Vos représentants, M. Boudreault entre autres, ont été ici depuis le début des travaux de la commission pour entendre les mémoires. Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est dit antérieurement, nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion de discuter et, quant à moi, de faire part de la position de l'Opposition officielle, du parti politique que je représente, à l'égard de plusieurs des aspects dudit projet de loi.

Vous avez eu l'occasion de prendre connaissance d'une réserve générale que nous constatons à l'égard du projet, à savoir que nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi no 17 impliquera une meilleure participation des travailleurs à cette cause qu'on doit avoir en commun, qui est la recherche de l'élimination des accidents du travail et des causes de maladies industrielles ou professionnelles.

On a discuté surtout sur un principe de base, c'est-à-dire qu'est-ce qui doit être dans la loi et qu'est-ce qui doit être négocié. Nous avons mis l'accent, quant à nous, sur le principe que le plus possible doit être laissé à la négociation des parties.

Nous avons exprimé notre crainte, et nous avons toujours cette crainte, que le projet de loi no 17 vienne mettre de côté ce qui s'est fait de positif, à certains égards, dans plusieurs secteurs d'industries, dans plusieurs secteurs d'entreprises au Québec. Somme toute, le projet de loi no 17 comporte l'adoption par la Commission de santé et de sécurité du travail d'un programme minimal — j'insiste beaucoup là-dessus, c'est là notre grande crainte — d'un programme-cadre minimal de santé et de sécurité, mettant de côté des programmes qui sont actuellement en application dans certains secteurs d'industries et qui peuvent aller au-delà de la norme minimale qui sera adoptée par la commission.

Ce qui s'est fait de bien, — parce qu'il s'en est fait; d'accord, je conviens avec vous qu'on peut lancer des roches à beaucoup de monde dans le dossier de la santé et de la sécurité, il y a des gens au Québec qui ont agi de façon tout à fait irresponsable, mais ce n'est pas le cas de tout le lot des travailleurs, des employeurs et des entrepreneurs au Québec. Il y a des choses positives qui ont été faites au Québec.

Notre crainte, c'est que le projet de loi no 17 constitue un frein à certaines initiatives qui ont vu le jour au Québec et qui ont été le résultat de la négociation, parce qu'il y a des syndicats qui se sont occupés de santé et de sécurité du travail depuis déjà un bon bout de temps et on doit lever notre chapeau devant ces gens.

Mercredi après-midi dernier, dans un de vos commentaires, M. Laberge, vous nous avez dit: Ce serait manquer d'expérience — je vais essayer de vous citer au texte le plus possible — que de favoriser et de laisser l'initiative, en matière de santé et de sécurité, à la libre négociation des parties. C'est un principe qu'on défend, qu'on a défendu et que je défends personnellement.

Je vais faire un commentaire général et, par la suite, j'aimerais avoir vos commentaires, quitte à revenir avec des questions. Qu'a-t-on actuellement? Le cadre juridique qu'on a actuellement, c'est que les syndicats peuvent négocier tous les aspects de ces questions relatives à la santé et à la sécurité à l'intérieur des conventions collectives et lorsque les conventions collectives sont échues. Dans le moment, il y a place pour de la libre négociation; c'est le cadre juridique actuel.

Le cadre juridique qui nous est proposé par le projet de loi no 17, c'est le droit de refus. Le droit de refus existe, c'est un droit naturel, c'est un droit fondamental qui est d'ailleurs reconnu par la jurisprudence; le projet de loi no 17 vient le libeller, vient lui donner une définition légale par le fait qu'il est prévu au projet de loi no 17 et qu'il est dans le projet de loi no 17.

Dans le droit de refus, comme tel, vous avez plusieurs réserves. Vous avez des réserves quant aux circonstances où le droit de refus peut être exercé. Vous êtes revenus sur la question des pompiers, sur la question d'un danger qui n'est pas inhérent à la fonction. Vous avez des réserves quant à l'exercice individuel du droit de refus par rapport à l'exercice collectif et vous avez aussi des réserves quant au statu quo ante, entre autres dans le secteur de la construction particulièrement, où c'est plus en évidence.

Quant au programme de prévention, le cadre juridique, ce qui est prévu dans le projet de loi no 17, ce projet consacre l'initiative au patron; entre autres, c'est clairement indiqué aux articles 47 et 63, troisièmement, quatrièmement et septièmement. En ce qui concerne la prévention, il y a quand même un arbitrage qui est obligatoire dans les cas de mésentente au comité paritaire, mésentente entre la partie patronale, les représentants de l'employeur et les travailleurs du syndicat. S'il y a mésentente, il y a un arbitrage obligatoire qui s'en va directement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Mais moi, des arbitrages obligatoires, je ne trouve pas qu'avec des mécanismes comme ceux-là on atteigne une véritable participation des travailleurs. Qu'on me parle de participation des travailleurs et de prise en charge des travailleurs, c'est beau, c'est à la mode à l'occasion et cela fait plaisir à bien du monde qu'on en parle, mais on peut en parler avec plusieurs significations. Nos représentations ont été faites en ce qui concerne les comités paritaires comme tels dans ce sens, on a exprimé la crainte que cela devienne seulement des comités de partage et de placotage parce que, dès le moment où ils seront en désaccord, ce sera un arbitrage obligatoire au niveau de la commission. C'est le régime proposé. Quant aux programmes de santé, encore là, ils sont maintenus sous la responsabilité du réseau public. La Commission de la santé et de la sécurité va adopter un programme-cadre qui s'appliquera à toutes les entreprises, programme dont les objectifs devront être atteints par toutes les entreprises établies dans la catégorie des entreprises couvertes où il y a plus de dix employés. Le comité paritaire, le comité local aura à choisir un médecin. Encore là, en cas de mésentente entre la partie patronale et

les représentants des travailleurs, arbitrage obligatoire encore une fois.

C'est le choix du médecin si les parties ne s'entendent pas; ce ne seront pas les parties qui vont choisir. Quant aux initiatives qui viendront strictement dans l'aspect santé — je mets de côté l'aspect hygiène industrielle, je mets de côté l'aspect technologique ou technique d'action au chapitre de la prévention des entreprises — je ne suis pas convaincu que cet aspect, qui est très important, demeure entre les mains des parties, parce que ce sera le réseau public. L'approche, je la trouve un peu simpliste. Je ne veux pas revenir dans le fond du débat. Le débat, on le fera en deuxième lecture de l'autre côté. Il y a la crainte de laisser le choix au médecin ou de laisser l'aspect santé entre les mains de l'employeur, la crainte de se voir blâmé par les représentants des travailleurs, la crainte de laisser le choix du médecin et l'initiative en matière de santé du côté des travailleurs et ainsi se faire blâmer par les employeurs, la façon la plus facile de régler ces craintes, c'est de prendre cela et de le mettre entre les mains d'un autre, qui est le réseau de santé publique. Je ne suis pas convaincu que c'est de la participation des travailleurs, que c'est de la prise en charge par les travailleurs.

Je regarde les deux cadres juridiques, je regarde le cadre juridique avec lequel vous aurez à vivre et vos travailleurs auront à vivre avec le projet de loi no 17, et je ne suis pas convaincu que c'est un pas en avant, sur cet aspect. C'est ce pourquoi je plaidais en faveur du principe de laisser le plus possible la négociation des parties, quitte à ce qu'on ait un cadre juridique comme celui-là qui s'applique dans les secteurs où les travailleurs ne sont pas syndiqués. Face à tout cela, M. Laberge, vous dites: C'est quand même un pas en avant. Cet aspect de la négociation, vous y êtes revenu, nous y sommes revenus. J'aimerais vous entendre là-dessus et sur la position que vous adoptez. D'accord, vous avez plusieurs réserves spécifiques. Il y en a une bonne centaine ou presque, comme vous nous avez fait part vendredi dernier. J'aimerais vous entendre là-dessus sur le cadre juridique qui est proposé par rapport à ce que cela pourrait être en laissant le plus possible de pouvoirs à la négociation.

M. Laberge (Louis): M. le Président, je suis bien heureux que le député de Portneuf ait changé d'avis et ait décidé de nous poser des questions parce que s'il y a, en dehors des députés et ministres du gouvernement, un député en particulier qui s'est préoccupé de ces questions, je pense bien que c'est le député de Portneuf. C'est pour cette raison que je vous ai dit au tout début qu'il ne faut pas se fier à ce que les journaux rapportent. Heureusement qu'après avoir lu les coupures de journaux, vous avez aussi lu notre mémoire et que vous vous êtes rendu compte que ce n'était pas un oui inconditionnel. Loin de là!

Je me suis toujours laissé dire que l'amour parfait n'existait pas. Il y en a d'ailleurs plusieurs qui, un jour, essaient de détruire ce qu'ils ado- raient la veille. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie. Pour nous, tout le domaine de la santé et de la sécurité... D'ailleurs, on n'a jamais dit que ce serait un manque d'expérience de laisser cela à la négociation des parties. On dit: Uniquement à la négociation des parties. Je pense que cela mérite que nous revenions sur ce point qui est d'une importance capitale. Si la loi 17 était adoptée et empêchait les parties de se donner des instruments mieux adaptés qui aillent plus loin que la loi 17, nous serions opposés avec véhémence à la loi 17. Il faut évidemment que les parties puissent faire plus. Nous considérons que la loi 17 serait un minimum.

Ce n'est la faute d'aucun des gouvernements qui sont passés au Québec. C'est la faute de tous les gouvernements qui sont passés au Québec, y compris l'actuel gouvernement. S'il n'y a pas plus de travailleurs syndiqués, c'est que la loi en ce qui a trait à la syndicalisation des travailleurs est telle que ce n'est pas facile d'aller syndiquer les travailleurs, surtout dans la très petite entreprise. C'est une situation de fait. Dans l'entreprise privée, il y a la vaste majorité des travailleurs qui ne sont pas syndiqués. En laissant au rapport de forces, à la libre négociation tout le domaine de la santé et de la sécurité, du revers de la main, vous éliminez tous ces gens-là.

Mais même pour ceux qui sont syndiqués, il faut quand même comprendre — et nous le vivons journalièrement, quasiment — que faire des grèves, exercer notre rapport de forces dans le domaine de la santé et de la sécurité, ce n'est pas toujours quelque chose de facile. Le Syndicat des métallos — je l'ai dit l'autre jour — est peut-être le syndicat qui a fait le plus d'arrêts de travail quant aux questions de santé et de sécurité, mais c'est assez rare qu'on réussisse à signer une convention collective et qu'on obtienne vraiment satisfaction dans le domaine de la santé et de la sécurité. Il y a une limite à ce que les travailleurs peuvent endurer. Il faut se mettre dans la tête — et il y en a plusieurs parmi vous, membres de la commission, qui ont assez d'expérience et qui savent ce que c'est — que ce n'est pas drôle pour un travailleur d'être en grève. Il ne peut pas demeurer éternellement en grève. À un moment donné, il y a des compromis qui se font. Le rapport de forces serait injuste pour la vaste majorité des travailleurs, pour tous les travailleurs non syndiqués, évidemment, mais aussi pour beaucoup de travailleurs syndiqués. Pour un groupe de travailleurs qui sort d'une grève qui a duré plusieurs semaines et parfois, malheureusement, plusieurs mois et que là quasiment tout est réglé sauf la question de la santé et de la sécurité, il y a une tentation très forte de se dire: Peut-être qu'on va être chanceux au cours de la vie de la prochaine convention collective et qu'il ne nous arrivera pas d'avarie de ce côté-là. Il faut régler quelque part et cela se règle, mais, encore une fois, nous sommes, bien sûr, entièrement d'accord avec le principe de la libre négociation. Nous avons fait tellement de batailles là-dessus. Nous ne nous croyons pas obligés d'y revenir, mais laisser tout le domaine de la

santé et de la sécurité uniquement au rapport de forces serait un manque évident d'expérience parce qu'on sait que, malheureusement, ce n'est pas dans tous les cas qu'on peut régler des choses dans ce domaine. Ceux qui sont assez bien organisés pour pouvoir le faire, tant mieux. Nous applaudissons et nous y souscrivons.

Encore une fois, — je le répète — il ne faut pas que la loi 17 empêche les parties de pouvoir négocier mieux que ce que la loi 17 offre. Nous considérons que la loi 17 est un minimum et cela ne devrait absolument pas empêcher les parties d'essayer d'obtenir mieux. (11 h 15)

Vous parlez de l'arbitrage obligatoire. Évidemment, c'est un peu odieux, l'arbitrage obligatoire. Par contre, nous ne connaissons pas encore d'autre méthode pour trancher ces questions durant la vie d'une convention collective. Évidemment, si, contrairement à ce qui s'est passé au Québec depuis toujours, l'Opposition voulait maintenant supporter que nous ayons le droit de grève en tout temps, y compris durant une convention collective, là, je serais d'accord avec vous en vlimeux pour dire: Laissons aux parties le soin de trancher. Malheureusement, disons que ce serait quelque chose d'inédit au Québec qu'il y ait des partis politiques qui, à ce moment-ci, suggèrent que nous retrouvions le droit de grève en tout temps. Ceci étant, vu que le droit de grève ne peut pas être exercé durant une convention collective, ça prend un mécanisme pour trancher les différends.

Encore une fois, nous serions très soupçonneux face à l'idée d'avoir l'arbitrage obligatoire si le projet de loi no 17 n'avait pas comme grand principe de base d'éliminer les dangers à la source. Cela, c'est d'une importance capitale.

On sait que, dans le passé — et vous aviez raison de le dire — il y a des endroits, quand même, où il s'est fait des choses qui ont fonctionné, c'est exact. Il y a des endroits, il y a des conventions collectives, il y a des ententes où cela a certainement fonctionné jusqu'à un certain point. On ne veut absolument rien jeter à terre de ce qui a été construit. Par contre, encore une fois par rapport au grand principe d'éliminer les dangers à la source, il est probable que le facteur le plus déterminant de cette désaffection de beaucoup de travailleurs vis-à-vis d'un programme de santé et de sécurité, c'est que l'employeur avait comme première réponse, sinon comme réponse unique, d'imposer le port d'appareils au lieu d'essayer d'éliminer le mal à la source.

J'ai donné l'exemple, mercredi dernier: quand il y a un problème de "fumes" dans un département quelconque, avant de penser à changer le système de ventilation, on pense à acheter des masques à gaz. C'est plus simple. C'est plus "cheap". Cela ne coûte pas aussi cher que de changer la ventilation. Ce genre de chose, nous n'en voulons plus. Nous voulons que les membres qui vont siéger au comité aient leur mot à dire dans le choix, la nécessité de porter des équipements pour la santé et la sécurité des travailleurs. Par contre, nous réalisons que le port de certains équipements s'avère une nécessité absolue dans certaines conditions. Le port du casque dur sur les chantiers de construction en est un exemple. Mais, encore une fois, ce n'est pas vrai que, parce que dans un département ou dans une usine, il y a une section où ça peut être dangereux, on devrait obliger tous les autres travailleurs à porter des équipements.

Ce que nous suggérons dans notre mémoire, c'est que la position prise par les représentants des travailleurs au comité sur la question du port d'équipements prévale tant et aussi longtemps que ça n'aura pas été tranché par la commission. Évidemment, nous croyons que la commission sera chargée, aura comme responsabilité d'appliquer la loi 17 qui contient, comme principe de base, l'élimination des dangers à la source et non pas du "patchage" sur des jambes de bois en forçant le port d'équipements qui seraient tout autre chose que vraiment et absolument nécessaires. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Quant au choix du médecin, il faut bien comprendre que, pour nous, le choix du médecin, c'est le médecin qui aura à travailler sur le programme de santé et le programme de prévention. Ce n'est pas le médecin du travailleur. Cela, c'est un droit sacré; le travailleur aura toujours le droit de choisir son médecin. D'ailleurs, on y reviendra quand le gouvernement nous présentera des amendements, en profondeur, pour me servir des paroles du ministre, à la Loi des accidents du travail. C'est là que ça doit être discuté.

Le médecin auquel il est fait référence dans la loi, c'est le médecin qui aura la responsabilité d'établir, avec le comité paritaire, un programme de santé et de sécurité. D'ailleurs, nous avons suggéré — et, apparemment, la plupart des parties qui se sont jusqu'à présent présentées devant votre commission sont d'accord avec ça — une table ronde, parce que la médecine du travail, c'est une très mauvaise appellation. On serait mieux de faire un peu comme l'Organisation internationale du travail — d'ailleurs, c'est ce que nous suggérons — et d'appeler ça l'hygiène au travail. Ce doit être multidisciplinaire; pas rien que des médecins, mais des ingénieurs, des architectes, enfin, tout le reste.

C'est pourquoi nous avons suggéré qu'avant l'adoption de la loi, même, il y ait une table ronde formée de tous ceux qui sont préoccupés par cette question qui pourraient discuter avec les membres de l'Assemblée nationale, avec les représentants du gouvernement et trouver une solution à ce problème épineux. Pour nous, il ne faut pas essayer de "médiciser" toute la question de la prévention et toute la question de l'hygiène au travail.

M. Pagé: Je vous remercie de votre commentaire...

Le Président (M. Marcoux): M. Boudreault.

M. Boudreault: Je voudrais seulement revenir sur un point, M. le Président. Évidemment, le député de Portneuf touche une corde sensible

quand il parle d'arbitrage obligatoire parce qu'il sait que ce n'est pas très populaire dans le mouvement ouvrier, on est prêt à l'admettre. Dans le fonctionnement des comités de santé et de sécurité sur les lieux de travail, c'est sûr que ce qu'on propose, soit l'arbitrage obligatoire, on le propose sur beaucoup plus de points que c'est proposé dans le projet de loi. On le propose sur tout le fonctionnement de la loi, éventuellement, ou à peu près. Cet arbitrage obligatoire a ceci de particulier, c'est que c'est un arbitrage obligatoire devant un organisme paritaire aussi, où les parties sont représentées. C'est un arbitrage devant nos pairs, finalement, avec la différence qu'en fonction d'un employeur en particulier, s'il y a un différend entre l'employeur et le syndicat, les représentants des travailleurs se retrouveraient devant des représentants de l'ensemble de l'agent social, dans l'un ou l'autre des cas.

C'est curieux que — et on le sait au niveau des comités consultatifs qui fonctionnent à l'heure actuelle - parfois, quand on parle au représentant attitré de l'ensemble de l'agent social, on en arrive à des conclusions qui sont passablement différentes de celles auxquelles on arrive quand on parle à un employeur en particulier. On pourrait vous citer toute une série d'exemples à ce sujet. Il nous semble que cet arbitrage — parce qu'à un moment donné, il faut que quelqu'un décide, à moins qu'on se batte avec des mitraillettes — cette implication de l'agent social dans le règlement des différends pour le fonctionnement d'une loi de prévention, il semble que c'est parfaitement sain parce que, justement, toute l'économie de la loi est basée sur le fait que l'organisme qui va voir à son administration va être un organisme représentatif des agents sociaux.

M. Pagé: Je vous remercie de votre commentaire. Je vais tenter d'être quand même assez bref, quoiqu'on pourrait passer plusieurs demi-heures sur le sujet, ce serait très intéressant. D'abord, je trouve intéressante et positive votre suggestion d'une table ronde avec de nombreux intervenants avant la mise en application de la loi. C'est une façon, je pense, de ne pas "médicaliser" le problème, parce que le problème, il ne faut pas le "médicaliser" non plus. Il y a d'autres intervenants que les médecins dans ce débat qui, de par leurs fonctions, leurs responsabilités ou leurs connaissances, sont tout aussi importants.

Je vais vous donner un exemple à l'appui de la crainte que nous avons. Le programme-cadre sera adopté par la commission de santé et de sécurité. On a des entreprises où cela va bien, et vous dites que le principe doit être consacré à la libre négociation des parties pour aller au-delà. À l'article 96 du projet de loi, il est quand même stipulé que l'employeur ne peut mettre en application un programme de santé additionnel à celui que prévoit la présente loi sans avoir au préalable obtenu l'assentiment des représentants des travailleurs au sein du comité de santé et de sécurité, un programme de santé additionnel est aux frais de l'employeur... Je m'excuse, peut-être que le ministre ou un de ses collaborateurs pourra trouver l'article spécifique où ce programme de santé, avant d'être en application, doit être déposé à la commission de santé et de sécurité; c'est bien écrit dans le projet de loi, je m'excuse, je n'ai pas l'article ici.

M. Laberge (Louis): On n'a pas besoin du numéro de l'article.

M. Pagé: Le programme spécifique doit être soumis à la commission de santé. Qu'on prenne un secteur particulier que vous connaissez, qu'on prenne le secteur de l'amiante. Le gouvernement, avec le projet de loi qu'il a déposé, avec l'intention d'acquérir et d'intervenir directement dans le secteur de l'amiante, le gouvernement sera employeur dans le secteur de l'amiante.

Il y aura un programme de santé spécifique qui prévoira des normes particulières et précises quant au contact du travailleur et de la travailleuse avec la fibre de l'amiante. Il y a certaines entreprises au Québec qui font de la transformation de l'amiante. M. Lajoie se rappellera certainement le dossier de Atlas à Montréal, où il y a eu une grève qui a été longue, qui a coûté cher, je pense, à tout le monde, et où les travailleurs ont dû se battre, entre autres, pour des conditions de santé.

Si, dans une entreprise comme celle-là — on peut la nommer, cela a été rendu public, c'était Atlas, à Montréal, Atlas Asbestos — les travailleurs se négocient un programme de santé, des conditions de travail, entrent même dans la norme et vont au-delà du programme de santé minimal, ma crainte à moi, c'est que la commission de santé n'accepte pas nécessairement ce qui aura été négocié librement par les parties, à cause de l'effet d'entraînement que ça pourra éventuellement avoir. Cela peut arriver, et peu importe le gouvernement ou qui sera là. À la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la grosse commission, la commission provinciale, il y aura des représentants, ce sera paritaire, et il y aura un directeur général nommé par le gouvernement.

Advenant que le gouvernement craigne que l'acceptation d'un programme de santé spécifique dans un secteur — comme exemple je donne le secteur de l'amiante — ait une répercussion sur toutes ses conventions dans les autres usines d'extraction où le gouvernement est lui-même propriétaire, je me dis: Cela peut être une limitation à la libre négociation. Les gens qui ont librement négocié un dossier spécifique comme celui-là peuvent se faire dire non, compte tenu du danger d'effet d'entraînement et de l'effet économique — et peu importe l'effet — que cela peut avoir dans les usines d'extraction. C'est avec des situations bien spécifiques comme celles-là qu'on aura à vivre, et la crainte est exprimée, elle est exposée. Je me dis que le gouvernement et les intervenants devraient mettre l'accent là-dessus, parce que ça peut être dangereux.

M. Laberge (Louis): M. le Président, c'est sans aucune espèce d'hésitation que là-dessus je suis

très disposé à dire au député et aux membres de la commission que si cela arrivait — on ne se bat pas, on n'aime pas se battre contre des moulins à vent — là-dessus, on se battrait comme des chiens. J'ai ici le relevé des effectifs de la FTQ et, en même temps, cela va peut-être éclairer certaines personnes. C'est en date des 27 et 28 septembre, et c'est préparé pour le Conseil général de la FTQ. Si vous voulez, M. le ministre, je pourrais vous en donner une copie, ce sera bon lorsque viendra le temps de parler de comité paritaire et de représentation, etc. Alors, vous arrivez au total de 320 171 membres cotisants.

Nous sommes représentatifs dans tous les secteurs les plus importants touchés par le projet de loi. Il faut que le projet de loi soit un minimum établi, encore une fois, comme on l'a dit tantôt, pour couvrir tout le monde, ceux qui n'ont pas de voix, tous les travailleurs non syndiqués. Malheuseusement, à moins qu'il y ait des associations sectorielles et des représentants des associations qui vont siéger dans les associations sectorielles pour voir à l'application du projet de loi, nous craignons très fort que, dans la majorité des cas des travailleurs non syndiqués, cela ne les protégera pas non plus. Mais pour les travailleurs syndiqués, par exemple, nous considérons que c'est un strict minimum. Vous pouvez être assurés que, si nous réussissons à négocier quelque chose de mieux, qui va plus loin que ce qui est contenu dans la loi, nous serions tout disposés et tout prêts à nous battre jusqu'au bout pour l'obtenir. Pour nous, on n'a pas l'intention d'aller se coucher et s'endormir une fois le projet de loi adopté. C'est le commencement. C'est le commencement de la mise en place d'un mécanisme qui nous a toujours manqué, d'abord parce qu'il y a eu le fouillis de sept ou huit ministères qui avaient des bouts de juridiction là-dedans et tout le reste, mais c'est la mise en place d'un mécanisme qui va nous permettre d'oeuvrer directement dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. (11 h 30)

Pour nous, c'est le commencement. Nous avons l'intention de tout mettre en oeuvre pour sensibiliser notre monde, pour le former, pour s'assurer du respect du projet de loi et donner davantage de pouvoirs à ceux qui peuvent négocier mieux que ce qu'il y a dans le projet de loi. Maintenant, la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas opposés à ce qu'un programme de santé établi dans une usine, après négociations, soit transmis à la commission, c'est bien simple; c'est qu'on ne veut pas que se reproduise à l'avenir ce qui s'est trop souvent produit dans le passé quand une lettre de l'employeur disait: Nous avons mis sur pied un comité paritaire, nous avons maintenant le droit de recevoir des subventions, alors que, dans le fond, ce n'était vraiment pas un comité paritaire. Il y avait un club de chasse et de pêche et ils se rencontraient pour un "party" une fois ou deux par année.

Nous voulons que la commission où nous serons représentés puisse s'assurer qu'un programme de santé établi dans une usine quelcon- que entre au moins dans le cadre des grands principes établis par la loi. Qu'il aille au-delà de ça, nous applaudissons. Mais qu'il respecte au moins les grands principes établis. C'est pour ça que nous croyons que ça devrait être soumis à la commission, simplement pour s'assurer que c'est vrai qu'il y a un programme de santé, pas un supposé programme de santé où on essaie de se sauver des responsabilités qui sont données par la loi. C'est dans ce sens.

M. Pagé: D'ailleurs, là-dessus, le ministre nous a déjà dit qu'il était un peu ébranlé par les commentaires des intervenants sur les pouvoirs attribués au comité paritaire, le comité de santé à l'intérieur de l'entreprise, parce que plusieurs intervenants, comme nous-mêmes, avons mis en relief le fait que ces pouvoirs étaient très limités. Ce n'était même pas un véritable pouvoir de négociation, c'était un pouvoir de discussion, et, en cas de mésentente, avec l'arbitrage obligatoire.

D'ailleurs, c'est bien prévu à l'article 63, si ma mémoire est fidèle. De toute façon, on va attendre les modifications au projet de loi, si modifications il y a, et, sur la foi de ça, on verra la position à adopter en deuxième et en troisième lecture, particulièrement en troisième lecture.

J'aurais un dernier commentaire, M. le Président, à formuler. Je remercie les représentants de ce matin d'avoir mis l'accent sur le secteur de la construction. Je suis un peu peiné, quoique c'est probablement justifiable, le ministre du Travail a pas mal de boulot, qu'il ne soit pas ici ce matin — mon ami d'en face, M. Johnson — parce que le secteur de la construction est particulier. C'est un secteur où je ne suis pas convaincu que les dispositions prévues au projet de loi 17 font le tour de la maison, sont libellées de façon telle qu'on pourra atteindre les objectifs. Vous savez, quant à la norme d'un chantier de construction de plus de tant de travailleurs et du nombre de semaines où ils devront travailler, je me dis que je ne suis pas convaincu qu'on pourra atteindre l'objectif qu'on doit rechercher, tout au moins, dans un secteur où il y a tellement d'accidents. À ce titre, j'ai bien apprécié les représentations que vous avez faites, entre autres, au sujet du statu quo ante, parce que dans le secteur de la construction, ce serait facile de donner un droit aux travailleurs — là, mes commentaires s'adressent surtout au ministre — mais si ce droit ne peut être exercé, compte tenu du contexte, c'est un peu illusoire de le libeller, de l'écrire. Le législateur, normalement, ne doit pas parler pour ne rien dire.

La situation qu'on vit dans le moment n'est pas facile non plus. L'allusion que vous avez faite aux inspecteurs de l'OCQ, M. Laberge, est fondée. J'ai exprimé le reproche, au début des travaux de cette commission, qu'à l'Office de la construction du Québec, dans le moment — c'est regrettable, ce n'est pas la faute des inspecteurs qui sont là et ce n'est pas la faute des gens de l'OCQ — il y a un règlement de placement qui est tel que les effectifs à l'OCQ font beaucoup plus de travail relatif au règlement de placement, avec la classification, les

A, B, C, les références d'embauche à gauche et à droite, qu'ils ne peuvent faire d'inspection.

Il y a tellement d'employeurs et de petits entrepreneurs au Québec qui ont des problèmes avec l'OCQ, qu'ils ne sont pas capables d'embaucher le travailleur qualifié qui a un certificat de qualification à côté de chez lui; cela a comme résultat la situation qui prévaut, soit que bien souvent les inspecteurs se font recevoir avec une brique et un fanal, pour ne pas dire plus. Pendant qu'ils se font recevoir avec une brique et un fanal, ils ne font pas d'inspection. Je trouve tout à fait inacceptable que des inspecteurs en sécurité à l'OCQ — cela a été le cas récemment — soient obligés de faire des déclarations publiques pour dire: On veut être plus d'un pour aller "sur une job", parce qu'on commence à avoir peur.

Je me dis que le gouvernement a certainement une responsabilité à ce chapitre. C'est bien de parler de santé, c'est bien de parler de sécurité, c'est bien de parler d'inspection, d'effectifs renforcés, de joindre tous les services d'inspection, de coordination, c'est beau. Cela paraît bien devant une commission parlementaire, cela paraît bien devant la presse et c'est très bien; mais dans les faits je ne suis pas convaincu que c'est ça qui se passe dans le moment.

Alors, j'invite, par le dernier commentaire que je formule, mon collègue, le ministre d'État au développement social, à jeter un coup d'oeil particulier sur le secteur de la construction, à voir jusqu'où il faudra modifier le projet de loi pour être certain d'atteindre les objectifs que nous nous devons d'atteindre et à inviter son collègue, le ministre du Travail, à jeter un coup d'oeil sur la situation qui prévaut actuellement. Je conviens que le ministre du Travail est pas mal occupé avec le tas de conflits ouvriers qu'on a au Québec; c'est une autre chose, on pourra s'en reparler à l'Assemblée, mais il devrait jeter un coup d'oeil particulier dans le secteur de la construction, et sur ce qui se passe à l'OCQ dans le moment. M. le Président, c'était là l'essentiel de mes commentaires. Merci, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je voudrais vous dire que j'ai été retardé de quelques minutes, mais...

Le Président (M. Marcoux): Simplement une formalité. Je pourrais vous inscrire comme intervenant en remplacement de M. Brochu (Richmond)...

M. Bellemare: Oui, justement.

Le Président (M. Marcoux): ... s'il y a consentement des membres de la commission.

M. Pagé: D'emblée.

M. Bellemare: M. le Président, le mémoire qu'a présenté la FTQ me semble correspondre presque mot à mot avec ce que j'ai dit quand la CSN est venue. Il y a là un sujet qui mérite sûrement notre attention puisqu'on ne fait pas seulement démolir ou essayer de démolir; on dit qu'on a confiance dans l'avenir.

D'ailleurs, je suis bien appuyé, ce matin, par le juge Beaudry et par les trois membres de la commission qui a siégé dernièrement, commission d'étude sur la salubrité dans l'industrie de l'amiante. Je tiens à le répéter pour être sûr que je ne manifeste aucune rancune contre personne. Mais ce que j'ai dit lorsque la CSN est venue, je continue à le penser.

Le mémoire de la FTQ est plus constructif et plus dans la ligne du progrès qu'on doit faire aujourd'hui; "other days, other ways", autres temps, autres moeurs. "Malgré ses limites — disait le juge Beaudry, le 10 septembre — le projet de loi no 17 sur la sécurité et la santé du travail représente plus qu'un simple pas en avant; c'est plutôt un véritable saut en avant pour l'amélioration des conditions de travail; on passe presque du noir au blanc. S'il est adopté, ce projet de loi placera le Québec au rang des pays les plus avancés dans la protection des travailleurs."

Donc, M. le Président, un homme qui est juge et qui est complètement en dehors du syndicalisme et des mouvements politiques a pris le temps, avec deux autres membres, d'étudier la salubrité et la sécurité au travail. Ils ont passé des semaines à étudier ça, dans un domaine bien précis, l'amiante, mais ça peut s'appliquer, à juste titre, au projet de loi qui est devant nous présentement, parce qu'il est dit ceci: "Maintenant, les trois membres de l'ex-commission Beaudry croient toujours que le projet de loi no 17 devrait placer le service d'inspection unifié sous la direction de la commission provinciale de la sécurité et de la santé du travail." Voici une constatation évidente où un point précis est touché. Au lieu d'avoir une législation, comme le disait tout à l'heure l'honorable président de la FTQ, M. Laberge, éparse dans plusieurs ministères, on va au moins la regrouper. On fait un pas en avant, on fait même un saut. Le juge Beaudry dit encore: "Cette législation introduit non seulement le principe de la prévention des accidents et maladies, mais elle prévoit aussi des modalités pour faire un bon bout de chemin dans ce sens."

Est-ce que c'est Maurice Bellemare qui dit ça? Non, c'est le juge Beaudry qui vient de l'admettre. Je ne veux pas être un flagorneur à l'endroit du ministre, mais je dis et je répète que j'ai vécu moi-même une situation assez propice pour me rendre compte des faits qui sont aujourd'hui étayés dans le projet de loi no 17 et qui en font une loi avant-gardiste. Il y aura certainement des modifications à apporter; je me réserve le droit de critiquer, lors de l'étude article par article, certains articles qui me semblent aller un peu loin.

Quand je lis dans le projet de loi — d'ailleurs, M. Laberge et M. Boudreault ont raison de le dire — l'article 7: "Rien dans la présente loi ou les règlements ne doit être interprété comme diminuant les droits d'un travailleur en vertu d'une

convention collective, d'une loi, d'un règlement, d'un décret, d'un arrêté en conseil ou d'une ordonnance en vigueur. Là vous avez une protection évidente qu'au moins le strict minimum qui a été préconisé dans les lois, les règlements et particulièrement les conventions collectives sera respecté parce qu'en vertu de la loi, article 7, il y a une disposition spéciale qui a pris la peine de le dire.

Maintenant, je ne sais pas ce que pense la FTQ sur l'article qui prévoit un refus au travail. Ne voyez-vous pas dans cela une différence énorme entre le droit de refuser qui est mal fondé et l'exercice du droit de refus de mauvaise foi? Ce serait ma première question. Ne voyez-vous pas dans cela un droit de refus qui est mal fondé et l'exercice d'un droit de refus de mauvaise foi? Est-ce que vous pouvez me donner certaines explications? Dans votre mémoire, à la page 17, vous parlez des moyens d'équipement de protection. Vous avez parlé du casque tout à l'heure. On peut parler des gants, on peut parler des bottines. J'aimerais bien savoir si on peut faire la différence entre le refus d'un gars d'aller au travail et sa mauvaise foi. C'est difficile, en la matière. C'est ma première question.

M. Laberge (Louis): M. le Président, je suis bien heureux des commentaires du député de Johnson. Ce n'est pas la première fois que nous sommes d'accord sur cette question de santé et de sécurité. Il y a déjà un petit bout de temps que nous en discutons. Malgré tout, n'insistez pas trop trop en disant que notre mémoire est positif et tout cela parce qu'aux yeux de certaines gens, être positif, de nos jours, ce n'est pas bien considéré.

M. Bellemare: Je dirai, M. le Président, que la parenthèse que fait le président de la FTQ n'est pas de mise.

M. Laberge (Louis): M. le député...

M. Bellemare: C'est un mémoire constructif.

M. Laberge (Louis): Nous le croyons et nous sommes bien convaincus, nous, de l'absolue nécessité d'avoir un projet de loi qui ramasse tout cela, un projet de loi unifié avec une commission pour chapeauter tout cela. Vous avez déjà entendu parler la FTQ dans ce sens, et nous continuons parce que nous croyons que c'est la seule façon.

M. Bellemare: Admettez que je vous ai rendu justice dans bien des cas aussi.

M. Laberge (Louis): Je n'ai jamais dit le contraire.

M. Bellemare: Dites-le, toujours. Ce serait le temps.

M. Laberge (Louis): M. le député, vu que j'ai des élections avant vous, moi c'est au mois de novembre, vous c'est probablement encore seulement dans un an ou deux, en tous les cas...

M. Bellemare: Pas sûr!

M. Laberge (Louis): Si cela ne vous fait rien, je vais commencer par penser aux miennes. D'accord. Le droit de refus, évidemment, c'est un peu, si vous m'en passez l'expression, la pierre d'achoppement du projet de loi. Sans un droit de refus réel, efficace, un droit de refus qui veut vraiment dire cela, c'est un peu utopique de penser qu'on pourra vraiment donner le coup de barre qui est absolument nécessaire pour protéger la vie et la santé des travailleurs. Je comprends qu'il y en ait qui soient inquiets et qui disent: Oui, mais un droit de refus trop clair, il y en a qui vont en abuser. Cela existe ailleurs depuis déjà un bon bout de temps, et malgré la peur que je ne qualifierai pas, je ne lui donnerai pas de couleur, mais la peur de certains à ce sujet, le nombre d'abus qui ont été relevés dans les autres provinces et dans les autres pays où cela existe est très minime, pour ne pas dire quasi inexistant. Plus nous aurons une loi qui va véritablement nous donner l'outil nécessaire pour protéger la vie et la santé des travailleurs, plus nous serons intéressés à ne rien faire qui pourrait nuire à l'application de la loi.

Je m'explique. Si nous avons des lois qui permettent aux travailleurs de se syndiquer, qui permettent de négocier, qui les protègent lorsqu'il y a des conflits de travail, qui ne protègent pas seulement un côté, mais qui protègent les deux, il est bien évident que nous avons encore plus d'intérêt à respecter le Code du travail, à respecter toutes les lois. C'est un peu la même chose dans le domaine de la santé et de la sécurité. S'il y avait une loi qui ne vous protège pas, je vais dire: Vous n'avez pas beaucoup d'intérêt à essayer de respecter une loi qui ne vous protège pas. Mais si nous obtenons une loi qui nous donne les outils nécessaires pour nous protéger, nous voulons que cette loi soit respectée. (11 h 45)

Le droit de refus doit être exercé et c'est pourquoi nous voulons que les centrales syndicales soient mises responsables de ce droit. Le représentant syndical qui tombe d'accord avec le travailleur qui refuse, on veut que ce travailleur soit protégé tant que la commission n'aura pas pris de décision à ce sujet. Autrement — vous le savez, cela existe dans les chantiers de construction — le Code de sécurité prévoit déjà que les travailleurs de la construction ont le droit de refuser un travail. Pourtant, le président de l'AECQ est venu s'en vanter, il n'y a pas eu un seul arrêt de travail, il n'y a pas eu un seul droit de refus d'exercé en 1978. Pourquoi? D'abord, parce que le travailleur n'est pas payé. Deuxièmement, parce qu'il se fait sacrer dehors. Troisièmement, parce qu'il est "blackboulé". Il est mis sur la liste. C'est un trouble-fête. Cela se passe particulièrement au chantier de la baie James. C'est un trouble-fête et on ne le reprend plus parce qu'il a eu le culot de

revendiquer son droit de refuser d'accomplir une fonction qui était dangereuse pour sa santé et bien souvent pour sa vie. Les statistiques dans la construction nous démontrent clairement qu'il aurait dû y avoir des droits de refus d'exercés. Moins de travailleurs se seraient tués dans ce domaine. Encore une fois, nous croyons que c'est quasiment la pierre d'achoppement du projet de loi. Un droit de refus doit être clair. Le travailleur ne doit pas avoir peur d'être pénalisé s'il exerce son droit. Nous croyons que le syndicat doit être impliqué dès le début parce que nous aurons des gens formés, sensibilisés à la question, au jugement normalement assez sûr et si, à un moment donné, il y a des abus, il y a toujours des façons de corriger les abus. Mais la pire chose qu'on peut faire, c'est de ne pas accorder ce droit de refus et de déplorer encore des dizaines et des dizaines de travailleurs mutilés et tués parce qu'il y a des travaux dangereux qui ont été accomplis sans prendre les précautions nécessaires.

M. Bellemare: Je comprends, M. Laberge, que vous parlez au point de vue des individus et non collectivement du droit de refuser.

M. Laberge (Louis): Nous croyons que, justement, les syndicats devraient avoir cette responsabilité et nous parlons du droit collectif. Il faut bien s'entendre là-dessus. Il y en a qui font une montagne avec le droit collectif. Ce qu'on demande, ce n'est pas d'arrêter une usine complète parce qu'il y a une section où il y a un travail dangereux. Ce n'est pas cela, pas une maudite miette. C'est tout simplement que l'action qui est déjà prévue dans le projet de loi qui, d'après le projet de loi doit être enclenchée par un travailleur dans le cas d'un droit collectif, cela pourrait être enclenché par le représentant syndical. Ce n'est pas une montagne.

M. Bellemare: Ce n'est pas une montagne, mais c'est un drôle d'affranchissement à faire.

M. Laberge (Louis): M. le Président et M. le député de Johnson, je pense que vous allez reconnaître qu'on est rendu en 1979.

M. Bellemare: Je l'ai dit tout à l'heure.

M. Laberge (Louis): Les lois sont telles que, maintenant, il devient de plus en plus délicat et cher de faire des choses qui sont contre la loi. Nous avons des exemples très vivants de cela et pourrais-je vous dire que nous avons un peu une sainte peur de gestes — comment pourrais-je dire? — non pas pensés, mais impulsifs...

M. Bellemare: Irréfléchis.

M. Laberge (Louis): Impulsifs.

M. Bellemare: M. le Président, je voudrais simplement... Ce ne sera pas très long parce que j'ai déjà fait une intervention sur la CSN que vous avez dû apprécier, M. le ministre, parce que vous m'avez parlé de pot de fleurs. Mais ce n'est pas un pot de fleurs. C'est simplement une constatation d'un homme qui a véritablement vécu le domaine ouvrier. Je vois dans les obligations à l'article 38 que le travailleur doit prendre connaissance du programme de prévention applicable. Auriez-vous objection à ce qu'on ajoute, à l'article 38, respecter les mesures de sécurité? Ce n'est rien d'alarmant. C'est simplement si le bon sens vous suggère de nous dire si c'est bien ou non. Il y a là les obligations par la loi de prendre les mesures nécessaires, de veiller à ne pas mettre en danger la santé et la sécurité d'une personne, se soumettre aux examens de santé, participer à l'élimination des risques d'accident, collaborer avec le comité de santé. Moi, je suggérerais de respecter les mesures de prévention. C'est bien simple.

M. Laberge (Louis): Là, M. le Président, il faut faire bien attention d'en mettre un peu trop sur les épaules du travailleur pris individuellement.

M. Bellemare: Oui, mais trop fort ne casse pas.

M. Laberge (Louis): Je m'explique là-dessus. Par exemple, lorsqu'on parlait des équipements sécuritaires — ça, vous le savez, c'est un sujet très délicat et, là-dessus, on s'est fait dire des choses désagréables — peut-être que chez nous, nous avons vécu des expériences que d'autres n'ont pas vécues et c'est peut-être un peu pour ça que nous y pensons un peu différemment.

Par exemple, mon confrère Boudreault ici, à ma gauche, a vécu ça. À un moment donné, à un travailleur qui avait été un peu imprudent dans une situation dangereuse — où le danger aurait dû être éliminé à la source, mais, dans le temps, c'était scandaleux de parler de choses semblables — il est arrivé un accident malheureux. Il a eu à ramasser son vieux "chum" à la pelle. Quand ça vous arrive, ça vous marque pour fort longtemps. Nous avons été marqués, à la FTQ. Dans plusieurs de nos syndicats, nous avons perdu des "chums", nous avons perdu des camarades, nous avons perdu des gens que nous connaissions, parce que les normes sur la santé et la sécurité n'étaient pas respectées. C'est pourquoi ça nous place peut-être dans une position avantageuse. Par contre, il y en a qui ne semblent pas comprendre notre position.

Ce que nous disons là-dessus, c'est qu'il y aura un comité paritaire avec des représentants qui seront nommés par les travailleurs. Si les représentants sont d'accord, d'abord, que le danger ne peut pas être éliminé à la source... Je veux dire qu'on ne peut pas éliminer tous les dangers à la source. Je voudrais bien pouvoir vous dire que nous faisons ensemble fausse route, parce qu'on devrait éliminer tous les dangers à la source. S'il fallait faire ça, je pense que, demain matin, il n'y aurait pas beaucoup d'usines qui fonctionneraient, ni au Québec, ni ailleurs. Des dangers, même si le grand principe veut que nous essayions de les éliminer à la source, on sait

qu'avant que la technologie moderne ne soit tellement avancée, il y en aura encore pour un bout de temps.

Ceci étant dit, il y aura des appareils sécuritaires qui seront nécessaires. Mais nous ne voulons pas, non plus, des abus qu'on a connus dans le passé et qui sont la cause de la désaffectation des travailleurs eux-mêmes vis-à-vis de leur propre santé et sécurité. Encore une fois, le problème du bruit, par exemple, dans un département. Au lieu d'essayer de faire quelque chose pour éliminer le bruit, la première chose qu'on faisait, c'était d'acheter des oreilles aux travailleurs et ils portaient des oreilles. Remarquez bien que — l'expérience le démontre maintenant — ça ne protégeait pas nécessairement leur tympan, ni leur appareil auditif, malheureusement, sauf que cela atténuait quelque peu le bruit.

On a dépensé des fortunes dans le domaine de l'aéronautique, non pas pour protéger la vie et la santé des travailleurs qui travaillaient là-dedans, mais parce que la population alentour s'en plaignait. Cela, vous allez reconnaître que c'est un fait. Jamais on n'avait trouvé le moyen de diminuer d'un décibel le bruit des moteurs à réaction. Pourtant, on en a trouvé maintenant le moyen, parce que ça dérangeait tout le monde.

C'est ça qu'on veut dire, M. le ministre... M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Merci pour le ministre. Cela viendra encore une autre fois.

M. Laberge (Louis): C'est qu'en disant ça, je regardais le président de la commission, M. le député, mais j'ai pensé que c'était une question que vous m'aviez posée.

Le Président (M. Marcoux): J'ai plutôt pensé que vous vouliez répondre à son désir de tantôt.

M. Laberge (Louis): M. le député, c'est pour ça que pour nous, c'est d'une importance capitale, cette affaire. Nous allons aussi loin que dire que si les représentants du travailleur au comité sont d'accord sur le port de certains équipements obligatoires, nous sommes d'accord, nous, à jouer notre rôle et dire au travailleur: Porte-les. S'il y a désaccord, nous croyons que la position des représentants des travailleurs devrait être maintenue tant et aussi longtemps que la commission n'aura pas tranché, à un moment donné. Il faut bien que quelqu'un tranche quelque part. C'est la position que nous avons prise dans notre mémoire.

M. Bellemare: Dans la dernière question, je voudrais simplement vous demander si vous auriez une suggestion au sujet des médecins qui seront choisis. Par quel moyen propice, d'après vous? Parce que là, si ce sont les syndicats qui les nomment, on va dire: C'est un gars du syndicat. Si c'est le patron qui le nomme, on va dire: C'est encore l'éternel patron. Est-ce que vous avez un moyen terme? Quelle serait la meilleure forme à prendre pour le choix d'un médecin?

M. Laberge (Louis): Le comité paritaire, et c'est ce que nous disons dans notre mémoire. Maintenant, il faut bien faire attention: ce n'est pas le choix du médecin qui va traiter un travailleur; c'est le choix du médecin qui aura la responsabilité de développer, avec le comité, un programme de santé et d'hygiène au travail. Je pense qu'il y en a qui se mélangent là-dessus. Ce que nous suggérons pour la balance, c'est une table ronde de tous ceux qui sont préoccupés par la question de l'hygiène au travail: les ingénieurs, les médecins; que tous ceux qui sont préoccupés par cela en discutent et qu'on trouve une formule qui fera l'affaire de tout le monde. D'ailleurs, j'ai remarqué que l'Association des omnipraticiens, le Conseil du patronat, plusieurs organismes qui se sont présentés devant vous semblent trouver l'idée heureuse d'avoir cette table ronde pour essayer de trouver une formule qui fera l'affaire de tout le monde.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, j'aurai une couple de commentaires et de questions. Tout d'abord, je ne sais pas si j'ai mal interprété le député de Portneuf tantôt — si c'est une erreur, on me reprendra — quand il disait qu'il appréhendait un danger de fixer des minima à l'intérieur d'une loi dans le domaine de la sécurité et de la santé, que cela aurait pour effet d'atténuer la portée des négociations par le fait que le gouvernement, d'une certaine façon, pouvait être éventuellement impliqué comme employeur. C'est ce que j'ai interprété des propos du député de Portneuf. Si je fais erreur, il est aussi bien de me reprendre tout de suite parce que cela va changer mes propos.

M. Pagé: Vous ne faites pas erreur, c'est la crainte que nous avons à l'égard non pas du programme de santé dans la loi, parce que le programme de santé n'est pas dans la loi et ne sera pas dans la loi, mais du programme de santé adopté par la commission de la santé et de la sécurité. C'est l'appréhension que nous avons et on verra avec l'application de la loi; cette loi sera en vigueur l'année prochaine, elle va s'appliquer. Nous serons encore tous ici. À l'égard des membres de la majorité ministérielle, je ne suis pas convaincu parce qu'il y en a plusieurs qui ne seront pas ici, mais on pourra en rediscuter.

M. Chevrette: Je ne crains pas pour cela; c'est pour ça que je suis fort aise de vous parler.

M. Pagé: On s'en reparlera.

M. Chevrette: Ce que je veux expliquer là-dessus, c'est que je suis en désaccord pour les motifs suivants. Je partage plutôt l'idée de la FTQ. Il m'apparaît que c'est extrêmement difficile, au niveau de la négociation, de faire des percées assez importantes pour améliorer le sort des tra-

vailleurs dans le domaine de la santé et de la sécurité. Bien souvent, on est porté, sur des fins de course dans les conflits de travail, à mettre l'accent sur le salarial et à faire oublier aux travailleurs comme tels qu'il y a un point bien important qui est la santé et la sécurité. C'est pour cela que, personnellement, je considère qu'on doit non pas mettre le minimum, mais le maximum possible dans une législation pour protéger le travailleur.

À ce compte, je dois vous dire que c'est la même chose pour le salaire minimum au Québec. On fixe des minima à l'intérieur de la loi et ce sont les rapports de force, après, entre employeurs et syndiqués, qui font qu'on va chercher plus que ces minima. On a des exemples de lois qui nous démontrent qu'on n'a pas à craindre plus au niveau de la loi 17. À ce compte, on aurait à craindre au niveau de la loi 126, on aurait à craindre au niveau de la Loi du salaire minimum comme telle qui est adoptée depuis fort longtemps et où ces minima ont été défoncés grâce, bien sûr, à des rapports de force entre employeurs et législateurs. Là-dessus, je partage entièrement l'opinion de la FTQ qui dit: Au niveau de la loi, on doit mettre le maximum décent pour assurer que ce soit un minimum décent pour le salarié comme tel.

Il y a une autre chose qui ne plaira pas au ministre Marois parce qu'il n'aime pas qu'on parle de lui. Je ne suis pas sûr qu'il n'est pas d'accord sur le fond, mais il n'aimera sans doute pas que je le soulève. Il y a un point sur lequel je suis entièrement d'accord avec la FTQ — je me suis un peu battu au niveau du comité; cela ne figure pas dans la loi, mais j'aimerais bien que cela y figure — c'est la responsabilité ministérielle de la loi. (12 heures)

Dans les circonstances, il m'apparaît qu'une telle loi relève de deux ministères: le ministère des Affaires sociales, santé, et ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et que tu donnes par législation, que tu attitres la responsabilité de cette législation au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je pense qu'il manquerait une dimension. La même chose si on le mettait au ministère des Affaires sociales, il manquerait une dimension. Il m'apparaît que la responsabilité revient au coordonnateur des deux ministères. Là-dessus, ça ne fait que refléter personnellement ce que je soutenais au niveau du comité de travail, en termes de responsabilité, tout comme, par exemple, la centralisation de l'inspection.

J'aurais quelques questions maintenant dans le domaine de la construction, secteur sur lequel j'ai eu à me pencher, heureusement dans certains cas, malheureusement dans d'autres cas. Pour la construction, au niveau des gros chantiers, je pense que la loi peut assez décemment répondre aux aspirations des travailleurs. Mais là où j'ai des inquiétudes, et j'aimerais vous entendre, c'est au niveau de la multitude des petits chantiers dans des régions comme, par exemple, l'Abitibi, comme, par exemple, la Côte Nord où tu peux avoir des petits chantiers à 50, 75 ou 100 milles de distance, de très petits chantiers pour une période de deux mois, trois mois ou quelque chose du genre. Votre conception là-dessus? Vous avez des chantiers où vous n'aurez même pas le nombre requis pour nommer un délégué. Comment verriez-vous véritablement un certain — je ne dirais pas — contrôle, une certaine surveillance au moins, ou, encore, tout au moins, la présence du témoin quand le geste se posera? Il m'apparaît que s'il n'y a pas plus de refus individuel, c'est purement et simplement parce que l'individu peut carrément se retrouver tout seul pour prouver par la suite sa bonne foi, alors que si on lui assurait la présence d'un partenaire, d'un confrère de travail ou d'un représentant des associations reconnues, l'individu pourrait avoir la conviction qu'il ne sera pas seul à se présenter pour prouver éventuellement sa bonne foi, même si le fardeau de la preuve ne lui appartient pas. On pourrait, à l'aide d'un contre-maître et de l'employeur, démontrer qu'il y a eu mauvaise foi, alors que l'individu se retrouverait seul.

J'aimerais savoir comment vous le voyez concrètement. Je ne parle pas de dire: oui, on a des agents d'affaires qui peuvent faire le tour, etc., mais concrètement, est-ce que vous avez les possibilités financières pour assurer une présence assez constante, en tout cas qui peut répondre dans un délai raisonnable, un nombre d'heures raisonnable dans ces milieux-là, pour que l'individu puisse expliquer à un de ses représentants le pourquoi d'un tel geste et que ce représentant devienne, à toutes fins utiles, un témoin qui lui servira, face à certains arbitrages, par exemple.

M. Laberge (Louis): Oui, enfin, vous touchez un point sensible. D'ailleurs le député de Portneuf l'a mentionné un peu tantôt. Le projet de loi, tel qu'il est présentement devant nous, peut s'appliquer sur les gros chantiers, c'est évident. Sur les petits chantiers, non. C'est aussi simple que ça. Et c'est pourquoi nous avons dit que dans le secteur de la construction, il devra, de toute nécessité, obligatoirement, y avoir une association sectorielle où les parties représentatives pourront prendre soin de ces choses-là. On a même dit dans notre mémoire qu'il pourrait y avoir des représentants à la prévention nommés par l'association sectorielle, payés par les parties, pour s'assurer que la loi 17 est respectée aussi sur les petits chantiers. Comme vous le dites fort bien, sur un petit chantier, le gars qui se sent tout seul — et souvent il est tout seul de son métier — ça prend quelqu'un avec énormément de "fortitude" pour refuser d'accomplir un travail dangereux. Alors, surtout s'il arrive un accident, vous savez fort bien qu'avant que l'inspection ne soit faite, on a changé des choses, on a même installé des garde-fous une fois que les travailleurs étaient tombés. On a même essayé, a un moment donné, d'avoir des cloisons pour empêcher un éboulement, mais il était un peu tard parce que l'éboulement était déjà fini. Enfin, vous savez comment ça fonctionne, vous vous êtes, comme vous le dites, penché sur la question.

Il faut que les parties puissent décider de ces choses-là. Nous avons des agents d'affaires, bien

sûr, dans tous les secteurs. C'est pourquoi nous parlons de revaloriser le délégué de chantier aussi et d'avoir un délégué de chantier bien formé. Ce n'est pas sûr que tous les délégués de chantier nommés par le syndicat et formés pour s'occuper de santé, de sécurité et de prévention vont tous nécessairement agir comme délégués de chantier et agents de prévention. Il va y avoir des délégués de chantier en puissance, et parce qu'il n'y a pas assez de chantiers, à un moment donné, ou qu'il n'y a pas assez de travailleurs sur un chantier qui pourraient être reconnus comme délégués de chantier. Mais ce sera, pour le syndicat, un représentant syndical formé qui pourrait servir de témoin, qui pourrait, par le truchement de l'association sectorielle, par des mécanismes que les parties mettront sur pied, peut-être être chargé de la responsabilité de deux, trois, quatre, cinq chantiers dans les environs.

Il serait bien difficile pour nous de vous suggérer une formule concrète à ce moment-ci. Nous croyons que les parties représentatives dans l'industrie de la construction sont certainement les mieux préparées à discuter ce genre de choses et à mettre sur pied un mécanisme qui peut fonctionner. Une chose est sûre, c'est que la loi, telle que présentée actuellement, ne pourra jamais s'appliquer aux petits chantiers avec autant de facilité qu'elle pourra s'appliquer sur les gros. C'est sûr. C'est pourquoi nous avons 22 pages dans notre mémoire pour traiter de l'industrie de la construction, parler de l'obligation d'avoir une association sectorielle pour prendre soin de ces difficultés.

Le Président (M. Marcoux): Comme il n'y a pas d'autres députés qui ont des questions à poser, M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Marois: En terminant, tout simplement, je voudrais à nouveau remercier les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec. J'ai eu l'occasion de faire un commentaire général en fin de journée, lorsque le groupe s'est présenté devant nous la première fois. Je ne vais pas réitérer en détail ce que j'ai dit à ce moment-là. Mais je tiens simplement à souligner le fait que je pense que vous accompagnez ce projet de loi avec beaucoup de bonne foi, mais pas une bonne foi guenille et à genoux. Les gens font des découvertes, et j'ai remarqué que le député de Portneuf était un de ceux-là. Je reprendrai l'expression d'un journaliste, M. Provost, du Devoir, qui disait, entre guillemets — je ne sais pas si c'est une pancarte, un slogan, peu importe, mais je pense que c'était pertinent — un appui ferme, mais insatisfait, dans le sens que vous présentez des recommandations étoffées. Bon nombre de ces recommandations, j'ai déjà indiqué qu'elles étaient intéressantes et qu'elles méritaient d'être examinées au mérite, à la loupe. Je peux vous assurer que sur la base des recommandations que vous avez formulées, comme les autres groupes, notre seul véritable intérêt est de faire en sorte qu'on se donne, au Québec, le meilleur projet de loi qu'il soit possible de se donner, compte tenu forcément des limites de ressources humaines, financières et d'une conjoncture. On peut faire des grands sauts, pour reprendre l'expression du juge Beaudry, on peut faire des grands pas, pour reprendre l'expression d'autres personnes, mais on ne peut pas tout faire en même temps, surtout quand on tient compte du rattrapage absolument inouï qu'il faut faire dans ce domaine. Je pense qu'ensemble, de bonne foi, on va essayer de mettre au point le meilleur texte possible qui vise, encore une fois, essentiellement une chose, autant que faire se peut. On n'aura jamais, comme vous l'avez évoqué, du jour au lendemain, les usines vertes de l'architecte Le Corbusier, on ne se racontera pas d'histoires. Mais entre l'usine verte et l'état actuel des choses, il y a une maudite place pour de l'amélioration substantielle, d'autant plus qu'on sait que c'est possible. On sait que c'est faisable, à condition de le faire ensemble et que ça implique les parties, que ça implique une reconnaissance de droits nouveaux.

Quelqu'un, dans un des témoignages que vous avez rendus, a dit que la participation, ou c'est du placotage ou alors ça implique qu'on reconnaisse des droits, qu'on reconnaisse une participation qui implique, dans certaines de ses dimensions, un pouvoir décisionnel. Bien sûr, c'est un changement par rapport au passé, mais je pense qu'au point où on en est il ne faut pas mesquiner sur ces perspectives de changement, bien au contraire.

En terminant, encore une fois, merci infiniment.

M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous permettez, au nom de tous les syndicats affiliés à la FTQ et de tous les travailleurs que nous représentons, nous voulons remercier les membres de la commission pour l'occasion que vous nous avez donnée de nous présenter devant vous pour vous expliquer notre point de vue.

Nous n'avons pas voulu prendre une attitude criarde, pleurnicharde; nous croyons que le fait d'avoir osé mettre ensemble, unifier tout le secteur de la santé et de la sécurité, c'est déjà un pas qui valait la peine d'être mentionné et nous l'avons mentionné.

Nous croyons que le projet de loi ne va pas assez loin. Je n'ai pas besoin de vous dire que si nous avons décidé de vous présenter toutes ces suggestions d'amendements, ce n'est pas simplement pour montrer que nous étions aussi fins que d'autres et qu'on pouvait trouver des lacunes dans le projet de loi. C'est que nous y croyons. Je n'ai pas besoin d'insister davantage pour vous dire qu'il y a des exigences qui sont assez spécifiques; nous en avons parlé. Le droit de refus est la pierre d'achoppement de la loi. Sur le pouvoir des centrales syndicales d'être vraiment représentées partout; puis-je vous dire que si vous nous arrivez avec une commission paritaire sur les accidents du travail et que vous décidez, tous à l'Assemblée nationale, après en avoir discuté, qu'il devrait y avoir treize représentants de chaque côté à la

commission, au lieu des douze qu'on suggère, ou même onze au lieu de douze, on ne déclarera pas la guerre.

Mais il y a des choses qui sont vraiment essentielles: le droit de refus. Le droit collectif, on vous encourage à le regarder encore de plus près, ce n'est pas la montagne épeurante à laquelle ont fait allusion surtout les organismes patronaux. La revalorisation du délégué de chantier, enfin, dans ce secteur qui a tellement besoin que le projet de loi qui sera finalement adopté ne soit pas plus mauvais, en partant, que ce que nous avons devant nous. Avec la détermination des membres de l'Assemblée nationale qui font partie de l'Opposition et, apparemment, des membres du gouvernement qui font quasiment partie de l'Opposition aussi sur certains points, nous sommes convaincus que ce sera un projet de loi qui sera encore mieux que celui que nous avons devant nous. Cela est d'une importance capitale pour les centaines de milliers de travailleurs au Québec, qui sont victimes depuis trop longtemps de l'insouciance, pour ne pas dire de la négligence parfois criminelle de certains employeurs.

Je ne veux pas absoudre non plus les syndicats. C'est vrai que même les syndicats n'ont pas toujours fait, dans ce domaine, ce qui aurait dû être fait. Je reconnais volontiers que quant à nous, à la FTQ, comme d'autres, nous avons probablement fait beaucoup plus pour essayer d'améliorer le standard de vie des travailleurs, mais, malheureusement, dans ce domaine, nous n'y sommes pas allés avec assez de détermination. Évidemment, ce n'est pas un domaine facile et ce n'est pas parce que nous n'avons pas fait de revendications. Vous vous souviendrez, M. le ministre, — je ne pense pas qu'on puisse trouver beaucoup de tels exemples — qu'un syndicat chez nous — ça s'adonnait encore à être un groupe du syndicat des métallos — a même fait la grève et exigé que son usine soit fermée parce que, vraiment, la vie et la santé des travailleurs étaient en jeu. Je veux dire que les travailleurs ne devraient pas être obligés d'exiger qu'une usine soit fermée parce que ça détériore leur santé et que ça met en danger la vie même des travailleurs.

Il nous semble qu'en 1979 et tantôt en 1980, on devrait avoir des développements technologiques assez avancés pour qu'un travailleur puisse gagner sa vie, sans risquer de la perdre à tous les jours. C'est le sens et le but que nous visons dans le mémoire que nous vous avons présenté. Nous souhaitons ardemment que ce projet de loi, avec les amendements nécessaires, soit adopté "au plus maudit", afin que tous les travailleurs du Québec commencent à se sentir vraiment protégés dans le domaine de la santé et de la sécurité.

Messieurs les membres de la commission, madame, nous vous remercions de votre bonne attention.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission.

J'inviterais maintenant la Chambre de commerce de la province de Québec à venir nous présenter son mémoire.

Si vous voulez bien vous présenter et nous présenter vos collègues.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Tremblay (Pierre): M. le Président, mon nom est Pierre Tremblay. Je suis vice-président chargé du secteur des ressources humaines à la Chambre de commerce de la province de Québec et j'ai aujourd'hui l'honneur de présider notre délégation en l'absence de notre président, M. Roger Hamel, qui est retenu à l'extérieur. Notre délégation se compose principalement de M. Louis Boudreault, secrétaire de la chambre et directeur des relations de l'entreprise à la compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Ltée, M. Fernand Roy, vice-président exécutif du journal La Presse, le Dr Vincent Gauthier, médecin, directeur des services professionnels, en d'autres mots, directeur médical à l'hôpital Marie-Clarac de Montréal-Nord. Le Dr Gauthier est spécialiste en pneumologie et directeur fondateur du bureau de santé des employés de l'hôpital, poste qu'il occupe depuis quinze ans. Depuis trois ans, le Dr Gauthier est directeur médical du Service de santé au quotidien la Presse. M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif à la chambre. M. Marcel Alexander, directeur du service de développement des ressources humaines en entreprise à la chambre. M. Pierre Morin, directeur général des affaires publiques à la chambre.

M. le Président, notre mémoire est court et il en est ainsi délibérément. Nous avons préféré nous adresser au fond de la question plutôt que de nous attacher à tel mot ou encore à déplacer des virgules. Sa brièveté, cependant, avec douze pages — nous tentons de prêcher par l'exemple — ne devrait masquer ni le message et surtout pas la qualité de la majorité de nos commettants, les entreprises de petite et moyenne taille oeuvrant dans tous les secteurs de l'activité économique, ces mêmes entreprises qui constituent l'épine dorsale et l'espoir de l'économie québécoise. En bref, ce message est composé de trois grandes lignes de force, une fois défini notre accord profond sur l'objectif d'un milieu de travail sain et sécuritaire.

Première ligne de force: la santé et la sécurité doivent être considérées comme essentiellement un mode organisationnel chez l'entreprise. Son cadre d'organisation doit lui permettre d'être efficace, productive, rentable et saine et sécuritaire. Voilà qui fait que la direction de l'entreprise doit être la première responsable de la santé et de la sécurité de ses travailleurs, lesquels doivent collaborer à l'atteinte de ces objectifs.

Deuxième ligne de force: la santé et la sécurité du travail devraient être retirées du champ des relations de travail, lesquelles chez nous ont un caractère essentiellement conflictuel. Tout le Code du travail en fait foi.

Troisième ligne de force, la loi devrait, autant que faire se peut, tout en imposant à l'entreprise l'obligation d'atteindre l'objectif, la laisser relativement libre quant au choix des moyens, c'est-à-

dire faire porter l'inspection plus sur le cadre organisationnel que sur une multitude de règlements afin de ne pas rendre la conformité aux règlements plus onéreuse que l'atteinte de l'objectif. Contrairement à la Commission des droits et libertés de la personne, nous n'avons pas fait allusion dans notre mémoire à la législation suédoise, quoique nous l'ayons étudiée et ce, pour une raison fondamentale que nous avons vérifiée sur place l'an dernier. Les conditions socio-économiques sont fondamentalement différentes. Les relations de travail sont avant tout un acte de collaboration. Plus de 90% de la population active y est syndiquée et la PME est pratiquement inexistante. Sur ce, permettez-moi, M. le Président, de demander à M. Pierre Morin de poursuivre cette présentation avec quelques extraits de notre mémoire tout en vous demandant d'en consigner la totalité au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il accord des membres de la commission pour mettre au journal des Débats ce mémoire?

Des voix: D'accord. (voir annexe A)

Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Morin.

M. Morin (Pierre): M. le Président, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, dont l'adoption par l'Assemblée nationale devrait se produire au cours des prochains mois, s'avérera au cours des prochaines années, nous en sommes certains, la plus importante loi à avoir été adoptée dans le domaine du travail au cours de cette Législature et probablement au cours de toute la présente décennie.

Si vous me le permettez, je saute — pour ceux qui veulent me suivre — à la page 3 où nous faisons référence à une philosophie. Cette nouvelle philosophie à laquelle nous souscrivons veut que la sécurité du travail ou, de façon plus pertinente, que la prévention relève de l'environnement organisationnel de l'entreprise, c'est-à-dire que l'entreprise doit offrir un milieu de travail qui, essentiellement, empêche les accidents de se produire en dépit de l'erreur humaine, des risques auxquels les employés sont prêts à s'exposer d'eux-mêmes et des limitations techniques.

En définitive, cette approche organisationnelle nous apparaît la meilleure car, sans avoir de chiffres précis pour le Québec, nous savons qu'aux États-Unis, où s'est implanté depuis 1970 l'"Occupational Safety and Health Act", moins du quart des accidents du travail sont conséquents à une dérogation aux normes de sécurité. Et il existe plus de 4400 de ces normes détaillées dont la grande majorité sont importées au Québec.

Si cette philosophie mettant l'accent premier sur le contexte organisationnel de l'entreprise en matière de santé et de sécurité du travail devait, comme nous le souhaitons, inspirer la législation québécoise en cette matière, le texte législatif serait, à notre avis, fort différent du présent projet de loi et s'inspirerait d'une problématique à la fois beaucoup plus souple et dynamique.

La chambre souscrit d'emblée aux objectifs que veut atteindre le projet de loi 17 sur la santé et la sécurité du travail, objectifs non explicitement définis dans le projet. Elle doute, cependant, que le projet, s'il devait être adopté tel qu'actuellement rédigé, puisse livrer aux travailleurs et à la population en général "la marchandise promise", soit un milieu de travail sain et sécuritaire.

Non par manque de volonté, elle est évidente, comprise et acceptée; non par manque de mécanismes, la plupart sont souhaitables, particulièrement la participation des travailleurs, ni par manque d'exigences bureaucratiques, elles sont au contraire lourdes, envahissantes, omniprésentes et souvent inutilement coûteuses.

C'est peut-être dû à l'incapacité de l'État, lorsqu'une idée est traduite en textes juridiques, de faire preuve d'autant d'imagination qu'en a généré l'idée elle-même. Peut-être aussi à son incapacité d'imaginer travailleurs et employeurs autrement qu'en situation conflictuelle.

Toujours est-il que nous aurions préféré un texte législatif dont l'article premier aurait établi que l'objectif de la loi est de procurer un cadre de travail sain et sécuritaire en entreprise en utilisant son environnement organisationnel pour enrayer les causes d'accidents de travail et de maladies professionnelles. La suite du premier chapitre expliciterait la philosophie et la problématique. On retrouve une allusion à l'article 40 et plus spécifiquement aux sous-articles 3, 5 et 6, mais elle est loin de constituer la trame de fond du projet de loi.

Si nos commentaires semblent évoquer une opposition quelconque aux objectifs ultimes du projet de loi, la chambre tient à le nier et plutôt faire valoir que le projet de loi no 17, qui a pris son origine dans un livre blanc et qui est soumis à la consultation publique avant son adoption en deuxième lecture, l'est précisément parce que le législateur croit qu'il est perfectible.

L'approche de la chambre face au projet de loi no 17. Sans faire abstraction de la philosophie et de la problématique énoncée plus haut, que nous souhaiterions voir non seulement intégrée, mais aussi devenir l'orientation maîtresse de la loi, la chambre a à commenter un texte législatif dont elle doit présumer, si l'expérience passée est garante du présent, que l'approche ne sera pas fondamentalement modifiée; c'est-à-dire qu'il s'agira toujours, a priori, de mécanismes. Elle s'attardera donc à les examiner et à y suggérer des modifications et des correctifs. À l'occasion, elle indiquera les orientations que suggère sa problématique alternative.

Si vous permettez, je fais un saut au haut de la page 6. Ces avantages réels, ceux de réunir dans un même texte tout ce qui touche à la santé et à la sécurité, sont cependant largement atténués aussi bien sur le fond qu'en pratique par l'insistance du projet à asseoir la majeure partie de son articulation sur le concept des relations conflictuelles entre les travailleurs et leurs employeurs respectifs. Il en résultera que, par exemple, de par la simple dynamique des relations actuelles, la santé et la sécurité du travail seront encore sources de

négociation et de marchandage, que la participation souhaitée des travailleurs sera subordonnée à des objectifs stratégiques de relations du travail et que seront érigées en divergences structurelles ce que devraient être de profondes communautés d'intérêts.

De plus, toujours sur le même sujet, le projet de loi crée une profonde inéquité au chapitre VI, où seules les associations "syndicales" en qualité de partie représentant les travailleurs peuvent conclure une entente visant à constituer une association sectorielle paritaire. Environ le quart des travailleurs n'appartenant pas au secteur de la construction et aux secteurs public et parapublic adhèrent à des associations accréditées.

Si l'on s'était inspiré de la problématique que nous avons élaborée plus haut, toute la question de la santé et de la sécurité du travail serait retirée du champ des relations de travail ou, de manière plus appropriée, les relations de travail seraient retirées du champ de la santé et de la sécurité. Non pas pour empêcher ou limiter la participation des travailleurs, mais bien pour l'inscrire dans sa meilleure perspective, celle de la collaboration pour le bien des travailleurs et de l'entreprise. Pour être plus précis, cela se traduirait, aux articles 38 et 40, par l'obligation de collaborer "pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur". De ces obligations communes découlerait, au-delà du respect des normes et "du règlement", un processus plus important que le programme de prévention: l'implantation de la structure organisationnelle de la santé et de la sécurité. Cette structure demande plus de collaboration que de confrontation. Il faut modifier les attitudes, les habitudes et, souvent, des méthodes de travail, tous des points qui ont le don de devenir des droits acquis.

Dans cette perspective, la santé et la sécurité du travail seraient de l'ultime responsabilité de l'employeur, certes, mais, comme c'est actuellement le cas et comme le prévoit le projet, il y apporterait l'outil essentiel à l'exercice de sa responsabilité, l'appui et la collaboration des travailleurs à son emploi. Il pourrait être prévu que le travailleur soit informé des performances de l'entreprise en matière de santé et de sécurité du travail, notamment sur l'application des dispositions de la loi.

La participation aurait ici un véritable sens.

Cela nous amène aux comités de santé et de sécurité. Au-delà du fait qu'un grand nombre d'entreprises qui ont actuellement un comité paritaire se sont vu imposer ce comité et qu'elles le perçoivent a priori, à tort ou à raison, comme étant une sanction et une mesure disciplinaire exercées à leur endroit, la chambre appuie le concept de la formation de comités paritaires consultatifs de santé et de sécurité. Nous les croyons un instrument utile, voire essentiel, aux échanges, au rapprochement et à la collaboration.

Cependant, le comité prévu par le projet de loi souffre de plusieurs carences; il aurait des responsabilités décisionnelles, sans être comptable de ses actes et de ses décisions auprès d'aucune des parties en présence. Tout au plus est-il requis de faire rapport à la commission.

Deuxième carence — c'est encore une manifestation de la volonté d'en faire une question de relations de travail — l'ensemble des représentants des travailleurs et de ceux de l'employeur ne disposent chacun que d'un vote. L'égalité de la représentation, dictée par l'objectif de parité, devrait, une fois atteint, laisser assez de latitude aux représentants pour leur permettre d'agir en adultes et de déterminer les règles de fonctionnement qui leur conviennent le mieux. Entre autres, il est largement accepté qu'un comité fonctionne généralement mieux par consensus. (12 h 30)

Enfin, de quelle compétence particulière un comité peut-il se réclamer pour arrêter le choix d'un médecin compétent? La question des entreprises à établissements multiples pose un autre type de problème face aux fonctions du comité, surtout sur la question du choix des moyens et équipements de protection individuelle et d'une certaine cohérence dans les programmes de prévention.

Toutes ces considérations et d'autres militent en faveur d'un rôle consultatif pour le comité de santé et de sécurité, auquel devraient s'ajouter des fonctions d'analyse, d'étude, de représentation et de surveillance quant à l'application de la loi et du programme de prévention.

Les articles 142 et 143 accordant à l'inspecteur le droit d'ordonner la suspension des travaux ou la fermeture d'un lieu de travail et l'obligation pour l'employeur de rémunérer les travailleurs visés, sans constituer exactement du droit nouveau — cela existe déjà dans le domaine de la construction — constituent un pouvoir exorbitant et inacceptable dans les mains d'un fonctionnaire jouissant d'une immunité presque totale. S'il y a eu erreur, l'entreprise dont la survie peut être en cause n'a aucun recours, n'a droit à aucun dédommagement.

La chambre ne s'oppose pas à ce que la loi doive prévoir la cessation des travaux, ni même, exceptionnellement, la fermeture d'un lieu de travail. Dans ce dernier cas, nous croyons cependant qu'au lieu de l'inspecteur, c'est le ministre responsable de l'application de la loi qui devrait détenir cette responsabilité et l'exercer par voie d'injonction sollicitée auprès d'un juge de la Cour supérieure. Cette procédure comporte trois avantages: elles est publique, rapide et permet aux parties de faire leurs représentations.

Dans un autre ordre d'idées, la commission constituée en vertu du projet de loi se voit confier des pouvoirs de réglementation d'une envergure exceptionnelle qui vont de l'adoption de normes à l'encadrement rigide de toute activité reliée de près ou de loin à la santé et à la sécurité. Ces pouvoirs et prérogatives sont vastes au point de faire oublier à la population, aux travailleurs, et même aux entreprises que ce n'est pas la commission qui, en définitive, est responsable de la santé et de la sécurité, mais bien les entreprises.

Sans en connaître la teneur, ce qui, en soi, est regrettable, nous savons par expérience qu'un règlement adopté par l'administration et ses organismes, étant donné la dynamique actuelle de leur structure, vise d'abord à satisfaire les impératifs administratifs internes. C'est-à-dire que le "comment administrer le règlement" devient plus important que son objectif initial. Nous l'avons vu encore tout récemment dans les propositions d'un office.

Ce processus est inutilement lourd et surtout coûteux. Il en résultera probablement la situation loufoque qui existe actuellement dans plusieurs domaines où il devient physiquement impossible de connaître le contenu de tous les règlements auxquels on est pourtant tenu de se conformer, avec la conséquence que lois et règlements sont plus ou moins appliqués et respectés.

Le gouvernement a manqué ici une excellente occasion d'innover par l'adoption d'une loi claire, complète, précise et limpide. Nous avons un exemple à vous offrir.

M. le Président, notre dernière considération liminaire vise la question de l'organisation des services de santé au travail ou, pour être plus précis, la nationalisation des services de santé de l'entreprise, résultant de l'adoption du projet de loi. Nous nous y objectons pour des considérations pratiques et de principe. Disposons d'abord du principe. Même s'il n'existait pas déjà des services de santé du travail privés, nous nous objecterions à un monopole du secteur public qui en empêcherait la création et l'éclosion. Or, ce n'est pas le cas. Il existe, dans le secteur privé, d'excellents services privés de santé du travail, qu'ils soient en entreprise, ou encore fonctionnant sur une base contractuelle.

La chambre ne s'objecte pas à ce que le secteur public de la santé puisse offrir ses services et qu'à la rigueur un contrat type s'applique à tous les services de santé, mais bien à ce que la loi prive l'entreprise et ses employés du choix des meilleurs services de santé disponibles. Nous avons peine à concilier l'attitude du gouvernement en cette matière et l'affirmation, maintes fois répétée, du premier ministre et chef du gouvernement de son acceptation sans équivoque du système d'économie de marché et du rôle de l'entreprise privée. En fait, il n'est pas possible de les concilier.

Nous sautons par-dessus les considérations spécifiques du projet de loi, non pas parce qu'elles ne sont pas importantes, mais probablement parce que les membres de la commission en ont déjà pris connaissance, soit le droit de refus, le programme de prévention, le représentant à la prévention, les associations sectorielles, la commission de santé et de sécurité du travail, l'inspection, pour en arriver enfin aux conclusions qui disent que, tout comme le président de la Commission des accidents du travail dans une allocution qu'il aurait dû récemment prononcer, la chambre, vous l'aurez constaté, dit non au marchandage.

Tout comme lui, elle accepte parité, participation et, nous le croyons, va peut-être même plus loin en prévention. La chambre, malgré le peu de temps mis à la disposition des intervenants, a tenté d'aborder de la façon la plus ouverte et la plus franche possible non seulement le projet de loi, mais surtout la véritable question de fond: la santé et la sécurité au travail et surtout comment les atteindre.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. J'aimerais vous inviter à revenir nous voir à 14 h 30, la commission préférant suspendre ses travaux de 12 h 30 à 14 h 30.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.

Suspension de la séance à 12 h 36

Reprise de la séance à 14 h 42

Le Président (M. Marcoux): La commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17. J'inviterais à nouveau la Chambre de commerce de la province de Québec à participer à nos discussions. Le président, M. Tremblay, nous a fait part qu'avant de céder la parole au ministre, il souhaiterait synthétiser peut-être, en quelques minutes, les points essentiels de son mémoire pour nous replonger dans le bain. C'est de saine stratégie de nous situer dans le contexte.

M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je vous remercie. Je ne voulais d'aucune façon enlever la parole au ministre.

Le Président (M. Marcoux): N'ayez pas peur, d'habitude il ne se gêne pas.

M. Tremblay (Pierre): Je croyais quand même qu'étant donné le hiatus il serait peut-être valable de demander à M. Létourneau, notre vice-président exécutif, de bien vouloir terminer quelques commentaires que nous avons déjà faits avant l'ajournement.

M. Bellemare: M. le Président, permettez-moi de saluer le fils d'un de mes anciens collègues de Québec, M. Francis Boudreault, qui est ici et qui fait bien honneur à la Chambre de commerce du Québec. Il est le fils de Francis Boudreault, l'ancien député, durant les années 1948 à 1970, du comté de Québec-Saint-Sauveur, comme on l'appelait dans le temps.

Le Président (M. Marcoux): Le comté maintenant connu sous le nom de Huntingdon?

M. Bellemare: Non, non. Huntingdon ressemble énormément à l'ancien comté de M. Flamand. Vous ne trouvez pas? Comme son père est à l'hôpital, je lui offre mes meilleurs voeux d'un prompt rétablissement et d'une longue vie.

Le Président (M. Marcoux): M. Létourneau.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, nous aimerions faire part à cette commission d'une préoccupation qui est inscrite en filigrane dans notre mémoire et que j'aimerais expliquer d'une manière un peu plus précise. Cette préoccupation — je pense que vous l'accepterez — est normale pour un groupe qui représente les hommes d'affaires. C'est celle du fardeau administratif à l'entreprise qu'apporte en général la réglementation gouvernementale et aussi des coûts de l'application de cette réglementation. Il y en a beaucoup qui sont ajoutés par de récentes lois et celle qui fait l'objet de cette commission n'y manque pas, loin de là, lorsqu'on observe, entre autres, qu'à l'article 185 il y a trois pages et demie de nomenclatures, de pouvoirs de réglementation par le législateur. (14 h 45)

Nous sommes heureux, par ailleurs, de constater que le gouvernement a récemment reconnu et donné droit à cette préoccupation que nous avons par la publication d'un document qui s'intitule "Bâtir le Québec" où nous lisons, à la page 168 entre autres, que le gouvernement s'engage, vis-à-vis du secteur privé de l'économie au Québec, à lutter contre la paperasse et les tracasseries administratives et à simplifier la réglementation.

Compte tenu de cet engagement, nous nous croyons légitimés, M. le Président, d'ajouter une demande au législateur par rapport au projet de loi à l'étude; cette demande vise particulièrement l'efficacité de l'application de la loi et, pour assurer cette efficacité, nous aimerions que, lorsque de la réglementation sera adoptée subséquemment ou en relation avec cette loi, chaque réglementation soit accompagnée des objectifs du législateur par rapport à la réglementation proposée, que ce soit question de décibels ou question de poussière, quel que soit l'objectif en matière de santé ou de sécurité au travail. Si on fait une réglementation — habituellement elle est assez spécifique — que le législateur indique très clairement quels sont les objectifs de la réglementation et, si possible, les quantifie; c'est-à-dire énoncer des objectifs et dire: Nous voulons réduire de 10%, 15%, 20%, en dedans de tant de temps, telle situation contraire à la santé ou à la sécurité des travailleurs.

Nous demandons, en même temps, que le législateur s'oblige, après un certain temps, — ça pourrait être de trois à cinq ans, mais disons cinq ans au maximum — à réévaluer cette réglementation pour déterminer dans quelle mesure elle a atteint les objectifs visés par le législateur.

Un exemple concret qui nous amène à cette suggestion, c'est l'observation de ce qui se passe aux États-Unis avec ce qu'on appelle là-bas l'Oc- cupational Safety and Health Act et la partie administrative de cette loi qui s'appelle aussi par le même sigle, OSHA, et qui, à ce moment, est l'Occupational Safety and Health Administration. Cette loi existe aux États-Unis depuis 1970 et je pense qu'on peut dire, selon des rapports publiés, entre autres, par une commission présidentielle il y a relativement peu de temps que la loi n'est pas efficace et ses règlements non plus. Voici donc, M. le Président, l'essence de cette première requête. Nous avons deux autres très courtes observations qui veulent nous inscrire en accord avec certaines requêtes et observations faites auprès de cette commission. La première est que nous sommes d'accord sur cette suggestion d'une table ronde, préalablement à l'adoption de réglementation, pour s'assurer qu'on pourra procéder de la manière la plus efficace possible en consultant préalablement les parties intéressées. Deuxième point: nous sommes en général d'accord sur la suggestion du député de Johnson d'ajouter un septièmement à l'article 38 qui se lirait: respecter les mesures de sécurité. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord, bien sûr, remercier la Chambre de commerce de la province de Québec de son mémoire. Je pense qu'on aura tous pris acte d'un certain nombre de choses qui ressortent d'abord dans un premier temps du mémoire de la Chambre de commerce. Essentiellement, si je comprends bien le mémoire, la Chambre de commerce se dit d'accord sur l'objectif ultime poursuivi, c'est-à-dire l'élimination des risques à la source, et aussi sur l'acceptation d'un certain nombre de postulats de base, dont certains d'ailleurs avaient déjà été évoqués au premier grand sommet socio-économique de La Malbaie. Notamment l'unification des lois, l'adoption d'une loi cadre, une approche organisationnelle de la prévention, l'idée aussi de la parité, qu'essentiellement ceux et celles qui sont concernés soient aussi impliqués que les employeurs, la reconnaissance du principe du droit de refus.

Donc, c'est un premier morceau qui n'est quand même pas un détail et, partant de là, un certain nombre de commentaires dans certains cas spécifiques sur certains des articles de la loi.

D'autre part, une partie substantielle du mémoire tient à une philosophie d'action — je pense bien qu'on pourrait utiliser cette expression pour la qualifier — avec, par voie de conséquence, accrochés à cette philosophie d'action un certain nombre de commentaires portant sur certains des mécanismes prévus par le projet de loi, sur des droits qui y sont reconnus. Il y a aussi un certain nombre de choses que vous nous suggérez d'introduire dans le projet de loi, qui viseraient, selon votre point de vue, à éviter de tomber dans une bureaucratie trop lourde, de tomber dans l'instauration — je pense que c'est une expression, d'ailleurs, utilisée à peu près comme telle dans le mémoire ou, en tout cas, qui ressort de l'économie

générale de votre mémoire — d'une philosophie qui, dites-vous, ouvrirait énormément de possibilités d'affrontements entre les parties plutôt qu'autre chose et le reste.

Bien sûr, je pense que, jusqu'à maintenant, les gens se sont exprimés très franchement. Je pense que les membres de cette commission apprécieront votre franchise, d'une part. Je dois vous dire qu'on a déjà eu l'occasion de discuter, lors de rencontres préalables, de discussions autour du livre blanc, d'un certain nombre des commentaires que vous faites, des remarques que vous faites aussi avec d'autres groupes qui se sont déjà présentés devant nous depuis le début des travaux de cette commission. Je ne suis pas convaincu — loin de là — d'un certain nombre de choses que vous recommandez et, par ailleurs, je me demande si on fait la même lecture du projet de loi quant à un certain nombre de points que vous mentionnez.

Partant de là, je voudrais m'arrêter uniquement à quelques-uns des points. Bien sûr, je n'ai pas le temps de relever tous et chacun des aspects. Soyez assurés, cependant, que votre mémoire, comme tous les autres, est scruté à la loupe, très attentivement. Vous semblez indiquer que le projet de loi s'articule autour d'un concept de relations conflictuelles. Chaque fois que le législateur reconnaît des droits et précise des obligations, en un certain sens, je pense qu'on doit dire que oui, il découle des "possibilités" entre guillemets d'affrontements, que ce soit dans le domaine du droit civil, que ce soit dans le domaine de ce qu'on appelle aujourd'hui le droit de la consommation, que ce soit dans le domaine du droit immobilier, du droit du travail, du droit maritime, etc., l'exercice de droits qui sont reconnus.

Effectivement, le projet de loi no 17 vient reconnaître des droits qui n'étaient pas reconnus antérieurement aux hommes et aux femmes au travail, à leurs représentants autorisés quand il y en a, quand il y a des associations accréditées, des droits nouveaux. Bien sûr, cela entraîne des débats, cela entraîne des réajustements dans les relations entre les parties. Cela peut entraîner des arbitrages, cela peut entraîner des jugements, etc. Lorsque, en particulier, ces droits débordent le contexte de relations purement, uniquement et strictement individuelles et qu'ils ont, par leur nature ou par l'environnement dans lequel ils s'exercent une dimension collective, les débats ont, forcément aussi, une envergure collective, avec les conséquences qui en découlent. Mais, est-ce qu'on doit, pour autant, compte tenu de ce fait-là, passer à côté ou ignorer complètement la problématique? Je ne crois pas.

Il y a des droits, qu'on dit fondamentaux, qui sont reconnus et qui impliquent certaines formes d"'affrontements". Cela peut être "un peu", "beaucoup", "passionnément", ça dépend des contextes, des situations, des domaines où on se trouve. L'introduction du recours collectif, dans notre droit et dans notre procédure, qui semblait à certains l'introduction de quelque chose qui pouvait ressembler à une vision de fin du monde, quand je regarde le bilan aujourd'hui, je pense que ça confirme l'hypothèse que nous avions invoquée comme gouvernement. On nous disait: Ce sera l'avalanche, ce sera l'abus. Je ne crois pas que ce soit l'avalanche jusqu'à ce jour. Je ne crois pas que ce soit l'abus jusqu'à ce jour. Je pense que, essentiellement, c'est sous le contrôle d'une procédure qui se déroule devant les tribunaux.

En d'autres termes, c'est certain que la reconnaissance de droits et de moyens accordés à ceux qui sont concernés pour exercer ces droits ouvre cette perspective. Deuxièmement, nous ne sommes pas la première société à intervenir dans ce domaine. Bien au contraire, on va être, parmi les sociétés dites modernes, probablement parmi les derniers à y arriver; la plupart des provinces canadiennes sont déjà dotées d'une loi-cadre dans ce domaine et reconnaissent certains des droits qu'on reconnaît dans la loi. C'est vrai du Code canadien du travail. C'est vrai des États-Unis. C'est vrai des pays européens. Il ne s'agit pas de copier les autres. Il s'agit de coller le projet le plus possible à la réalité québécoise aussi et de le baser sur une ouverture de dialogue qui n'exclut pas que le dialogue puisse être musclé en cours de route — cela, je pense que ça fait partie des règles du jeu — mais de sortir d'une situation de monologue.

En d'autres termes — on l'a dit dans le livre blanc, lors des tournées que j'ai faites, des consultations qu'on a faites — les mémoires qu'on a reçus confirment l'hypothèse qu'on avait jetée sur la table; on est prêt à regarder les modalités d'application de ces droits pour que cela se fasse dans des conditions normales, acceptables, et que les abus soient sanctionnés. Je pense que c'est très clair, j'ai eu l'occasion de le dire et de le redire à plusieurs reprises, mais nous ne croyons pas qu'on puisse perpétuer le régime actuel qui veut que tous les pouvoirs soient confinés entre les mains d'un seul, les agents socio-économiques impliqués, concernés.

Dans ce sens, je pense qu'il y aurait des nuances à faire à cette espèce de philosophie des choses.

Je m'arrêterai très rapidement à quelques points précis que vous évoquez; aux pages 6 et 11 de votre mémoire, je voudrais être certain que j'ai vraiment bien compris la portée des recommandations qui sont là. Cela concerne le chapitre VI en particulier, les associations sectorielles, si je comprends bien. Je me demande, encore là, si on fait la même lecture du projet de loi. Le projet de loi laisse les associations sectorielles se créer sur une base essentiellement volontaire, le seul cas d'exception étant le secteur de la construction, où l'association est obligatoire. Vous semblez indiquer, et je cite presque au texte: De plus, toujours sur le même sujet, le projet de loi crée une profonde inéquité au chapitre VI, où seules les associations syndicales, en qualité de partie représentant les travailleurs, peuvent conclure une entente...

J'aimerais bien avoir vos suggestions. C'est vrai que dans certains secteurs, peu importe la façon dont on les définit, économiques, in-

dustriels, manufacturiers ou de services, il y a des coins où le taux de syndicalisation est très faible. Effectivement, on sait fort bien... On dit que 35% des hommes et des femmes au travail sont syndiqués au Québec, mais la réalité est passablement autre quand on gratte ces chiffres pour découvrir que, dans le secteur qu'on dit privé, la réalité de l'état de la syndicalisation atteint à peine 22%. Donc, il est exact que, dans certains secteurs économiques, manufacturiers, industriels ou de services, le taux de syndicalisation est même inférieur à 22%, pour ne pas dire extrêmement faible. (15 heures)

Si on veut organiser une représentation paritaire à l'intérieur d'associations sectorielles, j'aimerais que vous m'expliquiez comment on va pouvoir assurer une représentation valable des hommes et des femmes dans un secteur économique ou industriel où ils ne sont pas organisés si on ne prend pas appui d'abord, pour y arriver, sur le coin de ce secteur économique, industriel, manufacturier qui, lui, est organisé, pour assurer une représentation au point de départ qui puisse être valable. Oui, M. le Président, j'achève...

C'est un des points. Le deuxième point — j'achève, ce sera très bref - ... Bien sûr, mais le président a le droit de donner de bons conseils aux intervenants de part et d'autre...

Mme Lavoie-Roux: II a le droit de les rappeler à l'ordre.

M. Marois: Le président me rappelle de ne pas abuser du temps, il a bien raison, mais, quand même, je pense qu'on touche une question fondamentale. Je ne veux pas abuser, mais... Sur l'inspectorat — très rapidement — vous avez besoin de m'expliquer ça drôlement, parce que j'avoue que spontanément, pour être très franc, je ne peux pas acheter ce qui est là. Dans les commentaires que vous formulez, vous dites: Vous donnez trop de pouvoirs aux inspecteurs. Or, tout ce qu'on a entendu à travers le Québec dans les tournées, c'était l'opposé. On a dit: C'est trop émietté, ils n'ont pas assez de pouvoirs et, ensuite: II en manque, il va falloir assurer une présence régionale. Les témoignages d'inspecteurs me disent: Pour l'amour du bon Dieu, donnez-nous les pouvoirs et on va les faire respecter, pour le boucler.

Les gens qu'on rencontre, les gens des entreprises — j'ai des témoignages — des porte-parole d'entreprises, de petites, de moyennes et de grandes entreprises demandent que ce soit clair et qu'ils aient les pouvoirs. Des témoignages de certaines entreprises dans certains secteurs industriels nous disent: Dans le secteur où on est, je sais qu'on n'aime pas que j'utilise cette expression-là, mais j'ai l'habitude de dire les choses comme je les pense... C'est vrai qu'il y a des choses valables qui ont été faites par certaines entreprises dans certains secteurs, et vous avez des entreprises qui se comportent de façon absolument inacceptable. Dans un même secteur don- né, vous avez des entreprises qui nous disent: Pour l'amour de Dieu, pourquoi ne les mettez-vous pas au pas, ceux qui se comportent tout croche, alors que nous, nous essayons de faire notre effort? Ils nous disent — ce sont des témoignages que j'ai eus — de donner les pouvoirs qu'il faut aux inspecteurs.

Vous nous dites: Vous donnez beaucoup trop de pouvoirs aux inspecteurs; on aimerait mieux que ce soit le ministre responsable de l'application de la loi qui détienne cette responsabilité, en particulier les pouvoirs émanant des articles 142, 143, le droit de fermer le cas échéant. Vous imaginez cela, si le ministre responsable est poigné pour se promener à travers le Québec pour aller voir l'usine machin dans tel coin et que c'est dans le cadre de l'exercice d'un droit de refus et qu'il faut intervenir rapidement, alors que tout le monde est unanime à dire que cela doit se dérouler vite, être efficace et qu'il faut plus de ressources! Vous accrochez en plus "l'exercer par voie d'injonction". Là, c'est mon vieux métier d'avocat qui revient à la surface. Je veux bien de l'injonction, mais il y a des dossiers récents; en 1979, une cause à Thetford Mines qui implique l'Office de la construction et Claude Hamel contre la compagnie de construction BSF. Dans certains dossiers, les demandes d'injonction prennent le bord non pas sur le fond, mais sur la forme. Vous pensez que c'est là un mécanisme plus léger et rapide pour y arriver? J'aimerais que vous m'expliquiez cela un petit peu, parce que j'avoue que je ne comprends pas cela.

Je terminerai sur le représentant à la prévention. Je suis prêt à regarder cela. Je vous dirai bien franchement que je pensais que c'était inhérent au pouvoir de gérance de l'entreprise. Vous me dites: II y a un représentant à la prévention pour les travailleurs, pourquoi n'y en aurait-il pas un pour les employeurs? Cela me semble inhérent au projet de loi; cela me semble inhérent au droit de gérance d'une entreprise d'avoir son représentant à la prévention. Que demandez-vous exactement? Qu'on l'écrive dans le texte de loi avec une protection en conséquence? En d'autres termes, vous voulez que le gouvernement intervienne pour vous dire: Dorénavant, vous en aurez tant selon la taille de l'entreprise. Est-ce bien cela que vous me demandez? Dans la même foulée, cependant, vous me dites: II y a beaucoup trop de pouvoirs réglementaires, beaucoup trop d'interventions de l'État, beaucoup trop de normes. Je veux être sûr que je comprends bien votre demande parce que cela me semble inhérent au droit de gérance de l'entreprise. Si vous voulez ouvrir cela, je ne vous donne pas une réponse définitive, mais je suis prêt à regarder cela.

M. Tremblay (Pierre): Je pense que M. Morin va...

M. Marois: Je m'excuse. Il y a le Dr Gauthier qui est avec vous. Étant donné qu'il est avec vous, j'aimerais poser une dernière question. Il y a déjà dans la loi le principe du retrait préventif qui

s'appliquerait à la femme enceinte. Je voudrais avoir votre avis sur l'idée et la suggestion qui nous a été faite — il y a un groupe qui doit témoigner cet après-midi qui l'a aussi mis dans son mémoire — qui vise à élargir cette idée et cette notion du retrait préventif pour voir si on ne pourrait pas l'appliquer à l'ensemble des travailleurs, bien sûr sur la base des connaissances scientifiques qui existent. Ce ne sont pas tous les types d'altérations dont on connaît les premiers signes avant-coureurs, ce que dans le jargon technique ils appellent les prodromes ou les symptômes avant même qu'il y ait une lésion pour essayer de corriger le problème à la source. J'aimerais avoir votre opinion si vous avez une réponse à nous donner ou une suggestion à nous faire. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette approche qu'il y aurait lieu de songer à élargir cela? Je m'excuse, M. le Président.

M. Tremblay (Pierre): M. le Président, comme il y avait plusieurs questions, vous me permettrez de demander, d'abord, à M. Morin de répondre à quelques-unes des remarques du ministre. Nous pourrons ensuite demander au Dr Gauthier quelques commentaires. M. Morin va débuter.

M. Morin (Pierre): Peut-être, M. le Président, sur les commentaires liminaires du ministre, dans lesquels il semblait s'interroger sur notre demande que soient retirées des relations de travail, du concept qui constituait les relations de travail, la santé et la sécurité au travail.

Cela tient à un certain nombre de facteurs qui nous incitent à le faire. D'abord, comme le ministre l'a évoqué lui-même tantôt, le taux relativement très peu élevé de syndicalisation dans le secteur privé est une réalité. C'est une réalité que le projet de loi semble, a priori, ne pas considérer. Il semble présumer, dans son économie — il fait des exceptions à l'occasion — que, de part et d'autre, il y aurait un certain équilibre au niveau non seulement de ce qu'il peut appeler le rapport de forces immédiat, la présence d'une association accréditée, d'une part, et d'un employeur, mais aussi des autres mécanismes, incluant — on y fait même allusion — une procédure de grief pour régler certains conflits. Or, la procédure de griefs n'existe que dans une minime proportion des entreprises.

M. Marois: Ce n'est pas parce que ça existe uniquement dans un pourcentage minime qu'on ne doit pas la prévoir dans les cas où ça s'applique, je pense que vous en conviendrez avec moi.

M. Morin (Pierre): J'en conviens avec vous, le problème n'est pas là.

M. Marois: D'accord.

M. Morin (Pierre): C'est que vous semblez plutôt orienter l'économie du projet de loi sur une situation qui, en fait, n'existe pas; c'est là le problème fondamental.

On écoutait M. Laberge, ce matin, faire état de certaines demandes qui sont venues s'ajouter à l'ensemble des propositions d'un syndicat dans le contexte d'un conflit de relations de travail. Malheureusement trop souvent, selon lui, les questions de santé et de sécurité étaient laissées de côté à la fin, de façon à amener un règlement. Il y a là aussi une certaine question de priorité dans cet ensemble de choses et, comme c'est bâti sur un rapport de cette nature, on voit peut-être trop souvent les questions de santé et de sécurité laissées pour compte.

En l'écoutant ce matin, lui-même considérait ceci comme un minimum sur lequel on pouvait bâtir, mais quand même il acceptait a priori que, dans le contexte des négociations qui existe aujourd'hui, souvent les questions de santé et de sécurité sont laissées pour compte, à la fin.

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, mais si vous me permettez une remarque, là, vous êtes essentiellement en train de confirmer mon hypothèse. Si c'est exact, — je serais plutôt porté à être d'accord avec vous, d'ailleurs, M. Laberge témoignait dans le même sens ce matin — l'état actuel des quelques emmanchures de cette loi, les 20 règlements qui, à toutes fins utiles, ne réglaient rien, pour l'essentiel, sont laissés dans leur économie de lois et de règlements, entre les mains et sous le contrôle de l'entreprise avec, en plus, nos propres problèmes d'une cabane mal organisée. Là, je pense aux services d'inspection et au reste. Il faut passer le balai dans notre propre maison, comme gouvernement, nous les premiers, et on entend bien le faire, déjà, par le projet de loi.

En d'autres termes, l'essentiel a été laissé entre les mains d'une des parties. Quelle sera la réalité? Ce sera la réalité d'aujourd'hui. Les cas où les travailleurs ne sont pas syndiqués... Vous-mêmes vous me rappelez à nouveau à quel point les chiffres sont bas. L'état de la réalité, c'est ce que vous évoquez. Comment se fait-il dès lors que les résultats soient ceux qu'on constate aujourd'hui qui nous amènent à être obligés maintenant de dire: Cela ne peut pas continuer comme cela? Si c'est vrai, comment se fait-il que cela n'a pas changé?

M. Morin (Pierre): II y a une réponse à votre question, M. le ministre, et elle se trouve précisément dans l'analyse qui est faite de la loi américaine, entre autres, sur laquelle il y a certains éléments du projet de loi québécois qui sont modelés. Il y a, d'une part, l'approche même à la loi, vouloir intervenir, dans une certaine mesure, dans tous les détails de fonctionnement de l'entreprise. Je lisais simplement l'introduction au rapport présidentiel: 4000 règlements adoptés depuis 1970, normes, normes de fonctionnement. Le problème c'est que personne ne peut véritablement en prendre connaissance.

M. Marois: Vous me parlez des normes américaines.

M. Morin (Pierre): Oui, mais qui sont adoptées par le bureau de normalisation, canadien, CSA. On

les importe à toutes fins utiles presque toutes faites en posant très peu de questions. Ce sont ces normes-là qui nous guident. On s'aperçoit que, malgré tout ce bagage de normes et de règlements, aux États-Unis — on a fait un examen dans un État, en fait dans deux États, mais un qu'on cite, l'État de New York — moins de 25% des accidents du travail qui se produisent sont le résultat de dérogations à des normes de sécurité publiées. On aura beau les empiler les unes par-dessus les autres, on aura des piles de normes, mais est-ce qu'on va régler la question fondamentale, celle de la santé et de la sécurité au travail? C'est là où on ramène notre question de contexte conflictuel; là-dessus, indépendamment qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'unité accréditée, il doit y avoir consensus au sein de l'entreprise, il doit y avoir volonté. Peut-être que c'est le reproche le plus fondamental qu'on fait au projet de loi. Dans les notes explicatives, si on lit au tout début les premières lignes, il s'agit de prévoir des mécanismes. Si vous me permettez, je vais vous donner un exemple, parce qu'il y avait quelque chose d'alternatif à cela et c'est précisément la première section de la loi suédoise, si vous me permettez, je vais vous lire le texte qui donne au départ l'objectif, ce que vise la loi: "The work environment shall be kept in a satisfactory state, having regard to the nature of the work involved and the social and technological progress occurring in the community at large."

M. Marois: Oui, d'accord, mais vous me citerez aussi le reste de la loi suédoise qui prévoit le droit de refus, qui prévoit les représentants syndicaux, qui prévoit les comités paritaires, qui prévoit les pouvoirs décisionnels, qui prévoit les normes, qui prévoit les règlements, etc., qui prévoit la commission, qui prévoit l'intégration des services d'inspection. Si vous voulez un article général — selon la façon de légiférer au Québec, l'article 1, c'est généralement les définitions, peu importe que ce soit 1, 2 ou 3 — qui définit l'essentiel de l'objectif ultime de viser à éliminer à la source... (15 h 15)

D'ailleurs on a évoqué en cours de route le paragraphe d'introduction générale de l'article 48. S'il faut le replacer, je n'ai pas d'objection à regarder cela, mais vous ne répondez pas fondamentalement à la question que je vous posais. Il faut une volonté des parties d'y arriver. Il faut une volonté de chacun. Il faut une implication des parties. On n'a jamais eu les 4400 normes imposées de façon obligatoire au Québec. On est devant une situation X qui est, dans certains cas, dramatique et, dans d'autres cas, tragique. Il faut bouger. Ce n'est plus acceptable. Qu'est-ce qui vous a empêchés de le faire au préalable? Il n'y avait aucune barrière. La volonté dont on parle, comment se fait-il qu'elle s'est manifestée dans certaines entreprises, mais pas dans la majorité? En d'autres termes, c'est parce que... Je ne veux pas être injuste. Je veux vraiment bien comprendre tout simplement la philosophie de votre approche en toute honnêteté pour traiter votre mémoire en toute équité, toute justice, mais je crois comprendre que, finalement, ce que vous nous dites, c'est que vous demandez de nouveau la marge de manoeuvre qui existait dans le passé, peut-être encore plus que cela.

M. Morin (Pierre): Non, non. Si c'est comme cela que vous interprétez...

M. Marois: Par exemple sur les comités paritaires, vous me dites: Pouvoirs consultatifs. Mais c'est cela, actuellement. C'est comme cela. Dans les seuls comités paritaires qui existent, que je sache, sauf exception dans quelques conventions, les pouvoirs ne sont que consultatifs. Dans les comités paritaires issus de l'arrêté en conseil 3787, vous le savez comme moi, ce n'est que consultatif...

M. Morin (Pierre): Mais ils ne sont pas obligatoires pour toutes les entreprises...

M. Marois: ... et le résultat est là. Pardon?

M. Morin (Pierre): C'est là que vous innovez. Vous faites deux étapes. Ce qu'on voudrait...

M. Marois: Non, non. Vous savez comme moi qu'en vertu de l'arrêté en conseil 3787, ils sont obligatoires à certaines conditions. Pour une entreprise qui se comporte de telle et telle façon, vous savez qu'ils sont obligatoires. Vous savez qu'en vertu du projet de loi 17, les comités ne sont pas obligatoires. C'est volontaire. Cela doit venir de l'une ou l'autre des parties. À partir du moment où le mécanisme est enclenché, cela devient obligatoire, ce qui n'exclut pas que la commission, si elle le juge pertinent dans un secteur où les taux sont particulièrement élevés... C'est simplement une transposition de l'économie de l'arrêté en conseil 3787.

M. Morin (Pierre): Oui. La loi prévoit son application générale, la formation des comités. Excusez-moi, je ne voulais pas tellement dévier sur le point particulier qui est, effectivement, de pouvoir en venir à avoir un projet de loi où tout dans le projet de loi — comme vous l'avez vu, on n'a pas remis en cause le droit de refus, ce n'est pas à des questions comme cela auxquelles on s'attarde — vise à atteindre l'objectif qui est la santé et la sécurité, l'élimination à la source. Pour cela, on dit: II faut qu'il y ait une volonté, il faut que les gens puissent à tout le moins commencer à se parler et se parler souvent dans des contextes autres que le cadre des relations de travail.

M. le ministre, au Québec, c'est en 1977 que, pour une première fois, tout le monde s'est réuni autour d'une même table. Il faut dire qu'on est dans l'enfance de l'art là aussi. Cette évolution qui est quand même assez rapide — les gens se sont réunis deux fois jusqu'à maintenant autour de la même table à un niveau élevé — il faut aussi que cela vienne de la base et que cela monte, mais il faut donner une chance pour que cela se fasse là sans qu'il y ait trop de contraintes, que cela se

fasse, oui, sans qu'il y ait trop de contraintes et sans qu'on perde de vue l'objectif. Tantôt, vous avez mentionné une majorité des entreprises qui, apparemment, n'auraient pas respecté la loi. Je ne suis pas certain sur la majorité. Certainement une minorité. Peut-être qu'on peut s'entendre, mais...

M. Marois: Non. Je regrette. Je regarde les chiffres. Ils n'ont jamais été contestés. Ils émanent des rapports des services d'inspection. Cela a été cueilli péniblement. Par exemple, sur le respect de la norme des 90 décibels de bruit. Ce n'est pas une majorité. On défonce le 80%.

M. Morin (Pierre): Technologiquement, peut-elle être appliquée? C'est une autre question. C'est cela.

Enfin! Vous avez soulevé deux points, plus précis ceux-là. À la page 6, la question syndicale... En fait, ce qu'on reproche — et c'est bien ce qu'on dit dans notre mémoire, à la page 6, il aurait peut-être fallu le souligner — quant à la question des associations sectorielles, c'est que seules les associations "syndicales"... On met "syndicales" entre guillemets parce qu'il faudrait indiquer que le mot syndicales n'est pas défini dans le projet de loi ni dans le Code du travail. Cela peut poser un petit problème de définition à un moment donné, mais on voulait simplement vous le souligner. C'est pour cette raison qu'on utilisait le mot, puisque vous l'utilisez. Il ne semble pas y avoir de définition, mais vous dites que seules les associations syndicales peuvent ensemble, avec des associations d'employeurs, mettre sur pied de tels organismes et c'est là qu'on trouvait une certaine iniquité. Autrement dit, la loi est fermée là-dessus.

On a une autre objection sur les associations sectorielles, sur le fond même, dans ce sens que les orientations qu'on voit ici servent essentiellement à créer une autre bureaucratie, un autre niveau de bureaucratie. Mais ça, on pourrait y revenir un peu plus longuement. Là, au départ, c'était strictement sur cette iniquité.

Concernant l'autre point que vous avez soulevé, qui est l'inspectorat, effectivement, là où on demande que le ministre ait et exerce le pouvoir d'injonction, ce sont deux cas de même nature, c'est la fermeture d'un lieu de travail. Cela peut impliquer, et dans certains cas ça le demande, que l'entreprise soit fermée et les chances qu'elle ouvre à nouveau sont minimes, étant donné l'état de sécurité qui y règne et qui peut y régner, leur organisation. Cela arrive, là aussi, la mauvaise organisation, c'est fort possible. À ce moment-là, il nous apparaît important, aux yeux de la société, que ce soit le ministre, l'homme politique élu, qui exerce cette responsabilité de fermer une entreprise. Ce n'est pas lié au droit de refus comme tel, ça. C'est l'exercice d'un droit de mettre, à toutes fins utiles, la clé dans la porte. On pourrait appeler ça le droit de mort sur une entreprise. Il y a là-dedans un principe en cause. Si l'inspecteur, quand il le fait, se trompe, une fois qu'on est allé en appel, puisqu'on peut en appeler de la décision, et qu'on s'aperçoit effectivement qu'il s'est trompé, qu'il s'est écoulé trois, quatre, cinq semaines et que l'entreprise n'est plus capable de se relever, contre qui a-t-elle recours? Il n'y a aucune responsabilité. Il y a un pouvoir et il n'y a pas de responsabilité correspondante. C'est anonyme, dans ce sens-là. C'est ça qu'on ne veut pas. Il faut bien comprendre le sens de notre intervention là-dessus.

Cela clôt ces deux points. Je crois que mes collègues...

M. Tremblay (Pierre): Maintenant, M. le Président, le ministre avait également une autre question qu'il dirigeait à notre collègue que nous avons consulté dans le domaine médical, soit le Dr Gauthier. En même temps que je demande au Dr Gauthier de répondre à la question du ministre, j'aimerais aussi demander au Dr Gauthier de nous faire quelques commentaires sur un point qui nous préoccupe beaucoup, que nous appelons dans notre mémoire, au haut de la page 10, la nationalisation des services de santé de l'entreprise. J'inviterais le Dr Gauthier à faire quelques commentaires.

M. Gauthier (Vincent): M. le Président, je demanderais au ministre d'expliciter un peu sa question sur le retrait préventif de la femme enceinte. Est-ce que ça regarde certaines industries en particulier ou en général?

M. Marois: Non, là, c'est prématuré, cette étape. Certains groupes nous ont suggéré, étant donné qu'on introduisait le principe du retrait préventif dans le cas de la femme enceinte, pourquoi ne pas élargir l'application de ce principe à l'ensemble des travailleurs? Je pense que tout le monde comprend qu'il y a des types d'altérations dont on connaît bien, sur le plan scientifique et médical, les signes avant-coureurs, plomb, cuivre, par exemple, pour mentionner deux exemples. Dans d'autres cas, l'état actuel de la science ne permet pas de cerner de façon scientifique — peut-être que dans une couple d'années, ça viendra — les signes avant-coureurs. Donc, ça ne pourrait concerner qu'un certain nombre de types d'altérations, au fur et à mesure que l'état de la science permet d'y arriver et sous réserve d'évaluer les retombées, l'impact, les coûts, ce que ça peut impliquer sur les travailleurs comme tels qui pourraient se trouver en situation d'être éventuellement affectés à une autre tâche. Mais est-ce que ce n'est pas rattaché aussi à l'ensemble de l'indemnisation et des expertises médicales? Enfin, c'est une autre question.

L'idée même de l'élargissement, est-ce que, à votre avis, c'est une chose qu'on devrait regarder et qu'on devrait retenir comme principe?

M. Gauthier: Comme principe, je crois que ça pourrait se défendre parce que j'ai, à plusieurs reprises, eu l'occasion d'avoir des femmes enceintes que nous avons été obligés d'arrêter de travailler pour des pathologies X, Y, Z. Je crois que le principe, c'est de voir si la femme enceinte peut

accomplir son travail régulier ou, si nous ne pouvons pas lui donner un travail très léger, simplement lui donner les bénéfices auxquels elle a droit.

M. Marois: Ma question va plus loin que cela. Je prends note, et les membres de la commission apprécient votre témoignage là-dessus. Poussant plus loin, vous êtes médecin, vous décelez, par vos fonctions, par votre métier, par votre profession, les premiers signes avant-coureurs d'une chose, d'un phénomène, d'une altération possible de l'état physique qui ne présente pas encore le caractère de lésion, c'est-à-dire d'un commencement de maladie. Dieu merci, il y a de fortes chances que ça puisse être réversible si c'est traité à ce moment-là. L'idée, c'est: Est-ce que, au-delà du cas de la femme enceinte, vous pensez qu'on devrait regarder cette hypothèse d'élargir le retrait préventif, par exemple, aux cas que je viens d'évoquer?

M. Gauthier: M. le ministre, je crois qu'on peut élargir, mais je demanderais l'opinion d'un gynécologue auparavant. Si le gynécologue nous répond qu'il y a des dangers, d'accord. La femme enceinte, pour moi, a une priorité et il faut la respecter.

M. Tremblay (Pierre): M. le ministre, est-ce que vous me permettez une question? Est-ce que, dans votre optique de l'hypothèse que vous soulevez, vous y voyez une responsabilité de la profession médicale, du médecin traitant ou une responsabilité se rapportant même au niveau du comité en question? Si je comprends bien, le facteur diagnostic par le professionnel de la santé qui croit voir venir un problème, cela ne peut pas être absolument précis, c'est un cas où il y a une relation entre le médecin et un employé, c'est individuel.

M. Marois: C'est individuel, mais ça permet de dépister de façon précoce une situation physique, d'éviter, le cas échéant, que ça se détériore pour devenir une lésion, c'est-à-dire une maladie. Deuxièmement, cela permet en même temps de traiter le cas dans la mesure où, à ce moment-là, cela demeure réversible, et ça permet peut-être, dans la perspective d'une approche de ce qu'on appelle dans le domaine de la santé une approche épidémiologique, de déceler une situation qui est peut-être en train de se répercuter chez d'autres. On a cité, par exemple, le cas, qui a fait la manchette des journaux, de la compagnie Ballast-Métal, de Laprairie, une entreprise neuve; six mois plus tard, tout le monde était intoxiqué au plomb. Une chance qu'il y a eu un médecin qui a décelé les choses en cours de route parce que ça aurait pu être pire que ça. La question que je posais, c'est: Est-ce que le retrait préventif, dans une perspective où on veut viser à éliminer à la source, corriger avant que les drames arrivent, de façon précoce, est-ce que ce n'est pas une chose qu'on devrait regarder? Certains groupes nous ont dit:

Oui, vous devriez regarder cela, vous devriez même songer à l'introduire, si c'est possible, dans le projet de loi no 17, ou dans le cadre de la refonte du régime d'indemnisation et de la question d'expertise médicale.

M. Gauthier: M. le ministre, je crois que cela doit être étudié particulièrement; c'est mon opinion.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Très brièvement, parce que plusieurs des aspects que nous voulions toucher ont été touchés par le ministre d'État au développement social avec nos amis de la Chambre de commerce de la province de Québec. M. le Président, je tiens à porter à votre attention le fait que ce n'est pas la Chambre de commerce de Québec, c'est la Chambre de commerce de la province de Québec, même si vous avez certaines réticences à utiliser ce terme à l'occasion, on est encore dans la province de Québec.

M. Jolivet: ...

M. Pagé: Non, c'est vrai, et on va y rester pas mal longtemps.

M. Jolivet: On verra.

M. Pagé: On n'est pas séparé encore. (15 h 30)

M. Jolivet: On n'a pas le temps...

M. Pagé: Ah ça!

Mme Lavoie-Roux: ... parler d'indépendance.

M. Pagé: On pourrait passer dix minutes là-dessus.

M. Marois: II y a un célèbre éditorial de votre chef sur le fait qu'on n'étaient pas particulièrement des séparatistes. Le Devoir du... On reviendra là-dessus...

M. Pagé: On pourra regarder ça. Quelle date? On pourra regarder ça.

M. Marois: On vous donnera la date. Une voix: Oui, oui.

M. Pagé: Je comprends que pour vous les écrits de notre chef sont votre lecture de chevet. Je comprends. Avec l'importance que ça peut impliquer dans le domaine de la politique du Québec.

M. Marois: De ce temps-là, de toute façon, avec le nombre de documents pondus par le chef, vous avez de la lecture à faire aussi. Il y a des directives, il y a toutes sortes de choses.

M. Pagé: Oui, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que dans notre Parti on a des directives, on les a acceptées, mais, là où c'est inquiétant, c'est là où il n'y en a pas...

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: Permettez-nous une... M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui, mais sans exagération non plus. Je pense que les remarques ont été faites de chaque côté. On peut maintenant revenir à nos invités. Je crois qu'ils s'intéressent beaucoup aux propos que vous allez tenir.

M. Pagé: Oui, mais vous conviendrez, M. le Président, qu'après presque 100 heures d'échanges tout à fait sereins entre mon collègue au développement social et moi il est peut-être justifiable qu'on se permette quelques minutes pour se...

M. Marois: Mais la sérénité n'exclut pas l'humour.

M. Pagé: M. le Président, messieurs, merci de la présentation de votre mémoire de ce matin. Un des éléments qui m'ont fait sursauter un peu a été l'affirmation que le législateur devrait, avec le projet de loi 17, exclure le plus possible de questions ou d'aspects qui sont de nature à être négociés. Vous avez assisté à l'échange et au débat qu'il y a eu ce matin entre les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec et moi-même entre autres, sur cette question-là. Je trouve que votre attitude est un peu idéaliste, même un peu puriste, dans le sens — et angélique, pour reprendre un terme de mon collègue de L'Acadie — que vous soutenez que, sur des questions aussi importantes que celles-là, il ne devrait pas y avoir d'affrontement, il ne devrait pas y avoir de vécu de tous les jours comme on peut le vivre dans les relations de travail.

Quant à l'aspect santé et sécurité, que ces données soient régies par le Code du travail, c'est-à-dire consacrer les questions pour la négociation, ou qu'elles soient l'objet d'une autre loi, peu importe la loi par laquelle ces aspects seront régis, il y aura toujours des intérêts en présence et des intérêts qui ne sont pas nécessairement convergents. Il y aura toujours par le fait même des affrontements. Le plus bel exemple de tout ça, c'est que nous sommes une commission parlementaire qui est chargée d'étudier un projet de loi en première et en deuxième lecture, qui a à écouter les intervenants et déjà la démarcation est assez nette entre les milieux patronaux et les milieux syndicaux à plusieurs égards. D'autant plus que bien souvent un intervenant, ayant pris connaissance du mémoire ou de l'intervention d'un groupe, va modifier sa propre intervention pour justifier quelques-unes de ses prétentions. Alors je me dis: Je ne vois pas en quoi on peut accepter votre postulat — quitte à vous de me corriger, vous pourrez me corriger — que tout ça devrait être sorti du champ de la négociation; ce sont des matières négociables, ça l'a été dans le passé. Plusieurs entreprises au Québec ont signé des conventions collectives avec des paragraphes portant spécifiquement sur la santé et la sécurité. Des pas en avant, de véritables pas en avant ont été faits selon nous, par suite de la libre négociation des parties. Votre attitude me surprend, et là je vous ouvre la porte à un commentaire parce que c'est en échangeant comme ça qu'on peut mieux se comprendre, je crois; d'ailleurs, on est là pour ça en commission parlementaire. Je dois vous exprimer ma surprise et j'aimerais vous entendre là-dessus.

La deuxième question, une question bien spécifique celle-là. À la page 7 de votre mémoire, vous dites que la participation doit avoir un véritable sens et vous abordez la question des comités de santé et de sécurité. Vous dites au dernier paragraphe: Cependant, le comité prévu par le projet de loi — et là, vous faites référence au comité de santé et de sécurité à l'intérieur de l'entreprise — souffre de plusieurs carences. Il aurait des responsabilités décisionnelles, 63, premièrement, deuxièmement et cinquièmement — on a déjà eu l'occasion d'en faire état — sans être comptable de ses actes et de ses décisions auprès d'aucune des parties en présence. Tout au plus, est-il requis de faire rapport à la commission.

Si on veut une véritable participation des agents en présence, c'est-à-dire des représentants de l'employeur, des représentants des travailleurs, si on veut que ce comité de santé et de sécurité ne soit pas, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, un comité de parlage et de placotage, il faut lui donner des pouvoirs. À ce moment-là, cela devient strictement un comité de consultation. C'est ce qui explique la position qu'on a adoptée dans notre déclaration d'ouverture, à savoir qu'on doit, selon nous, donner des pouvoirs réels, définis, précis et particuliers au comité de santé ou, à ce moment-là, là où il y a des syndicats, qu'on n'ait tout simplement pas de comité ou encore que le comité soit strictement consultatif mais qu'on le dise noir sur blanc dans la loi. D'ailleurs, le ministre est revenu à plusieurs reprises avec d'autres intervenants sur la question des pouvoirs à donner au comité de santé et de sécurité. C'est une autre question que je vous formule: Comment voulez-vous qu'un comité de santé et de sécurité comme celui qui est prévu dans la loi puisse véritablement impliquer de la participation sans qu'il n'ait de pouvoir décisionnel à quelque chapitre que ce soit?

Dernière et troisième question. Beaucoup d'entreprises, beaucoup de petites entreprises militent et travaillent à l'intérieur des chambres de commerce locales et régionales. Il suffit d'être présent un peu dans nos comtés pour constater que ces gens se sont organisés, que ces gens se défendent. C'est légitime; ce n'est non seulement légitime et normal mais c'est justifié et c'est bien parce que trop peu souvent, je crois, la petite entreprise au Québec a droit au chapitre dans des débats comme ceux-là. Il y a des dispositions qui

s'appliquent qui auront des effets sur la petite entreprise. Vous en glissez un mot de façon très limitée dans votre mémoire. Vous n'êtes pas sans savoir que toute entreprise de plus de dix employés, si le secteur dans lequel elle fonctionne se retrouve dans la catégorie établie par règlement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, sera soumise aux mécanismes de la loi 17. Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir l'impact que cela pourra impliquer? Je comprends que vous ne connaissez pas le règlement. J'en conviens, nous ne le connaissons pas non plus et le législateur, d'ailleurs, n'aura même pas à en parler ni même pas à en discuter; c'est une autre question. Est-ce que vous avez eu jusqu'à maintenant l'occasion d'en parler avec vos membres ou est-ce que les chambres affiliées dans les régions, les comtés ont eu l'occasion de se pencher sur cet aspect de l'application de la loi pour les entreprises de dix employés et plus en termes d'effet, en termes d'implication et tout? C'est là l'essentiel du commentaire et des deux questions que je voulais vous poser.

M. Tremblay (Pierre): Merci, M. le député de Portneuf. Je pense que, comme vous le voyez, M. le Président, nous n'étions pas tout à fait sur la même longueur d'onde.

M. Pagé: Vous êtes un peu moins à gauche que moi sur certains sujets.

M. Tremblay (Pierre): Je voudrais m'en tenir à notre mémoire. M. Létourneau, vous aviez quelque chose à dire? Je me permets d'insister à nouveau auprès du docteur; nous avons plusieurs de nos membres qui ont des services de santé dans leurs entreprises et dans certains cas, depuis un grand nombre d'années. Nous les avons consultés. Nous avons certaines inquiétudes là-dessus. C'est pourquoi je demanderai à M. Létourneau de dire quelques mots et au Dr Gauthier de bien vouloir nous faire quelques commentaires sur cet aspect des services existants.

M. Létourneau: M. le Président, je commencerai par la question du député de Portneuf qui concerne les conséquences de l'application de la loi sur les petites et moyennes entreprises. Sur ce point — comme l'a d'ailleurs signalé le député - il est bien difficile d'évaluer exactement l'impact de la loi tant et aussi longtemps qu'on n'en a pas vu la réglementation. Comme vous l'avez également signalé, lorsque viendra la réglementation, les députés de l'Assemblée nationale ne la verront pas. Cela fait partie de ce que nous appelons l'érosion du pouvoir législatif. Cependant, pour revenir au point spécifique de la question sur les conséquences pour les PME, il y a la question de la possibilité pour l'inspecteur d'ordonner la fermeture d'un lieu de travail. Évidemment, une des conséquences est l'arrêt de la production et l'autre conséquence, compte tenu de la loi, est l'obligation pour l'employeur de continuer à payer les salaires aux travailleurs même si la production est arrêtée.

Nous avons recherché des statistiques concernant le fonds de roulement à l'intérieur des PME, pour savoir combien de temps pourrait durer une entreprise qui serait prise dans cette situation. Il est évident, d'après les informations que nous avons obtenues de certaines institutions financières, que ce serait très peu de temps; malheureusement, il ne nous a pas été possible de déterminer combien de jours, parce que c'est de jours qu'on nous parlait.

Ce qui nous inquiète aussi, c'est que, malgré les efforts qu'a pu faire le législateur, on ne sait pas exactement jusqu'où ça pourra aller l'interprétation de ce qu'on appelle dans la loi des conditions qui mettent en cause la santé et la sécurité des personnes; dans quelle mesure, jusqu'à quel point.

Une autre situation que nous craignons, c'est l'utilisation de ces pouvoirs à l'occasion de conflits de travail à l'intérieur de l'entreprise. Cela peut être une arme légale utilisée qui met en cause la vie de l'entreprise.

Ce sont des craintes que malheureusement nous ne pouvons pas complètement justifier à ce moment-ci parce qu'on ne connaît pas la réglementation. C'est seulement à l'époque de la réglementation, compte tenu de la façon dont le législateur entourera l'exercice de ces pouvoirs pour les inspecteurs ou compte tenu du fait qu'il pourra faire porter, comme nous le suggérons, ce pouvoir à une instance plus élevée, que peut-être nos craintes seront moins grandes. Mais, à ce moment-ci, elles viennent du fait qu'il y a des possibilités que l'application de la loi signifie, dans plusieurs cas, surtout chez la PME, la mort de l'entreprise. Est-ce que la faute commise par l'entreprise justifierait les pertes d'emplois occasionnées et l'arrêt absolu de ses activités?

Concernant les pouvoirs réels à donner au comité de santé pour, comme le signale le député de Portneuf, que ce comité soit efficace, sur ce point je demanderais à mon collègue, M. Morin, qui a approfondi cette question, de fournir la réponse, M. le Président.

M. Morin (Pierre): M. le Président, je vais tenter de donner un cadre assez pratique, de dresser une hypothèse qui se produit régulièrement en entreprise. Par exemple, faisons l'hypothèse qu'un comité existe, qu'il recommande, après examen, un nouvel outillage ou un nouvel équipement qui, lui, serait plus sécuritaire et que cet outillage entraîne la perte d'une demi-douzaine d'emplois. Vous avez là un comité qui a décidé, à bon droit, qu'il serait plus sécuritaire de modifier — on parle toujours d'éliminer les accidents à la source — l'outillage et, à cause d'un outillage plus moderne, cela entraînerait une perte d'une demi-douzaine d'emplois.

Plaçons-nous dans le contexte réel et actuel au Québec; qu'est-ce qui se produirait, surtout s'il y a là une unité de négociation? C'est là qu'on entre véritablement dans les problèmes du pouvoir soi-disant décisionnel du comité. D'autre part, il y a le fait qu'il ne soit comptable à personne; cela est bel et bien dit dans le projet de loi qu'il n'a

aucun compte à rendre; il produit un rapport annuel à la commission. Or, d'une part, on lui donne certains pouvoirs décisionnels, d'autre part il n'est comptable à personne et, troisièmement, il peut prendre des décisions qui effectivement affectent la vie économique et le contexte social de plusieurs des collègues, alors qu'actuellement, sur une base consultative, cela demeurerait la responsabilité de l'employeur de le faire ou de ne pas le faire dans les circonstances.

M. Létourneau: On veut que ça demeure un pouvoir de gérance. (15 h 45)

M. Morin (Pierre): Comme le dit M. Létourneau, on veut que cela demeure un pouvoir de gérance, que cela demeure à l'intérieur des cadres, des pouvoirs de gérance de l'entreprise. Simplement un petit point pour enchaîner aux propos de M. Létourneau, pour faire le point sur votre surprise et votre qualificatif d'angélisme à notre endroit. Il serait peut-être bon simplement de signaler une chose qu'on demande, c'est qu'on a un projet de loi avec une multitude d'articles qui va engendrer encore un plus grand nombre de règlements. On aurait souhaité que la loi, pour atteindre le même objectif — là-dessus, il n'y a aucune dissension sur l'objectif de fond à atteindre et le moyen de l'atteindre — soit axée sur le cadre organisationnel de l'entreprise avec des inspecteurs qui peut-être aideraient et verraient à ce que l'entreprise ait et adopte un cadre organisationnel qui élimine à la source. Voyez-vous, le projet de loi n'est pas articulé comme cela actuellement. La carotte, qui est la santé et la sécurité, semble être dissipée par rapport au bâton. C'est cela, grosso modo.

M. Tremblay (Pierre): Si vous me permettez, je demanderai au Dr Gauthier ses commentaires tant attendus sur cette opération des services de santé dans les entreprises. Je souligne que M. Boudreault est d'une compagnie qui a un service de santé depuis plus de trente ans, que M. Roy est à la Presse je ne sais pas depuis combien d'années, mais qu'il a aussi un service de santé. Dr Gauthier, si vous voulez faire quelques commentaires.

M. Gauthier: M. le Président, en lisant le projet de loi 17 et plusieurs mémoires par la voie des journaux, je me suis posé une question: Pourquoi vouloir changer les services de santé déjà existants et bien établis, qui sont fonctionnels et qui nous semblent rendre des services efficaces aux travailleurs? Pourquoi vouloir la socialisation de ces services? On a parlé de contrôle des médecins d'entreprises. À mon avis, la corporation professionnelle des médecins est habilitée — elle le fait dans le domaine public — à contrôler tous les médecins d'entreprises dans quelque domaine qu'ils soient. Quel est le rôle du médecin d'une entreprise? Premièrement et évidemment, son rôle primordial, c'est la prévention des accidents et la sécurité du travail. Mais le médecin d'une entre- prise ne fait pas que cela. Comme vous le savez, mes chiffres peuvent être plus ou moins exacts, je crois qu'il y a environ 225 médecins qui s'occupent d'industrie, dont au-dessus d'une centaine à temps plein. Tout ce transfert dans le domaine public, je crois que le coût serait assez élevé.

Un autre problème que je me pose, c'est qu'il ne faut pas oublier que, comme médecins d'entreprises, nous faisons un peu le travail d'un médecin de famille auparavant. Plusieurs employés viennent nous consulter pour des problèmes de toutes sortes. Jamais nous ne les refusons. Si on élimine cet état, je crois que la situation pourrait être un peu plus dramatique ou moins drôle pour ces employés. C'est à peu près cela que je voulais dire, en fait de commentaire: je ne vois pas pourquoi démolir un système qui existe à plusieurs endroits et qui est fonctionnel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. Létourneau disait tout à l'heure qu'il a peur que les coûts d'administration de ce nouveau projet de loi soient effarants pour les industries. Je ne sais pas s'il a pris connaissance d'une statistique qui a été publiée dernièrement, que le projet de loi 17 apporterait une amélioration très sensible à la sécurité et à la santé publiques, faisant donc diminuer les accidents de travail et les morts accidentelles.

On allait même jusqu'à prétendre qu'au moins 12% des réclamations aux accidents de travail seraient moindres et qu'on aurait 10% de moins de mortalités. Si c'était vrai, je pense que ce serait une bonne amélioration parce que la loi veut surtout faire de l'éducation au point de vue santé et sécurité dans l'emploi dans différents métiers. Je crois que c'est nécessaire aujourd'hui plus que jamais parce que dans les conventions collectives — j'entendais M. Laberge le dire ce matin — on laisse pour compte la santé et la sécurité. Je lui rappellerai qu'il a fait lui-même dans sa centrale une amélioration d'au moins 78% quand il a apporté des changements dans la santé et la sécurité au travail. Regardez dans les conventions collectives combien, depuis dix ans, ont atteint un certain barème de sécurité, non pas maximal, mais une sécurité et une santé au travail. On a reproché, je pense, à la Commission des accidents du travail bien des fautes, retards dans les inscriptions, dans les paiements, mais jamais on n'a dit que la Commission des accidents du travail avait fait oeuvre de bien aussi pour tâcher d'améliorer la sécurité au travail et la santé publique.

Vous dites dans votre mémoire à un moment donné que la façon d'administrer cette nouvelle loi devient plus importante que son objectif initial. Je pense que l'objectif initial — et tout le monde en est — c'est qu'en 1979 c'est "other days, other ways". On doit vivre dans une atmosphère d'éducation, de formation professionnelle et d'avancement. On ne peut pas toujours maintenir le statu quo et dire qu'il ne faut pas faire cela parce que

c'est un danger pour l'industrie ou pour ceux qui ont la responsabilité. Je ne pense pas cela. Je suis positif quand je dis que la loi — et je me suis réservé ce concept dans ma première allusion — en vertu des articles 40 et 185 est onéreuse, parce qu'on ne le sait pas, on est devant des hypothèses possibles de réglementation. Il y en a quinze à l'article 40. Il y en a 36 à l'article 185. Que peut-on souhaiter? Que peut-on désirer? Vous ne le savez même pas.

La réglementation, les législateurs que nous sommes ne la connaissent même pas. On va arriver avec un lot de réglementations faites par d'autres que nous, les députés, et on va dire: C'est ce qu'il faut appliquer. Mais quelle sorte d'expérience a-t-on vécue dans le passé avec des réglementations faites après l'adoption de la loi? Je trouve cela — je l'ai dit et je le répète — injuste de mettre en vertu de l'article 40 quinze obligations, c'est-à-dire quinze obligations générales qui sont peut-être dans d'autres lois, mais qui n'apparaissent pas formellement comme elles apparaissent ici. Particulièrement à l'article 185 — je suis bien informé — on a 36 paragraphes où l'on dit que les règlements seront faits de telle manière et appliqués de telle manière. Bon! Je suis d'accord avec l'obligation de faire des règlements dans une loi. Il n'y a peut-être pas de loi qu'on peut adopter aujourd'hui sans qu'il y ait une foule de règlements qu'on ne connaît pas, sauf une ou deux exceptions qui sont arrivées à la première partie de la session. Mais là on voit à l'article 185 que la commission peut faire des règlements. Le législateur, lui, qui va être la personne responsable vis-à-vis de l'intérêt public tout à l'heure dans son comté, après les avoir vus, aurait-il consenti aux règlements qui sont là? Pour le bien général, le bien public, ne faudrait-il pas qu'on ait une ou deux séances sur les règlements et que ce soit une table ronde comme on le disait ce matin, une table ronde où on pourrait véritablement établir le bien-fondé des règlements? Je trouve que dans l'intérêt public et particulièrement pour ceux qui sont intéressés à payer — parce qu'en vertu de la Loi des accidents du travail vous avez des classes, des catégories de gens...

Vous dites qu'il y aura une série de catégories de règlements qui seront appliqués selon la diversité de l'industrie. Mais, quand on regarde ce qu'on a fait, nous autres — personnellement, ce que j'ai fait — le mérite et le démérite qui existaient dans la loi, il va falloir les retrouver quelque part tout à l'heure.

Maintenant, M. le Président, j'aurais une question très simple à poser à ces messieurs. Je reviens à mon dada, le refus de travailler. Est-ce qu'on peut discerner un refus positif d'un refus malhonnête, qui n'est pas dicté par des raisons majeures? Ce matin j'ai reçu une réponse assez louvoyante de la FTQ, mais j'aimerais bien, par exemple, avoir de vous une explication sur le "mal-fondé", d'un refus de travailler. Comment peut-on établir la malhonnêteté, la mauvaise foi? C'est ça que je voudrais essayer de trouver. Pour moi, c'est quelque chose de très important dans la loi qui s'en vient.

M. Tremblay (Pierre): Sur la question du refus, M. Morin va répondre. Sur la question des coûts, M. Létoumeau fera quelques commentaires.

M. Morin (Pierre): M. le Président, sur la question du droit de refus, il est peut-être assez facile de savoir s'il est exercé de bonne foi ou non. Le problème, c'est qu'il est impossible ou presque de prouver qu'il est de mauvaise foi et, dans ce contexte, le ministre n'a évoqué ce matin qu'une seule chose, je crois, qui s'est rendue en Cour supérieure et c'est en Saskatchewan. Effectivement, il est presque impossible de... On ne peut pas présumer et il est presque impossible de prouver la mauvaise foi, d'où une certaine ouverture à son utilisation, dans certains cas de mauvaise foi.

On a fait bien attention, dans notre mémoire, de ne pas le faire porter sur des questions d'abus ou quoi que ce soit. On entend des histoires d'horreur. Vous avez entendu des histoires d'horreur. Ce n'était pas notre intention de venir vous apporter des histoires d'horreur, mais il n'en demeure pas moins qu'on accepte le droit de refus. Là où on souhaite que le législateur puisse intervenir d'une façon positive, c'est en encadrant, d'une certaine façon, le droit de refus, de façon, de par sa nature même, à prévenir, autant que faire se peut, les abus, s'il doit y en avoir.

M. Bellemare: Croyez-vous, M. Morin, qu'il y a eu, dans le passé, une certaine provocation dans des situations analogues, c'est-à-dire dans les situations où un droit de refus aurait pu s'exécuter, sauf dans la construction, bien entendu, mais, en général, dans l'industrie? Un droit, de mauvaise foi, de la part de l'employeur, de demander de faire un travail qui serait, d'après le général...

M. Morin (Pierre): D'après le travailleur, dangereux?

M. Bellemare: Oui.

M. Morin (Pierre): Oui, ça s'est certainement produit.

M. Bellemare: Oui.

M. Morin (Pierre): Cela s'est certainement produit qu'un employeur puisse demander, à un moment donné, à un employé de faire quelque chose qui soit dangereux et qui soit au-delà des fonctions inhérentes, certainement.

M. Bellemare: Oui.

M. Morin (Pierre): Mais, sans le savoir, peut-être, souvent... Mais cela aurait pu être, dans certains cas même, sans aller jusqu'à une question de négligence criminelle, peut-être sans concevoir que ça puisse comporter ce danger, d'une part.

Il y a, sur la question du droit de refus, un certain phénomène. Non, excusez-moi. Je ne voudrais pas entrer là-dedans.

M. Létourneau: M. le Président, sur la question des coûts, M. le député de Johnson a fait des observations concernant notre préoccupation sur les coûts. C'est une préoccupation générale qui ne nous fait pas dire au législateur que la loi ne devrait pas exister. C'est une préoccupation qui demande au législateur d'être prudent dans l'application de la loi, de telle sorte que ses coûts et son efficacité soient le mieux possible assurés. (16 heures)

Le député de Johnson a relevé les pouvoirs de réglementation qui existent et que nous trouvons très considérables. D'accord, il faut toujours des pouvoirs de réglementation, mais là comme dans certaines autres lois récentes ils sont très considérables et certains qui commencent à ployer sous le fardeau de ces réglementations les trouvent parfois monstrueuses. On a là au moins une quarantaine de situations différentes bien identifiées par le législateur où des réglementations pourront être rédigées. On peut facilement imaginer, lorsqu'on connaît la complexité de certaines de ces situations, le nombre de pages de texte de réglementation que cela représentera et la difficulté pour ceux qui auront à les appliquer, sans parler de ceux qui auront à les respecter, de les connaître, d'abord, et ensuite de les comprendre. Pendant tout ce temps, on maintient devant nos cours de justice le principe que nul ne peut invoquer l'ignorance de la loi pour la transgresser. Je pense qu'on s'achemine vers un cul-de-sac au rythme où on fait des lois et des règlements.

Ceci dit, M. le Président, la question des coûts, nous la prévoyons dans la préparation des règlements et dans l'appareil administratif que cela prendra pour son application, et ce n'est pas négligeable. Nous demandons donc la plus grande prudence au législateur de ce côté-là, pas au point de rendre la loi inopérante, mais, encore une fois, une grande prudence. M. le député de Johnson a mentionné des objectifs précis évalués par des personnes qui ont examiné la loi, des experts. Nous serions très heureux que cette loi puisse atteindre ces objectifs. Nous aimerions même — et nous l'avons suggéré dans notre témoignage précédemment — que ces objectifs soient mentionnés en même temps qu'on adopte la loi ou ses règlements et que le législateur s'engage à revoir la pertinence de ces règlements par rapport aux objectifs atteints après une certaine période, peut-être trois ans, disons un maximum de cinq ans. C'est une façon, à notre avis, de bien dépenser les deniers publics et d'être efficace, en même temps, par rapport aux objectifs visés.

Un autre endroit où nous croyons que les coûts de l'application de cette loi pourraient être considérables, découle du témoignage que vient de nous faire le Dr Gauthier concernant la médecine pratiquée en entreprise, les médecins d'entreprise. Actuellement, ces frais sont à charge de l'employeur. Nous considérons que cette médecine d'entreprise, en général, est efficace pour toutes les parties intéressées, l'employeur, les travailleurs et la société, en ce sens qu'il y a beaucoup de deniers économisés par ce genre de services et une meilleure qualité de soins assurés aux travailleurs dans les entreprises organisées avec un service de santé dans l'entreprise.

Les modalités d'application de cette loi feront en sorte que la majorité, sinon la totalité des entreprises qui possèdent de tels services vont s'en départir avec l'application de la loi, ce qui veut dire que les travailleurs de ces entreprises devront aller dans le secteur public. Cela occasionnera des coûts additionnels au secteur public et, comme l'a signalé le Dr Gauthier, très certainement une baisse de la qualité des soins de santé accordés aux travailleurs de ces entreprises. Cela, M. le Président, ça fait partie des coûts.

L'autre situation que nous avons mentionnée qui nous porte à douter de l'efficacité des multiples règlements qu'on veut amener, modelée en cela sur ce qui se passe aux États-Unis et ailleurs au Canada, c'est — je le rappelle — l'inefficacité de l'application du programme OSHA aux États-Unis, inefficacité constatée de manière probante par une enquête présidentielle.

M. Bellemare: M. Létourneau, si un travailleur exerce son droit de refuser un travail, est-ce qu'on doit automatiquement présumer qu'il est de mauvaise foi, tel que vous le dites dans votre mémoire, à la page 10? "Il importe à l'employeur de prouver la mauvaise foi et les sanctions ou mesures disciplinaires peuvent faire l'objet de la procédure de griefs. Soulignons que nous trouvons pour le moins cocasse de voir un texte législatif à caractère pénal parler d'intention (mauvaise foi), selon votre mémoire; l'employeur ne bénéficie pas de la même largesse, ni au chapitre XIII (recours), ni au suivant, (infractions). Sa mauvaise foi étant présumée, point n'est besoin de la prouver." Cela, c'est dans votre mémoire. J'ai de la misère à faire la distinction entre le refus et la mauvaise foi d'une personne.

Je vais continuer. Cela peut être long, et je ne voudrais pas prendre le temps du comité, je sais que d'autres ont des questions, mais je voudrais simplement vous demander si vous ne croyez pas que le nombre d'accidents pourrait baisser dans la province et que les mortalités pourraient diminuer aussi avec cette loi qui est pour la prévention de la santé et de la sécurité du travail. Si elle est véritablement appliquée, est-ce qu'on ne fait pas dans ce sens-là, comme disait le juge "un saut gigantesque" qui n'a jamais été fait, même de mon temps, mais qui se fait aujourd'hui? Je l'approuve.

Si c'est dans le sens de la prévention, de la sécurité et de la santé du travail, je l'approuve parce qu'on ne sera jamais trop prudent. Quand on dit que dans les conventions collectives, depuis dix ans, comme disait ce matin le président de la FTQ: "On laisse ça pour compte" c'est faux. Dans 78% des conventions collectives, il est question de règlements positifs en ce qui regarde la sécurité au travail et particulièrement la santé. Je pense que les conventions collectives y ont pourvu. Alors, je vous laisse le soin de me répondre si le travailleur qui exerce son droit de refus doit auto-

matiquement être présumé comme étant de mauvaise foi.

M. Morin (Pierre): M. le Président, à la question précise du député de Johnson, non, nous ne présumons pas, a priori...

M. Bellemare: Mais pourquoi votre mémoire...

M. Morin (Pierre): Vous nous excuserez, M. le Président, d'avoir peut-être tenté un peu d'ironie ou un peu d'humour, mais nous trouvions cocasse que dans une loi pénale, qui, généralement dit: Vous ne respectez pas la loi, vous n'avez pas d'excuse, c'est tel montant d'amende, que dans un cas d'exercice du droit de refus, la seule ouverture laissée soit celle de la mauvaise foi, donc, des intentions. Ce qui s'applique généralement dans le Code criminel. Par ailleurs, on ne retrouve pas, comme on dit, la même générosité au niveau des recours qui peuvent être intentés contre l'employeur ou ailleurs. C'est strictement, encore là, l'économie du Code pénal, de la loi pénale qui s'applique. Vous n'avez pas respecté le règlement, une amende s'impose. Il n'y a pas d'excuse, d'une part.

Deuxièmement...

M. Bellemare: C'est là qu'est l'humour? M. Morin (Pierre): D'une part, oui. M. Bellemare: Non, non, non! M. Morin (Pierre): Dans ce sens que le... M. Bellemare: Je ne peux pas croire ça.

M. Morin (Pierre): Deuxièmement, ce qu'on voulait souligner au législateur, c'est que la mauvaise foi, à toutes fins utiles, c'est impossible à prouver.

M. Bellemare: II y a des fois que je pense que c'est visible à l'oeil nu, que ça se sent avec un nez, avec un bon radar.

M. Morin (Pierre): C'est justement, ça se sent et c'est visible, mais pour le prouver, il faut effectivement le faire sentir à un juge ou le faire sentir à un jury et c'est souvent plus difficile.

M. Bellemare: II y aura aussi une jurisprudence qui sera faite sur ça.

M. Morin (Pierre): Ce n'est pas impossible, mais elle peut tarder.

M. Bellemare: Oh non.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Pour enchaîner, parce que ma question ne portait pas sur ça, c'est peut-être aussi la même façon, quand vous parlez de prouver la mauvaise foi, qui existe actuellement de prouver le "sciemment". Je pense qu'il y a une jurisprudence qui a été faite à ce sujet-là. Donc, si vous dites que c'est difficile de prouver la mauvaise foi, c'est aussi difficile actuellement, dans les textes qu'on connaît, de prouver "sciemment". Je pense donc que ce qu'on donne au niveau de l'employé, c'est une première possibilité d'avoir le droit d'utiliser un droit sans avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. On n'a qu'à prendre au départ le Code du travail quand il est appliqué avec le droit de se syndicaliser et avec la preuve que devait faire la patron qui congédiait un individu qui essayait de former un syndicat. On a donné le fardeau à l'employeur de prouver qu'il ne congédiait pas l'individu parce qu'il avait l'intention de former un syndicat dans l'industrie. Je pense que cela a amené des tollés au départ, mais l'utilisation de ce droit a permis la syndicalisation, même si elle n'est pas au pourcentage souhaité.

Quant à la question que je voulais poser, elle se situe au troisième paragraphe de la page 10. C'est la seule question que je poserai parce qu'à chaque fois que j'ai eu à rencontrer des groupes patronaux, dans les discours que j'ai eu à prononcer sur le livre blanc de la santé et de la sécurité, c'est toujours la même question qui revenait, c'est-à-dire qu'on veut nationaliser les services de santé de l'entreprise, alors que nous parlons de normalisation.

Vous dites et vous donnez comme exemple, MM. Gauthier et Boudreault, que dans vos compagnies il y a un service de médecine de travail. On doit dire que, dans l'ensemble, il n'y a pas de service de santé dans les compagnies. En conséquence, alors que l'on sait très bien que le système public regroupe à peu près 97% des médecins au Québec, est-ce que votre paragraphe no 3 de la page 10 implique que vous voulez à l'intérieur des services, au niveau de la médecine du travail, qu'il y ait deux systèmes de service de santé? Est-ce qu'il devrait y en avoir un public et un privé? Si oui, est-ce que cela entraîne par le fait même que vous considérez que le service public, qui est celui que l'on connaît par le système de régime d'assurance-maladie du Québec qui est un service public offert à tous ceux qui veulent y participer, est un service meilleur que le service public? C'est une bonne question à ce niveau.

Ce sont les idées qui me viennent à l'esprit quand je lis votre troisième paragraphe. Est-ce que j'ai vraiment compris ou pas compris? C'est une bonne question; la preuve est qu'ils parlent toujours de nationalisation. C'est eux qui disent qu'ils parlent de nationalisation.

Une voix: Une bonne question.

M. Tremblay (Pierre): Est-ce qu'on pourrait poser une sous-question? Est-ce qu'en faisant disparaître les services privés vous pensez que cela pourrait améliorer le service public?

M. Jolivet: Très bonne question à ce niveau, parce que vous parlez de nationalisation. Actuel-

lement, dans l'ensemble des industries du Québec, j'aimerais savoir de vous le pourcentage de compagnies qui ont un service médical à l'intérieur de l'industrie. Ce serait bon à savoir puisque vous dites qu'il y a des compagnies qui ont été capables de se donner des services de santé et non la majorité. Est-ce qu'à ce moment-là la question que vous posez au niveau de la nationalisation des services de santé à l'intérieur des industries ne concerne pas plutôt la normalisation pour l'ensemble des industries du Québec?

M. Morin (Pierre): M. le Président, j'ai peine à comprendre exactement ce que veut dire le mot normalisation. C'est un peu comme de la rationalisation employée dans l'administration.

M. Jolivet: Vous parliez de normes pour une autre chose quand vous parliez de normes américaines. Vous aussi avez parlé de normalisation.

M. Morin (Pierre): Oui, on a parlé de normes d'adaptation, d'application suivant simplement la traduction, souvent, de normes américaines sans leur adaptation à notre territoire. C'est le cas qui arrive assez fréquemment. Mais, pour ce qui est de cette question, ce qu'on comprend du projet de loi — on nous corrigera — c'est que l'entreprise, pour ses services de santé, doit faire affaires avec un centre hospitalier du réseau des affaires publiques ou encore un centre de service social, un CLSC, si on se comprend bien. Cela exclut la possibilité de faire affaires avec une clinique privée. Est-ce qu'on comprend bien ce que dit le projet de loi? C'est comme cela qu'on le comprend.

M. Jolivet: Est-ce que, dans la loi, il y a quelque chose quelque part qui interdit à la compagnie de pouvoir se donner des services de médecine au niveau de médecins-conseils? Est-ce qu'il y a quelque chose quelque part dans la loi qui interdit cela?

M. Morin (Pierre): Non, mais il est question — si ma mémoire est bonne — qu'il peut y avoir un médecin-conseil probablement...

M. Jolivet: Au niveau de la gestion. En tout cas, il n'y a rien dans la loi qui l'interdit au niveau de la gestion.

M. Morin (Pierre): Si vous me le permettez...

M. Jolivet: II n'y a rien dans la loi qui l'interdit. Mais la loi propose un comité paritaire à l'intérieur de l'industrie. Les gens doivent décider du médecin qui va s'occuper de la santé et de la sécurité au niveau de l'application de la loi. À ce moment-là, vous devez vous référer au médecin choisi par le comité paritaire ou, s'il n'y a pas entente, c'est selon les formules prévues. Mais concernant les médecins-conseils que la compagnie peut se donner si elle le veut. Il n'y a rien qui l'interdise. (16 h 15)

M. Tremblay (Pierre): Que la compagnie peut se donner à elle et aussi pour ses employés. En d'autres termes, une compagnie X, Y ou Z qui possède présentement un service qui fonctionne bien, la loi étant mise en application, le comité patronal-syndical se réunira, décidera du choix d'un médecin X, Y ou Z. L'autre service peut donc continuer, selon ce que vous venez de dire, s'il n'y a rien dans la loi qui l'empêche.

M. Jolivet: Comme médecin-conseil au niveau de la compagnie.

M. Tremblay (Pierre): Un médecin-conseil peut-il avoir des consultations avec des individus ou donner des conseils à la compagnie?

M. Chevrette: Si tout va bien dans l'usine, ils vont reconduire le médecin qu'il y a là.

M. Tremblay (Pierre): Pas toujours.

M. Chevrette: Non, mais on prend l'hypothèse que ça va bien.

M. Bellemare: Oui, mais avec le comité paritaire, vous allez voir la différence.

M. Morin (Pierre): Excusez-moi.

Le Président (M. Marcoux): M. Morin.

M. Morin (Pierre): La question du choix du médecin, c'est une question en soi, qu'on choisisse celui en place ou qu'on en choisisse un autre; mettons cette question de côté.

C'est que l'article 86 du projet de loi dit bien: "Les services de santé pour les travailleurs de l'établissement sont fournis dans un centre hospitalier, dans un centre local de services communautaires, au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ou dans l'établissement lui-même, sous l'autorité d'un médecin responsable." Mais découle de ça que "le chef du département de santé communautaire peut toutefois accepter que les services soient fournis dans un cabinet privé, lorsque cela s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres locaux."

C'est basé sur la notion de services. Ce n'est pas simplement un médecin. Un service de santé, c'est un médecin avec des infirmières, des adjoints, enfin les gens pour les premiers soins, et de l'équipement aussi. C'est là où on exclut, à toutes fins utiles, ce qui existe déjà.

M. Tremblay (Pierre): Oui, mais il ne faut pas oublier l'article 87.

M. Morin (Pierre): Oui, mais encore là, c'est la nomination du médecin.

M. Tremblay (Pierre): Vous comprendrez que nous favorisons évidemment l'entreprise privée; ce sont nos membres. Nous n'aimons pas particulièrement voir intervenir un système qui enlèverait

ce qui déjà va bien, parce que, dans l'état actuel des choses, si ça n'allait pas bien, les services en question auraient été suspendus, puisqu'ils étaient libres, volontaires et faciles.

Par ailleurs, voir un comité intervenir pour le choix du médecin... On ne voudrait pas non plus — tout le monde sait que c'est un comité qui devait dessiner un cheval qui a inventé le chameau — dans ces entreprises voir des difficultés se créer et avoir deux systèmes parallèles. Ce n'est pas très valable non plus.

M. Bellemare: M. Tremblay, vous avez, en vertu de l'article 87, un droit d'appel pour la nomination du médecin; il y a un droit d'appel spécifique. S'il est destitué ou s'il a demandé d'être remplacé, en vertu de l'article 87, vous avez droit à un appel. Au moins, il y a protection.

M. Tremblay (Pierre): Nous ne voulons pas prolonger trop longtemps, mais il ne faudrait pas oublier que nous sommes sensibles, comme l'a mentionné M. Létourneau, au facteur coût impliqué et que — quand nous disons coût, nous ne parlons pas du coût aux seuls employeurs, nous parlons du coût pour la société en général. Lorsqu'on remplacera le système actuel, dans certaines entreprises, par le nouveau projet, il est indéniable que la "castonguette" va fonctionner à plein rythme, et c'est très dispendieux.

M. Bellemare: Seulement, vous ne parlez pas de la prévention que va assurer le gouvernement ainsi que la sécurité et la santé au travail, choses qui existaient peut-être beaucoup moins avant et qui vont être assumées par le gouvernement.

M. Tremblay (Pierre): Une chose n'exclut pas l'autre!

M. Bellemare: Non, mais celle-là existe aussi.

M. Tremblay (Pierre): Pourquoi faire disparaître ce qui va bien? On ne s'oppose pas...

M. Jolivet: Est-ce que vous prétendez que le système, qui était non obligatoire jusqu'à maintenant, que les grosses industries ont peut-être pu se payer, que l'ensemble des industries du Québec n'ont pu s'offrir, que ce système de l'industrie privée est meilleur que le système public?

M. Tremblay (Pierre): Peut-être dans ces grandes entreprises seulement, mais pourquoi les faire disparaître?

M. Bellemare: Ce matin, vous nous avez dit qu'il y avait 100 médecins à temps plein et 145 à temps partiel, ce qui fait 245 médecins pour les établissements industriels qu'il y a dans la province; ça ne représente pas un gros pourcentage.

M. Létourneau: M. le Président, l'observation que nous avons faite sur ce sujet découle de consultations faites auprès de nos membres qui possèdent ce service au sein de leur entreprise, qui nous ont dit, dans une très large majorité, que l'application de la loi telle que présentée amènerait pour eux, de la façon dont ils la voyaient et l'appréciaient, la cessation des services qu'ils offraient présentement dans leur entreprise. Il peut y avoir des exceptions, mais la majorité nous dit: Si c'est comme cela que cela fonctionne, nous ne maintiendrons pas ces services-là dans nos entreprises, c'est bien de valeur, ce sera trop coûteux. Il y a sans doute la conjugaison de plusieurs articles de la loi qui peut les amener à porter ce jugement, mais, néanmoins, c'est ce qu'ils nous ont dit qui pourrait être la conséquence de l'application de la loi telle que proposée. Est-ce qu'ils le feront vraiment? À toutes fins utiles, en tout cas, ce qu'ils nous ont dit, c'est qu'ils trouveraient très onéreux de continuer le service qu'ils offrent à l'intérieur actuellement de leur entreprise et nous aimerions que cet aspect soit examiné plus à fond. M. le député de Johnson nous a parlé d'un droit d'appel existant en vertu de l'article 87. Je lis l'article 87, mais je ne peux pas voir dans quel sens il offre un droit d'appel sur la nomination de ce médecin.

M. Morin (Pierre): L'article 91. M. Bellemare: L'article 91. M. Létourneau: Ah!

M. Bellemare: Mais, pour rejoindre les propos de M. Létourneau qui semble vouloir dire qu'il y aurait un désengagement presque majoritaire de ceux qui exercent aujourd'hui une certaine sécurité, une protection sécuritaire de la santé...

M. Létourneau: Non pas sécurité, des services de santé.

M. Bellemare: De santé. Vous semblez dire que la presque majorité va les abandonner, sans probablement connaître les règlements qui vont venir en sus de tout cela.

M. Létourneau: C'est une présomption à cette étape. On verra, mais c'est une présomption à cette étape.

M. Bellemare: Ce serait malheureux, c'est sûr.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux seulement faire quelques remarques, M. le Président. C'est évident qu'il y a le risque que les services déjà existants, au moins dans la petite et la moyenne entreprise, s'il y en a, disparaissent compte tenu des coûts supplémentaires qui vont nécessairement découler de la loi. Je pense que c'est une chose dont il faut être très conscient.

Je voudrais seulement faire une correction à ce que le député de Châteauguay a dit, à savoir que tout est déjà nationalisé pour les médecins.

C'est nationalisé dans le sens qu'ils sont payés par l'assurance-maladie, mais, en fait, je pense que les médecins eux-mêmes parlent encore de pratique privée et de pratique en cabinet privé. C'est comme cela que c'est identifié dans le projet de loi. On peut peut-être jouer sur les mots et dire: Tout est déjà nationalisé à 97%, parce qu'il n'y en a que 3% qui ne sont pas engagés dans le régime d'assurance-maladie, mais je pense que ce n'est pas tout à fait exact.

Évidemment, je partage toutes vos réserves quant à la réglementation. L'ancien gouvernement péchait de ce côté-là, mais celui-ci semble prendre les bouchées doubles comparé à l'ancien gouvernement. Je pense que c'est regrettable, parce que, finalement, on est un peu dans l'ignorance des conséquences des projets de loi qui sont adoptés. Je ne veux pas m'étendre là-dessus parce que tout le monde le dit toujours. Cela semble être presque un consensus selon qu'on est de ce côté-ci de la table ou de l'autre et je pense qu'un jour il faudrait s'y arrêter sérieusement. Nous sommes fort aise d'un projet de loi qu'un de nos députés a déposé, le député de Saint-Laurent, dans lequel il aborde toute cette question de délégation de pouvoirs par réglementation ou sous d'autres formes.

Il y a une question que je voudrais poser. Je pense qu'il y a ici M. Ouellette de la Presse et M. Boudreault. Je n'ai pas compris le nom de votre entreprise.

Une voix: Rothmans.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Rothmans. Je vois qu'à la page 6 vous semblez assez "réfractaire", entre guillemets, à ce qu'un programme de santé et de sécurité au travail soit articulé sur le concept de relations de travail ou de négociations de relations de travail. Je vais tenir pour acquis que, dans chacune de vos entreprises, vous avez un système de santé et de sécurité au travail qui serait même au-dessus des normes minimales que la commission pourrait édicter éventuellement.

Je voudrais savoir quelle est la partie de ce programme de santé et de sécurité dont vous avez parlé et que vous avez élaboré — vous n'êtes peut-être pas capable de répondre d'une façon très exacte — à partir de l'initiative de l'employeur et de celle qui découle justement du résultat des discussions des conventions collectives. Je ne partage pas tout à fait votre avis, mais vous semblez dire que c'est presque un peu superflu qu'on ait à discuter de cela dans les négociations et que, somme toute, l'entrepreneur est assez responsable pour prendre lui-même l'initiative de mettre en place un régime de santé et de sécurité qui soit presque au-dessus — il n'y a rien de parfait — de tout reproche.

M. Tremblay (Pierre): Madame, M. le Président, si vous me le permettez, en réponse à cette question dirigée à nos deux collègues, j'aimerais que chacun, brièvement, rapporte son expérience étant donné que c'est dans deux villes distinctes, Québec et Montréal, deux genres d'entreprises distinctes et deux entreprises où il y a des travailleurs organisés, des syndicats depuis très longtemps. M. Boudreault va commencer et M. Roy complétera.

M. Boudreault: M. le Président, en réponse à cette question, je pense que chez nous, on a fait une distinction assez claire entre ce qui concerne la sécurité et ce qui concerne la santé.

Sur le plan de la sécurité, on a effectivement un comité de sécurité depuis de très nombreuses années et le premier concept du comité de sécurité a été introduit à l'occasion de discussions avec le syndicat. Par la suite, il fut confirmé dans la convention collective. Donc, notre convention collective prévoit depuis de nombreuses années la création du comité, son rôle et ses responsabilités qui sont essentiellement consultatives, mais il a le pouvoir d'inspection et le pouvoir de recommandation. Il a également le pouvoir de suggérer des programmes de sécurité. Nous avons, par exemple, introduit des programmes de subvention à l'achat d'équipements individuels de sécurité et nous avons évidemment au-dessus du comité de sécurité, c'est-à-dire travaillant en collaboration avec le comité de sécurité, un responsable de la sécurité et de la prévention des accidents du travail.

Pour ce qui est du programme de santé, nous avons évidemment un service médical avec un médecin à temps partiel, c'est-à-dire à demi-temps et des infirmières. Nous avons un dispensaire avec un équipement assez élaboré et nous avons tout récemment investi dans l'achat d'équipements d'électrocardiogramme et d'audiomètre, ce qui fait que nous avons aujourd'hui, je pense, un service médical assez bien organisé. Nous avons toujours eu un médecin, effectivement, chez nous. En autant que je me souvienne, on a toujours eu un médecin et des infirmières et...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de vous interrompre.

M. Boudreault: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est très intéressant. Sans aucun doute, vos services sont probablement parmi les bons qui existent. Mais ma question, c'est que toute la question de négociations ou de relations employeurs et employés n'est pas étrangère à la mise en place ou au développement de mesures de sécurité et de santé.

M. Boudreault: Non. Effectivement, elle n'est pas étrangère, comme je le disais, sur le plan de la sécurité d'abord. Sur le plan de la santé, quand on a, par exemple, à organiser une campagne d'immunisation, il est évident que cela fait suite à certaines consultations avec les représentants syndicaux de telle sorte qu'il y ait une meilleure acceptation de l'ensemble du programme de santé.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous mettre en contradiction avec le mémoire, mais

vous souscririez peut-être d'une façon moins absolue au paragraphe... C'est le deuxième. En tout cas, le premier au complet de la page 6 du mémoire qui voit que le fait qu'il y ait des situations conflictuelles — pour utiliser le terme — n'est pas nécessairement négatif à l'égard du développement de mesures de santé et de sécurité au travail.

M. Boudreault: Dans le contexte historique des relations de travail chez nous, non, ce n'est certainement pas étranger, mais il n'y a pas de négociation formelle en ce qui concerne, par exemple, un programme de santé. Il y a consultation.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, mais sur la sécurité, oui?

M. Boudreault: Oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je ne sais pas si...

Une voix: M. Roy.

M. Roy (Fernand): Oui, voilà. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je vais traiter cela un peu différemment. D'abord, je ne suis pas ici comme membre de la délégation de la chambre de commerce, mais j'appuie essentiellement le contenu du mémoire. Je suis ici pour appuyer le Dr Gauthier dans sa volonté exprimée d'avoir un médecin sur place dans une entreprise comme la Presse, d'avoir une infirmière qui rend de précieux services à l'ensemble de la population de la Presse. (16 h 30)

Je voudrais dire quand même, en dehors des différents programmes qu'on a mis de l'avant, qui ressemblent beaucoup à ce qui a été exprimé par M. Boudreault, que ceux qui vivent le plus d'insécurité et où la santé est peut-être le plus affaiblie, c'est l'entreprise dans toute cette opération, parce que chez nous, particulièrement, la force syndicale, la tradition syndicale et l'expérience syndicale qui découle de décennies ont fait que la force des gens a découlé sur une négociation qui a prévu des mécanismes de protection dans tous ces cas... Pardon?

M. Bellemare: Ils sont contenus dans la convention collective.

M. Roy: Ils sont dans les conventions collectives, mais ils sont aussi sujets de conflits, bien sûr, et sujets de représailles. Quand je dis que la compagnie vit de la façon la plus dangereuse et qui est la moins sécuritaire possible, j'aimerais qu'on adopte une loi au gouvernement pour protéger l'entreprise privée. J'entendais M. Laberge dire ce matin qu'il souhaitait avoir un droit de grève au moment de la convention; chez nous, ça se fait couramment. En pleine convention, on ferme les portes pour le moindre prétexte. Je pense que, déjà, nos syndicats chez nous sont protégés sur tous ces plans. Pour indiquer la nécessité et la volonté qu'on exprime aujourd'hui d'avoir chez nous présent un médecin et une politique de santé et de sécurité, c'est tous les changements technologiques et toutes les mesures qu'on a pu prendre pour éliminer — comme vous le savez, un journal est composé fondamentalement et depuis toujours de plomb — le plomb, parce que ça créait des problèmes de santé. On a fait des changements technologiques tout en assurant la sécurité des travailleurs. On a pris nos responsabilités comme entreprise et c'est là-dessus simplement que je voudrais souligner une chose.

Je ne voudrais jamais, nulle part, qu'on enlève à l'entreprise privée et à la direction intelligente, correcte et socialement engagée sa responsabilité pour la diluer à travers une loi parce qu'il y a des entreprises ou des compagnies qui ne font pas leur boulot.

Moi, je sens, par ricochet, les obligations qui nous sont imposées par des lois, qui ne s'adressent pas à des gens que je considère respectables, qui sont des entreprises sérieuses au Québec, qui ont pris les moyens et qui se sont engagées fondamentalement à défendre des intérêts aussi précieux que la santé et la sécurité.

C'est à peu près tout ce que j'ai à dire là-dessus. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, de votre participation à nos travaux.

J'inviterais maintenant la Centrale des syndicats démocratiques à venir nous présenter son mémoire.

Une voix: Merci, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): Merci. M. Paul-Émile Dalpé, bienvenue. Si vous voulez nous présenter vos collègues qui vous accompagnent.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Dalpé (Paul-Émile): Avec plaisir, M. le Président, et MM. les membres de la commission.

À ma gauche, le vice-président de la centrale, Jean-Paul Hétu.

M. Bellemare: Jean-Paul?

M. Dalpé: Hétu. À sa gauche, Réal Labelle, secrétaire de la centrale, et, à la gauche de M. Labelle, M. Dion, le trésorier. Tout au bout, le relationniste de la CSD, M. Guy Mailloux, de même que deux autres représentants, MM. Jean Roy et Laval Goulet, l'un de la construction et l'autre des garages.

À ma droite, M. Jean-Claude Simoneau, président de la Fédération de la métallurgie, M. Renald Carey, président du Syndicat des travailleurs de la construction du Québec, Denise Bourassa, du secteur des hôpitaux, et M. Armand

Gagnon, président de la Fédération nationale du textile.

Avec votre permission, M. le Président et messieurs les membres de la commission, je vais demander à mon confrère, M. Hétu, vice-président chez nous, de piloter le mémoire de la CSD pour la bonne raison qu'il est déjà connu auprès du service qui a préparé le livre blanc et probablement le projet de loi. C'est lui qui, depuis le tout début de la centrale, suit les activités quant à la sécurité et à la santé des travailleurs. Par conséquent, il est plus en mesure de rendre intéressante cette présentation.

M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, messieurs les membres de la commission, madame, tout d'abord, comme remarque préliminaire, avant de...

Une voix: Voulez-vous rapprocher votre micro?

M. Hétu: Avec plaisir. Comme remarque préliminaire, j'aimerais indiquer la qualité de notre représentativité. Ce matin, M. Laberge a cru bon de mentionner qu'il représentait 300 000 travailleurs dans le monde syndical. Je crois bon aussi, cet après-midi, de mentionner que nous ne représentons que 50 000 travailleurs, mais j'aimerais indiquer, à ce niveau, que notre représentativité est majoritaire — et j'aimerais la révéler — dans plusieurs secteurs de l'économie où la santé et la sécurité des travailleurs sont en cause. Par exemple — nous sommes, je ne dis pas majoritaires avec un grand crin — dans l'amiante, nous représentons les 2800 travailleurs qui sont situés sur le territoire de la ville d'Asbestos. Dans l'agroalimentaire, notamment dans le lait et ses dérivés, nous représentons la très grande majorité des travailleurs; bien sûr, nous sommes aussi dans le textile, dans le vêtement, dans la chaussure et dans le ciment, dans le meuble, le bois ouvré et dans les métaux non ferreux ainsi que dans les garages. Nous sommes présents également de façon minoritaire par rapport à la FTQ dans les fonderies et dans les autres secteurs industriels importants.

C'est à ce titre, et après échanges et consultations avec les travailleurs de notre organisation, que nous vous soumettons un certain nombre de réflexions qui sont contenues dans le mémoire que vous avez sans doute en main.

Une autre remarque préliminaire. Vous avez sans doute remarqué que le mémoire que nous vous soumettons n'est pas épais parce qu'il ne renferme que 20 pages, mais il y a huit divisions que nous estimons vitales pour les travailleurs.

Ce matin, j'ai écouté avec attention les échanges entre les membres de la commission et la FTQ. Il y a un point que j'aimerais signaler au départ. Je me réfère à la partie de notre mémoire, dans la deuxième section, où nous indiquons là je vais expliquer l'idée de base sur laquelle est conçu notre mémoire — que le projet de loi no 17, quant à nous, ne constitue pas une réforme globale sur la santé et de la sécurité au Québec. Par cette affirmation, je voudrais vous résumer brièvement, en trois mots, les trois pôles de base sur lesquels on aurait aimé qu'il y ait une réforme globale présentée dans le projet de loi. Nous aurions aimé que non seulement il y ait une réforme — et c'est là-dessus qu'elle porte essentiellement — au niveau de la prévention... Là, il y a plusieurs réserves que nous manifesterons, que nous indiquerons tantôt. Ensuite, nous remarquons que le projet de loi no 17 ne contient aucune réforme sur le deuxième volet du régime de la santé et de la sécurité, c'est-à-dire toute la partie relative à ce que nous appelons l'indemnisation, savoir la reconnaissance des maladies professionnelles, de l'assistance médicale, bref, tout le volet de l'indemnisation.

Le troisième point sur lequel on prétend qu'il aurait fallu qu'il y ait une réforme apportée dans le projet de loi 17, c'est celui qui concerne tout le phénomène de la réadaptation.

Notre première remarque, c'est que nous sommes vraiment insatisfaits quant à la facture générale ou à l'économie générale du projet de loi 17 parce que l'on a plutôt centré la réforme sur la prévention. Je vais accrocher certains propos que mentionnait le député de Portneuf. Nous dénonçons, dès l'abord, la dissociation juridique qui existe entre le Code du travail et le projet de loi 17. Ce matin, le député de Portneuf a fait porter pratiquement toute son intervention sur ce volet et j'aimerais y apporter des clarifications. Quant à nous, le premier point... Je vais essayer de caractériser l'évolution des négociations collectives en rapport avec la santé et la sécurité.

Tout d'abord, il est évident que jusqu'à il y a deux ou trois ans, les négociations collectives, dans le milieu de travail, ont surtout porté sur une volonté collective des deux parties de monnayer la santé et la sécurité au travail. Comment? Dans les négociations collectives, nous avons négocié des primes pour les travailleurs qui étaient dans des situations de danger. Primes de hauteur, de largeur, enfin, toutes les sortes de primes.

Deuxièmement, nous avons, de façon plus subtile encore, dans les systèmes d'évaluation d'emploi, là aussi monnayé la santé. Et je serai précis. Vous savez que pour les systèmes d'évaluation d'emploi, la principale fonction, c'est de classifier des emplois dans le but de fixer des salaires. Or, dans la détermination des facteurs, quelle que soit la centrale syndicale, il y a généralement, d'après les études qu'on a faites dans les systèmes d'évaluation d'emploi, de 13% à 14% des salaires qui sont pour acheter la santé au travail.

Concrètement, cela veut dire, par exemple, vu qu'il y a des phénomènes nuisibles dans l'entreprise, le bruit, la poussière, la pollution de toute sorte, on va donner des points là-dessus, mais cela a une influence sur les salaires. C'est un premier point. L'autre aspect où on a monnayé également la santé, c'est dans les systèmes d'étude de temps et mouvement. Bien sûr, on met là l'accent et généralement on dénonce constam-

ment la cadence accélérée que ces systèmes d'étude de temps et mouvement développent. On veut inciter les travailleurs à produire davantage, mais dans le calcul de l'étude de temps et mouvement, on donne toujours des majorations qui sont déterminées — selon notre expression — au pifomètre; on va donner des majorations pour la fatigue, pour le repos, pour le bruit, etc. Mais ce qu'on fait dans le fond, on accepte qu'il y ait un système d'étude de temps et mouvement, mais on achète la santé et la sécurité au travail.

Donc, le premier aspect, quant à la négociation collective, j'ai indiqué trois éléments de base, on a monnayé la santé et la sécurité au travail.

Deuxième point, on a progressé cependant, on a introduit dans les conventions collectives le droit de refus au travail. (16 h 45)

Je ne sais pas si le député de Portneuf est au courant, mais il y a une entreprise de pâtes et papiers dans son secteur de Portneuf où existe une clause de convention collective de droit de refus à la santé. On a aussi, dans d'autres secteurs également, des négociations. C'est un deuxième aspect.

Deuxièmement, ce qu'on a négocié de façon plus générale, c'est que les deux parties se sont engagées à appliquer les lois et les règlements existants par la formation d'un comité de santé. On a aussi établi certaines règles qu'on retrouve dans le décret de la construction, par exemple, et qu'on retrouve dans certaines autres conventions collectives. C'est un premier volet.

Le deuxième, c'est qu'au niveau gouvernemental, depuis 1972 notamment, on a introduit des normes qu'on peut actuellement qualifier de deux types. Il y a des normes obligatoires. Que ce soit dans le règlement des établissements industriels commerciaux, que ce, soit dans le règlement des établissements industriels tout court administrés par les SPE — le directeur Bourdages est là — et ensuite dans le règlement de salubrité des mines, généralement, les normes obligatoires étaient seules liées aux moyens de protection individuelle. Vous savez que dans le règlement des établissements industriels, il y a dix moyens de protection individuelle moins un où ce n'est pas obligatoire, c'est pour le bruit.

Deuxième volet. Généralement, l'ensemble des règlements est facultatif. Il est facultatif dans ses points les plus essentiels partout où les travailleurs sont exposés à la pollution; par exemple: le bruit, la ventilation et les autres volets. C'est facultatif. C'est-à-dire que pour le bruit, par exemple, il est dit dans le principe général qu'il faut éliminer le bruit à sa source, mais il y a un petit mot "autant que possible". Généralement, on n'est pas capable, alors on passe au deuxième volet et au troisième ensuite.

Le troisième, c'est qu'il faut que tu portes des bouchons. Là, on a des problèmes dans la négociation collective parce que le règlement n'a pas rendu cela obligatoire. On a des problèmes parce que l'employeur veut l'imposer. On a aussi des problèmes parce que, dans le règlement, on réfère, quant à la sorte de protecteurs auriculaires, au règlement de l'ACNOR. Je ne sais pas si vous connaissez l'ACNOR, c'est la CSA en Ontario, mais le gouvernement du Québec y a un représentant; le ministère du Travail est là. Il y a là un grand règlement où il est indiqué qu'il y a sept sortes de protecteurs auriculaires, mais c'est au choix du patron. De toute façon, l'idée de base est qu'il y a une réglementation obligatoire et facultative.

Ma conclusion, en rapport avec la négociation collective et la réglementation gouvernementale, est la suivante: La réglementation gouvernementale actuelle, malgré son caractère hybride, obligatoire et facultatif, est allée plus loin — là, je mesure bien mes mots — que ce que contiennent les négociations collectives actuellement dans ces mesures. Elle est allée plus loin. Alors, cela pose un problème quand vous parlez, M. le député, des négociations éventuelles. Que va-t-il se passer après l'adoption du projet de loi 17? Il va se passer plusieurs choses, mais notamment un premier phénomène. Un premier phénomène — cela présuppose une prémisse que je vais vous donner avant de décrire le phénomène — c'est qu'actuellement, les négociations collectives sont rendues à un certain plafonnement. On a défini, depuis 1944, un certain patron dans l'amélioration des conditions de travail. Je ne veux pas en faire l'histoire; je veux tout simplement indiquer qu'actuellement, il y a deux orientations possibles.

La première, c'est que, suite à l'adoption du projet de loi 17, les syndicats et les patrons vont s'occuper davantage d'améliorer les conditions de travail en rapport avec la santé et la sécurité dans leurs négociations. Cela est évident. Elles vont porter sur quoi? Sur des choses qu'on n'a pratiquement pas négocié dans le passé, par exemple, améliorer les conditions de travail en rapport avec le poste de travail, les conditions inhérentes au poste de travail.

Cela va toucher même les méthodes de travail qui, actuellement, on le sait, sont du ressort exclusif des patrons; ça va porter également sur l'organisation du travail en général puisque c'est ça qui cause les conditions de travail; or, il va y avoir un mouvement vers ça. S'il n'y a pas de mouvement vers ça, il y a une deuxième voie, ce sera celle de pratiquer un syndicalisme de nature révolutionnaire; on n'a pas de choix, à moins de s'asseoir sur le statu quo. Mais je ne pense pas que, de façon générale, on développe un syndicalisme du statu quo, à la suite de l'adoption de la loi au Québec. Alors, cette question est vraiment importante.

Mais il y a une deuxième remarque que je voudrais faire en rapport avec la dissociation juridique qui existe entre le Code du travail et le projet de loi no 17. Cela, on doit le déplorer; on doit déplorer que le gouvernement, de manière globale, ait procédé par morceaux dans sa modification du droit du travail; il a commencé par modifier le Code du travail, ensuite il modifie la loi de la santé; il a modifié également les lois sur les normes du travail. C'est pour ça qu'actuellement, du point de vue syndical, il y a des inconnus; on ne sait pas trop, sur certains points, où se brancher. C'est pourquoi on va demander — en tout

cas, quant à nous, on l'interprète comme ça — le droit de grève associé au droit de refus, parce qu'on sait que, dans le Code du travail, on est limité, mais on sait que la loi no 17 agit sur les conditions de travail. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Là, on est placé devant un cul-de-sac. Comment va-t-on résoudre ce problème? Il aurait fallu — ça va bien de dire ça, je ne suis pas dans la peau du gouvernement ni dans celle de l'Opposition — qu'on essaie de définir ce que sera le droit du travail, compte tenu de ces orientations de base; comment on va l'organiser, etc. Évidemment, le gouvernement a décidé d'améliorer le Code du travail, d'améliorer et de changer la loi sur les normes du travail, il a même créé un comité, dont on ne connaît pas le rapport, on ne sait pas où il est — c'est dommage qu'il y ait là un peu de cachette — sur la loi des décrets et ensuite il modifie la loi sur la santé et la sécurité; il fallait qu'elle soit modifiée.

Évidemment, on va le dire plus loin, il y a des choses sur lesquelles nous sommes d'accord fondamentalement, mais c'étaient les deux premières remarques, à la suite de votre intervention, M. le député, que je voulais faire, parce que ça rejoignait ce qu'on qualifie, dans notre mémoire, une position de base. Nous disions: II y a une dissociation juridique qui existe entre le Code du travail et le projet de loi no 17; je pense qu'il faut toujours avoir en tête cette dénonciation, au fur et à mesure qu'on va présenter notre position.

Le deuxième point, quant à la non-existence d'une réforme globale du régime actuel, c'est qu'actuellement, dans la loi, le partage des pouvoirs, tel qu'il est défini dans le projet de loi no 17, consacre l'omnipotence du chef d'établissement, notamment au niveau du programme de prévention. Il y a une délégation de pouvoirs qui est discrétionnaire et arbitraire qui est dévolue aux technocrates qui sont chargés de faire appliquer les règlements et de les concevoir.

Bien sûr, les deux parties vont être présentes et on en discutera lorsqu'on sera rendu à l'intérieur de la commission de la santé et de la sécurité, mais, telle que proposée, la représentation au sein de la commission de la santé et de la sécurité, je ne pense pas que les huit ou les dix qui vont représenter la partie patronale et l'autre, parce qu'ils vont avoir à administrer l'ensemble du régime de la santé et de la sécurité, vont, de leur propre initiative, concevoir la réglementation; ils vont sans doute donner leur accord avant qu'elle soit transférée à un ministre responsable ou au Conseil des ministres. Enfin, c'est notre opinion, à la suite d'expériences vécues, par exemple, au sein de l'Office de la construction.

Ensuite, il y a le caractère discriminatoire des règlements actuels; par exemple, dans le règlement des établissements industriels et commerciaux — c'est une des motivations pour changer à tout prix cette réglementation — les travailleurs d'un établissement établi avant 1972 sont défavorisés nettement par rapport à ceux d'un établissement construit après 1972. En d'autres termes, ça veut dire que, juridiquement, les pouvoirs coerci- tifs de la loi ne peuvent pas obliger un employeur à appliquer les règlements des établissements industriels tels que conçus. C'est ce qui fait que toutes les causes qui sont portées devant les coroners — on a vécu de ces expériences.

Il y a un coroner dans le comté de Saint-Maurice, M. Décarie, qui nous a dit: La compagnie est responsable. Cependant, le ministre de la Justice, Me Bédard, a dit: Je ne peux pas poursuivre, il n'y a pas de fondement juridique. Je comprends, la compagnie n'est pas assujettie au règlement à cause de cette distinction juridique là. Il nous a expliqué cela gentiment — ce qu'on savait — mais c'est quand même le problème.

L'autre élément de la discrimination, c'est la situation des travailleurs des mines et carrières par rapport à leurs vis-à-vis du secteur de la transformation. Le député Bellemare a fait référence ce matin — je pense que c'est lui qui a parlé de cela — à la lutte qui a été menée — ou un autre, enfin! — en parlant des problèmes de travailleurs d'Atlas qui sont dans l'amiante, qui ont autant sinon plus de problèmes que les gars des mines et qui ne sont absolument pas couverts par les règlements concernant les normes qui ont été fixées et qui sont appliquées par le ministère des Richesses naturelles et, en particulier, par la loi 52.

M. Bellemare: Ce n'est pas le député de Johnson qui a dit cela, c'est le député de Portneuf.

M. Hétu: Tant mieux, je suis content du souci d'équité que vous manifestez, M. le député.

M. Bellemare: Donnez-moi seulement ce que... Oui, c'est le député de Portneuf.

M. Hétu: À César ce qui est à César.

M. Bellemare: C'est cela, la pesanteur de la masse.

M. Hétu: L'autre point où il y a discrimination dans la réglementation, c'est concernant les règlements des établissements industriels qui sont administrés par les services de protection de l'environnement où on a confié au directeur du service de déterminer les limites de concentration, c'est-à-dire de déterminer les normes de pollution à appliquer. C'est lui qui, en vertu de l'article 25, a ce plein pouvoir de déterminer cela. Enfin, quant à nous, il faudrait également que le projet de loi pose toute les garanties pour que les objectifs de prévention soient conciliables avec les objectifs de productivité et de rentabilité de l'entreprise privée, ce qui présuppose — on l'expliquera tantôt — l'intégration du syndicat dans les mécanismes décisionnels et consultatifs, c'est-à-dire le respect du principe de participation paritaire énoncé dans le projet de loi 17. Il faudrait enfin que le projet de loi s'attaque également au chapitre de l'indemnisation et de la réadaptation.

Néanmoins, le projet de loi no 17 renferme des propositions de changements qui, dans la

perspective d'un régime dorénavant axé sur la prévention, constituent quant à nous un embryon de réforme que la CSD ne peut rejeter. Nous reconnaissons — il faut le dire — que le projet de loi no 17 propose un énoncé de politiques qui représentent un gain sensible pour l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail. En d'autres termes, la CSD ne peut pas ne pas appuyer l'adoption du projet de loi, parce que ce serait autrement cautionner le statu quo que je viens de dénoncer à toutes fins utiles, et le projet de loi no 17 répond à certains objectifs de notre organisation, notamment l'institution d'un cadre législatif monocoque — je ne m'étendrai pas là-dessus, je pense qu'un peu tout le monde l'a mentionné — d'autre part, à cause de la mise en place de mécanismes de participation impliquant les travailleurs dans la conception et l'application de programmes de santé et de sécurité au travail, mais, immédiatement, nous déplorons que ces mécanismes ne soient suffisamment articulés et définis. Il y a des restrictions d'ordre bureaucratique qui existent qu'on mentionnera tantôt, mais quand même cette mise en place déjà qui est proposée est, quant à nous, un élément important de changement par rapport à ce qui existait dans le passé, notamment, c'est que le phénomène de la réglementation a toujours été sous la tutelle doctrinale du patronat, le travailleur et son organisation étant exclus des mécanismes de participation établis, sauf ceux définis dans le règlement des établissements industriels à l'article 14 où on avait un droit de consultation lorsqu'on formait un comité de parités.

Enfin, depuis trente ans, la réglementation sur la santé et la sécurité additionne de nouveaux concepts développés par des associations patronales subventionnées par l'État, des associations de prévention dont la portée tend à restreindre la responsabilité sociale de l'employeur, par exemple, dans le milieu a eu cours et a cours encore la notion, le concept d'erreur humaine dans le cas des accidents du travail. (17 heures)

En 1973, nous avons réuni 150 représentants des comités paritaires et les travailleurs estimaient tous que les accidents, ou à peu près, dépendaient de l'erreur humaine. C'est grave. C'était cette notion que pendant des années on avait inculquée notamment l'APAI et d'autres organisations patronales. Ensuite, il y a le concept du seuil de tolérance limite qui repose sur la notion que le travailleur est considéré comme un cobaye, c'est-à-dire qu'on va établir une norme après avoir constaté que les produits chimiques affectent réellement la santé du travailleur. On en reparlera tantôt.

Depuis 30 ans, le régime tolère les conséquences... J'en ai parlé. On va passer outre aux primes de rendement, etc. Depuis 30 ans, c'est le chef d'établissement par ses pouvoirs de gérance qui impose un genre de prévention axée exclusivement sur les moyens de protection individuelle et que la réglementation reconnaît aussi. En fait, depuis 30 ans, le cadre de réalisation des objectifs de santé et de sécurité prescrit par le législateur est subordonné au chef d'établissement. C'est dommage, puisqu'il est à la fois juge et partie, d'où les raisons pour lesquelles il faut modifier profondément ce règlement, mais la loi n'en parle pas. Ensuite, les raisons pour lesquelles nous sommes d'accord avec certaines parties du projet de loi no 17, c'est qu'on intègre les programmes de santé et de sécurité aux réseaux publics de santé. Pour la CSD, c'est plus que le prolongement de la réforme de la santé amorcée par la RAMQ. C'est la fin du contrôle de santé par les compagnies et leurs complices, c'est-à-dire les "doc" de compagnies. Je sais que c'est un propos dur, mais je vais m'expliquer. Nous avons fait une étude auprès de 1000 travailleurs de l'amiante. Il y avait 320 questions. Il y en avait une qui traitait de la clinique industrielle. 79% des travailleurs de l'amiante ont affirmé que les médecins oeuvrant au sein de la clinique industrielle représentaient exclusivement les intérêts de la compagnie. Deuxièmement, le système actuel doit être modifié profondément parce qu'on ne peut plus le laisser coller aux cliniques industrielles ou aux médecins de compagnies. Le cheminement ne se fait pas entre le dépistage d'une maladie professionnelle. Il ne se fait pas aux travailleurs. Il ne se fait pas à la CAT. Il ne se fait nulle part. Dans l'amiante, dans les fonderies, dans les métaux non ferreux, partout où il y a ces médecins, hélas, on doit constater qu'il n'y a pas de suite, que ces médecins livrent presque, toujours un certificat de bonne santé. Ces médecins donnent rarement des informations aux travailleurs qu'ils ont examinés sur leur état médical. C'est inacceptable. Il y a un travailleur — je pourrais citer son cas très rapidement — du nom de Sylvia Rivard, 56 ans, dont le travail a 22 ans d'ancienneté. Il a découvert à un moment donné qu'il était malade, qu'il ne pouvait plus travailler. Il était sur les lieux du travail. Cela se passe pas loin de votre comté, M. le Président, à Shawinigan. Il suffoquait. Il ne pouvait plus respirer. Tout le monde se demandait ce qu'il avait. On l'a amené à la salle d'urgence. Finalement, on pensait qu'il avait de l'asthme. On lui a dit: Repose-toi, camarade. Pas de problème. Il s'est reposé, un mois, deux mois. Une fois qu'il a été bien, le médecin lui a dit: Retourne. Va travailler. Il suffoque encore. Mais il faut dire que dans son entreprise, il était en contact principalement avec de la poussière de silice, du monoxyde de carbone et de la nitrite sulfureuse. Encore là, il suffoque, après deux ou trois mois de travail, on le sort de l'entreprise. On ne sait pas ce qu'il a encore. On le soigne. Enfin... Là, ce n'était plus de l'asthme. On lui a trouvé une autre bibitte. Finalement, on ne le savait pas. On le retourne au travail encore. Là, il n'a pas duré une semaine.

Finalement, de Shawinigan — avec tout le respect que je dois au Dr Lagacé qui est là — on l'a envoyé à Québec et, là, on s'est aperçu qu'il était atteint de silicose à 100%. Ce gars-là, théoriquement, était mort, selon les médecins, 100%. C'est grave, ça. La CAT l'a reconnu tout de suite, bon Dieu! On ne savait pas ça. Il a travaillé 26 ans,

puis... Là, il y avait un médecin qui, à tous les ans, examinait les travailleurs là. Théoriquement, il était mort. Là, ce gars-là, la CAT... Écoutez, avant qu'on le fasse reconnaître, cela a pris un an, deux ans. Lui, il avait son assurance de la "shop", négociée entre le syndicat et le patron qui lui donnait de l'argent, mais il ne pouvait plus travailler. Mais la CAT ne l'a pas reconnu tout de suite. Il a été obligé d'emprunter de l'aide sociale — vous connaissez ça, vous l'avez bâtie, la loi — $1400 à $1500, parce qu'il n'avait plus d'argent et que son assurance ne pouvait plus le payer. Son assurance collective était rendue au bout, 25, 26 semaines. Il a été obligé d'emprunter de l'argent et là, quand les médecins l'ont reconnu, ils ont dit: Toi, c'est vrai, parce qu'un pneumologue de Québec, qui l'avait examiné, etc., là, la CAT l'a reconnu. Ils ont dit: Là, c'est vrai. Ils ont dit: Ma foi, ne reste plus en ville; c'est trop dangereux pour toi. Achète-toi une maison à la campagne. C'est ça qu'ils font, à la CAT. C'est ça, la réadaptation. Il est allé à la campagne. Mais il devait... Bien sûr, la CAT l'a réhabilité. Elle lui a donné son montant d'argent qui était, je pense, à ce moment-là, je ne me souviens pas, $15 000, $20 000, etc.

Maintenant, ce gars-là ne peut plus rien faire. Il a de la misère à conduire son automobile. C'est ça, les cliniques médicales des compagnies. Ça, c'est un cas. On pourrait en citer d'autres, mais je ne veux quand même pas trop vous écoeurer. Excusez l'expression, mais c'est celle qu'on dit couramment et elle est bien française, à part ça.

Pour les cliniques médicales, pour nous, cette dimension du projet de loi de la santé, on y applaudit à tour de bras. On dit: Merde! aux médecins, et j'espère que les partis d'Opposition vont être d'accord là-dessus parce que c'est fondamental.

Ensuite, la création de la Commission de la santé et de la sécurité. On est d'accord avec ça, avec des modification; la reconnaissance juridique du droit à la santé et à la sécurité, du droit de refus avec un tas de modifications qu'on discutera tantôt. Bien sûr, il y a une amélioration du pouvoir coercitif de la loi, on est d'accord avec ça.

Cependant, là on arrive dans le meilleur, c'est l'évaluation du projet de loi qui, quant à nous, repose sur quatre critiques majeures. La première critique, c'est que l'objectif prioritaire de prévention, quant à nous, tel que défini dans le projet de loi no 17, ne se traduit pas par des garanties suffisantes de réalisation. Le projet de loi soulève, sur le plan tactique, trop d'inconnus qui compromettent la réglementation qui viendra animer la loi-cadre. Bien sûr, on définit dans le programme de prévention: il faut éliminer à la source les dangers, etc. Cependant, qui va définir ça, si ce ne sont les pouvoirs de réglementation qu'on donne à la commission? Mais ça, comment ça va évoluer, cette histoire-là? On trouve qu'il y a trop d'inconnus là-dedans. Et, en particulier, on estime que le projet de loi exclut le syndicat des mécanismes de décision et de consultation.

Deuxième volet de notre critique, c'est qu'on prétend que l'institution d'un système de santé et de sécurité préventif commande l'institution d'un système d'indemnisation préventif, qu'on explicitera tantôt.

Troisième point, c'est que la nouvelle commission sur la santé et la sécurité au travail est basée sur une conception qui est centralisatrice des pouvoirs et des responsabilités quand l'expérience de régionalisation des services de la CAT démontre que cette décentralisation est nettement insuffisante. On y reviendra.

Quatrième point — ensuite, on va aborder chacun des points en particulier — le projet de loi isole le travailleur syndiqué en ne lui permettant pas le droit de se faire représenter par son syndicat dans l'exercice de son droit de refus ou, pour la femme enceinte, de son droit de retrait préventif avec toute la rigueur du Code du travail.

Venons-en au premier point. Si le régime actuel n'a pas généré les effets visés par le législateur, c'est parce que les règles du jeu instituées par la législation subordonnent la santé et la sécurité des travailleurs au pouvoir du chef d'établissement et, ce faisant; rend utopique la conciliation des objectifs de prévention et les objectifs de rentabilité de l'entreprise L'élimination à la source des causes d'accidents et de maladies ne se résume pas à la seule application des moyens de prévention individuels. Par définition, cet objectif met en cause le système de production et les méthodes d'organisation de travail, la réglementation des normes de sécurité, les standards de fabrication des équipements et les conventions collectives.

Quand on dit que l'objectif général de la prévention, c'est l'élimination des causes de la santé et de la sécurité et que cela met en cause le mode de production, on a des expériences là-dessus qui sont très concrètes et pratiques. On a fait un dossier qui est ici, et d'autres également, mais parlons de celui qu'on a dévoilé au cours des années 1975 et 1976 où on a découvert que les travailleurs, — on a eu un rapport définitif, notre prétention était forte, — sont atteints dans leur santé, silicose, etc... Mais on a travaillé pendant tout ce temps avec la compagnie pour essayer de régler, à la source, les problèmes de santé et de sécurité. On a essayé de travailler sur le système de ventilation, collecteur de poussière, les masques, on a fait une étude des masques qui ont été utilisés par les travailleurs, etc. Là, on s'est aperçu que la base de tous nos problèmes, c'était ni la ventilation qu'on a corrigée, ni le collecteur de poussière — c'est le même principe que d'autres qui font le ménage à la maison, un aspirateur de maison, c'est le même principe — ni les masques, c'était le mode de production lui-même. Tout le monde travaillait à produire et pendant toute la durée de la production du produit, c'est-à-dire une quarantaine d'heures, les gars étaient exposés au monoxyde de carbone, à des nitrites sulfureux, ils étaient aussi exposés, après la cuisson, à des poussières de silice.

On a demandé l'intervention intelligente de l'appareil de l'État, et on a découvert des choses vraiment étonnantes. On ne peut pas dire que

c'est syndical, je veux seulement donner des chiffres. Il y a eu deux prises de sang. Dans le fond, il s'agissait de voir si les travailleurs avaient du gaz dans le sang, il s'agissait de voir si les travailleurs étaient en santé. Ce qu'on a découvert? Par exemple, un cas ici: "On a découvert que la majorité des travailleurs dans une entreprise avaient un taux de gaz surélevé dans leur sang." C'est grave, sur 100 travailleurs. Le matin, avant de commencer au travail, il y en a un qui avait 3,9% de gaz dans son sang. Le soir, fatalement, il en avait plus. Un deuxième en avait 8,6%, le matin; à la fin, il en avait 10,6%. Un autre, 4,2%, le matin; le soir, il avait 19% de gaz dans son sang. Un autre, 7,1%, le matin avant de commencer; 17,8% le soir en finissant, quand il a fini sa journée. J'aime mieux avoir chaud, ici au salon rouge, que d'avoir ce gaz dans le corps. Un autre, 4,5% le matin, avant sa journée, on prend la prise de sang, et le soir il avait 15,8%. Un autre, 1,8%; 13,1%. Je pourrais continuer. Il y a eu deux études, l'une faite l'été et l'autre faite l'hiver. Les spécialistes du DSC disent: Quand un travailleur en a plus que 10%, c'est dangereux pour sa santé. C'est fatigant un peu.

Quand on parle du mode de production, les mesures que vous proposez, M. le ministre, sont plaisantes, mais elles ne vont pas là, vous ne touchez pas assez au problème. Comment va-t-on faire pour changer ce mode de production? M. Bourdages, le directeur du SPA, n'est pas loin, on l'a rencontré. Savez-vous ce qu'il nous a dit? Il a dit: Avec mon équipe, je ne peux rien faire. Le milieu est infernal, a-t-il dit. C'est ce qu'il nous a dit. Ah bon! Les gars savaient cela. Qu'est-ce qu'on a fait? Il fallait travailler. Qu'est-ce qui s'est passé? On a commencé à exercer une pression vis-à-vis de l'entreprise, on a dit: Maudit! on ne veut pas crever, on va commencer à mettre de la pression. (17 h 15)

Qu'est-ce qui est arrivé? Les gars ont dit: Ouais, il y a un porte-parole qui parle trop. On va s'organiser pour le faire sacrer dehors. C'était le président du syndicat. On a commencé à monter un dossier contre lui, mais on a mis plus de pression que ça. Le gérant de la compagnie, qui est une multinationale, a décidé de le mettre à la retraite et elle a fait venir — écoutez bien ça — un surintendant des pays Scandinaves parce qu'ils sont plus habitués à travailler selon un nouveau concept d'organisation du travail où on fait décider les gars, etc... Elle l'a fait venir. Une chance parce que la boîte aurait sauté. Connaissant les données que nous avons actuellement, qui sont scientifiques, à partir de prises, cette affaire-là aurait sauté. Et connaissant en plus le nombre de gars qui sont atteints de silicose, bien torrieu! ça n'aurait pas resté là, je te le jure.

Si on regarde la prévention qui est là, on ne va pas au bout. Ces problèmes-là on ne les réglera pas. Et ce n'est pas seulement dans le métal non ferreux que c'est comme ça. Dans les fonderies, il y en a un maudit paquet! On pourra s'en reparler.

C'est pour ça qu'on dit que si le fondement juridique du droit à la santé et à la sécurité n'est pas affranchi de la tutelle des compagnies, ce projet de loi va mener à un certain cul-de-sac. Ce que propose la loi essentiellement, c'est trois moyens pour atteindre son objectif de prévention. Bien sûr il y en a d'autres, mais trois moyens principaux, d'après nous. Programme de prévention et de santé, l'information et la formation et la réglementation. Ce qui ressort de ces principales mesures, c'est l'ignorance de l'organisation du travailleur que le projet de loi perpétue dans l'histoire législative du Québec. Le syndicat n'est pas dans le coup. Je relis ça avec mes remarques générales concernant la négociation. S'il est vrai que l'orientation des négociations collectives va porter dorénavant sur l'amélioration des conditions de travail, notamment au niveau du poste de travail, notamment au niveau des causes profondes qui sont la cause des problèmes de la santé et de la sécurité, on va avoir des maudits conflits tantôt.

Abordons précisément la question des programmes de prévention et de santé. Définissant les priorités de santé et de sécurité qui doivent être mises en application, la reconnaissance des agents appelés à intervenir dans le processus d'élaboration et d'application de ces programmes est déterminante. La CSD n'accepte pas à cet égard que la réalité du syndicat soit confondue avec celle du comité paritaire et celle du représentant de la prévention.

On dit: Eux autres sont là, ils ont une job, qu'ils la fassent. Mais qu'on ne confonde pas. Même si le syndicat, aux termes de la loi, nomme les membres de la partie des travailleurs du comité paritaire ainsi que le représentant de la prévention, le comité paritaire et le représentant à la prévention disposent d'un pouvoir de recommandations et de consultation dans la prévention quand l'employeur est investi d'un pouvoir décisionnel. La nature de ce pouvoir traduit un cadre de participation inévitablement conflictuel. Par exemple, s'il y a désaccord du syndicat sur l'orientation du programme de prévention proposé par l'employeur et accepté par la commission. S'il y a désaccord, par exemple, entre les membres du comité de santé et sécurité sur des sujets qui ne relèvent pas du pouvoir d'arbitrage de la commission à l'article 63.3. Par exemple, il y a un pouvoir de faire des recommandations sur la prévention, etc. S'il y a désaccord là-dessus... L'application du programme de prévention peut impliquer des clauses de convention collective relativement à la qualité de vie au travail. Parce que ça va déboucher là-dessus. Déjà le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre a créé un service de médiation préventive dans lequel, bien sûr, il va intervenir pour essayer de régler les conflits traditionnels, mais, aussi, il y a la qualité de vie au travail. On va tenter des expériences déjà avec les services que vous avez créés.

Droit d'appel. Voici les propositions concrètes que nous faisons vis-à-vis de ces problèmes-là. Le principe de participation paritaire énoncé dans le projet de loi, pour être vrai dans toute son amplitude, doit reposer, quant à nous, sur la reconnaissance statutaire du syndicat comme

agent d'intervention dans la prévention. La CSD revendique particulièrement le droit de contester par arbitrage le programme de prévention, suite à un échange préalable avec l'employeur en amendant, par exemple, l'article 50.

Deuxièmement, la procédure d'appel dont peut se prévaloir l'employeur, à l'article 148 par exemple, dans le cas d'une décision de l'inspecteur est un exemple type où la santé et la sécurité redeviennent la scène d'un débat d'où sont exclus les travailleurs et qui est source de conflit. La CSD revendique un amendement au chapitre X, qui traite de l'inspection, pour permettre au syndicat d'aller en appel sur toute décision, tout ordre ou tout avis de correction émis par l'inspecteur auquel l'employeur ne donne pas suite.

Actuellement, les sources de mécontentement des travailleurs ou des syndicats proviennent justement du fait que c'est l'inspecteur qui est investi de certains pouvoirs, mais ses pouvoirs sont relativement efficaces. Il va faire des recommandations à l'entreprise et, ensuite, en vertu d'une procédure que je n'ai pas envie de décrire, l'employeur peut contester, etc., et, là, il y a des modifications. Qu'est-ce qui arrive? Les gars disent: Merde — excusez, messieurs — on n'est pas intéressés à travailler dans la prévention; on ne donne jamais suite à certaines revendications ou représentations des inspecteurs quels qu'ils soient. À ce moment-là, on se dit: II faudrait qu'on arrête de régler ces problèmes en catimini parce que c'est le directeur du service d'inspection dans la procédure actuelle, dans le règlement des établissements industriels, qui prend l'appel de l'employeur et c'est avec lui qu'il décide du moment où il va intervenir pour appliquer les changements dans les questions de prévention. C'est là que cela se décide. L'inspecteur n'est même pas au courant. Nous disons qu'il faut corriger cela. Il faut que l'information soit diffusée et un des moyens essentiels, si on reconnaît le syndicat au départ, c'est que le syndicat le conteste. À ce moment-là, tu vas atténuer les possibilités potentielles de conflit qui existent dans une entreprise.

Information et formation. À ce chapitre, la CSD revendique le droit pour le syndicat de réunir les travailleurs dans l'établissement, à des fins de formation et d'information, pendant les heures normales de travail. Il est question dans le projet de loi d'information et de formation. On donne des responsabilités aux associations syndicales et patronales de faire de la formation et de l'information. On donne des responsabilités au ministère des Affaires sociales, par le biais, de faire de l'information et de la formation dans la structure étudiante je m'en allais dire du pays, mais parlons du Québec, et ainsi de suite. On va dire également qu'il faut que les associations sectorielles fassent de la formation et de l'information, mais la place principale où tu dois faire de l'information, c'est dans l'entreprise. Là-dessus, le projet de loi est muet.

Alors, on va prendre le moyen traditionnel; on va concevoir de belles affiches et on va les placer dans les entreprises et dire: Messieurs, soyez sages, portez vos bottes, portez vos bottines, etc. Devant cela, on se dit que cela n'a pas de sens. On a commencé à faire des expériences et ce qu'il y a de drôle, c'est qu'elles ont été faites dans les multinationales. Elles sont "willing". On en a fait. On a fait des sessions avec les travailleurs sur les heures de travail concernant les problèmes de bruit, de santé, etc., dans trois grandes entreprises. Cela a bien été et on se dit: Pourquoi ne pas prévoir à ce niveau un type d'information qui soit faite durant les heures de travail? Il y a tout un sens paritaire qui s'exprime "dret là". Mais non, on n'ose pas parce que... Enfin, je ne sais pas pourquoi; peut-être nous expliquerez-vous cela tantôt.

La CSD revendique également le droit d'accès du syndicat aux rapports d'information médicale suite à des études menées notamment par les DSC ou par la commission, ainsi qu'aux rapports de recherche.

La réglementation. Pour la CSD, le projet de loi 17 demeure avant tout une loi-cadre qui prendra son sens avec la réglementation à venir. Ce n'est pas bien original; je pense que quasiment tout le monde a dit cela. La CSD aurait souhaité en ce sens que cette loi-cadre soit assortie d'un plus grand nombre de balises d'interprétation des objectifs majeurs poursuivis par le législateur, d'autant plus que le caractère vague de la portée des objectifs s'aggrave par l'institution de mécanismes de participation excluant le syndicat.

Considérant que la réglementation fixera non seulement l'orientation préventive du régime futur, mais également les conditions minimales de santé et de sécurité, nous proposons un amendement à l'article 185 afin de reconnaître statutairement la participation paritaire, c'est-à-dire accorder aux deux parties, syndicale et patronale, le droit d'élaborer des normes de santé et de sécurité, tout simplement. Nous, on n'accepte pas — je suis convaincu qu'il y en a d'autres également — de lier le sort d'une loi-cadre à des technocrates retranchés de la réalité, aussi compétents soient-ils.

Autre volet: toute la partie relative au système de l'indemnisation préventive. L'institution d'un système de santé et de sécurité au travail commande l'institution d'un système d'indemnisation préventif.

L'instauration d'un système visant la prévention doit procéder d'une réglementation qui, dans cet esprit, est présumée garantir aux travailleurs un milieu de travail qui ne les expose pas à des dangers pour leur sécurité et leur santé.

Toute norme de santé édictée par voie de règlement doit respecter cet axiome. Actuellement, ce n'est pas ça qui existe dans la réglementation et on ne voit pas de lueur de changement dans le projet de loi no 17. Dans le règlement des établissements industriels, il y a une liste de 300 produits toxiques, qu'on décrit comme étant dangereux. Dans le règlement des établissements industriels, il y a une liste de 200 sur lesquels on fixe des normes. On a fait une enquête bien banale

auprès de nos syndicats; je ne vous ennuierai pas trop avec ça. Dans les entreprises du meuble, par exemple, les travailleurs respirent, différemment, 100produits toxiques différents qui ne sont même pas classifiés parmi les 200 ou les 300. Pour les travailleurs dans les garages, on a fait un relevé de 50 types de produits chimiques différents que les gars respirent. Dans le domaine du textile, ceux qui font les tapis pour les voitures et les tapis d'ici, ces gars respirent 21 types de produits chimiques différents. Je pourrais continuer: fonderies, 21; aéronautique, 97 produits différents. Il y a même une maladie professionnelle qui existe, je vous le dis en passant; il y a un paquet de travailleurs qui sont percés comme les boeufs. Les boeufs on les perce jeunes, pour qu'ils ne sautent pas les clôtures, avec un anneau, mais chez les travailleurs de l'aéronautique, à cause de certains produits chimiques qu'ils respirent, il y a un trou qui se fait au coin du nez. Les gars ne le savaient pas, mais à un moment donné ils l'ont su en maudit. Alors la CAT leur accorde une petite incapacité. Mais ça va continuer après l'adoption du projet de loi no 17. Dans la fabrication de classeurs — il y a beaucoup de classeurs dans l'administration gouvernementale — il y a 26 produits différents. Enfin, je pourrais continuer la liste.

Mais quel est le principe de base? On dit: Aussitôt que les travailleurs ont un malaise, qu'ils ressentent une pathologie quelconque, on va faire une enquête, on va faire une étude épidémiologique, ou des maudits mots comme ceux-là pour nous endormir, mais on sait que les gars paient au départ.

Dans le cas où la réglementation repose sur l'acceptation d'un risque, le risque ne doit pas être, le cas échéant, assumé par le travailleur. Là, j'aborde un autre volet. Si on prive de son droit à l'indemnisation par l'application de critères discriminatoires, je ne marche pas, M. le ministre. Quand vous dites que vous avez changé la Loi des accidents du travail en profondeur, je ne marche pas. Il fallait tout de suite le faire; il y a trop d'écoeuranteries qui se passent actuellement avec la CAT. M. Sauvé, je l'aime à mort, il est bon, mais, bâtard! il préside, point. Et on a des maudits problèmes avec ça. Pourquoi? Parce qu'on a la notion de maladies reconnues. Bien sûr, toute maladie professionnelle doit être prouvée, etc. Mais il y a un maudit problème là. (17 h 30)

Je peux vous donner des cas qu'on vit actuellement, où il y a une discrimination épouvantable.

Voici seulement des petits cas pour se rafraîchir la mémoire: un travailleur qui a l'amiantose. Écoutez cela, c'est fort! En 1973, on a reconnu une incapacité à un travailleur souffrant d'amiantose de l'ordre de 10%. En 1975, on lui a reconnu une incapacité de 20%, 10% de plus. En 1978, là, on a dit: Ton état est stationnaire. En 1979, il y a un spécialiste quelque part, par le biais du comité de révision, qui dit: Ce gars-là n'est pas malade. Je regrette, pensez-vous qu'on va avaler cela. Expert, mon oeil! on ne croira jamais cela! D'accord? Il y a une maudite limite! Cela veut dire qu'il y a un paquet d'experts qui ont examiné ce gars-là. De 1973 à 1978, pendant cinq ans, on l'a trituré, ce gars-là, à chaque coup. Là, il y a un gars quelque part compétent qui dit: Non. Un instant! Un instant!

Voici un autre cas ici. Celui-là est fort. As-tu le dossier, Jean-Claude? Donne-moi la phrase, elle est brillante. En 1974, on dit qu'un travailleur souffre d'amiantose à 15%. En 1977, on l'examine à nouveau. Son état est stationnaire. Ce gars-là est retiré. Là, parce qu'il a d'autres maladies, on va devant la Régie des rentes. Le même médecin des Cantons de l'Est est demandé par la Régie des rentes. Voici ce qu'il dit; seulement cela — On peut vous donner le dossier, c'est simple — en somme, il dit qu'il n'a pas une invalidité totale permanente. Il ne travaille plus depuis 1974, bon Dieu! En tout cas, peu importe, c'est du point de vue respiratoire, et il doute même du diagnostic d'amiantose. "Je doute." Il doute! Quels sont ses critères à ce gars-là? Où les prend-il? Il y a un barème d'incapacité permanente qui existe au niveau de la CAT. On ne le suit pas. On ne le suit pas.

Je peux vous donner l'exemple d'un autre cas, un autre cas d'un travailleur. C'est dans un autre milieu. Il y a un travailleur qui a oeuvré 25 ou 26 ans dans une entreprise, une fonderie. Le médecin de la compagnie lui a suggéré de prendre sa retraite. La CAT, pendant ce temps-là, a dit: Retourne travailler. La CAT a dit: Retourne travailler. Est-ce assez fort cela? Finalement, le gars est obligé de faire un choix. Il y a même eu une grève pour protéger ce gars-là dans l'entreprise. Je ne raconterai pas ce cas-là en détail. Il y a même eu une grève pour protéger les droits de ce travailleur-là. Le type a finalement pris sa retraite. Il a essayé de se faire reconnaître par la CAT. On a dit: Tu as l'asthme. Tu es un travailleur asthmatique. Comment se fait-il qu'il ait travaillé pendant 26 ans dans l'entreprise, qu'il ait été en contact avec des gaz, des vapeurs de toutes sortes et que cela n'ait pas de lien avec son asthme? Je ne conteste même pas qu'il n'ait pas l'asthme, mais est-ce que cela n'a pas de lien? Il a essayé de se trouver un travail comme concierge dans une banque. La banque n'a même pas voulu l'employer, parce qu'il était malade. Est-ce assez fort? à la suite d'un accident! Cela se passait à Trois-Rivières. Est-ce assez fort?

Un autre: un dénommé Gauthier qui travaillait dans les gaz. À un moment donné, c'est son système digestif qui est tout "décocrissé". C'est français ce mot-là. Il a eu une opération. Il a été dans le coma, etc. Ce type-là — on essaie de savoir de quoi cela dépend — est malade, il ne peut plus travailler, il est "caput". Encore là, c'est l'assurance qui a été négociée par le syndicat qui intervient pour l'aider. Finalement, il n'a plus d'assurance, parce qu'après 26 semaines cette affaire-là ne compte plus. Ce gars-là tombe sous l'aide sociale. C'est un gars de 52 ans, 53 ans. On essaie de faire connaître sa maladie: Non, ce n'est pas une maladie reconnue. Mais les liens... Ce gars-là a été exposé à la poussière de silice. Il a

été exposé à différents types de gaz. Est-ce que cela a un effet sur son système digestif? On a fait une enquête dans les trois usines en question. Il y a à peu près le tiers des travailleurs qui ont des maladies reliées au système digestif.

Cela commence par l'ulcère et d'autres. Cela vient de quoi, cela? Quand on fait de la prévention et qu'on va expliquer cela à nos travailleurs, on dit: Quand il y a des pathologies — le Dr Lagacé nous explique cela et nous allons expliquer cela à nos gars — sur un, deux ou trois gars, c'est grave. Il faut vous préoccuper de cela et mettez sur pied des enquêtes. Faites venir des experts. On va en avoir dans les DSC. C'est bon de faire une enquête, une étude là-dessus, mais la CAT, elle, ne les reconnaît pas. Non, ce n'est pas une maladie professionnelle au sens de la loi. Cette maudite loi a été votée en 1930. En tout cas... Il y a des critères discriminatoires qui sont là et on trouve cela dommage que vous n'ayez pas agi parce que le complément naturel de la réforme de la prévention, c'est là qu'il doit se retrouver. C'est le point le plus difficile, à part cela, devant lequel on est placé pour régler les problèmes actuellement.

Retrait préventif. La notion d'équité que la CSD pose est simple. Ni la recherche scientifique, ni la technologie moderne ne sont en mesure actuellement de garantir que les normes et moyens de prévention édictés par règlement sont sans danger pour le travailleur à moins d'éliminer tout risque. La CSD n'accepte pas que le travailleur doive payer les frais du concept des maladies professionnelles reconnues, c'est-à-dire payer les frais d'un progrès scientifique évoluant sur le principe de l'accumulation des données statistiques et des accidents, etc.

Quant à nous, en vertu de ce bon sens, de cette logique, on dit que le droit au retrait préventif s'impose. On sait que cela va nous créer de maudits problèmes, mais on est capable d'envisager les problèmes. Mais attention, M. le ministre. Si vous voulez modifier la loi et l'appliquer, il va falloir que vous reconnaissiez les maladies professionnelles, que vous universalisiez les maladies, parce que cela se tient. Sans cela, on ne pourra pas ou pratiquement pas l'appliquer.

On va passer à un autre volet, M. le Président, parce que le temps roule et je trouve que je parle beaucoup, peut-être un peu trop, mais mon mémoire s'amincit. Donc, j'ai espoir de pouvoir respirer moi aussi, comme vous.

La CSD revendique que l'exercice du droit de refus repose sur une procédure de grief et d'arbitrage expéditive: l'avantage étant lié à la tradition établie et à son caractère simple. Avant d'aborder cette question au mérite, on aurait souhaité que le fondement juridique du droit de refus ne soit pas aussi restrictif qu'il l'est à l'article 12 notamment. L'article 12 défait l'article 11. Je ne comprends pas cette logique. C'est une dialectique dans laquelle je ne marche pas; et vous, je ne comprends pas cela, d'habitude vous avez les idées claires, parce que les gars... Je ne comprends pas aussi de la part des députés qui sont là. On donne un droit. Ce matin, on parlait de droit illusoire et après cela, mon vieux, on y met une servitude. On dit: Vas-y, mais on l'attache par la patte. C'est ce que cela veut dire. Donc, rendu au bout de la corde, il n'ira pas loin. Ce que nous proposons, c'est d'annuler l'article 12. Que voulez-vous?

Deuxièmement, dans son fondement juridique, son application donne lieu au droit du travailleur d'être représenté par son syndicat. Si vous voulez maintenir la procédure qui existe actuellement du droit de refus, gardez-la. Je n'ai pas d'objection à cela. Beaucoup de gens sont préoccupés par les travailleurs non syndiqués. Ils l'utiliseront. Qu'on dise tout simplement — cela réglerait sans doute une partie des problèmes — que le travailleur syndiqué utilise la procédure de droit de grief, mais expéditive, tout simplement, pour diverses raisons.

Avant d'aborder la question liée à la construction, quant à la procédure du droit de refus dans sa structure actuelle, par définition, la procédure du droit de refus isole le travailleur de son organisation syndicale — lorsqu'il est syndiqué — du représentant syndical et du comité paritaire.

On lui fait supporter le poids de sa volonté d'exercer son droit de refus. Cela va prendre un gars qui est fort en maudit pour opérer dans ce cadre. On dit: Cela, c'est inacceptable. On dit tout simplement: Qu'on le modifie. On dit: Va consulter ton représentant en prévention. Ce sera un gars qui aura été élu par les travailleurs. Va consulter ton syndicat avant d'exercer ton droit. Si les deux, par exemple, le représentant en prévention et le syndicat disent: Ecoute, il n'y a rien là! Si le gars veut le faire, là, il se battra. Mais si les gars disent, après examen: D'accord, il y a de quoi et on va agir, à ce moment-là, qu'on tente de le régler par formule expéditive de règlement de grief.

Allons du côté de l'industrie de la construction. L'exercice du droit de refus devrait d'ailleurs tenir compte de la nécessité du droit à la représentation du travailleur par son syndicat. Je n'ai pas envie d'insister longuement sur le contexte d'insécurité d'emploi des travailleurs de la construction. Mais si on lui donnait le droit d'être représenté par son syndicat, le travailleur pourrait jouir de garanties de rigueur que seule la Loi des relations de travail dans la construction peut lui assurer, mais à condition qu'on établisse une présomption. On dit: L'accessibilité au droit de refus dans l'industrie de la construction doit comporter une protection légale visant à éliminer les risques pour le travailleur de ne plus être réembauché dans l'industrie, à la suite de l'exercice de son droit, par l'établissement d'une règle de présomption. Sinon, à cause du contexte de l'industrie de la construction, si le travailleur, dans une fonction ou sur un chantier donné, exerce son droit de refus, supposons qu'il le règle à sa faveur, il ne pourra pas se trouver de travail dans un autre endroit; son nom va être fait. Ce sont des choses qu'on connaît actuellement, qu'on vit par rapport à d'autres problèmes, notamment dans les relations de travail.

Enfin, l'institution du droit de refus et du retrait préventif, quant à nous, soulève plusieurs

aspects qui devront être l'objet d'une négociation auprès de l'employeur, en raison de leurs répercussions sur certaines clauses de la convention collective. Par exemple, l'affectation d'un travailleur appelé à remplacer celui ou celle qui exerce son droit.

En dernier lieu, la CSD croit que les fonctions du député à la prévention et celles du comité paritaire sont conflictuelles en soi et compromettent du même coup l'accessibilité au droit de refus. C'est une raison additionnelle expliquant les modifications qu'on suggérait quant à la procédure, que j'ai expliquée tantôt, qu'il faudrait amender.

Enfin, dernier point, ce qui ressort de notre perception de la future commission sur la santé et la sécurité, c'est son gigantisme bureaucratique et sa force centripète. C'est une grosse affaire qui va être créée. La proposition d'une commission où siègent paritairement les représentants patronaux et syndicaux est certes intéressante, même si on en augmentait le nombre, comme il a été proposé par la FTQ notamment, ce matin, mais elle n'endigue pas les effets d'une bureaucratisation outrancière. La future commission, telle qu'elle se présente, est un contresens à l'esprit recherché par le législateur par les mécanismes de participation établis dans la prévention. Vous voulez que les gars participent à la base. Ce complément naturel donc et sain de cette réforme doit se manifester dans l'appareil administratif de la commission.

Ce que la CSD souhaite, c'est la régionalisation de la commission par l'attribution de responsabilités touchant la mise en oeuvre du régime de santé et de sécurité au travail. On propose donc, l'institution de conseils régionaux composés de représentations patronaux et syndicalistes et de fonctionnaires qui auraient comme mission de réaliser des politiques d'action reflétant tous les particularismes propres aux régions et donnant préséance à des priorités du milieu qui seraient autrement ignorées par la commission.

Il faudrait que ces conseils régionaux jouissent d'une autonomie réelle, que des budgets leur soient consentis, sans pour cela être détachés des grandes politiques d'action de la commission. Le domaine de la recherche industrielle, par exemple, au niveau du dépistage des maladies professionnelles et celui de l'indemnisation et de la réadaptation sont des secteurs d'activités types où le rôle de tels conseils s'avère stratégique. Actuellement, bien sûr, on a régionalisé les services au niveau de la CAT, mais là, il y a l'éternelle question ou problème de retard, etc, et cette régionalisation n'a absolument pas, quant à nous, donné les effets escomptés. (17 h 45)

M. le Président, je m'excuse de vous avoir forcé à m'écouter. Voilà, c'était, dans ses grandes lignes, notre point de vue.

Le Président (M. Marcoux): Je vais céder la parole au député de Portneuf qui doit nous quitter tantôt, pour lui permettre de dialoguer une quinzaine de minutes avec vous.

M. Pagé: M. le Président, on avait convenu d'ajourner tout de suite; nous devions, comme il est normalement prévu, ajourner vers 18 heures pour reprendre vers 20 heures, M. le ministre aura des questions, l'Opposition officielle aura des questions aussi. Je voudrais simplement m'excuser auprès des intervenants, soit les représentants de la CSD et des gens qui vous accompagnent aujourd'hui dans la présentation de votre mémoire, car je ne pourrai pas être ici ce soir, devant absolument me rendre dans mon comté. Cependant, je tiens à vous remercier et je dois vous dire que je regrette un peu parce qu'on aurait certainement eu l'occasion d'avoir des échanges très utiles ou très formateurs entre M. Hétu et moi-même. Mme le député de L'Acadie, Mme Lavoie-Roux, saura bien me représenter tout au fait de ces problèmes qu'elle peut l'être, parce qu'elle est bien au fait. Je m'excuse, je serai absent ce soir.

Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

(Reprise de la séance à 20 h 24)

Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de la main-d'oeuvre poursuit l'audition des mémoires sur le projet de loi no 17. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord m'excuser de mon retard. Il arrive quelquefois dans nos jobs qu'il y ait des impondérables.

Je voudrais tout d'abord remercier bien sûr la Centrales des syndicats démocratiques de son mémoire. Je pense que je me permettrai peut-être seulement quelques commentaires généraux comme entrée en matière et ensuite aborder peut-être un certain nombre de points précis. Le premier c'est que c'est vrai, comme vous l'avez évoqué, que le gouvernement a choisi, pour toutes sortes de raisons, d'y aller par morceaux, au lieu, au fond, de ce que vous avez appelé une réforme globale qui aurait englobé, bien sûr, parce que vous l'avez élargie dans l'exposé, mais d'y aller par morceaux au lieu d'une réforme globale qui aurait inclus aussi bien l'indemnisation avec toute la question de la reconnaissance des maladies professionnelles, l'assistance médicale, l'indemnisation comme telle, avec les ajustements aussi qu'il faut regarder entre les régimes actuels d'indemnisation. Il y a la loi 52, il y a celle de la CAT qui sont basées sur une certaine philosophie qui n'est pas du tout la même philosophie que les régimes d'indemnisation, les régimes d'indemnisation de l'assurance automobile, par exemple, le dernier étant basé sur une philosophie de remplacement de revenu.

La prévention, d'autre part, et la réadaptation. En plus, vous l'avez élargi en disant et en l'accrochant à toute la perspective de l'ensemble des relations de travail, le Code du travail, les amendements qui ont été apportés, les normes minimales, etc. C'est vrai que c'est une approche qui aurait pu être retenue, mais c'est exact qu'on a choisi l'autre approche. Vous savez, je pensais, — je me souviens très bien — quand on m'a confié ce mandat-là de la santé et de la sécurité, pour avoir été déjà militant syndical, avoir quand même aussi traversé le Québec un peu et avoir touché du doigt un certain nombre de problèmes, je pensais, je suis obligé de le dire aujourd'hui, avec une certaine naïveté, qu'en l'espace de six mois à un an, il était possible de régler tout ça et qu'il y avait moyen de faire tout ça.

On est obligé d'admettre que ce n'est pas si simple que ça et quelqu'un l'a écrit et l'a dit bien mieux que je peux le faire aujourd'hui: "La politique, c'est l'art du possible". On ne peut pas tout faire en même temps, ce n'est pas possible. La seule chose, c'est d'essayer de faire le mieux possible et d'occuper au maximum le corridor qui est réalisable dans un contexte donné.

Partant de là, je tiens à dire tout de suite, j'ai eu l'occasion de l'évoquer depuis le début des travaux et antérieurement, qu'effectivement il y a des travaux qui se poursuivent parce que c'est vrai, vous avez raison, vous l'avez dit, je suis d'accord avec ça, qu'une révision du régime d'indemnisation, avec tout ce que cela implique dans ses différents volets, c'est vrai que c'est un complément nécessaire à ce qui est dans le projet de loi 17, à ce qui pourrait être dans une perspective d'un projet de loi 17 amélioré, sur la base des recommandations qui nous sont faites et qui vont être examinées au mérite.

On poursuit des travaux là-dessus et, pour nous, c'est un prochain point dans le complément du projet de loi 17 sur lequel on aura à revenir ensemble et qu'on rendra public et accessible; on fera les consultations qui s'imposent, dès que ce sera prêt, dans les meilleurs délais possibles.

C'est vrai aussi, comme troisième morceau, que la réadaptation est accrochée à ça. Vous l'avez décrite d'une certaine façon. Je crois que, pour l'essentiel, vous traduisez la réalité, vous êtes à même de la constater, parce qu'une des choses qui m'a frappé au-delà de votre mémoire, c'est que, tout au long, vous avez illustré votre mémoire de témoignages que vous avez rendus, de toute une série de pièces à l'appui; vous avez été très franc tout au long de votre exposé, quelque durs qu'aient pu être certains des propos que vous avez tenus. Si vous l'avez fait, c'est parce que je pense que vous êtes profondément convaincu de ce que vous dites. Vous l'avez illustré d'exemples tout au long.

Ceci apporte un éclairage, je pense, non seulement additionnel, non seulement intéressant, mais accroché à la réalité pour vraiment développer une perspective de changement. Cela dit, je voudrais maintenant m'arrêter à un certain nombre de questions plus spécifiques.

D'abord, bien sûr, je pense que les membres de la commission ont pris note du fait que vous nous expliquez pourquoi vous dites que vous ne pouvez pas être en désaccord avec l'idée, l'essentiel du contenu du projet de loi 17, quitte à y faire toute une série de recommandations, ce que vous faites, visant à l'améliorer et à en faire le meilleur outil possible qui vise à éliminer, autant que faire se peut, à la source, les causes mêmes d'accidents et de maladies, ce qu'on appelle la prévention.

On a noté les points sur lesquels vous vous dites en accord, quitte à ce qu'il y ait des ajustements, cependant, sur la base de recommandations.

En ce qui concerne précisément ces ajustements, sans reprendre tous et chacun des points — je suis sûr que certains de mes collègues vont y revenir — vous l'affirmez, je ne me souviens pas, je n'ai pas repris le texte comme tel, je ne sais pas si c'est aussi spécifique que ça, mais c'est au fond l'idée que vous évoquez quand même. D'après vous, le projet de loi 17 n'exclut pas les syndicats, mais ne reconnaît pas suffisamment la place qui doit leur revenir dans une perspective réelle de prévention. (20 h 30)

Bien sûr, vous avez relevé le fait que ce sont les syndicats qui nomment leurs représentants aux comités paritaires, que ce sont les syndicats qui nomment les délégués à la prévention. Vous avez aussi — ça a été évoqué devant nous — le droit de nommer, qui implique aussi le droit de révoquer, de dénommer, le droit, en nommant, de donner des mandats, de donner des directives, etc.; cela est accroché aux syndicats.

Je voudrais signaler ceci et en même temps vous poser la question; ce serait intéressant qu'on ait votre réaction. Vous l'évoquez dans votre mémoire en disant: II faudrait que le syndicat soit plus présent et plus reconnu comme tel. Il y a toute une série de choses très précises que vous accrochez à ça. Premièrement, si ma mémoire est bonne, le fait que vous demandez que le syndicat ait un pouvoir de poursuivre l'employeur, le cas échéant. Je me demande si la réponse ne se trouve pas à l'article 204 du projet de loi, article qui stipule que — ce sont les derniers mots de l'article et on va le vérifier sur le plan juridique pour être bien sûr qu'il dit ce qui est l'intention du législateur: "Les poursuites en vertu de la présente loi peuvent être intentées par un inspecteur chef régional, par la commission ou par une personne qu'elle désigne... ou par tout intéressé." C'est contraire à toute la procédure actuelle qui fait que ça part parfois de l'OCQ, que ça s'en va au contentieux du ministère du Travail et que ça aboutit au contentieux du ministère de la Justice; les délais de recours sont prescrits, on prolonge les délais de prescription par rapport aux lois actuelles et on dit: "ou par tout intéressé". Le sens que le législateur ou le gouvernement a en tête, "par tout intéressé", ça veut dire, bien sûr, les hommes et les femmes qui sont au travail et, bien sûr, un syndicat local, au sens de la loi, c'est-

à-dire le syndicat qui a un intérêt direct à faire valoir la promotion des droits et des intérêts de ses membres.

En d'autres termes, le mécanisme des poursuites pénales pourrait être enclenché par un syndicat contre l'employeur. Si le texte n'est pas suffisamment clair, on va s'assurer de le vérifier pour qu'il le soit.

Quant à la possibilité d'arbitrage sur l'ensemble du programme de prévention, vous l'avez accrochée à l'article 49 et, en particulier, à l'article 50 du projet de loi. Est-ce que ce qui est prévu à ces articles-là vous apparaît suffisant quant à ce qu'on peut appeler...? C'est vrai, en toute honnêteté, je pense qu'on ne peut pas dire que c'est un arbitrage comme tel qu'on a au programme de prévention et, en particulier, au fameux paragraphe 3 de l'article 48 du programme de prévention, qui est le paragraphe qui prévoit que le programme de prévention dont devra obligatoirement se doter une entreprise — ce qui n'est pas le cas présentement; il n'y a aucune obligation qui est faite dans ce sens-là aux entreprises — concerne "des programmes d'adaptation de l'établissement aux normes prescrites par les règlements concernant l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail — l'organisation du travail, que je sache, cela veut aussi notamment, et non exclusivement, dire, par exemple, toute la question des plans-bonis et des horaires cassés, etc.; vous avez donné d'autres exemples quand vous avez illustré votre pensée, comme dans cette expression que vous avez utilisée de monnayer la santé et la sécurité — l'équipement, le matériel, les contaminants, les matières dangereuses et les procédés d'utilisation." Est-ce qu'en d'autres termes ce que vous demandez, à votre point de vue, devrait aller plus loin? Si oui, comment, concrètement, voyez-vous le pouvoir d'arbitrage concernant cela?

Pendant que je suis sur cet article — c'est rattaché aux articles 49 et 50 — toujours à l'article 48, vous avez donné l'exemple de ce que vous avez appelé le mode de production même, faisant état du bilan de l'enquête, de l'étude que vous aviez menée dans le cas de l'entreprise en question. Je pense que je comprends parfaitement bien de quelle entreprise vous parlez. Est-ce que, d'après vous — ce pourrait être le paragraphe 1 ou le paragraphe 5, cela n'a pas d'importance — le paragraphe 3 tel qu'il est libellé vous apparaît suffisamment large pour inclure, le cas échéant, cette notion de mode de production? Sinon, est-ce que c'est là, à votre point de vue, qu'il faut l'accrocher? Quand cela concerne le mode même de production, comment voyez-vous la solution à ce problème? Quand c'est accroché au mode même de production?

Dans certains cas, vous l'avez évoqué, cela peut être inhérent à des équipements qui manquent, non pas des équipements de sécurité, mais des équipements inhérents à l'environnement du travail, les systèmes de ventilation, les systèmes de dépoussiérage, les systèmes de ceci, les systèmes de cela, la machinerie qui est mal fichue, enfin, peu importe, ou parfois certains produits dange- reux qui peuvent être remplacés par d'autres. Les technologies évoluent et il y a des possibilités. On sait aujourd'hui qu'il y a des choses qu'on ne croyait pas possibles accrochées à toute la conception fataliste du travail. On sait aujourd'hui qu'elles sont possibles. On ne peut pas dire que cela peut se faire en deux jours, mais on sait qu'il y a des choses qui sont possibles. Mais dans les cas où, d'après vous, ce serait accroché à ce que vous avez appelé le mode de production, revenons à l'exemple que vous avez donné. Comment voyez-vous la solution à cette dimension du problème et comment voyez-vous toujours accroché à la première question, le rôle du syndicat dans cette perspective?

Il y a également une question que je voulais vous poser. À moins vraiment qu'il y ait des passages qui m'aient échappé dans votre exposé, ou dans votre mémoire, croyez-vous que, dans les pouvoirs décisionnels du comité paritaire, il faudrait prévoir, comme le recommande — d'ailleurs l'essentiel de l'opinion est paru dans les journaux — la Commission des droits et libertés de la personne sur le projet de loi 17... je pense qu'on évoque l'idée d'élargir le pouvoir décisionnel du comité paritaire pour que les parties — donc les représentants des travailleurs — soient associées à l'élaboration même du programme de prévention et en particulier en sa dimension qui apparaît au paragraphe 3. Cette chose vous apparaît-elle souhaitable, nécessaire, ou si cela ne va pas changer grand-chose?

Je m'excuse de vous débouler une série de questions en même temps, mais cela permettra de voir un peu mieux.

Vous avez évoqué la question — je fais du coq-à-l'âne, je saute d'un sujet à l'autre le plus rapidement que je peux — de l'accès à l'information médicale. Ne vous apparaît-il pas que les articles 101 et 129 répondent à cette préoccupation que vous avez évoquée?

Il serait extrêmement important que vous essayiez, si cela vous est possible, de concrétiser, d'illustrer même d'un exemple votre pensée, parce qu'il y a peut-être quelque chose d'intéressant dans ce que vous évoquez. Je voudrais bien voir exactement ce que vous avez concrètement en tête dans le déroulement.

Vous avez parlé de la présence syndicale à l'occasion de l'exercice du droit de refus ou de l'exercice du droit au retrait préventif. Comment voyez-vous concrètement cette présence syndicale dans l'exercice du droit de refus? Certains, par exemple, ont dit devant nous: Nous, ce n'est pas la présence syndicale; c'est le droit de refus à la suédoise, cela veut dire initié par un représentant syndical. La loi suédoise ne prévoit pas qu'un ou plusieurs travailleurs peuvent initier ce droit. Dans le cas de danger grave et immédiat, c'est le délégué syndical, selon la loi de 1976. Comment voyez vous concrètement cette présence syndicale dans l'exercice, notamment, du droit de refus?

Vous évoquez aussi le retrait préventif. Je me permets un commentaire en passant parce que vous l'évoquez comme si le texte n'était pas clair

et allait à l'encontre de cette philosophie. Vous opposez la centralisation de la commission en disant: Au fond, vous vous en allez — ce n'est pas dans ces mots que vous l'avez dit; c'est comme cela que je l'ai compris — à contre-courant de ce que vous avez déjà commencé à faire, c'est-à-dire, entre autres, la décentralisation de la CAT. Déjà, le projet de loi 17 prévoit — ce qui n'existe pas — la mise en place d'inspecteurs-chefs régionaux. Je pense que cela peut déjà indiquer la volonté, dans la réorganisation des services d'inspection, d'aller non seulement vers un regroupement, mais vers une régionalisation pour assurer une présence permanente en région, ce qui veut dire plus de ressources humaines, plus de ressources financières qu'il n'y en a présentement.

C'est vrai qu'avec la CAT déjà la régionalisation est amorcée. De plus, on s'en va maintenant, dans certains coins, vers des localités, au-delà d'une première étape. Je peux vous dire une chose: Peut-être que cela ne ressort pas clairement du projet de loi; peut-être qu'il faut le mettre, peut-être qu'il faut le dire en ces termes, mais c'est sans aucun doute notre volonté d'aller dans cette perspective. Ce ne sera jamais possible d'y arriver autrement. On a essayé les autres façons de procéder par le passé. Déjà la CAT est une étape; on sait qu'il faut encore pousser plus loin pour y arriver. Je peux vous dire que c'est notre volonté d'y aller.

Vous évoquez l'idée de conseils régionaux. Je pense qu'il y a là une idée intéressante. On va la regarder. Je pense qu'il faudrait faire attention, par ailleurs, de ne pas tomber et se retrouver dans la situation où on aurait onze commissions de la santé et de la sécurité du travail au Québec. Je ne suis pas sûr qu'on ne retomberait pas dans un autre travers aussi grave que celui duquel on essaie de sortir ensemble. Est-ce que ça peut être quelque chose comme l'idée de table de concertation régionale? Je ne le sais pas. Si vous avez des choses un peu plus précises en tête, je pense qu'il serait intéressant que les membres de la commission connaissent votre point de vue là-dessus.

Voilà, M. le Président, le premier "char" de commentaires et questions que j'avais à soumettre aux représentants de la Centrale des syndicats démocratiques.

M. Hétu: Mon premier commentaire, c'est que je suis content que vous arrêtiez parce que vous avez posé beaucoup de questions; j'espère que Mme Lavoie-Roux, député de L'Acadie, n'aura pas autant de questions, mais, de toute façon...

Ma première réaction, c'est que je suis vraiment étonné des admissions que vous avez faites au début. Cela m'étonne parce que je me dis: Dis donc, en vous écoutant, c'est intéressant. Je suis étonné des admissions parce que je n'ai pas tellement de raisons qui motivent vos admissions. J'aimerais connaître vos raisons quand vous admettez un certain nombre de choses, quant au type de réformes que vous avez faites et que vous n'avez pas faites, d'une façon générale. Je me dis:

Ma foi, regarde donc ça, il a une perspective très large comme ministre du gouvernement qui est là, mais, cependant, pour des raisons que j'ignore, il a décidé de rétrécir le goulot et de faire un changement.

M. Marois: Si vous me permettez, M. Hétu, c'est peut-être pour des raisons que vous ignorez; je vais vous les mettre sur la table, ce ne sera pas bien long.

M. Hétu: Oui, cela m'intéresse.

M. Marois: Je vais illustrer la formule un peu classique que j'ai utilisée en disant que la politique, c'est l'art du possible. Mon travail, c'est d'essayer de faire le meilleur possible, possible. Je suis obligé de dire et d'admettre qu'alors que je pensais que tout était possible en même temps, ce n'est pas possible en même temps. Les ressources sont limitées...

M. Hétu: Mais vous me permettrez...

M. Marois: ... je ne peux pas tout faire en même temps et il faut voir ce que c'est que piloter des réformes comme celle-là; cela passe par tout un processus de consultations qu'on a voulu très large, dans la foulée du sommet socio-économique, d'essayer de voir quelle sorte de consensus de base... Comme je l'ai souvent dit, si la chaloupe part sur un lac et qu'elle part avec six pieds de vagues en dessous, tu ne feras pas grand millage. Tu vas peut-être avoir une belle perspective globale qui n'aboutira nulle part, et un Conseil des ministres, cela existe aussi, il faut aussi que tu passes à travers cela. (20 h 45)

En d'autres termes, c'est vrai qu'on a fait un choix à travers tout ça en disant: Tu ne peux pas arriver à tout faire en même temps. On prend les morceaux, on essaie de garder une certaine perspective. C'est vrai que peut-être la perspective ne ressort pas suffisamment, mais, dans ce sens-là, au risque de vous étonner encore une fois, je vais répéter mes admissions. Vous avez raison quand vous dites que ce qui va venir du côté de l'indemnisation est un complément dans la foulée du projet de loi 17. C'est juste ça que je veux dire.

M. Hétu: Je dois vous avouer, M. le ministre, que ce que vous avez dit au tout début de votre présentation et ce que vous me dites est cohérent. Vous avez parlé de l'art du possible, mais je dois vous dire aussi que, quand je suis allé à l'école il y a quelques années et quand j'ai appris ce qu'était la politique, ils m'ont parlé de l'art du possible. 25 ans après j'entends dire la même chose par un ministre qui est jeune et dynamique.

M. Marois: Cela veut dire que c'est une notion qui ne vieillit pas. Il y en a des choses qui ne vieillissent pas, qui sont du domaine de certaines valeurs et de la réalité des faits têtus.

M. Hétu: Oui, je comprends ça, mais c'est justement ce qui m'a étonné. J'aurais aimé connaître les raisons qui sont à la base de votre art du possible, qui sont à la base du consensus. J'aurais aimé savoir comment il se fait qu'il n'y a pas eu consensus sur les admissions que vous avez faites et sur ce que vous n'appliquez pas dans votre projet de loi. J'aurais aimé savoir ça. Comment se fait-il, n'est-ce pas, que, par exemple, vous avez axé cela uniquement sur la prévention — je comprends ça — et que vous avez omis ou mis de côté — ce que vous avez admis comme étant quelque chose de valable et de très important — tout le phénomène de l'indemnisation, tout le phénomène de la réadaptation que vous considérez comme étant un problème? Quand vous dites ça, je ne mets pas en cause votre bonne foi, parce que je suis convaincu de ça, je ne discute pas ça. D'ailleurs, ce qu'ont dit le député de l'Opposition et d'autres, je ne mets pas ça en cause. Mais j'aimerais savoir ça parce que c'est fondamental dans le cheminement du débat. Par ailleurs, je ne veux pas, non plus, discuter uniquement de ça parce que vous m'avez posé des questions fort pertinentes par la suite et cela me permettra de mieux me préparer.

M. Marois: Pour vous aider à finir de bien vous préparer, c'est que cela a été strictement impossible d'aboutir sur tous les morceaux en même temps. Je vous le dis, cela n'a pas été possible. Je voulais le relever, mais vous en avez tellement mis sur la table aujourd'hui, bon nombre de choses intéressantes.

M. Hétu: Mais, dans le livre blanc, vous en avez mis un paquet sur la table aussi.

M. Marois: Vous allez admettre avec moi que dans le livre blanc — on peut reprendre les pages et les relire; je pense que vous allez en admettre la cohérence aussi — on évoquait et la question de la réadaptation et la question de la révision de l'indemnisation et la question des expertises en disant: Sur cela, on n'a pas de propositions à vous formuler. Ce n'est pas prêt, ce n'est pas au point, ce n'est pas mûr. Nos équipes de travail et les analyses qu'on a faites là-dessus... Et ce n'est pas un détail de réviser l'ensemble du régime d'indemnisation et la question des expertises médicales et ce que vous avez évoqué en plus.

La question de la réadaptation; je vais prendre juste un exemple et je finis là-dessus. Une expérience a été menée dans la région de Québec, d'après ce qu'on me dit. Je ne prétends pas avoir la science infuse et tout savoir sur tout ce qui se passe dans la machine administrative à travers tout le Québec. Je découvre que, même après trois ans, on en apprend tous les jours. C'est pour ça que, parfois, des témoignages comme les vôtres et des cas concrets qui sont illustrés et jetés sur la table, c'est drôlement intéressant et ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, je vous en passe un papier.

Des expériences intéressantes ont été menées par un homme en particulier, à la Commission des accidents du travail, accroché au bureau de Québec, qui ont réussi à faire la démonstration que peut-être il y avait moyen de faire pas mal plus que ce qui se faisait par le passé, dans une perspective réelle de réadaptation.

Partant de là, comment arrives-tu à transposer ça pour que ce soit quelque chose qui se tienne, qui ait du bon sens? Il me semble aussi qu'il y a un certain sens des responsabilités qu'il faut avoir. Je ne piloterai pas des patentes si j'ai l'impression que c'est tout croche. Le jour où je pense que c'est présentable, que je peux me présenter devant le Conseil des ministres avec, que je pense que c'est ça, que ça se tient, qu'en tout cas il y a là une bonne base raisonnable de discussion sur une hypothèse sérieuse, je le fais. On va pousser le plus vite qu'on peut pour y arriver, mais, forcément, ça va venir par morceaux, mais accroché un peu à la perspective du livre blanc.

C'est tout.

M. Hétu: Ce que vous dites, M. le ministre, M. Dalpé a participé à une réunion à Montmagny, au cours de laquelle il y avait le représentant de la CAT qui a expliqué ça. Mais justement, après ces explications, il est allé loin, il a dit, vous me corrigerez, que tous les cas de réadaptation professionnelle qu'ils ont eu dans les mains, ils les ont réglés. Mais, pendant ce temps, la même CAT, c'est là tout mon étonnement, ailleurs, en dehors de Québec, dans les Cantons de l'Est, dans une des priorités qui vous est très chère, ainsi qu'à l'Opposition, dans l'amiantose, déclassifie des travailleurs atteints d'amiantose. J'ai donné quelques cas là-dessus. C'est ça mon étonnement. Cela s'enracine dans ces réalités.

Je ne veux absolument pas poser de question pour mettre... Je trouve que cette recherche est fondamentale. Ce que vous dites est vrai; mardi, à une réunion à Montmagny, Paul a discuté de ça et, fondamentalement, c'est vrai. Il dit, là, on réussit ça, mais par ailleurs on en déclassifie d'autres qui sont justement au niveau de la réadaptation. Les deux cas que j'ai donnés, qu'on se rappelle le premier, peu importent les chiffres, 10, 15 et 20, à un moment donné, on a dit qu'il n'y avait plus rien. Ces gars étaient déjà, en vertu de la loi 52, dans la phase de la réadaptation.

C'est ça, cette dynamique...

M. Marois: Je ne conteste pas ça. M. Hétu: D'accord.

M. Marois: On a eu l'occasion, en cours de route...

M. Hétu: C'est seulement comme...

M. Marois: ... d'évoquer des cas du genre; d'ailleurs, un député autour de la table a soulevé un certain nombre de cas très concrets de sa région, le député de Richmond. Est-ce que les deux, seulement pour information, à votre connaissance, continuent, comme dans les cas qui ont été évoqués par le député de Richmond, à toucher leur indemnité?

M. Hétu: C'est justement ça notre problème.

M. Marois: Est-ce qu'ils touchent leur indemnité?

M. Hétu: C'est justement ça notre problème. Tout d'abord, je vais vous expliquer le processus. Il y a, dans l'amiante, 55 cas actuellement, qui sont révisés. On leur a dit: Vous n'avez pas l'amiantose, mais on va maintenir votre indemnité. Regardez bien les problèmes pratiques qu'on a eus. Là, on a demandé à notre avocat, premièrement, de s'informer pour savoir, dans le lot des 50, combien il y en a qui appartiennent à notre syndicat à CGM. La réponse qu'on a eue, les avocats, vous ne devez pas vous mêler de ça. Bon, d'accord. C'était Richard Mailhot, notre avocat. On a dit très bien. On a communiqué avec Robert Sauvé. On est allé le voir, il nous a répondu qu'il y avait 11 cas chez nous qui étaient impliqués, on avait 4 cas devant nous. On était vraiment inquiets, parce que les travailleurs ont su qu'ils n'étaient plus atteints d'amiantose, ils ont rebondi — sur les onze, quatre — au bureau du syndicat; ils ont dit: On n'est plus atteint d'amiantose et on nous dit dans la lettre: Vous pouvez être rappelés, vous pouvez demander votre certificat de travail, mais cependant on vous garantit votre indemnité.

Le premier problème qu'on a eu a été de se dire: Sont-ils malades ou pas? Remarquez tous les problèmes pratiques qu'on a, on parle de ça et la discussion qu'on a est vraiment importante. Là, on s'est dit: Quel pneumologue au Québec peut étudier le problème de ces travailleurs? On en a trouvé un, on va le voir, le Dr Claude Touchette de Québec qui travaille à la CAT — je vous donne des faits — là, il nous écoute très gentiment et nous dit: Premièrement, il y a une directive de la Régie d'assurance-maladie du Québec qui dit que dans ces situations, lorsque le sort d'un travailleur a déjà été réglé par la CAT, je ne peux plus charger à la RAMQ mon expertise — ça va bien parce que Réal est ici et il était un des directeurs de la RAMQ — on a immédiatement vérifié auprès de lui et il nous a dit: C'est vrai, il n'y a rien à faire. L'autre question pratique qui est arrivée, il a dit: Cela va vous coûter entre $1000 et $1300 pour chaque cas d'expertise; uniquement pour savoir si c'est vrai que le gars souffre d'amiantose ou pas; c'est un problème pratique. C'est la première phase.

Là, on se dit: Ma foi, si les mines, les propriétaires — c'est le deuxième volet — des mines se rendent compte que ces types sont payés par la CAT en vertu de nos cotisations et que ça peut hausser les taux de cotisations, alors ils peuvent contester parce que, en vertu de la loi, ils se sentent lésés. Alors, on a demandé une rencontre avec Me Sauvé; on l'a rencontré et il nous a dit: N'ayez aucune crainte là-dessus. C'est là que je rejoins la question du député de Richmond; on a d'ailleurs la lettre. Dans le fond, la réponse qui a été donnée au député de Richmond, c'est celle sur laquelle notre appréhension est fondée. Elle est fondée sur quoi? C'est que dans une telle situa- tion, les mines ont totalement le droit de contester la décision de la CAT. Dans la réponse qui est faite par la CAT, il est dit: S'il y a une contestation, vous allez passer devant le bureau de révision et vous pouvez aboutir au bureau des Affaires sociales.

Bien sûr, de la part de la CAT on a une certitude, elle a dit qu'elle ne toucherait pas au montant; peut-être qu'on ne l'imputera pas, en terme administratif, aux compagnies de l'amiante. Ne l'imputant pas aux compagnies de l'amiante, on ne haussera pas le taux de cotisation; alors, en ne haussant pas le taux de cotisation, peut-être n'y aura-t-il plus une base juridique pour les compagnies d'amiante; possible. Mais, quand on parle de ce problème, il ne faut jamais oublier qu'il y a un contexte qui est plus général et qui est le suivant: les compagnies d'amiante — actuellement, et ce depuis deux ou trois ans, nous sommes en discussion avec elles — elles ont pris des procédures pour tout contester et, nous, on a des cas en vertu de l'ancienne loi 52 et on a décidé d'aller en appel, mais comment vont réagir les compagnies d'amiante. Il y a donc tout ce contexte des droits des travailleurs individuels et du rapport entre les compagnies d'amiante et le syndicat.

Le problème est entier. C'est pourquoi, je reviens à votre ordre du possible et de l'étonnement, mais, de toute façon, vous jouez fair play, parce que vous mettez cartes sur table, et nous aussi. Il y a là un problème entier. On dit: Comment le résoudre? Notre problème, c'est justement... C'est cela qu'on dénonçait dans la partie de l'indemnisation. On dit: II faut à tout prix modifier cette partie-là, parce qu'elle n'est pas claire. Par définition, toute la partie relative aux maladies professionnelles, il y a des restrictions qui proviennent soit de critères qui sont définis par un barème, quand on a à définir les incapacités permanentes, ou par la loi 52 qui parle de diagnostics positifs — ces deux points — et, le troisième point, ce sont toutes les directives qui sont données aux spécialistes, notamment quand on a constitué les comités de révision. Ces experts-là, dans les comités de révision, vont se baser sur quoi? Sur les barèmes d'incapacité permanente, sur la loi ou sur leur compétence professionnelle en tant que pneumologues. Le problème est entier. C'est dans ce sens-là qu'on soumettait le problème. Je pense que l'échange est vraiment dans le fond du problème. On peut continuer, mais pas dans cette veine-là. Cela va, M. le Président, vous êtes d'accord?

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas moi qui décide du contenu des réponses ou des commentaires.

M. Hétu: Cela va. Première question. Article 204. L'article 204 fait partie du chapitre des infractions. C'est exact? Est-ce que le syndicat peut poursuivre — c'est là la question; sinon, vous me corrigerez; je la répète à bon escient dans ce sens-là — est-ce que le syndicat peut poursuivre — il y a un membre de phrase qui dit que le

syndicat peut poursuivre, mais il s'agit de savoir si le champ de la juridiction est fondé — un employeur qui lui soumet, par exemple, en vertu de l'article 49, son programme de prévention? Est-ce qu'il y a là une infraction? Est-ce qu'il peut poursuivre dans ce cas-là? C'est un premier volet? Deuxième volet, est-ce que le syndicat peut poursuivre — je veux voir si votre projet de loi couvre cela — conformément à un article lié aux fonctions de l'inspecteur qui constate un certain nombre d'infractions et suggère des recommandations? Est-ce que le syndicat peut poursuivre? Est-ce que cela touche la prévention ou la partie relative aux recommandations de l'inspecteur?

M. Marois: C'est-à-dire que l'article...

M. Hétu: Je veux bien comprendre votre question. Est-ce que cela couvre l'un ou l'autre?

M. Marois: Au fond, si j'ai compris votre préoccupation accrochée à l'idée de reconnaître un rôle encore plus consistant dans l'ensemble de la loi au syndicat comme tel, l'une des choses que vous évoquez, c'est le pouvoir que devrait avoir le syndicat de poursuivre l'employeur. (21 heures)

Je disais: Ne trouvez-vous pas la réponse à cette question, ou à cette recommandation que vous formulez, à l'article 204 qui stipule que les poursuites pour quelque infraction que ce soit en vertu de la loi peuvent être intentées par tout intéressé. L'expression "tout intéressé", on va la regarder au plan juridique pour être bien sûr que c'est cela; c'est, bien sûr, les hommes et les femmes au travail et — parce qu'il y a eu tout un débat devant les tribunaux sur la notion d'intérêt au sens juridique, il faut avoir un intérêt pour poursuivre — un syndicat local qui, me semble-t-il, a un intérêt, l'intérêt de la promotion, du respect et de la défense des droits de ses membres. N'avez-vous pas là la réponse à la suggestion que vous nous faites? En d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que, quant aux pouvoirs réclamés pour que le syndicat puisse poursuivre l'employeur, on dit qu'on est d'accord avec vous. On l'a formulé en l'introduisant à l'article 204 qui ouvre la porte sur les poursuites pour quelque infraction que ce soit à l'ensemble de l'une ou l'autre des clauses de la loi. Cela répond-il bien à votre demande? Je comprends que vous allez me dire: À condition que ce soit bien clair que "tout intéressé", cela veut dire ce que vous venez de dire là.

M. Hétu: Non, non. Je présume — je suis un bon prince — que...

M. Marois: On va le faire vérifier par les juristes, parce que la question a été soulevée.

M. Hétu: ... "tout intéressé", cela comprend le syndicat même s'il n'est pas nommé, même si on accepte votre réserve et qu'on va faire des recherches. Disons, pour les fins de la discussion, que l'hypothèse de base est que le syndicat, même s'il n'est pas nommé, a le droit d'intenter la poursuite. Ma seule question est la suivante. Quand on regarde le chapitre X — parce que cela touche la notion d'infraction, par exemple — en rapport avec ce chapitre, notamment à l'article 139, on dit: "L'employeur communique le résultat de son enquête ou de son inspection à l'employeur, à l'association accréditée, etc., leur transmet, le cas échéant, copie de l'avis de correction. Lorsqu'il n'existe pas de comité etc."

J'essaie de voir le motif d'infraction, parce que je vais pouvoir entreprendre une poursuite judiciaire s'il y a infraction. J'essaie de voir l'infraction. Il y a l'article 139. Ce n'est pas cela. Il y a l'article 136. Cela touche les pouvoirs généraux. S'il n'y a pas d'infraction là-dessus, c'est quoi? Je me demande si le fondement de ce chapitre est vraiment valable. Je me demande si on ne sera pas tout simplement débouté. Je remarque que nous n'avons pas de droit spécifique concernant, par exemple, le droit du syndicat de contester le programme de prévention. C'est là-dessus qu'on faisait la requête pour avoir ce droit. Ensuite, on faisait aussi une requête pour modifier justement le chapitre X, la dimension des inspections. C'est pour donner suite aux délais, aux recommandations de l'inspecteur. Supposons que l'inspecteur constate un certain nombre d'infractions, il dit à l'employeur: Je te donne une certaine période de temps pour les modifier.

Mon hypothèse de base est la suivante. Si ce n'est pas dans son programme de prévention, il n'y aurait peut-être pas de base juridique. Deuxièmement, s'il n'y a pas d'infraction nommément aux règlements en vigueur concernant les établissements industriels, concernant les standards, est-ce qu'il va y avoir une base juridique de poursuite? Je ne vois pas d'indication pour cela à l'heure actuelle.

M. Marois: Je voudrais seulement vérifier pour être bien sûr de mon coup sur le plan de l'interprétation juridique.

M. Hétu: D'accord. Je vérifie moi aussi, parce qu'il y en a un qui m'écrit une note. On va vérifier ensemble.

M. Marois: Lorsqu'un inspecteur visite une entreprise, fait des constatations d'infraction, présente un rapport — dorénavant, les documents en question doivent être notamment remis entre les mains de l'association accréditée quand il y en a une. Cela est complètement nouveau par rapport à la situation actuelle. Je le sais; il y a assez de syndicats qui m'appellent: Y aurait-il moyen d'avoir le rapport de l'inspecteur Untel et de l'inspecteur Machin? Il me semble que cela fait partie de l'ouverture normale des dossiers, les livres ouverts sur la table. L'inspecteur dit généralement: Je vous donne ordre ou je vous avise que vous devez faire telle, telle ou telle réparation. Cela ne fait pas partie du programme de prévention. C'est le pouvoir qu'a l'inspecteur, au fond, de prendre les

moyens qu'il a pour faire en sorte que les corrections qui s'imposent, puisqu'il s'agit de constats d'infraction par rapport à des normes, des règles qui existent, soient faites. Si l'employeur ne s'y conforme pas, alors que l'inspecteur a de par la loi le pouvoir d'imposer cette chose, cela devient une infraction au sens de la loi. À partir du moment où cela devient une infraction au sens de la loi, l'article 204 s'applique. En vertu de la présente loi, il y a des poursuites, parce qu'il y a eu une infraction quelconque en vertu de l'un ou l'autre des morceaux de la loi.

C'est là la réponse que je vous donnerais. En même temps, en vous donnant la réponse, je prends bien note de cela, c'est bien clair dans notre esprit cette affaire et je vais m'assurer que le texte de loi est aussi clair que ce que je viens de dire et que le jargon juridique correspond à la réalité." Quiconque contrevient— il faut lire aussi les articles 195, 196, 197 — aux dispositions de la présente loi ou des règlements ou refuse de se conformer à une décision ou ordonnance rendue en vertu de la présente loi ou induit une personne à ne pas s'y conformer, etc., est passible"... En d'autres termes, c'est une infraction que de ne pas se soumettre à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi. Une ordonnance rendue en vertu de la présente loi, c'est un ordre de l'inspecteur, par exemple.

M. Hétu: Première question d'ordre général.

M. Marois: En même temps, je prends note de vos commentaires pour être bien sûr que le texte colle à cela.

M. Hétu: D'accord. Première question d'ordre général: Supposons qu'on a le droit de poursuivre, supposons que cela va en cour et supposons qu'on gagne — il y a eu une infraction — quelle est la pénalité prévue par la loi?

M. Marois: Là, il y a diverses pénalités. Cela dépend de...

M. Hétu: Par exemple. M. Marois: Vous en avez... M. Hétu: Oui, mais en général.

M. Marois: Attendez un peu. Ce sont les articles 197 et 198. Les sanctions sont à la fois d'ordre monétaire, des amendes — je pense que vous constaterez que, par rapport aux amendes, quand on regarde la batterie des 7 lois, 20 règlements, on vient de...

M. Hétu: Cela, nous l'avons reconnu dans le mémoire. Il y a un pouvoir coercitif.

M. Marois: Bon. Deuxièmement, non seulement les amendes peuvent aller jusqu'à l'emprisonnement, mais, troisièmement, la cour ou le tribunal a le pouvoir d'ordonner de faire obligation en plus à l'entreprise par jugement de procéder à telle, telle et telle chose. C'est prévu dans la loi à l'article 200: "En plus des pénalités prévues — amendes, emprisonnement touchant la corporation comme telle, des individus à l'intérieur de la corporation, des cadres par exemple — le tribunal peut ordonner au contrevenant de se conformer aux exigences de la loi ou d'un règlement dans le délai qu'il fixe ou d'exécuter toute mesure qu'il juge susceptible de contribuer à la prévention des accidents du travail ou des maladies professionnelles, le tout sous peine d'outrage au tribunal."

M. Hétu: D'accord. Le premier point, quant aux amendes, quant à l'emprisonnement, pour nous, cela ne nous fait ni chaud ni froid. On ne veut pas gagner, on ne veut pas faire mettre le patron en prison. Qu'il y aille, d'accord, on va gagner cela, mais cela mène où par rapport à la prévention, par rapport aux changements dans l'entreprise? C'est cela, le problème. Nous, quand on a fait la demande... Je vais vous expliquer maintenant le fond de notre demande par rapport au droit d'appel sur le programme de prévention par rapport à l'application du rapport de l'inspecteur. Ce qu'on veut, dans le fond, ce n'est pas tellement de faire payer l'amende par le "boss" ou le faire emprisonner; s'il écope de cela, d'accord, mais ce n'est pas notre objectif. Notre objectif, c'est de changer fondamentalement les conditions de travail dans lesquelles sont les travailleurs. S'il va en prison et que les conditions de travail sont encore insalubres ou qu'elles ne protègent pas l'intégrité physique, cela ne règle pas mon problème. Devant quoi vais-je être placé après? Je vais être placé devant quoi si le patron ne veut pas me le concéder dans la négociation collective? Il va falloir faire la grève, mais par la suite, il faudra qu'il corrige cela, c'est cela mon problème.

M. Marois: Je pense qu'on comprend très bien votre préoccupation.

M. Hétu: C'est dans ce sens. À ce moment-là, on a un problème sérieux.

M. Marois: C'est pour cela, précisément dans la perspective que vous évoquez, qu'au-delà des amendes resserrées, de l'emprisonnement, il y a l'article 200 qui, lui, donne au tribunal le pouvoir, en plus de ce qui est prévu aux articles 197 et 198, d'ordonner de se conformer à des exigences... "d'exécuter toute mesure qu'il juge susceptible de contribuer à la prévention des accidents du travail ou des maladies professionnelles, le tout sous peine d'outrage au tribunal", c'est-à-dire d'ordonner de faire procéder aux fameuses corrections à la source pour rejoindre la préoccupation que vous avez.

M. Hétu: D'accord.

M. Marois: Parce que votre préoccupation se défend.

M. Hétu: Un tribunal, on connaît cela. Avant le souper, j'ai mentionné... Prenons par exemple le

cas des produits toxiques. Actuellement, j'ai compté, en gros, à peu près 200 produits toxiques dans le règlement actuel, pour lesquels il y a une norme de fixée. Supposons que cela touche des produits où il n'y en a pas, mais, cependant, qu'il y ait eu des études épidémiologiques, etc. Là, on dit: II faut modifier cela. À ce moment-là, notre fondement juridique n'est plus valable parce que le juge — je le comprends, et une chance que c'est ainsi, légalement — il faudra qu'il prenne le texte des règlements. Et si on se fie sur ce qui est connu actuellement, il va dire: Ce n'est pas dans la liste des 200 produits. Il va faire venir un gars comme Bourdages et va dire: Est-ce que c'est inclus, etc.? Si ça n'y est pas, on est "fucké". Actuellement, quand on regarde l'ensemble des produits toxiques, il y en a un peu plus. Par exemple, aux États-Unis, NIOSH a publié une liste de produits toxiques avec un seuil limite. Il y en a 8000. C'est connu, on les a. Je comprends qu'on n'est pas rendu là. Sur le plan international, je comprends aussi qu'à l'OIT, les Russes, les Américains, le Canada, se sont entendus sur tout le "kit". Il y en a quelque 300, c'est à peu près la liste qu'on a... Je comprends ce problème.

Mon seul problème, c'est par rapport au droit de poursuite. Si on le poursuit et que ce n'est pas inclus, si c'est un cas semblable au chlorure de vinyle qui est cancérigène... On a découvert cela, mais il y a un paquet de gars qui ont crevé pendant ce temps. Je prends une affirmation d'un spécialiste qui travaille pour vous actuellement, qui dit: Le problème de l'amiantose, c'est dépassé. Il dit: Les problèmes auxquels, comme travailleurs, vous avez à faire face, c'est que l'amiantose, par définition, est cancérigène. Je sais, par exemple, que je ne peux pas poursuivre, parce que la dimension du cancer, en vertu de la loi, ce n'est pas couvert; c'est la partie de l'amiantose. C'est un maudit problème! Je ne veux pas soulever des poux, mais je veux qu'on fouille ce problème.

M. Marois: Juste pour l'information des parlementaires, juste pour qu'on comprenne le mieux possible ce que vous demandez, je comprends, d'une part, quand vous dites que lorsqu'il y a une base juridique solide — l'article 204 ouvre la porte au tribunal, non seulement aux amendes, à ci et à ça — on peut également ordonner de procéder à des changements même à l'intérieur de l'entreprise pour corriger à la source, ce qui est à l'article 200. (21 h 15)

Cela me semble répondre à une de vos préoccupations, mais je comprends que ce que vous demandez, d'autre part, pas en corollaire, mais comme en parallèle avec ça, c'est ce que vous évoquez et j'aimerais que vous nous disiez — c'était une de mes questions — comment, concrètement, vous le voyez. Dans les autres cas, parce que tout ne donne pas nécessairement lieu à une base juridique de poursuite et tout ne se règle pas nécessairement par des poursuites, vous semblez nous dire: On voudrait pouvoir jouer un rôle plus important dans un des aspects clés du programme de prévention, c'est-à-dire celui qui touche l'environnement même du travail. Bon! Quel rôle exactement vous vous voyez jouer et comment le voyez-vous articulé? Vous demandez, par exemple, la possibilité de contester, d'aller en arbitrage, de dire, si je comprends bien: Nous pensons que le programme de prévention qui nous est soumis pour la partie environnement du travail, et c'est la base de tous les documents qu'on a, des expertises, des rapports d'inspection, tout ce qui a été constaté, ça ne réglera rien à rien et on n'est pas d'accord avec ça. Déjà, il y a des articles qui prévoient que l'employeur, si les représentants des travailleurs ne sont pas d'accord, va être obligé de justifier sa position par écrit et ça ouvre un recours à la commission. Je comprends que cela ne vous satisfait pas comme recours. Qu'est-ce que vous suggérez concrètement là-dessus? Là, ça recoupe ma question additionnelle là-dessus, en ce qui concerne le problème du mode de production que vous avez évoqué.

Mais prenez les deux morceaux séparément, le plus concrètement, pour qu'on puisse voir. On va prendre note et on va regarder ce que vous allez suggérer.

M. Hétu: Premier point, est-ce que l'on convient ensemble que 204 est insuffisant pour permettre aux syndicats de poursuivre sur l'ensemble de ce qu'on peut appeler les infractions?

M. Marois: 204 est suffisant pour prendre des poursuites sur tout ce qui est infraction au sens de la loi. 204 ne règle pas votre problème quand vous parlez d'une contestation du programme de prévention en particulier, sa dimension qui porte sur l'environnement du travail. C'est une autre paire de manches.

M. Hétu: D'accord. Sur ce point particulier là...

M. Marois: C'est ça, c'est là-dessus que je voulais avoir votre point de vue.

M. Hétu: ... on est d'accord que ça ne touche absolument pas... 204 ne règle pas ce problème-là, on s'entend là-dessus. D'accord! Parlons maintenant, parce que c'était votre autre question et je trouve que la réaction que vous avez est intéressante et on va y aller... Votre autre question touchait la prévention: L'article 49 est-il suffisant, en rapport, par exemple, avec l'organisation du travail, l'évaluation, l'emploi, le boni? Est-ce qu'on doit aller plus loin que 49 et 50? C'est bien ça? Est-il suffisant? Tout de suite, c'est non. Cependant, on doit dire, pour une part, que 48, comme vous l'avez mentionné, a des bases. Quand vous parlez des programmes d'adaptation, de l'établissement, c'est là, des normes prescrites par règlement concernant l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail, l'équipement, le matériel, les contaminants, dans l'exposé que j'ai fait, au tout début, j'ai dit que la réglementation actuelle comportait deux types de normes: les normes obligatoires et facultatives. Justement, par

hasard, les normes, dans le règlement actuel, qui sont facultatives, sont celles qui traitent de l'article 3 que vous avez évoqué et je trouve que c'est intéressant que vous l'ayez évoqué. Elles sont facultatives lorsqu'elles touchent l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail, l'équipement, le matériel, les contaminants... Peut-être pas toutes, je ne veux pas non plus charrier, je ne veux pas non plus poser plus de problèmes qu'il y en a, mais, quant à l'organisation du travail, l'aménagement des lieux de travail, c'est facultatif. Toute la réglementation est conçue de telle façon que l'objectif général de la prévention, c'est qu'il faut régler les problèmes à leur source, c'est indiqué. Cependant, on dit: Si on ne peut pas le faire, on prend d'autres procédures. C'est la conception actuelle. Par ailleurs, il est dit dans cette loi-là que tout règlement qui n'est pas compatible avec la loi devra être modifié. Mais je ne pense pas, à moins d'erreur, je suis prêt à accepter que cet article de loi auquel je réfère dans la période de transition puisse affecter cela. C'est cela qui est le problème, que la commission va opérer...

M. Marois: Ce qui veut dire, d'après vous, qu'il faudrait que, notamment, ce bout de règlement qui rend des choses qui sont précisément accrochées à l'environnement même du travail facultatif deviennent obligatoires.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Hétu: Pardon madame?

M. Marois: Même si cela était, ma question va plus loin que ça, est-ce que vous considérez, est-ce que vous voyez, le syndicat, — un mécanisme que vous pourrez suggérer — être partie prenante et avoir, le cas échéant, partie prenante par un pouvoir décisionnel — quitte à ce qu'il y ait une forme d'arbitrage quelconque, si les parties ne s'entendent pas sur l'élaboration même — prenant pour acquis l'hypothèse que les fameuses parties facultatives qui concernent les choses fondamentales deviennent obligatoires? Est-ce que vous vous voyez devenant partie impliquée dans l'élaboration même de ce programme de prévention, en tout cas, dans la dimension du milieu même du travail?

M. Hétu: Je vais vous expliquer notre philosophie de base et nos revendications là-dessus. Une des limites actuelles du projet de loi, c'est justement là qu'elle se trouve. Je vais préciser. Tout ce qui touche la conception de l'aménagement des lieux du travail, de l'organisation du travail, je ne sache pas que ce soit la volonté gouvernementale, ni celle de l'Opposition, d'aller jusque-là en termes de participation. Premièrement.

Deuxièmement. Une des limites actuelles est là. Dans le fond, dans le langage quotidien, on dit que le projet de loi ne veut pas s'immiscer dans les droits de gérance...

M. Marois: Pourtant, on se fait casser les oreilles depuis une couple de jours sur l'abolition des droits de gérance des entreprises.

M. Hétu: Oui, moi aussi, je lis ça dans les journaux et j'ai entendu des choses aujourd'hui, je vois ça. Mais on a une pratique concrète de ces choses et votre projet de loi prend bien soin... Expliquez-leur de ne pas aller jusque-là, l'Opposition aussi, je pense que c'est votre thèse la liberté de l'entreprise et tout ça. La limite est là. Dans le fond, est-ce que vous allez imposer à ce niveau-là aux entreprises d'établir la participation? Quand on regarde le rôle que vous attribuez aux comités paritaires, vous dites non, vous allez donner un pouvoir de recommandation.

Nous autres, on raisonne dans ce cadre-là. On dit, faites un amendement à l'article 50. Ce qu'on demande, c'est seulement ça, faire un amendement à l'article 50 ou à l'article 49. On dit, permettez au syndicat de contester sur le programme de prévention s'il n'est pas d'accord. Là, faites venir une personne compétente, un inspecteur, etc. On ne veut pas d'un arbitre ordinaire, comme pour régler des griefs, ce n'est pas ça. C'est peut-être de là que vient notre ambiguïté, on ne l'a pas assez précisé. On dit, faites-le venir, faites venir le patron, qu'il vienne expliquer publiquement, dans le cadre de ce type d'arbitrage, pourquoi il ne peut pas le faire. Ensuite, un gars qui connaîtra la loi et les règlements va expliquer quelles sont les limites, les possibilités et jusqu'où il doit aller.

Dans le fond, toute une partie de la question provient de ce que l'entreprise n'est pas capable de payer immédiatement les améliorations. On rencontre ça très souvent, actuellement. Mais il y a un autre volet aussi, c'est peut-être dû au fait qu'au niveau technologique, la connaissance, quant au mode de production, n'est pas suffisamment avancée. Il y a peut-être ça, mais on aimerait que ça se dise, que ce soit clair. Alors, qu'ils le disent et qu'on fasse le débat, de telle sorte que — c'est là que je reviens à toute l'orientation nouvelle des relations de travail en rapport avec l'amélioration des conditions de travail — si on clarifie les raisons majeures pour lesquelles on ne va pas si loin dans un programme de prévention, que ce soit connu.

Ainsi, au niveau de la négociation collective, si le syndicat veut proposer, conformément au Code du travail, des améliorations sur les conditions, qu'il puisse le faire en tout état de cause. Si on connaît le manque de possibilité ou s'il n'y a pas de manque, si, comme dans certains cas qu'on a vécus, ce n'est pas dû au fait que la technologie n'est pas suffisamment avancée, qu'on puisse, par le biais de la négociation, établir les mécanismes nous permettant de trouver des solutions. C'est là qu'est toute notre philosophie de base, quand on demande d'amender les articles 49 et 50; c'est uniquement dans ce sens. On ne veut pas pour tout de suite, parce que c'est prématuré; il y a un contexte général des relations de travail. On se dit:

Que lui rende des comptes; c'est seulement ça qu'on veut, de telle sorte que, dans les négociations collectives, on aura à discuter de l'amélioration des conditions de travail sur ces points. Compte tenu des planchers de conditions minimales qui existeront, on dit: Nous, on va définir et on va s'organiser avec l'employeur. On ne veut pas que vous vous immisciez là-dedans, il y a tout un cheminement qu'il faut faire, etc. C'est là notre philosophie générale.

M. Marois: Je m'excuse, M. le Président, je vais m'arrêter là-dessus, je n'en ajouterai pas; ce n'est pas que je veuille vous pousser plus loin, vous avez droit de faire la lecture, c'est votre plus totale et légitime liberté, de la volonté ou de l'absence de volonté du gouvernement d'aller là ou de ne pas aller là; c'est votre droit le plus légitime.

Je vous ai posé deux questions précises; là, j'ai la réponse à une, à mon entière satisfaction. Je pense que je comprends bien votre point de vue sur les articles 49 et 50, quand vous nous dites: On veut avoir le pouvoir, comme syndicat, par le biais de nos représentants, de contester le programme de prévention avec les mécanismes d'intervention, que ce soient les inspecteurs, des gens qualifiés, que les études soient mises sur la table, ce qui vous permet d'avoir les données. Je comprends parfaitement bien ça et je prends note de votre recommandation.

Mais je reviens à l'autre question que je vous posais et j'aimerais avoir une réponse précise sur ce point; si ça vous est possible! C'est une chose que vous demandez. D'accord, c'est noté. Est-ce que vous demandez aussi ou en plus que, dans les pouvoirs décisionnels du comité paritaire, vous soyez ou pas, comme syndicat, par le biais de vos représentants, partie prenante à l'élaboration même du programme de prévention quant à l'environnement de travail? Ou si estimez-vous que, pour l'instant, ce serait suffisant que vous nous disiez: Donnez-nous d'abord les amendements aux articles 49 et 50 et ensuite on verra?

M. Hétu: On s'entend là-dessus, vous avez très bien compris notre point, c'est clair; on dit: Là-dessus, on veut être en mesure que le patron explique son programme de prévention dans le cadre de ce que la commission dit.

L'autre point — vous allez être surpris de notre réaction — la seule chose qu'on demande c'est que, pour tout de suite, on ne veut pas être associé à l'élaboration, à l'établissement d'un programme de prévention; on ne le veut pas tout de suite. On prétend qu'il faut, tout d'abord, qu'il y ait une reconnaissance du syndicat, c'est la base de tout. On dit: Cela, on va s'en occuper en négociation collective, parce qu'il ne faut pas oublier qu'actuellement, dans l'état des choses, les syndicats ne sont pas tous au même niveau; il y a des syndicats qui sont plus avancés; il y en a d'autres aussi, du côté des syndicats, qui sont avancés, mais qui ont des limites; des limites qui sont crées, provoquées à cause du type d'entre- prises dans lesquelles ils sont. Là, je réfère de façon précise à la PME, sur ça, je ne veux pas conter d'histoires. (21 h 30)

Même les travailleurs les plus militants, dans certains cas, font attention; là je réfère à divers types de garages. Même s'il y a des choses épouvantables qui se passent dans certains garages, il y a cinq travailleurs dans un même garage qui sont morts l'an passé entre 45 et 50 ans. Peu importe, c'était une petite entreprise. Il y a d'autres types d'entreprises. Là, il faut allier santé, rentabilité, droit au travail, etc. Là, on se dit: Pour tout de suite, ce n'est pas cela. Qu'on permette aux syndicats par le biais d'une reconnaissance d'avoir accès à des informations sur toute la question reliée à la prévention. Qu'on leur donne cela. Ensuite, par le biais de la négociation de la convention collective, que les parties, compte tenu de ces informations-là, négocient ce qu'elles doivent négocier dans leur contexte. Cependant les syndicats et les patrons doivent s'associer dans l'élaboration des normes qui vont définir la prévention. On dit: Associez-les. Ne laissez pas cela seulement à la commission, c'est-à-dire de façon concrète à certains fonctionnaires. On a des expériences actuellement. On nous envoie un paquet de règlements à un moment donné. On doit associer les travailleurs d'un même secteur et les patrons pour définir les normes. Quand on propose une telle façon de procéder, je réfère à l'expérience américaine. C'est important qu'on s'y arrête. On est allé visiter Washington. Là, on nous a expliqué que toute la recherche faite était faite par une association de recherche, etc. Les syndicats et les patrons étaient associés pour définir les champs de la recherche. En deuxième lieu, quand ils faisaient leur rapport, il y avait un comité sénatorial qui était formé et les syndicats et les patrons étaient ensemble et déterminaient les normes à fixer. Évidemment, le pouvoir patronal, le pouvoir politique, qu'il garde son pouvoir. Cependant, il y avait un vrai débat qui se faisait entre les syndicats, les patrons, les fonctionnaires, etc., et le Sénat qui, au niveau général des États-Unis, déterminait ce qu'il devait déterminer.

Or, partant de cette expérience-là qui est valable, on se dit: Associons; ne confions pas exclusivement ces pouvoirs-là à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Qu'il y ait vingt ou trente gars, nous ne voulons pas cela. Qu'on les associe sur des projets concrets, les gars de l'agroalimentaire, enfin tous les secteurs industriels et qu'ils discutent eux autres, mais que le pouvoir politique soit libre de décider de ce qui doit être, compte tenu des diverses opinions, pour le bien de l'ensemble. C'est dans ce sens-là...

M. Marois: Est-ce que dans l'esprit de ce que vous évoquez...

M. Hétu: Pardon?

M. Marois: Est-ce que dans l'esprit et dans le concret de ce que vous demandez, de ce que vous

évoquez, c'est-à-dire d'être associés le plus intimement possible à l'élaboration même des normes et des règlements, ce qui est prévu de façon très claire dans le cas de la commission de par l'article 76, paragraphe 3 ne répond pas exactement à ce que vous demandez, au niveau des associations sectorielles?

M. Hétu: Non, absolument pas, ce sont des codes... Non, cela n'a rien à faire...

M. Marois: "faire des recommandations relatives aux règlements et normes de santé et de sécurité..." de quoi est-ce qu'on parle?

M. Hétu: Non, ce n'est pas de cela dont on parle, pas une sacré miette. On parle de concevoir des normes, c'est de cela dont on parle. On ne parle pas de faire des recommandations qui vont venir d'un peu partout. Cela devrait être du matériel que les parties devront utiliser dans la conception des normes. Cela devrait être du matériel. Il faudrait qu'on trie, etc. Il ne faut pas oublier un autre volet. Bien sûr, des recommandations, on vit avec cela quotidiennement et on vous en fait souvent, mais il y a un autre volet dont vous parlez aussi dans votre loi, la recherche. Il faut tenir compte de la recherche. Il faut, pour la définition des normes, que tu tiennes compte, d'une part, de la recherche et, d'autre part, des recommandations qui viennent à la volée comme cela, qu'on règle en assemblée générale. Il va falloir que tu tiennes compte de ces deux volets-là. Là, tu vas définir des normes. Les associations, on n'a pas d'objections à cela. Cependant, ce n'est pas pareil, pas une sacrée miette. Qu'on en fasse, qu'on maintienne cela, c'est très bien. Cependant, qu'on s'asseoie, compte tenu de la recherche parce que vous dites ailleurs qu'il va se faire de la recherche pour tous ces volets. Les deux doivent être alliés. Là, tu dois définir des normes, compte tenu des recommandations qui sont faites par les associations sectorielles — là, je me répète — compte tenu de la recherche. Là, par-dessus cela, le gouvernement décidera. C'est lui ou le cabinet qui va établir les règlements. Il prendra ses responsabilités. Il y aura eu un débat qu'on ne retrouve pas par les recommandations des associations sectorielles. Il faut qu'il y ait un débat public.

Mme Lavoie-Roux: Je veux d'abord remercier la Centrale des syndicats démocratiques pour son mémoire et pour l'exposé très vivant et fort bien illustré que ses représentants nous ont fait cet après-midi pour essayer de nous sensibiliser aux limites du projet de loi.

Je dois vous dire que, dans un premier temps cet après-midi ou quand j'ai quitté à l'heure du souper, j'avais de la difficulté à cerner vos revendications très exactes. Je dois dire que l'échange qui a eu lieu avec le ministre, qui a quand même obligé à préciser peut-être certaines choses, est venu éclairer des points. J'avais l'impression que, d'une part, vous reconnaissiez — je pense que tous les organismes ou groupes qui sont venus devant nous l'ont dit — qu'il faut une loi, qu'il faut une meilleure coordination de ce qui existe présentement. Tout le monde s'entend là-dessus. C'est un peu comme, tout le monde est pour la vertu. Pour cette partie-là, personne n'est pour le statu quo. Cela doit être comme le fédéralisme renouvelé. À tout événement, je pense qu'il m'était plus difficile de saisir exactement ce que vous vouliez comme améliorations.

Je suis fort heureuse que vous ayez souligné ce qui apparaît comme une absence dans le projet de loi touchant la réadaptation. J'aurais peut-être même aimé que vous ayez des précisions ou des recommandations plus précises à cet égard. Vous avez parlé amplement de la CAT, des limites de la CAT. Je dois vous dire que, parfois, on demande aux députés des villes: Quels sont vos problèmes? Vous n'avez pas les problèmes des députés des comtés ruraux. Vous ne vous occupez pas de voirie. Vous ne vous occupez pas de tourisme, de chasse et de pêche. Je dois vous dire, par exemple, que souvent des situations, des problèmes qui sont apportés, du moins à mon bureau, sont des difficultés qui surviennent dans les relations avec la CAT. On semble satisfait ou insatisfait à tort ou à raison; je ne veux pas juger le travail de la CAT à ce moment-ci.

Mais il y a une chose qui me frappe et l'observation que je peux faire, c'est que, même si l'indemnité qui est versée à un accidenté du travail peut être légitime quant au montant — on dit au monsieur: Vous avez un incapacité de 5% et on vous accorde une indemnité de tant, vous avez reçu une indemnité pendant vos traitements, etc. — je ne suis pas sûre que l'indemnité qu'on établit à 5% est vraiment en relation avec ce que le bonhomme faisait avant ou pourra faire par la suite.

J'ai eu un cas récemment de quelqu'un qui a eu justement une indemnité de 5% pour quelque chose à un pied ou à une jambe. Finalement, il est dans la construction et cela le handicape plus que de 5% quand il s'agit de retourner au travail. Je pense que vous avez souligné tout cet aspect. Je suis bien prête à admettre avec le ministre et à accepter son explication que la politique, c'est l'art du possible et qu'on ne peut pas tout faire en même temps. Il ne peut peut-être pas revoir toute cette question des expertises médicales et les questions d'indemnisation de la CAT, mais je le presserais d'examiner le plus tôt possible quelles sont les ouvertures qu'on fait du côté de la réadaptation et quelle échéance le gouvernement se donne du côté de la réadaptation.

Je pense qu'il n'est pas suffisant de verser une indemnité. Si on n'a pas vraiment déployé des efforts pour réadapter les gens, c'est une béquille et une indemnité vaut ce qu'elle vaut. Vous avez quelqu'un qui pourrait peut-être être encore sur le marché du travail. Il ne s'y retrouve pas à cause souvent d'une incapacité qui apparaît peut-être mineure, mais qui devient majeure en fonction des habiletés et du passé de travail d'un individu. Sur ce côté de la réadaptation, je pense que c'est extrêmement important.

II y a un point sur lequel j'aimerais vous demander des précisions. Le ministre y est revenu à plusieurs reprises quand il vous a dit: Quelle place voulez-vous que les syndicats occupent dans la mise en application de ce projet de loi? J'aimerais que vous m'éclairiez. Quelle part faites-vous à la négociation collective comme outil de travail pour faire progresser les conditions de travail? C'est un petit peu ambigu pour moi parce qu'au départ, vous avez répondu au député de Portneuf en voulant — à ce qu'il m'a paru — mettre de côté finalement la négociation collective qui était à la remorque de ce qui pouvait exister comme normes de travail souhaitables et connues. Par contre, dans votre deuxième intervention avec le ministre ou votre intervention d'après le souper, j'ai cru comprendre que peut-être vous accordiez une part plus importante au rôle des discussions des conventions collectives comme moyen de progression des conditions de travail. Est-ce que vous pourriez donner un peu plus de détails là-dessus? Parce que c'est quand même une question de fond dans ce projet de loi, parce qu'il y aura des normes édictées. Est-ce qu'on édictera diverses normes pour différents types? Évidemment, on en édictera diverses pour différents types d'industries, mais, quant aux normes, qu'on les appelle minimales ou maximales dans les conditions, seront-elles suffisantes et quelle place pourrait, selon vous, rester au syndicat au niveau de la négociation dans ce domaine?

M. Hétu: M. le Président, tout d'abord, je voudrais vous soumettre un regret d'avoir été dans l'impossibilité de répondre à trois questions soumises par le ministre Marois, l'accès à l'information médicale, le droit de refus et toute la dimension du conseil régional. Cependant, je vous aime bien.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas moi qui ai...

M. Hétu: D'accord, je vous aime bien et je vais procéder quand même à la discussion.

Le Président (M. Marcoux): Quand j'ai donné la parole à Mme le député de L'Acadie, je croyais que vous aviez complété les réponses aux questions.

M. Hétu: Non.

Le Président (M. Marcoux): Vous pouvez profiter de la réponse à Mme le député de L'Acadie pour donner vos trois réponses.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je pense que cela intéresse tout le monde.

M. Hétu: Je ne veux absolument pas vous créer de problèmes. Je voulais quand même indiquer qu'il y avait trois questions que nous estimons fort importantes auxquelles on a été incapable de répondre.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Hétu: Je ne vous accuse absolument pas, M. le Président. Je comprends cela avec l'heure qui est tardive et les copains qui sont à l'arrière. Je sais qu'il y a deux groupes qui attendent pour passer et je vois aussi avancer l'heure. Je me mets à leur place parce que j'ai été aussi dans leur peau avant de passer. On se comprend bien et il n'y a de blâme à personne, mais il y a trois questions auxquelles on n'a pas répondu et qui sont fort importantes. Je trouve que les questions de Mme Lavoie-Roux sont importantes, surtout celle qui concerne la réadaptation.

Concernant la réadaptation, le gouvernement actuel — je pense que vous avez contribué à voter cela dans un contexte X que je ne rappellerai pas, mais que vous avez vécu — a adopté des amendements lors de la dernière session, l'hiver dernier, pour qu'il y ait des amendements à la Loi des accidents du travail et un des amendements concernait la réadaptation. C'est la première fois dans l'histoire de la Loi des accidents du travail qu'il y avait des clauses spécifiques concernant la réadaptation. Actuellement, la réadaptation est un concept nouveau. Antérieurement, dans l'histoire de la commission, on appelait cela la réhabilitation. Tout le monde était vraiment fier de cela à l'époque. Il y avait un gros édifice et tous les travailleurs qui étaient accidentés y étaient soignés, etc. (21 h 45)

Une décision a été prise sous votre gouvernement, qui est sûrement mise en application maintenant. On s'est dit: On va répartir, au centre hospitalier, la dimension de la réhabilitation; mais il y a la réadaptation, et on vit avec la réadaptation. C'est un concept obscur actuellement. On tente de l'appliquer. Il y a des choses qui ne sont pas claires, parce qu'avant d'arriver au concept de la réadaptation, il existe un article dans la Loi des accidents du travail qui dit, lorsque quelqu'un est accidenté et qu'il a subi une maladie professionnelle, qu'on doit tenir compte, pour le retour au travail, de deux phénomènes: de son incapacité et de son aptitude au travail. Voilà un mardi problème! On a été incapable de le résoudre, dans le cadre des travailleurs de l'amiante, par le biais de la loi 52. Je dois vous dire tout de suite qu'on a perdu en Cour d'appel, parce qu'on n'acceptait pas la conception prévalant à la Commission des accidents du travail, spécifiquement, dans le cas, par exemple, de travailleur amiantosé ou dans tout autre cas, qu'un médecin ou un agent d'indemnisation détermine que ce travailleur, compte tenu d'une incapacité X, est apte au travail; on prétend que le médecin n'a pas la compétence pour déterminer cela, et d'autres raisons, aussi; on a perdu en cour.

Donc, il y a quelque chose d'obscur dans la loi; cependant, on introduit des articles nouveaux. Des articles nouveaux, cela veut dire quoi, en pratique? Là, on vit des problèmes qui sont les suivants. Prenons les travailleurs de l'amiante qui,

en vertu de la loi 52, on leur dit très bien... si je vous racontais — on n'a pas le temps — comment les travailleurs de l'amiante de la CGM et du Syndicat de l'amiante se sont prévalus de la loi, les cheveux vous en dresseraient sur la tête. Les travailleurs n'ont absolument pas suivi la loi, ils ont démissionné de leur emploi pour bénéficier des avantages de la loi, et tous nos conseillers juridiques sont contre cela.

Par conséquent, on n'applique absolument pas la loi telle que définie actuellement, les gars ont démissionné, ils ont pris une mardi de chance; une chance du bon Dieu que les compagnies n'ont pas contesté cela. Par ailleurs, elles l'ont constaté, il y a eu différents débats, on n'y donne pas suite, on se demande ce qui se passe, il y a de quoi qui se passe, c'est obscur. Mais on constate que la réadaptation n'a pas de signification. Par exemple, quelqu'un qui est considéré comme incapable de travailler au sens de la Loi des accidents du travail, on lui donne son incapacité; il faut le réadapter, professionnellement et socialement. Le réadapter professionnellement, qu'est-ce que ça veut dire? On lui trouve un emploi, quand c'est un travailleur de l'amiante, où, s'il est situé à Thetford ou à Asbestos? Il n'a pas d'emploi; il y a un premier problème. À ce moment-là, il faudra le déraciner, le faire déménager et, généralement, les travailleurs à qui on accorde ce privilège, ce droit de cesser de travailler, il est âgé de 50 ans ou plus, où va-t-on l'envoyer? Cela, c'est un problème pratique. On va le réadapter socialement, cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'on présume que ce travailleur n'est pas inséré dans le milieu social où il est. Cela va prendre des psychologues, des trucs comme ça, mais rien ne se fait à ce niveau.

Ce qu'on fait, si on s'aperçoit qu'il ne peut pas avoir d'emploi, on va lui donner un montant d'argent. C'est arrivé dans quelques cas, et on se demande pourquoi on ne le fait pas dans d'autres cas. Actuellement, il est évident — je ne jette pas de blâme — qu'on est tous à la recherche de la signification de la réadaptation. On sait que les outils disponibles sont insuffisants.

Quant à l'autre question — c'est votre dernière question — la place des syndicats dans la loi 17, et notamment dans le rôle de la négociation collective par rapport aux normes minimales, je termine là-dessus.

Actuellement, au niveau des normes, vous savez qu'il en existe, en termes de règlements qui vont exister, une gamme étendue. Bien sûr, on applaudit — on l'a dit dans le mémoire et on le redit — le fait de centraliser dans une même loi toutes les lois existantes, c'est déjà un premier pas, mais il y a un paquet de règlements. Il y en a concernant le meuble, le bois ouvré, je ne veux pas les énumérer, il y en a au moins une dizaine, si ce n'est quinze. Alors, par rapport à la négociation, qu'est-ce qu'on va faire? Encore là, on peut faire des hypothèses quant aux orientations éventuelles de la négociation collective. Qu'est-ce qu'on va négocier par rapport à la loi? La situation n'est pas si simple que ça, si on considère d'une part les PME, les entreprises multinationales et, parmi les entreprises multinationales, il y en a qui sont très fermées sur ces questions-là, d'autres qui sont ouvertes, les PME peuvent être ouvertes, enfin, les situations sont différentes. Alors qu'est-ce qu'on va négocier? À ce moment-là, je suis un peu dans le noir, sauf sur les orientations hypothétiques que j'ai formulées au tout début de l'intervention, parce que ça provenait — et vous y revenez — des interventions du député de Portneuf. Il y a des entreprises qui, actuellement...

Mme Lavoie-Roux: Je vais peut-être préciser un peu plus votre question. Est-ce que, mis à part les dispositions des comités paritaires, le travail de la commission, etc., tout ce qui est le coeur du projet, la négociation collective, là où il y a un syndicat évidemment, peut demeurer un outil pour vous autres qui permettrait également d'améliorer les conditions de travail?

M. Hétu: Actuellement, il y a un inconnu à cause de la réglementation, parce que c'est la réglementation qui détermine à l'heure actuelle les conditions de travail en rapport avec la protection de la santé. Dans la réglementation, il y a le règlement des établissements industriels qui stipule, par exemple, à l'article 2, que tous les établissements existant avant 1972 ne sont pas assujettis spécifiquement aux règlements, mais ils doivent fixer des normes équivalentes dans leur milieu de travail. C'est un premier problème.

L'autre problème, vous avez des entreprises qui actuellement n'ont absolument pas réussi ou, pour diverses raisons, n'appliquent même pas les normes qui sont dans la réglementation. Alors vous avez diverses situations. On est placé devant un inconnu. Qu'est-ce que sera la nouvelle réglementation? On ne le sait pas. Nous, devant ça, on dit: On va assumer des responsabilités en matière de négociation; par ailleurs, on dit que dans la loi, on veut être associé le plus possible — et c'était là une partie de l'échange qu'on a eu ensemble avec le ministre Marois pour savoir pourquoi les compagnies, par exemple dans le domaine de la prévention, n'appliquent pas, n'établissent pas tel type de programme de prévention. C'est pourquoi on dit aussi qu'il faut être associé dans l'élaboration, la conception des règlements, parce qu'on est placé devant un inconnu.

C'est un commentaire que je voulais faire là-dessus, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de l'heure, est-ce que vous voulez répondre aux trois autres questions?

M. Hétu: Compte tenu de l'heure, c'est un premier point et il y a les autres. Enfin, je ne veux pas empiéter là-dessus, absolument pas. Je veux que le président se compromette.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des membres de la commission, de votre participation à nos travaux. J'inviterais maintenant... D'abord je demanderais aux membres de la

commission s'ils sont d'accord pour verser le mémoire du Regroupement écologique québécois, qui a demandé le dépôt de son mémoire, au journal des Débats?

Mme Lavoie-Roux: D'accord. (Voir annexe B)

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc., à venir nous présenter son mémoire.

M. Hétu: On est vraiment inquiet quant aux nouvelles formulations qui seront définies à l'article du droit de refus. Merci, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de l'heure et compte tenu — non, ne craignez rien, messieurs — que, des deux groupes qui sont devant nous, apparemment un au moins se présente pour la deuxième fois, je suis prête à ce qu'on prolonge jusqu'à 22 h 30. J'aimerais faire une suggestion, celle de ne pas lire le mémoire au complet. Je ne voudrais pas par contre que vous vous sentiez frustré, parce que, si tel devait être le cas, peut-être qu'on pourrait vous remettre encore une fois, mais je pense que vous ne le désirez pas non plus. Normalement, on termine nos travaux à 22 heures. Vous pourrez faire un résumé de votre mémoire ou des recommandations. De notre côté, on va essayer de se limiter à un certain nombre de questions. Si vous êtes d'accord.

Le Président (M. Marcoux): M. Albert Thibault, si vous voulez nous présenter vos collègues.

Association des chauffeurs d'autobus du Québec

M. Thibault (Albert): II y a ici M. Roger Cinq-Mars, vice-président de l'association, et M. Eugène Richard, secrétaire de l'association. Nous allons être assez brefs, étant donné l'heure tardive. D'ailleurs, le mémoire, peut-être l'avez-vous constaté, n'est pas bâti en fonction de la loi 17, parce qu'on ne pourrait pas discuter de la finalité d'une loi quand on n'en est même pas à la base; il n'y a aucune structure dans ce sens. C'est surtout d'après le livre blanc que cela a été soumis; cela concerne la santé physique, la santé mentale et la sécurité des chauffeurs d'autobus du Québec.

Le chauffeur d'autobus est soumis généralement à des agents physiques tels que vibrations, changements de température, mauvais éclairage, bruit, monoxyde de carbone, équipement en mauvais état, etc. Le chauffeur d'autobus est aussi soumis à une énergie mécanique et, par conséquent, il risque d'être frappé, coincé par un objet, de glisser ou chuter. Le fait d'être assis pendant de longues heures est la cause de maux de dos. La cadence des horaires est trop rapide, les horaires irréguliers, le travail de nuit, la malnutrition dans des restaurants de fortune et le manque de temps pour manger sont les causes de mauvaise digestion, de stress et d'hypertension. On voit donc que la situation dans laquelle se trouve le chauffeur d'autobus le rend vulnérable aux maladies du coeur. Ainsi, le chauffeur d'autobus qui fait un infarctus perd non seulement son emploi, mais aussi son permis de chauffeur d'autobus sans aucune possibilité de réadaptation à sa profession de chauffeur d'autobus.

En ce qui concerne la santé physique, on ne s'éternisera pas là-dessus, le mauvais éclairage, le bruit, le monoxyde de carbone, ce sont des critères qui ont été étudiés dans beaucoup d'autres domaines, mais, concernant un chauffeur d'autobus, cela n'a jamais été étudié, cela n'a jamais été évalué. Il n'y a aucune statistique là-dessus, on n'en a jamais tenu compte nulle part. Les maux de dos, qui sont très fréquents, on pourrait s'éterniser là-dessus; on ne pense pas à la Commission des accidents du travail, parce que ce n'est pas reconnu comme étant une maladie industrielle, pas plus que la maladie cardiaque, qui est le problème le plus grave chez les chauffeurs d'autobus.

Je vous ferai remarquer que les chauffeurs de longue route, on peut dire qu'à 98% ils meurent cardiaques. Là non plus, il n'y a aucune recherche faite dans ce sens, aucune statistique établie. La santé au travail d'un chauffeur d'autobus, on n'a jamais étudié le cas comme tel, on n'a jamais porté aucune attention à ça.

En ce qui nous concerne, non seulement le type perd son permis de conduire, parce qu'il a passé, un beau jour, dans les mains d'un cardiologue mais, en perdant son permis de conduire, il n'y a aucune réhabilitation possible à son travail. On parlait tout à l'heure de l'amiantose, qu'il fallait réintégrer le type socialement, le réadapter avec son indemnité; on n'a même pas d'indemnité. Il n'y a jamais eu d'études dans ce sens. C'est un problème qui est quand même assez grave à l'heure actuelle. (22 heures)

J'ai remis à M. le ministre un document concernant les maladies cardiaques. Maintenant, j'ai cru comprendre, après discussion avec le directeur du Bureau des véhicules automobiles, que ce n'est pas le ministère, que ce n'est pas le gouvernement qui émet les critères sur les maladies cardiaques, pour la réadaptation, pour conduire l'automobile, c'est, je crois, l'Association des cardioloques du Québec; c'est une loi qui date de 1942. On sait que la médecine a beaucoup évolué depuis 1942, on est prêt à dire que nos chauffeurs sont recyclables dans à peu près 75% des cas; ils seraient même sécuritaires au volant d'un véhicule public. On ne prétend pas détenir la vérité, tout ce qu'on dit, c'est qu'il est urgent qu'il y ait tout de même des recherches qui soient faites à ce niveau; qu'on s'assoie avec l'Association des cardiologues et qu'on refasse les critères d'acceptation ou de rejet concernant un chauffeur qui aurait été atteint de maladie cardiaque.

On va tout simplement passer à la partie de la santé mentale; ce qui nous concerne ce sont les horaires qui sont acceptés trop vite par la...

M. Marois: Si on me permet, je comprends que vous essayez de résumer votre mémoire et que les mémoires seront quand même versés intégralement au journal des Débats. Il y a consentement là-dessus, je présume?

Le Président (M. Marcoux): Oui. (Voir annexe C)

M. Marois: D'accord.

M. Thibault: Je ne veux pas éterniser, étant donné l'heure et le fait qu'on a encore 150 milles à faire.

On parlait donc des chauffeurs qui travaillaient avec des horaires quand même assez restreints, qui se trouvent souvent coincés entre le patron, les répartiteurs, les usagers; tous crient après eux, mais personne ne veut prendre la peine de regarder son problème de près. J'imagine que tous, ici, ont voyagé par autobus à un moment donné.

Quand on parle de la sécurité, qu'on parle de refus de travailler, dans le livre blanc, quand on considère qu'un travail est dangereux, quand on dit que le ministère du Travail, à l'heure actuelle, ne considère même pas un autobus comme un outil de travail pour un chauffeur d'autobus, ça ne nous donne rien d'aller pleurer là, on ne considère pas un autobus comme un outil de travail, on nous réfère toujours au ministère des Transports. Le critère du ministère des Transports est que, si on considère que ce n'est pas dangereux au point de pouvoir casser la gueule du monde, ça va. Mais il faut quand même tenir compte qu'il y a la santé du chauffeur qui est à bord de l'autobus, qu'il y a la sécurité physique et mentale du chauffeur ainsi que la sécurité des passagers.

À prime abord, il faudrait que le ministère du Travail reconnaisse un autobus comme un outil de travail. À l'heure actuelle, si tout le monde était syndiqué au Québec, ce serait peut-être un problème moins grand. Vu que vous avez autant de compagnies dans le transport en commun, par autobus, qui ne sont pas syndiquées qu'il y en a de syndiquées, vous retrouvez un employé qui va essayer de refuser de conduire un véhicule qu'il considère comme dangereux, et comme récompense on va le suspendre de son travail pour une période indéterminée, avec perte de salaire et tout le "kit". Quand bien même on approcherait le ministère du Travail avec ce problème, on va nous dire: Cela regarde le ministère des Transports. Je pense que ce n'est pas vrai; en fait, si on regarde ça sous cet angle, ce n'est définitivement pas vrai. Le ministère du Travail se doit de se pencher sur la question et de considérer l'autobus comme un outil de travail.

Je vais faire, comme ça a été fait tantôt, du coq à l'âne. Nos recommandations, inscrites dans notre mémoire, sont que des études soient faites sur la santé des chauffeurs d'autobus du Québec, sur la sécurité au travail et que les conclusions d'une telle étude, après consultation avec l'association, se traduisent dans des lois appropriées. Je pense qu'on a encore beaucoup de chemin à faire; je pense qu'on est un quart de siècle en arrière dans ce domaine.

Dans n'importe quel autre domaine, soit la construction ou autre, cela a évolué. On a fait des recherches; on a établi des statistiques; on a quand même travaillé, nous autres. Il faut retourner 25 ans en arrière et recommencer à structurer ce domaine qui n'a jamais été structuré pour ce qui concerne la santé et la sécurité au travail.

Une des demandes qu'on fait ici, M. le ministre, à l'heure actuelle, c'est que notre association soit reconnue comme une association sectorielle, sans pour autant la qualifier de paritaire. On ne prétend pas vouloir devenir un syndicat, ni une association de patrons, mais je pense, vu qu'il n'y a rien de fait, qu'il faudrait absolument structurer ce domaine-là. Vu l'énormité du travail qu'on a fait avec des moyens quand même assez restreints jusqu'à maintenant, depuis seulement une année qu'on existe, je crois que cela nous reviendrait de droit d'être reconnus comme une association sectorielle dans le but de faire des recherches, dans le but de faire de la prévention, dans le but de faire de la formation. Cela se résume à peu près à ceci, si on veut écourter au maximum. Je ne sais pas si vous avez bien compris. Si vous avez des questions...

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier infiniment l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec de son mémoire. Je voudrais aussi remercier ses représentants de leur patience, parce que je sais que vous avez attendu un bon moment avant qu'on puisse aborder les échanges entre nous. Je tiens à vous remercier de votre mémoire. Bien sûr, j'en prends acte et je l'apprécie au passage. Quand cela vient, on saute dessus. Au fond, c'est un appui que vous donnez à l'essentiel de ce qu'il y avait dans le livre blanc. Il est exact que l'essentiel du livre blanc est traduit dans le projet de loi 17. Le projet de loi 17 apporte certains éléments nouveaux par rapport au livre blanc, dans le sens, par exemple, d'un certain nombre de droits additionnels qui n'étaient pas prévus, notamment, dans le livre blanc.

L'autre élément, c'est que votre mémoire vient mettre en relief les conditions particulières de travail des chauffeurs d'autobus et le fait que cela mérite une attention tout à fait particulière. Vous avez parfaitement raison puisque, dans le livre blanc, à la page 271, dans la liste des secteurs — comme hypothèse — qui devraient être soumis à une commission pour établir les coins prioritaires où il faut intervenir, on avait nous-mêmes inclus, sur la base des résultats, des constats, des données statistiques dont on dispose maintenant, les transports et communications

comme étant un des secteurs qui doivent être prioritaires. Les transports, bien sûr, n'incluant pas uniquement le transport par autobus, mais incluant aussi les autres moyens de transport, sans exclure pour autant le transport par autobus. Vous avez donc parfaitement raison de le signaler.

Ce qu'on souhaite, c'est que, forcément, la commission, dans la foulée de l'application du projet de loi devenu loi, retienne ce secteur-là comme un des secteurs de priorité non seulement d'action mais aussi de recherche, parce que vous mettez le doigt, dans votre mémoire, sur d'autres aspects qui sont intéressants. En particulier, vous y évoquez — je ne suis pas nécessairement l'ordre dans lequel vous l'avez présenté, je prends les morceaux un peu comme ils viennent — l'état de délabrement. Vous donnez un exemple et vous l'illustrez. Je sais que vous avez raison de le mentionner. Ce n'est pas pris dans les nuages, puisque j'ai pu voir des autobus équipés comme vous le dites. C'est au bas de la page 3. "À titre d'exemple, certains autobus n'offrent au chauffeur comme appui-tête qu'une barre de fer." Certains d'entre nous, je pense, ont pu voir de visu que c'est réel. C'est pour cela que notamment l'article 48 du projet de loi prévoit, en particulier au paragraphe 3 et au paragraphe 4, dans le cas où il y a des normes ou des règlements concernant l'équipement, le matériel — dans le cas des travailleurs qui sont des chauffeurs d'autobus, par définition, le matériel et l'équipement ce n'est pas autre chose que l'autobus; en partant, c'est cela, la base — que soient obligatoires des programmes d'adaptation de cet équipement et/ou de ce matériel pour faire en sorte, encore une fois, de se donner les moyens d'éliminer à la source les causes mêmes d'accidents ou de maladie, d'une part.

D'autre part, de toute façon, indépendamment du paragraphe 3, cela n'exclut pas le paragraphe 4 qui fait obligation dans le programme d'identifier les mesures de surveillance, d'une part, mais, deuxièmement, d'entretien préventif, encore là, pour viser à corriger. Donc, il y a déjà une amorce et je pense que vous sensibilisez les membres de la commission davantage à cet aspect du problème.

D'ailleurs, partant de là — parce que vous avez témoigné devant la commission Jodoin, si ma mémoire est bonne, et vous l'évoquez, je pense, dans votre mémoire; — d'ailleurs, vous mettez en annexe le document que vous aviez remis à ce moment-là — dans la foulée de tout le travail qui se fait d'autre part, des hypothèses d'amendements au Code de la route et le reste, des ajustements, d'un contrôle plus sévère, des blitz d'inspection des autobus, je vais avoir l'occasion aussi d'en parler à mon collègue qui est responsable du ministère des Transports pour qu'on fasse bien la jonction dans ce domaine.

Vous avez aussi raison de mentionner qu'il y a des coins où les chauffeurs d'autobus n'ont même pas la protection minimum qui peut venir d'une convention collective. J'ai beau réviser de mémoire, pour les avoir regardées encore il n'y a pas si longtemps, les conventions collectives concernant les chauffeurs d'autobus qui sont syndiqués, — je serais plutôt porté à dire que je sais qu'il n'y en a aucune, mais, pour l'instant, étant donné qu'il est 22 h 12, et que je peux me tromper, je dis que je n'en connais pas beaucoup qui contiennent simplement une clause permettant à des chauffeurs d'autobus syndiqués d'exercer un droit de refus dans le cas où la matériel roulant est dans un tel état de délabrement que c'est un danger public de le laisser rouler sur les routes. Et, pourtant, c'est un droit qui vous sera reconnu, pour tous ceux qui ne l'ont pas, par le projet de loi 17, indépendamment de toutes les recommandations qui nous ont été faites quant à la façon d'articuler ce droit-là. Je pense que c'est un élément extrêmement important. Cela a un effet dans le cas de l'exercice de ce droit de réflexion et d'incitation à des corrections quand les autres mécanismes normaux n'ont pas permis d'y arriver.

Je terminerais mes commentaires là-dessus en vous posant une question. Quelles sont, d'après vous, les solutions qu'il est possible d'envisager — parce que c'est probablement lié aux conditions de travail peut-être plus qu'à autre chose; c'est prévu aussi à l'article 48, paragraphe 3 — pour résoudre les problèmes qui sont soulevés et qui sont rattachés à des conditions particulières de travail que vous évoquiez dans votre mémoire: le laps de temps qui vous est laissé et les conditions, par exemple, dans lesquelles vous devez prendre vos repas, les horaires cassés ou fracassés ou irréguliers, en tout cas? D'après vous, des horaires réguliers, est-ce possible dans le secteur du transport par autobus? Je pense aux autobus scolaires. Je pense au problème des heures de pointe et le reste. Comment voyez-vous des solutions possibles à cette dimension du problème qui est, encore une fois, directement relié aux conditions de travail comme telles?

M. Thibault: Je pense que la première chose à faire, ce serait s'efforcer à...

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre en dernier lieu. Quant à la question que vous avez posée quant à une perspective d'association sectorielle, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible d'envisager une association sectorielle dans le secteur du transport comprenant des sous-sections — parce que le transport, c'est large — notamment une concernant le transport par autobus. Il n'y a rien dans le projet de loi no 17 qui exclut cela, bien au contraire. Je m'excuse, je referme la parenthèse, je reviens à la question que je vous avais posée.

M. Thibault: Concernant la dernière question, on ne voudrait quand même pas confondre le transport par camion et le transport par autobus. (22 h 15)

II n'y a pas tellement longtemps, je discutais avec celui qui est en charge de la formation des gens qui vont faire passer les permis de conduire sur les transports lourds. Il ne comprend pas les

problèmes de freins qu'on a pu avoir dans les tragédies au Québec parce qu'ils ont fait une expertise sur le boulevard Métropolitain à Montréal comme il me l'a expliqué avec un tracteur de fardier et puis pas de freins sur la "float" en arrière, ils changeaient de vitesse, quinzième, quatorzième, treizième, et ils n'avaient pas de problème, ils n'avaient même pas besoin de toucher aux freins. Je lui ai appris qu'il y avait au maximum cinq vitesses sur un autobus et seulement quatre sur la plupart. Dans leur optique, il y a quinze vitesses là-dessus. C'est tellement différent le transport de passagers et le transport par camion. Les conditions de travail sont tellement différentes; le contexte de travail est tellement différent. Il ne faudrait quand même pas essayer de mélanger les deux.

Pour répondre à la première question que vous posez, je pense que la première chose à faire serait de former des chauffeurs d'autobus. D'avoir un organisme qui, comme nous, par exemple, pourrait s'occuper de la formation du chauffeur d'autobus, de le mettre au courant des critères de sécurité, d'en faire réellement un professionnel, de lui diffuser des cours comme tels. On a soumis à l'enquête Jodoin ce qu'on entendait par un chauffeur d'autobus. La loi exige des trousses de premiers soins à bord de tous les autobus et il n'y a pas un chauffeur qui est capable de s'en servir. Il faudrait quand même, pour compléter, un cours de premiers soins avec un cours de relations publiques pour en faire réellement un chauffeur. Je pense qu'au départ, avec cela, on vient de régler une foule de problèmes.

On ne veut quand même pas prétendre s'attaquer aux conventions collectives ou à quoi que ce soit mais on peut quand même, je pense, en formant un vrai chauffeur consciencieux et professionnel régler par la suite beaucoup de problèmes.

M. Marois: Si vous me permettez de revenir à ma question — sans vouloir abuser du temps, je termine là-dessus — en étant encore un petit peu plus précis que cela. Vous nous avez donné l'approche générale. Vous évoquez dans votre mémoire que raccrochés directement à certaines des conditions mêmes de votre travail, des horaires irréguliers par exemple, les conditions dans lesquelles vous devez prendre les repas, le laps de temps, etc... Quelles sont d'après vous les solutions possibles que vous préconisez pour résoudre un certain nombre de problèmes qui sont soulevés? Par exemple, est-ce que d'après vous, des horaires réguliers sont possibles? Je pense aux autobus scolaires; je pense aux heures de pointe — elles valent pour le scolaire comme elles valent pour d'autres domaines.

M. Thibault: Non, je ne crois pas que les horaires réguliers... Le transport, c'est le transport. Les horaires irréguliers seront toujours là probablement comme les heures de pointe seront toujours là; mais si, au départ, on prenait en considération le nombre d'heures pendant lesquelles un chauffeur pourrait être en devoir... Si vous prenez l'exemple des deux grandes tragédies au Québec, celle de 40 morts et celle de 11 morts, les deux chauffeurs étaient deux chauffeurs occasionnels qu'on ne reconnaît pas comme des chauffeurs d'autobus. Les deux chauffeurs avaient commencé à travailler à 7 heures, le matin, les deux accidents arrivent...

M. Marois: Excusez, de quels accidents parlez-vous?

M. Thibault: Celui d'Eastman, 40 morts, et celui de Sainte-Rosalie, 11 morts; les deux chauffeurs, on ne les reconnaît pas...

M. Marois: Vous nous affirmez que c'étaient deux chauffeurs occasionnels?

M. Thibault: C'étaient deux chauffeurs occasionnels, effectivement. L'un est photographe et l'autre est un opérateur de rouleau compacteur; les deux ont commencé à travailler à 7 heures, le matin; une des tragédies s'est produite à 11 h 40 le soir et l'autre à 11 h 50; cela fait plus de 13 h 30 de travail. Quand on parle de cela à qui que ce soit, on dit: II n'a pas conduit tout le temps. Je me dis: Levez-vous à 6 heures le matin et assoyez-vous... Vous êtes resté assis toute la journée, M. le ministre, et je suis convaincu que vous êtes fatigué quand même, et je ne vous mettrais pas au volant d'un autobus avec 40 passagers à l'heure actuelle, je ne crois pas que ce serait sécuritaire.

M. Marois: Je vous comprends donc!

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Marois: Ne prenez jamais ce risque!

M. Thibault: C'est un autre aspect de la chose. Comment voulez-vous obtenir des critères de base pour un chauffeur d'autobus, pour qu'on essaie d'en faire un vrai chauffeur, quand beaucoup de compagnies, au lieu d'engager le nombre de chauffeurs professionnels dont ils ont besoin, se limitent à des occasionnels en disant: Si j'en ai besoin, je sais qu'à la brasserie, il y en a toujours, l'après-midi, qui ont leur permis de conduire dans leur poche; on va aller les chercher. Toi, bonhomme, t'as passé ton permis de conduire pour un autobus scolaire, tu vas voyager des gens de l'âge d'or, en fin de semaine, avec un gros véhicule de "highway". On pense que ce n'est quand même pas logique, c'est totalement illogique.

M. Richard (Eugène): Pour répondre à la question de M. le ministre, à savoir quels moyens... Disons qu'il y a le service urbain et le service interurbain. Au service urbain, ceux qui font huit heures sans "shift" coupé doivent prendre leur repas ou leur petit lunch en travaillant. Cela, c'est la Commission de transport de la Rive-Sud, comme la Commission de transport de Montréal, par exemple. À ce moment-là, ils devraient...

M. Marois: Laval?

M. Richard (Eugène): Laval, je ne suis pas sûr, je pense que ce n'est pas tout à fait la même chose. Je parle de Montréal et de Rive-Sud dont je suis certain. Je pense que c'est malsain et ça devrait être 40 minutes, mais payées par les commissions de transport, ce serait compris dans leurs huit heures.

Pour l'interurbain, maintenant, je pense que l'installation de ce qu'on appelle, en français, des bavards sur les autobus, ce serait le système idéal pour qu'on ne force pas un chauffeur à faire 18 ou 20 heures; ce serait vérifié par les inspecteurs.

M. Marois: Ce que vous appelez les quoi?

M. Richard (Eugène): On appelle cela un bavard, en français.

M. Marois: C'est quoi?

M. Richard (Eugène): C'est une machine. Si vous roulez à 65 milles à l'heure et si vous vous arrêtez pour voir une jeune fille le long du chemin durant 20 minutes, tout est enregistré; seule la commission a la clé pour l'ouvrir et elle vous dit ce que vous avez fait en revenant, combien d'arrêts et tout ce que vous avez fait.

M. Marois: C'est toute une sorte de détecteur. M. Richard (Eugène): En bon français...

M. Marois: Cela ne prend pas de photo et ça ne donne pas le nom de la fille non plus.

M. Richard (Eugène): Non, il y a seulement cela, mais, par le millage, on peut même trouver l'adresse, par exemple. Je voulais vous signaler cela, M. le ministre, parce que vous avez posé la question à savoir comment y remédier.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier les représentants de l'Association des chauffeurs d'autobus d'être venus ici. Même si votre mémoire est court, je pense que le message que vous avez apporté à la commission est extrêmement important et comme vous le signaliez si bien, vous disiez: vous vous faites renvoyer de Caïphe à Pilate, du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre au ministère des Transports et vice versa, et je sais également que pour les chauffeurs d'autobus scolaires on se fait renvoyer du ministère de l'Éducation au ministère des Transports et peut-être bien au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. C'est vraiment un peu la jungle dans toute l'organisation du transport à cet égard-là.

Le ministre semblait surpris tout à l'heure quand vous avez mentionné que les deux chauf- feurs d'autobus qui avaient eu un accident étaient des occasionnels. Je n'ai pas la référence exacte, M. le ministre, mais je suis sûre que vos nombreux recherchistes pourraient trouver ceci. Il y a environ un mois ou deux — je m'excuse si le fait que je relate n'est pas tout à fait exact, peut-être, il est de mémoire — il y avait eu un article, si je ne m'abuse, dans la Gazette, d'un journaliste qui est allé à la CTCUM...

M. Thibault: Passer un permis de conduire...

Mme Lavoie-Roux: ... passer un permis de conduire et en l'espace de cinq heures il s'est retrouvé chauffeur d'autobus du jour au lendemain ou du matin à l'après-midi, un des deux, mais je pense que vous pourriez... Je ne peux pas vous donner de référence exacte, c'est vraiment de mémoire...

M. Thibault: Je pourrais vous faire parvenir l'article si vous voulez; je l'ai.

Mme Lavoie-Roux: Également j'ai connu personnellement, ce n'est pas que je suis contre le travail des femmes, bien au contraire, j'ai vu des femmes qui, du jour au lendemain, ont été chauffeurs d'autobus scolaire. Cela peut aussi être le cas d'hommes, mais cela m'avait frappée davantage parce que je les connaissais et, en l'occurrence, c'étaient des jeunes femmes. Peut-être ont-elles des aptitudes particulières avec les jeunes enfants, mais il reste que du point de vue sécurité, est-ce que toutes les précautions avaient été prises? C'est vraiment l'objet, ce pourrait être l'objet d'un autre débat.

Ce que vous venez nous dire, c'est que, quand même, il faut que votre sécurité soit assurée pour pouvoir assurer la sécurité de ceux que vous transportez. Je pense que c'est le message principal.

M. Thibault: C'est évident.

Mme Lavoie-Roux: II y a une seule question précise que je voudrais vous poser: Est-ce que votre association des chauffeurs d'autobus regroupe uniquement des chauffeurs syndiqués ou si un chauffeur d'autobus indépendant, qui aurait une couple d'employés qui ne sont pas syndiqués, pour être membre de votre association?

M. Thibault: Les critères d'acceptation pour devenir membre de l'association, c'est un chauffeur d'autobus qui gagne sa vie à conduire un autobus. Celui pour qui sa seule profession c'est de conduire un autobus.

Mme Lavoie-Roux: Alors, ce qui veut dire qu'il se pourrait que vous en ayez, appelons-les indépendants par rapport à un groupe...

M. Thibault: II y a des compagnies de deux chauffeurs, ou de dix chauffeurs, ou de 300, ou de 400 chauffeurs. Pour nous, en ce qui nous concer-

ne, on se figure que le chauffeur qui travaille pour une compagnie de cinq employés ou celui qui travaille pour une compagnie de 400 employés, on maintient qu'il a droit à la même intégrité physique.

Mme Lavoie-Roux: D'une façon générale, est-ce que des chauffeurs que je dirais indépendants par rapport aux syndiqués, adhèrent facilement à votre association?

M. Thibault: Pour vous répondre très franchement, ils rêvent à l'association, au but de l'association, mais ils sont quand même très réticents, parce que...

Mme Lavoie-Roux: Vis-à-vis de leur employeur, probablement.

M. Thibault: Non, c'est surtout parce que, dans le domaine des autobus, on sait comment ça fonctionne, ce n'est pas structuré, c'est bien difficile de se faire entendre. Ensuite, écoutez, je vais être bien franc avec vous, je pense que la façon dont le gouvernement va prendre notre mémoire en considération va faire tout le changement. À l'heure actuelle, je pense que tous les chauffeurs d'autobus du Québec sont tournés vers ce qui se passe ici et ils attendent. Si on compare ça à beaucoup d'autres domaines où c'est structuré, la santé, ou quoi que ce soit, ils vivent dans un contexte d'insécurité. Du jour au lendemain, n'importe qui peut avoir un permis pour conduire un autobus. C'est facile, on l'a prouvé. Avec ce simple permis, on peut conduire n'importe quel genre d'autobus, c'est un des problèmes qui, on l'espère, va se régler dans la nouvelle loi au ministère des Transports, dans la séparation des permis de conduire.

Indépendamment de ce qu'on inscrit dans une convention collective, le jour où, pour une raison ou pour une autre, on lui enlève ce permis, on lui enlève sa profession. On a des types, à l'heure actuelle, pour un pontage coronarien, ils passent les tests à 150%, ils ne peuvent pas conduire un autobus avec passagers. Seulement, son permis de conduire lui donne droit de faire du transport d'explosifs, il transporte de la dynamite. C'est correct, il a le droit de le faire. Mais il n'a pas le droit de conduire un autobus avec passagers.

Ce sont quand même des choses qui sont aberrantes quand on regarde ça de près. On pourrait vous en donner des exemples toute la nuit.

Mme Lavoie-Roux: II y avait quand même une raison pour laquelle je vous posais cette question, c'est parce que je voulais souligner au ministre qui a dit: Je serais bien d'accord pour une association sectorielle, ça pourrait résoudre le problème. Au chapitre VI, une ou plusieurs associations syndicales appartenant... il semble qu'il faut que les gens soient syndiqués pour former une association sectorielle ou est-ce que je me trompe? Oui. Alors, peut-être faudrait-il examiner cela de plus près en temps et lieu.

M. Thibault: On fait face à ce problème; plusieurs sont syndiqués et plusieurs ne sont pas syndiqués. En ce qui nous concerne — d'ailleurs, vous avez une copie de notre charte à l'intérieur de notre mémoire — on parle surtout de sécurité. On ne parle pas de convention de travail, on ne parle pas de taux horaire, de taux au mille ou de quoi que ce soit; on parle de sécurité, de prévention, de formation. On dit: À ce moment, on se doit de diffuser ça à tous les chauffeurs d'autobus, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, M. Thibault.

M. Cinq-Mars (Roger): M. le Président... Le Président (M. Marcoux): Oui, monsieur.

M. Cinq-Mars: ... m'accorderiez-vous quelques minutes, parce que je voudrais en résumé, donner plutôt un témoignage de ce que je vis. Depuis 15 ans, je vois de mes confrères tomber; par le terme "tomber", j'entends perdre leur "licence". On a un exemple vivant qu'on pourra vous montrer, si vous me donnez deux minutes.

Un chauffeur qui fait une crise cardiaque, quel que soit l'âge qu'il ait, ne peut plus continuer dans sa profession, étant donné la loi, via l'Association des cardiologues. Pour ce chauffeur, il est impossible de se trouver un emploi, car, à 45 ou 50 ans, personne ne veut l'engager. Ce sont des choses qu'on vit présentement.

Il n'est pas normal qu'un homme, après 20 ou 30 ans de services dans le domaine public, soit rejeté, sans égard pour sa famille et lui, de son milieu social. Il devient un fardeau pour la société parce que, ne vous faites pas d'illusions, un chauffeur de 45 ou 50 ans, quelle que soit la compagnie pour laquelle il travaille — on peut vous amener des exemples vivants — il ne lui reste que le bien-être social, car, après six mois, le même cardiologue qui, par l'intermédiaire de son association, a dit qu'il ne pouvait pas conduire un autobus, le déclare apte à travailler.

Je pense qu'un homme qui a 20 ou 30 ans de services pour une compagnie dans une profession bien définie devrait être reconnu comme un professionnel dans ce domaine et qu'on ne devrait pas le forcer à changer d'emploi. S'il y en a qui ont écouté le programme Cadences, dimanche soir, vous avez eu l'exemple d'un homme qui avait perdu sa machine dans une usine et il était rendu homme de peine. Cela a été vraiment frappant. Je l'ai écouté et ça tombait justement dans le but que poursuit l'association. C'est ce qui nous arrive à nous, chauffeurs. (22 h 30)

L'Association veut recycler les chauffeurs. On parle dans le Livre blanc et dans le projet de loi de formation, d'instruction sur la sécurité, etc. Le meilleur pour former un chauffeur, je crois, c'est un chauffeur qui a fait ça pendant 20 ou 30 ans. Il serait facilement recyclable. Ceux de la CSD, qui ont passé avant nous, parlaient de recycler un homme dans son milieu, dans sa région. Je vais

vous donner un exemple: un homme de Sherbrooke avait perdu ses "licences"; la compagnie pour laquelle je travaille était prête à le recycler, mais à Montréal. Nous, on dessert tout le Québec. Donc, si un gars fait une crise cardiaque à Val-d'Or, la seule possibilité de se recycler va être à Montréal; s'il la fait à Rimouski, ça va être à Montréal. Mais, par l'association, quand on parlait de la sécurité, des inspections et de surveillance un chauffeur resterait dans son milieu, donc, il ne se sentirait pas déprimé et délaissé. Il se sentirait encore utile. Il ne pourrait plus conduire un autobus, mais il pourrait fort bien, à l'intérieur de l'association, s'occuper des chauffeurs de la région bien distincte qui pourrait être formée.

Si je ne m'abuse, le projet de loi 17 donne le droit à un employé de se faire libérer par sa compagnie. Si une compagnie a trois chauffeurs d'autobus, qu'une autre en a cinq, elles ne pourront pas libérer un homme, cela sera pour elles un coût astronomique, mais dans des régions où vous avez à peu près quinze compagnies qui regroupent 150 hommes, cela va vous en prendre un à l'intérieur de cela qui va tout faire. C'est là le sectoriel. Quand vous parlez du paragraphe 6 de l'article 73, vous avez parfaitement raison, on parle de syndicat, mais si vous ajoutiez le mot "association" et, en plus, les mots "plusieurs syndicats", cela réglerait le problème, je crois.

Mme Lavoie-Roux: On va s'en souvenir au moment de l'étude du projet de loi article par article, je peux vous l'assurer.

M. Thibault: J'avais cru comprendre aussi que c'était un critère de base d'être un syndicat pour devenir une association sectorielle. C'est assez difficile aussi, parce que dans le domaine du transport par autobus, vous avez encore plusieurs syndicats. Chose certaine, on a la faveur de tous les syndicats, des membres qu'on représente et de la majorité des employeurs qu'on représente. On pourrait quand même fonctionner main dans la main sans être un syndicat et je pense qu'on serait peut-être les mieux placés pour s'occuper de formation et de sécurité dans le domaine du transport par autobus. Si toutes les compagnies étaient syndiquées et, de plus, si tout syndiqué faisait partie du même syndicat, cela éliminerait le problème à la base.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce n'est pas possible.

M. Thibault: C'est donc impossible. Qui peut tous les regrouper pour leur donner la même formation, la même information, la même éducation? Je pense que c'est l'association. C'est la seule qui est placée pour tous les regrouper et marcher en fonction de tous.

M. Richard (Eugène): Puis-je, M. le Président, avoir le mot de la fin? Dans l'ensemble, on est pour le projet de loi 17, c'est un départ. On félicite le gouvernement et spécialement le ministre qui en est responsable, M. le ministre Marois, et on vous remercie de nous avoir entendus à la commission.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant l'Association professionnelle des optométristes du Québec à venir nous présenter son mémoire.

M. Jean-Marie Rodrigue.

Association professionnelle des optométristes du Québec

M. Rodrigue (Jean-Marie): M. le Président, je...

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous nous présenter vos collègues?

M. Rodrigue: Oui, j'aimerais peut-être au préalable voir si des limites de temps nous sont imposées. Je comprends très bien les remarques qui ont été faites tantôt, cependant, on accordait une importance primordiale à ce projet de loi en ce sens qu'il a une importance pour la santé et la sécurité du travailleur. Nous y avons apporté beaucoup d'attention, parce qu'on croit pouvoir apporter des éléments capables d'aider à l'objectif du projet de loi et cela peut demander certaines discussions de fond. Alors, au préalable...

Le Président (M. Marcoux): Si je comprends bien, vous voulez savoir combien de temps la commission peut vous consacrer ce soir.

M. Jolivet: Combien de temps pensez-vous devoir prendre d'abord pour la présentation?

M. Rodrigue: On peut tenter de le résumer le plus possible sans non plus faire de bris dans la continuité de notre présentation.

Mme Lavoie-Roux: Ils ont un nouveau mémoire aujourd'hui, je pense, par rapport à celui qu'ils nous avaient envoyé.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce bien vrai que vous avez un nouveau mémoire?

M. Rodrigue: Oui, c'est-à-dire qu'on a déposé cet après-midi... Remarquez bien qu'on peut tenter d'être brefs, le plus bref possible. Je pense que c'est le voeu de tous et...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'on peut se fixer... Est-ce possible de terminer pour 23 heures?

M. Rodrigue: Je crois que oui. Je crois que c'est très raisonnable.

Le Président (M. Marcoux): Alors, on va collaborer.

M. Rodrigue: Je vous remercie, M. le Président, et je remercie les gens de la commission parlementaire de nous recevoir au départ. J'aimerais demander que la présentation sous forme de

télégramme que nous avions faite au départ pour l'enregistrement de notre participation à la commission parlementaire ne soit pas inscrite au journal des Débats et que le document que nous avons déposé cet après-midi soit, par contre, inscrit au journal des Débats.

M. Marois: Que votre nouveau document d'aujourd'hui soit déposé au journal des Débats. Consentement.

M. Rodrigue: Et que l'autre soit retiré totalement.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): C'est parfait. (Voir annexe D)

M. Rodrigue: Je vous remercie. L'Association des optométristes du Québec, un organisme incorporé en vertu de la Loi des syndicats professionnels, représente les 730 optométristes du Québec. Le rôle premier de l'association consiste à négocier avec le ministère des Affaires sociales à l'intérieur de la Loi de l'assurance-maladie, article 15.

Rappelons que les services de santé dispensés par les optométristes dans le cadre du régime de l'assurance-maladie représentent environ 80% des services oculo-visuels dont bénéficie la population du Québec et que près d'un million de Québécois sont examinés annuellement dans les cabinets d'optométristes. Rappelons brièvement que l'optométriste reçoit sa formation à l'école d'optométrie de l'Université de Montréal et le cours universitaire d'une durée de quatre ans conduit à l'obtention d'un doctorat professionnel décerné par l'Université de Montréal. Durant ces quatre années d'études universitaires, l'étudiant en optométrie reçoit entre autres des cours qui le préparent très bien à oeuvrer dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. En effet, il doit suivre un cours intitulé "Optométrie occupationnelle" qui englobe la dimension tant préventive, environnementale que la santé oculo-visuelle du travailleur lui-même. Il y a un astérisque qui décrit un peu plus précisément la portée de ce cours.

Enfin, nous croyons opportun de souligner à cette commission que l'association des optométristes du Québec est actuellement en négociation avec le ministère des Affaires sociales dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie aux fins de prévoir les modalités de dispensation des services optométriques dans le réseau des établissements du secteur public, suite à la signature d'une entente et d'une lettre d'entente entre le ministre des Affaires sociales et nous aux termes de laquelle les parties reconnaissent le bien-fondé de l'intégration d'optométristes en établissement aux fins de dispenser des services oculovisuels à la population.

C'est avec beaucoup de satisfaction que nous constatons l'intérêt suscité dans la population par la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il s'agit là d'un sujet qui ne peut laisser le citoyen indifférent et, a fortiori, le professionnel de la santé.

Nous désirons affirmer notre volonté de collaborer avec les agents responsables de la santé et de la sécurité au travail pour améliorer la santé visuelle des travailleurs. Il s'agit là pour nous d'une obligation que nous voulons assumer pleinement. Cette responsabilité est d'autant plus évidente que les optométristes sont, de par leurs fonctions, sensibilisés aux carences du système de santé et de sécurité au travail présentement en vigueur. L'optométriste en pratique qui oeuvre déjà en optométrie occupationnelle est en mesure de constater chez ses patients des problèmes de vision reliés à l'environnement où s'effectue le travail.

Il est certain, comme l'a souligné le livre blanc, que la prévention est la voie la plus économique pour la société québécoise. Cependant, il y a lieu d'envisager la prévention dans son sens le plus large. Ainsi, pour la prévention visuelle, il y a lieu d'identifier l'étendue et la gravité des dangers du milieu du travail pour l'oeil: débris et matières en projection, petites particules en suspension, poussières, liquides, gaz et vapeurs nocifs, radiations, particules à haute densité énergétique. Il y a lieu aussi de s'assurer que le nouvel employé a les aptitudes visuelles requises par sa tâche. Il faut enfin améliorer l'efficacité et supprimer l'inconfort en procédant, le cas échéant, à une analyse des tâches: distance entre l'oeil et le plan de travail, les mouvements de la tâche, les couleurs devant être perçues, densité de l'éclairage au point de travail et dans l'entourage, direction de la lumière, éblouissement, contraste et plusieurs autres choses.

Il y a une note que j'aimerais ajouter, qui ne paraît pas à cela et où notre chef ne nous permet pas d'apporter de précision, mais il serait intéressant de pouvoir évaluer le nombre d'employés qui font une rotation d'emploi pour cause de problèmes visuels parce qu'ils ne peuvent pas soutenir la demande visuelle que leur emploi exige. C'est très surprenant de voir cela. C'est dommage qu'on n'ait pas de recherche qui puisse fournir cela, mais on le constate quotidiennement dans les bureaux; c'est une dimension importante, c'est un coût social important.

Il ressort donc que la santé et la sécurité au travail implique l'existence d'une foule de conditions de travail. C'est d'ailleurs pourquoi ce sont les agents du milieu du travail qui devront, dans le sens du projet de loi, surveiller l'application des normes relatives à ces conditions de travail. On comprend que le livre blanc ait affirmé que l'approche gouvernementale devrait se fonder sur la participation des travailleurs et des employés. Il y a une citation du livre blanc qui décrit cela. Nous considérons que le projet de loi no 17, au chapitre de la santé au travail, remplit bien cet objectif du livre blanc en ce qu'il pourvoit à une structure de participation réelle et à un mécanisme décisionnel valable.

D'autre part, il nous apparaît que des améliorations devraient être apportées au chapitre de la

sécurité au travail pour favoriser une approche multidisciplinaire. Le projet de loi no 17 prévoit, au chapitre VIII, des modalités de dispensation des services de santé au travail et ils sont décrits dans le paragraphe qui suit. La responsabilité de ce service sur le plan préventif est donc axée essentiellement sur la détermination de l'état de santé du travailleur à un moment donné, plutôt que sur l'environnement dans lequel un travailleur accomplit son travail d'où, pour nous, la notion importante de prévention et d'environnement.

Le projet de loi traite plutôt de la sécurité de l'environnement du travailleur aux articles 47 et suivants qui ont trait au programme de prévention. Le service de santé au travail vise donc tout d'abord à diagnostiquer une déficience quand un travailleur est déjà atteint.

Nous croyons que le chapitre VIII du projet de loi devrait permettre un dépistage plus efficace des déficiences et des maladies industrielles, dans le sens, naturellement, oculo-visuel. Toutefois, l'association croit que le projet de loi devrait prévoir l'existence d'un comité consultatif de professionnels de la santé, lequel aurait pour fonction de conseiller la commission dans l'élaboration d'un contrat type en vertu de l'article 81.

D'autre part, l'association considère que le fait de désigner une personne responsable du programme de santé et de l'établissement ne peut qu'assurer une efficacité réelle de l'application de ce programme. Cependant, nous nous demandons s'il est opportun de restreindre cette responsabilité aux membres d'une seule profession, alors que les fonctions du responsable du programme de santé au travail nous apparaissent essentiellement des fonctions administratives.

À cet égard, il suffit de se référer aux dispositions de la loi pour bien saisir la nature administrative des responsabilités du médecin traitant telles que citées dans le projet de loi. Les articles suivants servent à nous démontrer qu'il y a une dimension strictement administrative dans ce rôle-là.

Cette personne agit donc comme responsable du programme et coordonnateur de toutes les ressources professionnelles; médecine, optométrie, génie industriel et autres. Dans le même ordre d'idées, l'association désire attirer l'attention de cette commission sur une omission à l'article 85 du projet de loi. Elle est explicite par la lecture même de ce qu'on en souligne: "... sont rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, selon le mode du salariat ou de la vacation, conformément aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie."

Il nous semble évident que cet article devrait prévoir également le respect des ententes conclues aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. En effet, on peut prévoir que des services optométriques seront dispensés dans le cadre de l'application de la loi, soit en centre hospitalier, soit en centre social de services communautaires, ainsi que dans les quelque 600 cabinets privés répartis dans tout le territoire québécois, garantissant au bénéficiaire la liberté de choix de son optométriste et permettant une accessibilité optimale aux services optométriques. Les optométristes qui dispenseront ces services seront alors régis par les ententes conclues avec le ministre des Affaires sociales en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie. (22 h 45)

II nous paraît important de souligner que les services diagnostiques rendus par les optométristes constituent des services assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Nous avons convenu d'une première entente en 1970 avec le ministère des Affaires sociales et cette entente a été renouvelée en 1978. Cette entente s'applique en cabinet privé et dans les établissements du réseau public prévoyant la rémunération à l'acte des services optométriques assurés. Le ministère des Affaires sociales et l'association ont également signé une lettre d'entente aux termes de laquelle ils reconnaissent qu'il est opportun de favoriser l'intégration des optométristes dans le réseau des établissements. À cet égard, nous avons déjà entamé des négociations avec le ministère.

Nous soumettons donc que l'article 85, pour respecter les ententes que nous avons déjà conclues avec le ministre des Affaires sociales, aux termes de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, doit être modifié pour faire en sorte qu'il s'applique également aux optométristes. Nous désirons de plus souligner que cette modification de l'article 85 est essentielle pour assurer la concordance avec l'article 251 du projet de loi qui est donné au texte.

L'article 251 prévoit que les services de santé assurés aux termes de la loi de la RAMQ demeurent des services assurés, même s'ils sont rendus en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Or, les services optométriques sont des services assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie; ceci implique nécessairement que les services optométriques rendus dans le cadre du projet de loi doivent être rémunérés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Il y a donc lieu de modifier l'article 85 du projet de loi pour y ajouter la notion de services optométriques.

Nous nous permettons de suggérer que dans le but d'assurer la cohésion requise avec les dispositions de la Loi de l'assurance-maladie et les ententes conclues aux termes de l'article 15 de cette loi entre le ministre des Affaires sociales et les associations représentant les professionnels de la santé, l'article 85 du projet de loi devrait être amendé pour remplacer le mot "médecin" par les mots "professionnels de la santé".

Si vous voulez résumer, il faut aller au bas de la page 14, où on dit qu'on déplore en particulier le fait que la participation du comité de santé et de sécurité au travail, celui dans l'établissement, soit limitée dans le projet de loi. Nous trouvons notamment malheureux que l'on n'ait point la possibilité du recours — ou en tout cas ce qui nous apparaît ainsi — à l'optométriste par le comité de santé et de sécurité au travail aux fins d'analyser de façon scientifique les problèmes de sécurité et de santé oculo-visuelle des travailleurs de l'établis-

sement concerné. L'absence de tout recours à une expertise extérieure par le comité de santé et de sécurité du travail, de même que les pouvoirs limités de celui-ci nous amènent à conclure qu'en fin de compte les normes établies par les règlements pourraient risquer de n'être que minimales.

En terminant, nous désirons attirer l'attention de cette commission sur deux dispositions du projet de loi qui, à notre avis, mériteraient d'être amendées. D'abord, l'article 40, paragraphe 2, fait référence à l'examen médical de préembauche. Le projet de loi devrait plutôt se référer à l'examen de santé, tenant compte de l'importance d'une approche multidisciplinaire.

Enfin, nous ne comprenons pas que les cabinets d'optométrie soient inclus, dans le projet de loi, dans la notion de laboratoire. Je crois que le reste du texte est assez explicite sur ce point.

Nous passons aux recommandations.

Nous recommandons donc que l'article 40.2 soit modifié pour remplacer les mots "examen médical" par "examen de santé". Cette modification devrait également être apportée là où la concordance l'exige.

Que les articles 84 et 85 du projet de loi soient ainsi rédigés: "Article 84. La commission établit chaque année un budget...". Le point que nous voulons souligner est au bas de la page: "... à l'exception des professionnels de la santé soumis à une entente au sens de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, qui fournit les services de santé au travail..."; le reste du texte est identique à celui du projet de loi.

Article 85, auquel nous attachons beaucoup d'importance: "Les professionnels de la santé soumis à une entente, au sens de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, qui fournissent des services dans un établissement, dans le cadre des programmes visés dans le présent chapitre, de même que le professionnel responsable, choisi conformément à l'article 88, le cas échéant, sont rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, conformément aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie du Québec."

Troisième recommandation, à l'article 129 du projet de loi, qu'on le modifie pour y ajouter le paragraphe suivant: "Déterminer la composition d'un comité consultatif des professionnels de la santé, lequel a pour fonction de conseiller la commission dans l'élaboration des programmes-cadres de santé au travail et dans l'élaboration d'un contrat type, en vertu de l'article 81 et en désigner les membres. Les professionnels concernés sont nommés à partir d'une liste de noms fournis par les associations et les représentants."

Quatrième recommandation, que l'article 253b du projet de loi soit ainsi rédigé... C'est le texte tel quel, en enlevant le mot "optométrie" du texte actuel.

Ceci termine la présentation des recommandations du mémoire et il y a une annexe qui est celle de la lettre d'entente que nous avons signée avec le ministre.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'Association professionnelle des optométristes du Québec de son mémoire. J'avais attentivement pris connaissance du premier document que vous nous aviez remis et qui était, au fond — je le comprends et je pense que tous les membres de la commission l'ont bien compris — une espèce de premier jet que vous vouliez étoffer. On prend donc connaissance, avec vous ce soir, un peu comme une première lecture, de votre nouveau mémoire; soyez assurés qu'on va l'exprimer très attentivement.

Je tiens à signaler — je pense que les membres de la commission et la population l'apprécient aussi sûrement — le fait que vous ayez tenu à indiquer très clairement dans votre mémoire votre volonté arrêtée, comme groupe professionnel; ce n'est certainement pas négligeable dans l'ensemble du domaine de la santé et de la sécurité au travail d'apporter la meilleure contribution possible et de nous faire en conséquence des suggestions visant à ajuster la loi pour faciliter cette contribution de votre part.

Sans reprendre toutes et chacune des recommandations de votre mémoire — je dois dire qu'il y en a un certain nombre d'ailleurs dont on a eu l'occasion de discuter l'autre jour avec l'Ordre des optométristes; certaines des recommandations se recoupent — je ne vous cacherai pas que je suis très satisfait de constater... Encore une fois, je comprends que c'était un premier jet. Il me semblait ressortir un peu de votre mémoire, ce qui me semble avoir complètement disparu de celui-ci, une approche qui me semblait un peu — je ne trouve pas mieux que cela à 22 h 55 — "professionnalisante" de votre approche, de vos commentaires, de la façon dont vous présentiez votre conception de contribution, peut-être parce qu'à la lumière de tous les débats, les morceaux apparaissent de façon de plus en plus claire... Cela facilite les choses en ce sens-là et je pense que tout le monde l'apprécie.

Cela dit, cela ne signifie pas que vous entendez pour autant diminuer votre contribution, bien au contraire, puisque vous avez ajouté un certain nombre de recommandations. M'accrochant à certaines recommandations particulières, il y en a une — c'est en même temps un commentaire et une question — que je vous soumets. Vous demandez que la commission soit dotée — vous formulez une recommandation très précise dans le sens qu'on le mette dans la loi — d'un comité consultatif de professionnels de la santé et, par ailleurs, que le comité paritaire puisse disposer de l'expertise notamment d'optométristes.

Tout en écoutant votre mémoire, je révisais le projet de loi là-dessus. Il ne m'apparaît pas, il ne me semble pas, je ne vois pas dans le projet de loi, tel qu'il est libellé présentement, quoi que ce soit qui empêche l'un ou l'autre de ces deux aspects de la recommandation. J'aimerais, le cas échéant — c'est en même temps la question que je vous

pose suite aux commentaires, aux premières réactions — peut-être avoir votre point de vue. Peut-être qu'en le regardant ou en faisant une lecture un peu différente, vous avez mis le doigt sur des choses très précises qui vous amènent à conclure le contraire, auquel cas, je pense qu'il serait intéressant que vous nous le signaliez.

Vous demandez, dans votre mémoire, que l'article 85 soit modifié. Pour un certain nombre de raisons, je pense que vous avez raison, la rédaction de l'article 85 va devoir être revue, notamment pour simplement substituer à une expression qui est là une expression plus large, c'est-à-dire plus englobante, soit la notion de professionnels, au pluriel, de la santé. Soyez assurés qu'on en a pris plus que bonne note. On a l'intention de réviser la rédaction de ce texte.

Vous demandez également que soit amendé l'article 253 pour exclure — c'est l'article 253 qui soumet un laboratoire aux pouvoirs d'inspection du ministre des Affaires sociales, en vertu de la Loi de protection de la santé publique — l'expression "de l'optométrie", je vous dis tout de suite que vous avez parfaitement raison. Vous pouvez compter sur le fait que l'expression "de l'optométrie" va disparaître du projet de loi. J'ai expliqué l'autre jour — on a eu l'occasion d'en discuter — pourquoi. La toxicologie, l'audiologie en particulier, les roulottes qui se promènent dans le paysage sans aucune espèce de contrôle, ce n'est pas acceptable et il y a d'autres domaines aussi, que ce soit le domaine de la toxicologie, la physiologie respiratoire qu'on regardera, mais dans le cas de l'optométrie, on a beau dire: Trop fort ne casse pas, oui, trop fort casse parfois. Je pense que c'est un bon exemple et soyez assurés que cela va être retiré du projet de loi.

Voilà, M. le Président, les quelques commentaires que je voulais formuler. Je remercie à nouveau l'Association des optométristes du Québec et j'aimerais bien avoir et entendre vos commentaires sur quelque chose qui est quand même au coeur de ce que vous appelez la contribution possible de votre groupe.

M. Rodrigue: Je suis bien heureux d'entendre plusieurs commentaires du ministre, principalement de savoir que, selon ma compréhension de ses paroles, le mot "optométrie" va être définitivement retiré de l'article 253, d'une part, et qu'il y aura amendement de l'article 85 de façon que d'autres professionnels, tout au moins ceux visés à l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, ceux qui sont régis par une entente, puissent ne pas être exclus de l'application de la loi, parce qu'il ne serait pas possible de le faire. C'est sûr que ceci répond partiellement à la première question que vous me posiez, M. le ministre, à savoir: De quelle façon pensez-vous que l'optométriste ou l'optométrie pourrait s'intégrer à différents endroits? Évidemment, tel qu'il était libellé, le projet de loi ne le facilitait pas tout au moins, si cela ne l'excluait pas totalement. Vous avez bien, je crois, cerné les endroits où l'optométriste pouvait collaborer, soit, s'il y a amendement à l'article 129, où on demande la création d'un comité consultatif des professionnels de la santé.

Nous croyons qu'un optométriste, entre autres, siégeant sur un tel comité consultatif pourrait, au niveau de la commission, apporter une expertise importante d'une part mais aussi sur les lieux mêmes du travail comme consultant. Si vous dites que la formation du comité paritaire entre les employés et l'employeur au niveau de l'établissement dans le sens de la loi n'exclut pas la demande d'expertise, de consultant, nous le prenons dans ce sens et à ce moment-là nous reconnaissons que nos appréhensions n'étaient peut-être pas fondées si nous prenons votre intervention dans le sens où ce comité pourrait faire appel, au besoin, à l'expertise optométrique.

Le troisième endroit où l'optométriste s'intégrerait à l'intérieur de ce projet de loi est aux articles 84 et 85 dans l'équipe de la santé qui a une dimension plus clinique, épidémiologique telle que définie et prévue à l'article 85. Évidemment, les amendements que vous nous dites que vous allez apporter vont, à ce moment-là, permettre à l'optométriste ou devraient permettre à l'optométriste de fonctionner et d'être participant à ce travail. C'est bien évident qu'après vous avoir entendu, nous croyons que cela va rendre la participation de l'optométriste beaucoup plus facile. Par contre, nous attendrons les amendements tels qu'ils seront apportés.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie. (23 heures)

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier l'Association professionnelle des optométristes de la province de Québec d'être venue. Je pense que chaque groupe professionnel qui est venu apporter une dimension spéciale contribue à la sensibilisation de la commission. Je n'aurais qu'une question. Il y a deux recommandations que vous avez faites à savoir que le terme "le médecin responsable des services de santé" à l'article 85 soit remplacé par "les professionnels de la santé", ainsi qu'à l'article 84. Vous le faites à deux endroits de toute façon. Est-ce que je me trompe en pensant que votre préoccupation n'est pas uniquement que l'optométriste soit inclus aux articles 84 et 85 mais que peut-être vous mettez en question le fait que le rôle type — si je peux dire — ou le rôle principal soit accordé au médecin responsable — c'est une question que je me pose — ou si c'est simplement parce que vous ne remettez pas en question le rôle du médecin responsable tel qu'il est assigné par le projet de loi ou si c'est simplement parce que vous voulez être inclus dans les professionnels de la santé en général?

M. Rodrigue: Les deux points de votre question se recoupent en ce sens que tel que libellé dans l'article actuel, évidemment que le responsable devait être un médecin. Il était dit par la suite: les médecins travaillant sous sa responsabilité, ce qui nous apparaissait exclure tous les autres

professionnels, du moins ceux comme les optométristes. Il faut bien être compris sur cela, et je crois que nous le sommes aussi sur notre bonne compréhension, non pas que nous voulons exclure qui que ce soit de cela. Justement ce qu'on veut c'est que le libellé n'exclue personne. Alors, si le rôle est strictement administratif, si vraiment la personne responsable telle que définie à l'article 85 a un rôle administratif et de coordination, nous disons: Pourquoi être restreint à une seule profession?

Mme Lavoie-Roux:... par une autre personne.

M. Rodrigue: Nous posons la question à ce niveau-là, d'une part, non pas que cela ne pourrait pas être un médecin, cela est...

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, pour la clarification des échanges que je viens d'avoir avec le président de l'Association...

Le Président (M. Marcoux): ...

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas compliqué ce que je vais demander au ministre, c'est très simple.

Le Président (M. Marcoux): Par oui ou par non, la réponse.

Mme Lavoie-Roux: Presque. Il s'est dit prêt à modifier et...

M. Marois: Je me réserve le droit de décider si c'est compliqué.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous le concède.

M. Marois: À 23 h 2.

Mme Lavoie-Roux: Mais n'oubliez pas que vous nous avez entraînés jusqu'à 23 heures, M. le ministre.

M. Marois: Cela ne peut pas être compliqué à neuf heures.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes disposé à modifier le terme, dans l'article 85, je m'arrêterai simplement à l'article 85, "le médecin responsable par les professionnels de la santé", "le ou les professionnels de la santé". Est-ce que je peux conclure de cela, M. le ministre, que vous pourriez changer pour que, à l'intérieur de l'établissement ou de l'entreprise, un autre médecin soit responsable de la coordination et des fonctions qui sont prévues par le projet de loi et qui, actuellement, sont dévolues au médecin?

M. Marois: Vous vous souviendrez sans doute que la même question, et là avec des recommandations très précises, est venue d'au moins un autre groupe, sinon deux parmi ceux qui sont venus devant nous. J'ai dit que j'étais prêt à regarder cette question. Mais je ne vous cacherai pas que j'ai d'énormes réticences en partant. Il faut un responsable quelque part. Est-ce qu'on émiette, est-ce qu'on ouvre la possibilité que dans un cas ce soit un médecin et que dans un autre cas ce soit autre chose? En d'autres termes, je fais une analogie énorme, que vous me passerez à 23 h 4, entre, par exemple...

Mme Lavoie-Roux: On se souviendra que c'était après 23 heures, M. le ministre.

M. Marois: ... les départements de santé communautaire, l'expérience des CH-DSC, analogiquement comparée à l'expérience des CLSC. Dans un cas, vous aviez là un médecin qui est en charge. Dans l'autre cas, vous en aviez, des fois oui, des fois non, cela varie énormément. Chacun peut tirer ses conclusions des analyses qu'il peut faire de la réalité actuelle, de l'évolution de ces deux expériences-là. Donc, je ne vous cacherai pas que j'ai d'énormes réticences à changer cela.

Je pense qu'il faut un pivot et je pense que, d'ailleurs, l'association l'admet dans son mémoire. Cependant, cela étant dit, un autre élément de problème qui a été soulevé et qui me semble plus que pertinent, c'est cette idée d'ouvrir la perspective d'une approche pluri ou multidisciplinaire qui permet d'impliquer non seulement d'autres professionnels de la santé, mais vous vous souviendrez que dans nos travaux...

Mme Lavoie-Roux: D'autres groupes.

M. Marois: ... on a parlé aussi d'autres groupes. On a parlé des hygiénistes industriels, on a parlé des ingénieurs, on a parlé des techniciens, etc. Que ces gens soient appelés à travailler ensemble pour mettre ensemble leur expertise, je pense que cela se défend très bien. C'est l'état de mes réflexions à 23 h 5.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président, j'ai une seule question à poser. Vous faites état dans votre mémoire de 600 optométristes qui pratiquent en cabinet privé.

M. Rodrigue: C'est-à-dire qu'il y a approximativement 600 cabinets privés répartis sur le territoire.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Alors, ma question est la suivante. Il y a d'autres groupes de professionnels de la santé qui sont venus ici et qui ont soulevé le fait que, compte tenu du fait que la responsabilité de l'administration des soins préventifs et curatifs pourrait être du ressort des CH-DSC, les autres seraient possiblement très restreints, si on considère le libellé de l'article 86. Vous autres, vous mentionnez, seulement en passant, qu'il y en a 600 dans les cabinets privés et vous ne faites pas de recommandation. Est-ce un sujet auquel vous vous êtes attaché? Est-ce que, du point de vue de la mise à la disposition du

monde du travail de soins adéquats, uniquement ce qui existe dans les CH-DSC serait suffisant pour répondre dans l'état actuel des choses aux besoins de la population au travail ou si vous croyez qu'à ce moment-ci il faille élargir un peu l'article 86 et peut-être ne pas lui donner le caractère aussi restrictif qu'il semble avoir?

M. Rodrigue: Oui, je crois que nous mentionnons que déjà existe un réseau de distribution de soins, qui pourrait avoir une action préventive ou agir à titre de consultant, tel que le démontrent d'ailleurs les résultats d'une enquête, en astérisque dans le bas de la page 3. C'est une firme très connue, la firme CEGIR, je crois, qui a fait une enquête chez les optométristes et, entre autres, une des questions nous démontre que déjà, actuellement, 39,6% des optométristes du Québec oeuvrent à un titre quelconque en ce que nous appelons vision industrielle ou en optométrie du travail. C'est déjà très révélateur et cela démontre qu'il existe déjà un réseau de services qui est là, qui peut être très bien utilisé et s'additionner aussi aux services prévus dans la loi. Alors, c'est certain qu'on croit que le législateur peut prendre avantage déjà de ce qui existe et qui est prêt à collaborer pleinement en vue d'atteindre les objectifs de la loi.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question est: Pouvez-vous me dire, dans l'état actuel des choses, combien d'optométristes travaillent à l'intérieur des DSC ou des CLSC? Est-ce qu'il y en a qui sont intégrés dans une équipe multidisciplinaire ou si, d'une façon générale, vous diriez que, dans une proportion de X%, ils travaillent en cabinet privé et viendront pour consultation? Est-ce qu'il y en a vraiment qui sont intégrés?

M. Rodrigue: Très peu à ce stade-ci. Nous sommes justement en négociations. Nous avons passé une partie de la journée en négociations avec le ministère. Nous négocions actuellement sur la lettre d'entente qui portait sur l'intégration d'optométristes en établissements. Je crois que vous comprendrez et que les gens de la commission comprendront que la participation de l'optométriste, soit au niveau d'un DSC ou d'un CLSC, doit nécessairement faire l'objet d'une négociation.

Alors, à ce stade-ci, cette négociation est pour établir le statut, le mode de rémunération, les modalités d'application et de participation. Ceci n'ayant pas été établi, il y a très peu d'optométristes qui participent. Il y en a, par contre, qui oeuvrent en CLSC, mais généralement ils oeuvrent sur une base de contrats de services. La même chose à l'intérieur des programmes AMEO pour les handicapés visuels. Au centre Louis-Hébert et au centre Nazareth-Louis-Braille à Montréal, il y a aussi des optométristes qui travaillent, mais sur une base de contrats de services.

Mme Lavoie-Roux: Laissons les CLSC, parce que cela sert quand même à une population peut- être plus restreinte. Est-ce qu'il y a actuellement, et pouvez-vous me donner leur nombre — vous êtes à peu près 600 à 700 optométristes — des DSC qui travaillent autrement que sur une base de contrat et qui sont intégrés d'une façon régulière?

M. Rodrigue: Non.

Mme Lavoie-Roux: D'une façon régulière, il n'y en a pas. C'est cela.

M. Rodrigue: II n'y en a pas, malheureusement.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est important. Je suis rendue pire que le ministre!

M. Marois: Si on me permet, seulement une dernière remarque. L'occasion s'y prête bien et, en même temps, il y a une certaine confusion qui flotte. L'article 86 prévoit, dans le deuxième paragraphe que, dans le cas où dans un coin, une région donnée, pour une raison ou pour une autre, parce qu'il n'y a pas d'autre lieu physique dans le réseau public, il est possible de faire appel aux cabinets privés. Mais là, on parle bien du lieu physique.

Cependant, quant à la mise à contribution de services de ressources humaines spécialisées, que ce soient des optométristes, que ce soient d'autres professionnels de la santé qui sont dans le secteur privé comme tel, donc indépendamment du lieu physique pour donner les services requis quant aux ressources humaines, quant aux humains comme tels spécialisés dans un domaine, rien n'empêche — et c'est l'économie générale de la loi et même la lettre — quand on lit l'article 86 en relation avec l'article 85 dont on parlait tantôt, absolument rien n'empêche que des professionnels de la santé, rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie qui vont dans le secteur privé ou public, c'est le cas actuellement, sous réserve des ententes qui sont négociées — je pense que la commission comprend très bien que vous êtes en négociation et que ce n'est pas la place pour commencer à aborder ces discussions — de les mettre à contribution pour la distribution des services, que ce soit, par exemple, au niveau d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises donné. C'est revenu à plusieurs reprises et je pense qu'il y a une confusion dans nos discussions.

Mme Lavoie-Roux: Je soulevais la question parce que ce sont les CH-DSC qui, d'une façon générale, seront mis à contribution pour dispenser les services de prévention et, au besoin, des services curatifs. Compte tenu du fait qu'ils sont quasi inexistants, comme personnes intégrées à l'intérieur des CH-DSC, — je n'ai pas le texte devant moi — dans des endroits éloignés cela pourrait même devenir beaucoup plus habituel que pour d'autres professions.

M. Marois: La réponse à cette question, c'est ce que j'essaie d'évoquer probablement de façon

très ambiguë à cette heure-ci, mais indépendamment du lieu, des régions éloignées où il n'y a pas de lieu physique.

Mme Lavoie-Roux: Oui, ce sera par contrat, d'accord.

M. Marois: Quant aux ressources humaines ou professionnelles, si on prend le cas dont on parle, les optométristes, la réponse à cela est l'article 85. Qu'ils soient du secteur privé ou pas, qu'ils puissent être mis à contribution, la réponse est à l'article 85, qui ouvre cette perspective. C'est pour cela qu'il faut ouvrir la définition pour l'élargir aux articles 84 et 85, pour l'ouvrir aux professionnels de la santé — au pluriel — pour qu'ils puissent être mis à contribution, que ce soient les optométristes ou d'autres professionnels d'ailleurs qui sont déjà dans le secteur privé.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Même si nous vous avons écoutés tardivement, j'ai l'impression que vous devez être contents d'être restés quand même.

M. Marois: Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie les membres de la commission, et je vous remercie de la contribution que vous avez apportée à nos travaux.

M. Rodrigue: Je vous remercie aussi. N'étant pas un habitué des commissions parlementaires, j'ai omis de présenter Me Yvan Brodeur, à ma droite, qui est notre conseiller juridique, M. François Charbonneau, notre conseiller technique et conseiller en relations de travail, et le Dr Paul Lambert, vice-président de l'association. Je vou- drais remercier les gens de la commission d'avoir prolongé le temps. Je dois dire aussi que j'ai beaucoup aimé les remarques des gens de la commission.

J'aimerais terminer sur un petit point qui nous apparaît aussi essentiel: si on veut qu'il y ait articulation de la recommandation no 1, sur laquelle le ministre n'a peut-être pas eu l'occasion de parler, il faudrait modifier l'examen médical de préembauche, l'examen de santé préembauche.

M. Marois: Comme je l'ai mentionné tantôt — je ne le fais d'ailleurs avec aucun groupe, ce n'est pas possible, compte tenu du nombre de recommandations qui nous sont soumises — je ne peux pas commenter toutes et chacune des recommandations. Nous allons la regarder au mérite, mais soyez assurés que nous allons regarder cela de très près. (23 h 15)

En terminant, pour un groupe qui n'a pas l'habitude des commissions parlementaires, je trouve que vous défendez drôlement bien votre point de vue et que vous apprenez drôlement vite.

Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire, par expérience, qu'à cette commission parlementaire, vous avez peut-être eu plus d'approbation sur des points particuliers que tous les autres qui sont venus ici présenter des mémoires. C'est peut-être bon à 23 h 15, le soir.

M. Marois: Vous avez eu tout un jugement sur le banc.

M. Rodrigue: Je vous remercie bien.

Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

Fin de la séance à 23 h 16

ANNEXE A

Mémoire sur le projet de loi 17 "santé et sécurité au travail"

présenté par La Chambre de Commerce de la province de Québec

Août 1979

Monsieur le président,

Monsieur le ministre d'État au développement social,

Membres de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

Introduction

La Loi sur la santé et la sécurité du travail, dont l'adoption par l'Assemblée nationale devrait se produire au cours des prochains mois s'avérera au cours des prochaines années, nous en sommes certains, la plus importante législation à avoir été adoptée dans le domaine du travail au cours de cette législature et probablement au cours de toute la présente décennie.

C'est donc animée de cette conviction et dans cette perspective que la Chambre de commerce du Québec, principal porte-parole de la communauté québécoise des affaires en aborde l'étude devant cette commission parlementaire.

Avant d'aller plus loin, il est fort probablement pertinent à cet échange que la chambre se présente d'une façon un peu plus élaborée. Depuis maintenant 70 ans, la Chambre de commerce du Québec poursuit son mandat de représenter les intérêts communs des chambres locales auprès du législateur québécois. Le Québec compte actuellement quelque 210 chambres actives dans leurs localités, appuyées par plus de 37 000 membres qui consacrent volontairement temps et argent au développement économique, social et civique de leur milieu. La quasi totalité de ces membres sont des gens d'affaires et des personnes exerçant une profession libérale.

De plus, quelque 2500 entreprises adhèrent volontairement et directement à la chambre du Québec, souscrivant à ses objectifs et comptant sur elle pour représenter leurs intérêts communs et légitimes.

Au fil des années, la chambre a mis sur pied une gamme de services à l'intention des sociétés adhérentes. Outre la formation générale en entreprise, le plus important de ces services consiste en la formation en sécurité du travail plaçant l'accent fondamentalement sur la prévention.

La santé et la sécurité du travail sont donc pour nous des priorités vécues quotidiennement de façon soutenue. Plus de 125 000 heures/personnes de cours en prévention ont été dispensées auprès de 4000 participants. Ce cours, unique en son genre au Québec est sanctionné par les ministères de l'éducation et du travail.

Philosophie et problématique

Permettez-nous brièvement d'exposer notre philosophie et notre problématique en matière de santé et de sécurité du travail. D'abord, une distinction s'impose entre la santé et la sécurité. Une distinction de caractère économique principalement. Au-delà de l'obligation juridique d'agir en "bon père de famille", l'entreprise a toujours eu une motivation économique d'assurer la sécurité de ses employés. Les accidents de travail occasionnent, même si les victimes n'étaient pas dédommagées, des coûts à l'entreprise dont entre autres: perte de production, coûts de remplacement et de formation d'un employé substitut et, détérioration du moral. Par ailleurs, il faut le reconnaître, la santé du travail n'a jamais comporté les mêmes incitations économiques pour l'entreprise et jusqu'à une époque encore récente était plutôt considérée comme un problème "social" devant donc être référé aux préoccupations générales de la société. Cette situation était particulièrement due aux longues périodes nécessaires aux manifestations de la plupart des maladies professionnelles, au taux de rotation des employés et, avouons-le, à l'ignorance.

Même une fois beaucoup mieux cernée et identifiée, la prévention par l'entreprise des maladies professionnelles n'offre toujours pas l'incitation économique prépondérante qui animerait les entreprises à agir "dans leur propre intérêt" pour les enrayer. Il nous apparaît donc tout à fait normal que la société, par le biais de l'État, leur impose cette obligation et en fasse plus qu'un comportement moral.

Par ailleurs, en matière de sécurité dont le profil a toujours été beaucoup plus visible et "politique", les interventions ont été beaucoup plus marquantes et soutenues. Dans un premier temps, l'on s'est employé à compenser les victimes d'accidents du travail et, presque simultanément à élaborer des normes de sécurité touchant presque toutes les situations de travail possibles et imaginables. Dans un

deuxième temps, beaucoup d'efforts et de discussions ont été consacrés à identifier le "responsable" de l'accident et à trouver des moyens, incitatifs pour la plupart, afin d'en éliminer les facteurs: surtout l'erreur humaine.

Deux autres étapes ont été franchies depuis: la sécurité du travail est devenue objet de négociations en matière de relations de travail avec tout son train de demandes, de compromis, de "trade-offs" et enfin, une nouvelle philosophie a pris naissance puisque tout au cours de ces diverses étapes, les accidents continuaient de se produire.

Cette nouvelle philosophie, à laquelle nous souscrivons1, veut que la sécurité du travail ou, de façon plus pertinente, que la prévention relève de l'environnement organisationnel de l'entreprise. C'est-à-dire que l'entreprise doit offrir un milieu de travail qui essentiellement empêche les accidents de se produire en dépit de l'erreur humaine, des risques auxquels les employés sont prêts à s'exposer d'eux-mêmes et des limitations techniques.

En définitive, cette approche organisationnelle nous apparaît la meilleure car, sans avoir de chiffres précis pour le Québec, nous savons qu'aux États-Unis où s'est implanté depuis 1970 ('"Occupational Safety and Health Act" moins du quart des accidents de travail sont conséquents à une dérogation aux normes de sécurité.2 Et il existe plus de 4400 de ces normes détaillées dont la grande majorité sont importées au Québec.

Si cette philosophie mettant l'accent premier sur le contexte organisationnel de l'entreprise en matière de santé et de sécurité du travail devait, comme nous le souhaitons, inspirer la législation québécoise en cette matière, le texte législatif serait, à notre avis, fort différent du présent projet de loi et s'inspirerait d'une problématique à la fois beaucoup plus souple et dynamique.

La chambre souscrit d'emblée aux objectifs que veut atteindre le projet de loi 17 sur la santé et la sécurité du travail, objectifs non explicitement définis dans le projet.3 Elle doute, cependant, que le projet s'il devait être adopté tel qu'actuellement rédigé puisse livrer aux travailleurs et à la population en général "la marchandise promise" soit un milieu de travail sain et sécuritaire.

Non par manque de volonté: elle est évidente, comprise et acceptée; non par manque de mécanismes, la plupart sont souhaitables, particulièrement la participation des travailleurs ni par manque d'exigences bureaucratiques, elles sont au contraire lourdes, envahissantes, omniprésentes et souvent inutilement coûteuses.

C'est peut-être dû à l'incapacité de l'État, lorsqu'une idée est traduite en textes juridiques, de faire preuve d'autant d'imagination qu'en a générée l'idée elle-même. Peut-être aussi à son incapacité d'imaginer travailleurs et employeurs autrement qu'en situation conflictuelle.

Toujours est-il que nous aurions préféré un texte législatif dont l'article premier aurait établi que l'objectif de la loi est de procurer un cadre de travail sain et sécuritaire en entreprise en utilisant son environnement organisationnel pour enrayer les causes d'accidents de travail et de maladies professionnelles. La suite du premier chapitre expliciterait la philosophie et la problématique. On retrouve une allusion à un tel cadre à l'article 40 et plus spécifiquement aux sous-articles (3), (5) et (6) mais elle est loin de constituer la trame de fond du projet de loi.

Si nos commentaires semblent évoquer une opposition quelconque aux objectifs ultimes du projet de loi, la chambre tient à le nier et plutôt faire valoir que le projet 17 qui a pris son origine dans un livre blanc et qui est soumis à la consultation publique avant son adoption en deuxième lecture l'est précisément parce que le législateur croit qu'il est perfectible.

L'approche de la chambre face au projet de loi 17

Sans faire abstraction de la philosophie et de la problématique énoncée plus haut, que nous souhaiterions voir non seulement intégrée mais aussi devenir l'orientation maîtresse de la loi, la chambre a à commenter un texte législatif dont elle doit présumer, si l'expérience passée est garante du présent, que l'approche ne sera pas fondamentalement modifiée; c'est-à-dire qu'il s'agira toujours, a priori, de mécanismes. Elle s'attardera donc à les examiner et à y suggérer des modifications et des correctifs. À l'occasion, elle indiquera les orientations que suggère sa problématique alternative.

Considérations liminaires sur le projet de loi 17

C'est un véritable "fouillis indescriptible de lois et de règlements", pour utiliser les termes mêmes du parrain du projet de loi, qu'était devenu avec les années le domaine de la santé et de la sécurité

(1) Elle est conforme à celle exposée dans le livre blanc aux pages 7, 8 et 9.

(2) The Occupational Safety and Health Act: Its goals and its achievements. Robert Stewart-Smith, Evaluative Studies — American Entreprise Institute for Public Policy Research — 1976, page 62.

(3) Les notes explicatives du projet de loi 17 débutent en donnant comme objet "d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accident du travail et de maladies professionnelles".

du travail. Dès le Sommet socioéconomique de Pointe-au-Pic en 1977, la chambre manifestait son accord sur la nécessité d'une législation qui viendrait y mettre de l'ordre. L'actuel projet de loi atteint cet objectif et cela en soi doit être apprécié comme un avantage considérable, à quoi s'ajoute l'application de son champ au gouvernement, à ses ministères et aux organismes qui en sont mandataires.

Ces avantages réels sont cependant largement atténués aussi bien sur le fond qu'en pratique par l'insistance du projet à asseoir la majeure partie de son articulation sur le concept des relations conflictuelles entre les travailleurs et leur employeur respectif." Il en résultera, de par la simple dynamique des relations actuelles, que la santé et la sécurité du travail seront encore sources de négociations et de marchandage, que la participation souhaitée des travailleurs sera subordonnée à des objectifs stratégiques de relations de travail, et que seront érigées en divergences structurelles ce que devraient être de profondes communautés d'intérêts.

De plus, toujours sur le même sujet, le projet de loi crée une profonde inéquité au chapitre VI où seules les associations "syndicales" en qualité de partie représentant les travailleurs peuvent conclure une entente visant à constituer une association sectorielle paritaire. Environ le quart des travailleurs n'appartenant pas au secteur de la construction et aux secteurs public et para-public adhèrent à des associations accréditées.

Si l'on s'était inspiré de la problématique que nous avons élaborée plus haut, toute la question de la santé et de la sécurité du travail serait retirée du champ des relations de travail ou, de manière plus appropriée, les relations de travail seraient retirées du champ de la santé et de la sécurité. Non pas pour empêcher ou limiter la participation des travailleurs mais bien pour l'inscrire dans sa meilleure perspective, celle de la collaboration pour le bien des travailleurs et de l'entreprise. Pour être plus précis, cela se traduirait aux articles 38 et 40 par l'obligation de collaborer "pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur". De ces obligations communes découlerait, au-delà du respect des normes et "du règlement", un processus plus important que le programme de prévention: l'implantation de la structure organisationnelle de la santé et de la sécurité. Cette implantation demande plus de collaboration que de confrontation: il faut modifier des attitudes, des habitudes et souvent des méthodes de travail, tous des points qui ont le don de devenir des droits acquis.

Dans cette perspective, la santé et la sécurité du travail serait de l'ultime responsabilité de l'employeur certes, comme c'est actuellement le cas et comme le prévoit le projet mais lui apporterait l'outil essentiel à l'exercice de sa responsabilité, l'appui et la collaboration des travailleurs à son emploi. Il pourrait être prévu que le travailleur soit informé des performances de l'entreprise en matière de santé et de sécurité du travail, notamment sur l'application des dispositions de la loi.

La participation aurait ici un véritable sens.

Ce qui nous amène aux comités de santé et de sécurité. Au-delà du fait qu'un grand nombre d'entreprises qui ont actuellement un comité paritaire se sont vu imposer ce comité et qu'elles le perçoivent a priori (à tort ou à raison) comme étant une sanction et une mesure disciplinaire exercées à leur endroit, la chambre appuie le concept de la formation de comités paritaires consultatifs de santé et de sécurité. Nous les croyons un instrument utile, voire essentiel aux échanges, au rapprochement et à la collaboration.

Cependant, le comité prévu par le projet de loi souffre de plusieurs carences: il aurait des responsabilités décisionnelles (art. 63 1°, 2° et 5°) sans être comptable de ses actes et de ses décisions auprès d'aucune des parties en présence. Tout au plus est-il requis de faire rapport à la Commission.

Deuxième carence, c'est encore une manifestation de la volonté d'en faire une question de relations de travail, l'ensemble des représentants des travailleurs et de ceux de l'employeur ne disposent chacun que d'un vote. L'égalité de la représentation dictée par l'objectif de parité devrait, une fois atteint, laisser assez de latitude aux représentants pour leur permettre d'agir en adultes et de déterminer les règles de fonctionnement qui leur conviennent le mieux. Entre autres, il est largement accepté qu'un comité fonctionne généralement mieux par consensus.

Enfin, de quelle compétence particulière un comité peut-il se réclamer pour arrêter le choix d'un médecin compétent? La question des entreprises à établissements multiples pose un autre type de problème face aux fonctions du comité surtout sur la question du choix des moyens et équipements de protection individuelle et d'une certaine cohérence dans les programmes de prévention.

Toutes ces considérations et d'autres, militent en faveur d'un rôle consultatif pour le comité de santé et de sécurité, auquel devraient s'ajouter des fonctions d'analyse, d'études, de représentation et de surveillance quant à l'application de la loi et du programme de prévention.

Nous conclurons ces considérations liminaires sur trois points additionnels.

Les articles 142 et 143 accordant à l'inspecteur le droit d'ordonner la suspension des travaux ou la fermeture d'un lieu de travail et l'obligation pour l'employeur de rémunérer les travailleurs visés, sans constituer exactement du droit nouveau (cela existe déjà dans le domaine de la construction) il constitue

(4) Un bon exemple de cela se retrouve à l'article 14, il apparaît plus important de convoquer le re- présentant à la prévention ou le représentant de l'association accréditée que de faire un simple constat que le travailleur a raison ou, mieux encore d'apporter un correctif à la situation.

un pouvoir exorbitant et inacceptable dans les mains d'un fonctionnaire jouissant d'une immunité presque totale. S'il y a eu erreur, l'entreprise dont la survie peut être en cause5 n'a aucun recours, n'a droit à aucun dédommagement.

La chambre ne s'oppose pas à ce que la loi doive prévoir la cessation de travaux ni même, exceptionnellement, la fermeture d'un lieu de travail. Dans ce dernier cas, nous croyons cependant qu'au lieu de l'inspecteur, c'est le ministre responsable de l'application de la loi qui devrait détenir cette responsabilité et l'exercer par voie d'injonction sollicitée auprès d'un juge de la Cour supérieure.

Cette procédure comporte trois avantages: elle est publique, rapide et permet aux parties de faire leurs représentations.

Dans un autre ordre d'idées, la Commission constituée en vertu du projet de loi se voit confier des pouvoirs de réglementation d'une envergure exceptionnelle (art. 185) qui vont non seulement de l'adoption de normes mais à l'encadrement rigide de toute activité reliée de près ou de loin à la santé et à la sécurité (ex.: art. 41, 44, 49, 74 et autres). Ses pouvoirs et prérogatives sont vastes au point de faire oublier à la population, aux travailleurs et même aux entreprises que ce n'est pas la Commission qui, en définitive, est responsable de la santé et de la sécurité, mais bien les entreprises.

Sans en connaître la teneur, ce qui en soi est regrettable, nous savons par expérience qu'un règlement adopté par l'Administration et ses organismes, étant donné la dynamique naturelle de leurs structures, vise d'abord à satisfaire les impératifs administratifs internes — c'est-à-dire que le comment administrer le règlement devient plus important que son objectif initial, nous l'avons vu encore tout récemment dans les propositions d'un Office.

Ce processus est inutilement lourd et surtout coûteux. Il en résultera probablement la situation loufoque qui existe actuellement dans plusieurs domaines où il devient physiquement impossible de connaître le contenu de tous les règlements auxquels on est pourtant tenus de se conformer. Avec la conséquence que lois et règlements sont plus ou moins appliqués et respectés.

Le gouvernement a manqué ici une excellente occasion d'innover par l'adoption d'une loi claire, complète, précise et limpide.

Notre dernière considération liminaire vise la question de l'organisation des services de santé au travail ou, pour être plus précis, la nationalisation des services de santé de l'entreprise résultant de l'adoption du projet de loi. Nous nous y objectons pour des considérations pratiques et de principe. Disposons d'abord du principe. Même s'il n'existait pas déjà des services de santé du travail privés, nous nous objecterions à un monopole du secteur public qui en empêcherait la création et l'éclosion.

Or, ce n'est pas le cas. Il existe dans le secteur privé d'excellents services privés de santé du travail, qu'ils soient en entreprise ou encore fonctionnant sur une base contractuelle.

La chambre ne s'objecte pas à ce que le secteur public de la santé puisse offrir ses services et qu'à la rigueur un contrat type s'applique à tous les services de santé mais bien à ce que la loi prive l'entreprise et ses employés du choix des meilleurs services de santé disponibles.

Nous avons peine à réconcilier l'attitude du gouvernement en cette matière et l'affirmation, maintes fois répétée, du Premier ministre et chef du gouvernement de son acceptation sans équivoque du système d'économie de marché et du rôle de l'entreprise privée. De fait, il n'est pas possible de les réconcilier.

Si nous devions ajouter un seul argument, ce serait à savoir si les travailleurs sont prêts à se faire livrer, pieds et poings liés, aux services de santé épisodiques que nous connaissons depuis plusieurs mois et de façon régulière à tous les deux ou trois ans?

Considérations spécifiques sur les dispositions du projet de loi 17

Le droit de refus

La chambre est généralement d'accord avec l'exercice de ce droit. Cependant, surtout dans le cadre conflictuel qu'avance le projet de loi, ce droit n'est pas assorti de responsabilités correspondantes: il incombe à l'employeur de prouver mauvaise foi et les sanctions ou mesures disciplinaires peuvent faire l'objet de la procédure de griefs. Soulignons que nous trouvons pour le moins cocasse de voir un texte législatif à caractère pénal parler d'intention (mauvaise foi); l'employeur ne bénéficie pas de la même largesse ni au chapitre XIII (recours) ni au suivant (infractions). Sa mauvaise foi étant présumée, point n'est besoin de la prouver.

La chambre a deux questions pour le législateur: Comment prouver la mauvaise foi? Et, dans le contexte du projet de loi, qu'est-ce que cela donne de la prouver?

Le programme de prévention

En faisant abstraction de nos commentaires précédents sur la problématique, le programme de santé prévu à l'article 48 constitue une des principales failles pratiques du projet de loi: seuls les 2° et 4° ne font pas spécifiquement référence au règlement, or l'on sait que le 2° découle d'autres règlements. L'essentiel de notre argumentation est à l'effet que se conformer aux règlements (il y en a moult) ne ré-

(5) La grande majorité des P.M.E. connaît des difficultés de fonds de roulement.

sout en définitive qu'une faible partie de la santé et de la sécurité. Et pourtant la dynamique est lancée; tous, travailleurs, employeurs et, il va sans dire, la Commission et les inspecteurs auront les yeux braqués sur les règlements, leur mot-à-mot, leur interprétation. Que fera-t-on une fois établi que les accidents se produisent en dépit des règlements? Probablement d'autres règlements.

Le représentant à la prévention

Drôle de parité dans un projet de loi qui veut en instaurer le principe où l'employeur n'a pas le même droit que les travailleurs d'avoir un représentant à la prévention jouissant de privilèges semblables.

Drôle de parité aussi où seul l'employeur a le devoir de coopérer avec le représentant à la prévention! (art. 72)

Les associations sectorielles

Outre les commentaires déjà formulés sur leur constitution "paritaire" nous entretenons deux réserves fondamentales sur les associations sectorielles. La première est à l'effet que nos objections sur la bureaucratisation de la santé et de la sécurité par le gouvernement valent tout aussi bien si elles viennent indirectement du même gouvernement. La carotte des subventions de la Commission masque mal la prison de la structuritte.

Deuxième objection, le marché actuel peut mieux satisfaire et de façon plus concurrentielle les besoins en formation.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail

La chambre est d'accord sur la constitution de cet organisme. Deux pages du texte législatif consacrent ses fonctions (art. 129 à 134) et quatre autres pages ses pouvoirs et réglementation. Et pourtant, après toute cette réflexion, aucune mention qu'un établissement où un employeur qui pourrait démontrer à la Commission qu'il peut mieux satisfaire les objectifs de la loi hors du cadre des règlements, pourrait être néanmoins considéré comme s'y conformant.

L'inspection

II est inconcevable, si l'on respecte la logique du projet de loi 17 que le comité d'établissement puisse se prononcer sur la compétence d'un membre de l'Ordre des médecins et non sur celle d'un inspecteur. Seules, ici, seraient habilitées à fournir un "avis" les associations sectorielles. Pourtant, l'inspecteur pourrait décréter la suspension de travaux et la fermeture d'un lieu de travail.

Par ailleurs, l'article 146 prévoit aussi, à notre avis, des pouvoirs exorbitants dans les seules mains d'un fonctionnaire. Ce pouvoir ne devrait être exercé que par le ministre responsable de l'application de la loi et que dans l'éventualité où il y a danger pour la santé et la sécurité de travail. Car une infraction à la loi n'entraîne pas nécessairement un danger pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Conclusions

Tout comme le président de la Commission des accidents du travail, dans une allocution qu'il aurait récemment dû prononcer, la chambre, vous l'aurez constaté, dit NON au marchandage. Tout comme lui, elle accepte parité, participation et, nous le croyons, va peut-être même plus loin en prévention.

La chambre, malgré le peu de temps mis à la disposition des intervenants, a tenté d'aborder de la façon la plus ouverte et la plus franche possible, non seulement le projet de loi, mais surtout la véritable question de fond: la santé et la sécurité au travail et surtout comment les atteindre.

ANNEXE B

Mémoire présenté à la commission parlementaire

sur la santé et la sécurité du travail par le Regroupement écologique québécois

Août 1979

Introduction

Le Regroupement écologique québécois est un mouvement social qui rassemble des individus et des associations préoccupés par la qualité de la vie et qui défend une conception de la société respectueuse de l'homme et de la nature. Nous croyons que la santé et la sécurité des travailleurs est au coeur de la question écologique et pour cette raison, nous voulons présenter des propositions susceptibles, à notre avis, d'améliorer la situation des travailleurs.

L'effort de rationalisation tenté par le projet de loi no 17 (Loi sur la santé et la sécurité du travail) est certes bienvenu, mais il pourrait aller plus loin. Aussi, avons-nous décidé d'intervenir pour soulever certains aspects de la question qui, nous semble-t-il, n'ont pas reçu toute l'attention et le développement qu'ils méritent.

Le mouvement syndical est plus en mesure que nous de juger des modalités pratiques d'application de la loi et de l'efficacité des mesures proposées. Son implication quotidienne dans la défense des intérêts de travailleurs, lui donne une autorité que nous ne saurions contester et que la commission se doit de considérer à sa juste valeur. Ce sont les travailleurs qui risquent leur vie et le pouvoir de la défendre doit leur revenir individuellement et collectivement.

Nous croyons que le travail n'a pas en soi à être aliénant. Il peut devenir et rester une activité de libération individuelle et collective. Pour ce faire, un projet de société doit favoriser l'autogestion; c'est-à-dire, la possession et le contrôle collectifs des organisations de production de biens et de services. Ceci doit se faire progressivement et pourrait débuter par le contrôle autogestionnaire de la santé et de la sécurité dans le milieu de travail.

On ne corrigera, nous semble-t-il, de façon radicale les inégalités de droit et de fait entre les sexes, les groupes d'âge, les ethnies, etc. que si on se met à la recherche d'une société où tous les individus auront un poids égal à l'intérieur des structures que l'on mettra sur pied.

Dans une perspective écologique, l'homme passe avant le capital, avant la rentabilité et sa santé et sa sécurité ne se négocieront pas. C'est peut-être un cliché, mais il n'en reste pas moins que le capital devrait être au service de l'homme et non l'inverse.

De plus, nous ne reconnaissons pas de droit à polluer et à mettre la vie de quiconque en danger. Présentement, les maladies industrielles, il faut le reconnaître, ne se confinent pas uniquement aux usines. Les contaminants attaquent notre santé à l'intérieur comme à l'extérieur de l'usine. Ils envahissent l'eau, l'air et les aliments. L'activité industrielle en est très largement responsable mais on en parle très peu de ces dangers à la santé et de leur prévention comme s'ils étaient là pour rester. Nous croyons que c'est une mauvaise façon d'aborder le problème.

Il faudrait remettre en question les usines directement ou indirectement polluantes. Si elles fabriquent des produits inutiles, il serait mieux alors de les fermer et de créer de nouveaux emplois dans les domaines de recyclage, des énergies alternatives, du transport en commun, de l'information communautaire, de la dépollution, etc.

Le plein emploi ne devrait pas faire problème dans cette perspective communautaire où le travail sera réparti également entre tous. Une telle démarche ne peut que permettre une réduction des heures de travail. Il faut reconnaître que tout individu a droit à un travail; un travail lui permettant de participer à la réalisation des objectifs fixés collectivement, sans mettre en danger sa santé et sa sécurité.

À propos de certains articles

Article 9:

Le droit des travailleurs à l'information, énoncé à l'article 9, est dans les faits nié aux articles 98, 195 et 197. Les secrets de fabrication ne doivent pas servir de prétexte pour mettre en danger la santé et la sécurité des travailleurs. Or ceux-ci ne doivent être divulgués ni par le médecin (article 98), ni par personne sous peine d'amende (articles 195 et 197). Comment des études peuvent-elles être effectuées si le médecin n'a pas le droit de divulguer le nom des produits utilisés... ? Comment des travailleurs peuvent-ils juger des dangers qui les menacent s'ils ne sont pas pleinement informés?

Articles 11 et 159:

Au droit individuel du travailleur, devrait être ajouté un droit collectif d'arrêter de travailler en cas de danger.

Articles 12 et 160:

Ces articles ont pour effet d'exclure de la législation tous les dangers inhérents à un travail, les maladies mentales dues à l'exercice d'un emploi et les maladies industrielles. Les termes normalement et habituellement risquent de rendre acceptable la situation dans les usines où les risques sont les plus élevés et où rien n'est fait pour les éliminer. Certains employeurs peuvent dire que certains risques d'accidents et de maladies (par exemple l'amiantose, les coups de grisou) sont normalement et habituellement inhérents aux fonctions exercées.

Les risques normaux et inhérents devraient être signifiés à l'avance aux travailleurs par écrit pour être considérés comme tels. Que lorsqu'il y a de tels dangers, les conditions de travail soient améliorées (c'est-à-dire repos, ventilation, etc.) et que le danger soit éliminé à la source plutôt que par le port d'équipement protecteur ou par le rejet des contaminants dans l'environnement hors de l'usine.

Articles 19, 21 et 164:

Nous réclamons la suppression de ces articles, car ils sont discriminatoires, prétendant que ce qui est dangereux pour un travailleur ne l'est pas nécessairement pour un autre.

Articles 23 et 31:

Selon l'article 23, le travailleur n'a que cinq jours pour contester par écrit une décision, ce délai est trop court de toute façon. S'il passe le délai, ou s'il perd sa cause devant la commission, il peut être pénalisé. Qui osera se plaindre dans de pareilles conditions?

À l'article 31, on devrait éliminer l'expression "jusqu'à une décision finale" dans le premier paragraphe de même que tout le deuxième paragraphe. Car l'article dans sa forme actuelle encourage l'employeur à sévir contre un employé qui aurait refusé de travailler et qu'une décision finale n'aurait pas appuyé. Une mauvaise décision finale, ou une simple erreur de jugement de la part du travailleur quand un danger est couru, risque d'être interprété comme de la mauvaise foi par l'employeur. Les articles 189 à 194 ne suffisent pas à contrebalancer l'effet néfaste de l'article 31.

Articles 33 à 37:

L'article 11 prévoit déjà qu'un travailleur peut arrêter de travailler si sa santé ou celle d'un autre est en danger. L'article 32 est discriminatoire, car il demande à la femme un certificat médical, ce qui n'est pas requis pour tout autre travailleur. Pourquoi faire de la femme enceinte un cas particulier? Il va sans dire que comme tout autre travailleur devant quitter son emploi pour des raisons de santé et sécurité, la femme enceinte devra recevoir son plein salaire. Les articles 32 à 37 n'ont pas leur raison d'être.

Articles 106 et 107:

Pour les nominations, les employeurs et le gouvernement ont trop de pouvoir. C'est un peu l'essai du corporatisme, qui a déjà démontré son inefficacité. Tout est basé sur le principe du comité paritaire, avec l'État qui apparaît comme l'arbitre neutre et objectif. Un rôle plus grand devrait être accordé aux syndicats et à la négociation collective.

Article 185:

(Règlements) Au lieu de laisser tous ces sujets à la discrétion de la commission de la santé et de la sécurité du travail, qui peut faire des règlements mais n'y est pas tenue, nous réclamons que la loi statue sur les points suivants: 1.: les catégories d'établissement touchés par la loi (à notre avis, tous les employeurs devraient être touchés) 3.: le contenu minimum obligatoire des programmes de prévention 7.: le contenu et la durée des programmes de formation 8. : le temps que doit passer le délégué de chantier à s'occuper de santé et de sécurité 9.: les cas où des services de santé doivent être fournis aux travailleurs (à notre avis, tous les travailleurs devraient avoir accès à de tels services) 10.: le temps qu'un représentant à la prévention doit consacrer à l'exercice de ses fonctions 14.: le type de moyens et d'équipements de protection que l'employeur doit mettre à la disponibilité du travailleur (nous pensons que des dangers doivent être éliminés à la source) 16.: les cas où un étudiant doit être considéré comme un travailleur au sens de la loi 18.: le nombre d'heures maximum devant être consacré à un travail 27.: ce qu'est un contaminant ou une matière dangereuse (à notre avis, devraient être considérées comme telles toutes les substances dont on n'a pas prouvé l'innocuité, selon les tests biologiques habituels) 28. 29. 30.: les normes concernant les contaminants, l'étiquetage des substances dangereuses et la sécurité des procédés de fabrication (la loi devrait prévoir au moins la même chose que dans les autres pays industrialisés, au départ, et l'élimination subséquente des produits et des procédés de fabrication dangereux. 31. : les modalités de financement nécessaires à l'application de la loi (nous réclamons que le législateur prévoie des normes de dédommagement; nous avons esquissé plus haut notre projet de société).

De plus, certains pouvoirs de réglementation de la commission nous semblent inacceptables: 4.: le pouvoir de décider dans quelles catégories d'établissements des comités pourront être formés (même si nous ne sommes pas d'accord avec les comités de santé et de sécurité, nous croyons que la même loi doit s'appliquer à tous, partout) 17.: le pouvoir de déterminer l'âge minimum qu'un travailleur doit avoir atteint pour exécuter un travail dangereux en particulier (les normes devraient être d'autant plus sévères que le travail est jugé dangereux) 35.: le pouvoir d'exempter de la loi certaines personnes... (à la limite, cette loi pourrait ne pas s'appliquer du tout, devenir une loi-bidon, ou toucher seulement quelques compagnies... nous réclamons encore une fois qu'elle s'applique à tous).

Articles 189 et 190:

Comment se peut-il qu'une amende aussi faible soit prévue en cas de congédiement illégal (c'est-à-dire de $200 à $500 en vertu de l'article 197). Le congédiement illégal se traduit seulement par un manque à

gagner pour le travailleur qui doit entamer une poursuite contre son employeur; advenant qu'il gagne sa cause et qu'il ait dû travailler ailleurs entre-temps, cette somme gagnée sera indirectement remise à l'employeur poursuivi et trouvé coupable car l'employeur n'aura à payer que le manque à gagner. Nous réclamons qu'un autre mécanisme soit prévu à la loi, par exemple la réinsertion de l'employé dans son emploi, avec plein salaire, dès le moment où une poursuite est entamée.

Article 198:

Les amendes prévues (de $500 à $1000 pour un individu et de $5000 à $10 000 pour une corporation) pour avoir mis en danger la santé ou la sécurité des travailleurs sont ridiculement faibles. Les amendes devraient être beaucoup plus fortes dans le cas des grosses corporations par exemple. Les coûts sociaux de la production, tant sur la santé et la sécurité des travailleurs que sur celles de la population environnante, devraient être assumés entièrement par l'employeur. Les compagnies récidivistes devraient être mises en tutelle, et éventuellement nationalisées dans une perspective d'autogestion.

Articles 209 et 211:

Le financement devrait être à la charge de l'employeur, y compris les coûts d'inspection et d'application de la loi. Les coûts de la réforme doivent être assumés par les employeurs et non pas par le gouvernement.

Les observations et suggestions qui précèdent ne prétendent à l'exhaustivité d'aucune façon. Ils veulent simplement indiquer l'orientation que devrait prendre la loi. Nous espérons que la commission saura leur donner suite dans le meilleur intérêt de la collectivité québécoise.

Conclusion

De l'ensemble des commentaires et des critiques formulés dans les pages précédentes, il est important de retenir le principe suivant: les conditions sanitaires et sécuritaires d'un milieu de travail doivent d'abord être définies par la collectivité des travailleurs et négociées dans un rapport de force avec l'employeur. Ce principe nous rapproche sensiblement de la position syndicale qui refuse les comités paritaires.

Nous appuyons cette position, mais nous nous permettons d'insister sur le caractère local de la lutte pour la santé et la sécurité du travail. Tous les travailleurs de l'usine vivent ces problèmes et ils doivent tous participer activement à leur résolution. Ce ne doit pas être uniquement dans la participation de leurs délégués syndicaux à des tables rondes et des congrès sur le sujet.

Dans cette perspective, nous recommandons que la loi sur la santé et la sécurité du travail garantisse aux travailleurs une période de temps payé où ils pourraient discuter des problèmes qu'ils rencontrent tout en ébauchant des solutions. Ce temps de discussion et de recherche pourrait être plus profitable que les échanges circulaires d'un quelconque comité paritaire doublé d'experts.

Les travailleurs, avec l'aide de leur syndicat, pourront fort bien aller chercher l'expertise dont ils auront besoin pour solutionner les problèmes qu'ils auront définis. Cette période pourrait correspondre à une heure par semaine par exemple, ces heures pourraient être cumulées pour disposer d'une période plus longue et s'adapter à la conjoncture. Elle ne pourra qu'être utilisée pour traiter des questions de santé et de sécurité du travail, se former sur le sujet et informer la population, surtout la population où se situe le milieu de travail.

Que vient faire la population du quartier dans le problème de la santé et de la sécurité du travail? Son rôle nous paraît fondamental et nous permet de préciser la position des écologistes sur cette question.

Nous l'avons déjà dit ailleurs, les matières et les procédés utilisés dans les usines n'affectent pas seulement les travailleurs mais aussi, par la pollution extérieure, toute la population environnante. Certains nous diront avec raison que la nouvelle loi sur la qualité de l'environnement permet aux citoyens de faire face à ces risques, mais il est probable qu'ils poseront ces gestes dans l'ignorance la plus complète des implications de leurs gestes pour les intérêts des travailleurs. De même, les travailleurs ignorent parfois les méfaits environnementaux de leur usine sur le quartier où ils travaillent, n'y passant pas forcément le reste du temps. Qui est le plus exposé aux rejets d'une usine? Le travailleur qui y passe sept heures par jour ou le voisinage qui la subit vingt-quatre heures sur vingt-quatre? Cela dépend de plusieurs facteurs évidemment, mais on ne s'est jamais arrêté pour étudier sérieusement cette question.

Nous voulons justement dénoncer cette façon de diviser la réalité des problèmes, une loi pour la pollution intérieure, une loi pour la pollution extérieure, avec comme résultat de renvoyer dos à dos citoyens et travailleurs qui pourraient travailler à la création de meilleures conditions de vie.

Dans cette optique, il est important que la loi sur la santé et la sécurité du travail ait une porte ouverte sur la question de la qualité de l'environnement. Pour ce faire, nous recommandons que les travailleurs puissent déléguer un représentant, aux frais de la compagnie, auprès de tout groupe de citoyens qui demande de l'information sur l'usine installée dans leur région ou leur quartier. Il pourra ainsi y avoir un contre-poids à l'information donnée par la compagnie et une possibilité de travail en commun pour obtenir un environnement meilleur.

Car ce que recherche le mouvement écologique avant tout, c'est un contrôle par les citoyens de leurs ressources et aussi de leurs représentants à tous les niveaux. C'est pourquoi nous nous sommes permis ces quelques remarques en commission parlementaire.

Merci.

ANNEXE C

Mémoire présenté à monsieur Pierre Marois

ministre d'État au Développement social par l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc.

Sherbrooke, le 26 février 1979

L'Association désire par le présent mémoire exposer au ministre d'État au Développement social certains faits relativement au livre blanc sur la santé et la sécurité au travail. Dans un premier temps, elle soumettra certains faits tant à l'égard de la santé physique que de la santé mentale et dans un second temps elle exposera certains faits relativement à la sécurité.

1. Santé

A— Physique

Le chauffeur d'autobus est soumis généralement à des agents physiques tels les vibrations, les changements de température, le mauvais éclairage, le bruit, le monoxyde de carbone, l'équipement en mauvais état etc. Le chauffeur d'autobus est aussi soumis à une énergie mécanique et par conséquent, il risque d'être frappé, coincé par un objet: glissé ou chuté. Le fait d'être assis pendant de longues heures est la cause de maux de dos.

La cadence des horaires est trop rapide. Les horaires irréguliers, le travail de nuit, la malnutrition dans des restaurants de fortune et le manque de temps pour manger sont des causes de mauvaise digestion, de stress et d'hypertension.

On voit donc que la situation dans laquelle se trouve le chauffeur d'autobus le rend vulnérable aux maladies du coeur. Ainsi le chauffeur d'autobus qui fait un infarctus perd non seulement son emploi mais aussi son permis de chauffeur d'autobus sans aucune possibilité de réadaptation à sa profession de chauffeur d'autobus.

B— Mentale

À cause d'horaires irréguliers, plusieurs chauffeurs d'autobus ne mènent ni une vie familiale ni une vie sociale normales. Le plus souvent, il se trouve à son foyer au moment où ses enfants sont à l'école. Ces faits sont une cause de traumatisme chez le chauffeur d'autobus et il en résulte malheureusement de trop nombreuses ruptures de ménage.

Le chauffeur d'autobus subit souvent l'attitude agressive et méprisante et le comportement hautain de ses supérieurs. Il se retrouve coincé entre le patron, le répartiteur et les usagers.

Voilà autant d'autres causes d'hypertension très grande qui souvent dégénèrent en maladies cardiaques.

2. Sécurité

L'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. a soumis le 22 novembre dernier, un mémoire à la commission d'enquête sur la sécurité du transport par autobus. Nous référons monsieur le ministre à ce document qu'il trouvera en annexe "A" du présent mémoire.

L'Association aimerait cependant réitérer son désir que soit mis sur pied un système adéquat de vérification du bon état de fonctionnement des autobus au Québec. L'Association aimerait que lorsqu'il a été rapporté par un chauffeur qu'un autobus n'est pas en bon état de fonctionnement qu'il soit reconnu au chauffeur le droit de refuser de travailler avec un outil défectueux. De plus, l'Association demande qu'il soit interdit au propriétaire d'un tel autobus de le faire conduire par un chauffeur ignorant son mauvais état de fonctionnement.

L'Association aimerait aussi que le gouvernement se penche sur les normes de construction des véhicules publics au Québec. À titre d'exemple, certains autobus n'offrent au chauffeur comme appui-tête qu'une barre de fer.

L'Association demande au gouvernement de prendre les moyens nécessaires pour que les chauffeurs ainsi que les usagers jouissent du maximum de sécurité dans les autobus au Québec.

L'Association recommande: 1. Qu'une étude soit faite sur la santé au travail des chauffeurs d'autobus scolaires, urbains et interurbains. 2. Qu'une étude soit faite sur la sécurité au travail des chauffeurs d'autobus scolaires, urbains et interurbains. 3. Que les conclusions d'une telle étude après consultation avec l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. se traduisent dans une loi appropriée.

L'Association offre au ministre son entière collaboration dans l'élaboration et la réalisation de toute politique visant la santé et la sécurité au travail des chauffeurs d'autobus du Québec.

Le Président Albert Thibault

Mémoire présenté à Me Robert Jodoin, commissaire-enquêteur sur la sécurité du transport par autobus

par l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. Sherbrooke, le 22 novembre 1978

L'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. (ci-après appelée l'Association) a été constituée par lettres patentes accordées selon la troisième (3e) partie de la Loi des compagnies du Québec en date du 31 octobre 1978.

Ses objets sont les suivants: 1. Regrouper les chauffeurs d'autobus professionnels du Québec. 2. Promouvoir la sécurité dans l'exercice de leurs fonctions. 3. Etablir des services de formation pour le bénéfice des membres, sous réserve de la Loi de l'enseignement privé et des règlements adoptés sous son autorité. 4. Favoriser l'excellence chez les chauffeurs d'autobus professionnels du Québec. 5. Travailler à l'établissement de normes susceptibles de favoriser la sécurité routière pour le bénéfice des chauffeurs et des usagers des autobus au Québec.

Ses administrateurs sont: I.Albert Thibault 2.Jean-Roger Cinq-Mars 3.Eugène Richard 4.Henri Bertrand 5. Georges Boucher

Ses officiers sont: 1.Albert Thibault: Président 2.Jean-Roger Cinq-Mars: Vice-président 3.Eugène Richard: Secrétaire

Malgré le peu de temps que l'Association a eu pour s'organiser et préparer un mémoire, elle désire exposer certains faits et formuler certaines recommandations.

Consciente des problèmes que suscite la sécurité du transport par autobus, l'Association expose certains faits et formule certaines recommandations sous les titres suivants: A — La sécurité relative aux chauffeurs d'autobus et aux usagers B — La sécurité relative aux véhicules et C — La sécurité relative à la qualité de la chaussée.

A— Sécurité relative aux chauffeurs et aux usagers

L'Association souhaite ardemment, qu'éventuellement tous les chauffeurs d'autobus soient formés à une école de conduite dont vous trouverez en annexe A, un programme d'études. Nous vous référons aux articles de MM. Johnson et Collins en annexes B et C sur le bien-fondé d'une telle école.

L'Association recommande une meilleure réglementation de l'émission de permis de chauffeur. Il s'agirait d'éliminer les non-professionnels. Des permis distincts devraient être accordés aux chauffeurs d'autobus pour le transport urbain, interurbain et scolaire.

L'Association recommande qu'une meilleure diffusion de la réglementation touchant le transport par autobus soit faite auprès des chauffeurs d'autobus et des usagers.

En règle générale, les horaires sont trop vite, le temps pour les repas trop court et les heures de conduite trop longues.

L'Association recommande une semaine de travail conventionnelle.

L'Association demande que le code de la route soit modifié afin que les automobilistes soient obligés de s arrêter lorsqu'un autobus interurbain s'arrête ou s'immobilise.

Que l'âge de la retraite soit réduit.

B— Sécurité relative aux véhicules

L'Association est d'avis que la fiche technique exigée actuellement pour chaque autobus n'est pas adéquate. Dans plusieurs cas, l'Association déplore l'absence de mécaniciens compétents. L'Association recommande la mise sur pied d'un centre de vérification des autobus par le ministère des Transports.

C— Sécurité relative à la qualité de la chaussée

D'une façon générale, l'Association constate que le revêtement des routes du Québec est glissant. Les revêtements faits récemment sont très dangereux et susceptibles de causer nombre d'accidents.

L'Association recommande au gouvernement de mieux contrôler la qualité du revêtement bitumineux des routes du Québec et de voir à les rendre plus sécuritaires.

L'Association désire être consultée par le gouvernement sur tout ce qui a trait au transport par autobus soit scolaire soit urbain soit interurbain.

L'Association est désireuse de travailler à l'établissement de normes susceptibles de favoriser la sécurité routière pour le bénéfice des chauffeurs et des usagers des autobus au Québec.

À cette fin, elle offre au ministère des Transports son entière collaboration.

L'Association est heureuse que le ministère des Transports ait institué une commission chargée d'enquêter sur la sécurité du transport par autobus.

L'Association espère que ses recommandations se traduiront à court terme dans une législation appropriée.

Le Président: Albert Thibault

(ANNEXE "A")

Projet de programme d'étude de l'école de conduite des chauffeurs d'autobus du Québec

Pré-requis 1. Un cours d'introduction à la mécanique. 2. Un cours d'introduction aux relations publiques. 3. Un cours de premiers soins.

Les candidats pourront suivre ces cours dans les écoles publiques qui les dispensent déjà.

Cours dispensés par ou sous la surveillance d'une école de conduite des chauffeurs d'autobus du Québec à être formée. Cours de conduite. Cours de conduite préventive.

Ces cours pourront être donnés par l'école en collaboration avec le ministère de l'Éducation et le ministère des Transports.

Référer à la version PDF page B-8756

Référer à la version PDF page B-8757

Référer à la version PDF page B-8758

Référer à la version PDF page B-8759

Référer à la version PDF page B-8760

Référer à la version PDF page B-8761

ANNEXE D

Mémoire de l'Association professionnelle des optométristes du Québec

Projet de loi numéro 17 Loi sur la santé et la sécurité du travail Commission Parlementaire du Travail et de la Main-d'Oeuvre

L'Association professionnelle des optométristes du Québec est un organisme incorporé en vertu de la Loi des syndicats professionnels représentant 730 optométristes. Le rôle premier de l'Association consiste à négocier des ententes avec le Ministre des affaires sociales aux termes de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie aux fins de prévoir les conditions de dispensation des services optométriques à la population dans le cadre du régime d'assurance-maladie. Rappelons que les services de santé dispensés par les optométristes dans le cadre du régime de l'assurance-maladie représentent environ 80% de l'ensemble des services oculo-visuels dont bénéficie la population du Québec et que près de 1 million de québécois sont examinés annuellement dans les cabinets d'optométristes.

L'optométriste, rappelons-le brièvement, reçoit sa formation à l'école d'optométrie de l'Université de Montréal. Le cours universitaire, d'une durée de 4 ans conduit à l'obtention d'un doctorat professionnel décerné par l'Université de Montréal.

Durant ses quatre années d'études universitaires, l'étudiant en optométrie reçoit entre autre des cours qui le préparent très bien à oeuvrer dans le domaine de la santé et sécurité au travail.

En effet, il doit suivre un cours intitulé "Optométrie occupationnelle", qui englobe la dimension tant préventive, environnementale, que la santé oculo-visuelle du travailleur lui-même.*

Enfin, nous croyons opportun de souligner à cette commission que l'Association professionnelle des optométristes du Québec est actuellement en négociation avec le ministre des Affaires sociales dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie aux fins de prévoir les modalités de dispensation des services optométriques dans le réseau des établissements du secteur public. Cette négociation fait suite à la signature d'une lettre d'entente entre le ministre des Affaires sociales et l'Association aux termes de laquelle les parties reconnaissent le bien-fondé de l'intégration d'optométristes en établissement aux fins de dispenser des services oculo-visuels à la population.

C'est avec beaucoup de satisfaction que l'Association professionnelle des optométristes du Québec constate l'intérêt suscité dans la population par la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Il s'agit là d'un sujet qui ne peut laisser le citoyen indifférent et, a fortiori, le professionnel de la santé.

L'Association professionnelle des optométristes du Québec désire affirmer sa volonté de collaborer avec les agents responsables de la santé et de la sécurité au travail pour améliorer la santé visuelle des travailleurs. Il s'agit là d'une obligation que les optométristes du Québec se doivent d'assumer pleinement. Cette responsabilité est d'autant plus évidente que les optométristes sont, de par leurs fonctions, sensibilisés aux carences du système de santé et de sécurité au travail présentement en vigueur. L'optométriste en pratique qui oeuvre déjà en optométrie occupationnelle est en mesure de constater chez ses patients des problèmes de vision reliés à l'environnement où s'effectue le travail.*

Il est certain, comme l'a souligné le Livre Blanc, que la prévention est, même à moyen terme, la voie la plus économique pour la société québécoise. Cependant, il y a lieu d'envisager la "prévention" dans son sens le plus large. Ainsi, pour ce qui est de la prévention visuelle, il y a lieu d'identifier l'étendue et la gravité des dangers du milieu de travail pour l'oeil: débris et matières en projection, petites particules en suspension, poussières, liquides, gaz et vapeurs nocifs, radiations, particules à haute densité énergétique. Il y a lieu aussi de s'assurer que le nouvel employé a les aptitudes visuelles requises par sa tâche. Il faut enfin améliorer l'efficacité et supprimer l'inconfort en procédant, le cas échéant, à une analyse des tâches: distance entre l'oeil et le plan de travail, mouvement de la tâche, couleurs devant être perçues, densité de l'éclairage au point de travail et dans l'entourage, direction de la lumière, éblouissements, contrastes... * Ce cours d'optométrie occupationnelle donne 3 crédits et consiste en 45 heures d'enseignement théorique et en 90 heures de recherche et de travail intellectuel. De plus, lors de la 4e année universitaire, l'étudiant peut choisir un cours optionnel en optométrie occupationnelle qui consiste en un crédit de théorie et 3 crédits pratiques. * Une enquête conduite auprès des optométristes du Québec par la firme CEGIR et dont le rapport nous est parvenu à la fin d'août 1979, démontre que 39.6% des optométristes en cabinet oeuvrent à un titre quelconque en vision industrielle, terme traditionnellement utilisé pour décrire les fonctions de l'optométriste en optométrie du travail.

II ressort donc que la santé et la sécurité au travail impliquent l'existence d'une foule de conditions de travail. C'est d'ailleurs pourquoi ce sont les agents du milieu du travail qui devront surveiller l'application des normes relatives à ces conditions de travail. On comprend que le Livre Blanc ait affirmé que l'approche gouvernementale devait se fonder sur la participation des travailleurs et des employeurs.

Nous pouvons lire à la page 194 du Livre Blanc: "La responsabilité de la santé et de la sécurité des travailleurs n'est pas d'abord celle des professionnels de la santé et de la sécurité. Il faut donc éviter de monter un super-système bureaucratique chargé de "s'occuper" de la santé et de la sécurité des travailleurs en dictant les mesures à prendre et les comportements à éviter. Le gouvernement québécois vise plutôt à créer un ensemble de conditions qui feront que le monde du travail sera en mesure d'assumer lui-même la responsabilité première des mesures de santé et de sécurité qui lui sont nécessaires."

L'Association professionnelle des optométristes du Québec considère que le projet de loi numéro 17, au chapitre de la santé au travail, remplit bien cet objectif du Livre Blanc en ce qu'il pourvoit à une structure de participation réelle et à un mécanisme décisionnel valable. D'autre part, il nous apparaît que des améliorations devraient être apportées au chapitre de la sécurité au travail, pour favoriser une approche multidisciplinaire.

La santé au travail

Le projet de loi numéro 17 prévoit, au chapitre 8, les modalités de dispensation de services de santé au travail. Dans un premier temps, il nous semble important de nous référer au Livre Blanc pour saisir précisément la notion de "service de santé au travail dans l'entreprise". On peut lire en page 150 du Livre Blanc: "DÉFINITION D'UN SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE -Par service de santé au travail, nous entendons un service disposant de personnel médical ou para-médical localisé à l'intérieur ou hors de l'entreprise, et responsable de la mise sur pied de programmes de dépistages des maladies industrielles et de l'application des différentes mesures de premiers secours, de prévention, de classement, de reclassement ou de réinsertion au travail des personnes handicapées."

La responsabilité de ce service sur le plan préventif est donc axée essentiellement sur la détermination de l'état de santé du travailleur à un moment donné, plutôt que sur l'environnement où le travailleur accomplit son travail. Le projet de loi traite plutôt de la sécurité de l'environnement du travailleur aux articles 47 et suivants qui ont trait au "programme de prévention". Le service de santé au travail vise donc tout d'abord à diagnostiquer une déficience dont un travailleur est déjà atteint.

L'Association professionnelle des optométristes du Québec considère que le chapitre 8 du projet de loi contient un ensemble de dispositions qui devraient permettre un dépistage plus efficace des déficiences et des maladies industrielles. Toutefois, l'Association croit que le projet de loi devrait prévoir l'existence d'un comité consultatif de professionnels de la santé lequel aurait pour fonction de conseiller la Commission dans l'élaboration des programmes de santé au travail et dans l'élaboration d'un contrat type en vertu de l'article 81.

D'autre part, l'Association considère que le fait de désigner une personne responsable du programme de santé de l'établissement ne peut qu'assurer une efficacité réelle dans l'application de ce programme. L'Association se demande cependant s'il est opportun de restreindre cette responsabilité aux membres d'une seule profession alors que les fonctions du responsable du programme de santé au travail nous apparaissent essentiellement des fonctions administratives.

À cet égard, il suffit de se référer aux dispositions du projet de loi pour bien saisir la nature administrative des responsabilités du médecin responsable.

Article 93: II élabore un programme de santé et de sécurité en consultation avec l'employeur et voit à sa mise en application.

Article 86: Les services de santé sont fournis sous son autorité.

Article 90: Le personnel professionnel et technique qui collabore à la mise en application du programme relève de lui.

Article 97: II procède, en collaboration avec le chef du département de santé communautaire, à une évaluation des ressources professionnelles, techniques et financières requises pour les fins de la mise en application du programme de santé spécifique.

Cette personne agit donc comme responsable du programme et coordonnateur de toutes les ressources professionnelles: médecine, optométrie, hygiène industrielle...

Dans le même ordre d'idées, l'Association désire attirer l'attention de cette Commission sur une omission à l'article 85 du projet de loi. En effet, cette disposition prévoit:

"85. Le médecin responsable des services de santé dans un établissement, choisi conformément à l'article 88, de même que les autres médecins qui y fournissent des services dans le cadre des programmes visés dans le présent chapitre, sont rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, selon le mode du salariat ou de la vocation, conformément aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la loi de l'assurance-maladie (1970, chapitre 37)." Il nous semble évident que cet article prévoit également le respect des ententes conclues aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. En effet, on peut prévoir que des services optométriques seront dispensés dans le cadre de l'application de la loi soit en centre hospitalier, soit en centre local de services communautaires ainsi que dans les quelques six cents (600) cabinets privés répartis à la grandeur du territoire québécois, garantissant au bénéficiaire la liberté de choix de son optométriste et permettant une accessibilité optimale aux services optométriques. Les optométristes qui dispenseront ces services seront alors régis par les ententes conclues avec le ministre des Affaires sociales en vertu de l'article 15 de la loi de l'assurance-maladie.

En effet, il est peut-être important à cet égard de rappeler que les services diagnostiques rendus par les optométristes constituent des services assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie du Québec. L'Association professionnelle des optométristes du Québec a convenu d'une première entente en 1970, avec le ministre des Affaires sociales. Cette entente se limitait aux services assurés fournis par un optométiste en cabinet privé. En 1978 l'Association professionnelle des optométristes du Québec a convenu avec le ministre des Affaires sociales d'une nouvelle entente s'appliquant en cabinet privé et dans les établissements du réseau public et prévoyant la rémunération à l'acte des services optométriques assurés. Le ministre des Affaires sociales et l'Association ont également signé une lettre d'entente aux termes de laquelle ils reconnaissent qu'il est opportun de favoriser l'intégration des optométristes dans le réseau des établissements. À cet égard, nous avons entamé des négociations avec le ministre des Affaires sociales lesquelles se poursuivent actuellement.

Nous soumettons donc que l'article 85, pour respecter les ententes que nous avons déjà conclues avec le ministre des Affaires sociales aux termes de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, doit être modifié pour faire en sorte qu'il s'applique également aux optométristes.

Nous désirons de plus souligner que cette modification de l'article 85 est essentielle pour assurer la concordance avec l'article 251 du projet de loi: "251. L'article 3 de la Loi de l'assurance-maladie (1970, chapitre 37), modifié par l'article 2 du chapitre 38 des lois de 1970, par l'article 2 du chapitre 47 des lois de 1971, par l'article 2 du chapitre 30 des lois de 1973, par l'article 2 du chapitre 40 des lois de 1974, par l'article 1 du chapitre 60 des lois de 1975, par l'article 2 du chapitre 44 des lois de 1977, et remplacé par l'article 2 du chapitre (insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no 84) des lois de 1979, est de nouveau modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: "Malgré ce qui précède, les services visés dans le premier alinéa demeurent des services assurés même s'ils constituent des services rendus en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (1979, chapitre insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no. 17)." L'article 251 prévoit que les services de santé assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie demeurent des services assurés même s'ils sont rendus en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Or, les services optométriques sont des services assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Ceci implique nécessairement que les services optométriques rendus dans le cadre du projet de loi doivent être rémunérés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Il y a donc lieu de modifier l'article 85 du projet de loi pour y ajouter la notion de service optométrique.

Nous nous permettons de suggérer que, dans le but d'assurer la cohésion requise avec les dispositions de la Loi de l'assurance-maladie et les ententes conclues aux termes de l'article 15 de cette loi entre le ministre des Affaires sociales et les associations représentant les professionnels de la santé, l'article 85 du projet de loi devrait être amendé pour modifier le mot "médecin" par le mot "professionnel de la santé".

La sécurité au travail

Le projet de loi 17 vise à améliorer la sécurité au travail. Tel est à tout le moins l'objectif que le gouvernement s'était fixé dans le Livre Blanc sur la santé et la sécurité au travail.

Nous soumettons cependant que cet objectif n'a pas été atteint de façon satisfaisante par le projet de loi.

La sécurité au travail implique essentiellement une amélioration du milieu de travail ou de l'environnement de même qu'une relation plus positive entre le travailleur et son milieu de travail. Il nous apparaît que les structures mises en place par le projet de loi ne conduiront notamment pas à des modifications substantielles quant à l'objectif de prévention et de sécurité oculo-visuelle, dans les secteurs industriel et commercial.

En effet, les articles 47 et suivants du projet de loi prévoient que l'employeur doit voir à ce qu'un programme de prévention soit mis en application dans son établissement. Ce programme doit inclure au minimum le contenu de la réglementation applicable à l'établissement.

Même si dans l'élaboration du programme de prévention on prévoit à certains égards la participation du comité de santé et sécurité au travail, nous croyons que ces programmes de prévention ne constitueront finalement qu'un assemblage de règlements assez semblables dans leur contenu à ceux présentement en vigueur aux termes de la Loi des établissements industriels ou commerciaux ou des autres législations existantes. Nous ne retrouvons dans le projet de loi aucun élément déterminant pouvant nous laisser croire à une amélioration sensible des conditions de prévention et de sécurité oculo-visuelle dans les établissements industriels et commerciaux.

Nous déplorons en particulier le fait que la participation du comité de santé et de sécurité au travail soit limitée par le projet de loi. Nous trouvons notamment malheureux que l'on n'ait point la possibilité du recours à des optométristes par le comité de santé et de sécurité du travail aux fins d'analyser de façon scientifique les problèmes de sécurité et de santé oculo-visuelle des travailleurs de l'établissement concerné. L'absence de tout recours à une expertise extérieure par le comité de santé et de sécurité du travail de même que les pouvoirs limités de celui-ci nous amène à conclure, qu'en fin de compte, les normes établies par le règlement risquent de n'être que minimales. Nous sommes bien loin de l'objectif de participation du milieu auquel le gouvernement s'est référé à plusieurs reprises dans son Livre blanc.

En terminant, nous désirons attirer l'attention de cette commission sur deux dispositions du projet de loi qui, à notre avis, mériteraient d'être amendées.

D'abord, l'article 40 (2) fait référence à "l'examen médical de pré-embauche". Le projet de loi devant plutôt se référer à "l'examen de santé", tenant compte de l'importance d'une approche multidisciplinaire.

Enfin, nous ne comprenons pas que les cabinets d'optométrie soient inclus par le projet de loi dans la notion de "laboratoire" au sens de la Loi de la Protection de la Santé publique. Car c'est ainsi que nous interprétons cet amendement apporté par l'article 253 du projet. À cet égard, nous nous permettons de demander des précisions dans le cadre de cette commission parlementaire. Si le projet de loi vise effectivement à soumettre les cabinets d'optométrie au régime législatif applicable aux laboratoires il s'agit là d'une approche qui, à notre avis, ne repose sur aucune justification. Le texte devrait donc être amendé en conséquence.

Recommandations

Nous recommandons donc que: 1) l'article 40 (2) soit modifié pour remplacer les mots "examen médical" par les mots "examen de santé". Cette modification devrait également être apportée là où la concordance l'exige. 2) Les articles 84 et 85 du projet de loi soient ainsi rédigés: 2.1)"84. La commission établit chaque année un budget pour les services de santé. Elle attribue une partie de ce budget à chacun des centres hospitaliers où il existe un département de santé communautaire, conformément au contrat intervenu avec ce centre hospitalier. À même la partie du budget qui lui est attribuée, le centre hospitalier rémunère le personnel professionnel, technique et clérical, à l'exception des professionnels de la santé soumis à une entente au sens de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, qui fournit les services de santé au travail ou collabore à la mise en application des programmes de santé au travail. Le centre hospitalier assume en outre, à même ces fonds, les coûts reliés aux examens et analyses de même qu'à la fourniture des locaux et de l'équipement." 2.2)"85. Les professionnels de la santé soumis à une entente au sens de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie qui fournissent des services dans un établissement dans le cadre des programmes visés dans le présent chapitre, de même que le professionnel responsable choisi, conformément à l'article 88, le cas échéant, sont rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, (...), conformément aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie (1970, chapitre 37)." 3) L'article 129 du projet de loi soit modifié pour y ajouter le paragraphe suivant: "Déterminer la composition d'un comité consultatif de professionnels de la santé lequel a pour fonction de conseiller la commission dans l'élaboration des programmes cadres de santé au travail et dans l'élaboration d'un contrat type en vertu de l'article 81 et en désigner les membres. Les professionnels concernés sont nommés à partir d'une liste de noms fournis par les associations les représentant." 4) L'article 253b) du projet de loi soit ainsi rédigé: "253. (...) b) "laboratoire" désigne un lieu aménagé hors d'un établissement pour fabriquer ou réparer des orthèses ou prothèses, pour faire des examens de biologie médicale, notamment dans les domaines de la biochimie, de l'hématologie, de la bactériologie, de l'immunologie, de l'histopathologie et de la virologie, pour faire des examens en

radio-isotopes ou en radiologie à des fins de prévention, de diagnostic ou de traitement de la maladie humaine, ou pour faire des examens dans les domaines de la toxicologie, de l'audiologie, (...) et de la physiologie respiratoire;".

(ANNEXE) LETTRE D'ENTENTE

Les parties reconnaissant le bien fondé de l'intégration d'optométristes à l'intérieur du réseau des établissements, conviennent de former un comité dont les membres devront être nommés par les deux (2) parties au plus tard dans les soixante (60) jours suivant la signature de l'entente. Ce comité aura pour mandat de négocier en application de l'article 15 de la Loi de l'assurance-hospitalisation les objets suivants: a) Le statut et les modes de participation d'optométristes en établissement pour dispenser les services relevant de leur juridiction notamment dans les programmes de santé communautaire, de dépistage et de traitements. b) Les conditions d'exercice des optométristes en établissement, les modes de rémunération ainsi que les normes afférentes à la rémunération. c) Les normes relatives à l'activité professionnelle en établissement.

La présente annexe faisant partie intégrante de l'entente, les parties l'ont signée ce 7 juin 1978.

DENIS LAZURE

Ministre

Ministère des Affaires Sociales

JEAN-MARIE RODRIGUE, o.d.

Président

L'Association professionnelle des optométristes du Québec.

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