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Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de
la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des
mémoires concernant le projet de loi 17, Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson)
remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Gravel (Limoilou) remplacé par M.
Marois (Laporte); M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Ouellette
(Beauce-Nord); M. La-vigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M.
Pagé (Portneuf); M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Gosselin (Sherbrooke) remplacé par M. Alfred
(Papineau); M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre
(Viau), M. Paquette (Rosemont); M. Springate (Westmount) remplacé par M.
Vaillancourt (Orford); M. Samson (Rouyn-Noranda).
Aujourd'hui, nous entendrons d'abord la continuation de la
présentation du mémoire de la Fédération des
travailleurs du Québec; ensuite, la Chambre de commerce de la province
de Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, le
Regroupement écologique québécois, l'Association des
chauffeurs d'autobus du Québec Inc. et l'Association professionnelle des
optométristes du Québec.
Le président de la FTQ a précédé mon
invitation et s'est approché pour continuer la présentation de
son mémoire. Nous en étions rendus aux commentaires et aux
questions du ministre et je souhaite comme vous que cela dure un peu moins
longtemps que la présentation du mémoire.
Fédération des travailleurs du
Québec (suite)
M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous me permettiez
30 secondes, seulement pour faire une mise au point, nous avons
présenté notre mémoire mercredi dernier. Si on se fie
à la plupart des journaux, c'est quasiment comme si on n'avait pas
été là, mais c'est bon de le redire parce qu'il y a des
journalistes qui ont oublié de l'écrire. La FTQ, qui
représente la vaste majorité des travailleurs dans tous les
secteurs et qui est concernée de façon primordiale par le projet
de loi 17, a eu l'occasion de présenter son mémoire aux membres
de la commission et nous sommes ici ce matin pour répondre aux
questions. Évidemment, on sera probablement obligé de s'acheter
un journal pour annoncer cela à la publication, ne pouvant pas trop se
fier aux journaux existants.
Le Président (M. Marcoux): Je ne sais pas si vous suivez
la mauvaise tendance des députés qui ont souvent des commentaires
négatifs.
M. Pagé: Les députés de la
majorité.
Le Président (M. Marcoux): C'est souvent ce qui arrive. M.
le député...
M. Pagé: ... oui...
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, bien sûr, je ne
reviendrai pas sur les commentaires d'ordre général, très
limités dans le temps, que je me suis permis de faire à la suite
de l'exposé du mémoire de la Fédération des
travailleurs du Québec. Pour ouvrir la discussion, je me permettrais de
soumettre un certain nombre de questions et de commentaires, questions
auxquelles je suis certain que les membres de la délégation de la
FTQ voudront bien réagir.
Ma première question concerne une des recommandations que vous
formulez. Bien sûr, il y a toute une série de recommandations dans
votre mémoire, encore une fois. On n'aura vraisemblablement pas le temps
de reprendre toutes et chacune des recommandations en détail. Je tiens
à vous redire que vous pouvez être assurés que chacune des
recommandations sera examinée très attentivement.
Ceci étant dit, une de vos recommandations consiste à nous
suggérer d'augmenter le nombre de personnes, de représentants
siégeant à la commission. Également, vous avez aussi des
recommandations quant au nombre de représentants des travailleurs et des
employeurs, concernant particulièrement le conseil d'administration de
la commission. Je me demande si ça ne recoupe pas aussi d'autres
éléments. Enfin, vous me ferez part de vos commentaires.
Ne craignez-vous pas, quant au nombre que vous proposez on ne
discutera pas le détail du nombre que, passé un certain
cap, en tout cas, la question simplement d'efficacité du fonctionnement
d'un conseil d'administration, qui risque de devenir terriblement
élargi, puisse être entravé par l'ampleur... En d'autres
termes, je serais porté à penser, en tout cas, je suis
porté à craindre que le nombre que vous proposez,
déjà, constituerait un conseil d'administration très
large. N'avez-vous pas de crainte que ce nombre nous mène à une
certaine inefficacité du conseil d'administration? Bien sûr, vous
les évoquez dans votre mémoire, mais je pense qu'il serait
intéressant que les membres de la commission entendent de façon
peut-être encore plus détaillée, parce que vous nous avez
présenté un résumé de votre mémoire, les
motifs qui vous amènent à formuler cette proposition.
"Deuxièmement, en ce qui concerne ce qui apparaît à la page
8 c'est le point 11 de votre résumé; ça revient de
façon beaucoup plus détaillée dans votre mémoire
vous dites, et je cite: "Nous tenons à réitérer
notre revendication pour le droit de retirer son mandat à une personne
que
nous aurions désignée à tel ou tel poste, notamment
dans le cas d'un commissaire". Vous ajoutez: "Dans le cas d'un commissaire, il
faut que les parties..." quand vous parlez de tel ou tel poste, j'aimerais
savoir si bien sûr, là, il s'agit de la commission comme
telle à ce niveau à votre avis, cela concerne aussi les
représentants qui seraient désignés par les syndicats,
dans les cas où il y en a, au comité paritaire dans
l'entreprise.
Partant du principe que le droit de nommer entraîne le droit de
dénommer, il semblait aux yeux de certains c'était le cas
de la CSN, quand elle s'est présentée devant nous que ce
n'était pas clair, et on disait: Si c'est vrai que le droit de nommer
entraîne le droit de dénommer, mettez-le par écrit. La
même chose valait aussi pour la nomination des représentants
à la prévention qui sont nommés, selon le projet de loi
peut-être qu'il y a des ambiguïtés, peut-être
que le texte n'est pas clair, mais l'intention est très claire
quand il y a un syndicat; ils sont choisis par le syndicat, selon les
règlements et les procédures choisis par le syndicat. Encore
là, le droit de nommer entraîne le droit de dénommer.
En ce qui concerne la commission, ce que vous évoquez plus
particulièrement à la page 8, il me semble qu'il serait
intéressant que vous commentiez de façon plus large les notes qui
sont là parce que je ne suis pas certain que cela ressort très
clairement, votre demande, votre revendication pour le droit de retirer son
mandat à une personne que vous aviez désignée à tel
ou tel poste. Dans le cas d'un commissaire, vous ajoutez: II faut que les
parties, notamment la FTQ, conservent ce droit qu'elles pourraient exercer
à l'expiration des mandats. En d'autres termes, est-ce que je comprends
bien en disant qu'à votre point de vue, quant à l'exercice de ce
droit de retirer le mandat concernant une personne dont vous auriez
recommandé la nomination au gouvernement, vous vous voyez exercer ce
droit non pas durant les mandats, mais à l'expiration des mandats,
c'est-à-dire soit de recommander le renouvellement des mandats ou de
recommander un autre nom pour remplacer cette personne? Je pense que c'est une
question qui est extrêmement importante.
Je vous dirai en passant et je ne suis certainement pas le seul
que j'ai pris bonne note de vos commentaires, soit les points 36
à 41, en ce qui concerne la responsabilité ministérielle,
en ce qui concerne les services d'inspection groupés sous
l'autorité de la commission; j'ai pris bonne note de vos commentaires
à ce sujet.
En ce qui concerne le droit de refus sans revenir sur les
enregistrements du premier colloque, et sûrement, j'en suis certain, les
enregistrements du deuxième colloque...
M. Laberge (Louis): On ne le retrouve pas, celui-là.
M. Marois: Vous ne le reconnaissez pas, j'ai gardé la
bobine du deuxième.
Je pense qu'il serait intéressant de vous entendre commenter de
façon un peu plus détaillée deux des demandes. Au fond, il
y en a trois; pour le refus collectif entrepris par le représentant
syndical, je pense qu'on a bien compris votre demande. Mais vous nous proposez
d'éliminer le concept de risques normalement et habituellement
inhérents aux fonctions exercées.
Au fond, si je comprends, vous nous proposez plutôt de retenir
l'approche ontarienne. Je vous dirai très franchement et
j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus ce qui me gêne
dans l'approche ontarienne, c'est que, comme vous le savez, l'approche
ontarienne exclut nommément des gens. Par exemple, les pompiers, les
policiers, des employés d'hôpitaux, des employés, comme ils
disent dans leur jargon en Ontario, "de sanatorium", pour n'en mentionner que
quelques groupes. Bien sûr, le fait d'exclure des groupes par une loi,
ça ne leur enlèvera jamais le droit naturel de refus, mais
ça va leur enlever, par exemple, joyeusement, la protection dans
l'exercice de ce droit-là. Vous demandez particulièrement que la
protection dans l'exercice du droit soit encore plus resserrée que ce
qui est proposé dans l'actuel projet de loi 17.
Vous nous proposez d'imiter l'Ontario et d'exclure certaines fonctions.
Comment nous suggérez-vous concrètement de faire ça? On va
exclure les pompiers? En d'autres termes, je pense qu'il serait
intéressant d'avoir votre point de vue très précis
là-dessus.
Pour l'autre dimension, parce que c'est un peu parfois du jargon
pour ceux qui ont été mêlés aux relations du
travail, c'est un jargon qu'on comprend je pense qu'il serait
intéressant que vous vous expliquiez de la façon la plus
concrète possible. Je pense qu'on va tous admettre qu'il y a là
quelque chose qui serait nouveau par rapport à l'état actuel des
choses en matière de relations de travail, en tout cas par rapport
à l'économie actuelle du Code du travail. Vous nous proposez
d'établir la procédure du statu quo ante dans le cas des mesures
disciplinaires. Bon! Je pense qu'il serait intéressant que vous
expliquiez beaucoup plus largement aux membres de cette commission pourquoi
vous proposez ça. Pourquoi ça vous paraît important.
À votre point de vue, est-ce que ça vient briser
l'économie générale du Code du travail? Ce n'est pas le
statu quo ante en matière de congédiement pour activités
syndicales. C'est vrai, par ailleurs, me direz-vous, et je l'admettrai
volontiers, que le projet de loi 17, tel qu'il est formulé, contient
comme une espèce de commencement de statu quo ante puisqu'il n'est pas
possible de prendre une mesure disciplinaire tant et aussi longtemps qu'il n'y
a pas eu une décision finale de rendue, à quelque étape
que ce soit, en particulier une décision rendue par un inspecteur. Donc,
vous pourriez fort bien soutenir cela peut se défendre comme
point de vue, en tout cas, ça mérite d'être regardé
l'idée que si vous l'accordez en partie, pourquoi ne pas aller au
bout. Mais je pense que
c'est le fond qui est intéressant. Et je pense qu'il serait
intéressant que vous puissiez expliquer aux membres de cette commission
pourquoi vous proposez cela et en quoi c'est fondamental à votre point
de vue.
Je pense que les membres de la commission ont également pris
bonne note de vos commentaires sur l'accord de principe quant à un des
outils retenus qui est la mise en place des comités paritaires. Il y a
des commentaires qui reviennent, qui portent en particulier sur les points 116
à 124 et je vais y rattacher la question des
délégués de chantier aussi; il semble y avoir
ambiguïté. Si je lis bien attentivement votre mémoire, en
particulier quant à l'interprétation de l'article 67 sur le mode
de nomination du représentant à la prévention, je tiens
à redire que ce qu'on propose si le texte n'est pas clair, on va
le clarifier, en particulier à la lumière des recommandations que
vous, et que d'autres groupes, nous ont faites notre intention est que
le représentant à la prévention soit nommé de la
même manière que les membres du comité paritaire qui
représentent les travailleurs. S'il y a un syndicat, qu'il soit
nommé par le syndicat, la jonction devant se faire en ce sens que le
représentant étant un des représentants des travailleurs
qui siégera sur le comité paritaire.
Vous proposez aussi cette idée de délégués
régionaux à la sécurité. Je pense que vous
êtes les seuls à nous avoir formulé cette recommandation,
en tout cas, vous êtes les premiers dans ce sens parmi les groupes
entendus. Je pense que là aussi, il serait intéressant que vous
nous donniez plus de détails sur votre position concrète. En
particulier, est-ce que vous faites intervenir dans l'analyse, la
réalité qui vous amène à formuler une suggestion
comme celle-là, de tout le domaine des non-syndiqués, est-ce que
c'est une des raisons? Si oui, je pense qu'il serait intéressant que
vous nous expliquiez concrètement, en prenant un secteur pour
l'illustrer, purement à titre d'exemple, afin qu'on voie bien de quoi il
s'agit.
Je tiens à dire tout de suite, évidemment vous le
comprenez, que le projet de loi 17 ne prétend pas régler tous les
problèmes de relations de travail, vous voulez nous assurer que les
délégués de chantier, quand ils agissent comme
représentants à la prévention dans le domaine de la
sécurité, bénéficient des mêmes avantages,
des mêmes droits, de la même protection que ceux qui agissent
à ce titre dans les autres secteurs.
Je ne pense pas que je puisse vous dire qu'il soit possible, dans le
cadre de la loi 17, certainement pas, de régler en même temps
toute la fameuse loi des relations de travail dans le secteur de la
construction. Je pense qu'il est légitime que vous demandiez que les
délégués de chantier agissant comme représentants
à la prévention bénéficient des mêmes droits,
de la même protection que n'importe quel autre travailleur ou
travailleuse qui ferait ce travail dans un autre secteur donné. Soyez
assurés qu'on va regarder ça de très près. (10 h
30)
II y a d'autres recommandations qui sont aussi intéressantes dans
le mémoire, mais puisque j'ai promis de ne pas abuser du temps et que
j'ai déjà lancé sur la table toute une série de
questions et de commentaires, je pense que je vais laisser les
représentants de la FTQ nous fournir leurs remarques et réponses
aux questions posées.
M. Laberge (Louis): M. le Président, je remercie le
ministre pour ces questions; ce n'est pas par hasard qu'il a touché
à peu près aux points les plus importants, je pense bien.
Je vais essayer de répondre le plus clairement possible à
ces questions. D'abord, vous avez commencé par la suggestion que nous
faisions d'augmenter le nombre de personnes sur la commission. La raison en est
bien simple, c'est que si on veut une commission vraiment représentative
des milieux les plus directement concernés, c'est la nomenclature que
nous faisons dans le mémoire.
Si vous regardez cette nomenclature de près, les secteurs les
plus importants seraient représentés sur la commission. Y a-t-il
danger que l'efficacité de la commission en soit réduite? Nous
croyons qu'au contraire ça pourra augmenter l'efficacité de la
commission et je m'explique. Il est bien évident que normalement, quand
vous avez une commission formée de 27 membres, ou 25 membres pour
être exact douze plus douze, plus le président
ça peut être un peu plus lourd qu'une commission de onze.
Toutefois, nous croyons qu'au contraire ça pourrait augmenter
l'efficacité de la commission, parce qu'il pourrait y avoir des
comités ad hoc dans différents secteurs. Par exemple, on sait
fort bien que le secteur des mines et métallurgie présente des
problèmes particuliers à cette industrie et il pourrait y avoir
des comités ad hoc de formés avec des représentants de ce
secteur, tant du côté patronal que du côté syndical,
et possiblement un des commissaires adjoints; ce comité ad hoc pourrait
faire rapport à la grande commission. Même chose quand on parle du
secteur de la construction; même chose quand on parle du secteur
manufacturier. Au contraire, nous croyons que ça ajouterait à
l'efficacité de la commission.
La commission pourrait se subdiviser en plusieurs comités ad hoc
et ceux-ci pourraient pousser plus loin leurs études, les
recommandations qu'ils ont à faire et qui seraient
présentées à la commission siégeant dans son
ensemble.
Pour le gouvernement ou pour ceux qui seront appelés à
payer, ça ne veut pas dire énormément plus, puisque ces
personnes ne seront pas à temps plein; enfin les douze viennent de leur
milieu et continuent à oeuvrer dans leur milieu.
Nous croyons, au contraire, que cela augmenterait l'efficacité de
la commission et que cela aurait pour premier résultat de permettre aux
secteurs les plus importants de se sentir directement impliqués dans
tous les travaux de la commission.
L'idée derrière le projet de loi no 17, c'est d'impliquer
les parties. L'idée, c'est de donner aux parties les outils
nécessaires pour qu'elles puissent mieux protéger leur vie, leur
santé. Comme vous l'avez déjà dit et comme nous l'avons
souvent répété aussi, c'est l'état d'esprit qu'il
faut changer. C'est la mentalité. En ayant des personnes de tous les
secteurs siégeant sur la commission, je pense que nous ferions un grand
pas dans cette direction. Vous allez comprendre, j'en suis bien convaincu, que
ce n'est pas par fantaisie qu'on vous a suggéré d'augmenter le
nombre de membres sur la commission; bien au contraire, parce que nous sommes
convaincus qu'en ayant des gens des principaux secteurs siégeant
à la commission, cela pourrait augmenter l'efficacité.
Quant au droit de retirer les gens que nous nommons, évidemment,
dans le mémoire, nous disons qu'à la fin de leur mandat, nous
pourrions soit renommer les mêmes personnes, ou suggérer la
nomination des mêmes personnes, ou en nommer d'autres. Nous croyons aussi
que durant le mandat, bien sûr, par mesure vraiment exceptionnelle, on
pourrait avoir le droit de les changer. Je m'explique. Nous suggérons la
nomination d'un membre qui nous vient d'un secteur. Durant son mandat, ce
représentant change de fonction, il n'est plus représentatif du
milieu. Nous croyons qu'à ce moment, que son mandat soit expiré
ou non, nous devrions avoir le droit de vous suggérer un
remplaçant même si le mandat n'est pas expiré. Encore une
fois, nous réalisons que ce serait pour des choses vraiment
exceptionnelles et ce n'est pas une question de passer notre temps à les
changer.
Quant aux membres qui siègent sur les comités, là,
évidemment, il y a des méthodes d'élection dans chaque
syndicat, il peut y avoir des détails différents, mais cela se
ressemble, même si les mandats peuvent être différents. Il y
a des délégués de départements, par exemple, dans
certains syndicats, qui sont élus pour des périodes bien
précises; dans d'autres, ils sont élus et ils demeurent en poste
tant et aussi longtemps qu'une autre élection n'est pas tenue. Nous ne
croyons pas devoir toucher à cela. Ce sont des représentants, des
membres de ces différents syndicats et, selon nous, on peut laisser sans
aucune inquiétude le soin aux syndicats de nommer leurs
représentants de la façon qu'ils élisent normalement les
membres des autres comités du syndicat.
Les fonctions acceptées. Évidemment, c'est un sujet
délicat et nous pensons que la seule façon d'aborder ce
problème, c'est de l'aborder de front, très franchement et
très honnêtement. Il est bien évident qu'un pompier ne peut
pas dire: II y a un incendie, c'est dangereux et je n'y vais pas. C'est bien
évident, sauf que même pour un pompier, par exemple, qui combat un
incendie et cela fait partie de ses fonctions inhérentes de
combattre les incendies il y a des conditions qui sont
différentes d'un incendie à l'autre. Par exemple, si un incendie
fait déjà rage depuis une heure à quelque part et si le
chef des pompiers veut envoyer les pompiers sur le toit pour combattre
l'incendie, cela représente un danger qui n'est pas inhérent aux
fonctions. C'est déjà arrivé on le sait sur
la rue Sainte-Catherine à Montréal, entre autres, où des
pompiers sont allés sur le toit. Le toit s'est effondré et quatre
pompiers sont morts d'un coup. Tout le monde sait qu'il meurt plus de pompiers
en devoir qu'il meurt de policiers. Ce n'est pas une comparaison odieuse que je
fais. C'est pour illustrer tout simplement une situation de fait. Il y a des
dangers inhérents à la fonction de pompier, à la fonction
de policier.
Il y a des dangers inhérents à plusieurs fonctions
d'employés d'hôpitaux, par exemple. Il est bien évident que
pour un employé qui travaille dans un laboratoire avec des
bactéries, il y a un danger inhérent à ses fonctions, sauf
qu'à un moment donné je ne sais pas, moi si le vase
qui contient les bactéries est cassé ou si l'équipement
qu'on donne au travailleur est percé ou des choses semblables, cela
représente un danger additionnel. Les gardiens de patients, par exemple,
dans les hôpitaux psychiatriques; il est bien évident que l'Etat
ou la société ne peut pas se payer le luxe d'avoir un gardien par
malade. Par contre, si, en temps régulier, en temps normal, usuel, un
gardien pour dix ou douze patients, cela peut être suffisant, des
situations particulières arrivent où, par exemple, un des malades
fait une crise. Envoyer un garde-malade tout seul pour essayer de
rétablir la situation, cela représente un danger qui n'est pas
habituel. À ce moment-là, le travailleur concerné devrait
avoir le droit d'exiger qu'on lui envoie de l'aide ou de refuser tout
simplement d'y aller parce qu'il met sa vie en danger. Vous savez que c'est
arrivé et vous savez qu'il y a déjà eu des travailleurs
pris dans des circonstances semblables qui ont été traduits
devant des comités de discipline parce qu'à un moment
donné, pour essayer de se défaire des attaques, ils ont
bousculé quelque peu certains malades.
Je pense que la seule façon de faire cela, c'est de regarder les
fonctions une à une. Encore une fois, nous comprenons qu'il y a des
fonctions où il y a des dangers. Un travailleur de la construction, il
est bien évident que, quand il monte à 50 ou à 75 pieds,
cela représente un danger, sauf qu'on n'est pas obligé de le
faire monter à 75 pieds sans aucune protection. Il y a des ceintures. Il
y a des équipements. Il y a un tas de choses. Il y a des garde-fous qui
sont supposés le protéger. Vous vous souviendrez peut-être,
M. le ministre, que, lorsque le ministre du Travail du temps, M. Couture
était allé visiter un certain chantier, il avait mis la main sur
un supposé garde-fou qui était là pour la
sécurité des travailleurs et seulement en mettant la main dessus,
le garde-fou était tombé en bas. Cela avait ouvert les yeux du
ministre. Des affaires comme cela, il y en a en masse sur les chantiers. Encore
une fois, il ne s'agit pas pour nous que le travailleur ait le droit de dire:
Moi, je refuse de monter à 50 pieds, c'est dangereux. Non.
Évidemment, cela fait partie de sa fonction de monter à 50 pieds,
sauf qu'il y a des précautions à prendre pour s'assurer au moins,
qu'autant que possible, sa
vie est protégée par les équipements, par les
méthodes de prévention qu'on peut mettre à sa disposition.
C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on se réfère au
principe de la loi ontarienne non pas au contenu de la loi ontarienne
qui a voulu énumérer certains postes.
Comme je vous l'explique, en énumérant certains postes, on
peut quand même essayer d'écrire quelque chose qui va permettre
à ces travailleurs, lorsqu'il y a un danger qui est loin d'être
commun à l'exercice de leurs fonctions qui, normalement, sont
dangereuses, qui pourrait leur permettre quand même, dans certaines
circonstances, de refuser de travailler. On ne veut pas qu'il y ait plusieurs
fonctions qui soient complètement exclues du droit de refus. Cela n'a
aucun sens. Par contre, on sait fort bien que le droit de refus d'un
travailleur pour un poste dangereux ne peut pas, non plus, y aller, de
façon générale, sans mentionner les cas particuliers.
À la page 12, vous parlez de statu quo ante. Évidemment,
ça fait partie du droit de refus. Il y a le droit collectif. Je ne sais
pas si vous avez besoin de renseignements additionnels à savoir ce qu'on
veut dire par le droit collectif. Ce n'est pas d'arrêter une usine de 500
travailleurs parce qu'il y a un département ou une section quelque part
où il pourrait y avoir du danger pour trois ou quatre. Ce n'est pas
ça du tout. Les représentants du syndicat, normalement, devraient
être mieux formés sur les dangers que représentent les
opérations dans une entreprise, devraient être plus
sensibilisés à la prévention. On a bien l'intention de
former les représentants syndicaux partout, dans tous les domaines, dans
tous les secteurs, pour qu'ils puissent vraiment se servir de ce nouvel outil
que sera le projet de loi no 17. Nous espérons que ce seront de nouveaux
outils à la disposition des travailleurs. Les bien former. Ils devraient
normalement être mieux en mesure de juger d'une situation, mais le droit
de l'individu demeure sacré pour nous. L'individu doit avoir le droit de
refuser d'accomplir une tâche si, lui, croit que c'est vraiment dangereux
pour lui.
Le statu quo ante, ce que ça veut dire, c'est tout simplement
ceci. Cela veut dire que ce droit ne serait pas illusoire. Ce ne serait pas
quelque chose sur papier, comme on a actuellement dans l'industrie de la
construction, alors que le président de l'AECQ est venu vous dire qu'il
n'y avait pas eu un arrêt de travail sur la santé et la
sécurité dans l'industrie de la construction en 1978. Quand on
regarde le nombre de morts et de blessés, il aurait dû y en avoir.
Mais il n'y en a pas, tout simplement, parce que c'est un droit illusoire.
À moins que le travailleur ait conscience que la loi le protège
vraiment, c'est difficile pour un travailleur de décider d'arrêter
de travailler.
Ce que nous suggérons, comme formule médiane, c'est que
dès qu'un travailleur décide de refuser de travailler, il avise
son représentant syndical. Cela peut être le préposé
à la prévention, cela peut être un membre du comité.
Son représentant syndical regarde la situation et s'il est d'accord avec
le travailleur, pour la période qui s'étend à partir du
refus du travailleur, de l'endossement de sa position par son
représentant syndical, jusqu'au moment où, ultimement, la
commission tranchera, ça, ce serait le statu quo. L'employeur ne
pourrait plus revenir contre le travailleur pour cette période.
Évidemment, à ce moment-là, les employeurs, le
gouvernement et nous, tout le monde serait intéressé à ce
que cette période soit la plus courte possible. On ne désire pas
l'étirer à six mois. Que la période soit très
courte, nous en sommes. Mais que le travailleur, qui exerce son droit
d'après la loi, tant et aussi longtemps que la commission n'a pas
tranché, l'employeur ne peut plus revenir contre lui pour cette
période.
Évidemment, si le travailleur, dans son esprit, c'est toujours
dangereux et s'il décide de continuer de refuser, il pourrait être
sujet à des mesures disciplinaires et il y aurait le processus que vous
suggérez dans le projet de loi no 17. Mais tant et aussi longtemps que
la commission n'aurait pas tranché, ce que nous suggérons, c'est
que le travailleur se sente en complète sécurité et ne
puisse pas être accusé d'avoir refusé de travailler de
mauvaise foi.
M. Marois: M. Laberge, je m'excuse, simplement pour qu'on
comprenne bien ce que vous voulez dire. Dans le processus prévu par le
projet de loi no 17 actuellement, première étape: discussion avec
le contremaître; les parties s'entendent, c'est réglé.
Deuxième étape: le comité paritaire. Troisième
étape: le cas échéant, l'intervention de l'inspecteur qui
aura une décision finale. (10 h 45)
Ce que prévoit le projet de loi, jusque-là, interdiction
de prendre des mesures disciplinaires, et la décision de l'inspecteur
devient exécutoire, en ce sens qu'elle doit être appliquée.
On peut contester cette décision, le cas échéant,
jusqu'à la commission; vous dites "jusqu'à". S'il devait y avoir
contestation de la décision de l'inspecteur, si je comprends bien votre
position, et que la commission était appelée à trancher,
jusqu'à ce qu'elle tranche, ce serait pour cette période que
s'appliquerait la protection complète que vous évoquez pour les
travailleurs qui exercent ces droits.
Je comprends, en d'autres termes, ce que vous demandez, dans le cas
où un employeur estime, après la décision de l'inspecteur,
que le droit a été exercé de mauvaise foi. En fait, on a
vu très peu de cas de ce genre; le cas qui m'a été
rapporté, c'est un cas en Saskatchewan, sur une période de quatre
ans, les tribunaux ont sanctionné. Je pense qu'on comprend très
bien votre position en ce qui concerne "jusqu'à l'intervention de la
commission". Dans le cas où, tel que c'est prévu
présentement, un employeur, après la décision de
l'inspecteur, estimerait qu'il est à même de faire une preuve de
mauvaise foi ce qui est une preuve pas facile à faire, il faut
qu'elle soit étoffée, et, à ce moment-là, il y a
des procédures prévues, cela peut aller jusque devant le Tribunal
du travail, le cas échéant est-ce que dans ce cas
aussi
vous demandez l'application de la procédure de statu quo
ante?
M. Laberge (Louis): Jusqu'à ce que la commission
tranche.
M. Marois: C'est-à-dire, jusqu'à ce que la preuve
ait été faite devant le Tribunal du travail, le cas
échéant, d'une mauvaise foi, que le ou les travailleurs ou
travailleuses bénéficient d'une protection complète.
M. Laberge (Louis): C'est en plein cela.
M. Marois: Est-ce que je comprends aussi que vous demandez le
même genre de protection en ce qui concerne les représentants
à la prévention dans l'exercice de leurs fonctions?
M. Laberge (Louis): C'est en plein cela. M. Marois:
D'accord. Je m'excuse.
M. Laberge (Louis): L'autre question que vous nous aviez
posée enfin, il en reste deux c'est la question des
délégués de chantier. Encore une fois, nous sommes
obligés de revenir là-dessus. Vous dites: On ne peut pas, de par
le truchement du projet de loi no 17, changer un tas de choses qui existent et
qui peuvent être mises en doute. Mais il reste que, si la loi 30 n'est
pas changée, le projet de loi no 17, pour la construction, c'est de la
foutaise, et je m'explique. La loi 30 prévoit que, dès qu'il y a
sept travailleurs sur un chantier, ils ont le droit d'élire un
délégué, n'importe qui. Ils peuvent élire n'importe
qui qui n'aura jamais suivi de cours de formation en prévention, qui
n'aura jamais rien suivi. C'est pourquoi, depuis quelque temps, on a
énormément de difficultés à nommer des
délégués de chantier. Si on veut que les comités
paritaires fonctionnent dans les usines, il va falloir avoir des gens
sensibilisés à la question, des gens bien formés, au
courant des plus récentes techniques, et c'est la même chose dans
la construction. On ne peut quand même pas espérer former au
même niveau tous les travailleurs de la construction. Bien sûr,
l'idéal serait que tous les travailleurs de la construction
reçoivent un entraînement poussé sur les mesures de
prévention sur la santé et la sécurité,
évidemment, mais il ne faut quand même pas rêver en
couleur.
Si on est pour avoir des délégués de chantier
efficaces, il faudra qu'ils soient formés et bien formés. Nos
syndicats ne peuvent quand même pas former tout le monde si la loi ne
leur permet pas d'avoir des délégués qui seront
délégués de chantier tant et aussi longtemps qu'ils
n'abuseront pas de leurs fonctions. On a même suggéré, et
c'est annexé à notre mémoire, un code d'éthique,
une formule pour prendre soin de délégués de chantier au
cas où ça arriverait et qu'il y aurait des abus. Mais il faut
absolument que, dans la construction, on puisse former ces représentants
qui seront des délégués de chantier au même titre
que nous avons des délégués de département, des
membres de comité paritaire, de par la loi 17; autrement, encore une
fois, c'est de la foutaise.
On parle de représentants sectoriels. Dans l'industrie de la
construction, nous n'avons pas le choix, je pense bien, et, apparemment, le
président de l'AECQ était d'accord là-dessus, il doit y
avoir une association sectorielle parce que vous n'avez pas la même
situation dans les chantiers.
Quand on sait que la moyenne de la durée des chantiers, c'est
entre cinq et six semaines, vous comprenez bien qu'il y a beaucoup de chantiers
qui ne durent pas tellement longtemps, surtout qu'il y a beaucoup de chantiers
où la présence d'un certain nombre de travailleurs d'un
même métier sur un chantier qui ne dure qu'en moyenne cinq ou six
semaines, ce n'est que pour quelques jours. Alors, essayer de former des
comités paritaires et tout le tralala dans ces cas-là, c'est un
peu utopique.
Mais l'association sectorielle pourrait se nommer des
représentants des travailleurs qui auraient pour tâche d'aller
dans les petits chantiers et remplacer sur ces chantiers-là les
travailleurs qui seront nommés par les syndicats les plus
représentatifs sur le chantier pour représenter les travailleurs
et les aider dans la cause de la prévention.
M. Boudreault (Émile): M. le Président, avec votre
permission, je voudrais faire juste une remarque générale qui
s'applique à l'ensemble des questions auxquelles mon camarade Louis
Laberge a répondu. Les principes énoncés dans le livre
blanc et particulièrement à la page 194 où il est dit que
le gouvernement québécois vise plutôt à créer
un ensemble de conditions qui feront que le monde du travail le titre en
est Une Approche fondée sur la participation des travailleurs et des
employeurs sera en mesure d'assumer lui-même la
responsabilité première des mesures de santé et de
sécurité qui lui seront nécessaires, nous avons cru
à ça et l'ensemble de nos... Même avant que ce soit
écrit, parce que l'ensemble de nos documents, qui sont disponibles et
qui ont été distribués, depuis 1975, sont bâtis par
nos délégués en congrès et en colloque dans cet
esprit-là. Dans l'esprit de lancer le défi à l'autre agent
social, de voir si on peut avoir une participation pour établir des
conditions saines et sécuritaires sur les lieux de travail. L'ensemble
de nos revendications c'est ça, à partir de la formation de la
commission. Si on veut vraiment... J'ai entendu des associations patronales et
d'autres se scandaliser de l'ampleur des pouvoirs qui seront accordés
par le projet de loi à cette commission et, dans le même souffle,
parler de participation des travailleurs. C'est un peu comme celui qui disait:
"Every man for himself", comme disait l'éléphant qui dansait avec
le poulet. C'est une participation d'un employeur très puissant, dans un
grand nombre de cas, qui voudrait avoir des travailleurs sans aucun outil
d'expression ni aucun outil de défense de leurs droits.
La participation n'est pas possible, M. le Président, à
moins d'avoir une espèce d'équilibre
des pouvoirs, une espèce de cadre législatif qui
établit une espèce d'équilibre des pouvoirs. Ce n'est pas
possible, au niveau d'une grande commission, avec autant de pouvoirs que ceux
que celle-là va avoir, à moins que ce ne soit
représentatif des secteurs.
Les secteurs ont été nommés d'une façon
globale, mais chacun des secteurs qu'on a suggérés à la
page 11 de notre mémoire regroupe aussi un très grand nombre
d'autres secteurs. On s'en est tenus, dans notre proposition pour la formation
de la future commission de la santé et sécurité au
travail, à vraiment l'essentiel, à notre avis, d'une
représentation normale des parties en milieu de travail, des agents
sociaux en milieu de travail dans une commission qui va avoir un rôle
à remplir dans le domaine de la prévention, un rôle
très très important avec beaucoup beaucoup de pouvoirs. Mais le
pouvoir, ce sera à qui finalement? Cela devrait être aux parties.
Bien sûr qu'il y aura un président. Cela prend toujours quelqu'un
qui représente le gouvernement pour décider
éventuellement, mais ce seront les parties... Je ne peux pas comprendre
que les parties qui parlent de participation s'effraient par la suite de
l'ampleur des pouvoirs qui leur sont donnés.
On a vu une association patronale citer in extenso le paragraphe que je
viens de lire et, ensuite, s'effrayer qu'on donne des pouvoirs à une
commission où ils vont être eux-mêmes. Mais c'est quoi,
ça? En ce qui concerne les délégués de chantier, M.
Laberge a répondu à la question. Je voudrais tout simplement me
scandaliser avec vous autres de l'indécence d'associations patronales
dans le domaine de la construction qui osent citer le rapport de la commission
Cliche. Ce serait peut-être important qu'elles relisent les paragraphes
qui dénoncent le banditisme des employeurs de la construction et aussi,
un autre paragraphe qui dénonce la collusion avec certains
représentants du gouvernement dans ce temps-là. C'est aussi dans
le rapport de la commission Cliche.
Je ne peux pas comprendre qu'une association patronale... D'ailleurs,
quand un office, qui est chargé de la protection, de l'administration du
décret, de s'assurer du respect du décret, est obligé de
recourir à des injonctions pour faire respecter un ordre... C'est dans
le dernier bulletin de l'Office de la construction. À la suite d'un
ordre d'un inspecteur de l'Office de la construction pour une grue c'est
un cas l'employeur a passé outre aux scellés, a fait
sauter les scellés et a continué de se servir de la grue. Cela a
pris une injonction en Cour supérieure pour l'arrêter. Ils ne
trouvent pas que cela va assez vite. Depuis quelque temps, ils se servent de
deux par quatre pour assommer les inspecteurs de l'Office de la
construction.
Et ils ont l'indécence de référer au rapport
Cliche, qui n'a pas poussé son enquête assez loin, parce qu'il en
serait venu exactement aux mêmes conclusions. Ces employeurs ne perdent
pas leur permis, M. le Président; ils continuent à construire. Ce
que je voulais dire, en gros, c'est que toutes nos recommandations à
votre commission sont basées sur le fait qu'on croit que la seule
façon d'instaurer la participation des parties, c'est à partir de
porte-parole des parties. Or, les porte-parole des parties,
indépendamment du pourcentage de syndicalistes, dans quelque secteur que
ce soit, ce ne sont pas les travailleurs non syndiqués; ce sont les
travailleurs qui ont une voix. Cela prend une voix pour pouvoir participer.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Laberge, M.
Boudreault, M. Lajoie, M. Pouliot, MM. de la Fédération des
travailleurs du Québec, merci pour la présentation de votre
mémoire. On a pris connaissance de votre document. On a pris
connaissance, avec beaucoup d'attention aussi, du résumé de votre
mémoire que M. Boudreault et M. Laberge nous ont exposé mercredi
après-midi dernier. J'ai presque envie de vous dire, en boutade, que
j'avais pensé, avant de vous entendre mercredi dernier, à ne pas
vous poser de questions. Je vais vous dire pourquoi. Avant la
présentation de votre mémoire, j'étais convaincu que
c'était un oui inconditionnel de la part de la Fédération
des travailleurs du Québec et particulièrement de son
président, M. Laberge, à l'égard du projet de loi 17. Me
référant en cela aux coupures de presse, aux commentaires dans
les journaux, à la radio, à la télévision, j'avais
l'impression que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes quant
à la position de votre centrale à l'égard du projet de loi
17. Je m'étais dit je continue ma boutade J'ai presque
envie de ne pas leur poser de questions, parce que ça me semble
être l'amour le plus parfait entre la FTQ et le ministre et des amoureux,
cela n'a jamais été dans mes habitudes de les déranger
quand ils se bécotent. Lorsque j'ai lu votre mémoire...
M. Laberge (Louis): Votre discrétion vous honore. (11
heures)
M. Pagé: ... lorsque j'ai pris connaissance de votre
résumé, je me suis aperçu que ça n'allait plus pour
le mieux dans le meilleur des mondes et que les informations recueillies
à partir de coupures de presse ou autrement n'étaient pas
nécessairement fondées. D'ailleurs, vous-même, M. Laberge,
vous en faites état ce matin en adressant des réserves qui
peuvent être justifiées à l'égard de la presse.
Tout ça pour vous dire que c'est bien intéressant et
l'échange que vous avez eu avec le ministre, les commentaires que vous
avez ajoutés à la présentation de votre mémoire
m'ont permis de constater que vous exprimez plusieurs réserves à
l'égard du projet. Vous n'allez pas nécessairement dans le sens
d'un oui inconditionnel, au contraire, je l'interprète comme
étant un oui conditionnel à ce que certaines modifications soient
apportées au projet de loi et c'est dans ce sens que, aujourd'hui, je
suis bien heureux de vous poser ces questions.
Vos représentants, M. Boudreault entre autres, ont
été ici depuis le début des travaux de la commission pour
entendre les mémoires. Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est dit
antérieurement, nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion de
discuter et, quant à moi, de faire part de la position de l'Opposition
officielle, du parti politique que je représente, à
l'égard de plusieurs des aspects dudit projet de loi.
Vous avez eu l'occasion de prendre connaissance d'une réserve
générale que nous constatons à l'égard du projet,
à savoir que nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi no 17
impliquera une meilleure participation des travailleurs à cette cause
qu'on doit avoir en commun, qui est la recherche de l'élimination des
accidents du travail et des causes de maladies industrielles ou
professionnelles.
On a discuté surtout sur un principe de base, c'est-à-dire
qu'est-ce qui doit être dans la loi et qu'est-ce qui doit être
négocié. Nous avons mis l'accent, quant à nous, sur le
principe que le plus possible doit être laissé à la
négociation des parties.
Nous avons exprimé notre crainte, et nous avons toujours cette
crainte, que le projet de loi no 17 vienne mettre de côté ce qui
s'est fait de positif, à certains égards, dans plusieurs secteurs
d'industries, dans plusieurs secteurs d'entreprises au Québec. Somme
toute, le projet de loi no 17 comporte l'adoption par la Commission de
santé et de sécurité du travail d'un programme minimal
j'insiste beaucoup là-dessus, c'est là notre grande
crainte d'un programme-cadre minimal de santé et de
sécurité, mettant de côté des programmes qui sont
actuellement en application dans certains secteurs d'industries et qui peuvent
aller au-delà de la norme minimale qui sera adoptée par la
commission.
Ce qui s'est fait de bien, parce qu'il s'en est fait; d'accord,
je conviens avec vous qu'on peut lancer des roches à beaucoup de monde
dans le dossier de la santé et de la sécurité, il y a des
gens au Québec qui ont agi de façon tout à fait
irresponsable, mais ce n'est pas le cas de tout le lot des travailleurs, des
employeurs et des entrepreneurs au Québec. Il y a des choses positives
qui ont été faites au Québec.
Notre crainte, c'est que le projet de loi no 17 constitue un frein
à certaines initiatives qui ont vu le jour au Québec et qui ont
été le résultat de la négociation, parce qu'il y a
des syndicats qui se sont occupés de santé et de
sécurité du travail depuis déjà un bon bout de
temps et on doit lever notre chapeau devant ces gens.
Mercredi après-midi dernier, dans un de vos commentaires, M.
Laberge, vous nous avez dit: Ce serait manquer d'expérience je
vais essayer de vous citer au texte le plus possible que de favoriser et
de laisser l'initiative, en matière de santé et de
sécurité, à la libre négociation des parties. C'est
un principe qu'on défend, qu'on a défendu et que je
défends personnellement.
Je vais faire un commentaire général et, par la suite,
j'aimerais avoir vos commentaires, quitte à revenir avec des questions.
Qu'a-t-on actuellement? Le cadre juridique qu'on a actuellement, c'est que les
syndicats peuvent négocier tous les aspects de ces questions relatives
à la santé et à la sécurité à
l'intérieur des conventions collectives et lorsque les conventions
collectives sont échues. Dans le moment, il y a place pour de la libre
négociation; c'est le cadre juridique actuel.
Le cadre juridique qui nous est proposé par le projet de loi no
17, c'est le droit de refus. Le droit de refus existe, c'est un droit naturel,
c'est un droit fondamental qui est d'ailleurs reconnu par la jurisprudence; le
projet de loi no 17 vient le libeller, vient lui donner une définition
légale par le fait qu'il est prévu au projet de loi no 17 et
qu'il est dans le projet de loi no 17.
Dans le droit de refus, comme tel, vous avez plusieurs réserves.
Vous avez des réserves quant aux circonstances où le droit de
refus peut être exercé. Vous êtes revenus sur la question
des pompiers, sur la question d'un danger qui n'est pas inhérent
à la fonction. Vous avez des réserves quant à l'exercice
individuel du droit de refus par rapport à l'exercice collectif et vous
avez aussi des réserves quant au statu quo ante, entre autres dans le
secteur de la construction particulièrement, où c'est plus en
évidence.
Quant au programme de prévention, le cadre juridique, ce qui est
prévu dans le projet de loi no 17, ce projet consacre l'initiative au
patron; entre autres, c'est clairement indiqué aux articles 47 et 63,
troisièmement, quatrièmement et septièmement. En ce qui
concerne la prévention, il y a quand même un arbitrage qui est
obligatoire dans les cas de mésentente au comité paritaire,
mésentente entre la partie patronale, les représentants de
l'employeur et les travailleurs du syndicat. S'il y a mésentente, il y a
un arbitrage obligatoire qui s'en va directement à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.
Mais moi, des arbitrages obligatoires, je ne trouve pas qu'avec des
mécanismes comme ceux-là on atteigne une véritable
participation des travailleurs. Qu'on me parle de participation des
travailleurs et de prise en charge des travailleurs, c'est beau, c'est à
la mode à l'occasion et cela fait plaisir à bien du monde qu'on
en parle, mais on peut en parler avec plusieurs significations. Nos
représentations ont été faites en ce qui concerne les
comités paritaires comme tels dans ce sens, on a exprimé la
crainte que cela devienne seulement des comités de partage et de
placotage parce que, dès le moment où ils seront en
désaccord, ce sera un arbitrage obligatoire au niveau de la commission.
C'est le régime proposé. Quant aux programmes de santé,
encore là, ils sont maintenus sous la responsabilité du
réseau public. La Commission de la santé et de la
sécurité va adopter un programme-cadre qui s'appliquera à
toutes les entreprises, programme dont les objectifs devront être
atteints par toutes les entreprises établies dans la catégorie
des entreprises couvertes où il y a plus de dix employés. Le
comité paritaire, le comité local aura à choisir un
médecin. Encore là, en cas de mésentente entre la partie
patronale et
les représentants des travailleurs, arbitrage obligatoire encore
une fois.
C'est le choix du médecin si les parties ne s'entendent pas; ce
ne seront pas les parties qui vont choisir. Quant aux initiatives qui viendront
strictement dans l'aspect santé je mets de côté
l'aspect hygiène industrielle, je mets de côté l'aspect
technologique ou technique d'action au chapitre de la prévention des
entreprises je ne suis pas convaincu que cet aspect, qui est très
important, demeure entre les mains des parties, parce que ce sera le
réseau public. L'approche, je la trouve un peu simpliste. Je ne veux pas
revenir dans le fond du débat. Le débat, on le fera en
deuxième lecture de l'autre côté. Il y a la crainte de
laisser le choix au médecin ou de laisser l'aspect santé entre
les mains de l'employeur, la crainte de se voir blâmé par les
représentants des travailleurs, la crainte de laisser le choix du
médecin et l'initiative en matière de santé du
côté des travailleurs et ainsi se faire blâmer par les
employeurs, la façon la plus facile de régler ces craintes, c'est
de prendre cela et de le mettre entre les mains d'un autre, qui est le
réseau de santé publique. Je ne suis pas convaincu que c'est de
la participation des travailleurs, que c'est de la prise en charge par les
travailleurs.
Je regarde les deux cadres juridiques, je regarde le cadre juridique
avec lequel vous aurez à vivre et vos travailleurs auront à vivre
avec le projet de loi no 17, et je ne suis pas convaincu que c'est un pas en
avant, sur cet aspect. C'est ce pourquoi je plaidais en faveur du principe de
laisser le plus possible la négociation des parties, quitte à ce
qu'on ait un cadre juridique comme celui-là qui s'applique dans les
secteurs où les travailleurs ne sont pas syndiqués. Face à
tout cela, M. Laberge, vous dites: C'est quand même un pas en avant. Cet
aspect de la négociation, vous y êtes revenu, nous y sommes
revenus. J'aimerais vous entendre là-dessus et sur la position que vous
adoptez. D'accord, vous avez plusieurs réserves spécifiques. Il y
en a une bonne centaine ou presque, comme vous nous avez fait part vendredi
dernier. J'aimerais vous entendre là-dessus sur le cadre juridique qui
est proposé par rapport à ce que cela pourrait être en
laissant le plus possible de pouvoirs à la négociation.
M. Laberge (Louis): M. le Président, je suis bien heureux
que le député de Portneuf ait changé d'avis et ait
décidé de nous poser des questions parce que s'il y a, en dehors
des députés et ministres du gouvernement, un député
en particulier qui s'est préoccupé de ces questions, je pense
bien que c'est le député de Portneuf. C'est pour cette raison que
je vous ai dit au tout début qu'il ne faut pas se fier à ce que
les journaux rapportent. Heureusement qu'après avoir lu les coupures de
journaux, vous avez aussi lu notre mémoire et que vous vous êtes
rendu compte que ce n'était pas un oui inconditionnel. Loin de
là!
Je me suis toujours laissé dire que l'amour parfait n'existait
pas. Il y en a d'ailleurs plusieurs qui, un jour, essaient de détruire
ce qu'ils ado- raient la veille. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie.
Pour nous, tout le domaine de la santé et de la
sécurité... D'ailleurs, on n'a jamais dit que ce serait un manque
d'expérience de laisser cela à la négociation des parties.
On dit: Uniquement à la négociation des parties. Je pense que
cela mérite que nous revenions sur ce point qui est d'une importance
capitale. Si la loi 17 était adoptée et empêchait les
parties de se donner des instruments mieux adaptés qui aillent plus loin
que la loi 17, nous serions opposés avec véhémence
à la loi 17. Il faut évidemment que les parties puissent faire
plus. Nous considérons que la loi 17 serait un minimum.
Ce n'est la faute d'aucun des gouvernements qui sont passés au
Québec. C'est la faute de tous les gouvernements qui sont passés
au Québec, y compris l'actuel gouvernement. S'il n'y a pas plus de
travailleurs syndiqués, c'est que la loi en ce qui a trait à la
syndicalisation des travailleurs est telle que ce n'est pas facile d'aller
syndiquer les travailleurs, surtout dans la très petite entreprise.
C'est une situation de fait. Dans l'entreprise privée, il y a la vaste
majorité des travailleurs qui ne sont pas syndiqués. En laissant
au rapport de forces, à la libre négociation tout le domaine de
la santé et de la sécurité, du revers de la main, vous
éliminez tous ces gens-là.
Mais même pour ceux qui sont syndiqués, il faut quand
même comprendre et nous le vivons journalièrement,
quasiment que faire des grèves, exercer notre rapport de forces
dans le domaine de la santé et de la sécurité, ce n'est
pas toujours quelque chose de facile. Le Syndicat des métallos je
l'ai dit l'autre jour est peut-être le syndicat qui a fait le plus
d'arrêts de travail quant aux questions de santé et de
sécurité, mais c'est assez rare qu'on réussisse à
signer une convention collective et qu'on obtienne vraiment satisfaction dans
le domaine de la santé et de la sécurité. Il y a une
limite à ce que les travailleurs peuvent endurer. Il faut se mettre dans
la tête et il y en a plusieurs parmi vous, membres de la
commission, qui ont assez d'expérience et qui savent ce que c'est
que ce n'est pas drôle pour un travailleur d'être en grève.
Il ne peut pas demeurer éternellement en grève. À un
moment donné, il y a des compromis qui se font. Le rapport de forces
serait injuste pour la vaste majorité des travailleurs, pour tous les
travailleurs non syndiqués, évidemment, mais aussi pour beaucoup
de travailleurs syndiqués. Pour un groupe de travailleurs qui sort d'une
grève qui a duré plusieurs semaines et parfois, malheureusement,
plusieurs mois et que là quasiment tout est réglé sauf la
question de la santé et de la sécurité, il y a une
tentation très forte de se dire: Peut-être qu'on va être
chanceux au cours de la vie de la prochaine convention collective et qu'il ne
nous arrivera pas d'avarie de ce côté-là. Il faut
régler quelque part et cela se règle, mais, encore une fois, nous
sommes, bien sûr, entièrement d'accord avec le principe de la
libre négociation. Nous avons fait tellement de batailles
là-dessus. Nous ne nous croyons pas obligés d'y revenir, mais
laisser tout le domaine de la
santé et de la sécurité uniquement au rapport de
forces serait un manque évident d'expérience parce qu'on sait
que, malheureusement, ce n'est pas dans tous les cas qu'on peut régler
des choses dans ce domaine. Ceux qui sont assez bien organisés pour
pouvoir le faire, tant mieux. Nous applaudissons et nous y souscrivons.
Encore une fois, je le répète il ne faut pas
que la loi 17 empêche les parties de pouvoir négocier mieux que ce
que la loi 17 offre. Nous considérons que la loi 17 est un minimum et
cela ne devrait absolument pas empêcher les parties d'essayer d'obtenir
mieux. (11 h 15)
Vous parlez de l'arbitrage obligatoire. Évidemment, c'est un peu
odieux, l'arbitrage obligatoire. Par contre, nous ne connaissons pas encore
d'autre méthode pour trancher ces questions durant la vie d'une
convention collective. Évidemment, si, contrairement à ce qui
s'est passé au Québec depuis toujours, l'Opposition voulait
maintenant supporter que nous ayons le droit de grève en tout temps, y
compris durant une convention collective, là, je serais d'accord avec
vous en vlimeux pour dire: Laissons aux parties le soin de trancher.
Malheureusement, disons que ce serait quelque chose d'inédit au
Québec qu'il y ait des partis politiques qui, à ce moment-ci,
suggèrent que nous retrouvions le droit de grève en tout temps.
Ceci étant, vu que le droit de grève ne peut pas être
exercé durant une convention collective, ça prend un
mécanisme pour trancher les différends.
Encore une fois, nous serions très soupçonneux face
à l'idée d'avoir l'arbitrage obligatoire si le projet de loi no
17 n'avait pas comme grand principe de base d'éliminer les dangers
à la source. Cela, c'est d'une importance capitale.
On sait que, dans le passé et vous aviez raison de le dire
il y a des endroits, quand même, où il s'est fait des
choses qui ont fonctionné, c'est exact. Il y a des endroits, il y a des
conventions collectives, il y a des ententes où cela a certainement
fonctionné jusqu'à un certain point. On ne veut absolument rien
jeter à terre de ce qui a été construit. Par contre,
encore une fois par rapport au grand principe d'éliminer les dangers
à la source, il est probable que le facteur le plus déterminant
de cette désaffection de beaucoup de travailleurs vis-à-vis d'un
programme de santé et de sécurité, c'est que l'employeur
avait comme première réponse, sinon comme réponse unique,
d'imposer le port d'appareils au lieu d'essayer d'éliminer le mal
à la source.
J'ai donné l'exemple, mercredi dernier: quand il y a un
problème de "fumes" dans un département quelconque, avant de
penser à changer le système de ventilation, on pense à
acheter des masques à gaz. C'est plus simple. C'est plus "cheap". Cela
ne coûte pas aussi cher que de changer la ventilation. Ce genre de chose,
nous n'en voulons plus. Nous voulons que les membres qui vont siéger au
comité aient leur mot à dire dans le choix, la
nécessité de porter des équipements pour la santé
et la sécurité des travailleurs. Par contre, nous
réalisons que le port de certains équipements s'avère une
nécessité absolue dans certaines conditions. Le port du casque
dur sur les chantiers de construction en est un exemple. Mais, encore une fois,
ce n'est pas vrai que, parce que dans un département ou dans une usine,
il y a une section où ça peut être dangereux, on devrait
obliger tous les autres travailleurs à porter des
équipements.
Ce que nous suggérons dans notre mémoire, c'est que la
position prise par les représentants des travailleurs au comité
sur la question du port d'équipements prévale tant et aussi
longtemps que ça n'aura pas été tranché par la
commission. Évidemment, nous croyons que la commission sera
chargée, aura comme responsabilité d'appliquer la loi 17 qui
contient, comme principe de base, l'élimination des dangers à la
source et non pas du "patchage" sur des jambes de bois en forçant le
port d'équipements qui seraient tout autre chose que vraiment et
absolument nécessaires. Je ne sais pas si ça répond
à votre question.
Quant au choix du médecin, il faut bien comprendre que, pour
nous, le choix du médecin, c'est le médecin qui aura à
travailler sur le programme de santé et le programme de
prévention. Ce n'est pas le médecin du travailleur. Cela, c'est
un droit sacré; le travailleur aura toujours le droit de choisir son
médecin. D'ailleurs, on y reviendra quand le gouvernement nous
présentera des amendements, en profondeur, pour me servir des paroles du
ministre, à la Loi des accidents du travail. C'est là que
ça doit être discuté.
Le médecin auquel il est fait référence dans la
loi, c'est le médecin qui aura la responsabilité
d'établir, avec le comité paritaire, un programme de santé
et de sécurité. D'ailleurs, nous avons suggéré
et, apparemment, la plupart des parties qui se sont jusqu'à
présent présentées devant votre commission sont d'accord
avec ça une table ronde, parce que la médecine du travail,
c'est une très mauvaise appellation. On serait mieux de faire un peu
comme l'Organisation internationale du travail d'ailleurs, c'est ce que
nous suggérons et d'appeler ça l'hygiène au
travail. Ce doit être multidisciplinaire; pas rien que des
médecins, mais des ingénieurs, des architectes, enfin, tout le
reste.
C'est pourquoi nous avons suggéré qu'avant l'adoption de
la loi, même, il y ait une table ronde formée de tous ceux qui
sont préoccupés par cette question qui pourraient discuter avec
les membres de l'Assemblée nationale, avec les représentants du
gouvernement et trouver une solution à ce problème
épineux. Pour nous, il ne faut pas essayer de "médiciser" toute
la question de la prévention et toute la question de l'hygiène au
travail.
M. Pagé: Je vous remercie de votre commentaire...
Le Président (M. Marcoux): M. Boudreault.
M. Boudreault: Je voudrais seulement revenir sur un point, M. le
Président. Évidemment, le député de Portneuf touche
une corde sensible
quand il parle d'arbitrage obligatoire parce qu'il sait que ce n'est pas
très populaire dans le mouvement ouvrier, on est prêt à
l'admettre. Dans le fonctionnement des comités de santé et de
sécurité sur les lieux de travail, c'est sûr que ce qu'on
propose, soit l'arbitrage obligatoire, on le propose sur beaucoup plus de
points que c'est proposé dans le projet de loi. On le propose sur tout
le fonctionnement de la loi, éventuellement, ou à peu
près. Cet arbitrage obligatoire a ceci de particulier, c'est que c'est
un arbitrage obligatoire devant un organisme paritaire aussi, où les
parties sont représentées. C'est un arbitrage devant nos pairs,
finalement, avec la différence qu'en fonction d'un employeur en
particulier, s'il y a un différend entre l'employeur et le syndicat, les
représentants des travailleurs se retrouveraient devant des
représentants de l'ensemble de l'agent social, dans l'un ou l'autre des
cas.
C'est curieux que et on le sait au niveau des comités
consultatifs qui fonctionnent à l'heure actuelle - parfois, quand on
parle au représentant attitré de l'ensemble de l'agent social, on
en arrive à des conclusions qui sont passablement différentes de
celles auxquelles on arrive quand on parle à un employeur en
particulier. On pourrait vous citer toute une série d'exemples à
ce sujet. Il nous semble que cet arbitrage parce qu'à un moment
donné, il faut que quelqu'un décide, à moins qu'on se
batte avec des mitraillettes cette implication de l'agent social dans le
règlement des différends pour le fonctionnement d'une loi de
prévention, il semble que c'est parfaitement sain parce que, justement,
toute l'économie de la loi est basée sur le fait que l'organisme
qui va voir à son administration va être un organisme
représentatif des agents sociaux.
M. Pagé: Je vous remercie de votre commentaire. Je vais
tenter d'être quand même assez bref, quoiqu'on pourrait passer
plusieurs demi-heures sur le sujet, ce serait très intéressant.
D'abord, je trouve intéressante et positive votre suggestion d'une table
ronde avec de nombreux intervenants avant la mise en application de la loi.
C'est une façon, je pense, de ne pas "médicaliser" le
problème, parce que le problème, il ne faut pas le
"médicaliser" non plus. Il y a d'autres intervenants que les
médecins dans ce débat qui, de par leurs fonctions, leurs
responsabilités ou leurs connaissances, sont tout aussi importants.
Je vais vous donner un exemple à l'appui de la crainte que nous
avons. Le programme-cadre sera adopté par la commission de santé
et de sécurité. On a des entreprises où cela va bien, et
vous dites que le principe doit être consacré à la libre
négociation des parties pour aller au-delà. À l'article 96
du projet de loi, il est quand même stipulé que l'employeur ne
peut mettre en application un programme de santé additionnel à
celui que prévoit la présente loi sans avoir au préalable
obtenu l'assentiment des représentants des travailleurs au sein du
comité de santé et de sécurité, un programme de
santé additionnel est aux frais de l'employeur... Je m'excuse,
peut-être que le ministre ou un de ses collaborateurs pourra trouver
l'article spécifique où ce programme de santé, avant
d'être en application, doit être déposé à la
commission de santé et de sécurité; c'est bien
écrit dans le projet de loi, je m'excuse, je n'ai pas l'article ici.
M. Laberge (Louis): On n'a pas besoin du numéro de
l'article.
M. Pagé: Le programme spécifique doit être
soumis à la commission de santé. Qu'on prenne un secteur
particulier que vous connaissez, qu'on prenne le secteur de l'amiante. Le
gouvernement, avec le projet de loi qu'il a déposé, avec
l'intention d'acquérir et d'intervenir directement dans le secteur de
l'amiante, le gouvernement sera employeur dans le secteur de l'amiante.
Il y aura un programme de santé spécifique qui
prévoira des normes particulières et précises quant au
contact du travailleur et de la travailleuse avec la fibre de l'amiante. Il y a
certaines entreprises au Québec qui font de la transformation de
l'amiante. M. Lajoie se rappellera certainement le dossier de Atlas à
Montréal, où il y a eu une grève qui a été
longue, qui a coûté cher, je pense, à tout le monde, et
où les travailleurs ont dû se battre, entre autres, pour des
conditions de santé.
Si, dans une entreprise comme celle-là on peut la nommer,
cela a été rendu public, c'était Atlas, à
Montréal, Atlas Asbestos les travailleurs se négocient un
programme de santé, des conditions de travail, entrent même dans
la norme et vont au-delà du programme de santé minimal, ma
crainte à moi, c'est que la commission de santé n'accepte pas
nécessairement ce qui aura été négocié
librement par les parties, à cause de l'effet d'entraînement que
ça pourra éventuellement avoir. Cela peut arriver, et peu importe
le gouvernement ou qui sera là. À la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, la grosse commission,
la commission provinciale, il y aura des représentants, ce sera
paritaire, et il y aura un directeur général nommé par le
gouvernement.
Advenant que le gouvernement craigne que l'acceptation d'un programme de
santé spécifique dans un secteur comme exemple je donne le
secteur de l'amiante ait une répercussion sur toutes ses
conventions dans les autres usines d'extraction où le gouvernement est
lui-même propriétaire, je me dis: Cela peut être une
limitation à la libre négociation. Les gens qui ont librement
négocié un dossier spécifique comme celui-là
peuvent se faire dire non, compte tenu du danger d'effet d'entraînement
et de l'effet économique et peu importe l'effet que cela
peut avoir dans les usines d'extraction. C'est avec des situations bien
spécifiques comme celles-là qu'on aura à vivre, et la
crainte est exprimée, elle est exposée. Je me dis que le
gouvernement et les intervenants devraient mettre l'accent là-dessus,
parce que ça peut être dangereux.
M. Laberge (Louis): M. le Président, c'est sans aucune
espèce d'hésitation que là-dessus je suis
très disposé à dire au député et aux
membres de la commission que si cela arrivait on ne se bat pas, on
n'aime pas se battre contre des moulins à vent là-dessus,
on se battrait comme des chiens. J'ai ici le relevé des effectifs de la
FTQ et, en même temps, cela va peut-être éclairer certaines
personnes. C'est en date des 27 et 28 septembre, et c'est préparé
pour le Conseil général de la FTQ. Si vous voulez, M. le
ministre, je pourrais vous en donner une copie, ce sera bon lorsque viendra le
temps de parler de comité paritaire et de représentation, etc.
Alors, vous arrivez au total de 320 171 membres cotisants.
Nous sommes représentatifs dans tous les secteurs les plus
importants touchés par le projet de loi. Il faut que le projet de loi
soit un minimum établi, encore une fois, comme on l'a dit tantôt,
pour couvrir tout le monde, ceux qui n'ont pas de voix, tous les travailleurs
non syndiqués. Malheuseusement, à moins qu'il y ait des
associations sectorielles et des représentants des associations qui vont
siéger dans les associations sectorielles pour voir à
l'application du projet de loi, nous craignons très fort que, dans la
majorité des cas des travailleurs non syndiqués, cela ne les
protégera pas non plus. Mais pour les travailleurs syndiqués, par
exemple, nous considérons que c'est un strict minimum. Vous pouvez
être assurés que, si nous réussissons à
négocier quelque chose de mieux, qui va plus loin que ce qui est contenu
dans la loi, nous serions tout disposés et tout prêts à
nous battre jusqu'au bout pour l'obtenir. Pour nous, on n'a pas l'intention
d'aller se coucher et s'endormir une fois le projet de loi adopté. C'est
le commencement. C'est le commencement de la mise en place d'un
mécanisme qui nous a toujours manqué, d'abord parce qu'il y a eu
le fouillis de sept ou huit ministères qui avaient des bouts de
juridiction là-dedans et tout le reste, mais c'est la mise en place d'un
mécanisme qui va nous permettre d'oeuvrer directement dans le domaine de
la santé et de la sécurité au travail. (11 h 30)
Pour nous, c'est le commencement. Nous avons l'intention de tout mettre
en oeuvre pour sensibiliser notre monde, pour le former, pour s'assurer du
respect du projet de loi et donner davantage de pouvoirs à ceux qui
peuvent négocier mieux que ce qu'il y a dans le projet de loi.
Maintenant, la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas opposés
à ce qu'un programme de santé établi dans une usine,
après négociations, soit transmis à la commission, c'est
bien simple; c'est qu'on ne veut pas que se reproduise à l'avenir ce qui
s'est trop souvent produit dans le passé quand une lettre de l'employeur
disait: Nous avons mis sur pied un comité paritaire, nous avons
maintenant le droit de recevoir des subventions, alors que, dans le fond, ce
n'était vraiment pas un comité paritaire. Il y avait un club de
chasse et de pêche et ils se rencontraient pour un "party" une fois ou
deux par année.
Nous voulons que la commission où nous serons
représentés puisse s'assurer qu'un programme de santé
établi dans une usine quelcon- que entre au moins dans le cadre des
grands principes établis par la loi. Qu'il aille au-delà de
ça, nous applaudissons. Mais qu'il respecte au moins les grands
principes établis. C'est pour ça que nous croyons que ça
devrait être soumis à la commission, simplement pour s'assurer que
c'est vrai qu'il y a un programme de santé, pas un supposé
programme de santé où on essaie de se sauver des
responsabilités qui sont données par la loi. C'est dans ce
sens.
M. Pagé: D'ailleurs, là-dessus, le ministre nous a
déjà dit qu'il était un peu ébranlé par les
commentaires des intervenants sur les pouvoirs attribués au
comité paritaire, le comité de santé à
l'intérieur de l'entreprise, parce que plusieurs intervenants, comme
nous-mêmes, avons mis en relief le fait que ces pouvoirs étaient
très limités. Ce n'était même pas un
véritable pouvoir de négociation, c'était un pouvoir de
discussion, et, en cas de mésentente, avec l'arbitrage obligatoire.
D'ailleurs, c'est bien prévu à l'article 63, si ma
mémoire est fidèle. De toute façon, on va attendre les
modifications au projet de loi, si modifications il y a, et, sur la foi de
ça, on verra la position à adopter en deuxième et en
troisième lecture, particulièrement en troisième
lecture.
J'aurais un dernier commentaire, M. le Président, à
formuler. Je remercie les représentants de ce matin d'avoir mis l'accent
sur le secteur de la construction. Je suis un peu peiné, quoique c'est
probablement justifiable, le ministre du Travail a pas mal de boulot, qu'il ne
soit pas ici ce matin mon ami d'en face, M. Johnson parce que le
secteur de la construction est particulier. C'est un secteur où je ne
suis pas convaincu que les dispositions prévues au projet de loi 17 font
le tour de la maison, sont libellées de façon telle qu'on pourra
atteindre les objectifs. Vous savez, quant à la norme d'un chantier de
construction de plus de tant de travailleurs et du nombre de semaines où
ils devront travailler, je me dis que je ne suis pas convaincu qu'on pourra
atteindre l'objectif qu'on doit rechercher, tout au moins, dans un secteur
où il y a tellement d'accidents. À ce titre, j'ai bien
apprécié les représentations que vous avez faites, entre
autres, au sujet du statu quo ante, parce que dans le secteur de la
construction, ce serait facile de donner un droit aux travailleurs
là, mes commentaires s'adressent surtout au ministre mais si ce
droit ne peut être exercé, compte tenu du contexte, c'est un peu
illusoire de le libeller, de l'écrire. Le législateur,
normalement, ne doit pas parler pour ne rien dire.
La situation qu'on vit dans le moment n'est pas facile non plus.
L'allusion que vous avez faite aux inspecteurs de l'OCQ, M. Laberge, est
fondée. J'ai exprimé le reproche, au début des travaux de
cette commission, qu'à l'Office de la construction du Québec,
dans le moment c'est regrettable, ce n'est pas la faute des inspecteurs
qui sont là et ce n'est pas la faute des gens de l'OCQ il y a un
règlement de placement qui est tel que les effectifs à l'OCQ font
beaucoup plus de travail relatif au règlement de placement, avec la
classification, les
A, B, C, les références d'embauche à gauche et
à droite, qu'ils ne peuvent faire d'inspection.
Il y a tellement d'employeurs et de petits entrepreneurs au
Québec qui ont des problèmes avec l'OCQ, qu'ils ne sont pas
capables d'embaucher le travailleur qualifié qui a un certificat de
qualification à côté de chez lui; cela a comme
résultat la situation qui prévaut, soit que bien souvent les
inspecteurs se font recevoir avec une brique et un fanal, pour ne pas dire
plus. Pendant qu'ils se font recevoir avec une brique et un fanal, ils ne font
pas d'inspection. Je trouve tout à fait inacceptable que des inspecteurs
en sécurité à l'OCQ cela a été le cas
récemment soient obligés de faire des déclarations
publiques pour dire: On veut être plus d'un pour aller "sur une job",
parce qu'on commence à avoir peur.
Je me dis que le gouvernement a certainement une responsabilité
à ce chapitre. C'est bien de parler de santé, c'est bien de
parler de sécurité, c'est bien de parler d'inspection,
d'effectifs renforcés, de joindre tous les services d'inspection, de
coordination, c'est beau. Cela paraît bien devant une commission
parlementaire, cela paraît bien devant la presse et c'est très
bien; mais dans les faits je ne suis pas convaincu que c'est ça qui se
passe dans le moment.
Alors, j'invite, par le dernier commentaire que je formule, mon
collègue, le ministre d'État au développement social,
à jeter un coup d'oeil particulier sur le secteur de la construction,
à voir jusqu'où il faudra modifier le projet de loi pour
être certain d'atteindre les objectifs que nous nous devons d'atteindre
et à inviter son collègue, le ministre du Travail, à jeter
un coup d'oeil sur la situation qui prévaut actuellement. Je conviens
que le ministre du Travail est pas mal occupé avec le tas de conflits
ouvriers qu'on a au Québec; c'est une autre chose, on pourra s'en
reparler à l'Assemblée, mais il devrait jeter un coup d'oeil
particulier dans le secteur de la construction, et sur ce qui se passe à
l'OCQ dans le moment. M. le Président, c'était là
l'essentiel de mes commentaires. Merci, messieurs.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je voudrais vous dire que j'ai été
retardé de quelques minutes, mais...
Le Président (M. Marcoux): Simplement une
formalité. Je pourrais vous inscrire comme intervenant en remplacement
de M. Brochu (Richmond)...
M. Bellemare: Oui, justement.
Le Président (M. Marcoux): ... s'il y a consentement des
membres de la commission.
M. Pagé: D'emblée.
M. Bellemare: M. le Président, le mémoire qu'a
présenté la FTQ me semble correspondre presque mot à mot
avec ce que j'ai dit quand la CSN est venue. Il y a là un sujet qui
mérite sûrement notre attention puisqu'on ne fait pas seulement
démolir ou essayer de démolir; on dit qu'on a confiance dans
l'avenir.
D'ailleurs, je suis bien appuyé, ce matin, par le juge Beaudry et
par les trois membres de la commission qui a siégé
dernièrement, commission d'étude sur la salubrité dans
l'industrie de l'amiante. Je tiens à le répéter pour
être sûr que je ne manifeste aucune rancune contre personne. Mais
ce que j'ai dit lorsque la CSN est venue, je continue à le penser.
Le mémoire de la FTQ est plus constructif et plus dans la ligne
du progrès qu'on doit faire aujourd'hui; "other days, other ways",
autres temps, autres moeurs. "Malgré ses limites disait le juge
Beaudry, le 10 septembre le projet de loi no 17 sur la
sécurité et la santé du travail représente plus
qu'un simple pas en avant; c'est plutôt un véritable saut en avant
pour l'amélioration des conditions de travail; on passe presque du noir
au blanc. S'il est adopté, ce projet de loi placera le Québec au
rang des pays les plus avancés dans la protection des travailleurs."
Donc, M. le Président, un homme qui est juge et qui est
complètement en dehors du syndicalisme et des mouvements politiques a
pris le temps, avec deux autres membres, d'étudier la salubrité
et la sécurité au travail. Ils ont passé des semaines
à étudier ça, dans un domaine bien précis,
l'amiante, mais ça peut s'appliquer, à juste titre, au projet de
loi qui est devant nous présentement, parce qu'il est dit ceci:
"Maintenant, les trois membres de l'ex-commission Beaudry croient toujours que
le projet de loi no 17 devrait placer le service d'inspection unifié
sous la direction de la commission provinciale de la sécurité et
de la santé du travail." Voici une constatation évidente
où un point précis est touché. Au lieu d'avoir une
législation, comme le disait tout à l'heure l'honorable
président de la FTQ, M. Laberge, éparse dans plusieurs
ministères, on va au moins la regrouper. On fait un pas en avant, on
fait même un saut. Le juge Beaudry dit encore: "Cette législation
introduit non seulement le principe de la prévention des accidents et
maladies, mais elle prévoit aussi des modalités pour faire un bon
bout de chemin dans ce sens."
Est-ce que c'est Maurice Bellemare qui dit ça? Non, c'est le juge
Beaudry qui vient de l'admettre. Je ne veux pas être un flagorneur
à l'endroit du ministre, mais je dis et je répète que j'ai
vécu moi-même une situation assez propice pour me rendre compte
des faits qui sont aujourd'hui étayés dans le projet de loi no 17
et qui en font une loi avant-gardiste. Il y aura certainement des modifications
à apporter; je me réserve le droit de critiquer, lors de
l'étude article par article, certains articles qui me semblent aller un
peu loin.
Quand je lis dans le projet de loi d'ailleurs, M. Laberge et M.
Boudreault ont raison de le dire l'article 7: "Rien dans la
présente loi ou les règlements ne doit être
interprété comme diminuant les droits d'un travailleur en vertu
d'une
convention collective, d'une loi, d'un règlement, d'un
décret, d'un arrêté en conseil ou d'une ordonnance en
vigueur. Là vous avez une protection évidente qu'au moins le
strict minimum qui a été préconisé dans les lois,
les règlements et particulièrement les conventions collectives
sera respecté parce qu'en vertu de la loi, article 7, il y a une
disposition spéciale qui a pris la peine de le dire.
Maintenant, je ne sais pas ce que pense la FTQ sur l'article qui
prévoit un refus au travail. Ne voyez-vous pas dans cela une
différence énorme entre le droit de refuser qui est mal
fondé et l'exercice du droit de refus de mauvaise foi? Ce serait ma
première question. Ne voyez-vous pas dans cela un droit de refus qui est
mal fondé et l'exercice d'un droit de refus de mauvaise foi? Est-ce que
vous pouvez me donner certaines explications? Dans votre mémoire,
à la page 17, vous parlez des moyens d'équipement de protection.
Vous avez parlé du casque tout à l'heure. On peut parler des
gants, on peut parler des bottines. J'aimerais bien savoir si on peut faire la
différence entre le refus d'un gars d'aller au travail et sa mauvaise
foi. C'est difficile, en la matière. C'est ma première
question.
M. Laberge (Louis): M. le Président, je suis bien heureux
des commentaires du député de Johnson. Ce n'est pas la
première fois que nous sommes d'accord sur cette question de
santé et de sécurité. Il y a déjà un petit
bout de temps que nous en discutons. Malgré tout, n'insistez pas trop
trop en disant que notre mémoire est positif et tout cela parce qu'aux
yeux de certaines gens, être positif, de nos jours, ce n'est pas bien
considéré.
M. Bellemare: Je dirai, M. le Président, que la
parenthèse que fait le président de la FTQ n'est pas de mise.
M. Laberge (Louis): M. le député...
M. Bellemare: C'est un mémoire constructif.
M. Laberge (Louis): Nous le croyons et nous sommes bien
convaincus, nous, de l'absolue nécessité d'avoir un projet de loi
qui ramasse tout cela, un projet de loi unifié avec une commission pour
chapeauter tout cela. Vous avez déjà entendu parler la FTQ dans
ce sens, et nous continuons parce que nous croyons que c'est la seule
façon.
M. Bellemare: Admettez que je vous ai rendu justice dans bien des
cas aussi.
M. Laberge (Louis): Je n'ai jamais dit le contraire.
M. Bellemare: Dites-le, toujours. Ce serait le temps.
M. Laberge (Louis): M. le député, vu que j'ai des
élections avant vous, moi c'est au mois de novembre, vous c'est
probablement encore seulement dans un an ou deux, en tous les cas...
M. Bellemare: Pas sûr!
M. Laberge (Louis): Si cela ne vous fait rien, je vais commencer
par penser aux miennes. D'accord. Le droit de refus, évidemment, c'est
un peu, si vous m'en passez l'expression, la pierre d'achoppement du projet de
loi. Sans un droit de refus réel, efficace, un droit de refus qui veut
vraiment dire cela, c'est un peu utopique de penser qu'on pourra vraiment
donner le coup de barre qui est absolument nécessaire pour
protéger la vie et la santé des travailleurs. Je comprends qu'il
y en ait qui soient inquiets et qui disent: Oui, mais un droit de refus trop
clair, il y en a qui vont en abuser. Cela existe ailleurs depuis
déjà un bon bout de temps, et malgré la peur que je ne
qualifierai pas, je ne lui donnerai pas de couleur, mais la peur de certains
à ce sujet, le nombre d'abus qui ont été relevés
dans les autres provinces et dans les autres pays où cela existe est
très minime, pour ne pas dire quasi inexistant. Plus nous aurons une loi
qui va véritablement nous donner l'outil nécessaire pour
protéger la vie et la santé des travailleurs, plus nous serons
intéressés à ne rien faire qui pourrait nuire à
l'application de la loi.
Je m'explique. Si nous avons des lois qui permettent aux travailleurs de
se syndiquer, qui permettent de négocier, qui les protègent
lorsqu'il y a des conflits de travail, qui ne protègent pas seulement un
côté, mais qui protègent les deux, il est bien
évident que nous avons encore plus d'intérêt à
respecter le Code du travail, à respecter toutes les lois. C'est un peu
la même chose dans le domaine de la santé et de la
sécurité. S'il y avait une loi qui ne vous protège pas, je
vais dire: Vous n'avez pas beaucoup d'intérêt à essayer de
respecter une loi qui ne vous protège pas. Mais si nous obtenons une loi
qui nous donne les outils nécessaires pour nous protéger, nous
voulons que cette loi soit respectée. (11 h 45)
Le droit de refus doit être exercé et c'est pourquoi nous
voulons que les centrales syndicales soient mises responsables de ce droit. Le
représentant syndical qui tombe d'accord avec le travailleur qui refuse,
on veut que ce travailleur soit protégé tant que la commission
n'aura pas pris de décision à ce sujet. Autrement vous le
savez, cela existe dans les chantiers de construction le Code de
sécurité prévoit déjà que les travailleurs
de la construction ont le droit de refuser un travail. Pourtant, le
président de l'AECQ est venu s'en vanter, il n'y a pas eu un seul
arrêt de travail, il n'y a pas eu un seul droit de refus d'exercé
en 1978. Pourquoi? D'abord, parce que le travailleur n'est pas payé.
Deuxièmement, parce qu'il se fait sacrer dehors. Troisièmement,
parce qu'il est "blackboulé". Il est mis sur la liste. C'est un
trouble-fête. Cela se passe particulièrement au chantier de la
baie James. C'est un trouble-fête et on ne le reprend plus parce qu'il a
eu le culot de
revendiquer son droit de refuser d'accomplir une fonction qui
était dangereuse pour sa santé et bien souvent pour sa vie. Les
statistiques dans la construction nous démontrent clairement qu'il
aurait dû y avoir des droits de refus d'exercés. Moins de
travailleurs se seraient tués dans ce domaine. Encore une fois, nous
croyons que c'est quasiment la pierre d'achoppement du projet de loi. Un droit
de refus doit être clair. Le travailleur ne doit pas avoir peur
d'être pénalisé s'il exerce son droit. Nous croyons que le
syndicat doit être impliqué dès le début parce que
nous aurons des gens formés, sensibilisés à la question,
au jugement normalement assez sûr et si, à un moment donné,
il y a des abus, il y a toujours des façons de corriger les abus. Mais
la pire chose qu'on peut faire, c'est de ne pas accorder ce droit de refus et
de déplorer encore des dizaines et des dizaines de travailleurs
mutilés et tués parce qu'il y a des travaux dangereux qui ont
été accomplis sans prendre les précautions
nécessaires.
M. Bellemare: Je comprends, M. Laberge, que vous parlez au point
de vue des individus et non collectivement du droit de refuser.
M. Laberge (Louis): Nous croyons que, justement, les syndicats
devraient avoir cette responsabilité et nous parlons du droit collectif.
Il faut bien s'entendre là-dessus. Il y en a qui font une montagne avec
le droit collectif. Ce qu'on demande, ce n'est pas d'arrêter une usine
complète parce qu'il y a une section où il y a un travail
dangereux. Ce n'est pas cela, pas une maudite miette. C'est tout simplement que
l'action qui est déjà prévue dans le projet de loi qui,
d'après le projet de loi doit être enclenchée par un
travailleur dans le cas d'un droit collectif, cela pourrait être
enclenché par le représentant syndical. Ce n'est pas une
montagne.
M. Bellemare: Ce n'est pas une montagne, mais c'est un
drôle d'affranchissement à faire.
M. Laberge (Louis): M. le Président et M. le
député de Johnson, je pense que vous allez reconnaître
qu'on est rendu en 1979.
M. Bellemare: Je l'ai dit tout à l'heure.
M. Laberge (Louis): Les lois sont telles que, maintenant, il
devient de plus en plus délicat et cher de faire des choses qui sont
contre la loi. Nous avons des exemples très vivants de cela et
pourrais-je vous dire que nous avons un peu une sainte peur de gestes
comment pourrais-je dire? non pas pensés, mais impulsifs...
M. Bellemare: Irréfléchis.
M. Laberge (Louis): Impulsifs.
M. Bellemare: M. le Président, je voudrais simplement...
Ce ne sera pas très long parce que j'ai déjà fait une
intervention sur la CSN que vous avez dû apprécier, M. le
ministre, parce que vous m'avez parlé de pot de fleurs. Mais ce n'est
pas un pot de fleurs. C'est simplement une constatation d'un homme qui a
véritablement vécu le domaine ouvrier. Je vois dans les
obligations à l'article 38 que le travailleur doit prendre connaissance
du programme de prévention applicable. Auriez-vous objection à ce
qu'on ajoute, à l'article 38, respecter les mesures de
sécurité? Ce n'est rien d'alarmant. C'est simplement si le bon
sens vous suggère de nous dire si c'est bien ou non. Il y a là
les obligations par la loi de prendre les mesures nécessaires, de
veiller à ne pas mettre en danger la santé et la
sécurité d'une personne, se soumettre aux examens de
santé, participer à l'élimination des risques d'accident,
collaborer avec le comité de santé. Moi, je suggérerais de
respecter les mesures de prévention. C'est bien simple.
M. Laberge (Louis): Là, M. le Président, il faut
faire bien attention d'en mettre un peu trop sur les épaules du
travailleur pris individuellement.
M. Bellemare: Oui, mais trop fort ne casse pas.
M. Laberge (Louis): Je m'explique là-dessus. Par exemple,
lorsqu'on parlait des équipements sécuritaires ça,
vous le savez, c'est un sujet très délicat et, là-dessus,
on s'est fait dire des choses désagréables peut-être
que chez nous, nous avons vécu des expériences que d'autres n'ont
pas vécues et c'est peut-être un peu pour ça que nous y
pensons un peu différemment.
Par exemple, mon confrère Boudreault ici, à ma gauche, a
vécu ça. À un moment donné, à un travailleur
qui avait été un peu imprudent dans une situation dangereuse
où le danger aurait dû être éliminé
à la source, mais, dans le temps, c'était scandaleux de parler de
choses semblables il est arrivé un accident malheureux. Il a eu
à ramasser son vieux "chum" à la pelle. Quand ça vous
arrive, ça vous marque pour fort longtemps. Nous avons été
marqués, à la FTQ. Dans plusieurs de nos syndicats, nous avons
perdu des "chums", nous avons perdu des camarades, nous avons perdu des gens
que nous connaissions, parce que les normes sur la santé et la
sécurité n'étaient pas respectées. C'est pourquoi
ça nous place peut-être dans une position avantageuse. Par contre,
il y en a qui ne semblent pas comprendre notre position.
Ce que nous disons là-dessus, c'est qu'il y aura un comité
paritaire avec des représentants qui seront nommés par les
travailleurs. Si les représentants sont d'accord, d'abord, que le danger
ne peut pas être éliminé à la source... Je veux dire
qu'on ne peut pas éliminer tous les dangers à la source. Je
voudrais bien pouvoir vous dire que nous faisons ensemble fausse route, parce
qu'on devrait éliminer tous les dangers à la source. S'il fallait
faire ça, je pense que, demain matin, il n'y aurait pas beaucoup
d'usines qui fonctionneraient, ni au Québec, ni ailleurs. Des dangers,
même si le grand principe veut que nous essayions de les éliminer
à la source, on sait
qu'avant que la technologie moderne ne soit tellement avancée, il
y en aura encore pour un bout de temps.
Ceci étant dit, il y aura des appareils sécuritaires qui
seront nécessaires. Mais nous ne voulons pas, non plus, des abus qu'on a
connus dans le passé et qui sont la cause de la désaffectation
des travailleurs eux-mêmes vis-à-vis de leur propre santé
et sécurité. Encore une fois, le problème du bruit, par
exemple, dans un département. Au lieu d'essayer de faire quelque chose
pour éliminer le bruit, la première chose qu'on faisait,
c'était d'acheter des oreilles aux travailleurs et ils portaient des
oreilles. Remarquez bien que l'expérience le démontre
maintenant ça ne protégeait pas nécessairement leur
tympan, ni leur appareil auditif, malheureusement, sauf que cela
atténuait quelque peu le bruit.
On a dépensé des fortunes dans le domaine de
l'aéronautique, non pas pour protéger la vie et la santé
des travailleurs qui travaillaient là-dedans, mais parce que la
population alentour s'en plaignait. Cela, vous allez reconnaître que
c'est un fait. Jamais on n'avait trouvé le moyen de diminuer d'un
décibel le bruit des moteurs à réaction. Pourtant, on en a
trouvé maintenant le moyen, parce que ça dérangeait tout
le monde.
C'est ça qu'on veut dire, M. le ministre... M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: Merci pour le ministre. Cela viendra encore une
autre fois.
M. Laberge (Louis): C'est qu'en disant ça, je regardais le
président de la commission, M. le député, mais j'ai
pensé que c'était une question que vous m'aviez posée.
Le Président (M. Marcoux): J'ai plutôt pensé
que vous vouliez répondre à son désir de tantôt.
M. Laberge (Louis): M. le député, c'est pour
ça que pour nous, c'est d'une importance capitale, cette affaire. Nous
allons aussi loin que dire que si les représentants du travailleur au
comité sont d'accord sur le port de certains équipements
obligatoires, nous sommes d'accord, nous, à jouer notre rôle et
dire au travailleur: Porte-les. S'il y a désaccord, nous croyons que la
position des représentants des travailleurs devrait être maintenue
tant et aussi longtemps que la commission n'aura pas tranché, à
un moment donné. Il faut bien que quelqu'un tranche quelque part. C'est
la position que nous avons prise dans notre mémoire.
M. Bellemare: Dans la dernière question, je voudrais
simplement vous demander si vous auriez une suggestion au sujet des
médecins qui seront choisis. Par quel moyen propice, d'après
vous? Parce que là, si ce sont les syndicats qui les nomment, on va
dire: C'est un gars du syndicat. Si c'est le patron qui le nomme, on va dire:
C'est encore l'éternel patron. Est-ce que vous avez un moyen terme?
Quelle serait la meilleure forme à prendre pour le choix d'un
médecin?
M. Laberge (Louis): Le comité paritaire, et c'est ce que
nous disons dans notre mémoire. Maintenant, il faut bien faire
attention: ce n'est pas le choix du médecin qui va traiter un
travailleur; c'est le choix du médecin qui aura la responsabilité
de développer, avec le comité, un programme de santé et
d'hygiène au travail. Je pense qu'il y en a qui se mélangent
là-dessus. Ce que nous suggérons pour la balance, c'est une table
ronde de tous ceux qui sont préoccupés par la question de
l'hygiène au travail: les ingénieurs, les médecins; que
tous ceux qui sont préoccupés par cela en discutent et qu'on
trouve une formule qui fera l'affaire de tout le monde. D'ailleurs, j'ai
remarqué que l'Association des omnipraticiens, le Conseil du patronat,
plusieurs organismes qui se sont présentés devant vous semblent
trouver l'idée heureuse d'avoir cette table ronde pour essayer de
trouver une formule qui fera l'affaire de tout le monde.
M. Bellemare: Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, j'aurai une couple de
commentaires et de questions. Tout d'abord, je ne sais pas si j'ai mal
interprété le député de Portneuf tantôt
si c'est une erreur, on me reprendra quand il disait qu'il
appréhendait un danger de fixer des minima à l'intérieur
d'une loi dans le domaine de la sécurité et de la santé,
que cela aurait pour effet d'atténuer la portée des
négociations par le fait que le gouvernement, d'une certaine
façon, pouvait être éventuellement impliqué comme
employeur. C'est ce que j'ai interprété des propos du
député de Portneuf. Si je fais erreur, il est aussi bien de me
reprendre tout de suite parce que cela va changer mes propos.
M. Pagé: Vous ne faites pas erreur, c'est la crainte que
nous avons à l'égard non pas du programme de santé dans la
loi, parce que le programme de santé n'est pas dans la loi et ne sera
pas dans la loi, mais du programme de santé adopté par la
commission de la santé et de la sécurité. C'est
l'appréhension que nous avons et on verra avec l'application de la loi;
cette loi sera en vigueur l'année prochaine, elle va s'appliquer. Nous
serons encore tous ici. À l'égard des membres de la
majorité ministérielle, je ne suis pas convaincu parce qu'il y en
a plusieurs qui ne seront pas ici, mais on pourra en rediscuter.
M. Chevrette: Je ne crains pas pour cela; c'est pour ça
que je suis fort aise de vous parler.
M. Pagé: On s'en reparlera.
M. Chevrette: Ce que je veux expliquer là-dessus, c'est
que je suis en désaccord pour les motifs suivants. Je partage
plutôt l'idée de la FTQ. Il m'apparaît que c'est
extrêmement difficile, au niveau de la négociation, de faire des
percées assez importantes pour améliorer le sort des tra-
vailleurs dans le domaine de la santé et de la
sécurité. Bien souvent, on est porté, sur des fins de
course dans les conflits de travail, à mettre l'accent sur le salarial
et à faire oublier aux travailleurs comme tels qu'il y a un point bien
important qui est la santé et la sécurité. C'est pour cela
que, personnellement, je considère qu'on doit non pas mettre le minimum,
mais le maximum possible dans une législation pour protéger le
travailleur.
À ce compte, je dois vous dire que c'est la même chose pour
le salaire minimum au Québec. On fixe des minima à
l'intérieur de la loi et ce sont les rapports de force, après,
entre employeurs et syndiqués, qui font qu'on va chercher plus que ces
minima. On a des exemples de lois qui nous démontrent qu'on n'a pas
à craindre plus au niveau de la loi 17. À ce compte, on aurait
à craindre au niveau de la loi 126, on aurait à craindre au
niveau de la Loi du salaire minimum comme telle qui est adoptée depuis
fort longtemps et où ces minima ont été
défoncés grâce, bien sûr, à des rapports de
force entre employeurs et législateurs. Là-dessus, je partage
entièrement l'opinion de la FTQ qui dit: Au niveau de la loi, on doit
mettre le maximum décent pour assurer que ce soit un minimum
décent pour le salarié comme tel.
Il y a une autre chose qui ne plaira pas au ministre Marois parce qu'il
n'aime pas qu'on parle de lui. Je ne suis pas sûr qu'il n'est pas
d'accord sur le fond, mais il n'aimera sans doute pas que je le soulève.
Il y a un point sur lequel je suis entièrement d'accord avec la FTQ
je me suis un peu battu au niveau du comité; cela ne figure pas
dans la loi, mais j'aimerais bien que cela y figure c'est la
responsabilité ministérielle de la loi. (12 heures)
Dans les circonstances, il m'apparaît qu'une telle loi
relève de deux ministères: le ministère des Affaires
sociales, santé, et ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre
et que tu donnes par législation, que tu attitres la
responsabilité de cette législation au ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, je pense qu'il manquerait une dimension. La
même chose si on le mettait au ministère des Affaires sociales, il
manquerait une dimension. Il m'apparaît que la responsabilité
revient au coordonnateur des deux ministères. Là-dessus,
ça ne fait que refléter personnellement ce que je soutenais au
niveau du comité de travail, en termes de responsabilité, tout
comme, par exemple, la centralisation de l'inspection.
J'aurais quelques questions maintenant dans le domaine de la
construction, secteur sur lequel j'ai eu à me pencher, heureusement dans
certains cas, malheureusement dans d'autres cas. Pour la construction, au
niveau des gros chantiers, je pense que la loi peut assez décemment
répondre aux aspirations des travailleurs. Mais là où j'ai
des inquiétudes, et j'aimerais vous entendre, c'est au niveau de la
multitude des petits chantiers dans des régions comme, par exemple,
l'Abitibi, comme, par exemple, la Côte Nord où tu peux avoir des
petits chantiers à 50, 75 ou 100 milles de distance, de très
petits chantiers pour une période de deux mois, trois mois ou quelque
chose du genre. Votre conception là-dessus? Vous avez des chantiers
où vous n'aurez même pas le nombre requis pour nommer un
délégué. Comment verriez-vous véritablement un
certain je ne dirais pas contrôle, une certaine
surveillance au moins, ou, encore, tout au moins, la présence du
témoin quand le geste se posera? Il m'apparaît que s'il n'y a pas
plus de refus individuel, c'est purement et simplement parce que l'individu
peut carrément se retrouver tout seul pour prouver par la suite sa bonne
foi, alors que si on lui assurait la présence d'un partenaire, d'un
confrère de travail ou d'un représentant des associations
reconnues, l'individu pourrait avoir la conviction qu'il ne sera pas seul
à se présenter pour prouver éventuellement sa bonne foi,
même si le fardeau de la preuve ne lui appartient pas. On pourrait,
à l'aide d'un contre-maître et de l'employeur, démontrer
qu'il y a eu mauvaise foi, alors que l'individu se retrouverait seul.
J'aimerais savoir comment vous le voyez concrètement. Je ne parle
pas de dire: oui, on a des agents d'affaires qui peuvent faire le tour, etc.,
mais concrètement, est-ce que vous avez les possibilités
financières pour assurer une présence assez constante, en tout
cas qui peut répondre dans un délai raisonnable, un nombre
d'heures raisonnable dans ces milieux-là, pour que l'individu puisse
expliquer à un de ses représentants le pourquoi d'un tel geste et
que ce représentant devienne, à toutes fins utiles, un
témoin qui lui servira, face à certains arbitrages, par
exemple.
M. Laberge (Louis): Oui, enfin, vous touchez un point sensible.
D'ailleurs le député de Portneuf l'a mentionné un peu
tantôt. Le projet de loi, tel qu'il est présentement devant nous,
peut s'appliquer sur les gros chantiers, c'est évident. Sur les petits
chantiers, non. C'est aussi simple que ça. Et c'est pourquoi nous avons
dit que dans le secteur de la construction, il devra, de toute
nécessité, obligatoirement, y avoir une association sectorielle
où les parties représentatives pourront prendre soin de ces
choses-là. On a même dit dans notre mémoire qu'il pourrait
y avoir des représentants à la prévention nommés
par l'association sectorielle, payés par les parties, pour s'assurer que
la loi 17 est respectée aussi sur les petits chantiers. Comme vous le
dites fort bien, sur un petit chantier, le gars qui se sent tout seul et
souvent il est tout seul de son métier ça prend quelqu'un
avec énormément de "fortitude" pour refuser d'accomplir un
travail dangereux. Alors, surtout s'il arrive un accident, vous savez fort bien
qu'avant que l'inspection ne soit faite, on a changé des choses, on a
même installé des garde-fous une fois que les travailleurs
étaient tombés. On a même essayé, a un moment
donné, d'avoir des cloisons pour empêcher un éboulement,
mais il était un peu tard parce que l'éboulement était
déjà fini. Enfin, vous savez comment ça fonctionne, vous
vous êtes, comme vous le dites, penché sur la question.
Il faut que les parties puissent décider de ces choses-là.
Nous avons des agents d'affaires, bien
sûr, dans tous les secteurs. C'est pourquoi nous parlons de
revaloriser le délégué de chantier aussi et d'avoir un
délégué de chantier bien formé. Ce n'est pas
sûr que tous les délégués de chantier nommés
par le syndicat et formés pour s'occuper de santé, de
sécurité et de prévention vont tous nécessairement
agir comme délégués de chantier et agents de
prévention. Il va y avoir des délégués de chantier
en puissance, et parce qu'il n'y a pas assez de chantiers, à un moment
donné, ou qu'il n'y a pas assez de travailleurs sur un chantier qui
pourraient être reconnus comme délégués de chantier.
Mais ce sera, pour le syndicat, un représentant syndical formé
qui pourrait servir de témoin, qui pourrait, par le truchement de
l'association sectorielle, par des mécanismes que les parties mettront
sur pied, peut-être être chargé de la responsabilité
de deux, trois, quatre, cinq chantiers dans les environs.
Il serait bien difficile pour nous de vous suggérer une formule
concrète à ce moment-ci. Nous croyons que les parties
représentatives dans l'industrie de la construction sont certainement
les mieux préparées à discuter ce genre de choses et
à mettre sur pied un mécanisme qui peut fonctionner. Une chose
est sûre, c'est que la loi, telle que présentée
actuellement, ne pourra jamais s'appliquer aux petits chantiers avec autant de
facilité qu'elle pourra s'appliquer sur les gros. C'est sûr. C'est
pourquoi nous avons 22 pages dans notre mémoire pour traiter de
l'industrie de la construction, parler de l'obligation d'avoir une association
sectorielle pour prendre soin de ces difficultés.
Le Président (M. Marcoux): Comme il n'y a pas d'autres
députés qui ont des questions à poser, M. le ministre,
pour le mot de la fin.
M. Marois: En terminant, tout simplement, je voudrais à
nouveau remercier les représentants de la Fédération des
travailleurs du Québec. J'ai eu l'occasion de faire un commentaire
général en fin de journée, lorsque le groupe s'est
présenté devant nous la première fois. Je ne vais pas
réitérer en détail ce que j'ai dit à ce
moment-là. Mais je tiens simplement à souligner le fait que je
pense que vous accompagnez ce projet de loi avec beaucoup de bonne foi, mais
pas une bonne foi guenille et à genoux. Les gens font des
découvertes, et j'ai remarqué que le député de
Portneuf était un de ceux-là. Je reprendrai l'expression d'un
journaliste, M. Provost, du Devoir, qui disait, entre guillemets je ne
sais pas si c'est une pancarte, un slogan, peu importe, mais je pense que
c'était pertinent un appui ferme, mais insatisfait, dans le sens
que vous présentez des recommandations étoffées. Bon
nombre de ces recommandations, j'ai déjà indiqué qu'elles
étaient intéressantes et qu'elles méritaient d'être
examinées au mérite, à la loupe. Je peux vous assurer que
sur la base des recommandations que vous avez formulées, comme les
autres groupes, notre seul véritable intérêt est de faire
en sorte qu'on se donne, au Québec, le meilleur projet de loi qu'il soit
possible de se donner, compte tenu forcément des limites de ressources
humaines, financières et d'une conjoncture. On peut faire des grands
sauts, pour reprendre l'expression du juge Beaudry, on peut faire des grands
pas, pour reprendre l'expression d'autres personnes, mais on ne peut pas tout
faire en même temps, surtout quand on tient compte du rattrapage
absolument inouï qu'il faut faire dans ce domaine. Je pense qu'ensemble,
de bonne foi, on va essayer de mettre au point le meilleur texte possible qui
vise, encore une fois, essentiellement une chose, autant que faire se peut. On
n'aura jamais, comme vous l'avez évoqué, du jour au lendemain,
les usines vertes de l'architecte Le Corbusier, on ne se racontera pas
d'histoires. Mais entre l'usine verte et l'état actuel des choses, il y
a une maudite place pour de l'amélioration substantielle, d'autant plus
qu'on sait que c'est possible. On sait que c'est faisable, à condition
de le faire ensemble et que ça implique les parties, que ça
implique une reconnaissance de droits nouveaux.
Quelqu'un, dans un des témoignages que vous avez rendus, a dit
que la participation, ou c'est du placotage ou alors ça implique qu'on
reconnaisse des droits, qu'on reconnaisse une participation qui implique, dans
certaines de ses dimensions, un pouvoir décisionnel. Bien sûr,
c'est un changement par rapport au passé, mais je pense qu'au point
où on en est il ne faut pas mesquiner sur ces perspectives de
changement, bien au contraire.
En terminant, encore une fois, merci infiniment.
M. Laberge (Louis): M. le Président, si vous permettez, au
nom de tous les syndicats affiliés à la FTQ et de tous les
travailleurs que nous représentons, nous voulons remercier les membres
de la commission pour l'occasion que vous nous avez donnée de nous
présenter devant vous pour vous expliquer notre point de vue.
Nous n'avons pas voulu prendre une attitude criarde, pleurnicharde; nous
croyons que le fait d'avoir osé mettre ensemble, unifier tout le secteur
de la santé et de la sécurité, c'est déjà un
pas qui valait la peine d'être mentionné et nous l'avons
mentionné.
Nous croyons que le projet de loi ne va pas assez loin. Je n'ai pas
besoin de vous dire que si nous avons décidé de vous
présenter toutes ces suggestions d'amendements, ce n'est pas simplement
pour montrer que nous étions aussi fins que d'autres et qu'on pouvait
trouver des lacunes dans le projet de loi. C'est que nous y croyons. Je n'ai
pas besoin d'insister davantage pour vous dire qu'il y a des exigences qui sont
assez spécifiques; nous en avons parlé. Le droit de refus est la
pierre d'achoppement de la loi. Sur le pouvoir des centrales syndicales
d'être vraiment représentées partout; puis-je vous dire que
si vous nous arrivez avec une commission paritaire sur les accidents du travail
et que vous décidez, tous à l'Assemblée nationale,
après en avoir discuté, qu'il devrait y avoir treize
représentants de chaque côté à la
commission, au lieu des douze qu'on suggère, ou même onze
au lieu de douze, on ne déclarera pas la guerre.
Mais il y a des choses qui sont vraiment essentielles: le droit de
refus. Le droit collectif, on vous encourage à le regarder encore de
plus près, ce n'est pas la montagne épeurante à laquelle
ont fait allusion surtout les organismes patronaux. La revalorisation du
délégué de chantier, enfin, dans ce secteur qui a
tellement besoin que le projet de loi qui sera finalement adopté ne soit
pas plus mauvais, en partant, que ce que nous avons devant nous. Avec la
détermination des membres de l'Assemblée nationale qui font
partie de l'Opposition et, apparemment, des membres du gouvernement qui font
quasiment partie de l'Opposition aussi sur certains points, nous sommes
convaincus que ce sera un projet de loi qui sera encore mieux que celui que
nous avons devant nous. Cela est d'une importance capitale pour les centaines
de milliers de travailleurs au Québec, qui sont victimes depuis trop
longtemps de l'insouciance, pour ne pas dire de la négligence parfois
criminelle de certains employeurs.
Je ne veux pas absoudre non plus les syndicats. C'est vrai que
même les syndicats n'ont pas toujours fait, dans ce domaine, ce qui
aurait dû être fait. Je reconnais volontiers que quant à
nous, à la FTQ, comme d'autres, nous avons probablement fait beaucoup
plus pour essayer d'améliorer le standard de vie des travailleurs, mais,
malheureusement, dans ce domaine, nous n'y sommes pas allés avec assez
de détermination. Évidemment, ce n'est pas un domaine facile et
ce n'est pas parce que nous n'avons pas fait de revendications. Vous vous
souviendrez, M. le ministre, je ne pense pas qu'on puisse trouver
beaucoup de tels exemples qu'un syndicat chez nous ça
s'adonnait encore à être un groupe du syndicat des métallos
a même fait la grève et exigé que son usine soit
fermée parce que, vraiment, la vie et la santé des travailleurs
étaient en jeu. Je veux dire que les travailleurs ne devraient pas
être obligés d'exiger qu'une usine soit fermée parce que
ça détériore leur santé et que ça met en
danger la vie même des travailleurs.
Il nous semble qu'en 1979 et tantôt en 1980, on devrait avoir des
développements technologiques assez avancés pour qu'un
travailleur puisse gagner sa vie, sans risquer de la perdre à tous les
jours. C'est le sens et le but que nous visons dans le mémoire que nous
vous avons présenté. Nous souhaitons ardemment que ce projet de
loi, avec les amendements nécessaires, soit adopté "au plus
maudit", afin que tous les travailleurs du Québec commencent à se
sentir vraiment protégés dans le domaine de la santé et de
la sécurité.
Messieurs les membres de la commission, madame, nous vous remercions de
votre bonne attention.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de
tous les membres de la commission.
J'inviterais maintenant la Chambre de commerce de la province de
Québec à venir nous présenter son mémoire.
Si vous voulez bien vous présenter et nous présenter vos
collègues.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Tremblay (Pierre): M. le Président, mon nom est Pierre
Tremblay. Je suis vice-président chargé du secteur des ressources
humaines à la Chambre de commerce de la province de Québec et
j'ai aujourd'hui l'honneur de présider notre délégation en
l'absence de notre président, M. Roger Hamel, qui est retenu à
l'extérieur. Notre délégation se compose principalement de
M. Louis Boudreault, secrétaire de la chambre et directeur des relations
de l'entreprise à la compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Ltée,
M. Fernand Roy, vice-président exécutif du journal La Presse, le
Dr Vincent Gauthier, médecin, directeur des services professionnels, en
d'autres mots, directeur médical à l'hôpital Marie-Clarac
de Montréal-Nord. Le Dr Gauthier est spécialiste en pneumologie
et directeur fondateur du bureau de santé des employés de
l'hôpital, poste qu'il occupe depuis quinze ans. Depuis trois ans, le Dr
Gauthier est directeur médical du Service de santé au quotidien
la Presse. M. Jean-Paul Létourneau, vice-président
exécutif à la chambre. M. Marcel Alexander, directeur du service
de développement des ressources humaines en entreprise à la
chambre. M. Pierre Morin, directeur général des affaires
publiques à la chambre.
M. le Président, notre mémoire est court et il en est
ainsi délibérément. Nous avons
préféré nous adresser au fond de la question plutôt
que de nous attacher à tel mot ou encore à déplacer des
virgules. Sa brièveté, cependant, avec douze pages nous
tentons de prêcher par l'exemple ne devrait masquer ni le message
et surtout pas la qualité de la majorité de nos commettants, les
entreprises de petite et moyenne taille oeuvrant dans tous les secteurs de
l'activité économique, ces mêmes entreprises qui
constituent l'épine dorsale et l'espoir de l'économie
québécoise. En bref, ce message est composé de trois
grandes lignes de force, une fois défini notre accord profond sur
l'objectif d'un milieu de travail sain et sécuritaire.
Première ligne de force: la santé et la
sécurité doivent être considérées comme
essentiellement un mode organisationnel chez l'entreprise. Son cadre
d'organisation doit lui permettre d'être efficace, productive, rentable
et saine et sécuritaire. Voilà qui fait que la direction de
l'entreprise doit être la première responsable de la santé
et de la sécurité de ses travailleurs, lesquels doivent
collaborer à l'atteinte de ces objectifs.
Deuxième ligne de force: la santé et la
sécurité du travail devraient être retirées du champ
des relations de travail, lesquelles chez nous ont un caractère
essentiellement conflictuel. Tout le Code du travail en fait foi.
Troisième ligne de force, la loi devrait, autant que faire se
peut, tout en imposant à l'entreprise l'obligation d'atteindre
l'objectif, la laisser relativement libre quant au choix des moyens,
c'est-à-
dire faire porter l'inspection plus sur le cadre organisationnel que sur
une multitude de règlements afin de ne pas rendre la conformité
aux règlements plus onéreuse que l'atteinte de l'objectif.
Contrairement à la Commission des droits et libertés de la
personne, nous n'avons pas fait allusion dans notre mémoire à la
législation suédoise, quoique nous l'ayons étudiée
et ce, pour une raison fondamentale que nous avons vérifiée sur
place l'an dernier. Les conditions socio-économiques sont
fondamentalement différentes. Les relations de travail sont avant tout
un acte de collaboration. Plus de 90% de la population active y est
syndiquée et la PME est pratiquement inexistante. Sur ce, permettez-moi,
M. le Président, de demander à M. Pierre Morin de poursuivre
cette présentation avec quelques extraits de notre mémoire tout
en vous demandant d'en consigner la totalité au journal des
Débats.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il accord des membres de
la commission pour mettre au journal des Débats ce mémoire?
Des voix: D'accord. (voir annexe A)
Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Morin.
M. Morin (Pierre): M. le Président, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, dont l'adoption par
l'Assemblée nationale devrait se produire au cours des prochains mois,
s'avérera au cours des prochaines années, nous en sommes
certains, la plus importante loi à avoir été
adoptée dans le domaine du travail au cours de cette Législature
et probablement au cours de toute la présente décennie.
Si vous me le permettez, je saute pour ceux qui veulent me suivre
à la page 3 où nous faisons référence
à une philosophie. Cette nouvelle philosophie à laquelle nous
souscrivons veut que la sécurité du travail ou, de façon
plus pertinente, que la prévention relève de l'environnement
organisationnel de l'entreprise, c'est-à-dire que l'entreprise doit
offrir un milieu de travail qui, essentiellement, empêche les accidents
de se produire en dépit de l'erreur humaine, des risques auxquels les
employés sont prêts à s'exposer d'eux-mêmes et des
limitations techniques.
En définitive, cette approche organisationnelle nous
apparaît la meilleure car, sans avoir de chiffres précis pour le
Québec, nous savons qu'aux États-Unis, où s'est
implanté depuis 1970 l'"Occupational Safety and Health Act", moins du
quart des accidents du travail sont conséquents à une
dérogation aux normes de sécurité. Et il existe plus de
4400 de ces normes détaillées dont la grande majorité sont
importées au Québec.
Si cette philosophie mettant l'accent premier sur le contexte
organisationnel de l'entreprise en matière de santé et de
sécurité du travail devait, comme nous le souhaitons, inspirer la
législation québécoise en cette matière, le texte
législatif serait, à notre avis, fort différent du
présent projet de loi et s'inspirerait d'une problématique
à la fois beaucoup plus souple et dynamique.
La chambre souscrit d'emblée aux objectifs que veut atteindre le
projet de loi 17 sur la santé et la sécurité du travail,
objectifs non explicitement définis dans le projet. Elle doute,
cependant, que le projet, s'il devait être adopté tel
qu'actuellement rédigé, puisse livrer aux travailleurs et
à la population en général "la marchandise promise", soit
un milieu de travail sain et sécuritaire.
Non par manque de volonté, elle est évidente, comprise et
acceptée; non par manque de mécanismes, la plupart sont
souhaitables, particulièrement la participation des travailleurs, ni par
manque d'exigences bureaucratiques, elles sont au contraire lourdes,
envahissantes, omniprésentes et souvent inutilement coûteuses.
C'est peut-être dû à l'incapacité de
l'État, lorsqu'une idée est traduite en textes juridiques, de
faire preuve d'autant d'imagination qu'en a généré
l'idée elle-même. Peut-être aussi à son
incapacité d'imaginer travailleurs et employeurs autrement qu'en
situation conflictuelle.
Toujours est-il que nous aurions préféré un texte
législatif dont l'article premier aurait établi que l'objectif de
la loi est de procurer un cadre de travail sain et sécuritaire en
entreprise en utilisant son environnement organisationnel pour enrayer les
causes d'accidents de travail et de maladies professionnelles. La suite du
premier chapitre expliciterait la philosophie et la problématique. On
retrouve une allusion à l'article 40 et plus spécifiquement aux
sous-articles 3, 5 et 6, mais elle est loin de constituer la trame de fond du
projet de loi.
Si nos commentaires semblent évoquer une opposition quelconque
aux objectifs ultimes du projet de loi, la chambre tient à le nier et
plutôt faire valoir que le projet de loi no 17, qui a pris son origine
dans un livre blanc et qui est soumis à la consultation publique avant
son adoption en deuxième lecture, l'est précisément parce
que le législateur croit qu'il est perfectible.
L'approche de la chambre face au projet de loi no 17. Sans faire
abstraction de la philosophie et de la problématique
énoncée plus haut, que nous souhaiterions voir non seulement
intégrée, mais aussi devenir l'orientation maîtresse de la
loi, la chambre a à commenter un texte législatif dont elle doit
présumer, si l'expérience passée est garante du
présent, que l'approche ne sera pas fondamentalement modifiée;
c'est-à-dire qu'il s'agira toujours, a priori, de mécanismes.
Elle s'attardera donc à les examiner et à y suggérer des
modifications et des correctifs. À l'occasion, elle indiquera les
orientations que suggère sa problématique alternative.
Si vous permettez, je fais un saut au haut de la page 6. Ces avantages
réels, ceux de réunir dans un même texte tout ce qui touche
à la santé et à la sécurité, sont cependant
largement atténués aussi bien sur le fond qu'en pratique par
l'insistance du projet à asseoir la majeure partie de son articulation
sur le concept des relations conflictuelles entre les travailleurs et leurs
employeurs respectifs. Il en résultera que, par exemple, de par la
simple dynamique des relations actuelles, la santé et la
sécurité du travail seront encore sources de
négociation et de marchandage, que la participation
souhaitée des travailleurs sera subordonnée à des
objectifs stratégiques de relations du travail et que seront
érigées en divergences structurelles ce que devraient être
de profondes communautés d'intérêts.
De plus, toujours sur le même sujet, le projet de loi crée
une profonde inéquité au chapitre VI, où seules les
associations "syndicales" en qualité de partie représentant les
travailleurs peuvent conclure une entente visant à constituer une
association sectorielle paritaire. Environ le quart des travailleurs
n'appartenant pas au secteur de la construction et aux secteurs public et
parapublic adhèrent à des associations
accréditées.
Si l'on s'était inspiré de la problématique que
nous avons élaborée plus haut, toute la question de la
santé et de la sécurité du travail serait retirée
du champ des relations de travail ou, de manière plus appropriée,
les relations de travail seraient retirées du champ de la santé
et de la sécurité. Non pas pour empêcher ou limiter la
participation des travailleurs, mais bien pour l'inscrire dans sa meilleure
perspective, celle de la collaboration pour le bien des travailleurs et de
l'entreprise. Pour être plus précis, cela se traduirait, aux
articles 38 et 40, par l'obligation de collaborer "pour protéger la
santé et assurer la sécurité et l'intégrité
physique du travailleur". De ces obligations communes découlerait,
au-delà du respect des normes et "du règlement", un processus
plus important que le programme de prévention: l'implantation de la
structure organisationnelle de la santé et de la sécurité.
Cette structure demande plus de collaboration que de confrontation. Il faut
modifier les attitudes, les habitudes et, souvent, des méthodes de
travail, tous des points qui ont le don de devenir des droits acquis.
Dans cette perspective, la santé et la sécurité du
travail seraient de l'ultime responsabilité de l'employeur, certes,
mais, comme c'est actuellement le cas et comme le prévoit le projet, il
y apporterait l'outil essentiel à l'exercice de sa
responsabilité, l'appui et la collaboration des travailleurs à
son emploi. Il pourrait être prévu que le travailleur soit
informé des performances de l'entreprise en matière de
santé et de sécurité du travail, notamment sur
l'application des dispositions de la loi.
La participation aurait ici un véritable sens.
Cela nous amène aux comités de santé et de
sécurité. Au-delà du fait qu'un grand nombre d'entreprises
qui ont actuellement un comité paritaire se sont vu imposer ce
comité et qu'elles le perçoivent a priori, à tort ou
à raison, comme étant une sanction et une mesure disciplinaire
exercées à leur endroit, la chambre appuie le concept de la
formation de comités paritaires consultatifs de santé et de
sécurité. Nous les croyons un instrument utile, voire essentiel,
aux échanges, au rapprochement et à la collaboration.
Cependant, le comité prévu par le projet de loi souffre de
plusieurs carences; il aurait des responsabilités décisionnelles,
sans être comptable de ses actes et de ses décisions auprès
d'aucune des parties en présence. Tout au plus est-il requis de faire
rapport à la commission.
Deuxième carence c'est encore une manifestation de la
volonté d'en faire une question de relations de travail
l'ensemble des représentants des travailleurs et de ceux de l'employeur
ne disposent chacun que d'un vote. L'égalité de la
représentation, dictée par l'objectif de parité, devrait,
une fois atteint, laisser assez de latitude aux représentants pour leur
permettre d'agir en adultes et de déterminer les règles de
fonctionnement qui leur conviennent le mieux. Entre autres, il est largement
accepté qu'un comité fonctionne généralement mieux
par consensus. (12 h 30)
Enfin, de quelle compétence particulière un comité
peut-il se réclamer pour arrêter le choix d'un médecin
compétent? La question des entreprises à établissements
multiples pose un autre type de problème face aux fonctions du
comité, surtout sur la question du choix des moyens et
équipements de protection individuelle et d'une certaine
cohérence dans les programmes de prévention.
Toutes ces considérations et d'autres militent en faveur d'un
rôle consultatif pour le comité de santé et de
sécurité, auquel devraient s'ajouter des fonctions d'analyse,
d'étude, de représentation et de surveillance quant à
l'application de la loi et du programme de prévention.
Les articles 142 et 143 accordant à l'inspecteur le droit
d'ordonner la suspension des travaux ou la fermeture d'un lieu de travail et
l'obligation pour l'employeur de rémunérer les travailleurs
visés, sans constituer exactement du droit nouveau cela existe
déjà dans le domaine de la construction constituent un
pouvoir exorbitant et inacceptable dans les mains d'un fonctionnaire jouissant
d'une immunité presque totale. S'il y a eu erreur, l'entreprise dont la
survie peut être en cause n'a aucun recours, n'a droit à aucun
dédommagement.
La chambre ne s'oppose pas à ce que la loi doive prévoir
la cessation des travaux, ni même, exceptionnellement, la fermeture d'un
lieu de travail. Dans ce dernier cas, nous croyons cependant qu'au lieu de
l'inspecteur, c'est le ministre responsable de l'application de la loi qui
devrait détenir cette responsabilité et l'exercer par voie
d'injonction sollicitée auprès d'un juge de la Cour
supérieure. Cette procédure comporte trois avantages: elles est
publique, rapide et permet aux parties de faire leurs
représentations.
Dans un autre ordre d'idées, la commission constituée en
vertu du projet de loi se voit confier des pouvoirs de réglementation
d'une envergure exceptionnelle qui vont de l'adoption de normes à
l'encadrement rigide de toute activité reliée de près ou
de loin à la santé et à la sécurité. Ces
pouvoirs et prérogatives sont vastes au point de faire oublier à
la population, aux travailleurs, et même aux entreprises que ce n'est pas
la commission qui, en définitive, est responsable de la santé et
de la sécurité, mais bien les entreprises.
Sans en connaître la teneur, ce qui, en soi, est regrettable, nous
savons par expérience qu'un règlement adopté par
l'administration et ses organismes, étant donné la dynamique
actuelle de leur structure, vise d'abord à satisfaire les
impératifs administratifs internes. C'est-à-dire que le "comment
administrer le règlement" devient plus important que son objectif
initial. Nous l'avons vu encore tout récemment dans les propositions
d'un office.
Ce processus est inutilement lourd et surtout coûteux. Il en
résultera probablement la situation loufoque qui existe actuellement
dans plusieurs domaines où il devient physiquement impossible de
connaître le contenu de tous les règlements auxquels on est
pourtant tenu de se conformer, avec la conséquence que lois et
règlements sont plus ou moins appliqués et respectés.
Le gouvernement a manqué ici une excellente occasion d'innover
par l'adoption d'une loi claire, complète, précise et limpide.
Nous avons un exemple à vous offrir.
M. le Président, notre dernière considération
liminaire vise la question de l'organisation des services de santé au
travail ou, pour être plus précis, la nationalisation des services
de santé de l'entreprise, résultant de l'adoption du projet de
loi. Nous nous y objectons pour des considérations pratiques et de
principe. Disposons d'abord du principe. Même s'il n'existait pas
déjà des services de santé du travail privés, nous
nous objecterions à un monopole du secteur public qui en
empêcherait la création et l'éclosion. Or, ce n'est pas le
cas. Il existe, dans le secteur privé, d'excellents services
privés de santé du travail, qu'ils soient en entreprise, ou
encore fonctionnant sur une base contractuelle.
La chambre ne s'objecte pas à ce que le secteur public de la
santé puisse offrir ses services et qu'à la rigueur un contrat
type s'applique à tous les services de santé, mais bien à
ce que la loi prive l'entreprise et ses employés du choix des meilleurs
services de santé disponibles. Nous avons peine à concilier
l'attitude du gouvernement en cette matière et l'affirmation, maintes
fois répétée, du premier ministre et chef du gouvernement
de son acceptation sans équivoque du système d'économie de
marché et du rôle de l'entreprise privée. En fait, il n'est
pas possible de les concilier.
Nous sautons par-dessus les considérations spécifiques du
projet de loi, non pas parce qu'elles ne sont pas importantes, mais
probablement parce que les membres de la commission en ont déjà
pris connaissance, soit le droit de refus, le programme de prévention,
le représentant à la prévention, les associations
sectorielles, la commission de santé et de sécurité du
travail, l'inspection, pour en arriver enfin aux conclusions qui disent que,
tout comme le président de la Commission des accidents du travail dans
une allocution qu'il aurait dû récemment prononcer, la chambre,
vous l'aurez constaté, dit non au marchandage.
Tout comme lui, elle accepte parité, participation et, nous le
croyons, va peut-être même plus loin en prévention. La
chambre, malgré le peu de temps mis à la disposition des
intervenants, a tenté d'aborder de la façon la plus ouverte et la
plus franche possible non seulement le projet de loi, mais surtout la
véritable question de fond: la santé et la sécurité
au travail et surtout comment les atteindre.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire. J'aimerais vous inviter à
revenir nous voir à 14 h 30, la commission préférant
suspendre ses travaux de 12 h 30 à 14 h 30.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.
Suspension de la séance à 12 h 36
Reprise de la séance à 14 h 42
Le Président (M. Marcoux): La commission élue
permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre
l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17. J'inviterais
à nouveau la Chambre de commerce de la province de Québec
à participer à nos discussions. Le président, M. Tremblay,
nous a fait part qu'avant de céder la parole au ministre, il
souhaiterait synthétiser peut-être, en quelques minutes, les
points essentiels de son mémoire pour nous replonger dans le bain. C'est
de saine stratégie de nous situer dans le contexte.
M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je vous remercie.
Je ne voulais d'aucune façon enlever la parole au ministre.
Le Président (M. Marcoux): N'ayez pas peur, d'habitude il
ne se gêne pas.
M. Tremblay (Pierre): Je croyais quand même qu'étant
donné le hiatus il serait peut-être valable de demander à
M. Létourneau, notre vice-président exécutif, de bien
vouloir terminer quelques commentaires que nous avons déjà faits
avant l'ajournement.
M. Bellemare: M. le Président, permettez-moi de saluer le
fils d'un de mes anciens collègues de Québec, M. Francis
Boudreault, qui est ici et qui fait bien honneur à la Chambre de
commerce du Québec. Il est le fils de Francis Boudreault, l'ancien
député, durant les années 1948 à 1970, du
comté de Québec-Saint-Sauveur, comme on l'appelait dans le
temps.
Le Président (M. Marcoux): Le comté maintenant
connu sous le nom de Huntingdon?
M. Bellemare: Non, non. Huntingdon ressemble
énormément à l'ancien comté de M. Flamand. Vous ne
trouvez pas? Comme son père est à l'hôpital, je lui offre
mes meilleurs voeux d'un prompt rétablissement et d'une longue vie.
Le Président (M. Marcoux): M. Létourneau.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, nous
aimerions faire part à cette commission d'une préoccupation qui
est inscrite en filigrane dans notre mémoire et que j'aimerais expliquer
d'une manière un peu plus précise. Cette préoccupation
je pense que vous l'accepterez est normale pour un groupe qui
représente les hommes d'affaires. C'est celle du fardeau administratif
à l'entreprise qu'apporte en général la
réglementation gouvernementale et aussi des coûts de l'application
de cette réglementation. Il y en a beaucoup qui sont ajoutés par
de récentes lois et celle qui fait l'objet de cette commission n'y
manque pas, loin de là, lorsqu'on observe, entre autres, qu'à
l'article 185 il y a trois pages et demie de nomenclatures, de pouvoirs de
réglementation par le législateur. (14 h 45)
Nous sommes heureux, par ailleurs, de constater que le gouvernement a
récemment reconnu et donné droit à cette
préoccupation que nous avons par la publication d'un document qui
s'intitule "Bâtir le Québec" où nous lisons, à la
page 168 entre autres, que le gouvernement s'engage, vis-à-vis du
secteur privé de l'économie au Québec, à lutter
contre la paperasse et les tracasseries administratives et à simplifier
la réglementation.
Compte tenu de cet engagement, nous nous croyons
légitimés, M. le Président, d'ajouter une demande au
législateur par rapport au projet de loi à l'étude; cette
demande vise particulièrement l'efficacité de l'application de la
loi et, pour assurer cette efficacité, nous aimerions que, lorsque de la
réglementation sera adoptée subséquemment ou en relation
avec cette loi, chaque réglementation soit accompagnée des
objectifs du législateur par rapport à la réglementation
proposée, que ce soit question de décibels ou question de
poussière, quel que soit l'objectif en matière de santé ou
de sécurité au travail. Si on fait une réglementation
habituellement elle est assez spécifique que le
législateur indique très clairement quels sont les objectifs de
la réglementation et, si possible, les quantifie; c'est-à-dire
énoncer des objectifs et dire: Nous voulons réduire de 10%, 15%,
20%, en dedans de tant de temps, telle situation contraire à la
santé ou à la sécurité des travailleurs.
Nous demandons, en même temps, que le législateur s'oblige,
après un certain temps, ça pourrait être de trois
à cinq ans, mais disons cinq ans au maximum à
réévaluer cette réglementation pour déterminer dans
quelle mesure elle a atteint les objectifs visés par le
législateur.
Un exemple concret qui nous amène à cette suggestion,
c'est l'observation de ce qui se passe aux États-Unis avec ce qu'on
appelle là-bas l'Oc- cupational Safety and Health Act et la partie
administrative de cette loi qui s'appelle aussi par le même sigle, OSHA,
et qui, à ce moment, est l'Occupational Safety and Health
Administration. Cette loi existe aux États-Unis depuis 1970 et je pense
qu'on peut dire, selon des rapports publiés, entre autres, par une
commission présidentielle il y a relativement peu de temps que la loi
n'est pas efficace et ses règlements non plus. Voici donc, M. le
Président, l'essence de cette première requête. Nous avons
deux autres très courtes observations qui veulent nous inscrire en
accord avec certaines requêtes et observations faites auprès de
cette commission. La première est que nous sommes d'accord sur cette
suggestion d'une table ronde, préalablement à l'adoption de
réglementation, pour s'assurer qu'on pourra procéder de la
manière la plus efficace possible en consultant préalablement les
parties intéressées. Deuxième point: nous sommes en
général d'accord sur la suggestion du député de
Johnson d'ajouter un septièmement à l'article 38 qui se lirait:
respecter les mesures de sécurité. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord, bien
sûr, remercier la Chambre de commerce de la province de Québec de
son mémoire. Je pense qu'on aura tous pris acte d'un certain nombre de
choses qui ressortent d'abord dans un premier temps du mémoire de la
Chambre de commerce. Essentiellement, si je comprends bien le mémoire,
la Chambre de commerce se dit d'accord sur l'objectif ultime poursuivi,
c'est-à-dire l'élimination des risques à la source, et
aussi sur l'acceptation d'un certain nombre de postulats de base, dont certains
d'ailleurs avaient déjà été évoqués
au premier grand sommet socio-économique de La Malbaie. Notamment
l'unification des lois, l'adoption d'une loi cadre, une approche
organisationnelle de la prévention, l'idée aussi de la
parité, qu'essentiellement ceux et celles qui sont concernés
soient aussi impliqués que les employeurs, la reconnaissance du principe
du droit de refus.
Donc, c'est un premier morceau qui n'est quand même pas un
détail et, partant de là, un certain nombre de commentaires dans
certains cas spécifiques sur certains des articles de la loi.
D'autre part, une partie substantielle du mémoire tient à
une philosophie d'action je pense bien qu'on pourrait utiliser cette
expression pour la qualifier avec, par voie de conséquence,
accrochés à cette philosophie d'action un certain nombre de
commentaires portant sur certains des mécanismes prévus par le
projet de loi, sur des droits qui y sont reconnus. Il y a aussi un certain
nombre de choses que vous nous suggérez d'introduire dans le projet de
loi, qui viseraient, selon votre point de vue, à éviter de tomber
dans une bureaucratie trop lourde, de tomber dans l'instauration je
pense que c'est une expression, d'ailleurs, utilisée à peu
près comme telle dans le mémoire ou, en tout cas, qui ressort de
l'économie
générale de votre mémoire d'une philosophie
qui, dites-vous, ouvrirait énormément de possibilités
d'affrontements entre les parties plutôt qu'autre chose et le reste.
Bien sûr, je pense que, jusqu'à maintenant, les gens se
sont exprimés très franchement. Je pense que les membres de cette
commission apprécieront votre franchise, d'une part. Je dois vous dire
qu'on a déjà eu l'occasion de discuter, lors de rencontres
préalables, de discussions autour du livre blanc, d'un certain nombre
des commentaires que vous faites, des remarques que vous faites aussi avec
d'autres groupes qui se sont déjà présentés devant
nous depuis le début des travaux de cette commission. Je ne suis pas
convaincu loin de là d'un certain nombre de choses que
vous recommandez et, par ailleurs, je me demande si on fait la même
lecture du projet de loi quant à un certain nombre de points que vous
mentionnez.
Partant de là, je voudrais m'arrêter uniquement à
quelques-uns des points. Bien sûr, je n'ai pas le temps de relever tous
et chacun des aspects. Soyez assurés, cependant, que votre
mémoire, comme tous les autres, est scruté à la loupe,
très attentivement. Vous semblez indiquer que le projet de loi
s'articule autour d'un concept de relations conflictuelles. Chaque fois que le
législateur reconnaît des droits et précise des
obligations, en un certain sens, je pense qu'on doit dire que oui, il
découle des "possibilités" entre guillemets d'affrontements, que
ce soit dans le domaine du droit civil, que ce soit dans le domaine de ce qu'on
appelle aujourd'hui le droit de la consommation, que ce soit dans le domaine du
droit immobilier, du droit du travail, du droit maritime, etc., l'exercice de
droits qui sont reconnus.
Effectivement, le projet de loi no 17 vient reconnaître des droits
qui n'étaient pas reconnus antérieurement aux hommes et aux
femmes au travail, à leurs représentants autorisés quand
il y en a, quand il y a des associations accréditées, des droits
nouveaux. Bien sûr, cela entraîne des débats, cela
entraîne des réajustements dans les relations entre les parties.
Cela peut entraîner des arbitrages, cela peut entraîner des
jugements, etc. Lorsque, en particulier, ces droits débordent le
contexte de relations purement, uniquement et strictement individuelles et
qu'ils ont, par leur nature ou par l'environnement dans lequel ils s'exercent
une dimension collective, les débats ont, forcément aussi, une
envergure collective, avec les conséquences qui en découlent.
Mais, est-ce qu'on doit, pour autant, compte tenu de ce fait-là, passer
à côté ou ignorer complètement la
problématique? Je ne crois pas.
Il y a des droits, qu'on dit fondamentaux, qui sont reconnus et qui
impliquent certaines formes d"'affrontements". Cela peut être "un peu",
"beaucoup", "passionnément", ça dépend des contextes, des
situations, des domaines où on se trouve. L'introduction du recours
collectif, dans notre droit et dans notre procédure, qui semblait
à certains l'introduction de quelque chose qui pouvait ressembler
à une vision de fin du monde, quand je regarde le bilan aujourd'hui, je
pense que ça confirme l'hypothèse que nous avions invoquée
comme gouvernement. On nous disait: Ce sera l'avalanche, ce sera l'abus. Je ne
crois pas que ce soit l'avalanche jusqu'à ce jour. Je ne crois pas que
ce soit l'abus jusqu'à ce jour. Je pense que, essentiellement, c'est
sous le contrôle d'une procédure qui se déroule devant les
tribunaux.
En d'autres termes, c'est certain que la reconnaissance de droits et de
moyens accordés à ceux qui sont concernés pour exercer ces
droits ouvre cette perspective. Deuxièmement, nous ne sommes pas la
première société à intervenir dans ce domaine. Bien
au contraire, on va être, parmi les sociétés dites
modernes, probablement parmi les derniers à y arriver; la plupart des
provinces canadiennes sont déjà dotées d'une loi-cadre
dans ce domaine et reconnaissent certains des droits qu'on reconnaît dans
la loi. C'est vrai du Code canadien du travail. C'est vrai des
États-Unis. C'est vrai des pays européens. Il ne s'agit pas de
copier les autres. Il s'agit de coller le projet le plus possible à la
réalité québécoise aussi et de le baser sur une
ouverture de dialogue qui n'exclut pas que le dialogue puisse être
musclé en cours de route cela, je pense que ça fait partie
des règles du jeu mais de sortir d'une situation de
monologue.
En d'autres termes on l'a dit dans le livre blanc, lors des
tournées que j'ai faites, des consultations qu'on a faites les
mémoires qu'on a reçus confirment l'hypothèse qu'on avait
jetée sur la table; on est prêt à regarder les
modalités d'application de ces droits pour que cela se fasse dans des
conditions normales, acceptables, et que les abus soient sanctionnés. Je
pense que c'est très clair, j'ai eu l'occasion de le dire et de le
redire à plusieurs reprises, mais nous ne croyons pas qu'on puisse
perpétuer le régime actuel qui veut que tous les pouvoirs soient
confinés entre les mains d'un seul, les agents socio-économiques
impliqués, concernés.
Dans ce sens, je pense qu'il y aurait des nuances à faire
à cette espèce de philosophie des choses.
Je m'arrêterai très rapidement à quelques points
précis que vous évoquez; aux pages 6 et 11 de votre
mémoire, je voudrais être certain que j'ai vraiment bien compris
la portée des recommandations qui sont là. Cela concerne le
chapitre VI en particulier, les associations sectorielles, si je comprends
bien. Je me demande, encore là, si on fait la même lecture du
projet de loi. Le projet de loi laisse les associations sectorielles se
créer sur une base essentiellement volontaire, le seul cas d'exception
étant le secteur de la construction, où l'association est
obligatoire. Vous semblez indiquer, et je cite presque au texte: De plus,
toujours sur le même sujet, le projet de loi crée une profonde
inéquité au chapitre VI, où seules les associations
syndicales, en qualité de partie représentant les travailleurs,
peuvent conclure une entente...
J'aimerais bien avoir vos suggestions. C'est vrai que dans certains
secteurs, peu importe la façon dont on les définit,
économiques, in-
dustriels, manufacturiers ou de services, il y a des coins où le
taux de syndicalisation est très faible. Effectivement, on sait fort
bien... On dit que 35% des hommes et des femmes au travail sont
syndiqués au Québec, mais la réalité est
passablement autre quand on gratte ces chiffres pour découvrir que, dans
le secteur qu'on dit privé, la réalité de l'état de
la syndicalisation atteint à peine 22%. Donc, il est exact que, dans
certains secteurs économiques, manufacturiers, industriels ou de
services, le taux de syndicalisation est même inférieur à
22%, pour ne pas dire extrêmement faible. (15 heures)
Si on veut organiser une représentation paritaire à
l'intérieur d'associations sectorielles, j'aimerais que vous
m'expliquiez comment on va pouvoir assurer une représentation valable
des hommes et des femmes dans un secteur économique ou industriel
où ils ne sont pas organisés si on ne prend pas appui d'abord,
pour y arriver, sur le coin de ce secteur économique, industriel,
manufacturier qui, lui, est organisé, pour assurer une
représentation au point de départ qui puisse être valable.
Oui, M. le Président, j'achève...
C'est un des points. Le deuxième point j'achève, ce
sera très bref - ... Bien sûr, mais le président a le droit
de donner de bons conseils aux intervenants de part et d'autre...
Mme Lavoie-Roux: II a le droit de les rappeler à
l'ordre.
M. Marois: Le président me rappelle de ne pas abuser du
temps, il a bien raison, mais, quand même, je pense qu'on touche une
question fondamentale. Je ne veux pas abuser, mais... Sur l'inspectorat
très rapidement vous avez besoin de m'expliquer ça
drôlement, parce que j'avoue que spontanément, pour être
très franc, je ne peux pas acheter ce qui est là. Dans les
commentaires que vous formulez, vous dites: Vous donnez trop de pouvoirs aux
inspecteurs. Or, tout ce qu'on a entendu à travers le Québec dans
les tournées, c'était l'opposé. On a dit: C'est trop
émietté, ils n'ont pas assez de pouvoirs et, ensuite: II en
manque, il va falloir assurer une présence régionale. Les
témoignages d'inspecteurs me disent: Pour l'amour du bon Dieu,
donnez-nous les pouvoirs et on va les faire respecter, pour le boucler.
Les gens qu'on rencontre, les gens des entreprises j'ai des
témoignages des porte-parole d'entreprises, de petites, de
moyennes et de grandes entreprises demandent que ce soit clair et qu'ils aient
les pouvoirs. Des témoignages de certaines entreprises dans certains
secteurs industriels nous disent: Dans le secteur où on est, je sais
qu'on n'aime pas que j'utilise cette expression-là, mais j'ai l'habitude
de dire les choses comme je les pense... C'est vrai qu'il y a des choses
valables qui ont été faites par certaines entreprises dans
certains secteurs, et vous avez des entreprises qui se comportent de
façon absolument inacceptable. Dans un même secteur don-
né, vous avez des entreprises qui nous disent: Pour l'amour de Dieu,
pourquoi ne les mettez-vous pas au pas, ceux qui se comportent tout croche,
alors que nous, nous essayons de faire notre effort? Ils nous disent ce
sont des témoignages que j'ai eus de donner les pouvoirs qu'il
faut aux inspecteurs.
Vous nous dites: Vous donnez beaucoup trop de pouvoirs aux inspecteurs;
on aimerait mieux que ce soit le ministre responsable de l'application de la
loi qui détienne cette responsabilité, en particulier les
pouvoirs émanant des articles 142, 143, le droit de fermer le cas
échéant. Vous imaginez cela, si le ministre responsable est
poigné pour se promener à travers le Québec pour aller
voir l'usine machin dans tel coin et que c'est dans le cadre de l'exercice d'un
droit de refus et qu'il faut intervenir rapidement, alors que tout le monde est
unanime à dire que cela doit se dérouler vite, être
efficace et qu'il faut plus de ressources! Vous accrochez en plus "l'exercer
par voie d'injonction". Là, c'est mon vieux métier d'avocat qui
revient à la surface. Je veux bien de l'injonction, mais il y a des
dossiers récents; en 1979, une cause à Thetford Mines qui
implique l'Office de la construction et Claude Hamel contre la compagnie de
construction BSF. Dans certains dossiers, les demandes d'injonction prennent le
bord non pas sur le fond, mais sur la forme. Vous pensez que c'est là un
mécanisme plus léger et rapide pour y arriver? J'aimerais que
vous m'expliquiez cela un petit peu, parce que j'avoue que je ne comprends pas
cela.
Je terminerai sur le représentant à la prévention.
Je suis prêt à regarder cela. Je vous dirai bien franchement que
je pensais que c'était inhérent au pouvoir de gérance de
l'entreprise. Vous me dites: II y a un représentant à la
prévention pour les travailleurs, pourquoi n'y en aurait-il pas un pour
les employeurs? Cela me semble inhérent au projet de loi; cela me semble
inhérent au droit de gérance d'une entreprise d'avoir son
représentant à la prévention. Que demandez-vous
exactement? Qu'on l'écrive dans le texte de loi avec une protection en
conséquence? En d'autres termes, vous voulez que le gouvernement
intervienne pour vous dire: Dorénavant, vous en aurez tant selon la
taille de l'entreprise. Est-ce bien cela que vous me demandez? Dans la
même foulée, cependant, vous me dites: II y a beaucoup trop de
pouvoirs réglementaires, beaucoup trop d'interventions de l'État,
beaucoup trop de normes. Je veux être sûr que je comprends bien
votre demande parce que cela me semble inhérent au droit de
gérance de l'entreprise. Si vous voulez ouvrir cela, je ne vous donne
pas une réponse définitive, mais je suis prêt à
regarder cela.
M. Tremblay (Pierre): Je pense que M. Morin va...
M. Marois: Je m'excuse. Il y a le Dr Gauthier qui est avec vous.
Étant donné qu'il est avec vous, j'aimerais poser une
dernière question. Il y a déjà dans la loi le principe du
retrait préventif qui
s'appliquerait à la femme enceinte. Je voudrais avoir votre avis
sur l'idée et la suggestion qui nous a été faite il
y a un groupe qui doit témoigner cet après-midi qui l'a aussi mis
dans son mémoire qui vise à élargir cette
idée et cette notion du retrait préventif pour voir si on ne
pourrait pas l'appliquer à l'ensemble des travailleurs, bien sûr
sur la base des connaissances scientifiques qui existent. Ce ne sont pas tous
les types d'altérations dont on connaît les premiers signes
avant-coureurs, ce que dans le jargon technique ils appellent les prodromes ou
les symptômes avant même qu'il y ait une lésion pour essayer
de corriger le problème à la source. J'aimerais avoir votre
opinion si vous avez une réponse à nous donner ou une suggestion
à nous faire. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette approche qu'il
y aurait lieu de songer à élargir cela? Je m'excuse, M. le
Président.
M. Tremblay (Pierre): M. le Président, comme il y avait
plusieurs questions, vous me permettrez de demander, d'abord, à M. Morin
de répondre à quelques-unes des remarques du ministre. Nous
pourrons ensuite demander au Dr Gauthier quelques commentaires. M. Morin va
débuter.
M. Morin (Pierre): Peut-être, M. le Président, sur
les commentaires liminaires du ministre, dans lesquels il semblait s'interroger
sur notre demande que soient retirées des relations de travail, du
concept qui constituait les relations de travail, la santé et la
sécurité au travail.
Cela tient à un certain nombre de facteurs qui nous incitent
à le faire. D'abord, comme le ministre l'a évoqué
lui-même tantôt, le taux relativement très peu
élevé de syndicalisation dans le secteur privé est une
réalité. C'est une réalité que le projet de loi
semble, a priori, ne pas considérer. Il semble présumer, dans son
économie il fait des exceptions à l'occasion que,
de part et d'autre, il y aurait un certain équilibre au niveau non
seulement de ce qu'il peut appeler le rapport de forces immédiat, la
présence d'une association accréditée, d'une part, et d'un
employeur, mais aussi des autres mécanismes, incluant on y fait
même allusion une procédure de grief pour régler
certains conflits. Or, la procédure de griefs n'existe que dans une
minime proportion des entreprises.
M. Marois: Ce n'est pas parce que ça existe uniquement
dans un pourcentage minime qu'on ne doit pas la prévoir dans les cas
où ça s'applique, je pense que vous en conviendrez avec moi.
M. Morin (Pierre): J'en conviens avec vous, le problème
n'est pas là.
M. Marois: D'accord.
M. Morin (Pierre): C'est que vous semblez plutôt orienter
l'économie du projet de loi sur une situation qui, en fait, n'existe
pas; c'est là le problème fondamental.
On écoutait M. Laberge, ce matin, faire état de certaines
demandes qui sont venues s'ajouter à l'ensemble des propositions d'un
syndicat dans le contexte d'un conflit de relations de travail. Malheureusement
trop souvent, selon lui, les questions de santé et de
sécurité étaient laissées de côté
à la fin, de façon à amener un règlement. Il y a
là aussi une certaine question de priorité dans cet ensemble de
choses et, comme c'est bâti sur un rapport de cette nature, on voit
peut-être trop souvent les questions de santé et de
sécurité laissées pour compte.
En l'écoutant ce matin, lui-même considérait ceci
comme un minimum sur lequel on pouvait bâtir, mais quand même il
acceptait a priori que, dans le contexte des négociations qui existe
aujourd'hui, souvent les questions de santé et de sécurité
sont laissées pour compte, à la fin.
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, mais si vous me
permettez une remarque, là, vous êtes essentiellement en train de
confirmer mon hypothèse. Si c'est exact, je serais plutôt
porté à être d'accord avec vous, d'ailleurs, M. Laberge
témoignait dans le même sens ce matin l'état actuel
des quelques emmanchures de cette loi, les 20 règlements qui, à
toutes fins utiles, ne réglaient rien, pour l'essentiel, sont
laissés dans leur économie de lois et de règlements, entre
les mains et sous le contrôle de l'entreprise avec, en plus, nos propres
problèmes d'une cabane mal organisée. Là, je pense aux
services d'inspection et au reste. Il faut passer le balai dans notre propre
maison, comme gouvernement, nous les premiers, et on entend bien le faire,
déjà, par le projet de loi.
En d'autres termes, l'essentiel a été laissé entre
les mains d'une des parties. Quelle sera la réalité? Ce sera la
réalité d'aujourd'hui. Les cas où les travailleurs ne sont
pas syndiqués... Vous-mêmes vous me rappelez à nouveau
à quel point les chiffres sont bas. L'état de la
réalité, c'est ce que vous évoquez. Comment se fait-il
dès lors que les résultats soient ceux qu'on constate aujourd'hui
qui nous amènent à être obligés maintenant de dire:
Cela ne peut pas continuer comme cela? Si c'est vrai, comment se fait-il que
cela n'a pas changé?
M. Morin (Pierre): II y a une réponse à votre
question, M. le ministre, et elle se trouve précisément dans
l'analyse qui est faite de la loi américaine, entre autres, sur laquelle
il y a certains éléments du projet de loi québécois
qui sont modelés. Il y a, d'une part, l'approche même à la
loi, vouloir intervenir, dans une certaine mesure, dans tous les détails
de fonctionnement de l'entreprise. Je lisais simplement l'introduction au
rapport présidentiel: 4000 règlements adoptés depuis 1970,
normes, normes de fonctionnement. Le problème c'est que personne ne peut
véritablement en prendre connaissance.
M. Marois: Vous me parlez des normes américaines.
M. Morin (Pierre): Oui, mais qui sont adoptées par le
bureau de normalisation, canadien, CSA. On
les importe à toutes fins utiles presque toutes faites en posant
très peu de questions. Ce sont ces normes-là qui nous guident. On
s'aperçoit que, malgré tout ce bagage de normes et de
règlements, aux États-Unis on a fait un examen dans un
État, en fait dans deux États, mais un qu'on cite, l'État
de New York moins de 25% des accidents du travail qui se produisent sont
le résultat de dérogations à des normes de
sécurité publiées. On aura beau les empiler les unes
par-dessus les autres, on aura des piles de normes, mais est-ce qu'on va
régler la question fondamentale, celle de la santé et de la
sécurité au travail? C'est là où on ramène
notre question de contexte conflictuel; là-dessus, indépendamment
qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'unité accréditée, il
doit y avoir consensus au sein de l'entreprise, il doit y avoir volonté.
Peut-être que c'est le reproche le plus fondamental qu'on fait au projet
de loi. Dans les notes explicatives, si on lit au tout début les
premières lignes, il s'agit de prévoir des mécanismes. Si
vous me permettez, je vais vous donner un exemple, parce qu'il y avait quelque
chose d'alternatif à cela et c'est précisément la
première section de la loi suédoise, si vous me permettez, je
vais vous lire le texte qui donne au départ l'objectif, ce que vise la
loi: "The work environment shall be kept in a satisfactory state, having regard
to the nature of the work involved and the social and technological progress
occurring in the community at large."
M. Marois: Oui, d'accord, mais vous me citerez aussi le reste de
la loi suédoise qui prévoit le droit de refus, qui prévoit
les représentants syndicaux, qui prévoit les comités
paritaires, qui prévoit les pouvoirs décisionnels, qui
prévoit les normes, qui prévoit les règlements, etc., qui
prévoit la commission, qui prévoit l'intégration des
services d'inspection. Si vous voulez un article général
selon la façon de légiférer au Québec, l'article 1,
c'est généralement les définitions, peu importe que ce
soit 1, 2 ou 3 qui définit l'essentiel de l'objectif ultime de
viser à éliminer à la source... (15 h 15)
D'ailleurs on a évoqué en cours de route le paragraphe
d'introduction générale de l'article 48. S'il faut le replacer,
je n'ai pas d'objection à regarder cela, mais vous ne répondez
pas fondamentalement à la question que je vous posais. Il faut une
volonté des parties d'y arriver. Il faut une volonté de chacun.
Il faut une implication des parties. On n'a jamais eu les 4400 normes
imposées de façon obligatoire au Québec. On est devant une
situation X qui est, dans certains cas, dramatique et, dans d'autres cas,
tragique. Il faut bouger. Ce n'est plus acceptable. Qu'est-ce qui vous a
empêchés de le faire au préalable? Il n'y avait aucune
barrière. La volonté dont on parle, comment se fait-il qu'elle
s'est manifestée dans certaines entreprises, mais pas dans la
majorité? En d'autres termes, c'est parce que... Je ne veux pas
être injuste. Je veux vraiment bien comprendre tout simplement la
philosophie de votre approche en toute honnêteté pour traiter
votre mémoire en toute équité, toute justice, mais je
crois comprendre que, finalement, ce que vous nous dites, c'est que vous
demandez de nouveau la marge de manoeuvre qui existait dans le passé,
peut-être encore plus que cela.
M. Morin (Pierre): Non, non. Si c'est comme cela que vous
interprétez...
M. Marois: Par exemple sur les comités paritaires, vous me
dites: Pouvoirs consultatifs. Mais c'est cela, actuellement. C'est comme cela.
Dans les seuls comités paritaires qui existent, que je sache, sauf
exception dans quelques conventions, les pouvoirs ne sont que consultatifs.
Dans les comités paritaires issus de l'arrêté en conseil
3787, vous le savez comme moi, ce n'est que consultatif...
M. Morin (Pierre): Mais ils ne sont pas obligatoires pour toutes
les entreprises...
M. Marois: ... et le résultat est là. Pardon?
M. Morin (Pierre): C'est là que vous innovez. Vous faites
deux étapes. Ce qu'on voudrait...
M. Marois: Non, non. Vous savez comme moi qu'en vertu de
l'arrêté en conseil 3787, ils sont obligatoires à certaines
conditions. Pour une entreprise qui se comporte de telle et telle façon,
vous savez qu'ils sont obligatoires. Vous savez qu'en vertu du projet de loi
17, les comités ne sont pas obligatoires. C'est volontaire. Cela doit
venir de l'une ou l'autre des parties. À partir du moment où le
mécanisme est enclenché, cela devient obligatoire, ce qui
n'exclut pas que la commission, si elle le juge pertinent dans un secteur
où les taux sont particulièrement élevés... C'est
simplement une transposition de l'économie de l'arrêté en
conseil 3787.
M. Morin (Pierre): Oui. La loi prévoit son application
générale, la formation des comités. Excusez-moi, je ne
voulais pas tellement dévier sur le point particulier qui est,
effectivement, de pouvoir en venir à avoir un projet de loi où
tout dans le projet de loi comme vous l'avez vu, on n'a pas remis en
cause le droit de refus, ce n'est pas à des questions comme cela
auxquelles on s'attarde vise à atteindre l'objectif qui est la
santé et la sécurité, l'élimination à la
source. Pour cela, on dit: II faut qu'il y ait une volonté, il faut que
les gens puissent à tout le moins commencer à se parler et se
parler souvent dans des contextes autres que le cadre des relations de
travail.
M. le ministre, au Québec, c'est en 1977 que, pour une
première fois, tout le monde s'est réuni autour d'une même
table. Il faut dire qu'on est dans l'enfance de l'art là aussi. Cette
évolution qui est quand même assez rapide les gens se sont
réunis deux fois jusqu'à maintenant autour de la même table
à un niveau élevé il faut aussi que cela vienne de
la base et que cela monte, mais il faut donner une chance pour que cela se
fasse là sans qu'il y ait trop de contraintes, que cela se
fasse, oui, sans qu'il y ait trop de contraintes et sans qu'on perde de
vue l'objectif. Tantôt, vous avez mentionné une majorité
des entreprises qui, apparemment, n'auraient pas respecté la loi. Je ne
suis pas certain sur la majorité. Certainement une minorité.
Peut-être qu'on peut s'entendre, mais...
M. Marois: Non. Je regrette. Je regarde les chiffres. Ils n'ont
jamais été contestés. Ils émanent des rapports des
services d'inspection. Cela a été cueilli péniblement. Par
exemple, sur le respect de la norme des 90 décibels de bruit. Ce n'est
pas une majorité. On défonce le 80%.
M. Morin (Pierre): Technologiquement, peut-elle être
appliquée? C'est une autre question. C'est cela.
Enfin! Vous avez soulevé deux points, plus précis
ceux-là. À la page 6, la question syndicale... En fait, ce qu'on
reproche et c'est bien ce qu'on dit dans notre mémoire, à
la page 6, il aurait peut-être fallu le souligner quant à
la question des associations sectorielles, c'est que seules les associations
"syndicales"... On met "syndicales" entre guillemets parce qu'il faudrait
indiquer que le mot syndicales n'est pas défini dans le projet de loi ni
dans le Code du travail. Cela peut poser un petit problème de
définition à un moment donné, mais on voulait simplement
vous le souligner. C'est pour cette raison qu'on utilisait le mot, puisque vous
l'utilisez. Il ne semble pas y avoir de définition, mais vous dites que
seules les associations syndicales peuvent ensemble, avec des associations
d'employeurs, mettre sur pied de tels organismes et c'est là qu'on
trouvait une certaine iniquité. Autrement dit, la loi est fermée
là-dessus.
On a une autre objection sur les associations sectorielles, sur le fond
même, dans ce sens que les orientations qu'on voit ici servent
essentiellement à créer une autre bureaucratie, un autre niveau
de bureaucratie. Mais ça, on pourrait y revenir un peu plus longuement.
Là, au départ, c'était strictement sur cette
iniquité.
Concernant l'autre point que vous avez soulevé, qui est
l'inspectorat, effectivement, là où on demande que le ministre
ait et exerce le pouvoir d'injonction, ce sont deux cas de même nature,
c'est la fermeture d'un lieu de travail. Cela peut impliquer, et dans certains
cas ça le demande, que l'entreprise soit fermée et les chances
qu'elle ouvre à nouveau sont minimes, étant donné
l'état de sécurité qui y règne et qui peut y
régner, leur organisation. Cela arrive, là aussi, la mauvaise
organisation, c'est fort possible. À ce moment-là, il nous
apparaît important, aux yeux de la société, que ce soit le
ministre, l'homme politique élu, qui exerce cette responsabilité
de fermer une entreprise. Ce n'est pas lié au droit de refus comme tel,
ça. C'est l'exercice d'un droit de mettre, à toutes fins utiles,
la clé dans la porte. On pourrait appeler ça le droit de mort sur
une entreprise. Il y a là-dedans un principe en cause. Si l'inspecteur,
quand il le fait, se trompe, une fois qu'on est allé en appel, puisqu'on
peut en appeler de la décision, et qu'on s'aperçoit effectivement
qu'il s'est trompé, qu'il s'est écoulé trois, quatre, cinq
semaines et que l'entreprise n'est plus capable de se relever, contre qui
a-t-elle recours? Il n'y a aucune responsabilité. Il y a un pouvoir et
il n'y a pas de responsabilité correspondante. C'est anonyme, dans ce
sens-là. C'est ça qu'on ne veut pas. Il faut bien comprendre le
sens de notre intervention là-dessus.
Cela clôt ces deux points. Je crois que mes
collègues...
M. Tremblay (Pierre): Maintenant, M. le Président, le
ministre avait également une autre question qu'il dirigeait à
notre collègue que nous avons consulté dans le domaine
médical, soit le Dr Gauthier. En même temps que je demande au Dr
Gauthier de répondre à la question du ministre, j'aimerais aussi
demander au Dr Gauthier de nous faire quelques commentaires sur un point qui
nous préoccupe beaucoup, que nous appelons dans notre mémoire, au
haut de la page 10, la nationalisation des services de santé de
l'entreprise. J'inviterais le Dr Gauthier à faire quelques
commentaires.
M. Gauthier (Vincent): M. le Président, je demanderais au
ministre d'expliciter un peu sa question sur le retrait préventif de la
femme enceinte. Est-ce que ça regarde certaines industries en
particulier ou en général?
M. Marois: Non, là, c'est prématuré, cette
étape. Certains groupes nous ont suggéré, étant
donné qu'on introduisait le principe du retrait préventif dans le
cas de la femme enceinte, pourquoi ne pas élargir l'application de ce
principe à l'ensemble des travailleurs? Je pense que tout le monde
comprend qu'il y a des types d'altérations dont on connaît bien,
sur le plan scientifique et médical, les signes avant-coureurs, plomb,
cuivre, par exemple, pour mentionner deux exemples. Dans d'autres cas,
l'état actuel de la science ne permet pas de cerner de façon
scientifique peut-être que dans une couple d'années,
ça viendra les signes avant-coureurs. Donc, ça ne pourrait
concerner qu'un certain nombre de types d'altérations, au fur et
à mesure que l'état de la science permet d'y arriver et sous
réserve d'évaluer les retombées, l'impact, les
coûts, ce que ça peut impliquer sur les travailleurs comme tels
qui pourraient se trouver en situation d'être éventuellement
affectés à une autre tâche. Mais est-ce que ce n'est pas
rattaché aussi à l'ensemble de l'indemnisation et des expertises
médicales? Enfin, c'est une autre question.
L'idée même de l'élargissement, est-ce que, à
votre avis, c'est une chose qu'on devrait regarder et qu'on devrait retenir
comme principe?
M. Gauthier: Comme principe, je crois que ça pourrait se
défendre parce que j'ai, à plusieurs reprises, eu l'occasion
d'avoir des femmes enceintes que nous avons été obligés
d'arrêter de travailler pour des pathologies X, Y, Z. Je crois que le
principe, c'est de voir si la femme enceinte peut
accomplir son travail régulier ou, si nous ne pouvons pas lui
donner un travail très léger, simplement lui donner les
bénéfices auxquels elle a droit.
M. Marois: Ma question va plus loin que cela. Je prends note, et
les membres de la commission apprécient votre témoignage
là-dessus. Poussant plus loin, vous êtes médecin, vous
décelez, par vos fonctions, par votre métier, par votre
profession, les premiers signes avant-coureurs d'une chose, d'un
phénomène, d'une altération possible de l'état
physique qui ne présente pas encore le caractère de
lésion, c'est-à-dire d'un commencement de maladie. Dieu merci, il
y a de fortes chances que ça puisse être réversible si
c'est traité à ce moment-là. L'idée, c'est: Est-ce
que, au-delà du cas de la femme enceinte, vous pensez qu'on devrait
regarder cette hypothèse d'élargir le retrait préventif,
par exemple, aux cas que je viens d'évoquer?
M. Gauthier: M. le ministre, je crois qu'on peut élargir,
mais je demanderais l'opinion d'un gynécologue auparavant. Si le
gynécologue nous répond qu'il y a des dangers, d'accord. La femme
enceinte, pour moi, a une priorité et il faut la respecter.
M. Tremblay (Pierre): M. le ministre, est-ce que vous me
permettez une question? Est-ce que, dans votre optique de l'hypothèse
que vous soulevez, vous y voyez une responsabilité de la profession
médicale, du médecin traitant ou une responsabilité se
rapportant même au niveau du comité en question? Si je comprends
bien, le facteur diagnostic par le professionnel de la santé qui croit
voir venir un problème, cela ne peut pas être absolument
précis, c'est un cas où il y a une relation entre le
médecin et un employé, c'est individuel.
M. Marois: C'est individuel, mais ça permet de
dépister de façon précoce une situation physique,
d'éviter, le cas échéant, que ça se
détériore pour devenir une lésion, c'est-à-dire une
maladie. Deuxièmement, cela permet en même temps de traiter le cas
dans la mesure où, à ce moment-là, cela demeure
réversible, et ça permet peut-être, dans la perspective
d'une approche de ce qu'on appelle dans le domaine de la santé une
approche épidémiologique, de déceler une situation qui est
peut-être en train de se répercuter chez d'autres. On a
cité, par exemple, le cas, qui a fait la manchette des journaux, de la
compagnie Ballast-Métal, de Laprairie, une entreprise neuve; six mois
plus tard, tout le monde était intoxiqué au plomb. Une chance
qu'il y a eu un médecin qui a décelé les choses en cours
de route parce que ça aurait pu être pire que ça. La
question que je posais, c'est: Est-ce que le retrait préventif, dans une
perspective où on veut viser à éliminer à la
source, corriger avant que les drames arrivent, de façon précoce,
est-ce que ce n'est pas une chose qu'on devrait regarder? Certains groupes nous
ont dit:
Oui, vous devriez regarder cela, vous devriez même songer à
l'introduire, si c'est possible, dans le projet de loi no 17, ou dans le cadre
de la refonte du régime d'indemnisation et de la question d'expertise
médicale.
M. Gauthier: M. le ministre, je crois que cela doit être
étudié particulièrement; c'est mon opinion.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Très
brièvement, parce que plusieurs des aspects que nous voulions toucher
ont été touchés par le ministre d'État au
développement social avec nos amis de la Chambre de commerce de la
province de Québec. M. le Président, je tiens à porter
à votre attention le fait que ce n'est pas la Chambre de commerce de
Québec, c'est la Chambre de commerce de la province de Québec,
même si vous avez certaines réticences à utiliser ce terme
à l'occasion, on est encore dans la province de Québec.
M. Jolivet: ...
M. Pagé: Non, c'est vrai, et on va y rester pas mal
longtemps.
M. Jolivet: On verra.
M. Pagé: On n'est pas séparé encore. (15 h
30)
M. Jolivet: On n'a pas le temps...
M. Pagé: Ah ça!
Mme Lavoie-Roux: ... parler d'indépendance.
M. Pagé: On pourrait passer dix minutes
là-dessus.
M. Marois: II y a un célèbre éditorial de
votre chef sur le fait qu'on n'étaient pas particulièrement des
séparatistes. Le Devoir du... On reviendra là-dessus...
M. Pagé: On pourra regarder ça. Quelle date? On
pourra regarder ça.
M. Marois: On vous donnera la date. Une voix: Oui,
oui.
M. Pagé: Je comprends que pour vous les écrits de
notre chef sont votre lecture de chevet. Je comprends. Avec l'importance que
ça peut impliquer dans le domaine de la politique du Québec.
M. Marois: De ce temps-là, de toute façon, avec le
nombre de documents pondus par le chef, vous avez de la lecture à faire
aussi. Il y a des directives, il y a toutes sortes de choses.
M. Pagé: Oui, mais il y a une chose qui est certaine,
c'est que dans notre Parti on a des directives, on les a acceptées,
mais, là où c'est inquiétant, c'est là où il
n'y en a pas...
Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!
Mme Lavoie-Roux: Permettez-nous une... M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Oui, mais sans
exagération non plus. Je pense que les remarques ont été
faites de chaque côté. On peut maintenant revenir à nos
invités. Je crois qu'ils s'intéressent beaucoup aux propos que
vous allez tenir.
M. Pagé: Oui, mais vous conviendrez, M. le
Président, qu'après presque 100 heures d'échanges tout
à fait sereins entre mon collègue au développement social
et moi il est peut-être justifiable qu'on se permette quelques minutes
pour se...
M. Marois: Mais la sérénité n'exclut pas
l'humour.
M. Pagé: M. le Président, messieurs, merci de la
présentation de votre mémoire de ce matin. Un des
éléments qui m'ont fait sursauter un peu a été
l'affirmation que le législateur devrait, avec le projet de loi 17,
exclure le plus possible de questions ou d'aspects qui sont de nature à
être négociés. Vous avez assisté à
l'échange et au débat qu'il y a eu ce matin entre les
représentants de la Fédération des travailleurs du
Québec et moi-même entre autres, sur cette question-là. Je
trouve que votre attitude est un peu idéaliste, même un peu
puriste, dans le sens et angélique, pour reprendre un terme de
mon collègue de L'Acadie que vous soutenez que, sur des questions
aussi importantes que celles-là, il ne devrait pas y avoir
d'affrontement, il ne devrait pas y avoir de vécu de tous les jours
comme on peut le vivre dans les relations de travail.
Quant à l'aspect santé et sécurité, que ces
données soient régies par le Code du travail, c'est-à-dire
consacrer les questions pour la négociation, ou qu'elles soient l'objet
d'une autre loi, peu importe la loi par laquelle ces aspects seront
régis, il y aura toujours des intérêts en présence
et des intérêts qui ne sont pas nécessairement convergents.
Il y aura toujours par le fait même des affrontements. Le plus bel
exemple de tout ça, c'est que nous sommes une commission parlementaire
qui est chargée d'étudier un projet de loi en première et
en deuxième lecture, qui a à écouter les intervenants et
déjà la démarcation est assez nette entre les milieux
patronaux et les milieux syndicaux à plusieurs égards. D'autant
plus que bien souvent un intervenant, ayant pris connaissance du mémoire
ou de l'intervention d'un groupe, va modifier sa propre intervention pour
justifier quelques-unes de ses prétentions. Alors je me dis: Je ne vois
pas en quoi on peut accepter votre postulat quitte à vous de me
corriger, vous pourrez me corriger que tout ça devrait être
sorti du champ de la négociation; ce sont des matières
négociables, ça l'a été dans le passé.
Plusieurs entreprises au Québec ont signé des conventions
collectives avec des paragraphes portant spécifiquement sur la
santé et la sécurité. Des pas en avant, de
véritables pas en avant ont été faits selon nous, par
suite de la libre négociation des parties. Votre attitude me surprend,
et là je vous ouvre la porte à un commentaire parce que c'est en
échangeant comme ça qu'on peut mieux se comprendre, je crois;
d'ailleurs, on est là pour ça en commission parlementaire. Je
dois vous exprimer ma surprise et j'aimerais vous entendre
là-dessus.
La deuxième question, une question bien spécifique
celle-là. À la page 7 de votre mémoire, vous dites que la
participation doit avoir un véritable sens et vous abordez la question
des comités de santé et de sécurité. Vous dites au
dernier paragraphe: Cependant, le comité prévu par le projet de
loi et là, vous faites référence au comité
de santé et de sécurité à l'intérieur de
l'entreprise souffre de plusieurs carences. Il aurait des
responsabilités décisionnelles, 63, premièrement,
deuxièmement et cinquièmement on a déjà eu
l'occasion d'en faire état sans être comptable de ses actes
et de ses décisions auprès d'aucune des parties en
présence. Tout au plus, est-il requis de faire rapport à la
commission.
Si on veut une véritable participation des agents en
présence, c'est-à-dire des représentants de l'employeur,
des représentants des travailleurs, si on veut que ce comité de
santé et de sécurité ne soit pas, comme j'ai
déjà eu l'occasion de le dire, un comité de parlage et de
placotage, il faut lui donner des pouvoirs. À ce moment-là, cela
devient strictement un comité de consultation. C'est ce qui explique la
position qu'on a adoptée dans notre déclaration d'ouverture,
à savoir qu'on doit, selon nous, donner des pouvoirs réels,
définis, précis et particuliers au comité de santé
ou, à ce moment-là, là où il y a des syndicats,
qu'on n'ait tout simplement pas de comité ou encore que le comité
soit strictement consultatif mais qu'on le dise noir sur blanc dans la loi.
D'ailleurs, le ministre est revenu à plusieurs reprises avec d'autres
intervenants sur la question des pouvoirs à donner au comité de
santé et de sécurité. C'est une autre question que je vous
formule: Comment voulez-vous qu'un comité de santé et de
sécurité comme celui qui est prévu dans la loi puisse
véritablement impliquer de la participation sans qu'il n'ait de pouvoir
décisionnel à quelque chapitre que ce soit?
Dernière et troisième question. Beaucoup d'entreprises,
beaucoup de petites entreprises militent et travaillent à
l'intérieur des chambres de commerce locales et régionales. Il
suffit d'être présent un peu dans nos comtés pour constater
que ces gens se sont organisés, que ces gens se défendent. C'est
légitime; ce n'est non seulement légitime et normal mais c'est
justifié et c'est bien parce que trop peu souvent, je crois, la petite
entreprise au Québec a droit au chapitre dans des débats comme
ceux-là. Il y a des dispositions qui
s'appliquent qui auront des effets sur la petite entreprise. Vous en
glissez un mot de façon très limitée dans votre
mémoire. Vous n'êtes pas sans savoir que toute entreprise de plus
de dix employés, si le secteur dans lequel elle fonctionne se retrouve
dans la catégorie établie par règlement par la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, sera soumise aux
mécanismes de la loi 17. Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir
l'impact que cela pourra impliquer? Je comprends que vous ne connaissez pas le
règlement. J'en conviens, nous ne le connaissons pas non plus et le
législateur, d'ailleurs, n'aura même pas à en parler ni
même pas à en discuter; c'est une autre question. Est-ce que vous
avez eu jusqu'à maintenant l'occasion d'en parler avec vos membres ou
est-ce que les chambres affiliées dans les régions, les
comtés ont eu l'occasion de se pencher sur cet aspect de l'application
de la loi pour les entreprises de dix employés et plus en termes
d'effet, en termes d'implication et tout? C'est là l'essentiel du
commentaire et des deux questions que je voulais vous poser.
M. Tremblay (Pierre): Merci, M. le député de
Portneuf. Je pense que, comme vous le voyez, M. le Président, nous
n'étions pas tout à fait sur la même longueur d'onde.
M. Pagé: Vous êtes un peu moins à gauche que
moi sur certains sujets.
M. Tremblay (Pierre): Je voudrais m'en tenir à notre
mémoire. M. Létourneau, vous aviez quelque chose à dire?
Je me permets d'insister à nouveau auprès du docteur; nous avons
plusieurs de nos membres qui ont des services de santé dans leurs
entreprises et dans certains cas, depuis un grand nombre d'années. Nous
les avons consultés. Nous avons certaines inquiétudes
là-dessus. C'est pourquoi je demanderai à M. Létourneau de
dire quelques mots et au Dr Gauthier de bien vouloir nous faire quelques
commentaires sur cet aspect des services existants.
M. Létourneau: M. le Président, je commencerai par
la question du député de Portneuf qui concerne les
conséquences de l'application de la loi sur les petites et moyennes
entreprises. Sur ce point comme l'a d'ailleurs signalé le
député - il est bien difficile d'évaluer exactement
l'impact de la loi tant et aussi longtemps qu'on n'en a pas vu la
réglementation. Comme vous l'avez également signalé,
lorsque viendra la réglementation, les députés de
l'Assemblée nationale ne la verront pas. Cela fait partie de ce que nous
appelons l'érosion du pouvoir législatif. Cependant, pour revenir
au point spécifique de la question sur les conséquences pour les
PME, il y a la question de la possibilité pour l'inspecteur d'ordonner
la fermeture d'un lieu de travail. Évidemment, une des
conséquences est l'arrêt de la production et l'autre
conséquence, compte tenu de la loi, est l'obligation pour l'employeur de
continuer à payer les salaires aux travailleurs même si la
production est arrêtée.
Nous avons recherché des statistiques concernant le fonds de
roulement à l'intérieur des PME, pour savoir combien de temps
pourrait durer une entreprise qui serait prise dans cette situation. Il est
évident, d'après les informations que nous avons obtenues de
certaines institutions financières, que ce serait très peu de
temps; malheureusement, il ne nous a pas été possible de
déterminer combien de jours, parce que c'est de jours qu'on nous
parlait.
Ce qui nous inquiète aussi, c'est que, malgré les efforts
qu'a pu faire le législateur, on ne sait pas exactement jusqu'où
ça pourra aller l'interprétation de ce qu'on appelle dans la loi
des conditions qui mettent en cause la santé et la
sécurité des personnes; dans quelle mesure, jusqu'à quel
point.
Une autre situation que nous craignons, c'est l'utilisation de ces
pouvoirs à l'occasion de conflits de travail à l'intérieur
de l'entreprise. Cela peut être une arme légale utilisée
qui met en cause la vie de l'entreprise.
Ce sont des craintes que malheureusement nous ne pouvons pas
complètement justifier à ce moment-ci parce qu'on ne
connaît pas la réglementation. C'est seulement à
l'époque de la réglementation, compte tenu de la façon
dont le législateur entourera l'exercice de ces pouvoirs pour les
inspecteurs ou compte tenu du fait qu'il pourra faire porter, comme nous le
suggérons, ce pouvoir à une instance plus élevée,
que peut-être nos craintes seront moins grandes. Mais, à ce
moment-ci, elles viennent du fait qu'il y a des possibilités que
l'application de la loi signifie, dans plusieurs cas, surtout chez la PME, la
mort de l'entreprise. Est-ce que la faute commise par l'entreprise justifierait
les pertes d'emplois occasionnées et l'arrêt absolu de ses
activités?
Concernant les pouvoirs réels à donner au comité de
santé pour, comme le signale le député de Portneuf, que ce
comité soit efficace, sur ce point je demanderais à mon
collègue, M. Morin, qui a approfondi cette question, de fournir la
réponse, M. le Président.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je vais tenter de
donner un cadre assez pratique, de dresser une hypothèse qui se produit
régulièrement en entreprise. Par exemple, faisons
l'hypothèse qu'un comité existe, qu'il recommande, après
examen, un nouvel outillage ou un nouvel équipement qui, lui, serait
plus sécuritaire et que cet outillage entraîne la perte d'une
demi-douzaine d'emplois. Vous avez là un comité qui a
décidé, à bon droit, qu'il serait plus sécuritaire
de modifier on parle toujours d'éliminer les accidents à
la source l'outillage et, à cause d'un outillage plus moderne,
cela entraînerait une perte d'une demi-douzaine d'emplois.
Plaçons-nous dans le contexte réel et actuel au
Québec; qu'est-ce qui se produirait, surtout s'il y a là une
unité de négociation? C'est là qu'on entre
véritablement dans les problèmes du pouvoir soi-disant
décisionnel du comité. D'autre part, il y a le fait qu'il ne soit
comptable à personne; cela est bel et bien dit dans le projet de loi
qu'il n'a
aucun compte à rendre; il produit un rapport annuel à la
commission. Or, d'une part, on lui donne certains pouvoirs décisionnels,
d'autre part il n'est comptable à personne et, troisièmement, il
peut prendre des décisions qui effectivement affectent la vie
économique et le contexte social de plusieurs des collègues,
alors qu'actuellement, sur une base consultative, cela demeurerait la
responsabilité de l'employeur de le faire ou de ne pas le faire dans les
circonstances.
M. Létourneau: On veut que ça demeure un pouvoir de
gérance. (15 h 45)
M. Morin (Pierre): Comme le dit M. Létourneau, on veut que
cela demeure un pouvoir de gérance, que cela demeure à
l'intérieur des cadres, des pouvoirs de gérance de l'entreprise.
Simplement un petit point pour enchaîner aux propos de M.
Létourneau, pour faire le point sur votre surprise et votre qualificatif
d'angélisme à notre endroit. Il serait peut-être bon
simplement de signaler une chose qu'on demande, c'est qu'on a un projet de loi
avec une multitude d'articles qui va engendrer encore un plus grand nombre de
règlements. On aurait souhaité que la loi, pour atteindre le
même objectif là-dessus, il n'y a aucune dissension sur
l'objectif de fond à atteindre et le moyen de l'atteindre soit
axée sur le cadre organisationnel de l'entreprise avec des inspecteurs
qui peut-être aideraient et verraient à ce que l'entreprise ait et
adopte un cadre organisationnel qui élimine à la source.
Voyez-vous, le projet de loi n'est pas articulé comme cela actuellement.
La carotte, qui est la santé et la sécurité, semble
être dissipée par rapport au bâton. C'est cela, grosso
modo.
M. Tremblay (Pierre): Si vous me permettez, je demanderai au Dr
Gauthier ses commentaires tant attendus sur cette opération des services
de santé dans les entreprises. Je souligne que M. Boudreault est d'une
compagnie qui a un service de santé depuis plus de trente ans, que M.
Roy est à la Presse je ne sais pas depuis combien d'années, mais
qu'il a aussi un service de santé. Dr Gauthier, si vous voulez faire
quelques commentaires.
M. Gauthier: M. le Président, en lisant le projet de loi
17 et plusieurs mémoires par la voie des journaux, je me suis
posé une question: Pourquoi vouloir changer les services de santé
déjà existants et bien établis, qui sont fonctionnels et
qui nous semblent rendre des services efficaces aux travailleurs? Pourquoi
vouloir la socialisation de ces services? On a parlé de contrôle
des médecins d'entreprises. À mon avis, la corporation
professionnelle des médecins est habilitée elle le fait
dans le domaine public à contrôler tous les médecins
d'entreprises dans quelque domaine qu'ils soient. Quel est le rôle du
médecin d'une entreprise? Premièrement et évidemment, son
rôle primordial, c'est la prévention des accidents et la
sécurité du travail. Mais le médecin d'une entre- prise ne
fait pas que cela. Comme vous le savez, mes chiffres peuvent être plus ou
moins exacts, je crois qu'il y a environ 225 médecins qui s'occupent
d'industrie, dont au-dessus d'une centaine à temps plein. Tout ce
transfert dans le domaine public, je crois que le coût serait assez
élevé.
Un autre problème que je me pose, c'est qu'il ne faut pas oublier
que, comme médecins d'entreprises, nous faisons un peu le travail d'un
médecin de famille auparavant. Plusieurs employés viennent nous
consulter pour des problèmes de toutes sortes. Jamais nous ne les
refusons. Si on élimine cet état, je crois que la situation
pourrait être un peu plus dramatique ou moins drôle pour ces
employés. C'est à peu près cela que je voulais dire, en
fait de commentaire: je ne vois pas pourquoi démolir un système
qui existe à plusieurs endroits et qui est fonctionnel. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. Létourneau disait tout à l'heure
qu'il a peur que les coûts d'administration de ce nouveau projet de loi
soient effarants pour les industries. Je ne sais pas s'il a pris connaissance
d'une statistique qui a été publiée dernièrement,
que le projet de loi 17 apporterait une amélioration très
sensible à la sécurité et à la santé
publiques, faisant donc diminuer les accidents de travail et les morts
accidentelles.
On allait même jusqu'à prétendre qu'au moins 12% des
réclamations aux accidents de travail seraient moindres et qu'on aurait
10% de moins de mortalités. Si c'était vrai, je pense que ce
serait une bonne amélioration parce que la loi veut surtout faire de
l'éducation au point de vue santé et sécurité dans
l'emploi dans différents métiers. Je crois que c'est
nécessaire aujourd'hui plus que jamais parce que dans les conventions
collectives j'entendais M. Laberge le dire ce matin on laisse
pour compte la santé et la sécurité. Je lui rappellerai
qu'il a fait lui-même dans sa centrale une amélioration d'au moins
78% quand il a apporté des changements dans la santé et la
sécurité au travail. Regardez dans les conventions collectives
combien, depuis dix ans, ont atteint un certain barème de
sécurité, non pas maximal, mais une sécurité et une
santé au travail. On a reproché, je pense, à la Commission
des accidents du travail bien des fautes, retards dans les inscriptions, dans
les paiements, mais jamais on n'a dit que la Commission des accidents du
travail avait fait oeuvre de bien aussi pour tâcher d'améliorer la
sécurité au travail et la santé publique.
Vous dites dans votre mémoire à un moment donné que
la façon d'administrer cette nouvelle loi devient plus importante que
son objectif initial. Je pense que l'objectif initial et tout le monde
en est c'est qu'en 1979 c'est "other days, other ways". On doit vivre
dans une atmosphère d'éducation, de formation professionnelle et
d'avancement. On ne peut pas toujours maintenir le statu quo et dire qu'il ne
faut pas faire cela parce que
c'est un danger pour l'industrie ou pour ceux qui ont la
responsabilité. Je ne pense pas cela. Je suis positif quand je dis que
la loi et je me suis réservé ce concept dans ma
première allusion en vertu des articles 40 et 185 est
onéreuse, parce qu'on ne le sait pas, on est devant des
hypothèses possibles de réglementation. Il y en a quinze à
l'article 40. Il y en a 36 à l'article 185. Que peut-on souhaiter? Que
peut-on désirer? Vous ne le savez même pas.
La réglementation, les législateurs que nous sommes ne la
connaissent même pas. On va arriver avec un lot de réglementations
faites par d'autres que nous, les députés, et on va dire: C'est
ce qu'il faut appliquer. Mais quelle sorte d'expérience a-t-on
vécue dans le passé avec des réglementations faites
après l'adoption de la loi? Je trouve cela je l'ai dit et je le
répète injuste de mettre en vertu de l'article 40 quinze
obligations, c'est-à-dire quinze obligations générales qui
sont peut-être dans d'autres lois, mais qui n'apparaissent pas
formellement comme elles apparaissent ici. Particulièrement à
l'article 185 je suis bien informé on a 36 paragraphes
où l'on dit que les règlements seront faits de telle
manière et appliqués de telle manière. Bon! Je suis
d'accord avec l'obligation de faire des règlements dans une loi. Il n'y
a peut-être pas de loi qu'on peut adopter aujourd'hui sans qu'il y ait
une foule de règlements qu'on ne connaît pas, sauf une ou deux
exceptions qui sont arrivées à la première partie de la
session. Mais là on voit à l'article 185 que la commission peut
faire des règlements. Le législateur, lui, qui va être la
personne responsable vis-à-vis de l'intérêt public tout
à l'heure dans son comté, après les avoir vus, aurait-il
consenti aux règlements qui sont là? Pour le bien
général, le bien public, ne faudrait-il pas qu'on ait une ou deux
séances sur les règlements et que ce soit une table ronde comme
on le disait ce matin, une table ronde où on pourrait
véritablement établir le bien-fondé des règlements?
Je trouve que dans l'intérêt public et particulièrement
pour ceux qui sont intéressés à payer parce qu'en
vertu de la Loi des accidents du travail vous avez des classes, des
catégories de gens...
Vous dites qu'il y aura une série de catégories de
règlements qui seront appliqués selon la diversité de
l'industrie. Mais, quand on regarde ce qu'on a fait, nous autres
personnellement, ce que j'ai fait le mérite et le
démérite qui existaient dans la loi, il va falloir les retrouver
quelque part tout à l'heure.
Maintenant, M. le Président, j'aurais une question très
simple à poser à ces messieurs. Je reviens à mon dada, le
refus de travailler. Est-ce qu'on peut discerner un refus positif d'un refus
malhonnête, qui n'est pas dicté par des raisons majeures? Ce matin
j'ai reçu une réponse assez louvoyante de la FTQ, mais j'aimerais
bien, par exemple, avoir de vous une explication sur le "mal-fondé",
d'un refus de travailler. Comment peut-on établir la
malhonnêteté, la mauvaise foi? C'est ça que je voudrais
essayer de trouver. Pour moi, c'est quelque chose de très important dans
la loi qui s'en vient.
M. Tremblay (Pierre): Sur la question du refus, M. Morin va
répondre. Sur la question des coûts, M. Létoumeau fera
quelques commentaires.
M. Morin (Pierre): M. le Président, sur la question du
droit de refus, il est peut-être assez facile de savoir s'il est
exercé de bonne foi ou non. Le problème, c'est qu'il est
impossible ou presque de prouver qu'il est de mauvaise foi et, dans ce
contexte, le ministre n'a évoqué ce matin qu'une seule chose, je
crois, qui s'est rendue en Cour supérieure et c'est en Saskatchewan.
Effectivement, il est presque impossible de... On ne peut pas présumer
et il est presque impossible de prouver la mauvaise foi, d'où une
certaine ouverture à son utilisation, dans certains cas de mauvaise
foi.
On a fait bien attention, dans notre mémoire, de ne pas le faire
porter sur des questions d'abus ou quoi que ce soit. On entend des histoires
d'horreur. Vous avez entendu des histoires d'horreur. Ce n'était pas
notre intention de venir vous apporter des histoires d'horreur, mais il n'en
demeure pas moins qu'on accepte le droit de refus. Là où on
souhaite que le législateur puisse intervenir d'une façon
positive, c'est en encadrant, d'une certaine façon, le droit de refus,
de façon, de par sa nature même, à prévenir, autant
que faire se peut, les abus, s'il doit y en avoir.
M. Bellemare: Croyez-vous, M. Morin, qu'il y a eu, dans le
passé, une certaine provocation dans des situations analogues,
c'est-à-dire dans les situations où un droit de refus aurait pu
s'exécuter, sauf dans la construction, bien entendu, mais, en
général, dans l'industrie? Un droit, de mauvaise foi, de la part
de l'employeur, de demander de faire un travail qui serait, d'après le
général...
M. Morin (Pierre): D'après le travailleur, dangereux?
M. Bellemare: Oui.
M. Morin (Pierre): Oui, ça s'est certainement produit.
M. Bellemare: Oui.
M. Morin (Pierre): Cela s'est certainement produit qu'un
employeur puisse demander, à un moment donné, à un
employé de faire quelque chose qui soit dangereux et qui soit
au-delà des fonctions inhérentes, certainement.
M. Bellemare: Oui.
M. Morin (Pierre): Mais, sans le savoir, peut-être,
souvent... Mais cela aurait pu être, dans certains cas même, sans
aller jusqu'à une question de négligence criminelle,
peut-être sans concevoir que ça puisse comporter ce danger, d'une
part.
Il y a, sur la question du droit de refus, un certain
phénomène. Non, excusez-moi. Je ne voudrais pas entrer
là-dedans.
M. Létourneau: M. le Président, sur la question des
coûts, M. le député de Johnson a fait des observations
concernant notre préoccupation sur les coûts. C'est une
préoccupation générale qui ne nous fait pas dire au
législateur que la loi ne devrait pas exister. C'est une
préoccupation qui demande au législateur d'être prudent
dans l'application de la loi, de telle sorte que ses coûts et son
efficacité soient le mieux possible assurés. (16 heures)
Le député de Johnson a relevé les pouvoirs de
réglementation qui existent et que nous trouvons très
considérables. D'accord, il faut toujours des pouvoirs de
réglementation, mais là comme dans certaines autres lois
récentes ils sont très considérables et certains qui
commencent à ployer sous le fardeau de ces réglementations les
trouvent parfois monstrueuses. On a là au moins une quarantaine de
situations différentes bien identifiées par le législateur
où des réglementations pourront être
rédigées. On peut facilement imaginer, lorsqu'on connaît la
complexité de certaines de ces situations, le nombre de pages de texte
de réglementation que cela représentera et la difficulté
pour ceux qui auront à les appliquer, sans parler de ceux qui auront
à les respecter, de les connaître, d'abord, et ensuite de les
comprendre. Pendant tout ce temps, on maintient devant nos cours de justice le
principe que nul ne peut invoquer l'ignorance de la loi pour la transgresser.
Je pense qu'on s'achemine vers un cul-de-sac au rythme où on fait des
lois et des règlements.
Ceci dit, M. le Président, la question des coûts, nous la
prévoyons dans la préparation des règlements et dans
l'appareil administratif que cela prendra pour son application, et ce n'est pas
négligeable. Nous demandons donc la plus grande prudence au
législateur de ce côté-là, pas au point de rendre la
loi inopérante, mais, encore une fois, une grande prudence. M. le
député de Johnson a mentionné des objectifs précis
évalués par des personnes qui ont examiné la loi, des
experts. Nous serions très heureux que cette loi puisse atteindre ces
objectifs. Nous aimerions même et nous l'avons
suggéré dans notre témoignage précédemment
que ces objectifs soient mentionnés en même temps qu'on
adopte la loi ou ses règlements et que le législateur s'engage
à revoir la pertinence de ces règlements par rapport aux
objectifs atteints après une certaine période, peut-être
trois ans, disons un maximum de cinq ans. C'est une façon, à
notre avis, de bien dépenser les deniers publics et d'être
efficace, en même temps, par rapport aux objectifs visés.
Un autre endroit où nous croyons que les coûts de
l'application de cette loi pourraient être considérables,
découle du témoignage que vient de nous faire le Dr Gauthier
concernant la médecine pratiquée en entreprise, les
médecins d'entreprise. Actuellement, ces frais sont à charge de
l'employeur. Nous considérons que cette médecine d'entreprise, en
général, est efficace pour toutes les parties
intéressées, l'employeur, les travailleurs et la
société, en ce sens qu'il y a beaucoup de deniers
économisés par ce genre de services et une meilleure
qualité de soins assurés aux travailleurs dans les entreprises
organisées avec un service de santé dans l'entreprise.
Les modalités d'application de cette loi feront en sorte que la
majorité, sinon la totalité des entreprises qui possèdent
de tels services vont s'en départir avec l'application de la loi, ce qui
veut dire que les travailleurs de ces entreprises devront aller dans le secteur
public. Cela occasionnera des coûts additionnels au secteur public et,
comme l'a signalé le Dr Gauthier, très certainement une baisse de
la qualité des soins de santé accordés aux travailleurs de
ces entreprises. Cela, M. le Président, ça fait partie des
coûts.
L'autre situation que nous avons mentionnée qui nous porte
à douter de l'efficacité des multiples règlements qu'on
veut amener, modelée en cela sur ce qui se passe aux États-Unis
et ailleurs au Canada, c'est je le rappelle l'inefficacité
de l'application du programme OSHA aux États-Unis, inefficacité
constatée de manière probante par une enquête
présidentielle.
M. Bellemare: M. Létourneau, si un travailleur exerce son
droit de refuser un travail, est-ce qu'on doit automatiquement présumer
qu'il est de mauvaise foi, tel que vous le dites dans votre mémoire,
à la page 10? "Il importe à l'employeur de prouver la mauvaise
foi et les sanctions ou mesures disciplinaires peuvent faire l'objet de la
procédure de griefs. Soulignons que nous trouvons pour le moins cocasse
de voir un texte législatif à caractère pénal
parler d'intention (mauvaise foi), selon votre mémoire; l'employeur ne
bénéficie pas de la même largesse, ni au chapitre XIII
(recours), ni au suivant, (infractions). Sa mauvaise foi étant
présumée, point n'est besoin de la prouver." Cela, c'est dans
votre mémoire. J'ai de la misère à faire la distinction
entre le refus et la mauvaise foi d'une personne.
Je vais continuer. Cela peut être long, et je ne voudrais pas
prendre le temps du comité, je sais que d'autres ont des questions, mais
je voudrais simplement vous demander si vous ne croyez pas que le nombre
d'accidents pourrait baisser dans la province et que les mortalités
pourraient diminuer aussi avec cette loi qui est pour la prévention de
la santé et de la sécurité du travail. Si elle est
véritablement appliquée, est-ce qu'on ne fait pas dans ce
sens-là, comme disait le juge "un saut gigantesque" qui n'a jamais
été fait, même de mon temps, mais qui se fait aujourd'hui?
Je l'approuve.
Si c'est dans le sens de la prévention, de la
sécurité et de la santé du travail, je l'approuve parce
qu'on ne sera jamais trop prudent. Quand on dit que dans les conventions
collectives, depuis dix ans, comme disait ce matin le président de la
FTQ: "On laisse ça pour compte" c'est faux. Dans 78% des conventions
collectives, il est question de règlements positifs en ce qui regarde la
sécurité au travail et particulièrement la santé.
Je pense que les conventions collectives y ont pourvu. Alors, je vous laisse le
soin de me répondre si le travailleur qui exerce son droit de refus doit
auto-
matiquement être présumé comme étant de
mauvaise foi.
M. Morin (Pierre): M. le Président, à la question
précise du député de Johnson, non, nous ne
présumons pas, a priori...
M. Bellemare: Mais pourquoi votre mémoire...
M. Morin (Pierre): Vous nous excuserez, M. le Président,
d'avoir peut-être tenté un peu d'ironie ou un peu d'humour, mais
nous trouvions cocasse que dans une loi pénale, qui,
généralement dit: Vous ne respectez pas la loi, vous n'avez pas
d'excuse, c'est tel montant d'amende, que dans un cas d'exercice du droit de
refus, la seule ouverture laissée soit celle de la mauvaise foi, donc,
des intentions. Ce qui s'applique généralement dans le Code
criminel. Par ailleurs, on ne retrouve pas, comme on dit, la même
générosité au niveau des recours qui peuvent être
intentés contre l'employeur ou ailleurs. C'est strictement, encore
là, l'économie du Code pénal, de la loi pénale qui
s'applique. Vous n'avez pas respecté le règlement, une amende
s'impose. Il n'y a pas d'excuse, d'une part.
Deuxièmement...
M. Bellemare: C'est là qu'est l'humour? M. Morin
(Pierre): D'une part, oui. M. Bellemare: Non, non, non! M. Morin
(Pierre): Dans ce sens que le... M. Bellemare: Je ne peux pas croire
ça.
M. Morin (Pierre): Deuxièmement, ce qu'on voulait
souligner au législateur, c'est que la mauvaise foi, à toutes
fins utiles, c'est impossible à prouver.
M. Bellemare: II y a des fois que je pense que c'est visible
à l'oeil nu, que ça se sent avec un nez, avec un bon radar.
M. Morin (Pierre): C'est justement, ça se sent et c'est
visible, mais pour le prouver, il faut effectivement le faire sentir à
un juge ou le faire sentir à un jury et c'est souvent plus
difficile.
M. Bellemare: II y aura aussi une jurisprudence qui sera faite
sur ça.
M. Morin (Pierre): Ce n'est pas impossible, mais elle peut
tarder.
M. Bellemare: Oh non.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Pour enchaîner, parce que ma question ne
portait pas sur ça, c'est peut-être aussi la même
façon, quand vous parlez de prouver la mauvaise foi, qui existe
actuellement de prouver le "sciemment". Je pense qu'il y a une jurisprudence
qui a été faite à ce sujet-là. Donc, si vous dites
que c'est difficile de prouver la mauvaise foi, c'est aussi difficile
actuellement, dans les textes qu'on connaît, de prouver "sciemment". Je
pense donc que ce qu'on donne au niveau de l'employé, c'est une
première possibilité d'avoir le droit d'utiliser un droit sans
avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. On
n'a qu'à prendre au départ le Code du travail quand il est
appliqué avec le droit de se syndicaliser et avec la preuve que devait
faire la patron qui congédiait un individu qui essayait de former un
syndicat. On a donné le fardeau à l'employeur de prouver qu'il ne
congédiait pas l'individu parce qu'il avait l'intention de former un
syndicat dans l'industrie. Je pense que cela a amené des tollés
au départ, mais l'utilisation de ce droit a permis la syndicalisation,
même si elle n'est pas au pourcentage souhaité.
Quant à la question que je voulais poser, elle se situe au
troisième paragraphe de la page 10. C'est la seule question que je
poserai parce qu'à chaque fois que j'ai eu à rencontrer des
groupes patronaux, dans les discours que j'ai eu à prononcer sur le
livre blanc de la santé et de la sécurité, c'est toujours
la même question qui revenait, c'est-à-dire qu'on veut
nationaliser les services de santé de l'entreprise, alors que nous
parlons de normalisation.
Vous dites et vous donnez comme exemple, MM. Gauthier et Boudreault, que
dans vos compagnies il y a un service de médecine de travail. On doit
dire que, dans l'ensemble, il n'y a pas de service de santé dans les
compagnies. En conséquence, alors que l'on sait très bien que le
système public regroupe à peu près 97% des médecins
au Québec, est-ce que votre paragraphe no 3 de la page 10 implique que
vous voulez à l'intérieur des services, au niveau de la
médecine du travail, qu'il y ait deux systèmes de service de
santé? Est-ce qu'il devrait y en avoir un public et un privé? Si
oui, est-ce que cela entraîne par le fait même que vous
considérez que le service public, qui est celui que l'on connaît
par le système de régime d'assurance-maladie du Québec qui
est un service public offert à tous ceux qui veulent y participer, est
un service meilleur que le service public? C'est une bonne question à ce
niveau.
Ce sont les idées qui me viennent à l'esprit quand je lis
votre troisième paragraphe. Est-ce que j'ai vraiment compris ou pas
compris? C'est une bonne question; la preuve est qu'ils parlent toujours de
nationalisation. C'est eux qui disent qu'ils parlent de nationalisation.
Une voix: Une bonne question.
M. Tremblay (Pierre): Est-ce qu'on pourrait poser une
sous-question? Est-ce qu'en faisant disparaître les services
privés vous pensez que cela pourrait améliorer le service
public?
M. Jolivet: Très bonne question à ce niveau, parce
que vous parlez de nationalisation. Actuel-
lement, dans l'ensemble des industries du Québec, j'aimerais
savoir de vous le pourcentage de compagnies qui ont un service médical
à l'intérieur de l'industrie. Ce serait bon à savoir
puisque vous dites qu'il y a des compagnies qui ont été capables
de se donner des services de santé et non la majorité. Est-ce
qu'à ce moment-là la question que vous posez au niveau de la
nationalisation des services de santé à l'intérieur des
industries ne concerne pas plutôt la normalisation pour l'ensemble des
industries du Québec?
M. Morin (Pierre): M. le Président, j'ai peine à
comprendre exactement ce que veut dire le mot normalisation. C'est un peu comme
de la rationalisation employée dans l'administration.
M. Jolivet: Vous parliez de normes pour une autre chose quand
vous parliez de normes américaines. Vous aussi avez parlé de
normalisation.
M. Morin (Pierre): Oui, on a parlé de normes d'adaptation,
d'application suivant simplement la traduction, souvent, de normes
américaines sans leur adaptation à notre territoire. C'est le cas
qui arrive assez fréquemment. Mais, pour ce qui est de cette question,
ce qu'on comprend du projet de loi on nous corrigera c'est que
l'entreprise, pour ses services de santé, doit faire affaires avec un
centre hospitalier du réseau des affaires publiques ou encore un centre
de service social, un CLSC, si on se comprend bien. Cela exclut la
possibilité de faire affaires avec une clinique privée. Est-ce
qu'on comprend bien ce que dit le projet de loi? C'est comme cela qu'on le
comprend.
M. Jolivet: Est-ce que, dans la loi, il y a quelque chose quelque
part qui interdit à la compagnie de pouvoir se donner des services de
médecine au niveau de médecins-conseils? Est-ce qu'il y a quelque
chose quelque part dans la loi qui interdit cela?
M. Morin (Pierre): Non, mais il est question si ma
mémoire est bonne qu'il peut y avoir un médecin-conseil
probablement...
M. Jolivet: Au niveau de la gestion. En tout cas, il n'y a rien
dans la loi qui l'interdit au niveau de la gestion.
M. Morin (Pierre): Si vous me le permettez...
M. Jolivet: II n'y a rien dans la loi qui l'interdit. Mais la loi
propose un comité paritaire à l'intérieur de l'industrie.
Les gens doivent décider du médecin qui va s'occuper de la
santé et de la sécurité au niveau de l'application de la
loi. À ce moment-là, vous devez vous référer au
médecin choisi par le comité paritaire ou, s'il n'y a pas
entente, c'est selon les formules prévues. Mais concernant les
médecins-conseils que la compagnie peut se donner si elle le veut. Il
n'y a rien qui l'interdise. (16 h 15)
M. Tremblay (Pierre): Que la compagnie peut se donner à
elle et aussi pour ses employés. En d'autres termes, une compagnie X, Y
ou Z qui possède présentement un service qui fonctionne bien, la
loi étant mise en application, le comité patronal-syndical se
réunira, décidera du choix d'un médecin X, Y ou Z. L'autre
service peut donc continuer, selon ce que vous venez de dire, s'il n'y a rien
dans la loi qui l'empêche.
M. Jolivet: Comme médecin-conseil au niveau de la
compagnie.
M. Tremblay (Pierre): Un médecin-conseil peut-il avoir des
consultations avec des individus ou donner des conseils à la
compagnie?
M. Chevrette: Si tout va bien dans l'usine, ils vont reconduire
le médecin qu'il y a là.
M. Tremblay (Pierre): Pas toujours.
M. Chevrette: Non, mais on prend l'hypothèse que ça
va bien.
M. Bellemare: Oui, mais avec le comité paritaire, vous
allez voir la différence.
M. Morin (Pierre): Excusez-moi.
Le Président (M. Marcoux): M. Morin.
M. Morin (Pierre): La question du choix du médecin, c'est
une question en soi, qu'on choisisse celui en place ou qu'on en choisisse un
autre; mettons cette question de côté.
C'est que l'article 86 du projet de loi dit bien: "Les services de
santé pour les travailleurs de l'établissement sont fournis dans
un centre hospitalier, dans un centre local de services communautaires, au sens
de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ou dans
l'établissement lui-même, sous l'autorité d'un
médecin responsable." Mais découle de ça que "le chef du
département de santé communautaire peut toutefois accepter que
les services soient fournis dans un cabinet privé, lorsque cela
s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité
des autres locaux."
C'est basé sur la notion de services. Ce n'est pas simplement un
médecin. Un service de santé, c'est un médecin avec des
infirmières, des adjoints, enfin les gens pour les premiers soins, et de
l'équipement aussi. C'est là où on exclut, à toutes
fins utiles, ce qui existe déjà.
M. Tremblay (Pierre): Oui, mais il ne faut pas oublier l'article
87.
M. Morin (Pierre): Oui, mais encore là, c'est la
nomination du médecin.
M. Tremblay (Pierre): Vous comprendrez que nous favorisons
évidemment l'entreprise privée; ce sont nos membres. Nous
n'aimons pas particulièrement voir intervenir un système qui
enlèverait
ce qui déjà va bien, parce que, dans l'état actuel
des choses, si ça n'allait pas bien, les services en question auraient
été suspendus, puisqu'ils étaient libres, volontaires et
faciles.
Par ailleurs, voir un comité intervenir pour le choix du
médecin... On ne voudrait pas non plus tout le monde sait que
c'est un comité qui devait dessiner un cheval qui a inventé le
chameau dans ces entreprises voir des difficultés se créer
et avoir deux systèmes parallèles. Ce n'est pas très
valable non plus.
M. Bellemare: M. Tremblay, vous avez, en vertu de l'article 87,
un droit d'appel pour la nomination du médecin; il y a un droit d'appel
spécifique. S'il est destitué ou s'il a demandé
d'être remplacé, en vertu de l'article 87, vous avez droit
à un appel. Au moins, il y a protection.
M. Tremblay (Pierre): Nous ne voulons pas prolonger trop
longtemps, mais il ne faudrait pas oublier que nous sommes sensibles, comme l'a
mentionné M. Létourneau, au facteur coût impliqué et
que quand nous disons coût, nous ne parlons pas du coût aux
seuls employeurs, nous parlons du coût pour la société en
général. Lorsqu'on remplacera le système actuel, dans
certaines entreprises, par le nouveau projet, il est indéniable que la
"castonguette" va fonctionner à plein rythme, et c'est très
dispendieux.
M. Bellemare: Seulement, vous ne parlez pas de la
prévention que va assurer le gouvernement ainsi que la
sécurité et la santé au travail, choses qui existaient
peut-être beaucoup moins avant et qui vont être assumées par
le gouvernement.
M. Tremblay (Pierre): Une chose n'exclut pas l'autre!
M. Bellemare: Non, mais celle-là existe aussi.
M. Tremblay (Pierre): Pourquoi faire disparaître ce qui va
bien? On ne s'oppose pas...
M. Jolivet: Est-ce que vous prétendez que le
système, qui était non obligatoire jusqu'à maintenant, que
les grosses industries ont peut-être pu se payer, que l'ensemble des
industries du Québec n'ont pu s'offrir, que ce système de
l'industrie privée est meilleur que le système public?
M. Tremblay (Pierre): Peut-être dans ces grandes
entreprises seulement, mais pourquoi les faire disparaître?
M. Bellemare: Ce matin, vous nous avez dit qu'il y avait 100
médecins à temps plein et 145 à temps partiel, ce qui fait
245 médecins pour les établissements industriels qu'il y a dans
la province; ça ne représente pas un gros pourcentage.
M. Létourneau: M. le Président, l'observation que
nous avons faite sur ce sujet découle de consultations faites
auprès de nos membres qui possèdent ce service au sein de leur
entreprise, qui nous ont dit, dans une très large majorité, que
l'application de la loi telle que présentée amènerait pour
eux, de la façon dont ils la voyaient et l'appréciaient, la
cessation des services qu'ils offraient présentement dans leur
entreprise. Il peut y avoir des exceptions, mais la majorité nous dit:
Si c'est comme cela que cela fonctionne, nous ne maintiendrons pas ces
services-là dans nos entreprises, c'est bien de valeur, ce sera trop
coûteux. Il y a sans doute la conjugaison de plusieurs articles de la loi
qui peut les amener à porter ce jugement, mais, néanmoins, c'est
ce qu'ils nous ont dit qui pourrait être la conséquence de
l'application de la loi telle que proposée. Est-ce qu'ils le feront
vraiment? À toutes fins utiles, en tout cas, ce qu'ils nous ont dit,
c'est qu'ils trouveraient très onéreux de continuer le service
qu'ils offrent à l'intérieur actuellement de leur entreprise et
nous aimerions que cet aspect soit examiné plus à fond. M. le
député de Johnson nous a parlé d'un droit d'appel existant
en vertu de l'article 87. Je lis l'article 87, mais je ne peux pas voir dans
quel sens il offre un droit d'appel sur la nomination de ce médecin.
M. Morin (Pierre): L'article 91. M. Bellemare: L'article
91. M. Létourneau: Ah!
M. Bellemare: Mais, pour rejoindre les propos de M.
Létourneau qui semble vouloir dire qu'il y aurait un
désengagement presque majoritaire de ceux qui exercent aujourd'hui une
certaine sécurité, une protection sécuritaire de la
santé...
M. Létourneau: Non pas sécurité, des
services de santé.
M. Bellemare: De santé. Vous semblez dire que la presque
majorité va les abandonner, sans probablement connaître les
règlements qui vont venir en sus de tout cela.
M. Létourneau: C'est une présomption à cette
étape. On verra, mais c'est une présomption à cette
étape.
M. Bellemare: Ce serait malheureux, c'est sûr.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux seulement faire quelques remarques, M.
le Président. C'est évident qu'il y a le risque que les services
déjà existants, au moins dans la petite et la moyenne entreprise,
s'il y en a, disparaissent compte tenu des coûts supplémentaires
qui vont nécessairement découler de la loi. Je pense que c'est
une chose dont il faut être très conscient.
Je voudrais seulement faire une correction à ce que le
député de Châteauguay a dit, à savoir que tout est
déjà nationalisé pour les médecins.
C'est nationalisé dans le sens qu'ils sont payés par
l'assurance-maladie, mais, en fait, je pense que les médecins
eux-mêmes parlent encore de pratique privée et de pratique en
cabinet privé. C'est comme cela que c'est identifié dans le
projet de loi. On peut peut-être jouer sur les mots et dire: Tout est
déjà nationalisé à 97%, parce qu'il n'y en a que 3%
qui ne sont pas engagés dans le régime d'assurance-maladie, mais
je pense que ce n'est pas tout à fait exact.
Évidemment, je partage toutes vos réserves quant à
la réglementation. L'ancien gouvernement péchait de ce
côté-là, mais celui-ci semble prendre les bouchées
doubles comparé à l'ancien gouvernement. Je pense que c'est
regrettable, parce que, finalement, on est un peu dans l'ignorance des
conséquences des projets de loi qui sont adoptés. Je ne veux pas
m'étendre là-dessus parce que tout le monde le dit toujours. Cela
semble être presque un consensus selon qu'on est de ce
côté-ci de la table ou de l'autre et je pense qu'un jour il
faudrait s'y arrêter sérieusement. Nous sommes fort aise d'un
projet de loi qu'un de nos députés a déposé, le
député de Saint-Laurent, dans lequel il aborde toute cette
question de délégation de pouvoirs par réglementation ou
sous d'autres formes.
Il y a une question que je voudrais poser. Je pense qu'il y a ici M.
Ouellette de la Presse et M. Boudreault. Je n'ai pas compris le nom de votre
entreprise.
Une voix: Rothmans.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Rothmans. Je vois qu'à la page 6
vous semblez assez "réfractaire", entre guillemets, à ce qu'un
programme de santé et de sécurité au travail soit
articulé sur le concept de relations de travail ou de
négociations de relations de travail. Je vais tenir pour acquis que,
dans chacune de vos entreprises, vous avez un système de santé et
de sécurité au travail qui serait même au-dessus des normes
minimales que la commission pourrait édicter éventuellement.
Je voudrais savoir quelle est la partie de ce programme de santé
et de sécurité dont vous avez parlé et que vous avez
élaboré vous n'êtes peut-être pas capable de
répondre d'une façon très exacte à partir de
l'initiative de l'employeur et de celle qui découle justement du
résultat des discussions des conventions collectives. Je ne partage pas
tout à fait votre avis, mais vous semblez dire que c'est presque un peu
superflu qu'on ait à discuter de cela dans les négociations et
que, somme toute, l'entrepreneur est assez responsable pour prendre
lui-même l'initiative de mettre en place un régime de santé
et de sécurité qui soit presque au-dessus il n'y a rien de
parfait de tout reproche.
M. Tremblay (Pierre): Madame, M. le Président, si vous me
le permettez, en réponse à cette question dirigée à
nos deux collègues, j'aimerais que chacun, brièvement, rapporte
son expérience étant donné que c'est dans deux villes
distinctes, Québec et Montréal, deux genres d'entreprises
distinctes et deux entreprises où il y a des travailleurs
organisés, des syndicats depuis très longtemps. M. Boudreault va
commencer et M. Roy complétera.
M. Boudreault: M. le Président, en réponse à
cette question, je pense que chez nous, on a fait une distinction assez claire
entre ce qui concerne la sécurité et ce qui concerne la
santé.
Sur le plan de la sécurité, on a effectivement un
comité de sécurité depuis de très nombreuses
années et le premier concept du comité de sécurité
a été introduit à l'occasion de discussions avec le
syndicat. Par la suite, il fut confirmé dans la convention collective.
Donc, notre convention collective prévoit depuis de nombreuses
années la création du comité, son rôle et ses
responsabilités qui sont essentiellement consultatives, mais il a le
pouvoir d'inspection et le pouvoir de recommandation. Il a également le
pouvoir de suggérer des programmes de sécurité. Nous
avons, par exemple, introduit des programmes de subvention à l'achat
d'équipements individuels de sécurité et nous avons
évidemment au-dessus du comité de sécurité,
c'est-à-dire travaillant en collaboration avec le comité de
sécurité, un responsable de la sécurité et de la
prévention des accidents du travail.
Pour ce qui est du programme de santé, nous avons
évidemment un service médical avec un médecin à
temps partiel, c'est-à-dire à demi-temps et des
infirmières. Nous avons un dispensaire avec un équipement assez
élaboré et nous avons tout récemment investi dans l'achat
d'équipements d'électrocardiogramme et d'audiomètre, ce
qui fait que nous avons aujourd'hui, je pense, un service médical assez
bien organisé. Nous avons toujours eu un médecin, effectivement,
chez nous. En autant que je me souvienne, on a toujours eu un médecin et
des infirmières et...
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de vous interrompre.
M. Boudreault: Oui.
Mme Lavoie-Roux: C'est très intéressant. Sans aucun
doute, vos services sont probablement parmi les bons qui existent. Mais ma
question, c'est que toute la question de négociations ou de relations
employeurs et employés n'est pas étrangère à la
mise en place ou au développement de mesures de sécurité
et de santé.
M. Boudreault: Non. Effectivement, elle n'est pas
étrangère, comme je le disais, sur le plan de la
sécurité d'abord. Sur le plan de la santé, quand on a, par
exemple, à organiser une campagne d'immunisation, il est évident
que cela fait suite à certaines consultations avec les
représentants syndicaux de telle sorte qu'il y ait une meilleure
acceptation de l'ensemble du programme de santé.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous mettre en contradiction avec
le mémoire, mais
vous souscririez peut-être d'une façon moins absolue au
paragraphe... C'est le deuxième. En tout cas, le premier au complet de
la page 6 du mémoire qui voit que le fait qu'il y ait des situations
conflictuelles pour utiliser le terme n'est pas
nécessairement négatif à l'égard du
développement de mesures de santé et de sécurité au
travail.
M. Boudreault: Dans le contexte historique des relations de
travail chez nous, non, ce n'est certainement pas étranger, mais il n'y
a pas de négociation formelle en ce qui concerne, par exemple, un
programme de santé. Il y a consultation.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, mais sur la sécurité,
oui?
M. Boudreault: Oui.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je ne sais pas si...
Une voix: M. Roy.
M. Roy (Fernand): Oui, voilà. M. le Président, M.
le ministre, MM. les députés, je vais traiter cela un peu
différemment. D'abord, je ne suis pas ici comme membre de la
délégation de la chambre de commerce, mais j'appuie
essentiellement le contenu du mémoire. Je suis ici pour appuyer le Dr
Gauthier dans sa volonté exprimée d'avoir un médecin sur
place dans une entreprise comme la Presse, d'avoir une infirmière qui
rend de précieux services à l'ensemble de la population de la
Presse. (16 h 30)
Je voudrais dire quand même, en dehors des différents
programmes qu'on a mis de l'avant, qui ressemblent beaucoup à ce qui a
été exprimé par M. Boudreault, que ceux qui vivent le plus
d'insécurité et où la santé est peut-être le
plus affaiblie, c'est l'entreprise dans toute cette opération, parce que
chez nous, particulièrement, la force syndicale, la tradition syndicale
et l'expérience syndicale qui découle de décennies ont
fait que la force des gens a découlé sur une négociation
qui a prévu des mécanismes de protection dans tous ces cas...
Pardon?
M. Bellemare: Ils sont contenus dans la convention
collective.
M. Roy: Ils sont dans les conventions collectives, mais ils sont
aussi sujets de conflits, bien sûr, et sujets de représailles.
Quand je dis que la compagnie vit de la façon la plus dangereuse et qui
est la moins sécuritaire possible, j'aimerais qu'on adopte une loi au
gouvernement pour protéger l'entreprise privée. J'entendais M.
Laberge dire ce matin qu'il souhaitait avoir un droit de grève au moment
de la convention; chez nous, ça se fait couramment. En pleine
convention, on ferme les portes pour le moindre prétexte. Je pense que,
déjà, nos syndicats chez nous sont protégés sur
tous ces plans. Pour indiquer la nécessité et la volonté
qu'on exprime aujourd'hui d'avoir chez nous présent un médecin et
une politique de santé et de sécurité, c'est tous les
changements technologiques et toutes les mesures qu'on a pu prendre pour
éliminer comme vous le savez, un journal est composé
fondamentalement et depuis toujours de plomb le plomb, parce que
ça créait des problèmes de santé. On a fait des
changements technologiques tout en assurant la sécurité des
travailleurs. On a pris nos responsabilités comme entreprise et c'est
là-dessus simplement que je voudrais souligner une chose.
Je ne voudrais jamais, nulle part, qu'on enlève à
l'entreprise privée et à la direction intelligente, correcte et
socialement engagée sa responsabilité pour la diluer à
travers une loi parce qu'il y a des entreprises ou des compagnies qui ne font
pas leur boulot.
Moi, je sens, par ricochet, les obligations qui nous sont
imposées par des lois, qui ne s'adressent pas à des gens que je
considère respectables, qui sont des entreprises sérieuses au
Québec, qui ont pris les moyens et qui se sont engagées
fondamentalement à défendre des intérêts aussi
précieux que la santé et la sécurité.
C'est à peu près tout ce que j'ai à dire
là-dessus. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de
tous les membres de la commission, de votre participation à nos
travaux.
J'inviterais maintenant la Centrale des syndicats démocratiques
à venir nous présenter son mémoire.
Une voix: Merci, messieurs.
Le Président (M. Marcoux): Merci. M. Paul-Émile
Dalpé, bienvenue. Si vous voulez nous présenter vos
collègues qui vous accompagnent.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Dalpé (Paul-Émile): Avec plaisir, M. le
Président, et MM. les membres de la commission.
À ma gauche, le vice-président de la centrale, Jean-Paul
Hétu.
M. Bellemare: Jean-Paul?
M. Dalpé: Hétu. À sa gauche, Réal
Labelle, secrétaire de la centrale, et, à la gauche de M.
Labelle, M. Dion, le trésorier. Tout au bout, le relationniste de la
CSD, M. Guy Mailloux, de même que deux autres représentants, MM.
Jean Roy et Laval Goulet, l'un de la construction et l'autre des garages.
À ma droite, M. Jean-Claude Simoneau, président de la
Fédération de la métallurgie, M. Renald Carey,
président du Syndicat des travailleurs de la construction du
Québec, Denise Bourassa, du secteur des hôpitaux, et M. Armand
Gagnon, président de la Fédération nationale du
textile.
Avec votre permission, M. le Président et messieurs les membres
de la commission, je vais demander à mon confrère, M.
Hétu, vice-président chez nous, de piloter le mémoire de
la CSD pour la bonne raison qu'il est déjà connu auprès du
service qui a préparé le livre blanc et probablement le projet de
loi. C'est lui qui, depuis le tout début de la centrale, suit les
activités quant à la sécurité et à la
santé des travailleurs. Par conséquent, il est plus en mesure de
rendre intéressante cette présentation.
M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, messieurs les
membres de la commission, madame, tout d'abord, comme remarque
préliminaire, avant de...
Une voix: Voulez-vous rapprocher votre micro?
M. Hétu: Avec plaisir. Comme remarque préliminaire,
j'aimerais indiquer la qualité de notre représentativité.
Ce matin, M. Laberge a cru bon de mentionner qu'il représentait 300 000
travailleurs dans le monde syndical. Je crois bon aussi, cet après-midi,
de mentionner que nous ne représentons que 50 000 travailleurs, mais
j'aimerais indiquer, à ce niveau, que notre
représentativité est majoritaire et j'aimerais la
révéler dans plusieurs secteurs de l'économie
où la santé et la sécurité des travailleurs sont en
cause. Par exemple nous sommes, je ne dis pas majoritaires avec un grand
crin dans l'amiante, nous représentons les 2800 travailleurs qui
sont situés sur le territoire de la ville d'Asbestos. Dans
l'agroalimentaire, notamment dans le lait et ses dérivés, nous
représentons la très grande majorité des travailleurs;
bien sûr, nous sommes aussi dans le textile, dans le vêtement, dans
la chaussure et dans le ciment, dans le meuble, le bois ouvré et dans
les métaux non ferreux ainsi que dans les garages. Nous sommes
présents également de façon minoritaire par rapport
à la FTQ dans les fonderies et dans les autres secteurs industriels
importants.
C'est à ce titre, et après échanges et
consultations avec les travailleurs de notre organisation, que nous vous
soumettons un certain nombre de réflexions qui sont contenues dans le
mémoire que vous avez sans doute en main.
Une autre remarque préliminaire. Vous avez sans doute
remarqué que le mémoire que nous vous soumettons n'est pas
épais parce qu'il ne renferme que 20 pages, mais il y a huit divisions
que nous estimons vitales pour les travailleurs.
Ce matin, j'ai écouté avec attention les échanges
entre les membres de la commission et la FTQ. Il y a un point que j'aimerais
signaler au départ. Je me réfère à la partie de
notre mémoire, dans la deuxième section, où nous indiquons
là je vais expliquer l'idée de base sur laquelle est conçu
notre mémoire que le projet de loi no 17, quant à nous, ne
constitue pas une réforme globale sur la santé et de la
sécurité au Québec. Par cette affirmation, je voudrais
vous résumer brièvement, en trois mots, les trois pôles de
base sur lesquels on aurait aimé qu'il y ait une réforme globale
présentée dans le projet de loi. Nous aurions aimé que non
seulement il y ait une réforme et c'est là-dessus qu'elle
porte essentiellement au niveau de la prévention... Là, il
y a plusieurs réserves que nous manifesterons, que nous indiquerons
tantôt. Ensuite, nous remarquons que le projet de loi no 17 ne contient
aucune réforme sur le deuxième volet du régime de la
santé et de la sécurité, c'est-à-dire toute la
partie relative à ce que nous appelons l'indemnisation, savoir la
reconnaissance des maladies professionnelles, de l'assistance médicale,
bref, tout le volet de l'indemnisation.
Le troisième point sur lequel on prétend qu'il aurait
fallu qu'il y ait une réforme apportée dans le projet de loi 17,
c'est celui qui concerne tout le phénomène de la
réadaptation.
Notre première remarque, c'est que nous sommes vraiment
insatisfaits quant à la facture générale ou à
l'économie générale du projet de loi 17 parce que l'on a
plutôt centré la réforme sur la prévention. Je vais
accrocher certains propos que mentionnait le député de Portneuf.
Nous dénonçons, dès l'abord, la dissociation juridique qui
existe entre le Code du travail et le projet de loi 17. Ce matin, le
député de Portneuf a fait porter pratiquement toute son
intervention sur ce volet et j'aimerais y apporter des clarifications. Quant
à nous, le premier point... Je vais essayer de caractériser
l'évolution des négociations collectives en rapport avec la
santé et la sécurité.
Tout d'abord, il est évident que jusqu'à il y a deux ou
trois ans, les négociations collectives, dans le milieu de travail, ont
surtout porté sur une volonté collective des deux parties de
monnayer la santé et la sécurité au travail. Comment? Dans
les négociations collectives, nous avons négocié des
primes pour les travailleurs qui étaient dans des situations de danger.
Primes de hauteur, de largeur, enfin, toutes les sortes de primes.
Deuxièmement, nous avons, de façon plus subtile encore,
dans les systèmes d'évaluation d'emploi, là aussi
monnayé la santé. Et je serai précis. Vous savez que pour
les systèmes d'évaluation d'emploi, la principale fonction, c'est
de classifier des emplois dans le but de fixer des salaires. Or, dans la
détermination des facteurs, quelle que soit la centrale syndicale, il y
a généralement, d'après les études qu'on a faites
dans les systèmes d'évaluation d'emploi, de 13% à 14% des
salaires qui sont pour acheter la santé au travail.
Concrètement, cela veut dire, par exemple, vu qu'il y a des
phénomènes nuisibles dans l'entreprise, le bruit, la
poussière, la pollution de toute sorte, on va donner des points
là-dessus, mais cela a une influence sur les salaires. C'est un premier
point. L'autre aspect où on a monnayé également la
santé, c'est dans les systèmes d'étude de temps et
mouvement. Bien sûr, on met là l'accent et
généralement on dénonce constam-
ment la cadence accélérée que ces systèmes
d'étude de temps et mouvement développent. On veut inciter les
travailleurs à produire davantage, mais dans le calcul de l'étude
de temps et mouvement, on donne toujours des majorations qui sont
déterminées selon notre expression au
pifomètre; on va donner des majorations pour la fatigue, pour le repos,
pour le bruit, etc. Mais ce qu'on fait dans le fond, on accepte qu'il y ait un
système d'étude de temps et mouvement, mais on achète la
santé et la sécurité au travail.
Donc, le premier aspect, quant à la négociation
collective, j'ai indiqué trois éléments de base, on a
monnayé la santé et la sécurité au travail.
Deuxième point, on a progressé cependant, on a introduit
dans les conventions collectives le droit de refus au travail. (16 h 45)
Je ne sais pas si le député de Portneuf est au courant,
mais il y a une entreprise de pâtes et papiers dans son secteur de
Portneuf où existe une clause de convention collective de droit de refus
à la santé. On a aussi, dans d'autres secteurs également,
des négociations. C'est un deuxième aspect.
Deuxièmement, ce qu'on a négocié de façon
plus générale, c'est que les deux parties se sont engagées
à appliquer les lois et les règlements existants par la formation
d'un comité de santé. On a aussi établi certaines
règles qu'on retrouve dans le décret de la construction, par
exemple, et qu'on retrouve dans certaines autres conventions collectives. C'est
un premier volet.
Le deuxième, c'est qu'au niveau gouvernemental, depuis 1972
notamment, on a introduit des normes qu'on peut actuellement qualifier de deux
types. Il y a des normes obligatoires. Que ce soit dans le règlement des
établissements industriels commerciaux, que ce, soit dans le
règlement des établissements industriels tout court
administrés par les SPE le directeur Bourdages est là
et ensuite dans le règlement de salubrité des mines,
généralement, les normes obligatoires étaient seules
liées aux moyens de protection individuelle. Vous savez que dans le
règlement des établissements industriels, il y a dix moyens de
protection individuelle moins un où ce n'est pas obligatoire, c'est pour
le bruit.
Deuxième volet. Généralement, l'ensemble des
règlements est facultatif. Il est facultatif dans ses points les plus
essentiels partout où les travailleurs sont exposés à la
pollution; par exemple: le bruit, la ventilation et les autres volets. C'est
facultatif. C'est-à-dire que pour le bruit, par exemple, il est dit dans
le principe général qu'il faut éliminer le bruit à
sa source, mais il y a un petit mot "autant que possible".
Généralement, on n'est pas capable, alors on passe au
deuxième volet et au troisième ensuite.
Le troisième, c'est qu'il faut que tu portes des bouchons.
Là, on a des problèmes dans la négociation collective
parce que le règlement n'a pas rendu cela obligatoire. On a des
problèmes parce que l'employeur veut l'imposer. On a aussi des
problèmes parce que, dans le règlement, on réfère,
quant à la sorte de protecteurs auriculaires, au règlement de
l'ACNOR. Je ne sais pas si vous connaissez l'ACNOR, c'est la CSA en Ontario,
mais le gouvernement du Québec y a un représentant; le
ministère du Travail est là. Il y a là un grand
règlement où il est indiqué qu'il y a sept sortes de
protecteurs auriculaires, mais c'est au choix du patron. De toute façon,
l'idée de base est qu'il y a une réglementation obligatoire et
facultative.
Ma conclusion, en rapport avec la négociation collective et la
réglementation gouvernementale, est la suivante: La
réglementation gouvernementale actuelle, malgré son
caractère hybride, obligatoire et facultatif, est allée plus loin
là, je mesure bien mes mots que ce que contiennent les
négociations collectives actuellement dans ces mesures. Elle est
allée plus loin. Alors, cela pose un problème quand vous parlez,
M. le député, des négociations éventuelles. Que
va-t-il se passer après l'adoption du projet de loi 17? Il va se passer
plusieurs choses, mais notamment un premier phénomène. Un premier
phénomène cela présuppose une prémisse que
je vais vous donner avant de décrire le phénomène
c'est qu'actuellement, les négociations collectives sont rendues
à un certain plafonnement. On a défini, depuis 1944, un certain
patron dans l'amélioration des conditions de travail. Je ne veux pas en
faire l'histoire; je veux tout simplement indiquer qu'actuellement, il y a deux
orientations possibles.
La première, c'est que, suite à l'adoption du projet de
loi 17, les syndicats et les patrons vont s'occuper davantage
d'améliorer les conditions de travail en rapport avec la santé et
la sécurité dans leurs négociations. Cela est
évident. Elles vont porter sur quoi? Sur des choses qu'on n'a
pratiquement pas négocié dans le passé, par exemple,
améliorer les conditions de travail en rapport avec le poste de travail,
les conditions inhérentes au poste de travail.
Cela va toucher même les méthodes de travail qui,
actuellement, on le sait, sont du ressort exclusif des patrons; ça va
porter également sur l'organisation du travail en général
puisque c'est ça qui cause les conditions de travail; or, il va y avoir
un mouvement vers ça. S'il n'y a pas de mouvement vers ça, il y a
une deuxième voie, ce sera celle de pratiquer un syndicalisme de nature
révolutionnaire; on n'a pas de choix, à moins de s'asseoir sur le
statu quo. Mais je ne pense pas que, de façon générale, on
développe un syndicalisme du statu quo, à la suite de l'adoption
de la loi au Québec. Alors, cette question est vraiment importante.
Mais il y a une deuxième remarque que je voudrais faire en
rapport avec la dissociation juridique qui existe entre le Code du travail et
le projet de loi no 17. Cela, on doit le déplorer; on doit
déplorer que le gouvernement, de manière globale, ait
procédé par morceaux dans sa modification du droit du travail; il
a commencé par modifier le Code du travail, ensuite il modifie la loi de
la santé; il a modifié également les lois sur les normes
du travail. C'est pour ça qu'actuellement, du point de vue syndical, il
y a des inconnus; on ne sait pas trop, sur certains points, où se
brancher. C'est pourquoi on va demander en tout
cas, quant à nous, on l'interprète comme ça
le droit de grève associé au droit de refus, parce qu'on sait
que, dans le Code du travail, on est limité, mais on sait que la loi no
17 agit sur les conditions de travail. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Là,
on est placé devant un cul-de-sac. Comment va-t-on résoudre ce
problème? Il aurait fallu ça va bien de dire ça, je
ne suis pas dans la peau du gouvernement ni dans celle de l'Opposition
qu'on essaie de définir ce que sera le droit du travail, compte tenu de
ces orientations de base; comment on va l'organiser, etc. Évidemment, le
gouvernement a décidé d'améliorer le Code du travail,
d'améliorer et de changer la loi sur les normes du travail, il a
même créé un comité, dont on ne connaît pas le
rapport, on ne sait pas où il est c'est dommage qu'il y ait
là un peu de cachette sur la loi des décrets et ensuite il
modifie la loi sur la santé et la sécurité; il fallait
qu'elle soit modifiée.
Évidemment, on va le dire plus loin, il y a des choses sur
lesquelles nous sommes d'accord fondamentalement, mais c'étaient les
deux premières remarques, à la suite de votre intervention, M. le
député, que je voulais faire, parce que ça rejoignait ce
qu'on qualifie, dans notre mémoire, une position de base. Nous disions:
II y a une dissociation juridique qui existe entre le Code du travail et le
projet de loi no 17; je pense qu'il faut toujours avoir en tête cette
dénonciation, au fur et à mesure qu'on va présenter notre
position.
Le deuxième point, quant à la non-existence d'une
réforme globale du régime actuel, c'est qu'actuellement, dans la
loi, le partage des pouvoirs, tel qu'il est défini dans le projet de loi
no 17, consacre l'omnipotence du chef d'établissement, notamment au
niveau du programme de prévention. Il y a une délégation
de pouvoirs qui est discrétionnaire et arbitraire qui est dévolue
aux technocrates qui sont chargés de faire appliquer les
règlements et de les concevoir.
Bien sûr, les deux parties vont être présentes et on
en discutera lorsqu'on sera rendu à l'intérieur de la commission
de la santé et de la sécurité, mais, telle que
proposée, la représentation au sein de la commission de la
santé et de la sécurité, je ne pense pas que les huit ou
les dix qui vont représenter la partie patronale et l'autre, parce
qu'ils vont avoir à administrer l'ensemble du régime de la
santé et de la sécurité, vont, de leur propre initiative,
concevoir la réglementation; ils vont sans doute donner leur accord
avant qu'elle soit transférée à un ministre responsable ou
au Conseil des ministres. Enfin, c'est notre opinion, à la suite
d'expériences vécues, par exemple, au sein de l'Office de la
construction.
Ensuite, il y a le caractère discriminatoire des
règlements actuels; par exemple, dans le règlement des
établissements industriels et commerciaux c'est une des
motivations pour changer à tout prix cette réglementation
les travailleurs d'un établissement établi avant 1972 sont
défavorisés nettement par rapport à ceux d'un
établissement construit après 1972. En d'autres termes, ça
veut dire que, juridiquement, les pouvoirs coerci- tifs de la loi ne peuvent
pas obliger un employeur à appliquer les règlements des
établissements industriels tels que conçus. C'est ce qui fait que
toutes les causes qui sont portées devant les coroners on a
vécu de ces expériences.
Il y a un coroner dans le comté de Saint-Maurice, M.
Décarie, qui nous a dit: La compagnie est responsable. Cependant, le
ministre de la Justice, Me Bédard, a dit: Je ne peux pas poursuivre, il
n'y a pas de fondement juridique. Je comprends, la compagnie n'est pas
assujettie au règlement à cause de cette distinction juridique
là. Il nous a expliqué cela gentiment ce qu'on savait
mais c'est quand même le problème.
L'autre élément de la discrimination, c'est la situation
des travailleurs des mines et carrières par rapport à leurs
vis-à-vis du secteur de la transformation. Le député
Bellemare a fait référence ce matin je pense que c'est lui
qui a parlé de cela à la lutte qui a été
menée ou un autre, enfin! en parlant des problèmes
de travailleurs d'Atlas qui sont dans l'amiante, qui ont autant sinon plus de
problèmes que les gars des mines et qui ne sont absolument pas couverts
par les règlements concernant les normes qui ont été
fixées et qui sont appliquées par le ministère des
Richesses naturelles et, en particulier, par la loi 52.
M. Bellemare: Ce n'est pas le député de Johnson qui
a dit cela, c'est le député de Portneuf.
M. Hétu: Tant mieux, je suis content du souci
d'équité que vous manifestez, M. le député.
M. Bellemare: Donnez-moi seulement ce que... Oui, c'est le
député de Portneuf.
M. Hétu: À César ce qui est à
César.
M. Bellemare: C'est cela, la pesanteur de la masse.
M. Hétu: L'autre point où il y a discrimination
dans la réglementation, c'est concernant les règlements des
établissements industriels qui sont administrés par les services
de protection de l'environnement où on a confié au directeur du
service de déterminer les limites de concentration, c'est-à-dire
de déterminer les normes de pollution à appliquer. C'est lui qui,
en vertu de l'article 25, a ce plein pouvoir de déterminer cela. Enfin,
quant à nous, il faudrait également que le projet de loi pose
toute les garanties pour que les objectifs de prévention soient
conciliables avec les objectifs de productivité et de rentabilité
de l'entreprise privée, ce qui présuppose on l'expliquera
tantôt l'intégration du syndicat dans les mécanismes
décisionnels et consultatifs, c'est-à-dire le respect du principe
de participation paritaire énoncé dans le projet de loi 17. Il
faudrait enfin que le projet de loi s'attaque également au chapitre de
l'indemnisation et de la réadaptation.
Néanmoins, le projet de loi no 17 renferme des propositions de
changements qui, dans la
perspective d'un régime dorénavant axé sur la
prévention, constituent quant à nous un embryon de réforme
que la CSD ne peut rejeter. Nous reconnaissons il faut le dire
que le projet de loi no 17 propose un énoncé de politiques qui
représentent un gain sensible pour l'amélioration de la
santé et de la sécurité au travail. En d'autres termes, la
CSD ne peut pas ne pas appuyer l'adoption du projet de loi, parce que ce serait
autrement cautionner le statu quo que je viens de dénoncer à
toutes fins utiles, et le projet de loi no 17 répond à certains
objectifs de notre organisation, notamment l'institution d'un cadre
législatif monocoque je ne m'étendrai pas
là-dessus, je pense qu'un peu tout le monde l'a mentionné
d'autre part, à cause de la mise en place de mécanismes de
participation impliquant les travailleurs dans la conception et l'application
de programmes de santé et de sécurité au travail, mais,
immédiatement, nous déplorons que ces mécanismes ne soient
suffisamment articulés et définis. Il y a des restrictions
d'ordre bureaucratique qui existent qu'on mentionnera tantôt, mais quand
même cette mise en place déjà qui est proposée est,
quant à nous, un élément important de changement par
rapport à ce qui existait dans le passé, notamment, c'est que le
phénomène de la réglementation a toujours
été sous la tutelle doctrinale du patronat, le travailleur et son
organisation étant exclus des mécanismes de participation
établis, sauf ceux définis dans le règlement des
établissements industriels à l'article 14 où on avait un
droit de consultation lorsqu'on formait un comité de parités.
Enfin, depuis trente ans, la réglementation sur la santé
et la sécurité additionne de nouveaux concepts
développés par des associations patronales subventionnées
par l'État, des associations de prévention dont la portée
tend à restreindre la responsabilité sociale de l'employeur, par
exemple, dans le milieu a eu cours et a cours encore la notion, le concept
d'erreur humaine dans le cas des accidents du travail. (17 heures)
En 1973, nous avons réuni 150 représentants des
comités paritaires et les travailleurs estimaient tous que les
accidents, ou à peu près, dépendaient de l'erreur humaine.
C'est grave. C'était cette notion que pendant des années on avait
inculquée notamment l'APAI et d'autres organisations patronales.
Ensuite, il y a le concept du seuil de tolérance limite qui repose sur
la notion que le travailleur est considéré comme un cobaye,
c'est-à-dire qu'on va établir une norme après avoir
constaté que les produits chimiques affectent réellement la
santé du travailleur. On en reparlera tantôt.
Depuis 30 ans, le régime tolère les conséquences...
J'en ai parlé. On va passer outre aux primes de rendement, etc. Depuis
30 ans, c'est le chef d'établissement par ses pouvoirs de gérance
qui impose un genre de prévention axée exclusivement sur les
moyens de protection individuelle et que la réglementation
reconnaît aussi. En fait, depuis 30 ans, le cadre de réalisation
des objectifs de santé et de sécurité prescrit par le
législateur est subordonné au chef d'établissement. C'est
dommage, puisqu'il est à la fois juge et partie, d'où les raisons
pour lesquelles il faut modifier profondément ce règlement, mais
la loi n'en parle pas. Ensuite, les raisons pour lesquelles nous sommes
d'accord avec certaines parties du projet de loi no 17, c'est qu'on
intègre les programmes de santé et de sécurité aux
réseaux publics de santé. Pour la CSD, c'est plus que le
prolongement de la réforme de la santé amorcée par la
RAMQ. C'est la fin du contrôle de santé par les compagnies et
leurs complices, c'est-à-dire les "doc" de compagnies. Je sais que c'est
un propos dur, mais je vais m'expliquer. Nous avons fait une étude
auprès de 1000 travailleurs de l'amiante. Il y avait 320 questions. Il y
en avait une qui traitait de la clinique industrielle. 79% des travailleurs de
l'amiante ont affirmé que les médecins oeuvrant au sein de la
clinique industrielle représentaient exclusivement les
intérêts de la compagnie. Deuxièmement, le système
actuel doit être modifié profondément parce qu'on ne peut
plus le laisser coller aux cliniques industrielles ou aux médecins de
compagnies. Le cheminement ne se fait pas entre le dépistage d'une
maladie professionnelle. Il ne se fait pas aux travailleurs. Il ne se fait pas
à la CAT. Il ne se fait nulle part. Dans l'amiante, dans les fonderies,
dans les métaux non ferreux, partout où il y a ces
médecins, hélas, on doit constater qu'il n'y a pas de suite, que
ces médecins livrent presque, toujours un certificat de bonne
santé. Ces médecins donnent rarement des informations aux
travailleurs qu'ils ont examinés sur leur état médical.
C'est inacceptable. Il y a un travailleur je pourrais citer son cas
très rapidement du nom de Sylvia Rivard, 56 ans, dont le travail
a 22 ans d'ancienneté. Il a découvert à un moment
donné qu'il était malade, qu'il ne pouvait plus travailler. Il
était sur les lieux du travail. Cela se passe pas loin de votre
comté, M. le Président, à Shawinigan. Il suffoquait. Il ne
pouvait plus respirer. Tout le monde se demandait ce qu'il avait. On l'a
amené à la salle d'urgence. Finalement, on pensait qu'il avait de
l'asthme. On lui a dit: Repose-toi, camarade. Pas de problème. Il s'est
reposé, un mois, deux mois. Une fois qu'il a été bien, le
médecin lui a dit: Retourne. Va travailler. Il suffoque encore. Mais il
faut dire que dans son entreprise, il était en contact principalement
avec de la poussière de silice, du monoxyde de carbone et de la nitrite
sulfureuse. Encore là, il suffoque, après deux ou trois mois de
travail, on le sort de l'entreprise. On ne sait pas ce qu'il a encore. On le
soigne. Enfin... Là, ce n'était plus de l'asthme. On lui a
trouvé une autre bibitte. Finalement, on ne le savait pas. On le
retourne au travail encore. Là, il n'a pas duré une semaine.
Finalement, de Shawinigan avec tout le respect que je dois au Dr
Lagacé qui est là on l'a envoyé à
Québec et, là, on s'est aperçu qu'il était atteint
de silicose à 100%. Ce gars-là, théoriquement,
était mort, selon les médecins, 100%. C'est grave, ça. La
CAT l'a reconnu tout de suite, bon Dieu! On ne savait pas ça. Il a
travaillé 26 ans,
puis... Là, il y avait un médecin qui, à tous les
ans, examinait les travailleurs là. Théoriquement, il
était mort. Là, ce gars-là, la CAT... Écoutez,
avant qu'on le fasse reconnaître, cela a pris un an, deux ans. Lui, il
avait son assurance de la "shop", négociée entre le syndicat et
le patron qui lui donnait de l'argent, mais il ne pouvait plus travailler. Mais
la CAT ne l'a pas reconnu tout de suite. Il a été obligé
d'emprunter de l'aide sociale vous connaissez ça, vous l'avez
bâtie, la loi $1400 à $1500, parce qu'il n'avait plus
d'argent et que son assurance ne pouvait plus le payer. Son assurance
collective était rendue au bout, 25, 26 semaines. Il a été
obligé d'emprunter de l'argent et là, quand les médecins
l'ont reconnu, ils ont dit: Toi, c'est vrai, parce qu'un pneumologue de
Québec, qui l'avait examiné, etc., là, la CAT l'a reconnu.
Ils ont dit: Là, c'est vrai. Ils ont dit: Ma foi, ne reste plus en
ville; c'est trop dangereux pour toi. Achète-toi une maison à la
campagne. C'est ça qu'ils font, à la CAT. C'est ça, la
réadaptation. Il est allé à la campagne. Mais il devait...
Bien sûr, la CAT l'a réhabilité. Elle lui a donné
son montant d'argent qui était, je pense, à ce moment-là,
je ne me souviens pas, $15 000, $20 000, etc.
Maintenant, ce gars-là ne peut plus rien faire. Il a de la
misère à conduire son automobile. C'est ça, les cliniques
médicales des compagnies. Ça, c'est un cas. On pourrait en citer
d'autres, mais je ne veux quand même pas trop vous écoeurer.
Excusez l'expression, mais c'est celle qu'on dit couramment et elle est bien
française, à part ça.
Pour les cliniques médicales, pour nous, cette dimension du
projet de loi de la santé, on y applaudit à tour de bras. On dit:
Merde! aux médecins, et j'espère que les partis d'Opposition vont
être d'accord là-dessus parce que c'est fondamental.
Ensuite, la création de la Commission de la santé et de la
sécurité. On est d'accord avec ça, avec des modification;
la reconnaissance juridique du droit à la santé et à la
sécurité, du droit de refus avec un tas de modifications qu'on
discutera tantôt. Bien sûr, il y a une amélioration du
pouvoir coercitif de la loi, on est d'accord avec ça.
Cependant, là on arrive dans le meilleur, c'est
l'évaluation du projet de loi qui, quant à nous, repose sur
quatre critiques majeures. La première critique, c'est que l'objectif
prioritaire de prévention, quant à nous, tel que défini
dans le projet de loi no 17, ne se traduit pas par des garanties suffisantes de
réalisation. Le projet de loi soulève, sur le plan tactique, trop
d'inconnus qui compromettent la réglementation qui viendra animer la
loi-cadre. Bien sûr, on définit dans le programme de
prévention: il faut éliminer à la source les dangers, etc.
Cependant, qui va définir ça, si ce ne sont les pouvoirs de
réglementation qu'on donne à la commission? Mais ça,
comment ça va évoluer, cette histoire-là? On trouve qu'il
y a trop d'inconnus là-dedans. Et, en particulier, on estime que le
projet de loi exclut le syndicat des mécanismes de décision et de
consultation.
Deuxième volet de notre critique, c'est qu'on prétend que
l'institution d'un système de santé et de sécurité
préventif commande l'institution d'un système d'indemnisation
préventif, qu'on explicitera tantôt.
Troisième point, c'est que la nouvelle commission sur la
santé et la sécurité au travail est basée sur une
conception qui est centralisatrice des pouvoirs et des responsabilités
quand l'expérience de régionalisation des services de la CAT
démontre que cette décentralisation est nettement insuffisante.
On y reviendra.
Quatrième point ensuite, on va aborder chacun des points
en particulier le projet de loi isole le travailleur syndiqué en
ne lui permettant pas le droit de se faire représenter par son syndicat
dans l'exercice de son droit de refus ou, pour la femme enceinte, de son droit
de retrait préventif avec toute la rigueur du Code du travail.
Venons-en au premier point. Si le régime actuel n'a pas
généré les effets visés par le législateur,
c'est parce que les règles du jeu instituées par la
législation subordonnent la santé et la sécurité
des travailleurs au pouvoir du chef d'établissement et, ce faisant; rend
utopique la conciliation des objectifs de prévention et les objectifs de
rentabilité de l'entreprise L'élimination à la source des
causes d'accidents et de maladies ne se résume pas à la seule
application des moyens de prévention individuels. Par définition,
cet objectif met en cause le système de production et les
méthodes d'organisation de travail, la réglementation des normes
de sécurité, les standards de fabrication des équipements
et les conventions collectives.
Quand on dit que l'objectif général de la
prévention, c'est l'élimination des causes de la santé et
de la sécurité et que cela met en cause le mode de production, on
a des expériences là-dessus qui sont très concrètes
et pratiques. On a fait un dossier qui est ici, et d'autres également,
mais parlons de celui qu'on a dévoilé au cours des années
1975 et 1976 où on a découvert que les travailleurs, on a
eu un rapport définitif, notre prétention était forte,
sont atteints dans leur santé, silicose, etc... Mais on a
travaillé pendant tout ce temps avec la compagnie pour essayer de
régler, à la source, les problèmes de santé et de
sécurité. On a essayé de travailler sur le système
de ventilation, collecteur de poussière, les masques, on a fait une
étude des masques qui ont été utilisés par les
travailleurs, etc. Là, on s'est aperçu que la base de tous nos
problèmes, c'était ni la ventilation qu'on a corrigée, ni
le collecteur de poussière c'est le même principe que
d'autres qui font le ménage à la maison, un aspirateur de maison,
c'est le même principe ni les masques, c'était le mode de
production lui-même. Tout le monde travaillait à produire et
pendant toute la durée de la production du produit, c'est-à-dire
une quarantaine d'heures, les gars étaient exposés au monoxyde de
carbone, à des nitrites sulfureux, ils étaient aussi
exposés, après la cuisson, à des poussières de
silice.
On a demandé l'intervention intelligente de l'appareil de
l'État, et on a découvert des choses vraiment étonnantes.
On ne peut pas dire que
c'est syndical, je veux seulement donner des chiffres. Il y a eu deux
prises de sang. Dans le fond, il s'agissait de voir si les travailleurs avaient
du gaz dans le sang, il s'agissait de voir si les travailleurs étaient
en santé. Ce qu'on a découvert? Par exemple, un cas ici: "On a
découvert que la majorité des travailleurs dans une entreprise
avaient un taux de gaz surélevé dans leur sang." C'est grave, sur
100 travailleurs. Le matin, avant de commencer au travail, il y en a un qui
avait 3,9% de gaz dans son sang. Le soir, fatalement, il en avait plus. Un
deuxième en avait 8,6%, le matin; à la fin, il en avait 10,6%. Un
autre, 4,2%, le matin; le soir, il avait 19% de gaz dans son sang. Un autre,
7,1%, le matin avant de commencer; 17,8% le soir en finissant, quand il a fini
sa journée. J'aime mieux avoir chaud, ici au salon rouge, que d'avoir ce
gaz dans le corps. Un autre, 4,5% le matin, avant sa journée, on prend
la prise de sang, et le soir il avait 15,8%. Un autre, 1,8%; 13,1%. Je pourrais
continuer. Il y a eu deux études, l'une faite l'été et
l'autre faite l'hiver. Les spécialistes du DSC disent: Quand un
travailleur en a plus que 10%, c'est dangereux pour sa santé. C'est
fatigant un peu.
Quand on parle du mode de production, les mesures que vous proposez, M.
le ministre, sont plaisantes, mais elles ne vont pas là, vous ne touchez
pas assez au problème. Comment va-t-on faire pour changer ce mode de
production? M. Bourdages, le directeur du SPA, n'est pas loin, on l'a
rencontré. Savez-vous ce qu'il nous a dit? Il a dit: Avec mon
équipe, je ne peux rien faire. Le milieu est infernal, a-t-il dit. C'est
ce qu'il nous a dit. Ah bon! Les gars savaient cela. Qu'est-ce qu'on a fait? Il
fallait travailler. Qu'est-ce qui s'est passé? On a commencé
à exercer une pression vis-à-vis de l'entreprise, on a dit:
Maudit! on ne veut pas crever, on va commencer à mettre de la pression.
(17 h 15)
Qu'est-ce qui est arrivé? Les gars ont dit: Ouais, il y a un
porte-parole qui parle trop. On va s'organiser pour le faire sacrer dehors.
C'était le président du syndicat. On a commencé à
monter un dossier contre lui, mais on a mis plus de pression que ça. Le
gérant de la compagnie, qui est une multinationale, a
décidé de le mettre à la retraite et elle a fait venir
écoutez bien ça un surintendant des pays
Scandinaves parce qu'ils sont plus habitués à travailler selon un
nouveau concept d'organisation du travail où on fait décider les
gars, etc... Elle l'a fait venir. Une chance parce que la boîte aurait
sauté. Connaissant les données que nous avons actuellement, qui
sont scientifiques, à partir de prises, cette affaire-là aurait
sauté. Et connaissant en plus le nombre de gars qui sont atteints de
silicose, bien torrieu! ça n'aurait pas resté là, je te le
jure.
Si on regarde la prévention qui est là, on ne va pas au
bout. Ces problèmes-là on ne les réglera pas. Et ce n'est
pas seulement dans le métal non ferreux que c'est comme ça. Dans
les fonderies, il y en a un maudit paquet! On pourra s'en reparler.
C'est pour ça qu'on dit que si le fondement juridique du droit
à la santé et à la sécurité n'est pas
affranchi de la tutelle des compagnies, ce projet de loi va mener à un
certain cul-de-sac. Ce que propose la loi essentiellement, c'est trois moyens
pour atteindre son objectif de prévention. Bien sûr il y en a
d'autres, mais trois moyens principaux, d'après nous. Programme de
prévention et de santé, l'information et la formation et la
réglementation. Ce qui ressort de ces principales mesures, c'est
l'ignorance de l'organisation du travailleur que le projet de loi
perpétue dans l'histoire législative du Québec. Le
syndicat n'est pas dans le coup. Je relis ça avec mes remarques
générales concernant la négociation. S'il est vrai que
l'orientation des négociations collectives va porter dorénavant
sur l'amélioration des conditions de travail, notamment au niveau du
poste de travail, notamment au niveau des causes profondes qui sont la cause
des problèmes de la santé et de la sécurité, on va
avoir des maudits conflits tantôt.
Abordons précisément la question des programmes de
prévention et de santé. Définissant les priorités
de santé et de sécurité qui doivent être mises en
application, la reconnaissance des agents appelés à intervenir
dans le processus d'élaboration et d'application de ces programmes est
déterminante. La CSD n'accepte pas à cet égard que la
réalité du syndicat soit confondue avec celle du comité
paritaire et celle du représentant de la prévention.
On dit: Eux autres sont là, ils ont une job, qu'ils la fassent.
Mais qu'on ne confonde pas. Même si le syndicat, aux termes de la loi,
nomme les membres de la partie des travailleurs du comité paritaire
ainsi que le représentant de la prévention, le comité
paritaire et le représentant à la prévention disposent
d'un pouvoir de recommandations et de consultation dans la prévention
quand l'employeur est investi d'un pouvoir décisionnel. La nature de ce
pouvoir traduit un cadre de participation inévitablement conflictuel.
Par exemple, s'il y a désaccord du syndicat sur l'orientation du
programme de prévention proposé par l'employeur et accepté
par la commission. S'il y a désaccord, par exemple, entre les membres du
comité de santé et sécurité sur des sujets qui ne
relèvent pas du pouvoir d'arbitrage de la commission à l'article
63.3. Par exemple, il y a un pouvoir de faire des recommandations sur la
prévention, etc. S'il y a désaccord là-dessus...
L'application du programme de prévention peut impliquer des clauses de
convention collective relativement à la qualité de vie au
travail. Parce que ça va déboucher là-dessus.
Déjà le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre a
créé un service de médiation préventive dans
lequel, bien sûr, il va intervenir pour essayer de régler les
conflits traditionnels, mais, aussi, il y a la qualité de vie au
travail. On va tenter des expériences déjà avec les
services que vous avez créés.
Droit d'appel. Voici les propositions concrètes que nous faisons
vis-à-vis de ces problèmes-là. Le principe de
participation paritaire énoncé dans le projet de loi, pour
être vrai dans toute son amplitude, doit reposer, quant à nous,
sur la reconnaissance statutaire du syndicat comme
agent d'intervention dans la prévention. La CSD revendique
particulièrement le droit de contester par arbitrage le programme de
prévention, suite à un échange préalable avec
l'employeur en amendant, par exemple, l'article 50.
Deuxièmement, la procédure d'appel dont peut se
prévaloir l'employeur, à l'article 148 par exemple, dans le cas
d'une décision de l'inspecteur est un exemple type où la
santé et la sécurité redeviennent la scène d'un
débat d'où sont exclus les travailleurs et qui est source de
conflit. La CSD revendique un amendement au chapitre X, qui traite de
l'inspection, pour permettre au syndicat d'aller en appel sur toute
décision, tout ordre ou tout avis de correction émis par
l'inspecteur auquel l'employeur ne donne pas suite.
Actuellement, les sources de mécontentement des travailleurs ou
des syndicats proviennent justement du fait que c'est l'inspecteur qui est
investi de certains pouvoirs, mais ses pouvoirs sont relativement efficaces. Il
va faire des recommandations à l'entreprise et, ensuite, en vertu d'une
procédure que je n'ai pas envie de décrire, l'employeur peut
contester, etc., et, là, il y a des modifications. Qu'est-ce qui arrive?
Les gars disent: Merde excusez, messieurs on n'est pas
intéressés à travailler dans la prévention; on ne
donne jamais suite à certaines revendications ou représentations
des inspecteurs quels qu'ils soient. À ce moment-là, on se dit:
II faudrait qu'on arrête de régler ces problèmes en
catimini parce que c'est le directeur du service d'inspection dans la
procédure actuelle, dans le règlement des établissements
industriels, qui prend l'appel de l'employeur et c'est avec lui qu'il
décide du moment où il va intervenir pour appliquer les
changements dans les questions de prévention. C'est là que cela
se décide. L'inspecteur n'est même pas au courant. Nous disons
qu'il faut corriger cela. Il faut que l'information soit diffusée et un
des moyens essentiels, si on reconnaît le syndicat au départ,
c'est que le syndicat le conteste. À ce moment-là, tu vas
atténuer les possibilités potentielles de conflit qui existent
dans une entreprise.
Information et formation. À ce chapitre, la CSD revendique le
droit pour le syndicat de réunir les travailleurs dans
l'établissement, à des fins de formation et d'information,
pendant les heures normales de travail. Il est question dans le projet de loi
d'information et de formation. On donne des responsabilités aux
associations syndicales et patronales de faire de la formation et de
l'information. On donne des responsabilités au ministère des
Affaires sociales, par le biais, de faire de l'information et de la formation
dans la structure étudiante je m'en allais dire du pays, mais parlons du
Québec, et ainsi de suite. On va dire également qu'il faut que
les associations sectorielles fassent de la formation et de l'information, mais
la place principale où tu dois faire de l'information, c'est dans
l'entreprise. Là-dessus, le projet de loi est muet.
Alors, on va prendre le moyen traditionnel; on va concevoir de belles
affiches et on va les placer dans les entreprises et dire: Messieurs, soyez
sages, portez vos bottes, portez vos bottines, etc. Devant cela, on se dit que
cela n'a pas de sens. On a commencé à faire des
expériences et ce qu'il y a de drôle, c'est qu'elles ont
été faites dans les multinationales. Elles sont "willing". On en
a fait. On a fait des sessions avec les travailleurs sur les heures de travail
concernant les problèmes de bruit, de santé, etc., dans trois
grandes entreprises. Cela a bien été et on se dit: Pourquoi ne
pas prévoir à ce niveau un type d'information qui soit faite
durant les heures de travail? Il y a tout un sens paritaire qui s'exprime "dret
là". Mais non, on n'ose pas parce que... Enfin, je ne sais pas pourquoi;
peut-être nous expliquerez-vous cela tantôt.
La CSD revendique également le droit d'accès du syndicat
aux rapports d'information médicale suite à des études
menées notamment par les DSC ou par la commission, ainsi qu'aux rapports
de recherche.
La réglementation. Pour la CSD, le projet de loi 17 demeure avant
tout une loi-cadre qui prendra son sens avec la réglementation à
venir. Ce n'est pas bien original; je pense que quasiment tout le monde a dit
cela. La CSD aurait souhaité en ce sens que cette loi-cadre soit
assortie d'un plus grand nombre de balises d'interprétation des
objectifs majeurs poursuivis par le législateur, d'autant plus que le
caractère vague de la portée des objectifs s'aggrave par
l'institution de mécanismes de participation excluant le syndicat.
Considérant que la réglementation fixera non seulement
l'orientation préventive du régime futur, mais également
les conditions minimales de santé et de sécurité, nous
proposons un amendement à l'article 185 afin de reconnaître
statutairement la participation paritaire, c'est-à-dire accorder aux
deux parties, syndicale et patronale, le droit d'élaborer des normes de
santé et de sécurité, tout simplement. Nous, on n'accepte
pas je suis convaincu qu'il y en a d'autres également de
lier le sort d'une loi-cadre à des technocrates retranchés de la
réalité, aussi compétents soient-ils.
Autre volet: toute la partie relative au système de
l'indemnisation préventive. L'institution d'un système de
santé et de sécurité au travail commande l'institution
d'un système d'indemnisation préventif.
L'instauration d'un système visant la prévention doit
procéder d'une réglementation qui, dans cet esprit, est
présumée garantir aux travailleurs un milieu de travail qui ne
les expose pas à des dangers pour leur sécurité et leur
santé.
Toute norme de santé édictée par voie de
règlement doit respecter cet axiome. Actuellement, ce n'est pas
ça qui existe dans la réglementation et on ne voit pas de lueur
de changement dans le projet de loi no 17. Dans le règlement des
établissements industriels, il y a une liste de 300 produits toxiques,
qu'on décrit comme étant dangereux. Dans le règlement des
établissements industriels, il y a une liste de 200 sur lesquels on fixe
des normes. On a fait une enquête bien banale
auprès de nos syndicats; je ne vous ennuierai pas trop avec
ça. Dans les entreprises du meuble, par exemple, les travailleurs
respirent, différemment, 100produits toxiques différents qui ne
sont même pas classifiés parmi les 200 ou les 300. Pour les
travailleurs dans les garages, on a fait un relevé de 50 types de
produits chimiques différents que les gars respirent. Dans le domaine du
textile, ceux qui font les tapis pour les voitures et les tapis d'ici, ces gars
respirent 21 types de produits chimiques différents. Je pourrais
continuer: fonderies, 21; aéronautique, 97 produits différents.
Il y a même une maladie professionnelle qui existe, je vous le dis en
passant; il y a un paquet de travailleurs qui sont percés comme les
boeufs. Les boeufs on les perce jeunes, pour qu'ils ne sautent pas les
clôtures, avec un anneau, mais chez les travailleurs de
l'aéronautique, à cause de certains produits chimiques qu'ils
respirent, il y a un trou qui se fait au coin du nez. Les gars ne le savaient
pas, mais à un moment donné ils l'ont su en maudit. Alors la CAT
leur accorde une petite incapacité. Mais ça va continuer
après l'adoption du projet de loi no 17. Dans la fabrication de
classeurs il y a beaucoup de classeurs dans l'administration
gouvernementale il y a 26 produits différents. Enfin, je pourrais
continuer la liste.
Mais quel est le principe de base? On dit: Aussitôt que les
travailleurs ont un malaise, qu'ils ressentent une pathologie quelconque, on va
faire une enquête, on va faire une étude
épidémiologique, ou des maudits mots comme ceux-là pour
nous endormir, mais on sait que les gars paient au départ.
Dans le cas où la réglementation repose sur l'acceptation
d'un risque, le risque ne doit pas être, le cas échéant,
assumé par le travailleur. Là, j'aborde un autre volet. Si on
prive de son droit à l'indemnisation par l'application de
critères discriminatoires, je ne marche pas, M. le ministre. Quand vous
dites que vous avez changé la Loi des accidents du travail en
profondeur, je ne marche pas. Il fallait tout de suite le faire; il y a trop
d'écoeuranteries qui se passent actuellement avec la CAT. M.
Sauvé, je l'aime à mort, il est bon, mais, bâtard! il
préside, point. Et on a des maudits problèmes avec ça.
Pourquoi? Parce qu'on a la notion de maladies reconnues. Bien sûr, toute
maladie professionnelle doit être prouvée, etc. Mais il y a un
maudit problème là. (17 h 30)
Je peux vous donner des cas qu'on vit actuellement, où il y a une
discrimination épouvantable.
Voici seulement des petits cas pour se rafraîchir la
mémoire: un travailleur qui a l'amiantose. Écoutez cela, c'est
fort! En 1973, on a reconnu une incapacité à un travailleur
souffrant d'amiantose de l'ordre de 10%. En 1975, on lui a reconnu une
incapacité de 20%, 10% de plus. En 1978, là, on a dit: Ton
état est stationnaire. En 1979, il y a un spécialiste quelque
part, par le biais du comité de révision, qui dit: Ce
gars-là n'est pas malade. Je regrette, pensez-vous qu'on va avaler cela.
Expert, mon oeil! on ne croira jamais cela! D'accord? Il y a une maudite
limite! Cela veut dire qu'il y a un paquet d'experts qui ont examiné ce
gars-là. De 1973 à 1978, pendant cinq ans, on l'a trituré,
ce gars-là, à chaque coup. Là, il y a un gars quelque part
compétent qui dit: Non. Un instant! Un instant!
Voici un autre cas ici. Celui-là est fort. As-tu le dossier,
Jean-Claude? Donne-moi la phrase, elle est brillante. En 1974, on dit qu'un
travailleur souffre d'amiantose à 15%. En 1977, on l'examine à
nouveau. Son état est stationnaire. Ce gars-là est retiré.
Là, parce qu'il a d'autres maladies, on va devant la Régie des
rentes. Le même médecin des Cantons de l'Est est demandé
par la Régie des rentes. Voici ce qu'il dit; seulement cela On
peut vous donner le dossier, c'est simple en somme, il dit qu'il n'a pas
une invalidité totale permanente. Il ne travaille plus depuis 1974, bon
Dieu! En tout cas, peu importe, c'est du point de vue respiratoire, et il doute
même du diagnostic d'amiantose. "Je doute." Il doute! Quels sont ses
critères à ce gars-là? Où les prend-il? Il y a un
barème d'incapacité permanente qui existe au niveau de la CAT. On
ne le suit pas. On ne le suit pas.
Je peux vous donner l'exemple d'un autre cas, un autre cas d'un
travailleur. C'est dans un autre milieu. Il y a un travailleur qui a
oeuvré 25 ou 26 ans dans une entreprise, une fonderie. Le médecin
de la compagnie lui a suggéré de prendre sa retraite. La CAT,
pendant ce temps-là, a dit: Retourne travailler. La CAT a dit: Retourne
travailler. Est-ce assez fort cela? Finalement, le gars est obligé de
faire un choix. Il y a même eu une grève pour protéger ce
gars-là dans l'entreprise. Je ne raconterai pas ce cas-là en
détail. Il y a même eu une grève pour protéger les
droits de ce travailleur-là. Le type a finalement pris sa retraite. Il a
essayé de se faire reconnaître par la CAT. On a dit: Tu as
l'asthme. Tu es un travailleur asthmatique. Comment se fait-il qu'il ait
travaillé pendant 26 ans dans l'entreprise, qu'il ait été
en contact avec des gaz, des vapeurs de toutes sortes et que cela n'ait pas de
lien avec son asthme? Je ne conteste même pas qu'il n'ait pas l'asthme,
mais est-ce que cela n'a pas de lien? Il a essayé de se trouver un
travail comme concierge dans une banque. La banque n'a même pas voulu
l'employer, parce qu'il était malade. Est-ce assez fort? à la
suite d'un accident! Cela se passait à Trois-Rivières. Est-ce
assez fort?
Un autre: un dénommé Gauthier qui travaillait dans les
gaz. À un moment donné, c'est son système digestif qui est
tout "décocrissé". C'est français ce mot-là. Il a
eu une opération. Il a été dans le coma, etc. Ce
type-là on essaie de savoir de quoi cela dépend est
malade, il ne peut plus travailler, il est "caput". Encore là, c'est
l'assurance qui a été négociée par le syndicat qui
intervient pour l'aider. Finalement, il n'a plus d'assurance, parce
qu'après 26 semaines cette affaire-là ne compte plus. Ce
gars-là tombe sous l'aide sociale. C'est un gars de 52 ans, 53 ans. On
essaie de faire connaître sa maladie: Non, ce n'est pas une maladie
reconnue. Mais les liens... Ce gars-là a été exposé
à la poussière de silice. Il a
été exposé à différents types de gaz.
Est-ce que cela a un effet sur son système digestif? On a fait une
enquête dans les trois usines en question. Il y a à peu
près le tiers des travailleurs qui ont des maladies reliées au
système digestif.
Cela commence par l'ulcère et d'autres. Cela vient de quoi, cela?
Quand on fait de la prévention et qu'on va expliquer cela à nos
travailleurs, on dit: Quand il y a des pathologies le Dr Lagacé
nous explique cela et nous allons expliquer cela à nos gars sur
un, deux ou trois gars, c'est grave. Il faut vous préoccuper de cela et
mettez sur pied des enquêtes. Faites venir des experts. On va en avoir
dans les DSC. C'est bon de faire une enquête, une étude
là-dessus, mais la CAT, elle, ne les reconnaît pas. Non, ce n'est
pas une maladie professionnelle au sens de la loi. Cette maudite loi a
été votée en 1930. En tout cas... Il y a des
critères discriminatoires qui sont là et on trouve cela dommage
que vous n'ayez pas agi parce que le complément naturel de la
réforme de la prévention, c'est là qu'il doit se
retrouver. C'est le point le plus difficile, à part cela, devant lequel
on est placé pour régler les problèmes actuellement.
Retrait préventif. La notion d'équité que la CSD
pose est simple. Ni la recherche scientifique, ni la technologie moderne ne
sont en mesure actuellement de garantir que les normes et moyens de
prévention édictés par règlement sont sans danger
pour le travailleur à moins d'éliminer tout risque. La CSD
n'accepte pas que le travailleur doive payer les frais du concept des maladies
professionnelles reconnues, c'est-à-dire payer les frais d'un
progrès scientifique évoluant sur le principe de l'accumulation
des données statistiques et des accidents, etc.
Quant à nous, en vertu de ce bon sens, de cette logique, on dit
que le droit au retrait préventif s'impose. On sait que cela va nous
créer de maudits problèmes, mais on est capable d'envisager les
problèmes. Mais attention, M. le ministre. Si vous voulez modifier la
loi et l'appliquer, il va falloir que vous reconnaissiez les maladies
professionnelles, que vous universalisiez les maladies, parce que cela se
tient. Sans cela, on ne pourra pas ou pratiquement pas l'appliquer.
On va passer à un autre volet, M. le Président, parce que
le temps roule et je trouve que je parle beaucoup, peut-être un peu trop,
mais mon mémoire s'amincit. Donc, j'ai espoir de pouvoir respirer moi
aussi, comme vous.
La CSD revendique que l'exercice du droit de refus repose sur une
procédure de grief et d'arbitrage expéditive: l'avantage
étant lié à la tradition établie et à son
caractère simple. Avant d'aborder cette question au mérite, on
aurait souhaité que le fondement juridique du droit de refus ne soit pas
aussi restrictif qu'il l'est à l'article 12 notamment. L'article 12
défait l'article 11. Je ne comprends pas cette logique. C'est une
dialectique dans laquelle je ne marche pas; et vous, je ne comprends pas cela,
d'habitude vous avez les idées claires, parce que les gars... Je ne
comprends pas aussi de la part des députés qui sont là. On
donne un droit. Ce matin, on parlait de droit illusoire et après cela,
mon vieux, on y met une servitude. On dit: Vas-y, mais on l'attache par la
patte. C'est ce que cela veut dire. Donc, rendu au bout de la corde, il n'ira
pas loin. Ce que nous proposons, c'est d'annuler l'article 12. Que
voulez-vous?
Deuxièmement, dans son fondement juridique, son application donne
lieu au droit du travailleur d'être représenté par son
syndicat. Si vous voulez maintenir la procédure qui existe actuellement
du droit de refus, gardez-la. Je n'ai pas d'objection à cela. Beaucoup
de gens sont préoccupés par les travailleurs non
syndiqués. Ils l'utiliseront. Qu'on dise tout simplement cela
réglerait sans doute une partie des problèmes que le
travailleur syndiqué utilise la procédure de droit de grief, mais
expéditive, tout simplement, pour diverses raisons.
Avant d'aborder la question liée à la construction, quant
à la procédure du droit de refus dans sa structure actuelle, par
définition, la procédure du droit de refus isole le travailleur
de son organisation syndicale lorsqu'il est syndiqué du
représentant syndical et du comité paritaire.
On lui fait supporter le poids de sa volonté d'exercer son droit
de refus. Cela va prendre un gars qui est fort en maudit pour opérer
dans ce cadre. On dit: Cela, c'est inacceptable. On dit tout simplement: Qu'on
le modifie. On dit: Va consulter ton représentant en prévention.
Ce sera un gars qui aura été élu par les travailleurs. Va
consulter ton syndicat avant d'exercer ton droit. Si les deux, par exemple, le
représentant en prévention et le syndicat disent: Ecoute, il n'y
a rien là! Si le gars veut le faire, là, il se battra. Mais si
les gars disent, après examen: D'accord, il y a de quoi et on va agir,
à ce moment-là, qu'on tente de le régler par formule
expéditive de règlement de grief.
Allons du côté de l'industrie de la construction.
L'exercice du droit de refus devrait d'ailleurs tenir compte de la
nécessité du droit à la représentation du
travailleur par son syndicat. Je n'ai pas envie d'insister longuement sur le
contexte d'insécurité d'emploi des travailleurs de la
construction. Mais si on lui donnait le droit d'être
représenté par son syndicat, le travailleur pourrait jouir de
garanties de rigueur que seule la Loi des relations de travail dans la
construction peut lui assurer, mais à condition qu'on établisse
une présomption. On dit: L'accessibilité au droit de refus dans
l'industrie de la construction doit comporter une protection légale
visant à éliminer les risques pour le travailleur de ne plus
être réembauché dans l'industrie, à la suite de
l'exercice de son droit, par l'établissement d'une règle de
présomption. Sinon, à cause du contexte de l'industrie de la
construction, si le travailleur, dans une fonction ou sur un chantier
donné, exerce son droit de refus, supposons qu'il le règle
à sa faveur, il ne pourra pas se trouver de travail dans un autre
endroit; son nom va être fait. Ce sont des choses qu'on connaît
actuellement, qu'on vit par rapport à d'autres problèmes,
notamment dans les relations de travail.
Enfin, l'institution du droit de refus et du retrait préventif,
quant à nous, soulève plusieurs
aspects qui devront être l'objet d'une négociation
auprès de l'employeur, en raison de leurs répercussions sur
certaines clauses de la convention collective. Par exemple, l'affectation d'un
travailleur appelé à remplacer celui ou celle qui exerce son
droit.
En dernier lieu, la CSD croit que les fonctions du député
à la prévention et celles du comité paritaire sont
conflictuelles en soi et compromettent du même coup
l'accessibilité au droit de refus. C'est une raison additionnelle
expliquant les modifications qu'on suggérait quant à la
procédure, que j'ai expliquée tantôt, qu'il faudrait
amender.
Enfin, dernier point, ce qui ressort de notre perception de la future
commission sur la santé et la sécurité, c'est son
gigantisme bureaucratique et sa force centripète. C'est une grosse
affaire qui va être créée. La proposition d'une commission
où siègent paritairement les représentants patronaux et
syndicaux est certes intéressante, même si on en augmentait le
nombre, comme il a été proposé par la FTQ notamment, ce
matin, mais elle n'endigue pas les effets d'une bureaucratisation
outrancière. La future commission, telle qu'elle se présente, est
un contresens à l'esprit recherché par le législateur par
les mécanismes de participation établis dans la
prévention. Vous voulez que les gars participent à la base. Ce
complément naturel donc et sain de cette réforme doit se
manifester dans l'appareil administratif de la commission.
Ce que la CSD souhaite, c'est la régionalisation de la commission
par l'attribution de responsabilités touchant la mise en oeuvre du
régime de santé et de sécurité au travail. On
propose donc, l'institution de conseils régionaux composés de
représentations patronaux et syndicalistes et de fonctionnaires qui
auraient comme mission de réaliser des politiques d'action
reflétant tous les particularismes propres aux régions et donnant
préséance à des priorités du milieu qui seraient
autrement ignorées par la commission.
Il faudrait que ces conseils régionaux jouissent d'une autonomie
réelle, que des budgets leur soient consentis, sans pour cela être
détachés des grandes politiques d'action de la commission. Le
domaine de la recherche industrielle, par exemple, au niveau du
dépistage des maladies professionnelles et celui de l'indemnisation et
de la réadaptation sont des secteurs d'activités types où
le rôle de tels conseils s'avère stratégique. Actuellement,
bien sûr, on a régionalisé les services au niveau de la
CAT, mais là, il y a l'éternelle question ou problème de
retard, etc, et cette régionalisation n'a absolument pas, quant à
nous, donné les effets escomptés. (17 h 45)
M. le Président, je m'excuse de vous avoir forcé à
m'écouter. Voilà, c'était, dans ses grandes lignes, notre
point de vue.
Le Président (M. Marcoux): Je vais céder la parole
au député de Portneuf qui doit nous quitter tantôt, pour
lui permettre de dialoguer une quinzaine de minutes avec vous.
M. Pagé: M. le Président, on avait convenu
d'ajourner tout de suite; nous devions, comme il est normalement prévu,
ajourner vers 18 heures pour reprendre vers 20 heures, M. le ministre aura des
questions, l'Opposition officielle aura des questions aussi. Je voudrais
simplement m'excuser auprès des intervenants, soit les
représentants de la CSD et des gens qui vous accompagnent aujourd'hui
dans la présentation de votre mémoire, car je ne pourrai pas
être ici ce soir, devant absolument me rendre dans mon comté.
Cependant, je tiens à vous remercier et je dois vous dire que je
regrette un peu parce qu'on aurait certainement eu l'occasion d'avoir des
échanges très utiles ou très formateurs entre M.
Hétu et moi-même. Mme le député de L'Acadie, Mme
Lavoie-Roux, saura bien me représenter tout au fait de ces
problèmes qu'elle peut l'être, parce qu'elle est bien au fait. Je
m'excuse, je serai absent ce soir.
Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 46)
(Reprise de la séance à 20 h 24)
Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de
la main-d'oeuvre poursuit l'audition des mémoires sur le projet de loi
no 17. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
m'excuser de mon retard. Il arrive quelquefois dans nos jobs qu'il y ait des
impondérables.
Je voudrais tout d'abord remercier bien sûr la Centrales des
syndicats démocratiques de son mémoire. Je pense que je me
permettrai peut-être seulement quelques commentaires
généraux comme entrée en matière et ensuite aborder
peut-être un certain nombre de points précis. Le premier c'est que
c'est vrai, comme vous l'avez évoqué, que le gouvernement a
choisi, pour toutes sortes de raisons, d'y aller par morceaux, au lieu, au
fond, de ce que vous avez appelé une réforme globale qui aurait
englobé, bien sûr, parce que vous l'avez élargie dans
l'exposé, mais d'y aller par morceaux au lieu d'une réforme
globale qui aurait inclus aussi bien l'indemnisation avec toute la question de
la reconnaissance des maladies professionnelles, l'assistance médicale,
l'indemnisation comme telle, avec les ajustements aussi qu'il faut regarder
entre les régimes actuels d'indemnisation. Il y a la loi 52, il y a
celle de la CAT qui sont basées sur une certaine philosophie qui n'est
pas du tout la même philosophie que les régimes d'indemnisation,
les régimes d'indemnisation de l'assurance automobile, par exemple, le
dernier étant basé sur une philosophie de remplacement de
revenu.
La prévention, d'autre part, et la réadaptation. En plus,
vous l'avez élargi en disant et en l'accrochant à toute la
perspective de l'ensemble des relations de travail, le Code du travail, les
amendements qui ont été apportés, les normes minimales,
etc. C'est vrai que c'est une approche qui aurait pu être retenue, mais
c'est exact qu'on a choisi l'autre approche. Vous savez, je pensais, je
me souviens très bien quand on m'a confié ce
mandat-là de la santé et de la sécurité, pour avoir
été déjà militant syndical, avoir quand même
aussi traversé le Québec un peu et avoir touché du doigt
un certain nombre de problèmes, je pensais, je suis obligé de le
dire aujourd'hui, avec une certaine naïveté, qu'en l'espace de six
mois à un an, il était possible de régler tout ça
et qu'il y avait moyen de faire tout ça.
On est obligé d'admettre que ce n'est pas si simple que ça
et quelqu'un l'a écrit et l'a dit bien mieux que je peux le faire
aujourd'hui: "La politique, c'est l'art du possible". On ne peut pas tout faire
en même temps, ce n'est pas possible. La seule chose, c'est d'essayer de
faire le mieux possible et d'occuper au maximum le corridor qui est
réalisable dans un contexte donné.
Partant de là, je tiens à dire tout de suite, j'ai eu
l'occasion de l'évoquer depuis le début des travaux et
antérieurement, qu'effectivement il y a des travaux qui se poursuivent
parce que c'est vrai, vous avez raison, vous l'avez dit, je suis d'accord avec
ça, qu'une révision du régime d'indemnisation, avec tout
ce que cela implique dans ses différents volets, c'est vrai que c'est un
complément nécessaire à ce qui est dans le projet de loi
17, à ce qui pourrait être dans une perspective d'un projet de loi
17 amélioré, sur la base des recommandations qui nous sont faites
et qui vont être examinées au mérite.
On poursuit des travaux là-dessus et, pour nous, c'est un
prochain point dans le complément du projet de loi 17 sur lequel on aura
à revenir ensemble et qu'on rendra public et accessible; on fera les
consultations qui s'imposent, dès que ce sera prêt, dans les
meilleurs délais possibles.
C'est vrai aussi, comme troisième morceau, que la
réadaptation est accrochée à ça. Vous l'avez
décrite d'une certaine façon. Je crois que, pour l'essentiel,
vous traduisez la réalité, vous êtes à même de
la constater, parce qu'une des choses qui m'a frappé au-delà de
votre mémoire, c'est que, tout au long, vous avez illustré votre
mémoire de témoignages que vous avez rendus, de toute une
série de pièces à l'appui; vous avez été
très franc tout au long de votre exposé, quelque durs qu'aient pu
être certains des propos que vous avez tenus. Si vous l'avez fait, c'est
parce que je pense que vous êtes profondément convaincu de ce que
vous dites. Vous l'avez illustré d'exemples tout au long.
Ceci apporte un éclairage, je pense, non seulement additionnel,
non seulement intéressant, mais accroché à la
réalité pour vraiment développer une perspective de
changement. Cela dit, je voudrais maintenant m'arrêter à un
certain nombre de questions plus spécifiques.
D'abord, bien sûr, je pense que les membres de la commission ont
pris note du fait que vous nous expliquez pourquoi vous dites que vous ne
pouvez pas être en désaccord avec l'idée, l'essentiel du
contenu du projet de loi 17, quitte à y faire toute une série de
recommandations, ce que vous faites, visant à l'améliorer et
à en faire le meilleur outil possible qui vise à éliminer,
autant que faire se peut, à la source, les causes mêmes
d'accidents et de maladies, ce qu'on appelle la prévention.
On a noté les points sur lesquels vous vous dites en accord,
quitte à ce qu'il y ait des ajustements, cependant, sur la base de
recommandations.
En ce qui concerne précisément ces ajustements, sans
reprendre tous et chacun des points je suis sûr que certains de
mes collègues vont y revenir vous l'affirmez, je ne me souviens
pas, je n'ai pas repris le texte comme tel, je ne sais pas si c'est aussi
spécifique que ça, mais c'est au fond l'idée que vous
évoquez quand même. D'après vous, le projet de loi 17
n'exclut pas les syndicats, mais ne reconnaît pas suffisamment la place
qui doit leur revenir dans une perspective réelle de prévention.
(20 h 30)
Bien sûr, vous avez relevé le fait que ce sont les
syndicats qui nomment leurs représentants aux comités paritaires,
que ce sont les syndicats qui nomment les délégués
à la prévention. Vous avez aussi ça a
été évoqué devant nous le droit de nommer,
qui implique aussi le droit de révoquer, de dénommer, le droit,
en nommant, de donner des mandats, de donner des directives, etc.; cela est
accroché aux syndicats.
Je voudrais signaler ceci et en même temps vous poser la question;
ce serait intéressant qu'on ait votre réaction. Vous
l'évoquez dans votre mémoire en disant: II faudrait que le
syndicat soit plus présent et plus reconnu comme tel. Il y a toute une
série de choses très précises que vous accrochez à
ça. Premièrement, si ma mémoire est bonne, le fait que
vous demandez que le syndicat ait un pouvoir de poursuivre l'employeur, le cas
échéant. Je me demande si la réponse ne se trouve pas
à l'article 204 du projet de loi, article qui stipule que ce sont
les derniers mots de l'article et on va le vérifier sur le plan
juridique pour être bien sûr qu'il dit ce qui est l'intention du
législateur: "Les poursuites en vertu de la présente loi peuvent
être intentées par un inspecteur chef régional, par la
commission ou par une personne qu'elle désigne... ou par tout
intéressé." C'est contraire à toute la procédure
actuelle qui fait que ça part parfois de l'OCQ, que ça s'en va au
contentieux du ministère du Travail et que ça aboutit au
contentieux du ministère de la Justice; les délais de recours
sont prescrits, on prolonge les délais de prescription par rapport aux
lois actuelles et on dit: "ou par tout intéressé". Le sens que le
législateur ou le gouvernement a en tête, "par tout
intéressé", ça veut dire, bien sûr, les hommes et
les femmes qui sont au travail et, bien sûr, un syndicat local, au sens
de la loi, c'est-
à-dire le syndicat qui a un intérêt direct à
faire valoir la promotion des droits et des intérêts de ses
membres.
En d'autres termes, le mécanisme des poursuites pénales
pourrait être enclenché par un syndicat contre l'employeur. Si le
texte n'est pas suffisamment clair, on va s'assurer de le vérifier pour
qu'il le soit.
Quant à la possibilité d'arbitrage sur l'ensemble du
programme de prévention, vous l'avez accrochée à l'article
49 et, en particulier, à l'article 50 du projet de loi. Est-ce que ce
qui est prévu à ces articles-là vous apparaît
suffisant quant à ce qu'on peut appeler...? C'est vrai, en toute
honnêteté, je pense qu'on ne peut pas dire que c'est un arbitrage
comme tel qu'on a au programme de prévention et, en particulier, au
fameux paragraphe 3 de l'article 48 du programme de prévention, qui est
le paragraphe qui prévoit que le programme de prévention dont
devra obligatoirement se doter une entreprise ce qui n'est pas le cas
présentement; il n'y a aucune obligation qui est faite dans ce
sens-là aux entreprises concerne "des programmes d'adaptation de
l'établissement aux normes prescrites par les règlements
concernant l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail
l'organisation du travail, que je sache, cela veut aussi notamment, et
non exclusivement, dire, par exemple, toute la question des plans-bonis et des
horaires cassés, etc.; vous avez donné d'autres exemples quand
vous avez illustré votre pensée, comme dans cette expression que
vous avez utilisée de monnayer la santé et la
sécurité l'équipement, le matériel, les
contaminants, les matières dangereuses et les procédés
d'utilisation." Est-ce qu'en d'autres termes ce que vous demandez, à
votre point de vue, devrait aller plus loin? Si oui, comment,
concrètement, voyez-vous le pouvoir d'arbitrage concernant cela?
Pendant que je suis sur cet article c'est rattaché aux
articles 49 et 50 toujours à l'article 48, vous avez donné
l'exemple de ce que vous avez appelé le mode de production même,
faisant état du bilan de l'enquête, de l'étude que vous
aviez menée dans le cas de l'entreprise en question. Je pense que je
comprends parfaitement bien de quelle entreprise vous parlez. Est-ce que,
d'après vous ce pourrait être le paragraphe 1 ou le
paragraphe 5, cela n'a pas d'importance le paragraphe 3 tel qu'il est
libellé vous apparaît suffisamment large pour inclure, le cas
échéant, cette notion de mode de production? Sinon, est-ce que
c'est là, à votre point de vue, qu'il faut l'accrocher? Quand
cela concerne le mode même de production, comment voyez-vous la solution
à ce problème? Quand c'est accroché au mode même de
production?
Dans certains cas, vous l'avez évoqué, cela peut
être inhérent à des équipements qui manquent, non
pas des équipements de sécurité, mais des
équipements inhérents à l'environnement du travail, les
systèmes de ventilation, les systèmes de
dépoussiérage, les systèmes de ceci, les systèmes
de cela, la machinerie qui est mal fichue, enfin, peu importe, ou parfois
certains produits dange- reux qui peuvent être remplacés par
d'autres. Les technologies évoluent et il y a des possibilités.
On sait aujourd'hui qu'il y a des choses qu'on ne croyait pas possibles
accrochées à toute la conception fataliste du travail. On sait
aujourd'hui qu'elles sont possibles. On ne peut pas dire que cela peut se faire
en deux jours, mais on sait qu'il y a des choses qui sont possibles. Mais dans
les cas où, d'après vous, ce serait accroché à ce
que vous avez appelé le mode de production, revenons à l'exemple
que vous avez donné. Comment voyez-vous la solution à cette
dimension du problème et comment voyez-vous toujours accroché
à la première question, le rôle du syndicat dans cette
perspective?
Il y a également une question que je voulais vous poser. À
moins vraiment qu'il y ait des passages qui m'aient échappé dans
votre exposé, ou dans votre mémoire, croyez-vous que, dans les
pouvoirs décisionnels du comité paritaire, il faudrait
prévoir, comme le recommande d'ailleurs l'essentiel de l'opinion
est paru dans les journaux la Commission des droits et libertés
de la personne sur le projet de loi 17... je pense qu'on évoque
l'idée d'élargir le pouvoir décisionnel du comité
paritaire pour que les parties donc les représentants des
travailleurs soient associées à l'élaboration
même du programme de prévention et en particulier en sa dimension
qui apparaît au paragraphe 3. Cette chose vous apparaît-elle
souhaitable, nécessaire, ou si cela ne va pas changer grand-chose?
Je m'excuse de vous débouler une série de questions en
même temps, mais cela permettra de voir un peu mieux.
Vous avez évoqué la question je fais du
coq-à-l'âne, je saute d'un sujet à l'autre le plus
rapidement que je peux de l'accès à l'information
médicale. Ne vous apparaît-il pas que les articles 101 et 129
répondent à cette préoccupation que vous avez
évoquée?
Il serait extrêmement important que vous essayiez, si cela vous
est possible, de concrétiser, d'illustrer même d'un exemple votre
pensée, parce qu'il y a peut-être quelque chose
d'intéressant dans ce que vous évoquez. Je voudrais bien voir
exactement ce que vous avez concrètement en tête dans le
déroulement.
Vous avez parlé de la présence syndicale à
l'occasion de l'exercice du droit de refus ou de l'exercice du droit au retrait
préventif. Comment voyez-vous concrètement cette présence
syndicale dans l'exercice du droit de refus? Certains, par exemple, ont dit
devant nous: Nous, ce n'est pas la présence syndicale; c'est le droit de
refus à la suédoise, cela veut dire initié par un
représentant syndical. La loi suédoise ne prévoit pas
qu'un ou plusieurs travailleurs peuvent initier ce droit. Dans le cas de danger
grave et immédiat, c'est le délégué syndical, selon
la loi de 1976. Comment voyez vous concrètement cette présence
syndicale dans l'exercice, notamment, du droit de refus?
Vous évoquez aussi le retrait préventif. Je me permets un
commentaire en passant parce que vous l'évoquez comme si le texte
n'était pas clair
et allait à l'encontre de cette philosophie. Vous opposez la
centralisation de la commission en disant: Au fond, vous vous en allez
ce n'est pas dans ces mots que vous l'avez dit; c'est comme cela que je l'ai
compris à contre-courant de ce que vous avez déjà
commencé à faire, c'est-à-dire, entre autres, la
décentralisation de la CAT. Déjà, le projet de loi 17
prévoit ce qui n'existe pas la mise en place
d'inspecteurs-chefs régionaux. Je pense que cela peut déjà
indiquer la volonté, dans la réorganisation des services
d'inspection, d'aller non seulement vers un regroupement, mais vers une
régionalisation pour assurer une présence permanente en
région, ce qui veut dire plus de ressources humaines, plus de ressources
financières qu'il n'y en a présentement.
C'est vrai qu'avec la CAT déjà la régionalisation
est amorcée. De plus, on s'en va maintenant, dans certains coins, vers
des localités, au-delà d'une première étape. Je
peux vous dire une chose: Peut-être que cela ne ressort pas clairement du
projet de loi; peut-être qu'il faut le mettre, peut-être qu'il faut
le dire en ces termes, mais c'est sans aucun doute notre volonté d'aller
dans cette perspective. Ce ne sera jamais possible d'y arriver autrement. On a
essayé les autres façons de procéder par le passé.
Déjà la CAT est une étape; on sait qu'il faut encore
pousser plus loin pour y arriver. Je peux vous dire que c'est notre
volonté d'y aller.
Vous évoquez l'idée de conseils régionaux. Je pense
qu'il y a là une idée intéressante. On va la regarder. Je
pense qu'il faudrait faire attention, par ailleurs, de ne pas tomber et se
retrouver dans la situation où on aurait onze commissions de la
santé et de la sécurité du travail au Québec. Je ne
suis pas sûr qu'on ne retomberait pas dans un autre travers aussi grave
que celui duquel on essaie de sortir ensemble. Est-ce que ça peut
être quelque chose comme l'idée de table de concertation
régionale? Je ne le sais pas. Si vous avez des choses un peu plus
précises en tête, je pense qu'il serait intéressant que les
membres de la commission connaissent votre point de vue là-dessus.
Voilà, M. le Président, le premier "char" de commentaires
et questions que j'avais à soumettre aux représentants de la
Centrale des syndicats démocratiques.
M. Hétu: Mon premier commentaire, c'est que je suis
content que vous arrêtiez parce que vous avez posé beaucoup de
questions; j'espère que Mme Lavoie-Roux, député de
L'Acadie, n'aura pas autant de questions, mais, de toute façon...
Ma première réaction, c'est que je suis vraiment
étonné des admissions que vous avez faites au début. Cela
m'étonne parce que je me dis: Dis donc, en vous écoutant, c'est
intéressant. Je suis étonné des admissions parce que je
n'ai pas tellement de raisons qui motivent vos admissions. J'aimerais
connaître vos raisons quand vous admettez un certain nombre de choses,
quant au type de réformes que vous avez faites et que vous n'avez pas
faites, d'une façon générale. Je me dis:
Ma foi, regarde donc ça, il a une perspective très large
comme ministre du gouvernement qui est là, mais, cependant, pour des
raisons que j'ignore, il a décidé de rétrécir le
goulot et de faire un changement.
M. Marois: Si vous me permettez, M. Hétu, c'est
peut-être pour des raisons que vous ignorez; je vais vous les mettre sur
la table, ce ne sera pas bien long.
M. Hétu: Oui, cela m'intéresse.
M. Marois: Je vais illustrer la formule un peu classique que j'ai
utilisée en disant que la politique, c'est l'art du possible. Mon
travail, c'est d'essayer de faire le meilleur possible, possible. Je suis
obligé de dire et d'admettre qu'alors que je pensais que tout
était possible en même temps, ce n'est pas possible en même
temps. Les ressources sont limitées...
M. Hétu: Mais vous me permettrez...
M. Marois: ... je ne peux pas tout faire en même temps et
il faut voir ce que c'est que piloter des réformes comme
celle-là; cela passe par tout un processus de consultations qu'on a
voulu très large, dans la foulée du sommet
socio-économique, d'essayer de voir quelle sorte de consensus de base...
Comme je l'ai souvent dit, si la chaloupe part sur un lac et qu'elle part avec
six pieds de vagues en dessous, tu ne feras pas grand millage. Tu vas
peut-être avoir une belle perspective globale qui n'aboutira nulle part,
et un Conseil des ministres, cela existe aussi, il faut aussi que tu passes
à travers cela. (20 h 45)
En d'autres termes, c'est vrai qu'on a fait un choix à travers
tout ça en disant: Tu ne peux pas arriver à tout faire en
même temps. On prend les morceaux, on essaie de garder une certaine
perspective. C'est vrai que peut-être la perspective ne ressort pas
suffisamment, mais, dans ce sens-là, au risque de vous étonner
encore une fois, je vais répéter mes admissions. Vous avez raison
quand vous dites que ce qui va venir du côté de l'indemnisation
est un complément dans la foulée du projet de loi 17. C'est juste
ça que je veux dire.
M. Hétu: Je dois vous avouer, M. le ministre, que ce que
vous avez dit au tout début de votre présentation et ce que vous
me dites est cohérent. Vous avez parlé de l'art du possible, mais
je dois vous dire aussi que, quand je suis allé à l'école
il y a quelques années et quand j'ai appris ce qu'était la
politique, ils m'ont parlé de l'art du possible. 25 ans après
j'entends dire la même chose par un ministre qui est jeune et
dynamique.
M. Marois: Cela veut dire que c'est une notion qui ne vieillit
pas. Il y en a des choses qui ne vieillissent pas, qui sont du domaine de
certaines valeurs et de la réalité des faits têtus.
M. Hétu: Oui, je comprends ça, mais c'est justement
ce qui m'a étonné. J'aurais aimé connaître les
raisons qui sont à la base de votre art du possible, qui sont à
la base du consensus. J'aurais aimé savoir comment il se fait qu'il n'y
a pas eu consensus sur les admissions que vous avez faites et sur ce que vous
n'appliquez pas dans votre projet de loi. J'aurais aimé savoir
ça. Comment se fait-il, n'est-ce pas, que, par exemple, vous avez
axé cela uniquement sur la prévention je comprends
ça et que vous avez omis ou mis de côté ce
que vous avez admis comme étant quelque chose de valable et de
très important tout le phénomène de
l'indemnisation, tout le phénomène de la réadaptation que
vous considérez comme étant un problème? Quand vous dites
ça, je ne mets pas en cause votre bonne foi, parce que je suis convaincu
de ça, je ne discute pas ça. D'ailleurs, ce qu'ont dit le
député de l'Opposition et d'autres, je ne mets pas ça en
cause. Mais j'aimerais savoir ça parce que c'est fondamental dans le
cheminement du débat. Par ailleurs, je ne veux pas, non plus, discuter
uniquement de ça parce que vous m'avez posé des questions fort
pertinentes par la suite et cela me permettra de mieux me préparer.
M. Marois: Pour vous aider à finir de bien vous
préparer, c'est que cela a été strictement impossible
d'aboutir sur tous les morceaux en même temps. Je vous le dis, cela n'a
pas été possible. Je voulais le relever, mais vous en avez
tellement mis sur la table aujourd'hui, bon nombre de choses
intéressantes.
M. Hétu: Mais, dans le livre blanc, vous en avez mis un
paquet sur la table aussi.
M. Marois: Vous allez admettre avec moi que dans le livre blanc
on peut reprendre les pages et les relire; je pense que vous allez en
admettre la cohérence aussi on évoquait et la question de
la réadaptation et la question de la révision de l'indemnisation
et la question des expertises en disant: Sur cela, on n'a pas de propositions
à vous formuler. Ce n'est pas prêt, ce n'est pas au point, ce
n'est pas mûr. Nos équipes de travail et les analyses qu'on a
faites là-dessus... Et ce n'est pas un détail de réviser
l'ensemble du régime d'indemnisation et la question des expertises
médicales et ce que vous avez évoqué en plus.
La question de la réadaptation; je vais prendre juste un exemple
et je finis là-dessus. Une expérience a été
menée dans la région de Québec, d'après ce qu'on me
dit. Je ne prétends pas avoir la science infuse et tout savoir sur tout
ce qui se passe dans la machine administrative à travers tout le
Québec. Je découvre que, même après trois ans, on en
apprend tous les jours. C'est pour ça que, parfois, des
témoignages comme les vôtres et des cas concrets qui sont
illustrés et jetés sur la table, c'est drôlement
intéressant et ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, je vous
en passe un papier.
Des expériences intéressantes ont été
menées par un homme en particulier, à la Commission des accidents
du travail, accroché au bureau de Québec, qui ont réussi
à faire la démonstration que peut-être il y avait moyen de
faire pas mal plus que ce qui se faisait par le passé, dans une
perspective réelle de réadaptation.
Partant de là, comment arrives-tu à transposer ça
pour que ce soit quelque chose qui se tienne, qui ait du bon sens? Il me semble
aussi qu'il y a un certain sens des responsabilités qu'il faut avoir. Je
ne piloterai pas des patentes si j'ai l'impression que c'est tout croche. Le
jour où je pense que c'est présentable, que je peux me
présenter devant le Conseil des ministres avec, que je pense que c'est
ça, que ça se tient, qu'en tout cas il y a là une bonne
base raisonnable de discussion sur une hypothèse sérieuse, je le
fais. On va pousser le plus vite qu'on peut pour y arriver, mais,
forcément, ça va venir par morceaux, mais accroché un peu
à la perspective du livre blanc.
C'est tout.
M. Hétu: Ce que vous dites, M. le ministre, M.
Dalpé a participé à une réunion à Montmagny,
au cours de laquelle il y avait le représentant de la CAT qui a
expliqué ça. Mais justement, après ces explications, il
est allé loin, il a dit, vous me corrigerez, que tous les cas de
réadaptation professionnelle qu'ils ont eu dans les mains, ils les ont
réglés. Mais, pendant ce temps, la même CAT, c'est
là tout mon étonnement, ailleurs, en dehors de Québec,
dans les Cantons de l'Est, dans une des priorités qui vous est
très chère, ainsi qu'à l'Opposition, dans l'amiantose,
déclassifie des travailleurs atteints d'amiantose. J'ai donné
quelques cas là-dessus. C'est ça mon étonnement. Cela
s'enracine dans ces réalités.
Je ne veux absolument pas poser de question pour mettre... Je trouve que
cette recherche est fondamentale. Ce que vous dites est vrai; mardi, à
une réunion à Montmagny, Paul a discuté de ça et,
fondamentalement, c'est vrai. Il dit, là, on réussit ça,
mais par ailleurs on en déclassifie d'autres qui sont justement au
niveau de la réadaptation. Les deux cas que j'ai donnés, qu'on se
rappelle le premier, peu importent les chiffres, 10, 15 et 20, à un
moment donné, on a dit qu'il n'y avait plus rien. Ces gars
étaient déjà, en vertu de la loi 52, dans la phase de la
réadaptation.
C'est ça, cette dynamique...
M. Marois: Je ne conteste pas ça. M. Hétu:
D'accord.
M. Marois: On a eu l'occasion, en cours de route...
M. Hétu: C'est seulement comme...
M. Marois: ... d'évoquer des cas du genre; d'ailleurs, un
député autour de la table a soulevé un certain nombre de
cas très concrets de sa région, le député de
Richmond. Est-ce que les deux, seulement pour information, à votre
connaissance, continuent, comme dans les cas qui ont été
évoqués par le député de Richmond, à toucher
leur indemnité?
M. Hétu: C'est justement ça notre
problème.
M. Marois: Est-ce qu'ils touchent leur indemnité?
M. Hétu: C'est justement ça notre problème.
Tout d'abord, je vais vous expliquer le processus. Il y a, dans l'amiante, 55
cas actuellement, qui sont révisés. On leur a dit: Vous n'avez
pas l'amiantose, mais on va maintenir votre indemnité. Regardez bien les
problèmes pratiques qu'on a eus. Là, on a demandé à
notre avocat, premièrement, de s'informer pour savoir, dans le lot des
50, combien il y en a qui appartiennent à notre syndicat à CGM.
La réponse qu'on a eue, les avocats, vous ne devez pas vous mêler
de ça. Bon, d'accord. C'était Richard Mailhot, notre avocat. On a
dit très bien. On a communiqué avec Robert Sauvé. On est
allé le voir, il nous a répondu qu'il y avait 11 cas chez nous
qui étaient impliqués, on avait 4 cas devant nous. On
était vraiment inquiets, parce que les travailleurs ont su qu'ils
n'étaient plus atteints d'amiantose, ils ont rebondi sur les
onze, quatre au bureau du syndicat; ils ont dit: On n'est plus atteint
d'amiantose et on nous dit dans la lettre: Vous pouvez être
rappelés, vous pouvez demander votre certificat de travail, mais
cependant on vous garantit votre indemnité.
Le premier problème qu'on a eu a été de se dire:
Sont-ils malades ou pas? Remarquez tous les problèmes pratiques qu'on a,
on parle de ça et la discussion qu'on a est vraiment importante.
Là, on s'est dit: Quel pneumologue au Québec peut étudier
le problème de ces travailleurs? On en a trouvé un, on va le
voir, le Dr Claude Touchette de Québec qui travaille à la CAT
je vous donne des faits là, il nous écoute
très gentiment et nous dit: Premièrement, il y a une directive de
la Régie d'assurance-maladie du Québec qui dit que dans ces
situations, lorsque le sort d'un travailleur a déjà
été réglé par la CAT, je ne peux plus charger
à la RAMQ mon expertise ça va bien parce que Réal
est ici et il était un des directeurs de la RAMQ on a
immédiatement vérifié auprès de lui et il nous a
dit: C'est vrai, il n'y a rien à faire. L'autre question pratique qui
est arrivée, il a dit: Cela va vous coûter entre $1000 et $1300
pour chaque cas d'expertise; uniquement pour savoir si c'est vrai que le gars
souffre d'amiantose ou pas; c'est un problème pratique. C'est la
première phase.
Là, on se dit: Ma foi, si les mines, les propriétaires
c'est le deuxième volet des mines se rendent compte que
ces types sont payés par la CAT en vertu de nos cotisations et que
ça peut hausser les taux de cotisations, alors ils peuvent contester
parce que, en vertu de la loi, ils se sentent lésés. Alors, on a
demandé une rencontre avec Me Sauvé; on l'a rencontré et
il nous a dit: N'ayez aucune crainte là-dessus. C'est là que je
rejoins la question du député de Richmond; on a d'ailleurs la
lettre. Dans le fond, la réponse qui a été donnée
au député de Richmond, c'est celle sur laquelle notre
appréhension est fondée. Elle est fondée sur quoi? C'est
que dans une telle situa- tion, les mines ont totalement le droit de contester
la décision de la CAT. Dans la réponse qui est faite par la CAT,
il est dit: S'il y a une contestation, vous allez passer devant le bureau de
révision et vous pouvez aboutir au bureau des Affaires sociales.
Bien sûr, de la part de la CAT on a une certitude, elle a dit
qu'elle ne toucherait pas au montant; peut-être qu'on ne l'imputera pas,
en terme administratif, aux compagnies de l'amiante. Ne l'imputant pas aux
compagnies de l'amiante, on ne haussera pas le taux de cotisation; alors, en ne
haussant pas le taux de cotisation, peut-être n'y aura-t-il plus une base
juridique pour les compagnies d'amiante; possible. Mais, quand on parle de ce
problème, il ne faut jamais oublier qu'il y a un contexte qui est plus
général et qui est le suivant: les compagnies d'amiante
actuellement, et ce depuis deux ou trois ans, nous sommes en discussion avec
elles elles ont pris des procédures pour tout contester et, nous,
on a des cas en vertu de l'ancienne loi 52 et on a décidé d'aller
en appel, mais comment vont réagir les compagnies d'amiante. Il y a donc
tout ce contexte des droits des travailleurs individuels et du rapport entre
les compagnies d'amiante et le syndicat.
Le problème est entier. C'est pourquoi, je reviens à votre
ordre du possible et de l'étonnement, mais, de toute façon, vous
jouez fair play, parce que vous mettez cartes sur table, et nous aussi. Il y a
là un problème entier. On dit: Comment le résoudre? Notre
problème, c'est justement... C'est cela qu'on dénonçait
dans la partie de l'indemnisation. On dit: II faut à tout prix modifier
cette partie-là, parce qu'elle n'est pas claire. Par définition,
toute la partie relative aux maladies professionnelles, il y a des restrictions
qui proviennent soit de critères qui sont définis par un
barème, quand on a à définir les incapacités
permanentes, ou par la loi 52 qui parle de diagnostics positifs ces deux
points et, le troisième point, ce sont toutes les directives qui
sont données aux spécialistes, notamment quand on a
constitué les comités de révision. Ces experts-là,
dans les comités de révision, vont se baser sur quoi? Sur les
barèmes d'incapacité permanente, sur la loi ou sur leur
compétence professionnelle en tant que pneumologues. Le problème
est entier. C'est dans ce sens-là qu'on soumettait le problème.
Je pense que l'échange est vraiment dans le fond du problème. On
peut continuer, mais pas dans cette veine-là. Cela va, M. le
Président, vous êtes d'accord?
Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas moi qui
décide du contenu des réponses ou des commentaires.
M. Hétu: Cela va. Première question. Article 204.
L'article 204 fait partie du chapitre des infractions. C'est exact? Est-ce que
le syndicat peut poursuivre c'est là la question; sinon, vous me
corrigerez; je la répète à bon escient dans ce
sens-là est-ce que le syndicat peut poursuivre il y a un
membre de phrase qui dit que le
syndicat peut poursuivre, mais il s'agit de savoir si le champ de la
juridiction est fondé un employeur qui lui soumet, par exemple,
en vertu de l'article 49, son programme de prévention? Est-ce qu'il y a
là une infraction? Est-ce qu'il peut poursuivre dans ce cas-là?
C'est un premier volet? Deuxième volet, est-ce que le syndicat peut
poursuivre je veux voir si votre projet de loi couvre cela
conformément à un article lié aux fonctions de
l'inspecteur qui constate un certain nombre d'infractions et suggère des
recommandations? Est-ce que le syndicat peut poursuivre? Est-ce que cela touche
la prévention ou la partie relative aux recommandations de
l'inspecteur?
M. Marois: C'est-à-dire que l'article...
M. Hétu: Je veux bien comprendre votre question. Est-ce
que cela couvre l'un ou l'autre?
M. Marois: Au fond, si j'ai compris votre préoccupation
accrochée à l'idée de reconnaître un rôle
encore plus consistant dans l'ensemble de la loi au syndicat comme tel, l'une
des choses que vous évoquez, c'est le pouvoir que devrait avoir le
syndicat de poursuivre l'employeur. (21 heures)
Je disais: Ne trouvez-vous pas la réponse à cette
question, ou à cette recommandation que vous formulez, à
l'article 204 qui stipule que les poursuites pour quelque infraction que ce
soit en vertu de la loi peuvent être intentées par tout
intéressé. L'expression "tout intéressé", on va la
regarder au plan juridique pour être bien sûr que c'est cela;
c'est, bien sûr, les hommes et les femmes au travail et parce
qu'il y a eu tout un débat devant les tribunaux sur la notion
d'intérêt au sens juridique, il faut avoir un intérêt
pour poursuivre un syndicat local qui, me semble-t-il, a un
intérêt, l'intérêt de la promotion, du respect et de
la défense des droits de ses membres. N'avez-vous pas là la
réponse à la suggestion que vous nous faites? En d'autres termes,
ce que je veux dire, c'est que, quant aux pouvoirs réclamés pour
que le syndicat puisse poursuivre l'employeur, on dit qu'on est d'accord avec
vous. On l'a formulé en l'introduisant à l'article 204 qui ouvre
la porte sur les poursuites pour quelque infraction que ce soit à
l'ensemble de l'une ou l'autre des clauses de la loi. Cela répond-il
bien à votre demande? Je comprends que vous allez me dire: À
condition que ce soit bien clair que "tout intéressé", cela veut
dire ce que vous venez de dire là.
M. Hétu: Non, non. Je présume je suis un bon
prince que...
M. Marois: On va le faire vérifier par les juristes, parce
que la question a été soulevée.
M. Hétu: ... "tout intéressé", cela comprend
le syndicat même s'il n'est pas nommé, même si on accepte
votre réserve et qu'on va faire des recherches. Disons, pour les fins de
la discussion, que l'hypothèse de base est que le syndicat, même
s'il n'est pas nommé, a le droit d'intenter la poursuite. Ma seule
question est la suivante. Quand on regarde le chapitre X parce que cela
touche la notion d'infraction, par exemple en rapport avec ce chapitre,
notamment à l'article 139, on dit: "L'employeur communique le
résultat de son enquête ou de son inspection à l'employeur,
à l'association accréditée, etc., leur transmet, le cas
échéant, copie de l'avis de correction. Lorsqu'il n'existe pas de
comité etc."
J'essaie de voir le motif d'infraction, parce que je vais pouvoir
entreprendre une poursuite judiciaire s'il y a infraction. J'essaie de voir
l'infraction. Il y a l'article 139. Ce n'est pas cela. Il y a l'article 136.
Cela touche les pouvoirs généraux. S'il n'y a pas d'infraction
là-dessus, c'est quoi? Je me demande si le fondement de ce chapitre est
vraiment valable. Je me demande si on ne sera pas tout simplement
débouté. Je remarque que nous n'avons pas de droit
spécifique concernant, par exemple, le droit du syndicat de contester le
programme de prévention. C'est là-dessus qu'on faisait la
requête pour avoir ce droit. Ensuite, on faisait aussi une requête
pour modifier justement le chapitre X, la dimension des inspections. C'est pour
donner suite aux délais, aux recommandations de l'inspecteur. Supposons
que l'inspecteur constate un certain nombre d'infractions, il dit à
l'employeur: Je te donne une certaine période de temps pour les
modifier.
Mon hypothèse de base est la suivante. Si ce n'est pas dans son
programme de prévention, il n'y aurait peut-être pas de base
juridique. Deuxièmement, s'il n'y a pas d'infraction nommément
aux règlements en vigueur concernant les établissements
industriels, concernant les standards, est-ce qu'il va y avoir une base
juridique de poursuite? Je ne vois pas d'indication pour cela à l'heure
actuelle.
M. Marois: Je voudrais seulement vérifier pour être
bien sûr de mon coup sur le plan de l'interprétation
juridique.
M. Hétu: D'accord. Je vérifie moi aussi, parce
qu'il y en a un qui m'écrit une note. On va vérifier
ensemble.
M. Marois: Lorsqu'un inspecteur visite une entreprise, fait des
constatations d'infraction, présente un rapport
dorénavant, les documents en question doivent être notamment remis
entre les mains de l'association accréditée quand il y en a une.
Cela est complètement nouveau par rapport à la situation
actuelle. Je le sais; il y a assez de syndicats qui m'appellent: Y aurait-il
moyen d'avoir le rapport de l'inspecteur Untel et de l'inspecteur Machin? Il me
semble que cela fait partie de l'ouverture normale des dossiers, les livres
ouverts sur la table. L'inspecteur dit généralement: Je vous
donne ordre ou je vous avise que vous devez faire telle, telle ou telle
réparation. Cela ne fait pas partie du programme de prévention.
C'est le pouvoir qu'a l'inspecteur, au fond, de prendre les
moyens qu'il a pour faire en sorte que les corrections qui s'imposent,
puisqu'il s'agit de constats d'infraction par rapport à des normes, des
règles qui existent, soient faites. Si l'employeur ne s'y conforme pas,
alors que l'inspecteur a de par la loi le pouvoir d'imposer cette chose, cela
devient une infraction au sens de la loi. À partir du moment où
cela devient une infraction au sens de la loi, l'article 204 s'applique. En
vertu de la présente loi, il y a des poursuites, parce qu'il y a eu une
infraction quelconque en vertu de l'un ou l'autre des morceaux de la loi.
C'est là la réponse que je vous donnerais. En même
temps, en vous donnant la réponse, je prends bien note de cela, c'est
bien clair dans notre esprit cette affaire et je vais m'assurer que le texte de
loi est aussi clair que ce que je viens de dire et que le jargon juridique
correspond à la réalité." Quiconque contrevient il
faut lire aussi les articles 195, 196, 197 aux dispositions de la
présente loi ou des règlements ou refuse de se conformer à
une décision ou ordonnance rendue en vertu de la présente loi ou
induit une personne à ne pas s'y conformer, etc., est passible"... En
d'autres termes, c'est une infraction que de ne pas se soumettre à une
ordonnance rendue en vertu de la présente loi. Une ordonnance rendue en
vertu de la présente loi, c'est un ordre de l'inspecteur, par
exemple.
M. Hétu: Première question d'ordre
général.
M. Marois: En même temps, je prends note de vos
commentaires pour être bien sûr que le texte colle à
cela.
M. Hétu: D'accord. Première question d'ordre
général: Supposons qu'on a le droit de poursuivre, supposons que
cela va en cour et supposons qu'on gagne il y a eu une infraction
quelle est la pénalité prévue par la loi?
M. Marois: Là, il y a diverses pénalités.
Cela dépend de...
M. Hétu: Par exemple. M. Marois: Vous en avez...
M. Hétu: Oui, mais en général.
M. Marois: Attendez un peu. Ce sont les articles 197 et 198. Les
sanctions sont à la fois d'ordre monétaire, des amendes je
pense que vous constaterez que, par rapport aux amendes, quand on regarde la
batterie des 7 lois, 20 règlements, on vient de...
M. Hétu: Cela, nous l'avons reconnu dans le
mémoire. Il y a un pouvoir coercitif.
M. Marois: Bon. Deuxièmement, non seulement les amendes
peuvent aller jusqu'à l'emprisonnement, mais, troisièmement, la
cour ou le tribunal a le pouvoir d'ordonner de faire obligation en plus
à l'entreprise par jugement de procéder à telle, telle et
telle chose. C'est prévu dans la loi à l'article 200: "En plus
des pénalités prévues amendes, emprisonnement
touchant la corporation comme telle, des individus à l'intérieur
de la corporation, des cadres par exemple le tribunal peut ordonner au
contrevenant de se conformer aux exigences de la loi ou d'un règlement
dans le délai qu'il fixe ou d'exécuter toute mesure qu'il juge
susceptible de contribuer à la prévention des accidents du
travail ou des maladies professionnelles, le tout sous peine d'outrage au
tribunal."
M. Hétu: D'accord. Le premier point, quant aux amendes,
quant à l'emprisonnement, pour nous, cela ne nous fait ni chaud ni
froid. On ne veut pas gagner, on ne veut pas faire mettre le patron en prison.
Qu'il y aille, d'accord, on va gagner cela, mais cela mène où par
rapport à la prévention, par rapport aux changements dans
l'entreprise? C'est cela, le problème. Nous, quand on a fait la
demande... Je vais vous expliquer maintenant le fond de notre demande par
rapport au droit d'appel sur le programme de prévention par rapport
à l'application du rapport de l'inspecteur. Ce qu'on veut, dans le fond,
ce n'est pas tellement de faire payer l'amende par le "boss" ou le faire
emprisonner; s'il écope de cela, d'accord, mais ce n'est pas notre
objectif. Notre objectif, c'est de changer fondamentalement les conditions de
travail dans lesquelles sont les travailleurs. S'il va en prison et que les
conditions de travail sont encore insalubres ou qu'elles ne protègent
pas l'intégrité physique, cela ne règle pas mon
problème. Devant quoi vais-je être placé après? Je
vais être placé devant quoi si le patron ne veut pas me le
concéder dans la négociation collective? Il va falloir faire la
grève, mais par la suite, il faudra qu'il corrige cela, c'est cela mon
problème.
M. Marois: Je pense qu'on comprend très bien votre
préoccupation.
M. Hétu: C'est dans ce sens. À ce moment-là,
on a un problème sérieux.
M. Marois: C'est pour cela, précisément dans la
perspective que vous évoquez, qu'au-delà des amendes
resserrées, de l'emprisonnement, il y a l'article 200 qui, lui, donne au
tribunal le pouvoir, en plus de ce qui est prévu aux articles 197 et
198, d'ordonner de se conformer à des exigences... "d'exécuter
toute mesure qu'il juge susceptible de contribuer à la prévention
des accidents du travail ou des maladies professionnelles, le tout sous peine
d'outrage au tribunal", c'est-à-dire d'ordonner de faire procéder
aux fameuses corrections à la source pour rejoindre la
préoccupation que vous avez.
M. Hétu: D'accord.
M. Marois: Parce que votre préoccupation se
défend.
M. Hétu: Un tribunal, on connaît cela. Avant le
souper, j'ai mentionné... Prenons par exemple le
cas des produits toxiques. Actuellement, j'ai compté, en gros,
à peu près 200 produits toxiques dans le règlement actuel,
pour lesquels il y a une norme de fixée. Supposons que cela touche des
produits où il n'y en a pas, mais, cependant, qu'il y ait eu des
études épidémiologiques, etc. Là, on dit: II faut
modifier cela. À ce moment-là, notre fondement juridique n'est
plus valable parce que le juge je le comprends, et une chance que c'est
ainsi, légalement il faudra qu'il prenne le texte des
règlements. Et si on se fie sur ce qui est connu actuellement, il va
dire: Ce n'est pas dans la liste des 200 produits. Il va faire venir un gars
comme Bourdages et va dire: Est-ce que c'est inclus, etc.? Si ça n'y est
pas, on est "fucké". Actuellement, quand on regarde l'ensemble des
produits toxiques, il y en a un peu plus. Par exemple, aux États-Unis,
NIOSH a publié une liste de produits toxiques avec un seuil limite. Il y
en a 8000. C'est connu, on les a. Je comprends qu'on n'est pas rendu là.
Sur le plan international, je comprends aussi qu'à l'OIT, les Russes,
les Américains, le Canada, se sont entendus sur tout le "kit". Il y en a
quelque 300, c'est à peu près la liste qu'on a... Je comprends ce
problème.
Mon seul problème, c'est par rapport au droit de poursuite. Si on
le poursuit et que ce n'est pas inclus, si c'est un cas semblable au chlorure
de vinyle qui est cancérigène... On a découvert cela, mais
il y a un paquet de gars qui ont crevé pendant ce temps. Je prends une
affirmation d'un spécialiste qui travaille pour vous actuellement, qui
dit: Le problème de l'amiantose, c'est dépassé. Il dit:
Les problèmes auxquels, comme travailleurs, vous avez à faire
face, c'est que l'amiantose, par définition, est
cancérigène. Je sais, par exemple, que je ne peux pas poursuivre,
parce que la dimension du cancer, en vertu de la loi, ce n'est pas couvert;
c'est la partie de l'amiantose. C'est un maudit problème! Je ne veux pas
soulever des poux, mais je veux qu'on fouille ce problème.
M. Marois: Juste pour l'information des parlementaires, juste
pour qu'on comprenne le mieux possible ce que vous demandez, je comprends,
d'une part, quand vous dites que lorsqu'il y a une base juridique solide
l'article 204 ouvre la porte au tribunal, non seulement aux amendes, à
ci et à ça on peut également ordonner de
procéder à des changements même à l'intérieur
de l'entreprise pour corriger à la source, ce qui est à l'article
200. (21 h 15)
Cela me semble répondre à une de vos
préoccupations, mais je comprends que ce que vous demandez, d'autre
part, pas en corollaire, mais comme en parallèle avec ça, c'est
ce que vous évoquez et j'aimerais que vous nous disiez
c'était une de mes questions comment, concrètement, vous
le voyez. Dans les autres cas, parce que tout ne donne pas
nécessairement lieu à une base juridique de poursuite et tout ne
se règle pas nécessairement par des poursuites, vous semblez nous
dire: On voudrait pouvoir jouer un rôle plus important dans un des
aspects clés du programme de prévention, c'est-à-dire
celui qui touche l'environnement même du travail. Bon! Quel rôle
exactement vous vous voyez jouer et comment le voyez-vous articulé? Vous
demandez, par exemple, la possibilité de contester, d'aller en
arbitrage, de dire, si je comprends bien: Nous pensons que le programme de
prévention qui nous est soumis pour la partie environnement du travail,
et c'est la base de tous les documents qu'on a, des expertises, des rapports
d'inspection, tout ce qui a été constaté, ça ne
réglera rien à rien et on n'est pas d'accord avec ça.
Déjà, il y a des articles qui prévoient que l'employeur,
si les représentants des travailleurs ne sont pas d'accord, va
être obligé de justifier sa position par écrit et ça
ouvre un recours à la commission. Je comprends que cela ne vous
satisfait pas comme recours. Qu'est-ce que vous suggérez
concrètement là-dessus? Là, ça recoupe ma question
additionnelle là-dessus, en ce qui concerne le problème du mode
de production que vous avez évoqué.
Mais prenez les deux morceaux séparément, le plus
concrètement, pour qu'on puisse voir. On va prendre note et on va
regarder ce que vous allez suggérer.
M. Hétu: Premier point, est-ce que l'on convient ensemble
que 204 est insuffisant pour permettre aux syndicats de poursuivre sur
l'ensemble de ce qu'on peut appeler les infractions?
M. Marois: 204 est suffisant pour prendre des poursuites sur tout
ce qui est infraction au sens de la loi. 204 ne règle pas votre
problème quand vous parlez d'une contestation du programme de
prévention en particulier, sa dimension qui porte sur l'environnement du
travail. C'est une autre paire de manches.
M. Hétu: D'accord. Sur ce point particulier
là...
M. Marois: C'est ça, c'est là-dessus que je voulais
avoir votre point de vue.
M. Hétu: ... on est d'accord que ça ne touche
absolument pas... 204 ne règle pas ce problème-là, on
s'entend là-dessus. D'accord! Parlons maintenant, parce que
c'était votre autre question et je trouve que la réaction que
vous avez est intéressante et on va y aller... Votre autre question
touchait la prévention: L'article 49 est-il suffisant, en rapport, par
exemple, avec l'organisation du travail, l'évaluation, l'emploi, le
boni? Est-ce qu'on doit aller plus loin que 49 et 50? C'est bien ça?
Est-il suffisant? Tout de suite, c'est non. Cependant, on doit dire, pour une
part, que 48, comme vous l'avez mentionné, a des bases. Quand vous
parlez des programmes d'adaptation, de l'établissement, c'est là,
des normes prescrites par règlement concernant l'aménagement des
lieux de travail, l'organisation du travail, l'équipement, le
matériel, les contaminants, dans l'exposé que j'ai fait, au tout
début, j'ai dit que la réglementation actuelle comportait deux
types de normes: les normes obligatoires et facultatives. Justement, par
hasard, les normes, dans le règlement actuel, qui sont
facultatives, sont celles qui traitent de l'article 3 que vous avez
évoqué et je trouve que c'est intéressant que vous l'ayez
évoqué. Elles sont facultatives lorsqu'elles touchent
l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail,
l'équipement, le matériel, les contaminants... Peut-être
pas toutes, je ne veux pas non plus charrier, je ne veux pas non plus poser
plus de problèmes qu'il y en a, mais, quant à l'organisation du
travail, l'aménagement des lieux de travail, c'est facultatif. Toute la
réglementation est conçue de telle façon que l'objectif
général de la prévention, c'est qu'il faut régler
les problèmes à leur source, c'est indiqué. Cependant, on
dit: Si on ne peut pas le faire, on prend d'autres procédures. C'est la
conception actuelle. Par ailleurs, il est dit dans cette loi-là que tout
règlement qui n'est pas compatible avec la loi devra être
modifié. Mais je ne pense pas, à moins d'erreur, je suis
prêt à accepter que cet article de loi auquel je
réfère dans la période de transition puisse affecter cela.
C'est cela qui est le problème, que la commission va
opérer...
M. Marois: Ce qui veut dire, d'après vous, qu'il faudrait
que, notamment, ce bout de règlement qui rend des choses qui sont
précisément accrochées à l'environnement même
du travail facultatif deviennent obligatoires.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Hétu: Pardon madame?
M. Marois: Même si cela était, ma question va plus
loin que ça, est-ce que vous considérez, est-ce que vous voyez,
le syndicat, un mécanisme que vous pourrez suggérer
être partie prenante et avoir, le cas échéant, partie
prenante par un pouvoir décisionnel quitte à ce qu'il y
ait une forme d'arbitrage quelconque, si les parties ne s'entendent pas sur
l'élaboration même prenant pour acquis l'hypothèse
que les fameuses parties facultatives qui concernent les choses fondamentales
deviennent obligatoires? Est-ce que vous vous voyez devenant partie
impliquée dans l'élaboration même de ce programme de
prévention, en tout cas, dans la dimension du milieu même du
travail?
M. Hétu: Je vais vous expliquer notre philosophie de base
et nos revendications là-dessus. Une des limites actuelles du projet de
loi, c'est justement là qu'elle se trouve. Je vais préciser. Tout
ce qui touche la conception de l'aménagement des lieux du travail, de
l'organisation du travail, je ne sache pas que ce soit la volonté
gouvernementale, ni celle de l'Opposition, d'aller jusque-là en termes
de participation. Premièrement.
Deuxièmement. Une des limites actuelles est là. Dans le
fond, dans le langage quotidien, on dit que le projet de loi ne veut pas
s'immiscer dans les droits de gérance...
M. Marois: Pourtant, on se fait casser les oreilles depuis une
couple de jours sur l'abolition des droits de gérance des
entreprises.
M. Hétu: Oui, moi aussi, je lis ça dans les
journaux et j'ai entendu des choses aujourd'hui, je vois ça. Mais on a
une pratique concrète de ces choses et votre projet de loi prend bien
soin... Expliquez-leur de ne pas aller jusque-là, l'Opposition aussi, je
pense que c'est votre thèse la liberté de l'entreprise et tout
ça. La limite est là. Dans le fond, est-ce que vous allez imposer
à ce niveau-là aux entreprises d'établir la participation?
Quand on regarde le rôle que vous attribuez aux comités
paritaires, vous dites non, vous allez donner un pouvoir de recommandation.
Nous autres, on raisonne dans ce cadre-là. On dit, faites un
amendement à l'article 50. Ce qu'on demande, c'est seulement ça,
faire un amendement à l'article 50 ou à l'article 49. On dit,
permettez au syndicat de contester sur le programme de prévention s'il
n'est pas d'accord. Là, faites venir une personne compétente, un
inspecteur, etc. On ne veut pas d'un arbitre ordinaire, comme pour
régler des griefs, ce n'est pas ça. C'est peut-être de
là que vient notre ambiguïté, on ne l'a pas assez
précisé. On dit, faites-le venir, faites venir le patron, qu'il
vienne expliquer publiquement, dans le cadre de ce type d'arbitrage, pourquoi
il ne peut pas le faire. Ensuite, un gars qui connaîtra la loi et les
règlements va expliquer quelles sont les limites, les
possibilités et jusqu'où il doit aller.
Dans le fond, toute une partie de la question provient de ce que
l'entreprise n'est pas capable de payer immédiatement les
améliorations. On rencontre ça très souvent, actuellement.
Mais il y a un autre volet aussi, c'est peut-être dû au fait qu'au
niveau technologique, la connaissance, quant au mode de production, n'est pas
suffisamment avancée. Il y a peut-être ça, mais on aimerait
que ça se dise, que ce soit clair. Alors, qu'ils le disent et qu'on
fasse le débat, de telle sorte que c'est là que je reviens
à toute l'orientation nouvelle des relations de travail en rapport avec
l'amélioration des conditions de travail si on clarifie les
raisons majeures pour lesquelles on ne va pas si loin dans un programme de
prévention, que ce soit connu.
Ainsi, au niveau de la négociation collective, si le syndicat
veut proposer, conformément au Code du travail, des améliorations
sur les conditions, qu'il puisse le faire en tout état de cause. Si on
connaît le manque de possibilité ou s'il n'y a pas de manque, si,
comme dans certains cas qu'on a vécus, ce n'est pas dû au fait que
la technologie n'est pas suffisamment avancée, qu'on puisse, par le
biais de la négociation, établir les mécanismes nous
permettant de trouver des solutions. C'est là qu'est toute notre
philosophie de base, quand on demande d'amender les articles 49 et 50; c'est
uniquement dans ce sens. On ne veut pas pour tout de suite, parce que c'est
prématuré; il y a un contexte général des relations
de travail. On se dit:
Que lui rende des comptes; c'est seulement ça qu'on veut, de
telle sorte que, dans les négociations collectives, on aura à
discuter de l'amélioration des conditions de travail sur ces points.
Compte tenu des planchers de conditions minimales qui existeront, on dit: Nous,
on va définir et on va s'organiser avec l'employeur. On ne veut pas que
vous vous immisciez là-dedans, il y a tout un cheminement qu'il faut
faire, etc. C'est là notre philosophie générale.
M. Marois: Je m'excuse, M. le Président, je vais
m'arrêter là-dessus, je n'en ajouterai pas; ce n'est pas que je
veuille vous pousser plus loin, vous avez droit de faire la lecture, c'est
votre plus totale et légitime liberté, de la volonté ou de
l'absence de volonté du gouvernement d'aller là ou de ne pas
aller là; c'est votre droit le plus légitime.
Je vous ai posé deux questions précises; là, j'ai
la réponse à une, à mon entière satisfaction. Je
pense que je comprends bien votre point de vue sur les articles 49 et 50, quand
vous nous dites: On veut avoir le pouvoir, comme syndicat, par le biais de nos
représentants, de contester le programme de prévention avec les
mécanismes d'intervention, que ce soient les inspecteurs, des gens
qualifiés, que les études soient mises sur la table, ce qui vous
permet d'avoir les données. Je comprends parfaitement bien ça et
je prends note de votre recommandation.
Mais je reviens à l'autre question que je vous posais et
j'aimerais avoir une réponse précise sur ce point; si ça
vous est possible! C'est une chose que vous demandez. D'accord, c'est
noté. Est-ce que vous demandez aussi ou en plus que, dans les pouvoirs
décisionnels du comité paritaire, vous soyez ou pas, comme
syndicat, par le biais de vos représentants, partie prenante à
l'élaboration même du programme de prévention quant
à l'environnement de travail? Ou si estimez-vous que, pour l'instant, ce
serait suffisant que vous nous disiez: Donnez-nous d'abord les amendements aux
articles 49 et 50 et ensuite on verra?
M. Hétu: On s'entend là-dessus, vous avez
très bien compris notre point, c'est clair; on dit: Là-dessus, on
veut être en mesure que le patron explique son programme de
prévention dans le cadre de ce que la commission dit.
L'autre point vous allez être surpris de notre
réaction la seule chose qu'on demande c'est que, pour tout de
suite, on ne veut pas être associé à l'élaboration,
à l'établissement d'un programme de prévention; on ne le
veut pas tout de suite. On prétend qu'il faut, tout d'abord, qu'il y ait
une reconnaissance du syndicat, c'est la base de tout. On dit: Cela, on va s'en
occuper en négociation collective, parce qu'il ne faut pas oublier
qu'actuellement, dans l'état des choses, les syndicats ne sont pas tous
au même niveau; il y a des syndicats qui sont plus avancés; il y
en a d'autres aussi, du côté des syndicats, qui sont
avancés, mais qui ont des limites; des limites qui sont crées,
provoquées à cause du type d'entre- prises dans lesquelles ils
sont. Là, je réfère de façon précise
à la PME, sur ça, je ne veux pas conter d'histoires. (21 h
30)
Même les travailleurs les plus militants, dans certains cas, font
attention; là je réfère à divers types de garages.
Même s'il y a des choses épouvantables qui se passent dans
certains garages, il y a cinq travailleurs dans un même garage qui sont
morts l'an passé entre 45 et 50 ans. Peu importe, c'était une
petite entreprise. Il y a d'autres types d'entreprises. Là, il faut
allier santé, rentabilité, droit au travail, etc. Là, on
se dit: Pour tout de suite, ce n'est pas cela. Qu'on permette aux syndicats par
le biais d'une reconnaissance d'avoir accès à des informations
sur toute la question reliée à la prévention. Qu'on leur
donne cela. Ensuite, par le biais de la négociation de la convention
collective, que les parties, compte tenu de ces informations-là,
négocient ce qu'elles doivent négocier dans leur contexte.
Cependant les syndicats et les patrons doivent s'associer dans
l'élaboration des normes qui vont définir la prévention.
On dit: Associez-les. Ne laissez pas cela seulement à la commission,
c'est-à-dire de façon concrète à certains
fonctionnaires. On a des expériences actuellement. On nous envoie un
paquet de règlements à un moment donné. On doit associer
les travailleurs d'un même secteur et les patrons pour définir les
normes. Quand on propose une telle façon de procéder, je
réfère à l'expérience américaine. C'est
important qu'on s'y arrête. On est allé visiter Washington.
Là, on nous a expliqué que toute la recherche faite était
faite par une association de recherche, etc. Les syndicats et les patrons
étaient associés pour définir les champs de la recherche.
En deuxième lieu, quand ils faisaient leur rapport, il y avait un
comité sénatorial qui était formé et les syndicats
et les patrons étaient ensemble et déterminaient les normes
à fixer. Évidemment, le pouvoir patronal, le pouvoir politique,
qu'il garde son pouvoir. Cependant, il y avait un vrai débat qui se
faisait entre les syndicats, les patrons, les fonctionnaires, etc., et le
Sénat qui, au niveau général des États-Unis,
déterminait ce qu'il devait déterminer.
Or, partant de cette expérience-là qui est valable, on se
dit: Associons; ne confions pas exclusivement ces pouvoirs-là à
la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Qu'il y ait vingt ou trente gars, nous ne voulons pas cela. Qu'on les associe
sur des projets concrets, les gars de l'agroalimentaire, enfin tous les
secteurs industriels et qu'ils discutent eux autres, mais que le pouvoir
politique soit libre de décider de ce qui doit être, compte tenu
des diverses opinions, pour le bien de l'ensemble. C'est dans ce
sens-là...
M. Marois: Est-ce que dans l'esprit de ce que vous
évoquez...
M. Hétu: Pardon?
M. Marois: Est-ce que dans l'esprit et dans le concret de ce que
vous demandez, de ce que vous
évoquez, c'est-à-dire d'être associés le plus
intimement possible à l'élaboration même des normes et des
règlements, ce qui est prévu de façon très claire
dans le cas de la commission de par l'article 76, paragraphe 3 ne répond
pas exactement à ce que vous demandez, au niveau des associations
sectorielles?
M. Hétu: Non, absolument pas, ce sont des codes... Non,
cela n'a rien à faire...
M. Marois: "faire des recommandations relatives aux
règlements et normes de santé et de sécurité..." de
quoi est-ce qu'on parle?
M. Hétu: Non, ce n'est pas de cela dont on parle, pas une
sacré miette. On parle de concevoir des normes, c'est de cela dont on
parle. On ne parle pas de faire des recommandations qui vont venir d'un peu
partout. Cela devrait être du matériel que les parties devront
utiliser dans la conception des normes. Cela devrait être du
matériel. Il faudrait qu'on trie, etc. Il ne faut pas oublier un autre
volet. Bien sûr, des recommandations, on vit avec cela quotidiennement et
on vous en fait souvent, mais il y a un autre volet dont vous parlez aussi dans
votre loi, la recherche. Il faut tenir compte de la recherche. Il faut, pour la
définition des normes, que tu tiennes compte, d'une part, de la
recherche et, d'autre part, des recommandations qui viennent à la
volée comme cela, qu'on règle en assemblée
générale. Il va falloir que tu tiennes compte de ces deux
volets-là. Là, tu vas définir des normes. Les
associations, on n'a pas d'objections à cela. Cependant, ce n'est pas
pareil, pas une sacrée miette. Qu'on en fasse, qu'on maintienne cela,
c'est très bien. Cependant, qu'on s'asseoie, compte tenu de la recherche
parce que vous dites ailleurs qu'il va se faire de la recherche pour tous ces
volets. Les deux doivent être alliés. Là, tu dois
définir des normes, compte tenu des recommandations qui sont faites par
les associations sectorielles là, je me répète
compte tenu de la recherche. Là, par-dessus cela, le gouvernement
décidera. C'est lui ou le cabinet qui va établir les
règlements. Il prendra ses responsabilités. Il y aura eu un
débat qu'on ne retrouve pas par les recommandations des associations
sectorielles. Il faut qu'il y ait un débat public.
Mme Lavoie-Roux: Je veux d'abord remercier la Centrale des
syndicats démocratiques pour son mémoire et pour l'exposé
très vivant et fort bien illustré que ses représentants
nous ont fait cet après-midi pour essayer de nous sensibiliser aux
limites du projet de loi.
Je dois vous dire que, dans un premier temps cet après-midi ou
quand j'ai quitté à l'heure du souper, j'avais de la
difficulté à cerner vos revendications très exactes. Je
dois dire que l'échange qui a eu lieu avec le ministre, qui a quand
même obligé à préciser peut-être certaines
choses, est venu éclairer des points. J'avais l'impression que, d'une
part, vous reconnaissiez je pense que tous les organismes ou groupes qui
sont venus devant nous l'ont dit qu'il faut une loi, qu'il faut une
meilleure coordination de ce qui existe présentement. Tout le monde
s'entend là-dessus. C'est un peu comme, tout le monde est pour la vertu.
Pour cette partie-là, personne n'est pour le statu quo. Cela doit
être comme le fédéralisme renouvelé. À tout
événement, je pense qu'il m'était plus difficile de saisir
exactement ce que vous vouliez comme améliorations.
Je suis fort heureuse que vous ayez souligné ce qui
apparaît comme une absence dans le projet de loi touchant la
réadaptation. J'aurais peut-être même aimé que vous
ayez des précisions ou des recommandations plus précises à
cet égard. Vous avez parlé amplement de la CAT, des limites de la
CAT. Je dois vous dire que, parfois, on demande aux députés des
villes: Quels sont vos problèmes? Vous n'avez pas les problèmes
des députés des comtés ruraux. Vous ne vous occupez pas de
voirie. Vous ne vous occupez pas de tourisme, de chasse et de pêche. Je
dois vous dire, par exemple, que souvent des situations, des problèmes
qui sont apportés, du moins à mon bureau, sont des
difficultés qui surviennent dans les relations avec la CAT. On semble
satisfait ou insatisfait à tort ou à raison; je ne veux pas juger
le travail de la CAT à ce moment-ci.
Mais il y a une chose qui me frappe et l'observation que je peux faire,
c'est que, même si l'indemnité qui est versée à un
accidenté du travail peut être légitime quant au montant
on dit au monsieur: Vous avez un incapacité de 5% et on vous
accorde une indemnité de tant, vous avez reçu une
indemnité pendant vos traitements, etc. je ne suis pas sûre
que l'indemnité qu'on établit à 5% est vraiment en
relation avec ce que le bonhomme faisait avant ou pourra faire par la
suite.
J'ai eu un cas récemment de quelqu'un qui a eu justement une
indemnité de 5% pour quelque chose à un pied ou à une
jambe. Finalement, il est dans la construction et cela le handicape plus que de
5% quand il s'agit de retourner au travail. Je pense que vous avez
souligné tout cet aspect. Je suis bien prête à admettre
avec le ministre et à accepter son explication que la politique, c'est
l'art du possible et qu'on ne peut pas tout faire en même temps. Il ne
peut peut-être pas revoir toute cette question des expertises
médicales et les questions d'indemnisation de la CAT, mais je le
presserais d'examiner le plus tôt possible quelles sont les ouvertures
qu'on fait du côté de la réadaptation et quelle
échéance le gouvernement se donne du côté de la
réadaptation.
Je pense qu'il n'est pas suffisant de verser une indemnité. Si on
n'a pas vraiment déployé des efforts pour réadapter les
gens, c'est une béquille et une indemnité vaut ce qu'elle vaut.
Vous avez quelqu'un qui pourrait peut-être être encore sur le
marché du travail. Il ne s'y retrouve pas à cause souvent d'une
incapacité qui apparaît peut-être mineure, mais qui devient
majeure en fonction des habiletés et du passé de travail d'un
individu. Sur ce côté de la réadaptation, je pense que
c'est extrêmement important.
II y a un point sur lequel j'aimerais vous demander des
précisions. Le ministre y est revenu à plusieurs reprises quand
il vous a dit: Quelle place voulez-vous que les syndicats occupent dans la mise
en application de ce projet de loi? J'aimerais que vous m'éclairiez.
Quelle part faites-vous à la négociation collective comme outil
de travail pour faire progresser les conditions de travail? C'est un petit peu
ambigu pour moi parce qu'au départ, vous avez répondu au
député de Portneuf en voulant à ce qu'il m'a paru
mettre de côté finalement la négociation collective
qui était à la remorque de ce qui pouvait exister comme normes de
travail souhaitables et connues. Par contre, dans votre deuxième
intervention avec le ministre ou votre intervention d'après le souper,
j'ai cru comprendre que peut-être vous accordiez une part plus importante
au rôle des discussions des conventions collectives comme moyen de
progression des conditions de travail. Est-ce que vous pourriez donner un peu
plus de détails là-dessus? Parce que c'est quand même une
question de fond dans ce projet de loi, parce qu'il y aura des normes
édictées. Est-ce qu'on édictera diverses normes pour
différents types? Évidemment, on en édictera diverses pour
différents types d'industries, mais, quant aux normes, qu'on les appelle
minimales ou maximales dans les conditions, seront-elles suffisantes et quelle
place pourrait, selon vous, rester au syndicat au niveau de la
négociation dans ce domaine?
M. Hétu: M. le Président, tout d'abord, je voudrais
vous soumettre un regret d'avoir été dans l'impossibilité
de répondre à trois questions soumises par le ministre Marois,
l'accès à l'information médicale, le droit de refus et
toute la dimension du conseil régional. Cependant, je vous aime
bien.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas moi qui ai...
M. Hétu: D'accord, je vous aime bien et je vais
procéder quand même à la discussion.
Le Président (M. Marcoux): Quand j'ai donné la
parole à Mme le député de L'Acadie, je croyais que vous
aviez complété les réponses aux questions.
M. Hétu: Non.
Le Président (M. Marcoux): Vous pouvez profiter de la
réponse à Mme le député de L'Acadie pour donner vos
trois réponses.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je pense que cela intéresse
tout le monde.
M. Hétu: Je ne veux absolument pas vous créer de
problèmes. Je voulais quand même indiquer qu'il y avait trois
questions que nous estimons fort importantes auxquelles on a été
incapable de répondre.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Hétu: Je ne vous accuse absolument pas, M. le
Président. Je comprends cela avec l'heure qui est tardive et les copains
qui sont à l'arrière. Je sais qu'il y a deux groupes qui
attendent pour passer et je vois aussi avancer l'heure. Je me mets à
leur place parce que j'ai été aussi dans leur peau avant de
passer. On se comprend bien et il n'y a de blâme à personne, mais
il y a trois questions auxquelles on n'a pas répondu et qui sont fort
importantes. Je trouve que les questions de Mme Lavoie-Roux sont importantes,
surtout celle qui concerne la réadaptation.
Concernant la réadaptation, le gouvernement actuel je
pense que vous avez contribué à voter cela dans un contexte X que
je ne rappellerai pas, mais que vous avez vécu a adopté
des amendements lors de la dernière session, l'hiver dernier, pour qu'il
y ait des amendements à la Loi des accidents du travail et un des
amendements concernait la réadaptation. C'est la première fois
dans l'histoire de la Loi des accidents du travail qu'il y avait des clauses
spécifiques concernant la réadaptation. Actuellement, la
réadaptation est un concept nouveau. Antérieurement, dans
l'histoire de la commission, on appelait cela la réhabilitation. Tout le
monde était vraiment fier de cela à l'époque. Il y avait
un gros édifice et tous les travailleurs qui étaient
accidentés y étaient soignés, etc. (21 h 45)
Une décision a été prise sous votre gouvernement,
qui est sûrement mise en application maintenant. On s'est dit: On va
répartir, au centre hospitalier, la dimension de la
réhabilitation; mais il y a la réadaptation, et on vit avec la
réadaptation. C'est un concept obscur actuellement. On tente de
l'appliquer. Il y a des choses qui ne sont pas claires, parce qu'avant
d'arriver au concept de la réadaptation, il existe un article dans la
Loi des accidents du travail qui dit, lorsque quelqu'un est accidenté et
qu'il a subi une maladie professionnelle, qu'on doit tenir compte, pour le
retour au travail, de deux phénomènes: de son incapacité
et de son aptitude au travail. Voilà un mardi problème! On a
été incapable de le résoudre, dans le cadre des
travailleurs de l'amiante, par le biais de la loi 52. Je dois vous dire tout de
suite qu'on a perdu en Cour d'appel, parce qu'on n'acceptait pas la conception
prévalant à la Commission des accidents du travail,
spécifiquement, dans le cas, par exemple, de travailleur
amiantosé ou dans tout autre cas, qu'un médecin ou un agent
d'indemnisation détermine que ce travailleur, compte tenu d'une
incapacité X, est apte au travail; on prétend que le
médecin n'a pas la compétence pour déterminer cela, et
d'autres raisons, aussi; on a perdu en cour.
Donc, il y a quelque chose d'obscur dans la loi; cependant, on introduit
des articles nouveaux. Des articles nouveaux, cela veut dire quoi, en pratique?
Là, on vit des problèmes qui sont les suivants. Prenons les
travailleurs de l'amiante qui,
en vertu de la loi 52, on leur dit très bien... si je vous
racontais on n'a pas le temps comment les travailleurs de
l'amiante de la CGM et du Syndicat de l'amiante se sont prévalus de la
loi, les cheveux vous en dresseraient sur la tête. Les travailleurs n'ont
absolument pas suivi la loi, ils ont démissionné de leur emploi
pour bénéficier des avantages de la loi, et tous nos conseillers
juridiques sont contre cela.
Par conséquent, on n'applique absolument pas la loi telle que
définie actuellement, les gars ont démissionné, ils ont
pris une mardi de chance; une chance du bon Dieu que les compagnies n'ont pas
contesté cela. Par ailleurs, elles l'ont constaté, il y a eu
différents débats, on n'y donne pas suite, on se demande ce qui
se passe, il y a de quoi qui se passe, c'est obscur. Mais on constate que la
réadaptation n'a pas de signification. Par exemple, quelqu'un qui est
considéré comme incapable de travailler au sens de la Loi des
accidents du travail, on lui donne son incapacité; il faut le
réadapter, professionnellement et socialement. Le réadapter
professionnellement, qu'est-ce que ça veut dire? On lui trouve un
emploi, quand c'est un travailleur de l'amiante, où, s'il est
situé à Thetford ou à Asbestos? Il n'a pas d'emploi; il y
a un premier problème. À ce moment-là, il faudra le
déraciner, le faire déménager et,
généralement, les travailleurs à qui on accorde ce
privilège, ce droit de cesser de travailler, il est âgé de
50 ans ou plus, où va-t-on l'envoyer? Cela, c'est un problème
pratique. On va le réadapter socialement, cela veut dire quoi? Cela veut
dire qu'on présume que ce travailleur n'est pas inséré
dans le milieu social où il est. Cela va prendre des psychologues, des
trucs comme ça, mais rien ne se fait à ce niveau.
Ce qu'on fait, si on s'aperçoit qu'il ne peut pas avoir d'emploi,
on va lui donner un montant d'argent. C'est arrivé dans quelques cas, et
on se demande pourquoi on ne le fait pas dans d'autres cas. Actuellement, il
est évident je ne jette pas de blâme qu'on est tous
à la recherche de la signification de la réadaptation. On sait
que les outils disponibles sont insuffisants.
Quant à l'autre question c'est votre dernière
question la place des syndicats dans la loi 17, et notamment dans le
rôle de la négociation collective par rapport aux normes
minimales, je termine là-dessus.
Actuellement, au niveau des normes, vous savez qu'il en existe, en
termes de règlements qui vont exister, une gamme étendue. Bien
sûr, on applaudit on l'a dit dans le mémoire et on le redit
le fait de centraliser dans une même loi toutes les lois
existantes, c'est déjà un premier pas, mais il y a un paquet de
règlements. Il y en a concernant le meuble, le bois ouvré, je ne
veux pas les énumérer, il y en a au moins une dizaine, si ce
n'est quinze. Alors, par rapport à la négociation, qu'est-ce
qu'on va faire? Encore là, on peut faire des hypothèses quant aux
orientations éventuelles de la négociation collective. Qu'est-ce
qu'on va négocier par rapport à la loi? La situation n'est pas si
simple que ça, si on considère d'une part les PME, les
entreprises multinationales et, parmi les entreprises multinationales, il y en
a qui sont très fermées sur ces questions-là, d'autres qui
sont ouvertes, les PME peuvent être ouvertes, enfin, les situations sont
différentes. Alors qu'est-ce qu'on va négocier? À ce
moment-là, je suis un peu dans le noir, sauf sur les orientations
hypothétiques que j'ai formulées au tout début de
l'intervention, parce que ça provenait et vous y revenez
des interventions du député de Portneuf. Il y a des entreprises
qui, actuellement...
Mme Lavoie-Roux: Je vais peut-être préciser un peu
plus votre question. Est-ce que, mis à part les dispositions des
comités paritaires, le travail de la commission, etc., tout ce qui est
le coeur du projet, la négociation collective, là où il y
a un syndicat évidemment, peut demeurer un outil pour vous autres qui
permettrait également d'améliorer les conditions de travail?
M. Hétu: Actuellement, il y a un inconnu à cause de
la réglementation, parce que c'est la réglementation qui
détermine à l'heure actuelle les conditions de travail en rapport
avec la protection de la santé. Dans la réglementation, il y a le
règlement des établissements industriels qui stipule, par
exemple, à l'article 2, que tous les établissements existant
avant 1972 ne sont pas assujettis spécifiquement aux règlements,
mais ils doivent fixer des normes équivalentes dans leur milieu de
travail. C'est un premier problème.
L'autre problème, vous avez des entreprises qui actuellement
n'ont absolument pas réussi ou, pour diverses raisons, n'appliquent
même pas les normes qui sont dans la réglementation. Alors vous
avez diverses situations. On est placé devant un inconnu. Qu'est-ce que
sera la nouvelle réglementation? On ne le sait pas. Nous, devant
ça, on dit: On va assumer des responsabilités en matière
de négociation; par ailleurs, on dit que dans la loi, on veut être
associé le plus possible et c'était là une partie
de l'échange qu'on a eu ensemble avec le ministre Marois pour savoir
pourquoi les compagnies, par exemple dans le domaine de la prévention,
n'appliquent pas, n'établissent pas tel type de programme de
prévention. C'est pourquoi on dit aussi qu'il faut être
associé dans l'élaboration, la conception des règlements,
parce qu'on est placé devant un inconnu.
C'est un commentaire que je voulais faire là-dessus, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de l'heure, est-ce que vous voulez
répondre aux trois autres questions?
M. Hétu: Compte tenu de l'heure, c'est un premier point et
il y a les autres. Enfin, je ne veux pas empiéter là-dessus,
absolument pas. Je veux que le président se compromette.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des
membres de la commission, de votre participation à nos travaux.
J'inviterais maintenant... D'abord je demanderais aux membres de la
commission s'ils sont d'accord pour verser le mémoire du
Regroupement écologique québécois, qui a demandé le
dépôt de son mémoire, au journal des Débats?
Mme Lavoie-Roux: D'accord. (Voir annexe B)
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant
l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc., à venir
nous présenter son mémoire.
M. Hétu: On est vraiment inquiet quant aux nouvelles
formulations qui seront définies à l'article du droit de refus.
Merci, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de l'heure et compte tenu
non, ne craignez rien, messieurs que, des deux groupes qui sont devant
nous, apparemment un au moins se présente pour la deuxième fois,
je suis prête à ce qu'on prolonge jusqu'à 22 h 30.
J'aimerais faire une suggestion, celle de ne pas lire le mémoire au
complet. Je ne voudrais pas par contre que vous vous sentiez frustré,
parce que, si tel devait être le cas, peut-être qu'on pourrait vous
remettre encore une fois, mais je pense que vous ne le désirez pas non
plus. Normalement, on termine nos travaux à 22 heures. Vous pourrez
faire un résumé de votre mémoire ou des recommandations.
De notre côté, on va essayer de se limiter à un certain
nombre de questions. Si vous êtes d'accord.
Le Président (M. Marcoux): M. Albert Thibault, si vous
voulez nous présenter vos collègues.
Association des chauffeurs d'autobus du
Québec
M. Thibault (Albert): II y a ici M. Roger Cinq-Mars,
vice-président de l'association, et M. Eugène Richard,
secrétaire de l'association. Nous allons être assez brefs,
étant donné l'heure tardive. D'ailleurs, le mémoire,
peut-être l'avez-vous constaté, n'est pas bâti en fonction
de la loi 17, parce qu'on ne pourrait pas discuter de la finalité d'une
loi quand on n'en est même pas à la base; il n'y a aucune
structure dans ce sens. C'est surtout d'après le livre blanc que cela a
été soumis; cela concerne la santé physique, la
santé mentale et la sécurité des chauffeurs d'autobus du
Québec.
Le chauffeur d'autobus est soumis généralement à
des agents physiques tels que vibrations, changements de température,
mauvais éclairage, bruit, monoxyde de carbone, équipement en
mauvais état, etc. Le chauffeur d'autobus est aussi soumis à une
énergie mécanique et, par conséquent, il risque
d'être frappé, coincé par un objet, de glisser ou chuter.
Le fait d'être assis pendant de longues heures est la cause de maux de
dos. La cadence des horaires est trop rapide, les horaires irréguliers,
le travail de nuit, la malnutrition dans des restaurants de fortune et le
manque de temps pour manger sont les causes de mauvaise digestion, de stress et
d'hypertension. On voit donc que la situation dans laquelle se trouve le
chauffeur d'autobus le rend vulnérable aux maladies du coeur. Ainsi, le
chauffeur d'autobus qui fait un infarctus perd non seulement son emploi, mais
aussi son permis de chauffeur d'autobus sans aucune possibilité de
réadaptation à sa profession de chauffeur d'autobus.
En ce qui concerne la santé physique, on ne s'éternisera
pas là-dessus, le mauvais éclairage, le bruit, le monoxyde de
carbone, ce sont des critères qui ont été
étudiés dans beaucoup d'autres domaines, mais, concernant un
chauffeur d'autobus, cela n'a jamais été étudié,
cela n'a jamais été évalué. Il n'y a aucune
statistique là-dessus, on n'en a jamais tenu compte nulle part. Les maux
de dos, qui sont très fréquents, on pourrait s'éterniser
là-dessus; on ne pense pas à la Commission des accidents du
travail, parce que ce n'est pas reconnu comme étant une maladie
industrielle, pas plus que la maladie cardiaque, qui est le problème le
plus grave chez les chauffeurs d'autobus.
Je vous ferai remarquer que les chauffeurs de longue route, on peut dire
qu'à 98% ils meurent cardiaques. Là non plus, il n'y a aucune
recherche faite dans ce sens, aucune statistique établie. La
santé au travail d'un chauffeur d'autobus, on n'a jamais
étudié le cas comme tel, on n'a jamais porté aucune
attention à ça.
En ce qui nous concerne, non seulement le type perd son permis de
conduire, parce qu'il a passé, un beau jour, dans les mains d'un
cardiologue mais, en perdant son permis de conduire, il n'y a aucune
réhabilitation possible à son travail. On parlait tout à
l'heure de l'amiantose, qu'il fallait réintégrer le type
socialement, le réadapter avec son indemnité; on n'a même
pas d'indemnité. Il n'y a jamais eu d'études dans ce sens. C'est
un problème qui est quand même assez grave à l'heure
actuelle. (22 heures)
J'ai remis à M. le ministre un document concernant les maladies
cardiaques. Maintenant, j'ai cru comprendre, après discussion avec le
directeur du Bureau des véhicules automobiles, que ce n'est pas le
ministère, que ce n'est pas le gouvernement qui émet les
critères sur les maladies cardiaques, pour la réadaptation, pour
conduire l'automobile, c'est, je crois, l'Association des cardioloques du
Québec; c'est une loi qui date de 1942. On sait que la médecine a
beaucoup évolué depuis 1942, on est prêt à dire que
nos chauffeurs sont recyclables dans à peu près 75% des cas; ils
seraient même sécuritaires au volant d'un véhicule public.
On ne prétend pas détenir la vérité, tout ce qu'on
dit, c'est qu'il est urgent qu'il y ait tout de même des recherches qui
soient faites à ce niveau; qu'on s'assoie avec l'Association des
cardiologues et qu'on refasse les critères d'acceptation ou de rejet
concernant un chauffeur qui aurait été atteint de maladie
cardiaque.
On va tout simplement passer à la partie de la santé
mentale; ce qui nous concerne ce sont les horaires qui sont acceptés
trop vite par la...
M. Marois: Si on me permet, je comprends que vous essayez de
résumer votre mémoire et que les mémoires seront quand
même versés intégralement au journal des Débats. Il
y a consentement là-dessus, je présume?
Le Président (M. Marcoux): Oui. (Voir annexe C)
M. Marois: D'accord.
M. Thibault: Je ne veux pas éterniser, étant
donné l'heure et le fait qu'on a encore 150 milles à faire.
On parlait donc des chauffeurs qui travaillaient avec des horaires quand
même assez restreints, qui se trouvent souvent coincés entre le
patron, les répartiteurs, les usagers; tous crient après eux,
mais personne ne veut prendre la peine de regarder son problème de
près. J'imagine que tous, ici, ont voyagé par autobus à un
moment donné.
Quand on parle de la sécurité, qu'on parle de refus de
travailler, dans le livre blanc, quand on considère qu'un travail est
dangereux, quand on dit que le ministère du Travail, à l'heure
actuelle, ne considère même pas un autobus comme un outil de
travail pour un chauffeur d'autobus, ça ne nous donne rien d'aller
pleurer là, on ne considère pas un autobus comme un outil de
travail, on nous réfère toujours au ministère des
Transports. Le critère du ministère des Transports est que, si on
considère que ce n'est pas dangereux au point de pouvoir casser la
gueule du monde, ça va. Mais il faut quand même tenir compte qu'il
y a la santé du chauffeur qui est à bord de l'autobus, qu'il y a
la sécurité physique et mentale du chauffeur ainsi que la
sécurité des passagers.
À prime abord, il faudrait que le ministère du Travail
reconnaisse un autobus comme un outil de travail. À l'heure actuelle, si
tout le monde était syndiqué au Québec, ce serait
peut-être un problème moins grand. Vu que vous avez autant de
compagnies dans le transport en commun, par autobus, qui ne sont pas
syndiquées qu'il y en a de syndiquées, vous retrouvez un
employé qui va essayer de refuser de conduire un véhicule qu'il
considère comme dangereux, et comme récompense on va le suspendre
de son travail pour une période indéterminée, avec perte
de salaire et tout le "kit". Quand bien même on approcherait le
ministère du Travail avec ce problème, on va nous dire: Cela
regarde le ministère des Transports. Je pense que ce n'est pas vrai; en
fait, si on regarde ça sous cet angle, ce n'est définitivement
pas vrai. Le ministère du Travail se doit de se pencher sur la question
et de considérer l'autobus comme un outil de travail.
Je vais faire, comme ça a été fait tantôt, du
coq à l'âne. Nos recommandations, inscrites dans notre
mémoire, sont que des études soient faites sur la santé
des chauffeurs d'autobus du Québec, sur la sécurité au
travail et que les conclusions d'une telle étude, après
consultation avec l'association, se traduisent dans des lois
appropriées. Je pense qu'on a encore beaucoup de chemin à faire;
je pense qu'on est un quart de siècle en arrière dans ce
domaine.
Dans n'importe quel autre domaine, soit la construction ou autre, cela a
évolué. On a fait des recherches; on a établi des
statistiques; on a quand même travaillé, nous autres. Il faut
retourner 25 ans en arrière et recommencer à structurer ce
domaine qui n'a jamais été structuré pour ce qui concerne
la santé et la sécurité au travail.
Une des demandes qu'on fait ici, M. le ministre, à l'heure
actuelle, c'est que notre association soit reconnue comme une association
sectorielle, sans pour autant la qualifier de paritaire. On ne prétend
pas vouloir devenir un syndicat, ni une association de patrons, mais je pense,
vu qu'il n'y a rien de fait, qu'il faudrait absolument structurer ce
domaine-là. Vu l'énormité du travail qu'on a fait avec des
moyens quand même assez restreints jusqu'à maintenant, depuis
seulement une année qu'on existe, je crois que cela nous reviendrait de
droit d'être reconnus comme une association sectorielle dans le but de
faire des recherches, dans le but de faire de la prévention, dans le but
de faire de la formation. Cela se résume à peu près
à ceci, si on veut écourter au maximum. Je ne sais pas si vous
avez bien compris. Si vous avez des questions...
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier
infiniment l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec de son
mémoire. Je voudrais aussi remercier ses représentants de leur
patience, parce que je sais que vous avez attendu un bon moment avant qu'on
puisse aborder les échanges entre nous. Je tiens à vous remercier
de votre mémoire. Bien sûr, j'en prends acte et je
l'apprécie au passage. Quand cela vient, on saute dessus. Au fond, c'est
un appui que vous donnez à l'essentiel de ce qu'il y avait dans le livre
blanc. Il est exact que l'essentiel du livre blanc est traduit dans le projet
de loi 17. Le projet de loi 17 apporte certains éléments nouveaux
par rapport au livre blanc, dans le sens, par exemple, d'un certain nombre de
droits additionnels qui n'étaient pas prévus, notamment, dans le
livre blanc.
L'autre élément, c'est que votre mémoire vient
mettre en relief les conditions particulières de travail des chauffeurs
d'autobus et le fait que cela mérite une attention tout à fait
particulière. Vous avez parfaitement raison puisque, dans le livre
blanc, à la page 271, dans la liste des secteurs comme
hypothèse qui devraient être soumis à une commission
pour établir les coins prioritaires où il faut intervenir, on
avait nous-mêmes inclus, sur la base des résultats, des constats,
des données statistiques dont on dispose maintenant, les transports et
communications
comme étant un des secteurs qui doivent être prioritaires.
Les transports, bien sûr, n'incluant pas uniquement le transport par
autobus, mais incluant aussi les autres moyens de transport, sans exclure pour
autant le transport par autobus. Vous avez donc parfaitement raison de le
signaler.
Ce qu'on souhaite, c'est que, forcément, la commission, dans la
foulée de l'application du projet de loi devenu loi, retienne ce
secteur-là comme un des secteurs de priorité non seulement
d'action mais aussi de recherche, parce que vous mettez le doigt, dans votre
mémoire, sur d'autres aspects qui sont intéressants. En
particulier, vous y évoquez je ne suis pas nécessairement
l'ordre dans lequel vous l'avez présenté, je prends les morceaux
un peu comme ils viennent l'état de délabrement. Vous
donnez un exemple et vous l'illustrez. Je sais que vous avez raison de le
mentionner. Ce n'est pas pris dans les nuages, puisque j'ai pu voir des autobus
équipés comme vous le dites. C'est au bas de la page 3. "À
titre d'exemple, certains autobus n'offrent au chauffeur comme appui-tête
qu'une barre de fer." Certains d'entre nous, je pense, ont pu voir de visu que
c'est réel. C'est pour cela que notamment l'article 48 du projet de loi
prévoit, en particulier au paragraphe 3 et au paragraphe 4, dans le cas
où il y a des normes ou des règlements concernant
l'équipement, le matériel dans le cas des travailleurs qui
sont des chauffeurs d'autobus, par définition, le matériel et
l'équipement ce n'est pas autre chose que l'autobus; en partant, c'est
cela, la base que soient obligatoires des programmes d'adaptation de cet
équipement et/ou de ce matériel pour faire en sorte, encore une
fois, de se donner les moyens d'éliminer à la source les causes
mêmes d'accidents ou de maladie, d'une part.
D'autre part, de toute façon, indépendamment du paragraphe
3, cela n'exclut pas le paragraphe 4 qui fait obligation dans le programme
d'identifier les mesures de surveillance, d'une part, mais,
deuxièmement, d'entretien préventif, encore là, pour viser
à corriger. Donc, il y a déjà une amorce et je pense que
vous sensibilisez les membres de la commission davantage à cet aspect du
problème.
D'ailleurs, partant de là parce que vous avez
témoigné devant la commission Jodoin, si ma mémoire est
bonne, et vous l'évoquez, je pense, dans votre mémoire;
d'ailleurs, vous mettez en annexe le document que vous aviez remis à ce
moment-là dans la foulée de tout le travail qui se fait
d'autre part, des hypothèses d'amendements au Code de la route et le
reste, des ajustements, d'un contrôle plus sévère, des
blitz d'inspection des autobus, je vais avoir l'occasion aussi d'en parler
à mon collègue qui est responsable du ministère des
Transports pour qu'on fasse bien la jonction dans ce domaine.
Vous avez aussi raison de mentionner qu'il y a des coins où les
chauffeurs d'autobus n'ont même pas la protection minimum qui peut venir
d'une convention collective. J'ai beau réviser de mémoire, pour
les avoir regardées encore il n'y a pas si longtemps, les conventions
collectives concernant les chauffeurs d'autobus qui sont syndiqués,
je serais plutôt porté à dire que je sais qu'il n'y
en a aucune, mais, pour l'instant, étant donné qu'il est 22 h 12,
et que je peux me tromper, je dis que je n'en connais pas beaucoup qui
contiennent simplement une clause permettant à des chauffeurs d'autobus
syndiqués d'exercer un droit de refus dans le cas où la
matériel roulant est dans un tel état de délabrement que
c'est un danger public de le laisser rouler sur les routes. Et, pourtant, c'est
un droit qui vous sera reconnu, pour tous ceux qui ne l'ont pas, par le projet
de loi 17, indépendamment de toutes les recommandations qui nous ont
été faites quant à la façon d'articuler ce
droit-là. Je pense que c'est un élément extrêmement
important. Cela a un effet dans le cas de l'exercice de ce droit de
réflexion et d'incitation à des corrections quand les autres
mécanismes normaux n'ont pas permis d'y arriver.
Je terminerais mes commentaires là-dessus en vous posant une
question. Quelles sont, d'après vous, les solutions qu'il est possible
d'envisager parce que c'est probablement lié aux conditions de
travail peut-être plus qu'à autre chose; c'est prévu aussi
à l'article 48, paragraphe 3 pour résoudre les
problèmes qui sont soulevés et qui sont rattachés à
des conditions particulières de travail que vous évoquiez dans
votre mémoire: le laps de temps qui vous est laissé et les
conditions, par exemple, dans lesquelles vous devez prendre vos repas, les
horaires cassés ou fracassés ou irréguliers, en tout cas?
D'après vous, des horaires réguliers, est-ce possible dans le
secteur du transport par autobus? Je pense aux autobus scolaires. Je pense au
problème des heures de pointe et le reste. Comment voyez-vous des
solutions possibles à cette dimension du problème qui est, encore
une fois, directement relié aux conditions de travail comme telles?
M. Thibault: Je pense que la première chose à
faire, ce serait s'efforcer à...
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre en dernier lieu. Quant
à la question que vous avez posée quant à une perspective
d'association sectorielle, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible
d'envisager une association sectorielle dans le secteur du transport comprenant
des sous-sections parce que le transport, c'est large notamment
une concernant le transport par autobus. Il n'y a rien dans le projet de loi no
17 qui exclut cela, bien au contraire. Je m'excuse, je referme la
parenthèse, je reviens à la question que je vous avais
posée.
M. Thibault: Concernant la dernière question, on ne
voudrait quand même pas confondre le transport par camion et le transport
par autobus. (22 h 15)
II n'y a pas tellement longtemps, je discutais avec celui qui est en
charge de la formation des gens qui vont faire passer les permis de conduire
sur les transports lourds. Il ne comprend pas les
problèmes de freins qu'on a pu avoir dans les tragédies au
Québec parce qu'ils ont fait une expertise sur le boulevard
Métropolitain à Montréal comme il me l'a expliqué
avec un tracteur de fardier et puis pas de freins sur la "float" en
arrière, ils changeaient de vitesse, quinzième,
quatorzième, treizième, et ils n'avaient pas de problème,
ils n'avaient même pas besoin de toucher aux freins. Je lui ai appris
qu'il y avait au maximum cinq vitesses sur un autobus et seulement quatre sur
la plupart. Dans leur optique, il y a quinze vitesses là-dessus. C'est
tellement différent le transport de passagers et le transport par
camion. Les conditions de travail sont tellement différentes; le
contexte de travail est tellement différent. Il ne faudrait quand
même pas essayer de mélanger les deux.
Pour répondre à la première question que vous
posez, je pense que la première chose à faire serait de former
des chauffeurs d'autobus. D'avoir un organisme qui, comme nous, par exemple,
pourrait s'occuper de la formation du chauffeur d'autobus, de le mettre au
courant des critères de sécurité, d'en faire
réellement un professionnel, de lui diffuser des cours comme tels. On a
soumis à l'enquête Jodoin ce qu'on entendait par un chauffeur
d'autobus. La loi exige des trousses de premiers soins à bord de tous
les autobus et il n'y a pas un chauffeur qui est capable de s'en servir. Il
faudrait quand même, pour compléter, un cours de premiers soins
avec un cours de relations publiques pour en faire réellement un
chauffeur. Je pense qu'au départ, avec cela, on vient de régler
une foule de problèmes.
On ne veut quand même pas prétendre s'attaquer aux
conventions collectives ou à quoi que ce soit mais on peut quand
même, je pense, en formant un vrai chauffeur consciencieux et
professionnel régler par la suite beaucoup de problèmes.
M. Marois: Si vous me permettez de revenir à ma question
sans vouloir abuser du temps, je termine là-dessus en
étant encore un petit peu plus précis que cela. Vous nous avez
donné l'approche générale. Vous évoquez dans votre
mémoire que raccrochés directement à certaines des
conditions mêmes de votre travail, des horaires irréguliers par
exemple, les conditions dans lesquelles vous devez prendre les repas, le laps
de temps, etc... Quelles sont d'après vous les solutions possibles que
vous préconisez pour résoudre un certain nombre de
problèmes qui sont soulevés? Par exemple, est-ce que
d'après vous, des horaires réguliers sont possibles? Je pense aux
autobus scolaires; je pense aux heures de pointe elles valent pour le
scolaire comme elles valent pour d'autres domaines.
M. Thibault: Non, je ne crois pas que les horaires
réguliers... Le transport, c'est le transport. Les horaires
irréguliers seront toujours là probablement comme les heures de
pointe seront toujours là; mais si, au départ, on prenait en
considération le nombre d'heures pendant lesquelles un chauffeur
pourrait être en devoir... Si vous prenez l'exemple des deux grandes
tragédies au Québec, celle de 40 morts et celle de 11 morts, les
deux chauffeurs étaient deux chauffeurs occasionnels qu'on ne
reconnaît pas comme des chauffeurs d'autobus. Les deux chauffeurs avaient
commencé à travailler à 7 heures, le matin, les deux
accidents arrivent...
M. Marois: Excusez, de quels accidents parlez-vous?
M. Thibault: Celui d'Eastman, 40 morts, et celui de
Sainte-Rosalie, 11 morts; les deux chauffeurs, on ne les reconnaît
pas...
M. Marois: Vous nous affirmez que c'étaient deux
chauffeurs occasionnels?
M. Thibault: C'étaient deux chauffeurs occasionnels,
effectivement. L'un est photographe et l'autre est un opérateur de
rouleau compacteur; les deux ont commencé à travailler à 7
heures, le matin; une des tragédies s'est produite à 11 h 40 le
soir et l'autre à 11 h 50; cela fait plus de 13 h 30 de travail. Quand
on parle de cela à qui que ce soit, on dit: II n'a pas conduit tout le
temps. Je me dis: Levez-vous à 6 heures le matin et assoyez-vous... Vous
êtes resté assis toute la journée, M. le ministre, et je
suis convaincu que vous êtes fatigué quand même, et je ne
vous mettrais pas au volant d'un autobus avec 40 passagers à l'heure
actuelle, je ne crois pas que ce serait sécuritaire.
M. Marois: Je vous comprends donc!
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Marois: Ne prenez jamais ce risque!
M. Thibault: C'est un autre aspect de la chose. Comment
voulez-vous obtenir des critères de base pour un chauffeur d'autobus,
pour qu'on essaie d'en faire un vrai chauffeur, quand beaucoup de compagnies,
au lieu d'engager le nombre de chauffeurs professionnels dont ils ont besoin,
se limitent à des occasionnels en disant: Si j'en ai besoin, je sais
qu'à la brasserie, il y en a toujours, l'après-midi, qui ont leur
permis de conduire dans leur poche; on va aller les chercher. Toi, bonhomme,
t'as passé ton permis de conduire pour un autobus scolaire, tu vas
voyager des gens de l'âge d'or, en fin de semaine, avec un gros
véhicule de "highway". On pense que ce n'est quand même pas
logique, c'est totalement illogique.
M. Richard (Eugène): Pour répondre à la
question de M. le ministre, à savoir quels moyens... Disons qu'il y a le
service urbain et le service interurbain. Au service urbain, ceux qui font huit
heures sans "shift" coupé doivent prendre leur repas ou leur petit lunch
en travaillant. Cela, c'est la Commission de transport de la Rive-Sud, comme la
Commission de transport de Montréal, par exemple. À ce
moment-là, ils devraient...
M. Marois: Laval?
M. Richard (Eugène): Laval, je ne suis pas sûr, je
pense que ce n'est pas tout à fait la même chose. Je parle de
Montréal et de Rive-Sud dont je suis certain. Je pense que c'est malsain
et ça devrait être 40 minutes, mais payées par les
commissions de transport, ce serait compris dans leurs huit heures.
Pour l'interurbain, maintenant, je pense que l'installation de ce qu'on
appelle, en français, des bavards sur les autobus, ce serait le
système idéal pour qu'on ne force pas un chauffeur à faire
18 ou 20 heures; ce serait vérifié par les inspecteurs.
M. Marois: Ce que vous appelez les quoi?
M. Richard (Eugène): On appelle cela un bavard, en
français.
M. Marois: C'est quoi?
M. Richard (Eugène): C'est une machine. Si vous roulez
à 65 milles à l'heure et si vous vous arrêtez pour voir une
jeune fille le long du chemin durant 20 minutes, tout est enregistré;
seule la commission a la clé pour l'ouvrir et elle vous dit ce que vous
avez fait en revenant, combien d'arrêts et tout ce que vous avez
fait.
M. Marois: C'est toute une sorte de détecteur. M.
Richard (Eugène): En bon français...
M. Marois: Cela ne prend pas de photo et ça ne donne pas
le nom de la fille non plus.
M. Richard (Eugène): Non, il y a seulement cela, mais, par
le millage, on peut même trouver l'adresse, par exemple. Je voulais vous
signaler cela, M. le ministre, parce que vous avez posé la question
à savoir comment y remédier.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier les
représentants de l'Association des chauffeurs d'autobus d'être
venus ici. Même si votre mémoire est court, je pense que le
message que vous avez apporté à la commission est
extrêmement important et comme vous le signaliez si bien, vous disiez:
vous vous faites renvoyer de Caïphe à Pilate, du ministère
du Travail et de la Main-d'Oeuvre au ministère des Transports et vice
versa, et je sais également que pour les chauffeurs d'autobus scolaires
on se fait renvoyer du ministère de l'Éducation au
ministère des Transports et peut-être bien au ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre. C'est vraiment un peu la jungle dans toute
l'organisation du transport à cet égard-là.
Le ministre semblait surpris tout à l'heure quand vous avez
mentionné que les deux chauf- feurs d'autobus qui avaient eu un accident
étaient des occasionnels. Je n'ai pas la référence exacte,
M. le ministre, mais je suis sûre que vos nombreux recherchistes
pourraient trouver ceci. Il y a environ un mois ou deux je m'excuse si
le fait que je relate n'est pas tout à fait exact, peut-être, il
est de mémoire il y avait eu un article, si je ne m'abuse, dans
la Gazette, d'un journaliste qui est allé à la CTCUM...
M. Thibault: Passer un permis de conduire...
Mme Lavoie-Roux: ... passer un permis de conduire et en l'espace
de cinq heures il s'est retrouvé chauffeur d'autobus du jour au
lendemain ou du matin à l'après-midi, un des deux, mais je pense
que vous pourriez... Je ne peux pas vous donner de référence
exacte, c'est vraiment de mémoire...
M. Thibault: Je pourrais vous faire parvenir l'article si vous
voulez; je l'ai.
Mme Lavoie-Roux: Également j'ai connu personnellement, ce
n'est pas que je suis contre le travail des femmes, bien au contraire, j'ai vu
des femmes qui, du jour au lendemain, ont été chauffeurs
d'autobus scolaire. Cela peut aussi être le cas d'hommes, mais cela
m'avait frappée davantage parce que je les connaissais et, en
l'occurrence, c'étaient des jeunes femmes. Peut-être ont-elles des
aptitudes particulières avec les jeunes enfants, mais il reste que du
point de vue sécurité, est-ce que toutes les précautions
avaient été prises? C'est vraiment l'objet, ce pourrait
être l'objet d'un autre débat.
Ce que vous venez nous dire, c'est que, quand même, il faut que
votre sécurité soit assurée pour pouvoir assurer la
sécurité de ceux que vous transportez. Je pense que c'est le
message principal.
M. Thibault: C'est évident.
Mme Lavoie-Roux: II y a une seule question précise que je
voudrais vous poser: Est-ce que votre association des chauffeurs d'autobus
regroupe uniquement des chauffeurs syndiqués ou si un chauffeur
d'autobus indépendant, qui aurait une couple d'employés qui ne
sont pas syndiqués, pour être membre de votre association?
M. Thibault: Les critères d'acceptation pour devenir
membre de l'association, c'est un chauffeur d'autobus qui gagne sa vie à
conduire un autobus. Celui pour qui sa seule profession c'est de conduire un
autobus.
Mme Lavoie-Roux: Alors, ce qui veut dire qu'il se pourrait que
vous en ayez, appelons-les indépendants par rapport à un
groupe...
M. Thibault: II y a des compagnies de deux chauffeurs, ou de dix
chauffeurs, ou de 300, ou de 400 chauffeurs. Pour nous, en ce qui nous
concer-
ne, on se figure que le chauffeur qui travaille pour une compagnie de
cinq employés ou celui qui travaille pour une compagnie de 400
employés, on maintient qu'il a droit à la même
intégrité physique.
Mme Lavoie-Roux: D'une façon générale,
est-ce que des chauffeurs que je dirais indépendants par rapport aux
syndiqués, adhèrent facilement à votre association?
M. Thibault: Pour vous répondre très franchement,
ils rêvent à l'association, au but de l'association, mais ils sont
quand même très réticents, parce que...
Mme Lavoie-Roux: Vis-à-vis de leur employeur,
probablement.
M. Thibault: Non, c'est surtout parce que, dans le domaine des
autobus, on sait comment ça fonctionne, ce n'est pas structuré,
c'est bien difficile de se faire entendre. Ensuite, écoutez, je vais
être bien franc avec vous, je pense que la façon dont le
gouvernement va prendre notre mémoire en considération va faire
tout le changement. À l'heure actuelle, je pense que tous les chauffeurs
d'autobus du Québec sont tournés vers ce qui se passe ici et ils
attendent. Si on compare ça à beaucoup d'autres domaines
où c'est structuré, la santé, ou quoi que ce soit, ils
vivent dans un contexte d'insécurité. Du jour au lendemain,
n'importe qui peut avoir un permis pour conduire un autobus. C'est facile, on
l'a prouvé. Avec ce simple permis, on peut conduire n'importe quel genre
d'autobus, c'est un des problèmes qui, on l'espère, va se
régler dans la nouvelle loi au ministère des Transports, dans la
séparation des permis de conduire.
Indépendamment de ce qu'on inscrit dans une convention
collective, le jour où, pour une raison ou pour une autre, on lui
enlève ce permis, on lui enlève sa profession. On a des types,
à l'heure actuelle, pour un pontage coronarien, ils passent les tests
à 150%, ils ne peuvent pas conduire un autobus avec passagers.
Seulement, son permis de conduire lui donne droit de faire du transport
d'explosifs, il transporte de la dynamite. C'est correct, il a le droit de le
faire. Mais il n'a pas le droit de conduire un autobus avec passagers.
Ce sont quand même des choses qui sont aberrantes quand on regarde
ça de près. On pourrait vous en donner des exemples toute la
nuit.
Mme Lavoie-Roux: II y avait quand même une raison pour
laquelle je vous posais cette question, c'est parce que je voulais souligner au
ministre qui a dit: Je serais bien d'accord pour une association sectorielle,
ça pourrait résoudre le problème. Au chapitre VI, une ou
plusieurs associations syndicales appartenant... il semble qu'il faut que les
gens soient syndiqués pour former une association sectorielle ou est-ce
que je me trompe? Oui. Alors, peut-être faudrait-il examiner cela de plus
près en temps et lieu.
M. Thibault: On fait face à ce problème; plusieurs
sont syndiqués et plusieurs ne sont pas syndiqués. En ce qui nous
concerne d'ailleurs, vous avez une copie de notre charte à
l'intérieur de notre mémoire on parle surtout de
sécurité. On ne parle pas de convention de travail, on ne parle
pas de taux horaire, de taux au mille ou de quoi que ce soit; on parle de
sécurité, de prévention, de formation. On dit: À ce
moment, on se doit de diffuser ça à tous les chauffeurs
d'autobus, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, M. Thibault.
M. Cinq-Mars (Roger): M. le Président... Le
Président (M. Marcoux): Oui, monsieur.
M. Cinq-Mars: ... m'accorderiez-vous quelques minutes, parce que
je voudrais en résumé, donner plutôt un témoignage
de ce que je vis. Depuis 15 ans, je vois de mes confrères tomber; par le
terme "tomber", j'entends perdre leur "licence". On a un exemple vivant qu'on
pourra vous montrer, si vous me donnez deux minutes.
Un chauffeur qui fait une crise cardiaque, quel que soit l'âge
qu'il ait, ne peut plus continuer dans sa profession, étant donné
la loi, via l'Association des cardiologues. Pour ce chauffeur, il est
impossible de se trouver un emploi, car, à 45 ou 50 ans, personne ne
veut l'engager. Ce sont des choses qu'on vit présentement.
Il n'est pas normal qu'un homme, après 20 ou 30 ans de services
dans le domaine public, soit rejeté, sans égard pour sa famille
et lui, de son milieu social. Il devient un fardeau pour la
société parce que, ne vous faites pas d'illusions, un chauffeur
de 45 ou 50 ans, quelle que soit la compagnie pour laquelle il travaille
on peut vous amener des exemples vivants il ne lui reste que le
bien-être social, car, après six mois, le même cardiologue
qui, par l'intermédiaire de son association, a dit qu'il ne pouvait pas
conduire un autobus, le déclare apte à travailler.
Je pense qu'un homme qui a 20 ou 30 ans de services pour une compagnie
dans une profession bien définie devrait être reconnu comme un
professionnel dans ce domaine et qu'on ne devrait pas le forcer à
changer d'emploi. S'il y en a qui ont écouté le programme
Cadences, dimanche soir, vous avez eu l'exemple d'un homme qui avait perdu sa
machine dans une usine et il était rendu homme de peine. Cela a
été vraiment frappant. Je l'ai écouté et ça
tombait justement dans le but que poursuit l'association. C'est ce qui nous
arrive à nous, chauffeurs. (22 h 30)
L'Association veut recycler les chauffeurs. On parle dans le Livre blanc
et dans le projet de loi de formation, d'instruction sur la
sécurité, etc. Le meilleur pour former un chauffeur, je crois,
c'est un chauffeur qui a fait ça pendant 20 ou 30 ans. Il serait
facilement recyclable. Ceux de la CSD, qui ont passé avant nous,
parlaient de recycler un homme dans son milieu, dans sa région. Je
vais
vous donner un exemple: un homme de Sherbrooke avait perdu ses
"licences"; la compagnie pour laquelle je travaille était prête
à le recycler, mais à Montréal. Nous, on dessert tout le
Québec. Donc, si un gars fait une crise cardiaque à Val-d'Or, la
seule possibilité de se recycler va être à Montréal;
s'il la fait à Rimouski, ça va être à
Montréal. Mais, par l'association, quand on parlait de la
sécurité, des inspections et de surveillance un chauffeur
resterait dans son milieu, donc, il ne se sentirait pas déprimé
et délaissé. Il se sentirait encore utile. Il ne pourrait plus
conduire un autobus, mais il pourrait fort bien, à l'intérieur de
l'association, s'occuper des chauffeurs de la région bien distincte qui
pourrait être formée.
Si je ne m'abuse, le projet de loi 17 donne le droit à un
employé de se faire libérer par sa compagnie. Si une compagnie a
trois chauffeurs d'autobus, qu'une autre en a cinq, elles ne pourront pas
libérer un homme, cela sera pour elles un coût astronomique, mais
dans des régions où vous avez à peu près quinze
compagnies qui regroupent 150 hommes, cela va vous en prendre un à
l'intérieur de cela qui va tout faire. C'est là le sectoriel.
Quand vous parlez du paragraphe 6 de l'article 73, vous avez parfaitement
raison, on parle de syndicat, mais si vous ajoutiez le mot "association" et, en
plus, les mots "plusieurs syndicats", cela réglerait le problème,
je crois.
Mme Lavoie-Roux: On va s'en souvenir au moment de l'étude
du projet de loi article par article, je peux vous l'assurer.
M. Thibault: J'avais cru comprendre aussi que c'était un
critère de base d'être un syndicat pour devenir une association
sectorielle. C'est assez difficile aussi, parce que dans le domaine du
transport par autobus, vous avez encore plusieurs syndicats. Chose certaine, on
a la faveur de tous les syndicats, des membres qu'on représente et de la
majorité des employeurs qu'on représente. On pourrait quand
même fonctionner main dans la main sans être un syndicat et je
pense qu'on serait peut-être les mieux placés pour s'occuper de
formation et de sécurité dans le domaine du transport par
autobus. Si toutes les compagnies étaient syndiquées et, de plus,
si tout syndiqué faisait partie du même syndicat, cela
éliminerait le problème à la base.
Mme Lavoie-Roux: Mais ce n'est pas possible.
M. Thibault: C'est donc impossible. Qui peut tous les regrouper
pour leur donner la même formation, la même information, la
même éducation? Je pense que c'est l'association. C'est la seule
qui est placée pour tous les regrouper et marcher en fonction de
tous.
M. Richard (Eugène): Puis-je, M. le Président,
avoir le mot de la fin? Dans l'ensemble, on est pour le projet de loi 17, c'est
un départ. On félicite le gouvernement et spécialement le
ministre qui en est responsable, M. le ministre Marois, et on vous remercie de
nous avoir entendus à la commission.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup de la
présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant
l'Association professionnelle des optométristes du Québec
à venir nous présenter son mémoire.
M. Jean-Marie Rodrigue.
Association professionnelle des optométristes
du Québec
M. Rodrigue (Jean-Marie): M. le Président, je...
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous nous
présenter vos collègues?
M. Rodrigue: Oui, j'aimerais peut-être au préalable
voir si des limites de temps nous sont imposées. Je comprends
très bien les remarques qui ont été faites tantôt,
cependant, on accordait une importance primordiale à ce projet de loi en
ce sens qu'il a une importance pour la santé et la
sécurité du travailleur. Nous y avons apporté beaucoup
d'attention, parce qu'on croit pouvoir apporter des éléments
capables d'aider à l'objectif du projet de loi et cela peut demander
certaines discussions de fond. Alors, au préalable...
Le Président (M. Marcoux): Si je comprends bien, vous
voulez savoir combien de temps la commission peut vous consacrer ce soir.
M. Jolivet: Combien de temps pensez-vous devoir prendre d'abord
pour la présentation?
M. Rodrigue: On peut tenter de le résumer le plus possible
sans non plus faire de bris dans la continuité de notre
présentation.
Mme Lavoie-Roux: Ils ont un nouveau mémoire aujourd'hui,
je pense, par rapport à celui qu'ils nous avaient envoyé.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce bien vrai que vous avez
un nouveau mémoire?
M. Rodrigue: Oui, c'est-à-dire qu'on a
déposé cet après-midi... Remarquez bien qu'on peut tenter
d'être brefs, le plus bref possible. Je pense que c'est le voeu de tous
et...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'on peut se fixer...
Est-ce possible de terminer pour 23 heures?
M. Rodrigue: Je crois que oui. Je crois que c'est très
raisonnable.
Le Président (M. Marcoux): Alors, on va collaborer.
M. Rodrigue: Je vous remercie, M. le Président, et je
remercie les gens de la commission parlementaire de nous recevoir au
départ. J'aimerais demander que la présentation sous forme de
télégramme que nous avions faite au départ pour
l'enregistrement de notre participation à la commission parlementaire ne
soit pas inscrite au journal des Débats et que le document que nous
avons déposé cet après-midi soit, par contre, inscrit au
journal des Débats.
M. Marois: Que votre nouveau document d'aujourd'hui soit
déposé au journal des Débats. Consentement.
M. Rodrigue: Et que l'autre soit retiré totalement.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): C'est parfait. (Voir annexe
D)
M. Rodrigue: Je vous remercie. L'Association des
optométristes du Québec, un organisme incorporé en vertu
de la Loi des syndicats professionnels, représente les 730
optométristes du Québec. Le rôle premier de l'association
consiste à négocier avec le ministère des Affaires
sociales à l'intérieur de la Loi de l'assurance-maladie, article
15.
Rappelons que les services de santé dispensés par les
optométristes dans le cadre du régime de l'assurance-maladie
représentent environ 80% des services oculo-visuels dont
bénéficie la population du Québec et que près d'un
million de Québécois sont examinés annuellement dans les
cabinets d'optométristes. Rappelons brièvement que
l'optométriste reçoit sa formation à l'école
d'optométrie de l'Université de Montréal et le cours
universitaire d'une durée de quatre ans conduit à l'obtention
d'un doctorat professionnel décerné par l'Université de
Montréal. Durant ces quatre années d'études
universitaires, l'étudiant en optométrie reçoit entre
autres des cours qui le préparent très bien à oeuvrer dans
le domaine de la santé et de la sécurité du travail. En
effet, il doit suivre un cours intitulé "Optométrie
occupationnelle" qui englobe la dimension tant préventive,
environnementale que la santé oculo-visuelle du travailleur
lui-même. Il y a un astérisque qui décrit un peu plus
précisément la portée de ce cours.
Enfin, nous croyons opportun de souligner à cette commission que
l'association des optométristes du Québec est actuellement en
négociation avec le ministère des Affaires sociales dans le cadre
de la Loi de l'assurance-maladie aux fins de prévoir les
modalités de dispensation des services optométriques dans le
réseau des établissements du secteur public, suite à la
signature d'une entente et d'une lettre d'entente entre le ministre des
Affaires sociales et nous aux termes de laquelle les parties reconnaissent le
bien-fondé de l'intégration d'optométristes en
établissement aux fins de dispenser des services oculovisuels à
la population.
C'est avec beaucoup de satisfaction que nous constatons
l'intérêt suscité dans la population par la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Il s'agit là d'un
sujet qui ne peut laisser le citoyen indifférent et, a fortiori, le
professionnel de la santé.
Nous désirons affirmer notre volonté de collaborer avec
les agents responsables de la santé et de la sécurité au
travail pour améliorer la santé visuelle des travailleurs. Il
s'agit là pour nous d'une obligation que nous voulons assumer
pleinement. Cette responsabilité est d'autant plus évidente que
les optométristes sont, de par leurs fonctions, sensibilisés aux
carences du système de santé et de sécurité au
travail présentement en vigueur. L'optométriste en pratique qui
oeuvre déjà en optométrie occupationnelle est en mesure de
constater chez ses patients des problèmes de vision reliés
à l'environnement où s'effectue le travail.
Il est certain, comme l'a souligné le livre blanc, que la
prévention est la voie la plus économique pour la
société québécoise. Cependant, il y a lieu
d'envisager la prévention dans son sens le plus large. Ainsi, pour la
prévention visuelle, il y a lieu d'identifier l'étendue et la
gravité des dangers du milieu du travail pour l'oeil: débris et
matières en projection, petites particules en suspension,
poussières, liquides, gaz et vapeurs nocifs, radiations, particules
à haute densité énergétique. Il y a lieu aussi de
s'assurer que le nouvel employé a les aptitudes visuelles requises par
sa tâche. Il faut enfin améliorer l'efficacité et supprimer
l'inconfort en procédant, le cas échéant, à une
analyse des tâches: distance entre l'oeil et le plan de travail, les
mouvements de la tâche, les couleurs devant être perçues,
densité de l'éclairage au point de travail et dans l'entourage,
direction de la lumière, éblouissement, contraste et plusieurs
autres choses.
Il y a une note que j'aimerais ajouter, qui ne paraît pas à
cela et où notre chef ne nous permet pas d'apporter de précision,
mais il serait intéressant de pouvoir évaluer le nombre
d'employés qui font une rotation d'emploi pour cause de problèmes
visuels parce qu'ils ne peuvent pas soutenir la demande visuelle que leur
emploi exige. C'est très surprenant de voir cela. C'est dommage qu'on
n'ait pas de recherche qui puisse fournir cela, mais on le constate
quotidiennement dans les bureaux; c'est une dimension importante, c'est un
coût social important.
Il ressort donc que la santé et la sécurité au
travail implique l'existence d'une foule de conditions de travail. C'est
d'ailleurs pourquoi ce sont les agents du milieu du travail qui devront, dans
le sens du projet de loi, surveiller l'application des normes relatives
à ces conditions de travail. On comprend que le livre blanc ait
affirmé que l'approche gouvernementale devrait se fonder sur la
participation des travailleurs et des employés. Il y a une citation du
livre blanc qui décrit cela. Nous considérons que le projet de
loi no 17, au chapitre de la santé au travail, remplit bien cet objectif
du livre blanc en ce qu'il pourvoit à une structure de participation
réelle et à un mécanisme décisionnel valable.
D'autre part, il nous apparaît que des améliorations
devraient être apportées au chapitre de la
sécurité au travail pour favoriser une approche
multidisciplinaire. Le projet de loi no 17 prévoit, au chapitre VIII,
des modalités de dispensation des services de santé au travail et
ils sont décrits dans le paragraphe qui suit. La responsabilité
de ce service sur le plan préventif est donc axée essentiellement
sur la détermination de l'état de santé du travailleur
à un moment donné, plutôt que sur l'environnement dans
lequel un travailleur accomplit son travail d'où, pour nous, la notion
importante de prévention et d'environnement.
Le projet de loi traite plutôt de la sécurité de
l'environnement du travailleur aux articles 47 et suivants qui ont trait au
programme de prévention. Le service de santé au travail vise donc
tout d'abord à diagnostiquer une déficience quand un travailleur
est déjà atteint.
Nous croyons que le chapitre VIII du projet de loi devrait permettre un
dépistage plus efficace des déficiences et des maladies
industrielles, dans le sens, naturellement, oculo-visuel. Toutefois,
l'association croit que le projet de loi devrait prévoir l'existence
d'un comité consultatif de professionnels de la santé, lequel
aurait pour fonction de conseiller la commission dans l'élaboration d'un
contrat type en vertu de l'article 81.
D'autre part, l'association considère que le fait de
désigner une personne responsable du programme de santé et de
l'établissement ne peut qu'assurer une efficacité réelle
de l'application de ce programme. Cependant, nous nous demandons s'il est
opportun de restreindre cette responsabilité aux membres d'une seule
profession, alors que les fonctions du responsable du programme de santé
au travail nous apparaissent essentiellement des fonctions administratives.
À cet égard, il suffit de se référer aux
dispositions de la loi pour bien saisir la nature administrative des
responsabilités du médecin traitant telles que citées dans
le projet de loi. Les articles suivants servent à nous démontrer
qu'il y a une dimension strictement administrative dans ce
rôle-là.
Cette personne agit donc comme responsable du programme et coordonnateur
de toutes les ressources professionnelles; médecine, optométrie,
génie industriel et autres. Dans le même ordre d'idées,
l'association désire attirer l'attention de cette commission sur une
omission à l'article 85 du projet de loi. Elle est explicite par la
lecture même de ce qu'on en souligne: "... sont
rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, selon le mode du salariat ou de la vacation, conformément
aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la Loi de
l'assurance-maladie."
Il nous semble évident que cet article devrait prévoir
également le respect des ententes conclues aux termes de la Loi de
l'assurance-maladie. En effet, on peut prévoir que des services
optométriques seront dispensés dans le cadre de l'application de
la loi, soit en centre hospitalier, soit en centre social de services
communautaires, ainsi que dans les quelque 600 cabinets privés
répartis dans tout le territoire québécois, garantissant
au bénéficiaire la liberté de choix de son
optométriste et permettant une accessibilité optimale aux
services optométriques. Les optométristes qui dispenseront ces
services seront alors régis par les ententes conclues avec le ministre
des Affaires sociales en vertu de l'article 15 de la Loi de
l'assurance-maladie. (22 h 45)
II nous paraît important de souligner que les services
diagnostiques rendus par les optométristes constituent des services
assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Nous avons convenu
d'une première entente en 1970 avec le ministère des Affaires
sociales et cette entente a été renouvelée en 1978. Cette
entente s'applique en cabinet privé et dans les établissements du
réseau public prévoyant la rémunération à
l'acte des services optométriques assurés. Le ministère
des Affaires sociales et l'association ont également signé une
lettre d'entente aux termes de laquelle ils reconnaissent qu'il est opportun de
favoriser l'intégration des optométristes dans le réseau
des établissements. À cet égard, nous avons
déjà entamé des négociations avec le
ministère.
Nous soumettons donc que l'article 85, pour respecter les ententes que
nous avons déjà conclues avec le ministre des Affaires sociales,
aux termes de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, doit être
modifié pour faire en sorte qu'il s'applique également aux
optométristes. Nous désirons de plus souligner que cette
modification de l'article 85 est essentielle pour assurer la concordance avec
l'article 251 du projet de loi qui est donné au texte.
L'article 251 prévoit que les services de santé
assurés aux termes de la loi de la RAMQ demeurent des services
assurés, même s'ils sont rendus en vertu de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Or, les services
optométriques sont des services assurés aux termes de la Loi de
l'assurance-maladie; ceci implique nécessairement que les services
optométriques rendus dans le cadre du projet de loi doivent être
rémunérés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Il
y a donc lieu de modifier l'article 85 du projet de loi pour y ajouter la
notion de services optométriques.
Nous nous permettons de suggérer que dans le but d'assurer la
cohésion requise avec les dispositions de la Loi de l'assurance-maladie
et les ententes conclues aux termes de l'article 15 de cette loi entre le
ministre des Affaires sociales et les associations représentant les
professionnels de la santé, l'article 85 du projet de loi devrait
être amendé pour remplacer le mot "médecin" par les mots
"professionnels de la santé".
Si vous voulez résumer, il faut aller au bas de la page 14,
où on dit qu'on déplore en particulier le fait que la
participation du comité de santé et de sécurité au
travail, celui dans l'établissement, soit limitée dans le projet
de loi. Nous trouvons notamment malheureux que l'on n'ait point la
possibilité du recours ou en tout cas ce qui nous apparaît
ainsi à l'optométriste par le comité de
santé et de sécurité au travail aux fins d'analyser de
façon scientifique les problèmes de sécurité et de
santé oculo-visuelle des travailleurs de l'établis-
sement concerné. L'absence de tout recours à une expertise
extérieure par le comité de santé et de
sécurité du travail, de même que les pouvoirs
limités de celui-ci nous amènent à conclure qu'en fin de
compte les normes établies par les règlements pourraient risquer
de n'être que minimales.
En terminant, nous désirons attirer l'attention de cette
commission sur deux dispositions du projet de loi qui, à notre avis,
mériteraient d'être amendées. D'abord, l'article 40,
paragraphe 2, fait référence à l'examen médical de
préembauche. Le projet de loi devrait plutôt se
référer à l'examen de santé, tenant compte de
l'importance d'une approche multidisciplinaire.
Enfin, nous ne comprenons pas que les cabinets d'optométrie
soient inclus, dans le projet de loi, dans la notion de laboratoire. Je crois
que le reste du texte est assez explicite sur ce point.
Nous passons aux recommandations.
Nous recommandons donc que l'article 40.2 soit modifié pour
remplacer les mots "examen médical" par "examen de santé". Cette
modification devrait également être apportée là
où la concordance l'exige.
Que les articles 84 et 85 du projet de loi soient ainsi
rédigés: "Article 84. La commission établit chaque
année un budget...". Le point que nous voulons souligner est au bas de
la page: "... à l'exception des professionnels de la santé soumis
à une entente au sens de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie,
qui fournit les services de santé au travail..."; le reste du texte est
identique à celui du projet de loi.
Article 85, auquel nous attachons beaucoup d'importance: "Les
professionnels de la santé soumis à une entente, au sens de
l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, qui fournissent des services
dans un établissement, dans le cadre des programmes visés dans le
présent chapitre, de même que le professionnel responsable, choisi
conformément à l'article 88, le cas échéant, sont
rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, conformément aux ententes conclues en vertu de l'article
15 de la Loi de l'assurance-maladie du Québec."
Troisième recommandation, à l'article 129 du projet de
loi, qu'on le modifie pour y ajouter le paragraphe suivant: "Déterminer
la composition d'un comité consultatif des professionnels de la
santé, lequel a pour fonction de conseiller la commission dans
l'élaboration des programmes-cadres de santé au travail et dans
l'élaboration d'un contrat type, en vertu de l'article 81 et en
désigner les membres. Les professionnels concernés sont
nommés à partir d'une liste de noms fournis par les associations
et les représentants."
Quatrième recommandation, que l'article 253b du projet de loi
soit ainsi rédigé... C'est le texte tel quel, en enlevant le mot
"optométrie" du texte actuel.
Ceci termine la présentation des recommandations du
mémoire et il y a une annexe qui est celle de la lettre d'entente que
nous avons signée avec le ministre.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier l'Association professionnelle des optométristes du
Québec de son mémoire. J'avais attentivement pris connaissance du
premier document que vous nous aviez remis et qui était, au fond
je le comprends et je pense que tous les membres de la commission l'ont bien
compris une espèce de premier jet que vous vouliez
étoffer. On prend donc connaissance, avec vous ce soir, un peu comme une
première lecture, de votre nouveau mémoire; soyez assurés
qu'on va l'exprimer très attentivement.
Je tiens à signaler je pense que les membres de la
commission et la population l'apprécient aussi sûrement le
fait que vous ayez tenu à indiquer très clairement dans votre
mémoire votre volonté arrêtée, comme groupe
professionnel; ce n'est certainement pas négligeable dans l'ensemble du
domaine de la santé et de la sécurité au travail
d'apporter la meilleure contribution possible et de nous faire en
conséquence des suggestions visant à ajuster la loi pour
faciliter cette contribution de votre part.
Sans reprendre toutes et chacune des recommandations de votre
mémoire je dois dire qu'il y en a un certain nombre d'ailleurs
dont on a eu l'occasion de discuter l'autre jour avec l'Ordre des
optométristes; certaines des recommandations se recoupent je ne
vous cacherai pas que je suis très satisfait de constater... Encore une
fois, je comprends que c'était un premier jet. Il me semblait ressortir
un peu de votre mémoire, ce qui me semble avoir complètement
disparu de celui-ci, une approche qui me semblait un peu je ne trouve
pas mieux que cela à 22 h 55 "professionnalisante" de votre
approche, de vos commentaires, de la façon dont vous présentiez
votre conception de contribution, peut-être parce qu'à la
lumière de tous les débats, les morceaux apparaissent de
façon de plus en plus claire... Cela facilite les choses en ce
sens-là et je pense que tout le monde l'apprécie.
Cela dit, cela ne signifie pas que vous entendez pour autant diminuer
votre contribution, bien au contraire, puisque vous avez ajouté un
certain nombre de recommandations. M'accrochant à certaines
recommandations particulières, il y en a une c'est en même
temps un commentaire et une question que je vous soumets. Vous demandez
que la commission soit dotée vous formulez une recommandation
très précise dans le sens qu'on le mette dans la loi d'un
comité consultatif de professionnels de la santé et, par
ailleurs, que le comité paritaire puisse disposer de l'expertise
notamment d'optométristes.
Tout en écoutant votre mémoire, je révisais le
projet de loi là-dessus. Il ne m'apparaît pas, il ne me semble
pas, je ne vois pas dans le projet de loi, tel qu'il est libellé
présentement, quoi que ce soit qui empêche l'un ou l'autre de ces
deux aspects de la recommandation. J'aimerais, le cas échéant
c'est en même temps la question que je vous
pose suite aux commentaires, aux premières réactions
peut-être avoir votre point de vue. Peut-être qu'en le
regardant ou en faisant une lecture un peu différente, vous avez mis le
doigt sur des choses très précises qui vous amènent
à conclure le contraire, auquel cas, je pense qu'il serait
intéressant que vous nous le signaliez.
Vous demandez, dans votre mémoire, que l'article 85 soit
modifié. Pour un certain nombre de raisons, je pense que vous avez
raison, la rédaction de l'article 85 va devoir être revue,
notamment pour simplement substituer à une expression qui est là
une expression plus large, c'est-à-dire plus englobante, soit la notion
de professionnels, au pluriel, de la santé. Soyez assurés qu'on
en a pris plus que bonne note. On a l'intention de réviser la
rédaction de ce texte.
Vous demandez également que soit amendé l'article 253 pour
exclure c'est l'article 253 qui soumet un laboratoire aux pouvoirs
d'inspection du ministre des Affaires sociales, en vertu de la Loi de
protection de la santé publique l'expression "de
l'optométrie", je vous dis tout de suite que vous avez parfaitement
raison. Vous pouvez compter sur le fait que l'expression "de
l'optométrie" va disparaître du projet de loi. J'ai
expliqué l'autre jour on a eu l'occasion d'en discuter
pourquoi. La toxicologie, l'audiologie en particulier, les roulottes qui se
promènent dans le paysage sans aucune espèce de contrôle,
ce n'est pas acceptable et il y a d'autres domaines aussi, que ce soit le
domaine de la toxicologie, la physiologie respiratoire qu'on regardera, mais
dans le cas de l'optométrie, on a beau dire: Trop fort ne casse pas,
oui, trop fort casse parfois. Je pense que c'est un bon exemple et soyez
assurés que cela va être retiré du projet de loi.
Voilà, M. le Président, les quelques commentaires que je
voulais formuler. Je remercie à nouveau l'Association des
optométristes du Québec et j'aimerais bien avoir et entendre vos
commentaires sur quelque chose qui est quand même au coeur de ce que vous
appelez la contribution possible de votre groupe.
M. Rodrigue: Je suis bien heureux d'entendre plusieurs
commentaires du ministre, principalement de savoir que, selon ma
compréhension de ses paroles, le mot "optométrie" va être
définitivement retiré de l'article 253, d'une part, et qu'il y
aura amendement de l'article 85 de façon que d'autres professionnels,
tout au moins ceux visés à l'article 15 de la Loi de
l'assurance-maladie, ceux qui sont régis par une entente, puissent ne
pas être exclus de l'application de la loi, parce qu'il ne serait pas
possible de le faire. C'est sûr que ceci répond partiellement
à la première question que vous me posiez, M. le ministre,
à savoir: De quelle façon pensez-vous que l'optométriste
ou l'optométrie pourrait s'intégrer à différents
endroits? Évidemment, tel qu'il était libellé, le projet
de loi ne le facilitait pas tout au moins, si cela ne l'excluait pas
totalement. Vous avez bien, je crois, cerné les endroits où
l'optométriste pouvait collaborer, soit, s'il y a amendement à
l'article 129, où on demande la création d'un comité
consultatif des professionnels de la santé.
Nous croyons qu'un optométriste, entre autres, siégeant
sur un tel comité consultatif pourrait, au niveau de la commission,
apporter une expertise importante d'une part mais aussi sur les lieux
mêmes du travail comme consultant. Si vous dites que la formation du
comité paritaire entre les employés et l'employeur au niveau de
l'établissement dans le sens de la loi n'exclut pas la demande
d'expertise, de consultant, nous le prenons dans ce sens et à ce
moment-là nous reconnaissons que nos appréhensions
n'étaient peut-être pas fondées si nous prenons votre
intervention dans le sens où ce comité pourrait faire appel, au
besoin, à l'expertise optométrique.
Le troisième endroit où l'optométriste
s'intégrerait à l'intérieur de ce projet de loi est aux
articles 84 et 85 dans l'équipe de la santé qui a une dimension
plus clinique, épidémiologique telle que définie et
prévue à l'article 85. Évidemment, les amendements que
vous nous dites que vous allez apporter vont, à ce moment-là,
permettre à l'optométriste ou devraient permettre à
l'optométriste de fonctionner et d'être participant à ce
travail. C'est bien évident qu'après vous avoir entendu, nous
croyons que cela va rendre la participation de l'optométriste beaucoup
plus facile. Par contre, nous attendrons les amendements tels qu'ils seront
apportés.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie. (23 heures)
Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier l'Association
professionnelle des optométristes de la province de Québec
d'être venue. Je pense que chaque groupe professionnel qui est venu
apporter une dimension spéciale contribue à la sensibilisation de
la commission. Je n'aurais qu'une question. Il y a deux recommandations que
vous avez faites à savoir que le terme "le médecin responsable
des services de santé" à l'article 85 soit remplacé par
"les professionnels de la santé", ainsi qu'à l'article 84. Vous
le faites à deux endroits de toute façon. Est-ce que je me trompe
en pensant que votre préoccupation n'est pas uniquement que
l'optométriste soit inclus aux articles 84 et 85 mais que
peut-être vous mettez en question le fait que le rôle type
si je peux dire ou le rôle principal soit accordé au
médecin responsable c'est une question que je me pose ou
si c'est simplement parce que vous ne remettez pas en question le rôle du
médecin responsable tel qu'il est assigné par le projet de loi ou
si c'est simplement parce que vous voulez être inclus dans les
professionnels de la santé en général?
M. Rodrigue: Les deux points de votre question se recoupent en ce
sens que tel que libellé dans l'article actuel, évidemment que le
responsable devait être un médecin. Il était dit par la
suite: les médecins travaillant sous sa responsabilité, ce qui
nous apparaissait exclure tous les autres
professionnels, du moins ceux comme les optométristes. Il faut
bien être compris sur cela, et je crois que nous le sommes aussi sur
notre bonne compréhension, non pas que nous voulons exclure qui que ce
soit de cela. Justement ce qu'on veut c'est que le libellé n'exclue
personne. Alors, si le rôle est strictement administratif, si vraiment la
personne responsable telle que définie à l'article 85 a un
rôle administratif et de coordination, nous disons: Pourquoi être
restreint à une seule profession?
Mme Lavoie-Roux:... par une autre personne.
M. Rodrigue: Nous posons la question à ce
niveau-là, d'une part, non pas que cela ne pourrait pas être un
médecin, cela est...
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, pour la clarification des
échanges que je viens d'avoir avec le président de
l'Association...
Le Président (M. Marcoux): ...
Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas compliqué ce que je
vais demander au ministre, c'est très simple.
Le Président (M. Marcoux): Par oui ou par non, la
réponse.
Mme Lavoie-Roux: Presque. Il s'est dit prêt à
modifier et...
M. Marois: Je me réserve le droit de décider si
c'est compliqué.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous le concède.
M. Marois: À 23 h 2.
Mme Lavoie-Roux: Mais n'oubliez pas que vous nous avez
entraînés jusqu'à 23 heures, M. le ministre.
M. Marois: Cela ne peut pas être compliqué à
neuf heures.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes disposé à modifier
le terme, dans l'article 85, je m'arrêterai simplement à l'article
85, "le médecin responsable par les professionnels de la santé",
"le ou les professionnels de la santé". Est-ce que je peux conclure de
cela, M. le ministre, que vous pourriez changer pour que, à
l'intérieur de l'établissement ou de l'entreprise, un autre
médecin soit responsable de la coordination et des fonctions qui sont
prévues par le projet de loi et qui, actuellement, sont dévolues
au médecin?
M. Marois: Vous vous souviendrez sans doute que la même
question, et là avec des recommandations très précises,
est venue d'au moins un autre groupe, sinon deux parmi ceux qui sont venus
devant nous. J'ai dit que j'étais prêt à regarder cette
question. Mais je ne vous cacherai pas que j'ai d'énormes
réticences en partant. Il faut un responsable quelque part. Est-ce qu'on
émiette, est-ce qu'on ouvre la possibilité que dans un cas ce
soit un médecin et que dans un autre cas ce soit autre chose? En
d'autres termes, je fais une analogie énorme, que vous me passerez
à 23 h 4, entre, par exemple...
Mme Lavoie-Roux: On se souviendra que c'était après
23 heures, M. le ministre.
M. Marois: ... les départements de santé
communautaire, l'expérience des CH-DSC, analogiquement comparée
à l'expérience des CLSC. Dans un cas, vous aviez là un
médecin qui est en charge. Dans l'autre cas, vous en aviez, des fois
oui, des fois non, cela varie énormément. Chacun peut tirer ses
conclusions des analyses qu'il peut faire de la réalité actuelle,
de l'évolution de ces deux expériences-là. Donc, je ne
vous cacherai pas que j'ai d'énormes réticences à changer
cela.
Je pense qu'il faut un pivot et je pense que, d'ailleurs, l'association
l'admet dans son mémoire. Cependant, cela étant dit, un autre
élément de problème qui a été soulevé
et qui me semble plus que pertinent, c'est cette idée d'ouvrir la
perspective d'une approche pluri ou multidisciplinaire qui permet d'impliquer
non seulement d'autres professionnels de la santé, mais vous vous
souviendrez que dans nos travaux...
Mme Lavoie-Roux: D'autres groupes.
M. Marois: ... on a parlé aussi d'autres groupes. On a
parlé des hygiénistes industriels, on a parlé des
ingénieurs, on a parlé des techniciens, etc. Que ces gens soient
appelés à travailler ensemble pour mettre ensemble leur
expertise, je pense que cela se défend très bien. C'est
l'état de mes réflexions à 23 h 5.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président,
j'ai une seule question à poser. Vous faites état dans votre
mémoire de 600 optométristes qui pratiquent en cabinet
privé.
M. Rodrigue: C'est-à-dire qu'il y a approximativement 600
cabinets privés répartis sur le territoire.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Alors, ma question est la suivante.
Il y a d'autres groupes de professionnels de la santé qui sont venus ici
et qui ont soulevé le fait que, compte tenu du fait que la
responsabilité de l'administration des soins préventifs et
curatifs pourrait être du ressort des CH-DSC, les autres seraient
possiblement très restreints, si on considère le libellé
de l'article 86. Vous autres, vous mentionnez, seulement en passant, qu'il y en
a 600 dans les cabinets privés et vous ne faites pas de recommandation.
Est-ce un sujet auquel vous vous êtes attaché? Est-ce que, du
point de vue de la mise à la disposition du
monde du travail de soins adéquats, uniquement ce qui existe dans
les CH-DSC serait suffisant pour répondre dans l'état actuel des
choses aux besoins de la population au travail ou si vous croyez qu'à ce
moment-ci il faille élargir un peu l'article 86 et peut-être ne
pas lui donner le caractère aussi restrictif qu'il semble avoir?
M. Rodrigue: Oui, je crois que nous mentionnons que
déjà existe un réseau de distribution de soins, qui
pourrait avoir une action préventive ou agir à titre de
consultant, tel que le démontrent d'ailleurs les résultats d'une
enquête, en astérisque dans le bas de la page 3. C'est une firme
très connue, la firme CEGIR, je crois, qui a fait une enquête chez
les optométristes et, entre autres, une des questions nous
démontre que déjà, actuellement, 39,6% des
optométristes du Québec oeuvrent à un titre quelconque en
ce que nous appelons vision industrielle ou en optométrie du travail.
C'est déjà très révélateur et cela
démontre qu'il existe déjà un réseau de services
qui est là, qui peut être très bien utilisé et
s'additionner aussi aux services prévus dans la loi. Alors, c'est
certain qu'on croit que le législateur peut prendre avantage
déjà de ce qui existe et qui est prêt à collaborer
pleinement en vue d'atteindre les objectifs de la loi.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question est: Pouvez-vous me
dire, dans l'état actuel des choses, combien d'optométristes
travaillent à l'intérieur des DSC ou des CLSC? Est-ce qu'il y en
a qui sont intégrés dans une équipe multidisciplinaire ou
si, d'une façon générale, vous diriez que, dans une
proportion de X%, ils travaillent en cabinet privé et viendront pour
consultation? Est-ce qu'il y en a vraiment qui sont intégrés?
M. Rodrigue: Très peu à ce stade-ci. Nous sommes
justement en négociations. Nous avons passé une partie de la
journée en négociations avec le ministère. Nous
négocions actuellement sur la lettre d'entente qui portait sur
l'intégration d'optométristes en établissements. Je crois
que vous comprendrez et que les gens de la commission comprendront que la
participation de l'optométriste, soit au niveau d'un DSC ou d'un CLSC,
doit nécessairement faire l'objet d'une négociation.
Alors, à ce stade-ci, cette négociation est pour
établir le statut, le mode de rémunération, les
modalités d'application et de participation. Ceci n'ayant pas
été établi, il y a très peu d'optométristes
qui participent. Il y en a, par contre, qui oeuvrent en CLSC, mais
généralement ils oeuvrent sur une base de contrats de services.
La même chose à l'intérieur des programmes AMEO pour les
handicapés visuels. Au centre Louis-Hébert et au centre
Nazareth-Louis-Braille à Montréal, il y a aussi des
optométristes qui travaillent, mais sur une base de contrats de
services.
Mme Lavoie-Roux: Laissons les CLSC, parce que cela sert quand
même à une population peut- être plus restreinte. Est-ce
qu'il y a actuellement, et pouvez-vous me donner leur nombre vous
êtes à peu près 600 à 700 optométristes
des DSC qui travaillent autrement que sur une base de contrat et qui
sont intégrés d'une façon régulière?
M. Rodrigue: Non.
Mme Lavoie-Roux: D'une façon régulière, il
n'y en a pas. C'est cela.
M. Rodrigue: II n'y en a pas, malheureusement.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est important. Je suis rendue
pire que le ministre!
M. Marois: Si on me permet, seulement une dernière
remarque. L'occasion s'y prête bien et, en même temps, il y a une
certaine confusion qui flotte. L'article 86 prévoit, dans le
deuxième paragraphe que, dans le cas où dans un coin, une
région donnée, pour une raison ou pour une autre, parce qu'il n'y
a pas d'autre lieu physique dans le réseau public, il est possible de
faire appel aux cabinets privés. Mais là, on parle bien du lieu
physique.
Cependant, quant à la mise à contribution de services de
ressources humaines spécialisées, que ce soient des
optométristes, que ce soient d'autres professionnels de la santé
qui sont dans le secteur privé comme tel, donc indépendamment du
lieu physique pour donner les services requis quant aux ressources humaines,
quant aux humains comme tels spécialisés dans un domaine, rien
n'empêche et c'est l'économie générale de la
loi et même la lettre quand on lit l'article 86 en relation avec
l'article 85 dont on parlait tantôt, absolument rien n'empêche que
des professionnels de la santé, rémunérés par la
Régie de l'assurance-maladie qui vont dans le secteur privé ou
public, c'est le cas actuellement, sous réserve des ententes qui sont
négociées je pense que la commission comprend très
bien que vous êtes en négociation et que ce n'est pas la place
pour commencer à aborder ces discussions de les mettre à
contribution pour la distribution des services, que ce soit, par exemple, au
niveau d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises donné. C'est revenu
à plusieurs reprises et je pense qu'il y a une confusion dans nos
discussions.
Mme Lavoie-Roux: Je soulevais la question parce que ce sont les
CH-DSC qui, d'une façon générale, seront mis à
contribution pour dispenser les services de prévention et, au besoin,
des services curatifs. Compte tenu du fait qu'ils sont quasi inexistants, comme
personnes intégrées à l'intérieur des CH-DSC,
je n'ai pas le texte devant moi dans des endroits
éloignés cela pourrait même devenir beaucoup plus habituel
que pour d'autres professions.
M. Marois: La réponse à cette question, c'est ce
que j'essaie d'évoquer probablement de façon
très ambiguë à cette heure-ci, mais
indépendamment du lieu, des régions éloignées
où il n'y a pas de lieu physique.
Mme Lavoie-Roux: Oui, ce sera par contrat, d'accord.
M. Marois: Quant aux ressources humaines ou professionnelles, si
on prend le cas dont on parle, les optométristes, la réponse
à cela est l'article 85. Qu'ils soient du secteur privé ou pas,
qu'ils puissent être mis à contribution, la réponse est
à l'article 85, qui ouvre cette perspective. C'est pour cela qu'il faut
ouvrir la définition pour l'élargir aux articles 84 et 85, pour
l'ouvrir aux professionnels de la santé au pluriel pour
qu'ils puissent être mis à contribution, que ce soient les
optométristes ou d'autres professionnels d'ailleurs qui sont
déjà dans le secteur privé.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Même si nous vous avons
écoutés tardivement, j'ai l'impression que vous devez être
contents d'être restés quand même.
M. Marois: Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie les membres de la
commission, et je vous remercie de la contribution que vous avez
apportée à nos travaux.
M. Rodrigue: Je vous remercie aussi. N'étant pas un
habitué des commissions parlementaires, j'ai omis de présenter Me
Yvan Brodeur, à ma droite, qui est notre conseiller juridique, M.
François Charbonneau, notre conseiller technique et conseiller en
relations de travail, et le Dr Paul Lambert, vice-président de
l'association. Je vou- drais remercier les gens de la commission d'avoir
prolongé le temps. Je dois dire aussi que j'ai beaucoup aimé les
remarques des gens de la commission.
J'aimerais terminer sur un petit point qui nous apparaît aussi
essentiel: si on veut qu'il y ait articulation de la recommandation no 1, sur
laquelle le ministre n'a peut-être pas eu l'occasion de parler, il
faudrait modifier l'examen médical de préembauche, l'examen de
santé préembauche.
M. Marois: Comme je l'ai mentionné tantôt je
ne le fais d'ailleurs avec aucun groupe, ce n'est pas possible, compte tenu du
nombre de recommandations qui nous sont soumises je ne peux pas
commenter toutes et chacune des recommandations. Nous allons la regarder au
mérite, mais soyez assurés que nous allons regarder cela de
très près. (23 h 15)
En terminant, pour un groupe qui n'a pas l'habitude des commissions
parlementaires, je trouve que vous défendez drôlement bien votre
point de vue et que vous apprenez drôlement vite.
Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire, par expérience,
qu'à cette commission parlementaire, vous avez peut-être eu plus
d'approbation sur des points particuliers que tous les autres qui sont venus
ici présenter des mémoires. C'est peut-être bon à 23
h 15, le soir.
M. Marois: Vous avez eu tout un jugement sur le banc.
M. Rodrigue: Je vous remercie bien.
Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses
travaux à demain, dix heures.
Fin de la séance à 23 h 16
ANNEXE A
Mémoire sur le projet de loi 17 "santé
et sécurité au travail"
présenté par La Chambre de Commerce de
la province de Québec
Août 1979
Monsieur le président,
Monsieur le ministre d'État au développement social,
Membres de la Commission permanente du travail et de la
main-d'oeuvre
Introduction
La Loi sur la santé et la sécurité du travail, dont
l'adoption par l'Assemblée nationale devrait se produire au cours des
prochains mois s'avérera au cours des prochaines années, nous en
sommes certains, la plus importante législation à avoir
été adoptée dans le domaine du travail au cours de cette
législature et probablement au cours de toute la présente
décennie.
C'est donc animée de cette conviction et dans cette perspective
que la Chambre de commerce du Québec, principal porte-parole de la
communauté québécoise des affaires en aborde
l'étude devant cette commission parlementaire.
Avant d'aller plus loin, il est fort probablement pertinent à cet
échange que la chambre se présente d'une façon un peu plus
élaborée. Depuis maintenant 70 ans, la Chambre de commerce du
Québec poursuit son mandat de représenter les
intérêts communs des chambres locales auprès du
législateur québécois. Le Québec compte
actuellement quelque 210 chambres actives dans leurs localités,
appuyées par plus de 37 000 membres qui consacrent volontairement temps
et argent au développement économique, social et civique de leur
milieu. La quasi totalité de ces membres sont des gens d'affaires et des
personnes exerçant une profession libérale.
De plus, quelque 2500 entreprises adhèrent volontairement et
directement à la chambre du Québec, souscrivant à ses
objectifs et comptant sur elle pour représenter leurs
intérêts communs et légitimes.
Au fil des années, la chambre a mis sur pied une gamme de
services à l'intention des sociétés adhérentes.
Outre la formation générale en entreprise, le plus important de
ces services consiste en la formation en sécurité du travail
plaçant l'accent fondamentalement sur la prévention.
La santé et la sécurité du travail sont donc pour
nous des priorités vécues quotidiennement de façon
soutenue. Plus de 125 000 heures/personnes de cours en prévention ont
été dispensées auprès de 4000 participants. Ce
cours, unique en son genre au Québec est sanctionné par les
ministères de l'éducation et du travail.
Philosophie et problématique
Permettez-nous brièvement d'exposer notre philosophie et notre
problématique en matière de santé et de
sécurité du travail. D'abord, une distinction s'impose entre la
santé et la sécurité. Une distinction de caractère
économique principalement. Au-delà de l'obligation juridique
d'agir en "bon père de famille", l'entreprise a toujours eu une
motivation économique d'assurer la sécurité de ses
employés. Les accidents de travail occasionnent, même si les
victimes n'étaient pas dédommagées, des coûts
à l'entreprise dont entre autres: perte de production, coûts de
remplacement et de formation d'un employé substitut et,
détérioration du moral. Par ailleurs, il faut le
reconnaître, la santé du travail n'a jamais comporté les
mêmes incitations économiques pour l'entreprise et jusqu'à
une époque encore récente était plutôt
considérée comme un problème "social" devant donc
être référé aux préoccupations
générales de la société. Cette situation
était particulièrement due aux longues périodes
nécessaires aux manifestations de la plupart des maladies
professionnelles, au taux de rotation des employés et, avouons-le,
à l'ignorance.
Même une fois beaucoup mieux cernée et identifiée,
la prévention par l'entreprise des maladies professionnelles n'offre
toujours pas l'incitation économique prépondérante qui
animerait les entreprises à agir "dans leur propre intérêt"
pour les enrayer. Il nous apparaît donc tout à fait normal que la
société, par le biais de l'État, leur impose cette
obligation et en fasse plus qu'un comportement moral.
Par ailleurs, en matière de sécurité dont le profil
a toujours été beaucoup plus visible et "politique", les
interventions ont été beaucoup plus marquantes et soutenues. Dans
un premier temps, l'on s'est employé à compenser les victimes
d'accidents du travail et, presque simultanément à
élaborer des normes de sécurité touchant presque toutes
les situations de travail possibles et imaginables. Dans un
deuxième temps, beaucoup d'efforts et de discussions ont
été consacrés à identifier le "responsable" de
l'accident et à trouver des moyens, incitatifs pour la plupart, afin
d'en éliminer les facteurs: surtout l'erreur humaine.
Deux autres étapes ont été franchies depuis: la
sécurité du travail est devenue objet de négociations en
matière de relations de travail avec tout son train de demandes, de
compromis, de "trade-offs" et enfin, une nouvelle philosophie a pris naissance
puisque tout au cours de ces diverses étapes, les accidents continuaient
de se produire.
Cette nouvelle philosophie, à laquelle nous
souscrivons1, veut que la sécurité du travail ou, de
façon plus pertinente, que la prévention relève de
l'environnement organisationnel de l'entreprise. C'est-à-dire que
l'entreprise doit offrir un milieu de travail qui essentiellement empêche
les accidents de se produire en dépit de l'erreur humaine, des risques
auxquels les employés sont prêts à s'exposer
d'eux-mêmes et des limitations techniques.
En définitive, cette approche organisationnelle nous
apparaît la meilleure car, sans avoir de chiffres précis pour le
Québec, nous savons qu'aux États-Unis où s'est
implanté depuis 1970 ('"Occupational Safety and Health Act" moins du
quart des accidents de travail sont conséquents à une
dérogation aux normes de sécurité.2 Et il
existe plus de 4400 de ces normes détaillées dont la grande
majorité sont importées au Québec.
Si cette philosophie mettant l'accent premier sur le contexte
organisationnel de l'entreprise en matière de santé et de
sécurité du travail devait, comme nous le souhaitons, inspirer la
législation québécoise en cette matière, le texte
législatif serait, à notre avis, fort différent du
présent projet de loi et s'inspirerait d'une problématique
à la fois beaucoup plus souple et dynamique.
La chambre souscrit d'emblée aux objectifs que veut atteindre le
projet de loi 17 sur la santé et la sécurité du travail,
objectifs non explicitement définis dans le projet.3 Elle
doute, cependant, que le projet s'il devait être adopté tel
qu'actuellement rédigé puisse livrer aux travailleurs et à
la population en général "la marchandise promise" soit un milieu
de travail sain et sécuritaire.
Non par manque de volonté: elle est évidente, comprise et
acceptée; non par manque de mécanismes, la plupart sont
souhaitables, particulièrement la participation des travailleurs ni par
manque d'exigences bureaucratiques, elles sont au contraire lourdes,
envahissantes, omniprésentes et souvent inutilement coûteuses.
C'est peut-être dû à l'incapacité de
l'État, lorsqu'une idée est traduite en textes juridiques, de
faire preuve d'autant d'imagination qu'en a générée
l'idée elle-même. Peut-être aussi à son
incapacité d'imaginer travailleurs et employeurs autrement qu'en
situation conflictuelle.
Toujours est-il que nous aurions préféré un texte
législatif dont l'article premier aurait établi que l'objectif de
la loi est de procurer un cadre de travail sain et sécuritaire en
entreprise en utilisant son environnement organisationnel pour enrayer les
causes d'accidents de travail et de maladies professionnelles. La suite du
premier chapitre expliciterait la philosophie et la problématique. On
retrouve une allusion à un tel cadre à l'article 40 et plus
spécifiquement aux sous-articles (3), (5) et (6) mais elle est loin de
constituer la trame de fond du projet de loi.
Si nos commentaires semblent évoquer une opposition quelconque
aux objectifs ultimes du projet de loi, la chambre tient à le nier et
plutôt faire valoir que le projet 17 qui a pris son origine dans un livre
blanc et qui est soumis à la consultation publique avant son adoption en
deuxième lecture l'est précisément parce que le
législateur croit qu'il est perfectible.
L'approche de la chambre face au projet de loi
17
Sans faire abstraction de la philosophie et de la problématique
énoncée plus haut, que nous souhaiterions voir non seulement
intégrée mais aussi devenir l'orientation maîtresse de la
loi, la chambre a à commenter un texte législatif dont elle doit
présumer, si l'expérience passée est garante du
présent, que l'approche ne sera pas fondamentalement modifiée;
c'est-à-dire qu'il s'agira toujours, a priori, de mécanismes.
Elle s'attardera donc à les examiner et à y suggérer des
modifications et des correctifs. À l'occasion, elle indiquera les
orientations que suggère sa problématique alternative.
Considérations liminaires sur le projet de loi
17
C'est un véritable "fouillis indescriptible de lois et de
règlements", pour utiliser les termes mêmes du parrain du projet
de loi, qu'était devenu avec les années le domaine de la
santé et de la sécurité
(1) Elle est conforme à celle exposée dans le livre blanc
aux pages 7, 8 et 9.
(2) The Occupational Safety and Health Act: Its goals and its
achievements. Robert Stewart-Smith, Evaluative Studies American
Entreprise Institute for Public Policy Research 1976, page 62.
(3) Les notes explicatives du projet de loi 17 débutent en
donnant comme objet "d'établir les mécanismes de participation
des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes
d'accident du travail et de maladies professionnelles".
du travail. Dès le Sommet socioéconomique de Pointe-au-Pic
en 1977, la chambre manifestait son accord sur la nécessité d'une
législation qui viendrait y mettre de l'ordre. L'actuel projet de loi
atteint cet objectif et cela en soi doit être apprécié
comme un avantage considérable, à quoi s'ajoute l'application de
son champ au gouvernement, à ses ministères et aux organismes qui
en sont mandataires.
Ces avantages réels sont cependant largement
atténués aussi bien sur le fond qu'en pratique par l'insistance
du projet à asseoir la majeure partie de son articulation sur le concept
des relations conflictuelles entre les travailleurs et leur employeur
respectif." Il en résultera, de par la simple dynamique des relations
actuelles, que la santé et la sécurité du travail seront
encore sources de négociations et de marchandage, que la participation
souhaitée des travailleurs sera subordonnée à des
objectifs stratégiques de relations de travail, et que seront
érigées en divergences structurelles ce que devraient être
de profondes communautés d'intérêts.
De plus, toujours sur le même sujet, le projet de loi crée
une profonde inéquité au chapitre VI où seules les
associations "syndicales" en qualité de partie représentant les
travailleurs peuvent conclure une entente visant à constituer une
association sectorielle paritaire. Environ le quart des travailleurs
n'appartenant pas au secteur de la construction et aux secteurs public et
para-public adhèrent à des associations
accréditées.
Si l'on s'était inspiré de la problématique que
nous avons élaborée plus haut, toute la question de la
santé et de la sécurité du travail serait retirée
du champ des relations de travail ou, de manière plus appropriée,
les relations de travail seraient retirées du champ de la santé
et de la sécurité. Non pas pour empêcher ou limiter la
participation des travailleurs mais bien pour l'inscrire dans sa meilleure
perspective, celle de la collaboration pour le bien des travailleurs et de
l'entreprise. Pour être plus précis, cela se traduirait aux
articles 38 et 40 par l'obligation de collaborer "pour protéger la
santé et assurer la sécurité et l'intégrité
physique du travailleur". De ces obligations communes découlerait,
au-delà du respect des normes et "du règlement", un processus
plus important que le programme de prévention: l'implantation de la
structure organisationnelle de la santé et de la sécurité.
Cette implantation demande plus de collaboration que de confrontation: il faut
modifier des attitudes, des habitudes et souvent des méthodes de
travail, tous des points qui ont le don de devenir des droits acquis.
Dans cette perspective, la santé et la sécurité du
travail serait de l'ultime responsabilité de l'employeur certes, comme
c'est actuellement le cas et comme le prévoit le projet mais lui
apporterait l'outil essentiel à l'exercice de sa responsabilité,
l'appui et la collaboration des travailleurs à son emploi. Il pourrait
être prévu que le travailleur soit informé des performances
de l'entreprise en matière de santé et de sécurité
du travail, notamment sur l'application des dispositions de la loi.
La participation aurait ici un véritable sens.
Ce qui nous amène aux comités de santé et de
sécurité. Au-delà du fait qu'un grand nombre d'entreprises
qui ont actuellement un comité paritaire se sont vu imposer ce
comité et qu'elles le perçoivent a priori (à tort ou
à raison) comme étant une sanction et une mesure disciplinaire
exercées à leur endroit, la chambre appuie le concept de la
formation de comités paritaires consultatifs de santé et de
sécurité. Nous les croyons un instrument utile, voire essentiel
aux échanges, au rapprochement et à la collaboration.
Cependant, le comité prévu par le projet de loi souffre de
plusieurs carences: il aurait des responsabilités décisionnelles
(art. 63 1°, 2° et 5°) sans être comptable de ses actes et de
ses décisions auprès d'aucune des parties en présence.
Tout au plus est-il requis de faire rapport à la Commission.
Deuxième carence, c'est encore une manifestation de la
volonté d'en faire une question de relations de travail, l'ensemble des
représentants des travailleurs et de ceux de l'employeur ne disposent
chacun que d'un vote. L'égalité de la représentation
dictée par l'objectif de parité devrait, une fois atteint,
laisser assez de latitude aux représentants pour leur permettre d'agir
en adultes et de déterminer les règles de fonctionnement qui leur
conviennent le mieux. Entre autres, il est largement accepté qu'un
comité fonctionne généralement mieux par consensus.
Enfin, de quelle compétence particulière un comité
peut-il se réclamer pour arrêter le choix d'un médecin
compétent? La question des entreprises à établissements
multiples pose un autre type de problème face aux fonctions du
comité surtout sur la question du choix des moyens et équipements
de protection individuelle et d'une certaine cohérence dans les
programmes de prévention.
Toutes ces considérations et d'autres, militent en faveur d'un
rôle consultatif pour le comité de santé et de
sécurité, auquel devraient s'ajouter des fonctions d'analyse,
d'études, de représentation et de surveillance quant à
l'application de la loi et du programme de prévention.
Nous conclurons ces considérations liminaires sur trois points
additionnels.
Les articles 142 et 143 accordant à l'inspecteur le droit
d'ordonner la suspension des travaux ou la fermeture d'un lieu de travail et
l'obligation pour l'employeur de rémunérer les travailleurs
visés, sans constituer exactement du droit nouveau (cela existe
déjà dans le domaine de la construction) il constitue
(4) Un bon exemple de cela se retrouve à l'article 14, il
apparaît plus important de convoquer le re- présentant à la
prévention ou le représentant de l'association
accréditée que de faire un simple constat que le travailleur a
raison ou, mieux encore d'apporter un correctif à la situation.
un pouvoir exorbitant et inacceptable dans les mains d'un fonctionnaire
jouissant d'une immunité presque totale. S'il y a eu erreur,
l'entreprise dont la survie peut être en cause5 n'a aucun
recours, n'a droit à aucun dédommagement.
La chambre ne s'oppose pas à ce que la loi doive prévoir
la cessation de travaux ni même, exceptionnellement, la fermeture d'un
lieu de travail. Dans ce dernier cas, nous croyons cependant qu'au lieu de
l'inspecteur, c'est le ministre responsable de l'application de la loi qui
devrait détenir cette responsabilité et l'exercer par voie
d'injonction sollicitée auprès d'un juge de la Cour
supérieure.
Cette procédure comporte trois avantages: elle est publique,
rapide et permet aux parties de faire leurs représentations.
Dans un autre ordre d'idées, la Commission constituée en
vertu du projet de loi se voit confier des pouvoirs de réglementation
d'une envergure exceptionnelle (art. 185) qui vont non seulement de l'adoption
de normes mais à l'encadrement rigide de toute activité
reliée de près ou de loin à la santé et à la
sécurité (ex.: art. 41, 44, 49, 74 et autres). Ses pouvoirs et
prérogatives sont vastes au point de faire oublier à la
population, aux travailleurs et même aux entreprises que ce n'est pas la
Commission qui, en définitive, est responsable de la santé et de
la sécurité, mais bien les entreprises.
Sans en connaître la teneur, ce qui en soi est regrettable, nous
savons par expérience qu'un règlement adopté par
l'Administration et ses organismes, étant donné la dynamique
naturelle de leurs structures, vise d'abord à satisfaire les
impératifs administratifs internes c'est-à-dire que le
comment administrer le règlement devient plus important que son objectif
initial, nous l'avons vu encore tout récemment dans les propositions
d'un Office.
Ce processus est inutilement lourd et surtout coûteux. Il en
résultera probablement la situation loufoque qui existe actuellement
dans plusieurs domaines où il devient physiquement impossible de
connaître le contenu de tous les règlements auxquels on est
pourtant tenus de se conformer. Avec la conséquence que lois et
règlements sont plus ou moins appliqués et respectés.
Le gouvernement a manqué ici une excellente occasion d'innover
par l'adoption d'une loi claire, complète, précise et
limpide.
Notre dernière considération liminaire vise la question de
l'organisation des services de santé au travail ou, pour être plus
précis, la nationalisation des services de santé de l'entreprise
résultant de l'adoption du projet de loi. Nous nous y objectons pour des
considérations pratiques et de principe. Disposons d'abord du principe.
Même s'il n'existait pas déjà des services de santé
du travail privés, nous nous objecterions à un monopole du
secteur public qui en empêcherait la création et
l'éclosion.
Or, ce n'est pas le cas. Il existe dans le secteur privé
d'excellents services privés de santé du travail, qu'ils soient
en entreprise ou encore fonctionnant sur une base contractuelle.
La chambre ne s'objecte pas à ce que le secteur public de la
santé puisse offrir ses services et qu'à la rigueur un contrat
type s'applique à tous les services de santé mais bien à
ce que la loi prive l'entreprise et ses employés du choix des meilleurs
services de santé disponibles.
Nous avons peine à réconcilier l'attitude du gouvernement
en cette matière et l'affirmation, maintes fois
répétée, du Premier ministre et chef du gouvernement de
son acceptation sans équivoque du système d'économie de
marché et du rôle de l'entreprise privée. De fait, il n'est
pas possible de les réconcilier.
Si nous devions ajouter un seul argument, ce serait à savoir si
les travailleurs sont prêts à se faire livrer, pieds et poings
liés, aux services de santé épisodiques que nous
connaissons depuis plusieurs mois et de façon régulière
à tous les deux ou trois ans?
Considérations spécifiques sur les
dispositions du projet de loi 17
Le droit de refus
La chambre est généralement d'accord avec l'exercice de ce
droit. Cependant, surtout dans le cadre conflictuel qu'avance le projet de loi,
ce droit n'est pas assorti de responsabilités correspondantes: il
incombe à l'employeur de prouver mauvaise foi et les sanctions ou
mesures disciplinaires peuvent faire l'objet de la procédure de griefs.
Soulignons que nous trouvons pour le moins cocasse de voir un texte
législatif à caractère pénal parler d'intention
(mauvaise foi); l'employeur ne bénéficie pas de la même
largesse ni au chapitre XIII (recours) ni au suivant (infractions). Sa mauvaise
foi étant présumée, point n'est besoin de la prouver.
La chambre a deux questions pour le législateur: Comment prouver
la mauvaise foi? Et, dans le contexte du projet de loi, qu'est-ce que cela
donne de la prouver?
Le programme de prévention
En faisant abstraction de nos commentaires précédents sur
la problématique, le programme de santé prévu à
l'article 48 constitue une des principales failles pratiques du projet de loi:
seuls les 2° et 4° ne font pas spécifiquement
référence au règlement, or l'on sait que le 2°
découle d'autres règlements. L'essentiel de notre argumentation
est à l'effet que se conformer aux règlements (il y en a moult)
ne ré-
(5) La grande majorité des P.M.E. connaît des
difficultés de fonds de roulement.
sout en définitive qu'une faible partie de la santé et de
la sécurité. Et pourtant la dynamique est lancée; tous,
travailleurs, employeurs et, il va sans dire, la Commission et les inspecteurs
auront les yeux braqués sur les règlements, leur
mot-à-mot, leur interprétation. Que fera-t-on une fois
établi que les accidents se produisent en dépit des
règlements? Probablement d'autres règlements.
Le représentant à la
prévention
Drôle de parité dans un projet de loi qui veut en instaurer
le principe où l'employeur n'a pas le même droit que les
travailleurs d'avoir un représentant à la prévention
jouissant de privilèges semblables.
Drôle de parité aussi où seul l'employeur a le
devoir de coopérer avec le représentant à la
prévention! (art. 72)
Les associations sectorielles
Outre les commentaires déjà formulés sur leur
constitution "paritaire" nous entretenons deux réserves fondamentales
sur les associations sectorielles. La première est à l'effet que
nos objections sur la bureaucratisation de la santé et de la
sécurité par le gouvernement valent tout aussi bien si elles
viennent indirectement du même gouvernement. La carotte des subventions
de la Commission masque mal la prison de la structuritte.
Deuxième objection, le marché actuel peut mieux satisfaire
et de façon plus concurrentielle les besoins en formation.
La Commission de la santé et de la
sécurité du travail
La chambre est d'accord sur la constitution de cet organisme. Deux pages
du texte législatif consacrent ses fonctions (art. 129 à 134) et
quatre autres pages ses pouvoirs et réglementation. Et pourtant,
après toute cette réflexion, aucune mention qu'un
établissement où un employeur qui pourrait démontrer
à la Commission qu'il peut mieux satisfaire les objectifs de la loi hors
du cadre des règlements, pourrait être néanmoins
considéré comme s'y conformant.
L'inspection
II est inconcevable, si l'on respecte la logique du projet de loi 17 que
le comité d'établissement puisse se prononcer sur la
compétence d'un membre de l'Ordre des médecins et non sur celle
d'un inspecteur. Seules, ici, seraient habilitées à fournir un
"avis" les associations sectorielles. Pourtant, l'inspecteur pourrait
décréter la suspension de travaux et la fermeture d'un lieu de
travail.
Par ailleurs, l'article 146 prévoit aussi, à notre avis,
des pouvoirs exorbitants dans les seules mains d'un fonctionnaire. Ce pouvoir
ne devrait être exercé que par le ministre responsable de
l'application de la loi et que dans l'éventualité où il y
a danger pour la santé et la sécurité de travail. Car une
infraction à la loi n'entraîne pas nécessairement un danger
pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Conclusions
Tout comme le président de la Commission des accidents du
travail, dans une allocution qu'il aurait récemment dû prononcer,
la chambre, vous l'aurez constaté, dit NON au marchandage. Tout comme
lui, elle accepte parité, participation et, nous le croyons, va
peut-être même plus loin en prévention.
La chambre, malgré le peu de temps mis à la disposition
des intervenants, a tenté d'aborder de la façon la plus ouverte
et la plus franche possible, non seulement le projet de loi, mais surtout la
véritable question de fond: la santé et la sécurité
au travail et surtout comment les atteindre.
ANNEXE B
Mémoire présenté à la
commission parlementaire
sur la santé et la sécurité du
travail par le Regroupement écologique québécois
Août 1979
Introduction
Le Regroupement écologique québécois est un
mouvement social qui rassemble des individus et des associations
préoccupés par la qualité de la vie et qui défend
une conception de la société respectueuse de l'homme et de la
nature. Nous croyons que la santé et la sécurité des
travailleurs est au coeur de la question écologique et pour cette
raison, nous voulons présenter des propositions susceptibles, à
notre avis, d'améliorer la situation des travailleurs.
L'effort de rationalisation tenté par le projet de loi no 17 (Loi
sur la santé et la sécurité du travail) est certes
bienvenu, mais il pourrait aller plus loin. Aussi, avons-nous
décidé d'intervenir pour soulever certains aspects de la question
qui, nous semble-t-il, n'ont pas reçu toute l'attention et le
développement qu'ils méritent.
Le mouvement syndical est plus en mesure que nous de juger des
modalités pratiques d'application de la loi et de l'efficacité
des mesures proposées. Son implication quotidienne dans la
défense des intérêts de travailleurs, lui donne une
autorité que nous ne saurions contester et que la commission se doit de
considérer à sa juste valeur. Ce sont les travailleurs qui
risquent leur vie et le pouvoir de la défendre doit leur revenir
individuellement et collectivement.
Nous croyons que le travail n'a pas en soi à être
aliénant. Il peut devenir et rester une activité de
libération individuelle et collective. Pour ce faire, un projet de
société doit favoriser l'autogestion; c'est-à-dire, la
possession et le contrôle collectifs des organisations de production de
biens et de services. Ceci doit se faire progressivement et pourrait
débuter par le contrôle autogestionnaire de la santé et de
la sécurité dans le milieu de travail.
On ne corrigera, nous semble-t-il, de façon radicale les
inégalités de droit et de fait entre les sexes, les groupes
d'âge, les ethnies, etc. que si on se met à la recherche d'une
société où tous les individus auront un poids égal
à l'intérieur des structures que l'on mettra sur pied.
Dans une perspective écologique, l'homme passe avant le capital,
avant la rentabilité et sa santé et sa sécurité ne
se négocieront pas. C'est peut-être un cliché, mais il n'en
reste pas moins que le capital devrait être au service de l'homme et non
l'inverse.
De plus, nous ne reconnaissons pas de droit à polluer et à
mettre la vie de quiconque en danger. Présentement, les maladies
industrielles, il faut le reconnaître, ne se confinent pas uniquement aux
usines. Les contaminants attaquent notre santé à
l'intérieur comme à l'extérieur de l'usine. Ils
envahissent l'eau, l'air et les aliments. L'activité industrielle en est
très largement responsable mais on en parle très peu de ces
dangers à la santé et de leur prévention comme s'ils
étaient là pour rester. Nous croyons que c'est une mauvaise
façon d'aborder le problème.
Il faudrait remettre en question les usines directement ou indirectement
polluantes. Si elles fabriquent des produits inutiles, il serait mieux alors de
les fermer et de créer de nouveaux emplois dans les domaines de
recyclage, des énergies alternatives, du transport en commun, de
l'information communautaire, de la dépollution, etc.
Le plein emploi ne devrait pas faire problème dans cette
perspective communautaire où le travail sera réparti
également entre tous. Une telle démarche ne peut que permettre
une réduction des heures de travail. Il faut reconnaître que tout
individu a droit à un travail; un travail lui permettant de participer
à la réalisation des objectifs fixés collectivement, sans
mettre en danger sa santé et sa sécurité.
À propos de certains articles
Article 9:
Le droit des travailleurs à l'information, énoncé
à l'article 9, est dans les faits nié aux articles 98, 195 et
197. Les secrets de fabrication ne doivent pas servir de prétexte pour
mettre en danger la santé et la sécurité des travailleurs.
Or ceux-ci ne doivent être divulgués ni par le médecin
(article 98), ni par personne sous peine d'amende (articles 195 et 197).
Comment des études peuvent-elles être effectuées si le
médecin n'a pas le droit de divulguer le nom des produits
utilisés... ? Comment des travailleurs peuvent-ils juger des dangers qui
les menacent s'ils ne sont pas pleinement informés?
Articles 11 et 159:
Au droit individuel du travailleur, devrait être ajouté un
droit collectif d'arrêter de travailler en cas de danger.
Articles 12 et 160:
Ces articles ont pour effet d'exclure de la législation tous les
dangers inhérents à un travail, les maladies mentales dues
à l'exercice d'un emploi et les maladies industrielles. Les termes
normalement et habituellement risquent de rendre acceptable la situation dans
les usines où les risques sont les plus élevés et
où rien n'est fait pour les éliminer. Certains employeurs peuvent
dire que certains risques d'accidents et de maladies (par exemple l'amiantose,
les coups de grisou) sont normalement et habituellement inhérents aux
fonctions exercées.
Les risques normaux et inhérents devraient être
signifiés à l'avance aux travailleurs par écrit pour
être considérés comme tels. Que lorsqu'il y a de tels
dangers, les conditions de travail soient améliorées
(c'est-à-dire repos, ventilation, etc.) et que le danger soit
éliminé à la source plutôt que par le port
d'équipement protecteur ou par le rejet des contaminants dans
l'environnement hors de l'usine.
Articles 19, 21 et 164:
Nous réclamons la suppression de ces articles, car ils sont
discriminatoires, prétendant que ce qui est dangereux pour un
travailleur ne l'est pas nécessairement pour un autre.
Articles 23 et 31:
Selon l'article 23, le travailleur n'a que cinq jours pour contester par
écrit une décision, ce délai est trop court de toute
façon. S'il passe le délai, ou s'il perd sa cause devant la
commission, il peut être pénalisé. Qui osera se plaindre
dans de pareilles conditions?
À l'article 31, on devrait éliminer l'expression
"jusqu'à une décision finale" dans le premier paragraphe de
même que tout le deuxième paragraphe. Car l'article dans sa forme
actuelle encourage l'employeur à sévir contre un employé
qui aurait refusé de travailler et qu'une décision finale
n'aurait pas appuyé. Une mauvaise décision finale, ou une simple
erreur de jugement de la part du travailleur quand un danger est couru, risque
d'être interprété comme de la mauvaise foi par l'employeur.
Les articles 189 à 194 ne suffisent pas à contrebalancer l'effet
néfaste de l'article 31.
Articles 33 à 37:
L'article 11 prévoit déjà qu'un travailleur peut
arrêter de travailler si sa santé ou celle d'un autre est en
danger. L'article 32 est discriminatoire, car il demande à la femme un
certificat médical, ce qui n'est pas requis pour tout autre travailleur.
Pourquoi faire de la femme enceinte un cas particulier? Il va sans dire que
comme tout autre travailleur devant quitter son emploi pour des raisons de
santé et sécurité, la femme enceinte devra recevoir son
plein salaire. Les articles 32 à 37 n'ont pas leur raison
d'être.
Articles 106 et 107:
Pour les nominations, les employeurs et le gouvernement ont trop de
pouvoir. C'est un peu l'essai du corporatisme, qui a déjà
démontré son inefficacité. Tout est basé sur le
principe du comité paritaire, avec l'État qui apparaît
comme l'arbitre neutre et objectif. Un rôle plus grand devrait être
accordé aux syndicats et à la négociation collective.
Article 185:
(Règlements) Au lieu de laisser tous ces sujets à la
discrétion de la commission de la santé et de la
sécurité du travail, qui peut faire des règlements mais
n'y est pas tenue, nous réclamons que la loi statue sur les points
suivants: 1.: les catégories d'établissement touchés par
la loi (à notre avis, tous les employeurs devraient être
touchés) 3.: le contenu minimum obligatoire des programmes de
prévention 7.: le contenu et la durée des programmes de formation
8. : le temps que doit passer le délégué de chantier
à s'occuper de santé et de sécurité 9.: les cas
où des services de santé doivent être fournis aux
travailleurs (à notre avis, tous les travailleurs devraient avoir
accès à de tels services) 10.: le temps qu'un représentant
à la prévention doit consacrer à l'exercice de ses
fonctions 14.: le type de moyens et d'équipements de protection que
l'employeur doit mettre à la disponibilité du travailleur (nous
pensons que des dangers doivent être éliminés à la
source) 16.: les cas où un étudiant doit être
considéré comme un travailleur au sens de la loi 18.: le nombre
d'heures maximum devant être consacré à un travail 27.: ce
qu'est un contaminant ou une matière dangereuse (à notre avis,
devraient être considérées comme telles toutes les
substances dont on n'a pas prouvé l'innocuité, selon les tests
biologiques habituels) 28. 29. 30.: les normes concernant les contaminants,
l'étiquetage des substances dangereuses et la sécurité des
procédés de fabrication (la loi devrait prévoir au moins
la même chose que dans les autres pays industrialisés, au
départ, et l'élimination subséquente des produits et des
procédés de fabrication dangereux. 31. : les modalités de
financement nécessaires à l'application de la loi (nous
réclamons que le législateur prévoie des normes de
dédommagement; nous avons esquissé plus haut notre projet de
société).
De plus, certains pouvoirs de réglementation de la commission
nous semblent inacceptables: 4.: le pouvoir de décider dans quelles
catégories d'établissements des comités pourront
être formés (même si nous ne sommes pas d'accord avec les
comités de santé et de sécurité, nous croyons que
la même loi doit s'appliquer à tous, partout) 17.: le pouvoir de
déterminer l'âge minimum qu'un travailleur doit avoir atteint pour
exécuter un travail dangereux en particulier (les normes devraient
être d'autant plus sévères que le travail est jugé
dangereux) 35.: le pouvoir d'exempter de la loi certaines personnes...
(à la limite, cette loi pourrait ne pas s'appliquer du tout, devenir une
loi-bidon, ou toucher seulement quelques compagnies... nous réclamons
encore une fois qu'elle s'applique à tous).
Articles 189 et 190:
Comment se peut-il qu'une amende aussi faible soit prévue en cas
de congédiement illégal (c'est-à-dire de $200 à
$500 en vertu de l'article 197). Le congédiement illégal se
traduit seulement par un manque à
gagner pour le travailleur qui doit entamer une poursuite contre son
employeur; advenant qu'il gagne sa cause et qu'il ait dû travailler
ailleurs entre-temps, cette somme gagnée sera indirectement remise
à l'employeur poursuivi et trouvé coupable car l'employeur n'aura
à payer que le manque à gagner. Nous réclamons qu'un autre
mécanisme soit prévu à la loi, par exemple la
réinsertion de l'employé dans son emploi, avec plein salaire,
dès le moment où une poursuite est entamée.
Article 198:
Les amendes prévues (de $500 à $1000 pour un individu et
de $5000 à $10 000 pour une corporation) pour avoir mis en danger la
santé ou la sécurité des travailleurs sont ridiculement
faibles. Les amendes devraient être beaucoup plus fortes dans le cas des
grosses corporations par exemple. Les coûts sociaux de la production,
tant sur la santé et la sécurité des travailleurs que sur
celles de la population environnante, devraient être assumés
entièrement par l'employeur. Les compagnies récidivistes
devraient être mises en tutelle, et éventuellement
nationalisées dans une perspective d'autogestion.
Articles 209 et 211:
Le financement devrait être à la charge de l'employeur, y
compris les coûts d'inspection et d'application de la loi. Les
coûts de la réforme doivent être assumés par les
employeurs et non pas par le gouvernement.
Les observations et suggestions qui précèdent ne
prétendent à l'exhaustivité d'aucune façon. Ils
veulent simplement indiquer l'orientation que devrait prendre la loi. Nous
espérons que la commission saura leur donner suite dans le meilleur
intérêt de la collectivité québécoise.
Conclusion
De l'ensemble des commentaires et des critiques formulés dans les
pages précédentes, il est important de retenir le principe
suivant: les conditions sanitaires et sécuritaires d'un milieu de
travail doivent d'abord être définies par la collectivité
des travailleurs et négociées dans un rapport de force avec
l'employeur. Ce principe nous rapproche sensiblement de la position syndicale
qui refuse les comités paritaires.
Nous appuyons cette position, mais nous nous permettons d'insister sur
le caractère local de la lutte pour la santé et la
sécurité du travail. Tous les travailleurs de l'usine vivent ces
problèmes et ils doivent tous participer activement à leur
résolution. Ce ne doit pas être uniquement dans la participation
de leurs délégués syndicaux à des tables rondes et
des congrès sur le sujet.
Dans cette perspective, nous recommandons que la loi sur la santé
et la sécurité du travail garantisse aux travailleurs une
période de temps payé où ils pourraient discuter des
problèmes qu'ils rencontrent tout en ébauchant des solutions. Ce
temps de discussion et de recherche pourrait être plus profitable que les
échanges circulaires d'un quelconque comité paritaire
doublé d'experts.
Les travailleurs, avec l'aide de leur syndicat, pourront fort bien aller
chercher l'expertise dont ils auront besoin pour solutionner les
problèmes qu'ils auront définis. Cette période pourrait
correspondre à une heure par semaine par exemple, ces heures pourraient
être cumulées pour disposer d'une période plus longue et
s'adapter à la conjoncture. Elle ne pourra qu'être utilisée
pour traiter des questions de santé et de sécurité du
travail, se former sur le sujet et informer la population, surtout la
population où se situe le milieu de travail.
Que vient faire la population du quartier dans le problème de la
santé et de la sécurité du travail? Son rôle nous
paraît fondamental et nous permet de préciser la position des
écologistes sur cette question.
Nous l'avons déjà dit ailleurs, les matières et les
procédés utilisés dans les usines n'affectent pas
seulement les travailleurs mais aussi, par la pollution extérieure,
toute la population environnante. Certains nous diront avec raison que la
nouvelle loi sur la qualité de l'environnement permet aux citoyens de
faire face à ces risques, mais il est probable qu'ils poseront ces
gestes dans l'ignorance la plus complète des implications de leurs
gestes pour les intérêts des travailleurs. De même, les
travailleurs ignorent parfois les méfaits environnementaux de leur usine
sur le quartier où ils travaillent, n'y passant pas forcément le
reste du temps. Qui est le plus exposé aux rejets d'une usine? Le
travailleur qui y passe sept heures par jour ou le voisinage qui la subit
vingt-quatre heures sur vingt-quatre? Cela dépend de plusieurs facteurs
évidemment, mais on ne s'est jamais arrêté pour
étudier sérieusement cette question.
Nous voulons justement dénoncer cette façon de diviser la
réalité des problèmes, une loi pour la pollution
intérieure, une loi pour la pollution extérieure, avec comme
résultat de renvoyer dos à dos citoyens et travailleurs qui
pourraient travailler à la création de meilleures conditions de
vie.
Dans cette optique, il est important que la loi sur la santé et
la sécurité du travail ait une porte ouverte sur la question de
la qualité de l'environnement. Pour ce faire, nous recommandons que les
travailleurs puissent déléguer un représentant, aux frais
de la compagnie, auprès de tout groupe de citoyens qui demande de
l'information sur l'usine installée dans leur région ou leur
quartier. Il pourra ainsi y avoir un contre-poids à l'information
donnée par la compagnie et une possibilité de travail en commun
pour obtenir un environnement meilleur.
Car ce que recherche le mouvement écologique avant tout, c'est un
contrôle par les citoyens de leurs ressources et aussi de leurs
représentants à tous les niveaux. C'est pourquoi nous nous sommes
permis ces quelques remarques en commission parlementaire.
Merci.
ANNEXE C
Mémoire présenté à
monsieur Pierre Marois
ministre d'État au Développement social
par l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc.
Sherbrooke, le 26 février 1979
L'Association désire par le présent mémoire exposer
au ministre d'État au Développement social certains faits
relativement au livre blanc sur la santé et la sécurité au
travail. Dans un premier temps, elle soumettra certains faits tant à
l'égard de la santé physique que de la santé mentale et
dans un second temps elle exposera certains faits relativement à la
sécurité.
1.
Santé
A Physique
Le chauffeur d'autobus est soumis généralement à
des agents physiques tels les vibrations, les changements de
température, le mauvais éclairage, le bruit, le monoxyde de
carbone, l'équipement en mauvais état etc. Le chauffeur d'autobus
est aussi soumis à une énergie mécanique et par
conséquent, il risque d'être frappé, coincé par un
objet: glissé ou chuté. Le fait d'être assis pendant de
longues heures est la cause de maux de dos.
La cadence des horaires est trop rapide. Les horaires
irréguliers, le travail de nuit, la malnutrition dans des restaurants de
fortune et le manque de temps pour manger sont des causes de mauvaise
digestion, de stress et d'hypertension.
On voit donc que la situation dans laquelle se trouve le chauffeur
d'autobus le rend vulnérable aux maladies du coeur. Ainsi le chauffeur
d'autobus qui fait un infarctus perd non seulement son emploi mais aussi son
permis de chauffeur d'autobus sans aucune possibilité de
réadaptation à sa profession de chauffeur d'autobus.
B Mentale
À cause d'horaires irréguliers, plusieurs chauffeurs
d'autobus ne mènent ni une vie familiale ni une vie sociale normales. Le
plus souvent, il se trouve à son foyer au moment où ses enfants
sont à l'école. Ces faits sont une cause de traumatisme chez le
chauffeur d'autobus et il en résulte malheureusement de trop nombreuses
ruptures de ménage.
Le chauffeur d'autobus subit souvent l'attitude agressive et
méprisante et le comportement hautain de ses supérieurs. Il se
retrouve coincé entre le patron, le répartiteur et les
usagers.
Voilà autant d'autres causes d'hypertension très grande
qui souvent dégénèrent en maladies cardiaques.
2.
Sécurité
L'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. a soumis le
22 novembre dernier, un mémoire à la commission d'enquête
sur la sécurité du transport par autobus. Nous
référons monsieur le ministre à ce document qu'il trouvera
en annexe "A" du présent mémoire.
L'Association aimerait cependant réitérer son désir
que soit mis sur pied un système adéquat de vérification
du bon état de fonctionnement des autobus au Québec.
L'Association aimerait que lorsqu'il a été rapporté par un
chauffeur qu'un autobus n'est pas en bon état de fonctionnement qu'il
soit reconnu au chauffeur le droit de refuser de travailler avec un outil
défectueux. De plus, l'Association demande qu'il soit interdit au
propriétaire d'un tel autobus de le faire conduire par un chauffeur
ignorant son mauvais état de fonctionnement.
L'Association aimerait aussi que le gouvernement se penche sur les
normes de construction des véhicules publics au Québec. À
titre d'exemple, certains autobus n'offrent au chauffeur comme appui-tête
qu'une barre de fer.
L'Association demande au gouvernement de prendre les moyens
nécessaires pour que les chauffeurs ainsi que les usagers jouissent du
maximum de sécurité dans les autobus au Québec.
L'Association recommande: 1. Qu'une étude soit faite sur la
santé au travail des chauffeurs d'autobus scolaires, urbains et
interurbains. 2. Qu'une étude soit faite sur la sécurité
au travail des chauffeurs d'autobus scolaires, urbains et interurbains. 3. Que
les conclusions d'une telle étude après consultation avec
l'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc. se traduisent dans
une loi appropriée.
L'Association offre au ministre son entière collaboration dans
l'élaboration et la réalisation de toute politique visant la
santé et la sécurité au travail des chauffeurs d'autobus
du Québec.
Le Président Albert Thibault
Mémoire présenté à Me
Robert Jodoin, commissaire-enquêteur sur la sécurité du
transport par autobus
par l'Association des chauffeurs d'autobus du
Québec Inc. Sherbrooke, le 22 novembre 1978
L'Association des chauffeurs d'autobus du Québec Inc.
(ci-après appelée l'Association) a été
constituée par lettres patentes accordées selon la
troisième (3e) partie de la Loi des compagnies du Québec en date
du 31 octobre 1978.
Ses objets sont les suivants: 1. Regrouper les chauffeurs d'autobus
professionnels du Québec. 2. Promouvoir la sécurité dans
l'exercice de leurs fonctions. 3. Etablir des services de formation pour le
bénéfice des membres, sous réserve de la Loi de
l'enseignement privé et des règlements adoptés sous son
autorité. 4. Favoriser l'excellence chez les chauffeurs d'autobus
professionnels du Québec. 5. Travailler à l'établissement
de normes susceptibles de favoriser la sécurité routière
pour le bénéfice des chauffeurs et des usagers des autobus au
Québec.
Ses administrateurs sont: I.Albert Thibault 2.Jean-Roger Cinq-Mars
3.Eugène Richard 4.Henri Bertrand 5. Georges Boucher
Ses officiers sont: 1.Albert Thibault: Président 2.Jean-Roger
Cinq-Mars: Vice-président 3.Eugène Richard: Secrétaire
Malgré le peu de temps que l'Association a eu pour s'organiser et
préparer un mémoire, elle désire exposer certains faits et
formuler certaines recommandations.
Consciente des problèmes que suscite la sécurité du
transport par autobus, l'Association expose certains faits et formule certaines
recommandations sous les titres suivants: A La sécurité
relative aux chauffeurs d'autobus et aux usagers B La
sécurité relative aux véhicules et C La
sécurité relative à la qualité de la
chaussée.
A Sécurité relative aux chauffeurs
et aux usagers
L'Association souhaite ardemment, qu'éventuellement tous les
chauffeurs d'autobus soient formés à une école de conduite
dont vous trouverez en annexe A, un programme d'études. Nous vous
référons aux articles de MM. Johnson et Collins en annexes B et C
sur le bien-fondé d'une telle école.
L'Association recommande une meilleure réglementation de
l'émission de permis de chauffeur. Il s'agirait d'éliminer les
non-professionnels. Des permis distincts devraient être accordés
aux chauffeurs d'autobus pour le transport urbain, interurbain et scolaire.
L'Association recommande qu'une meilleure diffusion de la
réglementation touchant le transport par autobus soit faite
auprès des chauffeurs d'autobus et des usagers.
En règle générale, les horaires sont trop vite, le
temps pour les repas trop court et les heures de conduite trop longues.
L'Association recommande une semaine de travail conventionnelle.
L'Association demande que le code de la route soit modifié afin
que les automobilistes soient obligés de s arrêter lorsqu'un
autobus interurbain s'arrête ou s'immobilise.
Que l'âge de la retraite soit réduit.
B Sécurité relative aux
véhicules
L'Association est d'avis que la fiche technique exigée
actuellement pour chaque autobus n'est pas adéquate. Dans plusieurs cas,
l'Association déplore l'absence de mécaniciens compétents.
L'Association recommande la mise sur pied d'un centre de vérification
des autobus par le ministère des Transports.
C Sécurité relative à la
qualité de la chaussée
D'une façon générale, l'Association constate que le
revêtement des routes du Québec est glissant. Les
revêtements faits récemment sont très dangereux et
susceptibles de causer nombre d'accidents.
L'Association recommande au gouvernement de mieux contrôler la
qualité du revêtement bitumineux des routes du Québec et de
voir à les rendre plus sécuritaires.
L'Association désire être consultée par le
gouvernement sur tout ce qui a trait au transport par autobus soit scolaire
soit urbain soit interurbain.
L'Association est désireuse de travailler à
l'établissement de normes susceptibles de favoriser la
sécurité routière pour le bénéfice des
chauffeurs et des usagers des autobus au Québec.
À cette fin, elle offre au ministère des Transports son
entière collaboration.
L'Association est heureuse que le ministère des Transports ait
institué une commission chargée d'enquêter sur la
sécurité du transport par autobus.
L'Association espère que ses recommandations se traduiront
à court terme dans une législation appropriée.
Le Président: Albert Thibault
(ANNEXE "A")
Projet de programme d'étude de l'école
de conduite des chauffeurs d'autobus du Québec
Pré-requis 1. Un cours d'introduction à la
mécanique. 2. Un cours d'introduction aux relations publiques. 3. Un
cours de premiers soins.
Les candidats pourront suivre ces cours dans les écoles publiques
qui les dispensent déjà.
Cours dispensés par ou sous la surveillance d'une école de
conduite des chauffeurs d'autobus du Québec à être
formée. Cours de conduite. Cours de conduite préventive.
Ces cours pourront être donnés par l'école en
collaboration avec le ministère de l'Éducation et le
ministère des Transports.
Référer à la version PDF page B-8756
Référer à la version PDF page B-8757
Référer à la version PDF page B-8758
Référer à la version PDF page B-8759
Référer à la version PDF page B-8760
Référer à la version PDF page B-8761
ANNEXE D
Mémoire de l'Association professionnelle des
optométristes du Québec
Projet de loi numéro 17 Loi sur la santé
et la sécurité du travail Commission Parlementaire du Travail et
de la Main-d'Oeuvre
L'Association professionnelle des optométristes du Québec
est un organisme incorporé en vertu de la Loi des syndicats
professionnels représentant 730 optométristes. Le rôle
premier de l'Association consiste à négocier des ententes avec le
Ministre des affaires sociales aux termes de l'article 15 de la Loi de
l'assurance-maladie aux fins de prévoir les conditions de dispensation
des services optométriques à la population dans le cadre du
régime d'assurance-maladie. Rappelons que les services de santé
dispensés par les optométristes dans le cadre du régime de
l'assurance-maladie représentent environ 80% de l'ensemble des services
oculo-visuels dont bénéficie la population du Québec et
que près de 1 million de québécois sont examinés
annuellement dans les cabinets d'optométristes.
L'optométriste, rappelons-le brièvement, reçoit sa
formation à l'école d'optométrie de l'Université de
Montréal. Le cours universitaire, d'une durée de 4 ans conduit
à l'obtention d'un doctorat professionnel décerné par
l'Université de Montréal.
Durant ses quatre années d'études universitaires,
l'étudiant en optométrie reçoit entre autre des cours qui
le préparent très bien à oeuvrer dans le domaine de la
santé et sécurité au travail.
En effet, il doit suivre un cours intitulé "Optométrie
occupationnelle", qui englobe la dimension tant préventive,
environnementale, que la santé oculo-visuelle du travailleur
lui-même.*
Enfin, nous croyons opportun de souligner à cette commission que
l'Association professionnelle des optométristes du Québec est
actuellement en négociation avec le ministre des Affaires sociales dans
le cadre de la Loi de l'assurance-maladie aux fins de prévoir les
modalités de dispensation des services optométriques dans le
réseau des établissements du secteur public. Cette
négociation fait suite à la signature d'une lettre d'entente
entre le ministre des Affaires sociales et l'Association aux termes de laquelle
les parties reconnaissent le bien-fondé de l'intégration
d'optométristes en établissement aux fins de dispenser des
services oculo-visuels à la population.
C'est avec beaucoup de satisfaction que l'Association professionnelle
des optométristes du Québec constate l'intérêt
suscité dans la population par la Loi sur la santé et la
sécurité au travail. Il s'agit là d'un sujet qui ne peut
laisser le citoyen indifférent et, a fortiori, le professionnel de la
santé.
L'Association professionnelle des optométristes du Québec
désire affirmer sa volonté de collaborer avec les agents
responsables de la santé et de la sécurité au travail pour
améliorer la santé visuelle des travailleurs. Il s'agit là
d'une obligation que les optométristes du Québec se doivent
d'assumer pleinement. Cette responsabilité est d'autant plus
évidente que les optométristes sont, de par leurs fonctions,
sensibilisés aux carences du système de santé et de
sécurité au travail présentement en vigueur.
L'optométriste en pratique qui oeuvre déjà en
optométrie occupationnelle est en mesure de constater chez ses patients
des problèmes de vision reliés à l'environnement où
s'effectue le travail.*
Il est certain, comme l'a souligné le Livre Blanc, que la
prévention est, même à moyen terme, la voie la plus
économique pour la société québécoise.
Cependant, il y a lieu d'envisager la "prévention" dans son sens le plus
large. Ainsi, pour ce qui est de la prévention visuelle, il y a lieu
d'identifier l'étendue et la gravité des dangers du milieu de
travail pour l'oeil: débris et matières en projection, petites
particules en suspension, poussières, liquides, gaz et vapeurs nocifs,
radiations, particules à haute densité énergétique.
Il y a lieu aussi de s'assurer que le nouvel employé a les aptitudes
visuelles requises par sa tâche. Il faut enfin améliorer
l'efficacité et supprimer l'inconfort en procédant, le cas
échéant, à une analyse des tâches: distance entre
l'oeil et le plan de travail, mouvement de la tâche, couleurs devant
être perçues, densité de l'éclairage au point de
travail et dans l'entourage, direction de la lumière,
éblouissements, contrastes... * Ce cours d'optométrie
occupationnelle donne 3 crédits et consiste en 45 heures d'enseignement
théorique et en 90 heures de recherche et de travail intellectuel. De
plus, lors de la 4e année universitaire, l'étudiant peut choisir
un cours optionnel en optométrie occupationnelle qui consiste en un
crédit de théorie et 3 crédits pratiques. * Une
enquête conduite auprès des optométristes du Québec
par la firme CEGIR et dont le rapport nous est parvenu à la fin
d'août 1979, démontre que 39.6% des optométristes en
cabinet oeuvrent à un titre quelconque en vision industrielle, terme
traditionnellement utilisé pour décrire les fonctions de
l'optométriste en optométrie du travail.
II ressort donc que la santé et la sécurité au
travail impliquent l'existence d'une foule de conditions de travail. C'est
d'ailleurs pourquoi ce sont les agents du milieu du travail qui devront
surveiller l'application des normes relatives à ces conditions de
travail. On comprend que le Livre Blanc ait affirmé que l'approche
gouvernementale devait se fonder sur la participation des travailleurs et des
employeurs.
Nous pouvons lire à la page 194 du Livre Blanc: "La
responsabilité de la santé et de la sécurité des
travailleurs n'est pas d'abord celle des professionnels de la santé et
de la sécurité. Il faut donc éviter de monter un
super-système bureaucratique chargé de "s'occuper" de la
santé et de la sécurité des travailleurs en dictant les
mesures à prendre et les comportements à éviter. Le
gouvernement québécois vise plutôt à créer un
ensemble de conditions qui feront que le monde du travail sera en mesure
d'assumer lui-même la responsabilité première des mesures
de santé et de sécurité qui lui sont
nécessaires."
L'Association professionnelle des optométristes du Québec
considère que le projet de loi numéro 17, au chapitre de la
santé au travail, remplit bien cet objectif du Livre Blanc en ce qu'il
pourvoit à une structure de participation réelle et à un
mécanisme décisionnel valable. D'autre part, il nous
apparaît que des améliorations devraient être
apportées au chapitre de la sécurité au travail, pour
favoriser une approche multidisciplinaire.
La santé au travail
Le projet de loi numéro 17 prévoit, au chapitre 8, les
modalités de dispensation de services de santé au travail. Dans
un premier temps, il nous semble important de nous référer au
Livre Blanc pour saisir précisément la notion de "service de
santé au travail dans l'entreprise". On peut lire en page 150 du Livre
Blanc: "DÉFINITION D'UN SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAIL DANS
L'ENTREPRISE -Par service de santé au travail, nous entendons un service
disposant de personnel médical ou para-médical localisé
à l'intérieur ou hors de l'entreprise, et responsable de la mise
sur pied de programmes de dépistages des maladies industrielles et de
l'application des différentes mesures de premiers secours, de
prévention, de classement, de reclassement ou de réinsertion au
travail des personnes handicapées."
La responsabilité de ce service sur le plan préventif est
donc axée essentiellement sur la détermination de l'état
de santé du travailleur à un moment donné, plutôt
que sur l'environnement où le travailleur accomplit son travail. Le
projet de loi traite plutôt de la sécurité de
l'environnement du travailleur aux articles 47 et suivants qui ont trait au
"programme de prévention". Le service de santé au travail vise
donc tout d'abord à diagnostiquer une déficience dont un
travailleur est déjà atteint.
L'Association professionnelle des optométristes du Québec
considère que le chapitre 8 du projet de loi contient un ensemble de
dispositions qui devraient permettre un dépistage plus efficace des
déficiences et des maladies industrielles. Toutefois, l'Association
croit que le projet de loi devrait prévoir l'existence d'un
comité consultatif de professionnels de la santé lequel aurait
pour fonction de conseiller la Commission dans l'élaboration des
programmes de santé au travail et dans l'élaboration d'un contrat
type en vertu de l'article 81.
D'autre part, l'Association considère que le fait de
désigner une personne responsable du programme de santé de
l'établissement ne peut qu'assurer une efficacité réelle
dans l'application de ce programme. L'Association se demande cependant s'il est
opportun de restreindre cette responsabilité aux membres d'une seule
profession alors que les fonctions du responsable du programme de santé
au travail nous apparaissent essentiellement des fonctions administratives.
À cet égard, il suffit de se référer aux
dispositions du projet de loi pour bien saisir la nature administrative des
responsabilités du médecin responsable.
Article 93: II élabore un programme de santé et de
sécurité en consultation avec l'employeur et voit à sa
mise en application.
Article 86: Les services de santé sont fournis sous son
autorité.
Article 90: Le personnel professionnel et technique qui collabore
à la mise en application du programme relève de lui.
Article 97: II procède, en collaboration avec le chef du
département de santé communautaire, à une
évaluation des ressources professionnelles, techniques et
financières requises pour les fins de la mise en application du
programme de santé spécifique.
Cette personne agit donc comme responsable du programme et coordonnateur
de toutes les ressources professionnelles: médecine, optométrie,
hygiène industrielle...
Dans le même ordre d'idées, l'Association désire
attirer l'attention de cette Commission sur une omission à l'article 85
du projet de loi. En effet, cette disposition prévoit:
"85. Le médecin responsable des services de santé dans un
établissement, choisi conformément à l'article 88, de
même que les autres médecins qui y fournissent des services dans
le cadre des programmes visés dans le présent chapitre, sont
rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, selon le mode du salariat ou de la vocation, conformément
aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la loi de l'assurance-maladie
(1970, chapitre 37)." Il nous semble évident que cet article
prévoit également le respect des ententes conclues aux termes de
la Loi de l'assurance-maladie. En effet, on peut prévoir que des
services optométriques seront dispensés dans le cadre de
l'application de la loi soit en centre hospitalier, soit en centre local de
services communautaires ainsi que dans les quelques six cents (600) cabinets
privés répartis à la grandeur du territoire
québécois, garantissant au bénéficiaire la
liberté de choix de son optométriste et permettant une
accessibilité optimale aux services optométriques. Les
optométristes qui dispenseront ces services seront alors régis
par les ententes conclues avec le ministre des Affaires sociales en vertu de
l'article 15 de la loi de l'assurance-maladie.
En effet, il est peut-être important à cet égard de
rappeler que les services diagnostiques rendus par les optométristes
constituent des services assurés aux termes de la Loi de
l'assurance-maladie du Québec. L'Association professionnelle des
optométristes du Québec a convenu d'une première entente
en 1970, avec le ministre des Affaires sociales. Cette entente se limitait aux
services assurés fournis par un optométiste en cabinet
privé. En 1978 l'Association professionnelle des optométristes du
Québec a convenu avec le ministre des Affaires sociales d'une nouvelle
entente s'appliquant en cabinet privé et dans les établissements
du réseau public et prévoyant la rémunération
à l'acte des services optométriques assurés. Le ministre
des Affaires sociales et l'Association ont également signé une
lettre d'entente aux termes de laquelle ils reconnaissent qu'il est opportun de
favoriser l'intégration des optométristes dans le réseau
des établissements. À cet égard, nous avons entamé
des négociations avec le ministre des Affaires sociales lesquelles se
poursuivent actuellement.
Nous soumettons donc que l'article 85, pour respecter les ententes que
nous avons déjà conclues avec le ministre des Affaires sociales
aux termes de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, doit être
modifié pour faire en sorte qu'il s'applique également aux
optométristes.
Nous désirons de plus souligner que cette modification de
l'article 85 est essentielle pour assurer la concordance avec l'article 251 du
projet de loi: "251. L'article 3 de la Loi de l'assurance-maladie (1970,
chapitre 37), modifié par l'article 2 du chapitre 38 des lois de 1970,
par l'article 2 du chapitre 47 des lois de 1971, par l'article 2 du chapitre 30
des lois de 1973, par l'article 2 du chapitre 40 des lois de 1974, par
l'article 1 du chapitre 60 des lois de 1975, par l'article 2 du chapitre 44 des
lois de 1977, et remplacé par l'article 2 du chapitre (insérer
ici le numéro de chapitre du projet de loi no 84) des lois de 1979, est
de nouveau modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa
suivant: "Malgré ce qui précède, les services visés
dans le premier alinéa demeurent des services assurés même
s'ils constituent des services rendus en vertu de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail (1979, chapitre insérer ici le
numéro de chapitre du projet de loi no. 17)." L'article 251
prévoit que les services de santé assurés aux termes de la
Loi de l'assurance-maladie demeurent des services assurés même
s'ils sont rendus en vertu de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail. Or, les services optométriques sont
des services assurés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Ceci
implique nécessairement que les services optométriques rendus
dans le cadre du projet de loi doivent être
rémunérés aux termes de la Loi de l'assurance-maladie. Il
y a donc lieu de modifier l'article 85 du projet de loi pour y ajouter la
notion de service optométrique.
Nous nous permettons de suggérer que, dans le but d'assurer la
cohésion requise avec les dispositions de la Loi de l'assurance-maladie
et les ententes conclues aux termes de l'article 15 de cette loi entre le
ministre des Affaires sociales et les associations représentant les
professionnels de la santé, l'article 85 du projet de loi devrait
être amendé pour modifier le mot "médecin" par le mot
"professionnel de la santé".
La sécurité au travail
Le projet de loi 17 vise à améliorer la
sécurité au travail. Tel est à tout le moins l'objectif
que le gouvernement s'était fixé dans le Livre Blanc sur la
santé et la sécurité au travail.
Nous soumettons cependant que cet objectif n'a pas été
atteint de façon satisfaisante par le projet de loi.
La sécurité au travail implique essentiellement une
amélioration du milieu de travail ou de l'environnement de même
qu'une relation plus positive entre le travailleur et son milieu de travail. Il
nous apparaît que les structures mises en place par le projet de loi ne
conduiront notamment pas à des modifications substantielles quant
à l'objectif de prévention et de sécurité
oculo-visuelle, dans les secteurs industriel et commercial.
En effet, les articles 47 et suivants du projet de loi prévoient
que l'employeur doit voir à ce qu'un programme de prévention soit
mis en application dans son établissement. Ce programme doit inclure au
minimum le contenu de la réglementation applicable à
l'établissement.
Même si dans l'élaboration du programme de
prévention on prévoit à certains égards la
participation du comité de santé et sécurité au
travail, nous croyons que ces programmes de prévention ne constitueront
finalement qu'un assemblage de règlements assez semblables dans leur
contenu à ceux présentement en vigueur aux termes de la Loi des
établissements industriels ou commerciaux ou des autres
législations existantes. Nous ne retrouvons dans le projet de loi aucun
élément déterminant pouvant nous laisser croire à
une amélioration sensible des conditions de prévention et de
sécurité oculo-visuelle dans les établissements
industriels et commerciaux.
Nous déplorons en particulier le fait que la participation du
comité de santé et de sécurité au travail soit
limitée par le projet de loi. Nous trouvons notamment malheureux que
l'on n'ait point la possibilité du recours à des
optométristes par le comité de santé et de
sécurité du travail aux fins d'analyser de façon
scientifique les problèmes de sécurité et de santé
oculo-visuelle des travailleurs de l'établissement concerné.
L'absence de tout recours à une expertise extérieure par le
comité de santé et de sécurité du travail de
même que les pouvoirs limités de celui-ci nous amène
à conclure, qu'en fin de compte, les normes établies par le
règlement risquent de n'être que minimales. Nous sommes bien loin
de l'objectif de participation du milieu auquel le gouvernement s'est
référé à plusieurs reprises dans son Livre
blanc.
En terminant, nous désirons attirer l'attention de cette
commission sur deux dispositions du projet de loi qui, à notre avis,
mériteraient d'être amendées.
D'abord, l'article 40 (2) fait référence à
"l'examen médical de pré-embauche". Le projet de loi devant
plutôt se référer à "l'examen de santé",
tenant compte de l'importance d'une approche multidisciplinaire.
Enfin, nous ne comprenons pas que les cabinets d'optométrie
soient inclus par le projet de loi dans la notion de "laboratoire" au sens de
la Loi de la Protection de la Santé publique. Car c'est ainsi que nous
interprétons cet amendement apporté par l'article 253 du projet.
À cet égard, nous nous permettons de demander des
précisions dans le cadre de cette commission parlementaire. Si le projet
de loi vise effectivement à soumettre les cabinets d'optométrie
au régime législatif applicable aux laboratoires il s'agit
là d'une approche qui, à notre avis, ne repose sur aucune
justification. Le texte devrait donc être amendé en
conséquence.
Recommandations
Nous recommandons donc que: 1) l'article 40 (2) soit modifié pour
remplacer les mots "examen médical" par les mots "examen de
santé". Cette modification devrait également être
apportée là où la concordance l'exige. 2) Les articles 84
et 85 du projet de loi soient ainsi rédigés: 2.1)"84. La
commission établit chaque année un budget pour les services de
santé. Elle attribue une partie de ce budget à chacun des centres
hospitaliers où il existe un département de santé
communautaire, conformément au contrat intervenu avec ce centre
hospitalier. À même la partie du budget qui lui est
attribuée, le centre hospitalier rémunère le personnel
professionnel, technique et clérical, à l'exception des
professionnels de la santé soumis à une entente au sens de
l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, qui fournit les services de
santé au travail ou collabore à la mise en application des
programmes de santé au travail. Le centre hospitalier assume en outre,
à même ces fonds, les coûts reliés aux examens et
analyses de même qu'à la fourniture des locaux et de
l'équipement." 2.2)"85. Les professionnels de la santé soumis
à une entente au sens de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie
qui fournissent des services dans un établissement dans le cadre des
programmes visés dans le présent chapitre, de même que le
professionnel responsable choisi, conformément à l'article 88, le
cas échéant, sont rémunérés par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, (...),
conformément aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la Loi de
l'assurance-maladie (1970, chapitre 37)." 3) L'article 129 du projet de loi
soit modifié pour y ajouter le paragraphe suivant: "Déterminer la
composition d'un comité consultatif de professionnels de la santé
lequel a pour fonction de conseiller la commission dans l'élaboration
des programmes cadres de santé au travail et dans l'élaboration
d'un contrat type en vertu de l'article 81 et en désigner les membres.
Les professionnels concernés sont nommés à partir d'une
liste de noms fournis par les associations les représentant." 4)
L'article 253b) du projet de loi soit ainsi rédigé: "253. (...)
b) "laboratoire" désigne un lieu aménagé hors d'un
établissement pour fabriquer ou réparer des orthèses ou
prothèses, pour faire des examens de biologie médicale, notamment
dans les domaines de la biochimie, de l'hématologie, de la
bactériologie, de l'immunologie, de l'histopathologie et de la
virologie, pour faire des examens en
radio-isotopes ou en radiologie à des fins de prévention,
de diagnostic ou de traitement de la maladie humaine, ou pour faire des examens
dans les domaines de la toxicologie, de l'audiologie, (...) et de la
physiologie respiratoire;".
(ANNEXE) LETTRE D'ENTENTE
Les parties reconnaissant le bien fondé de l'intégration
d'optométristes à l'intérieur du réseau des
établissements, conviennent de former un comité dont les membres
devront être nommés par les deux (2) parties au plus tard dans les
soixante (60) jours suivant la signature de l'entente. Ce comité aura
pour mandat de négocier en application de l'article 15 de la Loi de
l'assurance-hospitalisation les objets suivants: a) Le statut et les modes de
participation d'optométristes en établissement pour dispenser les
services relevant de leur juridiction notamment dans les programmes de
santé communautaire, de dépistage et de traitements. b) Les
conditions d'exercice des optométristes en établissement, les
modes de rémunération ainsi que les normes afférentes
à la rémunération. c) Les normes relatives à
l'activité professionnelle en établissement.
La présente annexe faisant partie intégrante de l'entente,
les parties l'ont signée ce 7 juin 1978.
DENIS LAZURE
Ministre
Ministère des Affaires Sociales
JEAN-MARIE RODRIGUE, o.d.
Président
L'Association professionnelle des optométristes du
Québec.