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Etude des crédits du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre
(Vingt heures vingt-quatre minutes)
Le Président (M. Laberge): A l'ordre, messieurs!
La commission du travail et de la main-d'oeuvre entreprend
l'étude des crédits budgétaires pour l'année
1980-1981 du ministère du même nom. Les membres de cette
commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond)
remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lefebvre
(Viau), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par M. Lalande (Maisonneuve),
M. Pagé (Portneuf), M. Paquette (Rosemont).
M. Chevrette: II faudrait remplacer M. Lefebvre (Viau)...
Le Président (M. Laberge): Par?
M. Chevrette: Par M. Adrien Ouellette (Beauce-Nord).
Le Président (M. Laberge): M. Lefebvre (Viau)
remplacé par M. Ouellette (Beauce-Nord).
M. Chevrette: II sera ici demain.
Le Président (M. Laberge): Parfait. Pendant ce temps
peuvent aussi intervenir M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dussault
(Châteauguay), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Gosselin...
M. Pagé: M. Forget sera remplacé, M. le
Président, par M. Mathieu (Beauce-Sud).
Le Président (M. Laberge): M. Forget remplacé par
M. Mathieu (Beauce-Sud). M. Gosselin (Sherbrooke), Mme LeBlanc-Bantey
(Iles-de-la-Madeleine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M.
Springate (Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda). Y a-t-il une suggestion pour
nommer un rapporteur pour cette commission?
Une Voix: M. Lavigne (Beauharnois).
Le Président (M. Laberge): M. Lavigne (Beauharnois) est
suggéré et est désigné comme rapporteur de la
commission.
Avant d'entreprendre l'étude des crédits du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre programme par programme, je
laisse la parole au ministre pour faire une déclaration
générale. Vous avez la parole.
Remarques générales
M.
Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, j'aimerais d'abord vous dire
que m'accompagnent au cours de cette commission, en plus de mes
collègues, plus particulièrement fascinés par les
questions de travail et de main-d'oeuvre, le personnel du ministère,
certains sous-ministres et directeurs de service et certains recherchistes, en
plus de mes collaborateurs immédiats. Ils seront tous là lors de
l'étude de ces crédits aujourd'hui et demain, ou ce soir et
demain, pour tenter de répondre, avec le plus de précision
possible, à toutes les questions que je vois déjà venir de
la part de nos collègues de l'Opposition.
M. le Président, l'année 1980, sur le plan...
Le Président (M. Laberge): Voulez-vous, pour que le
journal des Débats enregistre, les nommer ou... Il y en a qui le font.
Il y en a d'autres qui ne le font pas.
M. Johnson: Au fur et à mesure, la chose se prêtant.
Je voudrais simplement dire qu'au niveau des sous-ministres, il y a ici M.
Lapointe, sous-ministre adjoint à l'inspection, mais également
sous-ministre en titre par intérim; M. Blain, sous-ministre adjoint aux
relations de travail; M. Archambault, sous-ministre adjoint à la
main-d'oeuvre; M. Parent, sous-ministre adjoint au centre de recherche et de
statistiques sur le marché du travail, et les directeurs de service et
de section dont le directeur général des relations de travail, M.
Désilets.
M. le Président, je voudrais, dans cette ouverture, en
étant bien conscient que le règlement me permettrait de prendre
trois heures, simplement prendre un peu moins de temps que cela étant
donné que les députés de l'Opposition veulent
également faire des commentaires généraux, d'après
ce que j'ai compris de certaines interventions qu'ils ont faites cet
après-midi.
Je voudrais cependant, pendant quelques longues minutes, entretenir les
membres de la commission des questions qui sont afférentes, en
particulier, à la main-d'oeuvre également faire un bilan et
tracer quelques perspectives en ce qui a trait au secteur des relations de
travail, à l'ensemble des relations de travail.
D'abord, il faut comprendre que le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre est, comme le disent son titre et son nom, un ministère
qui a une double vocation, mais qui, dans le fond, est unique compte tenu des
parties qui sont les mêmes. Que ce soit dans les relations de travail ou
dans les politiques de main-d'oeuvre, il y a des individus, des agents, des
intervenants ou des parties, selon le cas, qui, si ce n'est pas sur le plan
formel, tout au moins sur le plan des individus, se trouvent à
être les mêmes. Il faut donc voir, dans les politiques de
main-d'oeuvre dont je parlerai un peu tout à l'heure, un effort de
reconnaître la nécessité d'harmoniser dans notre
société les énergies que l'Etat met, le pouvoir
réglementaire qu'il déploie dans le sens d'un meilleur
développement harmonieux, dans le sens de la création, dans la
mesure où cela est possible, du bonheur des individus et dans le sens,
là où cela touche les
parties quant à la productivité ou quant au partage de la
richesse, d'une harmonie sociale qui permette globalement au peuple auquel nous
appartenons, qui est le peuple québécois, de progresser.
La main-d'oeuvre au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre
représente à peu près la moitié de ce
ministère en termes d'effectif et beaucoup plus que la moitié en
termes budgétaires. Il faut bien se rendre compte que le budget de la
main-d'oeuvre au Québec est passé de $35 000 000 à $76 000
000 en l'espace de deux ans et qu'à cela seul, accompagné d'une
augmentation considérable d'effectif de près de 35% ou 40%, il
faut bien voir que le gouvernement du Québec voit, dans le secteur de la
main-d'oeuvre, une nécessité et en fait une priorité de
fait. (20 h 30)
On assiste, depuis quelque temps, à l'amorce d'une politique de
main-d'oeuvre québécoise. Et je ne parle pas ici des centaines de
pages qui ont été noircies, avec beaucoup d'espoir dans bien des
cas, par des universitaires ou par des gens préoccupés par cette
question, et qui sont restées lettre morte sous les
précédents gouvernements. Je parle de la mise en place
progressive, solide, articulée autour de la réalité et non
seulement des idées, de programmes, de la mise en présence des
exigences de l'économique et du social dans la vie des individus, des
exigences qui sont le plus facilement atteintes quand on tente de les
décrire en cernant la notion de ce que représente le
marché du travail ou les marchés du travail. C'est sans doute,
d'ailleurs, un des concepts les plus courants quand on parle de politique de
main-d'oeuvre.
Sur quelle toile de fond s'insère la présence
gouvernementale dans le secteur de la main-d'oeuvre au Québec? Cette
toile de fond est caractérisée par quatre éléments:
la présence fédérale, le délabrement relatif dans
lequel nous avons trouvé les services de main-d'oeuvre au
ministère il y a trois ans, en y arrivant, le problème
fondamental que constitue, pour une société moderne comme la
nôtre, le chômage, fût-il conjoncturel, et,
évidemment, l'inadéquation qu'on remarque entre les offres et les
demandes sur les marchés ou l'inadéquation entre les moyens qu'a
l'Etat à sa disposition et les problèmes qui se posent dans la
société.
D'abord, la présence fédérale. C'est la
première partie de cette toile de fond que je veux décrire.
Présence massive sur le plan financier du gouvernement central du Canada
sur le territoire québécois par, entre autres,
l'assurance-chômage, les subventions et les programmes conditionnels
encadrés en général par des lois d'une rigidité
certaine et des accommodements qui se sont toujours voulus souples, mais qui
ont été la source de confusions budgétaires incroyables
entre nous et le fédéral depuis 1967, donc pas seulement sous le
présent gouvernement, des subventions à tout le secteur de la
formation professionnelle des adultes, la sélection des candidats qui
est faite par les centres de main-d'oeuvre du Canada alors que les besoins,
eux, sont beaucoup plus perçus, ressentis au niveau du ministère
de l'Education du Québec ou au niveau des réseaux
québécois dans le secteur des affaires sociales, par exemple, ou
dans ces secteurs où l'expertise québécoise, à
cause de notre juridiction exclusive en matière d'éducation et
ses extensions, y compris dans le secteur de la main-d'oeuvre, nous permet de
cerner mieux la réalité.
Evidemment, les programmes et l'incroyable duplication à laquelle
se livre le gouvernement fédéral dans le secteur de la
création d'emplois, que ce soit le programme de crédits
d'impôts ou carrément l'entretien du grand "parking" de la
sécurité sociale par des "Perspectives jeunesse" qui
s'avèrent après douze ans sans perspective, des programmes
d'emplois temporaires qui, dans bien des cas, sont amenés à
susciter des besoins et à créer littéralement dans notre
société des appétits auprès d'organismes, de
groupes, qui auraient peut-être vu à s'autosuffire ou autrement se
seraient vus inscrits dans une politique globale du ministère des
Affaires sociales ou du ministère de l'Education...
C'est ainsi, par exemple, que des centaines d'organismes au
Québec ont reçu des subventions fédérales au cours
des dix dernières années, mais, en général, dans le
cadre de programmes conditionnels. Le fédéral disait, par
exemple, la Popote roulante de la rue Azilda dans mon comté, vous avez
une subvention de $28 000 qui va cependant décroître sur une
période de trois ans, et la Popote roulante s'est fondée, et on a
engagé quelques personnes pour faire en sorte que des gens
âgés qui ne quittaient pas leur domicile ou avaient de la
difficulté à le faire se voyaient apporter un repas chaud
à tous les deux jours et au bout de trois ans, évidemment, le
fédéral décide soudainement de ne plus subventionner la
Popote roulante. Qu'est-ce que vous pensez qu'il arrive avec la Popote
roulante? Cela se ramasse dans le bureau du député provincial
parce que le député fédéral, lui, explique: Madame,
c'est le provincial qui s'occupe des affaires sociales. Les citoyens, eux, qui
ont bénéficié de ce programme le méritaient, mais
les priorités ont été établies par des organismes
fédéraux qui ne connaissent pas nécessairement les
besoins, qui ne sont pas capables de relier ce type d'intervention
carrément aux besoins ou à une planification intelligente en
fonction des besoins des citoyens du Québec. C'est seulement, par
exemple, pour agiter le "candy", le bonbon, le suçon, la bebelle de la
job temporaire accordée, et j'ai des telex qui le démontrent sur
recommandation du député fédéral du
comté.
Nous, on tente de décentraliser nos réseaux, on tente de
faire en sorte que les fonctionnaires responsables, des hommes et des femmes,
à travers le Québec, dans tous les ministères du
gouvernement, prennent des décisions sur les plans local et
régional. De temps en temps un député écrit au
ministre responsable, ce qui est parfaitement légitime et normal, et
l'opinion du député entre dans l'évaluation, mais, en
général,
ne prend pas une part décisionnelle ou une part qui,
nécessairement, l'emporte, bien qu'à l'occasion ça puisse
faire peser les choses.
Il y a certains députés d'ailleurs, dans cette commission,
qui savent que des projets de leur comté ont fait l'objet d'approbation
par mon ministère, par exemple, pour celui des Affaires sociales,
à partir essentiellement d'une évaluation faite sur le terrain
et, à l'occasion, évidemment, le député peut
écrire au ministre responsable.
Mais disons que ce sont des cas relativement exceptionnels. Dans
l'attribution des subventions fédérales et l'actuel
ministre, M. Axworthy me l'a confirmé récemment par télex
le député fédéral a, à toutes fins
pratiques, un rôle décisionnel dans l'octroi de certains de ces
fonds. Et je pense que ce n'est pas comme ça qu'on bâtit
intelligemment une politique de main-d'oeuvre dans une société
moderne.
Donc, présence du fédéral, y compris une
présence hyperpolitisée qui, quant à moi, est plus
près du scandale que de l'intervention intelligente des hommes
politiques, tout comme les gens de l'Opposition en ont fait montre en
écrivant quant à certains projets; ils ne prétendent pas
s'ingérer, mais simplement ils veulent souligner à l'attention
des responsables l'intérêt qu'ils portent à quelque
chose.
Présence aussi du fédéral, évidemment, dans
le secteur des municipalités; création artificielle, encore une
fois: "candy", bonbons, jujubes. Attitude systématique qui empêche
de faire en sorte que s'accomplissent des réformes aussi importantes que
la fiscalité municipale, la fin du régime discrétionnaire
des subventions politisées, et on les connaît les subventions
politisées qu'on a connues de 1970 à 1976, quand on sait que
certains ministres des Affaires municipales ont distribué
allègrement à travers le Québec, surtout en
périodes préélectorales, pas loin de $1 000 000 000 de
subventions ou de promesses de subventions.
Le gouvernement actuel du Québec a mis fin à ça; il
a réduit au maximum l'intervention du pouvoir politique auprès
des municipalités pour les fins de planification budgétaire,
parce que c'est comme ça que, sainement et intelligemment, on doit
administrer les fonds publics. Il restera toujours des programmes où il
y a une évaluation qui se fait, par exemple, par le ministère des
Affaires municipales, en fonction d'objectifs gouvernementaux. Il s'agit de
réduire cette intervention discrétionnaire de l'Etat
québécois dans la vie des municipalités.
Le fédéral, lui, intervient encore une fois
systématiquement avec des programmes où, entre autres, on a
appris... J'ai eu l'occasion d'apprendre à l'un de mes collègues
fédéraux il n'y a pas si longtemps qu'il y avait une chose au
Québec qui s'appelait le décret de la construction et qu'une
aréna, ça ne se bâtissait pas avec des "chums", une
aréna, ça se bâtit en tenant compte des contraintes
qu'impose un décret quant au salaire, quant aux conditions de
sécurité, etc. Pourtant, on se promenait déjà, dans
certains comtés, pour faire miroiter des promesses d'aréna, de
gymnase ou d'autres choses; après cela, on se retourne et on dit: C'est
l'Etat québécois qui vous empêche d'avoir une aréna
à Saint-Anaclet. Alors que ce n'est pas cela, c'est une politique
irresponsable de la part des fédéraux, dans bien des cas.
D'ailleurs, la politique fédérale sur le plan de sa
présence québécoise est tellement incohérente
qu'elle sent en ce moment le besoin de copier même le sigle d'un des
programmes québécois, un des programmes de création
d'emplois les plus efficaces au Canada, en ce moment, qui s'appelle PUE, et non
pas PIGE, le Programme d'intégration des jeunes à l'emploi du
gouvernement du Québec. Le gouvernement fédéral, dans un
de ses programmes de placement étudiant, l'appelle PEJE; il profite
finalement de l'excellente réputation que le gouvernement du
Québec a donné à ses services de main-d'oeuvre. Cela
démontre le genre d'attitudes dont on ne doit pas s'étonner de la
part de nos collègues du fédéral dans ce domaine et ce
n'est pas nouveau, encore une fois.
M. Pagé: C'est bien le fédéralisme que vous
voulez renouveler? Est-ce bien ça?
M. Johnson: M. le Président, si vous me le
permettez...
M. Pagé: Est-ce bien le fédéralisme que vous
voulez renouveler? C'est cela?
Une Voix: Est-ce que ça fait mal?
M. Pagé: Quand même, la vérité a sa
place.
M. Johnson: Donc, l'un des éléments importants de
cette toile de fond est la présence du gouvernement
fédéral...
M. Pagé: Un autre père de la
Confédération!
M. Johnson: ... qui, dans certains cas, dans le cas de
l'assurance-chômage, par exemple, occupe une place qui n'est pas facile
à remplacer à moins, cependant, qu'on n'ait le transfert des
ressources qui viennent avec, c'est bien évident. Dans certains cas,
pour les fins d'une politique pancana-dienne de mobilité "coast to
coast", cela représente sûrement un certain intérêt
si on habite à Halifax ou à Moose Jaw ou à Kamloops, mais
cela représente très peu d'intérêts quand on vient
de Saint-Joseph ou de Sainte-Rosalie parce que la mobilité des
Québécois, sur le plan de la main-d'oeuvre, c'est une chose qu'il
faut relativer. C'est clair qu'il y a des Québécois en
Californie, partout dans le monde, qui travaillent; il y a certains
travailleurs de la construction dans certains métiers
spécialisés qui peuvent aller dans le reste du Canada ou à
l'extérieur du Québec ou du Canada, soit aux Antilles ou
ailleurs, avec les compagnies pour lesquelles ils travaillent, mais c'est
marginal dans les politiques de main-d'oeuvre québécoises.
Ce problème de la mobilité en matière de
main-d'oeuvre au Québec, ce n'est pas un problè-
me de mobilité interprovinciale, bien qu'il existe, mais de
façon marginale. C'est fondamentalement un problème de
mobilité interrégionale. Et c'est comme cela qu'on va bâtir
une politique de main-d'oeuvre intelligente au Québec; c'est en
étant capable et en ayant les ressources, effectivement, pour faire en
sorte qu'on puisse régler ce type de problème.
Donc, la lorgnette ou la loupe avec laquelle le gouvernement central
regarde les problèmes de main-d'oeuvre, dans le contexte de "national
policy", et la lunette par laquelle nous voyons cela, comme Etat
québécois, c'est une lorgnette différente, les
priorités sont différentes. Il ne s'agit pas de dire qu'elles
sont meilleures ou pires, il s'agit de savoir lesquelles vont mieux servir les
intérêts des Québécois.
Deuxième élément de la toile de fond sur laquelle
il fut greffer les questions de main-d'oeuvre, la question du chômage,
évidemment. C'est une société en changement où,
d'ailleurs, les experts se tirent dans le décor pour se demander
qu'ils soient Britanniques, Allemands, Canadiens, Américains dans
quelle mesure on n'a pas une certaine quantité de chômage culturel
quand on voit les chiffres de chômage astronomiques en Occident depuis,
particulièrement, le début de la crise inflationniste
reliée au problème énergétique. On parle du
chômage frictionnel, on parle du chômage chronique, mais il y a
peut-être une sorte de chômage culturel; peut-être qu'il y a
de nouveaux schémas de valeurs dans notre société qui font
que, de temps en temps, on s'en va sur le chômage. Cela reste cependant
problématique; il reste à savoir pour combien cela vaut. Disons
que c'est peut-être un facteur qui est présent mais constatons une
chose, constatons qu'il y a un problème de chômage chronique au
Québec. Ce problème, encore une fois, nécessite, dans le
cadre d'une politique de main-d'oeuvre, d'être un des
éléments que l'on considère dans la planification de nos
activités, l'attribution de nos ressources et de nos budgets.
Il faut bien comprendre aussi qu'on prévoyait pour le
Québec, il n'y a pas si longtemps il y a à peu près
un an et j'entendais les cris alarmés de l'Opposition,
particulièrement ceux du député démissionnaire
d'Outremont qui, on le sait, est parti parce qu'il aimait bien son chef
mais, je me souviens...
M. Pagé: II sera remplacé probablement par
quelqu'un que vous connaissez bien.
M. Johnson: ... qu'effectivement, le député
d'Outremont et quelques autres laissaient poindre à l'horizon un
catastrophique 15% à 17% de chômage au Québec à
cause, croyez-vous, de la grande incertitude. (20 h 45)
Et pourtant, malgré ces prévisions catastrophiques, le
Québec est passé à travers en maintenant et
c'était déjà un effort considérable le statu
quo dans une période de récession, dans une période de
changements technologiques avec peu de capacité de
récupération dans une société moderne, dans une
période où les valeurs de consommation elles-mêmes ayant
changé, elles ont des effets sur le chômage ou sur l'emploi
à cause de ces changements de consommation. Pourtant, le Québec
est passé à travers en maintenant 10%, parfois un peu moins de
10% de chômage.
La dévaluation du dollar y est pour quelque chose; c'est bien
évident. Le gouvernement du Québec y est aussi pour quelque chose
à cause de sa présence massive dans des programmes de
création d'emplois et j'y reviendrai tout à l'heure.
Il y a un autre facteur je le disais et c'est le
délabrement relatif des centres de main-d'oeuvre du Québec, non
pas à cause des gens qu'on y voyait de façon
générale, mais à cause du peu d'intérêt qu'y
ont porté successivement tous les ministres du Travail et de la
Main-d'Oeuvre du Québec depuis leur création, à
l'exception cependant du fondateur de ces centres de main-d'oeuvre, qui
était M. Maurice Bellemare, qui nous a maintenant quittés. Mais
dès que M. Bellemare partit, et jusqu'en 1976, il y a eu très peu
d'intérêt à l'égard des politiques de main-d'oeuvre
et des centres de main-d'oeuvre, avec le résultat que c'était une
structure qui était devenue effectivement délabrée, avec
des gens démotivés, pourtant pleins de ressources. C'était
plein de gens intelligents, plein de gens qui avaient le goût de faire
quelque chose, mais c'était aussi plein de politiciens qui, de 1967
à 1976, se sont fichés éperdument de la moitié du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Ces choses-là ont changé, Dieu merci!
Il y a un autre facteur sur la toile de fond, évidemment, c'est
l'inadéquation, les absurdités d'une société
où il y a 10% de chômeurs et où il y a des pénuries
de main-d'oeuvre dans certains secteurs. Il y a un problème fondamental
sur le plan de la main-d'oeuvre à ce moment-là. Il y a de jeunes
ingénieurs en chômage, alors qu'on sait que l'industrie
aérospatiale, nonobstant les F-18 de nos amis d'en face, est à la
recherche de personnel et prend des gens qui sont à la retraite depuis
cinq ans, dans certains cas, pour revenir au travail. Il y a une
inadéquation entre la disponibilité de main-d'oeuvre et la
disponibilité de l'emploi et pourtant, on connaît du
chômage. Il y a un problème de fond sur le plan des politiques de
main-d'oeuvre.
Il y a le vieillissement de notre population et, sur le plan
démographique, ce que cela indique comme perspectives pour la fin des
années quatre-vingt, le début des années
quatre-vingt-dix.
Il y a la réinsertion de la femme sur le marché du
travail. De plus en plus de femmes réinterviennent sur le marché
du travail.
Il y a évidemment toute la question des transferts
technologiques, sans compter les problèmes d'emploi qui sont
reliés au licenciement, que ce soit pour des fins de transfert
technologique ou des difficultés économiques.
Donc, voilà la toile de fond. Maintenant, quelques
activités. Je comprends que le député a
une grosse soirée devant lui, mais je lui demanderais
d'être patient pour encore quelques minutes.
M. Pagé: Ah! Exécutez-vous!
M. Johnson: D'abord, il s'agissait de mettre sur pied des
programmes concrets de main-d'oeuvre qui visaient à répondre
à des besoins qu'on ressentait quotidiennement au ministère et
c'est extrêmement insatisfaisant de le faire dans un contexte
évidemment où la compétence est tronquée et
où les ressources sont limitées à cause de la
compétence tronquée, compte tenu du chevauchement
fédéral-provincial, mais mettons cela à part. C'est
difficile cependant aussi parce que... Je vais vous raconter une anecdote. En
arrivant au ministère du Travail, j'ai demandé à un
fonctionnaire ce qu'était la main-d'oeuvre. Il m'a expliqué
essentiellement que c'était un contentieux entre le
fédéral et le provincial. Je trouvais que cela manquait un peu de
substance, mais je m'étais rendu compte qu'il y a une bonne partie de
l'appareil du ministère qui raisonnait en ces termes. Encore une fois,
c'est ce que nous avaient laissé nos amis d'en face.
Donc, c'est difficile d'articuler très concrètement,
compte tenu du peu de moyens que l'Etat québécois a dans ce
domaine, à la fois une vision en matière de main-d'oeuvre et,
concrètement, des actions en matière de main-d'oeuvre. Donc, on
est parti du vécu, du concret, et de certains problèmes
évidents. Le chômage des jeunes, cela saute en plein visage. On
n'est pas obligé de faire des études bien longues, on n'est pas
obligé de s'en remettre à des briques de 300 pages signées
par des universitaires respectables. C'est évident, c'est manifeste, le
problème du chômage des jeunes. (20 h 50)
Problème aussi avec les assistés sociaux: l'accroissement
du nombre d'assistés sociaux au Québec. Ce n'est pas une tare
psychologique ou génétique qu'être assisté social,
c'est un statut à l'égard d'un appareil administratif. Cela veut
dire qu'on reçoit des revenus d'appoint de l'Etat
québécois et, quand on en reçoit de l'Etat
fédéral, on s'appelle des chômeurs. Il y a un
problème de ce côté-là. Donc, on a tenté de
s'en prendre à ces "clientèles" québécoises pour
essayer de satisfaire à certains de ces problèmes, à
certains de ces besoins, je devrais dire, et évidemment, dans d'autres
cas, d'empêcher des fermetures d'usine. Là, encore une fois, il y
avait des ressources au ministère; pas de volonté, par exemple,
pour le faire, pas de volonté arrêtée de donner des
instruments et des moyens à ces services administratifs pour permettre
que soient maintenus certains emplois. Les moyens: la recherche, l'analyse.
A ce titre, je vais vous citer quelques exemples de recherches qui ont
été faites au centre de statistiques et de données du
ministère, un instrument parmi d'autres pour établir une amorce
de politique de main-d'oeuvre: des études d'évaluation ou
reliées à la connaissance du marché; création
d'emplois pour PUE; des politiques telles quelles en matière de
main-d'oeuvre; les structu- res occupationnelles dans le secteur du meuble;
l'inventaire des mesures d'emploi au gouvernement du Québec et du Canada
pour se donner des instruments intelligents; des prévisions d'emploi
1980-1981; la situation des finissants du secondaire professionnel; le bulletin
d'information régional sur la main-d'oeuvre. Ce ne sont que quelques
exemples et il y en a des dizaines. Tout cela a été mis en place
depuis trois ans, des instruments et des programmes comme les programmes d'aide
au travail, le PAT; le programme de création d'emplois ou
d'intégration des jeunes à l'emploi, le PUE, qui ont connu
je dois le dire objectivement, je pense des succès
considérables, tellement que les fédéraux essaient de les
copier.
Le programme d'aide au travail vise essentiellement une catégorie
de nos concitoyens; même si ce ne sont pas uniquement ceux-là, ce
sont ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont aux prises avec un
problème de chômage chronique, qui ne sont plus admissibles
à des prestations fédérales et qui sont au
bien-être. $11 500 000 ont été mis là-dedans dans le
dernier exercice financier et il y en aura sans doute plus cette année.
Donc, création de programme où, d'une part, on permet à un
assisté social ou à une assistée sociale de se
réintégrer au marché du travail, dans le cadre d'un emploi
qui, en général, est temporaire; ce qui n'empêche pas, dans
certains cas, qu'on réussisse à créer des emplois
permanents.
Deuxièmement, des travaux qui, eux, ont une sorte de vocation
collective, cette vocation collective étant de permettre, par exemple,
à une municipalité ou à un organisme de laisser quelque
chose à la communauté parce que, après tout, cela vient
des fonds publics, cet argent-là. Finalement, sur le plan de l'individu,
la personne impliquée dans cet emploi, lui donner le goût au
travail, lui réapprendre, dans certains cas, là où c'est
difficile, lui donner des ressources, y compris une journée par semaine
où on fait l'apprentissage de la recherche d'un emploi.
PIJE, le Programme d'intégration des jeunes à l'emploi, a
cinq volets: qualité de vie au travail, expérimental, comme c'est
le cas du partage d'emploi pour le moment qui, le jour où il
débloquera, deviendra sans doute considérable. Les stages et les
programmes d'aide aux très petites entreprises pour les fins de la
création d'emplois permanents: succès considérable encore
une fois, des milliers d'emplois créés. Au niveau des stages, un
phénomène extrêmement intéressant: un taux de
rétention de 45% à partir d'une étude sommaire, qui n'est
pas une étude validée encore, dans certaines régions. Il y
a 45% des jeunes stagiaires dont on a payé le stage dans une entreprise,
que ce soit comme sténo-dactylos, comme commis, comme manoeuvres, comme
spécialistes ou usi-neurs qui n'exigent pas une carte de qualification,
dans les métiers intermédiaires entre celui qui exige une
formation précise et celui qui s'apprend en emploi; un taux de
rétention de 45% des stagiaires dans les entreprises, c'est
extrêmement intéressant, encore une fois.
Donc, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, par ses
programmes, a participé à la création, à sa
façon, des 82 000 emplois créés au Québec l'an
dernier. Je ne prétends pas que c'est nous qui les avons tous
créés, mais on y a cependant participé. C'est
intéressant, d'ailleurs, de voir qu'alors que le Conference Board du
Canada prévoyait 42 000 emplois pour l'année qui vient, c'est
déjà atteint après quatre mois. On est rendu plus loin que
ce qu'il prévoyait pour toute l'année. Cela va mal au
Québec, paraît-il.
Création, également, d'un service de protection de
l'emploi à l'intérieur de la section main-d'oeuvre; concertation
régionale des agents du ministère de l'Industrie et du Commerce,
des agents du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, dans certains
cas, des intervenants socio-économiques dans les régions.
Résultat strictement préliminaire: 1500 emplois sauvés au
Québec grâce à l'intervention de ces comités. On a
fait un petit calcul budgétaire: cela a coûté $30 par
emploi. C'est assez extraordinaire, ça ne coûte presque rien pour
faire ces comités dans la mesure où il y a des ressources dans
une région et où il y a une volonté de le faire. On a
sauvé 1500 emplois grâce à cela. Evidemment, ce n'est pas
de la création en chiffres absolus, mais on a empêché des
fermetures par l'intervention des agents du milieu, par le syndicat qui est
présent, qui y participe, par les travailleurs, par l'entreprise, par
une expertise qu'on peut apporter de l'extérieur et par une concertation
entre le MIC et le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Donc, de façon générale et je terminerai
là-dessus pour les questions qui touchent à la main-d'oeuvre
on peut dire que les politiques de main-d'oeuvre au Québec,
encore une fois malgré la situation un peu tronquée dans laquelle
doit évoluer ce secteur, auront pris un souffle remarquable parce que
l'avenir pour le Québec est là. Il faut bien se rendre compte
que, dans les années quatre-vingt, les problèmes de notre
société vont être largement reliés aux politiques de
main-d'oeuvre. Il faut commencer à préparer ce terrain, il faut
se donner des instruments pour le faire. C'est ce qu'on a fait depuis trois
ans; on ne prétend pas être parvenu à un succès
mirobolant, mais extraordinaire compte tenu des ressources que le Québec
a, compte tenu du champ qu'il peut occuper, compte tenu de ce qu'il avait
à rebâtir, à part cela, comme crédibilité des
centres de main-d'oeuvre, les sortir de leur état de
misérabilisme pour en faire des installations respectables et solides et
qui donnent des services aux citoyens, aux entreprises et qui sont là
pour l'ensemble de la population.
C'est aussi un laboratoire de concertation extraordinaire que la
main-d'oeuvre. Probablement qu'un des endroits au Québec où les
agents principaux dans notre société peuvent s'entendre, y
compris les partis politiques et, si je ne me trompe pas, y compris le Parti
libéral, c'est dans cette nécessité de définir une
politique québécoise de main-d'oeuvre. L'ensemble des centrales
syndicales s'entend sur la nécessité de le faire et que ce soit
fait au Québec. L'ensemble des organismes patronaux, la Chambre de
commerce et le Conseil du patronat je pense que c'est une des seules
choses sur lesquelles le Conseil du patronat est d'accord avec celui qui vous
parle, le gouvernement de celui qui vous parle est d'accord sur la
nécessité de définir une politique
québécoise de main-d'oeuvre, et que cela devrait être de
juridiction québécoise.
Je pense, si je ne me trompe pas, à moins que le Parti
libéral n'ait changé d'idée depuis le livre beige, ce qui
ne serait pas étonnant, que le Parti libéral a déjà
été un tenant de la nécessité de définir une
politique québécoise de la main-d'oeuvre sur le territoire
québécois, exclusivement par des Québécois. Ce qui
ne veut pas dire qu'on ne participera pas dans ce qu'on peut avoir
d'intérêts communs avec les autres provinces. Donc, la
main-d'oeuvre, un souffle, c'est là l'avenir. Il faut continuer de
mettre des ressources, c'est ce que le gouvernement va faire. Il faut
répondre à des besoins plus près de la
société québécoise que ne peuvent le faire d'autres
institutions comme celle du gouvernement central, répondre à des
besoins plus criants à l'intérieur du gouvernement même: le
problème des assistés sociaux et le problème de la
réinsertion d'une partie de notre population active qu'on est en train
d'envoyer sur le grand stationnement, celui du ne-rien-faire, et c'est un
problème devant lequel il faut sévir. Sans compter tous les
autres problèmes d'adéquation entre la formation, les exigences
du marché du travail, tant sur le plan qualitatif que sur le plan
quantitatif, la mobilité interrégionale, évidemment, les
grands problèmes de perspectives pour la fin des années
quatre-vingt pour lesquelles il faut commencer à penser maintenant. Le
vieillissement de la population et les problèmes de remplacement
technologique.
Les relations de travail, j'irai peut-être un peu plus
brièvement sur ce secteur, ce qui ne m'empêchera pas cependant, en
cours d'étude, programme par programme, d'y revenir plus longuement.
Description rapide, c'est quoi cela? Les relations de travail, au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, ses conciliations,
arbitrage, décrets, Tribunal du travail, évidemment, Commissariat
du travail, médiation préventive. Voilà essentiellement
les services qu'on retrouve dans la direction générale ou sous le
sous-ministre adjoint aux relations de travail. Il y a eu changement de
personnel depuis la dernière fois que nous avons discuté des
crédits: nouveau directeur du service de conciliation, création
du service de médiation préventive avec un coordonnateur, nouveau
commissaire général du travail depuis la dernière fois
qu'on s'est vu, création du service d'arbitrage
accéléré depuis qu'on s'est vu la dernière fois.
(21 heures)
Donc, encore une fois, beaucoup d'activités de ce
côté. La toile de fond, évidemment: les secteurs public et
parapublic. On a tous vu passer cela comme un train à travers le
parlement. On en a parlé beaucoup. Les media en ont parlé. C'est
bien normal. Des grèves, perlées, entières, partiel-
les, temporaires, générales, illimitées,
limitées, toutes les variantes y étaient. L'ensemble des secteurs
a été touché plus ou moins fortement. Bilan total, moins
pire, Dieu merci, que 1972 et 1976, sur le plan statistique, dans la mesure
où nous sommes en ce moment équipés pour le faire, parce
que ce n'est pas terminé les compilations statistiques; il y a encore
des rondes de négociations locales.
Essentiellement, on retrouve une situation qui est moins apeurante que
les catastrophes de 1972 et 1976 et surtout, même si ça n'a
malheureusement pas marché, comme on aurait pu souhaiter que ça
se fasse, une atmosphère discrète. Cela, on l'a tous senti; on
l'a tous senti comme individu, comme citoyen, comme député
à l'Assemblée nationale aussi: pas de violence, pas de monde en
prison, de citoyens perturbés, dérangés, c'est vrai,
privés des services auxquels ils ont droit et qui sont perturbés.
Encore une fois faut-il mettre chacun de ces problèmes en perspective?
Il y a des problèmes chroniques, que ce soit à la Commission des
accidents du travail ou dans n'importe quel service qui fait affaires
directement avec les citoyens. La grève, dans certains cas, les a
perturbés ou a mis en évidence qu'il y avait des problèmes
chroniques; dans d'autres ç'a été un problème aigu:
les hôpitaux, l'éducation, mais, fondamentalement, pas
l'atmosphère d'affrontement, de crise, de déchirement que j'ai
connue, moi, en 1976, en tout cas dans les hôpitaux, pour y avoir
vécu, y avoir fait une partie de mon métier et y avoir
passé une partie de ma vie. Pas cette atmosphère
déchirante de haïne incroyable, de déchaînement, mais
encore, malheureusement, le recours à un instrument qui a des effets
collectifs et qui, en ce sens, je pense, exige une réflexion.
Tout ça, dans un contexte, encore une fois, qui est celui de la
tentation du conservatisme, fort bien incarné par les gens d'en face, un
parti dit libéral et qui s'appellera peut-être le parti
conservateur-libéral. Après tout, on a connu des
progressistes-conservateurs, on pourrait peut-être connaître des
libéraux-conservateurs. La tentation du conservatisme, malheureusement
confondue, dans certains esprits et cela devient inquiétant quand
c'est chez ceux qui aspirent aux plus hauts postes dans cette
société avec la tentation de l'autorité. Le
conservatisme et l'autorité sont des choses bien différentes,
mais il semble que cette confusion soit joyeusement alimentée par nos
amis d'en face.
On n'a qu'à regarder autour de nous, en Occident, en Angleterre
et même dans certains endroits plus près de nous, aux Etats-Unis,
en Californie, la proposition 13, la tendance, le virage à droite qu'on
voit venir en "Occident" entre guillemets c'est une toile de fond
qui existe. Elle existe au Québec comme elle existe ailleurs dans les
pays libres.
Il faut faire attention, il faut être prudent par exemple, il faut
réfléchir, il ne faut pas donner là-dedans
démagogiquement. Il faut asseoir les actions qu'il y aura à
entreprendre dans notre société sur une réflexion, pas sur
un réflexe, et cette réflexion, elle reste à faire.
Les perspectives pour moi, ce sont les perspectives qui reconnaissent la
notion si centrale de la liberté dans notre société, tant
celle d'association, de capacité pour des travailleurs de se regrouper
dans un syndicat, de revendiquer, d'essayer d'améliorer leurs conditions
de travail, en même temps que la liberté des individus à
l'égard de l'Etat, comme à l'égard, dans certains cas
de certaines structures syndicales qui parfois abusent. Il y a quelques
exemples qui sont connus; d'ailleurs, les tribunaux en ont été
saisis. Grâce à une loi que nous avons fait adopter par ce
Parlement il y a deux ans et demi, ces tribunaux ont été saisis
d'exemples de discrimination d'une structure syndicale à l'égard
des travailleurs, mais ils commencent, et on a trouvé un instrument pour
protéger, dans certains cas, là où c'est
nécessaire, le travailleur contre les abus d'une structure qui, parfois,
a sa propre tentation de la puissance.
Donc, principe fondamental pour la perspective à venir: la
liberté, celle de collectiviser ses droits, de collectiviser ses
revendications, de traduire, en termes d'un regroupement et de la force que
cela représente dans une société libre, ses aspirations,
ses besoins, sa volonté, mais également la liberté des
individus, la liberté de la personne humaine, de la femme ou de l'homme
travailleur ou travailleuse.
Civilité également du rapport de force, essentielle dans
notre réflexion, essentielle dans les perspectives pour notre
société; civilité du rapport de force. Déjà,
encore une fois et le bilan est là pour le démontrer
il y a peu de violence au Québec, Dieu merci, depuis trois ans.
Je ne prétends pas que ce soit uniquement à cause des lois, mais
cela a aidé, par exemple. Les conflits ont duré moins longtemps
de façon générale, comme si en même temps qu'une
prise de conscience de la nécessité de l'harmonie pour augmenter
la productivité de notre société, il y avait
également l'intervention très concrète de mesures
législatives qui ont permis d'atténuer des problèmes.
Par exemple, je me souviens des sermons, des cris de mort qu'on
entendait en face de nous quand le gouvernement du Québec a dit: II y
aura le précompte syndical obligatoire, ce qu'on a appelé la
formule Rand, à tort, mais enfin, ce que communément on appelle
la formule Rand, le précompte syndical obligatoire. Je trouve cela
intéressant. Le ministre du Travail de l'Ontario vient de déposer
à l'Assemblée législative de Queen's Park un projet de loi
qui copie la loi adoptée par ce Parlement il y a deux ans et demi en
matière de précompte syndical obligatoire. Savez-vous pourquoi?
Parce qu'ils ont fait une étude et ils se sont rendu compte qu'il y
avait des grèves en Ontario qui a d'ailleurs conservé, il
y a un an et demi maintenant, le championnat des grèves; c'est
d'ailleurs une chose qu'on a réussie comparé à nos amis;
pour une des trois années où nous sommes là, nous avons
réussi à remettre à l'Ontario son championnat des
grèves, ce que vous n'avez jamais réussi à faire de 1970
à 1976 qui sont des grèves de reconnaissance
syndicale.
Entre autres, certaines de ces grèves, comme celle de la United
Aircraft, on s'en souvient, ç'en
était un symbole, sont reliées à la question du
précompte syndical obligatoire, et l'Ontario va légiférer
exactement deux ans et demi après le Québec dans le sens
où le Québec a légiféré. Maintenant que ce
sont les Ontariens qui le font, je suppose que ce doit être bon. Le
Québec est en avance là-dessus comme dans d'autres choses,
d'ailleurs.
Finalement, dans la perspective nécessitée d'une
réflexion partagée dans l'ensemble de notre
société, y compris par les structures syndicales et certaines des
structures patronales je remarque qu'il n'y a personne, du
côté patronal dans les hôpitaux, qui a carrément
demandé l'abolition du droit de grève dans les hôpitaux,
c'est assez surprenant je présume qu'il doit y avoir une
réflexion qui se fait tant du côté syndical que patronal du
problème que pose l'effet, sur les tiers, de l'exercice de ce rapport de
force dans les secteurs public et parapublic. Je pense qu'il faudra que se
fasse cette réflexion au Québec, il faudra la faire sans doute
quelque part à l'automne, il faudra qu'interviennent
systématiquement tous les agents qui sont intéressés. Ce
n'est pas par des diktats autoritaires qu'on va régler les
problèmes de notre société, c'est en essayant de fabriquer
un minimum de bon sens, si ce n'est pas du consensus.
A travers tout cela, les activités du côté des
décrets, déblayage, élagage, nomination d'un nouveau
directeur, M. Morrissette, responsable des décrets, tutelle dans le
secteur de certains décrets, modernisation de cet instrument et, je
pense, de plus en plus un instrument qui pourrait être efficace quant
à ceux qui existent, création de l'arbitrage
accéléré, je l'ai mentionné, consolidation de
certains articles du Code du travail. 81-A, c'est l'arbitrage de la
première convention collective; plusieurs conflits réglés
grâce à ces dispositions. Egalement, dépôt de
différentes conventions collectives à partir de 81-A. 97-D, les
dispositions antibriseurs de grève. Le premier jugement intervenu en
cette matière par le Tribunal du travail a condamné la compagnie
Shell Company of Canada à $40 000 il y a deux semaines. J'espère
qu'il y en aura d'autres, surtout à l'égard de ceux-là; on
a vu ce qu'ils ont fait dans l'Est de Montréal.
Conciliation volontaire, succès intéressant.
Médiation préventive, deux douzaines d'expériences en
cours depuis un an. Déjà, certaines expériences ont
donné leurs fruits et on a conclu, à toutes fins pratiques, on a
réussi à harmoniser les relations de travail à quelques
endroits particulièrement difficiles dans le passé, et on
espère que les prochaines conventions négociées se feront
dans un climat de collaboration.
Finalement, point fondamental dans l'attitude qu'on a adoptée
depuis trois ans dans ce secteur, pas de politisation des conflits. Le
sous-ministre adjoint au centre de recherche est beaucoup plus présent
dans certains dossiers de conciliation que ne l'est le ministre du Travail. Je
m'explique là-dessus. C'est beaucoup plus important de savoir quel est
le problème de la clause d'ancienneté telle qu'applicable dans le
cadre d'un changement technologique dans l'industrie de l'aluminerie, par
exemple, que de savoir si le député Untel ou le ministre Untel
est intervenu dans le dossier. C'est bien plus important que ce soient les
parties qui règlent cela à la table et c'est bien plus important,
plutôt qu'avoir l'intervention des politiciens dans ces dossiers, d'avoir
une expertise de recherche concrète qui peut aider les parties à
savoir de quoi elles parlent, à savoir à quoi elles se
réfèrent et à savoir ce qu'elles font dans certains cas
pour les aider. Donc, dépolitisation des conflits de travail, c'est
réglé au Québec. On me parlera de la CECM tout à
l'heure, je répondrai. Je répondrai, j'ai des choses à
dire là-dessus, j'ai un petit rapport à faire lire aux gens d'en
face.
En somme je termine là-dessus, M. le Président
la perspective, c'est celle d'une jonction des relations de travail et
de la main-d'oeuvre en termes de préoccupation dans la mesure où
les années quatre-vingt vont nous amener des problèmes importants
qui vont affecter les citoyens dans leur vie. La seule façon d'envisager
les solutions à ces problèmes, encore une fois, qui sont
largement des problèmes de main-d'oeuvre et pas seulement de relations
de travail, ce sera par la voie de la concertation, pas par la voie des
décisions autoritaires, pas par la voie des diktats, pas par la voie des
solutions magiques ou faciles. La seule vraie solution "magique" entre
guillemets, c'est celle de la concertation d'une société moderne
et où chacun prend sa responsabilité.
Est-ce qu'on va laisser seulement les politiciens décider? Est-ce
qu'on va faire en sorte que les politiciens décident aussi seulement
à partir de ce que pense le secrétaire adjoint du Conseil du
patronat et la vision qu'il représente de notre société?
Ou, si on ne pense pas qu'une société, c'est un peu plus large
que juste le Conseil du patronat? Une société comprend des
individus, ça comprend des travailleurs syndiqués, ça
comprend des travailleurs non syndiqués dont il faudra également
s'occuper, comme on l'a fait avec la loi 126 qui est entrée en vigueur
il y a quelques semaines et qui, dans la pratique, va permettre à des
travailleurs un peu plus de bonheur, un peu plus de raisons peut-être de
comprendre pourquoi il faut être "productif" entre
guillemets parce qu'il faut être motivé pour être
productif.
Les solutions à ces problèmes, dans notre
société, à l'égard des travailleurs
syndiqués comme non syndiqués, passent par la concertation et,
très concrètement, ces choses sont amorcées. Oh! sans
fatras, sans grande conférence de presse. Le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre où siège des représentants
patronaux et syndicaux est saisi en ce moment, en particulier, de deux dossiers
extrêmement importants et, déjà, il travaille très
laborieusement sur deux recherches dont j'avais évoqué la
préparation l'an dernier lors de l'étude des crédits,
c'est-à-dire le multipatronal, le problème de l'accès
à la syndica-lisation, à travers le multipatronal comme
problématique et, deuxièmement, la question des injonctions et la
question de l'utilisation des injonctions dans les relations de travail.
Et c'est là que ça doit se faire, pas dans des
déclarations tonitruantes qui confondent, encore une fois, conservatisme
et autoritarisme. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf. (21 h 15)
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'ai écouté attentivement la déclaration
du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et député d'Anjou.
Je me demande ce qui a pu le motiver à nous donner un spectacle assez
particulier ce soir, son spectacle sur la politique de main-d'oeuvre, son
spectacle sur le déshabillage du régime fédéral ou
les roches à lancer au gouvernement fédéral. On peut
présumer dans quelle conjoncture et de quels motifs tout cela s'inspire.
Peut-être, M. le Président, que la meilleure façon de
camoufler, de cacher ou d'amener l'opinion de celui qui entend ou de celui qui
lira le journal des Débats ailleurs que sur les problèmes
particuliers qui occupent son ministère, certains degrés
d'inertie de la part du ministre à l'enclenchement de processus ou de
volonté des gens de son ministère, la meilleure façon de
camoufler tout cela, c'est peut-être de se lancer, comme il l'a fait ce
soir, dans une grande et longue diatribe à l'égard de la
politique de main-d'oeuvre. Mais, même si elle était
teintée de beaucoup de partisa-nerie, même si elle semblait
vouloir dire que le monde avait commencé à tourner au
ministère du Travail lorsque Pierre-Marc Johnson est arrivé,
parce que c'est essentiellement ce que cela avait l'air de vouloir dire...
M. Johnson: Et le gouvernement du Parti
québécois...
M. Pagé: Rien ne s'est fait avant 1977. Ceux qui m'ont
précédé ont laissé pourrir différentes
situations; ceux qui m'ont précédé n'ont rien fait qui
vaille dans le domaine de la main-d'oeuvre; ceux qui m'ont
précédé n'ont pas apporté de contribution utile au
développement des politiques du ministère. M. le
Président, ce sont des coups d'encensoir individuels qui devraient faire
rougir le ministre, mais vous savez qu'il manque tellement de modestie qu'il ne
peut pas en rougir. Il ne peut pas en rougir et il en faudra beaucoup plus
à son égard de pétage de bretelles de la nature de celui
qu'il a démontré ce soir.
Mais, quand même, il y aura certaines choses qui sont
peut-être un peu vraies et je suis bien heureux qu'il ait touché
à la politique de main-d'oeuvre en particulier parce que j'avais
l'intention d'en parler et on aura l'occasion d'en parler pendant les dix ou
quinze heures qu'on a à notre disposition pour débattre de ces
différents sujets.
M. le Président, vous me permettrez autant de temps je
l'espère bien que le ministre en a pris pour sa
déclaration d'ouverture. Je vais la faire et, par la suite, on pourra
échanger générale- ment avant d'en arriver à
l'étude du budget, $120 869 200 qu'on nous demande d'adopter pour les
opérations et les activités de son ministère ce soir.
M. le Président, vous vous rappellerez que le gouvernement actuel
s'est fait élire en 1976 en promettant d'être un bon et un vrai
gouvernement. Son option fondamentale, disait-il, est laissée en
veilleuse et on demandait à l'époque à la population
d'élire l'équipe du Parti québécois et de la juger
sur ses réalisations. Sous le couvert de programmes annoncés
à grands renforts de publicité, le gouvernement actuel a
projeté ou a voulu projeter une image d'une administration qui veillait
au grain. Son programme annonçait, dès 1976, des thèmes
qu'il n'a pu réaliser ou s'il les a réalisés, ce n'est que
partiellement. Plus encore, le gouvernement sanctionne des lois,
particulièrement le ministère du Travail, mais reporte leur
application à des dates futures et, parfois, il faudra un an avant
qu'une loi soit en application. C'est une technique habile sur le plan de la
politicail-lerie, mais sujette à caution morale.
Soulignons simplement, M. le Président, en partant, les grandes
lignes inscrites au programme du Parti québécois en 1976. On
favorisait à l'époque la liberté d'association. On
s'engageait à promouvoir la liberté d'association et prôner
des mesures qui généraliseront au Québec un syndicalisme
dynamique et démocratique. On s'engageait à permettre
l'accréditation sectorielle selon des modalités
particulières. On s'engageait à rendre obligatoire l'application
de la formule Rand, de favoriser le syndicalisme de cadre on se
rappellera qu'il en avait été largement question dans la campagne
électorale de 1976 l'imposition de sanctions
sévères en cas d'intimidation, de violence physique ou de mesures
discriminatoires.
On s'engageait à reconnaître officiellement comme agent
négociateur l'organisme syndical qui répond aux exigences
suivantes: l'autorité suprême pour eux était
l'assemblée générale des membres, elle devait être
constituée par les travailleurs ou les syndicats
québécois. On s'engageait au respect de la démocratie
syndicale et on voulait favoriser ou tenter d'accorder dès
l'accréditation certains droits aux travailleurs. On s'engageait
à encourager et à provoquer la négociation sectorielle par
la participation tripartite du syndicat, du patronat et du gouvernement. On
s'engageait à favoriser, en droit et en fait, le développement
des formes démocratiques de gestion de manière que les
travailleurs exercent une juridiction partielle ou complète sur la
marche de leur entreprise. Le député de Sainte-Marie ne devait
pas être étranger à cela. On s'engageait à assurer
qu'une grève légale entraîne un arrêt de la
production de l'unité concernée par la négociation.
Beaucoup de promesses, de beaux atours, une belle image, mais la
façade s'écroule avec la structure, M. le Président. Le
Parti québécois s'est fixé des objectifs sans savoir quels
sont les moyens de les réaliser et, s'il applique des moyens, il appert
qu'ils sont soit inadéquats, trompeurs ou encore inappropriés. Le
test à appliquer,
quant à l'ordre des objectifs, c'est le réalisme. Le test
à appliquer, quant à l'ordre des moyens, c'est leur
efficacité et leur praticabilité. Nous voyons que, pour la
plupart des points cités, le gouvernement ne passe pas le test.
En 1977, aucune loi relative aux relations de travail, sauf quelques
mesures touchant le domaine social. En 1978, des projets de loi: la Loi
modifiant la Loi des électriciens et installations électriques et
la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction,
la Loi modifiant la Loi des mécaniciens de machines fixes, la Loi
modifiant la Loi des mécaniciens en tuyauterie, la Loi sur la fête
nationale, où on a coupé la tête de saint Jean-Baptiste
pour la deuxième fois, la Loi modifiant le Code du travail, la Loi
modifiant la Loi des accidents du travail et d'autres dispositions
législatives. En 1979, le projet de loi no 62, Loi sur les propositions
aux salariés des secteurs de l'éducation, des affaires sociales
et de la fonction publique, la Loi no 88 assurant le maintien des services
d'électricité et prévoyant les conditions de travail des
salariés d'Hydro-Québec deux lois d'urgence, soit dit en
passant la Loi no 1 sur le supplément au revenu de travail, la Loi
no 17 sur la santé et la sécurité du travail, la Loi no 61
sur les appareils sous pression et d'autres dispositions législatives,
la Loi no 110 sur les normes du travail et la Loi sur la formation et la
qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, la Loi assurant la reprise
de certains services de la Ville de Montréal et de la Communauté
urbaine de Montréal, une autre loi spéciale et une loi d'urgence,
la Loi modifiant de nouveau la Loi sur la qualification professionnelle des
entrepreneurs de construction et d'autres dispositions législatives et
la loi no 126, sanctionnée peut-être en 1979, mais
promulguée un an plus tard.
Nous ne pouvons juger le gouvernement actuel sur la performance de
l'année 1976; il a été élu... Cela me rappelle un
vieux vocable grec. Vous rappelez-vous d'"asinus asinum fricat?"
M. Johnson: Fricat.
M. Pagé: L'âne louange l'âne. Continuez
à applaudir, messieurs.
M. Chevrette: Non, c'est parce qu'on ne pensait pas qu'on en
avait tant que cela.
M. Pagé: Nous ne pouvons juger le gouvernement actuel sur
la performance de l'année 1976; il a été élu
à la fin de l'année. La session de 1977 constitue normalement
l'aboutissement du programme d'un parti qui fut près de huit ans dans
l'Opposition. Or, qu'en est-il des résultats? 1978 constitue une
année assez peu élaborée sur le menu législatif. On
a eu la Loi modifiant la Loi des accidents du travail et la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose dans les mines et les
carrières et modifiant de nouveau la Loi de la Commission des affaires
sociales, la Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre et, enfin, la Loi modifiant la Loi sur la mise
en tutelle de International Union of Elevator Constructors, local 89 et local
101, et la Loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers.
En somme, M. le Président, ce furent quelques mesures qui
témoignaient des engagements pris par le gouvernement dans son programme
d'action proposé à la population en 1976 et qui y
répondaient. Mais plusieurs de ces mesures, à l'égard
desquelles des hommes politiques se sont présentés sous la
bannière du Parti québécois, n'ont pas été
respectées, dans le sens qu'elles n'ont pas été traduites
par des lois ici à l'Assemblée nationale.
On se rappellera aussi, évidemment, M. le Président, tout
l'engagement non seulement moral, mais l'engagement ferme que le gouvernement a
pris par la voie des hommes qui se sont présentés sous sa
bannière en 1976 à l'égard des relations de travail. On a
décrié pendant plusieurs années ce qui se passait au
Québec. Je me rappelle, pour avoir siégé de 1973 à
1976, avoir entendu la voix des ténors du Parti québécois,
particulièrement la voix de celui qui était député
de Maisonneuve à l'époque, qui demandaient
régulièrement et constamment au gouvernement du Québec de
l'époque de prendre les responsabilités qui lui incombaient au
chapitre des relations de travail. Il était inadmissible, selon ces
gens, que la situation puisse continuer. On se rappellera les engagements du
premier ministre, le chef du gouvernement d'aujourd'hui, lui-même en
campagne électorale de 1976, à l'égard des grèves,
des jours-hommes perdus, notamment dans les secteurs public et parapublic. On
se rappellera que ce sont ces gens-là qui disaient: Vous savez, votez
pour nous; nous avons suffisamment de préjugés; notre relation
est suffisamment bonne avec le travailleur québécois,
particulièrement le travailleur syndiqué et plus
particulièrement le travailleur de certaines centrales, qu'il pourra y
avoir une relation qui sera entretenue sous l'égide de la
cordialité entre ces gens-là et nous-mêmes. Elisez-nous,
cela ira bien.
Il faudrait analyser la situation au cours de la seule année 1979
et comparer les chiffres avec ceux de 1976. Quand le ministre vient nous dire,
ce soir, que le centre de recherche en statistiques du ministère du
Travail a fait des études là-dessus, que lui-même n'est pas
en mesure, ce soir, de déposer des documents ou de les distribuer
à l'égard du travail... Entre parenthèses, M. le
Président, je tiens à vous dire que les gens du centre de
recherche en statistiques du ministère du Travail font du bon boulot. Je
tiens à vous dire que c'est un service qui a été mis sur
pied il y a un an et demi environ et le gouvernement était tout à
fait justifié de le mettre sur pied. C'est d'ailleurs de ce service que
j'ai obtenu certaines compilations à l'égard de rapports que le
ministre semble ignorer.
Le service de recherche du ministère...
M. Johnson: Si vous me permettez, M. le Président...
M. Pagé: Je n'ai pas interrompu le ministre.
M. Johnson: Je sais. M. le Président, qu'il n'y a pas de
question de privilège, mais, avant que soit inscrite une
fausseté, je n'ai jamais prétendu que le centre n'était
pas en mesure de compiler ce qui existait, j'ai dit simplement...
M. Pagé: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ce soir.
M. Johnson: ... qu'il n'avait pas fini les négociations
dans les secteurs public et parapublic et qu'effectivement, la compilation
totale n'était pas terminée. Je voulais juste que ce soit bien
clair.
Le Président (M. Laberge): Voilà. Continuez, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président, vous allez veiller
à ce que je ne sois plus interrompu ainsi. Voilà.
M. Johnson: ...
M. Pagé: C'est votre rôle, c'est votre
responsabilité, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Portneuf, j'ai pris note de certains articles du règlement qui peuvent
défendre votre droit de parole.
M. Pagé: Qui peuvent défendre mon droit de parole,
d'accord.
M. le Président, dans ce document, le service de recherche du
ministère a dénombré 358 conflits de travail touchant 184
688 salariés, totalisant 3 290 517 jours-homme perdus pour
l'année 1979; 3 290 517 jours-homme perdus et ce, pour les conflits de
compétence provinciale, c'est-à-dire fonction publique,
éducation, santé, péripublic, secteur primaire, industrie
manufacturière, construction, transport, commerce, finance,
socio-culturel, municipalités, etc., secteur privé et secteurs
qu'on qualifie de public et parapublic.
En moyenne, chaque salarié...
M. Johnson: 6 000 000 en 1976.
M. Pagé: ... qui a fait la grève a perdu 17,81
jours de travail tandis qu'en 1976, il y en a eu 16,83 en moyenne pour celui
qui a fait la grève.
M. le Président, vous me permettrez de distribuer, si possible,
un tableau indiquant... On peut distribuer le tableau, mais je vous
demanderais, M. le Président, non seulement de le distribuer, mais qu'il
soit inscrit textuellement au journal des Débats; en vertu de notre
règlement, M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir que
cela est possible. C'est le premier et le dernier tableau que je vous
demanderai d'inscrire au journal des Débats. Ce tableau est assez
révélateur. Conflits de travail au Québec, tableau 1,
Front commun, etc.
M. Johnson: Est-ce que vous pourriez me donner votre source, par
exemple?
M. Pagé: La source de cette rubrique... Vous avez la
même chose, de toute façon.
M. Johnson: Non, je ne suis pas sûr, il faudrait que je
sache lesquels vous avez.
M. Pagé: Centre de recherche...
M. Johnson: Je comprends que vous avez vos entrées et
votre photocopieuse au ministère, on sait cela, mais...
M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président, j'invoque le
règlement. Je ne tolérerai pas que le ministre du Travail fasse
quelque accusation que ce soit. S'il veut le faire, qu'il le fasse bona fide,
en bonne et due forme. M. le Président, celui-ci semble prétendre
que j'aurais des entrées particulières au ministère.
M. Johnson: Vous l'avez dit tout à l'heure.
M. Pagé: Cela a été distribué, tout
simplement, à la suite d'une requête qui a été
formulée.
M. Johnson: Non, mais vous l'avez dit tout à l'heure.
M. Pagé: Oui, mais si vous ne l'avez pas, ce n'est pas mon
problème; si moi, je l'ai, c'est votre problème. Mais je ne vous
permettrai pas, parce que c'est votre problème, de lancer des
accusations en l'air.
M. Johnson: Ce n'est pas un problème, nous, on n'a rien
à cacher.
M. Pagé: La photocopieuse de votre ministère, je
n'en ai pas besoin.
Le Président (M. Laberge): Continuez, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Cela vient, M. le Président...
M. Johnson: Quels tableaux, s'il vous plaît?
M. Pagé: Pour la gouverne du ministre, ce tableau vient du
centre de documentation et de statistiques de son ministère.
M. Johnson: Je vais juste vous dire s'il est bon.
Le Président (M. Laberge): Justement, sur les tableaux,
avant que vous me demandiez d'aller plus loin, si vous me le demandez
formellement, j'aurais une déclaration à faire
là-dessus.
M. Pagé: Pardon?
Le Président (M. Laberge): Avant que vous me demandiez
d'aller plus loin sur la question des
tableaux, j'aurais une déclaration à faire, elle est tout
prête.
M. Pagé: M. le Président, exécutez-vous.
Le Président (M. Laberge): On dit qu'en commission
parlementaire, il n'y a pas de dépôt de document,
formellement...
M. Pagé: Je ne l'ai pas déposé, je l'ai
distribué.
Le Président (M. Laberge): ... sauf que la coutume veut
que le ministre ou un membre de la commission porte certains documents à
la connaissance des membres. Il peut les faire distribuer et même la
présidence de la commission accepte de les faire reproduire sur place
pour l'usage et la connaissance des membres de la commission. L'usage a
étendu cette pratique du moins, il y a des
précédents pour des documents qui ont été
présentés à des commissions par des membres de commissions
autres que le ministre.
Quant à la reproduction au journal des Débats de ces
documents, cela s'est fait plusieurs fois à la demande des gens ou des
groupes comparaissant devant les commissions parlementaires tenant des
audiences publiques. Si je vous rappelle l'usage qui en a été
fait lors de l'étude de la loi 101 et d'autres lois, il y a des
précédents là-dessus.
Cependant, il a été souligné aux présidents
de commissions parlementaires d'accepter et d'ordonner la reproduction au
journal des Débats de documents portés à la connaissance
des membres avec prudence et circonspection, pour toutes sortes de raisons
qu'il ne sera pas nécessaire ni utile de rappeler ici. (21 h 30)
Comme cette commission doit normalement continuer ses travaux demain,
sur un ordre du leader, après la période des questions en
Chambre, j'accepte de faire reproduire pour l'usage des membres de cette
commission les documents et tableaux que vous présenterez à la
présidence. Quant à l'ordre de les faire reproduire en annexe au
journal des Débats, je remets ma décision à demain.
M. Johnson: M. le Président, sur une question de
règlement...
M. Pagé: II n'y a pas de question de règlement.
M. Johnson: Sur la question de règlement que le
président a soulevée, je demanderai au député de
Portneuf, si vous me le permettez, même s'il n'est pas question de mettre
cela dans le journal des Débats, mais, quand je vois les tableaux qu'il
nous a présentés, cela me tenterait... Je ne sais pas d'où
il vient, son tableau je veux bien croire qu'il me dit que cela vient de
mon ministère mais il y a des chiffres là-dedans qui ne
concordent absolument pas avec ceux qu'on a, nous autres, au niveau des
statistiques officielles et c'est ce que le sous-ministre adjoint nous dit.
Entre autres, au chapitre de l'éducation, deuxième ligne...
M. Chevrette: Question de règlement, M. le
Président.
M. Johnson: ... dernière colonne, 1 538 829, cela n'existe
pas dans les statistiques du ministère. Le chiffre du ministère,
c'est pour 1979, 27 724. S'il inclut là-dedans, cependant, ce qui est
survenu en 1980, ce n'est plus à ce moment un tableau du
ministère.
M. Pagé: Pour la période des
négociations.
M. Johnson: A ce moment, on va comparer des bananes avec des
bananes.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre. M. Johnson:
Et vous en avez une pelure.
Le Président (M. Laberge): Ce tableau peut être
reproduit pour l'information des membres et pourra être discuté
par la suite. C'est la seule copie que j'ai, j'aimerais qu'on me remette la
copie.
M. Chevrette: On peut vous en donner une M. le Président,
pour autant qu'elle reviendra.
Le Président (M. Laberge): Elle va revenir. Oui. Je la
fais reproduire.
M. Chevrette: C'est parce que le IBM libéral va plus vite
que le ministère.
M. Johnson: II est en train d'induire les membres de la
commission en erreur, il y a quand même des limites!
Une Voix: Vous devriez le blâmer.
Le Président (M. Laberge): A l'ordre. La question est
celle-ci: le député a le droit de produire des documents qui sont
à sa connaissance et qu'il veut porter à la connaissance de la
commission. Je les fais reproduire. Ils seront portés à la
connaissance des membres. Quant à la décision, mon Dieu, on verra
demain s'ils seront reproduits au journal des Débats.
M. Johnson: M. le Président, sur une question de
règlement. Est-ce que le règlement, M. le Président,
m'autorise à demander au représentant de l'Opposition quelle est
la source de ce tableau qui est faux à sa face même dans le cas
des données de 1979 à moins qu'elles n'incluent autre chose?
Le Président (M. Laberge): C'est-à-dire que si vous
voulez...
M. Johnson: Est-ce que je pourrais demander au
député de Portneuf sa source?
M. Pagé: M. le Président, je vais expliquer mon
tableau.
M. Johnson: Puisqu'il dit que ce n'est pas une source
privilégiée au ministère et qu'il dit qu'il s'est
adressé au ministère, est-ce que je pourrais savoir de quel
service au ministère il a obtenu un tableau qui est faux?
M. Pagé: M. le Président...
M. Johnson: II n'existe pas au ministère. C'est une
compilation peut-être de différents tableaux.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Pagé: Le ministre soutient que le tableau est faux, M.
le Président, et votre décision n'est même pas rendue
à l'égard du tableau. Vous m'avez permis de le commenter, vous
m'avez permis de le distribuer et vous m'avez signalé que demain vous
décideriez si le tableau serait inscrit comme tel au journal des
Débats.
Le Président (M. Laberge): C'est ce que j'ai dit et ce que
je garde comme décision. Le tableau peut être reproduit. Votre
original est ici.
M. Pagé: M. le Président, je vous demanderai de
retarder votre décision à demain, à la séance de 15
heures si possible parce que, malheureusement, demain matin je ne pourrai pas
être présent.
Le Président (M. Laberge): Alors, continuez votre
démonstration et vos commentaires.
M. Pagé: M. le Président, en 1976, dans le domaine
de la fonction publique, 5200 salariés ont fait la grève et 7300
jours-homme-travail perdus.
M. Chevrette: M. le Président, une question de
règlement. Je voudrais vous demander une directive.
Le Président (M. Laberge): J'écoute votre
question.
M. Chevrette: Si vous prenez sous réserve un document qui
est porté à votre connaissance et que vous laissez le
député de Portneuf, dans un même souffle, expliquer un
document dont il n'identifie même plus la source, à partir du
moment que vous devez prendre la parole du ministre comme étant valide
lorsqu'il dit que ce n'est pas du ministère, le dossier, comment
pouvez-vous laisser commenter un rapport à ce moment? J'aimerais vous
entendre là-dessus parce que, très honnêtement, je ne peux
pas voir comment vous pouvez concilier le fait que le ministre déclare
que ce n'est pas un document du ministère alors que le
député de Portneuf a dit que c'était un document du
ministère et, du même souffle, accorder au député de
Portneuf le privilège de donner des chiffres qui n'émanent pas du
ministère, alors que lui-même a dit qu'ils émanaient de
là. Je m'excuse, mais cela ne marche pas.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Joliette-Montcalm, vous me placez dans une situation embêtante au point
de vue d'une directive, mais j'ai bien dit tout à l'heure qu'un ministre
ou un membre d'une commission pouvait porter à la connaissance des
membres de la commission des documents que la présidence s'est
chargée plusieurs fois de faire reproduire pour les porter à la
connaissance des membres de la commission; autrement dit, d'en faire
profiter.
Maintenant, je n'ai pas dit que les membres de la commission ou le
ministre endossent ces documents; j'ai dit qu'un membre en l'occurrence,
c'est le député de Portneuf qui présente des
tableaux, les présente évidemment à ma connaissance, les
endosse. Pour le moment, il peut les commenter et vous pourrez, par la suite,
au cours du débat, faire les commentaires que vous voulez, mais il est
préférable que vous ayez les tableaux entre les mains pour faire
vos commentaires. Pour le moment, c'est lui qui a la parole pour faire ses
commentaires généraux sur la commission et les
crédits.
Du fait de porter le tableau à la connaissance des membres de la
commission n'enlève de droit à personne.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Pour la gouverne
du ministre, j'aimerais bien qu'il m'écoute.
Le document contient des données sur l'année 1976, qui
viennent d'un document du ministère du Travail: "Grèves et
lock-out au Québec, 1966-1976. Quelques précisions sur les modes
de compilation: gouvernement du Québec; ministère du Travail et
de la Main-d'Oeuvre; Direction générale de la recherche". C'est
un document qui date d'octobre 1977: François Delorme; Gaspard Lasonde
et Mlle Lucie Tremblay, qui y ont travaillé...
M. Johnson: Pour la colonne1976? M. Pagé: Oui.
M. Johnson: D'accord, pour 1976.
M. Pagé: On va regarder 1976 et on regardera 1979, M. le
Président.
En 1976, tel qu'il apparaît dans le document du ministère
du Travail, fonction publique: 5200 salariés ont fait la grève,
7300 jours-homme perdus.
Le document que j'ai ici, tableau 3, conflit de travail selon les
secteurs d'activité économique et l'autorité
compétente, Québec 1979 le Service de compilation, de
recherche et de statistiques du ministère du Travail auquel j'ai fait
référence tout à l'heure; fonction publique toujours
comparativement à 5200 travailleurs en 1976, 23 261 travailleurs
en 1979, pour un total de 218 442 jours-homme perdus. Est-ce exact?
M. Johnson: Cela va.
M. Pagé: M. le Président, je dois comprendre que le
ministre me dit que c'est exact, la comparaison entre 1976 et 1979.
M. Johnson: Si vous voulez, le chiffre que vous citez est exact,
mais pas votre démonstration, pas encore!
M. Pagé: C'est-à-dire qu'en 1976, 5200 jours-homme
contre 218 442 avec l'actuel gouvernement. C'est exact?
M. Johnson: Attendez, en 1976, laissez-nous vérifier. Vous
ne voulez pas qu'on intègre le document. M. le Président, si je
comprends bien, le document n'est pas intégré dans le
procès-verbal sauf que, en faisant la lecture ligne par ligne et en
demandant si c'est exact, c'est exactement ce que le député de
Portneuf est en train de faire. Je reconnais l'habilité d'un
méchant avocat de la couronne qui n'a pas pratiqué depuis
longtemps.
M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, la raison de mon absence,
demain, c'est que je dois plaider et je serais bien heureux, un jour, de
plaider contre le ministre du Travail, il en mangerait une bonne!
M. Chevrette: Qui a osé vous confier une cause!
M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, M. Chevrette!
Passons maintenant au secteur de la santé avant de terminer par
le secteur, combien important, de l'éducation.
Secteur de la santé, 1976: 77 000 salariés ont fait la
grève pour un total de 405 900 jours-homme perdus, comme l'indiquent les
rapports du ministère du Travail de 1976.
Pour 1979: 67 751 travailleurs salariés ont fait la grève
et, M. le Président, même s'ils étaient quasiment 10 000
travailleurs de moins qui ont fait la grève en 1979 qu'en 1976, on
arrive à 1000 ou 2000 jours-homme de travail perdus, soit 403 429
jours-hommes perdus, comme l'indiquent les statistiques.
M. Johnson: Un peu plus de 20 minutes de travail perdues par
personne. D'accord.
M. Pagé: M. le Président, dans le secteur de la
santé, vous savez que "20 minutes de travail perdues", la
réplique du ministre je la trouve tout à fait farfelue.
M. Johnson: Tout ce que je dis au député de
Portneuf, c'est que ce n'est pas, statistiquement...
M. Pagé: Mais, c'est tout à fait
déplacé. On ne peut pas se permettre, lorsqu'on est ministre du
Travail, de dire: Ce n'est pas grave, tous les travailleurs ont perdu 20
minutes, tous les travailleurs se sont mis en grève. Cela
témoigne d'irresponsabilité.
Le Président (M. Laberge): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Pagé: Le secteur péripublic, maintenant:
Hydro-Québec, Société des alcools, Société
des traversiers du Québec. Nombre de salariés qui ont fait la
grève en 1976, 19 986; nombre de jours-homme perdus, 119 556. Nombre de
salariés, en 1979, qui ont fait la grève, 16152,
c'est-à-dire moins nombreux qu'en 1976, mais avec un résultat de
plus de jours-homme perdus soit 355 077 jours-homme perdus, ce qui
démontre clairement que dans ce cas-là, comme dans celui de la
santé, il y a eu moins de travailleurs qui se sont mis en grève,
mais le nombre de jours-homme perdus a été plus
élevé. C'est cela, c'est le pétage de bretelles auquel
faisait référence le ministre du Travail tantôt pour nous
dire que ça allait bien depuis qu'il était là. Le monde ne
tournait pas avant qu'il soit là!
Le secteur de l'éducation doit être traité avec
particularisme.
M. Chevrette: Ah!
M. Johnson: Ah! On sort des tableaux, là!
M. Pagé: Laissez-moi arriver! Le secteur de
l'éducation doit être traité avec beaucoup de
particularités parce que dans le secteur de l'éducation on se
rappellera qu'en 1979, notamment, le ministre du Travail du gouvernement du
Québec a présenté une loi spéciale au mois de
novembre ou...
M. Johnson: Décembre.
M. Pagé: ... décembre reportant l'exercice du droit
de grève à X jours plus tard, soit au début de
l'année 1980. On se rappellera que les conflits dans le secteur de
l'éducation se sont posés avec acuité pendant
l'année 1976 alors que le conflit de l'éducation de la
présente ronde...
M. Chevrette: Belle tentative!
M. Pagé: ... ne s'est pas posé avec acuité
pendant l'année 1979. L'acuité, le summum du conflit et des
problèmes dans le secteur de l'éducation, a chevauché deux
années, 1979 et le début de 1980. Je suis convaincu que lorsque
le centre de recherche et de statistique aura terminé la compilation des
chiffres j'espère que le document sera déposé,
j'espère qu'on en aura une copie le ministre arrivera exactement
ou sensiblement aux chiffres auxquels j'arrive par la compilation.
M. Johnson: Sensiblement.
M. Pagé: Dans le domaine de l'éducation... Qu'on
rie de l'autre côté, qu'on se pète les bretelles, qu'on
s'amuse comme ils le font ce soir... Est-ce que le ministre du Travail, de son
siège, comme ministre et aussi comme député, peut affirmer
qu'il n'y a pas eu 1 538 829 jours-homme de travail perdus dans le secteur de
l'éducation à la dernère ronde de négociations? Et
ce, pour 82 000 travailleurs salariés qui ont fait la grève
comparativement et là, je reviens à la statistique du
ministère de 1976 en 1976, à 11 576 salariés
qui ont fait la grève pour un total de 861 403 jours-homme de travail
perdus et, en 1979, selon la compilation que j'en ai faite à partir du
nombre de jours et de grèves qui ont affecté le monde scolaire et
après communication avec les institutions, 82 200 salariés
auraient fait la grève, ce qui est beaucoup moins que les 111 576 de
1976 pour un total de 1 538 829 jours-homme perdus comparativement à 861
000 seulement en 1976.
Que les députés viennent nous dire ce soir: Ah! Vous avez
extrapolé, vous avez chevauché deux années! Je n'ai pas
chevauché deux années, j'ai pris le conflit au début, la
période de la loi spéciale qui a reporté tout cela
après l'année 1979 qui, soit dit en passant, faisait votre
affaire en termes de statistiques pour l'année dernière, et j'ai
pris exactement le nombre de jours-homme perdus à cause de ce conflit,
comme c'était le cas en 1976.
Vous avez jugé le précédent gouvernement, vous avez
fait des déclarations à l'égard de l'ancien gouvernement
à partir de l'année 1976 où l'essentiel des jours-homme
perdus s'était perdu pendant cette année-là. J'ai fait de
même à l'égard du secteur de l'éducation cette
année. Si ça n'arrive pas à 1 538 829 jours-homme perdus
quand vous aurez terminé vos compilations, vous nous le direz et on
pourra comparer notre base d'information.
M. Johnson: Puisque le député m'a posé une
question, je vais y répondre immédiatement. Est-ce que le
député de Portneuf a mis son siège en jeu ou s'il s'est
mis les pieds dans les plats? On va le savoir.
M. Pagé: De toute façon, j'ai demandé au
ministère de répondre à la question et de
déposer...
M. Johnson: Alors, je réponds à la question.
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse. M. le
Président, question de règlement. Avant que le ministre...
Question de règlement. Si le ministre a un tableau, qu'il demande la
permission pour le distribuer et qu'il attende votre directive pour le
déposer. Deuxièmement, qu'il nous donne les sources;
troisièmement, celui-ci nous disait tantôt... (21 h 45)
M. Johnson: C'est faux.
M. Pagé: ... que les dossiers, pour la dernière
ronde de négociation, au centre, n'étaient pas prêts
à 20 h 30, 20 h 40 et, tout d'un coup, à 21 h 45, tout serait
prêt. Alors...
Une Voix: Ils travaillent vite.
M. Pagé: ... si vous croyez que celui-ci peut
déposer les tableaux, dites-le, mais j'aimerais bien qu'il nous indique
quels tableaux il déposera.
M. Johnson: M. le Président, sur une question de
règlement, cela m'apparaît fondamental et pour le
député de Portneuf et pour moi. Je pense qu'il faudrait
peut-être, en vertu de notre règlement, nous permettre de part et
d'autre de préciser certaines choses. Il ne faut quand même pas
s'adonner à la confusion et s'y complaire, comme dans un bain d'eau
tiède.
M. le Président, d'abord, je n'ai jamais affirmé que mon
service n'était pas en mesure de produire des statistiques ou de faire
des compilations, c'est ce qu'il fait. Mais, comme on travaille
sérieusement au ministère du Travail, comme dans la plupart des
autres ministères du gouvernement du Québec, on ne publie pas des
statistiques qui sont complètement farfelues, comme ce que le
député de Portneuf vient de faire. On prend le temps qu'il faut,
on fait les analyses; cela passe à travers une méthodologie d'une
très grande sévérité et, effectivement, ce qui
pourrait avoir l'air d'être "ennuyeux" entre guillemets
pour celui qui vous parle ou n'importe qui d'autre va être publié
pareil parce qu'on a une revue et on rend publiques nos statistiques. Mais ce
qu'on rend public, ce ne sont pas des compilations à la mitaine faites
sur un coin de table.
M. Pagé: II est fâché.
M. Johnson: C'est fait, effectivement, en suivant une
méthode précise...
M. Pagé: Fâché.
M. Johnson: ... par des experts et des professionnels.
Or, ces mêmes experts et ces professionnels, au 30 avril, avaient
compilé et recensé, pour le secteur de l'éducation, 771
337 jours-homme perdus. On est loin de 1 500 000. Vous allez me dire: Au 30
avril, la CECM, ce n'était pas fini. D'accord, ajoutons la CECM mais,
encore une fois, je n'aime pas qu'on parle de chiffres sans avoir les
méthodes précises. C'est arrêté au 30 avril parce
que cela exige beaucoup de travail, de la compilation à la
vérification des jours, ainsi de suite, à travers
encore une fois une méthodologie précise. Cela va
être rendu public quand ce sera prêt.
Mais, faisons-le à l'oeil: 6000 enseignants, dix jours. En fait,
c'était onze jours. Disons quinze jours pour les fins de la discussion,
à 6000 enseignants. J'ajoute cela au total et cela va nous faire un
total de 842 000. C'est 700 000 de moins que ce que prétends le
député de Portneuf. Il va falloir qu'il nous donne ses sources ou
bien qu'il arrête de parler de ce document et qu'il passe à autre
chose.
M. Pagé: M. le Président, quand le ministre...
M. Johnson: En plus de cela, soit dit en passant, M. le
Président, ce qu'on a comme colonne, dans ce que nous a passé le
député de Portneuf, qu'il prétend être des documents
du gouvernement...
M. Pagé: Ecoutez, vous n'avez pas consulté les
chiffres de la fonction publique, ni ceux de la santé, ni ceux du
péripublic.
M. Chevrette: Pourquoi avez-vous...
M. Johnson: M. le Président, je conteste, effectivement,
juste parce que cela n'a pas de valeur. Un peu plus... Il y a à peu
près trois quarts de million de jours-homme; cela commence à
compter sur un total de 2 000 000; cela fait une jolie proportion. Vous
êtes dans le beurre, si vous me passez l'expression, de trois quarts de
million.
M. Pagé: M. le Président...
M. Johnson: Sur 2 000 000, c'est intéressant,
premièrement.
Deuxièmement, M. le Président, je vous ferai remarquer la
compilation de 1979 que veut faire le député de Portneuf en
incluant un début d'année 1980; il devrait peut-être faire
la même chose aussi pour 1975-1976 parce qu'il y en a eu en 1975-1976. Ce
que je dis, c'est que la méthodologie qu'emploie le député
de Portneuf pour faire une démonstration est une méthodologie qui
ne ferait pas passer un cours d'apprenti au service de recherche au
ministère du Travail, d'une part. D'autre part, je pense qu'il induit
malheureusement les membres de cette commission, ainsi que ceux qui
écoutent et qui regardent cela, en erreur.
Je ne prétends pas qu'il n'y a pas eu de jours-homme perdus en
matière de grève dans le secteur scolaire au Québec. Je
dis juste que ce n'est pas vrai qu'il y en a eu 1 538 000 comme le
prétend le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président...
M. Johnson: Ce sera rendu public, M. le Président, quand
la revue sera prête pour publication et, à ce moment-là, il
l'aura.
M. Pagé: Ah! après l'ajournement de la Chambre.
Après l'ajournement de nos travaux mardi prochain. M. le
Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Portneuf, continuez.
M. Pagé: ... je l'ai demandé au ministre et
celui-ci nie catégoriquement, avant même qu'il ait pris
connaissance du rapport; vous voyez là que le ministre... vous savez, le
ministre se targue souvent... et traite les autres de pieds dans les plats,
ainsi de suite. On connaît son vocabulaire suffisant, mais il faudrait
faire attention, vous savez; c'est dangereux quand un parlementaire a la
tête dans le sable. C'est dangereux quand un parlementaire affirme, et de
surcroît un ministre, qu'il est impossible que...
C'est évident qu'à mon bureau je n'ai pas toute la
batterie de sous-ministres, de directeurs, ainsi de suite, mais, M. le
Président, la compilation qu'on a faite le plus objectivement possible,
à partir des données qui nous ont été fournies par
le monde scolaire, donne 1 538 829 jours-travailleuse-travailleur perdus pour
des grèves...
M. Johnson: C'est faux.
M. Pagé: ... dans le cadre de la dernière ronde de
négociations qui a couvert...
M. Johnson: C'est faux.
M. Pagé: ... fin 1979, début 1980. Mais comment le
ministre, s'il n'a pas la tête dans le sable, peut-il dire que c'est faux
alors qu'il s'engage à produire le document quand il en prendra
connaissance?
M. Johnson: M. le Président, pourriez-vous... M.
Pagé: ... au président...
M. Johnson: Au 30 avril, c'est compilé d'après la
méthodologie du ministère et ce qu'il y a entre le 30 avril et
aujourd'hui, c'est la CECM avec 6000 enseignants, quinze jours. On
additionne...
M. Pagé: Oui.
M. Johnson: ... et on fait cela, mais je suis d'accord pour dire
qu'il y a 849 700... il ne faut pas dire cela.
M. Pagé: M. le Président...
M. Johnson: C'est de l'ordre de 800 000 par opposition à 1
500 000.
M. Pagé: ... ce que le ministre donne comme étant
700 000 je vais terminer là-dessus avant de continuer ma
déclaration parce que je présume, M. le Président, que
vous me permettrez de continuer ma déclaration c'est de janvier
1980 à avril 1980. Il ne donne pas la ronde de négociations comme
telle. J'espère, M. le Président, que dans les documents qu'il
rendra publics lorsqu'ils seront produits, il aura la décence de
produire le chiffre de travailleuses et de travailleurs, des jours-homme-femme
perdus dans le domaine de l'éducation dans la dernière ronde de
négociations et qu'il incluera les jours perdus en 1979 et les jours
perdus en 1980, représentant ainsi le chiffre exact de la
dernière ronde de négociations.
M. le Président, ces millions de jours-homme qui ont
été perdus tant dans le secteur privé que dans le secteur
public, cela a beaucoup d'impact sur la productivité.
M. Johnson: ...
M. Pagé: Ces travailleuses et ces travailleurs ont perdu
beaucoup d'argent, ont perdu des sommes importantes à l'égard des
bénéfices marginaux. Cela a amené en plus
évidemment de ce qui n'est peut-être pas quantifiable ou
calculable,
dégradation du climat des relations du travail entre employeurs
et employés autant dans le secteur public que dans le secteur
privé. Cela a impliqué aussi pour le gouvernement des pertes de
plusieurs millions de dollars en impôt en laissant des conflits perdurer
en plus de laisser se détériorer la situation sociale au
Québec.
Le gouvernement a contribué, par son inaction, à affaiblir
la situation économique de la province et ce, bien directement. M. le
Président, des grèves, par le climat général
qu'elles créent au sein de l'entreprise, influencent la
productivité générale de la main-d'oeuvre et sont, par le
fait même, un facteur important de perte de compétitivité
dans un secteur où la haute productivité demeure le facteur
primordial de réussite. Le Québec, avec un niveau de
chômage tel que celui que nous connaissons présentement, ne peut
se permettre de créer ou d'accepter un climat défavorable
à l'investissement.
M. le Président, toujours au chapitre des relations de travail,
le ministre a traité de différentes mesures auxquelles je
toucherai, moi aussi, soit, dans un premier temps, la médiation
préventive. Une des mesures positives qui était prévue au
projet de loi no 45 fut d'instaurer la médiation préventive. Ce
mécanisme permet aux partenaires sociaux de recourir aux services du
ministère du Travail afin de trouver un modus vivendi en cas de litige.
Nous avons déjà souligné au ministre l'importance de bien
structurer ce système afin d'en faire bénéficier les
intéressés et les parties. A l'approche de conventions
collectives dans certains secteurs, nous avons confiance de voir la loi porter
ses fruits. Espérons que le ministre saura faire confiance au personnel
compétent du service des relations de travail et que toute cette notion
de médiation préventive saura aboutir. Entre autres, M. le
Président, je me permettrai de porter à l'attention du ministre
deux secteurs particuliers où plusieurs conventions collectives
deviennent échues cette année: le secteur des pâtes et
papiers. S'il y a des grèves ou si la situation y est perturbée,
cela risque d'entraîner des grèves qui pourront être
longues, des grèves qui pourront avoir des effets néfastes sur
l'économie du Québec, des grèves qui toucheront en
même temps des milliers et des milliers de travailleurs du Québec.
Vous savez que quand le secteur des pâtes et papiers est en grève,
ceux qui sont touchés directement sont peut-être nombreux, mais
ceux qui le sont indirectement sont encore plus nombreux.
Quant au mécanisme de la médiation préventive,
nous, de l'Opposition officielle, y souscrivons. Nous encourageons le
gouvernement à faire davantage dans le secteur comme le secteur des
pâtes et papiers, notamment.
Il y a un autre secteur que j'avais porté à l'attention du
ministre, l'année dernière et dont plusieurs conventions
collectives viennent échues cette année. C'est un secteur qui n'a
peut-être pas beaucoup d'employés comme tels. Ce n'est
peut-être pas du tout comparable au secteur des pâtes et papiers,
mais c'est un secteur qui, s'il est en grève, a beaucoup d'impact, entre
autres, dans le domaine de l'éducation et c'est le transport scolaire.
On se rappellera que l'année dernière, j'avais porté
à l'attention du ministre l'obligation que le gouvernement avait
d'élaborer dans les meilleurs délais parce qu'on se
rappellera que l'année dernière, il n'y avait pas beaucoup de
conventions collectives qui étaient échues, mais on sait que
cette année il y en a plusieurs qui viendront à
échéance bientôt.
Le secteur du transport scolaire au Québec risque d'être
perturbé si des grèves surviennent dans ce secteur. On se
rappellera qu'il y a peut-être eu trois étapes. Première
étape du transport scolaire, c'était une économie presque
artisanale, les entreprises étaient petites, plusieurs
propriétaires avaient un, deux ou trois véhicules, on sait que
plusieurs compagnies se sont intégrées. Deuxième
étape, ce fut la syndicalisation. Maintenant, la troisième
étape: on constate que dans des comtés donnés ou dans
plusieurs régions données on a peut-être, au niveau d'un
bassin de population de 100 000 citoyens, deux, trois ou quatre grosses
compagnies qui font du transport scolaire. Ce qu'on constate cette année
comme troisième phase, c'est que dans certaines régions, les
conventions collectives viennent à échéance vers les
mêmes dates et, deuxièmement, ce sont les mêmes syndicats
qui représentent les travailleurs du monde du transport scolaire dans
certaines régions données. On n'a qu'à prendre mon
comté, c'est une centrale syndicale qui représente les
travailleurs du secteur scolaire.
M. le Président, j'espère que des mécanismes comme
ceux mis de l'avant, comme la médiation préventive, pourront
porter fruits.
Le service accéléré d'arbitrage des griefs. Un des
exutoires des conflits dans le monde du travail est de soumettre les griefs
à l'arbitrage. Tant les employeurs que les syndicats déplorent la
lenteur des procédures d'arbitrage ordinaires. C'est pourquoi le
système d'arbitrage accéléré fut
créé. Cependant, ces mesures sont timides, M. le
Président. Il faut élargir l'accessibilité à ce
système en nommant plus d'arbitres. D'autre part, on assiste à un
engorgement des griefs émanant des secteurs public et parapublic.
Pourquoi le ministère n'a-t-il pu agir là où c'est
nécessaire? Enfin, nous désirons connaître les
résultats de ce processus et savoir s'il est vraiment
accéléré parce que c'est malheureux que, dans une
société comme la nôtre, des travailleurs se sentent
limités dans le droit qu'ils ont de porter un grief,
premièrement, en raison des délais, deuxièmement, en
raison des coûts que cela peut entraîner et, troisièmement,
on sait, notamment dans les secteurs public et parapublic, que cela prend des
mois et des mois, pour ne pas dire des années, avant que des
décisions soient prises. Alors, le service...
M. Johnson: ... à l'Education.
M. Pagé: Hein?
M. Johnson: Je n'ai peut-être pas mentionné tout
à l'heure précisément que le service d'arbitra-
ge accéléré, M. le Président, ne s'applique
pas à l'Education, comme le sait sans doute le représentant de
l'Opposition. Le ministère de l'Education est régi par une
convention collective, mais dont est issue une espèce de tribunal
d'arbitrage spécialisé qui n'a rien à voir avec le reste
des arbitrages de griefs. C'est vrai qu'il y a une congestion importante au
niveau de l'éducation. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a amorcé,
l'an dernier, une étude sur la longueur et la façon de modifier
cela. Il faut bien comprendre que les griefs sont parfois utilisés comme
une méthode, de part et d'autre d'ailleurs, au niveau du
règlement...
M. Pagé: Cela ne devrait pas.
M. Johnson: ... parce que c'est devenu, dans certains cas,
carrément une tactique.
M. Pagé: M. le Président, là-dessus je vais
compléter, ce qui contribue peut-être à faire en sorte que
le grief devienne une tactique, c'est la longueur du temps à juger du
grief...
M. Johnson: Mais qui relève...
M. Pagé: ... mais qui est véritablement plus
accéléré. Si l'employeur qui décide de contester un
grief qui est porté par un employé savait, par exemple, que dans
un délai très limité il pourrait avoir une réponse,
plutôt que de laisser aller le problème pendant un an ou deux ans,
il préférerait peut-être le régler tout de suite
sachant que, de toute façon, il aura une réponse dans un mois,
dans deux mois ou dans trois mois au maximum.
M. le Président, il y a un autre dossier sur lequel le ministre
devra profiter de l'étude des présents crédits pour nous
donner davantage d'information. C'est le fameux dossier de l'injonction. On se
rappellera qu'un mandat a été confié à notre bon
ami, M. Burns, qui nous a quittés et qui a été
nommé juge au Tribunal du travail. J'ose croire...
M. Johnson: Excellent juge d'ailleurs.
M. Pagé: Je suis convaincu que M. Burns a toutes les
capacités, toute la compétence et toute l'expérience pour
être un bon juge. J'aimerais quand même savoir, M. le
Président, quand l'étude sera rendue publique. J'aimerais que le
gouvernement du Québec et que le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre nous fassent part de leurs intentions relativement au dossier de
l'injonction. Vers quelle avenue particulière semblent-ils se diriger,
dans un premier temps? Deuxièmement, dans quel délai ou selon
quel échéancier peut-on prévoir que les intentions du
gouvernement non seulement se manifesteront, mais se manifesteront bien
concrètement par des mesures législatives ou
réglementaires? J'aimerais qu'il dépose, si c'était
possible, le résultat du travail de M. Burns. (22 heures)
Un autre dossier qu'on se doit de toucher ici, c'est la
négociation multipatronale. Le Parti québécois promettait
de favoriser la négociation mul- tipatronale. J'aimerais savoir si on a
procédé à des mesures pratiques en vue d'atteindre ces
objectifs et quelles sont les visées du gouvernement à
l'égard de ce dossier, de ce programme, de cet élément.
J'aimerais savoir si le ministre a pris connaissance des nombreuses
études québécoises dans ce domaine. Il y en a une entre
autres, celle de M. Rodrigue Blouin. Le gouvernement assume-t-il des
responsabilités de plus en plus nombreuses dans ces secteurs
d'activités variés?
M. le Président, j'aimerais que le ministre profite de la
présente étude des crédits, peut-être ce soir ou
encore demain, pour nous faire part des intentions du gouvernement sur le
sujet.
Comme l'a évoqué le ministre, on a eu des
négociations dans le secteur public cette année. On peut affirmer
que le gouvernement avait promis beaucoup, s'était engagé
à beaucoup à l'égard des négociations dans les
secteurs public et parapublic. On se rappellera que celui-ci s'était
engagé à ce que tout aille rondement, qu'il n'y ait pas de lois
spéciales, de préjugés favorables à travers cela.
On peut conclure bien objectivement d'ailleurs, les observateurs en sont
arrivés à la même conclusion que le gouvernement a
échoué lamentablement dans la dernière ronde de
négociations, lui qui, par la voix de son président, disait, lors
de l'élection de 1976... "Nous allons rétablir un climat d'ordre
social qui facilitera les négociations". Le même président,
M. Lévesque, prétendait également que son gouvernement ne
laisserait pas traîner les conflits, que son gouvernement ferait preuve
à la fois de fermeté et d'équité en vue de les
régler, que le gouvernement ne voulait pas tolérer les
grèves prolongées dans les services essentiels comme les
hôpitaux et Hydro-Québec.
Le chef du gouvernement d'aujourd'hui, M. Lévesque, disait
à l'époque: "Nous devons trouver autre chose pour alerter le
public, comme un arrêt de travail d'une courte durée". En fait, ce
gouvernement, avec son prétendu préjugé favorable à
l'égard des travailleurs, n'a fait que laisser pourrir la situation
avant d'intervenir par des lois spéciales ou, comme tout
récemment, en mettant en tutelle la plus grosse commission scolaire de
la province, celle de Montréal, faisant fi par le fait même des
mécanismes que le gouvernement avait lui-même prévus dans
le Code du travail, faisant fi aussi par le fait même des
mécanismes qu'il avait mis de l'avant par différentes lois. Le
ministre du Travail et le ministre des Finances, à l'époque
où on a étudié ces lois modifiant le Code du travail,
disaient: On a enfin des solutions pour ne pas avoir à adopter de lois
spéciales. Qu'on se rappelle la fameuse question des services
essentiels, notamment. On s'était engagé beaucoup et le
gouvernement se doit d'être modeste et de reconnaître son
échec dans ce domaine.
Dans le secteur de la santé, il s'est perdu pour le Québec
403 429 jours-personne lors de la dernière ronde de négociations.
Est-ce qu'une société, dans un secteur aussi vital que celui de
la santé, peut se permettre de tels résultats? En ce qui nous
concerne, du côté de l'Opposition offi-
cielle, nous croyons que non. La notion de services essentiels, telle
que préconisée par le gouvernement, est un échec; la
négociation de tels services est une aberration: dans le secteur
hospitalier, tout est essentiel. Le soin aux bénéficiaires se
doit d'être prioritaire et il ne peut y avoir de diminution de personnel
dans un département sans que le bénéficiaires en soient
touchés, c'est impossible. Le problème de la définition et
de la détermination des services essentiels se doit d'être
réétudié en profondeur par le gouvernement. Et sur ce, le
ministre du Travail aura beau dire d'un ton humoriste et suffisant qui le
caractérise: Vous savez, il ne faut pas devenir conservateur, il ne faut
pas aller vers la droite, allant aussi loin que faire allusion à la
proposition no 13 en Californie, la proposition no 9 qui a été
votée la semaine dernière, le 2 juin.
M. le Président, là n'est pas la question. La question des
services essentiels dans le secteur hospitalier se doit d'être
complètement repensée. Le gouvernement a échoué
dans sa tentative de laisser déterminer les services essentiels par les
parties, sinon de laisser la partie syndicale déposer purement et
simplement une liste qui représenterait les services essentiels, sans
définir comme tel le contenu des sévices essentiels. Dans la
dernière ronde de négociations, on a constaté que ce
n'était pas parce qu'une liste était déposée
qu'elle représentait par le fait même les services minimaux et
essentiels à donner aux usagers.
Le premier ministre n'a-t-il pas déclaré dans le Soleil du
2 décembre 1979 cela ne date pas de longtemps, mais d'il y a
quelques mois: "Les syndicats perdront c'est M. Lévesque qui
parle de toute évidence le privilège qu'ils avaient de
définir unilatéralement les services essentiels lorsqu'il n'y
avait pas entente. Des restrictions seront apportées dans l'emploi
possible du droit de grève dans le secteur hospitalier et à
HydroQuébec et on tentera d'introduire des normes sur la consultation
des membres pour faire confirmer les mandats donnés
antérieurement et soumettre les dernières offres des employeurs
comme l'ordonnait la loi spéciale no 62, pendant la dernière
grève des membres du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec et des employés du secteur hospitalier en novembre.
De plus, le députe de Joliette-Montcalm n'a-t-il pas
renchéri en disant: II faut cesser ces folies-là! Cela
témoigne du vocabulaire utilisé par le député de
Joliette-Montcalm dans une entrevue à la presse; si ma mémoire
est fidèle, c'est au journal Le Soleil et, pour cela, il propose sa
formule de négociation permanente. Je cite le député de
Joliette-Montcalm: Accepter, une fois pour toutes, la négociation
permanente visant à régler sur-le-champ des problèmes
soulevés par l'application d'un article de la convention collective
aurait pour effet d'éviter l'accumulation de centaines et de milliers de
griefs qui contribuent à faire naître l'agressivité et
préparent les esprits à l'affrontement (La Presse du 4 mars
1980).
M. le Président, dans le secteur de l'éducation, le bilan
du présent gouvernement n'est guère reluisant non plus, avec
au-delà d'un million et demi de jours-personne perdus lors de la
dernière négociation couvrant les débuts de 1980 et la fin
de 1979. Cela n'a pas d'allure, cela n'a pas de bon sens, M. le
Président.
Le système de négociation tel que préconisé
par le gouvernement dans ce secteur, avec différents paliers de
négociation, ne finit que par un cul-de-sac, si de grosses centrales
syndicales peuvent rouvrir au niveau local des ententes signées au
niveau provincial, ou encore se reprendre au niveau local une fois qu'elles ont
réglé au niveau provincial. M. le Président, le
gouvernement, lors du dernier conflit entre l'Alliance des professeurs de
Montréal et la Commission des écoles catholiques de
Montréal n'a même pas respecté l'autonomie des commissions
scolaires en mettant en tutelle cette dernière. A quoi sert de
décentraliser les négociations si, de façon
unilatérale, le gouvernement peut s'immiscer dans un conflit et imposer
une convention collective à un employeur tel que la Commission des
écoles catholiques de Montréal? Le gouvernement a-t-il
pensé, a-t-il songé, avant de poser un geste comme
celui-là, à l'effet d'entraînement que cette convention
collective aura sur les autres commissions scolaires dans la province, au
niveau des impacts budgétaires?
M. le Président, en ce qui concerne le secteur de
l'éducation, vous savez, je pense que le ministre du Travail a un
rôle très particulier à jouer. Le ministre du Travail doit
non seulement superviser, agir comme consultant privilégié
auprès du Conseil des ministres pour les mesures à adopter dans
le domaine du travail, dans le secteur public et notamment le ministère
de l'Education, mais le ministre du Travail devrait accepter de déborder
de son rôle de ministre du Travail pour sensibiliser le ministre de
l'Education aux véritables problèmes dans le secteur de
l'éducation.
M. le Président, un élément fondamental du
problème dans l'éducation, c'est un problème de budget.
Vous savez, si on conjuge différents éléments comme la
baisse de la natalité, le haut degré de spécialisation des
enseignants au Québec, si on ajoute à tout cela le fait que la
politique budgétaire est basée sur le nombre
d'élèves, si on ajoute à tout cela le fait que le
ministère de l'Education établit des limites à
l'augmentation des budgets des commissions scolaires, particulièrement
en ce qui concerne les coûts fixes... On me disait récemment
le ministre du Travail pourra vérifier auprès de son
collègue de l'éducation qu'alors que les coûts fixes
avaient augmenté en moyenne de 12% l'année dernière,
l'indexation qui est donnée par le ministère de l'Education
à ces coûts fixes, dans le budget des commissions scolaires, n'est
que de 3%.
M. le Président, la baisse de la natalité, la baisse de la
clientèle scolaire, cela a obligé les commissions scolaires et
cela a obligé le patron scolaire à en arriver à des
mesures comme prendre un enseignant qui enseigne des mathématiques et
lui dire: Demain main, mon vieux, tu t'en vas enseigner la physique. Prendre
une personne
qui enseignait de la musique et lui dire: Mon vieux, demain matin, tu
t'en vas enseigner la catéchèse et cela est normal; ce n'est
peut-être pas normal, mais c'est explicable. Quand on vit dans un
contexte comme celui-là, qu'on dit à un enseignant: Mon vieux,
même si tu es spécialisé en physique, tu t'en vas faire des
math demain matin, ou encore on lui dit: Toi, tu viens, en raison de la liste,
de subir ce qu'on a appelé le "bumping" il y a quelques mois et c'est
bien regrettable, on te paie quand même, tu es en disponibilité
pour la prochaine année, il est explicable qu'on ait des conflits dans
le secteur de l'éducation. Ce n'est pas strictement par des mesures
législatives de type de relations de travail amorcées par le
gouvernement par le biais du ministre du Travail que la situation et que le
problème va se régler dans le monde scolaire. Et ce n'est pas par
l'étanchéité d'une négociation qu'on veut
provinciale et d'une négociation qu'on veut par la suite locale qu'on va
régler le problème.
Ce n'est pas par des tutelles à l'égard de certaines
commissions scolaires, tutelles qui durent deux ou trois jours seulement, le
temps de dire à un tuteur: Va signer une convention collective, peu
importe ce qu'il y a dedans et ramène le gâteau aux commissaires,
ce n'est pas de cette façon qu'on va régler le problème.
Mais le problème va se régler par la participation étroite
du ministre de l'Education, par une volonté ferme du ministère de
l'Education qui, je l'espère, se manifestera dans les meilleurs
délais; de dire enfin ce qu'est une commission scolaire
régionale, une polyvalente au Québec et quels sont les services
minimaux qui doivent y être.
Est-ce que, dans une commission scolaire, il faut tant d'enseignants en
cathéchèse, tant d'enseignants en sport, loisir,
récréation, tant d'enseignants au minimum en
mathématiques, en physique, etc., compte tenu de tel nombre
d'élèves? Le problème, c'est particulièrement un
problème budgétaire et j'ose croire que le ministre du Travail,
par la sensibilisation que je veux lui faire ce soir, saura ajouter sa voix aux
autres parlementaires qui sensibiliseront le ministre de l'Education
là-dessus. On ne peut pas se permettre, au lendemain de
règlements par voie de tutelle, de règlements
négociés ou autrement, de dire: C'est réglé pour
une couple d'années et on regardera ça le prochain coup.
Même chose dans le secteur de la fonction publique. Le
gouvernement a agi face au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec avec une intransigeance surprenante envers ses propres
employés. Jamais un gouvernement n'avait traité le syndicat
représentant ses employés de façon aussi cavalière,
de façon aussi irrespectueuse que le gouvernement du Québec l'a
fait par le biais du ministre de la Fonction publique, notamment, par le biais
de l'ancien titulaire du ministère de la Fonction publique, qui a
traité le syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de
façon irrespectueuse et inacceptable pour un parlementaire. Le ministre
du Travail ou le gouvernement a peut-être gardé un goût amer
de la lutte justifiée, de la lutte explicable que le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec a enclenchée avec le
gouvernement à l'égard de la loi 50. Le ministre avait même
déclaré qu'il réglerait avec le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux après que les négociations du front
commun seront terminées attendez, messieurs, purement et
simplement et ce, malgré le fait que la convention collective
était échue depuis le 1er juillet 1978, pour en arriver
finalement à une entente le 31 janvier 1980.
On peut donc en déduire que la machine bureaucratique
gouvernementale a été perturbée durant un an et demi. Et
le gouvernement, M. le Président, pour ajouter à sa
crédibilité, viendra nous donner des statistiques basées
sur un an seulement et non sur l'ensemble de la période de
négociations, où il y a eu une situation perturbée.
Pour mettre fin au conflit d'Hydro-Québec, le gouvernement a
été obligé d'adopter une loi spéciale, la loi 88,
Loi assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec. Cette loi avait pour but, dans un premier temps, de
forcer un retour au travail des salariés d'Hydro-Québec et, dans
un deuxième temps, elle impose et décrète une convention
collective applicable jusqu'au 29 décembre 1982.
Le présent gouvernement, par sa manière de
procéder, a vraiment choisi de reporter les problèmes à
plus tard. Les raisons à cela étaient peut-être
l'échéance référendaire.
M. Johnson: Vous avez voté pour, celle-là.
M. Pagé: M. le Président, il y en a qui ont
voté contre de votre côté, vous savez; vous vous le
rappelez. Un des députés, qui avait précédemment
voté contre, était absent.
M. le Président, le ministre nous dit: Ecoutez, vous avez
voté pour. Mais ce que je veux vous démontrer, c'est que vous
vous étiez engagés à ce qu'il n'y ait plus de lois
spéciales. Vous vous étiez engagés à instaurer un
meilleur climat de relations entre le gouvernement du Parti
québécois, employeur, et ses employés. Vous avez
été obligés d'adopter des lois spéciales
témoignant de votre échec dans cette volonté.
M. Johnson: Respectées, à part cela. Personne en
prison.
M. Pagé: Dossier de la Société des alcools
du Québec. La première question qui me vient à l'esprit en
faisant référence à ce conflit, M. le Président,
c'est de savoir si le ministre a le résultat de l'enquête qui a
été menée par ses services sur l'allégation voulant
que la Société des alcools du Québec ait
procédé, au cours du dernier conflit, à l'embauche de
travailleurs et ce, contrairement aux dispositions de la loi 45.
J'espère que le ministre pourra profiter de l'étude des
crédits pour répondre à ces questions.
Ce serait vraiment aberrant de penser qu'une société
d'Etat ne respecte pas les lois gouvernementales et j'ose croire qu'une
plainte, qui a été
portée par le Syndicat des employés de la
Société des alcools et certains de ses travailleurs il y a de
ça plusieurs mois, pourra recevoir réponse, si on compare
à la réponse du ministre à l'égard du conflit de la
Shell.
M. Johnson: 1 500 000 réponses!
M. Pagé: M. le Président, même chose
concernant la grève à l'Office de la construction du
Québec. On sait que l'OCQ est en grève dans le moment; on sait
que 620 travailleurs ne sont pas au travail depuis le lundi 2 juin. Toute la
question du contrôle de la sécurité sur les chantiers de
construction au Québec, Dieu sait si c'est important et il n'y a pas de
contrôle dans le moment. On sait tous les traitements de données
qui sont soumis à l'Office de la construction du Québec, tous les
jours, par les travailleurs qui ont à être en contact avec
l'office, on sait que c'est important, l'opération de l'office. On sait
de plus et le ministre pourra le confirmer que les
travailleurs-cadres ne peuvent suppléer au travail effectué par
ces 620 travailleurs en grève. J'espère que le gouvernement,
avant la fin de la session, ne fera pas comme le ministre de l'Education a fait
cet après-midi, à l'égard du problème des
optométristes, soit reporter tout ça à la semaine
prochaine pour adopter un petit règlement bien vite, en douceur,
après que les députés seront partis et ne seront plus en
mesure de faire des représentations. (22 h 15)
J'espère qu'avant la fin de la semaine, le ministre du Travail ou
encore le ministre des Finances, qui semble avoir fait un noeud dans les
cordons de la bourse à l'égard des travailleurs de l'OCQ,
j'espère, pourra nous donner des réponses à l'égard
de ce conflit.
En ce qui concerne les lois relatives aux secteurs public et parapublic,
le gouvernement, au début de son mandat, a institué la commission
Martin-Bouchard qui avait pour but la révision du régime de
négociations collectives des secteurs public et parapublic. On a eu la
loi 55, Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins de
la négociation collective dans les secteurs de l'éducation, des
affaires sociales et des organismes gouvernementaux. On pourrait se poser
beaucoup de questions sur les résultats et le ministre pourra profiter
de la présente commission pour nous donner ses intentions sur le
sujet.
On a eu la loi 59 qui créait un conseil d'information sur les
négociations et qui créait un conseil sur le maintien des
services de santé et des services sociaux. Le ministre devrait nous
donner non seulement les résultats de ces organismes, mais combien ont
coûté ces deux organismes et si le gouvernement entend prolonger
l'existence de ces deux organismes ou encore si le gouvernement entend apporter
des modifications à la formation, à la composition et au mandat
de ces différents organismes.
On a eu la loi 62 qui avait pour objet de forcer les associations de
salariés à se soumettre par voie de scrutin secret aux
salariés qu'elle représente et de surseoir à l'exercice du
droit de grève entre le 13 novembre et le 20 novembre. J'aimerais que le
ministre prenne bonne note de ma question relative aux poursuites qui,
possiblement, ont été intentées en vertu de la loi 62. On
m'informait cet après-midi qu'aux Greffes de Québec 18 poursuites
auraient été intentées. J'aimerais que le ministre nous
indique les résultats de ces poursuites qui, selon mes informations,
devraient être plaidées ou ont été ajournées
à la fin d'août; quels sont les résultats de ces
poursuites? Le ministre entend-il faire comme son collègue de la Justice
dans le cas des poursuites en vertu de la loi 23 et de la loi 253, soit de les
abandonner?
Le gouvernement du Parti québécois, à
l'égard de toutes ces négociations dans le secteur public, doit
témoigner de beaucoup de modestie, doit reconnaître son
échec dans le domaine des relations de travail sur son administration.
Le gouvernement se doit de convoquer à l'automne la commission
parlementaire pour laquelle on a voté il y a quelques mois, commission
parlementaire qui aura comme mandat de revoir, ensemble, avec la contribution
de chacun des parlementaires, si possible, et évidemment avec la
contribution de chacune des formations politiques. Le gouvernement devra
arriver à cette commission, comme je vous le disais tantôt, en
témoignant de modestie parce que sa performance de la dernière
ronde des négociations prouve que le gouvernement n'a pas de
leçon à faire à personne.
Je crois bien que le ministre du Travail pourra en dire autant à
l'égard des négociations qui ont précédé son
gouvernement, mais cette commission devra être un véritable forum
d'échanges, de contributions, d'analyses au-delà des partis
politiques pour qu'enfin on puisse régler le problème et qu'enfin
cette commission puisse procéder à des recommandations
particulières à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas que
ce soit une commission parlementaire où, purement et simplement, on
placotera, on échangera sur différents choix ou encore que le
gouvernement arrivera pour nous imposer ses vues. Lorsqu'on a voté pour
le principe de cette commission parlementaire, on la voyait dans le sens d'un
véritable forum de contributions et d'échanges sur les
mécanismes à établir pour régler le
problème.
Il y a un secteur sur lequel le ministre n'est pas revenu beaucoup, le
secteur de la construction. On a eu quelques lois dans ce secteur, notamment,
la loi 52 qui a été sanctionnée en juin 1978 et qui fixe
le nombre d'associations représentatives dans l'industrie de la
construction, qui détermine les modalités du mode
d'allégeance syndicale, qui crée un mécanisme d'appel des
décisions rendues par l'OCQ. Le gouvernement s'apprête à
modifier l'échiquier des associations représentatives, selon
l'information que j'en ai; j'aimerais que le ministre du Travail nous dise si
c'est bien le cas que le gouvernement s'apprête à modifier
l'échiquier des associations représentatives dans le secteur de
la construction. J'aimerais qu'il nous dise comment il va faire tout cela,
quand il va faire tout cela et pourquoi il propose de faire cela.
Oui, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Vous m'aviez demandé, au
début de votre plaidoirie, de vous accorder le même temps...
M. Johnson: II est en défense!
M. Pagé: J'ai bien dit au moins le même temps, M. le
Président, je m'excuse.
Le Président (M. Laberge): Environ le même temps.
C'est la question que je me pose. Le règlement, à l'article 160,
dit 20 minutes; la coutume fait qu'on laisse le temps aux critiques de
l'Opposition de faire un tour de table général,
c'est-à-dire une tournée générale des divers
sujets.
Maintenant, évidemment, le ministre a parlé
malgré une interruption de trois minutes pendant 45 minutes. Je
voulais simplement vous demander si on consent à ce que vous alliez
jusqu'au bout.
M. Johnson: M. le Président, en ce qui me concerne et, je
pense, mes collègues aussi, cela nous fera plaisir de permettre au
député de Portneuf de continuer sur la lancée qu'il avait
entreprise il y a une heure.
M. Pagé: M. le Président, cela ne fait pas une
heure; j'ai été interrompu de façon intempestive, de
façon régulière par le ministre du Travail et ses
collègues. Il a même été obligé d'aller
chercher des études, cela a pris du temps.
Le Président (M. Laberge): Vous avez...
M. Johnson: Si ça continue, je vais demander l'application
des 20 minutes.
Le Président (M. Laberge): ... été
interrompu onze minutes et je suis tout à fait d'accord que vous
continuiez, mais je voulais simplement vous rappeler le règlement.
M. Pagé: M. le Président, j'apprécie votre
accord et vous en remercie.
J'étais à parler du secteur de la construction. Le
ministre devra répondre à ses intentions, et je vais vous
me permettrez, M. le Président lui souligner que, demain, le
ministre aura de nombreuses questions qui lui seront formulées par mon
collègue, le député de Beauce-Sud notamment, concernant
l'application du règlement de placement dans l'industrie de la
construction. On se rappellera que la dernière année, depuis un
an et demi, le ministre du Travail et moi-même avons eu beaucoup
d'échanges sur l'application du règlement de placement,
règlement dilué, modifié, amendé,
réamendé, remodifié, qui est présentement sous
l'administration de l'Office de la construction du Québec. Cela a
amené une réorien- tation complète des services de
l'office en ce que, aujourd'hui, plusieurs travailleurs, au lieu de s'occuper
de sécurité, des avantages, des bénéfices et
d'améliorer la qualité de vie des travailleurs, s'occupent du
placement et cela, pour et au nom du fameux règlement auquel tenait
tellement le ministre du Travail sur le contrôle de la classification et
de la qualification.
On a eu le projet de loi no 110 qui venait renforcer les pouvoirs
réglementaires de la Régie des entreprises en construction du
Québec au niveau de la qualité des entrepreneurs, la
catégorisation des entreprises, les pénalités en cas
d'infraction aux lois. La loi 110 prévoyait aussi des modifications au
champ d'application de la loi en éliminant des catégories de
travaux et des personnes en particulier, en créant la catégorie
d'artisans. Le ministre devra nous dire en quoi la Régie des entreprises
en construction du Québec a véritablement tous les
règlements pour être opérationnelle à l'égard
de celui qui aura, ou qui aurait, en vertu de la loi 110, le fameux statut
d'artisan, c'est-à-dire qui possède un certificat de
qualification, qui va s'enregistrer à la Régie des entreprises en
construction du Québec, qui a le statut d'artisan, qui peut travailler
pour un entrepreneur avec les dispositions du décret qui lui sont
applicables, ou encore travailler pour un particulier en dehors du
décret.
On aura des questions spécifiques, évidemment, sur le
nombre d'inspecteurs par région, le nombre de permis qui ont
été retirés, le travail de la Régie des entreprises
en construction du Québec, ainsi de suite. On aura à poser des
questions et j'espère que celui-ci pourra en poser sur le
champ d'application de la loi. Il y a environ un mois, paraissait un avis dans
la Gazette officielle du Québec en vue de modifier le champ
d'application du règlement no 1 relatif à la Loi sur les
relations de travail dans la construction. Cet avis de modification est flou et
entraînera, selon nous, la nécessité de soumettre aux
commissaires à la construction les litiges qui découlent de
l'application du règlement. Le ministre devra donner des réponses
et devra nous indiquer en quoi cette modification au règlement no 1
pourra contribuer à régler des problèmes, et quels
problèmes!
M. le Président, j'en viens à la fameuse politique de
main-d'oeuvre. Je mets de côté plusieurs pages de notes que
j'avais à l'égard du secteur de la construction pour en arriver
à la politique de main-d'oeuvre.
M. Johnson: On va avoir l'occasion d'y revenir.
M. Pagé: M. le Président, j'ai été
quasiment heureux, ce soir, d'entendre le ministre parler comme il l'a fait.
Là, je veux bien vous dire tout de suite que ma satisfaction allait
à l'égard d'un seul volet d'intervention du ministre, soit
lorsque celui-ci a confirmé humblement, pour une fois je dis bien
pour une fois, cela ne lui arrive pas souvent en toute modestie, pour
une fois, qu'il n'y
avait pas de politique de main-d'oeuvre au Québec.
Vous savez, M. le Président, le ministre nous a conviés,
nous a dit que c'était une ébauche, que c'était le
début d'une véritable politique de main-d'oeuvre; d'ailleurs, il
pourra se relire. Le Parti québécois nous avait conviés
à des améliorations et à des modifications notoires dans
le domaine de la main-d'oeuvre. Vous savez, quand ces gens se sont
présentés, d'abord très peu avaient de l'expérience
politique; plusieurs de ceux-là avaient quand même un degré
ou un niveau de connaissances et d'expérience dans différents
domaines; c'étaient, au moins à l'oeil nu, la prise de
connaissance qu'on en fait dans un programme ou dans un journal. Cela semblait
assez intéressant, cette équipe.
Vu les engagements auxquels s'est engagé le Parti
québécois lorsqu'il était dans l'Opposition,
idéaliste comme il l'était, on était en droit de
s'attendre qu'il y en ait peut-être un peu plus de fait dans le cadre
d'une véritable politique de la main-d'oeuvre au Québec, avec
l'équipe d'idéalistes qui était là, les grands
connaisseurs qui composaient l'équipe de 1976. Je dois vous dire, M. le
Président, que dans une certaine mesure je me suis peut-être fait
prendre un peu au piège. Au lendemain des élections de 1976,
quand j'ai vu ces gens, je me suis dit: Ecoutez. Il faut leur faire confiance.
Il faut respecter l'opinion de la majorité...
M. Johnson: ...
M. Pagé:... avec le groupe de penseurs qu'il y a
là-dedans, avec des gens qui ont de l'expérience syndicale, avec
des gens beaucoup moins nombreux, évidemment, peut-être un ou deux
qui ont de l'expérience patronale...
M. Johnson: C'est mieux que de ne pas en avoir du tout.
M. Pagé: Je conviens que le ministre du Travail nous dit
que c'est mieux de ne pas avoir d'expérience du tout. Je conviens que le
gouvernement du Québec...
M. Johnson: J'ai dit: C'est mieux que de ne pas en avoir du tout.
Une fois de plus, il me comprend mal.
M. Pagé: Cela vaut mieux que de ne pas en avoir du tout.
C'est ce que le ministre a dit.
M. Johnson: Tout ce qui commence par un "que", vous oubliez cela,
vous. On a vu cela récemment.
M. Pagé: Ah bon! M. le Président, le ministre
devrait me laisser continuer.
M. Johnson: Oui.
M. Pagé: On était en droit de présumer qu'il
y aurait des actions...
M. Johnson: ... un "que".
M. Pagé: ... beaucoup plus concertées à
l'égard de la politique de main-d'oeuvre. Qu'est-ce qui s'est fait? Pas
grand-chose. Le ministre nous dit ce soir: Vous savez, c'est terrible. C'est
une juridiction qui est double. Le gouvernement fédéral a sa
juridiction. Nous avons la nôtre. Et là, le ministre part dans un
plaidoyer contre le gouvernement fédéral en disant que celui-ci
ne fait pas beaucoup, que celui-ci a lancé des programmes comme
Initiatives locales, comme Perspectives jeunesse. M. le Président, une
véritable politique de main-d'oeuvre au Québec, ce serait la
refonte non seulement des politiques de qualification, de contrôle de la
main-d'oeuvre, de formation de la main-d'oeuvre, mais aussi cette politique
devra nécessairement intégrer tous les programmes gouvernementaux
ou les actions prises par le gouvernement du Québec à
l'égard du soutien au revenu.
J'entendais le ministre du Travail me dire tout à l'heure que le
livre beige du Parti libéral du Québec s'étendait beaucoup
sur la politique de la main-d'oeuvre. C'est vrai. Ce qu'il y a dans le livre
beige de notre formation politique, on y croit et nous sommes quasiment
convaincus qu'on sera capable de le réaliser. Mais la réalisation
de l'exclusivité de la politique de main-d'oeuvre par le gouvernement du
Québec ou encore la possibilité que le gouvernement du
Québec ait davantage et je dis bien beaucoup plus de
responsabilités au niveau de la main-d'oeuvre, cela se fera par une
négociation. Cela se fera par la nouvelle constitution qu'on
s'apprête à renouveler.
Le gouvernement du Québec et particulièrement le ministre
du Travail, plutôt que de venir nous dire que les gens du
fédéral sont des incompétents, des ci et des ça qui
ne foutent rien au Québec, etc., le "piaillage", le "chiâlage", le
"braillage" auxquels on a eu droit tantôt, il serait pas mal mieux de
s'asseoir et de se monter un dossier sur les interventions du
fédéral au Québec dans les politiques de formation de
main-d'oeuvre, de soutien à la main-d'oeuvre, de soutien au revenu au
Québec, de préparer un dossier, de prendre ces données, de
prendre ces sommes d'argent et de les intégrer éventuellement
dans une véritable politique de main-d'oeuvre au Québec, y
compris l'assurance-chômage. Je vous le dis bien personnellement comme
député. Oui, c'est beaucoup. On regarde, M. le Président,
la question du chômage au Canada et particulièrement au
Québec. Je conviens que dans un premier temps, c'est un
élément, c'est un moyen pour le gouvernement
fédéral d'assurer un peu plus d'équité dans
certaines régions et de soutenir les revenus à l'égard de
milliers et de milliers de travailleurs, mais, dans une très large
mesure, l'assurance-chômage n'est plus de l'assurance-chômage, M.
le Président. C'est strictement de l'aide financière à un
travailleur qui occupe une fonction pendant trois ou quatre mois.
Le ministre du Travail me dira: II y a eu des actions qui ont
été portées par le ministère, le gouvernement
fédéral. C'est vrai qu'il y a eu des
PIL. C'est vrai qu'il y a eu des programmes Perspectives jeunesse.
M. Johnson: Est-ce que vous êtes au courant de...
M. Pagé: Mais, M. le Président, j'aurais bien voulu
voir le gouvernement fédéral tenter de lancer un programme
exclusif de main-d'oeuvre couvrant tous les secteurs, formation, qualification,
etc., comme le gouvernement du Québec devrait en entreprendre un. Cela
aurait été un tollé de protestations et ce, peut importe
les gouvernements qui auraient été là, et
particulièrement celui qui est là en face dans le moment. (22 h
30)
Le gouvernement fédéral s'est vu dans l'obligation
d'initier des programmes circonstanciels temporaires comme ceux-là. Le
gouvernement du Québec qui nous avait conviés à tant s'est
limité à du plagiat. Il s'est limité à copier ces
programmes-là.
M. Johnson: On va s'en reparler demain.
M. Pagé: M. le Président, le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre aura beau me dire qu'on s'en reparlera demain.
M. Bisaillon: Demain matin.
M. Pagé: M. le Président, le gouvernement du
Québec n'est pas mieux que le gouvernement fédéral
à cet égard. Il a de l'argent, mais il n'a pas d'idée.
M. Johnson: C'est épouvantable.
M. Pagé: II a de l'argent, mais il n'a pas d'idée.
Mais oui.
M. Johnson: Cela fait peur de l'entendre.
M. Pagé: Vous dites aux jeunes et aux employeurs: Vous
savez, nous autres, on a de l'argent, mais on n'a pas d'idée. Envoie,
là, PIJE! Vous savez, présentez-nous un programme et on va vous
subventionner. C'est le programme PIJE.
Je ne dis pas que c'est complètement en dehors de la traque, mais
je dis que plusieurs de ces programmes n'ont pas beaucoup plus de mérite
que les programmes fédéraux d'initiatives locales et de
Perspectives jeunesse. On a eu droit à des OSE. On a eu droit à
des programmes PAT et à des programmes PIJE.
M. le Président, il y a un autre élément dans tout
cela. Quand je vois le gouvernement venir nous dire d'un air mielleux que ce
sont des programmes justifiés. Ce sont des programmes temporaires, ce
sont des programmes circonstanciels, ce sont des programmes limités.
Qu'est-ce que cela permet au gouvernement du Québec quand il introduit
un programme visant à faire travailler les assistés sociaux? Il
faut voir ce qu'il y a derrière le rideau. Le gouvernement se dit: On va
prendre une personne qui, malheureusement, reçoit de l'aide sociale dans
le moment, on va la faire travailler quatre mois selon un programme PAT et,
dans quatre mois, quand notre grande politique de main-d'oeuvre sera
terminée, on la retournera au fédéral sur
l'assurance-chômage et on sera ainsi déchargé de l'appui
à apporter à une famille québécoise qui
bénéficie de l'aide sociale.
M. Bisaillon: C'est à courte vue.
M. Pagé: C'est à courte vue, mais c'est cela. C'est
la politique de votre gouvernement.
M. Bisaillon: C'est votre interprétation.
M. Pagé: M. le Président, est-ce qu'il est
admissible...
M. Johnson: Vous parlez de...
M. Pagé: ... qu'on ait autant de jeunes qui soient
chômeurs au Québec dans le moment, qu'on ait des milliers de
jeunes qui finissent leur CEGEP, l'université, le secteur professionnel
et qui ne soient pas capables, avant deux ans et, dans certains cas, même
trois ans et, dans certains cas, jamais, de travailler dans le secteur dans
lequel ils ont étudié? M. le Président, ces
jeunes-là, la société les a formés à gros
prix, une jeunesse qui est beaucoup plus instruite que dans les années
soixante. Mais le défi qu'on a à l'aube des années
quatre-vingt, c'est de s'assurer que ces jeunes pourront travailler. On ne peut
pas se permettre d'avoir un taux de chômage de l'ordre de 13% pour les
jeunes de moins de 24 ans. Les jeunes et leurs parents ont fait
trop d'efforts et trop de sacrifices pour étudier pour qu'on les convie
seulement à des programmes temporaires et circonstanciels. Est-il
acceptable qu'une société qui a formé des milliers
d'infirmières et d'auxiliaires laisse des milliers de ces personnes en
chômage? Ce n'est pas vrai que les chômeurs sont des personnes qui
ne veulent pas travailler. Ces gens-là veulent travailler.
M. Johnson: En effet.
M. Pagé: Je trouve complètement aberrant, alors
qu'on a des programmes d'un côté et de l'autre, temporaires, etc.,
qui s'inscrivent rarement sous l'égide d'un commun dénominateur,
que dans une ville donnée, on ait une dizaine de petites filles, par
exemple, qui viennent de finir un cours comme infirmières et qu'on les
paie d'une façon ou d'une autre par un programme comme celui-là,
alors que le besoin dans la même ville se pose avec beaucoup
d'acuité pour ces travailleuses professionnelles. La politique de
main-d'oeuvre, le ministre devra cesser, selon moi, de jeter le blâme sur
le gouvernement fédéral. Mais le ministre devra plutôt
amorcer un véritable processus de négociations. Il devra
peut-être mettre la main sur l'épaule du premier ministre, le
futur père de la Confédération, pour lui demander
d'intro-
duire, dans les négociations de l'été prochain,
plus de pouvoirs pour une véritable politique de main-d'oeuvre au
Québec sous la juridiction du gouvernement provincial du
Québec.
M. le Président, compte tenu de l'heure tardive, j'aurais
aimé parler évidemment de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail...
M. Johnson: C'est le Conseil exécutif.
M. Pagé: C'est vrai, ce n'est pas vous qui avez cela.
M. Johnson: C'est dans les crédits du Conseil
exécutif.
M. Pagé: C'est vrai, M. le Président. Le ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre sait tout.
M. Johnson: Vous connaissez bien vos dossiers.
M. Pagé: M. le Président.
M. Johnson: Tout au même ministère.
M. Pagé: Je dois juste...
M. Bisaillon: Comme c'est là, il a été mis
sur une voie d'évitement.
M. Pagé: M. le Président, je dois vous dire
qu'à l'égard du dossier, la santé et
sécurité au travail...
M. Johnson: Vous vous trompez de commission.
M. Pagé: ... je savais pertinemment que c'est sous la
juridiction du ministre d'Etat au Développement social.
M. Johnson: Ah bon!
M. Pagé: Mais je conviens que le ministre du Travail et de
la Main-d'Oeuvre... Je ne poserai pas de question. Je sais qu'il est
peut-être sorti un peu frustré de ce débat-là.
M. Chevrette: On va vous rappeler votre déclaration au
début de la commission parlementaire.
M. Pagé: J'aurais aimé en parler, mais on aura
l'occasion, de toute façon, d'en reparler évidemment de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
M. Johnson: Oui, bien sûr.
M. Pagé: M. le Président, en conclusion, il reste
beaucoup à faire. Le gouvernement s'était engagé à
beaucoup, il a fait peu les résultats en témoignent
le gouvernement doit profiter de la présente commission parlementaire et
des mises en garde qu'on lui a faites dans la présente
déclaration, tout comme il devra profiter de la commission parlementaire
qui siégera à l'automne pour étudier la question des
négociations dans les secteurs public et parapublic, pour non seulement
accepter, mais profiter de la contribution des différentes formations
politiques ici à l'Assemblée nationale.
Quant à nous, M. le Président, je dois vous dire que le
rôle qui nous appartient, soit celui de l'Opposition officielle, est
celui de suivre de près le gouvernement; mon rôle est de suivre de
près le ministre du Travail et je vais continuer à le faire. Peu
importent ses déclarations, peu importent ses affirmations, peu importe
son air, peu importent ses insultes, cela n'est pas grave, ça nous passe
sur le dos, on va continuer à faire notre boulot et on va continuer
à travailler...
M. Johnson: Monsieur fait des tableaux!
M. Pagé: ... avec beaucoup de vigilance et beaucoup de
détermination.
M. le Président, en terminant sur la question du tableau,
j'espère que le ministre répondra à la question que je lui
ai formulée...
M. Johnson: Vous mettez votre siège en jeu... M.
Pagé: Non, mais ce que je vous ai dit...
M. Johnson: ... et les pieds dans les plats. Je suis prêt
à régler pour les pieds dans les plats.
M. Pagé: Vous avez la tête dans le sable. Quant au
siège en jeu, mon siège comme député de Portneuf,
il est beaucoup plus confortable que celui des 95 péquistes qui ont
perdu au référendum dont le député d'Anjou qui
s'est fait battre à plate couture. On regardera cela aux prochaines
élections.
M. Johnson: En proportion, cela a été mieux dans
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, on va continuer à
être vigilants et à travailler. M. le Présient, je vous
remercie.
M. Chevrette: M. Lalande...
M. Pagé: On verra cela. On vous a battus il n'y a pas
longtemps dans Maisonneuve. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Fabien Cordeau
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
participer à cette commission en remplacement de mon collègue, le
député de Richmond, qui a dû s'absenter ce soir, mais qui
reviendra à cette commission demain matin.
Le 31 octobre dernier, le chef de l'Union Nationale a
présenté une motion priant le gouvernement de remplacer le droit
de grève dans les secteurs public et parapublic. Nous savons tous que
les grèves dans les secteurs public et parapublic frappent très
durement la population du Québec depuis quelques années. Les
syndicats s'en servent trop volontiers comme un instrument de
harcèlement et un instrument de facilité, selon les propos
mêmes du premier ministre. Ce qui est pire, c'est qu'il semble bien que
rien n'empêchera ces grèves parfois même sauvages, sauf si
le gouvernement légifère de façon à remplacer le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic par une autre
formule.
C'est un fait que l'existence du droit de grève dans les secteurs
public et parapublic, cela dérange et cela fait mal. Voilà
maintenant plus de quinze ans que ce droit existe, qu'il jouit d'une
reconnaissance juridique à la suite d'une loi adoptée par le
gouvernement Lesage en 1964. Depuis ce temps, nous avons connu plusieurs
grèves et ce, dans tous les secteurs de la vie publique: hôpitaux,
foyers d'accueil pour personnes âgées, transport en commun,
écoles, policiers, HydroQuébec, SAQ, etc. Que ce soient des
grèves de zèle, des grèves perlées ou des
grèves générales illimitées, on y a tous
goûté plus d'une fois et chacun d'entre nous peut se rappeler un
ou deux événements fâcheux qu'il a vécu
personnellement ou qu'un être proche de lui a vécu.
Aussi, alors que le gouvernement n'a aucune idée
définitive de ce que pourrait être la formule de remplacement,
l'Union Nationale a déjà fait valoir sa pensée à ce
sujet. La solution proposée par notre parti consiste en une formule de
négociation permanente comprenant l'arbitrage obligatoire pour le
règlement des clauses normatives et l'élaboration d'une politique
salariale basée sur la moyenne payée dans le secteur
privé. Aussi, comme le gouvernement n'a pas encore proposé de
solution de rechange au fléau qui affecte le Québec lors de
chaque période de négociations dans les secteurs public et
parapublic, nous, de l'Union Nationale, croyons qu'il est du devoir du
gouvernement de se pencher sur la solution envisagée par notre
parti.
L'Union Nationale n'est pas la seule à exiger une réforme
dans ce domaine. En effet, en décembre dernier, l'Union des
municipalités recommandait de nommer des arbitres permanents pour
contrôler les grèves des fonctionnaires. En janvier de cette
année, M. Roger Phillips, président de la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan, déclarait que l'octroi du droit
de grève aux employés de l'Etat québécois
s'était soldé par une faillite. Il a précisé que,
selon lui, il faut mettre fin à ce genre d'affrontements
stériles. Il est inacceptable de tenir ainsi les citoyens en otage. Par
la suite, le président du Congrès du travail du Canada, M. Dennis
McDermott, parlant devant les délégués au congrès
du Syndicat des fonctionnaires provinciaux de la Colombie-Britannique, a
déclaré que le mouvement ouvrier devrait commencer à
remplacer le recours à la grève par des formes nouvelles et
intelligentes d'action collective.
Toujours dans cette option, le ministre de la Fonction publique et le
député de Joliette-Montcalm ont exprimé des opinions
semblables et désirent eux aussi des changements en profondeur dans ce
domaine. J'insiste aussi, M. le Président, pour souligner que cette
motion est devenue un ordre de la Chambre. En effet, cette motion fut
adoptée de façon unanime par la Chambre et je précise que
pas un seul membre de cette Assemblée nationale n'a voté contre
la motion bien qu'il y ait eu trois abstentions. Aussi...
M. Chevrette: Bisaillon encore!
M. Cordeau: M. le Président, je n'ai nommé
personne. Aussi, comme le disait le député de Nicolet-Yamaska, Me
Serge Fontaine, à l'Assemblée nationale le 18 décembre
dernier, ce dont les citoyens du Québec ont besoin, c'est d'une
loi-cadre en ce domaine, qui remplace le droit de grève par la
négociation permanente et l'application forcée des conventions
collectives par voie d'arbitrage obligatoire. C'est ce que l'Union Nationale a
demandé depuis au-delà d'un an et demi, si ce n'est pas plus.
C'est ce à quoi tous les parlementaires de l'Assemblée nationale
se sont engagés à la suite d'une motion qui a été
présentée par le chef de l'Union Nationale en date du 31 octobre
dernier.
M. le Président, si on me permet, je vais lire cette motion qui
est par la suite devenue un ordre de l'Assemblée nationale du
Québec. Cette motion se lisait ainsi: "Que cette Assemblée est
d'avis que la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre soit
convoquée afin d'étudier l'opportunité de remplacer le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic par une formule de
négociations permanentes comprenant l'arbitrage obligatoire pour le
règlement des clauses normatives et l'élaboration d'une politique
salariale basée sur la moyenne payée dans le secteur
privé".
Maintenant, M. le Président, suivant notre règlement, cet
ordre de l'Assemblée nationale deviendra caduc lors de la prorogation de
la présente session. Mais, comme il s'agit d'un ordre de la Chambre,
donc d'un ordre très important et qui porte ur un sujet tout aussi
important, il me semble qu'il faille envisager... un moyen pour empêcher
que cet ordre ne devienne caduc. Une telle procédure peut se faire en
suivant notre règlement.
C'est donc dans cette optique qu'au nom de mon parti, je demande au
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'il veut bien s'engager
solennellement à tout faire en son pouvoir pour que, dès
l'été prochain, la commission permanente du travail et de la
main-d'oeuvre soit convoquée afin d'étudier cet ordre unanime de
la Chambre, malgré les trois abstentions. (22 h 45)
II faut à tout prix que cet ordre de la Chambre soit
respecté et tout doit être mis en oeuvre afin d'éviter
qu'une erreur ou qu'une négligence puisse rendre cet ordre de la Chambre
caduc, car autrement, ce ne sera pas la volonté de la Chambre qui va
être respectée, mais le désir de ceux qui se
sont abstenus; et la démocratie en prendra un coup.
Enfin, je demande au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'il
veut prendre l'engagement de plaider auprès du Conseil des ministres
pour que l'ordre de l'Assemblée nationale, datant du 31 octobre 1979,
soit respecté. J'espère que M. le ministre a bien compris mes
propos et que, tantôt, dans sa réplique, il nous fera part de ses
commentaires.
Mais, M. le Président, avant de terminer, je voudrais attirer
l'attention du ministre sur quelques points en particulier. Entre autres,
j'aimerais que le ministre nous fasse part des programmes ou des études
qu'il a entrepris parce qu'il l'a mentionné tantôt dans son
allocution concernant les finissants du secondaire professionnel. Car il
ne faut pas se cacher... Je pense que tous les députés qui sont
autour de cette table ont eu, dans leur bureau, la visite de jeunes finissants
d'écoles secondaires qui n'ont pu trouver du travail, soit parce que les
règlements de l'Office de la construction du Québec les en
empêche et également parce que l'on fournit actuellement à
nos jeunes, dans les polyvalentes, une formation sachant bien qu'ils ne
trouveront pas d'emploi, même si l'on sait qu'ils ne trouveront pas
d'emploi à la fin de leurs études. Je trouve ça illogique,
irresponsable de la part du gouvernement et également de tous ceux qui
s'occupent de l'éducation de nos jeunes. On m'a même dit: On ne
peut offrir d'autres formations à nos jeunes parce qu'actuellement on a
un certain équipement et il faudrait en acheter d'autre pour former nos
jeunes. Mais je trouve que si on en est rendu là dans la
société, dans nos écoles secondaires, à vouloir
former des jeunes, parce qu'actuellement on a un certain équipement dans
ces écoles et qu'il faut l'employer...
Je pense, M. le ministre, que vous avez la responsabilité de
travailler en étroite collaboration avec le ministre de l'Education afin
de trouver les moyens appropriés pour donner à nos jeunes une
formation et qui répondra à la demande du marché du
travail, parce que vous avez même dit tantôt qu'il y avait une
pénurie de main-d'oeuvre en certains domaines. Il me semble que tous les
efforts devraient être concertés afin de former nos jeunes dans
les domaines où vous constatez actuellement qu'il y a pénurie de
main-d'oeuvre.
Rien ne sert de former des jeunes pour en faire des chômeurs
immédiatement à la fin de leurs études. S'il y a tant de
jeunes en chômage, c'est qu'ils n'ont pas été formés
en vue d'occuper un emploi sur le marché du travail actuellement. C'est
là un bobo et je pense que nos jeunes se découragent.
Réellement, il faudrait y porter une attention toute
spéciale.
Concernant la formation de ces jeunes, il y en a qui sortent
diplômés en électricité ou autrement. Ils se
trouvent un employeur qui est prêt à les engager parce qu'il
connaît la famille ou le jeune en question, parce qu'il a peut-être
travaillé pour lui durant l'été. Or, c'est impossible
d'avoir une carte de travail, une carte qui lui permettrait d'aller sur le
marché du travail, parce qu'il faut que tous ceux qui sont sur les
listes aient trouvé un emploi avant eux. Je ne sais pas si les
règlements dans la construction ont été changés
dernièrement ou si vous avez l'intention d'apporter certaines
modifications afin de procurer à ces jeunes qui sortent des
écoles polyvalentes ou d'autres écoles spécialisées
les moyens d'être embauchés alors que l'employeur est prêt
à leur garantir un emploi permanent. Aujourd'hui, ils sont
empêchés de travailler.
Je voudrais aussi inviter le gouvernement à poser des gestes
concrets afin de relancer la construction au Québec, car on dit souvent:
Lorsque la construction marche, tout marchel Mais, actuellement, on
s'aperçoit que dans la construction, c'est très calme et ce sera
encore plus calme à l'automne. Je vais vous dire pourquoi. Les
obligations que vous avez mises sur le marché à 14%
d'intérêt, M. Parizeau, ont eu un succès boeuf. Vous en
avez écoulé pour $700 000 000 alors que vous en vouliez
peut-être $250 000 000. Ce succès est venu parce que les
épargnants ont trouvé qu'à 14% c'était un
très bon placement et il ne faut pas les en blâmer. Par contre,
ils ont presque vidé, mis à sec les comptes d'épargne des
caisses populaires et des banques. Pour avoir rencontré, en fin de
semaine, des gérants de caisse populaire, je sais qu'ils seront dans
l'impossibilité de prêter et même d'avancer des sommes
d'argent. Même s'ils l'avaient promis à des gens qui devaient
construire, ils sont dans l'impossibilité de leur prêter de
l'argent, de remplir leurs engagements faute de disponibilités. Les
comptes de banque ont presque été vidés à cause du
taux d'intérêt que les citoyens pouvaient retirer de ces
obligations. Les caisses populaires sont rendues à un point crucial,
c'est même dramatique.
J'ai bien peur que le ministre des Affaires municipales, qui voulait
faire administrer son programme Loginove par les caisses populaires, ne soit
dans l'impossibilité de mettre à la disposition...
M. Johnson: Oh!
M. Cordeau: Attendez un peu! Il va faire face à des
difficultés dans les caisses populaires ou dans les banques parce
qu'elles n'auront pas d'ici deux mois, trois mois, les disponibilités
nécessaires pour prêter les sommes dont le ministre des Affaires
municipales va avoir besoin pour la mise en place de son programme
Loginove.
M. Johnson: C'est exagéré.
M. Cordeau: Bien, vous vous informerez auprès des maisons
d'affaires et des banques. Ce sera crucial d'ici quelques mois et le
chômage dans la construction, qui est à un point crucial
actuellement, va devenir dramatique dans quelques mois parce que les sommes
nécessaires pour ceux qui veulent construire ne seront pas disponibles
dans les institutions bancaires.
Je voudrais que le ministre, tantôt, dans ses remarques, nous
fasse le point en ce qui regarde la grève à l'Office de la
construction du Québec car, là aussi, cette grève va
perturber tout le domaine de la construction. Je crois sincèrement que
c'est un domaine névralgique actuellement pour la relance
économique. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, j'aurai quelques remarques
seulement. Je voudrais d'abord dire au député de Portneuf que,
quand j'ai utilisé l'expression "fini les folies", je l'avais
empruntée de son véritable chef, M. Trudeau.
Ceci dit, moi aussi, je partirai de la conclusion du
député de Portneuf qui disait qu'il y avait beaucoup à
faire dans le domaine des relations de travail. C'est tout à fait vrai.
Je le dirai comme point de départ de mon intervention parce que c'est
vrai qu'en relations de travail il y a beaucoup à faire. Mais il y a
surtout une adaptation continuelle à faire dans le domaine des relations
de travail et c'est continuellement mouvant comme situation. Là-dessus,
j'ai été même surpris parce qu'on ne se rappelle pas
toujours quand on n'a pas la liste des projets de loi ou de la
réglementation, ou des diverses mesures qui ont été prises
j'ai été même impressionné par le bilan qu'en
a tracé le député de Portneuf. Je peux vous avouer que si
on regarde cela comme ministère isolément, quand tu sais qu'il y
a 26 ministères au gouvernement, c'est assez impressionnant comme
mesure.
Tout en admettant que ce n'est pas parfait parce que je pense que la
perfection, dans le domaine politique, n'existe pas, il n'en demeure pas moins
qu'il y a eu au moins des efforts de faits qui ont contribué à
changer une chose fondamentalement: c'est que l'esprit d'affrontement pour le
plaisir de l'affrontement semble de moins en moins exister. On réussit,
je pense, à parler; on réussit à rencontrer les leaders
syndicaux dans nos propres milieux et on réussit à dialoguer avec
eux, indépendamment des situations qu'on a vécues, choses qu'on
ne voyait pas dans les années 1976, en particulier, où on se
plaisait plutôt à s'affronter et où on recherchait
plutôt le mot clé qui choquait au lieu d'essayer de rechercher une
solution en se servant des modes normaux prévus dans le Code du
travail.
Je vous avoue que j'ai été heureux personnellement la
semaine dernière de voir le règlement du conflit de la CECM de la
façon dont il s'est réglé puisque je m'attendais à
une rentrée parlementaire où on aurait dit: Qu'est-ce que vous
attendez pour adopter une loi d'exception pour casser ces maudits
syndiqués? Cela aurait été à peu près les
remarques qu'on aurait eues de nos amis d'en face. Pour une fois, le
gouvernement s'est servi d'une mesure qui lui était dévolue en
vertu des lois existantes et a réglé le conflit purement et
simplement par une mesure qui était permissive et qui ne prêtait
pas flanc à cette traditionnelle démarche de nos amis
libéraux qui est toujours d'essayer de casser le monde syndical.
Je pense qu'il y a eu de la bonne foi de la part des gens de l'Alliance
de Montréal autant dans la conciliation, que dans le
phénomène de la médiation, dans le processus de la
médiation, et je considère que, comme gouvernement, on a
réussi à prouver qu'on était capable de faire la part des
choses selon l'endroit où se trouvait le problème. Quand le
problème se trouve du côté patronal, il ne faut pas
être gêné pour le dire. Quand il se trouve du
côté syndical, il ne faut pas être gêné pour le
dire non plus, mais il ne faut pas être "mindé" uniquement
patronal comme j'ai connu chez certaines formations politiques. Je les ai
vécus, à part cela, comme problèmes.
Je finirai très brièvement en vous disant qu'il y a
beaucoup à faire, c'est vrai. Le fait que le ministre du Travail ait
déjà annoncé, avant même que le député
de Portneuf prenne la parole, qu'il avait l'intention de soumettre à
l'automne un débat sur toute la question de négociations, un
débat plus élargi au niveau du Parlement, je considère que
c'est là une façon aussi de relever les défis qui nous
attendent. En relations de travail, je disais que c'était mouvant au
début et je suis personnellement convaincu que ceux qui vont chercher
par une mesure législative à vouloir stopper ou arrêter
il faut bien utiliser les deux termes pour me faire comprendre
toute grève, je pense que ce sont des rêveurs. Il y a des pays qui
n'ont même pas le droit de grève et où le totalitarisme et
l'autoritarisme priment. Ce sont peut-être les pays qui ont le plus de
grèves. Chercher un éventuel climat social par des mesures
radicales dans le contexte social d'aujourd'hui, je pense que c'est faire fi
des réalités. C'est beaucoup plus en adaptant nos
mécanismes aux situations, aux conjonctures sociales et aux conjonctures
politiques, à chercher à renouveler nos mécanismes, faire
en sorte de mettre le doigt sur les bobos pour tâcher d'assouplir ces
mécanismes pour que les gens se parlent et qu'on trouve des
solutions.
En tout cas, c'est de même que je le vois. Et je ne vois pas
vraiment la recherche de solutions radicales qui régleraient
fondamentalement les problèmes des relations de travail dans les
domaines public et parapublic. C'est beaucoup plus par l'assouplissement des
mécanismes, comme on a essayé de le faire par les amendements au
Code du travail. On aura beau dire qu'on n'a pas tenu nos promesses, mais il
n'en demeure pas moins que, dans le domaine de la démocratie syndicale,
je peux au moins dire qu'on a fait des pas de géant en mettant le vote
de grève obligatoire, par exemple, qui a été
respecté dans la quasi-totalité des syndicats. C'est une
démarche sur laquelle on avait pris des engagements. Et on a tenu
parole. Je pense que cela a servi, en tout cas, à la base syndicale
à s'exprimer d'une façon très libre tout au cours du
processus de négociation.
II y a peut-être lieu... J'ai lancé une idée de la
négociation permanente. Je pense que c'est une hypothèse ou une
option à fouiller, parce que je considère que l'encombrement des
rôles d'arbitrage, en particulier dans le domaine de l'éducation,
c'est sans doute une des causes, une des sources d'agressivité,
puisqu'on se ramasse avec des milliers et des milliers de griefs à
l'avance qui peuvent dégénérer, justement, en certaines
stratégies, mais qui ne peuvent contribuer aussi, par le fait
même, si c'est une stratégie de défaut, quand un grief ne
se règle pas et que les gens questionnent, qu'à remettre la faute
sur le tribunal d'arbitrage. A ce moment-là, l'agressivité monte
passablement. Donc, si on ne touche pas au processus de négociation, il
faudrait au moins toucher à d'autres aspects qui sont les causes de
l'agressivité comme telle.
Je voudrais faire une petite boutade au député de
Saint-Hyacinthe. L'épargne de $700 000 000, c'est une pinotte sur $55
000 000 000 d'épargne au Québec. Je ne sais pas si vos sources
sont vraiment dignes de foi, mais c'est quasiment un non-sens. (23 heures)
M. Cordeau: Je pourrais fournir au député de
Joliette-Montcalm des noms de gérants de caisse populaire.
M. Chevrette: Bon, en tout cas. Je croyais qu'un bon
d'épargne, pour la majorité de ceux qui en prenaient, cela se
faisait à partir de leurs propres déductions à la source
dans bien des cas.
M. Cordeau: Depuis samedi soir, ça n'a pas
changé.
M. Chevrette: Je voulais finir par cela, je trouvais que votre
source avait l'air louche un peu. Vous n'en avez pas consulté beaucoup
sûrement.
Les étudiants, vous en avez parlé et, personnellement,
face aux étudiants, aux finissants des écoles, le problème
n'est pas tellement au niveau de la formation comme au niveau des ouvertures de
postes.
M. Cordeau: Oui, mais...
M. Chevrette: Quand bien même vous formeriez nos jeunes
avec des outils encore plus adéquats, quand il n'y a pas d'emploi, il
n'y en a pas!
M. Cordeau: Le ministre a dit tantôt qu'il y avait une
pénurie de main-d'oeuvre!
M. Chevrette: Dans certains secteurs d'activités, mais
chaque fois qu'un gouvernement veut contingenter dans le domaine de la
main-d'oeuvre, il y a un tollé et on parle de liberté. Demain,
vous allez avoir le député de Beauce-Sud qui va venir nous parler
du règlement de placement dans l'industrie de la construction. A la
minute où on va essayer de dire aux étudiants dans les
écoles qu'on ferme telle option parce qu'il y a un surplus de
main-d'oeuvre, vous allez vous attaquer aux droits et aux libertés
individuels. Il faudrait savoir sur quel pied vous dansez et de quelle
politique vous vous chauffez, à un moment donné, pour qu'on
puisse vraiment dégager un consensus au niveau du gouvernement.
M. Cordeau: II y a un problème.
M. Chevrette: II y a un problème et je vous dis pourquoi:
C'est parce que vous ne savez pas où vous allez. J'ai fini, moi.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je laisserai parler le député de
Beauharnois avant, M. le Président.
M. Laurent Lavigne M. Lavigne: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: ... ce sera très court. Je voulais dire
quelques mots sur ce sur quoi le député de Joliette-Montcalm a
terminé et ce sur quoi le député de Saint-Hyacinthe s'est
exprimé un peu. Au niveau du placement, ou du contingentement, ou du
perfectionnement de nos jeunes, je pense qu'il y a un problème de fond
et le ministre, dans son exposé au début, en a fait état.
Ce sont les relations qui existent entre le provincial et le
fédéral. Les gens d'en face vont toujours nous dire que chaque
fois qu'il y a un problème qui se pose, c'est la faute du
fédéral, mais effectivement, il y a là un problème,
et je pense que tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas résolu, ce
fameux problème, il sera là.
Ce serait jouer à l'autruche que de ne pas vouloir le constater.
On n'a qu'à regarder, par exemple, les investissements ou, si vous
voulez, depuis une trentaine d'années, le taux de chômage qui
existe en Ontario et au Québec; c'est le double. Pourquoi est-ce le
double? On a établi à environ 6% le taux de chômage en
moyenne depuis une trentaine d'années au Québec; pendant ce
temps, sur la même période, en Ontario, on a établi une
moyenne d'environ 3,4%. Quand on ne regarde qu'un champ d'activités,
depuis les dernières années, depuis l'implantation de la
construction d'automobiles au Canada, 97% du monde de l'automobile est
installé en Ontario avec énormément d'aide du
fédéral, avec des subventions extraordinaires II y a GM ou Ford
qui devait venir s'installer chez nous et, à la dernière minute,
le fédéral a offert $40 000 000 et Ford est allée
s'installer en Ontario. Cela aurait créé des emplois.
Cela, c'est le monde de l'automobile; il y a un autre secteur
d'activités où on aurait pu voir une création d'emplois
ici, c'est par l'un des plus gros contrats du siècle, l'achat du M-18
plutôt que le F-16.
M. Cordeau: Parlez-nous donc de Bombardier!
M. Lavigne: Oui, c'est une autre question. Je vous parle de
faits, du vécu. Quand on regarde les investissements du
fédéral par rapport au développement de l'industrie en
Ontario, comparativement au Québec, c'est énorme comme
différence, ce qui fait qu'on a eu un taux de chômage à peu
près du double depuis une trentaine d'années. On aura beau
contingenter, on aura beau réglementer l'apprentissage de nos jeunes, en
fin de compte, s'il n'y a pas de "job", ça ne donnera rien.
L'investissement qui est fait dans le retour de nos taxes et de nos
impôts qu'on paie à Ottawa, au fédéral par
l'entremise du Québec, c'est sous forme de chômage plutôt
que sous la forme de création d'emplois. C'est là qu'est le
noeud, c'est là le problème. Réglons ce problème
aujourd'hui comme demain, faisons en sorte que le fédéral, dans
ses retours d'impôts au Québec, ne nous les retourne pas en
chômage, mais en création d'emplois, et vous n'aurez pas le
problème que vous avez souligné tout à l'heure, celui
qu'on a dans nos écoles techniques. Je le connais, le problème,
je suis un enseignant de l'école technique. Moi, je formais des soudeurs
et mon collègue formait des menuisiers. Effectivement, quand ils
étaient diplômés, ils arrivaient sur le marché du
travail et faisaient face au problème que vous avez soulevé. Si,
par contre, au niveau de la création d'emplois, au niveau de
l'industrialisation du Québec, il y avait eu un tas de champs
d'activités qui avaient été ouverts,
développés, ç'aurait pu être différent, mais
on est tout seul à le faire pendant qu'en Ontario ils sont deux, le
gouvernement provincial aidé du gouvernement fédéral.
C'est un aparté que je voulais faire, c'est une remarque que je
voulais faire, je pense qu'elle est pertinente. C'est un problème qui
existe depuis trop longtemps et, tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas
réglé, nous aurons à débattre de la question que
vous avez soulevée tout à l'heure. Je pense qu'il n'y a pas de
solution à part celle-là. Quand nous disons dans notre programme
et dans notre volonté comme gouvernement qu'il faut rapatrier nos taxes
et nos impôts ici, au Québec, c'est un élément qui
nous permettrait cela.
Dans le même ordre d'idées, on vient tout juste d'annoncer,
il n'y a pas si longtemps, $15 000 000 qui avaient été promis
pour développer les mines de sel aux Iles-de-la-Madeleine. Ils viennent
de nous les soutirer. Cela aurait créé des emplois. Nous allons
probablement le faire seuls.
M. Pagé: Vous aviez promis de le faire seuls, faites-le
seuls.
M. Cordeau: Vous auriez dû garder le gouvernement
précédent à Ottawa.
M. Lavigne: De toute façon, c'était mon droit de
parole, messieurs. Je vous demanderais de le respecter. Je ne suis pas
intervenu quand vous avez pris la parole. C'étaient les quelques remar-
ques que je voulais faire et je pense qu'elles sont pertinentes. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le
député de Beauharnois.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, l'étude des
crédits du ministère du Travail nous permet de nous prononcer non
seulement sur les montants d'argent, mais beaucoup plus sur les orientations et
les politiques qui se dessinent pour l'année qui vient. Cela nous permet
aussi en même temps de faire un bilan de l'année
écoulée. Il y a une chose que les statistiques ne nous
révéleront pas, sauf pour les marchands de malheur, ce sont les
choses qui ont été réussies. On dit que les couples
heureux sont sans histoire, de la même façon, les statistiques. On
n'est pas porté à rechercher, à l'intérieur des
documents qui nous sont fournis, les nombreuses conventions collectives qui se
sont réglées sans conflit. De plus en plus, depuis au moins deux
ans, on assiste à un grand nombre de négociations qui se
résolvent, qui se concluent sans l'exercice du droit de grève,
sans même la nécessité pour le syndicat de passer ou de
procéder à un vote de grève.
Quant à moi, cela m'indique un renforcement évident du
service de conciliation et de médiation du ministère du Travail,
un service qui a fait ses preuves depuis deux ans, qui a agi dans le milieu,
là où les problèmes se pensent. Ce n'est pas au Parlement
qu'on règle les conventions collectives, c'est dans le milieu. C'est
l'efficacité du service de conciliation et de médiation. Vous ne
retrouverez pas cela dans les statistiques parce que vous ne le rechercherez
pas. On va rechercher le nombre de jours-homme perdus, mais on ne cherchera pas
le nombre de jours-homme sauvés par l'efficacité d'un service du
ministère du Travail.
Dans le domaine des relations de travail on aura beau chercher tous les
systèmes parfaits ou le système le plus parfait, c'est un milieu
qui ne sera jamais parfait. On n'atteindra jamais la perfection, parce qu'on
sera toujours en constante évolution.
Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est fournie pour demander au
ministre de répondre à un certain nombre de questions et de
commentaires que j'ai à faire aussi sur l'étude que j'ai faite
des crédits du ministère. Certaines de mes remarques vont se
rapporter à la recherche, d'autres aux lois comme telles.
Au niveau de la recherche, le député de Portneuf l'a
souligné tantôt, je serais aussi intéressé à
recevoir je sais que c'est actuellement un document de travail, le
ministre nous a informés tantôt que l'étude qui avait
été faite sur les injonctions, de même que sur
l'accréditation multipatronale était actuellement à
l'étude au conseil consultatif. Il me semble que ce serait
intéressant, concernant ce document de travail s'il est rendu au
conseil consultatif, le milieu patronal et
le milieu syndical en sont informés que les parlementaires
qui se préoccupent des questions de relations de travail puissent avoir
au moins le document qui sert actuellement de base au conseil consultatif. Ce
sont deux problèmes dont nous avons longtemps parlé, qui sont
susceptibles de régler une foule d'affrontements, quand on pense aux
injonctions, et aussi apporter une amélioration évidente dans le
système des négociations, quand on pense à
l'accréditation multipatronale.
Pour ce qui est des recherches nouvelles, j'en aurais quatre à
proposer, et je voudrais savoir, si elles ne sont pas prévues dans le
budget actuel, comment le ministre pourrait intégrer dans les
crédits qui lui sont actuellement alloués ces quatre recherches:
une première sur les services essentiels. Lorsque je parle de services
essentiels, je voudrais distinguer les services essentiels en milieu
hospitalier et les services essentiels de façon
générale.
Concernant les services essentiels en milieu hospitalier, quoi q'on en
ait dit et on veut toujours faire le tableau le plus noir possible
il est d'après moi faux de prétendre que les amendements
qu'on avait votés la dernière fois, quant à
l'établissement d'un mécanisme nouveau de services essentiels,
ont été totalement inefficaces. Au contraire, selon moi, ce
nouveau système, malgré ses erreurs, malgré les choses
qu'on pourrait encore corriger, a donné de meilleurs résultats
que tout ce qu'on avait pu essayer auparavant.
Je déplore cependant, au niveau du secteur hospitalier, que le
comité de surveillance des services essentiels qu'on a mis sur pied au
moment de la négociation ne soit pas un comité permanent. Je
souhaiterais qu'en termes de relations de travail ce comité de
surveillance des services essentiels en milieu hospitalier, si c'est tellement
important pour les gens de l'Opposition, comme cela l'est de notre
côté de toute façon, puisse travailler de façon
permanente. Sans cela, on relie toujours la notion de services essentiels
à un conflit de travail et ce n'est pas vrai que c'est uniquement
pendant cette période de temps qu'on doit surveiller les services
essentiels. Si c'est important quand il y a un conflit de travail, ce devrait
être important en période d'été, quand les
médecins prennent leurs vacances. Ce devrait être aussi important
durant les vacances de Noël, les vacances de Pâques, que l'on
surveille si, dans chacun des hôpitaux ou des institutions
hospitalières du Québec, les services essentiels sont
assurés à la population du Québec.
D'après moi, on dédramatiserait de cette façon
l'exercice du droit de grève dans ce secteur. Je reviendrai tantôt
à l'exercice du droit de grève dans ce secteur quand je parlerai
de la quatrième recherche qui, d'après moi, devrait être
faite durant l'année qui vient. Pour ce qui est de l'autre partie des
services essentiels, ce sont des notions qu'on n'utilise pratiquement pas, mais
qui touchent davantage la population, selon moi, que le milieu hospitalier. Je
me réfère, par exemple, au conflit qui a eu cours à
Montréal dans le secteur du transport en commun. Il me semble que
l'outil utilisé lorsqu'on fait la grève dans une ville comme
Montréal, lorsque les travailleurs du milieu du transport en commun font
la grève, l'outil est démesuré par rapport aux objectifs
qui sont poursuivis, c'est-à-dire la conclusion d'une convention
collective.
Là aussi, il faudrait se pencher sur une notion ou une
définition des services essentiels afin de protéger justement les
travailleurs, parce que, pendant un conflit comme celui-là, ce sont les
petits travailleurs, les plus bas salariés qui souvent ont
été amenés à perdre leur emploi. Que de grandes
entreprises aient des difficultés, cela peut se comprendre. Que la
population en souffre légèrement, cela s'accepte aussi pour une
population qui doit aussi tenir compte des travailleurs de ce secteur qui sont
des travailleurs des secteurs public et parapublic comme les autres. Par
exemple, on pourrait penser que dans ce milieu on pourrait aller à un
service multiplié par deux en termes de temps. Si un circuit prend une
heure ou vingt minutes, il pourrait prendre, en temps de conflit, trois fois
plus de temps, mais ne pas être interrompu totalement. Il me semble que
dans ces milieux on ne parle jamais de services essentiels, mais que, selon
moi, il va falloir s'attaquer à ce problème dans son ensemble et
non pas uniquement au niveau du secteur hospitalier.
Cela m'amène à suggérer au ministre ou à lui
poser des questions quant aux annonces qui avaient été faites
relativement au dernier conflit dans le transport en commun à
Montréal, aux annonces qui avaient été faites d'une
enquête sur l'administration de la CTCUM, à Montréal, de
même que sur le système de relations de travail qui prévaut
dans ce milieu. Tantôt, le député de Joliette a
indiqué que l'esprit qui prévalait depuis deux ou trois ans dans
les relations de travail au Québec n'était plus un esprit
d'affrontement. J'apporterais peut-être une légère
correction à cela. Il est évident que, au niveau gouvernemental,
si on pense aux centrales syndicales ou aux syndicats qui ont affaire avec le
gouvernement, on remarque effectivement qu'il n'y a pas un esprit
d'affrontement comme il y en avait un avant, mais cet esprit d'affrontement,
selon moi, s'est déplacé. Il est rendu en bas. Il est maintenant
au niveau des commissions scolaires. Il est au niveau des municipalités.
Il est au niveau des organismes publics locaux. C'est là qu'il est rendu
et c'est à ce niveau qu'il faudra travailler. Il me semble que, dans ce
cadre, une enquête sur l'administration et le système de relations
de travail à la Commission de transports de la Communauté urbaine
de Montréal s'imposerait. (23 h 15)
De la même façon, le ministre nous a annoncé qu'il
entendait faire un retour sur les négociations des secteurs public et
parapublic. Quant à moi, j'y ai participé d'assez près
pour savoir qu'il y a eu encore une fois de très grandes
améliorations dans la façon dont les négociations ont
procédé. Cependant, il me semble que si on devait faire un retour
sur les négociations des secteurs public et parapublic, si on veut en
arriver à quelque chose
qui soit encore plus sécuritaire pour l'avenir, il faudrait avoir
la participation de toutes les parties et ne pas se contenter de le faire
uniquement au niveau du Parlement. Le faire de façon plus élargie
avec les parties qui sont en présence. Quand je parle des parties en
présence, je parle des centrales syndicales, du gouvernement et des
membres de l'Opposition.
Un dernier point, M. le Président, je voudrais indiquer que, pour
moi, la recherche et les études devraient être faites rapidement
sur la notion de la négociation permanente. Pas une négociation
permanente... Il existe plusieurs formes de négociation permanente. Il
s'agirait de savoir laquelle on veut privilégier ici au Québec.
Il semble qu'on ne doive pas attaquer ce problème de la
négociation permanente en pensant que cela supprime, au départ,
le droit de grève. Cela n'a aucun lieu commun, aucune commune mesure:
parler de la négociation permanente et parler, en même temps, de
supprimer le droit de grève. L'existence de la négociation
permanente ferait en sorte de diminuer les effets où l'application,
où l'exercice du droit de grève... Mais penser supprimer le droit
de grève et penser qu'en faisant cela, on va régler tous les
problèmes, c'est ou bien parce qu'on est naïf ou bien parce qu'on
ne connaît pas le milieu des relations de travail.
En termes de législation, M. le Président, je souligne,
encore une fois, au ministre du Travail qu'on a voté une loi qui a
été excellente je ne ferai pas le tour de toutes les
excellentes lois que nous a rappelées le député de
Portneuf, que je remercie d'ailleurs parce qu'on n'avait pas pensé
à faire le bilan de toutes les lois qui s'étaient
appliquées aux travailleurs du Québec depuis l'arrivée du
Parti québécois au pouvoir une de ces lois dont on a
vérifié l'application et ce sont les mesures qu'on appelle
communément mesures antibriseur de grève. Il me semble
qu'à l'usure, à l'usage, à l'application, on a pu se
rendre compte qu'il y avait un certain nombre de trous qui, selon moi,
n'existaient pas dans l'esprit du législateur au moment où il a
voté la loi. Je sais que le ministre compte bien attendre le
ré-examen complet du Code de travail pour procéder à des
aménagements, mais il me semble que dans le budget de recherche, que
j'ai remarqué, il y aurait peut-être de la place pour
vérifier la possibilité d'apporter des améliorations
à cet aspect du Code du travail.
Le deuxième secteur, c'est un secteur qui me tient un peu
à coeur, c'est le problème rencontré actuellement par le
syndicat de musique, Syndicat de la musique du Québec. Le
problème se pose de la façon suivante: les travailleurs qui sont
membres du Syndicat de la musique ne peuvent pas travailler, y compris dans les
institutions gouvernementales, comme par exemple Radio-Québec, la Place
des Arts, le Grand Théâtre à Québec, parce qu'il
existe un autre syndicat qui est la Guilde des musiciens et que les
travailleurs de la guilde refusent de travailler sur un même plateau que
des gens qui n'appartiennent pas à la guilde, ce qui crée un
monopole de la guilde, au Québec, et la guilde, c'est une union
multinationale. Il me semble qu'une loi, dans ce cadre, s'imposerait en prenant
comme base le précédent qu'on a créé dans la
construction où on permet, par exemple, à un travailleur de la
FTQ et à un travailleur de la CSN et à un travailleur de la CSD
de travailler sur un même chantier sans tenir compte de
l'allégeance syndicale. On a voulu ce système justement pour
briser un monopole qui devenait dangereux, au Québec, sur les chantiers
de construction. Il me semble qu'en s'inspirant de la même loi, on
pourrait, en même temps permettre à des travailleurs du
Québec qui appartiennent à un syndicat ou à un autre, de
gagner leur pain, chez nous. Cela fait partie de mesures qui se passent
rapidement et qui, j'en suis convaincu, recevraient l'approbation de l'ensemble
des membres du Parlement.
En terminant, M. le Président, je voudrais faire quelques
commentaires ce sera très rapide sur le secteur
main-d'oeuvre du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre. Deux
aspects: le premier, ce sont les projets PIJE et PAT. J'ai eu le
privilège de voir à l'oeuvre, dans le comté de
Sainte-Marie, trois projets du ministère du Travail, projets PAT, qui
s'adressaient à des bénéficiaires du bien-être
social. Contrairement à ce que nous a décrit tantôt le
député de Portneuf, je peux dire par expérience,
pour avoir vécu dans un milieu peut-être moins favorisé que
celui qu'il représente que j'ai vu les effets
bénéfiques de projets comme ceux-là, et l'objectif qui est
poursuivi par ceux qui appliquent les projets comme ceux-là, et
l'objectif qui est poursuivi par ceux qui appliquent les projets dans un milieu
comme le nôtre, c'est non seulement d'occuper pendant un certain nombre
de semaines des assistés sociaux à travailler pour, après
ça, les replacer sur l'assurance-chômage, mais, en plus de
ça, leur donner une formation au travail et les recycler dans un travail
permanent.
Le dernier projet qui a été réalisé dans le
comté de Sainte-Marie a permis de placer, de façon permanente,
60% des personnes qui avaient été engagées dans le projet
Aménagement-travail. Si ce ne sont pas des projets qui sont
bénéfiques, si ce ne sont pas des projets qu'il faut encourager,
je n'y comprends plus rien. Effectivement, pendant 26 semaines, on rend des
services à une population dans son ensemble et, en plus de ça, on
recycle des gens dans du travail permanent.
Ce genre de projet doit être encouragé, mais ça
m'amène à parler, M. le Président, des projets PIJE qui
s'adressent aux jeunes et qui, jusqu'à maintenant, s'adressent
uniquement aux entreprises, c'est-à-dire que c'est dans le cadre des
entreprises que les jeunes peuvent être placés. Il me semble que
les projets actuels sont originaux, dans le sens qu'ils améliorent en
même temps la condition de l'ensemble des travailleurs d'une entreprise,
tout en permettant de créer des emplois additionnels pour des jeunes,
mais demandent la collaboration des entreprises, nécessitent souvent une
procédure qui est assez longue, assez compliquée pour les
entreprises qui ont souvent d'autres chats à fouetter que de penser
à créer un
emploi additionnel pour diminuer les heures de travail de leurs
employés, de sorte qu'il y a un certain nombre de projets qui pourraient
être réalisés et qui ne le sont pas.
L'autre aspect c'est que, souvent, ça s'adresse à des gens
qui ont une formation particulière et il y a une catégorie de
jeunes qui ne correspondent pas aux critères des projets qui sont
déjà prévus. Il me semble qu'on pourrait peut-être
ajouter deux formes de projets. C'est-à-dire un premier qui serait
identique au projet PAT, mais s'adressant uniquement à des jeunes, sans
considérer s'ils sont sur le bien-être social ou sur
l'assurance-chômage, et un deuxième type de projet qui
s'adresserait aux jeunes, mais qui viserait à leur donner de la
même façon qu'on fait avec les projets PAT une formation
particulière.
Le dernier aspect concernant la main-d'oeuvre, c'est un aspect que j'ai
remarqué et qu'on peut remarquer d'ailleurs quotidiennement, c'est le
manque de coordination qui peut exister entre, par exemple, le ministère
de l'Education, le ministère de l'Immigration et le secteur
main-d'oeuvre au ministère du Travail. Parfois il y a du chevauchement,
il n'est pas de la responsabilité nécessairement du
ministère du Travail; il y a combien de programmes qui existent, au
ministère de l'Education, dont on ne sait même plus s'ils sont
encore mis en application. Il y a des programmes d'études et de
recherche sur la formation professionnelle qui ont été mis sur
pied au ministère de l'Education il y a quatre ans et dont on ne se
souvenait même pas qu'ils étaient encore en fonc- tionnement, qui
font du dédoublement par rapport au travail que le secteur de la
main-d'oeuvre du ministère du Travail pourrait faire.
Il me semble qu'un effort accru de coordination entre ces trois
ministères permettrait aussi d'apporter aux travailleurs du
Québec une amélioration dans le travail qui est fait
actuellement.
Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le
député de Sainte-Marie.
M. Johnson: M. le Président, si vous n'avez pas
objection...
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Johnson: ... je pourrais peut-être, si mes
collègues, de part et d'autre, me le permettent, apporter les
éléments de réponse au fur et à mesure que nous
ferons la programmation, au cours de l'étude des crédits,
demain.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous proposez...
M. Johnson: Je proposerais donc l'ajournement de nos travaux
à demain, après la période des questions.
Le Président (M. Laberge): C'est un ajournement sine
die.
Fin de la séance à 23 h 25