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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 10 juin 1980 - Vol. 21 N° 302

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre

(Vingt heures vingt-quatre minutes)

Le Président (M. Laberge): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre entreprend l'étude des crédits budgétaires pour l'année 1980-1981 du ministère du même nom. Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lefebvre (Viau), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par M. Lalande (Maisonneuve), M. Pagé (Portneuf), M. Paquette (Rosemont).

M. Chevrette: II faudrait remplacer M. Lefebvre (Viau)...

Le Président (M. Laberge): Par?

M. Chevrette: Par M. Adrien Ouellette (Beauce-Nord).

Le Président (M. Laberge): M. Lefebvre (Viau) remplacé par M. Ouellette (Beauce-Nord).

M. Chevrette: II sera ici demain.

Le Président (M. Laberge): Parfait. Pendant ce temps peuvent aussi intervenir M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dussault (Châteauguay), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin...

M. Pagé: M. Forget sera remplacé, M. le Président, par M. Mathieu (Beauce-Sud).

Le Président (M. Laberge): M. Forget remplacé par M. Mathieu (Beauce-Sud). M. Gosselin (Sherbrooke), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Springate (Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda). Y a-t-il une suggestion pour nommer un rapporteur pour cette commission?

Une Voix: M. Lavigne (Beauharnois).

Le Président (M. Laberge): M. Lavigne (Beauharnois) est suggéré et est désigné comme rapporteur de la commission.

Avant d'entreprendre l'étude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre programme par programme, je laisse la parole au ministre pour faire une déclaration générale. Vous avez la parole.

Remarques générales M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, j'aimerais d'abord vous dire que m'accompagnent au cours de cette commission, en plus de mes collègues, plus particulièrement fascinés par les questions de travail et de main-d'oeuvre, le personnel du ministère, certains sous-ministres et directeurs de service et certains recherchistes, en plus de mes collaborateurs immédiats. Ils seront tous là lors de l'étude de ces crédits aujourd'hui et demain, ou ce soir et demain, pour tenter de répondre, avec le plus de précision possible, à toutes les questions que je vois déjà venir de la part de nos collègues de l'Opposition.

M. le Président, l'année 1980, sur le plan...

Le Président (M. Laberge): Voulez-vous, pour que le journal des Débats enregistre, les nommer ou... Il y en a qui le font. Il y en a d'autres qui ne le font pas.

M. Johnson: Au fur et à mesure, la chose se prêtant. Je voudrais simplement dire qu'au niveau des sous-ministres, il y a ici M. Lapointe, sous-ministre adjoint à l'inspection, mais également sous-ministre en titre par intérim; M. Blain, sous-ministre adjoint aux relations de travail; M. Archambault, sous-ministre adjoint à la main-d'oeuvre; M. Parent, sous-ministre adjoint au centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail, et les directeurs de service et de section dont le directeur général des relations de travail, M. Désilets.

M. le Président, je voudrais, dans cette ouverture, en étant bien conscient que le règlement me permettrait de prendre trois heures, simplement prendre un peu moins de temps que cela étant donné que les députés de l'Opposition veulent également faire des commentaires généraux, d'après ce que j'ai compris de certaines interventions qu'ils ont faites cet après-midi.

Je voudrais cependant, pendant quelques longues minutes, entretenir les membres de la commission des questions qui sont afférentes, en particulier, à la main-d'oeuvre également faire un bilan et tracer quelques perspectives en ce qui a trait au secteur des relations de travail, à l'ensemble des relations de travail.

D'abord, il faut comprendre que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre est, comme le disent son titre et son nom, un ministère qui a une double vocation, mais qui, dans le fond, est unique compte tenu des parties qui sont les mêmes. Que ce soit dans les relations de travail ou dans les politiques de main-d'oeuvre, il y a des individus, des agents, des intervenants ou des parties, selon le cas, qui, si ce n'est pas sur le plan formel, tout au moins sur le plan des individus, se trouvent à être les mêmes. Il faut donc voir, dans les politiques de main-d'oeuvre dont je parlerai un peu tout à l'heure, un effort de reconnaître la nécessité d'harmoniser dans notre société les énergies que l'Etat met, le pouvoir réglementaire qu'il déploie dans le sens d'un meilleur développement harmonieux, dans le sens de la création, dans la mesure où cela est possible, du bonheur des individus et dans le sens, là où cela touche les

parties quant à la productivité ou quant au partage de la richesse, d'une harmonie sociale qui permette globalement au peuple auquel nous appartenons, qui est le peuple québécois, de progresser.

La main-d'oeuvre au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre représente à peu près la moitié de ce ministère en termes d'effectif et beaucoup plus que la moitié en termes budgétaires. Il faut bien se rendre compte que le budget de la main-d'oeuvre au Québec est passé de $35 000 000 à $76 000 000 en l'espace de deux ans et qu'à cela seul, accompagné d'une augmentation considérable d'effectif de près de 35% ou 40%, il faut bien voir que le gouvernement du Québec voit, dans le secteur de la main-d'oeuvre, une nécessité et en fait une priorité de fait. (20 h 30)

On assiste, depuis quelque temps, à l'amorce d'une politique de main-d'oeuvre québécoise. Et je ne parle pas ici des centaines de pages qui ont été noircies, avec beaucoup d'espoir dans bien des cas, par des universitaires ou par des gens préoccupés par cette question, et qui sont restées lettre morte sous les précédents gouvernements. Je parle de la mise en place progressive, solide, articulée autour de la réalité et non seulement des idées, de programmes, de la mise en présence des exigences de l'économique et du social dans la vie des individus, des exigences qui sont le plus facilement atteintes quand on tente de les décrire en cernant la notion de ce que représente le marché du travail ou les marchés du travail. C'est sans doute, d'ailleurs, un des concepts les plus courants quand on parle de politique de main-d'oeuvre.

Sur quelle toile de fond s'insère la présence gouvernementale dans le secteur de la main-d'oeuvre au Québec? Cette toile de fond est caractérisée par quatre éléments: la présence fédérale, le délabrement relatif dans lequel nous avons trouvé les services de main-d'oeuvre au ministère il y a trois ans, en y arrivant, le problème fondamental que constitue, pour une société moderne comme la nôtre, le chômage, fût-il conjoncturel, et, évidemment, l'inadéquation qu'on remarque entre les offres et les demandes sur les marchés ou l'inadéquation entre les moyens qu'a l'Etat à sa disposition et les problèmes qui se posent dans la société.

D'abord, la présence fédérale. C'est la première partie de cette toile de fond que je veux décrire. Présence massive sur le plan financier du gouvernement central du Canada sur le territoire québécois par, entre autres, l'assurance-chômage, les subventions et les programmes conditionnels encadrés en général par des lois d'une rigidité certaine et des accommodements qui se sont toujours voulus souples, mais qui ont été la source de confusions budgétaires incroyables entre nous et le fédéral depuis 1967, donc pas seulement sous le présent gouvernement, des subventions à tout le secteur de la formation professionnelle des adultes, la sélection des candidats qui est faite par les centres de main-d'oeuvre du Canada alors que les besoins, eux, sont beaucoup plus perçus, ressentis au niveau du ministère de l'Education du Québec ou au niveau des réseaux québécois dans le secteur des affaires sociales, par exemple, ou dans ces secteurs où l'expertise québécoise, à cause de notre juridiction exclusive en matière d'éducation et ses extensions, y compris dans le secteur de la main-d'oeuvre, nous permet de cerner mieux la réalité.

Evidemment, les programmes et l'incroyable duplication à laquelle se livre le gouvernement fédéral dans le secteur de la création d'emplois, que ce soit le programme de crédits d'impôts ou carrément l'entretien du grand "parking" de la sécurité sociale par des "Perspectives jeunesse" qui s'avèrent après douze ans sans perspective, des programmes d'emplois temporaires qui, dans bien des cas, sont amenés à susciter des besoins et à créer littéralement dans notre société des appétits auprès d'organismes, de groupes, qui auraient peut-être vu à s'autosuffire ou autrement se seraient vus inscrits dans une politique globale du ministère des Affaires sociales ou du ministère de l'Education...

C'est ainsi, par exemple, que des centaines d'organismes au Québec ont reçu des subventions fédérales au cours des dix dernières années, mais, en général, dans le cadre de programmes conditionnels. Le fédéral disait, par exemple, la Popote roulante de la rue Azilda dans mon comté, vous avez une subvention de $28 000 qui va cependant décroître sur une période de trois ans, et la Popote roulante s'est fondée, et on a engagé quelques personnes pour faire en sorte que des gens âgés qui ne quittaient pas leur domicile ou avaient de la difficulté à le faire se voyaient apporter un repas chaud à tous les deux jours et au bout de trois ans, évidemment, le fédéral décide soudainement de ne plus subventionner la Popote roulante. Qu'est-ce que vous pensez qu'il arrive avec la Popote roulante? Cela se ramasse dans le bureau du député provincial parce que le député fédéral, lui, explique: Madame, c'est le provincial qui s'occupe des affaires sociales. Les citoyens, eux, qui ont bénéficié de ce programme le méritaient, mais les priorités ont été établies par des organismes fédéraux qui ne connaissent pas nécessairement les besoins, qui ne sont pas capables de relier ce type d'intervention carrément aux besoins ou à une planification intelligente en fonction des besoins des citoyens du Québec. C'est seulement, par exemple, pour agiter le "candy", le bonbon, le suçon, la bebelle de la job temporaire accordée, et j'ai des telex qui le démontrent sur recommandation du député fédéral du comté.

Nous, on tente de décentraliser nos réseaux, on tente de faire en sorte que les fonctionnaires responsables, des hommes et des femmes, à travers le Québec, dans tous les ministères du gouvernement, prennent des décisions sur les plans local et régional. De temps en temps un député écrit au ministre responsable, ce qui est parfaitement légitime et normal, et l'opinion du député entre dans l'évaluation, mais, en général,

ne prend pas une part décisionnelle ou une part qui, nécessairement, l'emporte, bien qu'à l'occasion ça puisse faire peser les choses.

Il y a certains députés d'ailleurs, dans cette commission, qui savent que des projets de leur comté ont fait l'objet d'approbation par mon ministère, par exemple, pour celui des Affaires sociales, à partir essentiellement d'une évaluation faite sur le terrain et, à l'occasion, évidemment, le député peut écrire au ministre responsable.

Mais disons que ce sont des cas relativement exceptionnels. Dans l'attribution des subventions fédérales — et l'actuel ministre, M. Axworthy me l'a confirmé récemment par télex — le député fédéral a, à toutes fins pratiques, un rôle décisionnel dans l'octroi de certains de ces fonds. Et je pense que ce n'est pas comme ça qu'on bâtit intelligemment une politique de main-d'oeuvre dans une société moderne.

Donc, présence du fédéral, y compris une présence hyperpolitisée qui, quant à moi, est plus près du scandale que de l'intervention intelligente des hommes politiques, tout comme les gens de l'Opposition en ont fait montre en écrivant quant à certains projets; ils ne prétendent pas s'ingérer, mais simplement ils veulent souligner à l'attention des responsables l'intérêt qu'ils portent à quelque chose.

Présence aussi du fédéral, évidemment, dans le secteur des municipalités; création artificielle, encore une fois: "candy", bonbons, jujubes. Attitude systématique qui empêche de faire en sorte que s'accomplissent des réformes aussi importantes que la fiscalité municipale, la fin du régime discrétionnaire des subventions politisées, et on les connaît les subventions politisées qu'on a connues de 1970 à 1976, quand on sait que certains ministres des Affaires municipales ont distribué allègrement à travers le Québec, surtout en périodes préélectorales, pas loin de $1 000 000 000 de subventions ou de promesses de subventions.

Le gouvernement actuel du Québec a mis fin à ça; il a réduit au maximum l'intervention du pouvoir politique auprès des municipalités pour les fins de planification budgétaire, parce que c'est comme ça que, sainement et intelligemment, on doit administrer les fonds publics. Il restera toujours des programmes où il y a une évaluation qui se fait, par exemple, par le ministère des Affaires municipales, en fonction d'objectifs gouvernementaux. Il s'agit de réduire cette intervention discrétionnaire de l'Etat québécois dans la vie des municipalités.

Le fédéral, lui, intervient encore une fois systématiquement avec des programmes où, entre autres, on a appris... J'ai eu l'occasion d'apprendre à l'un de mes collègues fédéraux il n'y a pas si longtemps qu'il y avait une chose au Québec qui s'appelait le décret de la construction et qu'une aréna, ça ne se bâtissait pas avec des "chums", une aréna, ça se bâtit en tenant compte des contraintes qu'impose un décret quant au salaire, quant aux conditions de sécurité, etc. Pourtant, on se promenait déjà, dans certains comtés, pour faire miroiter des promesses d'aréna, de gymnase ou d'autres choses; après cela, on se retourne et on dit: C'est l'Etat québécois qui vous empêche d'avoir une aréna à Saint-Anaclet. Alors que ce n'est pas cela, c'est une politique irresponsable de la part des fédéraux, dans bien des cas.

D'ailleurs, la politique fédérale sur le plan de sa présence québécoise est tellement incohérente qu'elle sent en ce moment le besoin de copier même le sigle d'un des programmes québécois, un des programmes de création d'emplois les plus efficaces au Canada, en ce moment, qui s'appelle PUE, et non pas PIGE, le Programme d'intégration des jeunes à l'emploi du gouvernement du Québec. Le gouvernement fédéral, dans un de ses programmes de placement étudiant, l'appelle PEJE; il profite finalement de l'excellente réputation que le gouvernement du Québec a donné à ses services de main-d'oeuvre. Cela démontre le genre d'attitudes dont on ne doit pas s'étonner de la part de nos collègues du fédéral dans ce domaine et ce n'est pas nouveau, encore une fois.

M. Pagé: C'est bien le fédéralisme que vous voulez renouveler? Est-ce bien ça?

M. Johnson: M. le Président, si vous me le permettez...

M. Pagé: Est-ce bien le fédéralisme que vous voulez renouveler? C'est cela?

Une Voix: Est-ce que ça fait mal?

M. Pagé: Quand même, la vérité a sa place.

M. Johnson: Donc, l'un des éléments importants de cette toile de fond est la présence du gouvernement fédéral...

M. Pagé: Un autre père de la Confédération!

M. Johnson: ... qui, dans certains cas, dans le cas de l'assurance-chômage, par exemple, occupe une place qui n'est pas facile à remplacer à moins, cependant, qu'on n'ait le transfert des ressources qui viennent avec, c'est bien évident. Dans certains cas, pour les fins d'une politique pancana-dienne de mobilité "coast to coast", cela représente sûrement un certain intérêt si on habite à Halifax ou à Moose Jaw ou à Kamloops, mais cela représente très peu d'intérêts quand on vient de Saint-Joseph ou de Sainte-Rosalie parce que la mobilité des Québécois, sur le plan de la main-d'oeuvre, c'est une chose qu'il faut relativer. C'est clair qu'il y a des Québécois en Californie, partout dans le monde, qui travaillent; il y a certains travailleurs de la construction dans certains métiers spécialisés qui peuvent aller dans le reste du Canada ou à l'extérieur du Québec ou du Canada, soit aux Antilles ou ailleurs, avec les compagnies pour lesquelles ils travaillent, mais c'est marginal dans les politiques de main-d'oeuvre québécoises.

Ce problème de la mobilité en matière de main-d'oeuvre au Québec, ce n'est pas un problè-

me de mobilité interprovinciale, bien qu'il existe, mais de façon marginale. C'est fondamentalement un problème de mobilité interrégionale. Et c'est comme cela qu'on va bâtir une politique de main-d'oeuvre intelligente au Québec; c'est en étant capable et en ayant les ressources, effectivement, pour faire en sorte qu'on puisse régler ce type de problème.

Donc, la lorgnette ou la loupe avec laquelle le gouvernement central regarde les problèmes de main-d'oeuvre, dans le contexte de "national policy", et la lunette par laquelle nous voyons cela, comme Etat québécois, c'est une lorgnette différente, les priorités sont différentes. Il ne s'agit pas de dire qu'elles sont meilleures ou pires, il s'agit de savoir lesquelles vont mieux servir les intérêts des Québécois.

Deuxième élément de la toile de fond sur laquelle il fut greffer les questions de main-d'oeuvre, la question du chômage, évidemment. C'est une société en changement où, d'ailleurs, les experts se tirent dans le décor pour se demander — qu'ils soient Britanniques, Allemands, Canadiens, Américains — dans quelle mesure on n'a pas une certaine quantité de chômage culturel quand on voit les chiffres de chômage astronomiques en Occident depuis, particulièrement, le début de la crise inflationniste reliée au problème énergétique. On parle du chômage frictionnel, on parle du chômage chronique, mais il y a peut-être une sorte de chômage culturel; peut-être qu'il y a de nouveaux schémas de valeurs dans notre société qui font que, de temps en temps, on s'en va sur le chômage. Cela reste cependant problématique; il reste à savoir pour combien cela vaut. Disons que c'est peut-être un facteur qui est présent mais constatons une chose, constatons qu'il y a un problème de chômage chronique au Québec. Ce problème, encore une fois, nécessite, dans le cadre d'une politique de main-d'oeuvre, d'être un des éléments que l'on considère dans la planification de nos activités, l'attribution de nos ressources et de nos budgets.

Il faut bien comprendre aussi qu'on prévoyait pour le Québec, il n'y a pas si longtemps — il y a à peu près un an et j'entendais les cris alarmés de l'Opposition, particulièrement ceux du député démissionnaire d'Outremont qui, on le sait, est parti parce qu'il aimait bien son chef — mais, je me souviens...

M. Pagé: II sera remplacé probablement par quelqu'un que vous connaissez bien.

M. Johnson: ... qu'effectivement, le député d'Outremont et quelques autres laissaient poindre à l'horizon un catastrophique 15% à 17% de chômage au Québec à cause, croyez-vous, de la grande incertitude. (20 h 45)

Et pourtant, malgré ces prévisions catastrophiques, le Québec est passé à travers en maintenant — et c'était déjà un effort considérable — le statu quo dans une période de récession, dans une période de changements technologiques avec peu de capacité de récupération dans une société moderne, dans une période où les valeurs de consommation elles-mêmes ayant changé, elles ont des effets sur le chômage ou sur l'emploi à cause de ces changements de consommation. Pourtant, le Québec est passé à travers en maintenant 10%, parfois un peu moins de 10% de chômage.

La dévaluation du dollar y est pour quelque chose; c'est bien évident. Le gouvernement du Québec y est aussi pour quelque chose à cause de sa présence massive dans des programmes de création d'emplois et j'y reviendrai tout à l'heure.

Il y a un autre facteur — je le disais — et c'est le délabrement relatif des centres de main-d'oeuvre du Québec, non pas à cause des gens qu'on y voyait de façon générale, mais à cause du peu d'intérêt qu'y ont porté successivement tous les ministres du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec depuis leur création, à l'exception cependant du fondateur de ces centres de main-d'oeuvre, qui était M. Maurice Bellemare, qui nous a maintenant quittés. Mais dès que M. Bellemare partit, et jusqu'en 1976, il y a eu très peu d'intérêt à l'égard des politiques de main-d'oeuvre et des centres de main-d'oeuvre, avec le résultat que c'était une structure qui était devenue effectivement délabrée, avec des gens démotivés, pourtant pleins de ressources. C'était plein de gens intelligents, plein de gens qui avaient le goût de faire quelque chose, mais c'était aussi plein de politiciens qui, de 1967 à 1976, se sont fichés éperdument de la moitié du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Ces choses-là ont changé, Dieu merci!

Il y a un autre facteur sur la toile de fond, évidemment, c'est l'inadéquation, les absurdités d'une société où il y a 10% de chômeurs et où il y a des pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs. Il y a un problème fondamental sur le plan de la main-d'oeuvre à ce moment-là. Il y a de jeunes ingénieurs en chômage, alors qu'on sait que l'industrie aérospatiale, nonobstant les F-18 de nos amis d'en face, est à la recherche de personnel et prend des gens qui sont à la retraite depuis cinq ans, dans certains cas, pour revenir au travail. Il y a une inadéquation entre la disponibilité de main-d'oeuvre et la disponibilité de l'emploi et pourtant, on connaît du chômage. Il y a un problème de fond sur le plan des politiques de main-d'oeuvre.

Il y a le vieillissement de notre population et, sur le plan démographique, ce que cela indique comme perspectives pour la fin des années quatre-vingt, le début des années quatre-vingt-dix.

Il y a la réinsertion de la femme sur le marché du travail. De plus en plus de femmes réinterviennent sur le marché du travail.

Il y a évidemment toute la question des transferts technologiques, sans compter les problèmes d'emploi qui sont reliés au licenciement, que ce soit pour des fins de transfert technologique ou des difficultés économiques.

Donc, voilà la toile de fond. Maintenant, quelques activités. Je comprends que le député a

une grosse soirée devant lui, mais je lui demanderais d'être patient pour encore quelques minutes.

M. Pagé: Ah! Exécutez-vous!

M. Johnson: D'abord, il s'agissait de mettre sur pied des programmes concrets de main-d'oeuvre qui visaient à répondre à des besoins qu'on ressentait quotidiennement au ministère et c'est extrêmement insatisfaisant de le faire dans un contexte évidemment où la compétence est tronquée et où les ressources sont limitées à cause de la compétence tronquée, compte tenu du chevauchement fédéral-provincial, mais mettons cela à part. C'est difficile cependant aussi parce que... Je vais vous raconter une anecdote. En arrivant au ministère du Travail, j'ai demandé à un fonctionnaire ce qu'était la main-d'oeuvre. Il m'a expliqué essentiellement que c'était un contentieux entre le fédéral et le provincial. Je trouvais que cela manquait un peu de substance, mais je m'étais rendu compte qu'il y a une bonne partie de l'appareil du ministère qui raisonnait en ces termes. Encore une fois, c'est ce que nous avaient laissé nos amis d'en face.

Donc, c'est difficile d'articuler très concrètement, compte tenu du peu de moyens que l'Etat québécois a dans ce domaine, à la fois une vision en matière de main-d'oeuvre et, concrètement, des actions en matière de main-d'oeuvre. Donc, on est parti du vécu, du concret, et de certains problèmes évidents. Le chômage des jeunes, cela saute en plein visage. On n'est pas obligé de faire des études bien longues, on n'est pas obligé de s'en remettre à des briques de 300 pages signées par des universitaires respectables. C'est évident, c'est manifeste, le problème du chômage des jeunes. (20 h 50)

Problème aussi avec les assistés sociaux: l'accroissement du nombre d'assistés sociaux au Québec. Ce n'est pas une tare psychologique ou génétique qu'être assisté social, c'est un statut à l'égard d'un appareil administratif. Cela veut dire qu'on reçoit des revenus d'appoint de l'Etat québécois et, quand on en reçoit de l'Etat fédéral, on s'appelle des chômeurs. Il y a un problème de ce côté-là. Donc, on a tenté de s'en prendre à ces "clientèles" québécoises pour essayer de satisfaire à certains de ces problèmes, à certains de ces besoins, je devrais dire, et évidemment, dans d'autres cas, d'empêcher des fermetures d'usine. Là, encore une fois, il y avait des ressources au ministère; pas de volonté, par exemple, pour le faire, pas de volonté arrêtée de donner des instruments et des moyens à ces services administratifs pour permettre que soient maintenus certains emplois. Les moyens: la recherche, l'analyse.

A ce titre, je vais vous citer quelques exemples de recherches qui ont été faites au centre de statistiques et de données du ministère, un instrument parmi d'autres pour établir une amorce de politique de main-d'oeuvre: des études d'évaluation ou reliées à la connaissance du marché; création d'emplois pour PUE; des politiques telles quelles en matière de main-d'oeuvre; les structu- res occupationnelles dans le secteur du meuble; l'inventaire des mesures d'emploi au gouvernement du Québec et du Canada pour se donner des instruments intelligents; des prévisions d'emploi 1980-1981; la situation des finissants du secondaire professionnel; le bulletin d'information régional sur la main-d'oeuvre. Ce ne sont que quelques exemples et il y en a des dizaines. Tout cela a été mis en place depuis trois ans, des instruments et des programmes comme les programmes d'aide au travail, le PAT; le programme de création d'emplois ou d'intégration des jeunes à l'emploi, le PUE, qui ont connu — je dois le dire objectivement, je pense — des succès considérables, tellement que les fédéraux essaient de les copier.

Le programme d'aide au travail vise essentiellement une catégorie de nos concitoyens; même si ce ne sont pas uniquement ceux-là, ce sont ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont aux prises avec un problème de chômage chronique, qui ne sont plus admissibles à des prestations fédérales et qui sont au bien-être. $11 500 000 ont été mis là-dedans dans le dernier exercice financier et il y en aura sans doute plus cette année. Donc, création de programme où, d'une part, on permet à un assisté social ou à une assistée sociale de se réintégrer au marché du travail, dans le cadre d'un emploi qui, en général, est temporaire; ce qui n'empêche pas, dans certains cas, qu'on réussisse à créer des emplois permanents.

Deuxièmement, des travaux qui, eux, ont une sorte de vocation collective, cette vocation collective étant de permettre, par exemple, à une municipalité ou à un organisme de laisser quelque chose à la communauté parce que, après tout, cela vient des fonds publics, cet argent-là. Finalement, sur le plan de l'individu, la personne impliquée dans cet emploi, lui donner le goût au travail, lui réapprendre, dans certains cas, là où c'est difficile, lui donner des ressources, y compris une journée par semaine où on fait l'apprentissage de la recherche d'un emploi.

PIJE, le Programme d'intégration des jeunes à l'emploi, a cinq volets: qualité de vie au travail, expérimental, comme c'est le cas du partage d'emploi pour le moment qui, le jour où il débloquera, deviendra sans doute considérable. Les stages et les programmes d'aide aux très petites entreprises pour les fins de la création d'emplois permanents: succès considérable encore une fois, des milliers d'emplois créés. Au niveau des stages, un phénomène extrêmement intéressant: un taux de rétention de 45% à partir d'une étude sommaire, qui n'est pas une étude validée encore, dans certaines régions. Il y a 45% des jeunes stagiaires dont on a payé le stage dans une entreprise, que ce soit comme sténo-dactylos, comme commis, comme manoeuvres, comme spécialistes ou usi-neurs qui n'exigent pas une carte de qualification, dans les métiers intermédiaires entre celui qui exige une formation précise et celui qui s'apprend en emploi; un taux de rétention de 45% des stagiaires dans les entreprises, c'est extrêmement intéressant, encore une fois.

Donc, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, par ses programmes, a participé à la création, à sa façon, des 82 000 emplois créés au Québec l'an dernier. Je ne prétends pas que c'est nous qui les avons tous créés, mais on y a cependant participé. C'est intéressant, d'ailleurs, de voir qu'alors que le Conference Board du Canada prévoyait 42 000 emplois pour l'année qui vient, c'est déjà atteint après quatre mois. On est rendu plus loin que ce qu'il prévoyait pour toute l'année. Cela va mal au Québec, paraît-il.

Création, également, d'un service de protection de l'emploi à l'intérieur de la section main-d'oeuvre; concertation régionale des agents du ministère de l'Industrie et du Commerce, des agents du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, dans certains cas, des intervenants socio-économiques dans les régions. Résultat strictement préliminaire: 1500 emplois sauvés au Québec grâce à l'intervention de ces comités. On a fait un petit calcul budgétaire: cela a coûté $30 par emploi. C'est assez extraordinaire, ça ne coûte presque rien pour faire ces comités dans la mesure où il y a des ressources dans une région et où il y a une volonté de le faire. On a sauvé 1500 emplois grâce à cela. Evidemment, ce n'est pas de la création en chiffres absolus, mais on a empêché des fermetures par l'intervention des agents du milieu, par le syndicat qui est présent, qui y participe, par les travailleurs, par l'entreprise, par une expertise qu'on peut apporter de l'extérieur et par une concertation entre le MIC et le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Donc, de façon générale — et je terminerai là-dessus pour les questions qui touchent à la main-d'oeuvre — on peut dire que les politiques de main-d'oeuvre au Québec, encore une fois malgré la situation un peu tronquée dans laquelle doit évoluer ce secteur, auront pris un souffle remarquable parce que l'avenir pour le Québec est là. Il faut bien se rendre compte que, dans les années quatre-vingt, les problèmes de notre société vont être largement reliés aux politiques de main-d'oeuvre. Il faut commencer à préparer ce terrain, il faut se donner des instruments pour le faire. C'est ce qu'on a fait depuis trois ans; on ne prétend pas être parvenu à un succès mirobolant, mais extraordinaire compte tenu des ressources que le Québec a, compte tenu du champ qu'il peut occuper, compte tenu de ce qu'il avait à rebâtir, à part cela, comme crédibilité des centres de main-d'oeuvre, les sortir de leur état de misérabilisme pour en faire des installations respectables et solides et qui donnent des services aux citoyens, aux entreprises et qui sont là pour l'ensemble de la population.

C'est aussi un laboratoire de concertation extraordinaire que la main-d'oeuvre. Probablement qu'un des endroits au Québec où les agents principaux dans notre société peuvent s'entendre, y compris les partis politiques et, si je ne me trompe pas, y compris le Parti libéral, c'est dans cette nécessité de définir une politique québécoise de main-d'oeuvre. L'ensemble des centrales syndicales s'entend sur la nécessité de le faire et que ce soit fait au Québec. L'ensemble des organismes patronaux, la Chambre de commerce et le Conseil du patronat — je pense que c'est une des seules choses sur lesquelles le Conseil du patronat est d'accord avec celui qui vous parle, le gouvernement de celui qui vous parle — est d'accord sur la nécessité de définir une politique québécoise de main-d'oeuvre, et que cela devrait être de juridiction québécoise.

Je pense, si je ne me trompe pas, à moins que le Parti libéral n'ait changé d'idée depuis le livre beige, ce qui ne serait pas étonnant, que le Parti libéral a déjà été un tenant de la nécessité de définir une politique québécoise de la main-d'oeuvre sur le territoire québécois, exclusivement par des Québécois. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne participera pas dans ce qu'on peut avoir d'intérêts communs avec les autres provinces. Donc, la main-d'oeuvre, un souffle, c'est là l'avenir. Il faut continuer de mettre des ressources, c'est ce que le gouvernement va faire. Il faut répondre à des besoins plus près de la société québécoise que ne peuvent le faire d'autres institutions comme celle du gouvernement central, répondre à des besoins plus criants à l'intérieur du gouvernement même: le problème des assistés sociaux et le problème de la réinsertion d'une partie de notre population active qu'on est en train d'envoyer sur le grand stationnement, celui du ne-rien-faire, et c'est un problème devant lequel il faut sévir. Sans compter tous les autres problèmes d'adéquation entre la formation, les exigences du marché du travail, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, la mobilité interrégionale, évidemment, les grands problèmes de perspectives pour la fin des années quatre-vingt pour lesquelles il faut commencer à penser maintenant. Le vieillissement de la population et les problèmes de remplacement technologique.

Les relations de travail, j'irai peut-être un peu plus brièvement sur ce secteur, ce qui ne m'empêchera pas cependant, en cours d'étude, programme par programme, d'y revenir plus longuement. Description rapide, c'est quoi cela? Les relations de travail, au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, ses conciliations, arbitrage, décrets, Tribunal du travail, évidemment, Commissariat du travail, médiation préventive. Voilà essentiellement les services qu'on retrouve dans la direction générale ou sous le sous-ministre adjoint aux relations de travail. Il y a eu changement de personnel depuis la dernière fois que nous avons discuté des crédits: nouveau directeur du service de conciliation, création du service de médiation préventive avec un coordonnateur, nouveau commissaire général du travail depuis la dernière fois qu'on s'est vu, création du service d'arbitrage accéléré depuis qu'on s'est vu la dernière fois. (21 heures)

Donc, encore une fois, beaucoup d'activités de ce côté. La toile de fond, évidemment: les secteurs public et parapublic. On a tous vu passer cela comme un train à travers le parlement. On en a parlé beaucoup. Les media en ont parlé. C'est bien normal. Des grèves, perlées, entières, partiel-

les, temporaires, générales, illimitées, limitées, toutes les variantes y étaient. L'ensemble des secteurs a été touché plus ou moins fortement. Bilan total, moins pire, Dieu merci, que 1972 et 1976, sur le plan statistique, dans la mesure où nous sommes en ce moment équipés pour le faire, parce que ce n'est pas terminé les compilations statistiques; il y a encore des rondes de négociations locales.

Essentiellement, on retrouve une situation qui est moins apeurante que les catastrophes de 1972 et 1976 et surtout, même si ça n'a malheureusement pas marché, comme on aurait pu souhaiter que ça se fasse, une atmosphère discrète. Cela, on l'a tous senti; on l'a tous senti comme individu, comme citoyen, comme député à l'Assemblée nationale aussi: pas de violence, pas de monde en prison, de citoyens perturbés, dérangés, c'est vrai, privés des services auxquels ils ont droit et qui sont perturbés. Encore une fois faut-il mettre chacun de ces problèmes en perspective? Il y a des problèmes chroniques, que ce soit à la Commission des accidents du travail ou dans n'importe quel service qui fait affaires directement avec les citoyens. La grève, dans certains cas, les a perturbés ou a mis en évidence qu'il y avait des problèmes chroniques; dans d'autres ç'a été un problème aigu: les hôpitaux, l'éducation, mais, fondamentalement, pas l'atmosphère d'affrontement, de crise, de déchirement que j'ai connue, moi, en 1976, en tout cas dans les hôpitaux, pour y avoir vécu, y avoir fait une partie de mon métier et y avoir passé une partie de ma vie. Pas cette atmosphère déchirante de haïne incroyable, de déchaînement, mais encore, malheureusement, le recours à un instrument qui a des effets collectifs et qui, en ce sens, je pense, exige une réflexion.

Tout ça, dans un contexte, encore une fois, qui est celui de la tentation du conservatisme, fort bien incarné par les gens d'en face, un parti dit libéral et qui s'appellera peut-être le parti conservateur-libéral. Après tout, on a connu des progressistes-conservateurs, on pourrait peut-être connaître des libéraux-conservateurs. La tentation du conservatisme, malheureusement confondue, dans certains esprits — et cela devient inquiétant quand c'est chez ceux qui aspirent aux plus hauts postes dans cette société — avec la tentation de l'autorité. Le conservatisme et l'autorité sont des choses bien différentes, mais il semble que cette confusion soit joyeusement alimentée par nos amis d'en face.

On n'a qu'à regarder autour de nous, en Occident, en Angleterre et même dans certains endroits plus près de nous, aux Etats-Unis, en Californie, la proposition 13, la tendance, le virage à droite qu'on voit venir en "Occident" — entre guillemets — c'est une toile de fond qui existe. Elle existe au Québec comme elle existe ailleurs dans les pays libres.

Il faut faire attention, il faut être prudent par exemple, il faut réfléchir, il ne faut pas donner là-dedans démagogiquement. Il faut asseoir les actions qu'il y aura à entreprendre dans notre société sur une réflexion, pas sur un réflexe, et cette réflexion, elle reste à faire.

Les perspectives pour moi, ce sont les perspectives qui reconnaissent la notion si centrale de la liberté dans notre société, tant celle d'association, de capacité pour des travailleurs de se regrouper dans un syndicat, de revendiquer, d'essayer d'améliorer leurs conditions de travail, en même temps que la liberté des individus à l'égard de l'Etat, comme à l'égard, dans certains cas — de certaines structures syndicales qui parfois abusent. Il y a quelques exemples qui sont connus; d'ailleurs, les tribunaux en ont été saisis. Grâce à une loi que nous avons fait adopter par ce Parlement il y a deux ans et demi, ces tribunaux ont été saisis d'exemples de discrimination d'une structure syndicale à l'égard des travailleurs, mais ils commencent, et on a trouvé un instrument pour protéger, dans certains cas, là où c'est nécessaire, le travailleur contre les abus d'une structure qui, parfois, a sa propre tentation de la puissance.

Donc, principe fondamental pour la perspective à venir: la liberté, celle de collectiviser ses droits, de collectiviser ses revendications, de traduire, en termes d'un regroupement et de la force que cela représente dans une société libre, ses aspirations, ses besoins, sa volonté, mais également la liberté des individus, la liberté de la personne humaine, de la femme ou de l'homme travailleur ou travailleuse.

Civilité également du rapport de force, essentielle dans notre réflexion, essentielle dans les perspectives pour notre société; civilité du rapport de force. Déjà, encore une fois — et le bilan est là pour le démontrer — il y a peu de violence au Québec, Dieu merci, depuis trois ans. Je ne prétends pas que ce soit uniquement à cause des lois, mais cela a aidé, par exemple. Les conflits ont duré moins longtemps de façon générale, comme si en même temps qu'une prise de conscience de la nécessité de l'harmonie pour augmenter la productivité de notre société, il y avait également l'intervention très concrète de mesures législatives qui ont permis d'atténuer des problèmes.

Par exemple, je me souviens des sermons, des cris de mort qu'on entendait en face de nous quand le gouvernement du Québec a dit: II y aura le précompte syndical obligatoire, ce qu'on a appelé la formule Rand, à tort, mais enfin, ce que communément on appelle la formule Rand, le précompte syndical obligatoire. Je trouve cela intéressant. Le ministre du Travail de l'Ontario vient de déposer à l'Assemblée législative de Queen's Park un projet de loi qui copie la loi adoptée par ce Parlement il y a deux ans et demi en matière de précompte syndical obligatoire. Savez-vous pourquoi? Parce qu'ils ont fait une étude et ils se sont rendu compte qu'il y avait des grèves en Ontario — qui a d'ailleurs conservé, il y a un an et demi maintenant, le championnat des grèves; c'est d'ailleurs une chose qu'on a réussie comparé à nos amis; pour une des trois années où nous sommes là, nous avons réussi à remettre à l'Ontario son championnat des grèves, ce que vous n'avez jamais réussi à faire de 1970 à 1976 — qui sont des grèves de reconnaissance syndicale.

Entre autres, certaines de ces grèves, comme celle de la United Aircraft, on s'en souvient, ç'en

était un symbole, sont reliées à la question du précompte syndical obligatoire, et l'Ontario va légiférer exactement deux ans et demi après le Québec dans le sens où le Québec a légiféré. Maintenant que ce sont les Ontariens qui le font, je suppose que ce doit être bon. Le Québec est en avance là-dessus comme dans d'autres choses, d'ailleurs.

Finalement, dans la perspective nécessitée d'une réflexion partagée dans l'ensemble de notre société, y compris par les structures syndicales et certaines des structures patronales — je remarque qu'il n'y a personne, du côté patronal dans les hôpitaux, qui a carrément demandé l'abolition du droit de grève dans les hôpitaux, c'est assez surprenant — je présume qu'il doit y avoir une réflexion qui se fait tant du côté syndical que patronal du problème que pose l'effet, sur les tiers, de l'exercice de ce rapport de force dans les secteurs public et parapublic. Je pense qu'il faudra que se fasse cette réflexion au Québec, il faudra la faire sans doute quelque part à l'automne, il faudra qu'interviennent systématiquement tous les agents qui sont intéressés. Ce n'est pas par des diktats autoritaires qu'on va régler les problèmes de notre société, c'est en essayant de fabriquer un minimum de bon sens, si ce n'est pas du consensus.

A travers tout cela, les activités du côté des décrets, déblayage, élagage, nomination d'un nouveau directeur, M. Morrissette, responsable des décrets, tutelle dans le secteur de certains décrets, modernisation de cet instrument et, je pense, de plus en plus un instrument qui pourrait être efficace quant à ceux qui existent, création de l'arbitrage accéléré, je l'ai mentionné, consolidation de certains articles du Code du travail. 81-A, c'est l'arbitrage de la première convention collective; plusieurs conflits réglés grâce à ces dispositions. Egalement, dépôt de différentes conventions collectives à partir de 81-A. 97-D, les dispositions antibriseurs de grève. Le premier jugement intervenu en cette matière par le Tribunal du travail a condamné la compagnie Shell Company of Canada à $40 000 il y a deux semaines. J'espère qu'il y en aura d'autres, surtout à l'égard de ceux-là; on a vu ce qu'ils ont fait dans l'Est de Montréal.

Conciliation volontaire, succès intéressant. Médiation préventive, deux douzaines d'expériences en cours depuis un an. Déjà, certaines expériences ont donné leurs fruits et on a conclu, à toutes fins pratiques, on a réussi à harmoniser les relations de travail à quelques endroits particulièrement difficiles dans le passé, et on espère que les prochaines conventions négociées se feront dans un climat de collaboration.

Finalement, point fondamental dans l'attitude qu'on a adoptée depuis trois ans dans ce secteur, pas de politisation des conflits. Le sous-ministre adjoint au centre de recherche est beaucoup plus présent dans certains dossiers de conciliation que ne l'est le ministre du Travail. Je m'explique là-dessus. C'est beaucoup plus important de savoir quel est le problème de la clause d'ancienneté telle qu'applicable dans le cadre d'un changement technologique dans l'industrie de l'aluminerie, par exemple, que de savoir si le député Untel ou le ministre Untel est intervenu dans le dossier. C'est bien plus important que ce soient les parties qui règlent cela à la table et c'est bien plus important, plutôt qu'avoir l'intervention des politiciens dans ces dossiers, d'avoir une expertise de recherche concrète qui peut aider les parties à savoir de quoi elles parlent, à savoir à quoi elles se réfèrent et à savoir ce qu'elles font dans certains cas pour les aider. Donc, dépolitisation des conflits de travail, c'est réglé au Québec. On me parlera de la CECM tout à l'heure, je répondrai. Je répondrai, j'ai des choses à dire là-dessus, j'ai un petit rapport à faire lire aux gens d'en face.

En somme — je termine là-dessus, M. le Président — la perspective, c'est celle d'une jonction des relations de travail et de la main-d'oeuvre en termes de préoccupation dans la mesure où les années quatre-vingt vont nous amener des problèmes importants qui vont affecter les citoyens dans leur vie. La seule façon d'envisager les solutions à ces problèmes, encore une fois, qui sont largement des problèmes de main-d'oeuvre et pas seulement de relations de travail, ce sera par la voie de la concertation, pas par la voie des décisions autoritaires, pas par la voie des diktats, pas par la voie des solutions magiques ou faciles. La seule vraie solution "magique" entre guillemets, c'est celle de la concertation d'une société moderne et où chacun prend sa responsabilité.

Est-ce qu'on va laisser seulement les politiciens décider? Est-ce qu'on va faire en sorte que les politiciens décident aussi seulement à partir de ce que pense le secrétaire adjoint du Conseil du patronat et la vision qu'il représente de notre société? Ou, si on ne pense pas qu'une société, c'est un peu plus large que juste le Conseil du patronat? Une société comprend des individus, ça comprend des travailleurs syndiqués, ça comprend des travailleurs non syndiqués dont il faudra également s'occuper, comme on l'a fait avec la loi 126 qui est entrée en vigueur il y a quelques semaines et qui, dans la pratique, va permettre à des travailleurs un peu plus de bonheur, un peu plus de raisons peut-être de comprendre pourquoi il faut être "productif" — entre guillemets— parce qu'il faut être motivé pour être productif.

Les solutions à ces problèmes, dans notre société, à l'égard des travailleurs syndiqués comme non syndiqués, passent par la concertation et, très concrètement, ces choses sont amorcées. Oh! sans fatras, sans grande conférence de presse. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre où siège des représentants patronaux et syndicaux est saisi en ce moment, en particulier, de deux dossiers extrêmement importants et, déjà, il travaille très laborieusement sur deux recherches dont j'avais évoqué la préparation l'an dernier lors de l'étude des crédits, c'est-à-dire le multipatronal, le problème de l'accès à la syndica-lisation, à travers le multipatronal comme problématique et, deuxièmement, la question des injonctions et la question de l'utilisation des injonctions dans les relations de travail.

Et c'est là que ça doit se faire, pas dans des déclarations tonitruantes qui confondent, encore une fois, conservatisme et autoritarisme. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf. (21 h 15)

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai écouté attentivement la déclaration du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et député d'Anjou. Je me demande ce qui a pu le motiver à nous donner un spectacle assez particulier ce soir, son spectacle sur la politique de main-d'oeuvre, son spectacle sur le déshabillage du régime fédéral ou les roches à lancer au gouvernement fédéral. On peut présumer dans quelle conjoncture et de quels motifs tout cela s'inspire. Peut-être, M. le Président, que la meilleure façon de camoufler, de cacher ou d'amener l'opinion de celui qui entend ou de celui qui lira le journal des Débats ailleurs que sur les problèmes particuliers qui occupent son ministère, certains degrés d'inertie de la part du ministre à l'enclenchement de processus ou de volonté des gens de son ministère, la meilleure façon de camoufler tout cela, c'est peut-être de se lancer, comme il l'a fait ce soir, dans une grande et longue diatribe à l'égard de la politique de main-d'oeuvre. Mais, même si elle était teintée de beaucoup de partisa-nerie, même si elle semblait vouloir dire que le monde avait commencé à tourner au ministère du Travail lorsque Pierre-Marc Johnson est arrivé, parce que c'est essentiellement ce que cela avait l'air de vouloir dire...

M. Johnson: Et le gouvernement du Parti québécois...

M. Pagé: Rien ne s'est fait avant 1977. Ceux qui m'ont précédé ont laissé pourrir différentes situations; ceux qui m'ont précédé n'ont rien fait qui vaille dans le domaine de la main-d'oeuvre; ceux qui m'ont précédé n'ont pas apporté de contribution utile au développement des politiques du ministère. M. le Président, ce sont des coups d'encensoir individuels qui devraient faire rougir le ministre, mais vous savez qu'il manque tellement de modestie qu'il ne peut pas en rougir. Il ne peut pas en rougir et il en faudra beaucoup plus à son égard de pétage de bretelles de la nature de celui qu'il a démontré ce soir.

Mais, quand même, il y aura certaines choses qui sont peut-être un peu vraies et je suis bien heureux qu'il ait touché à la politique de main-d'oeuvre en particulier parce que j'avais l'intention d'en parler et on aura l'occasion d'en parler pendant les dix ou quinze heures qu'on a à notre disposition pour débattre de ces différents sujets.

M. le Président, vous me permettrez autant de temps — je l'espère bien — que le ministre en a pris pour sa déclaration d'ouverture. Je vais la faire et, par la suite, on pourra échanger générale- ment avant d'en arriver à l'étude du budget, $120 869 200 qu'on nous demande d'adopter pour les opérations et les activités de son ministère ce soir.

M. le Président, vous vous rappellerez que le gouvernement actuel s'est fait élire en 1976 en promettant d'être un bon et un vrai gouvernement. Son option fondamentale, disait-il, est laissée en veilleuse et on demandait à l'époque à la population d'élire l'équipe du Parti québécois et de la juger sur ses réalisations. Sous le couvert de programmes annoncés à grands renforts de publicité, le gouvernement actuel a projeté ou a voulu projeter une image d'une administration qui veillait au grain. Son programme annonçait, dès 1976, des thèmes qu'il n'a pu réaliser ou s'il les a réalisés, ce n'est que partiellement. Plus encore, le gouvernement sanctionne des lois, particulièrement le ministère du Travail, mais reporte leur application à des dates futures et, parfois, il faudra un an avant qu'une loi soit en application. C'est une technique habile sur le plan de la politicail-lerie, mais sujette à caution morale.

Soulignons simplement, M. le Président, en partant, les grandes lignes inscrites au programme du Parti québécois en 1976. On favorisait à l'époque la liberté d'association. On s'engageait à promouvoir la liberté d'association et prôner des mesures qui généraliseront au Québec un syndicalisme dynamique et démocratique. On s'engageait à permettre l'accréditation sectorielle selon des modalités particulières. On s'engageait à rendre obligatoire l'application de la formule Rand, de favoriser le syndicalisme de cadre — on se rappellera qu'il en avait été largement question dans la campagne électorale de 1976 — l'imposition de sanctions sévères en cas d'intimidation, de violence physique ou de mesures discriminatoires.

On s'engageait à reconnaître officiellement comme agent négociateur l'organisme syndical qui répond aux exigences suivantes: l'autorité suprême pour eux était l'assemblée générale des membres, elle devait être constituée par les travailleurs ou les syndicats québécois. On s'engageait au respect de la démocratie syndicale et on voulait favoriser ou tenter d'accorder dès l'accréditation certains droits aux travailleurs. On s'engageait à encourager et à provoquer la négociation sectorielle par la participation tripartite du syndicat, du patronat et du gouvernement. On s'engageait à favoriser, en droit et en fait, le développement des formes démocratiques de gestion de manière que les travailleurs exercent une juridiction partielle ou complète sur la marche de leur entreprise. Le député de Sainte-Marie ne devait pas être étranger à cela. On s'engageait à assurer qu'une grève légale entraîne un arrêt de la production de l'unité concernée par la négociation.

Beaucoup de promesses, de beaux atours, une belle image, mais la façade s'écroule avec la structure, M. le Président. Le Parti québécois s'est fixé des objectifs sans savoir quels sont les moyens de les réaliser et, s'il applique des moyens, il appert qu'ils sont soit inadéquats, trompeurs ou encore inappropriés. Le test à appliquer,

quant à l'ordre des objectifs, c'est le réalisme. Le test à appliquer, quant à l'ordre des moyens, c'est leur efficacité et leur praticabilité. Nous voyons que, pour la plupart des points cités, le gouvernement ne passe pas le test.

En 1977, aucune loi relative aux relations de travail, sauf quelques mesures touchant le domaine social. En 1978, des projets de loi: la Loi modifiant la Loi des électriciens et installations électriques et la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction, la Loi modifiant la Loi des mécaniciens de machines fixes, la Loi modifiant la Loi des mécaniciens en tuyauterie, la Loi sur la fête nationale, où on a coupé la tête de saint Jean-Baptiste pour la deuxième fois, la Loi modifiant le Code du travail, la Loi modifiant la Loi des accidents du travail et d'autres dispositions législatives. En 1979, le projet de loi no 62, Loi sur les propositions aux salariés des secteurs de l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique, la Loi no 88 assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec — deux lois d'urgence, soit dit en passant— la Loi no 1 sur le supplément au revenu de travail, la Loi no 17 sur la santé et la sécurité du travail, la Loi no 61 sur les appareils sous pression et d'autres dispositions législatives, la Loi no 110 sur les normes du travail et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, la Loi assurant la reprise de certains services de la Ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal, une autre loi spéciale et une loi d'urgence, la Loi modifiant de nouveau la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction et d'autres dispositions législatives et la loi no 126, sanctionnée peut-être en 1979, mais promulguée un an plus tard.

Nous ne pouvons juger le gouvernement actuel sur la performance de l'année 1976; il a été élu... Cela me rappelle un vieux vocable grec. Vous rappelez-vous d'"asinus asinum fricat?"

M. Johnson: Fricat.

M. Pagé: L'âne louange l'âne. Continuez à applaudir, messieurs.

M. Chevrette: Non, c'est parce qu'on ne pensait pas qu'on en avait tant que cela.

M. Pagé: Nous ne pouvons juger le gouvernement actuel sur la performance de l'année 1976; il a été élu à la fin de l'année. La session de 1977 constitue normalement l'aboutissement du programme d'un parti qui fut près de huit ans dans l'Opposition. Or, qu'en est-il des résultats? 1978 constitue une année assez peu élaborée sur le menu législatif. On a eu la Loi modifiant la Loi des accidents du travail et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose dans les mines et les carrières et modifiant de nouveau la Loi de la Commission des affaires sociales, la Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et, enfin, la Loi modifiant la Loi sur la mise en tutelle de International Union of Elevator Constructors, local 89 et local 101, et la Loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers.

En somme, M. le Président, ce furent quelques mesures qui témoignaient des engagements pris par le gouvernement dans son programme d'action proposé à la population en 1976 et qui y répondaient. Mais plusieurs de ces mesures, à l'égard desquelles des hommes politiques se sont présentés sous la bannière du Parti québécois, n'ont pas été respectées, dans le sens qu'elles n'ont pas été traduites par des lois ici à l'Assemblée nationale.

On se rappellera aussi, évidemment, M. le Président, tout l'engagement non seulement moral, mais l'engagement ferme que le gouvernement a pris par la voie des hommes qui se sont présentés sous sa bannière en 1976 à l'égard des relations de travail. On a décrié pendant plusieurs années ce qui se passait au Québec. Je me rappelle, pour avoir siégé de 1973 à 1976, avoir entendu la voix des ténors du Parti québécois, particulièrement la voix de celui qui était député de Maisonneuve à l'époque, qui demandaient régulièrement et constamment au gouvernement du Québec de l'époque de prendre les responsabilités qui lui incombaient au chapitre des relations de travail. Il était inadmissible, selon ces gens, que la situation puisse continuer. On se rappellera les engagements du premier ministre, le chef du gouvernement d'aujourd'hui, lui-même en campagne électorale de 1976, à l'égard des grèves, des jours-hommes perdus, notamment dans les secteurs public et parapublic. On se rappellera que ce sont ces gens-là qui disaient: Vous savez, votez pour nous; nous avons suffisamment de préjugés; notre relation est suffisamment bonne avec le travailleur québécois, particulièrement le travailleur syndiqué et plus particulièrement le travailleur de certaines centrales, qu'il pourra y avoir une relation qui sera entretenue sous l'égide de la cordialité entre ces gens-là et nous-mêmes. Elisez-nous, cela ira bien.

Il faudrait analyser la situation au cours de la seule année 1979 et comparer les chiffres avec ceux de 1976. Quand le ministre vient nous dire, ce soir, que le centre de recherche en statistiques du ministère du Travail a fait des études là-dessus, que lui-même n'est pas en mesure, ce soir, de déposer des documents ou de les distribuer à l'égard du travail... Entre parenthèses, M. le Président, je tiens à vous dire que les gens du centre de recherche en statistiques du ministère du Travail font du bon boulot. Je tiens à vous dire que c'est un service qui a été mis sur pied il y a un an et demi environ et le gouvernement était tout à fait justifié de le mettre sur pied. C'est d'ailleurs de ce service que j'ai obtenu certaines compilations à l'égard de rapports que le ministre semble ignorer.

Le service de recherche du ministère...

M. Johnson: Si vous me permettez, M. le Président...

M. Pagé: Je n'ai pas interrompu le ministre.

M. Johnson: Je sais. M. le Président, qu'il n'y a pas de question de privilège, mais, avant que soit inscrite une fausseté, je n'ai jamais prétendu que le centre n'était pas en mesure de compiler ce qui existait, j'ai dit simplement...

M. Pagé: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ce soir.

M. Johnson: ... qu'il n'avait pas fini les négociations dans les secteurs public et parapublic et qu'effectivement, la compilation totale n'était pas terminée. Je voulais juste que ce soit bien clair.

Le Président (M. Laberge): Voilà. Continuez, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président, vous allez veiller à ce que je ne sois plus interrompu ainsi. Voilà.

M. Johnson: ...

M. Pagé: C'est votre rôle, c'est votre responsabilité, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Portneuf, j'ai pris note de certains articles du règlement qui peuvent défendre votre droit de parole.

M. Pagé: Qui peuvent défendre mon droit de parole, d'accord.

M. le Président, dans ce document, le service de recherche du ministère a dénombré 358 conflits de travail touchant 184 688 salariés, totalisant 3 290 517 jours-homme perdus pour l'année 1979; 3 290 517 jours-homme perdus et ce, pour les conflits de compétence provinciale, c'est-à-dire fonction publique, éducation, santé, péripublic, secteur primaire, industrie manufacturière, construction, transport, commerce, finance, socio-culturel, municipalités, etc., secteur privé et secteurs qu'on qualifie de public et parapublic.

En moyenne, chaque salarié...

M. Johnson: 6 000 000 en 1976.

M. Pagé: ... qui a fait la grève a perdu 17,81 jours de travail tandis qu'en 1976, il y en a eu 16,83 en moyenne pour celui qui a fait la grève.

M. le Président, vous me permettrez de distribuer, si possible, un tableau indiquant... On peut distribuer le tableau, mais je vous demanderais, M. le Président, non seulement de le distribuer, mais qu'il soit inscrit textuellement au journal des Débats; en vertu de notre règlement, M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir que cela est possible. C'est le premier et le dernier tableau que je vous demanderai d'inscrire au journal des Débats. Ce tableau est assez révélateur. Conflits de travail au Québec, tableau 1, Front commun, etc.

M. Johnson: Est-ce que vous pourriez me donner votre source, par exemple?

M. Pagé: La source de cette rubrique... Vous avez la même chose, de toute façon.

M. Johnson: Non, je ne suis pas sûr, il faudrait que je sache lesquels vous avez.

M. Pagé: Centre de recherche...

M. Johnson: Je comprends que vous avez vos entrées et votre photocopieuse au ministère, on sait cela, mais...

M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne tolérerai pas que le ministre du Travail fasse quelque accusation que ce soit. S'il veut le faire, qu'il le fasse bona fide, en bonne et due forme. M. le Président, celui-ci semble prétendre que j'aurais des entrées particulières au ministère.

M. Johnson: Vous l'avez dit tout à l'heure.

M. Pagé: Cela a été distribué, tout simplement, à la suite d'une requête qui a été formulée.

M. Johnson: Non, mais vous l'avez dit tout à l'heure.

M. Pagé: Oui, mais si vous ne l'avez pas, ce n'est pas mon problème; si moi, je l'ai, c'est votre problème. Mais je ne vous permettrai pas, parce que c'est votre problème, de lancer des accusations en l'air.

M. Johnson: Ce n'est pas un problème, nous, on n'a rien à cacher.

M. Pagé: La photocopieuse de votre ministère, je n'en ai pas besoin.

Le Président (M. Laberge): Continuez, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Cela vient, M. le Président...

M. Johnson: Quels tableaux, s'il vous plaît?

M. Pagé: Pour la gouverne du ministre, ce tableau vient du centre de documentation et de statistiques de son ministère.

M. Johnson: Je vais juste vous dire s'il est bon.

Le Président (M. Laberge): Justement, sur les tableaux, avant que vous me demandiez d'aller plus loin, si vous me le demandez formellement, j'aurais une déclaration à faire là-dessus.

M. Pagé: Pardon?

Le Président (M. Laberge): Avant que vous me demandiez d'aller plus loin sur la question des

tableaux, j'aurais une déclaration à faire, elle est tout prête.

M. Pagé: M. le Président, exécutez-vous.

Le Président (M. Laberge): On dit qu'en commission parlementaire, il n'y a pas de dépôt de document, formellement...

M. Pagé: Je ne l'ai pas déposé, je l'ai distribué.

Le Président (M. Laberge): ... sauf que la coutume veut que le ministre ou un membre de la commission porte certains documents à la connaissance des membres. Il peut les faire distribuer et même la présidence de la commission accepte de les faire reproduire sur place pour l'usage et la connaissance des membres de la commission. L'usage a étendu cette pratique — du moins, il y a des précédents — pour des documents qui ont été présentés à des commissions par des membres de commissions autres que le ministre.

Quant à la reproduction au journal des Débats de ces documents, cela s'est fait plusieurs fois à la demande des gens ou des groupes comparaissant devant les commissions parlementaires tenant des audiences publiques. Si je vous rappelle l'usage qui en a été fait lors de l'étude de la loi 101 et d'autres lois, il y a des précédents là-dessus.

Cependant, il a été souligné aux présidents de commissions parlementaires d'accepter et d'ordonner la reproduction au journal des Débats de documents portés à la connaissance des membres avec prudence et circonspection, pour toutes sortes de raisons qu'il ne sera pas nécessaire ni utile de rappeler ici. (21 h 30)

Comme cette commission doit normalement continuer ses travaux demain, sur un ordre du leader, après la période des questions en Chambre, j'accepte de faire reproduire pour l'usage des membres de cette commission les documents et tableaux que vous présenterez à la présidence. Quant à l'ordre de les faire reproduire en annexe au journal des Débats, je remets ma décision à demain.

M. Johnson: M. le Président, sur une question de règlement...

M. Pagé: II n'y a pas de question de règlement.

M. Johnson: Sur la question de règlement que le président a soulevée, je demanderai au député de Portneuf, si vous me le permettez, même s'il n'est pas question de mettre cela dans le journal des Débats, mais, quand je vois les tableaux qu'il nous a présentés, cela me tenterait... Je ne sais pas d'où il vient, son tableau — je veux bien croire qu'il me dit que cela vient de mon ministère — mais il y a des chiffres là-dedans qui ne concordent absolument pas avec ceux qu'on a, nous autres, au niveau des statistiques officielles et c'est ce que le sous-ministre adjoint nous dit. Entre autres, au chapitre de l'éducation, deuxième ligne...

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

M. Johnson: ... dernière colonne, 1 538 829, cela n'existe pas dans les statistiques du ministère. Le chiffre du ministère, c'est pour 1979, 27 724. S'il inclut là-dedans, cependant, ce qui est survenu en 1980, ce n'est plus à ce moment un tableau du ministère.

M. Pagé: Pour la période des négociations.

M. Johnson: A ce moment, on va comparer des bananes avec des bananes.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre. M. Johnson: Et vous en avez une pelure.

Le Président (M. Laberge): Ce tableau peut être reproduit pour l'information des membres et pourra être discuté par la suite. C'est la seule copie que j'ai, j'aimerais qu'on me remette la copie.

M. Chevrette: On peut vous en donner une M. le Président, pour autant qu'elle reviendra.

Le Président (M. Laberge): Elle va revenir. Oui. Je la fais reproduire.

M. Chevrette: C'est parce que le IBM libéral va plus vite que le ministère.

M. Johnson: II est en train d'induire les membres de la commission en erreur, il y a quand même des limites!

Une Voix: Vous devriez le blâmer.

Le Président (M. Laberge): A l'ordre. La question est celle-ci: le député a le droit de produire des documents qui sont à sa connaissance et qu'il veut porter à la connaissance de la commission. Je les fais reproduire. Ils seront portés à la connaissance des membres. Quant à la décision, mon Dieu, on verra demain s'ils seront reproduits au journal des Débats.

M. Johnson: M. le Président, sur une question de règlement. Est-ce que le règlement, M. le Président, m'autorise à demander au représentant de l'Opposition quelle est la source de ce tableau qui est faux à sa face même dans le cas des données de 1979 à moins qu'elles n'incluent autre chose?

Le Président (M. Laberge): C'est-à-dire que si vous voulez...

M. Johnson: Est-ce que je pourrais demander au député de Portneuf sa source?

M. Pagé: M. le Président, je vais expliquer mon tableau.

M. Johnson: Puisqu'il dit que ce n'est pas une source privilégiée au ministère et qu'il dit qu'il s'est adressé au ministère, est-ce que je pourrais savoir de quel service au ministère il a obtenu un tableau qui est faux?

M. Pagé: M. le Président...

M. Johnson: II n'existe pas au ministère. C'est une compilation peut-être de différents tableaux.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Pagé: Le ministre soutient que le tableau est faux, M. le Président, et votre décision n'est même pas rendue à l'égard du tableau. Vous m'avez permis de le commenter, vous m'avez permis de le distribuer et vous m'avez signalé que demain vous décideriez si le tableau serait inscrit comme tel au journal des Débats.

Le Président (M. Laberge): C'est ce que j'ai dit et ce que je garde comme décision. Le tableau peut être reproduit. Votre original est ici.

M. Pagé: M. le Président, je vous demanderai de retarder votre décision à demain, à la séance de 15 heures si possible parce que, malheureusement, demain matin je ne pourrai pas être présent.

Le Président (M. Laberge): Alors, continuez votre démonstration et vos commentaires.

M. Pagé: M. le Président, en 1976, dans le domaine de la fonction publique, 5200 salariés ont fait la grève et 7300 jours-homme-travail perdus.

M. Chevrette: M. le Président, une question de règlement. Je voudrais vous demander une directive.

Le Président (M. Laberge): J'écoute votre question.

M. Chevrette: Si vous prenez sous réserve un document qui est porté à votre connaissance et que vous laissez le député de Portneuf, dans un même souffle, expliquer un document dont il n'identifie même plus la source, à partir du moment que vous devez prendre la parole du ministre comme étant valide lorsqu'il dit que ce n'est pas du ministère, le dossier, comment pouvez-vous laisser commenter un rapport à ce moment? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que, très honnêtement, je ne peux pas voir comment vous pouvez concilier le fait que le ministre déclare que ce n'est pas un document du ministère alors que le député de Portneuf a dit que c'était un document du ministère et, du même souffle, accorder au député de Portneuf le privilège de donner des chiffres qui n'émanent pas du ministère, alors que lui-même a dit qu'ils émanaient de là. Je m'excuse, mais cela ne marche pas.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Joliette-Montcalm, vous me placez dans une situation embêtante au point de vue d'une directive, mais j'ai bien dit tout à l'heure qu'un ministre ou un membre d'une commission pouvait porter à la connaissance des membres de la commission des documents que la présidence s'est chargée plusieurs fois de faire reproduire pour les porter à la connaissance des membres de la commission; autrement dit, d'en faire profiter.

Maintenant, je n'ai pas dit que les membres de la commission ou le ministre endossent ces documents; j'ai dit qu'un membre — en l'occurrence, c'est le député de Portneuf — qui présente des tableaux, les présente évidemment à ma connaissance, les endosse. Pour le moment, il peut les commenter et vous pourrez, par la suite, au cours du débat, faire les commentaires que vous voulez, mais il est préférable que vous ayez les tableaux entre les mains pour faire vos commentaires. Pour le moment, c'est lui qui a la parole pour faire ses commentaires généraux sur la commission et les crédits.

Du fait de porter le tableau à la connaissance des membres de la commission n'enlève de droit à personne.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Pour la gouverne du ministre, j'aimerais bien qu'il m'écoute.

Le document contient des données sur l'année 1976, qui viennent d'un document du ministère du Travail: "Grèves et lock-out au Québec, 1966-1976. Quelques précisions sur les modes de compilation: gouvernement du Québec; ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre; Direction générale de la recherche". C'est un document qui date d'octobre 1977: François Delorme; Gaspard Lasonde et Mlle Lucie Tremblay, qui y ont travaillé...

M. Johnson: Pour la colonne1976? M. Pagé: Oui.

M. Johnson: D'accord, pour 1976.

M. Pagé: On va regarder 1976 et on regardera 1979, M. le Président.

En 1976, tel qu'il apparaît dans le document du ministère du Travail, fonction publique: 5200 salariés ont fait la grève, 7300 jours-homme perdus.

Le document que j'ai ici, tableau 3, conflit de travail selon les secteurs d'activité économique et l'autorité compétente, Québec 1979 — le Service de compilation, de recherche et de statistiques du ministère du Travail auquel j'ai fait référence tout à l'heure; fonction publique toujours — comparativement à 5200 travailleurs en 1976, 23 261 travailleurs en 1979, pour un total de 218 442 jours-homme perdus. Est-ce exact?

M. Johnson: Cela va.

M. Pagé: M. le Président, je dois comprendre que le ministre me dit que c'est exact, la comparaison entre 1976 et 1979.

M. Johnson: Si vous voulez, le chiffre que vous citez est exact, mais pas votre démonstration, pas encore!

M. Pagé: C'est-à-dire qu'en 1976, 5200 jours-homme contre 218 442 avec l'actuel gouvernement. C'est exact?

M. Johnson: Attendez, en 1976, laissez-nous vérifier. Vous ne voulez pas qu'on intègre le document. M. le Président, si je comprends bien, le document n'est pas intégré dans le procès-verbal sauf que, en faisant la lecture ligne par ligne et en demandant si c'est exact, c'est exactement ce que le député de Portneuf est en train de faire. Je reconnais l'habilité d'un méchant avocat de la couronne qui n'a pas pratiqué depuis longtemps.

M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, la raison de mon absence, demain, c'est que je dois plaider et je serais bien heureux, un jour, de plaider contre le ministre du Travail, il en mangerait une bonne!

M. Chevrette: Qui a osé vous confier une cause!

M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, M. Chevrette!

Passons maintenant au secteur de la santé avant de terminer par le secteur, combien important, de l'éducation.

Secteur de la santé, 1976: 77 000 salariés ont fait la grève pour un total de 405 900 jours-homme perdus, comme l'indiquent les rapports du ministère du Travail de 1976.

Pour 1979: 67 751 travailleurs salariés ont fait la grève et, M. le Président, même s'ils étaient quasiment 10 000 travailleurs de moins qui ont fait la grève en 1979 qu'en 1976, on arrive à 1000 ou 2000 jours-homme de travail perdus, soit 403 429 jours-hommes perdus, comme l'indiquent les statistiques.

M. Johnson: Un peu plus de 20 minutes de travail perdues par personne. D'accord.

M. Pagé: M. le Président, dans le secteur de la santé, vous savez que "20 minutes de travail perdues", la réplique du ministre je la trouve tout à fait farfelue.

M. Johnson: Tout ce que je dis au député de Portneuf, c'est que ce n'est pas, statistiquement...

M. Pagé: Mais, c'est tout à fait déplacé. On ne peut pas se permettre, lorsqu'on est ministre du Travail, de dire: Ce n'est pas grave, tous les travailleurs ont perdu 20 minutes, tous les travailleurs se sont mis en grève. Cela témoigne d'irresponsabilité.

Le Président (M. Laberge): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Le secteur péripublic, maintenant: Hydro-Québec, Société des alcools, Société des traversiers du Québec. Nombre de salariés qui ont fait la grève en 1976, 19 986; nombre de jours-homme perdus, 119 556. Nombre de salariés, en 1979, qui ont fait la grève, 16152, c'est-à-dire moins nombreux qu'en 1976, mais avec un résultat de plus de jours-homme perdus soit 355 077 jours-homme perdus, ce qui démontre clairement que dans ce cas-là, comme dans celui de la santé, il y a eu moins de travailleurs qui se sont mis en grève, mais le nombre de jours-homme perdus a été plus élevé. C'est cela, c'est le pétage de bretelles auquel faisait référence le ministre du Travail tantôt pour nous dire que ça allait bien depuis qu'il était là. Le monde ne tournait pas avant qu'il soit là!

Le secteur de l'éducation doit être traité avec particularisme.

M. Chevrette: Ah!

M. Johnson: Ah! On sort des tableaux, là!

M. Pagé: Laissez-moi arriver! Le secteur de l'éducation doit être traité avec beaucoup de particularités parce que dans le secteur de l'éducation on se rappellera qu'en 1979, notamment, le ministre du Travail du gouvernement du Québec a présenté une loi spéciale au mois de novembre ou...

M. Johnson: Décembre.

M. Pagé: ... décembre reportant l'exercice du droit de grève à X jours plus tard, soit au début de l'année 1980. On se rappellera que les conflits dans le secteur de l'éducation se sont posés avec acuité pendant l'année 1976 alors que le conflit de l'éducation de la présente ronde...

M. Chevrette: Belle tentative!

M. Pagé: ... ne s'est pas posé avec acuité pendant l'année 1979. L'acuité, le summum du conflit et des problèmes dans le secteur de l'éducation, a chevauché deux années, 1979 et le début de 1980. Je suis convaincu que lorsque le centre de recherche et de statistique aura terminé la compilation des chiffres — j'espère que le document sera déposé, j'espère qu'on en aura une copie — le ministre arrivera exactement ou sensiblement aux chiffres auxquels j'arrive par la compilation.

M. Johnson: Sensiblement.

M. Pagé: Dans le domaine de l'éducation... Qu'on rie de l'autre côté, qu'on se pète les bretelles, qu'on s'amuse comme ils le font ce soir... Est-ce que le ministre du Travail, de son siège, comme ministre et aussi comme député, peut affirmer qu'il n'y a pas eu 1 538 829 jours-homme de travail perdus dans le secteur de l'éducation à la dernère ronde de négociations? Et ce, pour 82 000 travailleurs salariés qui ont fait la grève comparativement — et là, je reviens à la statistique du

ministère de 1976 — en 1976, à 11 576 salariés qui ont fait la grève pour un total de 861 403 jours-homme de travail perdus et, en 1979, selon la compilation que j'en ai faite à partir du nombre de jours et de grèves qui ont affecté le monde scolaire et après communication avec les institutions, 82 200 salariés auraient fait la grève, ce qui est beaucoup moins que les 111 576 de 1976 pour un total de 1 538 829 jours-homme perdus comparativement à 861 000 seulement en 1976.

Que les députés viennent nous dire ce soir: Ah! Vous avez extrapolé, vous avez chevauché deux années! Je n'ai pas chevauché deux années, j'ai pris le conflit au début, la période de la loi spéciale qui a reporté tout cela après l'année 1979 qui, soit dit en passant, faisait votre affaire en termes de statistiques pour l'année dernière, et j'ai pris exactement le nombre de jours-homme perdus à cause de ce conflit, comme c'était le cas en 1976.

Vous avez jugé le précédent gouvernement, vous avez fait des déclarations à l'égard de l'ancien gouvernement à partir de l'année 1976 où l'essentiel des jours-homme perdus s'était perdu pendant cette année-là. J'ai fait de même à l'égard du secteur de l'éducation cette année. Si ça n'arrive pas à 1 538 829 jours-homme perdus quand vous aurez terminé vos compilations, vous nous le direz et on pourra comparer notre base d'information.

M. Johnson: Puisque le député m'a posé une question, je vais y répondre immédiatement. Est-ce que le député de Portneuf a mis son siège en jeu ou s'il s'est mis les pieds dans les plats? On va le savoir.

M. Pagé: De toute façon, j'ai demandé au ministère de répondre à la question et de déposer...

M. Johnson: Alors, je réponds à la question.

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse. M. le Président, question de règlement. Avant que le ministre... Question de règlement. Si le ministre a un tableau, qu'il demande la permission pour le distribuer et qu'il attende votre directive pour le déposer. Deuxièmement, qu'il nous donne les sources; troisièmement, celui-ci nous disait tantôt... (21 h 45)

M. Johnson: C'est faux.

M. Pagé: ... que les dossiers, pour la dernière ronde de négociation, au centre, n'étaient pas prêts à 20 h 30, 20 h 40 et, tout d'un coup, à 21 h 45, tout serait prêt. Alors...

Une Voix: Ils travaillent vite.

M. Pagé: ... si vous croyez que celui-ci peut déposer les tableaux, dites-le, mais j'aimerais bien qu'il nous indique quels tableaux il déposera.

M. Johnson: M. le Président, sur une question de règlement, cela m'apparaît fondamental et pour le député de Portneuf et pour moi. Je pense qu'il faudrait peut-être, en vertu de notre règlement, nous permettre de part et d'autre de préciser certaines choses. Il ne faut quand même pas s'adonner à la confusion et s'y complaire, comme dans un bain d'eau tiède.

M. le Président, d'abord, je n'ai jamais affirmé que mon service n'était pas en mesure de produire des statistiques ou de faire des compilations, c'est ce qu'il fait. Mais, comme on travaille sérieusement au ministère du Travail, comme dans la plupart des autres ministères du gouvernement du Québec, on ne publie pas des statistiques qui sont complètement farfelues, comme ce que le député de Portneuf vient de faire. On prend le temps qu'il faut, on fait les analyses; cela passe à travers une méthodologie d'une très grande sévérité et, effectivement, ce qui pourrait avoir l'air d'être "ennuyeux" — entre guillemets — pour celui qui vous parle ou n'importe qui d'autre va être publié pareil parce qu'on a une revue et on rend publiques nos statistiques. Mais ce qu'on rend public, ce ne sont pas des compilations à la mitaine faites sur un coin de table.

M. Pagé: II est fâché.

M. Johnson: C'est fait, effectivement, en suivant une méthode précise...

M. Pagé: Fâché.

M. Johnson: ... par des experts et des professionnels.

Or, ces mêmes experts et ces professionnels, au 30 avril, avaient compilé et recensé, pour le secteur de l'éducation, 771 337 jours-homme perdus. On est loin de 1 500 000. Vous allez me dire: Au 30 avril, la CECM, ce n'était pas fini. D'accord, ajoutons la CECM mais, encore une fois, je n'aime pas qu'on parle de chiffres sans avoir les méthodes précises. C'est arrêté au 30 avril parce que cela exige beaucoup de travail, de la compilation à la vérification des jours, ainsi de suite, à travers — — encore une fois — une méthodologie précise. Cela va être rendu public quand ce sera prêt.

Mais, faisons-le à l'oeil: 6000 enseignants, dix jours. En fait, c'était onze jours. Disons quinze jours pour les fins de la discussion, à 6000 enseignants. J'ajoute cela au total et cela va nous faire un total de 842 000. C'est 700 000 de moins que ce que prétends le député de Portneuf. Il va falloir qu'il nous donne ses sources ou bien qu'il arrête de parler de ce document et qu'il passe à autre chose.

M. Pagé: M. le Président, quand le ministre...

M. Johnson: En plus de cela, soit dit en passant, M. le Président, ce qu'on a comme colonne, dans ce que nous a passé le député de Portneuf, qu'il prétend être des documents du gouvernement...

M. Pagé: Ecoutez, vous n'avez pas consulté les chiffres de la fonction publique, ni ceux de la santé, ni ceux du péripublic.

M. Chevrette: Pourquoi avez-vous...

M. Johnson: M. le Président, je conteste, effectivement, juste parce que cela n'a pas de valeur. Un peu plus... Il y a à peu près trois quarts de million de jours-homme; cela commence à compter sur un total de 2 000 000; cela fait une jolie proportion. Vous êtes dans le beurre, si vous me passez l'expression, de trois quarts de million.

M. Pagé: M. le Président...

M. Johnson: Sur 2 000 000, c'est intéressant, premièrement.

Deuxièmement, M. le Président, je vous ferai remarquer la compilation de 1979 que veut faire le député de Portneuf en incluant un début d'année 1980; il devrait peut-être faire la même chose aussi pour 1975-1976 parce qu'il y en a eu en 1975-1976. Ce que je dis, c'est que la méthodologie qu'emploie le député de Portneuf pour faire une démonstration est une méthodologie qui ne ferait pas passer un cours d'apprenti au service de recherche au ministère du Travail, d'une part. D'autre part, je pense qu'il induit malheureusement les membres de cette commission, ainsi que ceux qui écoutent et qui regardent cela, en erreur.

Je ne prétends pas qu'il n'y a pas eu de jours-homme perdus en matière de grève dans le secteur scolaire au Québec. Je dis juste que ce n'est pas vrai qu'il y en a eu 1 538 000 comme le prétend le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président...

M. Johnson: Ce sera rendu public, M. le Président, quand la revue sera prête pour publication et, à ce moment-là, il l'aura.

M. Pagé: Ah! après l'ajournement de la Chambre. Après l'ajournement de nos travaux mardi prochain. M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Portneuf, continuez.

M. Pagé: ... je l'ai demandé au ministre et celui-ci nie catégoriquement, avant même qu'il ait pris connaissance du rapport; vous voyez là que le ministre... vous savez, le ministre se targue souvent... et traite les autres de pieds dans les plats, ainsi de suite. On connaît son vocabulaire suffisant, mais il faudrait faire attention, vous savez; c'est dangereux quand un parlementaire a la tête dans le sable. C'est dangereux quand un parlementaire affirme, et de surcroît un ministre, qu'il est impossible que...

C'est évident qu'à mon bureau je n'ai pas toute la batterie de sous-ministres, de directeurs, ainsi de suite, mais, M. le Président, la compilation qu'on a faite le plus objectivement possible, à partir des données qui nous ont été fournies par le monde scolaire, donne 1 538 829 jours-travailleuse-travailleur perdus pour des grèves...

M. Johnson: C'est faux.

M. Pagé: ... dans le cadre de la dernière ronde de négociations qui a couvert...

M. Johnson: C'est faux.

M. Pagé: ... fin 1979, début 1980. Mais comment le ministre, s'il n'a pas la tête dans le sable, peut-il dire que c'est faux alors qu'il s'engage à produire le document quand il en prendra connaissance?

M. Johnson: M. le Président, pourriez-vous... M. Pagé: ... au président...

M. Johnson: Au 30 avril, c'est compilé d'après la méthodologie du ministère et ce qu'il y a entre le 30 avril et aujourd'hui, c'est la CECM avec 6000 enseignants, quinze jours. On additionne...

M. Pagé: Oui.

M. Johnson: ... et on fait cela, mais je suis d'accord pour dire qu'il y a 849 700... il ne faut pas dire cela.

M. Pagé: M. le Président...

M. Johnson: C'est de l'ordre de 800 000 par opposition à 1 500 000.

M. Pagé: ... ce que le ministre donne comme étant 700 000 — je vais terminer là-dessus avant de continuer ma déclaration parce que je présume, M. le Président, que vous me permettrez de continuer ma déclaration — c'est de janvier 1980 à avril 1980. Il ne donne pas la ronde de négociations comme telle. J'espère, M. le Président, que dans les documents qu'il rendra publics lorsqu'ils seront produits, il aura la décence de produire le chiffre de travailleuses et de travailleurs, des jours-homme-femme perdus dans le domaine de l'éducation dans la dernière ronde de négociations et qu'il incluera les jours perdus en 1979 et les jours perdus en 1980, représentant ainsi le chiffre exact de la dernière ronde de négociations.

M. le Président, ces millions de jours-homme qui ont été perdus tant dans le secteur privé que dans le secteur public, cela a beaucoup d'impact sur la productivité.

M. Johnson: ...

M. Pagé: Ces travailleuses et ces travailleurs ont perdu beaucoup d'argent, ont perdu des sommes importantes à l'égard des bénéfices marginaux. Cela a amené en plus évidemment de ce qui n'est peut-être pas quantifiable ou calculable,

dégradation du climat des relations du travail entre employeurs et employés autant dans le secteur public que dans le secteur privé. Cela a impliqué aussi pour le gouvernement des pertes de plusieurs millions de dollars en impôt en laissant des conflits perdurer en plus de laisser se détériorer la situation sociale au Québec.

Le gouvernement a contribué, par son inaction, à affaiblir la situation économique de la province et ce, bien directement. M. le Président, des grèves, par le climat général qu'elles créent au sein de l'entreprise, influencent la productivité générale de la main-d'oeuvre et sont, par le fait même, un facteur important de perte de compétitivité dans un secteur où la haute productivité demeure le facteur primordial de réussite. Le Québec, avec un niveau de chômage tel que celui que nous connaissons présentement, ne peut se permettre de créer ou d'accepter un climat défavorable à l'investissement.

M. le Président, toujours au chapitre des relations de travail, le ministre a traité de différentes mesures auxquelles je toucherai, moi aussi, soit, dans un premier temps, la médiation préventive. Une des mesures positives qui était prévue au projet de loi no 45 fut d'instaurer la médiation préventive. Ce mécanisme permet aux partenaires sociaux de recourir aux services du ministère du Travail afin de trouver un modus vivendi en cas de litige. Nous avons déjà souligné au ministre l'importance de bien structurer ce système afin d'en faire bénéficier les intéressés et les parties. A l'approche de conventions collectives dans certains secteurs, nous avons confiance de voir la loi porter ses fruits. Espérons que le ministre saura faire confiance au personnel compétent du service des relations de travail et que toute cette notion de médiation préventive saura aboutir. Entre autres, M. le Président, je me permettrai de porter à l'attention du ministre deux secteurs particuliers où plusieurs conventions collectives deviennent échues cette année: le secteur des pâtes et papiers. S'il y a des grèves ou si la situation y est perturbée, cela risque d'entraîner des grèves qui pourront être longues, des grèves qui pourront avoir des effets néfastes sur l'économie du Québec, des grèves qui toucheront en même temps des milliers et des milliers de travailleurs du Québec. Vous savez que quand le secteur des pâtes et papiers est en grève, ceux qui sont touchés directement sont peut-être nombreux, mais ceux qui le sont indirectement sont encore plus nombreux.

Quant au mécanisme de la médiation préventive, nous, de l'Opposition officielle, y souscrivons. Nous encourageons le gouvernement à faire davantage dans le secteur comme le secteur des pâtes et papiers, notamment.

Il y a un autre secteur que j'avais porté à l'attention du ministre, l'année dernière et dont plusieurs conventions collectives viennent échues cette année. C'est un secteur qui n'a peut-être pas beaucoup d'employés comme tels. Ce n'est peut-être pas du tout comparable au secteur des pâtes et papiers, mais c'est un secteur qui, s'il est en grève, a beaucoup d'impact, entre autres, dans le domaine de l'éducation et c'est le transport scolaire. On se rappellera que l'année dernière, j'avais porté à l'attention du ministre l'obligation que le gouvernement avait d'élaborer dans les meilleurs délais — parce qu'on se rappellera que l'année dernière, il n'y avait pas beaucoup de conventions collectives qui étaient échues, mais on sait que cette année il y en a plusieurs qui viendront à échéance bientôt.

Le secteur du transport scolaire au Québec risque d'être perturbé si des grèves surviennent dans ce secteur. On se rappellera qu'il y a peut-être eu trois étapes. Première étape du transport scolaire, c'était une économie presque artisanale, les entreprises étaient petites, plusieurs propriétaires avaient un, deux ou trois véhicules, on sait que plusieurs compagnies se sont intégrées. Deuxième étape, ce fut la syndicalisation. Maintenant, la troisième étape: on constate que dans des comtés donnés ou dans plusieurs régions données on a peut-être, au niveau d'un bassin de population de 100 000 citoyens, deux, trois ou quatre grosses compagnies qui font du transport scolaire. Ce qu'on constate cette année comme troisième phase, c'est que dans certaines régions, les conventions collectives viennent à échéance vers les mêmes dates et, deuxièmement, ce sont les mêmes syndicats qui représentent les travailleurs du monde du transport scolaire dans certaines régions données. On n'a qu'à prendre mon comté, c'est une centrale syndicale qui représente les travailleurs du secteur scolaire.

M. le Président, j'espère que des mécanismes comme ceux mis de l'avant, comme la médiation préventive, pourront porter fruits.

Le service accéléré d'arbitrage des griefs. Un des exutoires des conflits dans le monde du travail est de soumettre les griefs à l'arbitrage. Tant les employeurs que les syndicats déplorent la lenteur des procédures d'arbitrage ordinaires. C'est pourquoi le système d'arbitrage accéléré fut créé. Cependant, ces mesures sont timides, M. le Président. Il faut élargir l'accessibilité à ce système en nommant plus d'arbitres. D'autre part, on assiste à un engorgement des griefs émanant des secteurs public et parapublic. Pourquoi le ministère n'a-t-il pu agir là où c'est nécessaire? Enfin, nous désirons connaître les résultats de ce processus et savoir s'il est vraiment accéléré parce que c'est malheureux que, dans une société comme la nôtre, des travailleurs se sentent limités dans le droit qu'ils ont de porter un grief, premièrement, en raison des délais, deuxièmement, en raison des coûts que cela peut entraîner et, troisièmement, on sait, notamment dans les secteurs public et parapublic, que cela prend des mois et des mois, pour ne pas dire des années, avant que des décisions soient prises. Alors, le service...

M. Johnson: ... à l'Education.

M. Pagé: Hein?

M. Johnson: Je n'ai peut-être pas mentionné tout à l'heure précisément que le service d'arbitra-

ge accéléré, M. le Président, ne s'applique pas à l'Education, comme le sait sans doute le représentant de l'Opposition. Le ministère de l'Education est régi par une convention collective, mais dont est issue une espèce de tribunal d'arbitrage spécialisé qui n'a rien à voir avec le reste des arbitrages de griefs. C'est vrai qu'il y a une congestion importante au niveau de l'éducation. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a amorcé, l'an dernier, une étude sur la longueur et la façon de modifier cela. Il faut bien comprendre que les griefs sont parfois utilisés comme une méthode, de part et d'autre d'ailleurs, au niveau du règlement...

M. Pagé: Cela ne devrait pas.

M. Johnson: ... parce que c'est devenu, dans certains cas, carrément une tactique.

M. Pagé: M. le Président, là-dessus je vais compléter, ce qui contribue peut-être à faire en sorte que le grief devienne une tactique, c'est la longueur du temps à juger du grief...

M. Johnson: Mais qui relève...

M. Pagé: ... mais qui est véritablement plus accéléré. Si l'employeur qui décide de contester un grief qui est porté par un employé savait, par exemple, que dans un délai très limité il pourrait avoir une réponse, plutôt que de laisser aller le problème pendant un an ou deux ans, il préférerait peut-être le régler tout de suite sachant que, de toute façon, il aura une réponse dans un mois, dans deux mois ou dans trois mois au maximum.

M. le Président, il y a un autre dossier sur lequel le ministre devra profiter de l'étude des présents crédits pour nous donner davantage d'information. C'est le fameux dossier de l'injonction. On se rappellera qu'un mandat a été confié à notre bon ami, M. Burns, qui nous a quittés et qui a été nommé juge au Tribunal du travail. J'ose croire...

M. Johnson: Excellent juge d'ailleurs.

M. Pagé: Je suis convaincu que M. Burns a toutes les capacités, toute la compétence et toute l'expérience pour être un bon juge. J'aimerais quand même savoir, M. le Président, quand l'étude sera rendue publique. J'aimerais que le gouvernement du Québec et que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre nous fassent part de leurs intentions relativement au dossier de l'injonction. Vers quelle avenue particulière semblent-ils se diriger, dans un premier temps? Deuxièmement, dans quel délai ou selon quel échéancier peut-on prévoir que les intentions du gouvernement non seulement se manifesteront, mais se manifesteront bien concrètement par des mesures législatives ou réglementaires? J'aimerais qu'il dépose, si c'était possible, le résultat du travail de M. Burns. (22 heures)

Un autre dossier qu'on se doit de toucher ici, c'est la négociation multipatronale. Le Parti québécois promettait de favoriser la négociation mul- tipatronale. J'aimerais savoir si on a procédé à des mesures pratiques en vue d'atteindre ces objectifs et quelles sont les visées du gouvernement à l'égard de ce dossier, de ce programme, de cet élément. J'aimerais savoir si le ministre a pris connaissance des nombreuses études québécoises dans ce domaine. Il y en a une entre autres, celle de M. Rodrigue Blouin. Le gouvernement assume-t-il des responsabilités de plus en plus nombreuses dans ces secteurs d'activités variés?

M. le Président, j'aimerais que le ministre profite de la présente étude des crédits, peut-être ce soir ou encore demain, pour nous faire part des intentions du gouvernement sur le sujet.

Comme l'a évoqué le ministre, on a eu des négociations dans le secteur public cette année. On peut affirmer que le gouvernement avait promis beaucoup, s'était engagé à beaucoup à l'égard des négociations dans les secteurs public et parapublic. On se rappellera que celui-ci s'était engagé à ce que tout aille rondement, qu'il n'y ait pas de lois spéciales, de préjugés favorables à travers cela. On peut conclure bien objectivement — d'ailleurs, les observateurs en sont arrivés à la même conclusion — que le gouvernement a échoué lamentablement dans la dernière ronde de négociations, lui qui, par la voix de son président, disait, lors de l'élection de 1976... "Nous allons rétablir un climat d'ordre social qui facilitera les négociations". Le même président, M. Lévesque, prétendait également que son gouvernement ne laisserait pas traîner les conflits, que son gouvernement ferait preuve à la fois de fermeté et d'équité en vue de les régler, que le gouvernement ne voulait pas tolérer les grèves prolongées dans les services essentiels comme les hôpitaux et Hydro-Québec.

Le chef du gouvernement d'aujourd'hui, M. Lévesque, disait à l'époque: "Nous devons trouver autre chose pour alerter le public, comme un arrêt de travail d'une courte durée". En fait, ce gouvernement, avec son prétendu préjugé favorable à l'égard des travailleurs, n'a fait que laisser pourrir la situation avant d'intervenir par des lois spéciales ou, comme tout récemment, en mettant en tutelle la plus grosse commission scolaire de la province, celle de Montréal, faisant fi par le fait même des mécanismes que le gouvernement avait lui-même prévus dans le Code du travail, faisant fi aussi par le fait même des mécanismes qu'il avait mis de l'avant par différentes lois. Le ministre du Travail et le ministre des Finances, à l'époque où on a étudié ces lois modifiant le Code du travail, disaient: On a enfin des solutions pour ne pas avoir à adopter de lois spéciales. Qu'on se rappelle la fameuse question des services essentiels, notamment. On s'était engagé beaucoup et le gouvernement se doit d'être modeste et de reconnaître son échec dans ce domaine.

Dans le secteur de la santé, il s'est perdu pour le Québec 403 429 jours-personne lors de la dernière ronde de négociations. Est-ce qu'une société, dans un secteur aussi vital que celui de la santé, peut se permettre de tels résultats? En ce qui nous concerne, du côté de l'Opposition offi-

cielle, nous croyons que non. La notion de services essentiels, telle que préconisée par le gouvernement, est un échec; la négociation de tels services est une aberration: dans le secteur hospitalier, tout est essentiel. Le soin aux bénéficiaires se doit d'être prioritaire et il ne peut y avoir de diminution de personnel dans un département sans que le bénéficiaires en soient touchés, c'est impossible. Le problème de la définition et de la détermination des services essentiels se doit d'être réétudié en profondeur par le gouvernement. Et sur ce, le ministre du Travail aura beau dire d'un ton humoriste et suffisant qui le caractérise: Vous savez, il ne faut pas devenir conservateur, il ne faut pas aller vers la droite, allant aussi loin que faire allusion à la proposition no 13 en Californie, la proposition no 9 qui a été votée la semaine dernière, le 2 juin.

M. le Président, là n'est pas la question. La question des services essentiels dans le secteur hospitalier se doit d'être complètement repensée. Le gouvernement a échoué dans sa tentative de laisser déterminer les services essentiels par les parties, sinon de laisser la partie syndicale déposer purement et simplement une liste qui représenterait les services essentiels, sans définir comme tel le contenu des sévices essentiels. Dans la dernière ronde de négociations, on a constaté que ce n'était pas parce qu'une liste était déposée qu'elle représentait par le fait même les services minimaux et essentiels à donner aux usagers.

Le premier ministre n'a-t-il pas déclaré dans le Soleil du 2 décembre 1979 — cela ne date pas de longtemps, mais d'il y a quelques mois: "Les syndicats perdront — c'est M. Lévesque qui parle — de toute évidence le privilège qu'ils avaient de définir unilatéralement les services essentiels lorsqu'il n'y avait pas entente. Des restrictions seront apportées dans l'emploi possible du droit de grève dans le secteur hospitalier et à HydroQuébec et on tentera d'introduire des normes sur la consultation des membres pour faire confirmer les mandats donnés antérieurement et soumettre les dernières offres des employeurs comme l'ordonnait la loi spéciale no 62, pendant la dernière grève des membres du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et des employés du secteur hospitalier en novembre.

De plus, le députe de Joliette-Montcalm n'a-t-il pas renchéri en disant: II faut cesser ces folies-là! Cela témoigne du vocabulaire utilisé par le député de Joliette-Montcalm dans une entrevue à la presse; si ma mémoire est fidèle, c'est au journal Le Soleil et, pour cela, il propose sa formule de négociation permanente. Je cite le député de Joliette-Montcalm: Accepter, une fois pour toutes, la négociation permanente visant à régler sur-le-champ des problèmes soulevés par l'application d'un article de la convention collective aurait pour effet d'éviter l'accumulation de centaines et de milliers de griefs qui contribuent à faire naître l'agressivité et préparent les esprits à l'affrontement (La Presse du 4 mars 1980).

M. le Président, dans le secteur de l'éducation, le bilan du présent gouvernement n'est guère reluisant non plus, avec au-delà d'un million et demi de jours-personne perdus lors de la dernière négociation couvrant les débuts de 1980 et la fin de 1979. Cela n'a pas d'allure, cela n'a pas de bon sens, M. le Président.

Le système de négociation tel que préconisé par le gouvernement dans ce secteur, avec différents paliers de négociation, ne finit que par un cul-de-sac, si de grosses centrales syndicales peuvent rouvrir au niveau local des ententes signées au niveau provincial, ou encore se reprendre au niveau local une fois qu'elles ont réglé au niveau provincial. M. le Président, le gouvernement, lors du dernier conflit entre l'Alliance des professeurs de Montréal et la Commission des écoles catholiques de Montréal n'a même pas respecté l'autonomie des commissions scolaires en mettant en tutelle cette dernière. A quoi sert de décentraliser les négociations si, de façon unilatérale, le gouvernement peut s'immiscer dans un conflit et imposer une convention collective à un employeur tel que la Commission des écoles catholiques de Montréal? Le gouvernement a-t-il pensé, a-t-il songé, avant de poser un geste comme celui-là, à l'effet d'entraînement que cette convention collective aura sur les autres commissions scolaires dans la province, au niveau des impacts budgétaires?

M. le Président, en ce qui concerne le secteur de l'éducation, vous savez, je pense que le ministre du Travail a un rôle très particulier à jouer. Le ministre du Travail doit non seulement superviser, agir comme consultant privilégié auprès du Conseil des ministres pour les mesures à adopter dans le domaine du travail, dans le secteur public et notamment le ministère de l'Education, mais le ministre du Travail devrait accepter de déborder de son rôle de ministre du Travail pour sensibiliser le ministre de l'Education aux véritables problèmes dans le secteur de l'éducation.

M. le Président, un élément fondamental du problème dans l'éducation, c'est un problème de budget. Vous savez, si on conjuge différents éléments comme la baisse de la natalité, le haut degré de spécialisation des enseignants au Québec, si on ajoute à tout cela le fait que la politique budgétaire est basée sur le nombre d'élèves, si on ajoute à tout cela le fait que le ministère de l'Education établit des limites à l'augmentation des budgets des commissions scolaires, particulièrement en ce qui concerne les coûts fixes... On me disait récemment — le ministre du Travail pourra vérifier auprès de son collègue de l'éducation — qu'alors que les coûts fixes avaient augmenté en moyenne de 12% l'année dernière, l'indexation qui est donnée par le ministère de l'Education à ces coûts fixes, dans le budget des commissions scolaires, n'est que de 3%.

M. le Président, la baisse de la natalité, la baisse de la clientèle scolaire, cela a obligé les commissions scolaires et cela a obligé le patron scolaire à en arriver à des mesures comme prendre un enseignant qui enseigne des mathématiques et lui dire: Demain main, mon vieux, tu t'en vas enseigner la physique. Prendre une personne

qui enseignait de la musique et lui dire: Mon vieux, demain matin, tu t'en vas enseigner la catéchèse et cela est normal; ce n'est peut-être pas normal, mais c'est explicable. Quand on vit dans un contexte comme celui-là, qu'on dit à un enseignant: Mon vieux, même si tu es spécialisé en physique, tu t'en vas faire des math demain matin, ou encore on lui dit: Toi, tu viens, en raison de la liste, de subir ce qu'on a appelé le "bumping" il y a quelques mois et c'est bien regrettable, on te paie quand même, tu es en disponibilité pour la prochaine année, il est explicable qu'on ait des conflits dans le secteur de l'éducation. Ce n'est pas strictement par des mesures législatives de type de relations de travail amorcées par le gouvernement par le biais du ministre du Travail que la situation et que le problème va se régler dans le monde scolaire. Et ce n'est pas par l'étanchéité d'une négociation qu'on veut provinciale et d'une négociation qu'on veut par la suite locale qu'on va régler le problème.

Ce n'est pas par des tutelles à l'égard de certaines commissions scolaires, tutelles qui durent deux ou trois jours seulement, le temps de dire à un tuteur: Va signer une convention collective, peu importe ce qu'il y a dedans et ramène le gâteau aux commissaires, ce n'est pas de cette façon qu'on va régler le problème. Mais le problème va se régler par la participation étroite du ministre de l'Education, par une volonté ferme du ministère de l'Education qui, je l'espère, se manifestera dans les meilleurs délais; de dire enfin ce qu'est une commission scolaire régionale, une polyvalente au Québec et quels sont les services minimaux qui doivent y être.

Est-ce que, dans une commission scolaire, il faut tant d'enseignants en cathéchèse, tant d'enseignants en sport, loisir, récréation, tant d'enseignants au minimum en mathématiques, en physique, etc., compte tenu de tel nombre d'élèves? Le problème, c'est particulièrement un problème budgétaire et j'ose croire que le ministre du Travail, par la sensibilisation que je veux lui faire ce soir, saura ajouter sa voix aux autres parlementaires qui sensibiliseront le ministre de l'Education là-dessus. On ne peut pas se permettre, au lendemain de règlements par voie de tutelle, de règlements négociés ou autrement, de dire: C'est réglé pour une couple d'années et on regardera ça le prochain coup.

Même chose dans le secteur de la fonction publique. Le gouvernement a agi face au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec avec une intransigeance surprenante envers ses propres employés. Jamais un gouvernement n'avait traité le syndicat représentant ses employés de façon aussi cavalière, de façon aussi irrespectueuse que le gouvernement du Québec l'a fait par le biais du ministre de la Fonction publique, notamment, par le biais de l'ancien titulaire du ministère de la Fonction publique, qui a traité le syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de façon irrespectueuse et inacceptable pour un parlementaire. Le ministre du Travail ou le gouvernement a peut-être gardé un goût amer de la lutte justifiée, de la lutte explicable que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec a enclenchée avec le gouvernement à l'égard de la loi 50. Le ministre avait même déclaré qu'il réglerait avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux après que les négociations du front commun seront terminées — attendez, messieurs, purement et simplement — et ce, malgré le fait que la convention collective était échue depuis le 1er juillet 1978, pour en arriver finalement à une entente le 31 janvier 1980.

On peut donc en déduire que la machine bureaucratique gouvernementale a été perturbée durant un an et demi. Et le gouvernement, M. le Président, pour ajouter à sa crédibilité, viendra nous donner des statistiques basées sur un an seulement et non sur l'ensemble de la période de négociations, où il y a eu une situation perturbée.

Pour mettre fin au conflit d'Hydro-Québec, le gouvernement a été obligé d'adopter une loi spéciale, la loi 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec. Cette loi avait pour but, dans un premier temps, de forcer un retour au travail des salariés d'Hydro-Québec et, dans un deuxième temps, elle impose et décrète une convention collective applicable jusqu'au 29 décembre 1982.

Le présent gouvernement, par sa manière de procéder, a vraiment choisi de reporter les problèmes à plus tard. Les raisons à cela étaient peut-être l'échéance référendaire.

M. Johnson: Vous avez voté pour, celle-là.

M. Pagé: M. le Président, il y en a qui ont voté contre de votre côté, vous savez; vous vous le rappelez. Un des députés, qui avait précédemment voté contre, était absent.

M. le Président, le ministre nous dit: Ecoutez, vous avez voté pour. Mais ce que je veux vous démontrer, c'est que vous vous étiez engagés à ce qu'il n'y ait plus de lois spéciales. Vous vous étiez engagés à instaurer un meilleur climat de relations entre le gouvernement du Parti québécois, employeur, et ses employés. Vous avez été obligés d'adopter des lois spéciales témoignant de votre échec dans cette volonté.

M. Johnson: Respectées, à part cela. Personne en prison.

M. Pagé: Dossier de la Société des alcools du Québec. La première question qui me vient à l'esprit en faisant référence à ce conflit, M. le Président, c'est de savoir si le ministre a le résultat de l'enquête qui a été menée par ses services sur l'allégation voulant que la Société des alcools du Québec ait procédé, au cours du dernier conflit, à l'embauche de travailleurs et ce, contrairement aux dispositions de la loi 45. J'espère que le ministre pourra profiter de l'étude des crédits pour répondre à ces questions.

Ce serait vraiment aberrant de penser qu'une société d'Etat ne respecte pas les lois gouvernementales et j'ose croire qu'une plainte, qui a été

portée par le Syndicat des employés de la Société des alcools et certains de ses travailleurs il y a de ça plusieurs mois, pourra recevoir réponse, si on compare à la réponse du ministre à l'égard du conflit de la Shell.

M. Johnson: 1 500 000 réponses!

M. Pagé: M. le Président, même chose concernant la grève à l'Office de la construction du Québec. On sait que l'OCQ est en grève dans le moment; on sait que 620 travailleurs ne sont pas au travail depuis le lundi 2 juin. Toute la question du contrôle de la sécurité sur les chantiers de construction au Québec, Dieu sait si c'est important et il n'y a pas de contrôle dans le moment. On sait tous les traitements de données qui sont soumis à l'Office de la construction du Québec, tous les jours, par les travailleurs qui ont à être en contact avec l'office, on sait que c'est important, l'opération de l'office. On sait de plus — et le ministre pourra le confirmer — que les travailleurs-cadres ne peuvent suppléer au travail effectué par ces 620 travailleurs en grève. J'espère que le gouvernement, avant la fin de la session, ne fera pas comme le ministre de l'Education a fait cet après-midi, à l'égard du problème des optométristes, soit reporter tout ça à la semaine prochaine pour adopter un petit règlement bien vite, en douceur, après que les députés seront partis et ne seront plus en mesure de faire des représentations. (22 h 15)

J'espère qu'avant la fin de la semaine, le ministre du Travail ou encore le ministre des Finances, qui semble avoir fait un noeud dans les cordons de la bourse à l'égard des travailleurs de l'OCQ, j'espère, pourra nous donner des réponses à l'égard de ce conflit.

En ce qui concerne les lois relatives aux secteurs public et parapublic, le gouvernement, au début de son mandat, a institué la commission Martin-Bouchard qui avait pour but la révision du régime de négociations collectives des secteurs public et parapublic. On a eu la loi 55, Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins de la négociation collective dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux. On pourrait se poser beaucoup de questions sur les résultats et le ministre pourra profiter de la présente commission pour nous donner ses intentions sur le sujet.

On a eu la loi 59 qui créait un conseil d'information sur les négociations et qui créait un conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux. Le ministre devrait nous donner non seulement les résultats de ces organismes, mais combien ont coûté ces deux organismes et si le gouvernement entend prolonger l'existence de ces deux organismes ou encore si le gouvernement entend apporter des modifications à la formation, à la composition et au mandat de ces différents organismes.

On a eu la loi 62 qui avait pour objet de forcer les associations de salariés à se soumettre par voie de scrutin secret aux salariés qu'elle représente et de surseoir à l'exercice du droit de grève entre le 13 novembre et le 20 novembre. J'aimerais que le ministre prenne bonne note de ma question relative aux poursuites qui, possiblement, ont été intentées en vertu de la loi 62. On m'informait cet après-midi qu'aux Greffes de Québec 18 poursuites auraient été intentées. J'aimerais que le ministre nous indique les résultats de ces poursuites qui, selon mes informations, devraient être plaidées ou ont été ajournées à la fin d'août; quels sont les résultats de ces poursuites? Le ministre entend-il faire comme son collègue de la Justice dans le cas des poursuites en vertu de la loi 23 et de la loi 253, soit de les abandonner?

Le gouvernement du Parti québécois, à l'égard de toutes ces négociations dans le secteur public, doit témoigner de beaucoup de modestie, doit reconnaître son échec dans le domaine des relations de travail sur son administration. Le gouvernement se doit de convoquer à l'automne la commission parlementaire pour laquelle on a voté il y a quelques mois, commission parlementaire qui aura comme mandat de revoir, ensemble, avec la contribution de chacun des parlementaires, si possible, et évidemment avec la contribution de chacune des formations politiques. Le gouvernement devra arriver à cette commission, comme je vous le disais tantôt, en témoignant de modestie parce que sa performance de la dernière ronde des négociations prouve que le gouvernement n'a pas de leçon à faire à personne.

Je crois bien que le ministre du Travail pourra en dire autant à l'égard des négociations qui ont précédé son gouvernement, mais cette commission devra être un véritable forum d'échanges, de contributions, d'analyses au-delà des partis politiques pour qu'enfin on puisse régler le problème et qu'enfin cette commission puisse procéder à des recommandations particulières à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas que ce soit une commission parlementaire où, purement et simplement, on placotera, on échangera sur différents choix ou encore que le gouvernement arrivera pour nous imposer ses vues. Lorsqu'on a voté pour le principe de cette commission parlementaire, on la voyait dans le sens d'un véritable forum de contributions et d'échanges sur les mécanismes à établir pour régler le problème.

Il y a un secteur sur lequel le ministre n'est pas revenu beaucoup, le secteur de la construction. On a eu quelques lois dans ce secteur, notamment, la loi 52 qui a été sanctionnée en juin 1978 et qui fixe le nombre d'associations représentatives dans l'industrie de la construction, qui détermine les modalités du mode d'allégeance syndicale, qui crée un mécanisme d'appel des décisions rendues par l'OCQ. Le gouvernement s'apprête à modifier l'échiquier des associations représentatives, selon l'information que j'en ai; j'aimerais que le ministre du Travail nous dise si c'est bien le cas que le gouvernement s'apprête à modifier l'échiquier des associations représentatives dans le secteur de la construction. J'aimerais qu'il nous dise comment il va faire tout cela,

quand il va faire tout cela et pourquoi il propose de faire cela.

Oui, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Vous m'aviez demandé, au début de votre plaidoirie, de vous accorder le même temps...

M. Johnson: II est en défense!

M. Pagé: J'ai bien dit au moins le même temps, M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Laberge): Environ le même temps. C'est la question que je me pose. Le règlement, à l'article 160, dit 20 minutes; la coutume fait qu'on laisse le temps aux critiques de l'Opposition de faire un tour de table général, c'est-à-dire une tournée générale des divers sujets.

Maintenant, évidemment, le ministre a parlé — malgré une interruption de trois minutes — pendant 45 minutes. Je voulais simplement vous demander si on consent à ce que vous alliez jusqu'au bout.

M. Johnson: M. le Président, en ce qui me concerne et, je pense, mes collègues aussi, cela nous fera plaisir de permettre au député de Portneuf de continuer sur la lancée qu'il avait entreprise il y a une heure.

M. Pagé: M. le Président, cela ne fait pas une heure; j'ai été interrompu de façon intempestive, de façon régulière par le ministre du Travail et ses collègues. Il a même été obligé d'aller chercher des études, cela a pris du temps.

Le Président (M. Laberge): Vous avez...

M. Johnson: Si ça continue, je vais demander l'application des 20 minutes.

Le Président (M. Laberge): ... été interrompu onze minutes et je suis tout à fait d'accord que vous continuiez, mais je voulais simplement vous rappeler le règlement.

M. Pagé: M. le Président, j'apprécie votre accord et vous en remercie.

J'étais à parler du secteur de la construction. Le ministre devra répondre à ses intentions, et je vais — vous me permettrez, M. le Président — lui souligner que, demain, le ministre aura de nombreuses questions qui lui seront formulées par mon collègue, le député de Beauce-Sud notamment, concernant l'application du règlement de placement dans l'industrie de la construction. On se rappellera que la dernière année, depuis un an et demi, le ministre du Travail et moi-même avons eu beaucoup d'échanges sur l'application du règlement de placement, règlement dilué, modifié, amendé, réamendé, remodifié, qui est présentement sous l'administration de l'Office de la construction du Québec. Cela a amené une réorien- tation complète des services de l'office en ce que, aujourd'hui, plusieurs travailleurs, au lieu de s'occuper de sécurité, des avantages, des bénéfices et d'améliorer la qualité de vie des travailleurs, s'occupent du placement et cela, pour et au nom du fameux règlement auquel tenait tellement le ministre du Travail sur le contrôle de la classification et de la qualification.

On a eu le projet de loi no 110 qui venait renforcer les pouvoirs réglementaires de la Régie des entreprises en construction du Québec au niveau de la qualité des entrepreneurs, la catégorisation des entreprises, les pénalités en cas d'infraction aux lois. La loi 110 prévoyait aussi des modifications au champ d'application de la loi en éliminant des catégories de travaux et des personnes en particulier, en créant la catégorie d'artisans. Le ministre devra nous dire en quoi la Régie des entreprises en construction du Québec a véritablement tous les règlements pour être opérationnelle à l'égard de celui qui aura, ou qui aurait, en vertu de la loi 110, le fameux statut d'artisan, c'est-à-dire qui possède un certificat de qualification, qui va s'enregistrer à la Régie des entreprises en construction du Québec, qui a le statut d'artisan, qui peut travailler pour un entrepreneur avec les dispositions du décret qui lui sont applicables, ou encore travailler pour un particulier en dehors du décret.

On aura des questions spécifiques, évidemment, sur le nombre d'inspecteurs par région, le nombre de permis qui ont été retirés, le travail de la Régie des entreprises en construction du Québec, ainsi de suite. On aura à poser des questions — et j'espère que celui-ci pourra en poser — sur le champ d'application de la loi. Il y a environ un mois, paraissait un avis dans la Gazette officielle du Québec en vue de modifier le champ d'application du règlement no 1 relatif à la Loi sur les relations de travail dans la construction. Cet avis de modification est flou et entraînera, selon nous, la nécessité de soumettre aux commissaires à la construction les litiges qui découlent de l'application du règlement. Le ministre devra donner des réponses et devra nous indiquer en quoi cette modification au règlement no 1 pourra contribuer à régler des problèmes, et quels problèmes!

M. le Président, j'en viens à la fameuse politique de main-d'oeuvre. Je mets de côté plusieurs pages de notes que j'avais à l'égard du secteur de la construction pour en arriver à la politique de main-d'oeuvre.

M. Johnson: On va avoir l'occasion d'y revenir.

M. Pagé: M. le Président, j'ai été quasiment heureux, ce soir, d'entendre le ministre parler comme il l'a fait. Là, je veux bien vous dire tout de suite que ma satisfaction allait à l'égard d'un seul volet d'intervention du ministre, soit lorsque celui-ci a confirmé humblement, pour une fois — je dis bien pour une fois, cela ne lui arrive pas souvent — en toute modestie, pour une fois, qu'il n'y

avait pas de politique de main-d'oeuvre au Québec.

Vous savez, M. le Président, le ministre nous a conviés, nous a dit que c'était une ébauche, que c'était le début d'une véritable politique de main-d'oeuvre; d'ailleurs, il pourra se relire. Le Parti québécois nous avait conviés à des améliorations et à des modifications notoires dans le domaine de la main-d'oeuvre. Vous savez, quand ces gens se sont présentés, d'abord très peu avaient de l'expérience politique; plusieurs de ceux-là avaient quand même un degré ou un niveau de connaissances et d'expérience dans différents domaines; c'étaient, au moins à l'oeil nu, la prise de connaissance qu'on en fait dans un programme ou dans un journal. Cela semblait assez intéressant, cette équipe.

Vu les engagements auxquels s'est engagé le Parti québécois lorsqu'il était dans l'Opposition, idéaliste comme il l'était, on était en droit de s'attendre qu'il y en ait peut-être un peu plus de fait dans le cadre d'une véritable politique de la main-d'oeuvre au Québec, avec l'équipe d'idéalistes qui était là, les grands connaisseurs qui composaient l'équipe de 1976. Je dois vous dire, M. le Président, que dans une certaine mesure je me suis peut-être fait prendre un peu au piège. Au lendemain des élections de 1976, quand j'ai vu ces gens, je me suis dit: Ecoutez. Il faut leur faire confiance. Il faut respecter l'opinion de la majorité...

M. Johnson: ...

M. Pagé:... avec le groupe de penseurs qu'il y a là-dedans, avec des gens qui ont de l'expérience syndicale, avec des gens beaucoup moins nombreux, évidemment, peut-être un ou deux qui ont de l'expérience patronale...

M. Johnson: C'est mieux que de ne pas en avoir du tout.

M. Pagé: Je conviens que le ministre du Travail nous dit que c'est mieux de ne pas avoir d'expérience du tout. Je conviens que le gouvernement du Québec...

M. Johnson: J'ai dit: C'est mieux que de ne pas en avoir du tout. Une fois de plus, il me comprend mal.

M. Pagé: Cela vaut mieux que de ne pas en avoir du tout. C'est ce que le ministre a dit.

M. Johnson: Tout ce qui commence par un "que", vous oubliez cela, vous. On a vu cela récemment.

M. Pagé: Ah bon! M. le Président, le ministre devrait me laisser continuer.

M. Johnson: Oui.

M. Pagé: On était en droit de présumer qu'il y aurait des actions...

M. Johnson: ... un "que".

M. Pagé: ... beaucoup plus concertées à l'égard de la politique de main-d'oeuvre. Qu'est-ce qui s'est fait? Pas grand-chose. Le ministre nous dit ce soir: Vous savez, c'est terrible. C'est une juridiction qui est double. Le gouvernement fédéral a sa juridiction. Nous avons la nôtre. Et là, le ministre part dans un plaidoyer contre le gouvernement fédéral en disant que celui-ci ne fait pas beaucoup, que celui-ci a lancé des programmes comme Initiatives locales, comme Perspectives jeunesse. M. le Président, une véritable politique de main-d'oeuvre au Québec, ce serait la refonte non seulement des politiques de qualification, de contrôle de la main-d'oeuvre, de formation de la main-d'oeuvre, mais aussi cette politique devra nécessairement intégrer tous les programmes gouvernementaux ou les actions prises par le gouvernement du Québec à l'égard du soutien au revenu.

J'entendais le ministre du Travail me dire tout à l'heure que le livre beige du Parti libéral du Québec s'étendait beaucoup sur la politique de la main-d'oeuvre. C'est vrai. Ce qu'il y a dans le livre beige de notre formation politique, on y croit et nous sommes quasiment convaincus qu'on sera capable de le réaliser. Mais la réalisation de l'exclusivité de la politique de main-d'oeuvre par le gouvernement du Québec ou encore la possibilité que le gouvernement du Québec ait davantage — et je dis bien — beaucoup plus de responsabilités au niveau de la main-d'oeuvre, cela se fera par une négociation. Cela se fera par la nouvelle constitution qu'on s'apprête à renouveler.

Le gouvernement du Québec et particulièrement le ministre du Travail, plutôt que de venir nous dire que les gens du fédéral sont des incompétents, des ci et des ça qui ne foutent rien au Québec, etc., le "piaillage", le "chiâlage", le "braillage" auxquels on a eu droit tantôt, il serait pas mal mieux de s'asseoir et de se monter un dossier sur les interventions du fédéral au Québec dans les politiques de formation de main-d'oeuvre, de soutien à la main-d'oeuvre, de soutien au revenu au Québec, de préparer un dossier, de prendre ces données, de prendre ces sommes d'argent et de les intégrer éventuellement dans une véritable politique de main-d'oeuvre au Québec, y compris l'assurance-chômage. Je vous le dis bien personnellement comme député. Oui, c'est beaucoup. On regarde, M. le Président, la question du chômage au Canada et particulièrement au Québec. Je conviens que dans un premier temps, c'est un élément, c'est un moyen pour le gouvernement fédéral d'assurer un peu plus d'équité dans certaines régions et de soutenir les revenus à l'égard de milliers et de milliers de travailleurs, mais, dans une très large mesure, l'assurance-chômage n'est plus de l'assurance-chômage, M. le Président. C'est strictement de l'aide financière à un travailleur qui occupe une fonction pendant trois ou quatre mois.

Le ministre du Travail me dira: II y a eu des actions qui ont été portées par le ministère, le gouvernement fédéral. C'est vrai qu'il y a eu des

PIL. C'est vrai qu'il y a eu des programmes Perspectives jeunesse.

M. Johnson: Est-ce que vous êtes au courant de...

M. Pagé: Mais, M. le Président, j'aurais bien voulu voir le gouvernement fédéral tenter de lancer un programme exclusif de main-d'oeuvre couvrant tous les secteurs, formation, qualification, etc., comme le gouvernement du Québec devrait en entreprendre un. Cela aurait été un tollé de protestations et ce, peut importe les gouvernements qui auraient été là, et particulièrement celui qui est là en face dans le moment. (22 h 30)

Le gouvernement fédéral s'est vu dans l'obligation d'initier des programmes circonstanciels temporaires comme ceux-là. Le gouvernement du Québec qui nous avait conviés à tant s'est limité à du plagiat. Il s'est limité à copier ces programmes-là.

M. Johnson: On va s'en reparler demain.

M. Pagé: M. le Président, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre aura beau me dire qu'on s'en reparlera demain.

M. Bisaillon: Demain matin.

M. Pagé: M. le Président, le gouvernement du Québec n'est pas mieux que le gouvernement fédéral à cet égard. Il a de l'argent, mais il n'a pas d'idée.

M. Johnson: C'est épouvantable.

M. Pagé: II a de l'argent, mais il n'a pas d'idée. Mais oui.

M. Johnson: Cela fait peur de l'entendre.

M. Pagé: Vous dites aux jeunes et aux employeurs: Vous savez, nous autres, on a de l'argent, mais on n'a pas d'idée. Envoie, là, PIJE! Vous savez, présentez-nous un programme et on va vous subventionner. C'est le programme PIJE.

Je ne dis pas que c'est complètement en dehors de la traque, mais je dis que plusieurs de ces programmes n'ont pas beaucoup plus de mérite que les programmes fédéraux d'initiatives locales et de Perspectives jeunesse. On a eu droit à des OSE. On a eu droit à des programmes PAT et à des programmes PIJE.

M. le Président, il y a un autre élément dans tout cela. Quand je vois le gouvernement venir nous dire d'un air mielleux que ce sont des programmes justifiés. Ce sont des programmes temporaires, ce sont des programmes circonstanciels, ce sont des programmes limités. Qu'est-ce que cela permet au gouvernement du Québec quand il introduit un programme visant à faire travailler les assistés sociaux? Il faut voir ce qu'il y a derrière le rideau. Le gouvernement se dit: On va prendre une personne qui, malheureusement, reçoit de l'aide sociale dans le moment, on va la faire travailler quatre mois selon un programme PAT et, dans quatre mois, quand notre grande politique de main-d'oeuvre sera terminée, on la retournera au fédéral sur l'assurance-chômage et on sera ainsi déchargé de l'appui à apporter à une famille québécoise qui bénéficie de l'aide sociale.

M. Bisaillon: C'est à courte vue.

M. Pagé: C'est à courte vue, mais c'est cela. C'est la politique de votre gouvernement.

M. Bisaillon: C'est votre interprétation.

M. Pagé: M. le Président, est-ce qu'il est admissible...

M. Johnson: Vous parlez de...

M. Pagé: ... qu'on ait autant de jeunes qui soient chômeurs au Québec dans le moment, qu'on ait des milliers de jeunes qui finissent leur CEGEP, l'université, le secteur professionnel et qui ne soient pas capables, avant deux ans et, dans certains cas, même trois ans et, dans certains cas, jamais, de travailler dans le secteur dans lequel ils ont étudié? M. le Président, ces jeunes-là, la société les a formés à gros prix, une jeunesse qui est beaucoup plus instruite que dans les années soixante. Mais le défi qu'on a à l'aube des années quatre-vingt, c'est de s'assurer que ces jeunes pourront travailler. On ne peut pas se permettre d'avoir un taux de chômage de l'ordre de 13% pour les jeunes de moins de 24 ans. Les jeunes — et leurs parents — ont fait trop d'efforts et trop de sacrifices pour étudier pour qu'on les convie seulement à des programmes temporaires et circonstanciels. Est-il acceptable qu'une société qui a formé des milliers d'infirmières et d'auxiliaires laisse des milliers de ces personnes en chômage? Ce n'est pas vrai que les chômeurs sont des personnes qui ne veulent pas travailler. Ces gens-là veulent travailler.

M. Johnson: En effet.

M. Pagé: Je trouve complètement aberrant, alors qu'on a des programmes d'un côté et de l'autre, temporaires, etc., qui s'inscrivent rarement sous l'égide d'un commun dénominateur, que dans une ville donnée, on ait une dizaine de petites filles, par exemple, qui viennent de finir un cours comme infirmières et qu'on les paie d'une façon ou d'une autre par un programme comme celui-là, alors que le besoin dans la même ville se pose avec beaucoup d'acuité pour ces travailleuses professionnelles. La politique de main-d'oeuvre, le ministre devra cesser, selon moi, de jeter le blâme sur le gouvernement fédéral. Mais le ministre devra plutôt amorcer un véritable processus de négociations. Il devra peut-être mettre la main sur l'épaule du premier ministre, le futur père de la Confédération, pour lui demander d'intro-

duire, dans les négociations de l'été prochain, plus de pouvoirs pour une véritable politique de main-d'oeuvre au Québec sous la juridiction du gouvernement provincial du Québec.

M. le Président, compte tenu de l'heure tardive, j'aurais aimé parler évidemment de la Commission de la santé et de la sécurité du travail...

M. Johnson: C'est le Conseil exécutif.

M. Pagé: C'est vrai, ce n'est pas vous qui avez cela.

M. Johnson: C'est dans les crédits du Conseil exécutif.

M. Pagé: C'est vrai, M. le Président. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sait tout.

M. Johnson: Vous connaissez bien vos dossiers.

M. Pagé: M. le Président.

M. Johnson: Tout au même ministère.

M. Pagé: Je dois juste...

M. Bisaillon: Comme c'est là, il a été mis sur une voie d'évitement.

M. Pagé: M. le Président, je dois vous dire qu'à l'égard du dossier, la santé et sécurité au travail...

M. Johnson: Vous vous trompez de commission.

M. Pagé: ... je savais pertinemment que c'est sous la juridiction du ministre d'Etat au Développement social.

M. Johnson: Ah bon!

M. Pagé: Mais je conviens que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre... Je ne poserai pas de question. Je sais qu'il est peut-être sorti un peu frustré de ce débat-là.

M. Chevrette: On va vous rappeler votre déclaration au début de la commission parlementaire.

M. Pagé: J'aurais aimé en parler, mais on aura l'occasion, de toute façon, d'en reparler évidemment de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Johnson: Oui, bien sûr.

M. Pagé: M. le Président, en conclusion, il reste beaucoup à faire. Le gouvernement s'était engagé à beaucoup, il a fait peu — les résultats en témoignent — le gouvernement doit profiter de la présente commission parlementaire et des mises en garde qu'on lui a faites dans la présente déclaration, tout comme il devra profiter de la commission parlementaire qui siégera à l'automne pour étudier la question des négociations dans les secteurs public et parapublic, pour non seulement accepter, mais profiter de la contribution des différentes formations politiques ici à l'Assemblée nationale.

Quant à nous, M. le Président, je dois vous dire que le rôle qui nous appartient, soit celui de l'Opposition officielle, est celui de suivre de près le gouvernement; mon rôle est de suivre de près le ministre du Travail et je vais continuer à le faire. Peu importent ses déclarations, peu importent ses affirmations, peu importe son air, peu importent ses insultes, cela n'est pas grave, ça nous passe sur le dos, on va continuer à faire notre boulot et on va continuer à travailler...

M. Johnson: Monsieur fait des tableaux!

M. Pagé: ... avec beaucoup de vigilance et beaucoup de détermination.

M. le Président, en terminant sur la question du tableau, j'espère que le ministre répondra à la question que je lui ai formulée...

M. Johnson: Vous mettez votre siège en jeu... M. Pagé: Non, mais ce que je vous ai dit...

M. Johnson: ... et les pieds dans les plats. Je suis prêt à régler pour les pieds dans les plats.

M. Pagé: Vous avez la tête dans le sable. Quant au siège en jeu, mon siège comme député de Portneuf, il est beaucoup plus confortable que celui des 95 péquistes qui ont perdu au référendum dont le député d'Anjou qui s'est fait battre à plate couture. On regardera cela aux prochaines élections.

M. Johnson: En proportion, cela a été mieux dans Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, on va continuer à être vigilants et à travailler. M. le Présient, je vous remercie.

M. Chevrette: M. Lalande...

M. Pagé: On verra cela. On vous a battus il n'y a pas longtemps dans Maisonneuve. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de participer à cette commission en remplacement de mon collègue, le député de Richmond, qui a dû s'absenter ce soir, mais qui reviendra à cette commission demain matin.

Le 31 octobre dernier, le chef de l'Union Nationale a présenté une motion priant le gouvernement de remplacer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Nous savons tous que les grèves dans les secteurs public et parapublic frappent très durement la population du Québec depuis quelques années. Les syndicats s'en servent trop volontiers comme un instrument de harcèlement et un instrument de facilité, selon les propos mêmes du premier ministre. Ce qui est pire, c'est qu'il semble bien que rien n'empêchera ces grèves parfois même sauvages, sauf si le gouvernement légifère de façon à remplacer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic par une autre formule.

C'est un fait que l'existence du droit de grève dans les secteurs public et parapublic, cela dérange et cela fait mal. Voilà maintenant plus de quinze ans que ce droit existe, qu'il jouit d'une reconnaissance juridique à la suite d'une loi adoptée par le gouvernement Lesage en 1964. Depuis ce temps, nous avons connu plusieurs grèves et ce, dans tous les secteurs de la vie publique: hôpitaux, foyers d'accueil pour personnes âgées, transport en commun, écoles, policiers, HydroQuébec, SAQ, etc. Que ce soient des grèves de zèle, des grèves perlées ou des grèves générales illimitées, on y a tous goûté plus d'une fois et chacun d'entre nous peut se rappeler un ou deux événements fâcheux qu'il a vécu personnellement ou qu'un être proche de lui a vécu.

Aussi, alors que le gouvernement n'a aucune idée définitive de ce que pourrait être la formule de remplacement, l'Union Nationale a déjà fait valoir sa pensée à ce sujet. La solution proposée par notre parti consiste en une formule de négociation permanente comprenant l'arbitrage obligatoire pour le règlement des clauses normatives et l'élaboration d'une politique salariale basée sur la moyenne payée dans le secteur privé. Aussi, comme le gouvernement n'a pas encore proposé de solution de rechange au fléau qui affecte le Québec lors de chaque période de négociations dans les secteurs public et parapublic, nous, de l'Union Nationale, croyons qu'il est du devoir du gouvernement de se pencher sur la solution envisagée par notre parti.

L'Union Nationale n'est pas la seule à exiger une réforme dans ce domaine. En effet, en décembre dernier, l'Union des municipalités recommandait de nommer des arbitres permanents pour contrôler les grèves des fonctionnaires. En janvier de cette année, M. Roger Phillips, président de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan, déclarait que l'octroi du droit de grève aux employés de l'Etat québécois s'était soldé par une faillite. Il a précisé que, selon lui, il faut mettre fin à ce genre d'affrontements stériles. Il est inacceptable de tenir ainsi les citoyens en otage. Par la suite, le président du Congrès du travail du Canada, M. Dennis McDermott, parlant devant les délégués au congrès du Syndicat des fonctionnaires provinciaux de la Colombie-Britannique, a déclaré que le mouvement ouvrier devrait commencer à remplacer le recours à la grève par des formes nouvelles et intelligentes d'action collective.

Toujours dans cette option, le ministre de la Fonction publique et le député de Joliette-Montcalm ont exprimé des opinions semblables et désirent eux aussi des changements en profondeur dans ce domaine. J'insiste aussi, M. le Président, pour souligner que cette motion est devenue un ordre de la Chambre. En effet, cette motion fut adoptée de façon unanime par la Chambre et je précise que pas un seul membre de cette Assemblée nationale n'a voté contre la motion bien qu'il y ait eu trois abstentions. Aussi...

M. Chevrette: Bisaillon encore!

M. Cordeau: M. le Président, je n'ai nommé personne. Aussi, comme le disait le député de Nicolet-Yamaska, Me Serge Fontaine, à l'Assemblée nationale le 18 décembre dernier, ce dont les citoyens du Québec ont besoin, c'est d'une loi-cadre en ce domaine, qui remplace le droit de grève par la négociation permanente et l'application forcée des conventions collectives par voie d'arbitrage obligatoire. C'est ce que l'Union Nationale a demandé depuis au-delà d'un an et demi, si ce n'est pas plus. C'est ce à quoi tous les parlementaires de l'Assemblée nationale se sont engagés à la suite d'une motion qui a été présentée par le chef de l'Union Nationale en date du 31 octobre dernier.

M. le Président, si on me permet, je vais lire cette motion qui est par la suite devenue un ordre de l'Assemblée nationale du Québec. Cette motion se lisait ainsi: "Que cette Assemblée est d'avis que la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre soit convoquée afin d'étudier l'opportunité de remplacer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic par une formule de négociations permanentes comprenant l'arbitrage obligatoire pour le règlement des clauses normatives et l'élaboration d'une politique salariale basée sur la moyenne payée dans le secteur privé".

Maintenant, M. le Président, suivant notre règlement, cet ordre de l'Assemblée nationale deviendra caduc lors de la prorogation de la présente session. Mais, comme il s'agit d'un ordre de la Chambre, donc d'un ordre très important et qui porte ur un sujet tout aussi important, il me semble qu'il faille envisager... un moyen pour empêcher que cet ordre ne devienne caduc. Une telle procédure peut se faire en suivant notre règlement.

C'est donc dans cette optique qu'au nom de mon parti, je demande au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'il veut bien s'engager solennellement à tout faire en son pouvoir pour que, dès l'été prochain, la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre soit convoquée afin d'étudier cet ordre unanime de la Chambre, malgré les trois abstentions. (22 h 45)

II faut à tout prix que cet ordre de la Chambre soit respecté et tout doit être mis en oeuvre afin d'éviter qu'une erreur ou qu'une négligence puisse rendre cet ordre de la Chambre caduc, car autrement, ce ne sera pas la volonté de la Chambre qui va être respectée, mais le désir de ceux qui se

sont abstenus; et la démocratie en prendra un coup.

Enfin, je demande au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'il veut prendre l'engagement de plaider auprès du Conseil des ministres pour que l'ordre de l'Assemblée nationale, datant du 31 octobre 1979, soit respecté. J'espère que M. le ministre a bien compris mes propos et que, tantôt, dans sa réplique, il nous fera part de ses commentaires.

Mais, M. le Président, avant de terminer, je voudrais attirer l'attention du ministre sur quelques points en particulier. Entre autres, j'aimerais que le ministre nous fasse part des programmes ou des études qu'il a entrepris — parce qu'il l'a mentionné tantôt dans son allocution — concernant les finissants du secondaire professionnel. Car il ne faut pas se cacher... Je pense que tous les députés qui sont autour de cette table ont eu, dans leur bureau, la visite de jeunes finissants d'écoles secondaires qui n'ont pu trouver du travail, soit parce que les règlements de l'Office de la construction du Québec les en empêche et également parce que l'on fournit actuellement à nos jeunes, dans les polyvalentes, une formation sachant bien qu'ils ne trouveront pas d'emploi, même si l'on sait qu'ils ne trouveront pas d'emploi à la fin de leurs études. Je trouve ça illogique, irresponsable de la part du gouvernement et également de tous ceux qui s'occupent de l'éducation de nos jeunes. On m'a même dit: On ne peut offrir d'autres formations à nos jeunes parce qu'actuellement on a un certain équipement et il faudrait en acheter d'autre pour former nos jeunes. Mais je trouve que si on en est rendu là dans la société, dans nos écoles secondaires, à vouloir former des jeunes, parce qu'actuellement on a un certain équipement dans ces écoles et qu'il faut l'employer...

Je pense, M. le ministre, que vous avez la responsabilité de travailler en étroite collaboration avec le ministre de l'Education afin de trouver les moyens appropriés pour donner à nos jeunes une formation et qui répondra à la demande du marché du travail, parce que vous avez même dit tantôt qu'il y avait une pénurie de main-d'oeuvre en certains domaines. Il me semble que tous les efforts devraient être concertés afin de former nos jeunes dans les domaines où vous constatez actuellement qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre.

Rien ne sert de former des jeunes pour en faire des chômeurs immédiatement à la fin de leurs études. S'il y a tant de jeunes en chômage, c'est qu'ils n'ont pas été formés en vue d'occuper un emploi sur le marché du travail actuellement. C'est là un bobo et je pense que nos jeunes se découragent. Réellement, il faudrait y porter une attention toute spéciale.

Concernant la formation de ces jeunes, il y en a qui sortent diplômés en électricité ou autrement. Ils se trouvent un employeur qui est prêt à les engager parce qu'il connaît la famille ou le jeune en question, parce qu'il a peut-être travaillé pour lui durant l'été. Or, c'est impossible d'avoir une carte de travail, une carte qui lui permettrait d'aller sur le marché du travail, parce qu'il faut que tous ceux qui sont sur les listes aient trouvé un emploi avant eux. Je ne sais pas si les règlements dans la construction ont été changés dernièrement ou si vous avez l'intention d'apporter certaines modifications afin de procurer à ces jeunes qui sortent des écoles polyvalentes ou d'autres écoles spécialisées les moyens d'être embauchés alors que l'employeur est prêt à leur garantir un emploi permanent. Aujourd'hui, ils sont empêchés de travailler.

Je voudrais aussi inviter le gouvernement à poser des gestes concrets afin de relancer la construction au Québec, car on dit souvent: Lorsque la construction marche, tout marchel Mais, actuellement, on s'aperçoit que dans la construction, c'est très calme et ce sera encore plus calme à l'automne. Je vais vous dire pourquoi. Les obligations que vous avez mises sur le marché à 14% d'intérêt, M. Parizeau, ont eu un succès boeuf. Vous en avez écoulé pour $700 000 000 alors que vous en vouliez peut-être $250 000 000. Ce succès est venu parce que les épargnants ont trouvé qu'à 14% c'était un très bon placement et il ne faut pas les en blâmer. Par contre, ils ont presque vidé, mis à sec les comptes d'épargne des caisses populaires et des banques. Pour avoir rencontré, en fin de semaine, des gérants de caisse populaire, je sais qu'ils seront dans l'impossibilité de prêter et même d'avancer des sommes d'argent. Même s'ils l'avaient promis à des gens qui devaient construire, ils sont dans l'impossibilité de leur prêter de l'argent, de remplir leurs engagements faute de disponibilités. Les comptes de banque ont presque été vidés à cause du taux d'intérêt que les citoyens pouvaient retirer de ces obligations. Les caisses populaires sont rendues à un point crucial, c'est même dramatique.

J'ai bien peur que le ministre des Affaires municipales, qui voulait faire administrer son programme Loginove par les caisses populaires, ne soit dans l'impossibilité de mettre à la disposition...

M. Johnson: Oh!

M. Cordeau: Attendez un peu! Il va faire face à des difficultés dans les caisses populaires ou dans les banques parce qu'elles n'auront pas d'ici deux mois, trois mois, les disponibilités nécessaires pour prêter les sommes dont le ministre des Affaires municipales va avoir besoin pour la mise en place de son programme Loginove.

M. Johnson: C'est exagéré.

M. Cordeau: Bien, vous vous informerez auprès des maisons d'affaires et des banques. Ce sera crucial d'ici quelques mois et le chômage dans la construction, qui est à un point crucial actuellement, va devenir dramatique dans quelques mois parce que les sommes nécessaires pour ceux qui veulent construire ne seront pas disponibles dans les institutions bancaires.

Je voudrais que le ministre, tantôt, dans ses remarques, nous fasse le point en ce qui regarde la grève à l'Office de la construction du Québec car, là aussi, cette grève va perturber tout le domaine de la construction. Je crois sincèrement que c'est un domaine névralgique actuellement pour la relance économique. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, j'aurai quelques remarques seulement. Je voudrais d'abord dire au député de Portneuf que, quand j'ai utilisé l'expression "fini les folies", je l'avais empruntée de son véritable chef, M. Trudeau.

Ceci dit, moi aussi, je partirai de la conclusion du député de Portneuf qui disait qu'il y avait beaucoup à faire dans le domaine des relations de travail. C'est tout à fait vrai. Je le dirai comme point de départ de mon intervention parce que c'est vrai qu'en relations de travail il y a beaucoup à faire. Mais il y a surtout une adaptation continuelle à faire dans le domaine des relations de travail et c'est continuellement mouvant comme situation. Là-dessus, j'ai été même surpris — parce qu'on ne se rappelle pas toujours quand on n'a pas la liste des projets de loi ou de la réglementation, ou des diverses mesures qui ont été prises — j'ai été même impressionné par le bilan qu'en a tracé le député de Portneuf. Je peux vous avouer que si on regarde cela comme ministère isolément, quand tu sais qu'il y a 26 ministères au gouvernement, c'est assez impressionnant comme mesure.

Tout en admettant que ce n'est pas parfait parce que je pense que la perfection, dans le domaine politique, n'existe pas, il n'en demeure pas moins qu'il y a eu au moins des efforts de faits qui ont contribué à changer une chose fondamentalement: c'est que l'esprit d'affrontement pour le plaisir de l'affrontement semble de moins en moins exister. On réussit, je pense, à parler; on réussit à rencontrer les leaders syndicaux dans nos propres milieux et on réussit à dialoguer avec eux, indépendamment des situations qu'on a vécues, choses qu'on ne voyait pas dans les années 1976, en particulier, où on se plaisait plutôt à s'affronter et où on recherchait plutôt le mot clé qui choquait au lieu d'essayer de rechercher une solution en se servant des modes normaux prévus dans le Code du travail.

Je vous avoue que j'ai été heureux personnellement la semaine dernière de voir le règlement du conflit de la CECM de la façon dont il s'est réglé puisque je m'attendais à une rentrée parlementaire où on aurait dit: Qu'est-ce que vous attendez pour adopter une loi d'exception pour casser ces maudits syndiqués? Cela aurait été à peu près les remarques qu'on aurait eues de nos amis d'en face. Pour une fois, le gouvernement s'est servi d'une mesure qui lui était dévolue en vertu des lois existantes et a réglé le conflit purement et simplement par une mesure qui était permissive et qui ne prêtait pas flanc à cette traditionnelle démarche de nos amis libéraux qui est toujours d'essayer de casser le monde syndical.

Je pense qu'il y a eu de la bonne foi de la part des gens de l'Alliance de Montréal autant dans la conciliation, que dans le phénomène de la médiation, dans le processus de la médiation, et je considère que, comme gouvernement, on a réussi à prouver qu'on était capable de faire la part des choses selon l'endroit où se trouvait le problème. Quand le problème se trouve du côté patronal, il ne faut pas être gêné pour le dire. Quand il se trouve du côté syndical, il ne faut pas être gêné pour le dire non plus, mais il ne faut pas être "mindé" uniquement patronal comme j'ai connu chez certaines formations politiques. Je les ai vécus, à part cela, comme problèmes.

Je finirai très brièvement en vous disant qu'il y a beaucoup à faire, c'est vrai. Le fait que le ministre du Travail ait déjà annoncé, avant même que le député de Portneuf prenne la parole, qu'il avait l'intention de soumettre à l'automne un débat sur toute la question de négociations, un débat plus élargi au niveau du Parlement, je considère que c'est là une façon aussi de relever les défis qui nous attendent. En relations de travail, je disais que c'était mouvant au début et je suis personnellement convaincu que ceux qui vont chercher par une mesure législative à vouloir stopper ou arrêter — il faut bien utiliser les deux termes pour me faire comprendre — toute grève, je pense que ce sont des rêveurs. Il y a des pays qui n'ont même pas le droit de grève et où le totalitarisme et l'autoritarisme priment. Ce sont peut-être les pays qui ont le plus de grèves. Chercher un éventuel climat social par des mesures radicales dans le contexte social d'aujourd'hui, je pense que c'est faire fi des réalités. C'est beaucoup plus en adaptant nos mécanismes aux situations, aux conjonctures sociales et aux conjonctures politiques, à chercher à renouveler nos mécanismes, faire en sorte de mettre le doigt sur les bobos pour tâcher d'assouplir ces mécanismes pour que les gens se parlent et qu'on trouve des solutions.

En tout cas, c'est de même que je le vois. Et je ne vois pas vraiment la recherche de solutions radicales qui régleraient fondamentalement les problèmes des relations de travail dans les domaines public et parapublic. C'est beaucoup plus par l'assouplissement des mécanismes, comme on a essayé de le faire par les amendements au Code du travail. On aura beau dire qu'on n'a pas tenu nos promesses, mais il n'en demeure pas moins que, dans le domaine de la démocratie syndicale, je peux au moins dire qu'on a fait des pas de géant en mettant le vote de grève obligatoire, par exemple, qui a été respecté dans la quasi-totalité des syndicats. C'est une démarche sur laquelle on avait pris des engagements. Et on a tenu parole. Je pense que cela a servi, en tout cas, à la base syndicale à s'exprimer d'une façon très libre tout au cours du processus de négociation.

II y a peut-être lieu... J'ai lancé une idée de la négociation permanente. Je pense que c'est une hypothèse ou une option à fouiller, parce que je considère que l'encombrement des rôles d'arbitrage, en particulier dans le domaine de l'éducation, c'est sans doute une des causes, une des sources d'agressivité, puisqu'on se ramasse avec des milliers et des milliers de griefs à l'avance qui peuvent dégénérer, justement, en certaines stratégies, mais qui ne peuvent contribuer aussi, par le fait même, si c'est une stratégie de défaut, quand un grief ne se règle pas et que les gens questionnent, qu'à remettre la faute sur le tribunal d'arbitrage. A ce moment-là, l'agressivité monte passablement. Donc, si on ne touche pas au processus de négociation, il faudrait au moins toucher à d'autres aspects qui sont les causes de l'agressivité comme telle.

Je voudrais faire une petite boutade au député de Saint-Hyacinthe. L'épargne de $700 000 000, c'est une pinotte sur $55 000 000 000 d'épargne au Québec. Je ne sais pas si vos sources sont vraiment dignes de foi, mais c'est quasiment un non-sens. (23 heures)

M. Cordeau: Je pourrais fournir au député de Joliette-Montcalm des noms de gérants de caisse populaire.

M. Chevrette: Bon, en tout cas. Je croyais qu'un bon d'épargne, pour la majorité de ceux qui en prenaient, cela se faisait à partir de leurs propres déductions à la source dans bien des cas.

M. Cordeau: Depuis samedi soir, ça n'a pas changé.

M. Chevrette: Je voulais finir par cela, je trouvais que votre source avait l'air louche un peu. Vous n'en avez pas consulté beaucoup sûrement.

Les étudiants, vous en avez parlé et, personnellement, face aux étudiants, aux finissants des écoles, le problème n'est pas tellement au niveau de la formation comme au niveau des ouvertures de postes.

M. Cordeau: Oui, mais...

M. Chevrette: Quand bien même vous formeriez nos jeunes avec des outils encore plus adéquats, quand il n'y a pas d'emploi, il n'y en a pas!

M. Cordeau: Le ministre a dit tantôt qu'il y avait une pénurie de main-d'oeuvre!

M. Chevrette: Dans certains secteurs d'activités, mais chaque fois qu'un gouvernement veut contingenter dans le domaine de la main-d'oeuvre, il y a un tollé et on parle de liberté. Demain, vous allez avoir le député de Beauce-Sud qui va venir nous parler du règlement de placement dans l'industrie de la construction. A la minute où on va essayer de dire aux étudiants dans les écoles qu'on ferme telle option parce qu'il y a un surplus de main-d'oeuvre, vous allez vous attaquer aux droits et aux libertés individuels. Il faudrait savoir sur quel pied vous dansez et de quelle politique vous vous chauffez, à un moment donné, pour qu'on puisse vraiment dégager un consensus au niveau du gouvernement.

M. Cordeau: II y a un problème.

M. Chevrette: II y a un problème et je vous dis pourquoi: C'est parce que vous ne savez pas où vous allez. J'ai fini, moi.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je laisserai parler le député de Beauharnois avant, M. le Président.

M. Laurent Lavigne M. Lavigne: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: ... ce sera très court. Je voulais dire quelques mots sur ce sur quoi le député de Joliette-Montcalm a terminé et ce sur quoi le député de Saint-Hyacinthe s'est exprimé un peu. Au niveau du placement, ou du contingentement, ou du perfectionnement de nos jeunes, je pense qu'il y a un problème de fond et le ministre, dans son exposé au début, en a fait état. Ce sont les relations qui existent entre le provincial et le fédéral. Les gens d'en face vont toujours nous dire que chaque fois qu'il y a un problème qui se pose, c'est la faute du fédéral, mais effectivement, il y a là un problème, et je pense que tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas résolu, ce fameux problème, il sera là.

Ce serait jouer à l'autruche que de ne pas vouloir le constater. On n'a qu'à regarder, par exemple, les investissements ou, si vous voulez, depuis une trentaine d'années, le taux de chômage qui existe en Ontario et au Québec; c'est le double. Pourquoi est-ce le double? On a établi à environ 6% le taux de chômage en moyenne depuis une trentaine d'années au Québec; pendant ce temps, sur la même période, en Ontario, on a établi une moyenne d'environ 3,4%. Quand on ne regarde qu'un champ d'activités, depuis les dernières années, depuis l'implantation de la construction d'automobiles au Canada, 97% du monde de l'automobile est installé en Ontario avec énormément d'aide du fédéral, avec des subventions extraordinaires II y a GM ou Ford qui devait venir s'installer chez nous et, à la dernière minute, le fédéral a offert $40 000 000 et Ford est allée s'installer en Ontario. Cela aurait créé des emplois.

Cela, c'est le monde de l'automobile; il y a un autre secteur d'activités où on aurait pu voir une création d'emplois ici, c'est par l'un des plus gros contrats du siècle, l'achat du M-18 plutôt que le F-16.

M. Cordeau: Parlez-nous donc de Bombardier!

M. Lavigne: Oui, c'est une autre question. Je vous parle de faits, du vécu. Quand on regarde les investissements du fédéral par rapport au développement de l'industrie en Ontario, comparativement au Québec, c'est énorme comme différence, ce qui fait qu'on a eu un taux de chômage à peu près du double depuis une trentaine d'années. On aura beau contingenter, on aura beau réglementer l'apprentissage de nos jeunes, en fin de compte, s'il n'y a pas de "job", ça ne donnera rien. L'investissement qui est fait dans le retour de nos taxes et de nos impôts qu'on paie à Ottawa, au fédéral par l'entremise du Québec, c'est sous forme de chômage plutôt que sous la forme de création d'emplois. C'est là qu'est le noeud, c'est là le problème. Réglons ce problème aujourd'hui comme demain, faisons en sorte que le fédéral, dans ses retours d'impôts au Québec, ne nous les retourne pas en chômage, mais en création d'emplois, et vous n'aurez pas le problème que vous avez souligné tout à l'heure, celui qu'on a dans nos écoles techniques. Je le connais, le problème, je suis un enseignant de l'école technique. Moi, je formais des soudeurs et mon collègue formait des menuisiers. Effectivement, quand ils étaient diplômés, ils arrivaient sur le marché du travail et faisaient face au problème que vous avez soulevé. Si, par contre, au niveau de la création d'emplois, au niveau de l'industrialisation du Québec, il y avait eu un tas de champs d'activités qui avaient été ouverts, développés, ç'aurait pu être différent, mais on est tout seul à le faire pendant qu'en Ontario ils sont deux, le gouvernement provincial aidé du gouvernement fédéral.

C'est un aparté que je voulais faire, c'est une remarque que je voulais faire, je pense qu'elle est pertinente. C'est un problème qui existe depuis trop longtemps et, tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas réglé, nous aurons à débattre de la question que vous avez soulevée tout à l'heure. Je pense qu'il n'y a pas de solution à part celle-là. Quand nous disons dans notre programme et dans notre volonté comme gouvernement qu'il faut rapatrier nos taxes et nos impôts ici, au Québec, c'est un élément qui nous permettrait cela.

Dans le même ordre d'idées, on vient tout juste d'annoncer, il n'y a pas si longtemps, $15 000 000 qui avaient été promis pour développer les mines de sel aux Iles-de-la-Madeleine. Ils viennent de nous les soutirer. Cela aurait créé des emplois. Nous allons probablement le faire seuls.

M. Pagé: Vous aviez promis de le faire seuls, faites-le seuls.

M. Cordeau: Vous auriez dû garder le gouvernement précédent à Ottawa.

M. Lavigne: De toute façon, c'était mon droit de parole, messieurs. Je vous demanderais de le respecter. Je ne suis pas intervenu quand vous avez pris la parole. C'étaient les quelques remar- ques que je voulais faire et je pense qu'elles sont pertinentes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le député de Beauharnois.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, l'étude des crédits du ministère du Travail nous permet de nous prononcer non seulement sur les montants d'argent, mais beaucoup plus sur les orientations et les politiques qui se dessinent pour l'année qui vient. Cela nous permet aussi en même temps de faire un bilan de l'année écoulée. Il y a une chose que les statistiques ne nous révéleront pas, sauf pour les marchands de malheur, ce sont les choses qui ont été réussies. On dit que les couples heureux sont sans histoire, de la même façon, les statistiques. On n'est pas porté à rechercher, à l'intérieur des documents qui nous sont fournis, les nombreuses conventions collectives qui se sont réglées sans conflit. De plus en plus, depuis au moins deux ans, on assiste à un grand nombre de négociations qui se résolvent, qui se concluent sans l'exercice du droit de grève, sans même la nécessité pour le syndicat de passer ou de procéder à un vote de grève.

Quant à moi, cela m'indique un renforcement évident du service de conciliation et de médiation du ministère du Travail, un service qui a fait ses preuves depuis deux ans, qui a agi dans le milieu, là où les problèmes se pensent. Ce n'est pas au Parlement qu'on règle les conventions collectives, c'est dans le milieu. C'est l'efficacité du service de conciliation et de médiation. Vous ne retrouverez pas cela dans les statistiques parce que vous ne le rechercherez pas. On va rechercher le nombre de jours-homme perdus, mais on ne cherchera pas le nombre de jours-homme sauvés par l'efficacité d'un service du ministère du Travail.

Dans le domaine des relations de travail on aura beau chercher tous les systèmes parfaits ou le système le plus parfait, c'est un milieu qui ne sera jamais parfait. On n'atteindra jamais la perfection, parce qu'on sera toujours en constante évolution.

Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est fournie pour demander au ministre de répondre à un certain nombre de questions et de commentaires que j'ai à faire aussi sur l'étude que j'ai faite des crédits du ministère. Certaines de mes remarques vont se rapporter à la recherche, d'autres aux lois comme telles.

Au niveau de la recherche, le député de Portneuf l'a souligné tantôt, je serais aussi intéressé à recevoir — je sais que c'est actuellement un document de travail, le ministre nous a informés tantôt que l'étude qui avait été faite sur les injonctions, de même que sur l'accréditation multipatronale était actuellement à l'étude au conseil consultatif. Il me semble que ce serait intéressant, concernant ce document de travail — s'il est rendu au conseil consultatif, le milieu patronal et

le milieu syndical en sont informés — que les parlementaires qui se préoccupent des questions de relations de travail puissent avoir au moins le document qui sert actuellement de base au conseil consultatif. Ce sont deux problèmes dont nous avons longtemps parlé, qui sont susceptibles de régler une foule d'affrontements, quand on pense aux injonctions, et aussi apporter une amélioration évidente dans le système des négociations, quand on pense à l'accréditation multipatronale.

Pour ce qui est des recherches nouvelles, j'en aurais quatre à proposer, et je voudrais savoir, si elles ne sont pas prévues dans le budget actuel, comment le ministre pourrait intégrer dans les crédits qui lui sont actuellement alloués ces quatre recherches: une première sur les services essentiels. Lorsque je parle de services essentiels, je voudrais distinguer les services essentiels en milieu hospitalier et les services essentiels de façon générale.

Concernant les services essentiels en milieu hospitalier, quoi q'on en ait dit — et on veut toujours faire le tableau le plus noir possible — il est d'après moi faux de prétendre que les amendements qu'on avait votés la dernière fois, quant à l'établissement d'un mécanisme nouveau de services essentiels, ont été totalement inefficaces. Au contraire, selon moi, ce nouveau système, malgré ses erreurs, malgré les choses qu'on pourrait encore corriger, a donné de meilleurs résultats que tout ce qu'on avait pu essayer auparavant.

Je déplore cependant, au niveau du secteur hospitalier, que le comité de surveillance des services essentiels qu'on a mis sur pied au moment de la négociation ne soit pas un comité permanent. Je souhaiterais qu'en termes de relations de travail ce comité de surveillance des services essentiels en milieu hospitalier, si c'est tellement important pour les gens de l'Opposition, comme cela l'est de notre côté de toute façon, puisse travailler de façon permanente. Sans cela, on relie toujours la notion de services essentiels à un conflit de travail et ce n'est pas vrai que c'est uniquement pendant cette période de temps qu'on doit surveiller les services essentiels. Si c'est important quand il y a un conflit de travail, ce devrait être important en période d'été, quand les médecins prennent leurs vacances. Ce devrait être aussi important durant les vacances de Noël, les vacances de Pâques, que l'on surveille si, dans chacun des hôpitaux ou des institutions hospitalières du Québec, les services essentiels sont assurés à la population du Québec.

D'après moi, on dédramatiserait de cette façon l'exercice du droit de grève dans ce secteur. Je reviendrai tantôt à l'exercice du droit de grève dans ce secteur quand je parlerai de la quatrième recherche qui, d'après moi, devrait être faite durant l'année qui vient. Pour ce qui est de l'autre partie des services essentiels, ce sont des notions qu'on n'utilise pratiquement pas, mais qui touchent davantage la population, selon moi, que le milieu hospitalier. Je me réfère, par exemple, au conflit qui a eu cours à Montréal dans le secteur du transport en commun. Il me semble que l'outil utilisé lorsqu'on fait la grève dans une ville comme Montréal, lorsque les travailleurs du milieu du transport en commun font la grève, l'outil est démesuré par rapport aux objectifs qui sont poursuivis, c'est-à-dire la conclusion d'une convention collective.

Là aussi, il faudrait se pencher sur une notion ou une définition des services essentiels afin de protéger justement les travailleurs, parce que, pendant un conflit comme celui-là, ce sont les petits travailleurs, les plus bas salariés qui souvent ont été amenés à perdre leur emploi. Que de grandes entreprises aient des difficultés, cela peut se comprendre. Que la population en souffre légèrement, cela s'accepte aussi pour une population qui doit aussi tenir compte des travailleurs de ce secteur qui sont des travailleurs des secteurs public et parapublic comme les autres. Par exemple, on pourrait penser que dans ce milieu on pourrait aller à un service multiplié par deux en termes de temps. Si un circuit prend une heure ou vingt minutes, il pourrait prendre, en temps de conflit, trois fois plus de temps, mais ne pas être interrompu totalement. Il me semble que dans ces milieux on ne parle jamais de services essentiels, mais que, selon moi, il va falloir s'attaquer à ce problème dans son ensemble et non pas uniquement au niveau du secteur hospitalier.

Cela m'amène à suggérer au ministre ou à lui poser des questions quant aux annonces qui avaient été faites relativement au dernier conflit dans le transport en commun à Montréal, aux annonces qui avaient été faites d'une enquête sur l'administration de la CTCUM, à Montréal, de même que sur le système de relations de travail qui prévaut dans ce milieu. Tantôt, le député de Joliette a indiqué que l'esprit qui prévalait depuis deux ou trois ans dans les relations de travail au Québec n'était plus un esprit d'affrontement. J'apporterais peut-être une légère correction à cela. Il est évident que, au niveau gouvernemental, si on pense aux centrales syndicales ou aux syndicats qui ont affaire avec le gouvernement, on remarque effectivement qu'il n'y a pas un esprit d'affrontement comme il y en avait un avant, mais cet esprit d'affrontement, selon moi, s'est déplacé. Il est rendu en bas. Il est maintenant au niveau des commissions scolaires. Il est au niveau des municipalités. Il est au niveau des organismes publics locaux. C'est là qu'il est rendu et c'est à ce niveau qu'il faudra travailler. Il me semble que, dans ce cadre, une enquête sur l'administration et le système de relations de travail à la Commission de transports de la Communauté urbaine de Montréal s'imposerait. (23 h 15)

De la même façon, le ministre nous a annoncé qu'il entendait faire un retour sur les négociations des secteurs public et parapublic. Quant à moi, j'y ai participé d'assez près pour savoir qu'il y a eu encore une fois de très grandes améliorations dans la façon dont les négociations ont procédé. Cependant, il me semble que si on devait faire un retour sur les négociations des secteurs public et parapublic, si on veut en arriver à quelque chose

qui soit encore plus sécuritaire pour l'avenir, il faudrait avoir la participation de toutes les parties et ne pas se contenter de le faire uniquement au niveau du Parlement. Le faire de façon plus élargie avec les parties qui sont en présence. Quand je parle des parties en présence, je parle des centrales syndicales, du gouvernement et des membres de l'Opposition.

Un dernier point, M. le Président, je voudrais indiquer que, pour moi, la recherche et les études devraient être faites rapidement sur la notion de la négociation permanente. Pas une négociation permanente... Il existe plusieurs formes de négociation permanente. Il s'agirait de savoir laquelle on veut privilégier ici au Québec. Il semble qu'on ne doive pas attaquer ce problème de la négociation permanente en pensant que cela supprime, au départ, le droit de grève. Cela n'a aucun lieu commun, aucune commune mesure: parler de la négociation permanente et parler, en même temps, de supprimer le droit de grève. L'existence de la négociation permanente ferait en sorte de diminuer les effets où l'application, où l'exercice du droit de grève... Mais penser supprimer le droit de grève et penser qu'en faisant cela, on va régler tous les problèmes, c'est ou bien parce qu'on est naïf ou bien parce qu'on ne connaît pas le milieu des relations de travail.

En termes de législation, M. le Président, je souligne, encore une fois, au ministre du Travail qu'on a voté une loi qui a été excellente — je ne ferai pas le tour de toutes les excellentes lois que nous a rappelées le député de Portneuf, que je remercie d'ailleurs parce qu'on n'avait pas pensé à faire le bilan de toutes les lois qui s'étaient appliquées aux travailleurs du Québec depuis l'arrivée du Parti québécois au pouvoir — une de ces lois dont on a vérifié l'application et ce sont les mesures qu'on appelle communément mesures antibriseur de grève. Il me semble qu'à l'usure, à l'usage, à l'application, on a pu se rendre compte qu'il y avait un certain nombre de trous qui, selon moi, n'existaient pas dans l'esprit du législateur au moment où il a voté la loi. Je sais que le ministre compte bien attendre le ré-examen complet du Code de travail pour procéder à des aménagements, mais il me semble que dans le budget de recherche, que j'ai remarqué, il y aurait peut-être de la place pour vérifier la possibilité d'apporter des améliorations à cet aspect du Code du travail.

Le deuxième secteur, c'est un secteur qui me tient un peu à coeur, c'est le problème rencontré actuellement par le syndicat de musique, Syndicat de la musique du Québec. Le problème se pose de la façon suivante: les travailleurs qui sont membres du Syndicat de la musique ne peuvent pas travailler, y compris dans les institutions gouvernementales, comme par exemple Radio-Québec, la Place des Arts, le Grand Théâtre à Québec, parce qu'il existe un autre syndicat qui est la Guilde des musiciens et que les travailleurs de la guilde refusent de travailler sur un même plateau que des gens qui n'appartiennent pas à la guilde, ce qui crée un monopole de la guilde, au Québec, et la guilde, c'est une union multinationale. Il me semble qu'une loi, dans ce cadre, s'imposerait en prenant comme base le précédent qu'on a créé dans la construction où on permet, par exemple, à un travailleur de la FTQ et à un travailleur de la CSN et à un travailleur de la CSD de travailler sur un même chantier sans tenir compte de l'allégeance syndicale. On a voulu ce système justement pour briser un monopole qui devenait dangereux, au Québec, sur les chantiers de construction. Il me semble qu'en s'inspirant de la même loi, on pourrait, en même temps permettre à des travailleurs du Québec qui appartiennent à un syndicat ou à un autre, de gagner leur pain, chez nous. Cela fait partie de mesures qui se passent rapidement et qui, j'en suis convaincu, recevraient l'approbation de l'ensemble des membres du Parlement.

En terminant, M. le Président, je voudrais faire quelques commentaires — ce sera très rapide — sur le secteur main-d'oeuvre du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre. Deux aspects: le premier, ce sont les projets PIJE et PAT. J'ai eu le privilège de voir à l'oeuvre, dans le comté de Sainte-Marie, trois projets du ministère du Travail, projets PAT, qui s'adressaient à des bénéficiaires du bien-être social. Contrairement à ce que nous a décrit tantôt le député de Portneuf, je peux dire — par expérience, pour avoir vécu dans un milieu peut-être moins favorisé que celui qu'il représente — que j'ai vu les effets bénéfiques de projets comme ceux-là, et l'objectif qui est poursuivi par ceux qui appliquent les projets comme ceux-là, et l'objectif qui est poursuivi par ceux qui appliquent les projets dans un milieu comme le nôtre, c'est non seulement d'occuper pendant un certain nombre de semaines des assistés sociaux à travailler pour, après ça, les replacer sur l'assurance-chômage, mais, en plus de ça, leur donner une formation au travail et les recycler dans un travail permanent.

Le dernier projet qui a été réalisé dans le comté de Sainte-Marie a permis de placer, de façon permanente, 60% des personnes qui avaient été engagées dans le projet Aménagement-travail. Si ce ne sont pas des projets qui sont bénéfiques, si ce ne sont pas des projets qu'il faut encourager, je n'y comprends plus rien. Effectivement, pendant 26 semaines, on rend des services à une population dans son ensemble et, en plus de ça, on recycle des gens dans du travail permanent.

Ce genre de projet doit être encouragé, mais ça m'amène à parler, M. le Président, des projets PIJE qui s'adressent aux jeunes et qui, jusqu'à maintenant, s'adressent uniquement aux entreprises, c'est-à-dire que c'est dans le cadre des entreprises que les jeunes peuvent être placés. Il me semble que les projets actuels sont originaux, dans le sens qu'ils améliorent en même temps la condition de l'ensemble des travailleurs d'une entreprise, tout en permettant de créer des emplois additionnels pour des jeunes, mais demandent la collaboration des entreprises, nécessitent souvent une procédure qui est assez longue, assez compliquée pour les entreprises qui ont souvent d'autres chats à fouetter que de penser à créer un

emploi additionnel pour diminuer les heures de travail de leurs employés, de sorte qu'il y a un certain nombre de projets qui pourraient être réalisés et qui ne le sont pas.

L'autre aspect c'est que, souvent, ça s'adresse à des gens qui ont une formation particulière et il y a une catégorie de jeunes qui ne correspondent pas aux critères des projets qui sont déjà prévus. Il me semble qu'on pourrait peut-être ajouter deux formes de projets. C'est-à-dire un premier qui serait identique au projet PAT, mais s'adressant uniquement à des jeunes, sans considérer s'ils sont sur le bien-être social ou sur l'assurance-chômage, et un deuxième type de projet qui s'adresserait aux jeunes, mais qui viserait à leur donner — de la même façon qu'on fait avec les projets PAT — une formation particulière.

Le dernier aspect concernant la main-d'oeuvre, c'est un aspect que j'ai remarqué et qu'on peut remarquer d'ailleurs quotidiennement, c'est le manque de coordination qui peut exister entre, par exemple, le ministère de l'Education, le ministère de l'Immigration et le secteur main-d'oeuvre au ministère du Travail. Parfois il y a du chevauchement, il n'est pas de la responsabilité nécessairement du ministère du Travail; il y a combien de programmes qui existent, au ministère de l'Education, dont on ne sait même plus s'ils sont encore mis en application. Il y a des programmes d'études et de recherche sur la formation professionnelle qui ont été mis sur pied au ministère de l'Education il y a quatre ans et dont on ne se souvenait même pas qu'ils étaient encore en fonc- tionnement, qui font du dédoublement par rapport au travail que le secteur de la main-d'oeuvre du ministère du Travail pourrait faire.

Il me semble qu'un effort accru de coordination entre ces trois ministères permettrait aussi d'apporter aux travailleurs du Québec une amélioration dans le travail qui est fait actuellement.

Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le député de Sainte-Marie.

M. Johnson: M. le Président, si vous n'avez pas objection...

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Johnson: ... je pourrais peut-être, si mes collègues, de part et d'autre, me le permettent, apporter les éléments de réponse au fur et à mesure que nous ferons la programmation, au cours de l'étude des crédits, demain.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous proposez...

M. Johnson: Je proposerais donc l'ajournement de nos travaux à demain, après la période des questions.

Le Président (M. Laberge): C'est un ajournement sine die.

Fin de la séance à 23 h 25

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