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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le jeudi 28 août 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 51 - Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction


Journal des débats

 

Commission permanente du travail et de la maln-d'oeuvre

Bill 51 - Loi Sur la qualification

professionnelle des entrepreneurs

de construction

Séance, 28 août 1969

(Dix heures neuf minutes)

M. ROY (président de la commission du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! Ce matin, la commission du Travail est heureuse d'accueillir les gens venant discuter du bill 51: Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction.

Nous avons la liste de ceux qui ont demandé à se faire entendra. J'en ferai l'énumératlon, et si quelqu'un avait des commentaires ou aimait émettre des opinions, je lui demanderais de s'identifier. Nous l'ajouterons à cette liste.

La première partie à se faire entendre est la Fédération de la construction du Québec, représentée par Me Michel Dion.

La deuxième est l'Association des constructeurs d'habitation du Québec Inc., représentée par M. Léo-Paul Nicol.

L'Association des constructeurs de routes du Québec, représentée par M. Paul Curzi.

La Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, représentée par M. Wellie Saint-Cyr.

La Confédération des syndicats nationaux, CSN, représentée par M. Marcel Pepin, président.

La Fédération des travailleurs du Québec, représentée par M. Louis Laberge.

La Corporation des maîtres électriciens du Québec, représentée par M. Jean Lebon.

L'Association des architectes de la province de Québec, représentée par Me Marc Choquette.

La Corporation des ingénieurs du Québec, représentée par Me Pothier Ferland.

La Corporation des maîtres entrepreneurs en réfrigération du Québec, représentée par M. Jacques Gibault.

La Chambre de commerce de la province de Québec représentée par Me Gilles Champagne. Il y a également M. Gérard Kentzinger, qui représentera la Corporation des maîtres entrepreneurs en réfrigération.

Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre?

M. ROBILLARD: La Corporation des maîtres entrepreneurs en installation d'appareils contre l'incendie dans la province de Québec.

M. BELLEMARE: Monsieur, votre nom?

M. ROBILLARD: Richard Robillard.

M. BELLEMARE: Très bien, M. Robillard.

M. BEAULIEU: Corporation des maîtres électriciens, Alexandre Beaulieu, au lieu de Jean Lebon.

M. BELLEMARE: Oui, oui, très bien, on a noté ça, M. le Président.

Est-ce qu'il y en a d'autres?

M. BLOUETTE: Le bureau du crédit de l'industrie de la construction, Philippe Blouette.

M. BELLEMARE: C'est Montréal ou Québec ça, M. Blouette?

M. BLOUETTE: Montréal.

M. BELLEMARE: Très bien. Est-ce qu'il y en a d'autres?

Il n'y en a pas d'autre, très bien.

M. LE PRESIDENT: Je cède la parole au ministre du Travail.

M. BELLEMARE: M. le Président, chers amis de la commission, membres de la commission, messieurs. C'est la première réunion de la commission du Travail et de la Main-d'Oeuvre au sujet de ce bill bien particulier qu'est le bill 51, intitulé Loi de la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction.

Si vous me le permettez, je voudrais rendre ce matin un témoignage bien particulier à un grand disparu, M. Pierre Nérin, qui est mort le 1er août à l'âge de 47 ans. Il a oeuvré énormément pour mettre en plan ce bill, cette législation, il en a été un peu l'âme dirigeante avec quelques autres qui sont ici ce matin. Je voudrais, ce matin, au nom de cette commission, et particulièrement au nom de tous ceux qui l'ont si bien connu, lui qui a si bien servi la cause, présenter de nouveau nos sincères, nos plus vives condoléances à la famille et à tous ceux que ce grand deuil afflige. Si vous voulez bien, messieurs, mes chers amis, nous allons observer une minute de silence en souvenir de Pierre Nérin.

Je remercie très sincèrement tous ceux qui ont donné leur nom, les corporations, les associations, les centrales syndicales, et les mouvements patronaux qui ont voulu s'intéresser d'une manière particulière à cette nouvelle législa-

tion. Nous l'avons aussi soumise au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui doit aussi continuer à siéger après avoir entendu ce matin les délégations présenter leurs mémoires. C'est pourquoi Je pense que nous allons, ce matin, nous borner, si c'était le voeu de cette commission, à entendre la lecture des mémoires ou des observations qui auront été faites. Nous transmettrons ensuite le tout au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui nous fera des suggestions qui seront reprises devant la commission du travail et de la main-d'oeuvre.

Je pense qu'à ce moment-là, nous convoquerons une nouvelle séance publique pour vous faire part des suggestions et des nouveaux moyens que nous aurons trouvés pour donner justice à tout le monde.

Le bill 51 le dit, c'est une loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction. Je pense que ceux qui ont l'avantage d'avoir quelques statistiques, que nous avons remises ce matin dans le nouveau livre, verront, à la dernière page, des statistiques fort intéressantes mais incomplètes. C'est ce qui se produit au Canada, dans la province de Québec et dans les autres provinces. Cela devient, comme le disait si bien quelqu'un dernièrement, un triste championnat. Ces faillites que nous voulons réprimer, que nous voulons essayer de diminuer ont probablement plusieurs causes. D'abord, il peut y avoir bien des gens qui, de bonne foi, ne connaissent pas le métier d'entrepreneur ou ne savent pas respecter l'éthique professionnelle d'un entrepreneur. Il peut aussi y avoir, dans certains cas, de la malhonnêteté, un manque de qualifications au point de vue financier. Quelqu'un pour prendre un rythme de croisière décidera, demain matin, de mettre son nom sur une soumission publique.

Avec très peu de qualifications, surtout au point de vue financier, ne possédant pas toutes les garanties voulues, il aura, premièrement, causé préjudice à l'intérêt public, qui sera obligé de subir une faillite. Il fera perdre des salaires, il fera aussi perdre la valeur des matériaux et causera des préjudices à ceux qui sont de bonne foi, qui sont de véritables entrepreneurs, les gens qui peuvent oeuvrer dans ce domaine, en ne pouvant pas obtenir le prix raisonnable qui est demandé pour la construction en soumission publique.

Alors, messieurs, les solutions qui sont proposées dans cette législation, qui n'est pas la législation du gouvernement, mais qui est une législation que nous voulons, nous, introduire après avoir consulté tous les intéressés, sont, par exemple qu'on préviendra ces faillites, ces mauvais marchés en exigeant des qualifications, au point de vue technique, au point de vue administratif, au point de vue financier. Il faudra avoir une cote raisonnable, et surtout, pouvoir être un de ceux qui répondent efficacement aux réclamations qui pourraient être faites demain.

Maintenant, il s'agit aussi, par ce bill, comme autre solution, d'émettre des licences et aussi des permis, des licences pour les entrepreneurs qui travailleront pour les autres, et des permis particulièrement pour ceux qui travailleront pour eux-mêmes, sous contrôle. Ces licences et permis seront décernés par un office composé de sept membres et qui sera représentatif de toutes les associations, de toutes les corporations qui ont à oeuvrer dans ce domaine particulier. Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que cet office sera présidé par un homme qui sera complètement dégagé de toutes les corporations ou de toutes les associations. Ce sera un homme qui connaît le domaine de la construction, qui connaît le domaine particulier de l'entreprise générale, qui sera surtout assuré de posséder un bagage au point de vue technique, qui sera capable de donner, en certaines circonstances, son approbation ou ses conseils à son organisme.

On prévoit aussi, dans le bill, que cet office aura un fonds d'indemnisation pour les victimes des faillites. Je pense qu'il est temps, plus que jamais, dans la province de Québec et dans d'autres provinces, d'avoir des fonds d'indemnisation dans ce domaine. Nous en avons pour les accidentés de travail, nous en avons pour les automobiles. Là aussi, nous créerons un fonds particulier qui pourra rendre service à ceux qui auront à subir les inconvénients d'un failli.

Il y aura aussi des précautions à prendre pour ne pas encourager les gens à faillir en disant: On s'en foute, c'est le fonds d'indemnisation qui paiera. Des mesures très sévères seront imposées pour essayer de protéger l'intérêt public.

C'est une loi qui se veut d'actualité. Au ministère du Travail, plus que jamais on a voulu prendre des initiatives avant-gardistes, depuis quelques années. Particulièrement dans le domaine de la construction, nous avons eu, à six heures trente, ce matin même, la signature, par toutes les parties intéressées, de la requête en vue de demander les dix décrets dans les dix régions. Cest un pas de géant d'accompli. Le bill 290 va vivre et va ramener la paix, je pense, dans la construction. Il y avait cet échelon-là que nous devions atteindre au mois de décembre dernier. Cela avait été remis en juin. Nous allons maintenant franchir cette autre étape, un peu particulière, qui est d'assainir les associations, de choisir ceux qui doivent rester dans la corpo-

ration des entrepreneurs et ceux qui ne doivent pas y demeurer.

L'Etat se garde la surveillance, bien entendu, mais pas le contrôle. C'est pourquoi nous ne voulons pas, maintenant, tant que quelqu'un ne nous aura pas convaincus du contraire, assumer la responsabilité morale et physique de cet office. Nous voulons que des hommes, des associations le dirigent, mais non pas qu'il soit sous le contrôle rigide de l'Etat Nos amis de l'Opposition pourraient peut-être dire qu'on a mis une créature du gouvernement pour contrôler, par exemple, la certification, la qualification, exercer un contrôle au point de vue administratif, technique et financier. Vous savez, nos amis, quelques fois lancent des petites flèches; ils pourraient nous dire: Vous avez mis quelqu'un pour faire du patronage. Ils ne nous le diront pas parce que nous sommes bien prévenus.

M. LEFEBVRE: Depuis quand?

M. BELLEMARE: Nous voulons marcher dans le chemin de la sainteté, du respect des droits de chacun et particulièrement éviter ces critiques. Ils en ont tellement d'autres à faire sur d'autres sujets, surtout de ces temps-ci.

Alors, messieurs, c'est un peu le résumé de la loi. Je sais que M. Lefebvre, l'honorable député d'Ahuntsic — il est populaire aujourd'hui, son nom commence à être connu dans la province — aura peut-être lui aussi quelques mots à vous dire, comme représentant de la loyale Opposition de Sa Majesté, pour vous donner ses impressions sur le bill.

Ensuite, après que vous aurez entendu le député, nous écouterons la lecture des différents mémoires. Nous vous disons d'avance qu'il serait futile, pour le moment, de vouloir faire un forum, de poser des questions ou de donner des réponses. Nous aimons mieux être prudents, entendre vos mémoires, vos suggestions et les rapporter au Conseil supérieur du travail. Lorsque nous aurons rodé un peu tout ce que vous nous aurez suggéré, nous reviendrons ici en séance publique pour vous faire part d'abord de ce que le Conseil aura décidé et, ensuite, si vous avez de nouvelles suggestions, je ne dis pas que nous ferons plaisir à tout le monde, mais nous essaierons de respecter l'intérêt public.

M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, on aura d'abord noté que j'ai tenu à ne pas prendre le dernier fauteuil pour qu'il n' y ait justement pas d'équivoque.

M. BELLEMARE: Avez-vous marchandé ça? M. LEFEBVRE: Je voudrais, avant de dire...

C'est vrai, vous avez dit que le dialogue était interdit ce matin.

M. BELLEMARE: Non.

M. DEMERS: Le forum est interdit

M. LEFEBVRE: M. le Président, avant de dire un mot, très bref sur le bill 51, je voudrais me réjouir, avec le ministre, de la signature de la requête antérieure aux décrets dans l'industrie de la construction.

Je pense, M. le Président, que c'est là un événement extrêmement heureux, qui fait suite à des difficultés fort sérieuses que nous connaissons tous, et il y a lieu de se réjouir. Sans malice ni sans faire abus d'esprit partisan, je répète au ministre que, quant à nous, nous sommes toujours disposés à collaborer avec le gouvernement à l'amélioration du bill 290, dont nous avons accepté le principe, mais où nous avions, dès le début, décelé certaines faiblesses. Je pense que les expériences vécues au cours des derniers mois devraient inciter tous les membres de ce Parlement à rechercher les meilleures formules susceptibles d'assurer dans l'industrie de la construction une paix stable, ce qui n'a pas été la caractéristique de cette industrie depuis un certain nombre d'années.

M. le Président, au sujet du bill 51, je tiens à dire au ministre qu'il ne fait aucun doute que tout le monde concourra, en ce qui concerne les objectifs fondamentaux du bill, à savoir: trouver une méthode de prévention des faillites frauduleuses ou des autres formes possibles d'exploitation du public dans l'industrie de la construction. La mobilité extraordinaire dans cette industrie, le très grand nombre d'entrepreneurs qui apparaissent et disparaissent de l'industrie à chaque année, cela est suffisant pour indiquer qu'il y a là un malaise. Ce qui est heureux, je pense, c'est que, chez les employeurs comme chez les travailleurs, ce malaise soit reconnu, c'est-à-dire qu'on admette le fait, et c'est déjà un bon point de départ

Alors, quant à nous, nous sommes tout à fait disposés, évidemment, à concourir à la recherche des moyens les plus appropriés pour assurer un mécanisme d'accréditation, ce qui serait, somme toute, la partie préventive du bill 51. D'autre part, nous sommes également intéressés à étudier avec les membres du gouvernement, et à entendre les représentations qui seront faites.

Quant à l'autre aspect du bill 51, à savoir: une forme de protection contre les dommages subis, ou, si vous voulez, une protection à posteriori, une fois qu'il y a eu faillite ou une fois que des gens sont en difficulté et qu'il y a

lieu d'assurer la protection des créanciers, soit des travailleurs, soit des autres créanciers, je crois savoir que, sous cet aspect, il y aura sans doute des points de vue divergents. Quant à nous, nous sommes intéressés à entendre tous les points de vue qui seront exprimés et à faire une étude objective du bill 51, de façon que son adoption par la Chambre apporte, éventuellement, une meilleure protection à toutes les personnes concernées par l'industrie de la construction, qui revêt une importance économique et sociale très considérable.

Alors, sur ce, M. le Président, quant à moi, je suis tout à fait disposé, et mes collègues de même, à entendre les mémoires.

M. BELLEMARE: Je voudrais dire un merci très sincère aux officiers de mon ministère qui ont travaillé à préparer ce dossier, qui est un dossier fort bien compilé. Je voudrais leur dire un merci très sincère aussi de nous avoir fourni, à nous les parlementaires particulièrement et à ceux qui ont l'avantage de l'avoir, un tableau comparatif: la loi de la qualification professionnelle. Vous avez là tous les articles qui ont de la concordance et qui doivent être changés dans les autres lois, particulièrement dans les installations électriques. Vous avez ensuite toutes les autres lois concordantes. On a établi un tableau comparatif. D'un côté, vous avez la loi et, de l'autre côté, ce qui doit être amendé.

Alors, messieurs, nous allons commencer. M. le Président, si vous voulez appeler le premier.

M. LE PRESIDENT: La Fédération de la construction du Québec, Me Michel Dion, secrétaire.

M. LEVESQUE: Roger Lévesque, président de la Fédération de la construction du Québec. Je voudrais, d'abord, remercier le ministre de cette marque de sympathie qu'il a eue pour Pierre Nérin, président de la fédération, mort beaucoup trop jeune.

Maintenant, nous aurons des représentations à faire, appuyées par un mémoire. Malheureusement, à cause d'un empêchement de dernière minute, Me Michel Dion est retardé. Alors, nous vous demandons d'être entendus un peu plus tard dans la matinée, disons peut-être à onze heures trente.

M. BELLEMARE: II était du groupe qui a siégé avec nous ce matin jusqu'à six heures trente. Il a besoin de plus de repos que nous, je suppose?

M. LEVESQUE: Non, pas nécessairement; il est en train de travailler.

M. BELLEMARE: Etes-vous avocat, vous? M. LEVESQUE: Non, je ne suis pas avocat.

M. BELLEMARE: Ah non! J'avais cru déceler quelque chose,

M. LE PRESIDENT: Nous reporterons votre représentation à la fin de la matinée.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Association des constructeurs d'habitation du Québec, M. Léo-Paul Nicol.

M. NICOL: Pour le moment, je n'ai aucun commentaire à faire; je vais attendre.

M. BELLEMARE: Est-ce que vous n'avez pas un monsieur, Me Claude-Ulysse Lefebvre?

M. NICOL: Je ne crois pas qu'il soit en ville.

M. BELLEMARE: Avez-vous été informé qu'il avait un document à nous remettre?

M. NICOL: Je n'en ai pas été informé.

M. BELLEMARE: S'il en a un, il le remettra personnellement au président. Nous allons être obligés de continuer.

M. LEFEBVRE: Je pensais que l'industrie de la construction, ça commençait de bonne heure le matin.

M. BELLEMARE: Ils ont travaillé toute la nuit, c'est pour ça.

M. LE PRESIDENT: Association des constructeurs de route du Québec, M. Paul Curzi.

M. BELLEMARE: Ah bon, c'est Me Jean Cournoyer.

M. COURNOYER: C'est moi.

M. LEFEBVRE: Une figure connue.

M. COURNOYER: M. le Président, l'Association des constructeurs de route et grands travaux du Québec ne peut que se réjouir de la décision du gouvernement et du ministre du Tra-

vail de tenter de mettre de l'ordre dans l'industrie et particulièrement chez les entrepreneurs de construction.

Il nous arrive, cependant, de penser que cette volonté de mettre de l'ordre pose parfois des problèmes à ceux qui veulent s'en occuper. Cela fait deux ans que je négocie pour les enseignants dans le même but et puis ça s'est presque terminé hier soir.

M. BELLE MARE: Vous avez l'expérience de ça, vous.

M. COURNOYER: De mettre de l'ordre. C'est l'analyse du désordre, en fait, qui est longue.

M. BELLEMARE: Vous n'êtes peut-être pas resté assez tard dans la nuit.

M. COURNOYER: Je vais vous rappeler des souvenirs, M. le Président.

M. BELLEMARE: Je m'en souviens, moi aussi.

M. COURNOYER: Disons que ce qui intéresse plus particulièrement les constructeurs de route, c'est le fait que les définitions de cette loi mériteraient une clarification pour qu'elle s'applique réellement à la construction de routes (travaux de voirie) et aussi aux travaux de drainage et de terrassement. Il semble qu'ici la définition du mot « génie civil», comme telle, soit vague. Pour plus de clarté, il faudrait quand même dire que ça s'applique à ça, si telle était votre intention.

M. BELLEMARE: Me Cournoyer, serait-il possible, avec le temps qui vous reste, là...

M. LEFEBVRE: Avant quoi?

M. BELLEMARE: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEFEBVRE: On sait, monsieur, que la convention s'en vient.

M. BELLEMARE: ... de nous préparer vos suggestions par écrit? Nous allons les transmettre, ces suggestions-là; elles sont consignées, ici, au journal des Débats, mais je crois que vous avez dit qu'il pourrait y avoir une définition plus claire. Pour vous, c'est peut-être clair, mais, pour nous, ça l'est pas mal moins.

M. COURNOYER: Oui.

M. BELLEMARE: Alors, s'il y avait une dé- finition assez claire, on serait heureux de la transmettre au conseil consultatif.

M. COURNOYER: Il est dans notre intention de le soumettre par écrit, étant donné que les besoins de clarté nécessitent que ce soit écrit. Je vous réfère aussi, M. le ministre, à l'excellent mémoire que j'avais présenté en 1962.

M. BELLEMARE: Oui, je me souviens de tout ça. Il est ici. Nous l'avons trouvé tellement bien fait que nous l'avons consigné dans notre livre. Est-ce que c'était pour en parler, pour dire qu'il était là que vous êtes intervenu?

M. COURNOYER: Pour vous rappeler qu'il était là et que des suggestions avaient déjà été faites sur plusieurs problèmes.

M. BELLEMARE: Il n'avait qu'un défaut; il y avait beaucoup d'anglais là-dedans. En tout cas, on va dire que je suis contre les Anglais.

M. COURNOYER: Non, mais il arrive qu'en Californie on parle anglais.

Il y a aussi le fait que, de notre côté, nous croyons que le fonds d'indemnisation dont il est question est important et que les entrepreneurs seront tenus d'y adhérer par la voie de la législation normale.

Pour le moment, sans vouloir entrer dans les détails, notre première réaction au fonds d'indemnisation comme tel est la suivante. Nous croyons que le simple fait de la création d'un fonds d'indemnisation peut jouer contre les buts poursuivis par la création d'un office des licences, strictement à cause de l'effet d'entraînement. Il ne faut pas, quand même, dire que l'industrie de la construction est totalement mauvaise. Il y a encore des éléments assez intéressants et bons dans cette industrie. Il y a aussi le système qui, en quelque sorte, pourrait souffrir de la négligence de certaines personnes quant au choix des clients avec lesquels ils feront affaires. Vu la garantie implicite qu'il y a de l'argent, il n'y a pas de problème du tout dans le contexte d'une indemnisation totale et globale.

Il y a aussi le fait qu'il ne nous apparaît pas compris dans le bill que les personnes qui se partagent cette industrie aujourd'hui choisiront ceux qui voudront partager avec elles les bienfaits de cette industrie.

Il est clair que l'Office des licences est un organisme paragouvernemental, selon l'esprit de cette loi. Il est indépendant des structures ordinaires des associations que, pour ma part, je représente. Les parties intéressées, celles

qui seront requises de soumettre ou de payer les pots cassés en cas de faillite, n'auront jamais eu à choisir les personnes pour qui et au nom desquelles elles devront payer, sous forme d'indemnisation, les résultats de faillites frauduleuses ou normales.

M. BELLEMARE: Voulez-vous parler des tiers?

M. COURNOYER: Si je ne parlais que des tiers, ce serait parfait, mais Je parle des membres de l'industrie de la construction actuellement, M. le ministre.

M. BELLEMARE: Ah bon!

M. COURNOYER: Si ceux qui sont là pouvaient choisir ceux qui vont se joindre à eux, il y aurait une sélection normale, de telle sorte qu'une personne qui a à choisir de payer des indemnisations possibles à cause d'une faillite de celui qui doit venir puisse dire: Voici, j'ai des normes, moi, que je respecte. Je m'attends que ceux qui joignent cette profession respectent les mêmes normes. S'ils respectent les mêmes normes, je suis prêt à financer toute conséquence d'une faillite que je considérerais comme normale ou des erreurs que j'aurais faites mol-même dans le choix de mes amis.

Vous avez les autres corporations professionnelles. Il semble clair qu'on indemnise. Dans le cas de la Chambre des notaires, par exemple, on indemnise, mais il faut toujours se souvenir que la Chambre des notaires est une corporation professionnelle qui a encore le privilège de choisir ceux qui feront partie de la profession ou de la corporation des notaires, à cause du processus de sélection.

S'il s'agissait d'un organisme totalement indépendant des notaires comme tels, qui relèverait directement du gouvernement, qui choisirait qui serait notaire et qui n'aurait pas délégué, par la voie de la corporation, ce choix professionnel, je doute fort que n'importe qui puisse réclamer de ceux qui font partie de la Chambre des notaires actuellement des garanties de bonne foi, des garanties de solvabilité et leur demander de payer les conséquences de l'insolvabilité des membres.

M. BELLEMARE: L'article 11 n'est-il pas, au point de vue des mandatés, assez clair?

M. COURNOYER: C'est un office.

M. BELLEMARE: Oui, mais ceux qui vont en faire partie, par la délégation qu'ils vont rece- voir, ils ne sont pas amenés là parle gouvernement.

M. COURNOYER: Non.

M. BELLEMARE: Ils sont mandatés par quelqu'un. Qui donne le mandat? C'est untel, untel, untel. Ces sept membres-là, sauf le président, il est bien spécifié qu'ils viennent de tel endroit. Ils reçoivent un mandat de quelqu'un.

M. COURNOYER: Cela, c'est la désignation...

M. BELLEMARE: C'est l'article 11. Ils font partie de l'office.

M. COURNOYER: A partir du moment où ces personnes sont nommées, et elles sont nommées pour trois ans...

M. BELLEMARE: Oui.

M. COURNOYER: ... elles sont indépendantes des associations, elles peuvent choisir qui elles veulent et les associations que je représente n'ont rien à dire dans l'administration, une fois qu'elles sont nommées. Pourtant, par le fonds d'indemnisation qui serait créé, cela veut dire que n'importe qui pourrait — techniquement, il y aura des règles...

M. BELLEMARE: Bien oui.

M. COURNOYER: ... il y aura certainement des règles — à partir du moment où l'office a le pouvoir de faire ses propres règlements, comme c'est aussi écrit dans la loi, être indépendant des associations constituantes. Tel n'est pas le cas, cependant, des organismes qui, actuellement, sont des corporations professionnelles qu'un processus dans la loi rend totalement indépendantes mais responsables vis-à-vis des membres. Ces gens de l'office seront responsables au gouvernement Ils ne peuvent, une fois nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, être responsables à d'autres personnes qu'au lieutenant-gouverneur en conseil. Ils ne peuvent être responsables vis-à-vis des associations que je représente même si, par le processus de nomination, ils ont été nommés par désignation. Il est clair pour moi que l'indépendance de ces personnes doit être acquise. Mais si nous entrons dans un fonds d'indemnisation, notre opinion, pour le moment— il est possible qu'elle change — est à l'effet que ce qu'on veut faire par la première partie peut

être détruit par la seconde et que dans la seconde, s'il y avait lieu de créer un fonds d'indemnisation, il y aurait lieu, à toutes fins pratiques, de procéder nous-mêmes à la sélection de ceux pour qui nous allons payer.

M. BELLEMARE: Me Cournoyer, si l'Association des constructeurs de routes et des grands travaux du Québec délègue officiellement M. Jenkins, par exemple, à ce moment-là ce M. Jenkins fait encore partie de l'association. Il continue de faire partie de l'association; il reste entrepreneur et il reste dans son association.

M. COURNOYER: Oui, mais il ne répond jamais de ses actes à l'association. Il n'a pas à le faire, il est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. BELLEMARE: C'est vous qui allez le recommander. C'est vous qui allez le changer.

M. COURNOYER: Parfait, admettons, M. le Ministre qu'il arrive que nous fassions des erreurs.

M. BELLEMARE: Pas mal moins là où vous êtes.

M. LEFEBVRE: Voulez-vous dire qu'ils en feront davantage à l'avenir?

M. BELLEMARE: Non, au contraire. Non. C'est une garantie. Nous sommes toujours solidaires des actes du Barreau.

M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Cournoyer pour essayer d'élucider l'argument qu'il fait valoir devant la commission.

M. Cournoyer, vous allez peut-être trouver que ma question part de loin, mais je crois qu'elle est pertinente par rapport à votre argumentation.

Les membres de votre association, j'en suis sûr, ont une excellente idée des risques qui sont en jeu lorsqu'on parle d'un fonds d'indemnisation pour l'industrie de la construction. Grosso modo, pourriez-vous comparer les contributions auxquelles vous vous attendez — à supposer que la loi soit appliquée telle quelle — pourriez-vous comparer le quantum des contributions qui seraient nécessaires de la part des entrepreneurs avec ce qui est payé, disons, par les employeurs au point de vue de la Loi des accidents du travail?

Autrement dit, pouvez-vous donner à la commission une...

M. COURNOYER: Idée.

M. LEFEBVRE: ... appréciation, selon vous, des sommes impliquées dans ces contributions?

M. COURNOYER: Je pense, M. Lefebvre, que nous pouvons trouver un aperçu de ces sommes en considérant le nombre de faillites de l'an passé et en faisant une projection pour l'avenir. Le mémoire que nous avions en 1962 indiquait un chiffre effarant de faillites dans l'industrie de la construction au Québec. Il y en a eu encore plus dans les dernières années à cause d'une multitude de situations qui se sont produites. Il est clair pour nous que ce sont de grosses sommes. On ne peut pas comparer facilement ces sommes, cependant, avec la Loi d'indemnisation des accidentés de travail parce qu'il y a plus d'accidentés de travail et que les responsabilités peuvent être énormes, on ne le sait pas.

M. BELLEMARE: M. Cournoyer, dans le tableau de la faillite, on donne toujours le passif, mais on ne déduit jamais l'actif. Cest pour ça que ça paraît drôle. Il y a un article dans cette loi qui dit que pendant la première année d'existence de l'office, c'est le fonds consolidé qui va prévoir ça. Mais au bout d'un an, je pense que vous serez en mesure, à cause des cotisations, comme le dit l'honorable député d'Ahuntsic, de pourvoir vous-mêmes au fonds.

Je pense que ce sera peut-être établi en vertu de certains critères qui ont déjà été appliqués dans la loi des accidents du travail ou ailleurs.

M. COURNOYER: Je l'imagine, mais pour le moment, c'est rapide ce que je dis, je ne peux pas répondre facilement par une comparaison de chiffres comme l'a dit le député.

M. BELLEMARE: C'est que le fonds entrera en vigueur après un an.

M. COURNOYER: Pour la première année, l'expérience est déjà à venir, mais pour notre part, il y a plus que le fonds lui-même.

Ce n'est pas nécessairement une question d'argent, c'est une question qui peut être psychologique. A notre sens, à nous, c'est qu'on enlève une police naturelle. Il y a des vendeurs de matériaux de construction qui commencent à choisir les personnes à qui ils vendent des matériaux de construction. Cette sélection est faite à cause des mauvaises expériences des manufacturiers et vendeurs de matériaux de construction. Il y a des sous-entrepreneurs qui

ne veulent plus travailler pour n'importe quel entrepreneur général, à cause de mauvaises expériences, soit pour faillite ou autrement.

Aujourd'hui, avec une garantie additionnelle qu'il n'y a jamais de problème avec la paie, ce processus de sélection naturelle qui existait disparaîtrait, et nous croyons, nous, que ce serait au détriment de l'industrie, d'une façon générale. Je ne dis pas qu'il n'y apas des cas pénibles, M. le ministre, qui méritent une attention particulière. Mais quant à enlever cette police naturelle, notre opinion, et c'est une opinion qui en vaut bien d'autres, est celle-ci: Faites attention d'enlever la police naturelle pour en mettre une artificielle, qui va peut-être créer une situation encore plus embarrassante, étant donné qu'on pourra faire les accidents qu'on voudra. Même si vous faites des règlements, on pourra faire les accidents qu'on voudra, on n'aura pas à policer et à choisir à qui on vend, on est assuré. On n'a pas à choisir les entrepreneurs, on est assuré. On prend celui qui se présente,que le prix soit bas ou haut.

M. BELLEMARE: Si on continuait votre argument, Me Cournoyer, si on regardait du côté de l'indemnisation des assurances automobiles, par exemple.

M. LEFEBVRE: On ne choisit pas les gens qui ont des permis de conduire.

M. BELLEMARE: On ne choisit pas les gens qui ont des permis de conduire, comme le dit le député, mais on paie.

M. LEFEBVRE: Mais on paie quand même. C'est pour cela que je vous demandais si vous avez une idée du volume, parce que je crois que votre argument peut avoir du poids ou non, selon le volume.

M. COURNOYER: Le volume, M. Lefebvre, va nécessairement être variable, dépendant de l'industrie dans laquelle on se trouve.

M. LEFEBVRE: Je comprends. Je suis d'accord.

M. COURNOYER: II faut avoir un volume divisé, suivant les possibilités, parce que la loi prévoit déjà différentes sommes à être payées, dépendant de la nature des opérations dans la province.

M. BELLEMARE: Des différentes catégories, des différents secteurs. Mais, maintenant, M. Cournoyer, vous, personnellement, représen- tant cette grande association des bonnes routes, des grands travaux du Québec, vous avez une suggestion?

M. COURNOYER: Actuellement? M. BELLEMARE: Oui.

M. COURNOYER: Je n'aime pas vous référer au mémoire de 1962.

M. BELLEMARE: Non, mais pour nous éclairer, pour ne pas avoir à lire tout cela, c'était très, très beau!

M. COURNOYER: C'était très beau!

M. BELLEMARE: Surtout des pages 14 à 20, c'était très bien!

M. COURNOYER: Disons que dans le cas des faillites — 14 à 20, qu'y a-t-il? Cest en anglais, c'est le bout en anglais!

Nous avions, cependant, dans le projet de loi que j'avais conçu et écrit avec beaucoup de plaisir, d'ailleurs, et d'agrément, une forme déréglementation, mais beaucoup plus à posteriori qu'a priori, un processus de sélection pour les cas de faillites, et je vous réfère aux articles 55, 56, 57 et 58. Peut-être qu'ils ont été lus et éliminés.

M. BELLEMARE: Peut-être aussi sont-ils périmés.

M. COURNOYER: Disons qu'ils sont tellement généraux qu'ils ne sont pas tout à fait périmés.

M. BELLEMARE: II faut suivre les évolutions, aussi.

M. COURNOYER: Oui. Je comprends cela. J'évolue vous le savez, vous êtes au courant.

M. BELLEMARE: Je me suis aperçu de cela, dans la nuit du 10 juillet!

M. LEFEBVRE: Toute évolution n'est pas un progrès!

M. COURNOYER: Venant du député d'Ahunt-sic, je comprends.

M. BELLEMARE: Restons.

M. COURNOYER: Les articles 55, 56, 57 et 58 dont je ne vous ferai pas la lecture, mais je

vous réfère à ce projet, M. Lefebvre, c'est dans le mémoire que j'avais préparé.

M. BELLEMARE: Je l'ai ici.

M. COURNOYER: II est question de refus de permis. Il est question d'une procédure à suivre dans le cas des faillites, qui ne comporte pas une indemnisation. Nous ne rejetons pas une indemnisation.

M. BELLEMARE: Vous allez peut-être, si vous avez lu l'annonce, et notre loi aussi, j'espère que vous l'avez lue...

M. COURNOYER: Certainement. Elle est très bien faite.

M. BELLEMARE: Nous avions retenu cela, en partie.

M. COURNOYER: En partie. M. BELLEMARE: Oui.

M. COURNOYER: C'est sûr que je ne veux pas que vous reteniez tout ce que nous avions conçu.

M. BELLEMARE: Tout ce qui serait humainement possible et surtout logique, au point de vue administratif.

M. COURNOYER: Les arguments que nous vous donnons ce matin...

M. BELLEMARE: Vous étiez jeune, dans ce temps-là, M. Cournoyer?

M. COURNOYER: Vous savez, M. le ministre, que vous m'avez souvent dit que vous aviez toujours le coeur jeune!

M. BELLEMARE: Ah, oui. Cest vrai! J'ai bien plus de difficulté, malgré mes opérations, avec ma vertu qu'avec ma santé, vous savezl

M. COURNOYER: M. le ministre, Je vous demande strictement d'examiner de nouveau, à la lumière de ce que je viens de dire, la possibilité de ne pas créer le fonds d'indemnisation dans la forme que vous avez suggérée. Nous ne le rejetons pas, mais nous avons des objections de principe, des objections naturelles qui, peut-être, lorsque les règlements seront écrits, seront dissipées. En effet, l'office en question établira une forme de règlement, même dans le cas du fonds d'indemnisation. Actuellement, les constructeurs de routes et de grands travaux que je représente sont ceux qui effectivement ont le plus de gros contrats. Si vous dépensez $300 millions par année à la Voirie provinciale, il reste que ce sera probablement la province qui paiera le fonds d'indemnisation, parce que je crois bien que les entrepreneurs exigeront toute taxe additionnelle dans les contrats qu'ils feront pour vous.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas une taxe; c'est la contribution à une assurance.

M. COURNOYER: Une contribution fort volontaire.

M. BELLEMARE: Ah bien, écoutez, je pense aux accidents du travail. Ils n'ont jamais pensé que c'était une taxe; c'est une assurance qu'on leur donne.

M. COURNOYER: C'est ça, oui. Pour notre part, je répète...

M. BELLEMARE: Le mot taxe, devant la commission, ça sonne mal.

M. COURNOYER: Alors, c'est une contribution volontaire, comme celle de M. Drapeau. Nous ferons notre possible pour déterminer si c'est une taxe ou non. De toute façon, le prix en sera payé par celui qui achète.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. COURNOYER: Le principal client pour les travaux de voirie, ça reste le gouvernement et les municipalités. Dans ce sens-là, nous disons: Il y a peut-être une autre forme pour la voirie que pour les autres, mais les autres ne seront peut-être pas d'accord, non plus. Ce que nous voulons, nous, c'est d'essayer de protéger le plus possible la police naturelle. Si vous enlevez la police naturelle, ce sera une police artificielle, même s'il y a de l'argent dedans; on vendra du matériel ou des matériaux de construction à qui on voudra.

M. BELLEMARE: Je disais que, dans la loi, il est prévu que les salaires perdus sont indemnisés à 100%. Quant aux matériaux, il reste à voir, par une réglementation différente, dans quelle proportion ils seront payés. Cela, c'est différent.

M. COURNOYER: C'est cela que je veux dire aussi. Si vous enlevez la police naturelle et que vous m'indiquez que vous ne l'enlevez pas... Disons que le texte actuel de la loi...

M. BELLEMARE: Oui.

M. COURNOYER: ... ne me donne pas cette forme de garantie que vous ne l'enlèverez pas.

M. BELLEMARE: Votre police n'a pas fait ses preuves, parce que les faillites augmentent.

M. COURNOYER: Ah, dans la construction, M. le ministre, c'est pas mal stable, les faillites, c'est régulier.

M. LEFEBVRE: Mais, c'est régulièrement élevé.

M. COURNOYER: Je m'excuse. M. BELLEMARE: Oui.

M. PICARD (Olier): Me Cournoyer, dans vos remarques tout à l'heure, vous avez semblé émettre un principe à l'effet que les membres en place devraient avoir un droit de regard, même je dirais un droit de veto, sur l'admission de nouveaux membres.

M. COURNOYER: Oui.

M. PICARD (Olier): Ne voyez-vous pas un grand danger là-dedans?

M. COURNOYER: Oui, nous voyons le danger. Je dois vous dire que je n'ai parlé de ceci qu'en fonction de la participation des membres que je représente. En fait, par cette loi, c'est applicable à tout le monde; tous ceux qui travaillent dans l'industrie de la construction peuvent participer à un fonds d'indemnité. Seulement, en fonction de ça, je n'ai pas requis ici une corporation. Au contraire, nous rejetons l'idée de corporation pour des raisons que l'on peut découvrir dans ce mémoire.

Pour nous, il n'est pas question de déterminer qui fait partie de l'industrie. Il n'est question, pour le moment, que de déterminer pour qui nous allons payer les pots cassés. Alors, quand il s'agit de choisir qui je vais aider ou qui je vais remplacer, je devrais avoir quelque chose à dire là-dedans. C'est moi, quand même, qui vais être obligé de payer les pots qu'il va casser.

Je choisis donc les gens avec qui ou pour qui je vais faire affaires. Quand il s'agit d'une loi de licence d'entrepreneur comme celle-ci, c'est l'organisme gouvernemental, qui s'appelle un office, qui détermine d'une façon autoritaire — même s'il y a délégation de pouvoir, d'une certaine manière par la composition de l'office — qui fait partie de l'industrie, en fonc- tion de critères professionnels et de critères administratifs qui ne sont pas déterminés ici, dans la loi.

M. PICARD (Olier): Ce n'est pas possible de les déterminer dans la loi.

M. COURNOYER: Non, ce n'est pas possible. Donc, ça doit être déterminé par règlement.

M. PICARD (Olier): Alors, ça doit être déterminé par règlement.

M. COURNOYER: Je comprends que ça doit être déterminé par règlement.

M. PICARD (Olier): C'est justement là le point. Est-ce que vous seriez d'accord si, dans la loi, on prévoyait que les règlements adoptés par la régie seront soumis aux membres en place? En d'autres termes, dans chaque industrie en particulier, il faudrait que les normes soient établies par les membres...

M. BELLEMARE: Elles vont l'être.

M. PICARD (Olier): Dans chaque industrie en particulier, il faut que les normes soient établies par les membres de l'industrie et qu'ensuite la régie soit tenue de les appliquer.

M. BELLEMARE: Ecoutez, M. le député, dans notre loi, il y a une clause spéciale d'après laquelle tous les règlements sont soumis d'abord, puis publiés,c'est bien entendu. Le membre délégué à l'office va les soumettre là-bas.

Il va apporter ses critères, comme vous le dites. Et, là, ce sera publié dans la Gazette officielle. N'oubliez pas cela.

M. PICARD (Olier): Justement, à ce moment-là, je ne vois pas les craintes...

M. BELLEMARE: C'est l'article 20: « L'office doit transmettre ces règlements au ministre, qui les publie dans la Gazette officielle du Québec, avec avis que tout opposant peut formuler ses objections dans les trente jours suivant cette publication. » C'est comme un décret.

M. PICARD (Olier): Je ne vois pas pourquoi, Me Cournoyer, vous avez des craintes, à ce moment-là, sur l'acceptation de nouveaux membres. Il s'agit tout simplement, pour une industrie donnée, d'établir des critères précis pour l'acceptation de nouveaux membres. A ce moment-là, la régie va être obligée de suivre la réglementation. Alors, vous êtes protégés si vous établissez des critères assez sévères pour l'ac-

ceptation des nouveaux membres. Il n'y a plus de problème. Ce ne sera pas n'Importe que entrepreneur, ce qu'on pourrait appeler des « Fly by night operators ». Vous avez de cela une illustration réellement impressionnante dans le tableau qui est fourni à la fin du mémoire, ici. L'on voit que, dans la région de Montréal, par exemple, il y avait, à la fin de l'année 1968, 6,790 entrepreneurs en construction. Au cours de l'année 1968, il y a eu 3,905 nouveaux entrepreneurs, alors que 4,261 ont abandonné les affaires. Sur 6,700, il y en a donc eu à peu pros 4,000 qui ont commencé en affaires et 4,000 qui ont abandonné.

M. COURNOYER: C'est ça.

M. PICARD (Olier): Alors, vous avez là une illustration fantastique de ce qu'est le « Fly by night operator ». Il n'y en a que 3,000 qui sont restés en place.

M. LEFEBVRE: M. Cournoyer, si j'ai bien suivi votre argumentation, j'ai cru comprendre, tout à l'heure, que vous avez prononcé à peu près la phrase suivante. Vous avez dit: Mes gens sont opposés à la partie du bill qui prévoit un fonds d'indemnisation sous la forme actuelle. J'aimerais avoir votre opinion sur une question de principe. Est-ce que les gens de votre association seraient favorables, en principe, à une forme de protection en cas de faillite? Autrement dit, indépendamment de la méthode qui est proposée ici pour répartir le risque, est-ce que vous êtes d'accord pour que le bill 51 comporte une méthode, non seulement d'accréditation des entrepreneurs, mais également de protection des créanciers?

M. COURNOYER: Nous sommes totalement favorables à une méthode de protection des créanciers.

M. LEFEBVRE: Bon. Indépendamment de votre texte de 1962 — parce que, depuis 1962, il a coulé de l'eau dans le fleuve — pourriez-vous, pour le bénéfice de la commission, nous dire, brièvement, dans quelle orientation vous verriez cette autre méthode d'indemnisation des créanciers ou cette autre façon de répartir le risque, puisque vous dites qu'en principe vous êtes d'accord?

M. COURNOYER: Bien, il y a les bons de garantie. Pour le moment, M. Lefebvre, je pourrais vous dire que nous avons étudié le bill tout récemment. D'une façon très générale, il y a la première objection dont j'ai parlé tantôt. Avec votre permission, M. le Président, M. le ministre, nous allons être plus précis dans un mémoire écrit.

M. LEFEBVRE: Parfait. M. BELLEMARE: Merci.

M. LE PRESIDENT: La Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, représentée par M. Wellie Saint-Cyr, président. Alors, Me Louis Morin représente la corporation.

M. MORIN: Comme vous le savez, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, de par une loi, est une corporation fermée. Tous les entrepreneurs en plomberie de chauffage doivent faire partie de la corporation pour pouvoir faire des travaux. Donc, nous sommes dans une situation quelque peu différente des autres associations d'entrepreneurs de construction. Quant à nous, sur le système d'émission de licences et du contrôle de la qualité technique et administrative des entrepreneurs, il est évident que nous sommes parfaitement d'accord avec ce principe. Chez nous, ce principe est appliqué depuis vingt ans.

Comme conclusion, dans le domaine des faillites, sur 2,000 membres, l'an passé, il y a eu 10 faillites.

M. BELLEMARE: Cela faisait à peu près 5%.

M. MORIN: Je veux dire 0.5%. M. BELLEMARE: Comment? M. MORIN: C'est 0.5%. M. BELLEMARE: Oui, 0.5%.

M. MORIN: Alors, nous croyons que c'est par le système...

M. BELLEMARE: Est-ce que c'est votre année la plus basse?

M. MORIN: II semble que ce soit l'année la plus basse, mais la moyenne est à peu près cela. Cela peut évoluer entre 10 et 15 faillites par année.

M. BELLEMARE: Peut-être aussi, si le nombre est bien minime, 10, ce qui représente 0.5%, que le chiffre du passif est plus considérable. Ce sont de grosses faillites quand cela arrive. Parce qu'un petit entrepreneur, lui, peut

faire une faillite de $18,000 ou $20,000, et un entrepreneur chez vous peut en faire une de quelques millions. C'est déjà arrivé.

M. MORIN: Quelquefois cela dépend de l'entrepreneur général, mais en tous cas...

M. BELLEMARE: Restez avec les autres...

M. DESILETS: Je peux répondre à cette question-là.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. DESILETS: Les grosses faillites des entrepreneurs maîtres-mécaniciens en tuyauterie, lorsque le volume de la faillite est importante, ce sont des entreprises à caractère national, elles ne sont pas des entreprises à caractère provincial.

M. BELLEMARE: Vous en avez eu quelques-unes, des gros noms, qui ont disparu.

M. DESILETS: C'était justement des entrepreneurs qui avaient leur siège social à Toronto.

M. BELLEMARE: Vous en avez eu dans la province de Québec aussi?

M. DESILETS: Oui, oui.

M. BELLEMARE: II y aurait deux noms que je pourrais donner.

M. DESILETS: Par contre, le fait important la-dedans, c'est que c'est dû à notre structure de contrôle, technique ou administratif.

M. BELLEMARE: Ce que je voulais signaler, c'est que le nombre est peut-être petit, c'est-à-dire 0.5% de faillites, mais elles sont d'importance.

M. DEMERS: Est-ce que vous avez des chiffres?

M. MORIN: Nous vous les ferons parvenir dans un mémoire. Nous avons les chiffres, mais pas ici. Il ne semble pas que dans les 10 faillites, ce soient les plus gros. C'est une moyenne.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. MORIN: Alors, évidemment, nous sommes d'accord. Nous croyons que le contrôle d'entrée de personnes ou de corporations désirant devenir entrepreneurs, va permettre, jus- tement, d'éviter le nombre élevé de faillites dans l'industrie de la construction.

La corporation possède, elle-même, le pouvoir de faire passer ses examens. Nous aimerions que, dans la nouvelle loi, ce pouvoir lui soit conservé. Il est sûr que si un seul office s'occupe de faire passer les examens, autant sur la qualification administrative que technique de tous les entrepreneurs de construction...

M. BELLEMARE: M. Morin, vous avez à l'article 18, je pense bien, un pouvoir de délégation. L'office a un pouvoir de délégation, quand vous parlez des examens.

M. MORIN: L'office a un pouvoir de délégation, mais l'office est composé de sept membres où nous n'avons qu'un seul représentant.

M. BELLEMARE: Oui, mais... M. MORIN: II n'est pas sûr...

M. BELLEMARE: Il y a un « gentlemen's agreement » de base, là. Quand il s'agit des corporations, un instant! C'est une belle bibite, mais elle n'est pas si belle que ça.

M. MORIN: Mais nous pensons...

M. BELLEMARE: En tous cas, il y a...

M. MORIN: Oui.

M. BELLEMARE: ... déjà à l'article 18, en bas, un pouvoir de délégation par l'office, mais c'est votre point de vue et on l'écoute.

M. MORIN: Quoiqu'il en soit, nous pensons qu'il est préférable que nous gardions cette possibilité parce que les personnes concernées vont faire passer, dans le métier qu'ils pratiquent depuis bien des années, des examens à ceux qui veulent entrer dans le métier. Nous croyons que ce système est beaucoup plus efficace qu'un office trop large pour faire passer ces examens-là. Quant aux autres pouvoirs de l'office, nous croyons que le pouvoir de surveillance de l'office doit s'appliquer à tous les métiers.

Sur le deuxième point, c'est-à-dire le fonds de faillite, nous croyons que sa création est très dangereuse. Sans répéter ce que Me Cour-noyer disait, nous voyons les désavantages suivants : il est prévu, à l'article 40 du bill, que seuls les ouvriers et les fournisseurs de matériaux seront indemnisés par ce fonds de faillite.

Or, nous croyons que, déjà, les ouvriers sont simplement protégés, parce que, dans les faillites, il est très rare de voir les ouvriers ne pas être payés. Ils ont déjà un privilège.

M. BELLEMARE: Oh, oh, oh, oh, un instant!

M. MORIN: Je parle du salaire, des bénéfices sociaux.

M. BELLEMARE: Je vous garantis qu'il faut avoir vécu quelques années en politique active pour savoir combien il y a de salaires qui sont perdus, et Dieu sait, combien.

M. MORIN: Ils sont quand même déjà protégés.

M. BELLEMARE: Protégés par quoi? En vertu d'un privilège?

M. MORIN: Ils ont une créance garantie. UNE VOIX: Il ne reste rien.

M. MORIN: Comme le fournisseur de matériaux est protégé, d'ailleurs.

M. BELLEMARE: Ah!

M. MORIN: Parce qu'il a un privilège, en vertu des articles 20 et 13 du code civil.

M. BELLEMARE: Si vous ne prenez pas votre privilège en temps et lieu et si vous ne le prenez pas sur le bon « gars », si un truc de procédure arrive, votre privilège, mon cher monsieur, il est reporté, et s'il reste de l'argent à part de cela...

M. MORIN: D'ailleurs...

M. BELLEMARE: Un ouvrier qui se sent lésé dans la perte de son salaire, parce qu'un gars bâtit un pont et qu'il fait faillite, et qui prend un privilège, comment s'y prendra-t-il?

Il ne connaît pas cela. Il est embêté.

M. TREMBLAY (Bourassa): Il y a des avocats pour cela.

M. DEMERS: Et à part cela, cela lui coûtera aussi cher.

M. MORIN: Dans le bill 290, il y a quand même aussi une garantie pour le salarié de réclamer à l'entrepreneur général les salaires non payés par son employeur qu'il pourrait perdre en cas de faillite.

M. LEFEBVRE: M. Morin, vous conviendrez que cela s'applique dans le cas où il reste de l'argent. Dans le cas où il n'y en aurait pas...

M. MORIN: Oui, mais...

M. LEFEBVRE: Habituellement, lorsqu'il y a une faillite, c'est parce qu'il manque de l'argent quelque part.

M. MORIN: Oui, mais il y a toujours les créanciers privilégiés qui passent avant. Il est sûr que, dans une faillite, les créanciers ordinaires, il n'en reste pas beaucoup.

M. BELLEMARE: C'est votre point de vue, nous l'entendons.

M. MORIN: C'est un premier danger. Comme deuxième danger, nous voyons que le nombre de faillites augmentera considérablement, c'est-à-dire que la participation des employeurs aux fonds augmentera le coût de la construction. Et qui paie le coût de la construction? C'est celui qui fait construire. C'est donc lui qui paiera pour protéger, en fait, le fournisseur de matériaux.

Le troisième danger, une des causes de la faillite, est Justement l'ouverture trop grande du crédit. Or, il est évident que le fournisseur de matériaux qui se sent protégé par un fonds d'indemnisation ouvrira davantage son crédit à des entrepreneurs, sans vérifier si ceux-ci sont solvables. Il est sûr que nous pensons que l'établissement d'un tel fonds ne diminuera pas les faillites, mais qu'il y a une possibilité d'augmentation du nombre des faillites parce que le crédit sera plus élevé.

Le fournisseur de matériaux sera beaucoup moins sérieux dans le choix de l'acheteur. Il fera crédit, sachant qu'il est protégé quelque peu parce qu'il y a un fonds d'indemnisation pour lui. Or, les vraies victimes de la faillite ne seront pas protégées par ce fonds. Les vraies victimes sont — en cas de faillite d'un entrepreneur général — les sous-entrepreneurs.

M. BELLEMARE: Les messieurs qui sont debout à l'arrière, venez donc prendre des chaises ici. Elles sont à vous, ces chaises. Passez ici, M. Lagueux. Vous êtes tout petit.

M. LEFEBVRE: Me Morin, si vous préférez terminer votre exposé, est-ce que Je pourrais vous poser la même question que j'ai posée tout à l'heure à M. Cournoyer? Il m'apparaît important pour nous de savoir si c'est au mécanisme de répartition que vous vous opposez, ou bien si c'est au principe même d'une protection des

créanciers en cas de faillite dans l'industrie de la construction.

M. MORIN: Nous avons fait allusion tout à l'heure aux accidents d'automobile. Il est sûr que, dans le fonds de faillite, celui qui paie, c'est l'entrepreneur sérieux. Pourquoi? Non pas pour se protéger.

M. LEFEBVRE: Oui, mais cela, c'est le principe de toute assurance, Me Morin. L'homme qui « ne passe pas au feu », paie pour ceux « qui passent au feu ».

M. MORIN: Ceux qui seront protégés, les fournisseurs de matériaux, etc., ne fournissent pas à ce fonds.

M. LEFEBVRE: Quant à moi, ce que je veux savoir — et je pense que tous mes collègues ici sont intéressés à avoir votre point de vue là-dessus — pour bien comprendre votre opinion.

Nous voudrions simplement savoir, pour bien comprendre votre opinion, si vous vous opposez, au principe même d'une indemnisation et si vous croyez que cela n'est pas nécessaire ou bien si c'est simplement la technique qui est exposée ici que vous n'aimez pas.

M. MORIN: Nous ne sommes pas contre une protection. Cependant, nous pensons que la forme de protection, qui est le fonds de faillite lui-même, est dangereuse dans ses applications et dans ses effets. Une protection garantie amènera l'ouverture du crédit qui entraînera plus de faillites.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. MORIN: Nous pensons qu'il faudra trouver d'autres méthodes de protection.

M. LEFEBVRE: M. Morin, avez-vous une suggestion à formuler en ce sens?

M. MORIN: Nous sommes à étudier une forme de suggestion. Depuis deux ou trois ans, le système de cautionnement devient de plus en plus étendu. C'est peut-être une solution. Il y a la solution de contrôle, aussi. Déjà, nous sentons les effets de ce système de cautionnement. D'après les statistiques, si nous pouvions revenir à des années antérieures dans le tableau, les faillites dans la construction ne vont pas en augmentant, ni ne restent stables, mais semblent diminuer légèrement, c'est vrai. Nous pensons que c'est justement cette restriction du crédit — parce qu'il y a eu trop de faillites — faite par les fournisseurs de matériaux et par les propriétaires qui demandent des cautionnements, qui amènera une diminution du nombre de faillites.

M. LEFEBVRE: Comme Me Cournoyer, puisque la formule actuelle semble vous faire peur est-ce que vous seriez disposé à soumettre à la commission, pour considération ultérieure, une formule différente que votre association jugerait appropriée pour répartir ce risque?

M. MORIN: Nous tenterons d'en trouver une; je ne vous le promets pas.

M. BELLEMARE: M. Morin, vous à qui je reconnais les qualités d'un bon négociateur, surtout aux petites heures...

M. MORIN: Je suis un rescapé de la nuit, moi aussi.

M. BELLEMARE: ... vous avez dit, tout à l'heure, que les fournisseurs de matériaux ne contribuaient pas au fonds. Il me semble que vous avez dit cela.

M. MORIN: C'est cela.

M. BELLEMARE: Quand « je passe au feu » ma police d'assurance paie, mais qui en bénéficie? Les vendeurs...

M. MORIN: Si « vous passez au feu », c'est vous qui en bénéficiez.

M. BELLEMARE: Mais, est-ce que ce sont les vendeurs de matériaux?

M. MORIN: Pardon?

M. BELLEMARE: Quand je me rebâtis, ce sont les vendeurs de matériaux. Ils ne contribuent pas à ma police d'assurance.

M. MORIN: Ecoutez.

M. BELLEMARE: Comment « écoutez »? Certainement.

M. MORIN: Vous payez pour vous protéger.

M. BELLEMARE: Oui, mais qui bénéficie de mon assurance? Ce sont les vendeurs de matériaux.

M. MORIN: Ce sont les ouvriers et les entrepreneurs de construction, évidemment, chaque fois que vous reconstruisez, mais c'est vous qui bénéficiez d'une indemnité, tandis que, dans le cas de faillite...

M. BELLEMARE: Mais, il n'y a que moi qui ai payé.

M. MORIN: Dans le cas de faillite — sauf le fournisseur de matériaux qui en profitera — ce n'est jamais celui qui paie qui en profite. Jamais!

M. BELLEMARE: Oui.

M. MORIN: Dans les accidents du travail, l'entreprise pale, mais elle se protège parce qu'il y aurait une réclamation contre elle. Elle va au fonds...

M. BELLEMARE: M. Morin, je ne peux croire que vous soyez contre le fait que la commission étudie des moyens pour arrêter les faillites et pour dédommager les victimes.

M. MORIN: Non seulement nous sommes d'accord, mais nous vous aiderons dans la mesure de nos possibilités.

M. BELLEMARE: Alors, ne commencez pas à plaider contre.

M. MORIN: Je ne plaide pas contre le bill.

M. BELLEMARE: Vous êtes contre le bill depuis vingt minutes.

M. MORIN: Je vous demande pardon! J'étais d'accord avec la première partie.

M. LEFEBVRE: M. le ministre, j'ai compris que M. Morin acceptait le principe d'une indemnisation dans les cas de faillite; c'est seulement la technique qu'il n'aime pas.

M. MORIN: C'est cela. C'est votre principe...

M. LEFEBVRE: II nous soumettra une meilleure idée.

M. BELLEMARE: Vous êtes en faveur du principe?

M. MORIN: Bien sûr!

Ce sont les modalités d'application. Il ne faudrait pas qu'en instituant des régimes on aille à l'encontre du but poursuivi. Nous pensons qu'actuellement le fonds de faillite va à l'encontre du but poursuivi, ce qui est dangereux.

M. PICARD (Olier): Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'une façon, pour les propriétaires d'éviter les nombreuses faillites serait les bons de cautionnement, les bons de garantie, les dépôts...

M. MORIN: J'ai émis cette opinion.

M. PICARD (Olier): Ne croyez-vous pas que cela relève plutôt du propriétaire qui peut exiger cela de l'entrepreneur général? Alors, cela n'irait pas dans un texte de loi comme celui-ci.

M. MORIN: Pas nécessairement dans un texte de loi.

M. PICARD (Olier): Même pas dans les règlements, parce que c'est le propriétaire qui décide.

M. MORIN: Cela pourrait être dans un règlement de l'office ou même dans la loi qui dit que celui qui veut entreprendre un contrat d'un montant de X devra déposer un cautionnement de tant. Cela peut être ça.

M. PICARD (Olier): Cela relève tout de même du propriétaire de prendre cette déci-sion-là, s'il exige un bon de cautionnement de son entrepreneur.

M. BELLEMARE: Si, à un moment donné, en cours de route, on double, si on triple les travaux ou si on ajoute des annexes, qu'est-ce qui arrive?

M. MORIN: Ah, il va y avoir de nouveaux contrats.

M. BELLEMARE: Ah oui? Qui va surveiller ça? Les cautionnements qui étaient de $20,000, vous en avez un, demain matin pour des travaux de $2 millions dans la même entreprise, à un moment donné. Qui va surveiller ça? Il va être obligé de refinancer son affaire.

M. PIC ARD( Olier): Si le gouvernement procédait toujours par soumission publique, il n'y aurait pas de problème.

M. HAMEL: Vous venez de trouver ça, vous, là!

M. DEMERS: Pas de problème pour vous autres.

M. MORIN: De plus en plus, pour des contrats d'envergure, il y a des soumissions, un bureau de soumissions déposées, etc., auquel on peut contrôler quand même la valeur des travaux qui vont être exécutés et le montant des contrats.

M. BELLEMARE: II est arrivé rien qu'un petit incident au pont de Trois-Rivières, vous savez. Ils ont donné un petit contrat par soumission mais, ç'a coûté quasiment le double quand on est venu pour payer. Ce n'est pas par soumission publique. C'est chez nous.

M. LEFEBVRE: Ce n'est pas dans le bill, ça.

M. BELLEMARE: Non, c'est vrai, mais on se fait de la bile pour vous autres.

M. PICARD (Olier): Cela, c'est de la faute des communistes.

M. DEMERS: Cela, c'est l'ancien.

M. BELLEMARE: Ah non, ça, c'estvieux. Il n'y a pas longtemps à Trois-Rivières. Je parle du pont du fleuve, là.

M. DEMERS: II ne parle pas du pont des Chapelets.

M. LEFEBVRE: M. Morin, J'ai compris, moi, qu'il avait affirmé deux choses, d'abord qu'il était favorable au principe d'une indemnisation et deuxièmement, qu'il semblait reluquer du côté de la formule des bons de garantie. Le ministre a mentionné une objection. Cela pourrait être intéressant, soit aujourd'hui, soit plus tard, que vous trouviez une réponse au scepticisme du ministre en rapport avec votre formule.

M. BELLEMARE: Oui, parce que pour les bons de garantie, Je pense que ça prendrait un joli contrôle, parce que ça monte, ça baisse, et qui va suivre ça?

M. MORIN: Oui, mais nous pensons que c'est toujours mieux de prévenir la faillite et que, plus le contrat est élevé, plus l'entrepreneur fera exécuter le contrat, donnera des garanties sérieuses de ses capacités. Nous pensons que c'est mieux que de dire, après, que tout le monde peut se lancer, mais s'il y a des faillites, on donnera de l'argent à ceux qui sont victimes de ces faillites-là.

M. BELLEMARE: Ce sont des formules qui ont été déjà périmées.

M. MORIN: La médecine préventive et non pas curative.

M. BELLEMARE: Oui, ce sont des formules qui ont bien rendu service à ceux qui ont perdu leur salaire jusqu'ici.

M. MORIN: Bien, sur les salaires là, il faudra voir plus profondément les statistiques.

Il n'y a pas eu beaucoup de pertes.

M. BELLEMARE: N'allez pas sur le trottoir, vous allez en entendre parler, certain.

M. MORIN: Non, je parle des industries de la construction, parce qu'à cause Justement du bill 50 et de l'ancienne loi des décrets de convention collective, il y avait quand même des protections sur les salaires.

M. BELLEMARE: Oui, d'accord, mais je vous assure que, sur le trottoir, vous allez en entendre des expressions assez hasardeuses contre certains entrepreneurs qui faillissent, qui font perdre de l'argent aux petits.

M. MORIN: D'accord, pour qu'il y ait moins de faillites. Tout simplement...

M. BELLEMARE: Oui, oui, d'accord, que les petits qui perdent leur salaire aient des garanties. Ils ont travaillé, ces gens-là, dans des conditions difficiles.

M. MORIN: D'accord aussi.

M. BELLEMARE: Ils ont travaillé, mon cher monsieur, quatre, cinq mois par année, puis ils perdent ça. Cela n'a plus de bon sens. Cela, des gens qui sont payés...

M. MORIN: Non, M. Bellemare, ne me faites pas dire des choses que je ne dis pas.

M. BELLEMARE: Bien, je n'ai pas dit ça. J'ai le droit de dire ça moi.

M. MORIN: Ah oui, mais vous n'avez pas le droit de prétendre que j'ai dit des choses que je n'ai pas dites.

M. BELLEMARE: Je n'ai Jamais dit que ce

que vous auriez dit n'était pas vrai. Je dis que ça n'a pas de bon sens.

M. LEFEBVRE: Vous me rappelez un titre de journal qui se lisait comme suit: « Camillien dit qu'il n'a pas dit ce qu'on dit qu'il a dit. »

M. BELLEMARE: Encore là, je reviens... M. MORIN: Qu'est-ce qu'il avait dit? UNE VOIX: Il n'avait rien dit.

M. BELLEMARE: M. Morin, vous allez soumettre un mémoire par écrit?

M. MORIN: Oui, même sur les articles que nous voulons voir amender et avec les textes que nous voulons revoir.

M. BELLEMARE: Il faudrait, si possible, que vos mémoires, comme celui de Me Jean Cournoyer, que nous avions tout à l'heure, soient adressés ici, au président de la commission, et que ce soit dans un délai assez bref. La session doit reprendre le 7 octobre et je pense que c'est une des législations qui ont été annoncées pour la reprise de la session. Alors...

M. MORIN: Nous allons le présenter le plus tôt possible.

M. BELLEMARE: ... il ne faudrait pas nous arriver avec votre mémoire le 24 décembre.

M. MORIN: Je vais peut-être avoir un peu plus de temps, les décrets sont signés.

M. BELLEMARE: Ah oui, est-ce parce que vous vous amusiez à en paralyser la signature? Non, je ne pense pas.

M. MORIN: Non, a enlevé l'astérisque hier.

M. BELLEMARE: Ah oui, ah! l'astérisque, merci.

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux, M. Marcel Pepin, président.

M. BELLEMARE: C'est à votre tour.

M. PEPIN: Alors, M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, mon intervention sera relativement brève, je l'espère, à moins d'interventions.

Je voudrais dire en premier lieu qu'en prin- cipe, ce projet de loi nous convient, parce que nous croyons extraordinairement important que, dans le cas de faillite, les travailleurs soient compensés pour la perte des salaires que, actuellement, même s'ils font partie des créances privilégiées, ils ne reçoivent pas dans beaucoup de cas.

Comme le ministre l'a mentionné précédemment, si vous analysez le problème des travailleurs de la construction en regard des nombreuses faillites qui ont eu lieu dans cette industrie, vous vous rendrez compte que, pour eux, il n'y a presque pas de recours, non pas parce qu'ils perdent des semaines ou des mois de salaires, règle générale, ce sont des périodes assez courtes, une semaine, deux semaines, trois semaines. Notons cependant que ces deux semaines, trois semaines — un peu moins, un peu plus — c'est de nature à faire beaucoup plus mal au portefeuille, au budget des familles de ces travailleurs, qui malheureusement ne travaillent pas constamment toute l'année. Ils n'ont pas la chance d'avoir un emploi stable même si, en signant cette nuit, nous espérons obtenir une meilleure sécurité d'emploi pour les travailleurs de la construction. Donc, M. le Président, je voudrais vous dire que le principe du bill nous convient. Nous désirons soulever - et nous le ferons éventuellement — un certain nombre d'aspects du bill. C'est très technique comme législation. Nous avons eu l'occasion, au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, d'en examiner pas mal de sections. Je crois que vous devez savoir que les articles qui sont présentés sous forme de ce projet de loi nous incitent parfois à être très prudents, parce qu'il ne faut pas tout de même en couvrir plus que ce que l'on veut couvrir.

Ainsi, si vous me permettiez, je crois que ce projet de loi, tel qu'il est...

M. BELLEMARE: M. le président de la Confédération des syndicats nationaux, me permettez-vous juste une intervention?

M. PEPIN: Allez-y.

M. BELLEMARE: Tout à l'heure, avant que vous arriviez, on a dit ceci qui est bien important, c'est que, ce matin, on entend les différentes associations, leurs différentes revendications, leur point de vue sur le bill et tous les mémoires. Tout ce qui va se dire est retranscrit d'ailleurs dans le journal des Débats et ça va être envoyé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui, lui, va roder...

M. PEPIN: Excellent.

M. BELLEMARE: ... il va étudier tous les aspects qui vont nous être soumis ce matin et nous faire rapport. Ce rapport sera envoyé aux différentes associations qui sont ici ce matin et la commission du Travail siégera à nouveau pour entendre la discussion...

M. PEPIN: Je vous remercie, M. le Ministre. Je crois que c'est une bonne formule que vous avez décidé de suivre. Je voudrais attirer votre attention sur...

M. BELLEMARE: Le Conseil consultatif, moi, je l'écoute, vous savez, même si M. Lefebvre, le député d'Ahuntsic, dit que je ne l'écoute pas.

M. PEPIN: Vous dites que vous écoutez le conseil, c'est une bien bonne affaire. Je crois que vous ne ferez jamais d'erreurs en faisant ainsi.

M. LEFEBVRE: Vous faites bien de l'écouter parce que, tel que constitué, il a du bon sens, maintenant qu'on a suggéré de bons amendements.

M. BELLEMARE: J'aime bien mieux écouter le conseil, des fois, que les conseils que vous donnez à quelqu'un d'autre.

M. LEFEBVRE: Ils sont excellents. M. PEPIN: Moi, je vais parler du bill.

M. LE PRESIDENT: Alors, marchant vers le bill, M. Pepin.

M. PEPIN: Je vais marcher vers le bill, pas sur le chemin du Roy.

M. BELLEMARE: Non, non sur la 102. M. LE PRESIDENT: Un « by-pass ».

M. PEPIN: Moi, le point sur lequel je voudrais attirer l'attention des membres de la commission, c'est l'extension, la portée du bill. S'il était adopté tel qu'il est, devant vous, ça voudrait dire que, dans les entreprises, dans les usines, dans les établissements industriels, dans les édifices publics, les entrepreneurs, les propriétaires actuels ne pourraient pas faire eux-mêmes les contrats de réparation, d'entretien, de rénovation, à moins qu'ils obtiennent une licence de l'office ou un permis.

Vous le savez tous, les membres de la commission, quel est le problème qui a été soulevé relativement aux sous-contrats. Dans toutes les négociations collectives, le problème des sous-contrats se soulève.

Les employés d'une entreprise ne veulent pas que les travaux qu'ils exécutent normalement soient donnés à contrat à l'extérieur et que des gens de l'extérieur viennent exécuter des travaux qui sont faits normalement par eux.

Si vous adoptiez ce projet de loi tel qu'il est là, vous diriez, en somme, aux propriétaires d'entreprises: Allez vous chercher une licence pour faire ces travaux-là. Il y a aussi l'implication du bill 290, que nous ne discutons pas sur ce point. Eventuellement, il sera peut-être remis en question sur quelques aspects comme celui-là, mais uniquement par rapport à la qualification professionnelle, et nous suggérons que vous examiniez attentivement les définitions; constructeur, entrepreneur, et aussi l'article 2 de la loi même. Je vous y réfère uniquement pour que vous sachiez quelle est l'implication du problème. Quant à moi, personnellement, je ne pense pas que cette loi vise principalement ce cas. On vise la réparation, on vise à prévenir la faillite.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. PEPIN: Alors, si on veut donner trop d'extension, couvrir trop de choses avec une même loi, nous avons l'impression, nous, que vous vous en irez dans une voie qui ne pourra pas vraiment donner satisfaction à tout le monde. C'est un des points que je voulais soulever. Maintenant, quant au reste...

M. BELLEMARE: M. Pepin, il y a sûrement une ambiguïté. Me Auclair, qui a été un des promoteurs de ce bill, qui l'a étudié très sérieusement, nous l'a fait remarquer, quand nous l'avons relu ensemble. Je pense qu'on est à chercher une formule qui va donner satisfaction à tous et chacun. Vous avez parfaitement raison, quand il s'agit des sous-contrats. Les centrales syndicales, quelles qu'elles soient, nous ont fait une lutte assez ferme pour protéger les droits acquis quand il s'agit des sous-contrats. Nous ne voulons pas altérer cette bonne relation qui commence à exister dans les conventions collectives. Ce n'est pas notre point de vue. D'ailleurs, je pense que Me Auclair est à mettre au point une formule qui va empêcher cette ambiguïté et qui rendra sûrement justice aux parties.

M. PEPIN: Un autre débat que je voudrais soulever, c'est la composition même de l'office.

M. BELLEMARE: L'article 11.

M. PEPIN: Voici comment J'aborde le problème.

C'est un domaine d'intérêt public. Je crois que si le législateur décide d'intervenir, c'est qu'il y a de l'intérêt public. Selon la composition suggérée dans le bill, il y a un président, nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, il n'y a pas là de problème. Les autres membres sont nommés, bien sûr, par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation de chacune des associations impliquées.

Je crois qu'un débat de fond peut être fait. Le législateur peut dire: Je passe tout ce pouvoir à des représentants d'associations patronales en les chapeautant d'un président qui sera indépendant dans le sens qu'il ne viendra ni de l'une ni de l'autre association. Je n'ai pas l'intention de vous suggérer que nous ayons, comme centrale syndicale, des représentants à cet office. Je voudrais que tout le monde comprenne bien que, si le législateur décide de passer une loi dans ce domaine-là, on ne peut pas l'assimiler à un organisme privé. Pour l'avenir, c'est un organisme public. Si, par exemple, quelqu'un disait: Dans votre centrale syndicale, il n'y a pas d'employeur au bureau de direction, je pense que tout le monde comprendrait que c'est assez simple à comprendre que les employeurs n'ont pas d'affaire là.

Lorsqu'il s'agit d'un office public, servant à qualifier les entrepreneurs qui peuvent exercer leur métier, servant aussi à constituer un fonds de réparation pour les salaires ou pour les fournitures de matériaux, comme le suggère présentement le bill, ça devient quelque chose d'intérêt public. Si le législateur décide de passer tout son pouvoir uniquement à des employeurs pour qualifier d'autres employeurs — je fais toujours la réserve pour le président, qui n'est pas directement un employeur qui est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil — mol, je pense que le législateur aura décidé de reformer une corporation ou un genre de corporation qui peut entraîner — je dis peut — une série d'abus.

Les gens, de nature, ont tendance à se protéger et à protéger leur association, leur groupement. Si vous constituez l'office tel qu'il est là, moi j'ai l'impression que le législateur fait une erreur de ce côté.

Comment le composer, cet office? Faut-il exclure les représentants des employeurs, là-dessus? Bien sûr que non. Mais il faudrait, à mon sens, tempérer davantage ou pondérer, si vous voulez, la constitution de l'office, peut-être en augmenter le nombre légèrement pour qu'il y ait plus de représentants directs du public.

Je sais qu'à l'heure actuelle les corporations existantes, celle des mécaniciens en tuyauterie, celle des électriciens, émettent elles-mêmes des permis. Je sais qu'elles doivent faire un travail absolument convenable. Mais le jour où le législateur intervient pour dire: A l'avenir, il faudra qualifier les entrepreneurs sur la base technique, sur la base administrative, il faudra aussi prévoir le fonds de réparation dont j'ai parlé, à ce moment-là, il y a un intérêt public en cause. Et si le législateur remet tout ce pouvoir dans les mains à peu près exclusives des gens directement intéressés, je crois que c'est dangereux qu'il y ait une exploitation légèrement égo'iste et une opération qui ne donne pas satisfaction...

M. BELLEMARE: M. Pepin, si vous me le permettez, il y a deux choses. D'abord, en vertu de l'article 40, l'office pourra avoir des délégations en ce qui regarde les corporations, quant aux examens. Page 18, en bas de la page. Une chose certaine, c'est que les corporations qui seront membres voudront certainement continuer de qualifier leurs membres.

Une autre question que je voulais vous poser, M. Pepin; quand vous parlez du public, c'est qui, le public, pour vous? Augmenter le nombre par une plus large représentation du public, pas tellement, dites-vous. Mais c'est quoi, le public, à ce moment-là? Dans quelle sphère le voyez-vous, ce public?

M. PEPIN: Eh bien, le lieutenant-gouverneur en conseil, s'il a instruction du législateur de former un office, disons, au lieu de sept membres...

M. BELLEMARE: De quinze.

M. PEPIN: ... de quinze, disons,...

M. BELLEMARE: Le double.

M. PEPIN: ... alors à ce moment-là, le lieutenant-gouverneur en conseil sait qu'il y en a cinq ou six qui viennent de tel milieu, et qu'il y en a cinq ou six autres à nommer qui peuvent être pris en dehors de ce milieu. A ce moment, il aura à choisir des gens qui seront soit des gens qui viennent d'associations différentes, soit encore des gens qu'il connaît et qui peuvent agir de ce côté-là.

M. BELLEMARE: Vous n'avez pas peur, M. Pepin, à ce moment-là, que le gouvernement soit accusé de vouloir contrôler cet office, surtout par le prestige de certaines personnes qui

seront nommées? Cela pourrait peut-être en gêner le bon fonctionnement. C'est justement pourquoi nous n'avons pas voulu que le gouvernement aille trop loin dans cela. On a dit: qu'il y en ait un qui soit nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, pour que cela devienne pas non plus, un nid à patronage et d'influence: Un tire sur une corde, l'autre tire ici, l'autre là. Cela se fait même dans nos cuisines. Je n'ai pas besoin de vous dire cela à vous et à d'autres.

M. LEFEBVRE: Même dans nos bureaux.

M. BELLE MARE: En tous cas, on a voulu que cet office soit, justement, complètement dégagé de tout ce qui est la responsabilité du gouvernement. Est-ce que, M. Pepin, actuellement, le conseil consultatif ne cherche pas une solution aussi dans ce sens?

M. PEPIN: Oui, un conseil étudie ce problème. Maintenant, comme j'interviens ce matin ici devant les membres de la commission, je voulais...

M. BELLEMARE: Non, non, mais je veux que les gens sachent que déjà le conseil consultatif cherche une formule qui soit la plus équitable possible pour protéger ceux qui y sont déjà et le public en général.

M. PEPIN: Vous avez raison, nous étudions chacun des articles du projet de loi pour tenter de présenter les meilleures améliorations possibles de ce côté-là.

Mais je voulais vous faire part au moins de ma conception. Il y a des corporations privées qui existent à l'heure actuelle, qui ont tout l'intérêt public entre les mains et Dieu sait comment c'est difficile de pénétrer à l'intérieur de cela, même pour le gouvernement. Voilà pourquoi je pensais qu'il était opportun que nous mettions en garde le gouvernement contre une telle composition.

M. LEFEBVRE:" M. le Président, en rapport avec ce que vient de dire M. Pepin, — je le dis tout de suite — je ne voudrais pas sembler formuler une suggestion, nous en sommes à la phase des travaux préliminaires, mais j'aimerais quand même, pour mieux comprendre son point de vue, qu'il donne son opinion à la commission sur la question suivante: Est-ce que, d'après vous, l'élargissement de la composition de l'office que vous revendiquez est justifié quant aux deux fonctions de cet office, à savoir la fonction d'accréditation et la fonction d'indemnisation, ou est-ce que c'est surtout en rapport avec la fonction d'indemnisation que vous songez à un élargissement de la composition de l'office?

M. PEPIN: Surtout sur le premier point, M. Lefebvre.

M. LEFEBVRE: Surtout sur le premier point?

M. PEPIN: Oui, parce que c'est celui-là qui est le plus important pour moi par rapport aux objectifs que je poursuis. Si l'office décide de mettre des règlements tels ou pour obtenir une licence extrêmement difficile, bien sûr que les règlements seront adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Dans l'application d'un règlement, tout le monde sait que l'on peut tout de même jouer un peu. Alors, il arrive que, dans ce domaine-là, c'est bien plus important pour la qualification. Pour l'indemnisation, je présume bien que les règlements vont être identiques pour tout le monde. C'est surtout pour la qualification. Selon la loi, à l'heure actuelle — vous êtes un propriétaire privé — disons que vous avez une maison et que vous voulez la peinturer entre les deux sessions, parce que vous auriez du temps à vous. A l'heure actuelle, vous pouvez le faire. A l'avenir, vous pourrez le faire aussi, mais en obtenant un permis. Le permis vous coûtera comment? Et si vous laissez uniquement le soin d'administrer cette loi-là par des gens qui sont intéressés directement par leur profession — et nous ne pouvons pas les blâmer — à ce moment-là, j'ai l'impression que vous ferez une erreur comme législateur. Est-ce que cela répond à votre question?

M. LEFEBVRE: Oui, tout à fait. Maintenant, vous avez dit tout à l'heure... Si vous permettez, juste une dernière question: Vous avez dit évidemment qu'il était normal que l'on ne retrouve pas dans le bureau d'administration d'une centrale syndicale le représentant de l'employeur ou l'inverse. Je pense bien que nous ne sommes pas rendus à retrouver des représentants syndicaux à la direction d'une association patronale. Personne n'a proposé cela jusqu'à maintenant.

M. PEPIN: Très bien.

M. LEFEBVRE: Je me demande — et je réfléchis tout haut encore une fois, votre modestie m'étonne presque — mais je me demande, dis-je pour quelle raison vous vous êtes abstenu de proposer l'hypothèse que des représentants des centrales syndicales siègent sur cet office-là. Ce que je veux dire, est-ce que, d'après vous,

c'est une chose impensable ou est-ce que cette chose-là serait de nature à assurer une meilleure protection?

M. PEPIN: Là-dessus, ce n' est pas une question de modestie. D'abord, nous avons un projet de loi, nous le trouvons très important. Nous ne voulons pas soulever des débats qui vont nous conduire à ne pas avoir de projet de loi. J'espère bien que le législateur, la commission, et finalement l'Assemblée nationale, ne retarderont pas trop pour l'étudier en profondeur et l'adopter. Si nous soulevons une série de débats qui peuvent nous conduire à ce que seraient les conceptions qui s'affrontent et que finalement des gars qui perdent du salaire ne soient pas payés, vous comprendrez que nous ne sommes pas très intéressés.

La présence du public se fera par le truchement du lieutenant-gouverneur en conseil. Le lieutenant-gouverneur pourra choisir qui il voudra. Mais il ne sera pas lié, à mon avis, en chois-sant un gars de la FTQ, un gars de la CSN ou un gars de la FCAI et je ne sais trop qui. Il pourra faire ce qu'il voudra de ce côté, mais il y aura un certain équilibre au niveau de l'office.

Personnellement, je ne réclame pas qu'il y ait un droit stricte aux centrales syndicales d'être présents comme membres de l'office. Je dis que l'office doit être mieux balancé, mieux composé tout simplement.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. BELLEMARE: M. Pepin, j'ai ici un des premiers projets — il y en a eu trois d'ailleurs, c'est le quatrième qui est devant nous — un des premiers projets qui ont été soumis au mois de juin au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Il y avait, avant que cela aille devant votre commission au conseil supérieur, une formule différente. Le nombre était plus considérable. Est-ce qu'il est vrai que c'est le conseil supérieur du travail qui a ramené l'esprit de cette législation à ce qu'on trouve actuellement?

M. PEPIN: Je crois que oui, M. le ministre.

M. BELLEMARE: Bon. En partant de là, le conseil lui, a revisé la première où ils étaient plus nombreux, où ils devaient être complètement sortis de l'industrie et ils devaient être les représentants d'un public. Le conseil supérieur du travail a dit, à ce moment-là: Nous pensons, nous, au mois de juin 1969, que la formule que nous suggérons ici est beaucoup plus valable. Le conseil a certainement le droit main- tenant de changer encore une fois son orientation ou sa décision. Nous ne nous y objectons pas, mais il faudrait qu'il nous donne des raisons extrêmement sérieuses pour nous faire une autre suggestion. D'accord, vous dites que le public ne l'est pas. Dans l'autre projet, on l'avait le public, et le conseil supérieur a dit:

Il est trop nombreux. On veut que ce soit véritablement les gens de la profession, ceux qui sont directement impliqués qui soient membres de l'office.

M. PEPIN: Je voudrais bien, M. le Ministre, qu'il soit clairement entendu que je ne parle pas ici au nom du Conseil supérieur du travail.

M. BELLEMARE: Non, non, mais comme un membre très actif.

M. PEPIN: Je parle comme président de la CSN. Je suis membre du conseil et je peux vous dire qu'en juin, je pense que vous avez raison en disant que nous-mêmes, comme conseil, nous avons suggéré au ministère du Travail des modifications profondes à un projet de loi. Nous sommes maintenant au mois d'août 1969. Nous sommes à réexaminer tout ce problème là, et personnellement, comme membre du conseil, je soulève les points que je viens de soulever devant vous.

M. BELLEMARE: D'accord. Vous savez, je ne veux pas, M. Pepin, essayer de vous prendre dans un guet-apens, un président de la centrale et en même temps membre du conseil, loin de moi cette pensée. Mais je ne peux pas interroger le juge ou le président, je ne peux pas interroger tout le conseil. Alors c'est pour cela que je vous pose la question comme un membre actif de l'organisme. Est-ce que c'est vrai que cela s'est produit comme ça?

M. PEPIN: Je crois que je vous ai répondu affirmativement et au meilleur de mon souvenir, telle est la situation.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. PEPIN: Mais si je soulève la question de nouveau, c'est que j'ai craint personnellement qu'un office composé comme celui qui est suggéré dans le bill nous conduise à une espèce de petit ghetto, où ce ne serait que quelques personnes et uniquement des gens de la profession qui décideront d'émettre des licences ou des permis, et je soutiens que cela peut bien ne pas correspondre à l'intérêt des citoyens du Québec. Je peux faire une erreur.

M. BELLEMARE: Est-ce que le conseil et la centrale que vous représentez désapprouveraient que le directeur général des services techniques du ministère du Travail en fasse partie, par exemple?

M. PEPIN: Non, je ne peux pas vous dire que je serais contre, à priori. Non.

M. BELLEMARE: Est-ce que ce serait une garantie supplémentaire?

M. PEPIN: Bien en tout cas, si c'est un membre à plein titre, comme les autres, ce serait une personne de plus qui ne serait pas directement reliée à l'industrie.

M. BELLEMARE: Je vois un danger à nommer un nombre considérable de membres. Je pense que vous aviez raison, au conseil, de vouloir, peut-être ne pas établir un ghetto, mais établir plutôt une certaine proportion bien définie.

M. PEPIN: Je ne suggère évidemment pas qu'il y ait un office de quarante membres. Vous comprendrez cela.

M. BELLEMARE: Non, non. D'ailleurs...

M. PEPIN: Nous voulons vraiment qu'il puisse fonctionner convenablement. Et je pense bien que vous n'êtes pas intéressé vous non plus à ce que ce soit tellement restreint et que l'émission des licences et des permis se fasse...

M. BELLEMARE: Le point de vue que vous soulevez est réellement très intéressant car si, à un moment donné, il se développait au sein même de l'office, un « join together » par exemple, contre un gars qui pourrait vouloir devenir entrepreneur et qu'on se liguait contre cet homme-là, on causerait un préjudice irréparable. Cela peut se répéter peut-être une fois, deux fois, trois fois... Mais il y a une garantie dans le bill qui est devant nous, d'après laquelle le ministre du Travail peut intervenir et suspendre, même changer la ou les personnes en cause ou tout l'office au complet

M. PEPIN: Je voudrais soulever aussi un autre point. Je pense que vous n'y auriez pas objection. C'est que quelle que soit sa composition, les décisions de l'office puissent être accessibles au public. Si on décide d'émettre des permis à M. XYZ ou même d'en refuser...

M. BELLEMARE: II y a un rapport annuel prévu dans la loi.

M. PEPIN: Est-ce que le rapport annuel contiendra tous ces détails-là?

M. BELLEMARE: Oui, c'est obligatoire.

M. PEPIN: Est-ce qu'il n'yaurait pas moyen de prévoir...

M. BELLEMARE: Par réglementation?

M. PEPIN: Par réglementation.

M. BELLEMARE: Regardez le numéro 20.

M. PEPIN: Que dit-il, le numéro 20?

M. BELLEMARE: II dit que, par une disposition, « l'office doit transmettre ces règlements au ministre, qui les publie dans la Gazette officielle, avec avis que tout opposant peut formuler... A l'expiration de ce délai, le ministre peut recommander au lieutenant-gouverneur en conseil d'approuver ces règlements. »

M. PEPIN: II a le droit.

M. BELLEMARE: Alors, par ces règlements-là, on voit qu'il y a une obligation pour l'office, en vertu de l'autre article qui parle d'un rapport annuel. « L'office doit, avant le 1er mars — c'est cela, vous l'avez, là — soumettre au ministre un rapport complet et circonstancié — pas seulement un rapport qui dit: II y en a tant et cela fiait tant — de ses activités pour l'année prenant fin le 31 décembre précédent » Ses activités sont: l'accréditation, la réception des demandes et la délivrance de permis ou des licences.

Je pense que...

M. PEPIN: De toute façon, c'est suffisamment couvert. Il est important..

M. BELLEMARE: C'est bon que vous le disiez pour ceux qui auront à écrire les règlements. Quand ces règlements-là seront soumis au conseil consultatif, s'ils ne sont pas assez explicites, qu'on le dise.

M. PEPIN: Maintenant, il y aura d'autres points au niveau des pénalités qui ne seront pas suffisamment fortes ou qui sont identiques, dans un cas comme dans l'autre.

M. BELLEMARE: Bien, $100 par Jour, M. Pepin.

M. PEPIN: Dans le cas des permis et dans le cas des licences.

M. BELLEMARE: $100 par jour et je vous garantis qu'ils y vont « aux toasts ». Je ne sais pas si vous avez vu cela, mais...

M. PEPIN: Oui, J'ai vu cela.

M. BELLEMARE: $100 par jour et, si on néglige d'informer l'office au bout de quinze jours... Arrêtez un peu! Abandonner la « job », c'est cinq ans de prison à part cela; n'oubliez pas cela.

M. PEPIN: C'est long.

M. BELLEMARE: Cinq ans de prison.

M. PEPIN: Heureusement que le temps passe vite.

M. BELLEMARE: Des fausses déclarations et... J'ai lu cela, moi aussi.

M. PEPIN: Alors, voilà en gros, M. le Président, les quelques observations que j'avais à faire devant vous. Si vous avez des questions à me poser, Je suis bien prêt à essayer d'y répondre de nouveau.

M. BELLEMARE: Vous êtes tort intéressant, M. Pepin, mais nous vous en avons posé cette nuit et vous avez répondu largement.

M. PEPIN: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Merci.

La Fédération des travailleurs du Québec, M. Louis Laberge ou M. Perreault.

La Corporation des maftres électriciens du Québec.

M. BELLEMARE: Attendez donc un peu, M. Perreault doit être dans le corridor. Il serait peut-être mieux de le trouver. Nous venons de le voir; il est venu dans la porte en arrière. M. Roger Perreault de la FTQ. Il paraît que ce sont des unions américaines. Ils sont complices avec le ministre du Travail.

M. LEFEBVRE: Des alliés des Anglais cela, M. le ministre.

M. BELLEMARE: Cest le bâtisseur qui disait cela; ce n'est pas nous.

M. LE PRESIDENT: Peut-être est-il allé consulter Washington; nous pourrions passer à quelqu'un d'autre.

La Corporation des maftres électriciens du Québec, M. Alexandre Beaulieu, président.

M. BEAULIEU: M. le Président, M. le ministre, comme vous le savez, le bill 51 a fait l'objet de nombreuses études de plusieurs organismes du Conseil du travail et du gouvernement. Il se situe, selon moi, dans le cadre des réformes qui ont été apportées dans le domaine de la construction.

Le domaine de la construction n'a pas été gâté dans le passé, tant par le gouvernement que par le patronat et par le syndicat. On a laissé se détériorer la situation que nous connaissons présentement. Le bill 290 se veut, avec les restrictions que nous pouvons y apporter et qu'on y apportera, un catalyseur pour les relations patronales-ouvrières.

A ce dernier, il fallait greffer un autre moyen qui était la Loi de la qualification de la main-d'oeuvre, le bill 49.

Or, à ce damier, il manquait une pièce et le bill 51 en est une partie. Evidemment, notre corporation est en faveur du bill 51, substantiellement, tout au moins dans les buts recherchés. C'est, selon nous, un moyen certain, qui amènera de l'ordre dans un secteur. Il ne faut pas se faire d'illusion, le bill 51 est un gros bébé qui sera difficile d'application et où les personnes en place devront procéder avec beaucoup de prudence.

Néanmoins, avant d'aller plus loin dans cet exposé, disons que, en ce qui regarde notre corporation, après avoir oeuvré dans la construction pendant plus de vingt ans, nous considérons que certains droits et privilèges doivent être conservés. Par contre, nous sommes d'avis que notre participation au bill 51 et à un certain assujettissement en ce qui concerne les examens professionnels ou les examens techniques, nous semble être retenue et valable.

Quant au fonds d'indemnisation, nous avons de sérieuses réserves dans ce domaine. Ce n'est pas que nous ne croyions pas qu'il faut s'abstenir de faire quelque chose, mais de la façon dont il est conçu présentement, il nous apparaît que les problèmes que l'on veut régler sont susceptibles d'en susciter d'autres qui seront peut-être plus considérables. Un exemple qui me frappe et qui retient notre attention, c'est que lorsqu'on prévoit des fonds d'indemnisation de faillite, tel que constitué dans la partie 5, on remarque des implications, par exemple, pour un entrepreneur qui travaille dans d'autres provinces et qui, par l'effet d'un entrepreneur de l'extérieur qui aurait contracté des dettes dans la provin-

ce, serait mis en faillite et contribuerait à un fonds qui couvrirait ces aspects. En plus, le fait d'ouvrir généralement le fonds de faillite à tous les fournisseurs de matériaux pourrait peut-être conduire ou permettre des fraudes éventuelles.

Or il nous semble que toute cette question de fonds d'indemnisation doit être repensée, étudiée et qu'il faut en mesurer toutes les implications avant de l'accepter. Il est vrai que le nombre des faillites dans la province est considérable. On sait que, par exemple, la moyenne du passif est de $23 millions par année durant les trois dernières années. Il est évident qu'il faut faire quelque chose. Mais il y a deux façons de le faire. Il y a deux moyens, en tout cas, qui retiennent l'attention: La qualification, notre corporation l'a pratiquée depuis près de vingt ans et on peut dire que cela a donné des résultats puisque notre moyenne, chez nous, est de .3 de 1%...

M. BELLEMARE: De faillites...

M. BEAULIEU: ... de faillites, avec un passif, je dis bien...

M. BELLEMARE: C'est moins que chez les mécaniciens en tuyauterie.

M. BEAULIEU: Oui. Avec un passif qui est de moins de $100,000 en moyenne. Alors, c'est...

M. BELLEMARE: Pour les six dernières années?

M. BEAULIEU: Pour les trois dernières années...

M. BELLEMARE: Ah! les trois dernières années.

M. BEAULIEU: ... que représentent mes chiffres.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. BEAULIEU: D'ailleurs c'est la même chose. Vous savez que les statistiques, nous avons énormément de difficultés à les avoir.

Nous avons les statistiques fédérales sur le passif des faillites, mais pour les actifs, avec la loi des faillites, vous savez que ce n'est pas facile. Le temps que cela prend pour régler des faillites et la façon dont les syndics les règlent, cela cause énormément de problèmes.

Or, la formule de notre corporation s'est avérée, je pense, un élément qui a permis d'amé- liorer sensiblement la construction, en ce qui nous concerne. Mais, quand nous regardons le bill lui-même, il ne faut pas y voir uniquement une intention de protéger le public contre la faillite. C'est un objectif, mais il y en a plusieurs autres, comme la qualification, la formation, l'éducation des membres. Il y a bien des actions que l'entreprise fait, qui ne conduisent pas nécessairement à la faillite, mais qui causent des préjudices sérieux à ceux qui requièrent les services des gens de la construction. Or, plus nous allons parfaire la formation et l'éducation des membres, des gens qui s'occupent de construction... Je pense que c'est un moyen certain pour arriver à des résultats. Ce n'est pas le seul moyen, mais il nous semble que c'est peut-être le meilleur.

En ce qui concerne les règlements de l'article 11 sur la composition de l'office, on avait adopté le principe de faire régler les problèmes de l'industrie par des gens de l'industrie...

M. BELLEMARE: Voulez-vous répéter?

M. BEAULIEU: ... de faire régler les problèmes de l'industrie par des personnes de l'industrie qui sont les plus aptes, selon nous, à régler ces problèmes-là. Je pense que dans la loi il y a suffisamment de garanties pour protéger le public, et lorsque nous voyons les pouvoirs discrétionnaires donnés au ministre à l'article 25 en cas d'abus des membres du bureau, il me semble à moi que cela m'apparaît peu probable...

M. BELLEMARE: S'ils s'exposent.

M. BEAULIEU: ... que les gens qui vont travailler à l'office s'exposent d'une façon si flagrante qu'ils puissent être répudiés publiquement, avec l'avis du ministre, par le lieutenant-gouverneur en conseil. Cette préoccupation est, dans mon esprit, secondaire. En ce qui regarde l'ensemble du bill, il y a des clauses de concordance qui seront à étudier plus en profondeur parce que, selon moi, il y a des choses qui ne sont pas correctes, mais nous aurons l'occasion de faire valoir nos remarques par écrit sur ces sujets. Dans l'ensemble, notre corporation est favorable au bill, étant donné que c'est un organisme nouveau qui va prendre un certain temps à être en place pour devenir efficace. Nous croyons que la corporation, en ce qui nous concerne, pourra continuer à aller de l'avant. Mais, nous tenons à faire valoir notre participation au sein du bill en donnant au bill le soin de faire les examens techniques, ce qui était l'intention du gouvernement de transférer

les examens techniques qui étaient dans la loi 152 auparavant. C'est substantiellement l'opinion de la corporation sur le bill actuel. Mais, globalement, le bill a besoin d'être travaillé encore, parce que, comme disait Marcel Pepin, il est énormément technique. Avant de poser des gestes, il faut être bien sûr de la façon dont nous allons les poser et savoir qu'elles vont être les conséquences.

Quand je me réfère, par exemple, au fonds d'indemnisation, s'il fallait que, dans douze mois, je trouve $23 millions, Je trouverais que cela représente une somme considérable. Alors, il faut être capable de le faire physiquement, aussi. Ce sont des chiffres assez troublants, et des analyses en profondeur devront être faites en ce sens.

M. LEFEBVRE: Au sujet justement de l'indemnisation, M. Beaulieu. Si je comprends bien l'article 41 — remarquez que nous nous n'avons pas eu le privilège que vous avez eu de participer aux discussions au niveau du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre, alors il y a peut-être des choses qui ne sont pas écrites dans le texte et que nous ignorons — mais si je lis l'article 41, il est spécifié que les règlements devront prévoir des catégories, quant à la fixation des contributions pour l'indemnisation des risques, et on dit que ce sera des catégories par...

Oui, c'est ça, mais M. Beaulieu nous dit, d'une part, que les faillites sont très rares dans son secteur, alors normalement les contributions seraient basses. Il me semble que ce sont surtout les gens qui sont dans des secteurs où des faillites sont très nombreuses qui devraient avoir peur de cet article.

M. BEAULIEU: Oui, mais il y a une observation que je tiens à vous faire. Je vais vous donner un exemple, si vous voulez, pour nous permettre de comprendre un peu. Si on assure...

M.LEFEBVRE: C'est ce que je veux.

M. BEAULIEU: ...par hypothèse, au fournisseur de matériaux, le paiement automatique de son matériel, une garantie totale, je dis par hypothèse...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça qui est dit dans la loi. C'est pour les matériaux.

M. BEAULIEU: Non, non c'est dans la forme qui sera déterminée...

M. BELLEMARE: Par règlements, puis par pourcentage, pas entièrement, lui.

M. BEAULIEU: Non, mais indépendamment de ça, j'y arrive. Alors si c'est même par hypothèse, c'est par pourcentage. Alors il peut aussi bien arriver qu'un manufacturier — je combine avec un fournisseur de matériaux — dise par exemple: voici, cette commande-là ou cette sous-station électrique, prenons un exemple frappant, elle coûte $800,000. Je vais te la vendre $1 million, à toi fournisseur de matériaux, puis toi tu la vendras $1,100,000 S. l'entrepreneur, même si on sait au départ qu'il n'est pas solvable, qu'il peut faire faillite. Mais quand il fera faillite, à ce moment-là, la réclamation sera, disons que c'est prévu dans les règlements, de 75% ou de 80%, les $200,000 on s'arrangera pour couvrir nos pas. Je vous donne l'imagination, puis vous savez que dans le commerce, souvent l'imagination est fertile.

Je vous donne un exemple...

M. BELLEMARE: Oui, mais il n'est pas... D'abord, la première des choses, chez les électriciens ça ne peut pas arriver, ces affaires-là.

M. BEAULIEU: Je dis, M. le ministre que si...

M. BELLEMARE: Non, non, c'est un exemple.

M. BE AULIEU: ... par exemple on généralise un fonds, écoutez mon argument...

M. BELLEMARE: Je vous écoute.

M. BEAULIEU: Si on généralise un fonds automatique 3. 80%, au même pourcentage, il va falloir qu'il soit établi par règlement à un moment donné. A ce moment-là, je dis que ça peut, dans les formes actuelles, être un sujet de fraude éventuelle.

M. BELLEMARE: Bien, je comprends votre point de vue. Je suis sûr que la réglementation qui va être faite va y pourvoir, parce que cette réglementation-là, elle va être d'abord soumise ici même, à la commission, lorsque nous reviendrons le 25 septembre pour terminer nos travaux. Il y aura peut-être à ce moment-là aussi d'autres points de vue qui seront soumis. Mais le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre aura lui aussi son mot à dire pour que les règlements soient tellement bien faits, tellement précis, pour que ça ne se produise pas, d'essayer de fermer toutes les issues. C'est votre rôle à vous, au Conseil supérieur du travail, de faire ça, patronat et employés des centrales syndicales. Jusqu'ici vous avez tellement fait de bon travail que j'ai bien confiance que

vous ne décevrez pas le ministre et la commission.

M. BEAULIEU: Ecoutez, je pense que c'est mon rôle aujourd'hui de vous dire mon inquiétude.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. BEAULIEU: Je dis que, présentement, au conseil, chez nous, on n'est pas satisfait de l'étude que nous avons faite présentement, on n'a pas le sentiment d'avoir exploré tous les aspects de ce problème.

M. BELLEMARE: On va vous donner la chance de le faire.

M. PICARD (Olier): J'aimerais poser une question. Présentement le bill 51 prévoit deux choses: la qualification et l'indemnisation.

J'émets seulement une opinion. Seriez-vous d'accord pour que le bill lui-même soit scindé, de façon à avoir un bill qui prévoirait la qualification professionnelle des entrepreneurs, quitte à remettre peut-être à plus tard la question de l'indemnisation, après qu'on aura rodé toute l'affaire, qu'on aura mis sur pied un organisme?

M. BEAULIEU: J'ai l'impression que, si l'on procédait de cette façon, on avancerait énormément l'adoption de ce bill-là.

M. PICARD (Olier): Donc, il s'agit de scinder le bill, d'en faire deux au lieu d'un.

M. BEAULIEU: Il serait bon de répéter ça. UNE VOIX: Répétez donc?

M. BELLEMARE: J'étais distrait par le représentant de Washington, qui est devant moi.

M. BEAULIEU: Demandez-lui donc son passeport.

M. BELLEMARE: Il semble chercher Per-reault; il n'est pas ailleurs qu'à Washington.

UNE VOIX: Au restaurant, peut-être. M. BELLEMARE: M. Picard.

M. PICARD (Olier): J'émettais l'opinion qu'il y aurait peut-être possibilité de scinder le bill en deux parties: une pour la qualification professionnelle et l'autre pour l'indemnisation.

M. BELLEMARE: Oui.

M. PICARD (Olier): De les présenter séparément.

M. BELLEMARE: De faire deux bills différents.

M. PICARD (Olier): Deux bills différents. Alors, monsieur était d'avis que peut-être il y aurait possibilité d'adopter rapidement la partie qui concerne la qualification.

M. BEAULIEU: Ce n'est pas ça, voici... Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. PICARD (Olier): Je serais même d'avis, moi, qu'on devrait procéder avec la partie qui traite de la qualification et, après l'expérience d'une ou deux années...

M. BELLEMARE: Il ne semble pas dire ça. M. le député, je ne pense pas que le président veuille dire ça. Si nous regardons toutes les lois d'indemnisation, toutes les lois d'assurance qui sont actuellement en vigueur, nous avons des exemples frappants, comme la CAT, la Commission des accidents du travail, où il y a la sélection des entrepreneurs. Le fonds d'indemnisation est créé et l'on sait comment procéder quant aux indemnisations et au service de réadaptation. Je pense qu'il est bon qu'on trouve ça dans la même loi, quitte à trouver les moyens pour vous donner satisfaction.

M. PICARD (Olier): Vous avez pu remarquer, à la suite des mémoires présentés parles diverses associations, que la CAT est facile et n'est pas complexe comme peut l'être le cas des diverses associations d'entrepreneurs.

M. BELLEMARE: Prenez, par exemple, le bill 49, là ou l'on va donner des licences à la place de tous les comités paritaires. C'est nous qui allons les accréditer ces gars-là. Ce n'est pas une tâche facile, mais c'est dans le même bill, le bill 49.

M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aimerais avoir la réaction de M. Beaulieu; c'est en même temps un peu sous forme de suggestion à l'intention des membres du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui vont poursuivre l'étude du bill.

A supposer que la formule actuelle de fonds d'indemnisation soit retenue, n'y aurait-il pas avantage à ce que la loi elle-même, sans inclure tous les détails des règlements, bien sûr, fixe

les normes que les règlements devront respecter? Par exemple, s'il n'est dans l'esprit de personne de garantir à 100% les créances des fournisseurs de matériaux, comme ça semble être le cas, pourquoi ne pas le dire dans la loi? Autrement dit, évitons de nous battre contre des fantômes. Si personne n'a cette intention, que les normes soient clairement établies. Moi, Je concours avec ce qu'a dit le ministre du Travail tout à l'heure: Ce qui m'apparaît fondamental, c'est de protéger le salaire des travailleurs.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LEFEBVRE: Que voulez-vous, personne ne va nier que ça, c'est vraiment la première créance qui doit être respectée.

M. BEAULIEU: C'est un principe important du bill.

M. LEFEBVRE: Alors, que ceci soitditdans le bill, Je crois que ça ne ferait que clarifier. Encore une fois, sans aller dans les détails — parce que c'est clair que les règlements devront être adoptés selon les besoins et selon, peut-être, les époques — il me semble que la loi devrait fixer les normes générales que les règlements régissant ce fonds d'indemnisation respecteront de façon, encore une fois, à ne pas créer des craintes inutiles. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais ça réglerait une partie du problème.

M. BEAULIEU: Il faut bien se mettre dans le contexte dans lequel la loi que vous avez devant vous a été rédigée. Cette loi-là, sous la forme actuelle a été rédigée rapidement. Le conseil était soucieux de ne pas établir, par exemple, un pourcentage...

M. LEFEBVRE: Non.

M. BEAULIEU: ... sans s'assurer au préalable que le pourcentage, s'il était mis dans la loi, serait convenable.

Ne pouvant pas répondre à cette question-là, on a préféré le laisser dans les règlements, parce qu'il nous manquait une partie importante de l'étude.

M. BELLEMARE: Ecoutez, M. Beaulieu, vous définissez, à l'article 40, premièrement, les questions de salaire et les avantages sociaux; deuxièmement, vous définissez là aussi, par règlement, bien sûr, tout ce qui concerne les matériaux: « L'office peut utiliser le fonds pour acquitter le salaire et tous les avantages sociaux qui s'y greffent et qui restent impayés par suite de la faillite... » Cela, c'est clair; c'est dit en toutes lettres.

M. LEFEBVRE: Si vous permettez, M. le Ministre, c'est dit, mais ce n'est pas dit que ça va être la priorité absolue.

UNE VOIX: L'important, c'est de l'avoir dit.

M. BEAULIEU: Oui, mais je veux dire que c'est facultatif ça. L'office peut utiliser les fonds à différentes choses, mais on ne dit pas que les salaires seront une priorité.

M. BELLEMARE: Quand on dit peut et quand on l'inscrit dans la loi, c'est sûr que...

M. LEFEBVRE: Oui, mais il n'est pas dit clairement que les salaires auront une priorité sur les autres créances.

M. BEAULIEU: Si vous le permettez, M. le Président, J'aimerais faire remarquer que tout ce problème-là est très compliqué. Le conseil s'est penché sur le problème et n'est pas arrivé encore à sortir des choses définitives. Cela fait quelques Jours qu'on travaille là-dessus et il nous manque énormément de données. Lorsque M. Lefebvre propose, par exemple, d'en faire une priorité, peut-être que c'est possible, mais je pense qu'il faut que ça fasse partie d'une étude complète, parce que ça peut avoir des implications considérables pour tout le monde.

M. LEFEBVRE: Avez-vous vraiment besoin d'une étude, M. Beaulieu, pour convenir que le salaire dû aux travailleurs sera la première créance payée? Il me semble qu'il n'y apas besoin d'étude.

M. BEAULIEU: Je pense que... M. BELLEMARE: Cela est dit. M. BEAULIEU: Cela se dit tout seul. M. BELLEMARE: C'est marqué, là. M. BEAULIEU: Dans le A, c'est...

M. LEFEBVRE: Alors, si tout le monde est d'accord...

M. BELLEMARE : Un pouvoir, c'est un devoir. Quand quelqu'un exerce un pouvoir, il y a une équation avec devoir. Voyons donc, en législation!

M. PICARD (Olier): D'un autre côté, si vous mettez dans le texte de loi qu'il y a une priorité pour le salaire des employés, à ce moment-là, il me semble qu'il faudrait savoir, par l'expérience des années passées, à combien s'élèvent ces salaires. En effet, cela va avoir une relation directe sur la cotisation qu'on demandera.

M. BELLEMARE: D'accord. C'est pendant l'année qu'on va...

M. PICARD (Olier): Actuellement, on a un rapport, ici, dans lequel on dit que les faillites, dans les métiers de la construction, s'élèvent, au total, à $179 millions annuellement. Les calculs nous ont mentionné que le passif...

M. BELLEMARE: Au Canada.

M. BEAULIEU: Ce sont $23 millions, en moyenne, pour la province.

M. PICARD (Olier): Ce sont $23 millions, passif réel. Je ne vois pas très bien comment on pourrait aller chercher en cotisations, $23 millions.

M. BELLEMARE: M. le député, sur cela, on n'a pas l'actif qui est déductible. Ce ne sont pas $23 millions; cela peut être $7 millions ou $8 millions.

M. HARVEY: Si vous ne changez pas la loi des faillites, l'actif...

M. BELLEMARE: D'accord. Il y a une recommandation de la commission Prévost sur cela.

M. PICARD (Olier): Je pense, franchement, M. le ministre, que vous devriez considérer la possibilité de présenter deux bills différents: un, pour la qualification professionnelle et un autre — quitte à le présenter l'an prochain — pour l'indemnisation.

M. BELLEMARE: M. le député, ce serait multiplier les problèmes, surtout quand on a un bill comme le bill 290, qui a déjà fait sa marque et qui vient s'ajouter à celui-là. Avec le bill 51, cela se complète. C'est un grand tout.

M. PICARD (Olier): M. le ministre, vous avez assez d'expérience dans la politique active pour savoir que cela prend du temps pour mettre en place...

M. BELLEMARE: Oui, d'accord.

M. PICARD (Olier): ... des mécanismes de surveillance. Vous votez des lois, mais si ces lois-là n'ont pas de dents, elles sont inutiles. Je trouve que les statuts du Québec sont remplis de ces lois-là. Alors, il faudrait qu'il y ait des lois...

M. BELLEMARE: M. le député, les meilleures lois sont toujours appliquées ou laissées pour compte par des hommes bien intentionnés, mais ce sont des hommes. Les lois sont faites pour les hommes et ce sont les hommes qui doivent les mettre en application. Justement, à cause du besoin qui a été créé depuis des années, dans le domaine de la construction, d'abord, le bill 290 est venu. Je pense qu'il commence à faire sa marque. C'est long, vous le dites, mais il faut voir la qualité des hommes qui ont travaillé pour réaliser le bill 290. Il y a eu des péripéties. Ce serait toute une histoire à relater. On entre maintenant dans l'autre stade : celui de l'entreprise qui fait partie intégrante de la construction.

Je pense que ce sont encore les hommes qui seront le plus intéressés qui le feront valoir ou qui vont s'en servir. Cela ne restera pas caduc parce qu'ils en ont besoin, d'abord pour leur propre satisfaction, pour tâcher d'éliminer les gens qui ne sont pas qualifiés et, deuxième objectif, pour indemniser ceux qui, malheureusement, dans leur association, pourraient faire faillite.

Alors, je pense...

M. PICARD (Olier): II reste tout de même que vous prévoyez vous-même, dans le bill 51, a un moment donné, qu'il n'y aura pas d'indemnisation, au cours de la première année. Cela va vous donner le temps de respirer, le temps d'analyser les choses et de savoir quelle utilisation vous allez faire des fonds perçus.

M. BELLEMARE: Je pense que, dans la réglementation qui va nous être faite, il va y avoir des pourcentages d'établis. On le dit aussi dans la définition, quand on dit: des catégories, des gens des différentes régions etc, etc, comme à la Commission des accidents de travail, pour établir des critères.

M. PICARD (Olier): C'est pareil. Vous avez des catégories de salaire, et tout cela n'a pas été fait la même année.

M. BELLEMARE: Oui, c'était en application dès la première année.

M. PICARD (Olier): Telles que vous les avez rédigées? La « cédule » change annuellement.

M. BELLEMARE: La çédule B était en opération...

M. PICARD (Olier): Les taux changent...

M. BELLEMARE: Oui, les taux changent annuellement, d'accord.

M. PICARD (Olier): C'est basé sur l'expérience.

M. BELLEMARE: D'accord, cela aussi va suivre les taux.

M. PICARD (Olier): Sur cela, Je calcule que...

M. BELLEMARE: Cela aussi va suivre les taux.

M. PICARD (Olier): Le bill veut aller peut-être...

M. DESILETS: Je représente la corporation avec M. Beaulieu, mais pour le « peut », M. Lefebvre, je pense que ce serait dangeureux de le changer, s'il devait rester là. Voici pourquoi.

C'est sûr qu'on reconnaît que le salarié doit être protégé à 100%. Il a déjà un privilège. Ce n'est pas la lune, mais c'est quelque chose dans lequel il y a un délai, et il faut qu'il y voie dans les 30 jours.

En plus de cela, il y a l'article 14 qui n'a pas été effacé de la loi de la convention collective. Le propriétaire est responsable. Cela est plus qu'un privilège.

M. BELLEMARE: C'est-à-dire qu'il y a les créances préférentielles.

M. DESILETS: Oui, mais, en plus de cela, le propriétaire est responsable personnellement. Le propriétaire n'est pas en faillite quand l'entrepreneur est en faillite. Le propriétaire est responsable personnellement du paiement des salaires. Cette loi ajoute: Si on dit qu'elle doit, on peut détourner l'objet de la loi. Il n'y a pas de doute que l'office, en règle générale, va payer les salaires. Mais il peut arriver, M. Lefebvre, que si on inscrit dans la loi la garantie que le salaire sera payé, l'ouvrier, le salarié ne s'occupera pas de l'être ou de ne pas l'être. Souvent l'employeur va négliger — il la voit venir, sa faillite, bien plus que le salarié à son emploi, lui, il la voit venir — et va s'exempter de payer des salaires pour, lui, mieux organiser sa retraite de la faillite en disant au salarié: Ne t'Inquiète pas, tu seras payé, il y a un fonds pour te payer. Je pense que ces cas-là pourraient détruire tout l'effet de la loi. Il est bon qu'on conserve cette discrétion que laisse tout de même le mot « peut » à l'office, précisément pour prévenir des cas de fraude, des cas d'abus comme cela.

M. LEFEBVRE: Je suis d'accord avec vous, Me Desilets. Je pense que, peut-être, Je n'ai pas été assez clair. Le sens de ma remarque était tout simplement ceci. Je suis d'accord qu'il ne faut pas exagérer la protection, si bien que l'on se priverait peut-être d'autre protection. Enfin, il y a là un important point de droit. Ce que je veux dire, c'est qu'il me semble que cela devrait être clair que les règlements de l'office devront accorder, lorsqu'il y a lieu de payer quelque chose, lorsqu'il y a une faillite, et puis que l'office considère un cas, que, sous réserve des autres lois — enfin cela resterait à voir, ce que vaut la protection pour chacune de ces lois, moi, pour l'instant, je ne me prononce pas là-dessus — mais, disons, sous réserve de cet aspect-là, que l'office devra, dans le cas des salaires, payer à 100%, tandis que dans le cas des autres créances, on mette des plafonds. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a plusieurs personnes ici qui semblent craindre les chiffres auxquels on va arriver quand on va évaluer le risque et le coût de ce risque-là.

Si, raisonnablement, on évalue le risque à un montant tel qu'on ne peut pas se payer le luxe, si vous voulez, de le couvrir à 100%, autrement dit, si on ne peut pas s'acheter une Cadillac, on s'achète une Ford ou autre chose, — je ne veux pas déprécier les produits Ford — mais enfin, si on ne peut pas se payer une grosse voiture, on s'en achète une petite. Je dis donc qu'il me semble que cela éliminerait des craintes qui semblent exister, si, dans la revision du projet de loi, on fixait des normes minimales, des principes par exemple, si vous voulez. Au point de vue des salaires, c'est clair que s'il y a des droits en matière de salaires, ils seront couverts à 100% et non pas à 60%.

Je ne voudrais pas que l'office puisse faire un règlement disant qu'il va couvrir les salaires à 50%. Comprenez-vous? Je pense bien que vous êtes d'accord.

M. DESILETS: Oui, oui. Je suis d'accord. Il l'étire à 100%...

M. LEFEBVRE: Oui, mais sous réserve, enfin...

M. BELLEMARE: M. Lefebvre...

M. DESILETS: Ou établir un rang, c'est de le dire à 100%. C'est difficile. Si vous l'étirez

à 100%, M. Lefebvre, à moins d'imposer d'autres normes aux salariés, Je ne me fais pas le complice...

M. BELLEMARE: M. Désilets, est-ce que le mot « acquitté » dans l'article ne veut pas dire « payé entièrement »?

M. DESILETS: Bien, si c'est acquitté, oui.

M. BELLE MARE: Cela veut dire: Tout est payé. C'est acquitté, on l'acquitte, on paie tout. L'Anglais, lui, dit: a) « use the fund to pay the salary and the social benefits », « to pay ».

M. DESILETS: Cela c'est moins fort que l'autre.

M. BELLEMARE: Mais acquitté?

M. DESILETS: Acquitté, cela veut dire une quittance.

M. BELLEMARE: Une quittance — c'est final.

M. LEFEBVRE: Oui, Je pense...

M. DESILETS: On Joue en matière de faillite, là.

M. BELLEMARE: Le dictionnaire, eh que Je suis instruit, moi! Rendre quitte: libérer d'une dette ou d'un engagement quelconque.

M. DESILETS: Oui, oui.

M. BELLEMARE: Merci, M. le Président.

M. DESILETS: Oui, mais nous sommes en matière de faillite. J'aurais peur d'acquitter dans le sens de 100% pour la raison que je viens de donner. Mais « acquitté en faillite » signifie; On est acquitté de ses dettes, mais on ne les a pas payées à 100%.

M. BELLEMARE: Oui.

M. DESILETS: On est libéré. Je pense, en fait, que vous allez détruire, précisément, l'effet de la loi si vous donnez une garantie sans que personne s'en occupe. Que cela traîne depuis trois, quatre ou cinq mois, il va être payé à 100%. C'est une façon d'amener des abus, et J'en indique un.

M. BELLEMARE: Oui.

M. DESILETS: L'employeur va dire à ses employés; Je ne vous paie pas, ne vous inquiétez pas; si ce n'est pas par moi, vous allez l'être par d'autres, donnez-moi une chance. Mais au fond, c'est à lui que cela donne la chance et c'est lui qui vient siphonner le salaire du salarié. La seule façon d'éviter cela, c'est de laisser une certaine flexibilité comme il y en a une, et il n'y en a pas trop. Personne ne doute que, si on l'a mis dans le paragraphe A, l'office va s'en faire un premier devoir.

M. BELLEMARE: C'est bien sûr.

M. LEFEBVRE: Je note qu'il y a une différence, dans la rédaction, entre A et B. Dans le cas de B, on dit: On va payer aux conditions et dans la mesure prévue.

M. BELLEMARE: C'est ça, prévue par les règlements. D'accord.

M. LEFEBVRE: C'est déjà...

M. BELLEMARE: Alors, messieurs, si vous voulez bien, nous allons suspendre maintenant cette audition. Le Président va vous donner les règles...

M. LE PRESIDENT: Après entente avec les parties, nous reviendrons le 25 septembre. Nous demanderions à tous ceux qui veulent se faire entendre ou présenter un mémoire de nous le faire parvenir le 23 au plus tard, afin de pouvoir en faire faire des copies pour les distribuer aux parlementaires membres de la commission et en faire faire des photocopies pour distribuer lors des auditions.

M. BELLEMARE: Alors, messieurs, je tiens à vous remercier et dire à ceux qui n'ont pas passé que la Fédération de la construction du Québec sera la première à être entendue. La Fédération des travailleurs du Québec... M. Beaulieu, est-ce que vous avez fini votre intervention?

M. BEAULIEU: Bien, J'ai fini votre période des questions.

M. BELLEMARE: Merci. Alors, on vous donnera le privilège, si vous avez autre chose à ajouter. Si vous avez un mémoire écrit, la fédération, vous pourrez peut-être nous le remettre, mais J'aimerais bien que vous l'explicitiez le 25 septembre, quand même.

M. DION: M. Bellemare, si vous êtes d'accord, nous allons vous remettre le texte écrit et, le 25, nous serons en mesure de l'expliciter.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. DION: Vous aurez, dans le mémoire, l'idée générale sur le bill et également nos points particuliers. Nous pourrons les expliquer le 25.

M. BELLEMARE: D'accord, c'est ce que je viens de dire, d'ailleurs. Vous confirmez ça.

Alors, viendront ensuite la Corporation des ingénieurs, l'Association des architectes et tous les autres que nous avons enregistrés tout à l'heure. Alors, merci messieurs, merci aux membres de la commission, aux parlementaires. Au 25 septembre.

(Fin de la séance: 12 h 30)

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